Nations Pirates

JOHN WICK PRÉSENTE UN SUPPLÉMENT POUR 7E MER : DEUXIÈME ÉDITION « NATIONS PIRATES »
DÉVELOPPEMENT MARK DIAZ TRUMAN JOHN WICK BEN WOERNER DÉVELOPPEMENT ADDITIONNEL DANIELLE LAUZON
DIRECTION ARTISTIQUE MARK DIAZ TRUMAN CONCEPTION SYSTÈME MICHAEL CURRY DIRECTION ARTISTIQUE PRINCIPALE MARISSA KELLY
DIRECTION ARTISTIQUE SHARON SPERRY BLOOM
RÉDACTION TOBIE ABAD MIKE CURRY JERRY GRAYSON JESS HARTLEY JAMES MENDEZ HODES NICOLE JUSTICE
ROB JUSTICE SHOSHANA KESSOCK DAN WASZKIEWICZ JOHN WICK BEN WOERNER
RÉDACTION ADDITIONNELLE DANIELLE LAUZON MARK DIAZ TRUMAN « LA VENGEANCE ET LE CORBEAU » JENNIFER MAHR
ILLUSTRATIONS MARIO BARBATI GIORGIO BARONI CHARLIE CREBER SHEN FEI YONG YI LEE JAMES MOSINGO DIEGO RODRIGUEZ
DRAPEAUX DES NATIONS MEAGAN TROTT CONCEPTION GÉOGRAPHIQUE ET CARTOGRAPHIE MAXIME PLASSE MARK RICHARDSON
CONCEPTION GRAPHIQUE ET MAQUETTAGE THOMAS DEENY HAL MANGOLD RÉVISIONS SALLY CHRISTENSEN AMANDA VALENTINE
RELECTURE CARRIE ULRICH PERSONNEL AUXILIAIRE KATHERINE FACKRELL J. DERRICK KAPCHINSKY
DÉVELOPPEMENT DE 7E MER : DEUXIÈME ÉDITION MICHAEL CURRY ROB JUSTICE MARK DIAZ TRUMAN JOHN WICK
INSPIRÉ DE « LES SECRETS DE LA 7E MER » CONÇU PAR JOHN WICK JENNIFER MAHR
 Un mot de la part de John
On peut distinguer deux réalités au sujet des pirates : la réalité romanesque et la réalité historique. Ce
qui importait par-dessus tout aux pirates était réellement d’être libres. Ils faisaient réellement de leurs
bateaux des démocraties flottantes et se riaient des gouvernements et des dieux. Ils adhéraient à une
charte stipulant qu’ils se protégeaient les uns les autres et servaient avant tout leur navire, leur capitaine
et leur équipage.
Ils étaient aussi des voleurs et des tueurs. Certes. C’est la réalité historique.
Cependant, 7e Mer lorgne bien moins du côté de la réalité que de la fiction, et il en va de même des
Nations pirates décrites dans ce livre. Ces dernières sont vouées à la liberté, à mettre à bas les lois injustes et
à s’opposer aux pires Scélérats imaginables. Leurs membres sont des aventuriers dans un monde qui a déses-
pérément besoin de hors-la-loi, de contrebandiers et de rebelles. En bref, ils sont des Héros à part entière.
Ce livre n’aurait pas été ce qu’il est sans la minutie de Ben Woerner et ses connaissances étendues en
matière de piraterie et de navigation. Mark Diaz Truman a fait office de pilote et il a su garder le cap lors
de nos passages en eau trouble. Cet ouvrage fut également le voyage en mer inaugural de Lenny Balsera,
notre nouveau directeur de création. Il a tout de suite été jeté dans le grand bain, mais il n’y a que comme
ça qu’on apprend à nager ! Nos auteurs ont vraiment tout donné, parfois dans l’urgence. Merci à vous tous !
Cet ouvrage est le premier pas au-delà de la Théah, dans le vaste monde de 7e Mer. Y sont dissimulés
des indices à propos de ce qui se trouve par-delà l’Atabéenne. Si vous faites bien attention, il se peut que
vous entraperceviez une terre qu’aucun Théan n’a vue à ce jour…
—John Wick

Remerciements particuliers
Je voudrais remercier John et Mark de m’avoir
confié le poste de consultant professionnel en
piraterie. Tous mes remerciements à ma femme,
Emily, ainsi qu’à mes enfants, Morgan et William,
pour avoir supporté que Papa ne sorte jamais de
son livre sur les pirates. Merci aussi à tous les
auteurs, depuis les marins d’eau douce jusqu’aux
vieux loups de mer : vous avez été extraordinaires
et c’est avec plaisir que je parcourrais de nouveau
l’océan avec vous. Et enfin, merci à vous, les
fans, d’avoir fait de mon rêve une réalité grâce
à vos doublons âprement gagnés. Sans vous,
il n’y aurait pas de 7e Mer. : deuxième édition.
Maintenant, levez l’ancre et hissez les voiles ! Cap
sur l’Atabéenne et ses trésors !
—Ben Woerner
Je voudrais remercier jusqu’au moindre des
forbans qui ont donné naissance à Nations
Pirates. Cet ouvrage couvre plus de territoire
que presque tout autre livre de 7e Mer., depuis
les rivages de la Numa jusqu’aux confins du
Nouveau monde, et ce fut une épopée que de
lui donner corps. Merci en particulier à Marissa
Kelly d’avoir supporté toutes mes demandes en
matière d’illustrations, à Danielle Lauzon d’avoir
fait chanter La Bucca et à Lenny Balsera d’avoir
maintenu ce livre sur les rails quand il en avait
le plus besoin. Vous êtes un sacré équipage,
et il me tarde de naviguer une fois de plus en
votre compagnie !
—Mark Diaz Truman

Version française - Crédits

Coordination éditoriale Relecteurs
Clovis Manuel Delhez, François Delpeuch, Martin Gleize,
Guillaume « Cindoc » Guimiot, Vincent Lelavechef,
Traduction
Manuel « Rheis » Micheluzzi, Christophe Rosati
Clovis
Consultant en parler pirate
Maquette
Matthieu Charton
Asami Jess

7th Sea and all related marks are © and ™ 2016 John Wick Presents. All rights reserved. No part of this work may be
duplicated without express permission from the Author. This is a work of fiction. All characters and places are creations
of imagination.
© 2017 Agate RPG pour la version française sous licence John Wick Presents. Agate RPG est une marque d’Agate
Éditions. Agate Éditions, 7 avenue Joseph Froment, 92250 La Garenne-Colombes. Contact, question, distribution :
esteren@agate-editions.com. Dépôt légal : 2017 – ISBN : 978-2-919256-38-9 – Imprimé en Europe.
 Table des matières
La Vengeance et le Corbeau 4 Chapitre 2 : La vie d’un pirate 143
Le Héros pirate . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Introduction 13 Le Héros pirate dans 7e Mer . . . . . . . . . . . . . 144
Sorcelleries pirates . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
Chapitre 1 : Ports d’escale 17 La magie des Chartes . . . . . . . . . . . . . . . . 158
La Numa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Kap sèvi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
La Numa aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Mystírios . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
La révolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Mohwoo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Le peuple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Épées, Navires & Secrets . . . . . . . . . . . . . . . . 172
La kleos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Duellistes étrangers . . . . . . . . . . . . . . . . 172
L’agoge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Manœuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
Arts et musique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Styles de Duel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
Noms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 L’histoire du Navire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Origines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Historiques de Navire . . . . . . . . . . . . . . . . 176
Économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Aventures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
Villes et villages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Sociétés secrètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
L’armée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 La Cosca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
Notables numanaris . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Le Riroco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Les Chartes pirates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
La Bucca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Le Code originel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
La Palabra de Dios . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 La Fraternité de la côte . . . . . . . . . . . . . . 182
La Bucca aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Le Crimson Roger . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Les lettres de marque de La Bucca . . . . . . . . 183
Personnalités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 La Jaragua . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
La mer Atabéenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Le parler pirate . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Histoire de la mer Atabéenne . . . . . . . . . . . . 62 Monstres marins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Les Rahuris : le peuple de la Mer . . . . . . . . . . 67 Palourdes géantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Attention : monstres . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 Crustacés géants . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Lieux de la mer des Monstres . . . . . . . . . . . . 77 Poissons carnivores . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Aragosta: la République des pirates . . . . . . . . . 81 Baleines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
La légende du Cagneux . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Grande baleine blanche . . . . . . . . . . . . . . 189
La naissance de la République . . . . . . . . . . . . 84 Serpents de mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Aragosta aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Makaras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Les deux trahisons . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Mabuyas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
Rejoindre la République . . . . . . . . . . . . . . . 89 Pieuvres géantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
Les capitaines du conseil et autres notables . . . 90 Krakens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Lieux aragostains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 Mama Tortue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Antagonistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Tiburon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
La légende de Jonah le Diable . . . . . . . . . . . 100 Le Wu’a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
La Jaragua . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Nouvelles Propriétés monstrueuses . . . . . . . 193
Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Campagnes nautiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Peuple et culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 La vie à bord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Personnalités éminentes . . . . . . . . . . . . . . 113 L’équipage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Lieux jaraguayens . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 La différence entre un équipage et une marine . . 196
La Compagnie commerciale atabéenne . . . . . . . 123 Le vote . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
La philosophie de la Compagnie . . . . . . . . . . 126 Marines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
Les activités de la Compagnie . . . . . . . . . . . 126 « Parce que » plutôt que « Et alors » . . . . . . . . 198
Membres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Deux questions récurrentes . . . . . . . . . . . . . 199
Relations internationales . . . . . . . . . . . . . 137 D’autres exemples d’Aventures . . . . . . . . . . . . 201
Fort Liberté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
Annexe 203
 La Vengeance et le Corbeau
L
a taverne empestait le whisky aigre, l’air marin et
l’odeur prenante du tabac. Comme à la maison, quoi,
se dit Marisol en laissant la porte se refermer derrière
elle. C’était le milieu de l’après-midi et le tripot de la mère
Meg était presque vide. Cela changerait d’ici quelques
heures : au coucher du soleil, des marins de tous bords
viendraient s’y entasser après leur journée de labeur.
Même à quai, il y avait bien des choses à faire en journée,
comme raccommoder les voiles ou se réapprovisionner en
vivres et en munitions. De jour, la myriade de bateaux et
d’échoppes de Sylviette commerçaient à fond de train,
mais dès la tombée de la nuit, les boutiques diurnes
fermaient et les lieux comme le tripot de la mère Meg
prenaient vie. Pour le moment, la lumière extérieure ne
faisait que rehausser les ombres intérieures.
Malheureusement, le vaisseau et l’équipage de Marisol ne
seraient pas présents pour se joindre aux réjouissances de
ce soir, raison pour laquelle elle se trouvait actuellement
dans le rade préféré de ses gars.
« Meg, cria-t-elle. Je viens payer mon ardoise !
– Ah ça, c’est ben gentil d’ta part, ma p’tite. »
Meg en personne émergea d’une trappe derrière le comp-
toir, charriant un tonneau qui devait bien faire la moitié de
son poids. Marisol secoua la tête.
« Tu n’as pas du personnel pour s’occuper de ce genre
de choses ? »
4 La Vengeance et le Corbeau
par Jennifer Mahr
Meg posa le tonneau avec un grognement.
« J’peux ben m’en charger moi-même. Si j’me mets à
m’tourner les pouces à longueur d’journée, j’vais pas faire
d’vieux os. J’peux m’occuper d’mon vin.  » Elle s’essuya
les mains sur son tablier, parsemant les vieilles taches de
nouvelles traînées de poussière, puis rassembla sa touffe
éparse de cheveux gris qu’elle noua à l’aide d’une ficelle
de cuir. « Alors comme ça, t’as d’l’argent pour moi ? »
s’enquit-elle, son visage ridé fendu d’un sourire avenant.
Marisol tira une bourse en cuir de sous son manteau.
« On met les voiles ce soir. Je pense que je te dois un ou
deux verres de la part de mes gars.
– Ha ! fit Meg en frappant le bar du plat de sa main. Un ou
deux, ça oui, et pas qu’ça ! Attends donc, j’vais t’dire ça. »
La vieille femme farfouilla sous le comptoir et en sortit
une ardoise couverte de coches. Elle lui donna un chiffre
et Marisol se retrouva avec la bourse plus vide qu’elle ne
l’aurait apprécié, ce qui était à prévoir.
« Hé, avant qu’tu t’en ailles, la héla Meg en tapotant
le comptoir alors qu’elle faisait demi-tour. J’ai entendu
quequ’chose qui pourrait t’intéresser. »
Marisol se retourna et parcourut la pièce obscurcie du
regard, imitée par Meg. Dans un coin, un trio de marins
étaient absorbés par une partie de cartes et, sur une chaise
près de la cheminée, un vieil homme dormait, amoureu-
sement lové contre une choppe vide. Aucun d’entre eux
n’était à portée des propos que Meg murmura.
« Y a un navire marchand, Le Faucon, qu’a levé l’ancre
avec la marée de c’matin. C’t’un brick aux couleurs d’la
Montaigne. ’L’est supposé transporter d’la canne à sucre
échangée contre du vin, mais j’ai appris d’source sûre qu’il
transporte deux fois c’poids-là en or. Ça leur vient d’encore
plus de vin et d’aut’ marchandises qu’ils ont amenées sans
jamais les déclarer. J’suis pas du genre à dire des ragots,
bien sûr, mais t’es une brave fille et t’as toujours payé rubis
sur l’ongle. Et m’est avis qu’une cargaison comme ça, ça
pourrait donner à un équipage assoiffé d’quoi s’payer un
tas d’verres, acheva-t-elle avec un clin d’œil.
– Meg, tu es trop bonne avec moi, répondit Marisol en
riant. Et tu n’as pas tort. Qu’est-ce que je peux te donner
pour un tuyau pareil ?
– Oh allons, tu m’dois rien du tout. Tu viens payer ta
note, c’est ben assez. Et pis… » Meg tapota la main de
Marisol et la regarda d’un air affectueux. « Tu m’rappelles
ma p’tite, ouaip. Maline et solide. Fais de c’t’information
c’qui t’semble bon. J’veux rien en échange. »
Sur ces mots, elle se retourna vers la trappe qui menait à
la cave et en descendit prudemment les marches. Marisol
l’observa jusqu’à voir disparaître sa touffe grise, puis elle
ressortit sa bourse et la cala sous le bar, là où nul autre
que Meg ne la verrait. Une fois cela fait, elle ressortit en
plein jour.
Au bout de quelques enjambées à peine, elle se retrouva
flanquée de son second, plus grand qu’elle d’une bonne
tête et la peau plus claire que son hâle castillian.
« Jones, le salua-t-elle. Alors ?
– On a assez de munitions pour une quinzaine. Pareil
pour la nourriture. J’ai aussi embauché deux nouveaux gars,
l’équipage est au complet.
– On dirait que tu as eu une après-midi productive.
– Comme d’habitude. »
Ils tournèrent à l’angle. S’engageant dans la grand-rue,
ils se retrouvèrent rapidement engloutis dans la masse de
marchands qui vantaient leurs articles et de groupes de
marins qui traversaient la vaste allée. À leur gauche s’étendait
l’étincelante mer turquoise baignée de soleil, avec son port
rempli de bateaux de toutes tailles et de toutes provenances.
La plage sablonneuse était bordée de palmiers indolemment
penchés, surplombés de leurs larges frondes épanouies.
À leur droite se trouvait une rangée de bâtiments
calés les uns contre les autres et ornés de panneaux qui
clamaient leur activité, certains sous la forme de textes
manuscrits ou imprimés, la plupart sous la forme d’images,
étant donné que l’essentiel de leur clientèle ne savait qu’à
peine lire. Une boutique vendait et reprisait des filets, une
autre des voiles, et une troisième vantait l’étanchéité de
ses barriques scellées à la poix.
Ils passèrent devant un petit bungalow légèrement en
retrait avec un porche étroit et des rambardes en corde
contre lesquelles trois enfants au regard fuyant étaient
appuyés. L’un d’entre eux, qui ne devait pas avoir plus de
neuf ans, se curait les ongles à l’aide d’un couteau impo-
sant. Un panneau accroché à la façade représentait une
empreinte de main sanglante croisée d’une dague cruelle
et d’un pistolet, le tout surplombant le mot « McGee »
peint en noir. Marisol fit un signe de tête.
« C’est la maison de Bonnie la sanglante ? J’arrive pas à
croire qu’elle a abandonné la mer.
– Exact, acquiesça Jones. J’y suis passé d’ailleurs. J’y ai
échangé un lot de pistolets du dernier navire qu’on a pris
ainsi qu’une collection de sabres. Je nous ai eu un joli petit
douzième canon en retour.
– Ce sera pas de trop. Bonnie s’en sort bien alors ?
– Toujours dans le coup, confirma Jones. Elle m’a d’ail-
leurs proposé de m’échanger un de ses enfants, des fois
qu’on ait besoin d’un singe à poudre. »
Marisol aboya d’un rire bref.
« Contre quoi ? Encore des armes ?
– Du vin. »
Véritable modèle d’efficacité, Jones avait déjà chargé le
dinghy de leurs nouvelles marchandises et deux matelots
s’y tenaient prêts à ramer jusqu’à leur navire. Marisol
gratifia celui qu’elle connaissait d’un hochement de tête
tandis que Jones accordait au deuxième une tape sur
l’épaule.
« Capitaine, voici M. Clovis. Il va nous rejoindre à bord
de La Vengeance.
– Capitaine, fit l’intéressé en se décoiffant. C’est un
honneur de faire partie de votre équipage. »
Elle lui donnait la trentaine. Il avait du ventre, le crâne
dégarni et l’air enthousiaste. Elle jeta un regard à Jones, un
sourcil dressé. Il haussa les épaules.
« Ravie de faire votre connaissance, monsieur Clovis. Je
présume que vous savez ramer ? »
Ils furent promptement ramenés à leur vaisseau.
Marisol sourit intérieurement, saisie de cette joie aiguë
qu’elle ressentait chaque fois qu’elle montait à bord de
La Vengeance d’Adélaïde. Tandis que les provisions étaient
stockées et que l’équipage s’affairait aux préparatifs, elle
manda Jones et ses autres officiers dans sa cabine.
« Les gars, on a un lapin, annonça-t-elle sans préambule.
Un brigantin bien dodu garni d’une cargaison plus fournie
qu’il l’a laissé entendre. Il a un jour d’avance sur nous, mais il
navigue le ventre plein et il est peu protégé, étant donné qu’il
croit avoir berné son monde. Le rattraper devrait être un jeu
d’enfant. Beccah, dans combien de temps on peut partir ? »
Sa maîtresse des voiles se renfonça dans sa chaise,
mâchonnant l’extrémité de sa longue natte blonde.
«  Je peux nous avoir à pleine vitesse en moins d’une
heure, si tant est que tout le matos est prêt. »
Beccah jeta un regard à Donald, le vieux maître d’équi-
page à l’air perpétuellement ombrageux.
« J’ai donné mes instructions. Normalement, on est parés. »
Il s’exprimait avec l’assurance d’un homme dont l’équi-
page ne fait pas d’erreurs, et cette confiance était justifiée.
7E MER NATIONS PIRATES 5
 « Une demi-heure alors, sans problème, dit Beccah au
capitaine, l’air détendu. Si je peux m’y mettre de suite.
Vous savez où il va ?
– Ils vont prendre le large puis rentrer chez eux, en
Montaigne. Tu peux estimer leur trajet ?
– Plein est pendant au moins deux jours. Aucun
problème. »
Marisol fit le tour de l’assemblée.
« Des questions ? »
Son maître canonnier, Volya, une armoire à glace barbue
qui s’exprimait avec un fort accent ussuran lorsqu’il parlait
(ce qui lui arrivait rarement), secoua la tête. Le reste de
ses officiers ne pipant mot, elle se leva, rapidement imitée.
« Très bien alors. À nous la fortune. »
Marisol émergea sur le pont, aussitôt mise d’excellente
humeur par l’air salin et la lumière matinale.
«  Bien dormi  ? Tu as rêvé de coffres au trésor qui
dansaient la farandole  ? s’enquit Jones en venant à
sa rencontre.
– J’ai bien dormi et j’ai l’intention de bien déjeuner égale-
ment. Un début prometteur pour une journée encore plus
prometteuse. Il y a de l’opportunité dans l’air !
– Je crois que c’est de la carpe. Certains des gars ont jeté
des filets.
– Il y a pire comme distraction… commença-t-elle avant
d’être interrompue par un cri en hauteur.
– Navire en vue ! annonça la vigie depuis le nid de pie.
– Déjà ? fit Marisol avec un sourire. On est si rapides que ça ?
– Ou bien c’est eux qui sont si lents que ça, souleva Jones.
– Navire en vue à tribord ! » répéta la vigie.
Ils échangèrent un regard, puis foncèrent côté tribord.
« Qu’est-ce que ça veut dire ? Le Faucon devrait être droit
devant ! » vociféra Marisol.
Avec ses grandes jambes, Jones la devança rapidement,
si bien qu’elle le trouva déjà sur sa longue-vue.
« C’est pas l’oiseau qu’on espérait », pesta-t-il.
Elle lui arracha la lunette des mains et y colla son œil.
« Laisse tomber, dit-il tandis qu’elle réglait la lentille. Je
n’avais pas vraiment envie d’être riche de toute façon. On
n’a qu’à faire voile vers une petite île et y caréner le bateau.
Il n’est que temps. »
Elle fouilla l’océan du regard à la recherche de ce qu’il
avait vu et jura lorsqu’elle le repéra.
« Damnation. Le Corbeau d’or. Nom d’un chien, qu’est-ce
qu’il fait là ?
– Il en a de toute évidence après le même gros lot que
nous. Il n’a aucune autre raison d’être ici. Ce n’est certai-
nement pas une coïncidence. » Il lui écarta la longue-vue
de l’œil et elle darda sur lui un regard circonspect. « Laisse
tomber. On va se trouver un autre gros lot.
– Ne me dis pas que tu as peur du Corbeau de Calder,
maugréa-t-elle.
– Aucunement. C’est de toi que j’ai mortellement peur.
Dès que vous vous retrouvez face à face, on croirait voir
6 La Vengeance et le Corbeau
deux chiens enragés qui se disputent le dernier os à moelle.
Vous voulez chacun l’emporter coûte que coûte, et nous
autres pauvres diables, on ne peut que serrer les dents et
subir la tempête.
– Tu exagères, rétorqua-t-elle.
– Vous navigueriez sans hésiter par-delà les confins du monde
s’il s’agissait de voir qui serait prêt à s’en jeter le premier.
– Tu exagères.
– Pas du tout. Tu te souviens de San Sancha ?
– Cet incendie était juste un coup de malchance.
– Et la fois où on a échappé de justesse à la marine
castilliane ?
– On y a échappé, non ? » Elle lui tourna le dos et traversa
le pont. « Beccah ! cria-t-elle.
– Tu te souviens de la fois où tu l’as épousé ? renifla Jones
d’exaspération par-dessus son épaule.
– C’était un défi !
– Les gens normaux ne se marient pas par défi !
– Les gens normaux ne font pas des pirates. Si tu veux
une vie ordinaire, va te trouver un boulot dans une pape-
terie. Si tu veux être mon second, va trouver Beccah et
prépare-nous à intercepter Le Corbeau. »
Elle le planta au milieu du pont et reprit la direction de
sa cabine. Il lui fallait son pistolet.
Marisol fulminait sur place. Elle attendait impatiemment
que la planche entre les deux bateaux soit posée et atta-
chée, tandis qu’ils oscillaient au rythme de la mer. Dès
que ce fut le cas, elle traversa à grands pas sans prêter
attention aux efforts que faisaient deux de ses gars pour
maintenir en place leur extrémité de la planche.
« Marisol, quel plaisir de te voir. »
Calder l’accueillit avec un grand sourire. Son visage était
ouvert et honnête comme seul celui d’un menteur pouvait
l’être. Elle sauta au bas de la planche sans le quitter des yeux.
« T’es pas supposé me voir du tout. Qu’est-ce que tu
crois faire ici ?
– Des affaires, bien sûr. Tout comme toi, je présume »,
répondit-il nonchalamment.
Le choc mat d’une paire de bottes derrière elle signala
que Jones l’avait rejointe. Le second de Calder, un homme
grand et large d’épaules à la peau sombre couleur chêne
du nom d’Oteka, hocha la tête, chacun des deux recon-
naissant son homologue.
« On fait déjà affaires dans cette partie ci de la mer, l’in-
forma-t-elle froidement. Toi et ton équipage feriez mieux
de vous trouver un coin de Mère Océan plus tranquille et
de vous y rendre. »
Calder ne se départit pas un instant de son sourire, mais
quand il répondit, ses yeux étaient perçants comme des
pointes d’acier.
« Ce coin ci nous convient tout à fait. Nous ne vous
interdisons pas de pêcher le même poisson que nous, mais
ne vous attendez pas à des excuses si vous vous prenez à
notre hameçon.
 – Je t’en ficherai un hameçon, et je vais te le coller au
fond de ton…
– Bien ! Capitaine, je pense que nous en avons fini ? inter-
vint Jones avec une fausse bonhomie.
– Nous n’en avons pas fini du tout, répondit Marisol sans
cesser de fixer Calder afin de ne pas rater la lueur dans son
regard ou le battement qui anima sa gorge.
– C’est donc une course, fit-il en élargissant son sourire.
– Une course », confirma vertement Marisol sans faire
attention au soupir bruyant de Jones.
« Il doit avoir une sorcière de la Destinée à bord, rumina
Marisol en arpentant le gaillard d’avant, torturée par
l’inaction. Ou une sorcellerie du genre qui gonfle ses voiles
pendant qu’on dérive.
– On ne dérive pas.
– Eh bien on n’avance pas.
– Bien sûr que si, on a juste affaire à une accalmie. Avec
Beccah, on sera bientôt revenus à pleine vitesse. »
Elle examina Jones tranquillement accoudé au bastin-
gage. La plupart du temps, elle trouvait que le calme de
son second venait équilibrer son tempérament fougueux à
elle, mais parfois, elle était certaine qu’il agissait de la sorte
exprès pour l’énerver.
« Tu préférerais qu’on abandonne. Tout ça parce que c’est
à Calder qu’on a affaire ? »
Elle guetta sa réaction pour voir s’il tiquerait, mais il garda les
yeux fixés sur la mer et son attitude relâchée ne changea pas.
« C’est pas Calder le problème. Le problème, c’est que
tu ne sais pas renoncer à un défi. Et il le sait, pour ton
information. »
Elle se mordit la langue. Il avait raison, mais ça ne l’em-
pêchait pas de vouloir répliquer.
C’est alors qu’un concert de cris de joie résonna sur le
pont principal, vers lequel elle se tourna pour voir la grand-
voile se gonfler majestueusement. Elle revint vers Jones,
prête à admettre qu’il avait eu raison pour l’accalmie,
quand un craquement sec retentit et les vivats se chan-
gèrent en cris de surprise et de panique. Elle se retourna
à temps pour voir la bôme tourner dans le vide. Dans un
fracas feutré, la moitié de la voile tomba et s’écroula sur
elle-même, comme un marin abattu d’un coup de feu.
Marisol jura et se rua au sein du chaos. La bôme continuait
de pivoter tandis que l’équipage courait après les cordages
en pagaille, s’efforçant de l’arrêter. D’autres progressaient
accroupis pour venir en aide à ceux qui avaient été fauchés.
Elle attrapa un câble tenu par deux hommes et les aida à le
maintenir, immobilisant la massive pièce de bois.
La situation désormais momentanément sous contrôle,
elle estima les dégâts. Apparemment, la plupart des gars
s’en étaient sortis avec les nerfs en pelote et quelques
brûlures de friction aux mains. Jones s’occupait d’un gars à
l’œil barré d’une taillade sanglante.
« Beccah ! » cria Marisol en s’avançant vers la maîtresse
des voiles.
Beccah tenait en main un morceau de corde, l’air grave.
« Elle a cassé, diagnostiqua-t-elle, le regard rivé sur l’extré-
mité de la corde qui, quelques minutes plus tôt, maintenait
encore le grand mât. Et c’est sûrement pas la seule. » Elle
indiqua le cordage qui aurait dû fixer la voile au mât de hune
et qui battait maintenant au vent. « Pour qu’une chose pareille
arrive, les manœuvres ont dû céder en plusieurs endroits.
Quand on a pris le vent, ça a tiré sur le câble principal qui
s’est rompu. Le reste a suivi comme les maillons d’une chaîne.
– Trois jours au port, trois jours pour contrôler tout le
matériel, et on lève l’ancre avec des cordes pourries ? »
Marisol luttait pour ne pas céder à la colère. Beccah
secoua la tête, pâle mais sûre de son fait.
«  Aucun signe de pourrissement.  » Elle regarda de
nouveau la corde qu’elle tenait. « Elle est abîmée. Ç’aurait
été une seule corde à un seul endroit, j’aurais pu croire à
de la malchance, ou bien que la corde se soit prise dans
quelque chose et usée. Mais là… » Elle indiqua de nouveau
la voile qui battait au bout du cordage cassé. « Peut-être
que la corde était mal fichue.
– Peut-être mais probablement pas ? demanda Jones en
échangeant un regard avec les deux femmes.
– Très probablement pas, fit sombrement Beccah.
– Ce qui veut dire que quelqu’un à bord de mon
bateau pourrait avoir fait le coup », conclut Marisol, les
lèvres pincées.
Beccah leva la tête et contempla le gréement
en surplomb.
« Il faut que j’envoie mes gars vérifier le moindre centi-
mètre de tout ça.
– Vas-y, dit Marisol. Et vite. »
Marisol était assise dans sa cabine, éclairée par une
lanterne solitaire. La quatrième heure du quart inter-
médiaire venait de sonner. Eût-elle été raisonnable, elle
se serait déjà couchée, mais après ce qui s’était passé
aujourd’hui, elle n’était pas d’humeur.
Passer le gréement au peigne fin leur avait pris plusieurs
heures. Les gars de Beccah avaient dénombré une douzaine
d’endroits où les cordes étaient également fragilisées.
Chaque dommage pris à part aurait pu être attribué à l’usure
ou à la malchance, mais autant d’un coup, c’était trop gros.
Ça ne pouvait être que de la sorcellerie ou du sabotage.
Marisol contempla la tasse qu’elle tenait et en sirota le
contenu, savourant la lente brûlure du rhum.
Difficile de savoir à quel point leur pépin les avait
retardés. Le Faucon était lent et alourdi, mais pas
Le Corbeau d’or. Il était possible que Le Corbeau ait déjà
atteint Le Faucon et que les efforts nocturnes que Marisol
exigeait de son bateau et de son équipage ne soient
investis qu’en pure perte. Mais la mer recelait son lot d’in-
connues et elle n’allait pas baisser les bras juste parce que
c’était peut-être peine perdue. Cela dit, s’arrêter de ruminer
là-dessus pour prendre quelques heures de sommeil lui
ferait probablement du bien.
7E MER NATIONS PIRATES 7
 Elle se leva pour être immédiatement mise à terre par
une terrible secousse tandis qu’une explosion sourde
résonnait sous ses pieds. Elle se chaussa précipitamment et
fila dans la coursive, s’attendant presque à voir le vaisseau
de Jonah le Diable lui-même faire feu sur eux. L’odeur de
poudre et de fumée n’était pas une surprise, mais qu’elle
provienne de l’intérieur du navire en était une.
La fumée s’épaissit à mesure qu’elle se rapprocha, lui
arrachant une quinte de toux sans pour autant l’empêcher
d’atteindre la cale, en partie parce qu’elle en aurait été
capable les yeux bandés et en partie parce qu’elle n’avait
qu’à suivre le vacarme. À la poupe, des hommes et des
femmes enveloppaient les barils à poudre de couvertures
humides. Les parois et le plancher sur toute une section
de la proue étaient noircis et rougeoyaient encore sous
une couche d’eau et de sable appliquée par l’équipage.
Marisol remercia intérieurement son maître d’équipage,
Donald, pour tous les exercices assommants qu’il faisait
régulièrement subir aux gars afin que chacun sache quoi
faire en cas d’incendie. Pour éteindre un départ de feu en
mer, l’eau était un choix évident, mais le sable fonctionnait
généralement mieux, aussi en gardaient-ils quelques barils
sous le coude au cas où. Surtout ici.
« Au nom des Sept Mers, qu’est-ce qui s’est passé !? s’ex-
clama-t-elle en traversant la cale. Si quelqu’un a été assez
idiot pour s’allumer une pipe dans la sainte-barbe, il va faire
le reste du trajet traîné derrière le bateau.
– Pas une pipe. Et pas un accident », grogna Volya en
émergeant de la coursive derrière elle.
Il claqua des doigts et deux de ses canonniers s’avan-
cèrent. Ils traînaient un homme qui se débattait et que
Marisol reconnut instantanément : monsieur Clovis, la
nouvelle recrue qui les avait rejoints à Sylviette.
« On a chopé cet imbécile dans les quartiers de l’équi-
page. Il faisait comme si de rien n’était alors même qu’il
empeste la suie et la poudre fraîches, expliqua Volya en
secouant la tête de dégoût. Mes gars étaient partis pour
lui retirer au moins un membre par principe, mais je leur ai
dit d’attendre des fois que tu le veuilles entier.
– Merci, maître canonnier, j’apprécie votre considération,
répondit-elle en inspectant Clovis d’un œil acéré. Lorsque
viendra le moment de lui enlever des morceaux, je m’as-
surerai d’en charger vos hommes. »
Elle vit Clovis ciller à ces mots.
Pendant un instant, elle crut que ses officiers furibonds
allaient se mutiner quand elle leur ferma la porte au visage.
Elle ne les comprenait que trop bien, mais actuellement, elle
ne voulait entendre qu’une voix : celle de leur saboteur appa-
rent. Elle n’avait pas besoin d’un chœur de pirates en furie.
Ainsi se retrouva-t-elle seule avec Jones et monsieur
Clovis, ce dernier aux abois et quelque peu amoché par
les gars de Volya. Il n’avait plus que sa chemise : l’équipage
ne l’avait pas laissé partir sans le fouiller intégralement et
le délester de son gilet et de ses chaussures. Il avait une
8 La Vengeance et le Corbeau
estafilade au-dessus de l’œil qui avait coagulé, mais l’œil
lui-même affichait un gros cocard qui s’assombrissait.
Ses mains plaquées contre la table étaient marquées de
brûlures de poudre et sa chemise était tachée de suie.
Elle échangea un regard avec Jones qui secoua la tête et
soupira avant de lui passer une tasse d’eau.
« Mes excuses, capitaine. J’ai manqué de discernement,
fit-il avec un signe de tête en direction de l’homme assis
face à eux.
– C’est rien de le dire », renchérit-elle.
Elle but une gorgée avant de plaquer la tasse contre la
table, à la vue de leur prisonnier mais hors de sa portée.
Son geste avait été suffisamment brusque pour faire des
éclaboussures, et elle vit l’œil de Clovis suivre le liquide. Sa
gorge à elle lui brûlait après à peine quelques minutes dans
la cale, ce qui lui donnait une idée de l’état de la sienne.
Elle attira son attention d’un sifflement sec et le fixa dans
les yeux qu’elle ne lâcha pas.
« Alors, c’était quoi le plan ?
– L-l-le plan ? bégaya-t-il. Je sais pas…
– Elle va te donner en pâture aux sirènes, tu sais, intervint
Jones d’un ton détaché. Elle l’a déjà fait. Et c’était juste
des sirènes. Là, on est dans la mer des Monstres. Qui sait
quelles horreurs atroces peuvent être à l’affût ? »
Clovis pâlit. Son regard paniqué tangua de Jones
à Marisol.
« Et ça, c’est si on arrive à empêcher les canonniers de
Volya de lui remettre la main dessus le temps qu’on le
jette à l’eau. Là, je les ai rappelés à l’ordre, mais c’est des
vraies bêtes sauvages. Une fois lâchés… » Elle se tourna
vers Jones. « Tu savais que Volya a amené toute sa meute
d’artilleurs avec lui quand il nous a rejoints ? Tout droit
venus de la marine ussurane.
– Pas des rigolos ceux-là, siffla Jones. J’ai entendu dire
que quand ils font des prisonniers, ils les gardent dans une
cage près du mess. Et si on ne leur propose pas une rançon
intéressante d’ici à ce qu’ils manquent de nourriture…
– Balivernes, rétorqua Marisol en sirotant longuement sa
tasse avant de la replacer sur la table. C’est pas des canni-
bales. Encore que je suppose que ceux qui se transforment
en animaux… » Elle tapota le pommeau de l’épée qu’elle
portait en évidence à la ceinture. « Dis voir, ce matelot
qu’on a perdu le mois dernier… il est passé par-dessus bord,
c’est ça ? Quelqu’un l’a vu ? »
Jones affecta un air songeur.
« Je vérifierai », promit-il.
Marisol riva de nouveau son regard sur Clovis.
« Tu veux savoir ce que ma maîtresse des voiles voudrait
faire de toi ? »
Ses yeux s’écarquillèrent. Il pâlit encore plus et secoua
la tête d’un iota : Non. Elle poursuivit comme si de rien
n’était :
« Le coup des cordages, ça lui en a pris du temps et du
travail à elle et ses gars. Beccah, c’est un marin excellent,
mais elle est pas patiente. Elle pense qu’on devrait te
laisser sur un radeau derrière le bateau, un peu avant les
premières lueurs. On te mettrait bien au centre, dans un
cercle de poix qu’on allumerait, tu vois ? L’équipage pour-
rait alors prendre des paris : est-ce que tu cramerais ou
est-ce que le radeau brûlerait sous tes pieds et t’enverrait
te noyer ? Beccah adore les petits jeux.
– Est-ce qu’il y a un bonus si on parie sur l’éventualité
qu’il se fasse manger par un monstre marin, que ce soit
dans l’eau ou sur le radeau ? s’enquit Jones, intrigué.
– C’est quoi cette obsession sur l’idée de se faire
manger ? fit-elle avec un soupir exaspéré. T’as sauté ton
dîner la nuit dernière ? »
Jones se contenta de hausser les épaules.
« Ça suffit ! C’est bon, c’était moi, c’est ma faute : les
voiles, le feu, c’était moi ! babilla Clovis à toute allure, la
voix enrouée. Tout est ma faute, je suis désolé, par pitié,
je veux pas finir mangé ou brûlé vif ou noyé… ou découpé
ou écartelé ! »
On lui voyait tout le blanc des yeux. Il avait l’air d’un
cheval prêt à bondir à travers les flammes plutôt que de
rester immobile, aussi Marisol se figura-t-elle qu’il était
mûr pour une discussion. Elle lui glissa la tasse d’eau et lui
donna la permission d’un hochement de tête. Il l’attrapa
et en engloutit le contenu si précipitamment que l’eau
dégoulina sur son menton, traçant des stries dans la suie
dont il était maculé.
« Pourquoi ? »
Il la fixa, toujours cramponné à la tasse vide. Jones se
plaça à ses côtés et le déposséda de la tasse, des fois qu’il
lui viendrait à l’idée de s’en servir comme arme. Ça n’avait
pas l’air d’être son genre, mais ce soir, Marisol n’avait plus
envie de courir le moindre risque.
Elle vit les yeux du prisonnier s’illuminer d’une panique
qui laissa vite place à une morne résignation.
« On m’a payé, dit-il simplement.
– Qui ça ? »
Elle ne s’en enquérait que par principe, mais autant en
avoir confirmation à haute voix.
« Le capitaine Calder. »
Marisol grimaça lorsque sa tasse en argent fut jetée au
sol avec probablement assez de force pour laisser une
marque aussi bien dans le plancher que sur la tasse. Clovis
eut un couinement terrifié de surprise et elle échangea
un regard avec Jones qui la foudroyait d’un je te l’avais
dit muet.
« Continue », intima-t-elle à Clovis tout en surveillant
Jones qui s’efforçait de se maîtriser. Ce n’était que dans de
tels moments que ceux qui le connaissaient bien pouvaient
repérer des signes de son humeur.
«  Il m’a embauché à Sylviette. Il m’a dit de me faire
engager sur ce bateau. Il m’a dit que si je vous ralentissais,
ma fortune serait faite : je pourrais prendre ma retraite
sur une petite île, me trouver une gentille femme et me
contenter d’attraper des crabes pour le dîner sans jamais
avoir à reprendre la mer. » L’idée le laissait rêveur.
« Est-ce qu’il t’a dit quoi faire pour ralentir mon navire ?
demanda-t-elle.
– Euh, non. C’était à moi de me débrouiller. Il m’a juste
dit de m’assurer que vous auriez des difficultés. »
Elle acquiesça.
« Et comment tu comptais toucher ta récompense et
prendre ta retraite sur ton île si tu faisais sauter le bateau
à bord duquel tu étais ?
– Hein ? fit-il, manifestement perplexe.
– Tu as allumé un baril de poudre dans une salle remplie
d’autres barils de poudre, grinça-t-elle, sa patience décrois-
sant à vue d’œil. À quel point est-ce qu’il faut être idiot
pour vouloir faire couler un bateau sur lequel on est au
milieu d’eaux infestées de monstres ? »
Un ange passa lentement dans la pièce. Marisol était
certaine que Clovis digérait l’idée sous ses yeux, et elle
avait l’impression de voir un homme avec trois dents
mâcher sa nourriture. Jones rompit le silence.
« Il faut dire, capitaine, s’il s’agit de charger quelqu’un de
saboter le vaisseau à bord duquel il se trouve lui-même,
il faut un homme soit très stupide, soit admirablement
malin. À votre avis, lequel revient le moins cher ? »
L’aurore aux doigts de rose caressait l’horizon, promesse
de la journée à venir, mais La Vengeance était encore
baignée de ténèbres et d’une bruine glacée. Les marins
arpentaient le pont tels des fantômes, efficaces et silen-
cieux. Un bon équipage sait qu’il ne faut pas faire de bruits
inutiles quand la visibilité est si mauvaise qu’une oreille
indiscrète pourrait s’être glissée près du bateau.
Les ultimes heures de la nuit leur avaient fait l’offrande
d’un vent fort, et ils naviguaient à une vitesse respectable
sans être excessive. Trois vigies avaient été postées dans le
gréement, à l’affût de tout danger. Marisol faisait les cent
pas sur le pont, trop agitée pour dormir. Leur saboteur
avait été neutralisé, mais elle ignorait s’ils étaient toujours
en chasse ou si leur proie était déjà aux mains d’un autre
prédateur. Donald la rejoignit d’un pas presque silencieux
pour un homme aussi massif. Sans un mot, il lui tendit
une tasse d’un breuvage sombre et épais. Elle ingurgita le
café, passant outre l’amertume et la sensation de brûlure
sur sa langue.
« Est-on armés et parés à tout ce qui peut nous arriver
aujourd’hui ? s’enquit-elle.
– Tu as besoin de me le demander ? répondit-il de sa voix
rendue râpeuse par bien des années de tabac, de rhum et
d’air marin.
– Non, admit-t-elle. Mais je n’en peux plus d’entendre ma voix
dans ma tête. Je me disais que j’allais lui faire prendre l’air. »
Donald repartit avec un petit rire, laissant Marisol
contempler la mer. L’eau était agitée et le pont dansait
sous ses pieds tandis qu’ils fendaient les vagues.
Un cri qu’on aurait pu prendre pour celui d’une mouette
déchira le silence : deux sons brefs suivis d’une pause puis
d’un troisième. Le pont s’anima instantanément. L’une des
7E MER NATIONS PIRATES 9
 vigies avait repéré un navire droit devant. Marisol se cram-
ponna au bastingage à la proue du bateau, fixant la brume
qui se dissipait lentement sur le passage de l’aube. Elle
pouvait à peine distinguer une forme au loin. Derrière elle,
l’équipage gagnait ses postes, prêt à tout ce qui pourrait
arriver. Jones vint au bastingage prendre sa place à sa droite.
« Cora l’a vu en premier, l’informa-t-il. Il est trop petit
pour être Le Faucon. C’est peut-être Le Corbeau. »
Marisol cligna des yeux en direction de la forme au loin
qui ondulait sous la lumière. Elle ne distinguait rien de
précis, mais Cora pouvait voir le chas d’une aiguille à une
distance où d’autres auraient du mal à voir ne serait-ce
que l’aiguille.
Ils se rapprochèrent dans un silence tendu. Chacun rete-
nait son souffle. Il était probable que s’ils pouvaient voir
l’autre navire, l’inverse était vrai, mais au cas où, mieux
valait ne pas se trahir. Au bout de quelques minutes
douloureusement lentes, ils se furent suffisamment rappro-
chés pour voir le pavillon du Corbeau d’or battre au vent.
Marisol se satisfit de voir que leur tirant d’eau ne trahissait
pas la présence d’une lourde cargaison, mais…
«  Quelque chose ne va pas  », dit-elle, fixant l’autre
bateau avec perplexité.
Les voiles du Corbeau étaient aussi pleines que les leurs,
mais La Vengeance gagnait tout de même rapidement du
terrain. Et quelque chose dans l’angle du pont du Corbeau
la perturbait.
« Ralentis, intima-t-elle à Jones qui avait également le
regard rivé sur le vaisseau.
– Holà ! » appela-t-il, manifestement conscient qu’être
compris importait désormais plus qu’être silencieux.
De toute manière, ils étaient désormais bien en vue du
Corbeau  ; assez pour voir que quelque chose clochait.
Beccah cria en réponse et le bateau ralentit. Ils étaient
maintenant suffisamment près pour voir que le pont du
navire fourmillait d’une activité essentiellement concentrée
sur le côté opposé du bateau. L’équipage s’y était rassemblé
et, sous ses yeux, une demi-douzaine de marins transpor-
tèrent quelque chose à bâbord, face à La Vengeance. Cela
ressemblait à une machine en bois. Elle fronça les sourcils.
« Ce serait pas un…
– Trébuchet portable, termina Jones. Bonnie a essayé de
m’en vendre un. J’ai pensé qu’on n’en aurait pas besoin.
– Tu es viré, dit Marisol. Dès qu’on s’est tiré de ce pétrin.
Il faut qu’on se mette de face, qu’on se fasse petits. »
Son second relaya ses ordres aux responsables des voiles,
mais ils commencèrent à peine à tourner que le bras du
trébuchet s’abattit, propulsant quelque chose de mou et de
visqueux qui atterrit sur la coque de La Vengeance ainsi que sur
son pont, l’éclaboussant de rouge dans des bruits humides.
« Par tous les diables, c’est quoi ça ? » grommela un
membre de l’équipage proche d’elle. Il porta une main au
visage face à l’odeur répugnante de la substance.
« De l’appât, maugréa-t-elle devant le mélange de tripes
et de morceaux de poisson. Larguez-moi ça ! » cria-t-elle.
10 La Vengeance et le Corbeau
L’équipage se mit immédiatement au travail, s’efforçant
de se débarrasser des morceaux puants, mais elle savait
qu’il était trop tard. Des cris et des jurons paniqués reten-
tirent. Au niveau du Corbeau, l’eau frémit, comme bouil-
lante. Quelque chose bougea et les vagues écumèrent. Des
tentacules, chacun facilement de la taille de deux bœufs
mis bout à bout, se dressèrent. Le Corbeau gîta dangereu-
sement puis se redressa doucement.
Voilà à cause de quoi un navire en mer pouvait rester
immobile par grand vent : une pieuvre géante. La créature
fila à travers l’eau. Sa couleur d’un noir d’encre donnait
l’impression que l’océan lui-même s’était ouvert pour les
engloutir, et c’était ce qui risquait fort de se passer. Si elle
parvenait à se saisir de La Vengeance, la bête était suffisam-
ment colossale pour la saborder, voire la tirer par le fond.
« Accrochez-vous ! » hurla Jones, son ordre répété tout
le long du navire.
L’impact initial faillit envoyer Marisol par-dessus bord.
La coque grogna, mais par bonheur, elle ne se fendit pas.
Un moment, ils restèrent sous l’emprise d’un silence élec-
trique. Puis un immense tentacule se dressa au-dessus
du pont et s’y écrasa, gigotant de gauche à droite à la
recherche de quelque chose d’intéressant ou de comes-
tible. Les marins s’éparpillèrent, s’empressant de se tenir
à l’écart alors même qu’un autre tentacule surgissait de
l’autre côté du pont pour s’abattre aveuglément contre
le grand-mât et semer la pagaille dans le gréement. Les
marins qui y étaient toujours accrochés se cramponnèrent
de toutes leurs forces.
« Elle est juste en dessous de nous ! » la héla Jones tout
en se servant du bastingage pour se rapprocher de l’endroit
où Marisol s’accrochait. Un troisième tentacule s’accrocha à
bâbord et le bateau gîta de ce côté. « Si elle se décide à nous
donner un vrai câlin, elle va casser La Vengeance en deux ! »
Marisol acquiesça. Elle réfléchit à toute allure. Certains
équipages gagnaient leur vie à chasser ces énormes
pieuvres, mais quand le chasseur devenait la proie, c’était
une autre paire de manches.
« Gagne-nous du temps, j’ai une idée. »
Elle lâcha le bastingage et, mi-courant mi-patinant,
descendit le long de la surface inclinée du pont. Derrière
elle, Jones ordonna de repousser les tentacules à l’aide
de piques, d’épées et de toute autre arme à disposition.
Elle attira l’attention de Donald et lui indiqua de la suivre
tandis qu’elle s’engouffrait dans la trappe arrière. Dès qu’il
l’eut rejointe, elle s’enfonça dans les entrailles du navire.
« Tu sais comment arrêter un départ de feu. Il faut que
tu m’en démarres un », lui dit-elle en chemin.
Il ne leur fallut pas longtemps, mais elle eut l’impression
qu’une éternité passa. Chaque craquement de la coque du
bateau paraissait le dernier. Lorsque Marisol fut de retour
sur le pont, pas moins de cinq tentacules y serpentaient,
s’enroulant autour du grand-mât, tripotant son vaisseau
comme un ivrogne. Donald et ses gars émergèrent à sa
suite, chargés de barils. Beccah se précipita à leur rencontre.
 « Quoi que t’aies en tête, va falloir faire vite, lâcha-t-elle,
le visage pâle.
– Dis-moi quelque chose que je sais pas, maugréa Marisol.
– D’accord, contra vivement Beccah. Jones est à la barre.
Il a utilisé ses espèces de Glamours d’Avalonien et franche-
ment, c’est uniquement grâce à lui que le bateau tient le
coup. Alors quoi que tu veuilles faire, fais-le vite avant que
lui et La Vengeance s’écroulent du même coup. »
Dans un juron, Marisol se retourna vers Donald qui
acquiesça. Les marins se mirent bras dessus, bras dessous
pour se soutenir tandis qu’ils s’aventuraient suffisamment
près des tentacules pour les recouvrir du liquide gluant
et puant extrait des barils. Lorsqu’ils furent tous généreu-
sement enduits à l’exception de celui accroché au mât,
Marisol donna l’ordre de mise à feu. Une demi-douzaine
de briquets furent battus et le mélange de poix et de
poudre à canon s’alluma. L’air s’emplit de fumée et d’une
odeur nauséabonde de graisse brûlée. La peau du monstre
grésilla et éclata.
Un rugissement semblable à rien de ce que Marisol
n’avait entendu auparavant s’éleva et La Vengeance mugit
d’une façon qui lui changea l’estomac en pierre. Tout d’un
coup, les tentacules enflammés se retirèrent et s’agitèrent
follement avant de retourner dans l’eau. Elle courut
jusqu’au bastingage à temps pour voir la bête battre en
retraite dans les profondeurs, les flammes persistantes
accompagnant sa fuite de lueurs étranges.
Dès qu’elle put être certaine que le monstre ne revien-
drait pas, elle se rua à la barre, où une foule s’était rassem-
blée autour de Jones. Il était étendu sur le pont, la peau
pâle, la respiration lourde, un bras salement tordu. Elle
s’assit à ses côtés et posa une main contre sa gorge. Son
pouls était rapide mais régulier.
« Tu es un idiot, dit-elle.
– Tu m’as dit de gagner du temps, souffla-t-il. Je suis
toujours viré ?
– Idiot, répéta-t-elle doucement avant de faire signe à
Donald. Amène-le au chirurgien. »
En fin d’après-midi, ils eurent rattrapé Le Faucon. Le
Corbeau d’or était attaché à son côté et son équipage avait
investi l’autre navire, quoique depuis peu, apparemment. Ils
étaient encore en train d’en vider la cale. Techniquement,
le défi donnait la victoire au premier à atteindre le vaisseau
marchand, mais Marisol se sentait davantage liée par l’esprit
que par la lettre de l’accord. Elle donna l’ordre de mener le
vaisseau de l’autre côté du Faucon. Elle venait de couler une
pieuvre. À ce stade, si Calder se sentait de faire feu sur son
navire, elle l’enverrait rapidement rejoindre le monstre marin.
«  Ça a vraiment intérêt à être une sacrée cargaison,
commenta Jones.
– Est-ce que quelqu’un qui vient d’avoir une fracture ne
devrait normalement pas se reposer ? souleva-t-elle.
– Quelqu’un m’a dit que les gens normaux ne font pas
des pirates », répliqua-t-il, lui arrachant un reniflement de
rire tandis qu’ils se rendaient sur Le Faucon.
L’équipage marchand avait été rassemblé à la poupe du
bateau sous la garde des gars de Calder. Ce dernier en
personne la salua joyeusement.
« Je craignais que tu ne puisses te joindre à notre petite
fête. Enfin, mieux vaut tard que jamais.
– Je ne voulais pas arriver les mains vides alors je me suis
arrêtée pour prendre à déjeuner. »
Elle retira le sac attaché à sa ceinture et le jeta à ses pieds
de sorte que le morceau de tentacule carbonisé et caout-
chouteux glissa par l’ouverture pour venir s’échouer au
bout de sa botte. L’un des nombreux restes qu’ils avaient
détachés de la coque du bateau.
« Oh. Voilà qui est… appétissant.
– Je t’ai aussi apporté autre chose. Tu avais laissé ça sur
mon bateau. »
Sur un signe de sa part, Volya porta plus qu’il ne traîna
M. Clovis auprès du groupe. Calder s’apprêta à parler mais
elle l’interrompit d’un geste.
« Tu te rends compte que ce mollusque à pattes a essayé
de faire sauter mon vaisseau ?
– Vraiment ? Voilà qui est…
– Ignoble ? » suggéra-t-elle alors même que Calder finis-
sait par un « … ambitieux. »
Il leva les mains comme s’il faisait mine de se rendre.
« Je te promets que je n’ai fait que lui dire de s’assurer
que Le Corbeau arriverait en premier. À lui de gérer les
détails. Tu me connais, je ne me complique pas la vie,
je préfère déléguer, argua-t-il en la gratifiant d’un sourire
charmeur. Par exemple, je t’ai délégué ce problème de
pieuvre et tu t’en es chargée magistralement. »
Les yeux de Marisol s’étrécirent. Elle caressa l’idée
de l’embrocher avant que quiconque ne puisse réagir.
« Tu penses que tu vas réussir à étouffer ma rancune
avec des mots doux ?
– Il a bien réussi à te faire l’épouser, fit remar-
quer Jones.
– T’as fini avec ça ? renvoya-t-elle. C’était même pas
un vrai prêtre. » L’air qu’arborait Calder la glaça. « Tu
avais dit que c’était pas un vrai prêtre.
– En fait, je crois me rappeler avoir dit que je ne savais
pas si c’était un vrai prêtre. Après tout, l’habit ne fait
pas le moine. »
Marisol se retint une fois de plus de l’embrocher. Elle
serra les dents et relança :
« On va prendre les deux tiers de la cargaison. Et c’est
à toi de payer la compensation de mon second pour les
blessures qu’il a subies. » Jones le salua de son bras valide.
« Et je te laisse t’encombrer de cet abruti de traître, ajou-
ta-t-elle avec un signe de tête abrupt vers Clovis. Et si je
vous recroise toi ou ton navire dans les deux semaines à
venir, je vous envoie fissa au fond de l’océan. »
Volya se rangea à ses côtés, de toute évidence plus
7E MER NATIONS PIRATES 11
 que prêt à s’en occuper derechef.
« Sois raisonnable, plaida Calder. Veux-tu réellement
que je dise à mon équipage que nous avons fait tous
ces efforts afin d’arriver premiers, tout ça pour ne
retirer qu’un tiers du butin ?
– Non, je veux que tu dises à ton équipage que tu
es un salaud sournois, mais j’imagine qu’ils sont déjà
au courant.
– Et puis nous étions à la même enseigne, poursuivit-il
comme si elle n’avait rien dit. La mère Meg nous avait
donné le même tuyau qu’à toi. Nous avons juste été
plus rapides.
– Jamais Meg te l’aurait dit ! J’étais la seule dans la
confidence, fit Marisol, outrée. Elle m’a même pas fait
payer l’information.
– Ne lui aurais-tu tout de même pas laissé de l’ar-
gent ? » s’enquit-il avec amusement.
Marisol repensa à la bourse remplie qu’elle avait
glissée sous le bar et sentit le rouge lui monter aux
joues. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle avait été une
telle dupe.
« Elle m’a dit que je lui rappelais sa fille, marmonna-
t-elle avec amertume.
– Si ça peut te consoler, elle m’a dit que je lui rappelais
son fils, gloussa Calder.
– Oh ça, la mère Meg a pas d’enfants en fait, inter-
vint M. Clovis. C’est un nom comme qui dirait, heu,
ironique. »
Avant qu’elle ne puisse répondre, sa vigie et celle de
Calder s’écrièrent simultanément : Navire en vue !
« La marine montaginoise, capitaine, cria-t-on depuis
le nid de pie. Trois navires, plein est, et ils se rappro-
chent rapidement ! »
Elle fixa Calder qui souriait de toutes ses dents, les
yeux de nouveau brillants.
«  Faisons cinquante-cinquante, dit-il. Je payerai
double pour le bras cassé de ton second. Occupons-
nous de la marine ensemble.
– Soixante-quarante. Tu payes quand même double,
plus un supplément pour les dommages causés à mon
bateau par ton gugusse et ta pieuvre, rétorqua-t-elle,
soutenue par un grognement de Jones.
– Marché conclu. »
Le soleil brillait et tapait fort, illuminant les eaux
turquoises d’étincelles. Marisol mit une main en visière.
Une large étendue de sable blanc et or s’étendait devant
elle. La Vengeance reposait contre son flanc au niveau de
l’eau, la partie tribord de sa coque exposée à une ving-
taine d’hommes qui la raclaient avec énergie. Voilà trois
semaines qu’ils avaient eu affaire à la pieuvre, et elle
n’était pas fâchée d’en voir enfin leur vaisseau débarrassé.
L’air sentait fort l’odeur du goudron liquide dont ils
s’étaient servis pour étanchéifier la coque après avoir
12 La Vengeance et le Corbeau
retiré la vase et les mollusques. Un peu plus loin sur la
plage, une partie des gars creusaient des trous pour cuire
les deux cochons sauvages qui leur serviraient de dîner.
Jones la rejoignit tranquillement, une chope dans la
main droite, la gauche toujours en écharpe.
« Voilà le carénage effectué, comme tu le voulais,
dit-elle en opinant du chef vers le bateau.
– Il était temps, on prenait du retard, remarqua-t-il en
inspectant le travail.
– Eh bien… on était occupés à être des pirates, à s’en-
richir, contra-t-elle.
– En parlant de ça, qu’est-ce que tu prévois d’en
faire ? l’interrogea-t-il avec un geste de sa chope en
direction des deux vaisseaux montaginois ancrés à
quelque distance du rivage. Tant qu’à y être, on pour-
rait leur mettre une couche de peinture et changer
les étendards. Je pourrais intensifier le recrutement à
notre prochain passage à Sylviette. Tu pourrais avoir ta
propre flotte, être une reine pirate à part entière.
– Tu parles d’une plaie, fit Marisol en grimaçant. Je
suis une pirate. Si je voulais être une bureaucrate, j’au-
rais fait carrière dans le commerce ou dans les affaires
d’État. Là, on pratique vraiment le vol.
– On demandera une rançon alors, gloussa-t-il. Ou on
les vendra à une autre marine. Cela dit, faudra qu’on se
tienne à carreau un moment, histoire de laisser la pous-
sière retomber après notre dernier exploit. À cause de
nous, les Montaginois ont perdu trois vaisseaux, sans
compter l’or et la cargaison de leur brick. Ils ne risquent
pas de nous oublier.
– Peut-être, peut-être pas. »
Marisol persista à sourire innocemment jusqu’à ce que
Jones cède.
« Qu’est-ce que tu as fait ?
– J’ai donné ordre de baisser pavillon avant la bataille.
Ensuite, pendant que les équipages montaginois se fais-
aient ligoter et rassembler sur Le Faucon, il se peut que
j’aie traîné par-ci par-là et aie laissé entendre le nom de
Calder avec une légère insistance. Il est possible qu’ils
aient cru n’avoir affaire qu’à un seul équipage.
– Ce qui veut dire que l’entièreté de la marine montag-
inoise en a maintenant après Le Corbeau de Calder ?
– Et tu sais qu’il ne sait pas se tenir tranquille. Je pense
que d’ici une semaine environ, on sera bons.
– Et tu sais qu’il ne sait pas se tenir tranquille. Je pense
que d’ici une semaine environ, on sera bons.
– Je dois dire que je le plains presque, remarqua Jones
d’un ton absolument dénué de remords.
– Que veux-tu, en amour comme en piraterie, tous les
coups sont permis. »
Introduction

7E MER NATIONS PIRATES 13

 Bienvenue à bord !
Hardi moussaillon ! Bienvenue dans Nations pirates.
Vous trouverez au sein de ce livre toutes les informations
dont vous aurez besoin pour naviguer sur la mer Atabéenne,
vous joindre à la Résistance numanari, acquérir des
tatouages magiques, lutter pour la libération de la Jaragua
contre la malfaisante Compagnie commerciale atabéenne et,
bien sûr, parcourir les Sept Mers en tant que pirate.
La liberté et les Nations pirates
Pour les Numanaris, Rahuris, Jaraguiens, Aragostains,
Boucaniers et autres pirates de tous poils, la liberté est le
mot d’ordre. La plupart de ces Nations ont, de haute lutte,
arraché leur liberté à des dirigeants cruels et dominateurs.
La volonté de liberté collective des pirates s’est forgée en
réaction à l’impérialisme du Croissant, des empires castil-
lians et montaginois ainsi que de la Compagnie commer-
ciale atabéenne. Pour tout marin, tout équipage pirate, son
bateau est plus qu’un symbole de cette liberté, c’est une
Nation à part entière.
Sur les Sept Mers, être pirate signifie être libre de tout
carcan. On ne peut contrôler la mer, quand bien même
certaines Nations s’y essaient. En mer, les pirates adhèrent
librement à des accords connus sous le nom de « chartes »,
lesquels visent à leur soutien et à leur enrichissement
mutuels. Il y a peu, la Fraternité de la côte est allée encore
plus loin en instaurant une innovation qui lie entre eux
leurs vaisseaux disparates. Chaque navire est désormais un
État au sein de la grande Nation pirate et chaque capitaine
a une voix au Conseil des capitaines.
Les liens qui unissent
La Fraternité de la Côte et les Boucaniers, de même que
tout pirate indépendant, ne voient pas leur Nation comme
un territoire mais comme un rassemblement d’hommes et
de femmes unis dans l’optique de garantir leur liberté. Ils
ont mis au point des chartes unitaires visant à se diriger
eux-mêmes, afin de remplacer les oppresseurs qu’ils ont
renversés au cours de rébellions et de soulèvements, dans le
but de garantir leur propre liberté face au reste du monde
et des autres gouvernements.
Or, une telle liberté est un affront envers les puissances
qui souhaitent voir les hommes et femmes libres soumis
au carcan de la tyrannie. Qu’il s’agisse d’agents du pouvoir
royal théan ou de sbires de la Compagnie commerciale
atabéenne, il en est qui ne veulent rien tant que voir ces
Nations naissantes péricliter et s’effondrer. Plus que jamais,
elles ont donc besoin que des Héros les protègent.
14 Introduction
Les Nations pirates
Le présent volume introduit six nouvelles factions en
plus de celles du Livre de base. Remarquez que toutes
ne sont pas des Nations. Il s’agit de :
• La Numa : cette Nation insulaire, lieu de naissance
de la démocratie et de légendes héroïques, est l’un
des berceaux de la civilisation théane. Aujourd’hui,
les nobles numanaris luttent pour leur indépen-
dance face aux invasions de l’Empire du Croissant et
aux machinations des Princes marchands vodaccis.
• La Bucca : cette île au large de la côte castilliane
était jadis la prison théane ultime, jusqu’à ce que
ceux qui se font appeler les Boucaniers renversent
leurs geôliers. Aidés d’un soupçon de chance (peut-
être pas si accidentel), ils ont conquis leur liberté en
tant que nouvelle Nation neutre.
• La mer Atabéenne : la mer Atabéenne, ou mer des
Monstres, est la demeure du peuple rahuri et des
monstres marins gigantesques qui rôdent dans ses
profondeurs. Les Rahuris vivaient auparavant sur
le continent Aztlan, mais ils sont depuis devenus
des marins émérites qui voguent d’île en île à bord
de leurs navires rapides et agiles.
• La République des pirates : Aragosta ! Capitale
de la Société secrète nommée la Fraternité de
la côte, ce lieu est aussi un sanctuaire pour des
milliers d’équipages pirates indépendants et leurs
navires. Ils y sont libres de régler leurs comptes,
de parier, de se saouler et peut-être de passer sous
les aiguilles magiques de Madame Wenshen dont
les tatouages enchantés confèrent des aptitudes
inhumaines.
• Jaragua : cette colonie montaginoise sur le déclin
connut un nouvel essor lorsque la Compagnie
commerciale atabéenne y introduisit l’esclavage.
Mais les esclaves et les Mawons de Jaragua ont
brisé leurs chaînes : ils contrôlent aujourd’hui la
moitié de leur île, qu’il leur revient désormais de
gouverner.
• La Compagnie commerciale atabéenne  : la
Compagnie commerciale atabéenne était à l’ori-
gine une entreprise de transport d’origine vendelar
et avalonienne, jusqu’à ce que sa soif effrénée de
profits la pousse à se chercher un nouveau terri-
toire. Elle a établi un immense réseau clandestin
de trafic d’esclaves entre l’Ifri et la mer Atabéenne
pour financer son empire économique.
La magie de la mer Atabéenne
Hors des frontières de Théah, des magies secrètes flottent
entre les vagues et le vent. Ce livre détaille six formes
de magies nouvelles et puissantes qui n’attendent que
vos Héros :
• La magie des chartes : les pirates sont unis par
une Sorcellerie unique en son genre. Il suffit d’un
peu de sang, d’une signature et de quelques mots
prononcés au-dessus d’un feu.
• Les dons de Jonah le Diable : l’antique pirate
mort-vivant connu sous le nom de Jonah le Diable
hante les océans à la recherche de membres de
marins pour lever sa terrible malédiction. Qui
peut supporter de se trancher le bras, la main ou
le pied, ou encore de s’arracher l’œil pour ensuite
jeter sa sinistre offrande à la mer, se verra récom-
pensé d’un don. Un bien sombre don.
• Kap sèvi : la puissante religion des Jaraguiens
effraie et mystifie la plupart des Théans. Les
Jaraguiens consacrent de longues heures à prier
d’anciens esprits au cours de rituels complexes
dans l’espoir de s’attirer leur faveur. Celui qui
échoue doit en payer le prix.
• Mohwoo  : si vous pouvez trouver Aragosta,
que vous en avez les moyens et que vous pouvez
supporter la pointe des aiguilles d’un huajia, vous
pourrez acquérir un tatouage qui vous conférera
des capacités inhumaines.
• Mystírios : la magie de la Numa. Joignez-vous aux
cultes à mystères des anciens dieux numanaris,
apprenez leurs secrets et héritez des pouvoirs de
légendes ancestrales.
• Soryana : les ancêtres des Rahuris ne vont pas
loin lorsqu’ils meurent. Ils vont de « l’autre côté
de l’île », ou Soryana. S’il vous faut de l’aide pour
une tâche difficile ou que vous avez besoin de
la sagesse et des conseils de vos ancêtres, vous
pouvez vous rendre au Pays des morts, de l’autre
côté de l’île, et vous entretenir avec votre arrière-
grand-oncle Majagua, voire requérir sa présence
afin qu’il vous aide à chasser un monstre marin
particulièrement coriace.
PIRATES HÉROÏQUES ET
PIRATES HISTORIQUES
7e Mer est un jeu de rôle de cape et d’épée où
les joueurs incarnent des personnages héroïques.
Or, historiquement, les activités des pirates telles
que nous les connaissons apparaissent clairement
comme illicites, illégales et, au mieux, morale-
ment discutables.
Dans ce jeu et dans le présent ouvrage, le parti
pris est que tout pirate peut également être
un héros de cape et d’épée. Pour comprendre
cette mentalité, réfléchissez au genre de cape et
d’épée. Peter Blood, le héros pirate de Capitaine
Blood, ne s’en prend qu’à ses ennemis avoués :
ceux qui l’ont réduit, lui et son équipage, en
esclavage, et ceux qui cherchent de nouveau à
l’asservir ou à le supprimer.
Les pirates en général se rient des lois des
Nations, mais les pirates héroïques, eux, croient
en la justice et en la liberté pour tous les peuples.
Des pirates scélérats existent également et
sont présents dans ce livre. Leur préoccupation
pour la justice et la liberté ne va pas plus loin
qu’eux-mêmes.
Votre pirate fera-t-il usage de sa liberté
pour aider autrui à trouver la sienne ou pour
soumettre les faibles et se remplir les poches ?
Larguez les amarres !
Et maintenant, il est temps de lever l’ancre, de hisser la
grand-voile et de partir à l’aventure en haute mer ! Si vous
voulez vous lancer sans attendre dans la création de votre
Héros pirate, allez directement au Chapitre 2 : La vie
d’un pirate !
Si vous voulez au préalable vous renseigner au sujet
des différentes Nations pirates, commencez par le
Chapitre 1 : Ports d’escale où vous en apprendrez plus
sur ces Nations naissantes, leurs convictions politiques,
leurs figures éminentes et leurs conflits. Vous y trouverez
largement de quoi occuper un équipage entreprenant tout
le long de son existence.
7E MER NATIONS PIRATES 15
Chapitre 1
Ports d’escale
 Ports d’escale
L’attrait des lieux exotiques, de la gastronomie et des
peuplades étrangères alimente la fiction navale depuis
la Grèce antique, et cette même attraction s’exerce sur
les Héros théans : pourquoi se contenter des Sept Mers
quand il y a tout un monde à explorer ? Pourquoi se casser
le dos à biner la terre en Ussura quand une cargaison issue
de terres lointaines peut vous enrichir au-delà de vos rêves
les plus fous ?
Ce chapitre détaille cinq nouveaux lieux grands ouverts
à vos Héros, bien au-delà de l’influence de la Théah conti-
nentale. Certains se trouvent au sud de la Théah, non loin
de l’Empire du Croissant, d’autres se situent plus loin à
l’ouest, dans les eaux du Nouveau Monde qui accueillent
tout et tout le monde. Tous ont des secrets à découvrir.
Des secrets, mais aussi des trésors, des monstres, des
Scélérats, des aventures… et des pirates.
La Numa
La Numa est le berceau de la civilisation théane, terre de
l’Ancienne République et de l’Ancien Empire. C’est un lieu
où les légendes ne meurent jamais. Les Théans peuvent
penser connaître la Numa, mais cette contrée ancestrale
recèle encore bien des secrets. Pendant des siècles, la
Numa a été en lutte armée contre les pouvoirs étrangers
qui convoitaient ses ports avantageux, mais récemment,
les Numanaris ont arraché une fois pour toutes leur pays
à ceux qui prétendaient contrôler sa destinée. Désormais
libérée de toute assise étrangère, la Numa se bat pour
conserver son indépendance chèrement acquise. Une vraie
Nation pirate.
La Bucca
De l’une des plus anciennes civilisations, passons à l’une
des plus récentes. Par-delà l’océan, loin de la Théah, l’ex-
prison insulaire de La Bucca se demande si elle est bien
une Nation. Refuge de voleurs, de pirates et de vauriens,
La Bucca garantit à tous la liberté. Dirigée par l’énigme
vivante qui se fait appeler « Allende », La Bucca a l’op-
portunité de devenir le flambeau radiant de la liberté qui
éclairera les mers. Mais elle pourrait aussi tomber aux
mains de Scélérats et devenir un antre du mal.
18 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
La mer Atabéenne
Plus loin encore à l’ouest, on trouve la mer Atabéenne
et le peuple des Rahuris. Ce dernier doit composer avec
deux forces puissantes : les monstres qui rôdent sous les
vagues et les esprits des morts « de l’autre côté de l’île ».
Les Rahuris chassent les monstres et font affaire avec le
Roi des morts pour obtenir la permission de ramener
leurs ancêtres pour quelques heures, voire quelques jours.
Traquer des monstres aux côtés des esprits de vos ancêtres,
main dans la main, tel est le mode de vie des Rahuris.
Aragosta
Aragosta est une île fondée par un fou qui se croyait pirate
et espérait instaurer une Nation d’hommes et de femmes
libres liés par des accords et non par des dieux ou des rois.
Parfois, un fou a le courage de faire ce qu’un sage n’oserait.
Aragosta n’est pas un paradis, mais c’est un pays libre,
sans Église ou couronne. Seuls comptent les accords que
contractent entre eux les marins. Naturellement, le prix à
payer pour fonder ce lieu fut élevé… et il exigea du sang.
La Jaragua
La jeune Nation de Jaragua subissait auparavant le règne
de terreur de Scélérats théans, mais son soulèvement
a ramené la liberté à ses îles. Comme les Rahuris, les
Jaraguayens parlent aux esprits, mais de façon bien diffé-
rente. Et comme les Boucaniers, ils sont aussi en passe de
devenir une grande Nation insulaire. Mais de nombreuses
forces se disputent la destinée de la Jaragua et cherchent à
la contrôler. Il reviendra à quelques personnes d’exception
de décider du sort de son peuple.
La Compagnie commerciale atabéenne
Et enfin, de vrais Scélérats ! La Compagnie commerciale
atabéenne, aussi appelée « la CCA » ou simplement « la
Compagnie », aspire à contrôler les océans de la Théah et
au-delà depuis maintenant bien des années. Ils pratiquent
une politique de terreur, de violence et d’esclavagisme. Ils
ne servent aucune couronne ni aucun maître, seulement
leur propre cause ignoble.
Voici ce que sont les Nations pirates ; des factions dont le
sort est en équilibre précaire. Héros et Scélérats cherchent
à les contrôler. Comment se manifestera leur destinée
entre vos mains ?
La Numa
7E MER NATIONS PIRATES 19

« C’est ici que sont nées la vérité, la bravoure et la vertu. Elles ne sont jamais parties. »
— Bengüsu Zabat, historien numanari
Le berceau de la civilisation (du moins aux yeux des
Théans) est un groupement d’archipels et d’îles. Il est situé
au sud et à l’est de la Fédération, au nord et à l’ouest de
l’Empire du Croissant, non loin du continent méridional
que certains nomment l’Alkebulan (et d’autres l’Ifri). Son
nom, qui est aussi celui de la mer qui l’entoure, résonne à
travers la Théah.
La Numa.
Terre de l’ancienne République numanari, terre de héros
et de mythes, lieu de naissance de la logique, de la raison
et de la science. Ce simple nom résonne de l’ensemble de
l’histoire humaine.
Mais c’était il y a longtemps.
La Numa que les universités et les écoles théanes portent
aux nues était le fruit d’une ère de légendes et de monstres,
une ère de philosophie magistrale qui planta les germes
d’une conception moderne de l’étude scientifique à travers
le monde connu. D’aucuns affirment que le monde serait
resté dans les ténèbres sans les Numanaris.
La Numa actuelle est bien différente. Les Îles ont été
20 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
La Numa
le théâtre d’innombrables conflits à travers les siècles.
Plusieurs Nations se sont disputées la mainmise sur ses
archipels et ses détroits. La Numa est un carrefour straté-
gique entre trois grandes puissances : la Théah, l’Empire
du Croissant et l’Ifri. Chacune souhaite s’approprier la
Numa, autant pour ce qu’elle symbolise que pour l’intérêt
militaire et économique que ses Îles représentent.
Une quatrième puissance, la Numa elle-même, s’est
battue pour sa souveraineté, versant le sang de quiconque
se targuait de pouvoir conduire sa destinée. Pendant des
siècles, les îles Numanaris ont combattu leurs envahis-
seurs, tantôt célébrant leur victoire, tantôt acceptant leur
défaite. Mais nulle force d’occupation ne subsiste long-
temps sur les Îles. Tôt ou tard, elle se voit chassée, que ce
soit par une autre Nation venue la supplanter ou par les
Numanaris eux-mêmes.
Et que nul ne s’y trompe : la Numa n’a de comptes à
rendre qu’à elle-même. Elle est une idée autant qu’un pays,
un rêve autant qu’une Nation.
La Numa aujourd’hui
Lors de chaque occupation, la Nation victorieuse imposa
sa culture à la Numa. Prenez une cité numanari quel-
conque : d’un côté, des bâtiments d’architecture Vodacci,
et juste en face, des minarets du Croissant qui se dressent
vers le ciel. La mode vestimentaire varie de quartier en
quartier, et les marchands arborent des habits de bien des
Nations différentes.
Mais il en est aussi qui ont envahi la Numa et, inspirés
par son peuple, ont choisi de rester et de se battre pour
cette Nation. Au fil des siècles, cela a changé le visage
de la Numa… et de ses résidents. Les natifs de Numa
ont la peau olivâtre et les cheveux sombres, mais avec le
brassage des ethnies, on peut trouver des Numanaris à la
peau blanche et aux cheveux blonds, à la peau noire et aux
cheveux noirs, et des mélanges de toutes ces caractéris-
tiques. Leurs couleurs, leurs convictions, leurs croyances
diffèrent, mais tous sont numanaris. D’autres Nations
peuvent posséder une population diversifiée, mais les
Numanaris sont le seul peuple uniquement lié par un
esprit commun.
La Lumière de la Numa
À la suite des dernières révolutions, quelques meneurs
forts sont montés au pouvoir. Chacun espérait revendiquer
le droit d’unir la Numa, mais ils se retrouvèrent dans une
impasse. Ces « rois et reines » savent qu’ils ne peuvent
se battre les uns contre les autres, car leurs voisins profi-
teraient de ces luttes internes pour reprendre le contrôle
des Îles. Et pourtant, ils doivent se battre, car ce n’est que
par la conquête et la lutte que se mesure la valeur d’un
monarque numanari.
«  Nous sommes la Numa.  » est une phrase que l’on
entend de par les Îles, en Théah et à travers le monde. Être
un Numanari signifie avoir l’âme baignée d’une lumière
particulière, d’un courage et d’une vertu uniques en leur
genre. Les Numanaris croient en la liberté et au droit
de se battre pour elle. Ils croient en quelque chose qu’ils
nomment la kleos ou « gloire incorruptible ». Un exploit
ne se suffit pas à lui-même ; un acte courageux ne signifie
rien si d’autres n’en sont pas témoins.
Les Numanaris n’ont pas la même idée d’« identité natio-
nale » que les Théans. Pour eux, ce feu, cette Lumière de
la Numa, est en tout homme et toute femme, peu importe
son origine. Un Eisenör peut avoir la kleos, tout comme
un Avalonien ou un Ussuran. Certains la reconnaissent en
eux-mêmes, d’autres non. Mais une fois qu’on la perçoit,
on la voit partout.
La révolution
Il y a tout juste cinq ans, l’Empire du Croissant et la
Vodacce se disputaient le contrôle des îles Numanaris
tandis que la Fédération sarmatienne cherchait comment
s’en tailler une part. Ces trois Nations exploitaient le pays,
mais les Numanaris s’unirent discrètement pour une cause
commune : libérer la Numa. Deux de ces pays s’entre-
déchiraient tandis que le troisième menaçait. Les
Numanaris tenaient leur opportunité.
Menée par Küçük Metaxas, un capitaine de bateau qui
avait perdu son bras en mer et s’était reconverti en sérici-
culteur, la révolution s’étendit rapidement à travers les Îles.
Ses discours sur la fierté, l’honneur et le courage donnèrent
naissance à un rêve commun : celui d’une Numa unie.
Pour les Vodaccis, il revenait à l’Empire du Croissant
de mater cette révolte. Lorsque les commandants du
Croissant désertèrent, les Vodaccis se retrouvèrent pris
de court par les Numanaris unis. Au bout de six mois à
peine, les forces d’occupation furent boutées hors des Îles
désormais unies pour la première fois depuis des siècles.
En voyant avec quelle rapidité les Numanaris s’étaient
défaits de l’Empire du Croissant et de la Vodacce, la
Fédération entama immédiatement des pourparlers
dans l’espoir d’établir des voies de commerce prospères.
Les Sarmatiens devinrent les premiers ambassadeurs
auprès de la nouvelle Nation et la Fédération se fit son
premier partisan. Pour bien des Sarmatiens, la Numa est
la onzième Nation à s’élever dans l’ère théane moderne.
Elle est aussi une inspiration pour tout Théan qui espère
qu’une démocratie s’instaurera un jour chez lui.
Depuis la révolution, l’Empire du Croissant aussi bien
que la Vodacce ont tenté de réinvestir les Îles et d’en
reprendre le contrôle. Ces tentatives se sont toujours
soldées par des échecs  ; des échecs retentissants. Les
Numanaris ont démontré leur solidarité par le sang, l’acier
et le courage.
La Numa reste cependant dans un état épouvantable :
des forces opposées s’y livrent une étrange guerre, s’effor-
çant de prendre l’ascendant tout en empêchant toute puis-
sance étrangère d’y parvenir. Il ne s’agit pas d’une guerre
ouverte mais d’un conflit feutré. Chaque dirigeant essaie
de saper le pouvoir de ses ennemis, non pas par des assauts
directs mais en sapant subtilement leurs forces vives. Qu’il
s’agisse de voler leurs cargaisons, de brûler leurs champs,
de corrompre leurs fonctionnaires ou d’assaillir leurs alliés,
tous les moyens sont bons. Tous n’en font cependant pas
usage. Certains se raccrochent encore à l’idée que la vertu
l’emportera. Difficile de gagner une guerre lorsque les deux
camps n’obéissent pas aux mêmes règles.
7E MER NATIONS PIRATES 21
 Le peuple et armes jamais vus. Le dur labeur est honorable. Ceux
qui prétendent le contraire ne comprennent pas la
D’un regard, on peut constater une absence de « traits
gloire incorruptible.
communs » entre les Numanaris : les rues sont remplies
Sans les haimons, le pays serait sans défense. Sans les
de visages, de langues et de croyances différentes. Les Îles
ergeins, il serait sans valeur. À chacun d’accomplir son
sont peuplées d’hommes et de femmes du monde entier,
devoir pour la Numa, avec honneur.
unis par une identité commune, une idée commune.
« Nous sommes la Numa. »
Toutes ces cultures divergentes se sont reconnues et
Habitudes vestimentaires
La mode numanari est un pot-pourri de multiples cultures.
acceptées en tant que telles pour finir par ne plus faire
On y trouve des robes de l’Empire du Croissant, des épées
qu’une. On peut trouver des temples et des églises dédiés à
vodaccis, des lances ifriennes, des plastrons eisenörs, des
bien des dieux. Certains Numanaris s’accommodent même
pantalons avaloniens… le tout issu des quatre coins de
de plusieurs dieux. On peut voir untel rendre grâce dans
la Théah.
une église vaticine un jour et danser autour d’un feu en un
Lorsqu’ils officient, les sénateurs portent l’habit tradi-
rituel païen le lendemain. Le polythéisme est répandu dans
tionnel numanari, un himation (toge) dont la blancheur
les Îles. Être un Numanari solidaire implique d’accepter
clame leur « pureté d’esprit ». D’autres la portent égale-
la foi de ses frères et sœurs, et donc de participer à leurs
ment dans l’exercice de leurs fonctions pour revendiquer
rituels religieux avec zèle et enthousiasme.
leur honneur et leur pureté.
Tout étranger inspiré par la récente indépendance de la
Sous la domination de l’Empire du Croissant, les
Numa sera d’abord accueilli avec un grain de scepticisme,
Numanaris étaient soumis à des lois qui régulaient ce
mais s’il fait ses preuves en se consacrant à corps et cœur
qu’ils pouvaient porter et quand ils devaient le porter.
perdu à rebâtir la Nation, cette méfiance s’évanouira. Ceux
Quoi qu’ils aient acquis leur liberté et levé ces restrictions,
qui s’investissent sans réserve pour la Numa sont récom-
les Numanaris préfèrent s’habiller de façon simple et utili-
pensés avec générosité et camaraderie. À ceux qui donnent
taire plutôt qu’avec extravagance.
à la Numa, la Numa rend.

Strates sociales Alimentation

La cuisine numanari est célèbre dans la Théah méridio-
Les Numanaris ont deux castes distinctes : les guerriers et
nale pour ses olives, ses concombres, ses haricots et ses
les non-guerriers. Tout Numanari choisit sa caste. Certains
vinaigres. La demande théane en épices est satisfaite par
sont nés pour être des guerriers, d’autres des fermiers. Et
les exportations depuis les Îles, qui comprennent poivre,
tous aspirent à la gloire incorruptible, à leur manière.
thym, origan, coriandre et persil.
Lorsqu’un enfant atteint l’âge de neuf ans (quoique cela
Le souvla et le souvlaki comptent parmi les plats à base de
puisse se faire dès sept ans), ses parents le conduisent
viande les plus populaires des Îles, et consistent tous deux
auprès d’un Oracle, lequel s’entretient avec l’enfant en une
en des assortiments de viandes rôties à la broche, sur le feu.
cérémonie privée. À la conclusion de l’entretien, l’enfant
Les marins théans qui ont visité la Numa se prennent à
décide de sa destinée : mesurant ce qu’il sait de lui-même
rêver de tels mets, et certains ont proposé aux Numanaris
à l’aune de ce que l’Oracle lui a appris, il choisit de devenir
des fortunes en échange de leurs recettes secrètes. Jusqu’ici,
un haimon ou un ergein.
la confidentialité est restée de mise.
Les haimons se forment à devenir les meilleurs guerriers
Mais la véritable spécialité numanari que les Théans
possibles. Dès l’instant où ils choisissent d’intégrer cette
s’arrachent est la menthe. Pour le moment exclusive à la
caste, ils n’apprennent qu’à se battre, que ce soit à la lance,
Numa, cette petite plante est l’ingrédient magique de la
au bouclier, à l’épée ou à mains nues.
cuisine numanari. Les Théans continentaux n’ont trouvé
Les ergeins, quant à eux, sont des travailleurs. Ils sont
aucun moyen d’en faire pousser hors des îles Numanaris…
cultivateurs, viticulteurs, comptables, bref ils entretiennent
mais ils s’y emploient. Peut-être un jour y parviendront-ils.
la Nation. Mais qu’on ne les prenne pas pour de vulgaires
et misérables paysans. Ils restent des Numanaris. Un
fermier numanari sera fier de son travail et s’efforcera
de devenir le plus grand fermier des Îles. Un forgeron
numanari s’efforcera de produire les meilleurs outils

22 CHAPITRE 1 | Ports d'escale

La kleos
S’il est un mot qui englobe le caractère de la Numa, c’est la
kleos. Dérivée du mot numanari signifiant « écouter », elle
représente non seulement la réputation d’un Numanari,
mais aussi ses hauts faits. Il s’agit de ce que les autres
savent de lui. La kleos d’un Numanari est tout pour lui.
S’il a ne serait-ce qu’un accroc à sa réputation, il doit y
remédier, et vite.
Il en va de la kleos comme de l’himation  : chacun
peut voir en toute évidence s’il est pur ou entaché. Pour
débarrasser un himation d’une tache, il faut le nettoyer
vigoureusement, et cela s’applique aussi à la kleos. Une
réputation entachée doit être lavée. L’honneur doit être
restauré par un acte de courage.
L’agoge
L’agoge est une méthode de formation guerrière originaire
de la polis de Lakedaimon (se prononce «  la-ké-da-i-
monne »). Depuis la reconquête des Îles, elle a gagné en
popularité dans toute la Nation et s’est plus ou moins
répandue à travers les îles. On trouve des académies
d’agoge dans bien des cités et des îles, quand bien même
les meilleures restent celles de l’île de Lakedaimon. On a
vu des rois et reines recruter des instructeurs d’agoge dans
l’intention expresse de fonder une nouvelle académie et d’y
former des guerriers.

Face publique et face privée

Bien des étrangers trouvent les Numanaris orgueilleux,
arrogants et hautains. Il s’agit de leur face publique, celle
qu’ils arborent hors de chez eux. Chez soi, parmi sa famille
et ses amis, cet abord change : la face privée, plus nuancée
et introspective, émerge.
La face publique d’un Numanari doit être empreinte de
superbe et d’esbroufe. Il doit clamer haut et fort ce qu’il a
accompli et se vanter de grands exploits. Il doit revendi-
quer la grandeur de ses ancêtres et les terribles ennemis
qu’il a terrassés. Il doit énoncer les problèmes auxquels
la Numa fait face et clamer la façon dont il les résoudra,
à la force de ses actes et de sa volonté. En cela, il nourrit
sa kleos.
Mais entouré de sa famille et de ses amis, un Numanari
servira sa kleos en étant plus réfléchi et posé. D’ailleurs,
bien des Numanaris ont un nom privé, intime, connu
uniquement d’un cercle d’amis restreint. Parfois, de façon
fugace, un Numanari pourra afficher sa face privée en
public pour montrer sa sincérité, mais de tels étalages
d’émotion restent rares.
Ceux qui affichent leur face privée trop souvent sont
perçus comme incultes et indécents. Par exemple, les
comportements émotifs étant l’apanage de la face privée,
un Numanari ne pleurera pas en public. Mais si un séna-
teur verse une larme aux obsèques d’un ami ou se cache le
visage pour dissimuler son émotion, tout Numanari inter-
prétera cela comme un écart sincère ; un instant où son
émoi était si fort qu’il n’a pu maintenir sa face publique.
Mais si un sénateur ponctue constamment ses discours de
larmes, il sera perçu comme manipulateur et sa sincérité
sera remise en doute.

