JOHN WICK PRÉSENTE UN SUPPLÉMENT POUR 7E MER DEUXIÈME ÉDITION « 

LES TERRES D  ’OR ET DE FEU »

CONCEPTION JERRY GRAYSON JESSE HEINIG JONAYA KEMPER DIRECTEUR DE CRÉATION LEONARD BALSERA
CONCEPTION SYSTÈMEMICHAEL CURRY RÉDACTION CHRISTINE BEARD DOUG BRAMLETT DANIELLE DELISLE JAMES MENDEZ HODES
SHOSHANA KESSOCK RENEE KNIPE ELOY LASANTA WILLIAM LENTZ DARRYL LOYD CHRIS SPIVEY
TRISTAN J. TARWATER KIERAN TURLEY NICOLE WINCHESTER PETER WOODWORTH BRETT ZEILER TARA ZUBER
DIRECTION ARTISTIQUE MARISSA KELLY ILLUSTRATIONS GIORGIO BARONI ZULKARNAEN HASAN BASRI JOHNATHAN CHONG
CHARLIE CREBER ZACH ELLIS MATT FORSYTH IRINA KUZMINA JAMES MOSINGO MEAGAN TROTT
CONCEPTION GÉOGRAPHIQUE ET CARTOGRAPHIE MARK RICHARDSON GRAPHISME ET MAQUETTAGE THOMAS DEENY RÉVISION MONTE LIN
RELECTURE ANNA MEADE INDEX J.DERRICK KAPCHINSKY PERSONNEL AUXILIAIRE DANIELLE LAUZON
DÉVELOPPEMENT DE 7E MER : DEUXIÈME ÉDITION : MICHAEL CURRY ROB JUSTICE MARK DIAZ TRUMAN JOHN WICK
INSPIRÉ DE « LES SECRETS DE LA SEPTIEME MER » CONCU PAR JOHN WICK JENNIFER MAHR
 Un petit mot de John…
L  ’écriture de ce livre fut un long périple. J  ’en sais quelque
chose, même si j  ’y ai peu participé. Je dirige des créations de
jeu de rôle depuis 1996, et chaque gamme a son chat noir. Pour
nous, ce fut ce supplément. Allez donc jeter un œil à la page
des crédits pour voir ceux qui ont travaillé sur ce volume : ils
sont nombreux. Chacun d  ’entre eux n  ’a pas cessé d  ’y mettre
son cœur et son âme. Ils ne voulaient pas se contenter d  ’un
bon livre. Il fallait qu  ’il soit exceptionnel. Et c  ’est un but difficile
à atteindre. J  ’ai souvent entendu parler de « réécritures » et
autres «  re-maquettages  » alors que d  ’excellentes idées
venaient en remplacer d  ’autres, déjà remarquables. Et dès que
l  ’on change de place une pièce du puzzle, tout doit bouger avec.
Donc quand vous verrez ces gens en convention, n  ’hésitez
pas à les remercier. Ils ont traversé bien des épreuves pour
que ce volume parvienne entre vos mains. Ils le méritent. Je
vais me lancer en premier : à tous ceux qui ont participé à la
création d  ’Ifri, merci pour tout.
Avec L  ’Empire du Croissant et Le Nouveau monde, nous
avions étendu l  ’univers de 7e Mer. Il en va de même pour
l  ’Ifri. Ce continent est rempli de lieux magnifiques, d  ’histoires
fabuleuses et de Héros que je suis fier d  ’inclure dans ce jeu.
Si vous attendiez ce livre pour enfin croiser dans la Théah
des visages semblables au vôtre, alors vous ne serez pas
déçus. Bienvenue à bord ! Les boissons sont dans la cabine
du capitaine. Venez comme vous êtes. C  ’est le plus important.
—John Wick

Remerciements
Merci à toutes les talentueuses personnes qui ont donné horizons dont nous avions besoin pour ouvrir plus grand notre
naissance à ce supplément. Je me tiens dans l  ’ombre de géants imaginaire. Merci à ma co-créatrice Jonaya Kemper, et à tous
créatifs dont l  ’imagination pourrait remplir dix volumes sur l  ’Ifri. ceux qui sont venus prêter leur voix.
J  ’espère que nos efforts sauront rendre justice à ce continent. —Jesse Heinig
Nombreuses sont les raisons pour lesquelles ce livre est celui
des Terres d  ’Or et de Feu. L  ’or, c  ’est celui des compétences Les histoires ont le pouvoir de modeler le réel. Les
mises à ma disposition. Tous ceux qui ont travaillé sur ce personnages, les scénarios et les mondes que nous créons ne
projet s  ’y sont plongés corps et âme. Le feu, c  ’est celui sont jamais vraiment distincts de nous, donc on n  ’est jamais
de la passion qui les a animés. Je me suis entouré de gens tout à fait sûrs de ce que notre imaginaire peut révéler. Il y a
talentueux en espérant dissimuler ma propre impuissance. presque dix ans, j  ’étais assise dans un dortoir universitaire à
Oui, mon unique don, c  ’est de motiver les autres à utiliser au jouer à mon premier jeu de rôle sur table. C  ’était dans L  ’Empire
mieux leurs capacités : on peut dire que je suis le Professeur X du Croissant, et je n  ’oublierai jamais ce sentiment d  ’avoir joué
ou le Flavor Flav du jeu de rôle. À vous de voir. dans un univers qui me ressemblait. Bien plus tard, Jesse Heinig
—Jerry Grayson me mit ce projet de livre entre les mains et me demanda si je
voulais participer. Les histoires sont puissantes. L  ’Ifri est un rêve
Quand John et moi avons commencé à parler d  ’une version que mon cœur espérait, et ses aventures sont celles dont j  ’avais
director  ’s cut de 7e Mer, nous savions que nous voulions toujours eu besoin. Mes remerciements vont à ma grand-mère,
explorer davantage que la seule Théah. Nous en avons ma mère et ma sœur, qui ont cru dans le pouvoir de notre
finalement eu l  ’occasion et, au passage, eu la chance de culture, à tous mes ancêtres qui n  ’ont jamais eu la chance de
mettre en valeur ceux qui sont représentés dans ces ouvrages. se voir figurer dans ce genre d  ’univers, ainsi qu  ’à tous ceux qui
Je suis particulièrement touchée par ceux qui se battent pour prendront ce livre pour découvrir qu  ’ils y existent et qu  ’ils ont
figurer dans les jeux, et j  ’ai eu l  ’honneur de leur donner cette de l  ’importance en ce monde.
opportunité. Leurs histoires et leurs rêves sont les nouveaux —Jonaya Kemper

Version française - Crédits

Coordination éditoriale Maquette
Vincent Lelavechef Delphine 'GinL'
Traduction Relecteurs
Arthur Camboly Camille Haller, Frédéric Meurin
Cécile Duquenne

7th Sea is a Registered Trademark of Moon Design Publications, and is used with its permission. 7th Sea is published in
English by Chaosium Inc. www.chaosium.com.
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© 2020 Agate RPG pour la version française sous licence John Wick Presents. Agate RPG est une marque d  ’Agate Éditions.
Agate Éditions, 13 Boulevard de la République, 92250 La Garenne-Colombes.
Contact, question, distribution : team@studio-agate.com. Dépôt légal : 2020 – ISBN : XXX – Imprimé en Europe.
 Table des Matières
Journal de Karlas Osuna 4
Introduction 8
Bienvenue en Ifri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Histoires en Ifri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Chapitre 1 : Panorama de l'Ifri 13
Les vérités sur l'Ifri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Géographie des Terres d  ’Or et de Feu . . . . . . . . 17
Bestiaire ifrien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Chapitre 2 :La Kurufaba mandéniane 29
Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
L’ascension des rois . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
L'aventure dans la Kurufaba mandéniane . . . . . . 92
Société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Culture et coutumes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Religions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Armée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
La Kurufaba internationale . . . . . . . . . . . . . . 43
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
L’Awkar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
La Xwéda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
L’Igodomigodo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Le Manden . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Relations actuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Chapitre 3 : Le Royaume de Mbey 57
La chute du Royaume de Mbey . . . . . . . . . . . . . 59
L’aventure en Mbey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Culture et coutumes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
Religions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Sorcellerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
Le Domaine du Bonsam . . . . . . . . . . . . . . . . 73
Kabi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
La Jungle incandescente . . . . . . . . . . . . . . . 74
Lougua . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
Belleté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
Castel del Elmina . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .77
Sono, le cimetière ifrien de la Compagnie . . . . 77
Les horreurs mbeyennes . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Relations actuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
Chapitre 4 : Le Maghreb 85
Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
L'aventure au Maghreb . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
Société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Culture et coutumes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
Sorcellerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
La Cité indigo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
Les mégalithes de Tedmiat . . . . . . . . . . . . . . 98
La Route dorée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
La Source de Timbu . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
Le Cœur du désert . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Cyrène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
L’Ubari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
Relations actuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Chapitre 5  L’Empire aksoumite 111
Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Aventure dans l'Empire aksoumite . . . . . . . . . 115
Société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Cultures et coutumes . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Arts et artisanats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
La cité d’Aksoum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
De Gaz Ruz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Domo De Melbur . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
La cité de l’Alliance . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Le dernier testament du Prophète . . . . . . . . 135
Les grottes naturelles . . . . . . . . . . . . . . . 136
Le Lac du souvenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Relations actuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
Chapitre 6 : Le Khémet 143
Le Khémet, pays des Deux-nuits . . . . . . . . . . . . 145
Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
Société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
Culture et coutumes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
Sorcellerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
La Vallée des Rois . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
L’Itéru et le Grand obélisque . . . . . . . . . . . 162
Les Grandes pyramides . . . . . . . . . . . . . . . 163
Le palais estival de Kyberr . . . . . . . . . . . . . 164
Relations actuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Chapitre 7 : Aventures dans
les Terres d’Or et de Feu 171
Conception d’un Héros ifrien . . . . . . . . . . . . 172
Étape 1 : les Caractéristiques . . . . . . . . . . . 172
Étape 2 : la Nation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
Étape 3 : les Historiques . . . . . . . . . . . . . . 173
Étape 4 : les Compétences . . . . . . . . . . . . . . 177
Étape 5 : les Avantages . . . . . . . . . . . . . . . 177
Étape 6 : les Arcanes . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Étape 7 : les Histoires . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Étape 8 : touches finales . . . . . . . . . . . . . . 179
Les Sociétés secrètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
L’Atoka-ona Farasin . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Le Ch’ewi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Les Enfants d’Ésu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
Les Porteurs de lumière . . . . . . . . . . . . . . . 184
La Sorcellerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Le Heka . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Le Melbur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Le Toucher rouge . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Abonsams et Dés d’Infâmie . . . . . . . . . . . . . . . 202
Styles de Duels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
 31 primus 1666
Félix Alvaro d  ’Aquila
Mon nom est Karlas Osuna. Je suis prêtre de l  ’Église des Prophètes. Voilà une semaine, l  ’évêque
r du Créateur m  ’a rendu
m  ’a convoqué. Qu  ’une audience avec un si haut personnage soit accordée à un humble serviteu
e par un commentaire
nerveux. Avais-je fait quelque chose de mal ? Offensé un membre de la hiérarchie religieus
désinvolte ? Parlé un peu trop ouvertement de mon intérêt pour les sciences ?
lite où je menais une vie
J  ’ai grandi en Castille, sur une île du nom de Puerto del Sur, dans une petite ville cosmopo
ait une flotte marchande
au charme désuet. Grâce à sa proximité avec la cité vaticine, Puerto del Sur accueill
dans ses affaires dès
impressionnante. Mon père y était négociant, ni riche ni pauvre. Parce que je l  ’ai accompagné
monde dans lequel nous
mon plus jeune âge, j  ’ai eu la chance de prendre la mer très tôt, et donc de découvrir le vaste
Kurufab a mandéni ane. ’est
C   d  ’elle que je tire
vivons. Ma mère était quant à elle une immense beauté originaire de la
plus ou moins couramment une
mon amour des mots et mes talents linguistiques : à l  ’âge de douze ans, je parlais déjà
dizaine de langues, y compris plusieurs langues ifriennes.
Son Excellence avait
C  ’est apparemment cette appétence pour les voyages qui a attiré l  ’attention de l  ’évêque Alvaro.
passé et de mes récentes excursions dans les
en effet une tâche à me confier, une mission sur mesure au vu de mon
Nations Pirates.
Cassiopée, un brick mal
Quelques heures après notre rencontre, je me retrouve ainsi sur le ponton de la Faveur de
e maudit de Mbey. Ma
entretenu, naviguant en direction de la terre natale de ma mère, plus exactement du Royaum
ion ’une
d   potentie lle guerre sacrée. L  ’Église
mission est de cartographier, sonder, surveiller et espionner en préparat
ses fils pour ouvrir le chemin
vaticine a entendu parler des souffrances des Ifriens, c  ’est pourquoi elle envoie l  ’un de
de la rédemption.
pleines de bijoux, et j  ’ai
Du moins est-ce là la version officielle. J  ’ai en effet entraperçu l  ’évêque frotter ses mains
suffisamment parcouru le monde pour comprendre ce que cela veut dire.
15 secundus 1666
de Belleté. J  ’ai beau
La première impression que m  ’a fait la Mbey peut se résumer à l  ’horrible puanteur des docks
le pire des parfums de
avoir l  ’estomac solide, j  ’ai manqué de régurgiter lorsque j  ’ai senti cette odeur qui mariait
heureuse ment été un petit peu plus positive :
tannerie à celui de cadavres en putréfaction. Ma seconde impression a
où nous avons passé les murs du
cette chaleur humide qui nous a enveloppés tel un suaire chaud et moite dès l  ’instant
port.
ées. Dans les rues de
La Mbey est un pays très différent de ce que j  ’ai pu voir au fil de mes nombreuses travers
tel point que ’ai
j   souvent dû détourner le
Belleté se presse une foule d  ’hommes et de femmes à moitié dévêtus, à
ma soutane de laine me grattait
regard pour cacher ma gêne. Je me suis tout de même surpris à les envier tandis que
ou des litières
et me faisait abondamment transpirer. Pour circuler, les riches utilisent des chaises à porteurs
balancer des animaux
voilées encadrées de soldats, et même ainsi, cela n  ’empêche pas quelques pauvres hères de leur
sommes allés dans la ville, des mendiants
morts ou des fruits pourris. Que de pauvreté Seigneur... Partout où nous
pots-de -vin, j  ’ai appris que
malades et pitoyables nous ont suivis. Au moyen d  ’anodines questions et de quelques
part et un puissant
la Mbey est contrôlée par deux "démons jumeaux" : la Compagnie commerciale atabéenne d  ’une
avec autant de crainte que
seigneur du crime appelé Bonsam d  ’autre part. Les locaux parlent d  ’ailleurs de ce dernier
s  ’il s  ’agissait de Légion en personne.
taille, est la Grande
Le plus grand bâtiment de Belleté, que j  ’ai d  ’abord pris pour une cathédrale à cause de sa
infestent les rues.
criée. C  ’est dans cet endroit que la fétide pratique de l  ’esclavage a ses racines. Ici, les vendeurs
de malédictions et de
Ils proposent des charmes et des amulettes pour se protéger contre toutes sortes de maux,
ition de ces gens, mais après avoir vu
monstres. J  ’ai immédiatement porté un jugement arrogant sur la superst
grise qui s  ’est attardée après,
l  ’étrange brouillard noir engloutir la cité, et aperçu ce qui se cachait dans la brume
je ne suis plus si affirmatif.
resté, et c  ’est là que j  ’ai
Lorsque le brouillard s  ’est levé, les rues se sont vidées à une vitesse phénoménale. Je suis
m  ’a envahi et j  ’ai alors
commencé à apercevoir des créatures pas tout à fait humaines qui m  ’observaient. La terreur
avoir tourné au coin d  ’une rue,
pris la fuite. Je jurerais avoir entendu des bruits de sabots me poursuivre… Après
4 LE JOURNAL DE Karlas Osuna
 dessus tel un serpent puis,
je me suis cogné contre une grande jeune fille vêtue d  ’une robe jaune et vert. Elle m  ’a sifflé
alors que les bruits de
agrippant mon avant-bras, m  ’a tiré vers une porte. Nous sommes restés assis là, en silence,
sabots passaient devant notre cachette avant de s  ’en éloigner.
Isioma. Ses yeux ont la
Je pense sincèrement que je ne serais pas en train d  ’écrire ceci si je n  ’étais pas tombé sur
’un, vraiment, mais je ne
couleur du cuivre poli et sa peau brille tel du bois d  ’acajou graissé. Elle me rappelle quelqu  
me racontait le soir, ou
saurais pas dire qui. Peut-être l  ’une des grandes guerrières dans ces histoires que ma mère
femme m  ’a sauvé la
une maga que j  ’aurais rencontrée dans le lointain Empire du Croissant. Quoi qu  ’il en soit, cette
a semblé amusée par cette promesse,
vie et, par le Créateur, je lui ai juré que je lui rendrai un jour la pareille. Elle
que lorsque je voudrai
et je dois avouer que cela m  ’a vexé d  ’être moqué de la sorte, même gentiment. Elle m  ’a dit
elle s  ’est faufilée par la
rembourser ma dette, je devrai la retrouver en dehors de la ville, au crépuscule. Après quoi,
porte pour retourner dans les rues assombries.
7 tertius 1666
importants d  ’Ifri, une
On m  ’a raconté que la Mbey était autrefois l  ’un des royaumes les plus fortunés et les plus
est très loin : le Royaume
Nation d  ’érudits, de richesses et de connaissances. Je ne peux que constater que tout cela
nte.
de Mbey s  ’enfonce chaque jour un peu plus dans une atmosphère morbide et profondément malveilla
juste l  ’idée du mal, mais
Les Mbeyens disent que Légion habite dans leur pays, littéralement. Les gens n  ’évoquent pas
es, mais aujourd  ’hui, à
bel et bien le vrai Légion. J  ’attribuais ces racontars aux croyances locales quelque peu primitiv
ma foi rien d'humaine,
l  ’occasion d  ’une procession royale, j  ’ai vu le démon de mes propres yeux. Une femme, qui n'avait
rues sales de Belleté.
se tenait derrière le roi et souriait à pleines dents tandis que le cortège défilait dans les
ient des navires d  ’esclaves de la
Elle semblait se réjouir des gémissements et des cris de souffrance qui s  ’échappa
Compagnie commerciale atabéenne.
12 tertius 1666
rembourser ma dette. Je
J  ’ai rejoint Isioma au crépuscule. Elle m  ’a demandé si j  ’étais sérieux quand je disais vouloir
lui ai répondu que j  ’étais un agent du Créateur et que je n  ’avais qu  ’une parole.
ons peuplées d  ’esclaves
Nous avons quitté Belleté et marché pendant de nombreux kilomètres, traversant des plantati
Isioma gardait la tête
qui travaillaient dur, sous une chaleur accablante, pour remplir les poches du gouverneur.
e simplement pour se
basse. Je me suis d  ’abord dit qu  ’elle faisait cela pour mieux intérioriser sa colère, ou peut-êtr
canopée ombrée de la jungle, elle s  ’est
concentrer sur son voyage. Toutefois, immédiatement après avoir pénétré la
’a
m   fait comprendre que
redressée et m  ’a affirmé que nous n  ’étions plus exposés au danger. C  ’est à ce moment qu  ’elle
la terre de son pays avait été maudite par le Bonsam.
J  ’avais l  ’impression de
Lorsque nous nous sommes enfoncés dans la jungle, la chaleur a commencé à devenir insoutenable.
. À ’intérieu
l   r se trouvait une tunique
bouillir vivant. Isioma m  ’a tendu un petit paquet enveloppé de feuilles de bananier
comparé à mes robes de
jaune et vert, comme la sienne. J  ’ai d  ’abord songé à refuser, mais le tissu semblait si léger
des bijoux en or et les gens
bure… Alors que je me changeais, je lui ai demandé si elle était noble. Après tout, elle portait
faisait d  ’elle une sorte de
lui vouaient un certain respect. Elle m  ’a répondu qu  ’elle n  ’était qu  ’une servante des joks, ce qui
saints locaux… Quoi qu  ’il en soit, je me
prêtre. Elle ne m  ’a cependant pas expliqué ce qu  ’étaient les "joks". Peut-être des
soutane.
suis fait un devoir de la traiter de la même manière que mes frères et soeurs qui portent la
1 sextus 1666
la plus puissante des
Ces derniers mois, j  ’ai parcouru le pays natal de ma mère. Isioma m  ’a appris qu  ’il s  ’agit de
Nations ifriennes. Ici, même le bas peuple est aussi éduqué que n  ’importe quel scribe théan.
la Kurufaba mandéniane.
Mon cœur trépidait lorsque j  ’ai franchi les gigantesques portes de Nianiba, la capitale de
est un corps putréfié,
Cette ville est si renversante que j  ’ai versé quelques larmes en la visitant. Alors que Belleté
les gens heureux. Sur les
Nianiba brille d  ’une lumière presque trop éclatante pour moi. Ici, les rues sont propres et
’importe
n   quelle cité théane, les bâtiments
innombrables balcons, les gens se réunissent et partagent des repas. Dans
allées sont larges et les
auraient bloqué la lumière et les rues auraient été plongées dans les ténèbres. Pas ici. Les
balcons ne font que projeter une ombre bienvenue.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 5

 J  ’ai hâte de pouvoir admirer le palais du mansa, le souverain de cette Nation dont la simple
richesse a jadis suffi
à anéantir un royaume voisin. Bien souvent, au cours de mon voyage, les Mandénians m  ’ont
décrit le mansa Kankan
comme un homme bon, sage, pieux et toujours prêt à préserver la paix.
4 sextus 1666
Le palais du mansa s  ’élève telle une tour d  ’ivoire au cœur de Nianiba. Alors que j  ’exprima
is mon admiration, l  ’un des
gardes a commencé à sourire et m  ’a précisé que ce n  ’était "pas le plus beau des palais du
mansa". Je ne doute plus,
désormais, que le souverain de la Kurufaba mandéniane est bien l  ’homme le plus riche du monde.
On m  ’a guidé jusqu  ’à une petite antichambre aux murs couverts de livres, et on m  ’a demandé
d  ’attendre. Seigneur,
comme la tentation et l  ’envie étaient fortes. Les étagères débordaient de volumes écrits dans
une langue que je
ne comprenais pas, mais les quelques diagrammes que j  ’y ai remarqués pourraient ébahir n  ’importe
quel génie. Il y
avait des traductions des saintes Écritures et d  ’ouvrages de philosophie naturelle dont les
notions dépassent mon
entendement. J  ’aurais pu passer toute ma vie dans cette pièce.
Puis, un homme et une femme sont entrés. J  ’avais demandé à rencontrer le mansa, mais je
me retrouvais face à un
vieillard triste et une sublime jeune femme habillée de l  ’uniforme des alagbato iya (une faction
militaire que je devine
être la garde du palais). L  ’homme a poliment évité de me donner son nom, mais ses manières
agréables et douces
m  ’ont fait déduire qu  ’il était membre de la famille royale. Il a cherché à connaître les raisons
de mon voyage jusque
dans la Kurufaba, à savoir ce que je pensais de la ville et quels endroits de l  ’Ifri j  ’avais déjà
vus. Il a remarqué ma
tenue locale et m  ’a questionné sur le lieu où je l  ’avais trouvée. Après une heure de cet interrog
atoire discret, il s  ’en
est allé. Durant toute la conversation, il avait aisément contourné mes demandes pour m  ’entrete
nir avec le roi, et
m  ’avait abandonné avec l  ’impression de lui en avoir bien plus révélé que je ne l  ’aurais voulu.
Nonus 1667
Je me suis brièvement entretenu avec Ankamar, l  ’évêque d  ’Aksoum. Son accueil fut plus froid
qu  ’espéré. Il m  ’a confié
un livre cerclé de fer, mais a refusé d  ’en révéler plus sur son contenu. Il m  ’a simplement dit
que je devais le donner
à mon nouveau maître. J  ’étais parti du principe qu  ’il parlait de l  ’évêque Alvaro, mais aujourd  
’hui, je n  ’en suis plus si
sûr. Je suis presque certain que le livre m  ’a chuchoté quelque chose quand j  ’ai examiné ses
pages d  ’un peu plus près.
L  ’Aksoum est une Nation magnifique, parsemée d  ’antiques stèles, d  ’obélisques et de tours
gravées de messages.
Les nombreuses pictographies qui y sont gravées racontent l  ’histoire du pays et de sa religion.
Les stèles les plus
récentes, érigées après la mort du deuxième Prophète, exposent en détail le contenu des livres
saints de l  ’Église anidi
hibiri tefet’iroprit et captivent les lecteurs qui essaient de percer à jour les symboles arcaniqu
es gravés.
30 tertius 1668
Je n  ’écrirai rien sur mon séjour à Djem, sinon pour avertir ceux qui souhaitent s  ’y rendre
de se tenir à distance (à
moins qu  ’ils ne soient prêts à perdre l  ’esprit). Là-bas, un très-sage m  ’a donné un étrange
objet et m  ’a ordonné de le
conserver sur moi pour l  ’emmener loin. Jusqu  ’en Khémet, a-t-il dit, à " l  ’endroit et le moment
qui conviendront, là où
un garçon la récupèrera et assassinera son propriétaire. "
Le morceau de pierre noircie est cerclé de trois anneaux faits d  ’un métal que je ne parviens
pas à identifier. La
pierre en elle-même m  ’obsède complètement : je la contemple et je la sens me regarder aussi.
Elle me donne l  ’impression
de pulser, même si rien ne bouge, et les bandes métalliques qui la contiennent se corrodent
légèrement là où elles
entrent en contact avec la roche. Quand j  ’ai pu enfin m  ’arracher à la contemplation de ces
ténèbres, le très-sage
s  ’en était allé.
2 sextus 1668
J  ’ai passé trois nuits à fuir en toute hâte, d  ’abord des poursuivants atabéens, puis des bêtes
innommables qui m  ’ont
traqué à travers la plaine. J  ’ai négocié des trajets sur plusieurs navires, suivi des caravan
es et passé beaucoup de
temps à essayer de semer ces bêtes infernales. Je dois avouer avoir un peu perdu la tête,
et je préfère ne pas évoquer
certaines des choses que j  ’ai faites.

6 LE JOURNAL DE Karlas Osuna

 Sur les rives de la Kwara, j  ’ai rencontré le capitaine Kayodé Bonsu. J  ’ai immédiatement vu
que cet homme me
ressemblait énormément (si l  ’on fait abstraction de sa peau plus sombre et de son physique
endurci par des années
de navigation bien sûr). Je me suis senti attiré par ce pirate, forcé de discuter avec lui
comme s  ’il était mon
confesseur. Nous avons palabré à propos du passé, de nos familles. Il m  ’a évoqué son père et
sa vie sur l  ’eau, et moi je
lui ai parlé de ma jeunesse en Castille. Lorsque je lui ai montré une tache de naissance que
j  ’avais en commun avec ma
mère, il m  ’a donné le nom de la sienne. À ce moment, nous avons compris que nous étions frères.
30 julius 1668
Mon frère et moi avons fui en direction de l'Empire aksoumite, avec à nos trousses une meute
de créatures que
Kayodé appelle des kishis. Non loin d  ’une grande ville, nous sommes tombé sur un saint homme
du nom de Rada, qui
nous a suppliés de l  ’aider. Il nous a expliqué qu  ’une magie noire infestait un site sacré dont
il était le protecteur. Il
nous a montré ses bras brûlés et scarifiés en guise de preuve, cicatrices de ses tentatives
pour chasser le démon.
Nous avons accepté de l  ’épauler, et il nous a guidés vers une caverne proche pour que nous
puissions nous reposer
avant d  ’entreprendre notre voyage. Je me suis éveillé en entendant la voix du thaumaturge—ca
r c  ’était là sa vraie
nature—murmurer quelque chose à un semi-homme qui devait être un kishi. J  ’ai réveillé Kayodé
et nous avons fui
vers le fond de la grotte, en quête d  ’une sortie. Un kishi affamé m  ’a sauté dessus tandis
que nous étions en train
de longer une saillie étroite. J  ’ai chu dans l  ’abysse, mais pas sans avoir jeté mon sac à mon
frère. En tombant, je
ressentais un intense soulagement, comme si un poids avait quitté mon âme. Oui, le fragmen
t de pierre noire était
devenu une vraie charge. Et alors que je plongeais vers les ténèbres, j  ’ai vu une silhouette
illuminée me tendre la main.
La silhouette n  ’était cependant pas à proprement parler un sauveur. Il s  ’agissait de Rada.
Quand il s  ’est rendu
compte que je n  ’avais plus la pierre, une rage folle l  ’a envahi. Il a alors envoyé sa horde de
kishis à la poursuite de
Kayodé. J  ’ai prié pour qu  ’ils échouent à le trouver. Une fois calmé, Rada m  ’a expliqué que
j  ’allais être vendu à ses
" amis " de Mbey. Theus soit loué, je n  ’ai jamais eu l  ’occasion de les rencontrer.
Durant la nuit, une servante du sorcier, dont je n  ’ai jamais su le nom, m  ’a mené jusqu  ’à un petit
bateau et m  ’a permis de
m  ’échapper. Elle n  ’a pas prononcé un seul mot—je suspecte Rada de lui avoir arraché la langue
pour éviter qu  ’elle ne dévoile
ses secrets—mais je jure avoir vu ses yeux briller tels des charbons ardents alors que je m  ’éloignai
s du sloop du sorcier.
25 septimus 1668
Je suis désormais seul, marchant vers la cité de l  ’Alliance. Il s  ’agit davantage d  ’un monastè
re que d  ’une ville
d  ’ailleurs. En Théah, il y aurait eu des gardes en armes et une forteresse imprenable pour
protéger de tels trésors,
mais ici, l  ’imposante présence des lieux suffit à rendre toute violence impossible.
Le très-sage m  ’avait dit d  ’apporter la pierre maléfique en Khémet, où un garçon la récupère
rait et assassinerait son
propriétaire. Cela ne me convient pas : qui est le propriétaire en question ? Moi ? Et ce garçon
qui va souiller son
âme de sang frais, qui est-il ? J  ’avais espéré que les prêtres aksoumites s  ’occuperaient de
cet objet terrifiant à ma
place, mais ils ont fait la seule chose à laquelle je ne m  ’attendais pas : ils m  ’ont ordonné de
faire confiance aux joks.
5 nonus 1668
Après de nombreuses mésaventures et pas mal d  ’échauffourées qui auraient pu très mal finir,
je me suis retrouvé sur
une barge en direction du palais estival de Kyber. Je sais que rares sont ceux qui ont le droit
d  ’entrer dans la très
célèbre forteresse, mais j  ’espère que ma mission me permettra de parler, même brièvement,
avec le jeune prince qui y
réside.
Malheureusement, nous avons été attaqués par des pirates. Durant la bataille, l  ’un des voyageur
s, Hekeni, a ouvert la
gorge d  ’un assaillant avec ses ongles et, alors qu  ’il croyait que personne ne le regardait,
il a bondi sur le capitaine
ennemi. J  ’ai su dès cet instant qu  ’il s  ’agissait d  ’un terrifiant abonsam. J  ’ai mis fin à ses
jours pour l  ’empêcher de
commettre d  ’autres atrocités.
Le capitaine m  ’a reconnu avant que je ne lui adresse la parole. Il a compris que j  ’étais le frère
de Kayodé. Il avait
parlé de ma disparition et demandé à ses compagnons pirates de me chercher, même s  ’il me
pensait plus mort que vif.
Aujourd  ’hui, Kayodé et moi nous sommes retrouvés à moins d  ’un kilomètre des portes de Kyber.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 7

 Introduction
8 LE JOURNAL DE Karlas Osuna
Bienvenue en Ifri
L  ’Ifri est un continent verdoyant où abondent richesses,
épices, savoirs et paix. Les étrangers l  ’appellent les Terres
d  ’Or et de Feu du fait de ses fabuleux trésors faits d  ’ivoire,
de métaux précieux et de gemmes, mais également de la
chaleur étouffante de ses déserts. Des régions arides aux
plaines herbeuses en passant par les jungles épaisses, on
trouve partout sur ce continent les restes des fous qui s  ’y
sont aventurés aveuglément.
En dépit des innombrables profiteurs venus exploiter et
voler les ressources de ces contrées légendaires, les Ifriens
sont parvenus à prospérer, à la sueur de leur front, sans
aide extérieure et, bien sûr, sans jamais douter de leur
valeur. Néanmoins, si les Terres d  ’Or et de Feu se sont
développées des siècles durant, elles sont aujourd  ’hui au
bord d  ’un précipice. L  ’Ifri a certes connu son lot de guerres
et de batailles, mais elle n  ’a jamais affronté de ténèbres aussi
sombres que celles qui pèsent actuellement sur elle. On dit
que le Bonsam, un démon immortel jadis emprisonné par
les joks, est parvenu à s  ’échapper et menace à présent de
corrompre l  ’entièreté du continent. À chaque cœur gagné
par l  ’obscurité, cette incarnation du mal enfonce un peu plus
profondément ses griffes dans les Terres.
Les Théans mal informés—ou ignorants—réduisent
souvent l  ’Ifri à un pays empli de sauvages et de païens,
de jungles humides et de déserts brûlants. En réalité, les
peuples et territoires ifriens sont aussi nuancés que les
couleurs iridescentes des ailes d  ’une libellule.
Dans la partie orientale de l  ’Ifri se trouve L'Empire
aksoumite, une terre de paix. Son peuple sage et docte
se laisse gouverner avec sérénité. Étant donné que les
Aksoumites suivent la doctrine de l  ’Église ānidi hibiri
tefet’iroprit, les échanges culturels avec la Théah sont plus
simples qu  ’avec les autres Nations ifriennes.
Durant de nombreux siècles, le Khémet a oscillé entre
lumière et ténèbres. Depuis peu, le pays a sombré dans
la peur et la méfiance. Désormais, cette terre est étouffée
par une chape de noirceur. Que va-t-il arriver à présent
que le royaume le plus instruit et le plus ancien d  ’Ifri s  ’est
détourné de la lumière ? Tout le continent pourrait bien
s  ’effondrer si cette « clé de voûte » venait à tomber.
Le Maghreb est un joyau désertique qui éblouit tous
ceux qui le contemplent. Ce riche royaume de sable a beau
demeurer un mystère pour tous—y compris pour ceux qui
y vivent—ceux qui n  ’y voient que des territoires infertiles
sont fous ou idiots. La Reine bleue, juste et sage, le défend
des attaques ennemies comme elle protègerait un lion
mourant d  ’une horde de chacals.
La Kurufaba mandéniane est la couronne d  ’or de l  ’Ifri,
la Nation la plus riche du monde. Ses habitants, fiers et
opulents, considèrent que leur pays est le centre du monde
politique et social. Certes, la Kurufaba est assise sur une
montagne de richesses—ce qui attire énormément de
profiteurs—mais une Nation peut-elle se contenter de
fortunes purement matérielles pour se développer ? Dans
cette contrée où l  ’argent peut presque tout acheter, la
cupidité est un péché roi.
Le royaume de Mbey fut une terre de richesses, de savoirs
et de culture autrefois érigée en exemple par les Ifriens
lorsqu  ’ils voulaient montrer ce que l  ’alliance des peuples
et des pays pouvait accomplir. Désormais, la Mbey est
synonyme de mort, de déclin et de malfaisance. C  ’est de là
que le Bonsam répand son mal à travers le continent.
Les griots, gardiens des contes de jadis et protecteurs de la
sagesse des dieux, disent qu  ’au commencement, des esprits
connus sous le nom de joks se présentèrent aux souverains
de ces cinq grandes contrées. Ils offrirent à chacun d  ’eux
un sika  ’dwa : un trône depuis lequel ils pourraient régner
sur leur Nation. Nul ne sait pourquoi les joks choisirent
de donner précisément cinq sika  ’dwas à l  ’Ifri. Certains
supposent qu  ’ils mettent chacun en avant une vertu
spécifique, d  ’autres pensent qu  ’il fallait simplement assurer
l  ’influence d  ’un grand meneur pour chaque peuple. Au fil
des siècles, les sika  ’dwas devinrent le symbole de la grandeur
des Ifriens, à tel point qu  ’aujourd  ’hui, rares sont ceux qui
remettent en question leur importance. Après tout, il n  ’y
a qu  ’à regarder du côté du royaume de Mbey—dont le
sika'daw a été volé—pour se rendre compte que ces légendes
sont emplies de vérités.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 9
 Histoires en Ifri
En Ifri, l  ’atmosphère est différente de celles qui règnent sur Intrigues et diplomatie
les autres continents de la Terra. Lorsque leurs perfides paroles atteignent des oreilles
bienveillantes, les Scélérats sont à même de manipuler
Grands conflits raison et sagesse. Les souverains ifriens sont aujourd  ’hui
Dans les Terres d  ’Or et de Feu, les sensibilités sont embourbés dans nombre de complots ourdis par des
exacerbées. Les conflits peuvent rapidement s  ’étendre à courtisans égoïstes, lesquels s  ’enrichissent en utilisant à
plusieurs villes, Nations, voire au continent entier. Ici, les leur profit l  ’insécurité générale et les systèmes administratifs
intrigues sont mortelles et les Héros affrontent comme un gérant ces territoires trop vastes.
seul homme des souverains corrompus, des Monstres et Malheureusement, en Ifri, lorsque les dirigeants souffrent,
même Légion en personne. il en va de même de la Nation qu  ’ils gouvernent. En aidant
La présence malfaisante du Bonsam se développe en effet ces monarques, les Héros se mettent donc au service du bien
telle une gangrène. Les abonsams, ses servants maléfiques, commun. Si une reine ne peut agir en personne, un Héros
jubilent en profitant d  ’un pouvoir qui les élève plus haut peut la remplacer. Si un ori craint d  ’intervenir, un Héros
que le reste de l  ’ humanité. Tout Héros noble d  ’esprit ou de deviendra son bras armé.
statut n  ’aura d  ’autre choix que d  ’œuvrer à faire disparaître
ces démons. Exploration et exploitation
L  ’Ifri est donc un immense champ de bataille où se En Ifri, nombre de secrets ancestraux émergent brièvement
joue une guerre entre le bien commun et le mal égoïste. pour disparaître à nouveau. Ces connaissances antiques
Heureusement, les anciens esprits à qui al-Musawwir a détiennent peut-être le chemin vers un nouvel âge d  ’or, de
conféré du pouvoir aident les Héros à arrêter les lames, paix et d  ’éveil spirituel. Les souverains financent donc de
nourrir des fantômes affamés, redonner vie à l  ’être aimé ou nombreuses expéditions qui ont pour mission de découvrir
accomplir de miraculeux exploits. des sites anciens et de rapporter artefacts et savoirs au
peuple ifrien.
Piraterie Bien sûr, quelques-uns ne convoitent ces pouvoirs que
Un Héros ifrien ne s  ’inquiète pas que de sa liberté pour leurs intérêts personnels, et les puissances étrangères
personnelle, il pense également à celle de l  ’humanité se sont également invitées sur les Terres d  ’Or et de Feu
entière. Il a conscience qu  ’il peut devenir une force positive afin d  ’en exploiter les richesses… Certaines expéditions
et porteuse de changements bienfaiteurs pour sa terre. Il ne ne trouvent que d  ’anciennes scènes d  ’horreurs, cachées
considère pas sa tâche comme un poids, mais plutôt comme au fond de puits remplis du pire de la misère humaine.
une responsabilité : ceux qui ont le pouvoir d  ’agir doivent Il existe des secrets qui devraient demeurer enfouis, tout
le faire. comme la lumière du jour ferait mieux de rester à distance
Du fait de la corruption des abonsams—qui s  ’infiltrent de certaines entités.
jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir—les
Héros ifriens usent de méthodes qui peuvent sembler Or et Feu
notoirement malfaisantes. En conséquence, il arrive qu  ’ils Ces mots désignent deux aspects : le contraste entre les
soient perçus comme des hors-la-loi. Tous espèrent que terres fertiles et les déserts torrides d  ’une part, et la dualité
leurs sacrifices porteront leurs fruits, et ce même s  ’ils ne que chaque Ifrien abrite en lui d  ’autre part.
sont plus là pour le voir. Cette dualité s  ’exprime dans presque tous les concepts
fondateurs des valeurs ifriennes. L  ’extrême importance
accordée à l  ’amour et à la romance, par exemple, peut
provoquer de très belles choses, mais également être
gaspillée dans de vaines tentatives visant à posséder ce qui
jamais ne devrait l  ’être. Une Ifrienne dont le cœur brûle
d  ’ambition peut s  ’élever à des hauteurs inconcevables, mais
elle peut aussi être pervertie et embraser le monde pour
parvenir à ses fins.

10 LE JOURNAL DE Karlas Osuna

Lexique
Les Terres d  ’Or et de Feu possèdent leurs propres langages,
qui diffèrent largement des normes et des attentes théanes.
Pour certains concepts ou idées, les deux continents partagent
des notions équivalentes, mais pour d  ’autres, l  ’ Ifri se distingue.
Vous trouverez ci-dessous une liste de mots qui vous
aideront à comprendre les Ifriens et qui seront couramment
employés tout au long de cet ouvrage.
abonsam  : serviteur du Bonsam. En Ifri, il est courant
d  ’entendre dire : « Il a une langue d  ’abonsam. »
animisme  : croyance selon laquelle tous les objets et
animaux ont un esprit ou une force surnaturelle en eux.
Aksoum  : Nation d  ’Ifri, également connu sous le nom
de terre du deuxième Prophète, Le premier-né des
premiers-nés ou encore Empire aksoumite. Ses habitants
sont les Aksoumites.
Berbera (le) : fleuve cardinal de l  ’Ifri. Il coule vers l  ’est et
traverse l  ’Empire aksoumite.
Bonsam : esprit du mal, équivalent ifrien de Légion.
Église ānidi hibiri tefet'iro : variante aksoumite de l'al-dīn.
énnéades : neuf divinités majeures de Khémet.
fleuves cardinaux : quatre grands fleuves d  ’Ifri, créés par
les joks. On dit qu  ’il faut une chaîne de plusieurs centaines
de personnes debout, bras tendus, pour couvrir la largeur
de chacun d  ’eux.
griots : poètes, musiciens et conteurs itinérants considérés
comme les gardiens des contes de jadis et protecteurs de la
sagesse des dieux.
Ifri : nom du continent et de la déesse de la fertilité vénérée
par les Maghrébins.
Iteru (l    ’) : fleuve cardinal de l  ’Ifri. Il coule vers le nord et
traverse le royaume de Khémet.
Iu-Neserer : pays des joks. Également connu comme l  ’île
du Feu ou l  ’île de la Flamme.
joks : esprits grands et sages, sénéchaux de l  ’humanité et
guides du peuple d  ’ Ifri.
Joliba (la) : fleuve cardinal de l  ’ Ifri. Elle coule vers le sud.
Khémet : Nation d  ’Ifri, également connu sous le nom de
pays des Deux-nuits, Terres noires ou encore terre de la
Reine solitaire. Ses habitants sont les Khémétienss.
Kwara (la) : fleuve cardinal de l  ’Ifri. Elle coule vers l  ’ouest
et traverse la Kurufaba mandéniane.
Kurufaba mandéniane : Nation d  ’Ifri, également connue
sous le nom de Pays d  ’or et de sel, Fleur dorée de l  ’ Ifri, Joyau
de l  ’Ifri ou encore terre des Bien-nés. Elle est constituée
de quatre États : l  ’Awkar, l  ’Igodomigodo, le Manden et la
Xwéda. Ses habitants sont les Mandénians, et son souverain
porte le titre de mansa. Kurufaba signifie « la grande union
de tous » ; c  ’est un synonyme de confédération.
Maghreb : Nation d  ’Ifri, également connu sous le nom
de pays du Peuple bleu, pays de la Reine bleue ou encore
terre des Sables bénis de la Lune. Ses habitants sont
les Maghrébins.
Mbey : Nation d  ’Ifri, également connu sous le nom de
Royaume perdu, royaume Trois-fois-maudit , Royaume des
royaumes ou encore de terres du Bonsam. Ses habitants
sont les Mbeyens.
Nommo  : peuple des rivières qui voyage sur les quatre
fleuves cardinaux.
oris : esprits ou dieux mineurs de la religion assanyi. Il
existe plusieurs milliers d  ’oris.
orun irin : métal semi-légendaire donné aux peuples d  ’ Ifri
par les joks. Également appelé métal du Ciel.
Pierres du Bonsam : monolithes noirs dans lesquelles les
joks ont jadis enfermé le Bonsam et ses abonsams.
ras : titre nobiliaire équivalent au rang de duc en Montaigne.
sika  ’dwa : trône fait d  ’or et d  ’orun irin. Cinq sika  ’dwas
furent créés par les joks et donnés aux souverains de l  ’Ifri.
Ils symbolisent leur puissance, et la rumeur dit qu  ’ils
auraient des pouvoirs magiques.
très-sage : serviteur des joks
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 11
Chapitre 1
Panorama de l  ’Ifri
 PANORAMA DE L  ’IFRI
Les vérités sur l  ’Ifri Ainsi, les Ifriens ne parlent pas la même langue, ne
Bien plus vaste que les autres continents, l  ’Ifri pourrait vénèrent pas les mêmes dieux et ne disposent pas des
accueillir en son sein toute la Théah et le Nouveau monde mêmes structures sociales.
réunis. Ses paysages comptent tout ce qui existe en termes
de biomes, et l  ’on y trouve nombre de créatures uniques en Différents, pas inférieurs
leur genre. Nul besoin de traverser la mer du Commerce L  
’Ifri n  
’est pas uniquement faite de superstitions
pour dénicher de l  ’exotisme : les Terres d  ’Or et de Feu ancestrales. Ses peuples ne sont pas naïfs, retardés ou
offrent de quoi remplir toute une vie de voyages excitants. stupides. Ce n  ’est pas parce qu  ’un Ifrien préfère s  ’asseoir
D  ’une manière générale, les Théans ont une idée très à même le sol plutôt que sur un siège, ou qu  ’il mange en
éloignée de ce que sont en réalité les Terres d  ’Or et de Feu. utilisant ses mains qu  ’il est « primitif. » Il s  ’agit juste de
cultures différentes : les Nations d  ’Ifri n  ’ont simplement
Un continent, pas une Nation pas les mêmes buts, ambitions, désirs et espoirs que
Les Théans se méprennent souvent sur l  ’ Ifri, n  ’y voyant les Théans.
qu  ’un pays unique où réside un seul peuple. D  ’ailleurs, La technologie et son implémentation diffèrent
« Ifri » n  ’est pas le nom officiel du continent, seulement également. Les grandes villes—aussi étendues que celles
le plus usité dans le monde. Les Maghrébins disent de la Théah—connaissent les mêmes problèmes, obstacles
«  Ifriqiya  », tandis qu  ’au Manden, on utilise le mot et caractéristiques que n  ’importe où ailleurs sur Terra.
« Ifran » pour souligner le fait qu  ’il s  ’agit d  ’une terre Les cités ne sont donc pas moins développées : toutes
pleine de diversité. disposent de moyens pour aider les citoyens et créer des
merveilles architecturales, botaniques et artistiques.

14 CHAPITRE 1 : PANORAMA DE L'IFRI

 Lorsque vous vous aventurez en Ifri, vous devez
simplement vous souvenir que « différent » ne signifie
pas « inférieur ».
Des certitudes, pas des croyances
À l  ’instar des Aztlans, les Ifriens savent que les dieux sont
réels. Dans les Terres d  ’Or et de Feu, il n  ’est nul besoin de
faire leur promotion. Ici, les faits font foi : à chaque instant,
le divin peut s  ’exprimer à travers un mortel, un esprit peut
entrer dans votre demeure et le Bonsam peut surgir du
moindre recoin d  ’ombre. Et si tous les Ifriens savent qu  ’il
existe une vie après la mort, c  ’est simplement parce qu  ’ils
en font directement l  ’expérience lorsqu  ’ils communiquent
avec leurs ancêtres décédés.
Ainsi, la plupart des Ifriens trouvent les Théans bien
plus exotiques que les joks ou les oris. Ils ont en effet
conscience qu  ’ils évoluent aux côtés d  ’innombrables
créatures mystiques. Au quotidien, l  ’œuvre des joks
ou du Bonsam ne leur échappe pas, et ils savent avec
certitude qu  ’un blasphème, un manque de respect ou
encore un moment d  ’inattention peut les mener à un
destin fatal. En Ifri, il ne s  ’agit pas de superstitions mais
de sages précautions.
Par ailleurs, les Ifriens ne sont pas gênés par le
polythéisme. Pour beaucoup, il n  ’y a pas de mal à honorer
plusieurs dieux. Toutes les croyances ont la même valeur
à leurs yeux. On peut vénérer al-Musawwir, les oris et les
joks. Les Ifriens n  ’ont aucun problème à être dīnistes et
tout de même révérer Olodumare, le créateur du monde
et des oris. Après tout, peut-être les deux sont-ils une
seule et même entité… La philosophie dominante chez
les Ifriens est qu  ’il vaut mieux bien s  ’entourer plutôt que
de hiérarchiser. Question de prudence. En conséquence,
si la foi vaticine s  ’est quelque peu étendue grâce au travail
des missionnaires, il est à parier qu  ’elle ne deviendra
finalement que l  ’un de nombreux fils de la brillante toile
des croyances d  ’ Ifri.
Le Bonsam et les joks
Le Bonsam est si puissant et maléfique que l  ’on peut tout
aussi bien l  ’appeler « Démon » ou « Légion. » Il dirige le
royaume de Mbey depuis l  ’ombre, dissimulé derrière le
Trône des Pierres brisées sur lequel s'assoit le souverain
de cette Nation jadis magnifique. Le Bonsam entend voler
aux peuples d  ’Ifri leur honneur, leur culture et leur force
afin de créer son propre royaume, fait de cadavres et de
souffrances. Ses agents, les abonsams, cherchent à semer
la méfiance et la corruption sur tout le continent. Pareils
à une épidémie, ils étendent l  ’influence de leur maître et
affaiblissent les populations. Ces créatures adoptent une
myriade de formes, et il n  ’y en a jamais deux identiques, ce
qui les rend difficiles à détecter.
Les joks s  ’opposent au Bonsam. De tout temps, ils
ont recherché et aidé des hommes et femmes promis à
un grand destin. Jamais à visage découvert, ils œuvrent
depuis les coulisses du monde pour le guider dans la
bonne direction, celle qui pourra amener des changements
bienvenus. Là où les abonsams harcèle les individus
et empoisonne leur âme, les joks restent à distance de
leurs protégés, se contentant de les diriger de loin vers la
grandeur, et ce même dans l  ’adversité.
Mais qui sont les joks  ? Des êtres venus d  ’un autre
monde, comme en Avalon ? Peut-être. Les derniers des
Syrnes  ? Peu probable. Certains disent qu  ’il s  ’agit de
grands esprits pourvoyeurs du pouvoir d  ’al-Musawwir.
Ce qui est certain, c  ’est qu  ’ils débordent d  ’amour pour
l  ’humanité et parcourent l  ’Ifri en quête de Héros
suffisamment braves et intelligents pour protéger le
continent des forces du Bonsam.
Les joks semblent chercher le meilleur chez les
humains. Bien qu   ’ils n  
’interviennent que rarement
en personne—surtout en cette époque troublée—ils
représentent la faible lueur d  ’espoir qui scintille à l  ’autre
bout de l  ’ histoire ifrienne, apportant protection et conseil,
ouvrant le chemin aux peuples afin qu  ’ils se fabriquent un
futur éclatant.
Les joks guident leurs champions sur la voie de la justice,
car ils ne peuvent arrêter seuls l  ’influence du Bonsam, qui
obscurcit le continent tel un nuage projetant son ombre
sur la plaine. En plaçant des Héros aux bons endroits, ils
espèrent repousser le mal et permettre à l  ’ Ifri de s  ’éveiller
de ce cauchemar. Cette quête est d  ’une importance
majeure, mais y aura-t-il des survivants ?
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 15
 Les cinq Nations du nord de l  ’Ifri doivent faire front
ensemble, à défaut, elles tomberont l  ’une après l  ’autre
et se laisseront consumer par le plus grand mal que le
monde ait jamais connu. Si le Bonsam gagne, il prendra
tout à l  ’ Ifri, de son identité à sa culture en passant par ses
croyances et même sa conscience collective.
Seuls l  ’amour, le courage et la vérité peuvent le vaincre.
Les vautours venus du nord
Une autre menace pèse sur l  ’ Ifri. Elle a traversé la mer de
la Veuve et cherche à profiter de l  ’actuelle agitation sociale
et politique. En dix ans, la Compagnie commerciale
atabéenne a fait plus de mal à l  ’Ifri que le Bonsam en
un siècle. S  ’efforçant de briser les Nations ifriennes et de
s  ’insinuer dans leurs systèmes gouvernementaux, elle se
sert de la méfiance, de la peur et de la confusion pour
parvenir à ses fins. Ce faisant, elle joue sans le savoir le
jeu du Bonsam.
L  ’esclavage volontaire
L  ’ Ifri n  ’est pas épargnée par l  ’esclavage. On l  ’y trouve
sous toutes ses formes, même les plus viles. Outre les
prisonniers de guerre—soldats ou civils que l  ’on force à
travailler—certains deviennent esclaves pour un temps
donné : afin de rembourser une dette, d  ’expier un crime
ou de gagner quelque argent. L  ’asservissement volontaire
est la forme la plus courante d  ’esclavage en Ifri.
Les esclaves conservent les mêmes droits que les autres
citoyens, et ne sont jamais traités en simples objets. Tout
esclave qui a subi un tort peut d  ’ailleurs demander aux
autorités à ce que celui-ci soit réparé. Il peut également
briguer un poste dans le gouvernement une fois son
service achevé.
16 CHAPITRE 1 : PANORAMA DE L'IFRI
L  ’ESCLAVAGE : UN
CRIME CONTRE
L  ’HUMANITÉ
Pour un Héros de 7E Mer, l  ’esclavage est
immoral et néfaste, un outil au service des
agents du mal. L  ’esclavage est une violation
de notre être et nos droits fondamentaux,
une tentative pour nous réduire à moins que
des hommes.
Bien que le thème de l  ’esclavage soit exploré
dans ce livre, nous souhaitons être très clairs :
l  ’esclavage et l  ’assujettissement d  ’autrui sont
des crimes. La propagation de ces idées n  ’a
rien d  ’Héroïque et les personnages qui s  ’y
adonnent font partie des pires Scélérats.
Le bétail humain
Un esclave « non volontaire » est en revanche considéré
comme propriété de son maître. Il est utilisé pour
satisfaire les désirs de son propriétaire puis est vendu tel
un meuble. Un Ifrien peut acquérir du bétail humain de
la même manière qu  ’un esclave volontaire, mais son destin
sera bien pire, et sa seule survie dépendra des fouets dudit
maître. Un tel individu ne sera plus jamais libre, et ses
enfants seront eux aussi asservis.
Traités comme moins qu  ’humains, ils sont utilisés
jusqu  ’à être brisés, puis jetés quand ils ne sont plus utiles
ou productifs. Ils n  ’ont pas de droits, pas de répit, ne
reçoivent que la souffrance en paiement et n  ’existent que
pour servir des maîtres qui voient en eux une force de
travail, et rien d  ’autre.
En Ifri, les Mbeyens—et par extension la Compagnie
commerciale atabéenne—pratiquent ce genre d  ’esclavage.
5 julius 1667
Les Nommos sont chaleureux et très accueillants.
Ils m  ’ont presque traité en égal lorsqu  ’Adebowale
leur a demandé de me conduire en amont de la
rivière, jusqu  ’à l  ’Iu-Neserer, l  ’île de la Flamme. Les
Nommos sont souvent vus comme des marchands,
mais leur rôle va bien au-delà : ils procurent aux
Ifriens des informations fiables sur les autres
Nations, transmettent courriers et colis à
ceux qui peuvent les payer pour ces services, et
proposent de nombreux moyens de transport à
quiconque peut se les offrir.
Géographie des Terres d  ’Or et de Feu
L  ’une des particularités géographiques de l  ’ Ifri réside dans Olodumare décida ensuite de se retirer dans des
ses quatre fleuves cardinaux qui l  ’abreuvent depuis des Cieux plus élevés. Avant cela, il créa d  ’autres oris et leur
millénaires. Les mythes racontent que les joks créèrent ces distribua un peu d  ’Ashe. Ils s  ’en servirent par la suite
quatre courants alors qu  ’ils cherchaient un passage vers pour concevoir les forces élémentaires et ainsi compléter
l  ’outre-Monde. Ces fleuves sont aujourd  ’hui les artères l  ’œuvre d  ’Aniyikaye. Après avoir étendu le pouvoir de leur
vitales d  ’ Ifri, révérées et respectées par tous les peuples. père sur l  ’Ajaka-katunga, ils furent rappelés. Olodumare
leur confia alors une nouvelle poignée d  ’Ashe afin qu  ’ils
Le mythe de la création créent l  ’ humanité.
Olodumare, premier des oris et oba-Orun (roi des Aniyikaye revint sur terre et sculpta nos ancêtres dans
Cieux), vivait au-dessus du monde. La Terra était alors l  ’Ashe. De là nous descendons tous, fils et filles, du
entièrement recouverte d  ’une eau appelée omi. Un jour, premier des oris, Olodumare, l  ’oba-Orun.
Olodumare ressentit le besoin de créer la terre. Il puisa
dans son cœur pour faire naître un ori—qu  ’il nomma L  ’Itéru
Aniyikaye—et lui fournit tout ce qui lui était nécessaire On dit que lorsque les ennéades quittèrent le Khémet,
pour réaliser son rêve : un petit sac d  ’Ashe (la Terre divine), elles creusèrent un immense canyon. Les eaux du monde
une iworo  ’won (chaîne d  ’or) et une poule à cinq pattes. s  ’y engouffrèrent et coulèrent droit vers le sud, jusqu  ’aux
Aniyikaye descendit du ciel grâce à l  ’iworo  ’won. Au bout hauteurs de l  ’ Iu-Neserer. Les Khémétienss racontent que
de cinq jours, il aperçut la surface du monde et saupoudra si l  ’ Itéru s  ’écoule désormais vers le nord, c  ’est simplement
l  ’omi d  ’Ashe. L  ’eau se mit à tourbillonner et s  ’évaporer, et parce qu  ’il retourne à la mer qui l  ’a vu naître.
un immense amas de limon noir apparut. L  ’ori laissa enfin Les Khémétienss dépendent de l  ’Itéru pour l  ’approvi­
tomber la poule sur cette terre et lui ordonna d  ’attraper la sionnement en eau, mais le fleuve leur apporte également
fange avec ses pattes pour la répandre sur toute la surface de constants ennuis. En plus d  ’entrer en crue chaque
de l  ’omi. année, il sert de plus de passage aux bandits. Enfin parfois,
Satisfait, Aniyikaye remonta vers les Cieux. L  ’oba-Orun sans signes avant-coureurs, l  ’eau tourne au rouge sang, se
envoya son compagnon le plus fidèle, un caméléon, inspecter met à bouillir et dégage de la vapeur. Les Khémétienss
l  ’œuvre créée. Après avoir passé plusieurs jours à descendre pensent que cela est dû à quelques malédictions échappées
et remonter la chaîne d  ’or, ce dernier confirma le récit de l  ’ori. des mondes souterrains.
Olodumare appela cette terre Ajaka-katunga (Maison sacrée).

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 17

 Particularités célèbres Particularités célèbres
Ceux qui voyagent sur l  ’ Itéru prennent moult précautions L  ’étang des Jumeaux se trouve quelque part le long de la
lorsqu  ’ils entrent dans la baie de Timsah al-Iter. Cet Kwara. Enveloppé d  ’une brume éternelle, il est impossible
endroit déborde en effet de crocodiles qui se nourrissent de savoir réellement où y finit l  ’air et où y commence l  ’eau.
des imprudents et de la faune qui boit à même le rivage. Nombre de voyageurs y arrivent par hasard, d  ’autres s  ’y
On raconte que cette baie est la demeure ancestrale de réveillent en sursaut. Ils y rencontrent l  ’un des jumeaux—
Sobki, un très vieux crocodile, peut-être la plus ancienne et un garçon et une fille affables et taquins, l  ’un évoluant
la plus grosse des créatures d  ’ Ifri. Les locaux le craignent et dans l  ’eau, l  ’autre dans l  ’air—qui leur confie une quête.
le vénèrent, et les récits disent que les nombreux crocodiles Cela peut aller de ramener un seau d  ’eau pris sur le
au repos sur les berges font partie de sa descendance. territoire du Mokele-Mbembe au cambriolage d  ’un trésor
Certains s  ’aventurent parfois sur les rivages de la baie pour royal. On dit que quiconque refuse cette tâche connaîtra
y ramasser les écailles tombées de la bête, lesquelles sont un séjour compliqué sur les rives de la Kwara.
recherchées tant par les alchimistes que par les sorciers. On Aminata, une Mandéniane aux mille qualités, voyage
raconte que l  ’on peut distinguer, enfoncé dans le dos de sur la Kwara. Elle va de village en village pour arbitrer
Sobki, une lance en orun irin. Elle y est depuis si longtemps les disputes entre esprits, anciens et autres habitants de
que les écailles de la créature ont commencé à pousser sur la Kurufaba mandéniane. Elle n  ’aime pas se déplacer sur
la hampe. Certains griots disent qu  ’il s  ’agit d  ’un artefact les rivages septentrionaux, préférant circuler sur ceux du
puissant, mais nul n  ’a jamais pu l  ’ôter pour vérifier. sud. Aminata possède une étrange cicatrice sur le côté de
Un grand guerrier du nom d  ’Apis vit également sur la gorge. Lorsqu  ’on lui demande d  ’où cela lui vient, elle se
les rives de l  ’Itéru. Jadis mercenaire dans l  ’Empire du contente de répondre : « de Mbey ».
Croissant, Apis a pris sa retraite ici. Il est connu pour sa
force extraordinaire et sa nature généreuse, et a construit Le Berbera
de nombreux temples et sanctuaires le long des berges. Le Berbera s  ’écoule depuis l  ’Iu-Neserer à travers toutes
La plupart ne tiennent qu  ’une année, irrémédiablement les terres de l  ’Empire aksoumite. Les plaines orientales
détruits dès que le fleuve entre en crue. de cette Nation, alimentées par le fleuve, sont fertiles et
luxuriantes. On dit que les cultures et la pêche sont si
La Kwara abondantes qu  ’elles permettent de nourrir tout le pays, et
La Kwara, le plus large des quatre fleuves cardinaux, trace même les voyageurs de passage.
une route sinueuse à travers la Kurafaba mandéniane. Si le Berbera est large et suffisamment profond pour
Elle est si étendue qu  ’à certains endroits, on ne peut plus que la navigation y soit possible—comme les autres
distinguer l  ’autre rive. Les légendes affirment que nombre fleuves cardinaux—sa myriade d  ’affluents est tristement
de déesses marines—dont on dit qu  ’elles boivent dans réputée pour ses très nombreux bancs de sable qui
toutes les rivières du monde—l  ’alimentent en eau. affleurent à la surface (voire quittent le lit). Il existe des
La surface de la Kwara est parfois recouverte par itinéraires navigables, mais ils exigent beaucoup d  ’audace
l  ’umphefumlo, un épais brouillard qui rend toute visibilité et de savoir-faire pour en sortir indemne. Ainsi, dans
impossible. Certains considèrent ces brumes comme les faits, peu de navires s  ’aventurent sur la « rivière des
une manifestation liée à la présence d  ’une multitude Bons présages » sans un Aksoumite à bord, qu  ’il soit
de divinités. Il n  ’est donc pas rare de voir des Ifriens guide ou marin.
prier l  ’umphefumlo et lui adresser des offrandes afin de
s  ’assurer un voyage sans périls, ou une pêche miraculeuse. Particularités célèbres
L  ’umphefumlo sert également de cachette aux pires dangers Profond et lent au départ des Gorges ophidiennes, le
que compte la région, à l  ’instar des hippopotames, des Berbera devient de plus en plus rapide au fur et à mesure
crocodiles, des serpents et toutes sortes d  ’autres créatures qu  ’il arrive dans les plaines de l  ’est. Il serpente et se
monstrueuses. La Kwara abrite en effet énormément d  ’esprits, divise en une multitude d  ’affluents qui s  ’éparpillent dans
de Monstres et de divinités marines. Les récits évoquent par les montagnes. Beaucoup tendent à plonger sous terre,
exemple le Mokele-Mbembe, le serpent géant vivant autour d  ’autres finissent par s  ’élancer des hauteurs sous forme de
de l  ’Iu-Neserer, ou Emela Ntouka, le tueur d  ’éléphants. cascades, faisant apparaître, ici et là, divers petits filons d  ’or.

18 CHAPITRE 1 : PANORAMA DE L'IFRI

 Les Hatuu Laga, une bande de pirates, opèrent sur le Les Tamanrasset
Berbera. Ils s  ’attaquent aux navires et pillent les nombreuses Situées au nord de l  ’ Ifri, les Tamanrasset sont composées
épaves abandonnées. Parfois déguisés en marchands de nombreuses sources souterraines  : rivières, lacs,
ou mendiants, ces pirates et leur chef, Abbebe, sont une cavernes immergées, etc. Les Ifriens les appellent souvent
menace pour tous ceux qui s  ’aventurent sur le Berbera. « rivières fantômes », car dans ces passages, esprits, bandits,
abonsams, oris et Monstres abondent.
La Joliba La rivière la plus connue des Tamanrasset est le
La Joliba s  ’écoule depuis l  ’Iu-Neserer vers les terres Lulungwa Mangakatsi. On raconte que les cavernes, lacs
inexplorées du sud de l  ’Ifri. Le désert y est presque et cours d  ’eau qu  ’il parcourt s  ’étendent de part et d  ’autre
infranchissable. Pourtant, la Joliba y passe comme si de de l  ’ Ifri, et portent en eux la pulsation de son cœur, de son
rien n  ’était. âme et de son pouvoir. Les joks y croient, en tout cas. Jadis,
Après avoir longé les cimes des Ghogbuo, le fleuve passe ils patrouillaient sur ces eaux, gravant de fantastiques
près d  ’une vaste zone humide alimentée par plusieurs motifs sur les murs, les plafonds et les sols, apprenant
autres petits affluents qui descendent des montagnes. aux humains à décorer les accès à l  ’aide de petits éclats de
Le marécage est si grand qu  ’il est quasiment impossible céramique et leur faisant élever des sites sacrés à la surface.
pour des étrangers de s  ’aventurer dans ses tourbières : les Des griots rapportent également que l  ’une des rivières
herbes s  ’élèvent haut, et des tertres surmontent la Joliba, des Tamanrasset, la Timbavati, s  ’écoulait autrefois depuis
laquelle n  ’a jamais le même niveau, comme si elle avait des cieux illuminés par la lueur des étoiles avant de
des marées. On dit que des abonsams s  ’attaquent aux plonger vers le cœur de l  ’Ifri pour apporter la lumière
campements installés près des marais. aux esprits des anciens. Cependant, après que les ennéades
eussent recouvert d  ’eau la surface de Khémet, la Timbavati
Particularités célèbres commença à s  ’assombrir. Lorsque les eaux se retirèrent, la
Plusieurs fois par an, des portions entières du fleuve Rivière des étoiles s  ’évanouit et le monde souterrain se fit
noircissent et exhalent un horrible parfum. Les Ifriens plus sombre. Les ancêtres ont depuis soif de lumière.
appellent cela «  le Vomi du Bonsam  ». Même si Dans la grande bibliothèque du Manden, des cartes
l  ’odeur porte parfois à des dizaines de kilomètres, ce indiquent une rivière disparue qui s  ’écoulait du cœur de
phénomène prend toujours fin une fois les sommets du Khémet vers l  ’Iu-Neserer. Nombre d  ’érudits y voient
Ghogbuo passés. une erreur d  ’appréciation sur le cours de l  ’ Itéru, voire un
Un mystérieux personnage du nom de Mankholi-kholi mensonge. En réalité, l  ’une des rivières des Tamanrasset
hante les affluents de la Joliba. Son visage est couvert part bien d  ’une source ténébreuse située sous les Grandes
d  ’un masque d  ’ivoire. Certains voient en lui un jok, pyramides, puis sinue et se mélange aux eaux profondes
tandis que d  ’autres le suspectent d  ’être un abonsam qui localisées sous l  ’Iu-Neserer. Les ennéades ont semé des
aurait déserté le service de son maître. Les explorateurs épreuves pour les croyants, mais aussi des pièges pour les
théans lui ont donné le surnom de Ranivorus. Il semble imprudents qui s  ’aventurent le long de cette route sacrée
vouloir empêcher les navires venant des eaux du Mokele- menant à la dernière demeure de leur peuple.
Mbembe de passer, et embauche souvent de l  ’aide pour
l  ’assister à cette tâche.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 19

 Nommo, le peuple des rivières
Le long des grands fleuves et de leurs affluents se trouvent
les Nommos, un peuple nomade. Ils naviguent sur des
barges et des canoës d  ’amont en aval des rivières. Les eaux
tumultueuses qui entourent l  ’ Iu-Neserer et s  ’écoulent vers
les fleuves cardinaux n  ’ont pas de secrets pour eux. Bien
souvent, ils relient plusieurs barges entre elles pour créer
des cités flottantes qui se déplacent à un rythme très lent,
à peine celui d  ’un piéton. Lorsque leur ville passe non loin
d  ’installations situées sur les rives, les résidents arrêtent
les Nommos pour leur acheter des objets exotiques. Cela
intéresse énormément les Nommos, qui trouvent dans ces
villages une grande variété de choses que la rivière ne leur
procure pas.
On dit que les Nommos ne posent jamais le pied à terre,
passant toute leur vie sur l  ’eau. Ce sont effectivement
des plongeurs experts, des pêcheurs de renom et des
marins de talent. Les Mandénians disent qu  ’ils sont
nés des esprits des eaux, dans les profondeurs de la
Kwara. Les Aksoumites, quant à eux, affirment qu  ’ils
sont les descendants d  ’un voleur qui n  ’était toléré par
ses semblables que parce qu  ’il savait naviguer comme
personne et faisait transiter les marchandises d  ’un bout
à l  ’autre du continent, certes avec lenteur, mais sans souci.
Les Khémétienss, enfin, racontent que les Nommos ont
été frappés d  ’une malédiction qui les empêche de poser
pied à terre ; s  ’ils essaient, toutes les rivières sacrées d  ’ Ifri
disparaîtront et les mondes souterrains remonteront à
la surface.
Les Nommos dissimulent généralement leur visage
lorsqu  ’ils traitent avec des étrangers. Ils portent des
chapeaux à larges bords ornés de perles, des masques
sculptés ou des voiles. Ils accueillent souvent les bannis
et les criminels qui errent sur les rivages. Ils ont à cœur
d  ’« agir comme il se doit », car même si les fleuves leur
donnent presque tout, la vie y est parfois difficile.
20 CHAPITRE 1 : PANORAMA DE L'IFRI
Iu-Neserer : l  ’île de la Flamme
Les quatre fleuves cardinaux jaillissent d  ’une même
source : l  ’île de la Flamme, la demeure des joks. Le voyage
jusqu  ’à cette terre légendaire est ardu : les navires doivent
sortir les rames—ou être tirés—pour avancer. De plus, un
brouillard humide et odorant s  ’épaissit au fur et à mesure
que l  ’on s  ’approche, si bien que nul n  ’y voit à dix mètres.
Certains disent que le trajet vers l  ’ Iu-Neserer est pareil à
un rêve : empli de mystère et de danger.
Les eaux du Mokele-Mbembe
Les eaux profondes qui entourent l  ’Iu-Neserer sont
les plus dangereuses du monde. L  ’eau tourbillonne et
s  ’agite sans cesse, des rapides empêchent les navires de
s  ’approcher de l  ’île, une épaisse brume à l  ’odeur de soufre
obscurcit constamment la vue et des miasmes dissimulent
rochers, troncs flottants et serpents. Ici et là, des colonnes
de flammes jaillissent de poches de gaz souterraines et
percent la surface, faisant bouillir l  ’eau. De plus, tout
autour de l  ’Iu-Neserer, de nombreux pics dégagent des
vapeurs et des fumées qui s  ’élèvent en nuages denses
et acides.
Tous les navires qui s  ’y aventurent—même ceux qui
restent le long des rives—sont détruits. Seuls les Nommos
savent y naviguer en sécurité, mais ils conservent leur
expertise secrète, telle une promesse sacrée faite aux joks.
Les griots racontent que seul un navire ayant à son bord
l  ’un des sika  ’dwas peut parvenir à accoster sur l  ’un des
quais d  ’amarrage de l  ’île. Les très-sages disent quant à eux
qu  ’il faut certes un sika  ’dwa à bord, mais également son
possesseur légitime.
Ces eaux sont dites « du Mokele-Mbembe » à cause du
serpent géant qui y nage et tourbillonne sous la surface.
Certaines légendes prétendent qu   ’il est le premier
jok, d  ’autres qu  ’il s  ’agit d  ’un ori devenu trop gros pour
remonter la Kwara.
Les terres de Babi Au-dessus de la cité des Huit se trouve un énorme
D  ’innombrables hordes de babouins vivent dans les disque fait d  ’orun irin, d  ’acier, d  ’or et d  ’argent. La lumière
montagnes qui ceignent les eaux du Mokele-Mbembe. du soleil s  ’y reflète la journée, illuminant les murs de la
On les appelle les Gardiens de Babi. Les forêts escarpées ville. Les sculptures et autres motifs projettent des ombres
qui entourent l  ’île sacrée n  ’ont jamais été pénétrées par sur les rues patinées, révélant de nouvelles histoires, dont
l  ’homme, principalement par crainte de ses gardiens. beaucoup sont des prophéties pour les temps à venir. La
Certains n  ’y voient que des animaux, mais d  ’autres savent nuit, le disque continue de briller presque autant qu  ’un
que les grands babouins à la toison dorée et écarlate astre, envoyant des petites perles enflammées vers le ciel.
surveillent les rives de l  ’île de la Flamme. Khemenu est vaste, assez pour héberger un nombre
Haute de plus de trente mètres et tournée vers les fleuves de personnes bien plus élevé que celles qui y résident
naissants, une énorme statue de babouin taillée dans le actuellement. La plupart des maisons semblent avoir été
basalte fixe le lointain et indique l  ’entrée des terres de Babi. récemment abandonnées, et toutes pourraient accueillir
Au plus profond de ces montagnes vit le dénommé Babi, des familles entières. Chaque foyer occupé dispose d  ’un
le roi géant des babouins qui reçoit ses ordres des joks et brasier en orun irin devant sa porte, équipé de charbons
profite des conseils d  ’un très-sage. ardents. Un petit bras d  ’eau les entoure, toujours chaud
mais jamais bouillant, et les charbons ont l  ’air de ne
Khemenu jamais s  ’éteindre, à moins qu  ’on ne leur fasse quitter l  ’île.
La caldera centrale des montagnes de Feu cache Khemenu, La fumée qui s  ’élève de ces brasiers monte haut dans le
la cité des Huit et dernière grande ville des joks. Ses murs ciel, en une pâle brume que les joks peuvent « lire » afin
ont la couleur de l  ’ivoire poli, et son architecture insolite de compter le nombre d  ’habitants restant, et à peu près
semble parfois taillée à même les nuages. La ville en elle- les localiser.
même est à la fois magnifique et étrange, notamment à Bibliothèques, entrepôts et lieux d  ’étude abondent sur
cause de ses proportions titanesques. Les portes sont trop l  ’Iu-Neserer. Certains très-sages y viennent parfois pour
larges, les escaliers trop difficiles à monter, les fenêtres trop rapporter de l  ’orun irin ou dénicher une information
hautes. Certains passages s  ’achèvent trop soudainement introuvable ailleurs. En effet, tous les secrets de ce
tandis que les ponts et les balcons ont l  ’air trop étroits monde—et des autres—se trouvent là où sont les joks.
pour supporter leur propre poids. De toute évidence Les joks de l  ’Iu-Neserer, dont le nombre a diminué
construite en quartz, Khemenu est un labyrinthe. Tous les avec le temps, forment encore et toujours un peuple
murs sont ornés de pictogrammes sculptés et de runes, et extraordinaire dont la rencontre reste inoubliable. Ils sont
incrustés d  ’argent, d  ’or ou d  ’orun irin. Sur les nombreuses dirigés par une vieille femme dont le nom est si puissant
places, le visiteur peut observer le paysage et y découvrir qu  ’il ne peut être ni prononcé à voix haute ni écrit, sous
l  ’ histoire du monde en récits et en chansons. Qu  ’il bouge peine de voir le malheur s  ’abattre sur soi. Celle-qui-ne-
d  ’un seul pas et l  ’illusion s  ’évapore, laissant entrevoir un doit-pas-être-nommée vagabonde souvent dans les rues
nouvel aperçu de ce même monde. S  ’il passe sous le grand de la ville, vêtue d  ’un masque cérémoniel fabriqué en
portail de la cité, il pourra voir l  ’histoire des joks. Rares orun irin.
sont ceux qui connaissent la totalité de l  ’histoire de ce
peuple, intégralement écrite sur les murs de Khemenu. La
structure de la ville en rend en effet la lecture complète
quasiment impossible.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 21

 Bestiaire ifrien Les joks
Les joks sont des esprits qui vivent dans la montagne
Je conçois tout à fait les désirs démoniaques qui hantent sacrée située au cœur de l  ’Iu-Neserer. S  ’ils ne sont
le cœur des hommes, mais même le jour de ma mort, je ne intrinsèquement ni bons ni mauvais, on pourrait tout de
comprendrai toujours pas ce qui motive ceux qui servent le mal même dire qu  ’ils sont « bienveillants » envers l  ’ humanité.
incarné. L  ’Ifri est connue pour son abondante richesse, pour sa En effet, en des temps immémoriaux, ce sont eux qui
noblesse également, mais en son cœur s  ’agitent des choses anci- enseignèrent aux premiers hommes les savoirs nécessaires
ennes et oubliées… des choses maléfiques qui attendent patiem- pour s  ’élever au-dessus de l  ’état animal. Depuis, ils n  ’ont
ment leur heure. Certaines de ces créatures se font passer pour eu de cesse de partager leurs connaissances et ont apporté
des humains, tandis que d  ’autres marchent à quatre pattes tels les premières lueurs de civilisation. En Ifri, nul ne conteste
des animaux. Toutes ont cependant un point commun : la soif le fait qu  ’ils ont énormément œuvré pour faire grandir
de souffrance. les hommes.
Entendons-nous bien, il ne s  ’agit pas de légendes destinées Personne ne sait d  ’où viennent les joks. Voilà très
à effrayer les enfants turbulents, mais bien d  ’horreurs réelles longtemps, ils étaient bien plus nombreux. Un jour, une
qui ont été libérées pour apporter malheur, souffrance et tour- grande partie d  ’entre eux quitta le plan d  ’existence mortelle.
ment à tous les mortels qui croisent leur chemin. Fuyaient-ils une calamité quelconque ? S  ’en allaient-ils en
Aux petites heures de la nuit, lorsque je sors de mon guerre ? Nul sur Terra n  ’a la réponse. Toujours est-il que
sommeil perturbé, je vérifie que ma porte est bien verrouillée et ces voyageurs ne revinrent jamais. Peu de temps après leur
que mes protections sont toujours en place. Je sais ce qui guette disparition, le Bonsam apparut en ce monde.
à l  ’ombre de la canopée, et tout autour de mon village. J  ’ai con- Nul jok n  ’a plus quitté la montagne sacrée depuis que la
science de ce qui m  ’attend si je ne suis pas prudent. première Pierre du Bonsam a été brisée. Ils sont toujours
des mentors et des enseignants, mais ne voyagent plus
A  ’isha ibnt Anwar, comme jadis. Désormais, les joks choisissent ceux qui
commandant en second de La Splendeur de Yemoja. sont dignes de devenir des très-sages. Les postulants se
rendent sur l  ’île de la Flamme où ils passent vingt années
sous la tutelle d  ’un professeur, un jok au visage dissimulé
sous un masque de bois sculpté. Ce maître leur révèle
petit à petit tous les secrets de l  ’univers. Lorsque le jok se
montre satisfait de son élève, il enlève son masque pour
lui dévoiler l  ’ultime vérité. À ce moment, le très-sage

22 CHAPITRE 1 : PANORAMA DE L'IFRI

peut soit s  ’éveiller, soit mourir sur le coup. S  ’il survit, il
reçoit le masque de son mentor en cadeau. Il part alors
voyager à travers le monde pour rassembler des savoirs et
protéger les innocents. Peu avant sa mort—qu  ’il a aperçue
en vision—chaque très-sage revient sur l  ’Iu-Neserer et
récite à un autre jok tout ce qu  ’il a appris.
Il semblerait que l  ’objectif des joks soit de continuer
à transmettre leurs savoirs à l  ’humanité pour la faire
parvenir à un nouveau stade d  ’éveil. Ainsi répandent-ils
la sagesse et engagent-ils des agents pour combattre ceux
du Bonsam. Nul ne sait pourquoi les joks se montrent
si bienveillants envers les humains, et leur but ultime
demeure pour ainsi dire toujours aussi flou.
Le Bonsam
Le Bonsam est la source du mal qui ronge l  ’Ifri, et
peut-être même la Terra entière. Il s  ’agit d  ’une créature
hermaphrodite piégée entre le monde des esprits et notre
plan mortel. Contrairement aux joks, il ne possède pas de
forme immatérielle, il ne peut donc pas accéder au monde
des esprits. Il peut simplement voir et communiquer
avec eux.
Ceux qui ont déjà posé les yeux sur lui—et survécu pour
en témoigner—le décrivent chaque fois différemment.
L  ’un parlera d  ’une chèvre à trois-têtes qui crache du
feu, l  ’autre d  ’un beau guerrier sombre dont la voix est
douce comme du sucre. En vérité, le Bonsam n  ’a pas de
forme fixe : il prend l  ’apparence que ceux qui le regardent
souhaitent voir.
Le Bonsam ne ressent aucune pitié, aucun amour,
aucune émotion positive. Il n  ’est que haine, rage et
malveillance. Son pouvoir se nourrit de la misère, de
la souffrance et de la domination. Depuis sa prison
(voir page 73), il œuvre pour que la Terra soit détruite
puis reconstruite à son image. Il veut que la peine et
le désespoir soient les souverains d  ’un monde dont il
serait l  ’empereur suprême. Il cherche à exploiter chaque
chose et chaque personne. S  ’il y parvient, aucun mortel
ne pourra respirer sans ressentir une souffrance intense,
et aucune créature vivante ne connaîtra plus jamais un
instant de paix.
D  ’où vient-il ? Nul ne le sait, mis à part les joks peut-être.
Peut-être est-ce un jok renégat, le dernier des Syrnes, un
dieu oublié venu de très loin, un sorcier jadis mortel ou
l  ’ultime survivant d  ’une race disparue. Il se peut que l  ’on
ne sache jamais la vérité.
Le Bonsam possède un pouvoir de corruption et de
spoliation semble-t-il illimité. Comme les joks, il préfère
agir par le biais de ses agents, accordant très souvent des
dons à ses serviteurs. Les abonsams sont ses sbires favoris,
mais ils ne sont pas les seuls. Il y a également des humains
malfaisants, des Monstres et des démons commis à sa
cause (parfois malgré eux).
Nul ne sait comment réfléchit cet esprit immortel, aussi
les raisons qui le motivent demeurent-elles obscures. Quoi
qu  ’il en soit, chacune de ses actions est un pas vers son
objectif de domination et de destruction de l  ’Ifri et du
monde, et ce même si elle semble œuvrer vers autre chose.
Le Bonsam agit à l  ’échelle des siècles, non des années.
Il sait que les joks se dressent en travers de son chemin. Il
s  ’occupe donc en priorité de les affaiblir avant de chercher
à les détruire. Néanmoins, son pire ennemi n  ’est autre que
lui-même, sa rage sans limites l  ’amenant parfois à faire
échouer ses propres plans.
Les abonsams
Les abonsams sont au Bonsam ce que les très-sages sont
aux joks : des agents du mal qui sèment misère et chaos
dans le monde. Ces créatures adoptent toutes sortes de
formes, de l  ’esprit immatériel au Monstre titanesque en
passant par l  ’humain a priori ordinaire. Quelle que soit
son apparence, chaque abonsam est de toute façon un
reflet déformé et affadi du pouvoir malfaisant du Bonsam.
Leur seul désir est de satisfaire leur maître, donc de
gagner du pouvoir pour mieux détruire les agents et
créations des joks. Leurs objectifs sont donc identiques à
ceux du Bonsam : un monde de douleur et de souffrance,
à même d  ’être piétiné. Si les abonsams remportent cette
guerre, l  ’ Ifri ressemblera à ce qu  ’est actuellement devenue
le royaume de Mbey.
La manière dont ils servent ce plan varie selon leur
personnalité et leur vision des choses, et ils ne travaillent
pas toujours main dans la main. Les très-sages divisent
les abonsams en cinq grands ordres possédant un rôle
précis dans la hiérarchie : les Émissaires, les Esclaves, les
Monstres, les Thaumaturges et les Voix. On notera que
tous les abonsams n  ’appartiennent pas obligatoirement
à ces ordres ; les créatures issues des Pierres du Bonsam
qui règnent sur le royaume de Mbey n  ’entrent pas dans
ces catégories par exemple.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 23
 Les Thaumaturges
Il s  ’agit de l  ’élite de l  ’armée du Bonsam, ainsi que la
manifestation la plus évidente de son influence. Les
Thaumaturges maîtrisent la magie noire et commandent
aux Esclaves. Si les Émissaires manipulent, si les Monstres
sèment terreur et chaos et si les Voix corrompent, les
Thaumaturges s  ’infiltrent et dirigent. Ils marchent parmi
les humains et dénichent leurs faiblesses afin d  ’en user
pour tuer autant que possible, tout en restant dans
l  ’ombre. Sur le terrain, ils sont les commandants des forces
des ténèbres.
La plupart des Thaumaturges ont jadis été Esclaves, mais
certains ont directement été recrutés par le Bonsam pour
leur nature maléfique et leurs talents magiques.
Les Thaumaturges sont les abonsams les plus intelligents,
et leur sorcellerie est l  ’illustration la plus visible de la
puissance de leur maître. Ils utilisent leurs pouvoirs
pour étendre l  ’influence du Bonsam et faire tomber des
dynasties entières. Ils n  ’ont que faire des petites actions
scélérates et agissent à grande échelle, préférant œuvrer
sous le couvert d  ’organisations et de cultes secrets. Chaque
mois, ils se réunissent pour partager des informations et
mettre en place de nouveaux plans maléfiques.
Il y a deux catégories de Thaumaturges : les vivants et les
morts. En effet, dans les Terres d  ’Or et de Feu, si l  ’on en tue
un sans effectuer les bons rituels, la victime revient, plus
dangereuse. S  ’ils sont puissants de leur vivant, ils le sont
encore plus après leur mort. Un Thaumaturge mort-vivant
doit faire attention à rester caché dans les ombres, mais
ses pouvoirs de nécromancie compensent largement cette
faiblesse. Lorsque cela est nécessaire, les Thaumaturges—
hommes comme femmes—peuvent accoucher d   ’un
Monstre en s  ’unissant par la chair au Bonsam (ce qui est
toutefois très rare, car le procédé nécessite une débauche
d  ’énergie et n  ’est pas dénué de risques).
24 CHAPITRE 1 : PANORAMA DE L'IFRI
Les Émissaires
Les Émissaires amènent de nouveaux serviteurs au
Bonsam. Lorsque l  ’épouse d  ’un chef de clan réclame
vengeance pour son enfant assassiné ou qu  ’un orphelin
voit son héritage lui être volé, l  ’Émissaire les entend et leur
offre la possibilité de rendre justice. Lorsqu  ’un vétéran
de guerre estropié prie pour s  ’extirper de sa condition
de mendiant ou qu  ’une courtisane moribonde rêve de
richesses et de pouvoir, l  ’Émissaire les écoute et leur offre
une solution.
Ces abonsams rendent puissants les impuissants et
aident parfois réellement à faire le bien, mais le prix à payer
est toujours très élevé. Les Émissaires ne se contentent en
effet pas de claquer des doigts pour réparer les injustices.
Ils accordent à leurs victimes des pouvoirs insidieux, leur
montrant le chemin le plus facile pour arriver à leurs
fins. De nombreux Thaumaturges ont d  ’ailleurs été des
victimes des Émissaires. Les plus malins parviennent à
n  ’offrir que la valeur de ce qu  ’ils retirent de l  ’échange, mais
le commun des mortels se fait généralement prendre à ce
petit jeu.
Les Émissaires semblent a priori humains, mais
ils peuvent changer de forme en fonction de leur
interlocuteur. Ils sont de plus un peu télépathes, ce qui
leur permet de voir les désirs de leurs victimes et de
prendre une apparence que celles-ci trouvent rassurante.
Quoi qu  ’il en soit, quel que puisse être leur aspect, ils
ont toujours une marque monstrueuse qu  ’ils veillent
à dissimuler.
Les Voix
Les Voix sont les abonsams les plus insidieux. Elles
murmurent à l  ’oreille des mortels, qu  ’ils soient grands
dirigeants ou humbles citoyens. Elles leur chuchotent
que leur femme est infidèle, que leurs enfants conspirent
contre eux ou que leurs voisins empoisonnent leur terre.
Les Voix corrompent, sèment les graines de la méfiance
et recrutent de nouveaux Thaumaturges. Elles servent
également d  ’intermédiaires pour ceux qui souhaitent
échanger des services contre du pouvoir.
Les Voix naissent sous la forme de mauvais rêves,
devenant peu à peu des cauchemars éveillés. Les plus
malignes mélangent vérité et mensonge, prévenant leur
cible de vraies attaques—souvent menées par d  ’autres
abonsams—avant de passer aux tromperies après avoir
gagné la confiance de leur victime.
 Le véritable pouvoir d  ’une Voix provient de son talent Zombies
pour la duperie ainsi que de sa forme immatérielle qui lui Il y a autant de types de zombies qu  ’il y a de types
permet d  ’espionner aisément ses victimes. Il est difficile d  ’individus. Les légendes les plus répandues évoquent
d  ’affronter une Voix. Rares sont ceux qui disposent de la un rituel dans lequel une personne vivante est mise en
puissance ou du savoir nécessaires pour s  ’en débarrasser terre, puis exhumée pour être réanimée. La créature ainsi
une fois qu  ’ils ont été pris pour cible. obtenue est un serviteur docile, immunisé à la douleur.
Nul ne sait si cette magie existe vraiment…
Les Monstres Toujours est-il que le Bonsam a bien des zombies à
Les Monstres sont des créatures simples. Leur but est de son service. Il s  ’agit de vieux cadavres à qui il a donné
semer la terreur et détruire tout ce qu  ’ils voient. La plupart un semblant de souffle de vie grâce à la magie noire. Ces
ont jadis été mortels—humains ou animaux—puis harcelés créatures sont si stupides qu  ’elles ne peuvent servir que de
et torturés par magie jusqu  ’à ne plus connaître que la haine, chair à canon, à la rigueur de domestiques pour les tâches
la rage et une soif inextinguible de souffrance. simples. Ils sont toutefois rares, le Bonsam préférant
Il peut s  ’agir d  ’enfants difformes dont le ventre déchiqueté utiliser des Esclaves.
vomit des nuées de scarabées pestilentiels, d  ’une meute de En Mbey, il existe également des zombies qui n  ’en
loups écorchés liés par une toile d  ’intestins ou encore d  ’une sont pas vraiment. Ceux-ci ressemblent à des fantômes
chèvre noire géante dont le souffle rend tout ce qu  ’elle touche incarnés. Ils surgissent du sol empoisonné—tels des
stérile. Il existe également des Monstres créés par les actions champignons malades—pour semer la terreur. Ces
d  ’autres abonsams, comme ceux rendus fous par les Voix, les zombies sont libres de leurs choix et poursuivent leurs
victimes des Émissaires ou la progéniture des Thaumaturges. propres buts, mystérieux et toujours mauvais. On ne sait
Il n  ’y a pas deux Monstres identiques, mais tous inspirent la s  ’il s  ’agit vraiment des âmes sans repos d  ’anciens vivants
terreur et incarnent le pire de ce que l  ’Ifri a à offrir. revenus se venger ou bien de coquilles vides possédées par
une intelligence malveillante. Une chose reste certaine : ils
Les Esclaves n  ’ont que peu de pitié pour les mortels, même ceux dont
Situés tout en bas de la hiérarchie du mal, les Esclaves sont ils étaient proches du temps où ils respiraient encore.
les abonsams les plus nombreux. Ils ont juré de servir le
Bonsam en échange d  ’un peu de pouvoir, de richesses ou Le Vaisseau noir
d  ’un désir inassouvi. Ils sont le plus souvent au service Le Vaisseau noir est un chebek fait d  ’os et de tendons.
d  ’autres abonsams (les Thaumaturges notamment). En Au-dessus de ses voiles, constituées de peau humaine,
dépit de leur nom, les Esclaves sont rarement des laquais. flotte un drapeau rouge en lambeaux arborant une moitié
Beaucoup sont des marchands influents, des chefs de culte de crâne brûlé. Sous la coque se trouvent des pattes de
ou de clan. Nombre d  ’Esclaves sont même des esprits crabe. Le Vaisseau noir peut les utiliser pour voyager sur
incarnés qui ont conservé un fragment du pouvoir qu  ’ils terre et accéder à de nouvelles eaux sur lesquelles voguer,
avaient lorsqu  ’ils étaient immatériels. ou pour ramper sur le sol sous-marin et guetter des
Au cours d  ’une cérémonie atroce, le cœur de l  ’Esclave est bateaux à attaquer.
remplacé par un nœud d  ’épines. S  ’il désobéit à ses maîtres, Construit à partir de cadavres de marins tués au combat,
ces dernières explosent pendant son sommeil, le déchiquetant il est dirigé par Inkosazana, une femme impitoyable dont
de l  ’intérieur. De toute façon, tous se montrent dignes de le visage a été écorché vif. Rôdant tel un requin, que ce
leur mission, espérant un jour s  ’élever dans la hiérarchie des soit sur les mers comme sur les fleuves cardinaux, il est en
abonsams en devenant Émissaire ou Thaumaturge. quête de proies à aborder.
Il n  ’y a pas d  ’Esclave contraint chez les abonsams. Tous, Pour chaque capitaine tué, un nouveau vaisseau émerge
sans exception, sont dangereux et mauvais. Les Esclaves des profondeurs, peuplé par les esprits corrompus des
ont habituellement un péché ou un vice important (qui vaincus. Inkosazana propose toujours un marché à ceux
les a d  ’ailleurs bien souvent amenés vers le Bonsam), et qu  ’elle a défaits : s  ’ils parviennent à lui ramener neuf âmes,
leurs objectifs sont généralement doubles (s  ’adonner à leur alors leur esprit aura le droit de retourner sur la terre des
vice aux dépens d  ’autrui et gagner assez de puissance pour vivants. Bien entendu, elle ne précise jamais que ce sera
évoluer dans la hiérarchie des abonsams par exemple). sous forme de zombie… L  ’équipage affamé, dont les âmes

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 25

 vides ont soif d  ’être rassasiées, attaque donc les navires Les kishis
afin de pouvoir accomplir ce pacte maudit. Quiconque voyage en Ifri apprend qu  ’il faut toujours
Deux autres bâtiments battent actuellement pavillon demander aux étrangers qui approchent d  ’un feu de camp
brûlé. Cette petite flotte est au service du Bonsam, de montrer leur dos. En Théah, on pourrait prendre ça
corrompue par le pouvoir du démon, salie par le péché. pour une invitation à se faire poignarder, mais en Ifri, c  ’est
Un seul individu est parvenu à leur échapper. Il simplement une façon de prouver que l  ’on n  ’a pas à faire
prétend que le Vaisseau noir détient à son bord nombre à un kishi.
d  ’inestimables trésors, comme le sika  ’dwadu du royaume Les kishis prennent la forme de personnes sublimes,
de Mbey, mais également le Cœur du Bonsam, le parlent d  ’une voix mielleuse et peuvent faire fondre même
testament du deuxième Prophète ainsi qu  ’un peu d  ’eau le plus dur des cœurs. Cependant, si la créature arbore
du Mokele-Mbembe. une apparence avenante de face, de dos, c  ’est très différent.
Là, on perçoit clairement que la chose a le corps et la tête
Dan Ida Hwedo d  ’une hyène. Ladite tête repose sur les reins du corps
L  ’Ifri dispose d  ’un réseau de cavernes souterraines humain tandis que ses pattes sont accrochées aux épaules
semble-t-il infini. Celles-ci ne sont pas l  ’œuvre des rivières, et aux jambes. Ces changeformes peuvent se transformer
ni même des joks : une énorme créature ophidienne du en une hyène disposant d  ’un visage humain accroché à son
nom de Dan Ida Hwedo s  ’y est frayé un chemin. dos. Ce visage parle d  ’une voix douce afin de faire sortir les
Ce python est une mère, synonyme de fertilité et de plus naïfs de leur lit, puis de les conduire vers les ténèbres.
changement. Dans son sillage, les fleurs se mettent à éclore Les kishis voient l  ’humanité comme une source de
et les sols deviennent féconds. Lorsque la terre s  ’épuise nourriture, et cherchent rarement à interagir avec les
et que le peuple meurt de faim, les Ifriens vont déposer hommes en dehors de leurs chasses. Ce sont simplement
des offrandes de nourritures et de médicaments afin de des esprits de la faim et de la peur. La plupart préfèrent
l  ’attirer vers eux. Ils espèrent ainsi profiter des bienfaits chasser en solitaire, mais de temps en temps, ils forment
qu  ’elle sème sur son passage. Il semblerait que l  ’unique des meutes à même de terroriser des régions entières. Ces
objectif de la puissante mère ophidienne soit de répandre meutes travaillent parfois pour le Bonsam, qui leur fait
ses dons de vie et de fertilité à travers le continent. répandre terreur et souffrance dans une zone précise.
Dan Ida Hwedo converse rarement avec les humains, Lorsqu  ’il se nourrit, le kishi ingurgite toujours les
et quand elle le fait, elle utilise une forme d  ’empathie meilleurs morceaux par sa bouche de hyène. Certains
dénuée de mots qui rend impossible toute question. En d  ’entre eux dévorent les yeux, le nez, la langue, les
quelques occasions, elle récompense un Héros courageux oreilles et la peau de leurs victimes, et ce afin de se rendre
ou un guérisseur en lui faisant don d  ’une écaille. Ces imperceptibles aux sens associés. Ils ne s  ’emparent que
squames couleur arc-en-ciel ont la taille d  ’une assiette d  ’un sens à la fois et abandonnent généralement leur
et contiennent un peu du pouvoir de la créature. Les proie en vie. Nul ne sait s  ’il s  ’agit d  ’une obligation rituelle
puissantes potions qu  ’elles permettent de réaliser soignent ou simplement d  ’une façon de prolonger la souffrance
les blessures mortelles et les maladies les plus virulentes. de leur victime. Ce genre de kishi vise les villages isolés
Les légendes se contredisent quant aux origines de la bête. durant plusieurs mois, laissant dans son sillage nombre
Certains disent qu  ’elle fut créée par les joks, d  ’autres que d  ’ habitants mutilés.
c  ’est un dieu primaire qui existait avant le temps lui-même,
et d  ’autres encore qu  ’il s  ’agit de l  ’esprit incarné de l  ’ Ifri. Les
joks n  ’ont rien révélé sur le sujet, mais ils ont interdit aux très-
sages d  ’interagir avec, et même de faire usage de ses écailles.
Le Bonsam désire ardemment capturer, voire tuer,
Dan Ida Hweto, mais le serpent de terre continue de lui
échapper. Les abonsams ont ordre de trouver un moyen
de l  ’attirer dans un piège afin d  ’accélérer la mort de l  ’Ifri
et d  ’anéantir les joks. En effet, lorsque l  ’on s  ’attaque à la
mère ophidienne, on s  ’attaque à l  ’ Ifri même.

