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LANORE
LES TABLETTES D’OR
Du même auteur
Éditions Lanore
François-Xavier Sorlot, éditeur
6 rue de Vaugirard, 75006 Paris
Le portrait de Roland de Jouvenel, figurant sur la cou
verture de ce livre, a été peint en juin 1971, par Jean Prieur
d’après diverses photographies.
(1) Dans les « morts » ont donné signe de vie, Éditions Lanore.
8 Les tablettes d’or
LE CHÂTEAU DE GUEURES
ET LE GRUCHET
***
(3) En 1903.
24 Les tablettes d’or
***
***
(1) C’est au Pavillon des Muses que Proust rencontra ceux qui
allaient devenir ses principaux personnages. Il évoqua, dans un
brillant pastiche de Saint-Simon, une des nombreuses fêtes don
nées par Montesquiou.
34 Les tablettes d’or
LE DIABLE
Eh bien, vous suffit-il, pendant qu’on agonise,
D’avoir sur ses reflets vécu comme Venise?
38 Les tablettes d’or
DON JUAN
Non! au moment qu’on meurt il faut avoir créé.
Tu ne peux pas savoir ce que je souffre.
LE DIABLE
Hé! hé!
DON JUAN
Oh! que rien de vivant de mon souffle ne vienne!
La connais-tu, cette souffrance?
LE DIABLE
C’est la mienne!
C’est ça, l’enfer. Aucun créateur n’est là-bas.
NEUILLY
ET LE CHÂTEAU DE TANCARVILLE
***
destin de
LeMaurice Rostand,
Marcelle lui tenait
Maurice en Maurice
Leblanc, réserve Maeterlinck…
un quatrième
***
VILLEFRANCHE ET LA MALARRIBA
MARIAGE ET ROMANS
***
NAISSANCE ET REPORTAGES
LE RIO DE ORO
***
cette peau lunaire, les lèvres brunes font un effet livide; les
yeux n’ont pas de regard, il est impossible de deviner ce
qui se passe dans cette tête. »
***
***
En 1939, à la veille de la guerre, c’est le journal La
République, organe officiel du parti Radical-socialiste, qui
envoie Marcelle Prat en Bohême, avec pour mission
d’interviewer Konrad Henlein, fondateur en 1933 de la
Sudetendeutsche Heimatfront. Principal artisan de l’an
nexion des Sudètes au Reich, Henlein est devenu, par la
grâce de Hitler, gauleiter de ce territoire, puis commissaire
civil de Bohême.
À cette époque, ce führer local est dans toute l’arrogance
de son triomphe. C’est un homme de quarante ans, ancien
officier autrichien, ancien professeur de gymnastique,
ancien chef du Deutscher Turnverband. Ce colosse s’effon
drera six ans plus tard: capturé par les Alliés en 1945, il
finira, comme tant de chefs nazis, par le suicide.
CHAPITRE IX
(1) Sa mère lui avait dédié son récit de voyage : Black white and
Brown et son roman La femme dévorée.
94 Les tablettes d’or
OCCUPATION. LIBÉRATION
***
1944, c’est l’année la plus dure: la résistance intensifie
les combats contre l’occupant; le Nazi intensifie la répres
sion: il arrête, il déporte, il torture. Il multiplie les perqui
sitions et les prises d’otage.
Contre les perquisitions, un seul recours: enterrer l’argen
terie et les bijoux: ce qui est classique et facile, mais aussi la
machine à écrire et les pneus, ce qui l’est beaucoup moins.
Contre les prises d’otages, un seul recours: la fuite, la
fuite éperdue dans la campagne.
À Saint-Pardoux-la-Croisille, quand retentissait la
cloche de l’église, c’est que les S.S. n’étaient pas loin.
Vite, la population terrorisée disparaissait dans les bois et
ils ne trouvaient que des villages vides. Saint-Pardoux
n’est pas si loin d’Oradour.
C’est alors que Roland s’écriait:
— Pourquoi se battre contre les Allemands, puisque de
toute façon il y aura une alliance entre eux et nous?
— Mais tais-toi donc ! Où cet enfant va-t-il chercher des
idées pareilles?
— Puisque nous deviendrons leurs amis…
— Ça suffit! Tu finiras par nous faire mettre en prison,
avec tes sottises.
Mme Prat, sa grand-mère, qui prenait au sérieux ces
« sottises » avait relevé dans un album, dates à l’appui, les
différentes prédictions qu’il lançait tout à coup d’un air
inspiré, enc’était
Cassandra, lui! Écoutez tous, je vais parler!
s’écriant:
Les tablettes d’or 101
jaune pâle au nœud très serré, sur laquelle est placée une
barrette reliant les deux extrémités de son col bleu. J’ai
envie de la desserrer pour soulager le malheureux esclave
de la mode. La veste américaine est tellement boudinée à
la taille que l’on s’attend à en voir craquer le cordon. Il
porte un grand manteau vert pétrole à rayures rouges et
une culotte bleu marine en fuseau, qui a une étrange res-
semblance avec celle d’un Incroyable. Les semelles de ses
chaussures, qui ont au moins cinq centimètres d’épaisseur,
lui font un véritable socle. Pour achever de se grandir, il
crêpe ses cheveux sur le dessus du crâne.
D’un pas nonchalant, il aime à se promener sur les bou
levards, jetant à la dérobée des œillades pour voir s’il est
remarqué. De temps en temps, il se regarde dans une glace,
rajuste le nœud de sa cravate, se lisse les sourcils, utilise
pour reformer ses ondulations ses dix doigts, regrettant
sans doute de ne pas en avoir quinze.
Autre croquis, datant de la même époque:
Mon berger allemand s’appelle Lux. Il a une raie noire
sur le dessus du dos et un poil très lustré, tout pareil à des
cheveux brillantinés.
Ses yeux intelligents expriment une confiance illimitée et
une tendresse sans égale quand il me regarde, moi, son
maître.
Son museau, de taille moyenne, est terminé par une
sorte de truffe spongieuse et toujours mouillée. Sa tête est
coiffée de deux oreilles pointues, palpitantes et en éveil,
lorsqu’il s’entend appeler pour une promenade. Dans la
rue, Lux a la démarche fière et noble.
Parfois, il est d’humeur irritable et alors, s’il a le mal-
heur de rencontrer un petit basset, au poil roux, trottinant
ridiculement comme un rat, et vêtu d’un manteau élégant,
le cou serré dans un collier à clochettes, il le suit, le re-
nifle, puis saute dessus comme sur un plat de viande.
Les tablettes d’or 103
Un Américain au front
Il descend de sa jeep couleur d’herbe pour aller cher
cher des ordres. Demain, le régiment doit attaquer Colmar.
Ne pensez pas que Frank soit inquiet, pas du tout ! Il a une
cigarette au coin des lèvres qu’il fume consciencieusement.
D’une voix dégagée, il annonce cet ordre aux camarades.
Certains parmi l’équipe accueillent cette nouvelle avec
autant de flegme que Frank. Sans perdre de temps, les uns
vont chercher leur casque, les autres des vivres. Frank,
assis sur le bord d’un mur, tout en sifflotant, prépare sa
mitraillette, la graisse, la regarde, l’essuie. Enfin, tout est
prêt: les camions partent les uns derrière les autres,
comme de grosses fourmis, et ils roulent en direction de la
ligne d’attaque. Le jour est sans soleil, glauque; des
nuages bas passent vite au-dessus des hommes.
104 Les tablettes d’or
***
LE MYSTÈRE BIFRONTAL
AU DIAPASON DE L’ENFER
2 juin 1946
« J’ai été précipitée dans le malheur. J’ai touché ce qu’il
faudrait appeler le malheur absolu. Je me suis sentie
dépouillée jusqu’aux os. Dans le même temps que mon fils
m’était arraché, ma vie de femme s’est effondrée. »
Dans un sens, sa croix fut encore plus lourde que celle
de Mme Monnier, car cette dernière n’était pas seule dans
son épreuve. Roland avait espéré que sa disparition rappro
cherait ses parents. Son dernier désir ne fut pas réalisé.
La descente aux enfers continue. Quand on admet la
mort de Dieu, la mort de l’homme ne tarde pas à suivre.
Marcelle de Jouvenel retourne en elle la pensée du suicide.
Elle espère qu’à force de ne rien vouloir, qu’à force de ne
rien faire, la vie finira bien par s’éteindre. Comme la mort
lente ne vient pas, elle songe à la mort violente. Elle se
lève, elle va à son balcon, elle ouvre la fenêtre; elle est au
quatrième étage, elle n’a qu’un geste à faire. L’attraction
vers le bas est de plus en plus forte. En cet instant, elle
comprend les suicidés. Elle se sent, comme eux, tirée vers
le vide. Elle entend comme eux cet appel d’en-bas. Entre
le lit et la fenêtre, il n’y a plus qu’un tout petit espace. Elle
va le franchir, elle est poussée à le franchir.
C’est alors qu’elle sent une main invisible se poser sur
son épaule et la retenir avec autorité. Le phénomène,
exceptionnel, semble beaucoup moins incroyable dès que
l’on admet l’existence du corps métaphysique.
Même le sommeil ne lui apportait pas l’oubli, car elle
continuait à rêver de son fils. Il était redevenu petit enfant,
il grelottait et répétait: J’ai froid! j’ai froid! Ses pieds
étaient nus, elle les prenait dans ses mains pour les
réchauffer de son souffle.
134 Les tablettes d’or
***
24 octobre 1946
« Comment avais-je pu, dans le désespoir où je me trou
vais, écrire: TU VAS ÊTRE HEUREUSE. Il me semblait
que je venais de commettre une sorte de sacrilège envers le
souvenir de mon fils. J’avais dû être victime d’une perte de
raison occasionnée par le chagrin et j’entrevis avec terreur
la possibilité d’être mise dans une maison d’aliénés ; je me
voyais déjà enfermée derrière les grilles. Demain, un doc
teur allait venir, il me ferait une piqûre pour m’endormir et
je me réveillerais dans un hôpital psychiatrique.
Le lendemain matin, je me retrouvai donc avec mes
craintes, sans autre possibilité de savoir si oui ou non j’avais
encore ma raison. Quand Anna entra dans ma chambre, elle
ne sembla pas étonnée par mes réflexions, ce qui me rassu
ra un peu. Je relus à nouveau ce que j’avais écrit dans la nuit,
cela m’apparut aussi incohérent que la veille. La journée qui
suivit, je la passai enfermée dans la chapelle où reposait
Roland.
140 Les tablettes d’or
AU DIAPASON DU CIEL
(1946)
25 octobre 1946
J’ouvre le cœur d’une rose; dans ce cœur, il y a une
goutte de rosée toute pleine des sept couleurs de l’arc
en-ciel.
Marcelle de Jouvenel, en 1946, et Roland avant sa mort
ignoraient, comme l’écrasante majorité de nos contempo-
rains, que le monde invisible est substantiel. On les aurait bien
étonnés en leur disant que, dans l’au-delà, il y a des fleurs.
« La deuxième nuit, vers minuit, je ne pus m’empêcher
de reprendre le crayon. Le même phénomène se reprodui
sit, ma main commença à écrire tout naturellement en
dehors de ma conscience claire. Comment dépeindre ce qui
se passe dans le cerveau à ce moment-là? C’est impos
sible. Une sorte de déclic se produit dans la tête qui anni
hile la personnalité, l’intelligence, la réflexion. Tout se fait
en dehors de soi, la main court doucement sur la feuille
blanche. Entend-on? N’entend-on pas? Dans quel état
exactement est-on? Je n’en sais rien. En définitive, on est
guidé et les phrases s’enchaînent sans peine, sans travail.
Je ne cherchais d’ailleurs nullement à approfondir ce phé
nomène; je subissais, j’obéissais à quelque chose d’invi
sible. À quoi bon me poser des questions auxquelles je
n’aurais pu répondre? Plutôt que de creuser ce sujet, je
préférais dormir, pour ne plus penser. Tout ce que je peux
affirmer, c’est que chaque soir ou presque je repris le crayon.
26 octobre 1946
Enfin te voilà, je t’ai attendue… mes communications
t’aideront.
« Il me donne des détails sur les régions qu’il traverse. Il
m’explique des quantités de choses. En quelque sorte il
enfante ma foi, il fait mon éducation. Comment aurais-je
pu résister à cette voix qui me parlait de l’au-delà, de lui et
de nous? J’éprouvais tant de joie à ces rendez-vous quoti
diens que j’évitais de trop réfléchir sur ce qui se passait. À
certains moments, je pensais que j’étais en communication
avec mon fils; à d’autres, je doutais. »
27 octobre 1946
Ma mort est une résurrection.
Il pense, il s’exprime, il se souvient, il aime, il parle:
c’est la résurrection immédiate. .
Fais une petite fête pour le jour des morts; mets-moi des
fleurs. Les fleurs ont une espèce de prolongement céleste;
leurs vibrations viennent jusqu’à nous. Le ciel t’ouvrira
bientôt ses portes.