7E MER NATIONS PIRATES 23

 CHASSE, VOLE OU MEURS
Au cours de leur entraînement, les étudiants
sont mal nourris afin d’entretenir leur faim. On
leur indique également l’endroit où la nourriture
est gardée et surveillée jour et nuit. La règle est
la suivante : « Vous pouvez garder tout ce que
vous volez, mais si vous vous faites attraper,
vous serez puni. » Les enfants apprennent ainsi
à être furtifs en condition réelle.
On leur inculque également des rudiments
de chasse, la règle étant que « Vous pouvez
garder tout ce que vous tuez. » Là encore,
à force d’être affamés, les étudiants sont
forcés d’apprendre à chasser leur nourriture.
Rapidement, ils réalisent aussi que ne ramener
assez de nourriture que pour eux-mêmes leur
vaudra l’hostilité de leurs camarades. L’intérêt
d’apporter suffisamment à manger pour tout le
groupe entretient la camaraderie.
Académies d’agoge
L’agoge est une discipline rigoureuse, rude, violente et
exigeante. Des enfants de cinq à huit ans sont envoyés dans
ces académies par leurs parents pour y apprendre l’art mili-
taire, la furtivité, le maniement des armes et la tolérance à
la douleur. Ceux qui ne peuvent supporter l’entraînement
sont renvoyés, quoique sans disgrâce ou déshonneur : un
étudiant capable de tenir ne serait-ce que le terrible et
éprouvant premier jour aura déjà démontré sa conviction
et son courage.
L’agoge enseigne non seulement l’art militaire, mais
également le chant, la danse, l’art oratoire, l’art courtois
et l’histoire. Les académies ne forment pas seulement des
guerriers mais des êtres humains pleinement aptes. Ceux
qui supportent jusqu’au bout l’entraînement (généralement
d’une durée de cinq ans) comptent parmi les guerriers les
plus disciplinés de toute la Théah, formés à un seul et
unique but : défendre la Numa de ses ennemis.
Sous l’occupation, ces académies furent déclarées hors-
la-loi par l’Empire du Croissant, ce qui ne les empêcha pas
de continuer à enseigner. Des générations entières d’en-
fants furent formées à libérer la Numa de ses bourreaux.
Lorsque vint l’heure, ils se soulevèrent et éradiquèrent ceux
qui avaient prétendu arracher la Numa aux Numanaris.
L’agoge est répandue parmi les Numanaris, mais le
niveau de discipline varie selon les îles. L’académie de
Lakedaimon est la plus rigoureuse et, loin derrière, les
autres se disputent la seconde place.
24 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Arts et musique
La musique numanari est un mélange varié de toutes
les cultures présentes sur les îles. L’instrument le plus
populaire est le baglamas, aussi connu sous le nom de
luth numanari. Portable et polyvalent, cet instrument est
devenu le symbole des aoidoi (« aoidos » au singulier), les
bardes professionnels numanaris. Les aoidoi cultivent une
excellente mémoire et sont capables de réciter sans erreur
poèmes épiques et longues histoires.
Mais pour les aoidoi, la musique numanari ne se limite
pas aux récits comiques ou tragiques de la Numa. Les
aoidoi s’approprient les légendes et mythes du monde
entier, ce qui fait d’eux des conteurs parmi les plus éclec-
tiques qui soient. Il est dit que dans la bouche d’un aoidos,
une histoire prend véritablement vie, comme si toute
autre version ne pouvait qu’en refléter imparfaitement
la grandeur.
Noms
Les Numanaris de souche portent des noms aussi vieux
que le monde, inspirés de grands héros légendaires.
Typiquement, le patronyme d’un Numanari est constitué
de son prénom et du nom de l’île ou de la ville où il est né,
ce qui donne des noms tels qu’Alexis Volos, Eustorgios
Thebai ou Ireneus Iraklion.
Ceux qui adhèrent à la cause des Îles adoptent un nom
numanari en plus ou en remplacement de leur nom d’ori-
gine, afin d’afficher leur héritage adoptif. On peut ainsi
trouver des noms tels que Lysander Baum, Lysistrata
Förstner ou Myrrine Donahue. Les Numanaris voient
généralement d’un mauvais œil ceux qui adaptent
prématurément leur nom : pour eux, de tels insolents se
contentent de mettre le pied sur les Îles et de se proclamer
numanaris avant d’en avoir acquis le droit.
Noms masculins courants : Acacius, Agapetus, Andreas,
Basilius, Chares, Dareios, Epapharas, Heliodoros,
Hyakinthos, Kleisthenes, Leontius, Markus, Melanthios,
Nicanor, Nikostratos, Paramonos, Phaedrus, Paton,
Polykarpos, Solon, Sophos, Theocritus, Theodosius,
Timo, Zeno
Noms féminins courants : Agape, Agathe, Ambrosia,
Berenike, Charis, Corinna, Demeter, Elpis, Euthalia,
Galene, Helene, Isidora, Kallisto, Ligeia, Lysandra,
Lysistrata, Metrodora, Myrrine, Pelagia, Sophia,
Pherenike, Phile, Phoibe, Sappho, Sophia, Sostrate,
Theodora, Theodosia, Tryphaina, Xanthe, Zenais
Religion
La religion numanari, le Panthéon, est extrêmement
populaire dans les Îles. Lorsque les Numanaris évoquent
le Panthéon, ils le font avec conviction, comme si les dieux
et déesses pouvaient les entendre ; comme si ces déités
étaient omniprésentes, omniscientes, et même capables de
manipuler les événements.
Pourtant, pour les Numanaris, le Panthéon n’est pas tant
un ensemble d’entités (bien qu’il soit traité comme tel) que
de symboles de vérités. Et il n’y a rien qu’un Numanari
respecte davantage que la vérité. Ce n’est pas parce que les
dieux n’existent pas qu’ils ne sont pas réels.
Pour les Numanaris, les dieux du Panthéon sont des
éléments de la condition humaine. La déesse de la sagesse
comme celle de la guerre sont réelles, et résident dans le
cœur et l’esprit humains. Qui plus est, les Numanaris
croient que leurs dieux symbolisent des sens profonds
que le langage humain ne peut exprimer. Faire appel au
Panthéon signifie faire appel à ses ressources mentales et
physiques. Les dieux sont réels car ils sont incarnés en nous.
Hiereia et Mystai
Du temps de l’antique Numa, les hiereia (« hiereus » au
singulier) étaient des citoyens versés dans les rites et les
rituels divins consacrés. Aujourd’hui, les hiereia accom-
plissent toujours des rituels, mais selon un principe
différent. Au lieu de communiquer littéralement avec les
dieux, le hiereus se sert des rituels pour aider les dieux à
se manifester en chaque numanari.
Un temple numanari s’assimile davantage à un club privé
qu’à une église ouverte. Les Numanaris emploient le terme
mysterion ou « mystère », comme par exemple « J’ai connu le
mystère de Dithyrambos. » Pour assister à un mystère, tout
fidèle doit passer par un rituel initiatique conduit par les
hiereia qui lui enseigneront le système de symboles complexe
associé au dieu. Ces symboles recèlent des vérités trop consé-
quentes pour être contenues dans de simples mots.
Une fois initié, le fidèle porte le nom de mystai, « celui qui
a connu le mystère ». Le mystai est le plus souvent soumis
au secret. Les secrets des dieux ne peuvent être convena-
blement transmis que par le biais de rituels, et perdent
toute puissance et tout sens lorsqu’ils sont communiqués
par des moyens plus ordinaires.
Un Numanari choisit généralement de n’adhérer qu’à
un seul dieu, mais certains cherchent à comprendre les
mystères de plus d’une divinité. Un Numanari qui parvient
à maîtriser plusieurs mystères verra sa gloire s’accroître en
conséquence, mais il doit conserver un équilibre, car tout
aspect de la vie nécessite de faire preuve d’équilibre, même
le divin.
Zendio, Père des dieux
Les temples voués à Zendio sont rares. Pour les
Numanaris, le Père des dieux est une entité distante,
isolée sur sa grande montagne. Tous les autres dieux sont
ses enfants, nés de mères différentes. Selon les histoires
ancestrales, les humains sont aussi les enfants de Zendio,
quoiqu’indirectement. Le Père séduisit la déesse Terra qui,
lorsqu’elle se rendit compte qu’elle était enceinte, se réfugia
dans la terre, d’où l’humanité jaillit alors comme des fleurs.
Du fait de son tempérament ombrageux, les Numanaris
en appellent rarement à Zendio. Il hait l’humanité (ou
en tout cas, entretient avec elle des rapports ambigus) et
a plus tendance à maudire ceux qui font appel à lui qu’à
les bénir.
Les histoires au sujet de la haine du Père sont légen-
daires, qu’il s’agisse de villes accablées de malédictions arbi-
traires ou de générations entières d’impudents exterminées
par de redoutables fléaux. Cependant, certains prêtres
continuent d’allumer des feux discrets en l’honneur du
Père des dieux ; le Père lointain, comme ils l’appellent. Ils
évoquent un temps où Zendio ne haïssait pas tant l’hu-
manité. Selon eux, Zendio aimait jadis ses enfants à venir,
de même que sa déesse adorée entre toutes : Terra. À cette
époque, les dieux se disputaient souvent et Zendio espérait
que les enfants de Terra apporteraient paix et bonheur à
sa famille nombreuse.
Or, avant leur naissance, le dieu fit un rêve qui lui révéla
que ses enfants seraient des sources incessantes de tapage,
de désordre et de souffrance. Selon la légende, Zendio
hurla dans son sommeil, si bien que Terra le réveilla avant
qu’il ne puisse connaître la fin de son rêve. Les horreurs
auxquelles il avait assisté le mirent dans une rage terrible :
il menaça de cloîtrer les enfants de Terra, voire de les tuer.
Ce fut cette colère qui poussa Terra à fuir sur terre, et dès
l’instant où ses pieds touchèrent le sol, ses enfants furent
destinés à naître mortels. Terra ne revint jamais auprès de
Zendio, préférant arpenter le monde mortel pour protéger
ses enfants en secret.
À la conclusion de l’histoire, ayant perdu Terra, Zendio
sombre pour de bon dans l’aigreur et le désespoir qui
le tiennent depuis à l’écart du monde mortel. Certains
pensent que Zendio pourrait être ramené à de meilleurs
sentiments envers l’humanité, à condition de trouver
Terra et de la convaincre de revenir auprès de son amour
distant et ombrageux. Pour l’heure, les fidèles de Zendio
se montrent prudents et n’invoquent son nom que dans
les circonstances les plus désespérées, lorsqu’il devient
impératif de déchaîner sa juste fureur à l’encontre de la
tyrannie et des déprédations de l’humanité.
7E MER NATIONS PIRATES 25
 Dithyrambos, dieu de l’abondance
Dithyrambos est dépeint comme un beau jeune homme
dans la fleur de l’âge. Les récoltes sont son domaine de
prédilection, mais c’est également un grand amateur de
nourriture et de boisson. C’est lui qui a indiqué à l’hu-
manité de quoi se nourrir, comment planter et récolter
et comment faire du vin. Courroucé, Zendio punit
Dithyrambos en l’enchaînant à une grande pierre qu’il est
depuis condamné à pousser jusqu’en haut d’une colline
interminable. Lorsqu’il est à bout de forces, la pierre
l’écrase et le tue, l’enfonçant dans le sol. Chaque prin-
temps, il renaît, encore et toujours forcé de pousser la
même pierre.
Pour les initiés aux secrets de Dithyrambos, pousser la
pierre s’apparente au broyage du blé (dans le but d’en faire
de la farine) ou bien à celui de l’orge (dans un but plus
récréatif ). Sa quête annuelle semble indiquer qu’il est la
terre elle-même, travaillée et ensemencée par le fermier.
Il en va de même d’un champ que d’une âme humaine.
Il faut la débroussailler et l’entretenir de crainte qu’elle ne
pourrisse en friche. En d’autres termes, il faut toujours
faire en sorte de se renouveler. À défaut, on vieillit, s’épuise
et périt avant même l’heure de sa mort. Il faut célébrer
sans attendre, jouir et réfléchir, faire peau neuve. Cela vaut
pour toute chose naturelle : les saisons, les animaux… et
nous aussi.
Supati, déité du langage et de la magie
Supati est la définition même du mot versatile. Il apparaît
tantôt comme un homme, tantôt comme une femme, et
parfois comme un mélange des deux, ou encore aucun
des deux. C’est un roublard qui a habilement transmis ses
secrets à l’humanité, un par un. Dans des centaines d’his-
toires, Supati prend la forme d’un faucon, d’un serpent ou
même d’un mendiant lépreux pour accorder à des Héros le
don de la sagesse. Naturellement, Zendio s’y est toujours
opposé, mais allez attraper un dieu filou…
Les initiés aux secrets de Supati passent par une recons-
titution rituelle des châtiments qu’il reçut en punition
des dons qu’il prodigua à l’humanité. Le premier est la
chanson, le second le levier (qui peut soulever le monde)
et le troisième le langage. Chaque don s’accompagne d’une
pénitence, chacune plus dure que la précédente. Mais
Supati trouve toujours un moyen de s’y soustraire, soit par
une entourloupe, soit en la réinterprétant de sorte qu’elle
n’ait plus rien d’un châtiment.
26 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Potnia Agrotera, déesse
de la chasse et de la guerre
Potnia Agrotera et Theonoa Dianoia sont deux sœurs
jumelles fortement associées à la guerre. Theonoa Dianoia
est une stratège froide tandis que Potnia Agrotera vit pour
le combat et la violence. Theonoa Dianoia est la générale
qui commande de loin là où Potnia Agrotera est la guer-
rière qui se rue dans la mêlée pour s’y plonger corps et âme.
Potnia Agrotera est représentée comme une femme
aux cheveux d’un pourpre crépusculaire et au corps
couvert de tatouages. Elle se bat à l’épée et au bouclier,
ne prend que des femmes pour amantes, et son oiseau
sacré est le corbeau, cadeau de sa sœur. Les deux femmes
entretiennent une relation compliquée et tendue, parfois
aimante, parfois discordante, et parfois même hostile.
Ce fut d’ailleurs en se disputant une grande héroïne
qu’elles déclenchèrent la grande guerre entre Tyrian et
Lakedaimon, qui faillit mener les deux cités-États à leur
perte. Il s’agissait d’Hypatia, une puissante guerrière née
dans la nature et élevée par une louve. Là où Theonoa
espérait en faire une grande générale, Potnia la voulait
également, mais pour des motifs moins intellectuels.
Les sœurs se présentèrent à Hypatia. Celle-ci, tout en
sachant qu’elle serait perdue peu importe son choix, se
décida pour Theonoa. Potnia, furieuse, envoya ses armées
à Tyrian. Le siège dura dix ans et s’acheva par la déroute
des forces de Potnia qui, folle de rage, tua Hypatia de
ses propres mains et traîna ensuite son corps jusqu’à
Lakedaimon, suivie de Theonoa, éplorée.
Les initiés aux secrets de Potnia sont souvent mis dans le
rôle d’Hypatia et forcés de choisir entre les deux déesses.
Une fois le choix fait, une mise en scène s’ensuit au cours
de laquelle l’initié suit le parcours d’Hypatia pour finir
par être « tué » par Potnia, jeté dans un cercueil et traîné
à travers le temple, suivi de Theonoa en larmes.
Depuis l’intérieur du cercueil, l’initié entend Potnia
conclure un marché avec le dieu de la mort ; un pacte
secret absent des autres versions de l’histoire. Potnia
sacrifie son immortalité pour ressusciter Hypatia. Les
initiés apprennent ainsi que la déesse accepta d’aban-
donner ce qui lui était le plus sacré afin de ramener
Hypatia, lui transférant ainsi ses pouvoirs immortels. La
mortelle fonda l’actuelle lignée de Héros de Lakedaimon.
Son sang coule dans leurs veines… le sang d’une Héroïne
et l’âme d’une déesse.
 LES CADEAUX
Salacio, dieu de POUR SALACIO
l’outre-monde et de la mer Les marins qui font voile depuis un port numa-
Le paysage de la Numa est parsemé de temples érigés
nari font deux offrandes à Salacio avant de
sur de hautes falaises qui surplombent l’océan. Tous
gagner le large, chacun rendant hommage à sa
comprennent un porche au-dessus duquel sont gravés les
nature conflictuelle.
mots : « To télos periménei parakáto. » Dans les profon-
deurs, la fin attend. C’est par cette maxime que se saluent
les prêtres de Salacio, dieu de la mer et de l’outre-monde, Le premier est typiquement un poisson ou une
et par elle qu’ils entament leurs cantiques. Mères et marins brassée de roseaux issus d’une rivière, rappelant
la chuchotent, autant comme avertissement que pour en que le voyage entrepris l’est pour le bien de
appeler au pouvoir du dieu sur les profondeurs de la mer. tous, même ceux qui restent au foyer.
Salacio n’a pas toujours été à la fois le dieu de l’outre-
monde et de la mer. D’antiques histoires parlent d’une Le second cadeau est une relique mortuaire : des
autre déesse de l’outre-monde, une femme aux cheveux cendres, des os ou même des animaux sacrifiés
de ténèbres et aux yeux rouges pareils à des lacs de feu. dédiés au dieu des océans et de l’outre-monde.
Selon ces légendes, elle arpentait jadis librement la Numa,
pestilence ardente qui jaillissait du sol et brûlait tout ce Nul, pas même le plus audacieux des marins,
qu’elle touchait, traînant sa moisson d’âmes dans l’outre- n’oserait omettre de tels cadeaux. Dans les
monde, sans pitié ni hésitation.
marchés de Numa, on trouve souvent de tels
Mais un jour, cette déesse du nom d’Hecteba brûla
objets, appelés cadeaux pour Salacio. Cela
un village où vivait une femme que Zendio convoitait.
rappelle aux marins qu’ils feraient bien de
Zendio enragea et chargea les dieux de détruire Hecteba,
avec l’outre-monde comme récompense pour quiconque préparer leurs offrandes au dieu avant de quitter
la vaincrait. Chacun des dieux s’y essaya, mais finit par les îles et les détroits de Numa.
renoncer devant le pouvoir d’Hecteba… à l’exception
de Salacio qui en appela aux eaux de la mer pour noyer
la déesse. La bataille qui les opposa inonda des régions
Ceux qui sont indignes d’un tel honneur, ou qui ne
entières de la Numa et tua des milliers de fidèles, mais
peuvent s’offrir les services d’un passeur, sont incinérés sur
Hecteba fut vaincue.
de grands bûchers au bord d’un cours d’eau, dans lequel
Les prêtres de Salacio affirment qu’elle fut éradiquée,
leurs cendres sont ensuite répandues pour rejoindre la mer.
mais moult rumeurs prétendent qu’Hecteba existe
On dit que même sans cadeaux, les cœurs purs peuvent
toujours, scellée dans les ténèbres des abysses, dans
rejoindre l’outre-monde, mais une telle faveur est l’apanage
une prison conçue pour contenir sa rage ardente. Nul
de Salacio.
ne sait si Salacio détient la clé de son emprisonnement,
Salacio lui-même est un dieu mystérieux, profond comme
mais Zendio n’est pas du genre à récompenser les succès
les eaux et changeant comme la marée. Les richesses qu’il
partiels : si Salacio a vaincu Hecteba ainsi que le disent les
reçoit des morts qui pénètrent dans son royaume sont
légendes, il va de soi qu’il fut également celui qui trouva la
pour lui autant des marques d’apparat qu’un poids. Tantôt
cage pour la retenir.
calme, tantôt tumultueux, ses changements d’humeurs
Salacio hérita ainsi de l’outre-monde et fusionna ses
sont abrupts et violents. Toutefois, une fois qu’il a pris une
royaumes. Les rivières qui traversent l’essentiel de la
décision, rien ne peut s’opposer à lui. Il a comme agents les
Numa devinrent des passages menant jusqu’à la mer puis
gardiens des rivières, des esprits correspondant à chaque
à l’outre-monde. Les funérailles numanaris consistent à
cours d’eau de la Numa qui le servent en tant qu’émissaires.
placer le corps du disparu dans une grande barge dirigée
Les emblèmes de Salacio sont le trident, le dauphin et la
par des prêtres de Salacio nommés passeurs. Les passeurs
perche du passeur, gravée de sa devise. Du fait de la fusion
portent le bateau rempli de cadeaux et d’offrandes à
de ses royaumes et des cadeaux qu’il reçoit en échange d’un
contre-courant, jusqu’à un embranchement. Là, des
accueil dans l’outre-monde, Salacio est un dieu riche. Son
autels dédiés à Salacio servent de grandes tombes où sont
habitude d’exiger des offrandes est un avertissement pour
inhumés ceux qui peuvent se permettre de s’y offrir une
tout Numanari : ceux qui cherchent la richesse en veulent
place. Leurs âmes reposent ainsi dans ce que les prêtres toujours plus.
nomment les palais de Salacio.

7E MER NATIONS PIRATES 27

 Theonoa Dianoia, déesse
de l’industrie et de la sagesse
Le dieu Zendio engendra deux jumelles, lesquelles étaient
supposées être la lumière radieuse qui lui ramènerait son
bonheur. Terra, amour de Zendio, mère de l’humanité,
apprit leur naissance imminente et se glissa dans la
demeure des dieux afin de voir si elles rendraient à Zendio
son cœur bon d’autrefois.
La première enfant, Potnia Agrotera, naquit pleinement
formée de la rage de Zendio, déesse de la guerre et de
la chasse baignée de sang à la naissance. Lorsque Terra
vit Potnia, elle attrapa la seconde fille dès sa naissance
et emporta l’enfant loin de son père, les pieds toujours
couverts de terre humaine. Le toucher de la déesse
mortelle infecta l’enfant : Theonoa Dianoia naquit nour-
risson, forcée de lentement grandir jusqu’à l’âge adulte tout
en étant dotée de la connaissance d’une déesse dès sa venue
au monde.
Pour cette raison, Theonoa Dianoia est non seulement
une déesse de l’industrie et de la sagesse, mais aussi des
cycles. Elle naquit en tant que bébé, vieillit en l’espace de
plusieurs siècles, puis mourut en tant que vieillarde pour
renaître à nouveau. À chaque cycle, la sagesse de Theonoa
s’accroît, faisant d’elle une déesse froide et calculatrice, une
tacticienne qui comprend et planifie à long terme. À la
différence de sa sœur plus sauvage, les talents de Theonoa
sont la planification et l’organisation, même si ses aptitudes
martiales ne sont pas en reste.
Les représentations sculpturales de Theonoa la
dépeignent selon trois étapes de sa vie : le beau nour-
risson angélique, la guerrière élancée à la peau sombre et
la matriarche habillée de la vêture prestigieuse d’un sage
général, toujours dotée de sa fidèle lance et de son bouclier
rond, coiffée de son heaume de guerre décoré d’un magis-
tral plumet en plumes d’aigle.
La mort d’Hypatia aux mains de sa sœur Potnia fit
passer la relation des sœurs de tendue à mortelle. Theonoa
aimait auparavant sa sœur baignée de sang, mais la perte
insensée d’Hypatia et les souffrances futiles du peuple
de Tyrian poussèrent Theonoa à se retirer de la Numa,
son chagrin calcifié en une furie calculatrice. On a vu
bien des fidèles de Theonoa détruire des icônes de Potnia
Agrotera, tandis que d’autres, plus modérés, condamnent
la mentalité guerrière effrénée de ses disciples. Les fidèles
de Theonoa portent la lance et le bouclier, comme leur
déesse, et se dévouent aux arts de l’industrie et de la guerre.
À l’aube des batailles, nombre de guerriers peignent leurs
boucliers de ses symboles : l’aigle, le hibou et le léopard.
28 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Terra, déesse perdue de l’humanité
La Numa a une mère. Elle est la mère de toute l’huma-
nité, mère du monde mortel lui-même. Il s’agit de Terra,
et les légendes racontent que lorsqu’elle fuit son bien-aimé
Zendio pour gagner la terre, elle donna naissance à l’hu-
manité. Terra était jadis la déesse de la lumière, le pouvoir
radieux aux côtés de Zendio au sein du Panthéon. Mais
lorsque les rêves prophétiques de Zendio l’amenèrent à
envisager de tuer ses enfants à venir, Terra s’enfuit sur
terre et engendra l’humanité dans les grandes cavernes
sous la Numa. Lorsque ses pieds touchèrent le sol, ses
enfants perdirent leur lien avec leurs origines divines et
devinrent mortels.
Les histoires anciennes disent qu’alors que Terra gisait
apeurée dans sa caverne avec ses enfants, se lamentant
sur leur avenir, elle fut visitée par sa sœur Hede, le divin
Supati et le dieu Dithyrambos. Chacun réconforta Terra
et lui promit de l’aider secrètement à apprendre à ses
enfants ce dont ils auraient besoin pour survivre. Hede,
déesse primordiale du feu et du foyer, promit qu’elle ne
permettrait jamais que les mortels perdent le don du feu et
la protection qu’il offrait contre les ténèbres. Dithyrambos
promit qu’il apprendrait aux mortels à produire ce dont ils
auraient besoin pour survivre. Quant à Supati, il promit
qu’il leur enseignerait comment transmettre ces connais-
sances à leurs successeurs. Ce ne fut qu’alors que Terra,
rassurée par ces serments, émergea de la caverne avec ses
enfants pour peupler et civiliser la Numa.
Terra ne revint jamais auprès de Zendio et des autres
dieux : elle continua et, à en croire les histoires, continue
toujours d’arpenter le monde. Pour cette raison, à la diffé-
rence des autres dieux, Terra n’a pas d’autels et de temples,
au lieu de quoi ses disciples vont de ville en ville pour y
conter des histoires et partager ce qu’ils savent. On les
appelle les Parents perpétuels, les Vagabonds ou encore
les Tuteurs, et ils sont les bienvenus où qu’ils aillent.
Quiconque s’en prend à un Tuteur s’expose aux pires châti-
ments, car ces gens saints et purs se vouent à une vie simple
de service envers la Numa. On les reconnaît au sac de terre
qu’ils portent à la ceinture et aux vêtements simples et
grossiers dont ils se vêtent. Les Tuteurs ne portent pas
d’armes, seulement un bâton pour se défendre au besoin.
Caledon, dieu de la médecine,
du foyer et de la famille
Lorsque le Père des dieux perdit sa bien-aimée Terra, il
prit sa sœur Hede, déesse muette du foyer, comme amante.
De leur union naquit le doux Caledon, cadet des dieux et
berger tutélaire de l’humanité. Caledon fit le bonheur des
dieux, aimé de tous pour sa jeunesse, sa curiosité et son
empathie. D’entre tous les dieux, seul Caledon est connu
pour être capable de se faire entendre de Zendio et de
l’apaiser lors de ses moments de colère.
Peut-être est-ce en vertu de leur relation privilégiée que
Caledon est parvenu à conserver l’amour de son père alors
même qu’il s’est voué à guider l’humanité. Après que les
mortels se furent répandus au fil de plusieurs générations,
Zendio se prit d’une rage terrible devant leur nature
destructrice, jurant qu’il supprimerait les enfants de
Terra de la face du monde. Ce fut Caledon qui se proposa
d’éduquer l’humanité et de leur faire montre d’amour là où
Zendio les aurait éradiqués. Zendio finit par accepter et
fit don à son fils d’un caducée, un bâton enveloppé de deux
serpents. Où qu’il aille, ces serpents serviraient à Caledon
de protecteurs, de conseillers et de messagers.
Caledon prit forme mortelle et arpenta toute la Numa
afin de répandre ses connaissances médicinales et domes-
tiques. Il enseigna que la famille ne se limitait pas à son
compagnon et à sa descendance, mais s’étendait à la
communauté et aux liens d’amitié. Il prôna l’importance
des règles de sa mère, Hede, en matière d’hospitalité
autour du foyer, et apprit aux hommes que les liens de la
famille et de la camaraderie outrepassent toutes les fron-
tières et toutes les limites. On comprendra aisément que
Caledon soit l’un des dieux les plus populaires de Numa.
Caledon est vénéré en tant que saint patron de la
médecine, du foyer, de l’hospitalité et, surtout, de la
famille. Chaque cité comprend des temples à Caledon où
quiconque en a besoin peut trouver un toit et de l’aide.
Les prêtres de Caledon sont de tous horizons, des deux
sexes et d’origines variées, et servent leur communauté en
tant que médecins, conseillers spirituels, instituteurs et
médiateurs. Ils s’occupent aussi bien de soigner les blessés
sur le champ de bataille que d’apprendre aux nouveaux
couples à s’occuper de leur foyer. Ils officient également
lors des mariages.
Caledon est représenté comme un beau jeune homme
au teint hâlé et aux cheveux étonnamment pâles. Ses
symboles sont la branche de lierre, les alliances et, bien
sûr, le caducée.

7E MER NATIONS PIRATES 29

 Hecteba, déesse des mystères,
du meurtre et de la magie noire
La plupart des Numanaris croient que Salacio est venu à
bout d’Hecteba, mais la vérité concernant l’ancienne déesse
de l’outre-monde est un secret qui se murmure à travers
la Numa, dans les ruelles sombres. Jadis, Hecteba tuait
aveuglément par des nuages de ténèbres noires et de la
roche liquide bouillonnante. Sa lutte contre Salacio, le dieu
des mers, manqua d’inonder toute la Numa lors des temps
immémoriaux, mais au final, elle fut vaincue et jetée dans
une antique prison sous-marine où elle repose à ce jour,
ourdissant de sombres rêves.
Ces songes ne passent cependant pas inaperçus, car
Hecteba n’était pas seulement la déesse de l’outre-monde,
mais aussi celle de la magie et des mystères antiques.
Hecteba dort, mais par le biais de ses rêves, elle plante les
germes de sa libération. Son sommeil est un masque qui
dissimule son influence sur le monde des mortels. Par le
biais de ses rêves, elle recrute des initiés, chacun harcelé de
cauchemars qui ébranlent son âme et pervertissent sa foi.
Le culte d’Hecteba a beau être proscrit dans l’essentiel
de la Numa, ses fidèles sont partout. Ils se reconnaissent
à un signe qu’ils arborent tous : l’image d’une femme aux
crevasses rouges en guise d’yeux et aux longs cheveux
noirs, la bouche béante en des cris incessants. Ils parlent
à voix basse des rêves qu’ils ont faits la nuit, des mystères
murmurés par une voix qui n’en était pas une, qui leur
révélait l’existence de lieux lointains et de choses qu’ils
n’auraient jamais dû connaître.
Ses disciples existent majoritairement en marge de la
société numanari. Ces groupes d’ostracisés et de malchan-
ceux vivent de leurs talents meurtriers comme ils le
peuvent. Et parfois, un Numanari se réveille au milieu de
la nuit et voit un être aimé assis près de la fenêtre, fixant
la mer et conversant à voix basse avec quelqu’un qui n’est
pas là. C’est ainsi que la folie commence, et le chaos suit
de près.
Les fidèles d’Hecteba sont directement initiés aux
merveilles du meurtre. Beaucoup sont soldats, mercenaires
et tueurs professionnels. Elle intime souvent à ses adeptes
de placer son image sur le corps de ceux qu’ils ont tués
en son honneur, rappel morbide de son influence que la
prison bâtie par Salacio ne saurait étouffer. La plupart des
Numanaris ne font aucun cas de ces démonstrations, mais
d’autres savent la vérité : Hecteba rôde dans les ténèbres,
tout juste hors de portée, et elle attend son heure.
30 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Gouvernement
Le gouvernement numanari est un bazar, un montage
improbable de différents systèmes maintenus ensembles
par le ciment de la tradition plutôt que par celui du prag-
matisme. On peut dénombrer quatre types de gouverne-
ments différents, qui coexistent en Numa : les républiques
démocratiques d’origine, la bureaucratie de l’Empire du
Croissant (qui subsiste des occupations anciennes et
récentes), les dynasties de seigneurs de guerre et les
monarchies récentes. Aucun de ces systèmes n’a été conçu
pour fonctionner ensemble, et pourtant, la Numa tient
toujours debout.
Seul le temps dira si les Héros numanaris peuvent faire
de l’actuel système quelque chose qui servira le peuple de la
Numa… ou si le gouvernement des Îles devra être changé
dans la douleur.
Les monarchies
Les îles numanaris sont gouvernées par un certain
nombre de monarques, faisant de chaque île sa propre
cité-État ou polis (« poleis » au pluriel). Du fait du terrain
montagneux qui sépare chaque polis des autres, les cités-
États numanaris se sont développées indépendamment,
chacune à sa manière. On leur distingue toutefois des
éléments communs.
Chaque polis possède un dirigeant et un sénat, mais
les pouvoirs et les privilèges de l’un et l’autre varient. Il
existe des dizaines de poleis, chacune avec sa propre divi-
nité tutélaire, mais on peut en retenir cinq parmi les plus
vastes, puissantes et influentes. Elles sont au cœur de bien
des conflits entre cités-États, et l’honneur de la divinité
d’une cité n’est généralement qu’une excuse pour laisser
libre cours à des hostilités qui couvent depuis longtemps.
Lakedaimon
Connue de par le monde comme « l’Épée de la Numa »,
Lakedaimon est une cité-État de guerriers. Dirigée par
la reine Soteira, Lakedaimon est souvent vue comme un
vivier de va-t-en-guerre, mais ses habitants sont plus que
de simples brutes. Pour eux, le monde est un lieu de luttes
et de conflits, et avant de pouvoir accomplir quoi que ce
soit, il faut apprendre à surmonter tout obstacle. Tout
homme, femme et enfant de Lakedaimon sait tenir une
arme, sans exception. Leur divinité tutélaire est Potnia
Agrotera, déesse de la chasse et de la guerre.
Ephyra
Ephyra est l’une des poleis les plus modestes et reculées,
et aussi la plus proche de l’Empire du Croissant. Sa reine,
Anfisa, est une dirigeante décadente mais influente. La
divinité d’Ephyra est Dithyrambos, le « pré-né », connu
comme le dieu de la prospérité et de l’abondance. L’image
caricaturale d’un Ephyrien est celle d’un soiffard et d’un
fêtard. La reine est connue pour organiser des festivités
longues de plusieurs semaines à la moindre excuse, laissant
des diplomates patienter des mois pour discuter affaires
tandis que la fête bat son plein.
Hylicia
Certains Numanaris disent qu’Hylicia tient plus du
Croissant que de la Numa, ce qui ne plaît guère aux
Hyliciens. Son peuple parle un mélange de numanari et
de langue du Croissant qui lui est propre, et on y compte
plus de mosquées que partout ailleurs. Son roi, Lysandros,
porte un masque pour une raison inconnue. D’aucuns
disent que c’est à cause d’une terrible malformation, mais
d’autres soupçonnent des causes surnaturelles. La divi-
nité tutélaire d’Hylicia est Supati, membre relativement
nouveau du Panthéon numanari. Hylicia l’a adopté il y a
des siècles, après avoir été reprise à un vieil ennemi.
Kousai
Du fait de ses ports prospères, Kousai est l’une des îles
numanaris les plus fortunées. Son monarque actuel, la
reine Syntyche, est fière des progrès de son peuple et s’as-
sure que les autres monarques le sachent. La divinité de
la cité est Salacio, dieu de l’outre-terre et de la mer… et
surtout de la richesse, ce que la reine rappelle à la moindre
occasion. À en croire certains de ses habitants, Kousai était
jadis le siège de l’Ancienne République, la polis qui gouver-
nait le monde. La reine Syntyche s’emploie à nourrir un tel
mythe et fait actuellement bâtir une bibliothèque pour y
recueillir d’anciens documents qui l’attestent.
Tyrian
Le roi Polyaretos règne sur l’île de Tyrian, l’une des plus
peuplées de la mer Numanari. Ce fut sur Tyrian que
commença la production de teinture pourpre, basée sur
un long procédé à base d’escargots. Polyaretos tient son
nom de l’un des grands héros numanaris, lequel était plus
un roublard rusé qu’un homme fort et hardi. La divinité
tutélaire de l’île est Theonoa Dianoia, associée à l’industrie
et à la connaissance. Certaines des plus grandes œuvres
philosophiques numanaris ont vu le jour à Tyrian, faisant
d’elle le berceau de la raison.
7E MER NATIONS PIRATES 31

Les dynasties de seigneurs de guerre
Si la plupart des grandes cités ont à leur tête des monar-
chies établies issues de lignées royales ininterrompues, les
poleis de plus petite envergure n’ont pas eu la chance de
pouvoir instaurer un gouvernement stable. Au lieu de cela,
la plupart de ces moindres cités-États sont gouvernées par
des seigneurs de guerre ou par des potentats locaux qui
ont tout intérêt à ne pas voir leur domaine sombrer dans
l’anarchie. On trouve de tout parmi eux, depuis les dicta-
teurs bienveillants jusqu’aux monstres cruels, chacun avec
sa propre idée de la manière dont il faut diriger son peuple.
Du fait de ces différences, ces cités-États sont souvent en
conflit avec leurs voisins.
La Magna Numara
Cette ligue innovante est le fruit de l’union de trois cités-
États qui souhaitaient conserver leur indépendance face
à des voisins agressifs. Sitôt que la Numa eut regagné
sa liberté, la polis d’Adamaradon déclara son intention
d’annexer tous ses voisins pour former une puissante
Nation sous l’égide de son roi, Milyptos. En réponse, trois
des plus proches cités du nord, Akragosus, Libanuma et
Bothrauton, s’unirent contre Adamaradon pour protéger
leurs citoyens et leur avenir. Face aux trois cités unies, l’in-
vasion fut brève : les forces du roi Milyptos furent mises
en déroute de manière aussi prompte qu’inattendue. Pour
célébrer cette victoire, les cités cimentèrent leur alliance et
formèrent la Magna Numara, une ligue dédiée à la défense,
la croissance et l’unité mutuelles.
Les cités de la Magna Numara fonctionnent chacune
selon leur propre structure gouvernementale. Akragosus
est une cité-État démocratique, avec un sénat de représen-
tants inféodé à un proconsul élu par le peuple. Libanuma
est une cité d’artisans et d’enseignants, d’origine principa-
lement ifrienne, dirigée par un roi choisi parmi les notables
et les chefs des diverses familles nobles de la cité.
La cité fluviale de Bothrauton est soumise à un régime
dynastique nettement moins démocratique. L’actuelle
reine, Calysto, est la fille à moitié Vesten du chef de guerre
qui prit la cité à la Vodacce. Elle a l’intention de rester
au pouvoir tant qu’elle pourra garder le trône et a, pour
l’heure, essuyé six violentes tentatives d’assassinat en seule-
ment quelques années.
Les trois dirigeants se disputent parfois entre eux, mais
ils sont soudés par l’idée que leur unité est la quintessence
de la phrase : « Nous sommes la Numa ». Défier une cité,
c’est les défier toutes les trois.
32 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
De : C
À : I
Sujet : les seigneurs de guerre numanaris
Ces « seigneurs de guerre » sont incapables de se
mettre d’accord ne serait-ce que sur quoi boire lors
de leurs rencontres. Tant mieux. Leur union serait
une catastrophe. Telle qu’est la situation, le chaos
qu’ils sèment nous permet de nous mouvoir
à notre guise et d’intriguer selon notre bon vouloir.
Les pots-de-vin ont fait leurs preuves, quoique
le chantage ait d’excellents résultats. Il est aisé
d’exploiter leur souci de l’honneur et de la
réputation. T, V, X, Y. 1, 3, T, 7. Je vais
procéder aux étapes suivantes.
L’Œil voit tout
Nikiamara
Nikiamara est l’une des plus anciennes cités de la pointe
méridionale de la Numa. Il s’agissait jadis d’une cité
prospère d’érudits et de guerriers. Considérée comme le
carrefour de la pensée à l’époque précédant les nombreuses
invasions de la Numa, Nikiamara comprenait un nombre
époustouflant d’écoles, consacrées à des sujets allant de
la philosophie à la guerre en passant par la médecine et
l’étude du monde naturel. La cité hébergeait également
trois grands temples dédiés aux dieux et déesses qui
gouvernaient les domaines de l’étude : Theonoa Dianoia,
Supati et Caledon. Elle était vue comme la plus paisible
des cités. Ce fut ce dévouement à la connaissance plutôt
qu’à la guerre qui en fit une cible de choix pour les raids de
l’Empire du Croissant.
L’invasion de l’Empire du Croissant causa la perte de ce
centre d’étude. On dit qu’un général félon du Croissant
nommé Islandur l’incendia au mépris de ses ordres, afin
de montrer aux Numanaris le sort qui les attendait. La
cité finit quasiment rasée, ses années d’histoire réduites
à néant. Les populations du Croissant qui s’établirent
dans Nikiamara se contentèrent de reconstruire sur ses
décombres encore fumants et de faire de la nouvelle cité un
monument à leur victoire. Le temps passa et l’Empire du
Croissant fut chassé de la Numa. La cité devint alors un
monument à la nature éphémère de telles victoires, ainsi
qu’à la vulnérabilité de la connaissance face aux conquêtes
sanglantes. Aujourd’hui, Nikiamara est une cité de ruines
anciennes sous une ville portuaire moderne. Historiens
et aventuriers viennent de partout pour demander à
Galatus, chef de guerre et pirate impitoyable, de leur
donner l’accès au vaste labyrinthe de ruines sous les rues
de Nikiamara, dans l’espoir d’y trouver une mine de savoir
antique inconnu.
Les bureaucraties des kodjabashes
Pendant 300 ans, les îles Numanaris ont été gouvernées
par une sorte de classe bureaucratique héréditaire nommée
oligarchie des kodjabashes (« kodjabashis » au singulier).
Ce système remonte à l’époque où l’Empire du Croissant
assigna à chaque île un gouverneur pour y maintenir
l’ordre, collecter les impôts et mater les révoltes. Dans
le but d’éviter une insurrection violente, l’Empire du
Croissant sélectionna ses kodjabashes parmi la noblesse
locale, selon l’idée qu’avoir l’un des leurs comme dirigeant
amoindrirait les velléités de révolte des Numanaris.
Ce poste se transmettait de génération en génération,
quoiqu’il arrivait à l’Empire du Croissant de remplacer un
oligarque si la région devenait trop troublée ou qu’il était
soupçonné de détournement de fonds. Là où la Vodacce
prit le pouvoir, la plupart des Princes marchands laissèrent
les kodjabashes en place, se satisfaisant également de
laisser aux Numanaris une illusion d’autonomie.
Lorsque la révolution éclata, certains kodjabashes virent
la tournure que les événements prenaient et aidèrent à
renverser l’Empire du Croissant et la Vodacce. D’autres
s’en abstinrent et en payèrent le prix. Si les monarques
numanaris se considèrent comme les vrais dirigeants des
Îles, ce sont les kodjabashes qui entretiennent l’appareil
bureaucratique. Rois et reines prennent des décisions, mais
ce sont les kodjabashes qui les exécutent. Ils récoltent les
impôts, organisent et dénombrent les votes pour les postes
locaux et contrôlent le service postal (l’un des meilleurs
qui soient).
La démocratie numanari
Si le poste de kodjabashis est resté héréditaire (comme
celui de roi ou reine), la plupart des dirigeants locaux,
comme le maire (ou dimarchos), sont élus par le peuple.
Chaque cité et village organise des votes pour les postes
officiels, la nature de ces derniers variant selon la cité ou
le village concerné. Dans certains villages, le seul élu est le
maire, tandis que d’autres élisent des responsables supplé-
mentaires. Les élections ont généralement lieu tous les ans.
Dans certaines agglomérations, le mandat est limité dans
le temps, dans d’autres non. Les élus collaborent avec les
kodjabashes pour la récolte des impôts et d’autres devoirs
officiels. Parfois, des disputes éclatent entre bureaucrates
et élus quant à leurs prérogatives. De tels problèmes n’ont
pas de solutions consacrées, mais le bon droit revient géné-
ralement au fonctionnaire le mieux vu par le monarque.
Économie
L’économie numanari repose majoritairement sur le
commerce, mais bien des Numanaris gagnent leur vie en
tant qu’agriculteurs, pêcheurs, fermiers ou artisans. La
plupart des Théans ont une vision idéalisée de la vie en
Numa, mais le fait est que ce qui vaut pour le reste du
monde vaut aussi en Numa : le commerce profite plus à
certains Numanaris qu’à d’autres.
De par sa position de carrefour, la Numa reçoit souvent
la visite de pirates qui y viennent écouler des marchan-
dises, faire des réparations et renouveler leur équipage.
Chaque cité-État traite les pirates à sa manière, mais
quiconque comprend l’économie numanari sait que les
pirates y jouent un rôle plus crucial que tout roi ou reine
ne voudrait bien l’admettre.
La Numa est avantageusement positionnée pour
commercer avec l’Ifri, la Théah et l’Empire du Croissant
(et l’Est, dans une moindre mesure), mais morcelée en
cités-États comme elle l’est, elle ne peut étendre bien loin
son influence. Nombre de philosophes numanaris arguent
que la Numa bénéficierait d’un gouvernement unifié, mais
ils se heurtent à la tradition. Les Numanaris ne veulent pas
d’un haut roi et ne ressentent pas le besoin d’en avoir un.
Monnaie
La monnaie numanari la plus répandue est la drachme.
Chaque île frappe les siennes du visage de son monarque
actuel. Il existe des drachmes d’argent et d’or, 20 drachmes
d’argent valant environ une d’or. La Numa est l’une des
seules Nations à utiliser des pièces en métaux précieux.
Le guilder n’a pas affecté la drachme du fait de sa valeur
inhérente, mais cela n’empêche pas la monnaie vesten de
se répandre parmi les îles. Comme elle est plus pratique
et est acceptée dans tout port étranger, elle gagne rapide-
ment en popularité. Certains Numanaris amers refusent
de s’en servir, et d’autres reconnaissent son intérêt tout
en la boudant par principe. La majorité des Numanaris
en viennent toutefois à accepter que leur monnaie natale
perd de son emprise et commencent doucement à adopter
le guilder. L’ancienne monnaie de l’Empire du Croissant
a également cours au sein de certains cercles numanaris,
mais la plupart refusent de l’accepter, l’affublant du nom de
vrómiko nomísmatos ou « argent sale », rappel de l’époque
où la Numa n’était pas libre.
7E MER NATIONS PIRATES 33
 Villes et villages En fait, Baldassari fit si bien qu’il sema sous son nez les
germes de sa propre défaite. Les jeunes vodaccis furent
Paestum
formés par les meilleurs guerriers et enseignants captifs
Lorsque la Vodacce envahit la Numa et fonda ses
que Baldassari put trouver. Or, à mesure de leur entraî-
premières colonies sur les îles à l’écart de la côte, les diri-
nement, les étudiants se mirent à croire davantage en la
geants militaires se figurèrent qu’ils pourraient amadouer
Numa et en sa souveraineté qu’en leur patrie. Alors que
les Numanaris en adoptant certaines de leurs coutumes.
leur formation touchait à son terme, ils organisèrent une
En interrogeant des captifs Numanaris, le général Carmelo
révolte. Ils chassèrent Baldassari et ses soldats de Paestum
Baldassari apprit l’existence de l’agoge et eut dans l’idée que
et rendirent la cité aux mains des Numanaris. Lorsque
ses soldats pourraient en prendre de la graine. Il fit bâtir
l’armée vodacci quitta la Numa, ces mêmes étudiants
la ville de Paestum autour d’une académie d’agoge hybride
restèrent et s’installèrent à Paestum, avec à leur tête la
avec l’intention d’y former de jeunes citoyens vodaccis et
propre fille de Baldassari, Carolina. L’académie de Paestum
d’en faire de dignes haimons.
existe toujours, et les enfants Numanaris y sont formés à
se défendre au mieux contre toute invasion théane.

Naucriparos
Tout pays a ses aspects crapuleux, et on ne peut pas
faire plus crapuleux que Naucriparos. Un dicton dit que
quiconque a un jour triché, volé ou tranché une gorge dans
la Numa a mis au moins une fois les pieds à Naucriparos,
la cité mercenaire.
Initialement bâtie au cours de la guerre en tant que relais
portuaire pour les soldats numanaris qui naviguaient d’une
partie du royaume à l’autre, Naucriparos était une cité
construite à la hâte qui faillit ne pas survivre à la lutte
constante pour la liberté. Une fois la paix instaurée, les
hommes et femmes qui avaient repoussé les conquérants
de la Numa quittèrent Naucriparos et rentrèrent chez eux,
laissant une cité portuaire parfaitement viable aux mains
d’un maigre groupe d’autochtones. Un conseil provisoire
s’instaura et, l’espace d’un temps, la tranquillité régna…
Puis la Ligue de la Main rouge débarqua.
Constituée de soldats de métier et de mercenaires, la
Ligue de la Main rouge avait été créée pour permettre aux
vétérans numanaris de vendre leurs aptitudes martiales
âprement rodées au plus offrant. Avec à leur tête cinq
ex-héros de guerre numanaris décorés, les Mains rouges
firent de Naucriparos le port d’escale de quiconque
cherche des mercenaires, ainsi que de tout mercenaire à la
recherche d’un endroit où se poser. Dans cette ville, n’im-
porte qui peut trouver le tueur à gages ou le voleur dont
il a besoin, à condition d’y mettre le prix. Les rues sont
peut-être dangereuses, mais chaque établissement respecte
le code des Mains rouges : toujours respecter un contrat,
ne jamais abandonner une autre Main dans le besoin et ne
jamais chercher querelle, mais toujours y mettre un terme.

34 CHAPITRE 1 | Ports d'escale

L’armée
La Numa n’a pas d’armée unique ; à chaque polis de se
protéger. Quasiment tout citoyen passe toutefois par une
formation militaire. La haine envers l’envahisseur étranger
a auparavant uni des forces disparates, mais depuis, elles
se querellent, et d’aucuns cherchent un but commun qui
pourrait de nouveau unir les poleis.
Relations actuelles
Les opinions des Numanaris sur le monde extérieur sont
partagées, mais on peut distinguer certaines constantes.
Avalon
Ce pays de «  légendes  » n’a fait que troquer sa liberté
contre un esclavage magique. Tout collier est une corde
au cou.
Castille
Le fanatisme les a écartés de la raison et poussés aux
émotions aveugles. Quelle faiblesse. Jadis, ils étaient
grands, mais ils se vautrent désormais dans un manque
d’imagination, de courage et de compassion.
Eisen
Cette Nation de guerriers a fait face à l’épreuve ultime et
a perdu. Ils ne se sont pas pour autant déshonorés. Au
contraire, ils se sont battus jusqu’au dernier, sans jamais
courber l’échine ou se rendre. Les Eisenörs sont un grand
peuple… ils ont juste oublié à quel point.
Montaigne
La monarchie est aveugle. Nous avons vu le chaos qui l’at-
tend, prêt à éclater et à tous les entraîner. L’heure viendra
où ce ne sera plus qu’à l’acier de parler.
Nations pirates
Un voleur est un voleur, qu’il soit ou non votre employé.
Fédération sarmatienne
Les Sarmatiens ont fait un pas dans la bonne direction.
Mais quoi qu’ils clament, tout le monde n’est pas égal.
Certains sont des Héros à l’âme pure, d’autres des Scélérats
à l’âme souillée. Il faut juger une âme à sa juste valeur, sans
présumer des bonnes intentions de chacun.
Ussura
C’est une guerre civile qui décidera quel monarque
corrompu régnera. Les Ussurans sont superstitieux ; ils se
méfient de la raison, de la technologie… de tout. Ils sont
fiers mais craintifs. À mi-chemin d’être des Héros.
Vestenmennavenjar
Ce peuple vit pour la bataille, pour le courage, pour la
gloire ! Mais il se laisse distraire par des bibelots brillants et
de faux exploits. L’or doit servir la gloire, rien que la gloire
et rien d’autre. Tout le reste n’est que frivolités.
Vodacce
Ils pensaient pouvoir nous contrôler, régner sur nous,
manipuler notre destinée. Ils n’ont représenté qu’un
obstacle momentané. Nous sommes unis et eux se sont
fait chasser.
Jouer un Héros numanari
À l’instar des Héros du Vestenmennavenjar et des îles du
Glamour, vous voulez qu’on se souvienne de vous. Mais
contrairement aux Vestens (pour qui la renommée permet
de vivre après la mort) ou aux Avaloniens (pour qui la
renommée confère des pouvoirs), vous estimez que votre
renommée vous sert maintenant.
Pour comprendre les Numanaris, il faut comprendre
que ce nom n’englobe pas une race mais une qualité. Les
Numanaris ont le sentiment de pouvoir reconnaître
cette qualité chez autrui, et ressentent un lien invisible,
une familiarité envers ceux qui la partagent. En tant que
Numanari, on vous a formé toute votre vie à être un Héros.
Et si d’autres n’ont pas eu le même entraînement, cela ne les
empêche pas forcément d’avoir la même vocation.
Votre rôle est d’amasser de la gloire, que vos exploits
héroïques soient connus à travers la Théah et le reste
du monde connu. Pas pour flatter votre ego, mais pour
servir d’exemple aux autres. Un philosophe de l’Ancienne
République a un jour dit qu’un acte moral doit être
accompli en public faute d’être vain. Un acte héroïque
accompli dans l’anonymat et la solitude n’inspire personne
et n’a donc aucun sens.
Si un acte mérite d’être accompli, il mérite de l’être au vu
de tous. Si vous jugez devoir dissimuler votre acte, c’est
qu’il n’est pas moral. Le devoir d’un citoyen est d’agir de
façon juste, quand bien même cela l’exposerait au mépris
public, au ridicule ou même à des châtiments. Cette philo-
sophie a engendré le concept de désobéissance civile, qui
consiste à enfreindre pacifiquement une loi injuste et à
s’exposer aux répercussions attenantes pour démontrer
qu’elle est injuste.
Montrez-leur ce qu’être un Héros signifie. Et une fois que
vous avez démontré à quoi ressemble la grandeur en toutes
choses… recommencez.
7E MER NATIONS PIRATES 35
 Notables numanaris
Lysinnus
Consort de la reine amazone Artemesia, Lysinnus est à un
carrefour de l’histoire pour la nation amazone et la Numa.
Le jeune héros rencontra la reine au cours des premières
batailles contre la Vodacce et ils s’éprirent l’un de l’autre.
Une telle relation entre un homme et une femme est mal
vue par les Amazones, aussi la tinrent-ils secrète, ce qui
ne les empêcha pas d’avoir sept filles au fil des ans. Une
fois la guerre terminée, Lysinnus demanda à Artemesia
de lui permettre de rester auprès des Amazones afin d’être
aux côtés de ses filles. Cela fait maintenant plusieurs
années qu’elle ne cesse de remettre sa réponse à plus tard.
Lysinnus sait qu’il pourrait être le catalyseur qui permettra
de rallier les Amazones au reste de la Numa, mais n’a pour
autant nul désir de voir ce peuple fier perdre son indivi-
dualité ou sa puissance. Cavalier émérite, Lysinnus suit la
horde de Cyrene à distance, attentif à toute menace envers
la Nation amazone et sa bien-aimée Artemesia.
La reine Calysto
La reine semi-vesten de Bothrauton est aussi redoutable
que sanguinaire. Élevée par son père Kokistos et par son
épouse étrangère, Calysto est pleinement investie dans
l’idéal de la kleos, peut-être pour surpasser son héri-
tage extérieur, qu’elle ressent comme infamant. Lorsque
Kokistos fut tué au cours de la guerre, la guerrière blonde
récupéra l’épée et le bouclier de son père pour achever de
prendre la cité vodacci, accédant ainsi au rang de reine.
Les années de guerre sanglante ont marqué Calysto qui
semble incapable de mener une vie paisible. Impulsive et
profondément tempétueuse, la reine se tient à l’écart de son
peuple, surtout depuis que plusieurs tentatives d’assassinat
ont été commanditées par des usurpateurs en puissance.
Calysto sait qu’elle doit s’assurer des héritiers en produi-
sant des enfants, et bien des prétendants sont venus des
cités-États environnantes dans le but de gagner sa main.
Faute d’avoir de très bonnes manières, la plupart rentrent
chez eux en morceaux.
36 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Le Roi Milyptos
Au cœur d’une Numa qui se reconstruit, le Roi disgracié
d’Adamaradon est un désastre en devenir. Milyptos avait
toujours eu une personnalité instable, mais lorsqu’il
échoua à annexer Akragosus, Libanuma et Bothrauton,
lorsque les cités décimèrent son armée et qu’elles créèrent
la Magna Numara juste sous son nez, il perdit l’esprit pour
de bon. Le Roi passe maintenant ses nuits à errer dans
son château, à répondre à des voix inaudibles et à écrire
des lettres privées à des destinataires inconnus. La cour
est profondément perturbée par le comportement du Roi,
mais nul ne se doute de l’ampleur de sa traîtrise. Milyptos a
secrètement pris contact avec la cour royale vodacci, et fait
avec elle commerce d’informations concernant les défenses
de la Numa dans l’optique d’une nouvelle invasion. Et en
plus de cette trahison infâme, le Roi voue à voix basse des
dévotions à l’antique culte d’Hecteba. Agité et dangereux,
Milyptos fait mettre à mort quiconque le remet ouverte-
ment en question. Beaucoup se demandent combien de
temps encore Adamaradon va rester stable.
Carolina Baldassari
Dirigeante de l’académie d’agoge de Paestum, Carolina
Baldassari est le produit d’une éducation militaire stricte
et d’une dévotion passionnée envers la vérité et l’honneur.
Élevée par son père, le général Baldassari, Carolina s’op-
posa dans un premier temps à prendre part à l’enseigne-
ment d’agoge hybride de Paestum. Mais au fil du temps,
Carolina ne se contenta pas de s’épanouir au sein de ce
rude environnement guerrier : elle y excella. Elle adhéra
pleinement à l’idée de la kleos et devint l’un des étudiants
les plus émérites. Rapidement, Carolina fut convaincue
du bien-fondé d’une Numa libre et tenta de convaincre
son père de soutenir l’indépendance numanari. Face à
son refus, Carolina rassembla ses camarades et expulsa
son père, par amour envers son pays d’adoption. Une fois
Paestum libérée, ses compagnons d’armes la nommèrent
dirigeante de la ville. Droite et juste, cette jeune femme
rompue au métier des armes est un exemple vivant de la
façon dont un seul guerrier peut transformer une Nation.
Lieux sortes, y compris des armes puissantes et des artefacts
étranges qui brillaient d’une lumière surnaturelle. Il s’avéra
La Cité perdue
rapidement que les ruines étaient habitées de nombre de
Niché au creux de deux grandes montagnes dans le nord
créatures sauvages et dangereuses, y compris des monstres
de la Numa se trouve l’un de ses plus grands et anciens
qui rôdent dans ses décombres colossaux, à l’affût de
mystères : une antique cité de merveilles connue sous le
Héros imprudents à dévorer. Il en faut toutefois plus pour
nom de Cité perdue des dieux, ou simplement Cité perdue.
décourager les curieux, les intrépides et les inconscients.
Bien des haimons trépignent de s’y rendre pour prouver
On voit constamment des explorateurs en quête de gloire
leur bravoure et nourrir leur kleos. La Cité perdue est
emprunter la grand-route vers le col montagneux. Quant
à l’origine d’un millier de mythes concernant l’antique
à savoir s’ils en reviennent, c’est une autre affaire.
passé de la Numa, et ses ruines branlantes abritent de
terribles dangers.
Impossible de savoir exactement de quand date la Cité
Aigosthena
Au fil des siècles, la Numa a été maintes fois conquise et
perdue et qui l’habitait. Selon certaines légendes, il s’agi-
reconquise. L’histoire de son peuple baigne dans le sang de
rait de la demeure que les dieux bâtirent pour Terra et ses
leurs ancêtres farouches. À la suite de la récente occupa-
enfants lorsqu’ils émergèrent des cavernes pour devenir
tion, d’aucuns estimèrent que la nouvelle génération devait
les premiers mortels à arpenter la terre. Selon d’autres, elle
être préparée à toute éventualité, afin de pouvoir veiller
aurait été construite par des géants qui auraient par la suite
continuellement et diligemment sur la Numa. C’est pour
été chassés par les Numanaris d’alors.
cela qu’existent les Myrmidons, un groupe de guerriers
L’architecture de la Cité perdue est massive, bien trop
d’élite établi dans la cité fortifiée d’Aigosthena, au sommet
phénoménale pour avoir été conçue de main humaine. Ses
d’une falaise.
bâtiments sont immenses, dotés de plafonds de quatre fois
Aigosthena est une citadelle ceinte de murs, juchée en
la hauteur ordinaire et d’arches de pierre complexes ornées
altitude sur la pointe nord-est d’une des îles orientales
de mosaïques dépeignant des batailles immémoriales.
de la Numa. Elle fut fondée par le roi Achelanus, dont la
Son enceinte déserte est traversée de routes délabrées et
polis modeste mais prospère de Theloniki avait été envahie
remplie de bâtiments vides qui témoignent du génie et du
et conquise par l’armée vodacci. Lui et sa cour se retran-
raffinement de ses anciens habitants.
chèrent dans un camp militaire abandonné sur les falaises
Nul ne sait ce qui est arrivé à ces derniers, mais à en
où le roi, rongé par la paranoïa et la vindicte, épuisa ses
croire les explorateurs qui l’ont découverte, la Cité perdue
serviteurs à lui bâtir une place forte qui pourrait résister à
paraissait à l’abandon, comme si elle avait été délaissée
une armée. Il nomma la citadelle Aigosthena, en l’honneur
précipitamment. Ils y trouvèrent des trésors de toutes
de la fille qu’il avait perdue avec la chute de Theloniki.

7E MER NATIONS PIRATES 37

 La cruauté d’Achelanus fut légendaire, à tel point qu’il
ne périt pas de la main des Vodaccis, mais de celle de son
propre intendant. Lorsque les guerriers numanaris locaux
atteignirent la citadelle, ils découvrirent que la cour se
mourait de faim à l’abri de ses murs. Les haimons s’appro-
prièrent les lieux et s’en servirent comme base d’opérations
pour de nombreux raids contre les envahisseurs. Une
fois la guerre finie, on se demanda que faire d’un bastion
aussi reculé.
Ce fut Küçük Metaxas lui-même qui apporta la réponse.
À la fin de la guerre, bon nombre des défenseurs les plus
ardents de la Numa ne souhaitèrent pas revenir à une vie
de labeur ordinaire. Ils pensaient qu’une force défensive
permanente permettrait de faire face à tout envahisseur
potentiel. Küçük Metaxas chargea ces guerriers de s’ins-
taller à Aigosthena et les nomma Myrmidons, défenseurs
de l’esprit de la Numa. Désormais, ces puissants héros
arpentent le pays pour prévenir leur Nation bien-aimée
de tout danger.
Cyrene
La plupart des poleis de Numa sont fixes, mais l’une de ces
cités-États voyage à travers les contrées sauvages, royaume
vagabond dont le territoire varie au gré des migrations de
ses citoyennes. La cité mobile de Cyrene n’est pas tant
une cité qu’une horde errante de haimons matriarcales
nommées Amazones qui ont de longue date rejeté une vie
sédentaire au profit d’une existence nomade. Respectées
pour leur aptitude militaire et leur nature farouche, les
Amazones forment une Nation exclusivement féminine
et représentent une force conséquente.
La horde de Cyrene trouve ses origines dans les temps
anciens, bien avant l’époque des invasions. Les histoires
racontent que les Amazones avaient jadis leur propre cité,
Agrotera, en l’honneur de leur déesse tutélaire, Potnia
Agrotera. Leur reine était Cyrene, une dirigeante sage
et puissante, à laquelle rois et seigneurs des quatre coins
de la Numa venaient demander conseil. Elle avait même
38 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
contracté une relation symbiotique avec la polis voisine
de Tyrins. Les Amazones venaient quérir des partenaires
auprès des hommes de Tyrins dans le but de procréer, pour
garder ensuite les filles et confier les garçons aux Tirinois.
Cette relation fonctionna pendant des générations,
jusqu’à ce qu’un guerrier vaniteux nommé Hercule décide
de faire de la reine Cyrene sa femme. Il convainquit Cyrene
d’organiser une fête pour lui et ses guerriers à Agrotera.
Une fois les Amazones endormies, Hercule et les siens
attaquèrent leurs hôtesses dans l’intention d’en faire leurs
esclaves. Les Amazones résistèrent et se battirent brave-
ment, mais la cité brûla au cours du combat. La plupart des
Amazones périrent, y compris la reine Cyrene. Les survi-
vantes gagnèrent les montagnes et jurèrent de ne jamais
plus séjourner constamment dans un unique endroit où
l’on pourrait les prendre au dépourvu.
La horde de Cyrene consiste en un immense convoi
constitué de chariots et de guerrières à cheval qui
protègent les travailleuses et leurs familles. Lorsqu’elle
s’arrête quelque part, la horde demande rarement son
avis aux autochtones : les Amazones installent leur cité
nomade où elles le souhaitent, en échange de quoi elles
commercent, travaillent et protègent la région. Une fois
déployé, le camp de Cyrene s’étend sur des kilomètres de
terrain en une multitude de tentes marquées des étendards
des diverses familles amazones.
C’est au centre du camp que se trouvent les tentes
les plus imposantes, demeures des descendantes de la
reine Cyrene  : la reine Artemesia et ses sept filles. La
reine Artemesia est vue de façon ambivalente par les
Amazones, car elle a conçu toutes ses filles avec un seul
homme : un poète, cavalier et héros numanari nommé
Lysinnus. Nombre d’Amazones nostalgiques de l’époque
où elles parcouraient le pays et bataillaient contre l’enva-
hisseur se demandent avec inquiétude si la paix n’aurait
pas amolli Artemesia. En attendant, les Amazones vont
où il leur chante, brandissant haut les bannières de leurs
anciennes lignées.
La Bucca

7E MER NATIONS PIRATES 39


« L’or n’est pas notre objectif, mais le moyen de l’atteindre.
Et notre objectif, mes amis, c’est la liberté. »
— Allende
La Bucca, l’île de la Tentation, était jadis la plus célèbre
prison insulaire de Théah. Y étaient parqués criminels
violents et prisonniers politiques sensibles. Désormais,
l’île fait partie des Nations libres de Théah, structurée par
un mélange fragile entre une démocratie directe et des
dirigeants forts. En apparence, tous sont égaux, mais la
vérité est un peu plus compliquée.
La Palabra de Dios
La prison insulaire de La Bucca fut conçue pour y incar-
cérer les pires criminels de Théah. Par la suite, on y envoya
également des prisonniers politiques. L’île fut fortuitement
découverte par le cardinal Alfonso Ordunez lorsque son
navire fut détourné par une tempête particulièrement
sévère, laquelle le conduisit à l’ouest de la Castille et de
l’Ifri, jusqu’à une petite chaîne d’îles généreusement pour-
vues en eau potable et en cochons sauvages. Il nomma cette
terre providentielle La Palabra de Dios.
40 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
La Bucca
Pendant les quelques jours nécessaires à réapprovisionner
le bateau, le cardinal, accompagné de quelques autres
religieux, explora l’île en vue de futures incursions. Ils y
découvrirent une ruine syrneth qui contenait un unique
artefact, ainsi que plusieurs tablettes gravées d’images
étranges où figurait un curieux monstre tentaculaire.
Ordunez ne réalisa l’importance de l’artefact que lorsqu’il
tenta de quitter l’île.
Lorsque l’équipage leva l’ancre, les marins remarquèrent
qu’un énorme monstre marin, de taille et de forme
prodigieuses, faisait le tour de l’île. Le cardinal reconnut
immédiatement la créature représentée sur les tablettes
des ruines. Battu en brèche par la chose dès lors qu’il
tentait de quitter la baie où il avait accosté, le navire fut
forcé de revenir à son point de départ. Alors que l’équi-
page projetait de tuer la créature pour libérer le passage,
Ordunez s’efforça de comprendre les tablettes et l’artefact
qu’il avait exhumés.
L’artefact mystérieux
Au bout d’une semaine, le cardinal parvint à comprendre
sommairement le fonctionnement de l’artefact. Celui-ci
permettait de contrôler approximativement les déplace-
ments de la créature en la dirigeant vers une extrémité de
l’île ou l’autre.
Ordunez envoya la créature de l’autre côté de l’île,
permettant au navire de faire voile sans danger. Sitôt qu’ils
eurent gagné le large, il détruisit l’essentiel des tablettes et
en jeta les résidus dans l’océan. Il ne partagea ces secrets
avec personne, de crainte que quelqu’un n’apprenne ce que
les tablettes lui avaient révélé.
Par la suite, le cardinal se sentit attiré par l’île sur laquelle
il voulut retourner, y voyant le site d’une forteresse magni-
fique. Il développa également une légère obsession pour
l’artefact, qu’il maintint sous bonne garde, se figurant (à
raison) qu’il s’agissait de la clé permettant d’accéder aux
opportunités uniques de l’île.
La prison parfaite
Avant l’existence de La Bucca, les exécutions publiques
étaient courantes en Théah, malgré les réserves de l’Église
vaticine. Pour Ordunez, l’île allait changer les choses. Par
le biais de l’Église, il encouragea les Nations à sauver les
âmes des damnés en les séquestrant à l’écart de la société
plutôt que de les tuer. Au début, la Castille y envoya ses
prisonniers les plus indésirables, ceux coupables des pires
crimes. Des baraquements et des postes de garde furent
érigés sur l’île pour y héberger et surveiller ces criminels.
Rapidement, les autres Nations suivirent le mouve-
ment, mais au lieu d’y envoyer des repris de justice, elles
s’en servirent pour se débarrasser de leurs prisonniers
politiques, de sorte à les y exiler plutôt que d’en faire
des martyrs.
Avec la bénédiction de l’Église, Ordunez prit les pleins
pouvoirs sur l’île, où il devint le dirigeant et directeur de
conscience de la prison. Il s’y fit accompagner d’un groupe
de gardes et de prêtres loyaux dans l’espoir de guider les
criminels vers un « idéal de vie plus philosophique ». Le
cardinal rêvait de créer l’ordre à partir du chaos et de
racheter ces prisonniers qu’il considérait un peu comme
ses enfants. Il consacra également une bonne partie de son
temps sur l’île à comprendre et, finalement, maîtriser le
monstre qui vivait dans les eaux environnantes.
La révolution silencieuse
Pendant bien des années, l’île servit de prison à toutes les
Nations de Théah, mais lors d’une matinée fatidique de
fin d’hiver, les prisonniers s’approprièrent l’île. Menés par
une femme au masque de velours qui se faisait appeler
Allende, les prisonniers chassèrent leurs geôliers en simu-
lant une épidémie.
Allende et plusieurs autres prisonniers se présentèrent au
bureau du cardinal Ordunez avec un cadavre couvert de
bubons d’où suintait un pus d’un blanc laiteux. L’individu
était clairement mort de la peste blanche, une maladie qui
avait exterminé près d’un tiers de la population théane
aux XIIe et XIIIe siècles. Allende fit savoir au cardinal
que l’homme avait officié comme porteur d’eau auprès
des gardes et que personne ne savait depuis combien de
temps il souffrait de son affliction. Il avait probablement
contaminé toute la réserve d’eau.
Dans l’heure, le cardinal eut rassemblé ses gardes et son
équipage dans tous les vaisseaux à quai. Il prit le large pour
fuir la peste, laissant ses prisonniers derrière lui. Il espérait
que la maladie s’éteindrait d’elle-même en quelques années,
et qu’il pourrait alors retourner sur l’île pour en reprendre
le contrôle. En attendant, les prisonniers seraient livrés à
eux-mêmes. Il était loin de se douter que tout cela n’était
qu’un stratagème.
Allende établit sur le champ un gouvernement représen-
tatif au sein duquel les prisonniers purent élire leurs
dirigeants. En attendant le résultat des votes, elle prit
temporairement le poste de présidente. Le plus gros
problème auquel les prisonniers eurent affaire fut ce
qu’ils appelaient « la Créature ». Ils ignoraient tout de
cette chose, si ce n’était qu’elle était capable de couler un
navire et que les gardes lui livraient parfois des prison-
niers à problèmes lorsqu’ils pensaient que le cardinal ne
s’en rendrait pas compte. Ordunez possédait clairement un
moyen de contrôler la créature, car les bateaux qui livraient
prisonniers et approvisionnement pouvaient passer sans
problèmes, mais si l’un des prisonniers s’essayait à voler
une embarcation, il se faisait couler à peine après avoir
quitté l’île. S’aidant d’un unique texte oublié par Ordunez
dans son départ précipité, Allende et ses hommes ne
parvinrent qu’à endormir la bête.
La nouvelle de l’épidémie de peste blanche sur La Palabra
de Dios se répandit rapidement à travers la Théah. Le
cardinal fit savoir que le Créateur avait jugé les prisonniers
indignes de vivre, et affirma avoir abandonné l’île pour la
sauver. Pour le restant de l’année, nul n’osa se rendre sur
l’île de la peste blanche.
7E MER NATIONS PIRATES 41
 Le Traité des trois flottes
Deux ans plus tard, le cardinal Ordunez prépara son
retour sur l’île dans l’espoir de récupérer ce qu’il pourrait
de ce qu’il y avait laissé. À cause des rumeurs de pirates et
de monstres marins, il eut bien du mal à trouver un ca-
pitaine prêt à s’y rendre, et ne put au final affréter qu’un
seul vaisseau. Désespérément pressé de récupérer son
ancien poste, il vida ses coffres pour en payer l’équipage.
42 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Le retour prochain d’Ordunez sur La Palabra de
Dios attisa les convoitises. La Ligue de Vendel dépêcha
ainsi un navire afin de le doubler et de s’approprier l’île.
Intrigué par les rumeurs de ruines syrneth sur l’île, le
Prince marchand Vincenzo Caligari fit également partir
un bateau de Vodacce.
Les trois vaisseaux gagnèrent l’île en même temps, mais
ils s’en tinrent tous à distance. Aucun des trois bateaux
ne pouvait en effet accoster sans prêter le flanc aux deux
autres. De plus, Ordunez craignait que les prisonniers
n’aient compris comment contrôler la Créature, et à
force de rumeurs entre les trois bateaux, les deux autres
capitaines se mirent à partager les mêmes craintes. Ainsi,
chaque navire finit par simplement tenir sa position, se
refusant même à communiquer avec les autres de crainte
d’attirer la Créature.
Sur La Bucca, les Boucaniers se rallièrent lentement
autour d’Allende. Nombre d’entre eux craignaient qu’une
bataille en mer ne signe leur perte. Allende n’avait toujours
pas trouvé comment contrôler la Créature, et elle savait
que ce n’était qu’une question de temps avant que les
navires ne se décident à accoster. Ayant désespérément
besoin de gagner du temps, elle rassembla les prisonniers
et demanda des volontaires pour aller nager jusqu’aux
bateaux en brandissant des nageoires factices et des amas
de vignes pseudo-tentaculaires afin de tromper le cardinal
aussi longtemps que possible. Jour après jour, Allende
envoya ses leurres barboter entre les navires et l’île, en
profitant même pour subtiliser de la nourriture et de l’eau
aux bateaux à la faveur de la nuit. En dépit de ces pertes et
de ces menaces, les vaisseaux refusèrent de partir… mais
aussi d’approcher.
Au bout d’un mois de telles manœuvres, Allende sut
que les navires étaient à court de provisions, désormais
incapables de rallier le continent. Elle fit apprêter quan-
tité de porc fumé et d’eau fraîche, et envoya un émissaire
auprès de chaque bateau, porteur de nourriture, d’eau et
de la promesse de ne pas être inquiété par la Créature.
Le soir venu, chacun des navires accosta et se rendit à la
Nation insulaire.
Allende soumit un choix à chaque membre d’équipage :
refaire leurs provisions et quitter l’île, ou y rester en tant
que citoyens de la république. Elle rédigea même des
contrats individuels, qu’elle nomma collectivement le
Traité des trois flottes. Le cardinal Ordunez fit partie de
ceux qui restèrent.

La Bucca aujourd’hui
En dépit de sa réputation, l’île est devenue une destination
en vogue. La Nation insulaire accueille les invités et les
visiteurs, et surtout leur argent. L’île possède certes son lot
d’éléments louches, mais elle reste l’un des rares lieux où
l’on peut trouver pratiquement n’importe quoi à condition
d’y mettre le prix. De plus, la démocratie d’Allende confère
à l’île une atmosphère de liberté politique qui attire des
agents et des ambassadeurs de toutes les Nations.
Tout bateau qui accoste reçoit en cadeau d’accueil une
ration de porc fumé et un baril d’eau. S’il est vrai qu’il
s’agit probablement de la seule chose qu’ils recevront
gratuitement, Allende refuse d’abandonner cette coutume.
Selon elle, il s’agit d’une des rares choses qui font de l’île
une Nation civilisée plutôt qu’une décharge de déchets
humains (ce qui en serait pourtant une description plus
fidèle).
Les Boucaniers sont des hardis gaillards aux nationalités
et aux apparences diverses, mais ils ont tous en commun
une inébranlable volonté de travailler et une loyauté sans
faille envers Allende. Cela ne les empêche pas de continuer
à parfois se disputer ou se battre, aussi ont-ils fondé des
Chapitres pour maintenir l’ordre. Chaque Chapitre prend
en charge des aspects précis de la vie sur l’île. La plupart
des résidents se satisfont de simplement vivre à l’écart de
l’autorité des autres Nations, mais pour d’autres, intégrer
un Chapitre est l’occasion de faire partie de quelque chose
de plus grand et de protéger leur petit havre de liberté.
La démocratie sur La Bucca
Lorsqu’Allende prit le contrôle de l’île, elle nourrissait de
grandes ambitions quant à la façon de diriger cette Nation
bourgeonnante. Elle croyait en un gouvernement représen-
tatif au service du peuple, dirigé par le peuple. Quelques
jours après le départ du cardinal, elle organisa des élections
générales pour notamment désigner un responsable de
la Garde, un commissaire en chef et un intendant. Des
prisonniers se déclarèrent candidats pour occuper ces
fonctions, certains plus honnêtes que d’autres.
À l’époque, Allende portait un masque de velours qui
faisait partie de sa tenue de prisonnière. Elle promit de ne
pas le retirer tant qu’un président n’aurait pas été élu, afin
de rappeler à tous qu’elle avait également été une prison-
nière. Des rumeurs malveillantes se répandirent sur son
identité, mais ceux qui l’avaient aidée à chasser Ordunez
la soutinrent.
L'ÎLE DE LA TENTATION
Les autres Nations surnomment La Bucca
« l’île de la Tentation » en référence au porc
fumé savoureux et addictif que les prisonniers
produisent et exportent vers le continent.
Cocteau Genet, célèbre poète montagi-
nois, baptisa l’île « La Bucca », et le nom se
répandit. Pour se démarquer, les habitants de
l’île se mirent à se faire appeler Boucaniers,
sans se rendre compte qu’en dehors de l’île,
les Théans avaient pris pour habitude de dési-
gner par ce terme tous types de criminels.
L’élection présidentielle eut lieu un mois plus tard.
Allende fut la seule à se présenter, et fut donc élue à l’una-
nimité. Elle tint parole et retira son masque, affirmant
devant les prisonniers qu’elle voulait qu’ils la connaissent
et puissent avoir le sentiment de pouvoir s’exprimer libre-
ment devant elle. Elle garda cependant son masque face
aux visiteurs, pour leur rappeler les racines de sa Nation.
Les élections sur La Bucca
Chaque année, Allende organise l’élection générale des
dirigeants des Chapitres, du capitaine de la Garde et du
président de l’île. Les élections sont universelles : n’im-
porte qui peut se présenter et chacun vote à part égale.
Chaque année, les mêmes personnes se présentent et sont
élues. Malgré les beaux discours d’Allende et son idéal de
démocratie véritable, il est clair que tout le monde n’adhère
pas à son idéal gouvernemental utopique. Nul n’ose faire
campagne contre Allende, laquelle croit avec optimisme
qu’elle est trop populaire et efficace pour susciter une
opposition, et chaque année, à l’approche des élections,
chacun s’assure de conserver son poste à renforts de
menaces et de pots-de-vin.
Allende n’ignore pas complètement la corruption dont
souffre son système, mais elle est bien en peine de savoir
comment l’endiguer. L’ordre qu’elle a imposé aux repris de
justice et aux prisonniers politiques semble fonctionner,
aussi poursuit-elle bon an mal an. Elle est consciente
que l’on intrigue contre elle, mais craint que si jamais elle
se retirait du pouvoir, l’île s’abîmerait dans l’anarchie et
la criminalité les plus totales. Elle laisse donc la corrup-
tion perdurer afin de s’assurer la loyauté de ceux qui
en bénéficient.
7E MER NATIONS PIRATES 43
 Le gouvernement d’Allende
La Nation compte sa part de dissidents. Les plus virulents
détracteurs d’Allende sont un frère et une sœur eisenörs,
Uwe et Greta Lehmann, venus sur l’île en quête de fortune
et de pouvoir. Lorsqu’ils virent leurs ambitions contrariées
par les membres des Chapitres, ils décidèrent en dignes
Boucaniers que s’ils ne pouvaient pas obtenir ce qu’ils
voulaient, ils se contenteraient de le prendre à ceux qui le
possédaient déjà. Allende est vaguement consciente que
le duo convoite son pouvoir, et elle rappelle ouvertement
à tous que n’importe qui peut se présenter aux élections
présidentielles de l’île chaque année. Les Lehmann inter-
prètent cependant cela comme une menace à leur encontre,
et s’efforcent donc d’agir en secret.
D’autres, en particulier les dirigeants des Chapitres, se
satisfont de la situation actuelle. Lorsqu’Allende essaie de
démocratiser davantage les élections et de lutter contre la
corruption, ils œuvrent simultanément à neutraliser ses
efforts et à la maintenir au pouvoir, car elle est pour eux la
marionnette idéale. Nul ne semble réaliser à quel point le
gouvernement est instable : il suffirait que l’un des acteurs
perde son assise pour que tout l’édifice s’effondre et signe
la fin de la Nation émergente.
La légende d’Allende en dehors de l’île est confite d’on-dit
et de mythes. Peu de Théans savent que la démocratie
règne sur l’île avant de le constater par eux-mêmes, et
la plupart se représentent Allende comme une sorte de
gouverneur local. Rares sont ceux qui savent quoi que ce
soit sur elle avant leur venue, car les rumeurs sont aussi
nombreuses que contradictoires : c’est un homme, c’est un
terrible pirate en retraite sur l’île, c’est l’enfant illégitime de
l’Empereur et ainsi de suite. Certains prétendent même
qu’Allende serait morte il y a des années et que ses multi-
ples partisans ont secrètement pris sa place pour tromper
la populace.
La vérité est donc bien moins excitante et beaucoup plus
délicate. Allende ne maîtrise que partiellement le système
qu’elle a bâti, mais à ce jour, elle est la seule figure éminente
de La Bucca prête à endosser cette responsabilité et ainsi
s’assurer que l’île ne retombe pas aux mains de ceux qui en
avaient initialement fait une prison.
44 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Les Chapitres
Le gouvernement de La Bucca se partage en cinq
Chapitres, chacun chargé de l’entretien et de la gestion de
l’île : l’Œil, le Tentacule, la Nageoire, l’Écaille et la Pinte.
À l’exception évidente de la Pinte, chaque nom est inspiré
d’une des parties de la Créature qui sommeille sous La
Bucca. À l’origine, ces titres revinrent à ceux qui aidèrent
Allende à accomplir les rites nécessaires à endormir de
la Créature. D’un individu, ils en vinrent à qualifier un
poste élu, puis les Chapitres qui s’organisèrent autour de
ces postes.
• L’Œil est en charge de la communication et de
la sécurité dans l’enceinte de l’île. Ses membres se
distinguent par le port d’une écharpe ornée d’un
œil stylisé. La Garde, composée des premiers rési-
dents de La Bucca, est l’organe le plus éminent de
ce Chapitre. Son dirigeant actuel est un homme
taciturne nommé Alesio. On dit qu’il ne parle que
lorsqu’il y a des ennuis dans l’air.
• Le Tentacule est responsable de la circulation sur
l’île, notamment par le biais des ponts de corde
qui sont utilisés à marée haute, lorsque les plages
qui relient les îles sont submergées. Ils servent en
quelque sorte de guides nationaux, aidant tout
invité à s’orienter. Allende est la dirigeante du
Tentacule, mais elle en laisse la gestion à ses subor-
donnés et ses subalternes.
• La Nageoire s’occupe de la communication entre
l’île et les autres Nations. Tout membre de la
Nageoire parle au moins trois langues et prend
note de tout accord commercial conclu avec une
autre Nation. Ils servent également d’officiers de
port, chargés de contrôler les allées et venues sur
La Bucca et de donner la permission à tout navire
d’entrer à quai ou d’appareiller. Pour la Nageoire, les
secrets et les informations sont les plus importantes
des marchandises ; les seules dignes d’intérêt, même.
Le dirigeant actuel de la Nageoire est le tristement
célèbre Baron Victor Maison.
 LA VÉRITÉ
SUR LES SIRÈNES
Les Sirènes existent bel et bien, mais pas
comme les rumeurs les dépeignent. Lorsque
quelqu’un enfreint un secret ou représente
un danger pour l’île, le dirigeant d’un
Chapitre peut faire appel à des Boucaniers
de confiance pour régler le problème,
promptement et discrètement. Chaque
dirigeant choisit un individu, et ces cinq
agents œuvrent de concert pour accomplir
la mission qui leur a été confiée.
Interpréter des Sirènes pourra combler les
attentes d’un groupe qui désire un style de
jeu orienté missions et discrétion tout en
étant directement en contact avec les huiles
de La Bucca.
• L’Écaille gère les affaires résidentielles ainsi que
l’allocation de terrain et d’espace à toute entreprise
commerciale. Chaque résident doit élever au moins
deux cochons par an et contribuer aux stocks de
porc fumé de la Nation. L’Écaille tient un registre de
tous les commerces et entreprises de La Bucca. Elle
fixe et perçoit les impôts sur la vente de biens, qu’ils
soient étrangers ou locaux. Elle gère également
l’importante trésorerie de l’île, laquelle finance les
travaux publics. La dirigeante actuelle de l’Écaille
est la Mère de La Bucca.
• La Pinte a à sa charge les divertissements de l’île :
tavernes, pubs, jennys, musiciens, etc. La Ligue de
Vendel a tenté de s’installer sur La Bucca, mais la
Pinte l’a tenue à l’écart… pour le moment en tout
cas. Le dirigeant actuel de la Pinte est un ex-prison-
nier nommé Gwyn Sharps.
Les Boucaniers parlent d’un sixième Chapitre myth-
ique : les Sirènes. Elles sont les croquemitaines de l’île
et s’assurent que tout accord sur La Bucca reste secret
et respecté. « Attention, les sirènes de la mer vont s’en
prendre à vous ! » plaisantent parfois à moitié les autoch-
tones. Mais certains affirment avoir croisé le sixième
Chapitre, composé, à les en croire, d’agents beaux et
mortels qui usent de séduction pour réduire au silence
tout transgresseur en le tuant dans son sommeil. La Garde
nie officiellement leur existence, mais les rumeurs ont la
vie dure.
La Garde
L’ambiance dans La Bucca peut paraître laxiste, mais la
Garde y maintient bel et bien une sorte d’ordre. Même
aux yeux de repris de justice endurcis, certains crimes sont
répréhensibles, notamment ceux qui surviennent en public.
La Garde a les coudées franches en ville et peut se rendre
à tout moment dans n’importe quel établissement pour y
faire respecter la loi. Elle arrête les bagarres de bar, mate les
agitations et punit tout fauteur de troubles qui oserait agir
au grand jour. La Nageoire a interdit à la Garde d’investir
un bateau sans la permission explicite de son capitaine, et
la Pinte s’efforce de la tenir à l’écart des établissements de
jeux et de boissons, allant souvent jusqu’à payer grasse-
ment les patrouilles pour qu’elles se désintéressent de
leurs activités.
Si forte que soit la criminalité dans La Bucca, peu
oseraient remettre en question l’autorité de la Garde.
La plupart des autochtones savent qu’ils ont intérêt
à s’occuper de leurs petites affaires en privé et en toute
discrétion s’ils ne veulent pas avoir affaire à elle. Chaque
Chapitre contribue aux activités de la Garde, bien que
l’Œil (et donc Alesio) reste son dirigeant absolu. C’est en
vertu de ce soutien unifié que la Garde peut faire usage
de la force envers quiconque perturbe l’ordre public dans
La Bucca.
Contrairement aux autres branches des différents
Chapitres, le poste de capitaine de la Garde est soumis
au vote. L’actuel capitaine est une Sorcière de la Destinée
vodacci nommée Lucia, présente sur l’île depuis cinq ans,
et qui dirige la Garde d’une poigne de fer : elle interdit
toute consommation d’alcool pendant le service et exige
d’approuver tout pot-de-vin ou tractation monétaire. Ce
n’est que grâce à elle que la Garde est plus qu’un groupe
de brutes organisées, aussi les dirigeants des Chapitres lui
laissent-ils carte blanche.
La vie dans La Bucca
L’île ayant été à l’origine peuplée d’indésirables venus de
toutes les Nations, La Bucca est un lieu où les cultures du
monde entier s’entrechoquent. Certaines régions de l’île
sont clairement multiculturelles, tandis que dans d’autres,
certaines langues ou coutumes nationales prédominent. Il
n’est pas rare qu’un quartier s’affirme comme vesten, puis
que les Vestens se fassent chasser et supplanter par des
Castillians. L’île est loin d’être cosmopolite, mais elle est
devenue un creuset de diversité, un monument aux vices
et à la liberté.
7E MER NATIONS PIRATES 45
 SIGNES DE
RECONNAISSANCE
Les autochtones ont élaboré un système de
symboles pour communiquer avec la Garde
en la présence d’étrangers. Par exemple,
un Boucanier qui a des problèmes peut
proposer à un membre de la Garde « ce
que tu veux à boire ». Si une telle offre
peut avoir l’air au demeurant innocente,
tout résident sait que la Garde ne doit pas
boire en patrouille. Cela permet en réalité
de faire savoir à la Garde que le citoyen
craint quelque chose et ne peut demander
ouvertement de l’aide. Le choix de la boisson
précise le problème du Boucanier : du rhum
indique un problème au port, du gin évoque
un enlèvement et du vin signifie que les
dirigeants des Chapitres sont en danger.
Les habitants font également passer des
messages en suspendant des sous-vête-
ments en évidence à leur fenêtre. Du linge
blanc est un appel à l’aide muet tandis que
du noir est une requête d’assistance pour
déplacer des marchandises illégales ou un
corps, avec bien sûr une récompense à la clé.
Les Boucaniers sont unis par une alliance fragile, par la
promesse tacite de se comporter en êtres civilisés et de ne
pas se voler ou se trucider pendant leur sommeil. Cela
n’empêche pas les rivalités et les rancœurs mortelles d’être
légion, une telle entente ayant ses limites. Quant aux visi-
teurs, il ne leur est fait aucun cadeau : ils sont le gibier des
criminels et des brigands.
Quiconque visite La Bucca pourrait jurer que les enfants
y forment la majorité de la population. Nombre d’entre
eux sont la progéniture des autochtones, mais la plupart
sont des orphelins. Nul ne sait vraiment d’où ils viennent,
et il semble constamment en apparaître de nouveaux…
bien qu’il devienne en réalité vite difficile de différencier
un visage barbouillé et une mise crasseuse d’une autre.
La Mère de La Bucca, dirigeante de l’Écaille, entretient
un logis spécialement à leur intention et semble prendre
particulièrement soin d’eux.
Obtenir le droit de résider sur l’île n’est pas aisé. Toute
requête doit être soumise à l’Écaille et accompagnée d’un
modeste paiement. La Mère elle-même passe en revue
chaque demande et décide de qui peut rester ou non.
Elle estime dans quelle mesure chaque individu peut
46 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
contribuer à l’amélioration de l’île, et sa décision est sans
appel. Nul ne sait vraiment ce qui constitue une bonne
candidature, quoique les compétences uniques semblent
particulièrement valorisées.
Le marché libre
La Bucca est un carrefour prospère de commerce et d’in-
trigues, visité par des vaisseaux de toutes les Nations.
Des espions s’y réunissent pour échanger des secrets, des
diplomates s’y donnent rendez-vous, trouvant là le seul
terrain neutre de la mer Atabéenne, et des marchands y
viennent dans l’espoir d‘y acquérir des biens rares et illi-
cites. Les opportunités sont partout dans La Bucca… et
les ennuis aussi.
Le marché de La Bucca est véritablement libre  : on
peut y vendre et y acheter absolument tout, qu’il s’agisse
d’artefacts, d’objets d’art onéreux, de biens illégaux ou
même d’esclaves. Tout visiteur peut y refaire le plein en
nourriture, en eau, en armement et en équipage, tout cela
à des prix raisonnables. Plus l’argent circule sur La Bucca,
mieux l’île se porte. Le Tentacule et la Nageoire œuvrent à
maintenir les ports ouverts à toute heure et à tout vaisseau,
s’assurant un arrivage constant de visiteurs.
De nombreux navires marchands venus d’autres Nations
installent régulièrement des échoppes temporaires sur l’île
(moyennant un généreux don à l’Écaille), d’où une vaste
sélection de biens et de services. Il est possible de trouver
ce que l’on cherche rien qu’en se renseignant sur les quais :
tout le monde connaît tout le monde, et nulle marchandise
n’est trop illicite pour en parler ouvertement… sauf peut-
être les assassins et les espions. La plupart des commer-
çants offrent leurs services depuis leurs étals et leurs stands
près des ports, mais certains font affaire chez eux, offrant
alors à leur clientèle un accueil plus personnel.
Les marchandises les plus précieuses sont les cartes
marines. Là où les autres Nations s’efforcent de les garder
secrètes, il est aisé d’en trouver dans La Bucca… mais
nettement moins d’en acquérir. Difficile de dire où les
marchands se procurent leurs biens, mais les diplomates
théans comptent parmi leurs plus fidèles clients.
Le service le plus recherché est le divertissement. La Pinte
ne prend pas la peine de contrôler l’industrie foisonnante
en la matière, préférant laisser chaque taverne et chaque
bar gérer ses propres affaires. Elle ne s’implique qu’en cas
de problèmes financiers ou criminels importants. La Bucca
offre le plus large panel de loisirs et satisfait des désirs
parmi les plus débauchés de Théah. Les commerçants de
La Bucca savent qu’une transaction réussie implique de
s’abstenir de poser trop de questions.
Les biens illégaux et le marché D’ordinaire, une telle activité créerait des tensions entre
de la pogne les Nations, mais l’île permet d’instaurer une distance
Il est relativement aisé de trouver des biens et services entre la couronne et ses agents. Les corsaires employés
normalement perçus comme illégaux, même au sein de reçoivent des documents affirmant qu’ils agissent de façon
La Bucca, à condition de savoir où chercher. Les meilleurs officielle, et la Nation peut, au besoin, nier toute implica-
commerces n’ont en effet pas forcément pignon sur rue. tion. Au bout du compte, tout le monde est content… sauf
C’est au sein de ces marchés noirs que les vraies affaires ont les navires qui finissent devant les canons des corsaires,
lieu. Étant donné que le Tentacule impose à tout navire de bien entendu.
ne commercer que dans ses ports, l’île comprend bien des
criques dissimulées où les visiteurs intéressés peuvent se
rendre. Les nombreuses tavernes, auberges et bordels de
la Pinte proposent également salles privées et lieux sûrs
pour toute tractation où la confidentialité est de mise. La
Pinte peut tout arranger pour quiconque en a les moyens.
Et qui n’en a pas les moyens peut offrir quelque chose de
plus précieux encore : une faveur.
Sur La Bucca, une faveur vaut plus que de l’or. Les
autochtones nomment le discret commerce des faveurs « le
marché de la pogne », se référant à la poignée de mains qui
conclut un accord. Les faveurs sont tenues en très haute
estime, et la promesse d’un Boucanier vaut parfois plus que
les guilders qui l’ont payée. Si bien d’autres engagements
peuvent céder au temps et à la distance, un Boucanier
qui a donné sa parole saura la tenir jusqu’à y satisfaire ou
jusqu’à la mort. Quiconque s’engage à devoir une faveur
et se refuse ensuite à l’honorer se retrouvera au fond de
l’océan. Pour un Boucanier, la parole d’une personne est
sacrée, et au marché de la pogne, on n’offre pas de seconde
chance. Souvenez-vous-en la prochaine fois que vous êtes
à bord d’un vaisseau pirate et que vous vous rendez compte
que son capitaine est un Boucanier.

La naissance des corsaires boucaniers

L’immense variété des services et des loisirs offerts sur La
Bucca s’explique en partie par le fait que les Boucaniers ont
besoin de s’occuper entre deux contrats. De tels « petits
boulots » leur fournissent une façade respectable lorsqu’ils
s’occupent d’affaires moins reluisantes, et leur évitent de
tomber dans la monotonie. Très peu de Boucaniers se
contentent d’un unique emploi.
Un autre marché prospère sur La Bucca est celui des
lettres de marque. Des diplomates et des agents des
différentes couronnes théanes viennent sur La Bucca
dans le but express d’y engager des corsaires. Ces derniers
disposent de la bénédiction d’une autorité royale pour
exercer leur métier dans le vaste océan et bénéficient d’un
pourcentage du butin au nom du roi ou de la reine qu’ils
servent. La Bucca a pleinement accepté cette pratique et
en a fait un commerce réglementé.

