Volume 2

JOHN WICK PRÉSENTE UN SUPPLÉMENT POUR 7E MER : DEUXIEME ÉDITION « NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 »
CONCEPTION DANIELLE LAUZON DIRECTEUR DE CRÉATION LEONARD BALSERA CONCEPTION SYSTÈME MICHAEL CURRY
RÉDACTION ADRIAN ARROYO FABIEN BADILLA CHRISTINE BEARD JEREMY ELDER MEGHAN FITZGERALD
JAMES MENDEZ HODES BETSY ISSACSON SHOSHANA KESSOCK ERICKA SKIRPAN BRETT ZEILER TARA ZUBER
RÉDACTION ADDITIONNELLE DANIELLE LAUZON ANDRÉ LA ROCHE STEPHEN SKIDMORE DAN WASZKIEWICZ NICOLE WINCHESTER
« RESTEZ PRÈS DE LA ROUTE » JENNIFER MAHR DIRECTION ARTISTIQUE PRINCIPALE MARISSA KELLY DIRECTION ARTISTIQUE ANDRÉ LA ROCHE
ILLUSTRATIONS ZUL KARNAEN HASAN BASRI CHARLOTTE CREBER SHEN FEI YONG YI LI DIEGO RODRIGUEZ
CONSEIL LINGUISTIQUE OLESIA BAGINSKI CARLO FEDERICONI MONIKA HORTNAGL ADAM « ADEXO » MALINOWSKI JEANENE THOMPSON
CONCEPTION GÉOGRAPHIQUE ET CARTOGRAPHIE MARK RICHARDSON GRAPHISME ET CARTOGRAPHIE THOMAS DEENY
RÉVISION MONTE LIN RELECTURE SHELLEY HARLAN PERSONNEL AUXILAIRE J. DERRICK KAPCHINSKY MARK DIAZ TRUMAN
DÉVELOPPEMENT DE 7E MER : DEUXIÈME EDITION MICHAEL CURRY ROB JUSTIC MARK DIAZ TRUMAN JOHN WICK
INSPIRÉ DE « LES SECRETS DE LA 7E MER » CONÇU PAR JOHN WICK ET JENNIFER MAHR ï
 Un petit mot de John…
Quand nous avons pensé la refonte de la Théah pour la
seconde édition, les Nations qui ont subi les plus grands
changements ont été les Nations orientales. L ’Ussura néces-
sitait un lifting complet et je voulais que l ’Eisen devienne
terrifiante. La Voddace s ’en est sortie relativement indemne,
mais des différences existent si vous savez où chercher. Il
fallait aussi ajouter la Fédération sarmatienne afin de
respecter une promesse faite lors de mon premier voyage
en Pologne à un ami qui nous a quittés. J ’ai donné son nom
à l ’un des antagonistes principaux. Ses amis et ses proches
m ’ont confié qu ’il aurait immensément apprécié ce geste.
Au revoir, Magic. Tu me manques.
Si les Nations occidentales que sont la Montaigne, la
Castille et l ’Avalon ont beaucoup de points communs, les
Nations orientales sont uniques. Leurs différences ne
s ’arrêtent pas simplement à la langue et aux vêtements.
Elles sont également le lien avec les contrées encore plus
éloignées à l ’Est, et nous donnent des indices de ce qui est
à venir. En se tenant en haut d ’une colline de la Fédération
ou de la partie orientale d ’Ussura, en plissant les yeux, on
peut presque apercevoir l ’Empire du Croissant…
Bientôt, mes amis. Bientôt.
—John Wick

Remerciements particuliers
Dans Nations de Théah : Volume 1, j ’avais commencé à écrire
une histoire sur mon travail dans le projet des Nations de
Théah. Voici comment j ’ai rejoint l ’équipe de JWP. J ’avais
décidé de travailler à temps partiel et je voulais gagner
de l ’expérience en tant qu ’auteure et conceptrice. J ’ai vu
passer un appel à auteurs sur mon bureau : on avait besoin
d ’auteurs à temps plein pour 7E Mer, deuxième édition.
Bien sûr, j ’avais participé au financement du livre car c ’était
mon jeu préféré de tous les temps. Quand Mark et John
m ’ont contactée pour un entretien, on a discuté Grandeur
Nature et conception. Après la réunion, j ’étais persuadée
que je ne deviendrais pas une auteure à temps plein. J ’ai
pensé que j ’écrirais peut-être en freelance, mais certaine-
ment pas qu ’on m ’offrirait de m ’occuper de la direction des
livres. Je suis à peu près certaine d ’avoir poussé des cris que
seul un dauphin aurait compris.
En premier lieu, je tiens à remercier Mark, qui m’a
encouragée dès le départ à postuler chez JWP. Sans ta
confiance en moi, j’aurais peut-être hésité et raté cette
opportunité. Merci John de m’avoir confié ton bébé pour le
faire grandir. Merci à tous les auteurs qui ont fait de ce livre
un véritable chef d’œuvre. Ces Nations sont sûrement les
plus difficiles à représenter correctement et j’adore la façon
dont vous avez matérialisé mes idées en les couchant sur le
papier. Mener un livre du concept à l’impression représente
un boulot herculéen et nécessite une équipe de gens dévoués,
peu importe leur nombre. Je suis ravie de pouvoir dire que j’ai
travaillé avec l’une des meilleures équipes au monde tout au
long de la conception des livres Nations de Théah.
Et comme toujours, je remercie tout particulièrement
mon mari, Weston Harper.
—Danielle Lauzon

Version française - Crédits

Coordination éditoriale Relecteurs
Vincent Lelavechef Julien Bonneau, Clovis, Mario « Myb-1 » Costanzo, Fabrice Crezé,
Traduction Ariane De Clercq, Mel Épiphanie, Sébastien Gillis, Sébastien
Grenier, Guillaume « Cindoc » Guimiot, Camille Haller, Matt
Arthur Camboly
« Fenrirdarkwolf » Latroy, Olivier Laville-Fournier, Frédéric Meurin,
Cécile Duquenne Romain « Kosmo » Pascaud, Christophe Rosati.
Maquette
Delphine 'GinL'

7th Sea and all related marks are © and TM 2016 John Wick Presents. All rights reserved. No part of this work may be
duplicated without express permission from the Author. This is a work of fiction. All characters and places are creations
of imagination.
© 2018 Agate RPG pour la version française sous licence John Wick Presents. Agate RPG est une marque d ’Agate
Éditions. Agate Éditions, 7 avenue Joseph Froment, 92250 La Garenne-Colombes. Contact, question, distribution :
esteren@agate-editions.com. Dépôt légal : 2018 – ISBN : 978-2-919256-41-9 – Imprimé en Europe.
 Table des matières
Restez près de la route 4 Chapitre 3: L'Ussura 106
Une Nation de classes . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Introduction 10 Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
La situation actuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Ilya Sladivgorod Nikolovich . . . . . . . . . . . 111
Ce que contient ce livre . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Ketheryna Fischler Dimitritova . . . . . . . . . . 113
Comment utiliser ce livre . . . . . . . . . . . . . . . 13 Altai Khatoun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Aleksi Pavtlow Markov v'Novgorov . . . . . . . 115
Chapitre 1 : L ’Eisen 15 Bodgan Siev Benediktov v'Vladimirovich . . . . 116
Rebâtir une Nation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Arzu Sousdal bint Erdog an v'Riasanova . . . . 117
Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Koshchei "l'Immortel" . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Les Eisenfürsten . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 La métropolitinaire Lyuba . . . . . . . . . . . . . 119
Perchta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Gertrude Schmidt . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Jack Deux Coups . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Owen Laslo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Freidrich, le chevalier inquisiteur . . . . . . . . . 25 Général Hiver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
Wilma Probst . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Sociétés secrètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Rosamund Roth . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
Chaim Ledovid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 La province de Rurik . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
Heinrich Dray . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 La province de Veche . . . . . . . . . . . . . . . . 130
Sociétés secrètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 La province de Somojez . . . . . . . . . . . . . . . 132
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 La province de Gallenia . . . . . . . . . . . . . . . 135
Freiburg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 La province de Molhynia . . . . . . . . . . . . . . 137
Les montagnes de Dracheneisen . . . . . . . . . . 36 Dar Matushki . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Les Wälder . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Le toucher de Tură . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
L ’Angenehme Wald . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Les duels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
Burg Wachesherz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Legendi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
Starkbrunn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
L ’Ausgeglichene Platz . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Chapitre 4 : La Vodacce 154
Gottkirchen et l ’île du Rücken . . . . . . . . . . . 46 Le Grand Jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
Heimstatt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
Hexenwerk . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Le Prince Alcide Mondavi . . . . . . . . . . . . . 159
Les duels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Anacleto di Rinascita . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Legenden . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Desiderata, maîtresse de la Passione . . . . . . . 162
Marcelo, il Pazzo di Potenta . . . . . . . . . . . 163
Chapitre 2 : Ippolito Malandrino . . . . . . . . . . . . . . . . 164
La Fédération sarmatienne 58 La Mère supérieure Teofilia di Tamamello . . . . 165
Les Biały et les Czerwony . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Orlando Rabbioso . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Une Nation démocratique . . . . . . . . . . . . . . . 62 Vittorio Ribaldi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 Ronan Lehane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Le roi Stanisław Ier . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 Gregorio Zambelli . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Aleksy Gracjan Nowak . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Sociétés secrètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Domenica Vespucci . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
Landon Cross . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 Les terres des Bernoulli . . . . . . . . . . . . . . 174
Rugilė Savickė . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68 Les terres des Falisci . . . . . . . . . . . . . . . . 177
Małgorzata Domagała . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Les terres des Villanova . . . . . . . . . . . . . . 179
Ugnė Urbonė . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Les terres des Caligari . . . . . . . . . . . . . . . 180
Azucena Esquivel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 Les terres des Lucani . . . . . . . . . . . . . . . . 182
Jan Noreyko et Gintarė Žilinskė . . . . . . . . . . 72 Les terres des Mondavi . . . . . . . . . . . . . . . 185
Jędrzej Jerzy Maciejowski . . . . . . . . . . . . . . . 73 Les terres des Vestini . . . . . . . . . . . . . . . . 186
Estera Sabat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Les indépendants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Sociétés secrètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 Sorte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 Les duels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
La Rzeczpospolita . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 Leggende . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
La Curonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Sanderis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Annexe 202
Les duels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Nouveaux Historiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
Legendy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 Nouveaux Avantages . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
 Restez près de la route
L
es voyageurs formaient un petit groupe : le marchand
vesten et sa nièce, son comptable, deux gardes et un
épéiste pour assurer leur protection, ainsi que deux
pages robustes pour s ’occuper des chevaux et des affaires.
Ils étaient sur la route depuis plus de trois mois, commerçant
en Montaigne, en Castille et, plus récemment, en Vodacce.
Jusqu ’ici, on ne leur avait prêté que peu d ’attention au cœur
des villes mouvementées et des capitales rayonnantes. Tout
changea brusquement lorsqu ’ils atteignirent le petit port de
Memel, sur la côte sud de la Sarmatie.
Ils débarquèrent du bateau à voile qu ’ils avaient affrété
sous les regards curieux des autochtones. Pêcheurs,
ï
4 Restez près de la route
Par Jennifer Mahr
groupes d ’enfants, femmes au marché : tous s ’arrêtèrent
pour les observer décharger leurs effets puis se rendre
à la plus grande auberge, qui eut bien du mal à tous
les accueillir.
Malgré leur côté un peu bourru, les habitants de Memel
étaient amicaux. Les serveuses à l ’auberge s ’empressèrent
de discuter avec la nièce du marchand à propos de ses
vêtements, lesquels étaient bien plus somptueux et
d ’un tout autre style que les leurs. Les hommes du coin
partagèrent de l ’alcool local tout en comparant leurs lames
avec celles des gardes, fiers qu ’ils étaient d ’exhiber leurs
szablas, ces épées à lame courbe prisées dans la région.
 Leur destination finale était la capitale ussurane, où
les clients et les associés du marchand leur réserveraient
sans aucun doute un accueil chaleureux. L ’Ussura était
dépourvue de ports maritimes en eaux chaudes : elle comp-
tait sur son voisin oriental pour permettre aux navires de
commerce d ’y accéder. Le marchand voulait voir de ses
propres yeux le trajet qui serait emprunté à l ’avenir par ses
articles. Enveloppés par l ’air frais du petit matin, ils quit-
tèrent Memel et s ’engagèrent sur la route au nord.
La troisième nuit, alors que le soleil déclinait, ils cher-
chèrent un endroit où camper. La route les avait menés
jusqu ’à l ’orée d ’une forêt de grands arbres, dont la canopée
épaisse précipita l ’arrivée de l ’obscurité.
« Il y a un bon coin juste devant », lança l ’un des gardes qui
chevauchait en tête comme éclaireur. « Il y a une clairière
assez grande pour monter deux tentes, et un ruisseau non
loin de là. »
L ’épéiste s ’étira. « Je ne dirais pas non à une tente, mais
un feu me suffira. La chaleur est tombée avec le soleil. » Un
murmure d ’assentiment général s ’éleva du reste du groupe.
L ’automne était encore jeune mais les voyageurs avaient
vite appris que le temps était plus rigoureux ici que dans
les contrées qu ’ils venaient de traverser. Ils se réjouissaient
d ’avoir évité la pluie malgré les nuages menaçants qui
se massaient au-dessus de leur tête depuis le début de
leur périple.
Ils établirent le camp assez vite. Une fois les chevaux
brossés et attachés, ils se retrouvèrent autour de la chaleur
d ’un feu crépitant joyeusement et d ’une grande marmite de
ragoût mijotant au-dessus des flammes.
Ils sursautèrent lorsque le garde qui faisait le guet s ’écria :
« Qui va là ? Ne bougez plus et déclarez votre identité ! »
Il y eut alors un léger bruissement plus loin dans les bois.
L ’épéiste et l ’autre garde avaient tous deux dégainé leur
lame lorsque leur parvint une réponse, trop étouffée pour
être compréhensible. Alors, un étranger apparut à la lisière
de la lumière des flammes.
Il était grand, sûrement costaud, bien qu ’il soit difficile de
s ’en assurer à cause des gros habits et des fourrures épaisses
qui le couvraient. Il ne portait pas d ’épée mais une lame,
trop longue et trop large pour être un couteau, qui pendait
à sa ceinture. Il avait l ’air éreinté et sa longue chevelure
hirsute était tirée en arrière ; des tresses se balançaient
devant son visage, enroulées dans des morceaux de tissu
vif, détonnant avec le reste de son apparence sinistre. Entre
la lueur gris-violet du crépuscule et les ombres des flammes
dansantes, il était impossible de déterminer son âge.
– Je m ’appelle Jurgis, répéta-t-il pour l ’ensemble du groupe,
sa voix pareille à un grondement sourd. Mais ce serait plutôt
à moi de demander qui vous êtes tous, étant donné que vous
êtes ici dans ma forêt.
– Votre forêt ? demanda l ’épéiste, sceptique.
– Elle est à moi autant qu ’à un autre, lui accorda le nouveau
venu. Mais plus qu ’à la plupart des gens puisque j ’y vis.
– Vous vivez ici ? demanda la nièce du marchand, sa voix
pleine de surprise et de curiosité. Elle avait pris part au
voyage pour découvrir le monde, et c ’était là quelque chose
de totalement inédit.
– En effet, répondit-il avec un soupçon d ’amusement.
– Vous avez une maison dans la forêt ?
– Oui, si l ’on veut. Mais elle n ’est pas tout près d ’ici.
Qu ’est-ce qui vous amène ici à cette heure tardive ? Peu de
voyageurs empruntent cette route.
– Nous nous rendons au nord, à la frontière ussurane,
répondit le marchand en bombant le torse. Pourquoi cette
route est-elle si peu empruntée ? Cela semble pourtant être le
chemin le plus direct, mais les locaux que nous avons rencon-
trés nous ont dit que la plupart des gens prennent la route à
l’ouest d’ici. Pourtant, elle semble plus longue sur la carte.
– Vous avez choisi cette route parce que vous êtes pressés ?
demanda Jurgis.
– Nous cherchons le meilleur chemin pour transporter
des marchandises, lui expliqua le marchand. Je compte
envoyer des cargaisons régulières et je voulais voir le trajet
qu ’elles emprunteraient.
– Ah. Dans ce cas, vous êtes sur la mauvaise route, dit
Jurgis avec conviction. Vous auriez dû prendre celle qui passe
par l ’ouest.
– Pourquoi ? demanda le marchand, de plus en plus frustré.
Cette route semble bien plus rapide.
– Mais elle passe par la forêt.
– Certes, mais on peut toujours abattre quelques arbres pour
agrandir le passage, répondit le marchand sans se démonter.
Il était toujours sûr de lui lorsqu’il parlait commerce.
– Vous ne pouvez pas abattre d ’arbres ici, répondit
l ’étranger d ’un ton ferme. Pas ici. C ’est la forêt de Sanderas.
– Oui, j ’ai vu la carte. Le marchand faisait preuve d ’une
patience exagérée, mais l ’autre homme ne semblait pas s ’en
soucier. Il eut un petit sourire, tout simplement.
– Vous avez vu la carte. Vous ne connaissez pas la forêt.
La prochaine fois que vous rencontrez quelqu ’un du coin,
demandez-lui de vous parler de la forêt. Puis demandez la
même chose à la personne que vous rencontrerez ensuite.
Puis à la suivante.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 5
 Il regarda autour de lui.
– Je dois partir. Vous devriez rester près de la route.
– Attendez ! s ’écria la jeune fille alors qu ’il s ’éloignait. Elle
tira sur la manche de son oncle tout en lui parlant avec
empressement, jusqu ’à ce qu ’il soupire et hoche la tête.
– Jurgis, vous joindriez-vous à nous pour dîner ? demanda-
t-il. Nous allions manger, venez donc partager notre feu et
notre nourriture.
– J ’aurais honte d ’accepter votre hospitalité sans rien vous
offrir en échange, dit-il, l ’air hésitant pour la première fois
depuis son arrivée. Et je ne pense pas posséder quoi que ce
soit qui puisse vous intéresser.
– Une histoire ! » La jeune fille regarda autour d ’elle d ’un
air enjoué. « Racontez-nous une histoire sur cet endroit. »
Son oncle lui jeta un regard indulgent et amusé.
– Très bien, accepta l ’étranger en gloussant. Cela me
semble être une offre honnête.
Les gardes avaient toujours l ’air peu rassurés lorsqu ’il
rejoignit le groupe autour du feu. L ’un des pages souleva
le couvercle de la marmite pour remuer le ragoût, laissant
s ’échapper de délicieux arômes qui se répandirent dans l ’air.
Soudain, l ’homme qui était toujours de garde laissa échapper
un nouveau cri, surpris et inarticulé.
– Qu ’y a-t-il ? s ’exclama l ’autre garde en sautant sur
ses pieds.
– Par Theus, je l ’ignore, répliqua le guetteur en criant.
Quelque chose a bougé, là-bas. Quelque chose d ’énorme.
– Pas d’inquiétude, les rassura Jurgis. Ce n’est que ma chienne.
Tous les regards se tournèrent vers lui.
– C'était énorme, insista le garde de là où il se trouvait, plus
loin derrière les arbres.
– Oui, mais elle ne vous causera aucun ennui, lui dit Jurgis.
Du moment que vous la laissez tranquille.
Les autres se mirent eux aussi à sonder les arbres du
regard. La lueur des flammes rendait les ombres encore plus
noires, mais, parfois, ils parvenaient à distinguer quelque
chose se déplacer entre les troncs. La jeune fille poussa
un petit cri de surprise. La forme était grande mais éton-
namment gracieuse, se mouvant avec aisance au bord de la
lumière. Elle se rendit compte que Jurgis l ’observait et il lui
offrit un sourire rassurant.
– Je ne connais toujours pas votre nom, ma dame, dit-il.
Elle rougit.
– Asny. Asny Thranddatter. Et voici mon oncle, Ketil Haak.
Jurgis inclina la tête en sa direction.
– Ravi de faire votre connaissance, Asny Thranddatter. À
présent, voici votre histoire.
ï
6 Restez près de la route
***
Les hivers en Curonie sont rigoureux, chacun le sait.
Mais une fois tous les vingt ans en vient un qui arrache les
branches des arbres, projette de la neige dure comme de la
pierre et répand son givre sur la terre. Mon histoire prend
place au terme d ’un tel hiver.
Dans un village, un vieil homme fut emporté par l ’âge et
la maladie, et peut-être aussi par le froid. Il laissa derrière
lui un petit-fils qui était seul au monde : ses parents étaient
morts depuis longtemps et il n ’avait pas d ’autres proches.
Personne dans le village ne pouvait accueillir une autre
bouche à nourrir, et le garçon savait qu ’il ne pouvait pas
garder seul la petite maison qu ’il avait partagée avec son
grand-père. Il rassembla donc ses maigres possessions et
quitta le village. Sa route le mena dans les bois.
C ’était un garçon intelligent : en grandissant, il avait
appris à chasser et à poser des collets, et si l ’époque avait
été différente, il aurait su s ’occuper de lui-même sans trop
de mal. Mais à la fin d ’un hiver comme celui qui venait de
frapper, le premier qu ’il avait connu en onze ans de vie, il eut
du mal à trouver de la nourriture. Il dut partager ses abris
avec des ours et des blaireaux, ou les combattre pour les en
déloger. Il savait qu ’en marchant suffisamment longtemps, il
trouverait la route. Et depuis la route, il pourrait voyager où
bon lui semblerait et réaliser tous ses rêves. Pour un garçon
de son âge qui n ’avait jamais voyagé ni vu quoi que ce soit,
son plan en valait bien un autre.
Il fit de son mieux pendant quelques jours, vivotant, mais
il avait faim. Il était fatigué et plus mince qu’au début de son
périple. Un jour, il entendit quelque chose se déplacer non
loin, plus petit qu’un ours mais plus gros qu’un lapin. Pensant
que la chance lui souriait enfin et qu’il avait trouvé un cerf, il
apprêta son lance-pierres et se mit en quête de la source du
bruit. La neige ayant presque complètement fondu et le sol
étant encore gelé, il ne pouvait donc suivre aucune trace et
ne put compter que sur ses oreilles et sa débrouillardise pour
pister l’animal. Dans une petite clairière, il trouva la source
des bruissements, mais ce n’était pas un cerf. C’était une fille.
Elle était plus maigre et affamée que lui, et avait un air
sauvage. Elle devait avoir à peu près son âge. Ses vêtements
tombaient en lambeaux, et quelles qu ’aient été leurs teintes
d ’origine, dorénavant ils arboraient tous la couleur de la
boue. La pâleur de ses cheveux, aussi touffus qu ’un buisson
de ronces, était masquée par leur saleté. Et ses yeux avaient
la même couleur bleu-violet du ciel avant que ne disparaisse
la dernière lueur du jour.
 *** Le soir même, ils trouvèrent une petite caverne, y firent un
feu et mangèrent du lapin cuit. Il chanta des chansons que
Jurgis interrompit son récit. À cet instant, il semblait son grand-père lui avait apprises ; elle fredonna en chœur,
regarder quelque chose au-delà du camp, quelque chose sans mot dire, mais très joliment.
de bien plus réel. Puis il secoua la tête. « Votre ragoût Peu avant l ’aube, ils comprirent leur erreur. Ils furent
doit être prêt », dit-il en pointant le menton vers la réveillés par des cris de rage et le son de quelque chose
marmite d ’où commençaient à s ’échapper des bruits frappant les branches. C ’était le chasseur qu ’ils avaient volé
d ’ébullition. et qui était à leur recherche. Ils restèrent dans la caverne,
Secoué d ’un sursaut, l ’intendant qui s ’occupait du dîner à écouter ses beuglements et ses menaces et, pour la
se précipita pour retirer la marmite du feu et se mit à verser première fois, le garçon fut heureux que le sol gelé rende
la nourriture dans des bols en bois. Le reste du groupe se le pistage difficile.
trémoussa en s ’installant chacun avec son écuelle remplie Après que le chasseur se fut éloigné, ils se faufilèrent à
de ragoût. Ils avaient été happés par l ’histoire de Jurgis. l ’extérieur et se remirent en marche. Ils ne pouvaient plus
Lorsqu ’ils eurent tous regagné leur place, et que tout le se diriger vers la route puisque leur poursuivant leur faisait
monde fut servi, Asny prit la parole et lui demanda s ’il obstacle, alors ils s ’enfoncèrent plus profondément dans la
voulait bien la continuer. forêt. Ils essayèrent de conserver une trajectoire parallèle
« Bien sûr, affirma Jurgis en goûtant son ragoût. C ’est à la précédente, afin de pouvoir faire demi-tour et revenir
délicieux. » Il laissa ses yeux s ’égarer et reprit son récit. vers la route quand le moment serait opportun. Le garçon
estimait qu ’elle n ’était qu ’à deux jours de marche, mais le
*** chasseur n ’abandonnait pas sa poursuite et il leur fallut
s ’enfoncer de plus en plus au milieu des arbres.
Le garçon fit de son mieux pour discuter avec la fille, mais Après deux jours de marche, ils débouchèrent sur un
si elle connaissait des mots, elle ne les utilisait pas. Elle était endroit où les arbres étaient plus grands, et la forêt plus
peut-être muette, mais il ne pensait pas qu ’elle fut sourde. sombre que toutes celles que le garçon avait jamais vues.
Il apprit d ’ailleurs très vite qu ’elle avait une bien meilleure Toutes les histoires que lui avait racontées son grand-père
ouïe que lui. Ils voyagèrent aussitôt ensemble. Souvent, elle sur le cœur de la forêt et les choses qui y vivaient, ni tout
plaçait une main sur son bras, ou lui tirait sur la manche pour à fait humaines ni tout à fait animales, envahirent alors
lui montrer un écureuil ou un oiseau qui pourrait leur servir ses pensées. Il percevait plus souvent le son de choses en
de dîner. Elle était maligne et leur dénichait des endroits mouvement mais n ’osait plus les chasser. Ces choses qui se
où dormir (comme de petits abris et des trous empêchant déplaçaient dans les arbres étaient plus grosses, plus diffi-
le vent de s ’infiltrer) qu ’il n ’aurait jamais remarqué s ’il était ciles à reconnaître, et il doutait que son lance-pierres suffise
resté seul. à les abattre. Ils avaient beau s ’enfoncer encore et toujours,
Il essaya petit à petit de la faire parler, car le silence le chasseur n ’était jamais bien loin derrière eux.
lui était pesant. Elle retint rapidement quelques-uns de Le seul point positif était que le froid avait épargné cet
ses mots et leur sens. Ils développèrent alors leur propre endroit et que son amie semblait plus à l ’aise ici. Elle trouvait
routine pour favoriser son apprentissage : tandis qu ’ils des baies et des plantes comestibles, et plus ils s ’enfonçaient,
marchaient, il se parlait à lui-même et elle l ’écoutait. À plus elle se déplaçait avec aisance.
la fin de la journée, elle connaissait alors un peu plus de Ils passèrent la nuit dans un fourré dont les branches
mots que le jour d ’avant. Pour autant, leur quotidien était s ’étiraient à la fois vers l ’extérieur et autour d ’eux, de façon
toujours aussi pénible. La nourriture était rare, d ’autant à former un petit nid, les cachant de la vue et du vent. Le
qu ’ils devaient se la partager. Le garçon marchait dans les garçon pensait qu ’ils devaient continuer à avancer pour
bois depuis plus d ’une semaine : il ignorait depuis quand la creuser le plus grand écart possible entre le chasseur et eux.
fille était là, mais cela devait faire bien plus longtemps. Un Par nature, l ’homme devait bien avoir des temps de sommeil,
jour, lorsqu ’ils tombèrent sur le collet d ’un chasseur avec et pourtant il semblait gagner du terrain sans cesse. Mais la
trois lapins bien dodus pris au piège. Ils n ’hésitèrent pas une fille le prit par le bras et le guida dans un recoin. Ils étaient
seconde et en prirent deux. si fatigués qu ’ils en titubaient.

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 7
 C ’était un endroit sec : même sans faire de feu, il se
réchauffa vite grâce à la chaleur de leurs corps. Le sommeil
emporta le garçon dans un lit de feuilles mortes alors qu ’il
tendait l ’oreille pour percevoir les sons de leur poursuivant.
Peut-être dormit-il des heures. Ou peut-être seulement
quelques minutes. Il entendit un bruissement, qui devint
une série de chuchotements, qui à leur tour se muèrent en
une chanson, un son feutré, comme lorsque l'on pose sa
main sur son oreille.
Il ouvrit les yeux et vit des ombres bouger à l ’extérieur de
leur abri, et se mouvoir de l ’autre côté des branches comme
si elles dansaient au rythme de la mélodie qu ’il percevait
comme un murmure. Certaines formes avaient quatre pattes,
d ’autres deux, mais il eut beau essayer, il ne parvint pas à
déterminer leurs origines.
Vaguement surpris par son absence d’inquiétude, il observait
les formes : certaines étaient petites et se déplaçaient près du
sol, elles se mouvaient comme si elles ne formaient qu’une seule
créature, plus grosse. D’autres allaient et venaient au milieu des
arbres, et lui faisaient penser à des fleurs élancées et perchées
sur de hautes tiges qu’une brise printanière ferait se balancer.
D’autres encore bougeaient avec une grâce maladroite, leurs
longs membres pliant à des angles improbables comme des
bonhommes faits de brindilles jointes les unes aux autres à la
va-vite. Une des ombres se dressa bien plus haut que tout le
reste et il crut qu’elle levait les bras vers le ciel ; puis il se dit que
ce n’était pas des bras mais des cornes qui s’élevaient tandis
que l’ombre redressait la tête.
Le murmure de la chanson reprit, accompagné d ’un son
plus grave, tel un gémissement qui fit vibrer ses os tandis
qu ’il continuait de tendre l ’oreille pour en saisir la teneur,
comme si ce son n ’avait rien de réel et qu ’il venait simple-
ment du fond de son être ; mais les ombres continuaient de
danser à son rythme. Il rêvait. Il le savait. Il lança un regard
à son amie pour voir s ’ils partageaient le même rêve, mais il
était seul dans l ’abri.
Peu de temps après, il se rendormit pour de bon, et
lorsque vint le matin, il fut réveillé par le chant cristallin et
familier des oiseaux au-dessus de lui. Son amie était là où
elle s ’était endormie la veille.
Alors qu’ils se préparaient à repartir, il se souvint de son rêve
et le pisteur en lui s’arrêta pour examiner la jonchée. Les feuilles
étaient intactes, la terre aussi. Aucune trace des formes qu’il
avait vues dans la nuit, aucune preuve d’une majestueuse danse
des ombres. Tout en suivant la fille dans les bois plus épais, il
jeta un coup d’œil derrière lui au nid de branches où ils s’étaient
abrités, et il n’en vit aucun signe non plus.
ï
8 Restez près de la route
Un jour, ils durent courir. Le chasseur était si proche
qu ’ils pouvaient l ’entendre se frayer un chemin à travers les
branches derrière eux en détaillant précisément ce qu ’il leur
ferait s ’il les attrapait. Tout en l ’écoutant fulminer, le garçon
savait qu ’une marmite de soupe aux enfants ne lui durerait
pas longtemps ; il savait aussi la rapidité avec laquelle le
chasseur pourrait les suspendre, les dépecer puis les trans-
former en viande fumée. S ’il s ’était moins préoccupé de ce
qui se trouvait juste derrière eux, peut-être aurait-il fait plus
attention à ce qui les attendait devant.
Ils débouchèrent sur un mur de rochers de façon
soudaine et inattendue. La forêt était si dense que le
garçon ne l ’avait pas vu venir, et il essaya alors de trouver
un chemin pour le contourner ou passer par-dessus. Dans
cet endroit de la forêt, les troncs étaient si larges que
quatre hommes forts se tenant côte à côte n ’auraient
pas atteint leur circonférence, et ils étaient tellement
resserrés qu ’ils formaient comme un couloir étroit duquel
les enfants étaient maintenant prisonniers. Aussi réactif
que jamais, le garçon poussa la fille dans un interstice
entre les arbres et la roche, et fit de son mieux pour lui
expliquer qu ’elle devait rester là sans bouger. Il apprêta
son lance-pierres et glissa son petit couteau à la ceinture,
prêt à être dégainé, puis il s ’avança au milieu du couloir
pour affronter le chasseur.
Je ne pense pas qu ’il espérait remporter le combat, mais
ses options lui semblaient limitées. Il dut penser aux yeux
bleu-violet et se dire que s ’il arrivait à blesser le chasseur,
la fille pourrait encore s ’échapper. Quelques minutes plus
tard, leur poursuivant apparut. Il ralentit et prit son temps
en voyant le garçon. Il avait un arc sur le dos, et un très
grand couteau, mais il choisit de saisir la hache suspendue
à sa taille, suffisamment grosse et aiguisée pour trancher
un arbre. À n ’en pas douter, elle s ’enfoncerait dans un os
comme dans du beurre. Le chasseur était grand et élancé. Il
sourit d ’une joie malsaine en s ’avançant d ’un pas raide.
Le garçon savait que même en réussissant son meilleur
lancer au lance-pierres, il aurait tout autant de chances
d ’arrêter l ’homme qui approchait que s ’il s ’agissait d ’un ours
déchaîné. Certaines bêtes sont trop furieuses et affamées
pour se rendre compte qu ’elles ont été blessées, mais il se
prépara néanmoins.
Il ajusta son lance-pierres et le chasseur leva sa hache ;
puis il y eut un grondement pareil à une montagne qui se
serait frottée à une autre. Une chose pâle, mince et pleine
de dents tranchantes bondit depuis les arbres et s ’élança
sur le chasseur.
 Elle le frappa si fort qu ’il en perdit sa hache. Puis sa main.
Puis sa gorge.
Le garçon resta immobile, son lance-pierres toujours
armé, ses jambes paralysées, ses pieds comme pris dans de
la glace. Il n ’avait jamais rien vu de semblable à l ’animal qui
se trouvait alors en face de lui. Il avait quatre pattes, un
corps allongé, des dents (tellement de dents) aiguisées et
sanguinolentes… et des yeux bleu-violet.
***
La voix de Jurgis diminua peu à peu. Son regard se perdit
dans le lointain.
– Est-ce qu ’il lui a tiré dessus ? demanda l ’un des pages, le
souffle court.
– Non, répondit Jurgis en prenant une gorgée de la gourde
accrochée à sa hanche.
– Est-ce qu ’il s ’est enfui ? demanda Asny en se penchant
en avant, les yeux brillants.
– Non plus, répondit Jurgis d ’un hochement de tête.
– Mais alors… » L ’épéiste hésita. Il avait pris soin d ’affecter
un air désabusé tout au long de l ’histoire, mais l ’avait
depuis abandonné.
– Que s ’est-il passé ?
Jurgis porta le bol à ses lèvres et aspira le reste
du ragoût.
– Le garçon resta dans la forêt, dit-il. Il finit par retrouver
la route. Plus d ’une fois. Mais il ne l ’emprunta jamais.
– Et la fille ? demanda Asny.
– Oh, elle resta aussi, dit-il avec un doux sourire. Ils
connurent des hivers rudes après celui-ci, mais le climat le
plus rigoureux n ’atteignit jamais le cœur de la forêt. Même
les tempêtes savent qu ’il vaut mieux l ’éviter. » Il posa son
bol et se leva. « À présent, il faut que je reprenne ma route.
Merci de votre hospitalité. » Les autres se levèrent égale-
ment. Le marchand avait l ’air hésitant.
– C ’était une très bonne histoire, dit-il poliment. Elle appar-
tient au folklore local ?
– Oui, si on veut, répondit Jurgis en hochant la tête.
– C ’est censé être une forêt en particulier ? Celle de
votre histoire ?
– Oh, bien sûr. C ’est celle-là même, la forêt de Sanderas.
Le cœur de la forêt est très, très ancien, voyez-vous. Mais
parfois, ce qui y vit s ’aventure au-delà de ses frontières. C'est
pourquoi vous ne trouverez pas un seul habitant du coin
qui coupera l'un de ces arbres, ou qui voyagera avec vos
caravanes. » Il rajusta son épaisse cape et la grande hache
attachée par une lanière de cuir à son dos. « Suivez mon
conseil, dit-il. Empruntez la route à l ’ouest. »
Il hocha la tête en direction du groupe, et de façon plus
prononcée envers Asny, puis fit demi-tour en direction
des bois qui étaient maintenant complètement recouverts
par l ’obscurité. En partant, il poussa un sifflement grave :
quelque chose de bien trop gros pour être un chien bondit
à travers les arbres et le rejoignit, tout en poussant
des grondements sourds qui firent hennir les chevaux
d ’inquiétude. Ils marchèrent ensemble et disparurent
dans les ténèbres.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 9
 Introduction
ï
Ce livre est le second d ’une série de deux ouvrages décrivant L ’Eisen
les Nations de Théah. Dans le cadre de ces deux livres, nous L ’Eisen survit tant bien que mal au désastre quasi-total
avons réparti les pays entre est et ouest. L ’orient regroupe lesque fut la Guerre de la Croix. Vingt ans plus tard, le
Nations d ’Eisen, de Sarmatie, d ’Ussura et de Vodacce. Les nombre d ’habitants reste faible, principalement à cause des
pages qui suivent vous en offriront une description détaillée. Horreurs qui vivent sur ces terres. Se déplacer en Eisen est
une entreprise périlleuse, et voyager de nuit s ’apparente à
La situation actuelle une mission suicide.
Les pays orientaux ont subi des changements similaires à Le peuple s ’est uni autour d ’une identité nationale plus
ceux des pays occidentaux, et en sont sortis plus ou moins forte que jamais. Les Eisenörs aident leurs frères et sœurs,
indemnes : certaines Nations ont souffert mais sont parve- peu importe qu ’ils ou elles soient vaticins ou objectionnistes,
nues à se maintenir, d ’autres ont en revanche vu leur mode dans le but commun de chasser les Horreurs.
de vie bouleversé. Les Eisenfürsten rassemblent le peuple, et l ’idée d ’une
Un citoyen ordinaire d ’une Nation orientale mène une vie Nation unie autour d ’un seul régent apporte de l ’espoir.
meilleure que les habitants des pays voisins. Même si les La jeunesse veut apporter le changement, et survivre aux
systèmes de classes restent toujours bien ancrés, il y a plus Horreurs la rend plus forte. Les anciens se rappellent la
d ’espoir et plus de place pour y innover. Guerre et font leur possible pour que l ’Eisen devienne un
Les Nations orientales sont sur le point de changer, ou meilleur foyer. Grâce à tout cela, le peuple prospère malgré
l ’ont fait il y a peu. Pour chacune, ce changement peut être les difficultés, et la Nation est sur le point de faire un retour
signe de grandeur ou de tragédie. Pour beaucoup, la guerre en force dans les plus hautes sphères politiques de la Théah.
pointe à l ’horizon. Les peuples restent cependant optimistes,
car la noblesse et la paysannerie œuvrent de concert pour La Fédération sarmatienne
résoudre les problèmes de leur pays plutôt que de se diviser La Fédération sarmatienne a récemment acquis le statut de
selon les différentes classes. véritable démocratie. Au Sejm, tout le monde a le droit de
Chacune de ces Nations s ’inscrit dans une même théma- vote, qu ’importe son statut ou sa fortune. Même si cela a
tique : l ’espoir face au chaos. Même dans les endroits laissant peu d ’impact sur le quotidien d ’un paysan, il met ce droit
peu de place à l ’optimisme, la population croît et s ’adapte en pratique tout en apprenant que la volonté du peuple
aux changements. L ’Eisen se reconstruit lentement après peut être plus forte que celle de la noblesse. Un roturier
les ravages de la Guerre de la Croix : maintenant, le peuple a le pouvoir de changer les choses dans cette Nation, du
cherche un nouvel Imperator pour le guider. L ’Ussura hésite, moment qu ’il s ’organise avec d ’autres personnes. Un noble
partagée entre un nouveau Czar (ou Czarina) et une guerre est maintenant redevable au peuple comme il ne l ’a jamais
civile féroce. La Fédération sarmatienne se développe en une été auparavant.
démocratie nouvelle, mais l ’avenir de son gouvernement Le peuple a enfin le pouvoir de choisir son prochain
reste incertain. La Vodacce est au bord de la révolution monarque. Beaucoup soutiennent le fils du roi, Aleksy
tandis que les Princes complotent, et ceux qui s ’opposent à Nowak, et l ’appellent déjà Stanisław II. Pourtant, tout peut
leur règne injuste gagnent en force. changer : certains prétendants au trône se sont également
Contrairement à l ’occident, où les problèmes de chaque fait connaître, ce qui se traduit par des conflits de loyauté
pays ont des répercussions négatives sur les autres, les ainsi qu ’une hausse de l ’intérêt populaire pour la politique.
succès des Nations orientales impactent positivement leurs Le peuple sarmatien s ’identifie fortement en une Nation
voisins : l ’Ussura puise sa force dans l ’innovation eisenör, unique, mais des rancœurs immémoriales entre Rzeplitains
la Fédération tire son sens du devoir de l ’autorité ussurane, et Curoniens continuent de pimenter les relations.
la Vodacce cultive son sens de l ’honneur avec la nouvelle
noblesse de la Fédération, et l ’Eisen trouve de l ’espoir chez
tous ses voisins.

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 11
 L ’Ussura
L ’Ussura est au seuil de grands bouleversements, mais
elle n ’a personne pour la guider. La politique est au point
mort depuis que deux dirigeants légitimes se battent pour
gouverner le pays : la Czarina Ketheryna, femme du défunt
Czar, et le fils répudié de ce dernier, le prince Ilya. Le peuple,
le gouvernement et même la capitale de la Nation sont
désormais scindés en deux. Matushka, la patronne de la
Nation, n ’a pour l ’instant rien dit à ce sujet, et les préten-
dants essaient de prouver leur valeur, ce qui rend la décision
encore plus difficile pour le peuple.
La vie d ’un citoyen ussuran est simple, rythmée par des
règles rudimentaires que lui dictent les Leshiye, et voilà
qu ’aujourd ’hui il doit prendre une décision importante. En
attendant, les choses stagnent, et en l ’absence d ’un véritable
gouvernement, une puissance militaire est née et menace
d ’entraîner l ’Ussura dans la guerre. À moins, bien sûr, que
Ketheryna ou Ilya ne parvienne à renforcer ses prétentions
au trône, la Nation risque de sombrer dans la guerre civile.
La Vodacce
La Vodacce, le pays le plus traditionnaliste de toutes les
Nations orientales, n ’a pas de dirigeant unique : sept Princes
complotent les uns contre les autres, et contre leur propre
peuple. Sur ces sept Princes, trois sont à la tête de familles
suffisamment puissantes pour espérer prendre le contrôle de
la Nation et se déclarer Empereur. Cependant, la puissance
de chacune empêche justement toutes les autres d ’agir.
Il en faudrait donc peu pour renverser l ’équilibre. La
Vodacce pourrait dès lors sombrer dans la guerre civile, ou
un coup d ’État parfaitement organisé pourrait plus simple-
ment permettre à une seule famille de régner.
La population ronge son frein tant que règnent les Princes.
Les femmes cherchent un moyen de briser leurs entraves et
les paysans veulent juste gagner leur vie. Malgré les dissen-
sions au sein de la Nation, les vodaccis restent tout de même
incroyablement patriotes.
En Vodacce, les règles sont faites pour être enfreintes, c’est
pourquoi les lois qui régissent les vies des nobles et du peuple
sont sur le point d’éclater. Cela pourrait rapidement finir en
révolution, ce qui mettrait un terme à la guerre entre les Princes.
ï
12 Introduction
Ce que contient ce livre
Ce livre présente quatre chapitres : un pour chaque Nation
orientale. Ces chapitres fourniront à la fois des informations
et des nouvelles règles de Héros pour les personnages prove-
nant de la Nation concernée.
Chapitre premier : L ’Eisen
Le chapitre sur l ’Eisen comporte des informations détaillées
sur les Eisenfürsten, ainsi que sur la puissance militaire de la
Garde de fer et des söldners du Drachenblut, une nouvelle
organisation ayant pour but de protéger l ’Eisen. Y sont
aussi décrits les personnages importants de la Nation, ainsi
que des gens ordinaires aux destins extraordinaires.
Les Sociétés secrètes et leur fonctionnement en Eisen
sont passés au crible dans ce chapitre, notamment le
Kinder von Morgen, un groupe de Rilasciare très organisé
qui veut instaurer la démocratie en Eisen. L ’Hexenwerk
est également développé, ainsi qu ’un nouveau type d ’hexen
qui traquent des créatures autres que les Horreurs et créent
divers Onguents avec leurs restes.
Les duels en Eisen sont approfondis, avec un focus expli-
quant pourquoi les Duellistes remplissent de facto le rôle
d ’arbitres. Un nouveau Style de Duel, le Kummerholt, est
également proposé. Les différentes Horreurs qui peuplent
l ’Eisen y sont enfin examinées en détails.
Chapitre deux :
La Fédération sarmatienne
La famille royale et les notables politiques de la Fédération
sarmatienne sont décrits dans ce chapitre.
Les Sociétés secrètes et leur façon d ’opérer dans la
Fédération y sont développées, ainsi que le très noble et
vénérable ordre des Lettres, une faction des Chevaliers de
la Rose et de la Croix qui cherche à ranimer la chevalerie
dans le pays. Les concepts du Sanderis et les différentes
factions au sein des losejai et du Ratas sont passés en revue
dans ce chapitre, et le fonctionnement du Septième Marché
y est révélé.
Les duels dans la Fédération sarmatienne et l ’avène-
ment de plusieurs ordres de chevalerie différents y sont
examinés. Un nouveau Style de Duel, le Szybować, est
également présenté. Enfin, cette partie décrit les légendes
de la Fédération sarmatienne, des célèbres dievai à l ’arbre
aux pendus, en passant par les Chevaliers d ’argent et la
Semaine des rusałki.
Chapitre trois : L ’Ussura Comment utiliser ce livre
Dans ce chapitre sont proposés des rapports détaillés sur Ce livre est un supplément pour le Livre de Base de
Ilya et Ketheryna, les deux prétendants au trône, ainsi que 7e Mer : Deuxième Édition. Vous devrez donc avoir
sur plusieurs autres membres importants du gouverne- accès à ce dernier pour profiter de Nations de Théah
ment ussuran. Volume Deux. Les informations contenues dans cet
Les Sociétés secrètes et leur fonctionnement en Ussura ouvrage visent à permettre de mieux comprendre l ’univers
sont examinés, et les Ushkuiniks, la branche fluviale de la de jeu, aussi bien aux joueurs qu ’au Maître du jeu. Chaque
Fraternité de la côte, sont présentés. Ce chapitre contient Nation offre des informations supplémentaires pour
des informations sur Tură, l ’esprit qui offre sa bénédiction conférer à ses Héros une histoire et un passif riches. Des
aux maudits de Chernobog. personnages des différents pays sont inclus, et le MJ peut les
Les duels en Ussura, où les prises et les combats à mains utiliser tels qu ’ils sont décrits dans ces pages, ou les modifier
nues sont monnaie courante, sont ici décrits, et le Style de pour qu ’ils s'adaptent à son histoire.
Duel du Kulachniy Boi y est présenté. Les légendes ussu- Si les informations fournies dans ce livre sont présentées
ranes, qui contiennent les fleurs ensorcelées, les Leshiye, les avec le regard d'un autochtone, d'autres pourront tout aussi
domoviye, les rusalki, les vodyanoi et les upirs, sont égale- bien y avoir accès. Chaque chapitre révèle des secrets sur
ment développées dans cette partie. la population et les lieux du pays concerné. C ’est au MJ de
décider quelles informations sont connues de tout le monde
Chapitre quatre : La Vodacce et lesquelles sont réservées aux habitants de chaque Nation.
Le chapitre sur la Vodacce décrit les notables de la Nation, Les nouvelles mécaniques présentées dans chaque chapitre
des Princes aux courtisanes importantes en passant par les donnent de nouvelles possibilités aux Héros, mais il n ’est
Héros qui essaient de survivre dans ce pays Malfaisant. pas obligatoire de les inclure dans vos parties. Les nouveaux
Chacune des Sociétés secrètes et leur fonctionnement Historiques, Sorcelleries et Avantages s ’ajoutent aux précé-
en Vodacce sont ici examinés, par exemple le Philosophi dents et les complètent plutôt que les remplacer. Le MJ
Sanguinis, un groupuscule de membres du Collège invi- décide seul d ’autoriser ou non ces options dans ses parties.
sible qui se livrent à des expériences occultes. La Sorte y est
développée, de la formation des nouvelles Streghe à ce qui
se produit quand une sorcière de la Destinée fait appel à ses
pouvoirs sans entraînement adéquat.
Les duels en Vodacce sont présentés dans ce chapitre. Le
Style de Duel Le Strade est décrit ici. Enfin, les légendes
vodaccis sont détaillées, des créatures qui cherchent à punir
les mauvaises personnes et à récompenser ceux qui sont bons,
aux différents Monstres qui hantent les campagnes vodaccis.

Annexes
Ici sont présentés divers nouveaux Avantages disponibles
pour n ’importe quel personnage, ainsi que de nouveaux
Historiques pour chacune des quatre Nations présentées
dans ce livre.

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 13
Chapitre 1
L'Eisen
 L'EISEN
« Nous étions autrefois un pays de drachens et de Héros chevauchant
des montures resplendissantes pour aller combattre des monstres. Nous
étions alors prospères et plein de promesses. Nous étions alors beaucoup
de choses. Voici ce que nous sommes devenus. Mais laissez-moi vous dire
une chose : nous restons fiers, et il reste beaucoup de monstres à défaire. »
—Vétéran inconnu de la Guerre de la Croix, Freiburg

Si vous prononcez le mot Eisen n ’importe où en Théah,
on vous racontera des histoires de bêtes terrifiantes, de
montagnes où les drachens ont un jour vécu et de vastes
étendues de terre imbibées du sang d ’armées depuis long-
temps disparues.
La Guerre de la Croix a décimé toute une génération de
Théans, tué et traumatisé la population eisenör et ravagé le
pays. La Nation s’est écroulée, sa monarchie fut détruite et
son industrie réduite à néant. Aujourd’hui, des Monstres
s’y promènent en liberté et d’anciens soldats se battent pour
aider le peuple à survivre face à des cauchemars que le reste
de la Théah n’imagine même pas. L’Eisen lutte pour s’unir et
se reconstruire dans un monde qui se modernise sans cesse.
Une nouvelle génération a atteint l’âge adulte depuis la
Guerre, et les souvenirs incessants d’un conflit auquel elle n’a
pas pris part agacent les jeunes eisenörs. Le respect qu’elle a
pour ses aînés se mêle à la frustration de voir son pays obnu-
bilé par son passé alors que le futur semble si incertain.
La Nation compte sur les sept Eisenfürsten pour la guider
vers un lendemain meilleur. Malheureusement, ceux-ci
n ’arrivent pas à se mettre d ’accord sur l ’aspect dudit lende-
main, ni sur qui devrait régner.
Et puis, il y a les Horreurs. Dans tous les recoins d ’Eisen,
des ombres les plus sombres naissent des bêtes terrifiantes
prêtes à attaquer, corrompre et détruire. Être un enfant en
Eisen signifie naître pour combattre, survivre aux Horreurs

ï
et protéger la population, jour après jour.

16 Chapitre 1 : L'Eisen
Rebâtir une Nation
Vingt ans se sont écoulés depuis la fin de la Guerre de la
Croix et l ’Eisen a encore du mal à se rétablir. On pour-
rait croire que les Horreurs qui saccagent les campagnes
constituent les plus gros obstacles à la reconstruction de la
Nation, mais l ’absence d ’un dirigeant unique n ’aide en rien.
De surcroît, la population eisenör est nettement diminuée :
personne ne laboure les champs ou n ’y travaille. L ’émigra-
tion pose un gros problème, car les Horreurs font fuir les
gens vers les pays plus sûrs, et peu de nouveaux venus
restent durablement.
Ce dont l ’Eisen ne manque cependant pas, c ’est d ’argent.
Même le bauern le plus pauvre est plus riche que les paysans
de beaucoup d ’autres Nations. Les adels possèdent des
richesses insoupçonnées qu ’ils ne peuvent pas vraiment
dépenser. La main-d ’œuvre est une denrée rare, c ’est pour-
quoi un ouvrier qui entretient les terres d ’un adel peut
s ’attendre à une paye généreuse. Beaucoup d ’Eisenfürsten
s ’évertuent à rallier la population sous leur protection, allant
souvent jusqu ’à offrir d ’énormes récompenses pour le labour
d ’un petit lopin de terre peuplé d ’Horreurs.
Les autres Théans voient bien le potentiel du peuple et
des terres eisenörs, et ils prodiguent leur aide du mieux
qu ’ils le peuvent. La Ligue de Vendel aimerait soutenir la
population, mais seule une poignée d ’Eisenfürsten prend
la peine de traiter avec elle, limitant la portée de son aide.
La majorité des Eisenörs est de confession objectionniste,
bien qu ’il subsiste quelques poches de résistance vaticine
ici et là. La population en a toutefois tellement assez de
la religion que beaucoup se sont complètement détournés
de Theus.
Ceux qui restent en Eisen sont férocement loyaux
envers leur Nation et luttent pour qu ’elle redevienne
un endroit sûr ou, à défaut, pour former de petits îlots
où les gens peuvent vivre en sécurité. Quiconque vit en
Eisen s ’entraîne aux arts de la guerre par nécessité. Peu
d ’Eisenörs succombent aux Horreurs après l ’âge de dix
ans puisque, passé ce cap, ils sont parfaitement rompus
aux techniques les plus efficaces pour tuer ces créatures.
Leur dévouement et leur talent suffiraient à repousser les
Horreurs, s ’ils arrivaient à s ’organiser.
Au fait de cette vérité, plusieurs factions ont fleuri à travers
le pays, et chacune a proposé un nouvel imperator en vue
de rétablir la stabilité et la sécurité. Malheureusement, elles
n ’arrivent pas à s ’entendre sur les meilleures solutions à
prendre, certains candidats ne voulant même pas de ce poste.
De plus, certains Eisenfürsten s ’accommodent parfaite-
ment de ce manque d ’instances gouvernementales et de
lois. Ceux qui ne convoitent pas eux-mêmes la place font
donc tout leur possible pour empêcher l ’avènement d ’un
nouvel imperator.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 17
 Personnages notables
Les Eisenfürsten
Avant la Guerre de la Croix, la lignée du dirigeant de l’Eisen
remontait sur d’innombrables générations. La mort de
l’imperator Riefenstahl a laissé un vide que les politiciens ont
tenté tant bien que mal de remplir durant ces vingt dernières
années. Sans personne pour gouverner, le pays s’est scindé
en sept königreiche régis par les anciens barons de la Nation.
Depuis, ces nouveaux Eisenfürsten ont renforcé leurs terri-
toires et dirigent leur part du pays comme bon leur semble.
Maintenant que le peuple désire un dirigeant plus stable,
chaque Eisenfürst représente donc un candidat potentiel.
Chacun dirige son königreich à sa manière : leurs points de
vue politiques sont différents, leur façon de gouverner leurs
terres également. Les Eisenfürsten ont tous conservé une
cour de conseillers, chacun œuvrant pour son commerce
et les intérêts des gens qu ’ils représentent. Cependant, le
peuple d ’Eisen est férocement dévoué et soutient ses diri-
geants malgré les doutes qu ’il peut avoir à leur égard.
Qui cherche de l’aide, des informations ou des faveurs à
échanger comprend rapidement que c’est à la cour des Princes
de fer qu’il obtiendra ce dont il a besoin. Les Héros trouve-
ront là-bas des Eisenfürsten empêtrés dans leurs manœuvres
politiques, toujours à la recherche de nouveaux alliés ou merce-
naires, voire d’ennemis à manipuler selon leurs objectifs secrets.
ï
18 Chapitre 1 : L'Eisen
Niklas Träge
L’Eisenfürst le plus mystérieux est sans doute aussi le plus
apprécié de tous. Niklas Träge n’est pas né baron, mais la
découverte pendant la Guerre de la Croix d’une cache secrète
de dracheneisen, au fond d’une grotte montagneuse, permit à
cet ancien roturier d’acheter un titre sous le règne de l’impe-
rator. Tout le monde oublie de préciser que Träge ne trouva
les armes et l’armure qu’après avoir perdu son unité sur le
champ de bataille et s’être mis à errer : le pouvoir de l’argent
et du prestige suffit à dissimuler tout déshonneur aux yeux du
public. Träge, en revanche, ne s’est jamais pardonné sa défaite
et porte, aujourd’hui encore, les cicatrices de la guerre.
Lorsque la Guerre prit fin, les autres Eisenfürsten et la
population s’attendaient à ce que Träge s’occupe du köni-
greich qui lui incombait. Au lieu de ça, il passa plus de dix ans
à écumer les champs de bataille profanés pour combattre les
Horreurs et essayer d’oublier ses erreurs commises pendant
le conflit. À court d’argent, il regagna un königreich en ruines
qu’il entreprit de rebâtir. Il fonda ainsi Freiburg, la Cité libre.
Depuis, Träge, accompagné de bouteilles de vins et de ses
souvenirs, observe du haut de sa Tour de guet toutes celles
et ceux qui participent à sa grande expérience sociale, sur ses
terres dépourvues de législation centralisée.
 Träge, en homme solitaire, est encore hanté par le
sentiment d ’avoir démérité et par les atrocités qu ’il a
vues pendant la Guerre. De tous les Eisenfürsten, il est
le seul dépourvu de grandes ambitions politiques ; il
consacre plutôt son temps à entretenir Freiburg pour ses
gens et à empêcher les autres Eisenfürsten de lui spolier
ses ressources ou son influence. Träge a beau savoir que
beaucoup le considèrent comme un prétendant idéal à la
chancellerie, voire au trône, il n ’existe presque rien sur Terra
qui pourrait le pousser à endosser un tel rôle.
La gestion de Freiburg représente le plus haut niveau de
responsabilités que Träge est prêt à endosser. Il dépend
beaucoup de son bras droit, Wilma Probst, pour garder
un semblant de contrôle sur la Cité libre et le reste du
königreich, et éviter qu ’ils ne soient réduits en cendres.
Féru de poésie et de connaissances, Träge accumule les
ouvrages dans sa bibliothèque. Son bien le plus précieux
est le gantelet de l ’imperator, un souvenir du grand dirigeant
eisenör tristement disparu.
Roswitha von Wirsche
Roswitha von Wirsche était l ’épouse d ’un jeune baron
quand, à l ’aube de la Guerre, son mari Reinhard et ses fils
Edgar, Frederick et Siegrud partirent au front. Roswitha,
une beauté au sang vesten, vit son monde s ’écrouler
lorsque toute sa famille périt au combat. Elle s ’isola alors,
et d ’aucuns crurent que son beau-frère allait reprendre
le contrôle de la baronnie. Contre toute attente, elle se
présenta bel et bien à la première réunion des Eisenfürsten,
émergeant de sa retraite en femme changée. Sa beauté et
sa force renouvelées, elle reprit avec vigueur le contrôle de
ses terres. Quant au frère de son mari, nul n ’entendit plus
jamais parler de lui.
Durant les vingt années qui suivirent, Roswitha œuvra avec
acharnement pour reconstruire son territoire, et ce jusqu’à ce
que la terre refleurisse. Wirsche devint dès lors un symbole
pour l’Eisen, ainsi qu’un königreich protégé par une division
de la Garde de fer éperdument dévouée à sa baronne.
Cet immense succès détourne l ’attention du reste de
l ’Eisen des rumeurs évoquant les mystérieuses disparitions
de serviteurs et de voyageurs à proximité du manoir de la
baronne Wirsche, à Siegburg (rumeurs désignant évidem-
ment Roswitha comme responsable). Des corps exsangues
ont effectivement été découverts, et beaucoup commencent
à remarquer que la baronne n ’a pas pris une ride en vingt
ans. Ceux qui connaissent les Monstres d ’Eisen murmurent
d ’ores et déjà des mots terribles à son sujet : buveuse de sang.
Mais sans preuve irréfutable, il est impossible d ’accuser l ’une
des femmes les plus puissantes du pays. C ’est pour cela que
même ses détracteurs gardent le silence.
Pendant ce temps, Roswitha continue de faire croître
Wirsche en alternant savamment entre la carotte et le
bâton : elle récompense les travailleurs consciencieux et
menace d ’envoyer sa Garde de fer chez ceux qui prennent
du retard par rapport à ses objectifs de productivité.
Aux yeux du reste du monde, la baronne apparaît comme
une dirigeante impitoyable mais efficace qui se consacre à
la croissance prospère de son königreich. Grâce au dévelop-
pement de son territoire, elle est en bonne position pour
prendre le contrôle du pays, une ambition que soutient
Heinrich Dray, le chef de la Garde de fer de Wirsche et son
amant dévoué. Ce dernier a publiquement ordonné à Niklas
Träge, l'Eisenfürst de Freiburg, de remettre le gantelet de
l'imperator à Roswitha pour qu ’elle prenne le pouvoir. Nul
ne sait si le message vient de la baronne elle-même mais une
chose est sûre : aidée par sa Garde de fer, Roswitha a peu à
peu conquis des territoires d ’autres königreiche, et personne
ne semble capable de l ’arrêter.
Elsa Pösen
Situé au nord et bordant la mer, le territoire de Pösen fut rela-
tivement épargné par le conflit et sortit quasiment indemne
de la Guerre de la Croix. L’impression de paix n’empêcha
cependant pas Elsa, la fille du baron, de se rendre dans le sud
avec les meilleures troupes de son père pour faire participer
les armées de Pösen à l’effort de guerre. Cette dernière se
démarqua en tant que chef émérite et guerrière héroïque.
À la mort de son père, Elsa était donc le meilleur choix
pour reprendre les rênes du königreich. La jeune baronne se
retrouva alors à la tête d ’un des derniers foyers intacts de la
culture eisenör d ’avant-guerre. C ’est alors que les véritables
ennuis débutèrent.
À la fin de la Guerre, les Horreurs surgirent des marais
recouvrant le pays et assiégèrent Pösen. De retour des
combats, les guerriers n ’eurent aucun répit et furent préci-
pités dans une bataille rangée pour secourir leurs familles
et leurs foyers contre toutes sortes de Monstres. Elsa se
mit aussitôt au travail en organisant sa Garde de fer et en
recrutant d ’anciens soldats pour effectuer des patrouilles
aux frontières.
Brillante stratège, la baronne utilisa l’arrivée des Horreurs à
son avantage en mettant en place des convois militaires louant
leurs services aux marchands itinérants pour les protéger
dans leurs voyages vers le sud du Vestenmennavenjar.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 19
 Grâce aux profits générés par cette entreprise, Elsa rénova
ses ports pour que Pösen puisse contrôler l’import et l’export
de marchandises en Eisen, renforçant ainsi sa position et celle
de sa cité en tant que modèles pour la renaissance du pays.
La baronne demeure toujours une guerrière fière et arro-
gante, aussi à l ’aise pendant un combat contre des Horreurs
que lors de ses disputes avec les autres Eisenfürsten. Mais
sous son arrogance se cache un esprit astucieux. En secret,
Elsa a commencé à soutenir Falk Fischler, ainsi que le
Drachenblut pour que son jeune commandant, Rosamund
Roth, puisse devenir l ’Héroïne dont l ’Eisen a véritablement
besoin pour redevenir un pays unifié.
Stefan Heilgrund
De tous les Eisenfürsten, seul Stefan Heilgrund n ’a jamais
connu les horreurs de la Guerre de la Croix. Né à la fin du
conflit, Stefan est le plus jeune des dirigeants d ’Eisen. Il
croit ardemment qu ’il faut oublier le passé et se battre pour
un avenir nouveau et plus dynamique. Stefan était le fils
unique du vieux baron Peter Heilgrund, né dans les vieux
jours de l ’ancien commandant militaire. Peu de temps après
la mort de son père, le jeune Stefan a ravi le contrôle de la
baronnie à ses oncles plus âgés et s ’est mis à la diriger à
grand renfort de fougue juvénile et de réformes agressives.
Stefan lui-même se soucie peu des problèmes quoti-
diens qui vont de pair avec la régence de son königreich,
car il porte son regard bien au-delà : la gouvernance de
l ’Eisen même.
Stefan se croit l ’homme parfait pour unir l ’Eisen et la
guider vers l ’avenir, une conviction qu ’il admet bien volon-
tiers, y compris face aux autres Eisenfürsten. Très peu
apprécié des autres Princes de fer qui aiment à le tourner en
dérision, Stefan recherche sans cesse de nouvelles démons-
trations de son pouvoir, toujours plus radicales, afin de
gagner en influence parmi ses pairs.
Le baron partage son temps entre les excursions à cheval
avec sa Garde de fer (lors d ’impressionnantes parades
de « commandement militaire ») et l ’étude de tout ce qui
touche de près ou de loin à l ’occulte, grâce à une gigantesque
bibliothèque d ’ouvrages débordant de savoirs recueillis
sur toute la surface de Terra. Stefan pense que la clé pour
remporter le trône d ’Eisen est de découvrir une solution
magique pour se débarrasser des Horreurs. Dans ce but, il
a financé de nombreuses expéditions, à la fois dans toute
l ’Eisen et ailleurs dans le monde, à la recherche de reliques
syrneth et d ’os de drachens. Selon lui, cette combinaison
renferme le secret d ’un pouvoir gigantesque pour qui le
ï
manierait, à condition de réussir à en percer les mystères.
20 Chapitre 1 : L'Eisen
Falk Fischler
Falk Fischler est une mise en garde vivante sur les erreurs
de jeunesse. D ’origine modeste—il est le deuxième fils d ’un
marchand ayant eu des problèmes d ’argent—cet Eisenfürst
de cinquante-deux ans finit par épouser une voyageuse
ussurane sans le sou. Malgré leur manque de moyens, Falk
vécut heureux avec sa femme Olga.
Lorsque la Guerre de la Croix atteignit leur ville, Falk resta
loin du front à cause de sa santé fragile. Son père et son
grand frère partirent quant à eux au combat. En compen-
sation de la mort de Dieter, le fils aîné, la famille Fischler
reçut un titre et des terres prises aux territoires de Sieger
et Hainzl. À la mort de son père, peu de temps après, Falk
hérita du titre.
Falk se retrouva submergé par les devoirs d ’un Eisenfürst.
L ’une de ses premières décisions fut de faire emménager sa
famille dans une toute nouvelle villa dans les montagnes, un
endroit digne d ’un nouveau baron. Mais le drame frappa
en même temps que les Horreurs. Falk survécut à l ’attaque
avec sa jeune fille, Ketheryna, mais les Monstres massa-
crèrent Olga.
Désireux de donner toutes ses chances à Ketheryna, Falk
voulut lui bâtir une baronnie dont elle serait fière. Obsédé
par l ’idée de la protéger, il l ’envoya à la cour ussurane, où
elle finit par attirer l ’attention du Czar. Surexcité à l ’idée
que sa fille devienne un jour reine, il accepta la demande
en mariage sans même lui demander sa permission. Cette
décision creusa un fossé entre eux, et ils ne se sont plus
parlé depuis.
Loin de sa fille adorée, Falk voit son königreich souffrir.
Chaque coup de filet dans le lac Südsee rapproche d ’autant
l ’industrie de la pêche de la ruine, les prises se faisant de
plus en plus maigres et chétives. Les nobles se sont partagés
le pouvoir et opèrent leurs manœuvres politiques en toute
impunité, sans aucun respect pour son gouvernement. Loin
en Ussura, Ketheryna est devenue une prétendante au trône,
ce qui emplirait son père de joie si elle daignait simplement
lui parler. Pire, même sa propre Garde de fer semble s ’être
retournée contre lui. Elle accepte désormais les pots-de-vin
pour protéger les nobles plutôt que les roturiers.
Seul le Drachenblut, une nouvelle organisation ayant pour
but de protéger l ’Eisen, semble prêt à l ’aider à défendre son
territoire depuis son siège dans les montagnes à l ’ouest. Son
appel plein d ’émotions à retrouver la gloire et l ’influence
eisenörs d ’antan est la seule chose qui arrive à tirer le baron
de sa mélancolie et l ’inciter à l ’action, lui inspirant des actes
de bravoure pour la première fois de sa vie.
 FANTASMES
Erich Sieger Certains disent de Niklas Träge qu’il est lâche et naïf,
Le désespoir d ’Erich Sieger l ’a transformé en un individu alors qu’il souhaite simplement oublier les horreurs
remarquablement déterminé et féroce. Erich gouverne qu’il a vues. Replié sur lui-même, il s’entoure de
rappels de la grandeur passée de l’Eisen, contraire-
le königreich de Sieger depuis la guerre de la Croix. Le
ment à son pair, Hainzl, qui vit quant à lui dans un
jeune Erich était alors un idéaliste et un fervent partisan de conte de fées. Ce dernier n’est heureux que si son
l ’imperator, ainsi qu ’un objectionniste dévoué. Il croyait que entourage l’aide à répandre sa croyance selon laquelle
ses services pour la Nation et son dirigeant lui attireraient le monde est toujours aussi bon et charmant.
les faveurs de l ’imperator. À la place, Erich assista, impuis-
sant, au découpage de Sieger par Riefenstahl pour créer la S ’ils mènent tous les deux une vie obscurcie par
leurs fantasmes, la population de chaque königreich
baronnie Fischler.
ne les perçoivent pas de manière identique. Träge
À l ’origine, Sieger s ’étendait au sud et à l ’ouest, ce qui en est un visionnaire qui vit reclus. Il a de grandes
faisait un territoire clé pour les forces d ’invasion montagi- idées mais ignore comment les mettre en pratique.
noises et castillianes. Beaucoup des pires conflits de la Guerre Même si son isolement paraît lâche, la population
ont complètement dévasté la population et réduit des villes de Freiburg lui est reconnaissante de ses actes.
entières en cendres. Erich espérait qu ’avec la paix, il pourrait Hainzl, en revanche, ignore tout des menaces réelles
qu’affronte son peuple au quotidien. Ses fantasmes
rétablir ses terres, mais l ’imperator avait d ’autres idées en tête.
font activement du mal à ses gens, et bien qu’il lui soit
À l ’aube de sa chute, le dirigeant décida de scinder la partie agréable de penser que l’Eisen n’a rien perdu de sa
sud du reste de Sieger pour l ’offrir à la Castille, au cas où un beauté, ce n’est tout simplement pas la réalité, et cela
accord de paix venait à voir le jour, décision que respecta le ne le sera jamais tant que les Horreurs n’auront pas
Traité de Weissburg à la fin de la Guerre. été éliminées.
Désireux de conserver le peu de terres qu ’il lui restait,
Erich ordonna à ses paysans de saler les champs pour national que l’on façonnait en de formidables armes et armures.
entraver les envahisseurs. Entre les champs abîmés et les Bien que les veines de dracheneisen soient aujourd’hui épuisées,
Horreurs, plus personne ne voulait vivre en Sieger, pas les montagnes possèdent de riches gisements d’argent, de mine-
même ses propres occupants. Au cours des vingt dernières rais et de gemmes qui tombent directement dans les coffres
années, les gens ont fui le königreich pour se réfugier dans d’Hainzl. Georg utilisa cet argent pour rénover une partie de
le reste de la Théah et au-delà des mers, et ainsi reconstruire la Nation. Pendant que les armées d’envahisseurs se dirigeaient
leur vie. Seuls Erich et ses fidèles les plus loyaux sont restés, droit vers Wirsche, à l’ouest, ou Sieger, à l’est, Hainzl resta rela-
avides de conserver le peu qu ’il leur restait. tivement épargnée dans les montagnes, et put ainsi amasser des
Sieger est vieux, épuisé et souffrant. Frappé de crises de fortunes et accueillir des réfugiés.
rage, sujet à une dangereuse paranoïa, il est rongé par l ’idée Beaucoup pensent que l’intérêt d’Hainzl pour la beauté vient
que le monde veut lui dérober le reste de ses terres. Et pour des tragédies qu’il a vécues. Ce n’est un secret pour personne :
ne rien arranger, Wirsche a entamé des manœuvres pour Georg a perdu sa famille à cause de la Guerre. La plupart
annexer des parcelles de son territoire. croient que la perte de son amant, Kurt, un musicien tué par
les Horreurs alors qu’il se rendait à un festival à Freiburg, a
Georg Hainzl provoqué son isolement. Il doit maintenant diriger seul sans
Lorsque les temps sont durs, certains préfèrent accueillir à le soutien de ses êtres aimés, et ses conseillers chuchotent qu’il
bras ouverts la sinistre réalité qui les entoure. D ’autres choi- ne serait plus capable de supporter la pression liée à sa charge.
sissent d ’ignorer les difficultés de cette réalité, comme Georg Au lieu de ça, Hainzl se plonge dans la musique et le beau
Hainzl, baron des terres de Hainzl au nord-ouest de l ’Eisen. en hommage à son Kurt disparu et à sa famille à laquelle
En homme généreux et sociable, Georg Hainzl refuse il s ’efforce de rendre honneur. Seuls sa Garde de fer et le
d ’accepter la décrépitude de sa Nation ; à la place, il incite Drachenblut, basé dans les montagnes, empêchent les
les gens à voir le pays pour ce qu ’il pourrait être : un lieu Monstres qui rôdent en Eisen d ’engloutir le königreich tout
d ’aventures incroyables à la beauté sauvage. D ’aucuns appré- entier. Les autres Eisenfürsten, en particulier Elsa Pösen,
cient sa vision romantique, mais la plupart le pensent fou. l ’exhortent à plus de rigueur, mais Georg n ’en a cure. Trop
Le règne de Georg Hainzl repose sur l’exploitation minière occupé à dilapider son argent pour embellir la ville et orga-
des menaçantes montagnes de Dracheneisen. Ces montagnes niser des fêtes extravagantes et des concerts, il ne se rend

ï
historiques étaient la source du dracheneisen, le célèbre fer pas compte des dangers qui l ’entourent.

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 21

 Le Drachenblut
Autrefois, l ’Eisen était un pays de tribus guerrières et de
créatures monstrueuses, les drachens, qui chassaient sur les
terres et dormaient sous les montagnes dorénavant connues
sous le nom de Dracheneisen. Personne ne sait exactement
ce qui leur est arrivé, mais la légende des Héros qui tuèrent
les drachens par le passé a traversé l ’Eisen et les âges jusqu ’à
cette période de troubles. Pour la population, les drachens
sont des icônes importantes : ils symbolisent un pouvoir
dormant, attendant d ’être réveillé dans tout le pays. Dans
les années de l ’après-guerre, sans aucun chef pour unifier le
pays, les Eisenörs eurent besoin d ’une telle figure autour de
laquelle se rallier.
Ainsi naquit le Drachenblut. Ses membres, en grande
partie des chevaliers errants, des Gardes de fer désabusés
et d ’anciens soldats, se sont organisés autour d ’une idée
fondatrice : pour guérir l ’Eisen, ses guerriers doivent
devenir aussi forts et puissants que les drachens. Une
recrue potentielle doit traverser toute l ’Eisen et affronter
l ’ascension périlleuse de cols de montagne infestés
d ’Horreurs pour atteindre Burg Wachesherz, le foyer du
Drachenblut. Là, il s ’entraînera pendant trois ans avant de
rejoindre l ’organisation.
Sous la bannière d ’un drachen doré aux ailes déployées,
les chevaliers s ’élancent au secours de la population d ’Eisen
pour la protéger de tous les dangers, Horreurs comprises.
La vision de ces puissants guerriers montés arrivant en ville
pour sauver la situation en a incité plus d ’un à déclarer que
les Drachenbluts sont les véritables sauveurs d ’Eisen et
qu ’ils la guideront peut-être vers l ’avenir.
Les membres de l ’ordre qualifient leur chef, le vétéran de
guerre Rosamund Roth, de candidate sérieuse à la chan-
cellerie, voire au rôle d ’imperator. Rosamund n ’a jamais
publiquement nié son intérêt pour diriger, mais elle préfère
concentrer ses efforts sur le Drachenblut et l ’extermination
des menaces monstrueuses dans le pays. Ceci mis à part, le
groupe se désintéresse complètement de la politique, préfé-
rant se mettre au service du plus grand bien pour toute la
population d ’Eisen.
Le Drachenblut connaît des détracteurs. La Garde de fer
s ’irrite de ce qu ’elle perçoit comme une menace directe à
ses attributions militaires et de maintien de l ’ordre. Des
groupes de Gardes de fer ont d ’ailleurs déjà affronté des
guerriers du Drachenblut dans plusieurs königreiche pour
une question de juridiction, et pour cause : les Drachenbluts
ayant juré fidélité à toute l ’Eisen, ils parcourent toutes ses
régions pour y rendre justice.
ï
22 Chapitre 1 : L'Eisen
Les rites initiatiques du Drachenblut nourrissent tous les
fantasmes de la population. Il circule des rumeurs de recrues
qui se baignent dans le sang des monstres, mangent le cœur des
animaux ou mordent leur peau à pleines dents, comme l’aurait
fait un drachen. Personne ne sait véritablement si ces rumeurs
sont fondées ou si elles visent à retourner la population contre
l’organisation. Burg Wachesherz est si isolé que peu s’y rendent
sans la permission du Drachenblut, et rares sont ceux qui en
repartent vivants. Si la population s’interroge sur les méthodes
et les intentions du Drachenblut, tout le monde s’accorde à dire
qu’il s’agit d’une force du bien, puissante et Héroïque, dans une
Eisen à genoux qui peine à se rétablir.
L’organisation recrute. Au vu des problèmes omniprésents
en Eisen, le Drachenblut répand son message par monts et
par vaux : rejoignez le sang des drachens, devenez une force
de changement qui ébranlera les fondations du monde. Un
nouveau membre n’a qu’à faire son pèlerinage jusqu’à Burg
Wachesherz après avoir reçu la recommandation d’un
membre du Drachenblut, puis survivre aux épreuves ardues,
avant de pouvoir chevaucher sous la bannière au drachen doré.
Les Drachenbluts travaillent parfois avec die Kreuzritter,
même si leurs méthodes ne plaisent pas au groupe de chas-
seurs d ’Horreurs. Die Kreuzritter craint que le Drachenblut
ne tombe en proie à la Malfaisance. Ils accueillent égale-
ment les hexen dans leurs rangs dès qu ’ils en trouvent.
Récemment, les Drachenbluts ont annoncé le début d ’une
quête pour retrouver davantage d ’armes en dracheneisen,
une décision accueillie par un mélange de dérision et de
colère au sein des Princes de fer et de leur Garde de fer.
La Garde de fer
Peu de forces armées en Théah inspirent autant la peur
et le respect que la Garde de fer eisenör. Ces protecteurs
loyaux existent depuis la naissance de la Nation sous le
règne de Stefan le Grand et, dès lors, n ’ont eu de cesse d ’être
au service du dirigeant et du peuple d ’Eisen. Le comman-
dement de la Nation étant aujourd ’hui remis en question,
la Garde de fer s ’est scindée en sept petites armées privées,
chacune loyale à l ’un des Eisenfürsten. Chaque corps armé
protège donc son königreich en suivant le serment de rallie-
ment : Geschmiedet aus eisen, Gehärtet in blut. « Forgé dans
le fer, Trempé dans le sang. »
Les Eisenfürsten acceptent des guerriers venus de toute
l ’Eisen. Roturiers ou nobles, tous peuvent avoir l ’opportu-
nité de mettre leur vie de côté pour décrocher une place
dans la Garde. Une recrue doit déjà savoir pister, se battre
à l ’épée et chevaucher avant le début de son entraînement,
qui compte parmi les plus difficiles au monde. Elle doit
également se procurer une lettre de recommandation de la
part d ’un notable de son königreich natal, et ce avant même
d ’être reçue par le responsable du recrutement et les chefs
de division qui examineront sa candidature.
Beaucoup de recrues potentielles ne finissent pas l’entraîne-
ment, mais ceux qui y parviennent comptent parmi les plus
redoutables combattants du pays. Le secret de leur aptitude
martiale supérieure réside dans leur capacité à œuvrer de
façon homogène. Les unités de Gardes de fer, composées de
vingt soldats, fonctionnent comme un seul homme. Elles sont
entraînées à anticiper les mouvements de leurs camarades et à
se déplacer de concert sans qu’aucune parole ne soit nécessaire.
Les membres de la Garde de fer s’entraînent pour se protéger
mutuellement, et ce pour ne pas prendre le risque de laisser
leurs flancs vulnérables. Pour cette raison, les membres d’une
unité sont rarement renouvelés car on pleure chaque mort
comme la perte d’une partie de son corps.
Par le passé, la Garde de fer était unie sous la seule
bannière d ’un commandant au service de l ’imperator.
Aujourd ’hui, les sept factions de la Garde de fer sont diri-
gées par de véritables légendes vivantes précédées partout
en Eisen par leur réputation. Parmi les plus éminents chefs
figurent Kurt Valrund, un homme puissant mais vieillissant,
bâti comme un taureau, qui dirige les Chiens du marécage
en Pösen, et Selena von Hoff, une femme plus jeune, rusée
et secrète, qui commande les Wachhunde de Niklas Träge.
Le plus connu de tous est Heinrich Dray, un fils d ’adel qui a
abandonné ses titres de noblesse et sa richesse pour devenir
capitaine des Drachens rugissants, l ’unité de la Garde de fer
obéissant aux ordres de Roswitha von Wirsche.
L’absence de gouvernement centralisé a déstabilisé une grande
partie de l’Eisen, et la Garde de fer a combattu, saigné et péri
pour empêcher l’effondrement total de la Nation. Malgré leur
appartenance supposément apolitique, il est désormais impos-
sible pour les sept divisions de rester à l’écart de l’imbroglio
politique des Eisenfürsten. Une jeune recrue finira tôt ou
tard par percevoir les autres divisions de la Garde comme ses
ennemies plutôt que ses compatriotes, et les groupes finissent
souvent par en venir aux mains, quittant leur rôle de protec-
teurs du peuple pour endosser celui de séides radicaux à la
solde de leur Eisenfürst. Cela explique le nombre croissant
de cas de désertion de la Garde de fer, des soldats blasés qui
choisissent de respecter leur serment fait au peuple d’Eisen, et
qui rejoignent de petites bandes indépendantes, deviennent des
mercenaires solitaires ou rallient le Drachenblut, considérant
cette nouvelle organisation comme un rappel de ce qu’était la
Garde de fer et de ce qu’elle devrait redevenir : une force armée
d’élite qui donnerait sa vie pour protéger l’Eisen.
Perchta
Bien avant que Stefan le Grand ne baptise l ’Eisen d ’après le
fer trouvé dans ses montagnes, un puissant esprit arpentait
ces terres et protégeait la population du mal.
En ces temps reculés où les drachens volaient encore dans
le ciel, Perchta, une puissante Sidhe bannie d ’Avalon par
ses semblables, s ’installa en Eisen. Vénérée telle une déesse
par les tribus locales, elle devint, au fil de leurs histoires,
une nourricière bienveillante (bien que capricieuse). L ’Eisen
la considéra comme une force du bien jusqu ’à l ’arrivée de
l ’Église vaticine. Au fur et à mesure que l ’influence de
l ’institution religieuse grandissait, sa condamnation de la
magie obligea Perchta à se cacher. Beaucoup de ses fidèles
se tournèrent alors vers l ’Église. Elle finit par s ’installer dans
l ’Angenehme Wald, où elle jura de transformer le wald en
un havre de magie et un refuge pour les nécessiteux.
Toute magie a un prix, même pour une immortelle.
Coupée de l ’ancienne terre natale des Sidhes, Perchta lutte
désormais pour maintenir son pouvoir. C ’est pourquoi il
faut, pour s ’installer dans l ’Angenehme, jurer de ne jamais
quitter la forêt et lier sa force vitale à Perchta. Cela lui
permet d ’avoir assez de force pour conserver sa magie.
Perchta déteste cet arrangement, et c ’est tout à son
honneur. Elle désire plus que tout ramener l ’Eisen à
l ’époque où c ’était un pays fier et tolérant envers toute forme
de magie. Pour ce faire, elle cherche un dirigeant potentielle-
ment ouvert à la magie. Elle a jeté son dévolu sur Rosamund
Roth, le chef du Drachenblut, pour devenir la femme qui
guidera l ’Eisen vers le futur. Perchta s ’est montrée à la guer-
rière pour lui annoncer son ascension vers la grandeur.
Interpréter Perchta
Perchta est un être immortel qui connaît des secrets
pouvant faire ou défaire des royaumes. Elle prend souvent
l ’apparence d ’une vieille sorcière et offre sa protection à ceux
qui la cherchent.
Elle cache un grand secret : en dépit de ses origines inhu-
maines, elle a passé si longtemps à faire semblant de se
soucier de l ’Eisen que ces sentiments sont devenus réalité.
De plus, une chose est sûre : être une influence invisible de
l ’histoire ne lui convient pas du tout.
Accroche scénaristique
• Perchta aimerait ne plus dépendre des mortels
pour survivre. Elle cherche d ’autres moyens de
renouveler sa magie. Elle demande aux Héros de
l ’aider à trouver une nouvelle source de magie. En
ï
échange, elle les autorisera à quitter la forêt.
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 23
 Kevistoph « Jack Deux
Coups » Braun
Kevistoph Braun est né près de Wirsche peu avant la fin de
la Guerre de la Croix. Comme la plupart des eisenörs de
son âge, il se retrouva orphelin. Ses parents étaient soldats
et bien qu ’ils survécurent au conflit, ils furent tués par
les Horreurs.
Braun grandit avec d ’autres waisens. Plutôt que de laisser
le choc de la guerre et des Horreurs l ’intimider, il apprit à
se battre et à se défendre. Sa grande taille et sa force supé-
rieure lui donnèrent un ascendant sur les autres enfants, et il
apprit à les mettre à profit dans la plupart de ses entreprises.
Bien qu ’il ait grandi dans une ville portuaire, Braun n ’avait
jamais aimé la mer. Il préférait se tenir sur la terre ferme,
qui ne tanguait jamais. Il passa la majeure partie de son
existence à travailler en tant que mercenaire. La vie était
belle : on le payait pour se battre et il dépensait son argent
en boisson et à s ’offrir la compagnie de jennys.
Un matin, encore saoul de la veille et complètement
déboussolé, il paria son temps libre contre un pantalon. Il
ne se rendit pas compte que ce temps, il le passerait à bord
d’une goélette : le Chercheur de brisants. Le premier jour, il
était déjà à se disputer avec le maître d’équipage ! Il gagna le
droit de passer la nuit dans la cale et huit coups de fouet le
lendemain matin. Braun était résolu à prouver qu’il était suffi-
samment costaud pour endurer le châtiment, et il ne laissa
pas échapper un son au premier coup, ce qui impressionna
l’équipage. Malheureusement, il s’évanouit sans un bruit après
le second, et on l’affubla du surnom « Jack Deux Coups ».
Malgré ses débuts difficiles, Deux Coups s ’épanouit sur
le navire : il fit son bonhomme de chemin jusqu ’au grade
d ’aspirant avant que l ’équipage du Chercheur de brisants ne
s ’attire les foudres de Roswitha von Wirsche. La baronne
avait affrété le navire pour emmener des marchandises à
vendre à Gottkirchen, mais la population locale n ’avait pas
de quoi s‘offrir l ’ensemble de la cargaison. Le capitaine, en
homme pragmatique, leur vendit ce qu ’ils purent se payer
et remporta le reste.

ï
 L ’Eisenfürst s ’attendait à ce que le navire leur laisse Friedrich, le chevalier inquisiteur
simplement le reste de la cargaison. Elle plongea alors dans Friedrich, le chevalier inquisiteur, est né en Sieger dans
une colère noire et tenta de mettre tout l ’équipage aux arrêts. une famille de fervents vaticins. Il a combattu trois ans
Deux Coups et quelques autres parvinrent à s ’enfuir, mais pendant la Guerre de la Croix avant qu ’elle ne prenne fin.
pas avant que la Garde de fer ne saccage le Chercheur de Puis vinrent les Horreurs. Friedrich, toujours aussi fidèle
brisants et ne rende toute évasion par la mer impossible. à l ’Église et motivé par sa haine des objectionnistes, était
Désormais, Deux Coups et les quelques membres d ’équi- persuadé que l ’abandon par l ’imperator de la foi véritable
page restants de la goélette essaient de trouver un moyen de avait attiré ce fléau sur sa Nation.
sauver leur capitaine et leurs camarades. Contrairement à beaucoup d ’autres chevaliers eisenörs
La Garde de fer de Roswitha a distribué des avis de qui participèrent à la Guerre, il ne resta pas combattre les
recherche à leurs noms, mais jusqu ’à maintenant, aucun Horreurs. Au lieu de cela, il se rendit en Castille, jusqu ’à la
d ’eux ne sait de quel crime ils sont accusés. Cité vaticine, pour réaffirmer sa foi. Là-bas, il se fit ordonner
prêtre et rechercha tous les savoirs existants pour trouver un
Interpréter Jack Deux Coups moyen de repousser les Horreurs de son pays natal. Dans
Kevistoph « Jack Deux Coups » Braun est un homme grand sa quête solitaire, il parvint à la conclusion que les Horreurs
au cœur bon. Il a des cheveux foncés et coupés court, et a étaient une conséquence de l ’Hexenwerk et, de ce fait, déter-
toujours l ’air présentable, même en pleine mer. Il apprécie mina que la Sorcellerie sous toutes ses formes était un fléau.
tout autant boire que se battre. Il finit par attirer l ’attention du cardinal Verdugo, qui
Il aime la terre de tout son cœur, et bien qu ’il veuille aider l ’admit dans les rangs de l ’Inquisition. Friedrich compte
l ’équipage du Chercheur de brisants, il ne souhaite pas vrai- désormais parmi les partisans les plus fidèles de Verdugo ;
ment renouer avec une existence en mer. Dans l ’immédiat, il a d ’ailleurs aidé l ’Inquisition à prendre le contrôle de
sa priorité est de découvrir les manigances de la baronne l ’Église vaticine.
Wirsche, et si possible de l ’arrêter. Armé d ’une haine pour la Sorcellerie, les Monstres et tout
Les Héros trouveront sûrement un ami en la personne de ce qui touche de près ou de loin au surnaturel, l ’inquisiteur
Jack Deux Coups, du moment qu ’ils ne lui demandent pas Friedrich est revenu en Eisen dans l ’espoir de vaincre ces
d ’embarquer avec eux. fléaux. À sa façon, il se bat pour purger sa terre natale et
travaille avec acharnement pour dénicher et détruire les
Accroche scénaristique Horreurs, où qu ’elles soient.
• Jack Deux Coups et le reste de l’équipage ont Aujourd ’hui, l ’inquisiteur Friedrich vit à Pösen et donne
découvert un passage secret qui mène au donjon du des conseils à l ’Eisenfürst sur la façon de s ’occuper des
château de la baronne Wirsche. Ils s’y sont rendus Horreurs. Il a également entrepris de répertorier tous les
très tôt le matin, mais au lieu de découvrir leurs hexen dans son königreich, voire au-delà.
membres d’équipage emprisonnés, ils sont tombés
sur des Horreurs derrière les barreaux. À présent, Interpréter l ’inquisiteur Friedrich
le groupe cherche de l’aide pour découvrir ce qui est Obstiné, dévoué et particulièrement déterminé, le cheva-
arrivé au reste de l’équipage et comprendre pourquoi lier inquisiteur Friedrich est un homme qui commet de
l’Eisenfürst garde des Horreurs dans son donjon. mauvaises actions pour de bonnes raisons. Il se voue à
purifier l ’Eisen, mais se fiche du nombre de personnes qui
doivent mourir pour réaliser cet objectif.
Pour Friedrich, la Guerre de la Croix est toujours une
menace d ’actualité pour l ’Eisen : bien qu ’elle ait pris fin il
y a vingt ans, le fléau qu ’elle a causé constitue encore un
danger. Il est déterminé à enfin mettre un terme à la guerre
et ramener la paix grâce à son dévouement farouche qui
terrifierait la plupart des gens sains d ’esprit.

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 25
 Wilma Probst
Dans une cité libre exempte de lois comme Freiburg, il faut
bien quelqu ’un pour maintenir l ’ordre. Si Freiburg n ’est pas
tombée au petit matin, les gens bien informés adressent une
petite prière de remerciements à Wilma Probst, bras-droit
de Niklas Träge et gouverneur de facto de Freiburg.
Wilma Probst a grandi dans un pays déchiré par la guerre.
Jeune fille ordinaire, Wilma apprit à lire très jeune. Grâce à
ce savoir, elle devint le page d ’un jeune chevalier au service
de la cour de l ’imperator du nom de Barhelm. Fascinée par
les activités du gouvernement, elle passa son temps libre
à étudier non seulement la politique, mais également les
mécanismes de la bureaucratie eisenör. En tant que page,
elle pouvait tout voir et entendre lorsqu ’elle portait des
messages, d ’abord pour le compte du gouvernement puis,
plus tard, pour les barons en lien direct avec l ’imperator
lui-même. C ’est là qu ’elle rencontra Niklas Träge, alors
qu ’il achetait son titre après avoir découvert la cache de
dracheneisen dans les montagnes.
Elle comprit très vite que Träge, malgré ses bonnes inten-
tions et ses nombreuses idées—à la fois brillantes et radi-
cales—ne savait absolument pas gérer son patrimoine, ni
sa nouvelle position politique. Un soir, Probst se présenta à
Träge et lui expliqua sans ambages pourquoi il avait besoin
d ’elle. À sa surprise, Träge accepta et elle prit la tête de
son patrimoine, s ’en occupant même lorsqu ’il partait en
expédition combattre les Horreurs. Quand Träge fonda
Freiburg, la Cité libre, et s ’effaça en faveur de sa politique
de non-intervention, Wilma comprit que quelqu ’un devrait
superviser les quelques règles de la ville. Elle remplit ce rôle
depuis ce jour.
Wilma Probst n ’ignore rien de ce qui se passe dans
sa ville. Elle garde le doigt sur le pouls du königreich et,
depuis Freiburg, elle a pu voir l ’Eisen lutter pour retrouver
son identité alors qu ’elle était au bord de l ’effondrement et
de la rupture. En tant que membre dévoué des Filles de
Sophie, Probst défend l ’idée qu ’un nouveau dirigeant puisse
s ’élever en Eisen : elle utilise son grand sens politique pour
encourager le peuple à soutenir une chancellerie égalitaire,
à l ’instar de celle de la Fédération sarmatienne.
ï
26 Chapitre 1 : L'Eisen
Interpréter Wilma Probst
S ’il se passe quelque chose à Freiburg, Wilma Probst est
sûrement au courant. Avec son air minutieux et son impres-
sionnante mémoire du détail, Wilma sait conserver son
calme même face à l ’Eisenfürst le plus colérique. Elle n ’élève
que rarement la voix, et sa présence tempère la plupart des
échanges houleux. Beaucoup redoutent sa colère, qui se
manifeste par un ton particulièrement sec et glacial.
S ’attirer les foudres de Wilma signifie être exclu de toute
activité sociale et commerciale à Freiburg et au-delà, à
moins de faire amende honorable. Par-dessus tout, Probst
est une eisenör dévouée, qui croit fermement aux droits
des femmes et en un gouvernement central fort, capable de
garantir le futur de son pays bien-aimé. Elle remue ciel et
terre pour s ’assurer que Freiburg soit un havre de paix pour
les sorcières de la Destinée vodaccis, une pierre d ’achoppe-
ment entre Träge et elle.
Accroches scénaristiques
• Les manipulations politiques de Wilma lui
ont permis de gagner le soutien d’Elsa Pösen.
Secrètement, elles prévoient d’appuyer la jeune étoile
montante d’Eisen, Rosamund Roth du Drachenblut,
afin d’en faire le nouvel imperator d’Eisen. Probst
redoute toutefois qu’une fois Roth sur le trône, la
Garde de fer et le Drachenblut ne finissent par
s’affronter. Les Héros sont-ils prêts à calmer les egos
et à s’impliquer dans cet imbroglio politique ?
• L ’Eisen possède un siège au conseil de la Ligue de
Vendel : cette position, essentiellement honoraire,
assure un soutien économique et politique continu
du Vesten. Le représentant eisenör, Joseph Volker,
est un vieillard qui doit être remplacé, mais sans
dirigeant, les Eisenfürsten ne parviennent pas à
trouver un consensus. Si un nouveau représen-
tant n ’est pas rapidement choisi, l ’Eisen perdra
le soutien de la Ligue. Wilma souhaite dépêcher
quelqu ’un sans demander l ’avis des Eisenfürsten,
mais ces derniers ont leurs propres plans et sont
prêts à s ’opposer à Probst. Les Héros arriveront-ils
à garantir un siège pour l ’Eisen au sein de la Ligue ?
Rosamund Roth
On dit que l ’excellence naît de débuts modestes. Rosamund
Roth est née dans la petite ville de Grünfeld, à la lisière
des Wälder. Avant sa naissance, son père évita au fils d ’un
adel, herr Hans Dieter, d ’être renversé par un chariot. En
récompense, il demanda à emménager dans la maisonnée
du noble. Cela permit à la famille de Roth de progresser
sur l ’échelle sociale.
La mère de Roth y travaillait en tant que femme de
chambre. Un soir, durant une terrible tempête, l ’imperator
apparut sur le seuil, désireux de s ’abriter des intempéries. La
tempête dura trois jours, pendant lesquels l ’imperator passa
un temps considérable avec la jeune femme. Neuf mois plus
tard, Rosamund venait au monde.
Les circonstances de sa naissance restèrent un secret qui lui
fut caché toute sa vie, mais dès son plus jeune âge, elle reçut
un traitement de faveur. Lorsque Rosamund démontra son
talent au combat, elle fut entraînée aux côtés des guerriers
de herr Dieter et devint écuyère à l ’âge de douze ans. Malgré
les inquiétudes de sa famille, elle et ses deux frères aînés
partirent à la Guerre avec herr Dieter.
Vers la fin de la Guerre de la Croix, elle avait acquis le
commandement de ses propres hommes et gravissait les
échelons sans faillir sous l ’œil vigilant de l ’imperator. Sa
mort affecta profondément Rosamund, et la scission du
gouvernement eisenör aux mains d ’Eisenfürsten chamail-
leurs la rendit furieuse. Après s ’être battus pour leur Nation,
ses camarades vétérans regagnaient leurs foyers dans un
pays peuplé d ’Horreurs, sans dirigeant ni aucun plan pour
l ’avenir. Poussée à agir, Rosamund fonda le Drachenblut,
un ordre de chevaliers sans aucune affiliation ou allégeance
politique voués à protéger la population d ’Eisen.
Vingt ans plus tard, sans fin visible à la lutte politique,
Rosamund s ’inquiète du futur de la Nation. Lorsque la
sorcière Perchta lui apparut et lui révéla la vérité sur ses
origines, Roth dut accepter qu ’elle devrait peut-être un jour
gouverner l ’Eisen. La rumeur selon laquelle Rosamund était
un bon choix politique se répandit, et le soutien fleurit à
présent dans la jeunesse et chez les vétérans qui respectent
sa réputation.
Roth n ’est pas certaine de vouloir réellement régner sur
l ’Eisen. Elle préfèrerait se battre pour maintenir sa cohésion,
ce pourquoi elle passe ses journées à chevaucher à la tête des
Drachenbluts pour défendre le pays, entourée de ses plus
loyaux guerriers.
Interpréter Rosamund Roth
Rosamund Roth est une combattante. Elle a fondé, mène
et commande le Drachenblut. C ’est un vétéran aguerri aux
cheveux grisonnants et à la voix autoritaire mais chaleureuse.
Toute sa vie, Roth a essayé de ne pas se mêler à la politique.
Elle croit que l ’Eisen retrouvera sa grandeur grâce à la force
de son peuple ainsi qu ’au retour des anciennes pratiques et
des valeurs d ’antan, une mission à laquelle elle a consacré
sa vie.
Rosamund est pragmatique mais, sous la surface, son côté
romantique la rend nostalgique du temps où vivaient les
grands Héros des légendes. Elle ne s ’est pas encore faite à
l ’idée qu ’elle est peut-être l ’un de ces Héros, et nourrit en
secret la peur d ’être un jour stigmatisée comme illégitime.
Accroche scénaristique
• Le Drachenblut a entendu des rumeurs de corrup-
tion au sein de la Garde de fer de Pösen. Certains
de ses membres les plus jeunes veulent la détruire
et la remplacer. Roth sait qu ’un tel acte placerait
le Drachenblut sous un mauvais jour et lui ferait
perdre toute crédibilité. Elle demande aux Héros
de trouver des preuves de la corruption et de les
porter à l ’Eisenfürst.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 27
 Chaim Ledovid
Les yachidis sont un groupe religieux et ethnique dont la
terre natale, dans l’Empire du Croissant, est on ne peut plus
différente de l’Eisen. Chaim Ledovid, ou Chaim ben Dovid
ben Shimon de la tribu Binyomin, est né bien loin de l’Eisen.
Avec dix autres familles, Chaim et ses parents ont voyagé et
se sont installés en Castille pour travailler avec certaines des
meilleures universités, partageant les techniques médicales de
pointe de l’Empire du Croissant. La cour castilliane honora
les parents de Chaim pour avoir sauvé la fille d’un noble.
Ils changèrent leur nom en Ledovid—pour paraître plus
castillians—et acquirent un titre de propriété près de San
Cristóbal, où ils vivent encore avec les cinq frères de Chaim.
Âgé de seulement dix ans à la fin de la Guerre de la Croix,
Chaim ressentit profondément la désolation de l ’impact de
la Guerre. À l ’âge de dix-huit ans, il constitua un groupe de
familles yachidis venues de toute la Théah pour se rendre
en Eisen et apporter leur aide au pays mutilé. Après s ’être
installé dans la petite ville de Heimstatt, Chaim devint le
fondateur d ’une petite communauté yachidi et apporta
ses connaissances en médecine et en soins au célèbre
Heiligherz-Krankenhaus et à l ’Eisengeist-Universität locale.
Bientôt, Ledovid prit le rôle de porte-parole principal des
yachidis de la région et de la communauté du quartier de
Lodz, à l ’ouest de la ville. Il permit aux nombreux fidèles
vaticins et aux athéistes de Heimstatt d ’en apprendre
plus sur sa religion en jouant l ’intermédiaire dans leurs
différends. Très vite, Heimstatt devint une étape obliga-
toire pour tout yachidi fraîchement arrivé en Théah, un
foyer pour les expatriés, un petit morceau de l ’Empire du
Croissant si lointain.
Le travail de Chaim pour faciliter l ’intégration des yachidis
dans la société eisenör n ’est pas passé inaperçu. Quand les
Eisenfürsten ou n ’importe quel noble ont à faire avec la
communauté yachidi, ils s ’adressent à Ledovid à Heimstatt.
Lorsqu ’il ne se rend pas utile en tant que médecin ou en
donnant des cours, il voyage à travers le pays pour partager
le savoir de son peuple. Il vit avec sa femme Batsheva, une
scientifique elle aussi, et leurs six enfants. Son fils Mayron
lui sert d ’aide médical. On les voit souvent se hâter en ville
pour une urgence médicale avec Amira, leur associée dīniste,
une autre ressortissante de l ’Empire du Croissant.
ï
28 Chapitre 1 : L'Eisen
Interpréter Chaim Ledovid
Chaim est un homme discret et respecté, qui s ’exprime bien
et parle couramment plusieurs langues. En tant qu ’homme
de paix, Ledovid déteste porter des armes et préfère
résoudre les conflits par la communication et le partage de
connaissances. De plus, s ’il est certes très sollicité pour ses
conseils par les membres les plus extrêmes de la commu-
nauté yachidi, il se pose en ardent défenseur de toute vie, et
pas seulement celles de son peuple.
Chaim déteste l ’ignorance et s ’il s ’oppose aux praticiens
mal intentionnés d ’une magie débridée, il utilise toutes les
ressources en son pouvoir afin d ’entraver les organisations
s ’en prenant aux sorciers, répandant ouvertement des idées
de tolérance d ’une magie côtoyant la science. Ledovid affec-
tionne le whisky et les longues nuits de discussions sérieuses
autant qu ’il aime passer du temps avec sa famille.
Accroches scénaristiques
• Récemment, plusieurs membres de la commu-
nauté yachidi ont disparu à Heimstatt. Chaim
a également entendu parler de yachidis ayant
disparu sans laisser de traces dans plusieurs autres
communautés. Bien que tout désigne l ’Inquisition,
il n ’a aucune preuve. Ledovid demande aux Héros
de l ’aider à retrouver ses compatriotes, et ce avant
que des yachidis radicaux à la tête d ’un groupe de
surveillance du voisinage ne s ’impliquent et ne
sèment le trouble.
• Les yachidis entretiennent un réseau de commu-
nautés à travers la Théah, qui va de la Castille à
l’Empire du Croissant. Grâce à cela, Chaim est en
parfaite position pour faire entrer clandestinement
ceux qui fuient les Nations répressives, ouvrant ses
portes aux réfugiés. Cela le place en conflit ouvert
avec l’Inquisition, et il demande aux Héros de l’aider
à trouver une nouvelle cachette pour ces réfugiés
avant que les fanatiques de Verdugo n’envahissent
sa demeure et les mettent tous aux arrêts.
Heinrich Dray
Rares sont les chefs militaires qui inspirent autant d ’autorité
que de fascination. Heinrich Dray, le capitaine de la division
du Drachen rugissant de la Garde de fer de Wirsche, est de
ceux-là. Fils d ’un adel, Heinrich était le deuxième né d ’une
famille aux enfants bien trop nombreux.
La famille d ’Heinrich sombra dans la pauvreté après
la Guerre de la Croix. Les Dray durent souvent vendre
d ’inestimables possessions familiales afin de se nourrir, eux
et leurs serviteurs. Quand il apprit que ses parents avaient
désigné Nadine, sa sœur aînée, pour leur succéder à la tête
de la famille, il ne décoléra pas. Il pensait être le choix tout
indiqué, simplement parce qu ’il était un homme, et il décida
donc de leur prouver ses talents de commandement en
faisant son service militaire.
Ce raisonnement ne convint pas aux Dray. Toutefois, si
son père condamna les préjugés d ’Heinrich, il se réjouit tout
de même de voir son fils se dédier à une cause. Il utilisa
son nom de famille et lui acheta un poste d ’officier dans
la Garde de fer. Heinrich le perçut comme une manœuvre
pour le renvoyer dans l ’ombre : il ne pardonna jamais à son
père cet affront, et resta à l ’écart même lorsque ce dernier
se trouva sur son lit de mort. Quand Nadine et son mari
Konrad prirent le contrôle des terres familiales, Heinrich se
promit de ne plus jamais y revenir.
Se consacrant pleinement à son apprentissage militaire,
Heinrich se distingua et gagna rapidement ses galons de
chevalier. On l’assigna au königreich de Wirsche après la pire
attaque jamais vécue dans la région, lorsque des Horreurs
mortes-vivantes eurent décimé près de la moitié de la Garde
de fer sur la frontière sud. À son arrivée, Heinrich vit les
soldats—ceux que l’on surnomme les Drachens rugissants
dans tout l’Eisen—privés de chef et dans un état de déla-
brement avancé. Il saisit l’occasion pour rapidement monter
en grade, et mena une campagne victorieuse pour écraser la
horde de morts-vivants et sauver plusieurs villes en danger.
Pour fêter sa victoire, on l ’invita à dîner chez la baronne
von Wirsche. En la voyant, Heinrich Dray comprit qu ’il
n ’aimerait jamais aucune autre femme. Le jeune et hardi
chevalier eut même l ’audace d ’en informer la baronne le
soir de son arrivée. Elle éclata de rire et lui dit qu ’il devrait
prouver sa valeur avant qu ’elle ne prenne ses avances en
considération. Dray releva le défi et passa un an à massa-
crer autant d ’Horreurs que possible, tout en redonnant
sa superbe aux Drachens rugissants. Le jour anniversaire
de leur rencontre, il revint la voir avec des trophées de
ses conquêtes et lui déclara à nouveau sa flamme. Ils sont
depuis inséparables.
Interpréter Heinrich Dray
Heinrich Dray est un personnage terrifiant sur le champ
de bataille, un homme charmant mais impitoyable à la cour,
et il est totalement dévoué à sa bien-aimée Roswitha von
Wirsche. Il en sait plus sur elle que quiconque, y compris la
vérité sur les mystérieuses disparitions dans le königreich
et les cadavres retrouvés vidés de leur sang.
Heinrich se fiche de ce que le monde peut dire de Roswitha ;
au contraire, il soutient sa candidature comme nouvelle diri-
geante potentielle d’Eisen, citant en exemple le succès de la
baronne dans la reconstruction de son königreich après sa
dévastation. Il n’a aucun doute sur le fait qu’il règnera à ses
côtés, car il préfèrerait mourir que d’avoir à la quitter.
Accroches scénaristiques
• Heinrich Dray a lancé un défi à Niklas Träge : qu ’il
se décide enfin à annoncer son intention de devenir
dirigeant, ou qu ’il lui cède le gantelet de l ’impe-
rator, une de ses possessions les plus inestimables.
La réponse de Träge est de demander aux Héros
d ’aller raisonner Dray, mais ce dernier apprête
une armée pour prendre le gantelet par la force si
nécessaire.
• Pour la population, Heinrich devient peu à peu
le genre d’homme qui pourrait se tenir aux côtés
de Roswitha von Wirsche en qualité d’imperator
consort, voire d’imperator tout court. Cela étant, la
rumeur court que Dray connaît tous les secrets de
Roswitha. Ses serviteurs disent qu’il tient un journal
sur son ascension vers la gloire, et sa sœur, Nadine,
offrira une récompense incroyable à quiconque saura
récupérer ce livre et découvrir les secrets que cache
Heinrich pour le compte de sa bien-aimée.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 29
 Sociétés secrètes
La Société des Explorateurs
La croyance populaire veut que les mines des montagnes
de Dracheneisen soient épuisées depuis longtemps, mais
les Eisenfürsten gardent espoir que les montagnes n ’aient
pas encore livré tous leurs filons de minerais, ni tous
leurs secrets. Ils se sont donc tournés vers la Société des
Explorateurs pour leur demander leur aide. Les dirigeants
du pays veulent retrouver du dracheneisen, et ils récom-
pensent généreusement tout Explorateur qui brave les
dangers des montagnes pour leur obtenir des réponses.
Un Explorateur trouvera énormément d ’autres acti-
vités pour l ’occuper en Eisen. Entre les ruines syrneths
d ’Ausgewogene Ort qui s ’élèvent dans les marais de Pösen
et les potentielles reliques syrneth enfouies sous Freiburg,
les Explorateurs considèrent l ’Eisen comme une véritable
crique au trésor pour la chasse aux reliques.
Les Rilasciare
Il existe peu d ’endroits aussi passionnants pour un membre
des Rilasciare que l ’Eisen d ’après la Guerre de la Croix. La
monarchie n ’existant plus, et le pouvoir de l ’Église vati-
cine étant brisé, les Rilasciare voient cette Nation comme
l ’endroit parfait pour fomenter une nouvelle révolution,
avec la population aux rênes de la création d ’un lende-
main meilleur.
Les agents des Rilasciare sont partout, à recruter aussi bien
les vétérans mécontents que les Junges blut opiniâtres de
Starkbrunn dans l ’espoir de donner au pays les moyens de
se soulever et de prendre son futur en main avant que la
noblesse n ’établisse une nouvelle monarchie.
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30 Chapitre 1 : L'Eisen
Les Filles de Sophie
Le pouvoir des femmes eisenörs est sans conteste, et les
Filles de Sophie ont trouvé des alliées puissantes dans
cette Nation. Après la Guerre de la Croix, au vu de tous les
vétérans cherchant un nouveau combat à mener, les Filles
ont embauché de puissantes combattantes et dirigeantes
d ’Eisen pour venir en aide à leurs consœurs vodaccis. Elles
secourent des sorcières de la Destinée et les aident à briser
leurs chaînes, elles enseignent aux femmes des techniques
essentielles d ’autodéfense, ainsi que la lecture et l ’écriture.
Beaucoup des meilleures guerrières d ’Eisen travaillent à
présent pour les Filles de Sophie, que ce soit en Eisen ou en
Vodacce. Certaines sont des gardes, mais beaucoup officient
en tant que préceptrices et confidentes auprès de sorcières
de la Destinée renégates.
En Eisen, les Filles se servent de la fracture entre les
différents königreiche pour introduire illégalement des
femmes en fuite dans des communautés sûres où elles
peuvent débuter une nouvelle vie. L ’un de leurs plus grands
campements est un petit village du nom de Mieben, au plus
profond de l ’Angenehme Wald et placé sous la protection
de la sorcière Perchta.
Elles sont le seul groupe capable de rester de longues
périodes dans sa forêt et de pouvoir en ressortir, même si
dix femmes doivent rester là jusqu ’à leur mort pour que la
sorcière maintienne sa protection du campement.
La Fraternité de la côte Los Vagabundos
Les échanges commerciaux avec le Vestenmennavenjar L ’Eisen est restée sans dirigeant depuis trop longtemps. En
représentaient déjà une part vitale de l ’économie eisenöre tout cas, c ’est ce que disent Los Vagabundos. L ’organisation
avant même le début de la Guerre de la Croix. Maintenant insiste pour qu ’un nouveau dirigeant soit choisi, avant que
qu ’elle a pris fin et que la Nation traverse une mauvaise le pays ne sombre davantage dans la ruine ou, pire, dans la
passe, la Fraternité considère que l ’Eisen mérite qu ’on la guerre civile.
laisse tranquille. Le peuple d ’Eisen a besoin d ’aide pour se relever de la
Les pirates eisenörs ont déclaré une trêve officieuse et ont Guerre de la Croix et, en vingt ans, aucun leader indiscu-
arrêté toute attaque et tout pillage des villes d ’Eisen jusqu ’à table n ’a émergé. Los Vagabundos ont donc décidé d ’inter-
ce que la Nation se remette sur pied. La Fraternité honore venir. L ’organisation a sélectionné trois candidats : Niklas
cette trève, et tout navire de la Fraternité naviguant en eaux Träge de Freiburg, Elsa Pösen de Pösen et Rosamund Roth,
eisenörs fait respecter cette interdiction aux bateaux qui le chef du Drachenblut. Bien qu ’ils soient tous soutenus
oseraient attaquer une ville du pays. par des membres différents de Los Vagabundos, la Société
Bien des vaisseaux de pillage renégats voguent encore sur entière reconnaît que chaque dirigeant doit être mis à
la Gueule et empruntent les fleuves de la Nation malgré l ’épreuve, encore et encore, afin de mériter la charge de
l ’interdiction. S ’ils se font repérer, la Fraternité opère guider l ’Eisen vers un futur meilleur.
alors de rapides et brutales représailles. Les membres de la Au final, la Société soutiendra tout dirigeant ou dirigeante
Fraternité récupèrent souvent la cargaison de ces pillards digne de ce nom qui montera sur le trône. En attendant, ils
pour la redistribuer aux villages environnants les plus font leur possible pour soutenir leurs trois candidats. La
démunis et, avant de lever l ’ancre, ils livrent les pillards à la véritable épreuve ne consiste pas seulement à en motiver un
justice pour qu ’ils soient jugés. pour qu ’il ou elle se porte volontaire, mais à les protéger de
Dans le même temps, la Fraternité recrute les Eisenörs par leurs ennemis tandis qu ’ils unifient la Nation.
dizaines depuis la Guerre. Chaque année, de plus en plus
de navires remplis de marins prennent la mer. Les Eisenörs Faveurs en Eisen
sont de bons marins et leur solide entraînement militaire Un Héros membre de Los Vagabundos peut obtenir de la
fait d ’eux d ’excellents pirates. Faveur en Eisen des manières suivantes :

Faveur en Eisen • Avancer une preuve irréfutable pour ou contre l ’un

Un Héros membre de la Fraternité de la côte peut obtenir
de la Faveur en Eisen de la manière suivante :
• Signaler un vaisseau pillard qui attaque des
bateaux eisenörs rapporte 3 de Faveur. Participer
à l ’élimination d ’un de ces vaisseaux peut rapporter
2 de Richesse de la part de la Fraternité.
Un Héros membre de la Fraternité de la côte peut solliciter
son aide de la manière suivante :
des dirigeants choisis rapporte 3 de Faveur, surtout
si la preuve est liée aux actions directes de Roth
ou Träge.
• Aider Roth, Träge ou Pösen dans leur ascension
finale vers le trône d’Eisen rapporte 5 de Faveur.
L ’aide prodiguée doit être conséquente, par exemple
aider à former des alliances entre les Eisenfürsten ou
saper les efforts des Rilasciare en Eisen.

