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Sylvie Rousseau

Psychologue

Apprivoiser
sa colère
La comprendre et l’écouter
pour en faire une alliée

Comprendre & Agir


7 clés pour
ne plus subir la colère

Soudaine, débordante, explosive ou intériorisée, la colère


peut faire beaucoup de mal au plan relationnel mais aussi
lorsque nous la retournons contre nous. Pourtant, elle nous
permet de tracer des limites, d’affirmer nos besoins, de
respecter nos valeurs… Comment tirer le meilleur parti des
situations qui la suscitent ?
Cet ouvrage vous propose des clés pour apprendre à
connaître la colère, mais aussi à gérer ses manifestations,
à l’accepter et à l’exprimer sereinement.
Plusieurs vignettes cliniques, des métaphores et des
exercices se grefferont sur chacune des clés afin de vous
offrir des pistes novatrices pour explorer votre colère,
composer différemment avec elle et en faire une alliée…
Elle deviendra ainsi libératrice.

Sylvie Rousseau est psychologue depuis 2005 au Québec,


spécialiste des troubles de l’anxiété. Elle est également
conférencière et auteure de plusieurs livres sur la résilience,
les relations de couple et le bien-être psychologique.
Apprivoiser sa colère
Éditions Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75005 Paris
www.editions-eyrolles.com

Mise en pages: Facompo


Relecture/correction: Arianne Fort

Depuis 1925, les éditions Eyrolles s’engagent en proposant des


livres pour comprendre le monde, transmettre les savoirs et
cultiver ses passions !
Pour continuer à accompagner toutes les générations à venir,
nous travaillons de manière responsable, dans le respect de
l’environnement. Nos imprimeurs sont ainsi choisis avec la
plus grande attention, afin que nos ouvrages soient imprimés
sur du papier issu de forêts gérées durablement. Nous veillons
également à limiter le transport en privilégiant des imprimeurs
locaux. Ainsi, 89 % de nos impressions se font en Europe, dont
plus de la moitié en France.

En application de la loi du 11mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement


ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans l’autorisa-
tion de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris.

©Éditions Eyrolles, 2023


ISBN: 978-2-416-00644-9
Sylvie Rousseau

Apprivoiser sa colère
La comprendre et l’écouter
pour en faire une alliée
Table des matières

Introduction .......................................................................................... 1

Partie 1
La colère sous tous ses angles
Chapitre1 – Une cohabitation parfois périlleuse .......................... 9
Un signal d’alarme ........................................................................... 10
Un air de famille .............................................................................. 12
Que cache-t-elle ? ............................................................................ 14
Les autres membres de la famille ....................................................... 15
De précieux indicateurs .................................................................... 16
Chapitre2 – Une émotion aux multiples visages .......................... 23
La colère sur un continuum ................................................................ 24
Les types de colère ........................................................................... 25
Des bénéfices secondaires, vraiment ? .............................................. 41
Le prix à payer ................................................................................. 42
Chapitre3 – Dans votre sac à dos .................................................. 51
Le jardin où vous avez poussé .......................................................... 52
La société dans laquelle vous avez évolué ........................................ 54
Les mythes ont la vie dure ................................................................. 57
Et de nos jours ?............................................................................... 58
© Groupe Eyrolles

Chapitre4 – Le feu aux poudres ..................................................... 63


Des terreaux fertiles .......................................................................... 64
Vos boutons sensibles ....................................................................... 67
De l’huile sur le feu ........................................................................... 72

V
A ppr iv oi se r sA c ol èr e

Partie 2
Outils et stratégies
Chapitre5 – La voie de la gestion ................................................... 79
Un lion en cage ............................................................................... 80
Diminuer l’activation physiologique de votre colère ........................... 81
Gérer votre colère: ça s’apprend..................................................... 87
D’autres aspects de la gestion de la colère ....................................... 92
Qu’en est-il des séances de défoulement ? ........................................ 99
Chapitre6 – Le chemin de l’acceptation ......................................... 101
C’est ce qui est là ............................................................................ 102
Les coûts de la lutte et du contrôle ..................................................... 103
À vos marques, observez ! ............................................................... 106
Place à l’autocompassion et à l’empathie ......................................... 111
Coincé dans vos pensées ? .............................................................. 112
Fiez-vous à votre boussole ................................................................ 117
Ne vous méprenez pas .................................................................... 124
Chapitre7 – Comment exprimer sainement votre colère ............. 127
Un prérequis .................................................................................... 128
L’incontournable affirmation de soi .................................................... 129
Le canal de communication .............................................................. 133
L’art d’écouter ................................................................................... 137
Ça suffit ! ......................................................................................... 138

Conclusion ............................................................................................ 143


Remerciements et gratitude ................................................................... 145
Bibliographie........................................................................................ 147
© Groupe Eyrolles

Ouvrages......................................................................................... 147
Articles et formations en ligne ........................................................... 149

VI
Introduction

S’il y en a bien une qui a mauvaise presse, c’est bien celle-là ! Pourtant…
Elle permet de tracer nos limites, d’affirmer nos besoins, de respecter
nos valeurs, de défendre nos droits. Et pourtant…
Il arrive que nous la ravalions ou que nous la déversions sans
ménagement.
Puisqu’elle teinte notre relation avec nous-même et avec autrui,
nous avons tout intérêt à nous en faire une alliée. Notre colère.
Mais comment ?
En développant une meilleure relation avec cette émotion mal
comprise, souvent perçue de façon négative. En l’apprivoisant et
en l’approchant avec compassion. En cultivant de la flexibilité à son
endroit afin de cesser de la museler ou de la laisser éclater.
Pour atteindre ces objectifs, sept clés vous sont proposées. Elles
sont regroupées en deux parties. Dans les quatre premiers chapitres,
vous apprendrez à connaître la colère, tandis que la deuxième partie
sera consacrée aux outils à votre disposition pour la gérer, l’accepter
© Groupe Eyrolles

et l’exprimer adéquatement.
Survolons-les. La clé numéro 1 vous rappellera que la colère a,
comme l’ensemble des émotions, quelque chose d’important

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

àvous dire. Certaines personnes auraient avantage à monter le son


afin non seulement de l’entendre, mais d’écouter son message.Afin
qu’il n’y ait pas de distorsions entre ce qui est ressenti et ce qui est
exprimé, plusieurs devraient s’exercer à baisser le volume.
Tout comme il ne vous viendrait pas à l’idée d’ouvrir une bouteille
de Coca-Cola après l’avoir secouée, conscient des dégâts que cela
occasionnerait, nous verrons, dans la deuxième clé, que vous avez
la responsabilité de ne pas éclabousser votre entourage par votre
colère. Des ravages –intérieurs ceux-là– peuvent aussi être causés
si vous l’emprisonnez à l’intérieur de vous. Elle sape alors votre
énergie, brime votre liberté, étouffe votre joie de vivre. Les diverses
formes de colère ainsi que les coûts associés à la lutte contre celle-ci
seront présentés dans ce deuxième chapitre.
La relation qu’on établit et qu’on entretient avec la colère est
souvent différente si l’on est un homme ou une femme. Cette
émotion est tantôt vue comme une force de caractère et un signe
de leadership, tantôt interprétée comme étant de l’instabilité ou
relevant d’un dérèglement hormonal. La perception que vous en
avez encourage son expression ou la réduit au silence. Peu importe
de quelle manière la socialisation a pu influencer votre relation avec
la colère, la troisième clé vous invitera à porter attention au regard
que vous jetez sur elle et à déboulonner certains mythes. Ce que
vous avez mis dans votre sac à dos provenant des modèles que vous
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avez eus donnera également matière à réflexion.


Certains terreaux sont propices à l’éclosion de la colère. Des facteurs
la prédisposent, d’autres la déclenchent et l’alimentent. Ils seront

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In tr od uc tI on

expliqués dans la quatrième clé. Cela vous amènera à y être plus


attentif pour arriver à y répondre avec nuance si vous constatez
qu’elle vous empêche d’être la meilleure version de vous-même et
d’être aux commandes de votre vie.
Dans les trois derniers chapitres, nous découvrirons comment vous
comporter en sa présence. La clé 5 sera dédiée à la gestion de la
colère. Elle vous fournira des moyens pour la contrôler et pour dimi-
nuer son activation physiologique. Nous parcourrons le chemin de
l’acceptation avec la clé6 grâce à l’observation, à l’autocompassion
et à l’empathie, à la défusion face aux pensées, aux valeurs et aux
actions engagées. La gestion et l’acceptation représentent des voies
distinctes dont les buts diffèrent. J’ai choisi de vous soumettre ces
deux courants de pensée afin que vous puissiez expérimenter une
diversité de stratégies. La septième clé, qui complétera le trousseau,
vous apprendra à exprimer sainement votre colère.
Même si la colère ne constitue pas nécessairement un problème de
fond pour vous, vous puiserez dans ce livre des conseils qui vous
aideront à mieux tirer parti des situations qui la suscitent. Si l’un
de vos proches ne reconnaît pas sa colère ou ne l’exprime pas de
façon appropriée, proposez-lui de le lire afin d’éveiller chez lui une
prise de conscience.
L’angle que j’ai décidé de traiter étant celui de la colère, et non
celui de l’agression ou de la violence, il ne sera pas question ici: de
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l’abus de pouvoir lié à la violence conjugale, de la violence qu’in-


fligent certains parents à leurs enfants, de la violence en milieu de
travail ni des émeutes qui secouent la société. Je n’aborderai pas la

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

colère qui relève de problèmes de santé mentale, comme le trouble


explosif intermittent. Ni celle des enfants. Il s’agit de la colère qui
vient teinter votre vie de tous les jours, avec ses hauts et ses bas, qui
sera étudiée sous toutes ses coutures.
J’ai emprunté à des approches variées le fruit de ma réflexion.
Nous nous aventurerons parfois dans des sentiers contre-intuitifs.
Faites preuve de curiosité et d’ouverture. Lisez un chapitre à la
fois et prenez le temps de comprendre et de mettre en pratique
les concepts présentés. À l’instar de l’apprentissage d’une nouvelle
langue, d’un sport ou d’un instrument de musique, l’expérimen-
tation est essentielle pour progresser. La lecture seule ne suffit pas.
Les exercices de la rubrique « Passons à l’action ! » et des exercices
expérientiels1 vous seront ainsi suggérés à chaque chapitre. Je vous
encourage à les effectuer tous, même ceux qui engendreront des
ressentis désagréables, quitte à y revenir par la suite. Des métaphores
se grefferont aux clés, dans l’intention de vous offrir des avenues
novatrices pour explorer votre colère et composer autrement avec
celle-ci.
Plusieurs exemples provenant d’extraits de diverses histoires qui
m’ont été racontées illustreront mes propos qui, je l’espère, trou-
veront écho dans votre propre histoire.Toute information ayant pu
permettre d’identifier qui que ce soit a été modifiée.
Au fil de votre lecture, des parties de vous seront confrontées à la
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souffrance, à des émotions douloureuses, à des souvenirs pénibles.

1. Plusieurs exercices ont été adaptés d’Eifert, McKay et Forsyth (2006), de Hayes,
Strosahl et Wilson (2003), et de Walser et O’Connell (2021).

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In tr od uc tI on

Accueillez ce que vous ressentez, sans jugement, avec bienveillance.


Vous vous heurterez sans doute à de la résistance intérieure, qui se
manifeste souvent en période de changement. Il s’agit d’un phéno-
mène normal. Soyez indulgent envers vous-même. Le processus de
changement demande du temps.
Prêt pour apprivoiser et mieux vivre avec votre colère ? C’est parti !
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Partie 1

La colère
sous tous ses angles
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Chapitre

Une cohabitation
parfois périlleuse 1
La colère… Quel genre de colocataire est-elle ? Silencieuse, s’ef-
forçant de passer inaperçue, ne disant jamais un mot plus haut que
l’autre et se laissant marcher sur les pieds ? De celles qui se couvrent
de non-dits et de sous-entendus ? Est-elle tapageuse, envahissante,
dérangeante, prenant beaucoup de place, parlant fort et claquant les
portes d’armoires ? Ou se montre-t-elle une bonne compagne, qui
donne son avis et recherche des solutions mutuellement satisfai-
santes lors des différends ?
Sans qu’elle devienne pour autant votre meilleure amie, vous n’avez
pas non plus à lui livrer la guerre ou à la laisser vous mener par le
bout du nez. Où que vous habitiez, qui que vous soyez (homme,
femme ou personne non binaire), la relation que vous avez avec la
colère teinte celle que vous avez avec vous-même ainsi qu’avec les
gens qui partagent votre vie et que vous côtoyez. Elle a un impact
significatif sur votre santé physique et psychologique, de même que
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sur votre qualité de vie, car le temps et l’énergie que vous consa-
crez à essayer de la museler ou à jeter de l’huile sur son feu vous
empêchent de profiter pleinement du moment présent.

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Plus vous saurez de quel bois elle se chauffe, plus la colère deviendra
une alliée sur qui vous pourrez compter, dans la mesure où vous ne
lui laisserez plus les commandes de votre vie.

Un signal d’alarme
Peu importe la façon dont vous cohabitez avec elle, la colère a
quelque chose à dire. Elle cherche à attirer votre attention sur des
besoins non comblés, sur le non-respect de vos valeurs ou de vos
limites, sur des injustices réelles ou perçues, des inégalités et de la
discrimination. Elle sonne aussi l’alarme lorsque vos objectifs sont
contrecarrés, vos droits bafoués ou violés, votre intégrité physique
ou psychologique, ou celle d’un être cher, menacée.
Ce signal, qui pourrait être comparé aux témoins lumineux du
tableau de bord de votre véhicule, vous indique que quelque chose
ne va pas. Que vous soyez un conducteur débutant ou expéri-
menté, vous connaissez la différence entre un voyant rouge qui
décèle un danger imminent si vous continuez de rouler et qui vous
prévient de vous garer rapidement, un témoin d’alerte jaune qui
vous avertit qu’une vérification sera nécessaire à court terme, et un
vert qui signifie qu’il n’y a pas de souci à avoir.
Lorsqu’un tel signal est émis à l’intérieur de vous, je vous invite à
ralentir ou à vous arrêter afin de regarder ce qui se passe et tenter
de comprendre pourquoi il s’est allumé.Vous en conviendrez: cela
ne serait pas une bonne idée de l’ignorer, la colère étant une source
© Groupe Eyrolles

d’information utile. Elle vous amène à mieux vous connaître, à agir


et à réagir, à mobiliser vos ressources et votre énergie pour effectuer
les changements requis.

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Ce moteur peut vous pousser à l’action dans votre vie de tous les
jours de bien des manières: réclamer ce qui vous est dû, défendre
vos opinions, vous opposer à un projet qui va à l’encontre de vos
valeurs, par exemple. Il vous incite à ne pas jeter l’éponge trop
vite lorsque vous estimez avoir été lésé, à protester lorsqu’on porte
atteinte à votre dignité. La colère donne également la force de
mettre un terme à une relation amoureuse qui ne répond pas à vos
besoins malgré les efforts effectués pour l’améliorer. Ou de trouver
un autre emploi lorsque celui que vous occupez vous empêche de
réaliser tout votre potentiel en dépit des démarches dans lesquelles
vous vous êtes engagé pour remédier à la situation. Elle permet
donc de vous faire entendre.

Passons à l’action !

Notez des événements lors desquels vous avez détecté le signal


d’alarme de la colère.

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Selon vous, qu’essayait-il de vous dire ?

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© Groupe Eyrolles

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Un air de famille
Même s’ils ont un petit air de ressemblance, les membres de la
famille de la colère diffèrent les uns des autres par l’intensité qu’ils
affichent. Certains appartiennent au registre du mécontentement, de
l’irritation, de la frustration, tandis que d’autres s’élèvent d’un cran
et passent à l’échelle de l’exaspération et de la rage. Pour reprendre
l’analogie des témoins lumineux du tableau de bord de votre véhi-
cule, quand la colère est de faible intensité –ce qui correspond au
voyant vert –, vous pouvez continuer à vaquer à vos occupations
après avoir pris soin d’identifier ce qui l’a suscitée pour voir si elle
s’accentue. En présence d’un témoin d’alerte de couleur jaune
– équivalant à une colère d’intensité moyenne –, je vous recom-
mande de ralentir et d’éviter de soulever des débats, d’argumenter
et/ou de laisser place à des interprétations de toutes sortes. Si un
témoin lumineux rouge s’allume et que la colère atteint un sommet,
arrêtez-vous, cessez de discuter puis retirez-vous le temps que l’in-
tensité diminue.Vous apprendrez à le faire au chapitre5.
Il est normal pour tout le monde de ressentir de la colère.Àl’instar des
autres émotions, elle n’est en soi ni bonne ni mauvaise. L’intensité avec
laquelle vous la vivez et les débordements qu’elle peut entraîner risquent
toutefois de vous causer du tort et de nuire à vos relations avec les autres,
comme nous le verrons ultérieurement. Sa durée et sa fréquence sont
aussi à considérer lorsqu’on se penche sur ses effets négatifs.
© Groupe Eyrolles

Aussi problématique, bien qu’elle soit beaucoup moins apparente,


la colère souterraine produit des ravages considérables. La peur de
cette émotion et son association avec la violence font en sorte que

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un e c o h a b I tat I o n p a r f o I s p é r I l l e u s e

nombre de gens la refoulent. Est-ce votre cas ? La colère prend


alors un chemin détourné pour se révéler : tristesse, dépression,
anxiété et problèmes psychosomatiques tels que maux d’estomac,
migraines, pression artérielle élevée et fatigue chronique. Même
s’ils ne la ressentent pas nécessairement ou ne l’éprouvent que rare-
ment, elle est pourtant bel et bien là. Le jour où une goutte d’eau
fait déborder le vase, la colère accumulée explose, provoquant une
réaction démesurée qui est souvent suivie d’un sentiment de culpa-
bilité, qui les incite à la réprimer à nouveau.
C’est à partir du moment où elle est utilisée de façon rigide et répétée
que cette tendance à la barricader à l’intérieur de vous ou à l’expulser
sans égard pour vous et pour les autres devient inappropriée et néfaste.
La distinction la plus fondamentale que nous devons établir et nous
rappeler est la suivante: il existe l’émotion de la colère et le compor-
tement. Ce n’est pas l’émotion qui constitue le problème, mais la
manière dont vous l’exprimez et le compor-
tement que vous adoptez lorsqu’elle se mani- Rappelez-vous :
feste. C’est ce que vous en faites qui importe. il y a la colère et ce
Cevers quoi elle vous pousse. que vous en faites.

Passons à l’action !

Votre colère est-elle souterraine ? Explosive ? Commentez.


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© Groupe Eyrolles

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Que cache-t-elle ?
Sous le couvert de la grogne ou d’une foule de non-dits se cache-t-il
autre chose ? La colère pure existe-t-elle ou est-elle toujours entre-
mêlée d’autres émotions ? Les avis à ce sujet sont partagés… Mon
expérience clinique m’amène à croire qu’elle peut se présenter
seule. Par exemple, votre ordinateur plante alors que vous étiez
sur le point d’envoyer un fastidieux formulaire que vous veniez de
remplir en ligne.
Ceci étant spécifié, dans plusieurs situations, la colère masque, écrase,
tient à distance des émotions variées: tristesse, peur, honte, culpa-
bilité… En vous mettant en colère, vous évitez ainsi de les ressentir
en raison de l’inconfort qu’elles suscitent. En les réprimant, elles
peuvent cependant se transformer en colère et/ou nourrir celle-ci.
Vous pouvez vivre plusieurs émotions simultanément, certaines
étant sous-jacentes à d’autres. À titre d’illustration, il arrive que
les proches aidants, qui se sont occupés d’un être cher malade sur
une longue période, éprouvent en même temps de la peine et du
soulagement lors de son décès, soulagement qui est fréquemment
accompagné de culpabilité.
Vous serez porté à vouloir vous en débarrasser si vous croyez que
vos émotions sont mauvaises, si vous les qualifiez de terribles ou
de nocives. En les jugeant de cette façon, il y a fort à parier que
vous mènerez une lutte pour les contrôler ou les chasser. Ne leur
© Groupe Eyrolles

apposez pas les étiquettes « positives » ou « négatives ». Définissez-les


plutôt comme étant « agréables ou douces », « désagréables ou
douloureuses ».

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un e c o h a b I tat I o n p a r f o I s p é r I l l e u s e

Les autres membres de la famille


La colère fait partie de la famille des émotions primaires à côté
de laquelle nous retrouvons la joie, la tristesse et la peur. Certains
auteurs ajoutent à ces émotions fondamentales la surprise, le dégoût
et le mépris. Elles sont innées et universelles. Chacune transmet de
l’information, qui vous guide vers la satisfaction de vos besoins.
Chacune a son utilité. Elles sont adaptatives pour autant que vous
ne soyez pas submergé par elles, qu’elles ne débordent pas et que
votre réaction émotionnelle ne soit pas disproportionnée par
rapport à ce qui se produit.
Il est plus facile de mettre le doigt sur les émotions à haute inten-
sité, comme la colère qui explose, que de reconnaître celles de faible
intensité, l’ennui par exemple. Puisque vos pensées (ce que vous
vous dites) exercent une influence sur vos émotions (ce que
vous ressentez) et vos comportements (ce que vous faites) qui, à
leur tour, influent sur vos pensées, nous verrons dans un prochain
chapitre comment ne pas fusionner avec tout ce que votre tête
vous raconte.
Plusieurs de mes clients croient que ce sont les autres qui déclenchent
leurs émotions. Vous rangez-vous à cet avis ? Réfléchissez à la
dernière fois où vous avez vécu une émotion déplaisante. Est-ce
que ce type de pensées vous a traversé l’esprit: « Elle est ingrate
d’avoir refusé mon invitation » ou « Il sait pourtant que ça me fâche
© Groupe Eyrolles

quand il n’est pas à l’heure » ? Si oui, qu’en a-t-il découlé ?


L’humain a tendance à s’attarder sur ce qui justifie sa colère et à
juger que ses semblables ont tort. Votre interprétation de ce qui

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

survient génère, teinte ou amplifie vos émotions.Vous êtes respon-


sable de l’histoire que vous tricotez et que vous ressassez à propos
des événements qui vous perturbent, des comportements qu’af-
fichent les gens autour de vous, des discours qu’ils tiennent, comme
vous l’êtes de vos actes et de vos paroles.
Depuis quelque temps, Estelle, la directrice de Kim, ne répond
pas à ses courriels. La colère s’installe en Kim. Une cascade de
pensées, qui l’alimentent, jaillissent sur son écran intérieur. Avant
une réunion, Estelle lui mentionne qu’elle vient de trouver ses
courriels dans son courrier indésirable et qu’elle en est désolée.
Des scénarios de la sorte vous sont-ils familiers ?
Personne d’autre N’oubliez pas: vos émotions et vos réactions vous
que vous n’est appartiennent et parlent de vous. Elles ne seront
responsable pas nécessairement similaires chaque fois que vous
de vos émotions. vivrez le même genre d’expérience.

De précieux indicateurs
Charlotte est chargée de projet au sein d’une firme d’ingénieurs-
conseils depuis quatorze ans. Reconnue pour son efficacité, mais
aussi pour son franc-parler, elle n’attend pas moins que l’excel-
lence des gens avec qui elle travaille et collabore. La moutarde lui
monte facilement au nez quand quelqu’un déroge à ses directives
ou commet une erreur et elle n’y va pas par quatre chemins pour
© Groupe Eyrolles

le lui signifier. Lorsqu’un employé ose lui dire qu’il n’apprécie pas
la manière dont elle s’adresse à lui, elle le remet cavalièrement à
sa place. Le jour où elle a injurié un sous-traitant en raison de

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un e c o h a b I tat I o n p a r f o I s p é r I l l e u s e

son retard à un rendez-vous, et que celui-ci a ensuite menacé son


patron de cesser de faire affaire avec son entreprise, elle a été convo-
quée à son bureau. Puisqu’il l’avait déjà rencontrée pour l’amener à
comprendre que des changements de comportement étaient requis
à la suite des doléances que des membres de l’équipe lui avaient
déjà présentées à ce sujet, il a appliqué une mesure disciplinaire et
l’a exhortée à corriger le tir impérieusement.
Pour sa part, Philippe a la réputation d’être conciliant, très conci-
liant. Il a horreur des conflits et s’organise pour ne pas créer
de vagues, quitte à se contenter d’un second choix. « Il y a des
choses plus graves que ça dans la vie », parvient-il à se convaincre.
Auboulot, il est estimé tant pour la qualité de son travail que pour
son savoir-être. Il n’hésite pas à donner un coup de main à ses
collègues et à augmenter son nombre d’heures supplémentaires, ce
qui lui vaut des réprimandes de la part du nouveau coordonnateur
de l’organisme dans lequel il œuvre depuis six ans. Celui-ci lui
reproche aussi de ne pas s’acquitter convenablement des dossiers
additionnels qu’il lui a confiés. Bien que Philippe lui ait indiqué
calmement et respectueusement à maintes reprises, sans jamais lever
le ton ni s’emporter, qu’ils ne correspondaient aucunement à sa
fiche de poste et qu’il n’était pas qualifié pour les traiter, son patron
n’en démord pas et le presse pour qu’il mène les projets à bon port.
Philippe a de plus en plus souvent mal à la tête et son sommeil est
perturbé. Il se demande ce qu’il lui arrive.
© Groupe Eyrolles

Qu’ont en commun Charlotte et Philippe ? Ni l’un ni l’autre ne


reconnaissent les manifestations de leur colère. Êtes-vous confronté
à de telles difficultés ? Un de vos proches l’est-il ?

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

J’aime bien la métaphore de la pâte sucrée utilisée par mes pairs


Walser des États-Unis et O’Connell de l’Argentine. Elles expliquent
qu’en mélangeant la farine, le sucre, le beurre et les œufs, nous
obtenons une succulente pâte sucrée, et que les ingrédients, seuls,
n’existent alors plus. Je me permets de l’emprunter pour décrire
le fait que la colère est un amalgame de différents ingrédients: des
sensations physiques, des émotions, des pensées et des comporte-
ments. Ce n’est pas parce que certains d’entre eux échappent à
votre conscience qu’ils sont absents.
Explorons ces composantes les unes après les autres, si vous le voulez
bien. Vous pourrez ainsi vous familiariser davantage avec chacune
d’elles. Commençons par étudier ce qui se produit dans le corps.
Puisque les réponses physiologiques ne sont pas les mêmes chez tout
le monde, il est important d’apprendre à observer les vôtres, sans
jugement.Voici celles que nous retrouvons le plus souvent: accéléra-
tion du rythme cardiaque, augmentation de la fréquence respiratoire
et de la tension artérielle, sensation d’un poids sur la poitrine ou de
lourdeur dans l’estomac, maux de tête. D’autres personnes froncent
les sourcils, serrent les dents ou la mâchoire, ont chaud ; leur visage
devient rouge et des plaques rouges apparaissent sur leur cou ou
leur poitrine. D’autres encore tapent du pied, ferment les poings,
tremblent des mains et des jambes, ressentent des tensions musculaires.
Parmi les changements physiologiques qui surviennent lorsque la
colère nous gagne, il y en a qui passent sous notre radar, comme
© Groupe Eyrolles

la sécrétion d’hormones, notamment le cortisol et l’adrénaline qui


permettent à notre organisme de réagir et de protéger notre inté-
grité physique ou psychologique.

