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Rue d’Ulm
Une institution révolutionnaire et ses élèves (2)
Appendice no 12.
L’élève Louis-
Claude de Saint-
Martin
p. 283-307
Texte intégral
1 À tous égards, Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803)
fut un élève anomique à l’École normale : membre de la
noblesse d’Ancien Régime, âgé de 52 ans, il avait sans
doute plus de treize ans d’écart avec le doyen en âge,
Bougainville, ses caractéristiques d’état civil le distinguant
cependant déjà de l’ensemble des élèves. Surtout, les
convictions qu’il exprima sur le cours de la Révolution
manifestèrent une incontestable originalité et l’on ne
saurait assurer qu’elles furent partagées par ses
condisciples d’un moment. Pour le « philosophe inconnu »,
la Révolution fut en effet une Apocalypse, au sens
étymologique du terme, un dévoilement :
En considérant la révolution française dès son origine, et au
moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à
quoi je puisse mieux la comparer que l’image abrégée du
Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons
imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer ; où
toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées ;
et où tous les justes et les méchants reçoivent dans un
instant leur récompense1.
Les ennemis de la Révolution n’ont pas vu que l’époque
actuelle est la crise et la convulsion des puissances
humaines expirantes, et se débattant contre une puissance
neuve, naturelle et vive ; et que la Providence permet que les
aveugles mortels aient ainsi le bandeau sur les yeux, pour
accomplir eux-mêmes le décret qui veut abolir le règne de la
vaine puissance de l’homme sur la terre2.
Notes
1. L.-C. de Saint-Martin, Lettre à un ami ou Considérations politiques,
philosophiques et religieuses sur la Révolution française, suivies du
Précis d’une conférence publique entre un élève des écoles normales et
le professeur Garat, Paris, chez Jean-Baptiste Louvet, libraire ;
Migneret, imprimeur ; et chez tous les marchands de nouveautés an III
(1795). Nous citons ici d’après l’édition critique procurée par Nicole
Jacques-Lefèvre, Grenoble, Jérôme Millon, 2005, § 30, p. 111. Jean-
Baptiste Louvet (1760-1797), auteur des Amours du chevalier de
Faublas, conventionnel girondin, rentra à Paris à la fin de 1794 et y
ouvrit une librairie au Palais-Égalité. Il ne fut réintégré à la Convention
que le 8 mars 1795 avec les autres Girondins.
2. Ibid., § 43, p. 118.
3. La Correspondance inédite de L.-C. de Saint-Martin, dit le
philosophe inconnu, et Kirchberger, baron de Liebistorf,
du 22 novembre 1792 jusqu’au 7 novembre 1797, L. Schauer et A.
Chuquet (éd.), Amsterdam, Van Backenes, 1862, lettre no LX,
29 brumaire an III, p. 165-166. Dans Mon portrait historique et
philosophique, autobiographie qui sera décrite plus loin, Saint-Martin
s’explique sur ses réticences à écrire : « On me presse toujours d’écrire,
particulièrement l’ami Gomb [ault] et cela sur la politique et la
Révolution, attendu que la liberté de la presse peut me laisser la facilité
de me développer. J’ai, j’en conviens, de grandes choses à dire sur ces
grands objets ; mais ce qui met beaucoup de lenteur dans l’exécution
d’une pareille entreprise, c’est en général le peu de fruit que je vois que
l’on peut attendre des livres, et les avances énormes qu’i1 faut faire en
travail et en idées avant de prétendre à une récolte qui encore est si
casuelle qu’on n’ose seulement pas y compter. En effet, il faut
premièrement faire le livre, secondement le bien faire ; il faut ensuite
que les hommes le lisent, il faut qu’il leur convienne et qu’il leur plaise
surtout par la forme ; il faut ensuite que le fond les attache et les
surprenne ; il faut, après cela, qu’ils se déterminent à s’en approprier les
principes et à les mettre en valeur et en pratique. Quel est l’écrivain sur
la terre qui puisse se flatter d’un pareil succès. »
4. La Correspondance inédite…, ibid., lettre no XLVII, 24 floréal an II
(14 mai 1794), p. 130. La lettre fut ensuite renvoyée à Amboise.
5. L.-C. de Saint-Martin, Lettre à un ami…, op. cit., § 172, p. 199.
6. Ibid., § 173, p. 200. L’allusion à Ninive renvoie à la Bible, Jonas,
chap. 3, versets 1 à 10.
7. Ibid., § 175, p. 201.
8. Ibid., § 32, 33, 35, 37, p. 112-115. L’expression « sentinelle d’Israël »
renvoie à Ézéchiel, chap. 44, verset 11.
9. La Correspondance inédite…, ibid. Selon A. Faivre (Kirchberger et
l’illuminisme du �����e siècle, La Haye, Martinus Nijhoff, 1966, p. ����),
cette édition appelle deux réserves : elle est incomplète puisque les
éditeurs ont procédé à un choix arbitraire de lettres ; elle est « mauvaise
et remplie d’erreurs ». Parmi les trois copies manuscrites réalisées au
début du x�xe siècle et qui ne diffèrent entre elles que sur des points de
détail (bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, bibliothèque de la
Faculté libre de théologie protestante de Lausanne, bibliothèque
municipale de Grenoble), le manuscrit original pouvant être considéré
comme perdu, nous avons choisi de contrôler le texte des lettres éditées
que nous publions sur la copie grenobloise (B. M. Grenoble, ms. 4130).
10. Voir à ce propos A. Faivre, ibid., en part. p. 101-112.
11. L.-C. de Saint-Martin, Mon portrait historique et philosophique
(1789-1803), Paris, Julliard, 1961. Le titre exact, qui n’apparaît que dans
une copie (appelée par Robert Amadou copie W [atkins]) datant du
premier tiers du ���e siècle et commandée par le petit-cousin de Saint-
Martin, Nicolas Tournyer, est le suivant : Mon portrait historique et
philosophique commencé en 1789 et continué sans suite, et sans autre
ordre que celui dans lequel ma mémoire m’a retracé les évènements de
ma vie et les pensées que j’ay reçues en différents temps. En dépit de ce
titre, l’ouvrage semble avoir été commencé au début de 1792, comme
l’indiquent les paragraphes 25 et 26 (p. 60), tous deux datés
du 31 janvier 1792. Pour une analyse linguistique du discours de Saint-
Martin, on pourra se reporter à G. Gayot et M. Pêcheux, « Recherches
sur le discours illuministe au �����e siècle : Louis-Claude de Saint-Martin
et les “circonstances” », Annales ESC, 26e année, 1971, p. 681-704.
12. Voir, par exemple, le § 288, p. 153-154, écrit le 25 juillet 1792, qui
contient un ajout concernant les différents séjours du scripteur à
Amboise et à Paris jusqu’au 1er octobre 1801.
13. Ibid., § 455, p. 232-233. Nommé « commissaire pour la confection
du catalogue des livres nationaux », Saint-Martin s’interroge sur le sens
de ce travail : « Chaque action extérieure à laquelle nous nous livrons est
au préjudice de cette action vive qui doit naître et exister
continuellement dans tous nos centres. Or les occupations humaines
sont-elles autre chose que de l’extérieur, et vont-elles ailleurs que dans
cet extérieur ? Ma commission même ne va pas plus loin, puisqu’il n’y
est question d’aucune manière d’y faire usage de mon jugement et de
mon esprit. Aussi je sens bien dans mon intérieur que si mes
compatriotes me jugeaient selon mes vraies mesures ils
m’appliqueraient à autre chose ; je sens enfin que dans le repos et la paix
de l’esprit, je pourrais faire des livres de catalogue, au lieu de ne faire
que des catalogues de livres. »
14. Ibid., § 564, p. 276. La Vie de sœur Marguerite du Saint-Sacrement,
religieuse carmélite du monastère de Beaune, composée par un prêtre
de la congrégation de l’Oratoire [Denis Amelote] parut en 1655 chez
Pierre Le Petit. Marguerite du Saint-Sacrement (Marguerite Parigot,
1619-1648), professe du Carmel de Beaune, suscita par ses prières un
important développement de la piété à l’Enfant-Jésus.