• Sécuriser un passage d’Eisen vers le Vestenmen-

navenjar ou vice-versa coûte 2 de Faveur.

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 31
 Kinder von Morgen
Même si les agents des Rilasciare opèrent à travers toute
la Théah, ils ont depuis longtemps ciblé l ’Eisen comme le
terreau d ’où naîtra une nouvelle révolution qui en finira
avec l ’Église, les monarchies et l ’asservissement en général.
Tandis que le reste de l ’organisation est éparpillée, un plus
petit groupe a complètement coupé les ponts avec les
Rilasciare après la fondation de la Fédération sarmatienne.
Ce nouveau groupe se fait appeler les Kinder von
Morgen, ou « Enfants du Lendemain », et s ’est inspiré de la
Fédération pour bâtir son projet d ’établissement d ’une Eisen
nouvelle et libre. Beaucoup de membres, qui appartenaient
aux Rilasciare de la Fédération, ont apporté leur expérience
pour éduquer et conseiller la jeunesse eisenör au sang chaud.
Les Kinder sont très bien organisés, avec une hiérarchie
fonctionnelle et des membres qui se coordonnent sous une
même bannière. Ils organisent des rassemblements et des
discours dans chaque königreich, impriment des pamphlets
et placent des crieurs publics à tous les coins de rue afin
d ’exhorter la population à nourrir l ’espoir de prendre en
main l ’avenir de leur pays.
Les agents exécutent également des actions secrètes et plus
risquées pour ralentir l ’arrivée au pouvoir de tout nouveau
monarque potentiel dans le pays. Leurs principales cibles
dans ce combat sont les divers Eisenfürsten, bien qu ’ils se
concentrent surtout sur les Princes de fer qui maltraitent
leur peuple ou ignorent ses besoins. Beaucoup voient en
Niklas Träge une figure ironique de référence et souhaitent
le convaincre de soutenir la transformation de l ’Eisen en
une Fédération telle que la Sarmatie.
Les Kinder ne recrutent que parmi les mécontents et les
roturiers, refusant de venir en aide à la noblesse et enrageant
contre la Garde de fer, ce bras armé d ’un régime dépassé.
Récemment, leur regard s ’est aussi porté sur l ’Église vati-
cine pour s ’assurer qu ’aucune de ses organisations, telle que
l ’Inquisition, ne s ’implante dans le pays. Leur symbole, un
poing refermé autour de la gorge d ’un drachen, symbolise
cet étranglement du peuple par la noblesse qui dure depuis
bien trop longtemps.
Leur quartier général se trouve à Freiburg, à l’Œil d’Ambre,
l’ancienne maisonnée d’un noble aujourd’hui devenue taverne.
Le lieu est tenu par des jennys, toutes membres de l’organisa-
tion et expertes en collecte et commerce d’informations.
ï
32 Chapitre 1 : L'Eisen
La faveur au sein des Kinder von Morgen
Les Kinder von Morgen ont pour but de convaincre la
population qu ’une démocratie est la meilleure solution
pour rebâtir l ’Eisen. Leurs membres organisent surtout des
rassemblements et des manifestations, mais gardent égale-
ment un œil sur tous ceux qui pourraient s ’autoproclamer
nouvel imperator. Bien que réticente à l ’idée de commettre
un meurtre, elle reste parfaitement capable d ’organiser des
humiliations publiques.
Un Héros membre des Kinder von Morgen peut obtenir
de la Faveur en Eisen des manières suivantes :
• Organiser un rassemblement ou une manifestation
rapporte 3 de Faveur, surtout s ’il y a beaucoup de
monde lors de l ’évènement ou qu ’il attire l ’attention
du gouvernement.
• Déstabiliser le règne d ’un Eisenfürst rapporte 7 de
Faveur. Si, en conséquence, ce königreich finit par
adopter un gouvernement plus démocratique, l ’acte
rapporte 10 de Faveur à la place.
• Humilier publiquement un Eisenfürst, ou quiconque
se proclamerait imperator, rapporte 5 de Faveur.
Un Héros membre des Kinder von Morgen peut solliciter
son aide des manières suivantes :
• Obtenir l ’accès aux bibliothèques des Kinder von
Morgen coûte 2 de Faveur. L ’organisation est
composée d ’érudits, de politiciens et d ’académi-
ciens qui ont rassemblé énormément d ’ouvrages
savants en un très court laps de temps.
• Obtenir l’aide d’un Kind coûte 3 de Faveur. La
plupart du temps, un membre de base aura une Force
de 6 et possèdera aussi l’un de ces trois Avantages :
Académicien militaire, Lyceum ou Universitaire. Tous
les 2 de Faveur supplémentaires dépensés, le Kind
que vous recrutez aura 4 points supplémentaires dans
un ou plusieurs Avantages de votre choix.
Die Kreuzritter
L ’appel a été lancé dans toute l ’Eisen : le temps est venu
de détruire les Horreurs une bonne fois pour toute. Die
Kreuzritter dépend depuis trop longtemps de ses membres
isolés et de ses alliés pour décimer les Monstres qui errent à
travers le pays. À présent, la Société prépare une campagne
d ’envergure pour bouter les Horreurs hors d ’Eisen. Elle a
fait le serment d ’éliminer les menaces enracinées, telles que
les buveurs de sang de l ’île de Rücken ou les Altérés de
Viktor Franzeller. Il ne lui manque que le soutien nécessaire
à l ’accomplissement de cette tâche.
Les Kreuzritter eisenörs ont créé die Eisensänger, ou
« Chanteurs de fer », un service de messagers qui porte les
informations d ’un bout à l ’autre du pays. Un Eisensänger
transporte des messages lors de ses voyages, et les accroche
aux panneaux d ’affichage portant les mots « La Chanson
d ’Eisen » sur le dessus. Il véhicule des informations sur les
attaques des Horreurs et les chasses aux monstres fruc-
tueuses, mais également des informations politiques et les
nouvelles du jour, dans l ’espoir de rassembler des soutiens.
Jusqu ’à maintenant, les victoires contre les Horreurs et les
efforts d ’organisation pèsent énormément dans la tentative
d ’unification de l ’Eisen.
Les Chevaliers
de la Rose et de la Croix
Si un pays a bien besoin des Chevaliers de la Rose et de la
Croix, c ’est l ’Eisen. Les Chevaliers héroïques y ont vu leurs
effectifs décimés par les vagues incessantes d ’Horreurs, mais
ont malgré tout permis d ’entretenir la flamme de l ’espoir
dans plusieurs zones parmi les plus touchées.
Après la Guerre de la Croix, les Chevaliers accueillirent
dans leurs rangs les vétérans eisenörs souhaitant mettre
leur vie au service d ’une cause plus noble. Malheureusement,
le temps que le soutien financier et l ’aide armée des
Chevaliers parviennent aux zones les plus reculées, beau-
coup de ces nouvelles recrues se lassèrent et partirent fonder
le Drachenblut.
À ce jour, les relations entre le Drachenblut et les
Chevaliers de la Rose et de la Croix restent tendues. Les
Chevaliers voient le Drachenblut comme une nouvelle
organisation arriviste qui finira par s ’éteindre à coup sûr,
tandis que le Drachenblut perçoit les Chevaliers comme
particulièrement inefficaces.
Le Collège invisible
L’Eisen est le meilleur endroit en Théah pour étudier les
Monstres, c’est pourquoi les membres du Collège invisible
se sont rendus en nombre dans le pays. Un défi a été lancé
à la Société : découvrir pourquoi l’Eisen attire autant de
Monstres. Bien entendu, on attend d’un membre qu’il partage
ses informations avec les autres dans sa quête de réponses.
Le défi est autant une question de gloire pour celui qui
trouvera la réponse qu ’une source de motivation pour
aider l ’Eisen dans ses heures les plus sombres. Certains
ont commencé à véhiculer une théorie inquiétante :
malgré les combats, le nombre d ’Horreurs ne dimi-
nuerait pas, au contraire, il pourrait bien être en train
d ’augmenter.
Pour arriver à leurs fins, les membres du Collège ont
rejoint des lieux d ’apprentissage à travers toute l ’Eisen
pour approfondir leurs recherches sur les Horreurs.
Certains chercheurs sont devenus des références sur les
différents types d ’Horreurs existants, travaillant souvent
de pair avec die Kreuzritter et mutualisant leurs infor-
mations avec les chasseurs de monstres pour mieux les
équiper dans leurs combats.
Močiutės Skara
Avec toutes les horreurs qui ont lieu en Eisen, le Châle passe le
plus clair de son temps à rassembler des ressources et à aider
les communautés mal en point. L’organisation a permis à des
régions en difficulté d’acquérir quantité de cargaisons, du
matériel médical à la nourriture en passant par les armes en
provenance d’alliés de la Fédération sarmatienne et de l’Ussura.
Tout récemment, ils ont contacté la communauté yachidi
d ’Heimstatt pour raffermir le négoce avec l ’Empire du
Croissant. L ’entreprise rencontra énormément de succès,
car, chercher à rendre le monde meilleur et à instaurer la
paix constituent des pivots des idéaux religieux et culturels
yachidis. Cela étant, les routes reculées du cœur de l ’Eisen
comportent bien des dangers, et ces derniers temps, un
membre du Châle doit brandir son épée aussi souvent qu ’il
nourrit les affamés.
L ’organisation surveille également les mouvements
grandissants qui soutiennent des personnalités diverses
pour reprendre le rôle de dirigeant de l ’Eisen, en espérant
que personne ne sera assez stupide pour déclencher une
nouvelle guerre de pouvoir. Si guerre il y avait, les membres
du Châle sont tout disposés à l ’étouffer dans l ’œuf.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 33
 Lieux notables
Freiburg
Aucune ville d ’Eisen ne saurait rendre le battement, la
complexité et la blessure de son cœur comme Freiburg, la
Cité libre. Née d ’une expérience sociale de son Eisenfürst,
Niklas Träge, Freiburg est une ville très peu réglementée qui
fonctionne avec un gouvernement quasi-absent et pour le
moins désintéressé. Témoin des horreurs de la guerre, Träge
rêvait d ’une ville où l ’on pourrait vivre sans être soumis au
joug d ’autrui. Il bâtit Freiburg, puis s ’installa au sommet de
sa tour afin d ’observer le résultat : probablement la ville la
plus ingénieuse et incroyable de toute la Théah.
Freiburg existait avant la Guerre de la Croix sous le nom
de Güldentor, l ’un des palais de l ’imperator. Pendant la
Guerre, elle tomba en ruines et en disgrâce en raison des
mauvais choix du baron qui la dirigeait alors. L ’imperator
retira son titre à l ’adel, qui mourut peu après et laissa la
ville sans personne aux commandes. Vers la fin de la guerre,
Träge devint le nouvel Eisenfürst de la cité, mais c ’est à peine
s ’il en tint compte. Sans dirigeant, inondée de vétérans et de
réfugiés, la ville faillit alors s ’écrouler sur elle-même.
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34 Chapitre 1 : L'Eisen
Des années plus tard, Träge regagna enfin son königreiche,
qui n ’était presque plus qu ’une ruine. Avec l ’aide de Wilma
Probst, il posa les fondations pour que marchands, archi-
tectes, penseurs, savants, organisateurs et puissants se répar-
tissent la ville entre eux, sans aucune influence religieuse. Il
baptisa son expérience Freiburg.
Beaucoup pensaient que Freiburg imploserait en moins
d ’un an à cause des organisations se disputant le pouvoir.
Au lieu de ça, la ville se maintint à flot pendant quatre ans,
les conflits étant résolus par une série de règles faites de bric
et de broc, qui relèvent pour moitié de l ’arbitrage, et pour
l ’autre moitié de la vindicte populaire. Beaucoup pensent
que ces règles, connues sous le nom de code de Freiburg,
ou simplement « Code libre », ont réussi à subsister car
les citoyens de Freiburg comprennent que leur ville est
tout ce qui se dresse entre l ’annihilation et eux. Derrière
l ’enceinte de Freiburg se trouve en effet un pays où rôdent
les monstres, et la cité pourrait bien être l ’occasion de créer
des merveilles en cette heure si sombre.
Une cité authentique
Pour les étrangers comme pour ses habitants, Freiburg
dispose de tout ce qui est utile. La ville est scindée en six quar-
tiers qui rayonnent vers l’extérieur depuis la Wachtturm, un
ancien bâtiment entretenu par le pouvoir d’un cristal syrneth,
qui servit autrefois de quartier général à l’imperator et qui
accueille dorénavant Niklas Träge dans les appartements du
dernier étage. Chaque quartier est séparé par les artères prin-
cipales, comme les rayons d’une roue : les routes s’éloignent du
centre en direction des ponts s’élevant au-dessus des fleuves
qui encerclent la ville, et passent par les portes principales
pour se perdre dans la campagne au-delà.
Le premier quartier, le Griffon, s ’articule autour du
magnifique parc du même nom. Il s ’agit du quartier le plus
cosmopolite : on y trouve des échoppes aux marchandises
importées depuis toute la Théah, des auberges et des lieux
de beuveries de toutes sortes parsèment le paysage, et les
voyageurs s ’y rendent pour dormir. La majorité de la popu-
lation étant de passage, le Griffon reste l ’un des quartiers les
plus dangereux de Freiburg à la nuit tombée.
En traversant la Grand route, on arrive dans le Haut quar-
tier, où les membres les plus puissants de la ville habitent
et travaillent. Leurs gardes protègent le quartier de toute
influence « indésirable » venue des autres coins de la ville.
La Ligue de Vendel y possède plusieurs maisons dans
lesquelles leurs membres font librement affaires. Quiconque
cherche à contacter des aristocrates et des diplomates en
visite à Freiburg les trouvera ici.
À l’ouest du Haut quartier, il y a le Reinhagen, nommé ainsi
d’après l’énorme amphithéâtre qui s’y trouve. Ce bâtiment
permet d’accueillir représentations, réjouissances et fêtes reli-
gieuses de toutes sortes en de grands rassemblements publics ;
les organisations peuvent aussi le louer. Les évènements les plus
récents et les plus controversés sont des combats de gladiateurs
organisés par un groupe nommé Les Rues Désertes. Ils invitent
à participer quiconque souhaite démontrer ses aptitudes
martiales et organisent des compétitions qui durent toute la
journée. Le reste du quartier sert de centre artistique, dont le
cœur créatif, le Théâtre Sylvester, est dirigé par le philosophe,
révolutionnaire et dramaturge montaginois Jean Lemaire. Un
artiste en quête de mécènes habitera dans les appartements
au-dessus des ateliers, à la recherche de nobles du Haut quar-
tier qui voudraient financer ses travaux.
Juste en-dessous du Reinhagen se trouve le Stein. Ce
quartier, bâti autour de l’ancienne forteresse militaire, est le
plus vieux de la ville. Après avoir évité de peu la destruction
pendant la Guerre, le Stein fut reconstruit et sert maintenant
de quartier général aux troupes militaires qui opèrent à
Freiburg, notamment la Garde de fer de Träge. Beaucoup
d’académies militaires et d’écoles de duel se sont également
implantées dans le quartier, et quiconque recherche des armes
militaires fiables les trouvera dans une longue rue unique
tenue par la Guilde des armuriers, le Bras de fer.
Juste au sud-est du Stein se trouve le Quartier institu-
tionnel. Les groupes, organisations et institutions de
Freiburg sont implantés ici, tels que la prison, les bureaux
de la Freiburger Gazette, le journal local, ainsi que la
magnifique Cathédrale du drachen. Ce quartier héberge
également tous les bureaux administratifs qui tentent
de maintenir un semblant d ’ordre en ville, y compris le
personnel de l ’Eisenfürst dirigé par Wilma Probst. Les
érudits peuvent y visiter l ’Université de Freiburg, qui se
targue d ’avoir les échanges d ’idées les plus libres de toute
l ’Eisen. Ses étudiants expliquent souvent que : « Tout est
permis au nom de la connaissance. » Leur bibliothèque ne
connaît nulle rivale et propose un tract trimestriel appelé
le Wahrheitspapiere, ou « Les Articles de la vérité », écrit et
imprimé par des contributeurs anonymes souhaitant faire
circuler des idées nouvelles (et souvent hérétiques).
Confortablement installé entre le Griffon et le Quartier
institutionnel, on trouve le Quartier doré, ou Goldviertel.
Cet endroit sert de plaque-tournante au commerce de
Freiburg. C ’est également le siège de la place du marché, la
solide Marktplatz, et de ses docks, où toutes les cargaisons
qui arrivent à Freiburg sont déchargées depuis les bateaux.
La Marktplatz de Freiburg est un lieu sauvage et fébrile : la
Garde de fer a beau essayer de maintenir la paix, les hommes
de main des organisations contrôlent les différentes sections
du quartier. Le crime organisé a élu domicile au Goldviertel,
tout comme les mercenaires se rendent à la taverne de
l ’Orteil du drachen pour y trouver du travail. Les récentes
incursions de la Compagnie commerciale atabéenne pour
faire passer des marchandises, dont des esclaves, à travers
le Goldviertel ont provoqué un véritable tollé dans tout le
quartier ; même la Garde de fer a du mal à empêcher le
scandale de dégénérer.
La politique de Freiburg
La beauté de Freiburg réside tant dans les miracles qu ’elle
peut réaliser que dans les perfidies dont elle est capable. Les
puissants de Freiburg peuvent tout influencer, du commerce
dans la région aux courants religieux et intellectuels de
l ’université, en passant par les entreprises criminelles à
travers la Théah depuis le Goldviertel.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 35
 Freiburg se situe au carrefour de tous les courants de Freiburg reconnaissent une réalité incontestable : la ville
pensée concernant le futur politique d ’Eisen. Tout le monde, ne leur appartient pas, car dans le moindre coin d ’ombre
des diplomates aux cartels du crime en passant par les rôde un Monstre. Ainsi va l ’Eisen, et dans la Cité libre,
Eisenfürsten, veut participer aux choix de celui ou celle qui un citoyen fera en sorte de vivre chaque jour comme si
mènera l ’Eisen vers l ’avenir, et toutes les Sociétés secrètes c ’était le dernier, jusqu ’à ce que disparaissent les Horreurs
de Théah surveillent quelle direction prend la tempête qui ou que l ’ancienne et sauvage Freiburg ne tombe en désué-
s ’annonce. Les plus influents sont les Rilasciare, qui ont juré tude. Jusqu ’à maintenant, ni l ’un ni l ’autre ne s ’est encore
d ’empêcher Freiburg et l ’Eisen de tomber aux mains d ’un produit, c ’est pourquoi la grande expérience de la Cité
monarque. Une branche de leur organisation, les Kinder libre continue.
von Morgen, a prêté serment de tout faire pour que l ’Eisen
devienne une Fédération comme la Sarmatie, et le sang a Les montagnes de Dracheneisen
déjà été versé lors de combats féroces dans les rues de la Cité D ’aucuns surnomment les montagnes de Dracheneisen
libre pour décider du futur de la Nation. « l ’épine dorsale de l ’Eisen », et ils n ’ont pas tout à fait tort.
Pendant ce temps, d ’autres pensent que l ’avenir de l ’Eisen Dans un pays dominé par les falaises rocailleuses et les
passe par la compréhension de son passé. Beaucoup croient massifs rocheux, les montagnes de Dracheneisen marque
que Freiburg, l ’une des plus anciennes cités du pays, détient le paysage de leur silhouette intimidante, une longue crête
la clé du pouvoir perdu en Eisen depuis si longtemps. C ’est séparant les königreiche de Fischler, Wirsche et Hainzl qui
ici que la présence de la Société des Explorateurs est la plus empêche tout accès facile à la partie nord-ouest de l ’Eisen.
forte : elle possède un gigantesque chapitre à l ’est de la ville, Ces montagnes sont toutefois plus qu ’un simple obstacle
près du Conservatoire, où l ’on se consacre à l ’exploration géologique : autrefois, elles renfermaient les biens les plus
d ’un des secrets les moins bien gardés de la ville : Freiburg précieux de toute la Théah : les mines de dracheneisen. Si
repose sur une abondance de ruines syrneth. ces dernières ne produisent plus le célèbre métal depuis
bien longtemps, il existe encore beaucoup de gens qui reven-
Le cimetière de Nachtblut diquent leur droit de les miner dans l ’espoir de découvrir à
Personne ne sait exactement jusqu ’où s ’enfoncent les ruines nouveau de tels trésors.
syrneth sous Freiburg, mais tous les ans, des gens à leur
recherche se perdent irrémédiablement après s ’être faufilés Trésors cachés
dans les catacombes du cimetière de Nachtblut. On trouve Les montagnes de Dracheneisen, ainsi nommées d ’après
cristaux et reliques syrneth partout en ville, par exemple le minerai qu ’elles produisaient, servaient jadis de nid aux
une grande et ancienne statue au beau milieu des Jardins drachens. Des Héros légendaires pourfendirent autre-
du Conservatoire. C ’est également le pouvoir d ’un cristal fois les drachens nichés dans ces pics, c ’est pourquoi les
syrneth qui empêche la Wachtturm de s ’effondrer. anciennes grottes parsemant les montagnes renferment
Comme si toutes les reliques syrneth ne rendaient pas la aujourd ’hui leurs os massifs. Certaines de ces cavernes
ville assez étrange, le sol du cimetière est également jonché révélèrent d ’autres trésors, à l ’instar de la cache d ’armes et
d ’os de drachens, ce qui laisse à penser que la ville a été bâtie de l ’armure en dracheneisen que Niklas Träge découvrit
sur un de leurs anciens cimetières. Le Lac de la carrière, au pendant la Guerre de la Croix. Cette découverte inesti-
sud de la ville, est quant à lui suffisamment peu profond mable permit à Träge d ’acheter son titre d ’Eisenfürst.
pour que des chercheurs de trésor y plongent régulièrement Quand, à la fin de la Guerre, les bardes popularisèrent
en quête de cristaux et d ’os ; beaucoup finissent entraînés au l ’ascension au pouvoir du nouveau baron, nombreux furent
fond de l ’eau par des Horreurs des profondeurs. les chercheurs de trésor qui se rendirent dans ces grottes
En dépit de la criminalité élevée, les Horreurs qui dans l ’espoir de faire fortune. La plupart furent avalés par
marchent, nagent et volent pendant la nuit font de Freiburg les mortelles montagnes de Dracheneisen, et nul ne les
un lieu de visite passionnant. Que l ’on explore la Marktplatz revit plus jamais. Plus de vingt ans après, leurs descen-
à la recherche d ’ingrédients illégaux pour l ’Hexenwerk, ou dants et les habitants des montagnes ont bâti des villes à
qu ’on se rende au Pont des ossements au bout de la Grand de hautes altitudes, et développé de nouvelles façons de
route pour visiter le marché de contrebande géré par les survivre à l ’environnement hostile.
Enfants du drachen, un gang de rue d ’orphelins, tous à

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36 Chapitre 1 : L'Eisen
 Personne n ’a encore relaté la découverte de dracheneisen,
mais les gemmes et les minerais ramenés à la surface
permettent aux villes de continuer leur exploration.
Récemment, d ’étranges cristaux brillants, pareils à ceux que
l ’on trouve souvent sous Freiburg et dans les ruines syrneth
de Théah, ont été déterrés.
Bandits des montagnes
Comme partout en Eisen, les montagnes de Dracheneisen
regorgent d ’Horreurs. Ces Monstres vivent au fond des
cavernes et hantent les cols pour s ’en prendre aux voyageurs
la nuit venue. Il existe par exemple une espèce particulière
de goules ailées, capables de planer grâce aux membranes
tannées sous leurs bras : elles se laissent tomber des
falaises et des protubérances rocheuses sur les passants peu
méfiants ; d ’autres s ’extirpent de la terre meuble pour surgir
par en-dessous à l ’improviste.
Coupés de toute aide extérieure, les habitants des villes
minières des montagnes de Dracheneisen ont très rapi-
dement dû s ’adapter à leur environnement. Cela explique
pourquoi ces gens ont recours au banditisme et volent ce
qu ’ils peuvent pour s ’armer. Ils deviennent des montagnards
impitoyables et rapides, capables de descendre en rappel le
long des falaises pour encercler des caravanes et les délester
de leur cargaison en un rien de temps.
D ’autres se sont rabattus sur l ’esclavage, transformant
de petites villes minières en camps de forçats, enlevant
des voyageurs pour les forcer à chercher le dracheneisen
enfoui profondément. Quand on leur parle de ces horribles
villes, les Eisenfürsten nient l ’existence de camps d ’esclaves
dans leur königreich. Les proches des voyageurs disparus,
inquiets, ont tout de même réussi à pousser Fischler et
Hainzl à lancer de multiples expéditions pour vérifier la
véracité de ces allégations, mais sans résultat probant. En
revanche, Roswitha von Wirsche se démarque par son inac-
tion : elle ne cesse de railler cette idée et refuse d ’envoyer sa
Garde de fer enquêter. Son manoir d ’été, Klarhimmel, se
trouvant non loin au nord des supposées villes esclavagistes,
beaucoup se demandent ce qu ’elle sait précisément, et les
raisons de son inaction.
Höhenlage
Comme si le danger incarné par les bandits, les Horreurs et
une vie de servitude ne suffisait pas, un nouveau cauchemar
a pris forme dans les montagnes de Dracheneisen au cours
des quinze dernières années.
La grande ville de Höhenlage était autrefois un lieu de
rendez-vous important pour les petits villages essaimés dans
les montagnes : il s’agissait du seul endroit d’où l’on pouvait
rejoindre une caravane à destination soit du nord de Wirsche
et de la côte au-delà, soit du sud de la ville d’Atemlos et plus
loin encore de la Montaigne. Avant la Guerre de la Croix, la
ville était une communauté prospère installée sur une steppe
plate nichée entre deux montagnes. Lorsque les Horreurs
firent leur apparition, la vie dans la ville se transforma en
cauchemar. Les attaques incessantes amoindrirent la popu-
lation et sonnèrent le départ des voyageurs. Les appels à
l’aide aux Eisenfürsten ne reçurent aucune réponse. Ceux qui
pouvaient fuir s’en allèrent, mais ceux qui restèrent subirent
de plein fouet les assauts des Monstres. Un jour, un jeune
noble se présenta avec la solution à leur problème. Il s’appelait
Viktor Franzeller, scientifique et hexe. Il promit aux habitants
de Höhenlage qu’ils pourraient survivre aux Horreurs s’ils
l’écoutaient attentivement.
Une génération plus tard, Viktor a complètement trans-
formé les habitants. Il les utilise comme sujets d ’expérience,
leur greffant des morceaux d ’Horreurs pour les rendre plus
forts. Au tout début, il créa des Leibewerke, des créatures
mortes-vivantes auxquelles il ajouta différents membres,
puis il finit par comprendre comment garder les villageois
en vie après les greffes. Franzeller finit par changer presque
tout le monde, d ’une façon ou d ’une autre. Les Altérés, ainsi
qu ’ils se surnomment, sont désormais bien plus nombreux
que ceux qui ont refusé le processus.
Obsédé par l’idée de créer le mélange parfait entre humain
et Horreur, Viktor a rencontré quelque succès avec ses expé-
riences grotesques. Les villageois restent en grande partie invi-
sibles aux yeux de certaines Horreurs, mais il est impossible
de savoir avec certitude si cela est dû aux greffes de Viktor ou
à son Hexenwerk. Grâce à ses réussites, presque tous les habi-
tants de Höhenlage lui vouent une adoration fanatique (et les
autres gardent leur opinion pour eux). Ceux qui résistent à
Franzeller mettent en garde les étrangers de passage dans la
ville : s’ils ne veulent pas d’ennuis, qu’ils évitent de faire des
vagues, sans quoi ils affronteront la violence des Altérés.
D ’entre tous les dangers qui accablent les montagnes de
Dracheneisen, ce sont les Altérés qui risquent d ’attirer les
foudres du monde extérieur le plus vite. Des rumeurs sur
les travaux de Franzeller sont notamment parvenues aux
Kreuzritter, qui se sont donné pour but de mettre fin à ses
expériences pour de bon. Mais s ’ils veulent le capturer, ils
devront se rendre dans les montagnes et survivre à leurs
périls, ce qui ne sera déjà pas un mince exploit.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 37
 Les Wälder
Les Wälder s ’étendent sur trois königreiche différents
(Freiburg, Fischler et Sieger) et recouvrent près d ’un tiers du
sud de l ’Eisen. Il est quasiment impossible de voyager d ’est
en ouest en Eisen sans traverser ces bois, et beaucoup de
pistes et de routes serpentent à travers cette forêt profonde.
La plupart des routes traversant les Wälder ne sont pas
gardées, car ni Sieger ni Fischler n ’ont les ressources pour
envoyer des patrouilles dans ce territoire instable et dange-
reux. Seule Freiburg a les fonds nécessaires pour envisager
ce genre d ’entreprise, mais jusqu ’à présent, Niklas Träge
semble plutôt décidé à laisser la forêt tranquille.
Les marchands ou les caravanes qui souhaitent traverser le
territoire se font donc escorter par des mercenaires ou des
protecteurs. Il n ’est en effet pas rare d ’apprendre que des
groupes entiers ne sont jamais ressortis de ces bois. Que ce
soit par les buveurs de sang au nord-est, les werwölfe qui
se meuvent dans la nuit, voire le terrifiant Schattenmann
lui-même, les Wälder prélèvent régulièrement leur dû
aux Eisenörs.
Les Wälder sont remplis de Monstres, tous plus
effrayants les uns que les autres. Un grand nombre
d ’Horreurs—parmi lesquelles plusieurs sortes de
morts-vivants, des animaux énormes et corrompus, des
brumes suceuses de vie, des sorcières, des goules ou des
créatures monstrueuses et difformes— y ont élu résidence.
Ces cauchemars ambulants ne sont pas les seuls dangers
qui hantent ces bois. Les voyageurs font également état
de fantômes de soldats qui, en groupe, longent les lisières
de la forêt pour rejouer leur dernier combat avec les voya-
geurs peu méfiants. Ceux qui dorment dans la forêt se
réveillent fréquemment au son de fantômes sanglotant au
milieu de leur campement.
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38 Chapitre 1 : L'Eisen
Si les voyageurs ne sont pas équipés d’Onguents d’Hexenwerk
ou accompagnés d’un exorciste fiable, ces fantômes peuvent
prendre possession d’un membre de leur groupe et ainsi aspirer
la force vitale de l’hôte. Les compagnons du possédé ne peuvent
secourir leur pauvre camarade qu’en venant en aide au fantôme
et en réglant une affaire laissée en suspens. À défaut, ils courent
le risque de voir leur ami perdu à jamais.
Des hommes et des femmes se sont également installés dans
ces bois aux côtés des Monstres. Certains sont tout aussi mons-
trueux que le reste des occupants de la forêt. En fait, beaucoup
se rendent dans les Wälder faute de mieux dans leur vie et ont
recours au banditisme pour survivre. Seuls les plus robustes de
ces désespérés parviennent à devenir de dangereux bandits ; la
plupart finissent juste victimes des Horreurs.
Ceux qui survivent suffisamment longtemps ne sont
pas fait du même bois que les autres Eisenörs. Certains
deviennent ce que les locaux appellent les Wilde kinder,
des vagabonds qui mettent en pièces tous ceux qu ’ils
rencontrent afin de décimer les « hordes » de gens qui
pénètrent dans la forêt. Les survivants de telles attaques
décrivent les Wilde kinder comme des métamorphes qui
prennent l ’apparence d ’hybrides humains-animaux pour
pister et chasser leurs proies.
Entre les Horreurs et les individus qui rôdent dans les
Wälder, peu de voyageurs ressortent indemnes de la forêt
menaçante. La plupart des marchands refusent d ’établir un
campement pour la nuit et préfèrent voyager de longues
heures durant pour éviter cette éventualité. D ’autres
unissent leurs forces et créent d ’énormes campements
temporaires dans les bois, dans l ’espoir que leur nombre
décourage les créatures et les bandits de les attaquer. Bien
sûr, cela ne dissuade pas les Horreurs, mais au moins, avec
un grand groupe, le combat est vite terminé.
Le domaine des Waldemar
Une terrifiante menace réside dans la partie nord-ouest de
la forêt. Sous la canopée des Wälder, bâti au fin fond d ’un
antique ensemble de ruines syrneth, croupit un manoir
délabré. Un voyageur s ’éloignant du sentier se retrouvera
peut-être attiré par la sécurité relative de la bâtisse, et
deviendra alors l ’invité des Waldemar. Et si la famille peut
paraître a priori hospitalière, sa soif pour le sang de ses
invités a transformé en véritable cauchemar la vie de plus
d ’un Eisenör reconnaissant.
Le Schattenmann
Le Schattenman, « l ’Homme-ombre », arpente les Wälder
avec une paire de cisailles géantes au bout de ses bras longs
comme des brindilles, prêt à découper quiconque croiserait
sa route. On ignore tout de ses motivations. Si certains
pensent qu ’il s ’agit d ’une Horreur, des survivants l ’ayant
rencontré parlent toutefois d ’une intelligence effrayante et
obsédante nichée au fond de ses yeux noirs et insondables.
Peut-être le Schattenmann protège-t-il le trésor supposé
des Wälder, le Bosquet de l ’imperator. Baptisé d ’après le
premier imperator d ’Eisen, Stefan, ce bosquet d ’arbres
blancs comme les os, situé au cœur même de la forêt,
entoure une fontaine soi-disant capable de guérir n ’importe
quelle maladie ou blessure. Les vieilles histoires disent que
l ’imperator Stefan a négocié l ’accès aux bois avec la protec-
trice d ’Eisen, un puissant esprit qui souhaitait rester à l ’écart
des conflits mortels du roi. Elle a depuis retiré sa protection
aux Wälder, laissant derrière elle une fontaine magique dans
un territoire de plus en plus sombre.
Kummerholt
De petits hameaux parsèment l ’orée des Wälder, car bûche-
rons, mineurs, chasseurs et bien d ’autres encourraient un
danger certain à vivre dans la forêt. Kummerholt est la plus
grande de ces villes. Dirigée par Alwin Rainer—dont la
famille vit dans les Wälder depuis sept générations—ce
ramassis de huttes et de cottages regroupés à la lisière de la
partie sud-ouest des Wälder est ce qui se rapproche le plus
d ’un lieu sûr pour les voyageurs.
Les gens de Kummerholt traitent les étrangers avec un
humour désabusé. Pour eux, voyager à travers les Wälder en
connaissant pertinemment ses dangers est signe d ’arrogance
et d ’idiotie. Quiconque survit à son premier voyage à travers
la forêt se verra offrir un verre par la maison à l ’auberge
Rosswind (une offre permanente de la part de l ’aubergiste
Rolf Barkhaus et de sa femme, Romilde).
L ’Angenehme Wald
Si les Wälder constituent le cœur effrayant de l ’Eisen,
l ’Angenehme Wald sert quant à elle de refuge contre les
dangers de ce pays infesté de Monstres. La forêt dense
s ’étend sur une grande partie du nord-est de l ’Eisen. Les
arbres y sont si grands et la frondaison si épaisse qu ’il est
impossible d ’y pénétrer à certains endroits. Sans l ’existence
des trois routes principales qui traversent l ’Angenehme
jusqu ’à la frontière ussurane, on ne s ’aventurerait jamais
dans ces bois. On raterait alors un spectacle féérique. Les
gens n ’appellent pas sans raison la forêt Angenehme, ce qui
signifie « agréable » : ces bois sont pure magie.
Contrairement aux terres souillées qui l ’entourent,
l ’Angenehme est une forêt qui tient du conte de fées, pleine
d ’arbres géants, de fleurs magnifiques et d ’animaux en
bonne santé. Les oiseaux chantent sous les sapins imposants
qui ne semblent jamais quitter leur verte parure, et toutes
sortes de créatures forestières se déplacent dans ces sous-
bois moussus remplis d ’épaisses fougères. Bien que personne
n ’ait envoyé d ’équipe de cantonniers en plusieurs années,
les routes semblent conserver un état de quasi-perfection.
Ceux qui vivent aux abords de l ’Angenehme ont un adage
pour décrire l ’état de stase presque total des bois : Der Wald
dauert fort. « La forêt perdurera. »
Les personnes qui vivent au sein de l ’Angenehme Wald
choisissent généralement de ne jamais la quitter. Ceux qui
vivent à l ’écart de ces bois les surveillent en revanche d ’un
œil méfiant, dans un mélange d ’émerveillement, de mélan-
colie et de franche inquiétude. Quant au reste des Eisenörs,
ils empruntent simplement les routes qui la traversent pour
se rendre en Ussura puis en revenir.
La perfection magique de l’Angenehme remonte à l’époque
précédant la Guerre de la Croix. Nombreuses sont les vieilles
histoires racontant la course à travers bois d’un fuyard qui,
désireux d’échapper à quelque chose ou quelqu’un, se retrouve
accueilli par la terre elle-même et protégé de ses ennemis. Ces
histoires se terminent invariablement par l’anéantissement
des Scélérats ; quant aux Héros qui s’étaient portés à la
rescousse de l’individu, ils s’installèrent dans les bois magni-
fiques où ils vécurent heureux pour toujours.
Parfois, un soldat démoralisé par la Guerre transmettait des
légendes sur l’Angenehme Wald et la belle vie qu’il pourrait y
mener. Cela explique pourquoi bien des déserteurs ont voulu
atteindre la forêt, avant de se faire attraper et exécuter. Parfois,
l’un d’eux parvenait tout de même à atteindre la sûreté de
l’Angenehme. Il était alors accueilli par ses prédécesseurs, vivant
dans de petites communautés isolées sous l’immense canopée.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 39
 Certaines de ces personnes étaient elles aussi des soldats
réfugiés mis en fuite par les Horreurs. Parfois, il y avait
également des Ussurans qui avaient traversé la frontière
pour rejoindre l ’Eisen. Tous les nouveaux venus sont
chaleureusement accueillis, mais à tous, on dit la même
chose : Perchta, la sorcière des bois, protège l ’Angenehme.
Malheur à celui qui voudrait déranger la paix de la forêt.
Les gens dans l ’Angenehme mènent une existence
heureuse et sûre. Il n ’y a qu ’une seule mise en garde :
ceux qui s ’installent dans la forêt ne peuvent plus jamais
en repartir.
La chaumière de Perchta
Même si l’Angenehme se trouve partiellement sous l’auto-
rité de Pösen et de Freiburg, aucun des deux königreiche
ne gouverne la forêt. À la place, les nécessiteux se rendent
dans une chaumière isolée au cœur même de la forêt et
demandent aux joyeux enfants, femmes et jeunes adultes où
trouver Perchta. Selon son humeur, la femme qui émerge de
la chaumière aura l’apparence soit d’une vieille harpie, bossue
et appuyée sur une canne, soit d’une magnifique jeune femme
aux cheveux de jais et vêtue d’une simple robe tissée à la main.
Perchta n’essaye jamais de dissimuler son pouvoir ou de
cacher le fait qu’elle n’est pas humaine, et elle méprise ceux qui
répudient la magie dans ses bois. Elle protège la forêt depuis
que l’Angenehme existe, et jure de continuer à le faire jusqu’à
ce que les étoiles tombent des cieux. À l’écouter, elle aurait
été la protectrice de l’Eisen bien avant que le pays porte son
nom. Désormais, elle concentre son pouvoir uniquement sur
la forêt et a plus ou moins abandonné le reste du pays à son
sort. Son pouvoir immortel maintient l’Angenehme dans un
printemps perpétuel et protège tous ceux qui y vivent.
La forêt, ce paradis quasi parfait au milieu d ’un cauchemar,
attire beaucoup l ’attention. Tout comme Freiburg au sud, la
zone est relativement dépourvue de lois. On n ’en compte
que quatre : tout ce qui a été pris doit être remboursé,
personne ne peut quitter les bois sans l ’approbation explicite
de Perchta, tout morceau de bois utilisé pour faire un feu
doit être rendu à la forêt d ’une façon ou d ’une autre et enfin
tout marché conclu sous les branches doit être respecté.
Quiconque dans l ’Angenehme essaie de prendre sans
rendre découvre bien vite que la puissance de Perchta
s ’étend dans chaque forme de vie de la forêt, jusque dans
le moindre brin d ’herbe. Les animaux, les arbres, le sol
lui-même peuvent se retourner contre celui ou celle qui ne
fait pas un échange juste et équitable, et les conséquences
ï
40 Chapitre 1 : L'Eisen
sont généralement mortelles. Les os de ceux ayant enfreint
les règles parsèment les côtés de la route.
Perchta est également une fervente négociatrice. Le prix
pour explorer sa forêt consiste en une faveur. Pour visiter la
forêt temporairement, un étranger doit exaucer les souhaits
de Perchta ou lui échanger quelque chose. Plus le marché
est juteux, plus il pourra rester longtemps. S ’il parvient
à impressionner Perchta, il obtiendra une alliée dotée de
connaissances accumulées durant plusieurs siècles, bien plus
puissante que n ’importe qui d ’autre en Eisen. Cependant,
s ’il s ’attire son courroux, la forêt entière se transformera
en ennemi mortel. Un voyageur souhaitant quitter la forêt
peut aussi essayer de négocier sa liberté auprès de Perchta,
mais le prix pour abandonner sa protection peut se révéler
exorbitant, voire fatal.
Lorsqu ’un visiteur obtient la permission de Perchta
d ’explorer l ’Angenehme, il découvre bien plus qu ’une simple
cachette pour réfugiés. En son sein se trouve un véritable
trésor de la flore et de la faune dont l ’abondance n ’a son
pareil nulle part ailleurs en Eisen. Ici prospèrent plantes et
animaux ayant disparu dans les années de l ’après-Guerre,
en particulier des plantes reconnues pour leurs propriétés
thérapeutiques. On peut y récolter des ingrédients extrê-
mement rares pour l ’Hexenwerk, et il existe des rumeurs
de reliques magiques venues d ’âges anciens, notamment
des reliques syrneth dissimulées dans de profondes
caches souterraines.
Les rumeurs courent parmi les habitants de la forêt à
propos de grottes au nord de l ’Angenehme : il y aurait là-bas
un labyrinthe de tunnels renfermant une rivière magique
souterraine qui mènerait vers des contrées étranges et
fantastiques. Par-dessus tout, l ’Angenehme recèle de toutes
sortes de bêtes étranges et magiques : ces créatures splen-
dides, attirées par le pouvoir de Perchta, semblent tout droit
sorties d ’un livre de contes. Personne ne sait vraiment si
elles sont bien réelles ou si elles ne sont que la matérialisa-
tion des pouvoirs de Perchta.
Perchta s ’est enfin directement impliquée dans la politique
du pays, soutenant en secret Rosamund Roth pour qu ’elle
devienne chef du futur gouvernement. Depuis sa chau-
mière, son influence s ’étend par le biais de ses émissaires :
les résidents loyaux de la forêt portent ses messages dans
le but d ’obtenir des soutiens en faveur du commandant du
Drachenblut dans la lutte politique toujours changeante
pour le trône d ’Eisen.
Kreuzweg
Quiconque emprunte les routes de l ’Angenehme doit payer
un prix ou présenter une offrande aux bois. Celle-ci peut
être déposée au carrefour de la lisière ouest de la forêt. Une
petite ville du nom de Kreuzweg s ’est développée autour de
ce carrefour, à l ’intérieur des limites de la forêt. Un voyageur
peut s ’y réapprovisionner et se reposer en cours de route.
Au cœur de la ville, une auberge nommée Le Ricochet
permet un repos agréable et au chaud. L ’établissement
accueille souvent des Ussurans circulant vers l ’ouest, des
marchands se rendant en Ussura et des voyageurs qui
marquent l ’arrêt entre les königreiche de Pösen et Freiburg.
Les Explorateurs en quête d ’artefacts syrneth dans les bois
ont fait du Ricochet leur base d ’opérations.
Si les bois sont paisibles et idylliques, la nature visible-
ment magique de la forêt et de sa protectrice, Perchta, ont
perturbé beaucoup de voyageurs au fil des ans. Lorsque des
armées loyales à l ’Église vaticine décidèrent d ’attaquer la
forêt pendant la Guerre de la Croix pour la purger de sa
corruption magique, elles livrèrent une bataille telle qu ’elles
n ’en avaient jamais vécues. La forêt elle-même réduisit les
troupes en morceaux.
Envoyé pour mener la charge, un jeune capitaine du nom
de Jakob Berlitz rejoignit son commandant et refusa de
détruire la forêt, même sous peine de mort. Avant qu ’on
ait pu le pendre pour insubordination, ses hommes et lui
s ’enfuirent dans les bois. Il y vit toujours, et est devenu
maire de Kreutzung.
Le pays traverse une telle mauvaise passe que beaucoup
sont venus trouver refuge dans ces bois et ont grossi les
rangs de la population protégée par Perchta. Quand des
émissaires des Eisenfürsten voulurent discuter avec eux, ils
ne révélèrent rien de leurs conditions de vie. Finalement, les
barons envoyèrent des émissaires s ’adresser à Perchta.
Ce qu ’ils virent a de toute évidence suffisamment intrigué
Niklas Träge pour qu ’il aille rendre visite en personne à
la sorcière des bois. La rumeur veut qu ’ils aient conclu un
marché. Depuis, Perchta a fait des routes passant par la
forêt le moyen le plus sûr de gagner l ’Ussura indemne, et le
commerce est devenu très lucratif (tant que tout un chacun
respecte les lois de l ’Angenehme bien sûr).
Burg Wachesherz
Burg Wachesherz—le château du Cœur vigilant en
eisenör—repose au pied du mont Tiefstrabe, au fin fond
des montagnes de Dracheneisen. Cette imposante forte-
resse balayée par les éléments, dont la construction est
antérieure à la Guerre de la Croix, est depuis longtemps
tombée en ruines.
L ’histoire du château s ’est progressivement perdue avec le
temps. Les légendes racontent que d ’anciens sorciers l ’ont
bâti pour y étudier les drachens qui vivaient alors en Eisen,
mais personne n ’est sûr de leur véracité. Lorsque Burg
Wachesherz fut redécouvert aux derniers jours de la Guerre
de la Croix, il était déjà devenu une ruine à moitié écroulée.
Seuls ses remparts extérieurs tenaient bon, scellant encore
le château dans une niche entre deux parois à pic.
Pendant la Guerre, des soldats en fuite menés par
Rosamund Roth tombèrent sur le château alors qu ’ils cher-
chaient à s ’abriter des terribles tempêtes hivernales. L ’unité
découvrit alors que les ruines étaient infestées d ’Horreurs
provenant des profondeurs du fort. Les Monstres massa-
crèrent de nombreux soldats avant que Roth ne mène une
expédition pour sceller les niveaux inférieurs. Les survivants
quittèrent le château lorsque le temps redevint clément, et
Rosamund jura de revenir exterminer les Horreurs et rendre
à Wachesherz sa gloire passée. Elle ressortit changée de son
expédition dans les sous-sols, comme si elle y avait décou-
vert quelque chose d ’à la fois monstrueux et extraordinaire.
Rosamund Roth mit des années avant de retourner au
mont Tiefstrabe. Elle menait alors une colonne de guerriers
dévoués à une nouvelle organisation, le Drachenblut. Les
soldats s ’étaient engagés à devenir une nouvelle force du
bien dans une Eisen chaotique, une petite armée prête au
combat, libre de toute entrave politique et au but unique :
protéger les habitants d ’Eisen de tout et n ’importe quoi.
Pour atteindre ce but, il leur fallait un nouveau quartier
général, c’est pourquoi la première bataille d’ampleur des
Drachenbluts prit place dans les couloirs de Burg Wachesherz,
afin de reprendre le château des mains de ses occupants
monstrueux. Lorsqu’ils eurent fini, Roth planta le drapeau
du Drachenblut en haut des remparts et entreprit la tâche
de reconstruire la forteresse pour redorer son blason d’antan.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 41
 La Forteresse
Burg Wachesherz est aujourd’hui redevenue une véritable
forteresse, adossée aux contreforts du mont Tiefstrabe et
encerclée des deux côtés par ses falaises. On ne peut y accéder
que par un col de montagne étroit. Ses murs imposants
permettent aux hommes de monter la garde et de voir ceux
qui s’approchent, tandis que les archers restent en perma-
nence sur les remparts. Les forces à l’intérieur de Wachesherz
sont certes réduites, mais elles sont ordonnées, disciplinées
et soutenues par des artisans et des serviteurs qui, preuve
du bien apporté par le Drachenblut, ont fait le long voyage
à travers les montagnes pour aider l’organisation à survivre.
Si, par le passé, le Drachenblut était plus discret, Rosamund
a depuis peu ouvert l’accès au château en raison d’accusations
d’étranges rituels de sang et de magie noire qui auraient
soi-disant lieu dans les sous-sols. L’organisation n’a rien à
cacher : les invités sont accueillis et les idées sont partagées
avec qui consent à les écouter. Les Drachenbluts reçoivent
avec empressement quiconque aimerait soutenir leur cause
par l’or, les armes, les faveurs ou la puissance militaire.
Les visiteurs de confiance peuvent être invités à visiter
l ’académie des stratèges du Drachenblut—un centre
d ’entraînement qui enseigne à ses meilleures jeunes recrues
l ’art de la stratégie et l ’histoire militaire—ou à s ’entraîner
aux côtés des féroces guerriers de l ’organisation.
L ’un des plus grands trésors du château est sa bibliothèque
en expansion, dans les tours nord, que Diego Monsancino,
un prêtre vaticin défroqué devenu historien, a entrepris de
restaurer. La bibliothèque est connue pour les textes qu ’elle
renferme et qui traitent de tous les sujets depuis l ’époque
de Stefan le Sage, de l ’histoire à la magie.
Quiconque veut rester et apprendre doit d’abord combattre
aux côtés du Drachenblut et prouver sa valeur en tant qu’allié.
Les survivants rejoignent les rangs des Blutgeschwister,
les « Frères et Sœurs de Sang », et sont autorisés à rester.
Tous ceux qui demeurent dans le château partagent les
mêmes quartiers et se restaurent ensemble dans l’énorme
salle commune des festins. Il n’y a pas de table d’honneur :
Rosamund Roth mange avec ses soldats et ses invités sous
une bannière géante représentant le drachen doré.
Le voyage jusqu’au château n’est pas une promenade de
santé. Les Horreurs des montagnes et les périls météorolo-
giques fauchent un grand nombre de vies avant même qu’elles
n’atteignent Wachesherz. De plus, les ennemis du Drachenblut
tendent des embuscades aux voyageurs s’y rendant. Entre-
temps, l’isolement du château a bien servi les Drachenbluts en
tenant leurs ennemis à l’écart et en dissimulant leurs ressources

ï
et leurs secrets aux yeux des curieux.
 Burg Wachesherz, en tant que puissance montante en
Eisen, s’attire évidemment les foudres politiques des digni-
taires étrangers comme des Eisenfürsten. Un récent arrivage
d’armes dans la forteresse a beaucoup attiré l’attention, un
donateur anonyme ayant fait cadeau à l’organisation d’armes
et d’armures en dracheneisen extrêmement rares. Nombreux
sont ceux qui pointent Niklas Träge du doigt, même si
celui-ci rejette ces accusations. Cela étant, l’arrivée de ces
puissantes armes appuie la légende qui se constitue autour
de Wachesherz, présentant le château comme le centre d’une
grande et nouvelle aventure qui démarre au cœur de l’Eisen.
Les grottes de fer
D ’étranges histoires sont descendues de la montagne
concernant les cérémonies d ’initiation des nouvelles recrues
du Drachenblut, ainsi que ce que cacherait Rosamund Roth
dans les sous-sols de Burg Wachesherz. Les informateurs
et les espions des Eisenfürsten parlent d ’un rituel encapu-
chonné où les nouveaux guerriers doivent boire une coupe
pleine de sang de drachen. Bien sûr, la plupart des gens ne
croient pas que l ’organisation possède réellement du sang
de drachen, puisque les créatures légendaires n ’existent plus
en Eisen depuis des milliers d ’années. Quoi qu ’il en soit,
beaucoup se demandent encore s ’il n ’existe pas une grotte,
profondément enfouie sous Wachesherz, qui renfermerait
un terrible et incroyable secret.
En tout cas, si Rosamund Roth et le Drachenblut dissimulent
bel et bien un drachen dans leur forteresse, personne n’en parle.
Le village de Wachesherz
En comptant ses chevaliers, ses commandants, ses serviteurs
et ses visiteurs, la population du château avoisine les deux
cent personnes, et il en arrive toujours plus chaque année.
Tous les jours, la reconstruction de la forteresse continue :
de vieilles sections sont rénovées et de nouveaux bâtiments
sont ajoutés pour loger la population bourgeonnante.
Un petit village, nommé d ’après le château lui-même et
rempli d ’artisans et de marchands venus de toute la Théah,
est apparu à l ’extérieur de l ’enceinte. Ceux qui habitent à
l ’extérieur de la ville font du troc et des affaires avec ceux
qui ne sont pas intéressés pour intégrer les Blutgeschwister,
et un marché tentaculaire s ’est petit à petit installé dans
l ’ombre des tours du château.
Les marchandises qui se vendent le mieux sont les
ingrédients d ’Hexenwerk, et les marchands bien informés
attisent la rumeur d ’ingrédients introuvables ailleurs qu ’à
Wachesherz. Le maire du village, une femme nommée Kiva
Hollitz, soutient les hexen ainsi que beaucoup d ’autres
sorciers. Elle s ’arrange également pour trouver des individus
menacés d ’ostracisme, voire chassés, et les amener dans son
petit village isolé, loin des curieux.
Afin de subvenir aux coûts de rénovations élevés de la
forteresse, le Drachenblut reçoit au château les mécènes
qu ’ils ont sollicités parmi la noblesse. Ceux qui ont
remarqué l ’ascension de Rosamund Roth viennent égale-
ment visiter le château, c ’est pourquoi une auberge de
luxe bien meublée a ouvert tout récemment à Wachesherz.
Nommée le Joyau du drachen, cet établissement est géré par
un couple vesten, Gertrude et Sigrun Jarlsmann. Ces deux
associés, reconnus par la Ligue de Vendel, accueillent tous
les clients appartenant aux plus hautes classes sociales lors
de leurs visites.
Starkbrunn
À la frontière entre la Castille et l ’Eisen se trouve
Starkbrunn, la ville aux grands remparts. Contrairement à
la majorité des vieilles villes d ’Eisen, Starkbrunn est une cité
que l ’après-Guerre a redynamisée.
Dévastée par les attaques à répétition et submergée très tôt
dans le conflit, Starkbrunn fut sous occupation castilliane
pendant le gros de la Guerre de la Croix. Elle fut reprise
lors de l ’attaque finale de l ’imperator et de ses troupes. Près
d ’un millier de soldats moururent pendant l ’assaut visant à
reprendre les remparts et, à l ’extérieur de l ’enceinte, la fine
fleur de la jeunesse eisenör périt par dizaines de milliers
dans l ’ombre des montagnes de Dracheneisen. La ville
acquit alors le surnom de « Cimetière de la Couronne »
tandis que la langue de terre séparant ses murs des
montagnes fut baptisée die Heulenden Ebenen, les Terres
mugissantes, tant les sangs d ’Eisen et de Castille en ont
imprégné chaque centimètre carré. Au pied de la muraille
de Starkbrunn, les deux Nations déclarèrent la fin des
hostilités. La bataille des Heulenden Ebenen pava donc
le chemin vers la paix, et la Castille rendit Starkbrunn à
l ’Eisen en gage de bonne volonté. Les vétérans de la bataille
prêtèrent serment de tout faire pour prévenir le retour de
la guerre, et beaucoup s ’installèrent à Starkbrunn pour la
reconstruire. Malgré leurs efforts, ce qui restait de la ville
tomba tout de même en ruine et resta en grande partie
occupé par les forces militaires.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 43
 Die Heulenden Ebenen
Les Terres mugissantes s ’étirent en une langue de terre
souillée et misérable qui engendre des Horreurs parmi les
plus dangereuses d ’Eisen. Ces créatures ne se cachent pas,
au contraire, elles escaladent les rochers jaillissant du sol
rocailleux pour s ’en prendre aux voyageurs se rendant en
ville. Quiconque se retrouve à terrain découvert après la
tombée de la nuit doit s ’attendre à être attaqué.
Pour rejoindre Starkbrunn il faudra couvrir les derniers
kilomètres de no man’s land en une course folle avant
d’atteindre la sûreté des garnisons qui patrouillent sous les
remparts. Les morts étaient nombreuses lorsque les vieux
vétérans dirigeaient seuls Starkbrunn, mais une nouvelle
génération de guerriers a répondu à l’appel de renforcer la ville.
Les Junges blut
Quand le vénérable commandant de la garnison, Bruno
Elkhardt, mourut en repoussant une horde de goules pour
protéger une caravane marchande, sa fille et commandant en
second, Elmina Elkhardt, lança un appel dans toute l ’Eisen.
Elle encouragea jeunes et moins jeunes à venir participer à
la nouvelle guerre pour l ’avenir de l ’Eisen, celle contre les
Monstres qui dérobent à la Nation toute chance de pros-
pérer. Les bardes et les messagers portèrent ces mots aux
quatre coins du pays.
Bientôt, de jeunes Eisenörs se manifestèrent. Bien que
trop peu âgés pour avoir combattu pendant la Guerre, ils
avaient fait leurs armes leur vie durant en combattant les
Horreurs. Robustes et déterminés, ces jeunes guerriers
entreprirent de protéger et de reconstruire Starkbrunn
afin d ’en faire la principale base militaire de l ’Eisen. Sous
les ordres d ’Elmina Elkhardt, ces soldats prirent le nom de
Junges blut—« les Sangs neufs »—d ’Eisen : une nouvelle
génération de tueurs de Monstres, prêts à combattre et à
mourir pour protéger les leurs.
Si les tensions entre vétérans aguerris et Junges blut sont
plus que palpables, les deux groupes se sont malgré tout unis
sous le commandement d’Elkhardt pour devenir une puis-
sance majeure du territoire. La ville est désormais devenue si
influente que beaucoup de familles, par fierté, envoient leurs
enfants rejoindre les Junges blut pour qu’ils y apprennent le
sens véritable des mots « combattre pour l’Eisen. »
À la surprise générale, Starkbrunn déclara par la suite
quitter le königreich d’Hainzl pour rejoindre celui de Fischler.
Falk Fischler fut en effet le seul Eisenfürst à répondre à l’appel
à l’aide de Starkbrunn en envoyant des ressources, malgré
des conseils politiques qui lui préconisaient le contraire.
ï
44 Chapitre 1 : L'Eisen
Le commandant Elkhardt voulut lui envoyer une lettre de
remerciements, mais Fischler la prit de court en venant la
rencontrer et visiter les célèbres champs de bataille.
Ce faisant, l ’Eisenfürst séduisit à la fois les Junges blut
par son soutien, et les vétérans par son hommage aux
défunts sur le champ de bataille. Depuis, la ville est dévouée
à Fischler et son Eisenfürst, et elle le suivra quoi qu ’il
puisse advenir.
Le soutien de Fischler et d ’autres bienfaiteurs permit la
reconstruction de Starkbrunn. Derrière ses hautes murailles
se trouve désormais une ville relativement moderne, où de
nouvelles fortifications solides recouvrent les infrastructures
quasi détruites de l ’antique citadelle.
Néanmoins, certaines plaies cicatrisent mal. Tout voyageur
en provenance de Castille doit passer par Starkbrunn s ’il
veut rester en sécurité, et bien que la Guerre ait pris fin
il y a longtemps, la venue de Castillians exacerbe toujours
les tensions.
Jägerviertel
Starkbrunn est devenu un refuge pour les combattants et
combattantes d ’Eisen à la recherche d ’une nouvelle cause,
d ’un nouveau foyer ou d ’un endroit où ils seront à leur
place. Ceux qui ne parviennent pas à intégrer la garnison
deviennent souvent mercenaires (ce qui explique pour-
quoi beaucoup de sociétés de mercenaires s ’établissent à
Starkbrunn).
Depuis la Guerre de la Croix, plus d ’un Eisenör s ’est
spécialisé dans la traque et l ’extermination de la seule chose
qui abonde en Eisen : les Monstres. Une nouvelle profession,
les chasseurs de Monstres itinérants, ou ungetümjäger, s ’est
formée à partir de combattants aguerris passés maîtres dans
l ’art d ’exterminer tous types d ’Horreurs. Ces personnes
s ’installent au sud de la ville, à Jägerviertel, le Quartier du
chasseur. Celles et ceux qui veulent se débarrasser d ’une
Horreur peuvent y trouver des spécialistes. Dans les
tavernes locales, les aubergistes tiennent à jour des listes
d ’ungetümjäger cherchant du travail.
De plus, l ’hôpital Himmel Licht, au centre de la ville, est
mondialement reconnu pour soigner les maladies étranges
contractées après une attaque de Monstre. Leur chercheur
en chef, le docteur Yedidya Neiman, est spécialisé dans la
collecte de savoirs relatifs aux maladies magiques, perpé-
tuant ainsi les travaux de ses parents yachidis qui avaient
amené de l ’Empire du Croissant leurs connaissances et
aptitudes médicales.
 Le docteur Neiman travaille en étroite collaboration avec
son mari, Samir al-Rabbah, pour créer un réseau entre les
autres institutions d ’apprentissage yachidis. Cela permet-
trait d ’approfondir le savoir sur l ’anatomie des Monstres,
ainsi que sur les utilisations possibles de l ’Hexenwerk pour
venir en aide aux nécessiteux.
Le commerce de magie
Starkbrunn est également l ’un des principaux centres
d ’échange d ’ingrédients pour l ’Hexenwerk. Vu les besoins
de la ville en ressources pour combattre les Horreurs, beau-
coup de guerriers ignorent les mises en garde sur l ’utilisation
de l ’Hexenwerk, adoptant un point de vue pragmatique :
« la fin justifie les moyens ».
Les commerçants de tout Starkbrunn vendent donc
des ingrédients d ’Hexenwerk à la dérobée, tandis que les
forces de l ’ordre locales ferment les yeux. Contrairement
aux boutiques de Wachesherz, dont les marchandises
tiennent autant de la rumeur que de la réalité, les échoppes
de Starkbrunn proposent des ingrédients frais à des prix
raisonnables. Un hexe peut trouver dans ces boutiques de
nombreux matériaux difficiles à récupérer, et si elles ne
les ont pas, elles peuvent rapidement les récolter sur les
Horreurs des Heulenden Ebenen.
Qui plus est, Starkbrunn est une étape cruciale des itiné-
raires clandestins pour les sorciers qui fuient les lieux de
persécution. Plus d ’un hexe ne voulant pas finir sur la liste
d ’Elsa Pösen a fait son trou à Starkbrunn. Personne ne sait
exactement combien de sorciers habitent en ville, mais si
vous cherchez quelqu ’un pour vous enseigner la Sorcellerie,
ou pour résoudre un problème en particulier, ils ne sont
guère difficiles à trouver.
C’est par exemple un secret de polichinelle que Donatella
Rossi, immigrée vodacci et meilleure couturière de
Starkbrunn, est aussi une sorcière de la Destinée alliée aux
Junges blut. Elle connaîtrait l’emplacement de tous les sorciers
cachés en ville, mais personne n’est assez fou pour essayer de
la faire parler. Elle a déjà survécu à trois tentatives d’assas-
sinat ; chaque fois, les aspirants assassins se sont retrouvés
de l’autre côté de l’enceinte après le coucher du soleil, où ils
connurent un destin tragique. D’une façon générale, c’est ainsi
que finit quiconque se dresse entre l’influence montante de
Starkbrunn et sa nouvelle génération de Héros eisenörs.
L ’Ausgeglichene Platz
Jusqu’à récemment, personne ne connaissait les étranges
ruines irrégulières de l’Ausgeglichene Platz. On a toujours
considéré les terres marécageuses du Salzsumpf, qui se
trouvent au nord de l’Eisen au fin fond de la Pösen, comme
un endroit effroyable, où se côtoient épais et profonds marais
remplis de boue, Horreurs rampantes et sirènes venues en
grands nombres depuis la côte pour infester les hauts-fonds.
Avant la Guerre de la Croix, les gens voyageaient prudem-
ment à travers la région et s’en sortaient en un seul morceau,
quoique bouleversés par l’expérience. Dans les années de proli-
fération des Horreurs en Eisen, le Salzsumpf subit toutefois
un changement géologique. Des sons étranges s’échappèrent
de la boue et des fondrières, faisant trembler la terre et créant
d’énormes changements dans le paysage. Des profondeurs de la
terre émergèrent une série de ruines complexes qui s’étendaient
sur des kilomètres dans toutes les directions.
Quand des explorateurs découvrirent le site, ils furent
stupéfaits de constater que les ruines n ’étaient que la
partie émergée de structures plus impressionnantes encore,
enfouies profondément sous terre. Grâce aux ouvertures
dans les tours, ils s ’enfoncèrent sous terre pour découvrir et
cartographier les couloirs et salles du complexe.
Ils se rendirent alors compte des dimensions gigantesques
des structures qui s ’étendaient sur plusieurs niveaux, pleines
de magnifiques mosaïques et bas-reliefs—malheureusement
abimés par l ’humidité—décorant les murs et les plafonds.
La découverte de reliques syrneth et de cristaux émettant
une lueur violette dans l ’obscurité consacra toutefois la
célébrité de ces mystérieuses ruines. Les premiers visiteurs
baptisèrent l ’endroit Ausgeglichene Platz, ce qui signifie
« Lieu en équilibre », car les structures semblaient reposer
sur une balance instable, même sous terre.
À cause de couloirs et de tours entières enfouies dans
des configurations biscornues, même les aventuriers les
plus malins peuvent s ’égarer ou se blesser. Cela n ’empêche
évidemment pas les membres de la Société des Explorateurs
ou les chasseurs de trésor de tenter leur chance à l ’intérieur
du Lieu en équilibre. Face au nombre d ’aventuriers venant
chercher le secret de l ’Ausgeglichene Platz, Elsa Pösen
envoya même un collecteur d ’impôts afin de prélever une
petite taxe à quiconque ramènerait des trésors à la surface.
Comme partout ailleurs en Eisen, l ’Ausgeglichene Platz
grouille de morts-vivants. La fréquence des attaques a
augmenté à une vitesse si affolante que Pösen a depuis
interdit l ’accès à la zone. Depuis, seuls les plus braves ont
osé y pénétrer : armés pour se protéger, ils relèvent le défi
ï
de fouiller le palais enfoui.
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 45
 Gottkirchen et l ’île du Rücken
L ’île du Rücken est située au large de la côte nord-ouest
du königreich de Wirsche. Il s ’agit d ’une île menaçante et
glaciale, qui a changé de mains bien des fois au cours des
siècles. Elle servait autrefois de dépôt pour les navires en
provenance du Vestenmennavenjar, et était dotée d ’une
petite station de ravitaillement possédée par la Ligue de
Vendel. Cette infrastructure fut détruite lors de la Guerre
de la Croix.
Pendant la Guerre, les pirates y établirent leur quartier
général jusqu ’à ce que les forces castillianes les chassent ;
puis Roswitha von Wirsche envoya ses meilleurs Gardes de
fer s ’assurer qu ’ils ne débarquent pas sur ses terres. À la fin
de la Guerre, Wirsche réfléchit à utiliser l ’île afin d ’accueillir
l ’excès de population que la Guerre avait laissée sans terres.
Wirsche nomma son plan l ’Entreprise du Rücken. Elle
promit des terres gratuites à quiconque s ’installerait dans
ce paradis marin dépourvu d ’Horreurs. Au total, cinq cent
familles et près de deux cent orphelins embarquèrent pour
l ’île du Rücken, la plupart vaticins. Tous apportèrent avec
eux leurs maigres possessions et la volonté de se construire
un nouveau foyer plus sûr. En arrivant, ils découvrirent une
terre aride, balayée par les vents, difficilement cultivable et
vulnérable aux attaques.
La population voulut quitter l ’île, mais malheureusement,
ils furent abandonnés par les bateaux qui les avaient trans-
portés. Les colons trouvèrent alors refuge dans l ’ancienne
ville vesten de Gottkirchen, et ils seraient tous morts s ’ils
n ’avaient pas conclu un pacte avec les seuls habitants de
l ’île : les buveurs de sang.
ï
46 Chapitre 1 : L'Eisen
La première année
Roswitha von Wirsche avait proposé l ’Entreprise du
Rücken pour soulager les Eisenfürsten—elle comprise—
des populations de réfugiés, des vétérans vieillissants et des
survivants des attaques d ’Horreurs. Sieger, Hainzl, Pösen et
elle promirent leur soutien, ainsi que des troupes de Gardes
de fer, pour aider les colons à créer leur propre milice après
avoir débarqué. La plupart ignoraient sincèrement les condi-
tions de vie qui régnaient sur l ’île.
En apprenant combien les terres étaient souillées, les
Eisenfürsten jurèrent de participer à la reconstruction
de Gottkirchen, cette coquille calcinée située sur la côte
nord-ouest, loin de toute aide. Pourtant, l ’Entreprise du
Rücken s ’acheva aussi vite qu ’elle avait commencé. Hainzl
et Sieger retirèrent le gros de leur financement et de leurs
troupes, et la Garde de fer de Wirsche partit après seule-
ment trois mois sans laisser assez d ’armes à la milice pour
se défendre. Immédiatement après ce départ, des pillards
débarquèrent. En désespoir de cause, les colons envoyèrent
des messages à Wirsche, mais ils ne reçurent que le silence
pour toute réponse.
Malgré tout, d’autres familles arrivèrent, séduites par
la promesse de sécurité, sans savoir le cauchemar que
l’Entreprise était devenue. Les colons tentèrent de joindre les
deux bouts comme ils le purent, mais les récoltes qu’ils avaient
plantées ne se montrèrent pas à la hauteur. Puis, l’impensable
se produit : des Horreurs apparurent sur Rücken, attirées
par l’afflux de population. Gottkirchen devint l’unique refuge
possible, et même ceux qui avaient essayé de cultiver la terre
durent se replier vers la sécurité relative de la ville en ruines.
Le pacte de sang
La population de Rücken n ’aurait peut-être pas survécu à
cette première année sans les actions de Salomon Zeller, le
magistrat de l ’île. Zeller, nommé par Wirsche pour diriger
Rücken, était rapidement devenu le maire, commandant
militaire et administrateur de Gottkirchen.
Un jour, Zeller revint couvert de sang d ’une chasse
aux Horreurs. Il était le seul survivant de son groupe. Il
promit aux habitants de Gottkirchen qu ’ils n ’auraient plus
à craindre les attaques d ’Horreurs grâce à leurs nouveaux
gardiens. Nombreux furent ceux qui émirent des doutes sur
ces paroles, mais les attaques d ’Horreurs prirent bel et bien
fin, ainsi qu ’il l ’avait promis.
Bientôt, Gottkirchen ressuscita sous la forme d ’un village
de pêcheurs et de commerce. La ville devint le refuge contre
les cauchemars d ’Eisen qu ’elle se devait d ’être. Plus aucune
Horreur n ’attaqua la ville, et lorsque les premiers vauriens
rencontrèrent une fin rapide et sanglante, la criminalité
diminua drastiquement. La population se demanda bien
sûr quels genres de gardiens la protégeaient si férocement,
mais Zeller garda le secret pour lui.
Une autre année passa. Un jour, une calèche s ’arrêta sur
la place de Gottkirchen. Elle venait d ’un petit manoir
en ruines dans le coin le plus reculé de Rücken, tout en
haut des falaises du levant. Zeller vint à la rencontre de la
calèche en escortant son propre frère, un homme malade
aux portes de la mort. Le frère de Zeller monta dans la
calèche, et personne ne le revit jamais plus vivant. Trois
jours plus tard, la calèche ramena son corps, enveloppé d ’un
linceul blanc. Zeller informa alors les habitants du marché
qu ’il avait conclu, et après un grand débat, la ville accepta à
contrecœur le pacte de sang.
Aujourd ’hui, plus de quinze années se sont écoulées et
Gottkirchen est toujours sous la protection des buveurs de
sang. Ils massacrent les Horreurs qui posent le pied sur l ’île
et rôdent la nuit pour s ’occuper des criminels dans la ville
elle-même. Personne ne sait combien ils sont exactement
dans le vieux manoir situé de l ’autre côté de l ’île, et tous ceux
qui sont allés les confronter n ’en sont jamais revenus. Seul
Zeller est en contact avec eux, et il ne révèle rien à personne.
Les villageois préviennent les marchands qui jettent l ’ancre
à Gottkirchen de l ’impitoyable loi qui règne sur l ’île. La
plupart des commerçants savent qu ’il faut rester à l ’écart
pendant le solstice d ’été, quand le sacrifice a lieu. Lors de
l ’enterrement qui suit le sacrifice, le prochain volontaire
se fait connaître. Jusqu ’à maintenant, il y a toujours eu un
volontaire, qui passe une année complète en tant que héros
révéré de la communauté et à qui l ’on offre tout ce qu ’il
souhaite jusqu ’à ce qu ’il monte dans la calèche pour son
dernier voyage. Le village s ’occupe alors des proches du
sacrifié pour le restant de leurs jours. C ’est une solution
enviable pour les gens les plus pauvres, malades ou égarés.
Les habitants savent tous qu ’ils ont conclu un marché avec
les mêmes Horreurs qui leur ont autrefois fait fuir l ’Eisen.
Néanmoins, la seule alternative étant le retour à une vie
hantée par les Monstres du continent, le pacte a tout de
même perduré.
L ’église Sainte Eugenia et la Résistance
Rares sont ceux qui remettent en cause le sacrifice annuel
de la ville aux buveurs de sang des falaises. Les quelques
détracteurs du pacte de sang sont menés par le père Alonzo
Gonzalez, un prêtre castillian qui s ’est installé à Gottkirchen
pour rouvrir l ’église de Sainte Eugenia dans le quartier ouest
de la ville. Selon lui, Gottkirchen doit se défendre et éradi-
quer les buveurs de sang de Rücken. Paradoxalement, il sait
pertinemment que les habitants ne doivent leur survie qu ’au
sacrifice consentant d ’un des leurs chaque année.
Gonzalez entretient une stèle commémorative sur la place
du village, un grand obélisque sur lequel sont inscrits les
noms des sacrifiés des années passées. Ces dernières années,
peut-être grâce à ses sermons, ils sont de moins en moins
nombreux à vouloir se porter volontaires pour le sacrifice.
De plus, les gens commencent à marmonner qu ’ils devraient
renverser Zeller de son poste de magistrat et détruire les
buveurs de sang une bonne fois pour toute.
Récemment, la Résistance a envoyé des messagers sur
le continent pour demander de l ’aide. Gottkirchen, petit
hameau balayé par les vents s ’accrochant à une falaise
escarpée, survit sous un funeste voile. Si la Résistance
parvenait à repousser les buveurs de sang, les pillards accè-
deraient facilement au village. La ville n ’a pas grand-chose
pour se protéger : en l ’absence d ’enceinte et au vu de sa
milice réduite, elle dépend entièrement des Monstres pour
maintenir les brigands à l ’écart.
Elle dispose en revanche de foison de gens vivants dans des
maisons fragiles, de cabanes construites les unes accolées
aux autres avec des corrals pour le bétail et d ’un marché
solide mais délabré au milieu de sa place centrale. Même
Sainte Eugenia n ’est qu ’une vieille relique à moitié crou-
lante de l ’ancienne cité. Sans argent pour bâtir de meilleures
infrastructures, et sans aide pour éradiquer les buveurs de
sang, la Résistance doit faire appel à l ’extérieur ou rester liée
au pacte pour toujours.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 47
 Heimstatt
Juste à l ’est de Freiburg, près de la frontière ussurane, se
trouve la ville effervescente d ’Heimstatt. Autrefois village
agricole, le petit hameau grandit à un rythme effréné quand
la route venant d ’Ussura et passant par l ’Angenehme Wald
s ’étendit au-delà de ses maisons.
Bientôt, des commerçants et des voyageurs venus de toute
la Théah se mirent à traverser Heimstatt, la transformant en
un point d ’arrêt étonnamment cosmopolite pour quiconque
se rend en Vestenmennavenjar au nord, ou plus loin à l ’est.
Pendant la Guerre de la Croix, Heimstatt servit de refuge
pour les personnes nécessitant des soins médicaux : un
hôpital militaire important annexa plusieurs fermes aux
abords de la ville pour créer un complexe branlant et ainsi
soigner les blessés.
Au début, les habitants d ’Heimstatt virent d ’un mauvais
œil la réquisition de leurs terres, mais ils finirent par
rejoindre l ’effort commun et se rendirent rapidement
essentiels aux soins de bien des vétérans. Les villageois
sauvèrent des milliers de vie grâce à leur dur labeur et
leur dévouement.
Pour leur service rendu, l ’imperator conféra à Heimstatt
le titre de « demeure des héros », et promit qu ’une partie du
budget levé par le gouvernement permettrait de transformer
l ’hôpital militaire en établissement permanent dédié aux
soins et à la recherche médicale. À sa mort, sa promesse
aurait sombré dans l ’oubli sans l ’intervention de l ’Eisenfürst
Träge. Soutenu par Pösen et Fischler, Träge utilisa toute
l ’influence de Freiburg pour faire du petit hameau de
Heimstatt une ville reconnue pour son hôpital d ’apprentis-
sage et la petite Eisengeist-Universität des sciences.
Depuis, la petite ville est devenue un lieu d ’effervescence
et de productivité au milieu de toutes les atrocités qui tour-
mentent le reste de l ’Eisen. Que ce soit grâce à sa proximité
avec l ’Ussura ou au fait qu ’il y eut peu de combats alen-
tours, la zone est exceptionnellement dénuée d ’Horreurs.
L ’hôpital et l ’Universität attirent certains des plus grands
esprits d ’Eisen.
Heimstatt est dorénavant un phare d ’espoir pour le reste
du pays. Les terres autour de la ville sont toujours aussi
luxuriantes et pleines de vie, les gens prospèrent grâce au
commerce, et la cité est l ’une des rares qui voit un afflux
d ’immigrants voulant s ’installer en Eisen. Cet aperçu de ce
que l ’Eisen pourrait être si on parvenait enfin à éradiquer les
Horreurs inspire beaucoup de courage aux Eisenörs.
ï
48 Chapitre 1 : L'Eisen
L ’hôpital et l ’université
Heimstatt a conservé son attrait de petit village charmant.
Elle s ’est développée autour de l ’université et de l ’hôpital
pour subvenir à ses besoins. De plus, la ville a fait venir
certains des plus grands spécialistes en médecine et en
pensée scientifique, les attirant sans mal dans ce qu ’on
pourrait qualifier de milieu de nulle part.
L ’Heiligherz-krankenhaus (l ’hôpital Sacré-cœur en
eisenör) n ’a pas seulement conservé sa capacité à accueillir
de nombreux blessés nécessitant des soins, il forme aussi
les meilleurs infirmiers de terrain au monde. Son pavillon
chirurgical n ’a nul pareil, et il a reçu de l ’aide des établis-
sements médicaux de toute la Théah pour agrandir sa
bibliothèque. L ’Église vaticine ayant été témoin des bonnes
œuvres de l ’hôpital, elle lui a octroyé un soutien financier
supplémentaire et a facilité le transfert de médecins depuis
des zones aussi lointaines que la Vodacce et la Castille pour
rejoindre son équipe d ’enseignement.
La paisible cité a encouragé d ’autres groupes à rejoindre
la communauté. Un large contingent de yachidis, venus de
l ’Empire du Croissant pour faire du commerce et apprendre,
s ’est installé à Heimstatt il y a seulement dix ans. Depuis, la
population yachidi a fait un bond et la minorité religieuse a
pris le contrôle quasi-total du quartier de Lodz.
Au début, les Eisenörs locaux ne savaient pas sur quel pied
danser vis-à-vis des étrangers, mais ils acceptèrent bientôt
le dévouement sans faille des yachidis aux fins d ’aider leurs
prochains et d ’améliorer la communauté. Le rôle de l ’orga-
nisation yachidi connue sous le nom de Chavra fut primor-
diale lorsqu ’une grave épidémie éclata voici trois ans : c ’est
elle qui permit l ’import de matériel médical depuis l ’Empire
du Croissant pour vaincre la maladie. Depuis, les yachidis
ont participé à la construction de l ’Heiligherz-Krankenhaus
et de l ’Eisengeist-Universität, promouvant les deux établis-
sements comme des lieux où l ’on peut étudier science et
magie côte à côte.
Cette approche radicale d ’une étude commune de la magie
et de la science à des fins de guérison a provoqué le courroux
des branches les plus extrémistes de l ’Église. Récemment,
l ’Inquisition a publiquement dénoncé le fait qu ’Heimstatt
autorise l ’étude de la magie, tandis que les villageois ont
expulsé des membres de l ’Église pour avoir failli en venir
aux mains avec la faculté de médecine. Depuis, les tensions
s ’accentuent et ce n ’est qu ’une question de temps avant
qu ’une crise ne finisse par éclater.
Hexenwerk
Le folklore eisenör regorge de grands Héros qui revêtirent
une armure enchantée pour vaincre leurs ennemis dans
d ’épiques batailles, forgeant leur renommée à travers toute
la Théah. La réalité narre une histoire bien plus sombre,
tragique et déchirante, remplie de sorcières et de monstres,
une histoire où lutter fait naître un murmure qui vous attire
inéluctablement vers les ténèbres.
Personne ne saurait dire d’où vient l’Hexenwerk, ni quand
elle est apparue. Toutes les histoires sur les origines de cette
Sorcellerie ne sont que contes et rumeurs. Toutes ces fables se
ressemblent, au sens où tous les récits parlant d’Hexenwerk
parlent de tristesse et de chagrin, et toutes finissent inexo-
rablement avec la corruption des terres. Une histoire parle
par exemple de l’hexe originel, qui utilisait les Onguents pour
enchanter une armure et des armes. Après un accident de
préparation, l’armure et les armes ramenèrent à la vie tous les
guerriers défunts qui les avaient touchés. L’hexe se servit alors
des Onguents pour combattre la nouvelle menace, donnant
ainsi naissance à l’Hexenwerk moderne.
Une autre fable parle d’une sorcière à qui on déroba ses
terres. Une force militaire ayant établi son campement dans
une forêt eisenör commença à détruire les bois, anéantissant
par la même occasion les runes et les cultures de la sorcière.
Lorsqu’elle rentra chez elle et vit sa maison réduite en cendres,
elle voulut punir les intrus. Ce faisant, elle invoqua des esprits
et leur ordonna de répandre la désolation sur le pays.
Une autre théorie dit que l ’armée eisenör, dont les rangs
diminuaient pendant la Guerre de la Croix, avait besoin
de renforts et de nourriture. Expérimentant la Sorcellerie,
quelques généraux trouvèrent un moyen de ramener à la
vie les troupes tombées au combat. Ils y parvinrent, mais
furent incapables de les contrôler, et les morts-vivants se
répandirent tel un fléau dévastateur sur la Nation.
L’Hexenwerk est répugnant. Cette Sorcellerie implique
en effet d’utiliser les morts-vivants contre eux-mêmes.
Consommer leur cœur ou créer une pâte avec leurs yeux
pourris n’a évidemment rien d’appétissant. Les hexen ne le
font que dans l’intérêt de leur Nation, parce qu’ils n’ont pas le
choix : l’Eisen est leur foyer, et les morts-vivants sont des invités
indésirables. L’Hexenwerk est une Sorcellerie du désespoir. La
Guerre de la Croix a épuisé les ressources de l’Eisen, mais les
hexen combattent encore un ennemi devenu monnaie courante.
Ils savent qu’un jour, tout ceci prendra fin. En attendant, tout
ce qu’ils peuvent faire, c’est continuer à se battre.
Le chemin de l’Hexenwerk n’est pas une sinécure. Peu
nombreux sont ceux qui parviennent à frotter la langue
sectionnée d’un cadavre sur la leur, ou à manger un mélange
de foie et de rein pilés. Ceux qui en sont capables parcourent
l’Eisen et exterminent les morts-vivants là où ils les trouvent. Les
autres Eisenörs craignent et respectent les hexen. Cette pratique
suscite autant les foudres des proches qu’elle attire les louanges
de parfaits inconnus. Cependant, les hexen sont persuadés que la
sauvegarde de leur pays est une cause sans égale. Elle est la raison
pour laquelle l’Eisen parvient à prospérer aujourd’hui encore.
Pour devenir un hexe, il vous faut un mentor ; les auto-
didactes de cette Sorcellerie sont rares. L’apprentissage et
l’utilisation de l’Hexenwerk sont souvent condamnés, voire
illégaux dans certains endroits, compliquant d’autant plus
la recherche d’un mentor. La plupart des maîtres insistent
pour que leurs élèves apprennent les compétences nécessaires
pour combattre les morts-vivants, et un hexe novice qui s’y
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 49

essaierait seul ne ferait pas long feu. La plupart des hexen
trouvent l’entraînement difficile, puisqu’il se solde souvent par
une blessure ou la mort. En effet, si vous ne préparez pas votre
estomac à ce que vous allez y mettre, votre Onguent pourrait
finir à la poubelle, ou vous accompagner dans votre cercueil.
Un apprenti hexe doit habituer son corps en mangeant un
morceau de viande vieux de quelques jours, puis d’une semaine,
puis d’un mois, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il soit capable de
manger de la viande avariée depuis un an sans aucun problème.
Le but de cette pratique est de finir par tolérer les Onguents. Les
corps réagissant tous de manière différente, obtenir les bonnes
proportions requiert des mois d’entraînement afin de déterminer
la bonne dose de chaque ingrédient. Malheureusement, pour les
hexen, procéder par tâtonnements est la meilleure façon d’obtenir
les bonnes proportions, c’est pourquoi il faut d’abord apprendre
à son estomac à supporter les ingrédients.
Un mentor recherche chez un élève qu’il soit fier de l’Eisen,
qu’il accepte de tout faire pour son pays et qu’il fasse preuve
d’ambition. Il faut constamment être prêt à apprendre, même
si cela implique de faire des choses répugnantes. Une tâche
typique, pour un apprenti, consiste à trouver la carcasse d’un
animal et à s’en occuper comme il faut, sans outils. Cela requiert
d’enlever tous les organes, de les détruire jusqu’au dernier puis
de brûler le reste du corps. Apprendre à faire disparaître un
corps entier fait partie des connaissances primordiales pour un
hexe. Y parvenir sans outils peut se révéler compliqué pour un
nouvel élève, surtout pour ceux qui sont sensibles aux odeurs.
Les Apostaten
Elsa Pösen a chargé un groupe appelé les Hexenjäger (les
« Chasseurs de sorcières » en eisenör) de recenser tous les
hexen. Le but d ’Elsa est d ’envoyer les hexen sans attaches
s ’enrôler dans le Drachenblut, pour aider à combattre les
Horreurs. Si un hexe refuse de se faire enregistrer, il est
chassé d ’Eisen. En effet, d ’après les Hexenjäger, seul un
ennemi de la Nation refuserait de s ’engager.
Beaucoup d’hexen ne font pas confiance à la liste de Pösen,
craignant qu’elle n’ait d’autres intentions les concernant. En
conséquence, les hexen préfèrent souvent quitter l’Eisen plutôt
que de prendre le risque d’avoir des démêlées avec les Hexenjäger.
Si les Hexenjäger trouvent un hexe qui refuse de se faire enre-
gistrer, ils le marquent au fer rouge d’un cercle barré d’un « X »,
l’identifiant ainsi comme un Apostat. S’il continue de pratiquer
la Sorcellerie en Eisen, ils le traqueront puis le tueront.
Quand un hexe quitte l’Eisen, il rencontre des difficultés
pour mettre ses talents en pratique. Certes, des morts-vivants
rôdent partout en Théah, mais ils ne sont jamais aussi
ï
nombreux qu’en Eisen. Une fois loin des Horreurs et de la
50 Chapitre 1 : L'Eisen
LES HEXENJÄGER
Afin d ’établir un registre d ’hexen pour garder un œil
sur les potentiels créateurs—et, par conséquents,
combattants—d ’Horreurs mortes-vivantes, Elsa
Pösen a créé l ’unité des Hexenjäger, une division au
sein de sa Garde de fer. Elle espère ainsi donner un
but aux hexen en les intégrant à des unités militaires,
et par extension éliminer ceux qui agissent en-dehors
de la chaîne de commandement.
Elsa est persuadée qu ’un Chasseur de sorcières doit
connaître la Sorcellerie pour recenser les hexen ;
si l ’un de ses Gardes de fer démontre la moindre
capacité magique, il commence l ’entraînement pour
intégrer les Hexenjäger. Après son entraînement, un
Hexenjäger reçoit une épée et un registre. Lorsqu ’il a
rempli son carnet de vingt-six pages—une par hexe—
il fait son rapport à Elsa Pösen. Après cette première
mission, l ’Eisenfürst lui en donne une nouvelle, ou le
renvoie au sein de la Garde de fer.
persécution, un Apostat se retrouve généralement contraint
d’abandonner l’Hexenwerk à cause du manque de pratique.
Certains Apostaten en difficulté ont réussi à adapter
l’Hexenwerk pour pouvoir se servir des Monstres plutôt que
des morts-vivants : au lieu de consommer la matière grise
d’un mort-vivant, ils mangent la cervelle d’un Monstre, et à
la place d’un œil de mort-vivant, ils appliquent une pommade
faite d’yeux de Monstres… Cette forme d’Hexenwerk est plus
facile à avaler, car les morceaux de Monstres ont meilleur
goût que la chair pourrie des morts-vivants. Attention, si un
Apostat se laisse emporter par sa gloutonnerie, il peut tomber
en proie à la folie, ou contracter une maladie étrange.
Un Apostat peut également être amené à croire que la lutte
contre les Monstres est un combat plus aisé que celui contre
les Horreurs, à tort.
En-dehors de l’Eisen, il est compliqué de trouver un mentor.
Les Apostaten ont donc créé un moyen de se contacter. Bien
qu’imparfait, il fonctionne : du symbole utilisé pour les exiler,
ils ont créé un insigne communautaire et protecteur. Les
Apostaten utilisent ce symbole de manières variées, pour
marquer leur territoire, offrir ou demander de l’aide, ou
tout simplement annoncer leur présence à leurs semblables.
Certains le sculptent dans les arbres, ou se le font tatouer de
manière permanente à un endroit visible. Cela peut s’avérer
utile dans la recherche d’un mentor, ou pour aider un hexe
à peaufiner ses techniques. Mais attention : le symbole peut
être imité. Certains hexen se sont retrouvés piégés parce qu’ils
se croyaient en sûreté sur le territoire d’un autre Apostat.
Dans de rares cas, des Monstres doués d’intelligence ont su
retourner ce symbole contre leurs chasseurs.
Fonctionnement
L’Hexenwerk d’un Apostat fonctionne de la même façon que
l’Hexenwerk normale. Chaque fois que vous achetez lA ’ vantage
Sorcellerie, vous apprenez la recette d’un Onguent Majeur et
de deux Onguents Mineurs. Lors du choix des Onguents, vous
pouvez vous référer à la liste de l’Hexenwerk ou à celle de lA
’ postat.
Créer un Onguent nécessite du temps (au moins une heure)
et un espace de travail (une cuisine ou un laboratoire). L’hexe
dépense un point d’Héroïsme pour combiner les ingré-
dients afin de créer un Onguent Majeur qu’il connaît. Il crée
également un Onguent Mineur pour chaque exemplaire de
l’Avantage Sorcellerie qu’il possède. Il peut répartir ces doses
comme il le souhaite entre un ou plusieurs Onguents Mineurs.
Une fois créé, un Onguent peut être utilisé par n ’importe
qui. L ’activation d ’un Onguent ne coûte rien, hormis dans le
cadre d ’une Séquence d ’Action où il faut dépenser une Mise.
Les Onguents sont instables : chaque Héros ne peut garder
qu ’un Onguent (Majeur ou Mineur) à la fin de chaque
Épisode. Tous les autres se périment, se désagrègent (et
leur contenant avec) ou deviennent simplement inutilisables.
Onguents Majeurs
Les effets d’un Onguent Majeur persistent jusqu’à la fin de la
Scène, sauf mention contraire. La plupart des Onguents Majeurs
de la liste d’Hexenwerk sont utilisables sur les Monstres, à condi-
tion d’en modifier quelques ingrédients. Par exemple, si l’on prend
le Sang de macchabée, qu’on change le sang issu d’un cadavre frais
pour celui d’un Monstre vivant, et les poisons en sédatifs, on
peut alors utiliser cet Onguent sur un Monstre qui n’est pas un
mort-vivant. Discutez avec votre Maître du jeu des Onguents
qu’il vous autorisera à utiliser contre les Monstres. Rappelez-
vous, il faut juste trouver des manières sensées de modifier les
ingrédients (et l’application de l’Onguent si nécessaire).
Huile d ’anosmie
Une touffe de fourrure et une goutte d ’urine de Monstre,
portées à ébullition avec des herbes, des huiles essentielles et
de l ’acide, puis réduites à l ’état de pâte huileuse. L ’hexe peut
alors s ’enduire le corps de cette huile pour empêcher les
Monstres (le temps d ’une seule Scène) de le détecter grâce
à l ’odorat. Un Monstre doit dépenser une Mise supplémen-
taire pour essayer de le repérer.
Mobilité féroce
Une dent de Monstre, une grenouille séchée et une plume
de corbeau réduites en poudre, puis versées dans du lait de
chèvre. La personne qui avale ce breuvage gagne la capa-
cité de courir et de sauter telle une bête sauvage. L ’hexe
peut utiliser cet Onguent pour accomplir une prouesse
athlétique qu ’il ne pourrait pas effectuer en temps normal,
comme par exemple franchir une crevasse d ’environ six
mètres de large. La Mobilité féroce ne permet pas à l ’hexe
d ’accomplir une prouesse que le Monstre serait lui-même
incapable d ’effectuer.
Poudre d ’oubliette
Corne de démon, champignons et farine d ’os cuite, le tout
réduit en poudre et versé dans du thé. Lorsqu ’elle est ingérée,
la personne perd le souvenir de la journée précédente. Il est
très difficile de se procurer de la Poudre d ’oubliette car les
cornes de démons ne se trouvent pas n ’importe où. Il faut
une grande quantité de thé pour que cela fonctionne.
Vision sauvage
Une branche d’acacia taillée en pointe, brûlée puis roulée
dans des baies, de la boue et un élément appartenant au
Monstre ciblé (de la fourrure, du sang, etc.). Griffer le corps
de la personne voulue avec la branche (ce qui inflige 1 Blessure
Dramatique) la fait entrer en transe. Elle peut alors voir tout ce
que le Monstre ciblé voit. La vision peut manquer de contexte,
mais elle peut donner à l’utilisateur une meilleure idée de la
position du Monstre et de ce qu’il fait. La connexion est très
faible et peut être facilement perdue. Si le Monstre s’endort
ou reçoit une Blessure, la connexion est perdue. Si l’utilisateur
reçoit une Blessure, la connexion est rompue. La Vision sauvage
ne dure que le temps d’une Scène. Pendant l’utilisation de la
Vision sauvage, l’utilisateur peut dépenser 1 point d’Héroïsme
pour prendre un Risque de Vigilance afin d’obtenir des infor-
mations supplémentaires sur le Monstre.
Onguents Mineurs
Les effets d ’un Onguent Mineur durent jusqu ’à la fin d ’un
Round, sauf mention contraire. Tout comme avec les
Onguents Majeurs, la plupart des Onguents Mineurs de la
liste d ’Hexenwerk peuvent être utilisés contre les Monstres,
à condition de modifier quelques ingrédients. Par exemple,
si l ’on prend la Soif rouge et qu ’on remplace la viande pourrie
par de la viande fraîche, on peut alors utiliser cet Onguent
contre des Monstres qui ne sont pas des morts-vivants.
Assurez-vous de discuter avec votre MJ des Onguents
ï
Mineurs que vous souhaitez modifier.
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 51
Les duels
Dans une Nation qui compte en grande partie sur la force
et la résistance du fer pour sa protection, le talent d ’un
Duelliste eisenör est d ’une importance capitale. Les maisons
de Guildes se sont implantées sur les sites de trois des
quatre grandes académies militaires (Steil, Unabwendbar
et Gelingen), et elles sont impossibles à rater. La guilde des
Duellistes n ’a pas seulement gagné en force depuis la fin
de la Guerre de la Croix : le nombre croissant de söldners
dans la Nation a décuplé le nombre de membres potentiels.
Bien qu ’ils n ’aient reçu aucun statut juridique, ni aucun
droit d ’autorité, il n ’est pas rare que les Duellistes eisenörs
soient considérés comme médiateurs et arbitres lors de
conflits. Les Eisenfürsten et les Gardes de fer maintiennent
la paix et défendent le peuple, mais lors d ’un affront plus
personnel, on leur préfère toujours un Duelliste. Pour
les Eisenörs, la personne qui montre le plus d ’ardeur à
défendre son point de vue se dévoue forcément davantage
à sa cause : c ’est cette philosophie qui donne à cette pratique
sa légitimité. On vient donc quérir des Duellistes pour
résoudre les disputes, les affronts personnels, voire
les litiges juridiques. Cette pratique est d ’autant
plus répandue chez les plus jeunes générations,
qui supportent de moins en moins l ’idée de
demander de l ’aide à leurs aînés pour
rendre un jugement.
Le Conseil des épées
Le grand nombre de Duellistes
en Eisen a poussé le Conseil
des épées à installer son siège
dans la ville de Freiburg. Le
Conseil originel était composé
des trois membres fondateurs de la guilde
des Duellistes et de leurs élèves les plus
proches. Ils ne voulaient pas former une
instance gouvernante, seulement un
organe administratif.
Le Conseil conserve des infor-
mations sur tous les Duellistes
(présents et passés), recouvre les
dettes et, dans de rares cas, statue
sur des disputes impos-
sibles à résoudre
par la simplicité
d ’une lame. De tels cas prennent souvent la forme d ’affaires
commerciales, comme des contrats en concurrence ou des
affaires diplomatiques où un duel pourrait être interprété
comme une déclaration de guerre.
La présence du Conseil, combinée à cette tendance
culturelle d ’adhérer strictement aux règles, a rendu les
duels illégaux rarissimes en Eisen. Même le bauern le
plus démuni préfèrera engager un Duelliste plutôt que
d ’affronter le courroux (et les amendes) du Conseil à cause
d ’un duel illégal.
Les classes de Duellistes
Il existe trois types distincts de Duellistes au sein des quatre
classes sociales que compte l ’Eisen. Porter la broche est un
honneur, un symbole de reconnaissance parmi ses pairs. Un
Duelliste eisenör, peu importe sa place dans la société, porte
toujours sa broche en évidence et avec fierté : l ’idée même
de la dissimuler l ’offusquerait au plus haut point.
Duellistes adels
Beaucoup de nobles emploient un Duelliste
comme professeur, ou pour prendre place dans
tout duel qui viendrait à être déclaré. Si plus
d ’un adel considère comme faibles ceux qui
envoient des Duellistes se battre à leur place,
cela n ’empêchera toutefois pas un noble
prudent (ou lâche) de mentionner dans
son argumentaire un Duelliste à son
service. « Comment osez-vous parler si
grossièrement en la présence de mon
estimé vassal ! Je suis sûr que vous
l ’avez hautement offensé ! »
Les Duellistes adels sont en général
des hommes et des femmes discrets.
Ils préfèrent l ’école de l ’Eisenfaust :
de fait, la panzerhand signale tout
autant un Duelliste que la broche
sur le revers de sa veste.
Les duels entre Duellistes adels
sont souvent des affaires publiques
et discrètes. Les Duellistes saluent
avec leur main non-directrice sur la
poitrine et lèvent leur lame
avant de commencer.
 Ils manoeuvrent dans un silence quasi total, uniquement Kummerholt
perturbé par le fracas du fer contre le fer et les grognements Les Eisenörs connaissent nombre d ’histoires de gens
d ’effort. Les duels sont rarement à mort, même pour les ordinaires affrontant de véritables Monstres. Ces histoires
affronts les plus graves. Il reste trop peu d ’Eisenörs pour mettent généralement en scène des Héros désespérés et
légitimer une autre mort, à moins d ’avoir commis le pire des improbables qui relèvent des défis insurmontables, telle
impairs. Une fois le duel terminé, si possible, les adversaires la mère protégeant ses enfants de la chose qui hurle dans
se saluent de nouveau et se serrent la main. la nuit, armée de son seul couteau de cuisine. Dans son
histoire, Dietz l ’adel finit roué de coups et brisé, mais il
Duellistes söldners parvient tout de même à vaincre le Blutiger Fürst en enfon-
Les söldners comptent le plus important effectif de Duellistes çant son couteau de chasse dans le cœur du noble jubilant.
en Eisen. Bien que cela ne soit aucunement un prérequis, il Selon un autre récit, un chasseur transperce de son épée
est courant qu’un Duelliste söldner soit officier, en grande brisée le point faible d ’un drachen au moment même où le
partie grâce à son talent plutôt qu’à une quelconque pres- Monstre l ’écrase.
sion sociale. Cela a son importance dans les disputes entre Si les Duellistes ne s ’accordent pas sur l ’identité du
deux ou plusieurs groupes de Gardes de fer : si les escouades premier bretteur à codifier le Style Kummerholt, personne
comportent des Duellistes söldners, les groupes les choi- ne réfute son efficacité. Il s ’agit moins d ’un style de combat
sissent naturellement pour résoudre le conflit. que d ’un état d ’esprit. Le Duelliste, combattant sans se
Contrairement aux duels entre adels, ceux entre söldners soucier de sa sécurité ou de son intégrité physique, se préci-
tiennent de l ’évènement tapageur. Les autres söldners pite vers un adversaire plus fort tout en donnant des coups
forment un cercle et le duel commence dès que l ’acier est tiré. de lame. Dans les derniers instants, quand tout semble
La prédominance du style Drexel signifie que ces combats perdu, le Duelliste mène sa lame droit au but et met un
deviennent une danse de pointes et contre-pointes tandis terme au combat d ’un seul coup bien placé.
que les deux combattants passent d ’une posture à une autre.
Le perdant d ’un tel duel est presque toujours laissé en vie, Bonus de Style : Glas funeste
même s ’il ne tient que rarement encore debout. Si vous maniez une petite lame d ’une main (comme une
dague, un tesson aiguisé ou les restes d ’une épée brisée),
Duellistes waisens vous pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée le
Nombreux sont ceux qui ont tout perdu à cause de la Glas funeste. Dépensez toutes vos Mises. Vous infligez
Guerre de la Croix. Il n ’était pas rare qu ’un Duelliste rentre un nombre de Blessures équivalent à vos rangs en Armes
chez lui pour retrouver son village rasé, ses terres brûlées et blanches + le nombre de Mises dépensées + la Puissance
sa famille massacrée ou ravagée par une maladie débilitante, de votre adversaire (ou son Trait le plus élevé s ’il n ’est pas
et pire furent les Horreurs qui suivirent. La Guerre a tout un Scélérat). Ces Blessures ne peuvent pas être évitées ou
pris à ces combattants, sauf leur honneur. Si un Duelliste prévenues de quelque façon que ce soit. Un Héros ne peut
waisen pourra se séparer de son arme ou de son armure exécuter le Glas funeste qu ’une seule fois par Scène.
pour se nourrir, il n ’abandonnera jamais sa broche.
Les duels sont assez rares chez les waisens, pour une raison
évidente : ces gens luttent pour leur propre survie. Cette
nécessité en amène beaucoup à adopter le Style Kummerholt :
il ne requiert guère plus qu’un couteau et, lorsqu’une Horreur
attaque, il peut faire la différence entre la vie et la mort.