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un e c o h a b I tat I o n p a r f o I s p é r I l l e u s e

Quand les émotions entrent en scène,divers scénarios sont possibles:


la colère se manifeste seule, elle couvre d’autres émotions ou des
émotions la soulèvent, telle la jalousie ou l’anxiété. Étant donné qu’il
n’est pas rare que les émotions voyagent ensemble, comme nous
l’avons vu, il arrive que la colère pointe le bout de son nez avec la
tristesse, par exemple, ce qui représente un défi additionnel pour la
reconnaître. Quoi qu’il en soit, faites preuve de curiosité à leur égard
et créez de l’espace en vous pour les accueillir avec compassion.
Et il y a les pensées qui déclenchent et avivent votre colère. Portez
attention aux pensées automatiques, qui sont des interprétations
spontanées des expériences que vous vivez, sans être nécessairement
le reflet de la réalité. Elles surgissent dans votre esprit à la vitesse de
l’éclair de sorte qu’elles sont susceptibles de passer inaperçues. Ici
encore, je vous recommande de ralentir afin de prendre conscience
de votre discours intérieur (« je me dis… »), composé notamment
de jugements, de blâmes et de suppositions, et de son impact sur
votre colère. Puis d’y mettre des bémols.
Dans mon livre Cessez de nourrir votre tigre: Ne laissez plus l’anxiété
diriger votre vie1, je démontre que plus vous alimentez les pensées
anxiogènes, plus l’anxiété grossit. Les pensées, qui tournent en
boucle dans votre tête, gonflent aussi votre colère. Cela vous est-il
familier ? Si oui, ouvrez une parenthèse au moment où elles insistent
et réservez-vous un temps limité pour réfléchir à ce qui vous
irrite, vous dérange, vous tracasse, et respectez-le. De préférence,
© Groupe Eyrolles

1. Sylvie Rousseau, Cessez de nourrir votre tigre: Ne laissez plus l’anxiété diriger votre vie,
Eyrolles, 2021.

19
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

prêtez-vous à cet exercice au même endroit, disons dans un fauteuil,


pour ne pas que ces pensées occupent toute la place et contaminent
votre quotidien. Fermez ensuite la parenthèse et ramenez-vous dans
l’instant présent. Nous y reviendrons au chapitre6.
Une impulsion à agir accompagne finalement la colère. Les
comportements vont de rouler des yeux à soupirer d’exaspération,
à marcher de long en large en gesticulant, à pointer du doigt, à
lancer des objets. Des commentaires désobligeants, des insultes, du
sarcasme, des jurons et des cris appartiennent également à ce réper-
toire. Même si tout vous pousse à l’action lorsque la colère gronde
ou grandit en vous, vous pouvez changer la manière dont vous
répondez à votre émotion.
Ces composantes que sont les sensations physiques, les émotions,
les pensées et les comportements sont en interrelation et elles se
renforcent mutuellement.

Passons à l’action !

Vous êtes-vous reconnu ou avez-vous reconnu une partie de vous-même


dans l’histoire de Charlotte ou de Philippe ? Laquelle vous ressemble
davantage ? Indiquez pourquoi.

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© Groupe Eyrolles

La dernière fois que vous vous êtes retrouvé dans une situation où vos
limites, vos besoins, vos valeurs ou vos droits n’ont pas été respectés,
que s’est-il passé à l’intérieur de vous ? Décrivez:

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un e c o h a b I tat I o n p a r f o I s p é r I l l e u s e

• Vos principales sensations physiques, que vous ayez été légèrement


ou excessivement en colère:
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• Les émotions qui ont pu naviguer avec votre colère:

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..................................................................................................

• Les pensées qui l’ont soulevée ou nourrie:


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..................................................................................................

• Les comportements que vous avez adoptés:


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..................................................................................................
..................................................................................................

Reprenez l’exercice après votre prochain épisode de colère.


© Groupe Eyrolles

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Récapitulons…
• Comme les témoins lumineux du tableau de bord de votre véhicule,
la colère vous avise que quelque chose ne va pas. Elle permet d’agir
ou de réagir quand ce qui a de la valeur à vos yeux est menacé.
• Tenez compte de son intensité. Des torts sont causés lorsque
vous la laissez exploser ou l’emprisonnez à l’intérieur de vous de
manière répétée.
• La colère peut masquer diverses émotions, mais elle existe aussi à
l’état pur.
• Vos émotions vous appartiennent. Personne d’autre que vous n’en
est responsable.
• La métaphore de la pâte sucrée rappelle que différents ingrédients
composent la colère : des sensations physiques, des émotions, des
pensées et des comportements.

© Groupe Eyrolles

22
Chapitre

Une émotion
aux multiples visages 2
Un peu partout dans le monde, nous sommes exposés quotidien-
nement, via les bulletins d’information et les réseaux sociaux, à des
situations lors desquelles des gens déversent leur colère n’importe
où, n’importe quand, en présence de n’importe qui, de façon inso-
lente et arrogante. Nous assistons aussi à des scènes dramatiques
où des individus ont recours à la violence sous toutes ses formes
et aux conséquences tragiques, funestes même, qui en découlent.
Nous voyons rarement des personnes qui expriment leur colère
de manière appropriée, ajustée, dans le respect de soi et de l’autre.
Nous en venons à associer cette émotion à des débordements ou
à la confondre avec la violence. Lorsqu’elle est perçue comme
une menace, elle devient difficile à accueillir à l’intérieur de soi, à
verbaliser et à recevoir.
En apparence moins menaçante, celle qui ne fait pas la une des
© Groupe Eyrolles

médias, la colère enfouie ne dérange personne, bien souvent


pas même l’individu chez qui elle habite. Du moins, dans un
premier temps. À la longue, elle cherche des moyens d’attirer

23
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

son attention. Elle peut finir par nuire à sa santé physique et


mentale.
Entre ces deux pôles, il existe plusieurs types de colère.Tantôt insi-
dieuse et subtile, tantôt évidente et sans équivoque, la colère se
présente sous différents visages. Pour l’apprivoiser, il est nécessaire
de découvrir le vôtre.

La colère sur un continuum


Charlotte et Philippe, dont il fut question au chapitre précédent, se
situent aux extrémités du continuum de la colère, Charlotte dépas-
sant les bornes et Philippe ignorant la sienne. Ils témoignent de
colères mal canalisées.
Si, comme eux, vous êtes coincé dans l’un ou l’autre de ces pôles,
considérez les torts que cette forme de colère vous cause et ceux
qui éclaboussent la relation que vous entretenez avec les êtres
qui gravitent autour de vous. Ravaler votre colère équivaut à
vous faire du mal à vous-même alors que l’expulser sans retenue
endommage les liens que vous avez avec votre entourage.
Dans cette aventure qui se poursuit pour apprivoiser votre colère,
il est capital de la regarder dans le blanc des yeux et d’identifier la
tendance qui prévaut pour vous quand elle se manifeste. Gardez
en tête que des variantes peuvent néanmoins être observées chez
une même personne. Puisque la vie vous confronte à des situa-
© Groupe Eyrolles

tions en tous genres, il est fort possible que votre façon de réagir
à ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur de vous varie selon
le contexte.

24
un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

Passons à l’action !

Vous situez-vous à l’un ou l’autre des bouts du continuum de la colère ?


Inscrivez ce qui vous amène à croire qu’il en est ainsi.
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En partant du principe qu’une colère saine et salutaire serait placée


au milieu du continuum, indiquez où vous avez l’impression de vous
trouver, et pourquoi.
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Les types de colère


Vous commencez à y voir plus clair ? La connaissance des autres
types de colère vous aidera à préciser votre positionnement sur ce
continuum. Les formes que prend la colère étant variées, je les ai
divisées en quatre groupes : les colères tournées vers l’intérieur,
les colères déguisées, la colère dirigée vers l’extérieur et la colère
affirmative.
© Groupe Eyrolles

Dans cette exploration qui vous conduira au cœur de vous-même,


soyez bienveillant à votre égard. Ayez à l’esprit que la colère ne se
cristallise habituellement pas autour d’une seule voie d’expression.

25
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Entendez toutefois la sonnerie d’alarme lorsque l’une devient


récurrente, à l’exception bien sûr de la colère affirmative vers
laquelle vous devriez tendre.
Les colères tournées vers l’intérieur
La colère que vous dirigez contre vous et les colères réprimées
composent la famille des colères tournées vers l’intérieur. Certaines
finissent tout de même par se frayer un chemin à l’extérieur, occa-
sionnant des dégâts sur leur passage.

La colère contre soi


Durant sa grossesse, Flore a suivi, mais pas toujours à la lettre,
les recommandations de son médecin pour éviter une descente
de vessie après son accouchement. Elle a réalisé, de façon non
assidue, les exercices de musculation du dos, des abdominaux et
des fessiers qui lui avaient été suggérés. Après la naissance de son
bébé, elle a fait un peu de rééducation périnéale à titre préventif.
Cela n’a pas été suffisant pour empêcher la descente d’organe.
Elle est vraiment en colère contre elle-même et contre son corps
qui l’indispose de cette manière. Elle se reproche de ne pas avoir
régulièrement mis en pratique les conseils de son médecin et
ceux d’Adèle, sa meilleure amie, qui avait éprouvé des problèmes
similaires.
Parmi les colères intériorisées, la colère contre soi, comme celle de
Flore, est fréquente.Vous êtes en proie à cette forme de colère si
© Groupe Eyrolles

vous vous critiquez sévèrement pour des décisions que vous avez
prises ou des choix que vous avez effectués.Vos exigences envers
vous-même sont possiblement excessivement élevées et vous vous

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

accordez sans doute difficilement le droit à l’erreur.Vous avez du


mal à vous pardonner une maladresse commise envers un ami
malgré les excuses présentées et acceptées.
La colère ressentie lorsque vous enfreignez vos valeurs en l’ex-
primant inadéquatement ou en la ravalant entre aussi dans cette
catégorie.

Les colères réprimées


La colère contre l’autre, mais enfouie en soi sans en être néces-
sairement conscient, figure parmi les colères tournées vers l’in-
térieur. C’est le cas de Lauréanne, qui me consulte parce qu’elle
est fatiguée et que sa charge mentale est lourde. Elle explique
qu’elle s’arrête rarement, occupée à entretenir seule sa maison
depuis le décès de son mari, à garder Éva-Rose et Zach, ses
petits-enfants, dont sa fille a la garde exclusive, et à donner un
coup de main à son voisin d’en face qui est démuni depuis que
sa femme est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle ajoute que
ses deux frères et sa sœur lui demandent souvent de lui rendre de
menus services, s’appuyant sur elle puisqu’elle est la plus jeune
de la famille.
Sylvie: Est-ce qu’il vous arrive de dire non, Lauréanne ?
Lauréanne: Quand je prends mon courage à deux mains…
Sylvie: Que se passe-t-il alors ?
© Groupe Eyrolles

Lauréanne: Ils insistent en me rappelant que j’ai tout mon temps


maintenant que je suis à la retraite et qu’ils ne connaissent personne
d’autre qui pourrait les aider.

27
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Sylvie: Que ressentez-vous lorsque vous mettez ainsi une limite et


que vos proches n’en tiennent pas compte ?
Lauréanne: Je me répète qu’ils ont raison et que je ne dois pas être
égoïste.
Sylvie: C’est ce que votre tête vous raconte… Confiez-moi plutôt
ce que ça vous fait à l’intérieur de vous.
Lauréanne: Je me sens triste, mais que voulez-vous: j’ai été élevée
comme ça. J’ai vu ma mère et ma grand-mère se sacrifier pour tout
le monde. Par contre, moi, je n’y parviens plus. Je suis fatiguée.
Sylvie: Est-ce que vous accepteriez de vous ouvrir, petit à petit, à
d’autres émotions ?
Au sein de sa famille, Lauréanne a compris qu’il valait mieux
se couper de sa colère. L’ayant inhibée, elle a de la difficulté à la
reconnaître. Nous en discuterons au chapitre3.
Indépendamment de votre sexe et de votre identité de genre, il
est possible que vous ayez, vous aussi, appris à tenir votre colère à
distance, à l’entreposer en vous, à la nier.Arrive un jour où c’est le
silence radio: vous ne captez plus ses signaux. Ainsi occultée, elle
sape cependant votre énergie physique et mentale, et emprunte un
chemin différent pour se manifester.
L’histoire de Fabien révèle, pour sa part, une colère gardée pour
soi dont il est conscient et qu’il rumine depuis trois ans. Rémi et
© Groupe Eyrolles

lui se sont rencontrés au soccer/foot quand ils n’étaient que des


gamins. Ils s’intéressaient bien plus aux friandises glacées qui leur
étaient remises après la partie qu’à ce qui se passait sur le terrain…

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

Ils aimaient rigoler et prenaient plaisir à taquiner les copains.


À l’adolescence, ils ont rangé le ballon dès qu’ils ont découvert
l’univers fascinant de la musique. Tous deux adoraient Nirvana et
Metallica, qu’ils écoutaient en boucle durant des heures. Puis ce
furent leurs premières amours qu’ils vécurent intensément, sans
pour autant négliger leur amitié.
Après leurs études, Fabien a demandé à son père d’engager Rémi
au sein de l’entreprise familiale en vantant sa polyvalence et ses
habiletés manuelles. Déjà inséparables, ils sont devenus comme des
frères. Jusqu’au jour où Rémi tomba amoureux de Caroline, que
Fabien fréquentait depuis deux ans. La femme de sa vie avec son
meilleur ami : le cauchemar. Il les perdit tous les deux et eut le
cœur brisé. Le climat de travail devint tellement tendu que Rémi
finit par remettre sa démission.
Étant donné qu’ils demeurent dans le même village, ils se croisent
malgré tout régulièrement dans les commerces ou en voiture.
Fabien sent alors instantanément la colère monter en lui. Il se limite
toutefois à lui lancer un regard assassin ou à détourner les yeux. De
retour à la maison, il ressasse les mêmes pensées, les événements
passés. Plus il y pense, plus il est en colère. Sa colère demeure vive.
Elle contamine le reste de sa journée.
Si vous la nourrissez et l’étirez ainsi, la colère pose problème, car
elle vous empêche de profiter du moment présent et d’avancer. Elle
© Groupe Eyrolles

est retenue à l’intérieur de vous et ne peut se déposer puisque vous


l’activez et la réactivez par un interminable monologue intérieur.
La souffrance engendrée de cette manière est en option.

29
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

La colère est tout à fait légitime en pareille situation. Souvenez-vous:


elle a un message à transmettre. Quel est-il, selon vous ? Nous pourrions
croire qu’il est en lien avec les valeurs de confiance et de fidélité, chères à
Fabien, qui n’ont pas été respectées par son amoureuse et son ami.
Il y en a pour qui cette colère réprimée, ensevelie sous des tonnes
d’insatisfactions ou de critiques, s’accumule jusqu’à ce qu’elle
éclate. Elle semble venir de nulle part et est souvent dispropor-
tionnée par rapport à ce qui l’a déclenchée. Non exprimée au
fur et à mesure, elle a longuement bouilli à petit feu et, un beau
jour, la cocotte-minute explose. Quand elle est refoulée depuis
belle lurette, le risque d’éclaboussures est élevé. Cette recette vous
est-elle familière ?
Dans l’hypothèse où des dégâts seraient causés par un tel débor-
dement, rongé par la culpabilité ou couvert de honte, vous vous
promettriez de la garder dorénavant bien enfouie à l’intérieur
devous.Vous recommenceriez à mettre sous le tapis ce qui vous
Les colères réprimées indispose ou vous heurte et vous tenteriez de
sont susceptibles vous convaincre que la colère ne mène à rien.
d’éclater plus tard C’est ainsi que les cycles de colère étouffée et de
avec intensité. colère enflammée se succèdent.
Toutes sortes de peurs, dont celles de déplaire, de ne pas être aimé
et de créer un conflit, la socialisation de même que les croyances
familiales au sujet de la colère font partie des raisons pour lesquelles
les gens en arrivent à la réprimer. Ils essaient de se protéger des
© Groupe Eyrolles

conséquences qu’ils anticipent. La colère ne disparaît bien évidem-


ment pas pour autant. Pendant ce temps, les enjeux qui en sont à
l’origine ne sont pas abordés.

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

Passons à l’action !

Examinez de près les colères tournées vers l’intérieur, c’est-à-dire la


colère contre soi et les colères réprimées, et voyez si vous empruntez,
exemples à l’appui, l’une de ces routes.

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Au cours de la prochaine semaine, portez attention aux contrariétés et


aux frustrations que vous éprouverez et observez si vous les dissimulez
ou non.

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Les colères déguisées


Je les ai appelées « déguisées », ces colères que vous habillez de
non-dits et de demi-mots, si bien qu’elles deviennent difficiles à
reconnaître. Et cette autre que vous déversez sur quelqu’un qui n’y
est pour rien dans ce que vous vivez.

Les comportements passifs-agressifs


© Groupe Eyrolles

Certains auteurs classent les comportements passifs-agressifs parmi


les colères réprimées. Mon expérience clinique m’amène toute-
fois à les distinguer de celles-ci puisque je rencontre des clients

31
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

chez qui la colère n’est que passive et ne se manifeste pas par des
comportements passifs-agressifs.
Alors, de quoi parle-t-on au juste ? Il s’agit de moyens subtils
employés par la personne pour communiquer sa colère au lieu de
l’exprimer ouvertement, comme les insinuations, les sous-entendus,
les critiques masquées et le sarcasme. Pas toujours adoptée de façon
consciente, cette panoplie de comportements permet d’éviter la
confrontation et de ne pas affronter les problèmes de front. Une
forte susceptibilité et une grande méfiance envers l’entourage
caractérisent celles et ceux qui y ont recours.
Je pense à Monica, qui ne supporte plus sa cousine qui se plaint pour
tout et pour rien. Elle se montre pourtant très gentille à son égard
lorsqu’elles se croisent et, sitôt après, parle dans son dos. ÀGabriel,
qui consent à rendre service à ses amis mais qui se défile le moment
venu, et à Martin, qui est rarement à l’heure aux retrouvailles fami-
liales, alléguant chaque fois une excuse plausible qui le protège
des reproches. Puis à Béatrice, qui cesse du jour au lendemain de
cliquer sur « J’aime », de commenter et de partager les publications
de sa belle-sœur sur les réseaux sociaux depuis qu’elle a décliné sa
demande pour garder ses enfants.Ah oui ! Il y a Danielle, qui omet
« par accident » d’envoyer la convocation à une réunion impor-
tante à un collègue avec qui elle a des différends, Jean-Pierre, qui
résiste en sourdine à l’autorité sous toutes ses formes, et Benoît, qui
lance une flèche à sa femme à propos de leur sexualité devant leurs
© Groupe Eyrolles

invités en s’empressant d’ajouter que c’est une blague.


Je me souviens également de Jimmy, qui accepte d’accompagner
son amoureux Jordan à une activité et qui prétexte un mal de tête

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

à la dernière minute pour ne pas y aller parce qu’il est fâché contre
lui. Étant donné qu’il s’agit d’une situation qui se reproduit, Jordan,
après lui avoir signifié son mécontentement, insiste auprès de lui
pour en discuter. Jimmy répond par le silence, l’ignore et, pour
manifester sa colère, change son statut « en couple » sur ses médias
sociaux pour s’afficher en tant que « célibataire ».
Dans ma pratique privée, je vois régulièrement des couples qui,
par ricochet, évacuent ainsi leurs frustrations. Une ribambelle de
comportements se trouvent dans ce mode de communication :
s’enfermer dans la bouderie pour punir l’autre, le priver d’affec-
tion ou de relation sexuelle, lui faire payer par des oublis ou de la
procrastination des choses restées sur le cœur,
Sous des attitudes
l’assurer que tout va bien après une mésentente
passives se cache une
alors que le langage non verbal indique le colère qui s’exprime
contraire, le laisser en plan en pleine discussion, indirectement.
refuser de dialoguer.
Il nous arrive toutes et tous, à des degrés variables, à un moment
donné de notre vie, d’utiliser des comportements passifs-agressifs.
Néanmoins, s’ils s’inscrivent dans votre répertoire principal, cela
risque de devenir problématique, de vous nuire et de porter atteinte
à la qualité de vos liens.
La colère déplacée
Aussi appelée « colère défléchie », cette colère est déviée de la
personne à qui elle était destinée sur quelqu’un susceptible de
© Groupe Eyrolles

mieux la recevoir. Cette cible n’a rien à voir avec ce qui a suscité
ce trop-plein et peut n’avoir aucune idée de ce qui l’a occasionné.
La colère est donc déversée au mauvais endroit.

33
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Avez-vous déjà vécu l’une ou l’autre des situations suivantes :


détourner la colère éprouvée à l’égard de votre patron vers votre
ami avec qui vous allez vous entraîner avant de rentrer à la maison ?
Vous en prendre à vos enfants tandis que vous étiez en colère contre
votre conjoint ? Vous impatienter auprès de la caissière, car votre
sœur était en retard à votre rendez-vous ?
Ces exemples réfèrent à des événements qui viennent de se
produire, mais la colère défléchie peut également appartenir à un
passé lointain. À titre d’illustration, elle serait alors déplacée sur
votre conjoint en écho à la colère ressentie, il y a plusieurs années,
contre votre mère ou votre père.
Vous trouvez ainsi un exutoire à votre colère. Il ne s’agit cependant
pas du bon. Et vous courez le risque d’endommager les relations
que vous avez avec ces personnes, qui étaient malheureusement sur
votre route au moment où vous n’avez pas su canaliser votre colère.

Passons à l’action !

Les colères déguisées se présentent sous la forme de comportements


passifs-agressifs et de colère déplacée. Dans un tête-à-tête avec vous-
même, demandez-vous si elles vous sont familières. En cas de doute,
tournez-vous vers un proche digne de confiance pour avoir son avis.
Notez le fruit de votre réflexion.
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© Groupe Eyrolles

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

La colère dirigée vers l’extérieur


Il y a des gens pour qui la colère est une autoroute où ils circulent à
grande vitesse.À l’instar de Charlotte, dont vous avez fait la connais-
sance au chapitre1. Ils ne tiennent pas compte des panneaux indica-
teurs les prévenant d’un danger quelconque ni des bandes rugueuses
qui les invitent à la vigilance et les incitent à ralentir. Ils appuient
plutôt sur l’accélérateur, quitte à effectuer une sortie de route.
Sofia et Enrico sont du nombre. Lors de leurs querelles au sujet du
partage des tâches, ils roulent à fond de train, lancent par les fenêtres
des blâmes et des accusations sur des choses survenues il y a long-
temps, mettent le volume au maximum. Ce type d’extériorisation
mène fréquemment à une partie de ping-pong où chacun se renvoie
la balle avec la même force qu’il l’a reçue, ce qui provoque une
escalade. Habituellement, c’est Sofia qui l’enraye: sans convenir de
quoi que ce soit avec son amoureux, elle se rend dans sa chambre en
claquant des talons et en maugréant, s’isole et coupe le contact avec
lui durant des heures. En jetant ainsi leur colère à l’extérieur d’eux-
mêmes, sans égard pour leur partenaire, Sofia et Enrico ne règlent
rien et ne parviennent pas à une entente mutuellement satisfaisante.
Certains empruntent cette autoroute à la moindre frustration. Ils ont
du mal à accepter les aléas inhérents à la vie.Tout devient prétexte
à la colère: les faits et gestes des autres, les nouvelles à la télé, les
publications sur les médias sociaux, les désagréments. « Tu parles
d’un imbécile qui tond sa pelouse le dimanche », « Etledeuxième
© Groupe Eyrolles

voisin, pas plus futé, qui arrose son entrée en asphalte », « On les paie
à jaser ces crétins chargés de l’entretien de la chaussée », « Veux-tu
bien me dire qui a pris cette décision ? Ce n’est sûrement pas le

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

crayon le plus affûté de la boîte ! », « J’en ai marre de voir sur les


médias sociaux des vidéos de chats, des photos de repas et des textes
ridicules. C’est tellement insignifiant ! », « Pourquoi faut-il que la
cafetière cesse de fonctionner ce matin alors que je suis pressé ? »,
« Où est-ce qu’elles sont encore ces foutues clés ? ».
Vous l’aurez deviné : en s’enfermant dans cette intolérance, leur
révolte gronde souvent. Ces personnes ont tendance à tout mettre
dans le même panier et attisent leur feu intérieur par des inter-
prétations, par ce qu’elles se racontent à propos des événements.
Puisqu’elles ne se gênent pas pour exprimer haut et fort ce qui les
irrite, cette absence de filtre embarrasse leur entourage.
D’aucuns ne prennent pas l’autoroute de la colère si couramment,
mais lorsqu’ils s’y aventurent, c’est la collision assurée. Ils s’emportent
soudainement et manifestent leur mécontentement de manière irré-
fléchie, disproportionnée et inadaptée à la situation. Ils projettent leur
colère avec une telle intensité qu’ils n’atteignent pas leur but, qui est
de marquer leur désapprobation en étant compris ou de trouver une
solution aux problèmes auxquels ils sont confrontés. Leur intention
est louable ; en revanche, les moyens qu’ils choisissent les éloignent
de leur objectif. Même s’ils sont brefs et qu’ils ne reposent pas sur
Pour réduire les une volonté de contrôler ou de dominer l’autre,
risques de dérapage, ces accès ou crises de colère peuvent créer de la
ralentissez ! peur chez les gens qui en font les frais.
Il importe de glisser ici un mot sur l’agressivité qui, contrairement
© Groupe Eyrolles

à la colère, n’est pas une émotion mais une pulsion, tantôt posi-
tive, tantôt négative. Cette énergie est positive et saine quand elle
est bien canalisée et permet de vous défendre, de vous protéger,

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

d’établir fermement vos limites, de vous mobiliser pour réaliser vos


objectifs, d’arriver à vos fins sans chercher à écraser qui que ce soit,
de mieux performer, dans le sport par exemple. L’agressivité devient
négative si elle n’est pas maîtrisée et si elle est utilisée au détriment
de quelqu’un dans l’intention de lui nuire ou aux dépens de l’envi-
ronnement. Elle se traduit alors par de la violence.
Votre façon de réagir à la colère par un comportement agressif est
un choix parmi plusieurs.Vous freinez vos ardeurs en présence des
policiers malgré votre contrariété, n’est-ce pas ? Il ne s’agit donc
pas de quelque chose d’inévitable. Les formes d’expression sont
variées et ne doivent pas inclure ce qui cause du tort à autrui.