26 CHAPITRE 1 : PANORAMA DE L'IFRI

Ventre-aux-scorpions Interpréter Ventre-aux-Scorpions
Ventre-aux-Scorpions vient la nuit Mi-abonsam, mi-enfant mortel, Ventre-aux-Scorpion
Ventre-aux-Scorpions te poursuit est prisonnier d  ’un cycle de souffrance dont il ne peut
Ventre-aux-Scorpions s  ’accroche à toi s  ’échapper. Vous pouvez aussi bien le jouer comme une
Ventre-aux-Scorpions te piquera. victime que comme un Scélérat.
—Comptine. Ventre-aux-Scorpions représente une leçon à enseigner à
ceux qui sont tentés par la perfidie, de manière à les hanter
Chaque région a son croquemitaine, une histoire pour et les persuader de faire le bon choix. La créature offre
faire peur aux enfants, un conte pour avertir ceux qui des pièces d  ’or en échange d  ’actes de trahison, comme si
pourraient s  ’écarter du chemin de la vertu. En Mbey, c  ’est le péché d  ’autrui pouvait le délivrer de sa propre noirceur.
l  ’histoire de Ventre-aux-Scorpions qui remplit cet office.
De son vivant, on l  ’appelait Sidya. Il s  ’agissait d  ’un
garçon à l  ’aube de l  ’âge adulte qui avait grandi sur les
rives de la Mbey. Il avait trahi son village pour une
poignée de pièces, indiquant à des pilleurs maghrébins le
meilleur chemin pour traverser la rivière sans être vu. Les
attaquants se rendirent furtivement dans la bourgade. À
leur retour, les flancs de leurs chevaux étaient couverts du
sang de ses habitants. Lorsque Sidya tendit la main pour
avoir sa récompense, les pillards lui ouvrirent le ventre
et y fourrèrent pièces d  ’or et scorpions. Ils l  ’autorisèrent
à retourner à son village par le fleuve. Chaque pas était
signe d  ’une souffrance infinie, mais s  ’il laissait sortir les
scorpions, il perdrait son or dans les eaux de la Mbey.
On ignore s  ’il n  ’a jamais pu atteindre le village. Il n  ’y
avait plus de survivants pour le dire. Peut-être y parvint-il,
succombant aux cent piqures de scorpions au moment où
il s  ’effondra sur le cadavre de sa mère. Peut-être que non
et que, affaibli par le poison, il glissa et se noya dans le
fleuve. Peut-être vit-il encore, tenant à jamais son ventre
gigotant pour éviter que l  ’or n  ’en tombe. Les versions
varient selon qui raconte, mais elles servent chaque fois
l  ’objectif du conteur.
Nombreux sont ceux qui disent avoir personnellement
rencontré Ventre-aux-Scorpions dans la forêt ou sur
les rives boueuses d  ’une rivière, mais ce ne sont que
des histoires pour se glorifier et entretenir l  ’illusion du
courage. Ceux qui ont vraiment vu Ventre-aux-Scorpions
n  ’en parlent pas. Leur destin n  ’est pas fait de mots, mais
de cris, préludes à un silence infini.
Depuis que les premières Pierres du Bonsam ont été
brisées, un jeune homme apparaît parfois pour offrir aux
plus faibles une poignée d  ’or en échange d  ’un acte de
trahison. Ceux qui acceptent deviennent alors prisonniers
de sa poigne terrible, et des dizaines de pâles scorpions
s  ’échappent de la plaie suppurante qui orne le ventre de
l  ’inconnu…

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 27

Chapitre 2
La Kurufaba mandéniane
 LA KURUFABA MANDÉNIANE
Moi, Aïssata Diagho, fille d’Abdoulhamid et Moussa Diagho, servante
loyale des oris et fidèle d’al-Musawwir, déclare être un griot. Je suis la
gardienne de l’histoire de mon peuple et les arts du langage n’ont aucun secret
pour moi. Les récits des anciens souverains et des grands Héros vivront
toujours en moi. Je suis la mémoire de l’humanité et la voix du trône.
Je vois dans la Kurufaba mandéniane la plus grande Nation n’ayant jamais
existé. Nos richesses excèdent celles de tous les autres pays, et même le
moins chanceux des esclaves ou le plus pauvre des mendiants ne manque
pas de nourriture, d’eau ou de médicaments. Notre mansa est l’homme
le plus riche de la Terra. Nos États membres, l’Awkar, l’Igodomigodo, le
Manden et la Xwéda, enrichissent notre culture, et vice-versa.
Aujourd’hui, le mansa Kankan se lance dans le plus grand projet jamais engagé par
un gouvernement : la constitution d’une Kurufaba internationale, une assemblée
où siégeront les représentants de différents pays, tous œuvrant pour la paix, l’unité
et l’amour. Bien que nos idées soient nobles, le succès de ce projet dépend surtout
de notre propre grandeur d’âme. Écoutez-moi bien, et soyez témoin de notre
passé pour que vous puissiez prendre vous aussi votre place dans notre futur…
—Aïssata Diagho du Manden

30 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE


Histoire
Les griots disent que la Terra est née dans la Kurufaba
mandéniane, à Ajaka ou Katunga. Après qu’Aniyikaye eut
créé le monde, les oris se divisèrent en deux camps, chacun
ayant une idée bien arrêtée quant à ce qu’ils devraient
faire par la suite. Parce qu’ils étaient en désaccord, les
dissidents construisirent une deuxième cité. Ces deux
villes mythiques, voisines l’une de l’autre, devinrent des
siècles plus tard la capitale de l’Igodomigodo.
La Kurufaba mandéniane fut fondée bien plus tard par le
peuple d’Awkar. Ce premier grand empire ifrien réunit de
nombreuses cultures et États, et attira en son sein colons
et voyageurs.
Après que le deuxième Prophète fut devenu un martyr,
des réfugiés croissantins migrèrent au Manden. Ils y
apportèrent la sagesse des Prophètes et fondèrent la cité
d’al-Ghāba, haut lieu de savoir et de prière. Alors que la
culture mandéniane était essentiellement orale, les nouveaux
venus encouragèrent l’usage de l’écrit, mettant leurs accords
sur papier ou parchemin. Cette pratique, d’abord considérée
comme étrange, finit peu à peu par être acceptée de tous.
L’ascension des rois
Parmi les nyamakalaw (les artisans) mandénians se trou­
vait un maître numu (forgeron) du nom de Sumanguru
Kanté. Initié aux mystères de la sorcellerie, il se montra plus
puissant que n’importe quel démiurge avant lui. Il étudia
toutes les formes de magie, et parvint même à pousser sa
pratique plus loin que les sorciers dont parlaient les légendes.
Sumanguru souhaitait renverser le système de castes qui
divisait les Mandénians. Il ne visait cependant pas l’égalité
des citoyens, non, il voulait simplement diriger un empire.
Afin de parvenir à ses fins, il trahit son peuple. S’octroyant
des pouvoirs terribles venus d’un autre monde, il sacrifia les
chefs de neuf tribus et porta leurs peaux en guise d’habits.
Leur chair le rendit invulnérable à toute arme humaine. Les
lances rebondissaient sur son torse dur comme de la pierre,
il pouvait attraper les flèches en plein vol, ainsi que rugir
face aux projectiles pour les repousser. Tout-puissant, il
renversa le trône affaibli d’Awkar. Ses soldats dégradèrent
des monuments, firent s’effondrer des tours d’université et
brûlèrent tous les livres qui déplaisaient à leur maître.
Un jour, un Mandénian plus malin que les autres parvint
toutefois à apprendre son unique faiblesse.
Au Manden, le roi venait de mourir. Son iyalawo (devin)
décida qu’entre toutes ses épouses et ses descendants, ce serait
à Mari-Djata de lui succéder sur le trône. Cette décision fit
GLOSSAIRE DES MOTS
MANDÉNIANS
Un « w » final signale un pluriel. Il se prononce [ou].
ahosu : souverain de la Xwéda
alaafin : souverain de l’Igodomigodo
alagbato iya : garde personnelle du mansa
du Manden. Elle est uniquement constituée
de femmes.
assanyi : religion vénérant les oris. On dit
qu’ils entendent et exaucent les prières
quand cela leur chante.
Awkar : État de la Kurufaba mandéniane. Ses
habitants sont les Awkariens.
baale : vice-roi de la Kurufaba mandéniane,
en charge de diriger le Manden.
horon : caste des propriétaires terriens
et fermiers. Il s’agit de la noblesse de
la Kurufaba.
Igodomigodo : État de la Kurufaba
mandéniane. Ses habitants sont
les Igodomigodoiens.
jono : caste des serfs mandénians. Elle se
situe tout en bas de l’échelle sociale.
Manden : État de la Kurufaba mandéniane.
Ses habitants sont les Mandénians.
mandénien : langue de la
Kurufaba mandéniane.
mansa : titre désignant le souverain suprême
de la Kurufaba mandéniane.
nyamakala : caste des artisans.
sofas : soldats-serfs du peuple mandénian.
sultan : souverain de l’Awkar.
Xwéda : État de la Kurufaba mandéniane. Ses
habitants sont les Xwédans.
scandale, car ce dernier était peu attrayant, un véritable crime
pour les Mandénians qui jugeaient alors les individus sur leur
apparence. Cela fut encore bien pire lorsque le peuple apprit
qu’il ne pouvait se servir correctement de ses jambes depuis
sa naissance. Ses articulations, qui menaçaient de se rompre
à chaque instant, rendaient en effet toute forme de marche
difficile au bout de quelques pas sans bâton.
Faisant fi de la pression populaire, l’iyalawo insista pour qu’il
étudie les arts martiaux, comme ses prédécesseurs avant lui.
On entraîna donc Mari-Djata au maniement du sabre, de la
lance, du javelot et de l’arc. Son cœur et ses bras étaient très
puissants, et il pouvait utiliser un arc mieux que quiconque au
monde. On lui enseigna également l’art militaire, des anciennes
stratégies aux tactiques les plus récentes. Cependant, un talent
lui manquait : il ne savait pas monter à cheval.
Un jour, il dit à ses officiers : « Mettez-moi sur une selle et
je me joindrai à vous. »
CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 31
 Ses officiers restèrent interloqués. maître : en contrepartie de ses immenses
« Pardonnez-nous, sire, mais vous pouvez pouvoirs, il avait fait serment de ne jamais
à peine bouger vos jambes. Comment toucher de coq blanc.
pourriez-vous diriger un cheval ? » Lors de la bataille suivante, Mari-Djata
«  Je ferai de mon mieux, répondit le décocha au souverain une flèche décorée
souverain. Toutefois, prenez les meilleurs de plumes de coq blanc. Sumanguru
chevaux pour vous. Je me contenterai des perdit ses pouvoirs en une fraction
autres. Si je tombe, cela ne vous pénalisera pas. » de seconde. Le dirigeant du Manden le défit, puis le
Dans l’écurie royale se trouvait une jument katabi que pourchassa à travers la campagne. Il disparut dans les
nul ne pouvait monter. Les meilleurs cavaliers du Manden montagnes, et on ne le revit plus jamais. Aujourd’hui, de
s’y étaient essayés, mais elle ruait au moindre ordre. Mari- nombreux conteurs racontent qu’il y demeure toujours,
Djata se rendit compte que l’animal était doux et ne et qu’il attend son heure pour frapper.
répondait qu’aux effleurements. Le souverain, attaché à
sa selle, la dirigea alors en utilisant sa voix et ses mains La première kurufaba
plutôt que ses jambes. Devant des officiers admiratifs, il Victorieux, Mari-Djata invita les quatre dirigeants des
parvint à amadouer sa monture. Très vite, il put galoper États voisins dans la salle du trône qui avait jadis hébergé
avec elle, et sa subtile technique de monte se répandit à les favoris et les familiers de Sumanguru Kanté. Quatre
travers toute l’Ifri occidentale. griots s’assirent avec eux, esquissant les prémices d’une
Néanmoins, en dépit de tous ces talents, chaque fois que kurufaba aujourd’hui âgée de quatre siècles.
Mari-Djata affrontait le terrible Sumanguru Kanté, il ne L’Awkar possédait un robuste réseau commercial
parvenait pas à le vaincre. ainsi qu’une grande culture spirituelle, mais demeurait
vulnérable aux invasions. La Xwéda, enfouie sous la forêt,
La chute ne disposait que de peu de ressources mais offrait une
Néanmoins, si Sumanguru Kanté était invincible, il n’en frontière défendable et une véritable sagacité militaire.
allait pas de même de son armée, régulièrement défaite par L’Igodomigodo, quant à elle, avait un gouvernement
les soldats du Manden. Fâché par les échecs de ses troupes, bien organisé et une armée puissante, mais elle s’avérait
le numu envoya un groupe de sorcières s’en prendre à trop fière et fragile face à l’ascension de souverains
Mari-Djata. Il leur interdit de revenir avant d’avoir déchu tyranniques. Le Manden, enfin, avait accès à d’importantes
le souverain. richesses mais manquait de la culture et des institutions
Les sorcières l’attirèrent à elles en pillant les cultures du gouvernementales des autres pays.
Manden. Au lieu de les chasser violemment, Mari-Djata Grâce à la kurufaba, les quatre États pouvaient se
vint discuter avec elles, insistant pour qu’elles emportent protéger les uns les autres, compenser leurs faiblesses
autant de nourriture que nécessaire. Étonnées par la et partager leurs forces. Au cours de cette réunion, les
bienveillance de ce jeune roi, elles trahirent Sumanguru souverains présents se jurèrent que la confédération du
Kanté et confièrent à Mari-Djata l’unique faiblesse de leur Manden existerait pour toujours.

L’aventure dans la Kurufaba mandéniane

Le Manden est une coalition de plusieurs États qui disposent
d’une grande expérience de la diplomatie internationale. Ici,
plus qu’ailleurs en Ifri, les Héros louvoient dans les sphères
de la politique et des machinations sournoises.
La véritable menace vient des conflits internes. Les États
membres cherchent en effet à exploiter les faiblesses des
autres afin de prendre le contrôle de la confédération. Les
dignitaires des Nations étrangères situées par-delà les mers
signent des contrats commerciaux lucratifs, tout en essayant
de contourner les lois protectionnistes du pays. Rendez-vous
mystérieux et missions secrètes sont à l’ordre du jour (et de la
nuit). Les Héros habitués aux rusés courtisans de la Montaigne
trouveront la Kurufaba mandéniane tout aussi piégeuse, et
même davantage, car les enjeux sont d’ordre international. Le
réseau commercial de la coalition ayant des liens avec toute l’Ifri,
les intrigues n’affectent pas qu’une seule Nation.
La Kurufaba mandéniane est un lieu plus serein que le
Khémet ou le Royaume de Mbey, mais sous son vernis de
stabilité se niche une tension constante. Les ouvriers agricoles,
mécontents de l’arrivée de réfugiés du Deuxième peuple

32 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE

mbeyen, rechignent à payer leurs impôts, car ils pensent qu’ils Société
reviennent aux étrangers. Les soldats d’Igodomigodo, quant à Castes et organisation sociale
eux, brûlent d’agir contre le souverain de la coalition. Et puis,
Certes, tous les peuples du monde accordent de
bien sûr, il y a la Compagnie commerciale atabéenne, la Ligue l’importance à la famille, mais dans la Kurufaba
de Vendel ainsi que les diplomates montaginois et vodaccis mandéniane, cet aspect prend une ampleur
qui font pression pour obtenir plus d’accords, de richesses etbien particulière.
de contrôle sur la côte. Les liens du sang ont en effet une place déterminante
Ici, les Héros doivent rester prudents. Répondre au défi dans la société mandéniane, aussi bien dans la vie publique
d’un soldat de la noblesse exige d’être versé dans les arts que privée. Ici, lorsque l’on postule pour un emploi, on est
militaires, et louvoyer en mer diplomatique demande interrogé sur son expérience de travail, mais également
beaucoup de finesse. Tout Héros emporté par la vague son quotidien, ses relations ainsi que le rôle que la
de ces négociations peut se retrouver à lutter contre famille a joué dans son éducation ; et si en théorie, vous
l’émergence d’une guerre civile. pouvez choisir librement quoi faire de votre vie, vos
parents et votre clan ont tout de même pour devoir de
Jouer un Héros mandénian vous enseigner le « métier familial. » Cette philosophie
Un Héros mandénian profitera d’un niveau de vie aisé et explique notamment la grande importance accordée aux
d’une culture foisonnante, ce qui lui donnera moult occasions dynasties impériales.
de s’adonner à l’art, l’artisanat et d’avoir divers hobbys. L’intégralité de la société mandéniane est structurée
Les Héros mandénians ont des origines multiples. Ils autour d’un système de castes bien antérieur au règne
ont l’habitude de croiser beaucoup d’étrangers du fait de Mari-Djata. Toutes sont relatives à un ensemble
des cercles diplomatiques et des nombreux voyageurs de professions, et toutes reposent sur une puissante
(ou réfugiés). Très fier de la culture et la richesse de sa dynamique oppressive.
kurufaba, un Héros mandénian peut se montrer généreux, Il existe trois castes principales :
déterminé à aider moins fortuné que lui.
Un Héros mandénian peut être : • Les horonw occupent traditionnellement
• un griot , c’est-à-dire un poète et conteur les fonctions de fermiers, éleveurs de bétail,
itinérant qui transmet les nouvelles, répand chasseurs et pêcheurs. Récemment, les prêtres
l’espoir chez les moins favorisés et tire toujours dīnistes et les officiers militaires ont rejoint les
des informations utiles des légendes ; rangs de cette caste ;
• une guerrière igodomigodoienneissue d’une • Les nyamakalawsont notamment constitués
longue tradition militaire, excellente au combat de numuw (forgerons), griots (bardes), garankéw
monté et assoiffée de gloire ; (tanneurs) et funéw (prédicateurs itinérants
• un prêtre assanyiqui vénère les quatre cent un dīnistes) ;
anciens esprits de la Kurufaba et sert d’intermédiaire • Les jonow comprennent tous les servants et
avec ceux d’entre eux qui habitent les vivants et autres dépossédés, y compris les sofas.
partagent des pouvoirs avec leurs hôtes ;
• une sofa, c’est-à-dire un soldat-serf qui a renoncé Les mariages intercastes sont très rares. Lorsque cela
à son désir de liberté pour assurer la sécurité de la arrive, les époux doivent choisir d’un commun accord leur
Kurufaba ; caste d’appartenance.
• un enfant des oris, né de l’union d’un mortel et d’un Il n’existe pas de loi interdisant à une personne d’exercer
esprit, disposant de grands pouvoirs mais également une activité associée à une autre caste que la sienne. Tous
d’une mystérieuse destinée à accomplir ; les Mandénians cultivent la terre, chassent, pêchent,
• une dirigeante haut placéede la Kurufaba tannent, etc. Contrairement à la Théah, où les guildes
mandéniane qui a tout appris de la politique tiennent secrètes leurs connaissances et œuvrent pour
des nombreuses Nations et sait les secrets qui empêcher le peuple de pratiquer leur cœur de métier sans
peuvent conserver la paix, ou mener à une guerre autorisation, les Mandénians peuvent librement s’adonner
qui franchira les frontières des océans. à leurs loisirs et leurs affaires.

CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 33

 Les horonw : la caste des nobles
Historiquement, toutes les castes de cultivateurs, chas­seurs,
pêcheurs et éleveurs de bétail font partie de la noblesse.
En effet, dans la Kurufaba, on considère que si quelqu’un
dépend de vous pour manger, alors il est votre vassal.
Ces derniers siècles, les soldats (hors sofas), marchands
et prêtres dīnistes ont gagné le droit de devenir des horonw.
Auparavant, les plus anciennes castes accomplissaient ces
tâches en plus de leur fonction première. Leur soudaine
apparition dans l’espace public mandénian—ainsi que leur
ascension aux plus hauts rangs de la société—a contrarié
et déstabilisé les nyamakalaw et les jonow.
Un Héros horon pourra être un important marchand,
ou venir d’une famille possédant des fermes prestigieuses.
Il pourra être doué à la chasse ou même instruit dans les
arts de la guerre.
Les nyamakalaw : la caste des artisans
«  Nyamalaka  » signifie littéralement «  manipulateurs
de nyama, » une énergie universelle et omniprésente. Le
maître le plus doué de chaque corps de métier pratique
toujours une version magique de son art.
Bien qu’égales sur le principe, certaines castes d’artisans
peuvent tout de même avoir plus ou moins d’influence
dans la société : les numuw aiment par exemple jouir d’une
grande puissance politique, quant aux griots, ils occupent
souvent des postes privilégiés au gouvernement. Les funéw,
eux, suscitent le plus souvent la pitié des mandénians :
généralement pauvres, ils n’ont le droit qu’à des travaux
ingrats ou risqués pour gagner leur vie.
Les numuws
Les numuw sont les nyamakalaw les plus puissants sur le
plan diplomatique. On ne peut pas attaquer un ennemi
sans soutien militaire, donc on ne peut pas faire la guerre
sans ces artisans pour forger les pointes de lance et les
éléments de mousquet.
Ògún—l’ori de l’acier, des armes à feu et de la guerre—est
le saint-patron des numuw. La légende raconte qu’il envoya
jadis le numu Fanta Traoré en pèlerinage jusqu’en Cathay
pour y apprendre les secrets des fabricants de poudre.
Un Héros numu connaît parfaitement les armes de
guerre, et sait aussi créer et réparer les objets nécessaires
au quoti­dien  : clous, seaux, fers à cheval, outils de
ferme, etc. Cela explique pourquoi nombre de soldats
professionnels appartiennent à la caste des numuw.
34 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE
Les griots
Un griot est un orateur, chanteur et musicien chargé
de mémoriser et réciter des bibliothèques entières
d’informations sur des sujets aussi divers que l’histoire, la
politique ou la vie publique.
Les griots apprennent les chansons et les danses tradi­
tionnelles de chaque caste. Ils utilisent de nombreux instru­
ments pour les interpréter, le plus célèbre étant le balafon,
un gros xylophone fabriqué à partir de gourdes vides, trop
imposant pour être transporté. Chaque village mandénian
possède son propre balafon dans une salle de musique, ce pour
quoi on désigne les lieux extrêmement pauvres en disant qu’ils
n’ont « même pas un balafon. » Avec les membres du clergé
dīniste, les griots sont à la base de l’éducation mandéniane.
Un Héros griot pourra être apprenti, ou bien nomade
accompli, protecteur et pourvoyeur de la culture et l’histoire
orale. Il pourra également servir son pays en s’engageant
dans l’armée de la Kurufaba, auquel cas il sera en charge de
missions de communication.
Les garankéw
Tous les Mandénians savent tisser, teindre et coudre,
mais la tannerie relève le plus souvent du devoir des
garankéw. Dans la Kurufaba mandéniane, les objets de
cuir s’avèrent cruciaux pour beaucoup d'aspects de la vie
quotidienne, de l’équipement équestre aux armures légères
(plus populaires que celles en métal sous ces latitudes
quasi équatoriales) en passant par les chaussures ou les
carquois pour les flèches. Les garankéw constituent les
plus nombreux des nyamakalaw.
Un Héros garanké pourra aisément réparer ou créer
de magnifiques et solides objets de cuir. Il possédera de
plus un talent spécial appartenant à sa famille depuis
des générations.
Les funéw
Les funéw sont des prédicateurs dīnistes itinérants. Ils
ont pour mission de répandre l’enseignement de l’al-dīn
partout dans la Kurufaba, et notamment en dehors des
mosquées, des madrasas et des grandes villes. Ils guident
également les pèlerins jusqu’à l’Empire du Croissant, ce
qui était bien plus facile avant que la côte nord-est ne
devienne aussi dangereuse à naviguer.
Parce qu’essentielle à la société, leur activité est
gratuite. En conséquence, leur qualité de vie repose sur
l’imprévisible générosité du peuple. Afin de survivre, un
funé accomplit généralement des travaux dont personne
ne veut, ou bien occupe un poste qui manque à une caste même section de sofas de contrer une charge de cavalerie,
dans un domaine précis. On notera que contrairement aux puis de faire pleuvoir des flèches sur l’ennemi avant de
autres castes, les funéw ne fournissent pas de troupes pour construire des remparts. Cela induit que la plupart des
l’armée de la Kurufaba, car leur service est entièrement sofas ne sont jamais très doués dans un domaine en
dévoué à l’al-dīn. particulier, mais leurs rares vétérans peuvent revêtir une
Un Héros funé pourra être pauvre sur le plan financier, très grande importance dans l’effort de guerre mandénian.
mais riche sur le plan spirituel. D’ordinaire doué pour Ces compagnies, à même d’occuper n’importe quelle
diverses choses grâce à son existence itinérante, il sera fonction dans une bataille, rendent en effet les longues
capable de réparer les fers à cheval, raconter des histoires campagnes plus viables, et de tels soldats réagissent mieux
et fabriquer des petits objets en cuir. à l’imprévu que n’importe quelles autres troupes.
Les jonow ont souvent très envie de se distinguer sur le
Les jonow terrain, rêvant d’un moment héroïque qui les catapultera
Les jonow sont tout en bas de l’échelle sociale. Les au statut d’horon et de soldat professionnel. Dans les faits,
étrangers traduisent parfois « jono » par « esclave », mais de telles opportunités sont rares. Les maîtres n’apprécient
les choses ne sont pas si simples. Leurs styles de vie sont guère de voir leurs combattants leur filer sous le nez, et en
en effet très variés et tous possèdent des droits inaliénables. général, les jonow meurent au front pour une cause dont
Les dépossédés—ou socialement embourbés—qui n’ont ils n’ont rien à faire. Bien que passibles d’exécution, les
pas la chance d’avoir les bonnes relations pour les aider se désertions massives se produisent fréquemment.
retrouvent le plus souvent dans cette caste. Ce statut est Dans la Kurufaba, devenir esclave de la Compagnie
héréditaire par défaut, bien qu’un jono puisse tout à fait y commerciale atabéenne est un destin considéré comme
échapper en s’élevant dans une autre caste grâce à un haut pire que la mort. Il est malheureusement plus que
fait militaire, en économisant beaucoup d’argent ou encore probable pour les sofas, encore plus que pour les
en se distinguant par service rendu à la Kurufaba. autres guerriers.
Un Héros jono rêvera d’une vie meilleure après son Un Héros sofa pourra avoir déserté sa compagnie militaire,
service militaire, ou bien il mènera son petit commerce ou être un chef de compagnie songeant à la fuir sa condition.
de manière à économiser assez pour accéder à la liberté.
La crise des réfugiés
Les sofas, les soldats-esclaves La Kurufaba mandéniane est, selon les standards de
Historiquement, lorsque la guerre était réduite à des la Terra, un lieu de vie très agréable. Les gens y sont
affrontements entre petits bataillons entraînés, les jonow incroyablement riches, au point que même le plus pauvre
ne se retrouvaient jamais directement impliqués dans les des esclaves ne mourra jamais de faim. Malheureusement,
combats, et ce même s’ils lorsqu’ils accompagnaient des les récents conflits avec le Royaume de Mbey y ont amené
officiers en tant que serviteurs, cuisiniers, porteurs ou des milliers de réfugiés qui se sont installés le long des
autre. À cette époque, il était en effet inconcevable qu’un frontières de la confédération.
simple jono puisse tuer un fier guerrier. Ces réfugiés sont stigmatisés par presque toutes les
Le dernier combat entre Mari-Djata et Sumanguru strates de la société mandéniane. Par défaut, ces derniers
Kanté prouva toutefois l’efficacité supérieure des armées finiront donc chez les jonow. Ils auront assez d’argent et
plus massives. Cette bataille mena à la création d’une de nourriture pour vivre, mais resteront des citoyens de
conscription beaucoup plus large, dotée d’une nouvelle troisième classe. Même ceux qui ont une bonne éducation
subdivision réservée aux jonow : les sofas, ou soldats-serfs. ou sont spécialisés dans un domaine ont du mal à se faire
Les sofas ne sont que peu entraînés. La plupart des accepter chez les nyamakalaw et les horonw. Après tout,
horonw leur fournissent des lances ou des arcs bon un réfugié peut bien se faire tanneur, cela ne fait pas de
marché, et se contentent de leur dire quel officier suivre lui un garanké.
afin d’être envoyé quelque part pour mourir. Étant donné qu’ils procurent à manger à tout le monde,
Les sofas constituent également l’exception à la règle les horonw doivent travailler plus dur pour nourrir
de spécialisation des corps de métier dans l’armée les réfugiés, qu’ils voient donc généralement comme
mandéniane. Les gradés peuvent ainsi demander à une des profiteurs.

CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 35

 Culture et coutumes
La famille est primordiale dans la Kurufaba mandéniane,
et elle est inextricablement liée à l’identité du clan. Tout
Mandéinan peut perdre la face sur une mauvaise décision.
Cela explique pourquoi les questions importantes—quel
métier exercer, qui épouser—sont généralement prises
en discutant avec sa famille. Ce faisant, la Kurufaba est
un endroit difficile pour les esprits libres, qui finissent
irrémédiablement par se tourner vers l’université, le
clergé ou le commerce afin d’échapper au poids des
attentes familiales.
Dans la Kurufaba, tous les citoyens sont polygames. Il
s’agit d’un moyen pratique pour équilibrer les relations
familiales et personnelles au sein du mariage. Parfois,
afin d’éviter l’émergence de tensions—et pour le bien des
enfants—l’une des épouses dirige seule toute la famille.
Une ou deux fois par semaine, de grandes fêtes et festivals
publics sont organisés. Ils peuvent tour à tour concerner le
commerce, la religion ou la famille. Tous les membres de
la société mandéniane y participent, chantant et dansant
ensemble sans distinction de caste, profitant de l’occasion
pour rendre hommage aux ancêtres. Il existe des danses—
notamment celles évoquant Mari-Djatas—explicitement
prévue pour ceux qui ont des handicaps physiques.
Certaines musiques ou danses appartiennent à une caste
en particulier, et seuls les griots peuvent en reproduire
les chorégraphies les plus techniques. À ces notables
exceptions, tous les morceaux populaires sont « libres. »
Un Héros étranger présent à ce genre d’événement se
retrouvera à apprendre des pas ou des paroles qu’on lui
enseignera avec patience et diligence. Les Mandénians
vont ainsi souvent ignorer vos protestations si vous
essayez d’éviter de danser ou de chanter.
L’une des caractéristiques des fêtes mandénianes—et
particulièrement des festivals religieux—est que les corps
des participants peuvent y être possédés par les oris ou
les esprits des ancêtres. Le plus souvent, ces derniers
sélectionnent une personne ayant grandi dans la religion
assanyi, mais parfois, ils s’emparent d’un visiteur sans
raison précise. Tout individu possédé devient dès lors
l’esprit qui le possède. Ainsi, quand « Mariam la fille de
ferme » est possédée, elle n’est pas « Mariam la fille de
ferme qui fait semblant d’être le roi Jakuta. » Non, elle
devient « le roi Jakuta. » Tous les présents, et surtout
36 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE
l’esprit, se montreraient offensés si quelqu’un la traitait
encore comme une fille de ferme. Ce n’est pas une question
de foi, il s’agit simplement de politesse. Dans tous les cas,
lorsque l’esprit repart, l’hôte (probablement plus saoul
qu’avant) n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant
la possession.
Habitudes vestimentaires
Dans la Kurufaba, tous les vêtements sont un délice pour
les sens. Du fait de la richesse générale du peuple, les plus
belles étoffes habillent le commun de la population. Les
Mandénians les plus riches n’ont aucun mal à faire venir
de luxueux tissus du monde entier. Il n’est donc pas rare
de croiser des gens vêtus de soie et de velours importés à
grand frais.
Ici, hommes et femmes couvrent leur corps d’habits
pareils à des caftans que l’on appelle grandmuba. Très
amples, ils donnent l’impression que les Mandénians sont
tous très gracieux. Ils se déclinent en couleurs vives, et
certains sont fabriqués dans un coton spécial pouvant être
brodé d’or. Les robes longues et douces sont également
très populaires. D’ordinaire, elles sont blanches, pourvues
d’écharpes colorées à la taille, et arrivent aux genoux.
Les couvre-chefs sont eux aussi très importants, de
même que les bijoux en coquillages. Les tresses et
autres circonvolutions capillaires sont ornées de pierres
précieuses. De sublimes foulards de tête noués avec talent
sont enfin assortis aux grandmubas.
Contrairement aux autres Nations d’Ifri, les Mandénians
sont cosmopolites, réactifs et rapidement blasés par la
nouveauté. Un Vodacci ou un Castillian qui penserait les
émerveiller avec une tenue « étrangère » sera surpris de
s’apercevoir que les Mandénians ont précédemment vu les
habits en question, et savent même déjà qu’ils sont passés
de mode !
Langue
La langue principale de la Kurufaba est le mandénien, le
langage indigène du Manden originellement parlé sur les
rives de la Kwara. Outre cette base commune, les dialectes
varient énormément d’un endroit à l’autre, en fonction des
aires urbaines et rurales, qu’il s’agisse du mandénien, de
l’awkari ou du xwédan.

Éducation
La Kurufaba mandéniane n’est rien de moins que la
Nation la plus riche du monde. Les Mandénians ont
épuisé les mines d’or et de sel qui abondaient jadis sur
leurs terres, mais ont également investi au fil des siècles
et géré des affaires qui leur ont assuré de toujours être en
avance sur l’inflation et les concurrents étrangers.
En conséquence, les Mandénians ne manquent ni de
soins, ni de logement, ni de nourriture, ni d’éducation.
La Kurufaba mandéniane dispose ainsi d’une excellente
éducation publique, dont le fonctionnement est basé sur
l’implication de chacun. Les griots et les funéw enseignent
les disciplines les plus importantes aux enfants ; parmi les
savoirs universels figure aussi la confection de vêtements
basiques, c’est-à-dire le tissage, la couture et la teinture
(d’autant que les textiles représentent d’importantes
ressources commerciales pour le pays). La famille est
quant à elle responsable de l’éducation des enfants
aux traditions des castes, ce qui va des compétences
professionnelles aux chansons et danses traditionnelles.
Jusqu’à l’université, les mathématiques, la théologie
et toutes les autres disciplines sont entièrement
enseignées à l’oral. Chansons, danses et autres moyens
mnémotechniques remplacent les livres. En conséquence,
le taux d’alphabétisation est bas dans presque toute la
Kurufaba (exception faite de l’Awkar). Les Mandénians
n’apprennent généralement à lire et à écrire que s’ils
bénéficient d’une éducation poussée, à l’université dīniste
par exemple. Les langues sont souvent transcrites à
l’aide d’un mélange d’alphabet katabique et de glyphes
adinkras awkari.
L’AL-DĪN MANDÉNIAN
La religion d’État de la Kurufaba mandéniane
est l’al-dīn. Tous les Mandénians vous diront
qu’ils vénèrent al-Musawwir. Dans les faits,
les pratiques dīnistes ne sont cependant
suivies qu’en ville. Les ruraux, quant à eux,
tendent à développer des pratiques locales
issues de ce qu’ils ont compris des enseigne-
ments des funéw.
Quelques pratiques sont tout de même
communes partout dans la Kurufaba :
l’ivresse publique est presque inexistante,
des prières en direction de Thaj (où est mort
le Prophète Khalil) ont lieu chaque jour, et
la plupart des Mandénians aspirent à se
rendre en pèlerinage jusque dans l’Empire
du Croissant.
Religions
Pour saisir ce qu’est la religion—et par extension toute la
société—de la Kurufaba, vous devez d’abord comprendre
ce qu’est le nyama.
Ce mot renvoie à une énergie présente en presque tout.
Elle peut être positive ou négative, lumineuse ou sombre,
active ou passive. Toute interaction avec ce monde (ou
les autres) peut être décrite en termes de nyama. Parfois
perçu comme une substance physique, le nyama n’est
toutefois pas considéré par les Mandénians comme une
« chose » que l’on peut arracher.
Les nyamakalaw l’utilisent lorsqu’ils travaillent. Il s’agit
de quelque chose d’habituel, totalement accepté par la
population mandéniane. Paradoxalement, les sorciers
sont craints, et même parfois considérés avec suspicion du
fait de leur capacité à agir directement sur le nyama. Cela
explique pourquoi les sorciers mandénians dissimulent
généralement leur pouvoir au plus grand nombre (c’est à
dire à tout le monde exception faite de leur famille et des
initiés qui pratiquent déjà leur art).
Les Mandénians croient également que chaque être
humain possède deux âmes, un ni et un dya. Le ni vient
des Cieux et y retourne après notre mort, tandis que le
dya—qui peut quitter le corps et se promener pendant
notre sommeil—demeure à l’endroit où l’on est mort
jusqu’à ce que quelqu’un l’en chasse avec les bons rituels.
Le dya se métamorphose alors en ancêtre, un esprit que
les descendants peuvent invoquer pour demander conseils
ou informations.
CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 37
 Étant donné que les Mandénians mélangent ces idées Appâtés au moyen d’offrandes de nourriture, d’alcool et
avec celles de l’al-dīn et de l’assanyi, les concepts de ni et
autres denrées comestibles, ils apparaissent lors des fêtes
dya peuvent avoir d’autres significations. Ainsi, de nos en compagnie des dya des ancêtres et répandent sagesse
jours, nombreux sont ceux qui croient que le ni vient d’al- et joie de vivre.
Musawwir, retournant au Créateur après la mort, tandis Lorsqu’un humain naît, trois oris réclament son dya,
que le dya représente la part de notre âme appartenant promettant de veiller sur lui et de guider son existence. Ils
aux oris. viennent en personne, toujours par trois et dans un ordre
Les étrangers, qu’ils soient Théans ou Croissantins, se précis. Si ce n’est pas le cas, les prêtres lancent des noix de
perdent souvent dans ce système de croyances parallèles. cola pour déterminer quel ori sera lié au nouveau-né.
Le fait est que les Mandénians pensent que les oris et Il est important de comprendre que les oris ont un
al-Musawwir occupent des places différentes au sein intérêt réel pour la vie des humains. Ils font davantage
de leur existence. L’al-dīn est la religion d’État, celle desque posséder leur hôte et communiquer avec les mortels :
cérémonies publiques et des savoirs élevés. L’assanyi ils en profitent pour avoir des relations charnelles et semer
représente quant à elle le culte des familles, de la des demi-dieux dans toute la Kurufaba mandéniane (et
maison, des rassemblements privés, de la médecine et surtout en Igodomigodo). Lorsque cela arrive, les enfants
de la sorcellerie. L’une n’empiète jamais sur les plates- ainsi engendrés se trouvent démunis face à la puissance
bandes de l’autre, car chaque religion vise des choses divine qui coule dans leurs veines.
fondamentalement différentes (un peu comme travail et Les familles royales d’Ajaka et Katunga disent provenir
vie personnelle). Il existe d’ailleurs un proverbe mandénian directement des oris, chacune prétendant être le quatre-
qui pose cette question rhétorique : « Entre la voie d’al- cent-unième descendant des quatre cent un oris. La
Musawwir et celle des oris, laquelle guide l’autre ? » guerre entre l’Igodomigodo et le Manden, au siècle
dernier, débuta lorsqu’un roi issu des deux familles royales
L’assanyi parvint à monter sur le trône. Ce souverain quelque peu
La religion la plus pratiquée dans la Kurufaba mandéniane égocentrique prétendit avoir un droit divin au règne sur
est l’assanyi, le culte des oris. Ces derniers représentent tout l’Igodomigodo, mais aussi sur le monde entier…
l’essence de l’Ifri, depuis toujours et à jamais…
Les plus anciennes traditions religieuses disent Nous déchargeâmes notre “cargaison“ à quelques lieues de
que l’univers est né à Ajaka-Katunga, la capitale de Djem. Nous pouvions voir les lumières luisantes des Feux
l’Igodomigodo. C’est là qu’Aniyikaye descendit des fantômes et entendre le battement rythmé des tambours.
Cieux par l’iworo’won afin de répandre l’Ashe à la surface Gulema et A’isha déballèrent le “colis,“ qui se releva et
des eaux. Les oris qui vinrent après lui se dispersèrent nous remercia. J’ignorais pourquoi le très-sage souhaitait
à travers le monde pour s’installer dans les mers, les voyager ainsi. Il nous demanda d’attendre un peu plus en
rivières et partout sur la Terra, des noix de cola utilisées amont de la rivière, où un nouveau membre d’équipage nous
pour la divination jusque dans les maladies qui touchent rejoindrait. Je lui répondis que moi seul pouvais décider de
les humains. qui montait à bord du Yemoja ! Il me sourit et rétorqua :
Les oris sont présents dans la vie quotidienne des “Bien sûr. Et c’est ce que vous ferez, capitaine“.
Mandénians, dans les festivals et pendant les possessions. —Capitaine Kayode Bonsu, 1668.

38 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE

Gouvernement
Afin de maintenir en place son vaste territoire et son
économie, la Kurufaba mandéniane utilise un système
bureaucratique complexe dérivé de l’organisation
gouvernementale igodomidoienne. Nombreux sont ceux
qui le trouvent paternaliste et étouffant, mais le fait est
qu’il fonctionne.
La plus haute autorité de la confédération est le mansa.
Ce titre est héréditaire depuis Mari-Djata. De son trône
dans le palais fédéral de Nianiba, il règne sur chaque
personne et lieu de la Kurufaba. Il est dirigeant de droit
divin, descendant de Mari-Djata et champion d’al-
Musawwir. Grâce à plusieurs mariages avec la famille de
l’alaafin d’Igodomigodo, il descend également des oris.
Son trône est l’un des sika’dwas que les joks ont donnés
aux humains.
Bien que l’autorité du mansa soit suprême, elle repose sur
un ensemble de subordonnés. La maisonnée personnelle
du souverain comprend :
• le capitaine de l’alagbato iya («  les mères
protectrices », la garde royale) ;le châtelain du
Palais fédéral, responsable de l’entretien des lieux,
des loisirs du mansa ainsi que des dignitaires
en visite ;
• le trésorier royal ;
• l’imam, un clerc dīniste ;
• le babalawo (homme) ou l’iyalawo (femme), un
devin assanyi ;
• les épouses et reines consorts (interdites de
polygamie, contrairement à presque toutes les
autres femmes mandénianes) ;
• le griot royal.
Le mansa dispose également d’un cabinet comprenant :
• un maréchal, commandant en chef de l’armée de
la Kurufaba ;
• un ministre du Commerce ;
• un secrétaire d’État aux Affaires étrangères ;
• un secrétaire à l’Éducation ;
• un ministre de l’Agriculture, qui représente les
horonw ;
• un ministre des Métiers, qui représente les
nyamakalaw ;
• un tribun représentant les jonow.
Bien que le mansa ait tout pouvoir sur le cabinet,
certaines lois permettent aux ministres de passer outre
ses décisions lorsque cela concerne leur propre champ
d’expertise. Évidemment, utiliser ce genre de véto
peut provoquer des conflits avec le souverain, pour le
dire gentiment…
Au même niveau que le cabinet mais avec des
responsabilités différentes, on trouve quatre diri­
geants d’État, chacun maintenant sur ses terres un
gouvernement idiosyncrasique :
• le mansa délègue la gérance du Manden à un baale,
ou vice-roi. Il s’agit d’une tradition empruntée à
l’Igodomigodo. Le baale est généralement élu,
même si l’importance des lignées familiales en
politique fait que les dynasties traditionnelles
s’arrogent presque toujours ce poste ;
• l’ahosu règne sur la Xwéda. La population y est
moins nombreuse que dans les autres États de la
Kurufaba mandéniane, mais elle la dirige d’une
manière plus directe et moins bureaucratique,
avec un nombre réduit d’intermédiaires. Tous
les Xwédans sont ses vassaux directs ;
• l’alaafin d’Igodomigodo dispose quant à lui d’un
système bureaucratique important qui ressemble
beaucoup au gouvernement de la Kurufaba. Cela
lui permet de déléguer facilement ;
• Avant la conquête de l’Awkar par Sumanguru
Kanté, le sultan était théoriquement le vassal
de l’Empereur du Croissant. Il n’avait toutefois
aucune relation diplomatique avec ce dernier.
Depuis Sumanguru, ce lien a été coupé et
le sultanat est devenu relativement faible,
dépendant entièrement de la Kurufaba pour
subsister. Le sultan, pièce la plus importante
du système politique awkarien, n’est ainsi qu’un
simple pion.
Le mansa nomme un vizir pour « conseiller » chacun
de ces dirigeants. Il a pour mission de garder un œil sur
les décisions prises et de rapporter au mansa tout ce qui
semble suspect. Ce faisant, les souverains se trouvent
contraints à des choix qui favorisent la confédération, ou
le mansa.
CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 39
 Des assemblées de chefs se réunissent une fois par an,
en hiver. S’ils veulent être entendus du gouvernement,
ces chefs—de clans ou de tribus, de petite ou grande
taille—doivent venir en personne ou envoyer un griot les
représenter sur place. Les maîtres et les aînés de chaque
caste y sont également présents.
Vous vous dites probablement que tout cela est complexe.
Effectivement, les Mandénians aiment se spécialiser, et
leur système politique reflète leur tendance à diviser
les tâches entre différents experts afin de s’assurer que
chaque chose est bien faite. Il s’agit sûrement de la forme
gouvernementale la plus efficace pour administrer une
confédération aussi vaste, aux ethnies très variées.
Il y a tout de même un souci : la plupart des membres
du gouvernement ne sont pas surveillés. Si un gouverneur
est incompétent, cela ne pose pas de problèmes : il y a
suffisamment de strates hiérarchiques pour qu’il finisse
par comprendre ce qu’il doit faire. Cependant, si un
gouverneur est corrompu, fourbe ou Scélérat, rien ne
peut l’empêcher d’agir. En effet, exception faite des lois
qui délimitent son pouvoir—et encore, pas toujours
efficacement—un gouverneur a toute autorité sur ceux
qui lui doivent obéissance. Il peut donc vous jeter devant
un peloton d’exécution si vous lui déplaisez, échouez à
votre tâche, ou si vous vous élevez contre ses objectifs ou
découvrez un crime de son fait.
40 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE
Monnaie
La monnaie mandéniane est un carré d’or qui représente
les quatre États unifiés. D’un côté, la pièce est frappée
du «  Boa Me Na Me Mmoa Wo  », le terme adinkra
symbolisant la coopération et l’interdépendance. De l’autre,
on voit le profil de Kankan.
Fabrication, distribution et régulation ont lieu sur Traore,
une forteresse située à une trentaine de kilomètres de
Nianiba, la capitale. C’est ici que l’or est transformé en
monnaie. La population y est donc très surveillée et ses
allées et venues sont toujours contrôlées.
Alors que les autres Nations d’Ifri rejettent les monnaies
étrangères, la Kurufaba mandéniane, elle, les accepte,
allant même jusqu’à encourager cette pratique. Après
tout, qu’elle soit d’or ou d’argent, une pièce permet
toujours d’acheter quelque chose. Au pire, les gens
l’accepteront simplement pour la valeur de son métal.
Les maîtres-artisans reconnaissent et acceptent de tels
paiements, et n’importe quel orfèvre mandénian fera
joyeusement étalage de ses marchandises afin de les voir
exportées vers de lointains rivages. Les billets et autres
moyens de paiement papier, à l’instar de ceux émis par la
Ligue de Vendel, sont utilisables dans les grandes villes,
principalement auprès des nobles et très riches marchands.
Les voyageurs qui s’attendent à payer en chèvres et
moutons sont donc vite déçus. Ils comprendront ainsi
que la Kurufaba mandéniane n’est pas devenue la Nation
la plus riche du monde en se contentant de faire du troc.
Armée
Jadis, l’armée de la Kurafaba mandéniane était alimentée
par des troupes envoyées par chaque caste. De plus, en
ces temps reculés, chaque région devait gérer sa propre
organisation militaire. Désormais, des corps armés
professionnels ont fait leur apparition, et l’entretien des
troupes est une mission régalienne financée par l’impôt.
Si les officiers sont des horonw, les artilleurs et autres
membres d’infanterie lourde appartiennent aux numuw,
tandis que les officiers des communications proviennent
des griots et les troupes de soutien logistique des jonow.
Les chasseurs, avec leurs flèches et javelots empoisonnés,
forment l’élite des unités d’éclaireurs et d’escarmouche. La
majeure partie de ces troupes est quant à elle composée
d’archers armés d’arcs simples et faciles à manipuler pour
mieux faire pleuvoir les flèches sur l’ennemi.
Bien qu’ils disposent d’unités de cavalerie et d’infanterie,
les Mandénians ne font pas reposer toute leur stratégie
militaire dessus. Ils préfèrent en effet consacrer ces
ressources à des tâches très spécifiques. La force de l’armée
mandéniane se trouve essentiellement dans le nombre et
la logistique supérieure. La population de la Kurufaba est
nombreuse, et les grandes quantités d’or permettent de
s’assurer de soutiens conséquents. Des siècles de commerce
ont rompu les Mandénians aux soucis logistiques complexes,
et les problèmes d’approvisionnement représentent des jeux
d’enfants pour ces spécialistes.
De fait, certains types de guerres s’avèrent plus viables
pour la Kurufaba mandéniane que pour d’autres
Nations, à l’instar des sièges par exemple. Là où
n’importe quel commandant disposant d’une once de
jugeote fait tout pour éviter d’assiéger un lieu fortifié,
un général mandénian poursuivra le siège coûte que
coûte. Il s’installera à distance respectable et s’assurera
que ses troupes ont toute la nourriture, l’eau, le temps
et les soins nécessaires à leur attente. Il ordonnera à la
cavalerie lourdement armée d’Igodomigodo de surveiller
les lignes de ravitaillement. Après une longue attente, il
fera préparer des échelles et des tours de siège avant de
partir à l’assaut, avec les régiments de gbeto, les chasseurs
d’éléphants xwédans en première ligne.
Même si Xwédans et Igodomigodoiens partagent une
culture, une histoire, des religions ainsi qu’une frontière
avec le Royaume de Mbey, ils se sont également affrontés,
volés ou mis à sac pour toutes sortes de prétextes depuis
l’aube des temps. Guerre entre clans, contrôle des
frontières, vol de bétail, enlèvements, vendettas, tout a
toujours été prétexte à la guerre entre ces Nations (sauf
la religion). Sur le plan défensif, la Xwéda a mieux réussi :
ses marécages, ses jungles et sa mauvaise réputation en
ont fait une conquête de peu d’intérêt. Sur le plan offensif,
c’est l’Igodomigodo qui a meilleure réputation : sa célèbre
cavalerie conquiert brillamment toutes sortes de territoires,
et son gouvernement excelle dans l’administration de ses
armées (même si, dans les faits, il ne parvient que rarement
à conserver ses nouvelles possessions).
La Compagnie commerciale atabéenne et le commerce
des esclaves ont toutefois profondément transformé le
paysage militaire. Il s’agit d’une guerre que la Kurufaba
mandéniane est sur le point de perdre. Désormais, tous les
combats frontaliers ne sont plus qu’une fabrique à esclaves.
CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 41

Malgré la force des traditions militaires de la Xwéda
et de l’Igodomigodo, les raids de la Compagnie visent
spécifiquement à capturer et réduire en esclavage les
soldats, se jouant des faiblesses de la doctrine militaire
mandéniane, agressive et proactive. Nombre des meilleurs
soldats de l’armée de la Kurufaba sont ainsi tombés entre
les mains de la Compagnie.
Quelles guerres pour demain ?
Il existe une division de recherche militaire rattachée à
l’université impériale de Nianiba. Les expériences des
chercheurs reposent sur les données et les matériaux
que les éclaireurs et espions mandénians ont trouvés
et leur ont rapportés. Afin d’améliorer l’efficacité des
archers, certains étudient les arcs longs venus d’Avalon et
les arcs composites fabriqués en Persis. Pour améliorer
les machines de siège, d’autres examinent des structures
venues de Cathay et de Castille. S’agissant des tactiques,
les chercheurs étudient les formations utilisées par
l’Alliance nahuacane et les guérilleros du Quanahlotye.
Toutefois, le domaine le plus important aux yeux de la
Kurufaba mandéniane n’est autre que la puissance navale.
En effet, bien que ses forces terrestres soient puissantes,
la marine marchande s’avère plus faible, surtout si on la
compare aux titans des mers comme la flotte amazigh,
plus au nord.
À l’exception de quelques produits considérés comme
exotiques (les armures de métal par exemple, inutiles étant
donnée la chaleur), les marchandises théanes tendent à
ne pas beaucoup intéresser les Mandénians. Toutefois,
des commerçants odisséens amènent régulièrement des
cargaisons inconnues venant d’Aztlan. Ces objets ont
attisé la curiosité des marchands mandénians, qui se
demandent désormais quelles autres richesses se cachent
au-delà de la mer du Commerce. Ils ont donc embauché
des charpentiers odisséens pour superviser la construction
42 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE
TENSIONS AU CŒUR
DE LA KURUFABA
Récemment, Olu Fayomi, horon chef du
riche clan Fayomi s’est présenté à la Kurufaba
internationale en portant de graves accu-
sations. Il affirma que des esclavagistes
mbeyens traversent régulièrement le Manden,
ce qui ne saurait être toléré.
Guerriers de renom que l’on dit bénis
des oris, Olu Fayomi et sa sœur Lola se
rendaient à un mariage quand, non loin de la
frontière, ils ont été piégés par des escla-
vagistes. Tous deux ont tué leurs agresseurs,
mais quelques-uns de leurs compagnons
de voyage, dont le mari de Lola, n’ont
pas survécu.
Accusé de mensonge, Olu a demandé à
sa sœur de balancer deux sacs au sol : la
tête des assaillants. En outre, il a brandi
un morceau de pierre noire, un reste de
Pierre du Bonsam. Désormais, les diplo-
mates doivent trancher : essaieront-ils
de sauver la Kurufaba mandéniane ou la
condamneront-ils ?
d’une énorme flotte, et ont également acheté de vieux
galions à bas prix.
Malheureusement, ces navires récemment acquis
doivent passer par les côtes du Royaume de Mbey, donc
par des zones contrôlées par la Compagnie commerciale
atabéenne. Pour l’instant, la Ligue de Vendel enchaîne les
échauffourées contre la Compagnie, mais rien ne garantit
qu’elle continuera à trouver ces échanges profitables.
Quant à la construction de la flotte, elle sera longue, même
si toutes les richesses mandénianes permettent déjà d’aller
très vite.
La Kurufaba internationale
L’actuel mansa, Kankan, a mis en place la plus importante
expérience diplomatique de l’histoire du pays  : la
Kurufaba internationale. Elle se situe à Ajaka-Katunga,
capitale de l’Igodomigodo et, d’après les légendes, point
d’origine de l’univers. L’ambition de cette nouvelle
organisation politique est de rallier les gouvernements du
monde à l’objectif poursuivi par Kankan : mettre un terme
aux guerres sur Terra. La paix est un but noble et le mansa,
très idéaliste, a fait en sorte que la fin des conflits constitue
une condition nécessaire à la poursuite de toute relation
politique de la Kurufaba mandéniane avec les autres pays.
La salle des réunions
 l’objectif de paix de la Kurufaba internationale.
La Kurufaba internationale se réunit dans un immense
domaine fortifié situé le long de la Kongola, un grand affluent
de la Kwara qui traverse Ajaka et Katunga. Depuis le ciel, on
voit que les murs extérieurs de la citadelle intérieure forment
le symbole adinkra du bi-nka-bi—également visible sur le
drapeau de la Kurufaba mandéniane—lequel représente
la fin des conflits (tous les glyphes adinkras figurent des
concepts qui symbolisent une vérité).
Derrière ces murs épais et gardés se trouvent jardins
et places parsemés de petits villages qui hébergent les
diplomates des divers pays participants. La salle de
réunion centrale, un amphithéâtre, est assez vaste pour
accueillir un émissaire de toutes les Nations.
Les diplomates de la Kurufaba
La tradition mandéniane, qui autorise un griot à parler au
nom d’un dignitaire, a également cours lors des discussions
de la Kurufaba internationale. Un Héros avenant peut
donc aisément se frayer un chemin dans l’entourage d’un
diplomate, en tant qu’aide, lobbyiste, conseiller, espion ou
simple courtisan. S’il attire l’attention d’un émissaire par
son charisme, sa compétence ou ses origines, il se trouvera
embarqué dans ses recherches, ses discours ou ses actions
d’espionnage. En échange, il obtiendra quelques juteuses
faveurs politiques, sans compter la satisfaction de savoir
qu’il a agi pour une juste cause.
L’Empire aksoumite
Le diplomate d’Aksoum, Isaiah Iskinder, appartient à la
police secrète du Skia. Nebiat lui a confié une unique
mission  : conserver la paix entre l’Empire aksoumite
et la Kurufaba mandéniane à tout prix. Extrêmement
loyal, Isaiah a joué son rôle en prenant tous les risques,
entretenant un réseau d’espions qui l’informe sur les
mouvements de troupes mandénianes et toute autre
action militaire. Si la Kurufaba prévoit en secret de briser
la paix, il lui faut absolument le découvrir. Ce petit jeu
est toutefois dangereux, car si les activités d’espionnage
d’Isaiah venaient à être découvertes, il se pourrait qu’elles
déclenchent une guerre.
Le but poursuivi par l’Empire aksoumite est, sans
surprise, la fin totale et définitive de la guerre. La menace
d’une invasion mandéniane, vaine jusqu’à présent, plonge
en effet les Aksoumites dans le doute et l’angoisse.
L’Aksoum est donc un champion féroce au service de
Le Maghreb
La diplomate du Maghreb est Lunja al-Barqahi, cousine
de Tasa Noumidia, la Reine bleue. Cette dernière, occupée
par des affaires plus importantes, ne saurait dire si cette
expérience est une assemblée de pantins inutiles ou un
piège élaboré. Aussi Lunja brandit-elle toujours avec
prudence le rameau d’olivier de la paix (d’aucuns diraient
qu’elle le traîne plutôt comme un boulet superflu).
Âgée d’à peine dix-huit ans, cette jeune noble aux yeux
écarquillés par l’émerveillement est issue d’une branche
mineure de la dynastie Noumidia. Elle meurt d’envie de
plonger dans le bassin des négociations internationales (et
au passage goûter aux mets étrangers, et profiter des fêtes
luxueuses qui vont avec). La Reine bleue et Lunja al-Barqahi,
toutes deux imprégnées des contes et légendes de la culture
guerrière des Amazighen, ne placent pas beaucoup d’espoir
dans le concept de paix qui a fondé la Kurufaba internationale.
Toutefois, elles jouent volontiers la comédie tant que
personne ne leur demande de rendre les armes.
Lunja idolâtre secrètement le capitaine pirate Mar Veraci.
Elle a en effet passé la majeure partie de sa jeunesse à lire
les volumineuses anthologies mettant en scène l’héroïque
corsaire. Cette information est arrivée aux oreilles de
Veraci, qui a fait parvenir une lettre de salutations à
Lunja, directement dans ses appartements de la Kurufaba
internationale. Veraci espère pouvoir influencer la jeune
femme grâce à cette correspondance. Veraci pense la jeune
femme aveuglée par ses illusions héroïques, mais cela ne
saurait être plus faux. Lunja est romantique, mais elle n’est
pas naïve. Elle a travaillé dur et rencontré les meilleurs
conseillers de la Reine bleue, qui l’ont aidée à se préparer
et faire ses recherches avant de partir pour l’Igodomigodo.
CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 43
 Pour l’heure, le Maghreb veut surtout montrer à la Théah Le Royaume de Mbey
une Ifri unifiée. Le pays a observé les récents événements qui La diplomate de Mbey se nomme Mandagan. Cette
se sont déroulés dans le Royaume de Mbey avec inquiétude. abonsam au visage humain a dévoré le véritable diplomate
La Compagnie commerciale atabéenne a gagné en prestige que le bourba Ighodalo avait envoyé, puis usurpé
avec une facilité alarmante, et la Reine bleue s’inquiète de son identité.
voir la Montaigne et la Vodacce œuvrer main dans la main Ses dons de changeforme lui ont permis de s’infiltrer
pour diviser l’Ifri, et infliger à la côte nord du continent ce dans les bureaux de chaque diplomate. Elle connaît les
que la Compagnie a fait à la Mbey. secrets de chacun, les faiblesses, les cadavres cachés dans
le placard. Pour le moment, elle ne s’est servie de rien. Elle
Le Khémet est vieille, très vieille, et ces derniers siècles, elle n’a pas eu
La diplomate de Khémet se nomme Mayaneta. Ancienne beaucoup d’occasions de s’amuser.
prêtresse de Seknephet, Mayaneta est une très-haute. Vu Le Royaume de Mbey n’a pas encore fait valoir son
son charisme, sa famille l’a forcée à rejoindre les rangs des opinion sur les principales questions de la Kurufaba
eubayds (prêtres) afin qu’elle ne représente pas une menace internationale. Mandagan préfère en effet tirer les ficelles
politique pour ses frères et sœurs. dans l’ombre, cherchant la faveur de tel diplomate sur telle
Cependant, lorsque ses aînés ont été assassinés, sa proposition, ou s’entendant avec un autre de manière à
famille a fait en sorte qu’elle quitte les ordres et devienne ce qu’il lui doive un service. Seul le futur pourra dire si
la diplomate de la reine Twosret. Dotée d’un cœur d’artiste son addiction à la chair humaine—donc le constant
et d’un grand talent pour la musique—ce qui charme les remplacement de ses serviteurs—finira par révéler au
politiciens de la Kurufaba internationale—Mayaneta monde son vrai visage.
excelle en politique. Cependant, elle déteste cela. Elle sait
à quel point sa souveraine est maléfique, et elle ne lui fait Le Quanahlotye
pas du tout confiance. Elle passe donc la majeure partie de Kankan a fait de gros efforts pour attirer l’attention du
son temps à chercher des itinéraires de fuite et des abris, Sho’noh’kah’ta’neh’ta, une organisation politique du
juste au cas où tout cela s’effondrerait. Quanahlotye, une terre située de l’autre côté de la mer
Mayaneta s’intéresse surtout aux problèmes du commerce du Commerce. Le Sho’noh’kah’ta’neh’ta, «  l’Éminente
international alimentaire et de l’humanitaire, de manière à Paix,  » est une assemblée vieille de plusieurs siècles
contrecarrer la famine que le manque de soleil a déclenchée qui dispose d’une mission semblable à celle de la
dans les Terres noires. Un commerce facilité, même avec Kurufaba internationale.
des Nations aussi perfides que la Montaigne, pourrait bien Son diplomate, Sagoyewatha, est un vétéran aguerri.
représenter le seul espoir des Khémetiens. Sa vision cynique et misanthrope de la politique et des
conseils internationaux contraste d’ailleurs vivement avec
La Kurufaba mandéniane le très noble idéalisme du mansa. Négociateur subtil
Le diplomate de la Kurufaba mandéniane est le et sans pitié, Sagoyewatha a pour lui cinq décennies
prince Adegoke, le frère cadet adoptif du mansa. Sous d’expérience politique dans le forum diplomatique le
l’allégeance affirmée du prince se cache un objectif secret : plus sophistiqué et le plus dangereux du monde connu.
renverser Kankan. Il a déménagé au Manden avec sa famille pour mieux
Au cœur de ce plan se trouve la formation d’une Force s’intégrer à la Kurufaba internationale et trouver de
internationale du maintien de la paix qui soit sous le quoi s’occuper durant sa retraite, ce qui en dit long sur
contrôle direct de la Kurufaba internationale, et qu’il l’intensité de sa précédente carrière.
pourrait utiliser à son avantage. Il justifie cette idée par Le Sho’noh’kah’ta’neh’ta n’a pas encore participé aux
une théorie plutôt censée : tant que toutes les Nations débats. Pour l’instant, Sagoyewatha se contente de
n’auront pas baissé les armes, la Kurufaba internationale s’enrichir en vendant au Manden manteaux de fourrure
devra avoir un moyen de tancer les plus indisciplinés. Le et chapeaux qui protègent des froides nuits du désert. Il
Manden, qui s’agace à l’idée de fournir au moins la moitié observe, patiente et manipule les autres diplomates. Ses
des troupes de cette force, est à la fois le plus en faveur et enfants, tous adolescents, lui rapportent souvent des
le plus en désaccord avec cette proposition. nouvelles une fois revenus de leurs visites au pays.

44 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE

Jaragua La Compagnie ne sait pas encore qu’il récupère quelques
La représentante de la Jaragua est le lieutenant-colonel esclaves pour les offrir en sacrifice à son abonsam, mais
Anaïca Proulx. Jaragua, île et Nation de la mer Atabéenne, monsieur de Forbin n’est pas inquiet quant à leur réaction :
a récemment bouté la Compagnie commerciale atabéenne ils voudront sûrement en profiter aussi, non ?
hors de son territoire suite à une révolte d’esclaves des plus La Montaigne cherche surtout à obtenir l’accord de
héroïque. Au Manden et en Mbey, de nombreux esclaves la Kurufaba internationale sur l’unité transocéanique.
jaraguayens se sont échappés pour retourner vers leur île. Cela signifierait un accès illimité à la côte ifrienne. À
Ils n’ont malheureusement trouvé sur leur chemin que de raison, certains diplomates ifriens suspectent Forbin
nombreux navires de la Compagnie, tous avides de sang. d’œuvrer pour un libre commerce qui ouvrirait la voie à
Proulx, vétéran décorée de l’armée mawon, a rejoint le une colonisation.
corps diplomatique de la Jaragua lors du rassemblement.
De nombreux saboteurs et assassins lui ont mis des L’Empire du Croissant
bâtons dans les roues tandis qu’elle voyageait d’un lieu à La diplomate croissantine est Noa bat Elisheva m’shevet
l’autre en essayant de convaincre les gens de la légitimité Yedha. Noa, femme d’affaires âgée venue du Sarmion, la
de la Nation jaraguayenne. En tant que plus récente terre natale des yachidis, a réussi dans l’élevage des chevaux,
diplomate de la Kurufaba internationale, elle sait que le mais également dans leur transport. Elle se réjouit à l’idée
danger la guette jusque dans ses appartements. Saura- de servir l’Empire qui les a si bien traités, sa famille et elle.
t-elle persuader les autres diplomates de les reconnaître À l’instar de nombre de Croissantins, elle aime se sentir
officiellement, sa Nation naissante et elle ? appréciée et admirée dans la Kurufaba mandéniane. Dans
Son objectif est simple  : faire reconnaître sa Nation son travail, elle a l’habitude de donner des ordres et de
comme légitime sur le plan international. Les affidés de voir tout le monde se précipiter pour obéir.
la Compagnie ont fait en sorte de supprimer toutes les Dans cette Kurufaba internationale, la priorité de
preuves de son existence de ce côté-ci de l’océan, s’efforçant
l’Empire du Croissant est le maintien des routes
de taire la rumeur d’une révolte d’esclaves victorieuse. de pèlerinage. Les Mandénians dīnistes se rendent
Proulx espère briser ce silence, mais elle aura besoin de généralement là où le Prophète Khalil fut assassiné, dans
beaucoup d’aide pour cela. le petit État de Thaj. Les routes de pèlerinage stimulent
l’économie des régions qu’elles traversent, assurant une
La Montaigne unité culturelle et spirituelle entre des terres par ailleurs
Le diplomate montaginois est Lucien de Forbin. disparates. Malheureusement, l’Empire du Croissant voit
Quatrième fils d’une famille noble, c’est un agent double déjà le nombre de pèlerins baisser, non seulement à cause
au service de l’Empereur et de la Compagnie commerciale de la Compagnie commerciale atabéenne, mais aussi de la
atabéenne (et ce, même si, dans les faits, la Compagnie crise que subit actuellement le Khémet.
le paie mieux, donc récolte tous les fruits de sa loyauté).
Il a commencé ce double jeu dans une prison coloniale Noms mandénians
atabéenne, mais son intérêt morbide pour les pouvoirs Prénoms masculins
occultes l’a mené à promettre à un abonsam des Abdou, Bakary, Ebrima, Filijee, Kebba, Momodou,
versements d’âmes en échange d’une carrière accélérée. Nfansu, Ousman, Saikou, Sulayman, Yoro.
Jusqu’à récemment, ce Scélérat sociopathe répondait
directement à l’agent de recrutement en chef de la Prénoms féminins
Compagnie, Flemming Rudd, qui voulait persuader les Aminata, Bintu, Fanta, Filijee, Ida, Khadijatu, Mariama,
dirigeants ifriens de s’essayer au commerce d’esclaves. Nyima, Satang, Satou, Sukai.

CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 45

 Lieux notables
La Kurufaba mandéniane regroupe quatre États : l’Awkar à part des bénéfices des ventes d’or et de sel, et ce tant qu’ils
l’est, la Xwéda à ouest, l’Igodomigodo au nord et le Manden protégeraient les caravanes marchandes qui traversaient
au sud. l’Ubari.
Aujourd’hui, l’Awkar dispose de plus d’influence
L’Awkar politique que jamais. Le pays reste la porte d’entrée
Enclavé entre le sud de l’Ubari et l’Empire aksoumite, nord-est de la Kurufaba, mais également un lieu de
l’Awkar constitue la porte d’entrée de la Kurufaba passage obligé pour les marchands mandénians qui
mandéniane pour les peuples, les marchandises et les exportent la musique, la danse, la poésie et l’artisanat
idées venues du nord et de l’est de l’Ifri, mais également jusque dans le désert et vers l’Empire du Croissant. De
de l’Empire du Croissant. On raconte que le missionnaire plus, Al-Ghāba rivalise avec Nianiba pour le titre de ville
dīniste Zinat bint Ziya, compagnon du Prophète Khalil la plus cosmopolite de la Kurufaba : grâce au commerce
arrivé depuis le lointain Katab, découvrit jadis la première étranger, elle attire de nombreux Amazighen, Aksoumites,
et plus importante ville d’Awkar : al-Ghāba, la Citadelle Khémetiens et Croissantins dont les idées contrebalancent
des lettres. la sidérante richesse matérielle de la capitale.
L’Awkar fut la première Nation à conquérir la région, Les Awkariens sont parmi les citoyens les plus éduqués
jusqu’à ce que la dynastie Ziyaid épuise ses ressources de la Kurufaba mandéniane, notamment grâce à l’ancienne
militaires et ne puisse plus se protéger des pilleurs de Kel bibliothèque-sanctuaire d’al-Ghāba, la plus vieille et la
Tagelmust. Al-Ghāba fut d’ailleurs facilement conquise plus grande du monde. Le taux d’alphabétisation d’al-
par Sumanguru Kanté. La ville fut le théâtre de la dernière Ghāba est maximal : la ville a plus de livres par habitant
bataille de Mari-Djata pour l’unification de la Kurufaba, que n’importe quelle autre cité sur Terra, et elle propose
un long siège qui se termina lorsque les gbetos xwédans une éducation gratuite jusqu’à la fin du cycle universitaire.
s’infiltrèrent pour assassiner, en une nuit de silence, tous Dans les autres pays de la Kurafaba, on dit les Awkariens
les hauts dirigeants. hautains et élitistes, dédaigneux du « service ordinaire »
Après la guerre, Mari-Djata relança le commerce de rendu aux oris, méprisants et rabaissants avec les autres
l’Awkar. Il rebâtit al-Ghāba, mise à sac par les troupes de Mandénians qui, au lieu des universités et des mosquées
Sumanguru Kanté, et invita les chefs de Kel Tagelmust dīnistes, étudient auprès des griots et des funéw. Le
sur place. Là, ils assistèrent à une démonstration de penchant des Awkariens pour les contrats écrits, en
force de l’armée mandéniane. Les négociations virent le opposition avec la tradition orale des griots, sème
mansa passer un marché qui assurait aux pilleurs une également perplexité et méfiance.

46 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE


L’Insensée bibliothèque d’al-Ghāba
La plus grande bibliothèque du monde s’élève au cœur d’al-
Ghāba. Ses minarets, ses dômes, ses tours, ses contreforts et
ses passerelles spiralent vers le ciel et dans la ville. Ce bâtiment
est magnifique et sans pareil. Pourtant, ses fenêtres sont
couvertes de crasse, ses jardins mal entretenus, ses fontaines
envahies d’algues et de nombreux animaux sauvages se sont
établis tout autour. Sur tous les murs, des glyphes adinkras
protègent la ville du pouvoir palpitant contenu à l’intérieur de
la bibliothèque. En effet, l’Insensée bibliothèque est l’exemple
parfait des dangers de la parole écrite, de l’ambition humaine
et des secrets cachés entre les pages des manuels de sciences.
Il y a un siècle, une expérience littéraire tourna mal. Dans
la rotonde centrale, les universitaires et les bibliothécaires
tentèrent de traduire en glyphes adinkras un récit parlant
de l’esprit d’une araignée malicieuse. Rétrospectivement,
il s’agissait du summum de la prétention que de tenter de
concentrer autant de pouvoir en un seul livre… L’explosion
qui survint transforma les mots en mantras et sortilèges,
l’information en énergie et les idées abstraites en phénomènes
concrets. Les bibliothécaires moururent sur le coup : leur ni
passa entre les rayons des livres d’un autre monde tandis que
leur dya continua à hanter les lieux.
Depuis, les livres transforment la bibliothèque. Toutes
sortes de djinns et de créatures fabuleuses infestent l’aile
des religions et des mythologies. La section romance, quant
à elle, est devenue un quartier de plaisirs enténébré et
sulfureux où succubes, incubes et courtisanes touchées par
la tuberculose se lamentent et chantent à l’oreille des lecteurs
en visite. L’aile de la philosophie, enfin, héberge les plus
improbables débats qui se sont jamais produits, des orateurs
numanaris croisant le verbe avec des poètes nahuacans ou des
politiciens cathayens.
Les milliers de piles de livres forment des alvéoles qui
constituent autant de petites salles de lectures éclairées
par de la mousse luminescente ou des poissons qui sinuent
dans l’air. Certains livres sont lisibles, d’autres ne sont
qu’une suite sans queue ni tête de mots ou de phrases,
quelques-uns alignent des séries de lettres et de symboles à
la fois réels et imaginaires. Dans les galeries les plus sombres
reposent toutes les combinaisons possibles et imaginables
de caractères. On dit que les explorateurs qui se perdent
dans ce labyrinthe peuvent émerger dans n’importe quelle
autre bibliothèque, n’importe où ailleurs dans le monde.
Sur la mezzanine, on trouve un arbre tordu fait de cristal
et de cuivre. Il pousse dans un tapis et étend ses branches
vers les courbes du plafond. Les nœuds du bois de l’arbre
L’AWKAR
vu par les autres Mandénians
« Le problème, c’est leur manque de respect et leur
orgueil démesuré. Tout là-haut, dans leurs tours
d’ivoire, ils pensent être meilleurs que les autres,
simplement parce qu’ils sont plus dīnistes et qu’ils
se fichent des oris. Ils ne sont pas malpolis, non—
leurs manières sont toujours parfaites—mais
ils donnent l’impression dérangeante, lorsqu’ils
regardent le petit sanctuaire qu’il y a chez vous,
qu’ils sont en train de penser : « mais quelles
conneries ! » Oui, je sers les oris. Oui, j’ai appris
la doctrine d’al-dīn auprès d’un funé au lieu d’un
universitaire du Croissant, mais cela ne me fait
pas avoir moins peur d’al-Musawwir que tous ces
prétentieux. Et puis, toute cette paperasse, ce n’est
pas bon pour la mémoire. »
—Aïssata Diagho du Manden.
sinuent jusqu’à former un visage buriné. Lorsque les étoiles
brillent, des moineaux de laiton et des caméléons mécaniques
prennent vie dans ses branches. Chats sauvages et lièvres
dodus se lèvent également au milieu des coussins voisins. Des
soldats à ressort patrouillent dans les environs, défendant le
salon de tout adulte qui voudrait y entrer pour en déranger
la sérénité. Il s’agit du coin des enfants, réservé aux marmots
abandonnés ou maltraités. Si l’un d’eux parvient à survivre
aux dangers de la bibliothèque—ce qu’ils ont plus de
chances de réussir qu’un adulte—alors il y trouvera sécurité
et confort. Dans l’Insensée bibliothèque, la description d’un
festin nourrit autant qu’un vrai plat de viande et de légumes.
Cependant, nul ne peut y rester après ses douze ans : les
petits soldats munis de leurs pistolets à bouchon escortent
les grands enfants dehors une fois cet âge dépassé.
Ceux qui visitent l’Insensée bibliothèque doivent suivre
les règles suivantes :
• ne pas parler plus haut qu’un murmure, car c’est
le moyen le plus rapide d’attirer les Monstres, les
livres en colère ou, pire, les bibliothécaires ;
• ne pas courir ( voir règle n°1) ;
• ne pas manger ou boire près des livres.Nombre
d’ouvrages aux dents aiguisées ont refermé leur
bouche sur un bras imprudent après avoir senti
un effluve. De plus, une fois nourris, ils ont pu
révéler les dangereux esprits qu’ils contenaient ;
• pas de feu. L’énergie magique dans laquelle baigne
la bibliothèque peut transformer n’importe quelle
flamme en petits esprits-flammèches malicieux qui
brûlent sans fumée ;
CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 47
 LA XWÉDA
vue par les autres Mandénians
• ne pas laisser enfants ou animaux sans
surveillance, sauf dans l’aile destinée à la « Je ne sais pas si je dois me sentir désolé ou
jeu­nesse. Tout enfant errant dans les recoins dégoûté. Peut-être les deux. Vous imaginez,
sombres de la bibliothèque devient le protagoniste vivre comme ça ? Passer toute votre vie
d’un récit mortel ; dans la jungle, entouré de mouches tsé-tsé
et d’hippopotames ? Devoir chasser votre
• rendre tous les livres empruntés avant la date de
moindre repas ? Et encore, quand ce n’est
rendu. La sortie d’un ouvrage provoque une faille pas lui qui vous chasse… Je ne comprends pas
dans les protections magiques de la bibliothèque, pourquoi quiconque voudrait vivre ainsi… Je ne
ce qui permet aux livrospectres de s’enfuir et vous comprends pas non plus pourquoi ils nous en
poursuivre jusqu’à ce que vous ayez rendu l’ouvrage veulent d’avoir mieux réussi. Une bonne partie
et payé l’amende. Cette amende a généralement de nos impôts va dans leur ventre et les aide à
sortir de leurs misérables existences de sauvages.
la forme d’une Histoire qui contient un nombre
Le moins qu’ils puissent faire, c’est quand même
d’Étapes basé sur le nombre de jours de retard. de combattre nos ennemis à notre place ! Euh…
Souvent, il s’agit de traquer un ennemi ou donner Vous pouvez effacer cette dernière remarque ? »
à la bibliothèque un livre dangereusement rare. —Fadia al-Ghābi d'Awkar
Si vous détruisez un livre de la bibliothèque, une
sentinelle de papier vous ramènera entre ses murs, même manière qu’un léopard. Ces tueuses ont vite adopté le
et vous deviendrez à votre tour un livrospectre. mousquet, se vantant du fait qu’elles n’avaient que « rarement
besoin de recharger. » À l’origine, elles étaient des gardes et
Les livrospectres, lents et mornes, portent des robes cousues chasseuses personnelles de l’ahosu, mais aujourd’hui, ce corps
à partir de pages de livres arrachées. Ils sont extrêmement d’armée entièrement féminin va là où l’on a besoin de lui, c’est-
forts, implacables et presque indestructibles. Quand vous en à-dire, le plus souvent, là où on l’attend le moins.
blessez un, il se restaure tout seul à partir de volumes voisins, L’économie de la Xwéda est en retard sur le reste de la
et devient encore plus agressif, car vous lui avez fait détruire Kurufaba mandéniane. Ses ports sont certes fréquentés, mais
des ouvrages. Chaque livrospectre connaît exactement la la Compagnie commerciale atabéenne détient le monopole
localisation de tous les ouvrages de la bibliothèque. du commerce maritime. Bien que l’ahosu tente de limiter son
influence, Georges Rourke utilise des navires banalisés afin
La Xwéda d’échapper à la vigilance du souverain. En conséquence, le
La Xwéda est l’État mandénian le moins peuplé de peu de retombées économiques dont cette côte profite ne
la Kurufaba mandéniane. Ses rivages, ses marais et ses parvient que rarement jusqu’aux chasseurs, pêcheurs et autres
lagons regorgent d’énormes crocodiles. Les rivières qui cultivateurs qui habitent à l’intérieur des terres.
s’enfoncent à travers ses forêts sacrées débordent d’une La Xwéda compte donc beaucoup sur la nourriture
vie végétale unique, adaptée à un milieu humide souvent importée et l’aide de ses voisins. L’énorme différence de
inondé et siphoné. Ses forêts tropicales abritent parmi les revenus entre les Xwédans et les autres peuples de la
plus féroces prédateurs d’Ifri, notamment les chacals rayés, Kurufaba mandéniane crée nombre de désaccords entre
phacochères, léopards, hippopotames, éléphants de forêt les États. Le mansa a adroitement proposé de déboiser
et ratels. Disposant de peu de terres cultivables, la Xwéda certaines parties de la forêt afin de pouvoir en faire des terres
se nourrit principalement de chasse et de pêche. cultivables, mais l’ahosu a pour l’instant refusé, suspectant
Les esclavagistes mbeyens et les armées d’Igodomigodo se Kankan de vouloir récupérer le bois pour sa flotte. Impossible,
sont souvent aventurés dans les forêts xwédanes dans l’espoir pour l’heure, de savoir si les chantiers navals stimuleront
de prendre le contrôle des rivières navigables et des ports. l’économie locale ou bien ne feront que rendre les marchands
Cependant, cette région peu hospitalière abrite un peuple et les nobles des provinces voisines encore plus riches.
féroce. L’infanterie xwédane est constituée de chasseuses La capitale de la Xwéda—et plus grand port de la Kurufaba
furtives et subtiles passées expertes dans l’art du camouflage mandéniane—est la ville d’Arrada. On y trouve d’énormes
en terrain densément couvert, douées dans la maraude en mangroves pleines de grands arbres tendus vers le ciel. Des
forêt et les assauts amphibies qui permettent de traquer structures alambiquées y ont été construites, entre et autour
n’importe quel ennemi—aussi imposant soit-il—de la des troncs. L’ahosu Mazidath vit ici, sur une île située au

48 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE


cœur de la cité. Son palais s’enorgueillit de ses murs bardés
d’épines d’acacias et de canons, ainsi que de ses baraquements,
son terrain d’entraînement et sa grande salle réservée aux
diplomates en visites. La résidence de Mazidath est sise dans
une structure faite de pierre, de boue et de bois, ancienne
mais parfaitement entretenue, magnifiquement décorée de
bas-reliefs qui contrastent avec les structures alentour, plus
modernes et raffinées. Durant de nombreux siècles, ces lieux
sont demeurés au rang de curiosité historique. L’ahosu vivait
alors ailleurs. Désormais, Mazidath y réside en permanence.
Elle dit qu’il lui permet de rester humble.
Plus loin en mer s’élève une énorme usine odisséenne
qui abrite de nombreux visiteurs théans. La Société des
Explorateurs et la Ligue de Vendel disposent de propriétés
sur ce domaine fortifié. L’usine jouxte un chantier naval à la
pointe de la technologie, construit par le gouvernement de la
Kurufaba sur le modèle des chantiers odisséens. Là, sous l’œil
attentif de Kunto da Rosa, un capitaine venu de la Théah, des
centaines de jonow et de nyamakalaw s’échinent jour et nuit
pour mériter leur salaire.
L’IGODOMIGODO
vu par les autres Mandénians
« Aucun soldat xwédan ne fuit les combats. Mais
aucun soldat xwédan n’ira les provoquer non
plus. Les Igodomigodoiens, par contre, ils aiment
la guerre. Ça me fout les jetons. La dernière
fois que j’ai patrouillé à la frontière, j’ai vu une
gamine de chez eux venir vers moi, juchée sur un
grand cheval. Elle m’a demandé comment j’avais
perdu mon bras. Vous auriez vu son sourire ! Elle
pensait que c’était une vraie bonne manière de
lancer la conversation. C’est ce qui arrive quand
on raconte à ses gamins que, pour qu’un État
soit puissant, il faut qu’il piétine les honnêtes
gens et leur vole leur bétail. Et toute leur histoire
à base de « ben les oris ont fondé nos deux capi-
tales donc on est trop forts », ça n’aide pas. Ceci
dit, je suis content qu’ils aient compris comment
organiser correctement un gouvernement, car
je ne sais pas comment cette Kurufaba tiendrait
debout sinon. Mais j’aimerais quand même qu’ils
se calment, bon sang ! »
—Lieutenant Visesegan de Xwéda

L’Igodomigodo administratif précis et documenté. Sur de nombreux plans,

Si l’histoire s’était déroulée d’une manière légèrement chacune a toujours agi de manière à contrarier l’autre. Les
différente, vous seriez en train de lire un chapitre sur la gouvernements royaux d’Igodomigodo étaient tous deux
Kurufaba igodomigodoienne. réputés pour leur système bureaucratique, une mécanique
L’Igodomigodo se trouve au nord de la Kurufaba bien huilée détaillant la fonction de tous les membres
mandéniane, enclavé entre l’Awkar, la Xwéda et le de la famille royale, en passant par leurs ministres, les
Royaume de Mbey. Avant le règne de Mari-Djata, les collecteurs d’impôts et les services secrets. Ce système fut
Igodomigodoiens étaient intimement persuadés que si efficace qu’il devint la base de l’actuel gouvernement de
leur État était destiné à conquérir l’Ifri. Après tout, la Kurufaba mandéniane.
leur capitale n’était-elle pas bâtie à l’endroit même où le Après la chute de Sumanguru Kanté, l’alaafin de Katunga
premier ori était descendu du ciel pour créer le monde ? jura allégeance à Mari-Djata au nom de toutes les tribus
Ce ne fut pas le cas, car l’Igodomigodo souffre de d’Igodomigodo. L’alaafin d’Ajaka, qui affirmait lui aussi régner
tensions internes depuis ses origines. Ainsi, les deux sur le pays, remit en cause cette décision. Bien que l’histoire
premiers oris à descendre de l’iworo’won après Aniyikaye officielle dise que l’Igodomigodo rejoignit la Kurufaba à
se disputèrent quant à leurs devoirs sur terre  : qui cette date, dans les faits, il ne l’a ralliée qu’il y a cent trente
devait fabriquer les humains ? Qui devait écrire les lois ? ans. En réalité, la longue sécession d’Igodomigodo prit fin
Devaient-ils abandonner leur statut divin pour diriger lorsqu’un alaafin, Jakuta, parvint à prendre le contrôle d’Ajaka
la création ? Les autres oris durent choisirent un camp. et de Katunga. Il les combina alors en une seule et énorme
Avant que le conflit ne dégénère, le premier ori descendu métropole, Ajaka-Katunga, puis militarisa le pays pour
s’en alla fonder sa propre ville ailleurs. attaquer le Manden. La Kurufaba ne reprit le contrôle de
Ceci se déroula à l’aube des temps. Depuis, les villes d’Ajaka l’Igodomigodo que lorsqu’un conflit interne à la région mit
et de Katunga continuent de coexister dans un équilibre fin au règne de l’alaafin.
tendu. Chacune a grandi en taille, en pouvoir, en richesse On décrit généralement les Igodomigodoiens comme
et en force militaire. Chacune dispose d’une lignée d’alaafin des mordus de travail autoritaires et agressifs. Tous les
qui jure être héritière d’al-Musawwir. Chacune contrôle Mandénians connaissent les histoires des fréquentes
son réseau de clans et de tribus au moyen d’un système tentatives de conquêtes de l’Igodomigodo. Ainsi, même

CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 49


en temps de paix et de coopération, l’attitude suffisante et
supérieure des cavaliers igodomigodoiens ne leur attire pas
beaucoup de sympathie, et ce, même s’ils s’en vont calmer
des bandits ou mettre un terme à des pillages à la frontière.
On notera que depuis des siècles, l’Igodomigodo est
célèbre pour ses sculptures. Qu’elles soient décoratives
ou religieuses, en bois ou en bronze, représentant des
oris, des dirigeants ou des héros de guerre, elles restent
très renommées. Celles qui sont réalisées en bronze
sont fabriquées à partir d’un moule de cire dont le cœur,
résistant à la chaleur, fond après moulage. Cette technique
permet d’obtenir des formes métalliques creuses dotées de
nombreux détails, tant et si bien que les visages sculptés
sont souvent très proches de leurs modèles vivants.
Le Manden
Le paysage du Manden est changeant, passant de la savane
au semi-désert puis aux collines ondoyantes. Le sol est aride
et difficile à cultiver, néanmoins les vallées creusées par les
rivières qui suivent la Kwara et ses affluents navigables sont
fertiles. Ce n’est toutefois pas ce qui rend cet État si important.
Non, ce qui est vraiment intéressant au Manden, c’est l’or.
Le Manden possède en effet les mines d’or les plus
fournies du monde, et ce, même des centaines d’années
après leur pic. Que l’on creuse la roche des collines ou
qu’on passe l’eau des rivières au tamis, le Manden s’avère
le meilleur endroit où trouver de l’or sur Terra. Ce n’est
pas tout : les collines et cavernes regorgent de diamants,
de cuivre, de bauxite, d’acier, de calcaire, d’argent et de
sel. Toutes ces ressources ont permis à tous les pays de
la Kurufaba de tirer un profit incroyable de l’essor du
commerce international en Ifri.
L’actuel mansa de la Kurufaba est issu d’une lignée
ininterrompue de souverains. Il possède toutes les terres
de la confédération, ainsi que ses ressources naturelles. Il
partage également les mines et autres ressources entre les
différents chefs des horonw.
Lorsque Mari-Djata rassembla les quatre États pour
former un tout pacifique, il catapulta la Kurufaba à la tête
du commerce de l’ouest ifrien. Or et sel commencèrent
alors à se répandre le long des fleuves et des routes de
caravanes, enrichissant non seulement la confédération,
mais également les Nations voisines. La Kurufaba établit
un étalon de référence en or et en sel afin de standardiser les
échanges à travers ses États, et réorganisa son gouvernement
sur le modèle d’Igodomigodo, vassal de « presque » toujours.
50 CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE
LE MANDEN
vu par les autres Mandénians
« Quand l’Igodomigodo a fait sécession sous le
règne de Jakuta, les choses allaient mal, mais la
guerre, la maladie et l’effort ont donné l’impres-
sion aux Igodomigodoiens de faire partie d’un tout
quasi mythique, impérial. Tout a brusquement pris
fin quand Jakuta est mystérieusement mort dans
la forêt.
Le Manden nous a ensuite soumis à des pressions
économiques, jusqu’à ce que nous cédions et
rejoignions la Kurufaba… Beaucoup de gens,
surtout des guerriers, sont nostalgiques du règne
de Jakuta, ou de ce qu’ils fantasment de son règne.
J’essaie d’être neutre, mais si l’on faisait à nouveau
sécession… Je n’aime pas trop y penser. Que ferait
le Manden ? Il nous jetterait de l’argent dessus ? Je
doute qu’ils essaient de régler ça par eux-mêmes. »
—Professeur Adisa, du madrasa royal d’Ajaka.
Avec le temps, néanmoins, la Kurufaba mandéniane
ressemble de moins en moins à une confédération et de plus
en plus à un empire. Le pouvoir s’est centralisé autour du
trône du mansa. La ville de Nianiba en atteste. Cette capitale
repose loin au sud, au milieu des anciens champs de mines
d’or. Ses immenses pierres et ses statues dorées dominent
les rues, qui s’étendent en un plan clair permettant à la ville
de former un parfait carré. Au fil des extensions, la cité
s’est étendue en carrés concentriques bâtis à l’extérieur des
précédents, dont l’espace s’est rempli d’administrations, de
maisons et de monuments, chaque construction étant plus
riche et plus luxueuse que la précédente. Au cœur du carré
central se trouvent le palais du mansa et les baraquements de
l’alagbato iya. Ce corps d’élite fut assigné à Nianiba durant le
règne d’un mansa qui aimait l’idée de disposer d’une garde
personnelle composée de jeunes femmes surentraînées. Il
découvrit très vite qu’il ne disposait pas de beaucoup de
liberté en se déplaçant avec cette troupe de femmes plus
dangereuses les unes que les autres, toutes habituées depuis
l’âge de dix ans à affronter le pire.
Relations actuelles
Compagnie commerciale atabéenne
Le gars d’Avalon ? Ouais, il envoie beaucoup de missives pour
nous rencontrer et pouvoir déblatérer son discours. Il n’a
même pas envoyé de griot… Nous lui avons dit—via un griot
comme le font les gens civilisés—qu’il allait devoir patienter
et que nous devions rencontrer beaucoup d’autres personnes
 avant lui. La réponse n’était probablement pas à son goût.
Il croit qu’on ne sait pas qu’il participe à l’esclavage des
Ifriens ? Le Royaume de Mbey est juste à côté de nous, et on
est quasi sûrs que c’est lui qui paie les pirates qui attaquent
nos routes maritimes. On ne peut décemment pas parler d’une
base solide pour une relation commerciale réussie.
—Une source anonyme de la maisonnée du mansa Kankan
Empire aksoumite
Tandis que son frère était en pèlerinage, le prince Adegoke
tenta en vain de conquérir l’Aksoum, et ce durant cinq
ans. Il échoua cependant à s’attirer la gloire qu’il convoitait.
Lorsque Kankan revint du Croissant en chantant les
louanges de la non-violence et de la pitié, il proposa
aussitôt à l’Aksoum de faire la paix. Pour sceller la fin des
hostilités, il organisa un mariage entre son fils, Maghan
Kon Fatta, et la princesse Mehret. Depuis, il semblerait
que la paix soit enfin stable entre ces deux Nations, même
si la rumeur dit que la princesse est moins amoureuse
qu’elle en a l’air. Il se pourrait de plus qu’Adegoke ait
bientôt une seconde chance de conquérir l’Aksoum…
ans. Ils achetèrent beaucoup de très beaux habits, puis
passèrent un long moment à visiter Eredo avant de
s’aventurer plus à l’est pour rencontrer le mansa. Les
talents de leurs scaldes, ainsi que leur versatilité
impressionnèrent les Mandénians.
La Guerre de la Croix interrompit les relations entre
Vendel et la Kurufaba, menaçant jusqu’aux vaisseaux
commerciaux qui allaient au sud en passant par la mer de
la Veuve. Dès la fin de la guerre, le commerce reprit, mais
la Compagnie commerciale atabéenne l’empêcha de revenir
à son précédent niveau. La Compagnie et la Ligue sont
en guerre économique depuis que la première a quitté la
seconde en 1648. Cette guerre commerciale est parvenue
à son comble dans les eaux à l’ouest d’Ifri. Les navires
marchands de la Ligue et les corsaires de la Compagnie
s’affrontent régulièrement non loin des côtes. Des dizaines
de bateaux ont coulé dans les deux camps, et des dizaines
d’équipages ont également été réduits en esclavage. Bien sûr,
la Kurufaba soutient la Ligue de Vendel, mais elle manque
d’une flotte efficace pour lui venir concrètement en aide.