Dans tout le livre, il ne cesse d’annoncer à sa mère
qu’elle va le rejoindre incessamment. Il se trouve si bien là
où il est qu’il n’a qu’une idée: la faire convoquer le plus
tôt possible. Marcelle, de son côté, ne demande qu’à partir
et si elle multiplie les voyages en avion, c’est avec le se
cret espoir… Mais la Providence a d’autres desseins. Elle
n’accède pas à la double requête du fils et de la mère. Un
certain travail doit être accompli. Il faudra attendre exac
tement vingt-cinq ans pour que tous deux soient réunis:
mai 1946-mai 1971.
Les tablettes d’or 151
28 octobre 1946
Dis àMarguerite qu’elle m’écoute aussi, je me souviens
de ce qu’elle m’a dit, à mon chevet, au sujet de ce que vous
appelez la mort.
Laissons la parole à Marguerite Maze, qui resta auprès
de lui jusqu’au bout.
« Mon petit Roland, tu pars vers Dieu, notre Père…
Jésus, les anges viennent à toi, sois heureux! » Il me
sourit, en extase, et ses yeux vacillaient déjà dans le mer
veilleux… vers tous les lointains qui le détachaient peu à
peu de la vie. Je le comparais, pour la dernière fois, à ce
portrait d’un jeune prince de Castille.
Le visage de la mort, qui fait resplendir notre plus pure
identité, se révélait pour Roland de Jouvenel, frappé d’une
telle gravité qu’on n’avait pas lieu de s’étonner qu’il ne
passât sur la terre que l’espace de quelques printemps.
Si j’ai, mon cher Roland, devancé pour ta chère et
pauvre maman l’heure de cette nouvelle naissance qui arri
vait vers toi, c’est que je sentais ton âme toute prête dans
cette merveilleuse confiance en Dieu. »
3 novembre 1946
Si tu mourais tout de suite, tu ne viendrais pas immédia
tement avec moi; il y a des lois inéluctables. Le purgatoire
n’est pas autre chose qu’un stage que doivent faire les
êtres pour apprendre la pureté.
Purgatoire, pureté, purification. Purgatoire, le mot qui
irrite, le mot qui fait peur, est ici dégagé de toute sa gangue
punitive et restitué à son origine, à son authenticité. Ce
Purgatoire est nommé Hadès dans le Nouveau Testament.
6 novembre 1946
Le bois est un bon conducteur d’ondes. As-tu jamais
réfléchi à cela ? Écoute bien tous ces petits éclatements qui
se produisent dans ma porte, quand tu écris. Je suis
content que tu aies pensé à me les attribuer.
152 Les tablettes d’or
14 novembre 1946
Il faudrait beaucoup d’explications pour te faire com
prendre notre royaume et nous ne sommes pas tellement
pressés de les donner; il y a peu de révélations à ce sujet,
parce qu’il est de bon ton de ne pas en fournir. Tu remar
queras que je ne t’envoie que des choses brèves, et c’est
déjà une grande grâce que l’on m’accorde.
Ah! si je pouvais te parler librement, tu serais émer
veillée. Considère que tout ce qui est féerique dans la na-
ture, comme l’eau, les astres, les fleurs, les coquillages, les
lucioles, les étoiles, le chant des rossignols, que sais-je!
sont de faibles reflets de notre royaume. Voilà pourquoi il
est une grande grâce de mourir jeune, c’est être invité plus
vite à partager ces merveilles.
Tu te souviens comme j’avais déjà un goût très arrêté
pour la beauté; cela n’était que le flair des choses célestes.
Ici tout est incrusté d’étoiles, parsemé de fleurs, les parfums
abondent; imagine une végétation folle. La récompense, je
t’assure, elle est surnaturelle…
Tu as besoin tout le temps d’être stimulée; un peu
comme moi quand je travaillais mal.
Roland, en effet, ne travaillait pas très bien en classe. À
part les rédactions, où il pouvait donner sa mesure, les
besognes scolaires l’ennuyaient au plus haut point. Sa
mère intervenait de la façon la plus classique: « Mais enfin
tes études! tes examens! ton avenir! » A ce mot d’avenir,
il avait un sourire triste: Es-tu bien sûre que j’aurai un
avenir?
Les tablettes d’or 153
15 novembre 1946
Tu crois toujours que je n’aurai rien à te dire. Pourtant
jusqu’à ta mort chaque soir je viendrai te parler.
Cela ne s’est pas réalisé à la lettre, les messages se raré
fièrent à partir des années 60, mais quand il dicte cela il
s’imagine, parce qu’il le désire, que cette mort est proche.
23 novembre 1946
L’enfer, il est partout, et vous êtes plongés dedans, selon
les étapes que vous vivez. En ce moment, tu es dans l’en
fer. C’est ta plus dure phase!
L’enfer, tout comme le royaume des cieux, est au-dedans
de nous.
24 novembre 1946
Si je pouvais tout te dire… Ici, c’est l’abondance, la joie
abonde, la bonté également.
Plénitude, plérôme de la nouvelle existence… foisonne
ment de rayons et de couleurs, débordement d’eaux-vives,
multiplication des charismes, diversité des vocations et des
tâches orientées vers l’amour. Abondance qui ne conduit
jamais à la satiété.
6 décembre 1946
Il y a tant de papillons autour de moi que je suis émer
veillé. C’est comme une pluie d’ailes de toutes les cou
leurs. Quand seras-tu invitée à prendre place dans cette
féerie?..
Maman, je suis également poète, et je vais faire bruire
mille harmonies à tes oreilles. Sois de plus en plus attentive.
Oui, il était poète, l’enfant qui disait à son réveil: J’ai
perdu ma nuit: je n’ai pas rêvé! L’enfant qui, sur sa
machine à écrire, s’amusait à taper ces phrases étranges
et apparemment insensées: Je chante comme un fou qui
foudroie le monde… les oiseaux m’ont dit des choses… Je
154 Les tablettes d’or
11 décembre 1946
Je suis devenu un écrivain, car on a reconnu l’utilité de
ma mission, à cause de notre collaboration. Ah! si je pouvais
t’expliquer ces échanges qu’il y a d’un plan à un autre.
S’il avait vécu, il aurait sans doute fait une brillante car
rière littéraire, mais il n’eût été qu’un auteur de plus. La
Providence lui réservait un destin plus étonnant. Appelé
prématurément dans l’autre vie, il a multiplié le talent ter
restre qu’on lui avait confié, il a développé tous ses dons,
il a haussé son diapason terrestre au diapason du ciel. Le
second n’eût pas vibré là-haut, si le premier n’avait pas
été forgé ici-bas. Tout doit être mis en place sur les plans
physiques.
13 décembre 1946
Si un jour tu m’oublies, le fil se rompra. On ne retrouve
que ceux dont la présence vous est indispensable; les
autres, on les perd de vue, comme sur la terre. On perd la
trace de ceux qu’on n’a plus envie de voir.
Sur la terre, il est une chose particulièrement pénible: la
promiscuité spirituelle. Nous sommes toujours entourés de
gens qui ne partagent pas nos conceptions. Nous sommes
sans cesse heurtés, brimés et notre seule arme est le silence!
Dans l’au-delà, il en va tout autrement. On est enfin avec
les siens, on vit parmi ses égaux. Plus de mélanges autour
de nous, plus de mélange en nous. Il n’y a plus cette imbri
cation du bien et du mal qui est si insupportable ici-bas.
Les tablettes d’or 155
16 décembre 1946
Puisque ma grand-mère vient demain, dis-lui que tout va
aller de mieux en mieux pour son travail. J’aime bien
qu’elle associe son succès à ma pensée, car je l’aide
autant que je peux. Mais il faut dire qu’elle est facile à gui
der, parce qu’elle ne se lasse pas et ne se décourage pas,
ce qui est dans la ligne de nos lois ici. Son système est très
relié. Je suis très content de te parler d’elle. J’aime bien
aussi qu’elle t’encourage à écouter mes messages; cela te
stimule. Ses fluides sont pleins de coloris. Dis-lui d’appor
ter beaucoup de mesure dans la réalisation de son grand
projet, car il doit réussir. Mais qu’elle fasse attention ! Une
erreur de sa part pourrait tout faire échouer.
Ma grand-mère, quand elle est gaie, a une fraîcheur
d’enfant. Qu’elle tâche d’influencer mon père! Bonsoir!
Cette grand-mère était Mme Boas de Jouvenel, première
épouse d’Henry de Jouvenel. C’est elle qui entraîna la
mère de Roland à une réception d’ambassade où se trou
vait Mgr Roncalli. Claire Boas de Jouvenel présente donc
sa belle-fille au Nonce et lui déclare sans préambules que
cette dernière reçoit des messages de son fils défunt.
Habituée aux froncements de sourcils de la hiérarchie
catholique, Marcelle ne sait plus où se mettre. Comment le
Nonce va-t-il prendre la chose? Va-t-il se moquer comme
certains prêtres de sa connaissance? Va-t-il fulminer?
Quelles foudres romaines vont encore s’abattre sur elle?
Non, ce n’est pas un inquisiteur, qu’elle a devant elle. C’est
un homme très compréhensif, très ouvert. Maintenant, elle
ne redoute ni ses sarcasmes, ni sa colère, elle a simplement
peur qu’il soit choqué. Mais le futur Jean XXIII, nullement
scandalisé, trouve cette formule qui résume tout:
16 décembre 1946
N’attache pas tant d’importance aux échanges ter
restres, à moins qu’ils soient sans tache. Tu ne fais déjà
plus partie de ces rondes de fantômes, car les vivants sans
âme ne vivent pas.
Nous les appelons les morts et ils nous rendent la poli
tesse. « Les morts, de quel côté sont-ils? », demandait
cruellement Pierre Monnier. De même, quand l’Écriture
parle des morts, il s’agit souvent des vivants sans âme. Alors
cette parole du Christ devient claire: « Laissez les morts
ensevelir leurs morts! » Prise à la lettre, elle est absurde.
24 décembre 1946
Maman! Maman! C’est Noël! Ton pauvre Noël a été
misérable. Pour moi, ce fut merveilleux. Je voulais te don
ner un cadeau, je te l’avais promis. Tu as manqué le seul
don qu’il t’était possible de me faire: celui de communier.
Rendez-vous demain à la Table Sainte, la table de Dieu.
Pour le premier Noël de sa grande épreuve, elle est donc
seule. Elle le sera encore pour la Saint-Sylvestre.
31 décembre 1946
Les fêtes sont pour toi des épreuves, elles font perler sur
la nappe blanche de ton âme comme de petites gouttes de
sang. Ne crois pas que cela soit perdu aux yeux de Dieu.
Ta robe pour entrer ici sera brodée de toutes les larmes,
millions de petites bulles transparentes dans lesquelles
vibreront les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Tu seras belle,
le jour où tu pénétreras dans le royaume de Dieu!..
Pour être reçue à la cour d’un souverain, il faut être
vêtue d’un costume d’apparat; pour entrer chez Dieu, il
faut avoir tissé soi-même son vêtement céleste.
Je ne pense pas que celle qui transcrivit ces lignes ait fait
le rapprochement avec la parabole du festin des noces, telle
qu’on peut la lire dans Matthieu XXII:
Les tablettes d’or 157
AU DIAPASON DU CIEL
(1947)
4 janvier 1947
Ta visite à Gabriel Marcel a une très grande impor
tance, une importance insoupçonnée de toi; elle sera
lourde de conséquences. Il a déjà fait évoluer des quanti
tés d’esprits, mais cela ne compte pas en proportion des
gens innombrables qui vont suivre.
Tout cela s’est réalisé.
Ta tâche, vois-tu, est de faire des corbeilles d’esprits
reliés. J’appelle corbeille une réunion d’êtres s’occupant
du surnaturel.
Cela aussi s’est réalisé, soit dans le grand salon du 194
rue de Rivoli, soit à La Rocheville, près de Saint-Germain
en-Laye. Et à présent, trente-trois ans plus tard, le groupe
Jonathan.
11 janvier 1947
Je voudrais te voir, je ferai mon possible pour venir dans
tes rêves. Dors, entre/dans cet état second qui est déjà un
commencement de dématérialisation… Tout peut t’être
redonné dans tes rêves, même moi.
La promesse s’accomplit et, le matin suivant, elle note:
Roland m’a envoyé un rêve: nous étions sur un plan où je
le retrouvais, où il vivait réellement, où toute ma peine
était finie. Premier répit dans ma douleur.
12 janvier 1947
Ma mort t’a accordée au diapason du Ciel.
Les tablettes d’or 159
14janvier 1947
Et dire que souvent les êtres se demandent ce qu’est
l’enfer, quand eux-mêmes, par leur attitude sans compas
sion, laissent autrui sans secours dans des zones expia
trices. Leur bonté serait une goutte de miel; leur douceur,
un peu de rosée sur un chemin de feu.
19 janvier 1947
Durant toute la journée, rien n’a vibré de façon céleste
sur toi; donc tu es pauvre. Tes mains sont vides de sainte
té : Pourquoi veux-tu que les portes du ciel s’ouvrent à toi ?
160 Les tablettes d’or
25 janvier 1947
La survie prend naissance dans les êtres dès leur nais-
sance ; cette survie est ce double qui vit dans le corps et qui
éclot à la mort.