15. Ibid., § 296, p. 158. Le passage fut sans doute écrit en août 1792.
16. Nicolas de Bonneville (1760-1828), initié à la franc-maçonnerie lors
de son séjour en Angleterre en 1786, fonda en 1789 le Cercle social avec
Claude Fauchet, puis, en 1790, la Confédération des amis de la vérité et
édita livres et journaux : Le Tribun du peuple, Le Cercle social, La
Bouche de fer, La Chronique du mois ou les Cahiers patriotiques, Le
Bulletin des amis de la vérité par les directeurs de l’imprimerie du
Cercle social. L’imprimerie du Cercle social publia Ecce Homo de Louis-
Claude de Saint-Martin en 1792 et, on l’a vu au chapitre 14 du tome 5 de
L’École normale de l’an III, elle édita le Journal des séances des écoles
normales. Saint-Martin, fidèle en amitié, n’en fut pas moins sévère à
l’égard de L’Esprit des religions publié en 1791 : « Cet écrivain
ingénieux, chaud et fécond, m’envoya la réédition de son ouvrage. Voici
le jugement que la lecture m’en a fait naître ; il y a eu un architecte qui,
en bâtissant une maison, en avait oublié l’escalier ; l’auteur en question
paraît dans son édifice n’avoir su faire que l’escalier et avoir oublié la
maison et jusqu’au moindre logement. » (Mon portrait…, op. cit., § 311,
p. 165)
17. A. N., F7 4734, dossier Gros. L’arrêté visait en même temps Pierre
Pontard, évêque constitutionnel de la Dordogne, Jean-Baptiste
Miroudot, évêque de Babylone, Antoine-Joseph Gros, maître de
musique et secrétaire des commandements de la duchesse de Bourbon,
les femmes Pescheloche (épouse de Louis-Joseph Louvain de
Pescheloche, ancien avocat au parlement de Paris, devenu major dans la
Garde nationale, par ailleurs trésorier de la loge parisienne Saint-
Alexandre d’Écosse entre 1787 et 1791, qui était le principal locataire de
la maison où était hébergée Catherine Théot depuis l’été 1793) et Potu.
18. Dans Mon portrait…, Saint-Martin y voit une marque de la
bienveillance de « l’inépuisable Providence » qui le traite en « enfant
gâté ». Au § 464, p. 236-237, il note : « On avait arrêté quantité de
personnes liées ou attachées à une amie commune à nous [la duchesse
de Bourbon] ; et on se proposait d’en arrêter beaucoup d’autres de la
même catégorie. Quoique je datasse plus qu’un autre dans ce cercle-là
par bien des raisons, on m’a tellement oublié qu’il n’a pas seulement été
question de moi. Si j’eusse été à Paris, sûrement je ne l’aurais pas
échappé ; et c’est le décret du 27 germinal sur les nobles qui a été ma
sauvegarde. Voyez donc comme nous sommes sages quand nous
murmurons. J’ai appris depuis que j’avais eu un mandat d’arrêt lancé
contre moi ; mais je ne l’ai su qu’un mois après. ».
19. Ibid., § 426, p. 220 : une « vieille fille nommée C. [qui l’intéressait]
par ses vertus et par la forte attraction qu’il y avait sans son esprit, [mais
ne le] persuadait nullement par sa doctrine sur sa mission, sur le nouvel
évangile, sur le règne non commencé, sur la nullité du passé, sur la non-
mortalité, etc. toutes choses que ses disciples adoptaient avec le plus
grand enthousiasme. Cette nouvelle branche du commerce spirituel s’est
présentée à moi sans que je l’aie cherchée comme toutes les autres qui
me sont connues, et elle m’a fourni l’occasion d’exercer ma profession
dans cette partie, qui consiste principalement de ma part à être
inspecteur. »
20. A. N. F7 4728, dossier Gombault. Lettre de Gombault à Marie-Daniel
Bourrée de Corberon, février 1791, où l’auteur commente la mise en
place de la Constitution civile du clergé ; interrogatoire du 21 floréal an
II (10 mai 1794).
21. L’article 6 du décret voté par la Convention, le 27 germinal an II
(16 avril 1794), déclare qu’aucun noble, aucun étranger du pays avec
lesquels la République est en guerre ne peut habiter Paris, ni les places
fortes, ni les villes maritimes pendant la guerre.
22. Lors de ses passages dans la capitale, Louis-Claude de Saint-Martin
résidait généralement à l’hôtel d’Évreux, acheté en 1787 par Louise-
Marie-Thérèse-Bathilde d’Orléans, duchesse de Bourbon et sœur du duc
d’Orléans (futur Philippe-Égalité), rue Saint-Honoré, aujourd’hui palais
de l’Élysée. Celle-ci, grande maîtresse des loges d’adoption, passionnée
d’oracles, d’hypnose et de spiritualité mystique, organisait dans son
salon des séances de magnétisme animal dirigées par Mesmer, puis par
le marquis de Puységur. Après l’incarcération de sa propriétaire,
transférée en avril 1793 à Marseille, l’hôtel connut en effet plusieurs
affectations, accueillant en 1794 la Commission de l’envoi des lois et
l’imprimerie du Bulletin des lois, puis étant transformé, quelques mois
plus tard, en dépôt national de meubles provenant des saisies d’émigrés
ou de condamnés. Dans Mon Portrait…, op. cit., § 447, p. 230, Saint
Martin note : « En février 1794 (vieux style), la maison que j’habitais à
Paris devint nationale. J’en fus très affligé par rapport à la maîtresse du
logis dont le sort ne semblait pas s’améliorer par là ; j’en fus très affligé
aussi par rapport à toutes les personnes attachées à cette maison qui
paraissaient par cet évènement être menacées dans leur petite fortune et
leur petit bien-être ; quant à moi, particulièrement, j’en remerciai la
Providence, parce que cette maison était trop belle pour moi et que j’ai
toujours les palais en horreur. »
23. Il s’agit de l’hôtel portant, à la fin de l’Ancien Régime, l’enseigne « de
l’Empereur », du fait que la suite du comte de Falkenstein, pseudonyme
sous lequel voyageait le futur Joseph II, y résidait pendant le séjour de
celui-ci dans la capitale.
24. On peut mettre cette observation en rapport avec la remarque du
§ 364 (qui date vraisemblablement de mars 1793) de Mon portrait…, op.
cit., p. 188 : « Un abus que j’ai reconnu bien tard, quoique je l’aie
pressenti presque toute ma vie, c’est celui où l’esprit de l’homme est
entraîné par le charme des sciences humaines, et l’empire de l’œil de ses
semblables. Ce danger est tel que l’homme ne se voit plus que comme le
seul terme de l’entreprise ; et pourvu que sa gloire soit sauve et satisfaite
il ne croit pas avoir d’autre but à se proposer. Voilà ce vorace esprit du
monde qui engloutit journellement les humains, et qui les nourrit de ce
poison corrosif dont il est à la fois le principe et l’organe. Le principe de
vérité impose aux hommes d’autres lois. » Voir également § 76, p. 76 :
« J’ai vu les sciences fausses du monde, et j’ai vu pourquoi le monde ne
pouvait rien comprendre à la vérité, c’est qu’elle n’est point une science,
et qu’il veut toujours la comparer avec ces sciences fausses dont il se
berce, et se nourrit continuellement. »
25. Il s’agit de la traduction du livre de Jakob Boehme, théosophe
allemand (1575-1624), Vom dreifachen Leben des Menschen,
qu’entreprit Saint-Martin. Cette traduction parut en 1809 à Paris chez
l’imprimeur Migneret, sous le titre : De la triple vie de l’homme, selon le
mystère des trois principes de la manifestation divine, écrit d’après une
élucidation divine par Jacob Bôhme... traduit de l’allemand... par un ph
[ilosophe] in [connu, Louis-Claude de Saint-Martin] en 1793.