Empire du Croissant Maghreb

Historiquement, l’Empire du Croissant a toujours été Le réseau commercial de la Kurufaba repose sur la
un partenaire important sur les plans du commerce et participation enthousiaste du Maghreb. Les Mandénians
du pèlerinage religieux. Chaque année, de nombreux sont de grands consommateurs de produits maghrébins,
Mandénians mettent les voiles vers le nord, contournant la surtout dans les domaines de la mode, des bijoux, du
Mbey, le Maghreb et dépassant le Khémet pour débarquer cuir et des armes blanches venues du nord. Au fil des
sur les rives du Croissant. Ils se rendent ensuite sur les sites ans, nombre de mansas ont voulu inclure le Maghreb
de pèlerinage les plus importants. Beaucoup de navires dans la Kurufaba, mais les monarques maghrébins ont
commerciaux suivent aussi cette route, chargés de minerais, tous poliment refusé. Toute conquête briserait les routes
de pièces d’artisanat et autres marchandises qu’ils amènent de commerce, la chose est donc hors de question. Avec
jusqu’au Croissant (et ce, malgré la menace pirate constante). la Kurufaba internationale, Kankan voit une chance de
réaliser le rêve des générations de mansa l’ayant précédé.
Khémet
Aujourd’hui, le Khémet est un royaume encore plus Royaume de Mbey
sombre et dangereux qu’avant, littéralement parlant. Aux yeux des Mandénians, le mansa a choisi le pire des
Le raccourcissement des jours énerve certains, et de moments pour renoncer aux offensives militaires. Chaque
nombreux pèlerins ne reviennent jamais de leur voyage fois que la Mbey frappe la Xwéda ou l’Igodomigodo—des
dans les Terres noires. De nombreux Mandénians, surtout
régions où les gens ont plutôt l’habitude de gérer seuls les
les plus dévots des dīnistes, voient en Khémet une problèmes militaires (ce qu’ils ne peuvent normalement
menace qui ne fait que grandir, et que quelqu’un devraplus faire sans la permission du mansa)—les locaux
nécessairement annihiler tôt ou tard. demandent au souverain de déclarer la guerre au Royaume
de Mbey et d’investir toute la richesse et la puissance du
Ligue de Vendel Manden dans l’éradication de ce royaume esclavagiste.
Ce n’est pas la première fois que la Ligue envoie des Pour l’instant, en dépit des attaques perpétrées, le
délégations commerciales aussi loin de chez elle. La mansa refuse catégoriquement d’ouvrir officiellement
première arriva en Xwéda voilà environ cent cinquante les hostilités.

CHAPITRE 2 : LA KURUFABA MANDÉNIANE 51

 Kankan, mansa de la
Kurufaba mandéniane
Le descendant actuel de la dynastie impériale de Mari-Djata
est un pieux dīniste, un père dévoué, un bon commerçant
et l’homme le plus riche de tous les temps. Son pèlerinage
jusqu’au lieu où mourut le Prophète Khalil provoqua des
tsunamis économiques à travers tous les camps de route
qu’il traversa, car ses généreuses donations dépassaient
souvent le montant de la richesse produite par le pays. Ce
pèlerinage fit aussi des vagues dans l’esprit du mansa. Ses
maîtres dīnistes et lui étudièrent en profondeur les concepts
d’amour et de non-violence qui se trouvent au cœur de
l’enseignement de l’al-dīn. Il prit alors la décision de faire
tout son possible pour se mettre au service de la paix et faire
disparaître toute forme de violence qui ne soit pas défensive.
De retour à Nianiba, Kankan fit une déclaration qui
choqua tout le royaume : la Kurufaba ne considérait plus
l’offensive guerrière comme une solution diplomatique
viable. Leur armée demeurerait active, mais seulement en
tant que force de défense.
Les prédilections religieuses et culturelles de Kankan
conviennent bien au Manden et à l’Awkar, mais la Xwéda
et l’Igodomigodo, dont les traditions militaires sont plus
ancrées, voient ce changement d’un mauvais œil. Ces États
ont vu les résultats des attaques du Royaume de Mbey, et
perdu des leurs dans le commerce des esclaves tenu par la
Compagnie commerciale atabéenne. Ils savent pertinemment
que la seule défense ne peut faire cesser ces attaques. L’ahosu
de la Xwéda ainsi que l’alaafin d’Igodomigodo ont tous deux
exprimé leur scepticisme, mais Kankan est resté ferme : si
leurs États veulent continuer à recevoir le soutien financier
de la Kurafaba, ils doivent obéir.

Accroches scénaristiques
• Kankan a eu une vision : sang et mort s’inviteront à
la prochaine réunion de la Kurufaba internationale.
Il est convaincu que cela va se produire s’il ne
déniche pas le traître qui se cache dans leurs
rangs. Les Héros sauront-ils l’aider à protéger la
confédération du félon ?
• L’un de vos Héros est renommé pour ses talents
de navigateur, et le mansa a besoin de quelqu’un
KANKAN, MANSA DE LA pour faufiler un navire sous le nez de la Compagnie
KURUFABA MANDÉNIANE commerciale atabéenne et porter un message à un
autre bâtiment qui se trouve de l’autre côté de la
zone dangereuse. Si le Héros parvient à relayer ledit
« À quoi bon l’or si votre peuple manque message sans souci et en secret, il sera généreusement
de nourriture et d’éducation ? Nourrissez-le,
éduquez-le, élevez-le vers les champs de la récompensé… et sauvera probablement toute l’Ifri.
paix. Alors, il se peut que vous commenciez
à devenir meilleur qu’un roi : un sage. »
Youssou Sende
Si les Mandénians devaient n’avoir qu’une seule voix pour
les représenter tous, alors ce serait celle de Youssou Sende,
la plus célèbre des griots de la Kurufaba mandéniane,
favorite du mansa et des oris. Les gens racontent que, dans
son enfance, les oris l’ont bénie en lui attribuant le don de
se souvenir de tout ce qu’elle entendait. Elle est tellement
appréciée que l’on dit qu’à sa naissance, au lieu de trois oris,
il en fut envoyé quatre.
Sende est capable de se souvenir de l’histoire de
son peuple, laquelle lui fut enseignée par la lignée
ininterrompue de ses ancêtres féminins. Elle erre de
village en ville et de ville en village, rassemblant les récits,
transmettant les siens à d’autres griots. Leurs histoires
entrent alors dans sa mémoire, et au fil des récits, elle
mêle l’histoire des individus à celle de la Kurufaba
mandéniane. Certaines personnes deviennent des légendes,
et répandent espoir, rire et force auprès de ceux qui en
ont besoin.
Comme tous les Mandénians vivant près du Royaume de
Mbey, elle connaît le deuil. Elle était présente à Aksoum
le jour de la naissance de la princesse Mehret. Un ori la
prévint de rester un jour de plus sur place avant de rentrer
chez elle. Elle obéit et, à son retour, découvrit que tous les
membres de son village avaient été capturés ou tués par les
esclavagistes mbeyens. L’ori lui avait sauvé la vie. Elle sait
que le temps file, et prie pour que les oris la récompensent
de son travail en ramenant sa fille auprès d’elle, ou bien lui
envoient une apprentie pour prolonger sa lignée.

Accroches scénaristiques
• Alors qu’elle divertit les Héros lors d’un festin de
noces, Sende est possédée par l’ori Oshun. Face
à l’une des Héroïnes, elle tend un collier de nacre
pris sur son propre cou. Après la possession,
Sende explique que l’Héroïne a été choisie par
l’ori pour lui succéder et devenir griot. Répondra-
t-elle à l’appel ?
• Le mansa a envoyé les Héros protéger des villages
à la frontière. Ils capturent une soldate mbeyenne
qui dit être originaire du Manden, et plus
précisément de son armée. Elle a avec elle une
petite poupée qui ressemble à Sende, et demande YOUSSOU SENDE
aux Héros de l’aider à retrouver sa mère.
« Il n’y a pas meilleure arme que les
histoires. Combien d’épées peuvent
tout à la fois inspirer leur prochain,
briser ses chaînes, le soigner et lui
enseigner les méfaits de la guerre ? »
 Adegoke, prince de la
Kurufaba mandéniane
Le cadet de Kankan est un frère « adoptif », un otage issu de la
famille royale d’Ajaka-Katunga. Il fut « donné » à la Kurufaba
mandéniane pour garantir qu’il n’y aurait plus de velléités
sécessionnistes de la part de l’Igodomigodo. Adegoke grandit
dans le luxe, mais n’en fut jamais satisfait. Il savait qu’il n’était,
au mieux, que le second derrière le mansa, et au pire une simple
monnaie d’échange. Il passa donc son enfance à se méfier de
tout le monde, sauf de son meilleur ami : Omobolanle.
Omobolanle n’apparaît qu’à ses yeux. Adegoke sait qu’il n’est
pas humain : c’est un spectre, peut-être même un djinn. Il
est toutefois le seul à s’être montré favorable envers son plan
pour renverser le mansa et usurper le sika’dwa au nom de
l’Igodomigodo.
Durant la longue absence de Kankan, Adegoke déclara la
guerre à l’Empire aksoumite dans l’espoir de s’attirer assez
de soutien public et militaire pour voler le trône à son frère.
La guerre était censée se terminer rapidement, mais il n’en
fut rien. Adegoke choisit donc d’user d’une autre tactique
contre l’Aksoum, afin de démontrer ses talents de grand
stratège. Malheureusement pour lui, les mathématiciens
aksoumites prédirent toutes les attaques-surprises ainsi
que chacun des pièges qu’il avait élaborés. Les armées
mandénianes, qui ne profitaient plus de l’avantage du
nombre, luttèrent en vain durant cinq ans pour finalement
ne gagner qu’un tout petit peu de terrain.
En revenant, le Kankan fit stopper les hostilités. En
dépit de cette longue guerre décidée en son absence, il fait
toujours entièrement confiance à Adegoke. Les alagbato
iya ont également toute la confiance du mansa, grâce à
Adegoke qui a charmé leur chef. Omobolanle a en effet fait
don d’une langue séductrice à Adegoke, et ce dernier œuvre
actuellement à la conversion du reste de la garde personnelle
du mansa à sa cause. Il prépare ainsi un coup d’État qui lui
permettra de prendre le pouvoir.

Accroches scénaristiques
• L’amante d’Adegoke—Izegbe, capitaine des Iya—se
ADEGOKE, PRINCE DE LA doute qu’il ne la courtise que pour mieux attaquer la
KURUFABA MANDÉNIANE Kurufaba mandéniane. Elle lui a posé un ultimatum :
il l’épouse ou elle le quitte. Tandis qu’il tente de la
convaincre du contraire, elle se tourne vers les Héros
« Un homme intelligent n’attend pas que pour l’aider à connaître le fin mot de l’histoire.
son destin lui tombe dessus. Il patiente, il agit,
mais surtout… il écoute. » • Jawaroo, une servante du mansa, a été possédée par
un ori durant une fête. Désormais, elle peut voir et
entendre Omobolanle. Jawaroo pense que l’esprit lui
fera du mal s’il découvre son nouveau pouvoir. Alors
qu’un des Héros termine à peine une mission pour
PUISSANCE  INFLUENCE MALFAISANCE 
le mansa, elle le supplie de l’aider.
3 9 12
Kunto da Rosa
Le mansa Kankan et l’ahosu Mazidath furent ravis de
tomber sur une charpentière théane d’origine xwédane
prête à diriger les nouveaux chantiers navals de la
Kurufaba mandéniane. Le capitaine da Rosa est fille d’un
maître-charpentier odisséen et d’une navigatrice xwédane.
Lorsque le mansa l’a engagée, elle avait déjà derrière elle
des décennies d’expérience auprès de la couronne de
Castille. La Kurufaba lui a proposé un très gros salaire
afin qu’elle travaille exclusivement pour eux, à Arrada. Ils
ignoraient cependant que la Compagnie commerciale
atabéenne lui versait déjà un salaire.
Au début, la Compagnie voulait une taupe dans les
chantiers navals castillians afin d’être informée chaque
fois que la Castille bâtissait une nouvelle armada
potentiellement capable de s’opposer à elle. Depuis, la
Compagnie a proposé d’augmenter le salaire—déjà
colossal—de da Rosa si elle continuait d’être agent double
au sein de la Kurufaba mandéniane.
Da Rosa est une excellente charpentière, mais sa fierté
professionnelle passe après son avidité. Elle est accro à
l’argent. Au début, da Rosa a vraiment fait de son mieux
pour livrer une flotte de première qualité à la Kurufaba,
mais elle a récemment reçu l’ordre de saboter le projet.
Les superviseurs qui travaillent directement sous ses
ordres, également payés par la Compagnie, font en sorte
de fabriquer des navires disposant de faiblesses que leur
employeur secret pourra exploiter.
Néanmoins, il y a quelqu’un dans le chantier qui essaie de
saborder da Rosa. Les jonow et nyamakalaw mandénians
qui travaillent sous ses ordres ont commencé à réparer ses
« erreurs ». La taupe affronte donc une autre taupe.

Accroches scénaristiques
• Kunto da Rosa a pris un congé maladie, car
le poids de certaines décisions l’a menée à la
dépression nerveuse. La personne qui la remplace
temporairement a découvert des preuves de sa
traîtrise et se tourne vers les Héros. Comment KUNTO DA ROSA
da Rosa pourrait-elle trahir son peuple ? Est-elle
victime d’un coup monté ?
• L’un des Héros a découvert l’identité de la taupe. « L’or ne tient pas chaud, c’est vrai. Mais
Elle se prépare à briser la paix qui règne dans la
il ne rouille pas, ne ment pas et quand
vous vieillissez, il ne vous rend pas
Kurufaba mandéniane en suggérant que l’ahosu nostalgique de votre jeunesse. Laissez-moi
d’Awkar savait depuis le début que da Rosa était la mer et l’or ; prenez tout le reste. »
une traîtresse. Les Héros sauront-ils démêler le vrai
du faux avant qu’il ne soit trop tard ?
PUISSANCE  INFLUENCE MALFAISANCE 

4 10 14
Chapitre 3
Le Royaume de Mbey
 LE ROYAUME DE MBEY
Dirigée par deux démons jumeaux, la Mbey est un terrain
idéal pour l’étude du mal, qu’il soit d’origine humaine ou
surnaturelle. Chue de toute la hauteur de son ancienne
flamboyance, elle ne s’est relevée qu’au prix du sacrifice de
son âme. Malheureusement, son histoire tragique continue
encore et toujours à s’écrire dans le sang de son peuple.
Légion vit là-bas, et il ne compte pas partir de si tôt.
—Khadija Azawad, historienne

Des cinq Nations ifriennes, la Mbey est la plus à même
d’être considérée comme un empire. « Mbey » n’est en
effet que le nom de son territoire le plus important, une
terre couverte d’une forêt tropicale dense sise au cœur
d’un bassin où le bourba—le souverain mbeyen—gère les
affaires des six royaumes vassaux depuis son palais royal.
Le bourba règne sur le Royaume de Mbey depuis ces
temps immémoriaux où il reçut l’un des sika’dwas offerts
par les joks. Se pliant à la volonté de ces derniers, les
royaumes de Diourbel, de Gelwaar, de Kahone, de Nder
et de Mboul jurèrent alors fidélité à la Mbey. Pendant des
siècles, leur union fut totale.
À son apogée, la Mbey dominait toute l’Ifri. Nul ne
pouvait égaler la richesse, la gloire et la splendeur de
ses différents peuples. Chaque royaume possédait une
identité propre dont il était fier. La cavalerie du Diourbel
était célèbre pour ses chevaux que l’on ne trouvait nulle
part ailleurs en Ifri. Les fameux lutteurs de Kahone
étaient connus dans toutes les Terres d’Or et de Feu sous
le nom de simb, les « faux-lions. » Les marins du Mboul
étaient réputés pour leurs talents de navigateurs inégalés.

58 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY


Les sages de Nder protégeaient la frontière septentrionale
tant par la diplomatie que par leur pratique inégalée de
l’ancienne sorcellerie. Quant aux robustes habitants du
Gelwaar, ils surveillaient le Domaine du Bonsam, protégeant
ainsi la Terra de l’influence du mal. En ces temps, les rivaux
de la Mbey, tout aussi respectueux qu’envieux, l’appelaient le
Royaume des royaumes car elle représentait un idéal dont ils
ne pouvaient que rêver.
Cette magnificence était liée tant au prestige du sika’dwa
qu’à la grande tolérance dont faisait preuve le bourba.
Celui qui gouvernait la Mbey devait ainsi incarner les
trois grandes vertus du thiossane  : un comportement
bienveillant, une âme généreuse et un tempérament
posé. Traditionnellement, le bourba devait être mbeyen,
mais le titre n’était pas héréditaire : les kangams des cinq
royaumes vassaux désignaient leur roi en fonction de
la valeur de l’individu. Ce système méritocratique était
alors considéré comme le plus honnête possible (il n’était
pas parfait, bien sûr, mais il permettait de nommer des
dirigeants dotés d’une vraie grandeur d’âme).
Le premier bourba partit au-delà des frontières de son
propre royaume. Il contempla les merveilles architecturales
de Khémet, apprit les sciences et la médecine dans
l’Empire du Croissant, invita à sa cour les Théans qui
vivaient au nord. Ce faisant, il fit de Lougua, la capitale
du Royaume de Mbey, une métropole hors du temps et
de l’espace. Un tel progressisme était vu comme tout à fait
normal dans ce pays où le mélange de cultures disparates
avait profité à l’essor de la philosophie, de l’artisanat et
de l’art plus que nulle part ailleurs dans le monde. Cette
volonté progressiste touchait également la politique et la
religion mbeyenne.
La corruption de la Mbey est peut-être le crime le plus
grave de toute l’histoire de la Terra. Quelles merveilles
La chute du Royaume de Mbey
La Compagnie commerciale atabéenne réussit en quelque
mois là où d’autres avaient échoué pendant des siècles.
Elle ne lésina sur les moyens. Dans un premier temps,
ses agents se firent passer pour des locaux et semèrent
méticuleusement méfiance et suspicion à travers tout le pays.
Ensuite, elle fit attaquer la côte nderienne et la frontière
diourbeloise en maquillant ces assauts en opérations
militaires mboules. Assaillis, le Diourbel et la Nder
réclamèrent l’aide du bourba. Ce dernier consentit à leur
venir en aide, mais lorsque le Mboul jura son innocence au
souverain, celui-ci choisit de les croire. Alors que les rafles
GLOSSAIRE DES MOTS
MBEYENS
assanyi : religion vénérant les oris. On dit
qu’ils entendent et exaucent les prières
quand cela leur chante.
bour : roi mbeyen vassal, sous l’autorité
du bourba.
bourba : souverain du royaume Mbey.
brak : représentant et conseiller du bourba
quant à la gestion des royaumes vassaux.
Deuxième peuple : descendants directs
des nomades maghrébins qui s’installèrent
en Mbey.
Diourbel : État du Royaume de Mbey. Ses
habitants sont les Diourbelois.
Gelwaar : État du Royaume de Mbey. Ses
habitants sont les Gelwaariens.
Kahone : État du Royaume de Mbey. Ses
habitants sont les Kahonois.
kangam : notable important (pas nécessaire-
ment noble) respecté par le peuple.
Mboul : État du Royaume de Mbey. Ses
habitants sont les Mbouls.
Nder : État du Royaume de Mbey. Ses
habitants sont les Nderiens.
Premier peuple : descendants des premiers
habitants de Mbey.
njaay : langue du Royaume de Mbey.
thiossane : fondement de la
culture mbyenne.
seraient apparues si ce royaume avait pu continuer sur
cette voie ? Quels maléfices auraient été contenus si les
Pierres du Bonsam étaient restées au Gelwaar ? On peut
blâmer la Compagnie commerciale atabéenne, ainsi que la
Montaigne, pour cette déliquescence, mais n’oublions pas
que le bourba Ighodalo est tout aussi responsable. Après
tout, il est le souverain mbeyen devenu fou suite à l’échec
de sa propre souveraineté.
s’aggravaient, le Diourbel décida de se passer de l’aide de
Lougua et de riposter frontalement : le brak fut assassiné,
et la cavalerie fut envoyée en Mboul pour massacrer village
après village, tuant autant d’innocents qu’il leur en avait
été pris. La Compagnie commerciale atabéenne avait
parfaitement réussi à mettre le feu aux poudres, et elle
n’avait désormais plus grand-chose à faire pour l’attiser.
Alors que le Royaume des royaumes se morcelait
politiquement, la guerre civile éclatait. Seule la Nder
demeura neutre, s’abstenant de participer aux hostilités
en dépit des lourdes pertes infligées par les assauts côtiers.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 59
 Durant des mois, les royaumes mbeyens s’entredéchirèrent
tandis que la Compagnie profitait du chaos avec une
redoutable efficacité.
La situation lui était certes très profitable, mais elle
s’aperçut rapidement qu’elle serait encore plus rentable si
la Mbey s’unifiait sous sa coupe. Une Mbey faible était
en effet un royaume vulnérable aux attaques du Maghreb
et de la Kurufaba mandeniane, soit une position dont
la Compagnie ne voulait pas (ils s’intéressaient trop
aux mines d’or mandénianes pour cela). Avec une Mbey
unifiée à son service, la Compagnie disposerait d’un pays
où elle pourrait s’établir, avec une armée et une source
infinie de richesse. Elle proposa alors ses mercenaires au
service du bourba Ighodalo à la condition qu’il leur cède
son sika’dwa, symbole même de sa souveraineté. Bien
évidemment, le bourba refusa.
C’est ainsi que débuta le siège de Lougua. En temps
normal, une petite armée de mercenaires composée de
Théans et d’esclaves n’aurait eu aucune chance dans les
forêts humides de la Mbey. Cependant, étant donné que
le reste du Royaume était plongé dans le chaos, la ville
ne reçut aucune aide. La volonté d’Ighodalo fut inflexible,
mais celle des étrangers—qui composaient plus de la
moitié de la population permanente de Lougua—s’avérait
moins solide, et la Compagnie ne le savait que trop
parfaitement. Après quatre semaines de siège, alors que
la faim et la maladie s’étaient installées, la Compagnie
offrit la liberté à tout étranger (homme, femme ou enfant)
qui leur apporterait le très-saint sika’dwa du Royaume
de Mbey.
À ce moment, Ighodalo comprit que Lougua ne lui
appartenait plus. Comme ses prédécesseurs, il avait
autorisé les étrangers à vivre dans sa ville, et ces derniers
avaient trahi son hospitalité. La mort dans l’âme, il admit
qu’il lui fallait réagir pour ne pas perdre le royaume tout
entier. Aussi rassembla-t-il ses plus loyaux soldats, ceux de
la Neuvième garde, et les envoya-t-il pour assassiner tous
les étrangers pendant leur sommeil, n’épargnant que les
enseignants et les enfants, qu’il fit jeter en prison. Ce fut
la plus grave violation des principes du thiossane depuis
la fondation de la Mbey.
Lorsqu’ils eurent vent des atrocités commises par le
bourba, les fils jumeaux d’Ighodalo furent submergés
par la honte. Leur père avait assassiné des invités de la
ville, des gens qui avaient été leurs amis. L’un des fils,
brûlant de colère, souhaitait punir son père pour son
crime. L’autre, dévoré par la honte, ne voulait qu’épargner
60 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY
à son patriarche une humiliation supplémentaire.
Ensemble, ils s’emparèrent du sika’dwa et le présentèrent
au commandant des armées de la Compagnie. Ce dernier
les remercia de leur bon sens en les faisant mettre aux
fers. Le bourba n’avait pas encore appris la nouvelle de leur
capture que ses fils se trouvaient déjà en route vers Belleté
pour y être vendus comme esclaves. Ils furent embarqués
à bord d’un navire et on ne les a plus revu depuis.
Fidèle à sa parole, la Compagnie leva le siège et cessa les
hostilités. N’étant plus entretenue par les raids militaires,
la guerre civile s’atténua. Malheureusement, le Royaume
de Mbey n’était désormais plus unifié que sur le papier.
Des tensions demeuraient  : des milliers de mbeyens
étaient morts, et la Compagnie avait pris au bourba toute
sa fierté et son pouvoir.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, le pire était
pourtant à venir.
Sans le sika’dwa, Ighodalo n’avait plus le droit de régner.
Ses armées ne souhaitant plus combattre, il n’avait aucun
moyen d’expulser la Compagnie, et aucun espoir non plus
de récupérer ce qui était sien. Sans trône sacré, la Mbey ne
serait plus jamais la Mbey, et lui, sans ses fils, ne serait plus
jamais un père. Le plus grand royaume du monde connu
s’était brisé, sous son règne. Les joks s’étaient-ils trompés ?
Les kangams s’étaient-ils fourvoyés ? Le doute et la honte
étaient désormais trop lourds à porter.
Ighodalo fit alors l’impensable…
On raconte parfois que le bourba n’a fait qu’obéir à une
prophétie. Le destin fait en effet une excellente excuse
pour couvrir les vérités les plus honteuses. Même la folie
est une bien meilleure raison que la triste vérité : quelle
que soit la tentation, on peut y résister cent fois, mais si
à la cent unième occasion notre volonté faiblit, alors, on
succombe. Pour Ighodalo, il ne fallut que trois jours pour
que l’idée s’installe dans son esprit et gagne en force à
chaque coucher et lever de soleil.
À l’aube du quatrième jour, il convoqua la Neuvième
garde et l’envoya en mission secrète au sud. Les soldats
traversèrent le pays en direction du Gelwaar, vers le
Domaine du Bonsam. La plupart d’entre eux furent blessés
ou tués par les Gardiens gelwaariens qui protégeaient
l’accès à ces terres maudites, mais les survivants menèrent
à bien la mission que leur avait donnée le bourba. Avant
le premier lever du soleil, ils trouvèrent l’un de ces
monolithes noirs que l’on appelle Pierre du Bonsam. À
l’aube, ils l’avaient déterré et étaient déjà sur le chemin
du retour, poursuivis par les Gardiens du Gelwaar. Rares
furent ceux qui survécurent jusqu’à Lougua, mais les
quelques survivants parvinrent à ramener la Pierre.
Le matin suivant, Ighodalo fit tirer de leurs demeures
les cinq bours des royaumes vassaux. Lorsqu’ils arrivèrent
au château, une étrangère les accueillit. Elle ressemblait
à une femme fragile, d’âge indéterminé, avec une peau
couleur de miel comme on n’en voyait pas en Ifri. Elle
avait des membres aussi grêles que ceux d’une araignée, et
son ventre était distendu tel un fruit trop mûr.
Cette horreur se présenta sous le nom de Chitendu et
les informa qu’ils devaient à nouveau jurer leur fidélité
au bourba. Ce n’était que de la simple précaution, leur
dit-elle, au vu des récents événements. Ce qui se produisit
alors n’est connu que des cinq bours, du bourba et de la
mystérieuse Chitendu, mais durant les jours qui suivirent,
Ighodalo se mit à porter une longue lanière de cuir autour
du cou où étaient suspendus cinq cœurs encore battants.
Après cela, le Royaume de Mbey fut à nouveau unifié,
dans un esprit toutefois différent de celui de jadis.
Désormais, le malaise y est roi. On y ressent partout
comme une espèce de tristesse ou de cruauté latente.
Le Gelwaar céda à contrecœur le Domaine du Bonsam
au bourba, qui entreprit des travaux d’excavation pour
ramener les Pierres à Lougua. Afin de faciliter cette tâche,
il entreprit de réduire en esclavage ses voisins du Maghreb
et du Manden, ce à quoi la Compagnie fut plus que ravie
d’apporter son concours. Les fouilles se poursuivent
aujourd’hui encore, et les Pierres du Bonsam sont
transportées à Lougua dès qu’elles sont trouvées. Ceux
qui survivent à ces livraisons racontent des histoires folles :
ils parlent d’une jungle qui brûle mais jamais ne devient
cendres, d’un trône constitué de débris de Pierre du
Bonsam, d’hommes et de femmes qui ressemblent à des
morts, des yeux luisants de Chitendu (dont la présence
reste obscurcie par un nuage de mouches) et du battement
omniprésent de ces maudits cœurs que le bourba porte
toujours à son cou.
La seule conséquence positive de tout cela est que ce qui
lie la Mbey à la Compagnie a tourné en faveur du bourba.
S’il a tressailli face à elle durant une brève seconde, ce n’est
désormais plus le cas. La Compagnie ignore pourquoi.
La Mbey profite de relations commerciales encore plus
enthousiastes avec elle, que ce soit pour les esclaves, l’or ou les
armes à feu. Peut-être cela est-il révélateur : le bourba n’agit
pas en père privé de ses fils ou en roi privé de son pouvoir,
mais plutôt en homme possédé. Son but et ses ambitions
demeurent mystérieux, mais demandez à un agent de la
Compagnie de vous dire qui exploite qui dans cette relation…
En apparence, la Compagnie est en position de force, mais
elle sait, au fond, que tout cela n’est que chimère.
Territoire
Le Royaume de Mbey s’étend sur plus de cinq cents
kilomètres de côte sur la mer du Commerce, avant de céder
la place à la Kurufaba mandéniane au sud. Si la Mbey est
la plus petite des Nations ifriennes, elle a toujours dominé
la côte occidentale du continent, ses opposants échouant
immanquablement à franchir ses frontières terrestres.
Désormais, ses terres sont le cauchemar de ses ennemis,
qui sont traînés hurlants et frémissants dans la nuit.
Les cinq royaumes de Mbey—le Diourbel, le Gelwaar,
la Kahone, le Mboul et la Nder—sont enclavés entre
les Toubkal (au nord et à l’est), le Manden et la mer du
Commerce. Le pays est majoritairement recouvert d’une
épaisse forêt tropicale.
Au nord-ouest du royaume se trouve la Nder. Deux fois
par an, les crues du Fleuve rouge—qui tire son nom de la
couleur très marquée de sa tourbe—irriguent les champs
disposés le long des rives. Grâce à cela, l’agriculture
ndérienne est extrêmement productive, à tel point que
la Nder fut longtemps considérée comme la réserve
alimentaire du Royaume de Mbey. Les choses changèrent
lorsque le Domaine du Bonsam fut violé par Ighodalo. Un
épais brouillard recouvrit alors tout le pays. Désormais,
quiconque marche dans les volutes de cette brume finit par
se retrouver à son point de départ, comme s’il avait tourné
en rond. Les rumeurs abondent au sujet de l’origine de
ce phénomène. Certains racontent que ce phénomène fut
volontairement provoqué par les Ndériens qui, grâce à leur
étrange connexion avec la terre ainsi qu’à leur pratique
de l’ancienne sorcellerie, parvinrent à disparaître. On
chuchote ici et là que la récente résistance qui s’est élevée
contre le bourba est issue du peuple invisible de Nder.
Toujours est-il que depuis la disparition de la Nder, les
autres pays du Royaume de Mbey ne peuvent désormais
plus compter sur leur importante production agricole
pour nourrir les populations affamées.
Avant l’apparition du brouillard, la frontière entre la
Nder et le Mboul était déjà floue. Si la Nder était le
cœur agricole de la Mbey, le Mboul fut de tout temps
son royaume le plus riche. Les réserves naturelles de bois
étaient utilisées pour la construction navale et, durant plus
d’un siècle, le Mboul—donc le Royaume de Mbey—fut
la plus grande force maritime d’Ifri. Ses navires reliaient
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 61
 toutes les grandes villes de la côte, leur
magnificence se manifestait donc jusque
dans des ports aussi lointains que ceux
de Khémet. Lorsque la Compagnie
commerciale atabéenne affronta des
Mbeyens pour la première fois, ils
s’opposèrent en fait aux Mbouls.
Au sud du fleuve Mbey, qui marque la
frontière méridionale du Mboul, se trouve le Gelwaar. Ce
royaume est le moins hospitalier de toute la Mbey. Seules
ses rives, touchées par les doigts liquides de l’océan, sont
propices à la vie humaine. Tout voyageur qui s’aventure
dans les terres se rend compte, au bout de quelques
kilomètres, que le Gelwaar est parfaitement inhabitable.
Ces terres sont en effet contaminées par la présence de
monolithes noirs que l’on appelle les Pierres du Bonsam.
Voilà des siècles, les joks vainquirent en ces terres le
Bonsam et ses démons, qu’ils emprisonnèrent dans ces
obélisques de marbre noir. La plupart sont concentrés
dans ce que l’on nomme le Domaine du Bonsam. Ici, ils
sont parfois si proches et nombreux qu’ils forment un mur
infranchissable. Ailleurs, il se peut qu’on n’en voie aucun
durant un ou deux kilomètres.
Si vous remontez vers le nord, et que vous continuez
jusqu’à ne plus voir l’ombre des Pierres du Bonsam sur
l’horizon, alors vous atteindrez le Diourbel. Dans ce
royaume, la jungle est moins épaisse, et de nombreuses
étendues plates permettent la mise en pâture et le galop
des chevaux. Ces robustes étalons ne ressemblent en
rien aux autres espèces équines d’Ifri (sauf peut-être aux
chevaux de course hérités de l’Empire du Croissant), et
constituent le cœur de la redoutable cavalerie diourbeloise.
La frontière entre le Gelwaar et la Kahone est la plus
claire de toutes : un golfe entier en marque la séparation.
62 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY
Si vous demandez à un Mbeyen quelle
est la différence entre le Gelwaar et la
Kahone, il vous répondra que la Kahone
est « la terre sur laquelle le Deuxième
peuple réside. » Cela signifie que vous
êtes au beau milieu du royaume où
les Premiers et Deuxièmes peuples
se sont rejoints, tels les deux affluents
d’une rivière, et que vous pourriez tout aussi bien vous
trouver dans deux régions différentes à la fois. Cette
affirmation était souvent vraie avant l’arrivée de la
Compagnie, mais depuis que cette dernière a installé une
colonie à l’embouchure de l’Esin Odò Na, les Kahonois
sont traqués par les esclavagistes. Cela provoque des
déplacements de population. Désormais, la jungle a repris
ses droits sur ces villages abandonnés. La Kahone est peu
à peu passée de « royaume qui est » à « royaume qui fut. »
Le cœur battant du Royaume de Mbey est sa région du
même nom, sise au fond d’un bassin. Jadis, une brume
recouvrait perpétuellement cette région, comme de
grands nuages qui s’écoulaient des nombreuses cascades
et rivières. Ces nuées, incapables d’échapper au relief,
restaient suspendues entre les frondaisons des forêts
tropicales. Depuis que les premières Pierres du Bonsam
ont été brisées, la jungle brûle—sans cesse—et là où
l’on trouvait de la brume s’élèvent désormais des vents
chauds et des fumées ardentes. À présent, on y trouve de
nombreuses créatures inconnues ailleurs (en Ifri comme
sur Terra). La capitale, Lougua, se situe au milieu de
ces brasiers, mais elle ne brûle pas, comme si elle était
protégée. Tout Mbeyen qui sait de quoi il parle affirmera
préférer la mort à une migration vers la capitale, mais
nul ne le dira plus haut qu’un murmure, de peur d’être
entendu par ce qui rôde dans les ombres.
L’aventure en Mbey
Le peuple de Mbey est actuellement sous la coupe
d’impérialistes et de démons. Il n’est malheureusement pas
aisé de leur venir à l’aide, car la Compagnie commerciale
atabéenne a si bien fait son œuvre qu’en Mbey, la confiance
vaut désormais plus cher que l’or.
Vaincre le Bonsam et ramener la Nation à sa gloire des
temps passés est le plus grand accomplissement auquel
vous puissiez aboutir dans le Royaume de Mbey. Ce n’est
cependant pas une mince affaire. Les Héros œuvrant
depuis la Mbey devront s’assurer de créer de nouveaux
réseaux d’entraide entre les six royaumes vassaux, tandis
que ceux qui agissent depuis l’extérieur devront agir
subtilement pour saper l’influence de la Compagnie, et
ainsi créer des opportunités pour que le peuple brise
ses chaînes d’avidité, de misère et d’oppression. Cette
révolution se prépare depuis longtemps, et elle va mijoter
encore un moment avant d’éclater.
Bien sûr, les Héros ont différents moyens de combattre
le mal qui ronge le cœur de la Mbey. Ici, les abonsams
cavalent en liberté et s’adonnent à tous leurs vices, et si
vous exterminez ces démons, vous aiderez déjà beaucoup
le pays. Ce n’est toutefois pas suffisant. L’esclavagisme
déchire des familles et condamne les plus pauvres, qui ne
rêvent que de l’arrivée d’un sauveur pour les libérer de
leur condition. La jungle mbeyenne, qui brûle sans jamais
devenir cendre, doit de plus être nettoyée pour pouvoir
être ramenée à sa forme naturelle (une mission taillée pour
les Héros proches du vivant ou ayant des pouvoirs liés aux
éléments). Enfin, même si la Compagnie œuvre depuis
l’ombre, ses agents sont (pour la plupart) de simples
humains que l’on peut combattre, à l’aide de son esprit
comme de son épée.
Jouer un Héros mbeyen
La Mbey a désespérément besoin de Héros, et peu d’entre
eux ont entendu son appel. Du fait de la perte du sika’dwa
et de la puissance croissante des Pierres du Bonsam,
l’esprit du peuple de Mbey est embrumé par les pouvoirs
du démon. Ici, même un individu innocent peut finir par
céder à ses pires vices, et vivre à l’image des démons qui
l’entourent.
Un Héros mbeyen peut être :
• une exorciste gelwaarienne, parmi les derniers
capables d’arracher les abonsams du corps
qu’ils possèdent, en fuite perpétuelle car ces
démons pourchassent ceux qui disposent d’un
tel pouvoir ;
• un conteur musicien qui voyage de village en
village afin de rappeler au peuple son passé, et
qui tâche de rapprocher les lieux voisins, ravivant
les braises des amitiés de jadis ;
• une ex-agent de la Compagnie qui s’est retournée
contre ses maîtres et cherche désormais à bouter
hors du pays les envahisseurs impérialistes ;
• un esclave libéré qui travaille à faire échapper
ses semblables des marchés où ils sont vendus ;
• une historienne qui espère retrouver le sika’dwa
perdu du Royaume de Mbey et, ainsi, rendre à la
couronne légitimité et sincérité ;
• un rooi heks, un sorcier qui flirte avec la
Corruption pour mieux servir le bien commun et
qui utilise ses pouvoirs pour influencer la marche
du monde.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 63
 Société
La société mbeyenne est scindée entre le peuple et les
kangams. Le peuple représente bien évidemment la
vaste majorité des Mbeyens (même s’il existe de subtiles
distinctions entre ceux qui travaillent la terre et les artisans).
En principe, les kangams ne sont pas fondamentalement
différents  : ils ne vivent pas séparément, occupent les
mêmes emplois, ne possèdent pas davantage de richesses
et partagent les mêmes coutumes. Ce qui les distingue,
c’est uniquement le respect qui leur est témoigné. Le terme
« kangam » signifie en effet « des plus respectables ». Dans
un sens, ce sont eux les nobles du Royaume de Mbey, et ce
même si aucun Théan ne leur reconnaîtra jamais ce statut.
L’accès à ce statut ne s’hérite pas, et ne s’obtient pas non
plus par élection. Il dépend des talents d’un individu
dans un domaine, de sa sagesse voire du fait qu’en cas de
problème, c’est vers lui que ses proches se tournent. Ce
processus est tellement peu formel qu’un kangam peut
tout à fait ne pas avoir conscience d’en être un, jusqu’à
ce qu’on le convoque pour accomplir une tâche officielle
qui correspond à son statut. Il s’agit d’une méritocratie
sans chichis ni récompense  : en Mbey, on a plus de
responsabilités que de richesses, et c’est davantage le sens
civique qui guide les kangams que leur ambition ou leur
avidité. Cela ne signifie pas qu’un kangam n’est jamais
récompensé, juste que cette position naît du respect que
les autres lui accordent. Dans les faits, un kangam est
traité avec égards par tous ceux qu’il croise.
Au-dessus du peuple et des kangams, on trouve les bours
et les braks, en théorie à niveau égal. On pourrait traduire
« bour » par « roi », mais le terme « ambassadeur » est
plus juste. Le bour est le représentant de son royaume
natal à Lougua, à la cour du bourba. Chacun des cinq
royaumes vassaux dispose d’un terme honorifique pour
le désigner : en Nder, on l’appelle le bour, au Diourbel
c’est le teny, en Mboul le damel, au Gelwaar le balam et en
Kahone le laman. À l’inverse, les cinq braks représentent
le bourba dans les royaumes vassaux.
Il existe enfin une dernière classe sociale : les esclaves.
En Mbey, d’aussi loin que les griots s’en souviennent,
l’esclavage a toujours existé. La capture des ennemis
puis leur mise en esclavage au service d’autrui—ou
sur les champs de bataille—s’y est toujours pratiquée.
Avec l’arrivée de la Compagnie commerciale atabéenne,
64 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY
l’esclavage s’est transformé en une véritable entreprise dont
le commerce ne se limite plus aux ennemis de la Mbey :
nombre de Mbeyens du Deuxième peuple atterrissent sur
les marchés de la Compagnie, et même ceux du Premier
peuple risquent parfois de s’y retrouver en punition de
leurs crimes, qu’ils soient petits ou grands.
Rapports hommes-femmes
Dans la société mbeyenne, les rôles sont genrés. Les
femmes sont ainsi largement dépendantes des hommes :
elles ne peuvent accéder à des fonctions politiques (la
tradition empêche les femmes de devenir bourba, ou
même bour) et sont traditionnellement cantonnées à des
tâches domestiques.
Toutefois, si la coutume ne place pas hommes et femmes
sur un pied d’égalité, la notion même de genre est perçue
par les Mbeyen de façon très étendue. Par exemple, un
père de famille peut faire d’une de ses filles son «  fils
féminin » et l’élever en tant qu’homme. De même, un
homme peut assumer une charge de « femme masculine »,
et une femme peut tout à fait prendre épouse. Cela a
lieu lorsqu’un individu assume un rôle pour lequel il ou
elle se sent plus à l’aise, mais également quand il y a un
besoin sociétal pour qu’il ou elle occupe une position
revenant «  traditionnellement  » à l’autre genre. Ces
« gymnastiques » sont nécessaires au bon fonctionnement
de la société mbeyenne, et ceux qui endossent ces rôles
profitent de tous les avantages qui vont avec. Par exemple,
une femme qui prend épouse pourra diriger sa famille.
Malheureusement, du fait de l’influence du Bonsam,
ces gens souffrent aujourd’hui à cause de la méfiance
ambiante et des discriminations. Ces réactions participent
à l’instabilité du Royaume de Mbey.
Dans les communautés rurales où les problèmes
quotidiens demandent des réactions immédiates, et où
l’accès à la noblesse dépend entièrement de la valeur que
les autres vous accordent, la répartition des rôles selon
les genres est moins stricte. Cela est encore plus vrai au
sein du Deuxième peuple. Bien qu’ils aient adopté les
coutumes patriarcales mbeyens afin de correspondre aux
attentes de leurs hôtes, ils n’ont pas ressenti le besoin de
renoncer à leurs traditions matriarcales hérités de leur
culture maghrébine.
Culture et coutumes
Les Mbeyens se divisent en deux grandes ethnies  : le
Premier peuple et le Deuxième peuple.
Le Premier peuple est constitué des descendants des
premiers habitants de la Mbey, qui se concentrèrent le
long de ses chaudes eaux côtières et y construisirent leurs
foyers. Ils prospérèrent sous ces agréables latitudes et, avec
le temps, s’étendirent à l’intérieur des terres, déplaçant
souvent d’autres tribus et se mêlant pacifiquement à elles.
Quand il y voyait une occasion profitable, le Premier
peuple adoptait une coutume étrangère et l’adaptait,
emmagasinant de nouvelles techniques, comme l’élevage
des animaux, l’ébénisterie et même la puissante sorcellerie
des tribus de la Nder. Bien que le Premier peuple se
considère comme un seul peuple, les différents groupes
adoptèrent différents noms pour distinguer leurs
différentes cultures régionales (Diourbel, Gelwaar, Mboul
et Nder).
Un jour, le Premier peuple parvint à un bassin qui
s’enfonçait au cœur des forêts tropicales. Les tribus qui
s’y attardèrent l’appelèrent la Mbey. Là, elles élevèrent les
premiers bâtiments de Lougua. À cette époque, Lougua
n’était qu’un village reculé inconnu de tous en dehors de
la Mbey. Cela changea avec l’arrivée des joks et le don du
sika’dwa : la Mbey devint alors un royaume, et Lougua
sa capitale.
Le Deuxième peuple arriva quant à lui en Mbey par
le nord. Il s’agissait de réfugiés venus du Maghreb. Ces
gens plus petits, dont la peau était plus claire, amenèrent
leur religion avec eux. Le Premier peuple vénérait des
centaines d’esprits et de dieux, le Deuxième peuple n’en
reverrait quant à lui qu’un seul. Ils évoquaient souvent
les Prophètes, et les gens bien informés savaient qu’il y
avait dans leurs propos une influence croissantine, très
importante au Maghreb. Leur vaste diaspora s’étendit
jusqu’au sud du Royaume de Mbey, et ils auraient
probablement continué vers le Manden si le bourba ne
les avait pas accueillis sur les rives de l’Esin Odò Na en
leur offrant son hospitalité. Ainsi le Deuxième peuple, las
et mélancolique, posa-t-il ses bagages sur les rivages de
cette rivière, qu’ils ne quittèrent plus. Ils nommèrent leur
territoire d’adoption Kahone.
Quiconque voyage en Kahone doit garder en tête
que, dans toute l’histoire de la Mbey, les Premier et
Deuxième peuples ont toujours été égaux. La distinction
entre «  Premier  » et «  Deuxième  » n’est guère que
chronologique  : certains étaient là d’abord, les autres
sont arrivés après. Il n’y a nulle implication de classe ou
de privilège. Cela a néanmoins changé avec l’arrivée de
la Compagnie commerciale atabéenne, et l’inégalité s’est
encore aggravée quand les premières Pierres du Bonsam
ont été brisées. La plupart des gens savent que les raids
de la Mbey ont terni à jamais leurs relations avec les
Mandénians et les Maghrébins. En revanche, presque
aucun Ifrien ne sait que le bourba Ighodalo a abandonné
le Deuxième peuple aux déprédations des étrangers. Cette
Malfaisance à double visage a transformé le Deuxième
peuple en citoyens de second rang. Bien qu’ils vivent en
Mbey depuis des siècles, ils ont gardé gravé dans leur
mémoire le souvenir des persécutions du passé, et n’ont
guère tardé à refaire leurs valises. La migration vers le sud
a depuis repris, comme si elle ne s’était jamais arrêtée. Nul
ne sait où sera installée leur future et véritable demeure.
Habitudes vestimentaires
Dans la société mbeyenne, les habits diffèrent selon les
genres. L’habit le plus commun est le boubou, une tunique
de coton lâche aux manches larges. Selon l’occasion, il
peut être couvert de broderies précieuses et de motifs aux
couleurs variées.
Les femmes portent souvent un foulard de tête ou un
turban, le disposant en nœud du style de leur choix. Pour
les chaussures, les gens portent des sandales de cuir très
simples, ouvertes ou fermées, pointues ou pas, mais aussi
des sandales très élaborées et colorées qui correspondent
ainsi à la richesse de la personne ou à l’occasion pour
laquelle elles sont portées.
Dans le Royaume de Mbey, les habits sont souvent
colorés, et même les haillons fragmentaires portés par les
pauvres portent souvent la trace d’anciennes colorations.
Les couleurs ne sont pas réparties par genres, et hommes
et femmes se font un plaisir d’en porter le plus possible,
souvent en accord avec la teinte ou le motif de leur boubou.
Le thiossane
Durant des siècles, les Mbeyens ont partagé une unité
culturelle unique au monde. Six royaumes unis sous une
même bannière, chacun possédant sa culture et ses spécificités.
Ce lien profond qui unit tous les Mbeyens fut appelé
thiossane, ce qui signifie « histoire, tradition et culture ».
La famille constitue le premier pilier du thiossane.
Dans le Royaume de Mbey, les grandes familles sont vues
comme un signe de réussite, car seule une personne nantie
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 65
 peut nourrir autant de bouches. Au sein du Premier
peuple, le chef de famille est le père et mari. Il est à la fois
un maître et un servant. Même si sa parole fait loi, il n’est
pas tout puissant : s’il ignore le sage conseil que lui donne
l’une de ses femmes, c’est à lui de gérer les conséquences,
dans son cercle privé mais aussi dans sa communauté. Au
sein du Deuxième peuple, les mères-épouses et les pères-
époux se partagent ce rôle, chacun conseillant l’autre.
Leurs décisions concernent, du côté des mères, tout ce qui
concerne les filles, la maisonnée et les champs, et du côté
des pères, les fils, la politique, la chasse et le commerce.
Le deuxième pilier du thiossane est le village. Ce
dernier constitue l’extension de la famille. Les grandes
communautés sont perçues comme prospères si ses
membres sont robustes et ne manquent de rien. Ainsi,
les membres d’un même village se partagent les gardes
d’enfants, le travail aux champs ou l’entretien des maisons.
Ils gèrent aussi collectivement les échanges avec les
communautés extérieures. Les kangams sont chefs de
village. Quand il y a un souci, leur voix est toujours celle
qui a le plus de poids. S’il n’y a pas de kangam dans un
village, s’il y a un homme ou une femme assez sage, le reste
du village l’élève à ce noble statut.
Le troisième pilier du thiossane est le mariage. La plupart
des villages mbeyens sont liés grâce à une longue tradition
de mariages croisés. Même si le mari ou l’épouse peut avoir
sa propre opinion en la matière, ces mariages tendent à
être arrangés, et la décision finale revient toujours aux
parents. La famille du mari fait une proposition à celle de
la future épouse sous forme de nourriture, le plus souvent
des noix de cola. L’acceptation de ce cadeau signifie que le
futur mari a le droit de courtiser son élue pendant une
période qui peut aller de quelques jours à quelques mois.
Lors de la cérémonie, le mariage prend des allures de
« déménagement » : l’épouse quitte la demeure parentale
et emménage dans celle de son mari. Cette tradition
comprend également des échanges d’objets d’une famille
à l’autre, ce qui complète l’offre de noix de cola.
Ces trois piliers sont les fondations sur lesquelles
s’appuient les trois grandes vertus prônées par le thiossane :
un comportement bienveillant, une âme généreuse et un
tempérament posé. En trahissant le thiossane, le bourba
Ighodalo a également trahi tout le Royaume de Mbey ; mais
même si leur roi n’a eu aucun respect pour sa culture, le
peuple, lui, continue de la faire vivre au quotidien.
Une journée dans la vie d’un Mbeyen
66 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY
La journée de travail commence par un rassemblement
des gens du village afin qu’ils se saluent. Si quelqu’un
manque à l’appel, les villageois vont le chercher. Si un
autre a besoin d’aide, les gens s’assurent qu’il ne soit pas
seul. Ensuite, des messages de remerciements sont envoyés
aux oris et chacun vaque à ses tâches respectives.
Les repas du midi sont pris en famille, avant de retourner
au travail durant l’après-midi. Le repas du soir relève quant
à lui de la sphère publique. Pour ceux qui souhaitent s’y
inviter—et ce n’est pas obligatoire—sachez qu’il est
précédé et suivi de danses et de chants, et qu’après cela, les
personnes présentes échangent des histoires (ou apaisent
tel ou tel conflit quand c’est nécessaire). On invite alors un
ancêtre à se joindre au repas, et on dispose un bol d’eau
à son intention, au cas où il aurait soif suite à son long
voyage. La soirée ne prend jamais fin sans que ne soient
prononcés quelques mots pour les oris. L’exemple de prière
la plus courante est le suivant : « Si cette soirée vous a plu,
merci de protéger nos familles pendant notre sommeil. »
Ces soirées sont parfois paillardes, parfois sombres—de
plus en plus ces derniers temps—mais quoi qu’il en soit,
c’est un moment de partage pour le village tout entier.
Langue
La langue la plus parlée du Royaume de Mbey est le njaay.
Elle fut la première langue sur le plan historique. Tout
comme les langues voisines de la Nder et du Gelwaar, elle
dérive des langues parlées sur le long de la Kwara. Il existe
des variantes régionales du njaay, notamment entre villes
et campagnes.
Alimentation
Le régime mbeyen typique est riche en protéines, notamment
en poisson ou en poulet (dans les maisonnées les plus
riches, cela peut être de la chèvre et du mouton). Ces mets
s’accompagnent de millet, de fonio, de noix (cacahuète
ou cola), d’arachide, de chou, d’oignons, de poivrons et de
carottes. Les sauces sont très appréciées, surtout lorsqu’elles
sont épicées ou réalisées à partir de tomates. Les baobabs,
élément de base de tout village mbeyen, procurent des feuilles,
des fruits et des graines utilisées dans toutes sortes de plats et
d’ingrédients, de la soupe aux sauces en passant par la farine.
Il existe un arbre semblable, le dika, qui pousse dans les lieux
sauvages et produit un fruit voisin de la mangue, dont les
graines comestibles sont une source importante d’huile. Il y a
également une céréale, le sorghum, qui sert d’édulcorant et de
nourriture pour le bétail (c’est d’ailleurs la seule marchandise

que la Compagnie exporte en plus des esclaves et de l’or
depuis le port de Belleté).
Étant donné l’importance du commerce entre
la Mbey et l’étranger, il est facile d’y trouver de la
nourriture exotique d’origine théane, surtout dans
les grandes villes (ou tout endroit où la Compagnie
dispose d’un port).
Arts
Les récits, la musique et les spectacles artistiques
constituent des éléments majeurs dans la vie sociale
des villages.
Chaque village dispose de plusieurs conteurs, le
plus souvent des anciens dont le corps ne peut plus
supporter les trop lourds travaux. Ces hommes et
femmes passent leurs matinées avec les plus jeunes, leur
enseignant les traditions et l’histoire du Royaume de
Mbey. Le soir, ils jouissent d’un rôle important au sein
des rassemblements, racontant différentes légendes et
mythes afin de divertir la foule. Ils renseignent aussi les
kangams sur l’histoire quand l’un d’eux a besoin d’un
avis pour une décision d’ordre politique. Les conteurs
sont tout à la fois professeurs, artistes et historiens.
La musique et la danse sont le domaine de tous.
Chaque Mbeyen voit et entend dès l’enfance les danses
et chants traditionnels de son village, mais aussi du
royaume entier, et ce, avant même qu’il ou elle apprenne
à marcher ou à parler. La plupart des gens savent jouer
d’un instrument (ou bien jouer avec leur corps pour
réaliser des percussions). Le tam-tam est l’instrument
le plus populaire, et tout village dispose d’au moins un
maître en la matière, ainsi que d’un apprenti.
Éducation
S’il y a bien un domaine dans lequel les femmes ont
un avantage social par rapport aux hommes, c’est celui
de l’éducation. À Lougua, on trouve une université
qui fut construite par de riches marchands dīnistes
souhaitant éduquer leurs enfants. Par décret royal,
l’université ne fut autorisée à fonctionner que si elle
ouvrait également ses portes aux Mbeyens. Entrer à
l’université de Lougua est un grand honneur, mais la
vie est dure en Mbey, et une famille de paysans ne peut
pas se passer de l’aide d’un garçon en bonne santé. Les
filles aînées ont également des tâches importantes à
accomplir. En revanche, rien ne s’oppose à ce que les
plus jeunes partent étudier.
LES MUSICIENS
AMBULANTS
En cette période troublée, la confiance
est une denrée rare et les voyageurs sont
toujours reçus avec méfiance (dans les lieux
les plus dangereux, vous risquez même d’être
réduit en esclavage). Néanmoins, la musique
demeure puissante, et musiciens et conteurs
savent raviver la flamme de la confiance.
Les musiciens ambulants vont de village en
village, rappelant aux gens leur histoire et
leurs liens anciens. Ils ont deux armes à leur
disposition : la honte qu’ils font éprouver
aux gens d’une part (afin que ces derniers
rejettent leur côté obscur) et le pouvoir
d’inspirer ces mêmes personnes d’autre part
(afin de les pousser à accomplir des choses
merveilleuses).
Alors qu’un voyageur solitaire (ou un petit
groupe) aura du mal à se frayer un chemin
dans le pays sans s’attirer une méfiance
constante, un musicien ambulant pourra
toujours trouver un moyen de se faire des
amis. L’appel du tam-tam, le son excitant
d’un sifflement suivi du refrain d’une chanson
populaire… tout cela attire les enfants. Bien
sûr, les parents ne sont jamais loin. Un chant
ou une histoire peuvent ouvrir des portes.
Les musiciens doivent évidemment rester
prudents, mais cette tradition leur permet
d’échanger marchandises et informations.
Un voyageur qui dort sur le bord de la route
n’aura d’autre choix que de troquer l’une de
ses possessions en échange d’un lit ou de
quoi à manger.
Bien sûr, tout cela comporte des risques
(les abonsams ont des oreilles, après tout).
Cependant, d’après la légende, un excellent
conteur aura le pouvoir de ramener un
abonsam à son humanité, rallumant la
flamme de ses espoirs et ses passions. Il est
certain qu’un musicien assez doué saurait
convaincre un abonsam de renoncer au
service du malin… après tout, le pouvoir n’est
qu’une question de perception.
À cause de la corruption du bourba et de la nouvelle
politique isolationniste de Lougua, les entrées à
l’université se font plus rares. De nombreuses familles
font aujourd’hui le deuil de leurs filles piégées par la
Jungle incandescente, forcées à endurer des atrocités
que l’on n’ose même pas imaginer, abandonnées entre
les mains du roi fou et de sa cour infernale.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 67
 Religions
À l’image de la diversité du peuple, la religion mbeyenne
est un mélange de différentes pratiques, croyances
et doctrines.
La plus ancienne est l’animisme. Les premiers Ifriens
croyaient que les esprits étaient partout—dans les lions,
le vent, les arbres—et il en allait de même des tribus
installées dans le futur Royaume de Mbey. Ces croyances
n’ont jamais disparu, même après l’arrivée de nouveaux
dogmes, car elles relèvent du bon sens pur et simple :
nous sommes entourés d’esprits et les ignorer relèverait
de l’inconscience. Les relations avec eux sont d’ailleurs
rarement calmes : l’Ifri est une terre aussi féroce que
belle et, de temps en temps, il n’y a simplement aucun
moyen de calmer un esprit en colère. Autrefois, les
animistes les plus fervents venaient de la Nder. Là où
les autres Mbeyens souhaitaient juste coexister avec les
forces environnantes, les Nderiens aspiraient à créer des
alliances. Les anciens évoquent des pactes passés entre la
Nder et les esprits des fleuves et rivières qui traversent le
royaume, et les légendes parlent de shamans nderiens qui
seraient parvenus à provoquer des crues pour disperser
des armées (on surnomma même ce royaume la « Terre
des noyés »). Ces mêmes personnes supposent que c’est
ce pouvoir ancestral qui a justement permis à la Nder
de fermer leurs frontières et de tenir à distance l’autorité
d’Ighodalo.
Le culte des ancêtres est également répandu en
Mbey. Il part également du principe que toute chose
possède un esprit, et donc que les esprits des morts—
surtout ceux de nos proches—sont à même de veiller
avec bienveillance sur leurs descendants vivants. Ces
croyances ne relèvent que rarement de la vénération :
les Mbeyens partent du principe que leurs ancêtres
s’attardent dans le monde mortel et qu’ils les traitent
avec le même respect que des vivants, qu’ils soient de la
68 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY
famille, des amis ou du village. Les Mbeyens leur font
des offrandes, surtout de nourriture et d’eau car pour
eux, la mort donne toujours soif.
L’unification du Royaume de Mbey amena ensuite la
religion assanyi. Tout comme leurs voisins mandénians,
les Mbeyens en sont venus à vénérer les oris. Jusqu’à
très récemment, il n’y avait aucune distinction entre
les dogmes mandenian et mbeyen. Cependant, depuis
que les premières Pierres du Bonsam ont été brisées, les
choses ont changé. Les Mbeyens refusent désormais de
parler directement aux oris, craignant que les démons ne
les entendent et ne pervertissent leurs prières. Partout,
les gens ne font plus appel aux oris qu’en cas de situation
vraiment désespérée, et encore…
Lorsque le Deuxième peuple émigra du Maghreb, ils
amenèrent avec eux les dieux de leur ancien royaume.
Chez eux—tout comme chez les Maghrébins—la
déesse Cyre est une figure prédominante. Cela explique
notamment pourquoi leur société est à ce point attachée
à l’égalité entre les sexes en Mbey. De plus, ils estiment
que les animaux sont des symboles importants de vie, de
mort et de renouveau. Les simbs—les faux-lions—sont
d’ailleurs autant des militaires que des religieux.
Ces derniers temps, de nouvelles pratiques ont émergé
un peu partout en Mbey. En cette époque troublée,
certaines personnes vénèrent ouvertement les abonsams,
cherchant à s’en approcher au plus près. Aujourd’hui, les
Scélérats n’ont plus peur de montrer leur vrai visage et
assument publiquement leur dévotion à Légion. De
plus, certains Mbeyens emploient désormais des moyens
drastiques pour entrer en communication discrète avec
l’au-delà : ils essaient de communier avec les morts. Ces
méthodes sont très dangereuses, car ces derniers sont
imprévisibles, mais dans la guerre contre le Mal absolu,
les Mbeyens font feu de tout bois.
Sorcellerie
Les traditions magiques du Royaume de Mbey ont pour
ainsi dire été éradiquées. L’étrange animisme de la Nder a
disparu en même temps que son peuple et son royaume.
Les exorcistes du Gelwaar, anciens Gardiens du Domaine
du Bonsam et jadis protecteurs de la Mbey contre le mal,
sont désormais traqués et tués. Les guerriers de la Kahone,
qui possèdent la force du lion et la vitesse de la gazelle, ont
suivi leur peuple au sud, jusqu’aux frontières relativement
sûres de la Kurufaba mandéniane. La vénération des
abonsams a désormais remplacé toutes ces pratiques.
Les abonsams ne devraient pas exister car ils ne suivent
pas les lois de notre monde. Ils ne suivent aucune loi
d’ailleurs, pas même celle de la chair. Ce sont des esprits
incarnés : à un moment, ils sont d’os et de sang, l’instant
suivant, ils ne sont plus qu’une idée ou un souvenir. Ils
existent sans exister. Ils ont leurs propres formes tout
en étant capables de posséder des enveloppes humaines
sans abandonner leur forme d’origine. La possession
est à la base de la sorcellerie des abonsams. Un mortel
peut essayer d’y résister, mais il finira tôt ou tard par
être totalement subjugué, voire privé de volonté propre.
Il peut également céder volontairement son corps au
démon et cohabiter avec lui, restant de côté—mais en
vie—tant que dure la possession. Un mortel possédé
prend souvent la forme du monstre qui l’habite, et
parfois la conserve après que l’esprit en soit parti. Les
traits bestiaux ne sont pas rares, ce pourquoi on parle
de gens semi-abonsams à travers toute la Mbey. La
plupart des Mbeyens partent du principe que ces êtres
ont des âmes impures, et qu’ils ont volontairement laissé
l’esprit agir sur leur chair. Ceux qui portent les stigmates
d’une telle possession sont donc, le plus souvent, chassés
de leur village, condamnés à mourir dans la nature
ou à vivre en ermites. L’amertume, voire le besoin de
survie, fait de ces gens de parfaits candidats pour une
collaboration prolongée avec les abonsams.
Les exorcistes du Gelwaar, les seuls à pouvoir expulser un
abonsam d’un corps possédé, savent mener des combats
mystiques contre les esprits malins (une compétence
utile au cas où l’esprit exorcisé souhaiterait se venger).
Pas étonnant que ces hommes et femmes pleins de bonne
volonté aient été les premières cibles de la police secrète
d’Ighodalo après que les premières Pierres du Bonsam
aient été brisées. Il persiste néanmoins des rumeurs au
sujet d’exorcistes encore en vie, cachés loin des yeux du
bourba et de sa conseillère, l’infernale Chitendu.
En l’absence d’exorcistes, d’autres sorciers sont apparus :
les rooi heks. Ces derniers entrent en contact avec les joks,
qu’ils autorisent à les posséder au nom du bien commun.
En échange, ils leur demandent la possibilité d’utiliser ce
qu’ils appellent le Toucher rouge, c’est-à-dire la capacité
de commander à la trame du monde et d’en éradiquer
la Corruption en l’absorbant. Les joks sont réticents
à accorder le Toucher rouge, car ce pouvoir est aussi
puissant qu’il est source de tentation et de corruption.
Ceux qui ont été choisis pour le recevoir n’ont d’ailleurs
pas toujours été à la hauteur. Certes, le jok choisit toujours
une personne noble d’esprit, mais il arrive que l’esprit de
l’élu ne supporte pas ce pouvoir et finisse par basculer de
l’autre côté de la morale. Il est vrai qu’un usage excessif
du Toucher rouge peut transformer le sorcier en Scélérat,
mais un grand nombre de rooi heks parviennent tout de
même à trouver un équilibre. Un Héros disposant du
Toucher rouge voudra toujours faire plus de bien que de
mal, et acceptera toutes les conséquences négatives sur son
âme tant que ses actes amènent du positif par ailleurs. La
plupart des Mbeyens voient en ce pouvoir un reflet inversé
de celui des abonsams. Quelques-uns sentent bien que ce
don n’est pas fait pour les mortels, mais dans cette Nation
envahie par les démons, les Mbeyens sont souvent prêts à
tout pour purifier leur terre.
Une seule autre tradition magique a persisté et, pour
ainsi dire, prospéré. Alors que la peur isole les gens du
monde des esprits, les prêtres de l’assanyi permettent
au peuple de communiquer discrètement avec les oris
qui leur ont donné vie. Dans tous les villages, hommes
et femmes se rassemblent ainsi autour des feux pour
adresser leurs prières aux esprits de leurs amis et parents
décédés, avant de les envoyer dans la nuit en quête des oris.
Quiconque voyage en Mbey peut à tout moment tomber
sur ces esprits curieux. Ils sont certes dangereux, car sujets
à l’influence de leurs instincts les plus primitifs, mais celui
qui en tue un se rend coupable de blasphème et s’expose à
la punition si son crime est découvert.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 69
 Gouvernement
En vingt ans, le régime politique de la Mbey a
radicalement évolué. Certes, le bourba reste le meneur
politique et spirituel du pays, mais il ne gouverne plus
pour les mêmes raisons. Lorsqu’il était assis sur le sika’dwa,
il régnait par droit divin grâce aux joks. Nul ne contestait
son autorité, non parce que personne n’osait, simplement
parce qu’il n’y en avait pas besoin. Le bourba dirigeait
en effet sa Nation avec sagesse, et quand un nouveau
roi devait s’asseoir sur le sika’dwa, il était élu pour ses
qualités morales et intellectuelles par les kangams de tout
le royaume. C’était un devoir à la fois heureux et solennel,
un honneur sacré visant à perpétuer la prospérité du pays,
en d’autres termes : la méritocratie à son paroxysme. Ce
fut d’ailleurs ainsi qu’Ighodalo put s’asseoir sur le sika’dwa.
Nul ne pouvait alors se douter de ce dont la Compagnie
commerciale atabéenne était capable. Les kangams
échouèrent à percevoir la faiblesse d’Ighodalo (mais
peut-on vraiment qualifier de faible un père incapable
d’endurer la mise en esclavage de ses deux fils, et ce même
s’il a perdu le sika’dwa sacré en essayant de préserver leurs
vies ?). Pour l’esprit endeuillé d’Ighodalo, ce fut la sagesse
qui l’amena à briser les Pierres du Bonsam. Ce « sage »
savait en effet qu’en l’absence du don des joks, la Mbey
ne pouvait plus exister. Dans les quatre autres Nations
d’Ifri, autant de dirigeants se trouvaient assis sur autant
de sika’dwas, protégés par les joks. Désormais, la Mbey ne
pouvait plus se tenir à leurs côtés : un royaume dirigé par
de simples humains n’est pas une vraie Nation. Ighodalo
savait également que les Pierres du Bonsam contenaient
un pouvoir suffisant pour contrebalancer—voire contrer—
celui des joks. Si les dieux lui retiraient son droit à régner,
alors, le diable l’y aiderait.
Ighodalo est resté bourba, et il a toujours son conseil :
des êtres qui n’ont d’humain que l’apparence. La plupart
de ces parasites ne sont jamais loin du souverain. Ce
dernier ne s’exprime que rarement, et jamais sans d’abord
obtenir l’approbation de chaque mot par son conseil. Les
Mbeyens supposent que, contrairement à la tradition, lui
et ses conseillers choisiront seuls le prochain bourba. Nul
ne sait toutefois qui il entend choisir comme successeur.
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui recherchent les
fils d’Ighodalo (lui le premier). Beaucoup espèrent
que l’un d’eux pourra venir s’asseoir sur le trône de son
père, et peut-être ramener la Mbey sur le chemin de sa
splendeur passée.
70 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY
Chacun des cinq royaumes vassaux dispose d’un bour
élu par les kangams. Autrefois, les bours possédaient
une influence considérable, presque égale à celle du
bourba. Ce dernier les laissait gérer leurs affaires en toute
autonomie, sauf pour les questions de défense militaire
et de commerce. En retour, ils lui étaient loyaux, et lui
faisaient confiance pour régner avec sagesse. Désormais,
les bours dirigent leur territoire selon l’envie du bourba,
qui porte autour de son cou un fil de cuir où sont
suspendus cinq cœurs humains, les cœurs des cinq bours
qui leur ont été pris afin de s’assurer de leur loyauté.
Quatre d’entre eux battent encore, le cinquième, celui du
bour de Nder, s’est éteint lorsque la brume a recouvert son
royaume. En Kahone, le bour a un pouvoir bien moindre.
Une reine, Lingeer, jouit en effet d’un pouvoir au moins
équivalent. La culture kahonoise étant à la fois patriarcale
et matriarcale, le royaume dispose d’un roi et d’une reine
qui s’occupent des affaires de ceux et celles de leur genre.
Cela s’est avéré fort pratique lorsque le bourba Ighodalo a
convoqué les bours dans son palais pour leur arracher le
cœur. Désormais, même si le bour de Kahone est soumis
au trône, dans les faits, il ne dirige plus sa région.
Cinq braks sont également choisis par le bourba parmi
des kangams les plus respectés. Ils sont envoyés vivre dans
les royaumes vassaux, où ils représentent officiellement
les intérêts du souverain. Jadis, ils étaient désignés au sein
du peuple. Aujourd’hui, tous ont été remplacés par des
abonsams qui portent le visage des anciens braks. Si le
bour informe le bourba des besoins de son peuple, le brak
veille quant à lui la défense des intérêts de l’État. Chaque
royaume dispose ainsi d’une représentation à la cour, et le
bourba a toujours une main dans les affaires des terres les
plus lointaines (et ce bien que de récents événements aient
mis en péril cet équilibre fragile). Les braks négocient tout,
des accords de commerce aux déclarations de guerre. Dans
les faits, le bour n’interfère que peu dans leurs actions.
Enfin, les kangams sont, d’une certaine manière, ceux
qui ont les plus lourdes responsabilités. Ils doivent en
effet chercher, le plus souvent seuls, une solution concrète
aux problèmes rencontrés à un niveau local, qui peuvent
aller des simples disputes de voisinage aux attaques des
Nations étrangères. Chaque kangam peut demander
conseil à son bour qui, peut également solliciter les
suggestions du bourba. Ces derniers temps, cette pratique
tend cependant à tomber en désuétude.
Monnaie Néanmoins, ceux qui y croient n’acceptent qu’à contrecœur
Jadis, les conflits de la Mbey avec le Manden et le Maghreb l’or maudit de la Mbey, ce qui force la Compagnie à
tournaient autour du contrôle des vastes ressources élaborer de sournoises stratégies pour blanchir son argent
naturelles, notamment les plaines fertiles de la Nder et le faire circuler.
ou les fantastiques vergers d’arbres à noix de cola de la On trouve déjà de ces pièces partout dans la Théah…
Kahone. De longues périodes de paix ont tout de même
pu émerger grâce aux manœuvres du Mboul, dont la
domination maritime permettait à la Mbey d’être présente
sur les marchés khémétiens et aksoumites. En échange de
prix généreux, ces Nations lointaines faisaient en sorte que
le Royaume de Mbey ait toujours des alliés le long des
frontières partagées avec ses potentiels ennemis.
Tout cela appartient désormais au passé car les nouveaux
navires mbeyens sont interdits de mouillage dans presque
tous les ports d’Ifri. La Mbey a toutefois remplacé ses
anciens alliés par un nouveau de poids : la Compagnie
commerciale atabéenne. Cette dernière a construit des
marchés, des plantations et des avant-postes commerciaux
sur toute la côte mbeyenne. Elle s’intéresse surtout à l’or,
aux esclaves et au foncier, domaines qu’elle monopolise en
échange d’armes à feu, de navires et de soutien militaire.
Par le passé, les Mbeyens n’avaient que peu besoin de
monnaie, car leur production leur suffisait pour faire
du troc. Néanmoins, la Compagnie préfère échanger
ses esclaves et son or contre de la monnaie sonnante
et trébuchante.
On ne peut pas parler de l’économie mbeyenne sans
évoquer « l’or maudit ». Auparavant, les ferronniers de
Lougua frappaient la monnaie officielle de la Mbey du
profil du bourba, mais la Compagnie s’est rendu compte
que cette monnaie était aujourd’hui refusée presque
partout en Ifri. Elle préfère désormais ne commercer que
sur la base de minerais purs. Castel del Elmina, petite
plantation solitaire en Mboul, a été convertie en fonderie
dans l’unique but d’extraire et de frapper monnaie avec
de l’or pur (une fumée noire s’échappe jour et nuit de
ses cheminées tant l’activité est importante). Ceux qui
entrent en possession de cet or sont damnés, s’attirant le
malheur ou la ruine, car il porte trace de la corruption du
Bonsam. Ces malédictions ne sont jamais flagrantes, et ne
mènent pas non plus à la mort de qui possède les pièces.
Pour les agents de la Compagnie, ces rumeurs ne sont
que balivernes. Peut-être ont-ils raison car aucun d’eux
n’a jamais souffert des malédictions en question. Mieux
encore, leurs fortunes n’ont fait qu’augmenter depuis
l’alliance entre la Compagnie et le Royaume de Mbey.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 71

Armée Noms mbeyens
Les Fils de l’ancienne Neuvième garde En Mbey, les noms sont importants car ils indiquent la
Tous les monstres de la Mbey ne sont pas des démons. lignée. Les parents nomment leurs enfants d’après ceux de
Face aux horreurs actuelles, seuls les humains les plus leurs ancêtres récemment décédés. Certains suivent cette
malfaisants s’avèrent à même de conserver l’ordre établi. coutume dans l’espoir de s’attirer les faveurs des esprits,
Les Fils de l’ancienne Neuvième garde sont au service du d’autres pour les apaiser. Les noms sont souvent pris dans
bourba Ighodalo. Héritiers de la Neuvième garde, qui fut les lignées maternelles, d’après celui d’une mère, d’une
quasiment anéantie suite à la prise des Pierres du Bonsam, tante, du mari d’une grand-mère ou du frère d’une grand-
les Fils sont à la fois une force militaire, une police secrète tante. Cette pratique permet d’en appeler plus facilement
et un culte religieux. Ils n’ont pas de pouvoirs surnaturels, aux esprits concernés, ce qui provoque des bonnes choses
et n’en ont pas besoin car ils ont pour eux une foi aveugle, ou, à d’autres moments, de tragiques conséquences.
un patriotisme extrême et une dévotion suicidaire.
Presque tous les Fils sont des soldats volontaires, des jeunes Prénoms masculins
hommes (et parfois des jeunes femmes) souvent moins Abdou, Alagie, Amadou, Alieu, Baboucarr, Dawda,
âgés que les anciens Gardes de cette compagnie. Ils croient Ebrima, Lamin, Modou, Saul.
en la destinée de la Mbey, reconnaissent la souveraineté
d’Ighodalo et maintiennent la cohésion du royaume en Prénoms féminins
s’occupant des citoyens perturbateurs. Ils ne sont pas dénués Aja, Bintou, Binta, Fadia, Fatou, Ida, Kaddy, Maimuna,
d’esprit de fraternité—les épreuves endurées peuvent affaiblir Mariama, Salimatou.
n’importe qui, et on ne peut blâmer ceux qui souffrent pour
leur fragilité—mais il est de leur mission que de punir avec
fermeté ceux qui ne sont pas fidèles au bourba.
Un contingent comporte généralement une douzaine
d’individus. Certains ont de fiers destriers du Diourbel,
mais tous savent parfaitement combattre à pied.
Coureurs infatigables, ils peuvent poursuivre une proie
durant des heures à travers la jungle. Équipés d’armes à
poudre fabriquées en acier théan, ce sont des tueurs de
premier rang. Leur armure de cuir tanné, recouverte de
fragments de basalte, est pensée
pour mieux instiller la peur chez
leurs ennemis.
La plupart des avant-postes
de la Mbey font office de
baraquements pour les Fils
de l’ancienne Neuvième
garde, et leurs alliés de
la Compagnie.
Lieux notables
Le Domaine du Bonsam
Quiconque observe le Domaine du Bonsam jurerait que
les monolithes noirs qui s’y trouvent sont tombés du
ciel pour mieux s’enchâsser dans le sol. Ainsi s’élèvent
les légendaires tombeaux-prisons des abonsams, qui ne
reflètent aucune lumière et atténuent le son environnant.
Nul doute que les Pierres du Bonsam sont à l’origine de
tous les maux du Royaume de Mbey, mais elles constituent
également une part importante de sa puissance.
Le Domaine du Bonsam est situé au Gelwaar. Cet endroit,
où se dressent d’énormes monolithes de pierre noire—les
Pierres du Bonsam—ressemble beaucoup à un gigantesque
cimetière. En vérité, « prison » serait un terme plus exact,
car chaque pierre contient un abonsam.
Autrefois sous la surveillance des Gardiens du Gelwaar, le
Domaine était inviolé. Cette mission leur était nécessaire
et sacrée, car ils protégeaient le monde de la Malfaisance
du Bonsam. Durant des siècles, il n’y eut pas de mémorial
plus important pour témoigner de la grandeur humaine.
Aujourd’hui, il n’existe pas de lieu plus désolé dans toute
l’Ifri. Après qu’Ighodalo ait brisé la première Pierre et
libéré la mystérieuse Chitendu, il expropria le Gelwaar
de ce territoire et fit débuter les travaux d’excavation pour
récupérer les Pierres du Bonsam.
La véritable nature des Pierres demeure mystérieuse.
D’apparence cristalline, elles ne ressemblent toutefois
en rien au jais, à l’onyx ou à aucune autre pierre. Plus
sombres qu’un ciel sans étoiles, elles ne reflètent aucune
lumière—semblant au contraire l’absorber—et atténuent
le son environnant. Lorsque l’on s’en approche, on peut
sentir l’air refroidir, comme si on entrait dans une zone
ombrée. Si l’on s’y colle, on peut discerner quelque chose
qui bouge sous la surface, comme un poisson dans un
aquarium. Curieux de savoir qui la regarde, la créature
revient flotter à la périphérie de sa prison. À ce moment, il
devient possible de communiquer avec l’abonsam enfermé
à l’intérieur. Il vous fera alors une offre. Les détails varient,
mais la proposition est en somme toujours la même : plus
de pouvoir en échange de leur liberté.
Les Pierres résistent à tous les accidents possibles et
imaginables. Pourtant, pour les mortels, il est aussi facile de
les ouvrir que de casser un œuf. La seule exception vaut pour
la Pierre du Bonsam, qui exige que les cinq souverains ifriens
la touchent en même temps. Dans la légende, rien ne dit qu’il
faut qu’ils soient consentants, aussi le bourba Ighodalo a-t-il
lancé une campagne secrète pour récupérer une main de
chacun des quatre autres dirigeants. Ainsi, contrairement
à ce qui se dit à travers toute l’Ifri, le Bonsam est toujours
prisonnier de sa Pierre, laquelle se trouve désormais au cœur
du palais royal de Lougua. Néanmoins, même prisonnier
du monolithe noir, l’influence du démon sur le souverain du
Royaume de Mbey n’est pas à sous-estimer.
La plupart des Ifriens pensent également que le bourba
a ouvert des dizaines, sinon des centaines, de Pierres du
Bonsam. En vérité, Ighodalo n’a libéré qu’une dizaine
d’abonsams : Chitendu, les cinq braks monstrueux qui
gèrent ses royaumes vassaux, le représentant de la Mbey
au sein de la Kurufaba internationale et quelques autres
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 73
 qui l’assistent dans ses affaires étrangères. Cependant, il est
vrai qu’il a rassemblé des centaines de Pierres, à la fois pour
empêcher ses ennemis d’y accéder et les utiliser comme
arme contre lui, mais aussi en tant qu’otages au cas où les
abonsams libérés voudraient agir trop à leur guise.
Accroches scénaristiques :
• Les abonsams prisonniers des Pierres sont
incroyablement puissants et capables des pires
crimes imaginables. De nouvelles Pierres sont
découvertes dans un coin jusqu’alors inexploré du
Domaine du Bonsam. Les Fils de la Neuvième
garde sont envoyés pour les récupérer. Les Héros
en entendent parler. Pourront-ils les empêcher de
mettre la main sur les Pierres ?
• La Compagnie commerciale atabéenne adorerait
posséder l’une de ces Pierres, juste histoire de
l’examiner. Ils approchent les Héros pour savoir
comment s’en procurer…
• L’un des derniers Gardiens du Gelwaar dissimule
l’existence d’une Pierre unique en son genre. La
rumeur dit qu’elle serait bicolore, d’un côté noire
comme la nuit, de l’autre éclatante comme le jour.
Les Héros retrouveront-ils ce Gardien avant
Ighodalo ? Sauront-ils découvrir le secret de cette
Pierre qui chante et se lamente ?
Kabi
Ighodalo a retiré au Gelwaar son ancien devoir sacré, et
a remplacé les Gardiens par des maîtres d’œuvre. Des
camps ont été édifiés un peu partout autour du Domaine
du Bonsam et de nombreux esclaves—dont beaucoup de
pauvres Mbeyens—s’échinent chaque jour pour excaver
de nouvelles Pierres, qui sont ensuite transportées jusqu’à
Lougua via ce que l’on appelle désormais la Route du
Bonsam (un chemin creusé par les centaines de passages
des attelages d’ânes et éléphants tirant ces monolithes de
plusieurs tonnes depuis le Gelwaar), probablement l’endroit
le plus sûr de toute la Mbey. Le plus grand de ces camps se
nomme Kabi. Il se trouve à l’entrée du Domaine et compte
plus d’esclaves que tous les autres réunis. Tentes et abris
semi-permanents s’élèvent autour d’un unique obélisque de
pierre noire, large de six mètres et enfoncé si profond qu’on
en ignore la hauteur. Des dizaines d’éléphants sont morts
en essayant de le déraciner. Les serviteurs du bourba ont
tenté de l’étudier sur place, puis ont tourné leur regard vers
l’Iu-Neserer afin de découvrir les secrets de ce monolithe.
74 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY
Accroches scénaristiques :
• Le père Karlas Osuna demande aux Héros de
l’accompagner dans une mission visant à libérer
un groupe d’esclaves détenu à Kabi.
• Dans une taverne, un ancien maître d’œuvre
approche les Héros et leur demande de l’aide. Il
sait comment entrer et sortir du Domaine, et il a
un plan pour libérer les esclaves sur place. S’agit-il
d’un piège ou d’un véritable appel à l’aide ?
La Jungle incandescente
Les forêts autour de Lougua étaient jadis brumeuses,
étouffantes, humides et dangereuses pour ceux qui ne
connaissaient pas les chemins. Désormais, la canopée
brûle d’une flamme émeraude qui semble vivante. Depuis
que les Pierres du Bonsam ont été brisées, l’incendie n’a
jamais cessé, engloutissant tout ce qui l’entoure dans sa
chaleur ardente. Pourtant, la faune et la flore locales ne
se consument pas et jamais ne deviennent cendres. Peu
reviennent de cet enfer vert, et les rares chanceux disent
que si l’enfer existe, il ressemble sûrement à ça.
La Jungle incandescente est une clé essentielle dans la
défense du Royaume de Mbey, car seul Ighodalo peut
ouvrir un passage entre ses flammes incandescentes. Grâce
à elles, la capitale demeure ainsi hors de portée de ses
ennemis, recluse au cœur du brasier, inatteignable pour
tous ceux qui voudraient y mener un siège.
Accroches scénaristiques :
• Les animaux de la jungle commencent à se
métamorphoser en bêtes monstrueuses. En
dépit du danger, plus d’un érudit du Collège
invisible aimerait capturer l’un d’eux pour
l’étudier. Ils décider d’embaucher les Héros pour
capturer un oiseau que l’on dit entièrement fait
de flammes.
• La traversée de la Jungle incandescente se
ter­mi­ne rarement bien. Certaines personnes
disparaissent, et de nombreux voyageurs
survivants ont rapporté s’être sentis dans un autre
monde. Lors de leur traversée, les Héros ont une
vision de cet autre monde, où ils contemplent des
versions d’eux-mêmes dotées d’yeux émeraude.
Désormais, dès qu’ils se regardent dans un
miroir, ils distinguent leurs doubles en maraude
à la périphérie de leur vision. Pourront-ils se
débarrasser de ces spectres ?
 • La Jungle incandescente s’étend lentement mais
sûrement, se dirigeant vers la rivière voisine.
Qu’arrivera-t-il si ses flammes vertes touchent le
sang bleu qui irrigue les veines de l’Ifri ?
Lougua
Lougua est une ville plus ancienne encore que le Royaume
de Mbey. Il s’agissait jadis d’un petit village où les premiers leurs habitants. Les jardins, abandonnés, sont redevenus des
Mbeyens s’installèrent, et cela est resté ainsi jusqu’à
l’arrivée des joks, qui placèrent le sika’dwa au milieu de sa
place centrale et lui promirent ainsi un destin plus glorieux
que celui de tous les autres villages des environs.
Durant les siècles qui suivirent, Lougua se construisit de
manière désordonnée, mélange de huttes et de maisons au
milieu des arbres. Le sika’dwa resta toujours au centre de
la ville. Et chaque jour, le bourba y siégeait, gouvernant
aux yeux de tous.
Lougua se développa rapidement. Les voyageurs
venaient par bateau sur les eaux de la Mbey, ou par la
jungle lorsqu’ils payaient des guides pour les amener. Les
premiers marchands étrangers (venus de l’Empire du
Croissant) qui y entrèrent furent surpris par la taille et
la richesse de cette cité nichée dans la jungle et la brume. Accroches scénaristiques :
Fière de ses cinquante mille résidents—et moitié moins
d’habitants de passage—Lougua faisait en effet figure
de merveille. Grâce à la grande variété de matériaux de
construction dont elle disposait—la jungle lui fournissait
le bois, la boue et la glaise, et des carrières sises dans les
Toubkal lui permettaient d’avoir accès à de la pierre et à
des métaux précieux—la cité faisait montre d’un mélange
de styles architecturaux étonnant. Les voyageurs qui
s’installaient dans la capitale mbeyenne faisaient construire
des résidences typiques de leur pays natal, s’engageant dans
une rivalité de bon aloi pour que leur domicile soit plus
époustouflant et voyant que celui du voisin. La ville était
ainsi traversée de villas faites de bois poli, de marbre et
même d’or, entourées de jardins parfaitement entretenus,
mais également de huttes en forme de dôme faites de bois
et de boue où logeaient les gens du peuple. Deux siècles
avant l’arrivée de la Compagnie commerciale atabéenne,
les marchands croissantins proposèrent au bourba de lui
construire un palais dont les tours domineraient la ville et
dont les couloirs déborderaient de chefs-d’œuvre artistiques
venus des quatre coins du monde. Ils en profitèrent pour
fonder une université afin que leurs enfants—et ceux de la
Mbey—reçoivent la meilleure éducation. Lougua était alors
un bijou posé sur la couronne de l’Ifri.
Aujourd’hui, Lougua est davantage une prison qu’une cité.
Il y a peu de nouveaux arrivants, et encore moins de départs.
L’infranchissable Jungle incandescente permet au bourba de
choisir qui part et qui reste. L’université existe encore, mais ses
couloirs sont désormais quasiment vides, à peine fréquentée
par quelques prisonniers décharnés qui paraissent plus morts
que vivants. Les villas des marchands demeurent, mais sans
étendues sauvages, et les matériaux de valeur ont tous été
ramenés dans les coffres du bourba.
Jour et nuit, d’un bout à l’autre de la ville, on peut entendre
le chant rythmé d’un tam-tam. Lorsque l’on remonte à la
source de ce bruit incessant, on trouve le bourba Ighodalo,
soit installé au sommet de l’une des flèches de son palais,
soit au centre de Lougua, là où se tenait auparavant le
sika’dwa, assis sur son nouveau trône fait des fragments des
Pierres du Bonsam qui ont été brisées. Autrefois, le peuple
respectait le sika’dwa et lui montrait une admiration sans
bornes. Aujourd’hui, le Trône des Pierres brisées n’inspire
plus que la terreur. Le seul qui ose approcher et s’asseoir
chaque jour dessus est le bourba Ighodalo.
• Peu parviennent à s’échapper de la ville, mais un
petit groupe de rebelles a l’intention d’emprunter
un ancien tunnel creusé par le serpent Dan Ida
Hwedo. Ce chemin est mentionné dans les textes
antiques. Ils ont juste besoin d’outils pour y entrer,
ainsi que d’un spécialiste en excavation.
• Lougua recevait régulièrement des présents,
notamment d’or et de nourriture. Cependant,
depuis la disparition de la Nder, ces livraisons
sont systématiquement attaquées. De nombreux
gardes disent avoir entraperçu des silhouettes
fantomatiques avant qu’un brouillard épais ne
les enveloppe et les endorme. Le bourba a envoyé
les Fils de la Neuvième garde pour tirer cela au
clair, et ces derniers comptent bien utiliser tous
les moyens à leur disposition pour satisfaire leur
souverain. Les Héros reçoivent un message codé qui
indique que la Nder est à la source de cette rébellion,
parviendront-ils à entrer en contact avec eux ?
• Dans l’université, une résistance secrète s’organise
contre les abonsams du bourba et la Compagnie
commerciale atabéenne. Les Héros reçoivent une
mission de la part d’une mystérieuse société qui
désire que les étudiants soient mis à l’abri des
enlèvements et ramenés auprès de leurs parents.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 75
 Belleté, la capitale ifrienne Comment Belleté a-t-elle pu prospérer et demeurer
de la Compagnie aussi florissante ? Brisé, le bourba aurait dû faire raser la
Avec Ndiangué, sa cité jumelle, Belleté est l’une des deux ville. Certains pensent qu’Ighodalo prend simplement son
plus grandes colonies commerciales de la Compagnie sur temps, d’autres se disent que comme Binchet est le plus
la côte occidentale mbeyenne. Ndiangué ayant disparu à même de lui ramener ses fils, il bénéficie d’une sorte
avec la Nder, il ne reste plus que Belleté comme port d’impunité. La plupart pensent toutefois que Chitendu a
d’accroche de la CCA en Mbey, mais aussi dans toute l’Ifri, simplement décidé d’épargner la colonie.
fait qui ravit Binchet, son gouverneur.
Territoire arraché aux griffes de la forêt tropicale Accroches scénaristiques
de Kahone, Belleté sert désormais de camp de base à • Une jok déguisée en esclave se présente à l’un des
la Compagnie pour ses tentatives d’incursion dans la Héros et lui demande de l’aide. Elle sait où est le
Kurufaba mandéniane. Ces baraquements modestes et sika’dwa, et si le Héros l’aide à le récupérer, alors
rudimentaires ont servi de relais entre le nord-ouest et le il sera largement récompensé.
sud-ouest du continent. Le seul lieu important aux yeux • Un Héros à qui l’Église a demandé de ramener
des Mbeyens est le Nandi Nundi, une zone fertile située une Bible volée se retrouve au cœur de l’attention
dans le delta méridional du fleuve. Binchet y a établi une publique dans une affaire de meurtres en série.
petite plantation, conservant le nom de Nandi Nundi car Le livre, dérobé par des pirates lors de l’attaque
celui-ci l’amusait. d’un navire de la Compagnie, contient des
À l’origine, quand la Compagnie complotait encore pour informations codées au sujet de montages
envahir le Royaume de Mbey, Belleté servait parfois de économiques permettant de faire baisser la valeur
lieu de rencontre aux conspirateurs. Néanmoins, son rôle des Guilders en Ifri.
politique demeurait faible. Une fois l’histoire en marche, • L’un des Héros est sauvé par un homme qui dit
son activité économique explosa et Binchet déplaça ses être l’un des fils du bourba Ighodalo. Si ce Héros
pions pour servir ses ambitions. Le bourba étant distrait l’aide à retrouver sa liberté, le jeune homme
par la guerre civile, le gouverneur en profita pour tourner pourra aider son père à résister au pouvoir que
son regard vers les villages proches de son territoire. Il Chitendu a étendu sur le Royaume.
organisa discrètement des rafles sur les populations
locales—la plupart originaires du Deuxième peuple—et
les fit mettre aux fers avant de les envoyer dans sa ville
en tant qu’esclaves. Ce faisant, il étendit les frontières de
Belleté, les fit travailler dans ses champs et construisit
des camps pour les loger. Les cultures, toujours plus
importantes, nécessitaient chaque jour le travail de plus
de deux cents travailleurs asservis pour être entretenues.
Parallèlement, le marché aux esclaves devint l’épicentre
de la Grande criée de Belleté, où n’importe quel Mbeyen
pouvait vendre son prochain en échange d’or, d’armes ou
de marchandises, et où les étrangers pouvaient acheter ces
mêmes esclaves pour les emmener par-delà les mers.
C’est depuis Belleté que la Compagnie lança son
offensive la plus audacieuse contre le Royaume de
Mbey, celle qui fit des jumeaux d’Ighodalo des esclaves.
Lorsque le sika’dwa parvint sur place, les habitants virent
le gouverneur le placer au centre de la Grande criée et
s’y asseoir devant les descendants du bourba. Il les vendit
tous par la suite, aussi bien les jumeaux que le trône sacré
du royaume du Mbey.