7E MER NATIONS PIRATES 47

Lieux
La Bucca n’est en fait pas une île unique, mais trois masses
terrestres agglutinées. Vue de haut, elle ressemble à un
gigantesque S, avec deux plages arquées qui se rejoignent
sur une île intertidale centrale. Cette dernière n’est acces-
sible depuis les deux plages qu’à marée basse. À tout autre
moment, elle est isolée à la manière d’une forteresse natu-
relle. Du temps où La Bucca était une prison, l’île centrale
hébergeait les quartiers du cardinal Ordunez tandis que les
prisonniers occupaient les deux autres îles. Aujourd’hui,
La Bucca est séparée en quatre régions distinctes : l’Arc
Septentrional et le Havre du Levant sur l’île nord et l’Arc
Méridional et le Havre du Couchant sur l’île sud. L’île
centrale est à mi-chemin des deux ports.
L’Arc Septentrional
L’île nord présente à l’océan une façade rocheuse dont le
seul port sûr se situe dans la partie intérieure du croissant,
face à l’île centrale. Elle est en majorité couverte de forêts
denses qui ne se clairsèment qu’aux abords des plages
sablonneuses. Cette partie de La Bucca est peu peuplée,
hormis par les cochons et les arbres. La côte sud abrite
l’un des deux grands ports de La Bucca et son quar-
tier marchand.
La Couronne
À l’extrémité de l’Arc Septentrional, on trouve la
Couronne, qui tire son nom de la paroi rocheuse inégale
qui fait face à la mer. Un grand banc de corail met à mal
tout vaisseau imprudent, et rares sont les cartes qui
décrivent un passage sûr à travers les coraux. Seules les
plus petites embarcations peuvent circuler le long de la
face rocheuse, laquelle recèle des cavernes au sein de ses
denses formations. À ceux qui les connaissent, ces cavités
permettent de s’y retrouver discrètement pour des rendez-
vous clandestins et des affaires secrètes. On y trouve égale-
ment quelques audacieux pêcheurs à la ligne qui affirment
« tenir la Créature en respect ».
Côté plage, des promontoires en bois permettent aux
Boucaniers de grimper jusqu’aux canons de vingt livres
calés dans des positions clés de la falaise. Ceux-ci ont pour
fonction de décourager toute approche navale par le nord.
Dans les faits, il s’agit surtout d’une défense de principe,
mais à défaut d’avoir une puissance réelle à disposition, il
est important de pouvoir faire illusion. Ceci dit, Allende
apprécierait tout de même énormément de pouvoir
compter sur des artilleurs plus expérimentés.
Port Sacré
Il existe un vaste réseau de cavernes juste à l’est de la
Couronne, dont l’entrée n’apparaît qu’à marée basse, et qui
s’étend jusqu’au centre de l’Arc Septentrional. L’intérieur de
Port Sacré est un refuge naturel assez grand pour contenir
trois bateaux. Peu connaissent son emplacement, mais des
rumeurs laissent entendre que des contrebandiers et des
pirates s’y réfugient, hors d’atteinte même des autorités de
La Bucca.
Cette mystérieuse crique est le sujet de nombre de ragots
échevelés concernant des trésors pirates, des ruines étranges,
des monstres marins et des sombres rituels. La plupart des
autochtones s’en tiennent donc à l’écart, refroidis par ces
rumeurs effrayantes. En réalité, Port Sacré sert de refuge à
des personnes en exil politique et à quiconque cherche asile
sur l’île. Allende s’entretient avec certains des navires qui y
font escale dans la plus grande discrétion aux petites heures
du jour. Elle fait passer des gens vers les autres ports et leur
procure des papiers résidentiels qui affirment qu’ils vivent
sur l’île depuis des années. La Mère de La Bucca collabore
avec Allende pour héberger les réfugiés de telle manière que
les autres Chapitres n’en aient pas vent.
Port Sacré a un autre secret que bien peu connaissent et
qui, s’il s’ébruitait, rendrait le lieu encore plus infréquenté :
c’est là qu’Allende et quelques-uns des prisonniers d’origine
ont emprisonné la dangereuse Créature marine qui vit sous
La Bucca, se servant des quelques fragments d’informations
laissés par le Cardinal pour calmer la faim de la bête mons-
trueuse et la plonger dans un profond sommeil.
Le Lac du Gibet
Rappel sinistre de l’histoire chargée de La Bucca, le Lac du
Gibet tient son nom des cages suspendues sur ses rivages.
Y étaient parqués les prisonniers coupables d’actes de
désobéissance violents. Le cardinal prêchait généralement
le pardon, mais bien des gardes avaient pour politique de
punir les prisonniers les plus agités pour l’exemple.
Ces cages sont désormais vides, si ce n’est les os blanchis
de prisonniers morts depuis longtemps, témoins macabres
de l’héritage de l’île. Allende a formellement interdit de les
détruire, affirmant que « La Bucca ne peut se permettre
d’oublier si rapidement son histoire. »
7E MER NATIONS PIRATES 49
 Le Havre du Levant et le Crochet
Le croissant intérieur de l’île nord forme un grand port
naturel capable d’héberger jusqu’à vingt bateaux. Comme il
fait face au sud et qu’il est naturellement abrité de l’essen-
tiel du vif soleil matinal, les autochtones l’ont surnommé le
Havre du Levant. Quelques jetées ont été ajoutées au port
naturel, permettant l’amarrage de vingt autres vaisseaux
trop larges pour s’approcher du rivage. Le Havre du Levant
fait face à l’île centrale de La Bucca, que les Boucaniers
nomment le Crochet.
Le Tentacule s’occupe de répertorier les arrivées et
de louer des emplacements à tout bateau qui souhaite
séjourner dans le port. Il accorde également des permis
à qui souhaite aller et venir de façon régulière. Ensuite,
la Nageoire oblige les capitaines à remplir des papiers
indiquant combien de temps ils ont l’intention de rester,
leur date de départ prévue et le nombre de leurs hommes
d’équipage. Au final, tout amarrage dans le Havre du
Levant se passe avec une rapidité bien rodée, chaque
Chapitre s’occupant de venir à la rencontre des arrivants
et de satisfaire aux formalités d’usage avec promptitude.
Les eaux du port sont troubles, ses vagues encrassées
d’huile et de déchets. Des petites barques circulent entre
les bateaux, manœuvrées par des enfants qui conduisent
les visiteurs à quai pour une modeste somme. Les allées
principales des quais sont bourrées de boutiques et d’étals
amassés devant les entrepôts et les chantiers navals, d’un
bout à l’autre du port. Non loin, on peut trouver des
maisons de jeu et des tavernes nichées entre des échoppes
plus permanentes.
Le Gros Vert
La maison de jeux la plus importante de l’île est située au
milieu de l’arc du port, à tout juste cinq minutes à pied
des docks. Un crocodile empaillé de douze mètres de long,
qui donne son nom au lieu, surplombe l’entrée, accueillant
tout visiteur de son sourire menaçant. Le Gros Vert est
une grande construction de deux étages, toute colorée d’un
vert joyeux.
Au rez-de-chaussée, les clients tentent leur chance
aux cartes ou aux dés, tandis qu’à l’étage, ils observent et
parient sur des courses de bateaux qui se déroulent dans
le port. Derrière le bâtiment se trouve un ring de boxe où
tout volontaire peut payer une petite somme pour parti-
ciper, dans l’espoir de gagner le gros lot. Parier sur des
combats est un passe-temps très en vogue dans La Bucca,
et à chacun ses favoris. Il est d’ailleurs de coutume de payer
à boire et à manger à son favori et de débattre sur qui est
le meilleur entre deux matchs.
50 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
La propriétaire du Gros Vert, une Montaginoise qui
se fait appeler Madame Murmure, interdit toute arme
dans son établissement, et fait respecter cette règle avec
une rigueur qui surpasse même celle de la Garde. Elle est
connue pour être une parieuse qui ne perd jamais. On
dit d’ailleurs qu’elle aurait gagné le Gros Vert aux cartes,
bluffant tout au long de la nuit jusqu’à déposséder le précé-
dent propriétaire de sa demeure. Et depuis, en dépit des
nombreuses fois où elle a joué sa maison de jeux aux cartes
ou aux dés, elle en a conservé la propriété.
L’Hôtel Marron
Localisé sur le Crochet, l’Hôtel Marron tire son nom de la
couleur des pierres et du bois qui le constituent. Il servait
jadis de chapelle et de lieu de culte aux prisonniers, et
c’est l’une des rares structures originelles encore intactes.
C’est une construction octogonale avec des entrées sur
trois faces, et son hall intérieur est suffisamment spacieux
pour y rassembler tous les résidents de l’Arc Septentrional.
Le bâtiment contenait auparavant des rangées de bancs
qui irradiaient d’une estrade centrale depuis laquelle le
cardinal donnait des sermons et faisait la morale.
Chaque mur comprend de hautes fenêtres dotées d’épais
volets de bois qui étouffent les bruits et ajoutent à l’intimité.
C’est dans l’Hôtel Marron qu’Allende réunit les dirigeants
des Chapitres et organise les élections. Chaque année, à cette
période, le lieu est ouvert à quiconque brigue un poste, afin
qu’il s’y présente et y fasse campagne.
Le reste de l’année, l’Hôtel est à la disposition des membres
des Chapitres pour y donner des audiences publiques,
y écouter les doléances des citoyens de l’île ou encore y
organiser des votes. Les symboles des cinq Chapitres sont
peints au sol, et traditionnellement, quiconque présente une
doléance se tient sur le symbole lié à son problème. Ce genre
d’audience n’a lieu qu’une fois par an au plus, et les dirigeants
des Chapitres ne les prennent pas au sérieux. L’essentiel du
temps, l’Hôtel reste donc vide.
Allende s’efforce d’intensifier les réunions pour y voter
au sujet de problématiques importantes, mais il devient de
plus en plus difficile de rassembler tout le monde au même
moment. Au mieux, elle ne peut qu’organiser des audiences
publiques avec les différents diplomates théans qui résident
sur l’île.
Les Balcons Libres
La plus grande auberge de l’île se trouve sur le Crochet,
non loin de l’Hôtel Marron, face au Havre du Levant.
Bâtis d’un beau bois poli, les Balcons Libres hébergeaient
les gardes et les visiteurs du temps où l’île était une prison.
Quatre balcons exposés aux vents se déploient dans les
directions cardinales, apportant une fraîcheur constante.
Des ponts de corde y mènent directement depuis l’Arc
Septentrional et l’Arc Méridional, offrant à quiconque y
circule une vue de l’île à couper le souffle.
Comme on pouvait s’y attendre de la part de l’auberge la
plus chère de l’île, les Balcons Libres sont bien gardés. Lors
de ses rondes entre l’Arc Septentrional et l’Arc Méridional,
la Garde y passe jusqu’à quatre fois par jour. Ses membres
s’y arrêtent souvent en chemin pour y discuter, et nombre
d’entre eux viennent y boire un verre après le service. Si
la Garde est si présente, c’est parce que le propriétaire, un
gros Avalonien nommé Roger Gould, la paye pour passer
aussi souvent que possible et la laisse boire gratis.
Au nez et à la barbe de la Garde, Gould pratique dans
son auberge autant d’activités illégales qu’il peut se le
permettre. Son traitement préférentiel envers la Garde
est une ruse dont le but est d’écarter les soupçons tout en
s’attirant ses bonnes grâces à coups de repas et de verres
gratuits. Certains membres de la Garde soupçonnent les
manigances de Gould, mais nul n’a jamais pu remettre
sérieusement en doute sa bienveillance.
L’Échelle de Jacob
Si La Bucca est en soi une masse terrestre unie, des parties
de l’île disparaissent à marée haute, séparant les îles les
unes des autres. Afin que les Boucaniers puissent se rendre
sur l’île sud (où la plupart d’entre eux résident) depuis
le Crochet, le Tentacule entretient des ponts de corde à
travers l’ensemble de l’île.
Le plus important de ces ponts se nomme l’Échelle de
Jacob et traverse un ensemble de basses terres sur l’est du
Crochet. Il sert aussi bien aux résidents de l’île méridio-
nale à rentrer chez eux qu’à d’autres à embarquer sur les
bateaux amarrés à marée haute. Se glisser ainsi sur un
bateau contrevient clairement aux procédures mises en
œuvre par les Chapitres, mais peu importe qui Allende
pourra mettre à la tête du Tentacule, il restera impossible
de l’empêcher.
L’île de Mortelumière
L’île de Mortelumière se situe à l’ouest du Crochet. C’est
l’un des lieux où la Garde est la plus active pour protéger
La Bucca des menaces, aussi bien intérieures qu’ex-
térieures. Elle y stocke des armes et d’autres équipements
et s’y réunit pour discuter de la sécurité de La Bucca, de
crainte que des lieux plus exposés compromettent la confi-
dentialité de leur organisation.
Allende a donné toute liberté à l’Œil pour gérer les allées
et venus sur l’île de Mortelumière, mais dernièrement,
des résidents ont rapporté avoir perçu des lumières et des
bruits étranges en provenance de l’île au cœur de la nuit.
La Garde nie la véracité de tels témoignages.
7E MER NATIONS PIRATES 51

L’Arc Méridional
Tapissée de vertes prairies, de jungles luxuriantes et de
plages sablonneuses, l’île sud jure grandement avec sa sœur
du nord. Elle forme au nord une baie peu profonde, tandis
que le sud héberge l’essentiel des résidents, attirés par le
climat doux et le terrain plat.
La jungle de Jenny
La majorité de l’île du sud est occupée par la jungle de
Jenny, un nom initialement officieux qui a depuis été
intégré aux cartes locales. La rumeur prétend qu’elle
contient des trésors, des secrets et des artefacts, mais
elle mène la vie dure à quiconque cherche à découvrir ses
merveilles. Certains la qualifient de « jungle de mauvaise
vie » et se rient doucement des matamores qui se croient
assez malins pour s’aventurer dans cette épaisse forêt tropi-
cale et en ressortir gagnants.
Les ruines
Au fin fond de la jungle repose un ensemble de ruines
antiques bâties de main non humaine. À l’image de bien
d’autres bâtiments syrneth qui existent à travers la Théah,
ces ruines sont une énigme. Les pierres utilisées dans leur
érection n’ont rien à faire sur l’île, et aucun érudit vaticin
n’a pu identifier les techniques de construction utilisées.
Les ruines ne possèdent qu’une entrée à proprement
parler, ainsi qu’un mur effondré. Trois pièces mènent à une
chambre centrale pourvue d’un puits asséché.
Rares sont les îliens qui connaissent ne serait-ce que
l’existence de ces ruines, et encore moins savent comment
s’y rendre. Ce fut ici que le cardinal Ordunez découvrit
comment manipuler et contrôler la Créature qui vit sous
l’île, à la faveur de ses investigations. Il récupéra tous les
artefacts et les tablettes qu’il y trouva, ne laissant derrière
lui que les mystérieux édifices.
De temps à autre, quelqu’un organise une expédition
pour se rendre jusqu’aux ruines et explorer le puits dans
l’espoir de découvrir quelque chose en sous-sol. Jusqu’ici,
personne n’a réussi à en atteindre le fond. Quiconque s’y
est essayé affirme qu’un fantôme hanterait les ruines. Il
n’est pas difficile de trouver une carte indiquant leur posi-
tion quand on sait à qui s’adresser, mais peu pensent que
le site recèle encore quoi que ce soit de valable.
52 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
LA TERRE
DE MA NATION
Si les Nations n’ont pas vraiment d’ambas-
sades sur La Bucca, certains diplomates et
ambassadeurs sont disposés à héberger leurs
compatriotes. Certains Théans cherchent
asile auprès des ambassadeurs de leur Nation
dans l’espoir d’éviter la Garde ou d’autres
ennuis dans La Bucca. Une telle sécurité
ne s’étend que jusqu’où l’ambassadeur
concerné est prêt à aller, et la plupart livrent
tout fugitif à la Garde, préférant entretenir
des bonnes relations avec le pouvoir en
place plutôt que de s’attirer des ennuis par
conscience patriotique mal placée.
La Chapelle Sainte Renée
Sainte Renée est l’une des nombreuses saintes patronnes
des orphelins au sein de l’Église vaticine. La chapelle
Sainte Renée est le seul lieu de culte de La Bucca, les
prisonniers ayant reconverti tous les autres. La chapelle
est modeste et située à distance du port sud, à l’écart de
la zone résidentielle principale. S’y rendre requiert de
marcher longtemps à travers les hautes herbes et le sable
doux, mais la vue splendide depuis la chapelle vaut à elle
seule le détour.
L’unique prêtre de la chapelle est Sœur Scarlett
O’Donoghue, que les pirates appellent Sœur Scotty. Elle
est le seul prêtre vaticin qui persiste sur La Bucca : tous
les autres qui sont venus avec le cardinal Ordunez lors
de son retour ont été chassés. Taciturne et dévouée à l’île,
Sœur Scarlett fait de son mieux pour sauver les âmes des
pirates et des criminels qui se rendent jusqu’à sa chapelle,
désireuse de répandre le bien là où elle le peut.
Ce n’est pas une ingénue pour autant. Le dernier à avoir
essayé de la voler s’est retrouvé sur un bateau en partance
pour la Castille avec pour la peine un bras cassé, deux yeux
au beurre noir, le nez brisé et la lèvre fendue. Sœur Scotty
se tient à l’écart de la Mère de La Bucca, mais elle ouvre
sa porte à tout enfant qui souhaite rester le temps d’une
leçon et d’un repas.
La chapelle procure un sentiment de familiarité à bien
des ambassadeurs de l’île, surtout ceux qui cherchent le
réconfort des rituels vaticins. L’ambassadrice montaginoise
Anabelle de Vitry, par exemple, vit près de la chapelle, et
bien qu’elle ne soit pas particulièrement dévote, elle estime
la cause de Sœur Scotty suffisamment exemplaire et digne
d’intérêt pour lui venir régulièrement en aide.
Le Havre du Couchant
Cette baie abritée est orientée du côté opposé au Havre
du Levant et peut héberger près de quarante bateaux. Ses
eaux sont peu profondes comparées à celles du Havre du
Levant, si bien que les bâtiments les plus conséquents
doivent faire escale de l’autre côté de La Bucca. Le Havre
du Couchant voit surtout passer des transports de passa-
gers et des petits navires de charge. La plupart des rési-
dents gardent leurs bateaux de pêche et leurs vaisseaux
pirates amarrés au Havre du Levant.
Là où ce dernier est rempli d’entrepôts et de marchands,
le Couchant est plus industriel. Peu de marchands
installent leur échoppe sur l’île sud, à l’exception de ceux
qui commercent spécifiquement avec les autochtones. En
revanche, c’est là que font affaire la plupart des charpentiers
de marine et des entrepreneurs en bâtiment. L’atmosphère
des deux Havres est clairement différente : là où le Levant
offre une ambiance festive, animée par les cris des vendeurs
et les allées et venues des marins, le Couchant semble
dangereux, ses habitants circulant et travaillant dans un
silence relatif.
Le Labyrinthe des bidonvilles
La véritable ville de La Bucca s’étend depuis le Havre
du Couchant jusqu’à la jungle de Jenny, au cœur de l’Arc
Méridional. C’est dans cet immense maillage de maisons
et de cachettes que vivent la plupart des Boucaniers.
Bâtiments permanents et temporaires se bousculent en un
dense labyrinthe de bâtisses parsemé de petits commerces
et de services publics.
L’agencement des structures change de jour en jour, les
demeures temporaires se voyant déplacées ou converties
en constructions plus permanentes. Un nouveau venu
peut vite se perdre dans ces rues inextricables, et les rési-
dents y comptent bien, de sorte à pouvoir monnayer le
chemin vers la sortie. Ce n’est clairement pas un endroit
pour les touristes, mêmes ceux qui savent jouer de l’épée
et du pistolet.
Cela dit, c’est ici qu’il est possible de trouver les meil-
leures marchandises aux meilleurs prix, à condition de
savoir où aller et où chercher. Attention cependant, car
les étrangers ne sont pas toujours les bienvenus au cœur de
La Bucca. Qui veut s’aventurer dans le Labyrinthe a tout
intérêt à engager un guide.
Évidemment, certains guides ne sont en réalité que des
escrocs qui se font engager par des Théans fortunés pour
ensuite les mener droit vers le danger une fois à l’intérieur
du Labyrinthe. Bonne chance.
La Bernique Joueuse
La Bernique Joueuse est située non loin des quais, à
distance raisonnable du rivage. Il s’agit de la maison de
jeux des autochtones, et si elle est souvent animée, elle
ne propose pas le même genre de frissons que le Gros
Vert. Les habitués s’y adonnent à un autre jeu dangereux :
les intrigues.
C’est là que les espions se réunissent pour écouter les
rumeurs locales, échanger des informations et se faire
engager. Il est souvent conseillé à ceux qui cherchent
du travail de se rendre à la Bernique, surtout s’ils ne se
soucient guère de savoir si ledit travail est légal, éthique
ou sûr.
L’attraction la plus célèbre de ce petit établissement est
le Mur des ambassadeurs. Dès qu’un nouveau diplomate
ou ambassadeur arrive sur La Bucca, son nom est affiché
sur le Mur, et les habitués de la Bernique parient sur eux
comme ceux du Gros Vert parient sur les boxeurs. Le pari
le plus courant consiste à savoir combien de temps l’am-
bassadeur va tenir sur l’île, mais pour d’autres, l’enjeu est
la mort, le sexe ou tout autre sujet croustillant sur lequel
le parieur se sent de miser.
La Nageoire Jaune
La taverne préférée des travailleurs de La Bucca. Après une
dure journée de labeur, hommes et femmes se rassemblent
à la Nageoire Jaune pour y échanger des ragots et manger
un morceau avant de rentrer chez eux. C’est aussi là que se
réunit la cour d’Allende. Entourée de résidents parmi les
plus hardis de La Bucca, Allende gère les affaires officielles
depuis l’arrière-salle de la modeste taverne.
Quiconque souhaite s’entretenir personnellement avec
la présidente de l’île peut le faire ici. Tout visiteur devra
cependant surveiller ses manières, car son entourage est
d’une extrême loyauté et n’hésitera pas à verser le sang
en son nom. Bien qu’Allende elle-même s’efforce d’éviter
toute violence, elle est entourée d’hommes et de femmes
au tempérament endurci et à la patience limitée.
Un inconscient tenta un jour de la menacer de son
pistolet. Les quarante-sept clients présents tirèrent alors
tous le leur et firent feu sur lui. Nul ne sut exactement
quelle balle le tua. D’aucuns murmurent que depuis, cet
homme, Billy Bilgewater, hante l’île, condamné à ne jamais
la quitter. Allende se rit de telles rumeurs… et pourtant,
elle aussi laisse une tasse de lait devant sa porte pour
commémorer sa mort.
7E MER NATIONS PIRATES 53
 Personnalités
Les personnages suivants font partie des figures éminentes
de La Bucca. Certains sont de braves gens, d’autres n’at-
tendent que de vous poignarder dans le dos. Dans les deux
cas, mieux vaut les connaître.
Allende
Allende était à l’origine une comtesse montaginoise,
Marguerite Duchâteau, cinquième enfant d’une famille
de haute noblesse. Dénuée de terres et de perspectives,
elle s’engagea dans l’armée montaginoise lors de la Guerre
de la Croix mais fut vite écœurée de voir des gens se battre
et mourir pendant que les nobles fieffés tenaient tranquil-
lement salon. Elle condamna ouvertement un tel état de
fait, allant jusqu’à inciter des petits groupes de paysans à
se révolter au passage de son unité.
L’Empereur finit par avoir vent de ses activités et décida
qu’il valait mieux la réduire au silence plutôt que de risquer
d’en faire une martyre en l’exécutant publiquement. Sa
sergente d’unité la conduisit tard le soir auprès d’un groupe
de gardes, l’enivra, l’assomma et lui couvrit la tête d’un sac.
Elle livra Marguerite aux autorités locales, affirmant
qu’elle était une prisonnière politique et qu’ils avaient
interdiction de voir son visage. La sergente l’appela
Allende ; ce fut tout ce qu’ils surent d’elle. Lorsqu’ils la
jetèrent en prison, ils lui donnèrent un masque en velours
noir avec pour instruction de ne jamais l’enlever. Au début,
elle cria et hurla jusqu’à ce que les gardes viennent la battre
jusqu’à l’inconscience. Elle se mit bien vite à ne plus parler
du tout.
Après un an d’incarcération comme prisonnière
anonyme, le cardinal Ordunez inaugura sa prison insulaire,
et Marguerite fut sur le premier bateau en partance de la
Montaigne vers La Bucca. Nul ne savait qui elle était et elle
refusa de parler aux prisonniers ou aux gardes… jusqu’à
atteindre La Palabra de Dios.
Sur l’île, elle conserva son masque, quand bien même
son nom et ses crimes ne signifiaient rien pour les autres
prisonniers, tous condamnés à un exil permanent. Elle
adopta Allende comme nouveau nom et se relança dans
ses projets révolutionnaires, cette fois-ci dans un environ-
nement plus contrôlé.
La plupart des pensionnaires de l’île étant eux-mêmes
des prisonniers politiques, ils furent ravis de soutenir
Allende, formant une majorité qui permit de gagner à leur
cause les prisonniers les plus agités de l’île. Quoi de plus
séduisant que la liberté, avec en prime leur propre Nation
insulaire à la clé ?
Allende convainquit les prisonniers du bien-fondé d’une
véritable liberté, d’une démocratie et d’une représentation
54 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
égale. La plupart se souciaient uniquement d’être libres
et se joignirent à elle par intérêt. Lentement, l’idée d’une
démocratie creusa son chemin dans l’esprit des résidents,
même si la mise en pratique ne fut pas une grande réussite.
Allende a pris garde de cacher son véritable nom, ne
serait-ce que pour épargner à sa famille l’ire de l’Empe-
reur. Même à ce jour, elle ne quitte pas son masque pour
les affaires officielles. Le pouvoir de l’anonymat est trop
avantageux pour qu’elle l’abandonne après tout ce temps.
Elle ne révèle son visage qu’à ceux en qui elle a confiance,
et son nom reste son plus grand secret.
Depuis maintenant une trentaine d’années, elle doit son
succès à la force de sa personnalité, bien qu’elle possède
bon nombre de détracteurs qui se feraient une joie de
mettre à bas l’empire qu’elle a bâti autour d’elle. Peu
connaissent le vrai nom d’Allende ou ses origines monta-
ginoises ; elle a même appris à parler sans son accent natal.
La seule personne de l’île qu’elle sait sans l’ombre d’un
doute connaître sa véritable identité est le Baron Maison,
et il use de cet atout à outrance.
Allende a eu bien des occasions de se dévoyer et de ne
chercher que son profit personnel, mais c’est une Héroïne
et elle veille au bien-être de sa petite Nation insulaire de
son mieux.
Incarner Allende
Allende est affable et captivante sans pour autant être
trop gentille. Tapageuse et hardie, elle préfère bousculer
les gens et leur rentrer dedans plutôt que de faire preuve
de retenue. Elle estime que l’on peut apprendre beaucoup
d’une personne lorsqu’elle est dos au mur, ce qui l’amène
à mettre la pression à tout individu qu’elle veut mieux
connaître. Elle porte le fardeau de sa présidence comme
un bouclier dont elle se sert pour empêcher quiconque de
se familiariser réellement avec elle. Elle est soucieuse de
l’état de l’île, à moitié consciente qu’elle est peut-être tout
ce qui y maintient une aura de civilisation. Elle ne goûte
guère les bavardages, mais accordera toute son attention à
un résident qui viendrait lui présenter ses doléances.
Allende ne se montre jamais en public sans son masque.
Parfois, lors d’un contact initial avec certains visiteurs,
elle le fait porter à sa place par son assistante personnelle
(une femme nommée Leanne), afin de jauger les nouveaux-
venus plus aisément. De toute manière, tout interlocuteur
aura bien Allende face à lui, Leanne étant suffisamment
avertie des problèmes et des besoins de La Bucca pour
représenter dûment sa maîtresse lors de tels entretiens.

La Mère de La Bucca
Tout le monde connaît la Mère de La Bucca, que l’on
appelle simplement la Mère. C’est une gentille dame
toujours entourée d’enfants qui s’occupe des orphelins et
aide les résidents de l’île. La plupart des gens soupçonnent
qu’elle possède un passé trouble et essaie de se racheter en
donnant une chance à ceux qui n’en ont pas.
Pourtant, nul ne la connaît vraiment : son vrai nom et
ses origines sont un mystère. De mémoire de Boucanier,
elle a toujours été présente sur l’île, mais personne ne sait
si elle y était une prisonnière où même de quelle Nation
elle vient. La Mère semble ne jamais vieillir, et elle dirige
l’Écaille d’une poigne de fer depuis le jour de sa créa-
tion, il y a longtemps, lorsqu’Allende posa les jalons de
son gouvernement.
La Mère de La Bucca s’appelait jadis Sophie-Angélique
de l’Écuyer, courtisane montaginoise et puissante sorcière
Porté. À la suite d’un accident malencontreux avec un
miroir, elle fut envoyée dans le Lieu entre les Mondes
pendant près d’un siècle. Même elle ne se rappelle pas
exactement comment elle a survécu. Un jour, elle s’est
éveillée sur l’île, au milieu des ruines syrneth de la jungle,
avec une voix à ses oreilles. Elle se souvient d’avoir passé
un accord, d’avoir promis quelque chose pour échapper au
purgatoire où elle se trouvait. En échange de sa liberté, elle
amènerait des enfants sur l’île.
Depuis, elle utilise le Porté pour voyager à travers toute
la Théah, mais sa Sorcellerie diffère de la normale. Elle
peut se déplacer à peu près n’importe où, mais seulement
jusqu’à ceux qui ont besoin d’elle. Elle ne peut décider de
sa destination : les pleurs d’un enfant résonnent dans son
sang et elle se transporte jusqu’à lui. Elle a appris à ses
enfants une utilisation du Porté inconnue de tout sorcier
moderne : murmurer via le sang (voir La vie d’un pirate,
page 153 pour en savoir plus sur cette utilisation du
Porté).
La Mère ne sait pas comment elle a échoué sur l’île ou
à qui elle s’est adressée lorsqu’elle s’y est réveillée. Elle n’a
pas vieilli depuis son arrivée il y a un demi-siècle. Elle
soupçonne que cela a à voir avec le Porté ou avec son
séjour dans l’entre-deux. Quelle qu’en soit la raison, elle
ne souhaite prendre aucun risque. Elle protège l’île et tous
ses habitants, mais surtout les enfants qu’elle y amène. Nul
ne s’en prend aux enfants de La Bucca à moins de vouloir
perdre un membre ou la vie. Mais pourquoi l’île veut-elle
des enfants ? Plus le temps passe et plus elle préfère ne
pas y penser, se contentant de peupler La Bucca de plus
en plus d’orphelins.
INCARNER LOS NIÑOS
Les enfants que la Mère a sauvés lui vouent une
loyauté indéfectible : elle leur est venue en aide
lorsqu’ils étaient au plus bas et ils ne vont pas
l’oublier. La plupart de Los Niños se refusent à
parler ne serait-ce que de la raison qui a poussé la
Mère à intervenir et à les emmener sur La Bucca.
Incarner la Mère de La Bucca
La Mère est forte et silencieuse : elle choisit soigneusement
ses mots et ne s’exprime que lorsque c’est nécessaire. Elle
est la partisane la plus dévouée d’Allende et la considère
comme l’une de ses nombreuses pupilles, en dépit de leur
différence d’âge apparent. Allende mentionna un jour
qu’elle « n’avait pas besoin d’une deuxième mère », mais
cela ne changea nullement le comportement de la Mère
à son égard.
Nombreux sont ceux qui craignent la Mère, mais elle est
aimable envers tous ceux à qui elle s’adresse, même lors-
qu’elle se charge de récolter les impôts et les rembourse-
ments. La Mère se considère comme la mère de tous et se
comporte en tant que telle. Elle est douce lorsqu’il le faut,
mais n’a aucun problème à remettre les enfants capricieux
à leur place. Tout le monde a besoin de discipline, surtout
ceux qui se figurent avoir dépassé l’âge des enfantillages.
Parfois, des moments de son ancienne vie ressurgissent.
Son regard se fait distant tandis qu’elle se remémore les
grands crus, la gastronomie, les rumeurs, les jeux… elle
peut alors rester longtemps perdue dans ses pensées. Il
lui arrive même d’évoquer la Montaigne, de prendre un
invité pour quelqu’un qu’elle a connu il y a des années
et des années, ou de se souvenir soudainement d’un
élément crucial de son passé avant de se rendre compte
de son égarement.
Incarner Los Niños
Les enfants que la Mère a sauvés lui vouent une loyauté
indéfectible : elle leur est venue en aide lorsqu’ils étaient
au plus bas et ils ne vont pas l’oublier. La plupart de Los
Niños se refusent à parler ne serait-ce que de la raison
qui a poussé la Mère à intervenir et à les emmener sur
La Bucca.
En tout cas, maintenant qu’ils y sont, leur but est clair :
aider la Mère. Elle leur confie des tâches, des commissions
à exécuter, comme suivre une femme qui part d’une taverne
ou écouter une conversation. Des tâches importantes.
7E MER NATIONS PIRATES 55
 Le Baron Victor Maison
Dirigeant de la Nageoire, autoproclamé « personnalité
la plus notoire de La Bucca », le Baron revendique des
contacts dans toutes les Nations de Théah. Il peut se
procurer une invitation à n’importe quelle fête ou célébra-
tion et peut y amener autant d’invités qu’il le souhaite. Le
Baron fait commerce d’informations et a un faible pour
la nourriture et le vin. Il se figure être le pirate le plus
charmant et gracieux de Théah, respecté et admiré pour
sa culture et sa popularité. Ceux qui l’entourent le voient
comme un sale type discourtois, inculte et crapuleux qui
se donne de grands airs. Mieux vaut cependant tenir sa
langue devant lui, car le Baron est très chatouilleux. Il est
également rancunier et se plaît à concocter des vengeances
cruelles envers quiconque ose l’insulter.
Si certains peuvent se demander pourquoi tout le
monde tolère ce grossier imbécile, d’autres savent que son
influence est bien réelle. Il est très doué et efficace pour
acquérir des informations, surtout celles du genre qu’il
peut convertir en argent, ou mieux encore, en chantage.
Si fanfaron et vantard qu’il soit, il peut effectivement
s’incruster dans n’importe quelle fête et possède effective-
ment des contacts à travers toute la Théah. Et jusqu’ici, ses
activités ont participé à la prospérité de La Bucca depuis
la prise de pouvoir des prisonniers.
56 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Le commerce vers et depuis l’île dépend de la bonne
volonté du Baron. D’un mot, il pourrait interrompre tout
échange et empêcher tout bateau d’atteindre l’île. Les ports
se fermeraient et La Bucca se mourrait. Et le pire, c’est
que le Baron le sait, car le Baron sait tout. Il sait qui est
réellement Allende et qui est réellement la Mère. Il connaît
tous les vilains petits secrets et les tractations interlopes
qui ont lieu sur l’île. Ses espions sont partout, et s’ils ne
peuvent dénicher un secret, il pourra à coup sûr l’acquérir
à sa source en y mettant le prix. C’est le Baron qui a lancé
le marché de la pogne, et ses faveurs valent plus que quoi
que ce soit d’autre sur l’île.
Il fait partie des rares personnes qu’Allende craint vrai-
ment, et elle le garde près d’elle pour mieux le surveiller. Il
se considère comme celui qui tire véritablement les ficelles
de La Bucca, et il n’a pas tout à fait tort. Allende redoute
de le contrarier, de crainte qu’il ne retire son soutien
économique et ne laisse l’île s’effondrer par simple rancœur.
Incarner le Baron Victor Maison
Le Baron est un homme orgueilleux qui s’efforce de
paraître cultivé, alors même qu’il prononce constamment
ses mots de travers ou se trompe de traduction. C’était un
prisonnier politique castillian accusé de s’insinuer dans la
demeure d’un noble pour l’espionner. En vérité, il voulait
simplement se mêler à la haute société, mais pour son
crime, il finit en exil sur l’île. En dépit de ses manières, le
Baron sait se faire apprécier et s’entend avec beaucoup de
monde. Au fil des ans, il a su récolter quantité de ragots
juteux et de rumeurs, un verre en main et un sourire
engageant aux lèvres.
Ses talents l’ont bien servi sur La Bucca. En
quelques années, il a pu se remettre en contact
avec ceux que ses dossiers croustillants
conduiraient à la déchéance. Il a du flair pour
dénicher les graines du chantage, tout en
souriant et en riant comme le meilleur des
amis. Il a également un goût malsain pour les
vengeances qui se mangent froides, capable
de concocter une revanche sur des années
et de ne jamais oublier un affront.
Uwe et Greta Lehmann
Réfugiés de la Guerre de la Croix, Uwe et Greta sont
arrivés sur La Bucca il y a dix ans. Lorsqu’ils y parvinrent,
ils entendirent des rumeurs concernant la Créature marine,
comme n’importe quel autre nouvel arrivant. Ils n’y virent
que des fadaises, jusqu’à ce qu’Uwe visite Port Sacré et
aperçoive l’ombre de l’énorme monstre sous l’eau. Il devint
obsédé par la Créature et se mit à rassembler tout ce qu’il
put la concernant.
Nul ne sait comment, il apprit qu’Allende disposait d’un
moyen de contrôler la Créature mais qu’elle préférait la
maintenir endormie sous l’île. Greta, réalisant le caractère
malsain de son obsession, suggéra à son frère qu’Allende
le laisserait peut-être voir la Créature s’il le lui deman-
dait, mais Uwe ne voulait pas voir la Créature, il voulait
la contrôler. Greta ne pouvait-elle pas voir qu’avec cette
chose, La Bucca serait imbattable sur mer, capable d’écraser
toute marine, toute Nation ? Terrifiée par son frère mais ne
sachant que faire d’autre, elle accepta de l’aider.
Ces trois dernières années, le duo a cherché un moyen
de prendre le contrôle de la créature. Greta a convaincu
son frère que la meilleure façon de réaliser ses désirs serait
d’arracher le contrôle de l’île à Allende. Elle espère ainsi
le satisfaire tout en prévoyant secrètement de s’arroger la
direction exclusive de l’île une fois Allende éliminée.
Uwe est toujours en quête d’informations, à l’affût du
moindre renseignement et de la moindre rumeur qui
pourrait lui en apprendre plus. Il s’efforce de se mettre les
diplomates étrangers dans la poche, avide de pouvoir et
d’informations. Il ignore que le Baron Victor Maison est
pleinement au courant de ses activités et y fait obstruction
selon son bon vouloir. Uwe n’est pas aussi subtil que sa
sœur et doit souvent éviter toute fuite en éliminant ceux
qui pourraient les dénoncer à Allende. De jour en jour, sa
liste de victimes s’allonge.
Greta, plus pragmatique que son frère, a secrètement
accumulé armes et équipement, se constituant une
cache pour leur soulèvement à venir. Ce qui lui manque
par-dessus tout est un lieu où rencontrer tous ses conspi-
rateurs à la fois, car peu d’endroits sur l’île offrent suffi-
samment d’intimité pour un tel entretien. Elle a jeté son
dévolu sur la jungle de Jenny, mais dernièrement, à force
d’y chercher un lieu qui pourrait servir d’abri permanent,
elle s’est retrouvée prise au sein d’une tempête subite qui a
failli la laisser avec une pneumonie.
Maintenant, si elle ne se dépêche pas d’agir ou d’aban-
donner, la Garde risque de découvrir sa cache d’armes et
de tout faire capoter. Soit cela, soit c’est son frère qui va
finir par tout faire rater avec ses investigations démentes.
Une épée de Damoclès pèse au-dessus d’elle, et elle sait
qu’elle doit passer à l’action avant que le pot aux roses ne
soit découvert.
Uwe comme Greta traînent généralement au Gros Vert,
à la recherche de voyageurs ou de nouveaux arrivants qu’ils
pourraient embrigader.
Incarner Uwe
D’entre Greta et Uwe, ce dernier se considère comme le
cerveau du duo. Hélas, son obsession envers la Créature l’a
conduit à commettre des actes terribles, et il est allé si loin
qu’il n’est même plus conscient des conséquences de ses
agissements. Il dévore des grimoires cryptiques, assiste à
des expériences clandestines et s’essaie à ses propres rituels
sanglants dans le but de contrôler la Créature. Il ne recule
devant rien pour assouvir son obsession et ne se soucie de
rien d’autre au monde, si ce n’est sa sœur, Greta.
Il souffre de cauchemars, toujours au sujet de la Créature,
où il se voit emprisonné au fond de l’eau. Il parle rarement
de ses rêves, sauf à ceux qu’il juge potentiellement capables
de l’aider à résoudre le mystère de l’île.
Incarner Greta
Greta se préoccupe grandement de son frère et flirte avec
son obsession comme une particule de lumière prise dans
l’horizon des événements d’un trou noir. Elle ne peut lui
échapper, mais ne peut pas non plus le suivre, de crainte de
se perdre. Elle aurait jadis pu être quelqu’un de bien, mais
elle s’est condamnée à une fuite en avant pour sa survie et
celle de son frère.
Elle n’a personnellement rien contre Allende, mais elle
estime qu’occuper son poste lui fournirait suffisamment
de pouvoir pour échapper à l’emprise de son frère. Si elle
pouvait découvrir le moyen secret par lequel Allende
contrôle la Créature, elle pourrait en faire part à Uwe et
enfin mettre un terme à son obsession. Elle ne se rend
pas compte qu’il a perdu la raison pour de bon et que les
projets qu’il a pour la Créature vont bien au-delà de la
petite île de La Bucca.
7E MER NATIONS PIRATES 57
 Lucia, capitaine de la Garde
Lucia est une Sorcière de la Destinée qui a passé sa vie à
tomber de Charybde en Scylla. Elle commença par quitter
la Vodacce pour se mettre au service d’un membre de la
haute noblesse castilliane qui, au bout de quelques années,
la supplia de l’épouser. Or, sa sœur l’intéressait plus que
lui, et lorsqu’elle le lui fit savoir, il la renvoya, outré qu’elle
n’éprouve pas les mêmes sentiments. De là, elle se rendit
en Eisen, mais les seuls qui avaient les moyens de s’offrir
ses services étaient ceux-là mêmes qui guerroyaient dans le
but de contrôler la Nation. Rapidement, elle fila une nuit
sans se retourner.
Elle finit par se retrouver en Montaigne, employée
comme gouvernante (une gouvernante, elle  !) par une
famille noble. Son protégé, l’aîné et héritier, était un
garçon agité mais gentil. Son père commit un faux pas qui
attira l’opprobre sur la famille, et plutôt que d’en assumer
lui-même les conséquences, il s’arrangea pour rejeter la
faute sur son fils et l’envoyer en exil politique. De nuit, il
expédia le garçon sur La Bucca où l’attendrait une nouvelle
vie. Lorsque Lucia l’apprit, elle s’y rendit immédiatement,
craignant pour la sécurité de l’enfant sur l’île pirate.
Lorsqu’elle y parvint, elle ne trouva nulle trace de lui
sur La Bucca, pas plus que sur la toile de la Destinée. Ne
sachant que faire, elle convainquit la Garde de l’aider à
chercher le garçon. L’année suivante, elle postula au poste
de capitaine de la Garde et l’obtint. Ce fut la première
fois qu’un poste changeait de mains, et Allende soutint
pleinement Lucia. Nombreux sont ceux à voir en Allende
la raison de la victoire de Lucia, mais d’autres la soup-
çonnent de sorcellerie. Elle cache son statut de Sorcière
de la Destinée de crainte qu’on ne cherche à se servir d’elle.
Elle n’a plus guère espoir de trouver un jour le garçon
qu’elle est venue chercher sur La Bucca, mais elle inspecte
toujours les filaments de la Destinée à sa recherche de
temps en temps.
Incarner Lucia
Lucia a quasiment laissé derrière elle sa vie d’avant La
Bucca. D’une jeune aventurière, elle est devenue l’une des
femmes les plus puissantes de l’île. Elle s’est attiré une
profonde loyauté de la part de ses officiers de la Garde,
qui feraient tout pour elle. C’est une femme à poigne qui
ne s’en laisse pas conter. Elle est bien disposée à l’égard des
résidents, mais elle a appris à ne pas y aller de main morte
pour faire respecter son autorité.
58 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Le fantôme
Tout le monde connaît l’histoire de Billy Bilgewater, le
fantôme qui hante l’île. Aux dernières nouvelles, il hante-
rait les ruines de la jungle de l’Arc Méridional, mais à en
croire divers témoignages, on l’aurait aperçu partout sur
l’île. La plupart des gens pensent que le fantôme n’est
qu’un mythe, une histoire que l’on ressort pour écarter
les curieux des rendez-vous confidentiels ou effrayer
les visiteurs. Ceux qui ont vu le fantôme savent qu’il est
bel et bien réel… et qu’il n’est pas aussi effrayant que le
prétendent les rumeurs.
On dit qu’il aurait la forme d’une apparition humanoïde
translucide dissimulée sous une épaisse cape à capuche.
La version la plus répandue veut qu’il s’agisse du fantôme
de l’homme qui menaça un jour Allende d’un pistolet à
la Nageoire Jaune, et qu’elle l’ait condamné à hanter l’île
à jamais. Bien des variantes existent, comme par exemple
qu’il s’agirait d’un homme qui a essayé de s’en prendre à
l’un des enfants de la Mère.
La vérité est que le fantôme est celui du cardinal Ordunez.
À son retour, il ne fut pas en odeur de sainteté sur l’île.
Allende interdit à ses compatriotes de le tuer, mais elle le
condamna à vivre en isolement. Elle seule lui rendait visite,
cherchant à lui arracher ses secrets concernant la Créature
qu’elle avait plongée dans un sommeil éternel sous l’île.
Ordunez refusa cependant de l’aider, convaincu qu’il valait
mieux laisser la Créature endormie, hors du contrôle de qui
que ce soit. Au bout du compte, le cardinal finit par mourir
d’une maladie dégénérative sans jamais livrer ses secrets
à Allende, lui répétant seulement qu’il était plus sûr de
garder le monstre à jamais en sommeil. À ce jour, Allende
n’est pas parvenue à localiser les artefacts qu’il a découverts,
même si elle a acquis la certitude qu’il les a conservés.
Son fantôme est apparu peu après qu’Uwe a commencé
à se renseigner sur la Créature et à tenter d’en acquérir le
contrôle par des rituels. Il s’efforce de contrecarrer Uwe,
mais en tant que fantôme, son influence est limitée.
Incarner le fantôme
Le fantôme du cardinal Ordunez est l’ombre de ce qu’il était
auparavant. Il reste très dévot et est convaincu de bénéficier
d’une seconde chance de redresser les torts qu’il a commis
de son vivant. Il espère regagner le contrôle de la Créature et
la détruire, mais ignore comment s’y prendre dans son état
actuel. En attendant de trouver quelqu’un qui sera prêt à le
faire, il œuvre à contrarier toute tentative de retrouver les
artefacts et les rituels qu’il a jadis découverts dans les ruines
syrneth de l’île. Il lui arrive de mettre à l’épreuve ceux qui le
recherchent en leur confiant une tâche dangereuse à accom-
plir avant de leur répondre, leur promettant connaissances
secrètes et pouvoir en retour.
Wynne Lynch
Fils d’un noble inish, Wynne Lynch fut envoyé à Carleon
enfant pour y étudier dans une université vaticine. Il fut
ordonné jeune et intégra peu après le Collège invisible,
fasciné par les liens entre les Glamours des Sidhes et la
science moderne.
Wynne est convaincu que les Sidhes sont à la source de
toute magie et qu’ils essaient de guider l’humanité vers un
avenir meilleur. Ses idées ont fait grand bruit au sein de
certains cercles philosophiques théans, si bien que l’Inqui-
sition s’est arrangée pour le faire envoyer à La Bucca sur la
base de fausses preuves, de manière à tuer dans l’œuf son
influence en Théah. Il fut capturé pendant un discours en
Castille et promptement expédié sur la prison insulaire
sans même pouvoir se défendre contre ses accusateurs.
Wynne est au premier plan des efforts d’Allende pour
contrôler la Créature et est devenu le point de contact
privilégié du Collège invisible sur La Bucca, où il œuvre
à transmettre des informations à ses confrères théans au
sujet des ruines syrneth et de la mystérieuse Créature. Plus
important encore, Wynne s’est constitué un réseau par le
biais des navires qui font régulièrement escale dans les
ports boucaniers, coordonnant la diffusion de la recherche
scientifique à travers la Théah depuis la relative sécurité de
l’île de la Tentation.
Incarner Wynne Lynch
Chevalier du Glamour inish, la passion de Wynne Lynch
pour la recherche scientifique n’est tempérée que par son
intérêt à voir le Collège invisible croître. On peut généra-
lement le trouver dans son laboratoire de fortune au sein
du Labyrinthe, à expérimenter sur des matériaux qu’il a
extraits des ruines ou à compulser de nouvelles informa-
tions en provenance de Théah.
Wynne vaque également à former de nouveaux scien-
tifiques, comme celle qu’il a prise sous son aile, Josette,
une jeune Montaginoise intriguée par ses travaux sur les
rapports entre Sidhes et Syrneth. Malheureusement, tous
ses apprentis ne sont pas aussi honnêtes que lui : Josette
est en réalité une espionne de l’Inquisition dépêchée sur
La Bucca pour y rapporter les activités de Wynne à ses
supérieurs, lesquels souhaitent le réduire au silence une
fois pour toutes.
La situation de Wynne sur La Bucca est plus précaire
qu’il ne voudrait bien l’admettre : la faveur d’Allende le
préserve certes du pire de ce que l’île recèle, mais il reste
hors de son élément au milieu des criminels et des voleurs.
Il est du genre à se jeter dans une situation dangereuse
avec les meilleures intentions pour se rendre compte trop
tard que son tempérament chevaleresque l’a mis dans de
beaux draps.
7E MER NATIONS PIRATES 59
 L’ambassadeur Máximo Zorita
Máximo est un Castillian débonnaire dont le large sourire
dissimule des doutes et une méfiance profondément
ancrés. Mince, grand, les cheveux noirs désordonnés, il
arbore toujours une barbe de trois jours entre deux rasages.
Depuis son arrivé sur La Bucca, Máximo a fait de son
mieux pour s’insinuer dans les bonnes grâces des puissants,
fournissant renseignements et emploi aussi prodigale-
ment que possible à ceux qu’il estime dignes de l’inves-
tissement. Nul ne sait exactement pour qui il travaille en
Castille, mais il est assez influent pour obtenir des lettres
de marque de la couronne castilliane à des corsaires qui
souhaitent couvrir leurs activités d’un vernis de légitimité.
En réalité, même Máximo n’est pas sûr de savoir qui
tient les cordons de la bourse. Il a un contact à la cour
castilliane qui se fait appeler La Mirla (la Merle) et qui
ne communique avec lui que par le biais de messagers et
de lettres scellées. Elle lui fournit les lettres de marque
qu’il requiert et l’or que tous ses pots-de-vin nécessitent,
sans rien laisser entendre sur ses véritables motivations et
ses affiliations. Les largesses de Máximo ne sont qu’une
façade, une façon de récompenser ceux qui servent les buts
de son maître.
Il reçoit des instructions toujours très spécifiques, mais il
a fini par distinguer un objectif : contrecarrer les ennemis
d’Allende et aider ses alliés à la moindre occasion. Il en est
venu à soupçonner que même La Mirla n’est qu’un pion sur
un échiquier plus vaste. Elle est la tour et lui le chevalier, et
leur mission est de veiller à maintenir l’autorité d’Allende
sur l’île. Máximo brûle de découvrir ce dont il retourne
réellement, et serait plus que prêt à vouer son influence à
se défaire de la toile de mensonges de La Mirla.
Incarner Máximo Zorita
Máximo est un fouineur, voletant d’une activité à l’autre
sur La Bucca, toujours impliqué mais jamais inquiété.
Son sens de la mode est impeccable et pragmatique ; il
a l’air d’un espion royal même lorsqu’il essaie de passer
inaperçu parmi les Boucaniers. Son abord aimable en
amène cependant beaucoup à passer l’éponge sur ses affi-
liations évidentes. Après tout, il est aussi libre qu’eux de
vaquer à ses ambitions.
Máximo fait confiance à ses commanditaires dans une
certaine mesure ; suffisamment en tout cas pour rester
sur La Bucca et suivre leurs instructions. Mais il craint
d’être le dindon de la farce. Il aspire aux certitudes dans
un monde d’ombre et d’intrigues, et est prêt à aller loin
pour les trouver.
60 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
L’ambassadrice Anabelle de Vitry
Anabelle fut envoyée sur La Bucca pour y représenter
la Montaigne, officiellement pour la punir d’une insulte
commise à la cour. Il se trouve qu’elle y est aussi en
mission pour le comte de la Fontaine : sa fille, Josette, a
été envoyée en exil sur La Bucca il y a quelques années
en tant que prisonnière politique, et il veut découvrir si
elle est toujours en vie et en bonne santé. Anabelle occupe
son poste avec un fort sens des responsabilités envers sa
Nation et s’efforce de la représenter dûment, en dépit de
l’indifférence des insulaires.
Actuellement, Anabelle est l’ambassadrice qui détient
le record de longévité sur l’île. Ses quartiers sont proches
de la chapelle Sainte Renée et elle y assiste Sœur Scotty
depuis trois ans. Elle pense être une alliée proche du
Baron dont elle se sert pour récolter des informations sur
les ambassadeurs des autres Nations. Elle soupçonne la
Mère de La Bucca de pratiquer le Porté mais redoute de
le lui demander en face.
De Vitry est connue pour être l’une des plus agréables des
ambassadeurs. C’est à sa franchise et à sa bonne humeur
qu’elle doit la durée de son poste. Quant à sa mission
secrète, elle a non seulement trouvé Josette, mais aussi
découvert qu’elle travaille pour une branche du Collège
invisible qui sert de relais d’information à des membres de
toutes les Nations. Anabelle a également rejoint la société
secrète, au sein de laquelle elle consacre sa puissance poli-
tique et sa fortune à soutenir les efforts du groupe et fait
usage des espions du Baron pour transmettre des informa-
tions. Elle n’est pas au courant de la véritable raison de la
présence de Josette sur l’île et du danger qu’elle représente
pour Wynne Lynch.
Incarner Anabelle de Vitry
Anabelle ne parle jamais en mal de qui ou de quoi que ce
soit. Elle sourit et rit sans cesse, gardant un abord joyeux
même dans les situations les plus stressantes ou tendues.
Sans être forcément le visage du Collège invisible, elle y est
très active et cherche à répandre son influence.
Elle saisit également toute opportunité d’inculquer la
culture montaginoise à quiconque veut bien l’écouter,
profitant de toute rencontre pour enseigner l’art ou la
danse à ses invités. Elle se préoccupe sincèrement du
bien-être de La Bucca et des Boucaniers, mais son statut
d’étrangère lui colle à la peau, et elle sait à quel point sa
position sur l’île est en réalité fragile.
La mer Atabéenne
7E MER NATIONS PIRATES 61
 La mer Atabéenne
« Les voix dans la nuit te trouveront, les lumières t’égareront,
Les dents du Diable te déchiquetteront et les Monstres t’emporteront,
Oh que l’Atabéenne vienne et me porte jusqu’à ma tombe,
Ou m’abreuve de la fortune et de la gloire qui m’incombent. »
— Chant de baleinier de la mer Atabéenne

Les navires qui traversent les eaux périlleuses en quête du

Nouveau monde de l’Aztlan ne sont pas au bout de leurs
Histoire de la mer Atabéenne
peines une fois parvenus au chapelet d’îles qui entoure la
Il n’y a pas d’histoire, car nous vivons comme nous
mer Atabéenne. Constituée d’une chaîne d’îles entourant
avons toujours vécu. Hier est aussi vivant qu’aujourd’hui,
une étendue d’eau tumultueuse, cette mer est la demeure
aussi empli de promesses que demain.
du peuple rahuri, gardiens et protecteurs ancestraux de
— Proverbe rahuri
tout ce qui vit sur et sous les vagues.
La légende raconte que jadis, menacés de la colère d’un
L’histoire du peuple rahuri (et de la mer Atabéenne
grand dieu, les Rahuris fuirent le continent Aztlan pour
elle-même) remonte à la préhistoire du monde. Elle est
trouver refuge en haute mer. Ils y fondèrent une Nation
constituée autant de légendes que des souvenirs directs des
répartie sur plusieurs îles et firent la paix avec le dieu impé-
esprits ancêtres auxquels les Rahuris demandent conseil.
tueux. En retour de leur sécurité, ils jurèrent de prendre
Mais même la mémoire des esprits n’est pas éternelle, et
soin de la grande Mer et de ses habitants, humains ou non.
avec le temps, leurs témoignages se transforment de plus
Cette tâche s’avéra des plus dangereuse, car la mer
en plus en contes. Sur la mer des Monstres, il n’y a pas de
Atabéenne possède un autre nom qu’apprend tout Théan
vérité absolue, seulement des histoires qui sont plus que
qui ose s’y aventurer.
la somme de leurs parties.
La mer des Monstres.

62 CHAPITRE 1 | Ports d'escale

 Longtemps avant l’essor de l’Église vaticine, ceux qui
peuplent aujourd’hui les îles habitaient alors dans les
profondeurs de ce que l’on nomme aujourd’hui le conti-
nent Aztlan. Selon les légendes que se transmettent les
Rahuris, ils vécurent en paix avec leurs voisins jusqu’à ce
que l’un de leurs chefs ancestraux s’attire le courroux du
protecteur suprême de l’Aztlan, le grand serpent à plumes
Apocoatl. L’antique chef avait en effet tenté d’user de
magie pour mener son peuple vers des terres plus fertiles,
contrevenant aux directives du grand dieu qui souhaitait
maintenir son peuple dans l’isolation pour le protéger. Si
grande fut la colère du serpent à plumes qu’il entreprit
d’éradiquer les Rahuris.
La légende dit qu’un puissant esprit de l’eau se présenta
alors auprès des dirigeants rahuris et leur proposa une
échappatoire. Il les guida le long d’une grande rivière jusqu’en
eau libre, les protégeant des dangers des profondeurs. Les
Rahuris voyagèrent ensuite des jours, jusqu’à trouver refuge
sur un grand chapelet d’îles entourant une mer sombre et
profonde. Là, ils parvinrent à un accord avec l’antique dieu
Apocoatl  : en échange de leur sécurité, ils devinrent les
gardiens et protecteurs des îles et des mers environnantes.
Le peuple rahuri peupla cet océan et lui donna le nom de
l’esprit marin qui avait veillé à leur sécurité : l’Atabéenne.
Au fil de plusieurs générations, les Rahuris s’éparpillèrent
sur les différentes îles. Ils s’installèrent, formèrent plusieurs
petites colonies et établirent entre elles des voies commer-
ciales. Au fil de leurs voyages, l’esprit resta auprès des
Rahuris et adopta un nom et un rôle nouveaux : Mama Yaya,
mère de l’océan.
Lorsque d’autres Nations explorèrent la mer Atabéenne,
elles y trouvèrent un vaste réseau de villages habités par des
tribus rahuris prospères qui parcouraient l’océan et vivaient
de ses fruits. Devenus pêcheurs émérites, les autochtones
étaient non seulement parfaitement capables de récolter
poissons et fruits de mer pour se nourrir et commercer, mais
aussi de traquer et d’abattre les plus massifs des résidents de
l’Atabéenne. Cette pratique était la pierre angulaire de leur
commerce et de leur régime alimentaire : un géant marin
pouvait nourrir un village entier le temps d’une saison. Les
Rahuris traitaient les parties de la créature et les expédiaient
à leurs voisins, créant entre les îles un système d’échange
intensif apte à unir les villages épars en une Nation
rahuri soudée.
Grâce à cette unité, la Mer resta sous le contrôle du
peuple rahuri pendant des siècles. Quelques petites Nations
disputèrent aux Rahuris le contrôle de leur territoire,
suscitant de petites guerres qui maintinrent les peuple-
ments atabéens dans un état de mutation constante. Le
village rahuri de Naca’an, situé sur l’île la plus au nord du
chapelet, devint le centre du commerce atabéen. C’était ici
que les dirigeants des villages rahuris, nommés caciques, se
regroupaient pour nommer l’un des leurs Grand Cacique.
Celui-ci avait alors pour responsabilité de veiller au bien-
être de la mer Atabéenne, ainsi que les Rahuris l’avaient jadis
promis à Apocoatl. Impossible de savoir à quand remonte
le règne du premier Grand Cacique, mais l’on sait que vingt
d’entre eux se sont succédé avant la venue des tout premiers
vaisseaux théans dans la mer des Monstres.
De l’Est ils vinrent
Les premiers Théans qui découvrirent la mer des Monstres
ne s’étaient nullement attendus à ce qu’ils y trouvèrent.
Certains navires furent victimes de terribles tempêtes
surgies de nulle part et se fracassèrent sur des formations
rocheuses sous-marines. D’autres bateaux pénétrèrent dans
des lagons immaculés et furent immédiatement assaillis par
des monstres marins géants capables de déchiqueter la coque
des bâtiments les plus massifs. D’autres encore s’aventurèrent
dans un passage baptisé « le détroit du Diable » et n’en
ressortirent jamais. Difficile d’estimer précisément le nombre
de Théans qui traversèrent la mer du Serpent et atteignirent
l’Atabéenne avant le premier contact officiellement reconnu
entre Théans et Rahuris, mais il existe moult histoires
concernant des navires qui mirent le cap vers l’ouest pour
finir par y découvrir un océan de monstres et d’aventures.
Ces histoires finirent par susciter la curiosité de la cour
castilliane, qui rassembla une flotte de vaisseaux afin de
traverser la mer du Serpent et voir pour de bon ce qui se
trouvait de l’autre côté. Ayant eu vent des horreurs qui s’y
trouvaient, les Castillians décidèrent de n’y envoyer que
trois bateaux de leur marine, auxquels ils adjoignirent trois
navires corsaires. De ces six navires, un seul revint.
La mer des Monstres avait perçu son dû : après avoir perdu
trois vaisseaux à cause de diverses créatures et calamités,
les Castillians mirent de côté leur fierté et demandèrent de
l’aide aux autochtones. Alejandro Dantes, corsaire reconverti
en explorateur, fit accoster son bateau, Le Sydonia, sur l’île
de Borequen en primus 1543, et entra en contact avec le
peuple rahuri.
7E MER NATIONS PIRATES 63
 Rivalités théanes
Quand bien même ce premier contact eut lieu sans inci-
dents, les relations initiales entre les nouveaux arrivants
et les Rahuris furent pour le moins tendues. Les Rahuris
se méfiaient en effet des visiteurs, une crainte héritée des
suspicions de leurs ancêtres envers tout individu étranger
à l’Aztlan. Cependant, les Castillians se montrant disposés
à commercer équitablement, les Rahuris commencèrent à
s’intéresser aux nouveaux-venus. Ceux-ci leur proposèrent
des technologies et des méthodes de production courantes
en Théah qui intriguèrent suffisamment le cacique de
Borequen pour le décider à poursuivre les négociations.
En nonus 1543, il organisa une rencontre sur Naca’an
entre le capitaine Dantes, accompagné de ses délégués, et
le Grand Cacique. Tandis que Dantes faisait voile vers ce
rendez-vous historique, les Rahuris en informèrent les îles
proches, en prévision d’une éventuelle trahison.
Les Castillians comptaient-ils faire pression auprès
des Rahuris ou comptaient-ils négocier équitablement
avec eux ? L’histoire ne le dit pas, car quelles qu’aient été
leurs intentions, celles-ci s’envolèrent en fumée lorsqu’ils
parvinrent à Naca’an pour y trouver plusieurs navires
déjà amarrés : deux vaisseaux montaginois, Le Cyrielle et
L’Alexandre, ainsi qu’un galion vodacci, Le Départ.
Apparemment, il y avait eu des fuites quant aux projets
de la Castille, et ses voisins s’étaient empressés de faire
eux aussi voile vers le nouveau monde. La délégation
vodacci arriva en premier, menée par Enrico Fontana.
Ses navires avaient atteint l’île centrale de Kiskeya, juste
au nord de Naca’an, tandis que les Montaginois avaient
suivi les Castillians et étaient tombés droit sur le cœur
de l’Atabéenne. Montaginois comme Vodaccis avaient
subi de lourds dégâts et comptaient bien rentabiliser les
efforts investis.
Chaque pays désirait établir sur le champ des relations
commerciales, quoique les registres de l’expédition vodacci
indiquent qu’elle avait plutôt eu l’intention de s’approprier
le chapelet d’îles jusqu’à ce qu’elle se retrouve face à une
présence rahuri conséquente et bien armée. En bons entre-
preneurs, les Vodaccis décidèrent qu’il valait mieux aller
là où le vent tournait plutôt que de brusquer le marché.
Les trois groupes théans se firent face au cœur même du
territoire rahuri, sous le regard de Manicato, le 21e Grand
Cacique. Le puissant Rahuri ordonna aux arrivants de s’as-
seoir et de négocier pacifiquement le droit de naviguer sur
leurs eaux ancestrales. Hélas, les Théans n’en firent rien.
64 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Premières effusions de sang
Nul ne sait exactement qui initia les hostilités. Selon
une version, l’ambassadeur vodacci tenta de corrompre le
Grand Cacique, l’offensant à tel point qu’il coupa court
aux négociations. Selon une autre histoire, la délégation
montaginoise tenta d’empoisonner la nourriture des autres
parties. Dans son journal, le capitaine Dantes, quant à lui,
rapporte avoir été tiré de son lit sous la menace des armes
et jeté à l’eau. Les Rahuris furent si écœurés par le compor-
tement des Théans qu’ils les condamnèrent à nager jusqu’à
leurs bateaux à travers des eaux infestées de monstres. La
plupart ne survécurent pas à ce court trajet.
Au bout du compte, les trois expéditions théanes se
regroupèrent dans leurs navires respectifs, et une violente
bataille navale s’ensuivit dans le port de Naca’an. Les vais-
seaux castillians, éprouvés par leur long voyage, se trou-
vèrent rapidement en infériorité ; deux d’entre eux finirent
taillés en pièces par les canons montaginois. Le Départ
chargea L’Alexandre, manœuvre qui coula les deux bateaux.
Les équipages se déversèrent dans les eaux de Naca’an,
agitant les créatures qui vivaient dans ses profondeurs.
Selon les Rahuris, ce qui se passa ensuite ne fut que l’effet
de la nature qui suivait son cours. Quant à l’équipage du
Sydonia, il s’accorde à dire que quelque chose de terrible et
d’anormal vint entraîner leurs ennemis dans les profon-
deurs. Le capitaine Dantes s’était éloigné du port pour
échapper au feu ennemi, et lorsqu’il fit volte-face pour se
joindre à la bataille, une immense créature tentaculaire
surgit de l’océan et s’en prit à tout navire à sa portée.
Seul Le Cyrielle parvint à en réchapper tandis que les
pêcheurs rahuris lançaient leurs bateaux rapides à l’assaut
de la pieuvre géante et s’efforçaient de sauver qui pouvait
l’être. Le capitaine Dantes lança Le Sydonia à leur aide, s’at-
tirant ainsi le respect du Grand Cacique. Lorsque le calme
régna de nouveaux sur les eaux, des centaines d’hommes et
de femmes y avaient perdu la vie. Les Montaginois fuirent,
laissant Dantes en position de négocier exclusivement au
nom de la Castille.
La nuit même, le capitaine Dantes se réunit avec les
survivants des équipages montaginois et vodacci. Les
accusations de tromperie et de traîtrise fusèrent jusqu’à un
ultime coup de théâtre : l’un des hommes d’équipage castil-
lians montra à Dantes une lettre de la couronne castilliane.
Ce marin était en réalité un espion envoyé pour garder
un œil sur Dantes et, si nécessaire, « prendre à l’égard du
capitaine toute mesure requise pour assurer les intérêts
de la Castille. »
 Dantes fut outré. Plutôt que de négocier au nom de la
Castille, il se fit le porte-parole des corsaires et des pirates
du monde entier. Il établit un poste avancé sur l’île orien-
tale de Borequen afin d’en faire le centre de tout commerce
et de toute circulation théans dans l’Atabéenne. Cette
colonie ne serait castilliane qu’en apparence, à l’écart de
toute influence théane officielle, dirigée par un gouverneur
approuvé par les Rahuris.
Les délégués castillians étaient furieux, mais les actes
héroïques de Dantes lui avaient valu le respect nécessaire
à conclure les accords commerciaux dont ils voulaient si
désespérément. Dantes embarqua ensuite les délégués et
les confia au premier bateau castillian qu’il croisa. Il ne
revint ensuite jamais en Théah, préférant passer le reste
de sa vie sur la mer des Monstres en tant que premier
gouverneur de la colonie de San Sancha, connu en tant
qu’« ami éternel » du peuple rahuri.
Les Rahuris admirent par la suite que le comportement
de Dantes leur avait laissé une très étrange première
impression des Théans. Comment un peuple pouvait-il
être à ce point en guerre contre lui-même  ? Pourquoi
tant de méfiance parmi des personnes qui affirmaient
toutes venir du même lieu ? Quelles étaient les intentions
de ces Théans lorsqu’ils vinrent de si loin sur la mer
des Monstres ?
La déclaration du Ris Moon
La place du capitaine Dantes dans l’histoire ne s’arrête pas
là. Son équipage et lui passèrent leur temps sur Naca’an à
expliquer les réalités des contrées théanes aux dirigeants
rahuris. Il leur décrivit les diverses cultures de la Théah et
les systèmes politiques des différentes Nations. En prévi-
sion de la vague de délégués à venir d’au-delà des mers,
il leur apprit également à lire et à écrire l’ancien théan,
l’avalonien et plusieurs autres langues théanes.
Lorsque lesdits délégués arrivèrent de Théah, les Rahuris
étaient désormais armés d’une meilleure compréhension
de leur politique et de l’histoire de l’Église vaticine. Le
Grand Cacique rassembla les délégués dans un village au
sommet des montagnes du nord de Naca’an pour un grand
sommet sur l’harmonie théano-rahuri.
Du lever au coucher du soleil, le Grand Cacique écouta
les délégués parler de tout, depuis le commerce jusqu’aux
croyances religieuses en passant par les tractations écono-
miques. Délégations commerciales, équipages pirates et
dignitaires officiels se présentèrent pour demander accès
à la mer Atabéenne. Puis, lorsque le soleil se fut couché et
qu’une lune rougeâtre brillante se leva, le Grand Cacique
établit les règles commerciales qu’il accepterait.
7E MER NATIONS PIRATES 65
 LES EXPORTATIONS DE
LA MER ATABÉENNE
La mer Atabéenne est à la fois un pôle
d’échange et une source de biens d’expor-
tation. En termes de volume, le sucre est en
première position, mais le rhum, la mélasse,
l’indigo, le café, le tabac, le chanvre et les
bananes sont aussi très demandés. L’or,
l’argent et la bauxite sont également de
précieuses sources d’exportation majeures,
mais l’« huile de baleine » et l’ambre gris sont
les plus rentables au poids. Le terme « huile
de baleine » est utilisé par les chasseurs de
monstres marins pour décrire toute huile
extraite du lard d’un monstre marin géant.
Cette promulgation prit le nom de déclaration du Ris
Moon. Les Rahuris autorisèrent tout commerçant à établir
un comptoir sur leurs terres, mais favorisèrent les organi-
sations et les corsaires au détriment des gouvernements.
Le Grand Cacique déclara que les eaux des Rahuris ne
seraient gouvernées par nul autre que les caciques ici-bas
et les dieux là-haut. Toute tentative de contrevenir à cet
arrangement serait punie par des représailles dévastatrices
à l’encontre de tous les Théans de la région.
Depuis, les gouvernements théans ont peiné à établir
des colonies permanentes dans l’Atabéenne. Seules trois
grandes villes ont été érigées, chaque fois avec l’aval réti-
cent des Rahuris. La première, San Sancha, fut fondée
par le capitaine Dantes, et il la gouverna jusqu’en 1574
où, face à l’arrivée des autorités castillianes, il abdiqua
pour reprendre une vie de piraterie. La seconde colonie,
Fortunato, fut fondée par la Vodacce en 1561, mais
des tensions dégénérèrent en un conflit à la conclusion
duquel les Vodaccis furent chassés, laissant aux Rahuris le
contrôle du port autrefois opulent. La dernière est la ville
de Sylviette, un comptoir montaginois supposé apporter à
l’Atabéenne les raffinements de la culture théane.
Avec l’afflux de Théans, chaque nouveau vaisseau et
chaque pouce de terrain pris aux Rahuris accroît les
tensions et rend d’autant plus délicates les relations des
Rahuris avec leurs voisins de l’Atabéenne. Au fil des ans, les
Rahuris ont cédé nombre des plus modestes îles à d’autres
Nations, à des colons Théans ou à des entrepreneurs privés.
Toutefois, tout résident d’un territoire qu’ils ont précédem-
ment occupé ne peut que remarquer que les attaques de
monstres marins y deviennent bien plus fréquentes. Des
flottes de pêcheurs rahuris sont ainsi souvent engagées
pour surveiller des eaux depuis longtemps cédées à d’autres,
dans l’espoir de tenir à l’écart la dangereuse faune.
66 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
L’arrivée de la Compagnie commerciale
atabéenne
Les Rahuris continuèrent d’être respectés pour leur
maîtrise de l’environnement marin jusqu’à l’arrivée de la
Compagnie commerciale atabéenne. L’irruption invasive de
l’organisation marqua le début du déclin du contrôle rahuri
sur de vastes pans de l’Atabéenne. La flotte marchande
s’insinua au sein des divers ports de commerce en tant que
partenaire d’affaires lucratif et superpuissance économique.
Rapidement, l’impitoyable Compagnie chassa les commer-
çants les plus modestes, forçant la plupart des résidents à
faire affaire avec elle ou à faire une croix sur les denrées
à disposition.
Désormais fermement implantée, la Compagnie s’affaira
à emprisonner et à réduire en esclavage les autochtones,
en particulier les Rahuris. Des milliers d’entre eux furent
capturés pour être ensuite vendus en tant que main
d’œuvre servile aux Théans désormais propriétaires des
territoires rahuris. Bien des Rahuris se retrouvèrent
esclaves sur les îles où ils avaient grandi.
Le Grand Cacique exigea une réponse des diplomates
théans. Il leur rappela le sort promis à tous les Théans
en cas de violation de la paix avec les Rahuris, mais
chaque Nation nia toute responsabilité pour les actes de
la Compagnie commerciale atabéenne. Les monarques et
les gouvernements des diverses Nations considèrent tous
la Compagnie comme hors de leur juridiction. Financée,
approvisionnée et entretenue par des citoyens privés à
un demi-monde de distance, elle n’est du ressort d’au-
cune Nation.
Ainsi, tandis que les Rahuris se raccrochent à leurs
trois îles centrales et à leur flotte de bateaux rapides et
mortels, l’Atabéenne devient de plus en plus théane grâce
à la Compagnie. Un tel changement est également de
mauvais augure pour tout pirate indépendant qui opère
dans le secteur, car la Compagnie contrôle une flotte d’une
puissance colossale et possède bien des amis influents
en Théah.
Cependant, à mesure que la déclaration du Ris Moon se
voit bafouée, la mer elle-même se fait plus tumultueuse et
ses monstres plus imprévisibles. Les Rahuris ont un rôle
particulier dans la mer Atabéenne : celui de maintenir
l’équilibre fragile parmi les monstres qui occupent ses eaux,
et chaque autochtone réduit en esclavage, tué ou spolié
menace de compromettre irrémédiablement cet équilibre.
La Compagnie commerciale atabéenne, de son côté,
ne voit à l’horizon qu’un avenir brillant, alors même que
de plus en plus de ses bateaux sont la proie de la mer
des Monstres.
Les Rahuris : le peuple de la Mer
Nous voyons bien des sortes de gens venir de Montaigne,
de la lointaine Ussura ou d’Avalon. Chaque bateau
retentit d’un demi-millier de voix. Parmi nous, nous
parlons d’une voix unique. Mais laissez-moi vous dire
que nous sommes les Rahuris et que nous parlons
au nom de la Mer.
—Jibaro, Grand Cacique

Le peuple natif prépondérant de la mer Atabéenne est

celui des Rahuris. Selon leur histoire, ils fuirent le conti-
nent Aztlan lorsque l’un de leurs dirigeants ancestraux,
Locuo, s’attira le courroux du serpent des tempêtes ailé,
Apocoatl. Locuo, lui-même descendant d’un dieu, crut
avec orgueil qu’il pourrait user du pouvoir de la terre pour
protéger son peuple plutôt que de se reposer sur la protec-
tion d’Apocoatl. La légende raconte qu’usant de sa magie,
Locuo déclencha de terribles séismes qui arrachèrent d’im-
menses portions de terre, suscitant la rage du dieu serpent.
Apocoatl s’apprêtait à punir Locuo et tous les Rahuris
lorsqu’un esprit marin, Mama Yaya, intervint et mena les
Rahuris hors de l’Aztlan, jusque dans la mer Atabéenne,
où il les aida à faire amende honorable auprès d’Apocoatl.
En retour de leur salut, les Rahuris jurèrent de protéger et
de prendre soin de la mer Atabéenne ainsi que de toutes
les créatures marines monstrueuses qui y vivaient, afin
qu’Apocoatl puisse s’y nourrir. Satisfait, Apocoatl laissa les
Rahuris peupler la mer des Monstres en tant que gardiens
et protecteurs, pour l’éternité.

Le territoire rahuri
La société rahuri a beau ne descendre que d’un unique
groupe, ses villages couvrent aujourd’hui des milliers
de kilomètres de l’Atabéenne. Son territoire insulaire
est constitué de trois grandes masses terrestres et d’un
chapelet d’autres plus petites.

Borequen
L’île de Borequen est située à l’extrême orient du territoire
rahuri et constitue le premier arrêt de tout navire théan qui
atteint la mer Atabéenne. Les Rahuris de Borequen sont
des gens chaleureux qui ont assimilé des aspects culturels
de bien de leurs visiteurs, en particulier les Castillians.
Leur emploi du temps se partage entre naviguer sur la mer
des Monstres pour y chasser les créatures des profondeurs
et s’aventurer sur la mer du Serpent pour explorer ce qui
existe à l’est de leur terre natale.
L’île elle-même est densément peuplée, et les Rahuris
de Borequen sont souvent victimes de raids esclavagistes.
Bien des pêcheurs rahuris sont revenus d’une expédi-
tion pour trouver leur village réduit en cendres et leur
famille en servitude. Les Rahuris de Borequen sont ceux
qui condamnent le plus ardemment l’expansion de la
Compagnie et ses pratiques esclavagistes. Le terme boriqua,
qui désigne un guerrier rahuri, est dérivé de Borequen,
quand bien même tout boriqua n’en vient pas forcément.

7E MER NATIONS PIRATES 67

 De : C
À : V
Sujet : rapport sur le peuple rahuri
Kiskeya
Lorsqu’ils ont besoin d’aide, c’est en général au centre du

Nos récents efforts pour rentabiliser nos investissements

territoire rahuri que les habitants de Borequen s’adressent ; à

dans le commerce d’esclaves ont échoué. Des membres

l’île de Kiskeya et au Grand Cacique de Naca’an. Kiskeya est
une île sauvage, peuplée de vastes villages rahuris séparés par

de la Fraternité de la côte s’en sont mêlés. Nous

d’épaisses jungles. La cité centrale de Naca’an, sise dans une
large baie sur la côte qui fait face à la Mer, est un monument

avons une liste de noms et de solutions possibles. En

à la beauté de la culture rahuri. Son hôtel central, le Grand

attente d’autorisations. V, T, Z, 1, u, 1, 17, B.

Bohio (la « grande rotonde »), est une structure immense
au centre d’une cité faite de bois gravé constituée à partir

Les rumeurs d’une force spirituelle en présence sont

des premiers bateaux rahuris à avoir touché terre dans l’Ata-

fondées. Le peuple atabéen, autrement dit les Rahuris,

béenne. C’est là que le Grand Cacique Jibaro, descendant
de Manicato, règne en tant que gardien de la paix et veille

peut contacter les esprits de ses ancêtres. Le rituel

à ce que le marché contracté avec Apocoatl il y a longtemps
soit respecté.

ressemble à ceux de la Fédération et de l’Ussura. Les

Le Grand Cacique Jibaro est le Rahuri kiskeyan modèle :

esprits semblent bien disposés et sont même souvent

un homme fort aux convictions spirituelles profondes, inti-
mement lié à ses ancêtres. Les Kiskeyans sont très attachés

prêts à fournir directement leur aide, mais cela

à l’histoire des Rahuris, et leurs conteurs et leurs anciens

implique un marché. Pour l’heure, toute tentative

évoquent souvent l’importance de l’antique pacte comme
si le marché avec Apocoatl avait été conclu la veille. Pour

d’observer le rituel a échoué. Les Rahuris se méfient

les Rahuris de Kiskeya, leur lien avec la mer des Monstres,
leur dette ancestrale envers le grand dieu et leur devoir

de nos motivations. Nous avons perdu b et avons failli

envers l’océan n’est pas de l’histoire ancienne, mais un sujet

perdre X lors d’une telle tentative le mois dernier.

d’actualité.

Nous avons également avéré l’existence des créatures

Yamaka
Si Kiskeya est le cœur spirituel et politique du peuple

mentionnées dans le rapport de X. Si les eaux de

rahuri, Yamaka est son cœur guerrier qui bat. Yamaka,

Théah comptent leur lot de monstres marins, la

aînée des colonies rahuris, se situe à l’extrémité occidentale
de l’Atabéenne, entre la mer des Monstres et le continent

mer Atabéenne semble les produire à volonté. J’ai

Aztlan proche. Les Rahuris ont débarqué sur Yamaka il
y a des générations, après avoir fui l’Aztlan, et l’on trouve

personnellement vu un kraken dévorer un bateau

des reliques du continent au plus profond des forêts de

entier. Les Rahuris semblent partager une sorte de lien

Yamaka. Les Rahuris locaux sont les plus isolationnistes et
sont déterminés à préserver leurs traditions et leur culture

avec ces créatures, ce que nous pourrions exploiter.

de toute ingérence étrangère. Ils protègent farouchement

J’ai inspecté les blessures de X après la rencontre avec

leurs frontières et leurs guerriers patrouillent la Mer, prêts
à défendre tout Rahuri dans le besoin. Ils surveillent en

les monstres. Elles l’ont rendue inapte au service actif.

particulier l’Aztlan, d’où viennent souvent des expéditions
de pilleurs. Ils croient également qu’un jour, ils seront de

Initiative de suspension confirmée et mise à exécution.

nouveau la cible du ressentiment d’Apocoatl. Et si ce jour

L’Œil voit tout

venait à arriver, les guerriers de Yamaka ont l’intention
d’être prêts.

68 CHAPITRE 1 | Ports d'escale

Le paradis perdu
Les Rahuris croyaient auparavant que du moment qu’ils
respectaient fidèlement leur responsabilité envers la
Mer, ils vivraient en harmonie avec l’Atabéenne, en tant
que résidents et protecteurs. C’est ce sens du devoir qui
garda les îles rahuris unies pendant d’innombrables géné-
rations. Cependant, voir tant de ses villages détruits par
des esclavagistes et des envahisseurs théans, et subir les
raids d’autres Nations proches, a déstabilisé la société
rahuri. Des dissensions ont émergé entre les Rahuris et
leurs dirigeants, qui continuent de traiter avec les Théans
et la Compagnie commerciale atabéenne en dépit de leurs
pratiques esclavagistes éhontées.
Tandis que les caciques négocient et commercent avec
la CCA, principalement de crainte d’un conflit ouvert, les
Rahuris se lassent d’attendre de l’aide alors qu’un nombre
croissant de leurs villages (quand il ne s’agit pas d’îles
entières) disparaissent pour laisser la place à des colonies
théanes. Une résistance nommée le Riroco s’est assemblée
pour s’opposer à quiconque pratique la traite ou l’exploita-
tion d’esclaves. Pour l’heure, ses membres ne sont pas suffi-
samment nombreux ou équipés pour une attaque directe
à l’encontre de la Compagnie, aussi leurs activités sont-
elles limitées. Et en dépit de tentatives pacifiques pour
mettre un terme au commerce d’esclaves, la Compagnie
traque sans pitié le Riroco et détruit ses bases d’opéra-
tions. Sans armes et sans soutien, la résistance pourrait
bien n’être qu’un feu de paille. Mais les Rahuris disposent
d’un recours inattendu : le pouvoir de faire revenir leurs
ancêtres pour qu’ils participent à la lutte.
La magie de Soryana
Il y a longtemps, pour protéger et aider les Rahuris,
Apocoatl fonda au fin fond de la mer des Monstres
une demeure pour leurs esprits ancestraux du nom de
Soryana. Cette île existe en bonne partie dans le Pays
des morts, mais peut être trouvée par tout marin suffi-
samment alerte. Les Rahuris ont toujours révéré leurs
ancêtres, et selon eux, plutôt que de disparaître, tout mort
va simplement « de l’autre côté de l’île » où il prend rési-
dence, toujours prêt à fournir son aide. En cas de besoin,
les Rahuris peuvent contacter leurs ancêtres pour leur
demander conseil, voire traverser les passages menant à
l’Outre-monde pour atteindre Soryana et ramener l’un de
leurs aïeuls dans le cadre d’une tâche. Ladite tâche peut
consister aussi bien à participer à une grande chasse aux
monstres qu’à se battre pour la survie d’une île contre une
armée d’esclavagistes.
Quelle que soit la tâche, le processus est le même. Le
suppliant doit demander à un guide (un bohiti) de l’amener
à Soryana via un passage, lequel se trouve généralement
dans l’une des multiples cavernes et cavités qui parsèment
toute île atabéenne. De là, le bohiti et le suppliant doivent
trouver un esprit ancêtre et lui demander son aide.
Si l’esprit accepte, le groupe doit se présenter devant
Locuo, Roi de Soryana, et le convaincre que l’esprit est
requis dans le monde des vivants. Une fois la bénédic-
tion de Locuo obtenue, l’esprit peut quitter Soryana
jusqu’à ce que sa tâche soit accomplie ou jusqu’à ce que
Locuo ordonne son retour. Si l’esprit essaie de rester
dans le monde des vivants au-delà de la limite imposée,
il devient fou et se transforme en fantôme affamé. Il est
alors « Perdu » et devient un mabuya, condamné à errer
à travers l’océan à la recherche d’âmes à entraîner avec lui
dans les profondeurs.
La magie rahuri peut être surprenante pour tout étranger
qui n’est pas habitué à voir la forme verte luminescente d’un
esprit ancêtre fantomatique à bord d’un vaisseau rahuri
ou au milieu d’un village. Pour les Rahuris, emprunter
un esprit à Soryana est aussi répandu et simple que d’em-
prunter un livre dans une bibliothèque théane. Chaque
jour, nombre de Rahuris font appel à leurs ancêtres pour
obtenir des conseils ou de l’aide dans le cadre d’une tâche
importante, ou simplement pour servir de professeurs ou
de tuteurs à de jeunes membres de la tribu.
De minuscules grenouilles nommées coquí sont connues
comme les messagères des morts. Chaque nuit, les jungles
environnant les villages rahuris résonnent de leurs coasse-
ments aigus et sifflants. Si un esprit a besoin d’envoyer un
message à quelqu’un, un coquí ira trouver le destinataire
pour le lui murmurer. Elles ne parlent en aucune autre
circonstance. Les coquí se réunissent souvent dans les
lieux liés à Soryana, qui servent aux Rahuris de points
de communication avec leurs ancêtres. Des générations de
Rahuris ont écrit les noms de leurs ancêtres sur ces murs
et y apportent des offrandes aux morts.
Pour entrer en contact avec un ancêtre, un Rahuri doit
trouver le nom de ce dernier sur un mur et apporter une
offrande d’eau fraîche. Si le défunt est disposé à parler,
le Rahuri se retrouvera bien vite à converser avec une
personne disparue depuis longtemps. Par-delà ces cavernes
à noms se trouvent des entrées vers Soryana elle-même ;
des passages vers « l’autre côté de l’île », où les morts vivent
dans des villages fort similaires à ceux des vivants. C’est là
qu’ils attendent d’être appelés par leurs descendants, parés
à aider leur Nation une fois de plus.
7E MER NATIONS PIRATES 69
 La société rahuri
Parmi les peuples de l’Atabéenne, les Rahuris sont connus
pour être un peuple chaleureux et accueillant, bien disposé
envers ceux qui respectent leur autorité sur la Mer. Une
fois qu’un visiteur s’est montré digne de confiance, toute
communauté rahuri partagera avec lui ce qu’elle possède et
lui proposera de prendre part à tous les aspects de la vie du
village, y compris les expéditions de chasse aux monstres
de l’Atabéenne. Si les mariages mixtes sont fréquents, il est
attendu de tout adhérent à la communauté qu’il élève ses
enfants dans le strict respect des coutumes locales.
Parmi les Rahuris, plusieurs générations d’une même
famille vivent généralement sous le même toit. À l’image
de la société rahuri dans son ensemble, les familles sont
égalitaires, l’homme comme la femme pouvant diriger
le foyer, tandis que la responsabilité de chef de famille
va à qui est le plus sage et apte à pourvoir aux besoins
de la famille. Les mariages sont négociés entre les deux
familles, mais toute union requiert le consentement des
deux parties. Les couples homosexuels sont loin d’être
rares et sont logés à la même enseigne.
Les Rahuris possèdent un amour profond et révéren-
cieux pour la Mer et tout ce qu’elle fournit. Leurs vête-
ments, de même que l’essentiel de leurs possessions, sont
faits de ce qu’ils y récoltent. Leurs maisons sont décorées
d’armes et de meubles en os, de bougies faites de graisse de
baleine et de peaux récoltées sur d’étranges créatures des
profondeurs. Le passage à l’âge adulte a lieu entre douze
et quatorze ans, lorsque l’enfant prend part à sa première
chasse. Ces nouveaux chasseurs rapportent traditionnel-
lement des morceaux de leur premier trophée pour en
faire des armes et des bijoux à offrir en cadeaux à leurs
proches, afin de les remercier de tout ce qu’ils leur ont
offert durant leur enfance. Une fois sa première chasse
accomplie, l’enfant est considéré comme un adulte, autorisé
à s’exprimer aux rassemblements rahuris et à prendre ses
propres décisions. Le mariage ne vient que bien plus tard,
une fois que l’adolescent possède une vie stable et maîtrise
une profession.
La langue principale des Rahuris est le taiya. Parlé à
travers toute l’Atabéenne, il s’est imposé comme l’une des
langues de commerce pour les pirates et les colons de
la Mer.
70 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Dans les bras de Mama Yaya
Vivre aux côtés de leurs morts a favorisé chez les Rahuris
le développement d’un lien fort avec leurs racines spiri-
tuelles, lesquelles remontent à l’époque où ils vivaient sur
le continent. Les Rahuris croient que le puissant esprit
Mama Yaya les a conduits en sûreté jusque dans l’Ata-
béenne, à l’écart de la colère d’Apocoatl. Ce fut Mama
Yaya qui scella avec Apocoatl le pacte liant les Rahuris à
la Mer, et qui contribua à créer Soryana pour y héberger
les esprits des morts. Les Rahuris vénèrent Mama Yaya
et ses enfants (qui prennent la forme d’autres esprits de
l’eau, de l’air et des éléments) et rendent hommage à sa
progéniture : les grands monstres doués de conscience
qui habitent l’Atabéenne. Le symbole de Mama Yaya est
la tortue, et ses principales engeances sont le homard, le
dauphin, le requin et la mouette.
Comme les Rahuris vivent et travaillent si étroitement et
constamment aux côtés d’esprits revenants, les croyances
spirituelles ne sont pas tant de l’ordre du culte que du bon
sens. Pas besoin d’une grande foi pour voir la main de Yaya
dans la vie courante rahuri quand les morts visitent les
villages pour y aider la tribu. Les prêtres et chefs spirituels
des Rahuris sont reconnus non pas comme des maîtres
d’un savoir hermétique, mais comme des dirigeants aptes
à montrer à leur peuple comment servir la Mer au mieux.
Ils enseignent que la magie des morts est un don qu’il ne
faut pas craindre ou même vénérer, mais accepter comme
un outil voué à aider le peuple. En effet, selon les prêtres, il
faut recourir à l’aide des ancêtres uniquement pour servir
la tribu, pas pour son propre avantage, sous peine de voir
les esprits se perdre et devenir des monstres corrompus
voués à la destruction.
Cette approche pragmatique de la magie et des esprits a
mis les Rahuris en conflit avec les missionnaires vaticins
et les émissaires venus de l’ouest en quête de nouveaux
croyants. Pour les Rahuris, la façon qu’ont les vaticins de
prêcher la science et de proscrire la magie revient à nier
le pouvoir qui les entoure, et ils se demandent si l’Église
n’est pas fondée sur le contrôle plutôt que sur une foi réelle.
Toutefois, les conventions diplomatiques et le désir d’en-
tretenir la paix ont permis aux représentants vaticins d’im-
planter des lieux de culte à travers l’Atabéenne, attirant
l’attention de Rahuris curieux. Ceux qui se convertissent
sont souvent vus comme des âmes égarées par les leurs, qui
se rient d’eux et se demandent ce qui leur prend de renier
et de diaboliser ce qui protège et sert leur peuple depuis
des générations.

Le droit de diriger : la politique rahuri
L’expansion des Rahuris à travers des dizaines d’îles sur
l’Atabéenne a rendue nécessaire la création d’une structure
politique organisée pour maintenir l’unité du peuple. À
cet effet, en plus d’une langue et d’une croyance spirituelle
unique, les caciques d’antan ont établi une structure
gouvernementale respectée d’un bout à l’autre de la Nation.
Chaque agglomération rahuri, du plus humble village
jusqu’à la plus vaste des colonies théanes, possède sa
propre structure dirigeante, laquelle répond à l’autorité
centrale de la Nation. Les Rahuris d’une zone donnée sont
soumis à l’autorité d’un cacique dont le rôle est de protéger
la communauté. Les caciques écoutent les requêtes, offi-
cient lors des cérémonies, font office de médiateurs lors
des conflits et de juges en cas de crime.
Le cacique dirige en temps de guerre comme de paix :
il mène toute escouade de guerriers lors d’un conflit et
accepte tout enfant au sein de la tribu après sa première
chasse. Tout suppliant qui souhaite se rendre à Soryana
pour en ramener un ancêtre doit également recevoir
son aval.
Un cacique occupe son poste jusqu’à sa mort ou jusqu’à
ce qu’un prétendant prouve devant tous les adultes de la
tribu qu’il représente une meilleure alternative. À la mort
d’un cacique, des successeurs sont désignés d’après les
exploits qu’ils ont accomplis, puis l’un d’eux est élu par
un vote de tous les adultes de la tribu. Tout ancêtre qui
choisit de s’impliquer dans ce processus compliqué peut
officier comme conseiller. Les successeurs potentiels
sont souvent choisis parmi les conseillers du cacique ou
parmi ses enfants. Cependant, si l’enfant d’un cacique est
très souvent appelé prince ou princesse, rien ne garantit
qu’il hérite du poste de son parent. En fait, les Rahuris se
méfient des dynasties et exigent de tout enfant de cacique
qu’il se montre d’autant plus digne d’être dirigeant avant
d’être accepté comme tel.
Comme le territoire rahuri englobe la majorité de la Mer,
chaque agglomération peut avoir son propre cacique, et
une île peut comprendre plusieurs caciques. Ces derniers
sont inféodés au Grand Cacique de Naca’an auquel ils
envoient un ambassadeur pour servir au cœur de la
société rahuri. Ces ambassadeurs constituent le Conseil
du Renom et s’occupent de négocier les uns avec les autres
au nom des leurs pour résoudre tout conflit qui pourrait
survenir parmi les Rahuris. La diplomatie occupe une
place de premier plan, car les Rahuris s’efforcent de main-
tenir leur Nation unie. Toute guerre entre eux est perçue
comme un échec général.
LES REBELLES DE L’ATA-
BÉENNE : LE RIROCO
En réaction aux pratiques esclavagistes de
la Compagnie commerciale atabéenne, un
mouvement de résistance s’est créé, nommé
le Riroco ou « mémoire vaillante ». Mené
par la princesse rahuri Tanama, le Riroco
possède dans toute l’Atabéenne des groupes
qui s’en prennent dès qu’ils le peuvent à la
CCA, à grand renfort d’attaques surprises
et de sabotages. Libérer les esclaves et les
ramener en territoire rahuri est leur but
principal, mais d’autres membres s’affairent
à capturer des bateaux et à les transformer
en vaisseaux de guerre afin de s’attaquer aux
navires et aux lieux de rassemblement de
la Compagnie.
Le devoir envers la Mer : la loi rahuri
La loi rahuri est relativement simple. Il revient à tout foyer
de maintenir l’ordre parmi ses résidents, ses animaux et
ses possessions. En cas de violation de domicile, les foyers
doivent régler l’affaire entre eux avec à l’esprit l’impératif
suivant : quel serait le meilleur dénouement pour la tribu ?
En cas de désaccord irrémédiable, le cacique intervient.
Il n’existe pas vraiment de code pénal formel. En cas
de vol ou de destruction de propriété, le coupable doit
compenser le foyer concerné ou le servir jusqu’à rembour-
sement de la dette. Un Rahuri coupable de violence
aggravée envers un membre de la tribu doit, comme
punition, servir le foyer du Grand Cacique ou le village
dans son ensemble, sous le regard vigilant des gardes du
cacique, pour une durée dépendant de la gravité des bles-
sures infligées.
Dans le cas d’un meurtre, le châtiment est plus complexe.
Le meurtrier doit non seulement verser une compensation
monétaire à la famille de la victime, mais aussi voyager
jusqu’à Soryana pour requérir le pardon de sa victime.
L’esprit du mort accompagne alors l’assassin pour une
tâche spéciale vouée à servir la tribu. Une telle mission
est généralement extrêmement dangereuse et entraîne
souvent la mort du meurtrier. Si ce dernier survit, il pourra
réintégrer la société rahuri. S’il échoue, il sera banni de
sa tribu pour toujours. Les meurtriers récidivistes sont
exécutés par le cacique, noyés dans l’océan devant le reste
du village. Ils sont ensuite donnés en pâture aux monstres
de l’Atabéenne, et Locuo lui-même détruit leurs âmes dès
leur arrivée à Soryana.
7E MER NATIONS PIRATES 71
 Noms
Les enfants rahuris héritent des noms de leurs pères et
mères, formant une longue chaîne qui s’étend sur des
générations. Le nom choisi reflète l’héritage auquel les
parents vouent leur enfant et est inspiré des qualités de
leurs ancêtres, comme la bravoure ou la sagesse. Les noms
se rapportent souvent à la nature et font référence aux
esprits protecteurs que les Rahuris vénéraient jadis, avant
leur départ du continent.
L’identité complète d’un Rahuri se compose de son nom,
de sa profession et du nom de son village, de sa cité ou
de son île. Par exemple, une pêcheuse du nom de Karaya
issue du village de Narita sur l’île de Kiskeya se présentera
comme « Karaya, pêcheuse de Narita-Kiskeya ».
Noms masculins courants : Abey, Ameyro, Arieto,
Aymaco, Batea, Cacimar, Colibri, Comerio, Guey, Juracan,
Kaiman, Liren, Loquillo, Maboyas, Mucaro, Nasa, Ralay,
Tabonuco, Yabisi, Yacahu
Noms féminins courants : Acindina, Aji, Ana,
Anacaona, Aramana, Ayiti, Cajaya, Casiguaya, Guama,
Jadzia, Kakata, Karaya, Liani, Mayneri, Nimita, Tinima,
Tonina, Xiomara, Yari, Zemi
Dirigeants et personnalités
Le Grand Cacique Jibaro
Descendant de fiers ancêtres, Jibaro est le descendant
direct de Manicato, le puissant cacique qui contracta jadis
les premiers pactes avec les Théans. Aujourd’hui, le petit-
fils de Manicato a bientôt soixante-dix ans. Il est Grand
Cacique depuis l’âge de quatorze ans et son règne touche
à sa fin. Jibaro a mené son peuple à travers une période
prospère quoique tumultueuse, au cours de laquelle la
Compagnie commerciale atabéenne et d’autres groupes
se sont arrogés une large part du territoire traditionnel-
lement rahuri.
Jibaro œuvre diligemment à maintenir l’ordre et la paix.
Mais devant les menaces de révolte de plusieurs îles, il
se rend compte qu’il a peut-être été trop longtemps trop
accommodant avec ses partenaires commerciaux théans.
Il avait l’intention d’abdiquer en faveur de sa petite-fille
aînée, Tanama, mais l’impétueuse princesse a abandonné
son rôle d’héritière pour mener le Riroco dans sa guerre
contre la Compagnie. Maintenant dépourvu d’un protégé
pour hériter de son trône, Jibaro peine à faire front dans
ce qu’il sent être ses dernières années. Il lutte pour sauver
son peuple tout en cherchant un successeur digne de
ses accomplissements.
72 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Tanama
Les Rahuris ont, de longue date, accepté l’idée que tous
sont égaux face à la grande Mer. Ainsi, lorsque le Grand
Cacique Jibaro sentit qu’il rejoindrait bientôt ses ancêtres,
il appela les autres caciques à reconnaître sa petite-fille,
Tanama, comme héritière. Élevée sur Borequen, Tanama
reçut une éducation complète d’enseignants rahuris et
castillians, et est depuis mère de deux jeunes filles avec sa
partenaire, Risa. Lorsque Tanama gagna Naca’an pour y
préparer son accession au trône, elle y apprit que quelques
jours après son départ, son village avait été attaqué et que
Risa et ses filles avaient été capturées.
Folle de rage, Tanama réclama justice auprès de son
grand-père et des caciques à l’encontre des esclavagistes
et de leurs employeurs, la Compagnie commerciale
atabéenne. Lorsque les dirigeants rahuris s’avérèrent
inaptes à redresser le tort subi, Tanama quitta Naca’an,
reniant le rôle auquel elle avait été formée toute sa vie.
Elle prit son vaisseau le plus rapide, Le Tiburon, et partit
en mer, accompagnée de quiconque était disposé à l’aider
à sauver sa famille. Ainsi naquit le Riroco. Tanama est
devenue le fer de lance de la résistance rahuri contre les
esclavagistes et la CCA. Elle mène une guérilla maritime
dans l’espoir de sauver son peuple et de découvrir ce qui
est arrivé à sa famille.
Yuke Merritt
Yuke est l’un des meilleurs navigateurs, capitaines et tueurs
de monstres de la mer Atabéenne. Fils d’un pirate avalo-
nien et de sa femme rahuri, Yuke tire son nom des plages
sablonneuses blanches où il a grandi. Son enfance fut
bercée par les allées et venues de son père qui partait piller
la mer des Monstres à bord de son vaisseau, Les Sables
blancs, et en revenait la bouche pleine d’histoires sur les
monstres que le peuple de sa mère combattait.
Mais un jour, le navire de son père ne revint pas. Yuke
et sa mère trouvèrent l’épave du vaisseau pirate prati-
quement en pièces à l’entrée du détroit du Diable. Leur
famille rahuri récupéra le navire et le confia à Yuke qui, à
son bord et avec l’aide des survivants de l’équipage, trouva
le serpent de mer qui avait tué son père et se vengea.
En vérité, Yuke n’y réussit que grâce à un sacré coup de
chance, mais cet exploit fit sa réputation. Bien vite, des
gens de tous horizons firent appel au nouveau capitaine
Merritt et aux Sables blancs pour régler leurs problèmes
de monstres marins.
Attention : monstres
Quiconque navigue sur l’Atabéenne s’aperçoit vite que
les créatures qui y rôdent n’appartiennent pas à la faune
marine habituelle  : anguilles, baleines, pieuvres mons-
trueuses et terrifiants requins gigantesques hantent ses
profondeurs. Mais encore s’agit-il de menaces identifiables.
Tout inconscient qui pénètre l’Atabéenne se retrouvera
également face à d’horribles monstres indescriptibles.
Seuls les navigateurs de la mer Atabéenne les plus
aguerris savent quelles créatures habitent ses flots, nichées
dans la mer tumultueuse. Selon les légendes rahuris, ces
monstres sont la nourriture de l’antique serpent Apocoatl,
et c’est en prévision de son prochain repas que les Rahuris
entretiennent l’océan. Mais pour n’importe qui d’autre, ce
sont simplement des cauchemars.
Toute la faune marine de la mer Atabéenne est plus
monstrueuse et terrifiante que la normale. Poissons et
autres créatures maritimes d’ordinaire paisibles sont plus
grands et généralement plus agressifs. Les prédateurs
que produit cet océan sont d’une taille obscène, dotés
de gueules, de pics et de tentacules capables de briser un
homme adulte comme un rien, voire de tirer des vais-
seaux entiers dans les profondeurs. Le paysage même de
ce monde sous-marin est tout aussi terrifiant, car la mer
Atabéenne est bien plus profonde qu’on ne pourrait s’y
attendre. L’eau est d’une limpidité frappante au niveau des
rivages, permettant aux marins et aux pêcheurs de voir le
danger venir à l’œil nu. Plus on s’éloigne du rivage, plus l’eau
s’assombrit, et en haute mer, il n’est pas rare qu’une créature
surgisse des profondeurs sans prévenir.
Du fait de la taille de sa faune, la mer Atabéenne recèle des
ressources indéniables. Des pêcheurs armés de longs filets
robustes peuvent attraper un poisson, un crabe ou une anguille
plus grosse qu’eux ; de quoi nourrir une douzaine de personnes
en une prise. Mais une telle profession est dangereuse, car
quasiment toute créature de la mer des Monstres est soit une
proie rusée et agressive, soit un prédateur géant féroce.
Parmi les Rahuris, les pêcheurs et les marins sont très
respectés et honorés en tant que puissants guerriers et
pourvoyeurs. Quiconque choisit de prendre la Mer pour
y chasser des monstres exécute la volonté des dieux. Tout
étranger venu dans la mer des Monstres qui se risque à faire
face aux plus terribles des engeances de l’océan est digne
d’un toast et d’une rapide prière. Nombre de ceux qui se
confrontent à l’Atabéenne n’en reviennent jamais. Les funé-
railles se font le plus souvent sans le corps du défunt, et
parmi les marins et les pêcheurs, il n’est pas rare de perdre
un membre, ce qui est perçu comme une marque d’honneur.
Si ce n’était que sa faune marine énorme et agressive, l’océan
pourrait ne pas être aussi mémorable… Mais ce n’est pas pour
rien que la mer Atabéenne est surnommée la mer des Monstres.
En plus des requins, des anguilles et des pieuvres, on y
trouve des créatures qui ne sont assurément pas naturelles.
De retour au pays, les marins théans évoquent des requins
géants au ventre pourvu d’immenses tentacules capables de
tirer un navire entier dans leur gueule terrifiante. D’autres
encore parlent de siphons géants qui apparaissent subi-
tement et engloutissent les bateaux avant de disparaître
et de reparaître ailleurs. Enfin, il y a les voix chantantes
qui appellent les marins lors des nuits noires, adoptant les
voix de leurs proches pour les enjoindre à sauter par-dessus
bord et à se noyer en mer.

Je vais vous raconter cette histoire comme elle m’a été racontée. À vous ensuite de croire ce que vous voudrez croire.
J’ai été matelot sur La Fierté de la passion pendant trois ans. On était venus de Castille dans l’espoir d’attraper un gros
lot atabéen à ramener chez nous. On avait entendu dire qu’il suffisait de mettre le grappin sur une des créatures d’ici et de
ramener sa carcasse intacte pour se faire le poids du navire en or. C’est qu’il y a des gros bonnets qui paieraient cher pour
ajouter ces monstres incroyables de l’autre bout du monde à leur collection ! Le capitaine Bardocz avait promis à chacun
sa part si on ramenait un joli morceau.
Eh ben Bardocz est au fond de l’océan, avec l’essentiel de l’équipage de La Fierté. J’ai une jambe à moitié faite de bois et d’os
bizarre que les Rahuris d’ici m’ont fabriquée. J’ai pas d’or et je peux pas retourner en Théah. Et pourquoi ça ?
Parce que le bon capitaine a eu les yeux plus gros que le ventre. Il a vu la peau blanche d’une créature et il s’est dit
que ça ferait un beau gros lot. Mais c’était pas une bête ordinaire. Y a pas de ça dans l’Atabéenne.
Cette chose a réduit notre vaisseau en copeaux qui ont rejoint les profondeurs, comme mes compagnons et amis.
J’ai tout vu depuis un bout de coque qu’elle avait laissé de côté, sous le soleil d’un beau jour de printemps.
Et je vous le dis, au cœur de la nuit ou dans mes cauchemars, j’ai jamais rien vu d’aussi horrible que cette gueule.
Vous me croyez pas ? Prenez cette commission et montez sur ce bateau. Allez chercher ces créatures vous-mêmes
et voyez ce que votre poids en or va vous coûter. Allez-y. Vous me trouverez ici, si vous en revenez.
—Entrevue avec Raol Navarre, ancien pirate castillian, résident de San Sancha

7E MER NATIONS PIRATES 73

 Quelle que soit la nature du danger auquel ils vont faire
face, les marins savent qu’une fois qu’ils quittent la terre,
il est possible que ce soit pour de bon. Reste que malgré
tous ses dangers, la mer Atabéenne représente une fortune
pour quiconque est assez brave pour venir s’en saisir. Pour
le peuple rahuri, les pirates qui patrouillent ses eaux et les
Théans qui se sont installés dans la mer des Monstres,
la chasse aux bêtes marines est devenue une profession
lucrative réservée aux plus hardis.
74 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
La chasse aux monstres
dans l’Atabéenne
Les principaux fruits de la mer Atabéenne sont les terribles
monstres qui vivent en son sein. Chaque industrie tourne
autour de la récolte, du travail et de la vente de morceaux
prélevés sur ces nombreux géants marins. À leur arrivée,
les Théans furent impressionnés de voir à quel point les
Rahuris en exploitaient jusqu’au moindre bout. Ils se
mirent à exporter des os de baleine, des peaux d’anguille,
de la viande de poisson monstrueux et toutes sortes de
reliques issues des chasses aux monstres. Rapidement,
tout un commerce se développa autour de ce que l’on
appela la pêche à la baleine extrême, ou l’art de chasser les
monstres marins.
Il est aisé de distinguer un bateau qui se prépare à une
chasse. Par tradition et par simple esprit pratique, tout
navire a au moins un baleinier ou chasseur rahuri à son
bord, et ces Rahuris décorent la coque du vaisseau de
longues bandes blanches pour lui donner l’allure d’un
grand requin atabéen. Toute embauche à bord d’un tel
bâtiment se fait sur simple demande au capitaine. Du fait
du haut taux de mortalité, les baleiniers sont toujours à
la recherche de nouveaux membres d’équipage, et ils n’en
manquent jamais. Les gains résultant d’une chasse réussie
sont trop alléchants.
Une fois en mer, les chasseurs suivent les bancs de pois-
sons à travers l’Atabéenne. Si la faune s’écarte soudaine-
ment d’une zone, c’est le signe de la présence d’un monstre.
Les chasseurs aguerris connaissent le terrain de chasse de
telle ou telle créature et peuvent suivre sa trace par tous
les temps pendant des jours, voire des semaines, traquant
patiemment leur dangereuse proie.
La coque de tout baleinier est remplie d’appâts soigneu-
sement empaquetés, constitués de viande puante visant à
attirer le monstre à la surface. Certains vaisseaux traînent
derrière eux des carcasses d’animaux entières à cet effet.
L’équipement comprend bien sûr quantité de harpons et
de filets, ainsi que des cordes et des harnais de sécurité.
Une fois à portée de la bête, les marins bondissent sur le
dos de la créature, uniquement protégés par leur arme et
par le harnais à leur taille.
Les baleiniers chassent toutes sortes de créatures,
chacune avec ses propres dangers. Le succès est loin d’être
garanti, et à chaque saison, les capitaines de l’Atabéenne
lèvent leur verre à leurs camarades perdus, envoyés à
Soryana par la gueule d’un monstre. Pour qui vient à bout
d’une de ces bêtes, sa fortune est faite.
 La Gloire de l’occident a mis les voiles hier, et l’équipage a déjà peur. Beaucoup de nouvelles têtes, la plupart étrangères
à l’Atabéenne, venues de par-delà les eaux. J’ai essayé de leur expliquer comment se positionner quand le pont tangue par
grand vent et comment tenir leur harpon au mieux. À voir leur air ahuri, on aurait cru que j’enseignais à des enfants.
J’imagine qu’ils s’attendaient à un sauvage arriéré ignorant de la Mer. Je leur ai montré le collier à mon cou, orné d’une
dizaine de dents de requin. Je me suis retenu de leur faire remarquer leur absence d’ornements ou à quel point
ils avaient l’air peu dégourdis, à tituber sur le pont.
Ces enfants chahutent et se demandent quel genre de créature nous allons « découvrir » en premier. Ils prennent des paris.
Lorsqu’ils m’en firent part, je leur donnai la seule réponse qui me vint à l’esprit : « Vous n’allez rien découvrir.
Mon peuple est venu ici et continuera d’y venir après vous. »
Je les laissai ensuite y réfléchir. J’ai bien assez de mes propres peurs à conquérir. Car nous sommes partis en mer
pour chasser des légendes une fois de plus, et je ne souhaite pas mourir aujourd’hui.
—Dernière entrée du journal de Ris Whena, chasseur rahuri

Une fois abattu, le monstre est hissé à bord du bateau à
l’aide d’énormes crochets, apprêté par les hommes d’équi-
page et tranché en morceaux plus manœuvrables pour être
ramené au port. Parfois, la proie est si colossale qu’elle est
tractée derrière le bateau sur un grand radeau, quoique
l’odeur du corps puisse attirer d’autres monstres. Une fois
au port, la carcasse est promptement débitée, découpée,
salée et vendue jusqu’au moindre bout. Ensuite, le capi-
taine et l’équipage se partagent les profits. Les chasseurs
revendiquent les trophées qu’ils souhaitent, sans oublier
d’en garder un de côté pour en décorer fièrement le bateau.
La plupart des baleiniers possèdent des équipages essen-
tiellement rahuris, et tout vaisseau théan qui s’essaie à ce
commerce dangereux possède au moins un chasseur rahuri
à bord. Les baleiniers rahuris sont souvent remplis d’es-
prits ancêtres qui aident leurs descendants et leurs amis
dans leur chasse épique. Un baleinier rahuri aguerri mort
sous les crocs d’un monstre peut revenir la saison suivante
pour chercher vengeance après un bref séjour à Soryana,
et les tableaux de service de bien des bateaux incluent le
nom de membres défunts, dont le statut particulier est
indiqué par une étoile.
Bien des Théans ne sont pas rassurés à l’idée de côtoyer
des morts sur un bateau, mais ces craintes s’évanouissent
vite lorsque la chasse commence et que le vrai danger
surgit des profondeurs. De quoi faut-il avoir le plus peur ?
Du fantôme qui souhaite vous voir revenir à bon port ou
du monstre tentaculaire qui cherche à faire de vous son
quatre-heures ?
Les monstres de la mer Atabéenne
Il serait futile d’essayer de faire une liste complète de toutes
les créatures que recèle la mer Atabéenne. Les autochtones
aiment à dire que la mer des Monstres a une imagination
horrible, une soif de sang intarissable et un terrible sens
de l’humour. Même le plus expérimenté des chasseurs
admettra que la Mer et ses cauchemars pourront toujours
le prendre au dépourvu. Les Théans ont répertorié
quantité de ces Monstres (voir La vie d’un pirate, pages
187 à 193), mais cette liste ne saurait être exhaustive. On
mentionnera tout de même ces bêtes parmi les plus gran-
dioses et terrifiantes de l’Atabéenne.
Mama Tortue, la tortue de mer géante
Au loin, une île se distingue à l’horizon. Elle est grande,
verdoyante… et n’était pas là il y a quelques instants.
Elle se meut visiblement, rappel constant des merveilles
étranges et inimaginables de la mer Atabéenne.
Depuis des générations, les marins se racontent des
histoires sur une tortue marine géante qui parcourt la mer
des Monstres. Les Rahuris la nomment Mama Tortue, fille
de Mama Yaya. L’apercevoir au cours d’un long voyage est
connu pour être un signe de bonne fortune. Mais plus
qu’un porte-bonheur, Mama Tortue est une gigantesque
tortue de mer pensante dont le caractère magnanime a
sauvé plus d’un navigateur de la mort.