26. Louise-Françoise de Saint-Martin (1741-1828), épouse en secondes
noces d’Auguste-Antoine Des Herbiers, marquis de l’Estenduère.
27. Propriété située près de Montbazon (Indre-et-Loire).
28. L.-C. de Saint-Martin, Mon portrait…, op. cit., p. 259-260.
29. Ibid., p. 261.
30. Il s’agit vraisemblablement du violoniste et compositeur Jean-
Baptiste Davaux (1742- 1822), qui appartenait, sous l’Ancien Régime, à
la maison du prince de Rohan, puis devint secrétaire des
commandements du prince de Guéménée et fut l’inspirateur de la
formation musicale Le Concert des amateurs, dirigée par Gossec, qui
donna régulièrement des concerts à l’hôtel de Soubise de 1769 à 1781.
Ses œuvres, principalement de musique de chambre, furent jouées au
Concert spirituel entre 1773 et 1788. Davaux devint en 1793 chef de
bureau au ministère de la Guerre. La symphonie concertante qu’il
composa en 1794 comprenait des airs patriotiques comme La
Marseillaise et le Ça ira. Il apparut sur le tableau imprimé de la Loge
des neuf sœurs en 1779. Il fut, par ailleurs, membre de la Société des
enfants d’Apollon, proche de la Loge des neuf sœurs, qui donna des
concerts à partir de 1784 dans la salle du Musée, rue Dauphine. Voir L.
Amiable, Une loge maçonnique d’avant 1789. La R... L... des neuf sœurs,
Paris, Alcan 1897, p. 188-194, p. 339 et p. 391 ; R.-H. Tissot, « Jean-
Baptiste Davaux : un amateur-compositeur », in R.-H. Tissot et C.
Bellissant (dir.), Le Concert des amateurs à l’hôtel de Soubise
(1769-1781). Une institution musicale parisienne en marge de la Cour,
Grenoble, CNRS-Publications de la MSH-Alpes, 2004, p. 17-28.
31. Jean-Baptiste-Gérard Archbold, docteur en médecine de l’Université
de Montpellier, résidait à Bordeaux avant la Révolution ; il fut
correspondant de la Société royale de médecine de Paris. Disciple de
Mesmer et membre actif de la Société d’harmonie de Guyenne, il publia
en 1785 un Recueil d’observations et de faits relatifs au magnétisme
animal, présenté à l’auteur de cette découverte et publié par la Société
de Guyenne, Paris, chez les Marchands de nouveautés/ Bordeaux,
Pallandre jeune. Il fut en correspondance régulière avec Jean-Baptiste
Willermoz. Au paragraphe 237 de Mon portrait…, p. 133, Saint-Martin
écrivait à son propos : « On m’a dit un bien infini de M. Archbold,
médecin de Bordeaux, qui est fort de la connaissance […] de M. Vialet
[tte] d’Aignan et de l’abbé Sicard, instituteur des sourds et muets en
remplacement de l’abbé de L’Épée […]. Ce digne médecin parait être
toute âme, et je crois que j’aurais passé près de lui d’agréables moments
si j’avais eu le bonheur de le connaître personnellement et de pouvoir
me rapprocher de lui. »
32. Étienne Vialette d’Aignan était entrepreneur de la manufacture
royale de cadis (serge drapée) de Montauban, premier consul de la ville
sous l’Ancien Régime, officier municipal au début de la Révolution.
Vénérable de la Loge symbolique de la bonne foi réunie au Directoire
écossais de Septimanie, député maître du Rite écossais rectifié pour le
district de Toulouse, il fut l’un des quatre grands profès de la province de
Septimanie (dont le siège était à Montpellier) dans le système des
Chevaliers bienfaisants de la Cité sainte mis en place en 1779 par
Willermoz lors de la réforme de la franc-maçonnerie de stricte
observance templière : il y fut désigné sous le titre d’Eques Stephanus ab
Agno. Il fut, par ailleurs, initié à Toulouse en 1785 dans l’Ordre des Élus
cohens. Le comte Du Roy d’Hauterive rappela à cette occasion
l’impérieuse nécessité, puisqu’il était protestant, de ne pas oublier « lors
de sa réception de faire en son nom, à voix basse, trois fois l’abjuration à
l’angle du midi pour la faute d’hérésie ». Adepte enthousiaste du
magnétisme mesmérien, Vialette d’Aignan fut par ailleurs membre
correspondant de la Société harmonique des amis réunis de Strasbourg,
association établie en 1785 par le marquis de Puységur, qui pratiquait le
traitement par hypnose. Vialette envoya à cette société des observations
cliniques qui furent publiées dans ses Annales. Voir R. Le Forestier, La
Franc-Maçonnerie templière et occultiste au �����e et ���e siècle, Paris-
Louvain, Aubier-Nauwelaerts, 1970, p. 517, p. 812 et p. 892 ; M.
Taillefer, La Franc-Maçonnerie toulousaine sous l’Ancien Régime et la
Révolution, 1741-1799, Paris, ENSTB-CTHS, 1984, p. 61, p. 99,
p. 100-102, p. 104 et p. 107-108. Saint-Martin fut d’ailleurs en
correspondance directe avec ce personnage auquel il écrivit une lettre au
sujet de la Vierge : voir Mon portrait…, op. cit., § 393, p. 205-206.
33. Pierre-Jean Bachelier d’Agès était, avant la Révolution, un membre
très actif de la Société parisienne de l’harmonie universelle fondée par
Mesmer, surtout après l’élimination du groupe radical dirigé par
Bergasse. Il publia en l’an VIII un livre intitulé : De la nature de
l’homme et des moyens de le rendre plus heureux, Paris, Buisson. Voir
R. Darnton, La Fin des Lumières. Le mesmérisme et la Révolution,
Paris, Perrin, 1984, p. 74.
34. Roch-Ambroise Cucurron, dit l’abbé Sicard (1742-1822), enseigna
l’art de la parole à l’École normale. Ancien membre de la congrégation
de la Doctrine chrétienne, il fut appelé par l’archevêque de Bordeaux,
Jérôme-Marie Champion de Cicé, et devint chanoine de Saint-Seurin de
Bordeaux en 1784. Secrétaire de la loge bordelaise l’Anglaise, il participa
à la fondation du Musée de Bordeaux. En 1786, il fut nommé directeur
de la nouvelle institution des sourds et muets de Bordeaux où il
perfectionna les méthodes de l’abbé de L’Épée avant de prendre,
en 1790, la succession de ce dernier à l’Institut des sourds et muets de
Paris. Voir J.-L. Chappey, La Société des observateurs de l’homme
(1799-1804). Des anthropologues au temps de Bonaparte, Paris, Société
des études robespierristes, 2002, p. 32-40 ; J. Coutura, Les Francs-
Maçons de Bordeaux au �����e siècle, Marcillac, Éditions du Glorit,
1988, p. 93.
35. Il pourrait éventuellement s’agir de Pierre-Louis Chaussée, « dit
Lizonet », musicien âgé de 49 ans, qui résidait rue de la Harpe en 1793,
d’après le registre des cartes de sûreté (A. N., F7 4807).
