EFFLUVES DE L’ÉCRYME

Livre 3e

effluves
de l’écryme
 SOMMAIRE
Introduction........................................................... 3
Où le ballet de la comédie humaine
trouve son épilogue................................................. 5
SECRETS DE L’ÉCRYME.....................7
Où l’on découvre la nature vivante de l’écryme... 8
Où il est question des liens entre
les céphales et l’écryme....................................... 10
Où l’on analyse les créations de l’écryme.......... 12
Où l’on évoque l’anence...................................... 13
Où la céphalie froide devient un nouvel enjeu.. 15
Où la sémantique céphalique est expliquée...... 16
Où le rôle de la Propagande transurbaine
se confirme........................................................... 18
Où les questions sont enfin posées............................. 19
CONSEILS AUX CONTEURS
ET NIVEAUX DE JEU..........................21
Où les genres se mélangent................................. 22
Où l’on conseille le conteur................................ 24
Où l’on évoque divers moteurs d’aventures....... 26
Où les niveaux de jeu dépassent
la note d’intention............................................... 27
Où sont dévoilées les œuvres
qui inspireront les conteurs d’Écryme.................. 30
‌CRÉDITS
‌Développement du concept
Alexandre Clavel, Mathieu Gaborit, Joaquim
Lasselin, Samuel Metzener, Guillaume Vincent.
‌Chef de projet
Alexandre Clavel
‌Rédaction
Alexandre Clavel, Mathieu Gaborit, Samuel
Metzener.
2
DE LA BALLADE À LA GESTE.............35
Où l’on aborde la composition des ballades...... 36
Où la balade d’un troubadour muet
est introduite........................................................ 38
Où des conseils de mise en scène sont donnés.... 45
Hodologie à rebours............................................ 53
Où le Transécryme est visité............................... 56
Où le Lys Noir pousse sur un terreau de haine... 61
Où les autres passagers sont détaillés................. 66
Première trame : le voyage.................................. 73
Seconde trame : les flashbacks............................ 78
Troisième trame : les agissements du Lys Noir.... 79
Quatrième trame : l’empoisonnement
du Transécryme................................................... 82
Cinquième trame : les effets de la nostalgie...... 85
Sixième trame (optionnelle) : la pie voleuse..... 87
Où l’on conclut cette première étape................. 88
FLASHBACKS......................................89
Déchronologies d’une rencontre........................ 90
Flashback 1, L’Église des Trois Aciers................. 92
Flashback 2, Traverser les océans du vide.......... 98
Flashback 3, Le manuscrit de Linzi.................. 104
Flashback 4, Si les symptômes persistent...........110
Flashback 5, Il n’est de bonne compagnie
qui ne se quitte.................................................120
‌Relectures et conseils
Aurélien Caffart, Fred Chevrot, Joaquim
Lasselin, Sylvain Lectard, Amandine Luchier.
‌Illustrations intérieures
Émile Denis, Nicolas Fructus,
Remton, Sabrina Tobal
‌Mise en page
Camille Durand-Kriegel
 INTRODUCTION
‌Note d’intention
pour les futurs conteurs
Cette nouvelle édition d’Écryme est un jeu
initiatique.
En premier lieu, ce choix permet d’éviter une
trop grande transparence vis-à-vis des joueurs
et de maintenir des conditions propices à dis-
tiller l’ambiance mystérieuse et féérique propre
à Écryme. Au travers de ce livre, la très grande
majorité des secrets est fournie. Les supplé-
ments qui suivront se contenteront de les appro-
fondir et de développer des pistes pour donner
aux conteurs des moyens de les faire découvrir
à leurs joueurs.
Le second objectif est d’offrir aux joueurs et
aux conteurs plusieurs expériences de jeu au fur
et à mesure que leurs personnages évolueront sur
la Toile. Comportant plusieurs niveaux ou jalons,
le parcours initiatique proposé s’articule autour
des secrets de l’écryme et, plus particulièrement,
autour de la céphalie, principal moyen qu’ont les
humains de se servir de la mer acide.
De manière assez simplifiée, des personnages
issus d’horizons divers seront réunis par un
métropolite et développeront des dons pour
la céphalie (passage du premier au deuxième
Les pages qui suivent contiennent les
principaux secrets du monde d’Écryme.
À ce titre, elles ne sont pas destinées
aux joueurs, mais uniquement aux
conteurs ainsi qu’aux joueurs autorisés
à devenir céphales.