76 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY

Castel del Elmina, la banque
ifrienne de la Compagnie
Castel del Elmina est une fonderie fortifiée située sur la
côte du Mboul. L’ancienne plantation a aujourd’hui une
fonction encore plus vitale pour les intérêts des agents de
la Compagnie : c’est là que l’or acquis par le commerce ou
la guerre est fondu en lingots, puis transporté jusqu’en
Théah. Cette « simple » activité sert cependant à couvrir
une affaire plus sombre encore : la Compagnie y fabrique
en effet de la fausse monnaie théane.
Deux douzaines de forgerons forment l’élite dirigeante
de cette entreprise, laquelle se complète d’environ
vingt esclaves, dont la moitié d’enfants. Une dizaine de
navires de guerre et plus d’une centaine de mercenaires
surentraînés assurent la sécurité des lieux.
Accroches scénaristiques :
• Les Héros et plusieurs autres équipages,
rassemblés par le capitaine Kayode Bonsu, ont
prévu de s’emparer de l’or de la fonderie. Les
équipages sont parmi les meilleurs, mais ils
restent composés de pirates ifriens bien peu
fiables. L’un de ces navires abrite un espion qui
pourrait bien exposer toute l’opération.
• Le très beau fils du commandant de la forteresse
est promis à une jeune noble montaginoise.
Allant contre les ordres de ses supérieurs, le
commandant organise un bal pour fêter ce très
profitable mariage, ce qui met la sécurité de la
forteresse en péril. Les Héros ont été engagés
afin de renforcer la sécurité, mais ils ne savent pas
ce que cachent vraiment les lieux. Durant leur
première nuit sur place, l’un des enfants leur fait
parvenir un message de la cellule de résistance de
la Nder. Cette dernière a besoin d’une diversion
pendant la nuit du bal… les Héros seront-ils en
mesure de répondre à cet appel à l’aide ?
Sono, le cimetière ifrien
de la Compagnie
Entre Belleté et Castel del Elmina se trouve l’île de Sono.
Là, sur une colline, nichée entre les arbres, une petite
église vaticine se dresse. Construite par la Compagnie, c’est
l’une des rares institutions théanes à travers toute la Mbey.
Elle remplit une fonction sacrée que même les agents
peu prévenants de la Compagnie trouvent essentielle :
l’enterrement des morts. Toute la colline autour de l’église
est ainsi parsemée de tombes marquées de symboles de
bois peint en blanc et, chaque semaine, de nouveaux trous
accueillent les morts toujours plus nombreux de la CCA.
Accompagné d’une demi-douzaine d’esclaves—deux
hommes, trois femmes et un enfant—le frère Rodrigo est
en charge du cimetière. Grand, les yeux et le visage doux,
avec quelques cheveux gris sur les tempes et au bout de
sa longue moustache, Rodrigo a la cinquantaine. C’est
un homme bon et généreux qui, pourtant, fréquente les
marchés aux esclaves presque chaque mois pour remplacer
l’un ou l’autre de ses serviteurs. Les gens se demandent
depuis longtemps pourquoi un homme aussi doux et
prévenant que lui s’est retrouvé aussi loin de sa Castille
natale et civilisée, ou encore ce qui a pu l’amener à se
mettre au service de la Compagnie commerciale atabéenne.
De même, nul ne sait ce qui se passe vraiment sur Sono,
où les esclaves ne restent jamais très longtemps en poste.
Les hypothèses émises sont le plus souvent étranges, dites
sans méchanceté ni même réelle curiosité, sous l’influence
d’une ou deux bouteilles de rhum. Tant que le prêtre
continuera d’accomplir son devoir, personne ne se souciera
vraiment de son passé ou son présent.
Accroches scénaristiques :
• Adepte de l’Hexenwerk, frère Rodrigo use de son
art pour essayer de garder les morts de Sono au
repos, mais ce n’est pas chose aisée. L’île est en
effet pleine de fantômes en colère, morts dans
le péché et loin de chez eux. Alors qu’un Héros
se renseigne sur des rumeurs de magie noire, il
découvre sur l’île un homme désabusé, épuisé par
les souffrances et le mal qui l’entourent.
• Les morts sont de plus en plus agités, comme si
quelque chose les excitait délibérément. Est-ce
l’œuvre d’un homme ou d’un Monstre ?
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 77
 Les horreurs mbeyennes
Les cauchemars sont réels. Ils ne sont pas visibles de suite,
ou identifiables comme tels, et on ne les entraperçoit que
du coin de l’œil : un changement presque imperceptible
d’échelle, une variation étrange du son. Cela provoque
une terrible prise de conscience : on ne peut plus faire
confiance à nos sens, il n’y a pas d’issue à ce cauchemar
dans le lointain Royaume de Mbey.
Le Village ambulant
En Kahone, il existe moult villages fantômes autrefois
habités par le Deuxième peuple. Beaucoup ont été mis aux
fers par la Compagnie, leur héritage mbeyen ne leur ayant
offert aucune protection face aux esclavagistes occidentaux.
D’autres sont parvenus à fuir vers la Kurufaba mandéniane,
espérant y être mieux reçus. La plupart sont morts, soit
pendant les rafles, soit au cours de leur fuite.
Il existe un village qui refuse de tomber dans l’oubli de
la jungle. Ce village parcourt la forêt tropicale sur ses
incroyables jambes, ses huttes et ses toits de chaume
compressés dans la forme approximative d’un corps
humain. On ignore quelle force anime ce géant haut de
dix mètres. Son objectif demeure tout aussi mystérieux :
il attaque tout ce qu’il croise et tue sans discrimination.
Ceux qui disent l’avoir vu racontent que des corps
humains ensanglantés sont accrochés à ses huttes tels des Accroches scénaristiques :
vers sur une plaie suintante. Toujours est-il que cette chose • Une faction rebelle a été vue en train de monter
ne laisse pas d’empreintes dans la jungle, à l’exception du
chapelet de cadavres dans son sillage.
Accroches scénaristiques :
• Un homme appelé Nosomo pense que le Village
ambulant abritait jadis un objet sacré et puissant.
Il chercher à se procurer cet artefact. Les Héros
pisteront-ils le Monstre en se fiant à cette seule
parole ?
• Après avoir suivi les déplacements du Village
durant des mois, un très-sage est persuadé d’avoir
repéré une routine dans ses mouvements. En le
suivant, il serait ainsi possible d’accéder à l’un des
derniers lieux sacrés du Kahone.
• Adema, une tisserande kahonoise, pense que le
Village ambulant est ce qui reste de son village
natal, revenu d’entre les morts tandis qu’elle était
au loin. Elle voudrait que les Héros fassent en
sorte que les siens reposent enfin en paix.
78 CHAPITRE 3 : LE ROYAUME DE MBEY
La Harde du Diourbel
Dans le Diourbel, la plupart des éleveurs de chevaux ont
relâché leurs élevages dans la nature. Ce ne fut pas une
décision facile, et malgré tout leur entraînement à la guerre,
les chevaux ne firent pas le poids face aux hyènes, aux
guépards et aux prédateurs sauvages. Pourtant, les fiers
cavaliers du Diourbel ont préféré envoyer leurs montures
à la mort que de les forcer à aller à la guerre au nom du
bourba Ighodalo.
L’histoire raconte qu’une femme, dont le nom est
aujourd’hui oublié, parlementa avec les joks pour qu’ils
protègent son troupeau et envoient des esprits s’emparer
du corps de ses chevaux. Certains racontent au contraire
que ces animaux ont été possédés par des démons pour
avoir bu l’eau saumâtre qui s’échappe du Domaine du
Bonsam. Quoi qu’il en soit, la Harde du Diourbel—
comme les gens l’appellent aujourd’hui—a le poil hirsute,
l’esprit sauvage et rien de la timidité habituelle des équidés.
Craintes à travers toute la Mbey, ces bêtes frappent de
nuit, renversant les huttes et traînant les habitants dans la
savane. Nul ne sait pourquoi ils agissent ainsi. Si quelques
uns pouvaient être ramenés à l’état de montures, aucune
cavalerie ne serait capable de leur résister.
des chevaux de la Harde du Dioubel. Ont-ils
trouvé un moyen de les domestiquer, ou s’agit-il
d’un stratagème pour faire peur aux gouverneurs
locaux ?
• L’un des chevaux de la Harde a été capturé, et
l’ami d’un Héros a une semaine pour en faire
une bonne monture. S’il échoue, la bête servira
de nourriture aux lions.
• Ighodalo envoie des chasseurs traquer la Harde
du Dioubel pour qu’ils lui ramènent un des
chevaux. Un Héros devient alors la cible de
visions de cauchemars, où il entrevoit des
massacres que lui seul peut empêcher. Il ne sait
cependant pas bien qui est la cible des tueries.
Relations actuelles
Les Mbeyens peuvent avoir des opinions divergentes Kurufaba mandéniane
quant aux différentes relations diplomatiques entre la Notre combat contre la Kurufaba est aussi vieux que la
Mbey et les autres Nations. Si, officiellement, ils abondent mémoire de nos anciens. Ils ont tué les nôtres, et nous
dans le sens de leur bourba, en réalité, ils ont des opinions en avons tué autant des leurs. Désormais, nos nouveaux
bien tranchées sur leurs voisins ifriens. alliés théans ont fait pencher la balance en notre faveur.
Bientôt, les Mandénians rendront leur dernier souffle et
Compagnie commerciale atabéenne nos ancêtres seront enfin en paix. Mais cette victoire a
Aucun Mbeyen n’oubliera ce qu’ils ont fait avec leurs belles un goût bien amer car elle n’est due qu’aux méfaits de la
paroles et leurs mensonges. La Compagnie pense nous Compagnie et au pouvoir du Bonsam.
contrôler parce que nous lui permettons de commercer
sur nos terres et de s’enrichir sur notre dos. Notre peuple Maghreb
souffre sous le joug de sa cruauté et son avidité. Ses agents La guerre se prépare-t-elle ? Les esprits des morts hurlent
nous vendent en tant qu’esclaves, et nous savons qu’ils à l’injustice et les paroles pacifiques se font rares. Il n’y a
feraient n’importe quoi pour nous prendre le pouvoir. plus que le silence qui règne entre la Mbey et le Maghreb.
Mais nous disposons d’un pouvoir plus grand que le sien Parce qu’elle s’est évertuée à attaquer sans relâche leurs
et nous attendrons le temps qu’il faut pour avoir notre navires, la Compagnie a brisé notre longue et ancienne
revanche. Nous restons discrets, nous attendons, mais relation de paix. Désormais, la CCA dicte le rythme
bientôt, nous nous soulèverons. des tambours de guerre. Mais qui sera en première ligne,
d’après vous, pour combattre le Maghreb ? Certainement
Empire aksoumite pas les soldats de la Compagnie.
Les Aksoumites se pensent meilleurs que leurs semblables.
Peut-être le sont-ils vraiment. Ils se vantent d’être attachés Montaigne
à leurs traditions et leurs anciennes lignées, mais ils ont
Grâce à la Compagnie commerciale atabéenne, nous
surtout choisi de négliger les esprits de la famille au profit
sommes devenus des partenaires commerciaux de la
de celui d’un roi. Toujours est-il qu’en ces temps difficiles,
Montaigne. Nous accueillons leurs navires et négocions
ils sont ce qui s’approche le plus d’alliés. Leurs espions sont
avec plaisir et facilité. Leurs nobles apprécient notre
parmi nous, surveillant ce qui se passe dans le royaume pays et, bientôt, nous deviendrons riches grâce à eux.
et finançant les groupes rebelles qui s’opposent à la folie
Cependant, l’avidité des Montaginois est sans limites. Ils
du bourba. pillent nos terres, nos ressources et nous considèrent juste
assez civilisés pour mériter de transporter leurs bagages.
Khémet Aucun Mbeyen ne sera triste si l’or qu’ils amènent par la
Certains disent que nous sommes comme les Khémétiens. mer les emporte tous par le fond.
En vérité, nous n’avons que peu en commun. La
Compagnie dit que la Mbey et le Khémet pourraient
bâtir des ponts, œuvrer main dans la main et s’allier
pour renforcer nos puissances respectives. Ce discours
n’est pas étonnant : la reine Twosret est aussi perturbée
qu’Ighodalo. Si les Khémétiens étaient sages, ils se
débarrasseraient d’elle avant que leur Nation ne chute
dans les mêmes ténèbres que celles où nous sommes
désormais plongés. Nous préférerions ne pas partager tant
de points communs que ça.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 79

 Ighodalo,
bourba du Royaume de Mbey
Ighodalo n’est ni faible, ni fou, il n’est que l’exemple vivant
de ce qui peut arriver quand un souverain est guidé par ses
sentiments. Il a certes pris une terrible décision dans un
moment de grande faiblesse, mais il ne pouvait laisser ses
fils mourir.
Et si, finalement, Ighodalo était le plus fort des souverains
à avoir dirigé le Royaume de Mbey ? Suite à la traîtrise de
la Compagnie, il est effectivement devenu le seul roi ifrien à
régner sans sika’dwa. Il savait que son Royaume, saigné aux
veines par les Théans, ne pourrait pas résister, aussi a-t-il
eu le courage de prendre la seule décision qui s’imposait :
pactiser avec le Bonsam. Il a brisé les Pierres pour en libérer
leurs prisonniers démoniaques, et s’est servi des éclats noirs
pour fabriquer le trône qui remplace désormais le sika’dwa.
Les autres monarques ifriens ont reçu leur siège des joks,
Ighodalo, lui, se l’est fabriqué seul. Cela ne fait-il pas de
lui le plus grand roi d’Ifri ? Voici les paroles empoisonnées
que Chitendu, sa conseillère la plus proche, ne cesse de lui
administrer chaque jour.
Ighodalo est un homme émacié, une coquille vide qui n’a
rien à voir avec celui qu’il était jadis. Ses orbites enfoncées
surplombent des épaules qui ploient sous la charge des cinq
cœurs—dont quatre battants—pendus à son cou. Sa voix
a autant d’autorité qu’autrefois, mais un timbre sombre et
grondant a remplacé son accent jadis joyeux. Le peuple
l’entend, mais seulement lors de ses passages quotidiens sur
le Trône des Pierres brisées, un événement auquel aucun
citoyen de Lougua ne peut se soustraire.

Accroches scénaristiques :
• Un jok apparaît dans les rêves d’un Héros et lui fait
une incroyable demande : il doit récupérer un éclat
de pierre du Trône des Pierres brisées et l’amener
jusqu’à l’Iu-Neserer.
• Après avoir attiré l’attention du bourba, les
Héros sont amenés devant lui pour recevoir une
récompense. Dans l’un des présents, ils trouvent
une note expliquant qu’Ighodalo ne respire que
parce que Chitendu le lui permet encore, et qu’il a
désespérément besoin de leur aide pour se libérer de
IGHODALO, BOURBA son influence. Le message semble avoir été écrit de la
DU ROYAUME DE MBEY main du bourba en personne. Les Héros oseront-ils
interférer et croiser le fer avec l’abonsam  ? Le
message est-il authentique ou est-ce un piège ?
« L’animal qui vous mordra un jour ou l’autre
proviendra de votre chenil. Un conseil :
élevez des chiens plutôt que des loups. »
Jaineba,
guerrière simb
Depuis que les premières Pierres du Bonsam ont été brisées,
les ressortissants du Deuxième peuple sont parmi ceux qui
ont le plus souffert. Traitées en citoyens de seconde classe
et persécutés pour leur religion, ces personnes ont souvent
connu un destin similaire aux ennemis de la Mbey (en
d’autres termes capturés et vendus comme esclaves).
Jaineba est l’une des dernières représentantes du
Deuxième peuple. Après avoir perdu ses frères et sœurs
dans les premiers jours de la tyrannie instaurée par Ighodalo,
elle mena le reste de sa famille au sud, vers la Kurufaba
mandéniane, où ils vivent désormais en tant que réfugiés.
Depuis toujours, Jaineba est naturellement douée pour le
njom, une forme de lutte pratiquée au sein du Deuxième
peuple, tenant à la fois du loisir et de l’entraînement guerrier.
Les pratiquants du njom sont appelés simb, ce qui signifie
« faux-lion » en kahonois. Enfant, Jaineba ne voulait que
pratiquer le njom et s’entraîner avec ses frères.
Les gens du Deuxième peuple ont pour habitude de
choisir le genre auquel ils préfèrent appartenir. Après
une longue réflexion, Jaineba s’est rendu compte qu’elle ne
pouvait pas choisir, car elle se sentait à sa place dans les
deux genres. En tant que dernier enfant vivant de sa fratrie,
elle reprit les fonctions des deux sexes, ce qui implique
notamment de porter la tenue de lutteur njom de son frère
aîné afin de mieux intimider ses ennemis potentiels.
Son choix d’assurer des fonctions à la fois masculines et
féminines n’a pas toujours été facile à assumer, mais sa fuite
vers le sud l’a amenée à traverser nombres d’expériences
formatrices. Jaineba a appris à adopter les manières
associées à chaque genre, et elle peut facilement passer
de l’un à l’autre, tantôt homme, tantôt femme, parfois un
mélange des deux. Tout dépend de ce qui convient le mieux
à la situation et à son état du moment.

Accroches scénaristiques
• Après avoir aidé des réfugiés à échapper aux griffes
d’une horde d’abonsams, Janeiba est capturée. L’un
des réfugiés supplie les Héros d’aller la secourir.
• Au cours d’une dangereuse traversée de la jungle,
l’un des Héros est attaqué par des serviteurs de
Chitendu qui entendent le réduire en charpie. Il sort JAINEBA, GUERRIÈRE SIMB
victorieux du combat grâce à l’aide de Jaineba. En
échange, elle lui demande de l’aider à libérer plusieurs « Pas besoin d’être un soldat pour
familles des griffes des esclavagistes de la Compagnie combattre une tyrannie. Il suffit d’un cœur
commerciale atabéenne. vaillant, du désir d’être libre et d’assez
de courage pour dire aux autres qu’ils
sont aussi braves que vous-même. »
 Chitendu
conseillère du bourba
Toujours présente auprès d’Ighodalo—qui n’apparaît jamais
en public sans elle—Chitendu est apparue aux côtés du
bourba de Mbey après le retour de la Neuvième garde du
Domaine du Bonsam, et pour cause : elle était prisonnière
de la Pierre ramenée à Lougua.
Chitendu est une femme aux membres grêles et à la peau
huileuse. Ses dents semblent avoir été déposées au hasard
dans son sourire. Elle sourit beaucoup. Elle rit d’ailleurs
de tout, y compris d’elle-même. S’il n’y avait ce nuage de
mouches et de moucherons voletant constamment autour
d’elle, son apparence désarmante pourrait presque être
qualifiée de plaisante. Certains la décrivent cependant
différemment : ils évoquent une femme à tête de hyène,
hurlante, dotée de la queue et des défenses d’un éléphant,
le premier appendice se trouvant toujours en mouvement
pour chasser les mouches qui l’entourent.
Chitendu est souvent vue seule dans les rues de Lougua,
où elle discute avec le peuple. Se renseigne-t-elle sur eux ?
Quelques-uns disent l’avoir rencontrée dans des lieux
éloignés de la capitale où elle n’aurait pas pu se trouver, vu
la distance.

Accroches scénaristiques :
• Trois Pierres viennent de disparaître sur la Route
du Bonsam. Furieuse, Chitendu promet une
importante récompense à quiconque lui ramènera
la tête du voleur. Les Héros pourront-ils aller plus
vite que les chasseurs de prime afin que les Pierres
ne tombent pas entre les mains de la conseillère ?
• La rumeur raconte que les Pierres provenant du
Domaine du Bonsam reposent au fond du plus
profond des cachots de la capitale. Pourquoi
Chitendu les a-t-elle mis sous si bonne garde ?
• Dans une autre Nation, un Héros tombe sur
Chitendu sans savoir qui elle est, et la sauve d’un
attaquant utilisant une étrange magie. Quand
CHITENDU, ce Héros arrive en Mbey, l’attaquant le traque à
CONSEILLÈRE DU BOURBA son tour, affirmant être un Gardien du Gelwaar
qui doit tuer cette abonsam à n’importe quel prix.
Le Héros pourra-t-il réparer son erreur et aider
« Le mal ne corrompt pas le cœur l’exorciste à défaire Chitendu pour de bon ?
des gens. Au contraire, il en trouve
les failles et les raccommode. Qui
pourrait refuser un tel réconfort ? »

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

6 8 14
Shanga,
l’éternelle capitaine
Avant que le Royaume de Mbey ne sombre dans les
ténèbres, Shanga était l’une des meilleurs capitaines de
marine du Mboul. Aujourd’hui, les marins disent qu’elle
s’est fait « pirate ». Ce n’est pas tout à fait exact. En réalité,
elle tente d’apaiser sa honte et son sentiment de culpabilité
de la seule manière qui soit selon elle efficace : en harcelant
la flotte de la Compagnie atabéenne.
Au début, Shanga était une ardente défenseuse de la
Compagnie. Elle naviguait pour eux, transportait leurs
marchandises et se rendait même jusque dans la lointaine
Montaigne. Le jour où elle entrevit des visages familiers
l’observer depuis l’entrepont où dormait la cargaison,
ses lèvres se mirent à trembler et la peur s’installa dans
son regard. Elle attendit que la terre ne fût plus en vue,
prit possession du navire, retourna l’équipage contre la
Compagnie et libéra les prisonniers. Durant des mois, elle
pilla les côtes mbeyennes, usant de sa connaissance des
secrets de la Compagnie pour en perturber les activités.
Malheureusement, une seule capitaine, même talentueuse,
n’était pas de taille face à de tels Scélérats. La mer l’avala
quelque part au large des côtes de la Nder.
Du moins est-ce ce que les gens ont cru.
Au moins six équipages de la Compagnie disent avoir vu
sombrer le Sainte-Marie, la caravelle de Shanga, au large
de la Nder. Pourtant, quelqu’un continue de harceler les
navires qui empruntent les routes commerciales de la
Compagnie. Des témoins disent avoir vu le Sainte-Marie
flotter sur l’eau, bien que couverte de bernacles et décorée
de cadavres d’esclavagistes mangés par les crabes.

Accroches scénaristiques
• Lisette Gaston, capitaine d’un navire de la
Compagnie appelé L’Huître, est la seule à avoir croisé
le fer avec Shanga et survécu pour en témoigner. Elle
a fui à l’intérieur des terres et se cache au cœur du
désert depuis lors. Les Héros ont pour mission de la
retrouver afin de découvrir ce qu’elle sait au sujet de SHANGA,
la mystérieuse « résurrection » de Shanga.
• Un Héros reçoit une pièce d’or de la part d’un riche
L’ÉTERNELLE CAPITAINE
marchand qui s’est avéré être l’unique survivant
d’une attaque dévastatrice de Shanga. Désormais, « L’argent des esclavagistes ne vaut
il rêve nuit et jour des yeux féroces de la capitaine, rien au fond des abysses de la mer. »
qui semble l’avoir condamné à mourir. Pourra-t-il
convaincre Shanga de son innocence ? Quel prix
devra-t-il payer pour échapper à la mort ?
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

8 3 11
Chapitre 4
Le Maghreb
 LE MAGHREB
Ô sublime Maghreb, je veux embrasser tes lèvres brunes aussi douces que le miel.
Tes cheveux sombres luisent sous l’éclat du soleil. Je veux y enfouir mon visage.
Ta langue merveilleuse emplit mes oreilles de rire et de joie.
Laisse-moi baiser le rouge de tes joues chauffées par le soleil.
Sous ton habit doré se cache ton corps plein de charme.
Et quand ton cœur bat contre le mien, c’est vers l’abîme de l’amour qu’il m’entraîne.
—Wallad illi-Amra, poétesse maghrébine

Le Maghreb est une Nation tourmentée, riche en
intrigues, dont la beauté n’est rien de moins qu’éclatante.
Ses cités portuaires rayonnent tels des joyaux car langues,
croyances et richesses y abondent. Ses savanes débordent
d’animaux et de fermes, et ses champs d’indigo colorent le
paysage. Ses habits sont d’or, tout de sable soyeux, exquis
et changeant. Ses oasis sont autant d’éclats de vert dans la
mer vermeille du désert, et l’on dit du Cœur du désert, pic
volcanique qui s’élève plus haut que tous les autres massifs
ifrien, qu’il permet de contempler l’ensemble du royaume.
Pirates, voyageurs, érudits et marchands : tous voyagent à
travers le Maghreb en quête de richesse et de gloire.
Le Maghreb est divisé en trois régions : la côte, parsemée
de ports animés où les maires et magistraux obéissent
tous à l’ex-boucanière Mar Veraci. Viennent ensuite les
savanes où abondent les fermes et les éleveurs, et dont la
vraie richesse se trouve dans les champs d’indigo, gardés
et surveillés par les troupes d’Hennu Noumidia, la tante
de l’actuelle souveraine du Maghreb. Enfin, on trouve les
vastes étendues du désert d’Ubari, avec ses paysages de
sable protéiformes.
Tasa Noumidia, connue dans toute l’Ifri comme
«  la Reine bleue,  » règne sur le Maghreb. Sorcière et
prophétesse, elle défend les traditions et protège son

86 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB

peuple tant du climat rigoureux que des forces maléfiques.
Elle travaille activement à la réalisation d’une de ses visions,
dans laquelle le Maghreb devient un phare au milieu de la
nuit, un refuge pour les voyageurs venus du monde entier,
un endroit où la sorcellerie participe à la construction du
bien commun.
Récemment, elle a quitté la capitale pour se réfugier dans
le désert : une prophétie provenant du Cœur du désert
évoque une grande guerre, au sud, qui ne finirait que
si le sang du trône était versé. Quel trône ? Quel sang ?
Voici ce que la Reine bleue essaie de découvrir. Cette
guerre future, et les nouvelles faisant mention d’esprits
malfaisants et d’oasis asséchées ont ravivé sa plus grande
peur : que le Bonsam s’invite dans son royaume et tente
de se l’approprier. Tout cela sans compter les attaques des
nuées du mal aux frontières méridionales, pour l’instant
jugulées par les troupes de Naravas Naryan.
Invité à la Cité indigo, la capitale du royaume, le
duc François de Toille observe les changements qui
agitent cette Nation de sables mouvants. D’une main,
le Montaginois offre l’aide de ses armées, de l’autre, il
requiert le droit de commercer et d’exploiter les filons de
pierres précieuses. Il essaie également d’établir un artisanat
du verre qui puisse rivaliser avec celui de la Vodacce,
ainsi que d’accéder au Cœur du désert, dont on dit qu’il
recèle d’incroyables richesses, mais également un pouvoir
sans équivalent.
Vers l’orient, l’Impératrice du Croissant a également
offert son assistance au Maghreb, désirant elle aussi
accéder aux routes commerciales et, en même temps,
défaire le mal qui ronge l’Ifri.
La Reine bleue craint d’être bientôt cernée de toutes
parts. Elle doit choisir ses alliés avec soin. Pour cela,
elle a déménagé sa cour dans le Cœur du désert afin de
demander conseil aux esprits qui y résident.
Histoire
Selon la légende, l’Ubari—aussi surnommé Mer dorée
par les Maghrébins—était jadis un pâturage fertile où de
nombreux troupeaux et peuples vivaient sur des vagues
d’herbes aussi vertes que l’émeraude, et où des champs
de fleurs jaunes s’étendaient jusqu’à l’horizon. Les
méridionaux jalousaient ce territoire fertile, ses vaches
et son peuple heureux, et c’est ainsi qu’ils vinrent leur
prendre tout ce qu’ils possédaient.
Le peuple des pâturages, peu habitué à la guerre, prit
la fuite. Seul un sorcier resta sur place pour couvrir la
retraire des siens. Lorsque les premiers soldats du sud
arrivèrent, ils l’abattirent et continuèrent leur chemin.
Alors que le sang du sorcier imbibait la terre, l’herbe
se mit à flétrir, la terre et les arbres se firent sable. L’eau
remonta vers le ciel, formant un nuage qui couvrit les
fuyards, et le vent souleva les grains de sable pour aveugler
les envahisseurs. Le désert permit au peuple des pâturages
de survivre, c’est pourquoi au Maghreb, celui-ci est vu
comme une bénédiction, jamais une malédiction. Là où le
sorcier était tombé se dresse désormais le Cœur du désert,
l’épicentre du Maghreb tout entier.
Decimus 23, 1666
Il fait chaud ici, vraiment très chaud. Pourtant, la nuit
est d’un froid mordant.
Je suis arrivé par la Route dorée, une ancienne voie
commerciale qui part de la Kurufaba mandéniane, traverse
le Maghreb et mène jusqu’à la capitale khémétienne.
La Reine bleue est sublime. Il y a quelque chose en elle
qui inspire son prochain, lui donne envie d’être meilleur
et de rejoindre sa cause. Elle est douce et a visiblement
envie de protéger son peuple, mais elle est prise entre les
ambitions d’un duc montaginois, François de Toille, et un
mal qui s’immisce aux frontières du Royaume de Mbey. Elle
manœuvre pour garder le duc à sa place, et le Bonsam loin
de ses terres. Elle ne peut malheureusement pas demander
d’aide au Khémet, car leur reine, assise sous un ciel
crépusculaire, a passé de sombres et nombreux accords
pour rester au pouvoir. L’Empire aksoumite pourrait être
un allié, mais il est loin. Quant à la Kurufaba mandéniane,
elle est trop autocentrée en ces temps troublés.
Pour repousser le mal, elle peut heureusement compter sur
les clans du désert, et surtout sur Naravas Naryan, son
cousin, le "Fantôme du désert."
Au fond de moi, je pressens que si personne ne lui vient en
aide, le Maghreb connaîtra le même sort que le Royaume
de Mbey. La Reine bleue écarte avec dextérité le mal
mbeyen qui corrompt tout ce qu’il touche, et elle déjoue
avec intelligence les machinations de la Montaigne et de
la Compagnie commerciale atabéenne. Mais pour combien de
temps encore ?
 GLOSSAIRE DES MOTS
MAGHRÉBINS
agguta : classe des conteurs.
Amanokal : confédération de chefs
maghrébins qui se rassemble en périodes de
troubles et prend les décisions nécessaires
pour se défendre contre l’ennemi commun.
Amazigh : ethnie du Maghreb. Tous les
Amazighen sont Maghrébins, mais tous les
Maghrébins ne sont pas Amazighens.
amizagh : langue du Maghreb.
imajaghan : classe des nobles.
imghad : classe des vassaux libres.
inadan : classe des commerçants et artisans.
ineslemen : classe des clercs et des
sorciers, d’une manière générale tous ceux
qui ont l’habitude d’être en contact avec
le surnaturel.
silphium : pièce d’argent teintée de bleu,
utilisée comme monnaie dans le Maghreb.
Vénération : culte des ancêtres.
Contrairement à ses voisins, le Maghreb est un pays
politiquement stable. Ici, une aventure peut impliquer
des intrigues en provenance d’autres pays, des quêtes
spirituelles données par les joks, ou encore des
batailles navales impliquant des navires vodaccis et
des corsaires maghrébins. Le nord du pays regorge de
villes cosmopolites, dont Cyrène, qui rivalisait jadis en
splendeur et en richesse avec l’ancienne Numa. Au sud,
les nomades s’aventurent entre les dangereuses dunes de
sable qui dissimulent d’antiques ruines.
Ici, les Héros peuvent faire du troc dans les cités
montagnardes, voyager avec un groupe de gardiens de
troupeaux à travers la savane herbeuse ou encore suivre
une route de nomades qui s’enfonce dans le désert en
espérant y trouver un chemin sûr qui puisse les mener
vers l’un des pays voisins.

Jouer un Héros maghrébin

Les Héros maghrébins sont pareils aux déserts et aux
Parfois, le Gardien ou la Gardienne de l’eau fraîche sert rivages de leur pays. Même ceux qui ont vécu en ville
de guide spirituel ; le peuple attend qu’il ou elle écoute ont survécu à des tempêtes de sable et à des sécheresses,
les conseils donnés par les rois et reines morts qui lui et n’importe quel voyageur a déjà entraperçu les ruines
apparaissent en rêve. à moitié enfouies par le défilement infini des dunes.
Beaucoup voyagent : nomades dans le désert, marchands
L’aventure au Maghreb sur la côte, gardiens de troupeaux de chèvres dans les
Le Maghreb est déchiré entre étendues de sable et d’eau. vastes et vertes plaines, etc.
Étant donné qu’il dispose d’une route maritime vers Ils sont souvent quelque peu fatalistes, car ils ont
la Théah, c’est un lieu idéalement situé pour mélanger fréquemment été témoins de la puissance de la nature. Ils
Théans et Ifriens. Le Maghreb est un véritable mélange savent pourtant se réjouir des choses simples, car ils ont
d’ethnies, riche de plusieurs religions, origines et carrières, également conscience des difficultés du quotidien.
tour à tour cartésiennes ou surnaturelles.

88 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB

Un Héros maghrébin peut être :
• une guerrière de Cyrène qui a dédié
sa vie à l’ancienne déesse de la guerre,
mais aussi à la sécurité du Maghreb,
et qui parcourt le pays armée de son
épée et vêtue de sa traditionnelle peau
de lion ;
• un sorcier pourvu d’une épée
chantante, arme ensorcelée pour détruire les
esprits du mal ;
• une nomade dīniste qui va d’oasis en oasis,
connaît les chemins du désert et transmet la
parole du deuxième Prophète ;
• un émissaire de la Compagnie commerciale
atabéenne qui a l’habitude des manières théanes,
mais est également très habile pour leur vendre
les produits du Maghreb, comme l’ivoire, l’indigo
ou l’or ;
• une espionne de la Reine bleue, grimée en
simple gardien de troupeau ou marchand
de chameaux, qui rassemble en secret des
informations pour la majestueuse dirigeante
et déterre les secrets qui pourraient menacer le
pays ;
• un érudit de la Bibliothèque semi-enfouie,
historien reconnu, qui connaît toutes les cultures
ifriennes et qui cherche à mettre un terme à une
malédiction découverte en même temps que la
bibliothèque ;
• une marchande d’antiquités, de lampes et de
pièces de ferronnerie qui s’est aussi mis en tête
de rassembler des objets ayant peut-être un lien
avec les abonsams ;
• un corsaire de la côte qui a servi sur de
nombreux navires, vodaccis comme maghrébins.
Société
Parmi les Amazighen—ethnie à
laquelle appartient la majeure partie
des Maghrébins—on trouve nombre
de clans qui s’organisent selon une
hiérarchie similaire.
Tous ces clans sont menés par une
cheffe—titre qui s’hérite de mère en fille—
appartenant à la classe noble des imajaghans. La plupart
des soldats appartiennent également à cette classe, ce qui
leur permet d’avoir accès aux armes et aux dromadaires.
En dessous, on trouve les clercs et les sorciers, les
ineslemens, qui s’occupent de tout ce qui touche à
l’invisible et au surnaturel. Pour accéder à cette classe, pas
tout à fait noble car n’importe qui peut s’y élever, il faut
faire preuve de grandes capacités intellectuelles.
Les imghads sont quant à eux les vassaux libres qui
gardent les troupeaux de moutons, chèvres, bœufs et
dromadaires. Ils sont tenus d’héberger quiconque entre
sur leurs terres.
En bas de l’échelle sociale, on trouve les inadans, artisans
qui fabriquent une grande variété de produits, et les
aggutas, des chanteurs, musiciens et conteurs qui font
office d’historiens. Beaucoup travaillent pour de nobles
mécènes, ce qui leur procure un certain degré de stabilité
Troisième jour de Messe du Prophète, 1666
Une série de malentendus, pour la plupart dus à une
mauvaise maîtrise de l’amizagh, m’a mené à participer
à une attaque contre une caravane montaginoise. Pour
ma défense, les mots pour "attaque" et "fête" sont
remarquablement proches dans cette langue. Les
marchands montaginois m’ont dit que les Kel Tagelmust
n’étaient rien de plus que des maraudeurs et des
assassins. En réalité, bien que quelques groupes soient
vraiment des bandits, la plupart s’avèrent être des gens
respectables, dotés d’un véritable code d’honneur. Les
marchands montaginois ne comprennent rien aux cultures
locales...
Cette attaque a été menée dans l’Ubari. La caravane
montaginoise avait en effet laissé derrière elle une oasis
en piètre état, et les Kel Tagelmust voulaient leur faire
payer ce manque de respect.
 Culture et coutumes
L’hospitalité amazigh Les étrangers sont également accueillis quand ils
Les dieux ne peuvent remplir nos sont accompagnés de Maghrébins, mais ils se voient
mains si elles sont déjà remplies, souvent installés sous des tentes de fortune. Les
ou si elles se raccrochent trop fort à la vie. Amazighen s’inquiètent en effet des djinns déguisés en
Donne librement et sois tel un roi. voyageurs, et ils craignent les étrangers car ils les savent
Donne librement et sois tels les dieux. peu familiers des signes qui avertissent de la présence
Seuls ceux qui sont mauvais gardent or et eau pour eux. d’esprits malveillants.
–Wallad illi-Amra, poétesse maghrébine Tout voyageur qui passe la nuit chez un Amazigh recevra
eau et nourriture au matin, et verra ses animaux nourris
Au Maghreb, surtout dans le désert, une chose peut faire la et abreuvés. Notons enfin qu’il est malpoli de partir avant
différence entre la vie et la mort : l’eau. Des centaines des d’avoir reçu les cinq bénédictions.
chansons ont été écrites sur la beauté sauvage du désert,
la lueur de la lune entre sable et clarté du ciel, nombreux Habitudes vestimentaires
sont donc ceux qui veulent visiter ce pays. Aucun n’est Sur la côte, les habits sont aussi divers que les populations.
cependant assez fou pour l’explorer sans eau, ou au moins Les Maghrébins aiment les robes longues, légères et
sans savoir où se trouvent sources et oasis. colorées qui protègent la peau du soleil et du sable. Bien
L’hospitalité amazigh s’étend à tous ceux qui traversent que souvent en coton, les plus riches les préfèrent en lin.
le Maghreb. Nomades et villageois envoient souvent des Des capes en laine de mouton et de chèvre sont conçues
enfants avec un bol d’eau à la rencontre des voyageurs. Ils pour les soirées fraîches. Le cuir est quant à lui utilisé
leur demandent : « Avez-vous de l’eau pour votre âme pour fabriquer de sublimes ceintures gravées de motifs
et du feu pour votre ventre  ?  » Cette phrase est une traditionnels, et le chiffre cinq revient régulièrement dans
invitation à les rejoindre pour boire et manger. S’il accepte, des œuvres vestimentaires, des ceintures à cinq bandes aux
le voyageur se lave mains et visage dans le bol, puis suit habits à cinq couleurs.
l’enfant vers son village ou sa caravane. Un refus ne sera Les Maghrébins portent également chapeaux et foulards
pas mal pris si le voyageur est pressé par le temps, mais il pour se protéger des éléments. Les pauvres tendent à
sera considéré comme malpoli—et pourra amoindrir la marcher pieds nus, tandis que des sandales de roseau ou
bonne opinion que les locaux avaient de la personne— de cuir protègent les pieds des plus nantis. La couleur la
s’il ne s’accompagne pas d’une excuse solide. Pour les plus en vogue est l’indigo, et sa nuance la plus profonde
Maghrébins, rien n’est plus important que d’établir des et la plus riche est portée par les dirigeants maghrébins et
liens solides. les Amazighen.
Le voyageur est donc amené au village ou au camp. Ses Tous les Maghrebins, peu importe leur genre, portent
animaux sont pris en charge par les plus jeunes. On ne des bijoux. Bien que l’on trouve de l’or au Maghreb, son
lui demande pas de se désarmer. Le désert est un lieu peuple lui préfère l’argent pour les boucles d’oreilles, les
dangereux et les Amazighen savent mieux que quiconque bagues, les bracelets et les pièces décoratives pour cheveux,
que c’est dans les batailles que les amitiés se forgent. On que les artisans fabriquent avec talent et simplicité. Dans
offre nourriture, eau et sel. En échange, les Amazighen le même ordre d’idées, on préfère généralement les pierres
espèrent des nouvelles sur le temps et les conditions des lisses aux taillées.
routes, surtout si des choses étranges s’y sont produites.
Chez les Amazighen, les liens familiaux doivent être Langue
estimés et le respect maintenu. Si l’un des voyageurs a un Il existe de nombreux dialectes de part et d’autre du
parent amazigh, son groupe sera invité dans la demeure Maghreb. N’importe quel Maghrébin parvient à les
dudit parent. Le voyageur sera également responsable du comprendre en se concentrant un peu, mais nombre
comportement de ses compagnons, et devra s’assurer que de villages possèdent un accent ou des expressions
les traditions soient respectées (et que certains tabous idiomatiques peu répandues qui, parfois, peuvent causer
demeurent inviolés). des incompréhensions.

90 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB

 Ceux qui vivent le long de la côte ont tendance à Les femmes décorent leur corps de henné, dessinant
connaître les langues étrangères, notamment ceux des motifs géométriques divers, triangles, carrés ou lignes.
qui fraient avec les Aksoumites. On trouve quelques Réalisés pour la simple beauté du geste, ces tatouages
interprètes de langues théanes dans les ports, mais leurs temporaires sont aussi utilisés pour repousser le mal et
services s’avèrent particulièrement chers. l’empêcher de trouver l’individu tatoué. En ce cas, le henné
s’utilise indifféremment pour les deux sexes.
Alimentation
Bouillie au millet et au lait de chèvre ou de chamelle, Éducation
fromage et pain plat sont à la base des repas quotidiens. La jeunesse maghrébine est instruite. La plupart des
Le couscous, mélange de semoules de différentes céréales, communautés disposent de petites écoles qui enseignent la
notamment de blé dur, est également l’ingrédient de base lecture, l’écriture, les mathématiques et les bases de la religion
de nombreux plats composés de graines recouvertes de locale. La formation est généralement courte car beaucoup
ragoût ou de légumes. d’enfants deviennent apprentis chez un membre de la famille
On consomme beaucoup de yaourts épais, ainsi que afin de perpétuer une tradition ou un commerce.
des boissons qui ressemblent à la bière et du thé. L’ashahi Même si les Maghrébins ne sont pas aussi éduqués que
est un thé vert populaire que l’on mélange avec du sucre. les Aksoumites, ils accordent de l’importance aux lettres,
Après infusion, le serveur le verse à trois reprises dans une aux chiffres et surtout à l’éducation aux histoires. Ceux qui
théière différente, sur de la menthe et du sucre. Le rituel vivent sur la côte apprennent des récits venant de l’étranger.
achevé, le thé est servi dans des tasses en verre, hautes et De plus, certaines histoires maghrébines sont rédigées de
fines afin de produire une mousse épaisse sur le dessus. Ce manière à former des cartes mentales, ainsi, le simple fait
thé étant importé de Cathay, on le trouve surtout dans les de les réciter aide le voyageur à se rappeler des routes.
riches maisonnées.
Bien que des mets théans soient parfois importés depuis Religion
la côte, on en trouve peu à l’intérieur des terres. Le palaisLe paysage divin du Maghreb est aussi changeant que la terre.
maghrébin tend à ne pas aimer les vins au goût prononcé, Fertilité, force et courage font des Maghrébins un peuple
leur préférant le babeurre, le thé, le jus d’orange ou juste l’eau.
vibrant de vie, et les déités rendent riches ceux qui partagent
leur existence, leur sagesse et leurs histoires avec les autres.
Arts et artisanat Les esprits qui s’installèrent sur ce territoire après sa
L’artisanat amazigh se concentre surtout sur la bijouterie, création se firent connaître des mortels qui y habitaient.
le travail du métal et du cuir pour les décorations de Certains voulaient être vénérés, d’autres enseignèrent la
selles—ou trik—ainsi que la forge et le travail du bois manière dont s’occuper des sols, les derniers inspiraient
pour la fabrication d’épées, de lances et d’arcs de qualité. courage et puissance à ceux qu’ils croisaient.
Les artisans travaillent également des boîtes pourvues Certains dieux proviennent de l’étranger. Ils ont suivi leurs
de serrures complexes et décorées dans lesquelles les représentations et les prières d’un peuple en migration.
voyageurs peuvent stocker leurs affaires (parfois, pour Ces divinités parcourent le pays, arrivées par les ports et
des raisons de sécurité, ces derniers envoient même un les routes du désert. Tant qu’elles ne sont pas malveillantes,
messager en avant de leur caravane, avec, sur lui, la seule elles sont aussi bienvenues que le peuple qui les vénère.
clé disponible).
Tambours, violons, percussions et flûtes sont des Le culte des ancêtres
instruments communs dans la musique maghrébine. Ils À l’instar de nombreux Ifriens, les Amazighen pensent
s’accompagnent de poèmes et chansons. Par le passé, les que lorsque le corps est mort, l’esprit peut rester sur
musiciens étaient des musiciennes, mais depuis quelques notre monde. Les Maghrébins jurent sur les morts
années, la situation a évolué. Cela étant, ce sont toujours et les invoquent lors de leurs serments, les mêlant à
les femmes qui s’occupent des chants de deuil et font leurs existences et leurs conversations. Les vivants s’en
trembler le sol avec leurs coups de pieds tandis qu’elles souviennent pour leurs qualités, comme la patience, le
poussent des pleurs déchirants. De nombreux hommes courage ou l’ingéniosité. Ils aiment se raconter leurs
continuent de craindre ces démonstrations de chagrin. histoires autour du feu, et ils utilisent souvent leur nom

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 91

 pour la création de charmes dans l’espoir que le porteur
s’attire la protection de l’esprit.
Un vivant peut donc obtenir l’aide d’un proche décédé.
Reposant au fond d’une tombe, le corps du défunt doit être
placé en position fœtale, frotté à l’ocre, habillé de la tenue
seyant à son rang, et pourvu en outils et en nourriture
pour l’après-vie. Le cercueil est ensuite enterré dans les
montagnes ou le désert (les personnes d’importance le
sont près du Cœur du désert, et les dirigeants du pays
dans la montagne même). Quiconque a besoin de conseils
ou de réconfort peut dès lors aller sur cette tombe, y
prier, y dormir… Le mort apparaît en rêve et donne des
réponses au moyen de symboles, d’impressions et de
phrases obscures. Tout ce qui est rêvé est accepté par le
rêveur. Les Amazighen font confiance aux morts qu’ils
connaissaient de leur vivant et ne remettent que très
rarement en question les réponses des ancêtres.
Lorsque les moines vaticins arrivèrent en Ifri, ils attirèrent
l’attention des Amazighen. Cela explique pourquoi l’art
religieux des Amazighen comprend parfois des icônes
théanes, et que certains en sont venus à qualifier leurs
propres ancêtres de « saints », comme dans la tradition
vaticine. Sous la surface figée de la pensée de l’Église des
Prophètes, les croyances du Maghreb sont pareilles à un
fleuve puissant, caché, teinté d’or, d’argent et de bleu.
Le culte de Cyre
La plus ancienne et la plus importante de ces divinités
est Cyre, la déesse de la guerre. Certains racontent
qu’elle fut la première reine du Maghreb, venue s’allier au
premier roi en sachant qu’il pourrait lever une armée pour
repousser la corruption des terres voisines. Son tombeau
est aujourd’hui vide : l’on n’y trouve qu’une couronne et
une peau de lion laissée là en son honneur. Cela explique
pourquoi l’on pense qu’il s’agissait d’une divinité, et que
ceux qui appartiennent à la famille royale sont doublement
de sang divin.
Cyre est décrite comme une grande femme musclée
capable de terrasser un lion de sa lance ou d’une flèche.
Vêtue de la tenue traditionnelle amazigh, elle porte une
couronne de cinq pierres précieuses sur la tête, une outre
d’eau à la ceinture et un croissant de lune sur le front.
Nul ne saurait dire si elle était une guerrière de renom
déifiée après sa mort ou un esprit. Mais il est certain que
jamais son bras ne faillit quand elle combattit les lions
des Toubkal, triomphant des félins assoiffés de sang qui la
chargeaient. Les Maghrébins célébrèrent son courage, sa
92 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB
bienveillance et sa victoire, et un grand temple fut élevé
en son honneur à Cyrène, où une immense statue à son
effigie surplombe le quartier des forgerons et des épéistes,
lesquels chantent ses louanges.
Il existe une société secrète de guerrières dédiées au
service de Cyre. Prétendant être plus anciennes que la
famille royale, ces femmes effectuent des allers et retours
entre sable et mer, réparant les torts, pourchassant les
criminels et tuant les animaux agressifs. Pour rejoindre
cette compagnie, une femme doit d’abord trouver le
groupe, prouver sa valeur et enfin jurer fidélité sur l’esprit
le plus ancien de ses parentes directes. Elle doit ensuite
traquer un lion et le tuer, puis le ramener sur son dos
après avoir à nouveau trouvé le groupe. C’est seulement
à ce moment-là qu’elle est acceptée dans les rangs des
Femmes de Cyrène. La guerrière jure de ne jamais accepter
de monnaie, le seul métal qu’elle puisse toucher étant celui
de son épée ou d’un charme contre le mal. Elle ne doit pas
non plus se marier, le Maghreb étant son seul amour.
Le culte d’Ifri
Pour nos enfants,
elle transforme notre sueur en pitance.
Son baiser est pareil au miel.
Son souffle est une douce brise qui caresse le ciel.
Elle pleure, émue par la beauté de nos âmes,
faisant pleuvoir ses larmes fertiles sur nos savanes.
–Wallad illi-Amra, poétesse magrébine
Les Théans arrivèrent pour la première fois sur les
côtes ifriennes durant des festivités données en l’honneur
d’Ifri, la déesse de la fortune et la fertilité. Quand ils
interrogèrent les locaux sur la terre où ils venaient d’arriver,
une erreur de traduction les amena à penser qu’ils se
trouvaient sur « la terre d’Ifri ». En tant que déesse de la
fertilité, la terre est en effet sienne, mais l’erreur mena les
Théans à nommer ainsi tout le continent.
Ifri est une déesse de premier rang au Maghreb. Le
peuple laboure les champs en son nom, stocke les
graines dans des jarres portant sa marque, et les couples
désireux d’avoir des enfants la prient. Tout ce qui est bon
et pousse du sol représente sa bénédiction, apparue en
récompense de l’effort effectué par les paysans. Dans ses
représentations, elle a le visage couvert de larmes, et ses
habits sont brodés de motifs indigo, de fleurs et autres
symboles positifs. Pour les Maghrébins, le fait de verser
de l’eau sur son visage est censé porter bonheur.
 En plus d’être déesse de la fertilité, Ifri est également
déesse de la fortune. Les marchands la prient en amont de
leur caravane afin de mieux dégager le chemin du malheur.
Les parieurs l’invoquent, lui demandant de faire grossir
leur mise. Quand on mélange à l’or des cosses gravées
de son nom, on peut être sûr de voir sa fortune grandir.
Une femme enceinte les portera en guise de charme pour
s’assurer d’un accouchement serein.
Le culte de Neith
Neith compte parmi les plus anciennes divinités
du Maghreb. À l’origine, il s’agissait d’une divinité
khémétienne. Déesse de la guerre, de la chasse et la
sagesse, elle ne dispose d’aucun consort : elle a le pouvoir
de procréer sans partenaire mâle, et même de donner
naissance à d’autres divinités.
Armée de deux arcs, Neith transforme ses guerriers
en armes vivantes. Étant donné qu’elle est la protectrice
des soldats tombés au combat, on pose souvent des arcs
croisés sur leur sépulture, et tout soldat mourant adressera
une prière à la « Divine mère » afin qu’elle protège son
âme. Elle est également déesse du tissage, ce pourquoi les
tisserands ont l’habitude de travailler tout en chantant des
hymnes en son nom.
Neith est enfin souvent invoquée au cours des disputes
législatives, car elle est connue pour sa sagesse mais aussi
sa capacité à rendre des jugements. Certains disent même
que c’est elle qui soutient le ciel, c’est pourquoi les soldats
et les paysans la prient quand ils ont besoin de forces.
L’Église vaticine
Mes amis, ne craignez nulle défaite.
Partout dans le Maghreb
la Parole des Prophètes
dissipera les ténèbres.
La vérité est comme l’eau pour les ascètes :
une oasis de lumière dans un désert funèbre.
—Wallad illi-Amra, poétesse maghrébine
Pour nombre de fidèles vaticins, l’Ifri est une terre à
ensemencer. Ces siècles de conversions en Théah ne les
ont préparés qu’à une chose : le sauvetage des Terres d’Or
et de Feu.
Les cités côtières se consument en effet dans le péché
avec leurs pirates, leurs assassins et leurs criminels
notoires aux appétits malsains. Les âmes les plus éplorées
sont d’ailleurs toutes originaires de la Théah, et pour
cause  : il appartient aux missionnaires de l’Église des
Prophètes de réparer les torts que leurs compatriotes ont
pu infliger aux populations locales (ce qui, accessoirement,
représente un obstacle supplémentaire lorsque la bonne
parole doit être prêchée).
La plupart des sédentaires se trouvant sur les côtes, les
missionnaires ont construit leurs églises dans les ports,
faisant de leurs temples des refuges pour les croyants
désirant adhérer à leur doctrine. Par ailleurs, nombre
offrent nourriture et logis gratuits aux voyageurs, à la seule
condition qu’ils assistent à la messe. Dans cette terre de
bergers, les prêtres parlent du Prophète comme d’un guide
qui protège le peuple des animaux sauvages que sont la
peur et le désespoir, voire d’un bâton qui peut défaire la
gueule béante des abonsams qui rôdent dans le désert et
guettent les âmes éplorées. Auprès des marins, ils décrivent
le Prophète comme un bon capitaine qui leur fera traverser
toutes les tempêtes sans jamais perdre un passager ou un
membre d’équipage. Portés par la puissance de leur déité,
ils évoquent les bonnes actions de ceux qui les ont quittés.
Lorsqu’ils offrent à boire et à manger, ils racontent la vie
des saints. Ils commandent souvent des œuvres montrant
ces derniers auprès d’artisans locaux, lesquels incorporent
l’iconographie vaticine à l’esthétique maghrébine.
Les temples vaticins parsèment principalement la côte
maghrébine. Ils se font plus rares à mesure que l’on
descend vers le sud. Parfois, on croise un prêtre ambulant
sur l’une des routes du désert, ou assis à l’ombre d’une
oasis, et l’on peut être sûr d’en trouver au moins un dans
la Bibliothèque semi-enfouie, en train de traduire ou de
transcrire l’un des ouvrages.
L’al-dīn
Le dīnisme s’est introduit au cœur du Maghreb via les
cœurs et les esprits des centaines de caravaniers qui sont
arrivés dans le désert et au nord du pays. La religion du
deuxième Prophète s’est frayé un chemin non grâce à ses
représentants officiels, mais par ses fidèles qui ont évoqué
les miracles et les enseignements de leur religion.
Cette approche organique a mené de nombreux
Maghrébins à introduire le dīnisme dans leurs croyances
personnelles. La nature du Prophète est souvent débattue
autour du feu. Certains disent qu’il doit toujours être
en vie, d’autres qu’il était probablement décédé quand
sa parole fut transcrite, et qu’il n’est plus qu’une figure
légendaire ayant laissé à d’autres le soin de transmettre
ses enseignements. D’aucuns affirment que ses préceptes
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 93
 reposent dans son esprit et qu’il transmet son savoir cantiques anciens des joks. Fabriqués en argent non poli,
depuis la tombe, semant sagesse et espoir dans l’âme de ces talismans se portent près de la peau et se réchauffent
ceux qui lisent sa parole. au contact du porteur.
Ces doutes au sujet de la nature du Prophète ne
dissuadent pas les Maghrébins de suivre sa doctrine. Il Gouvernement
faut dire que les fidèles de l’al-dīn ont beaucoup d’autres Chaque petite communauté se gère seule, mais en cas de
points communs avec les Maghrébins, aussi la plupart souci, tous les dirigeants se tournent vers leurs voisins,
tâchent-ils de s’accommoder de ces débats ontologiques un peu comme un berger se tournerait vers un parent
et de construire des ponts entre leurs croyances plutôt que proche quand un agneau vient à manquer. Ces meneurs
de se disputer sur un point précis. se réunissent en une assemblée appelée Amanokal lors
Au fil des ans, les dirigeants du Maghreb ont peu à peu de laquelle ils prennent les décisions qui s’imposent, et
suivi la tendance du peuple et se sont convertis au dīnisme, nomment des généraux en cas de guerre. L’Amanokal est
mélangeant cette religion à la leur, à des degrés variés. soumise à l’autorité de la Gardienne de l’eau fraîche, c’est-
La version maghrébine de l’al-dīn reflète la myriade des à-dire la Reine bleue.
points de vue de ce peuple. Le terme amanokal désigne également un groupe de clans
œuvrant ensemble. Cette pratique est plus commune dans
Sorcellerie les savanes que dans les aires urbanisées de la côte ou au
Certains Maghrébins savent que les esprits leur ont fin fond du désert. En effet, la grande variété de groupes
donné le pouvoir de modeler le monde et d’en conserver sur la côte fait que la plupart ont du mal à s’entendre et,
l’équilibre précaire afin de mieux défaire le mal. Grâce à dans le désert, ils n’ont guère de temps à accorder à ce type
une très longue tradition de chants et de contes, leurs de délibérations politiques.
talents pour l’art des mots et des mélodies ont donné
lieu à l’une des magies les plus puissantes qui soentt : Monnaie
celle des épées chantantes. En amizagh, les mots pour On trouve presque toutes les monnaies du monde dans
« épée » et « chant » sont les mêmes, et la redondance les ports du Maghreb, que ce soit dans les poches des
dans l’appellation de cette magie leur confère encore plus marchands ou sur les tables de jeu. Qu’il paye en or, en
de puissance. argent, en porcelaine ou en coquillages, le voyageur ferait
La flyssa, lourde et longue épée effilée à la pointe mieux de se renseigner sur le taux de change s’il veut éviter
émoussée, s’avère l’arme la plus utilisée par ces sorciers. de faire faillite.
La lame en elle-même est gravée de paroles, l’imbibant La royauté bat ses propres pièces, faites d’argent aux
d’énergie magique. Le combattant qui veut créer une teintes bleutées. Différentes monnaies sont en cours de
telle épée compose une chanson de bataille qui décrit fabrication ou circulent dans le pays, du sylphium fabriqué
son souhait de protéger du mal sa terre natale et son à Cyrène aux pièces où figure Ifri sur un côté et Cyre de
peuple. Pendant que le forgeron travaille la lame, le l’autre (qui sont appelées « monnaie des déesses »). Du fait
guerrier chante et investit l’épée chauffée à blanc de son de l’influence de l’al-dīn, une nouvelle monnaie circulera
pouvoir. Une fois la lame achevée, le métal passe de rouge dans tout le royaume dans un futur proche, lorsque la
à bleu, et les paroles s’enroulent en volutes scintillantes Reine bleue se sera décidée sur sa valeur et son apparence.
sur l’acier, avant de s’y graver. Le forgeron chante avec le À l’intérieur des terres, les gens acceptent la monnaie,
guerrier, créant un équilibre, aiguisant les rebords pour mais le troc reste plus courant. Les fermiers proposent des
en faire une arme à la hauteur de la volonté de celui qui la sacs de grain et des paniers de fruits en échange de tissus,
forge d’une part et celui qui la portera d’autre part. Après remèdes et autres marchandises.
quoi, le guerrier amène son épée à la reine pour qu’elle
l’embrasse, car on dit que son baiser rend magie et métal
plus résistants aux horreurs venues du Royaume de Mbey.
Outre cet art martial et magique des épéistes, le Maghreb
est également connu pour ses magnifiques talismans. Tous
ne sont pas magiques, mais certains ont été gravés de

94 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB

 GARE AUX PIRATES !
Au Maghreb, les corsaires sont assez sembla-
bles aux pirates de notre propre histoire, ces
individus tristement célèbres qui attaquaient
les cités portuaires.
Dans l’univers de 7e Mer, le Maghreb ne fait
partie d’aucun « Empire Ottoman », donc
les corsaires ne sont pas impliqués dans le
trafic d’êtres humains. Cela signifie que leurs
attaques visent plutôt les richesses des cités
portuaires ou encore des navires marchands
théans, et qu’ils ne font pas de prisonniers.
Comme pour les autres pirates de 7e Mer,
vous pouvez organiser vos corsaires en flottes
de cent ou deux cents bâtiments si vous
voulez représenter une sérieuse menace
navale, ou bien vos Héros peuvent se battre
contre un ou deux navires ennemis à la fois.
En cas de besoin, Mar Veraci a le pouvoir
d’unir les corsaires sous une même bannière
pour une attaque groupée, mais d’ordinaire,
ces derniers ont tendance à travailler en
petits groupes, sous le commandement d’un
seul « amiral. » Cela les rend plus organisés
et dangereux que les navires théans isolés qui
circulent en dehors des Nations Pirates.
Si vous souhaitez explorer cette possibilité,
prenez bien soin de lire la partie réservée aux
Pirates du Maghreb !
Noms maghrébins
Les noms maghrébins sont d’ordinaire choisis par les
grands-parents ou un hôte de marque. Les appellations
indiquent d’où vient la personne, que ce soit sa région,
sa ville ou son clan. On y ajoute le préfixe Kel. Ainsi,
un soldat de l’ouest du Maghreb pourra se faire appeler
kel-ataram (originaire de l’ouest) ou, s’il parle avec
un étranger, simplement kel-Maghreb (originaire du
Maghreb). En outre, une fille peut indiquer le nom de sa
mère après le préfixe illi. Un fils peut choisir d’indiquer
le nom de son père après le préfixe gwa. Ainsi, une jeune
femme peut se présenter sous le nom d’Izza illi-Menna
kel-Maghreb, pour « Izza, fille de Menna, originaire du
Maghreb ».
Armée
Au Maghreb, l’armée est le domaine de la noblesse, qui
défend non seulement ses terres mais aussi ses vassaux.
De temps en temps, les oligarques lèvent une armée de
conscrits venus de la côte, mais ce ne sont rien de plus
que des mercenaires payés pour se battre. Dans les savanes
et le désert méridional, les grandes familles dirigent des
bataillons qui mènent des attaques éclair, soit à pied soit
à dos de dromadaire.
Bien que le pays dispose d’une armée de conscrits, les
côtes ont une flotte militaire irrégulière. Le commerce avec
la Théah encourage les Maghrébins à se tourner vers le
commerce plus que la guerre.
La Reine bleue ne sanctionne pas les actes de piraterie
aussi sévèrement qu’ils peuvent l’être en Théah, et Mar
Veraci fait mine de ne pas voir ces pirates du dimanche
agir, surtout lorsqu’ils visent un navire ennemi ou
des marchands vodaccis qui ont tenté d’arnaquer les
Maghrébins. Les corsaires forment un filet mortel contre
les incursions navales ennemies car ils peuvent vite se
rassembler quand une menace approche ou qu’ils y
voient une opportunité de pillage. Les récits de courage
et de chance extraordinaires abondent parmi les corsaires.
On raconte aussi des histoires de navires fantômes et
d’équipages ayant croisé le fer avec le surnaturel et qui,
depuis, n’ont plus rien d’humain (certains marins clament
même que le tristement célèbre Capitaine Reis était jadis
un corsaire du Maghreb).
Prénoms masculins
Aderfi, Aghilas, Amalu, Anir, Badis, Ides, Ikken,
Izemrasen, Marin, Saden, Tariq, Usem, Yani
Prénoms féminins
Dassin, Dihya, Hennu, Lalla, Tafsut, Takama, Tanirt,
Taylalt, Tinifsan, Tinhinan, Tiziri, Ultafa, Ultasila
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 95
 Lieux notables
La Bibliothèque semi-enfouie
La Bibliothèque semi-enfouie est située à la périphérie du
port de Theletha. On y voit d’ordinaire des enfants jouer
sur ses toits à moitié enfouis, riant et s’appelant, sautant
sur le marbre usé. Des escaliers de fortune mènent le
visiteur de l’entrée jusqu’à l’atrium. « Marchez d’un pas
léger », prévient un panneau sur le mur. Ici, un homme à
la longue barbe vous vendra des feuilles de papier maison
et de la cire. À côté, dans un mortier, une femme réduit
en poudre les ingrédients nécessaires à la fabrication de
l’encre. Un air joyeux flotte dans l’air chaud. Deux jeunes
s’occupent de ventiler l’entrée à l’aide d’énormes feuilles de
palmier, tandis qu’un lézard solitaire et poussiéreux guette
l’assemblée depuis le plafond, son gros ventre se soulevant
à chaque respiration.
Ce lieu fut redécouvert voilà cinquante ans environ,
quand le chameau d’un marchand trébucha sur le bord
d’un de ses murs. L’homme se redressa afin d’examiner
son animal, et il sentit alors la pierre dure cachée sous ses
pieds. Pensant avoir trouvé un tombeau, il se précipita
auprès de sa famille et d’autres amis pour exhumer
ensemble le bâtiment. Les lieux ne révélèrent aucun
trésor, sinon de papier, de parchemins, de livres et d’outils
anciens. La plupart des documents étaient écrits dans la
langue de l’Ancien Empire. Les amis du marchand n’y
virent pas d’intérêt, mais quelques-uns restèrent sur place,
intrigués. Ils venaient de découvrir la plus importante
source d’informations sur le Maghreb d’avant le Maghreb.
La nouvelle de cette découverte parvint aux oreilles
des grandes familles, qui négocièrent le rachat de la
96 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB
bibliothèque et son entretien afin de mieux protéger leur
peuple, mais aussi les mystères cachés entre les rayonnages.
La Bibliothèque dispose de plusieurs textes qui servent
de guide de traduction. Nuit et jour, on y trouve des
érudits en quête de savoir, venus lire des œuvres, croiser
des références, réécrire et traduire la parole des anciens. Il
faut manipuler les ouvrages avec précaution afin de n’en
abîmer aucun. Les objets disposés à l’intérieur ne peuvent
être observés qu’avec l’autorisation du bibliothécaire en
chef, Mula Arsinagh.
La Bibliothèque est énorme : bien qu’on la dise semi-
enfouie, les amateurs d’architecture estiment que seul un
cinquième de son volume est accessible, ce qui représente
près de trois mille mètres carrés de livres jaillissant du
sable. Tout autour, la petite Cité des pages s’est établie,
peuplée d’érudits, d’enseignants et d’étudiants. Une
portion de la population se renouvelle constamment,
entre ceux qui passent effectuer une recherche avant de
poursuivre leur route, ceux qui travaillent dans l’industrie
du papier et sont attirés par la manne commerciale, et
les vendeurs ambulants qui visent érudits et voyageurs.
Nul n’a comptabilisé le nombre de titres disponibles entre
les murs de marbre, et nul ne sait non plus pourquoi
la Bibliothèque a été enfouie, ce qui fait que, parfois,
certains hésitent à y entrer. Plusieurs personnes y ont en
effet disparu à jamais, et l’on raconte que les lieux sont
maudits, ou piégés. Cependant, le savoir enfoui est trop
important, aussi la Bibliothèque ne manque-t-elle pas
de protecteurs.
 Les armes sont interdites en ces lieux. Les livres peuvent
être copiés mais pas emportés, sauf par ceux qui ont une
autorisation spéciale du bibliothécaire en chef et de la Reine.
Par ailleurs, la Bibliothèque s’avère penchée : on a fait en
sorte de redresser étagères et livres, mais plus on s’enfonce
dans les profondeurs, plus la pente s’accentue, comme si
quelque chose avait brisé le bâtiment en deux. Scorpions,
serpents et autres créatures du désert se nichent dans les
murs et entre les livres. On a trouvé un ou deux squelettes
dans les ailes les plus éloignées, qu’on a laissés tels quels.
Les fresques colorées de ses murs intriguent les artistes,
qui n’ont pas su en reproduire les pigments. La plupart
montrent des histoires de famille, mais certaines s’avèrent
plus étranges. Leur sens exact demeure incertain. L’une
de ces peintures semble représenter la Reine bleue, mais
l’inscription sous le portrait a été effacée, et les symboles
accompagnant l’image demeurent difficiles à distinguer.
Accroches scénaristiques :
• En secret, un érudit montre aux Héros une
assiette cuivrée qu’il dit sacrée. Le plat est perforé
d’entailles rectangulaires qui semblent avoir été
faites au hasard, mais quand on le place au-dessus
d’un certain parchemin, les entailles révèlent des
mots qui, ensemble, forment un message. Le
parchemin, vieux de cinq cents ans, parle de la
reine actuelle du Maghreb…
• Des copies d’un texte blasphématoire se sont
retrouvées sur les étals du bazar : quiconque en
récite les mots obtient le pouvoir de réaliser son
vœu le plus cher, mais à condition de sacrifier une
vie humaine. À Theletha, de nombreuses personnes
meurent dans d’atroces souffrances tandis que
d’autres deviennent soudain fabuleusement riches.
• À minuit, de terribles hurlements jaillissent des
entrailles de la Bibliothèque. Ils sont emplis de
chagrin et de tristesse. Les locaux sont habitués,
mais, ces derniers mois, les cris se sont fait de
plus en plus désespérés. Par une nuit sombre, les
hurlements et les plaintes s’accompagnent du
nom de l’un de vos Héros, l’enjoignant à entrer.
La Cité indigo
leue comme l’eau.
Bleue comme les replis d’une robe amazigh.
Bleue comme l’amour véritable.
Bleue comme la Cité indigo chère à mon cœur.
—Wallad illi-Amra, poétesse maghrébine
Joyaux de la couronne, capitale du règne des Amazighen, la
Cité indigo est célèbre pour ses murs bleus décorés d’azurite,
de lapis-lazuli et autres pierres semi-précieuses disposées
en fabuleuses mosaïques géométriques. Des gardes
patrouillent constamment dans ses rues pour s’assurer que
les murs demeurent aussi parfaits qu’à leur construction.
Les portes de la ville sont en bois-de-fer, et les portraits des
grands dirigeants des Amazighen y ont été gravés.
Le portrait du premier chef des Amazighen, qui a épousé
sa terre et offert de l’eau potable à son peuple, est gravé sur
la porte orientale. La deuxième entrée porte le visage de la
reine Tula, l’Ouvreuse de chemins, qui lança le commerce
avec les pays voisins, négociant des traités qui permirent
aux Maghrébins d’acquérir le bois-de-fer utilisé dans ces
portes. Sous son règne, des postes de garde routiers furent
établis sur la Route dorée, protégeant les voyageurs qui
passaient auparavant par l’ancienne route caravanière. La
troisième entrée montre le portrait du roi Hultan, lequel
repoussa les envahisseurs qui avaient submergé la cité en
ralliant les armées de la plaine et en utilisant la sorcellerie.
La quatrième entrée représente la Reine des Mers, celle qui
construisit la flotte maghrébine aujourd’hui utilisée pour
le commerce et la guerre. Certains résidents souhaitent
ériger une cinquième porte afin d’y représenter la reine
actuelle, Tasa Noumidia. Ils ont fait campagne en ce sens,
mais la Reine bleue a prévenu qu’elle ne voulait pas voir les
murs d’enceinte en travaux, sous aucun prétexte, surtout
pas pour lui rendre hommage.
Le palais
Au cœur de la ville se trouve le palais impérial, grand
édifice bleu et blanc aux arches élégantes et aux mosaïques
envoûtantes, l’un des lieux les plus somptueux du pays.
Des représentations de merveilles naturelles en ornent les
murs et les plafonds, sur lesquels des animaux sauvages
galopent et des fleurs fraîches s’ouvrent. Les motifs
sont tous piquetés de pierres précieuses. Ce fut la reine
Jayla, grande artiste, qui en dessina les plans. Elle utilisa
l’architecture comme leçon pour ses enfants, leur montrant
l’importance que revêtait chaque personne, peu importe
son origine ou son statut. Chaque morceau de pierre et
de verre peut paraître fade pris à part, mais assemblés par
une main experte, ils forment une grande fresque pleine de
beauté et d’harmonie. Enchantés de manière à ce que les
mosaïques bougent, les murs recèlent un pouvoir ancien.
Tout visiteur se verra suivi par une gazelle aux yeux en œil
de tigre, un serpent de malachite ou bien passera devant
un parterre de fleurs cornalines au parfum puissant.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 97
 Le palais a trois étages, et des couloirs ouverts qui
donnent sur des jardins luxuriants et des bosquets
arborés. Au centre se trouve la Source souveraine, une
nasse d’eau fraîche et claire dont on dit qu’elle jaillit là
où le premier dirigeant des Amazighen enterra son outre
vide. L’étang se trouve face au trône, son eau est fraîche
à toute heure. Même en temps de sécheresse, le niveau
demeure identique. Les Maghrébins pensent qu’il s’agit
d’une bénédiction des dieux, qui montrent ainsi qu’ils
approuvent la monarchie du pays. Le palais dispose aussi
d’un champ de dattiers, grenadiers, pistachiers et autres
arbres à fruits. Le public est autorisé à circuler dans
certaines allées afin d’y cueillir des fruits ou des noix.
Les invités jouissent de quartiers somptueux, aux draps
taillés dans les tissus les plus doux. Des parfums d’encens
dérivent dans l’air, se mélangeant à l’odeur des roses qui
poussent autour du Palais. Tous les appartements de la
famille royale sont décorés du bleu impérial maghrébin,
et l’on brûle toujours de l’encens parfumé au lotus sur le
seuil de leur porte, en un appel à la paix. Les terres du
palais comprennent aussi des parcs et des lieux publics où
caravanes et visiteurs isolés peuvent se reposer et dormir.
Tout autour s’élève la ville, une aire urbaine étendue
composée d’une banlieue et de terres où les tribus
nomades s’installent chaque fois qu’elles visitent la capitale.
Une grande place de marché—active jour et nuit—a été
installée non loin du Palais. Sous les tentes, ses étals de
tissu proposent des marchandises venues de toute l’Ifri.
Des guides très motivés proposent des cartes à la vente,
chacun clamant avoir une meilleure histoire à raconter que
son voisin, ainsi qu’une meilleure connaissance des heures
à préférer pour visiter tel ou tel endroit.
Accroches scénaristiques :
• Dans une ruelle, trois émissaires exténués sont
tombés entre les griffes de soldats théans. Ces
derniers s’enfuient au premier signe de résistance.
L’un des émissaires détient un parchemin abîmé.
Il dit aux Héros qu’ils viennent du Royaume
de Mbey et ont des nouvelles à transmettre à
la Reine, mais qu’ils n’ont cessé d’être attaqués
en chemin par ceux qui souhaitent cacher la
vérité. Le parchemin contient en effet un moyen
d’accéder à la Nder.
• Les Héros se rendent à un bal tenu en l’honneur
de la Reine bleue, organisé par le duc François
de Toille. Durant la soirée, plusieurs soldats
98 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB
amazighen en tenue bleue essaient de s’y intro­
duire. En y regardant de plus près, les Héros se
rendent compte qu’il s’agit d’un complot, et que
ce sont en fait des assassins khémétiens déguisés
qui cherchent à tuer la Reine.
• Dans un quartier peu respectable où l’un des
Héros a ses habitudes, un bâtiment auquel
il était jusqu’alors indifférent attire soudain
son attention. Derrière ses murs caverneux, il
découvre une corne d’abondance et de délices.
La propriétaire, une femme vêtue de robes
scintillantes rouges et dorées ainsi que d’une
cape de plumes de paon, confie une boîte au
Héros. Lorsque ce dernier l’accepte, il perd
connaissance et se réveille dans une allée, le
lendemain matin, avec la boîte entre les mains.
L’objet est étonnamment lourd, solide, tout en
cuivre incrémenté de lapis-lazulis.
Les mégalithes de Tedmiat
Certains y voient la main d’un géant. D’autres,
cinq esprits punis après avoir commis un crime
terrible. Pour cinq pièces d’argent, un guide des
moins fréquentables dira qu’il peut vous conduire
là où les pierres sont les plus translucides.
—Khadija Azawad, historienne
Les mégalithes de Tedmiat se trouvent à deux jours de la
Cité indigo. Entouré de brousse et visible à un kilomètre
de distance, ce cercle de pierre noire constitué de cinq
piliers se dresse dans le sol de poussière compressée.
Tous les piliers ne sont pas de la même taille, et des signes
inconnus se trouvent gravés à leur surface. On a trouvé
des livres avec la même écriture dans la Bibliothèque semi-
enfouie, mais pour le moment, aucun dictionnaire n’a été
découvert. Il ne semble pas y avoir de différence entre
le sol et la pierre, comme si l’entière formation avait été
sculptée à partir d’une seule et immense roche. Nulle part
ailleurs dans le royaume on ne trouve ce type de pierre.
Les scientifiques l’appellent « Pierre de la Création. » Il
s’agit d’un matériau unique en son genre.
Au premier abord, la pierre semble noire, mais lorsque
la lueur du soleil se modifie et que la lune prend sa place
dans le ciel, la roche révèle sa transparence. Des portions
se font translucides, laissant entrevoir d’étranges formes
à l’intérieur. Quand on déplace une source de lumière
autour, on peut également entrapercevoir les silhouettes.
Certains ont émis l’hypothèse selon laquelle le sol contien­
drait lui aussi d’autres formes du même genre. Les plus
célèbres sont la Femme éplorée, le Crapaud glouton et le
Serpent patient.
Des érudits du monde entier s’intéressent à ces
mégalithes, souhaitant traduire les inscriptions de
manière à en révéler les secrets. Les plus mystiques
tendent à croire que ces pierres forment la main d’un
géant, et qu’en comprendre les mystères reviendrait à
rendre le titan esclave de la volonté de celui qui l’invoque.
Des érudits plus savants en histoire affirment qu’il s’agit
simplement d’un site religieux oublié voilà longtemps. Les
cartographes ont remarqué qu’un des piliers pointait vers
le Cœur du désert et un autre vers la Bibliothèque semi-
enfouie, mais ils n’ont pas encore déterminé avec quoi
correspondraient les trois autres.
Accroches scénaristiques :
• Surexcitée, une érudite révèle aux Héros qu’elle a
réussi à partiellement ouvrir l’un des mégalithes,
même si elle ne sait pas trop comment. À la
base se trouvent trois marques carrées. Deux
contenaient des petites boîtes de cuivre et de
lapis-lazuli, et la troisième semble manquer.
Sur l’une des boîtes, on peut lire : « Quand les
Trois sont réunis, le soleil continue de briller et
les pierres noires continuent d’emprisonner les
créatures aux âmes impures ».
• L’un des Héros manque de respect à un chef
amazigh. Ce dernier le défie en duel à l’ombre
des mégalithes. Lorsque le Héros arrive sur place,
il découvre l’Amazigh mort et ses possessions
envolées. Une enquête rapide révèle que des
mercenaires montaginois travaillant pour la
Compagnie commerciale atabéenne ne seraient
pas étrangers à l’affaire.
• Une énorme tempête de sable révèle la présence
d’une petite tablette à la base de l’un des
monolithes. L’objet est couvert d’inscriptions
écrites en différentes langues, dont celle déjà
présente sur les mégalithes. Plusieurs factions
désirent acquérir la tablette, aussi la Reine bleue
envoie-t-elle des Héros en mission secrète pour
la lui ramener.
La Route dorée
La Route dorée fut l’une des principales voies
com­merciales du Maghreb, une artère du commerce
charriant jadis quantité de richesses. Partant de la
Kurufaba mandéniane et se terminant en Khémet, elle est
pourtant tombée en désuétude depuis des décennies. On
raconte qu’un message fut un jour envoyé par cette route,
un message qui s’adressait à une femme qui ne souhaitait
en aucun cas prendre connaissance de son contenu. Elle
envoya des tempêtes de sable pour retarder le messager,
recouvrit la route de serpents venimeux et de scorpions
aux dards empoisonnés et rendit le sable si chaud qu’il
consumait ceux qui marchaient dessus. Qu’y avait-il dans
la lettre ? Nul ne le sait…
Une autre raison, plus pragmatique, est parfois racontée
par les aggutas. Le premier souverain du Maghreb était
marié avec une Khémétienne. Leurs enfants furent élevés
dans le respect de leurs traditions respectives. Lorsque
leur fille, Tulla dite l’Ouvreuse de chemin, monta sur
le trône, ses cousins khémétiens complotèrent pour la
destituer et lui prendre la couronne. Ces traîtres furent
jugés et condamnés à errer jusqu’à la mort dans l’Ubari.
Peu de temps après, de mystérieux bandits attaquèrent
toutes les caravanes voyageant sur la Route dorée, ne
laissant que cadavres et marchandises dans leur sillage. On
ne les trouva jamais, et les rares survivants ne purent dire
qu’une seule chose : leurs armes ne sifflaient pas comme
celles du Maghreb.
Aujourd’hui, peu de caravanes continuent à emprunter
la Route dorée pour traverser le désert. La plupart des
voyageurs ne s’y aventurent plus, effrayés par les rumeurs
faisant état de malédiction ou de bandits sanguinaires. Les
chasseurs de trésors les plus hardis s’y aventurent toutefois
dans l’espoir de trouver des richesses cachées sous les sables.
Nombreux sont ceux qui disparaissent chaque année.
La Route dorée se modifie quotidiennement, les
différentes sections se recouvrant et se découvrant au
fil des jours. Des poteaux de pierre, anciens marqueurs
kilométriques de cette route, s’élèvent telles des sentinelles
brisées à demi avalés par la danse des dunes. Toutes ces
bornes resteront perdues jusqu’à ce que les vents les
révèlent à nouveau. Sur chacune d’elles, on trouve un
message de bienvenue. La tradition veut que chaque
voyageur y réponde de sa propre salutation. .
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 99
 Accroches scénaristiques :
• Les Héros protègent un riche marchand qui veut
voyager sur la Route dorée. Pendant leur périple,
leur caravane croise un autre marchand qui va
dans la direction opposée à la leur, partant de
la Kurufaba mandéniane pour aller jusqu’à Masr.
Il leur raconte une histoire inquiétante au sujet
de caravanes maudites, abandonnées le long de
la route. Le jour suivant, les Héros croisent une
caravane dont les voyageurs semblent malades :
ni la médecine ni la magie ne semblent capables
de leur venir en aide. Le jour suivant encore, les
Héros tombent sur ce qui reste d’une troisième
caravane, découvrant des cadavres éparpillés et
picorés par les vautours, ainsi que nombre de
marchandises encore dans les chariots. Le jour
d’après, l’un des membres de la caravane des
Héros tombe malade…
• Une tempête soulève le sable et révèle un ancien
monument. Via une petite ouverture à son
sommet, les Héros entendent des voix qui les
appellent à l’aide. Elles leur semblent familières,
et les Héros se rendent vite compte que c’est
leurs propres voix qu’ils entendent ! Ces autres
eux-mêmes expliquent venir de plusieurs jours
dans le futur et qu’ils ont poursuivi des assassins
envoyés pour assassiner la Reine bleue. Ils se sont
alors retrouvés aux prises avec un sorcier vêtu de
noir qui protégeait les assassins. Si les Héros du
présent souhaitent éviter ce terrible destin, ils
devront procéder à quelques changements…
• Une horrible procession de fantômes apparaît sur
la route. Alors qu’ils passent près du campement
des Héros, les spectres leur font à chacun un
présent : une ceinture, un chapeau, un anneau,
etc. Le dernier de la procession leur laisse un
médaillon destiné à la Reine bleue. Avant de
partir, il murmure : « Donnez-le-lui avant que la
montagne ne se réveille… »
100 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB
La Source de Timbu
La Route dorée n’est pas totalement abandonnée. On
peut par exemple y trouver la Source de Timbu, une
oasis paradisiaque qui scintille sous le soleil ardent. Des
ombres mauves s’étirent sur le sable, l’eau est claire comme
du cristal et l’on entend les oiseaux siffler de douces
mélodies en rythme avec le bruissement des feuilles de
dattier. Des petits bosquets d’oliviers, de figuiers et de
fruits à noyau s’élèvent çà et là, soigneusement entretenus
par les Protecteurs de la Source, de mystérieux individus
au visage voilé qui ne parlent jamais, mais qui offrent
toujours à boire et à manger aux voyageurs.
On dit de la Source de Timbu qu’elle est aussi ancienne
que le Maghreb, qu’elle fut trouvée par Cyre elle-même
lors d’une partie de chasse. Attirée par l’odeur des fruits
mûrs et de l’eau fraîche, elle fit d’abord face à une meute de
lions au poil luisant et doré qui sortirent des buissons. Ils
grognaient, avaient des griffes acérées comme des dagues
et des dents aiguisées comme des rasoirs. Ils l’attaquèrent,
mais ses cris de guerrière dépassèrent bientôt le bruit de
leurs rugissements et sa lame émoussa la courbe de leurs
crocs. Les aggutas racontent que l’affrontement dura cinq
jours et cinq nuits avant que Cyre finisse par vaincre les
bêtes. Elle décida de ne pas les tuer, mais les enchanta
et les transforma en Protecteurs. Leur crinière tomba, et
ils jurèrent de protéger les lieux pour l’éternité, et d’en
conserver l’équilibre afin que ceux qui errent dans le désert
puissent y trouver un refuge contre le sable et la chaleur.
Les voyageurs n’ont le droit de rester que cinq jours à
la Source, après quoi les Gardiens leur ordonnent de
partir en pointant du doigt la direction vers laquelle ils
doivent repartir. Les Gardiens savent toujours qui est resté
combien de temps, et ils n’ont jamais manqué de signaler
l’heure du départ à quiconque. Ceux qui n’obéissent pas
se réveillent au sixième jour en plein milieu du désert, nus,
sans eau ni nourriture. Peu ont vu ce sortilège à l’œuvre,
et ces témoins rapportent seulement que les Gardiens
se réunissent autour du voyageur à bannir, poussent un
grondement bas, puis que le proscrit disparaît en un
claquement de doigts. Les impétrants ne sont pas bannis
pour toujours : s’ils survivent, ils peuvent revenir en ces
lieux, mais jamais plus de cinq jours.
Il est interdit de verser le sang dans cette oasis. D’in­
nombrables disputes ont été réglées en ces lieux car la
fièvre de la fureur retombe toujours à l’ombre fraîche des
palmiers. Les Maghrébins connaissent de nombreuses
histoires qui débutent par une personne accusée à tort
qui court se réfugier à la Source. Chaque jour, durant cinq Le Cœur du désert
jours, de nouvelles preuves et de nouveaux détails sont Ancien volcan sis entre le Désert du sage errant et les
ajoutés jusqu’à ce que l’innocence de l’accusé soit prouvée. pics rocheux des Toubkal, le Cœur du désert déborde
Accroches scénaristiques :
• Le long des rives d’eau cristalline de la Source, un
trésor aurait été enterré par un ancien souverain
du Maghreb. On dit qu’il s’y trouverait de l’or
et des pierres précieuses, mais aussi un vase qui
reste rempli de tout ce qu’on y met. Les Héros
entendent la rumeur alors qu’ils espionnent des
marins montaginois qui travaillent pour François
de Toille.
• En passant près de la Source, les Héros
remarquent que le niveau d’eau baisse et que
les Gardiens sont couchés, languides sous des
palmiers mourants. Ceux qui boivent à la Source
découvrent son eau épaisse et âcre. Des témoins
racontent que la Source a commencé à changer
voilà quelques jours, quand une caravane de
marchands mbeyens s’est arrêtée à l’oasis. Les
Héros pourront-ils traquer la caravane en
question et ramener la Source à son état d’antan ?
• Alors qu’ils se reposent sur place, les Héros
entendent l’aboiement ricanant et sardonique de
hyènes. D’autres voyageurs arrivent et évoquent
des hyènes spectrales au regard sinistre, dont
le groupe bouge comme s’il voulait attirer les
voyageurs jusqu’ici. Aux petites heures de la nuit,
les Héros aperçoivent des centaines d’animaux
démoniaques qui cernent l’oasis, leurs yeux
écarlates luisant d’appétit.
d’autant d’histoires que de cavernes. C’est en effet
un véritable labyrinthe qui s’étend sous la surface, un
labyrinthe incroyablement alambiqué que peu ont exploré
de fonds en combles. Certains pensent qu’un démon est
prisonnier des entrailles du volcan, et qu’en approcher
de trop près revient à risquer de le rencontrer. Une autre
légende raconte que les âmes des premiers Maghrébins
s’échappèrent de ces nombreuses cavités et que leurs corps
furent façonnés à partir de la glaise et de la poussière de
la terre alentour. Quelques récits disent enfin qu’un de
ces tunnels mènerait jusqu’en Khémet et qu’un autre
permettrait d’accéder au Royaume maudit de Mbey.
Les monts qui entourent le Cœur du désert sont plus
petits, comme s’ils s’inclinaient face à sa supériorité
divine. À l’intérieur, la température de l’air fluctue entre
chaud et froid. Des brises s’élèvent parfois, charriant
des odeurs de soufre. Certains ont dit y avoir déjà senti
d’étranges parfums, pareils à l’encens, tandis que d’autres
racontent avoir entendu de l’eau couler. Il y a bien une
rivière souterraine sous le Cœur du désert, mais l’eau y
est chaude et dégage de la vapeur. Des poissons sans yeux
nagent dans son courant, et des serpents rampent sur ses
rives. Dans les virages et les pentes qui mènent au Cœur
du désert se trouvent de petites oasis qui offrent de quoi
se rafraîchir et se reposer. La cour royale s’est établie dans
l’un de ces lieux.
D’aussi loin que l’on s’en souvienne, le Cœur du désert
n’est jamais entré en éruption, et ce malgré quelques
« toussotements dévastateurs » rapportés par le folklore
local. Ceux qui espèrent découvrir les secrets du Cœur ne
s’imaginent pas voir le volcan entrer en éruption de sitôt.
Mais qui peut savoir ?
C’est ici que les Amazighen enterrent leurs souverains.
On dit que, dans l’une des centaines de tunnels qui
parcourent la montagne, se trouve le tombeau du premier
souverain du Maghreb, enterré aux côtés de sa femme
amazigh. Tous les dirigeants maghrébins ont suivi cette
coutume, chaque procession funéraire royale se frayant
un chemin à travers les montagnes, la savane et le désert,
les pleurs des familles et admirateurs éplorés résonnant
dans leur sillage. Le plus long des tunnels abrite les corps
des souverains retournés à la terre. D’autres classes de
Maghrébins viennent également enterrer leurs morts dans
cette montagne, optant généralement pour des cavernes
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 101
 où parents et autres ancêtres familiaux ont déjà été placés
et dont l’entrée a été signalée d’une inscription blanche et
bleue par ceux qui sont venus là par le passé.
Le Cœur du désert est vu comme sacré par la majeure
partie des Maghrébins, et souvent visité par ceux qui
adhèrent aux anciens rituels. Presque tous les Maghrébins
ont au moins un ancêtre enterré dans l’ancien volcan, aussi,
de temps à autre, on y croise des voyageurs désespérés
en quête de réponses qui effectuent un pèlerinage jusqu’à
leurs ancêtres. Ces individus s’endorment dans les cavernes
dans l’espoir de faire un rêve qui leur apporte les réponses
dont ils ont besoin. C’est pour cela que la Reine bleue
s’est installée dans le Cœur du désert et qu’elle explore
chaque jour ces tunnels pour écouter ses ancêtres. Ils
l’aident à diriger le Maghreb, à amener cette Nation vers
un futur meilleur. Tasa Noumidia a exploré ce labyrinthe
mieux que quiconque, s’enfonçant aussi loin que possible
et dormant à l’intérieur dans l’espoir de recevoir, en rêve,
les visions sages et avisées dont elle a besoin.
Accroches scénaristiques :
• Une ancienne d’un âge indéterminé affirme être
la dernière des joks. Elle demande aux Héros de
l’escorter jusqu’au Cœur du désert. Elle a avec elle
un bol de bronze empli de pierres volcaniques
qu’elle doit déposer au plus profond du volcan
afin d’empêcher son réveil.
• Quelque part au fond des entrailles de la
montagne se trouve la tombe anonyme d’un
soldat. La Reine bleue a une vision dans laquelle
ce Héros revient d’entre les morts et guide des
guerriers à travers l’Ubari. Les Héros sont
envoyés sortir le cadavre du Cœur, mais lorsqu’ils
parviennent au tombeau, ils ne découvrent rien à
l’exception d’une coiffe et d’une lance.
• L’un des Héros entre dans une caverne afin
d’y escorter une procession funéraire qui doit
inhumer un noble amazigh. Les ennemis de ce
défunt ont prévu d’empêcher sa mise en bière,
voire de voler les richesses qui doivent être
enterrées avec lui. Quand la procession atteint
enfin la catacombe où le corps doit reposer, les
murs se craquellent et de la lave commence à en
couler. Abandonnent-ils le corps au feu liquide ?
Parviendront-ils à s’échapper avant l’éruption ?
Leurs ennemis les empêcheront-ils de ressortir ?
102 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB
Cyrène
Cyrène résonne du chant des lames et des épées qui y sont
fabriquées jour et nuit. Quiconque entend cette mélodie
avant que la ville n’apparaisse à l’horizon est destiné à
devenir un grand bretteur, car on dit que c’est le chant du
combat qui l’appelle.
L’enceinte de la ville, assez large pour que deux chevaux
y circulent de front, est faite de pierres blanches massives
parcourues de veines d’acier rouge sang qui scintillent
au soleil. Les murs autour de la porte principale sont
quant à eux construits avec de plus petites pierres après
que l’Ancien Empire a assiégé la ville. La gigantesque
statue de Cyre a un pied posé de part et d’autre de
l’entrée. Son visage très détaillé, d’une hauteur de deux
hommes, surplombe la place du marché, surveillant
les transactions et le peuple. Une grande épée noire
est incrustée au sommet de la statue. On raconte que
lorsqu’un démon approche, son acier tourne au rouge.
Tous les guerriers présents en ville doivent dès lors se
préparer à l’affronter.
Située sur la côte nord du Maghreb, Cyrène est une
destination de choix pour les soldats, quel que soit
l’océan d’où ils viennent. Ces derniers sont généralement
attirés par la mélodie des vagues qui s’échouent sur ses
falaises et qui résonnent au rythme joyeux des duels
d’escrimeurs. Festivals et tournois d’épéistes ont souvent
lieu, les participants étant récompensés par des prix et
des réjouissances. Il y existe également des stades où ceux
qui se disputent peuvent régler leur conflit à l’épée ou « à
la bouche », c’est-à-dire en parlant et en se confrontant
devant une cour officielle dirigée par un conseil d’anciens
en charge du jugement final. Au préalable des duels, la
coutume veut que l’on se rende près de la tête de Cyre pour
poser la main sur la pierre et jurer de combattre d’une
façon qui soit digne de la déesse, mais aussi d’accepter le
jugement rendu. Le plus important des festivals est celui
du Baptême des épées, au printemps, lors duquel les
lames forgées pendant l’année sont bénies avant de voir
leur nom déclamé face à ceux qui ont la chance d’assister
à la cérémonie.
Autour de la ville et entre ses murs pousse le silphium,
une plante semblable à du fenouil. Des animaux de
pâ­turage s’en nourrissent, ce qui est censé donner à
leur viande et leur lait un goût sucré et plaisant. De
nombreuses personnes utilisent aussi cette plante comme
remède, à la fois ses feuilles et ses branches, mais aussi
sa résine. Ses graines en forme de cœur sont également
utilisées dans certaines préparations. Le silphium, que l’on
dit sauvage et impossible à cultiver, ne pousse qu’à Cyrène.
C’est pour cela que la monnaie de la ville frappe le côté
pile de ses pièces du motif de la plante : une graine en
forme de cœur.
La Terre sanglante
Les meilleures épées sont fabriquées à Cyrène, à partir
du meilleur acier qui soit. Le sol de la cité est d’un brun-
rouge profond et fertile, ce qui explique la teinte rouge
des lames forgées. Les aggutas racontent qu’alors que
Cyre marchait dans le désert, un démon plus haut qu’un
palmier apparut et souleva une tempête de sable de
manière à l’aveugler. Cyre tenta de fendre la tempête avec
son épée, en appelant aux divinités qui étaient là avant
elles. Rien n’y faisait. En désespoir de cause, elle leva
l’épée au-dessus de sa tête avant de l’enfoncer dans le sol,
criant le nom du dieu le plus ancien qu’elle connaissait.
Certains disent qu’elle en appela à Ifri, déesse de la
fortune et la fertilité. Un sang rouge et chaud émergea
alors à la base de l’épée avant de grimper le long de
sa lame. Cyre retira son arme de la terre et frappa le
démon, le renvoyant dans le puits sombre d’où il s’était
extrait. Le sang imbiba ensuite la terre et les montagnes,
emplissant ses creux et ses veines de l’extraordinaire acier. savoir-faire, quitte à sacrifier leur personne ou leur
Certains disent que le silphium a commencé à pousser
là où Cyre a frappé le sol de son épée : la guerrière avait
blessé la terre et, pour la soigner, elle y aurait appliqué
un cataplasme de plantes qui ont ensuite poussé autour,
au fil de la guérison du sol.
Le matériau extrait de la roche est fondu et traité selon
une méthode connue d’une petite dizaine de personnes. Il
est ensuite confié à l’un des quelques forgerons qui savent
comment le faire chanter et créer des lames puissantes
mais flexibles qui jamais ne se brisent. Ces forgerons Accroches scénaristiques :
appartiennent à la guilde de la Terre sanglante. Tous
ont juré de conserver les secrets du métal et du feu. Les
apprentis de cette guilde commencent quand ils sont
assez âgés pour porter un seau, et seuls les plus dignes de
confiance et les plus doués sont autorisés à approcher de
la forge pour y découvrir le processus secret. L’organisation
opère depuis une forteresse sise entre les murs de la
cité—elle aussi fortifiée—et l’on ne peut y entrer que sur
invitation. La plupart des étrangers y sont purement et
simplement interdits.
Jour et nuit, les forgerons travaillent les lames, souvent
aux côtés de la personne qui en a passé commande. Ils
psalmodient sortilèges et prières de manière à renforcer
l’acier et aiguiser la lame. Quand le forgeron travaille avec
le guerrier auquel l’épée est destinée, l’arme n’appartient
qu’à ce dernier, qui inscrit ballades et motifs sur la garde
et le fourreau, y adjoignant des objets spéciaux comme
des pièces de cuir découpé ou des pierres précieuses.
Ces lames sont les meilleures en matière de précision
et de savoir-faire. Ce processus secret a fait de l’acier de
Cyrène un matériau sans pareil à travers le monde entier.
Ces épées sont solides, mais flexibles. Plus la lame est
rouge, meilleur est l’acier. Parfois, on peut presque avoir
l’impression que l’épée a été taillée dans le sang et qu’elle
luit de magie.
Il existe des lames encore plus rares : les épées de Sinifere
Sarif, fabriquées à partir de l’acier de Cyrène et d’un métal
tombé des étoiles (cette dernière substance étant difficile
à trouver et encore plus à forger). On ne dénombre que
quatre de ces épées dans toute l’histoire ifrienne, et le
forgeron qui a fabriqué la dernière est déjà vieux. Son
identité demeure inconnue, car les membres de la guilde
ne travaillent pas pour la gloire.
La guilde s’inquiète beaucoup de la sécurité de ses
membres car leurs secrets sont très convoités. Ses
membres jurent de ne jamais dévoiler leur énigmatique
famille. Ils doivent également jurer de protéger les secrets
de la Terre sanglante avant toute chose, même la vie de
leur souverain.
Depuis plus d’un millénaire, la guilde fabrique un coffret
d’armes blanches pour tout nouveau dirigeant qui monte
sur le trône du Maghreb. Ces derniers considèrent ces
épées comme part intégrante de leur héritage, et doivent
les porter où qu’ils aillent.
• Le festival du Serment des épées se tient une
fois par an à Cyrène. Certains serments sont
d’amour et de dévotion, d’autres des promesses
de vengeance. Cette année, la Reine bleue est en
ville. Elle a décidé de participer au festival. Elle
a fait savoir que si la promesse faite sur l’épée lui
plaisait, l’arme en question serait bénie. Alors que
les Héros font leur propre promesse à l’acier, les
yeux de la reine tournent au blanc et sa bouche
évoque une prophétie au sujet d’un grand voyage
qu’ils doivent accomplir de manière à protéger le
Maghreb d’un mal en approche.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 103
 • Plusieurs lingots du précieux métal rouge des
montagnes ont été volés. On chuchote qu’un
nécromancien va les combiner à une Pierre du
Bonsam pour fabriquer des épées maléfiques.
Non seulement cela ferait de ces épées des
armes aussi dangereuses que celles fabriquées à
l’aide du métal tombé du ciel, mais en plus, la
lame infecterait chaque victime d’une maladie
démoniaque.
• Un maître forgeron de la guilde de la Terre
sanglante a été enlevé. Ses kidnappeurs entendent
lui soutirer les secrets des épées de Cyrène. Des
indices tendent à laisser croire que la Vodacce
est impliquée. Les Héros—des amis du forgeron,
lequel était peut-être leur mentor—doivent se
lancer dans une mission de sauvetage avant que
les kidnappeurs ne découvrent les secrets de
l’acier rouge..
L’Ubari
La vaste mer de sable doré de l’Ubari s’étend du Maghreb
jusqu’à la Kurufaba mandéniane au sud, et jusqu’en
Khémet à l’est. Ses grandes dunes sont parfois traversées
de rivières saisonnières, ou wadis, qui ne jaillissent qu’une
fois l’an (certaines une fois par décennie). De petites
oasis alimentées par des aquifères souterrains parsèment
le paysage, et des plateaux de dunes, qui bougent avec le
vent, procurent des points d’observation privilégiés pour
les nomades amazighen. Au printemps, les tempêtes de
sable font rage, se renforçant les unes les autres, durant
parfois plus d’une semaine.
Les Amazighen disent qu’il existe dans l’Ubari un lieu
appelé « l’Oasis des petits oiseaux », ou Zerzura. Cette
oasis, ceinte d’un mur de pierres blanches recouvertes
de minuscules gravures, est toujours découverte par un
voyageur solitaire après une tempête de printemps. Les
descriptions qui en ont été faites tendent à laisser penser
104 CHAPITRE 4 : LE MAGHREB
qu’il s’agirait d’un lieu d’habitation des joks. Cependant,
nul n’a jamais pu le confirmer.
Bien que l’Ubari soit le domaine des nomades, il sert
aussi de refuge à ceux qui veulent se faire discrets ou
éviter les autorités. Le paysage changeant des dunes, les
pierres qui y affleurent, les ruines qui y sont enfouies et
les quelques oasis qui s’y trouvent en font un lieu assez
accueillant pour tout individu souhaitant ne pas être
retrouvé. Tant que ces fuyards ne s’immiscent pas dans les
affaires des nomades ou ne se mettent pas sur le chemin
des pèlerins, les Amazighen les laissent tranquilles.
Accroches scénaristiques :
• Un combattant simb du Royaume de Mbey
fuit une femme du nom de Chitendu. Il dit aux
Héros que cette dernière a envoyé plusieurs
groupes de mercenaires à ses trousses, dans le
désert, et qu’ils feront tout pour le capturer. Il a
avec lui plusieurs femmes et enfants, des réfugiés
qu’il a mis en sécurité et qu’il désire amener au
cœur du Maghreb.
• Une oasis située non loin de la frontière
khémétienne a été empoisonnée. Les voyageurs
des deux pays s’incriminent les uns les autres,
blâmant leurs voisins et portant diverses
accusations. Ils réclament un dédommagement
pour l’eau perdue. Les Héros sauront-ils calmer
la dispute et trouver le coupable ?
• Une caravane dans laquelle se trouvait un
émissaire mandénian a disparu dans l’Ubari.
Les Héros doivent la retrouver avant que les
dignitaires des cités portuaires ne découvrent sa
disparition. Histoire de rendre l’affaire encore
plus délicate, on a vu des pilleurs mbeyens
traverser la frontière non loin de la route par
laquelle la caravane était censée passer…
Relations actuelles
Empire aksoumite Royaume du Mbey
Le Maghreb respecte l’Aksoum. Les Aksoumites furent Les marchandises qui arrivent dans les ports sont
les premiers à faire ployer le métal et fondre des pièces transportées par des pirates à la solde de la Compagnie
de monnaie. Ils ne veulent que la paix. Leur inimitié commerciale atabéenne. S’il n’y avait Mar Veraci et ses
avec le Manden est toutefois gênante étant donné talents de stratège, les cités portuaires maghrébines
que la Kurufaba est une des alliées du Maghreb. Qui seraient soit dévastées, soit contrôlées par des agents
sait, avec le temps, il se peut que la paix naisse entre de la Compagnie. L’alliance entre cette dernière et le
ces Nations. Royaume de Mbey a grandement alarmé la Reine
bleue. On lui a rapporté que des troupes mbeyennes
Khémet effectuaient des manœuvres non loin des camps de
Le Khémet et le Maghreb sont voisins depuis des nomades du désert, ce qui inquiète les populations
siècles, et ils partagent une histoire commune. locales. De plus en plus de frontaliers disparaissent,
Cependant, les problèmes récents liés à la sécheresse et et tout le monde craint que la Mbey ne soit leur
la famine ont sapé les relations entre ces deux Nations. destination finale et fatale.
Le père de la Reine bleue demanda jadis de l’aide au
Khémet, pour qu’ils envoient nourriture et graines ; la Vodacce
requête demeura sans réponse. La Reine bleue suspecte Pays étrange et lointain dont sont issus des gens comme
le pays d’être trop préoccupé par sa propre situation Mar et Farfan Veraci. Le pouvoir des Vodaccis est grand,
pour soutenir le Maghreb dans cette épreuve. mais leurs relations se limitent principalement aux
missionnaires envoyés pour convertir les Maghrébins
Kurufaba mandéniane à la foi vaticine, les éloigner du culte des ancêtres et
La Kurufaba a toujours été une grande alliée du qualifier leurs croyances de fausses. Ceci étant, les
Maghreb, venant à son aide en temps de famine. marchandises vodaccis sont sublimes et le commerce
Actuellement, il s’agit du pays avec lequel le Maghreb avec cette Nation est très profitable..
pratique le plus d’import et d’export. Il se peut
d’ailleurs que la puissance militaire de la Kurufaba soit
utile au Maghreb si ce dernier venait à être assailli de
toutes parts.