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 53
 Legenden
Les Horreurs ont toujours hanté l’Eisen. Les légendes parmi les
plus anciennes puisent leurs sources dans des histoires de soldats
morts et de cimetières entiers revenant à la vie. Personne ne sait
vraiment si quelques anciens hexen sont à l’origine du problème
de l’Eisen avec les morts-vivants, ou si les gens ont commencé
à étudier l’Hexenwerk en réponse à ces derniers. Qu’on accuse
la Guerre de la Croix ou le passé hanté de l’Eisen, une chose
est claire : cette Nation est un pays d’Horreurs mortes-vivantes
comme nulle autre région du monde n’en a jamais vues.
La Guerre de la Croix provoqua une prolifération de
l’Hexenwerk moderne dans toute l’Eisen. À l’époque, les hexen
n’étudiaient pas la discipline par amour du macabre ou par besoin
de pouvoir personnel. Il s’agissait alors de tentatives désespérées
pour protéger leur foyer, leur peuple et leur pays bien-aimé. La
tâche n’en était cependant pas moins répugnante ou puissante.
Les hexen créèrent pléthore de créatures emprisonnées dans une
vie après la vie pour les aider à protéger les terres.
La plupart des hexen les plus expérimentés accordèrent
leur repos aux Monstres après la Guerre, ainsi que le
voulait la tradition. Néanmoins, les choses ne se passèrent
pas toujours ainsi. En temps de désespoir, bien des hexen
mal entraînés et peu expérimentés ont relâché toutes sortes
d ’êtres qui rôdent encore dans les campagnes d ’Eisen.
Les zombies
Maintenus de guingois par des tendons pourrissants, des os
cassés et de la chair en décomposition, les zombies se déplacent à
peine plus vite que s’ils titubaient. Ils semblent attirés par l’odeur
de la chair fraîche, sans qu’ils aient besoin de voir leur proie.
ï
Les hexen ont profité des nombreux corps frais sur les
champs de bataille de la Guerre de la Croix : ils relevaient
habituellement ces créatures par vingtaines afin de les
renvoyer sur les ennemis qui les avaient tués, octroyant ainsi
aux nobles soldats leur ultime vengeance. Malheureusement,
après avoir remporté la victoire, beaucoup d ’hexen
malhabiles se rendirent compte qu ’ils avaient insufflé trop
de pouvoir dans leurs créations. Ils perdirent le contrôle
de leurs sbires morts-vivants et des hordes de zombies se
mirent alors à errer à travers le pays.
Individuellement, les zombies sont faibles, mais il est rare de
trouver un zombie esseulé. En groupe, ils sont bien plus puis-
sants. La Puissance des zombies varie selon la taille du groupe.
Une Escouade de Monstres composée de zombies possède
une Puissance de 4 et la Propriété monstrueuse Mort-vivant.
Les revenants
Il est rare qu ’un zombie isolé parvienne à tuer une personne,
à moins qu ’elle soit seule ou particulièrement malchanceuse.
Les revenants, en revanche, sont des tueurs à la rapidité et
l ’efficacité sauvages.
Les revenants sont des créatures mortes-vivantes (ils ne
respirent pas, sont dépourvus de sang et ont été créés par
l ’Hexenwerk) beaucoup plus rapides, fortes et solides que
les zombies. La plupart ont gardé leur peau et la structure
musculaire en-dessous. Les traits qui permettent d ’identifier
un revenant le plus facilement sont ses orbites enfoncées
et rabougries, ainsi que sa peau, qui pèle au bout de ses
doigts. Si le reste de leur corps conserve sa forme, ils tuent
et se nourrissent si sauvagement avec leurs mains que leurs
paumes ne sont plus que tendons et os, des os dangereuse-
ment puissants, même contre un Héros aguerri.
Difficile de cibler la nature exacte d ’un revenant : certains
disent qu ’ils ne sont que de simples zombies dans lesquels
on a insufflé légèrement plus de puissance, d ’autres qu ’ils
ont été créés spécifiquement après la Guerre par un hexe qui
capturait des zombies et les transformaient en de meilleures
machines à tuer. Si les revenants sont dépourvus de pensées
humaines, ils semblent malgré tout plus aptes à suivre les
ordres, pouvant même se concentrer sur des cibles spéci-
fiques. Ils ne tuent pas de la même façon décérébrée que les
zombies : ils constituent une menace précise et dangereuse.
Le revenant moyen est un Monstre qui possède une Puissance
de 5 et les Propriétés monstrueuses Inéluctable et Vif.
Les Leibewerke Les buveurs de sang
Quatre bras incroyablement musclés, six jambes noueuses ressem- Dans les terres les plus vastes d ’Eisen, il existe des créatures
blant à celles d’un mille-pattes, deux têtes cousues pour regarder connues sous le seul nom de buveurs de sang. Une de leur
dans des directions opposées, deux torses se surmontant pour secte vit notamment sur les falaises de l ’île du Rücken et
accueillir des membres supplémentaires : ce Monstre fut l’une des protège ce petit territoire en échange d ’un sacrifice humain
premières Leibewerke créées à avoir parcouru le pays. Initialement par an. La vie d ’un seul villageois volontaire vaut bien leur
conçues pendant la Guerre de la Croix, ces Horreurs sont façon- protection contre les pires Horreurs du monde. La ville ne
nées à partir des meilleurs morceaux de plusieurs cadavres assem- sait pas vraiment ce que font les buveurs de sang avec le
blés en une seule créature quasi-invincible. On doit cette création sacrifié, si ce n ’est qu ’ils le renvoient exsangue et sans vie
à un hexe ayant succombé aux noires tentations de l’Hexenwerk, trois jours plus tard.
qui chercha à en repousser les limites au maximum. L ’hypothèse la plus courante veut que les Monstres des
À la fin de la Guerre de la Croix, une certaine tolérance falaises boivent le sang du sacrifié jusqu ’à sa mort, d ’où leur
vis-à-vis de la pratique de l’Hexenwerk permit l’avènement surnom vernaculaire. Ailleurs, il arrive qu ’on trouve les
d’hexen moins scrupuleux qui créèrent d’autres Leibewerke. corps desséchés d ’animaux, et parfois d ’humains, que l ’on
Les Eisenörs crièrent leur indignation en apprenant l’existence met sur le compte des buveurs de sang (même si personne
de ces créatures, mais le mal était déjà fait, et les Leibewerke n ’en a jamais pris sur le fait).
se joignirent aux Horreurs vagabondes.
Ces Horreurs sont plus grandes, plus fortes et plus versatiles que La vérité : les vampir
les zombies ou les revenants. Un hexe particulièrement doué pour-L’hypothèse des villageois est effectivement bonne, mais ils ont
rait créer une Leibewerk taillée pour des situations spécifiques :
tort de croire que la mort d’un seul des leurs une fois par an
une créature étrangement filiforme et allongée, dotée de plusieurs
suffise à nourrir un vampir aussi longtemps. Le vampir est le
membres pour l’escalade, ou une bête immense aux corps multiples mort-vivant le plus terrifiant et à l’apparence la plus humaine
qui pourrait faire des ravages sur les champs de bataille. qui soit : il peut parler, agir, penser et vivre comme n’importe
Une Leibewerk possède une Puissance allant de 5 à 7, quel mortel, mais il ne respire pas et son cœur ne bat pas. Le
selon la raison de sa création, et les Propriétés monstrueuses premier vampir naquit quand un hexe parvint à repousser les
Effrayant et Puissant. limites de l’immortalité, longtemps avant la Guerre de la Croix.
Il semblerait que le secret de la vie éternelle soit de ne
L ’art des hexen pas être vivant : en utilisant une Hexenwerk incroyable-
Il existe encore des hexen qui se spécialisent dans la création ment puissante et en sacrifiant sa propre mortalité, on peut
de Leibewerke, et qui semblent même prendre beaucoup de inspirer l’immortalité au cerveau et à « l’âme ». Cependant,
plaisir à concevoir leurs Horreurs. Depuis la Guerre de la pour maintenir les effets de l’Hexenwerk, le vampir doit se
Croix, la plupart de ces hexen se sont cachés, mais certains procurer près de quarante litres de sang humain par mois. Le
considèrent encore qu ’il s ’agit d ’un art unique, d ’une forme sang peut être consommé, versé dans un bain ou tout simple-
d ’expression qu ’il leur est impossible d ’abandonner. Viktor ment appliqué comme du maquillage. L’utilisation du sang
Franzeller fait partie de ces hexen tristement célèbres : il a alimente l’Hexenwerk, qui maintient le vampir dans cet état.
transformé presque toute la petite ville de Höhenlage en un Les vampire ne se reproduisent que rarement, car ils abhor-
bassin d ’expérimentation pour son Hexenwerk maléfique. rent devoir enseigner les secrets de leur mode de vie. Cependant,
Il a nommé ses sujets d ’expérience—des villageois à qui il ils vivent en petits groupes à travers l’Eisen. Ils sont plusieurs à
a imposé des greffes—les Altérés, et il a appris à les garder voir d’un mauvais œil la renommée de l’île du Rücken et, alors
en vie, créant ainsi des copies malsaines d ’autres Horreurs. même que les mortels concoctent un plan d’action, ils débattent
Quelques membres des Kreuzritter ont juré de trouver les pour savoir s’ils devraient se débarrasser eux-mêmes de leurs
hexen qui conçoivent encore ces créatures, et le nom de Viktor frères et sœurs à la notoriété trop développée.
figure tout en haut de leur liste. Malheureusement, la chasse Un vampir est un Scélérat monstrueux qui a accès à
s’est muée en une course à l’armement : chaque fois que die l ’Influence et aux Avantages de la même manière qu ’un
Kreuzritter attaque, Viktor créé quelque chose d’encore plus Scélérat humain. Ils utilisent leur Influence pour contrôler
abominable pour les repousser. Plusieurs de ces créatures ont des morts-vivants mineurs, comme des Escouades de
échappé à leur maître et errent à présent dans les campagnes, zombies. Ils possèdent la Propriété monstrueuse Nocturne

ï
semant la destruction sur leur passage. et ont toujours accès à l ’Hexenwerk

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 55

 Les werwölfe Lorsque la lune n ’est pas pleine, les werwölfe sont des gens
Il existe en Eisen une façon particulière de mourir et de normaux qui n ’ont pas conscience de leur alter ego. Pendant
revenir à la vie. Malheureusement, c’est une existence que une nuit de pleine lune, un werwolf possède une Puissance
personne n’envie. Depuis des siècles, il court des rumeurs de 6 et les Propriétés monstrueuses Nocturne, Puissant et
d’hommes se transformant en bêtes immenses, couvertes Régénérant. L ’argent l ’empêche de se régénérer.
de griffes et de fourrure, lorsque la lune atteint son apogée.
Si les conteurs les plus farfelus tissent des histoires disant Les grundylows
qu’un werwolf recouvrera sa forme humaine en présence de Depuis la Guerre de la Croix, on signale de plus en plus de grun-
la personne qu’il aime le plus au monde, nul n’a jamais assisté dylows sillonnant l’Eisen. On en ignore la raison exacte. Certains
à ce genre de scène. En revanche, tout le monde en Eisen pensent que les grundylows ont toujours été nombreux, mais que
connait quelqu’un qui a vu l’une de ces bêtes un soir de pleine la population avait beaucoup de mal à croire en leur existence
lune. En conséquence, les voyages sont extrêmement rares avant que les autres Horreurs ne fassent leur apparition.
lorsque la lune est pleine : les voyageurs qui doivent malgré La légende des grundylows est vieille comme l ’Eisen. Ce
tout se déplacer iront souvent quérir un chasseur expérimenté sont des créatures des marais, des marécages, des tourbières
pour les protéger sur le périlleux trajet. et des zones de basses eaux. À l ’origine, beaucoup pensaient
que ces créatures tenaient du conte de fée que l ’on sert aux
La vérité enfants pour les maintenir à l ’écart des plans d ’eau dange-
Bien que la morsure d ’un werwolf ne soit pas forcément reux. À présent, plus personne ne peut les ignorer, car au
fatale, du moment que l ’attaque est létale, la victime moins une douzaine d ’enfants et de petits animaux dispa-
reviendra à la vie sous la même forme que son attaquant. La raissent chaque année, enlevés par les bras blancs décharnés
maladie ne se transmet que par la mort puis la résurrection et les visages creux. La légende veut qu ’ils se nourrissent de
en Monstre. À cause de ce facteur, certains hexen particuliè- chair fraîche et qu ’ils préfèrent celle des enfants. Personne
rement instruits pensent que la « malédiction » du werwolf ne sait pourquoi, puisque les animaux semblent tout autant
est une forme ancienne et primitive d ’Hexenwerk, car elle leur convenir. On les trouve le plus souvent dans les maré-
requiert la mort pour se déclencher. Cela étant, cela ne fait cages du Salzsumpf et dans les ruines qu ’ils renferment.
pas de ce Monstre un mort-vivant à proprement parler, car
il continue de respirer, manger, marcher et parler comme un La preuve
mortel dans sa vie normale. La transformation n ’a lieu que Une équipe de Héros particulièrement téméraires a mené
lors d ’une nuit de pleine lune. l ’enquête dans l ’Ausgeglichene Platz afin de répertorier les
Les werwölfe sont féroces et peuvent aisément tuer un Horreurs qui se tapissaient dans les profondeurs des ruines.
Héros solitaire. Ils font près de deux fois la taille d ’un L ’équipe perdit trois de ses membres, tués par des Horreurs.
humain ordinaire, mais se tiennent généralement courbés Avant de se décider à battre en retraite, ils réussirent à
pour mieux utiliser leurs pattes avant et arrière. Leurs mains capturer une horrible créature gémissante pour l ’étudier.
et leurs pieds se transforment en pattes énormes dotées de Elle survécut six heures à l ’extérieur des profondeurs
longues griffes mortelles. Ils sont plus forts que n ’importe glauques de sa demeure marécageuse et des chercheurs
quel animal connu sur le continent et se régénèrent rapi- purent confirmer qu ’il s ’agissait bel et bien d ’un grundylow.
dement. Les armes normales ne les blessent que quelques La description qu’en firent les universitaires fut celle d’un
secondes avant que leur corps ne leur redonne toute leur corps que l’on aurait étiré d’environ trente centimètres. Ses bras
dangereuse vitalité habituelle. Le dracheneisen ne semble étaient aussi longs que ses jambes et le corps n’était que peau et
pas avoir d ’effet sur les werwölfe. os. Les mains étaient dotées de sept doigts et de paumes allon-
Ils ont cependant bel et bien des faiblesses : il a été prouvé gées, avec des articulations supplémentaires pour assurer une
que l ’argent peut les blesser gravement. Ils sont non seule- prise plus ferme. La bouche présentait deux rangées de dents
ment incapables de guérir des blessures causées par l ’argent, irrégulières, visiblement destinées à arracher la chair des os. Ses
mais le minerai semble agir tel un poison pour leur sang. cheveux étaient comme des algues, qui se mirent à sécher et à
Lorsqu ’ils se transforment en werwolf, leur intelligence casser une heure après l’avoir remonté à la surface.
devient celle d ’un animal et rien d ’autre qu ’une folle soif Les grundylows possèdent une Puissance de 5 et la Propriété
sanguinaire ne semble dicter leur comportement. monstrueuse Aquatique.

ï
56 Chapitre 1 : L'Eisen
Les petits génies domestiques
Malgré la nature souvent terrifiante de l ’histoire d ’Eisen,
toutes les légendes ne traitent pas forcément d ’êtres mons-
trueux. Dans un pays aux ténèbres immenses, la lumière
brille d ’un éclat d ’autant plus fort. Bien des légendes
précèdent la Guerre de la Croix, mais on les prenait alors
pour de simples contes populaires avant que l ’Hexenwerk
ne devienne une pratique répandue. À présent, la majorité
des Eisenörs témoigne du respect pour les anciens mythes.
Ces marques de respect sont avant tout visibles dans la
déférence accordée aux petits génies domestiques.
Dans toute l’Eisen, une grande partie de la population fait
appel aux esprits nommés les petits génies pour veiller à la
sûreté, à la propreté et à la sérénité de leur foyer. Il suffit à une
personne ordinaire d’accomplir de simples actions pour entrer
en contact avec eux et obtenir leur protection. Comme beau-
coup d’esprits, plus les gens croient en eux, plus ils deviennent
puissants, et ils sont maintenant bien plus nombreux à
s’occuper de l’Eisen qu’ils ne l’ont jamais été auparavant.
Une famille doit laisser de petits cadeaux aux créatures
pour recevoir leur protection. Ces cadeaux peuvent prendre
la forme de petites offrandes de nourriture, de contes écrits
à la main ou d’écharpes faites maison. Tant que le cadeau
vient du cœur, les petits génies l’accepteront. Une fois attachés
à un foyer, les génies prodigueront différentes bénédictions
adaptées aux besoins de la famille. Ils peuvent par exemple
maintenir un toit en l’état durant un hiver particulièrement
rigoureux, s’assurer que l’enfant chétif de la maisonnée
n’attrape pas la grippe ou éviter que les miettes de nourriture
oubliées n’attirent des rongeurs porteurs de peste.
Les autres génies
Les Eisenörs rendent hommage à tout un panthéon de génies
pour leur myriade de bénédictions mineures. Les génies de
la Terre sont souvent récompensés avec un petit bout de
jardin ou de ferme dont ils peuvent disposer comme bon
leur semble ; en échange, ils surveillent le reste de la ferme
et le bétail, tiennent les animaux féroces loin des moutons et
la corruption loin du maïs. Presque chaque aspect de la vie
possède son propre petit génie dédié à sa protection.
Une fois qu ’une famille a invité un génie à se joindre à
elle, ils seront liés tant que dureront les présents. Les petits
génies ne sont toutefois pas des créatures raisonnables. Si
les cadeaux venaient à disparaître, qu ’un proche ignoble
s ’installait dans la maison ou que la famille reniait la créa-
ture, le génie pourrait autant maudire qu ’il a béni. Les foyers
ayant mis leurs petits génies en colère voient leur nourriture
s ’avarier régulièrement, ou des débuts d ’incendie se déclarer
trop rapidement. Quant aux fermes, la terre devient étran-
gement stérile la saison suivante de semailles venue. Il va
sans dire qu ’inviter un petit génie sous son toit n ’est pas une
décision à prendre à la légère.
Les Weise Frauen
Au point le plus au nord-ouest des montagnes de Dracheneisen
se trouve une petite maison d’apparence modeste. Si, de l’exté-
rieur, elle a l’air normale et presque trop fragile pour résister aux
violents hivers montagnards, son intérieur recèle une vaste et
ancienne quantité de sagesse. Depuis qu’existent les légendes en
Eisen, c’est là que vivent et ont toujours vécu les Weise Frauen.
Les trois vieilles mégères, malgré leur apparence âgée, n’ont
jamais réussi à véritablement mourir. Elles ont observé
l’histoire de l’Eisen pendant des siècles, l’ont consignée et ont
prodigué de meilleurs conseils que quiconque. On les considère
comme les personnes les plus sages du pays : même si voyager
jusqu’à leur seuil se révèle périlleux, c’est une quête qui en vaut
véritablement la peine.
Un Héros doit franchir les montagnes et survivre aux bandits,
aux Horreurs et au climat pour rencontrer les Weise Frauen.
S’il survit au trajet, elles l’invitent chez elles pour trois jours
exactement. Le premier jour est souvent passé à se remettre ;
le second, le voyageur apprend à poser les bonnes questions ; et
lors du troisième, le Héros obtient enfin des réponses. Aucun
Héros n’a jamais dit avoir entrepris le dangereux voyage en vain.
L ’Ordre de la sagesse
On considère les Weise Frauen comme des personnages
magiques de légende. Elles ont entretenu cette réputation
pendant des millénaires, et celle-ci s ’est d ’autant plus enra-
cinée maintenant que l ’Eisen recommence à croire en la
magie. En vérité, les Weise Frauen ne sont rien d ’autre que
dur labeur et apprentissage. Elles se surnomment l ’Ordre de
la sagesse et sont des centaines de femmes à avoir fait le vœu
de conserver le savoir éternel du monde. Bien que la petite
maison reste visible de tous, il existe, sous la bâtisse et dans
la montagne, un temple ancien et gigantesque.
Des dizaines de femmes occupent les lieux, entretiennent
la bibliothèque, l’histoire du monde et une installation agri-
cole intérieure, et entraînent également la génération future.
Chaque membre de l’Ordre de la sagesse ne devient pas
Weise Frau, mais toutes consacrent leur vie à s’y essayer. Une
femme doit passer sa vie à étudier, jusqu’à ce que ses cheveux
blanchissent et que sa peau se ride, avant d’être éligible à aller
vivre dans la Maison. Puis, lorsque l’une des Weise Frau
meurt de vieillesse, elle remplace sa sœur sans mot dire au
ï
cœur de la nuit, perpétuant le cycle.
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 57
Chapitre 2
La Fédération
sarmatienne
 LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
« Je n ’ai jamais vu peuple si dévoué et si prêt à faire partie
d ’un tout. C ’est à ça que ressemble la véritable liberté. »
Comme toutes les autres Nations de Théah, la Fédération
sarmatienne est gouvernée par un roi ou une reine. Là
s ’arrêtent les similitudes. Depuis l ’unification des deux
moitiés de la Fédération, la Rzeczpospolita et la Curonie,
les nobles de la Nation élisent leur dirigeant. Le Sejm, qui
représente les voix des nobles, a le pouvoir de rédiger et
promulguer des lois. Jusqu ’à récemment, cela comprenait le
droit d ’opposer son veto aux décrets du souverain.
Cette situation prit fin avec la Liberté dorée, dernier acte
désespéré d ’un roi à qui l ’on dérobait systématiquement le
pouvoir. Tous les habitants de la Fédération gagnèrent le
titre de noble, ce qui mit fin au système de classes sociales
et donna le contrôle de la Nation au peuple lui-même.
Avant la Liberté dorée, le Sejm était composé des treize
dirigeants des księstwa (ou « duchés » en rzeplitain, księstwo
ï
60 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
—Domenica Vespucci
au singulier), les książęta et księżne (« ducs » et « duchesses »,
książę et księżna au singulier) et de trois prêtres vaticins.
Ensemble, ils gouvernaient la Fédération.
Après la Liberté dorée, le Sejm fut scindé en deux : le Sénat,
la « chambre supérieure » où les seize anciens membres
du Sejm se réunissent pour voter, et l ’Izba Poselska (la
Chambre des Députés en rzeplitain), la « chambre infé-
rieure » dans laquelle la nouvelle noblesse fait de même.
L ’ancienne noblesse a tout de même conservé une
influence considérable. Les książęta et księżne ont toujours
le contrôle administratif de leurs księstwa, ce qui leur
permet de promulguer des lois sur leurs propres terres. Elles
peuvent bien sûr être invalidées par les lois nationales votées
par le Sejm, mais cela nécessite que les deux chambres se
mettent d ’accord et les adoptent.

Les Biały et les Czerwony
Le roi ou la reine consort (l’époux ou l’épouse du monarque)
ne partage aucunement les pouvoirs du monarque. Le consort
ne peut pas rédiger de lois, et à moins d’avoir été nommé repré-
sentant du monarque, il ne peut pas non plus présider le Sejm.
Il n’est cependant pas soumis aux restrictions qui entravent le
monarque, et peut donc diriger un księtwo, détenir d’autres
titres ou conserver son siège au Sejm s’il en avait un auparavant.
Le roi actuel, Stanisław Ier, est marié à Małgorzata
Domagała, księżna Drajewicz. Ils vivent chacun de leur côté,
Stanisław à Budorigum, Małgorzata à Szablewo, la capitale
de son księtwo. Lorsque Stanisław, sur les conseils de son
fils Aleksy, promulgua la Liberté dorée, Małgorzata s’opposa
à eux avec ardeur. Une guerre de faction s’ensuivit, et il existe
aujourd’hui deux proto-partis politiques : les Biały (en blanc)
et les Czerwony (en rouge).
Traditionnellement, un « Czerwony » soutient la Liberté
dorée et se bat pour conserver un droit de vote ouvert à tous :
c’est un défenseur du peuple, pro-vaticin, plus ou moins paci-
fique, et qui se méfie du Sanderis. Il soutient le roi Stanisław
Ier et le prince Aleksy (qu’il appelle déjà Stanisław II). Pour
témoigner sa loyauté, il porte le rouge (la couleur de la capi-
tale) et, si possible, les armoiries du roi.
Un « Biały », en revanche, arbore l ’étoile à douze pointes
de la maison Drajewicz et porte du blanc pour rappeler le
marbre qu ’on trouve à Szablewo. Il s ’habille de façon tradi-
tionnelle, dans des styles pré-Liberté dorée. La mode lui
importe peu, contrairement aux Czerwony qui ont accueilli
à bras ouverts les nouvelles tenues sarmatiennes.
Ce factionnalisme va bien au-delà de la simple politique.
Les facultés d’élite de Szablewo sont par exemple la cible
de rumeurs comme quoi des Czerwony sont obligés de
demander leur transfert ou de quitter les lieux ; et pendant ce
temps, dans les bars de Budorigum, des voyous tout de rouge
vêtus cherchent à teinter les tuniques blanches par la violence.
Le problème de la lutte des classes et des noblesses, nouvelle
contre ancienne, ne fait qu’aggraver le problème. La majorité de
l’Izba Poselska soutient Stanisław Ier et son fils Aleksy, lesquels
ont également des fidèles parmi les seize familles de l’ancienne
noblesse du Sénat. Małgorzata a quant à elle la majorité au
Sénat de son côté, et s’est acquis le soutien d’une myriade de
propriétaires terriens, de spécialistes et d’académiciens issus de
la classe moyenne conservatrice. Ces derniers apprécient l’idée
d’avoir le droit de vote, mais restent dubitatifs quant au fait de
donner ce privilège au reste de la population. Personne n’est
dupe : à la mort de Stanisław Ier, les deux candidats au trône
les plus probables seront Aleksy et Małgorzata.
PRONONCIATION DU
RZEPLITAIN
Le rzeplitain comprend plusieurs accents et
lettres mal connus du reste de la Théah. Voici
un guide élémentaire de prononciation qui
pourra vous aider :
• ą se prononce « on » comme dans « bon »
• c se prononce « ts » comme dans « tsar » ;
• e se prononce « é » comme dans « bébé »
• ę ressemble à « in » comme dans « pin »
• ė ressemble à « é » comme dans « beauté »
• ł se prononce « w » comme dans le
prénom « Wallace » ;
• j se prononce « y » comme dans « yack » ;
• ń se prononce « gne » comme dans
« vigne »
• ó se prononce « ou » comme dans hibou ;
• ś ressemble à « ch » comme dans
« chien » ;
• w se prononce « v », comme dans
« vipère » ;
• ź se prononce « gi » comme dans « girafe »
• ż se prononce « j » comme dans « jeu » ;
• ch ressemble à celui d ’un « h aspiré »,
comme en eisenör « ach » ;
• cz donne le son « tch » comme dans
« atchoum » ;
• dź, dż et rz donnent le son « dje » comme
dans « un jean » ;
• ksi donne le son « kch »
• książę : kch-on-j-in
• księżna : kch-in-j-na
• księstwo : kch-in-st-vo
• księstwa : kch-in-st-va
• Stanisław : Stanis-wav
• Małgorzata Drajewicz : Maw-go-dj-ata
Dra-ye-v-i-tch
La langue curonienne est relativement
différente du rzeplitain, mais il n’y a quasiment
plus que les paysans curoniens qui la parlent.
La majorité de la population s’exprime donc en
rzeplitain (ou dans les deux langues).
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 61
 Une Nation démocratique
Le peuple de la Fédération sarmatienne a désormais un
nouveau but, et même le plus pauvre fermier de Curonie
peut espérer avoir un rôle à jouer dans le destin de son pays.
Cela a installé une ambiance positive dans toute la Nation.
Pour beaucoup de gens autrefois considérés comme des
paysans, la Liberté dorée apporte une certaine latitude.
Certains ont quitté les fermes et les postes de travail où ils
s ’échinaient afin de se trouver une vie meilleure. D ’autres,
moins convaincus de la véritable signification de ce nouveau
statut, ont décidé de continuer à vivre comme avant (et ils y
sont souvent poussés par ceux qui les dirigent encore).
La démocratie ne va cependant pas sans son lot de soucis,
et les habitants de la Fédération sont en train de s’en rendre
compte. Quand on exprime son point de vue sur un problème,
on s’aperçoit rapidement qu’il y a autant d’opinions différentes
que de personnes qui les affichent. De plus, si le Sénat—qui
représentait autrefois l’intégralité du Sejm—est pleinement
opérationnel, l’Izba Poselska ne l’est pas encore.
La chambre inférieure a en effet le plus grand mal à faire
passer de nouvelles lois. Les posłowie doivent d ’abord tenir
séance à la demande du roi Stanisław Ier, ce qui est parfois
compliqué en raison de ses problèmes de santé. Lorsque cela
se produit, ils n ’arrivent que rarement à tomber d ’accord
sur un même sujet, et les lois qui sont proposées finissent
généralement en confettis après une seule séance.
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62 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
La plupart des électeurs ne sachant pas lire, c ’est le bouche
à oreille qui se charge de véhiculer les propositions de lois.
Selon la complexité du projet, la formulation peut dès lors
devenir confuse. Par ailleurs, ceux qui ne sont pas d ’accord
sur un ou plusieurs points plaident en faveur de leur version
plutôt que celle qui a été proposée. Cela peut prendre
plusieurs semaines avant que l ’Izba Poselska adopte la
moindre proposition de loi à envoyer au Sénat.
Dans le même laps de temps, le Sénat en soumet trois fois
plus. Bien que les anciens nobles prennent plus de temps
pour rédiger des textes et promulguer des projets de lois,
ils ne se contrecarrent pas les uns les autres comme dans la
chambre basse, ce qui les rend plus efficaces.
Cependant, chaque loi adoptée par une partie du Sejm
doit également être soumise au vote de l ’autre, et la nouvelle
noblesse s ’accorde sur un sujet : l ’ancienne a fait son temps.
Cela explique pourquoi l ’Izba Poselska refuse souvent
d ’adopter les lois votées par le Sénat : même s ’ils n ’en
comprennent pas toujours le but, les posłowie cherchent
simplement à contrarier la chambre supérieure.
Il serait toutefois injuste de dire que le Sejm est au point
mort. Plusieurs personnes dévouées essayent de diriger la
chambre inférieure et ainsi proposer des lois importantes.
Certaines ont même été adoptées par le Sénat, souvent à la
condition qu ’une loi du Sénat soit adoptée lors de son vote
imminent. Enfin, beaucoup de nouveaux nobles finissent
par se lasser des votes et des débats.
 Personnages notables
Le roi Stanisław Ier de son fils et de Rugilė. Quand Małgorzata commença à
Stanisław Gracjan était un érudit avant qu ’il ne commence le frapper avec sa lourde chevalière—sur laquelle figure
à perdre la vue : d ’abord, sa vision de nuit, ensuite sa vision un relief de l ’étoile à douze pointes des Drajewicz—il se
périphérique, puis, le jour de la mort de sa mère, son dit qu ’il le méritait. Rugilė et Aleksy lui apportaient une
champ visuel commença à rétrécir de façon concentrique. joie éphémère, mais rien ne semblait capable de le tirer de
Il embaucha une jeune femme membre du Močiutės Skara, son apathie.
Rugilė Savickė, pour lui faire la lecture ; bientôt, la rumeur Un jour, Rugilė perdit son sang-froid et frappa la reine, un
de sa cécité se répandit parmi la noblesse. Lorsqu ’il fut acte de trahison qui lui valut d ’être emprisonnée. Trois jours
élu roi, les autres nobles pensaient qu ’il serait facile de le plus tard, alors que le roi passait ses mains sur le visage de
contrôler, et pendant un temps, ce fut bien le cas. son fils, il sentit des croûtes de sang séché ayant la forme
Stanisław ne voulait pas être roi, mais il accepta le résultat d ’une étoile à douze pointes.
de l ’élection. Quand le Sejm l ’informa qu ’il allait épouser Une semaine plus tard, il avait exilé la reine du palais. Un
Małgorzata Domagała, l ’héritière influente de la maison mois plus tard, Rugilė fut graciée et libérée de prison et reprit
Drajewicz, il l ’accepta aussi. Son mal du pays, sa vision ne sa place au palais ; elle était alors en possession d’une version
cessant d ’empirer et les responsabilités de Budorigum eurent du Journal d’Uppman. Tout d’un coup, à la surprise des
des effets néfastes sur lui : il se mit à compter davantage sur nobles, Stanisław se transforma en roi. Tel un ours qui finit
son épouse et fit d ’elle son représentant au Sejm. Après la d’hiverner, il se mit à diriger Budorigum et à siéger au Sejm
naissance de leur fils, elle commença à sous-entendre que sa malgré sa cécité. Ainsi qu’il en fit la remarque à Rugilė par
cécité le rendait inutile. Dépressif, il la crut. Elle l ’isola dès la suite, il n’aime toujours pas être roi, mais il a maintenant
lors du reste du monde, ne lui autorisant que la compagnie compris que ce n’est pas un fardeau : c’est une responsabilité.

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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 63
 Parmi les nouveaux nobles, il jouit aujourd ’hui d ’une
popularité exceptionnelle, qui ne s ’est toutefois pas réper- Aleksy Gracjan Nowak
cutée à l ’ancienne noblesse. (Stanisław II)
Depuis peu, il souffre de mystérieux accès de fièvre : La honte accable encore Aleksy Gracjan Nowak lorsqu ’il
lorsqu ’il est trop malade pour se déplacer, son fils Aleksy repense à ses douze premières années. À cette époque, sa
lui sert de représentant au Sejm. mère faisait du mal à son père et, se sentant impuissant, il
restait sans rien faire ; mais lorsque sa mère lui causa du tort,
Interpréter Stanisław Ier son père devint fou de rage et l ’exila. Aleksy a aujourd ’hui
En public, Stanisław a toujours l ’air éreinté. Il n ’est que l ’impression d ’avoir déçu son père en n ’ayant pas tenté de
très rarement enjoué et parle à voix basse, distinctement et l ’aider plus tôt. Rugilė et Stanisław ont beau lui assurer que
dignement. En privé, il devient plus à l ’aise, surtout lorsqu ’il ce n ’est pas le cas, il en tire un bien maigre réconfort.
démontre ses talents d ’érudit : il possède une mémoire Après que sa mère eut quitté le palais, le petit Aleksy prit
phénoménale, connaît tous les livres de sa bibliothèque par son essor. Il apprit à danser et à manier l ’épée, et devint
cœur et peut restituer mot pour mot tout ce que Rugilė lui charmant et plein d ’allant. Avide de connaissances, il
a lu. Sa voix est pleine de fierté lorsqu ’il parle de son fils. s ’intéressait à tout. Lorsque Rugilė lui montra le Journal
Rugilė se tient presque toujours à ses côtés. d ’Uppman, il fut en proie à un véritable conflit intérieur. Sa
En homme patient, il prête l ’oreille aux affaires de son mère lui avait transmis suffisamment de sa fierté pour qu ’il
peuple. Il est également le seul à pouvoir rétablir l ’ordre ait envie de devenir roi à la mort de son père, mais sa fougue
dans l ’Izba Poselska, ce qu ’il fait régulièrement. Il a un intellectuelle et son vécu sous l ’emprise de la détresse lui
esprit vif et ne se laisse berner par personne. Sa vision faisaient sérieusement envisager que la monarchie et l ’aris-
sévèrement limitée ne l ’empêche nullement de savoir ce que tocratie étaient peut-être des systèmes régressifs.
pensent les gens. À seize ans, il découvrit l ’existence des Filles de Sophie,
une branche des Rilasciare qui introduisait secrètement
Accroches scénaristiques dans le pays des femmes vodaccis persécutées. Cette entre-
• Stanisław essaie d ’être un roi fort, mais les années prise lui parut fondamentalement vertueuse et c ’est ainsi
passées à ne pas diriger pèsent sur ses épaules. qu ’il l ’embrassa pleinement. Il travailla anonymement sous
L ’ancienne noblesse n ’est pas habituée à sa présence le nom de flaki, (« la tripe », un surnom qu ’il se choisit
et n ’apprécie pas son « intrusion ». Beaucoup dans parce qu ’il aimait se cacher dans les cuisines étant plus
la demeure royale soupçonnent que sa maladie jeune), simplement parce qu ’il aurait été embarrassant
soit due au poison d ’un ancien noble. Les Héros qu ’un membre de la famille royale soit reconnu coupable
doivent découvrir la vérité, et s ’ils découvrent le d ’espionnage.
Scélérat qui est derrière tout ça, il leur faudra Un jour, il rencontra puis épousa Domenica Vespucci, une
révéler comment il ou elle parvient à se faufiler Sorte Stregha qu ’il avait fait entrer dans la Fédération. Les
jusqu ’au roi ! idées de son épouse sur les travaux d ’Uppman lui inspi-
• La garde personnelle de Stanisław se retrouve rèrent la Liberté dorée. Bien sûr, le public ignore tout du
déchirée entre Biały et Czerwony, et sa maisonnée fait que les activités des Rilasciare sont à l ’origine de la
se retrouve affaiblie par les fréquents conflits. Liberté dorée.
Quelques Biały fomentent l’assassinat du roi pour Il adopta le nom de famille Nowak pour témoigner de
qu’une nouvelle élection ait lieu tant que Domagała son soutien sans faille à la nouvelle noblesse. Sa popularité
a encore la majorité du Sénat. On a demandé leur explosa, et le peuple commença à l ’appeler « Stanisław II ».
aide à certains de ses gardes qui doivent à présent Cela fit de lui le favori pour succéder à son père et devenir
choisir entre loyauté et ambition politique. Les monarque (la seule autre prétendante au trône étant, bien
Héros arriveront-ils à ramener les gardes à la raison entendu, sa mère).
et s’assurer qu’ils continuent de faire leur office ? Et puisque Stanisław Ier est souvent perclus par la maladie,
Aleksy représente son père au Sejm, où il affronte sa mère.

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64 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
 Aleksy envisage sérieusement de ne pas se présenter à
l ’élection. Après tout, dans un pays où le peuple fait la loi,
le roi n ’est-il pas qu ’un simple pantin ? Cela ne le dérangerait
pas bien sûr d ’être sacré à son tour s ’il n ’était pas en train
de devenir aveugle. Aleksy commence en effet à perdre la
vue, comme son père avant lui. Nombreux sont ceux qui
avaient perçu la cécité de son père comme une faiblesse. Et
si Aleksy devait tout de même affronter sa mère aux élec-
tions, devrait-il faire comme si de rien n ’était ?
Interpréter Aleksy Gracjan Nowak
Aleksy Nowak ressemble à sa mère, tout en pommettes
altières et en teint pâle. Néanmoins, là où cette dernière
passe pour impassible, lui déborde d ’émotions. Il montre
une joie de vivre palpable, même si en privé, le poids des
responsabilités le fait ployer comme son père. D ’une
manière générale, Aleksy est un modèle de jeunesse,
d ’énergie et de santé. La magie de sa nouvelle épouse y est
peut-être pour quelque chose, mais il est certain que les
efforts auxquels il consent pour faire de sa Nation la meil-
leure de Théah lui donnent une énergie qui n ’appartient
qu ’à lui.
Il est prévenant et prudent. Après avoir passé des années à
éviter l ’ire de sa mère, il est devenu un parangon de patience.
Il réfléchit toujours avant d ’agir et prend grand soin de dire
les choses avec autant de diplomatie que possible. En privé,
il est beaucoup plus ouvert, a un avis sur tout et partage ses
impressions sur des sujets qui vont de la révolution au fait
que la tourte à la viande soit le meilleur mets au monde.
Aleksy est très impliqué dans la gestion de la Fédération.
Il a un intérêt personnel à ce que cette nouvelle démocratie
prospère. Il fait son possible pour aider la nouvelle noblesse
et cherche sans cesse des moyens d’apaiser l’ancienne.
Accroches scénaristiques
• Quelqu ’un a tué des Biały et marqué leur visage
du sceau personnel d ’Aleksy. Małgorzata profite
au maximum de la situation et le prince a besoin
que les Héros retrouvent le(s) tueur(s) avant que
la ville ne s ’embrase.
• Aleksy pense avoir hérité de la cécité de son père,
mais Domenica est persuadée qu ’une malédiction
pèse sur sa vue déclinante. Les Héros arriveront-ils
à confirmer (ou non) les soupçons de Domenica, et
parviendront-ils à trouver un remède pour Aleksy ?
Domenica Vespucci
Domenica Vespucci est une sorcière de la Destinée. Très
tôt, son père décida de son avenir et de celui de son frère
jumeau : Ennio hériterait de l ’entreprise de transport
maritime familiale, et Domenica lui servirait de soutien
constant. Elle serait ainsi la discrète sorcière de la Destinée
qui l ’accompagnerait partout afin de le protéger, lui lais-
sant ainsi la possibilité d ’épouser quelqu ’un d ’autre qu ’une
Sorte Stregha.
Cependant, Ennio n ’avait aucune ambition—Domenica en
avait visiblement hérité à sa place—et, dès leur plus jeune
âge, les jumeaux se préoccupèrent davantage des désirs de
l ’un et de l ’autre que des projets de leur père. À l ’instar de
beaucoup de femmes ambitieuses en Vodacce, Domenica
rejoignit les Filles de Sophie lorsqu ’elle était jeune. Ennio
l ’aida en lui apprenant à lire en secret. Elle se plongea dans la
philosophie des Rilasciare tandis que son frère s ’entraînait à
l ’art du duel et la soudoyait avec des livres pour qu ’elle l ’aide
à tricher pendant ses leçons.
Sous le nom de code cielo giallo, Ciel jaune en vodacci,
Domenica se retrouva à la tête d ’une opération de la Société
dont le but était de faire passer en secret des Streghe dans
la Fédération sarmatienne. Son homologue, un agent
sarmatien des Rilasciare surnommé flaki, commença à lui
écrire pour parler logistique. Bientôt, leur correspondance
aborda des sujets comme la philosophie et les anecdotes
personnelles, lesquelles ne contenaient bien sûr que des
détails vagues. Pendant trois ans, Vespucci ignora l ’identité
de son correspondant.
Quand Aleksy fut en âge de se marier, il commença à
sous-entendre dans ses correspondances qu ’il était servi-
teur au palais, et qu ’il connaissait intimement les fréquen-
tations du prince (dont il était d ’ailleurs un fidèle confident).
Il demanda conseil concernant ses prétendantes, et lui
envoya des descriptions détaillées. C ’est à ce moment-là
que Domenica forma une hypothèse sur son identité et
répondit : Vous devriez m ’épouser, moi.
Carlo Vespucci n ’était qu ’un magnat du commerce mari-
time de second plan, ce qui ne faisait pas de sa fille l ’épouse
idéale pour un homme qui deviendrait peut-être roi. Mais
Domenica connaissait l ’anticonformisme de son correspon-
dant. Elle se savait quelque peu amoureuse de lui, et pouvait
raisonnablement estimer qu ’il partageait ses sentiments.
Pari réussi : Aleksy accepta de se fiancer, et son frère et elle
embarquèrent pour la Fédération.
Leur première rencontre en face à face, quelques jours
après la Liberté dorée, fut marquée par une tentative d ’enlè-
ï
vement orchestrée par Marcen Sabat, le książę Kazimierz.
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 65
 Domenica sauva la vie du prince, ce qui lui valut un accueil
chaleureux au sein de la famille royale la plus radicale
de Théah.
Interpréter Domenica Vespucci
Sous son voile, Domenica a un physique ordinaire qui la
rend facilement oubliable. En Vodacce, c ’est une technique
de survie indispensable, mais ici, cela lui convient aussi
parfaitement. Elle reste en retrait et laisse Aleksy s ’occuper
de tout, n ’intervenant que pour ranimer les conversations
qui en ont besoin.
Ses années passées au sein d ’une organisation clandestine
lui ont appris à apprécier les gens qui la sous-estiment. En
public, elle joue le rôle de l ’étrangère un peu idiote qui a
encore du mal avec la langue ; en privé, elle perd son
accent et pousse Aleksy à donner de la voix grâce à ses
remarques intelligentes.
Domenica est une femme astucieuse qui a plus d ’estime
pour sa nouvelle Nation adoptive que pour celle l ’ayant vue
grandir. Elle utilise son influence sur la Destinée pour aider
son mari, mais rarement pour autre chose. Elle s ’efforce
d ’incarner ce que chacun devrait être selon Uppman, et
n ’utilise son pouvoir que lorsque la situation l ’exige.
Accroches scénaristiques
• Le père de Domenica les a contactés, Aleksy et elle,
dans l ’espoir d ’obtenir une place à la cour sarma-
tienne. Vespucci est convaincue que son père est
en fait venu espionner pour le compte d ’un Prince
marchand, mais comment vont faire les Héros
pour le prouver ?
• D’une façon ou d’une autre, un petit imprimeur
a obtenu l’analyse détaillée de Domenica sur les
écrits d’Uppman. Il en vend des exemplaires pour
une bouchée de pain, et le fait qu’ils soient liés au
nom de Domenica a provoqué un scandale. Vespucci
engage l’un des Héros pour endosser le rôle du
« véritable » auteur de cette exégèse, tandis que les
autres ont pour mission de limiter les dégâts.
ï
66 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Landon Cross
Landon Cross a grandi dans la petite ville de Baelig, en
plein milieu de la forêt de Síocháin, en Avalon. D ’après la
rumeur en ville, ses mères, toutes deux trappeurs, ont conclu
un marché avec les Sidhes : s ’ils leur offraient un enfant,
elles protégeraient les animaux sidhes. Les gens refusent de
vérifier la véracité de la rumeur, mais on ne peut nier la
ressemblance de Cross avec le Beau Peuple.
Bien sûr, la vérité est moins étrange que la fiction. Les
mères de Cross l’ont simplement adopté à l’orphelinat de
Carleon, où il avait été abandonné lorsqu’il était bébé. Le
petit pendentif en or qu’il porte autour du cou est l’un des
seuls indices sur ses origines, les autres étant sa peau pâle et
ses cheveux blancs qui brillent de reflets d’argent sous le soleil.
Cross apprit le métier de ses mères, la chasse et la pose de
collets. Il semblait aussi avoir un talent inné pour s ’occuper
des créatures des bois les plus farouches, même celles
affectées par le Glamour. Mais malgré une enfance et une
éducation quasi-idylliques, la question de ses origines lui
pesait toujours.
Quand Daníele et les autres Sidhes arrivèrent depuis la
Bryn Bresail, Cross se sentit obligé d ’aller leur parler. Il
se rendit à Carleon et, grâce à ses talents d ’orateur et son
esprit vif, obtint une audience auprès de l ’émissaire sidhe.
Ce dernier ne connaissait pas ses parents, mais il reconnut
qu ’il avait probablement du sang Sidhe quelque part dans sa
généalogie. Refusant de se contenter de cette réponse vague,
Cross insista davantage.
Appréciant sa persévérance et sa force de caractère, Daníele
voulut l ’aider à retrouver ses parents. Cela signifiait toutefois
d ’entreprendre une quête de grande ampleur : en échange de
cette information, Landon devrait remplir pour les Sidhes
une mission qui le mènerait hors d ’Avalon.
Une semaine plus tard, Cross possédait un navire, un
équipage et une lettre d ’accréditation de la part de la reine
Elaine. Il se rendit d ’abord en Montaigne, où il apporta ce
qui semblait être un morceau de papier vierge à un vieil
ermite vivant dans une forêt. L ’homme signa le papier, puis
le rendit à Cross en le remerciant vivement de ses efforts.
Ensuite, Daníele l’envoya en Ussura, où il dut retrouver
le Leshy (singulier de Leshiye) Vir’ava et gagner sa faveur.
Lorsque Cross parvint à apaiser un vodyanoi particulièrement
violent, son équipage obtint la confiance des Ushkuiniks, ce
qui lui permit de voyager sur les rivières ussuranes.
 À présent, Cross et son équipage se trouvent dans la
Fédération sarmatienne. Ils ont pour mission de retrouver
un dievas dans la forêt de Sanderas. Il ignore l ’intérêt
supérieur que servent ses voyages depuis l ’Avalon, mais
il suspecte une raison secondaire à tout cela. Soit ça, soit
Daníele aime simplement l ’envoyer dans les endroits les plus
dangereux de Théah.

Interpréter Landon Cross

Landon Cross est un homme mince, plus petit que
l ’Avalonien moyen. Il recouvre sa peau presque translucide
de plusieurs couches de vêtements légers qui réfléchissent
la lumière du soleil, et porte un chapeau à bords larges pour
dissimuler sa masse de cheveux argentés. Lorsqu ’il sourit
à pleines dents, ce qui arrive souvent, ses dents acérées
surplombent sa lèvre inférieure.
Cross est un homme amical, très espiègle et plein d ’idées
peu conventionnelles. Il n ’aborde jamais une situation
comme on pourrait s ’y attendre, et ce côté imprévisible lui
sert énormément. C ’est un chasseur et un trappeur aguerri
qui sait manier tous types d ’armes à distance, et qui se
débrouille plutôt bien avec une épée.
Il rend service si on lui demande, mais sa priorité première
reste l ’Avalon et le marché qu ’il a conclu avec les Sidhes
pour découvrir l ’identité de ses vrais parents. Il refuse de
faire quoi que ce soit qui pourrait nuire à cet arrangement.

Accroche scénaristique
• Cross a entendu des histoires à propos du katabasis,
un moyen pour les losejai de tuer leurs dievai. Il
hésite donc à faire équipe avec un losejas pour
l ’aider à trouver son dievas. Le problème, c ’est
qu ’aucun sorcier sarmatien n ’est prêt à l ’aider dans
sa quête personnelle, et les habitants de Voruta
refusent de lui servir de guides. Les Héros accom-
pagneront-ils l ’avalonien, ou lui trouveront-ils un
losejas qui accepte de venir avec lui ?

ï
 Rugilė Savickė
Avant que le roi ne devienne Roi, Rugilė Savickė s ’occupait
déjà de lui.
La première fois fut dans un hôpital de campagne—
installé par les membres du Châle de la grand-mère—qui
accueillait ceux que la chaux vive avait rendus aveugles.
Stanisław Gracjan, qui y fut admis après avoir été blessé au
combat, avait l ’habitude de citer des textes dans ses rêves
enfiévrés. Très vite, il attira l ’attention de Rugilė.
Avant la guerre, elle était marchande de livres itinérante et
voyageait à dos d ’âne : cette yachidi de Curonie aux lunettes
rondes avait appris à lire en autodidacte et consultait tous
les textes qui passaient par sa sacoche avant de les vendre.
Ce bibliophile attisa sa curiosité. C ’est ainsi qu ’elle se mit à
lui faire la lecture tard dans la nuit, et qu ’ils devinrent des
amis très proches.
Elle remarqua que la cécité le guettait. Quand il entendit
parler de son passé avec les livres et des personnes aveu-
glées par la chaux vive, il lui proposa de revenir avec lui au
château pour qu ’elle devienne sa lectrice et collectionneuse
de livres. Elle accepta.
Avec le temps, elle tomba amoureuse du roi. Małgorzata
et elle restèrent à une distance prudente l ’une de l ’autre des
années durant. Elle se fit la préceptrice d ’Aleksy, et lui apprit
à se cacher de Małgorzata dans la cuisine. Certes, frapper
la reine fut un acte de trahison, mais il couvait depuis
longtemps. En prison, même si tout accès aux livres lui fut
interdit, un autre prisonnier lui fit parvenir les écrits des
Rilasciare, le fameux Journal d ’Uppman, qu ’elle lut.
Il ne lui parut pas étrange qu ’Uppman réclame la mort
des rois : ne venait-elle pas d ’être elle-même trahie par un
roi ? Ne venait-elle pas d ’apprendre que, malgré le statut de
monarque du meilleur homme qu ’elle connaisse, le monde
restait vil et injuste ? Peut-être la mort était-elle un châti-
ment sévère, mais la noblesse devait assurément disparaître.
Quand Stanisław vint la libérer de prison, elle lut les
carnets au roi. Elle le défia de lui ordonner d ’arrêter, de
sommer que le Journal soit saisi et brûlé. Il ne lui intima
pourtant jamais de se taire. Il la laissa lire, et quand elle
demanda : « Puis-je les montrer à votre fils ? », il répondit :
« Je vous fais confiance. »
Elle montra le livre à Alesky, puis Stanisław et elle n ’en
parlèrent plus jamais. Toute sa vie, elle se demanda si la
lecture du Journal les avait influencés. Quand Aleksy eut
l ’idée de la Liberté dorée, et que Stanisław promulgua la loi,
elle arrêta de se poser cette question.
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68 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Interpréter Rugilė Savickė
Les grands yeux de Rugilė Savickė et son visage rond lui
donnent un air bien plus jeune, une impression renforcée
par ses mouvements rapides semblables à ceux d ’un oiseau.
Sa chevelure a conservé sa noirceur, malgré quelques mèches
grises au niveau des tempes.
Elle se tient presque toujours au côté du roi, un livre à
la main. Dans ses fonctions diplomatiques, elle se montre
déférente mais légèrement trop protectrice envers Stanisław.
En privé, elle devient un mentor énergique, toujours prête à
partager ses dernières connaissances.
Accroches scénaristiques
• Savickė est l ’ombre de Stanisław, sa lectrice, son
écrivaine et sa compagne de tous les jours. Elle
l ’aime toujours, mais dix ans passés au palais sous
la houlette de Małgorzata et un séjour en prison
lui ont laissé des cicatrices. Domenica et Aleksy
veulent entamer un processus de réconciliation
entre eux, mais c ’est une manœuvre délicate :
Rugilė reste une nouvelle noble et une yachidi, et
Stanisław est toujours marié. Ils demandent aux
Héros de les aider à organiser un rendez-vous
clandestin sans divulguer leur implication.
• Rugilė Savickė s ’est vouée corps et âme aux
Rilasciare. Même maintenant, en dépit de la
Liberté dorée, il lui reste des choses à faire. Elle
sait que Małgorzata Domagała a toujours des vues
sur le trône, et Rugilė essaie de contrecarrer ses
projets au maximum. Elle est déchirée entre cette
entreprise et ses devoirs envers le roi, dont la santé
décline de jour en jour. Elle a besoin d ’aide pour
retourner le Sejm contre Domagała car elle ne peut
pas s ’en charger elle-même.
Małgorzata Domagała Interpréter Małgorzata Domagała
(reine consort & Małgorzata possède la fierté fragile de quelqu ’un qui a vécu
księżna Drajewicz) dans le tort des années durant, mais qui préfèrerait mourir
Małgorzata Domagała est l ’aînée de la maison Drajewicz. plutôt que de l ’admettre. Son maintien est impeccable, et
Elle hérita du titre de księżna alors qu ’elle avait à peine sa beauté spectaculaire (peut-être encore plus avec les rides
seize ans. Elle grandit plongée dans la politique du Sejm et, gagnées depuis sa jeunesse). Sa peau et ses cheveux sont
pour l ’essentiel, a toujours eu à cœur les meilleurs intérêts pâles au point d ’être transparents, et ses longs doigts habiles
de la Fédération. Son union à Stanisław fut un pur mariage tremblent de manière quasi imperceptible.
de convenance, mais qui lui offrit une position idéale pour Par défaut, ses yeux d ’un bleu glacial sont pleins de dédain.
servir les intérêts généraux. Son attitude est soit méprisante, soit impassible. Son
Małgorzata était une bonne reine. Sous son règne, le pays tempérament exécrable ne se dévoile qu ’en privé, et ceux
prospérait. Les coffres publics étaient pleins, on laissait qu ’elle violente, tant physiquement que moralement, sont
entrer les réfugiés castillians dans la Fédération, et elle avait
toujours sous son influence.
réussi à faire du Sejm un organisme à peu près coordonné. Domagała, en tant qu ’administratrice extrêmement
La Nation allait bien. Pourquoi attacher tant d ’importance compétitive, exige la même efficacité de la part de ses subal-
à ses violences domestiques ? Le pays n ’a jamais souffert ternes et de ses alliés. Si un Héros devait s ’opposer à elle et
tant qu ’elle régnait. Et si Stanisław ne voulait pas souffrir, démontrer son talent, elle essaierait de le rallier à sa cause.
eh bien, il aurait dû se comporter en partenaire, plutôt que Elle a une peur sincère de l ’ochlocratie, à tel point qu ’elle
de se cacher derrière ses humeurs dépressives en la laissant serait même prête à ravaler sa fierté pour l ’éviter.
gérer le pays toute seule.
Avant même la Liberté dorée, Domagała considérait le Accroches scénaristiques
Sejm comme une erreur : la Fédération avait besoin d ’un • Quand les purges de l ’Inquisition commencèrent
pouvoir plus centralisé, comme l ’Avalon de la reine Elaine. en Castille, Małgorzata était alors la dirigeante
Selon elle, la Liberté dorée est un désastre en attente de de facto de la Fédération. L ’idée d ’une Nation
se produire. Au Sénat, elle a pour habitude de dire : « si supprimant sa propre intelligentsia la révulsant,
les analphabètes peuvent voter, la populace fait la loi. » La elle établit une route de navigation réservée à
démocratie fonctionne peut-être en temps de paix, mais elle l ’émigration discrète des cibles de l ’Inquisition
peut difficilement résister à la pression. De ce constat est né depuis la Castille. À présent, ceux qui s ’opposent
le plan de Małgorzata. à elle menacent de révéler l ’emplacement des réfu-
Domagała sait qu ’en Ussura, le Général Hiver prévoit giés au cardinal Verdugo. Les Héros arriveront-ils
d ’envahir la Fédération. Elle s ’est alliée à lui, car il lui a à empêcher les Czerwony d ’amener l ’Inquisition
promis le trône sarmatien en échange d ’un port en eaux jusqu ’à leurs portes ?
chaudes et d ’un accès total au fleuve du Sejm. • Domagała a un plan pour se débarrasser de la
Elle compte bien entendu trahir le Général Hiver : elle Liberté dorée. Elle a soumis une proposition de
refuse d ’être une reine fantoche aux mains du Czar, ou loi au Sejm écrite dans un jargon obscur, dans
de laisser la Fédération devenir un état vassal de l ’Ussura. le but évident d ’embrouiller les non-initiés en
Quand l ’invasion du Général Hiver aura convaincu les la présentant sous son meilleur jour. Si la loi est
citoyens de la Fédération qu ’ils ont besoin d ’un dirigeant promulguée, elle pourra réinstaurer la distinction
fort, elle s ’avancera et prendra le trône par ses propres entre nobles et roturiers, leur retirant ainsi le droit
moyens, puis repoussera les ussurans. de vote. Les Héros parviendront-ils à convaincre
l ’Izba Poselska de ne pas voter cette nouvelle loi ?

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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 69
 Ugnė Urbonė (księżna Janusz)
Ugnė Urbonė est curonienne jusqu ’au bout des ongles,
l ’une des seules à siéger au Sénat. Elle est audacieuse, et
les affaires sans importance l ’agacent au plus haut point.
Sarcastique et pleine d ’esprit, elle encourage les autres à
réfléchir avant de parler. Ses discours sont fleuris, pleins de
tournures provinciales, à la différence des autres posłowie.
Lorsqu ’elle vote, c ’est avec un pragmatisme assumé : « Qui
va payer pour ce navire ? Qui va décharger cette cargaison ? »
Quand les membres du Sénat se mettent à se disputer pour
de la sémantique, elle bâille.
Ugnė est une Héroïne nationale en Curonie, en partie
grâce à son attitude : les Curoniens, que leurs concitoyens
rzeplitains ennuient sans cesse, admirent son irrévérence.
De plus, elle est le premier défenseur des intérêts curo-
niens au Sénat, à tel point qu ’elle soutient très sincèrement
le déplacement de la capitale en Curonie. En plus de cela,
c ’est un membre actif et dévoué du Ratas : elle est célèbre
pour avoir aidé à la capture de plus de losejai renégats que
n ’importe quelle autre personne en vie.
Elle n ’a rien d ’une Biały : elle méprise le snobisme de
Szablewo et ne semble pas concernée par la Liberté dorée.
Elle n ’a rien non plus d ’une Czerwony : c ’est une ardente
protectrice du Sanderis (elle aime répéter qu ’il est moins
dangereux que la démocratie, car les deux mettent à
l ’épreuve le sens du pouvoir et des responsabilités) et affirme
que l ’armée devrait s ’équiper pour combattre l ’Ussura. En
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70 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
fait, le nom d ’Ugnė est devenu synonyme de scepticisme
à l ’égard des deux factions et, à son grand regret, ceux
qui pensent comme elle l ’ont élevée au rang d ’icône. Les
Curoniens feront tout ce qu ’elle dit, car ils lui font confiance
pour toujours avoir à cœur leurs meilleurs intérêts.
Bien sûr, cela signifie que si les élections royales se résu-
maient à choisir entre Małgorzata ou Aleksy, elle serait en
position de faire pencher la balance, que ce soit en faveur du
roi ou de la reine. Quelle ironie !
Elle pourrait également déposer sa propre candidature à
la mort de Stanisław Ier et essayer d ’arracher la monarchie
des mains de la dynastie actuelle. Si Ugnė est moins popu-
laire que Małgorzata ou Aleksy (après tout, la Curonie est
deux fois plus petite que la Rzeczpospolita), l ’élection du
monarque est actuellement un point de crispation politique.
Pour l ’instant, seul le Sénat parvient à s ’organiser pour
voter, et il est impossible de prédire le choix des sénateurs.
Si l ’Izba Poselska parvenait à voter, cela pourrait, contrai-
rement aux attentes de tous, faire pencher l ’élection en sa
faveur : en effet, de nombreux Biały et Czerwony préfère-
raient la voir accéder au pouvoir plutôt qu ’un autre candidat.
Ceci étant dit, Ugnė s ’inquiète davantage de la guerre
imminente avec l ’Ussura, ou d ’empêcher une guerre civile
ridicule entre Biały et Czerwony, plutôt que du vote au sein
du Sejm. Mais si elle était un jour élue reine, elle remplirait
son office avec brio.
Interpréter Ugnė Urbonė Azucena Esquivel
Ugnė Urbonė est trop grande pour son corps. Quand elle Azucena Esquivel a fui l’Inquisition castilliane à bord d’un navire
marche, c’est à grandes enjambées en balançant les bras très affrété par Małgorzata Domagała. Après s’être rendue dans la
haut. Au Sénat, elle est pénible : elle rote, bâille, jure comme capitale sarmatienne pour proposer ses services à la reine, elle
une paysanne, son vocabulaire et son accent prennent des apprit que le roi l’avait bannie. Voulant en savoir plus sur la raison
tonalités curoniennes flagrantes. Personne ne doit oublier que de cet exil, elle accepta un poste en tant que garde au palais.
la Fédération ne se compose pas de la seule Rzeczpospolita ! Elle posa des questions. Sa curiosité discrète lui attira
À la voir en compagnie du Ratas, ou lorsqu ’elle gère son l ’attention du jeune prince, qui l ’interrogea à sa façon du
księstwo (surtout Voruta, car la forêt de Sanderas résiste à haut de ses douze ans, puis lui demanda de lui enseigner
son administration), on comprend que son style n ’est pas l ’art de l ’escrime.
dénué de substance. Aleksy grandissant, Esquivel se forgea l’intime conviction
Tard dans la nuit, après avoir réglé ses affaires, l ’inquiétude qu’il ferait un roi d’exception. Il prenait ses responsabilités
marque ses yeux. Si ses intérêts sont menacés, sa réaction au sérieux et voulait manifestement élever sa Nation. Elle
intense accompagnée d ’un fort pincement des lèvres est n’avait en revanche que du dédain pour le Sejm, considérant
reconnaissable entre mille. les nobles sarmatiens comme une entrave au pouvoir, abhor-
Chez elle, Ugnė se fait accueillante et arrangeante. Elle rant leur façon de traiter le roi sans les égards qui lui sont dus.
pratique l ’hospitalité curonienne, et en fait montre à Malgré tout, elle ne sait que penser de la Liberté dorée. Mettre
quiconque vient frapper à sa porte (peut-être même vous le peuple au pouvoir est une belle utopie, mais en quoi est-ce
préparera-t-elle son fameux cepelinai si vous passez la nuit différent d’une ochlocratie ? Le prince et le roi, bien qu’ils soient
chez elle). Elle n ’a d ’intérêt que pour ses affaires, et feint de bons chefs d’État, n’ont fait que s’affaiblir politiquement en
l ’ennui ou la colère si on lui demande de s ’impliquer dans faisant cela. Leur foi en la nature humaine est peut-être sans
quoi que ce soit qui dépasse sa sphère d ’influence. faille, mais ce n’est pas le cas d’Azucena. Grandir sous le joug
de l’Inquisition finit par rendre misanthrope…
Accroches scénaristiques Membre dévoué de Los Vagabundos, Azucena protégea
• Ugnė est une veuve sans enfants qui prévoit Aleksy lors de la tentative de coup d ’État de Marcen Sabat.
d ’accomplir le katabasis prochainement, une Par la suite, elle soutint la demande du Sénat de réformer
tradition qui la mènera au fin fond de la forêt la slachta, la garde royale, et en fut nommée chef.
de Sanderas pour essayer de détruire son dievas. Malgré sa position au sein de la slachta, Azucena est
Elle veut choisir un héritier avant son départ, au toujours déchirée par un conflit intérieur, à tel point qu ’elle
moins provisoirement, et embauche les Héros pour envisage de démissionner pour rejoindre Małgorzata. En
rassembler les candidats appropriés. effet, malgré son côté monstrueux en privé, la reine était
• Le mari d ’Urbonė s ’est ôté la vie il y a trois ans, et une dirigeante exceptionnelle. Qui d ’autre qu ’elle pourra
elle s ’est liée au dievas qui l ’en a persuadé. Elle est saisir les rênes du pouvoir et imposer la loi royale lorsque
aujourd ’hui déterminée à détruire le démon de son le peuple se mettra à créer ses Inquisitions ?
mari, mais ses excursions dans la forêt de Sanderas
n ’ont rien donné. Les autres dievai ont peur de son Interpréter Azucena Esquivel
dievas et refusent de le trahir tant qu ’il est lié à elle. Azucena Esquivel est une femme discrète, calme et
Les Héros arriveront-ils à pénétrer dans la forêt et réservée. Elle préfère qu ’on l ’oublie et parvient à se fondre
à obtenir suffisamment d ’informations sur le dievas parfaitement dans le décor. Son statut de garde du corps
d ’Ugnė pour le détruire ? lui convient totalement, car les gens ignorent souvent les
soldats qui entourent la royauté.
Si on la force à s ’exprimer sur un sujet qui la met mal à
l ’aise, elle se transforme soudain en cliché ambulant de la
Castilliane fougueuse et gesticulante. Tant d ’ardeur, selon
elle, ne lui sied guère : elle préfèrerait rester silencieuse et
garder ses conseils pour elle plutôt que de prendre le risque
de déclencher un conflit en partageant ses opinions.

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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 71
 Jan Noreyko et Gintarė Žilinskė
À l ’époque où seize personnes seulement siégeaient au Sejm,
connaître la loi était un combat perdu d ’avance. La loi chan-
geait selon le bon vouloir du Sejm. Si un ancien décret était
jugé peu pratique, ils l ’ignoraient ou le rendaient caduque.
Jan Noreyko, un féru de législation énergique et neveu
de l ’héritier de la maison Tokarz, fut frappé d ’ostracisme
à cause de son obsession pour les lois. Tout le monde se
fichait éperdument qu ’il soit capable de réciter les règles de
la cité ou des textes abscons, d ’autant que ses pairs avaient
tous des connexions avec les nobles du Sejm (d ’une façon
ou d ’une autre).
Tout changea avec l ’arrivée de la Liberté dorée. Soudain,
tout le monde se découvrit un intérêt pour les lois, et savoir
ce qu ’elles disaient précisément (anciens décrets et obscurs
vides juridiques compris) donnait désormais un avantage
lors des réunions.
Noreyko devint extrêmement populaire une fois la
Liberté dorée promulguée : tous les anciens nobles dési-
reux d ’obtenir l ’avantage sur les paysans parvenus venaient
lui demander conseil sur d ’abscons détails législatifs. Six
mois après l ’entérinement de la Liberté dorée, les services
prodigués par Noreyko étaient devenus si populaires que
Tokarz lui acheta une maison de ville, à deux pas du Sejm,
pour que les membres du Sénat puissent venir le consulter
à n ’importe quel moment. Il devint le premier avocat officiel
de la Fédération.
Quand les paysans nouvellement anoblis eurent vent de
cela, ils décidèrent qu ’il leur fallait leur propre avocat, afin
de ne pas se laisser distancer par les anciens nobles. Cela
semblait la stratégie politique la plus prudente à adopter,
même si, concrètement, ils ignoraient à quoi leur servirait
un avocat. Leur quête les conduisit jusqu ’à Gintarė Žilinskė,
l ’une des seules personnes en ville qui puisse égaler le savoir
de Noreyko et son amour de la loi.
Le hasard faisant bien les choses, elle était l ’ancienne archi-
viste de Noreyko, son assistante et son amante. Sa maison
de ville se trouvait de l ’autre côté du Sejm par rapport à celle
de Noreyko, et sa bibliothèque valait la sienne au livre près.
Tandis que Noreyko s ’efforçait de maintenir le statu quo,
Žilinskė se battait pour la nouvelle noblesse.
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72 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
S ’ensuivit une rivalité qui mit fin à leur amitié, leur parte-
nariat et leur aventure amoureuse en l ’espace d ’un seul
jour. Lorsque la paysannerie embaucha Žilinskė, Noreyko
lui proposa de l ’aider à payer sa maison de ville de l ’autre
côté du Sejm. Žilinskė refusa en lui disant qu ’elle saurait se
débrouiller toute seule. Il commença alors à ne plus discuter
de ses affaires avec elle. Elle ne voulait pas être sa rivale, mais
il semblait déterminé à faire en sorte qu ’elle le devienne.
Au lieu de cela, elle lui proposa de venir travailler avec elle,
pour l ’aider à créer une nouvelle et meilleure Fédération
en collaborant avec l ’Izba Poselska. Noreyko refusa. Les
sénateurs l ’avaient aidé à ses débuts et leur argent leur avait
permis à tous les deux d ’accéder à la notoriété. Aider les
paysans revenait à renier sa famille, et elle, elle le trahissait
ce faisant. De toute façon, pensait-elle vraiment que cette
notion de Liberté dorée était une bonne idée ?
En réponse, Žilinskė lui envoya sa tasse de chocolat chaud
à la figure. Noreyko rentra chez lui et retrouva des cas de
jurisprudence sur des couvre-feux particulièrement répressifs
auxquels son oncle pourrait faire référence le lendemain, au
Sejm. Persuadé que Žilinskė œuvrait pour une cause perdue,
il était déterminé à le lui prouver en la battant au Sejm.
Žilinskė rentra chez elle et se sentit coupable d’avoir ainsi
agressé son amant. Le lendemain, elle entendit l’oncle de
Noreyko citer ces lois sur le couvre-feu alors qu’il appuyait
une série de politiques régressives et anti-paysannes. Elle
l’interpréta comme une déclaration de guerre. Ensuite, et bien,
chacun campa sur ses positions, les justifiant à grand renfort
de démonstrations moralisatrices. Aujourd’hui, dix-huit mois
après l’entérinement de la Liberté dorée, ils ne se parlent plus
du tout. Pourquoi le feraient-ils ? L’ami et amant d’antan de
l’une représente tout ce qui ne va pas dans ce pays, et vice versa.
Ils critiquent les clients de l’autre, envoient des subordonnés
espionner et ont l’habitude de fourrer leur nez dans tout ce que
l’autre dit ou fait. Ils ont beau dire qu’ils ne veulent plus rien
avoir à faire l’un avec l’autre, ils passent tous les deux beaucoup
de temps à s’impliquer dans leurs affaires respectives.
Quoi qu ’il en soit, le Sejm n ’a jamais été aussi actif lorsqu ’il
s ’agissait de valider d ’anciens cas de jurisprudence ou d ’en
établir de nouveaux.
Interpréter Gintarė Žilinskė Jędrzej Jerzy Maciejowski
En public, Gintarė Žilinskė fait montre d ’une dignité féroce Jędrzej Jerzy Maciejowski est né dans une famille d’anciens
mais décousue. Elle est timide et s ’agite sans cesse, mais nobles qui, au cours du siècle dernier, était tombée de plus en
elle a l ’allure endurcie de quelqu ’un qui s ’est fait à la force plus dans la défaveur du Sejm. D’abord, ils se convertirent à
du poignet. l’objectionnisme (alors que la majorité de la Rzeczpospolita
Dans son bureau, lorsqu ’elle se croit seule, elle parle à un est vaticine), puis ils condamnèrent la violence et la Guerre.
Jan inexistant. Elle passe beaucoup de temps à se demander : Finalement, son père ne fut qu’une minuscule voix face au
« Que ferait Jan ? » et à prédire les arguments que pourraient raz-de-marée contestataire. Pour éviter des répercussions
employer les clients de ce dernier. Devant son miroir, elle politiques trop importantes, la famille déménagea en Curonie
travaille son regard noir au cas où l ’on viendrait lui poser des quand Jędrzej était encore jeune.
questions sur les losejai ; mais à lui en parler sans qu ’elle s ’y En grandissant, les idéaux de son père restèrent ancrés en lui.
attende, on pourrait tout aussi bien la troubler. Tout comme lui, Jędrzej abhorre la violence, considérant ceux qui
en font usage comme de faibles brutes. Ainsi, on comprendra
Accroche scénaristique aisément qu’il rejoignit le Močiutės Skara très tôt. Il voyagea alors
• Depuis peu, Gintarė consulte les losejai qui veulent à travers toute la Théah grâce à l’organisation, et fit de son mieux
établir des marchés sans faille avec les dievai. Elle pour aider les gens que la violence et la guerre n’ont pas épargnés.
garde le secret sur ces relations, car ses clients Il rencontra Lina, une losejas membre du Châle.
les plus superstitieux pourraient la quitter s ’ils Maciejowski s ’entichait toujours des femmes qu ’il rencon-
l ’apprenaient. Mais l ’apprenti de Jan semble l ’avoir trait, mais Lina lui plut comme nulle autre auparavant. Elle
découvert malgré tout, et il menace de le révéler à l ’appréciait, mais il l ’idéalisait, ce qui la rendait mal à l ’aise :
ses autres clients. Les Héros pourront-ils l ’aider à il ne voyait que la beauté en elle, refusant de voir ses défauts.
s ’occuper du maître-chanteur ? Elle voulut l ’enchanter pour qu ’il voit aussi bien le mal que
le bien chez les autres, mais le fourbe dievas fit du sort une
Interpréter Jan Noreyko malédiction, l ’obligeant à toujours trouver des défauts aux
Jan Noreyko est le stéréotype du bureaucrate dans la lune : personnes qu ’il pourrait aimer.
le genre de personnage qui répand de l ’encre sur ses doigts Par la suite, il se rendit compte que vivre seul était le
et dans ses cheveux, ou qui est incapable de retrouver un meilleur moyen d ’éviter les peines de cœur. Au cours de sa
livre dans sa bibliothèque maintenant qu ’il n ’emploie plus collaboration avec le Châle, il vit combien le pouvoir pouvait
d ’archiviste. corrompre et mener à la violence, au carnage et pire encore.
Si on lui parle de Gintarė, il commence à se disputer Il se fait maintenant appeler Andrzej Kisiel pour ne pas être
avec elle comme si elle était là, puis secoue la tête de façon associé aux politiques du Sénat, où un siège l ’attend, bien en
distraite quand on lui en fait mention. Si on lui parle de sa évidence, depuis la mort de son père.
collaboration avec les losejai, sa réponse toute faite consiste Cette perspective le tiraille. Il ne veut rien avoir à faire avec le
à débiter un petit baratin sur la quête du moindre mal et le pouvoir néfaste du Sénat, mais il sait également que la nouvelle
danger de contrats établis à la va-vite. Mais sa tirade sonne noblesse pourrait vraiment bénéficier de l’aide d’un sénateur.
faux, car c ’est un piètre acteur.
Interpréter Jędrzej Jerzy Maciejowski
Accroche scénaristique Jędrzej Jerzy Maciejowski, ou Andrzej Kisiel ainsi que la
• Jan Noreyko s ’est mis à recevoir les losejai qui plupart des gens le connaissent, est un sarmatien banal aux
veulent établir des Marchés sans faille avec les cheveux sombres et aux yeux d ’un bleu cristallin. De nature
dievai. Il tient cette information secrète pour éviter décontractée, souvent amical, il adopte un comportement
que Gintarė ne la découvre et s ’approprie sa clien- plus détaché lorsqu ’il parle de sujets sérieux.
tèle. Mais il y a un hic : ses derniers conseils ont eu Kisiel est un homme passionné, surtout lorsqu ’il s ’agit de
des répercussions sur une cliente qui veut à présent rire ou d ’aider les nécessiteux ; mais lorsqu ’on le courrouce,
se venger de lui. Les Héros pourront-ils l ’aider à une rage folle s ’empare de lui. Il aime prêter main forte et
repousser cette sorcière en colère ? ne cède pas facilement à la colère. Kisiel est l ’un des agents
les plus fiables du Châle.

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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 73
 Estera Sabat
(księżna Kazimierz)
Si Marcen Sabat, l ’héritier rzeplitain de la maison
Kazimierz, dirigeait un księstwo curonien, il n ’a toutefois
jamais pu s ’identifier aux autres Curoniens. Lorsqu ’il était
sénateur, il tomba sous le charme de l ’exubérance de la vie
citadine, et ne put jamais admettre que les Curoniens soient
réellement civilisés.
Ainsi, lorsque naquit sa fille Estera, elle eut à peine le temps
d’apprendre à marcher qu’il l’avait déjà envoyée à Budorigum,
le summum de la civilisation rzeplitaine, où elle fut placée en
famille d’accueil avec une kyrielle d’enfants Drajewicz. Lors de
ses jeunes années à Budorigum, Estera ne voulait s’habiller
qu’en noir, faisait les poches des autres enfants nobles et apprit
à grimper aux gouttières et aux tourelles. C’est ainsi qu’elle
gagna le surnom de czarna Kotka, « le Chat noir ».
L ’ambition du doyen des Sabat avait toujours été qu ’Estera
épouse le prince. Avant même qu ’il ne soit en âge d ’entre-
tenir des soupirantes, Estera lui fit la cour. Ses manœuvres
de séduction ne débouchèrent pas sur un mariage, mais une
amitié naquit entre eux deux : Estera admirait la capacité
d ’Aleksy à inspirer confiance, et il admirait son entrain et
son audace.
Cette amitié fut mise à rude épreuve lorsque Marcen Sabat
décida de renverser la famille royale pour contrecarrer la
Liberté dorée (ainsi que la décision d ’Aleksy d ’épouser une
vodacci). Estera trahit son père pour protéger Aleksy. Le
coup d ’État tomba à l ’eau : le Sejm retira tous ses titres au
książę et transmis ses possessions à Estera.
Estera Sabat, księżna Kazimierz, dirige à présent la riche
ville curonienne de Sperus et les campagnes avoisinantes.
Cependant, sa vie est loin d ’être simple : un mouvement
influent centré à Sperus cherche à lui faire perdre sa place.
À leurs yeux, c ’est une rzeplitaine ayant grandi à Budorigum
qui a la réputation de tremper dans des affaires louches ;
c ’est aussi la fille d ’un traître et une voleuse qui s ’habille en
noir. La rumeur dit qu ’elle a été aperçue en train d ’escalader
les toits pendant la nuit, et ce n ’est pas tout à fait faux. En
fait, la seule chose qui la maintient en place est le soutien
sans équivoque du prince Aleksy, une situation qu ’elle
déteste au plus haut point.
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74 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Interpréter Estera Sabat
Estera Sabat s ’habille toujours en noir et adopte la gestuelle
d ’un chat pour s ’asseoir et se prélasser. Elle a des cheveux
blonds comme le sable, qu ’elle garde toujours attachés
derrière sa tête et loin de ses yeux fauves. Mince et musclée,
elle est pourtant plus petite que la plupart des Curoniennes.
Elle affiche toujours un air décontracté, comme si elle se
moquait que l ’on reste ou que l ’on s ’en aille. Tout ça n ’est
qu ’une façade : elle brigue désespérément l ’attention des
autres, mais si on le lui fait remarquer, elle rétorquera que
ce désespoir ne l ’affecte aucunement.
Des années durant, elle a pris sur elle en feignant une
assurance qu ’elle ne possède pas. Peut-être qu ’un jour, avec
un peu de chance, son masque deviendra réalité ; mais
pour l ’instant, dès que tombe ce dernier, elle révèle une
gestuelle saccadée et une fierté blessée qui la poussent au
bord des larmes.
Accroches scénaristiques
• Influencée par son père, Estera a vécu tel un
Scélérat, volant et dérobant ce qui lui chantait.
Son revirement soudain vis-à-vis de son père lors
du coup d ’État l ’a toutefois quelque peu changée.
Elle prévoit cependant d ’exécuter le chef d ’une
bande de chasseurs perfides pour mettre fin à
l ’agitation qui trouble sa cité. Les Héros pour-
ront-ils la convaincre d ’adopter une conduite moins
Malfaisante pour s ’occuper des problèmes de la
ville et ainsi la guider sur le chemin de l ’Héroïsme ?
• À Sperus, les détracteurs d ’Estera travaillent
d ’arrache-pied pour la destituer. Ils n ’ont pas de
remplaçant, car leur haine aveugle les empêche
d ’anticiper. Au lieu de ça, ils ont un plan simple qui
consiste à l ’assassiner pendant la nuit. Les Héros
parviendront-ils à sauver la Malfaisante księżna ?
Si oui, qu ’adviendra-t-il de Sperus ?

La Fraternité de la côte
Les Ushkuiniks sont des pirates fluviaux, une branche de
la Fraternité de la côte qui opère principalement en Ussura.
Là-bas, ils s ’entendent à merveille avec les créatures marines
hostiles. Cette relation semble aussi s ’étendre à la Fédération,
puisque seuls leurs bateaux peuvent naviguer sans encombre
à travers la forêt de Sanderas pour débarquer nourriture et
passagers à Voruta. Ils pratiquent des prix exorbitants, mais
les habitants de Voruta payent quand même. Après tout,
quelle autre solution ont-ils ?
Le reste de la Fraternité de la côte opère au vu et au su de
tous dans la baie de Stróż, mais le roi emploie des corsaires
pour les tenir loin des navires sarmatiens. Cela ne réjouit
guère le Sejm (pourquoi payer des pirates pour combattre
d ’autres pirates ?), mais jusqu ’à maintenant, aucun posłowie
n ’a proposé de solution qui soit meilleure.
La plupart des corsaires à la solde du roi sont eux-mêmes
des membres de la Fraternité, et ils se servent de l ’autorisa-
tion remise par la Fédération sarmatienne pour attaquer les
navires de la Vodacce et du Croissant.
Néanmoins, beaucoup de navires de la Fraternité se
contentent simplement d ’ignorer les corsaires : les pirates
surenchérissent simplement pour qu ’ils les laissent tran-
quilles quand ils tombent sur un navire sarmatien rempli
de marchandises en partance de la baie.
Sociétés secrètes
Die Kreuzritter
Dans toute la Fédération sarmatienne, un seul être vivant
revendique son appartenance aux Kreuzritter : une vaga-
bonde vivant dans les marais de Saulės Mūšis, qui vient de
nulle part et se bat avec une lance en dracheneisen. Elle se
nomme Jadvyga Jasaitytė.
Elle est sans doute folle, mais là où elle va, la peur des habi-
tants s ’allège quelque peu. Aux habitants des marais qui le
souhaitent, elle enseigne le combat à la lance ; après les cours,
elle est souvent suivie d ’une ribambelle de « canetons ».
Orphelins, handicapés ou vieillards que plus personne ne
respecte : ces parias se retrouvent au lever du soleil pour
apprendre à se battre.
Los Vagabundos
Dans la Fédération, Los Vagabundos et la slachta partagent
beaucoup de points communs. Les deux organisations sont
dirigées par Azucena Esquivel, qui tente courageusement
de les mettre au service d ’objectifs différents. Après tout,
les slachta sont tous des notables qui servent d ’ambassa-
deurs et de gardes du corps au prince et au roi. De leur
côté, Los Vagabundos, préfèrent agir dans l ’ombre : ils
infiltrent, espionnent et font régner le bien, mais en secret.
Malheureusement, malgré toutes les tentatives d ’Azucena de
répartir les responsabilités, chacune se voue entièrement à la
sécurité du roi et de son fils, à tel point qu ’au lieu d ’opérer
en tant qu ’organisations distinctes, Los Vagabundos se fait
souvent l ’ombre de la slachta en accomplissant les basses
besognes que les membres notoires de la slachta ne peuvent
pas se permettre de commettre.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 75
 La Société des Explorateurs
En Rzeczpospolita, une branche de la Société des Explorateurs
opère depuis Szablewo et passe le plus clair de son temps à
fouiller les grottes souterraines de la ville. Tous les septimus,
le Collegium Maius leur prête une salle. Les membres la trans-
forment en un musée miniature, où ils s’attardent sur l’une ou
l’autre des merveilles du complexe de grottes.
Si l ’Université interdit aux étudiants d ’explorer les grottes
sous peine de se faire expulser, ceux qui les visitent néan-
moins se retrouvent souvent recrutés s ’ils obtiennent leur
diplôme. Les membres de la Société à Szablewo sont des
conférenciers très prisés qui font souvent don d ’exemplaires
de leurs recherches à la bibliothèque de l ’Université. En
échange, on leur permet de copier et de demander n ’importe
quel texte, comme s ’ils étaient membres à part entière
du corps enseignant. La Société, qui tente actuellement
d ’apprêter une expédition sarmatienne jusqu ’au Nouveau
monde, a commencé à contacter les autres branches pour
leur demander conseil.
Il existe une autre branche de la Société des Explorateurs,
en Curonie, entièrement administrée par des vagabonds.
Ses membres vivent à Saulės Mūšis et veulent cartographier
les environs, consigner les récits d ’évènements surnaturels,
faire des croquis des fruits sur les arbres puis les disséquer.
Ils n ’ont aucun revenu (l ’Odissée leur envoie pinceaux,
encre et papier), mais obtiennent des résultats incroyables
qu ’ils cataloguent sans y avoir été formés. Ils ont contacté
les autres branches de la Société pour leur demander
des ressources, mais jusqu ’à maintenant, les retours se
font attendre.
Aucune des deux branches sarmatiennes de la Société n ’a
conscience de l ’existence de l ’autre.
Faveur au sein de la
Fédération sarmatienne
Un Héros membre de la Société des Explorateurs peut
obtenir de la Faveur dans la Fédération sarmatienne des
manières suivantes :
• Cartographier les grottes de cristal sous Szablewo
rapporte 3 de Faveur. Si la carte est particulière-
ment précise ou permet de découvrir une nouvelle
chambre, cela rapporte 4 de Faveur.
• Apporter les ressources nécessaires aux membres
basés à Saulės Mūšis rapporte 4 de Faveur.
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76 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Le Collège invisible
Lorsque l ’Inquisition se mit à réprimer l ’intelligentsia castil-
liane, la reine établit une route navigable pour faire sortir
des individus en toute clandestinité de Castille. La reine
ne contrôle plus la Fédération, mais l ’itinéraire a subsisté et
continue de faire migrer les intellectuels depuis la Castille
jusqu ’à Szablewo.
Ainsi, le Collège invisible considère avoir une dette envers
Małgorzata, une double dette, en fait, étant donné que la
reine utilisa ses propres finances pour créer des postes dans
les universités de Szablewo destinés aux intellectuels l ’ayant
impressionnée (avant de les impressionner à son tour : née
Drajewicz, son éducation fut des plus complètes).
Parmi les érudits qui lui doivent la vie et un travail, on
trouve Alvara Arciniega, l ’inventrice du télescope réflecteur
(qui a pour le moment été prêté à l ’Ussura), Iratze Eneko,
la femme qui découvrit l ’effet placebo, et Anunciación
Valla, une philologue qui tente de réfuter la provenance de
plusieurs écrits attribués au troisième Prophète.
Faveur au sein de la
Fédération sarmatienne
Un Héros membre du Collège invisible peut obtenir
de la Faveur dans la Fédération sarmatienne de la
manière suivante :
• Aider le Collège invisible à faire venir un univer-
sitaire persécuté de la Castille à la Fédération
rapporte 5 de Faveur.
Un Héros membre du Collège invisible peut solliciter son
aide de la façon suivante :
• Obtenir une audience avec la reine Małgorzata
coûte 4 de Faveur.

Močiutės Skara
Pendant la Guerre de la Croix, même les seigneurs de
guerre appréciaient le Châle de la Grand-mère. Grâce à
ces mignonnes petites femmes qui nettoyaient les champs
de bataille, faisaient des gâteaux et raccommodaient les
chaussettes, vous pouviez goûter plus facilement au repos en
sachant que quelqu’un s’occupait de vos blessés. Tout le monde
adorait et infantilisait les « Grands-mères », ce qui leur conve-
nait parfaitement : à la fin de la guerre, le monde n’avait pas la
moindre idée que les Grands-mères riaient sous cape.
Officiellement, Močiutės Skara est toujours basé à la fron-
tière entre l ’Ussura et la Fédération. Officieusement, bien
qu ’ils y possèdent effectivement toujours des bureaux, le
gros de leurs travaux s ’effectue en réalité à Memel. Divulguer
leurs liens avec le credo pacifiste radical des anachids (une
secte de dīnistes non reconnue par la branche principale de
l ’al-dīn) entacherait leur réputation ô combien inoffensive,
alors cela reste secret.
En ce moment, le Châle enquête sur la rumeur selon
laquelle en Ussura, le Général Hiver prépare une invasion
de la Fédération. Ils soupçonnent qu ’au moins un membre
de l ’ancienne noblesse le soutient en secret, mais qui ?
Les Chevaliers de la
Rose et de la Croix
Depuis longtemps, les Chevaliers de la Rose et de la Croix
de la Fédération accueillent des chevaliers talentueux
et quelques nobles mécènes triés sur le volet. Lorsque la
Liberté dorée anoblit l ’ensemble de la population, les gens
demandèrent à cor et à cris de les rejoindre, car plus d ’un
nouveau noble désirait prouver qu ’il ne devait pas son
ascension sociale à un simple opportunisme politique.
Au début, l’Ordre passa énormément de temps à tester les
nouvelles recrues en les appariant aux membres aguerris et
en mettant leurs talents à l’épreuve. Toutefois, les candidats
étant plus nombreux que les Chevaliers, ils commencèrent à
refouler ceux qui n’avaient pas suivi le meilleur des entraîne-
ments, ou ne possédaient pas assez d’argent pour les financer.
Ainsi, beaucoup de nouveaux nobles, malgré leur habileté et
leur volonté d’aider, finissent refoulés aux portes de l’Ordre.
L ’Ordre de la Rose et de la Croix a dorénavant trop de
Chevaliers, à ne plus savoir qu ’en faire, mais peu de mécènes
sont prêts à financer les actions de la Société. À l ’heure
actuelle, la priorité numéro une des Chevaliers de la Rose
et de la Croix en Sarmatie est de trouver des bienfaiteurs
parmi l ’ancienne noblesse.
FAVEURS AU SEIN DES
AUTRES SOCIÉTÉS
Le très noble et vénérable ordre des Lettres
a accumulé énormément de respect au sein
de la Fédération sarmatienne, et certaines
des autres Sociétés secrètes dans la Nation
ont commencé à utiliser ses services pour
leurs propres fins. C ’est ainsi que des agents
de diverses Sociétés secrètes se retrouvent
à collaborer avec l ’ordre des Lettres. Voici
plusieurs façons d ’acquérir de la Faveur ou d ’y
faire appel dans les autres Sociétés secrètes.
Un Héros membre de la Rose et de la Croix
peut obtenir de la Faveur dans la Fédération
sarmatienne des manières suivantes :
• Livrer un colis (ou une liasse de lettres) au
nom de la Poste rapporte 4 de Faveur.
• Aider un postier lors d ’une livraison
rapporte entre 1 et 3 de Faveur, selon le
degré d ’aide apportée.
Un Héros membre du Collège invisible peut
solliciter son aide des manières suivantes :
• Demander à un postier de livrer quelque
chose qui n ’est pas sur sa route habi-
tuelle coûte entre 1 et 3 de Faveur,
selon le danger ou la distance jusqu ’à
la destination.
• Obtenir l ’accès aux cartes de l ’Ordre
coûte 4 de Faveur.
Les Rilasciare/
Les Filles de Sophie
Domenica Vespucci a rédigé une analyse exhaustive du
Journal d ’Uppman. Aleksy a pensé à la Liberté dorée en
s ’inspirant en partie de cette exégèse. Ce seul fait provoque-
rait un tollé s ’il se savait : les Biały, en particulier, seraient
ravis de faire le lien entre Domenica, Aleksy et les Rilasciare.
Au vu de leur collaboration avec les Filles de Sophie, il n ’est
pas surprenant que les Rilasciare protègent le prince et la
princesse consort : ils sont tous les deux des Amis d ’Uppman,
et lors du coup d ’État de Marcen Sabat, les Rilasciare
jouèrent un rôle primordial dans l ’arrestation du książę félon.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 77
 Le très noble et
vénérable ordre des Lettres
Lorsque les Chevaliers de la Rose et de la Croix virent
l ’arrivée en masse de nouvelles recrues suite à la Liberté
dorée, ils se rendirent compte que peu de ces nouveaux
nobles avaient de l ’argent à offrir pour être considérés
comme des bienfaiteurs. En revanche, ils avaient des chevaux.
Les chevaux de la Fédération sarmatienne sont bien étranges.
Les races les plus répandues possèdent de longues jambes, et
suivent un entraînement spécial pour porter leur cavalier à travers
des terrains difficiles. En raison de leur facilité à se déplacer dans
les marais, on leur donne le surnom de « nageurs ».
Tous les aspirants chevaliers possédaient des nageurs, et
lorsqu’ils se retrouvèrent en nombre à Budorigum, ils eurent
l’idée de distribuer des messages sur de longues distances.
Jusqu’ici, seuls les riches pouvaient s’offrir des cavaliers pour
porter du courrier, et porter des messages à travers les maré-
cages gelés et les cols de montagnes étroits leur semblait une
tâche digne d’un Héros.
Ainsi naquit le très noble et vénérable ordre des Lettres.
Au départ, le nom tenait de la plaisanterie, car aucun des
membres originaux n ’était noble depuis plus d ’un mois.
Cependant, le service qu ’ils proposaient n ’avait rien d ’une
boutade, surtout lorsque les gens se mirent à compter sur
eux pour livrer des médicaments à des avant-postes isolés,
des semences de maïs dans des villes bloquées par la neige,
des objets de famille à des parents dans des coins reculés
ou des actes de propriété et des testaments pour lesquels
certaines personnes étaient prêtes à tuer.
Par nécessité, les Lettres devinrent cartographes, puisqu ’au
commencement, beaucoup de leurs itinéraires actuels
n ’étaient pas répertoriés sur des cartes. À présent, ils
possèdent les cartes de la Fédération les plus détaillées au
monde. Certains seraient prêts à tuer pour les avoir. Ils en
ont envoyé des copies au roi et à quelques autres personnes.
Autrefois, ils faisaient des gravures sur bois des cartes, les
imprimaient par centaines et les vendaient à bas prix, mais
après qu ’un exemplaire des cartes permit à un groupe de
bandits de semer la terreur sur le Sarmatyzn pendant un
mois entier, ils se mirent à les garder secrètes.
Ils ont également commencé à aider les autres Ordres
chevaleresque à s ’organiser : ils facilitent la communi-
cation entre les villes pour aider les réseaux de villages à
attraper les brigands, réparent les ponts, construisent des
routes et ainsi de suite. Heureusement que presque tous
les villages possèdent leur propre Ordre chevaleresque : en
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78 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Rzeczpospolita, l ’engouement pour le sarmatisme a déferlé
sur les campagnes ; quant à la Curonie, même si elle refuse
de les appeler ainsi, beaucoup de villes entretiennent une
milice qui remplit le même rôle.
La Faveur au sein du très noble
et vénérable ordre des Lettres
Le très noble et vénérable ordre des Lettres désire raviver
la flamme de la chevalerie dans la Fédération sarmatienne.
Pour ce faire, certains remplissent leur devoir de postiers
avec un respect absolu de l ’anonymat et de la discrétion.
D ’autres en appellent à la population pour qu ’elle remplisse
son devoir de chevalerie au nom de la Nation. Quoi qu ’il
en soit, leur but suprême est de prouver que l ’honneur et
la chevalerie existent et sont répandus dans la Fédération.
Un Héros membre de l ’ordre des Lettres peut obtenir de
la Faveur des manières suivantes :
• Livrer un message important dans des délais
raisonnables rapporte 3 de Faveur, surtout si
personne d ’autre que l ’expéditeur et le destinataire
n ’ont été mis au courant de la livraison.
• Aider un nouvel Ordre chevaleresque rapporte 4 de
Faveur. Vous pouvez l’aider à s’organiser, à renforcer son
code, sécuriser un lieu de rendez-vous ou toute autre
tâche qui fasse progresser les intérêts de l’organisation.
Un Héros membre de l ’ordre des Lettres peut solliciter son
aide des manières suivantes :
• Demander de l ’aide à un Chevalier coûte 3 de
Faveur. Un Chevalier possède typiquement une
Force de 5 ainsi que l ’Avantage Académie de
Duellistes d ’une école de votre choix. En dépensant
2 de Faveur supplémentaires, le Chevalier recruté
pourra venir d ’une école de Duellistes supplémen-
taire de votre choix.
• L ’accès à une lettre ou toute autre missive privée
coûte 2 de Faveur. Si, en général, l ’honneur du
postier impliqué est d ’une importance capitale, les
informations contenues dans une lettre peuvent
parfois prendre le pas sur tout le reste. Accéder à
de telles informations peut nécessiter que le Héros
propose de porter la lettre à sa destination finale
afin de préserver l ’honneur du postier originel.