Si votre lecture n’est légitimée par au-
cune de ces deux possibilités, il serait
du meilleur ton de la stopper immé-
diatement. En effet, continuer risque-
rait de diminuer votre plaisir de décou-
vrir l’univers et ses secrets et de gâcher
aussi celui des autres joueurs. Pour
cela, vous mériteriez déjà d’être brûlé
par les vapeurs acides de l’écryme.
niveau). À partir de ce moment-là, ils seront
définitivement liés par une anence, objet mys-
tique qui leur permet d’utiliser leurs pouvoirs en
influant sur les émotions. Celle-ci les lie psychi-
quement les uns aux autres. En jeu, elle prendra
la forme d’une feuille d’expérience commune.
Ils apprendront alors à exploiter leurs poten-
tiels à mesure de leurs aventures pour devenir
des céphales (deuxième niveau). L’entrée dans
les guerres occultes qui opposent les différents
groupes de céphales constituera l’étape suivante
(troisième niveau). Enfin, quand ils auront pris
connaissance de chaque belligérant et des enjeux
de cette guerre, ils entreront dans le quatrième
et dernier niveau de jeu.
L’ambiance et la tonalité changeront sensible-
ment au long de votre geste. De même, les enjeux
deviendront de plus en plus importants. Enfin,
plus les niveaux seront franchis, plus le jeu se
focalisera sur les personnages joueurs qui fini-
ront par en devenir le cœur.
‌Les niveaux de jeu
Pour accompagner les conteurs, le parcours ini-
tiatique des personnages est clairement balisé.
Ces quatre jalons qui rythmeront les parutions
commerciales et marqueront l’avancée des
joueurs se présentent de la manière suivante :
‌Écryme
Les ballades de ce niveau s’attachent aux luttes
d’influence et de classes entre humains. Elles
décrivent un monde en pénurie, où tout est bon à
prendre et par n’importe quels moyens. La trame
de fond est assez riche pour ne pas s’intéresser à
une autre source de fantastique que l’influence
de l’écryme sur la société (d’où le nom de ce
niveau). Les aventures vont de la saga narrant
l’espionnage et les guerres entre nations à des
scénarios minimalistes, où les protagonistes
s’emploient à sauver un relais ou un ami aux
prises avec une ghilde/Loge/konzern/culte/
ministère (rayez la mention inutile).
De manière générale, le ton se veut mélanco-
lique, désabusé et désenchanté (nous utilisons ce
dernier terme à dessein). Pas de place pour l’hé-
3
 roïsme ou les quêtes épiques. Cependant, la pré-
sence de l’écryme doublée d’une découverte de
ses propriétés étranges va susciter l’étonnement
et l’émerveillement des joueurs et précipiter leur
entrée dans les luttes entre céphales.
Les habitués du jeu de rôle retrouveront des
scénarios parfois assez proches de Shadowrun ou
de Cyberpunk. Les parties dévoilant des éléments
surnaturels se rapprochent, quant à elles, de
Maléfices ou de L’Appel de Cthulhu (avec des inves-
tigateurs débutants).
Pour débuter ce niveau, conteurs et joueurs n’ont
besoin de lire que les Livres Premier et Second.
‌Céphale
Ces ballades traitent ouvertement de sujets pa-
ranormaux, avec une dimension fantastique à dé-
couvrir : la céphalie. Elles tirent leur nom du fait
que les personnages apprendront au fur et à me-
sure de leurs aventures à affiner leurs pouvoirs et
les secrets qui en découlent.
Progressivement, les personnages joueurs vont
se trouver pris au centre d’intrigues jusqu’à en
former le cœur. L’ambiance va devenir plus hale-
tante, mais plus dramatique.
Ce ton rappellera les parties de l’Appel de Cthulhu
(avec des investigateurs chevronnés cette fois-ci),
Vampire : la Mascarade (à faible niveau) ou Kult.
Les secrets révélés par Delphine à Koursko dans ce
Livre Troisième concernent le niveau Céphale. Seul le
conteur doit les lire puisqu’ils sont destinés à être décou-
verts en cours de jeu par les joueurs. Le premier scéna-
rio d’une geste intitulée La balade d’un troubadour
muet permettra d’amorcer l’initiation des personnages
aux secrets de la céphalie. Ce sont ces ballades qui se-
ront développées dans un premier temps.
4
‌Bohème
Au cours de ces ballades, les personnages sont
devenus des céphales accomplis. Ils ont décou-
vert l’existence des différentes factions occultes
(enfants de Bohème, popes noirs, dieux froids)
et les objectifs qu’elles poursuivent. Dans ce tour-
billon, ils ont choisi leur camp et prennent une
part active dans les guerres céphaliques.
Les personnages pourront effectuer des actions
plus héroïques grâce au potentiel de leur anence
commune. Mais ce pouvoir est à double tran-
chant. Les autres céphales tenteront de leur
nuire afin de se saisir de leur artefact commun.
Sauront-ils le préserver et le faire fructifier ?