Passons à l’action !

Avez-vous déjà dirigé votre colère vers l’extérieur ? Si oui, relatez-en les
circonstances et les conséquences.
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Lorsque la colère s’enflamme à l’intérieur de vous, et que l’explosion est


imminente, que faites-vous ?

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© Groupe Eyrolles

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

La colère afrmative
La pandémie a divisé bon nombre de familles. Des points de vue
diamétralement opposés sur le sujet ont semé la zizanie. Camille et
sa mère Murielle ont sauté à pieds joints dans ce débat d’idées où
valeurs et croyances s’entremêlaient. Dans le dialogue de sourds qui
s’est installé, elles se sont évertuées à se convaincre mutuellement
du bien-fondé de leurs théories respectives.
Puis Murielle se mit à adresser des commentaires désobligeants à sa
fille. Camille, qui sentait la colère gronder en elle, fut poussée par
le besoin de mettre des limites à sa mère, qui venait de plus en plus
souvent évacuer son trop-plein de la pandémie et son ras-le-bol des
mesures sanitaires chez elle. Devant son discours qui se radicalisait,
elle a fini par lui dire que leurs échanges ne les menaient nulle
part, chacune restant sur sa position, que cela la frustrait beaucoup
et qu’elle ne voulait plus en discuter. Murielle l’envoya promener
et recommença son refrain avec autant de fanatisme. Camille tenta
de l’interrompre, en vain. Après quelques essais infructueux, elle
lui demanda calmement, poliment et fermement de partir, en lui
rappelant qu’elle l’aimait, mais que la situation était devenue insup-
portable pour elle. Sans cris ni insultes. Tout l’inverse de sa mère,
qui lui lança qu’elle la rayait de sa vie. Camille était en paix avec la
façon dont elle avait géré le différend.
Le lendemain, Murielle lui téléphona en pleurs, s’excusa de ses
propos et la supplia de ne pas couper les ponts avec elle en dépit
© Groupe Eyrolles

de sa menace de la veille. Elle lui confia qu’elle était incapable de


lui promettre de ne plus jamais en parler ; en revanche, elle ferait
attention. Camille, de son côté, accepta d’accorder à sa mère un

38
un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

maximum de dix minutes par visite pour qu’elle ait la possibilité de


ventiler ses émotions.
L’exemple de Camille montre une colère affirmative. Sa colère l’a
informée du non-respect de ses valeurs et de ses limites. Une fois
qu’elle eut saisi son message, elle a fait part à sa mère de sa désap-
probation à l’égard de son comportement, sans se laisser emporter
par une colère volcanique. Camille a choisi la manière d’extério-
riser cette colère qui bouillonnait en elle.
Est-ce que cela lui a été facile d’en venir à se conduire ainsi ? Non,
admet-elle en toute honnêteté. Dans le passé, elle répondait à sa
mère du tac au tac lors de leurs désaccords. Il lui arrivait aussi
fréquemment de déverser sa colère sur les gens, souvent pour des
broutilles. La persévérance et la détermination ont été essentielles
dans son cheminement pour apprendre à mieux naviguer dans les
eaux de sa colère.
Ce travail sur elle n’a pas amélioré ses rapports avec sa mère,
du moins dans un premier temps. Tel n’était d’ailleurs pas le
but recherché. Malgré ses bonnes intentions, Murielle n’a pas
su contrôler ses dérapages. Camille dut garder à l’esprit qu’elle
n’avait pas le pouvoir de la changer, qu’elle s’affirmait pour son
mieux-être et non pour l’importuner, bien
qu’il soit plausible que cela se produise. Leur La persévérance
relation s’est transformée à partir du moment et la détermination
où Murielle réalisa qu’elle avait du mal à sont essentielles
© Groupe Eyrolles

composer avec cette émotion, au-delà de la pour apprendre à


pandémie, et prit les moyens pour cohabiter mieux naviguer dans
les eaux de la colère.
plus harmonieusement avec sa colère.

39
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Lorsque son expression est saine, respectueuse et bien canalisée, la


colère est au service de la protection de votre intégrité. Elle vous
aide à tracer la ligne de votre « C’en est assez ! », prévenant les
accumulations et les débordements. En affirmant vos besoins et vos
valeurs, elle permet d’induire un changement positif. Elle donne
lieu à une mobilisation constructive en suscitant, par exemple, un
élan pour lutter contre les injustices. Elle est également utile quand
elle vous guide vers la résolution de problèmes.
Pour que votre colère soit verbalisée adéquatement, il est d’abord
nécessaire de la reconnaître, de la ressentir, de l’accueillir. De décoder
l’information qu’elle vous communique. D’observer vos pensées,
les autres émotions qui l’accompagnent peut-être de même que
vos sensations physiques. Soyez conscient de votre discours inté-
rieur puisque celui-ci influence votre vécu émotionnel, vos sensa-
tions corporelles, vos réactions et vos comportements.
Une colère affirmative s’exprime avec clarté et respect. En plus
d’exposer et de défendre votre point de vue, elle consiste à vous
efforcer de comprendre celui de votre interlocuteur. En lui mani-
festant de l’empathie, vous ne jetez pas de l’huile sur le feu de votre
colère, ce qui contribue à diminuer son intensité. Une expression
ajustée et le recours à une solution sont alors possibles. Nous y
reviendrons dans la deuxième partie du livre.
D’ici là, retenez que vous seul êtes responsable de vos comporte-
© Groupe Eyrolles

ments et de la manière dont vous réagissez à la colère. Il en est ainsi


pour tout le monde. Le choix d’une réponse nuancée et flexible,
qui ne cause de tort à personne, est entre vos mains.

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

Passons à l’action !

Pensez à une situation lors de laquelle vous avez exprimé votre colère
calmement et respectueusement. Racontez votre expérience.

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Identifiez les ressources intérieures sur lesquelles vous vous êtes appuyé
pour l’extérioriser de cette façon.

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Des bénéfices secondaires, vraiment ?


Eh oui ! Des bénéfices secondaires. Selon vous, comment peut-on
bénéficier des colères tournées vers l’intérieur, des colères déguisées
et de la colère dirigée vers l’extérieur ? Prenez le temps d’y songer…
Pour vous y aider, définissons de quoi il s’agit. Il est question des avan-
tages dont vous pourriez inconsciemment tirer profit, des gains qui
renforcent vos comportements et qui vous poussent à les adopter de
nouveau. Ils nuisent donc à la motivation d’apporter des changements.
© Groupe Eyrolles

Des exemples ? Dans le cas d’une colère réprimée, en taisant ce


qui vous indispose, en n’affichant pas votre désaccord, en accep-
tant les demandes qui vous sont adressées même si cela vous irrite,

41
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

vous projetez et maintenez l’image d’une femme ou d’un homme


serviable, aimable, qui ne fait pas de tempête dans un verre d’eau.
C’est bon pour votre égo, en revanche ça l’est beaucoup moins
pour votre estime et votre confiance en vous.
Dans la classe des comportements passifs-agressifs, en manifestant
indirectement votre colère, vous évitez bien des confrontations.
Puisque vous trouvez des excuses pour justifier vos comportements,
du genre « Oups ! J’ai complètement oublié notre rendez-vous.
J’aitellement de travail » ou « Désolé, je n’ai pas vu l’heure passer »,
vous vous protégez des reproches.
Si votre colère est dirigée vers l’extérieur, qu’elle est bruyante et s’ap-
parente à des coups de tonnerre, vous éprouvez sans doute un soula-
gement à court terme, une sensation de relâchement de la tension
intérieure après que la foudre a éclaté. Parmi les divers bénéfices, il
y a possiblement l’admiration de gens qui la perçoivent comme une
force de caractère: « Toi, tu sais ce que tu veux.Tu n’as pas la langue
dans ta poche et tu ne te laisses pas marcher sur les pieds. » Vous
a-t-elle octroyé des privilèges dans un premier temps ? Permis d’ob-
tenir ce que vous vouliez ? Accordé une quelconque reconnaissance ?
Il est important de mettre en lumière ces gains, d’en prendre
conscience, afin d’ouvrir la voie à des comportements appropriés.

Le prix à payer
© Groupe Eyrolles

Mal canalisée, la colère peut conduire à de la détresse, à un désir de


vengeance et à davantage de colère. Elle est alors lourde à porter,
à l’instar d’un boulet de 30 kg enchaîné à votre pied. Quel en

42
un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

est le poids dans votre vie de tous les jours ? Au fil des ans, se
fait-il notamment sentir sur votre relation avec vous-même et avec
autrui ? Pèse-t-il sur votre santé psychologique et physique ?
Comparons les colères réprimées à plusieurs petites roches que
vous ramassez, parfois machinalement, le long de la route de votre
vie.Vous transportez cette charge qui augmente d’année en année,
sans la déposer. Quelles en sont les conséquences, à votre avis ?
Sur le plan personnel, la colère ainsi enfouie fragilise votre estime
de soi et votre confiance en vous. L’estime de soi, comme votre
compte bancaire, est à la hausse quand vous effectuez fréquem-
ment des dépôts en vous aimant tel que vous êtes, en étant fidèle
à qui vous êtes et en comblant vos besoins. Elle s’accroît égale-
ment quand vous cherchez à améliorer ce qui va à l’encontre de la
meilleure version de vous-même. Étroitement liée à la confiance
en soi, l’estime se bâtit aussi en posant, sur une base régulière, des
actions qui sont une source de valorisation. Elle est toutefois à la
baisse au moment où vous procédez à des retraits, par exemple en
vous comportant de façon contraire à vos valeurs, vos croyances,
vos opinions. Ou lorsque vous ne respectez pas vos besoins ni
vos limites. Considérant ces explications, saisissez-vous mieux les
coûts qui découlent de ce type de colère sur votre estime et votre
confiance ?
Voyez si les frustrations accumulées engendrent de la rancœur, du
ressentiment et des interprétations en tous genres, qui finissent par
© Groupe Eyrolles

prendre de la place à l’intérieur de vous. Votre tête s’en empare


sans doute pour inventer et ressasser de multiples scénarios, qui
créent et nourrissent de l’inconfort. En plus de compromettre

43
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

votre bien-être, ces histoires non fondées et non vérifiées vous


éloignent du moment présent et ont une incidence sur votre
qualité de vie.
Par conséquent, la colère étouffée en vient à instaurer une certaine
distance entre les personnes qui vous entourent et vous, voire à
vous déconnecter d’elles.Votre manque d’authenticité risque d’ap-
pauvrir le lien qui vous unit. En ne leur donnant pas l’heure juste,
elles ne savent malheureusement pas à quoi s’en tenir avec vous.
Vous privez la relation d’échanges réels et sincères, qui la cultivent
et l’enrichissent.
À force d’ignorer votre colère, un danger d’explosion vous guette.
Quand elle éclate, souvent pour une bagatelle, elle provoque des
ravages. Les choses ravalées sortent à la va-comme-je-te-pousse.
C’est à n’y rien comprendre, autant pour vous que pour votre
interlocuteur. Dans ce débordement, avez-vous peur de « perdre
le contrôle » ? Des paroles que vous regrettez ensuite s’échappent-
elles ? Hanté par la culpabilité, accablé par la honte, vous en payez
cher le prix.
Longuement refoulée, même si elle tonne parfois, cette colère
augmente le stress. Ces deux camarades ont d’ailleurs tendance
à s’alimenter mutuellement. La colère peut être détournée dans
l’alcool, la drogue, la nourriture et bifurquer du côté de l’in-
somnie. Elle peut également se frayer un chemin dans votre
corps et alors s’exprimer par une baisse d’énergie, des tensions
© Groupe Eyrolles

musculaires, diverses douleurs, dont des maux de dos et de tête,


des problèmes de digestion, de foie ou de peau. C’est ce qu’on
appelle la somatisation.

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

Lorsqu’elle est retournée contre soi, il arrive que la colère se mani-


feste par la dépression ou l’anxiété.
La colère déguisée par des comportements passifs-agressifs laisse, elle
aussi, des traces. Bien que lancées subtilement, les roches atteignent
leur cible.Vous reconnaissez-vous ? Si oui, vous n’êtes pas dupe de
vos manœuvres et des prétextes que vous invoquez pour expliquer
votre conduite. Les regrets et le ressentiment s’installent, sans parler
de la honte, de la culpabilité et de votre estime qui dégringole.
Les gens qui vivent avec vous ou qui vous côtoient savent-ils sur
quel pied danser avec vous ? Quelle perception ont-ils de vous ?
Exposés par ricochet à votre colère, par exemple par des oublis
prétextés ou de la procrastination, croient-ils que vous manquez
d’organisation ? Que vous n’êtes pas fiable ? En fermant la porte
au dialogue, en boudant, en les critiquant de manière implicite,
cela affecte vos relations, qui se fragilisent puisque les véritables
problèmes ne sont pas abordés.
Quant à votre santé psychologique, remarquez l’impact qu’ont
ces stratégies indirectes sur votre bien-être, votre anxiété, votre
sommeil. Qu’en est-il de votre santé physique ? Observez si une
baisse d’énergie, des tensions musculaires et des maux de tête
accompagnent vos comportements passifs-agressifs.
Finalement, se rapprochant d’une colère volcanique qui projette de
grosses roches, la colère dirigée vers l’extérieur est problématique et
© Groupe Eyrolles

dommageable quand elle est trop fréquente et trop intense. Avec le


temps, votre estime et votre confiance en vous en seront affaiblies.
Suscite-t-elle des regrets, de la honte et de la culpabilité, une fois

45
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

retombée, lorsque vous pensez à ce que vous avez dit ou fait ? Vous
amène-t-elle à déplorer des décisions que vous avez prises ? À vous
isoler ? À éviter celles et ceux que vous avez offensés ? Ou à vous
confondre en excuses, souhaitant qu’ils passent, au plus vite, l’éponge ?
Les personnes qui ont subi vos foudres ne l’entendent cepen-
dant pas toujours de cette façon. Prennent-elles leur distance ?
S’éloignent-elles de vous ? Vous fuient-elles ? Vous quittent-elles ?
Si elles restent malgré tout dans les parages, quelle est la qualité de
la connexion entre vous ? Sans conteste, la colère excessive altère
vos relations amoureuses, familiales, sociales et professionnelles.
Danie Beaulieu, une consœur psychologue du Québec, illustre très
bien les coûts relationnels de la colère en se servant d’une feuille de
papier froissée. J’ai proposé cet exercice à Antoine, un de mes clients
qui s’emportait souvent et rapidement au sein de son équipe de travail.
Sylvie : Lors de la consultation précédente, vous me racontiez,
Antoine, que vous perdiez régulièrement votre sang-froid au boulot
et que cela vous attirait des ennuis avec vos employés.
Antoine : Absolument ! Je deviens furieux dès l’instant où les
échéances ne sont pas respectées et c’est malheureusement monnaie
courante.
Sylvie : Si vous le permettez, je vais reprendre quelques-uns des
propos que vous m’avez rapportés et nous allons en déterminer
l’impact.Voyez cette feuille. Elle est propre, aucun pli, aucune tache.
© Groupe Eyrolles

Elle représente les tout premiers contacts que vous avez eus avec les
membres de votre équipe le jour où vous avez fait leur connaissance.
Quand vous déchargez votre colère sur eux, voici ce qui se produit.

46
un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

Sylvie (froisse la feuille, renverse un peu de café sur celle-ci, déchire


un des coins): Combien de fois faudra-t-il encore que je le répète:
les retards sont i-nac-cep-ta-bles ! Au lieu de bavarder entre vous
et d’étirer vos pauses, vous pourriez accélérer la cadence. Par
moments, j’ai l’impression que des enfants seraient plus fiables et
efficaces que vous.
Antoine: C’est vrai que je tiens de telles paroles, mais je m’en excuse.
Sylvie (essaie de déchiffonner la feuille) : Excusez-moi tout le
monde ! Vous le savez: ça me stresse tellement lorsqu’on n’arrive
pas à livrer la marchandise aux dates convenues. Mettez-y du vôtre
et j’y mettrai du mien, d’accord ?
Antoine : Je comprends où vous voulez en venir… Des marques
restent sur la feuille même si vous avez tenté de la défroisser.
Sylvie: Demander pardon n’efface effectivement pas les blessures infli-
gées par la colère. Il est toutefois possible d’apprendre à l’exprimer saine-
ment et respectueusement.Aimeriez-vous poursuivre cet objectif ?
Ce type de colère nuit aussi à votre santé psychologique et physique.
Comme la colère emprisonnée, celle qui vole en éclats peut mener
à l’anxiété et à la dépression, causer des troubles du sommeil, des
problèmes liés à l’alimentation de même que des problèmes de
consommation de substances. Sur le plan physique, des problèmes
digestifs, des problèmes de peau tels que l’eczéma, le risque d’une crise
cardiaque et d’un accident vasculaire cérébral sont
© Groupe Eyrolles

Elles coûtent cher,


principalement cités dans la littérature portant sur le
les colères mal
sujet. C’est votre santé, vous en conviendrez, qui en canalisées.
souffre au bout du compte. Et votre qualité de vie.

47
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Les conséquences négatives qui découlent de ces formes de colère


sont donc multiples. Ne vous méprenez pas: elles ne sont néan-
moins pas rattachées à la colère saine, qui est déposée au fur et à
mesure.

Passons à l’action !

Cet exercice évalue les coûts de votre colère. Encerclez votre type de
colère prédominant, inscrivez son sous-type s’il y a lieu et voyez-en
l’impact dans différents aspects de votre vie.

Colère tournée versl’intérieur,


déguisée oudirigée
versl’extérieur
Relation avec soi-même

Exemples: estime de soi,


confiance en soi, ressentiment,
regrets, honte, culpabilité, tristesse
Relations interpersonnelles
(amoureuses, familiales, sociales
etprofessionnelles)

Exemples: distance, manque


d’authenticité, qualité
delarelation, perception
desautres, torts causés, rupture
Santé psychologique
© Groupe Eyrolles

Exemples: anxiété, dépression,


insomnie, problèmes liés
àl’alimentation, consommation
desubstances

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un e é m o t I o n a u x m u lt I p l e s v I s a g e s

Colère tournée versl’intérieur,


déguisée oudirigée
versl’extérieur
Santé physique

Exemples: baisse d’énergie,


tensions musculaires, maux
de tête, problèmes digestifs,
problèmes de peau

Votre façon de réagir a-t-elle réglé ou amplifié le problème auquel vous


faisiez face ? Expliquez.
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Durant la prochaine semaine, observez les manifestations de votre


colère et les conséquences qui s’ensuivront.

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© Groupe Eyrolles

49
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Récapitulons…
• La colère s’inscrit sur un continuum et les formes qu’elle revêt sont
variées. Nous y retrouvons les colères tournées vers l’intérieur
(la colère contre soi et les colères réprimées), les colères déguisées
(les comportements passifs-agressifs et la colère déplacée), la
colère dirigée vers l’extérieur et la colère affirmative.
• Les colères mal canalisées procurent des bénéfices secondaires,
c’est-à-dire des avantages qui renforcent les comportements qui
leur sont associés et qui vous poussent à les adopter de nouveau.
Il est important d’en prendre conscience puisqu’ils nuisent à la
motivation d’effectuer des changements.
• Les colères tournées vers l’intérieur, les colères déguisées et la
colère dirigée vers l’extérieur sont lourdes à porter. À la longue, leur
poids se fait notamment sentir sur votre relation avec vous-même
et avec les autres. Des conséquences se répercutent également sur
votre santé psychologique et physique.

© Groupe Eyrolles

50
Chapitre

Dans votre sac à dos


3
La vie est un long voyage… Peu importe la direction que vous lui
donnez, la destination que vous choisissez, certaines choses sont
essentielles afin que la satisfaction de vos besoins et la protection
de vos valeurs vous accompagnent. D’autres augmentent le poids
de votre valise et freinent votre liberté d’action. Dans votre balu-
chon, y a-t-il un passé qui pèse lourd ? Des expériences qui vous
ont écrasé ? Des peurs qui vous barrent le chemin ? Des croyances
qu’il serait temps de remettre en question ? Si oui, le moment est
venu d’opérer un tri dans votre sac à dos et de déposer l’excédent
de bagages pour être en mesure de voyager plus léger.
Votre relation avec la colère s’est construite au sein de votre famille
et de l’environnement social et culturel dans lequel vous avez
grandi.À mon avis, votre histoire d’apprentissage de la colère et les
modèles que vous avez eus teintent davantage la manière dont vous
la vivez et l’exprimez que le font les prédispositions génétiques.
© Groupe Eyrolles

Évidemment, il peut y avoir une part d’inné dans votre lien avec
la colère mais, en tant que psychologue, je suis davantage attentive
aux facteurs acquis. Étudions-les ensemble, si vous le voulez bien.

51
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Le jardin où vous avez poussé


Vous souvenez-vous de Lauréanne, que nous avons rencontrée
au chapitre précédent ? Quand son père est décédé alors qu’elle
était en bas âge, sa grand-mère maternelle est venue habiter avec sa
mère, ses deux frères, sa sœur et elle. Elle raconte qu’elle n’a jamais
entendu sa mère ni sa grand-mère refuser quoi que ce soit à qui
que ce soit, et encore moins manifester leur mécontentement ou
leur colère. Elle a compris que la colère n’était pas légitime, non
par ce qui lui a été dit, mais par ce qui lui a été montré. Il n’y avait
pas de règles explicites interdisant la colère à la maison. Néanmoins,
Lauréanne s’est soumise à une règle implicite en observant simple-
ment sa mère et sa grand-mère: la colère n’a pas sa raison d’être.
Ce modèle de femmes qui se sacrifient pour tout le monde et qui
ravalent leur colère, elle l’a mis dans son sac à dos.
Fabien, dont nous avons aussi parlé au chapitre 2, était enfant
unique. Dans son milieu familial, la règle était stricte et claire: la
colère, quelle qu’en soit la forme, n’était pas autorisée. Ses parents,
qui l’associaient à un manque de respect, le réprimandaient sévère-
ment s’il osait afficher son désaccord ou leur tenir tête.Très jeune, il
a saisi que le jeu n’en valait pas la chandelle et qu’il était préférable
de garder sa colère en lui, malgré son bouillonnement intérieur. Il
s’isolait dans sa chambre et la ruminait durant des heures.
Dans la famille Richard, c’était le contraire : le tonnerre gron-
© Groupe Eyrolles

dait souvent. Antoine, ce gestionnaire qui s’emportait lorsque les


échéances étaient repoussées, est issu d’un foyer où le père était
soupe au lait, la mère imprévisible, ce qui produisait des cocktails

52
da ns v ot re s ac à d os

explosifs. Il ne redoutait pas de les confronter et d’affirmer sa façon


de penser, quitte à ce que des punitions lui pendent au bout du
nez. Au grand désespoir de sa sœur Marie-Élaine qui, spectatrice
des débordements de son père, a conclu qu’il était plus sage de ne
pas ajouter son grain de sel dès l’instant où il était en colère. Elle
s’épargnait ainsi bien des ennuis, se répétait-elle. Et elle ne voulait
surtout pas lui ressembler. Or, au fil des années, non seulement
a-t-elle tu sa colère, mais elle a piétiné tout autant ses limites. Sa
crainte de la colère s’est étendue à la peur de blesser les gens, de les
décevoir, de ne plus être aimée et d’être rejetée si elle s’opposait à
leurs idées ou à leur volonté. La même famille et des apprentissages
pourtant fort différents.
Chez Éloïse, la colère était une émotion comme les autres. Ses
parents adoptifs ont enseigné à leurs cinq enfants, filles et garçons,
qu’elle était normale et qu’ils avaient le droit de l’exprimer. Pas
n’importe comment, cependant. Naturellement, leurs esprits
n’étaient pas constamment à l’unisson et quand ils s’échauffaient,
ils leur ont montré comment nommer leur colère, donner leur
point de vue et écouter celui du reste de la maisonnée dans le
respect. Ilyavait certes des dérapages ici et là. Ils étaient néanmoins
contrôlés la plupart du temps puisqu’ils en percevaient les signes,
se retiraient momentanément pour permettre à la tension de dimi-
nuer et revenaient une fois calmés pour poursuivre la discussion.
Voilà ce qui lui a été inculqué.
© Groupe Eyrolles

Les expériences vécues dans l’enfance et l’adolescence influencent


la relation que vous avez tricotée avec la colère. Elles déteignent
sur la manière dont vous y réagissez aujourd’hui. Vous ont-elles

53
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

conduit à l’ignorer ou à la museler ? À en faire votre mode de


réponse privilégié pour arriver à vos fins ? À la canaliser correc-
tement ? La bonne nouvelle est qu’il est possible d’apprendre à la
moduler, si nécessaire, afin qu’elle ne vous empêche plus d’être aux
commandes de votre vie, tel que nous le verrons dans la deuxième
partie du livre, où des outils vous seront proposés.

Passons à l’action !

Explorez votre histoire familiale pour comprendre comment ce que


vous avez entendu et vu a joué un rôle sur l’expression de votre colère
et vos réactions en sa présence.

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Quelles sont les règles implicites et explicites au sujet de la colère qui


prévalaient au sein de votre famille ? Quels en ont été les impacts ?