9 février 1947
Tu es impatiente de venir t’entretenir avec moi. C’est
bien, car de nos conversations tu peux retirer le bénéfice
Les tablettes d’or 161
18 mars 1947
Nous nous aimions tant, maman. Je mets ma main dans
la tienne. Ne crois pas que nous soyons exempts de toute
mélancolie…
Quand je te vois si triste, je suis malheureux, pauvre
maman sans la plus petite consolation. Tu n’avais vrai
ment sur terre qu’un compagnon: ton fils. Dieu sait bien
tout cela.
2 avril 1947
Si je te disais que ta mission n’est pas encore terminée.
Dieu a encore besoin de toi sur cette terre. Moins tu tra
vailles les questions d’ordre religieux, plus tu resteras
longtemps parmi les hommes, car tu n’as pas encore
Les tablettes d’or 163
15 avril 1947
Donne, donne tout de toi. Applique-toi à être généreuse.
(1) Elle avait d’abord écrit: l’histoire désespérée. Puis elle rem
plaça désespérée par courte. Cette histoire, courte et désespérée,
elle n’eut pas le temps de la rédiger.
164 Les tablettes d’or
7 mai 1947
Ma deuxième nuit, il y a un an, où nous fûmes arrachés
l’un à l’autre. Ce sanctuaire plein de chants et de prières,
que tu m’as trouvé, a été un grand privilège; car il ne
faut pas croire que notre âme se dégage tout de suite de
notre chair.
Après notre mort, notre âme est encore reliée aux vibra-
tions de notre corps. Nous ne sommes pas complètement
séparés de notre enveloppe. Donc, c’est une très grande
aide que notre dépouille soit bien.
Les tablettes d’or 165
13 mai 1947
J’aurais beaucoup de choses à te dire sur moi, mais c’est
un peu délicat. En principe, nous ne devons pas parler de
nous.
20 mai 1947
Quand nous quittons la terre, nous arrivons tout de suite
dans une sorte de bulle close. Après notre dernier soupir
humain, nous n’entendons plus rien. Sans ligne de conduite,
ayant perdu le sens de l’orientation, nous voletons dans des
nuées, toujours sans rien reconnaître. Ceci est notre pre
mière étape.
Puis, peu à peu, nous apprenons à discerner les cou
rants divins; et des routes célestes s’ouvrent à nous.
La première couche, qui surplombe le monde et par
laquelle nous devons passer, est comme un ciel entier à
parcourir. Cet espace est sillonné de comètes. Nous
sommes tout dépaysés dans l’inconnu de cet univers. Sans
ailes ou presque, nous voltigeons dans cet éther aussi ma
ladroitement que des oiseaux nouveau-nés. Péniblement
166 Les tablettes d’or
22 mai 1947
Agissez toujours comme si un archange vous regardait,
et sachez que ceux-là seuls qui n’auront pas oublié leurs
morts les retrouveront.
3 juin 1947
Maman, maman, souris-moi. Ton âme, mon âme, après
ta mort, se retrouveront tout de suite. Actuellement, tu me
touches par ta pensée, par tes rêves. Après ta mort, tu
entreras dans une zone où nos deux électricités se combi
neront. Nos vibrations s’enroberont l’une l’autre, puis peu
à peu nous reformerons une symbiose.
Ce qui a été créé par toi te sera redonné. La vie que nous
n’avons pas vécue sur terre, nous la vivrons dans un
royaume parfait.
8 juin 1947
« Il y a tant de jeux de lumières dans ma chambre, que
ce dimanche, vers 3 heures, au-dessus de mon lit s’est
inscrit le mot « LIVRE ». Les lettres étaient d’environ
trente centimètres et avaient 1es couleurs de l’arc-en-ciel.
J’avais comme témoin Marguerite Maze. Pour plus de
sûreté j’appelai Anna et lui dis:
— Que lisez-vous?
— Livre, Madame, me répondit-elle.
Les tablettes d’or 167
9 juin 1947
Qu’y a-t-il de plus sublime que la féerie d’un beau
songe?.. N’est-ce pas dans ces réalités irréelles que tu
atteins le bonheur le plus parfait? Quel mystère! Tu peux
te promener au paradis, tu peux rencontrer un ange, tu
peux m’entendre comme si j’étais là. Le sommeil est une
incursion de l’homme dans l’au-delà, pour son bien ou pour
son mal; car souvent il a des cauchemars. Ces cauchemars
ne sont pas si étrangers aux zones douloureuses qui enve
loppent le paradis. Également des furies s’ingénient à vous
pourchasser. N’avez-vous pas sous les yeux l’exemple des
millions d’insectes qui grouillent dans la nature? Ceci doit
te donner une idée des zones expiatrices: le combat de
l’araignée et de la mouche, du lézard et de l’insecte, du
chat et de l’oiseau, autant de monstres déchaînés les uns
contre les autres. Dans les combats de vos cauchemars,
vous avez un aperçu de ces immensités diaboliques qu’il
vous faudra traverser, si vous vivez loin de Dieu.
168 Les tablettes d’or
21 juin 1947
Un grand arbre vient de pousser près de moi.
Cet arbre doit être une projection de sa pensée.
22 juin 1947
Réforme-toi par désir d’imiter la perfection, plutôt que
par crainte du péché. Crée en toi un climat qui te conduise
à la métamorphose par amour. Ceci est la loi, la loi des amis
de Dieu.
Tu veux encore rester avec moi, Man, il faut pourtant
que je m’en aille.
« Subitement mon écriture change, et l’inspiration est
coupée.»
28 juin 1947
Les seiches crachent de l’encre. Chez les hommes, la
méchanceté également répand de l’encre. Cette dernière
est invisible, mais tout aussi salissante que l’autre. Voilà
pourquoi il faut te méfier des vibrations haineuses, car
elles pourraient bien arriver à user ta résistance vitale.
Également, évite la critique. Cet état d’esprit est un fruit sec.
« De tels reproches, de tels blâmes finirent par me plon
ger dans un véritable cas de conscience, j’étais boulever
sée, déchirée. Mais au fond, je savais qu’il fallait rester
fidèle à la voix que j’entendais. »
10 juillet 1947
Après ta mort, l’empreinte de tes pas doit rester lumi
neuse sur les chemins qui mènent à Dieu; et ces pas de
clarté serviront de guides à ceux qui viendront après toi.
Que de routes s’ouvrent à nous après le trépas!
12 juillet 1947
Je me suis encore levé et j’ai plus de mal à t’apercevoir,
je ne te rejoins plus que par l’extrême pointe de tes vertus.
Les tablettes d’or 169
15 juillet 1947
L’Esprit-Saint descendra vraiment en toi quand tes har
monies intérieures seront toutes intégralement accordées
au diapason céleste.
Apprends à transposer en béatitude le moindre souffle
spirituel qui t’effleure. Toutes ces notes sont envoyées par
Dieu pour que tu composes ta symphonie intérieure.
22juillet 1947
Ton fils est là. J’ai bien assisté cette nuit à ta grande
crise de larmes. Sois calme, sois droite. Si je te disais
qu’une des formes de peines qui ne nous est pas évitée est
que nous voyons vos imperfections et que nous sommes
impuissants.
26 août 1947
Respecter les dernières volontés d’un mourant est très
important.
Les tablettes d’or 171
20 septembre 1947
J’inspire à Gabriel Marcel de te faire une préface.
« L’invraisemblance de ce qui m’était annoncé dépassait
les bornes, et une fois de plus, je pensais que je perdais la
raison, que tout ceci était une mystification, une sorte de
comédie, que je me jouais à moi-même. Il n’y avait aucune
raison que ce philosophe, que je n’avais vu qu’une fois,
s’engageât dans cette voie. Je savais trop par expérience
combien il est difficile dans ce domaine d’obtenir quoi que
ce soit de qui que ce soit.
Malgré l’effort que cela me coûtait, je décidai de rester
plusieurs jours sans prendre 1e crayon. J’en étais là de mes
réflexions lorsqu’un matin 1e facteur sonna à ma porte et
me remit une lettre. J’examinai l’enveloppe, l’écriture
m’était inconnue. Avant de lire 1e texte, j’eus la curiosité
de jeter un coup d’œil sur la signature; péniblement je
déchiffrai: Gabriel Marcel. Mon étonnement fut grand, et
plus grand encore lorsque je lus: « Madame, je ne me dis
simule pas un seul instant qu’en proposant d’écrire une
introduction à un livre tel que celui-ci, j’assume une certai
ne responsabilité, je prends position, j’accomplis un acte. »
Tout cela, je l’ai tenu secret jusqu’à ce jour et 1e philo
sophe ne l’apprendra qu’en lisant ces lignes. »
Les tablettes d’or 173
UN PRÉDESTINÉ
28 septembre 1947
Maman, te voilà de nouveau en déroute pour quelques
coups de griffes.
Le mystère des choses célestes ne doit être que rarement
un sujet de conversation. Ne me mets jamais en cause,
sinon dans les demeures en paix. Il faut tant de délicatesse
pour nous approcher!
Ne recommence plus. Tu n’as pas à essayer de prouver
l’authenticité de nos communications. Ne parle qu’à ceux
qui vivent dans la chaleur céleste.
30 septembre 1947
Dieu a créé Marthe, mais également Marie-Madeleine.
Puisque Dieu t’a fait la grâce de t’exprimer pour le bien
de ses créatures, tu dois tout sacrifier, te mettre tout entière
au service de cette faveur.
La mortification est une autre voie. Ton cilice est ma mort.
Dieu a planté une épée dans ton cœur: voilà l’épreuve qui
t’est réservée. Ceux qui te conseillent d’augmenter ton
fardeau sont les interprètes des faux dieux. Méfie-toi de
ces mystiques morbides. Suis tout doucement les chemins
paisibles qui s’en vont du côté des anges.
Dieu aima celle qui versa sur lui des parfums. S’il t’a
donné quelques gouttes de parfums pour les répandre sur
ses brebis, très humblement, ne fais plus rien d’autre.
2 octobre 1947
Les hirondelles savent quand elles doivent partir et où
elles doivent aller. Et les vrais élus de Dieu le savent aussi,
ils ont le sens de l’orientation céleste. Travaille!
C’est alors que Marcelle de Jouvenel apprit la mort de
Pierre Lecomte du Noüy, survenue à New York 1e 22 sep
tembre 1947. Il avait eu, lui, 1e pressentiment de son
départ et il connaissait le but du voyage. N’avait-il pas
écrit: « La destinée de l’homme ne se limite pas à son
182 Les tablettes d’or
12 octobre 1947
Tu as beaucoup de mal à m’entendre maintenant. Fais
très attention: tu vas entrer dans une nouvelle phase de ton
chagrin, parce que je vais entrer moi-même dans une nou
velle évolution; et pour que le lien qui nous unit subsiste
et demeure vivace entre nous, il va falloir que tu évolues à
ton tour.
« Mon fils, dis-moi ce que je dois faire. »
Ce n’est pas à moi de t’indiquer la route, c’est à toi de
la découvrir. Quand un explorateur part à la conquête
d’une terre inconnue, personne ne peut l’aider; tu dois
trouver toi-même les chemins de ta conquête spirituelle.
« Je suis attachée à ma solitude, comme Prométhée à son
rocher. Parfois, j’ai un grand désir de m’en évader, mais
Les tablettes d’or 183
11 novembre 1947
Tu es de plus en plus seule dans ta peine, car mon sou
venir terrestre s’efface. Je n’ai rien laissé sur la terre
qu’une silhouette d’enfant. Pourquoi donc les hommes
penseraient-ils encore à moi ? Le sillon que ma vie a fait se
referme. Tu es la seule à garder en toi ma présence vivante.
J’habite ta pensée. Toutes les pensées sont en fonction de
moi. Tu ne fais plus un acte qui ne me soit dédié. Tu vis
dans l’ombre de mes ailes. Ton double est en moi. Et c’est
cette union intégrale qui te fait tant souffrir, car vivant de
ma vie, tu éprouves tout ce que j’éprouve, et il ne faut pas
croire que nous soyons sans tourments. Cette vie de la terre
et cette vie du ciel qui circulent en toi, c’est l’épreuve la
plus douloureuse que Dieu impose à ses brebis. Mais elle
te vaudra des siècles de félicité.
27 novembre 1947
Te souviens-tu de mon sourire quelques heures avant
mon envol, lorsque Marguerite Maze m’a dit: « Roland,
vous allez rejoindre les anges. »
Les vivants ne devraient pas craindre, au moment de
notre agonie, de nous parler de notre future demeure: celle
de Dieu; ce sont les seuls mots qui puissent nous aider. Par
crainte de nous effrayer, vous tentez de nous cacher la
vérité, cette vérité que nous sentons, car l’envahissement
de l’au-delà se produit avant les derniers battements du
cœur. Le physique vit sur des réflexes un certain temps, et
si nous avons l’air d’être déjà dans le trépas, nous enten
dons; c’est à ce moment-là qu’il faudrait tout doucement
nous parler indéfiniment de Dieu, et faire dans un choix de
mots divins les plus belles descriptions célestes. Voilà
pourquoi c’est un grand privilège de mourir en compagnie
des amis de Dieu.
Les tablettes d’or 185
4 décembre 1947
« Roland, dis-moi si ces communications avec la terre
empêchent ton ascension et retardent ta montée. »
Écoute-moi bien: de la foi brûlante, des vapeurs s’élèvent.