Montaigne
Le Maghreb essaie de ne pas trop se laisser éblouir
par les belles promesses des Montaginois. Chacune de
leurs phrases commence par « donner » mais finit par
« prendre ». Cette Nation a de toute évidence le regard
rivé vers les ressources minières des montagnes, et elle
se tient prête à tirer profit des tensions qui émergent
sur la côte. Par ailleurs, les Maghrébins n’aiment pas
ce duc montaginois assez prétentieux pour croire qu’il
peut épouser leur reine. Le Maghreb a sa fierté, et son
peuple n’aime pas l’idée que cet homme se serve de leur
désir de paix et d’abondance pour mieux alimenter sa
propre ambition.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 105

 Mar Veraci,
protectrice du nord
Mar Veraci est le gouverneur autodésigné de toutes les cités
côtières. Sa cour se trouve dans l’une des ruines restaurées
de l’Ancien Empire numanari, et elle respecte marins et
marchands car elle a jadis été une pirate féroce.
Nées en Vodacce d’une mère vodacci et d’un père ifrien,
Mar et sa sœur Farfan ont toujours eu le regard tourné vers
les Terres d’Or et de Feu. À l’âge de 16 ans, Mar s’est enfuie
pour rejoindre l’équipage de la Brise Vaillante.
La mer a permis à Mar de devenir la femme qu’elle
était vraiment, non celle que les vodaccis voulaient qu’elle
soit. Elle a été corsaire de nombreuses années, avant de
demander à la Reine bleue la permission de gérer les cités
côtières maghrébines. Souhaitant se concentrer sur le désert
et les ténèbres qui s’avançaient depuis le sud, cette dernière
a accepté la souveraineté de Mar sur la côte.
Gagnant ses combats aussi aisément par le mot qu’à l’épée,
Mar ne manque pas d’allure. Tous les enfants des cités
côtières se mettent dans sa peau quand ils jouent, souvent
pour combattre des pirates malfaisants ou des djinns aux
airs fourbes. Mar pense que tout le monde a son rôle à jouer
dans le Maghreb d’aujourd’hui, et elle a toujours à cœur
d’entendre toutes les versions d’une histoire, au grand dam
des riches et des puissants. Excellente bretteuse, notamment
avec deux fleurets, elle a une préférence pour les styles venus
de l’autre côté de l’océan. Elle se voit comme une assistante
de la Reine bleue, et n’hésite jamais à rappeler au peuple qui
est la véritable dirigeante du Maghreb.

Accroches scénaristiques :
• On accuse Mar d’avoir tenté d’assassiner la
Reine bleue afin que le pays soit cédé à des alliés
en Anatol Ayh. Afin de laver son honneur et
retrouver l’assassin, Mar paye les Héros pour qu’ils
enquêtent. Tous les indices pointent vers Farfan,
sa sœur.
• La plus grande faiblesse de Veraci est son amour
pour la liberté. Elle déteste les esclavagistes, et
ce avec une rage qui la mène à agir de manière
irréfléchie. Un abonsam s’en est rendu compte
et a envoyé une petite flotte de navires d’esclaves
MAR VERACI, près de la côte du Maghreb afin de l’y attirer. Mar
PROTECTRICE DU NORD demande aux Héros de l’aider à mener sa croisade.
Découvriront-ils à temps que c’est un piège ?

« L’aventure, la richesse et la notoriété sont

éphémères. La célébrité n’est rien comparée
à la loyauté et la liberté. Je préfère qu’on
oublie mon nom plutôt qu’on le maudisse ».
Naravas Naryan,
protecteur du sud
Naravas Naryan, le Fantôme du désert, a juré sur sa vie et
celle des siens qu’il repousserait le mal venu du Royaume
de Mbey. Naravas est le Héros que tous les enfants du
désert incarnent dans leurs jeux. Pourtant, il ne souhaite
à personne d’avoir eu sa vie, car sa volonté de combattre
les ténèbres de la Mbey lui vient d’un passé de souffrances.
Sa sœur jumelle lui fut en effet enlevée, emmenée au sud
alors qu’ils étaient enfants. Cet événement le mena non
seulement sur le chemin de la vengeance, mais lui donna
aussi un étrange pouvoir de vision lui permettant de
savoir exactement quand les pilleurs mbeyens approchent
du Maghreb.
Naravas est le cavalier de dromadaires le plus rapide de
l’Ubari. Il porte avec lui une épée appelée Chant du désert.
Comme toutes les lames de Cyrène, elle est imprégnée de
magie et réagit d’après les sortilèges qui ont été chantés lors
de sa fabrication. Il s’agit d’une des épées de Sinifere Sarif.
La principale mission de Naravas est de protéger le peuple
maghrébin. Il est partagé au sujet de la Reine bleue qui
mène sa cour de plus en plus loin au cœur du désert. D’un
côté, Naryan peut mieux la protéger. D’un autre côté, cela
la rapproche du danger, d’autant qu’où elle aille, le duc de
Toille va aussi. En outre, c’est toute de même lorsque la Rein
bleue est loin de lui que Naravas parvient le mieux à cacher
ses véritables sentiments envers elle. Quand elle se trouve
à côté de lui, il n’a qu’une envie : chanter ses louanges. Son
premier amour restera toujours le Maghreb, aussi repousse-
t-il souvent ses désirs personnels, usant de la quête de sa
sœur perdue et de son amour pour sa souveraine pour
mieux diriger ses soldats contre les ténèbres ennemies qui
s’élèvent au Sud.

Accroches scénaristiques :
• Un marchand montaginois dit avoir aperçu
la sœur de Naravas à bord d’un vaisseau de la
Compagnie commerciale atabéenne. Naravas
manque d’expérience pour ce qui est de la mer, c’est
pourquoi il fait appel aux Héros.

• Des nomades venus du sud affirment avoir été

attaqués par des soldats de Naryan, dépouillés NARAVAS NARYAN,
de réserves vitales et tués en cas de résistance.
Naravas semble aux abonnés absents et ne peut
PROTECTEUR DU SUD
répondre à ces accusations. Les Héros pourront-ils
le retrouver et découvrir la vérité ? « Il n’y a rien de plus beau qu’une
épée dans son fourreau. Rien de plus
sublime qu’un coucher de soleil sur le
désert. Rien de plus magnifique qu’une
Reine à la tête d’un peuple libre ».
 François de Toille,
Duc Montaginois
Le duc François de Toille voit des opportunités partout.
Il ne saurait dire ce qu’il trouve le plus intéressant  : la
quantité de richesses à accumuler ou le nombre de secrets
à révéler. Les deux lui donneraient du pouvoir, aussi joue-
t-il les politiciens, affectant à la fois l’économie locale et les
relations de ceux qui détiennent déjà du pouvoir. Grâce à
ses contacts avec les entreprises et les fabricants d’outre-mer,
il espère rendre l’économie maghrébine dépendante des
marchandises importées, ce qui endetterait les locaux
auprès des banques étrangères. Et pour se venger de la
Vodacce, il espère pouvoir lancer une industrie de la verrerie
qui puisse rivaliser avec celle des Vodaccis, voire la battre
à plates coutures.
Toutefois, il a une priorité : la Reine bleue et son lien avec
le Cœur du désert. Tout ce pouvoir niché au sud… cette
idée l’obsède. Il se rappelle à chaque fois des récits décrivant
la Reine bleue en train de communier avec les esprits. De
Toille sait que, pour lever le voile sur les secrets du Cœur
du désert, il lui faut se rapprocher de la Reine. C’est dans
cette montagne que se trouve ce qui pourra lui offrir plus
de pouvoir que jamais.
Sûr de son intelligence, de Toille pense toujours être le
plus rusé de la pièce. Préférant tout traduire seul afin d’être
plus proche de ceux qu’il désire dominer, il a appris de
nombreuses langues. Malgré tout, il ne se voit pas comme
un manipulateur. Il pense juste savoir tout mieux que tout
le monde.
Il rêve d’un monde où il pourra rassembler l’Ifri et la
Théah, mais de manière à ce que cela lui soit extrêmement
profitable, et ce même s’il sait que sa réussite va priver de
nombreuses personnes de leurs droits. Son obsession pour
la Reine bleue l’a peu à peu mené à croire que leur union
pourrait le rapprocher de ce pouvoir qu’il désire tant.

Accroches scénaristiques :
• De Toille souhaite obtenir une audience avec la
FRANÇOIS DE TOILLE, Reine bleue, et il fera tout pour l’avoir, y compris
DUC MONTAGINOIS enlever un diplomate khémétien et accuser l’un des
Héros. Ce dernier saura-t-il prouver son innocence,
retrouver le diplomate et exposer les manigances
« Pourquoi envier ceux qui sont intelligents du duc ?
et riches ? Apprenez leurs secrets, lisez • Connu pour être jaloux de Naravas, de Toille a
leurs livres. Il est certain que, par la suite, prévu de le faire assassiner. Un Héros découvre
vous deviendrez aussi riches qu’eux ». par hasard son projet, alors qu’il travaille en tant
que garde pour le Duc. Saura-t-il faire échouer
l’assassinat depuis l’intérieur ?
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

9 9 18
Farfan Veraci
Cadette de Mar Veraci, Farfan se consume de jalousie face à
tout ce que sa sœur a réussi à accomplir. Élevée en Vodacce
et amenée en Ifri par Mar, Farfan fut d’abord choquée de
constater que l’ambition de sa sœur n’avait pas été fracassée
comme la mer sur les rochers aiguisés de la réalité.
La cadette des Veraci n’avouera jamais qu’elle a acquis son
statut grâce à sa sœur ; elle vous fera toujours la liste de ses
nombreux talents et redoutera sans cesse d’entendre parler
de ses erreurs. La seule à voir clair dans son jeu, c’est Mar,
qui espère qu’elle grandira un jour, et abandonnera ses airs
suffisants et son égoïsme pour apprendre à aimer cette terre
où elle peut être libre. Le problème est que Farfan rêve de
posséder tout ce qu’elle voit, à commencer par ce qu’a son
aînée. Elle brûle d’avidité et de jalousie.
Malgré tout, elle continue à admirer sa sœur et à vouloir
l’impressionner. Farfan n’est pas la plus douée des matelots,
mais elle est très douée pour ce qui est nombres et calculs.
C’est donc une comptable, marchande et navigatrice efficace.

Accroches scénaristiques :
• Farfan demande à un Héros de soulager un navire
vodacci d’une marchandise, une caisse de sable de
verre qu’on ne trouve que dans l’Ubari. Il s’avère
que le sable dissimule des artefacts maghrébins
de contrebande, et il semblerait que Farfan et ses
corsaires aient été au courant depuis le début. Le
Héros saura-t-il exposer ce trafic sans se retrouver
pieds et poings liés dans l’eau ?
• Farfan a besoin de faire parvenir un message privé
à la Reine bleue. La missive fait état d’un complot
des chefs amazighen du désert qui veulent usurper
le pouvoir de la couronne. Ils auraient trouvé dans
la Bibliothèque semi-enfouie un ancien parchemin
qui leur donnerait toute autorité sur le pouvoir de
la souveraine.

FARFAN VERACI

« N’importe quel imbécile sait se servir

d’une épée. Seuls les génies peuvent
manipuler quelqu’un pour l’amener à pointer
la sienne sur l’ennemi de son choix ».

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

4 5 9
Chapitre 5
L’Empire aksoumite
 L’EMPIRE AKSOUMITE

« L’Empire aksoumite, ce rêve de grandeur révolu,

vision d’un futur idéal qui dorénavant vacille
au seuil du dépérissement.
Seules la foi et la compréhension
nous guideront vers notre destin. »
—Ras Abebe

L’Empire aksoumite est parfois surnommé « Le premier-né
des premiers-nés, » et pour cause : c’est ici que l’humanité
est née et a fait ses premiers pas, et c’est dans ces montagnes
que sont apparus les mathématiques, la monnaie, la
première langue écrite, le premier empire commercial
mondial, ainsi que nombre d’inventions dans les domaines
de l’agriculture, de la céramique et de l’architecture. Ce
fut également la première Nation ifrienne à recevoir un
sika’dwa, conférant ainsi une autorité divine à son souverain
et faisant du pays le reflet de la volonté de son dirigeant.
Depuis quelque temps, la puanteur de la putré­faction
commence à remonter depuis les fondations du glorieux
empire. Partout en Aksoum, les récoltes pourrissent
et les rumeurs font état de sombres créatures nées des
ombres qui s’extirpent des profondeurs pour tout dévorer.
Quelques chasseurs de reliques prétendent avoir vu
des abominations batraciennes ramper hors de ruines
anciennes, et loin au sud, plus d’un fermier a vu ses
récoltes flétrir en une nuit et se transformer en une masse
gélatineuse et nauséabonde.

112 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE


Histoire
L’Empire aksoumite, comme bien d’autres Nations,
s’est développé aux dépens d’une autre Nation. Dès sa
naissance, il fut aux prises avec son voisin, le Srek. Les
deux pays se disputèrent des terres et de précieuses
ressources alimentaires au cours de batailles qui finirent
par voir triompher les Aksoumites. Contrairement
à ce qu’auraient fait nombre d’autres conquérants,
l’Aksoum n’extermina pas son adversaire. À la place, ses
ressortissants furent intégrés à la culture aksoumite, leur
langue fut préservée et leurs coutumes respectées. On
laissa partir ceux qui le souhaitaient, et le Srek devint
partie intégrante de l’Aksoum, créant ainsi un empire plus
fort et uni.
Ces actions gagnèrent le respect des joks, qui
descendirent de l’Iu-Neserer pour enseigner aux
Aksoumites l’écriture et les mathématiques avancées.
Grâce à cela, le peuple d’Aksoum apprit à créer des
routes et des calendriers, à rédiger des œuvres littéraires
et à composer de la musique. Ces exploits permirent à
leurs esprits les plus brillants de prédire l’avenir grâce à
des analyses mathématiques complexes. Associé à leur
croyance fondamentale en l’unité, ce don fit d’eux les plus
grands diplomates de la Terra. Toutes les cours du monde
désiraient avoir un nebīyi, un conseiller ayant pour rôle
de négocier des marchés compliqués grâce à ses analyses
prophétiques. Malheureusement, comme trop souvent
avec l’humanité, ces talents furent aussi utilisés pour
la guerre.
Trois siècles après que les joks eurent fait don du
sika’dwa à l’empire, sa puissance était sans égale. Les
Aksoumites conquirent davantage de terres et assimilèrent
encore plus de tribus. Les histoires relatives à leur
opulence, leur bienfaisance et leur richesse se répandirent
à travers toute la Terra. Pour autant, tous demeuraient
humbles et reconnaissants envers les bienfaits de leur pays.
Ils offraient leur pitié et leur amitié même aux peuples
qu’ils combattaient et vainquaient. Au cours de leur
longue histoire, ils n’ont jamais déclaré la guerre, et des
nombreuses batailles qu’ils disputèrent, ils n’en perdirent
qu’une seule.
L’Aksoum était alors une grande puissance maritime et—
grâce à ses exports d’ivoire, de sel, de café, de carapaces
de tortues, d’or et d’émeraudes—un empire commercial
qui rivalisait avec l’Empire numanari. Après un conflit
majeur avec les Khémétiens, immédiatement suivi d’un
autre avec l’Empire haxāmanišiyen, l’Aksoum dû surtaxer
GLOSSAIRE DES MOTS
AKSOUMITES
Ajuk : dieu céleste aksoumite. Désigne aussi
la religion du même nom.
dasusuos : sorciers pratiquant le Melbur.
négus : Aksoumite qui règne sur un vaste
territoire. Parfois appelé roi.
negusä nägäst : le roi des rois aksoumite,
l’empereur d’Aksoum.
niguse negest : la reine des reines aksoumite,
l’impératrice d’Aksoum.
nebīyis : mathématiciens à la conscience
surdéveloppée qui utilisent la science pour
prédire l’avenir.
shotel : épée courbée du peuple aksoumite.
Skia : police secrète aksoumite aux ordres du
negusä nägäst. Elle a pour rôle de débusquer
les ennemis intérieurs et extérieurs.
vwie : marchand de la classe moyenne.
ze’eg : langue de l’Empire aksoumite.
C’est la langue officielle du pays et le seul
langage dans lequel sont écrits les docu-
ments gouvernementaux.
zukic’ shok : la garde impériale, l’élite des
troupes de l’empereur aksoumite.
zxafi : paysan.
ses ressources. Cette inflation amorça son déclin, mit fin
à son règne de grandeur long de six siècles et amorça un
lent déclin.
Tandis que la magnificence d’Aksoum s’étiolait, l’avarice
s’empara de ses dirigeants : le negusä nägäst—l’empereur
d’Aksoum—et ses trois héritiers firent montre d’un
comportement de plus en plus immoral, et ce dans l’espoir
de renouer avec leur richesse, leur gloire et leur influence
perdues. Ils rétablirent le culte des anciens dieux, ces
horreurs pélagiques immortelles qui sommeillaient dans
l’océan et qui n’avaient cure de l’humanité. Le lien du
sika’dwa avec le pays amoindrit l’abondance d’Aksoum,
tandis que la corruption du negusä nägäst se reflétait
dans la maladie et le banditisme qui se répandaient sur
les terres.
Lorsque Khalil, le deuxième Prophète, arriva sur cette
terre, Tafari, l’un de ses fils, fonda l’Église anidi hibiri
tefet’iroprit et renversa la dynastie impériale pour monter
sur le sika’dwa. Tous les souverains qui se sont succédé
depuis descendent de Tafari et appartiennent à cette
Église. Chaque génération modifie légèrement le sceau
impérial pour mettre en valeur les aspects du deuxième
Prophète qu’elle préfère. Le lion est le seul élément du
blason aksoumite à n’avoir jamais été retiré.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 113
 Tafari avait beau avoir converti l’empire
à la foi du deuxième Prophète, il
n’interdit jamais les anciennes religions
ni ne lança de campagnes de persécution.
Au contraire, il adopta l’une des plus
hautes aspirations aksoumites et choisit
d’accepter la pluralité de fois. Cela
explique pourquoi aujourd’hui, dans les zones rurales, de
petites communautés vénèrent encore Ajuk.
De nos jours, cette période de concorde semble
mal­heureusement toucher à sa fin. L’Église ānidi hibiri
tefet’iro a ainsi renié sa tradition de tolérance, rejetant
la paix d’antan avec les anciennes religions pour tenter
d’imposer son dogme. De plus, pendant dix ans, l’Empire
aksoumite et la Kurufaba mandéniane ont été en guerre.
L’Aksoum a beau ne pas disposer des ressources infinies de
son adversaire, elle est tout de même parvenue à le défaire
en prédisant ses mouvements de flotte et d’armée. Cela lui
a permis non seulement de minimiser ses propres pertes,
mais aussi de maximiser celles du camp adverse. Après
cette décennie, épuisés par la guerre, les deux pays ont
convenu, voici un an, d’entériner la paix entre les deux
Nations grâce à un mariage. Néanmoins, nombreux sont
ceux qui pensent que cette union est très fragile.
Ces derniers temps, nombre de négociants vodaccis
abandonnent leurs partenariats commerciaux avec
l’Aksoum et deviennent de redoutables concurrents qui
empiètent sur les profits de l’Empire et de ses routes
commerciales. Les Vodaccis semblent d’ailleurs prendre
un malin plaisir à trahir leur parole et leurs traités
de paix. Lorsqu’on les met devant le fait accompli, ils
se contentent d’accuser un autre Prince marchand
et de hausser les épaules en disant simplement  :
« Ainsi vont les choses, mon ami. » Afin de répondre
à ces trahisons, Makonnen, l’actuel negusä nägäst, a
envoyé des diplomates en Castille, en Ussura et au
Vestenmennavenjar pour tenter de faire pression sur
la Vodacce. En attendant que ces manœuvres diplo­
matiques donnent des résultats, il utilise des vaisseaux
d’approvisionnement travestis et remplis de soldats
pour tendre des embuscades aux navires vodaccis  ;
après avoir capturé ces vaisseaux ennemis, il les revend
à des marchands rivaux. Un Héros qui chercherait à
aider l’Aksoum (ou à remplir ses poches d’or) se rendra
compte que l’Empire est toujours prêt à engager des
agents étrangers pour l’aider à contrecarrer les ambitions
impérialistes de la Vodacce.
114 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
Territoire
L’Empire aksoumite est sis sur un
massif montagneux dont les plus hauts
sommets s’élèvent à deux mille trois
cents mètres au-dessus du niveau de la
mer. Les sommets de certaines chaînes
sont recouverts de neige toute l’année, et
il faut s’approcher des côtes pour trouver des zones moins
escarpées, notamment de la savane et de la jungle.
L’Empire aksoumite est le berceau de plus de trois cents
espèces de mammifères, et encore plus de reptiles locaux.
Il n’y a par exemple qu’en Aksoum que l’on trouve le zèbre
revi, le plus gros de toutes les espèces de zèbres. La chaîne
de montagnes du Muhumusa sert de barrière protectrice à
cette faune précieuse. La fourrure de l’abro, une espèce de
loup, rapporte généralement une petite fortune en raison
de sa couleur et de sa chaleur ; quant au lagourme, un
oiseau à l’envergure impressionnante et à la couleur dorée,
on s’en sert fréquemment comme compagnon de chasse.
De nombreux fleuves traversent le pays. Le principal, le
Berbera, prend sa source dans l’Iu-Neserer, la demeure
des joks, et court jusqu’à la mer. Ces points d’eau servent
de lieu de ravitaillement pour les voyageurs et les locaux.
L’eau cristalline est toujours propre et rafraîchissante. En
raison de la haute altitude du pays, les précipitations
y sont plus importantes que dans les autres Nations
ifriennes, entraînant des crues dans les zones inondables
près de la côte.
Du fait de la proéminence des montagnes, les
Aksoumites sont devenus les maîtres de la culture en
terrasses. Les fermiers creusent une série de plateformes
plates en retrait les unes par rapport aux autres de façon
à créer une sorte d’escalier où ils peuvent récolter l’eau.
Les siècles ont lentement modifié le climat : autrefois
tempéré, il ne l’est plus que sur les rivages ; désormais,
le froid règne sur les massifs occidentaux et la chaleur
domine les terres méridionales. D’une manière générale,
le temps est globalement ensoleillé, interrompu de temps
à autre par des averses qui semblent bien plus importantes
dans les régions où l’on vénère le dieu Ajuk (du moins, c’est
ce que prétendent les croyances locales).
Les saisons de l’Aksoum sont le metker (l’été), le teg
(l’automne), le gega (l’hiver), l’uetl (le printemps) et l’helu
(sorte d’hiver/printemps). Le jour le plus froid de l’année
tombe toujours en plein helu, tandis que la saison des
crues a lieu durant le metker, environ une fois tous les
dix ans.
Aventures dans l’Empire aksoumite
L’Empire aksoumite est une Nation au bord du gouffre.
La paix récente avec la Kurufaba mandéniane ne tient
à presque rien (un simple mariage), d’anciens cultes
malveillants se réveillent dans les zones les plus reculées
et des abonsams rôdent en toute liberté car le sorcier qui
devait défendre le pays a déserté son poste.
Les Héros qui arrivent en Aksoum découvrent des cités
portuaires prospères, qui exportent de magnifiques produits
textiles et de métallurgie en Vodacce (et plus loin encore).
À l’intérieur des terres, les cités sont dotées d’énormes
bâtiments en pierre et en bois, d’églises minutieusement
décorées en l’honneur du deuxième Prophète et de places
de marché bourdonnantes d’activité. Les marchands
suivent les imposantes voies fluviales pour rejoindre les
villes les plus éloignées. Parmi les étrangers, on trouve aussi
bien des nobles en mal d’aventure que des sorciers ou de
grands érudits. Même les roturiers se rassemblent dans les
boutiques et les restaurants pour parler de la politique et de
la situation actuelle, ou simplement discuter du temps qu’il
fait et de l’état des récoltes.
Les Aksoumites sont optimistes, sociaux et prévenants,
et ce malgré l’époque d’incertitude inquiétante dans
laquelle ils vivent. Leur qualité de vie est sur le déclin car la
guerre a drainé les ressources de l’économie. La nervosité
touche tout un chacun. L’empereur trouvera-t-il un
nouveau sorcier pour protéger le pays des mauvais esprits ?
La guerre avec la Kurufaba mandéniane est-elle terminée
ou les deux Nations se détruiront-elles mutuellement ?
En Aksoum, un Héros n’aura pas le temps de chômer :
l’empereur a besoin d’aide pour protéger son pays, mettre
un terme à la guerre et former sa fille pour lui succéder.
Au niveau local, les Héros pourront affronter des pirates
fluviaux, prendre part à une joute verbale avec un noble
déchu—et gagner un ami loyal en cas de prestation
réussie—ou mettre à bas les conspirations de sorciers
Société
L’Empire aksoumite se compose de cinq classes distinctes
dont le style de vie diffère grandement. Puisque les
Aksoumites mettent la connaissance sur un pied d’égalité
avec la religion, même les plus humbles fermiers et bergers
ont appris des rudiments de lecture, d’écriture et de calcul.
Culturellement parlant, la frontière est floue entre paysans
et marchands pauvres, tout comme la différence entre riches
marchands et noblesse pauvre en terres. Ici, tout le monde a
l’opportunité d’apprendre, ce qui crée un sens de camaraderie
malfaisants qui invoquent des abonsams. Ceci fait, il
leur restera à découvrir les textes anciens du deuxième
Prophète, ainsi que les mystères qui entourent les joks et
leurs mathématiques prophétiques.
Jouer un Héros aksoumite
Un Héros aksoumite possède un grand héritage de
connaissances, de générosité et de loyauté. À l’heure
actuelle, son pays traverse une période difficile et bien des
Nations voisines de l’Ifri se sont tournées vers la vilenie et
ont succombé à l’emprise du mal.
Un Héros aksoumite peut être :
• une nebīyi, portée sur l’étude des mathématiques
sacrées, qui cherche à comprendre le monde
par le biais de ses analyses rigoureuses et de sa
mémorisation, le tout combiné à la spiritualité et
la méditation ;
• un soldat de l’armée aksoumite, capable de
manier le shotel et la lance, formé à la stratégie
et suffisamment endurant pour courir toute la
nuit puis affronter l’armée ennemie le lendemain ;
• une agente du Skia qui pourchasse les menaces
invisibles et les faits passer de vie à trépas en
silence, dans l’ombre, afin de garantir la paix avec
la Kurufaba mandéniane ;
• un ancien membre du zukic’shok, libéré de son
devoir après avoir protégé loyalement l’empereur
pendant cinq ans, qui veut désormais se lancer
dans une carrière d’aventurier ;
• une dasusuo qui passe des marchés avec les mauvais
esprits et oscille sur le fil du rasoir, jamais à l’abri
d’un pacte qui pourrait mener à un désastre ;
• un tailleur de pierre, gardien des arts secrets de la
taille des stèles, ces socles de pierre magiques qui
protègent l’Empire aksoumite des maux extérieurs.
égalitaire. En vérité, les pouvoirs politique et économique ne
sont pas équitablement partagés, mais cela n’empêche pas un
laboureur de penser qu’il a un certain contrôle sur son destin.
Étant donné que les représentants de différentes
strates interagissent les uns avec les autres sans cette
lourde barrière sociale qui existe dans d’autres endroits
du monde, un étranger connaissant peu de choses sur
l’Aksoum pourra insulter accidentellement un quidam
et se retrouver pris dans un joute verbale publique.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 115
 Évidemment, l’accent est mis sur la connaissance et
l’éducation en Aksoum, ce qui explique pourquoi il est
plus courant d’assister à des concours d’érudition poétique
qu’à des affrontements sanglants à l’épée.
Les zxafis
Les zxafis mènent une existence paisible. Ils reçoivent une
éducation de base même dans les zones les plus rurales
grâce aux bonnes œuvres de l’église locale. Chaque ville
majeure possède son médecin qualifié, un membre du
clergé et un dasusuo qui servent la sphère publique non
seulement en travaillant, mais aussi en enseignant.
Les zxafis passent leur journée à travailler, à prier, à consa­
crer du temps à la recherche du bonheur. Contrairement
aux paysans d’ailleurs, un zxafi n’est pas nécessairement
redevable à des propriétaires terriens. Il subvient aux
besoins de sa famille grâce à l’agriculture, les travaux
journaliers et l’élevage d’animaux. Il peut essayer d’améliorer
son statut en se créant de nouvelles opportunités, soit en
vendant des objets d’artisanat, soit en suivant une éducation
plus avancée pour s’élever en apprenant un artisanat. Bien
sûr, comme toutes choses, cette évolution de carrière
demande du temps, du travail et le bon vouloir des joks.
À noter que les zxafis sont attachés à leur terre et n’ont
théoriquement pas le droit de voyager en dehors.
Les vwies
Les vwies forment le gros des marchands et négociants, et
contrôlent les exports et les imports ainsi que la majorité
du commerce interne aux villes.
Les employés du gouvernement civil appartiennent égale­
ment à cette classe. Contrairement aux zxafis, ils reçoivent
une éducation de niveau universitaire et peuvent voyager
comme bon leur semble sur le territoire ou à l’étranger
(s’ils peuvent se le permettre). Architectes, officiers
militaires et marchands forment le cœur de cette classe.
Leur journée de travail est plus courte et moins difficile
que celle des zxafis.
Les nebīyis
On a donné un nombre incalculable de noms aux nebīyis
à travers les âges, les plus fréquents étant « observateurs, »
« logopoliens » et « chroniqueurs ». Un nebīyi maîtrise
l’analyse avancée des mathématiques, suffisamment
pour mettre au point nombre de calculs de probabilités
qui peuvent s’apparenter—pour un profane—à de
la prescience.
116 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
Pour devenir un nebīyi, il faut dédier sa vie aux
mathématiques, ne plus faire qu’un avec les calculs afin
d’aiguiser sa mémoire, sa perception et son analyse et ainsi
reconnaître les conjonctions importantes entre les individus,
les situations, les lieux et les instants. Un nebīyi décrirait ce
processus comme voguer sur les nombreux affluents d’un
fleuve et repérer celui qui ramène au cours principal.
Un nebīyi a donc scrupuleusement étudié les mathé­
matiques en sus de ses nombreux exercices mentaux, ce qui
implique énormément de recherches et d’ap­prentissage par
les livres. Il utilise nombres d’astuces mnémotechniques qui
peuvent paraître étranges : emploi de noms spécifiques pour
désigner des personnes afin de créer des associations, gestes et
mouvements du corps qui renforcent des calculs spécifiques
grâce à la mémoire musculaire, choix de couleur de vêtements
afin de créer des motifs qui stimulent la mémoire et le
raisonnement. Un nebīyi peut également s’aider de calculs
écrits, à l’aide d’une tablette et d’un stylet. Cependant, on dit
que les plus doués des nebīyis sont capables de faire toutes
leurs déductions sans cette aide extérieure.
Ce processus quasi instantané semble presque magique,
mais en vérité, il est né de décennies d’entraînement
prodigué par des générations d’Aksoumites. L’éducation des
jeunes aksoumites en témoigne : elle est pleine de chansons
à rimes et de jeux basés sur des nombres. La culture et
l’héritage aksoumites font donc la part belle à la logique et
la prédictibilité : avec suffisamment de concentration (et la
bénédiction des joks), un nebīyi entraîné peut prédire l’issue
de presque n’importe quel évènement en se basant sur ses
conditions initiales. Du moment que la bonne séquence est
trouvée, l’impossible devient possible.
Si un nebīyi s’appuie sur les mathématiques et une
mémorisation rigoureuses, ses travaux tiennent également
de la discipline spirituelle. La méditation, les prières et les
chants rituels font partie intégrante de leur entraînement.
De plus, les nebīyis attribuent aux joks toute intervention
menant à une révélation : se contenter de calculs écrits à la
main ne mène qu’à des équations nébuleuses qui n’offrent
aucune aide utile. C’est le mélange de spiritualité et de
mathématiques qui octroie ses visions à un nebīyi, la
numérologie n’étant qu’un moyen d’y parvenir.
Aucun étranger n’est jamais devenu nebīyi : le pouvoir de
prédiction semble être l’apanage des Aksoumites. Peut-
être est-ce dû à la façon dont les enfants sont élevés, si
imprégné de cette forme quasi magique de déterminisme
mathématique. Peut-être nul étranger n’a-t-il passé les
années nécessaires à son apprentissage. Peut-être les joks

ont-ils réservé cette bénédiction à l’Aksoum. Toujours est-il
que les nebīyis viennent d’Aksoum et ne la quittent que
rarement. Bien sûr, les Héros sortent toujours de la norme !
Les ecclésiastiques
En Aksoum, on ne plaisante pas avec la religion. Les
lieux les plus saints fonctionnent selon un système strict,
celui de l’Église ānidi hibiri tefet’iro (qui ressemble à s’y
méprendre à celui de l’Église vaticine).
L’appartenance au clergé octroie un respect de la fonction,
peu importe le rang, et ses membres peuvent voyager
librement à travers le pays. Il est peu probable qu’on
l’emprisonne, qu’on l’interroge ou qu’on le punisse pour ses
actes, même s’ils sont criminels. Lorsque c’est nécessaire,
le négus de la province se contente d’une simple tape
sur les doigts. Historiquement, les membres du clergé
ont rarement abusé de leurs privilèges, mais tandis que
l’Aksoum vacille sous la pression croissante d’une ère de
troubles, les comportements dévoyés et la corruption
deviennent plus fréquents, et les membres du clergé sont
parmi les plus susceptibles de profiter de leur position.
Les nobles
Négus ou niste night. Les négus et niste night, les rois et
reines aksoumites, habitent des palais de pierre immaculés,
gouvernent des territoires et commandent une armée. Ils
jouissent d’une vie opulente, prodiguée par leurs titres, leur
richesse et leur adhésion à l’Église ānidi hibiri tefet’iro.
Ce titre est héréditaire et seul le negusä nägäst peut le
révoquer. Un négus se doit d’obéir aux ordres de l’empereur.
Il s’agit de l’un des rôles les plus étroitement surveillés par
le souverain d’Aksoum et ses conseillers.
Lidj. Les fils, filles et petits-enfants d’un négus—ou d’une
niste night—obtiennent le titre de lidj pour signifier leur
statut royal.
Ras. Voici l’un des titres les plus importants dans l’empire.
Un ras gère une parcelle de terre et tire un profit de tout
le labeur et le commerce qui s’y déroulent. Ces domaines
sont plus grands qu’une simple ville, mais plus petits que le
territoire dirigé par un négus. Ce titre est souvent attribué
aux chefs de ministères durant la durée de leur mandat.
Cela encourage fortement les ministres à faire un travail
exemplaire pour que l’empereur les maintienne à leur poste !
Bitwoded. Les bitwoded servent les ras : ils gèrent les collectes
d’informations pour ce dernier. Pour ce faire, ils dirigent des
informateurs, espions et traducteurs, utilisent des codes
ésotériques et des normes uniques pour protéger les secrets
LA NOBLESSE ET
L’HOSPITALITÉ
Un noble sera toujours le bienvenu chez
un autre noble pour une durée de plusieurs
mois. Lui refuser l’hospitalité serait grossier.
Dans l’Empire aksoumite, on sait se montrer
tolérant envers des invités qui sont actuelle-
ment nos ennemis.
Abdikarim et Elsa, un couple au seuil de
l’indigence, en est une parfaite illustration. Ils
voyagent à travers l’empire en jouissant d’une
existence pareille à celle qu’ils connaissaient
alors. En s’appuyant sur les traditions de
l’hospitalité, ils s’improvisent sans cesse en
invités d’autres familles, comptant sur leur
titre seul pour leur ouvrir les portes.
de l’empire et pour contrecarrer les espions des autres Nations.
Chaque ras nomme deux bitwoded : une Main droite et une
Main gauche. On voit souvent des querelles internes éclater
entre eux car chacun veut prodiguer les informations les plus
fraîches possible. En théorie, cette compétition engendre
une meilleure récolte des informations car chacun utilise les
méthodes les plus efficaces. Cependant, cela amène également
des complications lorsque les agents d’une Main droite et
ceux d’une Main gauche s’opposent sans se rendre compte
qu’ils sont tous du même bord.
Abeto hoy. Par défaut, abeto hoy est le titre de tous les
nobles aksoumites. S’ils possèdent des terres ou une fortune
conséquente, on accentuera la première syllabe en s’adressant
à eux. Sinon, on respectera son sang bleu mais il devra gagner
son pain quotidien par ses propres moyens. Du fait de la
malchance grandissante de l’Aksoum, certains abeto hoy ont
perdu leurs terres, leur fortune et leur influence. Ils ne sont
désormais guère plus que des zxafis titrés. Leurs histoires
sont nombreuses et leur détresse très personnelle, mais tous
s’évertuent à tout de même faire honneur à leur titre. Ces
derniers partent souvent du principe que la perte de leur
fortune n’est que passagère, et qu’ils finiront par retrouver
leur statut, leur richesse et leurs privilèges. Ces derniers temps,
ceux qui se voient forcés de vendre leurs terres et de passer
des marchés avec des individus peu amènes pour conserver
leur style de vie sont toutefois de plus en plus nombreux.
Beaucoup sont également amenés à quitter leur foyer pour
faire fortune à l’étranger.
Les visiteurs étrangers pourraient être surpris par la
facilité avec laquelle on peut côtoyer les nobles. En Aksoum,
noblesse n’est en effet pas forcément synonyme d’isolation,
ni d’un statut si élevé que l’individu en est intouchable. Les
étrangers pacifiques qui respectent le protocole n’auront
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 117

aucun mal à se lier d’amitié avec des nobles, y compris des
négus. À l’inverse, il peut être difficile de distinguer un noble
dans la foule des rues et des marchés, car peu d’entre eux
arborent des habits ou des symboles les identifiant comme
tels. Un Héros courtois au comportement irréprochable se
fera donc aisément des amis parmi la noblesse, qu’il n’aura
aucun mal à fréquenter.
La famille impériale
Negusä nägäst et niguse negest. Le titre complet du
souverain est « negusä nägäst—ou niguse negest pour
une impératrice—igziabeher, élu de Théus qui règne
sur l’Empire aksoumite depuis la cité d’Aksoum.  »
Actuellement, le negusä nägäst Makonnen règne sur
son empire en compagnie de sa femme Zufan. Sa loi est
divine et ses ordres indiscutables. Conserver le trône
jusqu’à la mort n’est pas garanti car l’empereur doit faire
preuve d’exemplarité. Il est ainsi arrivé plusieurs fois, dans
l’histoire du pays, que des dirigeants aient dû abdiquer.
Renoncer au pouvoir pour le bien du peuple est vu comme
l’un des plus grands actes que peut accomplir un empereur.
La gloire qui vient avec l’admission de ses propres limites
et l’abdication fournit souvent suffisamment de motivation
à un monarque faible ou faillible pour qu’il laisse sa
place au profit d’un membre de sa famille plus apte à
gouverner. Par exemple, l’ancien negusä nägäst, Girma
Solace, suivant les conseils de ses proches, renonça à son
statut pour voyager au sud, où il alla travailler avec des
zxafis et offrir ses conseils au négus local. Il étudia les
textes sacrés et se voua à une vie simple, ce qui lui valut
d’être largement plébiscité. Après sa mort, on fit de lui
un saint pour louer son dévouement au peuple d’Aksoum.
La tradition veut qu’un Haut conseil guide le couple
impérial. Même si ses membres ne sont pas eux-mêmes
des membres de la famille impériale, ils possèdent
énormément d’influence et peuvent facilement contrôler
un monarque faible. À noter que s’il n’y a théoriquement
qu’un seul negusä nägäst, les documents impériaux font
état d’une ancienne loi : la Double couronne. Jadis, il y
a si longtemps que personne ne se rappelle pourquoi
les choses étaient comme cela, le pays était dirigé par
deux souverains qui devaient régner de concert. Rares
sont ceux qui connaissent l’existence de cette loi et
seuls les historiens se souviennent de pareille étrangeté.
Cependant, si l’Empire aksoumite venait à se scinder
politiquement, ou à former une alliance avec un royaume
voisin, cette bizarrerie historique pourrait refaire surface.
118 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
EMPIRE OU
ROYAUME ?
Le régime politique de l’Aksoum compte
nombre de rois (les négus et les niste night)
vassaux du negusä nägäst. L’empereur est « le
premier de tous les rois » d’Aksoum et, en
tant que détenteur du sika’dwa, le souverain
légitime de la Nation. Cette structure poli-
tique (un groupe de dirigeants obéissant à un
dirigeant unique) fait de l’Aksoum un empire.
Au quotidien, nombre d’Aksoumites utilisent
simplement le mot « Aksoum » pour parler
de leur pays. Ce qui peut prêter à confusion
est que ces mêmes Aksoumites utilisent
également le mot « Aksoum » lorsqu’ils
mentionnent leur capitale (Aksoum est
également la capitale du pays depuis que
Tafari l’y a établi au détriment de la prospère
et florissante cité portuaire d’Addis Addus).
Cela a déboussolé plus d’un étranger peu à
l’aise avec la langue aksoumite étant donné
que le sens est directement lié au contexte.
with only their titles to provide welcome.
Itergit. Les itergits sont les consorts sacrés et couronnés
de l’empereur ou de l’impératrice. Leur couronnement
est fait par l’Église ānidi hibiri tefet’iro trois jours après
celui du souverain. Il s’agit d’un titre masculin et féminin.
Chaque souverain a le droit d’avoir un consort en plus de
son conjoint. Ce rôle existe depuis la naissance de l’empire.
Le’ul et le’elt. Le’ul et le’elt sont les titres octroyés aux fils, filles
et petits-enfants du negusä nägäst pour leur donner le statut
impérial. Si le souverain actuel devait mourir ou abdiquer, les
enfants du nouvel empereur hériteraient du titre.
Nurgust. On utilise le titre nurgust pour désigner les
autres membres de la famille impériale, (ou lorsque
les le’ul ou le’elt perdent leur titre – le plus souvent
quand l’un d’eux accède au trône). Les nurgusts sont la
classe la plus haute—et la plus réduite—de l’Empire
aksoumite : ils possèdent énormément de privilèges et
disposent d’une vaste quantité de richesse et d’influence
dans laquelle ils peuvent puiser quand bon leur semble.
Traditionnellement, ils demeurent au palais impérial
et reçoivent un salaire pour couvrir leur mode de vie.
En général, un nurgust jouit d’une influence politique
conséquente car il peut évoluer comme bon lui semble
dans le palais, donc interagir avec les autres membres de la
cour impériale sans pour autant être soumis aux attentes
placées sur les souverains d’Aksoum. À l’instar du negusä
nägäst, les membres de la famille impériale doivent faire
preuve d’exemplarité pour le peuple.
Cultures et coutumes
Habitudes vestimentaires
Du fait du climat de leur région, les femmes vivant au
nord de l’empire portent des vêtements faits en smehha,
un tissu en coton intégré à de longues bandes cousues
ensemble. Le smehha des plus pauvres est rêche et raide,
mais il est facile à nettoyer et la confection de nouveaux
habits ne prend que quelques jours. Le smehha utilisé par
les Aksoumites les plus aisés, chaud et doux comme la
soie, demande quant à lui des mois de fabrication (le tissu
doit d’abord être plongé dans une mixture pendant des
semaines afin de s’assouplir). Les commerçantes portent
en plus une bande colorée autour de la taille, tandis que
les robes des nobles présentent des cascades de couleurs
vives aux motifs décoratifs.
Les hommes portent quant à eux des pantalons et des
chemises longues leur arrivant au genou, avec un col
de couleur différente selon les mois. Lors des mois les
plus froids, ils portent des vestes en hem-ki (peau de
bête). L’espèce de l’animal ainsi que les couleurs utilisées
indiquent le statut du porteur : les manteaux des zxafis
sont fabriqués à partir des peaux d’animaux pastoraux les
plus répandus, tandis que les nobles portent des peaux
d’animaux plus rares. Certains impériaux ont même des
vestes faites en cuir de Monstre.
Lors des cérémonies, tous les Aksoumites portent des
châles faits d’un tissu fin fourni par l’Église ānidi hibiri
tefet’iro tous les ans. Chaque famille lui confère une
apparence propre : croix, couleurs et motifs déterminent
l’histoire de la personne, sa profession ainsi que son rang
au sein de la communauté. Les châles se terminent par des
perles qui pendent à dix centimètres d’intervalle sur des
fils et qui indiquent la classe sociale de leur porteur : la
famille d’un paysan n’a qu’une perle sur chaque fil, tandis
qu’une famille d’impériaux en possède cinq.
Les vêtements étrangers attirent à la fois la curiosité
et les moqueries bon enfant. Les grandes chaleurs de
l’été cuisent quiconque serait assez fou pour porter le
genre d’habits que l’on trouve en Vodacce ou dans la
Fédération sarmatienne. La nature restrictive de ces habits
provoque toujours quelques rires chez les badauds. Un
voyageur astucieux s’adaptera rapidement aux coutumes
vestimentaires locales  : il ne passera pas pour autant
inaperçu, mais au moins, il sera bien plus à son aise
qu’engoncé dans un épais veston de laine par-dessus un
corset contraignant !
Langue
L’Empire aksoumite possède plus de cent soixante-dix
langues, dont soixante-dix patois locaux. Dans les cités
portuaires, les guides parlent en général plus ou moins
bien les langues venues d’outre-mer…
Le ze’eg est la langue officielle du pays, et c’est dans
celle-ci que sont rédigés tous les documents officiels. Le
ze’eg n’a aucune racine commune avec les langues théanes,
mais certains mots venus des régions sud (en particulier
de la Numa et de la Vodacce) se sont immiscés dans le
vocabulaire. Il s’agit majoritairement de concepts culturels
étrangers, comme « archéologiste » ou « bretteur ».
Alimentation
Un zxafi mange ce qu’il cultive, pèche ou élève. Parmi
les nourritures répandues, on trouve les légumes-racines
et les tubercules riches en amidon, divers légumes verts,
une galette de pain au levain, des œufs, de l’anguille et du
poisson, ainsi que du lait d’animaux d’élevage. La qualité
de la nourriture varie et les familles affamées mangent tout
ce sur quoi elles mettent la main, c’est pourquoi les locaux
ajoutent à la plupart de leurs plats une épice nommée
woti. Ce dernier donne une saveur pimentée au goût fumé
qui agrémente fortement les légumes autrement fades et
dissimule le goût peu savoureux de certains poissons.
Même à l’occasion d’une fête, lorsque les familles pauvres
disposent d’une petite quantité de bœuf, le woti est utilisé
pour relever le plat.
Vwies comme membres du clergé apprécient cette épice,
mais leur alimentation est autrement plus variée que celle
des zxafis. Les viandes sont très appréciées, comme le
bœuf, le poulet et l’agneau. Un ecclésiastique se nourrit de
ce qui a poussé sur son territoire, une partie des cultures et
de l’élevage étant donné à l’Église. De temps en temps, un
marchand prospère ou un artisan pourra s’offrir des vins
étrangers pour accompagner ses repas.
Les nobles ont accès à une nourriture exceptionnelle en
quantité et en qualité. Leur influence sur le trafic maritime
leur donne accès aux mets d’importation (viandes,
fromages, fruits et alcools). Cet accès à la nourriture
concerne également les échelons supérieurs de l’armée :
tout commandant de cent soldats ou plus peut bénéficier
des meilleurs fruits d’Aksoum et des terres d’ailleurs.
L’Église ānidi hibiri tefet’iro interdit la consommation
de viande et de produits laitiers les mercredi et vendredi,
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 119

excepté lors des trente jours précédant la Persistance du
Prophète. En Aksoum, la doctrine scripturaire affirme que
le jeûne représente la recherche du pardon par l’humanité
pour le meurtre du deuxième Prophète, c’est pourquoi ces
jours-là, elle réalise des prières rigoureuses.
La boisson nationale dans l’Empire aksoumite est le
tedj, un vin au miel. Les brasseurs le fabriquent à partir de
feuilles réduites en poudre, de brindilles de gesho, de baies
fermentées et, bien sûr, de miel. Les Vestens le comparent à
l’hydromel, mais il possède un arrière-goût plus sec et plus
amer. Plus la fermentation est longue, plus le tedj sera fort.
Le goût sucré du vin dissimule sa haute teneur en alcool,
ce qui fait qu’il est impossible de déterminer sa force avant
qu’il ne soit trop tard. Les domaines réputés pour leur tedj
affichent le temps de fermentation sur leur menu, alors que
les établissements moins recommandables ont la réputation
de laisser leurs clients ivres morts se réveiller les poches
vides dans d’obscures ruelles. Ces dernières années, une
version sans alcool, le berz, a gagné en popularité et en prix,
si bien qu’il coûte maintenant plus cher que le tedj.
Arts et artisanat
Au sein de l’empire, l’art peut appartenir à deux catégories
distinctes : sacré ou profane. Lorsqu’il est sacré, il décline
un thème spécifique qui domine toutes les formes
artistiques à travers toute l’Aksoum, et ce afin de refléter
le dogme de l’Église ānidi hibiri tefet’iro.
La musique
La musique aksoumite est fortement influencée par les
histoires populaires et la religion. Elle possède un système
modal de sons avec de longs intervalles qui entrecoupent
certaines notes, et qui varient selon les régions. Par exemple,
la musique au nord du pays semble monophonique
comparée à celle du sud, polyphonique. Dans les
montagnes, la musique observe des pauses fréquentes
tandis que le chant du musicien emplit le silence.
Les instruments à cordes aksoumites varient selon
la région et les musiciens. Le massinko est une vièle à
une seule corde, différente du krar (lyre à six cordes) et
du begena (lyre à dix cordes). Chacun possède un son
particulier représentatif de la région où l’on en joue.
Un musicien vivant dans les montagnes d’Aksoum préfère
la flûte de roseau appelée washint. À l’opposée, au sud, on
préfère le holdudwa, une corne animale creuse. Au nord,
on fabrique ses cornes avec du métal tandis qu’au sud on
utilisera du roseau.
120 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
LES RÈGLES QUI
RÉGISSENT LES REPAS
Dans l’Empire aksoumite, les règles du repas sont
très différentes de celles en Théah. Les Théans
ont adopté les couverts, mais les Aksoumites
mangent avec les mains. En général, ils rompent
leur galette de pain et s’en servent pour piocher
dans les différents plats présents sur la table.
Un visiteur doit toujours respecter les us qui
suivent au risque d’insulter son hôte ou d’of-
fenser les autres convives :
lavez-vous les mains avant de passer à table ou
d’empoigner la nourriture (les bols à eau sont
là pour ça) ;
lorsque vous saluez quelqu’un en plein repas,
touchez-lui le poignet plutôt que de lui
serrer la main, pour ne pas salir vos mains ni
les siennes ;
la nourriture est servie sur un plateau commun
car elle se partage ;
ne cherchez pas à atteindre l’autre bout de la
table. Si vous voulez un mets de l’autre côté du
plateau, demandez à ce qu’on vous le passe ;
si l’on vous propose de vous donner directe-
ment à manger, acceptez ce témoignage
de respect ;
laissez toujours les aînés commencer à manger
avant vous.
Bien sûr, les Héros étrangers ne connaîtront pas
forcément toutes ces règles. Certaines pour-
raient même les surprendre, surtout si un noble
amical essaie de nourrir un Héros célibataire.
Cela pourrait se terminer en joute verbale ou
en duel à l’épée. Inversement, un Scélérat local
pourrait utiliser la méconnaissance d’un Héros
avec les coutumes locales comme « preuve »
qu’on ne peut pas lui faire confiance en affaires.
L’Église ānidi hibiri tefet’iro utilise un sistre (instrument
à percussion en métal qui, lorsqu’on le secoue, produit un
doux cliquètement) lors de ses cérémonies pour maintenir
le rythme des prières. Le kebero, un large tambour à main,
est utilisé par les dīnistes selon les préceptes de l’Empire
du Croissant. Enfin, le nagarit, un énorme tambour royal
de deux mètres cinquante par quatre mètres cinquante,
s’utilise avec un maillet lors des cérémonies royales et des
déclarations officielles.
La danse
Pratiquée exclusivement en Aksoum, l’eskista est une
danse traditionnelle tant masculine que féminine. Très
portée sur les détails, cette danse est l’une des plus
techniques de l’empire. Elle est si complexe que la maîtriser
parfaitement peut attirer les louanges du negusä nägäst
lui-même. L’eskista se concentre sur des formes uniques de
mouvements d’épaules, d’omoplates et de tressautements
de la poitrine. On ne la danse qu’au son de la musique
aksoumite traditionnelle à cordes.
L’amrou, qui se danse avec le haut du corps comme
l’eskista, se focalise moins sur les épaules et davantage
sur des mouvements précis de la nuque. Elle demande
également des années d’apprentissage et toute une vie à
maîtriser. Elle incorpore toute une série de pas, la nuque
du danseur devant bouger dans un sens tandis que le reste
de son corps bouge dans l’autre, et se termine par un saut
parfaitement calculé.
Dans les campagnes, on pratique encore une danse moins
structurée, le gonbel. Cela consiste en un déhanchement
souple où le corps entier bouge au rythme de la musique.
Contrairement aux autres danses, le gonbel dispose
rarement d’une chorégraphie stricte et prédéterminée.
Au contraire, les danseurs improvisent selon la musique,
se mouvant et se balançant au gré des changements de
cadence ou de ton. Le gonbel, que l’on considère comme
une danse exaltante et amplificatrice de joie, permet de
partager son bonheur avec les spectateurs.
La peinture
Deux styles d’art dominent dans l’Empire aksoumite :
l’iconographie et le figuratif. L’iconographie est un style
ancien fait de personnages caricaturaux aux yeux en
amandes qui se concentre sur les objets religieux, les
églises et les manuscrits. Le plus souvent, on y observe
un sujet unique représenté de profil. Ces œuvres
recouvrent les parois des falaises et les statues, et
l’on en trouve à travers toute l’Aksoum. Les peintres
utilisent ce style depuis des siècles, depuis l’époque où
l’on dessinait des chasseurs pourchassant un cerf, ou
des objets enflammés tombant des cieux et s’écrasant
sur la surface de la Terra. Diptyques et triptyques
d’icônes religieuses sont également répandus. Les murs
entièrement peints des églises témoignent quant à eux
des histoires du pays.
Le figuratif se retrouve davantage sur les parchemins
et autres surfaces planes et régulières. L’art figuratif
aksoumite emploie toute une palette de couleurs vives,
de personnages en deux dimensions, ainsi qu’un sujet
unique pour raconter une histoire folklorique, historique
ou commerciale. Ce genre, moins stylisé et fortement
inspiré par les techniques modernes, continue tout de
même de suivre des règles strictes de présentation qui
lui donne une apparence constante selon les standards
théans. En vérité, un artiste qui travaille dans ce style
s’efforce de créer une histoire selon un certain nombre
de règles artistiques. De fait, sa créativité en devient
d’autant plus fascinante lorsqu’on la compare à l’art
moderne théan, qui se concentre sur le réalisme ou les
scènes complexes.
L’architecture
L’architecture aksoumite partage des racines communes,
mais connaît des variations en fonction des régions. La
plupart des structures (châteaux, palais, villas, églises et
maisons de zxafis) alternent entre la pierre et le bois. Il
en résulte des poutres en bois apparentes, qui ne sont pas
sans rappeler aux Vestens celles de leur terre natale. Ces
poutres possèdent une base épaisse et encastrable connue
sous le nom de tête de singe. Ce style oriente la pression
sur les fondations, ce qui ancre le bâtiment au sol. Une
couche de blanc de chaux vient terminer l’extérieur et
protéger la pierre des fortes pluies.
La mode actuelle est aux maisons rondes en grès avec
des fondations en basalte. Ce style se répand peu à peu
dans les cités commerciales importantes, mais les zones
rurales sont encore réticentes à l’idée d’abandonner le style
en tête de singe.
Malgré son gigantisme, l’architecture théane n’a que
très peu investi le territoire aksoumite. À Addis Addus,
le célèbre architecte Yona a importé les styles avaloniens
dans l’espoir de créer de nouvelles formes, mais ses
efforts ont rencontré énormément de résistance. En effet,
la construction avalonienne convient parfaitement au
climat froid et pluvieux de la nation insulaire, mais ne
dispose pas d’une assez bonne ventilation lors des étés
chauds d’Aksoum. Yona cherche encore des mécènes
pour financer la construction de nouveaux édifices dans
ce style, afin de démontrer sa vision et, pourquoi pas,
essayer certains styles qui incorporeraient une fusion
des formes. S’il parvenait à construire quelque chose de
réellement mémorable, son mécène jouirait d’une célébrité
sans précédent, et gagnerait accès aux cercles fermés
d’Addis Addus.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 121
 L’ART DE RACONTER
UNE HISTOIRE
La métallurgie L’art aksoumite, tant iconographique que
L’Empire aksoumite forgeait déjà le métal quand les figuratif, sert traditionnellement à raconter
une histoire, souvent en rapport avec le passé
Nations voisines considéraient encore la pratique comme
local. Contrairement aux artistes théans,
magique. Les ferronniers étaient phénoménaux et bien qui peignent souvent des scènes issues de
en avance sur leur temps. Le métal servait à créer armes mythologies anciennes, des portraits de
et matériel, mais surtout des bijoux, des outils et de nobles ou des représentations martiales, l’art
magnifiques objets d’art. Cependant, avant l’apparition aksoumite (en particulier celui présent sur
de la poudre à canon venue de l’étranger, on ignorait tout les murs des églises et des ruines) dépeint
régulièrement des gens ayant vécu à cet
de la fabrication d’armes à feu.
endroit même, affairés à telle ou telle tâche
Le plus souvent, les ferronniers d’Aksoum travaillent le d’importance historique.
cuivre et le laiton. Les parures les plus répandues à travers
l’empire sont les croix du Prophète en métal, qui ont petit Un célèbre aventurier archéologue a dit
à petit remplacé celles en bois, devenues populaires suite à « Un X ne marque jamais un emplacement, »
la conversion du pays. Le cuivre et le laiton sont toujours mais en Aksoum, un X artistiquement conçu
peut tout à fait servir d’indice. Que l’on
aussi populaires dans la confection de croix, mais les plus
recherche des pistes de l’influence des joks,
anciennes sont parfois faites d’or ou d’argent ; bien souvent, les cachettes des abonsams ou des passages
dans les fabrications les plus récentes, on n’a recours qu’à secrets ou oubliés, l’art local pourrait bien
la feuille d’or ou d’argent. fournir l’indice qui manque aux Héros.
Les croix du Prophète aksoumites possèdent souvent un
pied courbé (comme un bol renversé) appelé « bras du Passe-temps majeur en Aksoum, et pratiqué par les
Prophète, » monté sur une sphère que l’on peut facilement zxafis comme par les marchands, le tressage est également
tourner vers différentes directions. Les têtes sont plates, une forme d’art et de détente. Les paniers aux couleurs
dotées de décorations recherchées, détaillées et faites à vives, décorés de motifs complexes, servent de décoration
la main. Plus on approche des zones urbaines, plus il y a aux foyers des plus riches, tandis que les plus pauvres se
de détails sur les croix. Les artisans y gravent des mots et contentent de paniers solides et utiles.
leurs possesseurs les nettoient une fois par mois. Selon la rumeur, certains vanneurs savent fabriquer des
Les couronnes, autre centre d’attention des forgerons paniers en les tressant si fermement qu’ils peuvent ensuite
aksoumites, sont fabriquées pour la famille impériale, transporter de l’eau, voire capturer des esprits malfaisants.
les négus, les officiels nobles et le clergé supérieur. Elles Les plus gros paniers permettent de plus de transporter
possèdent une face haute avec deux bandes qui encerclent des personnes, si l’on s’en sert comme d’une cachette ou
la tête. Pour la famille impériale, le devant de la couronne pour dissimuler des gardes inconscients qui risqueraient
conserve encore l’image du soleil, tandis que les couronnes de trop attirer l’attention.
de l’Église sont dotées de longues croix et d’une petite
barre en métal pour en soutenir le poids. Sport
Les produits de la métallurgie aksoumite sont devenus Les Aksoumites prennent le sport très au sérieux depuis
une mode récente chez les nantis vodaccis, qui importent que la niguse negest Zaduxis lança les Jeux décimaux
des bols en cuivre et des gobelets gravés à grands frais. pendant l’âge de la Jubilation. Au cours de cette période
de paix sans précédent, les athlètes de tout l’empire se
Le tissage rendirent en Aksoum pour se mesurer les uns aux autres.
Le fait que l’Empire aksoumite ait assimilé différents Aucun sport ne définit l’empire, car chaque région
groupes ethniques, culturels et religieux a créé un vaste possède son propre jeu. Les montagnards de l’ouest
éventail de textiles ornés de décorations géométriques. s’entraînent avec assiduité au lancer de javelot, qui se
Même le tissage le plus simple est en réalité un problème révèle utile lors de la chasse. La capitale et les centres de
mathématique concret. L’Église ānidi hibiri tefet’iro commerce principaux, près de l’océan, sont passés maîtres
utilise ces techniques de tissage pour créer habits colorés, dans le kest, un jeu de société de stratégie et de logique
tentures, paniers et décorations murales. similaire au go, mais qui se joue sur un rectangle. Au
sud, près des frontières les enfants apprennent dès l’âge

122 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE

de quatre ans l’al fann nazaha wal tahtib (ou tahtib), un
style de combat au bâton. Un natif de Jekti, maître de ce
style de combat, pourrait aisément vaincre deux cavaliers
bien entraînés. Enfin, dans le centre de l’Aksoum, les
habitants pratiquent la course sur de longues distances
(une nécessité lorsqu’il s’agit d’envoyer un messager vers
d’autres cités). Tous les trois ans, chaque région organise
sa sélection des champions pendant quatre jours, en
préparation des Jeux décimaux.
Représenter sa région ou sa ville aux Jeux décimaux est
un grand honneur, et c’est aussi la preuve de sa maîtrise.
Un athlète ne concourt pas seulement pour démontrer
sa propre valeur, mais pour la fierté de son foyer et pour
devenir un modèle de ce que les femmes et les hommes
d’Aksoum sont capables d’accomplir. Une famille royale
qui accueillerait un dignitaire étranger pourrait l’emmener
voir les Jeux pour l’impressionner ou proposer un exutoire
social parfaitement représentatif de la culture aksoumite.
Si, à ce jour, personne n’a eu l’audace de perturber
les Jeux par le sabotage ou le meurtre, la pression sans
cesse grandissante qui pèse sur l’Empire aksoumite rend
les participants aux Jeux de plus en plus impitoyables.
Beaucoup d’incidents pourraient survenir : un athlète
retardé sur le chemin, une perturbation de l’évènement,
un cas de tricherie réalisé grâce à la sorcellerie, des paris
douteux influencés par les étrangers… Tout Héros qui
préserverait l’intégrité des Jeux face à pareilles menaces
s’attirerait sans aucun doute la faveur de l’empereur.
Éducation
L’empereur Tafari décréta que l’éducation serait
financée par l’empire et accessible à tous. Les racines
multiculturelles de l’Aksoum contribuent à une société
disposant d’une base solide faite d’artefacts culturels, de
culture générale et d’histoire. Selon Tafari, l’État avait
pour responsabilité première de préserver ces éléments et
de s’en servir pour construire le futur. Il en découle deux
avantages : la qualité de vie du peuple est plus élevée, et
l’Église ānidi hibiri tefet’iro dispose de revenus stables.
L’éducation a beau être publique, les zxafis ont rarement
le loisir de continuer leurs études au-delà d’un niveau
rudimentaire. Les enfants étant plus importants dans
les champs, ils doivent se contenter d’une éducation
désordonnée. Les vwies et les plus hauts membres
de la société, eux, tirent pleinement parti du système
d’éducation publique, considérant généralement cette
dernière comme une nécessité.
Les universités et les facultés sont toutes privées : il faut
une lettre de recommandation ainsi qu’une contribution
financière pour y être admis. Aucune loi n’interdit aux
zxafis de s’inscrire à l’université, mais ils auraient le plus
grand mal à remplir les conditions d’entrée. À ce jour,
seuls quatre zxafis ont déjà suivi des cours à l’université.
Une seule élève, une femme du nom d’Adina, obtint
son diplôme.
Les universités d’Aksoum, bien que similaires aux
centres d’apprentissage théans, ne traitent pas des mêmes
sujets d’étude. Bien sûr, les mathématiques occupent
une place importante, aux côtés de la littérature et de
l’histoire. Les étudiants de troisième cycle s’orientent vers
des études en ingénierie, en architecture, en politique,
en administration, en philosophie, en culture et, pour
certains, en sciences naturelles.
Religion
Peu de temps après l’arrivée en Aksoum de Khalil, le
deuxième Prophète, le culte des anciennes religions
pélagiques fit émerger des créatures pour le mettre
à l’épreuve. Toutes tombèrent face à lui, et les cultistes
jurèrent alors qu’il périrait de leurs mains. Leurs dieux
étant immortels, ils pouvaient se montrer patients : après
tout, le Prophète et les siens n’étaient que des mortels.
Khalil fut attaqué par sept assassins et mourut après sept
jours d’agonie (une période appelée « la Persistance » dans
la foi hibiri).
Au fil des siècles qui suivirent, la plupart des divi­nités
et religions idiosyncrasiques tombèrent en désuétude.
Désormais, la religion principale, que pratiquent plus de
deux tiers des Aksoumites, est celle de l’Église ānidi hibiri
tefet’iro. Ceci étant, des vestiges de ces cultes subsistent,
tapis dans l’ombre.
L’Église ānidi hibiri tefet’iro
L’Église ānidi hibiri tefet’iro (nature unique et unie
en ze’eg) est donc la religion dominante en Aksoum.
Lorsqu’ils sont sûrs qu’un membre du clergé ne les
entendra pas, les Aksoumites s’y réfèrent plus simplement
sous le nom d’Église hibiri. Ce raccourcissement du nom
n’est pas irrévérencieux à proprement parler, mais il est
moins digne et peut parfois faire hausser les sourcils.
La croyance première de l’hibiri est la suivante : les deux
premiers Prophètes (ainsi, peut-être, qu’un troisième et
un quatrième encore attendus) sont les incarnations d’une
seule et même âme, mue par un seul et même but.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 123

Chaque incarnation est un nouvel aspect de la
conscience du Prophète. Tous ceux qui lui succèdent sont
en fait la même personne. L’âme de l’unificateur lie tous
les Prophètes ensemble : peu importe la race, le genre ou
l’origine, car la qualité qui fait le Prophète est spirituelle
et non pas matérielle.
L’hibiri enseigne qu’à ce jour, seuls deux Prophètes ont
existé. Il est dit qu’un troisième et une quatrième Prophète
prendront forme humaine, un jour, dans le futur. L’Église
ānidi hibiri tefet’iro doit donc paver le chemin pour
son retour.
Le codex de l’hibiri, le yeberalachewini k’alati (aussi
connu sous le nom de Paroles éclairées ou encore Codex
hibiri) comporte deux parties. La première concerne les
enseignements du premier Prophète et concorde avec
le dogme de l’Église vaticine (avec seulement quelques
variations mineures). Si l’on en croit l’Église hibiri, sa
version du livre est la plus ancienne du monde connu.
La deuxième partie du texte, qui est aussi la plus
conséquente du codex, relate les enseignements, la
sagesse et les conseils personnels du deuxième Prophète.
Pendant la Persistance, le deuxième Prophète écrivit
l’Āmeshashu Git’imochi (les Poèmes du crépuscule).
Ces textes regroupent tous ses enseignements, des
prophéties d’évènements à venir, des messages codés
et cachés entre les lignes des poèmes que seuls les plus
dévots peuvent percer, ainsi que des avertissements
à l’attention de sa troisième incarnation. Nombre de
messages cachés et d’avertissements, ainsi que le nom
du troisième Prophète, ressemblent à des formules
incompréhensibles. Évidemment, en raison de l’aisance
naturelle des Aksoumites avec les mathématiques,
beaucoup ont essayé de déchiffrer ces codes, mais ceux
qui prétendent avoir réussi n’ont jamais su officiellement
prouver leurs dires.
L’Église hibiri entretient des rapports cordiaux avec
l’Église vaticine et l’al-dīn, mais elle n’en demeure pas
moins en opposition avec les principes de l’une et de
l’autre. De plus l’hibiri possède son propre hiérophante,
ses propres saints. Parmi ces derniers, beaucoup étaient
des prêtres laïcs qui rendirent d’immenses services au
peuple aksoumite. Ces institutions religieuses vivent dans
une entente cordiale. L’inquisition n’intervient pas dans
l’Empire aksoumite, l’Église vaticine considérant l’Église
ānidi hibiri tefet’iro comme une annexe nécessaire en Ifri
afin de faciliter le contact et les échanges.
124 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
LA MORT DU
DEUXIÈME PROPHÈTE
L’assassinat du deuxième Prophète ne
concorde pas avec la version enseignée
par les dīnistes (selon laquelle Khalil aurait
été assassiné par la princesse de Thaj). Les
deux versions d’accordent sur beaucoup de
points : la venue de Khalil, son fils Tafari qui
est devenu empereur, etc. Seules les circon-
stances de sa mort restent sujettes à débat
entre l’al-dīn et l’Église ānidi hibiri tefet’iro.
Les dīnistes croient que le deuxième Prophète
quitta l’Aksoum avant sa mort, donc que les
sept assassins ne parvinrent pas à tuer Khalil.
Les prêtres hibiri, eux, pensent que l’histoire
des dīnistes vient d’une tentative d’expliquer
l’absence d’un corps après la mort du Prophète
(il était facile de dire que son corps fut brûlé
pour expliquer à ses fidèles pourquoi il était
introuvable). Ils tirent la légitimité de leur foi
du fait que le corps de Khalil est enterré en
Aksoum, dans la cité de l’Alliance.
Les deux religions ne sont pas du même avis,
et les érudits qui étudient l’affaire ont trouvé
des preuves qui étayent les deux histoires…
au grand dam des deux groupes.
Le culte d’Ajuk
L’une des dernières religions indigènes persistant en
Aksoum est le culte d’Ajuk. Ce dernier est un dieu céleste
qui bénit les champs d’Aksoum en faisant pleuvoir et qui
encourage la croissance des cultures. Ses fidèles croient
toujours en son existence, pensant que les autres dieux se
sont éteints parce que son office à lui est autrement plus
utile et adéquat. Cette approche pragmatique et logique
de la religion convient bien à ses fidèles. Selon certains
membres de l’Église ānidi hibiri tefet’iro, Ajuk pourrait
n’être qu’une des énigmes de Théus. Dans tous les cas,
son peuple ne l’a pas oublié. Tous les ans, ses adorateurs
organisent des fêtes et des festivals dédiés aux cultures, et
continuent d’observer leurs traditions.
Ajuk possède encore des prêtres, les emurons, qui sont
les devins de la volonté du dieu céleste. Tous ces actes de
vénération semblent avoir eu l’effet escompté, car ses fidèles
sont épargnés par les inondations et, bizarrement, la pluie
a plus de chances de tomber sur les régions regroupant
beaucoup de croyants. Même les monastères semblent
n’avoir jamais de problèmes d’inondations ou de pluie.
 LA PERSISTANCE
Lorsque le deuxième Prophète fut assassiné,
il lui fallut sept jours pour mourir. Cette
période est appelée la Persistance. Durant
son observance, les prêtres et le clergé
jeûnent du lever au coucher du soleil en signe
d’humilité et de pardon pour le meurtre du
deuxième Prophète. On assiste à nombre
d’actes altruistes et charitables pendant ces
sept jours, les gens ayant pour consigne de
se montrer aimables et généreux envers tous
ceux qui croisent leur route. Ils espèrent
ainsi contrer le mal que fut la destruction du
Prophète de Théus.
Sorcellerie
Le Melbur
La forme de sorcellerie la plus tristement célèbre en
Aksoum est le Melbur, une forme de marché conclu
avec les démons qui, par bien des aspects, s’apparente
au Sanderis. Traditionnellement appelée dasusuo, ses
pratiquants sont généralement issus de la noblesse (même
si l’on dit, ici et là, que les sorcières de l’arrière-pays
pratiquent aussi cette forme de sorcellerie). Le pratiquant
du Melbur le plus célèbre, le dscah ru (traditionnellement
un conseiller de l’empereur), prend le risque de traiter
avec les abonsams pour le bien de l’empire. Ce poste étant
actuellement inoccupé, l’Aksoum recherche un maître de
l’art pour défendre l’empereur contre les abonsams hostiles,
et pour enseigner son art à la jeunesse.
L’affinité pour le Melbur se manifeste dès l’enfance, sous
la forme de voix murmurantes qui font des promesses
subtiles au sorcier (qui ne se doute alors de rien). Il est
fréquent qu’un abonsam se fasse «  l’ami imaginaire  »
d’un enfant et lui fasse passer des marchés anodins, par
exemple punir des petites brutes ou voler des jouets en
échange d’actes atroces, comme torturer des animaux de
compagnie ou brutaliser ses frères et sœurs. Étant donné
la corruption que ce genre de marché peut entraîner
chez les jeunes esprits, il est très important d’identifier
et d’entraîner le plus tôt possible tout enfant sensible
au Melbur.
Dans des circonstances normales, le dscah ru a sous
ses ordres d’autres sorciers qui ont pour mission de
trouver et d’entraîner ces enfants. Malheureusement, vu
l’état actuel des choses, les enfants dotés de ce talent ont
plus de chances de constituer une nouvelle génération
de Scélérats pouvant pactiser avec les démons sans
aucun scrupule.
Gouvernement
Le gouvernement de l’Empire aksoumite suit un schéma
pyramidal d’autorité et de hiérarchie administrative qui va
descendant vers les échelons inférieurs. À son sommet se
trouve le negusä nägäst, qui règne de droit divin sur le pays.
Les rôles militaires et administratifs les plus importants
échoient aux membres de la famille impériale car ils
descendent tous du deuxième Prophète. Leur proximité
avec le divin leur octroie donc une sagacité étendue qui les
rendent plus aptes à diriger (accessoirement, cela permet
également de s’assurer de leur loyauté).
Sous l’empereur et les nurgusts, on trouve les négus et les
niste nights qui règnent sur de larges fiefs et obéissent à
l’empereur, mais possèdent une autorité quasi absolue sur
leurs terres. La tradition veut que le statut d’un souverain
soit héréditaire, mais le negusä nägäst peut le révoquer
(au risque de déclencher une guerre civile). Chaque négus
dirige l’une des dix provinces de l’empire.
Chacune de ces provinces est divisée en worédas, ou
districts. Un district est a minima constitué d’une seule
ville et des fermes avoisinantes. Il est dirigé par un
gouverneur qui répond directement aux ordres d’un négus.
Traditionnellement, chaque négus nomme dix gouverneurs
dans sa province. Du fait de la taille et de la forme des
provinces, chaque gouverneur peut superviser plus d’un
woréda. Bien évidemment, cette situation est propice aux
machinations entre bureaucrates et nobles avides de pouvoir.
Au vu des évènements récents, certains gouverneurs ont
subi tant de déconvenues qu’il en a évidemment découlé
des luttes intestines. Au sein d’un district, on trouve les
qebelés, la plus petite unité qui consiste généralement en
une circonscription ou un quartier.
Les étrangers ouvrent généralement des yeux ronds
en voyant la taille de la structure administrative et le
nombre de redondances inhérentes au système. Les
conseils prennent des décisions à bas niveau qui
remontent l’échelon supérieur pour être autorisées. Une
fois cela fait, elles sont remises à un conseil plus grand,
puis à un maire, puis à un conseil de gouverneurs, puis
au négus de la province. Ainsi, résoudre les problèmes
de grande ampleur peut prendre un temps colossal, et
même les soucis de faible envergure peuvent s’enliser
dans les conflits territoriaux ou les disputes triviales
des bureaucrates. Cependant, avec un tel niveau de
supervision, le gouvernement parvient souvent à identifier
et à écraser les tentatives de sabotage du système créées
par des propositions toxiques ou la corruption.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 125

La cour impériale
Ederase
Si le negusä nägäst est trop jeune, infirme ou en
déplacement à l’étranger, l’ederase (régent) prend sa place. En
théorie, il possède autant de pouvoir que l’empereur, mais
en réalité, la popularité de l’ederase influence grandement
sa marge de manœuvre. Un ederase peu populaire verra
les nobles traîner les pieds et refuser d’obéir à ses ordres,
préférant attendre que l’empereur donne son aval ou le
remplace. Ainsi, l’ederase doit se faire bien voir (ou user de
chantage) en attente du jour où cela lui sera utile.
Dscah Ru
Le dscah ru est un conseiller du negusä nägäst ayant été
formé à l’art dangereux du Melbur. Le dscah ru invoque
et contrôle les abonsams, entreprise risquée s’il en est
puisqu’elle exige d’utiliser des entités démoniaques pour
servir l’empire. Pour l’instant, personne n’occupe ce rôle car
le précédent dscah ru, probablement tombé sous l’emprise
du Bonsam, a fui l’Aksoum. Depuis, ce poste est resté vacant.
Tsezafi taesas
Voici peut-être la situation la plus influente de toute
la cour impériale. Le tsezafi taesas (scribe impérial) ne
quitte jamais l’empereur d’une semelle car il lui faut
écouter et rédiger tous les édits proclamés. De plus, il a
la responsabilité de protéger le Grand sceau, de conserver
les procès-verbaux des réunions et de publier les lois et les
traités du pays. La signature du tsezafi taesas apparaît sur
tous les documents au lieu de celle de l’empereur.
Agge négus
Les agge négus (les bouches du roi) sont les hérauts de
l’empereur. Historiquement, il y en a toujours deux à la
fois, dans l’hypothèse où le negusä nägäst devrait envoyer
des messages à différents endroits, ou si l’un venait à être
capturé ou à mourir. La voix de l’empereur résonne par la
bouche d’un agge négus. C’est un poste prestigieux, mais pas
nécessairement influent. Les deux agge négus actuels étant à
l’étranger, l’empereur en a nommé un temporaire à leur place.
Lique mekwas
Chaque negusä nägäst possède trois ou quatre lique
mekwas (doubles de l’empereur) qui lui servent de sosies
et qui vont à la guerre avec lui. C’est le poste le plus digne
de confiance de l’empire. Depuis l’assassinat du deuxième
Prophète, il n’a jamais été vacant.
126 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
QUELQUES NOTABLES DE
LA COUR IMPÉRIALE
Nebiat dirige actuellement le Skia, la police secrète
aksoumite. Nebiat semble tout à fait loyal à l’em-
pire, mais on ignore ses véritables motivations. Il a
l’habitude de s’en remettre au negusä nägäst et feint
d’ignorer toute opération louche, quand bien même il
possède énormément d’informations sur de nombreux
nobles à travers le pays (et même au-delà). L’empereur
a beau placer en lui une confiance aveugle, personne
ne sait si la loyauté de Nebiat est absolue ou s’il
peut faire chanter son souverain en le menaçant de
le destituer.
Mazaa est une femme en apparence joyeuse, de petite
taille et aux manières pleines d’entrain. Personne
ne s’imaginerait que la jeune femme est un puits
d’informations, y compris Nebiat. Son apparence
extérieure et sa naïveté sans bornes font qu’on la
néglige souvent, alors qu’elle est aussi dangereuse
qu’une vipère. Capable de soutirer des renseignements
à des personnes qui seraient sur leurs gardes en temps
normal, Mazaa est loyale envers le negusä nägäst, et
c’est une amie proche de la le’elt Mehret.
L’ederase actuel, Habte, est plus âgé que l’empereur. Il
n’a toujours pas trouvé de remplaçant. On le trouve
souvent en pleine sieste dans les jardins du palais.
Ses services n’étant pas requis pour le moment, les
officiels voient en lui un simple habitant du palais. Les
politiciens rusés, eux, savent qu’il connaît l’empereur
et sa famille jusque dans les moindres détails, puisqu’il
pourrait à tout moment être appelé à s’occuper de leur
bien-être et à prendre leur place.
L’un des blattas, Atrua, est possédé par un jok. Ce
dernier surveille la famille impériale et s’assure qu’elle
mérite de recevoir une nouvelle forme de calcul divina-
toire. Il y a peu de chances qu’on découvre son secret,
à moins qu’un abonsam renégat ne croise sa route.
Puisque l’empereur ne possède actuellement aucun
dscah ru pour s’occuper des abonsams, la probabilité
est plutôt élevée qu’un d’entre eux s’infiltre dans le
palais sans être détecté. Grâce à ses pouvoirs sacrés,
le jok pourrait facilement bannir la créature, mais il
devrait alors révéler sa véritable nature. En attendant,
Atrua se contente d’observer, dans l’attente que la
bonne personne subvienne aux besoins de l’empire et
se montre digne du nouveau calcul.
Aqabe se’at Armée
L’on nomme toujours à ce poste un membre de l’Église L’armée et la monarchie vont de pair, le negusä nägäst
ānidi hibiri tefet’iro. L’aqabe se’at (le gardien du temps) étant commandant en chef des armées. Il est fréquent
tient à jour l’emploi du temps de l’empereur et a toute que le negusä nägäst délègue en partie ou complètement
autorité sur le reste du clergé de la cour impériale. son commandement à un proche (obligatoirement un
membre de la famille impériale). Le contrôle direct de
Blattageta l’armée et des troupes augmente la force et la sécurité
Le blattageta (le seigneur des pages) dirige les blattas (les de la famille impériale. Le negusä nägäst choisit de plus
pages), qui subviennent aux besoins de la famille impériale ou moins superviser l’armée en fonction de ses propres
et font respecter le protocole palatial instauré par le prédilections en tant qu’empereur. L’actuel, par exemple,
blattageta. Même si les pages ne sont pas des guerriers, ils garde un œil vigilant sur l’armée en raison de la position
possèdent l’autorité d’expulser quiconque cause des ennuis, instable de l’Aksoum.
se comporte de façon vulgaire, ou viole le protocole de Le negusä nägäst a beau être le commandant suprême
toute autre façon que ce soit. de l’armée, chaque sarawit (régiment) obéit à un négus
et porte le nom de son district d’origine. Un sarawit se
Monnaie compose de davantage de sous-unités par groupes de dix,
Sous le règne de la niguse negest Zaduxis, l’Aksoum se jusqu’aux unités de dix hommes qu’on envoie en avant-
mit à battre sa propre monnaie. L’Empire aksoumite n’était garde, dans le corps principal, sur le flanc gauche ou droit,
certes pas la première Nation à utiliser du métal pour ses ou à l’arrière-garde en fonction des besoins. D’un point
pièces, mais ce fut la première d’Ifri à le faire. Tout en de vue organisationnel, cela permet aux gouverneurs
faisant l’apologie du commerce, les pièces servirent de locaux de faire appel à de petites troupes armées en cas de
propagande : le visage de la niguse negest était frappé sur besoin. Mais gare au gouverneur ou au négus qui oserait
chaque pièce, regard tourné vers la droite, accompagné se servir de l’armée en allant à l’encontre des souhaits du
d’une tige de céréales et des mots «  La puissance à negusä nägäst.
l’empire ». Finalement, on ajouta aux pièces le symbole L’armée va de la cavalerie à dos d’éléphants de guerre (non
d’un disque pour représenter un croissant, qui fut plus seulement parce que les chevaux sont rares dans le pays,
tard remplacé par une croix sur l’autre côté lorsque mais aussi parce qu’un seul éléphant de guerre est capable
l’Aksoum épousa la doctrine de l’Église ānidi hibiri de piétiner des hordes de soldats ennemis) à la piétaille
tefet’iro. armée de lances et de shotels. Avant l’avènement des armes
Le gouvernement bat des pièces en or, en argent et à feu, les archers aksoumites entretenaient la légende de
en bronze, les pièces d’or étant les plus lourdes (et les leur précision mortelle. Connus sous le nom d’archers
plus petites). La tige de céréale n’apparaît pas sur les alhidafs, ils maîtrisent un art de la guerre sur le déclin qui
pièces d’argent et de bronze. Le gouvernement fait très ne constitue qu’à peine plus de cinq pour cent de l’armée
attention à la qualité de la monnaie et fait disparaître de actuelle. Les officiers de l’armée savent très bien que
la circulation toute pièce de piètre qualité. l’Empire aksoumite ne dispose pas des fonds nécessaires
On utilise les pièces d’or pour le commerce extérieur, pour équiper une armée entière d’armes à feu. Pour pallier
principalement pour augmenter la réputation et la ce problème, ils font passer des entraînements rigoureux à
force apparente de l’Aksoum. Les villages de campagnes leurs troupes et mettent l’accent sur la supériorité tactique
n’utilisent que rarement la monnaie, préférant s’en et opérationnelle via les renseignements, la planification
remettre au troc. On trouve plus facilement les espèces et la vitesse.
sonnantes et trébuchantes dans les grandes villes, surtout La marine aksoumite est quant à elle une terrible force
dans les zones commerciales et portuaires. de combat qui demeure invaincue dans ses eaux. Elle doit
cette prouesse à son utilisation des « Rochers des joks » qui,
éparpillés au fond de l’océan, broient la coque des navires
envahisseurs. Cela explique pourquoi l’Aksoum pratique
encore l’art ancien du jegri, qui consiste à lier les planches
de bois solidement entre elles avec des cordes à nœuds.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 127