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© Groupe Eyrolles

La société dans laquelle vous avez évolué


Les messages provenant de votre famille se sont greffés à ceux qui
étaient et sont toujours véhiculés dans la société. Oui, les époques

54
da ns v ot re s ac à d os

changent. Force est toutefois de constater que certains effets néga-


tifs de la socialisation, qui transmet des normes et des valeurs diffé-
rentes selon le genre et/ou le milieu social, subsistent.
La socialisation a ainsi encouragé les filles à révéler les émotions
liées à leur vulnérabilité, comme la tristesse et la peur. Elles ont
saisi, dès leur jeune âge, que la colère n’était « pas belle », pas accep-
table. Le chemin de la peine s’y est souvent substitué.Adultes, elles
ont vu que la colère pouvait être associée à la folie ou à l’hystérie,
qu’il valait mieux l’étouffer et s’en éloigner. Si elles déviaient de
cette route, elles savaient qu’elles seraient pénalisées tant dans leur
vie personnelle, conjugale, familiale, sociale que professionnelle. Ou
qu’elles ne seraient pas prises au sérieux, qu’on se moquerait d’elles
et qu’on les traiterait de geignardes si elles sortaient des sentiers
battus. Lorsqu’elles s’y aventuraient malgré tout, elles ont réalisé
que leur colère suscitait une réaction de colère de la part des autres
ou de la désapprobation.
Chez les garçons, très tôt dans leur vie, la colère est devenue une
alliée dont ils se sont servis pour se protéger et se défendre. Envieil-
lissant, ils en ont tiré parti pour faire de même à l’égard des êtres
qui leur sont chers. Les émotions représentant la vulnérabilité,
qui ne correspondent pas au modèle masculin traditionnel, ont
été réprimées. Encore aujourd’hui, bien des hommes craignent
de paraître faibles s’ils affichent leur tristesse ou leurs peurs. Ils en
ont honte et préfèrent ne pas les partager. Ils continuent d’inté-
© Groupe Eyrolles

rioriser les normes de la masculinité traditionnelle caractérisées


notamment par le pouvoir et la force. Et la colère est l’une de ses
manifestations.

55
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Ceci étant dit, il existe sans conteste des hommes qui, à l’instar
de Philippe, enfouissent leur colère en eux. Vous vous souvenez
de lui ? Il a la réputation d’être très conciliant et s’interdit toute
colère. Il se trouve aussi des femmes qui ne mâchent pas leurs mots
et qui ne se gênent pas pour signifier leur désaccord haut et fort.
Charlotte, qui s’emporte facilement au boulot, est du nombre.
Gardez en tête que les femmes et les hommes éprouvent de la colère
en réponse à des éléments déclencheurs similaires. Ils la ressentent
Le temps ne serait-il avec une fréquence et des niveaux semblables.
Là où se joue la différence, c’est dans l’intério-
pas venu d’effectuer
risation et l’extériorisation de celle-ci, fruit en
l’inventaire de
grande partie de la socialisation.
votre sac à dos ?

Passons à l’action !

Dans votre sac à dos, y a-t-il des produits de la socialisation qui teintent
votre relation avec la colère ? Précisez votre pensée.
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Si le contenu de votre sac à dos est accablant, êtes-vous prêt à le


reconsidérer et à vous décharger de son lest ? Commentez.
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© Groupe Eyrolles

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56
da ns v ot re s ac à d os

Les mythes ont la vie dure


Les mythes et les fausses croyances que vous entretenez à propos de
la colère ont une incidence sur la relation que vous avez avec elle.
Ils peuvent contribuer à ce que vous la refouliez ou justifiiez vos
réactions colériques.Voyons si certains de ces mythes gagneraient à
être déboulonnés.
• La colère n’est pas bonne en soi. Il faut l’éviter.
• Je n’ai pas le droit d’être en colère.
• La colère mène immanquablement à la violence.
• Il est souhaitable de ravaler ma colère pour ne pas faire
d’histoires.
• Je serai rejeté ou humilié si j’affiche ma colère.
• Les autres sont responsables de ma colère: « Regarde dans quel
état tu me mets ! »
• « Ça sort comme ça sort ! C’est en dehors de mon contrôle. »
• « Pas question de me laisser manger la laine sur le dos ! »
• Les gens qui expriment leur colère avec fougue sont respectés.
Puisqu’elles influencent vos émotions et vos comportements, il
est primordial d’être conscient de ces croyances limitantes et de
vous rappeler qu’elles ne dépeignent pas la vérité absolue, bien
que vous estimiez qu’elles soient vraies. Elles sont susceptibles
de vous inciter à réagir de la même façon dans une situation
donnée et de constituer un frein vous empêchant de composer
© Groupe Eyrolles

sainement avec votre colère. Évaluez si elles vous sont utiles dans
le cheminement que vous avez entrepris pour mieux vivre avec
cette émotion.

57
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Et de nos jours ?
Nombre de parents n’épousent plus les stéréotypes masculins
et féminins en éduquant leurs enfants et cherchent à déve-
lopper chez leurs fils et leurs filles des compétences émotion-
nelles, que l’on appelle également « intelligence émotionnelle »,
sans égard à leur sexe. Moïra Mikolajczak, docteure en psycho-
logie, spécialisée dans l’étude des émotions, définit cinq grandes
compétences:
• la capacité d’identifier nos émotions et celles d’autrui ;
• la compréhension de leurs causes et des conséquences qui en
découlent ;
• leur expression de façon socialement acceptable ;
• la gestion du stress et la régulation des émotions quand elles ne
sont pas adaptées au contexte ;
• et leur utilisation au service du bien-être.
Certes, plusieurs jeunes adultes se sont libérés des rôles sexuels
traditionnels, mais les représentations sexuelles binaires se perpé-
tuent et retentissent dans les relations interpersonnelles ainsi que
dans le lien qui est établi avec les émotions. Dont, bien sûr, la colère.
Dans ma pratique privée, je rencontre davantage de gens, femmes
et hommes, qui se sont délivrés de ces chaînes traditionnelles. Des
femmes qui ressentent leur colère, qui ne la cachent plus et qui se
risquent à la déposer malgré les peurs qui les tenaillent encore. Et
© Groupe Eyrolles

des hommes qui la maîtrisent, en dépit de leur bouillonnement


intérieur, qui la canalisent et ne la laissent plus éclater à tout bout
de champ.

58
da ns v ot re s ac à d os

Nathalie me consulte pour sortir de ce carcan. Elle se souvient de


deux fois où elle a cédé à sa colère.À 8 ans, dans la cour de récréa-
tion, elle s’était mise à hurler puis à courir derrière un garçon de
sa classe qui lui avait volontairement lancé un ballon au visage.
Elle avait ensuite glissé dans une flaque d’eau et ses camarades
avaient ri d’elle. Humiliation totale ! Elle a aussi en tête l’image
très claire du CD de son groupe préféré qu’elle avait cassé en mille
morceaux, sous une pluie de paroles crues, pour que sa sœur cesse
de le lui chiper. Elle avait 14 ans. Comme elle s’était sentie triste
et stupide d’avoir détruit de la sorte ce CD qu’elle aimait tant !
Où la colère pourrait-elle la mener ? À partir de cet instant, elle
la barricada en elle pour échapper à ce genre d’incidents malheu-
reux. Ce qu’elle fit jusqu’à ce qu’elle décide, à 43 ans, de demander
de l’aide, fatiguée, de son propre aveu, qu’on marche sans arrêt sur
ses plates-bandes.
Graduellement, elle apprivoisa sa colère. Elle reconnut d’abord où
elle se logeait dans son corps, identifia les peurs qui l’accompa-
gnaient et observa, sans les nourrir, les pensées qui tentaient de la
bâillonner. Petit à petit, elle osa, même s’il lui arrivait de trembler,
de dire « non, ça ne me convient pas » ou « ça suffit ». Elle en vint à
exprimer ses besoins, à défendre ses droits et ses valeurs fermement.
Vous voulez y parvenir vous aussi ? Des conseils vous seront fournis
au chapitre7.
Sur le coup de la colère, Kayden prenait régulièrement des déci-
© Groupe Eyrolles

sions impulsives, à l’instar de son père et de son grand-père.


La dernière sur sa liste le convainquit de me consulter. Il avait
quitté, à nouveau, son amoureuse à la suite d’une mésentente,

59
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

mais ce fut la goutte de trop pour elle. Une réconciliation n’était


plus envisageable pour Brithany. Kayden, qui éprouvait des senti-
ments sincères envers elle, eut le cœur brisé et regretta profondé-
ment sa conduite.
Durant sa démarche, il se rendit compte qu’entre le moment où
la colère montait en lui et celui où il agissait, il y avait un laps de
temps, parfois court il est vrai, qui lui permettait d’effectuer des
choix. Il constata comment il attisait le feu par son discours inté-
rieur. Humblement, il réalisa à quel point l’intensité de sa colère
avait dû être un fardeau pour Brithany. Il cerne maintenant mieux
les enjeux liés à ses problèmes, est en mesure de les régler adéqua-
tement et de fonder ses décisions sur ses valeurs.
Naturellement, le cheminement de Nathalie et de Kayden pour
changer leur relation avec la colère ne s’est pas fait en claquant
des doigts. Il démontre toutefois qu’il est possible, nonobstant ce
qui se trouve dans votre sac à dos, d’aller de l’avant.

© Groupe Eyrolles

60
da ns v ot re s ac à d os

Récapitulons…
• Les règles implicites et explicites qui existaient au sein de votre
famille biologique ou adoptive ont influencé votre relation avec la
colère. Elles peuvent, encore aujourd’hui, affecter la manière dont
vous cohabitez avec cette émotion.
• La socialisation véhicule des normes et des valeurs différentes selon
le genre et/ou le milieu social. Elle joue un rôle dans l’intériorisation
de la colère et dans la façon de l’extérioriser.
• Les mythes et les croyances limitantes à propos de la colère ont
un impact sur vos émotions et vos comportements. Ils risquent
également de contaminer la relation que vous avez avec celle-ci.
• Il importe de développer, tant chez les filles que chez les garçons,
des compétences émotionnelles, sans égard à leur sexe.
© Groupe Eyrolles

61
Chapitre

Le feu aux poudres


4
Tout comme nous avons besoin de matériel de toute sorte pour
faire un feu – papier journal, bois d’allumage, bûches et allu-
mettes–, une combinaison de facteurs sont à l’origine de la colère
et façonnent le lien que vous avez avec elle. Certaines conditions
favorisent son éclosion, d’autres l’attisent et d’autres encore l’entre-
tiennent.Variant d’un individu à l’autre, ces éléments sont souvent
intriqués et se regroupent sous l’abréviation des « 3 P », soit les
facteurs prédisposants, précipitants et perpétuants.
Les connaître et les reconnaître vous aideront à mieux comprendre
votre colère et à apprendre à vivre sainement avec elle. Vous
serez ainsi en mesure de saisir ce qui vous fait réagir de telle ou
telle manière lorsqu’elle se manifeste. Quelles sont vos zones de
vulnérabilité ? Quels sont les déclencheurs qui l’activent et la
maintiennent ?
© Groupe Eyrolles

En identifiant les fils qui vous relient à votre colère, en sachant


détecter les indices qui vous avertissent d’un foyer d’incendie et
les signes qui alimentent le brasier, il vous sera possible d’orienter

63
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

vos choix afin qu’elle ne représente pas un obstacle entre la vie que
vous menez et celle à laquelle vous aspirez.Vous pourrez, de plus,
protéger votre relation avec vous-même et celle que vous avez avec
les gens qui vous entourent.

Des terreaux fertiles


Les caractéristiques biologiques et psychologiques propres à
chacun constituent des terrains propices à la colère. On les
appelle les facteurs prédisposants. Relativement stables dans le
temps, les facteurs héréditaires et génétiques, comme le tempé-
rament et le caractère, qui sont des dimensions de la personnalité,
sont du nombre. Des expériences traumatisantes dans l’enfance,
par exemple si vous avez été élevé dans un milieu marqué par la
violence, appartiennent aussi à cette catégorie. Des dysfonctionne-
ments familiaux, rendant le quotidien imprévisible et insécurisant,
la colère foudroyante de l’un ou des parents et l’intimidation à
l’école laissent tout autant de traces qui s’impriment en vous et qui
tissent votre lien avec la colère.Vous être frotté à ces types d’ad-
versité peut influencer, structurer même, les représentations que
vous vous faites du monde. Cela signifie qu’il devient alors ardu
de concevoir un monde qui diverge de celui où vous avez grandi.
Des croyances selon lesquelles la colère est nécessaire pour être
entendu, respecté et vous défendre, ou qu’il est périlleux de l’exté-
rioriser, sont susceptibles d’émerger.
© Groupe Eyrolles

À la lumière des facteurs prédisposants, reprenons l’exemple


d’Antoine et de Marie-Élaine, le frère et la sœur que nous avons
rencontrés aux chapitres 2 et 3. Antoine était un garçon au

64
le f eu a ux p ou dr es

tempérament bouillonnant. Téméraire et casse-cou, il était aven-


tureux et n’aimait pas qu’on lui dicte sa conduite. Son père, dont
les colères étaient volcaniques, s’emportait quand il sortait ainsi du
cadre, ce qui donnait lieu à des joutes de confrontations. Impulsif,
Antoine se fâchait souvent, pas longtemps cependant, provoquant
des disputes entre sa mère et lui. À l’école, puisqu’il avait du mal
à tenir en place, il recevait régulièrement des réprimandes, qu’il
contestait sans gêne. Il n’avait pas froid aux yeux, mais se rappelle
encore avec émotion le jour où l’un de ses camarades de classe,
gentil et généreux, s’est noyé lors d’une activité de fin d’année
scolaire organisée par leur enseignante. Le monde est injuste, a-t-il
fini par croire.
Le tempérament d’Antoine s’est greffé aux colères ardentes de son
père, aux réprimandes répétées sur les bancs de l’école, au trau-
matisme causé par la mort de son compagnon de classe et aux
croyances qui en ont découlé. Ces facteurs prédisposants ont semé
en lui des conditions influant sur la façon dont il se comporte
aujourd’hui en présence de sa colère.
Marie-Élaine, pour sa part, était une fillette au tempérament
introverti. Les colères de son père la paralysaient, l’humeur
instable de sa mère l’insécurisait, ce qui a suscité en elle la peur
de verbaliser ce qu’elle pensait et ressentait. Elle fuyait les conflits
et la tension qui régnaient à la maison en se réfugiant dans sa
chambre où elle trouvait une bouffée de calme. Elle appréciait la
© Groupe Eyrolles

solitude et préservait sa bulle, cet espace intérieur où elle réflé-


chissait aux choses de la vie et rêvassait à de meilleurs lende-
mains.Victime d’intimidation à l’école, elle ravalait sa colère par

65
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

crainte que celle-ci en provoque davantage chez les filles qui


s’en prenaient à elle. Le monde est menaçant, en est-elle venue
à conclure.
La manière avec laquelle Marie-Élaine compose actuellement avec
la colère est tributaire de divers facteurs. Elle transporte dans son
bagage biologique un tempérament introverti, qui a été renforcé
par les colères de son père et l’imprévisibilité de sa mère. Ce
contexte familial l’a amenée à se taire et à réprimer ses émotions.
Le fait d’avoir été victime d’intimidation à l’école y a également
contribué.Au fil des ans, elle a ainsi acquis la certitude que la colère
était redoutable et l’a enfermée à double tour en elle.
Les facteurs génétiques, le milieu où l’enfant évolue, les réactions
de ses parents, la façon dont ils l’éduquent et le disciplinent, les
expériences vécues et leur interprétation entrent donc ici en ligne
de compte. Sachez qu’il est possible de développer des ressources
pour contrebalancer les facteurs de risque ou les atténuer et en
réduire les conséquences.

Passons à l’action !

Étudiez vos composantes biologiques et psychologiques et notez celles


qui ont établi votre relation avec la colère.

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© Groupe Eyrolles

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66
le f eu a ux p ou dr es

Vos boutons sensibles


L’étendue du deuxième « P », les facteurs précipitants, est vaste.
Ils comprennent un large éventail de situations, d’événements,
de rencontres, d’incidents des plus anodins aux plus significatifs.
Ces déclencheurs, qui peuvent être externes ou internes, sont
susceptibles d’activer vos croyances erronées et votre colère. Afin
d’en arriver à faire bon ménage avec elle et à l’exprimer respec-
tueusement, il est essentiel de connaître vos boutons sensibles.
Regardons ça de plus près. Les sources externes de la colère sont
multiples et varient d’un individu à l’autre. Quelles sont vos
propres pelures de banane qui vous portent à glisser sur le terrain
de la colère ? Il y a sans doute des éléments auxquels vous réagissez
particulièrement.Voyons voir… Est-ce que ce sont:
• des petits riens qui vous contrarient : votre conjoint remet la
bouteille de lait vide dans le frigo, votre ami se pointe 15minutes
en retard à votre rendez-vous, la personne devant vous à la caisse
paie avec de la menue monnaie alors que vous êtes pressé, un voisin
écoute de la musique festive à 23heures, la communication coupe
après une longue attente en ligne, vous vous cognez les orteils
contre un meuble, vous oubliez de sauvegarder un document ;
• des situations ou des choses sur lesquelles vous n’avez pas le
contrôle : votre voiture tombe en panne sur un pont, il pleut
lors du pique-nique annuel avec les membres de votre famille, le
© Groupe Eyrolles

réseau Internet a des ratés durant une réunion virtuelle impor-


tante, la mauvaise humeur et les comportements de vos proches,
les décisions du gouvernement ;

67
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

• des événements qui vous empêchent d’atteindre vos buts, de


réaliser vos projets, comme la maladie, un accident ou une perte
d’emploi ;
• des injustices qui heurtent vos valeurs fondamentales, telles que
le sexisme, le racisme, la discrimination ;
• des attaques personnelles, des critiques, des insultes, des menaces
à votre égard ;
• des divergences d’opinions majeures qui donnent lieu à de vives
confrontations ;
• vos limites, vos besoins, vos droits qui ne sont pas respectés par
votre entourage.
La colère des gens autour de vous peut aussi éveiller la vôtre.
Vous assistez à un match de football avec votre frère et vous êtes
tous deux enthousiastes, mais voilà que des partisans, juste à votre
gauche, commencent à crier des bêtises aux arbitres, à injurier les
entraîneurs et à huer les joueurs de votre équipe préférée qui se
dirige vers la défaite. À votre insu, leurs réactions et comporte-
mentsvouscontaminent et vous vous emportez à votre tour.
Même si certaines situations vous font facilement sortir de vos
gonds, si des événements provoquent en vous un vif mécontente-
ment, si quelqu’un appuie sur vos boutons sensibles, volontairement
ou non, retenez que vous êtes responsable de votre colère. Elle vous
appartient. Aucun déclencheur n’excuse les érup-
© Groupe Eyrolles

Vos boutons tions.Aucun ne justifie le choix de la museler.


sensibles relèvent
de vous. Il est également capital d’identifier les causes internes
de votre colère. Plutôt que de rejeter la faute sur

68
le f eu a ux p ou dr es

une influence externe, en l’occurrence une situation, un événe-


ment ou une personne, recherchez en vous la manière dont vous
percevez et interprétez ce qui se passe. Une situation suscitera des
émotions fort différentes selon le scénario que vous imaginez.Vous
sentez instantanément la colère monter en vous lorsqu’un passant
vous apostrophe sur le trottoir. Vous êtes offusqué par ce manque
de civisme jusqu’à ce que votre sœur vous apprenne que cet ancien
collègue souffre d’un grave traumatisme crânien à la suite d’une
blessure subie en pratiquant le ski alpin.Votre colère s’essouffle et
cède la place à la compassion.
Ce n’est pas tant l’élément externe qui allume le feu, mais la lecture
que vous en faites. Alors que vous ressentiriez de la colère dans un
contexte donné, il est possible que votre voisin éprouverait de la
tristesse, du désarroi ou de l’indifférence. En partie en raison de vos
discours intérieurs respectifs, vos émotions et réactions ne seraient
pas identiques.
Tendez donc l’oreille aux pensées surgissant dans votre tête, qui
remplissent votre verre ou provoquent un débordement, afin de
vérifier si:
• elles sont automatiques, du type « Il me cherche ! », « Elle se fiche
de moi ! », « J’en ai marre ! », « On m’ignore » ;
• vous adoptez des règles inflexibles et adhérez à des croyances
rigides à propos de vous, des gens et du monde: « Je suis inca-
© Groupe Eyrolles

pable d’exprimer ma colère », « Ils ont tort d’agir ainsi », « Lepays


est dirigé par des cons » ;
• vous tenez mordicus à vos idées et à vos principes ;

69
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

• vous tirez une conclusion hâtive ou attribuez une signification


erronée de l’attitude des personnes que vous côtoyez ;
• vous les jugez sévèrement et étiquetez leurs comportements de
façon désobligeante: ils sont stupides, fainéants, mesquins… ;
• vous considérez ce qu’ils vous disent sous l’angle d’une menace
à votre égo.
Soyez aussi à l’écoute des émotions qui sont susceptibles de déclen-
cher votre colère, telles que la peur, la rancune, la jalousie, l’hu-
miliation, le dégoût et l’ennui. Épluchez-les comme un oignon.
Enlevez la première pelure et découvrez l’émotion qui s’y trouve.
Poursuivez votre exploration en retirant la deuxième puis la
troisième jusqu’à ce que vous soyez au cœur de l’oignon. Ce faisant,
vous aurez accès à des couches de plus en plus profondes d’émo-
tions qui vous auraient d’abord échappé.
Sachez pareillement qu’il existe des facteurs qui réduisent votre
tolérance à la frustration et qui risquent de vous rendre davantage
irritable:
• la faim et la soif ;
• le manque de sommeil et la fatigue ;
• la maladie, la douleur physique, la souffrance émotionnelle ;
• le stress découlant notamment de la pression au travail, de la
surcharge de travail, de problèmes financiers et de difficultés
© Groupe Eyrolles

relationnelles ;
• l’alcool et certaines drogues comme la cocaïne et la métham-
phétamine.

70
le f eu a ux p ou dr es

Par ailleurs, plusieurs troubles mentaux, dont le trouble explosif inter-


mittent et le trouble de la personnalité limite, incluent la colère dans
leurs manifestations. Il arrive qu’on la retrouve chez les personnes
qui sont atteintes de dépression, de troubles anxieux, du trouble
de stress post-traumatique, du trouble obsessionnel compulsif, de
troubles bipolaires, du trouble du déficit de l’attention avec ou sans
hyperactivité (TDAH) ou de troubles liés à une substance.
Gardez également à l’esprit que la colère est l’une des étapes du
deuil. Elle peut être difficile à avouer, surtout si elle est éprouvée
envers le défunt.
Vous le constatez : les facteurs précipitants sont nombreux.
Tantôt externes, tantôt internes, ils ouvrent la voie à la colère.
En comprenant de quel bois ils se chauffent, il vous sera possible
de mieux composer avec celle-ci afin qu’elle ne s’enflamme pas
dangereusement.

Passons à l’action !

Parmi les facteurs externes préalablement énumérés et/ou que vous


aviez dépistés de votre propre chef, quels sont ceux qui propulsent
votre colère ?
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..................................................................................................

..................................................................................................
© Groupe Eyrolles

En vous référant aux causes internes précédemment mentionnées et/ou


que vous aviez détectées par vous-même, inscrivez celles qui génèrent
de la colère en vous.

71
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

..................................................................................................
..................................................................................................
..................................................................................................
Des « patterns », qu’ils soient rattachés aux facteurs externes ou
internes, se répètent-ils ? Si oui, quels sont-ils ?
..................................................................................................
..................................................................................................
..................................................................................................

De l’huile sur le feu


Une fois que votre colère a été déclenchée par des sources externes
ou internes, il est nécessaire d’identifier les facteurs perpétuants
qui la maintiennent. Impliquant souvent une interaction entre des
émotions, des pensées, des réponses physiologiques et des compor-
tements, ils se renforcent les uns les autres. Leur connaissance peut
éviter que vous y restiez pris.
Votre colère est-elle alimentée par des émotions ? De la peur, de la
honte, de la culpabilité ? Des regrets amers, de vieilles blessures, des
souvenirs douloureux ressassés viennent-ils la nourrir ? À moins
que cela soit des erreurs irréparables ou de mauvaises décisions
que vous ne réussissez pas à digérer. Ou encore des pertes de
© Groupe Eyrolles

toutes sortes que vous avez sur le cœur. Nous verrons au chapitre6
comment accueillir votre souffrance avec compassion afin qu’elle
n’entretienne pas votre colère.

72
le f eu a ux p ou dr es

Les pensées et les croyances à propos des situations ou des événe-


ments qui ont déclenché votre colère et qui la justifient à vos
yeux ne lui permettent pas de se déposer. Ainsi, les pensées auto-
matiques que vous remâchez, les règles que vous resserrez et les
croyances rigides que vous épousez perpétuent votre colère. Il
en est de même lorsque vous vous convainquez que les choses
doivent survenir de telle manière, que vous rabâchez les conclu-
sions hâtives auxquelles vous êtes parvenu, que vous en rajoutez
sur les significations erronées que vous donnez à l’attitude des
êtres qui vous entourent et que vous multipliez les jugements
à leur égard. Les jugements envers vous-même produisent des
résultats similaires.
Au moment où vous vivez une expérience éprouvante ou désa-
gréable, votre esprit cherche-t-il à blâmer quelqu’un ? À la question
« Pourquoi cela m’arrive-t-il ? », avez-vous tendance à en attribuer
la cause à celles et ceux que vous côtoyez ? À les tenir responsables
de vos malheurs, de votre colère ? À les accabler de reproches ? Et
à vous éterniser sur le sujet ?
Sachez que les blâmes s’accentuent avec la rumination. Dès que
vous passez et repassez dans votre tête ce qui vous a choqué, les
paroles qui vous ont heurté, une conduite que vous désapprouvez,
avez-vous remarqué que vous en voulez de plus en plus à cette
personne ? En la blâmant sans retenue et en lui imputant tous les
torts, vous soufflez sur le feu de votre colère. Le même phénomène
© Groupe Eyrolles

se manifestera si vous la retournez contre vous et que vous vous


blâmez pour vos faux pas, sans en démordre. Un mode de rumina-
tion, qui ne débouche pas sur une résolution de problèmes ou des

73
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

leçons à apprendre, active et réactive vos émotions. Cela n’apporte


rien de bon et prolonge votre colère.
Votre colère s’étire aussi quand vous dramatisez ce qui survient et que
vous en amplifiez les conséquences: « Je ne m’en remettrai jamais. »
Quand vous refusez d’accepter ce qui n’est pas en votre pouvoir:
« Non, c’est non ! Je ne me plierai pas à ces nouveaux règlements. »
Pareillement, votre colère perdure si vous avez des attentes irréa-
listes ou des exigences démesurées par rapport à vous-même et aux
gens, leur prêtez des intentions malveillantes, présumez qu’ils vous
contrarient délibérément, ne retenez que quelques détails de leurs
faits et gestes et vous accrochez au point de vue que vous vous êtes
forgé de cette façon.
Vos réponses physiologiques ont tout autant leur mot à dire dans
le maintien de la colère. Revoyons certaines d’entre elles: l’aug-
mentation du rythme cardiaque et de la fréquence respiratoire, le
froncement des sourcils, le serrement des dents, les poings fermés.
Les comportements ont également voix au chapitre : rouler des
yeux, gesticuler, insulter et crier, pour ne nommer que ceux-là.
La liste qui regroupe les principaux comportements et réac-
tions physiologiques associés à la colère se trouve au chapitre 1.
Révisez-la si nécessaire.
Rappelez-vous que les émotions, les pensées, les réponses physio-
© Groupe Eyrolles

logiques et les comportements sont en interrelation et se confortent


mutuellement. Chacune de ces composantes alimente la colère à sa
manière et contribue à ce qu’elle persiste.