7E MER NATIONS PIRATES 75

 La légende raconte que lorsque le peuple rahuri atteignit
la mer Atabéenne, Mama Tortue s’y trouvait, prisonnière
d’un grand banc de corail. Des pêcheurs la remarquèrent
et œuvrèrent diligemment à la libérer. La tortue, déjà bien
vieille, remercia les pêcheurs éberlués et promit de leur
rendre la pareille. Depuis, ceux qui sont perdus en mer
ou sont passés par-dessus bord se voient parfois déposés
sur le dos d’une tortue marine dont la douce voix les berce
tandis qu’elle les porte en sécurité.
Lettre de Reynard Moussette, commodore du Javert :
Tiburon, le requin à la gueule dévoratrice
Là où Mama Tortue est la protectrice bienveillante des
marins, le grand requin Tiburon est le cauchemar qui
hante leurs rêves. Énorme et intelligent, il surgit d’en
dessous des bateaux pour en défoncer la coque, et on le sait
capable d’avaler tout rond des embarcations plus petites.
Du fait de sa peau sombre uniquement barrée de quelques
rayures blanc pâle, il est quasiment invisible sous les flots.
Tiburon est le rappel perpétuellement actif et affamé de la
mort qui niche sous les vagues de l’Atabéenne.
Malgré sa taille monstrueuse et son appétit insatiable,
Tiburon n’est pas qu’un monstre horrible. La légende
prétend qu’il peut se transformer en homme ou projeter
son esprit dans les yeux d’un homme pour arpenter le sol
et s’assurer du bien-être de son peuple. Il est le gardien des
Rahuris, et ces derniers peuvent requérir son aide en cas
de grand danger.

À Robert, mon cher fils,

Les Grands Caciques n’ont fait que trois fois appel à
Tiburon pour qu’il s’en prenne à leurs ennemis : une fois

J’espère que cette lettre te trouvera en bonne santé. Lorsque

contre des pillards aztlans et deux fois contre des assauts

tu la liras, j’aurai franchi le terrible détroit du Diable et

de Nations proches. Chaque fois, les flottes furent anéan-

parcourrai les eaux bleues de l’Atabéenne. Permets-moi de

ties dans un maelström de vaisseaux brisés et de marins

t’assurer que je vais bien et que Le Javert s’en est sorti à

mourants, en une démonstration épouvantable de la puis-

merveille malgré les embûches que nous avons traversées.

sance des créatures des profondeurs.

Je ne peux que féliciter mon équipage pour sa vivacité d’esprit,

Pour marquer leur passage à l’âge adulte, de jeunes

car mon engagement envers notre cause s’est retrouvé soumis à

Rahuris partent parfois à la rencontre du grand requin

de rudes épreuves.
pour lui demander l’une de ses dents. Ils doivent grimper

Je te le dis en toute honnêteté, mon fils, j’ai passé ma vie

dans la gueule de la bête pour la lui retirer et, s’ils en sont

entière en mer, et jamais je n’ai rencontré un défi semblable

dignes, Tiburon les laisse repartir indemnes. En revanche,

à cet océan et ses monstres incroyables. Des créatures

s’il les juge indignes ou qu’ils se coupent sur l’une de ses

démoniaques rôdent dans la brume et des récifs acérés

nombreuses rangées de dents, il les avale d’un trait. Il est

menacent de trancher la coque en deux. Des Rahuris renégats

dit que ces malheureux renaissent en tant que rejetons de
Tiburon, sous la forme de requins de moindre taille qui

et des bateaux pirates rôdent au sein de ces îles si nombreuses

nageront pour l’éternité aux côtés de leur père.

qu’elles en sont presque impossibles à cartographier.

La plupart des Théans n’accordèrent tout d’abord nul

Et c’est sans parler de l’île fantôme que nous avons

crédit aux légendes concernant Tiburon, mais la plupart

remarquée à bâbord par trois fois ces quatre derniers jours.

se ravisèrent au bout de quelques années. Difficile de nier

Les Rahuris l’appellent la terre de leurs ancêtres et nous ont

son existence quand tant de marins tremblent dans leurs

avertis de ne pas nous en approcher. Mais j’ai bien l’intention

bottes à entendre le nom du grand requin.

de voir de mes yeux cette étrange contrée de défunts. L’idée

Bien sûr, nombre de Théans ne se gênent pas pour attri-

a beau me glacer, on ne se détourne pas d’une opportunité

buer à Tiburon un accident naval, la perte d’un navire de

d’explorer l’au-delà, mon fils.

commerce ou tout autre incident louche en haute mer. Il

Lorsque nous nous reverrons, peut-être te ramènerai-je

faut se méfier de ceux qui crient au requin.

le crâne d’une immense bête. Ou un souvenir du pays des

morts. La seule chose que je te demande, c’est de ne pas parler
de mes intentions à ta mère. Je ne voudrais pas survivre à cet
endroit infernal pour finir assassiné à mon retour au foyer.

Avec toute mon affection,

Commodore Reynard Moussette
Serviteur de sa majesté, que son règne dure
76 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Lieux de la mer des Monstres
La mer Atabéenne s’étend sur des centaines de kilomètres
de côtes traîtresses, d’eaux périlleuses et d’îles peuplées de
colons rahuris et théans. De jungles en îlots rocheux, la
Mer offre quantité de lieux inconnus propices à l’aventure
et à l’horreur, au commerce et à la tragédie. Pour chaque
lieu bien connu, il en est une douzaine d’autres entière-
ment vierges. En voici une poignée.
Soryana, l’île des ancêtres
Il est une île de la mer Atabéenne qui existe à la fois dans
ce monde et celui des morts  : Soryana, demeure des
ancêtres rahuris. Des marins aperçoivent parfois cette île
fantôme à l’horizon, mais pour l’atteindre, il faut avoir été
autorisé à quérir un ancêtre au nom du peuple rahuri, et
ainsi à outrepasser les frontières de la mort.
La légende de Soryana puise ses origines dans l’arrivée
des Rahuris sur l’Atabéenne et dans leur allégeance au
grand dieu Apocoatl. Le dirigeant des Rahuris, Locuo,
avait courroucé le dieu serpent et le peuple entier
dut expier en jurant de veiller éternellement sur la
mer Atabéenne.
Par ce serment, les Rahuris se lièrent à la Mer non
seulement à la vie, mais aussi à la mort. La légende raconte
qu’au départ, les ancêtres ne firent que vagabonder, perdus,
agités et désœuvrés. La plupart d’entre eux devinrent fous
et se mirent à s’attaquer à leurs propres descendants, les
appelant depuis les flots pour ensuite les entraîner dans
les profondeurs. Mama Yaya, l’esprit gardien des Rahuris,
se prit de pitié pour ces âmes infortunées et créa une île
où elles pourraient vivre en paix en attendant l’heure où
leur aide serait requise pour protéger ou servir leur peuple.
Ainsi naquit Soryana.
L’île de Soryana apparaît et disparaît à l’horizon de
la Mer. Seuls ceux voués à venir y chercher un ancêtre
peuvent y accéder. Qui cherche l’île doit soit s’enfoncer
dans les vastes forêts de l’Atabéenne pour y trouver des
passages secrets souterrains, soit partir en mer sans desti-
nation précise. Si les intentions du quêteur sont pures, il
parviendra à s’orienter à travers le réseau des profondeurs
jusqu’à déboucher sur l’île, ou bien son navire amerrira sur
le rivage de Soryana comme de lui-même.
7E MER NATIONS PIRATES 77
 Une fois arrivé à destination, le visiteur se trouvera face
à un village habité de défunts qui lui offriront à boire et à
manger. Quiconque accepte ces cadeaux ne quittera plus
jamais l’île, aussi la personne doit-elle s’en détourner pour
chercher parmi les milliers de morts l’ancêtre qu’elle est
venue trouver. L’île est bien plus vaste qu’elle ne le semble
au premier abord, remplie de villages rahuris idéalisés
et idylliques, aussi bien antiques que modernes. Là, les
Rahuris vivent et travaillent comme ils le faisaient de
leur vivant : même dans la mort, ils continuent de veiller
sur la Mer. Même les monstres ont des esprits, et comme
dans le monde des vivants, la mer des Monstres doit
être entretenue.
Une fois qu’il a trouvé l’ancêtre qu’il est venu chercher, le
pétitionnaire doit se rendre à la grande rotonde de Locuo,
dirigeant de l’île. Le trône du roi de Soryana est fait d’os
pris à d’antiques créatures marines au pied de l’unique
montagne de l’île. Ce fut le roi Locuo lui-même qui, il y a
si longtemps, conduisit les Rahuris jusqu’à leur nouveau
foyer, et officie depuis en tant que gardien du Pays des
morts. C’est à lui que revient de décider si les raisons
d’emprunter un esprit à Soryana sont valables, et c’est lui
qui fixe la durée du séjour de l’esprit dans le monde des
vivants. Ce n’est qu’une fois sa requête acceptée qu’un visi-
teur peut repartir de Soryana, que ce soit en réempruntant
les passages secrets via les montagnes ou en faisant voile
dans la nuit.
La pratique de quérir les morts est devenue si courante
parmi les Rahuris que la plupart se sont rendus sur l’île
plusieurs fois et en comprennent implicitement les règles.
Tout étranger est libre de s’y essayer également, mais il
devra non seulement s’associer un guide rahuri pour
trouver le chemin jusqu’à Soryana, mais aussi démontrer
qu’il cherche à œuvrer pour le bien des Rahuris et de la
Mer. Qui suscite la colère de Locuo pourra se retrouver
déchiqueté par le dieu des morts rahuris qui répandra
ensuite les morceaux de son âme dans les eaux.
Le détroit du Diable
Quiconque traverse la mer du Serpent doit être prêt à faire
face à bien des dangers pour atteindre l’Atabéenne. Mais le
dernier de ces défis est le plus redoutable : la traversée du
détroit du Diable. Situé juste en retrait de l’extrémité sud
de l’île rocheuse de Guare, le détroit du Diable constitue
le point d’entrée dans la mer Atabéenne le plus utilisé.
Long de près de huit kilomètres, il est encadré de falaises
abruptes dressées vers le ciel brumeux. Par temps clair,
les marins peuvent apercevoir au loin les pics jumeaux de
Guare où les anciens rahuris se retirent pour méditer.
78 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Le détroit du Diable baigne dans une brume épaisse
qui nécessite de progresser à faible vitesse, exposant tout
bateau aux attaques et aux calamités. Même si un navire
parvient à éviter les rochers tranchants dissimulés juste
sous la surface, il lui restera la faune du détroit avec
laquelle compter. Le détroit héberge des bêtes marines
parmi les plus féroces de l’Atabéenne, qu’il s’agisse de bancs
de poissons volants carnivores ou de pieuvres géantes.
Mais si dangereux qu’il soit, il reste l’accès le plus direct à
la mer Atabéenne.
À l’extrémité du détroit se trouve le phare d’Haakonssen.
Bâti par un architecte et marin vesten, il constitue une
lueur d’espoir, un signe que le calvaire de l’équipage touche
à sa fin. Les marins utilisent métaphoriquement l’expres-
sion « voir la lumière d’Haakonssen » pour parler de la fin
d’un long voyage ou d’une situation difficile. Le phare brille
de deux lumières, une rouge et une verte, aisément visibles
à travers le brouillard. Si elles apparaissent bien alignées,
c’est que le navire est sur la bonne voie.
Il existe d’autres points d’entrée, mais ils sont tous
surveillés par les pirates et les contrebandiers. L’Avalon, la
Castille et d’autres Nations théanes convoitent de longue
date les cartes marines qui indiqueraient ces passages, mais
pour l’heure, nul espion n’a pu se les procurer.
Cependant, les deux menaces les plus terribles sont,
de loin, les sirènes et Wu’a, l’épouvantable gueule de
l’Océan. Tout marin qui traverse le détroit a tout intérêt
à se boucher rapidement les oreilles s’il entend des voix
l’appeler au loin. Il s’agit probablement des esprits agités
de Rahuris déshonorés qui sont partis de Soryana et
ont refusé d’y retourner, ou bien ont été dupés par leurs
descendants, entraînés dans des tâches indignes. Ces
spectres vengeurs hantent les océans et mènent les marins
à leur mort pour porter leurs âmes à Soryana dans l’espoir
d’acheter leur retour dans le pays du repos ancestral.
Mais même les morts se méfient lorsque les eaux bouil-
lonnent et que d’étranges lumières crèvent la brume. Ces
lumières fantomatiques ont signé le trépas de bien des
navires, car elles sont le seul et unique signe avant-cou-
reur d’une calamité qui rôde sous les vagues : Wu’a, un
charybde qui menace le détroit et la haute mer atabéenne.
Tout bateau qui suit ces lumières se retrouve pris dans un
tourbillon et englouti par la gueule avide du monstre. Une
fois sa proie avalée, Wu’a repart, ne laissant derrière lui
que des morceaux de coque brisée. Son nom vient du mot
rahuri que crient généralement les marins en le voyant :
« Non ! »
Les aiguilles de Thorindin
À l’extrémité nord du territoire atabéen se situe un
chapelet d’îles trop petites pour être individuellement
considérées comme des masses terrestres. Ce groupement
rocheux, communément connu sous le nom d’aiguilles
de Thorindin, est en réalité une chaîne de montagnes
sous-marines dont les pics stériles surnagent au-dessus des
vagues. Considérées trop inhospitalières par les Rahuris,
ces îles restèrent à l’abandon jusqu’à l’arrivée du pirate
vesten Erik Thorindin. Thorindin fut l’un des premiers
pirates vestens à gagner l’Atabéenne à la suite des vaisseaux
marchands. Constatant l’émergence de colonies théanes
sur les îles du sud, il chercha un territoire où établir un
avant-poste pour sa Nation. Mais il eut les yeux plus
gros que le ventre lorsqu’il décida de s’installer dans cet
endroit perdu.
Les Rahuris se tiennent à l’écart des aiguilles de
Thorindin pour plusieurs raisons. La zone est propice au
mauvais temps, à cause, dit-on, d’un esprit maudit qui y
erre et déchaîne sa colère sur les eaux. Les îles elles-mêmes
sont virtuellement dénuées de végétation, possèdent une
faune très limitée et ne comprennent en eau potable que
quelques maigres sources. Chaque île n’est que la partie
émergée d’une aiguille sous-marine qui perce la surface
de l’eau. Avec la marée, l’allure des aiguilles de Thorindin
change sans arrêt, et seuls les plus coutumiers de l’endroit
peuvent différencier un îlot d’un autre.
Ces changements de niveau d’eau entraînent une autre
complication  : chaque aiguille est garnie de cavernes
sous-marines qui disparaissent et réapparaissent avec la
marée. Un bateau amarré trop près du rivage rocheux
pourra se retrouver happé à marée basse par une grotte
précédemment invisible, et des marins réfugiés dans
une de ces cavités pourront se retrouver piégés lorsque
l’eau montera.
Mais ce sont ces mêmes conditions qui font des aiguilles
l’endroit parfait pour se retrouver en secret, cacher un
trésor ou se tenir à distance des autorités. Le Riroco y
dissimule certains de ses bateaux et fait usage du réseau
caverneux de certaines des îles parmi les plus vastes
pour y loger des esclaves libérés en attendant de pouvoir
les conduire en sûreté. Qui plus est, en dépit de leurs
dangers, les voies maritimes entre les aiguilles constituent
le passage le plus rapide pour atteindre le continent de
Wabanahkik, au nord… du moins pour un équipage suffi-
samment intrépide.

7E MER NATIONS PIRATES 79

 Les colonies théanes
San Sancha
En haut des falaises qui surplombent les plages édéniques du
rivage ouest de Borequen se trouve la cité éclectique de San
Sancha. Née du rêve du capitaine pirate Alejandro Dantes,
San Sancha fut baptisée d’après sa première fille, qui fut égale-
ment son premier enfant à naître sur un bateau dans l’Ata-
béenne. La légende raconte que Dantes tenta de convaincre les
Rahuris de renommer entièrement Borequen d’après sa fille,
sans y parvenir tout à fait. Cependant, amusé par son culot, le
Grand Cacique lui accorda de donner son nom à l’avant-poste.
Au départ, San Sancha ne fut qu’un village de retraite
pour Dantes et son équipage ; de quoi récompenser le capi-
taine pirate pour son amitié avec le peuple rahuri. Mais rapi-
dement, l’agglomération devint un carrefour de commerce
aussi bien pour les pirates que pour les marchands réputés.
Des voyageurs de toute la Théah se mirent à circuler par
cette ville majoritairement castilliane. Pour tout Théan,
San Sancha est un rappel bienvenu du foyer, composé de
bâtiments de toutes sortes d’architectures théanes.
Dantes lui-même officia comme premier gouverneur de San
Sancha, mais dut démissionner précipitamment lorsque les
autorités castillianes menacèrent de l’arrêter. Des délégués de
la couronne tentèrent de prendre le contrôle du village, mais
se ravisèrent une fois avertis que les Rahuris le verraient d’un
fort mauvais œil. La colonie est désormais sous l’égide d’une
assemblée de gouverneurs, ce qui revient poliment à quali-
fier tout pirate ou filou qui peut s’offrir une place à renfort
de pots-de-vin. Elle ne se revendique d’aucune allégeance,
mais reconnaît les Rahuris comme les véritables maîtres de
l’île. San Sancha sera toujours là pour prêter main forte aux
Rahuris de l’Atabéenne, quel que soit le danger.
Sylviette
Nichée dans la minuscule île densément boisée de Sylviette,
cette colonie montaginoise fut la première agglomération
de la mer des Monstres sous contrôle exclusivement
théan. Aujourd’hui, elle fait office de relais de la culture
et de la société montaginoises dans la région. Fondée par
Sylviette du Morne, une marquise disgraciée, la colonie
se revendique comme le seul endroit où trouver la « vraie
civilisation théane » dans l’Occident… alors même que
non loin, Jaragua brise ses chaînes. Sylviette compte des
cafés chantants, des résidences artistiques et des manoirs
somptueux, le tout dans le style montaginois le plus exquis.
Les autochtones s’habillent à la dernière mode théane,
directement importée du continent, et organisent fêtes et
soirées opulentes, le tout à la sueur d’esclaves achetés à la
Compagnie. Pour tout Théan de l’Atabéenne, Sylviette est
un joyau étincelant dans un écrin d’eaux tumultueuses.
80 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Cet abord policé dissimule une sombre vérité : Sylviette
est un avant-poste militaire déguisé, contrôlé en haut lieu
par les services secrets montaginois. Sous les maisons
splendides et les demeures palatiales, les Montaginois ont
stocké des armes en masse, et leurs vaisseaux sont parés
à faire feu sur tout ennemi de l’Empereur. Loin d’être en
disgrâce, la marquise du Morne elle-même a été dépêchée
par ordre direct du Roi-Soleil.
Cela fait près de quarante ans que Sylviette demeure
une griffe de fer dans un gant de velours. La marquise du
Morne atteignant le crépuscule de sa vie, on ne peut que
se demander qui héritera de l’île, de ses armes et de ses
esclaves. La cour de l’Ouest, comme on l’appelle, retient son
souffle en attendant de voir à qui échoira le contrôle. En
attendant, sur Sylviette, la fête (et les intrigues) continuent.
Fortunato
L’histoire de Fortunato est une leçon pour tout colon
théan. Au départ, Fortunato fut proposé aux Rahuris
en tant que simple avant-poste vodacci sur une île isolée
au sud-est de la mer Atabéenne ; de quoi permettre aux
marchands de venir exercer leur commerce dans la Mer.
Aux côtés de leurs voisins rahuris, les fondateurs de
Fortunato y aménagèrent un petit morceau de Vodacce,
y compris une forte présence vaticine qui signa bientôt la
perte de la colonie.
Les autorités vaticines virent en Fortunato une base
d’opérations idéale pour transmettre la bonne parole. Elles
allèrent même jusqu’à prévoir des expéditions jusqu’en
Aztlan. Bien vite, l’île fut envahie d’émissaires vaticins.
Au départ, les Rahuris qui vivaient auprès des Théans de
Fortunato accueillirent les missionnaires envahissants et
insistants avec une indulgence amusée, mais bien vite, les
méthodes invasives des vaticins épuisèrent la patience des
autochtones. Lorsque les missionnaires vaticins se prirent
à condamner comme impies les passages vers Soryana et
entreprirent de sceller l’entrée du plus grand réseau caver-
neux sacré de Fortunato, les Rahuris se révoltèrent.
Il fallut trois nuits aux Rahuris pour prendre Fortunato.
Comme ils épargnèrent la plupart des civils, le soulève-
ment se fit plutôt proprement. Les missionnaires survi-
vants furent chassés dans les jungles denses ou envoyés en
mer à bord de petits bateaux. On ne les revit plus jamais.
Depuis, les Rahuris règnent sur la colonie, assistés par
un ex-employé d’affrètement vodacci nommé Sorello,
un survivant des combats qui contribua à négocier la
paix nouvelle. Depuis près de deux ans, l’agglomération
est fermée aux colons théans, mais elle s’est récemment
rouverte aux commerçants et aux migrants sous sa
nouvelle autorité.
Aragosta
7E MER NATIONS PIRATES 81
 Aragosta
La République des pirates
Sans bateau et sans voile, toute île est une prison.
La Théah n’est qu’une grande île.
—Vincenzo Gatto

Il y a une génération, un groupe désespéré de pirates, de

marchands et de boucaniers formèrent une alliance. Leur
but ? Combattre la guerre ouverte déclarée à leur encontre
La légende du Cagneux
par les Nations de Théah et la Compagnie commerciale
Holà et benv’nue dans la belle Aragosta ! T’as l’air un
atabéenne. Dans un monde de plus en plus hostile à la
peu paumé. À croire qu’t’es tombé ici du dos d’une tortue
liberté à laquelle ils aspiraient, survivre était leur cause, et
d’mer. Laisse-moi êt’ ton pilote dans la belle Aragosta et
ils se tournèrent vers les seuls alliés qu’ils purent trouver :
t’montrer l’chemin, si tu l’veux bien. Mon p’tit doigt m’dit
des criminels et des pirates.
qu’tu veux signer la Charte. Ça s’voit ça, ça s’voit. Eh ben
Ce petit groupe de hors-la-loi devint la Fraternité de la
laisse-moi t’guider et t’aider à t’y r’trouver en t’causant un
côte, et ensemble, ils bâtirent une République des pirates
peu de c’caillou qu’on nomme Aragosta.
où chaque navire était son propre État et chaque capitaine
possédait une voix au Conseil. L’île minuscule sur laquelle
Vincenzo Gatto, dit «  le Cagneux  », était un pirate
ils se sont établis, gouvernée par un Roi ou une Reine élu,
effroyable, peut-être le pire du siècle. Marchand vodacci
sert davantage de centre de commerce et de divertissement
fortuné, vieillissant et confit d’idéaux romantiques (mais
que de lieu de pouvoir. La plupart des gens ne voient la
complètement incapable d’en être à la hauteur), il consacra
République que comme un groupement de malfrats, mais
son immense fortune à réaliser son rêve : devenir pirate.
lorsqu’elle est provoquée, peu de Nations peuvent rivaliser
avec la puissance navale de la Fraternité de la côte.

82 CHAPITRE 1 | Ports d'escale


Les débuts de Gatto
Il entama sa carrière en attaquant les navires marchands
qui circulaient entre l’Empire du Croissant et les confins
Numanaris. Il y perdit trois vaisseaux et trois équipages.
Lorsque le Croissant et la Vodacce mirent sa tête à prix,
il fila sur la mer de la Veuve pour y chasser les bateaux
castillians. Il y laissa trois bâtiments encore plus onéreux.
Au final, craignant pour sa vie et sachant qu’il ne pour-
rait probablement pas recruter un nouvel équipage, il
rassembla ce qui restait de sa fortune et gagna la mer
Atabéenne où il espérait mieux s’en sortir.
Sa malchance ne l’abandonna pas. Suite à l’assaut d’un
vaisseau marchand qui se solda par un échec désastreux
(le bateau était gardé par une frégate au courant de sa
présence), il fit accoster son navire malmené sur une
grande île dépeuplée… Dépeuplée d’hommes, mais pas
de homards et de crabes dont les rivages regorgeaient.
Sachant qu’il périrait certainement sur ce roc perdu,
Gatto se consola avec l’idée qu’il ne mourrait au moins
pas de faim.
Or, plutôt que de le laisser partir après sa défaite, la
frégate le suivit jusque sur l’île. Gatto et son équipage se
préparèrent à un baroud d’honneur lorsqu’ils s’aperçurent
qu’un homard géant résidait dans la baie. Devant les dégâts
que fit la bête aux deux navires, les équipages unirent leurs
forces et en vinrent à bout.
Pour célébrer cette entraide, la capitaine du bâtiment
castillian, une femme nommée Jacinta Irati Loida Vela,
s’engagea à épargner la vie de Gatto à condition qu’il aban-
donne son rêve et se retire pour toujours de la piraterie.
Gatto prêta serment, la main sur le Livre des Prophètes :
« J’ai retenu la leçon, affirma-t-il. Je ne suis pas fait pour
être pirate et je ne m’y essaierai plus jamais. » Le navire
endommagé de Jacinta Vela quitta la baie et Gatto se
consacra à d’autres ambitions. Plus précisément, celle de
devenir le grand Prince marchand de la mer Atabéenne.
Faisant de l’île désolée son nouveau foyer, il y construisit
un havre pour les pirates et leurs semblables qu’il baptisa
Porto di Aragoste (en référence à l’abondante faune de
crustacés), mais devint plus largement connu sous le nom
d’Aragosta. À défaut d’être un pirate, Gatto passerait le
reste de sa vie parmi eux. Il établirait un sanctuaire pirate
qui surpasserait tout ce que quiconque aurait jamais vu en
Théah, en Numa ou sur toute la mer Atabéenne.
LA RÉPUBLIQUE
ET LA FRATERNITÉ
Ce n’est pas parce qu’on vient de Castille
qu’on est religieux. De même, toute
personne née sur Aragosta n’est pas néces-
sairement un pirate ou un membre de la
Fraternité de la côte. Certes, un tel individu
côtoiera des pirates au quotidien et nombre
de ses amis feront certainement partie de
la République, mais il ne sera pas forcément
membre de la Fraternité ou même pirate.
La République « gouverne » Aragosta, mais
cela n’engage ses habitants à rien… du
moment qu’ils se tiennent à carreau.
Le Seau de sang
Naturellement, Gatto ne se débarrassa pas comme ça de
sa guigne. Il bâtit une grande taverne sur le rivage et la
nomma la Pitié de Vela. Elle brûla moins d’un an plus
tard. Il la rebâtit et la rebaptisa le Rêve de Vela. Elle fut
de nouveau incendiée cinq semaines après son ouverture.
Gatto rebâtit la Vela une deuxième fois, mais à la suite
d’une violente confrontation entre deux équipages rivaux,
il n’en resta qu’une ruine fumante et sanglante. Alors qu’il
reconstruisait la taverne une troisième fois, un capitaine
pirate lui demanda : « Tu rebâtis encore ce seau de sang ? »
Excédé, Gatto nomma l’établissement Secchio di Sangue.
Sans raison apparente, cette fois, la taverne subsista et son
nom aussi.
Au fur et à mesure des années, Aragosta devint ce dont
Gatto avait toujours rêvé : un havre pour les pirates, les
malandrins, les canailles et les hors-la-loi. « Ce qu’on ne
peut trouver nulle-part, vous le trouverez à Aragosta. »
clament les officiers de port à travers la Théah. Ce qui
est illégal en Théah est ouvertement à disposition sur
Aragosta. Sous la protection de ceux qui crurent en son
rêve, le port insulaire de Gatto prospéra. Il fit office de
gouverneur par défaut, mais ne fit à dessein pas grand-
chose pour faire respecter la loi et l’ordre sur son île : ni
roi, ni seigneur, ni gouverneur, juste la volonté du peuple.
Bien sûr, une telle attitude fit d’Aragosta un lieu terrible-
ment dangereux. Exactement comme Gatto le souhaitait.
Fidèle à son rêve, Aragosta est un endroit sans pareil avec
un bar (le Seau de sang) sans pareil. Lorsqu’il fonda l’éta-
blissement, Gatto était loin de se douter qu’il hébergerait
l’un des accords les plus tristement célèbres jamais signés.
Et comme de juste, il fut signé avec du sang.
7E MER NATIONS PIRATES 83

La naissance de la République
La légende raconte que dans c’te même taverne, le Seau
d’sang, par une nuit sans lune et alors qu’le vent hurlait
comme une banshee, la République qu’tu cherches est née.
Ouaip mon p’tit gars : neuf capitaines désespérés, tous
pirates et malandrins, ont signé d’leur prop’ sang la fameuse
Charte d’la République d’la côte. ‘l’est accrochée sur c’mur
juste derrière toi.
Dans les années qui suivirent la fondation d’Aragosta, la
noblesse castilliane et montaginoise vit d’un fort mauvais
œil le développement de la piraterie dans ces eaux loin-
taines. D’ordinaire, ils se seraient contentés d’adjoindre
quelques vaisseaux de guerre à leurs galions marchands,
mais même cela ne suffit pas toujours. Les deux Nations
s’accordèrent donc à former une alliance contre «  la
piraterie et toutes ses formes perverses. » Une flotte fut
rassemblée. Chaque vaisseau y arborait les couleurs de sa
Nation, à une importante différence près : une tache noire
au milieu du pavillon, symbole des chasseurs de pirates.
Ces « Taches noires » sillonnèrent les mers à la recherche
de bateaux pirates dont ils exterminaient les occupants
pour ensuite vendre le navire à d’opulents marchands
vestens ou vodaccis. Cette pratique saignait à blanc les
pirates de l’Atabéenne. Il fallait faire quelque chose. Il
fallait que quelqu’un arrête la flotte de la Tache noire.
Neuf capitaines se rencontrèrent au Seau de sang  :
Roberts, Reis, Aardig, Fevrier, Carrigan, Hupia, Vinter,
Quijano, Cannonnaso et Gosse. Ils avaient désespérément
besoin d’unir leurs forces, et après une semaine de discus-
sions, ils finirent par se mettre d’accord sur une Charte que
suivraient absolument tous les bateaux sous leurs ordres.
Ils s’engagèrent à se protéger mutuellement, à organiser
chaque année des élections pour les capitaines, à former
un Conseil de capitaines (lequel se rencontrerait au Seau
de sang), à partager le butin pour les réparations et à pour-
voir à une flotte pour protéger Aragosta de tout ennemi
extérieur. Ils promirent également de partager leurs cartes
marines secrètes ainsi que toute information qui contri-
buerait à protéger ce nouvel accord aragostain. Enfin, ils
jurèrent de traquer tout bateau arborant la Tache noire.
Tout marin qui contreviendrait à l’accord serait marqué au
fer d’une tache noire, signe indélébile de sa traîtrise. Une
fois la Charte rédigée, les neuf mêlèrent leur sang dans un
bol et signèrent.
84 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Une République de pirates unie était née sur l’île de
Gatto. Le vieux marchand vodacci était présent, et par
respect, les capitaines lui permirent d’ajouter son sang
au bol et de signer également la Charte. Enfin, Vincenzo
Gatto était un pirate. Il regagna sa maison sur l’île, aidé
d’une canne et d’un serviteur.
Quelques années après la signature de la Charte, Gatto
partit pêcher en barque. Un banc de brume se leva et ses
serviteurs le perdirent de vue. Lorsque la brume se dissipa,
il avait disparu. On ne revit plus jamais Vincenzo Gatto.
Aragosta aujourd’hui
Jadis modeste sanctuaire pour pirates et contrebandiers,
Aragosta s’est transformée depuis que les Premiers capi-
taines ont signé la Première Charte dans le Seau de sang.
Désormais, l’île est la capitale de la Fraternité de la côte,
si tant est que la Fraternité ait une capitale. Sa popularité
et sa réputation ont attiré d’innombrables capitaines et
équipages épris de liberté. Bien des capitaines ont signé
la Charte et rejoint la Fraternité, mais tout autant ont
profité de la protection fournie par la République pour
faire d’Aragosta un havre prospère de contrebande, de
commerce, de divertissement et de construction navale.
La Fraternité de la côte a fait d’Aragosta un refuge pour
elle-même et ses sympathisants. Cependant, cette ouver-
ture à quiconque est prêt à s’éloigner des principales voies
de commerce fait aussi que l’île reçoit les indésirables de
l’Atabéenne, du Nouveau monde et de la Théah. Cela
comprend les pirates, mais aussi les criminels recherchés,
les dissidents religieux et les fugitifs politiques. Aragosta
héberge la lie du monde connu… Mais au moins, le
homard y est bon.
Monnaie et strates sociales
Étant donné que toutes les ressources de l’île ont été volées
ailleurs, il serait pour le moins difficile d’établir un étalon
de change. L’essentiel d’Aragosta suit une sorte d’économie
de troc où toute transaction possède trois composantes :
les guilders, les biens et services, et la réputation.
Commençons par les guilders. Les trois références à
connaître sont les suivantes : 100, 500 et 600. Cent guil-
ders équivalent à la compensation allouée pour la perte
d’un œil ou d’un doigt au service de la République. Cinq
cent guilders correspondent à un membre perdu. Et six
cent valent pour une blessure encore plus terrible qu’un
membre estropié. Il s’agit des seules références fiables. Si
vous voulez vous faire une idée de la valeur de quelque
chose sur Aragosta, mesurez à quel point la tâche serait
difficile à accomplir ou l’objet à acquérir en comparaison
d’un acte qui pourrait mener à se retrouver borgne
ou manchot.
 Mais les affaires ne se font rarement qu’en guilders. Le gîte, le couvert et l’habillement
Une transaction plus importante impliquera une sorte de Les bâtiments aragostains se distinguent de bien d’autres
marchandage complexe au cours duquel une partie propo- bidonvilles crasseux de la mer Atabéenne en cela qu’ils
sera divers biens matériels (un sac de café d’importation sont principalement constitués d’épaves de bateaux. On y
de qualité, une boîte de cigares de luxe, un rouleau de toile, trouve des tavernes vestens faites de drakkars retournés,
un bateau, etc.) et services (réparer une porte, enquêter sur des clôtures fabriquées avec les fonds plats de coques de
un ennemi, casser une jambe à l’autre bout de la ville, etc.) navires et des toits construits avec des mâts brisés et de
Ce procédé rend pratiquement tout achat ou vente long et la toile.
procédurier, surtout pour qui n’y est pas habitué. Si l’on vous dit sur la mer Atabéenne que vous êtes
Mais la monnaie la plus précieuse est la réputation. « habillé comme un Aragostain », cela veut dire que vos
Les pirates font commerce de la peur, de l’infamie, de habits sont d’un hétéroclite charmant, comme si chaque
la promesse d’aventures, d’histoires confidentielles et
de récits grandiloquents. Tout échange peut améliorer
ou nuire à votre réputation selon plusieurs critères  :
votre client ou commanditaire vous a-t-il trouvé juste en
affaires ? Avez-vous été d’agréable compagnie ? Lui avez-
vous laissé entrevoir d’autres transactions futures (proba-
blement tout aussi illégales) ?
Il s’ensuit que les Aragostains les plus puissants sont ceux
dont la réputation n’est plus à prouver. Faites-vous affaire
fréquemment et équitablement avec une clientèle variée ?
Êtes-vous fidèle à vos amis et à vos alliés ? Dans ce cas,
bienvenue parmi l’élite aragostaine. Tout le monde voudra
vous parler, car rien qu’échanger quelques plaisanteries
pourra peser dans la balance de sa réputation.
Ce qu’il y a de plus dur à obtenir d’un Aragostain, c’est
un avis objectif et honnête sur quelqu’un d’autre. Partout
ailleurs, cela fait office de ragots de taverne. Sur l’île, on
parle également d’autrui autour d’un verre, bien sûr, mais
toute description s’accompagnera de blagues salées, d’his-
toires à dormir debout et autres gouailleries qui rendront
la vérité difficile à distinguer. Sur Aragosta, si vous êtes
quelqu’un d’important, tout avis que vous donnerez sur
un partenaire en affaires sera de l’argent qui tombera de
votre bouche. Dépensez-le judicieusement.

7E MER NATIONS PIRATES 85

 manche et chaque bouton avait été pris à une victime
choisie au hasard dans diverses parties du monde… mais
le tout combiné avec classe et aplomb. Dans la bouche d’un
Aragostain, il s’agit d’un compliment, car les pirates en sont
fiers. Mais de la part de quelqu’un d’autre, une telle atteinte
à vos choix vestimentaires pourrait demander réparation.
Ces mêmes influences internationales, qui font de la
mode aragostaine une blague répandue en Théah, font
de la nourriture aragostaine un délice. On y trouve des
viandes, des épices, des herbes et surtout des recettes de
partout. Les aléas du commerce pirate font qu’il sera diffi-
cile de trouver l’exact ingrédient dont vous avez besoin sur
le marché, mais vous y dégoterez aisément une demi-dou-
zaine de substituts possibles. Ainsi, la bisque de homard
sera non seulement différente d’une taverne à l’autre, mais
dans un même établissement, elle le sera aussi d’un repas
à l’autre.
Tout coq ou cuisinier pourra faire une carrière fruc-
tueuse sur Aragosta. Les marins revenus d’un long voyage
en ont tellement assez de manger la même chose et de
faire leur propre café qu’ils vous paieront cher pour leur
concocter quelque chose qu’ils auraient clairement pu
préparer eux-mêmes. Cela dit, les plus modestes devront
se contenter de la nourriture typique de l’île (poissons
et fruits de mer en abondance), fort nourrissante mais
dénuée de vitamines qui ne se trouvent que dans des
citrons d’importation ou autres fruits et légumes. Ceux-ci
constituent le luxe primordial de tout marin, vital pour
éviter le scorbut.
On remarquera enfin que sur tout menu vodacci,
« aragosta » signifie bien « homard », mais sur tout menu
théan, « aragostain » signifie « ce qui avait l’air bon et/ou
pas cher au marché ce matin ».
Religion
À la manière d’une baleine couverte de berniques,
Aragosta est garnie de petites églises, de temples et d’au-
tels. Lorsqu’il se trouve chaque jour exposé aux tempêtes
tropicales, aux récifs tranchants, aux corsaires théans, aux
gros bras de la Compagnie et aux monstres marins, un
pirate se met à songer au sort de son âme immortelle plus
souvent qu’il ne l’aurait cru.
Les congrégations se partagent les lieux de culte. Par
exemple, si vous vous rendez au petit bâtiment de fortune
blanc au nord du port, vous y trouverez des dinistes du
Croissant le matin et des sèvitès jaraguayens le soir. Et une
fois par semaine, des fidèles vaticins s’y retrouvent pour
prier et chanter. Les objectionnistes y prennent le relais la
nuit et y chantent les mêmes chansons, en une cérémonie
fort différente.
86 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
L’un des facteurs qui contribuent à une bonne entente
entre les différentes religions est la menace des sectateurs
de Jonah le Diable. Bien des Aragostains ont si peur de
Jonah qu’ils ont décidé qu’il est la seule entité spirituelle
qu’ils devraient craindre. Vaticins, objectionnistes et
dinistes ont peut-être des différends, mais au moins, ils
ne se jettent pas les uns sur les autres pour se trancher
des membres et les jeter à la mer dans l’espoir de récom-
penses surnaturelles.
C’est du moins ce que tout le monde dit des sectateurs
de Jonah. Selon la rumeur, ils accomplissent des rituels
violents et mortels au cours desquels ils sacrifient des
membres à la mer, dans l’espoir que l’esprit maléfique les
récompensera. Vouer un culte et des cérémonies à Jonah
sont les seuls vrais «  crimes  » sur l’île, passibles d’exil
ou de mort. Le jugement échoit alors généralement à la
vindicte populaire.
Politique et gouvernement
Au-delà de quelques notables qui se connaissent, Aragosta
ne possède pas de gouvernement à proprement parler. Des
marchands puissants suffisamment riches et influents
maintiennent l’ordre dans les différents quartiers de la
cité. Mais les véritables détenteurs du pouvoir sont les
capitaines éminents de la République et leur monarque,
le Roi des pirates… ou la Reine, en l’occurrence.
Actuellement, Aragosta connaît de nouveaux boulever-
sements. La lutte contre les Taches noires castillianes et
montaginoises est finie de longue date, mais une nouvelle
guerre a commencé contre la Compagnie commerciale
atabéenne. Dernièrement, la Compagnie s’est mise à
émettre l’équivalent de lettres de marque privées à l’en-
contre de ses rivaux, et c’est là plus qu’un coup de poignard
envers la République : c’est un coup de sabre.
Et pour retourner le couteau dans la plaie, Stephen
Fevrier, auparavant membre de la République et Premier
capitaine, s’est mis au service de la Compagnie en tant que
chasseur de pirates. Le président de la Compagnie, George
Rourke, lui a promis l’entière jouissance de l’île d’Aragosta
s’il parvient à mettre à bas la République et à neutraliser les
plus actifs et retors des capitaines. Un capitaine loyal qui se
retourne contre ses frères et sœurs par appât du gain… il y
a là une légende en puissance, et ce revirement ne pourrait
pas plus mal tomber pour la République.
Le Roi des pirates
Être Roi des pirates est un boulot dont personne ne veut,
mais il faut bien que quelqu’un porte la couronne (enfin,
façon de parler). C’est un métier ingrat et exigeant. D’après
la Première Charte, le Roi doit rester sur Aragosta pour
gérer les conflits entre capitaines et maintenir l’ordre sur
l’île. Les Premiers capitaines s’étaient mis d’accord sur le
sujet pour une raison très simple : quiconque devient Roi
ne peut plus s’amuser.
Mais la Charte est vague quant au sens de cette clause,
si bien que chaque Roi interprète cette restriction à sa
manière. Roberts avait continué de sillonner les océans et
ne revenait qu’une fois par mois pour s’occuper des affaires
à sa guise. Gosse avait pris son poste plus au sérieux, mais
même lui partait à l’aventure une ou deux fois par an.
Mais il y a quelques années, Gosse prit sa retraite. Au
cours d’une violente bataille contre des hommes de la
Compagnie, il fut estropié et faillit mourir. Il perdit l’usage
d’un bras et dut utiliser une canne pour se déplacer. Il était
temps pour la couronne de changer de mains, mais aucun
capitaine ne voulait devenir roi. En réaction, Gosse fit
une proclamation.
Il annonça qu’au dernier jour de l’année, le dernier
capitaine à arriver au Seau de sang pour dire au Roi « Je
ne veux pas du poste  !  » serait celui qui l’obtiendrait.
Le dernier jour de l’année arriva, et tous les capitaines
gagnèrent Aragosta pour se précipiter au Seau de sang et
crier « Je ne veux pas du poste ! » La journée passa, le
soleil se coucha, et le dernier capitaine à arriver fut Morgan
Jacqueline Bonaventura, la nouvelle Reine pirate.
Le Roi, ou plutôt la Reine, vit dans l’ancien manoir de
Gatto, au sommet d’une colline qui surplombe le port.
Cette demeure comprend du personnel et bien des luxes,
le tout financé par un impôt de dix pour cent sur tout
butin obtenu par un membre de la République. Mais une
cage dorée reste une cage, et les trois capitaines à avoir
servi de monarque à l’île ont trouvé la responsabilité étouf-
fante. Diriger une Nation qui se flatte de ne pas adhérer
aux règles du reste du monde est un métier ingrat, mais
pour que la République des pirates survive à ses déboires
actuels, il faudra bien quelqu’un pour la mener à la victoire.
7E MER NATIONS PIRATES 87

Les deux trahisons
Depuis la fondation de la République, deux événements
l’ont profondément ébranlée, avec à leur source un Premier
capitaine et une trahison.
La première trahison : le capitaine Reis
Pirate parmi les plus craints des Sept Mers, le capitaine
Reis est la terreur des flots, la faucheuse écarlate. Personne
ne s’attendait à ce qu’elle prenne part à la signature de la
Première Charte, mais lorsque se répandit l’appel à des
pirates prêts à s’opposer à la flotte de la Tache noire, Reis
se présenta sur Aragosta en même temps que tous les
autres capitaines.
Au cours de la semaine de discussions qui s’ensuivit, nul
ne crut vraiment qu’elle allait signer la Première Charte…
et pourtant si. Et nul ne crut qu’elle allait la respecter…
et pourtant si. Nul ne le savait alors, mais Reis était prête
à combattre la flotte de la Tache noire et à attendre des
années pour mettre à exécution son véritable plan. C’est
une prédatrice patiente, un requin en comparaison duquel
même la vaste gueule de la mer Atabéenne semble mala-
droite et hâtive. Elle est capable d’attendre des années pour
obtenir ce qu’elle veut, exactement comme elle le veut.
Il faut savoir que ce fut Reis qui suggéra que les Premiers
capitaines signent la Charte de leur sang. Ce fut elle qui
mélangea leur sang dans un bol et accomplit le rituel qui
les lia. Les autres Premiers capitaines ne comprirent pas
exactement en quoi consistait ce rituel et quelles étaient
ses implications. Ils savaient qu’il s’agissait de magie, sans
se douter que les effets à long terme s’étendaient au-delà
des simples termes couchés sur le papier.
Reis, elle, savait très bien ce qu’elle faisait. Elle savait que
le rituel les lierait. Lorsqu’elle se présenta devant Jonah
le Diable et lui offrit les âmes de ceux qui lui étaient
liés en échange de l’immortalité, la Charte lui permit
de négocier avec Jonah d’égal à égal. Elle n’émit qu’une
condition : Jonah devrait s’approprier les âmes lui-même,
à l’exact moment du trépas de chaque Premier capitaine.
Jonah accepta.
Les capitaines restèrent inconscients de la trahison
de Reis jusqu’à ce que Roberts lui-même soit blessé et
capturé par un chasseur de pirates montaginois. Alors
qu’il agonisait, le funeste Cargo noir surgit d’un banc de
brume. D’après les survivants, l’équipage de Jonah mit à sac
le vaisseau montaginois et Jonah le Diable en personne se
saisit du corps de Roberts pour aspirer son âme.
Puis ce fut le tour d’Hupia, trahi par son second et battu
à mort par son bosco. À l’instant de sa mort, le Cargo
noir apparut, et les survivants affirment avoir vu Jonah le
88 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
L’HOMME À LA FAUX
La majorité des Théans ont entendu parler
de Reis, décrit comme un grand homme aux
cheveux bouclés noirs, armé d’une étrange
faux qui tranche le métal aussi aisément que
la chair, avide d’artefacts syrneth plus que de
n’importe quel autre trésor. Ceux coutumiers
de l’Atabéenne savent la vérité : Reis est deux
fois plus terrifiante, trois fois plus mortelle et
tout aussi assoiffée de reliques syrneth.
Et pourtant, pas une année ne passe sans que
Reis fasse parler d’elle en massacrant un équi-
page innocent et en volant un précieux artefact
syrneth avant de s’évanouir dans les ténèbres,
ne laissant derrière elle qu’une poignée de
rescapés pour renouveler sa sinistre légende.
Personne ne sait d’où peuvent venir de
tels récits, car la véritable Reis n’épargne
personne. Certains pensent que son contrat
avec Jonah le Diable exige qu’elle laisse
des survivants, ou que son second se fait
passer pour elle afin de leurrer les Héros
qui pourraient s’en prendre à elle. D’autres
croient qu’un autre capitaine meurtrier
sillonne les océans en endossant le nom
et de la réputation de Reis. Si tel est le
cas, il vaudrait mieux pour lui qu’ils ne se
rencontrent jamais.
Diable « boire l’âme du capitaine ». Et que penser de la
disparition de Vincenzo Gatto dans la brume au large
d’Aragosta ? Ce ne saurait être le fruit du hasard.
Bien vite, les autres Premiers capitaines prirent
conscience de la trahison de Reis qui devint une ennemie
publique. La logique voudrait que la malédiction de la
Charte l’affecte également, mais aucun des autres capi-
taines ne sait si Reis partage leur triste destin ou si Jonah le
Diable lui a fourni un moyen de s’y soustraire. Tout navire
qui a croisé le Crimson Roger de Reis a subi le même sort :
pas de quartier. Aucun survivant.
Les Premiers capitaines sont damnés par la trahison de
Reis. Jonah le Diable les hante tous, prêt à happer leurs
âmes à leur mort. La Charte tient, mais ce n’est qu’une
question de temps avant que Jonah le Diable lui-même
ne vienne réclamer à chacun des Premiers capitaines ce
qui lui est dû.
La seconde trahison : Stephen Fevrier Rejoindre la République
Stephen Fevrier fait également partie des Premiers capi- Depuis la signature de la Première Charte, la République
taines, signataire de la Charte originelle accrochée au mur a accueilli bien d’autres membres. Certains ont prêté
du Seau de sang. Discret et peu bavard, Fevrier avait été serment par la parole, d’autres par le sang. Les murs du
l’un des premiers partisans d’une alliance contre la flotte Seau de sang sont couverts de Chartes signées par bien
anti-pirates. des capitaines et leurs équipages depuis la signature de la
Mais peu après la défaite des Taches noires, le vaisseau Première Charte il y a quarante ans.
de Fevrier fut pris dans une tempête qui le conduisit sur Tout pirate peut rejoindre la République, simplement
la Septième Mer. Son équipage y resta piégé près de trois en écrivant sa propre Charte, en la signant de son sang et
années, à éviter de terribles horreurs. Au final, il conclut en la clouant au mur. L’exact rituel suivi par les Premiers
un accord avec une entité de ce monde étrange qui lui capitaines n’a jamais été reproduit, car seule Reis le
permit de s’échapper, mais à un terrible prix. À son retour, connaissait, mais d’autres l’ont imité avec des résultats
il découvrit que là où il avait passé une trentaine de mois moindres. Ce que Reis et les autres Premiers capitaines
sur la Septième Mer, il s’était écoulé une trentaine d’années accomplirent s’est transmis par tradition orale au fil des
dans le « monde réel ». Et l’accord qu’il avait conclu l’avait quarante dernières années, mais la sorcellerie sous-jacente
lié à une bête horrible… à laquelle il commença lentement au pacte s’est abâtardie et n’est pas aussi puissante.
mais sûrement à ressembler. Ceux qui signent une Charte de sang sont à la fois bénis
Il se joignit à la Compagnie commerciale atabéenne et lui et maudits. Qui la respecte voit la chance lui sourire, et qui
livra tous ses secrets : noms, lieux, ports, cartes marines… l’enfreint signe sa perte.
tout. Il se mit à traquer les autres Premiers capitaines et
membres de la République. La Compagnie lui a offert
navires et équipages, mais il préfère le confort pervers du
bateau qu’il a ramené de la Septième Mer, un vaisseau
manœuvré par des hommes et des femmes semblables à
lui : des monstres en devenir, des pirates dressés contre la
République par la soif de vengeance bestiale de Fevrier.
Pourquoi une telle trahison ? Peut-être Fevrier croit-il
qu’exterminer ses anciens alliés le libérera de son pacte
avec les monstres de la Septième Mer. Peut-être croit-il
que les Premiers capitaines l’ont trahi d’une manière ou
d’une autre pour le condamner à un sort pire que la mort.
Ou peut-être que son voyage impossible l’a rendu fou.
Peu importe ses motivations, la Compagnie lui a promis
Aragosta toute entière… à condition qu’il parvienne à
détruire la République et à décimer la Fraternité une fois
pour toute.
Fevrier est certain que muni de son navire monstrueux
et des immenses moyens de la Compagnie, il peut venir à
bout de la République des pirates.
Il pourrait bien avoir raison…
 Les capitaines du conseil et
autres notables
Des neuf capitaines d’origine (et Gatto), il n’en subsiste que
cinq. Trois ont expiré et un s’est volatilisé. Les capitaines
restants ont bien vieilli depuis la signature du contrat il y
a quarante ans, mais comptent toujours parmi les figures
les plus célèbres des sept mers.
À mesure qu’ils ont vieilli, pris leur retraite, péri ou
disparu, d’autres se sont distingués et ont pris leur place.
Après tout, la Fraternité a besoin de sang neuf, et les
océans promettent d’innombrables opportunités à tout
jeune pirate entreprenant. Ceux qui survivent à leurs vertes
années… vieillissent et s’assagissent.
90 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Bonaventura : la Reine pirate
Trois capitaines ont porté le flambeau de Roi des pirates.
Le premier fut Roberts, le second Phillipe Nicolas Gosse,
et le troisième Morgan Jacqueline Bonaventura. C’est un
poste qu’elle n’a jamais brigué mais qu’elle a obtenu en
arrivant dernière au Seau de sang.
Bonaventura est une bâtarde née orpheline. Elle ignore
qui sont son père et sa mère (ce qui n’empêche bien
évidemment pas les rumeurs sensationnelles d’aller bon
train) ; tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle a grandi dans un
orphelinat puis fait son apprentissage en tant que marin
sur un bateau de pêche castillian. Cinq ans plus tard, elle
était officière sur le navire de Gosse. C’est lui qu’elle voit
comme son véritable père ; lui qui lui a tout appris sur
comment être un pirate et une Reine.
Depuis sa nomination, elle s’est imposée comme une
Reine progressiste et dynamique. Elle a déclaré à Gosse :
« Quitte à devoir m’y coller, autant le faire bien. » Elle a
proposé des idées innovantes qui ont renforcé l’étendue et
la puissance de la République. Elle a instauré une meil-
leure communication entre les navires en faisant usage des
talents variés des membres doués de magie, et a mis en
place de nouvelles voies de commerce en sus de La Bucca
pour y vendre le butin. Sa stricte politique de solidarité a
chassé de l’île beaucoup de ceux qui étaient marqués de la
tache noire, mais les défenses améliorées d’Aragosta ont
réduit les pertes dues aux attaques de la Compagnie.
Malheureusement, ce fut aussi sous son règne que
Fevrier réapparut sur l’Atabéenne et se retourna contre
la République. Cependant, la Compagnie tout autant que
Fevrier sous-estimèrent gravement Bonaventura qu’ils
crurent incapable, du haut de son jeune âge, de mettre bon
ordre au sein de son équipage disparate de capitaines aux
convictions diverses et à l’attention vagabonde.
Ils n’eurent qu’à moitié raison. Bonaventura s’est attiré
la loyauté des capitaines et les a coordonnés dans la lutte
contre la Compagnie et Fevrier. Néanmoins, elle ne pourra
pas indéfiniment maintenir la République entière unie
face à tant d’ennemis. Il lui faut mettre un terme à cette
guerre avant que sa fragile coalition ne s’effrite et s’effondre.
Elle doit vaincre ses ennemis, garder la mainmise sur le
pouvoir limité qu’elle possède, éviter qu’Aragosta ne tombe
aux mains de la Compagnie et empêcher Jonah le Diable
en personne de sceller le sort d’autres capitaines. Cela fait
beaucoup pour une Reine.
 La lutte de la République contre la Compagnie n’a
été profitable ni pour Aragosta, ni pour ses capitaines.
Certes, beaucoup des navires rapides et modernes de la
Compagnie sont tombés aux mains de pirates, mais les
pertes surpassent les gains. Nombre d’équipages sont
tombés face aux chasseurs de pirates de Fevrier, et plus
encore rayent chaque jour leurs noms des listes de la
République avant de se faire oublier.
Certains grondent qu’il faudrait renverser la Reine
de la République et faire la paix avec la Compagnie. Si
Bonaventura veut garder sa couronne (dont elle ne veut
qu’à moitié), elle doit trouver un moyen de gagner cette
guerre promptement et une bonne fois pour toutes, sans
quoi la République elle-même pourrait ne pas y survivre.
Incarner la Reine Morgan Jacqueline
Bonaventura
Vous ne vouliez pas de ce boulot et vous n’en voulez
toujours pas. Mais Gosse, l’un des seuls hommes que vous
admiriez et respectiez, a affirmé que vous pourriez bien
être la seule à la hauteur. Plus jeune, vous avez servi sous
ses ordres et il vous a élevée comme la chair de sa chair.
Vos ennemis sont nombreux. Fevrier, l’un des signa-
taires d’origine, l’un des Premiers capitaines, jadis
présumé disparu en mer, est revenu avec toute une flotte
de chasseurs de pirates munis de vaisseaux fournis par la
Compagnie. La Compagnie a déclaré la guerre aux pirates
de l’Atabeénne, et plus spécifiquement à vous et à la
République des pirates. Vous ne cachez pas la frustration
que vous cause cette situation et les difficultés que vous
avez à coordonner vos capitaines. Heureusement, vous
avez l’aide de votre ex-second et meilleure amie, Madeline
Dorman, ainsi que de ses deux sœurs, Chloé et Sophie,
toutes trois sorcières Porté rodées. Elles vous aident à
expédier vos ordres et vos messages à de lointains capi-
taines à travers toute la mer Atabéenne.
À force d’années coincée au port, le reste de votre équi-
page vous a délaissée, quoiqu’en promettant de revenir si
jamais La Dama Roja levait de nouveau l’ancre. Gosse est
comme un père pour vous, mais vous avez le sentiment
de devoir vous débrouiller seule sous peine d’avoir l’air de
n’être que son chien de manchon. Si vous aviez été en mer
quand Fevrier a tenté de s’en prendre à Aragosta, ç’aurait
été la fin. Vous ne pouvez qu’être d’accord avec lui, même si
c’est à contrecœur. Vous n’êtes pas un beau parleur comme
Gosse : vous ne mâchez pas vos mots, mais l’éclat intense
de vos yeux gris fait généralement obéir les gens.
Michael « Cannonnaso » Gatto
Plus âpre que les rochers d’Aragosta, Cannonnaso n’a
jamais fait un très bon pirate. Officiellement, il a possédé
un équipage et un navire avec lequel, une fois, il est parti
en mer (sans y faire naufrage  !) pour s’y adonner à la
piraterie. Il s’en est toujours mieux sorti sur la terre ferme.
Actuellement, son équipage est constitué de dockers et de
porteurs qui chargent et déchargent tout le butin que la
République apporte à Aragosta. Il commence à avoir de
la bouteille ; son père, le vieux Cagneux en personne, a
découvert l’île, et Cannonnaso y a vécu toute sa vie.
Si vous avez besoin de quelque chose sur l’île, adressez-vous
à Cannonnaso… Et ne l’appelez pas Cannonnaso à moins
d’en avoir le droit, sans quoi vous serez réveillé au milieu
de la nuit par de vilains messieurs qui viendront vous
casser le nez… et les jambes… et les bras. Quand est-ce
que vous en aurez le droit ? Faute d’en être certain, mieux
vaut l’appeler signore Gatto.
Incarner Cannonnaso
Oui, vous avez un gros nez et oui, tout le monde vous
appelle Cannonnaso. Oui, ça veut dire « Nez en canon » et
oui, vous vous mouchez sans arrêt à cause de cette satanée
poussière, mais ça n’a pas d’importance. Le travail, ça c’est
important. Vous êtes le bras droit de la Reine Bonaventura.
Elle gouverne la République et dirige la Fraternité, mais
c’est vous qui gérez Aragosta.
Vous savez parler le vodacci et toutes les langues couram-
ment parlées sur l’Atabéenne, mais vous n’avez jamais été
en Vodacce, vous n’avez jamais quitté l’Atabéenne et vous
n’avez pas d’accent. Vous êtes un arithméticien né et un
excellent directeur. Vous vous êtes constitué un entourage
de lieutenants de confiance, et si vous ne vous y connaissez
guère en navigation et en stratégie navale, vous touchez
votre bille niveau commerce et organisation. Vous savez à
qui vous adresser pour faire passer des marchandises en
douce aux quatre coins de la mer Atabéenne. Vous faites
confiance à ceux qui s’avèrent fiables et à ceux qui savent
innover pour accomplir ce qui doit l’être.
Selon vous, l’île ne se porte que mieux maintenant qu’elle
est organisée. Vous avez vu ce qui se passe quand les
pirates laissent le chaos régner : c’est le foutoir. Il ne s’agit
pas de tout bureaucratiser, mais de savoir au moins qui fait
quoi. Certes, les chartes maintiennent les gens à carreau,
mais un peu plus d’ordre et de discipline ne pourrait pas
faire de mal. Pas trop ; juste un peu. Évidemment, dès que
vous évoquez l’idée, c’est le tollé. Mais qui sait, un jour
peut-être.
7E MER NATIONS PIRATES 91
 Konstance Vinter
Géante d’un mètre quatre-vingt à la crinière d’un blond
vénitien qui se déverse sur ses larges épaules, Konstance
Vinter ne passe pas inaperçue. Son navire, Dame Død, est
une frégate redoutable intégralement peinte en noir. Elle a
beau être pirate depuis près de vingt-cinq ans, elle n’a pas
l’air de dépasser la trentaine.
Lorsqu’elle s’exprime au Conseil des capitaines, sa voix
tonne au-delà des murs de la taverne tandis qu’elle va et
vient avec animation. Elle a clairement émis l’intention de
vouloir rassembler une immense flotte pour brûler « ce
trou bubonique purulent qu’est Fort Liberté » et traiter
à la racine le mal que représente la Compagnie. La Reine
Bonaventura lui a rappelé que tous les habitants du Fort ne
sont pas des employés de la Compagnie ou des complices.
En réaction, Konstance a décidé d’attaquer les navires de
la Compagnie en Théah, près du Vestenmennavenjar, pour
ne « pas être tentée de commettre l’irréparable », mais elle
ne cesse de penser à Fort Liberté. Un jour…
Incarner Konstance Vinter
Vous êtes une Héroïne en équilibre précaire. Vous étiez
jadis une marchande vesten qui parcourait le monde à la
manière de vos ancêtres et rassemblait une flotte vouée à
servir la Ligue de Vendel dans la mer Atabéenne. Votre
vie était toute tracée, et vous fîtes venir votre femme et vos
enfants avec vous dans le Nouveau monde quelques années
après votre arrivée.
Mais lorsque la Compagnie commerciale atabéenne eut
vent de votre fortune et de votre pouvoir, vous devîntes la
cible de ses machinations. Elle fit assassiner votre famille,
vous fit porter le chapeau et convainquit le gouverneur
local de vous faire envoyer à Fort Liberté pour y purger
votre peine. Elle vous prit tout et revendit vos propriétés
pour bâtir un empire de malheur.
Vous et d’autres vous échappâtes du Fort en une
évasion audacieuse. De la vingtaine de prisonniers qui
s’y essayèrent, seuls quatre s’en sortirent. Vous devîntes
une pirate et vous opposâtes aux tyrans malfaisants et
corrompus qui tiennent le monde entre leurs griffes
crochues. Vous combattez la Compagnie à la moindre
occasion. La moindre.
Vous vous souvenez encore des cris, de la torture, des
travaux éreintants et des maigres repas. Chaque nuit, vous
êtes réveillée par des cauchemars, et vous êtes convaincue
qu’il n’y a qu’un seul moyen de les faire cesser une bonne
fois pour toutes.
Réduire Fort Liberté en cendres.
92 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Quant à votre apparente immortalité… les histoires à
ce sujet abondent. D’aucuns disent que vous avez reçu un
baiser d’un amant sidhe avalonien qui vous a accordé une
longue vie. D’autres prétendent que vous auriez décou-
vert une fontaine de jouvence au cœur de l’Aztlan. Votre
histoire préférée affirme qu’une sorcière de la Destinée
vodacci a coupé votre cordon noir avant que vous ne
partiez pour l’Atabéenne. Vous ne répondrez jamais.
Grace Aardig
Aujourd’hui aïeule du Conseil, Grace Aardig était jadis
une belle femme qui prit son premier gros lot quelques
semaines avant de signer la Charte de la République.
Voûtée et plus cagneuse que le vieux Cagneux ne l’a jamais
été, veuve de son second mari depuis des années, Aardig
préfère la sécheresse d’Aragosta d’où elle peut contrôler sa
flotte de vaisseaux conséquente, dirigée par ses enfants et
petits-enfants.
Comme elle bénéficie de la procuration d’absolument
tous ses capitaines, elle possède au Conseil le vote le plus
important et assiste à toutes ses réunions. Ce n’est un
secret pour personne qu’elle n’a guère apprécié la nomina-
tion de l’impétueuse Bonaventura, mais elle a assez à faire
avec sa propre flotte pour se soucier du bon fonctionne-
ment de toute la République. Elle préconise de rester sur
la défensive pour faire perdre à la Compagnie du temps et
de l’argent, et du fait de son vote considérable, c’est ce que
fait la République.
Incarner Grace Aardig
Vous vous souvenez à peine du temps où vous étiez une
jeune fille aventureuse, mais vous avez appris de cette
époque folle : à force de pertes et de leçons acquises à la
dure, vous vous êtes assagie. Et si vous n’allez plus danser
ou chanter, vous appréciez toujours que votre petit-fils
Ronnie joue de son violon pour vous le soir. Vous gardez
l’œil sur tous vos descendants. Votre première arrière-
petite-fille, Emily, est née le mois dernier.
Votre arthrite vous fait constamment souffrir et vous
regrettez certains des abordages de votre jeunesse, mais
la douleur vous maintient en éveil. Et pas de boisson
(sauf une goutte de whisky de votre flasque de temps en
temps, quand la souffrance est trop vive), car il vous reste
du travail. Oui, Ronnie vous traite de grincheuse, d’autres
vous voient comme une empêcheuse de tourner en rond
et certains vous croient sourde comme un pot (et vous ne
les détrompez pas), mais sans vous, près d’un cinquième de
la République n’existerait même pas. Quelqu’un doit bien
empêcher ces idiots de faire les mêmes erreurs que vous.

James Dharr
Le capitaine Dharr et son navire, Lamya, sillonnent les
sept mers et chaque fois qu’il retourne sur Aragosta, c’est
en Héros conquérant chargé de butin exotique et d’his-
toires invraisemblables d’endroits lointains. Lorsqu’il
revient, toute l’île fait la fête pendant des jours, oubliant
toute productivité ou semblant d’ordre. Bonaventura en
perd des semaines de travail et de planification. Même
Cannonnaso et Aardig ne résistent pas à son charme et à
son sourire parfait.
Dharr affirme être le fils bâtard d’un Chien de mer avalo-
nien et d’une princesse du Croissant. Pire encore pour
Bonaventura, il sait se faire très enjôleur et éloquent auprès
du Conseil pour plaider faire voile aux confins du monde,
au-delà de l’Atabéenne, en quête de trésors et de butin. La
Reine Bonaventura n’aurait pas d’objection à ce qu’il lève
l’ancre et ne revienne jamais, si ce n’était que son charme
a apporté plus de recrues à l’île que tout autre membre de
la République. S’il partait, bien des membres récents de la
République le suivraient.
Le dernier retour en date du capitaine Dharr fut salué
par huit jours de fête ininterrompus sur Aragosta. Sa cale
était pleine de lingots d’or et d’ivoire de la lointaine Ifri. Il
prétend avoir épousé la fille d’un roi et reçu l’or et l’ivoire
en cadeau de mariage avant de laisser le monarque, la prin-
cesse et le royaume loin derrière lui.
Incarner le capitaine James Dharr
La vie est une aventure ininterrompue. Vous préféreriez
vous trancher la main plutôt que de vous occuper des
soucis assommants de la politique aragostaine. La CCA ?
Pfeuh  ! Ces incapables ne sauraient pas attraper un
pirate digne de ce nom avec un filet de la taille de la mer
Aragostaine, sans parler d’un génie rusé tel que vous. Si la
Reine se lâchait un peu et redevenait comme elle l’était il
y a cinq ans, vous pourriez aisément battre la Compagnie.
Mais vous avez trop ouvert votre bouche et maintenant,
elle est froide comme un hiver ussuran, convaincue des
« nécessités pratiques » avancées par Cannonnaso.
Vous êtes un Héros ; rien de plus qu’un Héros m’as-
tu-vu. Vous mesurez pleinement votre chance, votre ruse
et votre beauté. Ce n’est pas de l’orgueil, c’est de l’honnêteté.
Vous n’êtes pas vaniteux ou égoïste : si quelqu’un a besoin
d’aide, vous êtes là le premier. Vous vous assurez d’être là
le premier. Et vous vous assurez que tout le monde sache
que vous étiez là le premier. Agir en bien est une question
de principe… mais il n’y a pas de mal à s’amuser tant qu’on
y est.
NÉ SOUS
LE PAVILLON NOIR
L’histoire complète de Thomas St. Claire
sera dévoilée dans Né sous le pavillon noir, le
deuxième roman de la gamme littéraire Les
Héros de la 7e Mer.
Thomas St. Claire
Thomas St. Claire est l’un des plus célèbres capitaines
dont la Charte orne le mur du Seau de sang. Son nom
est important car, pendant près de dix ans, il fut l’un
des plus mortels ennemis de la République. Il servit à
bord du Fantôme écarlate en tant que second de William
Stroud et mit à mal la République sur l’Atabéenne et en
Théah. Comme Stroud, c’était un monstre sans cœur qui
pillait et incendiait les villages et brûlait sans pitié les
navires ennemis. Mais un jour, quelque chose lui arriva.
Il fut capturé par la Compagnie commerciale atabéenne
et envoyé dans une de leurs « plantations ». Il y passa
deux mois et y fut ensuite pendu… du moins selon les
registres officiels.
Il refit ensuite surface, cette fois-ci en tant que capitaine.
Il traqua les Pilleurs écarlates, aussi impitoyable qu’avant.
Deux ans plus tard, son vaisseau, Le Pendu, accosta non
loin d’Aragosta. St. Claire traversa les quais et se rendit au
Seau de sang, une jeune fille à ses côtés. Il rentra dans la
taverne et cloua sa propre Charte au mur. Comme la tradi-
tion l’exigeait, il laissa un sac de guilders pour payer à boire
à tout le monde, puis il repartit, la demoiselle à sa suite.
Incarner le capitaine Thomas St. Claire
Vous étiez un monstre. Un monstre horrible, terrible.
Vos mains sont couvertes de tant de sang que si vous
essayiez de les laver dans l’océan, les eaux se teindraient
de rouge. Mais quand on vous a pendu, votre vie entière a
changé. Alors que la corde vous serrait le cou et que vous
étouffiez, vous avez vu une gueule de feu noir à vos pieds,
et au-dessus de vous, autre chose : une lumière. Et un
visage béatifique.
Depuis ce jour, vous avez changé. Le monstre que vous
étiez jadis existe toujours, mais vous avez trouvé un moyen
de le confiner. Et vous avez trouvé un nouveau but à votre
existence. Vous avez une nouvelle raison de vous lever
le matin et une pensée muette vous habite quand vous
vous couchez.
Les Pilleurs écarlates. Tous. Un à la fois.
7E MER NATIONS PIRATES 93
 Morgan Doyle
Plutôt court sur pattes, Morgan Doyle est l’archétype du
pirate inish, avec le bandeau sur l’œil et tout. Il garde ses
longs cheveux rouges nattés et il s’y connaît pour survivre
à tous les coups durs, surtout ceux qui affectent des équi-
pages entiers. La rumeur prétend qu’il s’est sorti de plus
d’attaques de monstre que tout autre pirate aragostain (ou
de toute la mer Atabéenne, en fait).
Et pourtant, il ne se souvient pas de ce qu’il est venu
faire sur la mer Atabéenne. Il sait qu’il porte un pendentif
abritant deux portraits, le sien et celui d’une belle femme,
et qu’il peut parfois entendre les murmures des Sidhes
dans ses rêves. Il sait qu’il a perdu quelque chose, ça ne
fait pas de doute, mais il n’arrive pas à mettre le doigt sur
ce qu’il a égaré et où.
La vérité est que Morgan grandit dans un petit village de
pêcheurs et tomba amoureux d’une jeune femme nommée
Cordelia. Lorsque les parents de Cordelia l’expédièrent en
Vodacce pour y épouser un noble étranger, Morgan s’ef-
força de l’oublier, mais le sort en décida autrement : dix ans
plus tard, il la retrouva lorsqu’elle engagea son équipage
pour la faire sortir de Vodacce à la faveur de la nuit.
Réunis, Cordelia et Morgan retournèrent en Inismore
pour se marier, mais découvrirent que leur village entier
s’était tout bonnement évanoui. Brûlants de sauver
leurs amis et leur famille, les amants partirent en quête
de la vérité… mais se retrouvèrent confrontés à des
Unseelies qui ravirent Cordelia, ôtèrent tout souvenir à
Morgan et l’expédièrent à l’autre bout du monde, dans la
mer Atabéenne.

Incarner Morgan Doyle

Vous ne vous souvenez pas de grand-chose sur votre
passé, mais vous savez qui vous êtes. Vous savez que vous
vous battrez pour ceux qui ne peuvent pas se défendre
eux-mêmes ; que les mauvais l’emportent quand les bons
détournent le regard ; qu’il vaut mieux avoir aimé que s’être
fermé à tout amour.
Mais dans vos rêves, vous captez des murmures de
quelque chose que vous ne devriez pas savoir et ne
comprenez pas. Une voix de femme vous appelle dans
les ténèbres. La main d’un Sidhe caresse votre visage et
tire des filaments d’argent de votre esprit. Vous voyez vos
parents s’évanouir dans les ténèbres.
Une partie de vous sait que l’heure est venue de quitter
l’Atabéenne. Si les bons Héros se présentent, vous aime-
riez retourner en Inismore pour voir ce que vous pourriez
retrouver de votre ancienne vie et ce que vous pourriez
faire pour la femme dans votre pendentif. La femme que
vous savez aimer.

94 CHAPITRE 1 | Ports d'escale

Lieux aragostains
La baie des Griffes et des homards
Si tout promontoire aragostain est garni d’appontements,
de quais, de jetées et d’embarcadères, le port principal
est, de surcroît, flanqué de deux pointes rocheuses en
forme de pinces. Deux forts, les Griffes, surveillent l’accès
à Aragosta. Ses occupants sont équipés de longs fusils
conçus pour empêcher toute approche ennemie dans le
port. La République a bâti l’une des Griffes, qu’elle entre-
tient et occupe, tandis que l’autre est un couvent vaticin
abandonné puis reconverti.
Les Griffes sont de solides structures de pierre dotées
de hauts murs épais, bâties il y a des dizaines d’années…
et c’est là qu’est l’os. De nos jours, on ne construit plus en
carré : le motif en étoile vodacci, très en vogue, permet à
des tireurs de couvrir tous les angles d’approche. Jusqu’ici,
seule la Compagnie et quelques gouvernements natio-
naux ont pu s’offrir des forts en étoile sur l’Atabéenne.
Bonaventura a tenté de lever des fonds pour rebâtir les
Griffes, mais jusqu’ici sans succès.
La baie est couverte de plages de sable d’un blanc pur,
avec çà et là des vaisseaux amarrés ou en construction.
Si vous avez besoin d’un bateau neuf, surtout un avec un
faible tirant d’eau pour le pillage côtier, c’est là que vous
le trouverez.
La constructrice la plus renommée se nomme « Alice la
Rouge » Stewart, une Highlander d’un âge avancé qui tient
son surnom non pas de ses cheveux (qui sont noirs), mais
de son coup de soleil permanent. Depuis dix ans, la Rouge
se plaignait du soleil atabéen et jurait qu’elle prendrait sa
retraite dès la fin du projet en cours. Un ami accrocha une
pancarte au-dessus de sa porte : « La Rouge, au bord de la
retraite depuis dix ans ». Alice ne l’a jamais retirée, au lieu
de quoi elle change le « dix » à chaque nouvel an. Elle en
est à « vingt-deux ».
Le Seau de sang
Quand la plupart des gens imaginent la taverne du Seau
de sang, ils se représentent l’image d’Épinal d’un tripot
exigu, sombre et fumeux. D’incendie en accident magique
en attaque de monstre amphibie, le Seau de sang fut
de nombreuses fois détruit et rebâti, la dernière fois à
grands frais. Bonaventura et Cannonnaso consacrèrent
une fortune à faire de la structure originelle délabrée un
endroit fantastique. Ils engagèrent Augustin Herbert,
architecte eisenör connu pour ses réfections de châteaux
dans son pays natal, et le chargèrent de concevoir une
taverne capable d’endurer absolument tout ce qu’elle
pourrait subir.
Herbert releva le défi et employa les dernières inno-
vations castillianes et eisenörs à faire de la taverne une
merveille moderne. L’essentiel de l’intérieur est modulaire,
permettant de faire aisément tout remplacement néces-
saire. Les murs intérieurs, garnis de Chartes récentes et
anciennes apparemment indestructibles, sont également
couverts de vieux drapeaux, de trophées de poissons,
d’ancres esseulées et de gouvernails. Chacun possède une
histoire que le personnel sera ravi de raconter. La nourri-
ture et la boisson y sont chères à l’aune aragostaine, mais
bonnes et variées.
Adetokunbo, un Ifrien quadragénaire massif, maintient
l’ordre dans la taverne. Né en Ifri, il a passé l’essentiel de sa
vie à la gagner de ses poings dans quasiment tous les pays
du monde. Il a servi dans des tavernes, des bordels et tout
autre établissement louche. La légende prétend qu’il s’est
rendu en Inismore pour y affronter les célèbres pugilistes
locaux et y a rencontré l’O’Bannon en personne. On dit
que le Roi d’Inismore lui jeta un regard, sourit et s’éloigna.
L’étage principal du Seau de sang est pour la plèbe. Les
chaises sont inconfortables mais solides, idéales en cas de
bagarre. Quant aux tables, elles sont massives et vissées
au sol. Après en avoir vues trop renversées par des clients
excédés par leur malchance au jeu, Herbert les conçut
trop lourdes pour que même un Ussuran les soulève.
Les serveurs et serveuses portent les couleurs du Seau,
gris sur rouge, et vont de table en table pour y porter et y
récupérer la nourriture et la boisson. Les trois murs qui
ne font pas face au port sont occupés par des comptoirs,
et d’immenses escaliers en spirale dans les deux coins
arrière montent à l’étage. Le niveau du balcon consiste en
un large C avec une solide rambarde, des tables dotées
de nappes et des chaises avec dossiers et accoudoirs. Là,
danseurs, musiciens, jongleurs et amuseurs sont toujours
prêts à distraire la clientèle plus sélecte qui se restaure à
la lueur des bougies. Le prix des plats est le même, mais
le personnel s’attend à de généreux pourboires en échange
de sa compagnie et de son expertise. Certaines des dames
présentes sont des courtisanes formées en Vodacce et
s’attendent au traitement auquel elles sont habituées dans
leur contrée natale.
Trois étages plus haut, on trouve les pièces privées. La
plupart sont des salles de réunion, dont certaines possé-
dées à perpétuité par la République. Elles ne sont pas aussi
classieuses que celles qu’on peut trouver en Montaigne ou
en Vodacce, mais elles sont assez grandes pour des activités
tout aussi luxueuses et luxurieuses.
7E MER NATIONS PIRATES 95
 Wenshen et
le Mignon de l’Empereur
Dix ans après que la dernière des Taches noires fut enfin
envoyée rejoindre Jonah le Diable, le vaisseau de Zwarte
Hoop, Angstrdroom, pêcha une naufragée près de la côte
orientale de l’Aztlan. Elle ne parlait pas un mot d’une
quelconque langue connue, et même les membres d’équi-
page jaraguayens et aztlans restèrent interdits devant son
apparence et son habillement.
Lorsqu’on lui proposa de l’eau, elle se déshabilla sur le
pont, stupéfiant une fois de plus l’équipage et révélant les
tatouages complexes et majestueux dont elle était couverte.
Chaque pouce de sa peau semblait vivant, comme si la
lumière du soleil animait les illustrations. Les poissons
étincelaient tandis qu’ils nageaient à travers l’eau ruisse-
lante sur son flanc, la fourrure du singe sur ses épaules
paraissait ondoyer au soleil, et les étoiles et le ciel nocturne
sur son dos brillaient entre les bambous qui remuaient
sous une brise illusoire.
Par la suite, elle impressionna l’équipage en sauvant Hoop
alors qu’il se faisait tracter hors du pont par le gréement et
un espar brisé. Elle bondit du vaisseau et emprunta l’en-
fléchure pour rejoindre le capitaine en chute libre. Alors
que le gréement tirait Hoop par le fond, elle lui fit du
bouche-à-bouche pendant de longues minutes tandis qu’il
se débarrassait des cordages. Son extraordinaire agilité et
sa capacité pulmonaire qui rivalisait avec celle des pêcheurs
de perles les plus aguerris impressionnèrent et ébahirent
l’équipage, surtout Hoop. Lorsqu’il lui demanda comment
elle était capable de tels prodiges, elle indiqua ses tatouages
et déclara : « Whoa sherr Whenshen. » Depuis, tout le
monde l’appelle Wenshen.
Réduit à communiquer par gestes et en dessinant dans
le sable, Hoop fut convaincu que ses tatouages étaient
magiques et lui demanda de lui en donner un en échange
de tout ce qu’elle voudrait. Elle accepta. Il l’emmena sur
Aragosta et lui versa une partie du butin du voyage. Elle
concocta ses propres encres, emprunta la forge d’un orfèvre
pour fabriquer ses propres aiguilles et donna à Hoop son
premier tatouage. Il remercia Mme Wenshen et se vanta
de l’histoire de son nouveau tatouage auprès de qui voulait
l’entendre.
Bien vite, Wenshen apprit le numanari, qu’elle parle
aujourd’hui avec un fort accent. Elle est très demandée, mais
si beaucoup viennent la voir en quête d’un tatouage, tous
n’ont pas la chance d’en recevoir un. Wenshen ne donne en
effet pas un tatouage à n’importe qui, et demande souvent à
ses clients de réaliser une tâche particulière en contrepartie.
Après une longue conversation, elle confère « la marque
dont vous avez besoin, pas celle que vous voulez. »
96 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Bien sûr, elle fournit également des tatouages ordinaires
en échange de guilders, mais sans prix fixes. Elle observe
chaque client et lui donne un prix selon ce qu’elle voit.
Certains tatouages sont gratuits, d’autres coûtent des
milliers de guilders. Chaque prix, comme chaque tatouage,
est à la mesure de chaque client. Chacun sait qu’il ne faut
pas commettre la balourdise de demander le tatouage
d’un autre.
Bien des années ont passé. Wenshen a formé plusieurs
apprentis et s’est aménagé un fort bel établissement, le
Mignon de l’Empereur, ce qui, selon elle, est un terme
d’argot de son pays désignant tout métier réellement épou-
vantable. Elle n’a parlé qu’une fois à Hoop et à quelques
autres de ses deux voyages éprouvants et de sa marche à
travers l’Aztlan. La plupart de ses histoires sont des récits
incroyables de braves guerriers qui bondissent d’arbre en
arbre et luttent dans les airs contre des monstres malé-
fiques. Ses histoires favorites sont semblables aux siennes
si exotiques, mais issues de Théah, d’Ifri, d’Aztlan ou de
l’Empire du Croissant.
Sa boutique est juste au tournant du Seau de sang. Il lui
arrive d’accorder l’un de ses tatouages spéciaux en échange
d’un conte particulièrement prenant arrosé d’un des meil-
leurs crus de Cannonnaso.
Le récif de Toujours
L’île d’Aragosta est sise sur un très ancien récif ; chacun
le sait. Plongez dans l’eau juste à l’écart des plages et de
la baie, là où l’île s’enfonce dans l’eau turquoise, et vous le
verrez, pareil à tout autre récif de l’Atabéenne normale-
ment constitué : des crêtes, des protubérances et des tapis
de corail, habités de poissons-perroquets qui en grignotent
la surface, de poissons-clowns cachés dans leurs anémones,
de vieilles ancres, d’oursins délectables qui n’attendent que
d’être cueillis et d’octopodes probablement plus malins
que vous.
Longtemps, tout le monde sur Aragosta crut que le
récif ne recelait que cailloux et dépouilles d’animaux
minuscules. Ce ne fut que lorsque Bonaventura engagea
une escouade de pirates aventuriers pour enquêter sur les
sectateurs aragostains de Jonah le Diable que l’on découvrit
les ruines que le récif dissimulait.
Ces ruines s’enfonçaient de plus en plus profondément
à l’intérieur du récif, sous le niveau de l’eau. Chambres et
tunnels, galeries et échelles, portes secrètes empilées les
unes sur les autres et interconnectées en un labyrinthe
cylindrique chaotique… Le récif semble continuer encore
et toujours, aussi loin que quiconque ose y plonger et
s’y aventurer.
 Suite à une confrontation désastreuse avec les sectateurs
qui détruisit l’entrée, Bonaventura et les capitaines s’ac-
cordèrent à sceller l’endroit, mais des rumeurs filtrèrent et
la Société des Explorateurs ne tarda pas à rappliquer. En
raison des caprices de la marée, qui inonde les couloirs,
et de la nature traîtresse des lieux, les expéditions sont
restreintes, mais les archéologues ont tout de même décou-
vert quelques faits. Les ruines et les strates de machinerie
démolie et compactée semblent être d’origine syrneth.
Les datations concordent avec d’autres trouvailles, mais
certains appareils semblent modifiés, corrompus par des
ajouts similaires aux prothèses diaboliques que confère
Jonah le Diable.
Les niveaux supérieurs du récif sont aujourd’hui plei-
nement investis par la lie humaine : sectateurs de Jonah,
ostracisés, traîtres et mendiants. Il y a tout juste quelques
mois, ces marginaux découvrirent un moyen d’aller rapi-
dement d’un bout à l’autre de l’île, se trouvant ainsi un abri
fiable contre la saison des ouragans régulière sur Aragosta.
Surnommées aujourd’hui les Dessous d’Aragosta, les
ruines sont aussi devenues un repaire d’assassins et de
malfrats. Un lieu dangereux, même pour les plus braves
Héros théans, car si mortelle que soit Aragosta pour qui
n’est pas préparé à ses charmes particuliers, ses Dessous
sont dix fois pires. Là, meurtriers et criminels font ouver-
tement affaire, prêts à accomplir toutes sortes de méfaits
sans se soucier des règles de Theus ou de l’humanité.
Les niveaux les plus profonds jusqu’ici explorés vont
jusqu’à quatre ou cinq étages sous la surface d’Aragosta,
selon le point de référence. On y trouve des fenêtres
faites d’un vitrage ou d’un cristal d’une clarté impossible,
lesquelles laissent voir les créatures infinitésimales qui
nagent aux alentours ou en contrebas. Des tunnels d’eau
de mer traversent les lieux à l’horizontale et à la verticale.
Trappes et sas permettent d’y plonger… à condition d’être
assez brave pour s’y aventurer.
De plus, les archéologues ont remarqué un effet pertur-
bant : plus on descend, plus on se sent mal. Au début, cela
ressemble à une nausée, mais au fur et à mesure, la nausée
se change en folie. Et bien vite, l’infortuné ne veut même
plus remonter.
Ceux qui ont été trop loin racontent avoir vu des choses
et même des gens ici-bas, et prétendent que les créatures
marines accrochées aux vitres leur ont parlé, leur ont
révélé des choses qui se sont avérées vraies. Ils parlent de
formes sombres qui filent à travers l’eau, prestes et vives,
avec de longues queues, « comme des otaries ». Mais les
otaries ne portent pas des armes de corail et de cuivre, et
elles ne s’arrêtent pas pour regarder par les fenêtres avec
leurs yeux luisants et leur bouche difforme sertie dans un
visage humain.
7E MER NATIONS PIRATES 97
 Sociétés secrètes
Aragosta se trouvant à l’écart des voies de circulation principales, c’est un lieu bien plus sûr pour bien des Sociétés
secrètes que Fort Liberté ou l’une des colonies. Si vous cherchez à entrer en contact avec une Société secrète, Aragosta
est un bon point de départ.
• La Fraternité de la côte : quoiqu’Aragosta soit
la capitale de la Fraternité, l’essentiel de ceux qui
vivent sur l’île elle-même n’en sont pas membres.
Cannonnaso lui-même ne l’est que parce qu’il a
un jour dirigé un bateau. Reste que l’économie
toute entière de l’île repose sur les activités
pirates de la Fraternité.
• Die Kreuzritter  : les têtes pensantes des
Kreuzritter ont récemment entendu parler de
Jonah le Diable lorsque l’un des leurs détruisit
un don de Jonah à l’aide d’une dague en drache-
neisen. Elles se demandent si le dracheneisen
serait efficace contre le Diable en personne.
• La Société des Explorateurs : officiellement, le
quartier général régional de la Société se trouve
à Fort Liberté, mais bien des Explorateurs qui
n’ont pas confiance en la Compagnie ont décidé
de tenter leur chance sur Aragosta. Le nouveau
chapitre est situé dans les mystérieuses ruines sur
l’île, un point de rendez-vous idéal pour jeunes
Explorateurs.
• Le Collège invisible : Huemac, au Seau de sang,
est membre du Collège invisible. Si vous passez la
bonne commande, il vous dira qu’il n’a pas de ça,
mais que si vous passez par la porte de derrière,
il vous montrera quelque chose de semblable. Il
vous conduira ensuite par un dédale de couloirs
et de passages dérobés jusqu’à un laboratoire
du Collège caché sous le Seau, dans
un sous-sol oublié au gré des
reconstructions de la taverne.
98 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
• Les Chevaliers de la Rose et de la Croix : nul
n’a besoin d’un directeur de conscience ici. Les
quelques Chevaliers sur Aragosta se cachent de
quelqu’un ou de quelque chose.
• Los Vagabundos  : il y a quelques années, la
Compagnie engagea un assassin pour planter
un carreau d’arbalète dans le cœur de la Reine
Bonaventura pendant qu’elle dînait au Seau de
sang. El Vagabundo intervint pile à temps : il
attrapa le projectile en plein vol avant de pour-
chasser la tueuse et de la vaincre en combat
singulier, quoiqu’elle préféra se suicider que de
se laisser capturer. Depuis, la Reine a cherché à
en savoir plus sur Los Vagabundos. Elle apprécie
l’intervention, mais en même temps, elle n’aime
pas se savoir observée.
• Močiutės Skara œuvre relativement ouver-
tement à Aragosta. Il possède no tamment un
réseau de sympathisants qui ont fourni des
refuges temporaires à tout réfugié que le Châle a
extrait d’un conflit ailleurs sur l’Atabéenne.
• Après une tentative désastreuse d’installer
une cellule fonctionnelle à Fort Liberté, les
Rilasciare se sont réfugiés sur Aragosta. Il n’y
a pas de nobles ici à part la Reine Bonaventura,
qui compte à peine, mais cette absence d’activité
en fait un bon endroit pour y battre en retraite
et s’y regrouper.
Antagonistes
Aragosta peut sembler être le paradis des pirates, mais
bien des choses sombres et affreuses sont nées de l’île.
Même les plus redoutables pirates baisseront la voix en
évoquant de terribles ennemis après quelques verres au
Seau de sang.
Les Pilleurs écarlates
Après avoir trahi la République, Reis eut besoin d’alliées.
Elle fit des promesses et contracta des accords. Certains
disent qu’elle fit même un pacte avec Jonah le Diable en
personne. Elle se bâtit ainsi sa propre République : les
Pilleurs écarlates.
Tous ceux qui se joignent aux Pilleurs écarlates se lient à
Reis par le sang. Emplis de cette antique sorcellerie, ceux
qui naviguent sous le pavillon écarlate jurent de ne faire
aucun prisonnier, d’être impitoyables envers leurs ennemis
et de voler tout ce qui peut l’être. Ceux qui pactisent avec
Reis sacrifient leur pitié et leur peur pour les remplacer par
une irrépressible soif de sang et de violence.
Désormais, quiconque voit un pavillon écarlate sait
que le navire appartient à la flotte de tueurs de Reis. Il
ne reste plus qu’à combattre, fuir ou mourir. Il n’y a pas
d’autre choix.
Reis a sept capitaines à ses ordres, chacun tout aussi
dévoyé et perfide qu’elle. Elle les nomme ses Sept péchés
capitaux : Spannagel Cœur noir, Jérémie Otto Oliverson,
Andrej Vinícius Edwardssen, Maredudd Wallis, Ioann
Celso Mah, Jami Akelsesen et son favori du moment,
William Stroud.
William Stroud
Stroud est connu comme le Fantôme rouge de la mer
Atabéenne. C’est un homme cruel et impitoyable vêtu
de soie précieuse, la tête couverte d’une perruque noire
et d’un chapeau à large bords. À côté de lui, un dandy
montaginois a l’air d’un gueux. Il s’exprime non pas avec
un accent avalonien, mais avec un soupçon de quelque
chose de plus continental. Eisenör, peut-être, ou ussuran.
Comme de juste, il a nommé son navire Le Fantôme rouge,
et conformément aux directives de Reis, il ne fait pas de
prisonniers. Et on dit qu’aucune arme ne peut le tuer : ni
pistolets, ni épées ne peuvent venir à bout de lui, car il a
caché son cœur quelque part en mer.
Les terribles dons de Jonah le Diable
« Donne son dû à Jonah le Diable ou il viendra
te le prendre. »
—Dicton de marin courant
Sur la baie de Brise-dos au nord d’Aragosta, on peut
parfois trouver par les nuits sans lune un misérable marin
entouré de quelques compagnons. Le pauvre diable mord
une ceinture pour étouffer ses cris tandis que ses cama-
rades lui tranchent le bras ou lui arrachent l’œil. Ensuite,
le marin prononce une rapide prière à Jonah le Diable
en citant le vrai nom du Cargo noir, Caroline, puis lance
le membre dans le Goulot du Diable, un trou souffleur
juste au bord de la baie rocheuse. Seul sur le rivage, il
attend alors que la marée lui apporte un don de Jonah le
Diable. Il n’est même pas nécessaire d’être au Goulot du
Diable. Quiconque le souhaite peut s’estropier, prononcer
la prière, jeter le membre par-dessus bord et attendre au
gaillard d’avant qu’une vague subite lui mette son don entre
les mains.
Certains le font pour obtenir les dons extraordinaires
que confère Jonah le Diable, d’autres pour se préserver du
Diable lui-même, et d’autres encore car ce n’est qu’à cette
condition qu’ils seront acceptés au sein de leur équipage.
Bien sûr, certains se sont vus prélever une offrande directe-
ment par le Diable juste après qu’il a abordé leur vaisseau,
et bien qu’il confère à tous un terrible don en échange,
ces bénéficiaires sont généralement tout sauf ravis de ce
cadeau dont ils n’ont jamais voulu.
Du temps où il était Roi, Gosse essaya de mettre un
terme à cette pratique, et bien des équipages qui rendaient
hommage à Jonah le Diable quittèrent la République ou
en furent chassés. Cependant, il subsiste des capitaines et
des marins solitaires dotés de ces dons sordides. La Reine
Bonaventura a décrété qu’elle n’accepterait au sein de la
République aucun capitaine qui posséderait un don de
Jonah le Diable. Elle n’a pas confiance en ceux qui arborent
ses trophées.
La nature des dons eux-mêmes varie. Il s’agit souvent
de prothèses répugnantes visant à remplacer le membre
perdu, mais pas toujours, et ils ne fonctionnent que pour
celui qui a accompli le sacrifice. Pire encore, si le bénéfi-
ciaire essaie de renvoyer le don à la mer, de le vendre ou
de s’en débarrasser, il le trouvera à ses côtés à la prochaine
tombée de la nuit.
7E MER NATIONS PIRATES 99
 La légende de Jonah le Diable
N
ul ne parlait jamais au vieil homme. Il restait assis
dans un coin de la taverne sans rien dire. Toujours à
la même table, muet comme une tombe.
Jocelyn était née sur Aragosta, et à l’âge de quatorze
ans, elle avait commencé à travailler comme serveuse à
la taverne. Elle était grande et mince, avec des membres
longs et élancés. Elle descendait d’une corsaire avalonienne
et d’un pêcheur rahuri qui lui avaient donné des cheveux et
une peau aussi dorés que le crépuscule.
D’aussi loin que remontaient ses souvenirs, Jocelyn
n’avait jamais entendu le vieil homme piper mot. Mais elle
l’observa. Pendant une semaine, elle l’observa. Sa curiosité
crût. Elle remarqua également que personne ne s’adres-
sait à lui. De tous les marins qui buvaient, chantaient et
contaient des histoires, aucun ne s’approchait de lui, ne lui
payait un verre ou même n’osait le regarder.
Au bout d’une semaine d’observation, elle rassembla
enfin le courage de dire quelque chose.
Tandis qu’elle passait par sa table, elle glissa : « Le porc
est délicieux ce soir. »
Elle s’arrêta, attendit une réponse. Le vieillard resta coi.
Il ne bougea même pas.
Jocelyn se retourna et s’apprêta à repartir lorsqu’elle
entendit un son infime. Elle se retourna vers le vieil
homme. Il la regardait. Ses yeux étaient sombres comme
la mer à minuit. Et il répéta :
« Merci. »
100 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Toute la nuit, Jocelyn ne put s’arrêter de sourire. Elle
circula entre les tables et les marins dansants comme si
elle avait eu des ailes aux pieds. Lorsque le tenancier lui
demanda ce qu’elle avait, elle répondit : « Oh, je suis juste
de bonne humeur. »
La soirée passa rapidement, et lorsque vint l’heure de
fermer les portes, elle passa à la table du vieil homme et
récupéra l’assiette vide.
Avant qu’elle ne puisse la soulever de la table, il lui avait
saisi le poignet.
« Assieds-toi », dit-il.
Jocelyn fit le tour de la salle des yeux. Personne. Les
dernières braises luisaient dans la cheminée, de la fumée
planait, mais la taverne était vide. La main sur son poignet
était froide.
Elle en revint au vieil homme. Il la fixait. Jocelyn déglutit
si fort que sa gorge cliqueta.
« Assieds-toi », répéta-t-il.
De sa main libre, elle écarta ses jupons et s’assit aux côtés
du vieil homme.
Voici l’histoire qu’il lui raconta.
***
Le capitaine González était un homme bon et honnête.
Enfin, aussi honnête que peut l’être un marin… ou un
pirate. En fait, les pirates sont plus honnêtes que les
 INCARNER JONAH LE DIABLE ET LE CARGO NOIR
Jonah le Diable est une entité terrifiante. Tous les marins le craignent, et lorsqu’ils remarquent une embarcation
étrange, ils prient pour que ce ne soit pas le Cargo noir. Lorsque c’est le cas, la peur étreint leurs cœurs d’un
étau d’acier. Les braves deviennent des bébés vagissants et les plus avisés des capitaines commettent des folies
pour tenter d’échapper au Cargo noir et à son capitaine. Votre but est de donner à vos joueurs un goût de cette
peur. Nul ne parlera du nom originel du Cargo noir, mais il se peut qu’un marin fin saoul murmure le nom :
« Caroline ». Si cela survient, toute personne présente maudira l’imprudent. Décrivez l’inexorable poursuite du
Cargo noir. Seuls ceux qui peuvent faire voile jusqu’au lever du soleil parviennent parfois à échapper au Cargo
noir, mais peu s’en revendiquent car ils ne veulent pas attirer l’attention de Jonah le Diable une fois de plus.