L’ambiance rappellera les jeux développés par
White Wolf, en particulier les gammes Vampire,
Mage et Changelin.
Pour faire jouer ces ballades ou gestes, il est conseillé
au conteur de lire Bohème, Contes cruels des tra-
verses (supplément à paraître).
‌Amertume
Les ballades de ce niveau débutent une fois
que les personnages sont devenus de véritables
icônes parmi les céphales, honnies ou révérées.
L’Amertume, courant émotionnel ayant pris vie,
deviendra leur ultime adversaire et les forcera à
nouer des alliances contre nature. Elle sera détail-
lée dans les prochaines publications d’Écryme.
Ce dernier niveau de jeu propose une ambiance
flamboyante, dépeignant une lutte désespérée
contre un adversaire a priori invincible, à l’ins-
tar d’Agone ou de Dark Earth.
Pour faire jouer ces ballades ou gestes, il est indispen-
sable de lire Bohème, Contes cruels des traverses.
 ‌ ù le ballet de la comédie
O
humaine trouve son épilogue

S
es cheveux noirs, son parfum, son charme… Tout dans Delphine trouble
Koursko. La présence de la céphale dans cet atelier poussiéreux paraît aussi
inappropriée qu’une bourgeoise perdue dans une seigneurie traversière.
Le métropolite se noie dans son sourire, dans ses paroles, acceptant sans
discuter le fait qu’elle puisse être la clé qu’il recherche depuis des années.
D’une certaine manière, il se doutait depuis le début que Delphine de Nucingen
révèlerait les informations qui lui avaient tant manqué.

Par flashs successifs, il passe en revue tous les moments qui l’ont conduit ici : son
enfance heureuse, ses années d’études renfermé sur lui-même, ses premiers flirts, la
mort de ses parents, son intronisation à la Propagande, son ascension au sein de la
cellule d’Investigation et de Spéculation… Un voile sombre les recouvre désormais,
comme si toute sa vie passée avait été fade et insignifiante. Les joies et les pleurs qu’il
a pu éprouver sonnent faux. Les sourires se transforment en rictus et les gestes ami-
caux se teintent d’ironie. Même les voix familières crissent de manière désagréable.
Koursko saisit en cet instant précis qu’une page décisive se tourne, que son travail
et sa famille appartiennent au passé. Lui se focalise sur l’avenir et la recherche d’un
sens, d’une vérité. Sa bouche se plisse. Il sourit puis il ne peut réprimer un petit
gloussement amer ! Une telle démonstration d’émotions ne lui était pas arrivée depuis
des années…

Delphine, surprise par cette réaction, répète, insistante : Je vais vous révéler tout ce
que je sais sur l’écryme et les céphales…

Émergeant lentement de sa sombre euphorie, Koursko pose son regard sur elle et
hoche la tête d’un air entendu. Sa voix est décidée : Pardonnez-moi… Je suis prêt à
vous entendre.

5
 1re PARTIE


SECRETS DE L’ÉCRYME

 ‌ Ù L’ON DÉCOUVRE
O
LA NATURE VIVANTE DE L’ÉCRYME
‌Un océan d’émotions
« L’écryme est vivante. Ce n’est pas le matériau
inerte et figé que l’on voudrait vous faire croire.
D’abord, il vous faut oublier tous les mensonges
savamment orchestrés par la Propagande transur-
baine et bien prendre conscience que l’écryme
vit en symbiose avec les êtres vivants. Elle raffine
les âmes, les réduit à des émotions d’une pureté
incomparable et s’en nourrit. En échange, elle
influence le comportement des gens. À ce titre,
elle est la matérialisation de l’inconscient collec-
tif. Toujours en mouvement, elle dessine sous sa
surface le chemin des sentiments et des humeurs
des vivants. Cet étrange pèlerinage serpente en
ruisseaux émotionnels qui forment la mer acide
que nous connaissons. Chaque individu y est en
permanence connecté par des faisceaux invisibles
à nos sens. Seuls les animaux, plus sensibles à cette
énergie, en ont conscience. Ne dit-on pas, par
exemple, que les chiens sentent la peur ? En réa-
lité, c’est l’importance du faisceau qui les excite.
— Si je comprends bien, le scepticisme que
j’éprouve à votre égard devrait également vous
rendre sceptique ?
— En un sens oui. C’est un peu comme cela que
fonctionne l’intuition. Mais ce que vous ne compre-
nez pas encore, c’est la forme que prend cette sym-
biose ! De manière indépendante, chaque personne
n’émet que des gouttelettes qui se diluent dans les
flots. Ces faisceaux se mêlent et se contrebalancent.
Deux êtres sont follement amoureux quand, à
quelques pas de là, deux autres se détestent. C’est
pour cette raison que l’influence de l’écryme est
moins évidente dans les cités que sur les traverses.