74
le f eu a ux p ou dr es

Passons à l’action !

Analysez une de vos colères qui continue de bouillonner à l’intérieur


de vous. Notez:
• ce que vous ressentez et nourrissez sur le plan émotionnel :
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• les pensées que vous ressassez et les croyances qui l’entretiennent :
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• les réactions physiologiques qui ont été suscitées :
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..................................................................................................
• et les comportements que vous avez observés :
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En vous appuyant sur vos connaissances, qu’est-ce qui fait que votre
colère est toujours aussi ardente ?
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© Groupe Eyrolles

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Récapitulons…
• Les « 3 P », soit les facteurs prédisposants, précipitants et perpétuants,
forment le lien qui a été établi, celui que vous tricotez et que vous
cultivez avec la colère. Ils varient d’une personne à l’autre.
• Le premier « P » réunit vos caractéristiques biologiques et psycho-
logiques. Les facteurs prédisposants comprennent également les
expériences de votre enfance qui vous ont marqué, la façon dont
vos parents ont composé avec leur propre colère et les croyances
qui en ont découlé.
• Les facteurs précipitants, le deuxième « P », sont les déclencheurs
externes ou internes qui peuvent activer vos croyances erronées
et ouvrir la voie à votre colère. Des incidents, tantôt insignifiants,
tantôt importants, allument votre tableau de bord. Votre perception
ou votre interprétation de ce qui se passe risque aussi de mettre le
feu aux poudres.
• Une fois déclenchée, votre colère est maintenue par une interaction
entre vos émotions, vos pensées, vos réponses physiologiques et
vos comportements, qui se renforcent mutuellement. Ce sont les
facteurs perpétuants. Il s’agit du troisième « P ».
Synthétisez-les ici. Quels sont vos principaux :

Facteurs prédisposants ?

Facteurs précipitants ?
© Groupe Eyrolles

Facteurs perpétuants ?

76
Partie 2

Outils et stratégies
© Groupe Eyrolles
Chapitre

La voie de la gestion
5
À présent que vous l’avez apprivoisée, vous êtes en mesure de
mieux transiger avec votre colère et d’en faire une alliée. En déve-
loppant une meilleure connaissance de vous, en sachant comment
elle s’inscrit dans votre histoire, en saisissant ce qu’elle cherche à
vous dire, ce qui la cause et l’entretient, vous pourrez composer de
façon constructive avec les situations qui la provoquent et la gérer
sainement.Ainsi, vous ne la laisserez plus vous dominer et contrôler
votre vie.
Une bonne gestion de la colère passe par l’identification des
déclencheurs. Si vous avez sauté cette étape, je vous invite à
retourner au chapitre 4 afin d’en cibler les facteurs prédispo-
sants, précipitants et perpétuants. Quand vous en aurez reconnu
les sources internes et externes, il vous sera possible d’adopter les
stratégies qui vous permettront de l’extérioriser dans le respect
de vous-même et des autres. Par conséquent, vous parviendrez
© Groupe Eyrolles

à réduire ou éliminer les coûts qui y sont associés et à renoncer


aux bénéfices secondaires dont nous avons parlé. Revoyez-les, au
besoin, au chapitre2.

79
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

La réponse à votre colère est entre vos mains.Vous avez le choix. En


constatant que la route que vous avez suivie jusqu’à maintenant vous
a attiré des ennuis, le moment ne serait-il pas venu d’emprunter un
chemin différent ? Cette voie s’ouvre à vous. Qu’importe l’âge que
vous avez, osez le changement !

Un lion en cage
J’aime les métaphores. En présentant les choses de manière
imagée, elles enrichissent notre réflexion et notre compréhen-
sion. Je me plais à comparer la colère à un lion. Êtes-vous de ces
personnes chez qui il sommeille ? Vous en arrivez même à nier
son existence et ne réalisez pas qu’il draine votre énergie. Un de
ces jours, il rugit et cause des ravages en s’échappant de sa cage.
Vous l’y ramenez et l’y enfermez en vous assurant que la porte
reste close. Or, pour combien de temps ? À moins que vous soyez
de celles qui lui donnent régulièrement de la viande à se mettre
sous la dent, peut-être par mégarde. Si grassement nourri, votre
lion grossit et grossit. Il rugit de plus en plus souvent, de plus
en plus fort. Lorsqu’il sort de sa cage, les gens n’ont qu’à bien
se tenir !
Vous n’aspirez sans doute pas à vous transformer en un domp-
teur de lions ! Que vous ayez tendance à l’ignorer ou à l’alimenter,
êtes-vous prêt à le regarder droit dans les yeux, à tendre l’oreille afin
qu’il ne vous dévore pas ou qu’il ne fasse pas fuir votre prochain ?
© Groupe Eyrolles

Les techniques de gestion de la colère vous apprendront à le calmer


et à réfléchir avant d’agir. Leur but n’est pas de chasser le lion, mais
d’éviter les débordements.

80
la v oI e de l a ge st Io n

Diminuer l’activation physiologique


de votre colère
Quand le feu se répand à l’intérieur de vous comme une traînée
de poudre, il est malgré tout envisageable de limiter les dégâts en
court-circuitant l’activation physiologique. C’est ce que j’ai proposé
à David, un client qui, après avoir été licencié, était à la recherche
de moyens pour ne plus que sa colère soit aussi dévastatrice.
Sylvie : Vous m’avez confié, David, que votre colère explose sans
que vous ne la voyiez venir.
David:Tout à fait ! Elle monte en flèche à la vitesse de l’éclair. Mon
cœur se met alors à battre à plein régime.
Sylvie :Vous avez là un premier indice: l’augmentation de votre
rythme cardiaque. C’est un point de départ. Je vous invite à réflé-
chir à votre dernier épisode de colère pour explorer ce qui s’est
passé ailleurs dans votre corps.
David: Je ne le sais vraiment pas. Je me rappelle seulement que je
faisais les cent pas dans la pièce.
Sylvie: Il s’agit d’un deuxième signe. Beau travail, David ! Dirigez
votre attention sur votre respiration et continuez à visualiser cette
scène. Ne vous pressez pas.
Plusieurs secondes plus tard…
David: Ah oui ! Je serrais la mâchoire et les poings très fort en me
© Groupe Eyrolles

répétant: « Je n’ai pas d’ordres à recevoir de ce minable. » En ne


reprenant pas mon souffle et en le pointant du doigt, je lui ai lancé:
« Vas-tu te la fermer, sale petit con ! » suivi d’un flot d’insultes.

81
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Sylvie : Outre les sensations physiques rattachées à votre colère,


vous avez identifié une pensée qui jette de l’huile sur le feu. Nous
y reviendrons. Pour l’instant, je vous suggère de mettre l’accent
sur vos manifestations corporelles dès que vous vous frotterez à
une situation ou à des propos qui vous indisposeront pour muscler
votre capacité à les reconnaître.Vous serez éventuellement capable
d’appliquer des stratégies pour calmer le jeu.
Il est essentiel de déceler les signes physiques de votre colère, tel
que conseillé au chapitre 1. Si vous ne vous y êtes pas arrêté,
retournez à la page21 pour effectuer l’exercice. Cela facilitera le
reste de vos apprentissages. Il peut d’abord être ardu de saisir ce
qui se produit à l’intérieur de vous, mais avec de la pratique, vous
y arriverez.
Lorsque le feu est ainsi allumé, la règle numéro un est de ne pas
ouvrir la bouche tant que vous n’avez pas noté une diminution
de l’activation physiologique de votre colère. John Gottman, un
psychologue américain que j’estime beaucoup, affirme que nous
ne sommes plus en mesure d’écouter ce que quelqu’un nous
dit et, par conséquent, de traiter adéquatement les informations
transmises quand notre rythme cardiaque excède les 100batte-
ments par minute. L’accélération de la fréquence cardiaque et
respiratoire, les sueurs et les autres sensations
N’ouvrez pas physiques indiquent une surcharge émotionnelle.
la bouche tant
Le cortex préfrontal, qui est notamment associé à
© Groupe Eyrolles

que l’intensité
de votre colère la résolution de problèmes, à la prise de décision
n’a pas diminué. et au raisonnement, ne fait alors plus correctement
son travail.

82
la v oI e de l a ge st Io n

À la lumière de ces explications, David a compris l’importance de


diminuer l’activation physiologique de sa colère. Je lui ai recom-
mandé d’expérimenter divers moyens pour y parvenir tout en
lui signifiant que cela ne résout rien sur le moment, mais que ça
circonscrit le feu en attendant qu’il s’apaise, afin qu’il ne brûle pas
les personnes qui sont à ses côtés. Il sera ensuite nécessaire de déve-
lopper des habiletés supplémentaires, ai-je insisté. Voici les outils
que je lui ai proposés.
La première stratégie est de Marsha Linehan, une psychologue
américaine de grande renommée. Elle consiste simplement à
appuyer les mains, paumes ouvertes vers le haut, sur les cuisses.
Cette position désactive la colère. Cela semble difficile à croire ?
Essayez-la sitôt que la colère commence à bouillonner.Vous verrez:
ça marche !
Toujours dans le but de réduire l’activation physiologique de votre
colère, passez longuement vos mains et vos avant-bras sous un jet
d’eau froide. L’eau froide sur le visage aura le même effet, c’est-
à-dire de vous saisir.
Ce répertoire englobe des exercices de respiration, qui vous seront
présentés ultérieurement.
Finalement, il est impératif de vous retirer momentanément
lorsque vos manifestations physiologiques sont intenses. Sans quoi
– souvenez-vous de la bouteille de Coca-Cola que vous ouvri-
© Groupe Eyrolles

riez après l’avoir secouée vigoureusement– votre colère éclabous-


sera les gens autour de vous. Il sera alors impossible de remettre le
liquide à l’intérieur, tout comme de reprendre les paroles blessantes

83
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

prononcées sur le coup de la colère.Attendez donc que ça se calme


avant d’ouvrir la bouteille. Il y a un intervalle, ne serait-ce qu’une
fraction de seconde, entre la montée de la colère et votre réaction,
durant lequel vous pouvez intervenir.Vous avez le contrôle de votre
bouchon !
La technique du « time-out » vous sera utile en ce sens. La façon de
procéder est la suivante:
• Quittez sur-le-champ l’endroit où vous vous trouvez en préve-
nant la personne avec qui vous êtes de votre départ, et ce, même
si elle vous presse de régler la mésentente immédiatement. Dites
brièvement et respectueusement quelque chose du genre : « Je
suis trop en colère pour poursuivre cette discussion » ou « J’ai
besoin d’une trêve pour mettre de l’ordre dans mes idées ; on
se reparle sous peu » ou encore « Je ne veux pas t’imposer ma
colère, c’est pourquoi je vais me retirer ; nous conviendrons d’un
autre rendez-vous ».
• Ne ressassez pas les pensées liées à votre colère. Il est fondamental
de ne pas continuer à « secouer votre bouteille de Coca-Cola »
pendant ce laps de temps. Sinon, vous n’arriverez pas à vous
placer dans un état d’esprit favorable à l’introspection.
• Apaisez-vous physiologiquement en effectuant des exercices de
respiration, de relaxation, ou de la méditation.
• Adonnez-vous à une activité qui vous calme ou qui vous distrait,
© Groupe Eyrolles

comme écouter de la musique.


Pour que votre corps décompresse, la pause devrait durer au
minimum 20minutes. Si vous la prolongez, il est important que le

84
la v oI e de l a ge st Io n

délai soit court (soit un maximum de 48heures) afin que vos souve-
nirs de l’altercation ne s’estompent pas. Pour qu’elle ne serve pas de
prétexte pour éviter ou fuir le dialogue, il vous faudra suggérer un
moment pour revenir sur le sujet, puis vous excuser sincèrement,
admettre vos torts et faire amende honorable si des blessures ont
été infligées. Vous aurez aussi à exprimer vos besoins plutôt que
de recommencer à accabler l’autre de reproches et à accueillir son
opinion bien que vous ne la partagiez pas. Rappelez-vous qu’une
stratégie qui n’a pas mené à de bons résultats jusqu’ici n’en appor-
tera pas de meilleurs dans le futur.
Une fois que votre bouillonnement intérieur sera atténué, vous
serez en mesure d’envisager une nouvelle perspective par rapport
à la situation. Plus vous vous accorderez un tel répit, plus vous
développerez votre confiance en votre capacité à vous maîtriser.
Une alternative à cette halte relationnelle est de révéler à votre
interlocuteur ce qui se passe en vous: « Je sens la colère monter à
l’intérieur de moi. » Cela vous donnera la possibilité d’évaluer l’in-
tensité de votre colère et de décider s’il vaut mieux, ou non, cesser
cet échange acrimonieux.
Entendons-nous : diminuer l’activation physiologique de votre
colère n’agit pas sur la source de celle-ci. Cela peut néanmoins
prévenir une escalade. Lorsque le feu aura perdu de sa puissance et
que vous aurez les idées plus claires, vous serez disposé à comprendre
ce qu’elle avait à vous dire.
© Groupe Eyrolles

85
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Passons à l’action !

Parmi les moyens qui vous ont été proposés pour réduire l’activation
physiologique de votre colère –appuyer vos mains sur vos cuisses, tremper
vos mains et vos avant-bras dans de l’eau froide ou vous en asperger le
visage, pratiquer des exercices de respiration et recourir à la technique
du « time-out »–, quels sont ceux que vous avez déjà employés ?
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..................................................................................................

Qu’est-ce qui en a découlé ?

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..................................................................................................
Vous êtes-vous tourné vers des moyens différents pour désactiver votre
colère ? Si oui, lesquels ?
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..................................................................................................

Qu’en a-t-il résulté ?


..................................................................................................
© Groupe Eyrolles

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86
la v oI e de l a ge st Io n

Relisez les stratégies précédemment présentées et ciblez celles que


vous n’avez jamais expérimentées.

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..................................................................................................

..................................................................................................

Engagez-vous à en utiliser une lors de votre prochain trop-plein de


colère puis relatez votre expérience.

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..................................................................................................

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Gérer votre colère : ça s’apprend


Déterminé à ne plus laisser la colère être aux commandes de
sa vie, David a appris à reconnaître les sensations physiques qui
l’informaient qu’une bombe était sur le point d’éclater pour
arriver à la désamorcer. Puis il a acquis des habiletés pour la gérer.
Après avoir appliqué chacune des quatre stratégies pour en dimi-
nuer l’activation physiologique dont nous avions discuté, il en a
adopté deux: mettre de l’eau froide sur son visage et se retirer
© Groupe Eyrolles

temporairement.
Tel que je l’ai expliqué à David, il ne suffit pas de vous retirer pour
que le « time-out » soit constructif.Vous vous devez d’effectuer un

87
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

voyage intérieur pour savoir ce qui vous affecte tant. Dans ce tête-
à-tête avec vous-même, je vous recommande de:
• réfléchir à ce qui est survenu et de partir à la recherche des
facteurs qui ont pu déclencher votre colère ;
• déceler vos pensées automatiques du style « Ils le font exprès ! » ;
de vous demander si vous adhérez à des croyances voulant que les
gens soient malveillants, mal intentionnés. Dans le même registre,
croyez-vous que le monde est injuste, que la colère est incontour-
nable pour être respecté ou qu’il est dangereux de l’exprimer ?
Portez-vous des jugements sur la normalité des comportements
des personnes avec qui vous êtes en désaccord ? Tirez-vous des
conclusions hâtives sur ce que vous percevez, voyez, entendez ?
Si oui, il est important de ne pas ressasser ce discours intérieur
susceptible de nourrir votre colère et de vous ramener dans l’ins-
tant présent, comme nous l’explorerons au chapitre6 ;
• plonger dans votre univers émotionnel. Diverses émotions se
sont-elles greffées à votre colère ? Étudiez la possibilité que de
vieilles blessures aient été réactivées. Cette prise de conscience
vous aidera à relativiser les choses ;
• retourner la caméra vers vous et de vous avouer votre part de
responsabilité dans ce qui est arrivé au lieu d’essayer de vous y
soustraire en blâmant les autres ;
• songer à ce que vous pourriez faire à l’avenir dans une situation
semblable.
© Groupe Eyrolles

En étant ainsi à l’écoute de lui-même, David a compris de quelle


façon il attisait sa colère. Il s’est rendu compte que des réponses
différentes étaient à sa portée dans la mesure où il restait attentif à

88
la v oI e de l a ge st Io n

ce qui se passait en lui. Dans le but d’avoir plusieurs cordes à son


arc, il a varié les stratégies pour bien la gérer.
Sylvie : Dites-moi, David, depuis la séance précédente, comment
avez-vous composé avec votre colère ?
David: Je réalise de plus en plus que la colère ne se pointe pas
dans un beau ciel bleu, sans s’annoncer. Je ne les voyais pas avant,
pourtant il y a toujours des nuages qui précèdent le tonnerre et
l’orage. Je remarque non seulement que mon cœur bat vraiment
vite, que je fais les cent pas et que je serre la mâchoire et les
poings très fort, mais aussi que ma respiration s’accélère, que je
me mets à avoir chaud et que des tensions apparaissent dans mes
épaules.
Sylvie : En actionnant les freins plutôt qu’en enfonçant l’accélé-
rateur, vous avez découvert des choses qui se trouvaient dans vos
angles morts. Bravo ! J’ai insisté sur l’importance de vous retirer
lorsque vous constatez que les témoins lumineux rouges de votre
tableau de bord s’allument de la sorte.Y réussissez-vous ?
David: Oui et non… Durant les deux dernières semaines, j’ai pensé
au « time-out » après avoir engueulé un de mes anciens compa-
gnons de travail sous prétexte qu’il ne s’était pas positionné quand
j’ai été licencié. J’ai ensuite eu tellement honte de moi puisqu’il
était venu me saluer et prendre de mes nouvelles. Une autre fois,
je me suis arrêté au moment où j’ai lancé une pluie de critiques à
© Groupe Eyrolles

ma conjointe, qui avait encore laissé ses produits de beauté sur le


meuble de la salle de bains et son manteau sur la rampe d’escalier.
J’ai eu envie de riposter à ses blâmes, c’est certain, mais je me suis

89
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

souvenu que c’était préférable de me taire. Je me suis contenté de


l’informer que j’irais me calmer au sous-sol.
Sylvie: Excellente description du processus de changement, David.
Auparavant, vous répétiez les mêmes comportements, sans vous
poser de questions. Dans le premier cas, vous vous êtes aperçu que
vous avez rejoué le scénario connu auprès de votre ex-collègue. Il
s’agit d’un pas dans la bonne direction. Dans le second, en choi-
sissant de quitter la pièce alors que la colère risquait de créer une
escalade entre votre conjointe et vous, vous avez franchi un pas
supplémentaire. Avec le temps et le travail sur vous-même, vous
parviendrez à gérer votre colère de mieux en mieux, ce qui ne
signifie pas que vous ne trébucherez pas ni ne retomberez dans vos
vieilles habitudes.
Au cours de la séance suivante, nous avons identifié le genre de
situations ou d’événements susceptibles de soulever sa colère en
étudiant ses récentes explosions. Nous avons décortiqué ses pensées,
ses paroles et ses gestes, qui étiraient l’élastique de la tension. En
s’appuyant sur une échelle subjective de 0 à 10 (0 =pas de colère ;
10 =intensité maximale), je lui ai suggéré de situer le niveau de
celle-ci lors de ses interactions afin d’évaluer s’il se sentait capable
de la gérer adéquatement.
La consultation subséquente fut consacrée à une préparation
mentale pour l’entraîner à répondre autrement à sa colère en
© Groupe Eyrolles

imaginant de multiples déroulements et dénouements. Puis nous


avons examiné les conséquences négatives qui en découlent, à
court et à long terme, pour lui et pour autrui. Plus tard, nous avons

90
la v oI e de l a ge st Io n

approfondi le rôle des pensées et des croyances dans la gestion de


sa colère.
Sylvie: Puisqu’il y a un lien entre ce que vous pensez, ce que vous
ressentez et comment vous réagissez, revenons, si vous le voulez
bien, aux pensées du type « Je n’ai pas d’ordres à recevoir de ce
minable » et « Sale petit con » qui vous ont déjà traversé l’esprit.
Sans vous juger, avez-vous ainsi tendance à étiqueter les gens et
leurs comportements ?
David: Dans ma famille, j’avoue qu’on a la gâchette facile avec les
jugements. « Il est comme ceci », « Elle est comme cela ». On dit ce
qui nous passe par la tête, sans détour. On n’a pas de filtre, quoi ! Et
on ne se gêne pas pour prêter des intentions au monde. « Il se fout
de ma gueule ! », « Elle veut me nuire, c’est sûr. » Le pire, c’est qu’on
se croit ! Mon père, qui ne faisait pas dans la dentelle, était un as en
la matière ! Il nous a montré qu’il ne faut pas nous laisser mener par
le bout du nez. « C’est de cette manière que vous serez respecté »,
insistait-il. Il a cependant oublié de mentionner une petite chose:
le respect, ça va dans les deux sens.
Sylvie: Nous sommes des humains avec nos forces et nos vulné-
rabilités. En accordant le bénéfice du doute à vos semblables, vous
réduirez le poids de votre colère, ce qui vous
Il y a un lien
amènera à voyager plus léger. Je vous encourage à
entre ce que vous
porter attention à ce que votre tête vous raconte. pensez, ce que
© Groupe Eyrolles

Voyez si vous considérez vos pensées comme étant vous ressentez


la vérité absolue et estimez-en l’impact. Ne négligez et comment
pas l’influence qu’elles ont sur votre colère. vous réagissez.

91
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

La gestion de la colère implique une telle introspection. Elle requiert


une connaissance de soi. Cela ne se fait pas en un tournemain. Les
techniques et les moyens servant à la contrôler ne constituent pas
un substitut à ce travail. Ces deux volets sont complémentaires et
indissociables.
Aux dernières nouvelles, David avait déniché un emploi. Il continue
de cibler les facteurs qui déclenchent sa colère et d’être attentif aux
pensées qui la nourrissent. Il monte moins souvent sur ses grands
chevaux et lorsque cela arrive, il applique les stratégies pour court-
circuiter l’activation physiologique de son emportement.

D’autres aspects de la gestion de la colère


Plus vous aurez d’outils dans votre boîte, plus vous serez en mesure
de gérer sainement votre colère. Sans vouloir dresser une liste exhaus-
tive des moyens pratico-pratiques qui existent, je vous présente mes
favoris. Je suis persuadée qu’ils vous seront utiles pour autant que vous
y recouriez régulièrement. Je vous conseille de vous entraîner pour
commencer dans des situations où la charge émotionnelle est faible.
Les activités physiques
Bouger aide à canaliser et à évacuer votre colère tout en libérant
votre trop-plein. Mais attention ! Il ne s’agit pas de vous défouler
sur un sac de frappe, car cela aurait pour effet de la renforcer, tel que
nous le verrons sous peu. Je vous invite plutôt à choisir une acti-
© Groupe Eyrolles

vité physique, par exemple la marche, la marche rapide, le jogging,


une balade à vélo, le golf, le tennis ou la natation, sans rechercher
d’intensité.

92
la v oI e de l a ge st Io n

Les exercices de respiration


Pensez à ralentir votre respiration quand vous sentez la colère s’em-
parer de vous. Mettez une main sur votre poitrine et l’autre sur
votre ventre, inspirez lentement et profondément par le nez en
gonflant votre ventre, retenez votre respiration pendant quelques
secondes et expirez doucement en laissant l’air s’échapper par votre
bouche. Respirez une vingtaine de fois de cette façon.
Cet exercice vous sera aussi salutaire: la respiration rafraîchissante,
qui est une technique employée en yoga. Pour l’acquérir, il suffit de
rouler votre langue pour former une espèce de petit tuyau ou de
pincer les lèvres de la manière dont vous vous y prenez pour siffler.
Inspirez lentement par la bouche puis fermez-la et expirez par le nez.
La cohérence cardiaque
Lorsque vous ressentez une émotion intense comme la colère, votre
rythme cardiaque s’accélère ; il devient irrégulier et saccadé. Par des
respirations lentes et profondes, il est possible d’apaiser le cœur et la
tempête émotionnelle. Permettant de contrôler votre respiration et
la variabilité des battements de votre cœur, la cohérence cardiaque
est une alliée pour faire redescendre votre colère.
Effectuez l’exercice de préférence assis, le dos droit. Décroisez vos
jambes et vos bras. Posez vos mains sur vos cuisses. Inspirez durant
cinq secondes par le nez et expirez durant cinq secondes par la
bouche. La fréquence souhaitée est de l’ordre de six respirations par
© Groupe Eyrolles

minute, une inspiration suivie d’une expiration comptant pour une


respiration. La constance est requise, à raison de trois fois par jour
et de cinq minutes par occasion.

93
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

À partir du moment où respirer à cette fréquence sera devenu un


automatisme, vous pourrez utiliser la cohérence cardiaque dans
n’importe quelle situation.
La relaxation
Avant d’atteindre le point d’ébullition, apprenez à décompresser en
vous tournant vers des techniques de relaxation. Parmi celles-ci:
la relaxation musculaire progressive, qui consiste à contracter
à tour de rôle des groupes de muscles des pieds jusqu’au cou
– ou l’inverse – durant quelques secondes puis à les relâcher.
Notez la différence entre la tension et la détente. Au début de
l’exercice et à la fin de la décontraction de chaque groupe de
muscles, inspirez profondément, retenez votre respiration pendant
quelques secondes et expirez lentement. Durant le reste de l’exer-
cice, respirez normalement. La relaxation apporte une sensation
decalme.
Le yoga et la méditation
Toujours dans le but de vous décontracter et d’apaiser votre colère,
pourquoi ne pas essayer le yoga ? Certaines postures accompagnées
d’une respiration profonde et consciente permettent de la réguler.
Il n’est pas nécessaire de devenir un maître yogi pour ce faire, mais
une pratique régulière est tout de même recommandée.
La méditation peut également s’avérer bénéfique pour vous
détendre et assoupir votre colère. En vous concentrant sur votre
© Groupe Eyrolles

respiration – en inspirant profondément et en expirant douce-


ment– et en vous connectant à l’instant présent, vous arriverez à
tranquilliser votre corps et votre esprit.