Le bateau lui-même est aujourd’hui davantage fait d’os que de bois, comme si l’équipage avait remplacé l’os-
sature du navire par celle de monstres marins. Lorsque le Cargo est en vue, le ciel s’obscurcit et le vent mugit.
Cela peut aller jusqu’à une tempête, mais prenez le temps de décrire les détails de la poursuite et l’impossibilité
de s’échapper à moins que les personnages ne tentent quelque chose d’incroyablement inconscient.

Une fois aux prises avec le Cargo noir (car il aborde toujours un bateau plutôt que de le couler), laissez quelques
instants passer. Décrivez le clapotis des vagues, la senteur du sel, la puanteur cuivrée du sang et l’odeur sèche
de mort qui émane du Cargo noir. Décrivez le silence de mort : rien de vivant n’existe à bord du Cargo noir.

Décrivez l’équipage de Jonah le Diable, fait de squelettes décrépits et pourrissants. Alimentez la frayeur de vos
joueurs en faisant interagir l’équipage avec eux de façon glaçante. Il pourra par exemple les examiner, jauger
leurs membres en prévision de la « récolte ». Enfin, après une longue attente, décrivez la dépouille grande,
émaciée et flétrie de Jonah le Diable. Sa peau est d’un blanc pâle, mais ses os sont noirs et brillants, comme
s’ils avaient été brûlés. Décrivez ses vêtements jadis resplendissants et le sabre rouillé qu’il porte au côté. Enfin,
décrivez ses orbites ardentes remplies de haine et de jalousie envers les vivants.

Il parle d’une voix grave, lente et impérieuse qui se délecte de la souffrance d’autrui. Lui et les siens prendront
les membres et les yeux que tout membre d’équipage leur offrira, et parfois plus. Rarement, ils prendront une
personne entière, mais il s’agira alors généralement d’un membre d’équipage, pas d’un passager… sauf si ledit
passager provient d’un autre équipage. Les pires légendes prétendent que parfois, si on le provoque ou qu’on
suscite sa colère, le Diable prend toutes les âmes à bord d’un bateau, sauf celles qui lui ont précédemment
donné un œil ou un membre. Voilà pourquoi il porte malheur d’aborder un bâtiment qui dérive en mer sans
personne à bord, car cela revient à s’aventurer là où le Diable en personne a été.

Si un personnage a déjà donné un membre à Jonah le Diable, il le remerciera personnellement : « Je ne requiers de toi
qu’un membre, mais si tu veux me donner davantage, je suis prêt à te faire cadeau d’un merveilleux don de ma cale. »

marins : au moins, la bannière d’un pirate affiche claire-
ment ses intentions.
Son quartier-maître, en revanche, n’était pas aussi
honnête. C’était un traître au cœur noir du nom de Jonah.
González lui-même savait que Jonah était un être mauvais,
mais le capitaine ne se serait jamais douté que ce damné
coquin était un Scélérat. Là est la tragédie.
González avait comme maître artilleur une Vodacci.
Elle possédait le don que possèdent certaines Vodaccis ;
c’est-à-dire que quand les canons du navire faisaient feu,
ils rataient rarement.
Mais ce n’était pas tout. Il y avait des années, sur une
plage sablonneuse de l’Atabéenne, à la lueur des étoiles
et d’un feu, González avait rédigé une Charte. Il l’avait
écrite de son sang et de celui de ses officiers. La mère de
González venait d’Avalon et la magie avalonienne impré-
gnait son sang. Le sang de la Vodacci avait également été
utilisé, ce qui avait rendu l’enchantement d’autant plus
fort. Et bien sûr, Jonah y avait pris part aussi. La Charte les
avait tous rendus loyaux au navire. Elle leur avait conféré
un genre de magie que personne dans le monde entier
n’avait connu auparavant, longtemps avant la Première
Charte, la Fraternité et la République.
Comme à l’époque de la République numanari, la Charte
donnait une voix à chaque membre d’équipage. La Charte
le garantissait, et enfreindre la Charte entraînait de

7E MER NATIONS PIRATES 101

 terribles choses ; une malédiction si horrible que même
une sorcière vodacci n’aurait pu s’en défaire.
Depuis la rédaction de la Charte, l’équipage n’avait connu
que bonne fortune et prospérité. Tous étaient heureux
et chantaient les louanges du capitaine. Mais un jour,
González aperçut sur un autre navire une femme magni-
fique qu’il désira instantanément et qui devint son unique
obsession. Ni la richesse ni la gloire ne lui importèrent
désormais ; seulement de revoir le sourire de la femme.
Il ignora les galions castillians gorgés de trésors du
Nouveau monde et les navires vestens aux cargaisons
abondantes. La seule chose qu’il voulait, il ne pouvait
l’avoir. C’est là le pire trésor sur lequel un pirate peut jeter
son dévolu : quelque chose qu’il peut voir, mais pas avoir.
L’équipage commença à gronder, et ce scélérat de
Jonah ne fit rien pour l’empêcher. Au contraire, il attisa
la rancœur des hommes et s’assura que le maître artilleur
n’en entende rien.
Un jour, la vigie aperçut à l’horizon un vaisseau affichant
la bannière d’une plantation atabéenne. Le capitaine
secoua la tête et affirma qu’il n’y voyait nul intérêt, mais
Jonah demanda un vote. L’équipage décida de s’attaquer
au navire.
Il n’y eut même pas de bataille : sitôt qu’il eut reconnu
la bannière de González le pirate, le bateau se rendit. Or,
lorsque l’équipage aborda l’embarcation pour la piller, il se
rendit compte qu’il ne transportait que des esclaves illé-
gaux. D’après la Charte, les esclaves devaient être libérés
et laissés aux commandes du bateau, et les esclavagistes
abandonnés sur l’île la plus proche. Jonah exigea qu’ils
gardent les esclaves pour les vendre. Le capitaine refusa
et rappela à Jonah la punition qui les attendait s’ils violaient
la Charte. L’équipage obéit : plutôt que de s’approprier le
navire, ils le confièrent aux esclaves, et lâchèrent l’équipage
sur l’île la plus proche.
Ce fut le dernier jour où González fut le capitaine de son
propre équipage.
Lorsque la lune se leva sur le bateau, Jonah rallia une
bande de mutins. Ils se glissèrent à travers le vaisseau et
tranchèrent la gorge de tous ceux qui étaient loyaux au
capitaine. Les traîtres gagnèrent le pont-batterie et Jonah
lui-même perça de sa lame le cœur du maître artilleur. Les
mains poisseuses de son propre sang, elle toucha le visage
de Jonah et murmura : « Vivere per sempre. »
Qu’importe. La malédiction d’une sorcière morte peut
toujours être levée par une sorcière vivante.
Lorsqu’ ils parvinrent aux quartiers du capitaine, les deux
hommes se firent face l’arme au poing, mais lorsqu’il s’avéra
que Jonah n’était pas une lame aussi preste ou habile que
le capitaine, il ordonna à ses mutins de maîtriser González.
Mais le capitaine n’allait pas tomber aussi rapidement et
docilement. Il leur fit face son épée dans une main et la
Charte dans l’autre, et lorsqu’il frappa l’un des traîtres de la
Charte, le parjure fut dévoré par des flammes rouges et or.
102 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Ils se battirent à travers tout le bateau. Le capitaine
se rendit compte qu’il ne lui restait plus aucun membre
d’équipage loyal, et lorsqu’il vit le corps de son maître
artilleur, son âme se brisa. Il perdit toute ardeur. Jonah et
sa bande de mutins l’avaient vaincu. Alors qu’ils se jetaient
sur lui, González plaqua la Charte contre la poitrine de
Jonah et y planta son épée. La Charte prit feu et la lame
perça le cœur du scélérat. Les flammes rugirent comme
un coup de canon ; la Charte n’était plus. Jonah gisait sur
le pont, en proie aux flammes. Quant au capitaine, il était
passé par-dessus bord et avait été englouti par les eaux
sombres et muettes.
Or, si grièvement blessé qu’il fût, Jonah ne mourut pas.
Même le cœur transpercé par l’épée de González et le
corps brûlé par la Charte, la malédiction de la sorcière le
priva de la mort… et aussi de la vie.
Depuis ce jour, Jonah le Diable est un homme prisonnier
entre la vie et la mort. C’est une créature semblable à nulle
autre qui doit voler la chair d’autrui pour entretenir son
corps de traître pourrissant. Et il hante encore les mers à
ce jour. À ses victimes, il arrache non pas leur or ou leur
argent, mais leur chair et leurs os.
***
Jocelyn écouta en tremblant la conclusion du récit. Elle
avait l’impression de ne pas avoir cligné des yeux depuis le
début de l’histoire.
« Qu-qu’est-il advenu de González ? » s’enquit-elle.
Le visage du vieil homme resta aussi froid et implacable
que la pierre.
« On ne le revit plus jamais », répondit-il.
Ce fut alors qu’il lui lâcha le poignet et qu’il se renfonça
dans sa chaise.
Jocelyn quitta la taverne en courant : elle se rua par la
porte d’entrée et rentra chez elle à toutes jambes. Elle se
réfugia dans son lit en sanglotant et s’endormit les yeux
baignés de larmes.
Le matin suivant, ce fut les jambes flageolantes qu’elle
gagna la taverne. En entrant, elle vit le tenancier nettoyer
les verres et le rejoignit au bar.
« On dirait que tu n’as pas dormi de la nuit, remarqua-t-il.
– J’ai fait des cauchemars, acquiesça-t-elle avant d’en-
chaîner. J’ai parlé avec le vieil homme la nuit dernière.
– Quel vieil homme ? demanda-t-il, perplexe.
– Celui qui reste assis dans le coin chaque nuit, fit-elle en
indiquant la table sans oser la regarder.
– Y a jamais eu de vieil homme qui s’y est assis, affir-
ma-t-il en secouant la tête. Y avait des marins vodaccis à
cette table la nuit dernière. »
Jocelyn se tourna vers le recoin. C’est alors que le tenan-
cier lui demanda : « Qu’est-ce que tu t’es fait au poignet ? »
Jocelyn déglutit si fort que sa gorge cliqueta.
Elle regarda son poignet. Sa peau dorée était marquée
d’une tache à la pâleur fantomatique.
La Jaragua

7E MER NATIONS PIRATES 103


« Ne vous méprenez pas, nous sommes aujourd’hui plus en danger
que jamais. Car maintenant, nous avons quelque chose à perdre. »
Au fil de l’essentiel de l’histoire de la Jaragua (se prononce
« ha-ra-gwa »), des tribus rahuris se sont disputées les
meilleures zones halieutiques, minières et agricoles de
cette île fertile. Il y a un siècle, l’ambition théane recou-
vrit l’île de plantations profitables, couronnées d’une
jolie ville portuaire, tandis que les autochtones rahuris se
retrouvaient repoussés dans les montagnes. Et lorsque la
Compagnie commerciale atabéenne s’appropria les planta-
tions à force de subterfuge et de traîtrise, elle y ajouta un
ingrédient crucial à la mise en œuvre du plein potentiel de
l’île : l’esclavagisme.
Avide et impitoyable, la Compagnie tua à la tâche d’in-
nombrables Ifriens et Rahuris pour faire de la Jaragua
la propriété la plus rentable de la Compagnie. Or, ces
captifs, ces humains parmi les plus bafoués et vulnérables,
se forgèrent un esprit d’insoumission qui en conduisit
beaucoup à s’échapper lors d’évasions aussi brillantes
qu’audacieuses. Ces évadés fondèrent des communautés
et des réseaux de soutien visant à libérer à leur tour leurs
camarades exploités.
104 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
La Jaragua
Vivre libre ou mourir
—Chapelain Nsōwaa Nkansa
Bien vite, les mawons, ces esclaves évadés en guerre contre
la Compagnie, organisèrent une révolution à l’échelle de
l’île. Tirant parti de leur supériorité numérique, d’un
superbe esprit stratégique et de leur détermination pure,
ils renversèrent les forces de la Compagnie. L’île d’ouvriers
brimés et battus s’unit pour devenir l’une des Nations les
plus improbables de l’île : une superpuissance agricole en
devenir constituée d’un mélange d’Ifriens et de Rahuris,
protégée par une armée qui a accompli l’impossible.
La Compagnie ne veut pas que vous connaissiez la
Jaragua et son histoire. Elle veut que vous croyiez qu’il n’y
a pas d’esclavagisme dans l’Atabéenne, qu’il n’y a pas eu
de révolte et qu’il ne se passe rien d’important en Jaragua.
Mais la vérité, c’est que la Jaragua est le plus grand échec
de la Compagnie ; un échec qu’elle compte bien réparer à
tout prix.
Si une Nation comprend l’héroïsme, du plus humble
ouvrier jusqu’au plus grand général, c’est la Jaragua. En
effet, quoi de plus héroïque que de briser ses chaînes en
quête de justice ?

Histoire
Lorsque les Rahuris quittèrent le continent Aztlan
pour migrer vers la mer Atabéenne, la Jaragua fut l’une
des premières îles qu’ils peuplèrent. C’est sur cette terre
fertile que les premières tribus rahuris se constituèrent et
se disputèrent les meilleurs terrains de pêche et d’agricul-
ture, autant politiquement que militairement. Lorsque les
premiers Théans arrivèrent il y a un siècle, la tribu Mariana
du nord et la tribu Higüey du sud en avaient absorbé trois
autres et s’étaient partagé l’île. Lorsque les Castillians et les
Montaginois accostèrent en 1568, les deux tribus s’empres-
sèrent de leur livrer des terres en échange de technologies
et de matériel théans, dans le but de l’emporter sur leurs
voisins. Sur une pointe orientale, les Théans fondèrent une
ville portuaire, Cap-Carrefour, et en firent le premier arrêt
sur la mer Atabéenne pour tout vaisseau en provenance de
l’Ifri ou de la Théah.
La période coloniale
Tirant parti des querelles et des escarmouches entre
Jaraguayens, les Théans infestèrent les deux moitiés de l’île
d’indigo, de café, de coton, de tabac et surtout de canne
à sucre. Or, si profitables que fussent ces plantations, la
chaleur et l’humidité, ainsi que les dangers de la récolte et
du traitement, rendirent difficiles l’embauche et la fidéli-
sation du personnel.
Lorsque Vespasien de Vicquemare devint gouverneur
de la Jaragua en 1636, il trouva une solution : offrir aux
indigents de Théah un passage gratuit vers le Nouveau
monde en échange d’une période de travail. Ce système
de mise en servitude contractualisée, illégal dans toute la
Théah, fit l’affaire des planteurs jaraguayens.
Le problème de l’embauche fut ainsi résolu, mais pas celui
de la fidélisation, sans compter que les employés n’étaient
jamais assez nombreux. Vicquemare collabora alors avec
Rourke & Rudd, une société de prêteurs et de recruteurs
basée en Montaigne. En échange d’une généreuse commis-
sion, il arrangea des rendez-vous entre des planteurs jara-
guayens en difficulté et des usuriers de la société.
Avec le temps, Rourke & Rudd devint la Compagnie
commerciale atabéenne et ses tactiques évoluèrent : la CCA
provoqua sciemment l’effondrement de marchés locaux en
les inondant de biens bon marché et racheta des fermes
indépendantes en difficulté à travers la Jaragua. Bien vite,
les Théans asservis travaillèrent aux côtés de fermiers jara-
guayens ruinés. L’avenir avait atteint les rivages jaraguayens
sous la forme des pratiques commerciales inhumaines de la
Compagnie. Plus rien ne serait jamais comme avant.
La période coloniale connut une fin officielle et subite
lorsque Vicquemare organisa une rencontre privée avec les
GÉOGRAPHIE
La Jaragua est la plus grande masse terrestre de la
mer Atabéenne. C’est une île tropicale en forme
de cerf-volant, à la face orientale tournée vers la
Théah et l’Ifri. Les Alpes Azurées, une chaîne de
montagnes nommée d’après sa teinte bleutée,
sépare l’île en deux. Le climat, doux en hiver et
chaud en été, serait plaisant si les sécheresses, les
inondations, les séismes et les ouragans n’étaient
pas si fréquents. La pêche est abondante, quoique
voir parfois un monstre marin mordre à l’hameçon
puisse poser problème. Les plaines septentrio-
nales et méridionales et les vallées fluviales se
prêtent bien à l’agriculture. Explorez les forêts, les
vallons cachés et les réseaux caverneux des Alpes
Azurées, comme plus d’un esclave en fuite l’a un
jour fait, et peut-être trouverez-vous des espèces
uniques à la Jaragua… ou une veine exploitable de
cuivre, d’or, de marbre ou de calcaire.
tribus rahuris natives (les Higüey et les Mariana), officiel-
lement pour évoquer la division de l’île. Les Jaraguayens
n’étaient pas stupides, et leurs gardes du corps réagirent
promptement face à l’embuscade des forces armées de
la Compagnie… mais après un échange de coups de
feu rapide et sanglant, la Compagnie réussit à capturer
les deux caciques. La responsable de la sécurité, Lærke
Ulriksdottir, attaqua ensuite les peuplements jaraguayens
désorganisés et démoralisés, les forçant à quitter leur
terre ancestrale pour se réfugier en altitude. Rapidement,
la Jaragua fut couverte de plantations cultivées par des
esclaves, propriétés de la Compagnie.
Esclavagisme de masse
À partir de 1642, la Compagnie se mit à importer des
captifs ifriens en masse. Pour la première fois, toutes les
plantations de la Jaragua furent remplies de travailleurs
et opérèrent à plein rendement. Tout planteur pouvait
sans problème tuer ses esclaves à la tâche pour ensuite
les remplacer.
Les esclaves n’ayant rien à perdre, le taux d’évasion
explosa lors de cette période. Bien des évadés gagnèrent les
Alpes Azurées ou la Base de la mangrove où ils semèrent
leurs poursuivants à la faveur des forêts épaisses et du
terrain accidenté. Rapidement, des villages mawons cachés
se constituèrent dans les montagnes, offrant asile à tout
esclave en fuite. Enhardis par leurs forces croissantes, les
guérilleros se mirent à piller les riches plantations proches
des montagnes pour y récupérer provisions, armements
et alliés.
7E MER NATIONS PIRATES 105
 La plus grande révolte
d’esclaves de l’histoire
C’est en 1659 que la poudrière explosa. Après avoir dirigé
pendant des années un réseau clandestin permettant aux
esclaves de fuir en territoire mawon dans les montagnes,
Taiyewo et Kehinde, deux jumeaux nés esclaves en Jaragua
et jeunes héros de la rébellion bourgeonnante, rencon-
trèrent le chapelain Nkansa et les chefs des Rahuris
Mariana et Higüey à la Base de la mangrove. Taiyewo et
Kehinde proposèrent que le peuple oppressé de la Jaragua
rassemble ses ressources clandestines et ses effectifs supé-
rieurs pour se libérer du carcan de la Compagnie et obtenir
sa liberté une fois pour toutes.
Le chapelain Nkansa et les chefs acquiescèrent : il était
temps de bouter la Compagnie hors de la Jaragua. À l’occa-
sion d’un festival nocturne, selon la tradition de la religion
Kap sèvi, ils déclarèrent leur insoumission. Ils repren-
draient leur île, non seulement pour les Rahuris privés
de leurs demeures ancestrales, mais aussi pour les Ifriens
et les Théans parqués en Jaragua comme du bétail. Leur
révolution unirait leurs forces contre leur ennemi commun
et les conduirait vers un avenir qu’ils bâtiraient ensemble.
Pour mettre en place sa stratégie, Nkansa fit de son
groupe de prêtres ngangas des généraux. Le chef Pablo de
la Cruz devint instructeur en chef et enseigna la guérilla
aux armées rebelles, auxquelles il enseigna tout ce qu’il
avait appris des Théans pendant sa captivité. Le chef
Casiguaya coordonna le soutien naval : elle acquit des
munitions auprès de divers flibustiers, vola les vaisseaux de
guerre de la Compagnie qui circulaient sur l’Atabéenne et
s’en prit à leurs lignes de ravitaillement en transmettant des
informations à des pirates comme la Fraternité de la côte.
Kehinde utilisa son réseau pour organiser les rebelles à
travers toute l’île, et envoya même de petits animaux porter
des messages lorsque des humains ne le pouvaient. Enfin,
le général Taiyewo mena en première ligne, machette
et pistolet au poing, usant de son génie tactique pour
surpasser les forces de la Compagnie prises au dépourvu.
Les huit années suivantes, les pertes dans les deux camps
s’accumulèrent, à tel point que Lærke Ulriksdottir dut
faire appel à des mercenaires théans pour défendre les
possessions de la Compagnie. La bataille finale eut lieu à
Cap-Carrefour. À la nuit tombée, les Jaraguayens agirent :
munis de leur brutalité, de leur habileté, d’armes et d’équi-
pement volés, ils frappèrent.
106 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Les Ifriens et les Rahuris captifs étaient déjà au courant
du timing de l’assaut, et prêts à agir de l’intérieur. Ils orga-
nisèrent un semblant d’évasion dans le but d’occuper les
sentinelles. Profitant de la distraction, les rebelles escala-
dèrent les murs des forts et s’approprièrent les tourelles,
ce qui leur permit de laisser entrer leurs troupes tout
en couvrant les esclaves à l’intérieur. Une longue nuit de
terribles corps-à-corps s’ensuivit.
À l’aube, les agents et les mercenaires de la Compagnie
gagnèrent désespérément à la nage leurs vaisseaux qui
quittaient le port. Pendant ce temps, la machette du général
Taiyewo croisait la rapière et la dague du gouverneur de
Vicquemare, pour finir par l’atteindre d’un coup puissant qui
l’envoya choir des remparts. Des marins de la Compagnie
le tirèrent de la mer et le hissèrent à bord, atteint d’une
douzaine de blessures.
Une Nation indépendante
Désormais débarrassés de la Compagnie, les dirigeants
rebelles instaurèrent un gouvernement provisoire. Le général
Taiyewo dirigea l’armée, le chef Casiguaya devint amiral, et
Kehinde prit en charge les affaires intérieures telles que
l’exploitation des plantations. Le chapelain Nkansa refusa
de se joindre au gouvernement provisoire : « Je n’ai pas eu
un jour de repos depuis quinze ans, expliqua-t-elle. Je vais
m’installer sur la plage et lire un peu. »
Quant au chef Pablo de la Cruz, il ne se satisfit pas d’un
poste au sein du gouvernement. Lors d’une réunion le lende-
main de l’expulsion de la Compagnie, il se montra choqué et
outré de savoir que les terres des Mariana et des Higüey ne
reviendraient pas à leurs précédents propriétaires. « Mais où
iraient les Ifriens ? » lui répliqua-t-on. Certains souhaitaient
retourner en Ifri, mais tous ne le pouvaient, sans compter
que là-bas, ils seraient de nouveau exposés aux esclavagistes.
Pourquoi ne pas partager la terre pour laquelle ils s’étaient
battus ensemble ?
Mais de la Cruz n’en démordit pas. Il voulait sa Jaragua.
S’il ne pouvait avoir l’île entière, il se satisferait du terri-
toire originel des Mariana, au nord des Alpes Azurées. La
discussion se poursuivit tout le jour durant, mais il resta
insensible à tout argument. Au final, les oligarques, abattus,
acceptèrent de rendre la partie nord de l’île aux Mariana.
Le compromis fut d’autant plus cuisant lorsque l’année
suivante, les Mariana se remirent à vendre des plantations…
pas à la Compagnie, au moins, mais à des planteurs castil-
lians. Encore.
Le retour des colons Peuple et culture
Le gouvernement provisoire a du pain sur la planche. Une Le gentilé « Jaraguayen » englobe la myriade d’ethnies
Nation de soldats las doit retourner travailler les mêmes présentes sur l’île. Les esclavagistes de la Compagnie
plantations qu’ils avaient précédemment fuies. Certaines commerciale atabéenne avaient à dessein pris pour cible
ont été reconverties pour produire de la nourriture, autant de groupes ethniques ifriens différents que possible,
d’autres servent toujours à cultiver les plants lucratifs à de façon à perturber la communication et à empêcher
cause desquels bien des Ifriens et des Rahuris sont morts. qu’un peuple uni n’organise une rébellion. La langue de
Il faut établir un nouveau gouvernement et dépêcher des l’île est le patwa haragwen, un créole rapide qui puise
diplomates vers les pays étrangers pour y forger des liens ses racines dans le montaginois et l’ifrien occidental. La
et y bâtir des alliances. Sans compter que les agents de la plupart des Jaraguayens peuvent ralentir le rythme et
Compagnie commerciale atabéenne continuent de rôder parler clairement le montaginois pour les étrangers.
dans les cités jaraguayennes et dans les îles environnantes,
guettant l’occasion de contrecarrer tous ces efforts.
Au nord, une nouvelle cité est apparue : Porta Ozama,
ville théane érigée pour répondre aux besoins des plan-
teurs théans, avec un gouverneur castillian en place. L’île
est formellement fermée à la Compagnie commerciale
atabéenne, mais qui sait combien de planteurs sont secrè-
tement à son service ?
Pire encore, bien des plantations théanes en territoire
Mariana pratiquent l’esclavagisme… à nouveau. C’est un
secret bien gardé, et aucune des plantations ne se repose
exclusivement dessus, car cela attirerait trop l’attention du
gouvernement jaraguayen. À la place, elles emploient un
mélange d’employés libres, de travailleurs sous contrat et
d’esclaves théans (en majorité des condamnés), rahuris et
ifriens. Il est interdit aux employés de discuter entre eux
de leur rémunération, de sorte à dissimuler l’identité des
esclaves aussi longtemps que possible. Quiconque contre-
vient à cette pratique perd son emploi… ou pire.
Au sud, les relations avec les Théans sont bien moins
critiques. Eustache Dubois, fils du précédent gouverneur,
Alexandre Dubois, est revenu des terres de sa famille en
Montaigne à la fin de la rébellion, apportant avec lui des
biens et un soutien capitaux en ces temps désespérés. En
tant que dirigeant mi-Jaraguayen mi-Montaginois, Dubois
œuvre déjà à établir un contact entre l’Oligarchie provi-
soire et des rebelles montaginois au gré de ses allées et
venues entre la Théah et la Jaragua. Il a fondé un nouveau
chapitre pour la Société des Explorateurs et a recruté de
nouveaux membres dans l’espoir de mener une expédition
dans les ruines syrneth sous les montagnes.
Malgré des signes encourageants d’intégration, la
noirceur du passé de la Jaragua semble avoir survécu à
sa révolution. Les Jaraguayens doivent compter à la fois
avec la transition difficile qui les attend et les ennemis qui
les entourent. Les rebelles violents du passé pourront-ils
devenir les paisibles dirigeants de l’avenir ?

7E MER NATIONS PIRATES 107

 Apparence
Issus de la mer Atabéenne, de Théah, d’Ifri et d’ailleurs, les
Jaraguayens sont un peuple bigarré. Nombre d’entre eux
ont la peau brun sombre et les cheveux noirs bouclés…
mais les ressemblances s’arrêtent là, et encore s’agit-il d’une
généralisation. Les Jaraguayens issus de l’Ifri influencée par
le Croissant ou du peuple Rahuri ont parfois la peau plus
claire et les cheveux raides. Les coiffures sont diverses :
nattes, dreadlocks traitées à l’otjize, cheveux ras ornés de
motifs géométriques, ou simplement toison libre. Les
Jaraguayens rassemblent tous les types physiques imagi-
nables, bien que des années de servitude et de guerre aient
rendus courants les cicatrices, les membres manquants et
autres handicaps physiques.
Strates sociales
Les conventions de l’esclavagisme ont bouleversé les
notions de statut social en Jaragua.
En Ifri occidentale, d’où viennent la plupart des esclaves
de la Compagnie commerciale atabéenne, divers groupes
culturels suivent différents systèmes de caste : certains ont
des lignées nobles, d’autres des classes guerrières profes-
sionnelles, d’autres encore des méritocraties ou des castes
définies selon des critères économiques. Or, du fait des
conditions d’esclavage, les jeunes soldats physiquement
aptes se sont mis à prédominer au sein des peuples asservis.
Les esclaves comptaient quelques nobles et marchands, mais
ces distinctions s’évanouirent au fil des terribles années.
À mesure que l’esclavagisme explosa sur l’île, la
Compagnie encouragea une sorte de méritocratie parmi
les esclaves. Les travailleurs non qualifiés se voyaient assi-
gner les tâches les plus ingrates, aux champs et dans les
raffineries. Ceux dotés d’aptitudes techniques (forgerons,
palefreniers, charpentiers…) ou domestiques avaient de
meilleurs emplois, à proximité de leurs geôliers théans.
Ceux possédés par des maîtres particulièrement cruels
se retrouvaient plus exposés aux caprices de leur proprié-
taire, mais ils étaient dans l’ensemble mieux considérés,
et parfois même payés ou récompensés par de petites
sommes. Ils étaient perçus comme trop rares pour être
tués à la tâche comme les ouvriers.
Flemming Rudd recommanda aux esclavagistes d’incul-
quer aux « esclaves domestiques » qu’ils étaient d’une autre
étoffe que les « esclaves des champs », de sorte à encourager
la division et l’élitisme au sein des esclaves et ainsi détourner
leur attention de leurs véritables ennemis. Ce ne fut pas
seulement l’égoïsme ou la jalousie qui sépara ces deux
classes ; parfois, un homme à bout ne peut qu’acquiescer
devant ce qu’on lui dit. Ou parfois, il passe tant de temps à
faire semblant qu’il se met à se convaincre lui-même.
108 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Quoi qu’il en soit, même là où ce système porta des
fruits, la révolution le démolit bien rapidement. Dans
l’ensemble, les esclavagistes eurent la surprise de voir leurs
esclaves domestiques « dévoués », « loyaux » et « bien
traités » se joindre promptement aux rebelles. Certains
apprirent même un peu tard que ceux qui s’occupent de la
cuisine, de la lessive et de la literie ne sont que trop bien
placés pour porter un coup mortel aux premiers instants
d’une révolution.
Au lendemain de la victoire, ces divisions surplombent
les Jaraguayens comme les corps de criminels : élite ou
basse couche, maison ou champ, Ifrien ou Rahuri. Bien
des esclaves qui travaillaient aux champs ont eu accès à
des opportunités qu’ils pensaient auparavant inacces-
sibles (il fut en effet courant de confier temporairement
les plantations aux esclaves libérés), mais ils doivent aussi
compter sur ceux dont ils se défiaient précédemment et
qui, aujourd’hui, gèrent les étables, tiennent les registres
et vendent les produits au marché. Ces vieilles rancunes
ne se lavent pas dans le sang, et nul ne sait ce que réserve
l’avenir à ces Jaraguayens qui, auparavant, se haïssaient
autant qu’ils haïssaient leurs tourmenteurs.
Arts et musique
L’usage des tambours est omniprésent en Jaragua, aussi
bien pour la communication longue-distance que pour
les cérémonies religieuses ou la danse. La polyrythmie
ifrienne est très utilisée : le musicien joue deux rythmes
différents, un de la main gauche et un de la droite. Les
danses regroupent une vaste diversité de traditions
ifriennes, rahuris et théanes. La plupart se basent sur des
pas simples et répétitifs, permettant ainsi aux novices de se
familiariser aisément tout en laissant acrobates et experts
improviser à loisir selon le thème.
Les traditions ifriennes en matière d’art visuel sont
également restées quasiment intactes face aux influences
théanes. Les esclaves jaraguayens qui concevaient des
objets religieux les faisaient généralement passer pour de
l’art profane ou des symboles vaticins, ce qui n’empêcha
pas certains maîtres de s’approprier et de vendre ceux de
meilleure qualité. Bien des objets d’usage pratique (bâtons,
bols, pierres tombales, instruments de musique, plateaux
divinatoires, etc.) sont décorés ou embellis avec art. Les
sculptures humaines en bois stylisées sont également
répandues, et la plupart sont vendues en dehors de l’île
pour fournir de l’argent à la Nation appauvrie. Un autre
style typiquement jaraguayen consiste à créer des sculp-
tures ou d’autres objets d’art à partir de détritus ou de
matériaux de récupération comme du bois flotté ou de
la ferraille.
Habitudes vestimentaires
La Compagnie forçait les esclaves ifriens et rahuris de la
Jaragua à porter des vêtements théans de récupération
dans le but d’effacer leur identité ethnique. Les esclaves
firent de cette contrainte une sorte d’art en s’échangeant
et en recombinant les haillons qui leur étaient imposés
pour créer des tenues flatteuses… ou pour mieux se
fondre dans le décor s’ils prévoyaient de prendre la clé des
champs. Lorsque les mawons reconquirent l’île, ils récupé-
rèrent nombre d’uniformes de la Compagne commerciale
atabéenne qu’ils s’amusèrent beaucoup à porter de façon
disparate en les combinant à d’autres habits avec audace.
Suite à l’expulsion de la Compagnie, le style vestimen-
taire ifrien continental devint follement populaire, surtout
dans les cités et les villes : chemises, jupes, robes, panta-
lons et tuniques de coton larges et bouffants aux motifs
bariolés, avec turban ou chapeau assorti. Ceintures, châles
et écharpes ajoutent au style et permettent de trans-
porter plus commodément ses affaires. À cela s’ajoutent
chevillères, bracelets et colliers de perles colorées ou de
coquillages clinquants. Les tatouages sont peu répandus
parmi les Jaraguayens, mais certains groupes ethniques
pratiquent la scarification rituelle peu après la naissance
pour marquer l’affiliation tribale.
Monnaie
La Jaragua utilise actuellement les guilders de la
Compagnie pour commercer avec le monde extérieur, mais
l’Oligarchie provisoire s’affaire à instaurer une monnaie de
type ifrien, constituée de quahogs ; des coquillages marqués
du tampon national. Les Jaraguayens essayent de main-
tenir un taux d’échange équitable (un coquillage pour un
guilder), en collaboration avec le représentant local de la
Ligue de Vendel, Herlief Asgersen.
Asgersen est un vieil homme à la longue barbe grise qui
s’est porté volontaire pour se rendre en Jaragua il y a vingt
ans car personne d’autre ne voulait y aller. Marchand épou-
vantable mais guerrier accompli, il fut un complice actif
de la révolte. Il avait toujours honni l’esclavage et joua un
rôle limité mais important dans le succès de la rébellion en
fournissant des renseignements aux révolutionnaires sur
les mouvements de la CCA chaque fois que c’était possible.
Il a essayé de faire savoir à la Ligue de Vendel ce qui s’est
réellement passé en Jaragua, mais la Compagnie a tout fait
pour intercepter ou infirmer ses rapports.
Gouvernement
Au sein de l’Oligarchie provisoire, le général Taiyewo
gère les affaires militaires, Kehinde celles intérieures, et le
chef Casiguaya celles maritimes. Le chef de la Cruz était
le gouverneur le plus expérimenté parmi les oligarques
potentiels, et son départ récent a laissé le gouvernement
cruellement en manque d’expérience. Le chapelain Nkansa
a plusieurs fois juré en avoir « fini d’être dirigeante pour le
moment » et n’être « le mentor avisé de personne », mais
elle continue fréquemment d’aider l’Oligarchie provisoire
à régler sa crise du moment. Bien des Jaraguayens pensent
que ce n’est qu’une question de temps avant que Nkansa ne
finisse par accepter un poste plus reconnu afin d’assurer le
fonctionnement de l’Oligarchie.
Pour l’avenir proche, l’intention est d’instaurer un
nouveau gouvernement avec des représentants élus de
chaque section des plantations, mais une série de tâches
apparemment sans fin précède ces élections. Le gouver-
nement doit organiser le fonctionnement des plantations,
déterminer lesquelles convertir en sources de nourriture
et lesquelles conserver en tant que sources de revenus,
aménager des mines dans les Alpes Azurées… et décider
que faire face à l’hostilité croissante de la tribu Mariana et
de ses nombreux invités théans. Bien des révolutionnaires
loyaux maugréent déjà que la guerre était un jeu d’enfant
en comparaison du défi que gouverner représente.
Relations actuelles
Maintenant que la révolution est finie, l’Oligarchie
provisoire commence à se rendre compte qu’elle doit
entrer en contact avec les gouvernements et les organi-
sations proches pour établir des liens diplomatiques et
des alliances formelles. Or, après des années de guerre
et d’esclavage, la Jaragua est dénuée d’un gouvernement
fonctionnel, de représentants diplomatiques ou de rela-
tions pérennes… tout ce dont les Jaraguayens savent avoir
besoin pour garder prise sur leur île vulnérable.
Aztlan
Malgré les efforts des émissaires jaraguayens, les puissants
empires de l’Aztlan semblent peu concernés par les événe-
ments dans la mer Atabéenne. L’Alliance nahuacane de
l’ouest et les cités-États de Tzak K’an ont toutes deux reçu
les Jaraguayens en tant qu’invités d’État, mais ont poliment
refusé toute offre de venir en Jaragua pour un échange plus
formel. Les Jaraguayens ne savent pas exactement pour-
quoi l’Aztlan garde ses distances avec le peuple de la mer
Atabéenne, mais manifestement, les troubles politiques
de la Jaragua ne suffiront pas à les décider à rompre avec
leurs traditions.
7E MER NATIONS PIRATES 109
 Toutefois, une émissaire, Hangbe, a récemment été bien
plus au sud qu’aucun autre Jaraguayen jusqu’alors : elle
a dépassé Tzak K’an pour se rendre jusque dans l’Em-
pire kuraq. Elle a fait savoir que l’Impératrice kuraq fut
fort émue par les histoires d’esclavagisme et de sacrifice
que lui rapporta Hangbe, et affirma vouloir établir des
liens diplomatiques concrets avec le peuple jaraguayen.
Elle a fait parvenir des dons d’or comme preuve de son
estime. Le temps dira si de tels liens profiteront à l’Oli-
garchie provisoire.
La Fraternité de la côte
Certains Jaraguayens pensent que le gouvernement devrait
entretenir des relations amicales avec la Fraternité ; après
tout, la Compagnie commerciale atabéenne est leur
ennemie commune. L’amiral Casiguaya en particulier a
laissé entendre qu’elle les voit plus comme des alliés que
comme des ennemis. Mais la Fraternité est constituée de
pirates, et nombreux estiment que ce n’est qu’une question
de temps avant que les cargaisons peu protégées de récoltes
lucratives et de guilders ne s’avèrent trop tentantes pour
la Fraternité. Et si la Jaragua doit être une Nation avec
toutes les alliances et les traités que cela implique, nombre
de leurs alliés ne verront pas d’un bon œil des accointances
avec des pirates et des brigands.
diplomates particuliers. Ce nouveau service diplomatique
exige d’égales mesures de subtilité et de charisme jara-
guayens. Les envoyés se déguisent en dandys, en courtisans
et en mondains pour se glisser parmi les élites des autres
Nations et y dénicher des investisseurs potentiels ainsi que
de puissants sympathisants de la cause jaraguayenne. Ils
n’osent agir ouvertement en tant qu’agents de l’Oligarchie
provisoire, car la Compagnie ne relâche jamais sa vigilance.
Le service diplomatique agit encore plus secrètement
à l’égard des colonies théanes de la mer Atabéenne. La
Compagnie a beaucoup d’influence dans ces agglomé-
rations distantes, même si bien des colons se sont mis
à douter des bonnes intentions de la CCA à leur égard.
Reste à voir si les diplomates jaraguayens parviendront à
établir les relations nécessaires pour dresser les colonies
contre les éminences grises de la mer Atabéenne.

Théah
Les relations avec les Nations théanes sont un sacré fiasco.
Pour l’essentiel du monde extérieur à la mer Atabéenne,
après huit années de révolution, la Jaragua n’est pas une
Nation mais une légende urbaine. En Théah, la Compagnie
commerciale atabéenne est parvenue à convaincre gouver-
nements et Héros que l’esclavagisme dans l’Atabéenne est
un mythe répandu par les ennemis politiques du président
Rourke pour ternir la réputation de la Compagnie. Les
quelques esclaves évadés ou émancipés à avoir atteint la
Théah après la révolution ont disparu peu après leurs
premières déclarations publiques… ou bien se sont
nerveusement rétractés sous le regard discret d’agents de
la Compagnie commerciale atabéenne.
La Compagnie estime qu’elle finira par se réapproprier
l’île, ce joyau dans l’écrin de l’Atabéenne, mais elle craint
que l’Oligarchie provisoire ne se trouve des alliés et des
ressources nouvelles parmi les Théans. Après tout, l’es-
clavagisme est illégal en Théah ! Mais s’ils peuvent inti-
mider, réduire au silence ou assassiner tout Jaraguayen qui
chercherait à attirer l’attention… peut-être la Jaragua leur
reviendra-t-elle avant qu’il n’y ait trop de dégâts.
Pour combattre la propagande de la CCA, l’Oli-
garchie provisoire a fait de certains officiers mawons des

110 CHAPITRE 1 | Ports d'escale

Religion
La Jaragua compte une poignée de vaticins et d’objection-
nistes, ainsi qu’une plus grande proportion de traditiona-
listes rahuris et d’Ifriens pratiquants de la foi du Croissant,
mais le Kap sèvi reste la religion la plus courante.

Les Lwas d’Ifri

Les diverses religions ifriennes exportées par la force
des choses sur l’Atabéenne sont variées, mais bien des
esclaves y trouvent certains points communs. La plupart
croient en un dieu unique et tout puissant parfois associé
au soleil, nommé Bondye en patwa haragwen et (point
plutôt houleux) couramment appelé Theus lorsqu’il
s’agit d’en discuter avec des Théans, des Croissantins et
d’autres monothéistes. Mais en comparaison des Lwas,
ce dieu n’a quasiment aucun rôle dans la vie quotidienne
du pratiquant.
Un Lwa (littéralement « roi » en patwa) est une entité
plus divine qu’un humain, mais moins divine que Bondye
ou Theus. Certains philosophes voient les Lwas comme
des ramifications de l’âme de Bondye. D’autres les
décrivent comme des serviteurs, séraphins et diables, cela
toujours avec une connotation positive. Les Lwas résident
aux côtés des esprits-ancêtres révérés, dans un royaume
spirituel non loin du royaume mortel, et étaient jadis les
alliés des prêtresses qui pratiquaient le kurwa, un rituel
religieux au cours duquel les prêtresses demandaient aux
Lwas des faveurs ou des connaissances en échange d’of-
frandes (généralement des substances difficiles à obtenir
dans le monde spirituel, comme du tabac de qualité ou de
la haute cuisine).
Victimes des horreurs de la Jaragua, bien des Ifriens
captifs se mirent à demander d’autant plus urgemment
l’assistance des Lwas, et laissèrent ces derniers habiter
leurs corps. Les Lwas, peut-être désireux de soulager leurs
fidèles des affres qu’ils subissaient, se mirent à répondre
aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Ils empruntèrent Le subterfuge syncrétique
leurs corps et leur firent la faveur de leur communiquer Lorsque la Compagnie commerciale atabéenne amena des
des connaissances ou des astuces divines avant de quitter Ifriens sur l’île, elle s’assura d’isoler tout saint personnage
leurs hôtes. du reste de la population puis de le pendre publique-
Depuis l’arrivée en Jaragua, cette pratique est devenue ment. L’idée était qu’en écrasant le moral et la culture des
courante au point que ceux capables d’appeler les Lwas esclaves, ces derniers se prêteraient d’autant mieux à leur
en eux ont reçu le nom de sèvitès. Toutefois, même le vie servile. Cette mentalité, combinée aux enseignements
nom Kap sèvi est une sorte d’exonyme issu de la réponse de prêtres vaticins corrompus par la Compagnie commer-
fournie par ses pratiquants lorsqu’on leur demande quelle ciale atabéenne, mena la vie encore plus dure aux captifs
est leur religion. Il n’existe pas de structure formalisée : rahuris et ifriens. Hors de question qu’ils abjurent leur
chaque pratiquant a sa propre façon d’invoquer un Lwa et foi, mais comment continuer à vénérer et à évoquer des
sa propre relation avec les Lwas qu’il sait invoquer. figures religieuses non théanes sous le regard vigilant de
leurs oppresseurs vaticins ?

7E MER NATIONS PIRATES 111

 La réponse émergea des lithographies de saints vaticins
produites et distribuées en masse aux esclaves. Les reli-
gieux ifriens adoptèrent les noms et l’imagerie des figures
vaticines, connues de tout esclave peu importe son origine,
et en firent des noms de code pour les divinités ifriennes.
« Ce soir, nous organiserons une cérémonie en l’honneur
du second Prophète », pouvait dire un Jaraguayen en indi-
quant une lithographie du saint homme. Les missionnaires
se réjouissaient ainsi de la dévotion des esclaves, sans se
douter qu’en indiquant le Prophète au bâton, l’Ifrien faisait
en réalité référence à Ahron, le psychopompe ifrien muni
d’un bâton. « Voici notre autel au troisième Prophète »,
revendiquait un Jaraguayen devant la gravure d’un homme
muni d’une épée flamboyante… qui, pour les Ifriens, n’était
en réalité autre que Jakuta, le roi-guerrier des feux et
des tempêtes.
Ainsi, le Kap sèvi amalgame les traditions ifriennes et
rahuris et les dissimule sous un voile d’imageries et de
pratiques vaticines. Ces traditions incluent la pratique de
sacrifices animaux, de danses et de musiques sacrées, ainsi
que d’un système de transe divinatoire servant à communi-
quer avec les déités et les ancêtres. Depuis l’expulsion de la
Compagnie, les Jaraguayens pratiquent ouvertement leurs
coutumes, et des agitateurs les transmettent même en secret
aux autres îles atabéennes, afin que même les asservis puis-
sent pratiquer leur culte dans une relative liberté.
La divination ifrienne
À mesure de son triste cheminement à travers la mer, la
religion ifrienne se brisa, se fragmenta et se restructura à
multiples reprises. L’une des traditions les plus répandues
était la divination, qui s’exporta sous diverses formes. Si
certaines méthodes étaient l’apanage de devins entraînés,
d’autres étaient plus courantes. L’une des plus simples et
répandues consistait à « lancer les kolas », c’est-à-dire à jeter
des moitiés de noix de kola (ou autre équivalent local comme
des guilders) sur un plateau ou un tapis divinatoire.
N’importe qui peut lancer les kolas et en lire le résultat
selon l’endroit où tombent les noix, leur orientation et leur
face. Il ne s’agit pas tant de prédictions précises et exactes
que de suggestions de sujets à méditer. Cela dit, quand
un ancêtre à quelque chose d’important à dire, il le fera
généralement par le biais des kolas. L’idée laisse les Rahuris
perplexe, étant donné qu’eux peuvent directement se faire
haranguer par leurs aïeuls.
112 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Les ngangas et l’obayi
Un nganga est un prêtre, herboriste et guide de la commu-
nauté éduqué selon la tradition ifrienne. Les ngangas en
puissance se forment toute leur vie durant à l’obayi, leur
pratique religieuse. Ils sont rompus à d’innombrables
disciplines allant de la poésie et de l’histoire orale jusqu’à
la médecine et la toxicologie en passant par la méditation
et la thérapeutique.
Arrivés dans le Nouveau monde, leur rôle se fit d’autant
plus ardu : les agents de la Compagnie se tenaient prêts à
exécuter quiconque pratiquait ouvertement de tels arts, sans
compter que face à la faune et à la flore nouvelles, les ngangas
durent expérimenter pour remplacer lentement leurs siècles
d’observation et d’essais empiriques. L’une de leurs premières
trouvailles fut un cataplasme capable de guérir les marques
au fer rouge infligées aux esclaves. Ils en gardèrent si bien
le secret que nombre de planteurs se mirent à croire que les
Ifriens et les Rahuris s’en remettaient de la sorte grâce à leur
peau sombre.
Quand la rébellion éclata, le chapelain Nkansa tira parti
de l’autorité qu’incarnaient les ngangas, son idée étant qu’ils
seraient capables de diriger plus efficacement, quoique
moins professionnellement, que des officiers militaires. En
effet, elle disposait non pas de soldats entraînés, mais de
civils en colère armés de machettes et d’outils agricoles. De
même, les stratagèmes des rebelles reposèrent beaucoup
sur les aptitudes des ngangas : ils usèrent de concoctions
végétales pour contaminer les réserves d’eau et de nourriture
de la Compagnie, de toxines extraites d’animaux aquatiques
et de plantes pour empoisonner les flèches, et de cataplasmes
d’herbes pour soigner les blessures des mawons.
Noms
Comme chaque culture jaraguayenne avait ses propres
conventions en matière de noms et que la Compagnie a
écrasé la plupart de ces traditions, l’essentiel des Jaraguayens
se contentent d’un unique nom. Les noms ci-dessous vien-
nent d’Ifri orientale, mais il est aussi possible de puiser dans
les noms rahuris, castillians et montaginois.
Masculins : Adisa, Bamidele, Chukwuemeka, Dzigbode,
Emeka, Fela, Gaddo, Hogan, Ikenna, Jawara, Kofi, Lanre,
Mamadou, Nnamdi, Okoro, Qwao, Senghor, Tomi, Uzochi,
Yohance, Zebenjo
Féminins : Akosua, Bosede, Chidimma, Dada, Ebele,
Funanya, Gbemisola, Ige, Kunto, Lumusi, Mojisola,
Nkiruka, Oni, Simisola, Thema, Urbi, Zinsa
Unisexes : Ayo, Baako, Chi, Dubaku, Ekundayo, Folami,
Gameli, Hauhouot, Ime, Kayin, Lebene, Makafui, Ngozi,
Opeyemi, Pereko, Quaco, Senyo, Temitope, Uzoma, Xoese,
Yayra
Personnalités éminentes
Le chapelain Nsōwaa Nkansa
Nsōwaa Nkansa est arrivée en Jaragua quand elle avait
seize ans. Ses parents l’avaient placée auprès d’un prêtre
et herboriste, mais elle lui fut arrachée et on lui apprit à
être une guerrière et une soldate lorsque la guerre envahit
sa contrée ; une guerre qui allait tuer ses parents et la
condamner à l’esclavage. Elle survécut à son voyage et
cacha ses connaissances, sachant que la Compagnie abat-
tait tous les religieux. Bien vite, elle s’évada. Elle réunit
un groupe d’esclaves malins, compétents, braves et prêts
à l’écouter, rassembla quelques armes de fortune, tua leur
contremaître, cacha le corps et prit la poudre d’escampette.
Nkansa et sa bande fuirent dans la mangrove maréca-
geuse sur la côte ouest de l’île, dans l’idée que les Théans
ne braveraient pas les animaux sauvages des marais à leur
recherche. Ils virent juste. Ensemble, ils bâtirent au cœur
de la mangrove une ville flottante qui fut appelée Base de
la mangrove. Au fil du temps, la Base devint le quartier-gé-
néral du réseau mawon, lequel constituerait un jour l’armée
rebelle jaraguayenne.
Le chapelain Nkansa fut la dirigeante militaire et spiri-
tuelle des rebelles. Elle ne combattit jamais au front : elle
était fière et fougueuse, mais pas au point de courir le
risque de priver ses troupes d’un chef. Elle mena les céré-
monies Kap sèvi célébrant les victoires et commémorant
les morts, et forma des guerriers-prêtres pareils à elle,
capables de diriger les leurs à la fois par le cœur et l’esprit,
compétents en matière de guerre chimique et de soutien
émotionnel aussi bien qu’en stratégie et en commande-
ment. Là où le général Taiyewo fut le bras armé de l’armée
rebelle et Kehinde son souffle, Nkansa fut son cœur et
son esprit.
Elle a désormais quarante ans, mais dit avoir l’impres-
sion d’en avoir soixante, et est prête pour la retraite. Elle
n’aime pas en parler, mais elle souffre en silence sous le
poids de la douleur et de la maladie, aussi bien physique
(arthrite) que mentale (dépression). Le problème, c’est
qu’entre le départ de Pablo de la Cruz, les mawons tombés
au combat et la faible espérance de vie des esclaves de la
Compagnie en Jaragua, elle est la dirigeante locale la plus
expérimentée. Nkansa a besoin de repos, mais la Jaragua
a besoin de Nkansa.
7E MER NATIONS PIRATES 113
 KÒ NAN ENSPEKTÈ
À la suite de la victoire à Kap-Kalfu et peu avant Taiyewo et Kehinde
de se retirer de la politique, Nkansa fonda le Kò Parfois, l’amour surpasse tout.
Dans une grande plantation de café juste au sud des
nan enspektè, un service de surveillance voué à
Alpes Azurées, un ouvrier rahuri nommé Juax et une char-
protéger l’État jaraguayen des menaces subtiles.
pentière nommée Olubunmi tombèrent amoureux. Leurs
Parfois, il s’agit de Monstres, comme ces goules
amis les aidèrent à cacher la grossesse d’Olubunmi jusqu’à
et ces revenants qui semblent vagabonder sur
ce qu’en 1642, elle donne naissance à de beaux jumeaux :
l’île sans raison apparente ; parfois, il s’agit des une fille nommée Taiyewo et un garçon nommé Kehinde.
sorcières, ennemies ancestrales des ngangas. Comme on pouvait s’y attendre, la mortalité infantile
Mais ce sont les agents de la Compagnie cher- était élevée parmi les esclaves jaraguayens, mais on dit
chant à saper l’État jaraguayen qui constituent que les dieux eux-mêmes protégèrent les enfants. Dès
la plus grande menace. Le Kò nan enspektè leur petite enfance, les jumeaux firent montre d’étranges
surveille non seulement la Jaragua mais aussi pouvoirs. Il pouvait être perturbant de voir Kehinde
les îles proches. Il guette tout danger potentiel s’adresser à des escargots, des singes, des rats, des chiens
et communique toute information aux agents ou des oiseaux, mais tout le monde s’émerveillait de voir
diplomatiques qui œuvrent à gagner le monde à que les animaux semblaient l’écouter et lui répondre.
la cause de la Jaragua Taiyewo, pour sa part, fit preuve d’un génie tactique dès
son plus jeune âge : sitôt qu’elle en eut appris les règles, elle
s’avéra capable de battre tous ses aînés aux échecs, et même
lorsqu’elle jouait au soldat avec d’autres enfants, elle leur
inspirait l’obéissance et leur inculquait l’esprit tactique, la
Incarner le chapelain Nkansa
prise en tenaille, l’embuscade et autres stratégies.
Endurcie, éprouvée, directe, le chapelain Nkansa a enduré
Désormais parents, Olubunmi et Juax résolurent de
tout ce que la vie lui a fait subir et a poussé toute une
s’enfuir. Pendant des années, ils attendirent leur heure,
Nation à se battre pour sa liberté, peu importe le danger.
rassemblèrent des ressources et se préparèrent à profiter
Mais ça n’a jamais été facile. Nkansa est fatiguée mentale-
d’un assaut mawon pour filer vers la montagne. Or, à peine
ment et physiquement, et elle est à court de patience. Elle
réfugiés au sein d’un village rahuri dans les montagnes,
n’est pas là pour servir de mentor ou de gardienne à qui
Taiyewo et Kehinde surprirent tout le monde en annon-
que ce soit, mais elle donnera à contrecœur un bref avis
çant : « Nous devons y retourner. »
professionnel si Taiyewo, Kehinde ou Casiguaya (ou même
Mais les enfants avaient un plan. Ils prévoyaient de
Pablo de la Cruz) lui demandent son avis.
tirer parti de leur jeune âge, de leur petite taille et de
Si le pire advenait, il serait tout à fait possible que
leurs talents spéciaux pour agir à la barbe et au nez de
Nkansa reprenne une position d’autorité, mais a) elle
la Compagnie et aider les esclaves qui en avaient le plus
n’en a aucune envie et b) elle en souffrirait. Le problème
besoin (les malades, les handicapés, ceux versés dans les
vis-à-vis duquel son aide pourrait être la plus décisive est
traditions ifriennes ou la magie, ou encore les enfants) à
la situation de la tribu Mariana. Pablo de la Cruz n’a jamais
circuler entre les plantations et à gagner les montagnes.
vraiment eu confiance en quelque membre de l’Oligarchie
Leurs parents étaient fous d’angoisse, mais ils savaient que
provisoire que ce soit, à l’exception du chapelain Nkansa.
leurs enfants avaient quelque chose de spécial.
Elle pourrait éventuellement le convaincre de coopérer
Au fil des trois années qui suivirent, ce qui avait
avec la Jaragua, mais elle aurait besoin de quelqu’un qui
commencé en tant que plan pour libérer quelques autres
pourrait prouver à Cruz qu’il n’y sacrifierait pas son
esclaves devint un réseau d’informateurs, de saboteurs et
propre intérêt.
de refuges consacrés à sortir des esclaves des plantations
Incarner Nkansa revient à incarner l’avenir des Héros
sur les rivages de l’île, à leur faire traverser les planta-
de vos joueurs, au crépuscule de leur grande histoire.
tions centrales et à les mener jusqu’aux montagnes. La
Elle est l’occasion de leur montrer ce qu’ils vont devenir.
Compagnie commerciale atabéenne envoya des hommes à
En aidant Nkansa, ils établiront les fondations de leurs
leur poursuite, mais elle sous-estima l’esprit d’organisation
propres succès futurs. Consultez les Étapes des Histoires
des esclaves.
de vos Héros et faites en sorte de les relier aux problèmes
de Nkansa.

114 CHAPITRE 1 | Ports d'escale


Lorsque Taiyewo et Kehinde finirent par se joindre
au chapelain Nkansa et aux forces rahuris, la CCA fut
complètement prise de court. Les deux jumeaux se distin-
guèrent au cours des heures les plus dures de la rébellion,
Kehinde aux renseignements et au soutien logistique,
Taiyewo en première ligne. Lors de la bataille finale, les
alliés animaux de Kehinde et la machette virevoltante de
Taiyewo assurèrent la victoire rebelle.
Les jumeaux ont maintenant vingt-six ans. Ils ont accu-
mulé plus d’expérience et d’aventures en un quart de siècle
que la plupart des humains en une vie, mais ils restent
jeunes. Ils n’ont pas eu de véritable enfance et ont vu de
près la violence et le sang l’essentiel de leur vie. Ils n’en ont
jamais parlé qu’entre eux, mais ils aspirent tous deux à une
vie ordinaire : des amis, de l’amour, une famille, du temps
libre… Ils s’attendaient à ce que le chapelain Nkansa dirige
le nouveau gouvernement, mais elle a refusé. Taiyewo et
Kehinde se demandent maintenant non seulement s’ils
sont aptes à diriger, mais aussi s’ils veulent vouer le reste
de leurs vies à faire passer les besoins de la Jaragua avant
les leurs.
Incarner Taiyewo
Hardie, galvanisante, hésitante. Plus que quiconque,
Taiyewo a été le visage de la rébellion. Elle a été en
première ligne de toutes les batailles, machette et pistolet
à la main, à rugir ses ordres et son insoumission. Elle se
fendait d’un nouveau discours envers chaque nouveau
groupe de soldats qu’elle rassemblait ou menait.
Si elle a un don pour la tactique et les arts martiaux, elle
n’est pas aussi douée en matière de stratégie (le rayon de
Nkansa) ou de logistique (celui de Kehinde). Maintenant
qu’elle est non seulement général mais aussi chef d’État,
Taiyewo est bien consciente qu’elle sait surtout y faire pour
agir directement et à petite échelle. Là, elle est complète-
ment perdue.
Elle ne veut pas laisser tomber le gouvernement bour-
geonnant. Tout le monde s’attend à ce qu’elle dirige, et
même si elle n’est pas à l’aise, elle va faire de son mieux
et se battre jusqu’au bout… ce qui n’est pas forcément la
meilleure façon de s’y prendre.
Taiyewo est peut-être une guerrière, mais elle sait que
tout ne se résout pas à coups de machette. Elle pourra
servir à pousser les Héros à agir, à exiger d’eux qu’ils fassent
quelque chose contre une injustice face à laquelle elle estime
les siens impuissants. Montrez qu’elle peine à faire de ses
talents quelque chose d’utile à la Jaragua, et donnez aux
joueurs l’occasion de l’aider à résoudre ce conflit.
LES JUMEAUX
JARAGUAYENS
Bien des croyances et des traditions ifriennes se
sont perdues au fil des longues années d’escla-
vagisme et d’occupation sur la Jaragua, mais
quelques-unes ont survécu. Il est notamment
dit que les jumeaux détiennent un pouvoir
spécial car leurs âmes sont liées d’une façon que
nul ne peut réellement comprendre. Tous les
jumeaux possèdent de grandes aptitudes, pour
le meilleur comme pour le pire, et leurs parents
devront faire attention à les élever de sorte à
ce qu’ils deviennent de bonnes personnes. On
dit même qu’il existe certains Lwas jumeaux,
lesquels ne possèdent que deux jumeaux en
même temps, mais leur accordent des capacités
incroyables. Mais si ces Lwas jumeaux existent,
toute connaissance à leur sujet est étroitement
gardée, si ce n’est disparue de l’Atabéenne.
Incarner Kehinde
Doux, excentrique, optimiste, Kehinde est un Héros d’une
autre étoffe. Il s’entend encore mieux avec les animaux
qu’avec les gens. Sa capacité à communiquer avec les bêtes
et à les convaincre n’est pas unique au monde, mais elle
est assurément très rare, et il en est certainement le seul
capable en Jaragua.
L’esclavagisme et la rébellion ont endurci le cœur, les
os et les manières de bien des Jaraguayens, mais malgré
toutes les épreuves, Kehinde est resté joyeux, à l’écoute
et bienveillant. Il est du genre à faire remarquer à quel
point le ciel est bleu, ou qu’un papillon vient de se poser
sur vous, même si vous êtes à dix minutes de prendre une
patrouille de la Compagnie en embuscade. Certains jugent
ses manières dérangeantes, mais d’autres les trouvent
profondément réconfortantes.
Via l’empathie de Kehinde, vous pouvez mettre en scène
des moments qui montreront ce que les Héros ressentent,
comme lors d’une confession dans une émission de télé-
réalité. Dans l’Atabéenne mouvementée, où les puissants
courent après le profit ou leurs idéaux sans s’arrêter,
lorsque quelqu’un d’aussi haut placé que Kehinde prend
le temps de vous demander votre avis sur quelque chose
qui vient de se passer, sans autre raison que parce qu’il s’en
soucie réellement, ce n’est pas rien.
7E MER NATIONS PIRATES 115
 L’amiral Casiguaya
Ancien chef des Rahuris Higüey
La mère de Casiguaya lui a donné naissance sur un cata-
maran au beau milieu d’une chasse aux monstres, alors que
son père taillait les tentacules d’un kraken qui cherchait à
tirer leur embarcation par le fond. À y repenser, ils se firent
la réflexion qu’ils auraient mieux fait de rester chez eux ce
jour-là, mais ça fait quand même une sacrée anecdote à
raconter ! En tout cas, cette expérience semble avoir défini
la suite de la vie de Casiguaya : la princesse des Rahuris
Higuëy a toujours été plus à l’aise sur mer que sur terre.
Lorsque le gouverneur de Vicquemare captura son père
maladif, le chef des Higüey, elle prit un parti désespéré :
plutôt que de laisser le vieil homme croupir en prison
où il mourrait certainement, elle fit savoir à Vicquemare
qu’elle était le vrai chef des Rahuris, et qu’elle troquerait
sa liberté contre celle de son père. Vicquemare accepta, et
Casiguaya fut promptement enfermée dans une cellule de
la Maison des Chagrins où elle connut la pire période de sa
vie. Dans cette forteresse-prison qui surplombait la baie de
Cap-Carrefour, Casiguaya pouvait entendre le bruissement
et sentir les embruns de sa mer bien-aimée. À travers les
barreaux de sa fenêtre, elle voyait l’océan s’étendre jusqu’à
l’horizon sans pouvoir le toucher. C’était un supplice.
En prison, elle côtoya le chef des Rahuris Mariana, Pablo
de la Cruz, qui vécut sa captivité quelque peu différem-
ment : il se convertit à la religion vaticine et devint le chef
des prisonniers. Lorsque Casiguaya et d’autres prisonniers
s’évadèrent en faisant exploser un étrange appareil qu’ils
avaient trouvé dans les profondeurs du donjon et qui
incendia jusqu’aux pierres de la prison, Cruz ne les suivit
qu’à contrecœur et face à la menace du feu.
Sortie de prison, Casiguaya s’appropria un bateau de la
Compagnie et fila vers les marais de la mangrove, où elle
et les siens s’allièrent au chapelain Nkansa et aux mawons.
Lors de la révolution, Casiguaya fut l’amiral des mawons.
Elle dirigea des flottilles de petits bateaux rahuris pour
prendre d’assaut des navires de la Compagnie, s’infil-
trant à bord à la faveur de la nuit ou d’une tempête pour
ensuite neutraliser l’équipage. Bien vite, ces bateaux volés
constituèrent une petite marine pour les mawons, quoique
peu d’entre eux endurèrent longtemps la guerre contre la
Compagnie. Casiguaya envoya même des messagers aux
îles alentours afin de convier pirates et corsaires à s’en
prendre aux navires de la Compagnie près de la Jaragua.
116 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Au sein du nouveau gouvernement, Casiguaya est ravie
de prendre en charge les affaires maritimes de la Nation.
Être chef lui convient, mais un travail qui implique de
voguer en mer lui sied d’autant mieux. Actuellement, elle
ne sait quel parti prendre quant aux pirates atabéens et
à la Fraternité de la côte. Dès le succès de la campagne
révolutionnaire, la Fraternité leur fit parvenir ses félici-
tations et même des présents, et ses dirigeants semblent
vouloir faire de Cap-Carrefour (désormais Kap-Kalfu) un
nouvel avant-poste où héberger leurs vaisseaux. La Jaragua
comme la Fraternité détestent la Compagnie, non ? Alors
où est le problème ?
L’Oligarchie provisoire voit très bien où est le problème :
elle sait qu’il leur reste beaucoup de chemin à parcourir
pour se donner une aura de respectabilité et être reconnus
par les Nations établies. Frayer avec des pirates irait à l’en-
contre de cet objectif. Pour l’heure, Casiguaya a fait savoir
à la Fraternité qu’elle était la bienvenue dans Kap-Kalfu
du moment que ses bateaux cachaient leur véritable nature.
Ce compromis ne va cependant pas durer, car une fois un
gouvernement permanent mis en place, tout le monde aura
un avis sur les pirates.
Incarner l’amiral Casiguaya
Enthousiaste, directe et aventureuse, l’amiral de la Jaragua
doit faire avec des ressources limitées. L’essentiel de sa
petite flotte est constitué d’embarcations rahuris tradition-
nelles, robustes et idéales pour la pêche, mais bien moins
adaptées au combat naval ou au transport de fret. Elle
possède également quelques bâtiments de la Compagnie,
dont la plupart sont des navires marchands ou escla-
vagistes, de piètre qualité et mal protégés. Elle dispose
d’un galion, d’un haut-bord et d’une poignée de frégates
et d’autres vaisseaux de guerre de moindre taille  ; pas
vraiment de quoi constituer une marine digne de ce nom.
Casiguaya va avoir besoin d’une aide indépendante
(comme par exemple celle de certains Héros) pour accom-
plir des tâches pour elle, protéger ses navires marchands
et s’occuper des bateaux de la Compagnie qui s’approchent
trop de la Jaragua. Elle a de quoi payer (quoique plutôt
en sucre ou en café qu’en guilders), mais surtout, l’aider
vaudra aux Héros la gratitude et le soutien de la répu-
blique jaraguayenne bourgeonnante.
Pablo de la Cruz
chef des Rahuris Mariana
Dans son plus lointain souvenir, Pablo de la Cruz quitte
sa demeure ancestrale alors qu’il n’est qu’un enfant afin
d’accomplir le long et dur voyage jusqu’aux Alpes Azurées,
où les tribus Mariana et Higüey finirent par se rejoindre.
Ses parents (le chef Mariana et son mari) se plaignaient
amèrement d’avoir à côtoyer les ennemis ancestraux de la
tribu. Là où d’autres parents récitent contes et légendes
à leurs enfants, ceux de Pablo lui contèrent par le menu
les crimes des Higüey à l’encontre des Mariana. Pablo sut
que son destin était de reprendre les terres ancestrales des
Mariana et de rabattre le caquet des Higüey.
Durant son séjour en prison, Pablo de la Cruz rencontra
le prêtre Diego Mendoza. Éloigné de ses ancêtres et
assoiffé d’un peu de lumière et d’espoir au sein de son
existence misérable, il se convertit et abandonna son nom
rahuri pour celui qu’il porte actuellement. Pour lui, il ne
s’agissait pas d’un acte de trahison mais de survie. Qui
connaît mieux les faiblesses de son ennemi que celui qui
se tient à ses côtés ? Cruz se résolut à apprendre ce qu’il
pouvait des Théans, sans pour autant adhérer complète-
ment à leur vision du monde.
Or, même lorsque Cruz s’évada avec Casiguaya et gagna
la Base de la mangrove en 1650, il continua de douter :
leur cause était-elle perdue d’avance ? Était-il seulement
possible de se débarrasser pour de bon du carcan de la
Compagnie ? Même au cours de la rébellion, alors qu’il
formait les troupes mawons et collaborait étroitement avec
le chapelain Nkansa, ses doutes ne le quittèrent jamais. Et
lorsque les rebelles l’emportèrent, il saisit sa chance.
Pablo fut clair et inflexible : la Jaragua était une terre
rahuri, et la moitié revenait aux Mariana. Les Higüey
pouvaient s’associer aux Ifriens s’ils le voulaient, mais
les Mariana ne feraient pas dans la demi-mesure. Ils
voulaient récupérer leurs terres, toutes leurs terres, et
ne se satisferaient pas d’un siège à une table remplie de
Théans, d’Ifriens et d’autres esclaves quand la moitié de
l’île appartenait à leur peuple.
Le débat à ce sujet fut long et déchirant, mais l’Oligarchie
provisoire ne trouva pas de raison valable de rejeter les
revendications de Cruz. Au fil du mois qui suivirent,
mawons et Jaraguayens libérèrent les plantations septen-
trionales et les Mariana se réinstallèrent au nord des Alpes
Azurées. Cette terre, usurpée par la Compagnie il y avait
des années, leur revenait désormais enfin.
La décision la plus choquante de Cruz, cependant, fut
d’ouvrir de nouveau son territoire aux colons théans. Il fit
savoir à la couronne castilliane qu’en échange d’une forte
somme, il laisserait les Castillians reprendre en priorité
les plantations de leur choix au nord de l’île. Ces derniers
acceptèrent avec enthousiasme. Désormais, la moitié
Mariana de l’île compte autant de Théans que de Rahuris.
Les Théans contrôlent la plupart des plantations et le capi-
taine-général castillian Camila Abasolo dirige la nouvelle
cité théane de Porta Ozama.
Cruz soupçonne que les Théans qui se trouvent sur ses
terres exploitent des esclaves, mais il fait comme si de rien
n’était. S’il n’en est pas conscient, ce n’est pas son problème,
non ? Il est capable de fermer les yeux sur les injustices
qu’il ne constate pas, surtout si cela lui permet de s’abstenir
de prendre des décisions difficiles quant à la gestion de sa
moitié de l’île. Et si l’Oligarchie provisoire se préoccupe
de l’esclavage, eh bien ils n’ont qu’à enquêter eux-mêmes.
Du moment que Cruz peut feindre l’innocence, peu lui
importent les activités des planteurs. Selon sa logique,
ils ont payé leurs terres et sont libres d’en faire ce qui
leur chante.
Incarner Pablo de la Cruz
Amer, pragmatique, caustique, Pablo de la Cruz a été élevé
et confit dans la haine. Il hait les Rahuris Higüey et la
Compagnie commerciale atabéenne, et en veut person-
nellement à Casiguaya et aux Ifriens qui empiètent sur
« son » île. Il a ravalé sa rancœur l’essentiel de sa vie, mais
il n’était pas question de laisser passer l’opportunité que
représentait la victoire rebelle. Il pense qu’en s’associant
à des pouvoirs théans plus fiables que la Compagnie, il
pourra assurer un futur stable pour lui et son peuple. Il
est probable qu’il se trompe.
Cruz est l’incarnation de ce qui se passe quand on
abandonne foi en l’avenir. Il a baissé les bras et s’entête
dans une voie autodestructrice, quand bien même il sait
qu’il s’en sortirait mieux avec ceux qui sont supposés être
de son côté qu’avec ceux auxquels il s’associe désormais.
Il est cependant toujours ami avec le chapelain Nkansa,
avec laquelle il s’est toujours mieux entendu qu’avec les
oligarques provisoires. Il se peut que son intervention soit
nécessaire pour lui faire entendre raison.
Et s’il ne peut entendre raison, alors il se peut que
Nkansa doive s’occuper de Cruz elle-même.
7E MER NATIONS PIRATES 117
 L’ex-gouverneur Vespasien
de Vicquemare
Par une après-midi de printemps de 1637, un jeune
lieutenant, Vespasien de Vicquemare de l’ordre des mous-
quetaires, mata une émeute dans Charousse. L’émeute en
question avait beau être une manifestation contre l’Empe-
reur Alexandre, Vespasien passa devant la cour martiale
pour usage de force excessive… ce qui donne une idée d’à
quel point ladite force fut excessive. Ce ne fut qu’en vertu
des pots-de-vin et de l’influence de sa mère qu’il ne passa
pas le reste de sa vie dans un cachot sombre et humide.
Par bonheur pour Vicquemare, Alexandre Dubois,
gouverneur de la Jaragua, venait de décéder. Des rumeurs
coururent comme quoi sa mort n’était pas accidentelle,
mais les autorités atabéennes firent savoir à l’Empereur
qu’elles cherchaient un nouveau gouverneur, quelqu’un qui
pourrait s’opposer aux revendications d’Eustache, le jeune
fils de Dubois. Les ex-supérieurs de Vicquemare, ainsi que
ses parents désormais indigents, lui suggérèrent qu’une vie
d’aventure dans les colonies atabéennes pourrait sauver sa
carrière, surtout s’il promettait de ne jamais revenir en
Montaigne. Vespasien fit ses bagages.
En arrivant, il trouva une contrée fertile, des denrées
précieuses et des plantations à moitié vides dont les
ouvriers avaient soit péri, soit démissionné. Il en revitalisa
certaines en payant le voyage de Théans pauvres avant de
les soumettre à des années de travail éreintant. La produc-
tion tripla. Et la Compagnie commerciale atabéenne veilla,
prête à usurper la colonie à la Montaigne avant que le
Roi-Soleil ne se rende compte à quel point la Jaragua était
devenue profitable.
Lorsque les plantations jaraguayennes tombèrent aux
mains de la Compagnie, Vicquemare fut le premier à
aller là où le vent tournait. Il accueillit George Rourke,
Flemming Rudd et Lærke Ulriksdottir lorsqu’ils inspec-
tèrent la Jaragua. Doué d’une ambition amorale et lui aussi
expulsé de Montaigne par les mousquetaires, il impres-
sionna les dirigeants de la Compagnie qui lui proposèrent
de travailler pour eux en tant que gouverneur de la Jaragua.
Très, très vite, Vicquemare se constitua une fortune
indécente. Il fit de Cap-Carrefour une destination de luxe
pour les Théans riches de toute la mer Atabéenne, remplie
de villas élégantes, de fêtes sélectes et de haute cuisine ; de
quoi contraster avec le désordre, la puanteur, le crime et la
diversité d’Aragosta et de Fort Liberté. À Cap-Carrefour,
les nantis Théans pouvaient se croire dans les salons de
Charousse ou dans les palaces de Villanova… à condition
de faire abstraction de l’humidité et de la chaleur.
118 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Le vernis de succès et de contrôle de Vicquemare s’écailla
lorsqu’il se rendit compte qu’il avait affaire à une épidémie
généralisée d’esclaves en fuite. Il requit l’élite des forces de
la Compagnie pour récupérer ses possessions envolées,
mais rien n’y fit. Les mawons laissaient des fausses pistes
de façon à égarer les agents de la Compagnie dans la zone
montagneuse ou dans les régions forestières infestées
d’horribles bêtes. Puis la rébellion fut lancée pour de bon
et Vicquemare perdit complètement pied.
Vicquemare avait fait carrière en tant qu’agent de la
justice habitué à diriger des mousquetaires, combattants
parmi les plus doués et disciplinés de la Théah. Il excellait à
commander des troupes d’élite en milieu urbain, mais face
à la rébellion, il fut forcé d’agir en environnement sauvage.
Il coordonna les forces de la Compagnie, essentiellement
constituées de rebuts ou d’indésirables de diverses armées
théanes ; des brutes qui compensaient leur manque de
discipline par une absence totale de pitié envers les civils
rahuris pris au dépourvu et mal équipés.
Ce fut précisément cet esprit sanguinaire qui les fit
tomber droit dans les multiples embuscades du chapelain
Nkansa, du général Taiyewo et du chef de la Cruz. Chaque
jour apportait de nouveaux échecs : ses troupes perdaient
encore et encore face à des rebelles dotés d’à peine assez de
mousquets pour la moitié de leurs troupes. Et pourtant,
il les envoya encore et encore se confronter aux mawons
à la moindre occasion, s’enlisant dans un conflit qu’il ne
pouvait que perdre. Il ne lui vint jamais à l’esprit qu’écraser
une révolution populiste par la violence ne ferait que
l’attiser.
La bataille de Cap-Carrefour fut l’ultime honte de
Vicquemare. Il avait ses meilleurs hommes pour défendre
sa ville principale, mais une attaque soudaine à la fois de
l’intérieur et de l’extérieur du fort sema le désordre suffi-
samment longtemps parmi ses troupes pour permettre
aux mawons de pénétrer les murailles extérieures de
Cap-Carrefour et d’investir le fort en étoile ouest, clé de
voûte de ses défenses. Ses troupes se battirent férocement,
mais les mawons étaient trop nombreux. À la fin de la
journée, la Compagnie et l’essentiel de la population théane
de Cap-Carrefour durent se sauver à la nage. Vicquemare
lui-même frôla la mort face au général Taiyewo, sauvé par
un bateau hippocampe qui échappa de peu à la marine
mawon constituée de bateaux de pêche.
Les têtes dirigeantes de la Compagnie commerciale
atabéenne furent folles de rage. Vicquemare avait perdu
leur plus précieuse possession : l’île la plus vaste et fruc-
tueuse de la mer Atabéenne. Tremblotant, Vicquemare se
retrouva suspendu au-dessus des remparts de la Tour de
Rourke, tenu par la cheville par Lærke Ulriksdottir tandis
que George Rourke, ivre de colère, lui faisait savoir que s’il
ne trouvait pas un moyen de récupérer la Jaragua, ou en
tout cas de justifier ce que la Compagnie avait investi sur
lui, il allait se faire incendier… littéralement. Était-ce clair ?
Oui, répondit Vicquemare. Très clair.
Depuis, Vicquemare possède un bureau dans les sous-
sols de Fort Liberté et fait en quelque sorte office d’es-
pion corporatiste : il coordonne les informateurs de la
Compagnie actifs dans l’Atabéenne et s’efforce de contre-
carrer les efforts des Jaraguayens en quête d’aide et de
soutien étrangers. Grand et musculeux, Vespasien est âgé
de quarante-neuf ans, mais sa barbe désordonnée, sa peau
marquée de cicatrices et ses yeux bleus le font paraître plus
vieux. Toutefois, il s’habille toujours à la dernière mode
montaginoise. On ne se refait pas.

Incarner Vespasien de Vicquemare

Assoiffé de vengeance, humilié, sinistre, Vicquemare a
semé la violence et a récolté la violence en retour. Il ne parle
pas vraiment, il grommelle, forçant son interlocuteur à s’ap-
procher pour l’entendre ; assez près pour sentir son haleine
alcoolisée et voir au fond de son regard. Dans un cadre
social, il est capable d’affecter une élégance et une poli-
tesse dignes d’un mousquetaire, surtout lorsqu’il cherche
à recruter de nouveaux espions pour la Compagnie ou à
confondre des sympathisants jaraguayens. Vicquemare
pourra proposer aux joueurs de travailler comme espions
pour la Compagnie, leur donnant l’occasion satisfaisante
de lui jeter leur verre à la figure… ou d’accepter et d’atta-
quer le système de l’intérieur.
Vicquemare est le prédateur qui rôde dans les ombres,
l’araignée qui frappe depuis les ténèbres et tisse les fils
de son réseau d’espions. À la différence des officiers de la
Compagnie qui n’hésitent pas à se montrer (Rourke, Rudd
et, dans une moindre mesure, Ulriksdottir), Vicquemare
est un Scélérat que vous pouvez garder dans votre manche,
que vous pouvez introduire indirectement par le biais des
activités d’agents secrets ou en laissant vos Héros inter-
cepter une missive confidentielle. Si vous voulez le mettre
sur le devant de la scène, vous pouvez lui donner une
double identité. Même si les Héros se rendent compte de
sa véritable nature, cela leur donnera une bonne occasion
de le dénoncer et de faire éclater ses méfaits au grand jour.

7E MER NATIONS PIRATES 119

 Lieux jaraguayens
Les Alpes Azurées
Les Alpes Azurées traversent l’île est en ouest, séparant
la Jaragua en deux. Au pied de ses contreforts ouest, on
trouve la grande mangrove, et à l’ouest, Kap-Kalfu. Au
nord se trouve le territoire Mariana et les nombreuses
plantations aujourd’hui de nouveau aux mains de Théans.
Les forêts et vallées des Alpes sont la nouvelle zone
interdite de l’île. Les bois et les talus abritent des villages
rahuris et des forts mawons, la plupart à l’abandon. Les
animaux dangereux sont relativement rares, et si on
compte beaucoup de serpents venimeux, leur morsure est
douloureuse et pénible, mais pas mortelle (à moins d’y
être allergique). Cela dit, prenez garde aux boas constric-
teurs et aux espèces de musaraignes venimeuses nommées
solénodontes, lesquelles peuvent parfois atteindre la taille
d’un petit chien.
Maintenant que le gouvernement jaraguayen et la tribu
Mariana se sont lancés dans l’extraction minière, les Alpes
Azurées sont un nouveau champ de bataille. Le gypse, le
marbre, le calcaire, le cuivre, le plomb, le zinc, le fer et l’or
y abondent, et l’arrivée de fer de qualité à Kap-Kalfu a fait
le bonheur de quelques forgerons ifriens dont les affaires
ont repris. Un explorateur Mariana a découvert une veine
de rubis menant à un complexe souterrain rempli de ruines
syrneth qui s’étend sous les Alpes. Mariana et Jaraguayens
se disputent les meilleurs sites et en viennent parfois aux
mains, les uns accompagnés de mercenaires et les autres
de troupes mawons, pour s’assurer de prendre et de garder
les extractions les plus profitables.
120 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Le laboratoire souterrain
Les Alpes Azurées sont immenses et pleines de cachettes
potentielles. Mawons et Rahuris ne sont pas les seuls à
en avoir tiré parti. Peu après avoir pris le contrôle de la
Jaragua, la Compagnie fonda une station de recherche dans
une vallée cachée, dotée de tunnels d’accès souterrains de
part et d’autre des Alpes. Seul un lieu qui combinait ainsi
accessibilité et isolation pouvait convenir aux expériences
du docteur Oluf Karstensen et à ses fins des plus effroy-
ables : soumettre les revenants et les goules au contrôle
des humains.
Les résultats sont mitigés. Certaines pratiques magiques
découvertes par Karstensen et ses chercheurs-sorciers
ont permis de mettre au point des outils et des potions
capables de conférer une capacité limitée à diriger approxi-
mativement les goules, mais pas au point de permettre aux
humains de travailler en toute sécurité à leur contact. Or,
c’est là l’objectif de la Compagnie et la raison pour laquelle
elle finance ces expériences.
Le docteur Karstensen a vu se succéder beaucoup d’assis-
tants, quoique nombre d’entre eux sont toujours présents
en tant que goules. Lorsque la rébellion éclata, Karstensen
se barricada dans son laboratoire : il scella certaines des
issues et posta ses séides morts-vivants devant les accès
restants. Depuis, il n’a pas bougé… et isolé comme il l’est,
il ne se doute pas que la guerre est finie.
Les nombreux revenants et goules qui ont échappé au
contrôle de Karstensen au fil des ans vagabondent désor-
mais dans la cambrousse jaraguayenne et se nourrissent
d’animaux ou d’humains qui s’aventurent en zone sauvage
sans s’y être préparés. Les rapports sur les attaques de
ces créatures passent souvent pour des histoires de
zombies. Étant donné que nul en dehors des pontes de la
Compagnie ne connaît l’existence du laboratoire souter-
rain, la présence des goules et des revenants sur l’île laisse
les ngangas jaraguayens perplexes. Ils savent comment
se protéger de tels monstres, et il arrive qu’ils surgissent
en Ifri ou sur l’Atabéenne lors de l’émergence de quelque
terrible puissance, mais il est pour le moins perturbant de
voir ici tant de goules vêtues d’habits théans.
À mesure que de plus en plus de ces étranges créatures
échappent au contrôle de Karstensen, la réputation de
la Jaragua en tant que source de morts-vivants s’aggrave.
Bien des étrangers qui ont entendu parler des ngangas jara-
guayens croient aux histoires apocryphes selon lesquelles
ils tuent les innocents et les ressuscitent sous forme de
goules en usant de nécromancie ifrienne.
Kap-Kalfu
Nommé Kap-Kalfu en patwa et Cap-Carrefour en monta-
ginois, ce port est le plus vaste et prospère de la Jaragua. Il
s’étend sur les pentes d’un volcan sous-marin endormi dont
la caldeira (le cratère) ressemble à un grand amphithéâtre.
Des collines environnantes, le lagon en son centre donne
l’impression d’un œil grand ouvert. Nul n’a jamais mesuré la
profondeur de l’Œil d’Ulikun, et la plupart des autochtones
affirment qu’il mène jusqu’à l’outre-monde. Quelquefois,
l’Œil bouillonne et des crachats de flammes grondantes
surgissent de ses profondeurs, ce qui présage générale-
ment un séisme. Plusieurs devins laissent entendre que si
quelqu’un pouvait contacter le Lwa de l’Œil et l’apaiser, son
énergie éruptive pourrait être bénéfique à la Nation.
À la façon des villes côtières montaginoises, Kap-Kalfu
est constituée de bâtiments de calcaire agglutinés auxquels
s’ajoutent allées et niches étroites. Le marché local couvre
l’entièreté de la caldeira et des quais en contrebas. Parmi
les articles d’exportation et d’importation, on trouve les
charmes vendus par les ngangas et les charlatans qui
apportent la faveur des Lwas.
Les immenses senzalas jumelles du port, où étaient jadis
parqués les esclaves fraîchement arrivés, servent désormais
à stocker le sucre, le tabac, le coton et autres récoltes d’ex-
portation. Ces deux tours de dix étages sont reliées par une
arche dont la largeur englobe l’embouchure du lagon. Ces
« Princes jumeaux » font également office de tourelles de
défense et de phares, et accueillent tout esclave ou réfugié
en quête d’asile.
La Taverne du Grand Caïman
Située sur un grand quai d’embarquement, la Taverne du
Grand Caïman consiste en une senzala de deux étages
dont trois des murs font face à l’eau. Seuls les plus fiables
(ou riches) des capitaines peuvent s’y amarrer. La proprié-
taire est une petite femme mawon connue uniquement
sous le nom de Tata Jtem qui n’hésite pas à casser une
jambe ou à donner des bosses à quiconque perturbe ses
affaires. Du reste, tout se vend ici : nourriture, boisson,
divertissement grivois ou même biens de contrebande
« trouvés » en haute mer.
La cathédrale vaticine
Sise en hauteur sur le bord de la cité à l’opposé du palais
royal, la cathédrale domine le port. Bâtie par des fonction-
naires vaticins payés par la Compagnie, la cathédrale ne
suivait les Prophètes et leurs enseignements qu’en appa-
rence. Aujourd’hui, des effigies et des autels aux Lwas y
sont exposés en plus des images vaticines traditionnelles.
Le père Diego Mendoza y préside. Il se refuse à priver
Kap-Kalfu d’un prêtre, mais ne se sent guère à l’aise. Après
tout, pendant l’essentiel de son séjour sur l’île, il a officié
pour les Théans et les agents de la Compagnie dont les
meurtriers remplissent maintenant la ville et fréquentent
la cathédrale.

Je pris le temps de me rendre à la grande cathédrale du Port des Perles.

À ma surprise, je trouvai nombre d’effigies païennes dans cette maison de Theus ! Je fus accueilli par le père
Diego Mendoza, compatriote et feligrés en chef de la cité. Le père Mendoza me confia qu’il devait partager
l’église avec les fidèles de la religion locale, et qu’il pouvait encore s’estimer heureux de cette concession.
Il m’expliqua qu’une version abâtardie des enseignements du Prophète avait été mêlée à l’étrange religion
ifrienne amenée sur l’île il y avait bien des années. Je compatis à son malheur lorsqu’il me fit savoir le mal qu’il
avait à inculquer les paroles véritables de Theus, telles que transmises à l’homme par les Prophètes. Je l’écoutai et
le réconfortai de mon mieux, mais me réjouis lorsqu’il mentionna que des mécènes étrangers viendraient
bientôt le soutenir dans sa mission.
—Frère Karlas Osuna, 1667

7E MER NATIONS PIRATES 121

 Le palais républicain
L’ex-domaine palatial de Vespasien de Vicquemare est
entouré d’un grand jardin ouvert et d’habitations plus
modestes réservées aux visiteurs. Des œuvres d’art pillées
dans le monde entier garnissent chaque mur et chaque
couloir de ce manoir afin de vanter la puissance et l’in-
fluence de la Compagnie. Aujourd’hui rénovée dans un
style ifrien, la nouvelle demeure de l’Oligarchie provisoire
est le siège de l’administration et du pouvoir jaraguayens.
La Maison des Chagrins
Cette prison était à l’origine le terminus des agitateurs
montaginois que l’Empereur voulait voir disparaître.
Puis la Compagnie commerciale atabéenne fit commerce
de l’exil d’indésirables de toutes les Nations. Depuis la
construction de ce bastion, sis sur les Falaises aux Potences
face à la mer, 6 000 prisonniers y ont péri. Trois murs de
neuf mètres masquent complètement ses deux étages. Un
donjon souterrain à trois niveaux abrite quantité d’instru-
ments de torture jadis utilisés pour arracher aux prison-
niers politiques leurs précieuses confessions, mais aussi
des chambres fortes remplies de secrets atabéens. Hélas,
la carte menant à ces antres à trésors fut accidentellement
détruite lors du soulèvement. La rumeur veut également
que la prison ait été construite sur un complexe souterrain
rahuri sacré dont les tunnels s’étendent sous l’intégralité
de l’île.
Depuis la rébellion, le Duc rouge, figure religieuse au
passif et aux allégeances douteux, se sert de la Falaise aux
Potences pour y organiser les duels d’honneur. L’unique
potence restante sert désormais de tableau d’affichage des
vainqueurs. Le Duc rouge arbitre les duels, et quiconque
déroge à ses règles regrettera d’avoir affaire à lui.
La Base de la mangrove
La Base de la Mangrove servit de quartier-général au
chapelain Nkansa. Là, huttes, abris et longères de bois
et de peau s’étendent entre les arbres immenses ou se
dressent sur pilotis au-dessus de l’eau peu profonde. Les
autochtones y circulent par le biais de ponts de corde et
de passerelles. La cité entière se dresse au-dessus des eaux
saumâtres, surplombée d’arbres peuplés de balbuzards.
Pour les mawons, ce fut l’endroit parfait où se cacher et
ourdir leur vengeance contre la Compagnie. La pêche y est
une des meilleures de l’île : les racines tortueuses des arbres
recèlent en abondance mollusques, crevettes et escargots ;
de quoi varier quotidiennement son alimentation sans
même avoir à quitter la Base.
122 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Seules les plus petites embarcations peuvent s’y rendre,
et même elles doivent manœuvrer avec prudence. Les
quelques expéditions de la Compagnie à être tombées sur
la Base de la mangrove n’ont jamais eu l’occasion de faire
leur rapport, anéanties par une grêle de tirs mawons avant
même de pouvoir faire demi-tour.
La Base de la mangrove est maintenant sous contrôle
Mariana, et le chef Pablo de la Cruz en a fait le siège de
son gouvernement. Les Jaraguayens y sont toujours les
bienvenus, mais nombre d’entre eux ne s’y sentaient pas
en odeur de sainteté et ont préféré gagner Kap-Kalfu
ou la cambrousse. Il fut cuisant de devoir quitter la Base
de la mangrove, centre nerveux de la rébellion. Bien des
Jaraguayens, surtout des mawons, estiment que d’entre
tous les territoires cédés aux Mariana, celui-ci au moins
aurait dû rester la propriété de ceux à qui ils attribuent le
succès de la révolution. Le fait est que si les mawons déci-
daient de prendre la Base de la mangrove par la force, les
défenseurs se retrouveraient probablement rapidement en
difficulté, confrontés à des troupes qui connaîtraient aussi
bien le marais. Cruz aurait alors besoin d’aide militaire
théane… qu’il n’hésiterait pas à demander.
Porta Ozama
Comme l’essentiel du territoire Mariana, Porta Ozama est
l’image des premiers jours de la Jaragua il y a une quaran-
taine ou une cinquantaine d’années. Si vous aviez visité
Cap-Carrefour dix ans après sa fondation, c’est à Porta
Ozama qu’elle aurait ressemblé : une ville théane modeste
mais en croissance rapide, faite de bâtiments blancs et
orangés ainsi que de rues poussiéreuses avec un quar-
tier marchand prospère. On y trouve peu d’Ifriens, mais
beaucoup de bourgeois et de nantis Théans et Rahuris.
Le capitaine-général Camila Abasolo y possède un palais
petit, mais fort confortable.
Abasolo et les autorités castillianes gardent un œil vigi-
lant sur les vaisseaux qui vont et viennent du port. Tout
bateau pirate ou de la Compagnie (excepté les hippo-
campes) se voit refoulé de Porta Ozama. La Castille ne
veut pas de la concurrence que la Compagnie représente.
Or, une poignée des Théans locaux sont en réalité des
informateurs de la Compagnie au service de Vespasien
de Vicquemare.
 La Compagnie
commerciale atabéenne
7E MER NATIONS PIRATES 123
 La Compagnie
commerciale atabéenne
« La Ligue de Vendel nous a montré la voie, mais elle n’avait pas
le courage de suivre ses convictions. Nous, oui. »
—George Rourke

Extrait de la lettre écrite l’année dernière par le président George Rourke à l’intention des actionnaires.

Mesdames et messieurs, j’espère que cette lettre vous trouvera aussi sains et bien portants que les affaires actuelles de la Compagnie
commerciale atabéenne. Nous chevauchons la crête d’une vague croissante de progrès qui porte tous nos vaisseaux sur son passage.
Voici les chiffres : cette année, le rendement de notre réseau d’échange s’est accru de 51 %. Nous devons en bonne partie cet exploit à nos
nouveaux partenariats dans le commerce des parties de monstres marins. Nous le devons également à l’acquisition de plusieurs tribus
indigènes et au remplacement de leurs gestionnaires par les nôtres. Nos partenariats avec des entrepreneurs indépendants connaissent
une hausse extraordinaire de 208 %, quoique nous regrettons d’avoir perdu nos vieux amis du bon vaisseau Trahison à cause du Wu’a.
Notre secteur esclavagisme connaît une augmentation des plus impressionnante de 60 % grâce à de nouvelles sources d’approvisionne-
ment et à notre nouvelle approche axée sur le rendement plutôt que sur la longévité. Notre base d’actionnaires s’étant tant accrue cette
année, je prie nos amis de la première heure de bien vouloir m’excuser, le temps pour moi de relater notre histoire aux nouveaux arrivants.
Il y a près de trente ans, je fondai la Compagnie commerciale atabéenne sur la base d’un rêve ; le rêve d’une liberté et d’une autodéter-
mination réelles pour tout homme et femme fort d’esprit et de caractère. En tant que jeune étudiant en archéologie, j’avais arpenté la
Théah, et partout, j’y avais vu des êtres humains asservis et brisés par un ordre social sans réelle valeur ou importance, dominés par des
seigneurs et des monarques qui n’avaient rien fait pour mériter leurs titres, ou par des prêtres imbéciles qui prenaient sans jamais rendre
à autrui leurs bienfaits. J’étais entouré d’hommes et de femmes dignes, brillants et travailleurs dont le réel potentiel était brimé par leur
responsabilité envers des hiérarchies arbitraires. Allais-je supporter cela ? Non ! Chez la Ligue de Vendel, où je commerçai, naviguai et
administrai aux côtés de penseurs parmi les plus éclairés et révolutionnaires de notre époque, je vis le potentiel de quelque chose de
nouveau. Là, chacun était défini par le dur labeur et les bonnes idées, récompensé par quelque chose d’indéniable, quelque chose qui
transcendait les frontières arbitraires et les alliances mesquines, quelque chose que nul dieu ou roi ne pouvait usurper : le capital. C’était
le capital, accumulé par les habiles et les forts en directe proportion de leur valeur, qui nous libérerait.