La Rzeczpospolita
Depuis l ’unification au milieu du XVIe siècle, ni la
Rzeczpospolita, ni la Curonie n ’ont encore violemment
protesté contre l ’unité de la Fédération. Cet état de fait
est d ’autant plus remarquable que même maintenant,
Rzeplitains et Curoniens grandissent en parlant des langues
différentes. Un siècle auparavant, des membres sages du
Sejm avaient bien rendu obligatoire l ’apprentissage des deux
langues (pour les nobles au minimum), mais peu sont ceux
qui prennent la peine de parler le curonien.
Personne ne sait encore ce qui se passera maintenant que
toute la population de la Fédération a été anoblie. Cela
étant, la population pense que les Curoniens peuvent être
susceptibles de demander la dissolution de la Fédération, et
ce pour plusieurs raisons.
D ’abord, historiquement, Dominykas Dega, le roi curo-
nien qui créa la Fédération, favorisait de façon notoire
la Rzeczpospolita aux dépens de la Curonie, et cela sans
compter son manque de tact démesuré dans ses prises de
position. Par exemple, il ne se contenta pas seulement de
réorganiser la Curonie en księstwa (sur le modèle de la
Lieux notables
Rzeplita), mais il leur donna également des noms rzepli-
tains (ce qui explique pourquoi plusieurs księstwa curoniens
portent des noms tels que « Gancarz »). Il exigea également
que le rzeplitain soit la langue officielle du gouvernement et
des écoles, ainsi que la seule langue parlée au Sejm.
Dega savait que la Curonie manquait de richesse par
rapport à la Rzeczpospolita, et il pensait que les Curoniens
pourraient être amadoués par l ’argent. En un sens, il n ’avait
pas tort : les nobles curoniens, pragmatiques comme à leur
habitude, ne gaspillèrent pas leur temps à se courroucer,
acceptèrent leurs sièges au Sejm et promulguèrent une série
de lois qui permirent de réquisitionner l ’or et les experts
de la Rzeplita afin de construire des infrastructures en
Curonie. Hôpitaux, grandes routes, universités : tout ce
que la Curonie, en tant que nation souveraine déchue, était
incapable de financer. Lorsque le règne de Dominykas Dega
prit fin, alors que les caisses étaient vides, l ’argent ayant servi
aux constructions en Curonie.
La Liberté dorée a engendré un grand élan de patriotisme
qui, à lui seul, empêche peut-être les tensions de véritable-
ment tourner au vinaigre.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 79
 Bien que Budorigum s ’y oppose, beaucoup de Rzeplitains
en-dehors de la capitale sont favorables au déplacement du
Sejm, ou à ce qu ’il fonctionne par roulement. Les adeptes
du sarmatisme soutiennent généralement cette idée. Ce
qui au départ n ’était, selon certains, qu ’une mode ridicule a
déclenché des débats houleux sur l ’unité nationale.
Plusieurs membres de l’Izba Poselska sont favorables à ce
que tous les bulletins de vote soient envoyés par courrier : les
membres de l’ordre des Lettres ou de la Rose et de la Croix
seraient ainsi mandatés pour délivrer les messages écrits.
La Rzeczpospolita peut aujourd’hui s’enorgueillir de posséder
la capitale de la Nation, des frontières commerciales avec
l’Ussura et la Vodacce, les universités et les hôpitaux les plus
réputés du pays, ainsi que de vastes étendues de terres arables.
Néanmoins, la Rzeczpospolita ressent également les premiers
contrecoups de la guerre avec les autres Nations, et, par consé-
quent, ses księstwa croulent davantage sous les dettes.
Szablewo (księstwo Drajewicz)
Certains surnomment Szablewo « la Première cité » : d’après
eux, elle fut construite à l’époque des Numanaris, et survécut à
la chute de l’Empire pour voir la Fédération s’élever autour d’elle.
Les ruines, bâtiments et tombes numanaris qui parsèment la
ville semblent en attester. D’autres l’appellent « la Cité infinie »
ou « la Cité de cristal », en raison des cavernes souterraines
de cristaux sur lesquelles elle repose : sous les rues serpentent
des couloirs de calcaire blanc et de cristaux, pleins de géodes,
d’enfoncements et de précipices qui attendent les explorateurs
ayant soif de gloire et impatients de mourir.
Néanmoins, la majorité des sarmatiens surnomme Szablewo
« la Cité universitaire », un nom qui rime avec éducation. On
y dénombre quarante-trois facultés. Les sénateurs sont tous
d’anciens élèves de l’une ou l’autre de ces institutions. Les facultés
ouvrent leurs portes aux membres des familles des sénateurs et,
après eux, aux enfants des nantis. Elles offrent des bourses de
façon sporadique, mais, en général, elles ne font pas la cour aux
génies : selon le dicton des Domagała, elles forment les génies.
Małgorzata Domagała, reine consort et księżna Drajewicz,
dirige Szablewo. La grande majorité des citoyens lui sont fidèles,
et ce n’est pas une surprise si elle a rendu leur cité plus extraordi-
naire encore qu’à ses débuts. Alors qu’elle représentait Stanisław
Ier au Sejm, elle fit voter la « Dîme universitaire » : actuellement,
dix pour cent des revenus de la Couronne sont destinés à l’ensei-
gnement supérieur. Avant que le Sejm ne promulgue la Dîme,
l’Université de Szablewo croulait sous les dettes : maintenant,
plus aucune faculté n’est en difficulté financière. De plus, la
collaboration entre la księżna et le Collège invisible a poussé les
ï
intellectuels hors-la-loi de Castille à émigrer en masse vers la ville.
80 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
L ’Université de Szablewo
Les facultés ont chacune un nom, mais on emploie
« l ’Université », ou « l ’Université de Szablewo », pour
parler d ’elles dans leur ensemble. Construites à partir
du calcaire blanc de la ville, dans un mélange d ’architec-
tures numanari et gothique, les facultés sont un véritable
spectacle visuel, surtout une fois à l ’intérieur. Leurs murs
sont ainsi embellis par six observatoires, un planétaire à
l ’échelle représentant les six planètes connues et leur posi-
tion autour du soleil, ainsi que la plus grande bibliothèque
deThéah orientale.
Les facultés dépendent de la Dîme universitaire, ce sont
donc elles qui ont le plus à perdre de la Liberté dorée : des
débats sont déjà en cours au Sejm pour redistribuer la Dîme,
soit à l ’Église vaticine, soit au très noble et vénérable ordre
des Lettres. Nombreux sont les ennemis de Małgorzata
à avoir une dent contre la Dîme en raison de ce qu ’elle
représente : ils prétendent (non sans un fond de vérité)
qu ’elle a fait pression sur le Sejm pour promulguer la loi,
au mépris total de la démocratie qu ’incarnaient les posłowie
avant même l ’instauration de la Liberté dorée.
Qui plus est, de nombreux membres grincheux de la
chambre inférieure ont bien fait comprendre qu’ils consi-
dèrent l’Université comme un bastion des privilèges : la
réduire en miettes serait, pour eux, un châtiment acceptable.
Par conséquent, nombreux sont les citoyens de Szablewo qui
soutiennent la reine contre ceux qui voudraient supprimer
la Dîme. Selon une opinion répandue à Szablewo, l’accès à
l’Université devrait être réservé aux honnêtes gens sachant
lire, afin d’empêcher ces contestataires de changer le système.
Les citoyens de Szablewo les plus courroucés par l’hostilité
naissante du Sejm envers le système universitaire sont les
nouveaux immigrants castillians, qui ont déjà vécu la même
chose par le passé. Esteban Verdugo et ses alliés savent parfai-
tement donner des airs populistes à leurs actes. Ils sont doués
pour créer des attroupements d’apparence spontanés, et ils
sont passés maîtres dans l’art de retourner l’opinion publique
contre l’élite privilégiée quand cela les arrange.
Tout ce qu’il leur reste à faire, c’est prouver que l’intellectua-
lisme est, d’une façon ou d’une autre, impie et que les élites
sont anti-vaticins. Cette poudrière a tous les ingrédients
nécessaires pour exploser : d’une part, une rivalité oppose
Szablewo et l’Université des Trois sœurs de Budorigum,
d’autre part, le bruit court selon lequel la reine serait une
losejas. Szablewo n’a jamais été une ville fortifiée, mais tôt ou
tard, ses habitants devront sûrement apprendre à se défendre.
Les cavernes de cristaux
Personne n ’a jamais entièrement cartographié les cavernes
de Szablewo, car elles changent trop souvent. Les salles se
crevassent et s ’effondrent à cause de tremblements de terre
souterrains qui n ’atteignent jamais vraiment la surface, et
qui laissent dans leur sillage les seules preuves de leur exis-
tence : des ruines à la merci des spéléologues réguliers, et de
nouveaux couloirs de cristaux à explorer.
Les cavernes sont constituées de calcaire blanc, doux au
toucher et extrêmement réfléchissant : la lumière venant
des puits d ’entrée se réfléchit dans les couloirs, donnant
l ’illusion d ’un éclairage éthéré. Les cavernes les plus grandes
comportent des lacs de soude, à l ’eau amère et complète-
ment dépourvus de vie (à l ’exception d ’étranges poissons
argentés qu ’on ne trouve nulle part ailleurs).
Le sous-sol recèle des églises cachées qui remontent aux
temps de la persécution des Numanaris, des autels et des
sanctuaires pré-vaticins ayant appartenu à des cultes mysté-
rieux, ainsi que d ’étranges sarcophages qui rongent la peau
et renferment des squelettes enveloppés de joyaux.
Les améthystes poussent comme de la mauvaise herbe
dans les grottes : elles remontent le long du calcaire puis
redescendent du plafond en chandeliers de cristaux violets.
Les cavernes sont mortelles et toutes les facultés inter-
disent à leurs étudiants de s ’y aventurer. Ces derniers
descendent les explorer quand même, dans l ’espoir de
découvrir ce que personne n ’a encore jamais vu : une rivière
fraîchement révélée par un tremblement de terre, ou une
caverne sur le point d ’être scellée. Ils ont même commencé
à essayer de laisser des traces de leur passage : ils espèrent
ainsi qu ’un autre spéléologue les trouvera, ou qu ’en revenant
plus tard, elles n ’auront pas disparu. Dans les recoins les
moins instables des cavernes, de petits marquages faits à la
main indiquent le nom d ’un étudiant ou un symbole qu ’il ou
elle a choisi d ’utiliser pour se désigner. Régulièrement, une
salle nouvellement exhumée porte la marque d ’un ancien
explorateur, la chambre s ’étant perdue avant de réappa-
raître grâce aux changements continuellement tumultueux
des profondeurs.
Toujours aussi pragmatique, la Société des Explorateurs met
à disposition une carte approximative des sites connus (souvent
mise à jour et laissée délibérément incomplète) et l’organisa-
tion conseille aux spéléologues de ne pas dérober leurs pierres
et gemmes semi-précieuses aux squelettes. Les nouveaux
sites doivent immédiatement être signalés à la Société des
Explorateurs : le ou la responsable de la découverte s’en voit
attribuer le mérite, puis est gracié par l’Université.
La Salle des étoffes et les Maisons de Guildes
Autrefois, l ’Université n ’était pas le seul secteur économique
de Szablewo.
La Salle des étoffes accueillait tailleurs, fileurs, tisserands,
peigneurs de laine, teilleurs, rouisseurs, tous les corps de
métier à l ’exception des teinturiers, Szablewo ayant toujours
décoloré ses tissus avec de la chaux. C ’est là que ces artisans
vendaient leurs produits, et les plus belles pièces partaient
à des prix exorbitants.
Dans les Maisons de Guildes, à un pâté de maison à l ’ouest,
les ouvriers acheminaient et empaquetaient le tissu et les
marchandises destinés à l ’exportation. Le tissu exporté de
Szablewo était toujours tamponné avec de la cire blanche
et brillante, ornée de l ’étoile à douze pointes des Drajewicz,
qui attestait de son excellence.
Cela se passait ainsi avant que ne se produise une série de
désastres. Tout d ’abord, les fabricants de lin se mirent à faire
des essais avec une méthode de rouissage par moisissure.
Cela parut être une bonne idée à l ’époque, puisque les rouis-
seurs n ’avaient plus besoin de polluer le fleuve. Cependant,
après avoir été porté quelques temps, le lin ainsi créé se
révéla d ’une qualité relativement médiocre. Imprudents, les
fabricants décidèrent quand même d ’exporter le lin roui à la
moisissure, croyant peut-être que la réputation de Szablewo
permettrait d ’absorber le choc. En une autre année, peut-
être cela aurait-il été le cas.
Cette année-là, d ’habiles faussaires décidèrent d ’imiter le
tampon de Szablewo et de l ’appliquer à leur propre tissu
de piètre qualité, qu ’ils utilisèrent ensuite pour inonder le
marché : évidemment, le résultat final anéantit la réputation
du textile de Szablewo.
Aujourd ’hui, l ’industrie ne s ’en est toujours pas remise
et les Maisons de Guildes ne sont plus que l ’ombre de ce
qu ’elles furent : rares sont les apprentis qui viennent frapper
à leurs portes pour recevoir la certification de Szablewo.
La plupart des confectionneurs qui habitaient le quartier
ont déménagé dans d ’autres villes. Il est même question
de vendre la Salle des étoffes, aujourd ’hui quasi déserte, à
l ’une des facultés.
Sans surprise, cette catastrophe toute entière a déclenché
une recrudescence des rivalités entres citadins et universi-
taires : les confectionneurs restants jalousent l ’Université
qui profite de la Dîme, tandis que les ouvriers moins presti-
gieux de la ville souffrent. Les facultés répondent en général
à ces critiques par « tout ça, c ’est votre faute » et autres
variantes, ce qui n ’arrange en rien la situation.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 81
 Budorigum (księstwo Cieslewicz) premiers jours de la Liberté dorée, on découvrit une nouvelle
Avant de devenir la capitale, Budorigum était célèbre pour ses fonction à ces couloirs : il fut déclaré que l’hippodrome
couches d’argile rouge, non loin des rives du fleuve du Sejm, (une entreprise ratée depuis sa création) servirait de lieu de
parfaitement adaptée à la fabrication de briques. Le książę rassemblement à l’Izba Poselska, où la nouvelle noblesse vote.
Cieslewicz fit venir les premiers briquetiers, des immigrés Le Sénat a toujours pouvoir de décision sur la date des
de l’Empire du Croissant, en 1333 AV. Ces ouvriers impré- votes, même si l ’Izba Poselska a imposé certaines limites.
gnèrent Budorigum de leur culture et aujourd’hui, l’architec- D ’abord, le Sénat et l ’Izba Poselska doivent voter simul-
ture de la ville est à dominante croissantine, si ce n’est que tanément, ceci afin d ’empêcher le Sénat d ’organiser le vote
tous les bâtiments sont construits en briques (même l’énorme de l ’Izba Poselska à un moment où ses membres ne pour-
mosquée à trois dômes qui trône au centre de la ville). raient ou ne voudraient pas tenir séance, comme un jour
En plus du briquetage, la ville devint célèbre pour ses férié. Ensuite, un membre du Sénat doit annoncer, dans
magnifiques objets en verre. Un groupe de convertis décou- l ’hippodrome, qu ’ils souhaitent organiser un vote à telle
vrit un jour que le sable autour du Sejm, une fois mélangé date, en prévenant au minimum quatre heures à l ’avance.
à de petites quantités d ’argile, permettait de créer toutes En théorie, cela permet notamment aux membres de l ’Izba
sortes de colorations pour vitraux. Désormais, la plupart Poselska qui habitent Budorigum de se rendre au Sejm dans
des fenêtres en ville comportent un vitrail d ’une nature ou les temps. Lorsque le Sénat annonça deux votes à minuit
d ’une autre, ce qui fait la fierté des habitants de Budorigum. dans un hippodrome vide, l ’Izba Poselska commença à
En 1442 AV, Budorigum devint la capitale de la poster des gardes nuit et jour dans les tribunes. Ces volon-
Rzeczpospolita. Le Sejm y fut construit en six semaines. taires ont pour mission d ’alerter si la chambre supérieure
On bâtit des maisons de ville autour du bâtiment pour annonce d ’autres votes à des moments inopportuns.
les nobles en déplacement, et la demande en eau potable Étant donné que la Fédération recense plus de cent mille habi-
déboucha rapidement sur la construction d ’aqueducs et tants, il est possible qu’un jour, l’hippodrome soit rempli au-delà
de caniveaux. Les immigrés emmagasinaient de l ’eau dans de sa capacité maximale. Si cela devait arriver, l’Izba Poselska a
d ’énormes cuves en brique, et rejetaient les eaux usées direc- mis en place tout un protocole pour créer des bureaux de vote ;
tement dans le fleuve du Sejm. Les familles nobles firent elle a également promulgué une loi empêchant le Sénat de mettre
étalage de leur richesse en construisant des parcs, des places fin aux votes moins de douze heures après les avoir annoncés.
publiques et de complexes fontaines en brique ; un groupe L’hippodrome n’a encore jamais atteint sa capacité maximale,
d ’aristocrates férus de courses de chevaux alla jusqu ’à faire mais l’Izba Poselska aime être prévoyante.
construire un hippodrome près du Sejm capable d ’accueillir
cent mille personnes. L ’entreprise fut un peu trop ambi- La place des Duellistes
tieuse, puisque le stade n ’a encore jamais été complète- La place des Duellistes porte parfaitement son nom puisqu’il
ment rempli. s’agit d’une place publique entourée d’écoles de Duel. Ennio
La période de l ’après-Liberté dorée vit l ’arrivée en ville Vespucci, le frère de la princesse consort, est à l’origine de la
d ’une deuxième vague d ’immigrants, car de nombreux disposition de la place qui représente tous les styles de Duel
« nouveaux nobles » voulaient à tout prix vivre près du Sejm. les plus connus (même si Ennio offrit à l’Ambrogia, le style
Comme on pouvait s ’y attendre, les prix de l ’immobilier à qu’il pratique, le meilleur des bâtiments bordant la place).
Budorigum s ’envolèrent, et le Sejm discute actuellement des La mosaïque circulaire au centre de la place représente deux
solutions pour remédier au problème (si elles existent). Duellistes en plein affrontement. Le cercle lui-même est à
taille parfaite pour les Duels amicaux, et tous les voltadis
Le Sejm après-midi, au moins une école assure le spectacle.
Le Sejm originel était hideux : il avait la forme d’un grand bâtiment Ennio fait venir les maîtres épéistes, leur promet la gloire et
en briques, assemblées en une sorte de rectangle irrégulier. Les les subventionne. Dans la capitale, la phrase « susciter l’intérêt
diverses améliorations n’ont rien fait pour embellir son apparence d’Ennio » est devenue synonyme d’« être un Duelliste d’excep-
globale, à l’exception, peut-être, d’une : en 1593 AV, sept couloirs tion », c’est pourquoi un maître épéiste qui n’a pas la chance de
parallèles furent construits pour rattacher le Sejm à l’hippodrome. posséder une école sur la place des Duellistes rivalise avec les
Au début, cela permit aux seize posłowie d’organiser leurs autres pour organiser ses classes non loin, dans l’espoir que ses
déclarations publiques plus efficacement. Cependant, dès les étudiants ou lui attireront l’attention du beau-frère du prince.

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82 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
 C ’est également sur la place des Duellistes qu ’on trouve un
bureau appartenant à la guilde des Duellistes, car après tout,
l ’appartenance à la guilde permet de distinguer les vrais
bretteurs des brigands. Néanmoins, l ’ascension de la culture
du Duel dans la Fédération n ’est pas sans inconvénients.
À la veille de la Liberté dorée, la majorité des citoyens de la
Fédération n’avaient cure des affaires « d’honneur » ; mainte-
nant, en revanche, ils considèrent à nouveau l’honneur comme
une affaire de fierté personnelle pour laquelle ils sont prêts
à répandre le sang, surtout chez la jeunesse. Auparavant, on
se battait en duel à cause d’un problème grave, d’un différend
de longue date ou même d’un affront personnel ; aujourd’hui,
on se bat en duel pour un rien. La guilde des Duellistes essaie
d’en finir avec cette mode, mais jusqu’à maintenant, ses
pamphlets pleins de bonnes intentions destinés à dissuader
les duels triviaux sont restés sans grand effet.
Les parcs miniatures
Les nobles qui s’installèrent à Budorigum lorsqu’elle devint
la capitale bâtirent des places publiques et des espaces verts.
Même avant l’arrivée substantielle de la haute bourgeoisie, les
gens voulurent embellir la ville. Les immigrés croissantins,
en particulier, plantèrent des jardins sur les toits, des façades
luxuriantes et des jungles miniatures composées d’herbe
haute, de petits arbres, de buissons décoratifs et de magni-
fiques plantes grimpantes, qui descendaient en cascade sur
les toits en aval ou le long des murs en brique des maisons.
Bien que faite de briques, Budorigum comporte un aspect
étonnamment sauvage. L’ombre des plantes grimpantes tient les
rues au frais et des arbres inattendus poussent dans des petites
rues non passantes. Les nobles ayant emménagé en ville se sont
appropriés cette esthétique et l’ont développée. D’anciens lits
d’argile aux parois abruptes et creusées furent inondés pour
improviser de profonds lacs et des points d’eau entourés d’arbres
et de fougères. Reliés par d’anciens tunnels de carrière, ils sont
longés par les maisons des habitants qui voulaient vivre à côté.
Ces endroits luxuriants et à l’eau claire dans l’enceinte de la ville
briquetée furent surnommés « parcs miniatures ».
Maintenant, les nouveaux arrivants constituent un problème
pour l’esthétique des parcs miniatures de Budorigum, car ils
ignorent comment les respecter. Les équipes de nettoyage
mises en place par la ville parviennent à s’occuper des détritus,
mais les vandales qui arrachent les plantes pour faire passer
leurs messages politiques sont un souci d’une toute autre
nature ; et c’est sans compter les hordes de l’Izba Poselska, si
déterminées à faire passer leurs lois qu’elles campent dans les
parcs et dorment volontairement dans la rue.
En ville, un débat houleux fait rage : faut-il mettre des
barrières autour des parcs, ou les faire surveiller ? D ’un côté,
cela permettrait de limiter les dégâts, mais de l ’autre, une
barrière serait peut-être contraire au concept même d ’un
parc. Quant à réveiller les dormeurs indésirables… Eh bien,
y a-t-il un seul honnête citoyen de Budorigum qui n ’a jamais
fait la sieste dans un parc de temps à autre ?
Comme si cela ne suffisait pas, un groupe de promoteurs
immobiliers a commencé à faire pression sur le Sejm afin
qu ’ils puissent acheter des espaces verts au gouvernement.
Les parcs miniatures sont de belles choses, mais au vu de
tous les nouveaux arrivants qui doivent être logés de toute
urgence, remplacer les espaces verts par des habitations
pourrait permettre au marché de respirer un peu, quand
bien même les promoteurs s ’enrichiraient au passage.
Les Trois Sœurs
La ville de Szablewo compte quarante-trois facultés. En
général, les enfants de la haute bourgeoisie y font leur
éducation, au milieu de paisibles jardins d ’hiver et de flèches
tout droit sorties d ’un songe. Cependant, ceux qui n ’ont ni
l ’argent ni l ’ascendance requis pour être admis dans « la Cité
blanche » se tournent vers les Trois Sœurs, les universités
de Budorigum.
En 1446 AV, Alicja Lis, une prêtresse vaticine aspirant à
devenir professeur, abandonna ses racines et déménagea à
Budorigum pour fonder les Trois Sœurs, un trio de facultés
(surnommées Jadwiga, Bona et Wanda) construites spécifi-
quement pour servir d ’institutions d ’enseignement vaticines.
Les personnes raffinées de Szablewo raillèrent son entre-
prise, la jugeant régressive, mais les facultés perdurèrent :
deux siècles plus tard, des étudiants en sortent toujours avec
leur diplôme en main.
Szablewo a toujours eu une raison de considérer les Trois
Sœurs comme inférieures. L ’enseignement à Szablewo est
relativement laïque : l ’université, remplie de vaticins, de
yachidis, de dīnistes et d ’autres fidèles à de plus anciennes
religions, tente de promouvoir une neutralité religieuse.
En général, les étudiants des Trois Sœurs sont soit de fervents
croyants qui souhaitent s’isoler pour apprendre, soit des enfants
dont les parents ne sont ni riches, ni de bonne famille. Suite
à la Liberté dorée, la politique partisane ajouta un troisième
archétype à l’ensemble : les Czerwony, tout de rouge vêtu, qui
sont désormais expulsés des facultés de Szablewo (ou persé-
cutés jusqu’à ce qu’ils s’en aillent d’eux-mêmes) dès lors qu’ils
exposent trop ostensiblement leurs idées.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 83
 En fait, le conflit entre Biały et Czerwony représente, pour
les Trois Sœurs, une véritable corne d ’abondance. Lorsqu ’un
illustre professeur est mal accueilli dans les couloirs de
Szablewo, il finit souvent par chercher un poste à Budorigum,
et les Trois Sœurs sont toujours ravies d ’embaucher. Si
ces querelles internes entre partisans des différents bords
se poursuit, et que les facultés de Szablewo continuent
d ’expulser les gens, les Trois Sœurs finiront bientôt par
concurrencer les meilleurs éléments de Szablewo.
La mosquée de Lottan et la cathédrale Stanisław
La mosquée de Lottan, avec ses trois dômes, est une construc-
tion en brique complexe et vitrée. C’est un chef d’œuvre multi-
colore où chaque brique est vernie d’une nuance différente
et où la lumière filtre à travers les vitraux carrés qui, empilés
comme des briques, servent de fenêtres. Cette prouesse
architecturale, combinant les styles croissantin et sarmatien,
est d’autant plus impressionnante que la majeure partie des
ouvriers l’ayant construite étaient des immigrés démunis qui
passaient leurs journées à faire des briques.
Elle est parfois surnommée « la Mosquée nocturne », car
il se dit que les immigrés l ’auraient construite de nuit. La
mudarris actuel de la mosquée, Rabia Saliah, est la plus
illustre chef de file dīniste du pays : lorsqu ’elle rencontra
Stanisław Ier pour la première fois, elle lui offrit l ’acte de
propriété du terrain à côté de la mosquée et lui suggéra d ’y
construire une cathédrale.
La cathédrale Stanisław se tient donc juste à côté de la
mosquée de Lottan. Elle est encore en construction, à moitié
bâtie. L ’archevêque, Andrzej Radziwiłł, y fait son sermon
les beaux jours, et parfois même lorsqu ’il pleut : pour lui,
l ’œuvre de Theus n ’est jamais finie, alors qui serait-il pour
mépriser des plafonds inachevés ? La mudarris et lui sont
devenus amis, ce qui amuse le reste de la capitale.
La finition de la cathédrale figure depuis quelques mois sur
la liste des votes budgétaires du Sejm, mais il est incroyable-
ment difficile de faire approuver le budget par le Sénat, bien
que l ’Izba Poselska le fit dans un temps record.
Budorigum possède évidemment son lot d ’églises. Dans les
ruelles, elles sont presque aussi répandues que les mosquées.
Budorigum a même deux basiliques, les diplômés des Trois
Sœurs s ’en sont assurés. La seule cathédrale de Budorigum
perdit son clocher lors d ’une tempête : la tour s ’écroula
seulement un mois avant que Stanisław ne bannisse son
épouse. Depuis lors, il n ’y a plus de cathédrale, et le cardinal
de Budorigum loge dans une église.
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84 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
La Curonie
Plus d ’un siècle après l ’unification, la Curonie reste la région
la plus pauvre de la Fédération. La Rzeczpospolita a bâti
des dizaines d ’universités, plusieurs entreprises lucratives et
des villes gigantesques ; la Curonie, elle, est toujours majo-
ritairement composée de fermes au milieu des marais et de
petits villages hantés par les dievai.
De plus, la population de la Rzeczpospolita équivaut au
double de celle de la Curonie. Il y a un an et demi, cela n’avait
guère d’importance : au Sejm, là où l’on promulgue les lois de
la Fédération, un noble curonien qui utilisait son liberum veto
avec discernement possédait autant de pouvoir qu’un noble
rzeplitain. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : la majorité décide,
et la majorité est presque toujours d’origine rzeplitaine. Il n’en
faut pas plus pour courroucer plus d’un Curonien.
Ugnė Urbonė, membre curonienne du Sénat, a suggéré de
déplacer la capitale en Curonie. Cela résoudrait au moins
une partie du problème : un député curonien n ’aurait plus
à faire le long voyage jusqu ’à Budorigum à chaque fois qu ’il
désire voter, tandis que le vote d ’un Rzeplitain lui demande-
rait davantage d ’investissement. Sans surprise, les électeurs
de Budorigum refusent de soutenir ce projet, et puisqu ’ils
comptent parmi leurs rangs les électeurs les plus actifs
(principalement en raison de leur emplacement géogra-
phique), cette idée est devenue une pierre d ’achoppement.
Bien que la Curonie soit plus pauvre que la Rzeczpospolita,
et qu ’ils soient relégués au second plan au sein du gouver-
nement, ses habitants ont tout de même un sens de l ’unité
plus développé que leurs concitoyens rzeplitains. Ce
sentiment provient en grande partie de leur lutte pour
conserver leur identité culturelle depuis l ’unification avec
la Rzeczpospolita. La langue curonienne est tombée en
désuétude, leur religion est surpassée par la foi vaticine et
leurs normes culturelles se retrouvent abandonnées au profit
des rzeplitaines, plus populaires. Si de tels changements ont
touché les Curoniens, la population ne s ’est pas non plus
laissée faire sans rien dire. En Curonie, un habitant parle
sa langue natale, fait brûler des offrandes à ses dieux et
respecte les anciennes traditions ; et tous ses voisins font de
même, soutenant ainsi sa décision d ’empêcher la popularité
de la Rzeplita de faire disparaître les mœurs traditionnelles.
Qui plus est, malgré le fait que le sarmatisme stylistique
n ’a pas vraiment percé en Curonie, beaucoup de Curoniens
ressentent un besoin urgent d ’unité nationale, même si cela
signifie devoir négocier avec des Rzeplitains privilégiés et
ridicules. Cette attitude s ’explique par plusieurs raisons.
 La première est aussi la plus pragmatique : en Ussura, le
Général Hiver est à la frontière, et beaucoup de Curoniens
craignent que le pays ne doive se préparer à une invasion. Les
chicaneries en tous genres, même celles concernant la capitale
du pays, semblent bien vaines au vu du contexte actuel.
Deuxièmement, la querelle entre Biały et Czerwony
domine actuellement la conscience publique. Bien qu ’il
existe des Biały et Czerwony curoniens, la grande majorité
des Curoniens n ’aiment ni les uns ni les autres : Aleksy est
un pacifiste et un idéaliste, qui ne se rend pas compte de la
menace d ’une invasion et qui se méfie trop du Sanderis ;
quant à Małgorzata, c ’est une intellectuelle pédante et
tyrannique qui veut restreindre le droit de vote et ne se
préoccupe que de Szablewo. Puisqu ’ils ne prennent pas
part au conflit politique, et que Biały comme Czerwony les
exaspèrent, beaucoup de Curoniens ont pris la décision (en
se laissant plus ou moins influencer par les stéréotypes), en
qualité de peuple responsable, posé et réaliste, de calmer les
ardeurs des Rzeplitains avant que le conflit entre Biały et
Czerwony ne dégénère réellement. C ’est ainsi que les jasny
(ou « lucides ») gagnèrent en popularité : les membres de
cette faction à majorité curonienne se sont fixés comme
responsabilité officieuse d ’aider les Biały et les Czerwony
à négocier des compromis pour désamorcer toute dispute.
Autre secret de polichinelle : nombre de Curoniens
espèrent que la dissension entre Biały et Czerwony rzepli-
tains permettra l ’élection d ’un monarque curonien, de
préférence Ugnė Urbonė. De la même manière, beaucoup
de Rzeplitains espèrent qu ’en cas de victoire d ’Ugnė aux
élections, la querelle entre Biały et Czerwony finira par
s ’éteindre. Cela étant, nombreux sont les citoyens de la
Fédération (Curoniens comme Rzeplitains) à craindre une
recrudescence des tensions entre Curoniens et Rzeplitains
si Ugnė, fortement pro-curonienne, venait à être élue reine.
Saulės Mūšis (księstwo Czyż)
Cette ancienne cité est la plus vieille de Curonie : elle atteste
du pouvoir des dievai et de la folie de ceux qui tentent de
contrecarrer leurs plans.
La chute
Saulės Mūšis était la capitale curonienne jusqu ’en 1262 AV,
lorsqu ’elle tomba sous le règne de Petras V. Petras conclut
une série de Marchés avec un dievas qu ’il adorait (que l ’on
appelle désormais Saulė, puisqu ’à force de raconter l ’histoire,
les gens lui ont donné le nom de la ville par rétroaction).
Évidemment, Saulė était très puissante et personne ne remit
en question le règne de Petras.
Au début, Petras était un homme sage ; mais au contact de
Saulė, il sombra de plus en plus dans l ’aveuglement jusqu ’à
ce solstice d ’été où, à l ’apogée de son arrogance, il déclara
vouloir passer le Septième Marché avec elle afin de la faire
venir sur Terra pour l ’épouser. Le jour prévu, midi arriva,
mais Saulė restait introuvable. À la place, lorsque le soleil
atteignit son zénith, la ville fut réduite en cendres.
Personne ne sait vraiment ce qui se passa, mais on ne revit
plus jamais ni Petras, ni son dievas.
Les jours qui suivirent la chute de Saulės Mūšis furent
baptisés les jours de l ’Inquisition déchue. Après que la cité
eut été emportée par les flammes, l ’Église vaticine curo-
nienne fit le serment de mettre un terme au Sanderis, car il
fallait à tout prix empêcher que se reproduise un désastre
d ’une telle ampleur.
En retour, nombre de losejai du pays se rassemblèrent pour
former le Ratas, un réseau d’alliances et de partenariats à
l’objectif double : protéger les losejai de toute organisation qui
leur voudrait du mal, et protéger le reste du monde des losejai.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 85
 Saulės Mūšis aujourd ’hui
Saulės Mūšis brûla, mais la pierre subsista. Aujourd’hui, c’est
une ville fantôme constituée d’arcades, de portes, d’autels et
de rues, envahie par les arbres qui fissurent les trottoirs et sur
lesquels poussent toute l’année d’étranges fruits.
Ce sont ces fruits qui effraient les gens.
Arbres, buissons, pousses, lierres, plantes : tout fleurit et
fait des fruits à longueur d ’année, y compris lorsque le gel
recouvre le sol. Quel genre de fruit surnaturel mûrit même
en decimus ? Il se dit que les dievai les ont plantés. Ambrose
Davidson, un érudit itinérant avalonien, les a surnommés
« fruits des fées », et le nom est resté.
À Saulės Mūšis, il suffit de manger ce qui pousse dans les ruines
pour assouvir sa faim à jamais. Ce sont les meilleurs fruits qu’il
sera jamais donné à quiconque de goûter : des cerises mûres et
intactes, des melons, des framboises… Mais en consommer
signifie en vouloir toujours plus : ceux qui viennent à Saulės
Mūšis pour ne pas mourir de faim finissent quasiment tous par
rester dans les ruines de la ville jusqu’à la fin de leurs jours.
L’effet des fruits étant connu, la majorité des gens prudents
et privilégiés évitent d’approcher Saulės Mūšis. Néanmoins,
l’endroit agit comme un aimant sur les vagabonds, les affamés,
les indigents et ceux qui sont prêts à accepter de manger ces fruits
étranges en contrepartie d’une vie sans faim. Face aux frissons
ou au mépris des autres, ces citoyens répondent : « Nous auriez-
vous nourris ? » Dans cette ville, ils sont peut-être les pantins des
dievai, mais au moins ils ne sont ni désespérés ni affamés.
Une forme de patriotisme grandit autour de Saulės
Mūšis ces derniers temps. Les citoyens se surnomment
« les mangeurs de pommes ». Certains écrivent des tracts
partisans qui promeuvent les merveilles de l ’ancienne
cité, d ’autres ont établi une branche de la Société des
Explorateurs qui se consacre à la cartographie de la ville
en ruines. Ils ont commencé à envoyer leurs ébauches en
Odissée, et leur entreprise a été officiellement reconnue.
Les mangeurs de pommes s’enorgueillissent du fait que leur
ville soit un sanctuaire. Les criminels qui atteignent Saulės Mūšis
et mangent les fruits de la cité ne sont en effet pas arrêtés par les
représentants de la loi. Après tout, pourquoi le seraient-ils ?
La książę Czyż, qui dirige théoriquement Saulės Mūšis, ne
veut pas se charger de ce problème, et elle n ’envoie que rare-
ment des représentants de la loi, de peur qu ’ils ne décident à
leur tour de rester. De toute façon, si on se fie à la croyance
populaire, un hors-la-loi qui a goûté aux fruits des fées ne
représente aucun danger pour les habitants de Saulės Mūšis.
Dans la quasi-totalité des cas, ils restent dans la ville, et les
habitants de Saulės Mūšis prennent soin d ’eux.
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86 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Il se passe pourtant des choses étranges en ville, et plus
souvent qu ’auparavant. Parfois, des habitants se volatilisent :
un jour, ils sont là, le lendemain, ils ont disparu. Parfois, un
nouveau venu apparaît, ou un ancien riverain refait surface,
transformé. Ceux-ci ne gardent aucun souvenir de leur alté-
ration, mais ils reviennent dotés de griffes et ne ressentent
plus le froid. Parfois, quand le brouillard recouvre Saulės
Mūšis, les citoyens entendent des cris, toujours trop éloi-
gnés pour en distinguer la cause, mais pas assez pour qu ’ils
puissent être ignorés.
Les maisons en palettes et la
grande cathédrale de pierre
Le logement est un vrai problème à Saulės Mūšis : toutes
les anciennes constructions en bois ont brûlé et personne
ne veut abattre les arbres fruitiers.
La ville de Sperus a commencé à livrer de vieilles palettes
(cassées ou vermoulues) à Saulės Mūšis, en échange de tout
trésor non-organique que ses habitants pourraient envoyer
en aval du fleuve. Ce bois est une véritable aubaine pour ses
citoyens, qui l ’utilisent pour bâtir des maisons.
Avant que ces constructions n ’aient commencé, la plupart
des habitants passaient l ’hiver dans le seul grand édifice de
la ville intégralement bâti en pierre : la grande cathédrale.
En dépit des nouveaux bâtiments en bois, un groupe consé-
quent d ’individus (appelés, sans réelle imagination, « les
conservateurs ») continue d ’y dormir l ’hiver venu.
Selon eux, la grande cathédrale de pierre permet aux
citoyens de rester à l’écoute les uns des autres, renforçant ainsi
les liens qui unissent la communauté. Lorsqu’on dort entre les
bancs, on finit certes par souffrir du manque d’intimité, mais
cela ne dure que le temps de l’hiver. Ceux qui préfèrent les
maisons en palettes justifient leur choix en mettant l’accent
sur cette intimité (ce pourquoi ils choisissent leurs compa-
gnons avec plus de soin). De plus, ils admettent volontiers que
la cathédrale leur fait peur, compte tenu de son passé.
Construite à l ’origine par les vaticins, Petras V la trans-
forma en effet en un lieu de culte dédié à Saulė, son dievas.
Celle-ci ayant réduit la ville en cendres, les gens sont fort
logiquement assez méfiants vis-à-vis de cet endroit. De plus,
les autels éclaboussés de sang donnent des frissons…
À Saulės Mūšis, n ’importe qui a le droit de dormir dans
la cathédrale, et ceux qui le font ont moins de chance de
disparaître que les habitants des maisons en palettes. Ceux
qui tiennent à leur intimité (et dans une ville sans maisons,
ils sont nombreux !) vivent dangereusement : lorsqu ’ils se
volatilisent, c ’est toujours seul ou par paires.
La forêt de Sanderas
Les vieilles histoires sur la Sanderas impliquent presque toujours
des aventuriers s’enfonçant dans les bois, en quête de dievai
avec qui conclure des Marchés. Les dievai sont réputés pour se
faire désirer : ils se cachent dans des ossuaires et imposent des
missions impossibles aux apprentis losejai, comme de ramasser
un sac de graines renversées sur le sol avant le lever du soleil. Les
vieilles histoires sur la Sanderas ne mentent pas : aujourd’hui
encore, se promener dans les bois reste le meilleur moyen de
trouver un dievas enclin à passer un Marché.
Il n ’y a qu ’une seule ville près de la Sanderas : Voruta, une
agglomération bâtie sur la plaine foudroyée au cœur de la
forêt. La księżna de Voruta est et a toujours été un membre
dévoué du Ratas, qui contrôle l ’endroit et, par conséquent,
l ’accès facile à la forêt de Sanderas. Ceux qui veulent mettre
les bois à profit pour conclure des Marchés avec les dievai
doivent d ’abord passer par le Ratas, et celui-ci sait que tout
le monde n ’est pas digne de négocier avec les démons.
Cependant, la forêt de Sanderas n ’existe pas seulement
pour que les gens puissent y rencontrer les dievai. Les non
losejai et les personnes ayant déjà conclu un Marché avec
les dievai s ’y aventurent aussi. Il est une chose que les dievai
aiment plus que torturer les humains : torturer d ’autres
dievai. Ceux de la Sanderas sont ravis de contrarier ceux qui
se sont déjà associés à un humain. Plus d ’un losejas a appris
un nouveau Marché, ou un morceau de nom, en rendant
service à un dievas de la forêt de Sanderas.
Les membres acquis à la cause du Ratas essaient de s ’aven-
turer dans les bois au moins une fois tous les sept ans pour
tenter d ’obtenir des informations pouvant leur permettre de
se débarrasser de leurs dievai. Le nom attribué par le Ratas
à ce pèlerinage est le katabasis.

Les feux de Gabija

Deux routes s’enfoncent dans la forêt de Sanderas : l’une vient
de Złotogóra, l’autre de Sperus. Ces routes, construites par
le Ratas au XIIIe siècle, employaient des rituels magiques
qui ont depuis disparu ; à l’exception de ces deux routes, la
forêt n’est pas cartographiée. Des chemins apparaissent puis
disparaissent, les ossuaires se déplacent et tout losejas qui
aurait l’imprudence de se fier à l’aiguille d’une boussole se
retrouvera rapidement à tourner en rond. Les seuls points
de repères qu’il convient de chercher sont les feux de Gabija,
ces bûchers qui brûlent perpétuellement et qui apparaissent
souvent (mais de façon erratique) dans la forêt.
Les dievai disent que ces feux furent créés par Gabija la
Rousse, une puissante dievas qui tua son losejas après avoir

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conclu leur Septième Marché.
 La politique générale du Ratas étant de tuer à vue tout Bizarrement, alors que la forêt baigne dans la lumière du
dievas qui se manifeste en chair et en os, les losejai disent soleil, Voruta a constamment l ’air sombre. La lumière du
que Gabija n ’est pas une dievas. À coup sûr, les dievai qui jour apparaît toujours d ’un blanc bleuté et n ’arbore jamais
l ’affirment doivent donc mentir. de teinte chaude. La seule chaleur vient des lampes qu ’on
Ceux qui se méfient du Ratas doutent de cette affirmation ; allume la nuit. En dépit de cette lumière dérangeante, la ville
ils pensent que si l ’organisation a laissé Gabija en vie, c ’est est magnifique : les commerces et les monuments construits
par pragmatisme pur : ses bûchers permettent de traverser en marbre noir, rouge ou blanc sont là pour favoriser la séré-
la forêt de Sanderas, et elle n ’apparaît jamais en-dehors des nité, certains de façon plus étrange que d ’autres.
bois. Elle marche entre les arbres sous l ’apparence d ’une La ville perdure en raison du katabasis : un septième de la
femme vêtue d ’une robe rouge. Ses bûchers indiquent population est composé de losejai (potentiels ou non) qui essaient
toujours la bonne direction, du moment que les personnes de se motiver à pénétrer dans la forêt. Le reste de la ville n’existe
qui en profitent jouent selon ses règles. qu’en tant que secteur économique au service de ces sorciers.
Les personnes qui s ’aventurent dans la forêt de Sanderas Il est de notoriété publique que tous les losejai se rendent
sous la bénédiction du Ratas doivent mémoriser les proto- à un moment ou à un autre au dôme de marbre noir, où des
coles liés aux bûchers avant leur départ. Il faut contenir les lanternes représentent les étoiles. Les bruits y sont étouffés
feux avec leurs propres cendres, et les éteindre avec de l ’eau et ceux qui y rentrent s ’allongent sur des couches. De la
potable puisée d ’un ruisseau. Il existe de sanglantes histoires musique s ’élève et les spectateurs voient alors de fausses
à propos de losejai qui ont voulu éteindre les flammes avec étoiles suivre leur tracé, lentement, dans une nuit calme,
leurs semelles. Jeter du sel dans le feu fait plaisir à Gabija, chaude, prévisible et éternelle.
et rien n ’attise autant son courroux qu ’une effusion de sang
à la lumière des flammes. Ceux qui se battent près des Maisons de poésie
bûchers finissent immolés plus souvent qu ’à leur tour : tout Bien que moins respectables (mais pas moins étranges), les
le monde a droit à la protection des flammes. Des losejai maisons closes de poésie proposent des moments d ’intimité
rivaux peuvent (et doivent souvent) partager un même feu sur des lits ceints de rideaux, dans des chambres aux teintes
lorsque la nuit tombe sur la forêt. Les animaux sauvages roses : il y est moins question de sexe que de services plus
restent à l ’écart des feux, tout comme les autres dievai. sereins. Les gens payent pour qu ’on les nourrisse de lait
Il n ’est pas rare que des groupes de losejai se retrouvent tiède avant d ’être bordés, qu ’on leur lise leur poème préféré
autour des bûchers à la tombée de la nuit, et que les prati- à voix haute ou, tout simplement, dépensent leur argent en
quants du Sanderis venus de toute la Curonie s ’échangent massages et en vin chaud. Ils dépensent dans tout ce qui
des histoires et dorment près des flammes. pourrait les apaiser, car ce serait une erreur de pénétrer dans
la forêt de Sanderas l ’esprit troublé.
Voruta (księstwo Janusz) D’autres préfèrent se rendre au musée où sont entreposées
Au centre de la forêt de Sanderas, nul arbre ne pousse : il n’y les têtes des dievai tués lorsqu’ils prirent une forme matérielle,
a qu’une plaine qui fut frappée par la foudre et où l’on trouve les souvenirs par procuration des triomphes passés étant
une veine apparente de marbre bitumineux avec des gerbes toujours source de réconfort. Enfin, les érudits peuvent se
de corail cramoisi et blanc neige. C’est là que se dresse Voruta. rendre à la Scholomance, dans l’espoir qu’effectuer quelques
Le Ratas bâtit Voruta pour aider ceux qui entreprenaient recherches sur le Sanderis puisse leur donner un avantage.
le katabasis. Au milieu de la forêt, la ville sert de lieu sûr, de
refuge. Afin d ’encourager les nobles à détruire les dievai, le La Scholomance
Grand Książę en fit la capitale de la Curonie, de 1266 AV La Scholomance est la principale école de Sanderis en Théah
jusqu ’à la création de la Fédération. (principalement parce qu’il n’existe pas de compétition très
Aujourd ’hui, Voruta est bien trop grande au regard de acharnée dans ce domaine). Si on se rend dans son sous-sol,
sa fonction actuelle. De larges sections de la ville restent loin, très loin sous terre, dans ce qui fut autrefois une carrière
vides : basiliques et salles de bal, de style baroque et splen- de marbre noir, on découvre une bibliothèque labyrinthique,
dide, attendent des nobles qui ne reviendront pas avant la apparemment infinie, constituée de codex reliés à la main et
chute de la Fédération. La ville tient toutefois toujours d’un catalogue à fiches aux épithètes multiples.
debout. C ’est une cité étrange. C ’est ici que l ’on vient se renseigner sur son démon.

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88 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
 LES HISTOIRES AVEC LE
KATABASIS
La promesse d ’une meilleure compréhension de la
vie et la découverte de soi sont souvent suffisantes
pour attirer les gens vers la forêt de Sanderas.
Ceux qui en font l ’expérience en retirent sûrement
quelque chose, même si cela les amène seulement
à mieux comprendre leur rôle dans la vie. Une telle
entreprise se fait en solitaire, bien que le parcours
comprenne généralement des dangers.
Un Héros maniant le Sanderis voudra inévitable-
ment prendre part au katabasis dans le cadre d’une
Histoire. A l’instar de n’importe quelle autre Histoire,
le joueur doit définir le but du katabasis de son
Héros. Ce peut être un objectif difficile (« Découvrir
un moyen de détruire mon dievas ») ou simple
(« Apprendre à mieux comprendre mes pouvoirs »).
En général, la récompense pour ce genre d’Histoire
devrait consister en la possibilité d’achat d’un
nouveau niveau dans l’Avantage Sorcellerie.
Vous pouvez jouer ces Histoires lors de micro-
sessions en tête-à-tête avec le Héros losejas si les
autres ne souhaitent pas y participer.
Un losejas qui se rend à la Scholomance vient y chercher
une ébauche de son dievas, ou du moins une description lui
correspondant : pour ce faire, il faut éplucher les dossiers
compilés par les losejai de toutes les époques, comportant
des comptes rendus de leur katabasis et des descriptions de
Marchés. Si les membres du Ratas, par associations d ’idées,
ont réussi à nommer, invoquer et détruire près de cent dievai,
personne ne sait combien n ’ont toujours pas été recensés.
Bien sûr, la Scholomance n’est pas qu’une bibliothèque :
c’est aussi une école. Même si peu d’habitants de Szablewo
daigneraient considérer une université curonienne comme
l’égale de la leur, celle-ci l’est probablement. Tandis que les
cours à Szablewo font la part belle à la théorie, ceux de la
Scholomance enseignent le côté profondément pratique des
choses. Par exemple, on y enseigne que la rhétorique est une
série de débats qui permettent assurément de se battre à la
déloyale en ayant recours à de piètres arguments. L’univer-
sité part du principe qu’un étudiant de la Scholomance veut
devenir un losejas : inutile de le couver ou qu’il ne se salisse pas
les mains. Quand un dévot accuse la Scholomance d’être une
école de magie noire, c’est peut-être à cela qu’il fait référence.
Le katabasis
Certains losejai pensent qu ’au fin fond de la forêt de
Sanderas, ils peuvent détruire leur dievas sans périr par la
même occasion, ni avoir recours au Septième Marché. Le
Ratas n ’approuve pas cette idée, préférant soutenir l ’érudi-
tion et la compréhension plutôt que la superstition. Cela
n ’empêche pourtant pas qu ’un pèlerinage régulier ait lieu
dans la forêt : le katabasis.
D ’après les histoires, une fois tous les sept ans, un dievas
lié à un losejas se retrouve affaibli. Quelque chose dans son
lien au monde des mortels le rend vulnérable. Si le sorcier
parvient à découvrir l ’origine du dievas dans la forêt de
Sanderas, il peut le tuer.
Peu de gens savent d ’où vient cette légende, et personne ne
connaît quiconque ayant réussi à détruire un dievas de cette
façon, mais les histoires perdurent. Un flot régulier de losejai
vient donc à Voruta dans l ’espoir d ’accomplir le katabasis,
ou a minima pour en discuter. Les rares personnes qui ont
le courage de s ’aventurer dans la forêt en reviennent trans-
formées, d ’une façon ou d ’une autre.
Nombreux sont ceux qui considèrent le pèlerinage
lui-même comme un moyen de se redécouvrir et de célébrer
la vie. Ceux qui prennent part au katabasis l ’effectuent une
fois tous les sept ans et croient dur comme fer qu ’il est tout
à fait possible de détruire leur dievas ainsi.
Le Rempart des pleurs
Tout le monde ignore pourquoi ceux qui reviennent du
katabasis le font toujours au lever du soleil.
Chaque matin, en regardant le haut des murailles nord de
Voruta, on croirait presque que la ville se retrouve assiégée.
En effet, la plupart du temps, les losejai qui se rendent à
Voruta viennent accompagnés de leur famille et leurs
amis, qui les attendent tandis qu ’ils explorent les bois. Ces
personnes grimpent sur les remparts avant le lever du soleil,
et veillent en silence jusque tard l'après-midi. Ils attendent
là pendant sept jours, et dans ce laps de temps, neuf losejai
sur dix reviennent. Les autres ne reviennent généralement
jamais. Néanmoins, le sort étant cruel, leurs proches et leurs
amis abandonnent rarement tout espoir.
Les histoires parlent de losejai qui seraient ressortis des
bois trois, cinq voire sept ans plus tard. Parfois, ils sont tout
aussi sains d ’esprit qu ’avant. D ’autres fois, lorsqu ’un losejas
est parti depuis plus de sept jours, sa famille, ses amis ou
son amante pénètrent dans la forêt à sa recherche. De temps
en temps, cela fonctionne, mais trop rarement pour que le
Ratas encourage ce genre de réaction.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 89
 Les Vestiges
Les habitants de Voruta se surnomment les Vestiges. D’une
certaine façon, c’est de l’autodérision. La ville existe grâce à
une économie de services, et la majorité gagnent leur vie en
s’occupant des losejai. C’est en cela qu’ils sont des vestiges : ceux
qui restent derrière après le départ des quêteurs et des Héros.
S ’arrêter à l ’ironie du terme fait passer à côté de son autre
sens, c ’est-à-dire la signification associée au terme rester. Un
Vestige sait qu ’il vit au milieu de l ’endroit le plus dangereux
de la Fédération. Quand les losejai partent en quête, lui reste.
Ils sont nombreux à ne pas rouler sur l ’or.
En effet, Voruta, avec ses galeries et ses palais vides, est
un lieu populaire pour les citadins démunis qui veulent
éviter de payer un loyer à un propriétaire. La księżna Janusz
actuelle, Ugnė Urbonė, a lancé une expérience : elle donne
des actes de propriété aux squatteurs de longue date à la
condition qu ’ils réparent leur maison et l ’embellissent.
Les Vestiges vivent dans une ville encerclée par une forêt pleine
de dievai. Quand on leur demande ce qui pourrait provoquer la
chute de Voruta, leur réponse est invariablement la famine. Rien
ne pousse sur la plaine foudroyée. Voruta dépend entièrement de
la nourriture importée depuis l’extérieur : betteraves marinées de
Złotogóra, canneberges de Sperus, poisson fumé et bière importés
depuis le Wyrzk par les Ushkuiniks. Quand un blizzard empêche
temporairement Złotogóra d’envoyer de la nourriture, les prix
montent si vite que la panique s’empare de la ville.
La priorité principale du voïvode (« gouverneur ») actuel de
la ville est de faire en sorte que cela n’arrive jamais. C’est pour
cela qu’elle a fait venir des denrées non périssables : riz blanc,
pois cassés, sel, liqueur et vinaigre. Les Vestiges ont suivi son
exemple, en y apportant pour la plupart leur touche person-
nelle. Ils construisent des jardins sur les toits dans le style de
Budorigum, font de la pisciculture dans les carrières inondées,
nourrissent des poulets avec les restes de table, font pousser
des champignons dans les caves, et entretiennent même des
ruches d’abeilles qui surplombent la forêt (jusqu’à maintenant,
le pollen de la forêt de Sanderas n’a eu aucun effet néfaste).
Złotogóra (księstwo Szczupak)
La Fédération sarmatienne partage une frontière avec
l’Ussura, ce qui explique pourquoi il y a une forte immigra-
tion ussurane. La plupart adoptent la culture sarmatienne,
mais ils ne veulent pas tous abandonner la leur, d’où la créa-
tion de Złotogóra, souvent surnommée « la Petite Ussura ».
Il s’agit d’une ville de bains, remplie de clochers à bulbes et
de matriochkas, qui font honneur à sa réputation. Comme
la majorité des villes construites par nostalgie, celle-ci est
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90 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
quelque peu caricaturale (le thé y est plus épicé et l’architec-
ture plus élaborée qu’en Ussura), mais ça ne la rend que plus
attrayante. Habitants, touristes, et même les érudits désireux
d’étudier les traditions parfaitement conservées de l’artisanat
et la cuisine ussurans, viennent en faire l’expérience.
Bien sûr, certains aspects de Złotogóra sont différents de
la vision qu ’en avaient les immigrés qui la construisirent.
Les sources chaudes
Złotogóra possède un magnifique ensemble de sources
chaudes, c’est pourquoi les bains publics y sont nombreux.
En Ussura, la culture des bains publics manque de pudeur,
mais se fait rarement sexuelle, ce qui n’est pas le cas dans la
Fédération. Ici, la nudité rappelle certaines choses auxquelles
les immigrés ne s’attendent pas toujours. Il en résulte un
sous-genre de bains érotiques, pleins de vapeur et faiblement
éclairés, parfaits pour les rapports sexuels. Les jennys y vivent
la belle vie, tout comme les herboristes qui savent être discrets.
Bien sûr, il existe aussi des bains publics ussurans non
érotiques. Moins attirants pour les touristes, ils sont souvent
peints en turquoise tandis que les bains érotiques sont peints en
rouge. Par défaut, les sources chaudes en extérieur sont consi-
dérées comme turquoises. Les habitants voulant se moquer des
touristes accumulent les plaisanteries sur les bains érotiques,
mais il n’est pas rare que, de temps en temps, l’un de ces mêmes
habitants aille essayer l’un des établissements peints en rouge.
La Place miroir
La place au centre de la ville est pavée de mosaïques réfléchis-
santes. La ville les doit à une księżna excentrique qui adorait
voir son reflet, même en miniature. La nuit, des torches
parsèment la place, la lumière se réfléchissant pour créer un
crépuscule continuel ; dans le noir, la mosaïque ressemble à de
l’eau à la surface de laquelle les promeneurs semblent flotter.
En venant habiter dans la Fédération sarmatienne, beau-
coup d ’immigrés viennent à regretter la simplicité de
l ’hospitalité ussurane. Des maisons sombres et calfeutrées
à la nuit tombée, de la nourriture que seul l ’argent peut
acheter… Ces choses-là n ’ont rien d ’ussuran, c ’est pourquoi
elles n ’ont pas non plus cours à Złotogóra.
Cela explique pourquoi, sur la Place miroir, les
Złotogórans installent une table à victuailles, où n ’importe
qui peut venir manger fruits, viandes et fromages quand il
le souhaite. On attend des habitants de Złotogóra qu ’ils y
apportent leur contribution ; et tous les ans, ces derniers
élisent un responsable devant s ’assurer que le contenu de la
table à victuailles soit toujours frais.
 La Place miroir est aussi le domicile de Bartok, un ours
apprivoisé qui sert de mascotte officieuse à Złotogóra.
Apporté par un immigré au siècle précédent, Bartok ne
semble pas vieillir. Il mange à table, dort sur la place et, à
l’occasion, se prend d’amitié ou d’inimitié pour les touristes,
lesquels sont ensuite respectés ou tournés en dérision comme
il se doit. Les habitants le soupçonnent d’être un Leshy : pour
eux, c’est une aubaine qu’il se soit attaché à la ville.
Les derniers hivers, la Place et les chemins qui en partent
furent recouverts de givre : plutôt que de combattre le gel, tous
les decimus, les citoyens revêtent des patins et, avec une grâce née
de l’habitude, se frayent un chemin à travers les rues étincelantes.
En cette saison, le clivage entre les locaux et les touristes est
particulièrement prononcé. Le blizzard dévastateur d’il y a deux
ans a soulevé un débat pour déterminer si les citoyens devaient
préventivement sabler les rues. L’année passée, la tradition
l’emportait encore jusqu’en primus, lorsque des justiciers armés
de seaux vinrent répandre du sable dans les rues à minuit, ce
qui provoqua la chute des patineurs le lendemain matin.
La tempête de glace et la crise du pouvoir
Il y a vingt mois, une terrible tempête de glace ravagea
Złotogóra. Il y eut beaucoup de morts, dont la księżna
Szczupak et son unique fille. L ’héritière directe de la księżna
était une nièce éloignée, mais personne ne sut où la trouver.
Suite à ces dramatiques évènements, un conseil informel de
riches habitants prit les rênes de l ’administration.
Selon le consensus citoyen, cet arrangement ne durera pas
éternellement, mais, pour le moment, personne n ’a proposé
de remplaçant qui fasse l ’unanimité. Doivent-ils retrouver
la nièce de la księżna, aperçue pour la dernière fois en
Eisen ? Doivent-ils choisir un autre noble pour gouverner
le księstwo ? Doivent-ils se débarrasser des nobles pour de
bon et s ’en remettre à un organe élu pour les diriger ?
Pour ne rien arranger, en Ussura, le terrible Général Hiver a
l’œil rivé sur la frontière sarmatienne. Selon les Ussurans, il serait
capable de contrôler le climat hivernal. À Złotogóra, les théori-
ciens du complot le pensent responsable de la tempête de glace.
Memel (księstwo Gancarz)
Au VIIIe siècle, Irshad bint Jamila se proclama Prophète de
Théus et commença à répandre son message religieux dans
l’Empire du Croissant. Elle baptisa sa foi anachid, ou « chan-
sons » en croissantin. Malgré la liberté de culte dont les habitants
de l’Empire jouissaient à l’époque, les anachids furent expulsés de
l’Empire par les autorités dirigeantes, et lorsque Jamila mourut,
nombre de ses fidèles accusèrent l’Empire de l’avoir assassinée.
Pourquoi l ’Empire haïssait-il autant l ’anachid ? Les
Sarmatiens ne le savent pas avec certitude.
Si on suit les préceptes de la foi anachid, l ’individu a pour
devoir moral d ’empêcher autant de morts dans le monde
que possible. C ’est pour cela que l ’anachid encourage
l ’action plutôt que la passivité. Par exemple, les anachids
refusent souvent de faire leur service militaire, mais ceux qui
acceptent de le faire pour mieux saboter l ’armée de l ’inté-
rieur sont vus comme des justes. De même, un anachid qui
voit un mendiant mourir de faim pourra lui faire don de
tout son argent, puis aller voler l ’argent des riches, ou pire,
s ’immiscer dans les rouages du pouvoir et utiliser la loi pour
contraindre les riches à donner leur argent.
Ainsi, les fidèles de l ’anachid étaient probablement perçus
comme des empêcheurs de tourner en rond, incapables
de se résoudre à l ’inaction. Les dirigeants de l ’Empire
devaient voir d ’un mauvais œil cette foi contraire à toute
forme de statu quo, et lorsqu ’ils comprirent qu ’Irshad
prétendait être le troisième Prophète (c ’est-à-dire un être
prétendument en communication directe avec le divin), il
leur devint impossible de simplement l ’ignorer : il leur fallait
soit l ’idolâtrer, soit prouver sa fourberie.
Nul ne sait si les dirigeants de l ’Empire furent réellement
responsables de la mort d ’Irshad bint Jamila, mais une
chose est sûre : ils furent ravis d ’en être débarrassés.
À cette époque, beaucoup d ’anachids fuirent l ’Empire
du Croissant en traversant la frontière curonienne. Là, au
sein des marécages, ils construisirent une ville. Cette cité,
bâtie en période de deuil, fut baptisée Memel (« muet » en
curonien).
Lorsque la Curonie accueillit les anachids, elle imposa
deux conditions à leur installation : d ’une part que les
anachids servent de première ligne de défense à la Curonie
contre l ’Empire du Croissant, et, d ’autre part, que tous
les anachids (immigrés comme natifs Curoniens se conver-
tissant à la foi) soient légalement obligés d ’adopter des noms
de famille reconnaissables pour pouvoir les identifier.
Les anachids prirent la première promesse très au sérieux.
Beaucoup entretiennent encore une rancœur envers
l ’Empire du Croissant, et, jusqu ’à présent, leurs stratégies
ont permis de tuer dans l ’œuf trois invasions. Quant à
la seconde condition… Eh bien, si beaucoup d ’anachids
utilisent le nom de famille « al-Memeli », bien plus encore
ne le font plus. Le nom est en effet pour eux synonyme
d ’ostracisation, car beaucoup de non-anachids refusent
d ’élever à des postes politiques importants ceux qui croient
en « la prise de responsabilités ».
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 91
 Influencés par leur doctrine religieuse et par celle de leur des archivistes croissantins peu scrupuleux pour falsifier les
Prophète en particulier (qui autorise l’usage de subterfuges archives en leur faisant dire que, lors d’invasions précédentes,
au service de l’anachid), les anachids font des membres de il fut toujours facile de s’emparer de la ville de Memel.
choix pour bien des Sociétés secrètes. Ils affirment ainsi Jusqu’à maintenant, la tactique a fonctionné : depuis le
avoir contribué à la fondation du Močiutės Skara, et on peut IXe siècle, chaque fois que l’Empire du Croissant voulut envahir
également en trouver dans les rangs des Rilasciare, de la Rose la Fédération par la terre, ce fut en essayant de capturer Memel,
et de la Croix, du Collège invisible et de Los Vagabundos. et chaque fois que l’Empire voulut envahir la Fédération par la
mer, ce fut en essayant de capturer le port de Memel. À chaque
L ’Attrape-tout fois que l’armée croissantine a tenté de capturer Memel, ses
Memel est une ville croissantine miniature, de ses rues citoyens lui ont opposé une résistance symbolique avant d’en
étroites à l ’abri du soleil à ses places de marché où se vendent ouvrir les portes. À chaque fois, l’armée croissantine a vécu un
épices et soie (mais seulement au crépuscule et à l ’aube). Ce véritable cauchemar à l’intérieur de l’enceinte.
n ’est pas étonnant : la ville s ’enrichit grâce au tourisme, car Memel est en effet une ville fortifiée. Depuis les portes
nombreux sont les voyageurs qui viennent y vivre la culture principales, les envahisseurs pénètrent dans un dédale de
croissantine (ou ce qui s ’en rapproche le plus, en tout cas) briques d ’adobe et de mosaïques, un camouflage splen-
sans mettre leur vie en danger et sans avoir à apprendre une dide fait pour attirer l ’œil. Les habitants connaissent les
autre langue. nombreux passages secrets qui serpentent sous les murs,
Cependant, beaucoup de coutumes croissantines sont mais les étrangers ne voient qu ’une seule sortie possible : là
foulées au pied afin de préserver les sensibilités sarma- où ils sont entrés. Lorsque celle-ci est condamnée, la ville
tiennes : la nourriture n ’y est pas aussi authentique que se transforme alors en véritable piège.
dans les villes croissantines, et les bâtiments sont de style Irshad bint Jamila exhortait ses fidèles à trouver des solu-
ostensiblement curonien. Néanmoins, pour la majorité des tions alternatives au meurtre, c ’est pourquoi aujourd ’hui,
touristes, c ’est ce qui se rapproche le plus d ’un voyage dans Memel abrite la plus grande communauté de Boticarios
l ’Empire du Croissant. extérieure à la Castille (mais ayant tout de même suivi
Memel n ’est toutefois pas qu ’un attrape-touristes, c ’est un entraînement là-bas bien entendu). Lorsqu ’il s ’agit
aussi un attrape-envahisseurs. de repousser une invasion, les anachids sont localement
Les anachids prennent très au sérieux leur promesse de réputés pour leur utilisation d ’élixirs non-létaux mais
protéger la Curonie contre les invasions croissantines, c’est néanmoins dangereux. Les soldats croissantins envoyés dans
pourquoi les anachids de Memel, qui continuent d’entretenir la Fédération sont toujours revenus aveugles et muets, ou
des liens forts avec leur famille vivant dans l’Empire, soudoient tourmentés par des hallucinations.

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92 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Sperus (księstwo Kazimierz) Les Capitaines
Aujourd’hui, Sperus n’est plus que fossés et mottes de sable Les Capitaines firent leur début sur des gondoles de style
couvertes de canneberges entre lesquelles circulent des cours d’eau vodacci, guidant leurs passagers entre les péniches et les îles.
peu profonds. En automne, la ville est inondée : les récoltes se font Aujourd ’hui, ils sont devenus la police improvisée de Sperus.
les pieds dans l’eau, puis, pour protéger les vignes, on stocke l’eau Imaginez-vous être un chasseur voulant mettre le feu aux
des crues tout l’hiver là où elle peut geler. Le printemps venu, la maisons des fermiers. Vous prenez une gondole jusqu ’à
glace fond, l’eau s’écoule et les canneberges repoussent. l ’île des fermiers—car vous aurez l ’air moins suspect qu ’en
Il n ’en fut pas toujours ainsi. y allant dans votre propre péniche—et en descendant de
Auparavant, Sperus était une petite ville marécageuse, le votre embarcation, vous allumez un tison. Vous n ’avez
repaire de chasseurs et de trappeurs vivant sur des péniches. pas le temps de faire deux pas que, tout d ’un coup, des
Mais Marcen Sabat, le książę qui possédait les terres, était Capitaines vous encerclent (si vous avez été assez subtil
un homme ambitieux qui désirait rendre les marais lucra- pour ne l ’allumer qu ’en approchant d ’une ferme, peut-être
tifs. Il ordonna à ses soldats de planter des canneberges qu ’un seul gondolier vous aura suivi). Jusqu ’à maintenant,
dans la ville, puis s ’occupa de créer de la demande dans la les Capitaines n ’ont empêché que les crimes les plus évidents,
Fédération. De cette denrée importée du Nouveau monde, mais ils se découvrent de bons instincts et savent de plus en
ils firent un mets exotique. Puis Sabat la mit en valeur lors plus quand descendre d ’un bateau pour suivre quelqu ’un à
de salons sous forme de sauces et de conserves. En un rien terre ; de plus, ils s ’entraînent à manier l ’épée pour arrêter
de temps ou presque, Sperus devint une ville champignon les saboteurs.
attirant les fermiers de tout le księstwo.
Ce qui est ironique dans une ville champignon, c’est que les gens La cité engloutie
y sont peut-être riches, mais ils ne sont que rarement heureux. Dans certains quartiers de Sperus, les péniches sont
Les chasseurs détestent les fermiers qui abattent les arbres, amarrées à des flèches qui dépassent tout juste de la ligne
et les fermiers détestent les chasseurs qui piétinent leurs de flottaison. Autrefois, Sperus était le site d ’une ville
récoltes. Les rixes sont monnaie courante, surtout dans construite dans un élan de folie avec de lourdes pierres sur
les tavernes et les bordels que l ’on trouve à l ’extérieur de une terre trop meuble. La cité sombra, cela ne fait aucun
l ’enceinte. La nuit, les fermiers sournois font couler les doute, et il n ’en reste désormais plus que les coupoles et les
péniches, et les chasseurs mettent le feu aux fermes. minarets qui dépassent de l ’eau, servant de bittes d ’amar-
La ville ne survivra pas longtemps ainsi : à moins d ’enté- rage improvisées aux bateliers. L ’eau ayant effacé toutes
riner rapidement la paix, Sperus tombera. Estera Sabat, traces du passé, personne ne sait qui construisit la ville, ni
la nouvelle księżna, a beau tenter de maintenir l ’ordre, sa quand. Les styles d ’architecture suggèrent une construction
présence ne fait qu ’attiser les flammes. croissantine, malgré le fait que l ’Empire du Croissant n ’a
jamais réussi à occuper la Curonie pendant plus de quatre
La famille Sabat années successives.
Du temps où Marcen Sabat était encore książę, il imposait la L ’étrange intemporalité de la ville, couplée au fait que
loi martiale pour préserver l’ordre. Le couvre-feu avait lieu au même les archives curoniennes les plus anciennes n ’en
coucher du soleil et les soldats effectuaient des patrouilles en font pas mention, a mené les érudits de la Scholomance à
bateau toute la soirée. Sa fille, Estera, mit fin au couvre-feu et supposer qu ’elle aurait ainsi été construite par les ancêtres
aux patrouilles de soldats tant redoutées. Elle se demande à des hommes et femmes qui, plus tard, fondèrent l ’Empire
présent si les mesures prises par son père n’étaient pas les seules du Croissant, à une époque aussi reculée que celle de
efficaces pour empêcher la ville de sombrer dans le chaos. l ’Ancien Royaume.
Estera gouverne la ville, mais personne ne lui fait confiance. Aujourd ’hui, chasseurs et trappeurs amarrent leurs
Son père a essayé de s’en prendre au prince Aleksy, et Estera l’a péniches aux flèches et disent aux fermiers que les ruines
livré à la justice. Certains n’arrivent pas à pardonner Marcen inondées sont hantées. Un apprenti explorateur qui plonge-
pour l’enlèvement ; d’autres n’arrivent pas à pardonner Estera rait afin d ’apercevoir les ruines les plus grosses, s ’en retrou-
pour sa trahison. De plus, la réputation de filou d'Estera verait empêché par l ’eau boueuse. Quelques trappeurs ont
commence à se retourner contre elle : aux yeux des amis de essayé de cartographier la cité en nageant au travers à l ’aveu-
son père, elle porte atteinte à son honneur ; aux yeux des glette, mais la désorientation qui en résulte engendre essen-

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ennemis de son père, c’est la preuve qu’elle est comme lui. tiellement des blessures, ainsi que des cartes inutilisables.

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 93

 Sanderis
On ne sait pas grand-chose sur le Sanderis. Le Ratas, l ’orga-
nisation qui régit tous les losejai, dissimule volontairement
les informations sur leur art aux yeux du public.
Les Curoniens connaissent pourtant très bien les dievai et les
histoires qui leur sont associées. Si les parents racontent des
histoires sur ces créatures pour faire peur aux enfants turbu-
lents, la vérité est bien plus sombre que quiconque ne l’imagine.
Les dievai sont des créatures bien réelles, et particulièrement
puissantes. Les rumeurs et les légendes ne leur rendent pas
justice, et seuls ceux qui ont été les témoins directs de leur
magie savent à quel point elle peut être destructrice.
Beaucoup de gens pensent que ces êtres sont simplement
un peu sauvages, et qu ’il suffit de faire preuve de fermeté
pour obtenir un pouvoir incommensurable. Ce raisonne-
ment conduit souvent à l ’accomplissement d ’actes dangereux,
voire malfaisants, pour pouvoir dompter ces créatures.
Le plus gros souci est que les dievai, malgré leur honnêteté,
essaient toujours de déformer les paroles d ’un losejas pour
transformer une simple requête en quelque chose d ’autre.
C ’est ainsi que divers désastres et catastrophes furent provo-
qués dans la Fédération sarmatienne. Les histoires de ces
événements—comme la légende de Saulės Mūšis—finissent
invariablement déformées et désordonnées, probablement
sous l ’influence des dievai eux-mêmes.
Contrairement aux sorciers des autres Nations, qui
possèdent des pouvoirs dès la naissance ou doivent
apprendre à les manier, n ’importe quel habitant de la
Fédération sarmatienne peut potentiellement devenir un
losejas. N ’importe qui peut être contacté par un dievas :
il suffit d ’accepter le Marché proposé pour obtenir des
pouvoirs incroyables, mais ceux qui passent un Marché se
retrouvent sous la surveillance immédiate du Ratas, lequel
n ’hésitera pas à les abattre à la moindre erreur de leur part.
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94 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Le premier Marché
Il existe un dénominateur commun à tous les losejai : chacun
d ’entre eux a conclu un Marché avec un dievas. La seule
façon d ’apprendre l ’art du Sanderis est de conclure un
tel accord.
Ces contrats peuvent être signés de deux façons diffé-
rentes : soit le dievas essaie de convaincre quelqu ’un
d ’accepter son Marché, soit le losejas potentiel part à la
recherche d ’un dievas pour essayer d ’obtenir son pouvoir.
Peu importe la forme que revêt le Marché, il représente
toujours ce que le Sarmatien désire le plus au monde.
Cependant, il y a toujours un prix élevé à payer : souvent, il
s ’agit de la mort d ’un proche (ou d ’une personne placée sous
la protection du losejas). Toutefois, le premier prix n ’est pas
toujours si élevé. Les dievai visent le long terme et, parfois, le
coût du premier Marché peut sembler ridiculement anodin.
« Dans deux ans, un homme du nom de Piotr viendra te
poser une question. Tu devras lui répondre ‘Oui ’. » Voilà le
genre de Marché qui semble plutôt innocent de prime abord.
Deux ans plus tard, lorsque Piotr se présentera au losejas, il
lui demandera sa fille en mariage. C ’est à ce moment que la
véritable nature du Marché apparaîtra.
Dans la majorité des cas, ce sont les dievai qui poussent les
losejas à passer un Marché. Seuls les dievai savent pourquoi
ils choisissent une personne plutôt qu ’une autre, et dans
quel but. Les Sarmatiens qui ne veulent pas conclure de
Marchés se retrouvent souvent ciblés, tandis que ceux qui
ont soif de pouvoir sont généralement ignorés (et peuvent
même ne jamais rencontrer de dievas). Le plus souvent, une
personne ciblée se rend compte qu ’on l ’incite à conclure un
Marché quand il est déjà trop tard. Un dievas dissimule en
effet sa véritable nature tout en gagnant la confiance sa cible.
 Un dievas peut en effet revêtir une forme humaine s ’il le
désire, et bien qu ’il ne puisse pas interagir physiquement
avec notre monde, il peut tout de même s ’adresser à la
personne convoitée.
Un Sarmatien attentif saura se rendre compte que
son nouvel ami ne lui a jamais touché le bras, n ’a jamais
empoigné une coupe, conversé avec d ’autres personnes dans
une pièce bondée ou s ’est soudainement volatilisé alors qu ’il
avait le dos tourné, mais la majorité des gens ne repèrent pas
ces signes (d ’autant que certains dievai sont suffisamment
puissants pour créer l ’illusion du toucher, pouvant aller
jusqu ’à convaincre un losejas qu ’ils sont amants).
Cette entreprise s’étale le plus souvent sur quelques jours,
mais peut parfois durer des semaines, voire des mois. Pendant
cette période, le dievas déguisé acquiert la confiance de sa cible
et apprend ses désirs les plus secrets. Pour un Sarmatien, ce
nouvel individu peut être un nouvel ami, un amant potentiel
ou un allié inattendu. Pour le dievas, tout ça n’est qu’un jeu, un
moyen d’augmenter les chances de voir son Marché accepté.
Lorsque le dievas pense avoir la mainmise sur sa cible, il
lui révèle sa véritable forme et lui propose un Marché. À ce
moment-là, la plupart des gens se sentent proches du dievas :
ils désirent tellement ce qu ’il leur propose que seules les
personnes dotées d ’une volonté de fer parviennent à refuser.
S ’il est plus rare qu ’un Sarmatien aille à la recherche d ’un
dievas, il est tout de même possible de proposer soi-même
un Marché. Les Sarmatiens racontent beaucoup de contes
folkloriques sur les moyens que l ’on peut déployer pour
invoquer un dievas ; et si la plupart ne sont bel et bien que
des histoires, certains ne sont pas sans un soupçon de vérité.
Une légende venue des collines de Curonie prétend qu’en
rassemblant des objets précis et en les enterrant à un carrefour,
un dievas apparaîtra pour conclure un Marché. Rien ne garantit
le succès de cette méthode. Un Sarmatien pourrait enterrer les
objets nécessaires à un carrefour sans qu’aucun dievas n’apparaisse,
et le lendemain, quelqu’un d’autre pourrait faire exactement la
même chose au même carrefour et voir une de ces créatures
approcher. Seuls les dievai comprennent parfaitement les choix
qu’ils font. Lorsqu’un dievas prend contact, le Sarmatien lui
soumet son désir et la créature lui propose un Marché.
Les érudits du Ratas se demandent pourquoi davantage de
losejai se voient proposer un Marché par les dievai. Selon la
théorie la plus répandue, le fait, pour un dievas, de pousser
une cible peu méfiante à accepter un contrat en vaut davan-
tage la peine. Être traqué par un losejas potentiel retire cet
aspect du Marché, ce qui, d ’une façon plus ou moins étrange,
se révèle moins amusant.
Un groupe en particulier, les Žynys, ou « prêtres » en curo-
nien, ont plus de chances de rentrer en contact avec les dievai.
Ces personnes servent de guides spirituels aux Curoniens et
s ’efforcent de comprendre tout le cérémonial qui entoure les
dievai. Cette dévotion semble attirer les dievai, bien qu ’on en
ignore la raison. Certains pensent que ces derniers prennent
l ’érudition pour de l ’adoration, et qu ’ils apprécient d'être au
centre de l ’attention.
Le Ratas
Si un sorcier d ’une autre Nation peut appartenir à un
certain nombre de factions différentes—voire opérer de
façon complètement autonome—un pratiquant du Sanderis
n ’appartient qu ’à une seule grande organisation, même s ’il
l ’ignore. Le Ratas dirige tous les losejai à partir du moment
où ils passent leur premier Marché. Des membres du Ratas
abordent les nouveaux losejai quelques jours seulement
après qu ’ils aient conclu leur Marché, et les informe de leur
allégeance subite à l ’organisation. Les membres du Ratas
expliquent sans ambages à un nouveau losejas qu ’il n ’a que
deux options : rejoindre le Cercle ou être éliminé. On ne lui
donne pas le temps de réfléchir à sa réponse. S ’il n ’accepte
pas sur le champ, alors les agents du Ratas l ’attaquent sans
pitié et font tout ce qui est en leur pouvoir pour le tuer.
En rejoignant le Ratas, chaque nouveau membre choisit un
nouveau nom qu ’utiliseront les autres losejai, une tradition
qui remonte aux débuts de l'organisation. À cette époque,
les losejai croyaient que leurs Marchés seraient plus puis-
sants s ’ils connaissaient le véritable nom de leurs dievai. Les
noms seraient source de pouvoir, et ils ne faisaient pas assez
confiance à leurs pairs pour dévoiler le leur. Des décennies
plus tard, cette théorie se révéla erronée, mais la tradition
subsiste encore. Il n ’existe aucune règle formelle sur le nom
choisi : souvent, le losejas emprunte le nom d ’un animal, tel
que Sokół, le Faucon, ou un titre rappelant sa vie avant le
Marché, tel que Kowal, le Forgeron. Si un losejas est libre
d ’utiliser son vrai nom dans sa vie de tous les jours, lors des
interactions avec les autres losejai (qu ’il s ’agisse d ’un rendez-
vous officiel ou d ’une rencontre dans une taverne), il doit
utiliser son pseudonyme. Il est absolument interdit d ’utiliser
le nom de naissance d ’un autre losejas.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 95
 LES FACTIONS
DU RATAS des membres n’ont connu qu’elle. Les vétérans du Ratas se
Aux yeux de ceux qui ne font pas partie du Ratas, souviennent que Wiedżma était un leader déjà bien établi
les losejai semblent unis par une cause commune. lors de leur adhésion. De surcroît, elle a l’air tout aussi jeune
C ’est cependant loin d ’être le cas. Au sein du et belle qu’il y a plusieurs décennies. Beaucoup pensent qu’elle
Cercle, un certain nombre de factions, quoique le doit à son Marché, mais personne n’en connaît les détails.
loyales à l ’ensemble de l ’organisation, se détestent
cordialement. Un membre des Oreilles—ceux Les Valytuvas
qui récoltent des secrets à travers la Théah—n ’a L ’un des rôles les plus importants du Ratas implique de
aucune raison de soutenir un membre du Cercle surveiller les actions des losejai. Chaque membre de l ’orga-
des tempêtes—la faction d ’activistes qui souhaite nisation, y compris les nouveaux membres qui n ’ont conclu
augmenter l ’influence du Ratas sur le monde. Les qu ’un seul Marché, peut potentiellement provoquer des
guerres intestines sont fréquentes, ce qui empêche dégâts considérables. Le Cercle surveille donc les siens pour
une faction de prendre l ’ascendant au sein du Cercle. éviter qu ’un malheur ne survienne. Cependant, le Ratas
obéit à une éthique étrange : les actes malfaisants, quand
Il est peu probable qu’un membre du Ratas connaisse bien même il s ’agirait d ’un meurtre des plus ignobles, ne
toutes les factions, mais parmi les autres groupes rentrent pas dans le champ d ’action du Cercle s ’ils sont
majeurs, on trouve notamment : les Yeux rouges, qui commis par des moyens traditionnels. Du moment que
veulent diminuer la supervision du Ratas concernant les le losejas n ’utilise pas le Sanderis, un membre peut tuer
Marchés du Sanderis, l’Ordre de la question, qui cherche quiconque comme bon lui semble sans que le Ratas ne
un moyen de débarrasser Terra des dievai une bonne le punisse.
fois pour toutes, ou les Marionnettistes, qui souhaitent En règle générale, le Ratas ferme les yeux sur les démons-
contrôler les dievai et les utiliser à leurs propres fins. trations de pouvoir mineures, les conséquences de ce genre
d ’actes étant suffisamment insignifiantes pour ne pas leur
Les Héros pratiquant le Sanderis peuvent choisir porter plus d ’attention que ça. En revanche, les démons-
d ’intégrer ou non l ’une de ces factions au cours de trations de pouvoir majeures donnent lieu à une enquête
la partie. Voyez ces factions comme des Sociétés complète. Si le Ratas découvre qu ’un losejas a fait appel
secrètes additionnelles que le Héros peut rejoindre. à son Marché pour commettre un acte grave, il dépêche
Gardez bien en tête que les objectifs du Ratas pour- les Valytuvas pour établir les motivations du sorcier. En
raient entrer en conflit avec sa nouvelle allégeance, fonction de la gravité de l ’usage qui a été fait, les Valytuvas
et qu ’il devra gérer les deux. Il incombe au joueur de peuvent entendre sa version des faits ou, en cas d ’actions
discuter avec le Maître du jeu pour définir la faction plus drastiques, exiger que le losejas regagne le Cercle pour
du Ratas dont il veut faire partie. être jugé par le Mistrz. Dans les cas les plus extrêmes,
comme l ’usage du Sanderis pour commettre un meurtre
L ’adhésion au Ratas n ’est pas limitée par l ’âge ou l ’expé- non justifié, le châtiment est la mort. Les Valytuvas ont
rience. En rejoignant le Cercle, un losejas devient membre autorité pour imposer d ’autres peines, sanctionner des
à part entière, un członek avec tous les droits qui lui sont crimes moins graves, mais c ’est au Mistrz de donner le
dus. Il n ’y a pas de honte à rester à ce niveau-là. La majo- verdict final. Aucun membre du Ratas ne s ’opposerait à
rité des membres du Ratas passent leur vie entière sans son jugement.
gravir les échelons. Certains choisissent au contraire de se Les losejai ignorent tout des méthodes qu’emploie le Ratas
consacrer un peu plus à l ’organisation. Avec du temps et du pour déterminer si un losejas a utilisé ses pouvoirs de façon
dévouement, on peut ainsi être promu au Narada, le Conseil abusive. Si c’est parfois évident (car il n’existe pas cent manières
intérieur. Ceux qui rejoignent le Conseil participent aux de plonger une ville entière dans les ténèbres les plus totales sur
décisions du Ratas. Il est également possible de rejoindre un coup de tête), certains usages du Sanderis sont plus subtils.
les Valytuvas, qui font respecter la loi du Cercle. Le fait que le Ratas parvienne aujourd’hui encore à découvrir
Le Ratas est dirigé par le Mistrz. Le Mistrz actuel, une ces petits abus mène plusieurs membres à croire que le Cercle
femme du nom de Wiedżma, « la Sorcière » en rzeplitain, conclut des Marchés pour révéler ces informations.
est à la tête du Cercle depuis si longtemps que la plupart

ï
96 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
 Quand un losejas est reconnu coupable d ’avoir succombé à
la nature malfaisante de son dievas, les Valytuvas endossent
un rôle très différent : ils se font alors l ’incarnation de leur
titre, « Purificateur » en curonien, pour traquer le losejas
dissident et l ’arrêter avant qu ’il n ’engendre trop de chaos.
Lorsque les Valytuvas ont localisé leur cible, ils lui offrent
une seule chance de se repentir. Si le losejas refuse, alors ils ont
recours à tous leurs pouvoirs pour le tuer. Étant donné qu’un
losejas dénué de conscience peut utiliser la pleine puissance de
son Marché, et ne se privera pas de le faire, le Ratas donne aux
Valytuvas une autorisation spéciale : celle d’utiliser le Sanderis
comme bon leur semble sans craindre d’enquête.
Cela soulève une problématique : un membre des
Valytuvas pourrait commettre un abus de pouvoir et utiliser
sa sorcellerie en dehors du cadre de sa mission. Le Ratas
prétend avoir installé des précautions pour parer à cette
éventualité. Cependant, lorsque les membres demandent
des détails, le Ratas ne leur fournit aucune réponse.
Rejoindre les Valytuvas
Rejoindre les Valytuvas est plus complexe que de monter
en grade pour rejoindre le Narada. La première étape pour
intégrer les Valytuvas consiste à trouver un mentor qui en
soit déjà membre. Pour convaincre un vétéran d ’accepter un
apprenti, il faut lui prouver sa valeur.
Chaque mentor envoie sa nouvelle recrue accomplir une
tâche particulière. Il ne s ’agit parfois que d ’une formalité,
mais seul le mentor peut décider de la quête au cours de
laquelle son élève doit prouver sa valeur. Un losejas en bons
termes avec les Valytuvas peut simplement être envoyé à la
bibliothèque pour récupérer un livre alors qu'une recrue
jugée moins fiable pourra être envoyée à la recherche d'un
artefact syrneth.
Lorsque le losejas a accompli sa tâche et satisfait aux
exigences du Purificateur, il devient un apprenti à part
entière. En tant que tel, il doit alors suivre le Valytuvas.
Durant cette période, l ’apprenti est entraîné aux arts du
combat, de la furtivité, du pistage, de la recherche et de
l ’enquête. On lui enseigne également le rôle que peut jouer
le Sanderis dans chacun de ces domaines.
Un Purificateur a besoin de ces talents pour accomplir ses
devoirs, mais cela permet aussi au mentor d ’évaluer si un
apprenti devrait posséder la liberté d ’utiliser le Sanderis à
volonté et sans répercussions. Si un membre des Valytuvas
abusait de ce pouvoir, les conséquences seraient aussi désas-
treuses pour le mentor que pour son élève.
Une fois qu ’un mentor a établi qu ’un apprenti pouvait
rejoindre les rangs des Valytuvas, ce dernier doit alors
passer une épreuve finale avec le Mistrz. Cette épreuve a
lieu dans le Wymagnine, une salle particulière au siège du
Ratas à laquelle seul le Mistrz a accès, et dont le seul but
est de tester les nouveaux Purificateurs. L ’apprenti pénètre
dans une pièce vide (à l ’exception du Mistrz qui assiste à
l ’épreuve) et doit traverser une arche.
Tous les Purificateurs s ’accordent à dire qu ’on y affronte
la plus grande peur que cache notre esprit. Ceux qui
parviennent à lui faire face traversent l ’arche et rejoignent
les rangs des Valytuvas. Une recrue qui en est incapable
s ’en éloigne, puis son mentor la congédie de ses devoirs
d ’apprenti. Ceux qui échouent à cette ultime épreuve
n ’encourent aucune conséquence. Un losejas ayant échoué
peut reprendre ses devoirs initiaux comme si de rien
n ’était, mais il ne pourra jamais plus tenter de rejoindre
les Purificateurs.
Personne ne sait si l ’arche fait réellement apparaître la
terreur dans l ’esprit de ceux qui la traversent, mais l ’idée
d ’affronter ses plus grandes peurs suffit à faire reculer de
nombreux apprentis. Quant à ceux qui y parviennent, ils
refusent de révéler ce qui leur est arrivé.
Le septième Marché
Chaque membre du Ratas a sa propre théorie sur ce qui se
produit quand un losejas conclut le Septième Marché avec
son dievas. Certaines sont farfelues, d ’autres anodines, mais
il n ’y a qu ’une seule vérité. La vérité est, de bien des façons,
beaucoup plus sordide que la majorité des théories, et elle
implique un sacrifice bien plus grand de la part du losejas
que lors de n ’importe lequel de ses Marchés précédents.
Quand un losejas conclut le Septième Marché, le dievas
peut alors quitter son monde et pénétrer dans le nôtre. Il
entre dans le monde physique avec une forme corporelle
et n ’est plus soumis aux règles qu ’il était obligé de suivre
lorsqu ’il interagissait avec le sorcier.
Avant cela, il pouvait en effet seulement agir de façon
indirecte. Le dievas pouvait demander au losejas d ’agir selon
ses objectifs (en tant que prix à payer pour un Marché par
exemple), mais il ne pouvait pas interagir physiquement avec
quoi que ce soit dans notre monde. Ce n ’est plus le cas une
fois le Septième Marché passé.
Lorsque le losejas accepte l ’ultime contrat, et après qu ’il ait
reçu ce qu ’il désirait, le dievas au summum de sa puissance
prend une apparence physique et définitive.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 97
 LES HISTOIRES DU
SEPTIÈME MARCHÉ
Étant donné les sacrifices auxquels consent un
Héros qui accepte le Septième Marché, ce genre
d ’histoire ne conviendra pas à tous les joueurs.
Conclure le Septième Marché ne signifie pas
seulement que le personnage perdra un nombre
conséquent de progrès (puisque tous ses Avantages
Sorcellerie seront retirés) : le prix à payer au niveau
narratif est tout aussi élevé. La plupart des joueurs
décident donc souvent que leur Héros conclura
six Marchés, et en restera là plutôt que de prendre
l ’Avantage Sorcellerie une dernière fois.
Une histoire centrée sur un Septième Marché peut
être un bon choix de fin de campagne. Quand une
histoire complète est arrivée au point où la fin perce à
l’horizon, cela peut valoir le coup qu’un Héros prenne
une Sorcellerie pour la septième fois et conclue l’ultime
Marché. Les joueurs doivent connaître et accepter
les conséquences qu’occasionnerait la conclusion du
Septième Marché par leurs personnages
À ce moment-là, les Marchés précédents sont à jamais
perdus. Le losejas perd donc tous ses pouvoirs liés au Sanderis.
Ce n ’est pas le seul prix à payer pour le losejas. Les condi-
tions du Septième Marché impliquent toujours un sacri-
fice, mais pas de nature physique. Le dievas n ’exigerait pas
simplement du losejas qu ’il se tranche simplement la main.
Le sacrifice est d ’une toute autre nature, bien plus profonde.
Pour conclure le Septième Marché, le losejas doit sacrifier
un morceau de son âme. Rien ne définit lequel, ni comment,
et chaque dievas peut demander quelque chose de différent.
L ’un pourrait demander que le losejas abandonne sa joie de
vivre, l ’autre qu ’il lui sacrifie ses rêves.
Ces sacrifices n ’ont rien de métaphorique. Si le losejas
abandonne sa joie, il perdra littéralement toute capacité
d ’être heureux. Cet aspect de lui disparaîtra à jamais. Le
dievas utilise ce sacrifice pour se matérialiser et entrer dans
notre monde.
Bien qu ’un dievas devienne indéniablement plus fort
lorsqu ’il entre dans le monde physique, il obtient également
une faiblesse conséquente : ici, il devient mortel. Sa mort
serait permanente, mais n ’est possible qu ’après sa matéria-
lisation. Toute action prise à l ’encontre d ’un dievas dans son
propre monde serait d ’une inefficacité ridicule ; mais dans le
monde physique, un dievas saigne lorsqu ’on le blesse.
ï
98 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
La moisson
Si le sacrifice auquel le losejas consent a de l ’importance, et
est souvent source d ’affaiblissement, conclure le Septième
Marché lui offre cependant certains atouts. Il gagne ainsi les
capacités suivantes :
• Il peut dépenser un point d ’Héroïsme pour
connaître l ’emplacement actuel de son dievas, en
sachant la distance qui les sépare et la direction
à emprunter.
• Il peut dépenser un point d ’Héroïsme pour
annuler une Propriété monstrueuse de son dievas
jusqu ’à la fin du Round. Il ne peut utiliser cette
capacité qu ’une fois par Round.
• Lorsqu ’il interagit directement avec son dievas, il
obtient des dés supplémentaires à tous ses jets
d ’une valeur égale à ses Rangs de Résolution.
• Il n ’a pas besoin de dépenser de points d ’Héroïsme
pour tenter des Actions contre son dievas lorsqu ’il
est Sans défense. Il aura toujours suffisamment
de force pour continuer à se battre jusqu ’au bout
contre lui.
Quand un dievas meurt dans notre monde, il meurt irré-
médiablement et ne peut pas tricher pour y échapper. S ’il
reçoit quatre Blessures Dramatiques et que son opposant a
la volonté de le tuer, il meurt.
Un Héros ne reçoit aucun point de Corruption pour avoir
tué un dievas. Pour autant, cela ne veut pas dire qu ’il ne peut
pas recevoir de Corruption en raison des circonstances qui
vont l ’amener à cet acte, mais que le meurtre d ’un dievas ne
fait jamais gagner de Corruption à un Héros.
Quand un dievas meurt, le sacrifice auquel consentit le
losejas pour donner forme au dievas meurt avec lui. Par
exemple, si le losejas avait sacrifié sa joie de vivre pour
conclure le Septième Marché, celle-ci est littéralement
détruite. Le Héros doit vivre avec son sacrifice jusqu ’à la fin
de ses jours. C ’est plus facile à accepter quand on sait que
le sacrifice a permis de tuer un être des plus malfaisants,
mais cela reste l ’un des choix les plus difficiles qu ’un Théan
puisse avoir à faire.
Les duels
La promulgation de la Liberté dorée a anobli tous les
citoyens de la Fédération sarmatienne. Fermiers, bras-
seurs, propriétaires fonciers, charpentiers et tous ceux qui
travaillent la terre ont gagné le droit de vote pour décider
du futur de la Fédération. Les privilèges de la noblesse
donnant le droit d ’adouber des chevaliers et de créer des
Ordres chevaleresques, le sarmatisme s ’est répandu comme
une traînée de poudre à travers la Fédération.
À l ’échelle locale, hommes et femmes se sont toujours
réunis pour parler politique. Avant la Liberté dorée, leurs
voix n ’étaient que rarement entendues car les voïvodes ne
faisaient que s ’occuper des dangers qui menaçaient leur
communauté. Aujourd ’hui, les nouveaux nobles ont un
intérêt personnel à voir leur collectivité prospérer.
Tous les villages possèdent une salle des fêtes, qu ’il s ’agisse
du sous-sol de l ’église locale ou du grand bar avec ses
longues tables. Les gens du coin s ’y réunissent pour parler
de leurs soucis et mettre au point des idées et des concepts
avant de les présenter au Sejm. Forcément, il naît des diffé-
rends entre les différentes communautés en concurrence
pour les mêmes ressources. Étant donné que les Sarmatiens
sont un peuple fier et passionné, les conflits sont générale-
ment résolus par le fracas de l ’acier.
Afin que la courtoisie prime, les Sarmatiens se sont
tournés vers les écrits de Lech Kościuszko sur la chevalerie
et les échanges courtois. La popularité de ces concepts
s ’est répandue dans toute la Fédération. Les imprimeurs
fabriquent désormais de petits livrets au format réduit
faciles à lire. La nouvelle noblesse s ’est donc mise à
mentionner les diverses œuvres de Lech et à citer les livrets
de mémoire. Ils y puisent du sens, respectent les codes tels
qu ’ils sont écrits et deviennent les Héros et les défenseurs
qu ’ils aspirent à être. Le système féodal ayant pris fin, et
les mauvais traitements des seigneurs faisant maintenant
partie du passé, les roturiers peuvent désormais embrasser
la chevalerie et ainsi s ’assurer que la nouvelle noblesse
reste exemplaire.
Les Ordres chevaleresques commencent à fleurir. Ces
groupes d ’idéalistes partageant les mêmes valeurs servent
d ’exemples de vertu à leurs camarades. Les ordres peuvent
se fonder sur des préceptes élémentaires de la chevalerie,
des idéaux religieux ou des vœux formulés pour maintenir
la sécurité et la prospérité locales. Se regrouper ainsi permet
également aux membres de perfectionner leur talent à l ’épée
sans craindre les représailles de l ’ancienne noblesse, qui
voyait autrefois d ’un mauvais œil les paysans armés.
Les principes suivants, établis par Kościuszko dans le
livre Solidaires dans les affres de la discorde sont, pour la
plupart, considérés comme les fondations essentielles de
la chevalerie :
• Tu respecteras toute forme de faiblesse et te feras
leur défenseur ;
• Tu aimeras le pays qui t ’a vu naître ;
• Tu combattras l ’ignominie sans relâche et sans
pitié ;
• Tu accompliras tes devoirs avec soin, tant qu ’ils ne
contreviennent pas aux lois de Theus ;
• Tu ne mentiras pas et tiendras ta parole ;
• Tu seras généreux, et le monde profitera de ta
charité ;
• Tu te feras le champion de la Justice et du Bien
contre l ’Injustice et le Mal.
Grâce aux préceptes chevaleresques, les Sarmatiens ont
promu l ’art du duel à une méthode civilisée pour régler les
différends, car ils les considèrent comme des épreuves de
talent et de volonté. Les plus courtois font preuve de pitié et
acceptent celle d ’un adversaire plus fort qu ’eux. Les duels se
font rarement à mort puisque les Sarmatiens ont tendance
à présenter un front uni face au reste du monde. Ainsi, le
sarmatisme encourage la solidarité au sein du peuple.
Les Duellistes sarmatiens donnent souvent dans la
formalité lorsqu ’ils proposent ou qu ’ils acceptent un
duel. La chevalerie exige d ’être courtois : quiconque
manque de respect apprendra de ses erreurs, souvent de
façon douloureuse.
Les Duellistes en devenir se rendent à Budorigum pour
prouver leur valeur. Les conflits pullulent dans la capi-
tale, car les intervenants au Sénat ont un besoin presque
constant de champions. De jeunes nouveaux nobles, l ’épée
à la ceinture, ont hâte de devenir célèbres et de se construire
une réputation.
Les Ordres chevaleresques naissent et meurent tels des vagues
dans une tempête. Les citoyens influents décernent des insignes
de fierté et procèdent à des adoubements, tout en utilisant les
titres comme monnaie sur un marché encore insoupçonné.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 99
 Le Saint Ordre de la Fleur de cerisier
L ’un des Ordres chevaleresques de la Fédération sarma-
tienne est le Saint Ordre de la Fleur de cerisier.
Une petite communauté de fermiers du nom de Kwiat
Wiśni se trouve le long d ’un des affluents nord du fleuve
Zūpan. Trois hommes de la région fondèrent le Saint Ordre
de la Fleur de cerisier en l ’honneur du festival local qui
célèbre la floraison des fleurs de cerisier. Tomasz Petrikonis,
Jan Kamionka et Luigi Paglianite unirent leurs forces et
firent le vœu de protéger leur communauté.
Luigi Paglianite naquit et grandit dans la Fédération
sarmatienne ; sa famille, d ’origine vodacci, élève des
Pom-pons, une race de chiens nains populaires chez l ’élite
de la Fédération (et de Montaigne). Jan Kamionka est quant
à lui un aubergiste charismatique, petit par la taille mais
gigantesque par la bravoure ; doté d ’une langue acérée, Jan
parviendrait à ébranler même le plus impassible des stoïques.
Tomasz Petrikonis, enfin, est un fier Curonien qui dispose
d ’un talent inné pour diriger ; il garde toujours son calme,
bien que Jan parvienne souvent à le décontenancer.
Grâce à ses chenils qui lui assurent sa
fortune, Luigi a lancé la construction
d ’une salle de rassemblement pour
l ’Ordre, où tous les membres peuvent
s ’entraîner et étudier. Le Saint Ordre de
la Fleur de cerisier s ’occupe de défendre
la Kwiat Wiśni, tant sur place qu ’au Sénat.
Tous les membres du Saint Ordre sont des
Duellistes accomplis. Tomasz et Luigi utilisent
le style du Sabat ; Jan, quant à lui, a appris le
Valroux pendant son adolescence, alors qu ’il
étudiait l ’œnologie en Montaigne.
Elle mit au point le Style de combat du Szybowanie. Peu
importe l ’arme que l ’on a en main, le but de ce Style consiste
à trouver un avantage sur le champ de bataille. Basé sur
le combat depuis n ’importe quelle hauteur avantageuse, et
pas seulement depuis le dos d ’un cheval, le Style permet de
porter dès que possible un puissant coup nommé Plongeon
de l ’aigle. Les pratiquants du Szybowanie restent constam-
ment en mouvement sur le champ de bataille pour trouver
la position la plus avantageuse.
Bonus de style : Plongeon de l ’aigle
Si vous vous battez depuis n ’importe quel point plus
élevé que votre opposant (pas seulement à cheval), vous
disposez d ’une Manœuvre spéciale nommée Plongeon
de l ’aigle. Vous pouvez bondir sur votre adversaire et lui
asséner un coup terriblement puissant. Le Plongeon de
l ’aigle inflige un nombre de Blessures équivalent à vos Rangs
en Armes blanches + vos Rangs en Équitation. Le Duelliste
doit dépenser un point d ’Héroïsme et ne peut
exécuter le Plongeon de l ’aigle
qu ’une fois par Round.

Szybowanie
Du haut de leurs chevaux, les
célèbres hussards ailés font de
terribles adversaires. Ils pointent
leurs lances sur l ’ennemi en les
chargeant avec férocité. Leur
armure inspire la crainte à leurs
adversaires, et ils s ’occupent de leurs
chevaux comme de leurs camarades.
Le lien entre un hussard et sa monture
est indestructible. Une hussarde particu-
lièrement perspicace nommée Kyra Mikita se
rendit un jour compte que toutes les situations ne
permettaient pas de profiter de leur supériorité équine.

ï
100 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Legendy pose la question, les dievai répondent parfois par l ’affir-
Souvent, les immigrés ussurans ou eisenörs remarquent mative : de plus, ils disent que Saulė (ou Gabija) érige ces
avec soulagement qu ’à l ’exception des dievai, il existe peu de bûchers pour se faire pardonner ses offenses. La plupart
monstres dans la Fédération. En effet, la majorité des plus des losejai, même ceux qui ne font pas confiance au Ratas,
grands prédateurs du pays ne sont pas d ’origine surnaturelle. estiment pourtant que c ’est peu probable : après tout, a-t-on
Toutefois, un cynique dicton curonien dit : le loup et l ’ours jamais entendu parler d ’un dievas plein de remords ?
tuent car ils ont faim, mais rien ne motive les tueries de Selon une autre théorie, après la chute de Saulės Mūšis,
l ’humain. Saulė (agissant par un biais matériel ou autre) resta en
À Voruta, la Scholomance œuvre pour identifier les ville. Cette théorie a gagné en popularité depuis qu ’un
dievai. Jusqu ’à maintenant, ils ont recensé près de huit érudit de la Scholomance a émis l ’hypothèse que les fruits
cent douze dievai, qu ’ils classent selon leur alias, leur étranges dans les ruines de la ville sont de son fait, étant
apparence rudimentaire (mais souvent changeante), leurs donné que la Croissance était l ’un de ses Marchés connus.
habitudes, leurs Marchés connus et leur mode opératoire. Si c ’est le cas, elle serait la bienfaitrice de la ville ainsi que
Sur les huit cent douze ainsi recensés, il en est trois que la la terreur qui la tourmente. De toute façon, qui d ’autre
Scholomance juge être les plus dangereux : parmi les losejai qu ’elle pourrait être responsable des disparitions à grands
les ayant contactés pour passer un Marché, tous ont fini cris des citoyens ?
par devenir des Scélérats. À ce stade, la recommandation
officielle du Ratas est de tuer à vue quiconque négocie Ce que l ’on sait
avec ces trois-là. Saulė revêt le plus souvent l ’apparence d ’une femme
magnifique auréolée d ’une couronne flamboyante pareille
Saulė, l ’Astre flamboyant à un soleil.
Personne n ’a vu Saulė depuis l ’époque du dernier roi Petras, Saulė a l ’habitude de traquer des apprentis losejai impé-
mais elle figure toujours en tête de la liste des dievai les tueux, de conclure des Marchés avec eux, puis d ’éroder
plus dangereux. Les Scélérats qu ’elle forge sont ceux dont la leur sens de la retenue. Les Scélérats qu ’elle produit sont
passion brûle sans retenue : fougueux avant même d ’entrer destructeurs et égoïstes. On sait qu ’elle prend ses losejai
à son contact, ses losejai deviennent encore plus impétueux pour amants, et c ’est le seul dievas que les érudits de la
sous son influence. Au cours de sa longue existence, elle Scholomance soupçonnent fortement d ’avoir survécu après
a déclenché des guerres, fait naître des liaisons qui entraî- avoir conclu son Septième Marché.
nèrent la chute de royaumes, mit le feu à des villes entières,
dont Saulės Mūšis. En termes de pouvoir destructeur pur Laima, la Preneuse d ’enfants
et simple, les érudits de la Scholomance l ’estiment sans égal. C ’est terrible de grandir. Grandir, c ’est ne plus avoir le droit
Et pourtant, en dépit de tout cela, elle se volatilisa après de grimper aux arbres. Grandir, c ’est devoir faire davantage
l ’incendie qui ravagea Saulės Mūšis : personne n ’a conclu de corvées. Grandir, c ’est avoir moins de temps pour jouer,
de Marché avec elle depuis des siècles. Il est probable qu ’elle et tôt ou tard, les parents commencent à parler mariage. Des
passe toujours des Marchés, mais sous une apparence diffé- enfants très malins s ’en sont rendus compte et ont décidé
rente ; d ’après les études de la Scholomance, il lui serait de ne jamais vouloir grandir. Ces petits futés concluent des
difficile de complètement changer ses habitudes. Marchés avec Laima, la Preneuse d ’enfants.
Pléthore de théories existent sur son emplacement actuel. Les enfants de Laima ne grandissent plus ni ne s ’assa-
Selon la plus populaire, et bien que le Ratas la réfute gissent : ils restent à jamais imprudents et immoraux, tels
vigoureusement, elle aurait passé son Septième Marché les enfants turbulents et négligents qu ’ils sont. Ce sont de
avec Petras avant de réduire Saulės Mūšis en cendres. petits prédateurs aux dents de lait minuscules et toutes
Dorénavant, elle parcourrait le monde sous sa forme maté- blanches qui ne tombent jamais, peu importe la quantité
rielle, affranchie de toute entrave. Nombreux sont ceux qui, de bonbons qu ’ils mangent. Ils disent que Laima vit dans la
croyant à cette théorie, croient aussi que Saulė et Gabija la forêt de Sanderas, dans une chaumière faite de pain d ’épice
Rousse, qui érige des bûchers dans la Sanderas, sont une et recouverte de glaçage : elle vient en aide à tout losejas qui
seule et même entité (et ce malgré l ’insistance du Ratas croise son chemin, du moment qu ’il ou elle lui confie une
proclamant que Gabija n ’a rien d ’un dievas). Lorsqu ’on leur information sur un enfant. Beaucoup refusent.

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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 101
 Les enfants de Laima sont une éternelle source de polé- des villes entières qu ’elle accusait de « collaborer » avec
mique au sein du Ratas. Ceux qui acceptent ses Marchés les vaticins. Deux décennies plus tard, il n ’existait plus
sont véritablement dangereux : la naïveté morale d ’un enfant aucune église en Curonie. Ce ne fut que lorsqu ’elle se
et son absence totale de retenue font une piètre combinaison retourna contre ses propres subordonnés (à défaut d ’autres
avec la sorcellerie imprévisible de Laima. Un enfant est mal ennemis), les accusant de compassion pro-vaticine, qu ’elle
équipé pour effectuer le katabasis, donc chaque Marché fut enfin vaincue.
qu ’il conclut a le potentiel de le rendre de plus en plus fou Ceux qui invoquent Perkunas veulent toujours éliminer
et dangereux. le mal du monde. Perkunas semble poursuivre le même but,
L ’alternative, toute évidente soit-elle, est également déli- vu le nombre de fois qu ’il a quitté la Sanderas en quête de
cate : nombreux sont les membres du Ratas qui refusent losejai. Souvent, quelle que soit la forme du mal perçu par
tout simplement de tuer ces enfants. La dernière petite fille Perkunas et son losejas, ils parviennent à l ’éradiquer complè-
qui vécut avec Laima mourut dans la forêt de Sanderas tement. La purge la plus célèbre est celle du peuple Khodynt,
quatre ans plus tôt : depuis, la peur s ’est installée dans le qui vivait en Curonie du Nord et qui fut éradiqué par l ’un
cœur des parents curoniens, qui se demandent si le prochain des losejai de Perkunas.
choix de Laima ne se portera pas sur leur progéniture. Un fait moins connu (mais peut-être plus insidieux) est
que Perkunas élimine des idées. Un losejas prétendait ainsi
Ce que l ’on sait que Perkunas avait détruit le concept de sa famille, l ’effaçant
Laima apparaît le plus souvent sous la forme d ’une veille complètement de sa vie car elle représentait une distrac-
femme aux dents et aux cheveux couverts de mousse. tion. Les érudits de la Scholomance ayant consigné son
Les érudits de la Scholomance surnomment le seul témoignage retrouvèrent un livre entier sur Perkunas, mais
Marché connu de Laima le « Marché du temps », bien qu ’ils jurèrent ne l ’avoir jamais vu auparavant. Personne ne semble
n ’aient encore jamais trouvé d ’autre dievas qui propose quoi savoir où est ce livre aujourd ’hui.
que ce soit de similaire. Les enfants de Laima parviennent à
manipuler le temps : plus précisément, ils ne vieillissent pas. Ce que l ’on sait
Laima apparaît aux enfants qui prétendent ne pas vouloir Perkunas prend le plus souvent l ’apparence d ’un homme
grandir, mais personne ne sait vraiment comment elle les barbu, le visage caché dans les ombres, vêtu de noir et de
trouve. Sous son influence, ses protégés perdent toute blanc, juché sur un étalon enflammé. Contrairement à
notion de maturité et deviennent rapidement des créatures la plupart des dievai, qui ne portent pas d ’arme, il porte
immorales, égoïstes et féroces. Bien qu ’ils arrêtent de vieillirtoujours le traditionnel sabre de cavalerie sarmatien.
sous sa garde, les losejai de Laima meurent souvent rapide- Perkunas ne vient pas à la rencontre des gens pour passer
ment : un enfant, même doté de grands pouvoirs, possède des Marchés : il faut l ’invoquer depuis la forêt de Sanderas.
rarement les outils nécessaires pour rester en vie. On pourrait naturellement penser qu ’il y aurait moins de
monde pour l ’invoquer, mais il existe toujours un imbécile
Perkunas, la Juste tempête ou deux pour croire que le mal qu ’ils combattent actuelle-
On dit que le premier losejas à avoir invoqué Perkunas pleu- ment est pire que tous les autres maux ayant jamais existé
rait la chute de Saulės Mūšis. Horrifié par les conséquences par le passé, ce qui leur permet de justifier leurs actes
du Sanderis, il invoqua Perkunas pour débarrasser le pays extrêmes (comme d ’invoquer Perkunas).
des losejai, à commencer par le Ratas naissant et en finis- Perkunas, en bon démon rusé, ne demande jamais à ses
sant par lui. La rumeur veut que pendant dix ans, il mena sorciers de faire quoi que ce soit qui irait à l ’encontre de
l ’Inquisition déchue et faillit provoquer la disparition des leur code moral : les exactions (ou faveurs) qu ’il exige de ses
losejai avant que sa sœur ne le tue ; après l ’avoir tué, ce fut losejai mènent invariablement à l ’anéantissement direct de
au tour de cette pratiquante aguerrie du Sanderis d ’invo- ceux qui, d ’une façon ou d ’une autre, incarnent le mal qu ’ils
quer Perkunas. veulent exterminer (et si la forme que le mal revêt n ’est pas
Tout comme son frère s ’était mis en tête de débarrasser flagrante, Perkunas ne se prive pas d ’en informer ses losejai).
le pays des losejai, elle eut l ’idée de débarrasser la Curonie Ce faisant, ses sorciers se radicalisent d ’autant plus : après
de l ’oppression vaticine. Ainsi débuta son propre règne tout, ainsi que l ’a dit Publius, le philosophe numanari, c ’est
de terreur qui dura vingt ans, pendant lesquels elle rasa le propre de l ’homme de détester ceux qu ’il a blessés.