94
la v oI e de l a ge st Io n

La visualisation
La visualisation est un outil additionnel pour recouvrer votre calme.
Imaginez un endroit paisible où il ferait bon vous trouver, un envi-
ronnement qui vous insuffle du bien-être, que ce soit un cours
d’eau, une montagne, un jardin fleuri, que sais-je encore ?
Asseyez-vous confortablement, fermez les yeux et centrez-vous
sur votre respiration. Laissez votre corps se détendre. Décrivez
le lieu où vous êtes. Prêtez attention à ce que vous voyez autour
de vous, aux sons que vous entendez, aux odeurs que vous
percevez, aux sensations sur votre peau… Imprégnez-vous de
cette expérience. Ce havre de calme vous est accessible en
touttemps.
Une idée supplémentaire ? Remémorez-vous un moment de votre
vie lors duquel vous vous êtes senti serein. Pour bénéficier pleine-
ment de cette visualisation, ayez de nouveau recours à vos sens et
à votre respiration.
L’expression artistique
Les activités artistiques ouvrent la voie à l’expression de la colère de
façon créative. La peinture, le dessin, le chant, la danse ou le théâtre
permettent d’extérioriser ce que vous ne parvenez pas toujours
à mettre en mots ni même à comprendre. Votre colère est ainsi
déposée, mais autrement. Il est également possible de la libérer par
la musique, par exemple en jouant des percussions. Si vous cher-
© Groupe Eyrolles

chez à l’apaiser, orientez votre choix vers l’écoute d’une musique


douce et relaxante, des bruits de la nature, du chant des oiseaux ou
des baleines.

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Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

L’écriture
L’écriture est un autre moyen pour exprimer librement la colère
qui vous habite. Écrivez, sans filtre, ce qui vous fâche. Décrivez la
situation, identifiez l’élément déclencheur, notez ce qui vous trotte
dans la tête et ce que vous ressentez afin d’y voir plus clair. Ne
ressassez toutefois pas les pensées et les émotions qui s’y rapportent
pour ne pas alimenter votre colère. Une fois l’exercice terminé,
brûlez vos écrits pour échapper à la tentation de les lire et relire.
Ou de les envoyer à un quelconque destinataire.
Les distractions
Les distractions saines favorisent la régulation de la colère: regarder la
télévision ou votre série préférée, jouer à des jeux vidéo non violents
ou à des jeux de société, naviguer sur Internet, vous promener dans
un parc ou en forêt, changer de sujet lorsque les esprits commencent
à s’échauffer. Le but n’est pas de nier ou d’enfouir votre colère, mais
de la tempérer pour être en mesure, dans un second temps, de saisir
ce qu’elle avait à vous dire et d’agir dans votre intérêt.
L’humour
Grâce à l’humour, votre corps se détend et les tensions intérieures
s’atténuent. Il aide à envisager les choses sous un angle différent, à
tolérer la réalité, voire à l’alléger en la dédramatisant quand elle est
lourde à porter. Il devient alors possible de reprendre la discussion
de manière constructive.
© Groupe Eyrolles

N’utilisez cependant pas l’humour sarcastique, qui est mordant et


susceptible de blesser celles et ceux qui en feront les frais, car cela
envenimerait la situation.

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la v oI e de l a ge st Io n

Dans votre quotidien, créez un climat propice à l’humour: racontez


des blagues, regardez des films comiques, lisez des ouvrages humo-
ristiques ou des bandes dessinées, entourez-vous de gens qui ont le
sens de l’humour.
La parole
Verbaliser ce que vous pensez et ressentez à une personne neutre, en
qui vous avez confiance, peut calmer votre colère en vous amenant
à mieux comprendre ce qui se passe à l’intérieur de vous et à consi-
dérer de nouvelles perspectives.
Il est néanmoins important d’établir une différence entre exprimer
votre vécu et ruminer à voix haute l’histoire qui a soulevé votre
colère en la répétant à un proche, puis à un autre, et encore un autre.
Votre émotion sera entretenue si vous revenez sans cesse sur le sujet.
La résolution de problèmes
Lorsque votre colère est déclenchée par un conflit interpersonnel,
optez pour un exercice de résolution de problèmes afin de la gérer.
Vous devez résister à l’envie de critiquer votre interlocuteur et de
riposter par des injures pour ne pas jeter de l’huile sur le feu. Évitez
également de mettre sur la table des événements survenus antérieu-
rement pour ne pas accroître la charge émotionnelle.
Pour trouver des solutions gagnant-gagnant, arrêtez d’imposer
votre point de vue et de croire que vous avez raison à 100 %. Si
vous restez ainsi sur vos positions, il sera impossible de négocier
© Groupe Eyrolles

un compromis qui sera acceptable pour les deux parties. Pour y


parvenir, une bonne dose de flexibilité est nécessaire de part et
d’autre et chacun doit être prêt à renoncer à quelque chose.

97
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Passons à l’action !

En examinant de près les 12 stratégies pour gérer votre colère qui
viennent de vous être présentées, cochez d’abord celles que vous avez
déjà utilisées. Inscrivez ensuite quels en ont été les avantages et les
inconvénients. Dans la dernière colonne, indiquez celles que vous avez
l’intention d’expérimenter dans le futur.

Dans Dans
Stratégies Avantages Inconvénients
lepassé lefutur
Les activités
physiques
Les exercices
derespiration
La cohérence
cardiaque
La relaxation
Le yoga
etlamédiation
La visualisation
L’expression
artistique
L’écriture

Les distractions

L’humour

La parole
© Groupe Eyrolles

La résolution
de problèmes

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la v oI e de l a ge st Io n

Qu’en est-il des séances de défoulement ?


Dans le passé, bien des thérapeutes, et j’étais du nombre, conseil-
laient à leurs clients de laisser sortir leur colère en frappant dans
un oreiller ou un « punching-ball ». Or, la recherche démontre
aujourd’hui que cela peut exacerber votre colère et augmenter la
probabilité que vous l’exprimiez par la suite de façon inappropriée,
et ce, même si vous éprouvez un soulagement temporaire.
Il y a plusieurs années, alors que j’étais intervenante dans une
maison d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence
conjugale, nous avions monté, mes collègues et moi, un atelier sur
la gestion de la colère. Nous avions fait fabriquer une table dans
laquelle était inséré un épais coussin et nous invitions les femmes à
évacuer leur colère en le frappant à l’aide d’une raquette de tennis.
Elles avaient appris, pour la plupart, à éviter leur colère depuis
longtemps, et cet exercice, qui se concluait par le partage de leur
ressenti, lui ouvrait la porte. À la lumière de ce qu’elles rappor-
taient, nous croyions que cela leur était bénéfique.
Jusqu’au jour où l’une des participantes, après avoir frappé le coussin
avec la raquette à quelques reprises, a agrippé la table et, en moins
de temps qu’il ne faut pour le dire, l’a poussée de toutes ses forces
dans le mur, qui s’est enfoncé, sous le regard stupéfait du reste du
groupe. Au lieu de lui permettre de simplement déposer sa colère,
cet exercice l’avait manifestement enflammée, sans lui enseigner à
© Groupe Eyrolles

gérer adéquatement le trop-plein qui a jailli.


L’exploration du vécu émotionnel des femmes a révélé que
l’expérience a été bouleversante pour elles. Nous nous sommes

99
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

questionnées sur le bien-fondé de telles séances de défoulement


lors des réunions d’équipe subséquentes. Le bilan que nous en
avons dressé fut d’employer des stratégies différentes, comme les
exercices de respiration, l’expression artistique et l’écriture, pour
les amener à s’approcher de leur colère.

Récapitulons…
• Nous nous sommes demandé si un lion sommeillait en vous ou si
vous en nourrissiez un, peut-être par mégarde.
• Nous avons vu des outils variés pour court-circuiter l’activation
physiologique de la colère.
• Nous avons rappelé le lien qui existe entre ce que vous pensez, ce
que vous ressentez et comment vous réagissez, et avons insisté sur
l’importance d’un travail d’introspection afin de gérer sainement
votre colère.
• Nous avons passé en revue plusieurs moyens pratico-pratiques
pour la maîtriser.
• Nous avons glissé un mot sur les séances de défoulement.
© Groupe Eyrolles

100
Chapitre

Le chemin de l’acceptation
6
Dans le chapitre précédent, vous avez appris à contrôler votre
colère et vous vous êtes doté de moyens pour la gérer sainement.
Dans celui-ci, vous découvrirez un chemin différent. En vous y
aventurant, vous aurez toutefois à cesser la lutte que vous lui livrez
et à lâcher prise.
Cette approche ne cible pas directement la réduction de la colère.
Elle n’a pas non plus pour but de vous aider à vous calmer en prati-
quant des exercices de relaxation, tels que ceux qui vous ont déjà
été proposés. Elle vise plutôt à changer la relation que vous avez
avec vos expériences internes, soit vos pensées, vos émotions et
vos sensations physiques. En établissant la distinction entre la colère
comme émotion et la colère comme action, nous verrons l’impor-
tance d’accepter de la ressentir et de l’accueillir consciemment avec
bienveillance.
© Groupe Eyrolles

Pour ce faire, je vous inviterai à muscler votre flexibilité psycho-


logique en démystifiant l’acceptation, en explorant les coûts liés au
contrôle de la colère, en observant sans jugement ce qui se passe en

101
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

vous et en vous ouvrant avec compassion à votre monde intérieur.


Vous aurez aussi à ne pas croire à la lettre tout ce que votre tête vous
raconte, à vivre en harmonie avec vos valeurs et à agir de façon cohé-
rente avec ces dernières même si des vagues de pensées, d’émotions
et de sensations physiques inconfortables déferlent en vous.
Il arrive que la route de la gestion croise celle de l’acceptation.
Quand cela se produit, ne perdez pas de vue l’objectif poursuivi:
cherchez-vous à maîtriser votre colère ou êtes-vous prêt à lui
accorder sa juste place ?

C’est ce qui est là


L’acceptation veut simplement dire: « C’est ce qui est là. » Elle
consiste à être en contact avec vos expériences internes, sans
évaluation ni jugement. À les accueillir et à les laisser être ce
qu’elles sont.
En vous autorisant à ressentir votre colère telle qu’elle est, vous
arrêterez d’argumenter avec elle, de vous évertuer à la transformer
ou de l’entretenir.Vous en viendrez à faire pareil avec le cortège de
pensées, d’émotions et de sensations physiques qui défile en vous.
Vous pourrez canaliser l’énergie ainsi dépensée en faveur de la vie
à laquelle vous aspirez.
En empruntant la voie de l’acceptation, vous
L’acceptation approcherez votre colère différemment, avec
© Groupe Eyrolles

permet d’approcher
compassion.Vous serez davantage disposé à tendre
votre colère
différemment. l’oreille au message qu’elle vous transmet et à y
répondre autrement.

102
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

Les coûts de la lutte et du contrôle


Le contrôle fonctionne super bien lorsque vous accomplissez des
actions. Il est effectivement en votre pouvoir de faire une multi-
tude de choses: préparer un repas, aller promener votre chien,
repeindre les pièces de votre maison, nettoyer votre cour le prin-
temps venu, conduire votre véhicule, téléphoner à un ami…
D’envisager diverses solutions pour résoudre un problème. De
prendre soin de votre santé et de votre bien-être. Et c’est tant
mieux.
Cette règle ne devrait cependant pas régir vos expériences internes
puisque vous avez très peu de contrôle sur celles-ci.Tous les efforts
que vous déployez, tout le temps et toute l’énergie que vous consa-
crez à tenter de modifier, de remplacer, de balayer sous le tapis les
pensées, les émotions et les sensations physiques que vous n’aimez
pas ne sont pas investis pour profiter pleinement de votre quoti-
dien. Et cela affecte votre qualité de vie.
Il ne faut pas se le cacher: la fuite, la lutte ainsi que l’évitement, ça
marche à court terme ! Ces stratégies procurent un soulagement
partiel ou entier. C’est pourquoi elles sont utilisées et réutilisées.
Si vous y avez recours, appliquez-les de manière occasionnelle et
flexible.
Il est essentiel de distinguer ce que vous êtes en mesure de contrôler
© Groupe Eyrolles

de ce qui est hors de votre pouvoir. Lorsque la colère entre en


scène, mettez l’accent sur les choix que vous effectuez et les actions
que vous réalisez.

103
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Des stratégies contre-intuitives


Il existe une alternative à la fuite, à la lutte et à l’évitement. Je vous
propose de la découvrir en vous prêtant au jeu suivant avec moi.
Si vous le voulez, fermez les yeux et imaginez qu’il y a un gouffre
profond entre vous et moi. Vous êtes à l’une des extrémités et à
vos côtés se trouvent des êtres chers, des activités passionnantes
et les projets qui vous tiennent à cœur. Je suis à l’autre bout et je
représente votre colère. Nous sommes reliés par une corde et nous
disputons une partie de tir à la corde.
Nous tirons tous les deux très fort sur la corde pour ne pas tomber
dans le trou. Mais plus vous tirez, plus je tire fort. Vos yeux sont
rivés sur la corde, vos mains la serrent vigoureusement, vos pieds
agrippent le sol. Malgré vos efforts soutenus, vous ne parvenez pas
à vous débarrasser de votre colère. Une véritable lutte sans fin.
Je vous invite à rouvrir les yeux. Que pourriez-vous faire d’autre ?
Pensez-y durant quelques instants. C’est ça ! Si vous cessiez les hosti-
lités ? La décision de lâcher la corde vous appartient. Elle vous permet-
trait d’agir plus librement, de vouer votre temps et votre énergie aux
gens, aux activités et aux projets qui comptent pour vous.
Ah ! Je vous entends vous exclamer: « Mais elle sera encore là, ma
colère ! » Et vous avez raison: elle ne disparaîtra pas pour autant
et elle vous incitera à saisir à nouveau la corde. Lorsque cela se
produira, soyez-en simplement conscient et gardez en tête que
© Groupe Eyrolles

vous avez le choix de la reprendre. Ou de la lâcher quand vous


vous apercevrez que vous l’avez dans les mains.Au lieu de batailler
avec elle, laissez-lui de l’espace.

104
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

Vous vous demandez peut-être ce que « créer de l’espace » signifie…


Pour vous l’expliquer, je me tourne vers un piège à doigts chinois.
Vous savez ? Ce petit cylindre tissé en bambou d’environ 13centi-
mètres de long dans lequel nous insérons un doigt à chacune des
extrémités. Au moment où nous voulons en sortir, nous sommes
portés à tirer. Le piège se resserre alors et nos doigts se retrouvent
coincés dedans. Plus nous tirons, plus nous y sommes pris et plus
l’inconfort augmente. Même si le moyen qui apparaît évident pour
y échapper est justement de tirer, cette réaction initiale ne fonc-
tionne pas. Que feriez-vous si vous étiez dans cette situation ?
Pousser ! Eh oui, en poussant doucement les doigts vers le milieu,
en les rapprochant l’un de l’autre, cela créerait de l’espace dans le
tube et vos doigts pourraient ainsi s’en libérer.
Comme dans le piège à doigts, il est possible de créer de l’espace en
vous pour vous ouvrir à votre colère. Pour ce faire, reconnaissez-la.
Observez les pensées, les émotions et les sensations physiques qui
s’y rattachent. Permettez-lui d’être là. Ne cherchez
pas à vous en éloigner, ne la nourrissez pas, n’y Permettez à votre
colère d’être là.
réagissez pas. En l’apprivoisant, vous vivrez votre
vie avec plus de satisfaction.
Laissez les vagues suivre leur cours
Vous voyez: il n’est pas question de contrôler, de gérer, de maîtriser
la colère. Je prône ici son accueil telle qu’elle est, sans la minimiser,
© Groupe Eyrolles

sans l’amplifier. Une métaphore conçue par mes collègues améri-


cains Eifert, McKay et Forsyth va en ce sens. Voici l’adaptation
qu’elle m’a inspirée.

105
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Recueillez-vous et visualisez un beau grand fleuve. Pas toujours


tranquille… Vous contemplez le ciel à perte de vue, l’étendue
d’eau, les vagues qui roulent avant de toucher la grève puis qui se
retirent.Votre regard se pose sur une famille de canards qui accom-
pagnent le mouvement des vagues. Celles qui sont de faible ampli-
tude les bercent, les grosses les ballottent et les submergent, mais ils
ne s’envolent pas pour autant. Ils restent là et ils flottent.
À l’instar des vagues, les émotions, y compris la colère, vont et
viennent : elles montent, atteignent un pic et redescendent. Il
n’est pas en votre pouvoir de les maîtriser, mais si vous appreniez à
surfer ? Vous pourriez ainsi les laisser suivre leur cours.

À vos marques, observez !


Si vous décidez de renoncer à la gestion de la colère, vous aurez à
inclure l’observation dans votre trousseau de clés.
En observant ce qui est en vous, non seulement deviendrez-vous
conscient de vos expériences internes, mais vous créerez de la
distance par rapport à vos pensées, vos émotions et vos sensations
physiques.Avec la pratique, vous en arriverez à les accueillir, à cesser
de fuir ou de vouloir balayer celles qui vous dérangent, à ne plus
alimenter celles qui ont tendance às’incruster.Vous vous en aper-
cevrez plus rapidement quand vous retomberez dans vos anciennes
habitudes.
© Groupe Eyrolles

Rappelez-vous: vos expériences internes sont une partie de vous.


Elles ne sont pas « vous ». Vous n’êtes pas ce que vous pensez et
ressentez.Vous éprouvez de la colère, mais la colère n’est pas vous.

106
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

Comme une caméra


Adopter la perspective de l’observateur changera votre expérience
avec la colère puisque vous serez en mesure de considérer ce qui se
passe à l’intérieur de vous sans prendre parti. Un peu comme le fait
une caméra qui s’en tient à une chose: filmer. Elle n’apporte pas
de commentaires, qu’ils soient positifs ou négatifs, bons ou mauvais.
Observez ainsi votre colère, sans jugement.
Cette position vous aidera à mettre fin à la lutte contre la colère, à
lâcher la corde, tel que nous l’avons pratiqué dans l’exercice du tir
à la corde. Elle vous permettra d’arrêter un choix: la laisser être,
laréprimer ou vous y accrocher.
Pour développer cette aptitude, je vous suggère de vous placer en
mode observation et d’être pleinement conscient lorsque:
• vous vous acquittez de certaines tâches, la préparation d’un repas,
par exemple ;
• vous êtes sous la douche ou que vous vous brossez les dents ;
• vous vous adonnez à un passe-temps, un loisir ou une activité
physique.
Centrez-vous alors sur l’un ou l’autre de vos cinq sens ou ancrez-vous
dans votre respiration. Au moment où vous constatez que votre
attention s’éloigne, ramenez-la avec bonté sur ce que vous étiez en
train de faire. En musclant de la sorte votre capacité d’observation
© Groupe Eyrolles

au quotidien et en vous exerçant à rester dans l’« ici et maintenant »,


il vous sera possible d’y avoir recours et de désactiver le pilote auto-
matique quand la colère grondera.

107
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

La prochaine fois que la colère vous gagnera, observez ce qui se


produit dans votre corps : votre cœur bat-il vite ? Votre respira-
tion est-elle courte ? Ressentez-vous une lourdeur dans l’estomac
ou des tensions musculaires ? Avez-vous des tremblements ? Votre
mâchoire et/ou vos poings sont-ils serrés ? Remarquez aussi votre
posture et le ton de votre voix.
Faites de même avec vos pensées et vos émotions.Vous n’avez pas
le pouvoir de retenir celles qui vous sont agréables, pas plus que de
chasser définitivement celles qui vous importunent. Observez-les
et respirez. Vous n’avez pas à être d’accord ou en désaccord avec
elles. Mesurez l’impact qu’elles ont sur votre colère.Voyez si elles
les déclenchent ou les intensifient.
Observez finalement comment vous agissez au moment où la
colère s’empare de vous. De quelle manière vous comportez-vous ?
Cela vous nuit-il ou cause-t-il un préjudice à qui que ce soit ?
Sans vous condamner, notez ce qui se dégage de vos actions et de
votre conduite.
C’est à ce travail que Marion s’est livrée. En consultation, elle
m’explique qu’elle ne parle pas lorsque quelque chose l’offusque,
car elle déteste les conflits. Elle encaisse les critiques, ferme les yeux
sur les injustices qu’elle essuie dans son milieu professionnel et ne
bronche pas devant les membres de sa famille qui ne respectent pas
ses besoins. Elle les traite silencieusement d’égoïstes et entretient
© Groupe Eyrolles

du ressentiment à leur endroit. Un jour, sans crier gare, elle pète un


câble et n’y va pas avec le dos de la cuillère pour leur balancer ce
qu’elle a sur le cœur en tremblant de tout son corps. Son entourage

108
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

lui reproche alors de s’énerver pour rien, ce qui l’incite de nouveau


à ravaler sa colère, d’autant plus qu’elle s’en veut de verbaliser ainsi
son mécontentement. Et le cycle recommence…
Marion, qui avait l’impression que ce qu’elle vivait était « pris
ensemble », a appris à observer séparément les différentes compo-
santes de son expérience et à devenir consciente de celles-ci. De
son poste d’observatrice, elle reconnaît désormais les pensées
qui suscitent ou alimentent sa colère. En ajoutant « J’ai la pensée
que… » ou « Ma tête me dit que… » devant une pensée telle que
« Ils sont égoïstes », elle réalise qu’elle s’en détache et la considère
moins comme un fait. L’observation l’amène à prendre du recul par
rapport à ses pensées.
Elle se rend également compte que d’autres émotions emboîtent
le pas à la colère. Elle savait qu’elle éprouvait du ressentiment, mais
elle a découvert qu’il y avait des peurs qui sommeillaient en elle.
Bien avant qu’il se mette à trembler, elle s’aperçoit maintenant que
son corps manifeste des signes : elle a chaud, serre les dents et
ses épaules sont tendues. Son comportement, à savoir ses propos
incendiaires sous le coup de la colère, a été l’élément le plus facile
à identifier pour elle.
En s’ouvrant à cette perspective, elle veille à ce que sa colère ne
dicte plus sa conduite quand elle va à l’encontre de la personne
qu’elle désire être.
© Groupe Eyrolles

La valse des feuilles


Pour muscler votre capacité d’observation, je vous invite sur
le bord d’une rivière. Imaginez-la… Majestueuse, miroitante.

109
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Vous y êtes assis par un bel après-midi d’automne. Voyez l’eau


qui contourne les rochers, qui tourbillonne ici et là. Prêtez
attention aux sons que vous entendez, aux odeurs que vous
humez, au vent et au soleil sur votre peau. Ancrez-vous dans
votre respiration. Des feuilles, qui flottent à la surface de l’eau,
s’approchent de vous. Placez-y, une à une, les pensées reliées
à votre colère. Prenez votre temps… Regardez-les s’éloigner
jusqu’à ce qu’elles soient hors de votre vue. Observez encore
la rivière. D’autres feuilles aux couleurs et aux formes variées
virevoltent et atterrissent en douceur sur la rivière. Déposez-y
votre colère et les émotions qui y sont rattachées, et observez-les
être entraînées par le courant. Inspirez… Expirez… Attendez les
prochaines feuilles puis glissez-y les sensations qui se logent dans
votre corps.Tout ce que vous avez à faire est de les observer être
emportées par les mouvements de l’eau. N’interférez pas avec
elles. Laissez-les aller.
Contrairement aux visualisations proposées au chapitre précédent,
qui avaient pour but de vous aider à recouvrer votre calme, l’ob-
jectif de celle-ci consiste à renforcer votre observateur impartial.
Vous pourrez éventuellement vous appuyer sur lui lorsque vous
vous retrouverez dans des situations chargées de colère. Je vous
recommande de la pratiquer trois fois par semaine durant les deux
semaines à venir.
© Groupe Eyrolles

110
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

Passons à l’action !

En silence, concentrez-vous sur une pensée qui soulève ou nourrit votre


colère pendant environ une minute. Si nécessaire, référez-vous à celles
que vous avez notées aux pages 21 et 75. À présent, juste avant votre
pensée, dites-vous: « Je remarque que je suis en train de penser à… »
ou « Ma tête me raconte que… ». Que constatez-vous ?
..................................................................................................
..................................................................................................
..................................................................................................
Écrivez le mot « colère » sur un bout de papier, placez-le entre vos
mains et poussez dessus très fort durant une trentaine de secondes.
Posez-le ensuite sur vos cuisses. Percevez-vous la distinction entre lutter
contre la colère et l’observer. Qu’en comprenez-vous ?
..................................................................................................
..................................................................................................
..................................................................................................

Place à l’autocompassion et à l’empathie


Au lieu de vous blâmer et de vous juger lorsque vous êtes aux
prises avec la colère, accueillez-la avec bienveillance. Allez à sa
rencontre et demandez-vous ce dont a besoin cette partie de vous.
De sécurité ? De compréhension ? De réconfort peut-être ? Que
© Groupe Eyrolles

souhaite-t-elle vous signaler ? Vos valeurs, vos limites ou vos droits


ont-ils été transgressés ? Votre intégrité psychologique ou physique
est-elle compromise ?

111
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Effectuons une comparaison. En cas de blessure physique, vous


vous en occupez, n’est-ce pas ? Vous ne faites pas comme si de rien
n’était. Je vous invite à adopter cette attitude avec votre colère.
Ne l’ignorez pas.Voyez ce qu’elle s’efforce de vous souffler. Avec
autocompassion, portez votre regard vers elle. Posez une main à
l’endroit de votre corps où elle se loge, appréciez la chaleur qui s’en
dégage et chuchotez-lui: « Je suis avec toi. »
Ayez également de la compassion et de l’empathie envers les autres.
Tentez de les comprendre et développez de la tolérance à leur égard.
Comment vous sentiriez-vous si vous chaussiez leurs souliers ?
Souvenez-vous qu’ils ont eux aussi leur histoire, leur propre bagage
qui inclut une foule de pensées, d’émotions, de difficultés et d’ex-
périences. Ne leur prêtez pas d’intentions et entraînez-vous à
considérer un large éventail d’explications possibles plutôt que de
prétendre qu’ils veulent vous nuire.
Cette ouverture du cœur envers vous-même et les gens qui vous
entourent peut vous amener à vous pardonner de les avoir blessés
par votre colère ou de les avoir laissés vous blesser en la ravalant. Le
pardon repose sur l’engagement à veiller à ce que cela ne se repro-
duise plus, tout en faisant la paix avec ce qui est arrivé. Il consiste à
vous libérer du ressentiment.