Ne dis pas que je descends sur terre, dis que tu montes au
ciel.
L’alourdissement existe lorsqu’on nous utilise pour des
vulgarités ; les efforts que vous faites alors pour nous cap
ter nous troublent et, dans ce cas, nous préférons votre
indifférence à votre fidélité. Lorsque vous essayez de nous
rejoindre par des actes pieux ou par votre ferveur, vous
augmentez notre potentiel de félicité. Vos prières, vos
recueillements sont pareils à des foyers chauds auprès des
quels nous aimons à venir.
18 décembre 1947
Sache que la vie double est parfois incompatible avec
l’existence active. Sache encore que les relations avec un
disparu sont aussi absorbantes qu’une vie vécue,
puisqu’elles ne peuvent se produire que dans un climat
particulier et que ce climat ne peut exister en vous que si
vous travaillez à le créer avec une patience de fourmi. Plus
tu y travailleras, plus l’envahissement de cette vie double
t’absorbera.
186 Les tablettes d’or
4 avril 1948
Le jour de ta mort, tu sortiras de ton corps comme le
soleil sort d’un nuage, et nos deux luminosités trembleront
ensemble.
Nous tremblerons de joie, nous vibrerons comme le son,
je t’emmitouflerai de toutes tes prières pour traverser les
zones froides qui précèdent le paradis.
8 avril 1948
Je me jette dans tes bras; n’écoute pas les méchants qui
veulent nous séparer, qui veulent t’empêcher de publier le
livre que je t’envoie; ce sont des cailloux que tu dois écar
ter de ton chemin. Savent-ils que c’est pieds nus que l’on
fait le trajet des routes célestes?
26 avril 1948
« Au Diapason du Ciel est entré dans la maison à sept
heures du soir. C’est à cet instant que j’allais prendre un
ouvrage sur Notre-Dame de la Saiette avec l’idée d’en
écrire un mystère selon les messages de Roland. »
Ce mystère, intitulé Notre-Dame des Larmes, fut repré
senté en l’église St Germain l’Auxerrois.
Dimanche 2 mai 1948. Paris
Maman, j’ai quatorze ans d’années terrestres, et deux
ans de ciel. Ici, comme chez vous, il faut faire sa place; il
faut gagner ses étoiles célestes; la marche vers Dieu est
dure. Sur terre, il y a les cailloux du chemin; ici, il y a les
épines de la sainte Couronne. Le symbole des épines
autour des roses doit être un sujet de méditation pour toi…
Je t’enroule dans ma tendresse, maman, je t’enferme
dans mes ailes. Colore-toi d’amour! Merci, maman, de
m’avoir donné tant de fleurs.
Tout ce qui est humain est comme une toile d’araignée
sur ton âme.
Je t’aime, maman…
Mon livre! Si tu pouvais m’entendre rire de joie!..
Ce livre est Au Diapason du Ciel.
3 mai 1948
Ton double est cet impondérable autour de toi, teinté
mais invisible. Voilà pourquoi je te dis sans cesse de tra-
vailler à le perfectionner, car c’est lui qui doit te survivre.
9 mai 1948
Tu ne cours pas assez vite sur les chemins qui mènent
au ciel.
« Quelle sera ma journée de demain? »
Tu vas lancer des fils, mais je m’éteins si tu insistes pour
me faire prédire l’avenir, bonsoir.
Les tablettes d’or 193
13 mai 1948
Maman! Joie! Joie! Si tu pouvais savoir!
Défais-toi de mon souvenir terrestre.
Pauvre maman, écartelée entre le ciel et la terre. Ah! si
j’avais le pouvoir de te faire inviter tout de suite ! Mais ton
service humain n’est pas encore terminé.
« Mon ange, dis-moi si c’est bien toi qui guides ma
main, je doute. »
Maman, je croyais que tu étais devenue raisonnable;
être raisonnable, c’est avoir la foi; une foi si forte qu’elle
tue tout ce qui n’est pas elle.
Si l’on affirme que ta croyance est inexacte, sur quoi se
base-t-on ? Sur des probabilités, rien de plus ; personne ne
peut donner la preuve que cela est faux, pas plus que tu ne
peux donner la preuve que cela est vrai. Qui donc alors est
le plus près de la vérité? Tu seras d’autre part attaquée
pour avoir publié mes messages ; je te parlerai de cela plus
tard; il faut que je m’en aille.
À présent, comme le disait Bergson, la charge de la
preuve incombe à ceux qui nient la survivance.
« Tu seras attaquée! » Ici, il annonce la mise à l’Index
qui aura lieu exactement sept ans plus tard.
9 juin 1948
Maman, les souvenirs te reviennent si vifs qu’ils sont
pareils à des buissons d’épines dans lesquels tu te sens
précipitée. Ces tornades de visions où je suis comme vivant
dans ta pensée, où je me recrée intact, ont une significa
tion: elles correspondent à des besoins dans l’astral.
Malheureusement, je ne peux te faire aucune révélation à
ce sujet. Sache, cependant, que les pleurs sont aussi néces
saires à ton âme que l’eau à la plante. Oh! mystère de la
souffrance! Mystère des larmes! Sans en connaître l’utili
té, vous les versez et elles suintent, une à une, de vos yeux
en feu. Les sources célestes ne tariront jamais, puisque les
larmes couleront toujours…
196 Les tablettes d’or
14 juin 1948
Maman, depuis plusieurs jours je désire te parler de la
différence entre la prière faite dans les églises et la prière
faite chez soi. L’église est en quelque sorte une table sonore
qui renvoie l’écho des oraisons.
Il est curieux que vous ne pensiez jamais qu’à vous-
mêmes, et que bon nombre de personnes se plaisent à dire:
« Il m’est plus agréable de prier chez » Est-ce que de
temps à autre vous ne pourriez pas vous demander quelle
est la volonté divine?
Il y a plusieurs raisons pour que la prière soit plus effi-
cace dans les lieux consacrés. La première est qu’ils sont
bénits, et que la grâce y arrive plus aisément. Dieu est
dans les églises, et si vous ne l’y trouvez pas, c’est parce
que vous êtes distraits. Si vous étiez vraiment en affinité
avec le ciel, vous ressentiriez un tel bien-être dans la mai
son de Dieu que vous vous y rendriez sans cesse.
20 juin 1948
Tu as eu cet après-midi, en écoutant les mille voix
d’enfants dans l’église, la résonance du premier plan ou
premier ciel qui est au-dessus de la terre. J’ai dépassé ces
harmonies. Maman, il est indispensable d’avoir des pôles
d’attraction spirituels, car les âmes après la mort se sentent
attirées par la loi de gravitation, et ainsi rejoignent leurs
évolutions les plus parfaites.
16juillet 1948
La mort de la lumière est en tous points le symbole de la
mort de l’homme.
La disparition de la lumière doit plonger l’homme dans
le sommeil qui est une mort artificielle; la lumière doit le
réveiller comme la lumière céleste réveillera le défunt.
Cette agonie du jour dans l’ombre est une réplique de ce
que nous éprouvons au moment de la mort. La terre
devient ténèbres; nous ne distinguons plus le créé, nous
traversons ensuite une région ténébreuse comparable à la
nuit. Nous sommes emportés dans l’espace comme des
nuages dans l’ombre d’un soir obscur, puis l’aube céleste
17juillet 1948
Maman, votre foi est comme l’extrême pointe de vous
mêmes ; parfois, elle monte si haut qu’elle se confond avec
les premiers degrés du ciel. Ces échappées en flèche
rejoignent nos parterres.
« Parle-moi des apparitions. »
Les apparitions ont leur importance, car elles prouvent
que Dieu a déchiré l’écran opaque qui empêchait l’homme
de voir. Le créé est une muraille; de l’autre côté, il y a
notre royaume. S’il plaît à Dieu, le mur tombe; et vous
vous trouvez non pas au ciel, mais face à face avec votre
propre ciel.
Je m’explique ; si la Vierge de la Saiette porte une coiffe,
c’est que Mélanie s’imaginait la Vierge ainsi parée ; ce qui
revient à dire que, lorsque Dieu se prodigue à vous, c’est à
votre mesure.
200 Les tablettes d’or
22 juillet 1948
Ce religieux t’a dit: « Il y a trois hypothèses pour iden
tifier l’origine de vos communications; la première se
rattache à la théorie du subconscient; selon la deuxième,
vous interprétez l’inspiration de Roland; selon la troi
sième, Roland lui-même s’exprime. » Que les hommes
réfléchissent! Comment peuvent-ils définir le plan où
plongent les racines de l’inspiration? Estelle quelque chose
que vous recevez, ou bien vit-elle dans votre double, c’est-à-
dire dans un deuxième être qui vous est complètement étran-
ger et qui est cet hôte mystérieux dont la volonté est si sou-
vent en désaccord avec vos propres intentions. Ne reçois-tu
pas des directives contraires à tes désirs? Conclusion: je
conduis ta pensée et tes actes en dehors de toi.
Maman chérie, ton esprit est si complètement imprégné
de mes fluides qu’à l’instant même où tu cesses d’être la
proie du créé nos électricités se combinent.
Les incrédules n’expliquent rien puisqu’ils évoquent un
état de subconscience, sans arriver d’ailleurs à définir ce
qu’est le subconscient.
En réalité, le problème se pose ainsi: vous portez sur
vos épaules deux têtes (2) : la visible et l’invisible. Qui ali
À quelle
mente ce source
deuxièmese esprit?
ravitaille-t-il?
Où puise-t-il
Est-cesadans
matière grise?
les brumes
terrestres qui
L’homme ou évolue
dans en
les fonction
clartés de
dulamonde ne dépasse
matièresurnaturel?
25 juillet 1948
Ton ciel n’est pas celui de ton voisin; le ciel du catho
lique n’est pas celui du mahométan, ni celui de l’israélite
ou du protestant. Pourtant, vous êtes tous dominés par le
même au-delà.
Il avait dit, le 17 juillet: Vous vous trouvez face à face
avec votre propre ciel. Que de fois dans les Écritures il est
question de Cieux! et ce pluriel n’est pas un pluriel poé
tique. « Il y a de nombreuses demeures dans la Maison de
mon Père » (Jean XIV, 2.)
2 août 1948
Si tu voulais étudier la biologie, tu découvrirais que tous
les principes de la vie psychique se retrouvent dans la vie
des corps organisés. Pour comprendre les lois psychiques,
tu n’as qu’à transposer les lois qui régissent les minéraux;
il existe en chimie et en physique des phénomènes ana
logues à ceux qui se produisent dans l’énergie des âmes;
le temps viendra où des expériences prouveront la vérité de
mes paroles.
Trente ans plus tard, ce temps est venu.
4 octobre 1948
Maman, tout ce que l’on dit de nos relations n’a pas plus
d’importance qu’un peu de vent, tu dois considérer cela
comme l’épreuve indispensable. C’est maintenant que ta
qualité va se révéler.
Si tu résistes aux efforts des hommes qui veulent te
démontrer que seul ton subconscient est en jeu, il sera
évident que tu auras triomphé des courants perturbateurs
qui s’attachent comme la lèpre à tout ce qui dépasse l’en
tendement humain.
Les tablettes d’or 207
11 octobre 1948
Maman, tu n’es jamais seule; les larmes sont souvent en
vous comme des sources. Oh! larmes saintes des yeux qui
pleurent à cause de Dieu.
Écoute-moi: la vie du ciel ne consiste pas à supprimer
vos besognes et vos charges matérielles, car elles sont le
lot de l’être humain; vous ne devez vous soustraire à au
cune servitude terrestre; bien au contraire. Le Christ en
est un exemple. Le fardeau des jours laborieux n’est donc
pas évitable, et vous devez l’accepter; mais n’oubliez pas
que si vous gagnez votre vie avec vos mains, vous gagnez
votre éternité avec vos pensées.
208 Les tablettes d’or
21 octobre 1948
Tous, vous voulez davantage; tous, vous êtes mécontents
de votre sort; tous, vous trouvez que vos peines sont trop
pesantes. N’accablez pas le ciel de vos reproches, car vous
ne savez rien. Vous ne possédez aucun des flambeaux qui
pourraient faire éclater l’ombre autour de vous; vous
vivez dans les ténèbres.
« Ici, je suis interrompue par l’entrée d’une personne
dans ma chambre. Le 22 octobre, j’essaie de reprendre
cette conversation, et, à ma grande stupeur, je constate que
le lien sur ce sujet ayant été coupé, il n’est plus possible de
le renouer. Ce qui m’amène à conclure que je vois les mots,
et que lorsqu’ils s’effacent il n’y a plus rien, parce que ce
n’est pas ma pensée qui pense. »
26 octobre 1948
Maman, ouvre-toi au ciel comme une corolle s’épanouit
sous le soleil. Il faut tant de piété, tant de méditations, tant
de prières pour que vous soyez dignes d’entrer dans la
demeure de Dieu! Pense aux innombrables évolutions par
lesquelles l’arbre passe avant d’atteindre toute sa gran
deur. Que de naissances, que de morts ses fibres ne subis
sent-elles pas pour gagner en croissance ! Printemps après
printemps, l’arbre bourgeonne ; automne après automne, il
meurt. Chaque été, son écorce se fend: il éclate de partout
pour que ses feuilles et ses fruits mûrissent. Des racines à
la cime il est travaillé par la sève; et tout ce labeur et
toutes ces morts, il les refait, il les subit chaque année pour
l’espace éphémère d’une saison.