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102 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
Les Chevaliers d ’argent
Parfois, quand tout espoir semble perdu, que les incendies
font rage et que les Scélérats triomphent dans la Fédération,
un Chevalier apparaît subitement.
Peu importe qu ’ils se trouvent dans une forêt sombre ou
un taudis humide, ces Chevaliers ont un comportement
toujours impeccablement chevaleresque. Ils sauvent la
vie des enfants, combattent les Scélérats et apparaissent
toujours vêtus d ’une armure de plates complète tout droit
venue du XIIe siècle. Ils ne parlent jamais ni ne soulèvent
leur visière pour montrer leur visage. Beaucoup considèrent
les Chevaliers comme les genius loci de la Fédération. Ils
errent dans toute la Nation et agissent toujours seuls.
D ’après les Žynys, le jour où la Fédération sera réellement
menacée, les Chevaliers d ’argent se rassembleront et repous-
seront ensemble la menace. Ce jour-là, alors ils parleront.
La vérité
Quand l’organisation qui finit par devenir die Kreuzritter
quitta l’Eisen en quête de démons à chasser à l’est, elle rejoi-
gnit un détachement de chevaliers rzeplitains et curoniens
qui cherchaient le berceau des dievai. Ce groupe s’appelait
les Chevaliers d’argent. Au cours de leur marche à travers
l’Empire du Croissant, le chef des Chevaliers d’argent, une
femme du nom d’Anna, fit une série de rêves qui l’amenèrent
à croire que le berceau des dievai était « dans le jardin, dans
une montagne », à l’ouest de leur position actuelle. Elle et ses
Chevaliers se séparèrent du gros des forces eisenörs, péné-
trèrent en Ashur et saccagèrent le Premier Jardin. Ce faisant,
ils devinrent immortels, mais perdirent l’usage de la parole.
Alors seulement découvrirent-ils que le Jardin possédait
un gardien.
En voyant le Gardien, les autres Chevaliers levèrent
leur épée ; mais Anna, ayant toujours été sage, choisit au
contraire de s ’agenouiller devant lui. Elle écrivit dans la
poussière pour implorer sa pitié : elle lui expliqua qu ’ils
étaient des étrangers, qu ’ils étaient venus à la recherche du
berceau des démons mais qu ’ils n ’avaient fait que commettre
un péché en dévastant le Jardin.
Le Gardien du Premier Jardin concéda qu ’ils avaient en
effet commis un grave péché, mais il accepta de les laisser
partir à la condition qu ’ils rentrent chez eux et ne quittent
plus jamais leur sol natal. Lorsqu ’ils atteignirent la fron-
tière joignant l ’Empire du Croissant, la Rzeczpospolita et
la Curonie, ils firent le vœu silencieux de devenir les protec-
teurs éternels de leurs terres natales.
Trinquer avec de l ’eau
Selon la légende, un losejas ne peut porter un toast qu’avec de
l’alcool. Il est formellement interdit de trinquer avec de l’eau. Si
le losejas devait lever son verre rempli d’eau, son dievas aurait
l’avantage sur lui et apprendrait tous ses sombres secrets, qui
lui permettraient de le corrompre. Cette légende occasionne
peu de problèmes, puisque la plupart des Sarmatiens préfèrent
boire des alcools forts et du vin plutôt que de l’eau.
Selon la rumeur, il suffit d ’appeler à trinquer avec de l ’eau
pour repérer les losejai dans la foule. Dans les campagnes, où
il est difficile de se procurer de l ’alcool, un losejas se retrou-
vera peut-être dans une situation difficile. Ceux qui sont
prévenants ou qui ne souhaitent pas s ’attirer les foudres des
puissants ont toujours de l ’alcool qu ’ils peuvent servir plutôt
que de l ’eau, dans l ’éventualité où il faudrait trinquer.
La vérité
Un losejas peut tout à fait trinquer avec de l’eau. L’origine de la
légende est une bien triste histoire. Dans les villages reculés de
Curonie, les personnes soupçonnées d’être des losejai se retrouvent
souvent frappées d’ostracisme, surtout lorsque les Žynys locaux
condamnent leurs Marchés. Tel fut le cas de Motina, qui gagna
une fortune dans son hameau en faisant commerce d’herbes
médicinales. Un Žynys jaloux l’accusa d’être une dangereuse losejas.
Bien que cela ne soit pas vrai, Motina n’eut pas honte de mentir :
pour regagner la confiance de sa communauté, elle répandit la
rumeur sur le fait de trinquer avec de l’eau, puis elle porta un toast
avec un verre d’eau lors de l’anniversaire du Žynys. Le Žynys étant
lui-même un losejas, il se méfia de l’eau locale et remplit sa coupe de
vin avant de boire. Ainsi, il donna corps à la rumeur sans le vouloir.
Près de deux siècles se sont écoulés depuis, et l’histoire a
échappé à tout contrôle. De nos jours, beaucoup de losejai
pensent tenter le diable en trinquant avec de l’eau, une supers-
tition qui amuse beaucoup les dievai, qui ne se donnent bien
sûr pas la peine de les contredire. Certains losejai, lorsqu’ils
voyagent dans des contrées hostiles, portent sur eux quelques
gouttes d’hydromel cachées dans des anneaux creux ou dissi-
mulées dans leurs manches. Lorsque l’alcool est découvert (ce
qui est souvent le cas), la rumeur gagne en popularité.
Pour ne rien arranger, dans beaucoup de villes de
campagne, l ’eau n ’est même pas potable. Un voyageur issu
d ’une de ces villes attirera les soupçons s ’il refuse de boire de
l ’eau ailleurs. Enfin, la Rzeczpospolita possède une série de
protocoles qui couvrent toutes les situations dans lesquelles
on pourrait trinquer, et qui dictent s ’il est approprié ou non
de lever son verre ; un Rzeplitain voulant se montrer respec-
tueux attire souvent les soupçons quand, par exemple, il ne
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trinque pas lorsqu ’il est en désaccord avec un point de vue.
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 103
 L ’arbre aux pendus
Il y a bien longtemps, d ’après la légende, un jeune homme
fut témoin du massacre de ses camarades à la guerre. En
rentrant chez lui, il ne pouvait plus supporter le fardeau
d ’avoir survécu alors que tous ses amis étaient morts. Dans
un élan de désespoir, il décida de s ’ôter la vie.
Il attacha sa ceinture à la branche du chêne le plus proche
et voulut se pendre. Alors qu ’il se balançait dans le vide, à
manquer d ’air et à étouffer, à l ’agonie, il eut un éclair de
lucidité sur son existence. Ses camarades avaient beau être
morts et avoir disparu, il avait encore toute la vie devant lui.
En l ’espace de quelques secondes qui lui parurent de
longues minutes, chacun des soldats défunts se présenta
à lui sur l ’arbre et lui confia ses dernières volontés. Ils lui
dirent ce qu ’il devait faire pour eux avant de pouvoir mourir,
et ce faisant, ils firent une petite entaille dans la ceinture.
Quand le dernier d ’entre eux eut fini, et qu ’il se rendit
compte qu ’il ne voulait pas vraiment mourir, la ceinture
rompit soudain sous son poids et il tomba au sol. Il se brisa
les deux jambes mais survécut.
Alors qu ’il gisait sur son lit de mort, des décennies plus
tard, il demanda à sa famille de l ’enterrer sous le même
arbre. Après cela, on commença à dire qu ’une personne
suicidaire devrait d ’abord attacher sa ceinture à l ’une des
branches de l ’arbre et l ’y laisser pendant une semaine :
d ’après la légende, une fois ce temps écoulé, la personne ne
ressentirait plus le besoin de mourir. Ainsi, ce chêne devint
l ’arbre aux pendus, et tous les ans, des centaines d ’hommes
et de femmes attachent leur ceinture à ses branches et
supplient le fantôme de l ’ancien soldat de les libérer de leurs
pulsions suicidaires.
ï
104 CHAPITRE 2 : LA FÉDÉRATION SARMATIENNE
La vérité
Il existe plusieurs « arbres aux pendus » dans la Fédération,
et chacun prétend être l ’original. Ils sont tous parés de cein-
tures et de collants, et possèdent chacun leurs fidèles (dont
beaucoup d ’anciens suicidaires) qui jurent de leur efficacité.
Parmi les explications fournies, on dit que les soldats les
hantent tous, que chacun fut le lieu d ’un suicide (raté ou
non) ou encore, selon une nouvelle théorie avancée par la
chercheuse castilliane Iratze Eneko, que les arbres ont un
effet placebo sur les suicidaires. L ’effet placebo n ’étant pas
encore très reconnu, cette dernière théorie reste contro-
versée, et nombre de personnes envoient des lettres incen-
diaires à Eneko à propos de ses tentatives de « détériorer »
les arbres sacrés.
Distinguer l ’original de ses répliques importe peu, puisque
tous les arbres sont traités avec un immense respect ; quant
à ceux qui y attachent une ceinture ou leur rendent visite,
il y a de fortes chances qu ’on les prenne en pitié et qu ’on
s ’occupe d ’eux.
Certains prennent soin des arbres, apportant eau fraîche et
engrais à ceux qui ont l ’air d ’en avoir besoin. Ces personnes
gardent l ’œil ouvert pour les suicidaires, afin de les consoler
et de les réconforter. Beaucoup disent que le simple fait
d ’être entouré de gens à l ’écoute et réconfortants suffit à
leur ôter toute pensée suicidaire.
La Semaine des rusałki
On dit que vers la fin du règne des Numanaris, un culte
sinistre et énigmatique contrôlait Szablewo. Tous les ans,
sept semaines après l ’équinoxe de printemps, avait lieu un
rituel où l ’on noyait sept garçons et sept filles sur une durée
de sept jours afin d ’invoquer un orage qui purifierait la ville
le huitième jour venu. Le culte terrorisait les habitants, car
ses membres enlevaient les enfants de leurs adversaires
politiques et de quiconque remettait en cause leur pouvoir.
Après sept ans de règne, le mystérieux culte commit une
erreur : ils noyèrent la sœur d ’une sorcière. Il s ’agissait d ’une
puissante nécromancienne, qui voulu ramener sa sœur à la
vie. Les cultistes l ’en empêchèrent, mais elle parvint à trans-
former sa sœur en misérable mort-vivant : un rusałka.
Pour se venger des cultistes, la légende dit que la sorcière
lança un sort qui ranima les esprits des sacrifiés et les
transforma en rusałki. Sept semaines après l ’équinoxe de
printemps, lors des sept jours de sacrifices, ces esprits invi-
sibles envahirent Szablewo et ravirent le souffle de toutes
les personnes vivant dans la cité et alentour.
Beaucoup de gens périrent à cause des rusałki, jusqu ’à
ce que la population se rebelle et renverse le culte énigma-
tique. Quand les rusałki revinrent, les gens endossèrent des
masques blancs en signe de deuil. Ce signe les apaisa, et ils
tournèrent leur colère vers les personnes qui ne portaient
pas de masque. Celles-ci périrent par asphyxie.
Ainsi, les citoyens de Szablewo apprirent à porter des
masques pendant les sept jours de sacrifice, sept semaines
après l ’équinoxe de printemps. Aujourd ’hui encore,
personne ne se rend à Szablewo ou dans les environs lors
de cette période sans porter un masque qui recouvre le nez
et la bouche.
Tout un festival est né autour de ce qu ’on appelle « la
Semaine des rusałki ». Les gens du coin conseillent de porter
un masque car le danger est bel et bien réel : les rusałki sont
traîtres et trouveront ceux qui essaient de s ’en passer. Même
chez eux et pendant la nuit, les gens portent leur masque
plutôt que de courir le risque de mourir asphyxiés.
La vérité
À Szablewo, pendant sept jours, sept semaines après
l ’équinoxe de printemps, tout le monde porte un masque
couvrant le nez et la bouche. Les lois de la ville et des
environs interdisent de descendre dans les rues sans son
masque, et pour une bonne raison : voir quelqu ’un privé
de son souffle est une expérience terrifiante. La victime des
rusałki halète puis commence à se noyer malgré l ’absence
d ’eau à proximité. Il est parfois possible d ’amener la victime
à l ’intérieur ou de lui donner un masque pour faire partir les
rusałki, mais la plupart du temps, il n ’y a rien à faire.
La dentelle du laboureur est une petite plante à fleurs
qui ne pousse qu ’à Szablewo et dans ses environs. Pendant
sept jours, sept semaines après l ’équinoxe de printemps,
elle dégage un pollen très toxique. Si quelqu ’un en respirait
suffisamment, ses voies respiratoires se bloqueraient et la
personne se noierait, entourée d ’air.
Un sinistre et énigmatique culte numanari régnait bien
autrefois sur Szablewo, mais leurs sacrifices n ’ont rien à voir
avec la plante. L ’histoire prit forme après qu ’une explora-
trice remonta des cavernes de cristaux et déclara avoir
trouvé de gigantesques mosaïques racontant l ’histoire de
la sorcière. Ce qui n ’était auparavant qu ’un mystère total
semblait dorénavant posséder une explication, et les gens
s ’en accommodèrent.
La découverte des véritables origines des rusałki risque de
quelque peu desservir les citoyens de Szablewo. Au cours
des siècles, la Semaine des rusałki est devenue une institu-
tion culturelle, un festival de masques au style vodacci où
foisonnent toutes sortes de péchés qui, en temps normal,
seraient vus d ’un mauvais œil dans la Cité universitaire.
Lors de cette semaine, les citoyens masqués font des paris,
couchent avec des inconnus et boivent à outrance.
Les gens se font concurrence tout le reste de l ’année pour
confectionner les masques les plus beaux et les plus élaborés
qu ’ils présentent et échangent à l ’occasion de la Semaine
des rusałki (dans bien des quartiers de la ville, est consi-
déré comme pauvre celui qui n ’a pas chaque jour un masque
différent). Ce carnaval d ’une semaine offre une occasion aux
citoyens de Szablewo, d ’ordinaire guindés, de se laisser aller.
Peut-être serait-il un peu cruel de les priver de cette excuse.
Il convient de noter qu ’il existe d ’autres créatures, les
rusalki, qui sont originaires de l ’Ussura et ne voyagent pas.
On en trouve rarement au sud du fleuve des Boyards. Ce
ne sont donc pas ces esprits de l ’eau qui tourmentent les
habitants de Szablewo.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 105
Chapitre 3
L'Ussura
 L'USSURA

« Là où vous voyez une rivière gelée, je vois un pont. Là où vous voyez une tempête
de neige, je vois un camouflage contre les bombardements. Là où vous voyez une forêt
pleine de monstres, je vois des sentinelles et des alliés. Ces choses qui font que vous nous
méprisez sont précisément celles qui nous rendent assez forts pour vous vaincre. »
—Général Hiver

Il était une fois l ’Ussura, terre lointaine de glace et de neige,
où vivait un Czar avec son époux et ses deux fils, nés grâce
à leur meilleure amie. Suite aux morts de son mari et de
son aîné, le Czar répudia son cadet pour épouser une jeune
femme intelligente, avec qui il concevrait un héritier digne
de ce nom.
Lorsqu ’il mourut dans de mystérieuses circonstances
et sans héritier, son cadet et son épouse revendiquèrent
chacun le trône. Le fils souhaitait régner depuis l ’ancienne
capitale et conserver les traditions du pays, tandis que
l ’épouse, elle, avait érigé une capitale flambant neuve, et
cherchait à transformer l ’Ussura en un pays aussi moderne
que la ville qu ’elle avait fait construire.
En Ussura, personne ne sait à quoi s ’attendre. Ni les
boyards dans leurs châteaux, ni les prêtres dans leurs églises,
pas plus que les cavaliers dans les steppes, les marchands qui
voyagent depuis l ’Est et le Sud, ou bien encore les nomades
errants et les moujiks dans leurs huttes. Les esprits de la
forêt et de la rivière n ’en ont pas la moindre idée non plus.
Les prétendants au trône du Czar devront cependant rallier
l ’ensemble des Ussurans s ’ils veulent régner sans partage.
Leur plan pour ce faire est clair : que le peuple s ’aligne, telles
des figurines dans une maison de poupées, ou des pièces sur
un échiquier. L ’Ussura est un pays divisé entre l ’ancien et le
nouveau, mais digne d ’être remis entre des mains capables,
du moins celles du dirigeant qui parviendrait à s ’imposer.

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108 CHAPITRE 3 : L'USSURA
Une Nation de classes
Souvent, on devine la classe sociale d ’un Ussuran rien qu ’à
son physique, notamment la couleur de ses cheveux. Les
boyards ont des barbes et des chevelures claires (généra-
lement blonds), tandis que les moujiks ont des crinières
noires ainsi qu ’une peau plus sombre (à cause du soleil ou
de leurs ancêtres cathayens).
Il peut bien sûr arriver qu ’un boyard soit basané avec les
cheveux foncés, ou qu ’un roturier ait le teint et la chevelure
claire, et personne ne jugera un Ussuran brun qui épouse
quelqu ’un de beaucoup plus blond.
Cela dit, nombreux sont les Ussurans qui ont des préjugés
sur la classe, la richesse et l ’éducation d ’une personne à
partir de son apparence. Les membres de la haute société
comptent en effet davantage d ’aïeux originaires de Théah
occidentale que les classes populaires, dont les ancêtres sont
plutôt indigènes et cathayens. Ce sont des détails qui ont
leur importance, surtout dans le climat politique actuel qui
divise le pays entre les différentes classes et lignées.
L ’Ussuran typique a un héritage plutôt mixte, et ce quoi
qu ’il puisse dire de la pureté de sa lignée familiale, qu ’elle
lui vienne de Théah occidentale, des nomades khazaris ou
de l ’Empire du Croissant. Cette vérité s ’applique nettement
moins aux boyards, qui choisissent mariages et lignées, mais
même les arbres généalogiques des familles les plus nobles
possèdent au moins un Khazaris ou un Croissantin.
La favorite des boyards, Ketheryna Fischler Dimitritova, a
clairement la tête de l ’emploi avec ses cheveux blonds véni-
tiens, ses yeux bleus clairs et ses origines eisenörs. De son
côté, le chouchou des classes populaires, Ilya Sladivgorod
Nikolovich, arbore la chevelure et les yeux noirs de sa mère
porteuse d ’origine croissantine.
Selon la région et la famille dont ils sont issus, les gens
adoptent différentes attitudes envers les boyards qui
fraternisent avec la classe roturière. De nombreux moujiks
pensent que les efforts de Ketheryna pour moderniser le
pays ne feront que creuser davantage les disparités de classes
de la Nation.
Les groupes ethniques en Ussura
Un large éventail de peuplades vit en Ussura, des descen-
dants d ’origine théane ou croissantine aux natifs des steppes.
Même si des siècles de métissages ont diminué ses divi-
sions internes, différentes cultures continuent d ’influencer
l ’Ussura. Qu ’il s ’agisse d ’architecture, d ’éducation, de nour-
riture ou même de traditions et de récits anciens, on peut
distinguer trois grands groupes ethniques.
Les Khazaris
Ces nomades, cavaliers et gardiens de troupeaux, ont d ’abord
occupé les steppes de l ’est et du nord de Molhynia, avant
de traverser le fleuve Szabla pour échapper à l ’expansion du
Cathay. Ils se sont installés parmi les peuplades indigènes de
l ’est ussuran. Leurs talents de cavalier et leurs traditions ont
influencé l ’Ussura dans son ensemble ; c ’est une des raisons
pour lesquelles les Ussurans ne s ’inquiètent pas du peu de
routes modernes à travers la Nation. Les itinéraires réservés
aux chevaux sont aussi fiables que jadis, surtout quand l’hiver
vient et qu ’il est facile de traverser les rivières gelées. Tant
que les étrangers n ’auront pas compris ça, l ’Ussura n ’aura pas
besoin de s ’inquiéter d ’une éventuelle invasion.
Les Khazaris sont heureux de faire partie de l’Ussura, mais la
part tribale de leur identité demeure importante. Ils n’hésitent
pas à piller les tribus voisines, ni à tuer pour voler du bétail : cela
fait partie de leurs traditions et explique qu’aucune peuplade
khazari ne prenne ce genre d’attaque personnellement, car ainsi
vont les choses. En revanche, les autres ethnies l’admettent plus
difficilement et ne restent pas « sans rancune » face aux vols et
autres actes de violence. Les Khazaris aiment voyager à travers
le monde, que ce soit dans l’Empire du Croissant ou le Cathay.
Dans leurs années de jeunes adultes, ils travaillent surtout
avec d’autres membres de leur ethnie en tant que mercenaires,
gardes du corps ou musiciens, et récoltent argent, cicatrices
et histoires avant de revenir dans les steppes. En dehors de
l’Ussura, ces mercenaires à cheval sont appelés « cosaques », un
nom dérivé de l’ancien terme « khazar ».
Les Khazaris sont également connus pour leur propension à
assimiler les religions étrangères. Le plus ancien de leurs cultes,
le turăisme, repose sur la vénération de l’antique dieu du ciel
Tură. Aujourd’hui, de nombreux Khazaris se sont convertis à la
religion orthodoxe, au culte de Madhyamika, à la religion vaticine,
au yachidisme ou à l’al-dīn (parfois en mélangeant plusieurs de
ces religions). Les missionnaires trouvent les Khazaris faciles à
convertir, mais il est impossible de les détacher de leurs anciennes
croyances. Par exemple, les Khazaris détestent tuer pour une
question de religion, mais ils trouvent respectable de le faire pour
voler un cheval ou agrandir ses terres.
Les Croissantins
Bien que minoritaires, les Croissantins dominent les
marchés économiques de l ’Ussura. Les échanges entre le
Croissant et l ’Ussura remontent aux origines du commerce :
ils apportent fourrures, minerais et produits agricoles, tels
que le blé, le bétail et autres produits laitiers.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 109
 Quand les premiers missionnaires croissantins sont arrivés
après l ’éveil du deuxième Prophète, la réponse générale a
été : « Merci, mais on préfère ce qu ’on a déjà ». Les cultes
yachidis et les dīnistes se sont néanmoins répandus à travers
le sud grâce aux commerçants croissantins qui exploraient le
pays. Les congrégations dīnistes se réunissent souvent dans
le même bâtiment que les orthodoxes, et ce sans que cela ne
pose de problème. Après tout, l ’Ussura n ’a pas d ’Inquisition,
ni orthodoxe ni dīniste.
L ’influence du Croissant est visible dans l ’architecture
ussurane, surtout dans les édifices réservés aux affaires du
gouvernement et de la religion ; nul ne sait d ’où proviennent
les célèbres dômes d ’églises ussuranes en forme d ’oignons,
mais certains historiens voient dans les minarets dīnistes
une origine possible.
En Ussura, les Croissantins représentent une puis-
sante force économique, qui attire l ’attention d ’Ilya et de
Ketheryna. D ’un point de vue technique et ethnique, Ilya
est à moitié croissantin : il n ’a pas été élevé dans leur culture,
mais il a passé une bonne partie de sa vie dans des enclaves
du Croissant au sud de l ’Ussura, et il continue d ’entre-
tenir de bonnes relations avec de nombreux ressortissants
de l ’Empire, marchands, entrepreneurs et investisseurs.
Ketheryna, qui a construit sa toute nouvelle capitale en
payant à crédit à peu près la moitié des machines et des
matériaux hors de prix, cherche elle aussi à obtenir le
soutien des ressortissants de l ’Empire du Croissant. Elle
a promis de stimuler le commerce avec l ’Empire, et de leur
accorder l ’accès exclusif à certaines ressources ussuranes très
rares, telles que les gemmes démantoïdes, et même un titre
de boyard pour les plus généreux contributeurs. Pourtant,
dame Arzu de Gallenia, la plus influente des Croissantines,
met en doute ces paroles : après tout, Ketheryna a
promis la même chose à de nombreux diplomates théans.
Peut-elle tenir autant de promesses auprès de tant de
personnes différentes ?
Les nomades Tamatama
Les caravanes des Tamatama, ethnie originaire des lointains
territoires du sud-est d ’Agnivarsa, voyagent beaucoup à
travers l ’Ussura, le plus souvent le long des rivières quand
ils transitent d ’une grande ville à une autre, ou bien via
les anciens chemins de monte que les non-Ussurans ne
connaissent pas. Aujourd ’hui, on les trouve surtout dans
la province de Veche.
La plupart sont dīnistes. Ils occupent la position étrange
mais confortable de peuple artiste : on trouve parmi eux des
musiciens, des danseurs, des acteurs, etc. Leur mode de vie
nomade les amène rarement à se marier en dehors de leur
ethnie, un choix qui leur convient.
Les Khazaris qui partent à la découverte du monde
suivent souvent les caravanes des Tamatama, échangeant
des chansons et partageant les détails de leurs cartes
pendant une bonne partie du chemin. Les Tamatama qui
sont allés le plus loin en dehors des frontières de la Nation
ont permis l ’hybridation de divers styles de danse à travers
la Théah. Grâce à eux, le ballet—une danse originaire de
Montaigne, exigeant à la fois technique et force—fait fureur
au sein de nombreuses cours de boyards, surtout dans la
très moderne ville de Bashanta. Le Théâtre impérial de
Bashanta, qui dispose des toutes dernières innovations en
termes de machines et d ’effets spéciaux de scène, a hébergé
de nombreux spectacles d ’artistes des Tamatama.
 Personnages notables
Ilya Sladivgorod Nikolovich
Le premier mariage du Czar Gaius Iriney fut un mariage
d ’amour avec le boyard Nikolai. Grâce à une mère porteuse,
ce dernier lui donna deux fils, David puis Ilya, que le Czar
adopta. Il les aimait tous les deux, et avait fait de David
son héritier. Malheureusement, la famille de Nikolai avait
un antécédent médical chargé, et nombre souffraient de
violentes syncopes.
Ces syncopes sont rarement fatales, mais le cœur de
Nikolai, puis celui de David, lâchèrent durant des crises
particulièrement fortes. Bien que cette maladie touchait
moins sévèrement Ilya, un mélange de tristesse et d ’angoisse
poussa malgré tout le Czar à répudier son cadet. Il se
remaria alors pour produire un héritier « plus solide ».
Ilya, qui n’avait que quatorze ans, confronta le Czar : il avait
perdu un père et un frère, et à présent, son dernier parent le
repoussait ? Après une confrontation pleine de colère et sans
dignité, le Czar le bannit dans les territoires de l’est ussuran.
Il quitta ainsi Pavtlow, plus blessé qu ’il ne voulait
l ’admettre. À défaut d ’être le Czar des Ussurans, il jura alors
de devenir leur Héros.
Durant quatre ans, il parcourut l ’Ussura à cheval en
tant que bogatyr, utilisant les dons des Leshiye pour
rendre justice et repousser diverses menaces. Il vola des
chevaux avec les Khazaris en Molhynia, but et dansa
dans les tavernes de Siev en Veche, défendit des caravanes
cathayennes contre des bandits en Gallenia, et pria dans les
monastères des montagnes de Somojez.
À la mort de son père, il rentra à Pavtlow pour découvrir
que son amie de jadis, Ketheryna, avait revendiqué le trône
depuis Bashanta.
Même si ses voyages ont apporté à Ilya un large soutien
populaire, la noblesse est du côté de Ketheryna et de ses
efforts de modernisation. Ilya a passé du temps avec les
Ussurans qui ne verront jamais l’ombre de ces belles avancées,
et lui-même n’est pas certain de leur utilité pour le peuple.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 111

Interpréter Ilya
Terre à terre, courageux, homme de traditions, Ilya est un
jeune homme cosmopolite et audacieux, un champion du
peuple. Il a des cheveux sombres et des yeux bruns luisants.
Sa barbe brune et juvénile est traversée de traces rougeâtres.
Quand il regarde au loin, on remarque sa peine et ses
regrets sur sa jeunesse et ses origines ; pourtant, l ’Ussura et
son peuple représentent sa famille d ’adoption.
Il éprouve du mal à exprimer de manière cohérente ce qu ’il
imagine pour le futur de sa Nation, alors que tout le monde
connaît les projets de Ketheryna. Les Ussurans connaissent
ses compétences, mais ignorent ce qu ’il souhaite accomplir.
Quand il parle pour convaincre le peuple, il est calme
et autoritaire. Nul ne réfute son expérience. Il refuse
que quiconque oublie ce que ses aventures ont apporté à
l ’Ussura. Il parle de Ketheryna avec respect, regret et frus-
tration. Sa popularité, sa personnalité et son histoire unique
le placent comme candidat idéal pour devenir Czar, mais il
n ’est pas assez précis au sujet de ses ambitions. Cette incer-
titude constitue sa plus grande faiblesse.
Accroches scénaristiques
• Peu après son retour à la capitale, une myriade
d ’individus chercha à s ’accaparer le pouvoir et
chacun déclara être le véritable prince banni. La
Knias Douma, dépassée, se prépare à tous les
ignorer en faveur de Ketheryna, à moins que le
véritable Ilya ne puisse prouver son identité. Les
Héros sauront-ils l ’aider à prouver qu ’il est le vrai
et unique prince banni ?
• Réapparue à la capitale, la mère d ’Ilya, Vera,
raconte partout que son fils lui manque. Elle exige
un poste dans son tout nouveau gouvernement.
Ilya aurait bien besoin d ’une alliée de sa trempe,
mais il se souvient à peine du visage de la femme
qui l ’a enfanté. Celle-ci semble avoir des inten-
tions cachées et n ’acceptera pas d ’être repoussée.
Les Héros pourront-ils l ’aider à découvrir le
secret de Vera ?
ï
112 CHAPITRE 3 : L'USSURA
LA MORT DU CZAR
Qui a tué le Czar à coups de stalactite ?
Dimitri Babineaux tient plus de l ’amant
que du tueur, mais il est robuste, et il avait
de gros griefs envers le Czar. A-t-il tué par
peur pour le bien-être et la liberté de sa
bien-aimée ?
La métropolitaine Lyuba voit du potentiel
dans l ’effort de modernisation de Ketheryna.
Elle a grandi en Eisen et, montrant moins de
respect que les Ussurans aux esprits locaux,
elle souhaite purger l ’Église des croyances
païennes à ce sujet. L ’assassinat n ’est pas
son style, mais la violence oui. Peut-être
a-t-elle saisi une occasion pour favoriser
l ’Église orthodoxe ?
Ilya est un Héros, il ne s ’abaisserait pas à
tuer son père… Mais pourrait-il assassiner
son père adoptif, celui qui l ’a répudié à cause
de sa maladie après qu ’il a perdu son père
biologique et son frère aîné ? De plus, même
si le véritable Ilya ne pourrait pas faire une
telle chose, il se peut qu ’un sosie ait conspiré
dans l ’ombre pour s ’en charger.
Ketheryna est une femme pragmatique, et
elle avait plus à perdre que quiconque. Mais
est-elle calculatrice au point d ’avoir tué par
amour pour Dimitri ?
Le Général Hiver est le plus célèbre tueur de
tout l ’Ussura, et la glace est son élément. De
plus, un gouvernement déstabilisé ne pourrait
pas s ’opposer à son ascension.
Le Czar n ’a-t-il pas perdu sa légitimité auprès
de Matushka quand, sans demander son avis
à l ’esprit ancestral, il a répudié Ilya puis s ’est
marié avec Ketheryna ? Après tout, un pic de
glace en plein cœur, c ’est tout à fait le style
de Grand-mère Hiver.
Ketheryna Fischler Dimitritova
Ketheryna Fischler Dimitritova est la fille d ’un Eisenfürst
marié à une Ussurane. Enfant, sa mère mourut attaquée par
une Horreur, et son père passa beaucoup de temps à éviter
qu ’elle subisse le même sort. Elle grandit donc à l ’abri de
tout (mais pas isolée), bénéficiant de la meilleure éducation
possible et de l ’entraînement nécessaire pour se défendre
contre les Horreurs.
À cette époque, des recruteurs progressistes du Czar Gaius
Iriney parcouraient l ’Eisen en quête de scientifiques promet-
teurs. Les inventions de la jeune femme attirèrent leur
attention. Pour s ’amuser, Ketheryna avait en effet assemblé
plusieurs pièces mécaniques récupérées dans les rues de la
ville de Fischler. Elle avait construit une lanterne qui dessi-
nait la carte de l ’Eisen sur un mur par un jeu d ’ombre et
de lumière, combiné un globe de verre à un tube gradué
en les plaçant au-dessus d ’un réservoir d ’eau réagissant aux
changements de température. Elle avait également conçu
des réglettes déplaçables qui lui permettaient d ’opérer de
rapides calculs pour ses problèmes mathématiques, et avait
aussi bricolé un petit oiseau mécanique capable de traverser
la pièce en volant avant d ’exploser (une conséquence inat-
tendue, à laquelle elle réfléchit toujours).
Les Ussurans proposèrent à son père, Falk Fischler, une
petite fortune pour l ’emmener à Pavtlow, et celui-ci sauta
sur l ’occasion, voyant là-bas un refuge sûr pour sa fille chérie.
Elle s ’installa avec plaisir dans la capitale ussurane, où elle
tomba amoureuse du danseur de ballet montaigno-ussuran
Dimitri Babineaux. Elle découvrit par la suite que le Czar la
voulait pour épouse, et que son père avait accepté le marché
sans rien lui demander.
La nuit de noces, Ketheryna découvrit le Czar mort sur le
lit nuptial, une stalactite de glace enfoncée dans le cœur. La
maisonnée déclara qu ’il était décédé dans son sommeil après
avoir consommé le mariage, mais quand Ketheryna reven-
diqua le trône après avoir épousé Dimitri sans respecter de
période de deuil, des rumeurs se répandirent, soufflant que
les amants avaient assassiné le Czar.
Ketheryna fit déménager la cour à Bashanta. Sur ses
ordres, le Prince Bogdan de Veche transforma le petit
village en « ville du futur », artistique et moderne dans son
architecture, nantie des dernières avancées technologiques.
De nombreux Ussurans doutent des intentions de
Ketheryna. L ’Ussura est-elle l ’Ussura, avec des technologies
nouvelles et des routes modernes ? N ’est-ce pas un plan
pour vendre le pays à ses voisins de l ’Ouest ?
Interpréter Ketheryna
Ingénieuse, visionnaire et passionnée, Ketheryna parle vite
et pense plus vite encore, toujours à tester une nouvelle
invention. Ses cheveux blonds et ses yeux bleus clairs
l ’aident à s ’intégrer parmi les boyards, même si sa peau est
plus sombre que la plupart d ’entre eux.
Elle aide volontiers son prochain, mais en retour, elle
assigne le plus souvent une mission un peu folle, comme,
par exemple : « Et si vous repreniez à l ’Inquisition ce téles-
cope expérimental qu ’elle nous a volé ? », ou bien « Vous
allez m ’aider à mettre en place une nouvelle université à
Bashanta ». Elle respecte le lien d ’Ilya avec le peuple, mais
elle trouve ses ambitions trop légères. Ils étaient amis,
jadis, et elle éprouve toujours de la sympathie pour lui.
Néanmoins, elle préfèrerait qu ’il travaille sous ses ordres
plutôt que de le voir retenir son pays dans le passé.
Elle souhaite que l ’Ussura devienne ce que la Castille était
voilà cent ans, même si cela signifie enterrer les traditions.
Ketheryna est brillante et captivante, mais technocrate. Elle
ne sait presque rien des moujiks de Veche, ou encore des
cavaliers khazaris au nord-est de Molhynia.
Accroches scénaristiques
• Une femme de chambre rencontre les Héros pour
leur remettre des preuves qui permettraient d ’iden-
tifier l ’assassin du Czar. Cependant, la femme
pense avoir été suivie, et craint qu ’on ne veuille la
tuer avant qu ’elle ne rende ces éléments publics.
• Une mission diplomatique inattendue dans l ’Eisen
force Ketheryna à quitter Bashanta. Tout le monde
s ’attend à ce que Dimitri règne à sa place en son
absence, mais il est danseur de ballet, pas politi-
cien, et certains des acteurs politiques les plus rusés
entendent bien en profiter.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 113
 Altai Khatoun
Voilà des siècles, les hordes du Khan de Fer déferlaient sur
la Théah et le Cathay. À sa mort, l’effondrement logistique
et les ambitions de chacun morcelèrent le plus grand empire
du monde en une multitude de khanats querelleurs. Altai
Kathoun (titre féminin pour Khan) est la descendante de
l’un de ces nombreux khanats. Lorsque ses ennemis s’allièrent
pour l’éloigner du trône, son clan s’enfuit en Ussura.
Au rang des plus célèbres chevaliers de la Rose et de la
Croix, la Kathoun Altai rêve d ’un empire, mais se méfie du
pouvoir politique. À quoi bon un empire quand le chaos
règne et que les clans se déchirent ? Toutefois, la culture
d ’un peuple et ses idées sont éternelles. Altai souhaite
ériger un khanat de l ’esprit, qui étendrait ses idéaux à
travers l ’Ussura, puis sur le monde : elle veut que règnent
bravoure, camaraderie, force et—point problématique s ’il
en est—liberté de culte.
« Ma religion est la seule vraie religion » : cette idée
demeure aussi répandue que crainte, surtout après la Guerre
de la Croix et l ’accession au pouvoir du cardinal Esteban
Verdugo. Altai pense que la Théah a grand besoin du bon
vieux sentiment interreligieux des Khazaris : pourquoi
se contenter d ’une religion quand on peut en avoir une
demi-douzaine, juste au cas où l ’une d ’entre elles se trompe-
rait ? Dès que des hommes en oppressent d ’autres à cause de
leur foi, les kheshigs d ’Altai Khatoun (ses gardes d ’honneur,
l ’élite des combattants khazaris) s ’en vont donc réparer les
torts commis et défendre les innocents, peu importe la reli-
gion menacée.
Aussi plaisante qu ’elle soit, Altai s ’est fait des ennemis, qui
craignent que son « khanat de l ’esprit » ne soit qu ’un galop
d ’essai pour un khanat de flèches et de force.
Quand Altai chevauche vers l ’ouest ussuran, les ortho-
doxes extrémistes lui réservent un accueil glacial. Les
Sécessionistes de Lyuba—un mouvement prônant la puri-
fication de l ’Église orthodoxe ussurane de ses influences
folkloriques—dénoncent l ’œcuménisme d ’Altai et l ’accusent
de mener une guerre contre les vrais dévots. Certains ont
d ’ailleurs provoqué ses cavaliers, lors de prières publiques et
de repas, accusant ensuite les « cosaques assoiffés de sang »
d ’avoir lancé les hostilités.
Par ailleurs, les penchants politiques d’Altai ne sont pas
clairs. Elle ne souhaite que le meilleur pour sa Nation, et
pense qu’Ilya comme Ketheryna pourraient la diriger correc-
tement. Elle souhaite à tout prix éviter la guerre civile, bien
que certains esprits chagrins la soupçonnent du contraire.
ï
114 CHAPITRE 3 : L'USSURA
Interpréter Altai Khatoun
Altai Khatoun est la quintessence bogatyr : audacieuse,
courageuse, belle, entourée de mécènes et d ’admirateurs, elle
est toujours en chemin pour une nouvelle aventure. La peau
mate, elle coiffe ses longs cheveux noirs et soyeux en tresse
dans son dos, et ses yeux marrons fauves pétillent de vie.
Elle accorde sa confiance à quiconque lui paraît juste et
héroïque : faites une bonne première impression, et elle vous
invitera aussitôt à la rejoindre dans une chasse aux bandits,
ou à sauver quelques hérétiques des feux de l ’Inquisition.
Bien qu ’elle reconnaisse son influence sur les Khazaris, elle
hésite à s ’engager en politique, changeant de sujet dès qu ’on
mentionne Ilya ou Ketheryna. Il est peu probable qu ’elle
choisisse un camp, à moins d ’une guerre imminente.
Accroches scénaristiques
• Le fidèle étalon d ’Altai Khatoun, Borya, a été
enlevé ! Ce légendaire cheval de guerre est aussi
vaillant et intelligent qu ’Altai elle-même (du moins
selon ses dires, car personne d ’autre ne parvient à
le comprendre). Qui est le coupable ? S ’agit-il d ’un
ennemi politique qui chercherait à l ’attirer dans un
piège ? Peut-être les Héros pourront-ils l ’aider à
agir sans se faire attraper.
• Un Inquisiteur a lancé un défi à Altai Khatoun :
parler de religion dans un débat public. Altai n ’est
pas une oratrice de ce genre, et par ailleurs, elle
pressent le piège. Elle a besoin d ’un champion, et
seul le meilleur des orateurs pourra faire l ’affaire.
Les autres Héros lui serviront de gardes du corps.
 Désormais, il s ’arrange du mieux qu ’il peut pour ne pas
L ’archiduc Aleksi Pavtlow être politiquement dépassé. La tradition veut que l ’archiduc
Markov v ’Novgorov de Novgorov dirige la Knias Douma, mais cela ne l ’intéresse
Alyosha (le diminutif pour Aleksi) de Novgorov n ’a pas pas. De plus, il assume ses opinions politiques : en tant
toujours été prince. Jadis marchand gobelin dans la forêt qu ’heureux membre adopté de la Nation, il soutient Ilya,
de Borovoi, non loin de Somojez, il vendait et achetait beau- contre les détracteurs du prétendant qui lui reprochent de
coup sur le marché gobelin local. Une nuit, il tomba sur ne pas être le fils biologique de l ’ancien Czar et l ’estime donc
Masha, une jeune femme effrayée qui s ’était réfugiée dans indigne d ’accéder au trône.
une hutte au cœur de la forêt. Après avoir pris des traits Il s ’inquiète également des envies de réforme de la métro-
humains, il s ’assit avec elle et lui fit présent de quelques politaine Lyuba, car cela expulserait les entités comme lui
objets achetés sur le marché, lui racontant les légendes des croyances populaires. Alyosha doute de ses propres
de la forêt, intégrant les bruits et les grondements dans capacités de politiciens. Pourtant, il devra peut-être passer
ses histoires. à la vitesse supérieure, même s ’il risque pour cela de trahir
Masha était la fille de l ’archiduc de Novgorov. Elle s ’était sa véritable identité. Cela dit, pour l ’instant, personne n ’a
enfuie de chez elle car elle ne s ’entendait pas bien avec sa interdit aux gobelins de siéger à la Knias Douma.
belle-mère. Avant de rentrer à Rurik, elle insista pour que
le gobelin l ’accompagne (même si, bien sûr, elle ignorait Interpréter l ’archiduc Alyosha
encore sa vraie nature). Elle le présenta à ses parents comme Alyosha a beau être un gobelin de Borovoi, il est heureux
l ’homme qui l ’avait aidée quand elle en avait eu besoin, et la d ’aider les autres, et s ’avère également doué pour les mathé-
famille de Masha, soulagée, le récompensa de divers cadeaux, matiques. Quand les manières humaines le dérangent, il
avant de faire de lui le frère adoptif de sa protégée. dissimule son malaise derrière ses sautes d ’humeur. Sa vie
À la mort du vieil archiduc, Alyosha fut, comme tout le de gobelin lui manque, mais il ne résiste pas au défi fascinant
monde, surpris de se découvrir héritier désigné. Masha de l ’existence humaine. Il est toujours bon ami avec Masha,
avait décliné le titre, préférant entrer dans les ordres de qui est aujourd ’hui nonne de l ’Église orthodoxe à Pavtlow.
l ’Église orthodoxe.
Le problème, c ’est qu ’Alyosha ne s ’était jamais vraiment Accroche scénaristique
comporté comme un humain. De nature plutôt capricieuse • Masha craint que son confesseur, la seule
et caractérielle—normal, pour un gobelin ! —il lui fut diffi- personne au monde qui connaisse la vraie nature
cile d ’assimiler toute l ’étiquette humaine (et de faire vieillir d ’Alyosha, ne partage ce secret avec quelqu ’un
son apparence au rythme de celle de son espèce d ’adoption). d ’autre. Mais qui ? Les Héros sauront-ils l ’aider à
Avec le temps, il apprit à plutôt bien se débrouiller. garder ce secret ?

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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 115
 Le prince Bogdan Siev
Benediktov v ’Vladimirovich
Le prince Bogdan, trente-huit ans, se trouve très malchan-
ceux. Il s ’habille élégamment mais est de stature très
moyenne. Ses yeux verts sont encadrés de cheveux fins et
d ’une barbiche blonde qui, malheureusement, reste très
modeste au royaume des barbes fournies. Il est l ’un des
boyards ussurans les plus puissants, mais il dirige Veche,
une province guère peuplée qui lui rapporte moins de
revenus que ses confrères de la Knias Douma. Il n ’est pas
très intelligent, ni aussi bon orateur que les autres boyards.
Il demeure certes l ’un des Ussurans les plus riches et
influents, mais il n ’a pas le sentiment de l ’être réellement.
Bogdan prend de gros risques qui payent peu. Ainsi,
quand Ketheryna décida de déplacer sa capitale à Bashanta,
en Veche, il promit de construire la cité de ses rêves dans
un laps de temps très réduit : moins de deux ans. Pour cela,
il engagea des moujiks et les surchargea de travail—les
menant parfois à la mort—afin qu ’ils bâtissent en un an
à peine les brillants joyaux architecturaux de Bashanta. Il
a réussi à achever la construction de la ville dans les temps,
mais les champs de Veche sont restés en jachère, car les
moujiks qui les cultivaient d ’ordinaire travaillaient à la capi-
tale (ou bien y étaient morts). À ce jour, le prince Bogdan
ignore si son peuple survivra à l ’hiver, et il compte acheter
sa nourriture auprès des provinces voisines.
Deux années auparavant, lorsque l ’armée du Général
Hiver débarqua à Veche, le prince comprit qu ’il avait trouvé
son champion. Ayant entendu des rumeurs d ’attaques aux
frontières et de boyards morts gelés, il se dit : « Voilà un
homme en qui je pourrais avoir confiance ». Lorsque le
soldat aux yeux de glace apparut à la porte de son château,
exigeant l ’accès à ses quartiers privés et demandant à ce que
soit nourrie la terrifiante armée silencieuse qui amenait
l ’hiver où qu ’elle aille, Bogdan accepta immédiatement. Le
problème, c ’est qu ’il avait déjà les poches vides.
Bogdan accepta donc l ’argent que l ’Inquisition lui proposa
pour faire venir des espions des Cinq Voiles en Ussura. La
cour de Bogdan abrite aujourd ’hui un Inquisiteur, et le
prince ne connaît pas son identité. Il n ’ose donc plus utiliser
son pouvoir familial (qui lui permet de se transformer en
ours) de peur que l ’Inquisiteur ne transmette l ’information
à Verdugo. De plus, l ’Inquisition souhaite arrêter le Général
Hiver, sorcier dangereux qui menace le monde vaticin. Le
prince pourra-t-il continuer à servir deux maîtres à la fois ?
Interpréter le prince Bogdan
Le prince Bogdan est un privilégié, peu sûr de lui et
médiocre. Il a les cheveux blonds, la peau claire, et des yeux
verts. La tête toujours rentrée dans les épaules, il baisse le
regard à table. Il ne croise celui des Héros qu ’avec crainte, et
toutes ses phrases se terminent en marmonnements.
Il s ’excuse beaucoup et semble blessé d ’avoir à le faire.
Convaincu de sa propre infériorité, il compense en agres-
sant tous ceux qui lui paraissent exceptionnels. Il prie pour
que l ’un de ses patrons devienne si puissant que l ’autre
soit incapable de l ’atteindre. Toutefois, si cela arrivait, ne
serait-il pas puni ?
Accroches scénaristiques
• Par malheur, le prince a invité le Général Hiver à
lui rendre visite en même temps que le cardinal
Fátima Campos, une importante Inquisitrice d ’El
Concilio de la Razón. Bogdan supplie les Héros de
l ’aider à divertir l ’un et l ’autre pendant qu ’il réorga-
nise avec frénésie son château afin d ’éviter que ses
convives ne s ’y croisent.
• De moins en moins sûr de sa propre sécurité, le
prince se rend compte qu’il est temps d’user de son
pouvoir familial, et de se transformer en ours géant
capable de dévorer ses ennemis. Il est un peu rouillé,
mais il se fait plus confiance pour survivre parmi les
ours que les humains. Est-il sûr de laisser un empoté
pareil utiliser un pouvoir aussi dangereux ?

ï
116 CHAPITRE 3 : L'USSURA
Dame Arzu Sousdal bint
Erdog an v ’Riasanova
À dix-huit ans, dame Arzu est la plus jeune et la plus criti-
quée des membres de la Knias Douma. La famille Riasanova
de Gallenia descend de la noblesse ussurane ayant épousé
des marchands croissantins. Dīniste dévouée, elle se rend
aux réunions de la Knias Douma en costume traditionnel,
avec la veste doublée de fourrure, la robe, le voile et le turban
importés d ’Iskandar.
Sa foi la place en opposante de la métropolitaine Lyuba.
Quant à Altai Khatun, qui la soupçonne d ’être alliée avec ses
ennemis khazaris des rives orientales du fleuve Szabla, elle
respecte son engagement pour la liberté de culte et entre-
tient avec elle des relations amicales.
Dame Arzu sait, que les Khazaris, et Koshchei l ’Immortel
de la province voisine de Molhynia, voient d ’un mauvais œil
ses velléités de réduire le nombre de patrouilles cosaques à
la frontière orientale pour l ’ouvrir aux marchands cathayens,
tandis qu ’Ilya s ’inquiète des influences étrangères et que
Ketheryna pense que l ’Ussura devrait s ’ouvrir à l ’ouest et
non à l ’est.
Ses informateurs dans les Sociétés secrètes lui ont indiqué
que le prince Bogdan soutient le Général Hiver, qu ’elle
craint et déteste. Elle a tenté de prévenir les autres boyards
au sujet du Général, sans toutefois trahir le fait qu ’elle en
sait plus que tout le monde. Pour le moment, nul n ’a encore
vu en lui une menace.
L ’archiduc Alyosha se montre chaleureux avec elle, mais
il est bien le seul. Son manque de popularité l ’expose à de
fréquentes révoltes paysannes, tentatives d ’assassinat poli-
tique et autres agressions. Elle est parvenue à rester en vie
grâce à ses contacts avec les multiples Sociétés secrètes. El
Vagabundo est depuis longtemps allié de sa famille, et a déjà
sauvé ses parents de nombreuses tentatives d ’assassinat. Elle
engage aussi des Ushkuiniks pour déplacer ses marchan-
dises par les rivières jusque dans les Nations voisines.
Seuls ses proches confidents savent qu’elle envisage de faire
sécession avec l’Ussura pour accepter l’offre de l’Impératrice
du Croissant, qui lui a proposé de la rejoindre. Il ne s’agit
pas juste d’une volonté d’ouverture culturelle : la plupart des
Gallenians ont au moins un ancêtre croissantin, y compris
les membres de la famille royale ; de plus, le commerce avec
le Croissant paye leur nourriture et leurs habits. Dame Arzu
aurait certes moins de pouvoir dans l’Empire du Croissant,
mais c’est un faible prix à payer pour servir un gouvernement
qui a apporté davantage à son peuple qu’Ilya ou Ketheryna.
Interpréter dame Arzu
Fière, confiante et inexpérimentée, dame Arzu n ’hésite
pas à couper la parole de ses interlocuteurs. Elle aime
s ’exprimer avec conviction, sans détours ni diplomatie. La
Knias Douma la traite avec agacement à force de perdre
les débats auxquels elle participe sans vraiment fournir
d ’arguments. L ’assemblée respecte malgré tout sa force de
caractère. Ses contacts avec les diverses Sociétés secrètes lui
offrent un bon aperçu des secrets des uns et des autres. Elle
en sait plus sur elles que n ’importe qui, donc si vous laissez
entendre que vous en faites partie, elle trouvera un moyen
subtil de vous signaler qu ’elle sait. Si vous avez besoin d ’un
allié pour louvoyer entre les différentes Sociétés secrètes,
elle représente votre meilleur atout.
Accroches scénaristiques
• Dame Arzu doit rencontrer un « marchand crois-
santin » à Sousdal. On dit qu ’il s ’agit en fait d ’un
diplomate du Croissant ou du Cathay. Ses gens
souhaitent l ’empêcher d ’agir, craignant qu ’elle
ne cède la Gallenia à l ’une des puissances de l ’est.
Afin d ’apaiser les esprits, dame Arzu demande aux
Héros de l ’accompagner à cette rencontre.
• Pour protester contre les projets d ’ouverture des
frontières de dame Arzu, le boyard le plus puissant
de Gallenia a coupé l ’une des principales routes
commerciales reliant la Curonie à l ’Ussura. Il a
fait savoir qu ’il entendait repousser tout contreve-
nant, d ’où qu ’il vienne, jusqu ’à ce que dame Arzu
renonce à ses projets.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 117

Koshchei « l ’Immortel »
Breslau Aglayev v ’Pietrov
Koshchei a la réputation d ’être un Scélérat. Un seul coup
d ’œil suffit à s ’en rendre compte : il ressemble à un squelette
avec une peau cireuse et tendue, et rien que regarder au
fond de ses yeux creux met mal à l ’aise. Aux réunions de la
Knias Douma, il ne parle presque pas, ni ne cligne des yeux.
Quand il daigne donner son opinion, elle est succincte. Sa
voix, un râle d ’agonie, fait frissonner tout le monde.
C’est en déposant son âme et sa mort dans un œuf—caché
dans un canard, dissimulé dans un lièvre, au fond d’un coffre
aux trésors, lui-même enseveli sous un arbre qui se trouve sur
une île lointaine de la côte vodacci—qu’il est devenu ce qu’il est.
Tant que personne ne brisera l’œuf, la mort ne le touchera pas.
Koshchei voyage précédé par l ’arrivée brusque de nuées
de corbeaux. Ses visites se ressemblent toutes : parfois il
parle, mais souvent, c ’est un gigantesque corbeau perché sur
son épaule qui s ’exprime à sa place. Quand il est intéressé
par un enfant, il offre à sa famille d ’incroyables richesses en
échange : de l ’or, des bijoux, des bêtes et même des terres.
Les familles refusent rarement, et lorsqu ’elles le font, cela
n'empêche parfois pas l'enfant de disparaître
Lorsque les nouveaux prisonniers de Koshchei passent
le seuil de son château, les choses deviennent vraiment
bizarres. Derrière les murs menaçants de pierre noire et Accroches scénaristiques
glacée se trouve une petite ville, dont les tours s ’élèvent aussi • Quelques boyards ont engagé des bogatyrs et
haut dans le ciel qu ’elles s ’enfoncent dans la terre. En ville,
les habitants, pour la plupart des femmes et des enfants,
s ’affairent dans la joie et la bonne humeur.
Durant des centaines d ’années, Koshchei a entretenu sa
réputation de veuf malfaisant pour dissimuler ses véritables
activités. En fait, il utilise son réseau de corbeaux pour
dénicher les enfants maltraités en Ussura. Son argent, son
pouvoir et sa réputation dissuadent les auteurs des maltrai-
tances de ne jamais revenir chercher leur progéniture.
Interprêter Koshchei l ’Immortel
Terrifiant, laconique, incompris : en public, Koshchei parle
aussi peu que possible et bouge avec une lenteur effrayante
et délibérée. Il est souvent entouré de corbeaux. Le plus
gros, perché sur son épaule, s ’exprime à sa place. Dans son
château, il se détend. Il devient poli, plein de sollicitude,
demandant sans cesse à ses pupilles s ’ils ont besoin de
quelque chose en provenance du vaste monde. Il en laisse
même retourner chez eux une fois qu ’il les juge en sécurité,
gardant contact grâce à ses corbeaux, et les ramenant dans
ï
sa ville si jamais ils ont des ennuis.
118 CHAPITRE 3 : L'USSURA
LA KNIAS DOUMA
Le nouveau Czar n ’ayant toujours pas été
choisi, les boyards de la Knias Douma sont
divisés et ne cessent de se quereller. Jadis,
même si les cinq grandes familles ne s ’accor-
daient jamais sur rien, elles étaient cependant
unies dans leur dévouement envers l ’Ussura.
Désormais, leur fidélité se disperse entre
Ketheryna et Ilya, ce qui a provoqué la mise à
l ’arrêt du gouvernement.
Si les familles soutenaient un seul prétendant
au trône, elles parviendraient à un consensus
et les choses reprendraient leur cours. Le
problème est que nombre des membres de la
Douma, à l ’image de l ’Ussura, ne savent pas
qui soutenir. La famille Pscov, qui penche vers
Ketheryna, a essayé de provoquer un vote
unanime en sa faveur, mais personne d ’autre
ne s ’est décidé à la soutenir.
Il semblerait que les familles cherchent une
approbation extérieure, possiblement de
Matushka, et refusent d ’agir de crainte de
choisir le mauvais monarque. Étant donné que
le gouvernement est bloqué, seules les déci-
sions prises par Ilya et Ketheryna en personne
continuent à faire avancer la Nation.
déployé une armée pour attaquer le château de
Koshchei et récupérer « leurs enfants ». Koshchei
est inquiet : les adultes peuvent se battre, mais ils
ne sont pas nombreux, et même s ’ils combattent, le
secret de l ’Immortel sera révélé. Les Héros pour-
ront-ils l ’aider à se sortir de cette situation ?
• Le précieux amalgame coffre-lièvre-canard-œuf de
Koshchei se trouve sur une île non loin de la côte
vodacci. Il souhaite déplacer l ’artefact au nord de
Molhynia, où il pourra le surveiller plus facilement.
Il a besoin d ’aide pour qu ’on le bouge à sa place, ou
pour protéger l ’objet en chemin.
La métropolitaine Lyuba Veche
Klimentova v ’Pscova
L ’impressionnant pedigree religieux des Pscov aurait pu
élever Lyuba, évêque métropolitaine, encore plus haut
dans la hiérarchie de l ’Église orthodoxe ussurane. Dans
le monde orthodoxe, le métropolitain est bien plus qu ’un
guide spirituel : il agit en chef de communauté. Plus haut
dans la hiérarchie, certains dévots se tournent vers des
carrières politiques.
Sa charge à la Knias Douma occupe la majeure partie
de son temps, ce qui l ’empêche de grimper les échelons du
pouvoir. Cependant, Lyuba nourrit de plus grandes ambi-
tions, qui ont déjà entraîné Somojez dans une tourmente
menaçant d ’engloutir l ’Ussura.
Lyuba pense que les rituels orthodoxes qui honorent les
domoviye (au singulier : domovoi), Leshiye et autres esprits
locaux constituent, au mieux, des distractions, au pire une
hérésie. Si l ’Église orthodoxe ussurane veut un jour fran-
chir les frontières de sa Nation, elle doit abandonner ce qui
la rend régionale, et surtout ce méli-mélo spirituel. Non
seulement Lyuba a exprimé son opinion en public, mais
elle a aussi réformé les églises de plusieurs grandes villes et
villages de Somojez. Ces réformes modifient certains détails
symboliques des rituels, centralisant le pouvoir entre les
mains des membres du haut-clergé (ce qu ’elle approuve) et
effaçant toute mention des esprits ussurans.
Ses partisans ne sont pas des plus recommandables. Les
Sécessionistes rassemblent une foule de gens violents,
hargneux, dont l ’intention est de purger l ’Église de ses
éléments impurs. Dès qu ’une figure publique s ’exprime
contre les réformes de Lyuba, par exemple un prêtre, ses
sbires prennent d ’assaut la demeure privée de l ’opposant,
cassent ses fenêtres et y mettent le feu. Les rumeurs
abondent, disant que les Sécessionistes ont même appris à
assassiner l ’esprit domovoi de leur propre maison.
De nombreux boyards soutiennent les réformes de la
métropolitaine Lyuba et pour cause : étant donné que
les oligarques fournissent souvent à l ’Église des enfants
qui deviennent prêtres, elles sont heureuses d ’y voir se
centraliser le pouvoir. Elles associent les Leshiye et autres
esprits à de vulgaires superstitions, se croyant au-dessus de
ces choses. Néanmoins, de nombreux membres de l ’intel-
ligentsia ussurane lancent un cri d ’alerte, rappelant que le
mouvement de la métropolitaine ressemble un peu trop à
celui des adeptes du troisième Prophète.
Interpréter la métropolitaine Lyuba
Pieuse, zélée, sans pitié, Lyuba est une oratrice passionnée.
Ses cheveux noirs, épais et soyeux, encadrent une peau pâle
et des yeux sombres. Elle n ’est pas d ’une beauté convention-
nelle, mais son éloquence parvient à rallier même le plus
averti des publics.
Bien que ses sermons ne soient pas aussi explicitement
révolutionnaires et apocalyptiques, Lyuba se considère
comme le troisième Prophète de l ’Église orthodoxe. Dès
qu ’elle apparaît en tant que représentante officielle, la
métropolitaine se pose en parangon de bienséance et
de respectabilité.
Elle appartient à la catégorie la plus dangereuse des déma-
gogues : ses discours, appropriés et diplomates en apparence,
incitent subtilement ses fidèles des classes les plus basses à
user de violence pour répandre la bonne parole. Quand elle
parle, on a l’impression d’entendre des formules toutes faites,
comme si elle avait mémorisé son discours (ce qui est le cas).
Ses actes ne relèvent pas de ceux d ’une Scélérate, mais
leurs conséquences, si. Même les meilleures intentions du
monde peuvent nous détourner du droit chemin. Les Héros
pourront-ils aider Lyuba à retrouver le sien ?
Accroches scénaristiques
• L ’idéologie des Sécessionistes gagne du terrain
parmi les moujiks. Les streltsy (gardes impériaux)
s ’inquiètent de la violence et du chaos qu ’ils repré-
sentent. Le capitaine des streltsy a lancé une fausse
rumeur pour attirer les Sécessionistes dans un
piège, espérant déclencher une émeute qui donne-
rait à ses gardes une bonne raison de les anéantir.
Les Héros doivent intercepter la fausse rumeur,
tout en essayant de guider les streltsy vers une voie
moins scélérate.
• La métropolitaine s ’inquiète des gens qui acceptent
les cadeaux des Leshiye, et pense qu ’ils incarnent
l ’un des aspects les plus problématiques de la
croyance orthodoxe. Elle contacte un Héros
observateur et discret, dans l ’espoir de le recruter
pour la « division de recherche » de son courant
réformateur (comprendre : sa propre Inquisition).
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 119
 Gertrude Schmidt Owen Laslo
Gertrude « Trudy » Schmidt naquit en Ussura, et fut Owen Laslo est né à Dunkeen, dans l ’Inismore, avant la
presque aussitôt abandonnée dans la forêt de Borovoi, près fin de la Guerre de la Croix. Son père était marchand et
de la frontière eisenör. Une louve la recueillit alors, s ’occu-
sa mère pêcheuse. Il fut élevé dans l ’amour de la mer, et il
pant d ’elle comme de l ’un de ses louveteaux. Quelques pensait rejoindre la flotte militaire afin de participer à la
années plus tard, l ’animal la guida jusqu ’à un campement Guerre. Cependant, le conflit ayant pris fin, il ne put que
en lisière de la forêt, du côté de l ’Eisen, où elle la laissa.
devenir marin à bord d ’un navire marchand, un maigre lot
Gertrude se souvient de peu de choses de cette enfance de consolation.
parmi les loups, même si, parfois, quelques détails lui Son premier voyage le fit passer par la Gueule, et l ’emmena
reviennent en rêve. jusqu ’au Vestenmennavenjar. Là, dans une taverne de
Trudy grandit dans une ferme et, comme la plupart des Vendel, il rencontra un capitaine pirate ussuran du nom de
enfants de l ’Eisen, elle apprit à se défendre contre les Dina. Après avoir bu et joué aux dés toute la nuit, Laslo
Horreurs. Elle détestait la vie paysanne : les corvées lui gagna son respect, mais également une place à bord de son
navire. Ils mirent les voiles deux jours plus tard.
pesaient, le travail l ’ennuyait et elle n ’en pouvait plus de
rester indéfiniment au même endroit. À dix-sept ans, elle L ’équipage faisait partie de la Fraternité de la côte, et était
s ’enfuit pour retourner dans la forêt. Elle survécut en suivant
en compétition constante avec les Pilleurs vestens. Laslo
les animaux, se cachant lorsque les Horreurs surgissaient. servit à leurs côtés de nombreuses années avant que leur
Elle finit par refranchir la frontière de l ’Ussura, et entendit
navire ne fasse naufrage près de Rurik.
immédiatement l ’appel de sa Nation. Pour la première fois Les Pilleurs vestens les avaient souvent avertis de quitter
de sa vie, elle se sentait chez elle. leurs eaux, mais Dina faisait la sourde oreille, préférant
L ’appel semblait provenir de la terre, mais Trudy finit par
continuer à leur proposer de rejoindre la Fraternité. Cette fois,
se retrouver face à la louve de son enfance. Elle prit alors au lieu de se contenter de plaisantes menaces, le navire des
conscience qu ’il ne s ’agissait pas d ’un animal ordinaire. La
Pilleurs tourna ses canons vers eux. Le combat qui s’ensuivit
louve lui avait appris à parler avec les animaux et, même fut sanglant et dévastateur pour le navire de Dina. Peu de
comment, un jour prochain, elle pourrait se transformer en marins survécurent, et le capitaine périt avec son bâtiment.
louve elle aussi. Les vagues rejetèrent Laslo sur la côte. Il se retrouva ainsi
coincé en Ussura sans aucun travail, aucun ami, personne
Trudy finit par trouver le chemin de Veche, où elle utilisa
ses dons pour aider son prochain. Elle joua de malchance, pour se porter garant de ses compétences. Pragmatique, il
se choisissant des amis et des amants qui se révélaient être se mit en quête d ’un nouveau navire à bord duquel servir.
des Scélérats de la pire espèce. Ses errements prirent fin Lors de sa recherche, il apprit qu ’il s ’était taillé une belle
quand elle tomba amoureuse d ’Ekaterina, la femme de l ’un réputation : on reconnaissait aisément le féroce Inish aux
de ses amis, Timofey. Lorsque Trudy appris que ce dernier cheveux rouges ayant servi sous le drapeau noir de Dina.
était en vérité un fou et un meurtrier, elle déchaina toute Les récits de ses aventures en mer le précédaient où qu ’il
la colère divine de Matushka sur lui, et libéra Ekaterina. À aille, et tout le monde connaissait son nom.
présent, elles vivent à la frontière de la province de Veche, Ce fut à la fois une chance et une malédiction. Aucun
près de la forêt de Borovoi. Trudy continue d ’agir au nom dehonnête navire marchand ne voulait de lui, et peu de
Matushka, empruntant les chemins forestiers pour voyager. bateaux pirates faisaient escale à Rurik. D ’un autre côté, les
gens ne lui cherchaient pas noise non plus, et accédaient à
Interpréter Gertrude Schmidt ses demandes par crainte ou respect.
Charitable, puissante et un peu trop naïve, Gertrude Très vite, Laslo a compris qu ’il pouvait utiliser sa réputa-
Schmidt incarne tout ce que l ’on attend d ’une personne tion en tant que mercenaire. Les gens l ’embauchaient pour
touchée par Matushka. Elle est grande, avec des cheveux toutes sortes de tâches, de gardien de caravane à usurier,
sombres, des yeux verts et brillants, et a un petit côté travail où il récupérait les dettes de l ’un en secouant les
sauvage. Elle aide ceux qui sont dans le besoin, peu importe épaules de l ’autre. Il se mit alors à embaucher. Assez vite, il
les problèmes que cela lui apporte, et demande rarement se retrouva à la tête d ’une importante compagnie de merce-
quoi que ce soit en retour. naires, employant des bretteurs, des gardes, des voleurs et
même quelques jennys.

ï
120 CHAPITRE 3 : L'USSURA
 Désormais, à Rurik, quiconque a besoin d ’un mercenaire
embauche l ’un de ses hommes. La compagnie ne se dirige
pas toute seule, et Owen passe désormais la plupart de son
temps à gérer les tractations. Néanmoins, il possède un petit
bateau de rivière qu ’il sort parfois pour aider les Ushkuiniks.

Interpréter Owen Laslo

Owen Laslo est un homme bourru dont le corps s ’est
endurci suite à des années de labeur. Il a tout juste la
trentaine et conserve une vigueur juvénile. Ses cheveux,
d ’un rouge profond, sont rasés aussi courts que sa barbe
est fournie.
Il a beau être un mercenaire, il demeure loyal à l ’extrême.
Son sens de l ’honneur lui interdit de rompre un marché, et
il tient toujours parole. C ’est un homme d ’affaires rusé qui
n ’accepte pas de travail irréalisable, et qui s ’assure que tous
ses employés se montrent à la hauteur de ses exigences.

Accroche scénaristique
• Les Héros tentent d ’écarter un Scélérat du pouvoir,
mais ce dernier a engagé des mercenaires de Laslo
comme gardes du corps. La loyauté extrême de
ce dernier l ’empêche de demander à ses hommes
d ’abandonner leur mission, à moins de circons-
tances vraiment exceptionnelles. Les Héros
sauront-ils le persuader de se retourner contre
son employeur, ou bien se battront-ils contre les
mercenaires dans l ’espoir d ’atteindre le Scélérat ?

ï
 Général Hiver
Il y a de cela quelque temps, les troupes du major Akim
Maksimovich Lagunov répondirent à l ’appel du seigneur
Koshchei pour protéger Molhynia des pilleurs vestens. Un
jour, après que leur général leur a ordonné de poursuivre
les agresseurs en pleine retraite—ordre qui allait contre
les recommandations du major—une tempête de neige
les sépara du corps principal. La nuit tomba, le grain se
renforça, et le soleil ne se leva pas le matin suivant, ni celui
d ’après. Le froid et la faim emportèrent les soldats un par
un, jusqu ’à ce qu ’il n ’en reste qu ’une poignée à s ’efforcer de
survivre aux ténèbres blanches et rugissantes.
Une lueur apparut alors, provenant d ’un traîneau tiré par
deux rennes blancs, dont les décorations dorées brillaient
comme des flambeaux. Rendus fous par la faim, les soldats
se jetèrent sur les animaux pour les tuer et les manger. La
conductrice du traîneau, une grande dame aux cheveux
blancs, soupira et transforma les soldats en neige (générale-
ment la solution à tous ses problèmes). Lagunov, cependant,
continua à tituber malgré son corps transi. « Tu es différent,
dit-elle. Ton cœur est déjà gelé. Je vais y sculpter une forme
plus intéressante. »
Une semaine plus tard, il revint dans la tente de son
général et l ’égorgea avec un couteau de glace avant de
prendre sa place. Tous les soldats reçurent la même offre :
subir le même sort ou s ’engager à ses côtés. « Les Ussurans,
disait-il à ses guerriers, ont reçu une bénédiction unique en
son genre : ils ont les hivers les plus dévastateurs de Théah,
ceux qui tuent les faibles et épargnent les forts. J ’entends
étendre cette chance à la Théah, pour qu ’elle ressemble trait
pour trait à notre Ussura glacée et parfaite. »
Koshchei a depuis perdu le contact avec l ’armée. Les
uns après les autres, les boyards de la province se sont
faits silencieux après que leurs demeures ont été assaillies
par d ’incroyables tempêtes de neige. Et là encore, chaque
homme d'armes s'est vu offrir le même choix : l'allégeance à
Lagunov ou la mort.
Lagunov est un tacticien et stratège de génie. Où qu ’il aille,
le blizzard va. Il récompense ses soldats par des pillages,
distinguant les meilleurs d ’une terrible médaille : il saisit
et transforme leur cœur en glace. Leur sang givre, et le
grésil s ’écoule en courants bleus sous leur peau pâle. Dès
ï
122 CHAPITRE 3 : L'USSURA
lors, ils ne glissent jamais sur la glace, peuvent courir sur
la neige fraîche comme s ’ils volaient, et ne laissent aucune
trace. Une fois leur corps résistant au froid, le gel s ’étend à
leur conscience et leurs émotions, ne laissant survivre que la
logique ainsi qu ’une loyauté absolue envers leur effroyable
maître. Leurs ennemis les appellent « les hommes des
neiges », et leur chef de guerre s ’est vu baptisé « Général
Hiver ». Ce surnom lui plaît.
Interpréter le Général Hiver
Austère, calculateur et impérial, le Général incarne le froid
et la neige ussurans. Il se fiche d ’être l ’ennemi de Matushka
et Tură : ces dieux qui n ’ont pas su empêcher sa transforma-
tion sont trop faibles pour mériter son respect.
Il ne discute guère, pas plus qu ’il ne négocie : il tue. Il
ne respecte que ceux qui ont la même philosophie ou qui
survivent à ses assauts. Avec lui, tout n ’est que violence et
survie, et même ses soldats sont avares de mots quand il
les convoque.
Quelle est sa prochaine cible ? L ’Eisen, menace militaire
la plus sérieuse, dont la frontière n ’a jamais été sûre ? La
Fédération sarmatienne, dont l ’Ussura a longtemps convoité
le territoire et les ports en eaux chaudes ? Ou bien le trône
de la Czarina de Bashanta, à l ’ouest de sa base en Veche ?
Accroches scénaristiques
• Une jeune femme assure être la fille du Général,
née d ’un rendez-vous galant datant de ses années
à l ’académie militaire. Elle partage ses affinités avec
le froid. Elle a besoin d ’aide pour défaire son géni-
teur et lui voler ses pouvoirs, qu ’elle désire utiliser
pour elle-même.
• Un soldat arrive à l ’hôpital, plein d ’engelures,
suppliant qu ’on l ’aide. Il récupère vite. Ses
membres, que les docteurs pensaient perdus,
retrouvent chaleur et vitalité. Il explique avoir
été médecin dans l ’armée du Général Hiver. Il a
été récompensé d ’un cœur de glace, mais assure
avoir renoncé à la transformation à la moitié du
processus. Il a découvert un moyen de ramener les
hommes des neiges à leur humanité. Le Général
Hiver veut les anéantir, lui et son remède.
 Les Sociétés secrètes
La Société des Explorateurs
Sis à flanc de montagne, dans les anciennes structures
syrneth, monastères et reliquaires couronnent les hauteurs
interdites du nord de Somojez. Les Syrneth semblent avoir
conçu ces bâtiments pour des populations nombreuses,
prévoyant quantité de couloirs et de cellules étroites
qui dessinent des cartes labyrinthiques. À l ’extérieur,
grandes places, ponts et amphithéâtres relient ces diffé-
rentes structures.
Les moines construisent de nouveaux bâtiments sur les
ruines de ces miraculeux édifices, dont certains à moitié
suspendus dans les airs, comme autant de ponts reliant un
sommet à l ’autre, comblant le vide sur de vastes distances
grâce à un art et une technique inconnus.
Les essais de reproduction de ces merveilles architecturales
ont tous échoué pour l ’instant. La Société des Explorateurs
se demande si elle ne devrait pas démonter l ’une de ces
constructions pour voir si ce qui la fait tenir debout en vaut
la peine (du moins, si les moines les laissent faire).
Le Collège invisible
La recherche scientifique n ’est pas interdite en Ussura, où
l ’Inquisition n ’a aucun pouvoir. En fait, Ketheryna a même
invité les plus grands esprits scientifiques à Bashanta. Elle
leur fournit un endroit où étudier et ouvre ses universités
suivant le modèle castillian.
Non seulement les membres du Collège invisible voient en
elle une alliée, mais ils considèrent aussi sa cour comme un
refuge. Il se peut donc que l’information, la documentation et
le savoir s’installent pour de bon en Ussura, ce que souhaite
Ketheryna. Le Collège invisible a ici le temps de reproduire
et protéger les savoirs, mais aussi de lancer de nouvelles
recherches. Bashanta constitue une destination de choix pour
qui fuit l’Inquisition, à condition de survivre au voyage.
Los Vagabundos
Sans routes, Los Vagabundos ont du mal à se déplacer et
communiquer à travers l ’Ussura. Cela n ’a cependant pas
empêché une Vagabundo de réussir à espionner le défunt
Czar. La mort de Gaius Iriney s ’est produite sous ses yeux.
Cette Vagabundo a aujourd ’hui disparu, abandonnant le
masque à l ’endroit prévu pour sa suppléante, qui l ’a repris
dans la plus grande confusion.
Cette Vagabundo disparue connaît la vérité. Toute l ’orga-
nisation s ’est donc mobilisée pour la retrouver, essayant de
comprendre pourquoi elle a disparu : Gaius Iriney a-t-il été
assassiné ? S ’agissait-il d ’un cas de légitime défense, d ’un
accident, ou d ’autre chose encore ? La réponse à ces ques-
tions pèse lourd sur les épaules de Los Vagabundos, notam-
ment parce qu ’ils doivent se décider quant au prochain Czar
qu ’ils souhaitent protéger.
La Fraternité de la côte
La Fraternité de la côte n ’a pas vraiment réussi à rafler les
rivages aux eaux glacées de la baie du Père-Morose. Certains
de ses membres ont rejoint les Pilleurs vestens et se sont
installés à Eskjo dans le Vestenmennavenjar, d ’autres ont
choisi de poser leurs bagages à St. Anderson ou à Rurik.
Peu de navires, mis à part ceux de la Ligue de Vendel, se
risquent à traverser les abysses gelés et, pour une raison
inconnue, les Pilleurs refusent d ’attaquer ces bâtiments. La
Fraternité s ’est donc tournée vers les rivières, ses membres
devenant pirates des eaux intérieures afin de pouvoir
survivre en Ussura.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 123
 Les Ushkuiniks
On pourrait penser que la Fraternité de la côte n’a rien à
faire en Ussura étant donné que la Nation ne dispose pas
de ports en eaux chaudes, et que les échanges commerciaux
proviennent surtout du Vestenmennavenjar, via la baie du
Père-Morose ; ses membres sont de plus en compétition
avec les Pilleurs vestens, ce qui leur complique la tâche.
Néanmoins, ils y possèdent une branche fluviale qui a une
histoire aussi ancienne que l’art de la construction des navires.
Les premiers Ushkuiniks—nommés d ’après l ’ushkui, petite
embarcation à fond plat qui peut se transporter à terre—
arrivèrent en Ussura par les rives du Vestenmennavenjar.
Les communautés des côtes et des rivières craignaient alors
leurs bateaux à tête de serpent, car ils attaquaient et pillaient
pour aussitôt s ’en retourner vers leurs régions sauvages. Ces
villages, trop lointains pour que la civilisation les y retrouve,
constituaient alors leur plus extraordinaire ressource.
Durant très longtemps, les rivières ussuranes constituaient
le seul moyen sûr de transporter des marchandises à travers
le vaste territoire dénué de routes. Cependant, pousser une
barge vers l ’amont d ’une rivière sans prévenir ceux qui y
vivent étaient le plus sûr moyen de finir ruiné, noyé, ou de
devenir esclave.
Les rivières, les lacs et les marais ussurans regorgent en
effet de dangereuses créatures surnaturelles. Les deux plus
communes, que l ’on trouve également en Eisen ou sur le
territoire sarmatien, sont les vodyanoi, qui possèdent une
apparence humanoïde dotée de traits semblables à ceux
des poissons et des amphibiens, et les rusalki, des esprits
féminins des eaux qui ressemblent à de belles femmes.
Les Ushkuiniks furent ainsi forcés de développer des rela-
tions avec ces créatures habitant les marécages oubliés. Ils
apprirent l ’étrange étiquette des marais, et sont désormais
capables de les honorer et de les apaiser pour qu ’elles ne
perdent pas leur sang-froid (et décident, par exemple, de
détruire tout objet d ’origine humaine dans les environs, ou
bien de noyer ou asservir les gens de passage).
Cela leur a permis de réaliser des cartes fluviales. Ils savent
donc naviguer mieux que personne sur ces eaux, passant
des marchés avec les créatures y vivant, mais évitant les
plus dangereuses.
ï
124 CHAPITRE 3 : L'USSURA
Aujourd ’hui, les escortes ushkuiniks peuvent surveiller les
marchandises, les protéger contre les bandits, apaiser les
sirènes malveillantes cachées dans les arbres, ou bien chasser
les hommes-grenouilles sur leur passage. S ’ils ne sont pas
payés en échange de leurs services, et bien, les bandits trou-
veront leurs mauvais clients avant les sirènes (et quand les
bandits s ’emparent d ’un bateau ou deux, ils partagent leurs
profits avec les Ushkuiniks).
Les Ushkuiniks s’aventurent parfois encore dans la baie
du Père-Morose. Ils ne sont alors pas très amicaux avec les
Pilleurs vestens qui marchent sur leurs plates-bandes. Un jour,
lors d’une patrouille dans la baie, ils tombèrent sur un navire
de la Fraternité de la côte. Après une courte rixe, le capitaine
de la Fraternité suggéra que leurs équipages avaient peut-être
plus de points en communs que de différences, et il proposa
aux Ushkuiniks de regarder d’un peu plus près la charte de
la Fraternité. Ce fut le début d’une belle amitié.
Beaucoup d ’Ushkuiniks sont d ’anciens moujiks (ils leur
donnent d ’ailleurs souvent une portion de leur butin en
échange de la surveillance de leurs arrières). Ils obéissent
à Lazavik, un petit vieillard doté d ’un unique œil lumi-
neux qui vit dans une hutte au milieu des marais. Il s ’agit
d ’un Leshy, un esprit de la nature dont la santé et la forme
reflètent celles de son marais de résidence. À l ’origine, il
faisait partie des nombreux esprits que les Ushkuiniks
avaient réussi à apaiser. Il est peu à peu devenu l ’un de leurs
conseillers, puis leur chef.
Les Ushkuiniks—que la couronne considérait jusqu ’à peu
comme des nuisibles et des criminels—représentent désor-
mais un objectif politique majeur pour Ketheryna, Ilya et
leurs partisans respectifs. Les liens des Ushkuiniks avec les
esprits de la Nation sont importants pour eux.
On s ’attendrait à ce que les Ushkuiniks penchent du côté
d ’Ilya, mais Ketheryna a contacté certains de leurs capi-
taines pour leur offrir de nouveaux navires très modernes.
Tout comme les membres de la Fraternité de la côte, les
Ushkuiniks n ’ont que peu d ’intérêt pour ces machinations
politiques. Bien sûr qu ’ils vont accepter les navires de
Ketheryna, mais elle risque d ’être surprise quand ils refuse-
ront de répondre à son appel à rejoindre son armée.
La Faveur au sein des Ushkuiniks Die Kreuzritter et les Chevaliers
Les Ushkuiniks se préoccupent des biens et des richesses, de la Rose et de la Croix
mais aussi des esprits des rivières et des routes. Ils ont à peu
L’archétype héroïque ussuran, le bogatyr, est un mélange
près la même charte et les mêmes principes que la Fraternité entre deux idéologies, celles de Die Kreuzritter et des
de la côte, et souhaitent en plus de cela préserver l ’habitatChevaliers de la Rose et de la Croix. Les origines des Héros
des vodyanoi et des rusalki, tout en gardant avec eux des bogatyr plongent dans les légendes du Croissant, mais ils sont
relations pacifiques. Cela fait d ’eux la seule organisation apparus dans les récits épiques ussurans voilà des centaines
capable de naviguer sur les rivières ussuranes. d’années, probablement grâce à la poésie khazari. On leur
attribue une personnalité honorable : ils défendent les plus
Un Héros membre des Ushkuiniks peut obtenir de la faibles, anéantissent les Monstres et accomplissent de bonnes
Faveur tout comme il le ferait avec la Fraternité de la côte. actions. Par conséquent, l’ordre des Chevaliers de la Rose et
À cela s ’ajoute : de la Croix ainsi que Die Kreuzritter ont trouvé en eux un
terrain fertile pour leurs actions en Ussura, où ils recrutent
• Négocier avec succès le passage auprès d ’une créa- des membres actifs et se trouvent de riches mécènes.
ture surnaturelle des eaux rapporte 3 de Faveur et Dans la majeure partie de l ’histoire ussurane récente, ces
1 de Richesse. deux Sociétés secrètes ne se sont pas très bien entendues.
• Éviter un danger au milieu d ’une eau occupée par Die Kreuzritter se plaignait des Chevaliers qui insistaient
les esprits rapporte 4 de Faveur. pour essayer de raisonner les Monstres en furie, tandis
que les Chevaliers pestaient contre Die Kreuzritter et leur
Un Héros membre des Ushkuiniks peut solliciter son aide manie de tuer d ’abord et de discuter ensuite. Cependant,
de la manière suivante : une série d ’enlèvements commis par le Roi de la mer, un
Leshy dont le royaume sous-marin se situe au milieu des
• Réclamer l ’assistance d ’un vodyanoi ou d ’une îles côtières de Rurik, a forcé les deux Sociétés secrètes à
rusalka coûte 4 de Faveur. La requête doit pouvoir s ’allier : Die Kreuzritter a taillé un chemin au milieu des
être accomplie près d ’une rivière. La créature aura monstrueux adeptes du Roi, tandis que les Chevaliers ont
une Puissance de 6 avec la Propriété Monstrueuse fait appel à sa bonne volonté une fois parvenus auprès de lui.
Aquatique. Elle suivra tout ordre qui ne met ni sa Cet incident a mis en place un équilibre précaire entre leurs
demeure ni elle-même en danger. Elle se battra deux Sociétés. Dans chacune de ces organisations à travers
pour le Héros, mais seulement si elle pense être l’Ussura, les nouveaux membres se voient appariés avec un
en mesure de gagner. Autrement, elle peut dégager vétéran local de l’autre Société, choisi à dessein en contraste du
le passage d ’une rivière, effrayer d ’autres créatures tempérament et des méthodes du nouveau venu. On n’ira pas
ou esprits, ou bien encore passer des marchés en jusqu’à dire que ces organisations ne travaillent plus seules, mais
votre nom auprès d ’esprits de l ’eau inconnus. désormais, elles agissent plus souvent ensemble que l’inverse.

Faveur en Ussura
Un Héros membre des Chevaliers de la Rose et de la Croix
ou de Die Kreuzritter peut obtenir de la Faveur en Ussura
de la manière suivante :

• Accomplir une mission en association avec l ’autre

Société secrète rapporte 4 de Faveur pour l ’organi-
sation dont est issu le Héros, surtout si la mission
profite aux deux organisations. Cette Faveur n ’est
pas transmissible. Par exemple, si un Chevalier
demande à un agent de s ’occuper de la mission à
sa place, l ’agent en question ne peut pas lui aussi
gagner de la Faveur en accomplissant la mission

ï
aux côtés d ’autres agents Die Kreuzritter.

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 125

 Močiutės Skara
Les toutes premières opérations du Châle ont eu lieu ici, à
la frontière entre l ’Ussura et la Curonie, où des femmes ont
risqué leur vie durant la Guerre de la Croix afin d ’apporter
des vivres aux réfugiés.
La Société demeure active et très véhémente quant à la
protection du territoire ussuran contre les actes de guerre.
Alors qu ’aucun conflit de grande ampleur ne s ’est produit
depuis des années, les boyards s ’affrontent souvent pour
des questions de territoires et de ressources, ou par simple
fierté. En dehors de Rurik, les boyards ont ignoré l ’ordre du
Czar Gaius Iriney qui interdisait de tels conflits mesquins,
ses streltsy ne pouvant pas atteindre les contrevenants. Ces
conflits ravagent la vie des moujiks, qui n ’ont commis aucun
crime sinon celui de travailler dans les champs qui appar-
tiennent au boyard attaqué.
L ’approche privilégiée par les agents du Châle dans
ces situations est la suivante : ils se rendent sur place,
préviennent les moujiks de chaque camp de ce qu ’il se passe,
puis les déplacent tous aussi loin et aussi vite que possible.
Les tensions s ’apaisent assez vite quand les deux camps se
rendent compte qu ’ils n ’ont rien pour nourrir leurs troupes.
Toutefois, Močiutės Skara a besoin d ’être avertie à l ’avance
de ces attaques si il veut envoyer ses agents à temps sur place,
préparer des cachettes et faire bouger les paysans avant que
les soldats comprennent que leur prochain repas est en train
de s ’envoler.
Dans ce but, le Châle cherche à élaborer un réseau
d ’informations assez unique en son genre, qui reposerait
sur les esprits naturels et tutélaires ussurans (tels les domo-
viye). Presque chaque maison en abrite un en Ussura. Ils
semblent communiquer les uns avec les autres, et pouvoir
prédire les malheurs à venir. Aideront-ils le Châle à lutter
contre la violence de la guerre ? Ou bien trouveront-ils leur
requête présomptueuse ?
Faveur en Ussura
Un Héros membre du Châle en Ussura peut obtenir de la
Faveur en Ussura des manières suivantes :
• Mettre fin à un affrontement entre Sécessionistes
et orthodoxes rapporte 3 de Faveur.
• Sauver des moujiks d’un conflit à venir rapporte 3 de
Faveur si le Héros sauve l’équivalent d’un village (il
peut gagner plus selon le nombre de moujiks sauvés).
• Recruter un domovoi pour le réseau d ’informa-
tions du Châle rapporte 5 de Faveur.
ï
126 CHAPITRE 3 : L'USSURA
Rilasciare
La grande différence de pouvoir entre les boyards et les
moujiks contrarie les Rilasciare. Les boyards détiennent
tout le pouvoir ussuran, et ne voient dans les moujiks que
les pièces d ’or que ces derniers peuvent leur rapporter. Et
comme si cela ne suffisait pas, le système esclavagiste mis
en place par le prince Bogdan pour réussir à construire
Bashanta dans les temps a causé la mort de milliers
de personnes.
La faible densité de population de l ’Ussura et le manque
de mobilité de ses ressortissants a entravé la capacité des
moujiks à s ’organiser. Pourtant, les Rilasciare ont parfois
réussi à inciter les moujiks à se révolter contre les boyards
qui manquaient d ’un pouvoir militaire fort, parvenant à
prendre la place de leurs anciens maîtres en instaurant des
communautés démocratiques. À Breslau, par exemple, le
concept de noblesse dirigeante est presque aboli, ne réap-
paraissant que lorsque des visiteurs extérieurs arrivent et
demandent à voir Koshchei v ’Pietrov.
Néanmoins, cette initiative les a aussi amenés à soutenir
l ’ascension du Général Hiver. Ce dernier a commencé en
tant que soldat anonyme qui s ’est engagé dans l ’armée
depuis un village moujik, puis a été envoyé en tant que bour-
sier à l ’Académie militaire de Pavtlow. Quand les Rilasciare
ont appris qu ’un simple soldat parvenait à affronter les
boyards sur un terrain militaire, ils se sont arrangés pour
répandre cette nouvelle pour commencer à recruter des
soldats pour sa cause. À présent, bien sûr, ils se sont rendus
compte de leur erreur. Le mal est fait : les Rilasciare ont
participé à transformer le Général Hiver en une figure dont
ils ne veulent plus. Que vont-ils faire à ce sujet ?
Les Filles de Sophie
Les Filles de Sophie se rendent rarement aussi loin au nord et
à l’ouest de leur Nation d’origine. Celles qui le font trouvent
généralement qu'Ilya et Ketheryna font de bons hôtes (même
s’ils sont un peu distraits par leurs problèmes personnels). Le
peu d’entre elles qui se trouve en Ussura a trouvé un protec-
teur inattendu en la personne de Koshchei v’Pietrov.
Même les Princes vodaccis craignent Koshchei à cause
de sa réputation, et quand l ’une de leurs filles ou de leurs
nobles dames finit par arriver chez lui, ils la considèrent
comme morte. Quelques rares sorcières de la Destinée ont
trouvé refuge dans son château, et elles escomptent bien
faire venir davantage des leurs à l ’abri.

La province de Rurik
Rurik est le cœur de l ’Ussura, ainsi que sa province la plus
peuplée. Ses quatre villes principales sont Ekatnava, Rurik,
Pavtlow et Sladivgorod. Grâce aux taxes prélevées sur son
importante population et la richesse de ses ports, l ’archiduc
de Rurik a longtemps été le boyard le plus puissant juste
après le Czar.
Rurik commerce beaucoup avec la Ligue de Vendel.
Jadis, de nombreuses marchandises provenaient de
l ’Eisen, à l ’ouest, mais l'économie de cette Nation s'est
effondrée récemment. Rurik est également irrigué par de
nombreuses rivières navigables qui traversent le continent,
et offre aussi un point de rencontre pour les dignitaires de
tout le pays. Cela en fait un lieu idéal pour une capitale.
Au départ, Ekatnava et Rurik avaient été pressenties pour
ce rôle, mais les autres provinces s ’en étaient plaintes : en
cas de protestation contre le Czar, elles n ’auraient pas pu
s ’attaquer à une capitale située sur la côte.
Le territoire de la province est accidenté et vallonné,
doté de nombreuses vallées et de rivières. Les fermes sont
Lieux notables
presque toutes installées dans ces creux irrigués, au sol riche
et humide. Cependant, elles ne disposent guère de pâturages.
Rurik se nourrit de la mer et, à l ’intérieur des terres, les
locaux chassent leurs protéines.
Les Ushkuiniks, la branche locale de la Fraternité de la
Côte, sont très actifs dans cette province, où ils disposent
de nombreuses voies navigables pour guider leurs clients
(voire les mener dans un piège mortel s ’ils ne paient
pas). Les rares fois où des étrangers se risquèrent à atta-
quer la flotte de pêche de la baie du Père-Morose, les
Ushkuiniks allèrent jusqu'en pleine mer pour défendre
l ’Ussura. On dit que les îles entre les villes de Rurik et
d ’Ekatnava appartiennent au territoire du Roi de la Mer,
un vieux Leshy qui dirige la baie du Père-Morose depuis
son somptueux palais sous-marin. Parfois, il enlève des
humains dignes d'intérêt qui rejoignent sa cour pour
toujours, à moins de trouver un moyen de s ’échapper
(le plus souvent avec l ’aide de Die Kreuzritter ou des
Chevaliers de la Rose et de la Croix).
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 127
 Ekatnava Rurik
Ekatnava abrite pêcheurs, baleiniers et marchands de la Rurik est le siège du gouvernement provincial, où vit la
Ligue de Vendel. Son économie puissante et ses revenus famille de l ’archiduc Alyosha. Ce sont les colons vestens
importants l ’ont érigée en capitale ussurane du sport. Les qui, en premier, y ont érigé les murs les plus anciens et
disciplines sportives praticables par tous les temps—comme les plus hauts de l ’Ussura, lesquels forment une enceinte
l ’escrime, la boxe et la lutte—y sont très présentes. À crénelée reliant des tours monolithiques et rustiques. Rurik
quelques années d ’intervalle, souvent au cœur de l ’été, des abrite encore aujourd ’hui de nombreux expatriés vestens.
athlètes venus de l ’Ussura, de l ’est du Vestenmennavenjar Sur sa gigantesque place du marché, des marchands du
ou de l ’Eisen viennent participer aux épreuves de force et Vestenmennavenjar proposent de tout, des pâtisseries de
de course des Jeux d ’Ekatnava. leur pays à des parts dans des entreprises marchandes.
À l ’insu du gouvernement local, les Sokolovskaya, famille Les quartiers ussurans de la Ligue de Vendel ont vue sur le
mafieuse basée à Pavtlow, ont réussi à étendre leurs opéra- port. Leur bâtiment est situé dans une tour récente construite
tions à Ekatnava. Profitant du taux criminel local très bas, la pour ressembler à celles des anciennes fortifications. Avant
famille s ’est mise à racketter les gens du port en échange de que Vsevolod, ancien boyard de Somojez, se convertisse à la
sa protection, s ’invitant de manière musclée dans les affaires religion orthodoxe et à son pacifisme, il assaillait souvent les
des Ushkuiniks, par la contrebande et même la piraterie. murs de la ville afin de s’arroger des portions de côte et autres
Avec les Jeux qui reviennent l ’été prochain, leur chef, Filippa territoires entre Rurik et St. Anderson. La rivalité entre ces
Sokolovskaya, prévoit de mettre en place une campagne de deux villes persiste encore, les flottes de pêcheurs se disputant
paris illégaux, de matchs truqués, et même d ’utiliser des au sujet des meilleurs sites de pêche le long de la côte.
effets spéciaux alchimiques pour gâcher le plaisir de tout le
monde (sauf le sien). Pavtlow
Voilà quelques années, Pavtlow possédait les plus beaux
Sladivgorod bâtiments d ’Ussura, les rues les plus propres et la cour la
À la frontière des provinces de Rurik et Molhynia, plus animée. Désormais la capitale n ’est plus qu ’une coquille
Sladivgorod repose sur une large faille tectonique entre vide : tout se décide à Bashanta.
deux plaques. Plus giboyeux que la mer, le lac de la Vigile
déborde de mets délicieux, comme les palourdes, les escar- Les streltsy
gots et autres amphibiens. On y trouve également quantité Jusqu ’au départ de Ketheryna, les streltsy (ou streléts au
de phoques d ’eau douce très convoités. singulier) formaient la garde d ’élite du Czar, maintenant
Les chasseurs locaux respectent les quotas imposés, car l ’ordre en ville et éteignant tous les feux de la capitale. De
les excès de chasse provoquent la colère du Gardien de la nombreuses familles streltsy ont servi dans la même compa-
Fosse, un vieux serpent caractériel qui maintient l ’équilibre gnie sur plusieurs générations. Dès qu ’un boyard en colère
naturel. Même durant les pires périodes de guerre entre marchait sur Pavtlow pour protester contre une décision du
Rurik et Molhynia, les combats à la surface du lac étaient Czar ou de la Knias Douma, les streltsy l ’attendaient devant
évités : personne ne voulait finir dans le ventre du serpent. la porte, épées sorties, haches de guerre et mousquets en
Aujourd ’hui, Sladivgorod ressemble à l ’Ussura d ’il y a un main. Il s ’agit probablement de la meilleure infanterie
siècle ou deux, avec ses pavillons pittoresques et neigeux de la Nation, bien que la nouvelle garde personnelle de
nichés dans les collines, près du lac. Cela étant, les locaux Ketheryna et les terrifiants hommes des neiges du Général
restent chez eux à la nuit tombée, car le lac de la Vigile attire Hiver puissent désormais leur disputer la place.
de nombreux Leshiye qui se réunissent à la lueur des étoiles La Douma ne rémunère pas très bien ces combattants d’élite.
avec le Gardien de la Fosse. On raconte qu ’aucun Héros Il n’est donc pas rare de voir de nombreux streltsy qui ne
n ’a jamais vaincu le Gardien, à l ’exception de Sarangerel sont pas en service travailler comme artisans au marché. On
Bogatyr qui le persuada de la laisser tranquille le temps dit qu’ils prévoyaient de se révolter contre Ketheryna juste
qu ’elle combatte son pire ennemi à la surface du lac gelé. avant qu’elle ne déplace la capitale à Bashanta, et qu’elle ne
les a pas emmenés précisément pour ça. Les streltsy ont réagi
différemment face à cela : pour certaines compagnies, ce fut la
goutte de trop, surtout de la part d’un gouvernement qui ne

ï
les a jamais payés à la mesure de ce qu’ils méritaient.

128 CHAPITRE 3 : L'USSURA

 QUELLE CAPITALE ?
Ces unités ont abandonné leurs anciens baraquements pour La Knias Douma ne s’est pas réunie depuis la mort
s’installer parmi les criminels de la ville, dans les quartiers du Czar. Ses membres se réunissaient dans la
commerçants. Certains se sont fondus dans la population Chambre de la Douma à Pavtlow. Situé en dehors
marchande de Pavtlow, ou bien sont retournés dans leur famille, des murs du kremlin, le bâtiment a été l’un des
à la campagne. Quelques uns—principalement des streltsy premiers à être pillé après le départ de Ketheryna.
vétérans—occupent toujours les casernes et patrouillent dans De nombreux membres de la Douma refusent
le Vieux Palais, entretenant l’idée du retour d’un Czar. de ne serait-ce que mettre un pied à Pavtlow ou
Bashanta, craignant que ce déplacement ne soit vu
Une pauvreté endémique comme une proclamation politique.
Peu de gens se rendent à Bashanta sans invitation, alors qu’au
contraire, et d’aussi loin qu’on se souvienne, les moujiks ont Ils savent que leur prochain lieu de rencontre,
toujours peuplé Pavtlow. La plupart de ceux qui ont perdu qu ’il soit à Pavtlow ou à Bashanta, fera pencher la
leur emploi en Ussura sont venus ici, mendiant une aumône balance en faveur de l ’un ou l ’autre des dirigeants,
auprès des plus riches. Indigents, voleurs à la tire, criminels aussi retardent-ils ce moment.
et autres indésirables ont formé des guildes tentaculaires,
s’emparant de certains domaines et se disputant les uns
les autres. Les streltsy défendent en priorité la Galerie Musorga, un
L’évacuation soudaine de Pavtlow a mis les pauvres de la musée royal qui déborde de peintures, sculptures, céramiques
ville dans une situation difficile. D’un côté, les riches nantis et autres œuvres d’art venues de tout l’Ussura (et même
dont ils espéraient profiter sont partis. De l’autre, ces mêmes au-delà de ses frontières). Durant le chaos qui a suivi le départ
nobles ont laissé de nombreuses places vacantes. La nourri- de Ketheryna, ils ont pillé les demeures abandonnées de
ture reste rare, mais il est désormais facile de se loger suite nombreux nobles afin de réquisitionner les œuvres d’art et les
à l’abandon de nombreuses et belles résidences. Les gens en stocker dans la Galerie Musorga. Constituant désormais l’un
abattent certaines pour réutiliser les pièces, mais d’autres des plus riches trésors artistiques de l’Ussura, le musée reste
deviennent le quartier général de nouvelles guildes de voleurs sous la protection de ces quelques vétérans inquiets mais déter-
et de mendiants. À présent qu’elles disposent d’abris sûrs, ces minés. Ils ne pourront cependant pas le défendre pour toujours.
guildes ont commencé à bâtir une nouvelle économie qui leur
ressemble : elles plantent des légumes sur les toits des villas, Familles de la pègre
ou bien se spécialisent dans certains artisanats ou services. Jusqu ’à ce que la ville se vide, les Sokolovskaya constituaient
l ’une des nombreuses petites guildes de voleurs de Pavtlow.
Le kremlin de Pavtlow Désormais, il s ’agit de la plus importante. Jadis, les familles
Le kremlin, l ’ancien palais du Czar, est un gigantesque établies dans le crime et les guildes de voleurs se battaient
domaine fortifié construit voilà des centaines d ’années, qui sans cesse. Cependant, les Sokolovskaya se sont rendu
a été rénové à plusieurs reprises depuis. Chaque façade de la compte que chacun gagnerait davantage s ’ils se partageaient
structure illustre différentes périodes et influences de l ’archi- équitablement les marchés. Aussi ont-ils très vite commencé
tecture ussurane. Les fortifications n ’impressionnent guère à organiser des rencontres et à agir comme des courtiers. À
sur le plan technologique : il s ’agit d ’épais murs de pierre présent, il existe une guilde pour les cambriolages, une autre
parcourus d ’un chemin de garde et dotés de quelques tours pour les assassinats, une pour la corruption, une pour la
à canon dont la construction est restée inachevée après le fraude, etc. Et ce sont les Sokolovskaya qui encadrent tout
départ de Ketheryna. Néanmoins, la vieille garde des streltsy, cela, prélevant des taxes en échange de leurs services. C ’est
constituée de quelques tireurs vétérans, protège le kremlin le boulot le plus sûr et le plus stable qu ’ils aient jamais eu.
comme si le Czar y vivait toujours. Étant donné qu ’ils savent ce que la vieille garde conserve
Les streltsy sont peu nombreux et ne peuvent tenir le entre les murs de la Galerie Musorga, ils préparent une
kremlin seuls, c ’est pourquoi ils engagent des gamins des attaque massive sur le kremlin, organisant un casse qui
rues pour patrouiller autour du domaine et avertir les nécessite la collaboration de plusieurs équipes. La vente
Gardes de la présence de pillards. Ils sortent alors leurs des œuvres d ’art cachées les rendra incroyablement riches,
célèbres barricades mobiles et ouvrent le feu dans le dos de du moins s ’ils parviennent à empêcher les participants du

ï
leurs ennemis afin de les disperser. casse de se poignarder dans le dos à la première occasion.

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 129

 La province de Veche
Veche est la deuxième plus grande province de l ’Ussura
après Molhynia, mais la moins dense de toutes. Elle était
jadis encore plus vaste, mais ses dirigeants se sont trop épar-
pillés. Somojez les a envahis et a conquis une bonne partie
du territoire situé sur la frontière avec l ’Eisen.
L ’histoire de Veche est pleine de tensions avec la
Fédération sarmatienne. De nombreux boyards de la fron-
tière du sud aspirent à étendre leur territoire plus au sud
encore. Quand ils ont entendu parler de la Liberté dorée,
nombre d ’entre eux se sont dit que sans l ’ancienne aris-
tocratie pour la diriger, la Nation serait facile à conquérir.
Paradoxalement, ce sont eux qui ont du mal à s ’organiser
pour attaquer la Fédération.
Le Général Hiver s ’est installé à Veche ces deux dernières
années, même s ’il a le chic pour apparaître à l ’autre bout
du pays sans prévenir. La rumeur court, disant qu ’il voyage
grâce à la magie des Leshiye. Il s ’est attiré les faveurs du
prince de Veche… ou peut-être est-ce le prince de Veche qui
s ’est attiré les faveurs du Général Hiver. Ce dernier a déjà
vaincu plusieurs des boyards les plus puissants de la fron-
tière sud, les forçant à choisir entre l ’allégeance et la mort.

Siev
Le siège de Veche est basé à Siev. Située sur la principale
route qui mène à la métropole sarmatienne de Sanisławiec
et au fleuve du Sejm, Siev était auparavant un point-clé pour
le commerce ussuran avec les territoires du sud. À l ’origine
haut lieu diplomatique, la cité accueillait les envoyés de
la Fédération sarmatienne, de la Vodacce et de l ’Empire
du Croissant qui s ’intéressaient à l ’Ussura. Cependant,
après l ’installation des armées du Général Hiver dans les
collines à l ’Est de la ville, le fleuve du Sejm a gelé. Il faut que
quelqu ’un demande au Général d ’adoucir les températures,
ou bien l ’état déjà précaire de l ’économie de la province va
empirer… mais, pour l ’instant, personne n ’a jamais réussi à
se faire entendre de lui.
Siev a beau avoir la réputation d ’être une ville ennuyeuse,
besogneuse et sans joie, elle reste la capitale des jouets ussu-
rans. Si vous voulez faire plaisir à vos enfants (ou même à
certains adultes) en leur offrant des petits soldats de plomb,
des poupées de bois avec leurs maisons ou des plateaux
d ’échecs, c ’est à Siev que vous trouverez la meilleure qualité
au meilleur prix.
La majeure partie de la ville fonctionne normalement, si ce
n ’est qu ’elle manque de trafic commercial et de diplomates
étrangers, lesquels ont abandonné la localité au profit de

ï
Bashanta ou Sousdal.
 Dans le sillage du Général Hiver sont arrivés les Rilasciare technologiques parmi les plus récentes, nombre d ’entre elles
qui le soutiennent. Ils se sont installés aux abords de la cité ayant été assemblées par Ketheryna en personne. Au-dessus
et ont mis en place une communauté démocratique. Tous et en dessous de ce niveau se trouve un complexe de labo-
travaillent et se procurent les uns les autres ce dont ils ont ratoires où Ketheryna et ses scientifiques produisent leurs
besoin, sur la base du vote collectif. dernières créations.
Ils ignorent pour la plupart l ’autorité du prince Bogdan et Récemment, une énorme explosion nocturne a ouvert un
des autres boyards situés dans les environs, heureux de se trou dans un mur situé au coin de l ’observatoire. La brèche
diriger eux-mêmes. Tant que le Général Hiver reste dans n ’a pas encore été réparée, mais des gardes la surveillent jour
la région, peu de personnes oseront remettre en cause leur et nuit afin de s ’assurer que personne ne voit ce qui se passe
droit souverain, mais cela ne saurait durer... à l ’intérieur. Deux rumeurs se font concurrence : la première
dit que l ’Inquisition est à l ’origine de l ’explosion, car le
Bashanta bâtiment est une offense à leurs croyances anti-sciences, la
Voilà deux ans à peine, Bashanta n ’était qu ’un petit village. deuxième dit qu ’une arme testée à l ’intérieur a explosé par
En dépit de son excellente position géographique le long accident. Aucune de ces deux hypothèses ne rassure ceux
de l ’important fleuve des Boyards, son territoire maréca- qui habitent à proximité.
geux décourageait les humains non-Ushkuiniks à cause de
la présence vodyanoi et rusalki. Puis Ketheryna Fischler Le kremlin de Bashanta
Dimitritova y a soudain déplacé sa cour et sa capitale, Un kremlin est une citadelle fortifiée située à l ’intérieur
asséchant les marais et invitant des centaines d ’artisans d ’une ville. Le fait que celui-ci ait été construit à flanc de
et d ’ingénieurs à venir construire la ville la plus moderne colline en dessous de l ’Observatoire aztlan n ’est pas un
d ’Ussura, et même mieux, de Théah ! hasard : les laboratoires de technologies militaires situés
Elle a grassement payé le prince Bogdan pour tenir sous la pyramide sont reliés aux terrains d ’essai du kremlin.
l ’impossible pari de tout ériger en moins de deux ans. Dans Afin d ’impressionner ses visiteurs, Ketheryna a engagé
ce but, Bogdan a engagé des milliers de moujiks qui sont des artisans vodaccis afin que le fort ait une forme d'étoile,
morts à cause de conditions de travail épouvantables, puis même si une telle configuration offre peu d ’avantages dans
il a dissimulé le fiasco à Ketheryna. La boue et les huttes une ville aussi urbanisée.
ont été remplacées par des tours aux sommets en forme Sa garde d ’élite de mercenaires eisenörs marche jusqu ’à
d'oignon, des rues magnifiques, des théâtres spacieux et des l ’esplanade centrale chaque matin, où elle s ’entraîne en
églises imposantes. public avant de remonter au kremlin. Les terrains d ’entraî-
Tout cela est bien beau et moderne mais, d ’après de nement reliés aux sous-sols profitent des inventions de
nombreux Ussurans traditionnalistes, ce n ’est que de la Ketheryna, les plus avancées et les plus étranges.
poudre aux yeux. Tout manque de substance et n ’est qu ’un Celles-ci ne sortent pas de sa seule imagination. Partout
décor pour prouver aux Théans en visite que l ’Ussura où elle l ’a pu, Ketheryna a recruté des experts du folklore
n ’est pas la Nation arriérée qu ’ils croient. Ces Ussurans se ussuran et de l ’ingénierie mécanique.
moquent de la ville de Ketheryna, qu ’ils désignent comme Ces inventions ont d ’abord pris la forme d ’expériences sur
son « caprice mécanique ». les domoviye, ces esprits tutélaires des maisons qui habitent
presque tous les foyers ussurans. Même si une demeure
L ’Observatoire aztlan brûle, est détruite puis reconstruite, on y trouvera souvent le
La gigantesque pyramide à degrés perchée sur le plus haut même domovoi qu ’avant, du moins tant que le poêle à bois
point de la ville surprend nombre de nouveaux venus à où il dormait est resté intact. Si la famille déménage et que
Bashanta. Le dôme qui surplombe sa marche la plus haute l ’appareil bouge avec eux, le domovoi suit aussi. Ketheryna
dépasse tous les toits sans exception. Ketheryna a invité un a donc envoyé des équipes récupérer des poêles à bois
groupe d ’astronomes tzak k ’anis à concevoir l ’Observatoire abandonnés pour les installer dans d ’étranges demeures :
aztlan avec l ’aide d ’Alvara Arciniega, l ’inventeur du télescope des églises, des tavernes et même des caravanes tamatama.
en personne. Le rez-de-chaussée est un musée des sciences Tant qu ’il continue à recevoir des offrandes de nourriture et
ouvert au public, qui dispose du deuxième plus grand astro- d ’alcool, le domovoi reste et continue à défendre sa maison
labe sphérique de Théah (le plus grand se trouvant dans des mauvais usages et de l ’abandon, déplaçant des objets ou

ï
la Basilique du hiérophante), et de dizaines de merveilles provoquant des bruits afin d ’effrayer la vermine et les intrus.