36. Une lettre de Gombault à Marie-Daniel Bourrée de Corberon, datée
vraisemblablement de février 1791, précise que madame de Myons « est
toujours dans le bon chemin et y fait des progrès ». Prié de préciser sa
pensée lors de son interrogatoire, le 21 floréal an II (10 mai 1794), par
les membres du Comité révolutionnaire de la section de Bondy,
Gombault répond que « la citoyenne Mions […] était une femme
divorcée avec son mari, qui demeure boulevard Saint-Martin no 72 dont
son mari est émigré » et qu’à propos du « bon chemin » et des
« progrès » cité dans la lettre, il a voulu parler de « piété et de vertu ». Il
s’agit vraisemblablement de l’épouse de Barthélemy Léonard Pupil,
marquis de Myons, premier président honoraire de la Cour des
monnaies de Lyon. Celui-ci demeurait rue de Bondy, mais émigra
en 1789.
37. Il s’agit de Julien-Bernard-Dorothée de Mazade de Percin
(1750-1823), représentant de la Haute-Garonne à la Convention, qui, à
partir de 1781 et jusqu’en 1790, suivit, grâce à la protection du marquis
de Castries, ministre de la Marine, une carrière de magistrat, d’abord à
l’île Bourbon puis à Saint-Domingue. Saint-Martin le connut lors de
deux séjours à Toulouse en juillet et août 1776 puis en août et
septembre 1777, ce dont témoigne, avec une certaine imprécision, son
Portrait… (op. cit., § 421, p. 218) ; il fait état d’une rencontre avec lui à
Amboise, le 10 juillet 1793, alors que Garnier de Saintes et Mazade
rentraient d’une mission auprès de l’armée des Côtes à La Rochelle pour
laquelle ils furent nommés le 30 avril précédent : « M. Mazade de
Percin, député à la Convention, est venu me voir à Amboise au retour
d’une mission dont il était chargé pour La Rochelle. C’est un homme de
beaucoup d’esprit, et que j’ai connu avec grand plaisir à Toulouse dans la
maison Dubourg dont il a épousé la fille cadette. Comme il y avait quinze
ans que je ne l’avais vu, et que dans cet intervalle il a fait de très grands
voyages qui l’ont un peu changé, je ne le reconnus qu’au bout de
quelques secondes. Mais je fus très satisfait de le revoir. Lors de notre
liaison il n’a jamais été que dans des commencements de rapports avec
moi relativement à mes objets ; depuis ces commencements de rapports,
la voie s’est encore bien plus ouverte pour moi, de façon que je n’ai pas
poussé loin la conversation sur cette partie, et cela d’autant moins qu’il
avait avec lui un autre député de Saintes nommé Garnier que je ne
connaissais point. » C’est en fait Mazade qui, au début de juillet 1776,
pria instamment Saint-Martin de venir à Toulouse, comme l’atteste une
lettre de Saint-Martin à Jean-Baptiste Willermoz en date
du 6 juillet 1776 : il a en effet été chargé par le comte Du Roy d’Hauterive
de propager l’Ordre des Élus cohens dans cette partie du royaume.
L’arrivée de Saint-Martin offrit l’opportunité de développer à Toulouse
un temple de l’Ordre cohen dont l’assise principale était la famille
parlementaire Du Bourg. Mazade épousa, le 25 novembre 1776,
Alexandrine-Amable-Gabrielle Du Bourg, fille cadette de Valentin Du
Bourg-Cavaignes, président au parlement de Toulouse. Saint-Martin
parle de la famille Du Bourg comme d’une « très aimable [et] délicieuse
famille » : « Il y a été question de quelques velléités de mariage pour
[lui] » avec la fille aînée (Mon portrait…, op. cit., §. 303, p. 162). Les
lettres de Saint-Martin aux Du Bourg, conservées aux archives
municipales de Toulouse, furent publiées par R. Amadou sous le titre :
Lettres aux Du Bourg, 1776-1785, Paris, « L’Initiation », 1977 ; sur le
séjour toulousain, voir M. Taillefer, La Franc-Maçonnerie toulousaine,
op. cit., p. 98-107.
38. Marie-Daniel Bourrée de Corberon (1748-1810), ancien diplomate,
secrétaire de légation et chargé d’affaires en Russie (1775-1780), puis
ministre plénipotentiaire auprès du duc des Deux-Ponts (1780-1783),
était un passionné d’alchimie, familier des sociétés ésotériques à la fin
du �����e siècle, qui adhéra aux idées de Swedenborg. Il fut initié par la
Loge de la parfaite égalité et sincère amitié à l’Orient de Paris où il
figurait en 1775 (voir A. Le Bihan, Francs-maçons parisiens du Grand
Orient de France, Paris, BnF, 1968, p. 91). Il fut admis dans la Société
parisienne de l’harmonie universelle le 5 avril 1784. Fixé à Avignon en
juin 1790, il entra dans la société de Dom Pernéty connue sous le nom
des Illuminés d’Avignon. Il fut incarcéré dans cette ville à la suite de la
promulgation de la Loi des suspects ; conduit sous escorte à Paris, il dut
son salut au fait qu’il n’arriva dans la capitale qu’après Thermidor, alors
que son père, ancien président au parlement de Paris, son frère aîné et
son neveu furent guillotinés le 29 floréal an II (18 mai 1794). Son
Journal de 1775 à 1781 est conservé à la médiathèque Calvet d’Avignon
(ms. 3054 à 3059). Voir la publication très partielle de ce journal intime
dans L.-H. Labande, Un diplomate français à la cour de Catherine II,
1775-1780. Journal intime du chevalier de Corberon, chargé d’affaires
de France en Russie, Paris, Plon-Nourrit, 1901, 2 vol. : l’éditeur en a
expurgé tout ce qui était relatif à l’illuminisme (une édition électronique
de ce journal, sous la direction de P.-Y. Beaurepaire, est en cours) ; voir
également A. Faivre, « Un familier des sociétés ésotériques au dix-
huitième siècle : Bourrée de Corberon », Revue des sciences humaines,
avril-juin 1967, p. 146-174 ; C. Mesliand, « Renaissance de la franc-
maçonnerie avignonnaise à la fin du dix-huitième siècle », Bulletin
d’histoire économique et sociale de la Révolution française, 1972,
p. 23-82 ; C. Garrett, Respectable Folly. Millenarians and the French
Revolution in France and England, Baltimore et Londres, The Johns
Hopkins University Press, 1975, p. 97, p. 106-109 et p. 117 ; D.
Taurisson-Mouret, « Solitude et espaces relationnels du chevalier de
Corberon (1775- 1781) », in J.-P. Bardet, É. Arnoul et F.-J. Ruggiu, Les
Écrits du for privé en Europe, du Moyen Âge à l’époque
contemporaine : enquêtes, analyses, publications, Pessac, PUB, 2010,
p. 247-266.
39. Clémentine pourrait bien être le diminutif donné par Saint-Martin à
la fille de Dominique Clément de Ris (1750-1827) et de Marie-Catherine
Olive Chevreux du Mesnil, Marie-Thérèse, née en 1777. Maître d’hôtel de
la reine sous l’Ancien Régime, Dominique Clément de Ris acheta,
en 1791, la terre et le château de Beauvais-sur-Cher à la sœur de Saint-
Martin, Louise-Françoise, veuve en premières noces de Denis-Louis
Aubry, inspecteur général des manufactures et pépinières royales,
remariée à Antoine-Auguste Des Herbiers, marquis de l’Estenduère.