124 CHAPITRE 1 | Ports d'escale

 Mais la Ligue de Vendel restait vendelar. Si éclairée qu’elle fût, je savais pouvoir aller plus loin à condition d’encore braver l’inconnu. Je
me fis donc aventurier et constatai qu’une petite équipe déterminée pouvait s’affranchir des frontières et des règles, s’accomplir et n’avoir
de comptes à rendre qu’à elle-même. Et si je prenais le modèle d’une compagnie d’aventuriers et l’élargissais au-delà de la demi-douzaine
d’individus qu’un tel groupe comprend d’ordinaire ? Et si je créais une organisation aussi vaste qu’une guilde marchande et aussi libre
qu’une escouade de héros ? Et si cette compagnie, plutôt que d’être soumise à une autorité nationale, se gouvernait elle-même, pour le
bien de tous ceux qui y contribueraient ?
Comme on pouvait s’y attendre, les rois et seigneurs du monde mourant se soulevèrent contre mon plan. Le premier siège que je bâtis,
en Montaigne d’entre toutes les contrées abêties, fut réduit en cendres. L’Empereur Léon Alexandre, incarnation de tout ce à quoi je
m’opposais, envoya ses mousquetaires et, par la poudre, le feu et l’acier, ils détruisirent ce que j’avais créé. Nombre de paisibles hommes
d’affaires furent tués ou estropiés ce jour-là, au seul motif d’avoir voulu conserver ce qu’ils avaient acquis. En ce jour, un président Rourke
naïf apprit que même un homme paisible doit être prêt à la guerre, et disposer d’une force armée à la mesure de la force de sa volonté.
Cet incident me poussa également à chercher par-delà la mer, vers la lointaine Atabéenne. Je dévorai des rapports sur les merveilles
que les pionniers y avaient découvertes : créatures féroces, autochtones étranges et sauvages, îles splendides… Là où d’autres ne voyaient
que le danger, je vis quelque chose qui me fut instantanément familier : un potentiel inexploité et une liberté totale. Ces îles étaient à
l’image de mes estimés associés : elles n’attendaient qu’un meneur visionnaire capable de les unir et de faire d’elles quelque chose de
grand, autant ensemble qu’individuellement. On me traita de fou, mais j’investis toutes les ressources de la Compagnie dans une flotte
commerciale et l’envoyai à l’autre bout de l’océan. Là, sur les rivages d’une île sans nom, je conquis les autochtones bestiaux et clairsemai
la jungle meurtrière pour y fonder la seule cité réellement libre du monde : Fort Liberté. Depuis ce quartier général, j’envoyai notre flotte
apporter la raison et la civilisation aux indigènes, le feu et l’acier aux monstres, et des plantations et des manoirs aux îles. À mesure que
ma flotte importa et exporta nos ressources, mon service de sécurité (mené par Lærke Ulriksdottir, sa fidèle responsable) repoussa les
sauvages munis de lances et les affreux pirates qui menaçaient les bons, les sages et les paisibles. Elle mit au pas ceux qui se plièrent à
la raison et brisa ceux qui refusèrent de ployer. Le monde ne s’en porte que mieux.
Un certain nombre de vaisseaux marchands entreprenants nous avaient précédés sur la mer Atabéenne, mais en l’absence d’un dirigeant,
d’un visionnaire, ils étaient désunis. Nombre de ces navires s’embourbèrent dans des querelles tristement néfastes à tout commerce.
Nous connaissons tous le nom couramment associé à ces commerçants : « pirates ». Bien sûr, ce terme leur sied généralement, mais là
encore, là où d’autres ne voyaient que de simples criminels, je vis un potentiel inexploité. Les pirates ne sont-ils pas des entrepreneurs
comme les autres ? Ne sont-ils pas poussés par la tyrannie des Nations, par le désir d’être libres ? Et ainsi, la Compagnie fit affaire avec
les pirates, afin de leur proposer des opportunités et des avantages dont ils n’auraient autrement jamais joui. Les plus avisés devinrent
nos partenaires. Et vous pouvez être certains que nous faisons diligemment suite à toute plainte relative à des violences ou à un vol de
la part de nos associés.
Comment m’y suis-je pris ? Je vous remercie de me le demander. J’ai su repérer le potentiel, comprendre l’offre et la demande, et
contracter plus d’un accord profitable à force de volonté. Et je n’ai pas reculé devant l’esclavagisme.
À ce sujet, on m’a de nombreuses fois demandé : « Président Rourke, comment un homme si dévoué à la liberté peut-il exploiter un
autre être humain ? », et je me fais toujours un plaisir de répondre à cette question. Voyez-vous, ce monde récompense la force des
armes, du caractère et de l’esprit. Ceux qui réussissent (surtout ici au sein des dangers de l’Atabéenne) y parviennent car ils ont mérité
cette réussite, à la différence de l’ancien monde où certains hommes en exploitent d’autres en vertu d’une hiérarchie imposée ou d’un
soi-disant dieu. Dans l’ancien monde, les hommes sont les esclaves d’une fiction, d’une idée. Mais lorsque la Compagnie réduit en
esclavage un criminel théan, un chasseur de têtes rahuri ou un prisonnier de guerre ifrien, elle le fait en imposant sa volonté et sa force
à un être plus faible ; un être de si peu de conséquence qu’il mérite et même aspire à la servitude ! Ainsi ai-je permis même à ces rebuts
de réaliser leur potentiel au-delà de leurs rêves les plus fous. Qui plus est, les plus méritants d’entre eux gagnent assez d’argent pour
acheter leur propre liberté. Je suis aussi la marée montante qui les élève. Les meilleurs me remercient du sort que je leur ai réservé et la
racaille devient bien vite reconnaissante… ou bien périt dans l’ignorance pour être remplacée par quelqu’un de meilleur et plus méritant.
Je me dois aussi de remercier ceux de noble naissance ou d’allégeance religieuse qui nous ont suivis jusqu’ici. Je ne partage pas votre
vision, mais je suis ouvert aux contestations. La liberté de pensée et la force de l’esprit ne peuvent exister que dans une atmosphère
de concurrence. Moi-même je suis techniquement de noble extraction, quoique j’aie volontairement mis de côté ces privilèges pour
me prouver à moi-même ainsi qu’au monde que la victoire ne vient pas du nom que l’on possède à la naissance, mais de l’essence de
son caractère.
Je soutiens aussi pleinement les aspirations religieuses d’autrui, que je partage leurs convictions spirituelles ou non. Mon agent d’ap-
provisionnement en chef et vieil ami, Flemming Rudd, est un fervent vaticin et vous expliquera avec plaisir en quoi la mission de la
Compagnie, et notre département esclavagisme en particulier, sont essentiels pour communiquer la sagesse des Prophètes aux impies
atabéens et ifriens qui, autrement, mourraient imparfaits et ignorants. Nos estimations montrent que la Compagnie facilite 68 % des
missions d’évangélisation dans la mer Atabéenne. 92 % de celles-ci sont un succès et permettent d’établir une présence à long terme
dans le Nouveau monde, avec un exceptionnel taux de conversion moyen des impies de 75 %.
Nous vivons dans un monde dégénéré de maîtres illégitimes et d’esclaves indignes, mais la Compagnie commerciale atabéenne,
l’aventure sauvage que vous avez honorée de vos investissements et de votre patience dans l’assurance d’une plus grande récompense,
nous montre une autre voie. Ce monde n’a pas besoin de dieux et de rois. Il a besoin de liberté, car de la liberté naissent les héros. Et
c’est ce que nous sommes, mes amis : un commerce de héros.

7E MER NATIONS PIRATES 125

 Il y a vingt ans, une équipe de marchands vendelars et
avaloniens fondèrent une société de fret qui allait devenir
la première corporation multinationale au monde. Libre
de toute allégeance, la Compagnie commerciale atabéenne
terrifie les Nations théanes. Avide d’argent et armée d’un
pragmatisme à toute épreuve, elle terrorise les indigènes
atabéens et les captifs ifriens. Mais qu’ils s’affolent et
tremblent, la Compagnie connaît la vérité : elle incarne
l’avenir.
La philosophie
de la Compagnie
Explorez des lieux dangereux et inconnus, rencontrez des
indigènes ingénus, tuez-les et prenez ce qu’ils ont. Sur leurs
restes et les restes de leur société, reconstruisez à votre
image, puis reliez tout ce que vous avez construit pour
former un cycle de profits toujours croissants. Et riez face
à toute autorité supposée qui exigerait de vous autre chose
que ce qui vous arrange et vous enrichit.
Voilà la philosophie et la mission de la Compagnie
commerciale atabéenne : bâtir sa richesse et sa liberté sur
l’exploitation et la servitude des plus faibles. Un principe
qui ne date pas d’hier, mais mis en œuvre avec une préci-
sion et une habileté glaçantes, qui use d’argent et de pouvoir
théans avec une malfaisance toute particulière.
La Compagnie est une méga-corporation scélérate clas-
sique : colossale, impitoyable, efficace, soucieuse unique-
ment de ses intérêts. Or, ses principes ressemblent de
façon perturbante à ceux qui inspirent bien des aventuriers
héroïques. La Compagnie peut représenter un adversaire,
un obstacle ou une cible pour vos joueurs. Mais dût un
puissant Héros déchoir, dût-il céder aux tentations du
profit ou du pouvoir sur autrui… la Compagnie l’accueillera
avec une généreuse commission. Selon elle, il n’y a aucun
mal à s’approprier ce qui devrait à bon droit vous revenir.
C’est un appel aux jeunes hommes et femmes de toute la
Théah ; une philosophie qui convie les meilleurs et les plus
brillants à dédier leurs talents et leurs aptitudes au plus
noble des objectifs : le progrès de tous… au mépris de ce
que ce progrès pourra coûter.
La devise de la Compagnie, inscrite sur tout document
officiel, est simple : « Nulle volonté ou puissance hors la
mienne. »
126 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Les activités de la Compagnie
Telle une pieuvre perfide, la Compagnie est intelligente,
subtile et douée pour se servir d’outils inhabituels. Diverses
mannes financières sont la proie de ses tentacules.
Biens et fret
Entre un bon tiers et la moitié des affaires de la Compagnie
consistent à acheter, vendre et acheminer des biens. Qu’il
s’agisse de canne à sucre, de nourriture, d’alcool, de bois
ou des onéreuses carcasses des monstres marins atabéens,
si quelqu’un est prêt à payer pour l’obtenir, la Compagnie
l’acheminera.
La CCA se procure des biens à bas prix en achetant en
gros, puis utilise son vaste réseau pour cibler les clients qui
payeront le plus cher. D’ailleurs, elle n’achemine pas que ses
propres produits. Si vous avez besoin de transporter du fret
de Gosta à San Sancha, c’est auprès de la Compagnie que
vous trouverez les meilleurs tarifs.
Ses prix défient toute concurrence pour trois raisons.
D’abord, elle possède plus de vaisseaux (ou, au moins, de
parts de vaisseaux) que toute autre compagnie ou même
toute marine. Ensuite, elle économise à tout crin sur ses
navires, qui sont tristement célèbres pour être inconfor-
tables, fragiles et mal protégés. Enfin, elle perd peu de
cargaisons grâce à ses arrangements avec les pirates.
De deux maux…
Imaginez que vous êtes un capitaine pirate, ce qui ne
devrait pas vous donner trop de mal. Un jour, sur la mer
Atabéenne, vous remarquez un galion particulièrement
mal fichu. Votre lunette vous révèle un faible nombre de
défenseurs armés, aussi hissez-vous le drapeau noir et vous
lancez-vous à sa poursuite.
Le temps d’être à portée de grappins et de planches d’abor-
dage, le capitaine, tout sourire, a préparé le thé sur le pont.
Face à son invitation, vous vous rendez compte que ça fait
bien longtemps que vous n’avez pas eu droit à une bonne
tasse de thé. Vous montez crânement à bord, vous vous
asseyez et vous exigez qu’on vous remette la cargaison… Et
si vous vous méfiez, vous hurlez vos exigences depuis votre
pont. Dans l’affaire, le bateau lui-même ne vous intéresse
pas, car vous vous demandez comment un tel rafiot peut
ne serait-ce que flotter.
Bien sûr, la cargaison est à vous si vous le désirez, affirme le
capitaine. Mais pourquoi vous contenter d’un unique butin
quand vous pourriez contracter un arrangement et laisser la
fortune venir à vous ? Pourquoi ne pas épargner les navires de
la Compagnie en échange de cartes marines à jour, de répa-
rations à bas prix, d’esclaves en promotion, de ports fortifiés
sûrs et d’un acquéreur fiable pour vos biens mal acquis ?
 Le capitaine déroule un contrat qu’il fait tenir à l’aide
de tasses et vous prie d’y jeter un œil. Les avantages sont
moindres, mais ils augmenteront pour chaque capitaine
pirate que vous convaincrez d’accepter la même offre que
vous… et ils ne pourront qu’accepter, si quelqu’un d’aussi
clairement imposant et influent que vous leur propose une
aussi bonne affaire. On vous fournit une adresse dans la
cité libre de Fort Liberté où faire valoir votre contrat et
recevoir votre paiement pour tout capitaine venu confirmer
qu’il s’est engagé grâce à vous.
Vous repartez la soute toujours vide, mais convaincu
qu’une fortune inimaginable vous attend à l’horizon.
Faire entrer en jeu les cargos de la Compagnie
Souvent, un MJ a besoin de faire aller ses Héros à
un endroit inattendu pour les y lancer à la recherche
de quelqu’un ou de quelque chose. Par le biais de la
Compagnie, vous pouvez commodément déplacer cet objet
ou cette personne. Imaginez que la guilde des sculpteurs
rahuris se fasse déposséder d’un chef d’œuvre qu’elle voit
ensuite expédié à bord d’un cargo de la Compagnie, ou
qu’un archéologue renégat recherché par les autorités
du Nouveau monde cache un trésor magique parmi
ces sculptures.

… il faut choisir le moindre

La mer Atabéenne grouille de pirates qui refusent de tels
contrats. Que fait la Compagnie dans ce cas ?
Si les galions bon marché de la Compagnie sont si mal
défendus, c’est qu’ils ne valent pas la peine d’être protégés.
Certaines cargaisons importantes de la Compagnie sont
escortées par des vaisseaux de guerre d’élite, mais de tels
navires sont rares. C’est une fois que vous avez pillé un
bateau de la Compagnie que vous pouvez vous inquiéter.
Les innombrables informateurs employés par la CCA vous
repéreront où que vous accostiez. Des pirates sous contrat
vous chasseront pour obtenir plus d’avantages auprès de
la Compagnie. Si vous vous avérez être particulièrement
dangereux, Lærke Ulriksdottir et ses Einherjar vous traque-
ront eux-mêmes. La première fois qu’ils vous attraperont,
ils vous marqueront la main d’un P au fer rouge. Si vous
êtes capitaine d’un bateau ou que vous arborez déjà le P,
ils vous exécuteront et arboreront votre tête au bout d’une
pique sur les remparts de Fort Liberté.
La plupart des pirates sont résolus à aborder un navire
ennemi et à faire face à des gardes armés. Ils sont même
prêts à perdre un œil ou un membre, car ils savent que leur
bravoure et leur sacrifice seront rondement récompensés.
Mais qu’un équipage atabéen transfère sa cargaison dans
leur soute et les laisse repartir sans résistance, voilà qui
leur fait peur. Ils savent que la Compagnie tient scru-
puleusement des registres de ce qu’elle achète, expédie
et perd. Ils savent que quiconque les voit écouler leur
marchandise pourrait les reconnaître et en informer un
agent de la Compagnie. Ils savent qu’en remarquant avec
quelle largesse ils dépensent leur argent, leurs partenaires
de boisson d’un soir pourraient reconnaître leur visage sur
un avis de recherche.
Ce sentiment n’est pas sans ressembler à un autre que
la plupart des pirates cherchent justement à enterrer  :
la culpabilité.

7E MER NATIONS PIRATES 127

 Donnez quelques indices à vos Héros et laissez-les se
lancer à la poursuite de ce cargo… ou des pirates qui l’ont
pillé… ou du monstre marin qui a dévoré ces pirates. Bref,
libre à vous d’orienter l’histoire à votre guise.
Autre exemple  : si vos Héros veulent quelque chose
et que vous ne savez pas où ils pourraient l’obtenir, la
réponse « sur un bateau de la Compagnie » pourra être
un bon joker. La CCA est la plus grande société de fret
du monde ; elle peut donc posséder ce que vous voulez où
vous le voulez.
Le système pyramidal pirate de la Compagnie joue sur
l’avarice et l’ego des pirates pour leur faire ratisser des
recrues ou éliminer la concurrence. Si les Héros, leurs amis
ou leurs rivaux sont des brigands, tôt ou tard, quelqu’un de
pas commode va les forcer à choisir leur camp.

Exploration
La Compagnie se nourrit d’informations. Elle recherche
les ports les plus lucratifs et aisément défendables, les
plantations les plus fertiles et les voies maritimes les plus
sûres. Elle est prête à payer cher pour des cartes marines
de qualité, mais préfère trouver de telles ressources
avant quiconque.
Les explorateurs de la Compagnie sont des employés
à temps plein au service direct de Flemming Rudd. Nul
ne veut laisser des bateaux, des marins et de l’équipement
de la Compagnie aux mains d’archéologues indépendants
qui pourraient garder leurs découvertes pour eux, voire les
revendre à des gouvernements trop heureux d’humilier
la Compagnie. Le salaire est bon et s’accompagne d’une
généreuse prime pour toute découverte… mais toute terre,
esclave ou autre trouvaille revient à la Compagnie.
La Compagnie attire des explorateurs avec la crème de
son équipement et de ses vaisseaux, lesquels surpassent
largement ses navires de fret : des galions assez rapides
pour damer le pion à la concurrence, assez solides pour
endurer une tempête et assez lourdement armés pour faire
taire tout indigène opposé à l’immigration.
Tout explorateur ou archéologue héroïque plein d’ardeur
et de talent mais démuni d’argent, de provisions ou d’équi-
page sera toujours, toujours bien reçu par la Compagnie.
Un recruteur aux yeux vifs et au sourire engageant, muni
d’un chapeau impressionnant et d’un contrat odieusement
complexe se présentera dans une taverne pour lui proposer
un véritable pacte avec le diable : tout ce qu’il lui faut pour
accomplir ses ambitions au prix de tout ce qu’il pourra
accomplir de réellement valable.

Évangélisme
Bien des Théans voient dans le Nouveau monde l’occasion
parfaite de transmettre la gloire de leur religion. Depuis la
fin de la Guerre de la Croix, un cessez-le-feu a été instauré
entre objectionnistes et vaticins, mais la mer Atabéenne
permet à tout zélote d’en revenir aux effusions de sang
sacerdotales à l’ancienne.
Les missions évangéliques sont généralement dotées en
moyens, en personnel et en enthousiasme, mais dému-
nies de soutien logistique et d’expérience de voyage. Les
missions de la Compagnie fournissent un équipage, un
vaisseau, ainsi que les provisions et les cartes marines
nécessaires pour se rendre dans le Nouveau monde. Le
capitaine désigné par la Compagnie tient à jour le livre
de bord et informe la CCA de toute trouvaille territoriale
intéressante. Une sous-clause du contrat, trop souvent
négligée, stipule que la Compagnie peut revendiquer toute
terre découverte.
Cependant, dans la plupart des cas, les capitaines amènent
les expéditions à « découvrir » des terres déjà explorées par
la Compagnie, dans le but de faire de la région un échiquier
chaotique d’influences objectionnistes et vaticines plutôt
que de laisser l’une des deux fois se consolider. Si l’une ou
l’autre prenait l’ascendant, cela pourrait empêcher la CCA
de profiter de leur inimitié.
Flemming Rudd est certes un fervent vaticin, mais Annie
Goldenflower est une objectionniste tout aussi dévote.
Les quelques croyants qui travaillent pour la Compagnie
sont en nombres à peu près égaux dans les deux camps.
Rudd et Goldenflower s’entendent en apparence bien,
mais si Goldenflower n’a pas d’opinion affichée, Rudd se
réjouit de pouvoir concurrencer (violemment ou non)
les objectionnistes.
Profiter de la guerre est assez difficile quand on ne sout-
ient qu’un camp, mais la Compagnie a discrètement monté
les deux religions l’une contre l’autre. Qu’une mission
échoue à cause d’une épidémie ou d’un monstre marin
pourra décourager de futures tentatives, mais qu’elle se
solde par une confrontation avec un rival haï ne fera que
raviver la flamme : en y mettant un peu plus de moyens et
de soldats, on pourra leur faire payer ! Officiellement, la
Compagnie ne se mêle pas de tels conflits et le service de
sécurité d’Ulriksdottir ne s’implique jamais personnelle-
ment. Pour autant, la Compagnie vend sans vergogne tout
équipement militaire capturé, toujours en s’efforçant de
n’avantager aucun des deux camps.
ESCLAVES, MAIS
PAS VICTIMES
L’esclave et l’ex-esclave sont des archétypes
héroïques classiques dont on peut citer bien
des exemples : Térence, Spartacus, Zumbi dos
Palmares, Thomas Dumas ou encore Harriet
Tubman. 7e Mer est un jeu qui met en scène
des Héros et des Scélérats plus qu’humains,
d’un héroïsme exemplaire ou d’une malfaisance
éhontée. La distinction est généralement
évidente, mais faites attention à ne pas étendre
ce manichéisme à tout : courageux et couards,
forts et faibles, acteurs et victimes…
Nous voulons vous mettre en garde contre cette
dichotomie. Les crimes de la Compagnie sont
nombreux, mais le plus terrible de tous est proba-
blement la façon dont elle rabaisse les esclaves
au rang de possessions, d’animaux et de sauvages
arriérés pour lesquels la servitude est salutaire.
Représenter les esclaves comme des victimes
innocentes est un peu mieux, mais ça ne suffit
pas : une victime est une victime avant d’être une
personne. Les esclaves passés et présents de Terra
sont avant tout des gens. Ils ont été maltraités,
humiliés et dépossédés, mais ils n’en restent
pas moins des individus. Ils ont des forces, des
faiblesses, un sens de l’humour, une famille, des
vices, des amours et des haines comme tout autre
personnage de votre jeu et de votre monde.
Dans un jeu ou les victimes d’injustice ont
besoin d’être sauvées et vengées, les esclaves
pourront à l’occasion être de telles victimes du
moment que cela n’éclipse pas leur humanité.
Donner un nom et un visage à tout personnage,
même les figurants, ne peut qu’enrichir un
univers de jeu. Ne ratez pas cette occasion.
Esclavagisme
Malgré l’interdit appuyé de l’Église vaticine en matière d’es-
clavagisme, péché aux yeux de Theus, la pratique a existé
sur Terra sous diverses formes à travers l’histoire. Mais la
Compagnie a donné un nouveau sens à ce mot. Le marché
du tabac, de la mélasse et du rhum en Théah a stimulé
l’avidité d’innombrables planteurs de la mer Atabéenne qui
n’hésitent pas à réduire d’autres êtres humains en esclavage.
7E MER NATIONS PIRATES 129
 COMMENT
L’ESCLAVAGISME EST
PERÇU EN THÉAH
L’Avalon a explicitement banni l’esclavagisme. Les
cicatrices de l’occupation sont encore douloureuses.
Le code juridique de la Castille ne fait pas
mention de l’esclavagisme. L’interdit de l’Église
suffit amplement.
La loi en Eisen varie fortement entre königreiche, mais
dans tous, la conscription militaire forcée est autorisée.
Les droits et devoirs des conscrits et des recruteurs
diffèrent selon le königreich.
Tout trait d’esprit quant à la valeur de la loi en Montaigne
mis à part, l’esclavagisme n’y est pas légalement proscrit.
Lors des siècles passés, le clergé s’érigeait contre une telle
exploitation, mais en ces temps décadents, il est difficile de
trouver un prêtre probe. Aux yeux de la noblesse, la plupart
des paysans ne valent guère mieux que des esclaves.
La Fédération sarmatienne interdit l’esclavagisme,
et ce activement. Pratiquement tout Sarmatien
préviendra les autorités locales d’une telle maltraitance.
Comme on aura pu s’en douter d’après la condition
de ses paysans, l’esclavagisme n’est pas illégal en
Ussura et ne le sera probablement jamais. Les
Ussurans s’identifient parfois pragmatiquement
comme esclaves de leur Czar, et ce n’est pas un juge-
ment moral, juste une composante de leur existence.
Au Vesten, les étrangers prennent parfois à tort les
ouvriers nommés « asservis » pour des esclaves. Si
dur que soit son labeur et si inflexible que soit l’auto-
rité de son employeur, un asservi conserve des droits
humains fondamentaux, et peut même réclamer
un thing (un tribunal improvisé) à l’encontre de son
employeur. Un thing peut imposer l’asservissement
à la place d’une amende punitive si l’offenseur est
dans l’incapacité de payer. En dehors de cela, toute
question d’esclavagisme est du ressort du thing, mais
quel thing permettrait des indignités telles qu’en
subit un esclave de la Compagnie ?
L’esclavagisme est illégal en Vodacce, mais nul là-bas
ne semble s’en être rendu compte.
130 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
La Compagnie graisse avec enthousiasme les roues qui
écrasent corps et vies humaines, toujours prête à fournir
des esclaves à qui en requiert, peu importe le coût humain.
Bien des îles atabéennes sont extrêmement fertiles,
chaudes et humides  ; parfaites pour y cultiver le tabac
et la canne à sucre fort lucratifs. Les premiers planteurs
théans de l’Atabéenne y virent le moyen de s’enrichir, mais
ils furent vite en difficulté. Leurs ouvriers théans souffrirent
d’un manque cruel d’habitude et de préparation, victimes
d’insolation, de maladie, d’épuisement ou d’accidents de
travail terribles : beaucoup finirent estropiés par une pale
de moulin ou terrassés par la chaleur émanant des cuves.
Ces conditions épouvantables furent connues jusqu’en
Théah et découragèrent d’autres ouvriers. Les planteurs
théans de l’Atabéenne eurent vite des problèmes financiers.
La Compagnie intervint en prêtant à des planteurs
désargentés ou en début de carrière. Lorsque quantité de
propriétaires de plantations de tabac et de sucre de par la
région leur durent de l’argent, George Rourke et Flemming
Rudd agirent : ils usèrent de leurs contacts au sein de la
Ligue de Vendel pour dévaluer le prix du sucre et du tabac
jusqu’à ce que des douzaines de planteurs insolvables
et humiliés se voient forcés de céder leurs propriétés à
la Compagnie.
Passant en revue leurs nouvelles acquisitions, Rourke et
Rudd virent non seulement de la souffrance, mais aussi
une opportunité. Les travailleurs théans, constatèrent-ils,
se considéraient envers et malgré tout comme les égaux de
leurs employeurs ; comme membres d’une même espèce,
pour ainsi dire. Pour tirer pleinement parti de leur inves-
tissement, il leur fallait créer une classe inférieure.
Ils commencèrent par les Atabéens, en particulier les
Rahuris. Différents d’aspect des Théans à la peau plus
claire, les Rahuris ne pouvaient s’échapper ou se mêler à
leurs bourreaux aussi aisément que les criminels théans
qui formaient une petite minorité parmi les esclaves. Il fut
étonnamment aisé de former les contremaîtres à fouetter
et exploiter les indigènes à la peau sombre comme des
animaux. Cependant, la mortalité en captivité était élevée.
Un esclave pour quatre Théans libres ne suffisait pas. L’Ifri,
déchirée par les conflits et sa population croissante de
prisonniers de guerre, répondit à ces problèmes. Les Ifriens
aussi se distinguaient physiquement, aussi serait-il aisé
de les déshumaniser. De plus, Rudd s’attendit à ce qu’ils
supportent bien le climat atabéen, similaire au leur. Mais
ils ne satisfirent pas d’attendre que les guerres ifriennes leur
apportent davantage de captifs ; il fallait être proactif.
Après tout, le futur n’allait pas arriver sans que la
Compagnie commerciale atabéenne lui donne une
petite poussée.
La traite théane
L’année qui suivit, la Compagnie attisa la méfiance et le
ressentiment des États vassaux ifriens jusqu’à déclen-
cher une guerre civile. Elle fit passer des dirigeants pour
coupables de crimes envers leurs voisins, détruisit des cibles
clés à coups d’escarmouches et fournit des « renseigne-
ments » qui conduisirent à encore davantage de violence.
Bien vite, la Compagnie assiégea la capitale de Lougua où
elle s’appropria esclaves, otages et terres.
Rapidement, un commerce soutenu d’esclaves s’instaura à
travers l’océan, sans passer par la Théah où l’Église vaticine
aurait pu dénoncer un tel crime. Une fois les plantations
dotées de leur cheptel humain, la Compagnie raisonna
qu’il serait plus rentable de tuer les esclaves à la tâche pour
ensuite les remplacer par d’autres d’Ifri que d’investir dans
leur survie et leur bien-être.
Pour rivaliser avec la concurrence, bien d’autres planteurs
atabéens les imitèrent. Même ceux qui, au premier abord,
étaient choqués par l’idée de l’esclavagisme changèrent
d’avis à la lecture des tracts religieux de Flemming Rudd,
qui vantaient l’esclavagisme comme un bienfait pour le
caractère intellectuel et spirituel de l’esclave, ce que Theus
ne pouvait qu’approuver.
Comment cela a-t-il pu se produire ?
Les Théans constituent entre trois et huit pour cent des
esclaves atabéens. Lorsque la Compagnie proposa aux
gouvernements théans de leur acheter leurs prisonniers en
masse, ils furent ravis de répondre à la demande. Les Nations
proscrivent la traite des Théans libres, mais cela n’empêche
pas les ennemis des puissants de finir réduits en esclavage.
La Compagnie préfère sous-traiter le transport d’esclaves
aztlans et ifriens à des entrepreneurs indépendants, la
plupart desquels sont d’anciens pirates qu’elle a orientés
vers une carrière légèrement plus sûre. Un bateau escla-
vagiste représente un investissement déplaisant et dange-
reux : du fait des risques de révolte, de maladie et d’autres
menaces, la Compagnie assure lourdement les quelques
bateaux esclavagistes qu’elle possède personnellement.
En comparaison de l’enfer que représente un séjour dans
la soute d’un bateau esclavagiste, les quartiers à esclaves
d’un fort ou d’une plantation de la Compagnie font l’effet
d’un palace. Les esclaves habitent un village sommaire à
distance de la maison centrale de la plantation, ou des
catacombes dans les profondeurs du fort. Les nouveaux
esclaves dorment dans un dortoir. Ceux qui se montrent
obéissants et utiles envers leurs maîtres ont droit à une
hutte familiale et à un bout de terre à cultiver, mais comme
garder les esclaves en vie et les encourager à se reproduire
n’est pas la priorité, cela n’est pas courant.
Le jeu intérieur
La tragédie de l’esclavagisme a donné naissance à l’art
martial le plus célèbre de la région atabéenne, surtout
connu sous son nom odisséen : jogo de dentro, le jeu inté-
rieur. Peut-être le nom fait-il référence à la vie « à l’inté-
rieur » dans les prisons, les enclos et les ghettos à esclaves
où ce jeu s’est développé. Peut-être fait-il référence à la
proximité des combattants qui virevoltent et se coulent
au-dessus, au-dessous et autour de leur adversaire, pareils
à de l’huile et de l’eau.
Un étranger pourra voir un étroit cercle de gens qui
chantent et jouent de la musique tandis que deux autres
se tordent et tourbillonnent au centre. S’il demande ce qui
se passe, on lui dira que c’est une danse, et c’est assurément
le cas… Mais le morceau de verre glissé dans la chaussure
d’un danseur et la lame de rasoir qui tournoie dans la main
de l’autre lui échapperont sûrement.
La plupart des arts martiaux ifriens s’associent à un
accompagnement musical visant à inculquer un rythme
combatif et à apprendre à lire la polyrythmie somatique
de son adversaire : le combattant se défend en cadence
et frappe à contre-rythme. Les Ifriens captifs ont troqué
lances et boucliers contre surins de prisonnier, bouts de
verre et lames de rasoir. Plutôt que de se concentrer sur
des assauts effrénés et risqués adaptés au champ de bataille,
ils favorisent les attaques déstabilisantes ou perturbantes
afin que la mort d’un contremaître n’attire pas l’attention
des services de sécurité de la Compagnie. Il en résulte un
style subtil et habile aux manœuvres fourbes, parfait pour
un esclave ifrien épuisé face à un Théan mieux nourri
et équipé.
Liberté ?
Un esclavagiste a tout intérêt à permettre à ses esclaves
d’accumuler un maigre pécule. Il est aisé de se révolter pour
qui n’a pas de famille, d’espoir ou quoi que ce soit à perdre.
Mais pour peu qu’à force de trimer, il ait accumulé quelques
économies, soudain, cette somme est tout son monde, et la
risquer dans une révolte est une perspective intimidante.
Dans les conditions inhumaines d’un fort ou d’une plan-
tation de la Compagnie, parvenir à mettre assez d’argent
de côté pour s’affranchir est une tâche monumentale.
Pourtant, certains esclaves arrivent à acheter leur liberté ou
celle de leurs enfants, ce qui les jette dans une vie d’esclave
libéré sur la mer Atabéenne, dure elle aussi. La Compagnie
propose à ces affranchis de les conduire gratuitement à Fort
Liberté pour y commencer une nouvelle vie, dans l’espoir
de les décourager d’aller en Jaragua pour y rejoindre les
esclaves libérés.
7E MER NATIONS PIRATES 131
 L’Hippocampe Express
La branche la plus récente et prospère de la Compagnie est
également la seule à être irrépréhensible, et a pour charge
de livrer le courrier. Généralement, ce dernier circule à bord
des mêmes navires qui transportent le sucre, les esclaves
et les carcasses de monstres, mais les envois plus urgents
échoient à l’Hippocampe Express.
Les messagers de la Compagnie, souvent appelés hippo-
campes, sont prestes, honnêtes et d’une audace souvent
suicidaire. Rien que de très normal pour qui se retrouve
fréquemment pourchassé par des monstres marins.
Respectés de tous, ils sont les nobles serviteurs de la mer
Atabéenne, porteurs des bonnes et des mauvaises nouvelles.
132 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
Dans les ports théans, on trouve quantités d’historiettes
à propos d’hippocampes intrépides, altruistes et tragiques.
Comme de tels récits aident au recrutement et dorent
l’image de la Compagnie, cette dernière a chargé certains de
ses écrivains et illustrateurs d’en rédiger, mais les produc-
tions indépendantes restent les meilleures.
C’est Mesquite qui fonda les hippocampes et forma
personnellement les maîtres de poste qui les dirigent  :
un beau jour, ce mystérieux personnage émergea de nulle
part, intégra le Comité directeur et créa le service postal. Il
calqua l’organisation et les voies de circulation des hippo-
campes sur ceux des réseaux messagers aztlans, lesquels
gèrent la communication et les chaînes d’approvisionne-
ment de vastes empires dotés d’armées rigoureusement
organisées. La poste atabéenne connaît un tel succès et
un tel engouement que la Compagnie, dont les employés
pensent que le Comité a inventé le principe même du
service postal, envisage désormais d’étendre le système au
continent théan.
Le courrier est si sacré que les (rares) pirates qui
capturent un navire de la Compagnie envoient un messager
sous drapeau blanc, lequel dépose lettres et colis dans un
point-relais désert de la Compagnie, marqué du sceau
du ministre des postes. Même les rebelles rahuris ne s’en
prennent pas aux hippocampes, convaincus (à juste titre)
qu’ils servent un idéal bien plus digne que le reste de la
Compagnie commerciale atabéenne.
Incarner un hippocampe
La plupart des activités de la Compagnie ne conviennent
guère à un Héros, mais quelques nobles âmes se retrouvent
à travailler pour elle en tant qu’hippocampes chargés de
la poste atabéenne. Néanmoins, nul ne peut ignorer bien
longtemps les véritables activités de la Compagnie, et tout
Héros employé comme hippocampe devra un jour faire
face à la vérité : la Compagnie est probablement l’une des
organisations les plus scélérates du monde.
Incarner un hippocampe (ou une équipe d’hippocampes)
peut donner lieu à de belles tensions. La Compagnie vous
a amené dans l’Atabéenne  ; elle a payé votre trajet en
échange d’années de service… Que ferez-vous quand vous
apprendrez la vérité sur ses activités ? Du côté de qui vous
mettrez-vous lorsque les Rahuris vous montreront ce que
la Compagnie a fait ?
Membres
L’essentiel des employés de la Compagnie sont des commis,
des analystes, des comptables et des bureaucrates. Ils
passent leurs journées derrière un bureau à traiter des
dossiers, allouer des ressources et tenir des comptes en
échange d’un salaire régulier. Ils comptent surtout des
Théans, quelques habitants du Nouveau monde, encore
moins d’Ifriens et aucun affranchi. Leur travail est mono-
tone, abrutissant et vide de passion. Le Comité promeut
les employés suffisamment charismatiques et ambitieux
pour survivre à de telles corvées. Ils deviennent gestion-
naires, recruteurs ou mercaticiens, chargés de dénicher de
nouveaux marchés ou de nouveaux employés.
Le président : George Rourke
« Mais assez parlé de moi. Racontez-moi vos aventures. »
George Rourke est un Avalonien grand et mince, aux
cheveux châtains coiffés en queue-de-cheval, aux yeux
bleus, aux pommettes hautes et au sourire conquérant.
Il s’exprime toujours avec ardeur et aplomb, et s’habille
toujours impeccablement.
Rourke est le troisième fils d’un noble avalonien assez
doté mais peu en vue. L’aîné hérita des terres et des titres,
le second se fit prêtre objectionniste, et George lui-même
était destiné à faire carrière dans l’armée. Au lieu de cela, il
devint aventurier et participa à une série d’entreprises qui
s’achevèrent par la mort ou l’emprisonnement de tous les
participants sauf lui, à la suite de quoi il intégra la Ligue
de Vendel.
Il s’épanouit parmi les marchands de Vendel, sous l’aile de
Flemming Rudd, vieil ami de la famille et futur agent de
recrutement en chef de Rourke. Mais bien vite, Rourke fut
écœuré par la Ligue. Selon lui, marchands et membres de la
guilde n’avaient pas à être bridés par les coutumes vestens.
Faute d’avoir pu tirer parti de sa haute naissance ou d’avoir
hérité d’aptitudes magiques, il se mit à en vouloir aux
nobles en général. C’est ainsi qu’il développa la philosophie
personnelle égoïste qui dirige les affaires de la Compagnie,
laquelle met en valeur le génie, la force et l’accomplissement
individuels… et les récompenses monétaires attenantes.
Selon cette philosophie, ceux qui réussissent en vertu
d’avantages de naissance, comme un rang social ou admi-
nistratif élevé, jouissent d’un succès qu’ils ne méritent
pas. Et contrairement aux Rilasciare, Rourke considère
la compassion comme une faiblesse. Peu d’entrepreneurs
théans se revendiquèrent de cette philosophie aussi ardem-
ment que lui, mais elle fit du bruit et lui acquit des inves-
tisseurs importants, dont certains nobles.
Rourke savait commercer, mais il savait encore mieux
sourire et discourir. Il savait aussi voir les synergies que
d’autres manquaient. Il fonda sa première société, Rourke
& Rudd, en Montaigne, simplement parce qu’il aimait
son art et sa culture. Mais lorsque l’Empereur eut vent du
plan étrange et inédit de Rourke consistant à créer une
corporation hors d’atteinte de tout gouvernement national,
il envoya une escouade de mousquetaires au siège de la
société. Ils attaquèrent de nuit, lorsque les bureaux étaient
quasiment vides. L’un d’entre eux simula une menace envers
les bateaux de R&R pour écarter Lærke Ulriksdottir tandis
que les autres saccageaient les locaux, bastonnaient tout
individu présent, confisquaient les papiers et incendiaient
les lieux. Bien sûr, par sécurité, Rourke possédait des copies
cachées à bord de son embarcation personnelle, mais l’as-
saut meurtrit tout de même sa fierté et son budget. Il avait
cependant retenu la leçon et bâtit son nouveau siège de
l’autre côté de la mer. Ainsi, Rourke & Rudd devint la
Compagnie commerciale atabéenne.
Incarner Rourke
Rourke est amical, confiant, motivant et motivé, mais il ne
faut pas s’y tromper : il reste le grand Scélérat de la mer
Atabéenne, et probablement l’individu le plus puissant de
la région (il serait d’ailleurs le premier à le revendiquer).
En tant que dirigeant charismatique, mais intéressé, d’une
corporation maléfique, c’est un antagoniste classique.
Rendez-le difficile à tuer.
Quand vous incarnez le président Rourke, faites montre
de tout le charme et la grâce sociale dont vous êtes capable.
Il se montre animé face aux Héros : animé par leurs exploits
et par leurs réflexions, leurs idées et leurs plans. Lorsqu’il
s’exprime, il est plein d’ardeur et de rêves. Il est prodigue de
petits cadeaux (boisson, tabac, invitations à une fête) pour
masquer son avarice en matière de terres, de capital et de
vie humaines. Rappelez-vous que vous jouez l’homme qui
en a poussé des milliers à rejeter leur noblesse et leur pays
pour se consacrer à la déshumanisation de milliers d’autres.
7E MER NATIONS PIRATES 133
 L’agent de recrutement
en chef : Flemming Rudd
« Éduquer, élever et gouverner le sauvage
est l’œuvre à laquelle Theus nous voue sur Terra. »
Mi-Avalonien, mi-Vendelar et vieil ami des Rourke,
Flemming Rudd est un homme pâle et corpulent coiffé
d’une perruque et de lunettes. Ce fut Rudd qui convia
George Rourke à rejoindre une guilde de transport
vendelar alors qu’il était en difficulté. Ainsi initia-t-il
la transformation du jeune homme d’aventurier raté en
magnat du fret.
Flemming est un fervent vaticin, ce qui est plutôt rare
au sein de ses Nations parentes. Il se sentit marginalisé et
étouffé par les tendances objectionnistes de ses deux pays
et de leurs voisins. Pour lui, la CCA est une occasion de
répandre les valeurs vaticines peu importe la Nation ou la
couleur de peau, et que ses ouailles le veuillent ou non. Il
affirme que la Théah bénit les Ifriens et les Rahuris qu’elle
convertit (et asservit) en leur apportant la lumière de la
civilisation, de la science et de la foi.
Il suffit de voir la cale d’un bateau esclavagiste pour voir
comme Rudd se trompe lourdement. Cependant, il lui
arrive d’être à la hauteur de ses prétentions. Il encourage
la construction de cabildos, des locaux ségrégationnistes
pour esclaves et affranchis. Ils sont généralement super-
visés par un religieux vaticin ou tout autre membre croyant
de la Compagnie. Les cabildos organisent des dîners, des
danses et autres divertissements. Ils donnent également à
134 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
leurs membres des cours de catéchisme vaticin et (si les
possesseurs des esclaves sont d’accord) d’alphabétisation
et d’algèbre.
En apparence, Rudd soutient le plan de George Rourke
qui consiste à dresser les pèlerins vaticins et objectionnistes
les uns contre les autres. En son for intérieur, il s’inquiète. Il
avait toujours espéré que Rourke verrait un jour la lumière
et se convertirait à l’Église vaticine après des années sous
son influence discrète. Or, Rourke ne voit pas d’autre
lumière que la sienne. Maintenant, Rudd commence à voir
des ombres partout. Qu’ignore-t-il d’autre au sujet de sa
propre corporation ? Et peut-il réellement avoir confiance
en Annie Goldenflower, une objectionniste ?
Incarner Rudd
Bienveillant, dévot, terre-à-terre, Flemming Rudd, comme
George Rourke, est un antagoniste naturel du fait de sa
position et de ses convictions esclavagistes. Ses méfaits
hypocrites ajoutés à ses convictions religieuses en font le
genre de gros bonnet que les joueurs adorent typiquement
détester. Mais n’en faites pas un Scélérat prompt à ricaner
et à soliloquer, sans quoi vos Héros lui mettront une balle
dans la tête avant de s’enfuir. Ce serait satisfaisant sur le
moment, mais il n’y aurait pas vraiment de quoi en faire
une histoire mémorable. Au lieu de cela, mettez en avant
sa nature douce et bien disposée. Souvenez-vous qu’il croit
sincèrement aider ceux qu’il asservit.
La responsable de la sécurité :
Lærke Ulriksdottir
« Vous avez le coup de main, je vois ! Mais laissez-moi
vous montrer ce que ça donne si vous avancez votre prise
d’un empan ou deux. Une leçon qui vous
accompagnera jusque dans la tombe. »
Lærke Ulriksdottir grandit en territoire vesten reculé et
apprit à tenir une hache et un bouclier avant de savoir
marcher. Elle servit d’assistante à sa mère tandis que cette
dernière, mercenaire, allait de contrat en contrat. Un jour,
Lærke finit par accepter un boulot abrutissant en tant que
garde d’un poste avancé de la Guilde à Kirkjubæjarklauster.
Lærke n’apprécia guère la vie urbaine qu’elle y décou-
vrit. Les marchands vendelars se vantaient d’user de leur
réseau commercial à des fins bonnes, mais il leur manquait
l’honnêteté franche dans laquelle elle avait été élevée. À
force d’années à être le gros bras de divers marchands,
elle perçut chacune de leurs faiblesses comme un signe de
couardise et devint amère et désabusée. Lorsque George
Rourke la contacta et lui parla de conquérir et dominer la
mer Atabéenne, elle vit quelque chose dans ses plans qui
lui rappela son éducation. Elle rentra au pays une dernière
fois pour y recruter un service de sécurité composé des
pilleurs les plus endurcis qu’elle trouva, puis elle fit voile
pour l’Atabéenne avec le président Rourke.
Ulriksdottir est une femme solide et directe qui adore son
métier, surtout quand il implique de casser des têtes. Rester
en arrière-plan avec une tasse de café et l’air farouche
quand le président Rourke a besoin d’intimider quelqu’un
lui convient, mais enfiler son armure et son bouclier pour
mater à coups de hache des indigènes turbulents lui plaît
encore plus. Ceci dit, cela fait longtemps qu’elle n’a pas
combattu un ennemi de son niveau. Avec un peu de chance,
l’un des Héros s’avérera à sa mesure.
Incarner Ulriksdottir
Dure, tranchée, parfaitement heureuse de son métier,
Ulriksdottir est une Vesten bien trempée, le plus méchant
des méchants flics. Il n’y a qu’une chose qu’elle aime plus
que donner à quelqu’un la peur de sa vie : mettre un terme
à cette dernière. Cela dit, niveau démonstration de force,
elle fonctionne mieux en tant que danger présent mais
silencieux. Lorsqu’un responsable de la Compagnie émet
une menace subtile, Ulriksdottir ou un de ses gorilles peut
passer au niveau de la porte en aiguisant une lame. Elle ne
refusera jamais un défi en combat singulier, mais s’équipera
toujours de son armure, de sa hache et de son bouclier.
La directrice des finances :
Annie Goldenflower
« Désolée, mais il y a un problème de comptabilité qui
requiert toute mon… Attendez, un message de qui ? »
Annie Goldenflower n’a jamais connu son père, mais sa
mère était une Rahuri. Elle et ses sœurs héritèrent de la
peau pâle et des cheveux clairs de son géniteur, si bien
qu’elle peut passer pour une Théane. Elle fit carrière dans
la comptabilité et grimpa les échelons jusqu’à recevoir une
proposition de la Compagnie.
Elle connaissait la réputation de la CCA et était au
courant des atrocités qu’elle avait fait subir à son peuple,
mais peut-être pourrait-elle changer les choses de l’inté-
rieur ? Il lui suffirait de filer doux et de faire ce qu’on lui
dirait en attendant l’occasion de trahir la Compagnie pour
le bien des Rahuris. Alors, elle pourrait lancer une acquisi-
tion hostile et nationaliser la Compagnie pour mettre fin à
ses crimes et faire bénéficier les Rahuris de ses ressources.
Son plan n’a pas marché. C’est une dirigeante impor-
tante de la compagnie, responsable du budget et de la
comptabilité, mais elle n’a toujours pas trouvé d’élément
à exploiter de telle sorte que l’entreprise entière s’effondre-
rait. De plus, elle peine à communiquer avec les dirigeants
rahuris : même avec ses alliés, elle craint d’en révéler trop
et de compromettre sa position.
Par ailleurs, Annie Goldenflower est une objectionniste.
Son esprit logique fut naturellement séduit par le respect
envers la science et le progrès qu’elle constata auprès de tant
de ses plus proches connaissances. Si ardemment qu’elle
puisse rechercher la confiance d’autres Rahuris, elle n’a
aucun intérêt à cacher sa religion ou à mentir dessus. Si un
allié rahuri lui demande de choisir entre son peuple et sa
foi, elle choisira cette dernière.
Incarner Goldenflower
Effacée, concentrée et cérébrale au possible, Annie
Goldenflower est dans de beaux draps. Elle ne peut
qu’être complice d’atrocités tandis qu’elle cherche de
quoi lancer une révolution qu’elle serait bien en peine de
diriger. C’est une personne profondément héroïque, mais
coincée dans un milieu de Scélérats. Elle a besoin d’aide ;
idéalement celle d’un complice extérieur à la Compagnie.
Annie veut éviter à tout prix de se trahir, mais que cela
ne vous empêche pas pour autant de lui faire transmettre
aux Héros les informations dont ils ont besoin pour s’im-
pliquer. Souvenez-vous de ne pas lésiner avec les indices
pour faire progresser les mystères de la mer Atabéenne au
rythme de cape et d’épée de 7e Mer.
7E MER NATIONS PIRATES 135
 Le ministre des postes : Mesquite
Un matin, alors qu’un ouragan maintenait tous les bateaux
à quai et que toute personne saine d’esprit s’était calfeutrée
à l’intérieur de Fort Liberté, un individu sombre vêtu d’un
chapeau à large bords et d’une cape cirée se présenta aux
portes de la Tour de Rourke. L’être androgyne annonça
gravement d’une voix de ténor  : «  J’ai à faire avec le
Comité. »
Abasourdis, les gardes conduisirent l’étranger auprès des
quatre membres du Comité qui petit-déjeunaient. Sans un
mot, il déroula une carte usée de la région, aussi précise que
celles des bibliothèques de la Compagnie. Elle était annotée
de lignes et de flèches d’un rouge cochenille, tracées de
colonie en colonie et d’île en île, et qui suivaient le cours des
vents et des courants océaniques tout en évitant habilement
les eaux infestées de monstres. « Vous avez un problème de
communication, affirma l’étranger. Mon nom est Mizquitl
et voilà comment je le réglerai. »
Mesquite, comme la Compagnie l’appelle depuis, a fondé
l’Hippocampe Express pour réguler la transmission des
nouvelles, des informations et de tout message entre tout
port de l’Atabéenne et toute usine côtière du Nouveau
monde. Mesquite a également personnellement formé ses
messagers en chef, les maîtres de poste, aussi dévoués et
discrets que n’importe quel Vagabundo ou Fille de Sophie.
Lors de toute réunion, Mesquite reste muet. À toute
question qui ne concerne pas le choix d’une voie de passage
ou la transmission du courrier, il répond par un regard noir
ou un haussement d’épaules. Aucun membre du Comité
n’a le souvenir d’avoir pu le regarder de près. Son bureau
dans la Tour de Rourke est un beffroi sans cloche, avec
des fenêtres sans vitres et un bureau de fer vissé au sol, sur
lequel Mesquite reste généralement assis, même au cœur
d’une tempête.
136 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
UN DIEU ?
Les croyances relatives aux dieux varient beaucoup
parmi les Théans. Un fidèle fervent de l’Église
vaticine affirmera qu’il n’existe pas d’autre dieu que
Theus. D’autres présument que les dieux ont choisi
(ou été forcés) de se distancer de l’humanité il y
a longtemps. Pour d’autres encore, toute histoire
ou rumeur de la présence d’un dieu découle d’une
influence syrneth, étant donné l’état d’avancement
de leur technologie.
En Aztlan, les dieux sont tout à fait réels et actifs.
Ils ont eu une influence immense sur l’histoire de
la région et certains, comme Mesquite, voyagent
à travers le monde pour réaliser leurs objectifs.
En théorie, toute personne que les Héros croisent
pourrait être un dieu déguisé… de quoi encourager à
être aimable avec les étrangers, n’est-ce pas ?
Incarner Mesquite
En vérité, Mesquite est un dieu, quoiqu’un dieu infime
et tombé dans l’oubli. Il y a des siècles, il était vénéré
en Aztlan, lorsque les premières routes percèrent les
montagnes et la forêt tropicale. Mais son culte périclita
lentement, jusqu’à le laisser dépourvu de temples et de
prêtres. Il n’est pas orgueilleux, juste dévoué à ce qu’il fait
de mieux, et il a décidé que la Compagnie était le meilleur
moyen de l’accomplir.
En tant que dieu, vos objectifs sont à long terme. Les
menus éléments du quotidien vous fascinent  : vous
observez ces petits morceaux s’assembler et former l’avenir.
Dépourvu de fidèles, vous tenez à vos alliés humains, que
vous estimez plus précieux que des serviteurs obéissants,
et vous les protégerez de toute votre puissance.
Relations internationales
Avalon
« Si frustré que je puisse être par les défauts de
mon peuple, en particulier en ce qui concerne
son attitude religieuse, l’Avalon, l’Inismore et
les Marches sont très illustratives de l’esprit
d’entreprise dont George et moi nous revendiquons.
Nos commerces de sucre et de tabac en Avalon
nous rapportent gros. En fait, nous y avons plus
d’investisseurs nobles que dans toute autre Nation
théane. Le personnel de la Compagnie compte
nombre d’Avaloniens, depuis le Comité
jusqu’aux mousses les plus inexpérimentés. »
—M. Rudd
Castille
Les Castillians, et les Odisséens (les habitants de la pénin-
sule d’Odissée) en particulier, font très fréquemment affaire
avec la Compagnie, quoique les hautes sphères sociales
dédaignent Rourke pour son mépris envers la noblesse
et les gouvernements. Depuis la perte de l’Armada, des
Castillians fortunés ont régulièrement dû faire appel à la
Compagnie et à ses navires de fret.
Eisen
Il est bien connu que George Rourke a beaucoup d’ad-
miration pour Niklas Träge. Il a même conçu la Tour de
Rourke sur le modèle de la Wachtturm de Freiburg. Pour la
Compagnie, Freiburg est la cité la plus profitable de Théah
et la plus ouverte à la philosophie de Rourke.
Montaigne
« Oh, j’espère qu’il se réessaiera à faire affaire
dans mon pays. Cette fois, peut-être pourrai-je
réduire en cendres Monsieur Rourke lui-même. »
—L’Empereur Léon Alexandre
Numa
La Numa et la Compagnie ont une relation d’affaires
tendue. La Compagnie a besoin des épices et de la menthe
numanaris, et la Numa a besoin des nombreux produits
manufacturés et autres substances que ses îles ne peuvent
produire. Mais si la philosophie de la Compagnie comme
de la Numa reposent énormément sur le principe de
« liberté », la ressemblance s’arrête là.
La Fédération sarmatienne
« Fascinant ! Je pourrais parler de la Fédération
des jours durant. Quel potentiel, quel sens de
la mode, quel admirable respect pour la liberté…
mais au final, quelle déception. Le « sarmatisme »
n’est qu’un énième prétexte des faibles pour profiter
des forts. Ennoblir a population entière fut la pire
façon de faire ce qui devait l’être, et je trouve leur
Roi et ses articles de Walezy contrariants au
possible. Mais au moins, il est assez simple d’y
faire affaire. Si leur gouvernement a à redire sur
ma Compagnie, il est trop occupé à se chamailler
avec lui-même pour le faire savoir. »
—Président Rourke
Ussura
Les besoins en importation et les marchandises d’exporta-
tion de l’Ussura font l’affaire de la Compagnie, mais derniè-
rement, la Ligue de Vendel a redoublé d’hostilité et a tiré
parti de sa proximité géographique pour damer le pion à la
Compagnie. En réaction, Rourke a fait publiquement savoir
que ce pays rétrograde et superstitieux ne valait pas son
attention. Seul Flemming Rudd sait à quel point Rourke
est réellement contrarié par cette manœuvre.
La Ligue de Vendel
« Maudits soient ces chiens veules ! C’est la Ligue de
Vendel qui a engendré Rourke et Rudd. Leur corporation
n’aurait jamais pu exister sans nos guilders, nos douanes
et notre organisation. Nous avons été bien bêtes de croire
qu’ils resteraient loyaux à la Ligue même après avoir
pris le monopole de la mer Atabéenne. Rourke vous
soutiendra le contraire, mais le commerce repose sur les
relations, et une relation repose sur la confiance. Nos
guilders représentent la confiance que les marchés
théans vouent à un système dont tous bénéficient.
Quand un marchand, surtout un aussi chanceux que
es traîtres, se rit de l’honnêteté et du respect, c’est le
concept fondamental du commerce qui souffre. Eh bien
si c’est une guerre commerciale qu’il veut… »
—Harald Hermansson de la guilde des marins
Vodacce
« Rourke semble être un brave homme.
Nous faisons très souvent affaire ensemble. »
—Giovanni Villanova
7E MER NATIONS PIRATES 137
 Fort Liberté
George Rourke fonda Fort Liberté sur une île rocheuse
vallonnée de la mer Atabéenne, peuplée d’indigènes
paisibles qu’il asservit sans tarder. Ulriksdottir, alors
second capitaine, vit dans l’île un excellent port naturel.
Son entrée en goulot permettrait à des navires seuls ou
en faibles nombres de circuler aisément tout en représen-
tant un obstacle conséquent à toute invasion en force, un
élément que Rourke ne manqua pas de prendre en compte
à la lumière du sort que l’Empereur avait fait subir à son
précédent siège. Rourke fit bâtir une place forte, la Tour de
Rourke, sur le point le plus élevé de l’île, puis étendit ses
fortifications en surplomb du port. Cette construction fut
baptisée Fort Liberté.
Rourke et Ulriksdottir firent la publicité de l’île en la
vantant comme l’endroit idéal pour tout pirate désireux
d’échapper à ses ennemis. Tout équipage de passage y
trouva en abondance et à bas prix alcool, café et autres
substances addictives. Les provisions arrivaient fraîchement
de Théah.
138 CHAPITRE 1 | Ports d'escale
En l’absence de lois particulières qui seraient venues
gâcher leur plaisir, des individus aux mentalités similaires
s’y rassemblèrent, et Ulriksdottir et ses gros bras furent
prompts à éliminer tout empêcheur de tourner en rond.
Fort Liberté fut à l’origine surtout peuplé d’employés de
la Compagnie ou de pirates à la retraite, mais depuis, on y
trouve toute la faune de l’Atabéenne. Le Fort Liberté d’au-
jourd’hui est une cité à part entière qui dispute à Aragosta
le titre de plus grande cité de la mer Atabéenne.
La géographie du Fort
L’île a la forme d’un croissant au sommet aplati, bardé
de falaises fortifiées dans toutes les directions, excepté
au niveau du C que forme son port. Le rivage est hérissé
d’innombrables jetées qui s’enfoncent dans l’océan, orien-
tées vers l’île centrale où une statue de George Rourke
surplombe les arrivants, invitant chacun d’entre eux à
prendre part à sa croisade profitable.
 La représentation de Rourke fixe l’horizon, une main
en visière au-dessus de ses yeux tandis que l’autre tient la
Cloche de la Liberté, qui sonne chaque matin au lever du
jour pour rappeler à tous les résidents à quel point ils sont
libres. Des tourelles fortifiées surveillent les pointes du
C. Des bateaux de tous horizons y accostent : des pirates
côtoient les vaisseaux de la Compagnie aux côtés de navires
marchands de Vodacce, de la Ligue de Vendel ou de Castille.
Quiconque peut payer le droit de mouillage est le bienvenu.
On dénotera une règle capitale : pas de combat naval à l’in-
térieur du port… sauf pour qui se sent de braver les canons
de la forteresse et de toute autre embarcation à quai.
Voici quelques-uns des lieux notables de Fort Liberté :
• Les Maigres Tombes occupent un pan de l’aile
orientale du port. C’est la seule zone à ne pas
servir de point d’amarrage. L’eau à marée haute
n’y arrive qu’aux chevilles. Des piles ornées de
pierres commémoratives ou de plaques dédiées
aux morts s’enfoncent profondément dans la
plage. Leur souvenir est voué à subsister ici pour
l’éternité, caressé par les vagues jusqu’à ce que
Fort Liberté s’abîme dans les flots.
• Juste à côté du port, divers entrepôts et senzalas
(des clubs d’esclaves) surplombent les ruelles, les
boutiques, les tavernes et autres modestes établis-
sements calés entre eux comme du mortier entre
des briques.
• Les tavernes sont nombreuses, chacune avec ses
propres méthodes pour attirer la clientèle. Au lieu
de vitres, les fenêtres possèdent des peaux huilées
ou des volets, afin que les videurs puissent expulser
les clients aussi efficacement que possible.
• La construction de Fort Liberté n’ayant nullement
été planifiée, on y trouve des gargotes à côté d’hô-
tels de luxe, et des boutiques et des bureaux auprès
de manufactures crasseuses. Les hauteurs sont
cependant une exception : cette zone entourée de
murs, proche de l’enceinte intérieure de la Tour
de Rourke, héberge surtout des employés de la
Compagnie, ainsi que des services et des maga-
sins corporatistes, de sorte que l’argent peut y
circuler où le veut le Comité. Les patrouilles de
sécurité d’Ulriksdottir vont et viennent le long du
boulevard principal qui mène du rivage jusqu’aux
hauteurs et s’assurent qu’au sein du chaos et de la
violence de la cité, les travailleurs de la Compagnie
ne soient pas inquiétés.
Les fortifications côtières : le Flocon
En tant que portion la plus vulnérable de l’île, la partie
ouest de Fort Liberté est dominée par une immense
forteresse grise au nom inspiré par la forme de son péri-
mètre : le Flocon. Il s’agit du quartier général de Lærke
Ulriksdottir ; c’est là qu’elle forme le service de sécurité
de la Compagnie et planifie les représailles à l’encontre de
pirates trop dangereux pour être ignorés. Conçu par l’ingé-
nieur militaire vodacci Cinzia Pontecorvo, ce fort compte
parmi les plus sophistiqués au monde. Pontecorvo était à
l’origine venue dans le Nouveau monde pour travailler sur
des fortifications castillianes, mais lorsque la Compagnie
lui fit une offre, elle remballa ses plans et s’empressa de
rejoindre Fort Liberté. Le Roi de Castille est furieux, mais
avec son Armada au fond de l’eau, qu’y peut-il ?
Le rempart extérieur du Flocon s’élève directement de la
mer, uniquement relié à la terre par des douves traversables
via un pont-levis. Le rempart lui-même est surplombé
d’un parapet de pierre d’un mètre et demi d’épaisseur. Les
murs ne sont pas polygonaux ou ronds comme ceux des
anciens châteaux, car ceux-ci laissent des angles morts où
les assaillants peuvent se mettre à l’abri des tirs. Au lieu de
cela, le mur extérieur est hérissé de bastions triangulaires
ou quadrilatéraux de tailles diverses. Ce motif en étoile
vodacci permet aux batteries et aux tireurs de faire feu dans
tous les sens possibles.
L’enceinte du fort contient des baraquements, une senzala
où les esclaves sont parqués, et plusieurs arsenaux où la
garnison peut se réapprovisionner. Au centre de la cour
se trouve une citadelle ceinte d’une muraille en étoile
qui héberge le réfectoire, la forge et d’autres locaux de
première nécessité.
Tous les forts côtiers de la Compagnie n’ont pas le
même agencement. En fait, la plupart sont des châteaux
bâtis lors des premières années de l’expansion théane que
la Compagnie a rachetés ou capturés, et qu’elle compte
rénover lorsqu’elle en aura les moyens et le personnel.
Certains consistent simplement en un fortin de calcaire
au milieu d’une cour ceinte d’un mur de pierre doublé de
douves. Toutefois, les propriétés les plus importantes de la
Compagnie sont protégées par des forts en étoile comme
le Flocon.
7E MER NATIONS PIRATES 139
Crime organisé et désorganisé
Des gangs urbains se sont constitués avec une rapidité alar-
mante à Fort Liberté. Ils attirent les enfants, en particulier
les orphelins, et en font des messagers, des éclaireurs ou des
tire-laine avant de leur apprendre à se battre. Les chefs de
gang commencèrent par se faire appeler « rourkes » il y a
quinze ans, mais depuis, le mot s’est déformé en « fourbe ».
À force de se battre, ils ont développé des styles de combat
travaillés, à la surprise et au grand dam de plus d’un duel-
liste trop confiant qui cherchait des ennuis dans les ruelles
de Fort Liberté. Bien des gangs pratiquent des variantes
distinctes du jeu de l’intérieur, nommées « rythmes ».
Les gangs forment une part importante de l’écologie de
Fort Liberté. Ils se battent non seulement par fierté et pour
des questions de territoire, mais aussi pour attirer l’atten-
tion de la cour des grands. Embaucher un gang urbain est
souvent le moyen le plus rapide (à défaut d’être le plus fiable)
d’acquérir rapidement les services de gros bras. Parfois, il
peut simplement s’agir de garder un entrepôt rempli de
marchandises suspectes (auquel cas le gang sera payé à
protéger les biens autant qu’à ne pas déguerpir avec), et
parfois, un équipage pirate s’associe temporairement un gang
en prévision de l’assaut d’une forteresse marine.
Étant donné qu’une telle opération requiert souvent
de combiner les efforts de plusieurs vaisseaux, avoir des
forces supplémentaires peut être utile, aussi bien en plein
combat qu’après, quand il s’agit de faire valoir sa part du
butin. Lærke Ulriksdottir a pour habitude controversée
d’envoyer des observateurs de son propre service de sécu-
rité afin de surveiller les combats importants et de proposer
aux membres les plus doués de rejoindre la Compagnie, où
une carrière lucrative les attend. Pour la plupart des gangs,
accepter une telle invitation est le déshonneur ultime, car
cela revient à tourner le dos à la communauté qui vous a
élevé, vous a protégé et vous a appris à vous battre… mais ils
ne peuvent pas faire grand-chose contre ces « corporatistes ».
• Le Gang Cipactli est constitué de natifs du
Nouveau monde d’extraction tzak k’an et nahua-
cane. Ils sont particulièrement craints, car la
rumeur veut qu’ils sacrifient des captifs aux dieux
du Nouveau monde. Ils s’efforcent de cacher la
vérité, qui est bien pire : ils les vendent en tant
qu’esclaves.
• Les Fils et les Filles dévoyés sont les enfants
terribles des nobles démunis de terres et des nantis
de Fort Liberté. Ils se faufilent hors des quartiers
chics en hauteur, en quête d’excitation et de danger.
Les autres gangs voient les Dévoyés comme des
gosses de riches faiblards, et pour les détromper,
ces derniers combattent avec une férocité effrénée,
sans égards pour leur propre sécurité.
• Les Baudroies sont un gang rahuri, probable-
ment le plus nombreux de tous les gangs de Fort
Liberté. Cette supériorité numérique est autant
un atout qu’un handicap, car les conflits internes
sont fréquents, et il arrive souvent que les diri-
geants soient remis en cause avec violence.
• Les Méchants (oui, c’est leur nom) sont un gang
ifrien, constitué environ pour moitié d’affranchis.
Les meilleurs pratiquants du jeu intérieur parmi
eux portent des vêtements d’un blanc éclatant
pour revendiquer n’avoir jamais été mis à terre ou
jetés au sol.
• Le jeu de balle aztlan nommé ulama est un passe-
temps très en vogue à Fort Liberté. Les meilleures
équipes d’ulama du cru ont chacune des gangs
de hooligans modestes mais vindicatifs et éton-
namment organisés. Il arrive même parfois que les
joueurs d’ulama prennent part aux affrontements.
Les Sociétés secrètes à Fort Liberté
Si dédaigneux que George Rourke puisse être envers la
philosophie et les activités de l’essentiel des sociétés secrètes,
il les encourage à s’implanter dans Fort Liberté afin que ses
agents puissent les surveiller. Une guerre d’espionnage a lieu
entre les infiltrés de la Compagnie et les agents des sociétés.
Les secrets d’un camp se vendent bien auprès de l’autre.
• La Fraternité de la côte ne possède pas de base à
proprement parler ici. Ils n’en ont pas besoin : un
rendez-vous dans un coin d’une taverne animée
leur convient très bien.
• Die Kreuzritter surveillent les déplacements des
monstres marins atabéens. Ils gardent également
un œil sur tout nouvel arrivant théan puissant dans
l’Atabéenne, de crainte que des infernalistes ne se
cachent dans les recoins les plus reculés de la Mer.
• La Société des Explorateurs possède un club
bien en vue et bien équipé, à l’orée des hauteurs.
Le président Rourke sait qu’ils sont ses concur-
rents, mais il les respecte… et se plaît à les voir
insupporter l’Église vaticine. Que les meilleurs
explorateurs gagnent.
• Le Collège invisible entretient quelques labora-
toires dissimulés à Fort Liberté. George Rourke a
subtilement encouragé leur développement, dans
l’espoir que la Compagnie pourra leur subtiliser
leurs découvertes. Or, sitôt que la Compagnie
s’apprête à en dénicher un et à s’approprier ses
secrets, les érudits qui y résident en partent et
détruisent toute preuve de leurs activités avant de
se disperser dans d’autres refuges. Mais combien
de temps pourront-ils continuer ce petit jeu dans
une cité dominée par la Compagnie ?
• Les Chevaliers de la Rose et de la Croix ont
fort à faire ici. La Compagnie représente l’an-
tithèse de tout ce en quoi ils croient. Leurs
dirigeants estiment que Fort Liberté est trop
dangereux pour y établir un chapitre, et ils
ont probablement raison. Il est recommandé
aux Chevaliers d’y faire profil bas, car Lærke
Ulriksdottir ne goûte guère leur style d’héroïsme.
• Quelques Vagabundos se sont implantés dans la
région atabéenne pour y entrer en contact avec
les dirigeants rahuris. À l’instar des Chevaliers, ils
ont estimé que Fort Liberté était trop dangereux
pour y fonder une base. La Compagnie ne les a
pas encore repérés, mais Rourke et Ulriksdottir
n’aimeraient rien tant que d’annihiler ces laquais
de nobles indignes.
• Močiutės Skara est probablement la société
secrète la mieux établie à Fort Liberté après les
Explorateurs. Les surveillants de la Compagnie
ont plus d’une fois averti le Comité de la menace
que le Châle pourrait représenter pour eux, mais
le Comité ne semble pas s’en soucier. Il ne sait
d’ailleurs même pas où se situe la base d’opérations
de la société secrète. Les membres se rassemblent
généralement à découvert, au sein d’immenses
foules, et se transmettent informations et instruc-
tions à l’aide de tapotage codé. Leurs ressources
limitées sont principalement consacrées à des
travaux modestes et peu reluisants. Leurs supé-
rieurs ont contacté les dirigeants rahuris afin de
déterminer ce qu’ils pourraient faire pour éviter
la guerre de conquête qui pourrait prochainement
risquer de survenir entre Théans et Rahuris.
• Les Rilasciare qui œuvraient à Fort Liberté il y
a tout juste quelques semaines se sont envolés.
George Rourke est particulièrement hostile envers
cette société secrète qui promeut une philosophie
similaire à la sienne, mais à des fins diamétrale-
ment opposées. La rumeur dit que leur récente
opération à l’encontre d’un fonctionnaire vaticin
qui volait sa congrégation était trop audacieuse et
trop prévisible. Lærke Ulriksdottir localisa un de
leurs refuges et fit le ménage au sein des membres
de la foule qu’ils avaient rassemblés pour saccager
la maison du fonctionnaire. Maintenant, la main
elle-même a disparu… mais de sa propre initiative
ou de celle d’Ulriksdottir ?
7E MER NATIONS PIRATES 141
Chapitre 2

La vie d’un pirate

 Le Héros pirate
L
a Théah est empreinte d’aventures, de mystères et d’intrigues, mais ce n’est pas le seul lieu au monde à explorer. De
nouveaux horizons s’offrent à vous, et vous pouvez incarner un Héros d’une de ces contrées lointaines. À travers
les sept mers, par-delà la Théah, les Héros existent également. Ils n’ont peut-être pas la même allure, mais ils n’en
sont pas moins des Héros. Que votre Héros soit second à bord d’un vaisseau pirate, fourbe atabéen, espion boucanier
ou chasseur des vagues rahuri, il croit au courage, à la discipline et à la compassion. Tout pirate que vous soyez, vous
restez un Héros.

Les Héros pirates dans 7e Mer

Ce chapitre regroupe tout ce dont vous aurez besoin pour
créer un Héros d’une Nation pirate. Nations Pirates
vous permet de jouer un Héros extérieur à la Théah, mais
les règles de création restent les mêmes et suivent les étapes
décrites dans le Livre de base.
Comme dans le Livre de base, vous trouverez des
Historiques généraux et d’autres associés à une Nation.
Par exemple, si vous avez envie de jouer spécifiquement un
mawon jaraguayen, vous trouverez plus loin un profil dédié.
Ce chapitre inclut également pléthore d’Avantages, d’Arcanes
et d’Histoires inédits ; des Sorcelleries et des Styles de Duel
flambants neufs ; et enfin des Origines et des Aventures
pour Navires.
Tous les éléments présentés ici sont compatibles avec ceux
du Livre de base, mais tâchez de rester cohérent. Votre
MJ peut permettre des exceptions, comme une Rahuri
dotée de la Sorte, mais celles-ci devraient rester rares. Oui,
les Héros sont des exceptions à la règle, mais une telle
anomalie doit à la fois avoir une explication et ouvrir à des
Histoires potentielles. Par exemple, une Rahuri douée de la
magie de la Destinée peut en avoir hérité de sa mère partie
dans la mer Atabéenne. Mère et fille ont été séparées, et
cette dernière recherche maintenant sa génitrice afin de
comprendre ses pouvoirs.
Et souvenez-vous : sur terre ou sur mer, il y a des Scélérats
qui s’en prennent aux faibles. C’est pour ça qu’on a besoin de
vous. Alors en avant, soyez un Héros !

144 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate

Étape 1 : les Caractéristiques Étape 3 : les Historiques
Chaque Héros possède cinq Caractéristiques qui défi- Dans le monde de 7e Mer, rares sont ceux qui choisissent
nissent ses capacités naturelles. Il s’agit de : leur propre vie. Souvent, les parents décident de la carrière
La Force, qui mesure la force et la puissance physique de leur enfant. Il en va probablement de même pour votre
du Héros. Héros. L’Historique représente ce qu’il a fait avant le début
La Finesse, qui indique sa coordination et son agilité. du jeu : a-t-il été formé à devenir artiste ou soldat ? Ses
La Résolution, qui évalue sa volonté et son endurance. parents l’ont-ils envoyé en mer pour apprendre la vie de
L’Astuce, qui donne une idée de sa rapidité d’esprit. marin ? A-t-il été élevé au sein d’une troupe d’acteurs, de
Le Panache, qui représente son charme et jongleurs et autres amuseurs itinérants ? Est-il né au sein
son magnétisme. de la noblesse théane, promis à une vie de luxe ? Ce n’est
Un Héros commence avec un score de 2 dans toutes pas à cela que la vie de votre Héros a abouti, mais c’est ainsi
ses Caractéristiques. Vous disposez en plus de 2 points à qu’elle s’est engagée.
distribuer dans la ou les Caractéristiques de votre choix. Les Historiques représentent le passé de votre Héros : il
était marin, il était acteur, il était assassin. Cela l’influence
Étape 2 : la Nation sans doute encore, et même beaucoup, mais ce n’est pas
Le choix de votre Nation affecte vos Caractéristiques et forcément ce qu’il est devenu.
vous donne accès à des Historiques et des Avantages spéci- Les Historiques apportent quelques éléments qui contri-
fiques. N’appliquez ces bonus qu’après avoir dépensé les bueront à rendre votre Héros unique.
points de l’étape 1. Restrictions : certains Historiques sont soumis à des
conditions. Veillez à y satisfaire, car elles font partie de
l’histoire de votre Héros.
NATION BONUS
Coups d’éclat : les Historiques sont accompagnés d’un
Aragosta Panache +1 ou Finesse +1
Coup d’éclat : un trait de personnalité courant chez les
Jaragua Force +1 ou Finesse +1 personnes du milieu concerné. Vous recevez un point
La Bucca Panache +1 ou Astuce +1 d’Héroïsme si vous agissez en accord avec le Coup d’éclat
Numa Résolution +1 ou Astuce +1 de votre Historique. Attention : un Coup d’éclat donné
Rahuri Force +1 ou Résolution +1 ne peut vous rapporter qu’un seul point d’Héroïsme
par partie.
Avantages  : les Historiques vous apportent des
Avantages : des capacités que la plupart des Théans n’au-
ront jamais. Si votre Historique vous octroie un Avantage,
notez-le sur votre Feuille de Héros. Il est gratuit.
Compétences  : chaque Historique inclut une liste
de Compétences que vous obtenez au Rang 1. Les
Compétences sont des aptitudes précises correspondant
à des tâches précises. Comme les Caractéristiques, les
Compétences sont mesurées en Rangs, vous indiquant
combien de dés elles vous confèrent. Une Compétence ne
peut dépasser le Rang 5.

Deux Historiques
Choisissez deux Historiques différents dans la liste
ci-dessous.
Vous recevez tous les Avantages de l’Historique. Si
vous recevez un Avantage en double, choisissez-en un autre
avec le même coût en points.
Vous recevez 1 Rang dans toutes les Compétences
liées à votre Historique. Si vous avez une ou plusieurs
Compétences en double, ajoutez-y 1 Rang, pour un total
de 2.

7E MER NATIONS PIRATES 145

 Historiques généraux Historiques aragostains

FOURBE ATABÉEN ÂME MEURTRIE

Vous n’avez peut-être pas une once de sang bleu, mais les ruelles Jadis, vous avez vendu un fragment de votre âme. Vous ne
de Fort Liberté sont votre royaume, et ses gamins, vos sujets. laisserez jamais quiconque faire la même erreur.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous usez de Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous empêchez
votre réputation ou de votre statut pour aider autrui. Jonah le Diable de prendre une autre âme.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Fieffé lascar Armes blanches Marié à l’Océan Armes blanches
Recruteur doué Art militaire Pacte avec le Diable Intimidation
Intimidation Perturbateur Navigation
Navigation Vigilance
Vol Vol

FUGITIF DE LA COMPAGNIE FLIBUSTIER

Vous avez échappé aux griffes de la CCA et vous vouez Les pieds sur le pont, le visage tourné vers le soleil et le
désormais chaque jour de votre vie à rendre celle de la vent dans le dos : voilà tout ce qu’il vous faut.
Compagnie un peu plus difficile. Coup d’éclat
Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous convain-
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous mettez des quez un autre personnage de se joindre à vous pour un
bâtons dans les roues de la Compagnie ou perturbez ses voyage en mer.
rentrées d’argent. Avantages Compétences
Avantages Compétences Baroudeur atabéen Intimidation
Académie de Duellistes Athlétisme Marié à l’Océan Navigation
(Jogo de Dentro) Bagarre Recruteur doué Persuasion
Fibre héroïque Dissimulation Tir
Vigilance Vigilance
Vol

HIPPOCAMPE FLINGUEUR
Seul quelqu’un de courageux ou d’inconscient se vouerait Au loin, un capitaine ennemi ordonne à son équipage
à livrer le courrier à travers la mer Atabéenne. Voilà qui vous d’ouvrir le feu. Personne ne pourrait le toucher à cette
correspond. distance… personne sauf vous.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous livrez un Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous dépensez
message important, écrit ou non. toutes vos Mises pour tirer sur une cible et que cela vous
amène à subir des Conséquences.
Avantages Compétences
As de la barre Athlétisme Avantages Compétences
Marié à l’Océan Équitation Marié à l’Océan Athlétisme
Navigation Pied marin Intimidation
Représentation Tireur d’élite Navigation
Vigilance Tir
Vigilance

THÉAN OSTRACISÉ TRAFIQUANT DE RHUM

Vos crimes (réels ou supposés) vous ont rattrapé. Eh bien si Vous avez dit que vous livreriez cette cargaison, et ce n’est
la Théah ne veut pas de vous, vous n’en voulez pas non plus ! pas un minable petit blocus qui va vous en empêcher.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vous attirez Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous lancez votre
des ennuis en soutenant votre contrée d’adoption au bateau dans des eaux interdites.
mépris des intérêts théans. Avantages Compétences
Avantages Compétences Marié à l’Océan Navigation
Graissage de patte Bagarre Pied marin Subornation
Opportuniste Dissimulation Promis, juré, craché Tir
Empathie Vigilance
Navigation Vol
Vol

146 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate

Historiques jaraguayens Historiques de La Bucca

AGITATEUR JARAGUAYEN MEMBRE D’UN CHAPITRE

La Jaragua a besoin d’alliés, d’argent et de commerce. Et La Bucca ne peut fonctionner que si ses différents
vous savez comment obtenir ce dont votre Nation a besoin. Chapitres coopèrent.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous obtenez un Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous satisfaites
nouvel allié pour la Jaragua. aux devoirs de votre Chapitre.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Bakchich Bagarre Graissage de patte Armes blanches
Contacts Dissimulation La Palabra Persuasion
Empathie Représentation
Subornation Subornation
Vol Vol

ENSPEKTÈ NIÑO
Les horreurs de la Jaragua ont cherché à briser votre peuple, La Mère vous a amené ici pour une raison bien précise.
mais vous êtes son protecteur et on ne peut vous briser. Lorsque vous êtes arrivé, elle vous l’a murmurée à l’oreille.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous apprenez Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous protégez un
un secret à propos d’un Monstre ou d’une conspiration frère ou une sœur.
anti-jaraguayenne. Avantages Compétences
Avantages Compétences Estomac en fer forgé Dissimulation
Académie de Duellistes Armes blanches Murmure à la Mère Représentation
(Bugu Takobi) Athlétisme Tir
Nerfs d’acier Empathie Vigilance
Érudition Vol
Vigilance

MAWON SENTINELLE
Les ennemis de la Jaragua vous croient peut-être faible et Sur La Bucca, il y a deux possibilités : être rapide ou être
lâche, mais l’opinion des morts vous importe peu. mort. Vous préférez la première.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vainquez un Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous dégainez
ennemi en usant de tactiques de guérilla. plus rapidement qu’un autre personnage.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Un contre dix Art militaire Recharge rapide Armes blanches
Victoire partagée Athlétisme Réflexes éclair Athlétisme
Bagarre Intimidation
Dissimulation Tir
Persuasion Vigilance

NGANGA SIRÈNE
Votre peuple se fie à vous pour interpréter la volonté des Le sixième Chapitre n’existe pas. Sauf quand on a besoin
esprits et l’aider quand il en a le plus besoin. de vous.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous usez de vos Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous résolvez
connaissances et de vos aptitudes spirituelles pour aider un problème avec discrétion et artifice plutôt que par une
une communauté. confrontation directe.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Estomac en fer forgé Armes blanches Approche flexible Armes blanches
Sorcellerie Empathie Mécène Dissimulation
Sorcellerie Érudition Intimidation
Persuasion Tir
Représentation Vol

7E MER NATIONS PIRATES 147

 Historiques numanaris Historiques rahuris

HAIMON ARPENTEUR D’HORIZONS

Vous faites partie de la caste des guerriers et la gloire n’at- L’Atabéenne est une merveille, mais vous rêvez de lieux
tend que vous. Rien ne vous empêchera de la revendiquer. encore plus incroyables. Le monde n’attend que vous.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous entreprenez Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous découvrez
une tâche dangereuse, sans autre raison que pour gagner un endroit où vous ne vous êtes jamais rendu.
en gloire. Avantages Compétences
Avantages Compétences As de la barre Athlétisme
Débrouillard Armes blanches Baroudeur atabéen Équitation
Potentiel glorieux Art militaire Navigation
Volonté indomptable Athlétisme Subornation
Navigation Vol
Subornation

INSTRUCTEUR BOHITI
Les Théans méritent-ils l’amitié des Numanaris ? Vous allez Vous êtes un ambassadeur de Soryana. Votre responsabilité
les mettre à l’épreuve. sacrée est d’assurer le lien entre votre peuple et ses aïeux.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous poussez Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous résolvez le
un autre personnage à se montrer digne de son potentiel, problème d’un ancêtre Perdu.
quitte à causer des problèmes. Avantages Compétences
Avantages Compétences Guide de Soryana Empathie
Académie de Duellistes Armes blanches Sens de l’orientation Érudition
(Agoge de Lakedaimon) Art militaire Navigation
Entraide Athlétisme Persuasion
Empathie Représentation
Érudition

MYRMIDON BORIQUA
La Théah a trop longtemps oublié le nom de la Numa. Il est Par le poids de vos mots ou à la force de vos bras, vous
temps de lui rappeler qui est la mère du monde. protégerez les vôtres.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous impres- Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous remportez
sionnez l’équipage d’un navire étranger par votre audace. une confrontation diplomatique en menaçant de violence.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Favori de l’Océan Armes blanches Lyceum Armes blanches
Marié à l’Océan Art militaire Sens de l’orientation Intimidation
Athlétisme Persuasion
Intimidation Subornation
Navigation Tir

MYSTAI CHASSEUR DES VAGUES

L’esprit humain est capable de choses incroyables, et vous Pour terrasser de terribles Monstres, vous n’avez besoin que
allez le montrer au monde. de votre astuce et de votre harpon.
Coup d’éclat Coup d’éclat
Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous contre- Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vainquez un
carrez les mystai d’Hecteba. Monstre marin.
Avantages Compétences Avantages Compétences
Horloge vivante Armes blanches De toutes mes forces Armes blanches
Sorcellerie Art militaire Œil de lynx Athlétisme
Sorcellerie Athlétisme Navigation
Intimidation Tir
Persuasion Vigilance

148 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate

Étape 4 : les Compétences
Vous recevez 10 points que vous pouvez utiliser pour
améliorer les Compétences apportées par vos Historiques
ou en acquérir de nouvelles. Chaque point dépensé vous
fait gagner un Rang dans une Compétence. À ce stade, vous
ne pouvez pas dépasser le Rang 3 dans une Compétence.
Si votre Héros atteint un certain Rang dans une
Compétence, cela lui confère également les bonus cumu-
latifs suivants :
•  Au Rang 3, vous pouvez relancer un dé, n’im-
porte lequel, lorsque vous prenez un Risque
incluant cette Compétence.
• Au Rang 4, au lieu de constituer 1 Mise par
tranche de 10 comme à l’ordinaire, vous pouvez
constituer 2 Mises par tranche de 15.
• Au Rang 5, tout dé qui donne un 10 explose : lancez
un dé supplémentaire et ajoutez-le à votre total.
ARMES BLANCHES
Armes blanches s’utilise pour attaquer au moyen d’une
arme, qu’il s’agisse d’une épée, d’une hache ou d’un couteau.
ART MILITAIRE
Art militaire s’utilise pour mettre en œuvre votre exper-
tise tactique, par exemple afin de faire une brèche dans les
défenses d’un château. Art militaire permet également de
diriger une armée au combat.
ATHLÉTISME
Athlétisme s’utilise pour traverser une pièce en se balançant
à un lustre, bondir de toit en toit, esquiver des chutes de
débris ou grimper au mât d’un navire.
BAGARRE
Bagarre s’utilise pour donner des coups de poing ou de
pied, ou encore se saisir de quelqu’un et le traîner dans
une ruelle.
DISSIMULATION
Dissimulation s’utilise pour se mouvoir sans se faire
repérer. Dissimulation permet aussi de cacher un objet
et d’éviter qu’on ne le découvre si l’on vous fouille. Vous
pouvez également l’utiliser pour attaquer sournoisement
une victime, ou encore pour élaborer un déguisement ou
camoufler un lieu.
EMPATHIE
Empathie s’utilise pour jauger la sincérité d’autrui ou
évaluer son état d’esprit : effrayé, nerveux, en colère…
ÉQUITATION
Équitation s’utilise dans le cas d’une poursuite échevelée en
attelage. Équitation permet aussi de chevaucher au galop.
ÉRUDITION
Érudition permet de faire usage de vos connaissances pour
répondre à des questions dans bien des domaines. Cette
Compétence s’utilise aussi pour soigner des blessures en
recourant à votre formation médicale.
INTIMIDATION
Intimidation s’utilise pour forcer autrui à vous obéir en le
menaçant, que ce soit physiquement ou autrement.
NAVIGATION
Navigation s’utilise pour circuler dans le gréement d’un
bateau. Navigation permet aussi de manœuvrer un navire
lors d’une bataille navale ou de traverser un canal périlleux.
PERSUASION
Persuasion s’utilise pour faire appel aux bons sentiments
d’autrui, ou pour assurer à votre interlocuteur que vous êtes
honnête avec lui et qu’il peut vous faire confiance.
REPRÉSENTATION
Représentation s’utilise pour captiver un public grâce
à vos talents d’artiste. Représentation permet aussi de
transmettre un message particulier aux spectateurs, voire
de susciter une émotion spécifique.
SUBORNATION
Subornation s’utilise pour soudoyer quelqu’un et le pousser
à agir au mépris du bon sens. Subornation permet aussi de
convaincre autrui de vous accorder « un moment d’intimité ».
TIR
Tir s’utilise pour pointer un pistolet sur quelqu’un et
presser la détente. Tir permet aussi de projeter un poignard
au milieu d’une pièce bondée avec une parfaite précision.
VIGILANCE
Vigilance s’utilise pour examiner une scène de crime ou à fouiller
le bureau d’un Scélérat en quête d’indices. Vigilance permet
aussi de remarquer d’infimes détails au premier coup d’œil.
VOL
Vol s’utilise pour faire les poches de quelqu’un sans qu’il
s’en rende compte. Vol permet aussi de crocheter une
serrure, de percer un coffre ou de vous livrer à d’autres
activités louches de ce genre.
7E MER NATIONS PIRATES 149
 Étape 5 : les Avantages
Vos Historiques incluent des Avantages, mais vous pouvez
en acquérir d’autres. Il s’agit des particularités qui font
sortir votre Héros du lot.
Vous disposez de 5 points à y consacrer.
Les Avantages coûtent entre 1 et 5 points et leur coût
peut varier selon la Nation d’origine de votre Héros.
Certains Avantages comprennent des restrictions.
Sauf mention contraire explicite, tout Avantage ne peut
être acquis qu’une seule fois.
Un Avantage marqué du symbole « Talent » ( ) requiert
la dépense d’un point d’Héroïsme, mais pas d’une Mise, ce
qui signifie qu’il ne coûte pas d’Action, même s’il s’active
durant votre tour.
Un Avantage marqué du symbole « Inné » ( ) ne peut
être choisi qu’à la création du Héros.
Avantages à 1 point
LETTRE DE MARQUE
Vous ou un autre Héros devez posséder l’Avantage
« Marié à l’Océan »
Choisissez une Nation théane. Vous possédez une Lettre
de marque émise par le gouvernement de cette Nation
qui donne à l’équipage de votre Navire la permission
d’opérer. Sur présentation de votre Lettre, nul vaisseau
corsaire ou militaire de cette Nation ne vous importu-
nera, et vos « activités corsaires » ne souffriront d’aucun
contrecoup légal de la part de cette Nation. Cet Avantage
n’aura la plupart du temps pas d’effet sur les agents d’autres
Nations, bien que la politique théane puisse, rarement,
jouer à votre avantage.
RECRUTEUR DOUÉ
Lorsque vous dépensez de la Richesse pour engager une
Escouade de Brutes, sa Puissance est majorée d’1 point.
SENS DE L’ORIENTATION
Tant que vous avez un point de référence, vous n’êtes
jamais perdu… ce qui ne revient pas forcément à savoir
exactement où vous êtes. Si vous êtes assommé et jeté dans
une oubliette, vous ne saurez pas forcément dans quelle
ville vous vous trouvez. En revanche, si vous parvenez à
vous échapper, vous ne risquerez pas de tourner en rond
dans les tunnels des cachots.
150 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Avantages à 2 points
ACTEUR DE COMPTOIR
Lorsque vous prenez un Risque de Représentation dans
un milieu « bas de gamme » comme une taverne portuaire,
un coin de rue ou autre lieu similaire, vous bénéficiez d’1
dé supplémentaire.
GRAISSAGE DE PATTE
Lorsque vous dépensez de la Richesse pour relancer un dé
lors d’un Risque social que l’argent peut influencer, vous
pouvez relancer jusqu’à 2 dés au lieu d’1.
MAÎTRISE D’ARME D’AGOGE
Vous devez maîtriser le Style de Duel «  Agoge
de Lakedaimon »
Choisissez une arme supplémentaire de la liste des
armes d’agoge page 174. La manier vous rapporte les
bonus associés.
MARIÉ À L’OCÉAN (1 POUR UN ARAGOSTAIN)
Vous avez accès à un Navire. Si vous et vos alliés en
aviez déjà un, il acquiert un Historique supplémentaire.
Consultez le chapitre Navigation du Livre de base pour
plus d’informations.
PERTURBATEUR
Lorsque vous exercez une Contrainte sur un autre person-
nage, dépensez un point d’Héroïsme pour la faire durer
jusqu’à la fin du Round
RECHARGE RAPIDE
Dépensez un point d’Héroïsme pour recharger une arme à
feu sur vous au prix d’1 Mise au lieu des 5 ordinaires. Vous
ne pouvez utiliser cet Avantage qu’une fois par Séquence.
SUS !
Vous ou un autre Héros devez posséder l’Avantage
« Marié à l’Océan »
Dépensez un point d’Héroïsme pour que ce Round-ci,
toute Escouade d’Équipage sous votre commandement
obtienne 2 dés supplémentaires pour tout Risque.
VOLONTÉ INDOMPTABLE
(1 POUR UN NUMANARI)
Dépensez un point d’Héroïsme pour résister automati-
quement lorsqu’un autre personnage essaye de vous inti-
mider, de vous séduire ou de vous provoquer.
Avantages à 3 points

APPROCHE FLEXIBLE (2 POUR UN BOUCANIER)

Dépensez un point d’Héroïsme pour modifier votre
Approche lors d’une Séquence d’Action ou Dramatique.

AS DE LA BARRE
Vous bénéficiez d’1 dé supplémentaire lorsque vous prenez un
Risque pour manœuvrer un bateau en eau dangereuse, pour
éviter un tir ennemi ou dès lors que votre expertise de barreur
pourrait servir dans une situation dangereuse de ce genre.

BAKCHICH
Dépensez 1 point de Richesse pour corrompre un person-
nage lors d’une Séquence d’Action ou Dramatique, sans
dépenser de Mise. Vous ne pouvez utiliser cet Avantage
qu’une fois par Séquence.

BAROUDEUR ATABÉEN (2 POUR UN RAHURI)

Dépensez un point d’Héroïsme quand vous êtes dans la mer
Atabéenne pour connaître la direction de la terre la plus
proche, trouver de l’eau ou de la nourriture fraîche, ou poser au
MJ une question sur votre environnement ou une créature que
vous avez rencontrée, à laquelle il doit répondre par oui ou non.

FAVORI DE L’OCÉAN
Vous devez posséder l’Avantage « Marié à l’Océan »
Du moment que vous êtes le capitaine de votre Navire :
•  Avant de jeter les dés au début d’un Round, vous
pouvez dépenser un point d’Héroïsme pour réor-
ganiser vos Escouades d’Équipage.
• Dépenser un point d’Héroïsme pour soutenir un
Héros à bord de votre Navire lui confère 4 dés
supplémentaires au lieu de 3.
• Vous bénéficiez d’1 dé supplémentaire pour tout
Risque pris à bord de votre Navire

NERFS D’ACIER (2 POUR UN JARAGUAYEN)

Lorsque vous dépensez un point d’Héroïsme pour vous
donner 1 dé supplémentaire lors d’un Risque contre un
adversairee doté d’une Propriété monstrueuse, vous obtenez
une relance en plus du dé supplémentaire.

POISSON DANS L’EAU

Lorsque vous prenez un Risque d’Athlétisme en rapport
avec la natation, vous bénéficiez d’1 dé supplémentaire.

SINGE À POUDRE
Quand vous prenez un Risque de Tir pour tirer avec un
canon de navire, vous bénéficiez de 2 dés supplémentaires.
7E MER NATIONS PIRATES 151

Avantages à 4 points
FIEFFÉ LASCAR
Vous avez appris à vivre et à survivre sur le pont mouve-
menté d’un bateau en mer. Lorsque vous prenez un Risque
d’Intimidation, de Navigation ou de Vol, tous vos dés
reçoivent +1 à leur résultat.
GUIDE DE SORYANA
(RAHURIS UNIQUEMENT)
Vous connaissez les accès secrets à Soryana, le Pays des
morts. Lorsque vous êtes en pleine nature ou en mer,
vous pouvez dépenser un point d’Héroïsme pour trouver
Soryana et obtenir audience auprès de Locuo. Vous pouvez
plaider votre cause devant lui, et s’il l’estime juste, il vous
accordera la compagnie d’un ancêtre approprié.
Votre ancêtre a l’apparence d’un spectre fantomatique
et translucide, mais il interagit avec le monde comme
tout être vivant (il ne peut marcher que sur des surfaces
solides, peut soulever et porter des choses, etc.) Il possède
une volonté propre, mais vous aidera généralement à
accomplir vos objectifs. Son aide durera le plus souvent
le temps d’une Histoire, mais certains guides (ou leurs
ancêtres) reviennent à Soryana plus tôt ou plus tard, selon
les circonstances.
Votre ancêtre possède 3 Rangs dans toutes les
Caractéristiques. Vous et votre MJ choisissez chacun
un Historique pour votre ancêtre, ce qui lui confère
tous les Avantages associés ainsi que 2 Rangs dans les
Compétences des deux Historiques. Votre ancêtre peut
subir 10 Blessures avant que son âme ne soit détruite et
perdue pour toujours.
La présence de votre ancêtre dans votre monde est
fragile. Au début de chaque partie, vous devez dépenser
un point d’Héroïsme pour entretenir votre lien avec lui et
lui permettre de rester sain d’esprit. Si vous ne payez pas
ce prix (soit parce que vous vous en abstenez, soit parce
que votre ancêtre s’est éloigné de vous), vous perdez votre
lien avec votre ancêtre et il devient un Monstre dément et
furieux doté d’une Puissance de 10, des Propriétés mons-
trueuses « Destructeur » et « Effrayant » et des mêmes
Avantages qu’avant. Désormais Perdu, il est devenu un
mabuya qui s’attaque aux vivants.
Locuo ne pardonne pas aisément un guide qui laisse un
ancêtre se Perdre. Il verra certainement d’un mauvais œil
toute future requête de sa part et ne vous accordera pas
l’aide d’un autre ancêtre tant que vous n’aurez pas trouvé
et détruit le mabuya ou découvert un moyen de lui rendre
la raison.
152 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Cet Avantage vous permet également de guider tout
personnage qui souhaite se rendre sur Soryana et s’entre-
tenir avec Locuo, auquel cas c’est ce personnage que l’an-
cêtre suit, et non vous, et c’est à lui de dépenser des points
d’Héroïsme pour maintenir le lien. Mais si un personnage
que vous avez mené à Soryana n’entretient pas le lien ou ne
ramène pas l’ancêtre sur l’île, il vous appartient d’y remédier.
MURMURE À LA MÈRE
(BOUCANIERS UNIQUEMENT)
Dépensez un point d’Héroïsme et versez un peu de
votre propre sang dans votre main (le plus souvent, un
Murmureur se mord la lèvre ou la langue, ou se pique
la main). Vous devez ensuite mettre les mains en coupe
devant votre bouche et murmurer le nom d’un frère ou
d’une sœur, ou vous adresser directement à la Mère. Vous
pouvez fournir une information ou poser une question
que la personne entendra. En mettant ensuite vos mains
en coupe au niveau de votre oreille, vous pouvez écouter sa
réponse. Répondre ne requiert pas de dépenser un point
d’Héroïsme, mais s’arrêter subitement au milieu d’une
conversation pour murmurer entre ses mains semblera
sans nul doute très louche. Il est possible de communiquer
plus en longueur au prix d’un point d’Héroïsme pour tout
échange supplémentaire.
PACTE AVEC LE DIABLE
(2 POUR UN ARAGOSTAIN)
Vous vous êtes mutilé et avez jeté votre membre arraché à
la mer pour l’offrir à Jonah le Diable. En retour, il vous a fait
un don ; un artefact unique (et généralement sordide) aux
propriétés étranges. Mais vous avez payé plus qu’une livre
de chair : Jonah vous a aussi pris un fragment de votre âme.
Choisissez une partie du corps dont vous vous êtes
amputé. Vous possédez à la place un don de Jonah, un
artefact magique doté d’aptitudes uniques. Vous pouvez
dépenser un point d’Héroïsme pour activer la capacité
spéciale de votre objet, laquelle dure le restant de la Scène.
À vous de définir avec votre MJ en quoi consiste cet arte-
fact, mais voici quelques exemples…
• Une barre couleur bronze et argent gravée
d’étranges symboles et faite d’un matériau bien
plus solide. Large comme un manche de pique,
elle remplace votre jambe et s’attache d’elle-même
à votre moignon. Elle ne se ternit jamais et peut
défoncer même la plus solide des portes. Vous
pouvez sans effort démolir l’équivalent d’un pied
(trente centimètres) de bois plein d’un coup de
pied, et si vous dépensez une Mise pour frapper
un adversaire de votre prothèse, il subit 1 Blessure
supplémentaire.
 • Une longue-vue faite d’os creux ornée de gemmes POTENTIEL GLORIEUX
bleues à facettes. Seul vous pouvez regarder avec, (3 POUR UN NUMANARI)
mais elle vous permet également de voir à travers Choisissez une deuxième Vertu pour votre Héros. Il ne
la coque d’un navire ou le mur d’un bâtiment peut toujours activer qu’une Vertu par partie.
pour en observer l’intérieur.
• Une paire de bottes faites de, hum, cuir séché. PROMIS, JURÉ, CRACHÉ
Elles ne se mouillent jamais et leur porteur peut (3 POUR UN ARAGOSTAIN)
marcher sur l’eau ou sur toute surface humide Dépensez autant de points d’Héroïsme que vous le
comme sur la terre ferme. Bien sûr, si le porteur désirez et faites une promesse à un autre personnage.
tombe à l’eau tête la première, les bottes continue- Pour le restant de la Scène, lorsque vous prenez un Risque
ront de flotter tandis qu’il s’abîmera dans les flots. visant à respecter cette promesse, vous bénéficiez d’1 Mise
pour chaque point d’Héroïsme investi. Si vous n’avez pas
respecté votre promesse à la fin de la Scène, vous perdez
Avantages à 5 points
tous vos points d’Héroïsme et ne pouvez plus en acquérir
pour le restant de la partie. Si vous arrivez à respecter votre
DE TOUTES MES FORCES
(3 POUR UN RAHURI) promesse d’ici la fin de la Scène, vous gagnez un point
d’Héroïsme. Cet Avantage ne peut s’utiliser qu’une fois
Lorsque vous dépensez un point d’Héroïsme pour bénéfi- par Épisode.
cier d’1 dé supplémentaire lors d’un Risque qui vise direc- La promesse faite doit être quelque chose d’important, de
tement à accomplir une Étape de votre Histoire de Héros, difficile ou de dangereux. « Je te promets d’être présent à
vous bénéficiez de 2 dés supplémentaires au lieu d’1. ton anniversaire » ne convient pas… à moins, bien sûr, que
vous ne fassiez cette promesse à la fille du duc sanguinaire
LA PALABRA (3 POUR UN BOUCANIER) qui veut votre mort.
Vous êtes familier d’un code étonnamment complexe
à base de gestes et de phrases, utilisé sur La Bucca pour VICTOIRE PARTAGÉE
(3 POUR UN JARAGUAYEN)
communiquer en toute discrétion. Lorsque vous parlez à
un autre personnage doté de cet Avantage, vous pouvez lui Lorsque vous aidez un autre Héros à accomplir une Étape
transmettre un message incompréhensible pour autrui… de son Histoire de Héros personnelle, vous gagnez un
ou tout du moins, pour qui ne possède pas cet Avantage. point d’Héroïsme. Lorsqu’un autre Héros vous aide à
Il n’est pas possible de communiquer des notions accomplir une Étape de votre Histoire de Héros person-
complexes par le biais de ce code, mais il est aisé de nelle, il gagne un point d’Héroïsme.
transmettre des demandes simples ou des affirmations
courantes. On peut citer comme exemples : « J’ai besoin
d’aide », « Je dois vous parler en privé », « Je suis un agent
des Chapitres  », ou encore des mots simples comme
« oui », « non », « menteur », « voleur », etc. Si le code
contredit vos paroles, l’autre partie partira généralement
du principe qu’elle doit se fier au code.
Vous pouvez apprendre à un autre personnage à exprimer
un message spécifique, mais ce personnage ne saura pas
comprendre une éventuelle réponse ou exprimer quoi
que ce soit d’autre. Pour cette raison, la plupart des
agents enseignent des phrases courantes telles que « Je
dois vous parler en privé  » ou «  Je porte un message
important  », et s’expriment plus en détail une fois que
les circonstances leur permettent de parler sans artifice.