Parmi les grades militaires de la noblesse, on trouve :
• dejazmach  : commandant des forces armées,
souvent un membre âgé de la famille impériale ;
• fitawrari  : commandant de l’avant-garde, en
général, c’est le cadet d’un négus ;
• grazmach  : commandant de l’aile gauche des
troupes ;
• qegnazmach : commandant de l’aile droite des
troupes ;
• balambaras : grade désignant un noble qui dirige
des troupes ;
• azmach : commandant de l’arrière-garde : c’est
aussi le ministre le plus digne de confiance.
Parmi les grades des militaires non nobles, on trouve :
• shaqela  : commande à mille soldats, peut
promouvoir des hommes sur le champ de bataille
à n’importe quel grade ;
• shabell  : commande à deux cent cinquante
soldats, peut promouvoir des hommes sur le
champ de bataille au grade de lla azima alea ;
• metoliq  : commandant pilier de l’armée,
commande à 100 soldats ;
• amsa eleg : dirige vingt soldats (ce grade s’obtient
rarement lors d’une promotion sur le champ de
bataille) ;
• lla azima alea : dirige dix soldats. Il s’agit du
grade de commandement le plus bas. Les
promotions sur le champ de bataille à ce
grade sont courantes. C’est le plus haut grade
atteignable pour un zxafi (à moins d’un
extraordinaire coup du destin).
128 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
LES ARMOIRIES
IMPÉRIALES
D’AKSOUM
Les armoiries de la famille impériale la relient
au deuxième Prophète. Le blason, gravé dans
la pierre à même le sol de la grande salle du
palais impérial, est également présent sur les
drapeaux cramoisis de l’empereur à travers
le pays. Il représente un trône de pierre avec
des anges de chaque côté du souverain assis.
L’ange de droite porte une lance et un shotel
(un genre d’épée) ; celui de gauche porte un
livre et une balance. Chacun représente un
aspect du souverain divin. Le haut du trône
se transforme en une immense croix. Au pied
du trône, un lion féroce attend les ordres de
l’empereur.
Le Skia
Le Skia est une ancienne société secrète créée par Asmach
Gelila suite à l’assassinat du deuxième Prophète. Elle
pensait que l’Empire aksoumite devait se protéger de
toute menace et que, parfois, cette protection devrait
revêtir la forme d’une main libre et sans entraves. Elle
en parla à l’empereur Tafari, fils de Khalil, pour qu’il
accepte la création de la société et lui octroie une autorité
suprême. Un membre du Skia possède un très haut niveau
d’influence, mais s’en servir révèle la société au grand jour
et réduit ses chances d’opérer dans l’ombre. Il utilise
donc plutôt son vaste réseau d’influence, d’argent et de
compétences divinatoires pour déplacer des pions dans le
jeu des Nations. Il ne s’emparera que rarement de l’épée
et de la lance.
Asmach Gelila créa le Skia avec dix-huit membres,
suivant la croyance numérologique selon laquelle le
dix-huit est un nombre puissant et porteur de chance.
Lorsque les membres meurent ou prennent leur retraite,
ils sont prestement et discrètement remplacés par des
agents compétents. Quatre des membres actuels perdirent
la vie en défendant le Tombeau des traîtres face à Rada,
l’ancien dscah ru. Le Skia doit désormais renouveler
ses rangs pour accomplir son devoir. Cela signifie que
ses ressources sont rares, car ses agents doivent à la
fois déjouer les plans des ennemis tout en cherchant de
nouvelles recrues.
Les membres du Skia baignent dans les informations
secrètes : ils sont au courant des problèmes surnaturels
qui affligent le Khémet et le Royaume de Mbey, et
pensent qu’il faut absolument faire front commun face
aux ténèbres imminentes. Le but actuel du Skia est de
pérenniser la paix récemment instaurée avec la Kurufaba Noms aksoumites
mandéniane. Les forces du Skia sont surexploitées et la L’Aksoum possède ses propres règles lorsqu’il s’agit de
société pourrait à tout moment être dévoilée au grand jour. donner un nom à quelqu’un, même si après la conversion
Si un ennemi venait à perturber le mariage qui scelle la de l’empire, les habitants se mirent à utiliser des noms
paix entre les deux Nations, le Skia devra obligatoirement très en vogue dans les cultures vaticine et croissantine.
abattre son jeu et se dévoiler. Peut-être l’un de ses Les noms de famille sont rares mais depuis peu, les
membres trouvera-t-il un Héros pour agir à sa place… Aksoumites se mettent à créer les leurs. La coutume
habituelle est d’utiliser le prénom du père comme nom
Zukic’ shok, la Garde impériale de famille. Les Aksoumites n’utilisent jamais le nom de
Ces vingt soldats, choisis au tout début de leur famille (qu’il s’agisse de celui du père ou d’un nom inventé)
entraînement, viennent de tous les milieux. Le groupe pour s’adresser à quelqu’un. On ne trouve ces patronymes
s’entraîne en tant qu’unité pour protéger la famille que dans les contrats et les lettres. Chaque nom aksoumite
impériale et servir le trône. Il est divisé en plusieurs styles possède un sens particulier et son porteur en voit souvent
de combat différents, avec une attention particulière sa perception du monde influencée.
portée à la lance et à l’épée (ainsi, maintenant, qu’aux
armes à feu), chaque groupe possédant un nombre de Prénoms masculins
membres égal aux autres. Abal (Serviteur du roi), Amir (Fort), Biruh (Lumineux),
Un zukic’ shok accomplit son devoir cinq ans durant. Caleb (Homme fidèle), Dawit (Bien-aimé), Eezkis (Théus
Lorsqu’on l’en libère, il peut alors se consacrer à la carrière est ma force), Frew (Semence), Hassan (Premier né),
de son choix en remerciement pour son service et sa Jember (Coucher du soleil), Lake (Homme sain), Medr
loyauté. La courte durée du service permet de ménager (Stupéfait), Melaku (l’Ange), Rada (Lui qui aidera),
les troupes et sert d’inspiration aux soldats qui voudraient Samuel (Théus a entendu), Sefu (Épée), Tamrat (Miracle)
rejoindre la Garde ; en retour, lorsque ceux-ci prennent
du galon, leur histoire fait la propagande de la Garde à Prénoms féminins
travers l’empire. Abaynesh (Pareille au Berbera), Addis (Nouvelle),
Il y a toujours deux zukic’ shok aux côtés du negusä Bedelwa (Avec sa chance), Desta ( Joie), Eddel (Destinée),
nägäst : l’un maîtrise la lance et l’épée, l’autre est un fin Emku (Perle), Hamelmal (Matrice), Heran (Héroïne),
tireur armé de plusieurs pistolets à silex. Konjit (Beauté), Mare (Mon miel/cœur), Ruth
(Compagne), Safia (Pure et sage), Tarik (A une histoire
à raconter), Worknesh (Tu es d’or), Yodit (Femme du
deuxième Prophète), Zahera (Fleur)

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 129

 Lieux notables
La cité d’Aksoum
La capitale de l’Empire aksoumite est à cinq jours
de voyage de la ville portuaire (et l’ancienne capitale)
d’Addis Addus, sur une route à six voies faite d’or. Après
la mort du deuxième Prophète, des moines et des artisans
entamèrent la création d’une mosaïque détaillée le long de
la route, travaillant nuit et jour sur ce récit en constante
progression. Leur œuvre se perpétue depuis des siècles, le
niveau de détail étant si parfait que plusieurs générations
n’ont toujours pas terminé ce travail aussi lent qu’incessant.
Ni la persuasion, ni le marchandage, ni même la torture
ne peuvent obliger les artistes à révéler ce qui se passera
lorsque l’histoire qu’ils ont vue dans leur esprit sera
terminée. Au lieu de ça, tout l’empire les regarde et attend,
s’émerveillant devant leur travail.
Aksoum fut construite sur une pente douce qui s’élève
vers le nord-est de la ville. Elle est entourée de trois
collines plates et recouvertes d’arbres qui forment un
bouclier de granit défensif. Plusieurs petits abris pour
l’armée sont cachés au milieu des arbres, principalement
gérés par les archers alhidafs et les coursiers pour
avertir la ville de toute invasion. Le cours du Mej Rejji
s’écoule depuis les hauteurs des collines dans la ville : le
ruissellement de cet affluent du Berbera alimente un grand
bassin creusé au pied d’une des collines. Une série de
marches taillées à même la roche permet aux Aksoumites
d’y accéder facilement.
Pensée dès ses origines comme une métropole, la plupart
de ses bâtiments se trouvent dans la moitié ouest et
130 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
composent les trois quarts de la ville. Ils sont aussi les
plus éloignés du seul point d’entrée de la capitale, qui
consiste en une ouverture dans la barrière protectrice de
ses montagnes. Le plus grand édifice est le palais impérial,
de forme carrée, dont l’élément central est son pavillon.
Les statues des anciens empereurs bordent l’escalier
y menant. Les maisons des nobles partent du palais et
chaque classe sociale s’enfonce vers l’extérieur en spirales,
les plus basses formant une barrière de protection contre
quiconque s’approche de la ville. Les maisons sont de style
pavillonnaire, dotées de cours intérieures et de niveaux
extérieurs au bâtiment qui offrent une meilleure intimité
et une plus grande sécurité.
Pour atteindre le palais, il faut d’abord traverser la cité
entière. Pour ce faire, on passe en premier par la porte
gardée du seul point d’entrée de la ville, puis l’on se dirige
à travers la place du marché de la partie est de la ville. Il
suffit alors de remonter le long des maisons des paysans,
des marchands, de l’église et de la royauté jusqu’à, enfin,
atteindre le palais impérial.
Aksoum dispose de peu de constructions fortifiées, le
pays lui-même servant de forteresse naturelle en raison de
son emplacement éloigné, de ses murs rocailleux et de son
armée qui connaît bien les terres. La ville est encerclée de
cimetières où se côtoient des tombes en granit de tailles
différentes et ornées de gravures détaillées. Plus loin
encore, on trouve des champs de stèles qui indiquent les
fosses communes des zxafis. À l’est de la ville se trouvent
trois églises magnifiques. Au sud, un groupe de stèles
décorées de motifs de couleurs vives marque le cimetière
impérial ainsi que la nécropole principale.
Les bâtiments sociaux et municipaux longent les parois
de la montagne en un cercle de plusieurs niveaux autour de
la ville. Des escaliers ont été sculptés dans la roche jusqu’à
chaque bureau. En se promenant dans les rues d’Aksoum,
on peut observer le travail de générations d’artistes sur les
édifices sous la forme de peintures religieuses aux couleurs
châtoyantes. Des eaux-fortes sont même en vente sur la
place du marché. Des chants de louanges emplissent les
rues et la délicate fragrance des épices embaume l’air. La
ville ne dort jamais : même au cœur de la nuit, les gens
déplacent des marchandises sous la lumière des lampes,
tandis que les marchands arrivent avant l’aube avec de
nouveaux produits.
Nombre d’unités militaires patrouillent la cité pour
assurer sa protection. Les deux monuments qui sont
toujours visibles en ville, peu importe l’endroit où l’on se
trouve, sont le palais impérial et l’Obélisque d’Aksoum.
Accroches scénaristiques :
• Le plan d’ensemble utilisé pour construire la
gigantesque mosaïque a disparu. On soupçonne
le Sorcier noir, ou bien un sinistre pirate fluvial
dont les bateaux ont coulé récemment, voire une
noble khémétienne qui voue une dangereuse
obsession à l’art.
• Le mansa de la Kurufaba mandéniance et sa suite
de huit mille serviteurs et domestiques arrivent
en ville pour rencontrer l’empereur. Les Héros
se rendent compte qu’un des domestiques est un
assassin. Travaille-t-il seul ou y en a-t-il d’autres
parmi le cortège ?
• Les Héros découvrent un wagon plein d’explosif à
un endroit qui bloque l’entrée de la ville. Cela fait
visiblement partie d’une abominable conspiration.
Pourtant, il ne semble y avoir personne alentour.
Qui pourrait se cacher derrière tout ça  ?
Essayaient-ils d’empêcher quelqu’un d’entrer, ou
de piéger les gens à l’intérieur ?
L’Obélisque d’Aksoum
Cette stèle ressemblant à du granit réside au centre de la cité
d’Aksoum. Ce monument, véritable miracle architectural,
fut créé par l’empereur Tafari pendant la Persistance du
deuxième Prophète. Tafari, passé maître dans l’art du
Melbur, passa en revue les nombres de l’univers et se mit
à pousser une sourde mélopée, semblable à une chanson.
Sa main bougeait en même temps qu’il changeait de ton et
ajustait sa voix. En réponse à ses calculs, l’univers lui-même
sembla se scinder, et de l’éther émergèrent quarante
abonsams qui accomplirent sa volonté. Tandis qu’ils
travaillaient en parfait unisson, les Aksoumites observaient
la scène avec émerveillement. Personne n’était capable
d’invoquer autant d’abonsams à la fois, encore moins de
les contrôler aussi facilement. En une heure de temps, la
main-d’œuvre abonsam avait accompli sa tâche.
L’Obélisque d’Aksoum est orné de trois fausses portes
à son pied. Sur chaque côté, on trouve des fenêtres
décoratives et les paroles du Prophète gravées. Le sommet
du monolithe est doté d’une base semi-circulaire d’environ
trois mètres de diamètre, avec des cadres en fer de chaque
côté cardinal. Lorsqu’on lui demanda pourquoi la stèle se
terminait par un autel, l’empereur Tafari se contenta de
sourire et répondit à son peuple d’avoir la foi, car tout lui
paraîtrait clair en temps et en heure.
Au IXe siècle, un couple de chasseurs de reliques, Esra
et Gorfu, offrit un hexagone de métal large d’un mètre et
demi à l’impératrice Ozoro afin qu’elle bénisse leur union.
Ozoro avait étudié les anciennes stèles dispersées à travers
l’empire et sur l’une d’elles, au nord dans les montagnes,
elle avait déchiffré des symboles qui représentaient un
objet semblable. La nuit même, elle ordonna au Zukic’
shok de le placer au sommet de l’Obélisque d’Aksoum.
Ceci fait, une forte pluie se déclencha et tomba pendant
les trois jours qui suivirent. Lorsqu’enfin elle s’arrêta, un
éclair vint frapper l’Obélisque.
Au XIVe siècle, une invasion de la ville par des abonsams
perturba la célébration des Jeux décimaux. L’empereur pria
que ses forces aient le temps de s’unir. Une vague d’énergie
jaillit de l’Obélisque, détruisant une vague de créatures
et faisant hésiter les autres. Cela offrit suffisamment de
temps aux forces aksoumites pour repousser l’attaque. La
nuit même, la pluie revint et dura trois jours : lorsqu’elle
se dissipa, un éclair vint frapper l’Obélisque d’Aksoum.
Le granit est encore tiède au toucher et l’odeur de l’air
ionisé est perceptible tout autour du monument dédié au
deuxième Prophète.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 131
 Le Tombeau des traîtres
Sur une petite colline à quatre kilomètres de la cité
d’Aksoum se trouve le Tombeau des traîtres, encerclé
par les monts dentelés d’Awowa. Là reposent les sept
assassins qui prirent la vie de Khalil, le deuxième
Prophète. Les étrangers qui viennent en Aksoum
demandent toujours pourquoi le Tombeau est si proche
de la ville. Pourquoi le mettre en évidence aux yeux
de tous ? Ne devrait-il pas être caché ? Mieux encore,
n’aurait-il pas fallu jeter le corps des assassins dans une
fosse anonyme ? Les Aksoumites expliquent alors aux
étrangers que « contrairement à la Vodacce, nous ne
laissons pas les bassesses perdurer. Ce tombeau sert de
rappel à tous. Il s’agit, en quelque sorte, d’un monument
à la gloire du deuxième Prophète. »
Si l’on l’examine de plus près, on se rend compte que le
Tombeau des traîtres possède plusieurs portes de chaque
côté, toutes fermées par une serrure en pierre, et sans
autre entrée visible. Aucun crochet ni aucune clé ne peut
ouvrir ces fausses portes, parfaitement taillées dans la
pierre. Ces pierres, aux formes irrégulières et qui suffisent
à verrouiller le Tombeau, semblent ne présenter aucune
faiblesse aux jointures. La précision de ces dernières est
sans égal dans toute l’Aksoum. Quant à la pierre marbrée,
elle ne semble pas avoir subi les ravages du temps et n’a
pas changé depuis sa construction.
Bien que personne n’en a jamais vu l’intérieur, l’un des
architectes a jadis déclaré que le tombeau se compose
d’une chambre avec sept pièces. Dans chaque pièce, un
assassin repose sur une dalle de pierre. Au centre de la
chambre, on trouve une croix en pierre d’un mètre quatre-
vingts, ainsi que sept pièces aksoumites en argent. Sept
torches éternelles éclairent en permanence l’intérieur
du tombeau.
D’après la rumeur, les sept assassins vivent encore à
l’intérieur du tombeau, sous l’emprise d’une malédiction
les ayant réduits à une semi-vie. Les jours saints, les
villageois jurent entendre des cris étouffés suppliant
d’être libérés ou des hurlements d’agonie. Personne ne
peut ouvrir le tombeau, aucune force au monde ne peut
l’ébranler et il est impossible de le faire brûler..
132 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
De Gaz Ruz
Autrefois, la cité fortifiée de De Gaz Ruz était un bastion
de l’Église ānidi hibiri tefet’iro, ainsi que le lieu le plus
aisément défendable de la région grâce à ses centaines
de canons et à ses murs de pierre et de métal. Il s’agit de
l’une des huit grandes villes commerciales d’Ifri, un port
bourdonnant d’activité qui possède plus de trente églises
et autels destinés au culte.
De Gaz Ruz est désormais devenue une épine dans le
pied de l’empereur, mais il préfère l’ignorer puisque ses
habitants continuent de payer leurs impôts et de soutenir
les décrets impériaux. Il y a neuf ans, l’évêque de la ville
a été évincé par un coup d’État secret de la guilde des
marchands (en raison des lourdes taxes qu’ils payaient
pour leurs commerces). Ce coup d’État se déroula sans
effusion de sang, et si vite que la nouvelle ne se propagea
pas avant des semaines. L’empereur l’apprit lorsque le
nouveau gouverneur, escorté de trois membres de la
Guilde des foreurs, vint prêter serment d’allégeance à
l’empereur.
Personne ne sait exactement ce qui se passa dans la
salle du trône ce jour-là. Certains pensent qu’à cause de
la guerre contre la Kurufaba manédiane, il n’y avait pas
suffisamment de ressources pour s’attaquer à un centre du
commerce aussi lourdement fortifié. D’autres pensent que
cela faisait partie du plan de l’empereur depuis le début.
Quoi qu’il en soit, De Gaz Ruz est la seule ville d’Aksoum
à ne pas être dirigée par la noblesse.
Sous la houlette de la guilde, la ville se concentre
désormais sur l’argent, peu importe les transactions ou leur
coût. Pour les affaires louches, la racaille et les négociants
douteux, la ville est le joyau d’Ifri. On trouve de tout à De
Gaz Ruz, mais mieux vaut surveiller ses arrières.
Vu la quantité de gens, d’or et d’influence qui transitent
par la ville, De Gaz Ruz se tient en première ligne de
n’importe quelle guerre : c’est par elle qu’il faudra passer
avant d’envahir l’intérieur des terres aksoumites.
Accroches scénaristiques :
• Une femme très riche vient d’arriver en ville. Tous
les jours, elle envoie ses sénéchaux acheter et
soudoyer marchands, mercenaires et mendiants.
Selon certains, elle mettrait sur pied une armée ;
selon d’autres, elle en démantèlerait une.
 • Un nouveau culte étrange est apparu à De Gaz
Ruz et prétend vénérer une déesse de la monnaie.
Quiconque entend cette rumeur se contente d’un
soufflement railleur : ce genre de blasphèmes et
d’hérésies n’ont pas cours en Aksoum. D’autres
se frottent des pièces d’or sur les lèvres et
détournent le regard.
Domo De Melbur
Domo de Melbur se trouve sur une montagne aux versants
abrupts et au sommet plat, et a subi d’innombrables
changements au cours des derniers siècles. Au départ, elle
n’était guère plus qu’un rassemblement de huttes délabrées
abritant des pratiquants du Melbur. Désormais, les huttes
sont devenues des monastères tentaculaires et immenses
aux murs d’ivoire et de pierre.
Cet endroit fut délibérément choisi par l’empereur de
jadis en raison de ses positions défensives et du fait qu’on enseignements des anciennes religions. Plutôt que de
puisse y faire pousser des cultures, ce qui en fait un lieu laisser une abomination quelconque offrir l’Aksoum sur
autonome et isolé. Lors de l’âge de la Jubilation, alors que un plateau d’argent au Bonsam, les moines enseignent à
la couronne était double, l’empereur Yonatan eut peur que
les pactes conclus avec les abonsams puissent conduire
le pays à la catastrophe. Par prudence, il fit migrer les
dasusuos dans cet endroit reculé et plaça une escouade
permanente de soldats au pied de la montagne. Ils avaient
deux ordres : ne laisser monter ou descendre que celles
et ceux en possession d’une autorisation officielle, et tuer Accroches scénaristiques :
tout abonsam qui voudrait s’échapper. L’escouade existe
encore aujourd’hui.
Puisque les nobles se rendaient de plus en plus
nombreux au monastère pour y maîtriser le Melbur,
les simples bâtiments rustiques furent remplacés pour
leur permettre de vivre dans un minimum de confort
(même si l’importance accordée à la méditation par
le moine supérieur ne laissait pas le temps pour de
quelconques distractions). Si les édifices d’ivoire et de
pierre rivalisent sans peine avec le confort du château d’un
négus, l’enseignement du Melbur, lui, a lieu dans la zone
avoisinante où les Aksoumites de sang royal endurent des
heures et des heures de méditation silencieuse au contact
de la nature qui les entoure. Plus d’un jeune noble a vu
sa santé péricliter après avoir passé douze heures de
contemplation sous une pluie glaçante et l’œil vigilant du
moine supérieur.
Un Aksoumite doté du don du Melbur se rend à Domo
de Melbur lorsqu’il est encore jeune, généralement entre
douze et dix-huit ans, pour y développer ses capacités. Il
apprend à résister à la corruption qu’engendre le fait de
côtoyer les abonsams et, ces derniers siècles, à comprendre
les rites que l’Église ānidi hibiri tefet’iro effectue pour
accomplir des exorcismes. S’il est interdit de vénérer un
abonsam, l’on enseigne l’art sacré du Melbur avec une
vigilance et une retenue suprêmes.
Le monastère est toujours administré par un moine
supérieur passé maître dans l’art du Melbur ainsi que
douze autres moines à des niveaux de maîtrise différents.
La répartition des sexes chez les moines est égale entre les
hommes et les femmes.
Nombre de gens se demandent pourquoi les sorciers
sont autorisés à pratiquer leur art. Selon la rumeur, tous
les empereurs se savaient incapables d’éradiquer les
leurs élèves à résister à la corruption, ou à la contrôler. Le
décret impérial précise bien qu’il faut surveiller les moines
et tous ceux qui viennent solliciter leurs enseignements…
en les forçant à rester isolés, sous l’œil de soldats toujours
prêts à frapper.
• Un garde mal en point a besoin d’aide. Toute sa
troupe a été décimée par des abonsams. Il est le
seul rescapé. En arrivant à Domo de Melbur, la
petite escouade de soldats est bel et bien là. Ils
affirment que leur camarade est un déserteur
devenu fou ; lui soutient que ce sont les esprits
déguisés.
• Les moines de Domo de Melbur pensent qu’un
danger venu du Royaume de Mbey a pénétré
l’Empire aksoumite. Ils veulent la permission
de quitter le monastère pour traquer cette
corruption. L’empereur accepte, à la condition
que les Héros les accompagnent pour garantir la
sécurité du peuple.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 133
 La Chambre des merveilles
Le secret des stèles n’est connu que du negusä nägäst.
Cette connaissance lui vient du sika’dwa, devenu un recueil
du savoir de tous les souverains l’ayant précédé et qui lie
le dirigeant actuel à la Chambre des merveilles. À ce jour,
aucun ancien souverain n’a jamais parlé de la Chambre
des merveilles, comme si tout son savoir le quittait dès
le moment où il arrête de régner sur l’Empire aksoumite.
À l’intérieur de la Chambre se trouve une carte de
l’Aksoum avec l’emplacement de chaque stèle et les sites
pouvant en accueillir de nouvelles. Ces connaissances
et la carte furent offertes par les jokz pour des raisons
inconnues. Chaque stèle joue le rôle d’un interrupteur et
d’un signal rechargeable d’énergie tellurique, permettant à
l’empereur de les contrôler. Chaque nouvelle stèle agrandit
la « machine » et augmente ses capacités.
Les symboles géométriques changent en fonction de la
stèle et représentent ses capacités. L’empereur peut contrôler
n’importe quelle stèle depuis la Chambre des merveilles. Faire
fonctionner le tableau des stèles demande de maîtriser le
calcul infinitésimal pour prévoir le flot des énergies telluriques.
The geometric symbols vary for each stela and represent
its capacity. The emperor can control every stela from the
Chamber of Wonder. Operating the stela board requires a
mastery of calculus to predicting the flow of telluric energies.
Accroches scénaristiques :
• Rada, le Sorcier noir, s’est infiltré dans la
Chambre des merveilles et a dérobé la carte
des stèles. Avec elle, il compte bâtir ses propres
stèles. Le Zukic’ shok contacte les Héros et leur
demande de récupérer ou de détruire la carte.
• L’un des Héros fait des rêves étranges à propos
d’une pièce mystérieuse pleine de cartes et de
stèles. Dans ses rêves, il déplace l’une des stèles.
Au matin, il semblerait que le Zukic’ shok et
l’empereur le recherchent.
• Un messager impérial se fait accoster par une bête
étrange (un kishi par exemple) au moment où les
Héros se trouvent dans les parages. Le messager
possède une copie de la carte de la Chambre des
merveilles. Il est en chemin pour rejoindre Niyyat
Senai mais refuse de l’avouer aux Héros et leur
dit qu’il est en mission pour l’empereur. Quelques
minutes après les avoir remerciés et s’être remis en
chemin, des gardes de l’empereur débarquent, à la
recherche du messager…
134 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
La cité de l’Alliance
La ville la plus sainte de toutes est la cité de l’Alliance.
Beaucoup de pèlerins font le voyage jusque-là pour y
prier, mais seuls les plus fervents fidèles peuvent y entrer :
un pèlerin aura beau avoir voyagé sur des milliers de
kilomètres, il pourra pénétrer dans la cité si sa foi ne le
lui permet pas.
Quiconque s’approche à moins de huit kilomètres se sent
peu à peu envahi par une sensation d’émerveillement. La
petite cité ne dispose que de quelques habitants. Ils sont
tous membres du monastère et ce sont tous les protecteurs
de la ville. Leurs journées consistent à prier, à s’entraîner
et à méditer sur l’existence de l’humanité. Au centre de la
ville se dresse l’église de l’Alliance, en forme de dôme, dotée
de trois bâtiments taillés à même la roche. À l’intérieur
sont entreposés le corps du deuxième Prophète, ses écrits
et les derniers objets ayant reçu sa bénédiction.
Tous les édifices de la ville sont peints en blanc, ce qui
permet aux moines d’y apposer leurs écrits et leur art afin
de partager la bonne parole avec ceux qui se montrent
dignes d’admirer la ville.
Accroches scénaristiques :
• Un très-sage trouve un Héros et le mène au
chevet d’une folle. Elle semble en proie à une
transe, à moitié endormie, mais elle murmure de
courtes phrases de temps à autre. Le très-sage dit
aux Héros qu’elle doit être menée jusqu’à la cité
de l’Alliance, quoi qu’en disent les moines.
• La maladie s’empare du monastère au moment
où les moines s’apprêtaient à célébrer une
grande cérémonie en présence de l’empereur.
Les Héros peuvent-ils intervenir pour que tout
se déroule comme prévu ? La maladie est-elle
d’origine naturelle, ou bien les moines ont-ils été
empoisonnés ?
Le dernier testament du Prophète
Le dernier testament du Prophète se trouve très haut
dans les montagnes, ce qui oblige les fidèles à grimper, à
se rapprocher de Théus pour lire ses paroles.
Sur une immense falaise se trouve une gravure, dictée
par le Prophète sur son lit de mort tandis qu’il agonisait.
La sculpture est illuminée de couleurs vives, de feuille d’or
et de pièces d’argent. Alors que les centaines de fidèles
aksoumites gravaient les paroles de leur saint mourant
dans la roche, certains crurent à ses folles divagations. Les
symboles et les mots n’avaient en effet aucun sens, mais ils
tendirent néanmoins l’oreille pour immortaliser ces mots.
De nombreux spectateurs sont venus admirer le poème,
laissant leurs yeux voyager sur le texte lumineux et
multicolore sans jamais en saisir le sens. Le texte semble
écrit sous la forme d’un poème sans queue ni tête, mais
on dit qu’il fera voir la lumière à quiconque saura en
déchiffrer et comprendre le sens.
C’est une énigme laissée par le Prophète. N’a-t-elle
vraiment aucun sens  ? Pourrait-elle changer le destin
d’Aksoum ? Nul ne le sait encore.

Accroches scénaristiques :
• Rada, le Sorcier noir, ne recule devant rien pour
s’emparer du trône, allant même jusqu’à modifier
et dégrader les paroles du Prophète. Quelqu’un a
visiblement altéré les gravures, mais des disputes
éclatent pour savoir quelle interprétation et
quelles corrections sont les bonnes.
• Une prêtresse prétend avoir déchiffré et
appréhendé des bribes du dernier testament du
Prophète. Avant de pouvoir le révéler au public,
elle est assassinée. Les meurtriers prennent la
fuite, emportant avec eux les notes et les livres
de la prêtresse.
 Les grottes naturelles
Ces grottes de formation naturelle sont les plus longues
de toute l’Ifri, s’étirant sur plus de trente kilomètres à
l’intérieur des terres de l’empire et empiétant sur celles
du Khémet sur environ cinq kilomètres. Un kilomètre
et demi à l’est de la ville d’Erobe, les grottes prennent
forme et continuent jusqu’à la ville de Myco et au fleuve
du Welib. Près d’Erobe, un précipice d’environ huit
cents mètres de profondeur donne sur un canyon depuis
lequel on peut accéder aux tunnels, cachés derrière des
broussailles. Depuis Myco, le tunnel (une ouverture d’un
mètre quatre-vingts de haut sur un mètre quatre-vingts de
large) a été muré de façon rudimentaire sur ordre du ras
local. Les vingt autres entrées (si ce n’est plus) demeurent
cachées, oubliées ou éboulées.
Les grottes sont éclairées d’une faible lueur verte
provenant de la mousse qui les recouvre et se composent
d’un vaste réseau de tunnels. Quelques-unes des plus
grandes chambres servent de repaires aux contrebandiers
qui transportent marchandises et personnes entre les
deux Nations. Certains tunnels à l’est se retrouvent
complètement submergés en été, quand les précipitations
sont fortes.
Accroches scénaristiques :
• Amlak Bey, du Khémet, utilise les grottes pour
faire passer des informations entre ses agents
en Aksoum et son palais à la cour de la reine
Twosret. Le dernier messager en date s’est perdu
et a failli laisser la vie dans les grottes : il a rendu
son dernier souffle en s’écroulant aux pieds des
Héros, une missive codée en main.
• Des esclaves en fuite du Khémet ont découvert
les grottes. Malheureusement, ils sont poursuivis
par leurs anciens. L’un des esclaves parvient à
s’extirper des grottes et tombe dans les bras des
Héros : il leur fait le récit de ses malheurs et les
supplie de l’aider.
136 CHAPITRE 5 : L'EMPIRE AKSOUMITE
Le Lac du souvenir
Le plus grand lac de l’Empire aksoumite fut créé par les
éruptions volcaniques préhistoriques. La lave ravagea
les terres et, en refroidissant, donna naissance au Lac
du souvenir.
Le lac, qui se trouve au nord de l’Aksoum, fait près de
quatre-vingt-dix mètres de long sur soixante-cinq de large,
avec une profondeur de vingt-et-un mètres au point le
plus bas pouvant monter à cent quatre-vingts mètres en
période de crue. Il existe des dizaines de petites îles au
centre du lac, mais leur nombre change sans cesse puisque
les eaux montent et descendent en fonction des pluies.
Les cartographes pensent qu’il existe vingt-cinq îles sur
le lac, mais à ce jour, seules quinze sont visibles. Huit
d’entre elles possèdent des monastères, des églises et des
communautés de pêcheurs qui se déplacent de plus en
plus vers les terres à mesure que le niveau de l’eau grimpe.
Les fidèles d’Ajuk les plus dévoués, les emurons, sont
acheminés jusqu’à l’île centrale et enterrés sous son
monastère. Les croyants pensent qu’enterrer ces êtres
touchés par le dieu céleste apporte les pluies et la
chance pour l’année à venir. Jusqu’à maintenant, seules
dix personnes touchées par Ajuk furent enterrées ici.
Contrairement aux îles avoisinantes et leurs églises, le
monastère d’Ajuk fut toujours épargné par les montées
des eaux et ses habitants ne souffrent jamais de la faim.
Accroches scénaristiques :
• Une emuron est morte, son corps doit être
rapatrié au monastère d’Ajuk. Malheureusement,
les pluies saisonnières sont arrivées et il est
périlleux de voyager sur le lac.
• Un serpent venu des eaux du Mokele-Mbembe
s’est faufilé dans le Lac du souvenir. Il n’a encore
blessé personne mais inquiète grandement les
pêcheurs locaux. Les Héros pourront-ils le
convaincre de partir ? Pourquoi se tient-il tant à
l’écart du monastère d’Ajuk ?
Relations actuelles
Khémet
La relation entre l’Empire aksoumite et le Khémet a tout
du plaisir rentable. Bien que le Khémet traverse un âge
sombre, l’empereur travaille pour que les relations entre
les deux pays restent fortes. Le mariage de la reine Twosret
avec l’ambassadeur aksoumite Amalk Bey a permis de
renforcer les liens entre les deux Nations. Le Khémet est
un importateur majeur d’armes à feu, ainsi qu’une muraille
contre la corruption du Royaume de Mbey. Aux yeux du
negusä nägäst Makonnen, le Khémet n’est donc pas qu’un
simple partenaire commercial : il est un rempart contre
d’autres envahisseurs, c’est pourquoi il fait son possible
pour soutenir cette Nation nimbée de ténèbres.
Maghreb
Le Maghreb et l’Empire aksoumite n’ont eu que très peu
de contacts, la guerre contre la Kurufaba mandéniane
ayant accaparé l’attention de l’empereur. Au cours de
l’année passée, quelques émissaires furent dépêchés pour
tenter de ranimer la flamme de l’amitié.
Royaume de Mbey
Le Royaume de Mbey est une terre maudite. L’Empire
aksoumite y a envoyé des espions pour récolter des
renseignements. En secret, le Skia a approvisionné Jaineba
et d’autres sources de résistances au sein du Mbey grâce à
différents intermédiaires.

Kurufaba mandéniane Vodacce

Le mariage entre la princesse aksoumite et le prince Les Vodaccis sont des ordures sournoises. Des plans sont
mandénian a suspendu la guerre entre les deux Nations. à l’étude pour couper leurs routes commerciales en Ifri et
Néanmoins, les rumeurs selon lesquelles la princesse paralyser leur empire.Emperor Makonnen
aksoumite refuse ce mariage déstabilise la trêve. Beaucoup
craignent que son rejet soit synonyme d’annulation de la
paix, et qu’une guerre totale ne transforme l’un des deux
pays en un vestige fumant ou qu’il soit assimilé par l’autre.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 137

 Makonnen,
negusä nägäst de
l’Empire Aksoumite
Makonnen dirige l’Empire aksoumite depuis quarante
ans. Autrefois, c’était un homme impétueux, plus prompt
à réprimer une émeute qu’à en chercher la véritable cause.
Maintenant, il s’est détendu et s’est transformé, de façon
à ne plus vivre dans l’ombre de la légende de son père qui
tenait plus du chef militaire que de lempereur.
Âgé d’une soixantaine d’années, Makonnen est grand et
élancé. Sa cape de soie flotte au vent, décorée de touches
de vermeil, d’or et d’argent. Il est sûr de lui, sage et parle
d’une voix calme et posée. Il sait qu’on peut très bien parler
pour ne rien dire, et laisse donc les autres s’exprimer pour
conférer davantage de poids à ses propres prises de paroles..
Même s’il n’était pas roi de droit divin, son charisme naturel
imposerait le silence. Parmi ses cinq enfants, quatre ont
péri, deux filles et deux fils, ne lui laissant que sa benjamine,
Mehret. Le futur de l’empire repose sur leurs épaules et
c’est un bien lourd fardeau. Makonnen sait que ses jours
sont comptés et que l’Aksoum n’a jamais eu autant besoin
d’un chef.
Ses conseillers lui murmurant de ne méfier du mansa de
la Kurufaba mandéniane, il s’assure que sa fille apprenne
sans cesse son rôle dans la danse du pouvoir.

Accroches scénaristiques :
• Plusieurs membres de haut rang du clergé ont
abandonné leur poste et se sont retirés dans la
nature pour y vivre en tant qu’ermites ascétiques.
Après le départ d’un de ses conseillers, l’empereur
demande aux Héros de le retrouver et de découvrir
pourquoi ils sont tant à s’en aller, avant que les
rumeurs ne se mettent à circuler sur le déclin de
la cour.
• Makonnen a appris qu’une jeune fille du Royaume
de Mbey a des rêves prophétiques. Il a dépensé
une petite fortune pour la faire venir en Aksoum
dans l’espoir qu’elle ait un rêve sur le règne de
sa fille Mehret. Malheureusement, les hommes
chargés de la ramener ont disparu en cours de
route.
MAKONNEN, NEGUSÄ NÄGÄST
DE L’EMPIRE AKSOUMITE

« Le silence n’achète pas la paix

et l’immobilisme ne cause que des
regrets. Garantir l’avenir demande une
diligence de tous les instants. »
Mehret,
le’elt
La force, l’assurance et le destin sont les maîtres-mots de
l’existence de la princesse Mehret. La nuit de sa naissance,
un très-sage se présenta au palais, portant un cadeau : un
morceau d’orun irin venu de l’Iu-Neserer. L’empereur et
sa femme le remercièrent, puis le très-sage leur prédit que
leur enfant n’était que la moitié de la solution. Lorsqu’ils lui
demandèrent davantage d’explications, il se contenta de s’en
retourner à la nuit.
Mehret a grandi dans les couloirs du palais impérial. Sa
mère et elle étaient proches, mais elle ne connaissait son
père que de loin. À son quinzième anniversaire, Makonnen
lui donna le morceau d’orun irin et lui demanda ce
qu’elle voulait faire forger avec le métal de l’Iu-Neserer.
Pragmatique, elle demanda à ce que le métal céleste soit
utilisé pour forger un fer de lance, ainsi qu’une amulette
(qu’elle porte en permanence) avec les fragments restants.
Son époux, Maghan Kon Fatta, est-il la deuxième moitié
de la solution ? Leur mariage est-il ce qu’évoquait le très-
sage à sa naissance ? Afin de sauver l’empire, elle s’est résolue
à épouser un homme qu’elle n’aimait pas…
Récemment, Mehret s’est mise à douter de ce qu’on lui a
appris. Elle ne peut s’empêcher de penser que Fatta n’est pas
l’autre moitié de la solution. Elle n’aspire qu’à répondre à
l’appel de son pays et des trésors que recèle son empire. Elle
est coutumière des frayeurs de son père, lorsqu’elle disparaît
un jour ou deux pour errer incognito en Aksoum. Mehret
n’ignore pas le danger qu’elle encourt, mais quelque chose,
quelque part dans le monde, la convainc peu à peu que son
prince n’est pas la solution à leurs problèmes.

Accroches scénaristiques :
• Le fer de lance forgé pour Mehret est plus qu’il
n’y paraît. Le métal céleste fut forgé par Celle-qui-
ne-doit-pas-être-nommée et possède le pouvoir de
purifier ou de détruire l’Ifri. Après le vol du fer
de lance, les Héros sauront-ils aider Mehret à le
récupérer avant que le voleur ne saisisse l’étendue
de son pouvoir ?
• Des pirates soutenus par le Khémet capturent la
femme dont Mehret est tombée amoureuse. La
princesse aksoumite est prête à s’armer de sa lance MEHRET,
et de son bouclier, et à se lancer à l’assaut pour LE’ELT
libérer la prisonnière. Les Héros l’aideront-ils, ou
la convaincront-ils de les laisser faire ?
« Le futur n’est jamais écrit à l’avance !
Voyez, même les montagnes s’érodent
sous les sables du temps. »

NIYYAT SENAI,
LA DAME DES FUTURS
« La logique est un travail affamé.
Chaque nombre mène à un banquet
de nouvelles possibilités. »
PUISSANCE  INFLUENCE MALFAISANCE
6 10
Niyyat Senai,
La Dame des futurs
Il existe très peu d’esprits aussi brillants que Niyyat Senai.
Grande, élégante et très au fait de son talent, elle est l’un
des meilleurs nebīyis de sa génération. Son travail est d’une
telle qualité qu’on la surnomme « la Dame des futurs, » car
tous ses calculs se sont révélés vrais. Elle a pu freiner des
crues, venir en aide à l’armée et, plus récemment, soutenir
que le seul destin possible pour la princesse Mehret était
le mariage. À n’en pas douter, une nebīyi aussi loyale et
compétente est bénie des joks.
Malheureusement, Niyyat Senai est retenue prisonnière
depuis trois ans, remplacée par une abonsam du nom
d’Ataro, capable de prendre la forme de ses victimes en
consommant leur chair. Elle se fait passer pour la nebīyi afin
de semer la zizanie dans l’Empire aksoumite et relancer la
guerre contre la Kurufaba mandéniane. Puisque l’empereur
fait confiance aux calculs sans faute de Niyyat, il ne se doute
de rien. Ataro, en tant qu’agent de Chitendu, espère forcer
l’Aksoum à attaquer la Kurufaba.
En ce moment, Ataro se nourrit des cheveux et des
ongles de sa victime. La véritable Niyyat voit des millions
de calculs se profiler sous ses yeux. Elle réalise des calculs
pour sa vie puis fournit juste ce qu’il faut de son savoir à
Ataro pour rester en vie. Ensuite, Ataro utilise ces calculs
et y ajoute son propre style dissonant.
Récemment, elle a soutenu la notion du mariage arrangé
de la princesse Mehret comme étant bel et bien ce dont
parlait le très-sage, mais seule la véritable Niyyat Senai
connaît la vérité. Survivra-t-elle suffisamment longtemps
pour la révéler ?
Accroches scénaristiques :
• Des rumeurs disent qu’on entend des hurlements
provenir de la maison de Niyyat au beau milieu
de la nuit. Elle a dissipé les doutes en parlant de
terreurs nocturnes. Quoi qu’il en soit, Mazaa
demande aux Héros de rejoindre son réseau
d’espions et de mener l’enquête.
• Les calculs de Niyyat Senai se sont révélés faux :
à cause d’eux, deux navires aksoumites ont été
emportés par le gros temps. L’empereur Makonnen
demande aux Héros de garder un œil sur Niyyat
et de découvrir pourquoi (et comment) ses calculs
ont pu se révéler incorrects. Niyyat Senai,
16
Rada,
le Sorcier noir
Autrefois, il était le dscah ru de l’Empire aksoumite.
Bâtard d’un négus tué en sauvant la vie de la reine, il fut
nommé assistant du dscah ru par l’empereur en guise
de remerciement du dévouement de son père. Il remplit
son office quatre ans durant jusqu’à ce que le dscah ru ne
s’éteigne dans son sommeil.
Une fois nommé dscah ru, il commença à étudier tous les
anciens textes sur le deuxième Prophète et la Persistance.
Il apprit l’existence des sept assassins et, influencé par
les murmures des abonsams, il se persuada que pour la
sauvegarde du futur l’empire, il devait renverser le negusä
nägäst et prendre sa place. Avec le pouvoir des abonsams
dans la paume de sa main, il pourrait rendre sa splendeur
à son foyer.
La princesse Mehret avait découvert que Rada était en
fait le petit-fils du ras Kidane, un traître exilé. Elle avait
beau ignorer la finalité de ses plans, ses questions finirent
par susciter l’agressivité du dscah ru. Se servant du pouvoir
des abonsams, celui-ci rendit sa peau invulnérable à toute
arme et tenta d’assassiner la princesse. Mehret se défendit
et le transperça de sa lance en orun irin. La blessure
incandescente obligea Rada à détaler dans la nuit. Depuis,
il tourmente l’Aksoum d’attaques et de raids de bandits.
Pour l’heure, il erre à travers l’Empire aksoumite avec un
seul but en tête : contrôler l’Aksoum et devenir empereur.
Pour un quidam, un tel but relève de l’impossible… mais
il est à la portée des sept assassins légendaires qui résident
dans le Tombeau des traîtres. Cinq fois déjà il a échoué à
ouvrir la crypte…

Accroches scénaristiques :
• Selon une prophétie, le Tombeau des traîtres
s’ouvrira quand le Berbera s’épandra sur les Gorges
ophidiennes. Rada veut construire un barrage pour
forcer cet évènement. Les Héros pourront-ils l’en
empêcher avant qu’il ne déclenche les explosifs ?
• Rada a découvert un texte sacré qui lui permet de RADA,
contrôler les stèles. Il les utilise pour manipuler
le climat et commettre des meurtres. Il se vante
LE SORCIER NOIR
également de pouvoir activer les pyramides du
Khémet et ouvrir un passage vers Iu-Neserer. « Comment peut-on appeler un pays
Si personne ne l’arrête, il pourrait essayer de ‘Empire’ quand son trône ne repose
conquérir une Nation voisine afin de se rapprocher que sur faiblesses et mensonges ? »
de son but de domination d’Aksoum.

PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

5 8 13
Chapitre 6
Le Khémet
 LE KHÉMET
Autrefois, les ennéades marchaient à nos côtés et leur puissance
coulait dans les veines des élus. Notre souverain s’assit sur le
sika’dwa et, du haut de son savoir, nous apprit que nous vivions
une époque glorieuse de pouvoir. Nos barges naviguaient
sur les fleuves pour apporter des présents aux joks. Nos
obélisques se dressaient haut, tels les symboles cristallins de
notre alliance avec eux. Nous fûmes choisis pour protéger leurs
fleuves car à leurs yeux, nous étions puissants. Le soleil se
levait et se couchait pour nous, nous n’avions peur de rien.

Cette époque est depuis longtemps révolue. Les ennéades

nous ont quittés et nous avons de nouveau peur de la
nuit. Peu importe ce que l’on vous dira, croyez-nous :
nous avons toutes les raisons de craindre l’obscurité.

— Extrait des notes de Kahnanet Nenut,

historien secret, informateur du Collège invisible

144 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET


Le Khémet, pays
des Deux-nuits
Le Khémet, Terres noires.
Le Khémet, terre de la Reine solitaire.
On attribue tous ces noms au royaume qui se tient à la
lisière de l’Ubari. Se dressant tel un joyau étincelant, le
Khémet est un pays fait de cités magnifiques, de cours d’eau
resplendissants, d’obélisques imposants et de pyramides
colossales. Connu pour être un point névralgique de
commerce et d’avancée culturelle, le Khémet est également
un pays divisé. Pour les riches et les puissants, il s’agit d’un
paradis empli de trésors anciens qui ne demandent qu’à
être retrouvés, et de nouvelles opportunités forgées au gré
de tractations sans pitié. Pour les plus pauvres, la terre
pourrit sous l’ombre d’un soleil épuisé, se laissant lentement
détruire par la corruption, l’avidité et l’orgueil.
Si les Nations de Théah se targuent d’une histoire riche
et d’une culture foisonnante, l’histoire de Khémet leur
donne des airs de jeunes parvenus. Cette Nation a en
effet conservé sa culture et son identité depuis une époque
bien antérieure à l’Ancien Empire de Numa. L’attrait pour
cet ancien monde et ses mystères attire des explorateurs
Histoire
Les visiteurs qui se rendent en Khémet pour la première
fois remarquent rapidement le nombre de bâtiments
anciens. Non seulement neuf pyramides gigantesques
s’élèvent bien au-dessus de l’horizon, mais en plus
chaque village possède des édifices ou des ruines qui
remontent à un passé lointain. Ici, en démolissant un mur,
il est possible de tomber sur une fresque représentant le
quotidien des habitants il y a cinq mille ans. En cassant un
vieux pot en terre cuite, on peut découvrir des fragments
d’anciens parchemins qui décrivent des pratiques
ancestrales, comme des textes médicaux ou des recettes
de bière.
Ces choses existent toujours car chaque dynastie royale
a fait d’énormes efforts pour s’assurer de leur conservation.
La découverte d’un artefact, d’une vieille amulette, de
rouleaux de papyrus voire d’un tombeau entier enfoui
sous le désert n’a rien d’inhabituel en Khémet. Pour les
Khémétiens, la surprise ne va pas plus loin que celle d’un
Théan qui découvrirait le journal de l’un de ses ancêtres
dans son grenier.
Il est fréquent que des chasseurs de trésors théans
s’introduisent dans les tombeaux pour y dérober des
GLOSSAIRE DES MOTS
KHÉMÉTIENS
alhadirin : serviteurs royaux, domestiques
auprès de la noblesse.
al-khaliq : caste d’artisans.
enez : terme désignant les gens ordinaires
de Khémet.
eubayd : caste sacerdotale.
heka : forme de sorcellerie khémétienne.
hurr : les plus riches des enez, et qui jouissent
du plus haut statut.
mafqud : le bas de l’échelle chez les enez, y
compris ceux qui n’ont pas de travail.
maharib : caste guerrière.
quawiun : caste des travailleurs (la plus
nombreuse chez les enez).
sahidique : langue de Khémet.
depuis les quatre coins du monde. Toutefois, le Khémet
ne livrera pas ses secrets si facilement. Un Héros devra
d’abord se montrer suffisamment intelligent pour en
apprendre la langue et les coutumes, suffisamment
souple d’esprit pour comprendre que si le pays a changé
de mains, il conserve tout de même son identité intacte, et
suffisamment résistant pour affronter les déserts sauvages
et les ruines enfouies. Alors seulement deviendra-t-il un
véritable explorateur de Khémet !
pièces historiques de grande valeur. Les Khémétiens
n’aiment évidemment pas ces pilleurs de tombes qui
détruisent l’histoire de leur pays. Dans les faits, votre
Héros se retrouvera à coup sûr impliqué dans le commerce
d’artefacts lorsqu’il débarquera en Khémet, qu’il soit
acheteur, intermédiaire ou protecteur !
Dans les histoires les plus anciennes, inscrites dans les
chambres d’archives les plus secrètes des temples, il est
fait mention de l’époque ayant précédé la venue des joks.
En ces temps reculés, les Khémétiens vivaient sous un
ciel nimbé d’obscurité. Le soleil ne parvenait pas à luire
sur les terres de Khémet, car les ténèbres avaient été
amenées par une créature qui voulait bâtir un royaume de
corruption et de nuit éternelle. Lorsque les joks arrivèrent,
ils rassemblèrent des cosses d’un bleu brillant—du métal
céleste venu sur Terra depuis les étoiles—et œuvrèrent
pour repousser tout ce qui avait été corrompu par l’ennemi.
Ils rectifièrent les torts qui avilissaient la terre et offrirent
à ces terres un sika’dwa sacré.
Les joks laissèrent ensuite neuf des leurs derrière eux.
Ceux-ci firent de Khémet leur demeure et ils veillèrent
sur ses habitants comme s’il s’était agi de leurs enfants.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 145

On les appela les ennéades. Leurs temples subsistent
encore, s’effritant désormais sous l’obscurité nouvelle qui
recouvre le pays.
Les ennéades souhaitaient avant toute autre chose
maintenir la paix. Elles savaient toutefois que la
corruption pourrait revenir pour plonger le Khémet
dans le chaos à tout instant. Afin de combattre les
ténèbres, elles œuvrèrent de concert avec les Khémétiens
pour dresser d’imposants obélisques à travers tout le
pays. Nombre de récits évoquent la construction du
Grand obélisque qui s’élève à l’embouchure de l’Itéru.
C’est à l’ombre de ce titanesque monument recouvert de
puissants pictogrammes que les ennéades se rassemblèrent
pour couronner le premier roi de Khémet, Ahtunonen.
Elles signèrent avec lui le Pacte des très-hauts par lequel
elles acceptèrent de bénir le pays de leur pouvoir et
d’enseigner leur magie aux Khémétiens, à condition que
les souverains—les très-hauts—à venir respectent leur
peuple et que le peuple respecte les joks. Lorsque le Pacte
fut conclu, l’obélisque se mit à luire d’une chaude lumière
bleutée. La plus grande des ennéades, Ahmun, leva alors
les mains vers le ciel et le soleil se leva pour la première
fois sur le Khémet.
Il existe énormément d’histoires relatives à la Première
aube—qui eut lieu bien avant l’avènement de l’Ancien
Empire de Numa—beaucoup de légendes, de rumeurs
et de semi-vérités qui ont avant tout été créées pour
remplir une chronologie criblée de trous. On sait avec
certitude que les Khémétiens vécurent un âge de paix et de
prospérité sans précédent, et que les fleuves débordaient
pour alimenter les terres, rendant fertile ce qui autrefois
dépérissait sous la nuit éternelle. La population était alors
bien nourrie et le commerce avec les autres pays faisait de
Khémet une Nation prospère. C’est à cette époque que
furent érigées les pyramides, en l’honneur des ennéades.
Ces constructions leur servirent de demeure, et en guise
de remerciement, chacun des joks retira son cœur pour le
placer dans celle qui lui était dédiée.
On considère aujourd’hui les neuf pyramides des
ennéades parmi les grandes merveilles de l’Ifri (et du
146 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET
QUI ÉTAIENT LES
ENNÉADES ?
Nul ne s’accorde sur ce point. La position offi-
cielle de l’Église vaticine est que ces dernières
ont pu exister, qu’il s’agissait peut-être de
puissants esprits ou d’entités magiques, mais
qu’elles n’étaient de toute façon pas plus
grandes que Théus.
L’opinion la plus populaire en Montaigne
consiste à dire que, d’une manière générale,
les joks devaient être des créatures non-hu-
maines—peut-être similaires aux sidhes
d’Avalon—qui laissèrent derrière elles tout
un héritage de constructions incroyables que
les Khémétiens n’auraient jamais pu édifier.
Les érudits avaloniens et sarmatiens rejettent
de telles théories, les considérant comme
méprisantes et infantilisantes à l’égard du
peuple khémétien.
Quoi qu’il en soit, les étranges structures
qui parsèment le Khémet sont aujourd’hui
étudiées par les érudits du monde entier,
chacun désirant confirmer ou infirmer
l’existence des joks..
monde). On dit que chacune est construite sur un grand
lac souterrain argenté s’ouvrant sur l’outre-Monde. Ceux
qui y pénétrèrent racontèrent s’être retrouvés dans des
royaumes étranges et déroutants faits de terres incroyables
et de merveilles fantastiques. Jadis, les fidèles traversaient
le lac pour apporter des offrandes aux ennéades, ce pour
quoi les rives étaient alors recouvertes d’offrandes et
de reliques.
Par la suite, les ennéades dressèrent davantage d’obé­
lisques à travers le pays, chacun plus impressionnant que
le précédent, tous ayant pour fonction de resplendir et de
protéger le peuple pendant la nuit. Ils bâtirent également
Masr au sommet du mont Fahrad afin qu’elle serve de
capitale à cette Nation au sommet de sa puissance. De là,
le roi Ahtunonen et les prêtres des ennéades guidèrent
le peuple avec force, sagesse et compassion, se faisant un
rempart contre la nuit toujours aussi menaçante.
La spirale de la destruction
La durée exacte de cette ère de paix est sujette à débat. Ce
qui est certain, c’est que le départ des ennéades en marqua
la fin.
Ahmun s’en était allé par-delà les mers pour trouver
des conseils et des soutiens influents. À son retour, les
ennéades furent impliquées dans une guerre contre les
forces dont Ahmun avait voulu gagner l’amitié. Elles
prirent alors la direction du nord avec une armée, laissant
sur le sika’dwa Idris Theyt, le descendant d’Ahtunonen.
La reine elle-même combattit pendant cette guerre.
Lorsqu’elle mourut au combat, Theyt sombra dans la folie.
Il devint dès lors obsédé par l’idée de ramener sa bien-
aimée d’entre les morts, et se mit à verser des fragments
de son ka dans de grandes tablettes d’émeraudes afin de
plier l’ordre naturel des choses à sa volonté. Petit à petit,
sa sorcellerie le dévora. Tandis que sa santé se détériorait,
les ténèbres réapparurent aux confins de Khémet et
commencèrent à envahir le pays. On vit des démons
arpenter les campagnes alors que l’ennemi harcelait les
troupes aux frontières.
Sept ennéades revinrent du nord. Elles se retranchèrent
sur l’Iu-Neserer et tirèrent les eaux à elles, inondant le
Khémet et submergeant bien des merveilles qu’elles
avaient créées. Seuls les lieux les plus en hauteur en
réchappèrent, de même que les puissants obélisques qui
protégeaient la population. Lorsque le niveau des eaux
retomba, le Khémet était décimé, son infrastructure
détruite et son peuple noyé. La lumière des puissants
obélisques commença à décliner et le royaume redevint
la proie des ténèbres.
Les survivants se disputèrent les maigres restes pour
survivre. Leurs conflits semaient la mort, du fait de
l’utilisation d’une nouvelle forme de sorcellerie héritée
des travaux du roi Theyt. Les Khémétiens la nommèrent
Heka. Ses pratiquants pouvaient utiliser des fragments
de leur âme (ou « ka ») pour alimenter leurs pouvoirs. Ils
pouvaient ainsi combattre avec des armes imprégnées de
leur ka, ce qui faisait d’eux de redoutables guerriers.
La reine Nahashepsut, la plus puissante descendante
encore en vie de Theyt, quitta Masr pour réprimer les
soulèvements et rétablir l’unité du royaume. Devant les
nobles défaits elle décréta que le Khémet était un royaume
unique, maintenant et pour toujours, car seul le sang des
très-hauts tenait à l’écart les ténèbres inévitables qui
menaçaient le pays. Le règne des très-hauts est toujours
en place à ce jour.
Le deuxième Prophète
L’inondation provoquée par les joks avait transformé
le Khémet en un royaume de réfugiés. Le peuple était
en colère et au bord de la rébellion, ce qui contraignit
Nahashepsut à utiliser le seul moyen en sa possession
pour l’unir sous une seule et même bannière : la guerre.
La Nation voisine, l’Aksoum, était puissante, bien armée
et riche grâce à son commerce florissant. Nahashepsut
demanda de l’aide au negusä nägäst aksoumite, puis
mentit à son peuple en prétendant que son appel avait
été ignoré. Furieux, le peuple suivit sa reine et partit en
guerre contre l’Aksoum, envahissant les villes frontalières
et attaquant les caravanes. Le conflit dura une génération
jusqu’à ce que le fils de Nahashepsut, Nehemek, mène le
Khémet à la victoire. La richesse coula de nouveau à flots
dans le royaume et finança la reconstruction du pays et de
sa grande capitale.
Les tensions entre les deux pays perdurèrent, mais arriva
un jour où le peuple, désireux de paix, menaça à nouveau
de se rebeller. Le prince Ahmun-Hashet se rendit alors
dans l’Empire aksoumite pour y négocier un traité de paix.
Au cours de sa visite, il y rencontra Khalil, le deuxième
Prophète et se convertit au culte de Théus. Il devint l’un
des fidèles les plus dévoués du deuxième Prophète et
répandit sa foi à travers tout le Khémet au détriment du
culte des joks.
Cette conversion amena le Khémet à entrer en
contact avec l’Anatol Ayh, lequel se révéla une source
d’enseignements commerciaux, technologiques, militaires
et religieux. Grâce à son alliance avec l’Empire aksoumite
et à ses amis anatoliens, le Khémet devint alors la force
dominante du nord de l’Ifri.
La diffusion des préceptes du deuxième Prophète
à travers le pays permit l’émergence d’un nouvel âge
d’échanges. Des émissaires de Khémet se mirent à
voyager à l’étranger. Dans les grandes cités théanes, de
petites enclaves virent le jour pour accueillir les visiteurs
khémétiens afin de leur apporter nourriture, habits
et culture.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 147
 Le soleil terne
Les dirigeants de Khémet conservèrent
la pureté du sang des très-hauts en se
mariant avec les membres de leur famille
et les proches de la caste dirigeante. Ils
transmirent la puissance de la magie des
joks (leur plus grand secret) de parents à
enfants, sans jamais partager ces connaissances en dehors
de leur descendance.
Les griots disent que c’est la jalousie du pouvoir des joks
qui mena la reine Twosret à prendre un amant ne faisant
pas partie des très-hauts. Twosret, souveraine légitime
de Khémet, avait été écartée du pouvoir au profit de son
cousin, Makaret, à qui son père avait enseigné la magie des
joks. Furieuse, Twosret quitta le palais royal de Masr pour
s’installer dans le palais estival de Kyber. La rumeur dit
qu’elle y rencontra un séduisant étranger et qu’elle fit de
lui son amant sept jours et sept nuits durant. À son départ,
elle retourna au palais et se réconcilia avec Makaret, qu’elle
épousa. Neuf mois plus tard naissait le prince Siptah.
Makaret fut assassiné par des ennemis de la Couronne
la nuit où son fils naquit. Afin de s’assurer de la sécurité
du futur roi de Khémet, Twosret annonça que son enfant
serait protégé dans un lieu gardé secret jusqu’à ce qu’il
soit en âge de régner. Le peuple respecta une période
de deuil pour son roi bien-aimé, et la reine endossa le
rôle de régente tandis que Siptah demeurait à l’écart
du peuple.
La naissance de Siptah augura une nouvelle ère
d’abondance. Les récoltes furent généreuses, les
frontières plus paisibles et le commerce plus florissant
que jamais. Même le soleil brillait avec davantage d’éclat
sur le royaume. Twosret s’attira les faveurs du peuple.
Les prêtres—tant les traditionalistes au service des joks
que les représentants du Prophète—déclarèrent que le
prince héritier était un cadeau divin. La bonne fortune
du royaume étouffa les murmures disant que ceux ayant
assisté à la naissance du prince, du plus humble serviteur
jusqu’au roi lui-même, moururent avant que Siptah ne
termine son premier repas.
Tandis que la chance du royaume croissait, la paranoïa
de la reine grandit. Elle commença par doubler, puis par
tripler la garde royale assignée à la protection des très-
hauts. Elle s’isola de plus en plus et refusa de recevoir
quiconque qu’elle ne connaissait pas depuis des années.
Peu à peu, les rumeurs se mirent à cir­cu­ler : peut-être
la reine était-elle en partie responsable de l’assassinat
148 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET
du roi… Quiconque osait répéter ces
accusations était susceptible de subir
de lourdes punitions. Siptah seul était
immunisé contre les soupçons et la colère
de sa mère.
La paranoïa de la reine atteignit son
apogée après que son fils, alors âgé
de dix ans, ait manqué d’être kidnappé. La réponse de
Twosret fut immédiate et draconienne : elle fit exécuter
chacun des conspirateurs et réserva un sort non moins
cruel aux gardes assignés à la protection du prince Siptah.
Elle envoya le prince au palais estival de Kyber, qu’elle
transforma en une prison fleurie et paradisiaque. Twosret
alla jusqu’à promettre des faveurs spéciales aux autres
très-hauts s’ils acceptaient d’envoyer leurs propres enfants
devenir les amis et compagnons de jeu de Siptah… pour
toujours. Cette étrange isolation ne fit qu’amplifier les
rumeurs selon lesquelles le garçon était différent, bizarre,
voire d’un autre monde. La plupart étaient suffisamment
intelligents pour ne pas répéter de telles histoires. Quant
à ceux qui le faisaient, ils disparaissaient très vite.
Dès que Siptah fut envoyé au palais de Kyber, le Khémet
tomba en déclin. La famine se répandit aux provinces
extérieures. Bandits et hors-la-loi firent leur apparition
en réponse à la faim et la pauvreté. En seulement cinq
ans, tout le Khémet gagna la réputation d’une fourmilière
de débauche, de violence, de corruption et d’activités
criminelles. Les pirates attaquaient le long du fleuve et les
étrangers entraient sur le territoire par les voies navigables
sans rencontrer aucune résistance. Les politiciens influents
et les officiels ignoraient les cartels du crime et acceptaient
des pots-de-vin pour laisser impunis voleurs, meurtriers
et chefs de bandits.
Les luttes intestines ravageant le pays, la reine prit un
consort, Amlak Bey de l’Empire aksoumite, dans l’espoir
d’améliorer la stabilité. Cet acte eut pour conséquence de
raviver le clivage entre les disciples des ennéades et les
fidèles du deuxième Prophète. Depuis, la reine Twosret
a survécu à six tentatives d’assassinat, certaines ayant
suscité des rumeurs à propos de magie étrange et de
gardiens surnaturels.
Là n’est pas le pire, car le déclin du royaume eut
lieu sous l’augure le plus inquiétant qui soit. On
ne le remarqua pas du jour au lendemain, mais il
devint rapidement impossible à ignorer  : les jours
raccourcissaient. Là où, autrefois, le soleil brillait
fortement et chaudement sur le Khémet, il devint vite

blafard et se mit à se coucher de plus en plus tôt à mesure
que les mois passaient. Lorsque le prince Siptah fêta ses
quinze ans, le Khémet n’avait plus droit qu’à huit petites
heures d’ensoleillement par jour. L’agriculture périclita
tandis que les plantes flétrissaient, et les prédateurs se
mirent à descendre des montagnes pour s’attaquer aux
troupeaux au cours des longues nuits.
Les Khémétiens se sont adaptés comme ils le peuvent,
mais à n’en pas douter, les jours sombres sont de retour.
Les citoyens vaquent rapidement à leurs occupations
durant la journée puis retournent chez eux dès que le
soleil commence à décliner. La nuit, les rues appartiennent
aux plus hardis—ou aux plus stupides—tandis que les
criminels arpentent les terres. Seules les cités les mieux
gardées sont protégées des Monstres qui rôdent la nuit.
Quant aux routes qui traversent les déserts, elles sont
devenues bien peu fiables. Le royaume obtint un nouveau
surnom du fait de ses nuits anormalement longues et des
horreurs qui se sont installées dans ces endroits sombres :
les Terres noires.
Rendre visite au prince
Le prince Siptah dispose de dizaines de serviteurs
et précepteurs. Il a reçu la visite de monarques et de
dignitaires étrangers, pourtant, peu sont ceux qui
parviennent à se souvenir précisément à quoi ressemble
le prince. Les visiteurs le décrivent comme un garçon
intelligent et attentionné, à l’élocution claire, un prince fort
qui fera un jour un bon monarque. La seule description
physique qu’on fait de lui concerne ses yeux, noirs comme
le khôl. Plus rares sont les rumeurs qui le décrivent
comme aussi noir qu’une ombre, dégageant autant de
chaleur qu’une fournaise. Ceux-là disent qu’il absorbe la
lumière qui l’entoure. Toutefois ni ces histoires, ni leurs
narrateurs, ne subsistent très longtemps.
Bien sûr, tout Héros qui entendra parler du prince Siptah
ne pourra pas cacher sa curiosité. Les rumeurs sont-elles
vraies ? Le prince Siptah est-il seulement humain ?
Parvenir jusqu’au prince constituera une entreprise
importante  : au vu de la paranoïa de la reine, celle-ci
ne fait confiance à personne  ; quant à celles et ceux
qui reçoivent une invitation à venir au palais princier,
celle-ci ne les autorise pas pour autant à le quitter.
Ainsi, se rendre jusqu’à Kyber nécessite une prouesse
d’ingéniosité : personne n’est autorisé à y entrer, personne
n’a la permission d’y rencontrer le prince, et les intrus sont
emprisonnés ou exécutés sur-le-champ.
LE RACCOURCISSEMENT
DES JOURS
Oui, les journées en Khémet sont véritablement
plus courtes que nulle part ailleurs. Il suffit de
traverser la frontière, de quitter la côte par navire
ou de s’enfoncer dans le désert et de dépasser
les obélisques qui marquent la lisière du pays
pour que la lumière du jour revienne peu à peu,
comme si l’on marchait à la rencontre du coucher
du soleil.
Les Héros dotés d’un esprit scientifique
pourraient vouloir effectuer toutes sortes
d’expériences inhabituelles à la frontière
pour comprendre pourquoi le soleil semble
changer de position dans le ciel, ou comment
la différence d’heure se répercute sur les instru-
ments. Laissez-les faire. La science n’a rien à voir
là-dedans. Il s’agit une malédiction.
En Khémet, les jours durent rarement plus de huit
heures, et à l’approche de l’hiver, ils raccourcis-
sent encore plus. Le soleil se couche tôt, dans un
ciel souvent noir et rouge. Quitter le pays, c’est
comme remonter le flanc d’une montagne d’où
l’on voit le soleil au loin, à l’horizon : peu à peu, il
devient de plus en plus lumineux jusqu’à ce qu’il
semble être à nouveau haut dans le ciel.
Si les journées sont plus courtes, le temps, lui,
s’écoule normalement. Une journée en Khémet
comporte autant d’heures que nulle part ailleurs,
mais l’ensoleillement y est moindre.
Partant du principe qu’un Héros parviendrait à
s’infiltrer dans Kyber, que ce soit par la ruse, la sorcellerie
ou la furtivité, il s’apercevrait que les rumeurs sont
bien vraies. Le prince est un être à la beauté étrange : il
stimule l’esprit mais s’en trouve effacé dès qu’on quitte sa
présence. Il a visiblement reçu le toucher de quelque chose
de surnaturel…
Le prince est intelligent et bien éduqué. Il possède un
charisme fou, mais n’a absolument pas envie de quitter
Kyber. Pourquoi le voudrait-il ? Tout ce dont il a besoin se
trouve ici ; tout ce qu’il souhaite peut lui être apporté. Il ne
fait qu’attendre son heure. Aux visiteurs, il dit calmement
que le moment venu, il s’assoira sur le sika’dwa et rectifiera
tout ce qui ne va pas en Khémet. Il n’a que compassion
pour les moments difficiles que traverse son peuple, mais
il ne peut pas tenter de renverser sa mère.
Le prince absorbe aussi le feu et la lumière sans
conséquence néfaste. Selon à qui l’on pose la question, il
est soit un génie, soit un démon, soit un dieu.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 149
 Aventures en Khémet
Le Khémet est doté d’une histoire riche dont les puissantes
reliques du passé sont éparpillées à travers le paysage. Il
suffit de porter son regard sur l’horizon pour voir se
dresser un grand pilier ou une pyramide qui commémore
le passé, et chacun de ces monuments possède une histoire
qui lui est rattachée.
Autrefois, le Khémet était une terre somptueuse,
maintenant, il est en proie à une malédiction mystérieuse.
Ici, les Héros savent que les superstitions et la peur
règnent sur la nuit, et que les journées raccourcissent
sans arrêt. Ils pourraient vouloir sauver le pays de la
malédiction en renversant la reine en faveur de son fils,
voire de quelqu’un d’autre.
Les commerçants des Nations étrangères vantent la
richesse de Khémet même si, dorénavant, il faut savoir
y abandonner ses trésors pour obtenir de la nourriture
et survivre. Pis, des Monstres bien réels et des esprits
malfaisants errent au-dehors au cours des longues nuits :
il ne fait aucun doute qu’un Héros se retrouvera attaqué
par de telles créatures tôt ou tard.
Si l’on trouvait un remède aux malheurs de Khémet, le
royaume deviendrait un bastion de stabilité pour l’Ifri. Il
pourrait aider à renverser la vapeur contre le Royaume
de Mbey et les abonsams, et devenir un partenaire
commercial de premier ordre pour l’Empire aksoumite et
le Maghreb. Pour ce faire, il faudrait cependant exterminer
un mal vieux comme le monde.
Sous l’œil vigilant des ennéades, de leurs statues et de
leurs pyramides, le dernier espoir de Khémet se trouve
peut-être dans un nouveau lever de soleil.
150 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET
Jouer un Héros khémétient
Un Héros khémétien possède une culture marquée, liée
aux ennéades et au long passé du royaume. Il se bat contre
la malédiction qui accable son pays. Plutôt que de fuir, il
ira à la recherche d’alliés pour combattre les abonsams. Il
pourra tout aussi bien choisir de fomenter une révolution
afin de renverser la reine, ou bien débusquer des alliés
à l’étranger pour faire face aux esprits malfaisants qui
hantent le pays.
Un Héros de Khémet peut être…
• un noble au courant des déboires palatiaux entre
la reine et le prince qui espère pouvoir ramener
la stabilité et l’équilibre à la cour et dans le pays ;
• une duelliste maharib dont l’amour pour sa
patrie la pousse à porter le khépesh et le bouclier
au-devant des horreurs nocturnes ;
• un prêtre des joks qui chante les anciens chants
et entretient leur lueur tel un rempart d’espoir ;
• une sorcière Heka qui se sert du pouvoir des
noms et des mots pour refaçonner des pans du
monde ;
• un navigateur qui connaît le pays jusque dans
ses moindres recoins ainsi que tous les villages
qui bordent l’Itéru ;
• une esclave en fuite qui veut renverser les
esclavagistes et détruire les marchés aux esclaves ;
• un mafqud, chasseur de trésor qui a l’habitude
de pénétrer dans les tombes et de les piller pour
assurer sa survie.
Société
La noblesse
Les très-hauts constituent la noblesse khémétienne depuis
la signature du Pacte des très-hauts. Ils servirent jadis
les ennéades en tant qu’émissaires et gérants des terres,
jouant avant tout le rôle d’intermédiaires entre le peuple
et les joks.
Aujourd’hui, les très-hauts sont une caste dirigeante
distincte des citoyens. Ils estiment qu’ils ont été touchés
par le divin (les ennéades), ce qui leur confère le droit de
gouverner, mais également l’obligation de rester à l’écart
des enez et le devoir de respecter des règles strictes qui
définissent leurs interactions. Les très-hauts n’ont ainsi pas
le droit d’épouser un enez ou d’avoir un enfant avec eux
(sous peine que l’enez et sa progéniture soient mis à mort).
En Khémet, il est impossible de se hisser sur l’échelle
sociale, à une exception près : si un enez accomplit un acte
qui trouve grâce aux yeux de la famille royale, on peut lui
accorder le statut de très-haut. La faveur des ennéades sera
symboliquement transférée au nouveau noble au cours
d’une cérémonie se déroulant au pied du Grand obélisque.
L’un des moyens de s’attirer les bonnes grâces de la reine
Twosret consiste à offrir un enfant pour servir le prince
Siptah. Tant que le prince demeurera isolé à Kyber, l’enfant
ne pourra pas revoir sa famille. Beaucoup de familles ont
envoyé l’un de leurs descendants. Ils attendent désormais
impatiemment le jour où le prince reviendra à la cour avec
sa suite, et qu’ils pourront retrouver leurs êtres chers.
Les enez
Les enez forment le reste de la population khémétienne.
Puisqu’il est quasiment impossible pour un enez de
grimper l’échelle sociale et devenir un très-haut, ils
ont structuré leur propre classe de façon similaire à la
noblesse, par le statut économique et la loyauté. Cette
structure dirige toutes les interactions entre les habitants
de Khémet : briser les règles implicites du respect et de la
déférence engendre de sévères représailles.
Le plus haut rang atteignable pour un enez est celui des
hurr, « les libérés », ceux dont le succès commercial les
place juste en dessous des très-hauts en termes de statut
et de richesse. Ils possèdent des terres, des troupeaux, des
barges, des commerces et même des esclaves. De plus, ils
emploient et commandent d’autres enez. S’il est considéré
comme tabou que les très-hauts et les enez se fréquentent,
la règle est tout de même souvent brisée pour permettre
aux hurr de commercer avec la noblesse.
Nonus 16, 1666
Adebowale (bénie soit sa couverture arc-en-ciel)
m’emmena au nord vers Masr, la capitale de Khémet.
Il promit de me présenter à un très-sage, l’un de ces
serviteurs des joks, les êtres que certains Ifriens
vénèrent comme des dieux. Les grandes pyramides et
les tombeaux des anciens rois m’impressionnèrent
et c’est à peine si je remarquai les bateaux
autour de nous. Le trafic fluvial s’intensifia à tel
point qu’avec tous ces bateaux, il m’était presque
impossible de distinguer l’eau.
Adebowale m’expliqua que c’était jour de festival
et que nous rencontrerions le très-sage au matin. Il
semblerait que la souveraine, la reine Twosret, ait
l’habitude de dépenser énormément d’argent pour
ces évènements afin de faire remonter l’estime du
peuple à son égard et ainsi empêcher la noblesse de
leur dérober le pouvoir, à son jeune fils et elle. J’ai
ressenti de la pitié pour cette reine, piégée comme
elle est dans cette horrible situation en dépit de son
pouvoir et son influence.
Le jour suivant, je fus surprise et ravie de voir
Isioma assise à la proue du bateau, partageant une
galette de pain épicé avec Adebowale. Elle était si
belle avec ces fleurs jaunes dans ses cheveux tressés,
parfaitement assorties à l’ocre de sa robe verte.
Quand je lui ai parlé de mon rendez-vous avec le
très-sage, elle a ri et m’a demandé si rencontrer
deux très-sages dans une même matinée ne me
suffisait pas. Comment ai-je pu ne pas m’en rendre
compte ? Comment n’ai-je pas compris leur nature, à
Adebowale et elle ?
 En dessous des hurr se trouvent les alhadirins, les
domestiques au service de la famille royale et des très-
hauts. On y trouve toutes sortes de serviteurs, du simple
domestique en charge de vêtir la famille royale au rameur
qui propulse une barge. En Khémet, le rang des serviteurs
est important : un alhadirin tire une immense fierté de la
maisonnée qu’il sert, et la confiance placée en lui prouve
sa valeur.
On trouve ensuite les créateurs talentueux, des artisans
et des artistes ; chanteurs, architectes, tisseurs, danseurs,
poètes, armuriers et quiconque dont le travail implique
la création. Ces personnes, les al-khaliqs, ont besoin de
mécènes pour les soutenir financièrement. La plupart des
familles de nobles et d’hurr parrainent autant d’al-khaliq
qu’elles le peuvent. En retour, le créateur produit un travail
qui n’est pas seulement à vendre mais qui est aussi dédié
à son mécène.
Arrivent ensuite les prêtres, les eubayds, bien-aimés des
ennéades et serviteurs du peuple. Tout comme les très-
hauts étaient les voix des ennéades à travers le royaume, les
eubayds servent les joks depuis toujours. Un eubayd voue
sa vie entière à entretenir les temples divins et à voyager à
travers le pays pour accorder les rites funéraires, assister
aux naissances et fournir divers autres services. Un eubayd
enseigne également aux plus jeunes, soit lors de grandes
assemblées hebdomadaires dans toutes les villes, soit en
tant que précepteur privé dans une maison riche.
Les guerriers, les maharibs, servent dans l’armée, en tant
que gardes privés dans les maisonnées des très-hauts ainsi
que dans la garde royale. Si l’on s’aperçoit qu’un enfant
semble destiné à une vie militaire, on l’inscrit à la farn (ou
« fourneau »), l’académie d’entraînement maharib. Là, il
s’entraîne jusqu’à l’âge de quatorze ans (ou pendant trois
ans s’il est plus vieux) avant de passer les épreuves pour
152 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET
devenir un maharib à part entière. Le prince possède une
troupe de jeunes guerriers entraînés à Kyber, surnommés
les Faucons du vent, prêts à bondir sur quiconque voudrait
s’en prendre à leur seigneur.
Les travailleurs, les quawiuns, constituent la part la plus
importante des enez  : ce sont leurs bras forts et leur
esprit travailleur qui maintiennent le Khémet en vie.
Les quawiuns ont toutes sortes de métiers, aidant à la
construction de grands bâtiments dans les villes majeures,
pêchant et entretenant les cultures de la terre, etc. Ils
ont beau être placés plus bas sur l’échelle sociale que les
guerriers ou les prêtres, la majorité de la population a
conscience que les quawiuns font manger et croître le pays.
Enfin, les derniers représentants des enez sont les mafquds,
ou « égarés ». Il s’agit du rang le plus bas qui soit, et il est
constitué de tous ceux qui n’ont pas de place spécifique
dans la société. On trouve chez les mafquds tous ceux
dont le métier n’est pas considéré comme respectable,
comme les ramasseurs d’ordures ou même les chasseurs
de trésors.
Contrairement aux très-hauts, un enez peut se déplacer
vers le haut ou vers le bas de l’échelle sociale, obtenant
un nouveau statut. Un mafqud au talent martial peut
gagner ses galons jusqu’à intégrer une farn et ainsi devenir
maharib, ou bien convaincre un eubayd de sa dévotion
envers les ennéades et devenir éducateur. Le groupe le
plus difficile à rejoindre est celui des hurr, car la richesse
est une étape importante pour quiconque veut devenir
marchand. Cela étant, une telle avancée sociale n’a rien
d’inhabituel. Le Khémet est un endroit où les personnes
déterminées peuvent réaliser leur rêve, pour peu qu’elles
aient suffisamment de chance et de dévouement. Face aux
ténèbres envahissantes, les enez font tout leur possible
pour améliorer leur quotidien.

L’esclavage
La reine Twosret a beau avoir pris nombre de décisions
impopulaires ces dernières années, son choix de légaliser
l’esclavage pourrait bien la conduire à sa perte.
Le déclin de Khémet ayant plongé énormément de
Khémétiens dans la pauvreté, les collecteurs d’impôts
signalèrent que de nombreuses villes et provinces ne
pouvaient payer leurs impôts à la Couronne. Le désarroi
général a provoqué des émeutes et des attaques sur les
collecteurs d’impôts, ce qui en retour n’a fait qu’aggraver
les choses  : des soldats accompagnent désormais les
cortèges de collecte, et des garnisons sont postées dans
les villes où l’agitation est au plus haut. Plutôt que de
s’attaquer aux villes, la reine Twosret fit passer une
nouvelle loi : quiconque ne pourra payer ses impôts pour
la troisième saison consécutive devra placer un membre
de sa famille en servage. Étant donné qu’un serviteur de la
Couronne n’est pas entretenu par l’État, on ajoute ses frais
de subsistance à ses dettes. Il ne fallut pas longtemps pour
que tout le monde comprenne le sens réel de ce servage :
l’esclavage.
Depuis, des milliers de Khémétiens ont été placés au
service de la Couronne. Ces esclaves ont permis de
relancer l’économie faiblissante et de garder le Khémet à
flot. Fort de ce redressement de la productivité, Twosret a
depuis conclu des marchés avec des marchands d’esclaves
pour qu’ils lui procurent davantage de main d’œuvre,
allant jusqu’à se fournir chez des intermédiaires comme
la Compagnie commerciale atabéenne ou des pirates qui
s’en prennent aux côtes numanaris et croissantines.
Le plus grand apport d’esclaves vint d’une petite armada
de bateaux pirates croissantins. Ils apportèrent avec eux
toute une communauté yachidi qu’ils avaient capturée
alors qu’elle se rendait au nord, dans la Fédération
sarmatienne. La reine présenta les yachidis à son royaume
comme un peuple de naufragés ayant survécu à une
terrible tempête en mer, laquelle aurait détruit leurs
navires et toutes leurs possessions. Peu sont ceux qui ont
cru ses mensonges. La reine se réjouit de ce nouvel apport
de « réfugiés » et installa la communauté (de près de deux
cents yachidis) dans un petit quartier de Masr appelée
Goshek. Là, les yachidis vivent esclavagisés, au service de
la ville, enfantant une population d’esclaves natifs et sous
le contrôle total de la Couronne.
À la cour, les traditionalistes et de nombreux
représentants de la paysannerie, horrifiés par l’idée d’une
population d’esclaves faite d’étrangers capturés, n’ont
ORIGINE ET STATUT DES
HÉROS KHÉMÉTIENS
Un Héros khémétien peut venir des enez ou
des très-hauts (pour peu qu’il prenne l’Avantage
associé, bien sûr). Un Héros appartenant au rang
le plus bas peut choisir un Historique de conduc-
teur de chariot, de boucher ou de serviteur ;
cette position au bas de l’échelle sociale fournit
énormément de motivations pour se lancer à
l’aventure. Un enez de la classe moyenne, comme
un marchand ou un artisan, finit généralement
par s’installer en ville, mais il pourrait se retrouver
impliqué dans une aventure au même titre
que quiconque venu d’ailleurs en Théah : son
commerce en ruine, sa famille menacée, il pourrait
aussi être victime d’une conspiration ou souffrir
d’une curiosité trop grande pour l’ignorer. Il sera
plus probable qu’un noble appartenant aux très-
hauts se retrouve impliqué dans un jeu politique
local ou international, des transactions financières
ou des études académiques à la recherche d’un
passé enfoui. Bien sûr, le cliché du noble pour qui
tout se met à aller mal est un excellent moyen de
motiver un Héros.
Un Héros khémétien doit rappeler à ses amis
qu’en Khémet, la vie d’aventurier n’est source ni
de respect ni d’envie. Pour les Khémétiens, un
aventurier n’est rien d’autre qu’un vagabond, au
même titre qu’un mendiant. Un voyageur étranger
pourrait s’attendre à ce qu’on lui témoigne du
respect en raison de ses « aventures », à l’instar un
membre de la Rose et de la Croix ou du Collège
invisible ; il serait alors surpris de découvrir que
son mode de vie sans liens ni attaches est en
décalage avec la société khémétienne. Ce n’est
pas sans avantages : un aventurier malin saura se
déplacer sans être vu, car qui prête réellement
attention aux vagabonds errants et aux pilleurs de
tombes ??
toujours pas trouvé le moyen de libérer les yachidis
capturés, ni même les milliers de Khémétiens endettés
qui vivent à présent en esclavage. Cette situation rend
également les voyages dangereux pour les étrangers, qui
peuvent se retrouver emprisonnés et mis à l’amende
à n’importe quel moment, pour n’importe quel motif.
Quiconque ne parle pas la langue se retrouve rapidement
embarqué pour être jugé. Quant à ceux qui la parlent, les
amendes et les contraventions peuvent rapidement leur
pleuvoir dessus sous prétexte d’un crime ou d’un autre,
jusqu’à ce qu’ils se retrouvent emmenés pour devenir
serviteurs. Par conséquent, quand les gardes annoncent
que vous allez entrer au service de la couronne à cause de
vos dettes, fuyez !
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 153
 Culture et coutumes
La mort, les défunts et les momies l’époque des ennéades. La famille traditionnelle consiste
Depuis ses origines, les Khémétiens voient la mort comme en un couple unique de n’importe quels genres, chacun
une transition. vouant sa vie à l’autre. L’arbre généalogique est source de
Après le décès, les prêtres d’Isira et d’Anuros se fierté et il faut pouvoir le remonter sur des générations
rassemblent pour préparer le corps lors d’un rituel des deux côtés de la famille. Ainsi, ce couple dirige la
précédant la momification. Ils nettoient, embaument et maisonnée au même titre que ses enfants légitimes. Il
enveloppent le corps d’un linge blanc, puis le placent dans est habituel pour un couple d’avoir plusieurs partenaires
sa tombe aux côtés de ses ancêtres. sexuels et que des enfants naissent de ces relations.
Les effets et trésors du défunt sont placés dans les En plus de leurs quartiers principaux, bien des
tombes à côté de la sienne pour accompagner son ka dans familles disposent d’une dépendance où les partenaires
l’après-vie. On octroie également au corps un masque additionnels et leurs enfants peuvent vivre et grandir
funéraire. Les plus simples sont faits de plâtre ou de boue, aux côtés de la famille principale. Les enfants nés
mais les plus riches sont faits d’or et d’argent, et sont d’unions illégitimes portent l’appellation d’akhars et, par
incrustés de pierres précieuses. le passé, n’avaient pas le droit d’épouser des personnes
Le trépassé est enterré aux côtés de sa famille à l’extérieur de sang légitime. Cette règle n’a plus vraiment cours
de la ville, dans une crypte construite en sous-sol ou à dans la majorité de Khémet, sauf chez les très-hauts et
flanc de colline. Ces tombes peuvent être simples (pour la famille royale où les enfants illégitimes manquent de
les membres des enez) ou de gigantesques et magnifiques reconnaissance et d’opportunités.
mausolées souterrains (pour les familles des très-hauts).
Les membres de la famille royale sont enterrés dans la Langue
Vallée des Rois, juste au sud de la ville de Masr. Ces La langue principale des Khémétiens est le sahidique. Les
tombeaux deviennent des lieux de visite pour les proches : différents (et nombreux) dialectes du sahidique dépendent
au son de leurs suppliques, le ka des ancêtres revient pour de la région et de la classe sociale. La plupart des dialectes
écouter leurs prières et être porté jusqu’aux ennéades. ont beaucoup de choses en commun mais la prononciation
Pour cette raison, on considère que les momies et les peut varier d’une région à une autre.
trésors funéraires sont imprégnés de l’énergie du ka, cette
même énergie utilisée par la sorcellerie Heka. Les sorciers Alimentation
malfaisants du Heka pillent souvent des tombeaux, non Depuis que les jours ont raccourci, l’autre force
seulement pour les richesses qu’ils renferment, mais économique majeure du Khémet se situe dans ses
également pour trouver des objets débordant de ka qu’ils produits alimentaires. Là où, autrefois, le pays cultivait
pourraient récupérer et utiliser à leurs fins. On engage d’éclatants champs de blé, d’orge et autres céréales, le
donc des maharibs pour protéger les tombes, ainsi que soleil terne a amené des récoltes rabougries pleines de
des eubayds d’Anuros qui portent des casques en forme nourriture à moitié mûre. Le Khémet s’est donc tourné
de tête de chacal. vers la pêche intensive dans les grands fleuves, l’import
d’animaux d’élevage et la mise en place d’abattoirs.
La famille, le genre et la sexualité Les viandes fumées et de salaison, autrefois un mets
Les Khémétiens ont l’esprit ouvert concernant le genre et fin en Khémet, sont devenues des produits majeurs
la sexualité. Ils se réfèrent aux autres en utilisant lui, elle d’exportations. La préservation de la viande et du poisson
ou zer, ce troisième terme étant utilisé pour les personnes est devenue une industrie importante. En retour, cela
ne se réclamant d’aucun genre (ou des deux à la fois). Les crée une énorme demande en sel, récolté depuis l’océan
ennéades se présentaient tour à tour sous forme masculine par des artisans qui utilisent des techniques vieilles de
ou féminine, allant parfois jusqu’à prendre une toute autre plusieurs générations.
apparence et changer de forme en fonction des détails
d’une histoire. Arts et artisanat
La structure de la famille n’a pas changé depuis la Depuis des temps reculés, les disciples de Seknephet,
réorganisation du pays car c’est un héritage qui vient de la déesse de la créativité, sont de talentueux conteurs,

154 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET

chanteurs, danseurs et musiciens. La musique occupe une
place importante dans les fêtes, où l’air s’emplit du son des
tambourins, clochettes, luths, tambours, harpes et flûtes.
Les chanteurs tissent des histoires dans leurs chansons
pour toutes sortes d’occasions, et les conteurs doués
mémorisent des centaines d’histoires au cours de leur vie.
Les temples, les palais et les maisons sont les pages de
ces histoires que l’on inscrit à même les pierres des cités
khémétiennes sous forme de hiéroglyphes finement ciselés.
Des mosaïques serties et colorées sont des livres de contes
et narrent ces récits sous forme de fresques magnifiques.
Les tisseurs les racontent par leur travail, en créant des
tapisseries et des tapis de toutes sortes avec des fils aux
teintures magnifiques. Même les bijoux de Khémet ont
leurs histoires à raconter, imitant ennéades, reflétant le
soleil et la lune, ou portant des motifs qui rappelaient des
animaux ou des célébrités.
Les histoires de Khémet se transmettent aussi au cours
de danses énergiques. Les danses cérémonielles, lors
des fêtes des moissons, représentent les histoires des
ennéades. Chaque province possède sa propre version de
la musique et des histoires, mais les danses sont toujours
précipitées, cadencées, irrésistibles. Lors des longues
nuits, les gens se retrouvent autour de feux de joie et font
résonner flûtes, sistres, tambourins, cymbales, kanouns
et zurnas. Ils frappent dans leurs mains, tapent des pieds,
tournent et tourbillonnent autour des flammes vacillantes.
Leurs gestes racontent les histoires d’époques passées et
présentes. Leur joie et leur passion s’élèvent contre les
jours sombres de Khémet et leur rappellent que la lumière
du jour reviendra.
Religion
Deux groupes religieux coexistent en Khémet : les disciples
des ennéades et ceux du deuxième Prophète. Si, autrefois,
les temples des ennéades se dressaient majoritairement à
travers tout le pays, le royaume compte dorénavant plus
d’églises dédiées au deuxième Prophète. Ces deux groupes
vivent dans une harmonie relative comparée à ceux des
générations précédentes, mais au vu des évènements récents
qui assombrissent le Khémet, les différences de croyance
ont déclenché des conflits violents entre eux.
Pour pallier certains de ces problèmes, la reine Twosret a
officiellement déclaré que les deux religions étaient égales
dans le pays. Cependant, ce n’est qu’une question de temps
avant que le clivage ne se mue en un conflit religieux à
grande échelle.
Les ennéades
Depuis sa fondation, le Khémet entretient une relation
profonde et intime avec les ennéades. Elles sauvèrent
les Khémétiens de la vilenie du Bonsam, dressèrent les
grands obélisques protégeant le pays et conclurent le Pacte
des très-hauts pour enseigner la magie et la sagesse aux
souverains. Leur empreinte reste visible sur l’ensemble de
la Nation, que ce soit dans le nom des neuf provinces ou
les pyramides géantes érigées pour leur rendre hommage.
Malgré leur départ, nombreux sont ceux qui continuer
de les vénérer dans l’espoir qu’elles reviennent un jour de
l’Iu-Neserer.
Chaque province de Khémet est liée à l’ennéade dont le
culte est majoritairement pratiqué. En fonction du statut
ou du besoin de chacun, il n’est pas rare qu’un individu
vénère plusieurs ennéades. Des temples dédiés à chacune
d’elles existent dans chaque grande ville, ainsi que des
autels plus réduits dans toutes les villes, aux carrefours et
aux étapes de bord de route à travers le désert. Certaines
barges qui descendent et remontent le long des fleuves
appartiennent aux eubayds, qui aident les marins à porter
des offrandes même lorsqu’ils sont loin de la terre. Les
voyageurs, eux, portent sur eux de petites statues de ces
joks pour pouvoir les prier où qu’ils se trouvent.
Un eubayd passe sa vie au service des ennéades. Il ne se
marie pas et n’enfante pas, mais il adopte des orphelins
et des fugueurs qu’il élève comme ses pupilles pour
reprendre le flambeau. En plus d’entretenir les temples
et d’organiser les rites sacrés, il supervise les naissances,
les étapes importantes de la vie comme le mariage et le
divorce, et s’occupe également des rites funéraires. Les
eubayds servent également de médiateurs et d’éducateurs.
Autrefois, les ennéades guidaient le peuple, aujourd’hui,
leurs prêtres remplissent cet office.
Ahmun
Jadis, Ahmun mena les ennéades jusqu’en Khémet pour
protéger le pays contre les ténèbres envahissantes. Ce fut
sa lumière qui repoussa les ténèbres, et c’est lui qui prit la
décision de retourner sur l’île de la Flamme après la mort
de sa fille, Isira.
Ahmun est lié au soleil, aux prophéties, à la stratégie
militaire, aux fleuves et aux saisons. Son culte est le plus
répandu en Khémet et son temple, à Masr, est le plus
grand de tous. Ses disciples pensent qu’il reviendra pour
les guider, une fois de plus, hors des ténèbres.
Son symbole est un soleil juché sur un demi-cercle.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 155
 Anuros séduisante, elle se nourrissait de beauté et de splendeur,
Fils d’Isira et de Seti, Anuros possède un corps jusqu’à ce qu’Isira et Horun soient assassinés. Elle
d’homme et une tête de chacal. Gardien de l’entrée de devint ensuite une silhouette éternellement endeuillée,
l’outre-Monde, il était à jamais incapable d’en traverser une panthère noire arpentant la campagne en quête
la frontière. Ses pouvoirs, hérités de son père, lui de vengeance.
permettaient d’observer le cœur des morts et juger leur Basat est liée à la magie, aux naissances, à la guérison et
valeur : s’ils étaient dignes de leur vivant, il leur accordait de la protection. Ses disciples soutiennent l’utilisation de
l’entrée vers l’au-delà, sinon, il dévorait leur âme. Les la sorcellerie, y compris le Heka.
récits les plus anciens disent qu’après avoir récolté les Son symbole est le chat.
dizaines de milliers d’âmes ayant péri dans l’inondation
du Khémet, Anuros devint fou. Horun
Ses disciples savent qu’Anuros est désormais Le plus jeune des ennéades est Horun, fils d’Isira et de
imprévisible, et qu’il est aussi bien capable de leur venir Basat. Une prophétie disait qu’il était destiné à succéder à
en aide que de les dévorer. Ahmun. Il fut élevé par son grand-père et, grâce à ses hauts
Son symbole est le chacal. faits d’armes dans la guerre contre les ténèbres, il ne tarda
pas à s’attirer la faveur des Khémétiens. Il fut assassiné
Apostis par Seti et son corps fut inhumé dans la province portant
Apostis est le frère d’Ahmun, son opposé ténébreux. son nom, sous la grande pyramide qui lui était dédiée, au
L’obscurité avait beau être sienne, il croyait fermement milieu des plus beaux trésors et cadeaux divins.
en l’équilibre avec la lumière et le jour. Malheureusement, Horun est lié à la guerre, les cieux et les oiseaux. Ses
les Khémétiens vénéraient le soleil, et peu à peu, il devint disciples croient qu’il reviendra un jour à la vie, grâce à
jaloux. Il se tourna alors vers les démons et la corruption, sa mère Isira (lorsque celle-ci aura ressuscité). Alors, il se
allant même jusqu’à comploter avec le Bonsam pour transformera en un gigantesque faucon, prendra son envol
donner naissance à Ammit-Sat, une bête monstrueuse au-dessus de Khémet et mènera à nouveau son peuple
dotée d’une tête de crocodile, d’un corps d’un léopard et vers la victoire.
de pattes d’hippopotame. Il nourrit également la haine Son symbole est le faucon.
de son neveu Seti pour Isira et Horun ; il souhaitait ainsi
nuire à Ahmun en s’en prenant à sa fille et à son petit-fils. Isira
Après le meurtre d’Horun, Isira défia Apostis. Pendant le Isira est connue pour être l’une des plus puissantes
combat, il relâcha Ammit-Sat sur elle... Lorsqu’Ahmun ennéades. Elle était l’amante de Basat, et elle fut tuée par
rattrapa Apostis, il l’enchaîna pour l’emmener sur l’Iu- Ammit-Sat, la créature diabolique d’Apostis. D’anciennes
Neserer. Quant à Ammit-Sat, elle disparut et on ne la histoires racontent qu’elle arpentait les champs de bataille
revit plus jamais. d’antan avec son fils Anuros, accordant l’immortalité aux
Apostis est lié aux serpents, au chaos et aux ténèbres. maharibs dignes de ce nom (qui devenaient alors ses
Il a des fidèles—bien qu’ils soient peu nombreux—qui guerriers et combattaient les menaces démoniaques).
viennent sous le couvert de l’obscurité le vénérer dans son Après sa mort, ses membres furent éparpillés dans le
temple à Benben Apostisra. lac attenant à sa pyramide. Basat inscrivit un message
Son symbole est le serpent. au-dessus de l’entrée : Cherchez Isira et trouvez l’immortalité.
Isira est liée à la famille, à l’enfer et à l’au-delà.
Basat Son symbole est l’ânkh.
On ne connaît pas avec certitude l’origine de Basat.
D’aucuns disent qu’elle est la sœur d’Ahmun et Apostis, Seknephet
d’autres qu’elle était originaire de terres loin à l’est, ou Seknephet était la plus imprévisible et incontrôlable
par-delà les mers. Toujours est-il que Basat et Isira sont des ennéades, une force de création incoercible. On
les mères d’Horun. Depuis son temple-palais de Benben dit que jadis, Seknephet était deux jumelles, Sekhmet
Basatan, elle enseignait la magie et l’appréciation des et Nephthet, qui s’aimaient avec tant d’ardeur qu’elles
choses les plus raffinées aux Khémétiens. Puissante et fusionnèrent en un seul être.