Administrateur du département d’Indre-et-Loire à partir de
novembre 1792, Clément de Ris fut arrêté en pluviôse an II sur ordre de
Mogue, membre du Comité de salut public, pour « modérantisme »,
mais libéré en germinal de la même année sur l’intervention de Jullien
de la Drôme. De prairial an II à pluviôse an III, il fut chef de division à la
Commission exécutive de l’instruction publique. Sur Clément de Ris,
voir J. Guillaume, Procès-verbaux du Comité d’instruction publique de
la Convention nationale, op. cit., t. IV, p. 221-228 ; J.-X. Carré de
Busserolle, Dictionnaire géographique, historique et biographique
d’Indre-et-Loire et de l’ancienne province de Touraine, t. II, Tours,
Rouillé-Lefèvre, 1879, p. 313-319. À propos des Clément de Ris, Saint-
Martin déclara, au retour d’une visite faite à Beauvais le 24 juin 1793 :
« leur fille quoique très jeune, annonce un être rare » (Mon portrait…,
op. cit., § 411, p. 214) ; et au § 641 (qui date vraisemblablement du
premier semestre 1796, p. 306) : « J’ai vu une jeune personne
(Clémentine) favorisée des dons du cœur et de l’esprit, et beaucoup plus
mûre que l’on ne l’est à son âge, être peu contente de ce vers de Voltaire.
Si Dieu n’existait pas il faudrait l’inventer. Elle trouvait le doute dans le
premier hémistiche et l’impiété orgueilleuse dans le second. » Voir
également, ibid., § 451, p. 231 et § 908, p. 381.
40. Vraisemblablement Philippe-Jacob Heisch qui fit ses études à
Strasbourg à partir de 1786 et fut le précepteur des enfants de Bernard-
Frédéric, baron de Turckheim, et de son épouse Elise (Lili) Schönemann
(qui, avant son mariage, inspira une passion à Goethe), au moins
jusqu’en 1790. Prisonnier des Autrichiens en 1793, Heisch fut libéré à la
fin de septembre 1794 grâce à l’intervention des Turckheim. Saint-
Martin fit certainement sa connaissance lors de son séjour
strasbourgeois de 1788 à 1791, séjour au cours duquel il se lia à Frédéric-
Rodolphe Saltzmann. Ami de Lavater et du pasteur Oberlin, Heisch créa
ensuite une importante maison de commerce à Londres. Il fut l’un des
membres actifs de la société fondée en 1804 à Londres, pour
l’impression de la Bible tant dans les langues de la Grande-Bretagne que
dans les langues étrangères. Voir J. Ries (éd.), Die Briefe der Elise von
Türckheim geb. Schönemann, Francfort, Verlag Englert & Schlosser,
1924, p. 267-268 ; J. Keller, Lili Schoenemann, baronne de Turckheim.
Lettres inédites, journaux intimes et extraits de ses papiers de famille,
Berne, Peter Lang, 1987, p. 31. On sait le rôle que joua Bernard-Frédéric
de Turckheim dans la diffusion, à Strasbourg, de la réforme de la stricte
observance de la maçonnerie : voir A. Faivre, « Une collection
maçonnique inédite : le fonds Bernard-Frédéric de Turckheim », Revue
de l’histoire des religions, t. CLXXV, 1969, p. 47-67 et p. 165-191 ; J.
Keller, Le Théosophe alsacien Frédéric-Rodolphe Saltzmann et les
milieux spirituels de son temps : contribution à l’étude de l’illuminisme
et du mysticisme à la fin du �����e et au début du ���e siècle, Berne,
Peter Lang, 1985.
41. Le père Charles Hervier, bibliothécaire du couvent des Grands-
Augustins à Paris, était un fervent adepte du mesmérisme. Il interrompit
en 1784 un sermon qu’il prononça à Bordeaux pour faire revenir à elle,
par des passes magnétiques, une paroissienne en proie à des
convulsions. L’évènement fit sensation, divisant la ville en deux camps,
les uns vénérant le père Hervier comme un saint, les autres le traitant de
sorcier. Destitué de la « station » qu’il prêchait par les autorités
ecclésiastiques, il fut finalement rétabli sur intervention du parlement de
la ville. Le « jeune homme » désigne-t-il un disciple d’Hervier ?
42. Antoine-Anne-Alexandre-Marie-Gabriel-Joseph-François de Mailly,
marquis de Châteaurenaud (1742-1819), secrétaire de Voltaire à Ferney,
de 1762 à 1765, était avocat général à la chambre des comptes de Dôle
sous l’Ancien Régime. Élu aux États généraux de 1789 député suppléant
de la noblesse du bailliage d’Aval, à Lons-le-Saunier, il siégea à
l’Assemblée constituante à partir du 20 juin 1790, en remplacement de
Claude-Adrien-François, marquis de Lezay-Marnésia, démissionnaire et
parti aux États-Unis. Président de l’administration du département de
Saône-et-Loire, il fut élu député du même département à la Convention.
Il fut membre de la Loge des neuf sœurs en 1784 et de la Réunion des
étrangers en 1786.
43. Un patronyme aussi commun interdit toute identification sûre. On
peut toutefois d’autant plus songer à Antoine-Joseph Gros, maître de
musique de la duchesse de Bourbon et membre de la loge parisienne La
Douce Union en 1785-1786, que celui-ci figura sur le même mandat
d’arrestation du Comité de sûreté générale que Saint-Martin, en date
du 2 thermidor an II (20 juillet 1794). Lors de son interrogatoire trois
jours plus tard, Gros, qui habitait au 20 de la rue Saint-Honoré, section
des Piques, admit qu’il suivait la duchesse de Bourbon au château de
Petit-Bourg, mais nia faire partie de sa société. Il cita tous les familiers
du château de Petit-Bourg, dont Saint-Martin, et signala que c’était Dom
Gerle qui introduisit Suzette Labrousse dans cette société (A. N.,
F7 4734, dossier Gros).
44. Vraisemblablement Eric Magnus, baron de Staël-Holstein
(1749-1802), chargé d’affaires puis ambassadeur de Suède en France
entre 1783 et février 1792, qui épousa le 4 janvier 1786, dans la chapelle
luthérienne de l’ambassade, Germaine Necker (plus connue sous le nom
de madame de Staël), fille de Jacques Necker, ministre de Louis XVI. Il
fut reçu Eques (chevalier bienfaisant de la Cité sainte) et grand profès à
Lyon par Willermoz, en juin 1784, au sein de la Stricte Observance
templière de la maçonnerie. Après un exil en Suisse, il se réinstalla à
Paris en mars 1795 ; ses lettres de créance venues de Stockholm et
reconnaissant officiellement la République française furent lues à la
Convention le 3 floréal an II (22 avril 1795) en sa présence. Son épouse
rouvrit aussitôt son salon, dans leur hôtel de la rue du Bac, salon qui fut
rapidement suspecté d’être un foyer favorable aux émigrés. Voir P. de
Pange, Monsieur de Staël, Paris, Éditions des Portiques, 1931,
notamment p. 201, p. 203 et p. 210-211.
45. Maubach servit souvent d’intermédiaire entre Kirchberger et Saint-
Martin, en ces temps troublés où les correspondances étaient
décachetées. En 1786, il fut commis au Trésor royal en tant que
traducteur d’anglais, commis adjoint en 1788, puis chef de bureau des
armes et poudres au Comité de salut public de 1793 à 1794. En l’an III, il
était contrôleur des recettes journalières à la Trésorerie nationale. Il fut
reçu membre de la Loge des amis réunis le 19 décembre 1781 et fut le
secrétaire de Savalette de Langes, garde du Trésor royal, fondateur et
vénérable de la même loge, l’une des figures maçonniques les plus
importantes de la fin du �����e siècle. Lors de la vingt-septième
assemblée du Convent des philalèthes de 1785 (qui se situe entre le 12 et
le 19 mai), fut lue une des réponses de Maubach à la seconde circulaire
préliminaire au Convent : il recommandait d’étudier les œuvres de
Swedenborg « qui indique le vrai culte et les mystères divins du premier
ordre et qui présente des correspondances qui conduisent très loin dans
la science occulte ». Maubach faisait partie du cercle des habitués qui
fréquentaient l’hôtel parisien de la duchesse de Bourbon et le château de
Petit-Bourg : voir les interrogatoires devant le Comité de sûreté générale
de l’évêque de Babylone, Jean-Baptiste Miroudot, et du musicien Gros,
les 3 et 5 thermidor an II (21 et 23 juillet 1794) [A.N., F7 4734]. En 1798,
il était payeur général du département du Doubs à Besançon et, en 1800,
il devint premier commis du contrôle de la Marine au Trésor public. Voir
A. Viatte, Les Sources occultes du romantisme : illuminisme et
théosophie, 1770-1820, Paris, Honoré Champion, 1928, t. I, p. 33 et
p. 85 ; A. Faivre, Kirchberger…, op. cit., p. 108, note 1 ; Ch. Porset, Les
Philalèthes et les convents de Paris. Une politique de la folie, Paris,
Honoré Champion, 1996, p. 414 et p. 580-581 ; P.-F. Pinaud, « Un cercle
d’initiés à la fin du �����e siècle », Paris, Île-de-France. Mémoires
publiés par la Fédération des sociétés historiques et archéologiques de
Paris et de l’Île-de-France, t. 44, 1993, p. 133-151.