Comme il faudrait que vous aussi vous sachiez mourir
des milliers de fois dans vos imperfections pour ressusciter
dans votre perfection!
« Et je serai obligée de vivre comme si de rien n’était…
Pourtant quel extraordinaire jour! Je revenais de la cha
pelle de Roland; il était environ cinq heures et demie, je
Les tablettes d’or 209
Toussaint 1948
Vis dans le royaume des Écritures, car Jésus a inscrit sur
ses tablettes le secret de la vie éternelle.
« Seigneur, à qui d’autre irions-nous? Tu as les paroles
de la vie éternelle » Jean VI, 68.
10 novembre 1948
Si j’ai placé ma voix dans l’église, il faut aller l’entendre
dans l’église. Ne sois rebelle à aucune de mes recomman
dations. Abandonne-toi chaque jour davantage à l’idée de
Dieu.
Maman, je m’envole. Encore un mot: je t’aime.
16 novembre 1948
Maman, il est bien que tu sentes mourir en toi tes évolu
tions anciennes, que tu éprouves la naissance de floraisons
nouvelles.
L’herbe pousse à chaque saison, se dessèche et meurt. Il
doit en être ainsi de vos progressions. Pour vous renouve
ler; vous devez faire agoniser en vous votre passé. Une
terre vierge féconde mieux le grain que toute autre. Brûle
ta vie antérieure, anéantis ce qui fut, afin de ne plus pos
séder que le devenir. Marcher vers Dieu, c’est ne pas se
retourner, vous pouvez toujours faire mieux qu’hier.
« Celui qui, après avoir mis la main à la charrue, regarde
en arrière n’est pas propre au royaume de Dieu »
Luc IX, 62.
18 novembre 1948
Les lois qui régissent la terre sont dures; tu ne peux
échapper à ton propre graphique; fais ton service noble
ment; moins bien tu accompliras ta tâche, plus longue sera
notre séparation.
Tu dois diviser ta tête en deux, car tu portes en elle deux
mondes: le monde de ton mental physique, et le monde de
ton mental psychique. Le premier te donne les sensations
212 Les tablettes d’or
20 novembre 1948
« Ceci est un rêve. L’au-delà était une résonance de moi
même, où tout ce que je faisais sur terre se répercutait.
J’avais brusquement acquis le don de double vue et la
faculté de voir le prolongement de mes actes. Je vivais
donc deux vies à la fois; mais celle d’ici-bas était sombre,
tandis que l’autre me plongeait dans l’enchantement. »
dois plus poser tes yeux sur la terre. Chaque jour doit t’ap
porter la naissance d’une nouvelle certitude abstraite.
AU SEUIL DU ROYAUME
(1949)
16 janvier 1949
Jésus a dit: « Buvez, ceci est mon sang; mangez, ceci est
ma chair. » Je voudrais que ces paroles deviennent pour toi
une vérité. Afin de t’éclairer sur les lois des métamorphoses,
je vais te donner un exemple si simple que tu en seras tout
étonnée. Chaque jour, un phénomène inouï se produit en vous
auquel vous négligez de réfléchir. Le pain que tu manges, le
vin que tu bois deviennent chair et sang. Ce pouvoir, dont est
capable votre organisme, vous le contestez à Dieu. Maman,
le pain des anges, tout comme le pain des hommes, porte en
lui sa possibilité de métamorphose. Comme les organismes
changent les aliments, l’âme transmue les ondes.
216 Les tablettes d’or
26 janvier 1949
L’homme n’est pas limité à ses contours, l’infra-rouge
qui l’enveloppe est au moins aussi réel que son apparence.
Vous êtes baignés de fluides mouvants comme des nuages.
Encore un message prophétique! ceci a été mis en évi
dence par les photographies des Kirlian, travaux qui n’ont
été connus en France qu’en 1973.
3 février 1949
Ton esprit doit guetter les manifestations de l’au-delà. Il
faut que tu saches sur quels éléments nous pouvons agir:
l’eau, la lumière, le bois, les fleurs, le son, le feu…
Il aurait pu ajouter le verre et le cristal, sur lesquels il sut
plus d’une fois faire passer ses vibrations.
4 février 1949
Votre corps est entouré de phosphorescences; si vous
découvriez un rayon qui vous les rende perceptibles, vous
pourriez mesurer votre puissance psychique.
5 février 1949
La science pure en ses prolongements les plus hauts peut
parfois expliquer le monde invisible.
C’est bien ce qui est arrivé trente ans plus tard.
Déjà les savants ont prouvé la dématérialisation de la
matière; magiciens sans le savoir, ils ont surmonté des
difficultés incroyables, dissocié l’atome, conçu la réalité
d’une substance intermédiaire entre les corps et l’éther.
Mais ils n’étendent pas leurs recherches à l’âme et ne font
pas porter sur elle leurs investigations. L’analyse des
radiations humaines les intéresse mille fois moins que celle
des radiations lumineuses. L’attraction des particules de
la matière les captive plus que celle du rayonnement flui
dique de l’homme. Qui orientera la curiosité vers ces hori
zons inexplorés ?
Les tablettes d’or 217
14 février 1949
J’aime quand tu concentres totalement ta pensée sur
moi. La plus grande preuve d’amour que l’on puisse don
ner à un disparu est de toujours agir comme s’il était
vivant. Il y a sur la terre très peu d’êtres qui s’aiment vrai
ment. Pourquoi s’aimeraient-ils davantage après la mort?
22 février 1949
Quand tu écris sous ma dictée, nous ne faisons vraiment
plus qu’un. Je joue sur ton âme les mélodies de mon ciel,
et tes résonances vibrent selon moi. Tu es l’instrument, je
suis l’archet. Ah! si vous pouviez savoir combien votre
fidélité nous est précieuse!
4 mars 1949
Ma mort n’est pas un accident, mais l’effet de la volon
té divine. Toute séparation a son motif.
23 mai 1949
Le subconscient est la partie de vous-mêmes qui enre
gistre à votre insu une série de faits, d’impressions; ces
enregistrements peuvent rester non révélés, ou bien affluer
soudain à votre conscience claire. À ces instants-là, vous
croyez voir du nouveau quand, en réalité, c’est le passé qui
surgit. Ce que le subconscient ne peut pas faire, c’est lire
dans l’avenir. Pour les incrédules, l’authenticité de cer
taines clairvoyances devrait être fondée sur l’annonce
d’événements futurs.
13 juin 1949
Les preuves que peuvent donner les hommes de leur
croyance en l’immortalité sont les suivantes: le boulever
sement des valeurs et le changement d’orientation.
Ce bouleversement des valeurs, ce changement d’orien
tation est appelé metanoia dans tout le Nouveau
Testament. Metanoia fut traduit par repentance, or la
repentance n’est qu’un aspect de cette révolution intérieure.
Les tablettes d’or 221
14 juin 1949
Sois calme, c’est la meilleure manière d’écarter le mal.
Il est très grave de se laisser perturber par la méchanceté
humaine, car les forces troubles émanées de cerveaux
troubles, si elles ‘ne se heurtent pas à des murailles de
paix, font leur œuvre de destruction.
27 août 1949
« Roland, je suis désespérée! »
Je suis las de t’envoyer des consolations. Le rossignol ne
chante pas dans les ténèbres. Ton âme toujours endeuillée
m’assombrit. Désespère, mais ne t’enlise pas dans un cha
grin dont la monotonie nous pèse autant qu’elle pèse aux
vivants. Sois terrassée ou transportée d’extase, sois transie
ou brûlante: ce que Dieu condamne, c’est la tiédeur.
Apocalypse III, 16: « Ainsi parce que tu es tiède, je te
vomirai de ma bouche. »
23 septembre 1949
La pensée ne trouve son achèvement qu’en l’éternel.
19 octobre 1949
Je suis celui qui est venu sur terre pour te sauver, ma
mort t’a ouvert les portes du ciel, ton éternité m’est
confiée, remercie le Seigneur.
222 Les tablettes d’or
17 décembre 1949
Ne te laisse affaiblir, ni dérouter par aucun des troubles
que les gens veulent jeter en ton esprit à propos de nos
communications. Tu es sûrement sur le chemin de Dieu,
puisque tu le cherches.
224 Les tablettes d’or
17 décembre 1949
Maman, je te demande de réfléchir à la soirée d’hier: un
chef d’orchestre de treize ans… Les uns parlent de génie,
les autres de réincarnation, beaucoup plus simplement je
te dis: Il est habité.
Mozart, lui aussi, était habité. Rimbaud le fut aussi, un
certain temps, puis l’inspirateur se retira.
22 décembre 1949
Vous qui êtes conscients de votre isolement, aimez votre
dépouillement, car il est votre trône.
Cet abandon, ce rejet humain prouve que vous n’êtes
plus tout à fait de la terre, mais déjà un peu du ciel.
AU SEUIL DU ROYAUME
(de 1950 à 1952)
4 janvier 1950
Maman, si tu es désespérée, ne cherche nulle part qu’en
toi-même la consolation. L’homme n’est jamais moins seul
que lorsqu’il est un.
20janvier 1950
Je te laisserais aller même à la torture pour t’entendre
crier aux incrédules avant de mourir: Là est la vérité.
Cette certitude sauvera tant d’âmes qu’il ne faut pas
redouter la lutte; pleurons ensemble.
« Le 28 janvier, c’est-à-dire huit jours après cette
communication, je reçus la visite de Monsieur X… qui me
dit des choses affreusement pénibles au sujet des messages
de Roland. »
Maintenant que l’âge est venu et que le terme approche,
M. X… n’oserait plus dire à une mère ces choses affreu
sement pénibles (1).
24janvier 1950
La résurrection commence dès cette vie charnelle.
Ressusciter en soi-même, voilà la première tâche de l’exis
tence terrestre.
Jean III, 36: « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle. »
Importance de ce présent.
29janvier 1950
Bien des êtres croient plus volontiers au pouvoir du
malin qu’au pouvoir divin. L’homme est si loin du ciel
qu’il préfère admettre la notion du supra-terrestre dans le
mal plutôt que dans le bien.
C’est en effet le péché des Églises, et en particulier des
sectes issues du protestantisme. Elles ne nient pas les inter
ventions surnaturelles, mais elles les attribuent en bloc au
démon. Comme, selon leur théologie, les saints dorment
jusqu’à la fin des temps, comme elles ne sont pas très sûres
de l’existence des anges, finalement dans l’invisible il n’y
aurait de réel, de vivant, que les esprits du mal.
18 février 1950
L’échec a autant d’importance que le succès, puisque
seul est valable le travail. Peu importe que la branche
casse au moment où vous pensez la saisir, car la branche
est entre les mains de Dieu. Seuls comptent les pas que
vous aurez faits pour venir à elle.
« Ne savez-vous pas, écrivait saint Paul aux Corinthiens,
que dans les courses du stade, tous courent, mais qu’un
seul remporte le prix. Courez donc de manière à remporter
le prix. » L’important, c’est la course.
27 février 1950
La face du monde changerait si les hommes croyaient à
la survie.
En effet, si les hommes croyaient en la survie, la souf
france serait moins atroce, la solitude moins intolérable,
les deuils moins déchirants; toutes les croix seraient moins
lourdes. Le désespoir serait passager et le suicide, cet abso
lu de désespoir, aurait disparu. Il y aurait moins de crimes
de sang, moins de crimes mentaux (crime mental : le fait de
détruire lentement un être par la critique incessante, l’hu
miliation, la calomnie).
Les tablettes d’or 227
14 mars 1950
L’éther est comme une cire molle et vos moindres pen
sées y laissent leur empreinte. Plafond où viennent s’im
primer les ondes qui fusent de chaque cerveau; le bien et
le mal, soudés ensemble, s’y perdent. Là, tout s’influence,
car tout communique. Voilà pourquoi, en ce lieu, l’huma
nité est « une ». Le moindre cri de peine ou de joie se
répercute sur tous. Seuls parviennent à se détacher de ce
magma ceux dont l’âme est déjà née.
Cet éther où tout s’imprègne n’est-ce pas l’inconscient
collectif de Jung, l’Akasha de l’Inde et des théosophes?
228 Les tablettes d’or
23 mars 1950
Aucune conspiration, pas même celle du silence,
n’ensevelira une œuvre, car rien n’arrête l’envol d’une
pensée qui veut vivre. Ceux pour lesquels elle est destinée
la rencontreront toujours.
« Si c’est là une entreprise ou une action montée par des
hommes, elle tombera d’elle-même. Mais si elle vient de
Dieu, vous ne pourrez la détruire, sans courir le risque de
faire la guerre à Dieu lui-même » (Actes V, 38 et 39).
18 mai 1950
Si vous ne rattachez pas tous vos actes à l’ordre divin, la
vie n’est plus qu’une errance.