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 131

 Pour sa dernière expérience, Ketheryna a placé un La province de Somojez
poêle à bois compact et son domovoi au sein d ’un auto- Somojez occupe la portion nord-ouest de l ’Ussura, et la
mate mécanique, pour ainsi dire un gros soldat de plomb, majeure partie de la frontière avec l ’Eisen. La ville éponyme
comme ceux avec lesquels elle jouait durant son enfance en se trouve en fait sur une île lointaine du nord, séparée de
Eisen. Lorsque le soldat est exposé à un danger (un animal la province. Les gens qui y vivent alternent entre la domi-
dangereux, par exemple) le domovoi anime ses membres nation vesten et ussurane. À ce jour, le Vestenmennavenjar
mécaniques et le met en marche pour chasser la menace dirige l ’île, et la famille Pscov a mieux à faire que d ’essayer
en question. de la reprendre.
Ketheryna a peut-être laissé sa fascination pour ses expé- Somojez s ’enfonce loin dans la Nation, et englobait jadis la
riences la dépasser. Est-elle parvenue à repousser les fron- plupart des montagnes du nord, jusqu ’à ce que les conquêtes
tières de la surveillance domestique, ou même soldatesque ? de Novgorov ne lui arrachent Rurik. Aujourd ’hui, Somojez
La Czarina n ’a pas encore révélé son invention au public, traverse toute l ’Ussura jusqu ’aux confins de ses montagnes,
mais elle a déjà installé ses joujoux combattants dans divers bien que personne n ’y vive.
couloirs du palais. Des questions restent néanmoins en Les Ussurans pratiquent une forme ancienne de religion
suspens : ces créations peuvent-elles tenir tête à des soldats appelée Orthodoxie, basée sur les enseignements du Premier
humains ? Les domoviye combattent-ils de leur plein gré, ou Prophète, et respectant les traditions ancestrales d'honorer
sont-ils piégés et réduits en esclavage ? les Leshiye et les domovoïs de leur pays. Les réformes
de la métropolitaine Lyuba menacent de diviser chaque
Le Palais impérial ville de la province en deux camps. Les classes moyennes
Situé de l ’autre côté de l ’observatoire, le Palais impérial et supérieures soutiennent en majorité ces réformes, qui
est une structure humble en comparaison des somptueux centralisent le pouvoir en ville et débarrassent l ’Église de
immeubles d ’appartements reliés par des ponts de passe- ses « éléments arriérés » (à la fois des paysans superstitieux
relles aériennes. Les quartiers de Ketheryna sont reliés à et des superstitions elles-mêmes). Les moujiks, cependant,
ceux de ses courtisans afin de garder les familles les plus considèrent ces réformes comme inutiles et classistes.
puissantes à portée de main. De nombreux appartements Cette fracture menace de s ’étendre aux autres provinces.
disposent de panneaux en verre pour protéger les couloirs Les Sécessionnistes se sont en effet assurés du soutien de
qui courent à l ’extérieur des bâtiments : ces installations prêtres itinérants et les envoient partout à travers l ’Ussura
ont beau être magnifiques, dispendieuses et utiles pour pour susciter la sympathie à leur cause. L ’Église orthodoxe
espionner son voisin, elles ne sont pas très efficaces pour traditionnelle s ’est également mise à agir ainsi. Pavtlow
isoler l ’intérieur du froid ussuran. Elles ont quand même semble pencher vers cette dernière (surtout les corps
survécu à la grêle hivernale sans se briser. d ’armée streltsy), tandis que la majeure partie de Bashanta
Le Palais et les appartements hébergent toute l ’année une a une préférence pour les Sécessionnistes. Aucun des Czars
série de bals, de salons et autres représentations publiques, prétendants n ’a encore fait connaître son avis sur la question.
comme des opéras ou des spectacles de danse. Ketheryna
reconnaît que, si les gens n ’en parlent pas, les distractions Veche
et autres mises en scène qu ’elle a élaborées n ’ont pas de sens. Ironiquement, la plus grande ville de Somojez est Veche.
Le Théâtre impérial se trouve lui aussi à la périphérie du La cité et sa région environnante constituaient jadis la
quartier résidentiel des classes supérieures. Alors que de capitale de la province du même nom, jusqu ’à ce que
nombreux aménagements à Bashanta semblent avoir été Vsevolod, un boyard de moindre importance venant de la
construits pour les riches, ce théâtre est ouvert aussi bien forêt de Borovoi, ne rassemble une armée pour étendre son
aux nobles qu ’aux gens du peuple. Sa structure possède des territoire par la force. Seigneur après seigneur, région après
dispositifs dernier cri qui permettent des entrées et des région, tous tombèrent sous la domination des armées de
sorties de scène surprenantes, ainsi que des changements Somojez, jusqu ’à ce qu ’un séjour dans les monastères des
de décor rapides, et autres merveilles de mise en scène. montagnes du nord n ’ouvre Vsevolod à la foi orthodoxe.
Après cela, il arrêta sa campagne militaire et s ’intéressa
uniquement à l ’établissement et la protection de l ’Église
orthodoxe ussurane.

ï
132 CHAPITRE 3 : L'USSURA
 À la grande consternation de Veche, Vsevolod a refusé de
libérer les villes conquises, arguant que Théus lui avait donné
une mission et qu’il devait convertir tous les habitants des
cités (alors que les concernés étaient déjà orthodoxes pour
la plupart). Selon que vous posez la question aux gens de
Somojez ou de Veche, le grand-duc Vsevolod est perçu soit
comme un héros religieux, soit comme un tyran hypocrite.
Située juste au sud de la forêt de Borovoi, Veche attire d’étranges
personnes. De nombreux citoyens de la ville de Veche affirment
descendre en partie de Leshiye, gobelins et autres étranges
créatures qui peuplent leur campagne. Des poèmes rapportent
l’histoire de la plus célèbre des bogatyrs légendaires ussuranes, la
princesse Nadzeya, qui habitait en dehors de la ville. Elle s’aven-
turait souvent dans la forêt au nord, au sud et à l’est des collines
de Velde (en vérité, chaque région de l’Ussura possède sa propre
légende au sujet de la princesse Nadzeya). De plus, à ce que l’on
dit, le drachen en armure visible sur le blason de Somojez vit
dans un lac à l’est de Veche et au nord de Tebizond.
St. Anderson
St. Anderson est une importante ville portuaire fortifiée, qui
a un accès facilité aux ports de Vendel et Pösen. Elle a été
nommée ainsi d’après Toivo Anderson, un pilleur vesten qui
s’est converti à l’orthodoxie après être arrivé en Ussura. Suite
à sa conversion, il voyagea vers le sud, en Somojez, défendant
les ussurans orthodoxes de toute agression afin d’expier les
péchés de son passé. Les légendes racontent aujourd’hui
que ces attaques venaient de l’Eisen, mais à cette période de
l’histoire ussurane, en vérité, il s’agissait plus probablement
d’invasions d’autres Ussurans qui vivaient à l’est.
Pour la petite histoire, la ville de St. Andresgorod, située
au sud de Somojez, a été nommée d ’après le même saint.
St. Andresgorod a été la dernière ville à tomber durant les
guerres entre Somojez et Veche, avant que Vsevolod ne
renonce à ses conquêtes et ne se tourne vers une vie de piété.
Durant les dernières années de la Guerre de la Croix, des
forces armées expéditionnaires de l’Eisen, dirigées par le
capitaine Regula Gerver, attaquèrent St. Anderson (sans que
celle-ci ne les ait provoquées). Le capitaine Gerver pensait que
la Guerre la dédouanait de toute responsabilité et lui autorisait
à piller ce port très riche en toute impunité. Dame Yesfir, la
boyarde locale, aussi déterminée qu’inexpérimentée, se rendit
alors à sa rencontre sur le champ de bataille, où elle fut vaincue
et capturée. Ne souhaitant pas payer de rançon, les habitants
de St. Anderson se préparèrent à un siège durable, stockant la
nourriture livrée par les Ushkuiniks. Lorsqu’elle comprit qu’elle
ne pourrait pas affamer la ville, Gerver retourna chez elle en
Eisen, emportant dame Yesfir avec elle.
Après presque vingt ans de captivité, dame Yesfir finit par
regagner sa liberté lorsque Gerver mourut, tuée par une
Horreur. La boyarde voyagea alors à pied depuis l ’Eisen
jusqu ’en Ussura, sa terre natale prenant soin de la protéger
du mauvais temps. Elle veut désormais récupérer sa ville,
ce qui est son droit de naissance, mais les habitants—qui
ne lui font pas confiance et, surtout, se pensent capables
de se diriger seuls—refusent de la lui rendre. Comment
Ketheryna réagira-t-elle quand la requête de dame Yesfir lui
parviendra ? Comment Ilya répondra-t-il lorsqu ’il recevra
la demande des habitants de la ville ?
Tebizond
Située à l ’est des collines de Velde, Tebizond est la ville dite
« la plus sainte d ’Ussura ». Construite de part et d ’autre
d ’une rivière appelée par son nom eisenör, der Rotstrom,
la cité est un important site de pèlerinage pour les ortho-
doxes. Elle ouvre le chemin vers la chaîne montagneuse du
nord-est où se trouvent les fameux reliquaires et autres
monastères, dont de nombreux bâtiments défient les lois
de la nature avec leurs architectures suspendues entre deux
sommets. On raconte que, comme ils occupent d ’anciens
lieux d ’habitation syrneth, ces ordres religieux en savent
plus sur cette civilisation que le reste du monde. On dit
aussi que leur serment d ’entrée dans les ordres les oblige à
conserver ce secret.
La forêt de Borovoi
La forêt de Borovoi se trouve juste au nord de la ville de
Veche. Un bois presque ordinaire à la végétation clairsemée
encercle son cœur dense, constitué des écosystèmes les plus
étranges et les plus complexes du continent. Bûcherons,
chasseurs et trappeurs font office de gardes-chasse, préve-
nant les voyageurs des dangers qui s ’y terrent. Malgré cela,
des étrangers continuent de venir dans la forêt.
Certains sont des bogatyrs en quête d ’aventure. D ’autres
sont des explorateurs ou des chasseurs de trésors qui
souhaitent cueillir les fruits de la forêt, littéralement ou
au figuré. Quelques-uns sont des marchands qui désirent
amener de curieux objets magiques et autres précieux arte-
facts jusqu ’au marché gobelin, lequel, ont-ils entendu dire,
se trouverait au cœur de la forêt. D ’aucuns sont enfin des
ennemis de Matushka, humains et non-humains, dont le
désespoir de fuir la colère ou la vengeance de la divinité est
tel qu ’ils préfèrent encore tenter leur chance avec ces arbres
éveillés, capables de marcher en arrachant leurs racines du
sol pour bouger d ’un endroit à un autre.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 133
 Borovoi, le Leshy
Cette forêt est la demeure de Borovoi, le Leshy aux dents
d ’herbe et à la barbe de mousse, peut-être le plus étrange
des Leshiye encore actifs en Ussura. Il s ’agit d ’une créature
massive et haute, facile à confondre avec un arbre ou bien
un bosquet quand il ne bouge pas.
Tronc, écorce et lierre s’entremêlent dans sa silhouette, au
sommet de racines préhensiles qui s’arrachent du terreau
pour le porter un pas après l’autre, plongeant dans la terre à
chaque enjambée. Son tronc est si large que deux personnes ne
pourraient pas en faire le tour avec leurs bras. Ses dizaines de
branches-mains pendent autour de son corps d’écorce, pourvues
de griffes de brindilles et de feuilles. D’innombrables animaux
vivent en lui et, quand il daigne s’exprimer, ce qu’il fait peu, c’est
avec une bouche pleine de terre qui s’ouvre dans son tronc et
d’une voix qui évoque le craquement des branchages dans le vent.
Borovoi n ’est pas juste l ’esprit de cette forêt. Il est l ’esprit
de chaque plante et champignon de l ’Ussura. Il sent chaque
brin d ’herbe grandir et mourir. Au printemps et en été, il se
montre énergique et même joueur (avec la lenteur qui lui est
propre), donnant des énigmes à résoudre aux voyageurs et
leur parlant avec affection de ses boutures en bonne santé.
En hiver et à l ’automne, il se fait sombre et grave. Agissez
en ami des choses qui poussent en Ussura, et Borovoi vous
parlera des secrets que seules les plantes peuvent connaître.
Vous voulez savoir quels brins d ’herbe l ’armée du Général
Hiver a piétinés ? Dans quel marécage se trouve la maison
de Lazavik, le chef des Ushkuiniks ? Borovoi le sait.
La forêt de Borovoi est l’un des deux seuls endroits en Ussura
où Matushka n’a pas d’influence (l’autre étant la forêt de
Vir’ava). Si sa petite cabane de bois marche jusqu’ici avec ses
pattes de poulet, ou bien si elle vole jusqu’à la forêt dans son
mortier magique, alors les arbres se soulèvent et la repoussent,
la fouettant de leurs lianes pleines d’épines ou de leurs branches
les plus lourdes, et ce jusqu’à ce qu’elle rebrousse chemin.
Les Leshiye, aujourd ’hui prisonniers de la forêt, parcou-
raient jadis toute l ’Ussura librement, mais Matushka
désirait avoir les Ussurans pour elle seule. Elle a combattu,
maudit et piégé chaque Leshy qu ’elle a croisé jusqu ’à ce
qu ’ils s ’enfuient vers des endroits où ils seraient enfin hors
de portée de sa colère. Borovoi a rallié les esprits des plantes
ussurans pour qu ’ils viennent dans sa forêt, où ils pourraient
s ’allier et résister aux hivers fatals. Leur influence se voit sur
les plantes de la région, et même dans la terre.
Les arbres bizarres abondent dans la forêt de Borovoi.
Par exemple, il existe deux espèces de pommiers identiques,
dont le premier vous fera pousser une corne sur le front
chaque fois que vous mangerez l ’un de ses fruits, et l ’autre
ï
134 CHAPITRE 3 : L'USSURA
vous rendra un peu plus beau à chaque bouchée (faisant
tomber toute corne qui aurait pu vous pousser dessus). Un
autre encore a des fruits qui peuvent ramener les vieillards
à leur prime jeunesse.
Les chênes-coffrets poussent avec des troncs pareils à de
magnifiques coffres au trésor, joliment sculptés, parfois
pris dans leurs branches ou emmêlés dans leurs racines. En
vieillissant, l ’arbre grandit de manière à envelopper le coffre,
finissant même par l ’engloutir et le soustraire au regard de
quiconque ne sait pas ce qu ’il y a à voir. Si vous bravez les
dangers de la forêt, il se peut que vous en réchappiez avec
le coffre d ’un jeune arbre, volé avant même qu ’il ne puisse
grandir et le dissimuler à tout jamais.
Les secrets de la forêt
La forêt de Borovoi a deux grands secrets. Le premier est un
chemin, qui part du plus profond de ses sombres bosquets
pour aller jusqu ’à la forêt de Vir ’ava, à l ’autre bout de
l ’Ussura. À l ’exact centre de la sylve, caché au milieu d ’une
végétation à la croissance sauvage et démesurée, apparaît
alors un étrange marché. Des créatures magiques vivent
dans cet oasis de lumière et de parole : des gobelins au
long nez, capables de changer d ’apparence, mais aussi des
animaux qui parlent et peuvent tout aussi bien tendre des
pièges cruels qu ’offrir de sages conseils. Chaque nuit, un étal
s ’y trouve—et jamais le même, avec ses propres échelles de
valeur—proposant des produits de la forêt de Borovoi aux
habitants de celle de Vir ’ava.
L’autre secret de la forêt de Borovoi, c'est qu'elle se déplace,
lentement mais sûrement. Borovoi et ses arbres font des pas
d’une lenteur délibérée, ne bougeant que de quelques mètres
chaque mois environ. Toutes les plantes rassemblées là viennent
d’ailleurs. Voilà très longtemps, Matushka les a forcées à quitter
leur pays natal, et elles se sont réunies dans le coin nord-est de
l’Ussura après un long voyage fait de privations.
Borovoi se rappelle toutefois du temps d ’avant le règne
suprême de Matushka, d ’avant l ’époque où les plaques
tectoniques se sont écrasées l ’une contre l ’autre sur la fron-
tière avec Molhynia. Il se souvient d ’un temps où les forêts
denses et pleines de magie s ’étendaient jusqu ’au cœur de
l ’Ussura. Il meurt d ’envie que tout redevienne comme dans
ce temps-là. Et Veche, ville proprette et bien organisée, se
trouve si près de lui. Il est proche, le jour où les arbres de
Borovoi se déplaceront pour grimper sur les murs de la
ville, et ils faufileront leurs doigts de lierre dans les fenêtres
des humains pour ramener la vie dans cette cité stérile.
Matushka apprendra ainsi sa leçon : ce que l ’on prend aux
arbres, les arbres le reprennent.
La province de Gallenia et la contrecarraient à tous les coins de rue. Un jour qu’elle avait
Gallenia est l’une des plus petites provinces de l’Ussura, et elle attrapé une personne qui méritait d’être mangée, celle-ci lui révéla
n’est dotée que d’une seule grande ville. La famille régnante, qu’un animal de sa connaissance lui avait appris à se transformer
les Riasanova, œuvre tout de même pour qu’elle dispose du en faucon. Quand elle en attrapa une autre, celle-ci lui révéla à
réseau commercial le plus actif de la Nation. Les marchands son tour qu’elle avait réussi à assommer un drachen à trois têtes
cathayens et croissantins qui traversent le fleuve Szabla ne avec une massue, et surtout, qu’elle avait découvert le secret de
sont guère nombreux au regard des standards vodaccis, mais Matushka, sa faiblesse, cachée dans un œuf, lui-même dissimulé
leurs relations commerciales sont aussi anciennes que la dans un canard, qui se trouvait dans un lièvre, lequel était au fond
province elle-même. Les Croissantins ont été les premiers d’un coffre aux trésors.
à s’installer dans la province, les Ussurans de l’ouest n’étant Aussi Matushka se mit-elle à traquer les Leshiye à l’aide de
arrivés qu’après l’apparition de la Knias Douma et une série son mortier volant. Quand elle les attrapait, elle les mangeait.
de batailles clandestines entre les dirigeants locaux. Les Sinon, elle les chassait loin, très loin des humains. Assez vite, le
Théans à la peau pâle venus de l’ouest peinaient à gagner message circula parmi les Leshiye ussurans : si vous passez des
leur vie dans les steppes, où ils espéraient trouver des terres marchés avec les humains, si vous protégez ceux qui sont sur
pour leurs troupeaux et leurs fermes, tandis que les Khazaris vos terres, ou si vous faites tout sauf les chasser, alors, un jour,
ont peu à peu dérivé vers le nord, poussés par la crainte que Matushka viendra vous reprendre ce qui lui appartient de droit.
l’Empire du Croissant ne soit sur leurs traces.
Le calendrier des Riasanova est rempli de foires et de festi- Sousdal
vals, qui coïncident avec les périodes favorables à l’arrivée de Dame Arzu s’est installée à Sousdal, la seule ville de Gallenia
marchands non-ussurans. Les locaux proposent du miel et qui dispose de bâtiments et de murs dignes de ce nom. Située
du fer (qui permet de fabriquer des alliages de grande qualité), à l’est des steppes et à la base d’une passe montagneuse qui
et les marchands étrangers proposent des herbes et autres mène à de riches mines de fer, Sousdal n’est pas aussi isolée
produits rares en Gallenia. qu’il y paraît. Plus au sud de la rivière se trouvent les terres
Les frontières de l’Ussura ont été tracées sous l’influence de la Curonie, ainsi que les lieux d’échanges commerciaux
conjointe des reliefs naturels et des emplacements des territoires avec la Fédération sarmatienne, tandis qu’à l’est, après les
des boyards les plus enclins à la guerre. Pour prévenir des guerres passes de montagne, les voyageurs peuvent s’aventurer dans
intestines, la première Knias Douma a forcé, contraint et soudoyé la forêt de Vir’ava et jusqu’en Cathay. La ville en elle-même
de nombreux chefs de guerre pour qu’ils déplacent leurs châteaux est constituée d’un donjon solide entouré de magasins et de
et tournent leur soif de violence vers l’extérieur du pays. maisons ; en Gallenia, c’est ce qui ressemble le plus à un palais.
Des cosaques patrouillent d’un château à l’autre, traquant les Au sud, enjambant la rivière de Sousdal, se trouve l’un des
contrebandiers qui souhaiteraient s’introduire dans la Nation : quelques péages qui permettent le passage vers les terres de la
seuls les péages du Czar permettent d’entrer sur le territoire. Ils Fédération sarmatienne. Quiconque travaille, vit ou voyage en
empêchent également dame Arzu d’ouvrir autant de routes qu’elle Gallenia finit par se retrouver à Sousdal à un moment donné.
en a envie, mais si elle pouvait faire commerce de ses abondantes Il s’agit en effet d’un lieu de passage, plein de marchands et
ressources de fer avec la Curonie et le Cathay, Gallenia serait riche. de commerçants qui font route vers l’est et le sud. Les locaux
Matushka vit dans une petite hutte perchée sur de gigan- qui y vivent offrent leurs services aux voyageurs, ce qui fait
tesques pattes de poulet, ce qui lui permet de déambuler dans de la ville l’une des plus ouvertes de tout l’Ussura. Celle-ci
toutes les étendues à l ’ouest de Gallenia (même si, en volant se targue d’être un mélange d’influences aussi bien ussuranes
dans son mortier magique, elle peut traverser la Nation plus que sarmatiennes, cathayennes ou croissantines
vite qu ’un chanteur n ’entonne un refrain). Dans son royaume, De nombreux ruraux de la province considèrent Sousdal
vous ne trouverez aucun autre Leshy, car Matushka les a comme le symbole de la remise en question de leurs habi-
bannis. À l ’image des Leshiye, qui sont des créatures de la tudes de vie. À leurs yeux, la ville est bien trop urbanisée,
forêt, de la montagne ou de la pluie, Matushka considère les et les affaires que dame Arzu mène avec les étrangers leur
humains comme faisant partie de son domaine. font craindre une séparation prochaine d ’avec le reste de la
Durant les jours anciens, les Leshiye vivaient partout. Nation. Bien sûr, cela ne les empêche pas de venir à Sousdal
N’importe quel humain pouvait passer un marché avec eux durant les mois les plus chauds pour participer aux foires
en échange de pouvoirs tels que ceux proposés par Matushka. marchandes du printemps, et de vendre leurs produits à ces
Mais cette dernière n’aimait pas ces magouilles. À cette époque, mêmes étrangers qu ’ils critiquent.

ï
vaillants bogatyrs, princes sournois et gens du peuple la dupaient

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 135

 La forêt de Vir ’ava et un moineau qui vivent tels d ’humbles coupeurs de bois
Voilà longtemps, Matushka a voulu manger une jeune fille et aideront n ’importe quel bogatyr souhaitant s ’opposer à
(comme elle le fait souvent). Celle-ci parvint à s ’enfuir versMatushka. Il y a même un lièvre capable d ’avaler un canard,
l ’est de Gallenia, poursuivie par la Leshy sur ses traces avecet un canard capable d ’avaler un œuf, et un œuf que l ’on
son mortier volant. La jeune fille avait plus d ’un tour dans peut ouvrir et fermer à souhait, et dans lequel peut être
son sac, et possédait une serviette et un peigne magiques placé tout ce que l ’on veut, même une idée.
qu ’elle avait reçus d ’un chat parlant. Elle jeta la serviette Vir ’ava, la fille de la légende et mère de la forêt, vit dans
dans son sillage, et un vaste fleuve s ’ouvrit, barrant le passage
le jardin au cœur du bois. Elle est assez petite, au contraire
à Grand-mère Hiver ; Matushka fut obligée de faire venir de son « mari » Borovoi qui culmine à des hauteurs inhu-
son bœuf pour qu ’il boive toute l ’eau et lui permette de maines. Elle est le papillon qui butine la fleur.
traverser. La fille fit ensuite tomber le peigne derrière elle, De loin, la « Mère Forêt » ressemble à une humaine. De
et une vaste forêt poussa. Matushka essaya de l ’arracher de près, on se rend compte que sa tête est couverte non d ’une
ses dents de fer, mais en vain. chevelure normale mais d ’un duvet noir et jaune pareil à
Alors que le cœur de la forêt de Borovoi est sauvage, dense celui des abeilles, et que deux longues antennes plumées
et touffue, celle de Vir ’ava semble tout droit sortie d ’une s ’étirent depuis son front. Elle a deux ailes qui ressemblent
illustration de contes de fées. Des chemins baignés de à celles des papillons, délicates et dépareillées ; deux autres,
soleil sinuent entre les arbres, juste assez larges pour que avec des petites boules à leurs extrémités, lui servent de
deux humains puissent y marcher en se tenant la main. Ils stabilisateurs, comme pour une mouche. Une carapace
mènent à des clairières fleuries où des centaines de papillons articulée couvre le haut de son torse, et le reste de son
volettent d ’un bourgeon à un autre. Ici, les plantes ne sont corps effilé forme un abdomen pourvu d ’un dard pointu. À
pas aussi vivantes et mobiles qu ’à Borovoi mais, pour les la différence des humains, elle a quatre bras.
animaux, c ’est une autre histoire. Une cour de pollinisateurs—mouches, abeilles, papillons
et colibris rouges—la suit où qu ’elle aille, formant des
La forêt magique motifs changeants dans l ’air, dont la forme dépend de son
Dans la forêt de Vir ’ava, on trouve un ours qui a remplacé humeur et de ses gestes. Faites son bonheur, et les papillons
par une prothèse en bois la patte antérieure que lui avait viendront se poser sur vos habits. Mettez-la en colère, vous
coupée un bûcheron (bûcheron qu ’il a ensuite mangé en affronterez ses abeilles. Même si l ’existence de Vir ’ava énerve
guise de dédommagement). On y croise également un Matushka, cette dernière n ’ose pas l ’attaquer, même hors de
chevalier-araignée qui, avec l ’aide de criquets et de scara- la forêt : si elle est vraiment l ’âme de tous les pollinisateurs,
bées, piège dans sa toile les créatures les plus déplaisantes, alors sa mort ferait se flétrir les plantations et affamerait les
comme les mouches et les moustiques. Il y a aussi un chat populations d ’Ussura.

ï
136 CHAPITRE 3 : L'USSURA
 Juste après Vir ’ava vient la non moins puissante Demoiselle
Cygne. C ’est une grande femme dont les membres et le cou
sont un petit peu plus longs qu ’attendu pour une humaine
de sa taille. Son corps ferme et musclé est couvert de plumes
duveteuses et blanches. Ses bras s ’étirent en gigantesques
ailes, grâce auxquelles elle persuade n ’importe quel artisan
de lui fabriquer ce qu ’elle désire. Même si les rares qui
l ’ont vue n ’ont jamais osé le lui demander, il se peut que la
Demoiselle Cygne soit la fille de Vir ’ava.
Chef de l ’opposition
Vir ’ava et sa forêt sont la preuve que Matushka n ’est pas
la seule puissance qui compte en Ussura. Cette dernière
est certes puissante—et offre à certains tous les pouvoirs
qui relèvent de ce qu ’on appelle le Dar Matushki—mais
elle n ’est pas la seule source de pouvoir en Ussura. D ’autres
Leshiye peuvent partager avec les humains des Dons asso-
ciés à Matushka ; ils s ’abstiennent juste de peur qu ’elle ne
s ’en prenne à eux.
La forêt de Vir ’ava est l ’un des rares endroits où ils
peuvent échapper à Matushka. Les Leshiye et les humains
qui y vivent doivent s ’agenouiller devant la Mère Forêt
en personne, suivre l ’étiquette de sa cour et lui rendre
hommage par des présents et autres compliments.
Ceux qui obtempèrent trouvent là un refuge. C ’est l ’un
des seuls endroits où un changeforme dont les pouvoirs ne
proviennent pas de Matushka peut s ’entraîner à se trans-
former dans un lieu sûr, et même recevoir des conseils de
la part des locaux.
Vir ’ava accueille également les gens touchés par Matushka,
tant qu ’ils respectent ses lois et rendent hommage à la
Mère Forêt. Seule Matushka en est bannie. Elle a envoyé
des espions pour découvrir les faiblesses de la Mère Forêt,
mais en vain jusqu ’à présent. Certains sont revenus dire que
Vir ’ava n ’avait aucun secret : sa cour d ’animaux magiques
et de changeformes est loyale et en bonne santé. Aucune
attaque ne peut la toucher, elle ou sa Demoiselle Cygne,
dans sa forteresse de sylve.
La province de Molhynia
Les steppes battues par le vent de Molhynia forment la
province la plus vaste et la plus étrange de l ’Ussura. La
majeure partie de son territoire, bien que traversable
en bateau, impose de longues marches pour terminer
n ’importe quel voyage. Le relief est vallonné ou montagneux,
parfois désertique, parfois semblable à celui d ’une taïga. Les
températures varient beaucoup d ’un lieu à l ’autre.
Breslau
La plus grande ville fixe de Molhynia, Breslau, est une cité
fortifiée située au cœur des steppes du nord. Son point le
plus haut est occupé par le kremlin de Koshchei l ’Immortel,
dont personne n ’entre ou ne sort. Il existe des passages
secrets creusés sous la terre qui relient son château au
monde extérieur, mais seul Koshchei et ses « épouses » ont
le droit d ’y circuler.
Koshchei exige que tout citoyen apte à servir entre au
service de la milice, entretienne les fortifications et patrouille
sur les murs d ’enceinte pour combattre les envahisseurs du
Croissant ou bien n ’importe quels bandits venus d ’ailleurs
en Ussura. Cette tradition remonte aux premières années
d ’existence de Breslau, alors qu ’il ne s ’agissait que d ’un
simple village de mineurs.
Les mines de Breslau regorgent de gemmes démantoïdes
(une variété de grenats d ’un vert brillant), d ’or, de cuivre,
de diamants et de petites quantités de fer. Ces ressources
enrichissent la ville, du moins tant que dure le commerce
avec les provinces du sud et le Cathay. Le fonctionnement
des mines est peu commun : les lieux sont en effet possédés
à part égale par tous ceux qui y creusent, et sont dirigés par
une communauté autonome de mineurs. L ’idée provient
des débuts de l ’histoire de l ’Église orthodoxe ussurane,
d ’un temps bien moins hiérarchique et autoritaire, où les
gens vivaient et travaillaient en petits groupes pour le bien
commun. Koshchei prélève une portion de leurs profits en
guise de taxe, mais sinon, il n ’intervient pas dans les affaires
des mines.
Le problème ? Eh bien, aux yeux des lois ussuranes, ce
système est illégal. Voilà quelques centaines d ’années, après
que des moujiks se révoltèrent et installèrent des systèmes
semblables à celui de Breslau, des boyards firent pression
sur le Czar pour interdire les communautés autogérées
paysannes. Ainsi, lorsqu ’ils ont des visiteurs, Koshchei sort
de son château, les administrateurs s ’habillent avec élégance,
et tous font comme si les mines appartiennent aux boyards,
comme partout ailleurs en Ussura. La vérité sera cependant
révélée tôt ou tard. Certains boyards adoreraient trouver
un prétexte pour s ’inviter à Breslau et s ’emparer des mines
prospères de Koshchei. D ’autres craignent ou détestent ce
dernier pour des raisons personnelles. Le pire serait que
cette suspicion grandissante ne révèle fortuitement au
monde le secret des femmes et des enfants que Koshchei
dissimule dans son château.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 137
 Saranbaatar ussuran à distance une fois en place. Quand elle est démontée
Saranbaatar est la plus grande ville khazari de Molhynia. pour être déplacée, des chameaux ou des yaks transportent les
Comme toutes les installations khazaris, Saranbaatar est pièces détachées jusqu’à la prochaine destination.
mobile. Trois à cinq fois par an, toute la ville se démonte en
moins d’une journée puis chevauche jusqu’à son point de chute Les stupas
suivant, où elle se réinstalle aussi vite qu’elle s’est démontée. Au terme d’une vie d’aventure, la grande bogatyr Sarangerel
Des éclaireurs la précèdent, guettant les menaces et relayant a choisi de se poser pour de bon—du moins d’après les stan-
les informations à ce sujet jusqu’aux aînés de leur tribu, lesquels dards khazaris—et est entrée dans les ordres, devenant une
changent alors de site d’implantation si besoin. L’endroit est nonne de Madhyamika. Fondée par une sage cathayenne, le
choisi selon les déplacements de leurs ennemis, d’après les dogme de Madhyamika pousse ses fidèles à se libérer du cycle
esprits et leurs prémonitions des changements météorologiques, des souffrances humaines grâce à la compassion, la modéra-
ou pour sa proximité avec d’autres campements khazaris avec tion et le détachement. C’est elle qui, à l’origine, a fondé la ville
qui commercer pour écouler un surplus de ressources. désormais appelée Saranbaatar, jadis un monastère nomade
qui a ensuite très vite accueilli de nombreux membres du
Animaux clergé et autres fidèles de toutes les religions de l’Ussura.
Dans tous les camps khazaris, les animaux dépassent les Saranbaatar s ’installe là où se trouvent deux structures
humains en nombre. Chaque famille de Saranbaatar a assez permanentes : une maison de bain et un stupa. Un stupa
d ’animaux de bât et de transport—chevaux, chameaux et est un mont de pierre ou de terre en forme de dôme qui
yaks—pour déplacer tous ses membres, leur ger et leurs contient les reliques des moines et des nonnes décédées de
possessions d ’un endroit à un autre lors des migrations Madhyamika. En territoire khazari, les stupas ont un rôle
de la ville. La famille possède aussi au moins un bankhar, syncrétique, puisqu ’ils sont aussi utilisés par les chamanes
c ’est-à-dire un gros chien de garde aux membres épais et turăistes, en guise de temple yachidi, et par toute autre
au poil soyeux qui les accompagne dans leurs déplacements. forme de religion qui en aurait besoin en territoire khazari.
Les bankhars sont des chiens d ’origine primitive davantage Saranbaatar est assez vaste pour accueillir différents
qu ’une race d ’élevage. Ils se sont adaptés au temps ussuran clergés aux pratiques spécifiques, mais comme souvent,
au fil des millénaires passés à survivre, surveillant les trou- les Khazaris sont ravis de se dépatouiller avec les rituels
peaux et suivant les enfants errants. Une multitude de inconnus des autres religions si, par exemple, ils ont besoin
moutons et quelques chèvres se déplacent avec Saranbaatar. de parler avec le fantôme d ’un ancêtre enterré au stupa.
Les chasseurs utilisent des rapaces, surtout des aigles royaux, Une fois Saranbaatar bien installée dans son nouveau
pour aider les chiens dans leur surveillance. point de chute, un festival religieux a lieu, lequel met en
Une personne aisée se reconnaît à son grand nombre de avant les enseignements et les intérêts de ceux qui sont
chevaux ; les Khazaris évaluent la richesse d ’une personne enterrés au stupa local. Ce festival honore et illustre aussi
ou la valeur d ’une chose au nombre de chevaux (ou fractions le paysage spirituel local, décrivant quelles divinités et autres
de chevaux) possédés ou équivalents. Les chevaux figurent figures tutélaires habitent les environs, renseignant les gens
dans plus de la moitié des chansons traditionnelles khazaris. sur la manière de les vénérer et les apaiser.
Certains de ces animaux sont réservés à des fonctions spéci- Ces dernières années, cependant, Saranbaatar a retrouvé
fiques, mais la plupart sont tassés et courtauds, capables dans les steppes nombre de ses stupas pillés ou profanés.
aussi bien de travailler dans les champs que d ’aller au Même après que les habitants ont donné de leur personne
combat, ou encore de fournir du lait pour la fermentation. pour reconstruire et revitaliser le stupa, de nombreux
fantômes et esprits qui jadis fréquentaient les lieux ne sont
Le ger khazari pas revenus, et les appels des chamans restent sans réponse.
Le ger est une grande tente très robuste. Elle se compose d’une Les Khazaris ne le savent pas encore, mais Matushka se
structure de bois avec un encadrement de porte pour l’entrée, trouve derrière ces actes de vandalisme. Elle-même ne
de poteaux de support, de poutres de toit et d’une couronne peut pas approcher un stupa occupé par d ’autres esprits.
circulaire sur laquelle ses habitants tendent une toile en laine de Pourtant, son ambition de bannir tous les autres esprits de
mouton. Les gers varient en taille d’une famille à l’autre, allant l ’Ussura l ’a amenée à ensorceler des humains pour qu ’ils
de gers pour célibataires à de gigantesques installations prévues profanent les stupas après que Saranbaatar ou une autre
pour accueillir les réunions publiques. Il faut deux heures à ville ait bougé vers sa localisation suivante.

ï
une famille pour installer son ger, mais la tente tient le froid

138 CHAPITRE 3 : L'USSURA

Sport
Aux abords de la ville, à l ’intérieur et autour d ’une vaste
tente colorée, se tiennent les compétitions athlétiques qui
enseignent aux jeunes Khazaris de nombreuses compé-
tences fondamentales, dont l ’esprit d ’équipe. Il faut en effet
savoir mettre de côté ses rancœurs personnelles quand, par
exemple, un gigantesque empire attaque et qu ’il faut s ’unir
pour le repousser. Chaque Khazari qui en est physiquement
capable apprend à tirer à l ’arc, monter à cheval et lutter à
mains nues. Pratiques moins universelles mais néanmoins
importantes : la chasse (à l ’aigle, mais parfois avec de plus
petits rapaces), et l ’usage d ’armes de combat rapproché,
comme le couteau, la lance, la hache, le sabre et le bouclier.
Les Khazaris qui travaillent en tant que mercenaires
utilisent parfois des pistolets, mais les mousquets et les
arbalètes sont peu populaires en comparaison des célèbres
arcs composites courbes des steppes.
Pour des raisons pratiques aussi bien que religieuses, les
esprits interdisent les combats à mort entre Khazaris dans
les environs immédiats d ’un stupa. Si vous violez cette règle,
alors un esprit vous signifiera son mécontentement par de
soudaines bourrasques de vent ou bien quelques déban-
dades animales. Le jour où vous offenserez un Khazari dans
les environs d ’un stupa, celui-ci vous proposera plutôt de
vous affronter à la lutte sous la tente des athlètes.
Le dernier sport à la mode est le chogān, inventé par la Persis,
un État de l’Empire du Croissant, dans le cadre de ses entraî-
nements à la monte. Deux équipes de quatre cavaliers utilisent
des maillets pour taper dans une balle qu’ils doivent envoyer
dans les buts de leurs adversaires, à l’autre bout du terrain.
Sans surprise, les Khazaris sont devenus des inconditionnels
de ce sport enivrant au croisement de l’équitation et du jeu
de stratégie, allant même jusqu’à inventer des variantes avec
yaks et chameaux parce que, eh bien… pourquoi pas ? Cette
année, Saranbaatar s’est implantée plus au sud que d’ordinaire,
dans l’espoir que des équipes de chogān venues de Gallenia,
qui sont à l’heure actuelle les meilleures de tout l’Ussura,
répondent favorablement à leur invitation à participer aux
jeux sportifs annuels.

Défenses militaires
Lors de périodes plus agitées, les cités mobiles ont soutenu
l ’effort de guerre des Khazaris. Les ennemis avaient du mal
à planifier leurs attaques ou même à occuper le territoire à
cause des localisations imprécises de ses villes. Les steppes
sont jonchées de ruines de fortifications ennemies à moitié
achevées, construites durant les années de guerre où les
villes comme Saranbaatar se transformaient en machines

ï
de siège formidables.
 Tout comme à Breslau, chaque habitant valide de
Saranbaatar se bat en temps de guerre. Un soldat, typique-
ment à cheval, entretient une horde d’environ seize chevaux
pour réagir vite en cas de guerre intense. Ces chevaux four-
nissent aussi du lait et parfois de la viande. Les soldats sont
protégés par une armure à lamelles et un casque conique
muni d’un protège-cou. Leurs armes de prédilection sont les
arcs et les flèches, ainsi qu’un bouclier en forme de parabole
accompagné d’une lance, d’une hache, d’une masse ou d’un
sabre (au cas où le combat tourne au corps à corps). Les chefs
de section portent une bannière qui montre le tamga de leur
clan, c’est-à-dire l’emblème, et leur permettent d’être identifiés.
Sur le champ de bataille, leurs ordres prennent la forme de
chants, faciles à reconnaître et à mémoriser, et appuyés par
des instruments à percussions tels que tambours ou cloches.
La Montagne de Cristal
Les montagnes de Molhynia sont parmi les plus hautes de tout
l’Ussura. C’est ici que se trouve la gigantesque Montagne de
Cristal, tout aussi remarquable par l’étendue de sa base que
par sa hauteur vertigineuse. Elle est composée d’un cristal
translucide, aveuglant lorsque les rayons du soleil se posent
dessus. Un drachen à douze têtes occupait jadis un lac non
loin, conservant à l’intérieur de la montagne tous les objets—et
les gens—qu’il volait. La bogatyr Sarangerel parvint à les libérer
en se transformant en fourmi, grâce aux pouvoirs qu’elle avait
acquis et appris à utiliser dans la forêt de Vir’ava.
Des inscriptions sur la pierre et les facettes de cristal
avertissent le voyageur qu’au sommet de la montagne se
trouve Chernobog, un esprit qui demeure mystérieux même
pour les Ussurans. Ils ont entendu parler de lui, bien sûr : une
grande horreur noire perchée sur la plus haute montagne, qui
envoie des éclairs depuis les cieux et maudit quiconque vient
le déranger. En tant que dieu des montagnes et des tempêtes,
il est lié à Molhynia, province que peu de non-natifs visitent
de toute façon.
Le plus drôle, cela dit, est que personne ne connaît quelqu’un
qui a été maudit par Chernobog. Ce sont toujours des rumeurs,
pas très anciennes : une connaissance d’un ami qui est allé dans
la montagne et a attrapé la petite vérole… ou bien a-t-il été forcé
de marcher dans les contrées sauvages pour l’éternité ? Personne
ne sait. La vérité, c’est que Chernobog n’a jamais vraiment maudit
quiconque, parce que Chernobog n’est pas Chernobog : il s’agit
d’un être bien plus ancien qui cherche à rester dans l’ombre.
Dans le nord-est de l ’Ussura, les gens vénèrent une divi-
nité des tempêtes bien plus populaire : Tură, l ’ancien dieu
céleste des Khazaris. Tură n ’est toutefois pas que le dieu du
ï
140 CHAPITRE 3 : L'USSURA
ciel : il est le ciel et le temps qu ’il y fait. Quand on sort de
son ger et qu ’on sent le vent et l ’humidité du brouillard sur
son visage, quand on voit un éclair au loin, quand on sent
la chaleur du soleil d ’été émerger de derrière un nuage, tout
cela ne représente pas Tură : c ’est Tură.
Autrefois, Tură était amoureux de Matushka. Ensemble, ils
régnaient sur les steppes, Tură dans les cieux et Matushka sur
la terre. Les humains fascinaient cette dernière, tant et si bien
qu’elle ne parvenait pas à les laisser tranquilles : elle voulait
être impliquée dans leur existence, les aider ou les entraver
selon qu’ils allaient dans le sens ou à l’encontre de ses règles.
Tură ne pouvait accepter une telle conduite, aussi finit-il par la
quitter. Dès lors, la poigne glacée de Matushka se ressera sur
l’Ussura. Elle terrifie désormais les autres Leshiye, les attirant
dans les contrées sauvages et les maintenant loin des humains
qu’elle considère comme ses enfants, à elle et elle seule. Elle
est devenue tyrannique et cruelle. Si Tură partit parce qu’il ne
voulait pas s’impliquer, il se sent maintenant obligé de le faire.
Il n’est pas juste une divinité du temps qu’il fait, cependant :
il est ce temps et ne peut pas prendre forme humaine. Aussi,
depuis le sommet de la plus haute montagne de l’Ussura, les
grimpeurs entendent-ils un son inaudible : c’est la voix de
Tură en personne, dont les mots roulent et craquent depuis
les nuages noirs, tels les éclairs et le tonnerre.
L ’existence de Tură doit rester secrète. Si Matushka appre-
nait son retour et savait qu ’il interfère dans ses affaires avec
les humains, elle le tuerait (ou, du moins, elle essaierait).
Les récits au sujet du Chernobog découragent les grimpeurs,
qui pourraient alors entendre la parole du dieu : après tout,
pourquoi faire tous ces efforts si c ’est pour être maudit ? Les
chamans khazaris connaissent cependant la vérité ; ils ont
juré de garder le secret et de ne jamais le révéler à Matushka.
Ainsi, seul un bogatyr assez téméraire et extraordinaire
pourra s ’attaquer à l ’inattaquable Chernobog. Lorsqu ’il
atteindra le sommet de la montagne, il trouvera une chose
bien plus ancienne et sage. Ces bogatyrs entendront la vérité
de la bouche de Tură, qui les recrutera pour l ’aider à contrer
cette femme qu ’il a jadis aimée.
Les élus de Tură sont pour la plupart d’origine khazari, mais
des Héros d’en dehors de Molhynia continuent de venir à lui,
en nombre réduit mais régulier. Cette nouvelle génération
de bogatyrs qui parcourent à présent l’Ussura disent à ceux
qu’ils croisent que « Chernobog les a maudits ». Peu sont
ceux qui savent, Matushka encore moins, que ces nouveaux
bogatyrs rassemblent en fait alliés, ressources et pouvoir dans
l’objectif de résister à Matushka, et de faire de l’Ussura un lieu
à nouveau sûr pour les Leshiye.
Dar Matushki
Une femme avait deux filles, une qu ’elle aimait et l ’autre
qu ’elle méprisait. Un jour, elle envoya la seconde dans les
plaines enneigées pour y cueillir des baies. Désespérée, la
demoiselle rencontra une vieille femme avec qui elle se
montra gentille. Elle revint chez elle avec des baies et de l ’or.
Le jour suivant, la femme envoya sa préférée, certaine qu ’elle
reviendrait encore plus riche. La fille se montra cruelle avec
la vieillarde et revint les bras couverts de serpents. Les
reptiles la serraient et la mordaient, exact reflet de ce qu ’elle
faisait subir à sa sœur. La fille jura de se repentir, et tant
qu ’elle tiendrait parole, les serpents lui obéiraient.
Matushka protège l ’Ussura des étrangers, des Leshiye et
des Ussurans eux-mêmes. Elle cherche ceux qui ont besoin
d ’être punis, ces humains qui empoisonnent la Nation par
leur cruauté, leurs peurs, leurs excès et leurs mensonges.
Tout Ussuran qui réussit ses épreuves rentre chez lui avec ce
qu ’il cherchait, et un cadeau supplémentaire en récompense
de sa bonté, comme un manteau bien chaud, un peu d ’or ou
des bottes neuves. Ceux qui échouent reçoivent une Leçon.
La Leçon forcera la personne à faire face à ses faiblesses.
Les Leçons sont pénibles, de manière à ne jamais être
oubliées. Il se peut qu ’une jeune fille crache des serpents
tant qu ’elle continue à être une langue de vipère. Un
renard peut suivre un jeune garçon et l ’obliger à accomplir
d ’horribles choses jusqu ’à ce qu ’il cesse enfin de fuir ce qui
lui fait peur. Une femme peut se mettre à avoir sans cesse
soif quoi qu'elle boive, jusqu ’à ce qu ’elle arrête enfin de boire
de l ’alcool. Un homme peut perdre tout ce à quoi il tient,
jusqu ’à ce qu ’il apprenne à donner un peu.
Quand une personne a appris sa Leçon, elle reçoit deux
Dons. Qui oublie sa Leçon perd ses Dons. Cette perte n ’est
pas une punition mais un avertissement : si la personne
persiste dans son oubli et ne se repent pas, elle reçoit une
nouvelle Leçon, qui sera plus douloureuse que la première,
et bien plus difficile à oublier.
Les épreuves et ceux qui les subissent
Matushka voyage à travers le monde sous la forme d ’une
vieille femme ou d ’un enfant, selon l ’avatar que sa cible est la
plus à même d ’ignorer. Sous cette apparence, elle demande
de l ’aide. Ce n ’est jamais grand-chose—un peu de pain,
d ’aide pour rentrer chez elle, de l ’argent ou un jouet coincé
dans un arbre—mais jamais plus que ce que sa cible n ’est
capable de lui donner. En fait, les épreuves de Matushka
sont toujours faciles, à réussir comme à rater.
Matushka teste trois types de personnes. Les premières
sont celles qui ont un comportement qui tend à nuire à
l ’Ussura, mais qui ont la capacité d ’apprendre et le poten-
tiel pour devenir des Héros ; Matushka ne perd pas son
temps avec ceux qui ne peuvent pas apporter leur aide à
la Nation ou s ’y refusent. Les deuxièmes sont celles qui,
ayant appris une première Leçon, en réclament une autre ;
Matushka sourit à ceux qui souhaitent devenir meilleurs,
mais sa joie ne rend pas ses Leçons moins terribles, ni ses
Restrictions moins lourdes. Les troisièmes sont celles qui
endurent un labeur excessif avec joie et patience ; pour
ces malheureux, le test est une potentielle rétribution en
récompense de leur comportement : la personne reçoit un
Don, mais ne sera pas touchée par Matushka, car elle n ’a
pas besoin de Leçon et n ’en recevra pas.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 141
 La Leçon et en user de manière appropriée. Seul le Repentant peut
Les Leçons de Matushka font mal, sans exception. La y parvenir, quoi que Matushka lui ait confié : des objets,
douleur peut être physique, mentale ou sociale (à base des symboles ou des choses revêtent une forme encore plus
de blessures persistantes, de cauchemars ou de situations importante, comme un enfant, la richesse, la sécurité ou
embarrassantes), sa nature dépendant de ce qui sera le plus l ’amour. Ce test exige discernement, intelligence, obéissance
efficace, au cas par cas. et contrôle de ses désirs personnels (le plus attrayant des
La Leçon vise à révéler un vice : la lâcheté, la malveillance, éléments est souvent celui que l ’on doit détruire ou donner).
le mensonge, la cruauté, l ’indifférence ou bien la complai- Si le Repentant réussit, il reçoit deux Dons de son choix
sance. Il est nécessaire qu ’une personne ayant échoué au test avec une Restriction facile. Par exemple, les généreux
de Matushka comprenne pourquoi elle a attiré son attention. devront faire preuve de bonté. Quant à ceux qui échouent,
La Leçon prend fin quand sa cible montre qu ’elle a compris. Matushka leur donne le choix : la liberté ou la Leçon.
Ces démonstrations, à visée individuelle, ne sont pas aussi
exigeantes en termes de repentance que les Restrictions. Par Les Czars
exemple, un menteur peut avouer son mensonge et annuler Matushka accorde une attention particulière aux Czars et
le préjudice que son parjure a causé. Une jeune femme Czarinas. Elle teste chaque dirigeant de manière répétée et
trop lâche peut aussi réaliser un acte courageux qui aupa- leur alloue ses Dons tant qu ’ils continuent de réussir. Ces
ravant lui faisait peur. Quelqu ’un de cruel peut s ’excuser tests sont secrets et ne suivent aucun modèle précis. Ce n ’est
auprès de ceux qu ’il a blessés, puis faire preuve d ’une bonté que lorsqu ’un dirigeant échoue que Matushka en révèle
sans réserve. la nature.
À de rares occasions, certains refusent d ’apprendre leur L ’un des échecs de Czars les plus connus met en scène
Leçon. Pour eux, celle-ci n ’a pas de fin. un pommier. Chaque soir, quelqu ’un y volait une pomme.
Plutôt que de mener lui-même l ’enquête, le Czar de cette
Don et Restriction époque y envoya ses fils : les voleurs tuèrent le premier et
Après la Leçon, Matushka revisite les personnes qu ’elle a blessèrent le second. Matushka réprimanda le Czar pour
testées, en personne ou en rêve, et leur donne deux Dons et sa paresse, et lui reprit ses Dons. Après cela, le fils blessé
deux Restrictions. Elle leur explique ce que sont les Dons mourut et la femme du Czar le quitta de crainte que la
et ce qu ’elle attend d ’eux en retour. Nul ne peut refuser. Une malédiction ne la touche elle aussi.
personne qui a appris sa Leçon est un poluchatel (ou bénéfi- Tous les Czars et Czarinas savent qu ’ils doivent faire de
ciaire). Les Dons sont des extensions du pouvoir de la Mère, leur mieux pour l ’Ussura. Sans la bénédiction de Matushka,
qui leur transmet son autorité sur la terre, la faune, ainsi que le pouvoir exige de terribles sacrifices personnels.
son expertise en réparations. Beaucoup espèrent qu ’Ilya ou Ketheryna échoueront à ces
Chaque Don apporte une Restriction qui renforce la tests, afin de savoir enfin quel dirigeant suivre. Cependant,
Leçon. Les anciens menteurs doivent continuer à être si Matushka a préparé des épreuves pour eux, l ’un comme
honnêtes, les ex-hédonistes doivent vivre avec mesure. Qui l ’autre semble les avoir réussies sans problème.
transgresse une Restriction perd ses Dons et doit se repentir
pour les regagner. Les poluchatels dans la communauté
La combinaison Don/Restriction est appelée Leçon de Les Ussurans éprouvent un respect plein de méfiance à
manière à ce que le poluchatel n ’oublie jamais ce qu ’il a l ’égard des poluchatels : de la méfiance car ils savent que
appris. Qui ne se repent pas doit repasser sa Leçon, plus peu le deviennent sans raison, et du respect car chacun sait
difficile la deuxième fois. que les Dons exigent beaucoup de contrôle de soi pour être
conservés. De plus, de nombreux Héros ussurans sont aussi
L ’exception : le test du Repentant des poluchatels. Les récits de leur rencontre avec Matushka
Une exception existe pour ceux qui recherchent Matushka puis de leur transformation, où ils passent d ’enfants terribles
de leur propre chef. Matushka les observe et décide ou non à adultes héroïques, demeurent populaires, surtout chez les
de se montrer. Ceux qui la voient reçoivent trois choses : plus jeunes.
une à détruire, une à protéger, une à donner. Le Repentant
doit alors déterminer quelle est la fonction de chaque chose,

ï
142 CHAPITRE 3 : L'USSURA
Le Toucher de Tură
Si Matushka est la mère de l ’Ussura, Tură en est le père. Par
rapport à sa femme, il a une approche différente. Au lieu
de Restrictions, il donne liberté et responsabilité. Certains
disent qu ’il est moins cruel que Matushka mais, au final, il
exige autant d ’eux qu ’elle.
Pour mieux comprendre la différence, il faut imaginer que
quelqu ’un vous demande de cuisiner un gâteau. Matushka
vous donnerait la recette et vous demanderait d ’en suivre
chaque ligne à la lettre, vous tapant avec un bâton chaque
fois que vous feriez une erreur avant de vous forcer à tout
recommencer. Tură, lui, vous donnerait tous les ingrédients
dont vous avez besoin ou que vous lui demanderiez, puis il
vous laisserait deviner les étapes par vous-même. A terme,
les deux attendent un gâteau.
Tură ne s ’oppose pas à tous les principes de Matushka,
disons plutôt qu ’il n ’aime pas ses méthodes, et qu ’il
est pour le moins déçu de la manière dont elle traite les
autres Leshiye.
Autrefois, Tură et Matushka s ’aimaient et partageaient
leurs pouvoirs. Matushka permettait à Tură d ’utiliser
et d ’offrir son Don de Régénération, tandis que Tură
lui permettait d ’utiliser et d ’offrir son Don de Tempête.
Désormais, ils se considèrent l ’un et l ’autre comme des
dangers pour l ’Ussura. Tură a d ’ailleurs commencé à agir
contre Matushka, bien que celle-ci l ’ignore. En effet, il a
utilisé les pouvoirs de transformation de sa femme pour
se dissimuler d ’elle sous les traits de Chernobog, et rester
caché dans la Montagne de Cristal, plus proche de son
propre royaume.
Lorsqu ’une personne rencontre Tură, ce dernier lui offre
tous ses Dons en échange d ’une Tâche et d ’une Marque.
Quiconque refuse son offre se réveille dans les montagnes
sans aucun souvenir de Tură, ni du temps passé avec lui.
Ceux qui acceptent entrent dans les rangs des maudits
de Chernobog.
Tură a pour but de libérer les Leshiye des restrictions
extrêmes de Matushka. A cette fin, il charge ses maudits
de missions pour effacer le mal que Matushka a commis
en Ussura.
Quand un maudit quitte les montagnes, il répand
d’incroyables histoires sur sa rencontre avec le Chernobog,
racontant notamment comment il l’a dérangé et mis en colère.
Les maudits sont unis dans la protection du secret de Tură et
dans leur campagne contre le règne de Matushka. Ce n’est
que lorsqu’ils trouvent quelqu’un qui pourrait agir pour leur
cause qu’ils partagent discrètement la vérité avec eux.
Fonctionnement
Tură ne cherche personne en particulier, il attend que les gens
viennent à lui. On peut le trouver par accident en explorant
les montagnes, ou bien parce qu’un maudit a parlé de sa
cachette. Quand vous gagnez l’Avantage Sorcellerie, Tură
vous offre deux Dons et une Tâche, et laisse une marque noire
de la taille d’une grosse empreinte de pouce sur votre visage,
votre cou ou l’une de vos mains. Une fois que vous avez reçu la
Marque de Tură, ce dernier peut vous contacter en rêve pour
vous offrir des Dons et des Tâches supplémentaires.
Don
Le Don est un pouvoir surnaturel. Alors que les pouvoirs de
Matushka se concentrent sur l’amélioration de la terre et de la
faune, les Dons de Tură concernent le ciel et le temps qu’il y fait.
Vous pouvez utiliser ce pouvoir contre un point d’Héroïsme.
Tâche
Votre Héros gagne une Histoire spéciale—« La Tâche de
Tură »—qui lui détaille ce que Tură attend de lui. Vous
pouvez accomplir les Étapes de vos autres Histoires de
manière normale, mais le Héros ne peut pas créer de
nouvelle Histoire tant qu ’il n ’a pas accompli la Tâche de
Tură. Une fois celle-ci accomplie, vous pourrez écrire de
nouvelles Histoires normalement.
Les Dons
Les Dons de Tură sont très similaires à ceux de Matushka,
mais favorisent le ciel et le temps qu ’il y fait. Dans la liste
des Dons de Matushka disponible dans le Livre de Base,
Tură ne peut vous offrir que l ’Illumination, la Purification,
la Tempête et la Régénération. La liste suivante contient
des exemples de Dons additionnels offerts par Tură. Vous
pouvez également créer votre propre Don avec l ’aide du
Maître du jeu. Tous les Dons coûtent un point d ’Héroïsme
quand ils sont utilisés.
Parler avec les oiseaux
Lors d ’une Scène, vous pouvez parler avec tous les oiseaux,
leur demander ce qu ’ils ont vu ou entendu avant votre
arrivée ou lors de leurs voyages, ou encore solliciter leur aide
au nom de Tură. Même les oiseaux qui ne sont jamais allés
en Ussura feront en sorte de vous aider. Si votre requête
comprend un Risque, l ’oiseau lancera cinq Dés, mais c ’est
vous qui décidez de la manière dont dépenser la Mise. Vous
gagnez deux Dés bonus si votre requête convient bien à
l ’oiseau auquel vous vous adressez.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 143
 Foudre Tâches
Vous pouvez en appeler aux éclairs pour foudroyer vos La première fois que vous rencontrerez Tură, il vous deman-
ennemis, et les invoquer par n ’importe quel temps, mais dera si vous êtes prêt à garder son secret et à répandre le
pour cela vous devez avoir un accès direct au ciel. Si vous mythe du terrible Chernobog. Si vous acceptez, il vous
êtes en intérieur et que toutes les fenêtres sont fermées, vous offrira deux Dons et une Tâche.
ne pourrez pas utiliser ce Don. Avec la Foudre, vous provo- Le nombre d’Étapes de votre Histoire pour accomplir la Tâche
quez des Blessures équivalentes à votre Rang en Érudition. dépend du nombre de Dons que vous possédez. À chaque fois
Les Blessures causées par la Foudre ne peuvent être évitées. que vous acquérez un Avantage de Sorcellerie, vous recevez deux
Dons additionnels et deux Étapes supplémentaires à votre Tâche.
Voir avec le Vent Ces Étapes peuvent constituer deux Histoires distinctes d’une
La brise vous apporte de brefs aperçus visuels des endroits Étape chacune, ou bien une Histoire unique composée de deux
qu ’elle traverse. Ce peut être un moyen rapide de savoir qui Étapes liées. Par conséquent, si vous choisissez de recevoir un
vous suit, si une embuscade vous attend sur votre route, ou Avantage de Sorcellerie, vous pouvez choisir entre deux Tâches
bien de voir ce qu ’il y a d ’intéressant dans les environs. Si à une Étape, ou une Tâche à deux Étapes. Si vous recevez deux
vous vous concentrez, vous pouvez vous focaliser sur un ou Avantages de Sorcellerie pour quatre Dons, alors vous avez
deux événements précis, proches ou éloignés. Il s ’agit d ’un quatre Étapes à répartir de une à quatre Tâches.
Risque en Vigilance : pour chaque Mise, vous pouvez poser
une question sur ce qui se passe dans les scènes observées. Répandre la parole de Tură
Chaque question concerne un seul et unique sens à la fois, Pour une Histoire en une Étape, il vous suffit de raconter une
c ’est-à-dire sur ce qui est visible, audible, etc. anecdote qui mette en valeur un Leshiye (nul besoin qu’elle
soit à la gloire de Tură, ou contre Matushka). Cette Tâche
Marche du Vent forge la réputation de conteurs des maudits à travers l’Ussura.
Vous, et tout ce qui touche votre peau, devenez de l ’air Pour une Histoire en deux Étapes, vous devez raconter des
(vous feriez donc bien de demander à un ami de garder histoires à trois communautés différentes.
votre équipement). Pendant votre marche, vous êtes invi- Pour une Histoire en trois Étapes, il vous faut identifier
sible et intangible, mais si vous parlez ou émettez un bruit un bon candidat qui puisse devenir l ’un des maudits de Tură,
quelconque, vous serez entendu. Par ailleurs, il se peut que puis envoyer un message dans les montagnes.
quelqu ’un remarque une légère brise sur votre passage. Vous Pour une Histoire en quatre Étapes, il vous faudra appro-
voyagez comme un courant d ’air, ce qui signifie que vous cher le candidat par vous-même et lui donner des instruc-
ne pouvez pas traverser d ’objet liquide ou solide. Toutefois, tions pour qu ’il se rende dans les montagnes. S ’il refuse les
vous pouvez passer par des fissures et de petits trous. Dons de Tură, il ne se souviendra pas de vous.
La Marche du Vent est une pratique dangereuse. Vous
devez bien faire attention à rester entier, à ne pas vous faire Saper la parole de Matushka
aspirer par les poumons de quelqu ’un, ou à l ’intérieur d ’un Pour une Histoire en une Étape, vous devez aider quelqu ’un
petit contenant résistant. Si c ’est le cas, vous ne pourrez en lui apprenant à prendre soin de lui-même. De cette
pas retourner à votre forme corporelle. Si vous restez sous manière, vous lui ferez comprendre que cela est essentiel
forme venteuse pendant plus de quinze minutes, vous pour mieux aider autrui.
commencerez à vous déliter. Vous pouvez maintenir cette Pour une Histoire en deux Étapes, vous devez inviter des
forme pendant une Scène. Après cela, chaque Scène de étrangers à vous rejoindre pour partager une passionnante
plus vous coûte deux points de Blessure. Ces Blessures soirée entre nouveaux amis, pleine de nourriture et de bien-
sont reçues au début de la Scène et ne guériront pas tant veillance. En agissant de la sorte, vous démontrerez que la
que vous ne retrouverez pas votre forme corporelle. Si vous complaisance n ’est pas qu ’un vice mais aussi une vertu.
recevez une Blessure Dramatique en pleine Marche du Vent, Pour une Histoire en trois Étapes, vous devez convaincre
vous redevenez corporel, à moins que vous ne soyez piégé des gens de travailler ensemble à la construction de murs
quelque part. Si c ’est le cas, vous continuerez de recevoir d ’enceinte qui les protègeront des dangers des contrées
des Blessures jusqu ’à votre libération. Une fois libre, vous sauvages. Ainsi, vous leur enseignerez qu ’un peu de peur
reprendrez votre forme matérielle. n ’amène pas que des mauvaises choses.

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144 CHAPITRE 3 : L'USSURA
 Pour une Histoire en quatre Étapes, vous devez trouver
quelqu’un qui souhaite rencontrer Matushka et le convaincre
de ne pas le faire (soit en le persuadant qu’il n’a pas besoin
de Sorcellerie, ou qu’il devrait chercher Tură à la place). En
faisant cela, vous aiderez cette personne à comprendre qu’elle
possède ses propres pouvoirs ou, au moins, vous vous assu-
rerez que Matushka dispose d’un poluchatel de moins.
Arrêter Matushka
Pour une Histoire en une Étape, Tură vous donne une Tâche spéci-
fique qui fait partie d’un projet beaucoup plus vaste dont il ne vous
dira rien. Il peut vous demander de livrer une lettre, de vous tenir
devant une maison pendant plusieurs heures, d’ouvrir une fenêtre
ou bien de chanter une chanson particulière dans un lieu spécifique.
Pour une Histoire en deux Étapes, Tură vous demande d’accom-
plir deux petites missions qui n’ont a priori rien en commun.
Pour une Histoire en trois Étapes, Tură vous pose une
question dont la réponse exige quelques recherches.
Pour une Histoire en quatre Étapes, Tură vous pose une
question qui vous oblige à espionner un poluchatel, voire le
Czar, la Czarina, ou bien Matushka en personne.
Voici deux exemples de Tâches possibles, la première étant
en une Étape et l ’autre en quatre :
Répandre la parole de Tură
Fin : les enfants racontent partout l ’histoire que vous leur
avez racontée.
Étape :
• Voyager jusqu’à un petit village et raconter l’histoire
d’un incroyable Leshy qui exauce les vœux.
Arrêter Matushka
Tură vous a demandé de découvrir comment une poluchatel
guérisseuse très populaire est arrivée en ville.
Fin : la guérisseuse est déshonorée.
Étapes :
• Voyager jusqu ’à la ville concernée et poser des ques-
tions au sujet de la guérisseuse ;
• Repérer l ’auberge où la guérisseuse a dormi quand
elle est arrivée en ville ;
• Rencontrer le prêtre qui l ’a amenée à l ’auberge et
le convaincre de partager avec vous les confidences
que la guérisseuse lui a faites ;
• Confier ce que vous avez appris à un autre maudit,
afin qu ’il délivre votre message à Tură.
Si vous avez choisi l ’Avantage Sorcellerie lors de la création
de votre personnage, vous pouvez prétendre à l ’accomplis-
sement automatique de la moitié des Étapes de votre ou
vos Tâches, arrondit au supérieur. Si vous faites cela, le MJ
et vous décidez ensemble des Étapes déjà accomplies, dési-
gnant une personne qui aura été affectée par vos actions.
Vous pouvez aussi choisir de débuter le jeu avec, dans votre
Histoire initiale, les Tâches de Tură.
La Marque
Lorsque Tură vous donne votre premier Don, il vous
marque de son pouce. Cette Marque ressemble à une grosse
tâche sur votre peau. Elle peut être sur votre visage, votre
cou ou vos mains, et s ’avère toujours froide au toucher. Si
vous êtes marqué, vous saurez dire si la Marque d ’un autre
est vraie ou fausse. La Marque permet aussi à Tură de vous
offrir d ’autres Dons sans que vous ayez à retourner le voir
dans les montagnes.
Les maudits dans la communauté
La manière dont les Ussurans traitent les maudits dépend de
s ’ils ont entendu parler ou non de la Marque. Si l ’Ussuran
n ’y connaît rien, il part du principe que le maudit qu ’il
rencontre fait partie des poluchatels et le traite avec égards.
Cela s ’applique même quand l ’Ussuran voit le maudit
utiliser un Don offert par Tură.
Toutefois, si l ’Ussuran sait ce qu ’est la Marque, alors il
sait que le maudit appartient à Chernobog et il le traite
avec méfiance et pitié. Méfiance car il a entendu les
histoires répandues par les maudits, sur eux-mêmes et sur
le Chernobog, et pitié car il croit que tous les maudits sont
condamnés à une mort violente.
Si un Ussuran apprend que vous êtes maudit, toute action
entreprise l ’incluant dans une Séquence Dramatique exige
une Mise supplémentaire afin de surmonter sa méfiance.
Les maudits et les poluchatels
Maudits et poluchatels se traitent assez bien. Les poluchatels
ont tendance à être bons envers leur prochain, quelle que
soit l ’origine de celui-ci, tandis que les maudits entretiennent
des amitiés avec tous ceux qu ’ils pourraient exploiter pour
obtenir des informations. Toutefois, si Matushka apprend
un jour que Tură se mêle de ses affaires, il est certain que
cette dynamique changera.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 145
 Les duels
En Ussura, les pratiques de duel favorisent les combats sans
arme. D ’aucuns disent que c ’est lors d ’un combat à mains
nues que l ’on découvre sa vraie valeur de guerrier. Cela
explique pourquoi de nombreux styles officiels de combats
à mains nues sont enseignés en Ussura, et ce peu importe la
classe sociale des apprentis. De nombreux boyards ussurans
préfèrent le combat à mains nues de leur région natale, au
détriment des duels à l ’épée plus populaires dans les autres
Nations de Théah.
Étant donné que les Duellistes ussurans n ’ont besoin que
de très peu d ’équipement pour pratiquer leur art, ils sont
présents partout, jusque dans le plus petit village isolé dans
la toundra. Les Duellistes de cette Nation sont fiers de
former et d ’enseigner leur art aux jeunes les plus promet-
teurs. C ’est en sirotant leur vodka que ces combattants
confirmés observent les enfants jouer et s ’égratigner, afin de
repérer ceux qui montrent le meilleur instinct à la bagarre.
Ils entraînent ensuite les jeunes avec rigueur, s ’assurant
qu ’ils deviennent des maîtres dans leur art.
En ville, il existe de prestigieuses et officielles académies
de Duel, comme la Schola Vani (ou l ’École de la Guerre)
de Pavtlow, la capi-
tale ussurane. Les
parents
ï
citadins cherchent activement à y faire entrer leurs enfants.
Ces dernières ont des quotas d ’admission pour les rejetons
des boyards et tous ceux qui ont les moyens de payer les
frais d ’entrées ; néanmoins, lorsqu ’ils repèrent un enfant de
moujik très doué, il se peut qu ’ils l ’autorisent à s ’entraîner
chez eux en lui accordant une bourse. Bien que celles-ci
soient rares, elles offrent de l ’espoir aux jeunes moujiks qui
espèrent qu’un jour, leur volonté et leur force leur permet-
tront de s ’élever au-dessus de leur statut social.
Les duels ussurans battent leur plein lors des jours fériés
et des foires d ’hiver. À ces occasions, les boyards organisent
des tournois en l ’honneur de Matushka. En amont de ces
concours, des messagers répandent la nouvelle à travers la
région, en quête de combattants prometteurs qui pourraient
se produire en public. Selon les vacances, la foire concernée
et le boyard qui héberge l ’événement, de très nombreux
et différents types de Duellistes peuvent se présenter.
Toutefois, quel que soit le genre de duel, il existe une règle
qui domine toutes les autres : il ne faut jamais frapper un
Duelliste à terre.
Le premier style de duel, qui est aussi le plus pratiqué, est
le combat à mains nues. Ces duels à un contre un prennent
deux formes. La première, connue sous le nom de perestrelka
(ou escarmouche), permet aux duellistes d ’esquiver et de
sinuer afin d ’éviter les attaques et les coups. La seconde
forme, connue sous le nom de porovoti (ou l ’attente),
est pratiquée par les combattants les plus solides
et les plus costauds, car chacun doit attendre son
tour pour frapper, et ce pendant que l ’autre
le frappe. Il est interdit d ’esquiver lorsque
l ’autre Duelliste envoie le coup attendu.
Tout ce que l ’attaqué peut faire, c ’est
de parer avec ses bras et attendre
son tour.
Les affrontements les plus popu-
laires des festivals sont les « mur
contre mur », qui offrent le plus
beau spectacle de tout l ’Ussura, et
dont le nombre de participants
va d ’une dizaine dans les petits
villages à plusieurs centaines
dans les grandes villes.

Ces combats peuvent durer des heures. Les participants
forment des équipes que l ’on appelle des « murs », et chaque
mur possède un combattant en chef qui sert de stratège et
de commandant. Chaque mur est composé d ’une forma-
tion serrée de Duellistes, de trois à quatre rangs. Le but
est d ’attaquer l ’autre mur et de le repousser en dehors de
l ’arène de jeu.
Les combats « mur contre mur » emploient des tactiques
basiques. Les équipes essaient d ’ouvrir une brèche dans le
mur adverse en utilisant leurs combattants les plus massifs,
ou bien ils encerclent l ’opposant et le forcent à se défendre
d ’attaques qui proviennent de tous les côtés, ce qui épuise
tous les Duellistes en même temps. Les murs font souvent
semblant de se retirer pour que l ’adversaire se sente en
confiance. Cependant, en règle générale, chaque mur fait
de son mieux pour s ’assurer qu ’il ne brise jamais sa forma-
tion durant l ’affrontement. Cela risquerait de donner un
avantage décisif à l ’adversaire.
Qu ’il s ’agisse d ’un combat à « un contre un » ou « mur
contre mur », les Duellistes ne portent pas d ’arme. Ainsi, ils
montrent à ceux qui les regardent qu ’ils n ’utilisent que la
force de leurs muscles, et n ’ont pas besoin de l ’aide du fer ou
de l ’acier. En Ussura, les techniques de combat de boxe et de
lutte règnent sans partage, et les Duellistes qui combattent
à mains nues sont aussi respectés que leurs équivalents qui
combattent à l ’épée en Théah.
Cela ne veut cependant pas dire que les Duellistes ussu-
rans n ’utilisent jamais d ’épée ou d ’autres armes blanches
traditionnelles. Un véritable Duelliste sait qu ’il doit parfois
combattre quelqu ’un sur son propre terrain. De tels maîtres
sont prêts à aller apprendre l ’art du combat avec arme dans
d ’autres écoles de Duel que la leur.
Ces techniques sont également nécessaires en temps
de guerre, les Ussurans demeurant des individus prag-
matiques. Bien que minoritaires parmi les Duellistes de
la Nation, ceux qui combattent à l ’arme blanche vont en
ville, où les Académies de Duellistes intègrent ces savoirs
à leur programme.
LE RÉVEILLON DU JOUR
DE L ’AN
Pour les Duellistes ussurans, le plus grandiose
des festivals a lieu lors du Réveillon du Jour
de l ’an. Les villes et villages font la fête et
ripaillent, tuant les cochons pour les manger et
débouchant leurs meilleurs tonneaux de bière
d ’hiver. Les enfants se couchent tôt, impatients
de recevoir les présents de Grand-père Givre et
sa petite-fille Snegurochka. Lors de ces festivals,
les places publiques accueillent des tournois de
duels, « un contre un » et « mur contre mur ».
La crème des combattants de chaque commu-
nauté se réunit pour concourir lors de ces
spectacles publics, et gagner faveur et notoriété
auprès des boyards. Le plus grand rêve de ces
Duellistes est d ’être invité au « un contre un »
du réveillon du Nouvel An de Pavtlow, où même
le perdant connaît gloire et fortune !
Kulachniy Boi
Le kulachniy boi (ou « pugilat ») est la plus répandue des
formes de duel ussuran. Elle consiste simplement à donner
des coups à l ’aide de ses poings. Les Duellistes adoptent
le kulachniy boi pour des raisons aussi bien pratiques que
cérémonielles. Lors des jours fériés ussurans, les duellistes
se rencontrent et combattent en veillant à ne pas provoquer
de blessure durable. Après tout, les gens se sont rassemblés
pour faire la fête.
Les choses changent quand un pratiquant de kulachniy
boi voyage à travers le monde, où son savoir peut faire la
différence entre la vie et la mort. Il porte alors des gants et
des canons d ’avant-bras en métal, appelés rukavitsa, qui lui
permettent d ’infliger de plus gros dégâts tout en maintenant
l ’apparence d ’un duel sans arme.
Bonus de Style : De velours et d ’acier
Lorsqu ’il porte des rukavitsa sous ses manches longues et
qu ’il effectue une Manœuvre, un Duelliste Kulachniy Boi
peut utiliser son Rang en Bagarre au lieu de celui d ’Armes
Blanches. Tant qu ’il porte ses rukavitsa, il gagne une Mise
gratuite qui lui permet de continuer à dissimuler son arme.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 147
 Legendi La vérité
En dépit des efforts des factions de l ’Église vaticine, le Les legendi qui concernent les pouvoirs de la chervona
peuple ussuran sait qu ’il ne faut pas abandonner ses ruta sont véridiques, à une exception : les esprits qui la
croyances concernant l ’étrange et le merveilleux. Le creuset gardent ne sont pas mauvais. Il s ’agit de laquais de la Leshy
glacial de leur foyer est un refuge pour les esprits, la magie Poludnitsa, aussi connue sous le nom de Dame Midi. Esprit
et l ’inexplicable. Dès l ’instant où un Ussuran cesse ses d ’été cruel et pessimiste qui déteste l ’humanité, Poludnitsa
offrandes annuelles à Matushka ou laboure des terres qui considère l ’agriculture comme une offense à son égard. Elle
appartiennent à un esprit des contrées sauvages, il perd son rend malades les fermiers et les voyageurs qui ne trouvent
droit à la protection des Leshiye, qui voient alors en lui pas les réponses à ses énigmes, et elle utilise sa faux pour
un étranger. Or, les étrangers ne s ’en sortent pas très bien décapiter ceux qui la provoquent.
dans cet hiver sans pitié. Aussi, les Ussurans continuent de Elle a donné à la chervona ruta le pouvoir du solstice afin
respecter les traditions et font de nombreux efforts pour de gagner un pari contre Matushka. En effet, Poludnitsa
éviter de paraître suspects aux yeux des Leshiye. soutient que les humains, cupides et égoïstes par nature,
pensent toujours devoir passer en premier. Elle a donc fait
Chervona ruta, la fleur de fougère en sorte que les feuilles de la fougère, séchées et infusées,
Sur les pentes des montagnes ussuranes pousse une fleur de puissent procurer une version plus faible et temporaire de
fougère jaune très rare appelée la chervona ruta. On raconte la magie de la chervona ruta ; mais si l ’on veut bénéficier de
qu’une fois par an, lors du solstice d ’été, le soleil couchant tout son pouvoir, on doit cueillir la fleur, et donc la déra-
prête ses couleurs à la fleur en pleine floraison, qui devient ciner et la tuer.
rouge pour une nuit et porte en elle l ’enchantement de l ’été. Elle a ensuite parié avec Matushka que, neuf fois sur dix,
Si vous la cueillez, magie et danger s ’inviteront dans votre un humain qui trouverait la fleur l ’arracherait au lieu de
vie, car ceux qui cueillent un tel pouvoir et le gardent pour se faire une infusion de ses feuilles et de laisser la plante à
eux meurent souvent peu après. d ’autres. Ses esprits gardent donc la fleur non pour empê-
Une fleur de fougère rouge amène la chance à celui qui la cher les humains de la cueillir, mais pour leur demander
possède. Cette chance peut prendre la forme d ’un gain de quelles sont leurs intentions, puis rapporter la réponse à
richesse ou de prospérité, et tant que la fleur vit, sa magie leur maîtresse.
opère. Certains ont essayé de la sécher afin de conserver leur Ceux qui tuent la fleur pour des raisons égoïstes finissent
chance, mais le procédé semble ne pas fonctionner. par trouver la mort sous la faux de Dame Midi. Ceux qui
Quand celui qui l ’a cueillie la donne à une autre personne, ne prennent que les feuilles, ou cueillent la fleur pour des
il se peut que des liens amoureux apparaissent là où ils raisons altruistes et aider leur prochain, en réchappent
n ’existaient pas auparavant. Attention, cet amour se fane sans problème.
et meurt en même temps que la fleur. Certains disent qu ’il Tout Héros qui sait la vérité peut duper Dame Midi et
se transforme en haine dès que la magie disparaît, d ’autres la persuader qu ’elle a tort au sujet de la nature humaine.
assurent qu ’il persiste au-delà de la magie et fait naître un Les Héros peuvent être impliqués dans cette histoire par
amour naturel entre les personnes (affirmant également que quelqu ’un qui fuirait la faux et le jugement de Poludnitsa ;
l ’amour né de la fleur de fougère est plus fort que toutes les ils pourraient aussi se retrouver poursuivis à leur tour. Il se
autres formes d ’amour). pourrait même que Matushka leur demande d ’intervenir
Lorsqu ’elle est tressée dans une couronne ou un bracelet pour qu ’elle gagne son pari, à condition que l ’un d ’entre eux
puis portée, la chervona ruta rouge donne à celui ou celle qui possède ses Dons et conserve sa faveur.
la porte le Don de parler aux animaux. Cela ne fonctionne Dame Midi est un Monstre d ’une Puissance de 9 avec les
qu ’à l ’endroit où la fleur a été cueillie, mais tous les animaux Propriétés monstrueuses Élémentaire (chaleur) et Inéluctable.
qui fréquentent les pentes des montagnes font preuve de
sagesse et de discernement.
Attention toutefois : des esprits malveillants guettent
le passant aux endroits où pousse cette fleur. Ceux qui
souhaitent la cueillir doivent tuer ou duper ces gardiens
s ’ils veulent mettre la main sur les pétales écarlates.

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148 CHAPITRE 3 : L'USSURA
L ’Oiseau de feu
Peu de gens ont vraiment aperçu l ’Oiseau de feu, mais
beaucoup se vantent de l ’avoir vu. Peu possèdent l ’une de
ses plumes magiques, et beaucoup de simples imitations.
Les récits des merveilles que l ’Oiseau de feu peut réaliser
varient d ’une région à l ’autre. Ici, on raconte qu ’il peut
soigner les malades et ressusciter les morts ; là, qu ’il exauce
les souhaits en échange de quelques années de notre vie,
qu ’il stocke ces dernières dans les plumes de sa queue et
qu ’il distribue à ceux qui les méritent. Ailleurs, les fables
parlent d ’un oiseau capable de distinguer le vrai du faux, et
de brûler tout menteur qui utilise sa langue de vipère pour
s ’emparer de ce qui n ’est pas à lui. Tous les récits s ’accordent
sur un point : l ’Oiseau de feu est un magnifique volatile
femelle qui possède un plumage aussi coloré et brillant que
des flammes, qui procure chaleur, lumière et chance à ceux
qui en disposent.
Les récits véridiques des rares élus qui ont rencontré
l ’Oiseau de feu, ou qui sont tombés sur l ’une de ses plumes
perdues en vol, ont suffi pour encourager des dizaines de
Héros, bandits et autres désespérés à se lancer en quête
du volatile. Les boyards qui ont quelque chose à prouver
envoient des champions pour le capturer et le ramener chez
eux. Les marchands, les voleurs et les pauvres les plus acca-
blés font tout pour se procurer l ’une de ses plumes et faire
fortune en la revendant aux rois et autres sorciers de Théah.
Les enfants qui ont soif d ’aventure lui demandent son aide
pour soigner un parent qui souffre d ’une maladie incurable.
Certains amants recherchent l ’Oiseau pour le supplier
de ramener leurs partenaires décédés à la vie. Certaines
personnes le vénèrent, tout simplement.
Bien que furtif et dangereux, l ’Oiseau de feu attire des
pèlerins de toutes origines, qui attendent de lui qu ’il tienne
des promesses qu ’il n ’a jamais faites. Le problème, c ’est que
personne ne sait où dénicher l ’animal. Certaines legendi
assurent qu ’il se trouve très loin au nord dans les montagnes
glacées de Breslau. D ’autres racontent qu ’il a fait son nid
dans la forêt de Vir ’ava, parmi les animaux parlants. Bien
que ces lieux constituent des terrains de chasse habituels
pour ceux qui recherchent l ’Oiseau de feu, peu de gens
parviennent à l ’apercevoir.
La vérité
L ’Oiseau de feu était une jeune femme du nom de Stasya.
Sa famille, tyrannique et cruelle, la forçait à travailler de
longues heures, sans aucun repos. Elle avait toujours faim
et soif, et passait son temps à extraire des rubis de la mine
familiale. Fidèle à sa réputation, Koshchei l ’Immortel est
alors venu à son secours.
Une fois au château, Stasya a eu du mal à s ’adapter. Elle
voulait être libre pour de bon, vagabonder à travers l ’Ussura.
Koshchei ne pouvait pas la laisser partir, car cela aurait mis
en danger ses autres pupilles. Elle brûlait d ’être libre, mais
l ’Immortel ne pouvait pas la relâcher.
Elle a alors passé un marché avec un Leshy de feu qui
l ’a transformée en oiseau de flammes et elle s ’est envolée
du château à la poursuite de sa liberté. Elle restait néan-
moins prisonnière car le Leshy de feu refusait de lui rendre
forme humaine.
Depuis, Koshchei la recherche de crainte qu ’elle trahisse
ses secrets et mette en danger ses pupilles. Son intérêt pour
l ’Oiseau de feu a attiré l ’attention d ’autres personnes, qui
pensent qu ’il en a après certaines de ses propriétés magiques.
C ’est de là qu ’est née la legendi de l ’Oiseau de feu.
De nombreux boyards—y compris l ’Immortel—offrent
des récompenses à quiconque a des informations à offrir
sur l ’Oiseau de feu. Stasya, pour sa part, cherche quelqu ’un
qui voudrait et pourrait la ramener à sa forme humaine, ou
qui pourrait au moins la protéger des mains avides. Elle ne
veut être la prisonnière de personne, peu importe que son
geôlier ait de bonnes intentions ou non. Son seul pouvoir
est dans la lueur chaude et réconfortante de ses plumes.
Tant qu ’elle n ’aura pas trouvé quelqu ’un qui veut vraiment
l ’aider, elle continuera à se battre et à résister dès qu ’elle est
vue ou attrapée.
L ’Oiseau de feu est un Monstre ’d ’une Puissance de 4 avec
la Propriété monstrueuse Élémentaire (Feu).
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 149
 Mstitel le croque-mitaine
À la faveur du crépuscule bleu, les sabots de ses chevaux
crissent sur la neige fraîche et leur harnachement tinte
au rythme des susurrements désespérés du vent. Une
forme silencieuse va là où ils vont. Elle repère les pièces de
monnaie à la seule lueur d ’une lampe, tout comme les mains
qui se les échangent pour acheter de la viande et du vin. La
chose peut sentir un boyard à des kilomètres à la ronde, et
peu après l ’avoir repéré, elle le détruit.
Mstitel le croque-mitaine est une histoire du soir que les
adultes se racontent au cœur de l ’hiver, quand ils sont en
sécurité dans leurs nobles tours fortifiées, derrière leurs
lignes d ’épieux dressés. Ils parlent de son incroyable capa-
cité à repérer les boyards, de ses talents malicieux, et de ses
griffes d ’acier qui déchirent et mettent en pièce des victimes
qui ne se doutaient de rien.
Les moujiks n ’ont rien à craindre de cette apparition
cauchemardesque : elle déteste la noblesse et laisse les
paysans en paix. Tout le monde ignore pourquoi, mais les
boyards de Gallenia savent qu ’il ne faut pas voyager de nuit,
à moins de cacher sa richesse et de s ’habiller de laine quel-
conque pour tromper ce grand esprit vengeur. Même quand
ils voyagent en groupe, les boyards ne sont pas à l ’abri d ’une
attaque du croque-mitaine qui semble capable d ’affronter
plusieurs hommes à la fois.
Il apparaît après la tombée de la nuit et tend des embus-
cades aux nobles qu ’il croise sur sa route ou dans les contrées
sauvages, se contentant d ’abord de leur faire d ’inquiétantes
plaisanteries (comme éparpiller le bois pour le feu, renverser
un chariot ou bien déranger une nuée de chauve-souris au
repos afin qu ’elles s ’envolent et enveloppent le voyageur
dans leur masse hurlante). Il peut ainsi suivre le boyard et
le terroriser durant des heures, jusqu ’à ce qu ’il craque.
Dès qu ’un boyard succombe à la peur et court pour sauver
sa vie (voire brandit sa lanterne en une vaine bravade),
Mstitel passe à l ’attaque. Il enfonce son épée à travers le
corps de sa victime en fuite, pousse un rocher pour écraser
ceux qui se trouvent en dessous, ou bien effraie les chevaux
au point de les faire aller vers le bord des falaises, empor-
tant avec eux cavaliers et chariots. Les rares survivants des
attaques de Mstitel disent que, juste avant que le chaos ne
les frappe, ils ont vu deux yeux rouges et furieux les observer
depuis les ténèbres.
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150 CHAPITRE 3 : L'USSURA
La vérité
Autrefois, au sommet d ’une des montagnes de Gallenia, on
trouvait un très vaste domaine qui abritait la demeure de
dame Kveta Masalk Radkova v ’Riasanova. Ses nombreux
enfants et petits-enfants y vivaient avec elle, dixièmes et
onzièmes générations à peupler la demeure familiale.
Les années passant, le domovoi de leur domaine avait
développé une loyauté féroce envers leur famille. Lorsqu ’une
famille de boyards rivale devenue Scélérate attaqua avec des
soldats et tua dame Kveta et sa descendance, le domovoi fut
abandonné dans la demeure vide transformée en tombeau.
Le domovoi perdit alors sa famille et sa raison de vivre.
Les profondeurs de son chagrin l ’ont amené à puiser dans
des réserves de volonté et de pouvoir qu ’aucun domovoi
ne devrait jamais posséder. Il s ’est métamorphosé en autre
chose, quelque chose de plus sombre et de plus grand, et ses
instincts de gardien l ’ont amené à « protéger » son territoire
des boyards qui se montrent abusifs. C ’est ainsi qu ’il est
devenu Mstitel le croque-mitaine.
Dès qu ’il croise un voyageur, il l ’observe afin de savoir s ’il
s ’agit d ’un noble ou d ’une personne du peuple. Il écoute sa
manière de parler, évalue sa richesse à partir de ce qu ’il porte
et pose de temps à autre des questions ou des énigmes qu ’il
susurre dans le vent afin de voir comment sa cible réagit. S ’il
voit quoi que ce soit qui lui déplaît, il succombe à sa rage et
joue avec sa cible avant de la tuer, horrible parodie de son
ancien rôle de gardien amical.
Si un Héros apprend la véritable histoire du Mstitel, il
peut le calmer de deux manières : soit en se montrant vindi-
catif envers la famille qui a tué celle de dame Kveta ; soit
en accomplissant des rites funéraires qui apaiseront la soif
vengeresse de l ’esprit. Il peut même tenter de retrouver le
dernier parent encore en vie de dame Kveta et convaincre
Mstitel de se mettre à son service.
Mstitel est un Monstre d ’une Puissance de 7 avec les
Propriétés monstrueuses Effrayant, Nocturne et Furtif.
Rusalki et Vodyanoi
Tous ceux qui voyagent par les rivières ou qui pêchent en
Ussura connaissent les dangers qui guettent quiconque
navigue sans protection contre les magnifiques rusalki et les
répugnants vodyanoi. La simple présence d ’un humain qui
ne les aurait pas apaisés d ’une offrande ou d ’une promesse
les met en colère, et lorsqu ’elles se fâchent, ces créatures les
noient et détruisent tout.
Les rusalki étaient jadis des femmes bien vivantes, mais leur
esprit est désormais prisonnier de leurs tombeaux submergés.
Elles hantent quiconque a l’audace de survivre à l’eau. Les
vodyanoi sont quant à eux des enfants nés de l’union d’un
Leshy et d’un humain. Ils jalousent les humains qui sont
capables de voyager loin et longtemps tandis qu’eux-mêmes
sont liés à l’eau. Les gens considèrent ces deux types de créa-
tures comme une seule et même menace.
Certains racontent que les rusalki et les vodyanoi réduisent
les humains en esclavage afin de créer une armée de soldats
amphibiens qui émergera un jour des lacs pour engloutir
tout l ’Ussura, libérant ainsi leurs maîtres malveillants qui
deviendront les rois d ’un vaste royaume aquatique.
Les bogatyrs et autres personnes armées tuent et bannissent
ces créatures dès que possible, surtout maintenant que les
Ushkuiniks utilisent leur relation
avec elles pour forcer la main
de quiconque ose mettre un
gouvernail dans une rivière.
Les familles dont le gagne-
pain dépend des rivages ou des
lacs passent parfois des marchés
avec ces esprits. Elles peuvent
par exemple accepter de
donner le premier né
de chaque génération
à la rusalki locale, ou
bien permettre à un
vodyanoi de passer
chaque treizième
mois sous leur toit,
comme s’il était un
de leur membre.
La vérité
Les rusalki et les vodyanoi travaillent ensemble quand ils en
ont envie, mais leur coopération, basée sur leur entente quant
au territoire qu’ils se partagent, demeure précaire en raison
de leur esprit de concurrence et des coups de poignard dans
le dos qu’ils peuvent se porter. Les Ushkuiniks, et tous ceux
qui l’ont compris, tirent avantage de la situation en jouant
sur la fierté des esprits, en faisant en sorte de les dresser les
uns contre les autres, ou bien en les manipulant afin qu’ils
s’unissent contre une même menace.
Ces créatures n’ont aucune ambition de conquête armée, même
si, de temps en temps, un vodyanoi animé d’illusions de grandeur
essaie de s’emparer d’un domaine situé près d’un lac ou bien d’une
entreprise de pêche. Les rusalki manquent quant à elles le plus
souvent d’imagination ou de motivation pour se mêler d’affaires
terrestres allant plus loin que le rivage où elles se trouvent.
Les vodyanoi possèdent des fiefs sous-marins, reflets
déformés de ceux que l ’on trouve à la surface. Quand
ils « noient » quelqu ’un, la personne ne meurt pas : les
hommes-grenouilles lui jettent un sort afin qu ’il puisse
respirer sous l ’eau, puis ils en font leur esclave. Les récits de
leur sauvetage audacieux parviennent rarement jusqu ’au coin
du feu : pour tous ceux qui l ’ont vue se noyer, la personne
est morte, et même si quelqu ’un pouvait la sauver, comment
pourrait-elle respirer à la surface désormais ? Mais les Héros
peuvent marchander avec les vodyanoi et négocier le retour
de leurs proches, ou bien ils peuvent s ’attirer les faveurs d ’un
Leshy plus puissant capable d ’annuler le sortilège.
Les rusalki n’ont que faire de serviteurs et de richesses, et
contrairement à la croyance populaire, elles n’ont jamais été
humaines ou mortes. Une rusalka est un esprit de l’eau qui
surveille une petite partie d’une voie navigable qu’elle consi-
dère comme son territoire. Quand elle séduit, noie ou attaque
quelqu’un, c’est toujours parce que cette personne est entrée
dans son domaine et mérite d’être punie. Si elle dupe ou
persuade un vodyanoi de faire respirer quelqu’un sous l’eau afin
d’en faire son esclave, c’est parce qu’elle a trouvé la personne
jolie et voulait l’avoir pour elle seule. Les rusalki sont des créa-
tures possessives et jalouses qui n’ont que peu d’égards pour
les désirs d’autrui, ce qui les rend égoïstes et combatives, mais
faciles à soudoyer. Tout Héros ayant affaire à une rusalka doit
être prudent et déterminer si la créature en face de lui est une
véritable rusalka, ou bien un fantôme qui prétend en être une,
car la stratégie à utiliser pour chasser l’esprit ou obtenir ce qu’il
veut varie selon la nature de la menace.
Les rusalki et les vodyanoi sont des Monstres d ’une
Puissance de 6 avec la Propriété monstrueuse Aquatique.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 151

Upir
Chez les plus dévots de l ’Église orthodoxe ussurane, les
histoires d ’upir ont des airs de contes moraux. Prenez garde,
dit l ’Église, de ne pas vous livrer à des pratiques magiques
ou de vénérer de faux dieux. Ne mourez pas de causes non
naturelles et n ’humiliez pas votre famille. Si vous le faites,
il se peut que vous deveniez un upir après votre mort : vous
serez alors un mort-vivant qui ne vieillit jamais et dont
la soif de sang humain le pousse à tuer pour survivre. Ils
marchent parmi nous quand le soleil se couche, attirant
leur victime hors de son foyer pour la vider de son sang et
l ’abandonner, froide coquille vide qu ’on ne découvrira qu ’au
petit matin.
Ceux qui adhèrent aux contes anciens rejettent l ’idée de
l ’Église selon laquelle l ’apparition des upirs est due à la
magie ou à une malédiction. Ils préfèrent penser que les
upirs sont porteurs d ’une maladie contagieuse qui trans-
forme les gens en suceurs de sang après leur mort.
Dans les endroits où cette croyance persiste, la tradition
exige qu ’on brûle les corps de ceux qui sont décédés de
maladie ou de causes inconnues, pour éviter qu ’ils ne se
relèvent d ’entre les morts. Certains croient que les upirs
peuvent être guéris tant qu ’ils ne sont pas encore morts, et
chaque région a sa propre idée des signes qui indiquent si
une personne va en devenir un ou non. Certains pensent
que l ’infecté perd la capacité à voir les couleurs ou à manger
autre chose que de la viande, ou voient les comportements
inconstants et antisociaux comme des symptômes, tandis
que d ’autres considèrent les upirs capables de marcher et
de survivre dans le froid le plus mordant sans protection et
sans problème.
Une autre version affirme que cela est dû à une réincarna-
tion ratée. Que ce soit par chance ou par magie, deux esprits
se réincarnent dans le même corps. Alors que l ’un domine
lors des heures d ’éveil, l ’autre occupe le corps durant la nuit,
lorsqu’il dort, et s ’en va donner des cauchemars aux enfants
pour consumer leur force vive.
Quand un upir meurt, le deuxième esprit s ’échappe du
corps tel une mite ou un papillon de nuit, et trouve un
nouvel hôte afin de poursuivre ses escapades nocturnes
assassines. Par conséquent, dans les communautés où cette
croyance persiste, les gens tuent les papillons et les mites
dès qu ’ils en voient.
Peu importe les détails, le fait est que peu d ’Ussurans
doutent de l ’existence des upirs. De temps en temps, de
petits groupes de bogatyrs s ’en vont s ’entraîner auprès de
membres de Die Kreuzritter pour devenir chasseurs d ’upirs.
ï
152 CHAPITRE 3 : L'USSURA
JE PEUX EN JOUER UN ?
Étant donné que tous les upirs ne sont pas des
Scélérats, un joueur peut se montrer intéressé pour
en jouer un. Après tout, la possibilité de pouvoir
toujours jouer le même personnage après sa
mort est séduisante. Une partie qui inclue un upir
mort-vivant prend assez souvent des airs de récit
horrifique, et le joueur doit se préparer à endurer
un déchirement constant à cause de sa Corruption.
Cependant, si le MJ et les joueurs souhaitent obtenir
une telle ambiance, alors qu’ils n’hésitent surtout
pas ! Il faut qu’ils utilisent l’Historique Befleckte
Seele (Âme souillée) et achètent l’Avantage Sombre
don pour acquérir la Propriété monstrueuse
Nocturne. Befleckte Seele (Âme souillée) et Sombre
don sont décrits en Annexes page 203.
Il est également possible de jouer un upir vivant
le temps de la partie. Dans ce cas, l ’héritage de ce
personnage peut devenir une source d ’accroches
scénaristiques supplémentaires, sans non plus
constituer une tentation Scélérate trop importante.
Ils voyagent alors à travers le pays en quête de ces prédateurs
surnaturels. Les universitaires d ’autres Nations comparent
les upirs de l ’Ussura à diverses créatures buveuses de sang.
Dans certains cas, les ressemblances sont indiscutables, mais
il arrive parfois que des chasseurs qui pensent pouvoir tuer
un upir comme on tue un vampir de l ’Eisen se retrouvent
dans de fâcheuses situations quand ils constatent que rien
de ce qu ’ils font ne fonctionne.
La vérité
L ’upir ussuran tire ses origines de la magie noire pratiquée
dans un lointain passé. Un vieux patriarche n ’ayant pas
supporté de mourir utilisa la nécromancie pour sauver sa
vieille peau ridée. Il gagna l ’immortalité, mais à un terrible
prix et transmit sa soif de sang à ses enfants et aux enfants
de ses enfants après eux. La malédiction s ’est perpétuée de
génération en génération jusqu ’à aujourd ’hui. La lignée en
question est désormais étendue et diluée à travers toute
l ’Ussura, bien que tous les descendants du patriarche ne
deviennent pas des upirs.
Pour en être un, il faut posséder assez de son sang et être
né à un moment précis du cycle lunaire. De son vivant, la
personne souffre de goûts étranges : elle aime la viande
crue, voire la compagnie des corneilles ou bien l ’exposition
au froid. Il se peut même qu ’elle aime le sang, mais elle n ’en
a pas besoin pour survivre. La personne vieillit et meurt
normalement.
 Une fois morte, elle se transforme en une créature immor-
telle qui lui ressemble et agit comme un être humain normal,
à ceci près qu ’elle a soif de sang humain et ne peut pas
survivre sans.
Seul le feu peut tuer un upir, avec l ’aide de certains rituels
ou bien d ’armes touchées par les Leshiye. L ’upir n ’est pas
nocturne de nature et n ’a qu ’une seule âme, laquelle vaga-
bonde bel et bien dans le monde pendant son sommeil sous
la forme d ’une mite ou d ’un papillon. Dans ces moments-là,
et sous cette forme, il aspire le sang des gens à travers leurs
cauchemars. C ’est pourquoi un upir peut choisir de dormir
durant la journée afin de minimiser les dégâts qu ’il cause
durant son sommeil.
Tous les upirs ne sont pas des Scélérats, même s ’il leur est
facile de le devenir. Leur condition n ’est pas contagieuse,
ni causée par la Sorcellerie ou des Actes malfaisants. Cela
étant, quiconque s ’essaie à de dangereuses pratiques nécro-
mantes risque par accident (ou volontairement) de repro-
duire le rituel originel et de se transformer, lui et toute sa
descendance, en upirs.
La plupart des upirs sont des Monstres Scélérats de
Puissance 7 et Influence 5. Ils possèdent les Propriétés
monstrueuses Puissant et Régénérant, ainsi que les
Avantages Famille étendue et Fascination. Certains upirs
très anciens possèdent des Rangs de Scélérat plus élevés et
davantage de Propriétés monstrueuses.
Strannik
La légendaire Strannik réside au nord-est de Tebizond, très
haut dans la chaîne de montagnes.
Beaucoup racontent qu ’il s ’agit d ’une simple femme qui
a été abandonnée à la naissance et, ayant été élevée par les
ours, ne possède aucune connaissance de la société humaine.
D ’autres pensent que c ’est une Leshy plus puissante que
Matushka, mais plus furtive, ce qui la rend difficile à
atteindre quand on souhaite lui demander sa bénédic-
tion. D ’aucuns croient qu ’il s ’agit d ’un esprit malveillant
qui prend la vie de ceux qui traversent ses montagnes.
Quelques-uns encore disent qu ’elle est en fait un terrible
serpent qui trompe les voyageurs par sa forme humanoïde,
et les attire dans son nid de manière à leur voler toute
leur chaleur. Certains, enfin, croient qu ’elle est la dernière
représentante du peuple Syrneth, capable de choses aussi
terribles que merveilleuses.
Ces histoires diffèrent sur tout, à l’exception d’un point : elle
apparaît sous la forme d’une grande femme vêtue de fourrures
sombres, visiblement insensible au froid. Certains récits lui
attribuent de grands pouvoirs, disant qu’elle a modifié la
forme des montagnes pour que leur relief convienne mieux
à ses besoins. Parfois, elle est décrite comme monstrueuse et
vicieuse, une tueuse qui élimine quiconque ose entrer sur son
territoire. D’autres récits disent au contraire qu’elle donne sa
bénédiction à ceux qui parviennent à la trouver.
La vérité
La vérité, c ’est que personne n ’a jamais vraiment vu Strannik.
L ’origine de sa légende varie, tout comme les récits qui en
sont tirés.
L ’histoire la plus commune est celle d ’une jeune fille
perdue dans les montagnes et élevée par les ours (même
les histoires qui affirment que Strannik est une Leshy ou
d ’origine syrneth débutent par le récit d ’une jeune fille
perdue dans les montagnes). Peut-être a-t-elle gagné ses
pouvoirs grâce à un Leshy et a, d ’une manière ou d ’une
autre, dépassé son bienfaiteur en puissance, ou bien peut-
être a-t-elle trouvé un artefact magique dans les montagnes,
abandonné par les Syrneth, et qu ’elle fût alors possédée par
un esprit ancien.
En Somojez, tout le monde a une histoire à raconter à son
sujet, laquelle inclut toujours un ami, une connaissance ou
un parent qui l ’aurait vue. Après avoir perdu son chemin,
l ’âme infortunée aura été ramenée en sécurité par la jeune
femme, ou bien cette dernière l ’aura tuée dans un excès de
colère (mais bien sûr, si c ’était vrai, comment la personne
aurait-elle eu vent de l ’incident ?).
Il se peut que Strannik n ’existe même pas, mais les récits
continuent d ’apparaître, et les gens passent de longues nuits
à se raconter des histoires plus incroyables les unes que
les autres la mettant en scène, avec des pouvoirs à la fois
terribles et magnifiques.
À ce stade, la manière dont on raconte l ’histoire est aussi
importante que l ’histoire en elle-même. Tout conteur
digne de ce nom en Ussura connaît au moins une histoire
concernant Strannik, voire plusieurs. Parfois, les gens suren-
chérissent, contredisant les récits des uns et des autres, ou
partageant des anecdotes qui proviennent de sources de plus
en plus crédibles, mais qui restent toujours des relations
distantes ou même des relations de relations.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 153
Chapitre 4
La Vodacce
 LA VODACCE
« Les choses les plus extravagantes qu ’un Prince puisse posséder
sont des principes, et bien trop souvent, ils leur coûtent la vie. »
—Entretiens, Cristoforo Sarovese

« Pour chaque martyr dont la voix porte au-delà de la

mort, on compte des centaines de cadavres silencieux. »
—Giovanni Villanova

Pour les étrangers, la Vodacce est un mélange déconcer- Le Grand Jeu

tant d ’honneur et de dépravation. Les hommes exercent
leur pouvoir sur leurs terres et leur famille, tandis que les
femmes tirent les ficelles de la destinée.
En Vodacce, un homme peut perdre la vie pour quelques
mots mal placés, et tout aussi bien s ’élever vers les sommets
du pouvoir après un acte répréhensible. Ici, le destin sert
l ’ambition, l ’inaction est un péché et la cruauté tient du
pragmatisme. Hommes et femmes, jeunes et vieux, nobles
et roturiers : tous dansent sur les fils de la toile d ’araignée
qu ’on appelle le Grand Jeu. Peu, cependant, se trouvent en
son centre et en tirent les ficelles.
Les longues routes planes qui relient les villes et les provinces
vodaccis sont un vestige de l’Ancien Empire, un testament silen-
cieux des derniers jours unis de la péninsule. Au crépuscule
infini de l’ancienne gloire de l’Empire, des hommes ambitieux
tentèrent de s’imposer, chacun cherchant à s’approprier une
fraction du puissant prestige de ces jours passés.
Le nombre exact de Princes a cru et décru au fil des siècles :
trois à l’origine, et sept désormais. Toutefois, quel que soit
leur nombre, les stratagèmes et les subterfuges employés
par ces individus ont survécu au passage du temps et sont
aujourd’hui connus sous une seule appellation : le Grand Jeu.