46. Le 29 mars 1779, l’abbé Fournié, disciple bordelais de Martines de
Pasqually, écrivait de Bordeaux à Willermoz : « Je vois journellement le
P [arfait] M [açon] Orsel, qui est grandement intelligent et bien beau
zèle pour la Chose. Je lui ai donné 34 feuilles du traité que j’écris qui ne
sont qu’un petit commencement. En gradation de la mort à la vie, il doit
à son arrivée à Lyon vous le remettre », texte cité par A. Faivre, « Un
martinésiste catholique : l’abbé Fournié », Revue d’histoire des
religions, juil.-sept. 1967, p. 81 (B.M. Lyon, ms. 5472). Orsel figure
parmi les Élus cohens que madame Provensal, sœur de Jean-Baptiste
Willermoz, associa au Memento des vivants et des morts qu’elle
composa : voir A. Joly, Un mystique lyonnais et les secrets de la franc-
maçonnerie, 1730-1824, Mâcon, Protat Frères, 1938, p. 145-146. Les
Orsel appartenaient à une famille de grands négociants quincailliers de
Lyon. Il pourrait s’agir ici d’Antoine Orsel (1743-1804), qui résida à
l’hôtel Beaufort, rue Quincampoix, et apposa une signature franc-
maçonne sur le registre des cartes de sûreté en octobre 1792 (A.N.,
F7 4798).
47. Les membres de cette famille sont nombreux et il est difficile de
proposer une identification sûre. On peut penser au comte Louis-
Philippe de Ségur (1753-1830), fils aîné du maréchal de Ségur, qui fut,
de la fin 1784 à 1789, ambassadeur de France en Russie. Il fit partie de la
Société parisienne de l’harmonie universelle qui se réunissait à l’hôtel de
Coigny, rue Coq-Héron. Les séances de cette société combinaient rites
maçonniques d’initiation pour les néophytes et conférences d’instruction
sur les sciences occultes.
48. L’ami Gombault est cité plusieurs fois dans Mon Portrait… : au
§ 435, p. 224, Saint-Martin note que c’est avec lui qu’il rentra à Paris en
octobre 1793 depuis le château de Petit-Bourg, propriété de la duchesse
de Bourbon, incarcérée alors à Marseille, où il était arrivé le 1er août
précédent ; au § 464, rédigé après le 9 thermidor, p. 236-237, il note que
« le génie de la liberté a ouvert alors les prisons à une infinité de
détenus. De ce nombre était un excellent homme renfermé bien
injustement depuis trois mois, l’ami Gomb… qui m’a appris nombre
d’autres arrestations que j’ignorais et qui ont été terminées comme la
sienne par la délivrance ». Fleury Gombault appartenait à la secte
swedenborgienne des illuminés d’Avignon, fondée par Dom Antoine
Pernéty dans une maison de campagne du marquis de Vaucroze sur la
commune de Bédarrides. Il fut, par ailleurs, l’un des membres les plus
actifs de la Société parisienne de l’harmonie universelle, avec Savalette
de Langes et Bachelier d’Agès. Arrêté le 20 floréal an II (9 mai 1794) par
suite de la correspondance qu’il avait entretenue avec Marie-Daniel
Bourrée de Corberon (arrêté lui-même à Avignon le 9 germinal
précédent [29 mars 1794]), il précisa dans son interrogatoire qu’il était
âgé de 55 ans et exerçait les fonctions de trésorier payeur de la première
division de la gendarmerie. En 1787, il était trésorier de la Garde de
Paris qui fut dissoute en 1791 et remplacée par huit divisions de
gendarmerie (A. N., F7 4728). Voir aussi M. Matter, Saint-Martin le
philosophe inconnu : sa vie, ses écrits, son maître Martinez et leurs
groupes, Amsterdam, Van Backenes, 1862, p. 231 ; J. Bricaud, Les
Illuminés d’Avignon. Étude sur Dom Pernety et son groupe, Paris,
Émile Nourry, 1995, p. 75, 88 ; R. Darnton, La Fin des Lumières…, op.
cit., p. 74.
49. Au § 118 de Mon portrait… (op. cit., p. 90-91), Saint-Martin signale
avoir manqué, en 1788, au moment où il partait pour Strasbourg, la
rencontre de « la fameuse Gros-Jean ». Il n’en dit pas plus. Lors de son
interrogatoire par des membres du Comité révolutionnaire de
surveillance de la section de Bondy, le 21 floréal an II (10 mai 1794),
Gombault « à la demande s’il connaît le nommé Grosjean a répondu que
c’était une cuisinière qui a demeuré chez Corberon, et actuellement rue
de l’Estrapade no 6 où les citoyens Lamotte, médecin, et Gerle, ex-
député, l’ont retirée par charité » (A.N., F7 4728). L’attention des
membres du Comité fut attirée par une lettre de Gombault adressée à
Marie-Daniel Bourrée de Corberon et saisie à Avignon, datant
vraisemblablement de février 1791 et signalant qu’« il y a plus d’un an
que Grosjean m’a dit que M. de Juigné [archevêque de Paris] ne
reviendrait pas et que l’év [êque] de Babylone [Jean-Baptiste Miroudot]
serait nommé à sa place. La moitié de la prophétie s’est déjà vérifié »
(ibid.). Louis-Étienne Quévremont de Lamotte était un médecin disciple
de Mesmer chez lequel est venu vivre Dom Gerle, après son expulsion de
l’ordre des Chartreux : tous deux appartenaient au cercle de la duchesse
de Bourbon et suivaient attentivement les prophéties de Suzette
Labrousse et de Catherine Théot, de même que Jean-Baptiste Miroudot.
Lors de son interrogatoire par le Comité de sûreté générale,
le 5 thermidor an II (23 juillet 1794), le musicien Gros signala « la fille
Grosjean » parmi les habitués de la société de la duchesse de Bourbon au
château de Petit-Bourg (A. N., F7 4734, dossier Gros). On peut donc
supposer que la fille Grosjean était dotée de dons prophétiques reconnus
dans ce cercle. Voir C. Garrett, Respectable Folly. Millenarians and the
French Revolution…, op. cit., p. 50, p. 54-60 et p. 82-89.