Le moindre événement est voulu par Dieu, mais sa rai
son majeure n’est pas toujours perceptible, d’où le décou
ragement. Cependant, le tout se compose comme une
mosaïque.
18 juin 1950
Quel chemin as-tu parcouru aujourd’hui pour venir à
ma rencontre ?
« Roland, je suis découragée, tu me grondes sans cesse. »
Ne m’as-tu pas sans cesse grondé quand je travaillais
mal, et ne me disais-tu pas avec raison: « Cela est pour ton
bien? » Il ne s’agissait pourtant que de ma vie terrestre;
pour toi, il s’agit de l’éternité.
10juillet 1950
Tu dois faire en ce monde tout ce que je n’ai pu faire.
Dieu en me rappelant à Lui et en ne me détachant pas de
toi, a voulu que je m’accomplisse par ton intermédiaire.
5 novembre 1950
Le fait que la pensée déborde le corps est une des
preuves de la survie… Lorsque vous parviendrez à séparer
votre pensée de votre corps, votre être immortel sera né
en vous.
9 novembre 1950
Il faut se réjouir de pouvoir s’effriter au profit des autres.
Donne-leur beaucoup, et regarde-les s’enfuir au fond de
leur tanière les mains pleines des avantages obtenus, ils sont
transportés.
Donne-leur plus, ton cœur et tes biens; quand tu n’au
ras plus rien, Dieu te recueillera.
10 novembre 1950
Il ne peut y avoir aucun profit spirituel à s’engager dans
une expérience métapsychique.
30 novembre 1950
Jamais depuis les deux grandes guerres, la situation
internationale ne fut aussi tendue: les troupes chinoises
intervenaient pour soutenir les Nord-Coréens.
« Mon ange, va-t-il y avoir la guerre mondiale, comme
tout le monde le pense?
Je pose cette question à Roland car les journaux et les
gens sont alarmés. »
Partiellement oui, mais ceux qui meurent là-bas sont en
train de sauver ceux du continent où tu te trouves, il faut
que le sang coule d’une plaie; sois calme, optimiste,
répands la bonne parole, pour l’instant la France ne craint
rien.
Les tablettes d’or 231
2janvier 1951
Maman, c’est à peine si je peux te parler tant je suis
ému.
« Mon ange, qu’y a-t-il? »
Tu ne pourrais pas me suivre si je te le disais. Ma
maman à moi, le monde est tout petit et tout court!
Parmi les phrases étranges et apparemment insensées
que Roland s’amusait à taper sur sa machine à écrire, j’ai
eu la surprise de découvrir celle-ci: « Le monde est tout
petit et tout court. » Il s’agit évidemment du monde ter
restre. J’ai déjà cité d’autres fulgurations retrouvées dans
ses papiers: Je veux hanter… Les oiseaux m’ont dit des
choses… Tu as un petit enfant qui va bientôt mourir…
2 février 1951
Dieu t’a octroyé une grande grâce en te permettant de
communiquer avec moi, mais sache que ce don est fragile
et que tu n’es propriétaire de rien. Voilà pourquoi alterna
tivement tu peux et ne peux plus entendre. Il faut que tu
demeures dans l’angoisse et l’incertitude, car l’instabilité
est le lot de ceux qui reçoivent.
24 février 1951
Je te demande d’aller à la campagne, je te demande de
trouver dans la falaise un lieu de méditation; là sera notre
cité de rencontre; là je pourrai te parler, là il n’y aura
aucune interférence. Les jours de soleil seront de très bons
jours, car il faut que l’éther soit diaphane pour que mes
vibrations t’atteignent.
Il est question ici des falaises qui se trouvent aux envi
rons des Andelys.
5 mars 1951
Je te donnerai toutes les directives nécessaires pour
l’organisation de ce que je voudrais fonder. Réfléchissez
232 Les tablettes d’or
28 mars 1951
Quoique vous feigniez souvent d’ignorer où sont le bien
et le mal, vous êtes parfaitement au courant de la valeur de
vos efforts, car toute action qui s’apparente au mieux, pro
voque une joie secrète, un épanouissement, un triomphe
intérieur: vous ne pouvez donc pas vous tromper.
Lajoie est le signe que nous sommes dans la voie.
8 avril 1951
Je te ferai aimer « l’Unique », parce que « l’Unique »
t’aime. Si tu lui souris, il te sourit; si tu lui parles, il te
répond. Comment pourrait-il engager une conversation
avec toi si tu n’es pas là?
Tout va s’épurer à l’extrême en ton âme, car tu vas me
suivre.
Nous serons sur le chemin. Je te prendrai par la main et
nous irons vers le Royaume. Lorsqu’on marche côte à côte,
les yeux se fixent droit devant. Bientôt tu cesseras de me
regarder car tu ne regarderas que Dieu.
« Car notre légère épreuve d’un moment opère pour
nous, en surabondante mesure, un poids éternel de gloire,
nos regards n’étant pas fixés sur les choses qui se voient,
mais sur celles qui ne se voient pas: car les choses visibles
Les tablettes d’or 233
27 juillet 1951
La terre des hommes est comme les hommes, elle en
gendre l’injustice; Dieu parfois répare le mal, mais plus
souvent il laisse aller selon l’ordonnance naturelle. Ce qui
est extérieur à l’être est soumis aux lois extérieures. Le
paresseux peut se trouver dans la même opulence que le
vaillant, et le méritant plus maltraité que le libertin. Ne cher
chez aucune hiérarchie noble là où l’homme est le maître.
Mais il existe un royaume où le soleil ne luit que pour
celui qui travaille; pas de récompense pour le tiède, seul
est gratifié le pélerin qui peine. L’anxieux trouve le repos
tandis que l’autre est sans apaisement.
Pendant qu’il est temps prépare ta vie éternelle, comme
le paysan engrange le grain.
Sur terre le soleil luit pour les méchants comme pour les
justes. Là-haut, le soleil de justice ne brille que pour les
justes… et les climats sont personnels.
18 août 1951
Une chose très importante est de préparer tes instants de
méditations muettes; fais au préalable des appels inté
rieurs, afin d’arriver AU SEUIL DU ROYAUME, le cœur
apte.
234 Les tablettes d’or
3 octobre 1951
Seules les armatures attenantes à l’âme résisteront à
la mort.
C’est ce deuxième corps, ce corps subtil, qui est immortel.
Pour te faire comprendre, je vais te donner un exemple: fond
des rivières il existe des sables pailletés d’or, quel labeur ne
faut-il pas pour éliminer la gangue du métal précieux! Dans
le creuset de la souffrance vous retrouverez vos pépites.
Ne déplore jamais un malheur qui s’abat sur toi, c’est
toujours une opportunité pour te construire.
15 novembre 1951
Si un jour je ne pouvais plus communiquer avec toi, je
léguerais à un autre mes tablettes d’or.
Ceci s’est réalisé: ses tablettes d’or m’ont effectivement
été léguées, vingt ans plus tard, au cours du mois de ma
naissance: en novembre.
12 décembre 1951
Vous ne pouvez trouver le repos, que dans votre
transfiguration en l’image divine.
Tout effort, tout travail, toute recherche doivent vous
identifier à Dieu.
Transfiguration en l’image divine: une fois de plus, le
jeune messager rencontre saint Paul: « Or, nous tous,
contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous
sommes transformés en la même image de gloire en gloire,
comme par le Seigneur Esprit» II Corinthiens, III, 18.
13 décembre 1951
La lévitation, ce n’est pas seulement une manifestation
physique, c’est un commencement de métamorphose. Un
changement de poids qui s’opère dans le corps.
La lévitation, c’est le corps spirituel qui se manifeste dès
cette vie.
Les tablettes d’or 235
31 décembre 1951
Parce que nous sommes encore séparés, pauvre maman,
tu es déçue!
Au seuil de la nouvelle année, fais un très grand acte de
soumission à Dieu: accepte !
« Au même moment, minuit sonne. »
Salut, ô ma mère chérie ! Dieu en toi par la communion,
Dieu plus fort que tous tes désirs. Dieu dans ton travail et
dans tes actes, je te souhaite Dieu!
12janvier 1952
Man, il faudrait établir un rapport entre les nombres, les
astres et la flore, car c’est par la correspondance du végé
tal avec l’astral que vous prouverez le mieux l’astrologie.
Écoute-moi bien; chaque fleur obéit à des rythmes géomé
triques, et il y a entre le nombre de ses pétales, le mois de
sa naissance et le moment de sa mort une relation étroite.
Tout l’infini du ciel entre dans ce qui pousse sur la terre:
les plantes respirent les étoiles, les feuilles baignent dans
les fluidités lunaires, les racines s’abreuvent d’aurores,
l’accord est total. Par l’horoscope d’une fleur, vous arrive
riez à démontrer la vérité infaillible des influences as
trales; et la science des nombres prêterait moins à
confusion si elle s’appuyait sur l’exemple de ce qui est
fixé au sol. Les six pointes de la fleur du narcisse s’appa
rentent à la « Roue Trigone »: le « carré cycloïdal » aux
quatre pointes de la fleur du lilas.
5 mars 1952
Je t’ai envoyé pendant ton sommeil des explications sur
les messages. Les communications sollicitées ont toujours
le caractère d’une provocation; seul porte le sceau divin
ce qui est donné.
236 Les tablettes d’or
AU DIAPASON DU PURGATOIRE
et ils pensent avoir les mêmes dons que lui. Le Padre Pio
est également un de leurs modèles. Pourquoi eux aussi
n’auraient-ils pas ce même pouvoir bienfaisant? et c’est au
nom de ces grandes figures que, très souvent, ils ont une
charité sans bornes envers ceux qui souffrent. Que l’Église
ne m’en veuille pas, je leur ai ouvert les bras.
Le monde est-il tellement équilibré pour qu’il faille
condamner, rejeter ces inquiets? sont-ils tellement plus
blâmables que ces intoxiqués qui glorifient les prophètes
de la sexualité? L’humanité a besoin d’idoles; quand elle
ne veut plus croire au surnaturel, elle se tourne vers ses
vedettes et ce sont elles qui deviennent des dieux.
Quant à ceux qui avaient perdu la foi et qui sont revenus
au Christ par le chemin imparfait des messages, je m’excuse
de n’avoir eu à leur offrir que cette petite bouée de sauvetage.
Le Ciel m’avait gratifiée de ce mince cadeau, j’ai choisi de
ne pas le garder pour moi et de le redonner, sachant parfai
tement dans quelles épreuves je m’engageais.
Que l’Église soit très sévère et très stricte pour examiner
ces cas, elle a certainement raison, elle est la gardienne de
l’ordre. Extrêmement susceptible sur les questions d’outre
tombe, elle a pris comme règle générale de rejeter tout ce
qui ne se passe pas à l’intérieur de ses murs. Quand une
nonne écrit sous la dictée de sa supérieure décédée, per
sonne ne proteste; quand un religieux parle d’ÉCRITURE
ORALE, c’est-à-dire écrit sous la dictée d’une voix en
tendue, qui s’élève contre cela? Quand une sainte Angèle
de Foligno n’hésite pas à affirmer « Cette parole me fut
dite dans l’âme » ceci n’est-il pas la preuve qu’à elle aussi
quelqu’un parlait? Saint Jean de la Croix ne mentionne-t
il pas ouvertement l’écriture dictée?
Finalement, ils furent peu nombreux ceux qui s’atta
chèrent à Roland “pour de mauvaises raisons”. »
CHAPITRE XXII
EN ABSOLUE FIDÉLITÉ
(1952)
2 août 1952
Man, j’existe dans l’invisible; et dans le visible, dès que
je te suis redonné par l’âme. Car ce n’est qu’une vision
intérieure que tu peux désormais avoir de moi et c’est la
seule qui soit réelle. Contemplation incorruptible qui est le
début du lien éternel! Ne pleure pas mes accents alté
rables, ils appartenaient au lot des petitesses qui sont l’a
panage de vos pauvres vies terrestres.
Réjouissons-nous au sein des nuées infinies. À la Table
Sainte, nous avons été en Dieu si près l’un de l’autre, Man
que j’aime.
Que de fois il invite sa mère à fréquenter les églises et à
recevoir les sacrements! C’est ainsi qu’il peut le mieux la
rejoindre.
4 septembre 1952
Réjouis-toi de ta vie solitaire comme d’un présent de
Dieu; ne te laisse aller à aucune mélancolie. De plus en
plus, je te trouve distraite et peu disposée à suivre mes
enseignements. Tes aspirations humaines sans cesse
reprennent de la vigueur, la moindre petite distraction t’en
chante, et t’éloigne de ton âme. Sache que ton âme est déli
cate, et prend ombrage de tout; à peine la délaisses-tu
qu’elle disparaît dans le secret de sa demeure, pour ne
revenir qu’aux beaux jours de toi-même, c’est-à-dire
quand elle est invitée. Comment pourrait-elle frayer avec
les démons malicieux de tes désirs humains?