156 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET

 Seknephet est liée à la créativité, à l’abondance, au feu, à Le deuxième Prophète et l’al-dīn
l’amour, aux récoltes et à la vengeance. Ses disciples louent L’Empire du Croissant étant un voisin proche, ce n’était
ou accusent sa nature capricieuse pour justifier de la qu’une question de temps avant que ses cultures et ses
qualité des récoltes en Khémet. Les temples de Seknephet idées ne viennent influencer le Khémet. Lorsqu’Ahmun-
sont souvent remplis de gens en quête d’inspiration Hashet se convertit au culte du deuxième Prophète
créatrice, de bonnes récoltes ou de conseils amoureux. Ses et devint l’un de ses plus ardents fidèles, la religion se
prêtres connaissent cependant ses lubies capricieuses, et si répandit dans le pays comme une traînée de poudre. On
elle accepte d’accorder sa bénédiction, la retombée de ses construisit des églises rivalisant avec les temples locaux
dons est souvent inattendue. dédiés aux ennéades, et les eubayds s’y firent de plus en
Son symbole est une empreinte de patte griffue. plus nombreux à mesure que les années passèrent.
Des siècles plus tard, le culte du deuxième Prophète est
Seti devenu l’égal de celui des ennéades, ce qui n’est pas sans
Seti est le fils d’Ahmun et le frère d’Isira, avec qui il dérouter les fidèles des joks. Certes, ils comprennent les
entretint une relation jusqu’à ce qu’elle le quitte en faveur enseignements de tolérance, de raison et d’apprentissage
de Basat. Fou de jalousie, il se tourna vers Apostis pour adoptés par le deuxième Prophète, mais pour eux, les
quérir son affection et, à eux deux, ils mirent au point un pyramides sont les preuves matérielles de l’héritage des
plan pour mettre un terme au règne des ennéades. Seti ennéades en Khémet. Ils mettent également en avant
assassina Horun et convainquit Arunos d’empêcher son la magie, léguée par les joks aux très-hauts, ou le Heka,
âme de rejoindre l’au-delà. Pour ce crime, il fut chassé démonstration concrète d’une puissance dépassant celle
par Ahmun. Dorénavant en exil, il se repent de ses de n’importe quel Prophète. Ils s’inquiètent surtout car
mauvaises actions. le schisme qui divise les partisans de l’al-dīn et l’Église
Seti est lié aux tempêtes, aux scorpions, au désert et à la vaticine suite à l’arrivée du troisième Prophète pourrait
famine. Ses fidèles sont peu nombreux dans son temple de avoir des effets similaires sur le Khémet.
Benben Seti, mais les voyageurs et les marins continuent Quoi que l’on puisse leur dire, les fidèles du deuxième
à implorer sa protection contre les dangers du désert et le Prophète se montrent indifférents et préfèrent se
mauvais temps. concentrer sur leurs bonnes œuvres, la tolérance
Son symbole est le scorpion. et la logique qu’ils déploient aux quatre coins de
Khémet. Leur dévouement a généré un lien fort
Toroth avec les dīnistes de l’Empire du Croissant, lien qui a
Toroth est décrit dans les textes anciens comme étant permis une aide financière nécessaire au maintien de
un mélange d’homme et de femme. Durant la guerre, l’économie périclitante.
zer consigna des archives méticuleuses de toutes les Ces dernières années ayant été difficiles, les dīnistes
sortes de savoir, ceci afin de préserver ce que les ténèbres khémétiens se sont mis à s’interroger sur l’influence de la
avaient tenté de détruire. Depuis sa province, zer créa sorcellerie et des ennéades sur leur royaume. Ils désignent
des centres de savoir à travers tout le pays. Les histoires le raccourcissement des jours et le prolongement des nuits
d’antan racontent que cette salle des archives existe comme preuve de l’existence d’une magie malfaisante
encore, abandonnée dans la précipitation lors du départ qu’il faut comprendre afin de la déjouer. Les ennéades
des ennéades. n’ont visiblement pas réussi à empêcher durablement
Toroth est lié à la sagesse, à la connaissance et aux justes les ténèbres de progresser sur le Khémet, et un nombre
jugements. Depuis toujours, ces écoles sont ouvertes à tous croissant de gens inquiets exigent que quelque chose soit
ceux désireux d’apprendre. Ses prêtres, qui sont parmi les fait. Une réflexion rencontre un succès important chez
mieux éduqués, voyagent dans tout le pays pour répandre dīnistes : si les méthodes d’antan ont échoué, peut-être
le savoir parmi le peuple. Magistrats et médiateurs qui doivent-ils reprendre le contrôle de leur patrie sous une
souhaitent rendre un jugement équitable au cours de leur nouvelle bannière.
devoir demandent la bénédiction de Toroth.
Son symbole est une grue.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 157

 L’Église par-delà les mers
L’Église vaticine peut sembler éloignée, mais les Nations
théanes tournant chacune leur regard vers le Khémet, sa
présence s’affirme chaque jour davantage dans le pays. Les
interdictions de cette Église sont sévères : la pratique du
Heka, l’étude des monuments protecteurs et les prières
faites aux ennéades sont perçues comme un affront. Selon
ces ecclésiastiques, l’humanité doit comprendre l’Énigme
de Théus par elle-même, et non grâce aux « dons » offerts
par des esprits étranges et des Monstres préhistoriques.
Les savants du Collège invisible soutiennent que même
les œuvres magnifiques des ennéades doivent être
soumises aux lois naturelles, et que leur étude pourrait
permettre de découvrir des secrets du monde physique
jusqu’alors inconnus.
Officiellement, l’Église vaticine considère le Khémet
comme un royaume à convertir. Tout comme les
Croissantins, les Khémétiens sont considérés comme
un peuple embourbé dans leur passé, refusant d’accepter
les vérités du troisième Prophète, aveugles à la lumière
que Théus a révélée. Officieusement, l’Église engage
des chasseurs d’artefacts et des érudits pour se rendre
en Khémet et découvrir davantage de secrets dans les
tombeaux et les monuments anciens. On pourrait faire
appel à des Héros comme à des Scélérats pour voyager
jusqu’en Khémet au nom de l’Église, mais ni les dīnistes,
ni les disciples des ennéades n’apprécient ce genre de
visiteurs. Et c’est sans compter les découvertes que fera un
Héros et qui pourraient bien remettre en question toutes
ses croyances sur Théus.
158 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET
Sorcellerie
Le Heka
Suite aux destructions occasionnées par l’inondation et
le départ des ennéades, le peuple avait plus que jamais
besoin de la sorcellerie pour protéger le Khémet. Le roi
Theyt découvrit qu’il était possible de manipuler son
esprit (ou ka) et de l’utiliser pour faire de la magie. En
imprégnant une part de soi dans un objet par le biais d’une
représentation écrite, voire d’une phrase prononcée à voix
haute, le sorcier Heka peut plier le monde à sa volonté.
L’objet imprégné tire son pouvoir magique du monde et
des joks, puis le façonne selon les désirs du sorcier. Plus le
ka du sorcier est fort, plus sa création le sera aussi.
La pratique magique du Heka exige une compréhension
du lien entre un objet et sa représentation aux yeux
d’autres forces ou matériaux naturels. En faisant une
inscription sur un objet adéquat, le sorcier peut créer des
amulettes alchimiques ou des sorts pour manipuler la
nature qui l’entoure. Il peut même transformer la chair
et l’os, ou donner aux armes davantage de puissance et de
résistance. Le seul souci, c’est que chaque création magique
demande une dépense de ka, et plus la création est grande,
plus elle demande de pouvoir. Le ka, l’essence vitale même
d’une personne, a donc besoin de temps pour se recharger
entre chaque création. À trop l’utiliser, un individu peut
tomber malade et mourir rapidement.
Il existe cependant certains raccourcis. Un sorcier Heka
apprend à siphonner le ka des autres, à les saigner de
leur essence vitale, et à utiliser l’énergie des trésors de
tombeaux (voire des momies) pour servir ses desseins.
Un réseau de contrebande échange et vend des objets
volés dans les tombeaux pour les besoins de ces sinistres
créations. Cependant, dans la plupart des cas, chaque
sorcier, qu’il soit enez ou très-haut, utilise le Heka
pour créer des merveilles magiques et aider le Khémet
à prospérer.
Bien sûr, le Heka est une forme de sorcellerie, de fait, elle
est considérée comme anathème par l’Église vaticine. Il
s’agit d’une forme de magie, une modification surnaturelle
du monde, qui doit donc être considérée comme une
influence néfaste.
Gouvernement
La cour royale de Khémet est divisée en deux camps
d’égale importance. L’un est formé des sympathisants
de la reine Twosret, l’autre de ceux qui souhaiteraient
voir l’avènement au pouvoir du prince Siptah. En
raison de la paranoïa grandissante de la reine et de ses
comportements récents, nombreux pensent qu’elle est
responsable des ténèbres grandissantes sur le royaume
(et ils ont raison).
Les assassins ayant voulu mettre fin au règne de
Twosret ont été stoppés par la garde royale, voire par des
forces étranges et magiques que d’aucuns ont qualifiés
de « démoniaques. » Seul un de ces assassins parvint à
s’échapper du palais. Grièvement blessé, il déclara juste
avant de rendre son dernier souffle que le consort royal,
Amlak Bey, était en vérité un démon. Malheureusement,
l’affable dirigeant aksoumite a la faveur du peuple, et qui
croirait les mots d’un assassin ?
Pendant ce temps-là, Twosret laisse les dirigeants
corrompus, les collecteurs d’impôts et les criminels s’en
prendre aux enez du moment qu’ils soutiennent son règne.
Qui plus est, elle retire ses gardes pour qu’ils patrouillent
moins les terres du royaume et ne sécurisent plus que
des endroits d’importance, tel Masr et le palais estival
de Kyber.
Les sympathisants du prince Siptah savent qu’ils misent
leurs espoirs sur une variable inconnue. La plupart
n’ont jamais vu ni même parlé au prince, et ne savent
absolument pas s’il ferait un bon souverain. L’argument
principal avancé par ses soutiens est que n’importe quelle
alternative sera forcément meilleure que la reine Twosret.
Parmi les partisans du prince Siptah, on trouve des gens
de tous bords, des défenseurs Héroïques du peuple
comme Nunia (sa cousine et future épouse) aux chefs
de hors-la-loi soutenus par des étrangers qui souhaitent
destituer la reine et faire de Siptah leur marionnette
au pouvoir.
Ce que les proches du prince ont laissé filtrer donne à
penser qu’il pourrait être plus difficile à contrôler que
ce qu’on croit. Même si peu d’informations ont quitté le
palais estival de Kyber, les rumeurs le décrivent comme un
jeune homme prévenant, soucieux de son peuple et aimant
son pays. Ses détracteurs se servent de son isolement
comme d’une excuse pour lui attribuer les pires défauts
possible, l’accusant d’être faible et maladif, d’avoir une
intelligence limitée ou même d’avoir hérité de la folie de
son ancêtre, le roi Theyt. De plus, des histoires circulent
dans les bars à narguilé comme quoi Siptah n’est pas
humain et possèderait des pouvoirs surnaturels.
Pour les hommes et femmes ordinaires de Khémet,
le futur semble bien sombre, entre le règne d’une reine
tyrannique et paranoïaque et l’accession au trône de
son fils, un prince dont on ignore le calibre et qui,
selon les rumeurs, n’est qu’un pion aux mains de forces
surnaturelles. Une chose est sûre  : si le Khémet veut
survivre, il a besoin d’un effort Héroïque pour sonner
l’avènement d’un nouveau dirigeant.
La politique des provinces
Les neuf provinces furent établies en des temps reculés,
lorsque le Khémet était gouverné par les ennéades.
Chacune d’elle établit les frontières de son territoire en
allumant de petits obélisques de cristal qui, lorsque leur
pouvoir se retrouvait à l’unisson, protégeaient les terres
des invasions de la corruption et des créatures maléfiques.
Ces obélisques se sont éteints depuis longtemps et
ne servent désormais plus qu’à marquer les frontières
séparant les neuf provinces à travers le royaume.
Les provinces se firent la guerre après la disparition
des ennéades, mais la reine Nahashepsut les rassembla
de nouveau et fit de Khémet une force unique et unifiée.
Bien qu’unies en apparence, chaque province poursuit
cependant ses propres buts. Les familles des très-hauts,
qui servaient autrefois les ennéades, sont maintenant
maîtres de ces terres et elles passent leur temps à se
disputer le pouvoir sous les yeux de la reine. Twosret
encourage les intrigues des très-hauts pour prendre
tout le monde à contre-pied, et chaque province négocie
âprement pour des ressources commerciales et des faveurs
qui serviront à l’enrichir.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 159
 La monnaie
Même après l’époque de l’unification, les différentes
provinces utilisèrent des monnaies sensiblement
différentes, qu’il s’agisse d’anneaux d’argent ou de pièces
d’or, en passant par le troc d’animaux, de céréales, de
bois et d’épices. La reine Twosret créa une pièce d’argent
nommé le hedj pour en faire la devise nationale, mais son
utilisation peine à gagner en popularité. Les Khémétiens
comptent encore beaucoup sur le troc pour leur existence
au jour le jour, tandis que le hedj reste entre les mains des
hurr, des eubayds et des très-hauts.
L’économie de Khémet est en chute libre depuis que
les nuits ont rallongé. Avec seulement huit heures
d’ensoleillement par jour, les citoyens se lèvent tôt pour
vaquer à leurs occupations, s’en tenant à une cadence de
travail honnête jusqu’au coucher du soleil. Alors, tous les
Noms khémétiens
Les noms des hommes et des femmes
proviennent souvent de la nature, de
variations des noms des anciennes
ennéades, de Héros du passé
ou de vertus importantes aux
yeux des Khémétiens. Le nom
est donné à la naissance et
accepté par un jeune khémétien
lorsqu’il atteint l’âge de dix
ans. Si un enfant khémétien
souhaite changer son nom, il
s’en débarrasse et le jette dans les
flammes devant toute sa famille,
puis il annonce son nouveau nom.
Beaucoup de noms ont changé
chez les Khémétiens au fil des
ans, davantage de noms ayant été
ajoutés aux noms traditionnels en
raison de l’influence de l’Empire
du Croissant.
160 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET
commerces prennent un rythme effréné et la plupart des
citoyens deviennent soudain d’une franchise brutale, allant
jusqu’à friser avec l’impolitesse pour peu qu’ils concluent
leurs affaires rapidement. Personne ne souhaite se faire
prendre à l’extérieur pendant la nuit. Toutes les livraisons,
transactions et opérations commerciales prennent fin dès
que le soleil disparaît derrière l’horizon. Il n’en va pas de
même pour les affaires louches. Criminels et conspirateurs
bravent volontiers les dangers nocturnes pour accomplir
leurs besognes ; après tout, même les représentants de
la loi craignent l’obscurité. Quand la lune luit haut dans
le ciel khémétien et que l’air nocturne se répand en une
brise fraîche, les femmes de compagnie ou les vendeurs de
haschich bravent le danger et proposent leurs services dans
les salons clandestins, tandis que bandits et contrebandiers
se faufilent entre les allées, sous le couvert des ombres noires.
Prénoms masculins
Ahmentoten, Ahmose, Ahten, Amir, Ammon, Bashir,
Farruk, Hekset, Kanan, Khafra, Khahent, Nekau,
Nephermat, Nikare, Oded, Pentu, Raima,
Rahotep, Ramses, Semenre, Tantamani,
Teos, Wazad, Zahir.
Prénoms féminins
Amira, Behinu, Bithya, Iset, Isis,
Khebeket, Khenut, Maatkare,
Mayaneta, Meharet, Menwi,
Mereret, Nebtu, Nefertari,
Nepthis, Nikoai, Osenat, Pehya,
Peseshet, Syrene, Sitamun,
Takhat, Tayi, Tuya, Zanna.
Lieux notables
Masr
Masr, la capitale de Khémet, est située au sommet du
mont Fahrad et surplombe la Vallée des Rois. Cette
antique cité est l’un des endroits les plus anciens de
Khémet. Elle a survécu à la grande inondation lors de
la retraite des ennéades, et tout ce qui fut détruit fut
ensuite reconstruit. Les quatre grandes portes de la ville
portent chacune le nom d’un souverain passé : Ahtunonen,
Nahashepsut, Nehemek et Akheneset. Une cinquième
porte menant au royaume des morts est en construction
et porte le nom de Makaret, le roi assassiné.
La ville est séparée en quatre quartiers, avec en son
centre le palais royal et le temple d’Ahmun, ceints par un
anneau de temples. Le palais resplendit tel un fanal doré
au sommet de la colline, visible sur des kilomètres depuis
n’importe quelle direction. Composé de nombreux niveaux
en terrasses et de centaines de marches, un magnifique
escalier mène de la gigantesque cour en marbre—partagée
avec le temple d’Ahmun—jusqu’aux salles de réception les
plus hautes.
Le temple d’Ahmun a beau être légèrement plus petit, il
rivalise de splendeur avec le palais. Les murs du temple
sont sertis d’or et de joyaux sur lesquels est gravée
la langue des ennéades. Ces hiéroglyphes racontent
d’anciennes histoires, de l’arrivée des joks à leur départ,
ainsi que le passé de Khémet jusqu’au règne de la reine
Twosret. Le temple est administré par les eubayds
d’Ahmun les plus dévoués. Leur chef, Nephet Malin,
un dévot quasi fanatique, conserve d’anciennes reliques,
notamment le sceptre d’Ahmun même.
À l’est du palais, le quartier des nobles abrite les familles
des très-hauts. Leurs maisons consistent en d’énormes
structures à ciel ouvert, dotées de splendides pavillons et
de jardins nivelés, avec de grands balcons qui permettent
d’admirer le lever du soleil sur la ville. Les murs (incrustés
de métaux précieux et de mosaïques) racontent les
histoires de légendes anciennes et le passé des familles
qu’ils abritent. Autour de chaque villa, on trouve les
appartements des domestiques où vivent les alhadirins et
les maharibs en charge de protéger le domicile.
La place du marché est réputée pour être la plus
grande de Khémet, avec un étalage impressionnant de
marchandises importées d’Ifri et d’ailleurs. Épices, tissus,
animaux, esclaves, trésors et toutes sortes d’aliments sont
à vendre ; on trouve également des étals qui proposent
des reliques et des trésors volés dans des tombeaux (et
très utiles pour les sorciers Heka). Un stand d’enchères
est disponible en permanence au nord du marché, où l’on
met en vente du bétail et des esclaves. Juste à l’ouest du
marché, les alhadirins peuvent se rendre dans une taverne
appelée Au repos de l’ibis pour trouver du travail ; tous les
jours, ils attendent sous de larges auvents de coton blanc
ceux qui viennent chercher de la main-d’œuvre qualifiée.
La dernière extension du marché consiste en une cave
à vins appelée La Vigne rouge ; son propriétaire, Emilio
Cortez, est un immigré castillian qui gère l’entreprise
avec son mari, Hasan. Cette cave en plein air propose
des dégustations, invitant les visiteurs de tous horizons
à goûter des crus venus des quatre coins du monde.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 161
 La Vigne rouge est devenue un endroit très prisé et l’on y Accroches scénaristiques :
trouve souvent musiciens, poètes et conteurs à l’occasion
de fêtes luxueuses. On invite surtout des étrangers pour
renforcer l’exotisme de l’endroit.
Accroches scénaristiques :
• Les mafquds sont attaqués par les morts-
vivants venus de la Vallée des Rois. Les Héros
parviendront-ils à joindre leurs forces au peuple
pour établir une défense ?
• Une délégation de la Compagnie commerciale
atabéenne est arrivée à la cour mais son chef
a disparu au beau milieu de la nuit. Son corps
est retrouvé deux jours plus tard et tout semble
indiquer que les Héros sont les prochains sur la
liste.
• Les rumeurs parlent d’une panthère noire qui
rôde dans les rues durant la nuit, assassinant les
puissants sorciers Heka. Beaucoup pensent que
la déesse Basat elle-même réaffirme son pouvoir
sur Masr et le Khémet. Depuis deux nuits, un
Héros pratiquant le Heka rêve qu’une panthère
le traque. Sera-t-il le prochain ?
La Vallée des Rois
La Vallée des Rois, dernière demeure des souverains de
Khémet, abrite aussi les tombes des très-hauts. Posséder
une crypte dans la Vallée des Rois est un immense
honneur : les nobles se battent âprement pour s’assurer
une place dans les cryptes familiales afin d’être comptés
parmi les plus grands personnages de l’histoire du pays.
La Vallée des Rois est bel et bien une vallée, mais elle
est parsemée de collines plus petites. Ces monticules
ont depuis longtemps été évidés pour construire des
cryptes familiales à l’intérieur. Ils forment une structure
en spirale  : plus on se rapproche du centre, plus les
cryptes sont anciennes. Au beau milieu se trouvent les
cryptes royales, avec des portes bâties à même le sol
et des escaliers plongeants jusqu’au tombeau même
des souverains.
Les habitants considèrent la Vallée comme un endroit
terrifiant, sacré et dérangeant. En sus du danger que
représentent les bandits (lesquels détrousseront tout
visiteur s’étant attardé après la nuit tombée), chacun sait
que des Monstres (aussi bien des esprits colériques que
des goules mangeuses de chair) errent entre les tombes.
162 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET
• Un petit groupe de nobles respecte encore
l’ancienne tradition d’enterrer les alhadirins
vivants auprès de leurs maîtres défunts. Les
Héros apprennent qu’une silhouette étrange
patrouille dans la Vallée des Rois et libère ces
pauvres infortunés. Pourront-ils l’aider dans sa
mission et mettre fin à cette pratique une bonne
fois pour toutes ?
• Aziz Mahari, un pilleur de tombes âgé et
astucieux, propose des visites de la Vallée des
Rois. Les Héros gagnent des billets gratuits suite
à un pari. Seront-ils suffisamment courageux
pour passer la nuit dans un endroit où les morts
ne sont peut-être pas de tout repos ?
• La tombe de Sobekneferu, l’un des plus grands
rois de Khémet, contiendrait un miroir capable
de repousser les forces démoniaques. Plusieurs
pilleurs se sont déjà infiltrés dans le tombeau.
Une nuit, l’esprit de Sobekneferu apparaît aux
Héros et les supplie de retrouver le miroir avant
Amlak Bey et ses sbires.
L’Itéru et le Grand obélisque
L’Itéru est parfois surnommé «  le père et le sang de
Khémet ». Ce cours sinueux traverse le cœur même du
pays, prenant sa source au sud et se déversant dans l’océan
au nord. L’Itéru fut créé lorsque les ennéades quittèrent le
pays. Cette immense crevasse resta inondée même après
la décrue.
Le peuple n’a qu’amour pour le fleuve Itéru, même s’il
se révèle également source de problèmes. Chaque saison
des pluies, le lit déborde sur les plaines basses qui bordent
ses rives, ce qui oblige les familles à se réfugier à l’intérieur
des terres, loin du déluge. Après la décrue, en revanche, la
terre est de nouveau prête à être cultivée, puisque c’est à
elle que le Khémet doit l’entièreté de son industrie agricole.
Le fleuve apporte également son lot de bateaux remplis
de bandits qui attaquent les villages et pillent tout ce qu’ils
peuvent. La zone la plus dangereuse est la baie de Timsah
al-Iter. Cette baie regorge de crocodiles, au point que
beaucoup se demandent si la démone Ammit-Sat ne se
cacherait pas sous les vagues. Malgré cela, les Khémétiens
s’y donnent tout de même rendez-vous à bord de leurs
barges et bateaux pour faire des affaires ou se protéger de
la crue du fleuve à la saison des pluies.
 L’embouchure du fleuve près de la baie d’Apis abrite
aussi le plus grand trésor du royaume, à savoir le Grand
obélisque. Créé par Ahmun et les ennéades pour servir
de rempart contre les ténèbres, le monument se dresse
haut au-dessus du fleuve, témoignage concret du Pacte des
très-hauts. Il est taillé dans un cristal d’un violet profond
et recouvert d’anciens pictogrammes de protection (leur
magie s’est depuis longtemps estompée). Depuis quelques
années, le cristal s’est mis à luire d’un étrange vert bleuté,
comme beaucoup d’autres cristaux à travers le pays, ce qui
pousse nombre d’habitants à se demander si les ennéades
ne seraient pas revenues en Khémet.
Accroches scénaristiques :
• Les Héros sont à bord d’un navire qui vogue dans
l’ombre du Grand obélisque. Soudain, l’un d’eux
tombe en état de transe et commence à réciter
une prophétie.
• Un petit village sur la rive du fleuve engage
les Héros pour qu’ils mettent un terme aux
attaques meurtrières des bandits. Lorsque lesdits
bandits débarquent, les Héros ont la surprise de
découvrir que ce sont tous des enfants.
• Des signalements font état de crocodiles géants
qui auraient dévoré du bétail et des hommes
entiers le long de l’Itéru, près de Timsah al-Iter.
Lorsqu’ils s’attaquent au bateau des Héros,
ceux-ci remarquent un homme tout de noir vêtu
qui semble les contrôler.
Les Grandes pyramides
Les Grandes pyramides de Khémet sont considérées
comme l’une des plus belles merveilles d’Ifri. Au nombre
de neuf, elles sont réparties à travers tout le pays, chacune
dédiée à l’une des ennéades. Les pyramides existent pour
deux raisons : elles sont les demeures des ennéades (et
leur tombeau pour Horun et Isira) ainsi que le lieu dans
lequel sont entreposées leurs reliques. Elles sont hautes
de près de trente mètres et leur sommet est fait de pierres
de basalte géantes incrustées d’or, adornées d’une pierre
de faîte taillée dans le même cristal violet que celui utilisé
pour les obélisques. La nuit, elles produisent une étrange
lueur qui illumine toute la campagne avoisinante.
Chaque pyramide est protégée par des maharibs. Les
profaner relève du sacrilège, mais ces dernières années, les
maharibs ont eu tellement de pain sur la planche qu’il leur
a été impossible de repousser tous les pillards et autres
chasseurs de trésors.
Si un chasseur de trésor parvenait à déjouer les pièges et
à s’orienter correctement dans le tombeau, il lui faudrait
alors traverser un gigantesque lac argenté dans une
caverne non moins immense, loin sous la surface. Les
lacs argentés sont tous aussi profonds et réfléchissants
les uns que les autres. Un bateau attend toujours sur la
rive, prêt à transporter un visiteur de l’autre côté. S’il
venait à monter à bord, il affronterait les voix de ses êtres
chers, de ses ennemis, ainsi que de ses démons intérieurs
et les incarnations de ses plus grandes peurs, lesquelles
l’inciteraient à se glisser dans l’eau. S’il passe cette épreuve,
il se retrouvera dans l’outre-Monde…
Peu sont ceux qui ont réussi à pénétrer les Grandes
pyramides et à en revenir vivants. Les histoires
mentionnent des trésors et reliques faits de métal céleste
et de cristaux, ainsi que les silhouettes des ennéades
prenant vie dans des miroirs anciens pour que les mortels
s’adressent à eux.
Seul le plus grand des explorateurs, Adom Abasi, parvint
à s’introduire dans le tombeau d’Isira et à revenir avec
une amulette en forme de scarabée qui, selon la légende,
pendait autour du cou de sa statue funéraire. La reine
elle-même voulut confisquer l’amulette, mais Adom Abasi
la cacha et refusa de révéler son emplacement. Son haut
fait a inspiré de nombreux chasseurs de trésors à tenter
leur chance dans d’autres pyramides, pour un résultat
souvent funeste.
Accroches scénaristiques :
• Les Héros veulent faire fortune de la même
manière qu’Adom Abasi, mais la reine Twosret a
ordonné aux gardes de les repousser et d’utiliser
la violence si nécessaire.
• Il existe un document relatant l’histoire d’un
étranger qui, hagard et titubant, sortit de la
pyramide d’Anuros en jurant que le monument
l’avait ramené d’entre les morts. Les Héros
contactent sa femme dans l’espoir de le retrouver.
• Une compétition annuelle entre maharibs
détermine qui gardera les Grandes pyramides et
sera considéré comme un champion des dieux.
Le frère ou la sœur d’un Héros doit y participer.
Cette année, la reine a décrété que les perdants
perdront aussi la vie.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 163
 Le palais estival de Kyberr Accroches scénaristiques :
Le palais estival de Kyber est une merveille créée par la • Il y a peu, les réserves d’eau ont croupi. Les
reine Nahashepsut pour lui servir de palais estival, puis résidents de Kyber sont tendus et assoiffés. Selon
rénové par la reine Twosret pour accueillir son fils, le les maharibs, cet « accident » pourrait bien être
prince Siptah. Il s’agit d’un paradis de plusieurs étages, une tentative d’assassinat préméditée.. Les Héros
aux jardins fleuris grâce à l’eau souterraine acheminée par ont pour tâche d’endosser en secret le rôle de
d’énormes pompes. nouveaux maharibs pour débusquer les assassins
Aujourd’hui, rares sont ceux qui savent véritablement potentiels.
à quoi ressemble Kyber : ses murs se dressent si haut • Le prince Siptah a demandé à ce que de nouveaux
qu’ils en cachent même les plus hauts parapets. Il n’y a musiciens soient envoyés à la citadelle. L’appel
qu’une seule entrée, sous la forme de portes géantes faites s’est répandu à travers tout le Khémet, mais
de métal et d’or, hautes de dizaines de mètres. Une force combien sont prêts à rester indéfiniment à Kyber
considérable de maharibs en garde l’accès et confisque les pour un prince invisible ? Les Héros, fraîchement
armes de tous ceux qui y pénètrent. arrivés en Khémet, répondent présents afin
Une fois à l’intérieur, les visiteurs peuvent admirer un d’impressionner le prince. Mais que feront-ils en
palais magnifique, richement décoré de plantes, d’animaux découvrant qu’ils ne peuvent plus partir ?
exotiques et de toutes sortes de délices. Des fontaines • Le prince a décrété qu’il quittera bientôt Kyber
embellissent tous les étages et depuis les cours à ciel ouvert pour aller à la rencontre de son destin, que cela
s’élèvent le son de l’entraînement de gais musiciens, d’élèves plaise à sa mère ou non. Les Héros font partie de
et de nouveaux maharibs qui apprennent à protéger le l’escorte engagée pour protéger le cortège. Après
prince. Au sud du palais, on trouve une ménagerie peuplée avoir découvert un complot qui vise à enlever le
de créatures importées des quatre coins du monde pour prince, ils doivent trouver son instigateur avant
satisfaire l’éducation et le plaisir de Siptah. La citadelle qu’il ne soit trop tard.
comprend également une gigantesque bibliothèque, un
réfectoire bordé de colonnes où les très-hauts partagent
leurs repas, ainsi que toutes sortes de salles d’entraînements
où l’on enseigne aussi bien les mathématiques que la
sculpture ou les langues. Une salle de réception similaire à
celle de Masr se trouve à l’entrée du palais.
Les appartements du prince Siptah sont situés bien
au-dessus de ceux des alhadirins, eubayds et maharibs
qui vivent à son service. Le prince reste dans ses quartiers
tandis que Gannan (son tuteur et le conseiller de sa mère)
supervise les allées et venues des visiteurs. Le prince est
détaché du quotidien du palais : il poursuit ses études,
joue avec ses amis ou se rend dans la tour d’astronomie
juste au-dessus de ses appartements.
Kyber, qui a la réputation d’être l’un des endroits
les mieux gardés de Khémet, a tout de même subi de
nombreuses tentatives d’effraction de la part de ravisseurs
et autres agresseurs. Les rumeurs mentionnent un passage
secret, mais ces mêmes histoires font état de créatures
monstrueuses qui peupleraient ses tunnels. De fait, peu
sont celles et ceux à croire son existence. Pourtant, les
malfaiteurs continuent de s’infiltrer d’une façon ou d’une
autre : comment font-ils donc pour franchir les défenses
de la citadelle ?

164 CHAPITRE 6 : LE KHÉMET

Relations actuelles
Compagnie commerciale atabéenne Maghreb
Les doigts glacés de la CCA s’étendent jusqu’au cœur Si, autrefois, le Maghreb aurait pu constituer un allié
chaud de Khémet. Les rumeurs vont bon train et digne de ce nom, ce royaume magnifique est désormais
laissent à penser que la reine Twosret ne tardera pas à comme un vieil ami cupide. Pour les dirigeants de Khémet,
passer un accord avec la Compagnie. Dernièrement, des le Maghreb fait beaucoup trop appel à leur alliance
ambassadeurs de la CCA sont arrivés à la cour : ils ont d’antan sans donner grand-chose en retour. Ils ont décidé
demandé à des autorisations pour commercer et utiliser d’attendre que le royaume démontre à nouveau son utilité
les fleuves khémétiens pour faciliter le transport. En avant de se relancer dans une relation étroite. Quoi qu’il
échange, ils fourniraient un flot continu de main d’œuvre en soit, les populations des deux pays demeurent très liées,
pour stabiliser l’économie khémétienne. Bien sûr, c’est souvent par le sang. Il serait donc quasi impossible de se
Twosret qui en récolterait les honneurs. Seul le temps débarrasser de ces voisins sans déclencher une guerre.
pourra dire quelles seront les conséquences d’une alliance
avec la CCA pour le Khémet. Ce qui est sûr, c’est que Royaume de Mbey
l’ombre qui recouvre l’Ifri se propagera au même titre que Beaucoup voient le Royaume de Mbey comme un endroit
la nuit éternelle khémétienne. maléfique et déchu, mais les dirigeants de Khémet le
perçoivent plus comme une opportunité. Au vu du travail
Empire aksoumite accompli par la Compagnie commerciale atabéenne dans
L’Empire aksoumite est le plus puissant des alliés de les marchés aux esclaves mbeyens, les possibilités de
Khémet. Ils sont officiellement alliés, et leur relation commerce entre les deux Nations grandissent de jour
commerciale est une nécessité en ces heures sombres. en jour. Si une véritable alliance venait à naître, l’Ifri
Grâce au soutien de l’Aksoum, la cour khémétienne sait entière pourrait bien voir l’obscurité s’étendre sur tout
qu’elle ne faillira pas, et inversement, le Khémet continuera son continent.
de soutenir loyalement la cour aksoumite. Nous sommes si près du but, si près de relier tous
les fils de l’histoire ! Dans le palais estival, nous ne
Empire du Croissant rencontrâmes pas le jeune prince qui nous avait
L’Empire du Croissant est un allié de Khémet préoccupant été promis, mais sa mère, drapée d’habits en lin, un
pour la cour royale. Avec l’avènement de la nouvelle diadème sur la tête. Quelque chose chez elle me mit
Impératrice, le Khémet a renouvelé les occasions de mal à l’aise.
s’assurer un partenaire commercial et militaire significatif. Les effusions de sang ne tardèrent pas à suivre après
Les liens religieux entre les deux Nations, grâce à la que nous l’ayons rencontrée. Avant qu’elle ait pu
propagation de l’al-dīn, font d’elles deux alliées. Cependant, nous dire où se trouvait le garçon, des cris de guerre
depuis la mise en esclavage de la communauté yachidi, la nous poussèrent au combat. J’ignore pourquoi
royauté s’inquiète de l’entremise de l’Impératrice en leur les Atabéens veulent la pierre, mais à les voir se
faveur. Il faut conserver des relations cordiales à tout prix. battre si férocement, c’est que leurs objectifs sont
sûrement malfaisants. J’ignorai mes blessures qui
m’exhortaient de m’arrêter et nous nous battîmes
Kurufaba mandéniane
tels des lions.
De toutes les Nations d’Ifri, la Kurufaba mandéniane
représente la plus grande menace. Non seulement sa —A’isha ibnt Anwar, commandante en second de
richesse et l’unité de ses quatre États surpassent la puissance La Splendeur de Yemoja, 1668
économique de Khémet, mais les classes inférieures
commencent considérer la Kurufaba comme l’exemple
d’un pays voué à l’harmonie de son peuple. Les très-
hauts méprisent la Kurufaba et ont limité leurs liens avec
en-dehors des stricts rapports nécessaires. Ces relations
touchent principalement le maintien des caravanes par voie
de terre dédiés aux pèlerinages et au commerce.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 165

 Siptah,
prince héritier de Khémet
Siptah est la bénédiction que le Khémet attendait. Fruit
de l’union de la reine Twosret et de son amant mystérieux,
il naquit la nuit de l’assassinat du roi Makaret. On lui fit
quitter la capitale pour le palais estival de Kyber, où il
grandit entouré d’alhadirins, d’eubayds et de maharibs.
Le prince se révéla doté d’un esprit brillant, notamment
capable d’apprendre toutes les langues ifriennes et de
nombreuses langues théanes avant ses douze ans. Ses
précepteurs commencèrent ses études très tôt afin de le
préparer pour son seizième anniversaire, date à laquelle il
devait quitter Kyber pour rejoindre sa mère à Masr.
L’anniversaire du prince est passé et sa mère ne l’a pas fait
quérir pour qu’il lui succède. Siptah se doute de la raison
pour laquelle on l’ignore, et c’est pour cette même raison que
le soleil brille intensément à Kyber, même lorsqu’il pleut, et
que les nuits sont si courtes au-dessus de la citadelle. Tandis
que le reste de Khémet languit dans des jours de plus en plus
sombres, Kyber vit dans la lumière et Siptah sait qu’il le doit à
la bénédiction de son père. Le prince, sachant pertinemment
qu’il est le fils d’un jok, a tenu secrète la magie naissante en lui,
s’assurant que les espions de sa mère ne sachent rien de son
pouvoir. Il passe donc ses journées à contenir sa puissance, au
risque de se mettre à rayonner tel un soleil humain.
Le prince sait que ce n’est qu’une question de temps avant
que son pouvoir n’échappe à son contrôle, c’est pourquoi il
cherche ardemment l’aide de son père. En attendant, son
désir le plus cher est de quitter Kyber et de gouverner son
peuple. Malheureusement, l’amour qu’il porte à sa mère le
paralyse, et malgré les avertissements de ses conseillers—
qui lui affirment qu’il ne verra jamais la couleur du trône—
Siptah s’en remet au bon jugement de la reine.

Accroches scénaristiques :
SIPTAH,
PRINCE HÉRITIER DE KHÉMET
« Le soleil brille intensément à Kyber, mais
ne devrait-il pas répandre sa splendeur sur le
Khémet tout entier ? »
• Le prince Siptah cherche des représentants de
toutes les religions majeures pour lui enseigner les
pratiques spirituelles de la Terra, allant de fait à
l’encontre des inquiétudes explicites du conseiller
Gannan. Il s’intéresse tout particulièrement aux
Héros de foi vaticine qui auraient des informations
sur celui qu’ils appellent Légion.
• La rumeur circule selon laquelle des étrangers
veulent s’introduire dans Kyber et libérer le prince.
La reine Twosret engage les Héros pour qu’ils
démasquent ces supposés Scélérats, mais que se
passera-t-il lorsqu’ils découvriront des indices
suggérant que le prince est derrière tout ça ?
Damora Kai
Les temps sont durs en Khémet. Les longues nuits
attirent toutes sortes de Monstres aux abords des cités
khémétiennes, et entreprendre la traversée des déserts est
synonyme de mort certaine pour les voyageurs mal préparés.
Heureusement, il y a Damora Kai et sa caravane.
Damora a grandi au sein des Ba’hanis, une tribu d’habitants
du désert qui ne se sont jamais intégrés à la société
khémétienne. Elle voyagea de part et d’autre du gigantesque
désert, établissant des oasis et accueillant les voyageurs. Elle
endura les nombreuses années de guerre civile en déclarant
sa neutralité en toutes choses, y compris concernant la
politique du pays. Les Ba’hanis honorent un vœu ancien fait
par leurs ancêtres à Basat : celui de convoyer tous ceux qui
auraient besoin d’aide pour traverser ces dangereux espaces.
Leur société est matriarcale et Damora est le dernier
membre en date d’une grande lignée à hériter du titre de
Kai. C’est une femme influente, toujours accompagnée de
deux chacals qu’elle a élevés depuis la naissance.
Dernièrement, Damora tire de plus en plus de frustration
des évènements et de l’exploitation galopante des indigents.
Sa tribu a beau avoir fait vœu de neutralité, Damora a
enfreint les règles plus d’une fois pour aider les nécessiteux.
Ainsi, nombreux sont-ils à se demander si les Ba’hanis
resteront encore longtemps à l’écart des conflits de Khémet.

Accroches scénaristiques :
• Malita, l’aînée de Damora, doit lui succéder.
Cependant, Malita a d’autres visées, notamment
partir pour rejoindre les forces maharibs qui
protègent la Grande pyramide de Basat. Damora
fait appel aux Héros pour qu’ils accompagnent
Malita lors d’une mission importante pour le
compte de Basat. Elle espère ainsi que sa fille
arrêtera de vouloir échapper à son devoir et qu’elle
acceptera la place qui lui revient de droit.
• Six caravanes ont été attaquées en traversant le
désert, y compris celle des Héros. Le peuple de
Damora organise un conclave des clans du désert
pour débusquer les bandits une fois pour toutes et
fait appel aux Héros pour les aider.
• La reine a demandé aux Ba’hanis de payer de
lourds impôts pour leur utilisation des routes
commerciales, routes qui, à l’origine, furent établies DAMORA KAI
par le peuple de Damora. La révolte bruisse chez
les Ba’hanis. « Mangez ! Buvez ! Reposez-vous ! Le désert
est sans fin, mais un bon verre de vin entre
amis ne dure jamais assez longtemps. »
 Twosret,
reine de Khémet
La reine Twosret est la descendante du roi Ahtunonen.
Elle est l’héritière légitime du trône, mais elle fut promise
très jeune à son cousin, Makaret. En désaccord avec cette
situation, elle s’appliqua à devenir la meilleure souveraine
possible de Khémet, espérant prouver à son père qu’elle
méritait d’apprendre les secrets de la magie des ennéades.
Lorsque le roi mourant choisit de les enseigner à son futur
époux, Twosret apprit sa plus grande leçon : le pouvoir se
prend plus qu’il ne se gagne.
Elle prit un amant qui lui fit le fils dont elle avait
toujours rêvé (bien qu’elle n’imaginât pas un instant que
son compagnon soit un jok). Lorsque son fils naquit béni,
elle sut qu’elle était destinée à de grandes choses. Ce qui
signifiait qu’elle ne pouvait pas laisser sa progéniture hériter
du trône.
Sa peur paranoïaque d’être mise à l’écart la pousse à
écouter une petite voix, nuit après nuit. La voix lui offre
suffisamment de pouvoir pour contrôler le Khémet
éternellement. La reine Twosret a conclu un marché avec
quelque chose de vil et maléfique, même si elle ne verra
jamais le démon pour ce qu’il est. Elle peine désormais à
résister aux murmures constants qui l’exhortent d’assassiner
son fils unique. Ces pulsions sont pour l’instant refrénées
par l’amour sans limite que la reine porte à Siptah.
Twosret s’emporte facilement lorsqu’on la questionne, et
elle exige constamment le meilleur de tout son entourage.
Les gens échangent des murmures sur « la mort précipitée »
du roi Makaret la nuit même de la naissance de Siptah, et
la reine Twosret n’ignore pas ce que son peuple pense d’elle.
Elle croit pouvoir subvenir aux besoins de Khémet et lui
permettre de devenir un royaume plus remarquable que
jamais, mais pour ce faire, elle doit conserver le trône. Et son
propre fils se dresse maintenant en travers de son chemin.

Accroches scénaristiques :
• L’organisation du jubilé de la reine bat son plein et
TWOSRET, des représentants de toute l’Ifri sont arrivés. Tous
REINE DE KHÉMET les yeux sont rivés sur le Héros le plus riche et le
plus noble du groupe, et les rumeurs d’une liaison
commencent à fuser.
« Le pouvoir entre les mains des faibles et • Un puissant vaticin du nom de Malik Nadir est
des inexpérimentés n’est que gâchis. Qui arrivé en Khémet et dénonce l’utilisation excessive
récolterait le grain avant de l’avoir semé ? » de la sorcellerie. Suite à une tentative d’assassinat,
il engage les Héros pour prouver que la magie de
la reine Twosret est à l’origine de la corruption du
Khémet.
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

5 9 14
Amlak Bey,
consort royal
Amalk Bey est le consort de la reine de Twosret,
l’ambassadeur de l’Empire aksoumite et l’un des hommes
les plus influents des Terres noires. En tant que proche de
la famille impériale aksoumite, Amlak parvint à se hisser de
ses débuts modestes jusqu’à la cour. Il espérait occuper un
poste de pouvoir politique aux côtés de son père, le célèbre
dignitaire Nasir Bey. Nasir Bey était un homme prudent
et respecté, là où son fils ne réussit à la cour que grâce au
mensonge et à des alliances traîtresses.
Lorsqu’il se rendit dans l’Empire du Croissant, Amlak se
mit à fréquenter des sorciers. Obsédé par la magie, il se lança
dans des expériences en tentant de soumettre des djinns à sa
volonté. Lors de sa première tentative, son père interrompit le
rituel et fut tué par le djinn ainsi libéré. Amlak rejeta la faute
sur des assassins venus du Royaume de Mbey et regagna
l’Aksoum, où il fut accueilli en héros après avoir vaillamment
survécu et conclu des accords de paix.
Peu de temps après son retour triomphant, il alla négocier
des accords de paix en Khémet. C’est là qu’il rencontra la
reine Twosret, dont il tomba fou amoureux. Il s’attira vite ses
faveurs et Twosret, tournée vers la politique comme elle l’était,
vit son utilité en tant que conseiller et ambassadeur auprès
des Aksoumites. Amlak emménagea dans ses appartements
royaux de Masr. Une fois établi, il invoqua un puissant djinn
pour qu’il séduise la reine Twosret avec des promesses de
pouvoir. Il savait qu’elle n’accepterait jamais un pouvoir donné,
qu’il fallait qu’elle parvienne à cette décision par elle-même.
À présent, la reine est quasiment prête à ravir le trône à son
fils, Siptah. Le soleil noircit au-dessus de Khémet, mais un
nouveau royaume obscur s’élèvera, avec Amlak Bey à sa tête.

Accroches scénaristiques :
• Au sein de la Grande pyramide de Toroth, on a fait la
découverte d’un nouveau texte traitant de l’invocation
d’esprits anciens. Les prêtres jurent que personne ne
le lira jamais. Ce n’est pas la première fois qu’Amlak
Bey envoie des voleurs pour tenter de le récupérer. AMLAK BEY,
Les Héros parviendront-ils à protéger le texte avant CONSORT ROYAL
qu’Amlak n’en découvre tous les secrets ?
• Un émissaire de la cour aksoumite est venu prendre
des nouvelles d’Amlak au nom de l’empereur. Il « Que savent les idiots de la vraie
soupçonne Amlak de ne pas jouer franc jeu. magie ? L’amour est un sortilège aussi sûr
Les Héros pourront-ils transmettre les bonnes
et cruel que n’importe quelle technique
scripturale, et tout aussi utile. »
informations à l’émissaire concernant les méfaits de
l’infâme Amlak, et implorer l’Empire aksoumite de
les aider à libérer le Khémet de sa présence ?
PUISSANCE INFLUENCE MALFAISANCE

4 5 9
Chapitre 7
Aventures dans les Terres
d’Or et de Feu
 AVENTURES DANS LES TERRES D’OR ET DE FEU
Conception d’un Héros ifrien
Ce chapitre regroupe tout ce dont vous aurez besoin pour
créer un Héros ifrien. Les règles sont identiques à celles
du Livre de Base, Les Terres d’Or et de Feu élargissant
simplement les choix au-delà de la Théah.
Il existe des Historiques de base et des Historiques par
Nation, comme dans le Livre de Base. Si vous voulez
jouer un horon de la Kurufaba mandéniane, c’est donc
possible. Ce chapitre inclut également des Avantages,
Sorcelleries et Styles de Duel inédits, ainsi que quelques
Sociétés secrètes flambant neuves auxquelles peuvent
appartenir vos personnages. En sus, ce chapitre présente
Étape 1 : les Caractéristiques
Chaque Héros possède cinq Caractéristiques qui
définissent ses capacités naturelles. Il s’agit de :
La Force, qui mesure la force et la puissance physique
du Héros.
La Finesse, qui indique sa coordination et son agilité.
La Résolution, qui évalue sa volonté et son endurance.
172 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
un nouveau métal magique, le zahmeireen, que n’importe
quel Héros ifrien peut manier, ainsi que la règle des
Dés d’Infamie, qui permettent de gagner des points de
Corruption en échange de bonus.
Tous les éléments présentés ici sont compatibles avec
ceux du Livre de base, mais tâchez de rester cohérent.
Votre MJ peut autoriser certaines exceptions—comme un
ras aksoumite doté du Toucher de la Mère—mais elles
devraient rester rares. Oui, vos Héros sont exceptionnels,
mais vous devez expliquer leurs particularités et ainsi
ouvrir la voie à de futures histoires.
L’Astuce, qui donne une idée de sa rapidité d’esprit.
Le Panache, qui représente son charme et
son magnétisme.
Un Héros commence avec un score de 2 dans toutes
ses Caractéristiques. Vous disposez en plus de 2 points
à distribuer dans la ou les Caractéristiques de votre choix.
 « MAIS CE NE SONT
PAS VRAIMENT DES
‘NATIONS’ ! » Étape 3 : les Historiques
Plus le monde de 7e Mer s’agrandit, plus il devient Les Terres d’or et de feu sont un fourneau duquel naissent
ardu de répondre à la question « qu’est-ce qu’une
des Héros aussi hauts en couleurs et variés que les
Nation ? » Les populations extérieures à la Théah
sont certes moins soigneusement réparties en Nations d’Ifri. Les Historiques représentent ce qu’a fait
fonction de frontières nationales, mais du point de votre Héros avant le début du jeu : a-t-il été formé pour
vue des règles—et pour garder une dénomination devenir un griot, qui narre les histoires de son peuple et
homogène—nous continuerons à les appeler se produit dans les petites villes comme à la cour royale ?
« Nations ». Il ne s’agit pas d’une appropriation Est-il devenu un nebīyi après s’être entraîné à percevoir le
culturelle ou identitaire, mais plutôt d’une facilité
monde par le prisme des mathématiques ? A-t-il marché
pratique en lien avec les règles du jeu.
dans les traces de ses parents, anciens esclaves engagés
dans la résistance mbeyenne ? Est-il né dans le luxe et
Étape 2 : la Nation l’opulence ? Ce n’est pas à cela que la vie de votre Héros a
Le choix de votre Royaume affecte vos Caractéristiques abouti, mais c’est ainsi qu’elle s’est engagée.
et vous donne accès à des Historiques et des Avantages Les Historiques représentent le passé de votre Héros :
spécifiques. N’appliquez ces bonus qu’après avoir dépensé il était marin, il était griot, il était assassin. Cela l’influence
les points de l’étape 1. sans doute encore, et même beaucoup, mais ce n’est pas
forcément ce qu’il est devenu.
NATION BONUS Restrictions : certains Historiques sont soumis à des
Aksum Astuce +1 ou Panache +1 conditions. Veillez à y satisfaire, car elles font partie de
Khémet Résolution +1 ou Astuce +1 l’histoire de votre Héros.
Kurufaba mandéniane Force +1 ou Résolution +1 Coups d’éclat : les Historiques sont accompagnés d’un
Maghreb Finesse +1 ou Résolution +1 Coup d’éclat : un trait de personnalité courant chez les
Royaume de Mbey Finesse +1 ou Panache +1
personnes du milieu concerné. Vous recevez un point
d’Héroïsme si vous agissez en accord avec le Coup d’éclat
de votre Historique. Attention : un Coup d’éclat donné ne
peut vous rapporter qu’un seul point d’Héroïsme par partie.
Avantages  : les Historiques vous apportent des
Avantages  : des capacités que la plupart des Ifriens
n’auront jamais. Si votre Historique vous octroie un
Avantage, notez-le sur votre Feuille de Héros. Il est gratuit.
Compétences  : chaque Historique inclut une liste
de Compétences que vous obtenez au Rang 1. Les
Compétences sont des aptitudes précises correspondant
à des tâches précises. Comme les Caractéristiques, les
Compétences sont mesurées en Rangs, vous indiquant
combien de dés elles vous confèrent. Une Compétence ne
peut dépasser le Rang 5.

Deux Historiques
Choisissez deux Historiques différents dans la liste
ci-dessous.
Vous recevez tous les Avantages de l’Historique. Si
vous recevez un Avantage en double, choisissez-en un
autre avec le même coût en points.
Vous recevez 1 Rang dans toutes les Compétences
liées à votre Historique. Si vous avez une ou plusieurs
Compétences en double, ajoutez-y 1 Rang, pour un total de 2.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 173

 Historiques de base Historiques de l’Empire aksoumite
AGENT DE LA COMPAGNIE ALHIDAF
À votre plus grande honte, vous étiez autrefois un agent du plus grand Autrefois, la réputation des archers d’Aksoum était quasi légendaire.
mal existant sur la Terra. Il est temps de vous racheter. Le monde l’a oublié, mais plus pour longtemps.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vos anciennes fautes vous Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous respectez les
attirent des ennuis. anciennes traditions ou des pratiques désuètes pour résoudre
un problème.
Avantages Compétences
Pied marin Dissimulation Avantages Compétences
Sens moral Empathie Œil de lynx Athlétisme
Navigation Tireur d’élite Art militaire
Persuasion Érudition
Vol Tir
Vigilance
ESCLAVE
Vous avez échappé à l’enfer sur Terra. Personne ne devrait souffrir DASUSUO
comme vous avez souffert. Les abonsams sont des créatures malfaisantes aux pouvoirs
phénoménaux. Ce pouvoir, vous le maniez pour protéger les autres.
Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous sauvez quelqu’un de Coup d’éclat
l’esclavage, de la capture ou du danger en prenant sa place. Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous risquez votre vie pour
empêcher un innocent de succomber à l’influence d’un abonsam ou
Avantages Compétences toute autre force maléfique.
Coup de main Bagarre
Garde du corps Dissimulation Avantages Compétences
Roi de l’évasion Persuasion Sens de l’orientation Érudition
Vigilance Sorcellerie (Melbur) Persuasion
Vol Sorcellerie (Melbur) Représentation
Subornation
ISIFUNGO SENKOSIR Vigilance
Le zahmeireen est un outil pour combattre le mal. Vous ne le laisserez
pas tomber entre de mauvaises mains. MISSIONNAIRE
Vous servez l’Église ānidi hibiri tefet’iro et ressentez le besoin de
Coup d’éclat transmettre la lumière de Théus aux autres.
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous empruntez une voie
dangereuse ou discutable pour retrouver un artefact en zahmeireen. Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vous attirez des ennuis
Avantages Compétences par le prêche, le sermon ou en voulant convertir autrui à votre religion.
Arme en zahmeireen Armes blanches
Athlétisme Avantages Compétences
Équitation Meneur d’hommes Érudition
Érudition Ordonné Persuasion
Persuasion Représentation
Subornation
PIRATE FLUVIAL Vigilance
Vous voguez sur les fleuves ifriens et leurs affluents à la recherche d’or
et de butin. NEBĪYI
Personne ne verra jamais la splendeur des nombres comme vous. Cela
Coup d’éclat vous permet d’y trouver la vérité.
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous usez de vos connais-
sances des quais de contrebande secrets, du jargon portuaire ou des Coup d’éclat
pots-de-vin bien placés pour résoudre un problème. Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous résolvez un problème
grâce à votre obscur savoir, un calcul complexe ou simplement en
Avantages Compétences le déchiffrant.
Marié à l’océan Athlétisme
Équilibre parfait Dissimulation Avantages Compétences
Planque personnelle Navigation Linguiste Art militaire
Érudition Main de la paix Empathie
Armes blanches Exemplaire Érudition
Persuasion
Subornation

174 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU

Historiques du Khémet Historiques de la Kurufaba mandéniane
CHIEN DE MASR ALAGBATO IYA
Dans les rues sinueuses et bondées de Masr, vous ne valez pas mieux Vous faites partie de la garde rapprochée du Mansa de Manden, les
qu’un chien. célèbres « Mères gardiennes. »
(Restriction : cet Historique n’est accessible qu’aux Héroïnes.)
Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous résolvez un prob- Coup d’éclat
lème par le mensonge, la triche ou en arnaquant un membre de la Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous risquez votre vie
haute société. pour protéger un autre personnage d’un danger immédiat, qu’il soit
physique ou émotionnel.
Avantages Compétences
Doigts de fée Athlétisme Avantages Compétences
Ombre vivante Empathie Accepte ton destin Armes blanches
Sens de l’orientation Subornation Garde du corps Athlétisme
Vigilance Bagarre
Vol Empathie
Vigilance
DANSEUR AWAL THMANI
On dit souvent que l’escrime est une danse. Pour vous, cette DIRIGEANT HAUT PLACÉ
comparaison est à prendre au sens littéral. La Kurufaba mandéniane figure parmi les plus grandes puissances
économiques de la Terra. Cette puissance est vôtre.
Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous évitez un conflit en Coup d’éclat
persuadant les opposants de voir leurs points communs plutôt que Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous agissez de façon
leurs différences. risquée ou moralement ambiguë pour le bien de la culture ou des
ressources de l’Ifri.
Avantages Compétences
Académie de Duellistes Armes blanches Avantages Compétences
(Awal Thmani) Art militaire Délégué de la Kurufaba Empathie
Fascination Athlétisme Linguiste Érudition
Représentation Intimidation
Vigilance Navigation
Subornation
SORCIER HEKA
Nombreux sont ceux qui ont oublié le savoir des ennéades. Pas vous. HORON (NOBLE)
Vous êtes le sang du Manden, vous répondez aux besoins du peuple et
Coup d’éclat assurez sa survie.
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vous attirez des
ennuis en affrontant un danger pour obtenir plus d’informations sur Coup d’éclat
les ennéades, décrypter un pictogramme mystérieux ou défendre Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous défiez vos supérieurs,
vos croyances. refusez d’obéir aux ordres ou faites fi de l’autorité pour faire ce qui
vous semble juste.
Avantages Compétences
Linguiste Érudition Avantages Compétences
Sorcellerie (Heka) Persuasion Riche Athlétisme
Sorcellerie (Heka) Subornation Sang d’or Empathie
Tir Érudition
Vigilance Persuasion
Subornation
TRÈS-HAUT
Vous êtes un descendant des plus grands souverains de l’histoire SOFA (SOLDAT-SERF)
du monde. On vous a remis une lance rudimentaire avant de vous envoyer au
combat. Vous avez survécu et gagné votre liberté.
Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque la réputation de votre Coup d’éclat
lignée pour la corruption vous attire des ennuis. Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous résolvez un problème
en profitant de ceux qui vous sous-estiment.
Avantages Compétences
Sang des souverains Empathie Avantages Compétences
Regard impérieux1 Équitation C’est ma ville² Art militaire
Érudition Estomac en fer forgé Bagarre
Intimidation Seul contre tous Dissimulation
Subornation Vigilance
Vol

1 : Voir Nations de Théah vol. 2 page 205

2 : Voir Nations de Théah vol. 1 page 206
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 175
 Historiques du Maghreb Historiques du Royaume de Mbey
CHAMELIER ADEYEMI
Juché sur votre chameau bien-aimé, vous êtes paré à relever n’importe Le zahmeireen est un outil qu’il faut utiliser. Ce serait folie de ne pas
quel défi. le manier malgré le prix à payer.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vous attirez des ennuis Vous gagnez un point d’Héroïsme en utilisant la magie noire, un
pour sauver votre monture adorée ou qu’elle vous sauve la mise. artefact corrompu ou des stratagèmes discutables pour vaincre le mal.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Né sur une selle¹ Armes blanches Objet fétiche Armes blanches
Compagnon fidèle (chameau) Art militaire Seul contre tous Athlétisme
Athlétisme Équitation
Équitation Érudition
Intimidation Intimidation

CHANTELAME KANGAM (NOTABLE)

Vous partagez votre temps entre la pratique de l’escrime et le partage Le Mbey a confiance en votre sagesse. Ne décevez pas votre peuple.
de l’histoire par vos chansons.
Coup d’éclat
Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous insistez pour montrer
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous aidez un allié à l’exemple et que cela vous attire des ennuis.
résoudre un problème en le soutenant, lui ou ses idées, ou en suivant
Avantages Compétences
ses indications.
Fibre héroïque Empathie
Avantages Compétences Lueur d’espoir Équitation
Épée qui chante Armes blanches Persuasion
Horloge vivante Athlétisme Représentation
Empathie Vigilance
Équitation
Représentation ROOI HEKS
Vous possédez le Toucher rouge, la magie secrète et corruptive des
FLIBUSTIER oris. Qu’en ferez-vous ?
À bord de votre navire, le long des côtes de l’Ifri, vos compagnons et
Coup d’éclat
vous menez une vie d’aventures et de liberté.
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous persuadez un autre
Coup d’éclat personnage de ne pas accomplir une action qui lui aurait rapporté de
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous insistez pour éviter la Corruption.
ou tromper les autorités, ou vous en défiez, et que cela vous attire
Avantages Compétences
des ennuis.
Anciennes traditions² Dissimulation
Avantages Compétences Sorcellerie (Toucher rouge) Empathie
Bricoleur Athlétisme Sorcellerie (Toucher rouge) Intimidation
Absent des registres Dissimulation Persuasion
Marié à l’océan Intimidation Subornation
Navigation
Tir SIMB (FAUX-LION)
Tout comme les lions d’Ifri, votre courage est sans faille, votre létalité
IMAJAGHAN (NOBLE) sans égale.
En tant que propriétaire terrien, il vous incombe de protéger
Coup d’éclat
vos vassaux.
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous terminez un combat
Coup d’éclat avant que votre adversaire ait pu réagir.
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vous attirez des ennuis
Avantages Compétences
en affrontant une foule, en défendant un individu ou un petit groupe
contre une foule ou en vous élevant contre vos « supérieurs ». Cogneur Art militaire
Coup dévastateur³ Athlétisme
Avantages Compétences Débrouillard Bagarre
Meneur d’hommes Art militaire Dissimulation
Vous ne passerez pas Empathie Empathie
Érudition
Intimidation
Persuasion
Vol

1 : Voir Nations de Théah vol. 2 page 205 2 : Voir L’Empire du Croissant page 159
3 : Voir Nations de Théah vol. 1 page 206
176 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
Étape 4 : les Compétences Avantages à 2 point
Vous recevez 10 points que vous pouvez utiliser pour
améliorer les Compétences apportées par vos Historiques ABSENT DES REGISTRES (1 POUR UN MAGHRÉBIN)
ou en acquérir de nouvelles. Chaque point dépensé vous fait Vous devez posséder l’Avantage « Marié à l’océan ».
gagner un Rang dans une Compétence. À ce stade, vous ne Votre navire peut accueillir une Cargaison sup­plémentaire
pouvez pas dépasser le Rang 3 dans une Compétence. égale à vos Rangs en Navigation. Vous devez acquérir la
Si votre Héros atteint un certain Rang dans une Compétence, Cargaison par des moyens illégaux (piraterie, pillage,
cela lui confère également les bonus cumulatifs suivants : trafic, etc.)  ; toute Cargaison acquise par des moyens
• Au Rang 3, vous pouvez relancer un dé, n’importe habituels comme le commerce suit les règles habituelles de
lequel, lorsque vous prenez un Risque incluant votre Navire.
cette Compétence.
• Au Rang 4, au lieu de constituer 1 Mise par GARDE DU CORPS
tranche de 10 comme à l’ordinaire, vous pouvez Dépensez un point d’Héroïsme lorsqu’un allié devrait
constituer 2 Mises par tranche de 15. subir des Blessures. Dépensez des Mises pour prévenir
• Au Rang 5, tout dé qui donne un 10 explose : lancez ces Blessures.
un dé supplémentaire et ajoutez-le à votre total.
MAIN DE LA PAIX (1 POUR UN AKSOUMITE)
Étape 5 : les Avantages Tant que vos alliés ou vous n’avez pas recours à la violence
Vos Historiques incluent des Avantages, mais vous pouvez lors d’une Scène, vous pouvez Contraindre autant de
en acquérir d’autres. Il s’agit des particularités qui font cibles que vous le souhaitez. Une cible ne peut être affectée
sortir votre Héros du lot. que par une seule Contrainte à la fois.
Vous disposez de 5 points à y consacrer.
Les Avantages coûtent entre 1 et 5 points et leur coût OMBRE VIVANTE (1 POUR UN KHÉMÉTIEN)
peut varier selon la Nation d’origine de votre Héros. Dépensez un point d’Héroïsme pour vous déplacer en
Certains Avantages comprennent des restrictions. Sauf silence, disparaître dans l’obscurité ou démontrer votre
mention contraire explicite, tout Avantage ne peut être affinité avec les ombres de toute autre façon que ce soit.
acquis qu’une seule fois.
Un Avantage marqué du symbole « Talent » requiert SEUL CONTRE TOUS
la dépense d’un point d’Héroïsme, mais pas d’une Mise, ce Lorsque vous dépensez des Mises pour infliger des
qui signifie qu’il ne coûte pas d’Action, même s’il s’active Blessures à une Escouade de Brutes, dépensez un point
durant votre tour. d’Héroïsme pour doubler le nombre de Blessures infligées.

Avantages à 1 point Avantages à 3 point

COUP DE MAIN RICHE (2 POUR UN MANDÉNIAN)
Activez cet Avantage pour aider un allié (et lui donner trois Dés Vous commencez chaque partie avec 3 en Richesse.
bonus pour un Risque) sans dépenser de point d’Héroïsme.
Vous ne pouvez l’activer qu’une seule fois par partie. SANG DE FEU
Si vous avez au moins 1 Blessure Dramatique, vous recevez
PLANQUE PERSONNELLE 1 Dé supplémentaire lorsque vous prenez un Risque d’Art
Lorsque vous recevez de la Richesse, dépensez un point militaire, Armes blanches, Athlétisme ou de Bagarre.
d’Héroïsme pour recevoir 1 Richesse supplémentaire.
SANG D’OR
RISQUE-TOUT Si vous avez au moins 1 Blessure Dramatique, vous recevez
Après avoir constitué vos Mises pour un Risque, dépensez-les 1 Dé supplémentaire lorsque vous prenez un Risque
toutes pour entreprendre une Action unique avant tout autre d’Empathie, de Persuasion, Représentation ou Subornation.
personnage du Round.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 177

 Avantages à 4 point Avantages à 5 point
DÉLÉGUÉ DE LA KURUFABA ACCEPTE TON DESTIN (3 POUR UN MANDÉNIAN)
(MANDÉNIAN UNIQUEMENT)
Lors d’une Séquence d’Action, dépensez un point
Vous avez passé du temps parmi les délégués de la Kurufabad’Héroïsme pour agir avant les Scélérats à toutes les Mises
internationale et avez pris l’habitude de conclure des et jusqu’à la fin du Round.
marchés. Dépensez un point d’Héroïsme lorsque vous
passez un marché (à l’oral ou à l’écrit). Si l’autre parti ARME EN ZAHMEIREEN
rompt le marché, vous pouvez lui attribuer une Mauvaise Vous possédez une arme en zahmeireen, l’une des lames
Réputation de votre choix (par exemple « Indigne » ou façonnées grâce au métal légendaire du Mbey (voir
« Cruel »). Cette Mauvaise Réputation peut servir contre ce Zahmeireen page 196).
personnage : lorsqu’il prend des Risques et que sa Mauvaise
Réputation le désavantage, ses adversaires reçoivent 1 Dé LUEUR D’ESPOIR (3 POUR UN MBEYEN)
supplémentaire. Vous pouvez conclure autant de marchés Après que le MJ a dépensé un ou plusieurs points de
que vous possédez de Rangs en Astuce  ; une fois ce Danger pour un unique effet, dépensez le même nombre
maximum atteint, vous ne pouvez plus activer cet Avantage de points d’Héroïsme. L’effet échoue et le MJ perd tous
jusqu’à la fin d’un marché, de quelque façon que ce soit. ses points de Danger dépensés.

ÉPÉE QUI CHANTE (MAGHRÉBIN UNIQUEMENT) EXEMPLAIRE (3 POUR UN AKSOUMITE)

Vous connaissez le célèbre art maghrébin du chant et de Dépensez un point d’Héroïsme après avoir pris
l’acier. Vous avez soit façonné soit reçu une « épée qui un Risque et choisissez n’importe quel personnage
chante » et pouvez l’utiliser en combat. En combat, vous ayant moins de Mises que vous. Ce personnage peut
pouvez indifféremment utiliser vos Rangs en Armes changer son approche en faveur de la vôtre et reçoit 2
Blanches ou en Représentation (impressionner une foule Mises supplémentaires.
grâce à vos manœuvres martiales, utiliser des Manœuvres
de Duel en dansant ou tout autre effet qui repose sur l’une SANG DES SOUVERAINS (3 POUR UN KHÉMÉTIEN)
ou l’autre de vos compétences). De plus, vous pouvez Vous faites partie des très-hauts. Lorsque vous prenez un
dépenser un point d’Héroïsme une fois par Round pour Risque pour lequel votre statut peut avoir un avantage
utiliser à la fois vos Rangs en Armes blanches et vos Rangs direct et immédiat, dépensez un point d’Héroïsme pour
en Représentation (par exemple pour recevoir des Dés obtenir des Mises supplémentaires équivalentes à vos
supplémentaires, lorsque vous effectuez une Manœuvre Rangs en Panache.
de Duel pour améliorer son efficacité, etc.)
VOUS NE PASSEREZ PAS (3 POUR UN MAGHRÉBIN)
SENS MORAL (3 POUR UN MBEYEN) Lorsque vous lancez les Dés pour un Risque, dépensez
Votre Héros doit avoir terminé une Histoire de un point d’Héroïsme pour recevoir un nombre de Dés
Rédemption et n’avoir aucun point de Corruption. supplémentaires équivalent à deux fois le nombre de forces
Votre Héros sait qu’un individu ne se réduit pas à son adverses (chaque Scélérat, Escouade de Brute, Monstre,
pire méfait, il est même l’incarnation de ce principe. etc. compte pour 1).
Lorsque vous aidez un autre Héros à terminer n’importe
quelle étape de son Histoire de Rédemption, ce Héros
perd deux points de Corruption au lieu d’un seul.

178 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU

Étape 6 : les Arcanes
Choisissez la Vertu et le Travers de votre Héros dans
le Livre de Base (page 156-158). Ils n’ont pas besoin
d’appartenir à la même carte.
Vous ne pouvez activer votre Vertu qu’une fois par partie.
Vous pouvez activer votre Travers une fois par partie.
Étape 7 : les Histoires
Les Héros travaillent de concert à créer une histoire
globale, mais chaque Héros a aussi sa propre Histoire à
raconter, et le vôtre ne fait pas exception. Les Histoires
sont à la fois ce que vous souhaitez accomplir et le chemin
qui vous y mènera : la promesse faite à votre père sur son
Étape 8 : touches finales
Pour finir, remplissons ce qui reste sur la Feuille de
Héros : les Langues, la Réputation, les Sociétés secrètes,
la Richesse et les Blessures.
La Réputation, la Richesse et les Blessures de votre
Héros sont identiques à celles d’un Héros Théan et
fonctionnent de la même façon. Pour plus d’informations,
consultez le Livre de base (page 163).
Votre Héros peut aussi rejoindre une Société secrète.
Toutes les Sociétés de Théah vous sont accessibles, et ce
livre en présente quatre nouvelles :
L’Atoka-ona Farasin
Il s’agit d’un club de banquiers, marchands et négociants.
Un membre de l’Atoka-ona Farasin utilise sa richesse
et son influence pour protéger les ressources de l’Ifri et
empêcher les étrangers de les exploiter pour leur profit.
Les Ch’ewi
Cette organisation tient plus du mouvement social que
de la Société secrète. En son sein, il n’y a ni structure
officielle ni hiérarchie. Le respect des Aksoumites pour
ses membres et leur dévouement à combattre l’influence
du Bonsam, voilà ce qui unit les Ch’ewi. Ces protecteurs
autoproclamés sont désorganisés mais respectés.
Cette activation vous rapporte un point d’Héroïsme.
Le MJ peut aussi offrir un point d’Héroïsme à un joueur
pour activer le Travers de son Héros. S’il accepte, il gagne
le point d’Héroïsme au prix de la contrainte que lui
impose son Travers.
lit de mort, l’homme dont le faux témoignage vous a valu
de longues années en prison, la belle que vous avez juré
de reconquérir…
Vous trouverez plus d’informations sur les Histoires
dans le Livre de base (page 159).
Les Enfants d’Ésu
Ces chasseurs de Monstres font circuler des informations
sur leurs proies par le biais d’histoires et de chansons.
Presque partout en Ifri, les Enfants d’Ésu sont considérés
comme des Héros. Ils n’ont cure de la provenance des
Monstres qu’ils chassent (peu leur chaut qu’il s’agisse
d’un abonsam ou d’autre chose). Ils passent autant de
temps à tuer des bêtes dangereuses et surnaturelles qu’à
partager des histoires pour aider les gens à se protéger de
ces menaces.
Les Porteurs de lumière
À l’origine, cet ordre de justiciers est né au Khémet.
Les Porteurs de lumière sont dirigés par le Mahat, un
membre dont l’identité est inconnue. Ils se spécialisent
dans les informations et les secrets, un savoir (et des
agents qualifiés) qu’ils utilisent afin de saper l’autorité des
Scélérats d’Ifri et d’ailleurs.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 179
 Les Sociétés secrètes
L’Atoka-ona Farasin
Olamide Ololade, conteuse spécialiste de l’histoire
de la richesse et de l’économie mandénianes, se rendit
en Castille lorsqu’elle était jeune. Elle voulait étudier
l’impact de l’Inquisition sur l’économie du pays. Son
arrivée et ses activités attirèrent l’attention du Collège
invisible, qui envoya un représentant la contacter. La
Société lui proposa d’échanger ses données économiques
et ses techniques d’analyse contre des informations sur la
Kurufaba mandéniane, et par extension l’Ifri.
Olamide fut fascinée par l’idée d’érudits dissidents
qui préservent et conservent savoir et science pour les
générations futures. Elle accepta l’échange, mais à son
retour dans la Kurufaba, lorsqu’elle mit ses nouvelles
connaissances en pratique, elle fut frappée d’horreur.
Des forces malfaisantes avaient commencé à influencer
l’économie du pays, se répandant sous la surface de ses
villes étincelantes. Les marchés noirs étaient devenus plus
courants. Les investissements et le négoce prudents du
Manden, qui permettaient de contrebalancer la perte de
ressources physiques tels l’or et le sel, commençaient à
se détériorer.
Olamide décida de fonder une organisation basée sur
les principes du Collège invisible, ceci afin de protéger
l’économie mandéniane et les précieuses ressources
naturelles responsables de sa richesse. Elle l’appela
Atoka-ona Farasin, « le Compas caché. » Elle recruta deux
personnes partageant ses valeurs et les chargea de trouver
d’autres membres.
Tout comme dans le Collège invisible, aucun membre
de l’Atoka-ona Farasin ne connaît plus de deux de ses
collègues. Personne ne connaît l’étendue des effectifs
réels, mais à en juger par ses réussites, Olamide estime
que des dizaines de citoyens ont rejoint ses rangs.
Chaque membre communique avec ses pairs via des
codes répandus dans l’économie. Pour transmettre une
information donnée, il suffit d’acheter un objet donné
sur un marché donné pour un montant donné, et quand
il faut les transmettre sur de grandes distances, un
encodage des livres de compte suffit.
Le souci majeur de l’Atoka-ona Farasin consiste à
trouver et protéger la richesse du sol mandénian, même
en ces endroits où elle est mineure. Les membres étudient
les rumeurs parlant de tels sites et, si elles s’avèrent
fondées, ils en dissimulent les coordonnées et font taire
180 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
le bruit qui court pour cacher l’information au Bonsam
et à ses sbires. Ils repèrent et tiennent également une liste
des marchés noirs. Tout l’argent gagné sur ces marchés
et qui est employé pour ébranler l’économie se retrouve
détourné grâce aux fonds récoltés par l’Atoka-ona Farasin.
Si nécessaire, l’information fuite parfois auprès du public.
La Société secrète protège également le savoir et les
découvertes scientifiques, mais son but premier reste
la protection de la richesse légendaire de la Kurufaba
mandéniane. L’organisation accroît ses rangs et combat
en secret sur les marchés d’Ifri pour tenir les ténèbres
à l’écart.
La Faveur au sein de l’Atoka-ona farasin
L’Atoka-ona farasin s’occupe principalement de
pro­té­ger toutes les formes d’économie de la Kurufaba
mandéniane—et par extension de l’Ifri—en utilisant des
codes et en œuvrant dans l’ombre.
Un Héros membre de l’Atoka-ona Farasin peut acquérir
de la Faveur des façons suivantes :
• Vendre des informations ou des secrets éco­no­
miques à l’Atoka-ona Farasin rapporte 1 de
Faveur si l’information représente une menace
directe envers les machinations du Bonsam.
• Empêcher un étranger de piller les richesses
de l’Ifri, soit par la force, soit par la diplomatie,
rapporte 3 de Faveur. Cela inclut les ressources
naturelles et la culture. L’Atoka-ona Farasin
se concentre surtout sur l’économie, mais ses
membres défendent aussi la culture avec ardeur.
Un Héros membre de l’Atoka-ona Farasin peut y faire
appel pour obtenir de l’aide des façons suivantes :
• Utiliser les ressources monétaires ou naturelles
de la Société coûte 1 de Faveur par point de
Richesse demandé. Selon la somme, le type de
ressource demandé et l’avis du MJ, il peut aussi
y avoir des clauses au financement. On pourrait
par exemple demander au Héros de rembourser
la somme en fonction de l’utilisation qu’il veut
faire de la ressource.
• Transférer de l’argent via l’Atoka-ona Farasin
coûte 3 de Faveur. Un membre pourra demander
à toucher un pourcentage en compensation de
ses efforts, qu’il mettra au profit de sa cause.
Le Ch’ewi
Le Ch’ewi (littéralement « sel ») n’est pas à proprement
parler une Société secrète. Elle n’a en effet de secret que
le nom, et manque d’organisation pour être véritablement
considérée comme une véritable Société. Le terme qui
définit le mieux le Ch’ewi pourrait être « mouvement ». Il
commença peu de temps après la conversion de l’Empire
aksoumite aux préceptes du deuxième Prophète. Certains
pensent qu’il s’agit d’une ramification de ce qui devint
ensuite l’Église ānidi hibiri tefet’iro, d’autres estiment
qu’il fut fondé par le Skia afin de récolter des informations,
quelques-uns affirment qu’il prend sa source dans les
rassemblements communautaires des ouvriers des mines
de sel. De nos jours, plus personne ne sait avec certitude
quelle théorie est la bonne.
Ce qui est certain, c’est que les Aksoumites ont beaucoup
de respect pour le Ch’ewi. Ses membres préservent
et agrémentent la vie, tout comme le sel préserve et
agrémente la nourriture. Faire partie du Ch’ewi est un
mode de vie, un référentiel moral, voire une force qui
pousse à agir dans les situations les plus graves. Un vieil
homme ayant passé des années à défendre l’Aksoum
pourrait en faire partie, tout comme une jeune femme
ayant sauvé la vie de plusieurs personnes piégées dans un
bâtiment en flammes. Certains consacrent l’essentiel de
leur vie à être des Ch’ewi. D’autres se retrouvent à endosser
le rôle un bref instant. Quoi qu’il en soit, tous viennent
en aide, soignent, servent et soutiennent les nécessiteux.
En ces heures sombres, l’Empire aksoumite a plus que
jamais besoin du Ch’ewi. Du fait de la désertion de Rada,
l’ancien dscah ru, le pays encourt un grave danger car
nombre d’abonsams rôdent dans le pays. Ces dernières
années, les Ch’ewi se sont chargés d’eux, mais les abonsams
sont des ennemis puissants et rusés, tandis que les Ch’ewi
vont et viennent sans véritable organisation.
En cette période de grand besoin, les bons samaritains
sentent la fibre du Ch’ewi vibrer dans leur cœur. Ces
personnes, qui partagent les mêmes valeurs et la même force
de caractère, s’attirent mutuellement. Ce qui, au départ, n’était
qu’un rassemblement d’individus hétérogènes est peu à peu
devenu un groupe indépendant qui met en commun ses
ressources et aide celles et ceux dans le besoin. Les petites
enclaves du Ch’ewi se rendent compte du nombre de choses
qu’elles peuvent accomplir en s’unissant, c’est pourquoi elles
ont depuis décidé de voter démocratiquement pour choisir
où diriger leurs efforts. Dans l’Empire, les rumeurs se
répandent étonnamment vite d’un village à un autre, ce qui
permet au Ch’ewi d’une communauté d’avoir vent des besoins
de celui d’une autre. Qui sait l’ampleur des actions dont ils
seraient capables si se forgeait une alliance véritable, nationale
et coordonnée entre ces groupes hétéroclites ?
Les Ch’ewi possèdent une autre caractéristique impor­
tante. Tout le monde peut devenir Ch’ewi ou s’en montrer
digne, et ce n’importe quand pourvu que les circonstances
soient favorables. On se fie davantage à la trempe d’un
individu qu’à des règles d’adhésion particulières. Ainsi, il
s’agit de la seule Société secrète ifrienne qui autorise ses
membres à faire partie d’autres Sociétés secrètes. De même,
ce concept s’est répandu suffisamment loin à travers les
Terres d’or et de feu pour que les autres Sociétés secrètes
autorisent leurs membres à faire partie du Ch’ewi.
La Faveur au sein du Ch’ewi
Bien que les Ch’ewi soient moins organisés que dans les
autres Sociétés, ils interagissent tout de même souvent les
uns avec les autres. D’ailleurs, la menace importante que
représentent les abonsams les a obligés à resserrer leurs
liens par rapport au passé. Ils mettent leurs ressources en
commun pour aider les personnes sans défense.
Un Héros membre du Ch’ewi peut acquérir de la Faveur
des façons suivantes :
• Aider un agent du Ch’ewi rapporte 1 de Faveur.
Le Ch’ewi doit sa prospérité à l’entraide et
l’assistance, aider l’organisation à venir en aide
aux autres témoigne de votre sel.
• Vaincre un abonsam, un de leurs suppôts ou
un personnage doté d’un Dé d’Infâmie (voir
Abonsam et Dés d’Infâmie, page 202) rapporte
10 de Faveur. Le Ch’ewi sait que l’Empire
aksoumite est des plus vulnérables maintenant
qu’il a perdu son dscah ru. Protéger les gens
sans défense des abonsams représente une tâche
herculéenne. Toute assistance est la bienvenue.
Un Héros membre du Ch’ewi peut y faire appel pour
obtenir de l’aide des façons suivantes :
• Inciter quelqu’un à rejoindre le Ch’ewi coûte 4
de Faveur. L’étincelle de cette noble aspiration
brûle en chacun de nous, laquelle peut, en
période de difficulté, se transformer en flamme.
Un personnage (qui n’est pas un Scélérat) agira
afin de vous sauver la mise ou endossera le rôle
d’agent pour vous aider à accomplir une mission.
Sa Force est déterminée par le MJ.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 181
Les Enfants d’Ésu
« Une lance pourra tuer un Monstre. Une
histoire en tuera des milliers. »
—Mama Sende

Si l’on en croit les légendes, toutes sortes de Monstres

s’en sont pris aux peuples innocents d’Ifri depuis que le
continent s’est dressé hors des eaux. Depuis toujours, les
Enfants d’Ésu font partie de ces récits colportés par les
griots, arrivant à point nommé pour abattre les horreurs,
puis reprenant leur chemin pour se rendre au prochain
village en danger.
Originaire de la Mbey, cette Société s’est depuis
longtemps développée à travers toute l’Ifri. Ses membres
s’arrêtent rarement très longtemps à un endroit donné.
En règle générale, chaque Enfant œuvre soit en solitaire,
soit au sein d’un binôme mentor/élève. Ils communiquent
avec leurs pairs grâce à des histoires et des chansons
codées, ainsi qu’à des pistes de signes—aussi simples
qu’incroyablement subtils—qu’ils laissent derrière eux ;
certains servent d’avertissements contre une menace,
d’autres à prévenir leur frères et sœurs qu’il existe un abri
à proximité.
La plupart du temps, les membres les plus jeunes se
concentrent sur l’éradication pure et simple des Monstres.
Les plus anciens, eux, composent des contes astucieux et
des chansons entraînantes dans lesquels ils intègrent les
faiblesses de ces Monstres. Ainsi, ils peuvent enseigner
et divertir à la fois. Il arrive parfois, mais rarement, que
les Enfants se rassemblent en grand nombre lorsque
les anciens pensent qu’il est nécessaire de partager des
informations d’importance vitale, ou de s’allier contre
une terrible menace. Ils profitent généralement du couvert
d’un festival ou d’une fête pour ses réunions.
La Société tire son nom d’Ésu, l’ori protecteur des
carrefours. Les Enfants sont en effet au carrefour du bien
et du mal, de la vie et de la mort. Leur chemin n’a rien
d’aisé, mais Ésu leur enseigne qu’une fois choisi, il ne
reste plus qu’à le parcourir, peu importe où il les mènera.
Dans les faits, les Enfants vont et viennent à travers le
continent, endossant souvent une profession itinérante
(commerçants, artistes ambulants, etc.).
La tradition veut qu’un Enfant porte un masque
d’Ésu lorsqu’il accomplit son devoir. En effet, dans les
endroits où l’influence du Bonsam est faible, tout le
monde sait reconnaître Ésu. En conséquence, lorsque
l’Enfant apparaît pour conter une histoire, il est écouté.
Dans les endroits corrompus—comme le Royaume de
Mbey—le masque confère un anonymat de bon aloi face
aux créatures corrompues. Les mentors recrutent leurs
apprentis en leur offrant un masque grossier  ; charge
à eux de le personnaliser et de le compléter durant
leur entraînement.
Une rencontre récente et fortuite pourrait bien se révéler
capitale dans les relations entre l’Ifri et la Théah, même si
elle restera cantonnée dans l’ombre. Alors qu’ils chassaient
un abonsam particulièrement dangereux, un groupe
d’Enfants tomba nez à nez avec des Kreuzritter, lesquels
étaient venus depuis la Théah à la poursuite d’un Monstre.
L’un des Enfants se rappela alors une vieille légende à
propos d’un groupe de nobles à la peau pâle, des chasseurs
de Monstres qui, par le passé, s’étaient aventurés en Ifri. Les Un Héros membre des Enfants d’Ésu peut y faire appel
deux groupes discutèrent et décidèrent de s’unir. De leur pour obtenir de l’aide des façons suivantes :
collaboration naquirent une chasse couronnée de succès
et la défaite dans les formes de leurs ennemis mutuels. Les
deux Sociétés acceptèrent de partager des informations et
de s’entraider à l’avenir. Les Kreuzritter partagèrent leurs
connaissances sur la Compagnie et certaines horreurs
théanes introduites en Ifri par des Scéléras, et en révélant
la véritable nature du Bonsam, les Enfants donnèrent aux
Croisés un ennemi digne de toute leur fureur.
La Faveur au sein des Enfants d’Ésu
Un Enfant d’Ésu sait toute l’importance de transmettre
des informations exactes, soit verbalement, soit par le biais
de ses nombreux signes de piste. Il saura également se
souvenir de ceux qui lui auront offert le couvert, de l’aide
médicale ou ne serait-ce qu’un endroit paisible où passer
la nuit.
Un Héros membre des Enfants d’Ésu peut acquérir de
la Faveur des façons suivantes :
• Composer une histoire ou une chanson qui
motive directement quelqu’un à rejoindre les
Enfants, ou donne à un autre membre des
informations capitales qui l’aideront à vaincre
une menace surnaturelle, rapporte 4 de Faveur.
Il ne peut y avoir d’ambiguïté quant au fait que
les mots du membre ont joué un rôle décisif dans
la décision d’adhésion ou la défaite du Monstre.
• Redonner de l’espoir à une communauté
opprimée rapporte 6 de Faveur. Il n’est pas
nécessaire que ce soit lié à la défaite d’un
adversaire surnaturel, même si, vu la nature de
la mission des Enfants, ce sera souvent le cas. Il
est important de connaître la différence entre
raviver l’espoir et débarquer, tuer le Monstre puis
s’en aller vers le soleil couchant. Pour gagner ces
points de Faveur, le Héros doit véritablement
aider non seulement à réparer les dégâts
provoqués par la créature, mais aussi ranimer
l’enthousiasme de la communauté qui s’est dissipé
lors de son oppression.
• Transmettre un message via le réseau de
mes­sagers et d’amuseurs des Enfants coûte 2 de
Faveur. Le message pourra mettre du temps à
arriver, mais il restera secret et sera bien transmis.
Le coût est réduit de 1 si le Héros possède le
message déjà codé dans une histoire ou une
chanson populaire. Même dans ce cas-là, il y a
peu de chances que le code soit découvert. Mais
un Scélérat rusé et attentif risque de se douter
de quelque chose si un Héros transmet trop de
messages près de lui.
• Requérir les services d’un Enfant pour apprendre
le folklore d’une zone donnée jusque dans
les moindres détails coûte 4 de Faveur. Cela
rapporte toutes sortes d’indices concernant les
Monstres locaux, ainsi que les sites, les familles
et les villages importants de la région ; cela peut
aussi comprendre des détails sur n’importe quel
évènement célèbre s’étant déroulé à proximité. Le
Héros peut alors relancer n’importe quel nombre
de Dés sur un jet d’Érudition lorsqu’il doit se
rappeler ou identifier des informations locales
utiles, et ce jusqu’à la fin de son Histoire actuelle.
Le Héros ne peut disposer de cet avantage que
pour une zone à la fois.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 183

Les Porteurs de lumière
Fondés par Ahmunemhat à la naissance du Khémet, les
Porteurs faisaient autrefois partie intégrante de la société
khémétienne. Ahmunemhat, grand-prêtre d’Ahmun, se
lança dans une série de leçons sur les actes justes aux
yeux des ennéades. Au départ, il n’enseignait qu’à un
groupe d’eubayds triés sur le volet dont il avait la charge
au grand temple de Masr. Il ne fallut pas longtemps
pour que ses disciples se mettent à arpenter la ville et
à transmettre ses enseignements aux foules captivées.
Ainsi, ils obtinrent très vite leur surnom de « Porteurs
de lumière  ». Comprenant que le peuple désirait être
guidé sur le chemin de la juste conduite, Ahmunemhat
rassembla et organisa ses pensées dans un sebayt (essai)
traitant du bien-vivre.
Après sa mort, Kaaper, sa plus proche disciple et confidente,
passa en revue ses possessions et trouva un masque d’or
étincelant à la forme d’un soleil. La charge de l’organisation
naissante lui ayant été dévolue, Kaaper se mit à le porter
lors de ses leçons en hommage à Ahmunemhat et en
rappel de l’attention que l’organisation porte aux bonnes
actions menées sous le soleil. Les Porteurs de lumière
s’épanouirent et ses membres acquirent la réputation de
modèles grâce à leurs enseignements et leur sagacité.
La charge des Porteurs de lumière se transmettant d’une
personne à une autre, le masque doré devint petit à petit
indissociable du rôle. Il en alla ainsi jusqu’au règne de la
reine Nahashepsut. Lorsqu’elle mena le pays à la guerre,
les Porteurs de lumière critiquèrent ses actions de façon
virulente et tentèrent de détourner le royaume de ce cap.
Nahashepsut répliqua en proscrivant les Porteurs de
lumière et en retirant leurs partisans des postes influents.
Comme ils ont coutume de dire : « Le soleil se couche,
mais il se lèvera de nouveau. »
Aujourd’hui, les Porteurs de lumière œuvrent dans
l’ombre pour révéler au grand jour les secrets du Khémet.
Ils sont certains qu’il n’y a jamais eu autant besoin de leurs
enseignements. Les jours raccourcissent et les Porteurs
de lumière pensent que les actes malhonnêtes des très-
hauts en sont la cause. Chaque jour, le peuple apprend de
nouvelles histoires : on a démasqué tel noble corrompu,
appréhendé ce voleur rusé, mis à jour les ignominies de
tel magistrat, et plus encore. À chaque fois, on retrouve
un symbole derrière. Le graffiti, qui apparaît maintenant
dans les ruelles tortueuses des villes de chaque province,
représente un disque scindé par une ligne horizontale : le
soleil qui se lève à nouveau.
184 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
QUI DIRIGE LES
PORTEURS ?
Personne ne sait qui est à la tête des Porteurs de
lumière, pas même ses membres. Ce chef, connu
sous le seul titre de Mahat—qu’il soit homme,
femme ou autre—apparaît vêtu de robes amples
et du masque d’or étincelant indissociable de son
rôle. Quelle que soit son identité, le Mahat voyage
à travers le Khémet pour enseigner à ses disciples,
préparer la chute des corrompus et répandre les
louanges de celles et ceux qui agissent avec noblesse
véritable. Il parvient toujours à échapper aux
griffes de la reine Twosret et d’Amlak Bey avec une
grâce surnaturelle.
La Faveur au sein des Porteurs de lumière
Les Porteurs de lumière sont des justiciers, mais aussi des
enseignants et des mentors. Leur principale préoccupation
tourne autour des enseignements des ennéades et
comment en faire un modèle pour le peuple khémétien.
Souvent, cela se traduit par l’idée que les crimes de petite
envergure peuvent justifier une volonté d’empêcher ou de
dévoiler une plus grande injustice.
Un Héros membre des Porteurs de lumière peut acquérir
de la Faveur des façons suivantes :
• Vendre des informations permettant d’identifier un
noble véritablement Héroïque, ou qui se rapportent à
une telle personne, rapporte 3 de Faveur. Les Porteurs
souhaitent répandre l’influence et la célébrité des
méritants. Lorsqu’il est exposé à des modèles de vertu,
le peuple agit de façon plus vertueuse.
• Vaincre un Scélérat noble rapporte 8 de Faveur.
Les Porteurs de lumière pensent que les très-hauts
doivent servir d’exemples lumineux pour l’humanité,
héritage que trahit la Malfaisance.
Un Héros membre des Porteurs de lumière peut y faire
appel pour obtenir de l’aide des façons suivantes :
• Demander son aide au Mahat coûte 10 de
Faveur. Le chef énigmatique est connu pour son
inclination à se salir les mains lorsque cela est
nécessaire et à répondre présent quand on l’appelle
à l’aide. Malheureusement, on a besoin du Mahat à
travers tous le Khémet, et le temps n’est pas infini.
Pendant une Scène, le Mahat vous apporte son
aide en tant qu’agent ayant une Force de 10.
• Acheter les connaissances de contacts de confiance
coûte 2 de Faveur. Les Porteurs veillent au grain sur
les personnes ayant succombé à l’obscurité du pays et
celles qui sont restées sensibles à la lumière du soleil.