Coincé dans vos pensées ?


Notre cœur bat, le sang circule dans nos vaisseaux sanguins et nos
© Groupe Eyrolles

poumons respirent en continu. Nul ne doute de cette évidence,


que nous rappellent Walser et O’Connell. De son côté, notre
esprit pense. Il s’y consacre à longueur de journée.Vous ne pouvez

112
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

l’en empêcher, les pensées apparaissant de manière automatique.


Elles sont, pour la plupart, hors de votre contrôle. De surcroît,
en essayant de les contrôler, vous constaterez l’effet inverse: elles
seront plus nombreuses. Ne me croyez pas sur parole, vérifiez-le
sur-le-champ. Posez ce livre, fermez les yeux et, durant la prochaine
minute, n’ayez pas en tête un lapin vert. Qu’avez-vous remarqué ?
Un lapin, qui ne figurait pourtant aucunement parmi vos pensées
il y a quelques secondes à peine, s’est imposé à vous, pas vrai ? C’est
ce qu’on appelle l’« effet rebond ».
Vous avez toutefois le choix de vous agripper à vos pensées ou de
vous en distancier, et de ne pas centrer votre attention sur celles qui
déclenchent ou amplifient votre colère. Le but n’est pas de les chasser
mais de les voir pour ce qu’elles sont: des pensées, ni plus ni moins.
Évaluez l’utilité de vos pensées
À l’instar de l’information qui est diffusée sur les réseaux sociaux, sur
Internet, dans les journaux, à la radio et à la télé, tout ce qui traverse
votre esprit ne mérite pas que vous vous y attardiez. Ne vous en
déplaise: vos pensées ne sont pas toujours utiles et pertinentes. Elles le
sont quand elles vous permettent de combler vos besoins, de prévoir
et de planifier des choses, de résoudre des problèmes concrets, de vous
doter de moyens pour rester en sécurité, de vous
conduire en fonction de ce qui importe pour Tout ce qui traverse
vous. Elles le sont également lorsqu’elles contri- votre esprit ne mérite
buent à donner du sens à votre vie et concourent pas que vous vous
© Groupe Eyrolles

à ce que vous soyez le meilleur de vous-même. y attardiez.

Certaines pensées s’appuient sur des faits, mais elles se présentent


en majeure partie sous forme de perceptions, de suppositions,

113
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

de conclusions hâtives, d’hypothèses variées, qui ajoutent de


l’huile sur le feu et qui peuvent vous pousser à réagir avec encore
plus de colère. Au moment où vous réalisez que vous êtes coincé
dans ce type de pensées ou que vous ressassez la situation à l’ori-
gine de votre irritation, dites-vous que votre capacité d’envisager
différentes options devient limitée.
Même si les histoires que votre tête imagine vous semblent plau-
sibles, ne prenez pas tous les scénarios qu’elle élabore au pied de la
lettre. Évaluez l’utilité de vos pensées dès que votre colère bouil-
lonne afin d’orienter vos décisions et vos actions: vous approchent-
elles ou vous éloignent-elles de ce qui a de la valeur pour vous ?
Neleur obéissez pas si elles vous dictent des comportements qui
vont à l’encontre de la personne que vous voulez être. Reconnaissez
la rengaine et ramenez-vous gentiment dans l’« ici et maintenant ».
Du l à retordre
« Des voleurs ! Tous des voleurs ! Vous trouvez ça normal, vous, que
ça coûte si cher quand on se rend au garage ? On y entre pour
qu’ils procèdent à une réparation mineure et on en ressort avec
une facture exorbitante. La dernière fois, ils l’ont sue, ma façon de
penser ! Je ne me suis pas gêné pour leur lancer une bonne dizaine
de jurons au visage en criant qu’ils étaient une bande de voleurs. »
« Et qu’en a-t-il découlé ? », lui ai-je demandé.
« Mon beau-frère, Alain, qui a assisté à la scène, m’a dit que j’avais
© Groupe Eyrolles

dépassé les bornes. Je lui ai répliqué que ma colère monte d’un


cran dès que je suis stressé ou que je fais affaire avec des andouilles.
Ce ne sont que des excuses, selon lui. Il m’a remémoré plusieurs

114
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

autres incidents de la sorte, quelques-uns ayant eu des répercussions


fâcheuses, et m’a fortement recommandé d’aller chercher de l’aide.
Je n’étais pas chaud à cette idée, mais il m’a raisonné et me voilà ! »
Ces propos sont ceux de Robert, dans la jeune cinquantaine, qui
admet que de tels accès de colère sont monnaie courante. Il laisse
échapper des « abrutis » par-ci et des « idiotes » par-là en décrivant
son parcours de vie. À l’occasion, il franchit la porte de mon cabinet
encore rouge de colère, car une « pauvre conne retardait tout le monde
sur la route en roulant à la vitesse d’une tortue » ou un « imbécile de
collègue, incapable d’utiliser correctement les outils technologiques,
entrave les projets de son équipe de travail ». Il ne s’en aperçoit pas,
mais ce genre de jugements défavorables qu’il pose à l’égard des gens
et ses pensées automatiques ont un impact sur sa colère.
Robert a des opinions arrêtées sur la manière dont les choses
devraient se dérouler. C’est blanc ou c’est noir ! Il n’y a pas de
nuances dans sa palette de couleurs. Il applique les règles sans y
déroger et s’emporte du moment qu’on les enfreint. Il se pardonne
difficilement ses erreurs et se montre intolérant devant qui que ce
soit qui en commet, surtout dans son milieu professionnel.
Il a réalisé, au fil des rencontres, que ce type de pensées était un
terreau fertile pour la colère. Il a développé peu à peu de la flexibi-
lité à leur endroit et en est arrivé à ne plus les prendre systématique-
ment pour des faits incontestables. Il a remplacé son interrupteur
on/off (blanc ou noir) par un gradateur ! Le changement ne s’est
© Groupe Eyrolles

évidemment pas effectué en un clin d’œil, mais il en est venu


àreconnaître ses modes de pensée, à moins fusionner avec eux et à
s’en distancier.

115
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

L’exercice suivant lui a été particulièrement utile.


Sylvie : Robert, pour illustrer ce qui se passe quand vous vous
agrippez à des pensées qui soulèvent ou intensifient votre colère,
voulez-vous placer sur vos yeux le livret que je vous remets à l’ins-
tant ? Que voyez-vous ?
Robert: Pas grand-chose. Juste une page et de l’encre bleue.
Sylvie: En l’absence de perspective, il vous est effectivement impos-
sible de lire le texte ou de regarder ce qui se trouve dans la pièce
où nous sommes. C’est ce qui se produit lorsque vous êtes prison-
nier de vos pensées: vous perdez de vue l’ensemble de la situation.
Quelle autre option s’offre à vous ?
Robert: Il suffit, bien entendu, d’éloigner la brochure.
Sylvie: Absolument ! Vous êtes dès lors en mesure de découvrir ce
qui y est écrit et ce qu’il y a dans mon bureau.
Nous avons ensuite échangé sur le lien qui existe entre cette expé-
rience et les pensées rattachées à sa colère, et sur ce qu’il est prêt à
faire pour ne pas rester coincé à l’intérieur de ce piège.

Passons à l’action !

À l’instar de Robert, je vous conseille de vous prêter à cet exercice puis


de noter ce que vous en comprenez.
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© Groupe Eyrolles

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le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

Fiez-vous à votre boussole


À une boussole ? Si, si, à une boussole ! Ce petit instrument qui
sert à vous orienter est d’un précieux secours pour traverser une
tempête émotionnelle. Il vous permet de garder le cap sur vos valeurs.
Constituant des points de repère, elles vous aident à évaluer si les
actions que vous engagez quand vous êtes en colère vous approchent
ou vous écartent de ce qui importe pour vous. Elles donnent une
direction à votre vie.
Si vous avez tendance à ravaler votre colère, à la balancer à la figure
des gens ou à chercher à vous en débarrasser, une fois de plus,
ralentissez et plongez en vous. D’autres émotions l’accompagnent-
elles ? Qu’expriment vos pensées ? Où se logent vos sensations
physiques ? Demandez-vous si vos réactions vont à l’encontre du
meilleur de vous-même. Interrogez-vous: comment souhaitez-vous
que les êtres qui vous sont chers se souviennent de vous à la fin de
votre existence ?
Vous avez votre mot à dire sur le cours des choses. Il n’est jamais
trop tard pour amorcer des changements.Vivre en accord avec vos
valeurs est un choix. Il s’agit d’un processus continu.
Au moment où vous vous apercevez que vous déviez de votre
ligne de conduite, que vous faites marche arrière ou du surplace,
réaffirmez votre engagement et canalisez votre énergie sur ce
qui vous tient à cœur. Investissez-la dans la poursuite de vos
© Groupe Eyrolles

objectifs.

117
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Passons à l’action !

Décrivez un épisode de colère lors duquel vous n’avez pas honoré


vosvaleurs.

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Remémorez-vous une situation où vous avez eu maille à partir avec
votre colère tout en respectant vos valeurs.
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Sans vous juger, tentez d’expliquer les raisons de cette différence de
comportement.

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À bord de l’autobus
Afin d’encourager Marion et Robert à tenir compte de leurs
valeurs lorsque leur colère se manifeste, je leur ai proposé d’ima-
© Groupe Eyrolles

giner qu’ils sont au volant de l’autobus de leur vie en direction


d’un enjeu central à leurs yeux. Marion a ciblé l’amélioration de ses
relations avec ses proches, qui ont pâti des cycles de colère réprimée

118
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

et déchargée, tandis que Robert a décidé de mettre l’accent sur ses


interactions avec ses collègues.
Parmi les passagers qui prennent place dans son autobus, Marion
distingue des vexations, des critiques, des injustices, du non-respect,
du ressentiment et des peurs. Pendant qu’elle essaie tantôt de les
bâillonner, tantôt de les calmer, elle rate une sortie et frôle l’acci-
dent. Ils s’impatientent et protestent de plus belle. Elle stoppe le
véhicule et les implore d’en descendre, sans succès. Le jour où elle
ose hausser la voix, elle est aussitôt discréditée.
Bon nombre de passagers qui voyagent à bord de l’autobus de
Robert sont arrogants, intolérants, sarcastiques. Ils sont hostiles,
crient des insultes, multiplient les commentaires désobligeants. Ils
revêtent divers costumes: des pensées automatiques, des jugements
malveillants, des opinions arrêtées, des règles rigides auxquelles
s’ajoutent une marge d’erreur presque inexistante et une difficulté
à gérer le stress. Ils parlent tous en même temps. C’est la caco-
phonie ! Ils n’en font qu’à leur tête et imposent leur loi au détri-
ment des gens que Robert croise sur sa route.
Il n’est pas entre les mains de Marion et de Robert de décréter
qui montera dans leur autobus, mais en tant que conductrice et
conducteur, le parcours qu’ils effectuent est de leur responsabi-
lité. Ils ont appris à ne pas considérer les remarques cinglantes des
passagers rebelles et indisciplinés et à ne pas leur obéir lorsqu’ils
© Groupe Eyrolles

leur ordonnent de rebrousser chemin ou qu’ils jouent du coude


pour changer d’itinéraire. Ils continuent de rouler vers ce qui a de
la valeur pour eux, malgré leur opposition.

119
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Sachant maintenant qu’ils ne peuvent contrôler ni éliminer les sortes


de pensées et d’émotions qui font le trajet avec eux, ils acceptent
de plus en plus qu’elles soient là, même si elles ne sont pas toujours
d’agréable compagnie. Guidés par leurs valeurs, ils suivent la direc-
tion voulue et ne les laissent plus être aux commandes de leur vie.

Passons à l’action !

Identifiez les pensées rattachées à votre colère et les émotions qui lui
sont associées, qui vous détournent de vos valeurs.

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En vous référant à la métaphore de l’autobus, comment envisagez-vous
de vous comporter dorénavant quand vos pensées et vos émotions
iront à contre-courant de ce qui compte pour vous ?

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Ouvrez d’autres portes


© Groupe Eyrolles

Nous l’avons vu: nous n’avons guère de contrôle sur ce que nous
pensons et ressentons. Nous en avons cependant sur nos comporte-
ments. Bien que votre tête vous bombarde de pensées lorsque vous

120
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

êtes en colère et que des émotions supplémentaires se pointent


souvent, n’oubliez pas que vous êtes en mesure de déterminer la
façon dont vous vous conduisez.
Il y a plusieurs actions que vous entreprenez dans une journée, peu
importe ce que vous pensez et ressentez. Certains matins, vous
n’avez sans doute pas envie de sortir du lit.Votre corps et votre tête
insistent alors pour que vous restiez confortablement couché, mais
que faites-vous ? Considérant votre emploi du temps, vous vous
levez et vous vous mettez en marche, n’est-ce pas ? C’est un choix.
Eh oui ! Il est possible de penser et de ressentir une chose et de
vous comporter autrement.
Relativement à la colère, vos actions correspondent à la manière
dont vous répondez aux pensées, aux émotions, aux souvenirs
et aux sensations physiques qui surviennent quand elle surgit.
Réagissez-vous par des critiques, des blâmes, des cris ? Ce sont
des actions.Vous retirez-vous ? La fuyez-vous ?
La camouflez-vous ? La ravalez-vous ? Ce La façon dont vous
sont aussi des actions. L’attisez-vous ? La vous conduisez
ruminez-vous ? Il s’agit d’autres actions. Vous en présence
de la colère est
pouvez éprouver de la colère et opter pour le
un choix.
respect, l’ouverture et la compassion en satis-
faisant vos besoins.
Pour imager ce que je viens d’expliquer, supposons que vous
© Groupe Eyrolles

empruntiez un long corridor dans un immeuble que vous connai-


ssez. De chaque côté, il y a des portes. Une plaque sur laquelle est
gravée une inscription est apposée sur chacune:critiquer, blâmer,

121
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

crier, se retirer, fuir, camoufler, ravaler, attiser, ruminer. Au bout,


vous apercevez une nouvelle aile, et sur les portes vous lisez :
respecter, s’ouvrir, compatir, avoir besoin. Même si vous avez
coutume de vous aventurer dans les pièces qui vous sont fami-
lières, ne vous y enfermez pas. En franchissant des seuils d’entrée
inhabituels, vous musclerez votre flexibilité psychologique.
Des obstacles se dresseront assurément sur votre parcours. Ainsi en
est-il pour tout le monde. Qu’elles soient internes ou externes,
lesbarrières influent sur votre colère. Quelques-unes sont externes,
comme le manque de temps ou la température, mais les plus
fréquentes sont celles que votre esprit crée. Elles sont donc internes.
Les sensations physiques, les émotions et les souvenirs reliés à la
colère en font également partie. Ne leur permettez pas d’obs-
truer votre route. Acceptez qu’elles soient du voyage et continuez
d’avancer.
En conclusion, des alternatives existent. Fixez-vous des objec-
tifs réalistes et réalisables à court terme, et visez-en un à la fois.
Par exemple, « baisser le ton de votre voix », de préférence à « ne
plus jamais crier », est un petit changement accessible. Vous avez
tendance à parler vite dès que la colère prend feu ? Efforcez-vous
de ralentir votre débit. Vous êtes porté à ressasser le scénario de
votre colère ? Entraînez-vous à vous ramener dans l’instant présent
en accomplissant vos tâches quotidiennes au lieu de laisser vos
© Groupe Eyrolles

pensées vagabonder.
Pour atteindre vos objectifs, un aide-mémoire est un précieux
allié. Les rappels revêtent des formes variées: un Post-it sur votre

122
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

réfrigérateur, un mot qui apparaît sur l’écran de votre ordinateur ou


un objet que vous placez bien en vue sur votre bureau.
L’important est que vos buts soient rattachés à vos valeurs et qu’ils
n’excèdent pas vos ressources.

Passons à l’action !

Aux pages 48-49, vous avez mesuré l’impact de votre colère dans
divers aspects de votre vie, c’est-à-dire votre relation avec vous-même,
vos relations interpersonnelles, votre santé psychologique et votre santé
physique. Revoyez-les et ciblez-en un.

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Définissez les valeurs que vous souhaitez honorer par rapport à ce
domaine de votre vie. Soulignez ce que vous voulez et non ce que vous
ne voulez pas.

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Écrivez trois comportements que vous vous engagez à adopter à partir
d’aujourd’hui lorsque vous serez en colère et qui respecteront vos
valeurs.
© Groupe Eyrolles

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123
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Dans un mois, évaluez ce qui s’en sera dégagé.


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Si vous n’avez pas traduit vos valeurs en actions, quels en ont été les
obstacles ? Étaient-ils internes ou externes ? Commentez.
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Ne vous méprenez pas


L’acceptation ne signifie pas de jeter l’éponge, de vous résigner,
de tolérer n’importe quoi.Vous avez le droit, le devoir même, de
vous protéger. Quand vous êtes en mesure d’agir pour modifier les
choses, passez à l’action !
L’acceptation vous aidera à ne pas ressasser de vieilles blessures
et à ne pas garder du ressentiment au sujet de situations qui sont
derrière vous. N’étirez pas votre souffrance et votre colère en
rejouant la scène dans votre tête et en y restant accroché pendant
des heures, voire des jours et des semaines. Cela ne change en
© Groupe Eyrolles

rien ce qui est survenu et conduit à encore plus de souffrance et


de colère.

124
le c he mI n de l ’ a c c e p t at I o n

Récapitulons…
• L’acceptation permet d’approcher la colère autrement, avec
compassion.
• Il est primordial de faire la différence entre ce qu’il est possible
ou non de contrôler et de considérer les coûts liés au contrôle de
votre colère.
• À la manière d’une caméra, vous êtes à même d’observer
votre colère sans prendre parti, sans jugement. Votre capacité
d’observation se muscle au quotidien en vous exerçant à être dans
le moment présent.
• Accueillez votre colère avec bienveillance et ayez de l’empathie
envers les autres; ils en éprouvent eux aussi.
• Vos pensées ont une incidence sur votre colère. La décision de vous
y accrocher ou de vous en distancier vous revient. Misez sur leur
utilité.
• Vivre en accord avec vos valeurs est un choix. Vous pouvez agir de
façon cohérente avec vos elles, colère ou pas.
© Groupe Eyrolles

125
Chapitre

Comment exprimer
sainement votre colère 7
Peu importe que vous privilégiiez la voie de la gestion ou le chemin
de l’acceptation, la façon dont vous l’exprimez est cruciale dans la
démarche que vous avez entreprise pour apprivoiser votre colère.
Pour en arriver là, il vous aura fallu apprendre à mieux la connaître
et découvrir ses différents visages. Considérer le fait qu’elle cherche
à vous communiquer un message et vous permet d’agir ou de
réagir lorsqu’une menace pèse sur ce qui a de la valeur pour vous.
Mesurer aussi les conséquences qui en découlent quand elle est mal
canalisée.
Puisqu’il y a un lien entre vos pensées, vos émotions, vos sensations
physiques et votre conduite, le travail d’introspection que vous avez
réalisé en lisant les chapitres précédents et en effectuant les exer-
cices suggérés est une condition essentielle pour pouvoir la déposer
correctement. Vous avez ainsi développé une meilleure relation
© Groupe Eyrolles

avec vous-même et avec les autres. Je vous en félicite.


Vous savez maintenant que ce n’est pas la colère en soi qui constitue
le problème, mais la manière dont vous l’affichez et le comportement

127
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

que vous manifestez à partir du moment où elle apparaît. Gardez


àl’esprit cette notion de choix.

Un prérequis
Avant même d’ouvrir la bouche, vous vous devez de mettre le
doigt sur ce qui suscite votre colère. Plus facile à dire qu’à faire,
j’en conviens ! Allouez-vous du temps pour y réfléchir. Quels en
sont les déclencheurs ? Sa source est-elle interne ou externe ? Un
mélange des deux ? Si nécessaire, révisez les facteurs prédisposants,
précipitants et perpétuants qui vous ont été expliqués au chapitre4.
Ce tête-à-tête avec vous-même vous amènera à clarifier votre posi-
tion. Pour y parvenir, je vous recommande de décrire le plus objec-
tivement possible les faits.Veillez à ce qu’ils correspondent à la réalité
et non au fruit de votre imagination.Votre cerveau peut vous jouer
des tours et n’en retenir qu’une partie. Preuve à l’appui ? Examinez
ce qui se trouve dans la pièce où vous êtes et remarquez tout ce qui
est de couleur noire. À présent, fermez les yeux et rappelez-vous
tout ce qui est de forme arrondie. Difficile, n’est-ce pas ? Bien qu’il
y ait probablement plusieurs choses de forme arrondie autour de
vous, elles sont sans doute passées sous votre radar.
Laissez tomber votre vieux réflexe d’interpréter les propos et les
comportements des personnes que vous côtoyez et de leur prêter
des intentions. Prenez du recul pour favoriser une meilleure lecture
© Groupe Eyrolles

de la situation.
Une fois que vous aurez cerné les enjeux entourant votre colère et
identifié ce qui vous appartient, je vous invite à préciser vos besoins

128
co mm en t ex pr Im er s aI ne me nt v ot re c ol èr e

(ce que vous voulez et non ce que vous ne voulez pas) et à déter-
miner ce qui vous importe. Un compromis est-il envisageable ? Est-il
plutôt question de soutenir votre point de vue ? De fixer vos limites ?
Définissez ce qu’il en est et affirmez-vous avec assurance et respect.

L’incontournable affirmation de soi


Dites-moi: quand vous entendez parler de l’affirmation de soi, à
quoi cela réfère-t-il pour vous ? En plein dans le mille ! Il s’agit
effectivement d’exprimer honnêtement ce que vous pensez,
ressentez et voulez en n’essayant pas de convaincre les gens avec qui
vous discutez et en tenant compte de leur avis, de leurs émotions et
de leurs besoins. Ajoutons la défense de vos droits, sans enfreindre
ceux d’autrui, et l’établissement de vos limites, sans flot émotionnel
ni anxiété excessive. Ah oui ! Elle vous incite aussi à adresser des
demandes et à ne pas vous confondre en excuses lors d’un refus,
et vous accorde la liberté de revenir sur une parole donnée à la
lumière de nouvelles informations.
J’attire votre attention sur les comportements non verbaux liés à
l’affirmation, tels que regarder la personne dans les yeux sans la
dévisager, redresser vos épaules, avoir les pieds ancrés au sol, poser
des gestes sûrs, employer un ton ferme et calme, ajuster votre débit
afin qu’il ne soit ni rapide ni lent. La majeure partie de la commu-
nication s’effectue d’ailleurs sous ce mode. Assurez-vous que vos
messages verbaux et non verbaux soient en concordance.
© Groupe Eyrolles

Que ce soit dans le registre verbal ou non verbal, cette habileté


sociale s’acquiert par la pratique. Elle n’est pas innée et n’est pas
offerte à la naissance dans une boîte joliment enrubannée. Elle se

129
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

développe. Même si des peurs de toutes sortes vous tenaillent, osez


l’affirmation. Souvenez-vous de ses bienfaits:
• augmentation de l’estime de soi et de la confiance en soi ;
• fierté de soi ;
• mieux-être intérieur ;
• respect de soi et des autres à votre endroit ;
• amélioration de vos relations ;
• sentiment d’être aux commandes de votre vie.
Évaluez également les risques qui y sont associés avant d’y recourir,
particulièrement devant quelqu’un en position d’autorité. Certains
vous critiqueront, entreront en conflit avec vous, voire vous
repousseront. Cela ne signifie évidemment pas qu’il ne faut pas
vous affirmer, mais soyez conscient des répercussions potentielles
que cela comporte et prêt à les assumer.
Enfin, n’ignorez pas les conséquences qui découlent d’un
manque d’affirmation: dévalorisation de soi, déconnexion d’avec
vous-même, non-respect du monde à votre égard, accumulation de
frustrations et d’insatisfactions, et probabilité accrue d’exploser de
colère après les avoir trop longtemps ravalées.
Calmement et fermement
Ayez en tête ces deux mots lorsque vous souhaitez vous affirmer
adéquatement et extérioriser sainement votre colère. Soyez calme
et ferme. Commencez par vous apaiser si les témoins lumineux
© Groupe Eyrolles

jaunes et rouges de votre tableau de bord s’allument. Les moyens


pour diminuer l’activation physiologique de votre colère, que
vous avez appris au chapitre 5, vous seront utiles. Puis formulez

130
co mm en t ex pr Im er s aI ne me nt v ot re c ol èr e

clairement vos opinions et/ou vos demandes. Faites part de vos


préoccupations, manifestez vos besoins et exprimez votre mécon-
tentement à la personne concernée, et non derrière son dos, sans la
blesser ni être vindicatif.
Selon ma vision des choses, cela pourrait être:
• « Ce que tu dis me met en colère. »
• « Tu n’es pas obligé d’être d’accord avec moi, mais ça me fâche
quand tu discrédites mon point de vue. »
• « Je suis irrité parce que tu me coupes la parole. J’ai besoin d’être
écouté. »
• « Je te demande de baisser le ton s’il te plaît. »
• « Je suis outré que tu aies retiré de l’argent de notre compte
commun pour t’acheter un ordinateur, sans m’avoir consulté.
À l’avenir, je suggère qu’on en discute avant d’engager des
dépenses de la sorte. »
• « Ton attitude en présence de mes amis m’indispose. »
• « Je suis en rogne car tu as emprunté ma voiture sans ma permis-
sion. Dorénavant, je te prie de vérifier si cela me convient. »
• « Je comprends que tu sois en colère mais ma décision est prise. »
• « Je suis offusqué de ne pas avoir été convoqué à cette réunion. »
• « Je suis vraiment contrarié de ce qui s’est passé au sein de
l’équipe et je tiens à ce que vous le sachiez. Je propose que nous
cherchions ensemble des pistes de solution. »
© Groupe Eyrolles

Un autre exemple d’une colère affirmative est celui de Camille,


dont il a été question au chapitre2. Incapable de sortir de l’im-
passe engendrée par sa divergence d’opinions avec sa mère au sujet

131
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

de la pandémie et des mesures sanitaires, Camille en vint à lui


demander de partir de chez elle après lui avoir rappelé qu’elle l’ai-
mait, mais que cette situation ne pouvait plus durer. Elle a reconnu
sa colère et l’a verbalisée calmement, fermement et poliment. C’est
de cette manière qu’elle a choisi de partager son ressenti, par le
biais de mots respectueux.
Lorsque votre affirmation est constructive et que votre colère est
bien canalisée, ne vous excusez pas puisqu’elles ne sont pas dirigées
contre quelqu’un. Ne les minimisez pas non plus en diluant votre
prise de position ou en murmurant que vous êtes juste un peu
en colère alors que vous avez du mal à la maîtriser. Acceptez-les
pleinement et consciemment.
Le disque rayé
L’une des techniques d’affirmation de soi que je conseille à mes
clients de pratiquer s’inspire d’un disque rayé, qui répète sans cesse
les mêmes paroles d’une chanson. Elle est à expérimenter auprès des
personnes qui insistent après avoir obtenu une réponse défavorable
à leur demande et qui essaient de vous amener à changer d’avis.
Elle consiste à leur signifier que vous l’avez bel et bien entendue en
la reformulant puis à réitérer votre refus, de façon identique.
Germain, votre frère, vous réclame une grosse somme pour
rembourser sa carte de crédit afin d’éviter de payer des frais d’in-
térêt.Vous prenez votre courage à deux mains et lui répondez :
© Groupe Eyrolles

« Tu aimerais que je te prête de l’argent. Je suis désolé, mais je ne


peux pas. » Vous sentez votre cœur battre très fort, vous êtes néan-
moins fier de vous. Zut ! Voilà qu’il revient à la charge.Votre cœur

132
co mm en t ex pr Im er s aI ne me nt v ot re c ol èr e

bat à tout rompre et vous redites en restant calme et poli : « Je


comprends ton problème, Germain, mais je ne peux pas te prêter
d’argent. » Ah non ! Il persiste et signe en vous remémorant qu’il
vous a rendu de nombreux services.Vous répétez votre refrain, aussi
souvent que nécessaire, en étant chaque fois de plus en plus aimable.
Sans vous justifier.
L’affirmation ne passe effectivement pas par les justifications, qui
nuisent à la clarté du message. Elles ouvrent habituellement la porte
à des arguments supplémentaires de la part de votre interlocuteur
pour parvenir à ses fins. En multipliant les explications, vous aurez
plus de difficulté à maintenir votre position.
Bien qu’efficace, la technique du disque rayé, mise au point par
le psychologue américain Zev Wanderer, ne doit pas être utilisée
à toutes les sauces. Elle n’a évidemment pas pour but de refuser
d’écouter ce que les gens ont à exprimer ou de les manipuler.
Employée à bon escient, elle enrichira votre boîte à outils.