Moins évidente, mais beaucoup plus importante
puisque les ruisseaux émotionnels sont bien plus
nombreux et conséquents ! Vous êtes-vous déjà
demandé ce qui avait pu pousser Venice à se consa-
crer presque exclusivement à l’art ou Méthalume à
l’industrie ? Quelle est la force qui pousse les cités
à devenir de véritables caricatures ?
— Tout le monde sait que le développement des
métropoles a été dicté par leurs ressources ; que
leurs spécialisations se sont faites sous l’égide des
8
Loges et des konzerns pour éviter les luttes de
pouvoir et favoriser les échanges entre cités.
— Mensonges de la Propagande ! La passion
de l’art a engendré de nouvelles ambitions artis-
tiques et, désormais, Venice ne peut ni ne veut
se défaire de cette spécificité. Il en va de même
pour l’aéronautique d’Éole, l’isolationnisme
théoricien, le scientisme démocrite, la bureau-
cratie praguoise… L’homme n’a que rationalisé
cet état de fait. Parfois, certaines humeurs sont
suffisamment fortes ou nombreuses pour conser-
ver leur nature dans l’écryme et se joindre à
d’autres, identiques. C’est ainsi que prend forme
un ruisseau émotionnel. Je vous parlais de sym-
biose, car ce condensé influence, à son tour, les
faisceaux et transmet à ses victimes les émotions.
Des équipages entiers de montgolfière ont ainsi
cédé à un ruisseau mélancolique et ont laissé leur
engin dériver sans la moindre réaction. D’autres
se laissent submerger par la haine ou la peur. Les
effets de l’écryme ne sont toutefois pas toujours
néfastes, comme les pluies ou les brouillards de
joie qui provoquent de grandes liesses publiques.
En suivant à la trace chaque rumeur d’appari-
tions inexpliquées, chaque cauchemar récurrent
signalé dans un village, chaque comportement aty-
pique et répété, il est alors possible de dresser une
carte de l’écryme. Tout y est mouvement : sa com-
position, sa nature, sa finalité. On veut la figer pour
l’oublier, comme si la vie devait suivre son cours,
mais l’écryme avance et les ruisseaux convergent
quelque part. Où ? Je n’en sais rien. Peut-être vers la
véritable Bohème. Un céphale a tenté d’écrire un
almanach des émotions, d’identifier les ruisseaux,
de les suivre et de les répertorier. L’infortuné a che-
miné près de cinq ans derrière un courant d’amer-
tume et s’est finalement suicidé…
‌Les origines de l’écryme
— En supposant que vous me dites la vérité,
comment expliquer que citadins comme traver-
siers n’en aient jamais entendu parler, ni pris
conscience de ses répercutions ? Et quelle serait
alors l’origine véritable de l’écryme ?
 — En ce qui concerne la première question,
il existe deux réponses simples : la Propagande
transurbaine et l’avènement de la raison sur les
émotions. Toutes deux font écran. De génération
en génération, la Propagande a convaincu de
l’inertie, de la neutralité naturelle de l’écryme.
En la transformant en énigme scientifique, elle
a réussi à persuader les peuples de son inoffen-
sivité à condition de s’en tenir éloigné. Agissant
d’abord à l’échelle de l’Antipolie puis de la
Toile tout entière, avec des moyens sans limites,
la Propagande a mis en place de nouveaux cen-
seurs : vous, les métropolites. Officiellement, votre
rôle est de faire taire toute opposition au pouvoir.
Officieusement, vous avez été créés pour empê-
cher les rumeurs et conforter les certitudes. Vous
avez enfermé l’humanité derrière les murs de
ses propres cités. Ceux qui refusent de se laisser
contrôler croupissent, au secret, dans vos geôles.
Les céphales qui sont les principaux opposants
de la censure propagandiste en sont les princi-
pales cibles. Par un travail de sape régulier de
désinformation, ceux ayant survécu aux persécu-
tions sont désormais traqués. Mais vous n’êtes pas
les seuls à blâmer. Le scientisme est, lui aussi, un
excellent repoussoir. Les ruisseaux se détournent
des machines leur préférant l’espace, la crédulité,
le rêve. Les usines et les konzerns les chassent en
réalité bien mieux que vous, métropolites. Malgré
tout, des vagues émotionnelles parviennent
encore à s’échouer sous forme de pluies dans les
faubourgs des grandes cités. Ces accidents restent
souvent difficiles à recenser : trains fous conduits
par des courants de désespoir, tueurs possédés
par la fureur ou la jalousie, danse enivrante d’une
femme dont on ne peut plus se passer… Des émo-
tions à fleur de peau, tapies dans les consciences.