Le Heka
Suite aux destructions occasionnées par l’inondation et
le départ des ennéades, le peuple avait plus que jamais
besoin de la sorcellerie pour protéger le Khémet. Le roi
Theyt découvrit qu’il était possible de manipuler son
esprit (ou ka) et de l’utiliser pour faire de la magie. En
imprégnant une part de soi dans un objet par le biais d’une
représentation écrite, voire d’une phrase prononcée à voix
haute, le sorcier Heka peut plier le monde à sa volonté.
L’objet imprégné tire son pouvoir magique du monde et
des joks, puis le façonne selon les désirs du sorcier. Plus le
ka du sorcier est fort, plus sa création le sera aussi.
La pratique magique du Heka exige une compréhension
du lien entre un objet et sa représentation aux yeux
d’autres forces ou matériaux naturels. En faisant une
inscription sur un objet adéquat, le sorcier peut créer des
amulettes alchimiques ou des sorts pour manipuler la
nature qui l’entoure. Il peut même transformer la chair
et l’os, ou donner aux armes davantage de puissance et de
résistance. Le seul souci, c’est que chaque création magique
demande une dépense de ka, et plus la création est grande,
plus elle demande de pouvoir. Le ka, l’essence vitale même
d’une personne, a donc besoin de temps pour se recharger
entre chaque création. À trop l’utiliser, un individu peut
tomber malade et mourir rapidement.
Il existe cependant certains raccourcis. Un sorcier Heka
apprend à siphonner le ka des autres, à les saigner de leur
essence vitale, et à utiliser l’énergie des trésors de tombeaux
(voire des momies) pour servir ses desseins. Un réseau
de contrebande échange et vend des objets volés dans
les tombeaux pour les besoins de ces sinistres créations.
La Sorcellerie
Cependant, dans la plupart des cas, chaque sorcier, qu’il
soit enez ou très-haut, utilise le Heka pour créer des
merveilles magiques et aider le Khémet à prospérer.
Bien sûr, le Heka est une forme de sorcellerie, de fait, elle
est considérée comme anathème par l’Église vaticine. Il
s’agit d’une forme de magie, une modification surnaturelle
du monde, qui doit donc être considérée comme une
influence néfaste.
Fonctionnement
Le Heka est une forme mineure de sorcellerie picto­
graphique dérivée des expériences du roi They. Celui-ci
espérait ressusciter sa reine en déversant des quantités
astronomiques de son essence vitale dans des tablettes
d’émeraude, croyant qu’avec suffisamment d’énergie, il
finirait par vaincre la mort. Il ne réussit qu’à la rejoindre
dans l’au-delà, mais son aptitude à imprégner son ka dans
des objets et des sceaux se transmit jusqu’à son peuple.
L’obsession de Theyt pour ressusciter sa reine l’amena à
comprendre que le ka des morts, tout aussi puissant que
celui des vivants, pouvait servir à alimenter le Heka. Cela
explique pourquoi les sorciers Heka les plus audacieux,
désespérés ou immoraux pillent les tombes pour récupérer
des objets qui serviront à alimenter leur magie. Cependant,
cette pratique n’est pas sans danger, et personne ne sait ce
qu’il advient du ka, et donc des âmes des morts.
Grâce à un vocabulaire fait de symboles, un sorcier Heka
peut insuffler son ka à des amulettes, des sculptures et
des inscriptions, leur donnant ainsi un pouvoir adéquat.
Le ka est travaillé sous la forme de signes élé­mentaires :
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 185
 la terre, l’air, le feu et l’eau. Chacun prodigue des Inscriptions perdent leur pouvoir après une journée, mais
bénédictions différentes. peuvent être recréés ou réinscrits.
La plupart du temps, un sorcier Heka aura une connaissance Pour activer un Talisman ou une Inscription, le
étendue de la langue, de la culture et du symbolisme. Plus sorcier Heka doit l’imprégner de son ka, ce qui limite la
son savoir est grand, plus il peut facilement matérialiser sa quantité de magie qu’il peut accomplir avant de tomber
volonté lorsqu’il travaille son ka. Si vous optez pour cette d’épuisement, voire de succomber. Cela ne demande qu’un
Sorcellerie à la création de votre Héros, partez du principe moment de concentration, mais le sorcier sentira la perte
que vous avez étudié un minimum la langue pictographique d’énergie même si elle était infime.
des dieux. Si vous l’achetez plus tard en cours de jeu, cette En dehors des Séquences d’Action ou Dramatiques, vous
étude doit faire partie de votre Histoire. pouvez activer un Talisman ou une Inscription gratuitement.
La première fois que vous achetez cette Sorcellerie, Si l’effet s’inscrit dans la durée, il prendra fin au début de la
vous devez choisir 2 Talismans et 1 Inscription. Les prochaine Scène. Dans le cadre d’une Séquence d’Action ou
Talismans doivent venir du même élément, et vous ne Dramatique, l’activation d’un Talisman ou d’une Inscription
pouvez appendre une Inscription que si vous possédez coûte 1 Mise ou 1 Blessure. Un Talisman a un effet
déjà le Talisman associé. Chaque achat supplémentaire immédiat ou sur le court terme. Les Inscriptions sont plus
de la Sorcellerie vous donne le droit à 1 Talisman et 1 puissantes et, si leur effet s’inscrit dans la durée, prennent
Inscription, ou 1 Sort. Pour apprendre un Sort, vous fin en même temps que la Scène en cours.
devez déjà connaître une Inscription.
Pour utiliser ce pouvoir en jeu, vous devez d’abord créer La création et l’activation des Sorts
le Talisman, l’Inscription ou le Sort, puis l’activer. Un Sort constitue le niveau de Heka le plus puissant. Il
permet de créer un effet magique grâce à une simple phrase.
La création et l’activation de Sa création requiert du temps et de l’effort. Le sorcier Heka
Talismans et d’Inscriptions doit écrire une phrase unique (qui varie en fonction de
Un Talisman peut être une statuette, un petit symbole chaque sorcier) qui représente sa compréhension de
ou un pendentif créé avec des matériaux naturels et dans l’élément et du pictogramme qu’il souhaite utiliser.
lequel on a gravé un pictogramme représentatif. On peut Pour activer un Sort, le sorcier Heka n’a qu’à prononcer
donner le Talisman à une personne pour qu’elle en profite. sa phrase unique. Lorsque vous activez un Sort, vous
Dans tous les cas, il se désagrégera après usage. pouvez utiliser l’effet du Talisman ou de l’Inscription lié à
Écrire ou inscrire le pictogramme représentatif sur un ce pictogramme. Une fois un Sort actif, l’utilisation d’autres
objet ou une structure crée une Inscription. Une fois Talismans ou Inscriptions coûte 2 Blessures Dramatiques
l’Inscription utilisée, le pictogramme disparaît. Il est au lieu d’1 Mise. Manier trop de magie à la fois puise
impossible de détruire des Talismans ou des Inscriptions énormément dans le ka du sorcier, ce qui peut se révéler fatal.
sans faire appel à la magie.
En tant que sorcier Heka, vous disposez, au début de Les Éléments
chaque Scène, d’1 Talisman ou Inscription pour chaque L’Air
rang de l’Avantage Sorcellerie que vous possédez. Il n’est pas Apesanteur : le pictogramme de la légèreté est la plume. Il
nécessaire de déterminer quels Talismans ou Inscriptions sont est souvent inscrit avec une plume, soit sur du papier soit
prêts : cela vous permet simplement d’activer la Sorcellerie dans de l’argile. En général, on attache une plume unique
pour chaque rang que vous avez investi dans l’Avantage. Si aux Talismans.
vous tombez à cours de Talismans ou d’Inscriptions dans Talisman : en activant un Talisman d’Apesanteur, son
une Scène, vous pouvez en créer d’autres. porteur devient bien plus gracieux (ou, a minima, plus
Lors de votre tour, dépensez 1 point d’Héroïsme ou leste dans ses mouvements). Jusqu’à la fin du Round, il
subissez 1 Blessure Dramatique (pour simuler l’utilisation obtient une Mise gratuite pour toute Action de Finesse.
du ka) pour créer un Talisman ou une Inscription. Vous Inscription : une Inscription d’Apesanteur activée rend les
pouvez créer n’importe quel Talisman ou Inscription choses lourdes légères et faciles à porter. Un sorcier Heka
que vous connaissez, mais vous devez déterminer lequel peut alléger un objet d’environ trois fois son propre poids
ou laquelle au moment de la création. Talismans et sur une période d’une journée, ou jusqu’à la fin de la Scène.

186 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU

Vitesse  : le faucon représente la vitesse et la rapidité,
capable de s’envoler haut dans les airs et de laisser les
vents le porter loin. Les talismans comportent souvent
des feuilles et des plumes attrapées en l’air.
Talisman  : en activant un Talisman de Vitesse, son
porteur se déplace avec une rapidité surnaturelle. Jusqu’à
la fin du Round, il ou elle n’a pas besoin de payer le coût
d’Improvisation d’une Action.
Inscription  : un Talisman de Vitesse inscrit sur un
navire ou tout autre moyen de transport lui permet de
se déplacer du double de sa vitesse pendant une journée
après l’activation. Cette Inscription fonctionne sur
les chevaux et les êtres vivants, mais le prix à payer est
généralement fatal.
L’eau
Perspicacité : l’œil des joks qui surveille les eaux de l’Iteru
représente la perspicacité et le monde des rêves. Ces
Talismans sont toujours bleus et dotés d’une pierre en leur
centre pour matérialiser la pupille de l’œil.
Talisman : en activant un Talisman de Perspicacité, son
porteur se voit octroyé toute clarté sur une situation. Il
peut poser trois questions fermées au MJ, toutes en
rapport avec des informations que son personnage
pourrait ou devrait savoir. Il doit poser ses trois questions
en même temps.
Inscription : une Inscription de Perspicacité activée sur
un objet ou un bâtiment livre des connaissances sur son
passé et sa raison d’être. Le sorcier Heka peut poser trois
questions fermées au MJ concernant le bâtiment ou
l’objet, toutes en rapport avec des informations que son
personnage pourrait ou devrait savoir. Encore une fois, il
doit poser ses trois questions en même temps.
Soins : le symbole de la Vie est utilisé par les magies de
soin et de purification. Il est souvent inscrit dans l’eau en
plus d’autres supports plus permanents. Les Talismans
sont généralement de petits flacons d’eau purifiée ornés
d’un pictogramme peint.
Talisman  : en activant un Talisman de Soins, le ka
contenu à l’intérieur jaillit pour soigner le porteur. Celui-ci
est guéri de 2 Blessures.
Inscription  : une Inscription de Soins activée sur un
bâtiment ou un lieu contaminé permet de débarrasser la
zone de tous les poisons et impuretés, sur une surface
équivalente à 1m² multiplié par le nombre de fois que le
sorcier Heka a choisi l’Avantage Sorcellerie.
Le Feu
Chaleur : le feu est lumière, chaleur et savoir. Il est tant
de choses, et nous aurions si peu sans lui. Les Talismans
de Chaleur sont toujours cuits dans des fours à poterie et
sur des âtres, leur permettant d’emmagasiner la chaleur.
Talisman  : en activant un Talisman de Chaleur, son
porteur ne souffrira pas du froid, qu’il se trouve soumis
aux neiges boréales, aux nuits désertiques ou à la magie
elle-même. Le Talisman garde son porteur au chaud
comme s’il était à côté d’un feu. Cet effet dure une journée
ou jusqu’à la fin d’une Scène.
Inscription : une Inscription de Chaleur sur un objet
ou un bâtiment le garde au chaud une journée durant, à
la température voulue par le sorcier Heka. Au cours des
siècles, cet effet a servi à des fins tant compatissantes
que cruelles.
Courage  : le lion représente le courage et la bravoure,
immuable face aux plus grands des périls. Un Talisman
de Courage est souvent façonné d’argile sous la forme d’un
lion doté d’une petite crinière en paille.
Talisman  : en activant un Talisman de Courage, son
porteur se retrouve imprégné de vaillance. Jusqu’à la fin
du Round, il obtient une Mise gratuite pour toute Action
de Résolution.
Inscription : une Inscription de Courage activée sur un
bâtiment, un navire ou tout autre moyen de transport
permet aux personnes à l’intérieur ou à bord de rester à
l’abri du danger. Tous les personnages dans la structure
obtiennent un Dé supplémentaire à toutes leurs Actions
de Résolution jusqu’à la fin de la Scène.
La Terre
Force : le pictogramme de la Force est le taureau, qui
est également symbole de stabilité. Les Talismans de
Force sont souvent façonnés dans l’argile à l’image de
petits taureaux.
Talisman : en activant un Talisman de Force, son porteur
reçoit la force du ka dont il est imprégné. Jusqu’à la fin
du Round, il obtient une Mise gratuite pour toute action
de Force.
Inscription  : en activant une Inscription de Force sur
une arme, celle-ci inflige des dégâts supplémentaires en
combat. Pour le restant de la Scène, ajoutez un nombre de
Blessures supplémentaires équivalent au nombre de Rangs
en Force que possède le porteur de l’arme.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 187
 Protection  : le pictogramme de la Protection et de
l’endurance est le crocodile, aussi bien chez lui dans la
boue que dans l’Iteru aux reflets scintillants. Les sorciers
Heka aiment utiliser la boue des berges du fleuve pour
fabriquer ces Talismans.
Talisman : un Talisman de Protection activé octroie au
porteur une peau aussi épaisse que celle d’un crocodile. Le
Talisman lui permet d’encaisser les 3 prochaines Blessures
(Dramatiques ou normales) qu’il subit.
Inscription : en activant l’Inscription de Protection sur
un objet, un bâtiment ou un navire, l’Inscription prévient
les 3 prochains Dégâts (Critiques ou normaux) qu’il subit.
Le Heka noir
L’héritage de Theyt ne comprenait pas que le Heka. De
son obsession à vouloir contrôler la vie par-delà la mort
naquit ce que la plupart des Khémétiens appellent le Heka
noir, soit l’utilisation d’objets provenant de tombeaux pour
alimenter le Heka. D’aucuns disent que « Heka noir » est
un terme inapproprié : cette sorcellerie en elle-même n’a
rien de noire, contrairement à l’acte de siphonner le ka des
reliques et des corps des morts (la méthode d’extraction et
d’utilisation du ka des défunts est d’ailleurs la même que
si l’on utilisait son propre ka).
Malgré la haine à l’encontre des pilleurs de tombes et le
respect porté aux vestiges du passé, le besoin en ka des
sorciers Heka a donné naissance à un véritable marché
noir. Rares sont les Khémétiens qui avoueraient être des
pilleurs de tombes, mais il est tout de même possible
d’avoir des conversations sous forme de «  Formulons
l’hypothèse que… »
Ce qui dissuade la plupart des sorciers Heka d’avoir
recours à cette pratique (hormis le fait qu’elle soit
immorale) sont les malédictions. De prime abord, peu de
Khémétiens y font allusion, mais elles sont bien réelles,
et endémiques aux pilleurs de tombes et à ceux qui
utilisent les trésors funéraires pour alimenter leur Heka.
Une majorité ne voit là que de la « malchance », mais
les rumeurs qu’ils laissent dans leur sillage ne mentent
pas : ces cas sont difficiles à justifier par l’infortune (on
parle par exemple de possession par des esprits qui se
produisent lors de la manipulation du ka dérobé).
À noter qu’une minorité grandissante relie la
recrudescence du Heka noir à l’obscurité qui s’est abattue
sur le Khémet et à son lent mais inévitable déclin…
188 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
Le Melbur
Les Aksoumites qui possèdent le pouvoir du Melbur
sont connus sous le nom de dasusuo (« les sages »). Ils
sont parmi les êtres les plus puissants d’Ifri. D’une seule
pensée, ils peuvent décimer les plus puissants soldats,
raser des villes entières ou donner vie à des Monstres
gigantesques qui leur sont dévoués. Quiconque est au fait
de leur véritable nature sait que ce pouvoir comporte un
lourd prix à payer : chaque sorcier est lié à un abonsam, un
démon aussi terrible qu’incroyablement puissant, dont le
but principal est d’encourager son homologue humain à
commettre des actes de plus en plus vils afin de corrompre
son âme et le faire basculer dans le mal véritable.
Un abonsam établit un premier contact avec le dasusuo
lorsque ce dernier est encore jeune. Il n’est pas rare que
les enfants aient des amis imaginaires, mais pour les
Aksoumites, ce genre de phénomène est toujours source
d’inquiétude. La majorité de ces enfants sont tout à fait
normaux, mais certains communiquent avec des démons.
Ceux-ci offrent aux enfants tout ce qu’ils souhaitent,
bien qu’il y ait toujours une contrepartie. Au début, le
prix peut être sans grande importance («  Raconte un
mensonge à ta mère ») mais avec le temps, ils deviennent
de plus en plus sombres. Il n’est pas rare que ces enfants
volent ou torturent des animaux, et selon les rumeurs,
nombre d’enfants disparus auraient en fait été tués par
un autre enfant influencé par les murmures d’un abonsam.
Pour cette raison, il est important de rapidement dé­couvrir
tout enfant ayant pactisé avec un abonsam avant qu’il ne
commette des actes irréparables. Ce devoir revient au dscah
ru, qui est traditionnellement le dasusuo le plus puissant du
royaume et figure parmi les individus les plus importants de
l’Empire aksoumite. Il lui incombe d’enseigner à ces enfants
comment pactiser avec leur abonsam en toute sécurité. Ce
poste étant actuellement vacant, plus personne n’enseigne
cela aux enfants.
Jusqu’à ce qu’un nouveau dscah ru soit choisi, les dasusuos
font de leur mieux pour localiser de nouveaux enfants ayant
établi un contact avec un abonsam. Toutefois, sans le soutien
de l’empereur, une telle tâche se révèle pour le moins ardue.
Pendant ce temps-là, de plus en plus d’enfants manquent de
l’aide adéquate leur permettant de contrôler ces êtres tout-
puissants qui tirent leurs ficelles en secret. En l’absence d’ordre
véritable, chaque dasusuo se fait son propre maître. Pour cette
raison, ils se retrouvent souvent aux prises les uns avec les
autres, chacun essayant de localiser le plus grand nombre
d’enfants sorciers pour accroître sa puissance personnelle.

Fonctionnement
Chaque fois qu’un Héros acquiert la Sorcellerie (Melbur),
son abonsam gagne un type de Marché. Le dasusuo choisit
deux Faveurs Mineures parmi les Marchés que possède
son abonsam et peut y faire appel à tout moment au prix
d’un point d’Héroïsme. Pour que l’effet d’une Faveur
Mineure s’accomplisse, le dasusuo n’a besoin que de le
demander, cela étant inclus dans l’accord qu’il a conclu
avec le démon. Si le dasusuo souhaite faire appel à une
Faveur au cours d’une Séquence d’Action, il doit dépenser
une Mise en sus du point d’Héroïsme.
Un abonsam ne peut refuser une Faveur Mineure. Le
prix en est faible, mais peut être déplaisant.
Voici quelques exemples de ce qu’une Faveur Mineure
peut coûter :
• « Porte un toast en mon honneur ! »
• « Une fois cela accompli, tu devras me remercier.
Du fond du cœur. »
• « Donne-moi une poignée de main amicale, en
souriant et en me regardant dans les yeux. »
Si le dasusuo veut faire appel à une Faveur Mineure qu’il
n’a pas acquise, il peut dépenser un point d’Héroïsme (ainsi
qu’une Mise s’il est dans une Séquence d’Action) pour la
demander à son abonsam. Dans la plupart des cas, ce que
l’abonsam exigera alors en retour lui servira à rembourser sa
dette auprès d’un autre abonsam. Les abonsam complotent
les uns contre les autres autant qu’à l’encontre de leurs
dasusuo mortels, s’échangeant des services en un écheveau
compliqué d’intrigues et de faveurs.
Voici quelques exemples de ce qu’une Faveur Mineure
non-acquise par l’abonsam pourrait coûter :
• « La prochaine fois que tu seras dans la Cité
indigo, va trouver un homme nommé Amalu et
achète-lui une paire de chaussures confortables. »
• « À Arrada, il y a un mendiant que les enfants
appellent le Triste Bakary. Assure-toi qu’il passe
au moins une nuit de sommeil dans le luxe. »
• « À Mast, va à la banque du quartier noble.
Accède au coffre-fort numéro 13. Prends la lettre
que tu y trouveras et apporte-la à une femme
nommée Nepthis. »
Une Faveur Majeure est une tout autre affaire. Un
dasusuo ne choisit pas une Faveur Majeure en particulier
MELBUR ET SANDERIS
En lisant cette section, vous remarquerez sans doute
des similarités entre le Melbur et le Sanderis, la
Sorcellerie de la Fédération sarmatienne. Ce n’est pas
un hasard : les sorciers de chaque discipline tirent
leur pouvoir d’entités extrêmement puissantes qui
ne sont pas de ce monde, entités qui veulent pousser
les mortels à faire le mal. Cependant, dievai et
abonsam diffèrent sur certains points clés. Un dievas
ne passe de marché qu’avec des adultes, tandis qu’un
abonsam cible expressément les enfants. Si, dans
l’ensemble, leurs buts paraissent très semblables,
cette différence majeure suffit à les séparer. Losejai
et dasusuo ne se mêlent que rarement, mais ceux
qui le font disent tous que leurs démons respectifs
se vouent une haine mutuelle. Les dievai semblent
mépriser les abonsam, se croyant supérieurs à eux
simplement parce qu’ils attendent que leur cible soit
devenue adulte avant de passer un marché avec elle.
au moment où il acquiert la Sorcellerie. Un abonsam
peut à tout moment accorder une Faveur Majeure, mais
le prix en est élevé. Tout abonsam sait qu’un dasusuo ne
se résoudra à un tel recours que dans des circonstances
désespérées, et qu’une personne désespérée agit à
l’encontre du bon sens, acceptant des choses auxquelles
elle ne s’abaisserait d’ordinaire jamais.
Voici quelques exemples de ce qu’une Faveur Majeure
pourrait coûter :
• « Va à De Gas Ruz. Trouve Zahera, de la guilde
des marchands. Assure-toi qu’elle perde sa
prochaine caravane. »
• « Au Xwéda, il y a un prêtre nommé Medr. Il a
bonne réputation et est aimé de ses ouailles. Fais
en sorte qu’elles l’expulsent de la ville dans la honte.
Ou qu’elles le tuent. L’un ou l’autre ; peu importe. »
• « En Mbey, il y a deux frères nommés Baboucarr
et Ebrimaa. Convaincs l’un des deux de trahir
l’autre de façon à ce qu’il s’assure l’exclusivité de
l’héritage de leur père. Peu importe lequel. »
Une Faveur Majeure entraîne toujours l’acquisition d’un
point de Corruption, même quand il semblerait que ça ne
doive pas être le cas. Les conséquences de changements à
si grande échelle sur le monde vont au-delà de ce qu’un
mortel peut appréhender, et manipuler un tel pouvoir
change profondément la personne. Ce point de Corruption
s’ajoute à toute Corruption qui pourrait résulter de la
Faveur demandée (comme d’ordonner à votre abonsam de
détruire une cité) ou des actes exigés en retour (par exemple,
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 189
 tuer le premier-né d’un roi parce que votre abonsam vous l’a
demandé est clairement un Acte malfaisant).
Si un dasusuo ne respecte pas sa part de l’accord, il ne peut
plus faire appel à aucune Faveur (Mineure ou Majeure) tant
qu’il n’y a pas remédié. Si l’acte exigé par l’abonsam devient
impossible à accomplir, l’abonsam peut le remplacer par un
autre, mais il y a de très fortes chances qu’il soit encore plus
ardu et moralement compromettant que le précédent.
Pour chaque Marché sont inclus des exemples des Faveurs
qu’un abonsam doté de ce Marché pourra réaliser, mais les
Faveurs Majeures sont délimitées de façon nettement moins
stricte. En général, un abonsam sera capable d’accomplir à
peu près n’importe quoi. N’importe quoi.
Marchés
Sang
Si l’apparence d’un abonsam doté du Marché du Sang peut
varier (l’un aura des blessures béantes qui suintent du sang
en permanence, l’autre reniflera ou léchera le sang répandu
sur un champ de bataille), il n’en reste pas moins un être
incroyablement puissant. Capable de manipuler le sang
de n’importe quelle créature vivante, il peut ainsi soigner, Faveurs Majeures
contrôler, saigner à blanc un être vivant, voire lui instiller
une rage si tenace qu’elle ne saurait être assouvie que par
un éclat de violence.
Faveurs Majeures
• Rendre une créature complètement exsangue en la
faisant saigner par tous les orifices, la tuant sur le coup.
• Prendre le contrôle du sang d’un être vivant. La
prochaine fois qu’il dépense une Mise pour faire
une Action, vous pouvez choisir son Action pour
peu qu’il en soit capable (par exemple, vous ne
pouvez pas obliger un personnage non-Duelliste
à effectuer une Manœuvre de Duel). Évidemment,
cela ne concerne pas les Actions suicidaires, comme
se jeter du haut d’une falaise ou se poignarder.
Faveurs Mineures
• Déterminer l’emplacement précis d’une personne
indiquée, avec une exactitude parfaite en ce qui
concerne sa localisation et sa nature.
• Faire saigner plus que de raison les Blessures d’un
ennemi en vie. Jusqu’à la fin du Round, chaque
fois que cet ennemi subit des Blessures, leur
nombre est augmenté de 1.
190 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
• Soigner rapidement une blessure grave d’un être
vivant, lui permettant de récupérer d’1 Blessure
Dramatique.
• Insuffler une soif de sang insatiable chez un
individu, l’obligeant ainsi à attaquer sans
distinction la cible la plus proche de lui lors de
sa prochaine Action.
• Connaître l’emplacement de tous les êtres
vivants dans les environs immédiats. Vous
pouvez immédiatement détecter tout être vivant
dissimulé sans dépenser de Mise.
Corruption
Les abonsams dotés du Marché de la Corruption ont
souvent l’apparence d’un Ifrien de composition visiblement
maladive. Leur peau peut être en décomposition,
tout comme ils peuvent souffrir de quintes de toux
dévastatrices ou faire de leur corps un refuge pour
les insectes et la vermine. Ils maîtrisent la maladie et
peuvent créer des affections magiques uniques au-delà
des compétences d’un guérisseur lambda.
• Infecter un individu d’une affection magique. Au
début de chaque journée, la cible subit 1 Blessure
Dramatique et quiconque entre en contact
physique direct avec elle attrape la maladie (et la
transmettra de la même manière). En raison de
sa nature magique, la maladie ne peut pas être
soignée par des remèdes populaires.
• Mettre au tapis n’importe quelle Escouade de
Brutes de la Scène en cours. Le dasusuo se soigne
d’autant de Blessures que la Force de l’Escouade
ayant été détruite.
Faveurs Mineures
• Infecter une cible d’une maladie que vous
connaissez. La maladie doit être banale et
disparaîtra grâce à tout traitement approprié.
• Guérir immédiatement une créature de
n’importe quelle maladie. La créature devient
immunisée à la maladie jusqu’à ce que
vous utilisiez à nouveau ce pouvoir  : elle y
redeviendra alors sensible (mais n’attrapera pas
automatiquement la maladie).
• Infliger 1 Blessure à toutes les créatures de la
Scène en cours.
 • Profaner un bâtiment ou un lieu, ce qui
occasionnera le départ aussi immédiat que possible
de tous les fidèles d’une divinité (comme les prêtres
ou les vrais croyants). Les personnes affectées ne
pénétreront pas dans la zone de leur plein gré à
moins de circonstances exceptionnelles, comme
échapper aux flammes d’un incendie.
• Réduire un corps ou tout autre matériau inerte
autrefois vivant (comme le bois) à l’état de poussière.
Ténèbres
Un abonsam doté du Marché des Ténèbres peut manipuler
les ombres et l’obscurité afin de les étendre ou de les
amoindrir. Il peut voir et entendre à travers les ombres, s’en
servir comme passages et même donner à une ombre une
consistance propre pour la faire attaquer une autre créature.
Faveurs Majeures
• Provoquer une éclipse qui plongera une large zone
(comme une cité entière) dans une obscurité absolue.
• Invoquer une bête d’ombre, monstre terrifiant fait
de ténèbres pures, qui pourra traquer et tuer une
créature de votre choix.
Faveurs Mineures
• Faire qu’il fasse noir comme en pleine nuit dans
une pièce.
• Épier une zone ou un individu à travers les ombres.
Vous percevez tout ce qui vous entoure comme si
vous étiez à l’endroit de la zone d’ombre désignée.
• Ouvrir un portail d’ombre pour vous déplacer
instantanément sur une courte distance, jusqu’à
une ombre à portée de vue.
• Faire qu’une créature se fasse agresser par sa
propre ombre, lui infligeant une Blessure chaque
fois qu’elle accomplit une Action ce Round-ci.
• Vous envelopper d’ombres pour vous rendre
indétectable. Toute tentative de vous repérer par
des moyens ordinaires échoue automatiquement,
sans que vous ayez à dépenser de Mises.
Terre
Un abonsam doté du Marché de la Terre est un monstre
massif et d’apparence grossière qu’on ne pourrait jamais
confondre avec un humain. Il peut manipuler le sol sous
vos pieds selon ses désirs. La pierre, les gemmes et le
minerai obéissent à ses ordres.
Faveur Majeures
• Donner vie à des roches à proximité pour créer
un gigantesque Monstre de terre vivante. Le
monstre obéira à vos ordres simples, comme
« Attaque », « Défend » ou « Reste ici », mais
ignorera les ordres plus complexes.
• Provoquer l’apparition d’une doline capable
d’engloutir une ville entière.
Faveurs Mineures
• Rendre votre peau aussi dure que la pierre. Jusqu’à
la fin du Round, chaque fois que vous subissez des
Blessures, leur nombre est réduit de 1.
• Transformer une petite quantité de roche,
comme du fer ou de la boue, en une roche d’un
autre type, comme de l’or ou de la pierre. L’effet
dure jusqu’à la fin de la Scène, puis le matériau
reprend sa forme originale.
• Réduire en miettes une grande quantité de roche,
comme un mur de briques ou un énorme rocher.
• Faire en sorte que la terre ondule sous les pieds
d’une cible. Jusqu’à la fin du Round, la cible doit
dépenser 1 Mise supplémentaire pour entreprendre
n’importe quelle Action hormis rester immobile.
• Vous fondre (ainsi que quiconque vous touche) dans
une quantité de roche suffisamment volumineuse
pour accueillir toutes les cibles affectées. Vous êtes
indétectable tant que vous restez à l’intérieur de la
roche, mais vous percevez tout ce qui vous entoure.
Les dégâts mineurs infligés à votre protection ne
vous font pas mal, mais sa destruction complète vous
projette hors de votre cachette sans subir de blessures.
Peur
Un abonsam doté du Marché de la Peur essaie de dissimuler
sa véritable nature bien plus que n’importe lequel de ses
pairs. Sa maîtrise totale de la peur est si puissante que
même son dasusuo en a le souffle coupé lorsque l’abonsam
dévoile son véritable visage pour la première fois. Même
les âmes les plus braves fondent en larmes devant lui. Il est
également capable de manipuler la peur d’autres Monstres.
Faveurs Majeures
• Inspirer une terreur incomparable à une cible
unique, la tuant sur le coup.
• Jusqu’à la fin de la Scène, vous gagnez des Rangs de
Peur équivalents à votre Caractéristique la plus élevée.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 191
 Faveurs Mineures
• Découvrir la plus grande peur d’un personnage
unique.
• Manipuler la peur d’une autre créature. Elle se
méfiera de vous, mais jusqu’à la fin du Round, la
cible doit dépenser 1 Mise supplémentaire pour
entreprendre n’importe quelle Action à votre
encontre.
• Provoquer la panique chez tous les êtres vivants qui
vous entourent dans un rayon de quinze mètres,
comme s’il venait de se produire une chose horrible.
Les réactions de chacun peuvent varier, mais ils
fuiront tous de terreur à l’exception des plus endurcis.
• Ignorer la Propriété Monstrueuse Effrayant jusqu’à
la fin de la Scène.
• Réduire de 1 le Rang de Peur de chaque Monstre
de la Scène.
Feu
Un abonsam doté du Marché du Feu est un être de flamme
vivante, dont le sang peut faire fondre la pierre et dont le
toucher peut embraser le bois. Il peut créer et manipuler le
feu, réparer des objets qui ont été endommagés ou détruits
par les flammes ou invoquer des nuées de feu dévastatrices
qui pleuvent du ciel.
Faveurs Majeures
• Créer une immense tempête de feu qui détruira
absolument tout dans un rayon d’une trentaine
de mètres.
• Invoquer un irrépressible Monstre de flamme
vivante, qui attaquera un ou plusieurs ennemis
en suivant un unique ordre (tout en ignorant des
précisions telles que « sans tuer personne » ou «
mais sans mettre le feu à quoi que ce soit »).
Faveurs Mineures
• Créer un feu maîtrisé et délimité, d’une taille ne
dépassant pas un feu de joie.
• Éteindre toutes les flammes nues dans une pièce.
• Enflammer les vêtements d’un individu. Celui-ci
subit 2 Blessures chaque fois qu’il entreprend une
Action ce Round-ci. La personne peut utiliser une
Action pour éteindre les flammes et mettre un
terme à l’effet.
• Reconstituer un objet détruit par le feu. Celui-ci
doit pouvoir tenir dans une main. L’objet est ramené
à son état précédant son exposition aux flammes.
192 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
• Nimber une arme de flammes surnaturelles de
sorte qu’elle inflige 1 Blessure supplémentaire à
chaque attaque. À la fin de la Scène, l’arme fond
ou s’effrite en cendres.
Connaissance
Les abonsam associés au Marché de la Connaissance ont
souvent l’apparence d’un Ifrien typique, avec parfois une
lourde cape ou un masque pour dissimuler leurs traits.
Ils peuvent faire appel à l’intégralité de la connaissance,
aussi bien des hommes que d’autres créatures. Ils sont
également maîtres du lien entre le corps et l’esprit, et sont
capables de séparer les deux, transformant le corps d’un
homme en prison dont son esprit ne pourra s’échapper.
Faveurs Majeures
• Rompre le lien entre le corps et l’esprit d’une créature.
Celle-ci reste en vie, mais ne peut plus parler ou bouger.
• Changer un souvenir en particulier chez un grand
nombre de personnes. Par exemple, vous pouvez
faire en sorte que quiconque vous a vu au cours des
dernières vingt-quatre heures oublie complètement
votre présence. Ils se souviendront de tout le reste,
mais se heurteront à un vide en ce qui vous concerne.
Faveurs Mineures
• Répondre à une unique question factuelle par oui
ou par non. La question ne peut concerner que
des évènements qui ont déjà eu lieu, car quoi qu’il
puisse prétendre à ce sujet, un abonsam n’est pas
plus capable de prédire l’avenir que son dasusuo.
• Déterminer l’emplacement précis d’un objet
indiqué, avec une exactitude parfaite en ce qui
concerne sa localisation et sa nature.
• Révéler un fragment de connaissance, même si
celui-ci est entièrement perdu. Il peut s’agir aussi
bien d’une formule alchimique que d’une carte
qui vous mènerait à un refuge maritime secret.
• Effacer un souvenir spécifique de l’esprit d’un
personnage unique. Vous pouvez faire oublier à un
homme qu’il vous a parlé, ou faire oublier votre visage à
votre ennemi. Cela entraîne généralement de sérieuses
séquelles sur la psyché de la victime, en particulier si
quelqu’un d’autre mentionne le souvenir perdu.
• Rendre pleinement fonctionnel un esprit altéré.
Malheureusement, cet effet ne dure qu’une Scène,
après quoi le personnage revient à son acuité
mentale précédente.
Le Toucher rouge
« La corruption engendre la corruption,
c’est un cycle sans fin. »
À l’origine, le royaume de Mbey était aussi vaste que
puissant, terre d’abondance bénie des joks. Ceux-ci sont
des créatures puissantes venues d’un autre monde. En
conséquence, toute interaction directe avec eux provoque
une courbure, une déformation des règles de la réalité.
C’est dans cette courbure, dans cette déformation que les
rooi heks puisent leur pouvoir.
Cette sorcellerie (communément appelée Toucher
rouge) est considérée comme « mauvaise » par la majorité
des Mbeyens, même si ces considérations sont souvent
faussées par des idées préconçues et le rouge qui voile les
yeux des rooi heks. Dans la plupart des Nations, il existe
l’idée d’une magie blanche opposée à une magie noire,
du bien contre le mal. Seuls les rooi heks (ou « sorciers
rouges ») de Mbey comprennent la magie rouge qui existe
entre les deux.
Un Scélérat qui pratique le Toucher rouge saura
certainement mettre ses capacités au service du mal. Il est
déjà corrompu, alors quoi de plus naturel pour lui que de
manipuler les esprits qui souhaitent seulement apporter
leur aide ? Un rooi heks Héroïque, en revanche, utilise le
Toucher rouge pour purifier l’âme de son prochain, lui
donnant l’occasion de redevenir une personne de bien. Il
maintient un équilibre délicat, semant le désordre dans
le monde grâce au pouvoir des joks tout en endossant les
conséquences négatives en faveur du bien. Qu’est-ce qu’un
Héros, sinon une personne prête à sacrifier son propre
bien-être pour une cause qui le dépasse ?
Fonctionnement
La première fois que vous faites l’acquisition de
l’Avantage Sorcellerie, vous apprenez une Altération que
votre Héros pourra utiliser. Pour chaque acquisition
supplémentaire de l’Avantage Sorcellerie, vous apprenez
une Altération supplémentaire.
En acceptant le Toucher rouge, l’esprit même du rooi heks
devient corrompu par le mal, ce qui lui octroie le pouvoir
d’impacter le monde autour de lui. Cette sombre caresse
ne suffit pas à ravir le personnage de son libre arbitre… du
moins, pas immédiatement.
Aucun Héros ne commence avec un score de Corruption,
mais ceux dotés du Toucher rouge acquièrent une marque
du mal, la Souillure, semblable à la Corruption quoique
moins dangereuse pour l’âme. Lorsqu’il interagit avec
quelqu’un de Corrompu, le rooi heks peut dépenser
2 points d’Héroïsme pour absoudre l’individu de sa
culpabilité : la cible perd ainsi 1 point de Corruption et le
rooi heks gagne 2 points de Souillure. Cela ne fonctionne
qu’une fois par personne au cours d’une même Saison. Le
rooi heks peut ensuite utiliser sa Souillure pour alimenter
nombre de ses Altérations.
S’il n’y a personne pour le contrôler, une seule mauvaise
action suffit à ce que le personnage devienne un Scélérat.
Un rooi heks aura davantage de chances de céder à sa part
d’ombre : de fait, son score de Souillure s’additionne à son
score de Corruption. Par exemple, un Héros possédant 3
points de Souillure qui tue un innocent obtient 1 point de
Corruption et le MJ lance le dé comme à l’habitude, mais
le personnage se transformera en Scélérat sur un 4 ou
moins. La Souillure apporte d’immenses pouvoirs, mais
c’est également un chemin ardu pour quiconque tente de
s’accrocher à son humanité. Si un rooi heks se retrouve avec
10 points de Souillure ou plus, il gagne immédiatement 1
point de Corruption et perd tous ses points de Souillure.
Un rooi heks ne devrait jamais se porter à la rencontre de
la Corruption, mais il possède des moyens d’interagir avec
sa Souillure par le biais des Altérations. Toute activation
d’une Altération ou d’un effet qui requiert la dépense d’1
point d’Héroïsme peut, à la place, requérir de gagner un
montant équivalent de Souillure. Cela étant un Héros ne
peut pas réduire sa Souillure grâce aux points d’Héroïsme.
S’il souhaite puiser dans le pouvoir du Toucher rouge, il
faut bien que son âme soit noircie.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 193
 Altérations Déveine
L’influence chaotique et corrosive du Toucher rouge D’aucuns disent que se trouver en présence d’un
se manifeste à travers sept Altérations. On doit ces pratiquant du Toucher rouge apporte la malchance.
Altérations à l’utilisation par un mortel de l’influence Avec Déveine, ce n’est plus une légende, c’est un fait. En
surnaturelle des joks sur Terra, ses habitants et ses dépensant 1 point de Souillure, le rooi heks devient un
règles. Même les autres Sorcelleries sont considérées fanal de malchance : tous les personnages en présence
comme « naturelles » en comparaison ; en tout cas, elles dans la Scène (Héros, Scélérats, le rooi heks lui-même,
perturbent moins la réalité. Un sorcier montaginois absolument tout le monde) perdent 1 Dé à tous leurs
peut créer des déchirures dans la réalité, un hexe eisenör Risques. Et chaque fois que le rooi heks dépense 2 points
peut communiquer avec les défunts, mais l’un comme de Souillure supplémentaires, tous les personnages de la
l’autre évitera comme la peste un pratiquant du Toucher Scène perdent 1 Dé supplémentaire à tous leurs Risques.
rouge. On a beau maîtriser un pouvoir, seul un rooi heks Un rooi heks qui active Déveine peut aussi dépenser 1
pourra le retourner contre son maître, voire l’empêcher de (et seulement 1) point d’Héroïsme avant de lancer ses
fonctionner purement et simplement. Dés pour prendre un Risque : en plus d’être immunisé
aux effets de la Déveine, un personnage de son choix
Barrage s’en trouvera fortifié. Au lieu de perdre ses Dés pour les
Barrage est sûrement l’un des pouvoirs les plus terrifiants Risques qu’il entreprend, ce chanceux gagne autant de Dés
qu’un rooi heks peut employer à l’encontre d’un autre bonus. Un seul personnage peut recevoir cet effet à tout
sorcier, car il s’agit tout bonnement de fermer les portes moment, et celui-ci dure jusqu’à la fin du Round.
du pouvoir aux autres magiciens qui l’utilisent pour
alimenter leur don. Quand un sorcier active un pouvoir Main de la flétrissure
de Sorcellerie alors qu’il se trouve dans la même Scène Les anciennes religions mbeyennes nous enseignent qu’un
et à portée de vue d’un rooi heks , ce dernier peut esprit vit en chaque chose, vivante ou inanimée. Une
immédiatement activer Barrage. chaise possède une âme, au même titre qu’un arbre ou
Le rooi heks mise n’importe quel nombre de points qu’un chien. Grâce à la Main de la flétrissure, le Toucher
d’Héroïsme et de Souillure, mesurant sa puissance rouge s’étire jusqu’à cet esprit. Le rooi heks peut toucher
surnaturelle contre celle de son adversaire. Si le total de un objet et dépenser 1 point de Souillure pour le rendre
points d’Héroïsme et de Souillure dépensés dépasse le inutilisable : une arme à feu tombera en morceaux, une
nombre de fois que la cible a acheté l’Avantage Sorcellerie, armure s’oxydera et rouillera en quelques secondes à
l’activation du pouvoir échoue. Il lui faut tout de même peine, une poutre soutenant l’ensemble d’un bâtiment se
s’acquitter du prix associé au pouvoir (qu’il s’agisse désagrégera en poussière.
d’un point de Danger, de Corruption supplémentaire, En plus des effets narratifs immédiats (un Scélérat
de Contrecoups de la Destinée, etc.), mais l’effet ne se ne pourra pas vous tirer dessus avec un pistolet hors
manifeste pas. d’état de marche), ce pouvoir peut aussi servir à créer
Si le total de points d’Héroïsme et de Souillure dépensé une Opportunité. Le rooi heks peut utiliser la Main de
est inférieur au nombre de fois que la cible a acheté la flétrissure sur le pistolet d’un Scélérat et attendre le
l’Avantage Sorcellerie, le pouvoir de l’adversaire s’active moment dramatique pour déclencher la destruction de
normalement. Le rooi heks doit décider du nombre de l’arme. Ce type d’Opportunité spéciale peut être activé
points d’Héroïsme ou de Souillure qu’il souhaite mettre par n’importe quel Héros dont c’est le tour, mais seul le
en jeu avant de connaître le résultat, et il ne peut pas en rooi heks peut l’activer même si ce n’est pas son tour de
dépenser d’autres après coup pour transformer un échec jouer. Ainsi, il peut interrompre une Action en cours
en réussite. pour déclencher l’effet d’une Main de la flétrissure ayant
Tout effet surnaturel qui n’a pas trait à l’Avantage déjà été apposée. Toute Action ainsi interrompue échoue
Sorcellerie (comme les effets de l’Avantage Guide de automatiquement, mais le personnage dont c’était le
Soryana ou une Propriété monstrueuse particulière) tour perd tout de même la Mise qu’il a dépensée pour
requiert la dépense de 3 points d’Héroïsme ou de l’accomplir.
Souillure pour que Barrage réussisse.

194 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU

 La Main de la flétrissure dure jusqu’à la fin de la Scène. • Cœur  : dépensez 1 point d’Héroïsme pour
Si la Main de la flétrissure affecte un objet magique ou dissimuler tout signe de vie chez un personnage
un Objet fétiche, l’objet devient inutilisable le temps de Sans Défense. Le cœur de la cible ralentit, ses
la Scène seulement : le Héros fera tomber son épée par yeux se voilent et ses muscles se raidissent.
mégarde et devra la récupérer par la suite. Elle devient plus sensible à la suggestion et peut
obéir aux ordres du rooi heks lui demandant de
Pacte carmin réaliser des actions simples.
Communier avec les esprits est une pratique répandue Ces pouvoirs sont proches de ceux qui sont accessibles aux
chez les prêtres et les sorciers de nombre de cultures, mais sorciers pratiquant le Kap sèvi (voir Nations Pirates, page
les méthodes du rooi heks sont les plus secrètes… et les 160). Si le rooi heks n’est pas limité de la même façon qu’un
plus dangereuses. sèvité l’est avec son Lwa, il a tout de même un prix à payer.
En dépensant 1 point de Souillure, le rooi heks ouvre son Le jok essaiera toujours de quitter le corps du rooi heks
âme aux joks et permet à l’un d’eux de prendre possession aussi vite que possible. À la fin de la Scène, le sorcier doit
de lui. Une âme ainsi offerte constitue l’appât parfait : dépenser 1 point d’Héroïsme pour garder le contrôle du
il est rare que les joks résistent à une telle invitation. jok avec qui il s’est lié temporairement ; à défaut, ce dernier
Le personnage obtient l’une des capacités suivantes en l’abandonne immédiatement et le rooi heks ne peut plus
fonction de la nature du jok ayant répondu à son appel. se lier à un autre jok avant le prochain lever de soleil. S’il
• Mort : dépensez 1 point d’Héroïsme pour protéger dépense son point d’Héroïsme, le jok restera en lui, mais
n’importe quel personnage de la mort. Tant que dans les deux cas, il se rappellera avoir été emprisonné
votre personnage est possédé, le personnage ciblé contre sa volonté.
ne peut pas mourir, même s’il est Sans Défense. Aussitôt que le jok quitte le corps du rooi heks, le MJ
• Ombre  : dépensez 1 point d’Héroïsme pour gagne un nombre des points de Danger équivalent au
donner vie à votre ombre. Elle prend une forme score de Souillure actuel du sorcier. Cela représente la
semi-corporelle et obéit à vos ordres. Elle peut servir désapprobation du jok à l’encontre du mortel qui a profité
d’éclaireur, espionner une conversation et accomplir de lui. Pendant un certain temps, rien n’ira comme le
toutes autres actions de ce genre, mais elle ne peut pas souhaite le rooi heks, et ses alliés en paieront souvent le
ramasser d’objet ou interagir avec d’autres personnes. prix par association.
Si elle entreprend une action dangereuse, sa Force
est de 5 (elle lancera 5 dés) et elle dépense des Mises Payer par la souffrance
en conséquence. Si elle subit une seule Blessure, elle La corruption du sang est souvent la plus facile de toutes.
revient immédiatement vers vous et refusera d’être Après qu’un rooi heks a activé Payer par la souffrance,
invoquée avant le prochain coucher de soleil. n’importe quel sorcier qui utilise ses dons en sa présence
• Sang  : dépensez 1 point d’Héroïsme lorsque subit 1 Blessure par point d’Héroïsme dépensé (ou tout
vous infligez une troisième Blessure Dramatique autre prix—comme les Contrecoups d’une Strega—qu’il a
à un personnage pour le rendre immédiatement dépensé pour activer son pouvoir de Sorcellerie). Tous les
Sans Défense. Vous ne pouvez activer ce pouvoir effets se déclenchent comme à l’accoutumée, même si ces
qu’une seule fois par Épisode. Blessures devaient rendre le sorcier Sans Défense. Payer
• Souvenir : dépensez 1 point d’Héroïsme pour par la souffrance dure jusqu’à la fin de la Scène.
parler à la place de n’importe quelle personne,
vivante ou non. Le rooi heks doit pouvoir toucher Retour de flamme
le corps de la cible ou l’une de ses possessions La nature aliénante du rooi heks s’étend aux sorciers
ayant une valeur inestimable. Un autre participant d’autres branches. Avec le temps, un rooi heks peut
doit se joindre à la conversation, car le rooi heks apprendre à manipuler et amplifier cet effet.
ne peut pas se parler à lui-même. Cela ne donne Le Retour de flamme a pour effet de doubler le prix
aucun indice au rooi heks concernant les désirs de à payer pour la prochaine utilisation de Sorcellerie  :
sa cible, cela lui permet seulement de servir de un losejas qui active un Marché Majeur gagne 2 points
réceptacle à la cible pour qu’elle puisse s’exprimer. de Corruption, une Strega doit payer le double du coût

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 195

 habituel de Contrecoups, etc. S’il n’y a aucun coût associé Les armes en zahmeireen
à la Sorcellerie, alors l’activation du pouvoir coûte le Dans le Royaume de Mbey, aux abords du Gelwaar se
double de points d’Héroïsme habituels. trouve un lieu de peine, de souffrance et de punition. La
mine qui y réside, pareille à une sombre plaie dans la terre
Semer le trouble même, s’enfonce plus profondément que n’importe où
Le Toucher rouge brouille l’esprit. L’Hexenwerk permet ailleurs en Ifri, voire sur Terra. Cet endroit est synonyme
de manipuler les morts, tandis qu’un Rahuri pourra parler de malheur et de mort. On l’appelle Walhu.
avec ses ancêtres pour obtenir leurs conseils. Un rooi heks, Des siècles durant, cette mine fut exploitée par des
lui, peut toucher un autre personnage et dépenser 1 point ouvriers grassement récompensés pour leur labeur
d’Héroïsme pour activer Semer le trouble. dangereux qui tendait à raccourcir leur espérance de vie.
La prochaine fois que ce personnage reçoit une infor­ Ils plongeaient jusqu’aux tréfonds de la terre pour exhumer
mation d’une source surnaturelle (par exemple, un le trésor le plus précieux de la Mbey  : le zahmeireen.
Sidhe lui devant une faveur, ou un animal avec qui Ce métal est deux fois plus résistant que l’acier et moitié
il communique grâce au Don de Matushka), cette moins lourd. En plus de ces avantages évidents, le
information sera embrouillée, confuse, mystérieuse ou zahmeireen réagit à la magie (noire ou autre) et gagne
autrement déroutante ou incomplète. Elle doit rester en puissance et en caractère en même temps que son
exacte, mais elle n’a pas besoin d’être vraie. Il convient possesseur. Il semble posséder une vie propre, un esprit,
d’exploiter les failles d’attention, les semi-vérités et les une âme.
différences de points de vue, mais l’information donnée À travers l’histoire, nombreux furent les plus grands
ne peut consister en un mensonge éhonté. soldats ifriens à posséder des armes forgées dans ce métal
Le joueur a beau contrôler l’information recueillie, aucun merveilleux. Les années passant, des dizaines de ces armes
personnage (ni le rooi heks ni sa victime) ne saura quand ni furent façonnées et maniées par des Héros et des Scélérats.
comment l’effet se produira. Le rooi heks sait qu’il a infligé Lorsqu’arriva Motuoka Gathaal, Walhu devint un nid
une malédiction d’informations erronées à sa victime, de cauchemars.
mais il ne sera pas « prévenu » de son activation, et ne Gathaal était un seigneur de guerre féroce et sans pitié.
peut en aucun cas contrôler l’information transmise. Il s’empara de Walhu par la force et y construisit une
prison. Il envoya des messages aux autres seigneurs de
guerre et dirigeants du Royaume de Mbey, leur proposant
d’emprisonner leurs criminels les plus dangereux (qu’il
s’agisse de meurtriers ou de rivaux politiques) en échange
d’une petite compensation financière. Il les mit tous au
travail, à extirper le zahmeireen pour ses propres fins.
Alors qu’autrefois, on minait du zahmeireen pur, le métal
a depuis changé. Que cela soit dû à l’influence du Bonsam
sur le Royaume de Mbey ou aux mauvais traitements
infligés aux prisonniers des décennies durant, tout le métal
miné ressort imprégné de sang et de ténèbres.
Walhu est aujourd’hui un lieu de souffrance, de tour­
mente et de mort. Les prisonniers et les esclaves doivent
extraire le zahmeireen dans des conditions absolument
révoltantes. Si un « ouvrier » vient à mourir d’épuisement,
on en fait venir deux autres pour le remplacer. En plus
des criminels, la population de Walhu comprend des
dissidents politiques, des nobles qui rivalisaient avec
les dirigeants du Royaume, et quiconque a osé médire
du Bonsam. Tous les ans, de plus en plus d’innocents
débarquent à Walhu. Ceux-ci surpassent désormais en

196 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU

nombre les coupables dans des proportions colossales
(même si les criminels qui résident entre ces murs
sanglants figurent parmi les plus cruels de toute l’Ifri).
En général, les gardes de Walhu n’ont cure de ce qui se
passe dans la prison, tant que le zahmeireen continue
d’affluer et que personne ne tente de s’échapper. Ainsi est
née une société chez les prisonniers, qui formèrent des
gangs et se rallièrent autour de détenus charismatiques.
Ghalik l’Orateur, un très-sage aksoumite, fut envoyé à
Walhu après avoir été inculpé de trahison. Pour certains,
il s’agit d’un héros populaire. Ghalik s’est fait de nombreux
amis à l’intérieur de Walhu. Les gardes ont beau ne pas
s’inquiéter des gangs mineurs et des factions ayant fleuri
dans la prison, ils ne restent pas sourds aux rumeurs d’un
soulèvement proche.
Autrefois, Jasai Tfala possédait énormément d’influence
au sein de la pègre ifrienne. Aujourd’hui, elle passe son
temps entre les murs de Wahlu, à grossir les rangs de son
gang. Les circonstances de son emprisonnement suscitent
bien des questions étant donné ses contacts. Après tout,
personne ne viendrait à Walhu de son propre chef…
Nyoka était une grande gueule reconnue dans nombre
de milieux. Visiblement, son incapacité à garder sa
bouche fermée lui a valu un aller simple pour Walhu.
Ne vous y méprenez pas  : la menace que représente
Nyoka est bien réelle. C’est une voleuse renommée et une
tueuse accomplie, ce qui fait d’elle la prisonnière la plus
dangereuse et la plus bruyante à avoir pénétré entre ces
murs depuis longtemps.
Les prisonniers de Walhu travaillent tous les jours
jusqu’au seuil de la mort. Chaque matin, les esclaves se
rendent dans les mines avec une pioche et une bougie
pour s’orienter à travers les tunnels sombres et sinueux.
Avec les années, les tunnels les plus proches de la surface
sont vides de tout zahmeireen. Jour après jour, les esclaves
creusent de plus en plus profondément dans la mine. Ceux
qui remontent à la surface reçoivent une maigre pitance
(le seul repas de la journée) et ont droit de dormir la nuit
d’un sommeil agité avant de retourner dans la mine. On n’a
jamais extrait autant de zahmeireen de toute l’histoire de la
mine, et les forgerons mbeyens façonnent d’innombrables
nouvelles armes qui viennent équiper les soldats du Bonsam.
Si vous faites partie des malheureux envoyés à Walhu,
vous remarquerez vite les effets d’une exposition prolongée
aux mines. Dans sa forme corrompue, le zahmeireen
semble plus terne qu’une fois raffiné, comme s’il était sans
danger, mais rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.
 Sous sa forme brute, le zahmeireen est pareil à du verre
brut ou du cristal, mais sa texture est plate et métallique.
Il scintille, luit et palpite dans le noir. D’après les rumeurs,
les veines qui parcourent les parois loin sous Walhu
sont magnifiques à voir. Dommage que l’exposition au
zahmeireen soit l’équivalent d’une condamnation à mort.
Lorsque l’on est exposé à du zahmeireen brut durant de
longues périodes, une lueur ocre, maladive et surnaturelle
se met à briller dans les yeux, visible seulement dans
l’obscurité. Si l’exposition au métal corrompu dure
vraiment trop longtemps, le blanc des yeux se met à noircir.
Les cheveux s’éclaircissent et tombent, et les malades
pleurent (en petites quantités constantes) des larmes de
sang. Connue sous le nom d’Ukuthiwiri Oe, ou « regard
du Bonsam », cette maladie se solde invariablement par
la mort, souvent par hémorragie. Ceux qui connaissent
les risques portent des vêtements et des gants doublés
d’argent, ce qui permet de réduire les effets néfastes du
métal brut. Bien sûr, les esclaves de Walhu ne disposent
pas de telles protections.
Une fois raffiné, le zahmeireen perd ses effets néfastes
mortels et le scintillement décroît jusqu’à ce qu’il ne reste
plus qu’un métal brun et plat doté d’un chatoiement ocre.
Il est facile de déterminer si une arme en zahmeireen a été
forgée avec du métal corrompu ou non : il suffit pour ça
de passer une source de lumière au-dessus de la lame pour
s’en rendre compte, car le zahmeireen inaltéré ne possède
pas ce miroitement ocre propre aux armes modernes.
Nombreux sont ceux qui cherchent à tirer profit de la
vente, du négoce ou de l’utilisation du zahmeireen, et tous
ne sont pas Mbeyens.
Zaleed la rusée, une riche marchande mandéniane, fait
du trafic de zahmeireen à travers toute l’Ifri en demandant
des prix exorbitants.
En Aksoum, le ras Kenta Manuke complote avec un
sorcier pour rassembler du zahmeireen et forger des armes
qui serviront à étendre son emprise politique. Grâce à de
sombres rituels et des démonstrations de force, il espère
bien devenir le prochain negusä nägäst.
Le capitaine Gormand et son navire, La Ruine de l’espoir,
patrouillent les mers qui entourent l’Ifri à la recherche de
quiconque (y compris des bateaux de Zaleed) transporte
du zahmeireen, puis l’amassent. Au fin fond d’une grotte
au large du Royaume de Mbey, Gormand fait fondre
le zahmeireen pour en recouvrir son idole de métal
méconnaissable, espérant ainsi éveiller quelque chose grâce
à cette offrande onéreuse et difforme.
198 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
En Mbey, certains ont voué leur vie à la recherche des
armes en zahmeireen corrompu. L’Isifungo senkosi, ou
« Serment du roi, » est un ordre de soldats dont le passé
remonte jusqu’à un ancien bourba de la Mbey. Ce dernier
confia des armes en zahmeireen à ses soldats les plus fidèles,
lesquels jurèrent de combattre toute injustice. Beaucoup de
leurs traditions se sont perdues au fil de l’histoire, mais le
dirigeant actuel du groupe, Zulekha T’khul, a ordonné à ses
soldats de recueillir le zahmeireen corrompu pour purifier
le métal grâce à un rituel tenu secret. Cependant, l’un des
membres de l’ordre s’est mis à rassembler les armes pour
ses propres fins. Voulant combattre le feu par le feu, Osei
Adeyemi, un soldat respecté, déroba la plupart des lames
corrompues de l’Isifungo Senkosi et fonda sa propre secte.
Les armes corrompues étant bien plus répandues, il compte
en armer sa milice pour combattre le Bonsam.
However, one member of their order has begun collecting
these weapons for his own purposes. Seeking to fight fire
with fire, the respected warrior Osei Adeyemi stole most
of the Isifungo Senkosi  ’s cache of corrupted blades and
founded his own sect. Because the corrupted weapons are
so much more common, he intends to arm his own militia
with these weapons to fight back against Bonsam.
Fonctionnement
Lorsque vous faites l’acquisition de l’Avantage Arme en
zahmeireen, vous obtenez une arme faite du mystérieux
métal mbeyen. Choisissez une Acquisition pour en décrire
la nature et la façon dont vous l’avez obtenue, ainsi que
deux Facettes que vous pourrez invoquer lorsque vous
utilisez l’arme. L’Acquisition de votre arme en zahmeireen
n’est pas modifiable, mais vous pourrez changer l’une de
vos Facettes (ou les deux) en accomplissant une Histoire
en trois Étapes.
En sus, votre arme en zahmeireen peut gagner d’autres
bonus lorsque vous accomplissez des actes vous conférant
de la Notoriété. Votre Héros débute sans Notoriété, et
en obtiendra en cours de jeu. Un Héros peut posséder
autant d’actes de Notoriété qu’il souhaite pour peu qu’il
les ait accomplis.
Certaines Acquisitions, certaines Facettes et certains
actes de Notoriété offrent des Dés bonus sous certaines
conditions. Ces conditions sont volontairement floues et
sont sujettes à discussion : le MJ a le dernier mot lorsqu’il
s’agit de décider si l’Acquisition, la Facette ou la Notoriété
d’une arme en zahmeireen s’applique dans tel ou tel cas,
mais il devrait faire preuve de générosité.
 AUTRES ARTEFACTS EN
ZAHMEIREEN
Acquisition Les règles présentées dans cette section vous
Toutes les armes en zahmeireen possèdent une aideront à créer des armes forgées en zahmeireen.
Cependant, les artisans ont toujours façonné de
Acquisition qui détermine comment vous avez acquis la
puissants talismans, des amulettes et d’autres
vôtre. Chaque arme étant différente, ceci est la première objets destinés à un usage moins agressif. Ces
étape permettant de la distinguer de celle d’un autre. objets sont rares mais ils existent. Parmi les
Acquisitions, Facettes et Notoriétés de cette
Destin section, certains seront valables pour de tels
Vous ignorez pourquoi vous êtes entré en possession de votre objets et d’autres non (comme ceux qui infligent
des Blessures). N’hésitez pas à créer vos propres
arme. Peut-être l’avez-vous extirpée d’un rocher ou l’avez-vous
règles qui pourraient mieux coller à des objets du
trouvée dans un champ. Quoi qu’il en soit, son pouvoir est quotidien qu’à des armes, en utilisant les informa-
entre vos mains. Lorsque vous maniez cette arme lors d’un tions de cette section pour vous aider.
Risque, vous pouvez relancer autant de 1 que vous le souhaitez.
Facettes
Héritage Les Facettes sont les effets magiques de votre arme, qui lui
Vous faites partie d’une longue lignée de fiers soldats. prodiguent ses capacités les plus puissantes. Une arme en
Peut-être pensait-on cette arme disparue depuis le jour zahmeireen ne peut disposer qu’une seule fois de la même
où votre père perdit la vie au combat, mais un ermite du Facette. Par exemple, vous pouvez choisir les Facettes
désert vous l’a remise et a fait de vous son apprenti. Vous Fléau et Destructrice, mais vous ne pouvez pas choisir
obtenez 2 dés bonus chaque fois que le passé de votre deux fois Fléau pour obtenir deux fois le bénéfice associé.
arme—ou de ses précédents propriétaires—vous permet
d’influencer votre interlocuteur lors d’un Risque. Cauchemardesque
Votre arme est l’ennemi juré d’un certain type de créature.
Martyre En choisissant cette Facette, choisissez également un type
Il y aura toujours un sacrifice à faire : de par votre statut de Monstre (par exemple mort-vivant, abonsam, drachen,
de Héros, vous devez faire en sorte d’être la personne à en etc.). Lorsque vous infligez des Blessures à un Monstre de
payer le prix. Votre arme semble toujours tomber entre les ce type, vous infligez toujours 2 Blessures supplémentaires.
mains de ceux qui comprennent ce concept, et vous risquez
toujours votre vie afin d’accomplir de grandes choses. Une Dangereuse
fois par Session, vous pouvez vous infliger une seule Le pouvoir qui réside dans votre lame la rend plus
Blessure Dramatique pour obtenir un nombre de points dangereuse que les armes conventionnelles. Chaque
d’Héroïsme équivalent à votre Rang en Armes blanches. fois que vous infligez des Blessures, dépensez 1 point
d’Héroïsme pour infliger un nombre de Blessures
Œuvre de maître supplémentaires équivalent à la Caractéristique utilisée
Votre arme est ce que l’artisanat ifrien sait faire de mieux. pour votre Approche.
Soit vous l’avez façonnée vous-même, soit un maître
forgeron s’en est chargé pour vous. Si vous choisissez Débilitante
l’Avantage Objet fétiche, et que votre Objet fétiche est Cette lame est incroyablement mortelle et frappe
votre arme en zahmeireen, l’Avantage Objet fétiche ne beaucoup plus fort que ses pairs. Pour prévenir une
vous coûte que 2 points. Blessure infligée par cette arme, la cible doit dépenser
2 Mises.
Trésor
Au départ, votre arme appartenait à un autre. Plus maintenant. Défensive
Vous l’avez récupérée dans la chambre forte d’un prince Le pouvoir qui réside dans votre lame la rend plus
maléfique, ou alors vous avez occis une bête du désert protectrice que les armes conventionnelles. Dépensez 1
monstrueuse et l’avez prélevé de son butin comme récompense. point d’Héroïsme lorsque vous prévenez des Blessures
Une fois par Session, vous pouvez activer n’importe lequel de pour prévenir un nombre de Blessures supplémentaires
vos Avantages (Talent) sans dépenser de points d’Héroïsme. équivalent à la Caractéristique utilisée pour votre Approche.

7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 199

 LE ZAHMEIREEN, L’ACIER
ROUGE ET L’ORUN IRIN
Le zahmeireen n’est pas le seul matériau semi-
magique qui existe en Ifri. Le Maghreb est célèbre
pour son soi-disant « acier rouge » de Cyrene,
et le métal divin connu sous le nom d’orun irin
est très prisé tant pour sa beauté que pour les
propriétés mystiques qu’il confère aux armes et
aux bijoux. Dans la plupart des cas, considérez
ces objets comme des Objets fétiches (y compris
le zahmeireen corrompu). Les objets particu-
lièrement rares et puissants (comme l’ancien fer
de lance venu du dos du crocodile géant Sobki,
ou l’une des épées Sinifere Sarif faite d’acier
de Cyrene et de métal céleste) doivent être
considérés comme des armes en zahmeireen
purifié et suivent les règles présentées ici.
Nimbée
Vous pouvez nimber votre arme de flammes, d’éclairs ou de
tout autre effet élémentaire. Dépensez 1 point d’Héroïsme
pour activer cette capacité jusqu’à la fin du Round ; chaque
fois que vous utilisez cette arme contre un individu qui y
est sensible, vous infligez 1 Blessure supplémentaire. Si
une créature est particulièrement sensible à l’élément (par
exemple si vous frappez un démon du feu avec une lame
en zahmeireen nimbée de glace), vous infligez encore 1
Blessure supplémentaire. De plus, tant que l’effet est actif,
vous prévenez 1 Blessure chaque fois que l’élément en
question devrait vous infliger des Blessures.
Rempart
Votre arme vous permet d’annuler les pouvoirs magiques
vous prenant pour cible. Dépensez 1 point d’Héroïsme
lorsqu’un effet magique vous cible (qu’il s’agisse d’une
Sorcellerie, d’un artefact syrneth, etc.) pour l’ignorer
complètement. Tout autre effet se déroule comme prévu,
mais la magie ne vous affecte aucunement.
Sapeuse de vie
Lorsque votre lame goûte le sang d’un ennemi, vous
pouvez drainer une partie de son essence vitale pour
vous soigner. Une fois par Session, dépensez 1 point
d’Héroïsme quand vous infligez des Blessures pour
récupérer d’1 Blessure Dramatique.
Vive
Au combat, votre lame est un flou en mouvement
perpétuel que l’œil humain peine à discerner. Dépensez
1 point d’Héroïsme lorsque vous faites une Action qui
inflige des Blessures à un autre personnage. Vous pouvez
200 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
immédiatement faire une autre Action, mais vous devez
dépenser des Mises comme à l’accoutumée. Vous ne
pouvez utiliser cette Facette qu’une fois par Round.
Voilée
Votre arme vous dissimule à la vue des autres, vous
permettant de vous faufiler inaperçu plus facilement.
Dépensez 1 point d’Héroïsme pour obtenir 2 dés
bonus lors d’un Risque où vous essayez de vous déplacer
silencieusement ou d’échapper à la vigilance d’autrui.
Notoriété
Les Notoriétés octroient différents bonus et capacités
au Héros la première fois qu’il accomplit une action
spécifique avec son arme en zahmeireen au cours
de la partie. L’obtention d’une Notoriété n’est pas
nécessairement une expérience bénéfique (par exemple,
il est rare que l’on prenne du plaisir à se faire rosser
jusqu’au seuil de la mort), mais vous ressortirez grandi
de cette expérience.
La première fois que vous accomplissez un acte de
Notoriété en cours de partie (pas pendant les discussions
la précédant, pas lorsque vous parlez des actions de votre
personnage entre deux Sessions, pas pendant un temps
mort dans la partie, ni même au moment du choix de
l’Acquisition de votre arme, mais en situation de jeu réelle,
à la table, l’arme en zahmeireen à la main), vous obtenez
un nouveau bonus ou une nouvelle capacité en lien avec
cette Notoriété.
Vous n’obtenez le bonus d’accomplissement d’un acte
de Notoriété que la première fois où vous accomplissez
l’action. La première fois que vous gagnez de la Richesse
grâce à votre talent à l’épée, vous obtenez «  Héros
mercenaire. » Si vous gagnez encore de l’argent par la suite,
vous n’obtiendrez pas ce bonus une deuxième fois.
Les Notoriétés ci-dessous ne sont pas représentatives de
toutes celles qui existent, elles devraient simplement servir
d’échelle de comparaison pour le MJ lorsqu’il veut créer ses
propres Notoriétés et les récompenses associées. En règle
générale, un acte de Notoriété doit être soit difficile (avoir
vaincu un ennemi possédant la Propriété monstrueuse
Effrayant pour la Notoriété «  Pas de quoi avoir peur,
croyez-moi… »), soit intéressant et inhabituel (un étranger
a évoqué les rumeurs de votre talent à l’épée pour la Notoriété
« Oui, c’est bien moi… »), soit évocateur et amusant (avoir mis
au tapis une Escouade de Brutes entière pour la Notoriété
« Les malheureux, ils n’étaient que quinze… »).

Il n’en revenait pas…
Un maître épéiste de renom doit remarquer votre talent.
Vous pouvez relancer un seul dé lors d’un Risque d’Armes
blanches, mais vous devrez en conserver le résultat.
J’ai fait reforger mon arme !
Votre arme en zahmeireen a été détruite, mais ses éclats furent
reforgés en une nouvelle lame.
Vous pouvez choisir une troisième Facette qui viendra
améliorer votre arme.
J’y suis déjà allé…
Visitez toutes les Nations de votre continent d’origine.
Obtenez un dé bonus à vos Risques sociaux quand vous n’êtes
pas dans votre Nation d’origine ou que vous interagissez avec
des ressortissants étrangers sur votre sol natal.
Les malheureux, ils n’étaient que quinze…
Éliminez une Escouade de Brutes sans l’aide de personne.
Chaque fois qu’une Escouade de Brutes vous inflige des
Blessures, dépensez 1 point d’Héroïsme pour réduire le
nombre de Blessures à 1.
Ne vous inquiétez pas, je suis là…
Accomplissez 5 actes de Notoriété.
Obtenez l’un des Avantages suivants de votre choix : Fibre
héroïque, Réputation ou Volonté indomptable.
Oui, c’est bien moi…
Un étranger doit parler de vous et de votre arme en se basant
sur les histoires de vos glorieux actes passés.
Obtenez un dé bonus pour n’importe quel Risque où le
nom de votre épée revêt une importance.
Pas de quoi avoir peur, croyez-moi…
Venez à bout d’un ennemi possédant la Propriété mons­ rémunère vos services de guerrier.
trueuse Effrayant.
Dépensez 1 point d’Héroïsme pour ignorer des Rangs de
Peur équivalents à vos Rangs en Armes blanches jusqu’à la
fin du tour (vous devez avoir votre arme sur vous).
Seul, il n’avait aucune chance…
Venez à bout d’un Scélérat en combat singulier.
Dépensez 1 point d’Héroïsme quand vous infligez
une troisième Blessure Dramatique à un adversaire
pour infliger un nombre de Blessures supplémentaires
équivalent à votre Rang en Armes blanches.
LE ZAHMEIREEN
CORROMPU
Au fil d’une Histoire, un Héros pourra entrer
en possession d’une arme forgée à partir de
zahmeireen corrompu. Une telle arme donne un
accès temporaire à l’Avantage Objet fétiche du
moment que le Héros la manie, mais il y a un hic :
l’arme souille l’âme. Un Héros en possession d’une
arme en zahmeireen corrompu et qui n’a pas fait
l’acquisition de l’Avantage Objet fétiche reçoit le
double des points de Corruption habituels lorsque
le cas se présente ; de plus, le MJ peut dépenser 1
point de Danger pour faire en sorte que l’arme lui
glisse des mains, que le Héros la laisse tomber, ou
qu’elle lui échappe de quelque façon que soit.
Acquérir l’Avantage Objet fétiche permet de
se débarrasser de ces inconvénients, mais pas
de débloquer le plein potentiel de l’arme. Pour
cela, l’arme doit être purifiée au cours d’un rituel
que les membres de l’Isifungo Senkosi les plus
dignes de confiance sont les seuls à connaître.
Une arme en zahmeireen corrompu peut être
purifiée (transformant ainsi l’Avantage Objet
fétiche en l’Avantage Arme en zahmeireen) grâce
à une Histoire en 3 Étapes. Au cours de celle-ci,
il faut établir un contact avec l’Isifungo Senkosi,
gagner leur confiance et accomplir l’ancien rituel
de purification.
Surprise !
Être Sans Défense.
Dépensez 1 point d’Héroïsme au moment où vous
subissez votre quatrième Blessure Dramatique pour
prévenir cette Blessure Dramatique. Vous ne pouvez
activer cette Notoriété qu’une seule fois par Scène.
Tout dépend ce que vous payez…
Obtenez de la Richesse en échange de vos services.
Gagnez 1 de Richesse supplémentaire chaque fois qu’on
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 201
 Abonsams et Dés d’Infâmie
En Ifri, tandis que les Héros peuvent gagner et perdre des
points de Corruption comme partout ailleurs, d’autres forces
sont à l’œuvre, semant d’obscures pulsions dans le cœur et
l’esprit de quiconque pose le pied sur le continent. En raison
de l’influence de la Compagnie commerciale atabéenne dans
la région, et de la dernière tentative désespérée du bourba
Ighodalo de garder le contrôle de sa Nation, les Pierres du
Bonsam ont été sorties du Domaine du Bonsam pour être
ramenés à Lougua. Les abonsams se sont mis à chuchoter
aux oreilles des habitants, leur promettant gloire, richesse et
puissance à foison. La seule chose qu’ils ont à faire est de les
libérer en brisant les pierres qui les retiennent, suite à quoi ils
pourront déployer tous leurs pouvoirs.
Les abonsams se sont rendu compte que le moyen le
plus facile de piéger une cible consiste à saisir le moment
opportun. La plupart du temps, ils se manifestent aux gens
qui traversent une très mauvaise passe et leur offrent leur
aide, toujours de manière subtile, comme une douce voix
qui résonne à l’intérieur d’eux. Ils viendront chuchoter
que la fin justifie les moyens si vous voulez vous en sortir,
utilisant l’instinct de survie pour justifier n’importe quel
acte. La plupart des Héros parviennent à ignorer de
telles pensées, qu’ils mettent sur le compte de la peur.
Néanmoins, de temps en temps, quand la situation semble
absolument désespérée, même un Héros peut faillir.
Depuis l’extérieur, on pourrait croire que la Corruption est
plus ancrée en Ifri, surtout en Mbey. Cette hypothèse n’est
pas entièrement fausse. Les abonsams qui font les cent pas
dans leurs prisons nourrissent les sombres puissances qui
érodent le cœur des hommes, faisant du cours tranquille un
202 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
fleuve turbulent. Le mal prospère et se répand en Ifri, et il
est plus difficile d’y résister de jour en jour.
Les Dés d’Infâmie
Certes, interagir avec les abonsams octroie aux Héros
davantage de pouvoirs, mais ces pouvoirs ont un prix.
Tout Dé supplémentaire octroyé par les services d’un
abonsam est un Dé d’Infâmie. Ces Dés représentent les
pulsions plus sombres et brutales qui sommeillent dans
les instincts les plus primaires de l’homme. Interagir
avec des forces qui entretiennent un tel mal vous y rend
de moins en moins résistant, et plus un Héros accepte
l’aide d’un abonsam, plus l’influence de ce dernier croît en
lui, semant ses propres désirs dans son esprit. Au fil du
temps, le Héros s’habituera à l’idée d’une cruauté et d’une
violence excessives : elle se répandra dans ses pensées et
il lui sera plus difficile d’éviter de commettre de tels actes.
Obtenir et utiliser des Dés d’Infâmie
Comme pour tout Acte malfaisant, le MJ doit toujours
prévenir le joueur qu’accepter l’aide d’un abonsam lui fera
gagner un Dé d’Infâmie. Il doit aussi informer le joueur
du fonctionnement de ces Dés (les utiliser pour faire des
Mises lui fera gagner de la Corruption).
Les Dés d’Infâmie devraient être différents des Dés
qu’un joueur utilise habituellement, que ce soit par la
couleur, le motif ou autre.
La première fois qu’un Héros accepte l’aide d’un
abonsam, il gagne 1 Dé d’Infâmie. Par la suite, chaque
fois qu’il acceptera l’aide d’un abonsam, il gagnera 1 Dé

d’Infâmie supplémentaire et devra remplacer un de ses dés
habituels par un Dé d’Infâmie.
Éric a déjà accepté l’aide d’un abonsam une fois, ce
qui lui a fait gagner un Dé d’une couleur différente
pour ses lancers. Dans le pétrin, il décide d’accepter
son aide à nouveau. Il peut ajouter deux Dés d’une
autre couleur à sa réserve, en remplaçant l’un de ses
Dés normaux par un Dé d’une autre couleur, ce qui lui
fait un total de 3 Dés d’Infâmie.
Peu importe la taille de la réserve de Dés d’un joueur,
il ne peut constituer des Mises qu’en utilisant un
nombre de Dés équivalent à sa réserve de Dés normale
(Caractéristique + Compétence).
Les Dés d’Infâmie ne sont pas liés à une Compétence ou
une Caractéristique. Chaque fois que le joueur lance les Dés,
il ajoute et remplace autant de Dés d’Infâmie à sa réserve.
Chaque Dé d’Infâmie utilisé dans une Mise rapporte 1
point de Corruption comme à l’accoutumée. Le premier
Dé d’Infâmie utilisé rapporte 1 point de Corruption, le
second en rapporte 2, etc. Il est possible de se transformer
définitivement en Scélérat au cours d’une seule Séquence,
voire d’une seule Action.
Après avoir accepté l’aide d’un abonsam trois fois de
suite, Sarah dispose à présent de 3 Dés d’Infâmie supplé-
mentaires et 2 Dés d’Infâmie dans sa réserve normale.
Elle lance 9 Ds au total (sa réserve habituelle de 6 + 3),
dont 5 sont des Dés d’Infâmie. Ses résultats normaux
sont 3, 4, 5 et 7. Ses résultats Infâmes sont 2, 5, 6, 8 et 10.
Sarah ne peut constituer qu’une seule Mise avec
ses Dés normaux, mais elle a besoin de trois Mises
pour accomplir tous ses objectifs. Elle constitue une
Mise normale (3 +7) et utilise 2 Dés d’Infâmie pour
compléter les Mises supplémentaires (5 d’Infâmie + 5,
10 d’Infâmie). Elle gagne 3 points de Corruption (un
point pour le 5 et deux autres pour le 10).
Rédemption
Un Héros peut se débarrasser de sa réserve de Dés
d’Infâmie tout comme il peut se débarrasser de sa
Corruption. La nature unique des Dés d’Infâmie octroie
au Héros quelques occasions d’éliminer leur influence.
Si le Héros ne possède aucun point de Corruption mais
que le joueur possède des Dés d’Infâmie dans sa réserve, il
peut se lancer dans une Histoire de Rédemption standard en
5 Étapes pour retirer tous ses Dés d’Infâmie d’un seul coup.
Peu importe le nombre de points de Corruption d’un
Héros, il peut se lancer dans une Histoire de Rédemption
en 3 Étapes pour se débarrasser d’un Dé d’Infâmie à la fois.
LES DÉS D’INFÂMIE ET
LE MELBUR
Le Melbur diffère de la demande de pouvoir
immédiate que représentent les Dés d’Infâmie.
Seul un Héros aksoumite peut avoir accès au
Melbur, en concluant un marché sur le long terme
avec un abonsam en échange de son pouvoir ; a
contrario, n’importe qui peut être contacté par un
abonsam et peut choisir de gagner en puissance
par le biais des Dés d’Infâmie, y compris les
dasusuos. Ils peuvent en effet gagner des Dés d’In-
fâmie comme n’importe quel autre Héros, ce qui
représente une prise à court terme d’un pouvoir
ne faisant pas partie de ses Marchés.
Les Dés «  supplémentaires  » sont les premiers à
sauter. Lorsque le joueur ne peut plus enlever de dés
supplémentaires à sa réserve, alors il peut commencer à
retirer les Dés d’Infâmie de sa réserve habituelle.
Si un Héros a gagné de la Corruption grâce aux Dés
d’Infâmie, il peut la retirer d’un coup si son Histoire de
Rédemption se termine ainsi : il doit replacer la pierre de
l’abonsam inerte à son lieu d’origine dans le Domaine
du Bonsam. Toute la Corruption qu’il a pu gagner en
commettant des Actes malfaisants sans l’influence d’un
abonsam (et donc sans utiliser les Dés d’Infâmie) reste intacte.
Les Dés d’Infâmie dans les
Séquences Dramatiques
Si les Séquences d’Action offrent moult occasions de
narrer comment les actions d’un Héros prennent une
tournure Malfaisante, les Séquences Dramatiques, elles,
peuvent être plus difficiles à orienter vers des Actes
Malfaisants. Les scènes d’exploration dans lesquelles
un Héros se faufile pour mener l’enquête pourraient
occasionner des dommages matériels s’il utilise des Dés
d’Infâmie ; des scènes sociales, comme une réception ou
une fête, pourraient transformer la réplique bien sentie
d’un Héros en quelque chose d’inutilement blessant,
mesquin et méchant.
S’il est impossible de transformer l’Action d’un Héros
de façon à ce qu’elle lui rapporte de la Corruption
(«  Je me faufile le long du couloir vide… mais genre,
diaboliquement  ?  »), à la place, il remplace un Dé de
sa réserve normale par un Dé d’Infâmie. Le MJ a le
dernier mot lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui peut
ou pas rapporter un Dé d’Infâmie au lieu de points
de Corruption. Dans tous les cas, l’utilisation d’un Dé
d’Infâmie devrait toujours aider cette Corruption à se
propager d’une façon ou d’une autre.
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 203
 Styles de Duels
Sur un continent aussi vaste que l’Ifri, il y a autant de
façons de se livrer à un combat singulier qu’il existe de
peuplades. Il faudrait être idiot pour penser qu’il n’existe
qu’une seule façon de se battre en duel sur le continent.
Depuis leurs origines jusqu’à aujourd’hui, les peuples de
l’Ifri se sont livrés à des combats singuliers. Le combat fait
partie—et a toujours fait partie—de leur quotidien. Les
parents enseignent à leurs enfants comment se battre et
les encouragent à s’entraîner les uns contre les autres pour
apprendre le courage, la persévérance et la ruse. Au fur et à
mesure que l’enfant grandit, le combat singulier lui permet
de démontrer l’étendue de son talent, d’assurer sa position
sociale et de prouver qu’il est prêt à intégrer le monde
adulte. Grâce au combat singulier, les chefs résolvent les
conflits et désamorcent les tensions, empêchant ainsi les
guerres d’éclater tout en améliorant le quotidien de leur
communauté. Les rites et les règles permettent d’assurer
des combats justes, mais pas forcément sûrs. Seul un
enfant lâche ou ignorant irait à leur encontre.
Ces types de combats sont répandus lors des festivals,
des fêtes et d’autres occasions marquantes. Chez les
habitants d’Ikorodu, un mariage traditionnel inclut des
combats officiels entre les familles des mariés (souvent
un parent ou un membre de la fratrie). À Asabu, les
jeunes se rassemblent après une tempête : après avoir été
séparés en deux grands groupes et une fois les arbitres
sélectionnés, ils se livrent à des combats singuliers. À
Masaesyli, un enfant s’entraîne à son rite initiatique en se
livrant régulièrement à des combats singuliers dès qu’il a
le temps et des bâtons sous la main.
204 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU
Les combats rituels jouent un rôle extrêmement important
dans la société, ce n’est donc pas une surprise s'il existe autant
de styles de combat uniques, de formes multiples de lutte et
de boxe, de Styles faisant la part belle aux frappes et aux prises,
de combat au bâton ou à l’épée. Quiconque revendiquerait
être un expert « du combat ifrien » ne serait qu’un menteur.
Les différents Styles de lutte exigent de soumettre l’adversaire,
de l’immobiliser ou de le pousser hors du ring. Le combat à
l’épée inclut, entre autres, le shotel (épée courbe), l’akrafena
(épées larges) ou le takoba (épée fine). Les bâtons peuvent
être pointus ou non, longs comme l’asaya ou courts comme
l’iklwa. Dans un style de boxe populaire, les boxeurs n’ont le
droit de frapper qu’avec une seule main (fortement bandée)
et de se défendre avec l’autre (nue).
Comprendre l’importance et la variété du combat
singulier dans la culture ifrienne est primordial, car
c’est sur ces concepts que les duels se sont développés
dans les Nations d’Ifri. En cas de conflit culturel dans
une zone donnée, ou entre voisins, les gens utilisent des
techniques transmises et perfectionnées au fil des siècles.
Lorsqu’ils traversaient les frontières ou voyageaient sur de
longues distances, les soldats apprenaient de nombreux
Styles et techniques différents, et ils se mirent à mélanger
les traditions. Les experts du combat à mains nues
commencèrent à utiliser les armes blanches, tandis que
les épéistes s’entraînèrent aux prises de lutte.
Les duels se développèrent en tant que sport et méthode
d’échange culturel. Comme dans toute autre forme de combat
rituel, un Duelliste utilise son art pour résoudre les conflits
sans envenimer les choses, gagner en respect et apprendre
l’histoire et les traditions d’autres cultures. Les duels sont un
moyen de reconnaître et d’honorer les différences d’autrui,
tout en découvrant ou en créant un terrain d’entente.
La capacité qu’ont les duels à relier des peuples différents
a donné naissance à l’un des termes les plus répandus du
milieu : odo ija, ou « combat du fleuve ». Les Duellistes
peuvent se défier en demandant à se retrouver près d’un
fleuve, ou en demandant à quelqu’un s’il souhaite « discuter
près du fleuve. » Ce nom rend honneur à l’importance
culturelle du duel sans pour autant désigner l’endroit
précis où ce dernier se déroulera. Cela explique pourquoi
les fondateurs de nombreuses écoles de Duel (comprendre,
n’importe quelle enceinte officielle comprenant au moins
un cercle de combat bien délimité) ont nommé leur maison
d’après l’un des fleuves cardinaux de l’Ifri.
Les duels souffrent d’une réputation ambivalente
en Ifri. Bien qu’ils aient permis à différentes cultures
de partager leurs techniques, rituels, rites et (souvent)
musiques, certains s’inquiètent qu’ils séparent combat
et culture tout en creusant le clivage entre la jeunesse et
son héritage. Certains s’inquiètent également que les
Duellistes qui en ressortent ne font qu’apprendre les
méthodes de combat sans les valeurs, les histoires ou les
chansons qui les accompagnent. D’autres décrient les duels
car ils transformeraient le combat singulier en un sport
que certains Duellistes pratiquent pour amasser fortune
et célébrité plutôt que pour établir des liens entre les
communautés, acquérir du respect ou résoudre des conflits.
La réponse des Duellistes à ces accusations est
multiple. Certains utilisent de la musique traditionnelle
pour accompagner la partie préliminaire d’un duel, ou
n’enseignent qu’à des élèves désireux d’apprendre les
histoires des techniques. Parmi les Duellistes qui gagnent
de l’argent, nombreux sont ceux à le redistribuer pour
aider autrui. D’autres soutiennent que les duels et les
combats singuliers rituels sont deux choses différentes, qui
suivent chacune leurs propres règles. Le combat singulier
ne risque pas de disparaître, alors pourquoi les duels
devraient-ils souffrir de ses rituels ?
Quel que soit le point de vue adopté, presque tout le
monde s’accorde à dire que l’odo ija et les duels théans
n’ont rien à voir, ce qui provoque un grand nombre de
malentendus entre Duellistes de chaque tradition.
Premièrement, n’importe qui peut aller discuter près du
fleuve. Certes, les tournois d’odo ija comportent des règles
en rapport avec l’âge et l’expérience des participants, mais
tout le monde a le droit de déclarer ou d’initier un duel. La
broche de la guilde des Duellistes signifie peu de choses en
Ifri. Toute école de Duel qui cherche à établir un système
d’adhésion finit très vite par perdre la clientèle des locaux.
Deuxièmement, la plupart des duels en Ifri débutent par
une démonstration de talent personnel. Cela peut être
quelque chose de simple, comme adopter des postures
défensives, ou de plus compliqué, comme une danse
bravache et mortelle. La mode actuelle tend vers les danses
qui durent entre trois et cinq minutes et qui mettent
en avant l’agilité, la grâce et la force du Duelliste. Si un
Duelliste théan n’est pas préparé à pareille démonstration,
il s’expose à être tourné en ridicule par le public. C’est ainsi
qu’est née la croyance chez les Duellistes théans selon
laquelle les Ifriens « ne respectent pas les vrais duels. »
Troisièmement, les duels en Ifri incorporent tous les styles
de combat singulier, tandis que quasiment tous les styles
théans requièrent une arme. Les duels en Ifri autorisent
davantage de manœuvres que la guilde des Duellistes
n’en admet. Si certains Duellistes théans se délectent de
ce surcroît de défi, d’autres utilisent cette différence pour
entériner le stéréotype du « manque de respect. »
Enfin, les duels de l’odo ija prennent fin lorsqu’un Duelliste
reconnaît la supériorité de son adversaire. Ainsi furent
officialisés quatre moments d’arrêt d’un duel : refuser le défi,
capituler après la démonstration, capituler après le premier
coup (ou le premier sang) ou se retrouver dans l’incapacité
de poursuivre le duel (dans le cas d’une soumission totale
ou d’une blessure grave, par exemple). Si un duel continue
jusqu’à ce que l’un des Duellistes ne puisse plus se battre,
on dit que le duel a « asséché le fleuve. » En général, les
Duellistes méprisent leurs pairs qui « assèchent le fleuve »
en refusant d’admettre leur défaite. Voilà la différence la
plus facile à comprendre pour un Duelliste théan.
Chaka
Ce Style de Duel qui tire son nom d’un chef légendaire
tient plus des techniques martiales que du combat singulier
rituel. Soit Chaka réinventa la guerre pour son peuple, soit
il subtilisa les innovations des autres, dans tous les cas, il
est célèbre parmi les Ifriens pour sa perspicacité et ses
victoires militaires. Ce Style utilise deux bâtons (l’un pour
l’attaque, l’autre pour la défense) et un bouclier plus petit,
fixé à l’avant-bras, pour protéger la main défenseuse. Les
Duellistes ifriens ont adapté ce Style pour pouvoir l’utiliser
avec n’importe quels types de lame et de bouclier.
Le Style de Duel de Chaka possède une piètre réputation
auprès de la plupart des Duellistes, qui lui reprochent d’être
7E MER : LES TERRES D'OR ET DE FEU 205
 indigne. Toutefois pour ceux qui ont l’habitude d’assécher taillades rapides et de coups portés avec l’arme dans la
le fleuve, la brutalité expéditive du Style de Chaka leur main directrice, pour former un huit horizontal. Pour
convient parfaitement. Actuellement, le Style de Chaka employer le Premier huit, vous devez dépenser 2 Mises.
jouit d’une grande popularité dans le Royaume de Mbey. Le Premier huit inflige un nombre de Blessures équivalent
The Chaka Dueling Style has a poor reputation among à vos Rangs en Armes blanches et en Force. Vous ne
most Duelists who condemn it for being too ruthless. pouvez exécuter le Premier huit qu’une fois par Round.
Those who routinely dry the river out, however, like the
Chaka Style  ’s swift brutality. The Chaka Style is currently Omuhelo
very popular throughout Mbey. Tirant son nom d’un des rituels qui implique un combat
singulier, l’Omuhelo est une forme très athlétique de
Bonus de Style : Verrou d’Isihlangu combat se disputant traditionnellement avec les paumes
Lorsque vous maniez une lame et un bouclier, vous pouvez ouvertes. Ce Style de Duel comprend des appuis renversés
utiliser le Verrou d’Isihlangu. En utilisant votre bouclier, vous rapides sur une seule main ainsi que d’autres sortes de
bloquez la garde de votre adversaire—soit son arme, soit son basculement, sans compter toute une panoplie de coups
bouclier—et créez une ouverture que vous pouvez exploiter secs et de balayages avec les jambes. Les Duellistes ont
rapidement en vous exposant à une attaque. Vous infligez adapté ce Style pour utiliser une arme dans une main
un nombre de Blessures équivalent à vos Rangs en Armes (généralement, il s’agit d’un bâton robuste, même si
blanches et en Finesse. Jusqu’à la fin du Round, vous ne certains utilisent des épées). Un Duelliste utilise rarement
pouvez plus exécuter de Manœuvre qui réduirait le nombre son arme, préférant combattre avec ses pieds.
de Blessures que vous subiriez (mais vous pouvez tout de Un Duelliste qui pratique le Style de l’Omuhelo passe une
même dépenser des Mises pour les réduire de la même façon partie de son entraînement à étudier son arbre généalogique,
qu’un personnage non Duelliste). Vous ne pouvez exécuter le allant jusqu’à faire de longs voyages pour parler avec des
Verrou d’Isihlangu qu’une fois par Round. membres de sa famille éloignée ou se rendre en des
lieux datant de la jeunesse de ses arrière-grands-parents.
Awal Thmani Les renversements qu’étudient les élèves de l’Omuhelo
Les adeptes de ce Style de Duel apprennent une série de symbolisent le lien des Duellistes au monde inversé où
danses complexes divisées en mouvements distincts qu’ils résident les morts, et leurs ancêtres. Comprendre qui étaient
utilisent ensuite dans leurs duels. L’épée traditionnelle ces ancêtres et savoir à quoi s’attendre de cette connexion
associée au Style d’Awal Thmani est une larme courbe en potentielle est important pour les Duellistes.
forme de faucille appelée khépesh. Les Duellistes tiennent Le Style de l’Omuhelo est fascinant à regarder. Bien des
leur épée dans une main et manient de l’autre un bâton Duellistes en font des représentations solos lors des festivals
ou un gourdin de défense (certains pratiquants préfèrent pour montrer leur talent ou se livrent à des duels n’allant pas
également utiliser un simple bouclier). plus loin que la phase de démonstration. Ce style flamboyant
Toutes les personnes qui s’initient à l’Awal Thmani n’ont et marquant en fait l’un des styles les plus connus en Théah.
pas pour but de devenir Duellistes. Beaucoup de danseurs
apprennent et adaptent le Style d’Awal Thmani à leurs Bonus de Style : Ruade de la gazelle
propres fins. Ainsi est né un regain d’intérêt pour la musique
Lorsqu’au moins une de vos mains est libre, vous avez
et les histoires traditionnelles d’antan. Un Duelliste voulant
accès à une Manœuvre spéciale nommée Ruade de
vanter les mérites de son art à des élèves peu portés sur le
la gazelle. La Ruade de la gazelle est un coup de pied
combat leur fera remarquer que la popularité du Style d’Awal
retourné et renversé qui déstabilise votre adversaire.
Thmani et l’intérêt pour des cultures autrefois perdues sont
La Ruade de la gazelle inflige un nombre de Blessures
bien la preuve que les duels peuvent servir de pont culturel.
équivalent à vos Rangs en Athlétisme (pour un minimum
de 1). La prochaine fois que votre cible devrait vous
Bonus de Style : le Premier huit infliger des Blessures ce Round-ci, elle vous inflige 1
Lorsque vous maniez une épée à une main ou un bâton, Blessure de moins pour chaque Rang que vous possédez
vous avez accès à une Manœuvre spéciale nommée le en Armes blanches. Vous ne pouvez exécuter la Ruade de
Premier huit. le Premier huit consiste en une série de la gazelle qu’une fois par Round.

206 CHAPITRE 7 : AVENTURES DANS LES TERRES D'OR ET DE FEU