Les tablettes d’or 255
14 octobre. 4 h du matin
Man, tu as enfin compris une des grandes lois des destins
dépouillés ou prédestinés. Beaucoup de choses t’ont été
données* et t’ont été retirées. Chaque fois que Dieu t’a
précipitée dans la réalisation de tes ambitions ou aspira
tions humaines, il te les a ensuite retirées; et ce n’est qu’à
la fin de ton existence que tu arrives à déchiffrer le pourquoi
de cette fatalité. Oh lenteur d’aveugle ! La vie t’a été donnée
seulement pour te parfaire, il t’a fallu beaucoup d’épreuves
pour comprendre la non-valeur des choses de la terre.
Si tu avais su garder ce que les autres appellent des
« réussites », tu n’aurais sans doute jamais pénétré dans
un autre royaume.
Et tandis qu’elle écrit, elle remarque qu’au-dessus du
portrait de Roland luit une clarté en forme d’auréole.
Il vous faut parfois toute une vie pour délier le nœud
d’une énigme: pour retrouver une loi.
21 octobre 1952
Man, on peut dire que tu fais partie des petites destinées.
Tu as une très grande bonne volonté intérieure, mais tu ne
peux aller au-delà. Tu reçois les idées, et il t’est impossible
de les réaliser. Si réellement tu étais douée en Dieu, tu
aurais déjà bâti beaucoup d’édifices spirituels.
« ICI », on ne sait pas si l’on va te laisser le souffle et
donner la vie à tes désirs créatifs, ou bien si, au contraire,
tu vas être invitée à quitter la terre, car ton physique est
épuisé. Peut-être dans quelques heures, ton mal va-t-il te
quitter, peut-être seras-tu requise pour servir le Seigneur,
en ce cas, tout sera miracle pour toi.
29 novembre 1952
Man, ce pourquoi je te fais dessiner t’apparaît comme
mystérieux et te déroute.
Il te semble, je le sais, que tu perds ton temps, parce que
tu ne vois pas ce que cela peut apporter à autrui; et si cet
apprentissage auquel tu es soumise ne devait servir que
dans ton avenir?
Je te le dis, Man, il faut que tu acquières une nouvelle
connaissance: celle des lignes. Ne te préoccupe pas de
l’effet que produiront ces dessins ou de leur utilité.
Dans la mesure où ils te sont donnés, ils fascineront ceux
qui les regarderont. Dis-toi toujours que tu n’es qu’une
ouvrière, et travaille en aveugle puisqu’il ne vous est pas
donné de voir, et qu’il m’est impossible de tout te révéler.
Que tes crayons deviennent de plus en plus aériens et
tracent des lignes qui ne sont que les projections d’un
super-monde, mais toujours déformées par le moule ter
restre, puisque vous n’en avez pas d’autre à votre disposi
tion pour vous exprimer.
2 décembre 1952
Man, ne perds pas espoir, ne t’attiédis pas, deux grandes
ailes viennent vers toi; je ne peux même pas élever la voix
pour te gronder, tu es si faible que tu en mourrais.
Endors-toi dans la paix, le soleil se lèvera bientôt, je ne
peux t’en dire plus long.
Merci pour les lumières que tu as allumées dans ma
chapelle.
Chaque fois qu’il parle d’ailes, il faut comprendre
vibrations.
Les tablettes d’or 257
7 décembre 1952
« Sept heures moins le quart du matin, un chrysanthème
blanc se met à osciller violemment et un pétale tombe. Je
suppose qu’il y a là un signe, un avertissement. Bien à tort,
je m’étais imaginé que cela était relié à la vente de ma
propriété « La Rocheville ». Le soir, je constatai que je
m’étais entièrement trompée et que ce projet n’avait été
qu’une supercherie du destin, comme une farce inventée
par des lutins malicieux. »
En effet, elle ne vendit jamais la Rocheville. Il se confirma
que cette oscillation et cette chute n’étaient pas des signes.
Man, je peux, si je le veux, m’occuper de tes affaires
matérielles, mais je ne te permets pas de me questionner à
ce sujet.
Et voici que les crises cardiaques recommencent!
Ma pauvre Man, tu traverses une des épreuves, celle où
tes forces physiques te trahissent et où il t’est impossible
d’identifier ton mal à Dieu. Tu es dans l’abandon total, tu
n’as même plus la possibilité de te relier au ciel, tu es uni
quement absorbée par ta souffrance, tu es dans un malaise
mortel et rien de plus.
Ceci est encore une étape, une des plus douloureuses à
franchir, mais qui est indispensable, et puis, je le sais, ce
qui te chagrine également, c’est ce sentiment d’abandon
humain.
Enfin, tu as réalisé que l’on est toujours un.
Pauvre Man, je t’ai vue traverser tes successifs
évanouissements, le cœur si triste d’être ainsi délaissée.
Cependant tu as tout de même eu la lucidité de
comprendre l’inutilité d’appeler à l’aide; même si ce
moment devait être le dernier, que pouvait-on pour toi?
puisque seuls étaient en cause ton âme et Dieu.
Une fois encore, sois toujours prête!
« Les crises cardiaques continuent à succéder aux crises
cardiaques. C’est la pleine lune. Y a-t-il un rapport? »
258 Les tablettes d’or
11 décembre 1952
Man, voici longtemps que je ne suis pas venu te parler,
ton état ne me permettait pas de t’aborder. Je savais que tu
souffrais, mais il ne m’était pas donné d’aller te visiter. Tu
étais dans l’accomplissement d’un cycle obscur, dans
lequel il nous est interdit de pénétrer. Ce cycle est l’un des
plus douloureux, je vais te le décrire, afin que tu
comprennes bien que je n’ignorais rien de ta détresse.
Le physique et le moral étroitement unis devaient sombrer
ensemble. Il y avait entre eux une telle entente que c’était à
croire qu’ils ne faisaient plus qu’un. L’un et l’autre se
confondaient si étroitement que rien ne pouvait plus les
désunir.
L’esprit porte à ses chevilles le plomb de la chair, et cet
amas triste roule indéfiniment sur la pente noire des té
nèbres s’enfonçant toujours plus avant dans la nuit, le seul
répit étant l’anéantissement du sommeil. Là enfin tout se
tait, mais pour peu de temps parce que, avec l’aube, le mal
renaît.
Privée de tout, de Dieu, d’espérance, et même de la
possibilité de te recueillir, la souffrance s’accroît d’instant
en instant.
Sache que dans ce cycle rien d’autre ne doit exister que
ta détresse sans issue, sans porte ni fenêtre. Perdue au
fond de ce cachot, l’âme pense qu’elle ne pourra plus
jamais en sortir.
Comment voulais-tu que je descende dans ce lieu si
bas? Tu ne demanderais pas à un oiseau de pénétrer dans
un souterrain.
Pauvre Man, ce cycle, vois-tu, n’est autre qu’une rançon
du corps, car lui aussi doit devenir transparent, et s’il n’a
pas payé, il sera toujours un danger pour l’esprit. Les lois
du ciel doivent s’accomplir. N’oublie pas que le Christ a
souffert en son corps.
Les tablettes d’or 259
EN ABSOLUE FIDÉLITÉ
(de 1953 à 1956)
27 février 1953
Man, arrivés à une certaine altitude, il vous est impos
sible de vous exprimer, car vous pénétrez dans l’indicible.
À ce moment-là, taisez-vous, écoutez! L’enceinte hermé
tique est un lieu où l’on pénètre seul; l’enceinte hermétique
est la cité habitée par ce qui échappe à l’entendement, elle
est le mystère.
Man, reviens de ces régions aussi silencieuse que si tu
n’y étais jamais allée, car il est interdit de les décrire.
Il est des jardins, des champs de fleurs et des mélodies
qui t’attendent; va vers la prairie, vers l’eau qui court, et
vers l’oiseau qui chante. Là, ton esprit se baignera dans la
pureté des anges.
27 février 1953
Man, ce que je n’ai pu faire de mon vivant, je vais le
faire de mon ciel.
Certains êtres, empêchés et brimés sur cette terre, ne
peuvent se réaliser que dans la seconde vie. Dès qu’ils y
sont parvenus, leur action, qui parmi nous fut embryon
naire ou manquée, sort de l’engourdissement. Comme l’a
Les tablettes d’or 261
7 mai 1953
Man, je crois que l’analyse de certains faits d’ordre
spirituel ne peut qu’avilir ces faits, car la spiritualité
échappe à la technique des méthodes.
Ne peut être fruitif que le récit des faits, si ces faits vous
ont été donnés. L’expérience mystique ne peut se laisser
emprisonner dans aucun système, elle est sans règle, elle
est une découverte spirituelle, un ajustement de tout l’être
à des plans de plus en plus élevés.
Elle est vagabonde comme l’oiseau, imprévisible comme
le temps, mouvante comme l’eau: elle échappe à tout.
262 Les tablettes d’or
19 octobre 1953
La douleur n’est pas une nécessité, elle est un moyen,
une arme de Dieu. Combien d’êtres, sans l’épreuve, n’au
raient jamais été révélés à eux-mêmes! La plupart du
temps, le bonheur se suffit à lui-même et seul le malheur
parvient à faire craquer l’enveloppe du moi.
Les meilleurs soldats de Dieu sont ceux qui ont le plus
souffert.
27 octobre 1953
Man, sais-tu ce que c’est que la liberté d’esprit? Je ne
sais quelle définition les hommes peuvent en donner; moi,
je vais te transmettre celle du ciel. La liberté d’esprit est
l’instant où l’être se trouve coupé de son intelligence, de
son intellect, de sa cérébralité.
Le chant d’un oiseau, les senteurs de l’aubépine, s’il les
reçoit dans la fraîcheur de son instinct, le ramènent plus
complètement au Seigneur que tous les développements
métaphysiques les plus avancés. Moments d’activité pas-
sive, où le sentiment d’absolu conduit l’homme vers la
communion avec Dieu. Privilège réservé seulement aux
amis du ciel, des fleurs et des arbres.
Le 29 octobre 1953
Elle entendit ceci pendant une crise de cœur:
«Man, écoute bien, ceci est très important, car je vais te
donner la description du premier plan après la mort. Pour
celui qui aura su aimer la nature comme œuvre de Dieu, il
se retrouvera en elle, et là est le premier miracle de la sur
vie, car les jardins du Seigneur sont une féerie de parfums,
de fleurs, de couleurs et de chants d’oiseaux.
Les rossignols, les libellules, les lucioles ont une sym
phonie irréelle; l’azur et les fleurs se confondent; les
étoiles et l’eau ne font plus qu’un tourbillon de lumière;
chaque ligne droite et chaque courbe sont bordées d’un
Les tablettes d’or 263
(1) Ses dernières paroles, dix-huit ans plus tard, furent en effet:
Roland, Roland!
(2) Comparer ce passage etI Corinthiens III, 13.
264 Les tablettes d’or
Voici encore une autre note: Dieu veut que ton âme
devienne aussi fluide, aussi souple, aussi neutre qu’une
goutte d’eau afin qu’Il puisse faire fondre en elle les sept
couleurs de son soleil.
Écoute ceci très attentivement: lorsque tu te sens inté
grée au « Tout », ce n’est pas toi qui te fonds en l’univer
sel, mais l’universel qui se dissout en toi. Cette distinction
est capitale car elle exclut la perte de l’individualité.
Autrement dit: C’est le ROYAUME de DIEU qui vient en
toi, c’est l’influx du divin dans l’être et non pas l’être qui
se trouve absorbé et qui entre dans son néant.
J’attire ton attention sur ce point, car il y a là très
souvent prétexte à confusion de langage, combien de fois
as-tu dit: Je me fonds dans le « Tout ». Il ne faut jamais
oublier la subtilité de cette nuance.
Tout ce message est de la plus haute importance, car il
trace une limite précise entre les doctrines orientales et la
doctrine du Christ.
4 mars 1955
Man, la vraie méditation n’est pas celle que l’on fait par
un effort de volonté. L’authentique méditation s’abat sur
vous, et vous la subissez. Elle est un état, je vais te donner
un exemple: tu te promènes dans la campagne; subitement
il pleut, et te voici ruisselante d’eau. La méditation réelle
est aussi imprévue. L’absence de volonté chez un être qui
cherche Dieu est la preuve même de l’abandon qu’exige le
Très-Haut de celui qui vit en son orbite.
Je suis très content que tu sois arrivée à entendre ces
mots: L’état de méditation auditive est comme un état
d’hypnose spirituelle. Il existe pour certains êtres une
sorte d’hypnose en Dieu.
Et cette hypnose se nomme extase.
27 avril 1955
Man, tous ceux qui par leurs travaux tendent à décou
vrir dans la nature les mystères qui y sont cachés tra
vaillent à redonner au monde l’unité qu’il a perdue depuis
le péché originel, époque où se produisit la dislocation de
l’harmonie.
Voilà une excellente définition du péché originel. La
dislocation, c’est la séparation, la rupture entre le monde
spirituel et le monde naturel: désormais, le royaume d’en
bas ignore le royaume d’en haut; souvent même, il fait tout
pour le combattre.
266 Les tablettes d’or
15 mai 1955
Man, il y a certaines expériences spirituelles qui doivent
passer au feu purificateur, c’est-à-dire être persécutées
afin d’atteindre leur rayonnement complet. Celles qui suc
comberont aux attaques, celles qui ne se relèveront pas de
leurs propres cendres sont celles qui ne possèdent pas le
germe de l’immortalité.