Les traverses sont bien plus soumises aux cou-
rants émotionnels. Pour tenir éloignés les cita-
dins de cette influence, la Propagande transur-
baine a réussi à les persuader qu’elles étaient
le refuge de nuisibles décadents. Beaucoup
n’ont ainsi jamais quitté leur cité de peur d’être
contaminés par les effluves nocifs de l’écryme.
D’ailleurs, cette symbiose émotionnelle est bien
connue de tous les traversiers qui parlent de phé-
nomènes de résonance. Parfois, sous forme de
brume ou de vapeur, l’écryme fausse les percep-
tions sensorielles. Même si elle le nie, toute per-
sonne s’étant trouvée sur une traverse a au moins
une fois ressenti l’écryme engourdir sa raison, la
forcer à agir en suivant ses instincts.
Si l’on connaît le rôle joué par la Propagande
transurbaine, on ne comprend pas vraiment ses
raisons. Pourquoi utilise-t-elle les émotions pour
verrouiller les cités ? Pour briser le lien entre l’au-
teur et la créature, entre les humains et l’écryme.
Plutôt que d’apprendre à vivre avec, ils ont choisi
de la nier, confrontant raison et imaginaire. La
connexion est perturbée par les machines scien-
tistes, mais également par des parasites, des ondes
propagées par les esprits réfractaires ou dénués
d’imagination. Quelle influence cela aura-t-il à
long terme ? À force de la nier, l’écryme va-t-elle
finir par disparaître ? Cela n’en a pas l’air, mais j’ose
croire que l’action de la Propagande ne se limite
pas à augmenter son contrôle sur les citoyens…
En ce qui concerne l’origine de l’écryme, per-
sonne ne la connaît. La femme qui m’a initiée
à la céphalie croyait au Cri. Selon cette théorie,
les humains d’avant auraient troqué leurs buts
et leurs rêves pour emprunter des chemins ne
menant à rien d’autre qu’à leur propre destruc-
tion. Ce terrible constat les aurait rongés et, à
partir de l’instant où la majorité a cédé au sen-
timent d’amertume, le monde aurait définitive-
ment changé. Selon mon professeur, c’est donc
notre propre culpabilité qui aurait donné nais-
sance à cette mer acide. Pour ma part, je n’af-
fectionne pas l’idée d’une création spontanée. Je
préfère penser que l’écryme a toujours été, que
l’humanité suit un cycle immuable d’apogées
scientifiques et philosophiques pour finalement
s’apercevoir de l’impasse dans laquelle elle s’est
engagée. Naît alors ce Cri de désespoir qui, à
l’instar d’un pavé jeté dans l’eau, se répercute
dans l’écryme pour y faire naître une Vague, une
crue ou quel que soit le nom que vous lui donniez.
Cette gigantesque marée condamne alors les
survivants à un éternel recommencement. À
l’heure où l’humanité tâtonne à nouveau sur les
chemins du scientisme, certains, comme moi,
consacrent leur vie à chercher un moyen d’éviter
une nouvelle crue. Dans les deux cas, ce n’est
pas le progrès qui ronge la terre, mais la fin des
aspirations des hommes.
L’humanité s’est égarée. Elle a nourri l’écryme
de ses regrets et de sa volonté de tout reprendre
à zéro. Si des doutes subsistent sur l’apparition de
l’écryme à la fin de l’Antécryme, de nombreuses
preuves étayent l’hypothèse que l’écryme n’est
rien d’autre que la personnification des émotions
humaines. Je me contenterai d’en citer deux : les
céphales et les créatures de l’écryme. On pré-
tend que les premiers sont dotés de pouvoirs psy-
chiques accordés par l’écryme et l’on nie l’exis-
tence des secondes.
9
 ‌ Ù IL EST QUESTION DES LIENS
O
ENTRE LES CÉPHALES ET L’ÉCRYME
L
es céphales existent. Dissimulés au sein
de la population, ils ont fini par devenir
un mythe, des sortes de croquemitaines.
Eux-mêmes entretiennent un culte du
secret, motivés à la fois par la peur d’une
nouvelle chasse aux sorcières, mais aussi
par la crainte d’un détournement du don
céphalique par les Loges, les konzerns ou
les gouvernements. En réalité, ce sont seulement
des humains doués de dons empathiques excep-
tionnels. Leurs facultés surnaturelles sont basées
sur les émotions. Ils les domptent en les liant à
l’écryme. La céphalie est leur capacité à tisser des
faisceaux entre les individus et eux, puis entre
eux et l’écryme. Faire transiter les émotions par
leur propre corps leur permet d’extraire certains
sentiments, d’en plonger d’autres, de modifier les
perceptions allant parfois jusqu’à donner corps
aux émotions.