Le canal de communication
« Je déteste ça, la manière dont tu me parles ! J’ai envie de me
braquer ! » Ces exclamations sont celles de Mylène en réplique
aux propos de son amoureuse Claudia, qui lui reproche à grands
coups de « tu, tu, tu » de ne pas avoir lavé les casseroles alors
qu’elle avait promis de les récurer pendant qu’elle s’acquittait
© Groupe Eyrolles

d’une autre tâche.


Des critiques de ce genre obstruent le canal de communication:
« Tu ne fais jamais rien dans la maison », « Tu laisses tout traîner »,

133
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

« Tu es toujours en retard », « Tu dépenses trop », « Tu préfères


sortir avec tes amis plutôt qu’être avec moi », « Tu inventes des
prétextes pour t’esquiver à l’heure des repas ». Tu, tu, tu… Votre
partenaire se tient sur la défensive, riposte ou fuit. La colère finit
par s’enflammer.
Un reproche est une façon maladroite d’exprimer un besoin, qui
est susceptible de provoquer une escalade du conflit. Apprenez à
définir vos besoins.Vos émotions vous y aideront. En général, un
besoin comblé suscite une émotion agréable tandis qu’un besoin
insatisfait cause une émotion inconfortable ou douloureuse.Vous
serez ensuite en mesure d’adresser une demande concrète à l’autre
au lieu de le blâmer ou de lui lancer vos frustrations. N’attendez
pas qu’il les devine et y réponde sans que vous
Un reproche est ayez à les lui nommer, ce qui risque de vous
une façon maladroite fâcher ou de vous décevoir s’il ne réussit pas à
d’exprimer un besoin.
le faire.
Il va de soi que vous avez à considérer ses besoins autant que les
vôtres. Dès lors, il se montrera sans doute plus réceptif et sera porté
à vous renvoyer l’ascenseur. Les reconnaître ne signifie cependant
pas que vous les comblerez. Si vous vous trouvez dans une telle
situation, dites quelque chose comme: « Ton besoin est légitime,
mais je ne peux y répondre. »
Vouloir imposer votre « vérité » et convaincre votre interlocuteur
© Groupe Eyrolles

que votre point de vue est meilleur que le sien bloque également
le canal de communication et vous expose à sa colère. Il est possible
d’affirmer vos opinions respectives sans chercher à avoir raison.

134
co mm en t ex pr Im er s aI ne me nt v ot re c ol èr e

Si vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord sur certains sujets
puisque vos visions sont diamétralement opposées, acceptez qu’il
en soit ainsi et quittez l’arène.
Voici des principes utiles à garder tout en haut de votre boîte à
outils pour renverser la tendance à ravaler votre colère ou pour
éviter les débordements:
• être bref pour ne pas perdre l’attention de la personne avec qui
vous discutez, vous en tenir aux faits et ne pas revenir sur de
vieilles histoires ;
• ne pas lui attribuer d’intentions : « Elle essaie de me piéger,
c’est sûr » ;
• ne pas tirer de conclusions hâtives: « Ça ne sert à rien de parler,
elle ne m’écoutera pas » ;
• ne pas nier ce qu’elle ressent: « Tu n’as pas à t’énerver pour ça » ;
• ne pas généraliser: « Vous êtes bien toutes pareilles, les femmes ;
tous pareils, les hommes » ; ni utiliser des « toujours » et des
« jamais »: « Il faut toujours que tu aies le dernier mot », « Tu ne
respectes jamais ta parole » ;
• distinguer l’individu de son comportement: « Il est incompé-
tent » versus « Il a commis une erreur dans ce dossier » ;
• ne donner des conseils que lorsqu’ils sont sollicités.
Vous êtes responsable de votre bout du canal de communication.
© Groupe Eyrolles

Assurez-vous que ce que vous y déposez reflète vos valeurs fonda-


mentales. Si vous vous en éloignez, en réprimant votre colère ou en
la laissant éclater, réaffirmez-les avec bienveillance.

135
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Passons à l’action !

En étudiant les informations ci-dessus, notez ce qui engorge votre canal


de communication.

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Contrairement à ce qu’on entend fréquemment, ce n’est pas le


« tu » qui tue la communication, mais ce qui vient après, à savoir un
reproche, une critique ou une insulte qui engendre une réaction
défensive. Pour ne pas congestionner le canal de communication,
préférez-lui un message au « je », qui parle de vous.Accompagnez-le
d’une émotion, de la description du comportement qui est inac-
ceptable à vos yeux et de ses effets.
Reprenons l’exemple de Claudia. Au lieu d’offenser Mylène, elle
aurait pu lui exprimer ce qu’elle éprouvait: « Je suis fâchée que
tu n’aies pas lavé les casseroles tel que nous l’avions convenu ; cela
m’amène à douter de tes engagements. » Elle se serait alors concen-
trée sur son bout du canal de communication, celui sur lequel elle
a du pouvoir. Pour boucler la boucle, une demande claire et négo-
ciable de la part de Claudia aurait été de mise.
© Groupe Eyrolles

Quand les gens commencent à employer le message au « je »,


il est courant qu’ils adressent des blâmes à l’autre de manière
détournée: « Je trouve que tu es… égoïste, irréfléchi, paresseux. »

136
co mm en t ex pr Im er s aI ne me nt v ot re c ol èr e

Ne vous méprenez pas. Il s’agit d’un message au « je » déguisé,


car il renferme une attaque ou un jugement. Par conséquent,
tout ce qui suit un « je » n’est pas systématiquement un message
au « je ».

Passons à l’action !

Pensez aux échanges qui ont mal tourné avec un de vos proches au
cours des dernières semaines. Voyez si vous avez utilisé un message
au « tu ». Si oui, transformez-le en un message au « je » pour vous
yentraîner.

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L’art d’écouter
Vous pouvez évidemment être en colère contre vous-même ou
envers une situation qui ne concerne personne, mais le plus souvent,
la colère implique deux individus. C’est pourquoi il est important
de prendre le temps, à tour de rôle, de vous écouter. Ne pas juste
entendre le flot de paroles, mais écouter les mots, les émotions et
les besoins –ceux de votre interlocuteur aussi bien que les vôtres.
© Groupe Eyrolles

Veillez également à ce que l’environnement soit favorable, évitez


les distractions, ne faites pas autre chose simultanément et main-
tenez le contact visuel.

137
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Une dose de courage est requise pour l’écouter sans l’interrompre


et pour résister à la tentation de vous justifier, d’argumenter, de
donner votre avis ou de fuir, car il est possible que ses propos
vous indisposent ou soulèvent votre indignation. Lorsqu’ils sont
empreints de colère et que celle-ci est exprimée correctement,
créez de l’espace en vous pour la recevoir. À l’instar de la vôtre,
elle vous renseigne. Une réelle écoute vous permettra de mieux
comprendre ce qu’elle cherche à signaler.
Si vous vous apercevez que vous êtes en train de préparer une
réponse ou une réplique, cela indique que vous n’êtes plus à
l’écoute. Félicitez-vous de l’avoir remarqué, revenez dans l’« ici et
maintenant », ainsi que vous l’avez appris au chapitre6, et résumez
l’essentiel de ce qui vient d’être dit avant que vous vous égariez
dans vos pensées.
Malgré les efforts que vous déployez pour vous affirmer dans les
règles de l’art et manifester votre colère poliment, si la personne
devient hostile, vous n’avez pas à tolérer ce comportement.
Mentionnez-lui que sa colère est légitime, mais que vous ne
supportez pas sa manière de l’exprimer. Le respect n’est pas une
route à sens unique.

Ça suffit !
Cela nous amène à parler de la nécessité de reconnaître et d’éta-
blir clairement vos limites pour ne pas vous laisser marcher sur les
© Groupe Eyrolles

pieds et pour vous protéger. Afin de prévenir les débordements


également. Bien que le « Ça suffit ! » se présente régulièrement avec
une vague de culpabilité au début, poursuivez votre entraînement.

138
co mm en t ex pr Im er s aI ne me nt v ot re c ol èr e

Nommez votre limite au fur et à mesure au lieu de ravaler votre


mécontentement ou de piquer une colère.
Tenir compte de vos limites, c’est courir le risque de déplaire aux
gens ou de les frustrer. Même si, comme l’enfer, vous êtes pavé de
bonnes intentions, vous n’en êtes pas à l’abri. Certains les trans-
gresseront et vous vous frotterez à de la résistance. Quand cela
surviendra, ne concluez pas que cela n’aura servi à rien pour autant.
Réjouissez-vous du pas que vous avez accompli pour les déter-
miner et continuez de les tracer. Rappelez-vous que vous n’avez
pas le pouvoir de changer l’autre.
C’est par la pratique que cette aptitude se développe. Amorcez
votre entraînement en fixant des petites limites, par exemple à votre
sœur qui porte vos vêtements sans vous le demander, à cet individu
qui se glisse devant vous dans la file d’attente, à votre collègue qui
emprunte vos outils de travail et qui ne vous les rend pas ou à votre
père qui vous prodigue une multitude de conseils non sollicités.
Apprenez, si cela n’est déjà fait, à dire non, sans vous excuser.
Un « non » sans détour. Pas un « peut-être ». Pour favoriser votre
apprentissage, seriez-vous prêt à refuser de participer à une acti-
vité inintéressante pour vous, quitte à vexer vos amis ? À répondre
« non, désolé » à ce représentant d’une firme de sondage qui veut
vous poser « quelques » questions ? Et à cet
© Groupe Eyrolles

employé qui travaille au sein d’une entreprise Un « non » sans détour.


de télémarketing, qui tente de vous vendre un Pas un « peut-être ».
produit dont vous n’avez pas besoin ?

139
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Une façon supplémentaire de signifier « Ça suffit ! » est de soutenir


une cause sociale qui dénonce des injustices, de vous joindre à un
mouvement de défense des droits de la personne ou d’adhérer à
une association venant en aide à des victimes.Votre colère est ainsi
canalisée pour transformer les choses.

Passons à l’action !

Dans quelle sphère de votre vie vous engagez-vous à affirmer « Ça


suffit ! » ? Comment pourriez-vous le faire ?

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© Groupe Eyrolles

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co mm en t ex pr Im er s aI ne me nt v ot re c ol èr e

Récapitulons…
• Pour que l’expression de votre colère soit constructive, sachez ce
qui l’a déclenchée avant même de prononcer un mot.
• L’affirmation de soi n’est pas innée. Elle se construit et se cultive
au jour le jour. Ses bienfaits sont nombreux, mais elle comprend
des risques. Un manque d’affirmation de soi engendre aussi des
conséquences.
• Différents comportements sont susceptibles d’obstruer le canal de
communication et de susciter la colère.
• Il importe d’écouter l’autre jusqu’au bout pour essayer de saisir ce
que sa colère cherche à communiquer.
• Quitte à décevoir ou à contrarier les gens, il est nécessaire d’établir
explicitement vos limites.
© Groupe Eyrolles

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Conclusion

Pour apprivoiser votre colère et en faire une alliée, vous avez levé
le voile sur ses différents visages. Découvert certains aspects de
vous-même. Eu le courage d’examiner ce qui se trouve dans votre
sac à dos afin de savoir comment ce que vous y transportez depuis
toutes ces années teinte le rapport que vous entretenez avec elle.
Cerné ce qui la déclenche et été en mesure de saisir la manière
dont vous réagissez lorsqu’elle se manifeste.Vous l’avez comprise
et écoutée.
Pour l’apprivoiser, il vous aura fallu la regarder droit dans les yeux,
votre colère, et accueillir ce qu’elle a à dire. Cesser de l’ignorer,
de l’étouffer ou de la laisser exploser. Apprendre tantôt à la gérer,
tantôt à l’accepter. Et à l’exprimer sans écorcher vos liens avec les
personnes qui vous entourent ou que vous côtoyez. Bravo ! C’est
du beau travail. Arrêtez-vous un peu afin d’apprécier le chemin
parcouru à partir du moment où vous avez commencé la lecture
de ce livre. Et pour vous en féliciter.
En dépit des progrès que vous avez accomplis, votre défi sera de
continuer d’appliquer les connaissances que vous avez acquises au
© Groupe Eyrolles

jour le jour. Le changement durable est un processus graduel, qui


demande du temps, des efforts et de la détermination. Il repose
sur des actions concrètes, qui vous permettent d’avancer pas à pas

143
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

vers la version de vous à laquelle vous aspirez. Je vous encourage à


persévérer et à vous montrer indulgent envers vous-même quand
vous trébucherez. La perfection n’existe pas. Prenez alors un nouvel
engagement en direction de ce qui a de la valeur pour vous.
Je crois profondément que les outils qui vous ont été suggérés vous
aideront à mieux vivre avec votre colère et à effectuer le choix
conscient de la déposer dans le respect de vous-même et des autres.
À condition de vous en servir sur une base régulière. Puisqu’il
s’agit de clés et non de recettes miracles, il n’y a pas de raccourci.
Comme dans n’importe quel apprentissage, un entraînement est
requis. Jevous invite à pratiquer encore et encore les exercices qui
vous ont été conseillés, même ceux qui vous ont donné du fil à
retordre.Aucun livre ne se substitue à l’expérience.
Si, malgré tout, vous constatez que vous êtes coincé dans vos vieilles
habitudes, celles de réprimer votre colère ou de l’extérioriser sans
ménagement, n’hésitez pas à consulter un professionnel de la santé
mentale. Il est possible que vous ayez besoin d’être accompagné
pour réaliser cette introspection.
Rappelez-vous : la colère n’est pas le problème. Le véritable
problème est la façon dont vous vous comportez en sa présence.
Répondez-y avec nuance, flexibilité et bienveillance. Assurez-vous
qu’elle ne cause de tort à qui que ce soit, y compris à vous-même.
Pour apprivoiser votre colère, vous avez maintenant en main un
trousseau de clés, qui ouvrent la porte à une meilleure relation avec
© Groupe Eyrolles

vous-même et les êtres qui partagent votre quotidien et croisent


votre route. Utilisez-les à volonté et soyez aux commandes de
votre vie !

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Remerciements et gratitude

Chaque livre est un voyage. Un voyage à l’intérieur de soi, tant


pour le lecteur ou la lectrice que vous êtes que pour l’auteure que
je suis.
Au fil des pages, des visages me reviennent à l’esprit. Des récits
empreints de souffrance. D’espoir aussi. C’est à vous, chers clients
et chères clientes, qui me faites confiance depuis toutes ces années
en me donnant accès à des espaces intimes de votre jardin, à qui
je tiens à adresser mes premiers remerciements. Avec courage et
détermination, vous vous engagez dans l’action en quête d’un
mieux-être.Vous avez mon admiration.
Plongée dans l’écriture, souvent je ne vois pas le temps qui s’écoule.
De nouvelles idées, des recherches additionnelles, des synonymes à
trouver et c’est déjà l’heure de prendre le repas du soir. Merci à toi,
Guy, mon amour au long cours, de sacrifier une partie de nos loisirs
pour accorder la liberté nécessaire à mes projets de rédaction. Tes
encouragements me sont précieux, comme l’ont été les commen-
taires que tu as apportés à la lecture du manuscrit. Mon cœur te
réitère sa reconnaissance.
© Groupe Eyrolles

J’éprouve également beaucoup de gratitude à l’endroit de deux


amis psychologues, Stéphane Migneault et Luc Sévigny, qui ont
généreusement accepté de lire la version originale de cet ouvrage,

145
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

malgré leur emploi du temps chargé, et qui l’ont enrichie par leurs
suggestions judicieuses. Merci infiniment à chacun de vous. Vous
êtes des êtres inspirants qui cherchez à vous dépasser, aussi bien
sur le plan personnel que professionnel. Je suis privilégiée de vous
côtoyer.
Enfin, un bouquet de mercis à Élodie Dusseaux des Éditions
Eyrolles, qui m’a proposé d’écrire un livre sur ce sujet fascinant
qu’est la colère. Une fois de plus, ce fut une belle aventure que j’ai
partagée avec vous, Élodie.

© Groupe Eyrolles

146
Bibliographie

Ouvrages
B Danie, Techniques d’impact pour interventions en psychothérapie,
relation d’aide, santé mentale, Académie Impact, 1997.
B Danie, Techniques d’impact pour grandir,Académie Impact, 2000.
B Danie, Gérer ses différends et ses différences, Les Éditions de
l’Homme, 2021.
B Jean-Marie et B Madeleine, S’affirmer et communiquer,
Les Éditions de l’Homme, 2012.
C Ross, Les enfants en colère –Comprendre une dynamique méconnue,
Orion, 1999.
C Bianka et R Sylvie, Psycho et Sexo –Astuces pour un
mieux-être personnel, Les Éditions Québec-Livres, 2016.
C Soraya, Le pouvoir de la colère des femmes, Éditions Albin Michel,
2019.
C Thubten, Travailler sur la colère – Une approche bouddhiste,
Publications Kunchab, 2003.
© Groupe Eyrolles

C Deborah L., B Karin H. et S Sally D., The Anger
Advantage –The Surprising Benefits of Anger and How it Can Change a
Woman’s Life, Broadway Books, 2003.

147
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

D’A Thomas, Cessez d’être gentil, soyez vrai ! – Être avec les
autres en restant soi-même, Les Éditions de l’Homme, 2001.
E Georg H., MK Matthew et F John P., ACT on Life Not
on Anger:The New Acceptance & Commitment Therapy Guide to Problem
Anger, New Harbinger Publications, 2006.
E Albert et T Raymond C., Comment contrôler sa colère – Un
guide pratique, Décarie éditeur, 2008.
G Lerner Harriet, Le pouvoir créateur de la colère, Éditeur Le jour,
1994.
G Thomas, Parents efficaces: Les règles d’or de la communication entre
parents et enfants, Éditions Marabout, 2013.
G John M. et S Nan, Les couples heureux ont leurs secrets –Les
sept lois de la réussite, Éditions Jean-Claude Lattès, 2000.
G Jean, C Louis et N Thanh-Lan, Gestion de la colère:
Manuel d’information destiné aux patients, tccmontreal, 1reéd., 2018.
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Commitment Therapy: An Experiential Approach to Behavior Change,
Guilford Press, 2003.
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historique et conceptualisation », dans Moïra Mikolajczak éd., Les
compétences émotionnelles, Dunod, 2014, p.1-9.
P Marc, La sagesse de nos colères –De la colère qui détruit à la colère
© Groupe Eyrolles

qui construit, Les Éditions de l’Homme, 2013.


P Didier, Exprimer sa colère sans perdre le contrôle, Odile Jacob, 2017.
P-E Ronald T., Maîtriser votre colère, Broquet, 2005.

148
bI bl Io gr ap hI e

R Marshall B., Les ressources insoupçonnées de la colère, Éditions


Jouvence, 2012.
R Marshall B., K Shari et G Neill, Nous arriverons
à nous entendre ! Suivi de Qu’est-ce qui vous met en colère ?, Éditions
Jouvence, 2020.
R Sylvie, Cessez de nourrir votre tigre – Ne laissez plus l’anxiété
diriger votre vie, Éditions Eyrolles, 2021.
S Jacques, Heureux qui communique: Pour oser se dire et être entendu,
Éditions Albin Michel, 1993.
S-S David,Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médi-
caments ni psychanalyse, Éditions Robert Laffont, 2003.
S Manuel J., When I Say No, I Feel Guilty, Dial Press, 1975.
T Yves-Alexandre, Petit cahier d’exercices pour vivre sa colère au
positif, Éditions Jouvence, 2016.
T Eric D., R Max Z., U Shannon B. et F
John P., “Acceptance and Commitment Therapy (ACT) for Pro-
blematic Anger: A Case Study”, Clinical Case Studies, 1-19, 2022.
W Robyn D. et O’C Manuela, The ACT Workbook for
Anger – Manage Emotions & Take Back Your Life with Acceptance &
Commitment Therapy, New Harbinger Publications, 2021.

Articles et formations en ligne


Affirmation de soi.info, 20avril 2018, « Le style passif-agressif »: www.
© Groupe Eyrolles

affirmation-de-soi.info/style-passif-agressif-defauts.php#:~:text=
Les%20personnes%20passives-agressives%20ressentent%20les%
20mêmes%20craintes%

149
Ap pr iv oi se r sA c ol èr e

Altotoc.fr, « Pourquoi les gens ont-ils refoulé la colère ? », 6janvier 2022.


A Christophe, Web conférence sur les émotions présentée par
MentorShow, 12décembre 2021.
B-P Geneviève, Formation « La colère, de l’agir à l’inhi-
bition. Manifestations, expression et considérations cliniques », perfec-
tionnement.com, 19novembre 2021.
GTrudi, « Comment gérer la colère grâce au yoga »: https://fr.wikihow.
com/g%C3%A9rer-la-col%C3%A8re-gr%C3%A2ce-au-yoga
L Marsha, « A practical skill for defusing anger » : www.nicabm.
com/a-practical-skill-for-defusing-anger/
Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (2009), « Prévenir
et agir –La colère et l’agressivité », gouv.qc.ca, « Pandémie –Fiches
psychosociales– La colère et l’agressivité ».
P Catherine, Radio-Canada, 12mars 2019, « La colère, une émotion
utile si l’on sait l’apprivoiser », Entrevue avec Ghassan El-Baalbaki, Sonia
Lupien et Micheline Lanctôt : ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/
emissions/medium-large/segments/chronique/109555/colere-
emotion-utile-couches-mutiples-baalbaki-lupien-lanctot
© Groupe Eyrolles

150
Pour contacter l’auteure:
Sylvie Rousseau
www.sylvierousseaupsychologue.com
www.facebook.com/sylvierousseaupsychologue/
Également dans la collection « Comprendre et agir » :
A-D Brigitte, Guérir de sa mère
A Juliette,
Au cœur des secrets de famille
Décrypter ses rêves
Amour et sens de nos rencontres
Guérir de sa famille
A Bernard, Je rumine, tu rumines, nous ruminons
B Éric, Perverses narcissiques
B Véronique, Les dépendances affectives
 B Lisbeth,
Frères et sœurs pour toujours
La crise du milieu de vie
B Gérard, La tyrannie du paraître
B-S Agnès, Reconnaître le burn-out
B Jean-Charles, Les pervers narcissiques
B France, Les relations toxiques
B Anne-Laure,
Les mères qui blessent
Les prisons familiales
Les séparations qui nous font grandir
L’amitié
C Ariane, Se réconcilier avec son enfant intérieur
C Marie-Joseph, L’estime de soi
C Cécile, Le pouvoir d’être soi
C Catherine, Sous les peurs, le bonheur
C Claire-Lucie, Les relations perverses
D Karine,
S’aimer sans se disputer
Je ne sais pas dire non
D Flore, Le sentiment de vide intérieur
D Thierry, Quand la crise devient une chance
F Jean-Michel, Les personnalités limites
G Marie-France et Dr Z Patrick, Dépasser sa souffrance
H Laurie,
Surmonter sa peur de l’autre
La force des introvertis
Le sentiment d’être différent
L Mary C., K Marylin J., Le syndrome du sauveur
M Jean-Claude,
D’amour en esclavage
L’infidélité
M Muriel,
La force des fragiles
Se libérer enfin du regard de l’autre
M Virginie,
Les séparations douloureuses
Quand l’enfant nous dérange et nous éclaire
Le harcèlement émotionnel
Hyperémotifs
Se libérer du sentiment d’imposture
 M Christian, Je ne veux plus faire semblant
P Gwénaëlle,
Guérir des blessures d’attachement
Coupé des autres, coupé de soi
Traverser la perte de sens
R Sylvie, Cessez de nourrir votre tigre
S Fabienne, Maman blues
S Steven, Les blessés de l’amour
T Saverio,
Les amours impossibles
Le sentiment d’abandon
Renaître après un traumatisme
Les relations fusionnelles
Faire la paix avec soi-même
Hypersensibles
Les relations fusionnelles
T Saverio et H Barbara-Ann, L’emprise affective
T Saverio et P Catherine, Personne n’est parfait
T Saverio, S Laurence et H Christine, Habiter son corps

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