Les œuvres de Dieu portent toutes en elles leur propre
destin, elles naissent, vivent, ou ne vivent pas, selon la voie
qui leur a été assignée par le Très-Haut. Votre enfantillage
consiste à ignorer ces faits. Dis-toi bien que ce qui t’arrive
est la preuve même de l’authenticité de ces écrits. Ce qui
doit te rester caché maintenant, ce sont les conséquences qui
suivront ces faits; car tu dois ignorer si ce message qui t’a
été donné ressuscitera de ses cendres ou s’il succombera.
Les épreuves ne sont pas seulement attachées aux êtres
humains, mais à tout ce qui est Vie. Une œuvre a des
cellules vivantes, et ces cellules, si elles évoluent dans
l’orbite divine, doivent subir, tout comme l’homme, les
268 Les tablettes d’or
21 mai 1955
Man, pour que les vagues existent, la mer a besoin d’un
tréfonds. Pour que l’écume puisse être projetée hors des
vagues, il faut la tempête.
Tout prolongement hors du moi, qu’il appartienne ou
pas aux choses d’apparence inanimée, subit la loi doulou
reuse de l’enfantement. Même les créations de l’esprit sont
soumises à cette règle. L’avenir de nos pages est-il destiné
à faire partie de ce tréfonds obscur qui est le support de
l’écume, ou deviendra-t-il écume lui-même, ceci doit rester
secret.
C’est au sein même de ces transes que s’enfante le deve
nir des messages.
Sois toute prière, ton attitude intérieure a une grande
importance, car elle est le berceau où reposent quelques
Les tablettes d’or 269
31 mai 1955
Man, il est temps que tu vives intégralement l’ensei
gnement que je t’ai donné. Sache que tu ne peux le faire
qu’en rompant avec le monde. Vivre mon enseignement,
c’est pouvoir rester des heures en oraison.
Perdue en cette non-activité, l’Esprit-Saint te trouvera et
l’union en l’Éternel s’accomplira. Cette étape peut être
considérée comme la pré-mort, zone très importante à avoir
franchie sur terre, car vous n’aurez pas à la parcourir…
Pour entrer dans la vision de Dieu, les chemins sont
longs.
10 mars 1955
Man, ma pauvre Man, ta volonté est de partir pour un
pays où il y ait la guerre afin de trouver la mort. Sache
qu’il n’y a pas besoin de se déplacer pour mourir. Ta mort
ne t’appartient pas, ta mort est inscrite sur ta vie comme
les taches rouges sont inscrites sur le dos d’une coccinelle.
En effet, ses perpétuels voyages correspondaient au
désir qu’elle avouait à ses intimes de rencontrer la mort,
soit sous la forme de l’accident d’avion, soit sous la forme
de la balle perdue. Mais plus les années passaient, plus elle
considérait ce désir comme coupable, plus elle se rattachait
à la vie.
À ceux qui sont tentés par le suicide, il est bien de dire,
comme Roland à sa mère: Ta mort ne t’appartient pas!
LA SECONDE VIE
8 février 1960
« Je constate que, le 6 février, Roland m’exhorte à couper
mes amarres humaines, ce message m’a été véritablement
imposé, car c’est au milieu d’occupations multiples que j’ai
été obligée de l’écrire. Voulait-il me préparer à recevoir le
choc qui devait m’arriver le 8 février?
Que de jours, que d’heures passées à essayer de perfec
tionner cette réalisation qui, brutalement, a été tuée par les
autres!
Les humains, ignorant tout des lois qui régissent l’uni
vers invisible, jouent avec les mots, ces armes secrètes, et
tirent sur les idées comme les chasseurs tirent sur du gibier.
Sans même prendre conscience de commettre un crime, ils
abattent les plus belles envolées. »
Man, reste impassible, rien de ce qui vient de l’extérieur
ne doit entamer ton équilibre, apprends à te mesurer dans
l’épreuve. Une cathédrale ne fléchit pas sous le vent. Celui
qui s’est bâti une cathédrale intérieure restera impertur
bable devant les déceptions, les difficultés ou les mauvais
coups du sort. Une construction mentale, quelle qu’elle
soit, occupe une place dans l’universalité; sa disparition
provoque un déchirement, une rupture dans l’harmonie
274 Les tablettes d’or
9 février 1960
Man, je suis heureux que tu aies remarqué que je t’avais
préparée à recevoir cette décevante nouvelle. Tout ce qui
est supprimé dans le domaine des idées aimées est toujours
néfaste. Cependant, en ton cas, tu devrais accueillir ceci
comme la bonne nouvelle, car, ce travail en moins, va te
dégager, t’alléger d’une pesanteur.
Man, l’espérance est en l’être comme une pyramide très
haute: colonne fragile comme un jeu de construction. Que
l’extérieur fasse tomber un cube et voici l’édifice entier
mis par terre. À vous de le reconstruire sans cesse.
« Jour immobile, sans horizon, jour fermé, l’extérieur est
clos, l’intérieur borgne. »
Man, tu n’es, pour l’instant, douée d’aucun regard, ni de
celui qui voit de loin, ni de celui qui voit de près.
***
11 mai 1960
« Départ pour Rome en Caravelle. Le but de mon voyage
est d’aller à San Giovanni Rotondo voir le Padre Pio. »
20 mai 1960
Man, défais-toi de toi-même, comme une fleur perd ses
pétales pour ne plus garder que son calice.
La communion entre l’âme et Dieu ne peut s’établir que
par le cœur.
276 Les tablettes d’or
(1) Matthieu XVI, 25: « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra;
mais celui qui aura perdu sa vie à cause de moi la retrouvera. »
(2) À la Rocheville.
Les tablettes d’or 277
3 juillet 1960
Man, l’homme libéré possède une longueur d’onde diffé
rente de celle de l’homme tout court. Son potentiel d’éner
gie émettrice et réceptrice a la possibilité de s’accorder au
plan cosmique, d’où la série d’actes orientés.
Les profanes parlent de hasard. Pour ceux qui savent, ils
distinguent très vite les lois qui régissent les événements.
5 juillet 1960
Les êtres perméabilisés aux influx éthériques doivent
être reliés par un rythme physique de gestes communs.
D’où la nécessité d’une pratique cosmique.
16juillet 1960
Le plus petit caillou, une feuille, le brin d’herbe, le
roucoulement du pigeon, constituent l’ensemble qui crée le
TOUT. Même le cri du grillon détermine une vibration qui
se place dans l’évolution pyramidale.
s’articule sur cette idée: ce qui est spontané est pur, ce qui
est spontané est vrai.
Les esprits en savent plus que nous sur l’avenir, mais ils
ne sont pas omniscients. Ils sont dans la situation d’un
voyageur qui, gravissant une montagne, découvre un pano
rama de plus en plus vaste. Cependant, plus il monte, plus
les détails se perdent… d’où le vague de leurs prédictions.
La précognition, que l’état spirituel facilite et exalte,
opère déjà sur notre plan, et les savants de pointe n’hésitent
pas à le reconnaître. Ainsi Olivier Costa de Beauregard
affirme qu’il lui semblerait, en tant que physicien relati
viste, fort étrange qu’elle n’existât pas. Dans la relativité,
explique-t-il, on ne constate pas de clivage entre le présent
et le passé; cette dichotomie n’est réelle que pour l’obser
vateur. La matière est étendue dans le temps comme elle
l’est dans l’espace. Certaines facultés de l’esprit doivent
nécessairement et naturellement se prolonger dans la
dimension temporelle.
Dans une lettre qu’il m’écrivit « en ce dimanche des
Rameaux 1979 », Olivier Costa de Beauregard a bien
voulu développer sa pensée sur ce point capital:
« La physique mathématique (qui parvient à habiller
« très près du corps » la physique expérimentale, avec l’ai
sance et l’élégance d’un habit bien coupé) soulève un cer
tain nombre de problèmes d’interprétation philosophique
extrêmement ardus. Ces problèmes sont dus en grande par
tie au fait que la conceptualisation de la psychologie, de la
métaphysique et de la théologie s’appuient sur un certain
nombre de préjugés du sens commun. Préjugés = juge
ments trop hâtifs.
L’un de ces préjugés était que le présent seul existe, que
le passé n’existe plus, et le futur pas encore. Bergson expri
mait cela en disant que, selon cette vue, « l’univers meurt
et renaît à chaque instant, à chaque instant du temps uni
versel de la mécanique galiléo-newtonienne. Cette vue est
Les tablettes d’or 281
SA TROISIÈME PERSONNALITÉ
***
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LA RECHERCHE DE L’ESSENTIEL
***
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TROIS PHILOSOPHES,
UN MESSAGER
est un texte qui engage celui qui l’écrit et celui qui, ensuite,
le prononce. Comme dans mes livres futurs, je refusais de
me laisser enfermer dans le cadre de l’exposé, je donnais à
mon texte la double densité de mon espérance et de mon
expérience commençante.
Je n’étais pas objectif, je ne prétends pas l’être davan
tage aujourd’hui, ne me considérant pas comme un
homme-objet, ne considérant pas comme des objets ceux à
qui je m’adresse.
Lavelle-professeur, soucieux de ma réussite aux exa
mens, désapprouvait par écrit mes incartades sentimentales
et mystiques. Il me reprochait aussi mon style poétique et
je n’osais le contredire. Un professeur n’était pas un
copain. Je n’osais lui répondre que les choses que j’aimais:
la nature, la philosophie platonicienne, les Évangiles,
l’Apocalypse, Racine, la musique des deux derniers siècles
étaient spontanément, irrésistiblement, poétiques et que
certains parlent poésie aussi naturellement que les
Britanniques parlent anglais.
Toutefois, Lavelle-philosophe, en entretien particulier,
donnait raison à mes essais, m’assurant que les valeurs
subjectives et qualitatives seraient finalement intégrées
dans la science et la pensée de la dernière partie du siècle.
Cela se passait en mai-juin 1933, nous sommes entrés
dans le dernier quart de ce chaotique XXe et il suffit d’exa
miner une bibliographie de ces dernières années pour
constater que Lavelle a été bon prophète.
En effet, ces notions commencent à être prises en consi
dération au moins par les scientifiques, car chez les jeunes
philosophes, obnubilés par la politique, cela ne bouge pas
encore. Sans accorder un crédit total aux faits surnaturels,
de nombreux hommes de laboratoire consentent enfin à les
examiner, à en tenir compte.
Dans ce dernier quart du siècle, le mouvement de
convergence est amorcé: Science et tradition ésotérique se
Les tablettes d’or 309
***
LE DERNIER COMBAT
***
***
***
En 1951 :
Je voudrais que tu puisses t’envoler sur un chant d’oiseau.
En 1952:
Le temps de ta naissance approche. Patience! Comme
un petit ruisseau qui se referme, la mort recouvrira ta vie
et plus rien de toi ne palpitera.
Ayant achevé cette lecture, la sérénité se refit en moi et
je me sentis emporté dans une méditation heureuse sur
l’Ascension, ce recto éclatant de la mort.
Cet événement m’apparaissait comme un sommet de
l’Histoire. L’Ascension, me disais-je, c’est l’arrachement
définitif à la pesanteur et à ses menaces, c’est l’achèvement
de l’évolution, c’est le ciel qui sourit et qui s’ouvre, c’est le
rayonnement du matin éternel, c’est l’entrée dans la joie du
monde incorruptible.
CHAPITRE XXX
Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
Chap. I — Le château de Gueures et le Gruchet . . . . . .11
Chap. II — Saint-Wandrille, les Abeilles,
le Pavillon des Muses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25
Chap. III — La colline enchantée d’Arnaga . . . . . . . . .36
Chap. IV — Neuilly et le château de Tancarville . . . . .43
Chap. V — Villefranche et La Malarriba . . . . . . . . . . . .53
Chap. VI — Mariage et romans . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63
Chap. VII — Naissance et reportages . . . . . . . . . . . . . .73
Chap. VIII — Le Rio de Gro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .82
Chap. IX — Comme le Phénix s’élance . . . . . . . . . . . .92
Chap. X — Occupation, libération . . . . . . . . . . . . . . . . .99
Chap. XI — Tu pars vers Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . .109
Chap. XII — Le mystère bifrontal . . . . . . . . . . . . . . . .119
Chap. XIII — Au diapason de l’enfer . . . . . . . . . . . . .131
Chap. XIV — Au diapason du ciel (1946) . . . . . . . . . .142
Chap. XV — Au diapason du ciel (1947) . . . . . . . . . .158
Chap. XVI — Un prédestiné . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .174
Chap. XVII — Quand les sources chantent (1947) . . .180
Chap. XVIII — Quand les sources chantent (1948) . .187
Char. XIX — Au seuil du Royaume (1949) . . . . . . . . .214
Chap. XX — Au seuil du Royaume
(de 1950 à 1952) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .225
Chap. XXI — Au diapason du Purgatoire . . . . . . . . . .237
Chap. XXII — En absolue fidélité (1952) . . . . . . . . . .252
Chap. XXIII — En absolue fidélité
(de 1953 à 1956) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .260
Chap. XXIV — La seconde vie . . . . . . . . . . . . . . . . . .271
Chap. XXV — Sa troisième personnalité . . . . . . . . . .282
350 Les tablettes d’or