10
Ils jouent des faisceaux comme d’un instru-
ment. Imaginez le panel d’émotions qu’un
céphale peut faire ressentir à sa cible quand, d’un
simple regard, il peut la rendre amoureuse, triste
ou confiante… Pensez par exemple aux doutes
qu’il peut installer dans l’esprit du soldat qui
monte à l’assaut et au courage du défenseur qui
l’attend. Mais les émotions ont un champ d’ac-
tion bien plus grand. Elles sont liées aux pensées
et aux sens. En manipulant la nostalgie, la vic-
time peut ainsi retrouver le goût d’une madeleine
ou se souvenir précisément de la dernière dis-
cussion qu’elle a tenue avec des proches défunts.
Certains céphales auraient acquis des capaci-
tés de contrôle telles qu’ils seraient capables de
convaincre l’esprit de guérir le corps.
Je parle, bien sûr, de céphales qui n’ignorent pas
leur condition. Tout humain est potentiellement
doué de ce don d’empathie, mais ne va pas spon-
tanément le développer. Tout le monde peut se lier
à l’écryme sans même en avoir conscience. Prenez
l’exemple de ces musiciens capables de vous émou-
voir aux larmes par leur seule musique, de ces
comiques qui vous font rire aux éclats, mais égale-
ment de certains policiers qui ont développé une
sorte de sixième sens pour savoir si on leur ment…
Ces dons sont souvent uniques et ne sont liés qu’à
une seule activité ou émotion.
La céphalie présente toutefois de nombreuses
limites. Dans un premier temps, elle ne permet
pas de voir ou de ressentir les faisceaux émotion-
nels. Ceux possédant le don ne peuvent agir sur
les faisceaux que s’ils en sont les créateurs.
De plus, la manipulation céphalique n’est pas
exempte de contreparties. Le travail sur les émo-
tions écartèle les céphales entre des sentiments
contradictoires. C’est un jeu dangereux condui-
sant souvent à la folie. En effet, en relayant des
émotions brutes, les céphales s’y soumettent éga-
lement. Avec le temps, leur raison se fissure, leurs
pensées s’éparpillent. Plus ils transfèrent un même
sentiment et plus ce dernier s’impose à leur com-
portement. Un céphale qui exalte en permanence
la colère subira à son tour des accès de colère
incontrôlés. Certains maintiennent ce besoin à
distance avec les drogues, mais, tôt ou tard, ils
finissent par se faire brûler par leur propre feu.
Les plus sages cherchent donc à compenser par
l’emploi de sentiments opposés : peur et courage,
amitié et animosité… Je vous parlais tout à l’heure
de ces céphales potentiels. Inconscients des risques
qu’ils encourent en pratiquant leur art, ces der-
niers finissent le plus souvent fous.
Une autre contrepartie, bien plus cruelle cette
fois, contrebalance un usage irréf léchi de la
céphalie. En servant de relais à un faisceau, le
céphale se lie d’une certaine manière à l’écryme
et subit, dans le cas de faisceaux trop impor-
tants, un stigmate en rapport avec la substance
corrosive. Au tout début, les signes restent dis-
crets : légères crampes d’estomac, goût de bile
dans la bouche, poumons qui brûlent… puis ils
deviennent plus présents à chaque utilisation
abusive du don. Le céphale pleure des larmes
d’écryme, il la vomit ou en suinte par tous les
pores de sa peau. Il n’existe pas de règle précise
quant à ces signes. La plupart des céphales sont
insensibles à leurs propres sécrétions, mais cer-
tains voient apparaître des cloques et des cica-
trices. À terme, le derme de ces infortunés se
recouvrirait même de cristaux d’écryme.
— Est-ce cela qu’on appelle l’anence ?
— Patience. Avant de comprendre ce qu’est
l’anence, il vous faut appréhender les mystères
des créatures d’écryme.
11
 ‌ Ù L’ON ANALYSE
O
LES CRÉATIONS DE L’ÉCRYME

L’
écryme n’est vue que comme une subs-
tance froide et meurtrière. Pourtant,
elle est l’exact opposé, une matrice du
rêve donnant la vie dans la douleur et
l’exaltation. Un liquide amniotique à
l’échelle du monde accouchant d’émo-
tions, mais aussi d’objets et de monstres.
Comme autant de gouttes, chaque
sentiment, bon ou mauvais, y plonge, formant
des ruisseaux. Comme je vous l’ai déjà expliqué,
ces émotions influencent dans un premier temps
les esprits faibles puis gagnent progressivement
le cœur de toute personne. Sous forme de ruis-
seaux, elles continuent à serpenter simplement
sous la surface, ou donnent naissance à de nou-
veaux courants, voire s’alimentent elles-mêmes :
la frustration peut provoquer la colère ou la rési-
gnation, la haine engendrer la haine…
Il arrive que les émotions ressenties soient trop
intenses pour être dissipées par l’écryme. Elles
s’agglutinent alors vers un point unique, un nœud
où elles se solidifient. Le plus souvent, ces concré-
tions émotionnelles ne sont que d’étranges bulles
crevant la surface de l’écryme avant de retomber.