7E MER NATIONS PIRATES 153

 Étape 6 : les Arcanes
Choisissez pour votre Héros une Vertu et un Travers de
la liste ci-dessous ou de celle présentée pages 156 à 158
du Livre de base. La Vertu et le Travers ne doivent pas
forcément être issus d’une même carte.
Vous ne pouvez activer votre Vertu qu’une fois par partie.
Vous ne pouvez activer votre Travers qu’une fois par
partie, ce qui vous confère un point d’Héroïsme. Le MJ
peut proposer à un Héros d’activer son Hubris en échange
d’un point d’Héroïsme, mais le joueur peut refuser. S’il
accepte, il gagne le point d’Héroïsme et doit agir en accord
avec son Travers.

Jonah le Diable
Vertu : Vengeur
Activez votre Vertu lorsque vous accomplissez une justice
poétique, infligez à quelqu’un une punition méritée ou
forcez quelqu’un à respecter sa part d’un marché. Lors de
votre prochain Risque, lorsque vous constituez vos Mises,
chacun de vos dés compte comme une Mise.

Travers : Mesquin
Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous refusez
d’aider quelqu’un à moins qu’il ne vous supplie de le
secourir ou que vous ayez d’abord eu l’occasion d’afficher
votre nature mesquine et vengeresse.

Le Noyé
Vertu : Tenace
Activez votre Vertu lorsque vous devriez mourir. Par un
retournement de situation ou un coup de pouce du destin,
vous survivez, mais vous êtes immédiatement expulsé de
la Scène.

Travers : Condamné
Activez votre Travers lorsque vous recevez une ou plusieurs
Blessures Dramatiques. Vous gagnez 1 point d’Héroïsme
pour chaque Blessure Dramatique que vous venez
de recevoir.

Le Pêcheur
Vertu : Dévoué
Activez votre Vertu après avoir constitué vos Mises pour
un Risque. Vous perdez la moitié de vos Mises, en échange
de quoi tous les autres Héros présents dans la Scène
gagnent le même nombre de Mises.

Travers : Effacé
Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous évitez les
feux de la rampe, maintenez n’être qu’un individu ordinaire
ou refusez de vous attribuer le mérite de quelque chose
qu’il vous serait avantageux de revendiquer.

154 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate

Étape 7 : les Histoires
Les Héros travaillent de concert à créer une histoire
globale, mais chaque Héros a aussi sa propre Histoire à
raconter, et le vôtre ne fait pas exception. Les Histoires sont
à la fois ce que vous souhaitez accomplir et le chemin qui
vous y mènera. Pour en savoir plus sur le fonctionnement
des Histoires et des Progrès, consultez les pages 159 à 163
du Livre de base.
Histoires nautiques
La plupart de ces histoires sont déjà évoquées dans le
Livre de base, mais nous allons voir ici comment leur
donner un abord nautique et/ou pirate qui conviendra à
votre Héros.
• Amnésie
• Amour perdu
• Malédiction
• Rivalité
• Romance
• Traque
• Vendetta
• Intrigue (nouveau)
• Quête spirituelle rahuri (nouveau)
• Secours (nouveau)
Amnésie
Peut-être avez-vous été repêché en mer ou découvert
sur une île déserte, dépourvu de tout souvenir. Peut-être
votre ex-partenaire a-t-il voulu vous rayer de l’équation au
moment du partage du butin, ou peut-être avez-vous été
trahi par un Scélérat qui s’est figuré s’être débarrassé de
vous après vous avoir assommé et jeté dans l’eau glacée.
Fins
• Je reprends le vaisseau dont j’étais précédemment
le capitaine.
• Je découvre l’emplacement du trésor qui m’appar-
tient et prends mon dû.
• Je préfère ma nouvelle vie à mon ancienne et laisse
mon passé derrière moi.
Premières étapes
• Des pêcheurs tombent par hasard sur mon corps
à la dérive, me récupèrent, me raniment et me
déposent au port le plus proche.
• Je reçois un ticket pour récupérer un coffret que
je possédais avant de perdre la mémoire.
• Je vois mon visage sur l’avis de recherche officiel
d’un célèbre pirate… c’est donc moi !?
Amour perdu
La sous-intrigue principale de Capitaine Blood est une
histoire d’amour perdu. Blood rencontre une femme
merveilleuse, mais elle est la fille de son grand ennemi, et
pour gagner sa liberté, il doit partir. À sa recherche, il subit
maintes épreuves, mais ils finissent par se retrouver.
Fins
• Je découvre que mon amour ne va plus à la
personne perdue mais au camarade qui m’a
toujours soutenu.
• Je sauve mon amour perdu des potences de la
Compagnie !
• Je découvre la dépouille de mon amour perdu,
enterrée avec son trésor.
Premières étapes
• Je lis la lettre que mon amour m’a laissée sur mon lit.
• Je poursuis La Gorgone, un vaisseau de la CCA
qui a capturé le navire de mon amour en mer.
• Le second de mon amour me dit que leur navire
a fait naufrage sur la côte aztlane et qu’il en est le
seul survivant connu.
Malédiction
L’intrigue de Pirates des Caraïbes tourne autour d’un trésor
maudit, dont l’équipage et le capitaine du Black Pearl sont
victimes. Dans le cadre d’une telle histoire, il convient de
déterminer ce qui a causé la malédiction, quels sont ses
effets et ce qu’il est possible de faire pour la lever.
Fins
• Je rends le dernier morceau d’or aztlan au trésor
maudit.
• Mon ancêtre lève la malédiction qu’il m’avait
infligée.
• À l’aide d’une arme en dracheneisen, je détruis le
« don » que Jonah le Diable m’a offert.
Premières étapes
• J’accepte un don de Jonah le Diable qui fait peser un
terrible poids sur mon âme.
• J’ai abattu un balbuzard en plein voyage en mer et
me rends compte que c’est à cause de cela que nous
subissons un pot au noir.
• Je retrouve le nganga jaraguayen qui m’a maudit.
7E MER NATIONS PIRATES 155
 Rivalité
La rivalité joue un rôle de premier plan dans plus d’une
histoire nautique. Deux capitaines font la course jusqu’à
une destination, deux ennemis s’affrontent en mer encore
et encore… les exemples abondent.
Fins
• J’enterre la hache de guerre avec la duchesse et
nous devenons alliés.
• Je tue cette raclure à foie jaune de Venderberg et
je l’envoie pourrir au fond de l’océan.
• Je parviens à Aragosta avant le capitaine Pereko
et y livre ma cargaison en premier !
Premières étapes
• Je vais voir le capitaine Pereko et le mets au défi
d’atteindre Aragosta avant moi.
• Venderberg m’a vaincu en duel d’escrime et m’a
laissé cette cicatrice. Il ne perd rien pour attendre !
• La duchesse m’a remis en cause devant le Conseil
des capitaines ! Je vais lui montrer que je vaux
mieux que ça !
Romance
L’amour véridique que voua Anne Bonny à Jack Rackham
n’est qu’un des nombreux exemples d’histoire d’amour
entre pirates. La relation entre Will Turner et Elizabeth
Swan dans Pirates des Caraïbes en est un autre. Qui votre
larron poursuivra-t-il de ses assiduités à travers les flots de
l’Atabéenne ?
Fins
• D’entre tous mes prétendants, je me décide pour
le capitaine Black et je l’épouse.
• Je vois Esmeralda, mon amour, finir au bout d’une
corde.
• Je me rends compte que le capitaine Jones est
marié à l’Océan et renonce à mon amour pour lui.
Premières étapes
• Le capitaine Black me sauve d’une flotte de chas-
seurs de la Compagnie commerciale atabéenne.
• J’arrive sur Aragosta et rencontre la belle pirate
Esmeralda.
• De retour à bord, je découvre que le capitaine Jones
a rempli ma cabine de fleurs.
156 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Traque
Les pirates sont toujours en quête de trésors, et plus d’un
marin pourra vous parler d’une légendaire proie impossible
à attraper. On ne saurait omettre ce grand classique qu’est
Moby Dick, dans lequel Achab traque la grande baleine
blanche. Quel que soit l’objet de votre traque, il faut qu’il
soit épique.
Fins
• J’ai trouvé le trésor perdu du capitaine Roberts !
• Bien que je l’aie précédemment traqué, je me lie
d’amitié avec le capitaine Barbe Rousse.
• Je pénètre dans l’antre de Tiburon et tue la bête
qui a dévoré ma précédente famille.
Premières étapes
• Je découvre une dent de la créature qui a tué ma
famille, logée dans le corps de mon oncle.
• Je rencontre un étranger dans une auberge qui me
vend une carte menant au trésor de La Noche !
• Le maître du port me dit que le capitaine Barbe
Rousse lui a dit que lui et son équipage faisaient
voile vers l’Atabéenne avec mon bateau.
Vendetta
Le capitaine Jack Sparrow a une vendetta envers le capi-
taine Barbossa dans Pirates des Caraïbes, symbolisée par
son pistolet chargé, celui-là même que Barbossa lui a laissé
quand il l’a maronné. Jack aurait pu se servir du pistolet
pour se tuer avant de mourir de faim ou de soif, mais il l’a
conservé pour abattre Barbossa. Une vendetta classique.
Fins
• Après avoir abattu ma cible, j’accepte la noirceur
en moi et deviens un Scélérat !
• Je ruine les capitaines survivants de la flotte de la
Tache noire et abandonne ma vendetta.
• J’étreins Thorsdottir, mon ennemie jurée, et
bondis dans les chutes du Plongeon de l’esprit.
Premières étapes
• M’échapper de l’île sur laquelle j’ai été maronné.
• Cette ordure de Connolly s’est échappée  ! Où
est-elle partie ?
• Thorsdottir m’a jeté du haut de la falaise proche
des chutes du Plongeon de l’esprit. J’ai manqué d’en
mourir et ai besoin de récupérer.
Intrigue (nouveau)
Les Nations pirates grouillent d’entourloupes, de ruses et
de conspirations autour de trésors, de trahisons et de révo-
lutions. Peut-être aiderez-vous à garantir la liberté de la
Jaragua ou à découvrir la vérité sur la créature qui protège
La Bucca, ou peut-être même tenterez-vous d’infiltrer la
Compagnie pour protéger la République des pirates ?
Fins
• Je contrecarre une invasion de la Jaragua en sabotant
une flotte de vaisseaux de guerre de la Compagnie.
• Je découvre un nouveau moyen de contrôler la
Créature de La Bucca pour Allende.
• Je subtilise une lettre qui contient des secrets de
l’Inquisition.
Premières étapes
• Un équipage de mawons amicaux se propose de
nous ramener, mes amis et moi, sur Aragosta.
• Je m’échappe d’un bateau esclavagiste près de La
Bucca.
• Un contact du Collège invisible me supplie de trans-
porter un fugitif jusque dans la mer Atabéenne.
Quête spirituelle rahuri (nouveau)
Une ancêtre défunte vous a demandé de faire quelque chose
pour elle ; quelque chose qu’elle estimait très important de
son vivant mais qu’elle n’a pu accomplir avant de mourir.
Il n’y a rien de plus important que la famille, et peut-être
était-elle votre tante favorite, ou que vous étiez son enfant
préféré. Peut-être vous a-t-elle promis une récompense si
vous l’aidez à achever ce qui doit l’être. S’agit-il de la récon-
cilier avec un amant bafoué ? De trouver un trésor perdu ?
De la venger d’un ennemi encore vivant ?
Fins
• Mon ancêtre me libère de mon obligation.
• J’accomplis la quête de mon ancêtre.
• J’abandonne et renie ma promesse d’aider mon
ancêtre
Premières étapes
• Rencontrer mon ancêtre et découvrir ce qu’il veut
que j’accomplisse.
• Me rendre au Pays des morts pour y retrouver
mon ancêtre.
• Par une nuit froide et solitaire, mon ancêtre me
rend visite et m’expose sa requête.
Secours (nouveau)
Quelqu’un a besoin de votre aide. Peut-être n’y a-t-il que
vous qui en soyez capable, peut-être n’y a-t-il que votre
navire qui fera l’affaire… ou peut-être avez-vous été choisi
par défaut. La personne qui vous demande votre aide
peut avoir été poussée aussi bien par le destin que par le
désespoir. Quelle que soit sa requête, vous avez décidé d’y
accéder, soit parce que vous êtes un brave Héros, soit parce
qu’il a promis de bien vous payer.
Fins
• Je repousse les chasseurs de la Compagnie
commerciale atabéenne et sauve les villageois.
• Je livre aux partisans situés en Numa les fourni-
tures médicales dont ils avaient tant besoin.
• Je me bats à la place d’un capitaine blessé.
Premières étapes
• Un groupe de villageois nous demande à mes
amis et moi de les aider à protéger un village
d’une bande de chasseurs.
• Je découvre que les fournitures médicales que j’ai
volées étaient destinées à des partisans désespérés
en Numa.
• Le vieil ami de mon père, Whitmore, dirige une expé-
dition de la Société des Explorateurs et me demande
d’y prendre part en tant que traducteur syrneth.
Étape 8 : touches finales
La Réputation, la Richesse et les Blessures de votre Héros
sont identiques à celles d’un Héros Théan et fonctionnent
de la même manière. Consultez les pages 163 à 165 du
Livre de base pour plus d’informations.
Votre Héros peut également être membre d’une Société
secrète. Vous pouvez choisir parmi les Sociétés théanes ou
parmi l’une des deux introduites dans ce livre : La Cosca
et le Riroco.
La Cosca
Fondée à l’origine en Vodacce mais expulsée par une coali-
tion de Princes marchands, cette libre confédération de
criminels agit en dehors et au mépris de la loi pour protéger
ceux que la loi choisit de ne pas protéger. Consultez les
pages 178-179 pour plus d’informations.
Le Riroco
Une organisation d’abolitionnistes virulents et de tradi-
tionalistes rahuris. Ces courageux résistants parcourent
l’Atabéenne et la débarrassent d’horreurs aussi bien
humaines qu’inhumaines. Consultez la page 180 pour plus
d’informations.
7E MER NATIONS PIRATES 157
 Sorcelleries pirates
Les Sorcelleries théanes sont loin d’être les seules formes
de magie pratiquées au sein de la mer Atabéenne. Les
pirates ont accès à divers pouvoirs : certains reposent sur
d’anciens et sombres rituels magiques, tandis que d’autres
sont des formes modifiées de magie introduites par certains
des nombreux voyageurs qui traversent l’Atabéenne. Tout
Théan qui s’attend à pouvoir en imposer aux Nations
pirates en vertu de ses pouvoirs aura affaire à forte partie.
La magie des Chartes
Il y a quarante ans, Reis et les autres Premiers capitaines
d’Aragosta pratiquèrent un rituel syrneth et signèrent leurs
noms de leur sang. Ainsi, ils créèrent la Première Charte,
qui fonda la République des pirates et mit en branle la
défaite de la flotte de la Tache noire. Le pacte originel et
ses subtilités magiques restent uniquement connus de Reis,
mais des versions abâtardies se sont transmises par tradi-
tion orale, et chacune contient assez de pouvoir pour lier
un équipage de façon similaire.
Le rituel pratiqué aujourd’hui sur Aragosta comprend des
éléments peut-être superflus, mais que tous incluent, juste
au cas où. Par exemple, personne ne sait s’il faut vraiment
158 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
faire les signatures à trois heures du matin, ou s’il faut
commencer en se rassemblant en cercle autour d’un feu,
ou même si les mots prononcés servent à quoi que ce soit.
Mais on ne sait jamais…
Signer la Charte
Pour commencer le rituel, les signataires se ressemblent en
cercle autour d’un feu sur un rivage. Chaque participant
prend une dague à l’un de ses co-signataires et s’incise la
main. Ensuite, ils se passent un bol dans lequel chacun
verse de son sang en prononçant son nom (son nom entier
et véritable), avant de passer le bol au suivant.
Le bol doit faire le tour du cercle à contresens (c’est-à-dire
dans le sens anti-horaire). Chaque participant met ensuite
sa main saignante dans le feu (oui, dans le feu) et fait couler
de son sang sur les braises. Si le rituel a été correctement
accompli, le feu rugit et meurt ensuite instantanément.
Enfin, tous les participants signent la Charte avec le sang
rassemblé dans le bol. Ils doivent écrire leur nom complet,
sans quoi le rituel échouera. Une fois la Charte signée, on
ne peut y ajouter d’autres noms.

Fonctionnement
Si votre équipage souhaite signer une Charte, il doit
respecter le rituel décrit ci-dessus. Le MJ peut définir
un rituel légèrement différent ou décider que certains
des éléments ne sont pas aussi importants que d’autres.
L’ambiguïté susmentionnée est voulue. Une fois le rituel
accompli, chaque joueur doit dépenser un point d’Hé-
roïsme (un PNJ peut payer par l’obtention d'un point de
Danger), et chacun se retrouve alors béni et maudit par la
Charte, pour le meilleur comme pour le pire.
La bénédiction
Nous vous suggérons de rédiger une reproduction de la
Charte (signée, bien sûr) et de la disposer au centre de la
table, ou à tout autre endroit accessible aux joueurs. Elle
fait maintenant partie de l’histoire de l’équipage, et chacun
doit se souvenir de ce que cela implique. Si tous suivent la
Charte, ils en profiteront dûment. Mais s’ils enfreignent
leur promesse solennelle, ils paieront cher leur égoïsme.
Le fonctionnement de la Charte est simple : pour chaque
Héros ou Scélérat qui a payé un point d’Héroïsme ou de
Danger, la Charte possède un point de Chance. Chaque
point de Chance est un d10. Par exemple, si six Héros ou
Scélérats l’ont signée, déposez 6d10 points de Chance sur
la Charte.
À tout moment au cours du jeu, un joueur peut prendre
autant de points de Chance qu’il le veut et les ajouter à
un unique jet. Cependant, une fois un d10 utilisé, il est
dépensé pour le restant de la partie. La réserve de Chance
revient à son maximum au début de chaque partie.
Ceux qui ont signé la Charte bénéficient de cette
heureuse fortune tant qu’ils en respectent les règles. S’ils
les enfreignent, ils subissent une terrible malédiction.
La malédiction
Si un Héros ou un Scélérat va à l’encontre de l’accord
stipulé dans la Charte, il devient « doublement damné ». La
plupart, voire toutes les Chartes, utilisent spécifiquement
cette formulation, afin de rappeler qu’il ne faut pas prendre
à la légère les conséquences qu’entraîne la rupture d’une
promesse faite aux siens.
Le parjure subit la malédiction de la « tache noire ». Le
personnage reçoit une « tache noire » pour chaque autre
signataire de la Charte. Par exemple, si la Charte comprend
six signataires, un parjure recevra cinq taches noires.
SCÉLÉRATS ET
CHARTES
Vous remarquerez que les Chartes sont aussi
ouvertes aux Scélérats. Les pirates ne sont
pas des enfants de chœur, et il se peut que
vous deviez vous résoudre à pactiser avec un
Scélérat pour venir à bout des pires meurtriers
et criminels qui hantent la mer Atabéenne.
Mais prenez garde ! Signer une Charte ne fait
pas d’un Scélérat un Héros. Sitôt que vous
négligerez sa nature scélérate, il aura tôt fait
de vous poignarder dans le dos.
Les taches noires
Voici une liste des effets néfastes que pourra subir un
personnage affligé d’une ou plusieurs taches noires. Le MJ
décide quels effets s’appliquent, mais peut permettre au
joueur de choisir s’il le désire. Chaque tache noire peut :
• faire perdre 1 Rang dans une Caractéristique.
• faire perdre 2 Rangs dans une Compétence.
• faire perdre un Avantage à 2 points ou moins.
• contraindre le Héros à payer un 1 point d’Hé-
roïsme pour bénéficier des effets d’un Avantage
spécifique à 3 points ou plus. Ce surcoût s’ajoute
à un éventuel coût d’activation.
La seule façon de se libérer de la malédiction consiste
à obtenir le pardon de chaque autre signataire de la
Charte. Pour concrétiser un pardon, le signataire et le
parjure doivent s’inciser les mains et se les tenir. Le parjure
demande alors : « Me pardonnes-tu ? » et l’autre répond
« Oui. » L’une des taches noires disparaît alors, et les effets
associés s’annulent, libérant le parjure d’une partie des
conséquences de la malédiction.
Si tous les signataires de la Charte meurent, celle-ci
brûle d’une flamme bleue. Le Seau de sang d’Aragosta est
décoré de quantité de Chartes, et les pirates qui y boivent
observent toujours un instant de silence lorsque l’une d’elles
brûle. La coutume veut qu’il porte malheur de signer une
nouvelle Charte le jour même où une autre s’est réduite en
cendres, mais les plus hardis se rient d’une telle supers-
tition. Certains vont même jusqu’à inclure un peu des
cendres de l’ancienne Charte dans le bol qui recueille le
sang des signataires de la nouvelle Charte.
7E MER NATIONS PIRATES 159
 Kap sèvi
« Nous pactisions depuis longtemps avec les Lwas.
Mais toujours à l’extérieur. Les Théans nous ont aidés
à les amener à l’intérieur. »
En Théah, des sorciers marchandent souvent avec des
puissances extérieures à Terra. Les Žynys pactisent avec
elles, les Chevaliers héritent de leur flambeau, et ceux qui
sont touchés par Matushka ont senti sa puissance leur être
imposée. Mais aucun d’entre eux ne font ce que font les
pratiquants du Kap sèvi. Nommés sèvitès, ces individus
rares et courageux (ou désespérés) mettent de côté une
partie de leur âme pour recueillir de telles puissances dans
le vide ainsi formé.
Les Lwas
Le Kap sèvi est fondé sur le culte d’anciens esprits nommés
Lwas et découle d’une pratique d’Ifri occidentale nommée
kurwa (se prononce « courva »). Non seulement les sèvitès
ont repoussé les limites de ce que pouvaient accomplir les
prêtresses du kurwa, mais ils ont également découvert de
nouveaux aspects des Lwas, peut-être cachés. La relation
entre le Kap sèvi, le kurwa et les Lwas peut sembler simple,
mais certains sèvitès pensent n’avoir mis à jour qu’une frac-
tion de la puissance des Lwas.
En Ifri occidentale, seules les femmes pratiquaient le
kurwa et faisaient des offrandes aux Lwas en échange de
faveurs. Lorsque ceux qui croyaient au kurwa se retrou-
vèrent asservis et transportés jusqu’en Jaragua, la brutalité
de leurs tortionnaires les mena à découvrir une nouvelle
façon d’interagir avec les Lwas. Ils écartèrent un morceau
de leur âme pour laisser aux Lwas la place de les habiter.
Ainsi possédés, les croyants purent puiser dans les aspects
plus sombres et vengeurs des Lwas. Ils purent également
bénéficier d’un semblant de répit au milieu du cauchemar
éveillé qu’ils vivaient en tant qu’esclaves. Les Lwas avaient
senti la détresse de leur peuple aux tréfonds du désespoir,
et avaient permis aux hommes comme aux femmes de
les conjurer. Ainsi, la pratique du Kap sèvi naquit de ces
tourments, et son usage reflète souvent les terribles circons-
tances dans lesquelles les sèvitès se retrouvèrent à mesure
que l’esclavagisme se répandit dans la mer Atabéenne.
160 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Fonctionnement
Lorsque vous acquérez l’Avantage Sorcellerie, choisissez le
Lwa que vous savez invoquer ainsi que les Gran met que
vous savez requérir. Demander le mauvais Gran met à un
Lwa ou demander un Gran met sans savoir à quel Lwa le
demander peut coûter son âme à un sèvitè. Chaque fois
que vous acquérez l’Avantage Sorcellerie, vous apprenez
un Gros Gran met (un grand pouvoir) et deux Ti Gran
met (des petits pouvoirs). Ces Gran met peuvent provenir
d’un nouveau Lwa aussi bien que d’un Lwa que le sèvitè
sait déjà conjurer.
Lorsque le sèvitè invoque un Lwa, il invite ce Lwa à l’in-
térieur de son corps en offrant une partie de lui-même à
cet esprit. Si le sèvitè veut utiliser un Gros d’un Lwa, il
doit offrir sa Vertu, et s’il veut utiliser un Ti, il doit offrir
l’un de ses Coups d’éclat. Tant que le Lwa occupe son
corps, le sèvitè ne peut faire appel à la Vertu ou au Coup
d’éclat offert.
Un sèvitè ne peut demander qu’un Gros et deux Ti à la
fois à un Lwa. Au cours de la possession, un sèvitè peut
offrir davantage d’éléments de lui-même pour obtenir les
pouvoirs afférents, mais toute Vertu ou Coup d’éclat offert
ne lui reviendra qu’après le départ du Lwa.
Héberger un Lwa
Une fois convié, le Lwa habite le corps du sèvitè jusqu’au
lever de soleil du matin suivant. Il n’existe aucun moyen
connu de chasser un Lwa invité, et nul n’a jamais vu un
Lwa quitter prématurément son hôte. Une fois le pacte
accompli, le sèvitè doit laisser au Lwa l’usage de son corps
jusqu’au prochain lever de soleil. Pendant ce temps, son
âme reste recroquevillée pour laisser la place nécessaire
au Lwa.
Les Lwas se refusent à partager un hôte : un sèvitè ne
peut être habité que par un seul Lwa à la fois. Si le sèvitè
tente d’invoquer un second Lwa, non seulement le Lwa
actuel l’en empêchera, mais il lui refusera ensuite l’usage de
ses Gran met. Ainsi, en plus de se voir privé des pouvoirs
conférés par le Lwa, le sèvitè restera également dépourvu
de sa Vertu et/ou de son/ses Coups d’éclat jusqu’au lever
du soleil.
On notera qu’à l’inverse, un Lwa peut habiter plusieurs
sèvitès à la fois. Selon certains, ce serait parce que le Lwa n’a
pas besoin de s’investir dans sa totalité. Seul un fragment
du Lwa habite le sèvitè, ce qui lui laisse bien assez de puis-
sance pour en habiter d’autres.
Les Lwas les plus vénérés
La liste ci-après n’est nullement exhaustive. Ces cinq Lwas sont de loin les plus populaires et éminents en Jaragua, mais
des centaines d’autres sont vénérés.
Badagris
Badagris apparaît généralement vêtue d’un tablier de cuir,
munie d’une paire de pinces et imprégnée d’une odeur de
suie et de métal brûlant. Cependant, en un instant, elle
peut revêtir l’apparence d’une guerrière. Protégée d’une
armure et armée d’une épée noircie de facture extraordi-
naire, Badagris régit la justice, la protection, la guerre, la
violence, le feu et l’acier. Son nom signifie « Elle a déchiré ».
Elle n’hésite pas à tuer quiconque l’offense, mais c’est aussi
une artisane respectée, connue pour aider les autres. Elle
est la sœur de Jakuta et contraint souvent son frère à la
soutenir dans son rôle de protectrice.
Gran met
Un sèvitè possédé par Badagris a tendance à être chaud
au toucher. Il s’énerve rapidement, mais sa colère pourra
s’apaiser tout aussi promptement si on lui montre que les
gens contribuent à créer un monde meilleur. Les sèvitès
habités par Badagris sont enclins à la charité et à la bien-
veillance autant qu’aux éclats soudains de violence. Badagris
se complaît dans les deux.
Clou GROS
En ce monde, la présence de plus d’un fâcheux peut devenir
importune. Badagris n’est alors que trop heureuse de
façonner un clou de cercueil qu’elle plante dans le corps de
l’impudent. Au moment où il inflige sa troisième Blessure
Dramatique à un adversaire, un sèvitè habité par Badagris
peut dépenser un point d’Héroïsme pour rendre instanta-
nément sa victime Sans défense. Un sèvitè ne peut activer
ce Gros qu’une fois par partie.
Marteau GROS
Pour Badagris, le corps humain est un outil comme un
autre. Lorsqu’un outil casse, il ne faut pas le jeter mais le
reforger dans les flammes pour réparer la brisure. Un sèvitè
habité par Badagris peut dépenser un point d’Héroïsme
pour soigner instantanément toutes ses Blessures entre la
troisième et la quatrième Blessures Dramatiques, y compris
ces dernières.
Âme noircie TI
Couvert de cicatrices par les batailles ardentes, le corps
de Badagris peut supporter n’importe quelle blessure
sans trembler ou courber l’échine. Un sèvitè habité par
Badagris peut dépenser un point d’Héroïsme pour outre-
passer temporairement l’état Sans défense. Plutôt que de
ne pouvoir effectuer qu’une Action, le sèvitè Sans défense
peut agir normalement pendant tout un Round. De plus,
pour la durée de ce Round, le Sèvitè bénéficie de 2 dés
supplémentaires à tout Risque entrepris. Cependant,
noircir une âme est épuisant pour Badagris, si bien qu’elle
n’en est capable qu’une fois par Épisode.
Déchaîné TI
Badagris connaît les faiblesses du moindre maillon ; elle
ne peut être tenue captive. Un sèvitè habité par Badagris
peut dépenser un point d’Héroïsme pour échapper à toute
entrave, prison ou lien.
La faim TI
Les flammes d’une forge doivent être constamment entre-
tenues, car un feu bien nourri produit le meilleur acier.
Un sèvitè habité par Badagris peut dépenser un point
d’Héroïsme pour pouvoir se nourrir de n’importe quoi.
Terre, métal, bois… du moment qu’il peut l’avaler, le sèvitè
s’en sustente.
Peau noircie TI
Couvert de cals par la forge ardente, le corps de Badagris
peut supporter les assauts de tout feu sans fléchir. Un sèvitè
habité par Badagris peut dépenser un point d’Héroïsme
pour ne subir aucun dégât d’une source de chaleur.
7E MER NATIONS PIRATES 161
 Bawon Gé (« bawon gué »)
Quasiment toujours représentée comme arborant un
haut-de-forme (une mode certainement empruntée aux
commerçants vestenmennavenjars), un manteau noir
et un visage squelettique, voire un visage de squelette,
Bawon Gé est la Lwa de la mort, des tombes, des pierres
tombales et des cimetières. Les légendes racontent qu’elle
fut la première personne à être condamnée à mort à tort,
et qu’en réaction à cette injustice, elle acquit son rôle parmi
les Lwas. Elle est l’épouse de Baron Lakwa, un autre Lwa
qui assiste Bawon Gé dans ses attributions.
Gran met
Un sèvitè possédé par Bawon Gé aura tendance à crier des
obscénités et à cracher. Gé peut être capricieuse : si on lui
présente de la nourriture qu’elle n’aime pas, elle tentera de
mordre les bras du sèvitè. Pour apaiser Bawon Gé, le sèvitè
doit lui rappeler les plaisirs de la vie, généralement à l’aide
de rhum et de cigares.
Lamèci GROS
Il arrive qu’une personne ne meure pas, même une fois son
heure venue, au lieu de quoi elle persiste parmi les vivants
et cause tourments et chagrin à ses plus proches amis et
à sa famille. Dans de tels cas, les proches prient souvent
Bawon Gé d’emporter l’être aimé avant son heure. Un
sèvitè habité par Bawon Gé peut dépenser un point d’Hé-
roïsme pour tuer un personnage Sans défense consentant
sans qu’il s’agisse d’un Acte malfaisant.
No grev GROS
Il est dit que nul ne peut mourir tant que Bawon Gé n’a
pas creusé sa tombe. Lorsqu’il est possédé par Gé, le sèvitè
décide de qui la tombe est creusée ou non. Un sèvitè habité
par Bawon Gé peut dépenser un point d’Héroïsme pour
empêcher n’importe quel personnage de mourir. Tant que
la possession dure, le personnage désigné ne peut mourir,
même s’il devient Sans défense.
162 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
La fenêtre de l’âme TI
Lorsqu’une mort indue survient, Bawon Gé doit parfois
élucider la cause du décès pour s’assurer que justice soit
faite. Un sèvitè habité par Bawon Gé peut toucher un
cadavre et dépenser un point d’Héroïsme pour voir les
derniers moments de sa vie à travers ses yeux.
Gardien éternel TI
En tant que protectrice des morts, Gé est aussi responsable
de leur dépouille matérielle. Un sèvitè habité par Bawon
Gé peut dépenser un point d’Héroïsme pour protéger un
corps des effets de la Sorcellerie, y compris du Kap sèvi.
Ainsi, un corps sous l’effet de Gardien éternel ne pourra
devenir un spectre sous l’effet de l’Hexenwerk, et même les
Lwas ne pourront l’affecter.
Murs de cimetière TI
Beaucoup croient que la fonction des murs d’un cimetière
est de protéger les morts des vivants, mais l’inverse est
aussi vrai. Un sèvitè habité par Bawon Gé peut dépenser
un point d’Héroïsme pour sanctifier un mur. Du moment
que le sèvitè possédé par Bawon Gé reste dans l’enceinte
du mur, rien d’inhumain ne peut le franchir, que ce soit
pour en sortir ou y rentrer.
Terre sacrée TI
Gé a pour charge de veiller sur les lieux de repos éternel,
mais aussi de préserver les lieux saints des Lwas de toute
influence extérieure. Un sèvitè habité par Bawon Gé peut
dépenser un point d’Héroïsme pour consacrer une petite
zone. Il est impossible d’user de Sorcellerie dans une Terre
sacrée, et tout point d’Héroïsme utilisé à cet effet est rendu
à son possesseur.

Mareaux
Selon certains sèvitès, Mareaux serait deux Lwas, un frère
et une sœur, mais quiconque a été possédé par Mareaux
sait la vérité : le genre de Mareaux est indéfini et constam-
ment fluctuant. Ainsi, certains sèvitès pourront acquérir
des caractéristiques physiques ou des maniérismes de
l’autre sexe au cours de leur possession. Mareaux règne
sur la nuit, les secrets, les ténèbres, les mystères, la vérité
et la raison. Les autres Lwas perçoivent Mareaux comme
un enfant divin et sont disposés à l’aider à accomplir
ses devoirs.
Gran met
Un sèvitè habité par Mareaux voit soudainement le monde
sous un nouveau jour. Toute préconception, toute croyance
lui sont arrachées alors qu’un sentiment de compréhen-
sion universelle l’envahit. En conséquence, le sèvitè se perd
souvent dans ses pensées et tend à oublier ce qui l’entoure.
Si instructive que soit la perspective de Mareaux, elle fait
parfois également l’effet d’une distraction.
Egregore GROS
Ceux qui sont proches de Mareaux peuvent parfois
entendre sa voix dans leur esprit. Un sèvitè habité par
Mareaux peut dépenser un point d’Héroïsme pour inclure
quelqu’un dans son réseau mental. Ceux qui sont reliés au
réseau mental du sèvitè peuvent communiquer librement
et sans parler tant que le sèvitè est possédé par Mareaux.
Jumeau nocturne GROS
Mareaux est le maître des ombres. Un sèvitè habité par
Mareaux peut dépenser un point d’Héroïsme pour faire de
son ombre une créature semi-tangible capable d’obéir à des
ordres simples. L’ombre peut partir en éclaireur, prendre
quelqu’un en filature, etc. mais elle ne peut soulever des
objets ou interagir avec autrui. Si elle entreprend un
Risque, elle jette 5 dés. Si elle reçoit une Blessure, elle
retourne auprès du sèvitè et ne peut plus être animée avant
le prochain coucher du soleil.
Impardonnable TI
Il se passe des choses la nuit que Mareaux ne vous lais-
sera jamais oublier. Un sèvitè habité par Mareaux peut
dépenser un point d’Héroïsme pour graver quelque chose
dans la mémoire d’autrui. Le souvenir reste dans l’esprit
de la personne jusqu’à sa mort (et peut-être même après),
quoi qu’elle y fasse.
LE KAP SÈVI EST-IL
UNE RELIGION ?
Le Kap sèvi n’est pas une religion tradi-
tionnelle au sens théan. Il emprunte des
croyances, des esprits et des traditions à une
multitude de religions, mais n’a pas de credo,
de livres saints ou même de tradition orale
unifiée. Le Kap sèvi est plutôt une façon de
considérer le monde tel qu’il est. En termes
vaticins, il s’agit plus d’une science que d’une
religion. Ses pratiquants connaissent les
Lwas et les moyens de les influencer, de les
utiliser pour obtenir du pouvoir. Le Kap sèvi
est plus une façon d’être qu’un ensemble
de croyances, une foi à respecter ou un
panthéon de divinités à vénérer. Tout comme
untel suivra certaines règles et pratiques pour
changer un morceau de minerai en un bijou
joliment travaillé, n’importe qui peut adhérer
aux règles du Kap sèvi et en bénéficier. Cela
n’empêche qu’un pratiquant du Kap sèvi
pourra le prendre très mal si vous lui dites
que ce n’est pas une religion.
Impavide TI
Selon Mareaux, il n’y a rien à craindre des ténèbres. Un
sèvitè habité par Mareaux peut dépenser un point d’Hé-
roïsme pour être insensible à toute peur, même les effets
de Peur infligés par un Monstre, une Sorcellerie ou tout
autre effet magique. Bien évidemment, cet effet ne s’étend
pas à ses compagnons.
Inconnaissable TI
En étudiant les ombres du monde, Mareaux a découvert
ses secrets. Un sèvitè habité par Mareaux peut dépenser
un point d’Héroïsme pour voir, par le biais des ombres,
un endroit inaccessible. Le sèvitè peut utiliser ce pouvoir
pour lire un document rangé dans un tiroir de bureau
ou espionner une scène au cœur de la nuit. Le sèvitè doit
connaître l’endroit qu’il veut observer et la zone doit être
complètement plongée dans l’ombre : il est impossible de
voir un endroit éclairé par le biais d’Inconnaissable.
Inoubliable TI
Il se passe des choses dans la lumière que Mareaux n’ou-
bliera jamais. Un sèvitè habité par Mareaux peut dépenser
un point d’Héroïsme pour graver quelque chose dans sa
mémoire et ne plus jamais l’oublier. Le sèvitè s’en souvient
parfaitement, peu importe les Sorcelleries ou les trauma-
tismes subis.
7E MER NATIONS PIRATES 163
 Papa Ahron
Parfois appelé le Lwa silencieux ou le premier père, Papa
Ahron a l’aspect d’un vieil homme muni d’une canne et
coiffé d’un chapeau à larges bords, la pipe à la bouche. Il
est toujours accompagné d’un chien qu’il appelle Ati-Gbon
ou Atibon. Les domaines de Papa Ahron sont les disparus,
le silence, la confusion, les égarés et les Lwas. Il est perçu
comme le père ou le grand-père de tous les Lwas, mais
ne demande jamais d’aide à ses enfants dans l’exercice de
ses fonctions.
Gran met
Un sèvitè qui convie Papa Ahron en lui a du mal à parler.
Il lui arrive d’avoir des sautes de vocabulaire ou de gram-
maire, voire d’hériter de défauts d’élocution. Certains
sèvitès se sont aperçus que ces soucis s’amoindrissaient
en présence d’un chien ou après s’être humidifié les lèvres
ou désaltéré.
Li Bliye GROS
La mémoire peut être trompeuse. Les gens oublient géné-
ralement plus de choses qu’ils n’en mémorisent, et Papa
Ahron sait en tirer parti. Un sèvitè habité par Papa Ahron
peut dépenser un point d’Héroïsme pour devenir complè-
tement oubliable pour une durée d’une Scène. Quiconque
interagit avec le sèvitè peut le voir, lui parler et l’entendre,
mais une fois le sèvitè parti, la personne oublie tout de
l’échange.
La voix perdue GROS
Papa Ahron ne s’exprime jamais pour lui-même, mais
pour ceux qui ne le peuvent. Un sèvitè habité par Papa
Ahron peut dépenser un point d’Héroïsme pour servir
de porte-parole à n’importe qui, vivant ou mort. Le sèvitè
doit pouvoir toucher soit le corps de la cible, soit quelque
chose d’extrêmement important lui appartenant. De plus,
le sèvitè ne peut pas parler tout seul : il doit se livrer à une
conversation avec quelqu’un d’autre. Ce pouvoir ne permet
pas de lire dans les pensées de la cible, juste de lui fournir
un vecteur d’expression.
164 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Croisée des chemins TI
Parmi toutes ses prérogatives, Papa Ahron possède celle
d’agir en tant que garant des Lwas. Il décide quand un
mortel a le droit de parler avec les Lwas, et s’emparera
promptement de la voix d’un humain insolent. Un sèvitè
habité par Papa Ahron peut dépenser un point d’Hé-
roïsme pour poser une unique question aux Lwas et béné-
ficier ainsi d’un regard surnaturel sur le monde. Les Lwas
doivent répondre honnêtement, car mentir à Papa Ahron
est une grave insulte. Le MJ doit directement répondre à la
question posée, mais il n’est pas obligé de détailler.
Lucidité TI
D’après les histoires, Papa Ahron, en tant que plus vieux et
sage des Lwas, sait où sont tous ses enfants à tout moment.
Et quand il ferme les yeux, il peut voir à travers les leurs.
Un sèvitè habité par Papa Ahron peut dépenser un point
d’Héroïsme pour établir un lien avec un autre personnage
possédé par Papa Ahron. Le sèvitè connaît vaguement
l’emplacement de l’autre sèvitè ainsi que son humeur
actuelle, et peut voir à travers ses yeux.
Son de San Yopa TI
Le silence est d’or, et Papa Ahron sait qu’il ne faut pas le
gâcher. Un sèvitè habité par Papa Ahron peut dépenser
un point d’Héroïsme pour se déplacer sans faire de bruit
pour une durée d’une Scène. Le sèvitè peut toujours être
vu, senti ou touché, mais il n’émet aucun son. Ce pouvoir
a toutefois ses limites : le Lwa ne peut étouffer des actes
délibérément bruyants, comme décharger une arme à bout
portant ou hurler au visage de quelqu’un
Vue de San Yopa TI
Parfois, un père veut voir sans être vu, et c’est un art que
Papa Ahron a maîtrisé. Un sèvitè habité par Papa Ahron
peut dépenser un point d’Héroïsme pour devenir invisible
pour une durée d’une Scène. Le sèvitè peut toujours être
entendu, senti ou touché, mais nul ne le verra. Ce pouvoir
a toutefois ses limites : le Lwa ne peut cacher des actes
délibérément voyants, comme poignarder quelqu’un en
pleine poitrine ou jeter des poignées de farine en l’air.
Sousson
Il existe peu de descriptions de Sousson, et la plupart des
sèvitès s’accordent à dire que c’est à cause de sa laideur
repoussante. Sousson est généralement émacié, les cheveux
épars et la peau jaunâtre. Son corps est couvert de boutons,
de bubons, de verrues et de plaies ouvertes. Malgré son
apparence, Sousson est un Lwa guilleret. Il règne sur
la maladie, les blessures, les afflictions mentales et les
parfums. Sousson n’a pas de femme, mais beaucoup d’en-
fants. Ces derniers lui sont semblables et l’aident souvent
dans l’exécution de ses devoirs.
Gran met
Un sèvitè qui accueille Sousson en lui se retrouve couvert
d’ampoules, d’inflammations et d’irritations. Au-delà
de leur apparence peu engageante, ces afflictions n’han-
dicapent nullement le sèvitè. À la différence des autres
Lwas, le sèvitè aura rarement besoin d’amadouer Sousson
car, inexplicablement, il semble perpétuellement d’hu-
meur joyeuse.
Alliés improbables GROS
On dit que partout où Sousson va, il se fait des amis, mais
qu’il ne laisse pourtant que des ennemis sur son passage.
Un sèvitè habité par Sousson peut dépenser un point
d’Héroïsme pour faire de n’importe qui son ami, y compris
un Scélérat. Cependant, lorsque Sousson quitte le sèvitè,
l’effet s’estompe, et selon la façon dont elle a été traitée, la
cible pourra alors en vouloir au sèvitè.
Zonbi GROS
Bien des mythes et des histoires évoquent l’aptitude des
sèvitès à animer les morts, mais s’il existe un Lwa doté
d’un tel pouvoir, il ne s’est pas révélé aux sèvitès. Ce qui
s’en rapproche le plus est le pouvoir de Sousson consis-
tant à créer un Zonbi. Un sèvitè habité par Sousson peut
dépenser un point d’Héroïsme pour dissimuler les signes
vitaux d’une personne Sans défense. Son rythme cardiaque
ralentit, ses yeux se voilent et ses muscles se raidissent. Son
esprit devient également vulnérable, si bien que le sèvitè
peut lui donner des ordres simples.
Bon Zanmi TI
À force de consacrer sa vie à guérir les maladies, on s’attire
la faveur de bien des gens ; ainsi, Sousson peut toujours
trouver quelqu’un qu’il aura aidé. Un sèvitè habité par
Sousson peut dépenser un point d’Héroïsme pour déni-
cher quelqu’un à proximité qu’il a précédemment soigné
et qui lui doit maintenant une faveur.
Masque du paria TI
On dit que nul ne regarde un lépreux en face. Un sèvitè
habité par Sousson peut dépenser un point d’Héroïsme
pour que les gens le fuient comme s’il avait la peste.
L’apparence du sèvitè devient horrifique et il émet une
aura qui écarte les gens de son passage sans qu’ils osent
le regarder. Si un Héros souhaite ne serait-ce que s’appro-
cher de quelqu’un revêtu du Masque du paria, il doit soit
dépenser un point d’Héroïsme, soit, dans le cadre d’une
Séquence d’action, dépenser une Mise. S’il souhaite inte-
ragir physiquement avec le sèvitè, le Héros doit dépenser
une Mise supplémentaire, en plus de ce que lui coûte son
Action en elle-même.
Nettoyage TI
Selon Sousson, mieux vaut prévenir que guérir. Un
sèvitè habité par Sousson peut dépenser un point d’Hé-
roïsme pour retirer tout élément contaminant d’un objet,
d’un matériau ou d’une substance, comme par exemple
des draps souillés par la peste ou de l’eau remplie de
microbes néfastes.
Purification TI
Ce pouvoir est la raison principale pour laquelle bien des
sèvitès vénèrent Sousson. Cette aptitude qui consiste à
purifier un corps de toute maladie, aussi bien physique que
mentale, en fait des guérisseurs très demandés. Un sèvitè
habité par Sousson peut dépenser un point d’Héroïsme
pour guérir une personne de tout mal, maladie ou afflic-
tion d’origine non surnaturelle. La Purification ne soigne
aucune Blessure et ne peut être utilisée pour purger une
maladie causée par un Monstre ou une Sorcellerie.
7E MER NATIONS PIRATES 165
 Mystírios
Les traditions numanaris en matière de magie sont assez
différentes de celles de la Théah continentale. Les prati-
quants du Sanderis et du Glamour tirent leurs pouvoirs
d’êtres surnaturels, et sont ainsi (à des degrés divers) assu-
jettis aux désirs et aux caprices de ces êtres. Les Streghe
vodaccis manipulent des forces extérieures à leur avantage.
Même les hexe doivent user de concoctions magiques pour
parvenir à l’effet désiré.
Les mystai numanaris sont inspirés par les légendes des
dieux, mais ce ne sont pas ces derniers qui leur confèrent
des pouvoirs. Le pouvoir d’un mystírio vient de l’esprit
humain. Les histoires des dieux ne font que révéler le
potentiel caché d’un Héros et lui montrer comment
s’en servir.
Les Héros des épopées numanaris sont des êtres profon-
dément imparfaits au potentiel illimité. Le pouvoir de l’âme
humaine est remarquable, et même la puissance des dieux
pâlit en comparaison du potentiel de l’esprit d’un mortel.
Dans nombre de ces histoires, de tels mortels l’emportent
sur les dieux, que ce soit martialement ou intellectuelle-
ment, et impressionnent profondément les immortels par
leur astuce ou leur courage. Le message de ces histoires est
clair : tout est possible, à condition d’avoir la conviction de
lutter pour ce à quoi l’on aspire.
166 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Fonctionnement
Lorsqu’un Héros acquiert cette Sorcellerie, il choisit un
dieu numanari dont il apprend le mystère, ou mystírio.
Ce procédé implique un long rituel réglementé au cours
duquel les fidèles d’un dieu partagent leurs secrets. Chaque
mystírio s’accompagne également d’une apokálypsi (« révé-
lation »), un secret que seuls connaissent les fidèles du dieu
et qui se rapporte aux motivations ou aux désirs profonds
dudit dieu.
Une fois le rituel accompli, le Héros devient un mystai,
initié aux mystères du dieu. Il est empreint d’une partie
de la sagesse du dieu et peut mieux comprendre ses
propres capacités. Il s’ouvre ainsi à une portion de son
potentiel héroïque illimité et acquiert des capacités certes
moins impressionnantes que les effets d’autres traditions
magiques… mais non moins puissantes.
Activer un Mystírio
Pour activer un mystírio, le Héros doit dépenser un
point d’Héroïsme. Il acquiert ainsi une capacité qui dure
jusqu’à la fin de la Scène ou jusqu’à ce que le Héros active
l’apokálypsi associée (ce qui est gratuit). Chaque mystírio
ne peut être activé qu’une fois par Scène, et un Héros ne
peut activer qu’un seul mystírio à la fois. Une apokálypsi ne
peut être activée qu’après l’activation du mystírio associé, et
donc seulement une fois par Scène (voire moins fréquem-
ment encore, selon le mystírio).

Caledon, dieu de la médecine,
du foyer et de la famille
Le mystírio de ce dieu bien-aimé fait simplement appel à la
pitié et à la générosité. Cependant, son apokálypsi révèle la
vérité : toute blessure que Caledon guérit, tout foyer qu’il
honore de sa protection et toute union qu’il bénit lui coûte
quelque chose. Il ne peut continuer éternellement.
Mystírio de Caledon
Pour la durée de la Scène, tout Héros sous Contrainte
(vous inclus) peut se faire payer la Mise supplémentaire
induite par la Contrainte par un autre Héros présent.
Apokálypsi de Caledon
Activez cette apokálypsi pour permettre à tout autre Héros
présent dans la Scène de guérir toutes les Blessures du
cran actuel de sa Spirale de la Mort, ainsi qu’une Blessure
Dramatique. Vous subissez une Blessure Dramatique.
Un mystai ne peut activer cette apokálypsi qu’une fois
par Épisode.
Dithyrambos, dieu de l’abondance
L’histoire de Dithyrambos se rapporte à la souffrance et à
la régénération. La légende du dieu de l’abondance enseigne
au mystai que la douleur est temporaire et qu’un Héros
doit l’endurer s’il souhaite triompher. Même la fureur
du père des dieux ne saurait venir à bout du corps (ou
de l’esprit) du dieu de l’abondance. Chaque printemps, il
surgit des ténèbres de l’hiver, et pareillement, ses mystai
apprennent à se remettre de toutes les épreuves.
Mystírio de Dithyrambos
Chaque fois que vous effectuez une Action, vous guérissez
d’une Blessure. S’il s’agit d’une Blessure Dramatique, votre
apokálypsi s’active instantanément et l’effet s’achève.
Apokálypsi de Dithyrambos
Au cours de votre Action, vous pouvez activer
cette apokálypsi pour guérir instantanément d’une
Blessure Dramatique.
HECTEBA
DÉESSE EMPRISONNÉE DES
MYSTÈRES, DU MEURTRE ET DE LA
MAGIE NOIRE
Hecteba est la patronne des tueurs sanguinaires ;
ceux qui se plaisent à arracher la vie d’autrui.
Le culte d’Hecteba est illégal dans l’essentiel de
la Numa, et à juste titre : pour les fidèles de la
déesse, le meurtre est une sorte de sacrement,
un saint acte de dévotion digne d’être célébré et
admiré. L’apprentissage du mystírio d’Hecteba
se conclut même par un meurtre de sang-froid
rituel, accompli par l’aspirant mystai de la déesse
du meurtre.
Seul un Scélérat peut apprendre ce mystírio.
MYSTÍRIO D’HECTEBA
Lorsque vous entreprenez un Risque d’Armes
blanches, de Bagarre ou de Tir, vous pouvez
augmenter la valeur des résultats donnés par les
dés à raison de votre Puissance. Par exemple,
si vous avez une Puissance de 6, vous pouvez
transformer un 1 en 7, ou bien faire d’un 4 un 6 et
d’un 5 un 9 (pour un total de +6).
APOKÁLYPSI D’HECTEBA
Lorsque vous annoncez votre intention d’exé-
cuter un personnage, vous pouvez activer cette
apokálypsi pour n’avoir besoin que d’une Mise pour
mettre votre cible à mort. Cela signifie que vous
pouvez entreprendre d’autres Actions ce Round,
mais votre mise à mort ne s’accomplit tout de
même qu’à la fin du Round. Cette apokálypsi ne
peut s’activer qu’une fois par Épisode.
7E MER NATIONS PIRATES 167
 Potnia Agrotera, déesse de la chasse
et de la guerre
Le mystírio de Potnia Agrotera est peut-être le secret le
mieux gardé parmi tous les hiereia de Numa. L’histoire
secrète de Potnia, faite d’amour et de sacrifice, peut sembler
incohérente par rapport à son image répandue de déesse de
la guerre et de la bataille, impulsive et assoiffée de sang. Ce
que ses adhérents en viennent cependant à comprendre,
c’est que quiconque souhaite vraiment se battre pour
quelque chose doit l’aimer et être prêt à se sacrifier pour
lui. Et de la part d’un guerrier, quel sacrifice saurait être
plus conséquent que celui de sa propre vie (mortelle ou
immortelle) dans le but d’en sauver une autre ?
Mystírio de Potnia
Lorsque vous dépensez des Mises au cours d’un Risque
pour prévenir les Blessures d’un autre Héros, vous infligez
1 Blessure à quiconque a tenté de s’en prendre à lui.
Apokálypsi de Potnia
Au cours d’une Séquence d’Action, lorsque vous effectuez une
Action avec comme Approche Armes blanches, Bagarre ou
Tir, vous pouvez activer cette apokálypsi au lieu de dépenser
une Mise. Cela signifie également que vous pouvez de
nouveau agir, puisque votre nombre de Mises n’a pas diminué.
Salacio, dieu de l’outre-monde
et de la mer
De bien des façons, Salacio est le patron de la détermina-
tion. Une fois le cours d’une rivière tracé, rien ne saurait
l’altérer hormis une intervention divine. Cela en fait un dieu
fiable (du moins lorsqu’il s’agit d’achever une tâche), mais
aussi incroyablement têtu. Si l’on ajoute à cela sa loyauté
envers Zendio (illustrée par les extrémités auxquelles il fut
prêt pour vaincre Hecteba), voilà qui résume les caracté-
ristiques marquantes du dieu des profondeurs ainsi que
l’essence de son mystírio : maintiens le cap, garde confiance
en toi et en tes actes, et rien ne te déviera de ta voie.
Mystírio de Salacio
Vous êtes immunisé à la Contrainte.
Apokálypsi de Salacio
Vous pouvez activer cette apokálypsi quand vous prenez un
Risque de Résolution. Vous pouvez relancer tout dé dont
le résultat est inférieur à vos Rangs en Résolution, mais
vous devez utiliser le nouveau résultat. La valeur de tout dé
relancé de cette manière ne peut être modifiée de quelque
façon que ce soit, et il ne peut être relancé en vertu d’autres
effets (comme des Rangs élevés dans une Compétence ou
un Avantage).
168 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Supati, déité de l’écriture,
du langage et de la magie
Supati est le patron aussi bien des érudits que des
roublards. Les fidèles de l’énigmatique Supati estiment
énormément la connaissance, surtout lorsqu’elle a des
applications pratiques et bénéficie clairement à autrui.
Des savoirs d’ordre plus ésotérique sont également estimés,
mais les adhérents de Supati accordent moins d’intérêt aux
études purement académiques.
Mystírio de Supati
Lorsque vous entreprenez un Risque d’Astuce, vous pouvez
relancer tout 1 obtenu, mais devez utiliser le nouveau
résultat. Cet effet a lieu avant toute autre relance éventuelle,
issue par exemple de vos Rangs dans une Compétence ou
de vos Avantages.
Apokálypsi de Supati
Vous pouvez activer cette apokálypsi au cours d’un
Risque, lors de votre Action. Tout Héros (vous inclus)
sous Contrainte peut immédiatement accomplir une
Action (mais doit dépenser les Mises nécessaires, comme
à l’ordinaire).
Theonoa Dianoia, déesse de l’industrie
et de la sagesse
Theonoa s’enorgueillit de savoir exactement quand et où
agir pour faire tourner la bataille en sa faveur, que ladite
bataille soit martiale ou diplomatique. Son mystírio
enseigne à ses adeptes qu’ils doivent toujours savoir
s’adapter. Et son apokálypsi ? Quand tu ne peux pas gagner
en suivant les règles… change-les.
Mystírio de Theonoa
Vous pouvez dépenser des Mises au cours d’une Séquence
d’Action ou Dramatique pour modifier le timing d’une
Opportunité ou d’une Conséquence. En dépensant une
Mise, vous modifiez le timing d’1. Par exemple, si une
Conséquence a lieu à 3 Mises, vous pouvez dépenser une
Mise pour transformer ce 3 en 4 ou en 2. Un mystai ne peut
influencer un événement donné qu’une fois par Round,
mais il peut influencer autant d’événements distincts qu’il
le souhaite (à condition de posséder les Mises nécessaires).
Apokálypsi de Theonoa
Vous pouvez activer cette apokálypsi au cours d’une
Séquence Dramatique où vous faites usage d’une Approche
impliquant l’Empathie, l’Érudition ou l’Art militaire. Vous
gagnez immédiatement un nombre de Mises équivalent à
vos Rangs dans la Compétence utilisée. Un mystai ne peut
activer cette apokálypsi qu’une fois par Épisode.
Mohwoo
Dix ans après que la dernière des Taches noires fut enfin
envoyée rejoindre Jonah le Diable, le vaisseau de Zwarte
Hoop, Angstrdroom, pêcha une naufragée près de la côte
orientale de l’Aztlan. Elle ne parlait pas un mot d’une
quelconque langue connue, et même les membres d’équi-
page jaraguayens et aztlans restèrent interdits devant son
apparence et son habillement.
Lorsqu’on lui proposa de l’eau, elle se déshabilla sur le
pont, stupéfiant une fois de plus l’équipage et révélant les
tatouages complexes et majestueux dont elle était couverte.
Chaque pouce de sa peau semblait vivant, comme si la
lumière du soleil animait les illustrations. Les poissons
étincelaient tandis qu’ils nageaient à travers l’eau ruisselante
sur son flanc, la fourrure du singe sur ses épaules paraissait
ondoyer au soleil, et les étoiles et le ciel nocturne sur son
dos brillaient entre les bambous qui remuaient sous une
brise illusoire.
Par la suite, elle impressionna l’équipage en sauvant Hoop
alors qu’il se faisait tracter hors du pont par le gréement
et un espar brisé. Elle bondit du vaisseau et emprunta l’en-
fléchure pour rejoindre le capitaine en chute libre. Alors
que le gréement tirait Hoop par le fond, elle lui fit du
bouche-à-bouche pendant de longues minutes tandis qu’il
se débarrassait des cordages. Son extraordinaire agilité et
sa capacité pulmonaire qui rivalisait avec celle des pêcheurs
de perles les plus aguerris impressionnèrent et ébahirent
l’équipage, surtout Hoop. Lorsqu’il lui demanda comment
elle était capable de tels prodiges, elle indiqua ses tatouages
et déclara : « Whoa sherr Whenshen. » Depuis, tout le
monde l’appelle Wenshen, la maîtresse du mohwoo.
Fonctionnement
Contrairement aux autres Sorcelleries, le mohwoo n’est pas
lié à une Nation. N’importe quel Héros peut posséder le
pouvoir du mohwoo, à condition de gagner le respect de
Madame Wenshen ou d’un de ses huajia (ses apprentis de
confiance pleinement formés). Un Héros qui possède déjà
une Sorcellerie peut choisir d’acquérir le mohwoo, mais il
perd accès à sa Sorcellerie précédente une fois marqué du
tatouage mystique.
Lorsqu’un Héros acquiert cette Sorcellerie, il gagne un
tatouage de Madame Wenshen ou d’un de ses huajia.
L’acquisition d’un mohwoo passe par une entrevue
mystique, similaire à la façon dont une Strega vodacci lit
les cartes, ou à celle dont un seidr vesten observe l’avenir.
Le mohwoo choisi pour le récipiendaire (nommé qing,
ou « roi ») est toujours quelque chose d’adapté à ce dernier
et dont il pourra avoir besoin. Il n’est pas rare qu’un qing
demande un tatouage en particulier mais que son huajia
insiste pour lui en apposer un différent. Et bien plus tard,
le qing se rendra compte qu’il s’agissait du meilleur choix
depuis le début.
L’application d’un mohwoo est plus longue et douloureuse
que celle d’un tatouage ordinaire. Les encres étranges et
mystiques d’un mohwoo brûlent davantage, et les aiguilles
particulières utilisées sont plus acérées en certains endroits
et moins en d’autres. À plusieurs moments du procédé, le
mohwoo est enveloppé d’une algue nauséabonde pendant
une heure, le temps que l’encre « s’incruste ». Un tatouage
simple peut prendre quelques jours, mais un plus consé-
quent peut requérir près d’une semaine.
La première fois que vous acquérez l’Avantage Sorcellerie,
choisissez un mohwoo. Vous obtenez sa version majeure
et mineure. Choisissez également un autre mohwoo dont
vous obtenez la version mineure.
Chaque fois que vous reprenez l’Avantage Sorcellerie,
vous devez choisir deux nouveaux mohwoo. Chacun peut
être majeur ou mineur, mais vous ne pouvez prendre
un mohwoo majeur dont vous ne possédez pas déjà la
version mineure.
7E MER NATIONS PIRATES 169
 Activer un mohwoo
Pour activer un mohwoo, le Héros doit dépenser un point
d’Héroïsme et faire appel au pouvoir du tatouage. Certains
touchent leur tatouage ou murmurent une phrase parti-
culière d’importance personnelle, tandis que d’autres se
concentrent simplement un instant ; chaque qing a son
propre procédé d’activation. Certains mohwoo ont un
coût supplémentaire ou une condition d’activation, mais
la dépense du point d’Héroïsme est toujours obligatoire.
La nature du pouvoir d’un mohwoo n’est pas vraiment
claire (beaucoup pensent que même Madame Wenshen n’en
comprend pas le fonctionnement, seulement le procédé),
mais les tatouages ont parfois une influence propre.
Un MJ peut à tout moment dépenser un point de Danger
pour affecter le qing d’une des façons suivantes :
• Animer les tatouages de façon clairement
surnaturelle, en les faisant par exemple briller
ou bouger. Le qing ne peut cacher ses tatouages
ou leur nature magique à tout observateur : les
tatouages brillent à travers les vêtements, se
glissent à découvert, bref deviennent évidents.
L’effet persiste jusqu’à la fin de la Scène.
• Faire réagir l’environnement d’une façon liée au
tatouage. Un qing doté d’un tatouage de requin
pourra se retrouver entouré d’un banc de requins,
tandis qu’un autre marqué du mohwoo du vent
pourra voir une bourrasque claquer derrière lui la
fenêtre par laquelle il vient de s’infiltrer discrète-
ment. L’effet est instantané, mais ses conséquences
pourront être durables : le banc de requins appa-
raîtra plus ou moins immédiatement, mais ne
partira pas aussi vite.
• Imposer au Héros une Contrainte consistant
à agir en accord avec son mohwoo pendant un
Round. Toute Action qui n’est pas directement en
accord avec la nature du mohwoo coûte alors une
Mise supplémentaire. Un qing avec le mohwoo
du crabe sera poussé à protéger et à défendre,
tandis qu’un autre influencé par le poisson cher-
chera à découvrir un secret sans se préoccuper de
quoi que ce soit d’autre.
170 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Ancre
L’ancre représente un qing qui endosse un fardeau pour
en libérer les autres. Fiable et dévoué, il se jettera littéra-
lement dans les profondeurs si cela peut épargner autrui,
peu importe de qui il s’agit. Son caractère diffère de celui
du crabe, dont la motivation à protéger est générale-
ment personnelle.
Mineur
Activez ce mohwoo pour faire gagner un point d’Héroïsme
à un autre Héros présent dans la Scène. Un qing ne peut
utiliser ce mohwoo qu’une fois par Scène.
Majeur
Activez ce mohwoo et choisissez une autre personne pour
vous lier à elle. Par un simple instant de concentration, vous
pouvez tous les deux connaître la distance qui vous sépare
et la direction dans laquelle l’autre se trouve. L’effet dure
jusqu’au prochain coucher ou lever du soleil (le premier
des deux).
Crabe
Le crabe est un protecteur et un gardien. Ce mohwoo
indique que le Héros accorde une grande importance à
la protection d’une chose ou d’une personne, souvent au
mépris de toute autre chose. Il peut s’agir de quelque chose
de physique (comme la fille ou le mari du Héros) ou d’im-
matériel (comme son honneur personnel).
Mineur
Activez ce mohwoo lorsque vous dépensez des Mises
dans le but de recevoir des Blessures à la place d’un autre
personnage. Les Blessures que vous subissez sont réduites
de moitié (arrondies à l’inférieur, pour un minimum de 1).
Comme à l’ordinaire, vous pouvez les réduire en dépensant
des Mises ou par des Manœuvres comme la Riposte ou
la Parade.
Majeur
Lorsque vous activez ce mohwoo, vous pouvez empêcher la
mise à mort d’un autre personnage en ne dépensant qu’une
Mise au lieu de toutes vos Mises. Un qing ne peut activer
ce mohwoo qu’une fois par Épisode.
Pieuvre
L’étreinte d’une pieuvre est irrépressible. Elle mourra plutôt
que de relâcher sa proie. Cela vaut également pour un
Héros doté du mohwoo de la pieuvre, bien que dans un
sens moins littéral. Un tel Héros s’attachera rapidement
et aura du mal à se distancer d’autrui ou à admettre qu’il
a tort. Ses ennemis le qualifieront d’entêté, et ses amis
de loyal.
Mineur
Activez ce mohwoo lorsque vous dépensez une Mise
pour exercer une Contrainte. Pour aller à l’encontre de la
Contrainte, la cible doit payer 2 Mises supplémentaires au
lieu d’1. Un qing ne peut utiliser cette capacité qu’une fois
par Épisode.
Majeur
Activez ce mohwoo lorsque vous infligez des Blessures
lors d’un Risque de Bagarre. Ces Blessures ne peuvent être
prévenues, excepté par des moyens surnaturels (comme
une Sorcellerie, un artefact ou autre chose de ce calibre).
Un qing ne peut utiliser ce mohwoo qu’une fois par Scène.
Poisson
Le mohwoo du poisson représente la recherche ou la
découverte, généralement d’ordre personnel, voire à l’insu
du porteur. Il peut s’agir d’une révélation concernant le
passé de la personne ou d’un voyage menant à la découverte
et à la compréhension de soi.
Mineur
Le Héros n’a pas besoin de respirer pour le restant de la
Scène. Il ne peut plus suffoquer, se noyer, être étranglé
ou étouffé, et est insensible à l’empoisonnement par
voie respiratoire.
Majeur
Vous pouvez activer ce mohwoo au lieu de dépenser une
Mise lors d’une Séquence d’Action ou Dramatique, à condi-
tion que vous soyez en train de nager ou immergé dans l’eau
(au moins à moitié), et que cela serve l’Action entreprise.
Requin
Le requin est un chasseur implacable. Un Héros se verra
probablement décoré du mohwoo du requin s’il préfère
agir rapidement pour résoudre un problème plutôt que
d’attendre et observer. Le requin peut aussi représenter
un Héros qui poursuit quelque chose, par opposition au
poisson qui souhaite découvrir quelque chose.
Mineur
Une fois ce mohwoo activé, nul ne peut échapper à votre
vigilance (que ce soit par un Risque de Dissimulation ou
par un autre moyen), à moins de disposer à cet effet d’une
capacité surnaturelle comme une Sorcellerie ou un artefact.
Si le personnage dispose d’un tel moyen, les deux effets s’an-
nulent, et sa Dissimulation s’oppose alors à votre Vigilance.
Un qing ne peut utiliser ce mohwoo qu’une fois par Épisode.
Majeur
Activez ce mohwoo en désignant un individu comme votre
proie. Le MJ vous donne la direction et la distance approx-
imative qui vous sépare de cette personne. Tout Risque
physique entrepris pour attraper votre proie (comme un
Risque d’Athlétisme pour la poursuivre ou de Bagarre pour
vous en saisir) bénéficie d’1 dé supplémentaire. L’effet dure
jusqu’à la fin de la Scène, mais vous pouvez dépenser un
autre point d’Héroïsme pour le prolonger. Un qing ne peut
utiliser ce mohwoo qu’une fois par partie.
Tortue
La tortue est prudente et avisée. Elle ne se meut que
lorsqu’elle est certaine de sa trajectoire. Ce mohwoo est
propre à un individu réfléchi et mesuré qui sait que rien ne
sert de courir ; il faut partir à point.
Mineur
Dépensez votre première Mise d’un Round pour activer ce
mohwoo. Pour le restant du Round, tous les dégâts que vous
subissez sont réduits d’1 Blessure.
Majeur
Une fois ce mohwoo activé, vous pouvez annuler les
Blessures que vous subissez d’une unique attaque de votre
choix. Vous devez activer ce mohwoo lors de votre tour, au
prix d’une Mise. Un qing ne peut utiliser ce mohwoo qu’une
fois par Scène.
7E MER NATIONS PIRATES 171
 Épées, Navires & Secrets
Les pirates qui rôdent sur les sept mers en quête d’or et
de butin disposent d’une multitude de compétences et de
ressources, toutes axées sur la survie en haute mer. Face à la
Compagnie, Reis et Fevrier toujours prêts à fondre sur un
pirate vulnérable, aux corsaires et aux chasseurs de pirates
qui patrouillent les eaux théanes, sans compter Jonah le
Diable toujours à l’affût depuis les profondeurs, un Héros
pirate doit tirer parti de son épée, de son navire et de ses
secrets avec maestria pour garder un coup d’avance sur ceux
qui cherchent à condamner la liberté.
Duellistes étrangers
La relation entre les écoles de La Bucca, de Jaragua, de
Numa et des Rahuris est nettement moins étroite qu’entre
celles de Théah continentale. La guilde des Duellistes
cherche activement à y remédier, car elle respecte les
talents et les traditions de ces lieux lointains et souhaite
leur donner une place d’égal parmi les styles théans.
À cet effet, la guilde des Duellistes emploie principale-
ment deux tactiques. Premièrement, elle a entrepris de
fonder, dans ces contrées exotiques, des annexes où tout
maître et ses étudiants se voient proposer d’intégrer la
guilde, dès lors qu’ils ont su prouver leur adresse martiale.
172 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
La guilde prend grand soin de témoigner respect et défé-
rence à ces enseignants. La guilde veut d’eux, car une guilde
plus vaste brasse davantage de membres, de ressources…
et de guilders.
Deuxièmement, la guilde use de ses contacts et de son
influence pour aider les maîtres de ces styles étrangers
à fonder des écoles en Théah. Ainsi, non seulement ces
enseignants en puissance ont d’autant plus d’étudiants
potentiels, mais cela leur permet également d’établir leur
réputation. Cela instaure aussi des liens de camaraderie
et de confiance entre des Duellistes qui pourraient bien se
rencontrer un jour sur le terrain.
Il est attendu de tout Duelliste étranger rejoignant la
guilde qu’il adhère aux mêmes règles et directives que ses
confrères théans. Cependant, la guilde des Duellistes passe
parfois l’éponge sur des infractions mineures dues à l’igno-
rance ou aux différences culturelles. Elle est très attentive
aux règles d’engagement, et ne voit pas de raison de punir
un membre pour une légère différence de perspective.
Manœuvres
Peu importe où et chez qui il a étudié, tout Duelliste
apprend à exécuter des Manœuvres. Les Manœuvres sont
des techniques de combat qui varient légèrement de Style
en Style, mais obéissent au même principe de base. Avoir
suivi les cours d’une Académie de Duellistes donne accès à
toutes les Manœuvres.
Pour exécuter une Manœuvre, dépensez une Mise lors
de votre Action. Un Duelliste ne peut exécuter qu’une
seule Manœuvre par Action. De plus, un Duelliste ne peut
jamais exécuter la même Manœuvre deux fois de suite :
vous ne pouvez pas Taillader puis Taillader de nouveau lors
de votre Action suivante.
• Taillade : lorsque vous Tailladez, vous infligez un
nombre de Blessures équivalent à vos Rangs en
Armes blanches.
• Parade  : une Parade prévient un nombre de
Blessures équivalent à vos Rangs en Armes
blanches. Vous ne pouvez Parer qu’au cours
de votre Action, directement à la suite de la
Manœuvre qui vous a infligé des Blessures.
• Feinte : lorsque vous Feintez, vous infligez une
Blessure, et si votre cible est de nouveau blessée
dans le même Round, elle subit une Blessure
supplémentaire.
• Fente  : lorsque vous vous Fendez, dépensez
toutes vos Mises. Vous infligez un nombre de
Blessures équivalent au cumul de vos Rangs
en Armes blanches et des Mises que vous avez
dépensées. Il est impossible d’éviter ou de
prévenir ces Blessures.
• Frappe  : lorsque vous Frappez, vous infligez
une Blessure, et la prochaine fois que votre cible
inflige des Blessures lors de ce Round, elle inflige
une Blessure de moins pour chaque Rang que
vous avez en Armes blanches.
• Riposte : lorsque vous Ripostez, vous prévenez
un nombre de Blessures équivalent à vos Rangs
en Armes blanches et infligez un nombre de
Blessures équivalent à vos Rangs en Armes
blanches. Vous ne pouvez Riposter que lors
de votre Action, directement à la suite de la
Manœuvre qui vous a infligé des Blessures. Un
Duelliste ne peut exécuter cette Manœuvre
qu’une fois par Round.
Styles de Duel
Au commencement d’un Round durant une Séquence
d’Action (au moment où chacun rassemble ses dés pour
prendre un Risque), le Duelliste décide du Style qu’il
adopte. Il bénéficie des avantages de ce Style pour la
durée du Round, à condition d’en respecter les prérequis
(lesquels imposent généralement l’usage d’un type d’arme
en particulier).
Au début d’un nouveau Round, un Duelliste peut
changer de Style parmi ceux qu’il connaît. Un pratiquant
familier d’un Style saura toujours reconnaître sa mise en
application. Ainsi, si un adversaire utilise un Style que le
Duelliste maîtrise, ce dernier pourra identifier le Style dès
la première Action de son adversaire.
Bugu Takobi
L’une des techniques martiales issues d’Ifri fait usage d’une
épée courte et d’une gestuelle trompeuse pour déséquilibrer
l’adversaire et aménager des ouvertures. Une machette se
prête idéalement à cette technique faite de coups vifs et de
mouvements rapides qui se jouent de l’allonge de l’oppo-
sant. Les gestes dansants et les pas agiles perturbent l’ad-
versaire, permettant d’attaquer rapidement puis d’esquiver
habilement la riposte.
Les mawons ont parfait ce style et ses manœuvres désta-
bilisantes, et s’en sont servi pour combattre leurs oppres-
seurs atabéens. Aujourd’hui, il existe une poignée d’écoles
qui enseignent le Bugu Takobi dans la mer Atabéenne. Les
plus renommées sont la Makaranta Takobi (littéralement
« École de l’Épée »), localisée dans l’Arc Septentrional de
La Bucca près du Havre du Couchant, et le Mémorial de
Taiyewo, à Kap-Kalfu, en Jaragua, dans l’ombre des Princes
jumeaux. Récemment, une rumeur dit qu’un maître du
Bugu Takobi aurait gagné la Fédération Sarmatienne dans
l’espoir d’y ouvrir une école.
Bonus de Style : Takobi Gudana
Si vous maniez une petite arme de corps à corps (comme
une machette ou une hachette) dans une main et rien dans
l’autre, vous avez accès à une Manœuvre spéciale nommée
le Takobi Gudana ou « flux de l’épée ». Le Takobi Gudana
prévient un nombre de Blessures équivalent à vos Rangs en
Armes blanches, et la prochaine fois que vous exécutez une
Manœuvre qui inflige des dégâts, celle-ci cause 1 Blessure
supplémentaire. Vous ne pouvez exécuter le Takobi
Gudana qu’une fois par Round.
7E MER NATIONS PIRATES 173
 LES ARMES D’AGOGE
L’Agoge de Lakedaimon forme ses étudiants à
se choisir une arme et à en faire une extension
d’eux-mêmes. Par la suite, une fois leur première
arme maîtrisée, les élèves sont encouragés à
ajouter d’autres armes à leur arsenal. En jeu, cela
se reflète par l’acquisition de l’Avantage « Maîtrise
d’arme d’Agoge », page 150.
Jogo de Dentro
Le Jogo de Dentro (« jeu intérieur ») mêle danse et combat.
Dansant et virevoltant sur leurs pieds et leurs mains, les
mestres esquivent à coups d’acrobaties, ce qui est idéal pour
combattre proche du sol. Ils se battent à l’aide de fauchages
et de surins de prisonnier tenus dans les mains ou les pieds,
ce qui leur permet de se battre même les mains liées. Ce
Style se concentre sur la défense et la confusion plutôt que
sur l’assaut direct. Il repose sur la ruse et la tromperie, afin
de pouvoir combattre des Théans plus forts et en meilleure
santé qui ont la loi de leur côté.
Il n’existe pas d’Académie de Duellistes pour le Style de
combat le plus imprévisible de la mer Atabéenne, quoique
récemment, le mestre Gavião s’efforce d’acquérir suffisam-
ment de prestige et de moyens pour fonder une Académie
digne de ce nom dans le sud de la Castille, sur la péninsule
d’Odissée. Pour l’heure, maîtriser ce Style passe par les
ruelles de Fort Liberté et l’enfer de l’esclavagisme. Mis au
point par des prisonniers ifriens et rahuris anonymes, le
Jogo de Dentro n’a pas de créateur connu. Ses pratiquants
se nomment malandros, revendiquant une insulte odis-
séenne qui qualifie la vermine urbaine et les affranchis.
Bonus de Style : Riso da Malandragem
Lorsque vous maniez une courte lame improvisée (un
rasoir de barbier caché dans votre manche, un fragment
de verre logé dans votre semelle, etc.), vous avez accès à
une Manœuvre spéciale nommée le Riso da Malandragem,
ou «  Rire du malandrin  ». Le Riso da Malandragem
fonctionne comme une Manœuvre de Frappe, si ce n’est
qu’il vous permet d’attaquer deux cibles en une fois (deux
Scélérats, deux Escouades de Brutes, un Scélérat et une
Escouade de Brutes, etc.) Vous ne pouvez exécuter le Riso
da Malandragem qu’une fois par Round.
De plus, lorsque vous prenez un Risque d’Athlétisme,
de Bagarre, de Dissimulation ou de Représentation, vous
bénéficiez d’1 dé supplémentaire, à condition que ce Risque
tire parti de votre maîtrise du Jogo de Dentro.
174 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Agoge de Lakedaimon
L’adversité engendre la grandeur. Cette simple devise
sert de ligne de conduite aux instructeurs de l’Académie
d’Agoge de Lakedaimon. Ils se vouent à pousser leurs élèves
à se montrer dignes de leur héritage divin, en tant que
descendants de la déesse Potnia Agrotera. Les étudiants
taillent leur propre lance, forgent leur épée aux côtés des
maîtres forgerons de Lakedaimon et dorment avec leur arc
serré contre eux.
Tous les diplômés de l’académie de Lakedaimon ont
appris ce Style de Duel profondément numanari, et il s’est
même répandu au-delà des étudiants de cette redoutable
école. L’Agoge numanari est plutôt en vogue chez les jeunes
élites sociales de Théah, même si la plupart de ces jeunes
gens ploient sous les méthodes rigoureuses au bout de
quelques jours à peine. Euthalia, instructrice parmi les plus
respectés de Lakedaimon, s’est décidée à quitter les îles et à
se rendre sur le continent théan. Elle a fondé une nouvelle
école dans la cité vodacci de Joppa afin de mettre à l’épreuve
l’esprit héroïque des Théans, en quête de tout étudiant
qu’elle pourrait estimer digne d’être nommé numanari.
Bonus de Style : Boutoir d’Agoge
Lorsque vous gagnez l’Agoge de Lakedaimon comme Style,
choisissez une arme entre la lance, l’épée ou l’arc. Lorsque
vous maniez votre arme de prédilection, vous bénéficiez
du bonus suivant :
• S’il s’agit de l’épée, vous exécutez votre première
Action du Round comme si vous disposiez d’une
Mise supplémentaire.
• S’il s’agit de la lance, vous pouvez relancer 1 dé
lors de tout Risque d’Athlétisme où vous pouvez
vous aider de votre lance.
• S’il s’agit de l’arc, vous utilisez la Compétence Tir
(au lieu d’Armes blanches) lorsque vous exécutez
des Manœuvres à l’aide de cette arme de trait.
Lorsque vous maniez votre arme de prédilection, votre
Manœuvre de Fente est remplacée par le Boutoir d’Agoge.
Le Boutoir d’Agoge inflige un nombre de Blessures équi-
valent au cumul de vos Rangs en Armes blanches et des
Mises que vous avez dépensées, mais vous devez consacrer
la prochaine Action de ce Round à vous rétablir et vous
rééquilibrer, au prix d’1 Mise.
L’histoire du Navire
Un Navire a une Origine. Il s’agit de la Nation, région ou
partie du monde depuis laquelle il a fait son voyage inau-
gural. Chaque peuple a sa propre idée quant à la conception
du Navire idéal.
Chaque Origine accorde un bonus particulier. Souvent,
les circonstances dans lesquelles ledit bonus s’applique sont
à dessein vagues et sujettes à interprétation. MJ, il vous
revient de trancher quant à savoir si l’Origine ou l’Histo-
rique du Navire s’applique, mais nous vous recommandons
d’être généreux. Cependant, si le bonus s’applique, un seul
Héros à la fois peut en bénéficier.
Origines
Aragosta
Les autres marins aiment leur Navire parce qu’il leur
garantit de rentrer à la maison en toute sécurité. Pour un
Aragostain, le Navire lui-même est sa maison. Un Navire
aragostain bénéficie d’une Mise supplémentaire lors de tout
Risque que lui ou son Équipage entreprennent.
Compagnie commerciale atabéenne
Les Navires d’élite de la Compagnie sont à la fois rapides
et solides. Ces qualités ont poussé plus d’un pirate à faire
sien l’un des fleurons de la marine de la Compagnie. Bien
évidemment, la plupart de ces bâtiments se conquièrent par
la ruse et non par un assaut frontal, car de tels vaisseaux
sont difficiles à attraper et à aborder. Une fois par Épisode,
un Navire de la Compagnie peut repousser tout assaillant
le temps d’un Round lors d’une Séquence d’Action.
Jaragua
Les Navires jaraguayens et leur Équipage ont pour
habitude de faire la nique à la Compagnie commerciale
atabéenne en circulant dans des zones qui seraient déli-
cates, voire complètement impraticables pour d’autres
Navires. Un Navire jaraguayen gagne 1 point de Richesse
supplémentaire lorsqu’il vend des marchandises dans un
port sous le contrôle de la Compagnie, et son Équipage
bénéficie d’une Mise supplémentaire lors de tout Risque
pris à l’encontre de la Compagnie.
7E MER NATIONS PIRATES 175
La Bucca
Issus d’une Nation qui fait affaire avec tout le monde tout
en n’étant assujettie à personne, les Navires de La Bucca
savent tirer parti de leur statut d’électron libre. Une fois par
partie, l’Équipage d’un Navire de La Bucca peut présenter
une lettre de marque de n’importe quelle Nation théane.
Une fois la lettre présentée, elle devient inutile… mais
bon, soyons francs, c’était probablement une contrefaçon
de toute manière.
Numa
D’entre toutes les Nations du monde, la Numa est celle qui
célèbre le plus l’idée d’esprit héroïque. Lorsqu’un Héros
à bord du Navire active un Avantage doté du qualificatif
« Talent », un autre Héros à bord du Navire peut payer le
point d’Héroïsme à sa place.
Rahuri
Les Rahuris sont spécialisés dans la surveillance des eaux
atabéennes, qu’ils protègent des monstres aussi bien
humains qu’inhumains. Les Dégâts ou Blessures subis
par le Navire ou l’Équipage de la part d’un Navire ou d’un
Monstre sont réduits de 1 (pour un minimum de 1), à
condition que la bataille ait lieu sur la mer Atabéenne.
Historiques de Navire
Les Historiques confèrent des avantages à votre Navire,
mais surtout, ils font partie de son histoire unique et
épique. Chaque Historique nourrit le passif du Navire,
accroît sa réputation, contribue à la fierté de l’Équipage et
fait de votre vaisseau non plus « un banal bateau », mais
« un Navire ».
Un Navire ne peut pas avoir plusieurs fois le même
Historique. Un Navire possède un Historique par Héros
qui a acheté l’Avantage Marié à l’Océan (voir page 150).
Bateau à fantômes
Votre Navire s’est rendu sur Soryana, l’île des morts rahuri.
Tout Héros bénéficiant de l’aide d’un ancêtre en vertu de
l’Avantage Guide de Soryana peut restaurer son lien avec
son ancêtre et lui rendre la raison. Dès lors que le Héros
et l’ancêtre Perdu sont à bord du Navire, le Héros peut
dépenser un point d’Héroïsme pour ramener l’ancêtre sur
le droit chemin. Cette capacité ne fonctionne qu’une fois
par ancêtre : si le même ancêtre se Perd de nouveau, il n’est
plus possible de faire quoi que ce soit pour lui.
Entre les mailles du filet
Votre Navire n’a pas son pareil pour se glisser dans des
endroits où il n’est pas supposé être, qu’il s’agisse de passer
un blocus à la faveur de la nuit ou d’accoster dans un port
de contrebandiers caché. Vous pouvez dépenser un point
d’Héroïsme pour circuler dans des eaux interdites sans
vous faire remarquer.
Favori de Salacio
Votre Navire a visité les ports de Numa et y a reçu la béné-
diction d’un hiereus de Salacio, le dieu numanari de la mer.
Une fois par partie, la première fois qu’un Héros reçoit un
point d’Héroïsme à bord du Navire, il en reçoit un supplé-
mentaire (ne vaut qu’une fois pour tout le groupe).
Pavillon noir
Votre Navire était jadis un redoutable vaisseau pirate qui
affichait le pavillon noir apatride. Lorsque vous rencontrez
un PNJ pirate dans des circonstances non hostiles, vous
pouvez dépenser une Mise ou un point d’Héroïsme pour
qu’il vous traite avec respect et camaraderie tant qu’il n’a pas
de raison de faire autrement.
Aventures
Les Aventures confèrent aux Héros des bonus et des capac-
ités particulières la première fois qu’ils accomplissent une
action spécifique liée à leur Navire au cours d’une partie.
Une Aventure n’est pas forcément quelque chose de positif
(se faire dévaliser par des pirates ou échouer sur une île
déserte est rarement plaisant), mais c’est une expérience dont
le Navire et son Équipage ressortent grandis.
La première fois que vous, votre Navire et son Équipage
accomplissez une Aventure en jeu, votre Navire acquiert un
bonus ou une capacité qui y est lié. Cette Aventure doit avoir
eu lieu en jeu, pas dans le passif des Héros, au cours d’une
ellipse narrative ou en tant que composante de l’Historique
de votre Navire. Il n’est pas possible d’obtenir plusieurs fois
le même bonus lié à une Aventure.
Rappelez-vous que de tels bonus s’ajoutent à tout ce que
les Héros et le Navire ont pu gagner ou perdre au cours des
événements qui ont concrétisé l’Aventure. La liste présentée
ci-dessous n’est pas exhaustive, mais pourra servir de base
au MJ afin qu’il conçoive ses propres Aventures ainsi que les
récompenses qui les accompagnent.
Au diable le Diable
Survivre à une confrontation avec le Cargo Noir ou Jonah
le Diable. Vous acquérez l’Avantage Réputation, assorti d’un
qualificatif lié à votre rencontre avec le Cargo ou Jonah. Ce
qualificatif doit être approuvé par le MJ.
Chasseur de l’extrême
Abattre une créature plus grosse que votre Navire.
Lorsqu’une créature dotée d’une Propriété monstrueuse
vous rend Sans défense, vous pouvez dépenser un point
d’Héroïsme pour guérir instantanément de votre dernière
Blessure Dramatique ainsi que de toutes les Blessures du
même Rang. Si vous devenez de nouveau Sans défense d’ici
la fin de la Scène, vous en mourez.
Du cœur de l’enfer, je te frappe !
Vaincre un Monstre marin d’une Puissance de 10 ou plus
sans perdre votre Navire. Lorsque vous êtes en mer et que le
MJ dépense un point de Danger pour activer une Propriété
monstrueuse, vous pouvez dépenser un point d’Héroïsme
pour l’annuler.
Foyer maternel
Transporter un membre de Los Niños depuis un endroit
hostile ou dangereux jusqu’à La Bucca, en toute sécurité.
Lorsque vous êtes dans La Bucca, vous pouvez dépenser une
Mise ou un point d’Héroïsme pour entrer en contact avec
un Niño, lequel vous traite en tant qu’ami tant qu’il n’a pas
de raison de faire autrement.
Je suis un Héros libre !
Échapper aux griffes de la Compagnie commerciale
atabéenne après avoir été capturé ou asservi. Vous acquérez
l’un des Avantages suivants de votre choix : Accointances
interlopes, Entraide ou Roi de l’évasion. De plus, tout Risque
futur consistant à éviter d’être capturé par la Compagnie
bénéficie d’1 dé supplémentaire.
Prends-en de la graine
Tuer un Monstre marin avec l’aide d’un ancêtre rahuri sans
perdre votre ancêtre ou votre Navire. La première fois de
chaque Round que votre Équipage ou votre Navire inflige
des Dégâts ou des Blessures à un Monstre marin, les Dégâts
ou Blessures sont majorés d’1.
Renaissance
Après que votre Navire a coulé, en rebâtir un nouveau en
utilisant un souvenir du précédent Navire. Votre Navire
conserve son Origine précédente et en acquiert une nouvelle
selon la Nation où il a été reconstruit ou la nationalité de
son constructeur.
Une affaire de famille
Satisfaire à une requête que vous soumet un membre de
La Cosca en remboursement d’une faveur que vous devez
à l’organisation. Vous pouvez maintenant vous livrer à
des tractations basiques de Société secrète avec La Cosca
(acheter et vendre des informations, demander l’aide d’un
Agent, etc.), mais celles-ci se font avec de la Richesse au lieu
de la Faveur. Si vous êtes membre de la Cosca, vous gagnez
à la place 5 de Faveur.
Un homme à la mer !
Sauver un PNJ abandonné (qu’il soit perdu en mer,
maronné sur une île déserte, etc.) Ajoutez 1 à la Puissance
totale de l’Équipage de votre Navire. Vous pouvez accom-
plir cette Aventure plusieurs fois, mais seulement une fois
par Épisode.
Vae victis
Capturer un Navire de la Compagnie atabéenne intact et
aux cales pleines. Vous gagnez 3 de Richesse et 3 de Faveur
avec votre Société secrète.
7E MER NATIONS PIRATES 177
 Sociétés secrètes
Bien des Sociétés secrètes opèrent dans la mer Atabéenne,
et quelques-unes en sont même originaires. Elles n’ont peut-
être pas les moyens ou l’ampleur de la Rose et la Croix ou de
Los Vagabundos, mais elles n’en ont pas moins le potentiel
de laisser leur marque sur l’Atabéenne et ceux qui y résident.
La Cosca
Lorsque le cardinal Ordunez fonda La Palabra de Dios,
les Princes marchands vodaccis y virent une opportunité.
Depuis longtemps, ils étaient importunés par des pertur-
bateurs trop bien implantés pour qu’il soit possible de les
exécuter ou de les emprisonner. Ces individus étaient les
dirigeants d’une organisation puissante et secrète qui opérait
depuis des années dans toute la Vodacce, avec une discrétion
savamment dosée. Leurs ressources et leurs contacts leur
conféraient une influence conséquente, aussi bien dans le
domaine de la politique que dans d’autres. Beaucoup les
voyaient comme des Héros du peuple auxquels on pouvait
se fier lorsqu’on ne pouvait se fier aux banques, à l’Église
ou à l’État.
En une vaste manœuvre coordonnée qui frappa la quasi-in-
tégralité de la Vodacce méridionale, les Princes arrêtèrent les
membres de cette organisation en l’espace d’une nuit et les
expédièrent sur la nouvelle prison insulaire, loin de leurs
alliées et de leur fortune. Satisfaits d’avoir traité le mal à la
racine, les Princes marchands retournèrent aux intrigues et
à la politique.
Or, les membres en exil de La Cosca (littéralement « La
Famille ») n’avaient pas l’intention de disparaître. Plutôt
que de dépérir et de sombrer dans l’oubli comme les Princes
vodaccis l’avaient voulu, La Cosca planta ses racines dans
La Bucca et prospéra. Lorsque La Palabra de Dios se
vida sous la menace de la peste blanche, La Cosca et ses
dirigeants (nommés Zios, ou « oncles ») étaient prêts. Ils
commencèrent par se réimplanter dans la nouvelle « Nation
libre » de La Bucca, puis, cela fait, ils projetèrent de rentrer
chez eux. Comme les Princes marchands, ils sont patients
et indéfectibles.
Si les recours officiels ne suffisent pas, il vous reste La
Cosca. Si la banque vous refuse un prêt, il vous reste La
Cosca. Si la police refuse d’arrêter l’homme qui a tué votre
fils, il vous reste La Cosca. Ils sont les comptables honnêtes
d’un marché malhonnête, les voleurs les plus honorables
des sept mers… et de terribles ennemis si vous manquez
à votre parole.
178 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
La Faveur au sein de La Cosca
La Cosca se perçoit comme une famille ; elle veille sur la
communauté et sur le bien-être collectif. Ceux qui ont été
victimes des failles d’un système, voire ouvertement aban-
donnés par un tel système, font souvent appel aux membres
locaux de La Cosca pour obtenir justice ou secours. Mais
une telle requête s’accompagne toujours d’un prix, le plus
souvent sous forme d’une dette d’honneur ou d’une faveur
plutôt que d’argent, et La Cosca prend de tels engagements
très à cœur.
Un Héros membre de La Cosca peut obtenir de la Faveur
des façons suivantes :
• Recruter un contact ou élément utile, ou
assister un tel élément vaut au moins 4 de
Faveur, voire plus selon l’importance et l’uti-
lité de l’élément en question. La Cosca est très
regardante quant au genre d’individus qu’elle
accueille dans ses rangs, mais nettement moins
quant à ceux avec qui elle fraie. Un membre sera
bien perçu s’il parvient à recruter un individu
peu important mais bien placé (un chef d’équipe
de dockers, un employé d’une grande société,
un fonctionnaire à un poste clé, etc.), surtout si
ledit individu donne des résultats. La Faveur ne
vaut que pour le recrutement initial (après une
période d’approbation), pas pour des résultats
subséquents, car qui œuvre pour La Cosca œuvre
dans l’intérêt de tous ses membres.
• Aider La Cosca à reconstituer son influence en
Vodacce vaut 6 de Faveur. La Cosca a récupéré
de son exil sur La Bucca, mais il lui faudra des
années avant d’être prête à se confronter directe-
ment aux Princes marchands. Toute initiative en
ce sens sera dûment récompensée par les Zios.
• Défendre ou protéger La Cosca à ses propres
dépens vaut 8 de Faveur. Il peut s’agir d’assumer
les conséquences d’une opération de La Cosca
passible de gros ennuis judiciaires (comme un
emprisonnement), ou de prendre sur soi de
traquer et de punir un membre félon qui s’est
attiré les foudres de l’organisation.