ï
156 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
 Des délices des bacchanales au silence du confessionnal,
les fils du Jeu s ’insinuent dans les moindres aspects de la vie.
L ’essence du Grand Jeu est sa cruauté omniprésente, c ’est
pourquoi les Vodaccis ont coutume de dire que seul Theus
voit plus et pardonne moins que les Princes. Il n ’existe qu ’un
seul moyen de se soustraire à la colère d ’un Prince : se cacher
à la cour d ’un autre ; mais de tels refuges ne sont jamais
gratuits, et même celui qui ne cherche qu ’à se protéger des
conséquences d ’un malheureux lapsus finira par devenir un
jouet princier.
La cruauté du Jeu est pragmatique. Dans une Nation où
certaines femmes peuvent annihiler la chance d ’un homme
et modifier jusqu ’à sa nature, une épouse, une sœur ou
une fille endeuillée sont plus dangereuses qu ’un assassin.
Chaque Prince a appris, le plus souvent à ses dépens, que le
chemin le plus sûr vers la victoire est d ’être rigoureux dans
la destruction de ses rivaux.
Ainsi, même les conventions de l ’art de la guerre ne
s ’appliquent pas au Grand Jeu. La petite fille d ’un cousin
rebelle, épargnée dans un instant de faiblesse, peut un jour
devenir une puissante Strega et transmettre le don à sa
propre fille. Les liens entre sang et honneur sont si étroits
qu ’il se peut que l ’enfant utilise la Destinée pour venger la
mort de son grand-père. Même si le Prince assassin venait
à décéder en paix, ses descendants hériteraient de la haine
de ses ennemis.
Un plaisantin de l ’Ancien Empire a un jour déclaré : « Il
ne faut pas dire d ’un homme qu ’il est heureux tant qu ’il
n ’a pas été oublié ». Avec leur logique toute vodacci, les
Princes d ’autrefois en ont déduit que la manière la plus sûre
de s ’assurer de l ’amnésie de ses ennemis consistait en de
régulières et méticuleuses saignées : en plus de mener un
cycle de vengeance à son terme, de telles démonstrations
ont le plus souvent des effets salutaires sur les Princes ciblés,
dont la soif d ’ambition s ’amoindrit à l'idée de l'extermina-
tion potentielle de tous ses proches.
Malheureusement, ce système de violence normalisée
engendre un cercle vicieux. Un Prince incapable de menacer
ses ennemis d ’une destruction rapide et efficace verra ces
derniers se multiplier : sa descendance devra s ’en débar-
rasser dans le sang, et se retrouvera claquemurée dans ce
cycle sans fin : Prince et prisonnier à la fois.
Les Streghe
« Il n ’y a pas de coïncidences en Vodacce. »
—Marcelo, dit « Il Pazzo di Potenza »
En Vodacce, on ne dit pas qu ’un homme est mort ; on dit
que son destin a été écourté. Nul n’est à l’abri de la Sorte, et
tout Vodacci considère les incidents comme des actes déli-
bérés derrière lesquels se cachent un dessein et une ambi-
tion : ils préjugent par exemple qu ’un homme qui sombre
dans l’alcoolisme a probablement offensé une puissante
Strega, ou croient qu'en clouant sept araignées à leur porte,
il est possible d'empêcher les sorcières de la Destinées de
maudire leur récolte. D ’une manière générale, un Vodacci
accepte les plus extravagants caprices du sort et autres coïn-
cidences improbables sans sourciller : quand le destin peut
être plié pour servir la volonté d ’un homme, les suppositions
les plus folles sont permises.
La Sorte n ’est cependant pas un pouvoir qui fonctionne
sur ses pratiquantes : une Strega ne peut pas l ’utiliser pour
influencer son propre destin. Ces formidables sorcières
sont donc asservies dans leurs propres maisons. Cloîtrées,
à peine éduquées et enchaînées à leurs époux par les liens
et les vœux du mariage, les sorcières de la Destinée vodaccis
servent malgré elles les ambitions de leurs maris, qu ’ils
soient des brutes ou des gentilshommes. De plus, la tradi-
tion exige que chaque Strega teste ses filles pour déterminer
si elles ont le don, condamnant ainsi la génération suivante
au même sort.
D ’innombrables voyageurs venus d ’autres Nations se
demandent pourquoi des femmes capables de modifier le
futur tolèrent de si horribles traitements. La réponse est
aussi simple que frustrante : la survie. Incapables de veiller
les unes sur les autres, ne disposant que d ’une éducation
limitée, ces femmes n ’ont d ’autre choix que de compter sur la
protection de leurs proches, ceux-là mêmes qui les exposent
en leur ordonnant d ’attaquer les ennemis de la famille.
Il s ’agit d ’un sujet—peut-être même le seul—sur lesquels
les sept Princes tombent d ’accord : peu importe ce que
pense un noble de sa femme, peu importe à quel point il
l ’aime ou admire son intelligence et sa présence d ’esprit, il
sait, au fond de son cœur, que si elle sort sans être voilée ou
est vue en train d ’étudier, les agents des sept Princes s ’en
prendront à sa famille avec rigueur et brutalité.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 157
 Du premier homme à avoir revendiqué le statut de
Prince aux sept actuels, tous savent pertinemment que leur
fortune et leur pouvoir reposent sur la soumission de ces
puissantes femmes.
Cette tragédie séculaire pourrait bien toutefois changer
dans un avenir proche. Deux Streghe—Morella Alouse
Giacinni, femme de l ’Empereur Léon Alexandre de
Montaigne, et Domenica Vespucci, épouse du prince Aleksy
de la Fédération sarmatienne—ont quitté leur pays natal avec
la bénédiction de leur Prince. Quels que soient les avantages
de ces alliances pour leurs bénéficiaires vodaccis, elles ont
permis à ces femmes de goûter à la liberté et à d ’autres privi-
lèges qui leur sont interdits chez elles.
Les femmes vodaccis
En Vodacce, les hommes tiennent les rênes du pouvoir, et
pourtant, les femmes pourraient être toutes-puissantes.
Suite à quelques lois astucieusement édictées aux siècles
précédents, les femmes sont prisonnières des hommes
qu ’elles épousent ou qui leur ont donné naissance, inca-
pables de se soulever et de reprendre le contrôle de leur
existence. Les nobles les gardent sous haute surveillance,
contrôlant ce qu ’elles apprennent, ce qu ’elles font et avec
qui elles interagissent, et ce sans retenue. Même celles qui
ne sont pas des Streghe portent une laisse dorée.
Les roturières ont la vie plus facile. Elles peuvent entre-
prendre ce qu ’elles veulent, à l ’exception notable de l ’appren-
tissage de la lecture ou de l ’écriture, interdites même aux
ï
158 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
femmes de la classe paysanne. Seule une femme formée à
la courtisanerie peut théoriquement accéder à un ensei-
gnement supérieur, mais elles restent extrêmement rares.
D ’une certaine manière, les courtisanes disposent de plus
de pouvoir que les autres femmes de Vodacce, Streghe
comprises : bien qu ’elles ne contrôlent pas la Destinée, elles
suivent attentivement l ’évolution du Grand Jeu, s ’essayant
même à la politique vodacci. Malgré tout, le nombre de
femmes qui travaillent en Vodacce n ’est pas plus bas que
dans les autres Nations, et vous ne convaincrez pas une
Duelliste expérimentée qu ’elle possède moins de pouvoir
qu ’une courtisane.
Toujours est-il qu ’une vodacci n ’existe souvent qu ’à
travers l ’homme dans sa vie, à tel point que le nom de son
père est parfois plus important que ses propres réussites.
Elle est censée demeurer discrète, et son mari se doit de
la maîtriser. Ces femmes vivent dans un monde à double
vitesse : les époux peuvent profiter de la compagnie des
courtisanes, mais il est scandaleux qu ’elles en fassent autant.
Les hommes peuvent sans problème sortir tard, boire et se
battre, mais quand des femmes lancent un duel, elles doivent
s ’assurer de ne violer aucune règle de la guilde des Duellistes,
sous peine d ’être punies. Les hommes peuvent rester assis
toute la journée à philosopher, mais une femme surprise à
faire de même viole la loi.
En Vodacce, les femmes doivent donc évoluer avec prudence,
mais elles apprennent facilement la mélodie et les pas de cette
danse subtile, qu’elles exécutent ensuite sans difficulté.
 Personnages notables

Le Prince Alcide Mondavi vue comme complaisante et modeste. Qu ’on ne s ’y trompe

Lignée ininterrompue de négociants en riz, les Mondavi pas : Alcide Mondavi est un monstre, et la montagna dei
descendent des familles nobles de l ’Ancien Empire. Alcide Cacciatori, son territoire de chasse, est la preuve cachée de
a les traits raffinés de ses aïeux : cheveux châtain, mâchoire sa cruauté psychotique.
puissante, pommettes aiguës et yeux d ’un bleu pâle. Il Le Prince préserve ses terres du désordre et des idées
affectionne néanmoins davantage les livres que les armes, disruptives grâce à une politique efficace et immorale
et semble préférer l ’agriculture aux femmes. faite d ’enlèvements et de meurtres. Lors de son accession
Cette image est un mensonge, que ses rivaux découvrent au pouvoir, les gardes-chasse princiers—une meute de
toujours trop tard. Malgré son dédain affiché pour les tueurs sans pitié, triés sur le volet—enlevèrent tous les
combats, il excelle en la matière. Peu de personnes l ’ont fraudeurs, voleurs et hors-la-loi d ’Elemosina pour les
affronté, et aucune n ’a survécu pour en témoigner. En relâcher dans son aire de jeu privée. Là, Alcide les traqua
contraste total avec les vantardises des bravos, Alcide défait comme des animaux, mettant fin à leur vie dans une
ses ennemis avec indifférence et flegme. Qu ’il soit menacé tornade de couteaux.
par un assassin ou combatte dans un duel à mort, il ne Il n ’y a que ces chasses qui procurent encore au Prince un
voit cela que comme un obstacle entre ses « études » et lui, quelconque sentiment d ’accomplissement : il aime regarder
obstacle dont il se débarrasse promptement. les hommes au fond de leurs yeux avant de les tuer, assister
Là où Giovanni Villanova choisit de se montrer ouver- au moment où ils se rendent compte qu ’ils ne sont à ses
tement impitoyable, le Prince Mondavi préfère quant à yeux que des animaux.
lui cacher sa brutalité derrière la réputation de sa famille,

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 159

Les prédateurs de la montagne n ’inquiètent plus guère
Mondavi. Ces animaux l ’aident au contraire à dissimuler
ses propres chasses, car ils se sont découverts un penchant
pour la chair humaine.
Récemment, le Prince a revu ses ambitions à la hausse.
Ne se satisfaisant plus d’assouvir ses folles passions en privé,
il dirige la Vodacce vers un futur violent. Discrètement, ses
agents et lui encouragent les tensions entre Princes, et ce tout
en profitant des exportations de riz pour s’acheter la loyauté
des mercenaires eisenörs les plus sanguinaires d’une part, et
des agents de l’Inquisition les moins tendres d’autre part. S’il
parvient à son but, il provoquera une guerre entre ses rivaux,
s’enrichissant grâce à la nourriture qu’il vendra à chaque camp.
Il donnera ensuite carte blanche aux plus brutaux de ses alliés,
lesquels se déchaîneront sur sa Nation épuisée.
Alcide entend noyer la Vodacce dans le sang pour se
divertir, et si cela le fait accéder à la couronne au passage,
alors pourquoi pas ?
Interpréter Alcide Mondavi
Toujours soigné, Alcide s ’habille sans prêter attention aux
dernières modes, préférant les tenues simples et fonction-
nelles. En public, il a une attitude hautaine qui tient du
désintérêt, et n ’accorde que peu de temps aux mondanités.
Peu de ses alliés savent quel monstre se cache en lui, et ceux
qui le découvrent lors de ses parties de chasse se trouvent
généralement du mauvais côté de la lame.
Accroches scénaristiques
• Non loin de la montagna dei Cacciatori, les Héros
tombent sur un groupe de roturiers épuisés et en
sang. Terrorisés, ces derniers leur relatent l’histoire
incroyable de leur enlèvement puis de leur arrivée
sur la montagne. Alors qu’ils craignaient au départ
d’être attaqués par des animaux, ils se sont vite
rendus compte que c ’était des hommes dont il fallait
se méfier ; des hommes qui ont chassé, piégé et tué
plusieurs des leurs avant de poursuivre les survivants
le long de la pente. Ces gens ont besoin de la protec-
tion des Héros pour s’enfuir des terres des Mondavi.
• Rosa Esposito, une bravo, a défié le Prince Mondavi
en duel afin de défendre l ’honneur de son protégé,
un jeune noble Caligari. Cependant, le prince a
refusé le duel et rejette tout contact avec elle. Elle
s ’inquiète en pensant au sort de ceux qui ont un
jour menacé le Prince Mondavi, et demande aux
Héros de l ’aider à veiller sur son protégé au cas où
ï
le pire lui arriverait.
160 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
LES PRINCES
Chaque principauté vodacci est dirigée par un
Prince. Certains sont au contraire des Héros,
mais d ’autres, à l ’instar d ’Alcide Mondavi,
sont de vrais Scélérats, complotant pour
assassiner, affaiblir et soumettre leurs pairs.
Gespucci Bernoulli est un homme de fortune
et d ’excès, un dirigeant sans pitié qui pense
que les démonstrations de force sont une
réaction nécessaire à toute menace. Vincenzo
Caligari, un espion et trafiquant obsédé
par les artefacts syrneth, n ’est même plus
humain aux yeux de beaucoup. Giovanni
Villanova est probablement le pire de tous les
Princes, l ’un des rares capable de tenir tous
les autres à distance : d ’une logique froide et
cruelle, personne ne peut l ’apitoyer quand
il a un objectif en tête ; c ’est le loup auquel
les autres Princes jettent leurs ennemis
en pâture.
On trouve également quelques Princes qui
se refusent à recourir à toutes les extrémités
dans le seul but d ’affaiblir leurs voisins. Ils
se reposent sur leur richesse et leur pouvoir,
mais n ’en abusent pas pour autant. Pour un
peu, ils pourraient même assister les Héros
de passage.
Donello Falisci est un homme jovial, une
sorte d ’ivrogne ; c ’est un homme d ’affaires
et de secrets, du genre à vendre ce qu ’il sait,
mais qui se laisse le choix de ses partenaires.
Michele Lucani est un homme d ’honneur
qui refuse de forcer sa femme et ses filles à
utiliser leur pouvoir sur la Destinée pour ses
propres caprices, préférant travailler main
dans la main avec elles. Alessandro Vestini est
probablement le plus faible des Princes, et ce
en dépit de ses terres prospères : c ’est son
épouse qui dirige sa principauté, c e pourquoi
la cause des femmes y a fait beaucoup de
progrès (Vestini feint l ’ignorance quant aux
enseignements que ses dames ont choisi de
suivre).
Des informations supplémentaires au sujet
des différents Princes sont disponibles dans la
section « Lieux notables », page 174.
Anacleto di Rinascita
Ceux qui visitent la bibliothèque de l ’Edificio trouvent
son gardien, Anacleto, prodigieux. Ce dernier est en effet
capable de discuter avec passion et précision de tous les
sujets, depuis théologie jusqu ’à la philosophie naturelle en
passant par les mécaniques célestes.
Le bibliothecarius est un auditeur attentif, capable de poser des
questions pointues au sujet de territoires situés en dehors de la
Théah, ou bien sur les ruines des civilisations anciennes. Parfois,
il aide des archéologues frustrés à percer les secrets de leurs
artefacts, à condition que ces derniers l’autorisent à conserver
les découvertes ainsi réalisées dans la collection de l’Edificio.
Le Collège invisible a approché Anacleto de nombreuses fois,
mais ce dernier a toujours décliné. Fervent Vaticin, il déteste
la politique anti-intellectuelle de l’Église : il y voit l’influence
de la luxure castilliane sur la foi dynamique et éclairée qu’il
chérit tant. Malgré tout, il refuse de s’associer avec ceux que
l’Église pourchasse, peu importe sa sympathie à leur égard.
Deux sujets résistent à la curiosité du savant vieillissant :
les origines des ruines syrneth de Théah et la nature du divin.
Concernant le premier point, les fascinants artefacts réunis
par la famille Caligari ne semblent appartenir à aucun
chapitre de l’histoire humaine. L’Edificio fait quant à lui état
de pièges complexes et mortels, d’une architecture inhumaine
ainsi que d’étranges matériaux dans les ruines. Ces indices
semblent indiquer quelque chose d’extérieur aux plans de
Theus pour ses enfants. Aux yeux du bibliothecarius, il y a à
la fois un parallèle et un écart entre les deux civilisations, ce
qui explique par la distance spirituelle qui sépare la culture
théane des mains étrangères qui ont bâti ces édifices. Ses
recherches et sa persévérance l’ont rapproché du Prince
Vincenzo Caligari, un homme de trente ans son aîné qui
possède la force et l’assurance de quelqu’un qui serait de dix
ans son cadet.
Quant au second point, les récits au sujet des dieux
aztlans qui arpentent le Nouveau monde ont ébranlé ses
plus profondes convictions. Si ces histoires sont vraies,
si des êtres célestes vivent au-delà des mers, au nom de
quelle logique les savants de Théah réfuteraient-ils l ’exis-
tence du divin, qu ’il soit passé ou présent ? Plus Anacleto
et les chercheurs creusent le sujet, plus les sacrifices pour
lever le voile sont importants. Au fil de leurs recherches,
les Eruditi—l ’ordre des bibliothécaires—et leur chef ont
régulièrement accompli des actes qui ont irrémédiablement
entaché leur âme, troquant leurs espoirs de salut contre la
promesse d'une apothéose terrestre.
Interpréter Anacleto di Rinascita
Corpulent, l ’œil vif, le cheveu gris très bouclé, portant une
grosse barbe poivre et sel, Anacleto dégage une aura pater-
nelle. Il saupoudre souvent d ’analogies très terre à terre ses
discours aux sujets ésotériques et interrompt ses illustres
cours magistraux pour aller s ’occuper des soucis de son
imprévisible filleul.
Anacleto est un homme instruit. Quand quelqu ’un évoque
l ’Aztlan ou les Syrneth, ses yeux s ’illuminent, et il le presse
de partager des détails, heureux d ’échanger ses propres
connaissances sur le sujet si l ’on lui demande.
Accroches scénaristiques
• Un Héros découvre un artefact syrneth dont il ne
comprend pas le fonctionnement. Chaque essai
pour le faire fonctionner a blessé la personne qui
le manipulait, voire l ’a tuée. Vu que ses contacts
habituels refusent de toucher l ’objet en question,
il faut l ’amener à Anacleto et prendre le risque de
transporter un dispositif aux pouvoirs inconnus
jusque dans le domaine du Prince Caligari.
• Un livre a disparu de l’Edificio. Anacleto s’en est
rendu compte lorsqu’un savant lui a rendu visite
pour se renseigner sur certaines des plus anciennes
ruines Syrneth vodaccis. Anacleto s ’est renseigné,
mais personne n’a emprunté ce livre, et tous les
registres concernant les ouvrages de la section se
sont mystérieusement volatilisés. Il a besoin de
quelqu’un pour retrouver l’ouvrage avant que le
savant en visite ne s’aperçoive qu’il est manquant.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 161
 Desiderata, Les élèves de La Passione, souvent menés par Desiderata
maîtresse de La Passione en personne, vont dans les rues sales du quartier de
Beauté fatale d ’un âge inconnu, Desiderata est la plus Bassifondi pour y distribuer de la nourriture et prendre
célèbre courtisane de Vodacce, la maîtresse de La Passione, des nouvelles des indigents qui y vivent. Plus d ’une fois,
l ’académie de courtisanerie des Vestini. Desiderata a offert aux jeunes filles de ces quartiers une
Elle dit n ’avoir aucun lien de parenté avec la noblesse et, éducation à La Passione sans qu ’elles aient à payer de droit
bien que ce soit inhabituel pour une vodacci si puissante, d ’entrée (ce qui ne fait qu ’alimenter les rumeurs sur son
on ne sait que peu de choses de son passé. Toute question à passé, peut-être en lien avec ce cloaque).
ce sujet est ainsi immanquablement éludée par des paroles
courtoises et charmantes, et le peu que l ’on apprend épaissit Interpréter Desiderata
le mystère plus qu ’il ne le dissipe : Desiderata se présenta Courtisane la plus en vue de Vodacce, et membre haut placé
enfant au portail de La Passione, et paya son droit d ’entrée des Filles de Sophie, le numéro de charme de Desiderata
d ’une sacoche d ’or et de gemmes de provenance inconnue. reste toujours d ’ordre professionnel, mais il est si bien
Au fil des ans, Desiderata devint une femme sublime. Très mené que même ceux qui s ’y connaissent sont malgré tout
demandée par les nobles vodaccis, elle ne dissimula jamais pris de court. Elle détourne les conversations pour mieux
son dédain pour les beaux-parleurs et les aristocrates sans discuter du chapeau favori de son interlocuteur, le presse de
cervelle. Paradoxalement, cette suffisance leur donna encore questions au sujet de son fabricant de chemises et le félicite
plus envie de la courtiser, et elle obtint rapidement faveurs pour son bon goût sophistiqué. Avec ceux qui ont gagné
et argent de ces prétendants follement épris. Elle en usa sa confiance, elle va cependant droit au but, se montrant
pour que La Passione s ’affranchisse des Princes comme des franche et directe.
prêtres : un simple badinage avec le Prince Marco Vestini
permit de garantir la pérennité de l ’école, tandis que sa Accroches scénaristiques
« rencontre » avec un cardinal la délivra de l ’emprise de • À Pacatezza, Desiderata a entendu des rumeurs
l ’Église. Lorsque l ’ancienne maîtresse de La Passione ne fut au sujet d ’un noble qui battrait son épouse. Cette
plus en mesure d ’assurer sa fonction, la jeune Desiderata fut dernière était jadis une courtisane de La Passione et,
son seul et unique choix pour lui succéder. par l ’intermédiaire des Filles de Sophie, Desiderata
Depuis qu ’elle est la maîtresse de La Passione, Desiderata engage un Héros pour enquêter. Toutefois, lorsque
se joue des règles vodaccis visant à contrôler les femmes. celui-ci se présente pour la sauver, l ’épouse battue
Elle a eu des amants et des amantes, et a toujours refusé de refuse de partir car son mari retient sa fille Strega
punir ses élèves qui en faisaient autant. Quand une de ses en otage, ce qui met le Héros dans une position
protégées fut par exemple retrouvée dans le même lit que délicate.
l ’épouse d ’un Lucani, Desiderata mena une brève enquête. • Le Prince Vestini furette dans les affaires de La
Apprenant que la noble dame avait payé la courtisane, elle Passione. L ’une de ses favorites n ’est pas revenue à
annonça au mari hébété qu ’il devait apprendre à donner son domaine et il la cherche. En réalité, la jeune fille
du plaisir à sa femme, ou bien réduire son argent de poche. a entendu une conversation qu ’elle n ’aurait jamais
Desiderata a modifié le programme d ’enseignement de La dû entendre, et Desiderata craint que Vestini ne
Passione pour y ajouter des cours d ’autodéfense, de tir et veuille la faire disparaître. Elle demande aux Héros
de sport. Elle s ’est attiré l ’ire de la guilde des Duellistes en de la faire discrètement sortir de La Passione à la
enseignant un style non-homologué de combat au couteau, faveur de la nuit, et de manière à ce qu ’elle ignore
qui nécessite un stiletto—une arme facile à dissimuler dans tout de l ’affaire.
l'ample parure d ’une courtisane—et vise spécifiquement
la nuque, l ’abdomen et l ’aine.

ï
162 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Marcelo, il Pazzo di Potenza
D ’aussi loin que ses habitants s ’en souviennent, Marcelo a
toujours été la mascotte de la ville de Potenza. Ses divaga-
tions devant les portes du palais du Prince Bernoulli lui ont
valu le surnom d ’il Pazzo (le Fou). De ses cheveux ternes et
gris à ses pieds nus couverts d ’oignons, Marcelo a tout du
dément que les gens voient en lui.
Les histoires sur sa vie varient au moins autant que la
cadence de ses élucubrations. Certains racontent qu ’il était
un cousin de Bernoulli, brisé après avoir été torturé pour
un crime commis dans un lointain passé. D ’autres disent
qu ’il était un sommozzatore (un plongeur), et qu ’il aurait
découvert quelque chose de si horrible dans les profondeurs
de la ville que son esprit se serait brisé. Parmi les colonnelli,
les marchands de Potenza, on croit dur comme fer qu ’une
Strega l ’a maudit pour une raison mystérieuse.
Marcelo passe son temps à crier, à délirer et à parler dans
d ’autres langues. Parfois, ses paroles sont parfaitement
claires. Il évoque alors son passé : la sensation des cheveux
de sa fille entre ses doigts, les couchers de soleil sur son
canal favori, ou bien le parfum de sa femme. Il lui arrive
également de faire des prédictions aux passants. Qu ’ils
soient prophétiques ou banals, ces moments de clarté
dévastatrice captivent l ’imagination de ceux qui y assistent.
Les oracles de Marcelo ont fait de lui un étrange devin. Les
capitaines de navire viennent le consulter avant un voyage
risqué, espérant une prédiction qui leur dévoile les périls
à venir. Les dirigeants de la ville et chefs de guilde le ques-
tionnent quant à eux sur des sujets auxquels il ne connaît
rien ; c ’en serait comique s ’ils ne juraient pas partout que
le mendiant a sauvé la ville de nombreuses catastrophes.
Même les vauriens et les gredins courtisent le prophète plein
de puces pour leurs insignifiants problèmes.
La populace sait qu ’il y a trois sujets à ne pas aborder avec
lui : la famille Bernoulli, les artefacts des ruines syrneth, et
les origines de son pouvoir. Si quelqu ’un le fait quand même,
Marcelo tombe dans un silence catatonique durant des jours,
ou bien entre dans une colère féroce, griffant et crachant
sur ceux qui l ’approchent. En tous cas, cette folie passagère
le rend au mieux complètement inutile, au pire dangereux
pour ceux passant à sa portée.
Interpréter Marcelo
Marcello il Pazzo n ’est pas si vieux que ça, même si ses
cheveux gris et sa barbe folle peuvent persuader du contraire.
C ’est sa rencontre avec la Destinée qui l ’a fait vieillir plus vite.
Sa voix est claire et sonore, et même quand il délire, il a l ’air
amical et raisonnable.
Marcelo porte un terrible fardeau : ce qui l ’a changé lui
fait voir tous les futurs possibles. L ’effort pour remonter les
écheveaux entremêlés de la Destinée lui a coûté sa famille,
son travail, et jusqu ’à la conscience de sa propre personne.
Sous son apparence débraillée et au-delà de ses mots se
trouve une supplique—ignorée par ceux qui viennent cher-
cher son conseil—celle de retourner à sa vie d ’antan. Parfois,
il est un homme piégé dans un constant cauchemar, tandis
qu ’à d ’autres occasions, il semble bienheureux et inconscient
de sa condition.
Accroches scénaristiques
• Après avoir rencontré Marcelo et bénéficié de ses
dons prophétiques, un Héros tombe sur un artefact
qui, pense-t-il, peut libérer l’homme de sa malédic-
tion. Les marchands, les politiciens et la populace
de Potenza souhaitent garder Marcelo dans cet état
afin de pouvoir continuer à bénéficier de ses dons,
et ils refusent de laisser le Héros l’approcher. Que
pourront faire les Héros pour aider Marcelo ?
• Alors que l ’un des Héros ne faisait que passer,
Marcelo le retient. Complètement lucide, il lui
adresse un regard suppliant. Sa fille, qu ’il n ’a plus
vue depuis longtemps, court un grave danger. Il
ne sait pas où elle se trouve et ne dispose que de
visions éparses pour guider le Héros. Si ce dernier
était en mesure de l ’amener jusqu ’à elle, il pourrait
lui sauver la vie.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 163
 Ippolito Malandrino
En Vodacce, il n ’y a pas de hors-la-loi plus célèbre
qu ’Ippolito Malandrino… du moins d ’après lui. Tueur à
gages, bandit de grand chemin ou pirate, Malandrino exerce
aussi bien sur mer que sur terre, et ce d ’un bout à l ’autre de
la péninsule. La politique des Princes Scélérats ne l ’inté-
resse guère, et il préfère commettre des crimes plus simples,
comme des attaques à main armée et des enlèvements.
Néanmoins, l ’élégant criminel manque rarement une occa-
sion de se mettre en avant, embauchant des gamins des rues
pour répandre le récit de ses méfaits dans une ville avant
qu ’il n ’y arrive, et ce afin de rendre ses cibles plus dociles.
Coquet, il est connu pour régulièrement priver de
nourriture son cheval—le mélodramatiquement nommé
« Bucefalo »—afin de pouvoir s ’acheter une jolie cape ou
d ’autres accessoires. Ses victimes se demandent pourquoi
les Princes continuent de le laisser agir, mais se doutent
qu ’il doit y avoir un arrangement là-dessous, spéculant
qu ’un ou plusieurs de ces derniers l'emploient comme
agent indépendant.
Les plus romantiques évoquent des raisons différentes :
l ’un des Princes aurait assassiné l ’amant d ’Ippolito, qui ne
voulait pas trahir son bien-aimé, et sa mort aurait brisé le
brigand. Aveuglé par la rage et le deuil, le charmant criminel
a alors entamé une longue quête de vengeance, et sa chute
vers les profondeurs scélérates s ’est accélérée. Les rumeurs
ne disent jamais quel Prince est concerné, pas plus qu ’elles
ne citent le nom de sa victime ou la date des événements.
Vu le penchant d ’Ippolito pour l ’autoglorification, il est
préférable de ne pas en croire un mot. Enfin, probablement.
ï
164 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Interpréter Ippolito Malandrino
Le brigand a fière allure. Le cheveu sombre et le corps souple,
les yeux d ’un vert brillant et le sourire facile, il est aussi doué
pour faire les poches que pour faire fondre les cœurs.
Peu vivent avec autant de brio que lui. Selon la situation et
ce qu ’il souhaite en tirer, il sait jouer à la perfection le rebelle
fringant aussi bien que l ’amant endeuillé ou l ’antihéros. Au
fond de lui, il est profondément égoïste, plus préoccupé
par son propre plaisir et ses désirs que par les retombées
morales ou métaphysiques de ses actes. Un Héros séduit par
son charme indéniable se retrouverait seul sitôt que leurs
intérêts divergeraient.
Accroches scénaristiques
• Le prince Villanova a engagé Ippolito pour passer
au peigne fin les terres des Lucani et y trouver un
vestige de l ’Ancien Empire qui serait la preuve
que le dernier Empereur numanari avait choisi
un Delaga pour successeur. En tant que dernier
descendant princier de cette famille, Giovanni
Villanova entend utiliser l ’objet pour revendiquer
le trône, forcer la main de ses rivaux et plonger
la Nation dans le chaos. Les Héros pourront-ils
intercepter le fringant hors-la-loi avant qu ’il ne
parvienne à son but ?
• Les rumeurs sur la quête vengeresse de Malandrino
sont plus vraies qu ’on ne le croit. Le brigand
cherche à mettre un terme aux chasses du Prince
Mondavi, mais il n ’a pas les ressources pour s ’en
charger personnellement. Son but est de tuer le
Prince, mais les Héros le croiront-il ?
Mère supérieure Teofila
di Tamamello
Presque trop courtoise, Teofila di Tamamello accueille
toutes les femmes au cœur pur entre les murs de Sainte-
Dorothée Suppliciée. Un cœur pur n ’étant pas nécessai-
rement modéré, les familles nobles et roturières profitent
de l ’établissement pour se débarrasser des filles qui ne
veulent—ou ne peuvent—pas se plier aux codes étouffants
de la société vodacci. Une fois entrées de force dans les
ordres, ces femmes sont alors oubliées par leurs parents, et
en grande partie ignorées par la société.
Mère Teofila a beaucoup œuvré pour que les barrières
sociales qui séparent les sœurs et les novices de classes
sociales différentes tombent, et qu ’une communauté unie
se forge entre ces femmes méprisées et abandonnées. Son
besoin de créer du lien entre ses protégées vient de son
enfance à Tamamello, une localité située près de la frontière
nord-ouest du pays. Là, elle vit de courageuses femmes de
la Fédération sarmatienne se rebeller contre la guerre et
prêcher l ’importance de la parole de chacun. Fascinée, elle se
promit d ’apporter les mêmes avancées à sa Nation, et entra
très jeune dans les ordres afin de profiter d ’un minimum de
discrétion pour ses projets.
Femme du peuple, mère Teofila est considérée comme
dangereusement progressiste par les prêtres de l ’Église
vaticine, qui l ’ont reléguée dans l ’église en ruine de Sainte-
Dorothée Suppliciée. Ils espéraient que cette existence
reculée dans un village isolé lui ferait comprendre où était
sa place, mais à leur surprise, elle en fit un lieu d'accueil pour
les femmes rejetées. Une histoire de rédemption que même
les prêtres les plus conservateurs apprécient…
Dans son église, mère Teofila soumet les novices à un
enseignement éreintant qui met l ’accent sur tous les
aspects de l ’éducation vaticine, y compris ceux mal vus par
la hiérarchie cléricale. Trop éprouvant pour être supporté
seule, cet apprentissage contraint les novices à tisser des
liens, de manière à ce que les forces des unes compensent
les faiblesses des autres.
Actuellement, la mère supérieure est en proie à un dilemme :
le mécénat de Donello Falisci a réveillé certaines tentations
matérielles qui divisent la communauté. Le généreux dona-
teur a en effet offert la meilleure nourriture qui soit, ainsi que
du matériel de qualité pour les leçons, ce que mère Teofila
apprécie grandement. Il semblerait pourtant que certaines des
novices, bien que rejetées par leurs familles, aspirent toujours
au confort lié à la noblesse et son statut. Elle tente donc de
prendre de la distance avec le Prince, sans provoquer sa colère.
Interpréter la mère Teofila di Tamamello
La chaleur et la politesse de mère Teofila n’émoussent en rien
la force brute de son intellect. Malgré son âge, elle repère rapi-
dement les mensonges, les subterfuges et les arrière-pensées.
Vêtue de l’humble tenue des nonnes vaticines, elle projette
partout où elle va une aura de calme et d’autorité.
Elle est pragmatique, et les décennies passées à s ’occuper
des vodaccis oubliées et à soutenir la cause des Filles de
Sophie lui ont appris à prendre de rapides décisions. Il en
faut beaucoup pour la déstabiliser.
Accroches scénaristiques
• Mère Teofila a besoin d ’un prétexte pour prendre
ses distances avec le Prince Falisci sans nuire à
ses protégées. Elle considère les Héros comme
de parfaits intermédiaires pour cela. Elle leur
demande donc de récupérer un document embar-
rassant chez un des Falisci, puis de le transmettre à
une Fille de Sophie en contact avec Desiderata, la
maîtresse de La Passione. Elle sait très bien que sa
rivale rendra le document public. Cela détournera
l ’attention de Falisci, qui dirigera sa colère vers
Desiderata et les Vestini qui la protègent.
• Dans le plus grand secret, mère Teofila s ’est mise
à apprendre à lire à ses novices, une pratique abso-
lument interdite en Vodacce. Tant que cela reste
secret, tout va bien. Sauf que l ’un des gardes de
Falisci a surpris une des filles avec un livre en main.
Désormais, mère Teofila cherche quelqu ’un pour
le convaincre de ne rien dire à personne, ou bien
trouver un moyen de s ’assurer de son silence.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 165
 Orlando Rabbioso
Dans la nuit du voltadi 3 corantine 1666, les habitants de
Baccante assistèrent à un étrange spectacle : un homme,
aussi nu que l ’épée tirée de son fourreau, se battait avec un
garde sur un pont de la Fiume di Vino. Grâce à la férocité
de ses assauts—ou peut-être à sa nudité—le chevalier mit
le garde en difficulté. Lorsque la lueur de la lune parut
ramener l ’intrus à ses esprits, un autre garde mit fin à l ’inci-
dent en poussant les deux combattants à l ’eau.
Durant l ’interrogatoire qui suivit, les autorités écoutèrent
l ’histoire de l ’inconnu, racontée avec plus de conviction
que les circonstances comiques ne l'auraient laissé présager.
Avec un fort accent montaginois, l ’étranger expliqua que
son dernier souvenir remontait à une passe d ’armes dans
un col des montagnes au nord de Buché, qu ’il tenait seul
contre une force de soldats castillians qui l ’avaient séparé de
son unité. Plus étrange encore, son vodacci maladroit et ses
manières désuètes allaient dans le sens de ses divagations :
il prétendait être le mythique chevalier montaginois qui,
affrontant seul une armée d ’envahisseurs croissantins, tint
jusqu ’au retour de son roi avec l ’armée. S ’il disait vrai, cela
signifiait alors qu ’il était âgé de plusieurs siècles.
Après un bref entretien, le Prince Falisci déclara qu’il n’était
qu’un inoffensif excentrique, et le fit relâcher. Apparemment
immunisé à l’influence de la Sorte, et célèbre pour être
partout où le besoin se fait sentir, l’ingénieux chevalier chasse
désormais bandits, pirates et pire encore. Lors d’un remar-
quable affrontement, il a même sauvé le maire de Sedilo de
ses assassins, se battant avec tant de force et de passion que le
combat lui a valu le surnom de rabbioso (« le furieux »).
L ’homme est convaincu d ’être un légendaire chevalier
errant chargé de protéger les pauvres et les faibles des gens
cruels et tyranniques. Une fois, il a même dérangé une céré-
monie de mariage parce qu ’il pensait la mariée contrainte.
Même si ses interventions ne sont pas toujours bien accueil-
lies, elles n ’en demeurent pas moins sincères.
Naturellement, ce comportement l ’a rendu indésirable à
certains endroits. Les Villanova ont mis sa tête à prix sur
leurs terres, et si les Mondavi et les Caligari le tolèrent
encore, c ’est seulement parce qu ’il n ’a rien fait pour s ’attirer
leur ire.
Aussi tendue que soit la relation d ’Orlando avec les Princes,
les opprimés et les oubliés ont désormais un champion pour
la première fois depuis des années, une chose aussi rare que
dangereuse dans un pays où règne la tyrannie.
Interpréter Orlando Rabbioso
Grand, blond et musclé, Orlando Rabbioso semble sorti
d ’un rêve improbable. Entre ses phrases à la syntaxe
vieillotte, son adhésion aux anciens codes de la chevalerie
et son atroce accent, il incarne presque la caricature du
preux chevalier.
Peu importe la vérité, Rabbioso croit vraiment qu ’il est
ce qu ’il prétend être. Il se montre honorable à l ’extrême,
et aidera quiconque est victime d ’une injustice digne de
son attention.
Accroches scénaristiques
• Récemment, Orlando a annoncé qu’il ne connaîtrait
pas de répit tant qu’Ippolito Malandrino ne serait
pas traduit en justice. Les deux jouent depuis au chat
et à la souris, et leur poursuite captive l’imagination
populaire. Des récits, fictifs et réels, apparaissent
dans les gazettes de toute la péninsule. Toutefois,
Orlando a pris un Héros pour le tristement célèbre
vagabond, et il ne le laissera pas en paix tant que
l’intéressé ne lui aura pas prouvé son identité.
• Orlando a voyagé à travers le temps grâce à un
puissant artefact syrneth en possession du Prince
Caligari. Ce dernier ignore qu ’il est responsable
de la présence d ’Orlando à notre époque, mais ce
dernier sait que le seul moyen de rentrer chez lui
est d ’accéder au musée des Caligari. Les Héros
l ’aideront-ils à infiltrer la demeure du vieux Prince
pour récupérer l ’artefact ?

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166 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Vittorio Ribaldi
Vittorio Ribaldi a fait et vu plus de choses qu ’à peu près
n ’importe qui en Vodacce. Né dans une famille pauvre
des bas-fonds de Potenza, il prit la mer jeune. Après s ’être
débrouillé pour devenir capitaine d ’une petite embarcation,
il se lança dans une vie d ’aventures, débutant dans la contre-
bande de fruits dans la glaciale Ussura, avant d ’entamer une
carrière de forceur de blocus.
En temps de guerre, ses cargaisons illégales de nourri-
ture et de médicaments donnèrent de l ’espoir aux paysans
affamés de l ’Eisen, ainsi qu ’aux partisans de la Castille
assiégée. Quand l ’Inquisition commença à traquer les
érudits vaticins, Vittorio et son équipage s ’emparèrent de
la caravelle qui menait les soi-disant hérétiques au bûcher
afin de relâcher ces derniers sur les rives de la Vodacce.
Quand leurs exploits devinrent trop nombreux pour être
ignorés par l ’Église, ils renommèrent la caravelle capturée
La Fortuna et mirent les voiles pour Le Nouveau monde. Si
l ’on en croit les rumeurs, là-bas, le navire fut perdu en mer,
Vittorio aurait combattu dans une révolte paysanne, puis
il aurait vaincu un « chevalier aigle » nahuaca en combat
singulier, s ’emparant de son arme et de son armure de
plumes, avant d ’épouser une princesse de Tzak K ’an. Ce
dernier fait semble irréfutable étant donné que l ’Aztlani
en question habite avec Vittorio à Fontaine, et fait de son
mieux pour s ’occuper de leurs trois jeunes enfants, lesquels
ont tous hérité de la témérité qui caractérise leur père.
Les exploits de Vittorio Ribaldi ne se limitent pas à
l ’Aztlan, et il faut des jours entiers pour raconter ses voyages
ultérieurs en Cathay et dans l ’Empire du Croissant.
Que tout cela soit vrai ou non, Ribaldi n ’a de cesse de
raconter ses aventures avec beaucoup d ’entrain, s ’attirant pas
mal de sympathisants. Quand ses acolytes lui demandent
pourquoi il a renoncé à sa vie de voyages extraordinaires
pour retourner à Fontaine, l ’ancien flibustier se renferme
et se tait.
Interpréter Vittorio Ribaldi
Vittorio Ribaldi est un homme d ’âge mûr à la barbe d ’un
beau gris-argent et au regard noisette malicieux. L ’habi-
tant le plus haut en couleurs de Fontaine se reconnaît à ses
tenues excentriques. Il ne sort jamais sans son poncho rayé,
un vêtement typique de Runakuna, ni sans son macuahuitl,
un gourdin incrusté de lames d ’obsidiennes chéri par les
guerriers nahuacans.
Conteur de talent, Vittorio intègre des leçons de politique
à ses récits, et démontre que ceux qui en ont le courage
peuvent changer le monde. Membre des Rilasciare, Ribaldi
laisse ses compagnons contacter ceux qui montrent un
intérêt pour la Société secrète ; tant que le reste de la
cellule n ’a pas approuvé les potentielles recrues, Ribaldi ne
s ’implique pas, restant dans son rôle d ’incorrigible dragueur
et d ’inoffensif vétéran.
Accroches scénaristiques
• Ribaldi entend ébranler les fondations de la poli-
tique vodacci en recrutant une armée de libérateurs
dont le but sera de ramener la Nation à ses tradi-
tions démocratiques de l ’époque des Numanaris.
Il ne sait pas encore s ’il va s ’allier avec Donello
Falisci, ou simplement attendre que les Princes se
soient épuisés pour mieux frapper. Via sa cellule,
il emploie les Héros pour des missions qui visent
à tester leur loyauté et leurs capacités, à semer la
discorde entre les Princes, ou bien à enquêter sur
le caractère du Prince Falisci.
• Le passé de Ribaldi l’a rattrapé. Furieuse, une
ancienne amante éconduite, datant d’une amourette
avant son mariage, l’a finalement retrouvé. Tout irait
bien si elle ne désirait qu’une honorable réparation,
comme un duel ou une bonne dispute, mais elle
le suit partout où il va et lui laisse d’indésirables
cadeaux, lesquels suggèrent une effroyable mort. Les
Héros pourront-ils aider Ribaldi à neutraliser cette
femme avant qu’elle ne commette l’irréparable ?
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 167
 Ronan Lehane
Né et élevé dans la campagne inish, Ronan Lehane est le
fruit des amours d ’une demi-montaginoise et d ’un gardien
de phare inish. Son grand-père lui enseigna le maniement
de l ’épée dès son plus jeune âge. Ses talents lui permirent
d ’entrer à l ’Académie de Duellistes Valroux, et il passa le
plus clair de ses jeunes années à louer ses services de bret-
teur au plus offrant.
Un jour, il rencontra Edward Cranna, un dramaturge
avalonien qui cherchait un acteur pour le rôle principal de
sa dernière pièce de théâtre, « The King of Blades » (le Roi
des Lames). Ronan l ’impressionna tant par ses talents de
Duelliste que Cranna le voulut absolument dans sa troupe.
Le boulot payait bien et, dès sa première représentation,
Ronan tomba amoureux de la scène et des beaux yeux bleus
du premier rôle féminin, la fougueuse Lenora, originaire
des Marches.
Ronan et Lenora se marièrent après la fin de la première
saison. Ronan avait consolidé sa position de meilleur acteur
et Héros de la troupe. Il interpréta tous les héros bravaches
que Cranna inventait pour son épée et lui, mais The King
of Blades demeura tout de même son rôle le plus connu.
La carrière théâtrale de Ronan s ’acheva brutalement quand,
durant l ’acte final d ’une tragédie vodacci traditionnelle, une
actrice masquée poignarda à mort Lenora sur scène. Ronan
ne put attraper la coupable. Il quitta alors la troupe, partant
en quête de l ’assassin de sa bien-aimée.
Seul, brisé et sans guère d ’espoir, Ronan la traqua à travers
toute la Théah. Il quitta l ’Inismore pour gagner la Castille,
où il rattrapa finalement sa cible alors qu ’elle embarquait à
bord d ’un navire pour la Vodacce. Avant de la tuer, Ronan
interrogea la femme. Ce qu ’elle lui raconta lui sauva la vie,
même si cela souleva finalement encore plus de questions
pour Ronan.
Elle lui révéla avoir été engagée par un agent du Prince
Alcide Mondavi. Pour une raison inconnue, l ’homme voulait
que Ronan vienne à lui. Si elle ne voulait pas mourir, elle
devait tuer Lenora, puis le guider jusqu ’à lui. Elle s ’infiltra
donc dans la troupe presque deux ans avant l ’assassinat.
Ronan, perplexe, se demande désormais pourquoi le Prince
Mondavi est si curieux à son sujet.
Aujourd’hui, Ronan se trouve sur les terres de Mondavi. Il
essaye de démêler un écheveau de mystères qui dépasse large-
ment la tragédie de sa propre vie et celle de son amour perdu.

ï
Interpréter Ronan Lehane
Ronan Lehane a la peau pâle, les yeux marrons et les
cheveux châtain, toujours coupés courts de manière à ce que
cela ne le dérange pas durant les combats. Ses bras muscu-
leux sont bardés de fines cicatrices blanches qui datent de
ses années de Duelliste. Il a une préférence pour les couleurs
neutres et les habits fonctionnels adaptés au voyage ou à
l ’entraînement à l ’épée.
Durant sa jeunesse, Ronan était un homme heureux,
souriant et flamboyant, des traits hérités de sa mère. À
présent, il est silencieux et déterminé. De temps à autre, on
peut apercevoir un sourire ou un frémissement de lèvres
rappelant son ancienne personnalité, mais depuis la mort
de Lenora, sa tristesse est telle qu ’il ne ressent rien d ’autre
qu ’une dévorante envie de vengeance.
Il n ’aime guère la Vodacce, mais il déteste surtout le Prince
Mondavi et quiconque s ’incline devant lui. Si les Héros lui
demandent de l ’aide, il est probable qu ’il accepte, mais il
risque de leur demander des faveurs en retour.
Accroches scénaristiques
• Ronan a trouvé des informations sur une puissante
Strega au service du Prince Mondavi. Apparemment,
elle aurait prédit la destinée de Ronan et serait à
l’origine de sa situation actuelle. Le Prince Mondavi
la garde claquemurée au cœur de la montagna dei
Cacciatori. Si Ronan parvenait à entrer en contact
avec elle, il pourrait comprendre ce qui se trame et
porter un sérieux coup au Prince. Les Héros l’aide-
ront-ils à infiltrer le pavillon de chasse princier ?
• Lehane s ’est rapproché du Prince Mondavi, et il
se trouvait sur le point d ’accomplir la dernière
étape de son plan quand il a reçu une lettre de son
ancienne troupe d ’acteurs. Ces derniers disent avoir
des informations nouvelles sur Lenora. Il ne peut
pas aller à leur rencontre et s ’occuper de Mondavi
en même temps. Les Héros pourront-ils l ’aider ?
Gregorio Zambelli
Gregorio Zambelli est un nom craint et honni à travers les
terres des Caligari, et pour cause : c ’est l ’assassin en chef
du Prince Vincenzo Caligari. Certes, il est parfois simple-
ment missionné pour récupérer un artefact dans une salle
des coffres mais, le plus souvent, il est employé en tant
qu ’espion et égorgeur afin de s ’assurer de la loyauté de ceux
qui s ’approchent de son employeur.
Le mystérieux Gregorio est un homme plein de secrets. Le
premier—et le plus important d ’entre tous—est qu ’il est né
sous le nom de Lucrezia Constantina Iolande, la plus jeune
fille d ’une famille de courtisans. Gregorio a toujours eu du
mal à être Lucrezia, passionné qu ’il était par les aventures
des bravos vodaccis et les récits de leurs hauts faits. Lucrezia
était censée se comporter en fille exemplaire, s ’entraîner pour
devenir une vraie courtisane et compagne. Pourtant, elle se
demandait toujours pourquoi les exercices de courtisanerie
ne se terminaient jamais par : « et c ’est là que tu sauves la
femme du Scélérat et que tu t ’échappes avec son argent. »
Adolescente, Lucrezia s ’enfuit de chez elle. Elle survécut
dans la rue, mais en tant que simple femme, ni noble, ni
courtisane. Le choc fut rude. Elle apprit le maniement de
l ’épée en autodidacte après avoir volé une dague, mais se
procurer de quoi manger restait difficile. C ’est alors qu ’est
né Gregorio Zambelli. Gregorio pouvait aller là où Lucrezia
ne pouvait pas, et même apprendre à lire et à écrire. Sa
vie n ’était pas plus facile, mais après quelques assassinats
retentissants où Gregorio utilisait son alter-ego féminin
pour attirer ses victimes trop naïves, il se tailla vite une
petite réputation.
Gregorio fut rapidement employé par le Prince Caligari, et
s ’avère à présent son plus fidèle agent. Bien sûr, si le Prince
Caligari découvrait la vérité à son sujet, il ne se montrerait
pas aussi clément.
Interpréter Gregorio Zambelli
Menu, Gregorio Zambelli possède des cheveux d ’un noir
corbeau, une peau sombre et des yeux presque dorés. Il est
jeune pour quelqu ’un de son rang et de son statut, tout juste
au début de la vingtaine. Enfantin d ’apparence, il a une voix
douce et légère quand on arrive à le faire parler.
Gregorio est loyal à Caligari : il ferait tout pour lui. Son
existence repose entre les mains du Prince, et il ne souhaite
pas détruire la vie qu ’il s ’est créée. Si les Héros croisent son
chemin, qu ’ils s ’attendent à trouver en lui un ennemi tenace
qui n ’abandonne pas facilement.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 169

La Fraternité de la côte
Les rares Vodaccis tentés par un peu d ’honnête piraterie ont
déjà trouvé le chemin qui mène aux navires de la Fraternité,
laissant le champ libre à la pire des racailles pour piller les
îles de la pointe sud de la péninsule. En vérité, la Fraternité
n ’a pas d ’alliés dans les eaux vodaccis, car les Princes—et
les autres pirates—n ’apprécient pas du tout leur présence.
Entre les galions de l ’Inquisition dans le golfe Vaticin,
les pirates et autres armadas princières partout ailleurs, la
Fraternité préfère les eaux plus féroces de la mer de la Veuve.
Il y a bien un capitaine de la Fraternité connu pour prendre
à son bord les passagers que les Filles de Sophie lui amènent,
ou un autre qui se lance parfois à la poursuite de Scélérats,
mais cela relève toujours plus de l ’initiative personnelle que
d ’une pratique générale au sein de la Fraternité.
Die Kreuzritter
En Vodacce, les acolytes des Kreuzritter se retranchent
dans quelques lieux reculés, aux frontières de la civilisation.
Lorsque leurs agents interagissent avec la société vodacci,
c ’est pour retrouver du dracheneisen perdu dans les mers
du sud par des Eisenörs qui fuyaient la Guerre de la Croix,
ou bien pour collecter des informations sur des attaques de
Monstres rapportées par les locaux.
Actuellement, les membres vodaccis des Kreuzritter font
pression sur la Société pour que les Streghe indépendantes
soient déclarées « sorcières sombres ». Toutefois, les
Kreuzritter étrangers à la Vodacce s ’y refusent. L ’impact
de ce débat sur les activités des Filles de Sophie reste
à déterminer.
ï
170 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Sociétés secrètes
La Société des Explorateurs
S’il y a une chose que la Société des Explorateurs souhaite,
c’est bien d’être plus active en Vodacce. Les Princes Bernoulli
et Falisci tolèrent en effet à peine leur présence à Potenza
et Baccante, et leurs efforts pour s’infiltrer sur les terres de
Caligari et comprendre ce que le Prince fabrique avec sa collec-
tion d’artefacts se sont soldés par des échecs aussi tragiques que
désastreux. Ces Princes se souviennent de temps à autre que la
Société des Explorateurs existe. Ils font alors pression sur ses
membres pour obtenir des artefacts et des informations, en
échange d’une relative indulgence à leur égard.
Les opportunités d ’expansion sont donc limitées pour
les dirigeants de chaque branche de la Société, qui sont
contraints de passer leur temps à anticiper les caprices des
puissants, ou bien à négocier pour ne leur donner que le
minimum d ’artefacts ou d ’informations.
Le Collège invisible
À mesure que l ’Inquisition a étendu ses persécutions aux
érudits de toute la Théah, le Collège invisible s ’est mis en
quête de refuges éloignés de Verdugo et de ses sbires. Bien
que les raisons demeurent mystérieuses pour la plupart des
membres du Collège, Serafino a été désignée comme foyer
légitime des érudits menacés par l ’Église vaticine.
Giovanni Villanova a promis de réduire à néant tous les
agents interférant avec ses affaires, peu importe le pouvoir
qu’ils représentent, laïque ou religieux. De plus, la ville
héberge une importante université dont le Prince est l’un des
bienfaiteurs, signe certain de son amour pour la science. Enfin,
le célèbre marché noir de la ville est idéal pour les érudits
en fuite qui auraient besoin d ’une nouvelle identité, ou bien
d’agents chimiques destinés à de prochaines expériences.
Les Philosophi sanguinis
Les efforts du Collège invisible pour s ’installer sur les terres
de Villanova ont eu des résultats légèrement différents de ce
à quoi ses membres s ’attendaient. Alors que la plupart des
érudits ne font que passer à Serafino—ils y entrent en tant
que fuyards et ressortent en hommes nouveaux quelques
jours plus tard—certains ont décidé de s ’y installer. Ceux-là
trouvent l ’absence de contraintes éthiques et matérielles
plutôt libératrice et beaucoup ont obtenu des postes fixes à
l ’Université de Serafino.
Dévoués à la compréhension des plus grands mystères, ces
Philosophi sanguinis (ou « Philosophes du Sang ») étudient
ce qui a trait à l ’occulte : la sorcellerie, les créatures surnatu-
relles et les plus épouvantables artefacts sont devenus leur
spécialité. Inutile de dire que le Prince Villanova approuve
leurs recherches avec enthousiasme : il finance leurs projets
et, en retour, les érudits partagent leurs découvertes avec lui.
Pour les citoyens lambda, la présence de ces philosophes
naturels n ’annonce que des bonnes nouvelles. Les récentes
découvertes dépassent en effet de loin celles des scientifiques
de la Castille depuis l ’avènement de l ’Inquisition. Si leurs
méthodes manquent d ’éthique, les habitants ne se plaignent
pas de ce qui représente pour eux plus de nourriture sur la
table et une meilleure qualité de vie.
Un Eisenör du nom de Rehor Heinzdorf a, par exemple,
développé une théorie au sujet de l ’hérédité, et ses
recherches autour de l ’hybridation ont permis aux fermiers
de faire des récoltes plus importantes sur des cultures plus
résistantes. Grâce aux essais médicaux menés à Serafino,
de nombreuses maladies jadis réputées incurables sont à
présent contrôlables ou même évitables, et la mortalité
infantile a considérablement chuté.
Herr doktor Heinzdorf a désormais un nouveau champ
de recherches. Ayant remarqué que la magie a tendance
à se manifester dans les lignées les plus nobles, il veut à
tout prix comprendre le lien entre ces deux paramètres. Si
la sorcellerie était une maladie du sang, alors il pourrait
sans doute mettre au point un remède, ce qui libèrerait les
femmes vodaccis de leur servitude. L ’usage que le Prince
Villanova pourrait faire d ’un tel « remède » reste à déter-
miner et, dans leur volonté de trouver des sorcières à étudier,
les Philosophi sanguinis ont commencé à interférer avec les
affaires des Kreuzritter et des Filles de Sophie.
La faveur au sein des Philosophi sanguinis
Les Philosophi sanguinis s ’intéressent aux sciences natu-
relles et aux découvertes, mais beaucoup plus rarement à
leurs conséquences. Ils n ’ont pas peur de s ’attaquer à des
domaines dangereux ou tabous tant qu ’ils le font au nom
de la science.
Un Héros membre des Philosophi sanguinis peut obtenir
de la Faveur des manières suivantes :
• Procurer à la Société un agent chimique interdit,
un artefact dangereux ou une créature surnaturelle
pour leurs expériences rapporte 4 de Faveur.
• Introduire clandestinement un érudit en fuite en
Vodacce rapporte 5 de Faveur.
Un Héros membre des Philosophi sanguinis peut solliciter
son aide des manières suivantes :
• Procurer au Héros ou à un autre membre du
Collège invisible une nouvelle identité coûte 3
de Faveur.
• Utiliser une découverte interdite coûte 10 de
Faveur. Les Philosophi sanguinis distribuent les
fruits de leurs recherches avec parcimonie, leurs
trouvailles étant souvent dangereuses pour le
corps aussi bien que pour l ’esprit. Il peut s ’agir,
par exemple, de poison distillé à partir de l ’essence
d ’un être surnaturel, ou bien d ’un artefact en
mesure de libérer une effroyable malédiction. Peu
importe sa nature, les effets d ’un tel objet sont à
la fois considérables et corrupteurs, et les Héros
ne doivent l ’utiliser qu ’en cas de situation déses-
pérée. Le joueur doit s ’entretenir avec le MJ pour
déterminer les effets exacts de la découverte. Peu
importe l ’objet, il ne peut être utilisé qu ’une fois,
et le Philosophi sanguinis qui l ’a créé exigera un
rapport complet par le Héros après utilisation.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 171
 Les Chevaliers
de la Rose et de la Croix
Il y a une génération de cela, tous les membres de la branche
vodacci de la Rose et de la Croix sont morts empoisonnés
au cours d ’un dîner, et les coupables se sont évanouis dans la
nature. Bien que les rumeurs soutiennent qu ’il existe encore
des bienfaiteurs de cette Société secrète dans la noblesse
vodacci, l ’Ordre chevaleresque de la Rose et de la Croix
préfère laisser la cause chevaleresque à des indépendants
comme Orlando Rabbioso plutôt que de risquer la vie de
ses membres.
Les chevaliers ont le droit de voyager en Vodacce, et même
d ’y agir suivant leur code, mais les agents sont prévenus : la
Nation n ’est pas accueillante, et ils feraient mieux de prendre
exemple sur les autres Sociétés en y voyageant incognito.
Los Vagabundos
Bien que Los Vagabundos n ’opèrent pas ouvertement en
Vodacce, la Nation héberge une part importante de leurs
activités. La Société utilise en effet la très prospère commu-
nauté castilliane de L ’Aquila pour y cacher les membres
dont les activités en Castille ont attiré trop d ’attention.
En outre, les donations des Castillians de L ’Aquila
constituent une importante source de revenus pour Los
Vagabundos, et nombre de locaux font mine de ne rien voir
quand la Société fait passer des cargaisons clandestines à
travers le Golfe vaticin.
Močiutės Skara
Le Châle s ’avère plutôt actif dans le nord de la Vodacce, où
sa présence atténue l ’impact de la Guerre de la Croix et du
conflit entre la Montaigne et la Castille sur les populations. de la manière suivante :
La Société possède un immense presbytère à Fontaine, que
ses membres utilisent comme point de transbordement
pour les provisions qui passent par le fleuve du Sejm vers
l ’ouest de la Théah (notamment l ’Eisen).
La Société entretient une relation cordiale avec le Prince
Vestini, qui sait que sans le Châle, les réfugiés auraient sûre-
ment envahi ses terres.
ï
172 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Les Rilasciare
Les Libres Penseurs de la Vodacce sont persécutés, c ’est
pourquoi ils résident surtout aux frontières des domaines
princiers. Profondément influencés par la pensée politique
sarmatienne, les Rilasciare vodaccis s ’efforcent d ’étendre
les droits du peuple, de réduire l ’influence de la Sorte, et
d ’amoindrir les privilèges et pouvoirs princiers.
Las de l ’oppression des Princes vodaccis, écrivains, intel-
lectuels et gens du peuple s ’imaginent un futur républi-
cain qui permettrait à chaque homme et à chaque femme
d ’influencer la politique du gouvernement, et leur garantirait
d ’être entendus au sujet des décisions les plus importantes
pour la Nation.
Faveur en Vodacce
Un Héros membre des Rilasciare peut obtenir de la Faveur
en Vodacce des manières suivantes :
• L ’exposition publique de l ’agent d ’un Prince
rapporte 3 de Faveur. Cette dénonciation prend
généralement la forme de tracts, d ’une harangue
sur une tribune improvisée, ou d ’une campagne de
rumeurs lancée sur les marchés ou dans d ’autres
espaces publics.
• L ’humiliation d ’un Prince ou la mise en échec d ’un
de ses projets rapporte 5 de Faveur. Contrairement
à l ’exposition d ’un agent, cette humiliation n ’est
pas nécessairement publique : si le Prince et les
Rilasciare le savent, c ’est suffisant.
Un Héros membre des Rilasciare peut solliciter son aide
• Causer des perturbations notables coûte 6 de
Faveur. Les agents des Rilasciare ont une influence
inégalable sur les gens du peuple, que ce soit pour
leur demander de causer une émeute qui attire
l ’attention des gardes loin d ’une résidence de nobles,
ou bien d ’organiser une diversion qui bloque les
rues près d ’une porte et vous permette d ’échapper
à vos poursuivants. Un Héros des Rilasciare doit
garder en tête que de telles perturbations attirent
généralement l ’ire des tyrans sur le peuple, et il doit
donc faire attention de ne pas causer trop souvent
du tort à ceux pour lesquels il se bat.
Les Filles de Sophie
Les défenseurs des droits et des libertés des femmes en de Sophie peut solliciter son aide de la manière suivante :
Vodacce sont déchirés entre deux stratégies qui pourraient
faire de leur rêve une réalité. La première, secrètement
prônée par Desiderata, maîtresse de La Passione, dit que
les femmes doivent s ’emparer de leurs droits, par la force
si nécessaire. Pour ce faire, elle s ’est assuré que les femmes
de La Passione maîtrisent les « arts masculins » : le
combat à l ’arme blanche et à mains nues, le tir et autres
activités physiques.
Face aux rêves d ’insurrection et de lutte armée de
Desiderata se dresse Teofila di Tamamello, mère supé-
rieure de l ’Église de Sainte-Dorothée Suppliciée et proche
confidente du Prince Donello Falisci. Elle veut faire avancer
la cause des femmes sans pour autant plonger la Nation
dans le chaos. Pour ce faire, mère Teofila enseigne à ses
pupilles la politique, l ’histoire et le droit, ce qui permettra
de faire avancer sa cause de l ’intérieur. Elle prévoit égale-
ment d ’ouvrir dans son église une école destinée aux jeunes
nobles, de manière à ce que leur rencontre précoce avec des Sophie peut obtenir de la Faveur de la manière suivante :
femmes éduquées et talentueuses influence leur compassion
dans le futur.
Aucun bord n’a pris l’ascendant sur l’autre, car chacun
possède le soutien d’une des fondatrices des Filles de Sophie.
Juliette soutient le projet de Desiderata, son enseignante et
mentor. Intimement familière avec la cruauté immorale de
Giovanni Villanova, elle sait que seule la force pourra vaincre
quelqu’un de son acabit. Valentina, qui n’est pas moins fami-
lière de l’inhumanité dont sait faire preuve son époux, pense
qu’une rébellion ouverte mènerait à la mort de centaines Sophie peut solliciter son aide de la manière suivante :
d’épouses innocentes, assassinées par leurs amants et leurs
maris. C’est un prix qu’elle n’est pas encore prête à payer.
Bien que les affinités des différentes instigatrices soient
inconnues de la plupart des membres, la tension due à ce
désaccord flotte dans l ’air, et chaque Fille se trouve forcé-
ment plus attirée par un camp ou l ’autre.
Faveur en Vodacce
Un Héros membre de la faction de Desiderata des Filles de
Sophie peut obtenir de la Faveur de la manière suivante :
• Défendre une vodacci de la violence ou de l ’oppres-
sion d ’un homme rapporte 2 de Faveur. Cette
défense peut apporter davantage de points si elle
transmet à l ’homme un message brutal.
Un Héros membre de la faction de Desiderata des Filles
• S’offrir les services d’une Escouade de Brutes d’une
Puissance de 10 coûte 4 de Faveur, et suit les mêmes
règles que celles des Rilasciare dans le Livre de
base (page 269). L’escouade est composée de Filles
de Sophie masquées, et contrairement à leurs homo-
logues Rilasciare mal organisés, elles sont capables
de suivre des instructions précises et détaillées quant
à ce que vous souhaitez leur faire accomplir. Pour
2 points de Faveur supplémentaires, l’Escouade de
Brutes peut même recevoir une Capacité spéciale
(voir page 192 du Livre de base), que le Héros peut
activer grâce à ses points d’Héroïsme. L’escouade
perdure jusqu’à sa défaite ou la fin de la Scène, après
quoi elle se replie.
Un Héros membre de la faction de Teofila des Filles de
• Procurer de l’aide aux opprimés rapporte 2 de Faveur,
3 si le bénéficiaire de cette aide est une femme. L’aide
en question doit être non-violente : par exemple un
plaidoyer, ou bien l’acquisition d’un abri permanent,
d’une source de nourriture ou de revenus pour la
personne.
Un Héros membre de la faction de Teofila des Filles de
• Appeler à l ’aide une autre Fille de Sophie
coûte 4 points de Faveur, voire plus. Toutes les
Caractéristiques de cette alliée sont à 3, et elle
possède une unique Compétence de votre choix
de Rang 3 (qui ne peut pas être Armes blanches,
Bagarre ou Tir). Vous pouvez améliorer son
Rang dans cette Compétence en dépensant 3
points de Faveur supplémentaires par Rang, ou
bien lui donner des Compétences additionnelles
soumises aux mêmes limitations pour 2 de Faveur
par Compétence. Attention, vous ne pouvez pas
faire les deux à la fois. Ses services prennent fin en
même temps que la Scène.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 173
 Lieux notables
Sept des plus grandes villes de Vodacce sont directement Potenza (Bernoulli)
dirigées par les Princes. Leur pouvoir y est si important La première des propriétés du Prince Bernoulli est l’antique
qu ’une majorité de Théans les désignent par le nom de la ville de Potenza, située sur une île qui surplombe l’embou-
famille régnante. Toutefois, les Vodaccis restent attachés chure du lac Rosa et contrôle de fait le commerce maritime des
à leur dénomination historique, et continuent encore à familles Caligari et Falisci. Grâce au zèle de ses inspecteurs qui
appeler ces villes par leur nom d ’origine. taxent les cargaisons en provenance des deux familles les plus
nanties de toute la Vodacce, et à l’obtention d’une autorisation
Les terres des Bernoulli exclusive de commerce avec l’Empire du Croissant, Potenza
Le Prince Gespucci Bernoulli contrôle plusieurs enclaves le est devenue une région d’opulence et d’excès.
long de la côte orientale de la péninsule. Protégés des inva- Comptant parmi les plus anciennes villes de la péninsule,
sions par des marécages, des montagnes et des voies navi- Potenza est passée de hameau à puissant comptoir de commerce,
gables peu profondes, les villes et les villages de Bernoulli et l’agencement de ses rues reflète son cheminement mouvementé.
vivent et meurent pour la mer, dépendant de ces étendues Celles du centre historique sont exiguës et tortueuses—ce qui en
maritimes pour la nourriture et le commerce, soumis à ses fait un lieu idéal pour les affaires nocturnes ou les assassinats—
caprices dans tous les domaines. Actuellement, les villes tandis qu’autour, de grands boulevards illustrent la récente pros-
de Pioro, Porto Spatia et Saint Andrea ont juré fidélité au périté de la ville. Une proéminence rocheuse domine le vaste port,
Prince Bernoulli. Ce dernier prétend s ’être également acquis et accueillait jadis une forteresse depuis transformée en manoir
la loyauté du village d ’Orduño, qui tiendrait son nom du pour la famille Bernoulli.
lac Orduño (du moins si l ’on en croit le Prince, car selon Le palais, complexe étendue de bâtiments aux fresques
la rumeur locale, ce serait à cause d ’un pari perdu face à un grandioses, tout de marbre blanc et de lacis d’or, ne laisse
amiral castillian). aucun doute quant au pouvoir et à la puissance des Bernoulli.

ï
Toutefois, à l’image des opulentes caraques vaticines qui

174 CHAPITRE 4 : LA VODACCE

peuvent dissimuler un bataillon de soldats, le palais contient érigé des maisons, piazze et palazzi, enfonçant de plus en
lui aussi des armes, aussi mortelles que celles que possédait plus les pilotis qui, avec le temps, le sel et la vase, s ’étaient
la forteresse d ’antan. Aucun navire ennemi n’a résisté aux peu à peu transformés en une espèce de roche.
canons du palazzo depuis que Gespucci Bernoulli y habite. Aujourd ’hui, les ghettos de Potenza sont une merveille
architecturale que nul n ’a su égaler ailleurs en Théah. De
Il Arsenale somptueuses demeures se dressent au-dessus des canaux,
Une grande part de la richesse de Potenza repose sur ses dont les vaguelettes clapotent face aux portes. Ici, les rues
talentueux maîtres d ’œuvre et artisans, ou colonelli dans le sont faites d ’eau, et les habitants naviguent sur ces artères
dialecte local, notamment ceux qui appartiennent à la guilde enchevêtrées au moyen de barques étroites qu ’ils guident
secrète des charpentiers de marine. Officiant sur les rives à l ’aide d ’une rame fixée à l ’arrière. Les inondations sont
d ’un lagon artificiel et protégés par des murs de dix mètres fréquentes, et même les résidents les plus riches ne sour-
de hauteur où patrouillent des gardes armés, ces ouvriers cillent plus quand l ’eau monte, allant jusqu ’à patauger dans
sont capables de construire une goélette en un jour, et une leur salon si nécessaire.
caraque en une semaine. Les secrets de ce complexe, connu
sous le nom d ’il Arsenale, sont difficiles à percer. La plupart La Città sommersa
des gens savent que l ’accès y est héréditaire, et qu ’il est L ’expansion artificielle des frontières de Potenza a inévi-
interdit aux artisans de se marier en dehors de la guilde. tablement été semée d ’écueils, parfois littéralement : au
Le centre de la guilde, une énorme bâtisse qui ressemble fil des quelques huit siècles qui ont suivi la construction
à la coque renversée d ’un navire, est une merveille d ’archi- du premier ghetto, la guerre, des tempêtes et quelques
tecture. Appelé il Bastimento, c ’est là que sont finalisées séismes ont envoyé certaines parties de la ville par le fond.
les pièces des navires avant assemblage, qu ’il s ’agisse de Nul n ’avait le temps ou l ’envie de nettoyer les décombres,
délicates décorations ou de morceaux plus importants. Des et de nouvelles constructions ont été érigées sur les ruines
ponts en porte-à-faux traversent la nef—offrant de belles des anciennes, formant ce que les locaux appellent la Città
surfaces de travail aux colonelli—tandis qu ’un système de sommersa, ou Ville engloutie.
chenilles, poulies et plateformes permet de manoeuvrer les Partant des franges de la cité ou d’un canal voisin, des plon-
pièces non seulement de haut en bas, mais aussi d ’avant en geurs—appelés somozzatori, ou hommes-grenouilles—nagent
arrière. Les colonelli qui n ’ont pas la patience d ’attendre sous Potenza, évoluant dans une forêt de piliers en quête de
l ’installation d ’une nouvelle plateforme escaladent souvent trésors oubliés. Il est courant de voir les jeunes gens des popula-
ce gréement de chantier pour circuler dans le bâtiment. tions les plus pauvres se défier les uns les autres d’entreprendre
La lumière du jour pénètre à l ’intérieur du caverneux des plongées de plus en plus longues. Tous sont motivés par
Bastimento grâce à des hublots gigantesques situés à la le besoin de prouver aux autres leur courage, ou encore par la
quille et sur ses flancs, tandis que des miroirs ajustables perspective de ramener une babiole à l’élue de leur cœur.
suspendus à travers la nef captent les rayons du soleil pour Cette activité est extrêmement dangereuse. Le peu de lumière
les diriger là où les colonelli en ont besoin dans leur travail. qui filtre à travers les canaux s’estompe rapidement, et les
La nuit, des lustres de cuivre forgé, de verre et d ’or offrent somozzatori doivent le plus souvent tâtonner de pilier en pilier,
de la lumière pour les repas du soir et autres festivités. se fiant davantage à leur toucher et à leur mémoire qu’à leur vue.
Ces apprentis chasseurs de trésors gardent jalousement le secret
Gli ghetti des emplacements de poches d’air, car une fois les réserves de
L ’une des grandes singularités de Potenza se trouve dans ses ces abris épuisées, il est rare qu’elles se remplissent à nouveau.
quartiers périphériques, connus sous le nom de gli ghetti (les Même une pièce pleine d’air peut rapidement se transformer
ghettos en vodacci). En 900 AV, la population a commencé en piège mortel si trop de vauriens s’y rendent régulièrement.
à devenir trop importante pour le petit morceau de terre sur La Città sommersa sert aussi de décharge aux locaux, qui
lequel la cité s ’était bâtie. Avec l ’ingéniosité qui les caracté- y jettent leurs détritus ou leurs cadavres. En plus d ’être tota-
rise, ses dirigeants ont simplement élargi la surface habitable. lement insalubres, ces eaux attirent la faune marine locale,
Utilisant le bois des forêts du continent, les charpentiers des poissons-chats aux requins et pire encore. Si beaucoup
et les ingénieurs ont enfoncé des milliers de pilotis dans de somozzatori reviennent de leurs explorations avec des
la bouillasse qui entourait leur île, puis y ont apposé des babioles de valeur, nombreux sont ceux qui se blessent ou

ï
plateformes de pierre. Sur ces fondations profondes, ils ont disparaissent noyés, dévorés, ou bien repris par la mer.

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 175


Le Carnivale
Les origines du Carnivale, le plus ancien et le plus apprécié
des festivals de Potenza, font partie d ’une histoire oubliée.
Certains affirment qu ’il célèbre le triomphe d ’un Prince
sur ses rivaux, d ’autres qu ’il s ’agit d ’un événement religieux
lié à la vie du premier Prophète, tandis que quelques uns
prétendent qu ’il ne s ’agit de rien d ’autre qu ’un rite païen
camouflé sous le masque de la modernité. Reste que le
Carnivale est célébré par la ville entière, des plus jeunes aux
plus vieux.
Durant le Carnivale, tout le monde peut parler à tout
le monde, et les réjouissances sont accessibles à tous. Les
habitants de Potenza ont le droit de se comporter comme
bon leur semble. Les beuveries sont légion et la fornication
monnaie courante. Même les erreurs les plus mineures ont
de graves conséquences : un participant qui ne semble pas
vraiment s ’abandonner à l ’esprit du festival peut être jeté
dans l ’eau du canal ! La ville autorise même les sorcières de
la Destinée à participer, lesquelles remplacent leurs voiles
de dentelle translucide par une cascade de soie noire plus
opaque encore.
Et quels costumes, mes aïeux ! Durant tout l ’hiver, les
citoyens travaillent sur leur tenue, prodige d'extravagance
spécifiquement voué au Carnivale à venir. Les participants
fabriquent leur costume en secret, ce qui maintient l ’égalité
entre eux quel que soit leur statut. Ainsi, une couturière
pauvre mais talentueuse pourra être la belle d ’un soir au bal,
y défilant au bras d ’un noble, tandis qu ’un riche marchand
qui n ’a jamais tenu d ’aiguille à coudre de sa vie se retrou-
vera sans amis et seul si son costume n ’est pas à la hauteur.
Si la tradition veut que chaque participant conçoive son
propre costume, de nos jours, les citoyens les plus riches
se contentent d ’employer des tailleurs dont les talents
compensent leur propre manque de doigté en la matière.
Ce genre de comportement est assez scandaleux, car il va
à l ’encontre des principes fondamentaux du Carnivale :
l ’anonymat et l ’égalité.
Une mystérieuse guilde de colonelli, que l ’on appelle les
mascherati, se charge de produire des masques pour l ’événe-
ment. Pour se faire connaître, ces hommes et femmes se
placent aux coins de rue avec leurs plus beaux masques,
afin que les potentiels clients les approchent pour convenir
d ’un rendez-vous à domicile. À l ’heure dite, un personnage
masqué—peut-être la même personne que dans la rue,
mais probablement une autre, car la coutume veut que le
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176 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
LES TERRES DES
PRINCES
Les Princes se sont partagé la majeure partie de
la Vodacce, concentrant leurs domaines sur des
territoires fertiles dont ils exploitent les richesses
pour s’acheter des alliés, des armées et contracter
des accords commerciaux. Ils se bousculent et se
querellent, cherchant à s’accaparer le patrimoine
de l’autre, s'efforçant de dénicher des faiblesses
dans les protections érigées.
Que l’argent provienne des récoltes, des droits de
douane ou des impôts, chaque Prince sait que sa
position est aussi précaire que puissante. Il suffit
de quelques champs brûlés, d’un port embrasé
ou d’une Strega rebelle pour qu’ils se retrouvent
aussi démunis que le plus pauvre des paysans, et
encore, à condition qu’ils survivent à la disgrâce.
Cette combinaison de pouvoir et de
vulnérabilité fait des Princes des hommes
dangereux, ce qui explique que chacun impose
sa loi au sein de son domaine. Tout Prince qui
en franchit les frontières se retrouve dans un
monde différent, et ferait mieux d ’être prêt à
écraser son rival avant de l ’être lui-même.
mascherato porte un visage différent à chaque étape de la
transaction—se présente chez le client pour discuter des
moindres détails de son achat.
Au bout du compte, le mascherato livre le produit dans
une boîte cadenassée, fournissant à son client de quoi
protéger son identité durant le festival. À l ’occasion, certains
mascherati offrent à un client pauvre un masque plus
élégant que prévu, de manière à rendre encore plus floues
les frontières des classes sociales durant le Carnivale. Bien
sûr, on n ’a jamais entendu parler d ’un masque moins bien
réalisé que prévu pour un riche commanditaire.
Ainsi, seuls les mascherari peuvent identifier les fêtards du
Carnivale, et cela en fait l ’une des guildes les plus puissantes
de Potenza. La nature licencieuse des festivités signifie en
effet que les mascherari connaissent les secrets les plus
honteux de la crème de la crème de la ville, secrets qu ’ils
n ’ont pas honte d ’utiliser pour protéger leurs affaires ou les
faire fructifier.
Les terres des Falisci En l ’espace d ’un après-midi, un promeneur peut aisément
Le Prince Donello Falisci contrôle les deux rives de la Fiume dépenser l ’équivalent d ’une année de salaire sur leurs étals.
di vino, depuis sa source dans les montagnes du nord de Tout ceci revêt exactement l ’apparence que son dirigeant
Sedilo jusqu ’à son embouchure sur les berges septentrio- veut donner car, en vérité, Baccante est un mensonge
nales du lac Rosa. Alors que d ’anciens registres vaticins construit avec soin, une Vodacce idéale totalement imagi-
désignent la rivière sous le nom de Fiume divino, ou Rivière naire. Les Falisci ne sont pas des novices au Grand Jeu, ils
Divine, les paysans comme la noblesse s ’accordent sur le fait pratiquent juste une forme de politique plus douce que celle
que Fiume di vino, ou Rivière du Vin, convient mieux au de leurs pairs. Le vernis civilisé de Baccante est le résultat
territoire comme à son dirigeant. de dizaines d ’années d ’efforts. L ’administration experte qui
Nul doute que les vignes qui poussent sur les collines dirige la ville sait exactement qui paye ses impôts, et à qui
des Falisci sont à l ’origine de leur fortune, leur domaine chaque famille a prêté allégeance. La générosité et la cordia-
comptant parmi les plus riches de Théah. La qualité de lité de Baccante relèvent de la comédie, pas de l ’amitié.
leurs vins est telle que des bourgeois se ruinent volontiers En créant l ’illusion d ’un terrain neutre, en veillant à sa
pour déguster le produit de ce cépage rare, et les grandes sécurité publique, à son hygiène et à son commerce, les
fortunes théanes considèrent une cave comme vide si elle Falisci ont mis en place le plus formidable centre d ’infor-
ne comprend pas quelques bouteilles des Falisci. mations de Théah. Les puissants et les puissantes, attirés
par le vin et les charmes de la cité, ont en effet tendance à
Baccante (Falisci) beaucoup parler, et les Falisci ont des oreilles partout en ville.
Baccante, la plus grande ville des Falisci, se trouve là où la Les autres Princes savent les dangers qui guettent à chaque
Fiume di vino dessine une légère boucle vers l ’est avant de visite de Baccante, mais ils en connaissent également les
sinuer sur les derniers kilomètres vers le lac Rosa. Cité de avantages. Où en Vodacce, sinon à Baccante, peut-on
marbre sise sur des collines ondoyantes parsemées d ’oliviers s ’informer sur les dernières intrigues de palais de Montaigne,
et de domaines viticoles encadrés de fines rangées de cyprées, ou écouter les énormités les plus incroyables qui circulent au
elle représente tout ce que la Théah s ’imagine être la sujet de la distante Ussura ? L ’attraction exercée par la ville
Vodacce. La ville en elle-même est célèbre au-delà des fron- est pareille à celle d ’un aimant et, au final, peu choisissent
tières de sa Nation pour son vin, et même si certaines des d ’y résister.
cuvées les plus anciennes coûtent plus que ce qu ’un citoyen
lambda peut s ’offrir, même le moins raffiné des vins de table Il Bugiardo
locaux s ’avère meilleur que n ’importe quel équivalent du Sous Bacante, au fond des anciennes catacombes numanaris,
reste du pays. se trouve le secret le moins bien gardé de la ville : il Bugiardo,
Le vin est le plus fameux produit des Falisci, mais pas le un trou d’eau sordide populaire auprès des expatriés et des
seul. Située au cœur de la péninsule et le long d ’une artère agents de la Nation comme de l’étranger. Assis à des tables
navigable majeure, Baccante jouit d ’un réseau commercial bancales qui jouxtent les ossuaires, espions, révolutionnaires
sûr qui lui permet d ’obtenir des marchandises provenant de et hors-la-loi débattent et échangent leurs informations.
toute la Théah. Les minerais et les gemmes des montagnes Le propriétaire d ’il Bugiardo, un exilé de Potenza connu
du nord de Sedilo sont transportés en aval pour être sous le nom de Lelio, est célèbre pour ses récits excentriques.
échangés contre la dentelle des Lucani, le riz des Mondavi, Ses histoires sont pareilles à des puzzles, et tout le monde
les produits croissantins importés par les Bernoulli ainsi que tente d ’y démêler le vrai du faux. Les gens sont très fiers
les tissus venus de Montaigne et d ’Avalon. lorsqu ’ils parviennent à décrypter ses énigmes. Bien sûr, en
Falisci se félicite de l ’ouverture de ses villes sur l ’extérieur, ce qui le concerne, Lelio aime juste raconter des histoires.
et fait des rabais sur les taxes d ’import-export tant que le Les combats sont strictement interdits à il Bugiardo, Lelio
vendeur opère dans les limites de la cité. Le marché public jurant qu ’ils dérangeraient le sommeil des morts dont il a
de Baccante résonne des cris des colporteurs venus de endossé la responsabilité. Plus d ’un fauteur de troubles
toutes les Nations, chacun poussant des chariots pleins des ressortant de chez Lelio a déjà « pris un mauvais virage »
nouvelles marchandises en provenance de leur pays d ’origine. dans les catacombes, et n ’a jamais été retrouvé.

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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 177
 La Vigna
Bien que Baccante soit la démonstration la plus visible du
pouvoir des Falisci, elle n ’en est pas le cœur. Ce rôle échoit
à La Vigna, où la famille Falisci vit et se détend. Situé à
une demi-journée de cheval au nord de Baccante, au sein
des vignobles les plus anciens de la famille, le domaine est
construit sur les ruines de la villa d ’un souverain de l ’Ancien
Empire, élégamment intégrées à des édifices plus récents.
Les Falisci savent divertir mieux que personne, et même les
plus grands courtisans de la cour impériale de Charousse
espèrent une invitation à un gala à La Vigna.
La richesse des Falisci est telle que les fantasmes les plus
fous des invités finissent par devenir réalité, ou presque.
Le vin du domaine cascade dans des fontaines d ’or, tandis
que de superbes courtisanes divertissent les nobles par leur
esprit et leur beauté. Les serviteurs proposent des mets fins
et tentants qui proviennent de toute la Théah. Toutefois,
contrairement à la débauche égalitariste du Carnivale de
Potenza, les réjouissances de La Vigna ne sont réservées
qu ’à de rares élus.
À ces occasions, les hommes s ’échangent des faveurs,
passent des marchés et concluent des accords de mariage qui
peuvent renverser le cours de l ’histoire. C ’est par exemple
à La Vigna que la main de Morella Giacinni fut promise
à Léon Alexandre, Empereur de Montaigne, une alliance
qui a profondément remis en question les certitudes de la
Vodacce et qui, partout ailleurs, aurait été impossible.
En effet, l ’architecture des lieux facilite l ’émergence de
conversations aussi délicates que celle-ci. Le domaine
dispose de cours et de couloirs au sein des ruines, dans
lesquelles les dignitaires peuvent plancher sur les détails
pratiques de leurs accords, le tout en dégustant un verre
de vin.
Quand il est question d ’affaires capitales pour l ’avenir de sa
famille, le Prince Donello Falisci invite les personnes concer-
nées à une visite privée de ses caves, et il leur fait goûter de
rares millésimes directement tirés du fût. Cet honneur est
très apprécié, mais rarement accordé ; si les invités repartent
avec un accord en main et un soupçon de gueule de bois, ce
ne sont que bénéfices pour les Falisci.