Toutefois, l’écryme parvient parfois à se cristalli-
ser suffisamment pour esquisser des corps inspirés
par l’âme d’un mort ou des créatures imaginaires
nourries des sentiments les plus forts. Les témoi-
gnages de leurs apparitions sont légion, mais tous
étouffés, déformés par le prisme de la raison.
Les formes de ces sculptures acides varient sui-
vant les sentiments et les personnes qui les ont
fait naître. Elles prendront souvent l’apparence
peur des moines, mais symbolisaient aussi leurs
espoirs que le monastère renaisse un jour de ses
cendres. Licornes, krakens, sirènes et autres créa-
tures mythiques errent ainsi sûrement quelque
part sous la surface de l’écryme.
Les céphales les plus puissants ont appris à
contrôler les faisceaux invisibles, à transformer
leur corps en relais, leur âme en catalyseur. Ils
ont alors le pouvoir de focaliser les faisceaux
pour qu’ils ne s’étiolent plus à travers la cité, mais
plongent directement dans l’écryme pour naître
physiquement sous la forme d’une créature. À
l’apparition de celle-ci, un lien emphatique se
forge entre son esprit et celui de son père. Ce
lien presque charnel ne disparaît qu’à la mort du
céphale ou après que toutes les émotions qui ont
vu naître la créature se sont évaporées.
Cette matrice de création n’a de limite que
l’imagination humaine. Ainsi, non seulement des
êtres animés d’écryme sont apparus, mais aussi
des objets ! Je parle de ces légendaires bateaux fan-
tômes que l’on dit voguer sur l’écryme ou de ces
fables évoquant des terres qui émergent encore
vierges des profondeurs de la mer acide. De tels
événements sont plus que marginaux de par la
puissance qu’ils exigent. Pourtant, un lien existe
entre l’inanimé et l’écryme. Quand il devient suf-
fisamment important, on parle alors d’anence.

s
du ressenti le plus universel, de créatures de
contes, d’une croyance populaire… Ce phéno-
mène se vérifie, entre autres, avec la littérature.
De nombreux disques ont ému à tel point les
auditeurs que les créatures évoquées s’amalga-
ment quelque part sur l’écryme. En tout état de
cause, de nombreux monstres peuplent l’écryme.
Ils vivent à l’écart du monde et entretiennent les
légendes et les fables dont ils sont issus. J’ai en
mémoire l’exemple de l’incendie d’un monastère
proche de Prague, durant lequel des phénix ont
jailli de l’écryme. Ces créatures répondaient à la

12
 ‌OÙ L’ON ÉVOQUE
L’ANENCE
E
n quelque sorte, l’anence est un objet
hanté par les émotions. Après tout, les
vieilles légendes comparant la cépha-
lie à la sorcellerie ont quelques accents
de vérité. Un instrument sur lequel un
ouvrier a travaillé toute sa vie se charge
d’une partie de ses sentiments. La seule
différence entre une anence et cet objet
est que le lien se crée de manière consciente dans
le cas du céphale et que le second nécessite une
émotion particulièrement intense. Prenons le
cas d’une maison hantée. Un ressentiment vif
né d’un meurtre particulièrement horrible peut
trouver résonnance en un lieu et produire des
phénomènes que la seule raison ne parviendra
pas à expliquer. Nous n’appelons pas ce lieu
anence, car cette connexion n’est pas du fait d’un
céphale. Mais elle n’en est pas moins réelle.
L’anence est à la fois une création de l’écryme
et de l’homme. C’est un concentré d’émotions
pures et un objet physique. Matériau hybride,
elle peut, en de très rares occasions, émerger de
l’écryme et servir le céphale. Plus généralement,
l’anence est une création qui permet à son pos-
sesseur de conserver un lien très fort avec une ou
plusieurs émotions. À mesure qu’il avance dans
sa compréhension des courants de l’écryme, le
céphale ajoute des nuances et améliore son objet
pour y puiser sa magie grandissante.
On prétend qu’un céphale privé de son anence
ne serait plus maître de ses pouvoirs. Ce n’est
pas tout à fait exact, car il place dans sa créa-
tion des émotions particulières puis se sert de ses
liens pour les retrouver. Cette relation n’est pas
indispensable, mais facilite la tâche du céphale.