50. En 1780, Saint-Martin résida chez mesdames d’Arquelay, rue Saint-
Thomas du Louvre à Paris, où il avait un cabinet. Il y tint alors une
« conférence » sur le magnétisme animal avec Jean-Sylvain Bailly,
membre de la Commission royale chargée d’enquêter sur le
mesmérisme. Il s’efforça de persuader son interlocuteur de « l’existence
du pouvoir magnétique sans soupçon de fourberie de la part des
malades » (Mon portrait…, op. cit., § 121 et 122, p. 91-92). Il ne vit dans
le Rapport des commissaires chargés par le roi de l’examen du
magnétisme animal (Paris, Moutard, 1784), rédigé par Bailly,
rapporteur de la Commission (où figurent Gabriel de Bory, Franklin,
Lavoisier et Charles Le Roy), qu’un « misérable » compte rendu. Bailly
concluait ainsi son rapport : « Ayant démontré par des expériences
décisives que l’imagination sans magnétisme produit les convulsions et
que la magnétisme sans imagination ne produit rien, concluons d’une
voix unanime que rien ne prouve l’existence du fluide magnétique
animal, que ce fluide sans existence est par conséquent sans utilité. »
51. Jacques-François de Menou, baron de Boussay (1750-1810), était
maréchal de camp en 1789, lorsqu’il fut élu député de la noblesse du
bailliage de Touraine aux États généraux de 1789. Il y défendit
vigoureusement l’annexion d’Avignon et du Comtat-Venaissin. En 1793,
il commanda les armées républicaines en Vendée. Le 1er prairial an III
(22 mai 1795), il était à la tête des sections parisiennes et força les
émeutiers du faubourg Saint-Antoine à capituler.
52. Pierre-Claude Nioche (1751-1828), lieutenant particulier de la
maîtrise des eaux et forêts de Loches, député du tiers état du bailliage de
Tours aux États généraux, élu à la Convention par le département de
l’Indre-et-Loire. Envoyé comme représentant en mission le 22 prairial
an II, il fut chargé de surveiller les opérations d’extraction du salpêtre en
Indre-et-Loire et dans les départements voisins et il y resta jusqu’en
thermidor an II.
53. Claude-Alexandre Ysabeau (1754-1831), ex-membre de la
congrégation de l’Oratoire, était préfet du collège oratorien de Tours
en 1789. Devenu curé constitutionnel de Saint-Martin de Tours et vicaire
épiscopal de l’évêque constitutionnel d’Indre-et-Loire, il fut élu
représentant du même département à la Convention. Il abdiqua ses
fonctions sacerdotales en novembre 1793 lors de la mission à Bordeaux
qu’il conduisit avec Tallien pour écraser la révolte fédéraliste.
54. Pierre-Joseph-François Bodin (1748-1809), chirurgien, était député
de l’Indre-et-Loire à la Convention. Il fut chargé, en brumaire an III,
d’épurer, dans le sens de la réaction thermidorienne, les autorités
constituées dans les ports de Rochefort, La Rochelle, Bordeaux et
Bayonne.
55. Probablement Philippe-Paul Helluis de Montlord, avocat, trésorier
de l’abonnement des gazettes étrangères, membre de la loge parisienne
Saint-Louis de la Martinique des frères réunis entre 1768 et 1790,
membre du Chapitre de Saint-Louis de la Martinique
de 1788 à 1790 (voir A. Le Bihan, Francs-maçons parisiens du Grand
Orient de France, op. cit., p. 247). Au § 751, p. 343, de Mon portrait…
(op. cit.), Saint-Martin évoque les récits que celui-ci lui fit,
vraisemblablement en 1797, de la conduite de Louis XVI lors de son
procès et « des traits des plus surprenants et en même temps des plus
horribles qui se sont passés dans notre Révolution et que j’ignorais ».
56. Sylvestre-François Lacroix, ancien professeur de mathématiques à
l’École des gardes de la Marine de Rochefort et à celle d’Artillerie de
Besançon, était un élève de Gaspard Monge. Il succéda à Laplace en
octobre 1793 comme examinateur des élèves de l’Artillerie. Il fut
nommé, en vendémiaire an III, chef du premier bureau (organisation
des divers degrés de l’instruction publique) de la première section
(enseignement) de la Commission exécutive de l’instruction publique
dirigée par Garat, Ginguené et Clément de Ris. Le 4 ventôse an III
(22 février 1795), Ginguené, défendant la Commission contre les
attaques de Chalmel qui avait été destitué du secrétariat général
le 26 pluviôse précédent (14 février 1795), précisa que Lacroix,
« excellent géomètre, a été choisi par Monge pour son adjoint à l’École
normale » (in J. Guillaume, Procès-verbaux du Comité d’instruction
publique de la Convention nationale, op. cit., t. V, p. 112, 115).
57. Il pourrait s’agir de François-Marie Pipelet de Montizeaux, avocat en
parlement, membre de la loge parisienne Saint-Alexandre d’Écosse
entre 1784 et 1790, membre du Souverain Chapitre de la respectable
mère loge écossaise de 1785 à 1787 (voir A. Le Bihan, Francs-maçons
parisiens du Grand Orient de France, op. cit., p. 398).
58. Il s’agit de Jean-Guy Beaupuy (1756-1806), fils de François de La
Bacheretie, écuyer, seigneur de Beaupuy, élève envoyé à l’École normale
par le district de Mussidan. Ex-chanoine de la cathédrale d’Arles dont
Monseigneur Du Lau, son oncle, était archevêque, ex-curé
constitutionnel de Mussidan, abdicataire, Beaupuy était le frère de trois
généraux républicains. Voir sa notice dans le Dictionnaire
prosopographique des élèves.
59. Jules-Julien-Gabriel Berthevin (1769-1854) était un imprimeur-
libraire d’Orléans, venu sous la Révolution à Paris. Il se lia alors à Marie-
Charles-Joseph de Pougens qui avait ouvert un commerce de librairie
dans les anciennes écuries d’Orléans, rue Vivienne. Il publia, sans nom
d’auteur, dès 1793, une tragédie en alexandrins intitulée La Mort de
Louis XVI, ouvertement favorable au souverain guillotiné. Voir
Mémoires et souvenirs de Charles de Pougens, chevalier de plusieurs
ordres, de l’Institut de france, des académies de la Crusca, de Madrid,
de Gottingue, de Saint-Pétersbourg, etc. commencés par lui et
continués par Mme Louise B. de Saint-Léon, Paris, H. Fournier, 1834,
chap. ���. Saint-Martin le rencontra de nouveau en novembre 1796, à
Paris, et en reçut « des confidences qui mériteraient [de lui] plus de
vertus » qu’il n’en posséda (voir Mon portrait…, op. cit., § 713). Selon le
Journal de Charles Weiss (à la date du 19 juin 1833, Paris, Les Belles-
Lettres, 1972, p. 281), Berthevin aurait été envoyé à l’École normale par
son « département », en l’occurrence le district d’Orléans. L’affirmation,
vraisemblable, est invérifiable, les archives du Loiret ayant été détruites
en 1940.
60. François-Paul Latapie (1739-1823), élève envoyé par le district de
Bordeaux à l’École normale. Inspecteur général des arts et manufactures
de Guyenne en 1774, membre de l’Académie de Bordeaux en 1775, il fut
le fondateur du Jardin botanique, dont il était encore le démonstrateur
en 1795, et où il fit un cours public de botanique en 1795. Voir sa notice
dans le Dictionnaire prosopographique des élèves.
61. Il s’agit vraisemblablement d’un élève de l’École normale. Étienne
Larroque, qui fut nommé le 19 frimaire an III (8 décembre 1794), au
terme d’un examen public organisé par le district de Bordeaux. Natif de
Monléon [Hautes-Pyrénées], lauréat en 1789 du prix d’astronomie du
Musée de Bordeaux, il était alors âgé de 27 ans et jugé instruit en
matière de mathématiques, qu’il enseigna d’ailleurs dans divers cours
privés à Bordeaux.