Un Héros membre de La Cosca peut y faire appel pour
obtenir de l’aide des façons suivantes :
• Toute aide requise par un Agent de La Cosca
coûte la moitié de la Faveur qu’elle devrait coûter,
à condition que l’Agent s’y implique, et pourvu
que son implication n’aille pas de soi. Par exemple,
si vous demandez à La Cosca de vous aider à vous
évader de prison, le coût ne sera pas réduit de
moitié, car cela vous impliquera par défaut. La
Cosca estime qu’il faut aider ceux qui en ont
besoin, mais elle estime aussi que si vous tenez
vraiment à quelque chose, vous devez être prêt
à vous salir les mains pour l’obtenir. Vous voulez
dévaliser une banque ? La Cosca vous confiera
volontiers quelques Cousins pour vous aider…
mais vous viendrez avec eux.
• Demander à La Cosca de récupérer une dette
ou de venger un tort coûte 6 de Faveur. La Cosca
sait y faire pour rendre la justice, rapidement et
sans pitié, ou pour reprendre quelque chose à
des brigands sans scrupules… mais elle ne peut
pas passer son temps à s’occuper des problèmes
d’autrui. Cela dit, si vous avez une redevance
en souffrance, nul ne saura mieux y mettre bon
ordre que La Cosca, à condition que vous soyez
d’abord prêt à lui prouver que vous êtes digne de
son assistance.
• Se faire rétribuer en argent coûte 1 de Faveur
pour 2 de Richesse, mais cela n’est possible
qu’uniquement au moment de l’acquisition de
la Faveur, pas après. La Cosca comprend que
tout le monde n’est pas né avec une cuillère en
argent dans la bouche et que parfois, ses alliés
ont besoin de liquidités plus que d’autre chose.
Un Agent ne peut de la sorte pas dépenser plus
de la moitié de la Faveur acquise. Par exemple, si
vous gagnez 6 de Faveur, vous pouvez dépenser
jusqu’à 3 de Faveur pour obtenir 2 de Richesse
par point sacrifié.
LA HIÉRARCHIE
DE LA COSCA
La structure hiérarchique de La Cosca est assez
simple, et fait usage de titres familiaux pour
illustrer les liens internes forts des membres, ainsi
que pour masquer leur appartenance à la Société.
Un Zio ou une Zia (« oncle » et « tante », respec-
tivement) est un membre important et respecté ;
un officier et un dirigeant. Il s’agit typiquement de
quelqu’un qui a servi La Cosca l’essentiel de sa vie
et s’est acquis le respect de l’ensemble de l’organi-
sation. Il gère généralement une ville ou une cité
entière, ou des quartiers entiers d’une métropole.
Si plusieurs Zios partagent un territoire, ils règlent
généralement leurs disputes ou leurs désaccords
par la discussion ou le vote.
Un Cugino ou une Cugina (« cousin/e ») est un
membre bien en vue, directement aux ordres
d’un Zio. De tels membres sont généralement
regroupés en équipes pour s’occuper de tâches
ou de responsabilités particulières. Il est attendu
d’eux qu’ils se comportent en tant qu’égaux, même
si la plupart obéissent aux Cuginos plus âgés
ou expérimentés.
Un Nipote (« neveu » ou « nièce ») est un novice. Il
s’agit d’un membre nouveau ou qui n’a pas encore
fait ses preuves. Quoique traité avec respect, il est
subordonné aux Cuginos et se voit souvent attri-
buer des tâches subalternes au quotidien, jusqu’à
ce qu’il ait fait ses preuves ou gagné le respect de
La Cosca d’une manière ou d’une autre.
Un Amico ou une Amica (« ami/e ») est un associé
de La Cosca au sens large, quelqu’un sur lequel
elle a investi ou qu’elle considère comme utile. Un
Amico n’a aucune autorité sur les autres membres
de La Cosca, et nombre d’entre eux espèrent être
pris en tant que membres à part entière à force
de service fidèle. Cela arrive, mais rarement : un
Amico de longue date sera probablement plus
utile là où il est. Si La Cosca voit qu’un Amico a du
potentiel, ce dernier sera relativement rapidement
convié à devenir un Nipote.
7E MER NATIONS PIRATES 179
 Le Riroco
Depuis l’arrivée de la Compagnie commerciale atabéenne et
sa pratique d’un esclavagisme aussi lucratif que dévastateur,
les Rahuris ont été en première ligne d’une guerre pour
préserver leur peuple. Un mouvement de résistance nommé
le Riroco, ou « mémoire vaillante », cherche à mettre un
terme à la traite des Rahuris par la Compagnie. Dirigé
par la princesse rahuri Tanama, le Riroco a des membres
à travers toute l’Atabéenne et saisit la moindre occasion de
s’en prendre à la CCA, à coups d’escarmouches et de sabo-
tages. Bien des unités se consacrent à libérer des esclaves
captifs et à les ramener en liberté en territoire rahuri,
mais les membres les plus radicaux se dédient à capturer
des navires et à en faire des vaisseaux de guerre voués à
prendre d’assaut les bateaux et les points de rencontre de
la Compagnie.
Au départ, le Riroco n’était hostile qu’envers les escla-
vagistes et les propriétaires d’esclaves, mais à mesure que
le temps passa et que la Compagnie commerciale atabéenne
crût en puissance, le Riroco s’impatienta de ne pas
obtenir de résultats. Il se mit à considérer tout allié de la
Compagnie comme un ennemi, et leurs attaques actuelles
ne laissent que peu de survivants.
On reconnaît les navires du Riroco à leur pavillon rouge
barré d’un trait diagonal. Leur pont est souvent rempli à
ras bord d’ancêtres ramenés de « l’autre côté de l’île » pour
aider à libérer les Rahuris asservis. La simple vision d’un
navire peuplé d’une foule de morts furieux suffit à pousser
les chasseurs d’esclaves ou les marchands de la Compagnie
à faire demi-tour à toute vitesse. Le Riroco marque tout
esclavagiste capturé d’un X irrégulier sur la joue, lequel
informe tout membre du Riroco ou du peuple rahuri que
l’individu est un esclavagiste et devrait être traité en consé-
quence. La plupart des survivants marqués ne survivent que
le temps de partager leurs histoires d’épouvante, répandant
ainsi la légende du Riroco avant d’être retrouvés morts, les
yeux arrachés.
La résistance recherche d’autres soutiens pour mettre fin
à la traite, mais le Riroco se méfie aussi des non Rahuris
qui affirment lutter contre l’esclavagisme. Tout non Rahuri
doit prouver qu’il est prêt à se battre jusqu’au bout avant de
gagner la confiance du Riroco. Toutefois, qui acquiert cette
confiance trouvera dans le Riroco des amis fidèles et des
alliés indéfectibles, pourvu qu’il reste dévoué à éradiquer
l’esclavagisme dans la mer des Monstres.
180 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
La Faveur au sein du Riroco
Le Riroco vise avant tout à protéger le peuple atabéen des
monstres qui rôdent dans l’Atabéenne, sur terre comme
sur mer, mais aussi des influences étrangères qui menacent
d’étouffer la culture et les traditions locales… et bien sûr
de la Compagnie commerciale atabéenne.
Un Héros membre du Riroco peut obtenir de la Faveur
des façons suivantes :
• Porter un coup à la Compagnie commerciale
atabéenne vaut 6 de Faveur. Il peut s’agir d’outre-
passer des obstacles pour libérer des personnes
asservies par la Compagnie commerciale
atabéenne, de dénoncer les actes criminels de la
Compagnie à des autorités qui prendront ensuite
des mesures à leur encontre, ou simplement de
s’en prendre directement à elle, par exemple en
pillant ses vaisseaux ou ses entrepôts.
• Vaincre un Monstre inhumain qui menace
l’Atabéenne ou son peuple vaut une quantité de
Faveur équivalente à la moitié de la Puissance du
Monstre. Cette récompense ne s’applique qu’une
fois par expédition et vaut pour le Monstre
vaincu à la Puissance la plus haute.
Un Héros membre du Riroco peut y faire appel pour
obtenir de l’aide des façons suivantes :
• Être introduit auprès d’un cacique rahuri coûte
4 de Faveur. Cela pourra se faire par le biais d’une
lettre ou d’un objet confié par une personne que
le cacique tient en haute estime, ou encore d’un
mot de passe qui permettra au visiteur d’être reçu
ou personnellement présenté. Le cacique écoutera
respectueusement l’Agent, mais sa coopération
n’est pas garantie.
• Requérir l’assistance d’un Guide de Soryana
coûte 6 de Faveur. Cela garantit au Héros l’aide
d’un Guide (voir page 152) qui le conduira
jusqu’à l’île des morts pour y obtenir le concours
d’un ancêtre. Le Héros doit payer le point d’Hé-
roïsme associé à l’entretien de l’Avantage au début
de chaque Épisode, et si l’ancêtre est Perdu par
sa faute, il sera attendu de lui qu’il le traque et
résolve le problème sous peine d’être considéré
comme un traître par les Rahuris.
Les Chartes pirates
Chaque équipage a sa propre Charte, laquelle réglemente
la conduite à bord, le partage du butin et les châtiments
en cas de faute. Tout membre d’équipage signe la Charte
ou promet de la respecter au cours d’un rituel. Certains
équipages jurent sur le Livre des Prophètes, d’autres sur un
crâne humain ou des pistolets croisés, et d’autres encore le
font assis sur le plus gros ou le plus vieux canon du vais-
seau. Le rituel associé à la Charte est aussi variable que tout
autre élément d’un équipage pirate.
Reste que tout membre d’équipage doit signer la Charte.
Sans exception. C’est tenter le sort que de naviguer en
haute mer avec des membres d’équipage qui n’ont pas ratifié
le plus important des documents du bord.
Parfois, une signature est notée comme ayant été faite
sous la contrainte, afin d’épargner la corde à la personne
si l’équipage et le vaisseau venaient à être capturés. Les
membres d’équipage qualifiés, comme les chirurgiens et les
charpentiers, bénéficient souvent d’une dispense spéciale
lorsqu’ils signent la Charte. Si l’équipage a désespérément
besoin de leurs aptitudes, il peut être possible de définir un
arrangement particulier.
Le Code des pirates
Bien des équipages pirates ne se contentent pas de n’im-
porte quelle Charte, et vont jusqu’à suivre le Code des
pirates, une Charte spécifique conçue sur le modèle de la
Première Charte signée par le capitaine González et Jonah
le Diable. Tout pirate est plus ou moins attaché à ces tradi-
tions, mais tous ne vont pas jusqu’à prêter serment selon
l’ancienne méthode.
En effet, le Code des pirates est loin de n’être que supers-
titions et contes à dormir debout. Mère Océan favorisent
ceux qui respectent le Code, et quiconque l’enfreint attirera
sur lui l’œil de Jonah le Diable. Adhérer au Code des pirates
n’est pas un engagement à prendre à la légère. Il peut valoir
la potence au marin s’il vient à être capturé, mais il peut
aussi lui garantir la fortune. Les pirates sont superstitieux,
et parmi eux, les légendes et les interdits abondent.
Le Code des pirates tel que codifié par la Charte d’ori-
gine suit trois préceptes majeurs : le Moment de vérité, les
Pourparlers et la Nomination du capitaine.
7E MER NATIONS PIRATES 181
 Le Code originel
Nous, pirates, serviteurs de Mère Océan, jurons de suivre le
Code suivant, sans quoi nous déshonorerons Mère Océan
et condamnerons les nôtres à l’infortune sur ses flots.
I. Lors du Moment de vérité, montre tes Vraies
Couleurs. Si on te le demande, admets que tu
es un Pirate, car si tu rejettes le Code, le Code te
rejettera. Lorsque tu lances un assaut, retire toute
fausse Couleur et hisse tes Vraies Couleurs.
II. Ne refuse jamais à l’équipage de Nommer son
Capitaine. Si l’équipage objecte fortement à une
décision du Capitaine, il peut demander un
unique vote pour élire un nouveau Capitaine, ou
le Capitaine peut se plier à son exigence.
III. Parlemente. Ne refuse jamais les Pourparlers à
qui le demande. Nous sommes Frères et Sœurs
de la mer.
IV. Ne lève jamais l’ancre si le soleil se lève rouge.
Un lever de soleil rouge est un avertissement de
Mère Océan : reste chez toi en sécurité ou fais
face à sa fureur en mer.
V. Ne courrouce pas les habitants de la mer. La mer
est leur demeure et tu en es le visiteur.
VI. Donne la première prise/le premier trésor d’une
récolte/d’un butin à Mère Océan. C’est de ses
fruits que nous bénéficions, et nous lui devons
le respect.
VII. Si tu tires un marin de la mer par temps calme,
verse à la mer un paiement d’égale valeur. Ne vole
pas Mère Océan.
VIII. Ne cherche pas à venir en aide à un marin tombé
à l’eau lors d’une tempête. Mère Océan l’a pris, et
chercher à le soustraire à sa colère ne fera que t’en
rendre aussi victime.
IX. Ne sauve pas un marin maronné, sans quoi sa
mauvaise fortune se communiquera à ton navire.
182 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
La Fraternité de la côte
Tout navire de la Fraternité de la côte possède un exem-
plaire de la Première Charte, mais chaque équipage peut y
ajouter des articles spécifiques au navire et à ses aspirations.
De tels ajouts concernent généralement la conduite des
officiers et des marins à bord, la manière de régler les désac-
cords, ainsi que la durée des veilles et des quarts. Certains
interdisent même les jeux d’argent à bord. Chaque membre
signe la Charte de son sang.
La Charte de la Fraternité
I. Chaque membre d’équipage peut voter lors-
qu’une question est débattue. Il bénéficie d’un
accès égal aux provisions et à l’alcool et peut en
jouir à loisir, à moins que la disette ne nécessite
de voter un rationnement.
II. Suivant une liste préalablement rédigée, chaque
membre doit être appelé à accomplir son devoir
à bord, équitablement et à tour de rôle.
III. Si, lors d’un pillage, quiconque s’approprie indû-
ment du butin à hauteur d’un guilder, sa punition
sera d’être maronné.
IV. Nul ne doit jouer de l’argent aux cartes ou
aux dés.
V. Tous les passagers d’un navire capturé doivent
être libérés. Une fois leurs soutes pillées, il leur
revient de se mettre d’accord par vote sur la desti-
nation qu’ils se fixent.
VI. Nul membre d’un équipage ne doit être blessé s’il
s’est rendu sans violence.
VII. Tout membre d’équipage doit veiller à ce que son
fusil, ses pistolets et son sabre soient propres et
en état de marche.
VIII. Délaisser son navire ou son poste en pleine
bataille sera puni de mort ou de maronnage.
IX. Nul ne doit se battre à bord. Toute querelle
attendra que le navire accoste et sera vidée à
mains nues, ou au pistolet et à l’épée.
X. Quiconque devient infirme au service de la
Fraternité recevra 600 guilders. S’il perd un
membre, il recevra 500 guilders. S’il perd un œil
ou un doigt, il recevra 100 guilders.
XI. Les officiers ont droit aux parts de butin
suivantes : deux pour le capitaine et le comman-
dant, une et demie pour le maître d’équipage, le
maître de timonerie et le maître canonnier, et une
et un quart pour les autres officiers.
Le Crimson Roger
Le redoutable Crimson Roger possède également une
Charte. Le Pacte du Crimson Roger est rédigé au fer rouge
sur la chair d’une âme depuis longtemps oubliée, dont le
dos taché d’empreintes sanglantes fait office de parchemin.
Le Pacte est simple : jure allégeance au capitaine Reis, à
la vie comme à la mort, et les richesses de la mer seront
tiennes. On dit que ce fut le capitaine Reis qui exigea l’in-
clusion de l’article final : « Si tu viens à périr à mon service,
ta famille recevra ta part de la récolte, plus une somme à
proportion de ta durée de service. »

Le Pacte du Crimson Roger

Nous, équipage du Crimson Roger, jurons loyauté au capi-
taine Reis, jusqu’à la mort et au-delà. Dussions-nous la
trahir ou lui désobéir, puissent nos âmes brûler éternel-
lement dans les plus profonds gouffres de l’Abysse. Nous
ferons comme elle l’ordonne, sans hésitation, même au
péril de nos vies, car de tels ordres seront pour le bien de
l’équipage.
En échange de cela, moi, le capitaine Reis, te promets que
tu recevras une part équitable de tout butin et que tu ne
seras pas puni sans raison. Si tu viens à périr à mon service,
ta famille recevra ta part de la récolte, plus une somme à
proportion de ta durée de service.

Les lettres de marque

de La Bucca
Une lettre de marque signifie qu’un équipage a la béné-
diction d’un gouvernement pour s’approprier le butin de
vaisseaux ennemis. Les Boucaniers ont souvent sur eux un
tel document qui les identifie comme corsaires, leur confé-
rant une légitimité qui n’est, en réalité, qu’apparente. Bien
des équipages boucaniers possèdent des lettres de marque
de plusieurs Nations et font usage de celle qui les arrange,
selon les couleurs affichées par leur cible.
Les ambassadeurs théans en poste sur La Bucca émettent
de telles ordonnances et lettres, et garantissent récom-
pense pour le retour de biens sur La Bucca. En général,
ces contrats interdisent spécifiquement de s’en prendre
à des navires situés à moins d’un jour de bateau de La
Bucca et reconnaissent la neutralité de l’île. Les lettres de
marque font état de leur date d’expiration et de la conduite
à adopter par l’équipage en des termes particuliers. Elles
sont tournées de telle manière que la Nation responsable
peut nier toute responsabilité dans l’éventualité où l’équi-
page pris pour cible venait à se plaindre auprès des cours
théanes. Les Nations de Théah fournissent également
des lettres de marque aux corsaires théans, mais c’est sur
La Bucca que l’immense majorité de ces lettres reste émise.
 La Jaragua
Les équipages jaraguayens adhèrent à une Charte spéciale.
Les mawons sont une organisation éparse fondée sur le
principe de la liberté, et cette philosophie se reflète dans les
articles de leur Charte. Les équipages mawons sont sans
pitié envers quiconque transporte des esclaves ou autres
individus asservis. Tout esclave libéré a la possibilité de
se joindre à l’équipage libérateur, et bénéficie d’une part
équitable du butin pris aux vaincus. Rejoindre un équipage
mawon représente souvent une opportunité de se refaire
une vie ainsi que d’apprendre des compétences nouvelles,
loin de chez soi.
Depuis que la liberté de la Jaragua a été assurée, les équi-
pages mawons sillonnent la mer Atabéenne en nombres
croissants. La Compagnie commerciale atabéenne a
ordonné de détruire à vue tout navire mawon, mais pour
l’heure, elle n’a pas pu faire grand-chose contre la marée
d’hommes et de femmes libres issue de la Jaragua.
184 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
La Charte des mawons
I. Tout Homme ou Femme a droit à une part
équitable du Butin. Le capitaine a droit à deux
parts, et les officiers à une part et demie. La
première Âme à avoir repéré la Proie a le droit
de choisir en premier son Butin, sous la forme
d’une petite arme à feu ou d’un nombre de guil-
ders équivalent.
II. Nul Homme ou Femme, peu importe son origine,
ne peut constituer un Butin. Toute Âme réduite en
Esclavage, Asservie ou Soumise par la Proie sera
libérée, et il lui sera donné une portion équitable
de la prise afin qu’elle puisse entreprendre une vie
nouvelle et Libre.
III. Toute Âme réduite en Esclavage, Asservie ou
Soumise peut choisir de se joindre à l’Équipage,
à condition d’adhérer à cette Charte. Si elle
choisit de ne pas se joindre à l’Équipage, elle sera
menée en Lieu Sûr et remise entre de Bonnes
Mains afin de garantir sa Liberté.
IV. Nul Homme ou Femme n’est autorisé à parier
à bord du navire en Mer. La punition consiste
en un quart supplémentaire et une diminu-
tion de sa part fixée par le Commandant Juste
et Honnête.
V. Tout Homme ou Femme ayant signé cette
Charte possède une voix lors de tout vote
concernant la bonne tenue du Navire. Toutefois,
dans le cas d’un affrontement, le capitaine ne
doit pas être remis en question avant la fin de
l’affrontement. Le capitaine doit garantir la sécu-
rité et le bien-être de son équipage au même titre
que les siens.
VI. Tout Homme ou Femme à bord se doit d’être
Juste et Honnête. Les Officiers doivent être les
Parangons de ces vertus. Diriger est un Don de
ses subalternes, et ce Don peut être révoqué
en cas d’abus. La révocation du statut
d’Officier se fait en deux votes : un
premier par les autres Officiers, ratifié
par un second de la part de l’Équipage,
à la Majorité. L’Officier inculpé ne
sera pas puni, à moins que ses actes ne
l’exigent.

Le parler pirate
Les pirates ont volé non seulement de précieux trésors,
mais aussi des mots et des phrases. S’appropriant çà et
là tics et tournures et combinant le lexique de diverses
cultures, les pirates ont concocté leur propre argot, sous
forme d’un curieux patois parlé de navire en navire.
En plus d’avoir un jargon et un langage qui leur sont
propres, les pirates ont un vocabulaire bien différent de
celui d’un marin d’eau douce. Mâtiner votre expression
de termes nautiques et de vocabulaire maritime pourra
également enrichir l’ambiance du jeu. Pas besoin d’être
un expert, cependant. Vous pouvez vous permettre de
prendre des libertés. Nul ne s’attend à ce que vous soyez
irréprochable. Plongez-vous dans votre personnage, impré-
gnez-vous de la mer, sentez votre navire tanguer sous vos
pieds, humez les embruns et faites voile vers l’aventure.
Vous trouverez en page suivante quelques termes
nautiques et marins que vous pouvez intégrer à votre jeu
pour un ressenti plus « authentique ». Pour autant, n’ou-
bliez pas que les pirates et les marins viennent des quatre
coins du monde : libre à vous d’étoffer cette liste. À vous de
voir si vous souhaitez adhérer à un tel vocabulaire et à quel
point vous voulez vous y conformer. Et en cas de doute,
inventez. C’est ce que les marins ont fait, et les concepteurs
de ce jeu aussi, alors vraiment, ne vous gênez pas.
Sonorités
• Ajoutez un « s » à toute prononciation en « é »,
« è » ou « ê » : « goélette » devient « goeslette »,
« bête » devient « beste », etc.
• Remplacez vos « a » par des « o » dans la termi-
naison de vos verbes : « j’étais » devient « j’es-
tois », « il aurait » devient « il auroit », etc.
• Mangez les terminaisons en -dre, -tre, -cre, etc.
Il pêche des huit’, travaille la nac’, fait fond’ du
métal, a des lett’ de marque…
• Parlez avec une voix de gorge, ce qui donnera une
sonorité plus grave à votre voix et conviendra à
votre rôle de pirate hâbleur et tapageur.
• Prononcez vos « r » d’une voix grondante, mais
faites attention de ne pas les rouler pour autant
à la russe ou à l’espagnole.
• Mâchez vos mots, articulez vaguement, comme
si vous étiez saoul : Si que’qu’un m’avoit conté un’
tel’ farce, j’aurois estripaillé c’mescréant !
Vous pouvez aussi vous attacher à ce qui se rapproche
le plus de la réalité historique des pirates français et vous
entraîner à parler en bon Breton. Pour faire simple, voire
caricatural, la règle est la suivante : accentuez une syllabe
par mot, celle du milieu de préférence, ou pour être plus
LE LONG JOHN SILVER
DE ROBERT NEWTON
Robert Newton immortalisa le parler pirate
dans ce classique du cinéma pirate qu’est l’Île
au trésor. Il y exagéra son accent campagnard
de l’ouest du pays de Galles pour donner aux
pirates une nouvelle voix. Sa version de Long
John Silver et de Barbe Noire ont participé à
la vision universelle des pirates. Nous levons
notre rhum en son hommage et espérons que
nos joueurs en feront de même. Vous pouvez
également vous inspirer d’autres films du
même tonneau, comme la série Pirates des
Caraïbes (mention spéciale à l’interprétation
d’Hector Barbossa par Geoffrey Rush). Le
truc, c’est d’apprendre la modération, quand
bien même le parler pirate se veut excessif.
N’en faites pas trop et n’en faites pas une
contrainte ; voyez-le plutôt comme une épice
fine dérobée à la Compagnie commerciale
atabéenne. Utilisée judicieusement, elle
agrémentera votre tablée.
Alors hardi, mat’lot ! En un r’en d’temps,
t’saurois espater la gal’rie !
précis, l’avant-dernière lorsqu’il y a plus d’une syllabe.
Accentuez-la fort ! Sautez ou mâchez tout le reste, même
les pauses entre les mots. Et rajoutez un « toujours » en
fin de phrase, au petit bonheur. Si l’on reprend l’énoncé
de cette règle adapté en parler pirate breton, cela donnera
quelque chose de ce genre :
’ksent’ UNE sLAB’ pa’ mot, c’l’el’ du MIyeu de prfRENs’,
ou pou êt’ plus préc’, l’vant-d’nièr’ lorsqu’ya plus d’un’ slab’.
csenTUez la fo’, toujou’ ! Saut’ ou mâch’ tou’l’rst’, mêm’ l’pauz
ent’ l’mots, toujou’.
Cela requerra une certaine pratique avant de pouvoir
vous exprimer de manière fluide, mais une fois que vous
aurez pris le coup, vous ferez un pirate mémorable. Encore
une fois, n’hésitez pas à improviser selon ce qui vous
semble pertinent et bien senti. L’important est que vous
vous amusiez et que vous fassiez impression.
L’inversion syntaxique
Le français moderne place généralement le sujet avant le
verbe : « Je suis », « Tu es », etc. Le parler pirate place le
verbe avant le sujet. Pensez à maître Yoda : « Sage tu dois
être. », ou encore, « Le capitaine Roberts tu écoutes ! »
7E MER NATIONS PIRATES 185
 Vocabulaire pirate courant
Bien des termes et des locutions pirates sont issus du vocabulaire nautique. Voici quelques exemples :
• Abordage  : manœuvre consistant à s’amarrer
bord à bord avec un autre navire afin de l’envahir.
• Les agrès : désigne tout ce qui est rattaché aux
mâts d’un vaisseau, qu’il s’agisse des vergues, des
voiles, des cordages, etc.
• L’ami : s’utilise pour désigner à peu près tout le
monde, peu importe la familiarité.
• Arrr ! : s’utilise pour agrémenter une phrase, mais aus-
si comme interjection ou pour marquer l’incertitude.
• Au prix du sang : la fortune d’un pirate s’obtient
le plus souvent par la violence.
• Avoir un coup dans le nez : être ivre.
• Bâbord : la gauche du bateau.
• Bambocher : boire beaucoup, faire la fête.
• Battre pavillon : afficher le pavillon d’une Nation.
• Boucan : diminutif de boucanier.
• Boucanier : pirate de La Bucca.
• Branle : hamac, couchette à bord d’un bateau.
• Branle-bas de combat : consiste à dégager les
branles à bord pour aménager toute la place
possible dans le cadre d’un affrontement.
• Caboulot : taverne bon marché.
• Capisce ? : Compris ? (Emprunté au vodacci.)
• Carguer : rabattre une voile contre un mât au
moyen de cargues (des cordages).
• Chasse-partie : accord convenant de la réparti-
tion du butin.
• Chat à neuf queues : fouet ou martinet de petite
taille doté de neuf extrémités, servant à châtier.
• Coup de semonce  : coup de canon servant
d’avertissement.
• Fais-en ton affaire : ordre d’abattre un homme.
• Fond de cale : partie du bateau identifiée comme
la plus sale. S’associe également à un animal pour
former une insulte : « Rat de fond de cale ! »
• Gibier de potence : personne méprisable.
• Gonze/Gonzesse : homme/femme quelconque.
• Goupiner : voler.
• Grog : eau, rhum léger, jus de pamplemousse,
d’orange et d’ananas, cannelle et miel. La vraie
boisson des pirates. Peut aussi être composé
d’eau, de rhum, de jus de citron et de cannelle.
• Holà ! : bonjour ; formule de salutation.
• Larguer les amarres : retirer les amarres (les
cordages qui le retiennent à la terre) d’un bateau.
• Marcher sur la planche : méthode d’exécution
consistant à faire marcher quelqu’un le long d’une
planche pour le livrer à Mère Océan, en espérant
que Jonah le Diable ne le prenne pas d’abord.
186 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
• Marin d’eau douce : quelqu’un qui n’a pas le pied
marin, voire n’a jamais navigué en mer.
• Maronnage : châtiment consistant à abandonner
quelqu’un sur une île avec un pistolet, un sabre
et quelques rations.
• Marsouin : soldat de marine.
• Mettre les voiles : partir.
• Mille (millions de mille) sabords : exclamation
de surprise. Le sabord est l’ouverture par laquelle
un canon tire.
• Mon mignon : terme d’attachement amical (à ne
pas utiliser avec n’importe qui).
• Moussaillon, mousse : marin novice.
• Mutinerie : décision par vote de renverser le capi-
taine ou les officiers du bord ; rébellion nautique.
• Nid de pie : point d’observation de la vigie, près
du sommet du mat.
• Ouvre tes écoutilles : écoute bien.
• Pas de quartier : pas de pitié.
• Pas de témoin, pas d’histoire : ordre de ne
laisser aucun survivant.
• Poupe : arrière du bateau.
• Prendre le pavillon noir : se faire pirate.
• Proue : avant du bateau.
• Que le grand crique me croque : exprime la
surprise ou marque la certitude lors d’une affir-
mation ou d’une promesse. « Que le grand crique
me croque si je mens ! »
• Rapine : vol souvent accompagné de violence ;
qualifie également le produit du vol.
• Rhum : l’essence vitale des pirates, créée à partir
de canne à sucre et de mélasse. Ce breuvage
alcoolique goûteux provient des îles de la mer
Atabéenne et des plantations du Nouveau monde.
• Scorbut  : maladie causée par un manque de
vitamines que l’on trouve dans les agrumes et,
surtout, dans le grog. Bois ton grog, moussaillon,
ou t’aurois l’scorbut !
• S’humecter le gosier : prendre un verre.
• Supplice de la cale : châtiment sévère, voire fatal,
consistant à jeter quelqu’un à la proue (l’avant)
du navire et à le traîner sous la coque du bateau
jusqu’à la poupe (l’arrière) du navire.
• Tirer une bordée : faire feu de tous les canons
d’un bord à la fois.
• Tribord : la droite du bateau.
• Verseuse : serveuse.
• Yep : oui ; réponse affirmative.
 Monstres marins
Oh, c’est des histoires de marin que tu veux ? J’ai passé ma
vie entière en mer et j’y ai vu des choses dont la simple idée ferait se chier
dessus la plupart des marins. Paie-moi à boire… quelque chose
de fort. Ça donne soif de parler, et y a des choses dont vaut mieux
se souvenir avec un coup dans le nez…

Monstres marins Palourdes géantes

Les Monstres marins suivent les mêmes règles que tout
Je nage depuis que je suis petite. Je me suis rapidement mise
autre Monstre : ils possèdent un score de Puissance et une
à plonger à la recherche de palourdes plus grosses que moi ;
ou plusieurs Propriétés monstrueuses (voir pages 196 à
des bestiaux à la coque tranchante capables de se refermer
198 du Livre de base). Vous trouverez à la fin de cette
sur un membre et de te tenir sous l’eau jusqu’à la noyade.
section de nouvelles Propriétés monstrueuses ; de quoi
On s’en préoccupait pas trop à cet âge. On s’amusait même
élaborer vos propres terreurs des mers !
à y glisser un orteil et à se retirer juste à temps. On était
Notez que les marins rapportent avoir vu de tels
jeunes et idiots et on jouait à des jeux idiots. On se rendait
Monstres à travers le monde entier, y compris près de
pas compte qu’on risquait nos vies.
la Théah et de l’Ifri, à distance des côtes numanaris et,
bien sûr, à proximité de La Bucca. Il semble y avoir de ces
Bien qu’immobile, une palourde géante peut être dange-
Monstres partout sur Terra. Certains sont uniques en leur
reuse pour qui ne prend pas garde à son incroyable force.
genre, d’autres ne sont que des représentants d’une espèce
C’est un Monstre d’une Puissance de 5, Asphyxiant et
entière. Devant la menace de tels désastres ambulants,
Chitineux. Malgré sa nature aquatique, elle ne bénéficie pas
tout bon capitaine saura se préparer au pire et prévoir le
de la Propriété Aquatique du fait de sa nature stationnaire.
matériel adéquat (barils de poudre, appâts, etc.) pour faire
face aux terribles bêtes.

7E MER NATIONS PIRATES 187

 Crustacés géants
Une fois assez grands, on s’est mis à chasser le crabe, mes
amis et moi. On flottait dans les petits fonds jusqu’à ce qu’y
en ait un qui s’approche. Alors, on lui tombait sur le dos et
on attrapait ses grosses pinces à la première jointure, pour
l’empêcher de nous pincer. On le chevauchait en l’orientant
avec ses pinces jusqu’à ce qu’il en puisse plus. Alors, ceux qui
avaient pas eu la chance de se choper une monture aidaient
à le tuer en passant de grands bâtons pointus entre ses
plaques pour percer les parties vitales. Puis on le retournait
et on le ramenait pour le dîner. On s’amusait bien à les
faire courir, mais quand un des nôtres s’est fait arracher une
main d’un coup de pince, ça nous a tous refroidis.
Crabes, homards et crevettes géantes de taille humaine ne
sont pas agressifs, mais leurs pinces sont dévastatrices et
ils sont recouverts d’une carapace coriace. Les crustacés
rahuris sont des Monstres d’une Puissance de 7, Chitineux
et Destructeurs. Quoique certains soient amphibies, ils ne
bénéficient pas de la Propriété Aquatique.
Poissons carnivores
Quelques années plus tard, on s’est fait de l’argent en
plongeant pour décrocher les bernaches de sous la coque
des bateaux. On y passait des heures. Les marins nous
lançaient des pièces pour nous encourager à faire le ménage
sans qu’ils aient à se mettre en cale sèche. C’était générale-
ment pas un mauvais boulot, mais la coque des bernaches
était tranchante comme un rasoir, si bien que même une
sale coupure pouvait passer inaperçue. Les barracudas de
la baie s’excitaient dès qu’ils sentaient l’odeur du sang dans
l’eau, et si l’un de nous se coupait, on passait le reste de la
journée à guetter l’éclat argenté qui annoncerait l’arrivée
des ‘cudas. Ils étaient aussi longs qu’on était grands, avec
une gueule qui faisait la moitié du corps. Mon frère aîné a
commis l’erreur de penser qu’il était trop grand pour que
les ‘cudas le cherchent. Quand les poissons se sont jetés sur
lui, le temps qu’on regagne le rivage, il restait même plus de
quoi l’enterrer.
Barracuda, piranha, brochet ou murène, un poisson
carnivore est un Monstre d’une Puissance de 8, Aquatique
et Vif. S’il est exposé à du sang, il acquiert la Propriété
Inéluctable jusqu’à ce que sa victime quitte l’eau. Vous
pouvez jouer un banc de petits poissons carnivores comme
une ou plusieurs Escouades de Brutes Assassines (voir
page 192 du Livre de base), et simuler la Propriété
Inéluctable en dépensant des points de Danger pour
ajouter des Escouades supplémentaires en cas d’effusion
de sang.
188 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Baleines
Le premier bateau que j’ai rejoint, c’était un baleinier. Et je
dois dire qu’au bout de quelques mois, j’en avais soupé de
la chasse à la baleine. J’avais l’impression d’être constam-
ment en train de tirer des cordes, de charcuter des carcasses
de baleines, de récolter leur graisse ou de touiller les gros
baquets de cuivre dans lesquels on la réduisait en huile.
On pourrait croire que c’est palpitant de voir un équipage
traquer et harponner une baleine aussi grosse qu’un bateau,
mais au bout d’un moment, y avait plus que l’odeur de
poisson, le feu, le sang et la fatigue.
Mais j’allais être surprise.
C’est que des baleines, y en a en tous genres. Un baleinier
expérimenté avec un bon équipage peut faire face à prati-
quement tous les dangers de la mer… mais c’est dans le
« pratiquement » que le bât blesse.
À l’époque, je faisais partie de l’équipage depuis près
d’un an. J’étais dans le nid de pie et c’est moi qu’ai vu le
premier jet d’eau. On s’est lancés à l’assaut. C’était une mère
et son baleineau qui avaient été séparés de leur troupeau.
Un peu petits, mais à eux deux, ils valaient le coup. On
tenait le petit et on était près d’avoir la mère quand tout
a mal tourné. Quelque chose a nagé sous nous de bâbord
à tribord, et je jure que c’était aussi large que notre navire
était long. Même d’en haut, je pouvais pas le voir en entier ;
la mer était trop tachée du sang des baleines qu’on avait
déjà attrapées. Mais quoi que c’était, ça brillait d’une lueur
blanche sous les nuages rougeâtres. Il a disparu si vite que
je crois pas que quiconque d’autre l’ait vu… jusqu’à ce que
cette créature fasse surface à côté de nous et manque de
submerger le bateau.
Il faut savoir que depuis le temps, j’avais vu des dizaines
de baleines. Des épaulards rusés qui s’approchaient discrè-
tement pour dévorer nos prises avec leurs dents pointues
comme des dagues, et que certains des marins appelaient
baleines bandits à cause de leurs couleurs blanches et
noires… Mais c’était surtout les cachalots à tête plate qu’on
chassait : des créatures affamées de pieuvre, au crâne vide
et au ventre rempli d’ambre gris. Les rorquals étaient moins
profitables, mais aussi moins difficiles : dociles comme ils
l’étaient, ils étaient faciles à chasser et ils étaient d’une telle
taille qu’on en avait pour des semaines à traiter leur graisse.
C’étaient là les plus grosses baleines que j’avais vues et que
je connaissais… du moins, jusqu’à ce jour.
S’il existe de nombreuses espèces de baleines, la plupart
possèdent les mêmes attributs : une Puissance de 12 et les
Propriétés monstrueuses Aquatique et Puissant.
Grande baleine blanche
La grande baleine blanche a surgi de l’eau comme si elle
avait été expulsée d’un canon. Elle s’est élevée jusqu’à ma
hauteur, perchée que j’étais dans le nid de pie, et m’a fixée
droit dans les yeux. Elle est restée suspendue pendant ce
qui m’a semblé être une éternité, son œil géant dardé sur
moi pendant que son corps plongeait le navire dans l’ombre.
Puis elle s’est retournée et elle est retombée à l’eau. La vague
qu’elle a créée a couvert le bateau entier et a entraîné tous
ceux qui avaient pas eu la chance de s’accrocher à quelque
chose ou la force de s’y cramponner. Le navire a basculé
de droite à gauche et le nid de pie s’est retrouvé presque
au niveau de l’eau alors qu’on se faisait malmener par les
vagues de la baleine.
Le second assaut de la baleine blanche nous a frappés d’en
dessous et a réduit le navire en miettes sans qu’on puisse
y faire quoi que ce soit. Un instant, j’étais recroquevillée
dans le nid de pie à supplier mes ancêtres de me protéger,
et le suivant, le mât entier s’est brisé et à valsé dans les airs
comme une quille de jongleur.
Quand le monde s’est arrêté de tourner, j’ai grimpé sur le
nid de pie affaissé contre l’eau et j’ai cherché le bateau du
regard. L’eau était couverte de débris et de corps désarticulés.
Il restait rien de plus large que les barques dont on se servait
pour accoster et refaire nos provisions. Heureusement, la
baleine s’est pas donné la peine de revenir une troisième fois.
J’imagine qu’elle était plus en colère qu’affamée, et qu’elle
s’était fait comprendre en détruisant notre navire. Une
poignée d’entre nous s’en est sortie en se faisant un radeau
de fortune à partir des résidus… Mais c’est la dernière fois
que j’ai été à la pêche à la baleine, je te le dis.
Après ça, j’ai décidé que quitte à risquer ma peau, j’allais
me faire mieux payer.

Qu’est-ce qui chasse les chasseurs de baleines ? La grande

baleine blanche ! Cette créature légendaire d’une Puissance
de 15 est un Monstre Aquatique, Colossal et Puissant,
mais aussi suffisamment Évasif pour harceler une flotte
de chasseurs (ou un équipage pirate) pour toute la durée
d’un arc narratif. Une baleine ordinaire peut représenter
un danger pour un équipage non préparé, mais la grande
baleine blanche peut traquer et éradiquer même les
baleiniers les plus déterminés et endurcis.
 Serpents de mer
J’ai ensuite rejoint un équipage de chasseurs de serpents de
mer. On m’avait clairement fait comprendre que c’était un
boulot dangereux, mais ma part des bénéfices dépassait ce
que je m’étais fait de toute ma carrière de baleinière, et ce
pour quelques semaines de travail à peine. Ça me semblait
être un bon coup, mais à l’époque, j’étais jeune et sotte, et je
croyais que j’allais vivre éternellement.
Ma famille était pas ravie. Avant que les Théans se
ramènent, on avait eu le bon sens de laisser les grands
serpents marins tranquilles : même les plus gros donnent
pas assez de viande pour que ça en vaille la peine, ils ont
pas de graisse comme les baleines et leurs os sont trop mous
pour les travailler. Seules leurs dents (et le poison qu’elles
injectent) ont de la valeur, et le prix à payer pour les récolter
est trop élevé pour la plupart des chasseurs. Mais qui dit
marché théan dit profits théans, et l’avidité transporte des
montagnes. Assez d’or théan permet d’acquérir la bravoure
et la sottise de jeunes Rahuris en égales proportions. J’en
suis la preuve.
À la première expédition, on a attrapé un seul serpent.
Son corps effilé, bleu profond, avec une tête à peine plus
grosse, faisait deux-trois fois ma taille. À le voir, il avait pas
l’air plus dangereux que tout autre serpent de sa taille…
puis il a ouvert la gueule.
J’ai aucune idée d’où il cachait ses crocs, parce qu’ils
faisaient facilement la longueur et la largeur de mon avant-
bras. Le reste de ses dents étaient plus petites, mais tout
aussi aiguisées, et chacune dégoulinait d’un poison jaune,
épais et visqueux qui a grésillé et crachoté en tombant sur
le pont de bois. Les marchands qui avaient financé l’expé-
dition avaient envoyé de leurs gars pour récolter le venin et
j’en étais pas fâchée. Les traces qui marquaient le pont du
bateau m’ont fait y réfléchir à deux fois avant de me lancer
à nouveau dans une aventure pareille.
Il existe des types très variés de serpents de mer, mais on
peut en distinguer deux principaux. Les vipères de mer
sont les plus petites : leur taille peut aller de celle d’un boa
jusqu’à dépasser celle d’un humain, et leur puissance va de
5 à 10. Armées de leurs crocs et de leur venin, ce sont des
Monstres Aquatiques, Évasifs et Venimeux.
Les dragons de mer sont bien plus massifs : ils font la
taille de navires entiers et leur Puissance est de 18. Ils sont
Aquatiques, Asphyxiants (du fait de leur souffle empoi-
sonné), Colossaux et Évasifs.
190 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Makaras
Heureusement, les serpents de mer sont pas le seul gibier
d’envergure à la portée d’un jeune marin entreprenant. J’ai
passé les quelques années suivantes au sein d’un équipage qui
chassait le makara, une bête très prisée pour les perles qui lui
tiennent lieu de dents. Les makaras sont pas gros, en tout cas
comparés au monstre marin moyen, mais ils sont dangereuse-
ment rusés… et c’est sans compter leurs cornes et leurs sabots.
Tout comme les baleines et les vipères de mer, y a toutes
sortes de makaras. Les plus courants ont l’avant du corps
qui ressemble un peu à un mouton ou à un bouc, mais en
bien plus gros. Ils ont des cornes et un grand nez, comme
un éléphant, dont ils se servent pour attraper des objets…
ou des gens. L’arrière de leur corps ressemble à celui d’un
poisson… ou, parfois, d’un serpent. Ils ont besoin de
respirer, mais ils peuvent nager en profondeur. Ils se servent
de leur queue puissante pour se projeter hors de l’eau sur des
îlots rocheux où ils se calent ensuite à l’aide de leurs sabots
pour se prélasser au soleil.
Les makaras aiment les eaux agitées et profondes et les
parois rocheuses abruptes. C’est pour ça que la plupart des
gens en voient jamais. Ils raclent les rochers pour aiguiser
leurs sabots et leurs cornes et pour récolter le lichen et les
herbes marines dont ils se nourrissent. S’ils se sentent
menacés, ils plongent en profondeur pour semer leur préda-
teur dans les eaux agitées auxquelles ils sont habitués.
Tout ça fait que c’est pas évident de les chasser. Sur terre,
c’est quasiment impossible de les prendre par surprise  :
même si on arrivait à les approcher depuis le côté opposé des
petites îles qu’ils adorent, ils nous entendaient venir prati-
quement à tous les coups. Pas moyen non plus de les abattre
depuis l’eau : au premier signe d’attaque, ils sautaient à l’eau
et adieu le makara et ses perles. La meilleure stratégie qu’on
avait trouvée, c’était de leur tirer un filet dessus au canon
pendant qu’ils dormaient, en espérant que ça les clouerait
sur place suffisamment longtemps pour qu’une équipe
de l’autre côté de l’îlot leur tombe dessus et les abatte. Et
même là, c’était pas gagné : leurs cornes et les sabots étaient
suffisamment tranchants pour venir à bout de nos filets, et
même si on les atteignait avant qu’ils se libèrent, ils hési-
taient pas à s’attaquer à nous. Mais une perle est une perle,
et j’en ai jamais vu de plus sublime qu’une dent de makara.
De pair avec les crustacés, les makaras comptent parmi les
seuls Monstres marins à passer une bonne partie de leur
temps sur terre. Ce sont des Monstres d’une Puissance de 6,
Destructeurs (du fait de leurs sabots et de leurs cornes) et
Évasifs, généralement en groupes de 3 à 8 (chacun constitue
un adversaire distinct et non une Escouade de Brutes).

Mabuyas
La mer des Monstres fournit amplement de quoi gagner sa
vie : assez de poisson et de viande pour nourrir Apocoatl,
le grand serpent ailé en personne, tout en nous laissant de
quoi prospérer pour des générations. Huile et os de baleine,
peaux de requin, ambre gris et bien plus encore.
Mais l’avarice se paie. Votre peuple croit tout savoir, mais
il n’est pas de la mer des Monstres. Il est étranger ici, et
la Mer ne lui cédera pas aisément ses trésors. Beaucoup
ont essayé, et quelques-uns ont momentanément réussi.
Certains se sont associé des guides et des équipages rahuris,
mais les plus aguerris des nôtres sont généralement ceux qui
ont payé leur sagesse de leur vie.
Aie pas l’air si surpris, garçon. Tu as bien dû entendre
parler de nos ancêtres qui reviennent de Soryana pour aider
les leurs ? Peu de navires, même ceux étrangers, arborent les
rayures blanches de la chasse aux monstres sans un équi-
page qui ne comprenne au moins quelques-uns de ceux à qui
le Roi Lucuo a permis de nous venir en aide.
Mais votre peuple n’est pas notre peuple et vos appétits ne
remplissent pas nos estomacs. Parfois, par les belles paroles,
les menaces ou simplement la ruse, ceux que le Roi Lucuo a
laissés revenir parmi les vivants ne servent en fin de compte
pas le bien des Rahuris. C’est là une violation terrible, et
le prix est bien pire qu’une chasse infructueuse ou la perte
d’un navire.
Lorsque l’intégrité d’un ancêtre vénéré est bafouée, il ne
peut plus retourner à Soryana. Il devient un mabuya,
une créature marine pourrissante qui rôde sous les flots,
à l’affût d’êtres vivants qu’elle pourra entraîner dans les
profondeurs. Dans l’obscurité, on pourrait en prendre un
pour un ancêtre, mais il y a quelque chose qui les trahit
immanquablement : leurs pieds sont inversés, de sorte à ce
qu’ils ne puissent jamais rentrer chez eux.
Certains affirment que les mabuyas sont des démons
envoyés pour harceler notre peuple, d’autres que les mabuyas
sont les ancêtres corrompus eux-mêmes, et que c’est simple-
ment la solitude qui les a rendus fous. Reste qu’il est impos-
sible de raisonner avec un mabuya ou de comprendre ses
cris perçants. Tout ce que tu peux faire, c’est t’écarter des
eaux qu’ils hantent ou les éloigner avec des artefacts sacrés
bénis par le Roi Lucuo en personne.
Les mabuyas sont des créatures horrifiantes qui arborent
l’apparence d’ancêtres disgraciés. Leur existence rappelle à
tous à quel point il est dangereux de violer leur honneur
tribal. La Puissance d’un mabuya isolé est plutôt basse
(de 5 à 7), mais c’est un Monstre Aquatique, Asphyxiant,
Effrayant et Régénérant.
MAIS D’OÙ VIENNENT
TOUS CES MONSTRES ?
La Société des Explorateurs et autres théoriciens
de salon adorent se perdre en conjectures sur
le volume de monstres marins dans l’Atabéenne.
William Jameson, qui prétend avoir exploré le plus
grand nombre de ruines syrneth atabéennes, a sa
propre théorie. Selon lui, les dieux du Nouveau
monde seraient les descendants des syrneth… ou
bien leurs serviteurs ou leurs guerriers, il n’est pas
clair sur ce point. Mais il affirme que les monstres
marins faisaient office à la fois de source d’alimen-
tation et de système de défense contre les envahis-
seurs. Ils étaient élevés dans l’Atabéenne puis donnés
en pâture aux dieux du Nouveau monde qui, suggère-
t-il, possédaient une sorte de pouvoir apocalyptique
apte à protéger le Nouveau monde d’envahisseurs
sidhes. La plupart de ses confrères sont d’avis que
William est fêlé et que sa théorie remonte à une
mauvaise expérience avec un Sidhe dans son Inismore
natale. Quelle que soit la vérité, il refuse de retourner
sur les îles du Glamour et recherche obsessionnelle-
ment une ruine syrneth qu’il nomme Le Foyer.
Pieuvres géantes
Tu as entendu parler des pieuvres géantes, j’imagine ? Des
bêtes énormes, de deux à trois fois la taille d’un homme,
voire plus. Et c’est de la bonne chère. Mais elles sont dange-
reuses, c’est sûr, avec des ventouses garnies de dents tout le
long des tentacules. Les plus grosses ont même des crochets
au bout qui peuvent éventrer un marin comme une pois-
caille. Mais ça reste du bon gibier. La plupart des morts lors
des chasses à la pieuvre surviennent soit par inconscience,
soit par simple accident. Quand on la tracte à bord, la
pieuvre s’agite dans tous les sens, alors il faut faire attention
à ses crochets tranchants et à ses tentacules qui peuvent te
broyer un membre si elle arrive à te l’attraper.
Le pire cas que j’ai vu, c’est quand un petit nouveau s’est
fait choper au niveau de la taille. Le temps qu’on le libère,
cette sale bête l’avait quasiment écrabouillé en deux. Le
chirurgien a rien pu faire pour lui : une bonne partie de
ses entrailles avaient été expulsées, éclatées des deux côtés
comme un fruit trop mûr. Triste sort, mais c’était la faute à
pas de chance, à la pieuvre qui avait plus gigoté que prévu
et au mousse qui avait pas été assez rapide et averti.
Les pieuvres géantes sont des créatures énormes et muscu-
leuses d’une Puissance de 12. Elles possèdent les Propriétés
monstrueuses suivantes : Aquatique, Destructeur, Puissant
et Tentaculaire (10 tentacules).
7E MER NATIONS PIRATES 191
 Krakens
J’ai jamais vu un kraken manger quelqu’un. En revanche,
j’ai vu des marins se faire déchiqueter membre par membre.
J’en ai vus finir noyés ou matraqués contre le pont jusqu’à
ce qu’il en reste plus qu’un vague amas rouge. Les krakens
attaquent pas les navires pour se nourrir ou pour se
défendre, mais parce qu’ils détestent les humains, parce
qu’ils veulent pas de nous dans leur territoire et, surtout,
parce qu’ils le peuvent.
Ouais, j’ai dit « les ». La plupart des gens te soutiendront
mordicus qu’y a qu’un kraken. Si seulement. Parce que je
peux te garantir qu’y en a plus que ça. Trois au moins. Je
le sais parce que je les ai vus.
La première fois, je faisais partie d’une flottille et on s’ap-
prêtait à mettre le grappin sur une goélette castilliane. On
pensait avoir affaire à une proie facile, mais le kraken a eu
la même idée. De chaque côté du navire, des tentacules d’un
vert sombre ont surgi, plus grands et trois fois plus épais que
le mât de misaine. L’équipage s’est battu, mais qu’est-ce que
tu peux faire contre une bête plus grosse que ton bateau ? La
sainte-barbe a pris feu. L’explosion a chassé le monstre, mais
à ce stade, il restait du bateau que des flammes et des débris.
C’est à cause du deuxième kraken que j’ai perdu mon œil.
Quoi, tu croyais que j’étais née avec une perle de makara
dans l’orbite ? Celui-là était couleur chair et, je te le jure,
couvert d’épines, comme un genre de buisson. Cette fois-ci,
on y a pas coupé : c’est contre nous qu’il était en rogne. J’ai
échoué sur une plage avec un œil en moins, mais je m’en
sortais mieux que la plupart. J’ai mis un an à m’en remettre
et à reprendre la mer. J’espérais que ce serait la dernière fois
que j’aurais affaire à un kraken.
J’ai pas eu cette chance. La troisième fois que j’en ai vu
un, ça a été la dernière fois où j’ai mis les pieds sur un
bateau. Ça a aussi été la dernière fois où j’ai pu mettre le
pied quelque part sans cette béquille. Celui-là était rouge
comme un coucher de soleil et parsemé de taches blanches,
comme certains chats sauvages de la jungle. Je l’ai pas vu
longtemps, mais suffisamment pour être sûre que c’était pas
un des deux autres. Et m’est avis que si l’océan abrite trois
gros bestiaux comme ça, il en abrite probablement d’autres.
C’est juste que la plupart des gens ont la chance de pas en
croiser plus d’un.
Pas de veine pour moi.
Il existe si peu de krakens que beaucoup croient qu’il s’agit
d’une créature unique. Ils possèdent une Puissance de 20 et
les Propriétés monstrueuses suivantes : Aquatique, Colossal,
Destructeur, Puissant et Tentaculaire. Du fait de leur taille,
leurs Tentacules innombrables possèdent une Puissance de
10 et il faut 2 Blessures Dramatiques pour les détruire.
192 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Mama Tortue
Allons, garçon, fais pas cette tête ! La mer est pas peuplée
que de grands méchants prédateurs. Tu peux aussi y faire
des bonnes rencontres.
Pour te dire, j’ai entendu parler de marins naufragés
sauvés par des dauphins qui leur ont épargné la noyade
en nageant sous eux pour les porter jusqu’au rivage le plus
proche. Certains affirment même que les dauphins ont
été jusqu’à attendre dans les petits fonds qu’ils reprennent
conscience et puissent regagner la terre ferme d’eux-mêmes.
Ça fait pas vraiment monstre marin, pas vrai  ? Bon,
évidemment, les mêmes gaillards te soutiendront qu’un
dauphin a pris forme humaine et leur a délicieusement fait
l’amour avant de redevenir un poisson et de regagner la mer.
Alors va savoir où est la vérité.
Bref, ce que je veux dire, c’est que tous les habitants de la
mer sont pas malveillants ou même dangereux.
J’ai vu Mama Tortue une fois, de mes yeux vus. Elle
était loin à l’horizon et, au début, je l’ai prise pour une
île inconnue. C’est qu’elle avait tout bonnement l’air d’une
grosse colline au milieu de nulle part, couverte de buissons
et de rochers… et même d’arbres !
C’est alors que je m’en suis rendu compte qu’elle bougeait.
Et vite ! Avant même que je puisse demander au timonier
de la suivre du haut de mon nid de pie, elle était prati-
quement hors de vue, même avec une lunette. On l’aurait
jamais rattrapée de toute façon, même toutes voiles dehors.
Mais je te jure qu’avant de disparaître, elle a hissé sa tête
hors de l’eau et a orienté son grand cou pour me regarder
droit dans les yeux.
L’espace d’un instant, ça m’a coupé le souffle. Je veux dire,
ça arrive pas tous les jours de fixer une déesse dans les yeux
et qu’elle te rende ton regard ! Elle a cligné des yeux une
fois, lentement, comme pour dire quelque chose, puis elle a
rebaissé la tête et elle a disparu à l’horizon. Elle avait les
yeux verts comme de l’algue. C’était y a des années, mais
quelque chose comme ça, ça s’oublie jamais.
De tous les « Monstres » marins, Mama Tortue est celui qui
fait le moins figure d’antagoniste. Toutefois, dans le cadre
d’un combat, la Puissance de cette déesse de l’océan est de
20. Elle est Aquatique, Colossale, Élémentaire (Mer) et
capable de Téléportation.
Tiburon
Me regarde pas comme ça, garçon. Peut-être qu’un jour,
t’auras la chance de la rencontrer toi-même, et alors
tu comprendras. Ou peut-être que c’est sur lui que tu
tomberas… lui qui ?
Eh ben Tiburon, pardi. Le Faucheur. Le Protecteur. Le
Grand requin de la mer.
Il est le Maître des Monstres, accompagné d’un banc de
créatures en comparaison desquelles les choses dont je t’ai
parlé font figure de petits poissons.
Des grandgousiers-pélicans à la gueule si grande qu’ils
peuvent avaler tout rond une goélette. Des caïmans qui
chantent d’une voix de sirène et poussent les marins à bondir
droit dans leur gosier. Des luscas : des requins énormes au
ventre frétillant de tentacules. Des marées toxiques qui
engloutissent les bateaux et étouffent les marins. Même le
Bo’Jaiba, le Homard qui ne meurt jamais, sert Tiburon en
patrouillant le fond de tout océan, car il sait que la Gueule
qui dévore est la seule créature capable de dévorer même lui.
Oh, je sais que les tiens croient pas en lui, mais nous les
Rahuris, on sait ce qu’il en est. Et si tu pars en mer, tu
apprendras. La mer porte la vie, mais aussi la mort. Elle
est notre protectrice et notre gardienne. Elle nous donne la
vie, mais peut nous la retirer tout aussi rapidement.
Et Tiburon, qu’il nage sous ton navire ou marche à tes
côtés sans que tu le reconnaisses, est la mer incarnée. Il
est tout ce qui peut surgir des profondeurs, de tes pires
cauchemars, pour t’engloutir sans pitié. En connaissant ça,
tu connaîtras enfin l’océan comme on le connaît.
Lève les yeux au ciel si tu veux, jeune Théan, mais si tu
navigues sur l’océan, tu découvriras en temps voulu que je
te dis la vérité. Les richesses qui t’y attendent sont infinies,
mais si tu ne respectes pas ce que tu y trouveras, tes souf-
frances le seront également. Tiburon n’est jamais que le plus
évident des dangers que tu pourras y croiser. Il est des sorts
pires que sa gueule aiguisée.
Tiburon est la contrepartie nettement moins bienveillante
de Mama Tortue. Sa Puissance est également de 20, et
c’est un Monstre Colossal, Effrayant, Évasif, Inéluctable
et Puissant. Il est également Métamorphe, mais toutes ses
formes ont plusieurs rangées de dents, formant un véritable
tunnel acéré.
Le Wu’a
La légende dit que le Wu’a est un genre de poisson-lanterne,
sauf qu’il est si gros qu’il peut pas se contenter d’attirer
d’autres poissons dans sa gueule. Alors à la place, il se rend
en surface pour y agiter l’embout lumineux qui surplombe
sa gueule, et l’eau qui s’y engouffre produit un tel tourbillon
qu’un bateau entier peut se retrouver entraîné dans son
gosier. Son antenne est si haute et brillante qu’on pourrait
la prendre pour un de ces phares vestens.
Un jour, on s’est retrouvés déboussolés par une tempête
et on a navigué droit dessus en croyant trouver un port.
Par bonheur, la fille dans le nid de pie avait de bons yeux
et a repéré les remous à temps pour qu’on s’en écarte. Si on
avait été pris dedans, on aurait jamais pu en réchapper.
On aurait tourné, tourné, tourné et puis… gloup. Et c’en
aurait été fini de nous
Le Wu’a, le Grand tourbillon, rivalise avec les plus puis-
sants des Monstres marins. Sa Puissance est de 20 et il
possède les Propriétés monstrueuses suivantes : Aquatique,
Asphyxiant (car il est capable d’entraîner des navires entiers
dans les profondeurs), Colossal et Effrayant.
Nouvelles Propriétés
monstrueuses
Ces Propriétés monstrueuses focalisées sur la faune marine
s’ajoutent à celles listées pages 197-198 du Livre de base.
Asphyxiant
En vous tirant sous l’eau, en vous étouffant de ses tentacules
ou pire encore, ce Monstre vous coupera littéralement le
souffle. Il peut dépenser un point de Danger pour infliger le
double de dégâts à un Héros donné pour le restant du Round.
Colossal
Capable de s’attaquer à des armées, des navires ou un port
entier, un tel Monstre requerra bien plus que les efforts d’un
seul Héros. Il peut encaisser 8 Blessures Dramatiques avant
d’être Sans défense.
Destructeur
Qu’il tranche une main de ses terribles pinces, dissolve un
artefact sous son acide corrosif ou arrache un œil de son
appendice aiguisé, ce Monstre peut dépenser un point de
Danger pour détruire un objet ou une partie non vitale du
corps d’un Héros.
Évasif
Rapide, rusé ou simplement insaisissable, ce Monstre peut
à tout moment dépenser un point de Danger pour fuir une
Scène. Cette capacité ne fonctionne qu’une fois par Épisode.
7E MER NATIONS PIRATES 193
 Campagnes nautiques
Cette section adressée au MJ regroupe quelques astuces,
conseils et outils pour mettre en scène une campagne dans
les sept mers. Plusieurs sujets et possibilités y sont abordés.
Une partie de ce contenu est repris de la première édition
de Nations Pirates.
La vie à bord
C’est facile de se représenter une campagne pirate comme
une bande de types à bord d’un navire. Il suffit de quelques
pirates, d’un navire et d’un butin, non ? Mais dans les faits,
une telle campagne va plus loin que cela. Il ne faut pas vous
limiter au navire. Voici quelques suggestions d’accroches et
de retournements scénaristiques pour vous inspirer.
Pour commencer, soyons francs : la vie à bord, c’est rasoir.
Ne vous méprenez pas : l’aventure, la découverte, c’est
génial. Mais quand vous grimpez en voiture pour un long
trajet, que vous vous calez dans votre siège d’avion étroit
ou que vous prenez place à bord d’un train, vous savez que
vous allez passer de longues heures barbantes. C’est pour
ça que vous prenez votre portable et vos écouteurs.
194 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Une fois la destination atteinte, l’amusement peut
commencer, mais y arriver, c’est une autre histoire. On a
tous été dans des vols d’une dizaine d’heures, coincé un
jour entier dans un espace réduit avec des étrangers, de
la nourriture médiocre et divers désagréments. Et si vous
tombez à court de batterie, il ne vous reste plus qu’à essayer
de dormir.
Imaginez maintenant que le voyage prenne des mois,
en compagnie d’étrangers dans des quartiers exigus. Et
sans ordinateur portable ou smartphone. Et en plus, vous
risquez votre vie à tout instant : une tempête déferle et
vous jette à l’eau ; un monstre marin hisse ses tentacules
sur le pont et vous tire dans sa gueule affamée ; une muti-
nerie éclate et vous êtes du mauvais côté ; un treuil casse
et une poutre vous brise le crâne avant même que vous
compreniez ce qui se passe ; ou encore un marin supersti-
tieux vous tient pour responsable de la mauvaise fortune
à bord et une rumeur enfle. Sans compter que vous passez
des heures à vous tuer à la tâche : vous récurez le pont,
enroulez et déroulez les voiles, guettez l’approche d’un
pavillon ennemi… Tout ce labeur rompt la monotonie,
mais ça reste du travail. Et quelque part, ça ne fait qu’em-
pirer la situation.

Bref, la vie à bord, c’est la barbe.
C’est pour ça qu’en tant que MJ, vous devez faire atten-
tion à la façon dont vous la représentez à vos joueurs. Trop
souvent, j’ai vu un MJ réduire un voyage à une série de jets
de dés : Érudition pour identifier le port le plus proche,
Navigation pour manipuler les manœuvres, Athlétisme
pour esquiver un morceau de gréement… autant de jets
vides de sens et d’intérêt. L’intention (créer du défi et de
l’action) est louable, mais le résultat tombe à plat, car les
jets ne signifient et ne mènent à rien d’intéressant.
Ne faites jamais au grand jamais ça.
Confronter vos joueurs à des jets arbitraires ne rendra
pas le jeu plus palpitant, pas plus que ça n’accroîtra leur
implication. Il y a des façons autrement plus constructives
de s’y prendre, et nous allons les évoquer.
L’équipage
La conceptualisation du Navire telle que présentée dans
le Livre de base obéit à un principe : faire en sorte que
vos joueurs se sentent investis dans leur bateau. Le but
visé n’est pas d’être réaliste ou de créer un simulateur de
Navire, mais simplement de faire en sorte que vos Héros
s’attachent à leur Navire. Les règles incluses dans le Livre
de base y contribueront, mais allons encore plus loin, en
nous focalisant cette fois-ci sur l’équipage.
Ce qu’il faut, c’est susciter ce qui rend les romans d’aven-
ture maritime si palpitants : la camaraderie.
Ce n’est pas pour rien que les marins sont si prompts
à se lier d’amitié. Plus vous aurez d’amis à bord, mieux
vous vous en sortirez. Plus l’on vous considérera comme
un allié et un membre d’équipage valable, plus vous aurez
de chances que vos camarades fassent attention à vous,
qu’ils vous soutiennent envers et contre tout et qu’ils
risquent leur peau pour sauver la vôtre. Un marin risque
sa vie chaque jour. Escalader le grand-mât pour enrouler
les voiles n’est pas aisé ; le faire au milieu d’une tempête
devient un véritable calvaire. Mais les difficultés s’apla-
nissent lorsque vous travaillez entouré de personnes
de confiance.
Mais comment s’y prendre ? Comment créer cet esprit
d’amitié, ce lien émotionnel ? Comment faire en sorte que
les joueurs se préoccupent de leur navire ? En les faisant
se préoccuper de l’équipage.
POSTES COURANTS
À BORD
Capitaine
Quartier-maître
Bosco
Chef de hune
Maître canonnier
Chirurgien du bord
Matelot de première classe
À cet effet, vous pouvez vous servir de la liste de
membres d’équipage présentée en Annexe, page 207.
Sur cette liste, vous pouvez noter le nom, la nationalité,
le poste et les traits de caractère de chaque membre d’équi-
page. Il peut aussi bien s’agir de Coups d’éclat tels qu’inclus
dans le système que d’une attitude ou d’une habitude parti-
culière à ce membre d’équipage. Ou les deux.
Pas besoin de tout remplir. Vous pouvez commencer par
ne renseigner que les profils des officiers et garder le reste
de l’équipage pour plus tard. Je laisse souvent mes joueurs
improviser des membres d’équipage au fur et à mesure : je
leur donne la feuille et je les laisse remplir les cases. Ainsi,
chacun contribue à définir le navire et son équipage.
N’imposez pas un membre d’équipage à vos joueurs.
Il se peut que vous passiez des heures à soigneusement
concevoir un PNJ pour ensuite arriver en disant : « Hé,
regardez ce PNJ super cool et détaillé que j’ai fait ! » et ne
rencontrer qu’ennui et désintérêt de la part de vos joueurs.
Croyez-moi, c’est pas une bonne idée.
Au lieu de cela, présentez-leur des caricatures, des
personnages conçus sur le vif. Envoyez-en une douzaine
par partie et guettez les réactions de vos joueurs, regardez
à qui ils s’adressent. Quand ils arrivent au port, deman-
dez-leur : « Vous emmenez qui avec vous à la taverne ? »
Leur réponse vous indiquera quels PNJ leur ont plu.
Et s’ils disent « Personne », c’est vous ne vous y êtes pas
bien pris.
Vous connaissez vos amis. Vous savez quels genres de
personnages ils aiment et quels sont leurs personnages
préférés de films, de séries télé et de romans. Réfléchissez
à leurs goûts et créez un personnage qui y répondra.
En laissant vos joueurs créer des membres d’équipage,
vous leur donnez le pouvoir de peupler leur navire des
PNJ qui leur plaisent. N’hésitez pas à leur laisser carte
blanche, cela vous facilitera la tâche. Vous pouvez même
leur permettre d’incarner certains membres d’équipage.
Chacun s’amusera et s’investira ainsi d’autant plus.
7E MER NATIONS PIRATES 195
La différence entre
un équipage et une marine
Le Livre de base décrit assez exhaustivement les prin-
cipales responsabilités des divers officiers et matelots d’un
vaisseau militaire, mais on constatera plusieurs différences
importantes au sein d’un équipage pirate ou de celui d’un
navire marchand privé.
Comme décrit dans le Livre de base , la répartition des
responsabilités à bord d’un vaisseau militaire peut varier
d’une Nation à l’autre, notamment en ce qui concerne le
partage des devoirs entre capitaine et commandant. Reste
qu’à bord de tout vaisseau militaire, le capitaine est l’au-
torité absolue. Il fait la loi à bord, et l’enfreindre mène à
des châtiments durs et draconiens, voire à la mise à mort.
Il en va autrement des équipages pirates ou marchands.
Les vaisseaux marchands recherchent le profit, et ce
but sera servi par un bateau aussi rapide et un équipage
aussi réduit que possible. Le propriétaire du bâtiment a
le dernier mot. Certains navires marchands n’ont même
pas de capitaine, seulement un commandant, et la plupart
n’ont pas de soldats, d’armes ou d’équipage combattant.
L’essentiel des membres d’équipage occupent plusieurs
postes. Ainsi, le commandant pourra aussi être le commis-
saire, et le charpentier le chirurgien. Plus l’équipage sera
polyvalent, plus il pourra être restreint et donc rentable.
Les équipages pirates sont encore une autre paire de
manches. Eux aussi recherchent le profit, mais les risques
et les récompenses attenants sont bien plus élevés, ce
qui requiert de très grands équipages, lesquels élisent
démocratiquement deux dirigeants  : le capitaine et le
quartier-maître. Le capitaine est en charge du bateau et
de l’équipage en cas de combat. C’est aussi lui qui définit
le plan de voyage, c’est-à-dire où se rendre et quoi attaquer.
Pour tout le reste, le quartier-maître est le maître à bord.
Ses responsabilités sont similaires à nombre de celles
d’un commandant, mais essentiellement, il est chargé de
s’assurer que le vaisseau et l’équipage se portent bien et de
veiller au juste partage du butin au terme du voyage.
Le vote
Arrêtez-moi si je me trompe, mais je soupçonne que vos
Héros formeront un équipage de pirates ou de corsaires.
Rien ne les empêche de faire partie de la marine monta-
ginoise, de l’Armada castilliane ou de la flotte marchande
vodacci, mais il y a fort à parier qu’ils préféreront voguer
sous le pavillon noir ou avec une lettre de marque. En
partant de ce principe, parlons du vote.
Les vaisseaux pirates sont des démocraties flottantes.
Leurs équipages ont le droit de voter sur la destination du
navire, sur les bateaux ou forts à attaquer en chemin et sur
bien d’autres sujets. Pour refléter cela, laissez vos joueurs
voter ! Faites une proposition et annoncez un vote à main
levée à la majorité.
En tant que MJ, vous pouvez aussi permettre au reste
de l’équipage d’influencer le vote. Tout PNJ officier a
alors une voix. Quant aux autres membres d’équipage,
ils peuvent représenter soit une voix (ce qui laissera une
influence considérable aux Héros), soit jusqu’à trois, quatre
ou même cinq voix. Aux Héros, alors, de convaincre le
reste de l’équipage de se ranger à leur avis. Cela peut se
traduire par un Risque où chaque Héros investit des Mises
dans une portion de l’équipage. Par exemple, si l’équipage
est divisé en cinq portions, les joueurs peuvent assigner
leurs Mises à celles de leur choix dans le but d’influencer
leurs votes.
Marines
Les possibilités d’aventure nautique ne se limitent pas à
être corsaire ou pirate. D’ailleurs, l’essentiel des navires en
mer ne sont pas des pirates. Penchons-nous sur le sujet,
Nation par Nation :
Avalon
Les joueurs peuvent incarner des officiers à bord de vais-
seaux de marine officiels. Certes, l’essentiel de la marine
avalonienne est constituée de corsaires, mais ce sont
également les corsaires les plus organisés des sept mers.
À ce stade de l’histoire, la grande tradition navale avalo-
nienne est encore bourgeonnante. La hiérarchie à bord
se formalise et un centre de commandement est en train
de se constituer pour faire des vaisseaux une puissance
navale unie. Certains capitaines renâclent à l’idée de telles
procédures, mais l’allégeance à la Reine passe avant tout,
et nul capitaine n’osera prétendre le contraire : « Qu’elle
ordonne, et j’obéirai. »
Castille
L’Armada castilliane fut mise à mal il y a quelques années
lorsqu’elle tenta d’envahir l’Avalon. Le hasard, de fortes
tempêtes, l’aptitude nautique avalonienne et l’incompé-
tence castilliane eurent pour résultat l’un des plus grands
revers de fortune des cent dernières années. Le bon roi
Sandoval tenta de rebâtir l’Armada castilliane, mais l’In-
quisition établit d’autres priorités. L’Armada reprit du poil
de la bête, mais resta loin de sa gloire passée… jusqu’à la
découverte du Nouveau monde. De nouvelles ressources
et cultures se trouvant désormais à portée, l’Inquisition
changea l’allocation des fonds, faisant de la flotte castil-
liane l’une des mieux financées de Théah. Les équipages
castillians comptent parmi les plus disciplinés au monde,
constitués de marins hautement compétents et d’officiers
avec des années d’expérience. La présence marine castil-
liane surpasse celle de toute autre Nation et ses vaisseaux
rapportent des fortunes au pays.
Eisen
L’Eisen n’a pas de marine à proprement parler, juste
quelques navires mercenaires qui circulent par le canal
de Hoppe. Les Vestens contrôlent ces eaux et imposent
lourdement tout bateau qui y circule, ce que la plupart des
Eisenörs ne peuvent se permettre, raison pour laquelle ils
emploient des contrebandiers à importer et exporter des
biens par les eaux septentrionales.
Montaigne
La marine montaginoise est… eh bien, c’est un peu une
blague. Dénuée de discipline et trop cintrée (l’Empereur
semble quotidiennement changer les règles), la flotte
montaginoise est chaotique. Si certains vaisseaux sont
dirigés par des capitaines et des équipages compétents, la
plupart sont des exemples flottants de népotisme, d’incom-
pétence et de laisser-aller. Les navires sont immenses et
majestueux, chargés de vivres à l’excès, bardés de canons et
de marins en uniforme immaculé dirigés par des imbéciles
qui n’ont aucune idée de la vie en mer. Mais les exceptions
sont réellement exceptionnelles. Un bâtiment montaginois
doté d’un capitaine et d’un équipage compétents consti-
tuera l’un des plus redoutables vaisseaux en mer. Massif,
solide, bien équipé et largement approvisionné, un tel
bateau aura tout pour représenter un terrible danger.
Sarmatie
La Fédération sarmatienne emploie des navires de
commerce depuis des dizaines d’années. Ce n’est que
récemment qu’elle s’est mise à bâtir des vaisseaux de guerre
pour se protéger plutôt que d’employer des mercenaires.
Au lieu de financer une marine, l’ancien Sejm préférait
embaucher des mercenaires, jugeant cette alternative
plus rentable et commode, mais depuis la Liberté dorée,
la Fédération s’est enfin consacrée à cet enjeu grandissant
qu’est le contrôle des mers. Pour l’heure bourgeonnante, la
marine sarmatienne a beaucoup à faire pour se mesurer à
ses Nations voisines, mais ses guilders lui ont permis d’ac-
célérer le processus en embauchant capitaines et amiraux
étrangers. Servir à bord d’un navire sarmatien revient à
prendre part à une entreprise naissante, et ses capitaines
sont partagés entre la discipline stricte de la flotte castil-
liane et la démocratie d’un vaisseau pirate.
7E MER NATIONS PIRATES 197
 Ussura « Parce que »
Dotée uniquement de quelques ports donnant sur l’océan
septentrional, l’Ussura n’a pas vraiment de marine à
plutôt que « Et alors »
La plus ancienne règle narrative est «  Ne dites pas,
proprement parler. Même lors des périodes où les eaux ne
montrez ». Or, il en est une autre moins connue, mais
sont pas gelées (seulement trois mois par an), y manœuvrer
tout aussi importante : utilisez « Parce que » plutôt que
un bateau n’est pas une mince affaire. Les navires ussurans
« Et alors ». D’ailleurs, les histoires de marin se prêtent
ne sont guère organisés : ils comprennent un capitaine, un
admirablement à illustrer cette règle.
quartier-maître, un bosco et c’est à peu près tout. Ils ont
Dans une histoire, l’intrigue survient soit purement par
peu de navires de guerre, mais beaucoup de baleiniers et
hasard, soit en conséquence d’un événement précédent.
autres bateaux de pêche.
Prenons un classique des histoires en mer : une tempête.
Vous pouvez introduire cette dernière de deux façons
Vestenmennavenjar différentes : en la faisant arbitrairement subir à vos joueurs
Seigneurs du Nord, la Ligue de Vendel contrôle la moitié
ou en les forçant à y faire face en raison de leurs choix.
des océans septentrionaux et entretient une paix délicate
avec l’Avalon, qui contrôle le reste. Sa guerre commerciale
Une tempête
subtile avec la Vodacce est à deux doigts de se changer en
Façon « Et alors » : Droit devant, des nuages noirs appa-
conflit ouvert. En plus de posséder les meilleurs équipages
raissent à l’horizon. Une tempête approche !
qui soient, les navires vestens sont conceptuellement et
technologiquement à la pointe. Leur flotte se concentre
Façon « Parce que » : Vous gagnez du terrain sur le navire
sur les voies commerciales qui vont vers et depuis le reste
qui retient le prince captif, mais il semble qu’il mette le
du monde, et la discipline y est stricte. Qu’il soit celui d’un
cap sur les nuages noirs que vous avez aperçus au sud.
bateau marchand ou militaire, l’équipage sera en uniforme,
Allez-vous braver la tempête pour continuer la poursuite ?
rigoureusement formé et entraîné.
La vieille fumeuse
Vodacce Façon « Et alors » : Un crochet tombe du gréement !
La (tristement) célèbre flotte marchande vodacci contrôle
Prends un Risque d’Athlétisme pour l’éviter !
l’essentiel des eaux méridionales de Théah, et ce en
dépit de son ancienneté. Bien de ses navires dépassent
Façon « Parce que » : La nuit dernière, tu as trouvé la
l’âge moyen, mais ils compensent cette vétusté par leurs
vieille fumeuse fin saoule. Tu as laissé filer parce qu’il faut
nombres. À l’image de la Vodacce elle-même, la vie à bord
bien que les gars se détendent… mais ce matin, la vieille
de ces vaisseaux est tout sauf démocratique. Le capitaine
fumeuse était dans le gréement. Elle a laissé tomber un
y est seigneur et maître, et sa parole est indiscutable. Bien
crochet qui a atterri pile sur le crâne du chirurgien du bord
des capitaines vodaccis sont légendaires pour leur ruse,
et l’a assommé !
capables de l’emporter sur des vaisseaux plus récents,
rapides et puissants simplement à force de tromperie et
Vous voyez l’idée ? Dans l’un des deux cas, l’obstacle
de vivacité d’esprit. La flotte marchande ne possède pas
n’existe que pour rythmer le jeu. Le MJ se dit : « Faisons un
d’amiral : chaque navire n’a de comptes à rendre qu’au
jet pour rendre les choses intéressantes ! » L’autre exemple
Prince marchand qui en est propriétaire. Il n’y a ainsi pas
rebondit sur les choix des joueurs pour leur montrer que
de « flotte vodacci » à proprement parler, juste un grand
leurs actes ont des conséquences.
nombre de vaisseaux qui ne coopèrent que lorsque cela
Dans une bonne histoire, on peut voir, comprendre et
peut s’avérer profitable.
éprouver de l’empathie pour les choix du personnage ;
ces mêmes choix qui, plus tard, lui reviendront en pleine
figure. Peut-être vos instincts de MJ vous inciteront-ils
à inclure des jets arbitraires pour pimenter les choses,
mais ignorez ces pulsions, étouffez cette voix. À la place,
préparez le terrain. Plutôt que d’imposer des jets à vos
joueurs pour ensuite les laisser se décider, mettez-les face
à des choix et, ensuite, faites-leur faire les jets adaptés.

198 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate

Deux questions récurrentes devoirs, mais ne vous inquiétez pas, on vous a mâché le
travail derrière : ce livre est rempli de matériel à utiliser,
Voici les deux questions qu’on me pose le plus fréquem-
alors exploitez-le !
ment au sujet de la gestion d’une campagne de 7e Mer…
en tout cas, dans le registre nautique. Voici ce que je peux
« Quels genres d’histoires
y répondre.
je peux raconter ? »
Un pirate ne fait pas que découvrir des trésors ensevelis…
« Et si j’y connais rien en bateaux ? » même si cela reste le grand classique de toute aventure
D’abord, pour être précis, il ne faut pas parler de bateaux
pirate ! Voici quelques exemples d’histoires dans lesquelles
mais de navires. Un bateau est suffisamment petit pour
lancer vos joueurs.
être transporté par un vaisseau plus large, tandis qu’un
navire est assez grand pour transporter d’autres vaisseaux.
La Compagnie commerciale atabéenne
Sans compter qu’un navire a plus d’une voile et que…
Des fois que ce ne serait pas assez clair, la CCA vous
Heu, pardon. Reprenons depuis le début.
fournit une bande de Scélérats contre lesquels vos joueurs
Vous n’avez pas besoin d’en savoir tant que ça sur les
pourront se rallier. Pour faire simple, la Compagnie est
navires et les bateaux. Vraiment. Il est probable qu’un
clairement maléfique, et contrecarrer ses plans fournira de
membre de votre groupe s’y connaisse, auquel cas vous
quoi créer mille et une histoires.
pouvez vous reposer sur lui. Désignez-le comme votre
Vous voulez une bonne accroche  ? Une raison qui
expert maritime et laissez-le officier. Dès le début, instaurez :
pousserait un duelliste vodacci, un corsaire avalonien, un
« Bon, je m’y connais pas trop, mais Sam, oui, donc ce sera
alchimiste castillian et un marchand vestenmennavenjar à
lui qui nous dira comment ça marche, ça vous va ? »
collaborer ? Jetez-les aux mains d’esclavagistes de la CCA
C’est un bon début, mais l’étape suivante est plus corsée.
et laissez-les fomenter leur évasion. Une fois qu’ils se seront
Prêt ? Voilà…
évadés, ils auront certainement moult rancœurs à satisfaire.
Familiarisez-vous avec les navires.
Et si ce n’est pas le cas ? Eh bien donnez-leur des rancœurs
Regardez Pirates des Caraïbes. Pas besoin d’y connaître
à satisfaire. Par exemple, qui les a trahis et les a mis dans
quoi que ce soit en marins ou en bateaux pour l’apprécier.
cette situation ? Comment et pourquoi ont-ils été asservis ?
Une fois cela fait, passez à Master and Commander, un
Tout digne Héros ne mériterait certainement pas d’être
film qui vous en apprendra beaucoup sur la navigation en
mis aux fers… Et si tous les PJ n’étaient pas des Héros ?
bateau à voile ; suffisamment pour mener une campagne.
Et si l’un d’entre eux avait initialement été un Scélérat (au
Puis, quand vous vous sentirez prêt à aller plus loin, plon-
hasard, le duelliste vodacci), pour devenir un Héros
gez-vous dans un des romans de Patrick O’Brian. Si
au cours de son emprisonnement ? Hmm…
vous aimez les romans historiques et maritimes,
Les joueurs pourront non seulement prendre
vous allez certainement passer un bon moment.
leur revanche sur ceux qui les ont trahis,
Et pour une plongée rocambolesque dans le
mais aussi œuvrer à mettre à bas le lieu
monde non seulement de la navigation, mais
où ils étaient jadis retenus. Voilà qui leur
aussi du sinistre commerce triangulaire, vous
donnera fort à faire !
pouvez également lire la série de
Bien entendu, ne vous
bande dessinée Les Passagers du
privez pas de proposer à
vent. Nous vous recommandons
vos joueurs de vous aider à
aussi Black Sails, série télévisée
créer leur prison insulaire.
prélude à L’Île au trésor qui
Montrez-leur une carte
fait la part belle aux pirates,
vierge et travaillez avec eux à
ou encore Au cœur de l’océan,
concevoir les défenses de l’île,
si vous voulez en apprendre plus
ses faiblesses et ses secrets.
sur la vie des baleiniers.
Je vous ai précédemment
Plus vous vous investirez
décrit comment vous
dans des œuvres de
y prendre, aussi
ce genre, plus vous
je ne me répé-
vous habituerez à
terai pas.
leur cadre. Eh oui,
ça vous fait un peu de

7E MER NATIONS PIRATES 199

 Contrebande
La Ligue de Vendel touche beaucoup en taxes et en droits
de douane, et des Nations refusent certaines cargaisons.
Par exemple, par ordre de l’Empereur lui-même, l’importa-
tion de mousquets est interdite en Montaigne. Pour éviter
ces frais et ces restrictions, bien des marchands se tournent
vers la contrebande, et quel meilleur moyen de faire passer
une cargaison illégale ou illicite que de la dissimuler ou de
la déguiser en marchandise légale ?
La plupart des Nations interdisent également l’ex-
portation d’artefacts syrneth. La quasi-intégralité des
monarques théans sont très intéressés par ces antiquités et
n’ont aucune envie de voir d’autres Nations mettre la main
dessus. Naturellement, la Société des Explorateurs est
toujours à l’affût d’artefacts, et lui arrive d’avoir recours à
des pirates pour en faire circuler. Mais pour que ces trésors
se retrouvent sur un bateau, il faut bien que quelqu’un
commence par les voler…
Les pirates transportent toutes sortes de marchandises
sensibles dans leurs cales, mais les artefacts syrneth
sont probablement les plus dangereuses. Exposer l’or ou
l’argent à la lumière ne le fait pas exploser. Les guilders
ne prennent pas subitement vie à la pleine lune pour se
mettre à dévorer les yeux de votre équipage. Et pour autant
qu’avoir une sorcière de la Destinée en otage puisse être
une plaie, elle ne réduira pas votre navire entier en cendres
si vous la lâchez. Enfin, peut-être que si, mais reste que si
piller des ruines syrneth est périlleux, faire parvenir les
artefacts découverts jusqu’en Théah peut s’avérer encore
plus risqué, quoique lucratif.
Les cargaisons les plus profitables sont cependant celles
humaines. Conduire des soldats d’une Nation à une autre,
évacuer des sorcières de la Destinée de Vodacce, trans-
porter des esclaves depuis leur pays natal jusque dans un
camp de travail, etc. rapporte gros. Et côtoyer des gens est
toujours intéressant.
Capturer un navire
Bien des Nations paieront cher pour obtenir un navire
d’une autre Nation. La tâche revient généralement à des
corsaires au service du monarque, mais il arrive que des
pirates capturent, par exemple, un vaisseau castillian pour
le livrer dans un port avalonien.
Les pirates peuvent également s’approprier un navire
pour ses matériaux bruts  : ils réduisent la carcasse
endommagée en planches et fondent les canons de plomb.
Parfois, les composants d’un navire peuvent valoir autant
que sa cargaison.
Et bien sûr, il est toujours possible d’ajouter le navire à
sa collection. « Commodore », ça fait bien plus classe que
« capitaine », pas vrai ?
200 CHAPITRE 2 | La vie d’un pirate
Rançon
Le principe n’est pas exclusif à l’océan : les nobles Théans
se rançonnent les uns les autres depuis des siècles. Mais
depuis l’essor de la piraterie, capturer nobles et marchands
fortunés de passage en mer a fourni aux pirates une
source de revenus fiable. Il suffit de s’adresser à la famille
du marchand, et la seule difficulté consiste à déterminer
comment se faire remettre l’argent. Dans la plupart des
cas, il s’agirait d’un Acte malfaisant, mais il peut y avoir
des exceptions, par exemple dans le cadre d’un échange
de prisonniers. La CCA retient l’un de vos alliés sur une
prison insulaire, aussi, pour le libérer, vous capturez l’un
de leurs officiers et proposez un échange.
Bon, pour être honnête, ça ne risque pas de marcher.
Autre cas : mettons qu’un jeune Héros ait été marié
contre son gré à un vil Scélérat. Le Héros engage nos
pirates pour le conduire hors du pays. Lui et le capitaine
pirate tombent amoureux et échafaudent un plan pour
enlever le Scélérat et le prendre en otage. Et avec quelle
rançon ? L’annulation du mariage, pardi !
Les Pilleurs écarlates
Nous avons également mis à votre disposition toute une
bande de pirates Scélérats. Les Pilleurs écarlates de Reis
ne sont pas des petits joueurs. Reis est fascinée par les
artefacts syrneth dont elle arme ses navires. Elle ne fait
jamais de prisonniers et massacre tous ceux qu’elle croise
sur son passage à travers les sept mers, comme si une
mission secrète et personnelle en dépendait. Peut-être que
c’est le cas. Peut-être essaie-t-elle de trouver un moyen de
se libérer de la malédiction qu’elle a subie en trahissant la
Fraternité de la côte, peut-être fuit-elle Jonah le Diable…
ou peut-être ses raisons sont-elles plus sombres encore.
Reis a un objectif : définissez-le et laissez vos joueurs le
découvrir peu à peu.
Mutinerie
Un officier Scélérat à bord offre aux PJ l’occasion de se
lancer dans une aventure politique d’évasion et de cape et
d’épée : une mutinerie qui opposera les Héros à leurs amis.
Car oui, des Héros peuvent se ranger aux arguments d’un
Scélérat… si le Scélérat est assez convaincant… ou si le
capitaine héroïque est trop obsédé par une certaine baleine
blanche… ou si le sens du devoir personnel du capitaine
sème le mécontentement.
Une mutinerie peut être délicate à gérer, mais aussi
très amusante.
D’autres exemples
d’Aventures
La carte au trésor
Ah, la carte au trésor, clé d’immenses richesses. Prenons
ce classique et pimentons-le un peu.
Tout d’abord, donnez à vos Héros un fragment d’une
carte au trésor. Faites-leur savoir, via un PNJ, qu’il existe
trois autres fragments, et dites-leur qui les possède. Voilà
nos Héros avec trois pistes à suivre. Ils savent qui détient
les autres fragments, mais dénicher ces individus sera une
autre affaire.
Une fois les fragments en leur possession, ils devront
déchiffrer la carte. Après tout, quel MJ digne de ce nom
donnerait à ses Héros une carte qui leur indiquerait exac-
tement où est le trésor, sans une énigme ou deux ?
Par exemple, les Héros pourraient découvrir que la carte
est écrite en théan antique (fort différent de l’ancien théan
parlé par les érudits d’aujourd’hui), ce qui impliquera de
trouver un savant de l’Église qui pourra la traduire. De
quoi passer toute une soirée sur une aventure à l’écart
du navire. Et naturellement, le savant aura certainement
lui-même quelques problèmes qui requerront l’aide
des Héros.
Au final, les voilà avec les quatre fragments traduits et
l’énigme résolue. Maintenant, ils n’ont plus qu’à se rendre
à l’emplacement du trésor et à le déterrer, pas vrai ?
Et non !
Le trésor est dans des ruines syrneth, entouré de vilaines
bêtes, de pièges mortels et… attendez-voir, que font ces
autres pirates ici ? Devinez-quoi : il existait deux exem-
plaires de la carte, et un équipage rival possède l’autre.
Maintenant, c’est la course jusqu’au centre des ruines
pour obtenir le trésor. Galoper dans des ruines remplies
de pièges : que du bonheur.
Il faut sauver la Vodacce
Le devoir est une motivation puissante à ne pas sous-estimer.
Que vos Héros soient des corsaires au service d’un monarque
(comme des Chiens de mer) ou de vrais pirates liés par un
idéal commun (comme la Fraternité de la côte), une équipée
de Héros honorables se prête à des choix cornéliens.
Un groupe de sorcières de la Destinée arrive au port à
la recherche d’un équipage. Elles informent le capitaine
qu’elles veulent se rendre immédiatement sur une île au
loin et lui proposent énormément d’argent. Au fil du
voyage, le capitaine apprend de l’une des sorcières qu’elles
ont prédit qu’un terrible tremblement de terre déchirerait
la Vodacce dans un avenir pas si lointain, et que seul un
artefact syrneth peut sauver le chapelet d’îles.
La situation est maintenant simple  : la Vodacce est
clairement un pays dirigé par des Scélérats. Peut-être les
pirates devraient-ils laisser la catastrophe se produire ?
Ça secouerait certainement les choses. D’un autre côté,
d’innombrables innocents mourraient. Faites de l’une des
sorcières une Scélérate, et voilà que les Héros se retrouvent
à aider un Scélérat… pour une cause héroïque ?
7E MER NATIONS PIRATES 201
La patate chaude
Le principe d’une histoire «  patate chaude  », c’est que
les Héros possèdent quelque chose que tous les autres
veulent. Voyons quelques façons de mettre cela en scène.
Les Héros capturent un navire et y trouvent une petite
boîte en cuivre dénuée de serrure visible. Pas moyen de
l’ouvrir. Soudain, ils distinguent les voiles de Reis à l’ho-
rizon. Elle veut la boîte. Ils ne savent pas pourquoi (et ce
n’est pas comme s’ils pouvaient lui demander), mais elle
l’aura, coûte que coûte.
Peut-être que s’ils la lui donnent sans résistance, Reis les
épargnera, mais il ne faut pas y compter. À moins qu’ils la
convainquent qu’ils sont prêts à rejoindre sa flotte crois-
sante : peut-être qu’il y aurait moyen ? En attendant, il leur
faut trouver ce que contient la boîte. Après tout, si Reis le
veut, ça ne peut être rien de bon.
Conflit de loyauté
Les Héros apprennent que quelqu’un projette d’assassiner
un autre capitaine pirate, confrère de la Fraternité de la
côte. Le problème, c’est que ledit capitaine est un Scélérat
et que le Héros lui en veut à fort juste titre : le Scélérat a
torturé et tué sa famille devant ses yeux. Le Héros s’est
échappé et a juré vengeance sur les tombes des siens.
Nos Héros peuvent donc contrecarrer le complot ou
l’assister. Que font-ils ?
Le jeu de la politique
Les corsaires ont généralement un mécène noble ou
marchand ; quelqu’un qui finance leur navire et leur équi-
page. Et en échange d’une portion de la prise, le mécène use
de son influence pour leur éviter des ennuis. En tant que
MJ, vous pourriez faire de ce mécène un PNJ, mais quel
serait l’intérêt ? Pourquoi ne pas en faire un PJ ? Après
tout, ce n’est pas une bande de racailles chafouines mangées
par le scorbut qui vont s’adresser à la reine d’Avalon,
n’est-ce pas ? Les Héros ont besoin d’un porte-parole, et
ce serait du gâchis d’en faire un PNJ.
Une fois dotés d’un mécène, les Héros auront bien plus
à faire que perturber les lignes de navigation ennemies.
Ils transporteront des dignitaires, porteront des messages
secrets, sauveront des otages, chercheront des terres et
des ressources nouvelles, saboteront d’autres navires et
pilleront des ruines pendant leur temps libre. C’est du
boulot d’être corsaire, mais il faut bien faire le sale boulot
de la Couronne.
Et si le mécène venait à se faire capturer par un Scélérat ?
Eh bien il n’y aurait plus qu’une chose à faire…
Pour finir…
Vous vous souvenez de mes conseils dans le livre de base ?
Tout va bien se passer. Même si vous n’y connaissiez rien
en navires et en bateaux avant de lire ce livre, vous avez
désormais tout un tas d’informations pour vous aider.
Alors allez-y et machinez ! Construisez-vous un petit
vocabulaire nautique et lancez vos joueurs dans une aven-
ture en mer !
Annexe

7E MER NATIONS PIRATES 203

 NOM DU NAVIRE ÉQUIPAGE AVENTURES
Nom Poste Nation

Coups d’éclat :
Classe
Nom Poste Nation
HISTOIRE DU NAVIRE
Coups d’éclat :
Origine
Nom Poste Nation

Coups d’éclat :

Historiques Nom Poste Nation

Coups d’éclat :

Nom Poste Nation

Coups d’éclat :

Nom Poste Nation

CARGAISON Coups d’éclat :

Nom Poste Nation

Coups d’éclat :
SPIRALE DE LA DESTRUCTION
Nom Poste Nation

Coups d’éclat :

Nom Poste Nation

Au bout de quatre
Coups d’éclat : Dégâts Critiques, le
Navire est Neutralisé.
Nom Poste Nation Un Navire Neutralisé
qui encaisse un
Dégât coule.
Coups d’éclat :

Nom Poste Nation

Coups d’éclat :

Trésorerie
  n L’ÉQUIPAGE EST REBELLE
 Index
Agoge 23, 24, 34, 36, 174
Allende 18, 41–44, 49, 50, 51, 53–55, 56, 57–59, 60
Aragosta 14, 18, 81–99, 138, 158-159, 175
La Bucca 14, 18, 39–60, 90, 147, 173, 176, 177, 183
Capitaine Morgan Jacqueline Bonaventura
87, 90-91, 92, 93, 95–98, 99
Capitaine Phillipe Nicolas Gosse 84, 87, 90, 91, 99
Capitaine Reis 84, 88, 89, 99, 183, 200
Capitaine Stephen Fevrier 84, 86, 89, 90, 91
Cardinal Alfonso Ordunez 40–42, 49, 52, 54, 58
Chapelain Nsōwaa Nkansa 106, 109, 112–118, 122
Chartes pirates Président George Rourke
14, 83, 84, 87, 88, 89, 92, 93, 95, 101-102, 158-159, 181–184
Chef Pablo de la Cruz 106, 109, 113, 114, 116–118, 122
La Compagnie commerciale atabéenne
14, 18, 66, 67, 69, 71, 72, 80, 82, 86, 89, 90, 91, 92, 93, 95, 98,
104–111, 112, 113, 114, 116–141, 175, 177, 180, 184, 199
Le Conseil des capitaines 84, 90–94
Création de personnage 144–157
Duels 172–174
Esclavagisme 14, 18, 46, 66, 67, 69, 71, 72, 79, 80,
102, 104–106, 107, 108, 110, 112, 124, 125, 126, 129, 130, 131, 132,
134, 180, 184
Flemming Rudd, agent de recrutement en chef
108, 118, 119, 125, 128, 129, 130, 131, 133, 134, 137
Fort Liberté 92, 98, 118, 119, 125, 127, 131, 136, 138–141
Général Taiyewo 106, 109, 113–115, 118
Jaragua 18, 103–122, 147, 175, 184
Jonah le Diable 15, 86, 88, 90, 96, 97, 98, 99–102, 154,
177, 181
Liste des Avantages
Acteur de comptoir (2 points) 150
Approche flexible (3) 151
As de la barre (3) 151
Baroudeur atabéen (3) 151
De toutes mes forces (5) 153
Favori de l’Océan (3) 151
Fieffé lascar (4) 152
Graissage de patte (2) 150
Guide de Soryana (4) 152
La Palabra (5) 153
Lettre de marque (1) 150
Maîtrise d’arme d’agoge (2) 150
Marié à l’Océan (2) 150
Murmure à la Mère (4) 152
208 ANNEXE
Kap–Kalfu 105, 106, 114, 116, 118, 121, 122
Kleos 21, 23
Küçük Metaxas 21, 38
Lærke Ulriksdottir, responsable de la sécurité
105, 106, 118, 119, 125, 127, 129, 133, 135, 138–141
Lakedaimon 23, 24, 26, 30
La mer Atabéenne 15, 18, 46, 61–80
La Mère de La Bucca 45, 46, 49, 52, 55
Monstres 49, 63, 64, 66, 70, 71, 72–76, 78, 89, 101, 187–193
Navires 175–177, 194–200
Numa 14, 15, 18, 19–38, 137, 148, 157, 176
86, 110, 118, 119, 124-125, 130, 133–135, 137, 138, 141
Les Rahuris 15, 18, 62, 63, 64–80, 104–109, 112, 114–117,
118, 120, 122, 123 127, 130, 132, 134, 135, 141, 157, 176, 180
La République des pirates 83, 84, 89
Sociétés secrètes 98, 141, 178–184
La Cosca 177, 178-179
La Fraternité de la côte
82, 83, 84, 90–91, 98, 110, 116, 141, 182
Le Riroco 69, 71, 72, 79, 180
Sorcellerie 158–171
Kap sèvi 160–165
Magie des Chartes 158–159
Mohwoo 169–171
Mystírios 166–168
Théah 35, 64, 110, 137, 141, 197, 198
Vincenzo Gatto 82–84, 87, 88
Nerfs d’acier (3) 151
Pacte avec le Diable (4) 152
Perturbateur (2) 150
Poisson dans l’eau (3) 151
Potentiel glorieux (5) 153
Promis, juré, craché (5) 153
Recharge rapide (2) 150
Recruteur doué (1) 150
Sens de l’orientation (1) 150
Singe à poudre (3) 151
Sus ! (2) 150
Victoire partagée (5) 153
Volonté indomptable (2) 150
 À moi forban que m’importe la gloire
Les lois du monde et qu’importe la mort ?
Sur l’océan j’ai planté ma victoire
Et bois mon vin dans une coupe d’or.

La piraterie bat son plein sur les sept mers. Marchands et

marines naviguent sous la menace constante du pavillon
noir, harcelés par des brigands invétérés assoiffés de
richesses. Mais les pirates sont loin d’être le seul danger :
on parle de bêtes monstrueuses qui rôdent sous les vagues,
de vaisseaux fantômes maudits et immortels… et
du démon nommé « Reis ».

Ce livre est un supplément pour 7e Mer : deuxième édition.

Il propose de nouveaux Historiques, Avantages, Histoires et
Sorcelleries, et détaille cinq nouvelles Nations pirates :

• La Numa, où les légendes sont nées et se renouvellent

impérissablement.
• La Bucca, ex-prison insulaire et désormais vivier à
intrigues d’ampleur internationale.
• La mer Atabéenne, où les fantômes des ancêtres
rahuris naviguent aux côtés de leurs descendants.
• Aragosta, foyer de la Fraternité de la côte et paradis
pirate.
• La Jaragua, colonie esclavagiste libérée de ses propres
mains où se pratique une nouvelle Sorcellerie, le Kap
sèvi.

Nations Pirates détaille ou introduit également des éléments

de l’univers de 7e Mer, comme Jonah le Diable, la terrible
Reis et la première multinationale de Théah, la Compagnie
commerciale atabéenne. Ces contrées regorgent
d’aventures en puissance : de quoi occuper un équipage
pour l’intégralité de sa carrière et plus encore !

Vivre d’orgies est ma seule espérance

Le seul bonheur que j’aie pu conquérir
Si sur les flots j’ai passé mon enfance
C’est sur les flots qu’un forban doit mourir.