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La Postumi
Située en périphérie nord de Baccante, l ’église de Sainte-
Dorothée Suppliciée a été fondée voilà une génération. Il
s ’agissait alors d ’un refuge pour femmes déshonorées. Le
lieu est bien vite devenu un débarras pour les familles dont
les filles ne parvenaient pas à suivre les codes restrictifs
imposés aux femmes de Vodacce.
Là, pour la toute première fois, nobles et roturières se
côtoient librement sous un même fardeau de rejet et de
dédain de la société. L ’église leur a fourni une éducation à la
Vaticine, comprenant les mathématiques, l ’histoire, la litté-
rature, les langues et le droit. Les préceptrices prétendent
donner les leçons à haute voix, mais quand professeurs et
étudiantes sont surprises avec un livre à la main ou en train
d ’écrire une lettre, nul n ’y fait vraiment attention.
Lors de sa première visite après sa prise de pouvoir, le
Prince Donello Falisci s ’est très vite rendu compte que
les sœurs et leurs protégées étaient des esprits intelligents,
parmi les moins conventionnels qu ’il ait croisés. Il s ’est
attardé un moment pour discuter de la nature de Theus
et de l ’histoire de la Vodacce avec ces femmes parmi les
moins estimées de son domaine, et ses visites sont vite
devenues régulières.
Après quelques années, la Mère supérieure a émis l ’idée
d ’officialiser cette relation et, très vite, les employés de
Falisci arrivèrent avec des piles d ’archives commerciales,
de contrats et autres documents diplomatiques parmi les
moins sensibles de la famille. Le Prince fut époustouflé par
les résultats de l ’analyse menée par les femmes de l ’église,
analyse qui révéla que plusieurs marchands l ’entourlou-
paient, et mit à jour avant des incohérences inquiétantes
dans les rapports émis par certaines personnes que les
Falisci considéraient comme de proches alliés.
L ’église a depuis été surnommée la Postumi, ou « gueule de
bois », car le Prince en ressort toujours l ’esprit douloureux,
mais éclairé sur ses affaires familiales. Falisci a commencé
à solliciter leur avis sur des sujets plus sensibles, recrutant
même certaines des sœurs les plus brillantes pour lui servir
d ’agents. La relation du Prince avec l ’église a continué
de s ’approfondir au fil des ans, les Falisci procurant à la
Postumi les biens matériels dont ses résidentes, abandon-
nées par leur famille, ont continuellement besoin. Chaque
parti tient une place essentielle et appréciée dans l ’existence
de l ’autre.
Les terres des Villanova
Flanqué des montagnes d ’un côté et de la mer de l ’autre, le
domaine des Villanova est à la péninsule vodacci ce que
le dard est au scorpion. En Vodacce, les parents menacent
leurs enfants de les envoyer chez les Villanova s ’ils refusent
d ’accomplir leurs corvées, ou bien ils utilisent ce nom tel un
talisman pour se protéger de moindres malheurs.
Il n ’y a en effet aucune autre famille qui incarne aussi
parfaitement l ’impitoyable pragmatisme vodacci, indifférent
des codes moraux et éthiques. Aucun des autres Princes
n ’agit sans d ’abord réfléchir à la manière dont le Prince
Villanova pourrait réagir à leurs actes.
Serafino (Villanova)
Au premier abord, Serafino a des airs angéliques. La ville
est sise dans un port naturel profond aux eaux océanes bleu
saphir, entourée sur des kilomètres par des champs fertiles
qui se fondent graduellement dans la pittoresque chaîne de
montagnes environnante. Bref, la ville a tout du paradis. Son
architecture ne fait que renforcer cette impression, avec ses
flèches de marbre et ses ponts suspendus, dans un étirement
vertical très gracieux.
Bien que prospère et entretenue, la ville n ’est ni un lieu
d ’échanges commerciaux, ni renommée pour ses spécialités.
Les navires qui s ’arrêtent à Serafino le font parce qu ’ils
possèdent des cargaisons exotiques—le plus souvent illé-
gales—que la famille Villanova et son patriarche apprécient.
Le marché noir local ne manque jamais d ’articles, entre les
toxines les plus rares et les armements les plus originaux,
sans compter des marchandises volées, trop sensibles pour
être écoulées ailleurs.
Pourtant, ce marché n ’est pas illégal. Il est d ’ailleurs
ouvert les mêmes jours que le marché traditionnel, qui est
éloigné de quelques pas à peine. En fait, ce qui est prohibé
partout ailleurs est autorisé ici. Les lois du Prince Villanova
ne protègent nul autre que lui-même et ses affaires. Les
crimes qui pourraient vous faire jeter en prison dans les
principautés voisines font à peine cligner de l ’œil chez les
Villanova, qu ’il s ’agisse de meurtre, de trafic de drogue,
de poison ou armement dangereux. Attention, toutefois :
quiconque ne paye pas son impôt ou manque de respect à
un noble se fera couper la tête sans tarder.
En fin de compte, et comme tous les autres lieux d ’échange
sur les terres des Villanova, Serafino n ’est prospère que
parce qu ’elle sert les intérêts de la famille régnante. Si les
Villanova décidaient un jour que la cité menace leurs plans,
alors ils n ’hésiteraient pas à la réduire en cendres.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 179
 L ’Universita dei serafini
La véritable richesse de Serafino n ’est pas dans ses biens
physiques, mais dans ses savoirs. L ’Universita dei serafini
est la preuve matérielle de ce que des êtres brillants peuvent
accomplir quand ils sont libres de toute contrainte morale
ou éthique.
Que les rumeurs de vivisections et autres sombres expé-
riences soient vraies ou non, les connaissances médicales
de l’université sont bien plus avancées que celles des autres
institutions équivalentes en Vodacce. Des étudiants affirment
avoir soigné une affreuse douleur chez un homme en l'ouvrant
sur une table, tandis que d’autres se vantent d’avoir gagné du
terrain sur l’étude du typhus, du choléra et même de la peste.
Ces exploits possèdent toutefois leur côté obscur. Ainsi,
aucun étudiant ni professeur ne jurera qu ’il évite de causer
du mal à ses patients. Dès qu ’une toxine nouvelle ou un
produit chimique inédit attire l ’attention des Villanova, ces
derniers utilisent l ’université comme laboratoire d ’étude.
Dans la plupart des cas, on tire de prison un criminel
condamné à une longue peine et on le soumet à diverses
expériences ; s ’il survit, sa condamnation est réduite de
moitié. Dans le cas contraire, il obtient simplement une
autre forme de liberté.
Lors d ’une démonstration de poison particulièrement
efficace sur un prisonnier, le Prince Giovanni Villanova
aurait déclaré : « À quoi bon des armées quand un homme
peut commander à la mort ? » La phrase pourrait tout à fait
remplacer la devise officielle de l ’université et être écrite sur
le fronton de son entrée principale.
Les pratiques des chercheurs ne sont toutefois pas unique-
ment sinistres et coûteuses en vies humaines. La plupart
des expériences scientifiques sont conduites dans des labo-
ratoires de chimie analytique, et visent à créer des remèdes
contre de très nombreuses afflictions. Bien sûr, le seul
moyen de les tester est de les administrer à un cobaye mais,
le plus souvent, une chance de guérison vaut mieux qu ’une
vie de maladie. C ’est du moins ce que les chercheurs et les
docteurs de l ’université arguent chaque fois que quiconque
se montre trop curieux.
Enfin, les dissections post-mortem, une pratique très
mal vue presque partout ailleurs en Théah, permettent aux
scientifiques d ’en apprendre plus sur les organes et le fonc-
tionnement du corps humain.
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180 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Les terres des Caligari
Les terres du Prince Vincenzo Caligari vont de la rive fertile
à l’est du lac Rosa jusqu’à la côte montagneuse orientale de
la péninsule, au sud de Porto Spatia. Cette position géogra-
phique force les navires de commerce qui souhaitent se rendre
vers les terres des Caligari à passer par la bouche étroite du lac
Rosa, donc à subir de fréquentes « inspections » de la part des
bateaux appartenant au Prince Gespucci Bernoulli.
En conséquence, la famille Caligari s ’est spécialisée dans
les forçages de blocus et la contrebande, ce qui leur permet
de poursuivre leur commerce illégal d ’artefacts et d ’anti-
quités en toute impunité.
Il Bosco grigio
S ’élevant à des centaines de mètres, une arête rocheuse
acérée garde la côte est de la péninsule vodacci. Ses plus
hauts sommets sont crénelés de neige même lors des jour-
nées d ’été les plus brûlantes. Un air chaud et humide souffle
des confins Numanaris à l ’est jusqu ’au golfe Vaticin à l ’ouest,
et se refroidit quand il touche les montagnes, tournant à la
neige sur la face nord des hauteurs tandis qu ’il se fait pluie
froide dans les îles du sud. Sur les terres des Caligari, ce
phénomène météorologique a donné naissance à une vaste
forêt connue sous le nom d ’il Bosco grigio, ou Forêt grise.
Ce nom désigne en fait deux forêts. La première se trouve à
l’ouest des montagnes. Elle est constituée d’arbres à feuilles cadu-
ques comme des châtaigniers ou des chênes, et les habitants de
Rinascita, la principale ville du domaine, ont coutume de s’y
promener quand ils désirent échapper à l’architecture pesante
de leur cité. Les Caligari possèdent la forêt et le droit exclusif
d’y chasser et d’y prélever tout gibier, mais les locaux sont libres
d’explorer les lieux et d’y ramasser du bois à leur guise.
Au fil des siècles, le ramassage continuel de bois mort et les
déambulations de la population ont ralenti le renouvellement
forestier, ce qui donne à la forêt un aspect aéré. Aujourd ’hui,
c ’est l ’endroit favori des jeunes amants et de tous ceux qui
souhaitent parler loin des oreilles trop curieuses (même
si ceux qui ont profité des lieux pour comploter contre le
Prince et sa famille ont souvent été victimes de malheureux
« accidents de chasse » dans la forêt).
C ’est également ici que le Prince Caligari a choisi d ’entre-
poser sa collection d ’artefacts syrneth. Au cœur d ’il Bosco
grigio se trouve ainsi une structure pareille à un mausolée
qui ne possède qu ’une seule porte, que la rumeur rapporte
être faite en dracheneisen pur. La porte a un loquet d ’appa-
rence normale, mais le mécanisme de verrouillage est claire-
ment d ’origine syrneth. Nul autre que le Prince ne sait quels
trésors le bâtiment abrite.
Les falaises des Longanas
La deuxième forêt s’étend sur la face orientale des montagnes.
Dès que l’on quitte le flanc occidental pour descendre vers l’est,
les arbres à feuilles caduques cèdent la place aux conifères.
Entre les pins, les sapins et les épicéas, le sol se couvre alors
d’un tapis d’épines mortes. Les nuages et les chapes de brume
qui ont tendance à s’évaporer à de plus faibles hauteurs
s’attardent là, donnant aux lieux un air hanté.
À l ’endroit où les montagnes rejoignent la mer, elles se
transforment en abruptes falaises qui surplombent un
maigre rivage de plages de galets gardé par de gros rochers
de granite. Ces pierres marquent l ’entrée du royaume des
légendaire longanas, de belles femmes aux jambes de chèvre
qui vivraient dans les criques tempétueuses situées entre
les confins Numanaris et la péninsule vodacci. D ’après la
légende locale, tout homme capable de persuader l ’une
de ces femmes de traverser les montagnes et de l ’épouser
connaîtra la richesse et la prospérité sur trois générations.
De temps à autres, des marins se lancent dans cette quête…
et y perdent la vie.
Leur existence est sujette à de vifs débats, mais il y a une
raison beaucoup plus terre à terre qui explique ces décès. En
effet, certains individus se sont spécialisés dans le pillage
des épaves qui s ’échouent sur la lande. Ces groupes dirigent
les navires surpris par les tempêtes—celles que les vents
des montagnes déclenchent en arrivant sur la mer—vers les
rochers à l ’aide de faux signaux lumineux censés indiquer
des lieux de mouillage sûrs. Une fois les bâtiments coulés
et l ’équipage noyé, ils récupèrent tout ce qu ’ils peuvent des
marchandises qui s ’échouent sur la plage.
Ne rechignant jamais à tirer une légende d'une mort
mystérieuse, les habitants de Rinascita croient que le brouil-
lard qui s ’accroche à la forêt de conifères contient les âmes
des victimes de ces naufrageurs, qui attendent désormais
l ’étreinte de Theus ou de Légion avant de pouvoir s ’en aller.
Peu de gens s ’attardent donc dans cette forêt hantée ou sur
ses rivages maudits, de crainte de s ’attirer l ’ire des esprits.
Le bois s ’avère donc un lieu de campement idéal pour
les bandits et les voleurs, qui ne craignent alors pas d ’être
remarqués, ce qui rend la forêt encore plus dangereuse.
Les seuls qui osent pénétrer en ces lieux sont ceux qui en
connaissent les dangers et savent les anticiper.
Rinascita (Caligari)
La cité de Rinascita, située au creux des plaines vallonnées
de la côte orientale du lac Rosa, inspire autant d ’admiration
que de terreur. Presque entièrement construite à partir du
granit noir tiré des montagnes voisines, la ville domine les
environs immédiats, et l ’aspect grisâtre de ses constructions
lui donne une allure morne, surtout de l ’intérieur. Tandis
que les autres villes vodaccis possèdent un cœur urbain
vivant et chaotique, l ’essentiel de l’activité de Rinascita
s ’opère en dehors de ses murs, devant la porte principale
près de laquelle paysans et commerçants vendent leurs
articles à la criée, formant un marché tentaculaire.
À l ’intérieur, l ’ambiance est toute autre. L ’architecture
cyclopéenne semble épier les habitants, à tel point que
même durant les heures les plus animées de la journée,
la ville paraît vide. Refuge pour antiquaires et érudits
excentriques, Rinascita est célèbre à travers toute la Théah
comme haut-lieu d ’apprentissage (bien que les universitaires
étrangers qui s ’y rendent qualifient leur visite de corvée
déplaisante mais nécessaire).
Les rues de Rinascita suivent un schéma précis—
quoiqu ’étrange—comme si elles avaient été dessinées par un
esprit qui ne se serait soucié ni des gens qui les peupleraient,
ni du commerce. De longs boulevards arqués rejoignent
des lieux choisis a priori de manière aléatoire et, de part
et d ’autre, s ’alignent des rangées de maisons mitoyennes,
toutes bâties en pierre et serrées les unes contre les autres,
comme pour empêcher la création de raccourcis et de routes
secondaires qui seraient pourtant bien utiles. Ces artères
principales sinuent en d ’étranges zigzags, si bien que pour
rendre visite à un ami qui habite à tout juste trente mètres
de chez soi à vol d ’oiseau, il faut parfois compter près d'un
kilomètre de marche.
La sombre mine de la cité est éclairée par ses locaux qui,
par nécessité, sont devenus l ’une des populations les plus
sympathiques de Vodacce. Vu que la route la plus courte
entre deux points peut passer directement par la maison
d ’un voisin, les citoyens de Rinascita sont presque trop
accueillants, et offrent leur hospitalité aussi bien à leurs
connaissances qu ’aux inconnus. Ce supplément d ’humanité
désamorce les effets de l ’architecture sombre et déroutante
et, même si la ville peut sembler vide, ses maisons sont
toujours remplies d ’amis et d ’inconnus qui lèvent leur verre
autour d ’un même repas.
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7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 181
 L ’Edificio
Tous les boulevards sinueux de Rinascita partent de la
même plazza, au centre de la ville, et au-dessus de laquelle
se dresse une étrange tour faite de pierre lisse, connue sous
le nom d ’Edificio, c ’est-à-dire le Bâtiment. Placée dans
l ’alignement des points cardinaux et s ’élevant à près de
quarante-cinq mètres de hauteur, la tour abrite la plus vaste
collection de documents écrits de toute la Théah.
Un ordre de bibliothécaires, les Eruditi, entretient le
complexe et relaie au Prince Vincenzo Caligari des infor-
mations détaillées sur tous ses visiteurs. Le dirigeant de
cet ordre, le bibliothecarius Anacleto di Rinascita, est un
membre estimé de la société locale. Loin d ’être un cher-
cheur reclus du monde, il est un véritable produit de sa
ville, toujours heureux de discuter de théories du complot
avec qui que ce soit, et toujours le bienvenu dans n ’importe
quelle maison, chez les nobles comme chez les roturiers.
N ’hésitant pas à réprimander les novices, il aide également
les chercheurs et autres visiteurs à se repérer dans le laby-
rinthe des bibliothèques et des différents rayonnages.
L ’Edificio se vante de posséder dans ses collections davan-
tage d ’écrits de l ’Ancien Empire que l ’Église vaticine, et les
Eruditi ont protégé de nombreux documents « hérétiques »
de l ’ire de certains des croyants les plus zélés. L ’Edificio
abrite également certains des derniers manuscrits encore
existants au sujet de l ’occulte, comme des réflexions philo-
sophiques et religieuses sur les origines de la sorcellerie et
ses liens avec Theus.
Les sombres couloirs de l ’Edificio contiennent de tout,
des codex prétendant cataloguer les formes et les pouvoirs
des créatures mythologiques aux théories fumeuses sur la
nature des soi-disant Syrneth. D ’ailleurs, les Eruditi sont
soupçonnés de dissimuler des manuscrits interdits entre les
murs de leur bibliothèque. Connu pour toujours mettre les
pieds dans le plat, Anacleto a fait une fois remarquer que ces
calomnies provenaient du cardinal Verdugo qui, pour citer
le bibliothecarius, « n ’a jamais vu de sa vie un seul livre qu ’il
n ’ait pas eu envie de brûler ».
L ’Edificio accueille tous ceux qui souhaitent consulter ses
ouvrages, mais ceux-ci ne sont pas empruntables. Par consé-
quent, les érudits passent des jours entiers dans le bâtiment
en quête de la réponse qu ’ils cherchent, feuilletant les livres
qui les intéressent, copiant les passages importants, et allant
jusqu ’à dormir dans les sièges ou à même le sol froid.
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182 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Les terres des Lucani
Très peu de Vodaccis savent quoi penser de la rapide ascen-
sion de la famille Lucani dans les arcanes du pouvoir. Voilà
trois générations, le chef des Villanova envoya Michele
Lucani—premier de son nom à prétendre au titre de
Prince—à l ’extrémité de la péninsule vodacci, juste en face
des îles des Signori. Il lui attribua une citadelle, des terres
et un revenu.
Lucani ne possédait alors ce statut que par simple cour-
toisie, mais sa famille travailla dur durant un siècle, et cette
persévérance fit croître leur patrimoine, à tel point que toute
moquerie à leur encontre fut rapidement réduite au silence.
Le prince actuel, Michele Lucani (troisième du nom), a
plus que jamais réussi à faire progresser sa principauté vers
le statut de pouvoir légitime, sans n ’avoir de comptes à
rendre à personne. Toutefois, en tant que famille princière
arriviste et quasi-vassale des Villanova, les Lucani ont eu
du mal à s ’affirmer face à leurs rivaux. Grâce à quelques
mariages avantageux, certes fragiles mais pour le moment
efficace, ils sont parvenus à tenir les loups à distance.
L ’Aquila (Lucani)
La légitimité des Lucani ne fait aucun doute, leurs Streghe
disposant d ’une puissance et d ’une subtilité dans leur
art qui ne connaît pas d ’égal en Vodacce. Si la sorcellerie
est l ’apanage de la noblesse, alors les origines des Lucani
sont indiscutables.
La famille Lucani affirme également son lignage noble par
sa présence de longue date à L ’Aquila, jadis port fortifié
de l ’Ancien Empire et lieu de résidence d ’une importante
famille de la noblesse. Nombre de bâtiments et de ruines
qui s ’y trouvent remontent aux temps antiques. À cette
époque, à mesure que la gloire de l ’Empire déclina, L ’Aquila,
vestige aux confins des terres, subsista, préservant une partie
de sa grandeur et de son histoire.
Aujourd ’hui, ses habitants marchent dans les mêmes rues
que les sénateurs de jadis, et les gardes de la cité s ’entraînent
dans les baraquements qui accueillaient autrefois les légions
de l ’Ancien Empire. Les habitants de L ’Aquila se montrent à
la hauteur de cet héritage prestigieux, et sont généralement
francs, honnêtes et travailleurs. Depuis cette ville portuaire,
les navires des Lucani patrouillent dans l ’étroite embou-
chure du golfe Vaticin, et peuvent facilement accéder aux
grandes voies de navigation de la mer de la Veuve.
 Les locaux, que l ’on dit intègres et travailleurs, ont parti-
cipé à rendre la ville célèbre. Le commerce à L ’Aquila est très
renommé pour son artisanat. L ’industrie textile y produit
les meilleurs tissus de Vodacce, que ses tailleurs et ses
dentelliers transforment en vêtements à la dernière mode.
Nobles et marchands de toute la péninsule se les arrachent.
On y trouve également des charpentiers et des menuisiers,
célèbres pour leur travail décoratif, qui œuvrent aussi bien
chez les particuliers que dans les chantiers navals, et les
figures de proue de L ’Aquila font à elles seules grimper le
prix d ’un navire. Les pierres semi-précieuses des montagnes
voisines favorisent quant à elles le développement de la
bijouterie, tandis que la bonne argile des plaines fournit les
céramistes locaux en matière première.
L ’Aquila a également son propre style d ’art décoratif,
connu sous le nom de opere di commessi, qui consiste à
incruster de nombreuses petites pierres de diverses couleurs
sur une grande plaque de pierre afin de créer des motifs
complexes. La rareté des artisans qui maîtrisent cette tech-
nique, combinée à la beauté incroyable de ses résultats, a
largement contribué à la prospérité de la ville.
Ces dernières années, une vague d ’immigrants castillians
a permis d ’accroître les ressources de la cité. Ayant fui la
guerre avec la Montaigne, puis l ’Inquisition, ces réfugiés
ont adoptés le rythme de vie de l ’Aquila tout en apportant
à la cité une petite touche de leur culture. Les Castillians
se sont découvert des affinités avec les Vodaccis du coin,
étonnamment directs et serviables, et le commerce entre
les deux Nations s ’est intensifié en conséquence.
Il Anfiteatro
Au centre de la ville, dominant une piazza de l ’Ancien
Empire, se dresse un amphithéâtre massif et circulaire. La
structure dépasse les maisons voisines et possède d ’antiques
bas-reliefs qui illustrent des combats de gladiateurs et autres
sports plutôt sanglants.
Il Anfiteatro héberge une tradition typique de L ’Aquila :
tout homme accusé d ’un délit qui menace sa réputation
peut y affronter celui qui l ’accuse. S ’il gagne, ou que son
détracteur refuse de combattre, alors le problème est oublié
et la faute pardonnée. S ’il perd, il ne peut défendre son cas
devant un tribunal et doit se plier au jugement de l ’arène.
Les combattants s ’affrontent donc jusqu ’à ce que l ’un d ’eux
concède la victoire. En cas de conflit particulièrement obstiné
ou sanglant, le combat peut aller jusqu ’à la mort, du moins
si les deux adversaires y consentent. La plupart du temps, ce
sont de jeunes hommes impulsifs qui s ’y affrontent au nom
d ’une femme, ou bien des gens accusés, à tort ou à raison, de
crimes mineurs. L ’attitude franche et directe des habitants
de L ’Aquila fait que des crimes graves ne s ’y produisent que
rarement mais quand c ’est le cas, l ’affaire est bien souvent
trop importante pour être jugée dans l ’arène.
La population castilliane a également importé une de ses
propres traditions dans l ’amphithéâtre : el Baile del Toro,
l ’art de la tauromachie. Voyant au départ cela comme un
massacre élaboré de bétail, les habitants de L ’Aquila ont
d ’abord rejeté ces festivités, mais ils ont fini par apprécier ce
sport après que plusieurs apprentis toreros vodaccis se sont
fait ouvrir le ventre. Ces échecs monumentaux ont persuadé
les locaux qu ’el Baile del Toro exigeait plus de technique que
ce qu ’ils pensaient initialement.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 183
 Il Anfiteatro héberge un événement à chaque fin de
semaine ou presque, ce qui en fait un lieu social très animé.
Aux plus pauvres et aux classes marchandes, ces anima-
tions procurent une chance de voir et d ’être vus, mais aussi
de faire des paris, que ce soit sur le temps ou le résultat
final d ’un affrontement, ou même sur la possibilité de finir
encorné, dans le cas d'un affrontement face à un adversaire
taurin. Les nobles viennent de temps en temps assister à ces
spectacles, parce qu ’ils souhaitent prendre le pouls de la ville
ou pour satisfaire leurs bas instincts.
Les thermes dell ’Imperatore
Les thermes de l ’Ancien Empire, situés dans la banlieue de
L ’Aquila, sont un lieu important de la vie de la cité. Sans
aucune restriction ni de sexe ni de statut social, les gens
s ’y rendent pour faire affaire, se mettre au courant des
dernières rumeurs, ou simplement se baigner. L ’ancestral
et mystérieux système qui tire l ’eau chaude des profondeurs
continue de fonctionner, et les Lucani encouragent forte-
ment le peuple à ne pas chercher à en découvrir les secrets.
La seule partie interdite au public contient un bassin privée
réservé à l ’usage exclusif des sorcières de la Destinée. Il s ’agit
d ’un des seuls lieux non surveillés de la ville où ces femmes
peuvent se sociabiliser. Là, libres de leurs époux et de tout
chaperon, elles font tomber le voile et évoluent telles que
Theus les a conçues. Espionner leurs conversations pourrait
s ’avérer très avantageux, mais la perspective de dizaines de
Streghe en colère suffit généralement à décourager ceux qui
sont tentés par l ’idée.
En fait, les thermes dell ’Imperatore, avec leur marbre ancien
et leurs fresques élégantes, sont l ’une des raisons pour
lesquelles L ’Aquila est un lieu si agréable à vivre. Le fait de
pouvoir frayer avec les classes plus élevées—ou plus basses,
selon son statut—tout en étant libéré des convenances qui
appuient d ’ordinaire la différence, a grandement contribué
à la vie sociale et économique de la ville.
La plupart des grands échanges commerciaux s ’opèrent au
sein des bains, dans lesquels se rencontrent des gens qui ne
seraient jamais entrés en contact autrement. Que ce soit
entre nobles et marchands ou roturiers et artisans, tous,
détendus dans l ’eau, se mettent d ’accord sur les grandes
lignes des contrats pour les poser formellement sur le papier
dans un second temps.
À ce jour, si l ’idée de se baigner nu devant quelqu’un
du sexe opposé peut décourager les Castillians, il se peut
qu’une fois débarrassés de leur pudeur, ils embrassent cette
ï
184 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
tradition et découvrent qu ’il est alors plus facile de s ’intégrer
dans la vie locale. Pour l ’instant, la pratique est encore un
peu trop licencieuse à leur goût.
Il Sottomarino
Loin sous L ’Aquila se trouve une vaste caverne naturelle que
la mer et les marées montantes ont peu à peu taillée dans
la pierre. Le réseau de tunnels, seulement accessible quand
l ’eau des confins Numanaris est à marée basse, est criblé de
petits chemins et de longs ruisseaux au débit lent.
L ’endroit abrite un port naturel qui peut accueillir jusqu ’à
cinq navires à quille profonde, quoiqu ’à marée montante
le plafond de la caverne n e soit plus assez haut pour les
mâts. L ’eau s ’en écoule en rivières qui dévalent la campagne
alentour et creusent de profondes cavités dans les collines.
Certains racontent que de petites créatures vivent sur leurs
flancs, mais rares sont ceux qui accordent le moindre crédit
à ces superstitions.
Peu de gens sont au courant de l ’existence des cavernes
sous L ’Aquila, et encore moins savent où en trouver l ’entrée.
Si davantage de personnes savaient, nul doute que la Société
des Explorateurs aurait déjà envahi l ’endroit en quête
d ’artefacts. La plus vaste des cavités est en effet remplie de
vestiges de l ’Ancien Empire, jonchée de vieilles machines,
dont certaines fonctionnent encore.
Juste après la caverne principale se trouvent plusieurs
autres, plus petites, et derrière elles encore, une multitude
d ’autres. Les eaux des grottes les plus basses sont réchauf-
fées par la chaleur de l ’air qui émane des profondeurs de
Terra. C ’est là que se trouve la pompe qui achemine l ’eau
chaude aux thermes dell ’Imperatore, et là aussi que la
famille Lucani dissimule ses secrets.
L ’Ancien Empire utilisait cette grotte comme espace de
stockage, tout en sachant que l ’accès en était limité selon
l ’heure. Lorsque les Lucani dénichèrent la caverne, inviolée
depuis des siècles, ils découvrirent également un arsenal
soigneusement rangé, des réserves de nourriture séchée
(depuis longtemps réduite en poussière), ainsi que deux
bateaux à rames usés par le temps.
Aujourd ’hui, les Lucani utilisent la grotte de la même
façon que l ’Ancien Empire. À l ’intérieur, ils stockent nour-
riture, armes et bateaux. La famille a passé des années à
creuser pour relier son domaine aux cavernes, rendant
l ’accès à ce refuge plus direct et facile, surtout au cas où les
Villanova décideraient de reprendre leurs terres.
Les terres des Mondavi
La plupart des terres du Prince Alcide Mondavi sont en
apparence calmes et idylliques. Tandis que les Falisci ont
consacré la majorité de leurs terres arables à la vigne, les
Mondavi ont pris en charge la satisfaction des appétits plus
primaires de la Nation. Ainsi, la lande marécageuse au nord
de Bessarion et au sud du fleuve Vestini a été affectée à la
culture du riz.
En tant qu ’uniques producteurs de cet aliment de base
dans la péninsule vodacci, les Mondavi se sont enrichis,
mais la nature terre à terre de leur activité a donné à leur
patrimoine des airs de paysannerie. Se tenant à l ’écart
des ragots autant que des grandes fêtes, le Prince Alcide
Mondavi n ’a jamais répondu à cette insulte, trop heureux de
récolter son impôt et de chasser dans son domaine.
La montagna dei Cacciatori
Le Prince possède de quoi satisfaire son petit plaisir
personnel : sa réserve de chasse privée, qui s ’étend sur la
totalité de l ’unique montagne de ses terres. Cet ancien
volcan éteint a été nommé montagne du Chasseur, avec
toute l ’originalité caractéristique des paysans de la province.
Le Prince Alcide Mondavi a fait importer des ours blancs
de l ’Ussura, une meute de loups de l ’Angenehme Wald en
Eisen, et même un lion de l ’Empire du Croissant (que le
Prince n ’a guère trouvé combatif, la Vodacce ayant un climat
plus froid et humide que celui des terres natales de l ’animal).
Un corps de gardes-chasses d ’élite patrouille à ses fron-
tières, s ’efforçant tant bien que mal de confiner les dange-
reux animaux sur les pentes où ils vivent afin qu ’ils n ’aillent
pas causer de problèmes ailleurs. La population de cerfs a
été préservée, et suffit d ’ordinaire à nourrir les plus grands
prédateurs pour l ’hiver, mais les gardes-chasses ont tout
de même piégé l ’ensemble des contreforts inférieurs de la
montagne, afin de s ’assurer que les loups et autres bêtes
sauvages n ’aient aucune chance de s ’en échapper.
Les paysans, cependant, savent les dangers qui rôdent dans
la montagne, et la contournent le plus souvent. Si les loups
venaient à hurler devant leur porte, ils savent également
que les gardes-chasses apporteraient une solution rapide et
efficace à leur problème.
Tant que personne ne remarque les occasionnelles dispa-
ritions humaines dans la réserve, ou s ’aperçoit que ceux qui
en ressortent sont blessés par balle ou à l ’arme blanche—
des blessures clairement d ’origine humaine—alors tout se
passe pour le mieux.
Elemosina (Mondavi)
Petite ville calme située sur les rives du golfe Vaticin,
Elemosina a tourné son activité économique vers l ’exporta-
tion du riz, notamment en direction de la Castille ravagée
par la guerre et de l ’Eisen affamée. C ’est un commerce qui
rapporte, d ’autant que les terres des Mondavi produisent
une quantité incroyable de riz, mais ces affaires sont d ’un
ennui soporifique. Souvent très déçus par leurs échanges
laconiques dans les bars des quais et par l ’attitude apathique
des jennys du coin, les marins étrangers sont les seuls à
apporter un peu de vitalité à la ville. Désespérés à l ’idée
de dépenser leur argent dans une activité qui se révélera
ennuyeuse ou décevante, ces derniers se battent souvent
entre eux, et parient sur les résultats. Paradoxalement, les
gagnants s ’en sortent alors avec le double de leur mise, sans
pour autant savoir où dépenser leur pécule.
Ce n ’est que les jours de marché que la cité reprend vie.
Connaisseurs prononcés en agriculture, les locaux y vouent
une passion qui laisse incrédule les étrangers de passage.
Le prix d ’un boisseau de riz fait souvent s ’élever les voix,
marmonner des imprécations et, dans des cas extrêmes,
tirer les armes. On notera que l ’unique décès en lien avec
un duel tournant autour du prix d ’une carotte s ’est produit
à Elemosina en 1327 AV, et la tombe du gagnant, située à
la périphérie de la ville, fait office de lieu de pèlerinage pour
les fermiers qui viennent les jours de marché.
L ’absence d ’indigents et de signes de pauvreté est égale-
ment frappante. Dès son accession au pouvoir, le Prince
Alcide Mondavi a promis de fournir du travail à toutes les
mains inoccupées de ses terres, et il a tenu parole, trouvant
de quoi travailler pour les plus pauvres et ceux que la société
d ’Elemosina avait abandonnés. Cette bonne action lui a valu
une réputation d ’homme charitable, fait peu commun pour
un Prince vodacci, et a fait d ’Elemosina l ’une des villes les
plus propres et les plus sûres de la péninsule.
Le palazzo di Agitazione
Le Prince Alcide Mondavi se démarque également de ses
pairs par sa demeure, qu’il a choisi d’installer en ville plutôt
que de se cloîtrer dans un domaine personnel en campagne.
Le palazzo di Agitazione, vaste et étendu, n’est cependant
pas une résidence idéale. Son domaine accapare plus d’un
cinquième du territoire de la ville : la demeure compte deux
mille cent quarante trois fenêtres, mille deux cent cinquante
deux cheminées et soixante sept escaliers ; ses jardins sont
encore plus grands et accueillent mille huit cents fontaines
réparties entre différents massifs parfaitement entretenus.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 185
 L ’entretien du palazzo et de ses jardins nécessite une
petite armée de serviteurs, dont le coût serait ruineux, voire
impossible à payer, pour quiconque d ’autre que les Mondavi.
Le Prince n ’agit jamais sans raison, cependant, et le
palazzo di Agitazione ne déroge pas à la règle. En effet,
il y a quelque chose—que ce soit dans ses bâtiments, ses
matériaux ou l ’endroit où il a été construit—qui met extrê-
mement mal à l ’aise les sorcières de la Destinée, et les rend
absolument incapables d ’utiliser leur don sur place. Cela
permet au Prince de recevoir des nobles chez lui sans avoir à
s ’inquiéter du pouvoir de manipulation de la Sorte. L ’expé-
rience est si déplaisante que très peu de Streghe se donnent
la peine de revenir, préférant laisser leur mari se salir les
mains tout seul, pour une fois.
Cela signifie aussi que le Prince Alcide Mondavi vit sans sa
femme, une puissante Strega qui préfère demeurer dans une
maison plus modeste située en dehors du palazzo, réservée
à son usage exclusif et à celui de ses filles. Elle s’épargne
ainsi l’angoisse constante qui plane sur la résidence de son
époux. Leur mariage est loin d’être dénué d’amour, comme
en témoignent les trois filles du Prince, et ce dernier met un
point d’honneur à consulter son épouse pour toute affaire qui
concerne leur couple. Il voit en elle sa confidente, et ce même
si son don ne leur permet pas de vivre sous le même toit.
ï
186 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Les terres des Vestini
Après des Lucani, les Vestini sont la famille à avoir le plus
récemment revendiqué un titre de Prince. Leur droit à la
noblesse est pour ainsi dire encore plus douteux que celui
des Lucani, car les rares femmes Vestini à démontrer des
talents pour la Sorte s ’avèrent moins puissantes que les
autres Streghe.
Libérées d ’un pouvoir qui constitue à la fois un don et
une malédiction, les nobles dames Vestini étudient, culti-
vant leur éducation et poussant leur intelligence jusqu ’à
leurs limites. Elles ne peuvent pas apprendre à lire et à
écrire, mais les mathématiques et l ’arithmétique n ’exigent
des connaissances scripturales qu ’en nombres et en chiffres.
Ainsi les femmes Vestini font-elles concurrence à leurs
camarades sorcières sur le marché du mariage, développant
des talents que peu de dames possèdent.
On dit des épouses Vestini qu ’elles n ’ont pas besoin de
sorcellerie pour diriger la vie de leur mari : il leur suffit d ’un
livre de comptes, d ’un emploi du temps et d ’une plume. Le
Prince Alessandro Vestini n ’est pas du genre laxiste, mais sa
femme est l ’une des dames les plus intelligentes du pays et,
sans elle, le domaine familial tomberait en ruines.
Pacatezza (Vestini)
Située à l ’embouchure du fleuve Vestini, Pacatezza est la
plaque tournante du commerce qui transite vers le golfe
Vaticin. La ville importe des marchandises ussuranes par
le fleuve des Boyards, et des articles eisenörs via la Der
Baueren, tandis qu ’elle exporte vers la Castille, par le biais
du fleuve Soldano jusqu ’au-delà de San Gustavo.
 Le mélange des langues étrangères et la présence des
marchandises exotiques donnent à la ville un lustre cosmo-
polite, lequel l ’a rendue célèbre pour sa sophistication. Les
marins sont aussi ravis de faire escale à Pacatezza qu ’ils sont
horrifiés à l ’idée de jeter l ’ancre à Elemosina.
La cité est célèbre pour deux choses : ses guildes et ses
femmes. À la différence des artisans de L ’Aquila, les habi-
tants de Pacatezza sont des chefs cuisiniers, des peintres, des
sculpteurs, des orfèvres ou des bijoutiers ; ils consacrent leur
vie aux délices les plus épicuriens, qu ’ils soient en charge de
régaler les papilles ou les yeux.
Les locaux s ’enorgueillissent également de la qualité de
leurs courtisanes, versées en art, en littérature, en mathé-
matiques et en philosophie. Ayant suivi des enseignements
sur la logique, la rhétorique et la grammaire, elles possèdent
une diction fluide et exercée. En bref, elles sont des îlots de
sophistication dans une mer de grossièreté, et leur compa-
gnie est loin d ’être bon marché.
Les charmes des écoles de courtisanes de Pacatezza
attirent les jeunes jennys brillantes de toute la Théah. Elles
s ’y présentent afin de se transformer en dames raffinées
et se trouver un mécène. Leur présence offre aux clients
de l ’école un soupçon d ’exotisme et d ’inconnu. Toutefois,
toutes ne sont pas admises, car les courtisanes de Vodacce
sont connues pour être la crème de la crème.
La Passione
À l ’extrémité nord-est de la ville, dans une ancienne église
entourée de vertes pelouses, se trouve la plus célèbre école
de courtisanes de Pacatezza. Pour faire un clin d ’œil légère-
ment sacrilège à leur passé dévot, les lieux ont conservé le
nom de ladite église, La Passione, lequel n ’a certainement
pas besoin d ’être traduit.
Alors que la plupart des Théans considèrent qu ’être cour-
tisane est une carrière honteuse, il en va tout autrement en
Vodacce. La famille Vestini est notoirement connue pour
la vivacité d ’esprit de ses femmes, et de nombreuses nobles
dénuées de don magique reçoivent une instruction générale
durant quelques années avant de partir se trouver un époux.
La famille Vestini ne nie pas l ’aspect licencieux de ces rela-
tions tarifées, pas plus qu ’elle n ’en fait l ’éloge : ce qu ’hommes
et femmes font en privé ne regardent qu ’eux. En éduquant
leurs protégées, les enseignants leur permettent d ’une part
de se défendre des prétendants les plus grossiers, et d ’autre
part d ’apprendre à reconnaître un compagnon de qualité.
Même si l ’on est très loin de l ’égalité dont jouissent les
femmes du reste de la Théah, cette situation reste plus
enviable que celle de toutes ces femmes ignorantes et
dépendantes qui peuplent la Vodacce. Ces progrès sont
principalement dus à la Maîtresse de l ’école, Desiderata. Elle
encourage ses élèves à apprendre les arts martiaux en même
temps que les arts sociaux, s ’assurant que chaque femme
formée à La Passione soit capable de se défendre à la cour
comme dans la rue.
La Passione est également célèbre pour son événement
annuel et traditionnel, la Tarantella, ou Danse des Araignées.
Là, les rôles sont inversés : les courtisanes se choisissent des
pseudonymes et se rendent aux bals à visage découvert, tandis
que les prétendants, les maris nobles et autres invités doivent
adopter l'apparence d'une courtisane, de la tenue en passant par
le masque et les manières. L’expérience est très libératrice pour
les courtisanes, et révélatrice pour les autres, qui réalisent à quel
point il est difficile de maintenir une conversation intéressante
et sans temps morts avec de parfaits inconnus.
Bassifondi
Bien qu ’elle soit une ville de délices, Pacatezza n ’est pas
dénuée d ’imperfections. D ’après la croyance locale, le faible
talent magique des Vestini n ’est pas dû à une quelconque
faiblesse de leur sang, mais plutôt à un maléfice. D ’après la
légende, une Strega extrêmement puissante aurait en effet
découvert qu ’une courtisane des Vestini se faisait peu à peu
une place entre les bras de son mari. Furieuse, la sorcière
de la Destinée aurait pisté son époux jusqu ’à son petit
nid d ’amour, où elle se serait ouvert les veines et, avec son
dernier souffle, aurait maudit les amants.
Que ce soit vrai ou non, le quartier où la sorcière est supposée
s’être donné la mort se trouve à l’abandon depuis des décen-
nies. Peu de acceptent de vivre de leur plein gré à l’est de la cité,
dans le quartier connu sous le nom de Bassifondi. Les maisons
locales abritent aujourd’hui indigents, criminels, et pire encore.
Que ce soit à cause de la malédiction ou d’un phénomène de
dégradation naturel, quand des visiteurs arrivent à Pacatezza
par le fleuve, ils doivent commencer par naviguer à travers un
paysage chaotique fait de bâtiments effondrés, d’égouts à ciel
ouvert et de quais infestés de rats.
Les seuls citadins qui fréquentent régulièrement les lieux sont
les élèves de La Passione, qui y distribuent de la nourriture
et s’occupent des malades et des mourants. Ces actions chari-
tables peuvent paraître étranges, surtout de la part de Vodaccis.
Quoiqu’il en soit, qu’ils soient élèves ou enseignants, à l’école de
courtisanes, personne ne craint de s’aventurer seul dans les rues
de Pacatezza, que ce soit dans le Bassifondi ou ailleurs.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 187
 Les indépendants
Bien que les Princes tiennent la Vodacce entre leurs mains,
il existe quelques sanctuaires qui prospèrent en dehors de
leur influence. Ces lieux font office de refuges pour ceux qui
vivent sans la protection d ’un puissant mécène, ou bien dont
l ’existence remet en question les rôles clairs que la société
vodacci veut imposer.
Fontaine
En théorie, Fontaine devrait appartenir à un Prince. La ville
a tout du terrain de jeu parfait pour eux : elle enjambe les
rives du puissant fleuve du Sejm, se trouve au seuil d ’une
vallée fertile, juste entre deux montagnes, et possède un
riche gisement de minerai dans les monts Valtulina.
Malheureusement, le voyage depuis le coeur de la Vodacce
est trop difficile pour valoir le coup. À l ’ouest, les pics
rocheux s ’élèvent de trois mille à quatre mille deux-cents
mètres d ’altitude. Ils n ’offrent que peu de passes, lesquelles
s ’enfoncent profondément entre leurs monts enneigés. Le
déplacement est rendu encore plus dangereux par les risques
naturels, comme les avalanches, les loups, les ours, et les
esprits qui, dit-on, n ’auraient pas trouvé la paix.
Par conséquent, Fontaine dispose d’une autonomie solide,
très rare dans les plaines. Là-bas, les locaux vaquent à leurs
propres besoins, et le Grand Jeu n’a que peu de place pour
se déployer dans les allées et sur les places de marché. La
petite ville pratique également une forme de démocratie
assez radicale, où chaque adulte (femmes comprises) vote
pour un maire de son choix, lequel n’a tout de même que des
responsabilités limitées, comme régler les conflits et s’assurer
de la sécurité publique (à des lieux des gouvernements auto-
cratiques des principautés). Cette menace politique implicite
envers les Princes ne fait guère de vagues, étant donné la loca-
lisation reculée et la faible population de Fontaine.
La ville est devenue un refuge—peut-être le seul en
Vodacce—pour ceux qui sont pourchassés par un Prince ou
ses agents. Là, les parias peuvent profiter d ’une vie libérée
des contraintes vodaccis, s ’imbiber d ’alcool ussuran, discuter
des théories politiques sarmatiennes et comparer les mérites
théologiques de l ’objectionnisme et de la foi vaticine.
Mis à part pour les mines qui fournissent le minerai à
l ’origine de l ’acier exceptionnel produit par Fontaine, les
monts Valtulina demeurent largement inexplorés. On
raconte depuis longtemps que, au-delà de la limite des
neiges éternelles, on trouve des ruines Syrneth. Toutefois,
une seule et unique personne en est revenue en affirmant en
avoir découvert. L ’homme en question est devenu fou peu
ï
de temps après, et a été retrouvé mort après s ’être arraché
188 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
la peau du visage à l ’aide d'une pierre. Quoiqu ’il en soit,
Fontaine continue de voir arriver un flot régulier d ’archéo-
logues et de larbins des Caligari, qui reviennent des monts
les mains vides (quand ils en reviennent).
Joppa
Les Joppa figuraient parmi les plus puissantes familles vodaccis,
leur fortune et leur influence rivalisant alors avec celles des
Falisci et des Bernoulli. Ils dirigeaient jadis la ville qui porte leur
nom, ainsi que les terres environnantes. Aujourd’hui, les lieux
témoignent de ce qui arrive à ceux qui perdent au Grand Jeu.
Voilà plus d ’un siècle, la famille Joppa œuvra à unifier la
Vodacce sous le règle d ’un seul homme. Francisco Joppa
avait passé des alliances avec les Lucani, les Falisci et les
Villanova, qui étaient censés saper la puissance des autres
Princes pour permettre à Francisco de s ’élever au rang
d ’Empereur des principautés. Lorsque les Joppa agirent, le
Prince Villanova les doubla. Ce dernier informa les Vestini,
qui stoppèrent le mouvement des Joppa avant même que
ceux-ci ne puissent lancer leur manœuvre. En punition de
cette tentative, les autres Princes envoyèrent leurs forces
militaires sur les terres des Joppa et s ’emparèrent de la ville.
Ils éradiquèrent l ’arbre familial, tuant jusqu ’à sa dernière
branche. Les rares survivants s ’enfuirent pour se cacher.
Aujourd ’hui, plus personne ne dit descendre des Joppa.
Les potentiels héritiers de la lignée ont depuis longtemps
pris leurs distances. Là où se tenait jadis une ville florissante,
il n ’y a désormais plus que des ruines. La cité en elle-même
n ’a que peu souffert des attaques, mais après le déclin de la
famille régnante, les habitants ont migré vers l ’est, à Cinq
Voiles, ou vers le sud, dans d ’autres territoires de la Vodacce.
Ce qui restait de la ville des Joppa a été laissé à l ’abandon,
permettant aux indigents et aux voleurs de s ’y installer.
Cependant, sans travailleurs ni marchands à portée de main,
même eux ont fini par s ’en aller.
Ces dernières années, un groupe de marchands et de voya-
geurs sarmatiens a repris les rênes d’une petite partie du
territoire princier, rénovant les habitations et restaurant leur
beauté d’antan. Entourés de ruines, ces somptueux domaines
leur servent de maisons de vacances secrètes sur le territoire
vodacci, mais sans impôt ni Prince pour les importuner.
Ceux qui sont invités à venir dans ces enclaves profitent de
l’opulence des demeures princières sans avoir à se soucier
des lois vodaccis. Peu de gens connaissent les territoires de
Joppa, et les marchands s’arrangent pour conserver le secret.
De l’extérieur, la localité semble aussi vide et abandonnée que
d’ordinaire, mais au cœur de la ville, la nuit s’illumine des
lueurs chaleureuses du commerce.
Sorte
Les sorcières de la Destinée sont craintes de tous, y compris
des hommes qui les ont épousées. Tous les nobles, sans
exception, souhaitent que le Destin œuvre en leur faveur,
et cela dépend du talent de leur famille pour contracter un
mariage avantageux avec une puissante Strega qui puisse les
épauler dans leurs machinations. Entraînées dès leur plus
jeune âge à maîtriser leurs pouvoirs, les Streghe évoluent
dans leur propre strate sociale, au sein d ’une communauté
très unie. Ces femmes enseignent la pratique de leur magie
aux nouvelles générations qui ont le don. Elles soutiennent
les manipulations politiques des nobles vodaccis qui, en
retour, les entretiennent dans un style de vie fastueux.
Le pouvoir de la Sorte coule dans le sang de la plupart des
familles nobles de Vodacce. Les fils des puissantes Streghe
sont généralement mariés à d ’autres sorcières, de manière
à maintenir une lignée magique ininterrompue. La Sorte
est un pouvoir suffisamment répandu pour que la noblesse
s ’épargne les complications liées à la consanguinité. Le don
peut rester en sommeil quand une lignée n ’a pas de fille ;
lorsqu ’il « disparaît », ces familles se reposent alors sur la
réputation de leurs ancêtres Streghe pour témoigner de leur
valeur et de leur statut.
Les Streghe sont faciles à identifier dès la naissance. Celles
qui naissent avec le don de la Sorte ont généralement il bacio
de destino, une tache de naissance rougeâtre représentant
le baiser du Destin. La marque apparaît généralement sur
la joue ou le cou—même si elle peut se manifester partout
ailleurs sur le corps—et prend soit la forme grossière d’un
cœur, soit celle d’une paire de lèvres. Les familles célèbrent
la naissance d’une sorcière de la Destinée par de grands
festins, et les parents fiancent l ’intéressée durant les mois qui
suivent sa naissance, afin de renforcer ou consolider certaines
alliances politiques. C’est entre autres pour cette raison qu’il
est dangereux de lever la main sur une Strega : sa famille
ripostera à coup sûr, et ses alliés suivront.
Bien que les Streghe naissent surtout chez les nobles,
n ’importe quelle fillette peut venir au monde avec il bacio
de destino. Les aristocrates les dénichent et les adoptent
très vite après leur naissance, les élevant au sein de la classe
seigneuriale, leur enseignant l ’étiquette qui sied à leur rang
et les entraînant à utiliser leur don. Ces adoptions s ’accom-
pagnent de récompenses pour les parents qui cèdent leur
fille. Les paysans connaissant la valeur du pouvoir de la
Sorte, cette tradition d ’échanges d ’enfants n ’est donc pas
réservée à la noblesse. La naissance d ’une Strega dans une
famille de basse extraction est la garantie d ’une vie plus
fastueuse. Bien sûr, les jeunes filles ainsi adoptées qui ne
parviennent pas à assimiler les règles tacites de la haute
société subissent la disgrâce, et retournent bien vite là où
elles avaient été dénichées.
Apprentissage
Les Streghe élèvent les nouvelles sorcières de la Destinée dès
leur naissance, afin de les préparer à leur futur rôle dans la
société. Celles qui sont nées au sein de l ’aristocratie étudient
sous la surveillance de leur mère, tandis que celles qui ont
vu le jour parmi les classes plus défavorisées sont prises
sous l ’aile des familles auxquelles elles ont été promises
en mariage (et apprennent donc auprès des Streghe qui s ’y
trouvent). L ’éducation d ’une Strega se limite le plus souvent
à l ’étiquette et au bon comportement, c ’est pourquoi les
hommes de la maisonnée contrôlent le contenu de leurs
ï
études afin de s ’assurer qu ’il n ’y ait là rien d ’interdit.
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 189
 Étant donné que les lois vodaccis empêchent les Streghe
d’apprendre à lire ou à écrire, leur apprentissage se fait unique-
ment par mémorisation et par expérience. Claquemurées
dans leurs maisons quasiment dès la naissance, les Streghe
passent leur enfance à apprendre la manière dont fonctionne
la structure sociétale de la Vodacce, ainsi que toutes les
mœurs qui conviennent à une femme de leur statut.
Dès le début, les leçons assoient l ’importance de leur
don. Le véritable entraînement débute à l ’âge de dix ans,
lorsqu ’elles reçoivent leur premier jeu de cartes. Celui-ci
ne contient que les Cartes Mineures, que la Strega novice
utilise pour apprendre à lire dans la toile de la Destinée
qui l ’entoure. Une fois acquise la maîtrise du jeu de base, la
Strega peut entamer son apprentissage des Tesse.
L ’entraînement pratique aux Tesse débute vers l ’âge de
douze ans. La Strega dispose alors d ’une solide maîtrise
des Cartes Mineures et peut commencer à y intégrer des
Cartes Majeures, en débutant par celles qui font le plus
écho à ses Lectures. La plupart se dirigent d ’abord vers les
Arcanes, le plus commun de tous les Tissages, qui permet
de manipuler les informations découvertes durant les
Lectures du monde qui les entoure. De nombreuses Streghe
travaillent dur pour maîtriser les quatre Tissages, et celles
qui deviennent maîtresses de tous les aspects de leur don
sont aussi craintes que révérées par ceux qui connaissent
l ’étendue de leurs talents. Si une instructrice est momen-
tanément absente, ou si elle ne connaît pas le Tissage que
son élève désire apprendre, alors cette dernière peut étudier
durant un certain temps au sein d ’une autre famille.
L ’éducation des Streghe transcende alliances et rivalités.
Les gens ont coutume de simplement agir comme s ’ils
ne voyaient pas ces échanges. Le plus souvent, les Streghe
elles-mêmes se soucient peu des liens entre leurs différentes
familles et forment d ’étroites amitiés qui n ’ont que faire des
manipulations politiques. Tenues à l ’écart de la plupart des
événements publics jusqu ’à leur mariage, et restant par la
suite très largement isolées, les Streghe n ’ont que leur propre
communauté où se sociabiliser. Plus terre à terre que leurs
époux au sang chaud, elles considèrent les conséquences de
leurs sortilèges comme de simples affaires professionnelles,
qui n ’entrent que très rarement en conflit avec leurs rela-
tions personnelles.
La noblesse vodacci a coutume d ’épouser exclusivement
des Streghe, mais on raconte également que les bourgeois et
les paysans gardent pour eux leurs filles pourvues du don
de la Sorte, et font en sorte qu ’elles épousent quelqu'un
ï
190 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
de leur propre classe sociale. Des rumeurs circulent égale-
ment au sujet de Streghe qui seraient directrices d ’écoles
pour jeunes filles proches de la frontière vodacci. Il est
difficile d ’obtenir des informations détaillées sur ces insti-
tutions, à tel point que beaucoup doutent même de leur
existence. Ces Streghe qui évoluent en dehors du cercle de
la noblesse restent discrètes, par crainte des représailles
qu ’elles subiraient si on les découvrait.
Statut social
La Sorte, en tant que pouvoir, confère son propre titre et sa
place dans la société. Les Vodaccis voient en effet le don de
Sorte comme une puissante bénédiction, et la simple posses-
sion de ce pouvoir améliore le statut de la personne qui en
dispose. La société considère toutes les Streghe comme
nobles, puisque le don transcende le statut de naissance. Le
peu de cas de la culture voddaci pour les noms de famille
devient ici un avantage. Alors que dans d ’autres Nations, le
nom et les titres permettent de reconstituer une lignée, en
Vodacce, une femme de basse extraction pourra se contenter
comme seul titre de la Sorte, et se revendiquer d ’une seule
famille : les Destini.
Les Streghe étant fiancées dès la naissance afin de
renforcer des alliances, il n ’est pas rare qu ’elles ne
rencontrent leur promis que le jour du mariage. En effet,
une fois son apprentissage débuté, une Strega vit très isolée
du monde extérieur afin de minimiser les retombées de ses
premiers tirages et démêlages des fils de la Destinée. Une
Strega ne demeure généralement pas longtemps chez les
siens au terme de son apprentissage, et les années passées
à apprendre avec d ’autres Streghe font que la jeune céliba-
taire accorde souvent plus d ’importance à cette dernière
qu ’à sa propre famille. Si elle n ’est pas fiancée à la fin de
son entraînement, elle reste dans la maison de sa famille
jusqu ’au jour de son mariage.
Pour enseigner correctement l ’étiquette aux Streghe, les
familles puissantes organisent des événements qui visent
à simuler les obligations mondaines auxquelles elles auront
affaire une fois lancées dans la société. Le plus souvent
ouverts à toutes les sorcières en formation ainsi qu ’à leurs
préceptrices, ces galas, festins et autres célébrations leur
offrent l ’occasion de tester leurs compétences, non seule-
ment concernant les fils de la Destinée, mais aussi pour le
déchiffrage des signaux sociaux et autres subtilités de la cour.
Les Streghe s ’y habituent à leur tenue traditionnelle et à leur
voile, et elles peuvent y pratiquer leurs Tesse en public.
 Bien sûr, une pratique publique pourrait signifier une
disgrâce potentielle pour les moins douées ou celles qui
sont toujours en apprentissage. C ’est pourquoi ces événe-
ments accueillent des courtisanes locales, qui font office de
substituts aux véritables nobles de la cour. Leur proximité
avec ces derniers, ainsi que leur éducation adaptée, en font
d ’excellentes aristocrates de remplacement, ce qui permet
aux Streghe de s ’exercer en public sans risquer de perdre
la face. Ces courtisanes sont heureuses de recevoir la
Bénédiction d ’une Strega en apprentissage ; elles acceptent
aussi généralement d ’être la cible d ’une Malédiction, une
pratique malheureuse mais nécessaire qui ne dure pas plus
que le temps de la soirée. Les Streghe plus âgées décou-
ragent cette pratique, l ’usage de ce Tessere en public étant
considéré comme un faux pas manifeste.
Une drôle d ’alliance
Après la fin des festivités, courtisanes et maîtresses s ’entre-
tiennent en privé. La plupart des hommes pense qu ’elles
discutent et évaluent les performances des élèves mais,
derrière ces portes closes, ces femmes se consacrent à leurs
véritables objectifs. Peu de nobles savent ce qui s ’y passe
vraiment, et ceux qui sont au courant ne l ’admettent que
très rarement : les alliances entre Streghe et courtisanes
permettent d ’influencer de nombreuses décisions politiques.
Les étrangers se demandent souvent pourquoi les
sorcières de la Destinée acceptent d ’être traitées comme
des objets et des outils. La vérité, c ’est que la situation ne
leur convient absolument pas, et qu ’elles font de leur mieux
pour la contourner. En effet, même si leurs maris, pères
et employeurs les protègent, les Streghe mènent des vies
cloisonnées dans lesquelles elles sont littéralement gardées
sous clé. Si certains nobles peuvent offrir une grande marge
de manœuvre à leurs femmes dans les affaires privées, en
public, elles doivent obligatoirement se montrer modestes
et obéissantes.
Les sorcières de la Destinée ont donc besoin de l’aide des
courtisanes, notamment lorsque leur époux ne leur accordent
aucune liberté, même en privé. Ces Streghe se fient aux courti-
sanes, qui sont le plus souvent mieux éduquées et connaissent
les arcanes de la politique, suffisamment, en tout cas, pour
leur donner des conseils et leur apporter leur aide en la
matière. En échange, elles reçoivent des faveurs, soit à leur
bénéfice direct, soit au détriment de leurs ennemis.
À une échelle individuelle, la désapprobation à peine
cachée et la haine que se vouent nombre de courtisanes
et de Streghe en public peuvent être réelles. Certaines se
détestent vraiment, mais si collaborer signifie améliorer la
vie des femmes en Vodacce—et même au-delà—alors elles
mettent de côté leurs différends et œuvrent ensemble à cet
objectif commun.
Les Filles de Sophie
Les Filles de Sophie influencent ou fomentent de
nombreuses manipulations politiques en faveur des
femmes en Vodacce. Les plus importantes des courtisanes
et des Streghe agissent main dans la main avec elles. Leur
groupe ne cesse de croître et s ’est étendu aux alliées les
plus sûres des fondatrices et des membres de la Société
secrète. Elles utilisent en premier lieu les écoles situées aux
frontières de la Nation, et leurs agents font en sorte que
celles-ci demeurent à l ’état de simple sujet de conversation
ou de rumeur. À l ’écart de l ’attention des nobles, les écoles
parviennent plus facilement à s ’organiser pour évacuer les
Streghe de la Vodacce et les transporter en lieu sûr jusque
dans les Nations voisines.
Bien qu ’il soit plus facile d ’évacuer des jeunes filles en
cours d ’apprentissage, des Streghe adultes ont déjà réussi à
s ’enfuir. La chose est plus simple pour les célibataires, mais
même une Strega mariée depuis plusieurs années et qui ne
connaît qu ’une existence misérable sait qu ’elle possède de
puissantes alliées pour organiser son évasion.
Les Streghe sont inflexibles quant à l ’éducation des jeunes
sorcières, même en dehors de la Vodacce. Les abris où elles
sont amenées servent d ’écoles afin de veiller à la formation
de la nouvelle génération, mais aussi de leur enseigner
des savoirs interdits en Vodacce. Les sorcières qui se sont
enfuies apprennent ainsi à lire et à écrire, entre autres choses
qui leur seront nécessaires pour vivre loin de la grandeur
éclatante des cours vodaccis.
Les évadées les plus influentes dirigent ces écoles. Elles
restent cachées, de peur d ’être de nouveau capturées, mais
ce sont souvent elles qui en savent le plus sur les Tissages.
Ces maîtresses sont contraintes de fabriquer des jeux de
cartes maison pour leurs élèves, et elles leur apprennent
à en comprendre les mots et le sens, contribuant à
leur alphabétisation.
Ainsi, les Streghe adultes apprennent à lire et à écrire en
utilisant un cadre familier, tandis que la progression en
Sorte des apprenties se voit facilitée par le support écrit. Les
enseignantes encouragent les écoles à conserver des registres
traitant de l'art des Tesse, ainsi que des méthodes permet-
tant de se défaire des Contrecoups avant que la Destinée
n ’équilibre les comptes.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 191
 La Sorte sans formation
De plus en plus de Streghe s’échappent et entreprennent une
vie indépendante en dehors de la Vodacce, de sorte qu’il existe
sans cesse plus de jeunes filles inconscientes de posséder le
pouvoir de la Sorte, et donc dénuées de tout entraînement.
Même après avoir quitté la Vodacce, les Streghe tiennent à ce
que toutes suivent un apprentissage, et il y a une bonne raison
à cela : dès qu’on modifie la Destinée, on en paie le prix. Si l’on
en demande trop sans en offrir assez, alors la Destinée vient
prendre son dû, ce qui a souvent de terribles conséquences.
Si une Strega avertie sait comment rendre à la Destinée
ce qu ’elle lui doit, une jeune femme inexpérimentée ignore
de quelle manière rembourser la dette qu ’elle a contractée
(quand elle sait qu ’elle en a une).
Une Strega née hors de la Vodacce peut mourir avant même
de comprendre qu’elle possède un pouvoir. Celui-ci ne se
manifeste pas avant l’âge de dix ans et, alors qu’elle devrait
normalement entamer son apprentissage à ce moment-là, elle
vit en pensant simplement être incroyablement chanceuse.
Durant sa jeunesse, les choses tournent systématiquement en
sa faveur, mais plus elle grandit, plus sa chance peut se retourner
contre elle sans entraînement approprié. Même sans jeu de
cartes à disposition, elle se met à lire le monde autour d’elle, de
mieux en mieux à mesure que la Destinée se révèle. Si jamais elle
choisit de tirer sur l’un des fils, alors elle apprendra par l’expé-
rience et l’erreur, condamnant ce faisant ses cibles au malheur.
En Vodacce, les récits de ces conséquences de Sorte mal dirigée
font état de petits échecs : une famille tombée en disgrâce, une
tempête qui a provoqué de maigres dégâts dans une partie de la ville,
ou encore un duel qui s’est conclu sur la victoire du combattant
le moins aguerri. Il est difficile de cumuler de gros Contrecoups
en Vodacce : les Streghe voyant les fils de la Destinée autour de
chacune d’entre elles, elles interviennent pour que leur consœur
se débarrasse de ses Contrecoups, afin de prévenir une tragédie.
En dehors de la Vodacce, les récits sont catastrophiques. Une
Strega sans formation peut passer des années à souffrir de
malchance, condamnant à long terme ceux qui l’entourent. On
parle de famine, de maladie, et même de villes entières englouties
par la terre. À chaque fois, les Streghe y jouent un rôle central.
Toute Strega qui utilise son pouvoir sans avoir été formée ou
sans surveillance se retrouve condamnée par sa propre dette, et
la Destinée préfère punir largement qu’insuffisamment.
Les Contrecoups de la Destinée affectent la Strega concernée, mais
également ceux qu’elle a pris pour cible. Les récits parlant de commu-
nautés entières décimées ou maudites à cause de la malchance d’une
seule sorcière ne sont pas des exagérations. Les Streghe qui entendent
ce genre d’histoires font tout ce qu’elles peuvent pour localiser et
ï
éduquer celles qui méconnaissent leur don.
192 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Apprentissage et usage sans formation
Apprendre la Sorte hors de la Vodacce, ou sans véritable
préceptrice, diminue le coût de cet Avantage d ’un point.
Cette réduction vaut pour toute acquisition autodidacte de
cet Avantage. Une Strega peut apprendre ses deux premiers
Tissages en Vodacce au prix de base, s ’échapper, puis
apprendre les deux Tissages restants par elle-même au prix
réduit. Elle peut aussi découvrir son pouvoir toute seule,
apprendre son premier Tissage par elle-même à moindre
coût, puis ensuite se trouver une préceptrice qui la formera
au coût normal. Elle peut enfin apprendre à contrôler seule
et correctement le don qu ’elle a, en payant un point de plus
pour écarter les conséquences des tirages pratiqués sans
formation préalable.
Si la Strega dispose de ressources pour l ’aider dans son
apprentissage (un jeu de cartes, une préceptrice, un écrit
sur le sujet), elle peut alors s ’instruire sans risques ; mais si
elle n ’a rien de cela, l ’apprentissage de ses nouveaux Tesse
entraîne un Contrecoup.
Déclencher un Tessere sans y avoir été formée est dange-
reux et difficile pour la Strega. Dès le début, elle ou ses
compagnons en souffriront, car on ne triture pas les fils de
la Destinée sans en subir les conséquences.
Arcanes
Si une Strega peut Lire sans souci, il est plus délicat pour
elle d ’activer une Vertu ou un Travers chez sa cible. Quand
elle utilise une Arcane Mineure, elle doit lancer un dé. En
cas de résultat pair, elle active une Vertu ; en cas de résultat
impair, un Travers. Son Arcane Majeure fonctionne exac-
tement de la même manière qu ’indiqué dans le Livre de
Base, page 229.
Bénédictions et Malédictions
La Strega peine à contrôler l’ampleur de ses Bénédictions
et Malédictions. Elle doit lancer un dé pour déterminer le
nombre de Contrecoups à subir, avant de pouvoir déterminer
à quel point son Tessere est positif ou négatif. Elle peut
dépenser des points d’Héroïsme pour lancer un dé supplé-
mentaire par point dépensé et choisir celui qu’elle préfère.
Traction
Une Strega sans formation ne sait généralement pas comment
rester ancrée avant d’effectuer une Traction, de sorte que
quand elle Tracte quelqu’un, elle est aussi Tractée. Chaque
fois que sa cible est déplacée, la Strega est déplacée dans la
direction opposée. Si sa cible subit une Blessure en consé-
quence de sa Traction, la Strega reçoit une Blessure équivalente.
Les duels
Que ressent un Duelliste vivant dans une Nation où
n’importe qui peut vous défier en un clin d’œil ? Dans un lieu
où la fierté et la passion transforment la moindre offense en
insulte digne d’un duel à mort ? En trois mots… c’est délicat.
Les Vodaccis étant connus pour leurs explosions de colère, les
duels ne sont pas aussi controversés en Vodacce qu’ailleurs en
Théah. Ils ont toujours fait partie de la vie de la Nation, tacite-
ment approuvés par les enseignements vaticins qui encouragent
la prise d’initiative sous le coup de la colère et considèrent
l’inaction comme un véritable péché. Cela étant, très peu se sont
opposés à l’établissement de la guilde des Duellistes, dont les lois
sont respectées (du moins, autant que les autres lois vodaccis).
La guilde des Duellistes se trouve dans une position qu’un
bretteur (aussi vif avec son esprit qu’avec sa lame) comparerait
à une « épée à double-tranchant », c ’est-à-dire que le pays
produit assez de combattants confirmés pour remplir chaque
Maison de guilde au moins deux fois. Entre les escrimeurs issus
des familles nobles et marchandes formés dans les meilleures
écoles de Théah et les courtisanes qui entendent suivre la voie
de Veronica Ambrogia, les maîtres d’arme n’ont que l’embarras
du choix pour recruter. Dans certaines Nations, un excès de
candidats donnerait de quoi se réjouir, mais en Vodacce, cela
est source de problèmes, le plus important d ’entre eux étant la
propagation effrénée des duels illégaux.
La quantité de duels illicites en Vodacce est telle que si la
guilde des Duellistes parvenait à intervenir dans chaque
combat, ses membres n’auraient même plus le temps de se
battre eux-mêmes. La plupart des affrontements se produisent
de manière spontanée et sont souvent causés par un accès de
fureur ou un trop plein de passion. Personne, ou presque, ne
daigne prendre le temps d’aller trouver un Duelliste qui puisse
enregistrer formellement le défi qui vient d’être lancé. Le faire
peut même être vu comme un signe de lâcheté ou une tactique
pour retarder l’événement. Les Duellistes vodaccis ont beau
régler leurs comptes entre eux, la guilde se doit d’intervenir
dans au moins quelques duels illégaux afin de maintenir l’ordre,
gagner son pain et justifier de son existence.
La guilde doit choisir avec attention les duels dans lesquels elle
s’implique. Même si elle le voulait, elle ne pourrait pas se mêler de
tous les combats. Ses membres distribuent des amendes en cas
de duels illégaux, ce qui décourage la plupart des affrontements
badins. Paradoxalement, le montant élevé de ces contraventions fait
que certains nobles se lancent des duels pour le simple frisson de
provoquer et d’échapper à la guilde. Cependant, s’il semble normal
et raisonnable que les nobles qui se battent illégalement reçoivent
une amende, que la guilde vienne à punir le fils d’un Prince et cela
peut signifier son éjection de la principauté concernée.
Influence de la guilde
Les personnes qui savent manier une lame ne remettent pas
pour autant en cause l’existence de la guilde des Duellistes.
La Vodacce est célèbre pour ses fins bretteurs, et ceux qui
appartiennent à la guilde ont des talents légendaires, leur
nom semant la peur dans le cœur des escrimeurs de moindre
importance. Même le plus déterminé des combattants pourra
reculer en apprenant que son potentiel opposant est un
Duelliste de la guilde. En plus d’enseigner des techniques de
combat de grande qualité, les maisons de guilde de Vodacce
apprennent à leurs élèves à apaiser et contrôler leurs émotions.
La colère peut certes être utile à tout Duelliste, mais ceux
qui « jouissent » d’un caractère bien trempé—lequel va de
pair avec leur pays natal—découvrent vite qu’il est également
utile de savoir conserver son calme. Cela participe à les rendre
particulièrement calculateurs et mortels.
La guilde a trouvé une solution à ses problèmes en jouant
sur la peur et le respect que ses membres inspirent. Chaque
Maison de duel inclut des Duellistes qui savent manier
les ragots et ont appris à diriger les événements locaux
de manière à prévenir les duels avant même qu’ils ne se
produisent. Généralement, un Duelliste contacte les deux
parties afin de leur proposer ses services, partant du prin-
cipe qu’ils finiront par en avoir besoin tôt ou tard, s ’assurant
aussi au passage qu’ils savent que la guilde les surveille. Les
plus grandes maisons de guilde vont même plus loin : elles
envoient des patrouilles de nuit réguler de manière rétroactive
les duels, et prélever leurs honoraires auprès des combat-
tants—ou du vainqueur s’il n’en reste plus qu’un debout. La
plupart des Princes (et nombre des plus
riches familles de marchands) ont
un Duelliste parmi leur personnel,
afin de s’assurer que tout ce qui
se produit sous leur toit
demeure approuvé
par la guilde.
ï
 LES BRAVOS EN
VODACCE
Les Vodaccis de basse extraction se battent
rarement pour défendre leur honneur et,
quand ils le font, c ’est qu ’ils ont subi un
véritable affront.
Les nobles, quant à eux, ont plutôt tendance
à défier leur prochain pour de simples
insultes. Cependant, en dépit de leur goût
pour les combats, la plupart n ’ont pas de
réelle formation au duel.
Lorsque le duel est illégal, la guilde s ’implique
souvent juste pour faire payer une amende
aux contrevenants (la somme peut d ’ailleurs
être élevée si le noble a un tempérament
plutôt bouillant). Pour éviter de payer ces
contraventions, les nobles emploient des
bravos, c ’est-à-dire des combattants qui
leur servent de gardes du corps. La plupart
du temps, les bravos sont des Duellistes qui
ne font pas partie de la guilde. Étant donné
que celle-ci intervient dans les duels illégaux
uniquement quand ils sont synonymes de
profit, elle ne s ’intéresse que peu aux duels
illicites entre bravos, à moins, bien sûr, qu ’elle
n ’ait connaissance de l ’identité de leurs
généreux mécènes.
Dans certains cas, les bravos sont davantage
que de simples gardes du corps sous contrat.
Il arrive qu ’un combattant confirmé jure
allégeance à un membre cadet de sa famille,
un ami cher ou même un amant. Il met alors
sa propre réputation en jeu pour défendre
celui qu ’il a juré de protéger.
Si l ’honneur existe en Vodacce, c ’est dans la
tradition des bravos. Même s ’il n ’est qu ’un
chien de garde aux yeux de son employeur, le
bravo lui demeurera fidèle et loyal tant que
l ’argent continuera de couler. Parfois, le bravo
agira seulement par devoir, sans rien attendre
en retour, et défendra la vie et l ’honneur de
son protégé.
La rumeur raconte que la guilde des Duellistes vodacci
aide discrètement ceux et celles qui en ont besoin, peu
importe d ’où ils viennent et quel que soit leur talent avec
une lame, pour peu qu ’ils cherchent à se venger car en
Vodacce, la vengeance ne se monnaye pas.
ï
194 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
Style de Duel : Le Strade
Pour l ’heure, personne n ’a pu retrouver l ’inventeur de ce
Style, même si nombre de bretteurs qui en sont spécialistes
affirment en être à l ’origine. Nommé d ’après les rues étroites
où il est né et a été perfectionné, ce style convient parfaite-
ment aux boulevards sinueux et aux hautes flèches effilées
des cités vodaccis.
Un escrimeur qui s ’initie au Strade apprend à considérer
son environnement comme une course d ’obstacles, ainsi qu e
comme une source d ’opportunités pour prendre le dessus
sur son adversaire. Le Strade favorise l ’utilisation d ’une lame
légère dans la main armée, ce qui laisse l ’autre main libre
pour voltiger sur les murs, se balancer d ’un pont, sauter
entre deux bâtiments ou rouler sous une passerelle.
Tout adepte du Strade prend son entraînement très au
sérieux, et fait souvent des « essais » au sein des lieux qu’il
découvre pour la première fois, afin d’évaluer la distance entre
deux bâtiments, le poids qu’une poutre peut recevoir, ou bien
encore la hauteur d’un mur qu’il doit escalader. Il vaut mieux
vérifier tout cela en amont d’un duel à mort plutôt que de le
découvrir en plein milieu. Lorsque deux Duellistes adeptes
du style Le Strade se rencontrent, ils ont tendance à faire
étalage de leurs dernières trouvailles, et quand cela se produit
dans une maison de guilde, leur démonstration peut attirer
une sacrée foule et pas mal de parieurs.
Bonus de style : La Furia delle Strade
Si le pratiquant tient une épée d ’escrimeur (comme une
rapière ou un coutelas) dans une main et rien dans l ’autre,
et qu ’il se bat dans un environnement semé de nombreux
obstacles sur lesquels grimper, sauter ou se balancer (comme
une ville, un village ou un navire), il peut alors effectuer une
Manœuvre spéciale appelée La Furia delle Strade.
La Furia delle Strade vous protège d’un nombre de Blessures
équivalent à votre Rang en Athlétisme, et crée pour votre
opposant une Conséquence liée à l’environnement. Cette
Conséquence nécessite une Mise pour être surpassée et, si
elle ne l ’a pas été à la fin du Round, cause un nombre de
Blessures équivalent à votre Rang en Finesse à votre opposant.
Un Duelliste ne peut utiliser La Furia delle Strade qu’une
fois par Round.
Leggende La vérité
La Vodacce possède une riche tradition de récits surnaturels, Parmi ceux qui connaissent cette histoire, rares sont ceux
ce qui n ’est pas étonnant quand on sait que les Vodaccis qui la croient véridique. La plupart des Vodaccis y voient
sont en contact constant avec l ’une des formes de magie simplement un conte moral : si vous complotez contre votre
parmi les plus puissantes au monde. voisin, ce dernier en fera sûrement de même, mieux vaut
Les exemples suivants sont tirés de Lo Conto de li Conti donc lui faire confiance.
(Le Conte des Contes), la plus célèbre anthologie d ’histoires Il existe un village, loin au nord-est de la Vodacce (qui
vodaccis, dont la compilation et la présentation actuelle est serait situé près de Sedillo ou de Fontaine), situé en bordure
attribuée à l ’esploratore Loanna Bazza. d ’une vaste forêt. Les aventuriers qui s ’y enfoncent peuvent
y trouver une créature, furtive et difficile à domestiquer, qui
Le Badalisc possède le pouvoir de révéler les intentions et les plans de
Il existait jadis un village où les gens se battaient, se volaient tous ceux qui l ’entourent.
et complotaient sans vergogne les uns contre les autres. Le Pour la soumettre à sa volonté, l ’aventurier doit plonger
Prince de ces lieux, las d ’avoir à écouter chaque voisin en son regard dans celui de la créature, afin de lui montrer qu ’il
dénoncer un autre, décréta que plus personne ne pourrait n ’en a pas peur. Il doit demeurer ainsi une heure durant
accuser son prochain, et que tous devraient tolérer ceux afin de briser sa volonté. Cependant, même une fois cette
qui les entouraient sans recourir à la violence, sous peine épreuve passée, si l ’aventurier lui tourne le dos, le contrôle
de mort. se rompt. Domestiquée, la créature apprend sa langue à son
Les villageois obéirent à ce décret de mauvaise grâce. Au maître et se rend docilement où ce dernier le lui ordonne.
fil du temps, chacun trouva des moyens de plus en plus Une fois qu ’il lui aura demandé d ’utiliser son pouvoir, la
créatifs de redresser les offenses et prendre sa revanche sur créature se téléportera pour retourner au cœur de la forêt.
ses voisins. Tant et si bien que, peu après, ceux qui étaient Le Badalisc est féroce et territorial. Il attaque quiconque
encore bons et justes quittèrent les lieux. pénètre dans sa tanière. Si l ’aventurier ne rive pas immé-
Une famille refusa cependant d ’abandonner le village. Il diatement son regard dans le sien, le Badalisc le combattra
s ’agissait des plus riches et, pour eux, partir était inenvi- jusqu ’à le vaincre ou être gravement blessé (auquel cas il
sageable. Ils connaissaient des légendes au sujet de féroces essaiera de s ’enfuir). Cette créature n ’a aucun intérêt envers
entités qui vivaient dans la forêt, des créatures qu ’ils les possessions matérielles et les cadeaux, et seuls ceux qui
pensaient pouvoir employer afin de ramener leurs conci- ont su la faire ciller peuvent comprendre son langage.
toyens à la raison. Ils se rendirent donc dans les bois et Le Badalisc est un Monstre d ’une Puissance de 6 avec la
revinrent accompagnés d ’un monstre hideux. La créature Propriété monstrueuse Téléportation.
possédait une grosse tête couverte de quelque chose qui
ressemblait à de la peau de chèvre, sur laquelle se dressaient
deux petites cornes, tandis que des yeux de feu luisaient
dans ses orbites. Quant à sa gueule, elle était assez large
pour dévorer une personne entière. Les habitants du village
crurent que la famille avait perdu l ’esprit.
Avant que quiconque n ’ait l ’occasion de s ’enfuir, la créa-
ture commença à s ’exprimer dans une langue contre-nature.
La fille de la famille, une jeune signorina, se mit à traduire
ses paroles.
À la surprise générale, le monstre, par le biais de la jeune
femme, commença à révéler les secrets les mieux cachés et
les plus sombres de chacun des villageois. Choqués par ces
révélations, ils se mirent d ’abord en colère, mais prirent au
final le parti d ’en rire. Les dénonciations de la créature anni-
hilèrent ainsi toute la tension et les complots qui menaçaient.
C ’est ainsi que le village—ainsi que la famille et ses

ï
richesses—fut sauvé.

7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 195

 La Befana
Au réveillon du Nouvel An, une vieille Strega—la première
d ’entre elles, d ’après certains—traverse toute la Vodacce en
une seule nuit. De loin, elle ressemble à une vieille femme
vêtue de haillons tachés de suie, avec un balai dans une main
et un panier dans l ’autre. À l ’aide de ce balai, elle vole à
travers les cieux, plus vite que n ’importe quel oiseau, et dans
le panier se trouve le jugement qu ’elle réserve aux habitants
du pays.
À ceux qui ont été sages durant l ’année, elle apporte des
cadeaux : parfois des babioles, d ’autres fois de l ’argent ou
de la nourriture s ’ils sont dans le besoin. À ceux qui ne
l ’ont pas été, elle délivre une punition, parfois sous forme
de malchance, mais d ’autres fois par la douleur et la souf-
france. L ’un et l ’autre sont distribués selon les caprices de
la Destinée, et nul n ’est à l ’abri de son jugement, du plus
humble des paysans au plus hautain des Princes.
Pour la remercier ou tenter de l ’apaiser, la plupart des
familles lui offrent un petit verre de bon vin et une soucoupe
de leurs meilleurs mets. Au-delà de leur valeur nutrition-
nelle, ces dons représentent la dévotion et le respect que
les Vodaccis éprouvent envers la Befana, l ’infatigable pour-
voyeuse de justice, celle qui enflamme les espoirs des cœurs
justes et emplit d ’effroi les mauvaises personnes.
Il existe de nombreuses histoires sur les origines de la
Befana. Certaines racontent qu ’elle perdit son unique
enfant, et qu ’au bout d ’une longue quête, elle parvint à faire
regretter à la Destinée ce qu ’Elle avait commis. Son besoin
de justice était si fort que la Destinée l a consacra Befana,
et cette dernière, agissant en Son nom, reçut la mission de
juger le comportement de chacun chaque année. D ’autres
récits affirment qu ’elle a commis une terrible erreur voilà
longtemps, erreur qu ’elle essaie toujours de réparer à ce
jour. Certains racontent qu ’elle est la première de toutes les
Streghe, si intriquée dans la Destinée qu ’elle ne peut plus
mourir. Elle maintient la Vodacce sur la bonne voie, de
manière à ce que sa progéniture—les autres Streghe—ne
perde pas leurs dons.
Peu importe ses origines, lorsque vient le réveillon du
Nouvel An, personne ne peut échapper à son jugement.
ï
196 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
La vérité
Même si, à l ’origine, la Befana a pu être une seule femme, de
nos jours elles sont plusieurs.
Au sein d ’une Nation qui force les femmes à garder le
silence et à se comporter de manière « appropriée » en
public, les cas de maltraitances sont nombreux. Il en résulte
des atteintes, des offenses et des injustices qui resteraient
très largement impunies sans les befanas.
Aujourd ’hui, un large réseau de befanas opère à travers la
Vodacce pour repérer chaque mauvaise action notoire. Ces
« témoins » existent partout, et leur identité est souvent inat-
tendue : enfants, femmes célibataires, paysans industrieux
ou jeunes coursiers. Ils observent, ils écoutent et, surtout, ils
se souviennent et transmettent. Par des messages codés, ils
font savoir aux befanas qui a mérité un cadeau et qui doit
recevoir une punition.
Les befanas sont parfois des Streghe, mais la majorité sont
des femmes normales formées à la supercherie et habituées à
porter le costume pour répandre la justice. On leur apprend
à ne pas essayer de soigner tous les maux—ou récompenser
toute bonne action—au lieu de quoi on leur enseigne à faire
de la Vodacce une Nation meilleure, un réveillon du Nouvel
An après l ’autre. Bien que les Filles de Sophie voient d ’un
bon œil le travail des befanas (et vice versa), les deux orga-
nisations ont des objectifs et un mode opératoire différent.
Les Filles de Sophie souhaitent en effet aider les Streghe à
s ’échapper du pays, tandis que les befanas œuvrent à faire de
la Vodacce une Nation où il fait bon vivre pour les femmes.
Un Héros qui souhaite aider les befanas doit prouver sa valeur
devant un certain nombre de témoins. Vu que ces témoins sont
pour la plupart invisibles, il est très difficile de les tromper. S’il
parvient à prouver sa valeur, le méritant reçoit en récompense
quantité d’informations concernant les méfaits accomplis en
Vodacce, et a dès lors la responsabilité d’agir.
Le Biscione
En Vodacce, un sang ancien est un sang fort. Parmi les
sept familles les plus respectées—et les plus craintes—qui
possèdent une telle force aujourd ’hui encore, l ’une d ’entre
elles dispose d ’une puissance et d ’un statut qui ne cessent de
nourrir les commérages et d ’alimenter les conjectures. Les
Vestini, du moins d ’après la leggenda, possèdent un monstre
puissant et immortel qu ’ils peuvent lâcher sur tous ceux qui
s ’opposent à eux. Un monstre qui se trouve bien en évidence
sur leurs armoiries.
Le Biscione.
Ce « Grand Serpent » apparaît au centre de leur blason sous
la forme d’un reptile très long et incroyablement massif, dont
la queue sinue sur ce qui paraît être des kilomètres. Cette
monstruosité possède des écailles bleu-azur, vives et luisantes,
aussi épaisses que de l’acier, et une membrane pareille à une
nageoire qui court le long de son dos. L ’élément le plus desta-
bilisant, cependant, se trouve en haut de leur emblème. Là, on
peut voir une profusion de rouge qui représente la chair et le
sang d’un jeune homme déchiqueté par les crochets aiguisés
du monstre.
Bien que cette représentation soit assez marquante pour
que tout le monde s ’en rappelle, certains murmurent qu ’elle
est bien en deçà de la réalité du véritable Biscione. Ces
personnes affirment—bien que jamais en public—que la
richesse de la famille trouve en effet son origine dans le
trésor accumulé par la bête, bénéfice collatéral de ses chasses.
Les autres familles préfèrent donc rester à l ’écart des Vestini,
de crainte que ces derniers ne dirigent le monstre contre eux.
On raconte que la Biscione a soif de sang humain, surtout
celui des jeunes gens. Certains disent que les Vestini ne
sont pas aussi puissants que les autres familles, car ils sont
contraints de donner leurs enfants à cette créature, afin de
pouvoir la repaître.
Les parents racontent parfois l ’histoire du Biscione
pour faire peur à leurs enfants et les faire obéir, menaçant
d ’informer les Vestini de leur mauvais comportement pour
qu ’ils soient jetés en pâture au monstre.
La vérité
La vérité sur la légende du Biscione se révèle, comme
souvent dans ce genre de cas, bien pire que la fiction. Si
certains pensent cette association récente, la famille Vestini
bénéficie en fait des pouvoirs de la créature depuis long-
temps, plus exactement depuis le premier ancêtre qui a
porté leur nom. Ce lien, cependant, a un prix.
Le prix du sang.
Le Biscione est réellement affamé de chair humaine. Il
réside au fond d ’un lac profond dont les eaux régénératrices
entretiennent la monstruosité. C ’est ainsi que le Biscione
est devenu immortel. Il force désormais la famille Vestini à
le nourrir et, si celle-ci refuse, il n ’hésite pas à s ’en prendre
à eux. En réalité, les Vestini le contrôlent à peine, et sont
contraints de lui jeter leurs ennemis en pâture.
Ce monstre mangeur d ’hommes n ’a que faire de l ’âge de
la personne qu ’on lui sacrifie, ou même de ses liens fami-
liaux. Tout ce qui compte, c ’est que la victime soit de chair
et de sang. Les Vestini ont subi l ’ire de la créature durant
quelques années, lorsqu ’ils furent incapables de satisfaire
son appétit en lui abandonnant seulement leurs ennemis.
Pour vaincre le Biscione, une âme brave—ou inconsciente—
devra d’abord lui faire quitter les eaux du lac. S’il l’affronte
hors de sa tanière, le Héros n ’aura plus qu ’à faire face à un
serpent gigantesque doté d’une peau qu’aucune épée ne
saurait percer, et capable de dévorer un cheval d’une seule
bouchée. Dans ce cas de figure, il aura donc une minuscule
chance de le vaincre.
Ceux qui voudraient profiter des propriétés curatives
de l ’eau devront suivre le même régime alimentaire que le
Biscione. Cela signifie que seuls ceux qui ont mangé de la
chair humaine dans la journée précédent leur abreuvement
pourront en bénéficier. À défaut, l ’eau agira sur eux comme
un poison, tuant n ’importe qui dans la seconde.
Le Biscione est un Monstre d ’une Puissance de 10 avec
les Propriétés monstrueuses Aquatique, Chitineux et
Puissant. Les eaux du Biscione ont des propriétés régéné-
ratrices, et tant qu ’elle est dans l ’eau, la créature bénéficie de
la Propriété monstrueuse Régénérant.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 197
 La Longana
Voilà longtemps, une créature de l ’Autre Monde tomba
amoureuse de notre monde. Même si son univers était
magique et intemporel, elle brûlait d ’envie de voir le nôtre.
De l ’Autre Côté, les vœux se réalisent par la seule volonté
de celui qui les fait, et c ’est ainsi que la créature entra dans
notre dimension.
Avec elle, elle amena quelques-unes de ses semblables.
Dans notre monde matériel, elles ressemblent à des femmes
pour la partie supérieure, et à des chèvres à partir de la taille.
Depuis leur arrivée, elles ont investi la côte vodacci. Les
ports naturels et les falaises sont leurs refuges préférés. Là,
elles vivent cachées et observent les mortels, en se deman-
dant si elles pourraient leur révéler leur véritable nature.
En fait, nul ne soupçonnait l ’existence de ces créatures
jusqu ’à ce que l ’une d ’entre elles, Longana, tombe amou-
reuse d ’un mortel. Au mépris des avertissements de ses
semblables, Longana prit le risque de se révéler à l ’élu de
son cœur dans toute sa gloire semi-animale. Il tomba immé-
diatement amoureux d ’elle et, sans aucune hésitation, lui
demanda sa main. Longana accepta, mais à une condition :
qu ’il ne lui demande jamais son nom. L ’homme y consentit,
et elle l ’accompagna jusqu ’à son domaine.
Ils se marièrent et vécurent heureux. Ils eurent des enfants
qui ressemblaient à des humains, mais qui possédaient le
charme surnaturel de leur mère. Le couple n ’aurait pas pu
être plus heureux. Le domaine où ils vivaient était giboyeux
et fertile. Au bout d ’un moment, des voisins jaloux commen-
cèrent à persifler, colportant que la maîtresse de maison était
une Strega, ou pire encore. Ils finirent par s’en prendre à son
mari, lui demandant comment il pouvait être l ’époux d ’une
femme dont il ne connaissait même pas le nom.
L ’homme endura ces moqueries durant un moment, mais
finit par céder à la pression. Une nuit, alors qu ’il était saoul
et las des railleries, il rentra chez lui et demanda à sa femme
de lui donner son nom. En larmes, Longana lui répondit et,
sans un mot de plus, disparut dans la nuit, abandonnant
pour toujours son mari et ses enfants, retournant à son
peuple le cœur brisé.
ï
198 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
La vérité
Les longanas—comme les gens les appellent—sont encore
plus difficiles à dénicher depuis la tragédie qui les a frap-
pées. Certains passent leur vie à les chercher, elles et leur
incroyable beauté, leur intelligence suprême et leur puis-
sante magie.
Les longanas ont le pouvoir d ’influencer les phénomènes
naturels. Elles peuvent, par exemple, empêcher le mauvais
temps de survenir, protéger les plantations d ’une maladie
et même soumettre les plus dangereux des animaux.
Elles disposent également de connaissances inconnues
des mortels. Certains disent même que l ’intelligence et
les talents amoureux des courtisanes de Vodacce ne sont
rien en comparaison de ceux des longanas. D ’autres vont
jusqu ’à affirmer que la première des courtisanes était une
longana, et qu ’elle aurait transmis son savoir et sa beauté
à ses filles. Quoi qu ’il en soit, la compagnie des femmes-
chèvres demeure un plaisir parmi les plus recherchés par
les nobles vodaccis.
En dépit des nombreux efforts, personne n ’a réussi à
séduire une longana depuis que celle du même nom a
disparu. Bien que curieuses des hommes et de leur vie, les
longanas craignent de subir le même sort que leur ancêtre.
Elles n ’hésiteront pourtant pas à rejeter des siècles de tradi-
tion si elles reçoivent une proposition ou un compliment
sincère. Elles s ’intéressent aux hommes
et femmes au cœur pur, à ceux qui
ont de bonnes intentions (ce
dont elles peuvent se rendre
compte grâce à leurs pouvoirs).
Pour trouver une longana, les
aventuriers doivent simplement
explorer les ports naturels et
les falaises de la côte vodacci,
armés d ’un cœur pur et
d ’un compliment sincère.
Les monachello
Les habitants de l ’extrême sud de la Vodacce ont une
légende bien à eux : les abbayes et monastères abandonnés
sur leur territoire abriteraient les monachello (petits moines
en vodacci). Ces créatures, minuscules et surnaturelles,
portent une longue bure marron tenue par une ceinture de
corde, ainsi qu ’un chapeau à larges bords (d ’où le nom qu ’on
leur a attribué).
Ces créatures aiment jouer des tours. Elles volent des
habits, des petits objets dans les chambres, et causent
même des accidents sans gravité à leurs victimes les moins
chanceuses. Certains considèrent les monachello comme
des voleurs, car ils subtiliseraient des objets abandonnés
durant la nuit, ou bien piocheraient dans les bourses laissées
au fond des poches.
Les histoires sur les monachello se contredisent, car
certaines racontent qu ’ils apparaissent au cœur de la nuit,
après que tout espoir a disparu, et qu ’ils proposent leur
aide à ceux qui en ont besoin, sans rien attendre en retour.
Dans ces récits, ils amènent à boire et à manger aux malades,
donnent de l ’argent aux pauvres et aux indigents et, parfois,
guident des élus jusqu ’à un trésor caché.
Nul ne sait si ce trésor est le produit de leurs larcins ou s'il
a été obtenu par d ’autres moyens. Une personne choisie par
un monachello ne recevra pas plus d ’argent ou d ’aide que
nécessaire pour se remettre sur pied. Si quelqu ’un tente de
prendre plus qu ’il n ’en a besoin, alors il est probable qu ’il
devienne leur victime. En effet, ceux qui sont riches ou juste
aisés semblent être leurs cibles privilégiées.
Personne n ’ayant réussi à déterminer si les monachello
étaient bons ou mauvais pour la société, la plupart des
Vodaccis préfèrent les éviter à tout prix, et ils incitent leurs
enfants et les étrangers à faire de même.
La vérité
La légende des monachello est typique du sud de la Vodacce,
car ces créatures vivent en fait dans les passages souter-
rains qui relient les nombreuses collines de la région entre
elles. Ce petit peuple des collines, d ’apparence humanoïde,
possède des doigts opposables sur chaque main et chaque
pied. Les monachello sont adaptés à la vie souterraine, ce
qui les rend sensibles à la lumière, et explique qu ’ils ne
sortent de leurs trous que la nuit.
Quant à leur tenue, ils ont pris exemple sur les moines
vaticins qui furent parmi les premiers à s ’installer dans
les collines où les petites créatures avaient élu domicile.
Les monachello ont également copié leur morale et leur
manière d ’être. Ils ont interprété à leur façon le credo vaticin,
comprenant qu ’ils devaient aider les « gens biens », tandis
que les « mauvaises personnes » devaient aider les autres,
même à leur corps défendant.
Afin d ’accomplir leur mission, les minuscules créatures se
sont mises à fouiner autour des maisons et des palais en
quête des personnes bonnes et mauvaises. Quand quelqu ’un
est vu comme mauvais, ils marquent sa demeure d ’un signe
invisible. Tout monachello qui le voit le considère comme
une invitation à jouer les tours les plus pendables possibles
à ses habitants. Ils portent particulièrement leur attention
sur les objets, qu ’ils volent et distribuent ensuite à ceux qui
sont dans le besoin.
Qui parvient à surprendre un monachello peut l ’amadouer
en lui offrant spontanément de la nourriture ou de l ’argent.
Les créatures apprécient ces gestes et sont le plus souvent
ouvertes à la conversation. De cette manière, on peut aussi
les influencer pour qu’elles concentrent leurs efforts sur une
mauvaise personne, ou protègent un indigent au bon cœur en
particulier. Les monachello n’exigent rien en retour mais, si on
leur propose, ils peuvent vous demander d’accomplir quelque
chose pour eux, ou de les aider à obtenir certains petits objets.
Le plus souvent, cela implique un menu larçin.
Les monachello sont des Monstres d ’une Puissance de 3
avec les Propriétés monstrueuses Furtif et Vif.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 199
 Le Loup d ’Aggobio
Il était une fois Aggobio, une cité fortifiée qui ne craignait
ni les assauts des armées, ni ceux des machines de fabri-
cation humaine. Tous ceux qui essayaient de la conquérir
échouaient. Les armées se cassaient les dents sur ses murs,
et même les stratèges les plus intelligents ne parvenaient pas
à les faire tomber. Pétris d ’un orgueil démesuré, les habi-
tants de la cité déclarèrent que rien ni personne ne pouvait
les atteindre.
Puis le Loup apparut.
Il était aussi gros qu ’un ours, avec une fourrure pareille à
de la pierre et des dents plus aiguisées que n ’importe quelle
lame. Au début, il s ’en prit au bétail qui paissait de l ’autre
côté des fortifications. Il avait un appétit si vorace qu ’en
quelques nuits à peine, il dévora presque tout le cheptel.
Les habitants n ’eurent bientôt plus de viande à manger. Ils
durent s ’en procurer auprès des itinérants en transit dans
la cité. Or, très vite, la nouvelle de la présence du Loup se
répandit, et les voyageurs cessèrent de venir.
L ’hiver approchant, les locaux se rendirent compte que la
famine était proche. Ils devaient prendre des mesures contre
le Loup. Ils rassemblèrent donc leurs meilleurs guerriers et
les envoyèrent dehors afin de chasser la bête. Tous furent
vaincus par son immense puissance. Le Loup les dévora
et, lorsqu ’il goûta pour la première fois à la chair humaine,
il la trouva bien meilleure que tout ce qu ’il avait mangé
jusqu ’alors.
La nuit suivante, le Loup sauta par-dessus les murs et
commença à se régaler des citadins horrifiés. Ces derniers
pleuraient, suppliaient, essayaient de lui faire entendre
raison, mais le Loup n ’avait que faire de ces vaines
suppliques. Il les dévora jusqu ’à se remplir la panse, puis
retourna dans la campagne pour dormir et digérer. Le jour
suivant, il revint, prêt à festoyer à nouveau.
Cela dura une semaine, jusqu ’à ce qu ’une étrangère
arrive en ville. Les gens furent surpris de la voir, et ils lui
parlèrent immédiatement des horreurs commises par le
Loup. Ignorant leurs avertissements, elle s ’installa en dehors
des murs et attendit que le Loup arrive. Quand celui-ci se
montra, elle marcha vers lui sans aucune peur. Arrivée à
proximité, elle tendit la main et lui tapota le crâne. Sans un
mot, ils s ’en furent ensemble, comme deux amis retrouvés
après une longue séparation.
C ’est ainsi que la ville fut sauvée, et plus jamais personne
ne revit ni la femme ni le Loup.
ï
200 CHAPITRE 4 : LA VODACCE
La vérité
Outre son aspect moral, qui prévient des méfaits d ’une
fierté excessive, le Loup d ’Aggobio met en scène l ’une des
créatures les plus dangereuses de la campagne vodacci. Cette
créature presque invincible apparaît seulement lorsqu ’une
population devient trop fière. Elle dévore alors tous ceux qui
tentent de l ’arrêter ou de se dresser sur son chemin. C ’est
ainsi qu ’il terrorise villes et villages depuis des années, allant
de localité en localité.
Aucune arme ne peut lui infliger de blessure sérieuse,
quant à sa force et sa taille, elles font de lui un ennemi
terrible. Il n ’est pas complètement indestructible, mais seul
un combattant d’élite pourra avoir une chance de le blesser,
voire—mais c ’est moins probable—de le tuer. Que faire si
le Loup se trouve à votre porte ?
Le meilleur moyen de s ’en débarrasser, c ’est de le dompter.
Seule une personne au cœur pur et dénuée de peur, qui
ne lui souhaite aucun mal, peut l ’apprivoiser. Inutile de
dire que peu de gens en Vodacce—et même dans toute la
Théah—répondent à ces critères.
À défaut, la meilleure solution, pour toute population
ciblée par le Loup, est d ’envoyer des messagers partout, le
plus loin possible, afin de trouver quelqu ’un qui corres-
ponde à un tel profil. Cette quête a l ’étoffe des légendes. Elle
représente une noble mission pour tout Héros souhaitant
s ’opposer à un ennemi réputé indestructible. Dès que le
Loup est dompté, son maître et lui quittent notre monde
pour trouver ensemble la paix de l ’Autre Côté.
Le Loup d ’Aggobio est un Monstre d'une Puissance de 10
avec les Propriétés monstrueuses Puissant et Régénérant.
La Falsoseta
Les Streghe semblent posséder un pouvoir infini, leur
permettant de manipuler les fils de la Destinée et modifier
le cours de l ’histoire, pas seulement pour une personne mais
pour des communautés entières. Mais la Destinée est une
maîtresse capricieuse, comme chaque Strega expérimentée
le sait, et même les sorcières doivent se montrer prudentes
lorsqu ’elles en manipulent les fils, sous peine de provoquer
une réaction impossible à maîtriser.
À l ’exception des sorcières de la Destinée, peu de gens
connaissent la légende de la Falsoseta, une créature qui
se nourrit de la chance des Streghe, vole leur pouvoir et
provoque des malheurs partout où elle va.
L ’histoire raconte qu ’une Strega au sommet de son pouvoir,
ayant appris à maîtriser tous les Tesse, était devenue imbue
d ’elle-même. Elle assurait posséder le contrôle ultime de la
Destinée, et durant longtemps, cela parut vrai. Ses ennemis
tombaient face à elle, tandis que ses alliés gagnaient en puis-
sance et en force. Elle oublia qu ’elle ne faisait que manipuler
le destin, qu ’elle n ’était pas la Destinée en personne. La
Strega cessa de rétribuer cette dernière, et arrêta même de lui
attribuer ses victoires, affirmant à la place être l ’incarnation
même de la Destinée.
Ce manège dura de nombreuses années. La Destinée
surveilla de près la vie de cette Strega, à l ’affut du meilleur
moment pour frapper et se venger. Un jour, un groupe de
puissants ennemis se forma afin de vaincre la sorcière et
son époux. Cette dernière se moqua d ’eux, affirmant qu ’elle
allait anéantir leur futur à tous d ’un seul geste. Cependant,
quand elle tira sur les fils de la Destinée, celle-ci ne lui obéit
pas. À la place, une effroyable vieille femme aux doigts longs
et fins apparut.
Seule la Strega put la voir, car il s ’agissait d ’une création de
la Destinée. La créature se saisit de l ’épaule de la sorcière
et l ’emporta. Quand l ’époux vint la chercher pour qu ’elle
l ’aide à repousser les envahisseurs, il ne la trouva nulle part.
Aucune sorcière de la Destinée n ’accepta de l ’aider, toutes
persuadées que le mauvais sort les atteindrait aussi.
Les attaquants s ’introduisirent dans le château et
massacrèrent le seigneur et sa famille. Désormais, plus
personne ne prononce le nom de ce Prince, de peur que cela
n ’attire sur eux la colère de la Falsoseta. Depuis, les sorcières
de la Destinée évitent toutes de se montrer trop fières, de
crainte que la Destinée ne vienne les enlever.
La vérité
La Falsoseta est en effet une créature de la Destinée, mais
elle n ’est pas là pour punir un excès de fierté ou les sorcières
qui refusent de lui attribuer ce qui lui revient de droit. Elle
s ’attaque simplement à celles qui refusent d ’accepter les
Contrecoups comme Elle l ’entend.
Ses véritables origines sont inconnues. Certains supposent
qu ’elle a toujours existé. Étant donné que seules les Streghe
sont en mesure de la voir, les Vodaccis attribuent son exis-
tence à la Destinée.
La Falsoseta vit entre ce monde et un autre, piégée dans
l ’entre-deux. Elle apparaît sous la forme d ’une femme
toute vêtue de noir, un voile sombre posé sur le visage. Les
sorcières de la Destinée disent qu ’il n ’y a rien sous celui-ci,
hormis un puits de ténèbres aussi noires que l ’encre. Elle
possède des doigts filiformes qu ’elle utilise pour tisser de
faux fils argentés et luisants qui s ’étirent entre Terra et
l ’Autre Monde. Ces fils ressemblent à ceux par lesquels la
Destinée lie tout ce qui existe.
Certains diront qu ’il s ’agit d ’une étrange coïncidence, mais
il n ’en est rien. La Falsoseta a évolué de manière à créer des
toiles qui lui permettent de piéger ses proies favorites : les
sorcières de la Destinée. Elle a même pris leur apparence
afin de mieux se fondre parmi elles.
Quand une Strega tire sur l ’un de ses faux fils, elle attire la
créature. Celle-ci commence par se nourrir de son pouvoir,
puis de sa chance. Ce faisant, les vagues de la Destinée
irradient et peuvent toucher n ’importe qui autour de la
Strega concernée.
La Falsoseta ne se nourrit pas uniquement des Streghe :
quiconque tombe sur l ’un de ses fils et tire dessus invoque
la créature. Les personnes normales ne sont pas aussi
nourrissantes que les sorcières, mais n ’importe quel sorcier
représente une proie intéressante.
La créature n ’est pas invisible, pas plus qu ’elle n ’enlève les
gens, du moins pas comme raconté dans l ’histoire. Tout
sorcier peut la voir grâce à son lien avec le surnaturel. Elle
se dissimule parfois dans l ’Autre Monde, ce qui peut donner
l ’impression qu ’elle y a emporté sa victime. Souvent, avant
d ’attaquer, elle se montre sous la forme d ’une Strega banale,
cachée à la vue de tous.
La Falsoseta est un Monstre d ’une Puissance de 4 avec les
Propriétés monstrueuses Chitineux et Téléportation.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 201
 Annexe
ï
Nouveaux Historiques
Historiques d ’Eisen Historiques de Sarmatie
APOSTAT MACHER (FILOU)
Vous avez été banni de votre pays natal à cause de ce dont vous Vous entrez, vous prenez ce que vous cherchez, vous ressortez,
étiez capable mais cela ne vous empêchera pas d ’accomplir ce qui mais vous vous assurez que TOUT LE MONDE soit sorti.
est juste.
Coup d ’éclat
Coup d ’éclat Vous gagnez un point d ’Héroïsme lorsque vous choisissez de vous
Vous gagnez un point d ’Héroïsme lorsque, pour accomplir une révéler à un ennemi afin d ’aider un autre personnage à s ’enfuir.
tâche importante, vous vous alliez avec quelqu ’un que vous
Avantages Compétences
trouvez déplaisant.
Entraide Athlétisme
Avantages Compétences Spécialiste (Dissimulation) Dissimulation
Estomac en fer forgé Athlétisme Persuasion
Réputation Bagarre Vigilance
Sorcellerie (Hexenwerk) Empathie Vol
Équitation
Vigilance MÓWCA (ORATEUR)
Il y a du bon en chaque personne, certains ont juste besoin d ’un
BEFLECKTE SEELE (ÂME SOUILLÉE) peu d ’aide pour s ’en rendre compte.
Il y a quelque chose en vous, quelque chose de sombre et de Coup d ’éclat
mauvais, qui rôde à la lisière de votre esprit. Toutefois, même un
pouvoir issu du mal peut être utilisé pour faire le bien. Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous résolvez un problème en
persuadant un autre personnage d’écouter sa conscience.
Coup d ’éclat
Avantages Compétences
Vous gagnez un point d ’Héroïsme lorsque vous tirez parti de votre
nature monstrueuse pour résoudre un problème et que quelqu ’un C ’était un malentendu Dissimulation
vous rejette à cause de cela. Cri du cœur Empathie
Érudition
Avantage Compétences Persuasion
Sombre don Athlétisme Subornation
Dissimulation
Empathie RYCERZ LUDZI (CHEVALIER DU PEUPLE)
Équitation
Vol Vous êtes un champion du peuple, défenseur des citoyens face à
tous les dangers qui les menacent.
EISENBLUT Coup d ’éclat
Il y a encore de la grandeur en Eisen, et il y a toujours de l ’acier Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand vous parvenez à persuader
dans votre sang. plusieurs personnes de s ’unir et se défendre ensemble.
Coup d ’éclat Avantages Compétences
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous sacrifiez quelque chose Attaque soudaine Armes blanches
qui vous est personnellement important pour le bien de l’Eisen ou de Linguiste Empathie
son peuple. Meneur d ’hommes Équitation
Persuasion
Avantages Compétences Vigilance
Regard impérieux Art militaire
Riche Empathie RYCERZ SENATU (CHEVALIER DU SÉNAT)
Équitation
Érudition Vous êtes la parole du Sénat. Vous avez le pouvoir d ’agir en son
Tir nom, et n ’obéissez qu ’aux sénateurs.
Coup d ’éclat
STRATÈGE Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand, pour une raison honor-
Enfant, vous excelliez aux échecs. À présent, vous voyez le monde able, vous dissimulez quelque chose à une figure d ’autorité, et que
comme un plateau, et vous restez le meilleur à ce jeu. cela vous cause des ennuis.
Coup d ’éclat Avantages Compétences
Vous gagnez un point d ’Héroïsme lorsque votre plan vous plonge, Né sur une selle Armes blanches
vous ou vos alliés, dans les ennuis Linguiste Athlétisme
Mécène (Sénat) Empathie
Avantages Compétences Équitation
Cerveau du groupe Armes blanches Persuasion
Entraide Art militaire
Empathie
Érudition
Tir

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 203
 Historiques d ’Ussura Historiques de Vodacce
BORETS (LUTTEUR) CAPITANO
Vous êtes devenu célèbre suite à vos hauts faits de bagarre. Tant que vous êtes sur un bateau, le vent dans le dos et les chants
de votre équipage à vos oreilles, il n ’y a rien que vous ne puis-
Coup d ’éclat siez accomplir.
Vous gagnez un point d ’Héroïsme lorsque vous cherchez à
être incognito et que quelqu ’un vous reconnaît à cause de Coup d ’éclat
votre réputation. Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand, à cause de votre témérité
et de votre orgueil, vous ne pouvez vous retenir d ’accomplir une
Avantages Compétences action dangereuse.
Avalanche de coups Athlétisme
Réputation Bagarre Avantages Compétences
Dissimulation Marié à l ’Océan Empathie
Intimidation Ô Capitaine, mon Capitaine ! Intimidation
Représentation Pied marin Navigation
Persuasion
DOVERCHIVII DUSHA (ÂME PURE) Tir
Vous préférez encore risquer de faire confiance aux mauvaises
personnes que de vous détourner de ceux qui ont vraiment besoin MOROSO (PETIT AMI)
de vous. À quoi bon vivre une histoire d ’amour si elle n ’est pas saupoudrée
d ’un peu—voire beaucoup—de danger ?
Coup d ’éclat
Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand un autre personnage ment Coup d ’éclat
ou vous manipule, s ’en tire bien, et que cela vous amène des ennuis. Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand vous laissez un person-
nage s ’en tirer parce que vous avez un faible pour lui, et que cela
Avantages Compétences vous attire des ennuis.
Fibre héroïque Empathie
Naïf Érudition Avantages Compétences
Persuasion Amour du risque Dissimulation
Vigilance Horloge vivante Persuasion
Vol Représentation
Subornation
MAUDIT DE TURĂ Vol
Plus d ’un chemin mène au pouvoir, vous êtes bien placé pour
le savoir. PISTOLA NASCOSTA (TIREUR DISCRET)
Quand on voit le canon de votre arme, il est déjà trop tard. Bien
Coup d ’éclat sûr, vous faites en sorte de ne pas en arriver là.
Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand, après avoir persuadé un
personnage de m épriser l ’autorité ou de sortir de son rôle social Coup d ’éclat
habituel, cela vous cause des ennuis. Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand vous menacez votre inter-
locuteur d ’avoir recours à la violence, mais que vous n ’avez pas à
Avantages Compétences sortir votre arme au final.
Sens de l ’orientation Dissimulation
Sorcellerie (Toucher de Tură) Érudition Avantages Compétences
Sorcellerie (Toucher de Tură) Persuasion Plus rapide que son ombre Athlétisme
Subornation Regard menaçant Empathie
Vigilance Intimidation
Subornation
RAZRUSHITEL (DESTRUCTEUR) Tir
Pourquoi contourner quelque chose quand on peut foncer
droit dedans ? STREGA SAUVAGE
Votre magie est brute, mais pas moins efficace, ni moins dangereuse.
Coup d ’éclat
Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand vous agissez de façon Coup d ’éclat
tapageuse et directe qui manque complètement de subtilité. Vous gagnez un point d ’Héroïsme quand, malgré votre manque
d ’entraînement, vous aidez un personnage avec votre Sorte et que
Avantages Compétences cela vous attire des ennuis.
Bélier Art militaire
Force incroyable Athlétisme Avantages Compétences
Bagarre Contacts Dissimulation
Équitation Culture étrangère Empathie
Représentation Sorcellerie (Sorte Persuasion
sans formation) Représentation
Vol

ï
204 ANNEXE
Nouveaux Avantages
Avantages à 1 point
DEVISE PERSONNELLE
Votre Héros possède une formule accrocheuse, un slogan,
un cri de ralliement qu ’il utilise souvent. Choisissez
votre réplique favorite (comme, par exemple « J ’ai un
mauvais pressentiment… » ou « Il nous faudrait un plus
gros bateau »). Lorsque vous prenez un Risque après
avoir dit votre Devise personnelle, et à condition que
les circonstances se prêtent à celle-ci, vous gagnez un
dé supplémentaire.
GRIPPE-SOU
Votre Héros sait vivre avec peu, en mettant de côté de
quoi survivre aux jours difficiles. Pour chaque acquisition
cet Avantage, vous êtes en mesure d ’économiser un point
de Richesse entre chaque partie. Cela ne vous permet
pas de créer de la Richesse, seulement d ’économiser les
points existants.
Avantages à 2 points
BÉLIER
Dépensez un point d ’Héroïsme pour utiliser votre force et
votre vitesse afin de défoncer une porte, renverser une barri-
cade ou un chariot, ou bien abîmer voire détruire un objet.
CRI DU CŒUR
Dépensez un point d ’Héroïsme pour implorer un autre
personnage de suivre sa conscience, de fermer les yeux au
nom du bien commun, voire d ’agir de manière juste alors
même que ce ne serait pas dans son intérêt.
NÉ SUR UNE SELLE
Dépensez un point d ’Héroïsme pour accomplir une
manœuvre spéciale avec votre cheval. Vous pouvez
éperonner votre monture pour qu ’elle effectue un saut
incroyable, l ’appeler à vos côtés (tant que l ’animal est physi-
quement en mesure d e vous atteindre), ou bien lui donner
un ordre pour éviter un ennemi ou, au contraire, l ’attaquer
à coups de sabots et de dents (ce qui prévient ou inflige des
Blessures égales à votre Rang en Équitation).
Ô CAPITAINE, MON CAPITAINE
Dépensez un point d ’Héroïsme quand vous prenez un
Risque pour accomplir une action délicate ou dangereuse
en haute mer, qui vise à donner du courage à votre équi-
page et vos alliés. Tous vos alliés gagnent un nombre de
dés supplémentaires équivalent à votre Rang en Navigation.
REGARD IMPÉRIEUX
Dépensez un point d ’Héroïsme pour faire usage de votre
autorité (réelle ou factice) afin qu ’un autre personnage vous
laisse tranquille, s ’écarte de votre chemin ou n ’accorde pas
plus d ’importance à vos actions qu ’il n ’en accorderait aux
caprices d ’un noble.
ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 205
 Avantages à 3 points Avantages à 4 points
ATTAQUE SOUDAINE AMOUR DU DANGER
Quand, durant un Risque d ’Armes blanches, vous dépensez Activez cet Avantage quand vous prenez un Risque de
une Mise pour infliger des Blessures à un personnage ou à Subornation. Le Maître du jeu devra acheter tous vos dés
une Escouade de Brutes, vous pouvez dépenser un point inutilisés. Un Héros ne peut activer cet Avantage qu ’une
d ’Héroïsme pour infliger le même nombre de Blessures à un fois par partie.
autre personnage ou à une Escouade de Brutes, pourvu que
BONNE CONSCIENCE
votre cible soit présente dans la même Scène que vous. Un
Prérequis : votre Héros doit avoir accompli une Histoire de
Héros ne peut utiliser cet Avantage qu ’une fois par Round.
Rédemption et n ’avoir aucun point de Corruption.
AVALANCHE DE COUPS Votre Héros sait que les gens valent mieux que leurs pires
Quand vous dépensez une Mise pour infliger des Blessures actes ne pourrait le laisser croire. Il incarne même précisé-
ou effectuer une Manœuvre lors d ’un Risque de Bagarre, ment cette idée. Si vous aidez un autre Héros à accomplir
vous pouvez dépenser un point d ’Héroïsme pour infliger 2 une Étape d ’une Histoire de Rédemption, ce dernier perd
Blessures supplémentaires. Vous pouvez dépenser plusieurs deux points de Corruption au lieu d ’un seul.
points d ’Héroïsme en une seule fois.
Avantages à 5 points
CERVEAU DU GROUPE
Quand vous dépensez un point d ’Héroïsme pour faire SOMBRE DON
profiter un autre Héros de dés supplémentaires, vous Choisissez une Propriété monstrueuse. Vous pouvez
pouvez en dépenser un second. Vous conférez alors à ce dépenser un point d ’Héroïsme pour bénéficier des avan-
Héros un nombre de dés supplémentaires équivalent à votre tages Scélérats de cette Propriété monstrueuse le temps
Rang en Érudition (en plus des dés supplémentaires issus d ’un Round. Chaque fois que vous activez votre Sombre
de votre premier point d'Héroïsme), à condition de décrire don, vous gagnez 1 point de Corruption, mais vous ne
de quelle manière votre connaissance universitaire va l ’aider lancez pas de dé. Si l ’usage de cet Avantage vous amène à
dans sa prise de Risque. 10 points de Corruption, vous devenez immédiatement un
Monstre. Pas un Scélérat, un Monstre.
PLUS RAPIDE QUE SON OMBRE Quand elle est active, la manifestation de votre Sombre
Quand vous prenez un Risque de Tir, vous pouvez dépenser don est visible de n ’importe qui. Il se peut que vos yeux
un point d ’Héroïsme : lors de votre prochain jet de dés, vous brillent fort, que des ailes parcheminées jaillissent de votre
gagnez alors une Mise supplémentaire pour chaque paire de dos, ou que votre peau se fasse huileuse et noire comme la
dés affichant le même chiffre. Ces dés peuvent toujours êtres nuit. Quiconque vous aperçoit sous cette forme vous voit
utilisés normalement pour constituer des Mises. pour ce que vous êtes vraiment : un Monstre.
Hors de la création de personnage, un Héros ne peut
NAÏF
acquérir cet Avantage qu’au cours d'aventures en Eisen.
Activez cet Avantage après que le Maître du jeu vous a
acheté un ou plusieurs dés inutilisés lors d’un Risque
d ’Empathie. Vous gagnez 2 points d ’Héroïsme pour chaque
dé acheté par le Maître du jeu. Un Héros ne peut activer cet
Avantage qu ’une fois par partie.

ï
206 ANNEXE
 Index
Alcide Mondavi 159, 160, 168, 169, 185, 186 Ilya Sladivgorod Nikolovich 12, 13, 109–115,
Aleksy Gracjan Nowak 11, 61, 63–66, 68, 70, 117, 124, 133, 142
71, 74, 77, 85, 93, 158 Ketheryna Fischler Dimitritova 12, 13, 20, 109–114,
116-118, 122, 123, 126, 128, 129, 131–133, 142
Bashanta 110-113, 116, 122, 123, 126, 128-132 Khazari 109-111, 113, 114, 117, 125, 135, 138–140
Budorigum 61, 63, 74, 78, 80, 84, 82, 83, 90, 99 Knias Douma 112, 115–119, 128, 129, 135
Koshchei « l ’Immortel » Breslau Aglayev v ’Pietrov
Castille 21, 25, 28, 43, 44, 46, 48, 69, 76, 80, 92, 117, 118, 120, 122, 126, 137, 149
113, 167, 168, 171, 172, 185, 186
Leshiye 12, 13, 66, 111, 112, 119, 120, 122, 125, 127,
Dievai 67, 71, 73, 84–90, 94–98, 101–103 130, 132–137, 140–146, 148–151, 153
Dīnisme 28, 77, 83, 84, 110, 117 Liberté Dorée 60–62, 64, 65, 68-72,
Domenica Vespucci 64–66, 68, 77, 82, 158 74, 77-80, 82, 83, 99, 130
Donello Falisci 160, 165, 167, 173, 177–179 Lyuba Veche Klimentova v ’Pscova
Drachenblut 20–23, 26, 27, 31, 33, 40–43, 50 112, 114, 115, 117, 119, 132
Dracheneisen 18, 21, 22, 26, 30, 36, 37,
43, 56, 75, 170, 180, Małgorzata Domagała 61, 63–65, 68–71, 76, 80, 85
Duel 52, 53, 99, 100, 146, 147, 162, 193, 194 Matushka 12, 112, 118, 120, 122, 133–138, 140–146, 148
Kulachniy Boy 147 Tură 13, 109, 122, 138, 140, 143–145, 204
Le Strade 94 Monstres 11–13, 16, 17, 19–22, 24, 25, 27, 29, 33,
Szybować 100 36–39, 41–48, 50, 51, 53–57, 148–153, 195–201
Verzweiflung 53 Montagnes de Dracheneisen 21, 30, 36, 37, 41, 43, 57

Église orthodoxe ussurane 109, 110, 112, 114, 115, 117, Niklas Träge 18, 19, 21, 23, 26, 29, 31,
119, 126, 128, 132, 133, 137, 152 32, 34–36, 38, 41, 43, 48
Église vaticine 17, 23, 25, 28, 30, 32, 41, 42, 46-48,
60, 61, 71, 73, 76, 80, 83-86, Ratas 12, 70, 71, 85, 87–89, 94–97, 101, 102
102, 109, 114, 116, 161, 165, 179 Rosamund Roth 20, 22, 23, 26, 27, 31, 40–43
Inquisition 25, 28, 32, 48, 69, 71, 76, 80, 85, 102, 113, Roswitha von Wirsche 19, 21, 23–25, 29, 37, 46, 47
114, 116, 123, 131, 160, 163, 170, 171, 183
Eisen 11, 12, 16–57, 91, 103, 112, 113, 120, 122, Sejm 11, 60–64, 68-75, 79, 80, 82–84, 99
124, 127, 128, 130, 132, 133, 167, 172, 185, 203 Sociétés secrètes 12, 13, 22, 26, 30–33, 63–65, 68, 71,
Elsa Pösen 19–21, 23, 25-27, 30, 31, 40, 41, 45, 46, 48, 50 73, 75–78, 80, 81, 86, 90, 92, 103, 114, 117, 120,
Empire du Croissant 28, 33, 44, 48, 75, 82, 91-93, 103, 123–127, 130, 131, 133, 161, 162, 165, 170–173
109, 110, 117, 130, 137, 139, 167, 174, 177, 185 Chevaliers de la Rose et de la Croix
12, 33, 77, 78, 80, 92, 114, 125, 127, 172
Falk Fischler 20, 21, 37, 38, 44, 48, 113 Collège invisible
Fédération sarmatienne 11, 12, 26, 32, 33, 36, 60–105, 13, 33, 76, 80, 92, 123, 161, 170, 171
122, 124, 130, 135, 158, 165, 203 Die Kreuzritter
Curonie 11, 60-62, 68, 70, 71, 76, 78, 79, 84–95, 22, 33, 37, 75, 103, 125, 127, 170, 171
100, 102, 103, 117, 126, 135 Filles de Sophie 26, 30, 64, 65, 77, 126, 162, 165, 170,
Rzeczpospolita 11, 60, 61, 70, 71, 73, 74, 76, 78–85, 103 171, 173, 191
Forêt de Sanderas 67, 71, 75, 87–90, 101, 102 Fraternité de la Côte
Freiburg 18, 19, 21, 26, 30-32, 34-41, 48, 52 13, 30, 75, 120, 123–125, 127, 170
Kinder von Morgen 12, 32, 36
Gaius Iriney 20, 108, 111-113, 115, 123, 126 Los Vagabundos 31, 71, 75, 92, 117, 123, 172
Général Hiver 69, 77, 85, 91, 112, 116, 117, Močiutės Skara 33, 63, 73, 77, 92, 126, 172
122, 126, 128, 130, 131 Philosophi Sanguinis 13, 171
Gespucci Bernoulli 160, 163-176, 180 Rilasciare
Giovanni Villanova 159, 160, 164, 170, 171, 12, 30–32, 35, 63–66, 68, 77, 92, 126, 130, 131, 172
173, 179, 180 Société des Explorateurs
Grand Jeu 156–158, 177, 188 30, 35, 45, 76, 81, 86, 123, 170
Guerre de la Croix 11, 16–21, 24, 25, 27–31, 36, 41, Très noble et vénérable ordre des Lettres
43, 46, 48, 49, 53–55, 77, 114, 126, 133, 170, 172 12, 77, 78, 80
Ushkuiniks 13, 75, 90, 117, 124, 125, 127, 131, 133

ï
7E MER NATIONS DE THÉAH : VOLUME 2 207
 Index Liste des Avantages
Sorcellerie 12, 13, 22, 25, 36–38, 40, 43, 45, 49-51, Amour du danger (4 points) 206
54, 55, 61, 67, 70, 85, 88, 89, 94–98, 101, Attaque soudaine (3) 206
102, 111, 141–145, 157, 166, 187, 189–192 Avalanche de coups (3) 206
Hexenwerk 12, 22, 25, 36–38, 40, 43, 45, 49–51, 54, 55 Bélier (2) 205
Sanderis 12, 61, 67, 70, 85, 88, 89, 94–98, 101, 102 Bonne conscience (4) 206
Sorte 13, 157, 166, 187, 189–192 Cerveau du groupe (3) 206
Toucher de Matushka 141, 142 Cri du cœur (2) 205
Toucher de Tură 143–145 Devise personnelle (1) 205
StanisŁaw Ier 61–64, 68, 69, 80, 84 Grippe-sou (1) 205
Syrnes 20, 30, 35–37, 39–41, 45, 97, 123, 133, 153, 160, Naïf (3) 206
161, 163, 166, 180, 182, 188 Né sur une selle (2) 205
Szablewo 61, 70, 76, 80, 81, 83–85, 89, 105 Ô Capitaine, mon Capitaine ! (2) 205
Plus rapide que son ombre (3) 206
Ussura 12, 13, 20, 33, 69, 70, 75, 90, 91, 108–153, 204 Regard impérieux (2) 205
Sombre Don (5) 206
Vincenzo Caligari 160, 161, 166, 169, 180–182
Vodacce 12, 13, 30, 48, 65, 66, 156–201, 204

Yachidi 28, 33, 44, 45, 48, 68, 83, 109, 110, 138

ï
208 ANNEXE