62. Sans doute André-Claude Thiroux de Gervillers, mestre de camp de
dragons, membre de la loge parisienne Les Amis réunis dès 1774 et
figurant sur le tableau du Chapitre de cette même loge en 1788, fils de
Louis-Lazare Thiroux d’Arconville, président au parlement de Paris, et
de Marie-Geneviève Darlus, elle-même fille d’un fermier général. Son
épouse était la sœur de Charles-Pierre-Paul Savalette de Langes,
Vénérable et fondateur de la dite loge. Il était sans doute parent du
chevalier Bourrée de Corberon (voir Ch. Porset, Les Philalèthes…, op.
cit., p. 131, p. 139, p. 145 et p. 155).
63. Probablement Ambroise Falconnet (1742-1817), avocat au parlement
de Paris depuis 1769. Lors de la réforme du parlement Maupeou, cet
avocat défendit l’idée que l’ordre des avocats n’avait pas de statuts écrits
mais une simple tradition orale, dénonça le despotisme qui présidait à
ses destinées et soutint que la profession requierait essentiellement les
qualités d’un homme de lettres : génie, art de bien écrire et de toucher
les cœurs plutôt qu’érudition et respect des codes juridiques. Il
appartenait à cette génération d’avocats dont les mémoires judiciaires
atteignirent une très grande popularité grâce à l’efficacité de leur
rhétorique qui s’employait, sur un ton sarcastique et irrévérencieux, à
créer une complicité entre auteur et lecteurs. Voir S. Maza, « Le tribunal
de la nation : les mémoires judiciaires et l’opinion publique à la fin de
l’Ancien Régime », Annales ESC, t. 42, 1987, p. 75-90 ; D. A. Bell,
« Lawyers into demagogues : chancellor Maupeou and the
transformation of legal practice in France 1771-1789 », Past and Present,
no 130, fév. 1991, p. 107-141 ; S. Maza, Vies privées, affaires publiques.
Les causes célèbres dans la France prérévolutionnaire, trad. fr. Paris,
Fayard, 1997, en part. p. 146-152. Ambroise Falconnet faisait partie de la
loge parisienne Le Zèle en 1778 et 1791, de la Loge Saint-Louis en 1786,
et fut député au Grand Orient (voir A. Le Bihan, ibid., p. 196).
64. Patronyme difficilement identifiable en raison des nombreuses
homonymies possibles : un Louis de La Corbière, originaire de Genève,
caissier de l’affinage à la Monnaie de Paris et résident rue de la Monnaie,
se fit délivrer une carte de sûreté en janvier 1793 : il avait alors 61 ans et
habitait Paris depuis vingt-deux ans (A. N., F7 4807).
65. Sous le pseudonyme de baron de Krambourg voyage en Europe un
baron von Frisching, membre d’une famille patricienne et consulaire de
Berne, qui perdit « par une incartade énorme tous ses droits dans sa
patrie ». Il fut jugé très sévèrement par Kirchberger qui estimait qu’il
« ne comprendrait pas même un ouvrage sérieux ordinaire écrit en
allemand, d’un style un peu sérieux et réfléchi ». Il doutait fortement de
la réelle conversion de cet « homme à bonnes fortunes ». Saint-Martin
n’était pas éloigné de partager cet avis : s’il parla de Jakob Boehme à
Krambourg, il considérait les moyens intellectuels de ce dernier limités ;
il le voyait simplement « dans la classe du monde frivole et ignorant ; un
peu empêtré par les systèmes des philosophes ; ayant cependant acquis
depuis quelques mois (non pas par moi) de la croyance sur quelques
points importants » (voir La Correspondance inédite…, op. cit., lettres
des 28 avril, 11 mai, 22 mai, 18 juin et 17 juillet 1795, p. 220-226, p. 233,
p. 236-237 et p. 248).
66. Il pourrait s’agir de l’ex-abbé Guillaume Chaix de Sourcesol, ancien
économe du séminaire Saint-Sulpice de Paris, membre de la Société des
illuminés d’Avignon, auteur de l’ouvrage publié en 1800 à Avignon : Le
Livre des manifestes, où l’on trouve développé par les lumières de la
raison et des divines Écritures : 1) quelles sont les véritables causes de
notre étonnante Révolution ; 2) quelle doit en être l’issue. L’auteur
émigra plus tard à Wilmington (Delaware, États-Unis) et l’exemplaire
conservé à la Library of Congress à Washington est celui qu’il offrit à
Thomas Jefferson. Voir H. Grégoire, Histoire des sectes religieuses qui,
depuis le commencement du siècle dernier jusqu’à l’époque actuelle,
sont nées, se sont modifiées, se sont éteintes dans les quatre parties du
monde, t. II, Paris, Baudouin Frères, 1828, p. 200-204 ; C. Garrett,
Respectable Folly. Millenarians and the French Revolution in France
and in England, Baltimore et Londres, Johns Hopkins University Press,
1975, p. 118.
67. Relud est sans doute un pseudonyme ou un anagramme pour
désigner quelqu’un dont Saint-Martin attendait une grande proximité
spirituelle : se désignant lui-même comme le « Robinson de la
spiritualité » et attendant qu’un vaisseau hospitalier le tire de son
« désert (Mon portrait…, § 458, rédigé après prairial an II, p. 234), il
annonçait que « la chaloupe Relud s’est montrée sur l’horizon et peut
devenir une époque marquante dans ma vie ». Un ajout postérieur
marque une certaine désillusion : « Je me suis trompé sur cette
chaloupe » et, un peu plus loin : « Ma chaloupe Relud ne m’a pas rendu
tous les services que j’en attendais. C’est un peu par attention pour elle
que je ne me suis pas jeté à la mer au-devant d’elle ; elle ne me paraissait
pas assez sûre de sa direction, ni assez confiante en la mienne. » (ibid.,
§ 463, p. 236) La « chaloupe Relud » logeait sous le même toit que
Saint-Martin lorsqu’il fut hébergé, en 1797, chez les Bourrée de Corberon
(ibid., § 788, p. 351). La métaphore de la chaloupe renvoie au roman de
Daniel Defoe. Deux autres passages de Mon portrait… signalent des
personnes habitant en même temps que lui rue Barbette, en 1797. Au
§ 709, p. 330, « La Desbordes logeait dans la même maison ; mais je la
voyais peu parce que nous ne marchions pas du même pied. » La
dénommée Desbordes figurait justement dans l’énumération des gens
rencontrés à Paris en 1795. Par ailleurs, au § 833, p. 362, le scripteur
signalait un dîner auquel il participa « chez madame de Montreuil, rue
Barbette », le 18 vendémiaire an 6 (8 octobre 1797), et où il avait discuté
avec l’astronome Jérôme de Lalande.
68. L.-C. de Saint-Martin, Mon portrait…, op. cit., § 527 à 529,
p. 262-263.
69. Nicolas de Bonneville (1760-1828), fondateur du Cercle social.
70. Il s’agit vraisemblablement de Marie-Daniel Bourrée de Corberon
qui le logea chez lui, rue Barbette, dans le quartier du Marais, lors de son
séjour dans la capitale en novembre 1796 (voir Mon portrait…, op. cit.,
§ 709, p. 330) : « J’y étais parfaitement bien quant aux soins du corps,
quant au témoignage de l’amitié et quant aux douceurs d’une société
sûre et bien pensante. » Les § 532 à 539 de Mon portrait… se trouvent
aux pages 264-268.
71. Ibid., § 545, p. 270.
72. L’épigraphe est tirée d’E. Young, Night Thougths on Life, Death, and
Immortality : in nine Nights, Night I, vers 105.
73. Mon portrait…, § 550, p. 271-272.
74. Ibid., § 585, p. 284-285. Passage rédigé sans doute en brumaire an
IV.
75. Ibid., § 610, p. 294. Passage rédigé après janvier 1796.
76. Ibid., § 109, 1, p. 429. Le passage fut écrit fin 1802. Le tome 3 des
Débats parut en 1801.