De même, plus l’objet est proche et plus il lui est
facile d’y avoir recours. C’est pour cela que nous
avons besoin de l’ébaucher au cours de notre ini-
tiation, pour nous former à l’usage de la cépha-
lie. Par la suite et toute notre vie durant, nous
allons continuer à le forger pour maîtriser un
peu mieux notre potentiel. À l’image du genre
humain qu’elle représente, même sous la forme
d’un ustensile banal, l’anence paraîtra aux yeux
de tous d’une beauté et d’une complexité rares. Il
est toutefois impossible de rendre chaque détail
du modèle humain. L’anence est donc condam-
née à ne jamais être achevée.
C’est pour cela que de plus en plus de céphales
cherchent à créer en groupes des œuvres plus
abouties. Car l’anence n’est pas exclusive.
Comme un musicien pouvant jouer de plusieurs
instruments, il suffit que le céphale comprenne
et s’adapte à la forme de chaque lien pour pou-
voir s’en servir. Bien évidemment, les musiciens
doivent se concentrer sur un unique instrument
s’ils veulent devenir de véritables virtuoses.
Il n’existe pas de forme prédéfinie à l’anence.
Plus cette dernière est grande et plus il est facile
de la façonner, d’y inclure un large panel émo-
tionnel. Plus elle est petite et plus elle est facile
d’accès. J’ai vu des céphales construire une hor-
loge et remplacer chaque roue du mécanisme
par une émotion qui s’emboîtait à la perfection.
D’autres créaient un trousseau de clés pour avoir
l’accès aux sentiments de leurs contemporains.
Vous l’avez donc compris, du moment qu’elle
trouve une résonance physique, l’anence peut
prendre n’importe qu’elle forme : un bijou, une
plaque de fer, un livre, un appareil photogra-
phique, un cerf-volant ou même un disque…
Simultanément, les regards de Delphine et Koursko se
portent sur le large disque qui avait permis, quelques
heures plus tôt, la découverte du Bon usage aérostier.
Vous l’avez désormais compris, mes cama-
rades et moi-même avions entamé la création
d’une anence sous la forme d’un disque de fer.
Chaque sillon permettait de produire une émo-
tion comme autant de notes de musique. Puis,
une fois que nous avions rempli la première
face, nous entamions la seconde, puis un autre
disque…
La céphale, tout en parlant, tourne autour des micro-
sillons qu’elle caresse régulièrement, avec une suavité
qui répugne et attire Koursko.
13
 Pour la plupart d’entre nous, la finalité n’est pas
simplement de gagner en puissance, mais bien
de réaliser l’œuvre la plus aboutie possible. Je
vous parlais d’émotion, mais pour être plus pré-
cise, je devrais parler d’instants ayant provoqué
cette émotion. La joie, par exemple, peut être
provoquée par une enfant qui mange un gâteau
sucré ou qui retrouve son père à la descente du
train. Les deux moments méritent d’être placés
dans l’anence. Si notre objectif était bassement
matériel, nous créerions une anence à notre seul
usage. En effet, la simple proximité permet de
soumettre les personnes aux émotions contenues
dans de tels artefacts.
Imaginez une balance de marchand chargée
d’exultation, d’emballement et d’allégresse.
Toute personne se tenant dans un proche envi-
ronnement aurait l’impression de réaliser une
bonne affaire. L’acheteur comme le vendeur. De
tels objets sont la source d’innombrables mythes
urbains : la dague chargée de tristesse et d’amer-
tume poussant ses porteurs au suicide, le fer à
cheval porteur d’une telle confiance qu’il est
associé à de la chance, des échasses chargées de
volonté et rendant le pas plus léger… Outre leur
beauté obsédante, leurs pouvoirs font de telles
œuvres un bien que beaucoup cherchent à s’ap-
proprier, même des personnes ne possédant pas
le don.
L’aboutissement d’une anence est la matéria-
lisation de ce qui a été sauvegardé lors de sa
création. C’est pour cela qu’au seuil de la mort,
nous la jetons dans l’écryme pour qu’elle s’y dis-
solve et distille les sentiments bénéfiques accu-
mulés. Si l’on parvient à créer un artefact assez
conséquent, alors nous pouvons imaginer qu’une
terre, qu’une cité émerge. C’est de là qu’est née
la légende de Bohème, la cité affranchie des
ravages de l’écryme. À l’image des compagnons
et des bâtisseurs de cathédrales, des groupes de
céphales parcourent donc le monde et prélèvent
autant d’émotions, de moments qu’ils désirent
retranscrire dans cette ville parfaite, leur ville,
leur bohème, leur anence commune.
Depuis quelques minutes, le métropolite s’agite. De
nombreux détails, d’infimes indices qu’il ne pouvait
expliquer trouvent désormais écho en lui. Delphine a
définitivement capté toute son attention. S’il change
de position, c’est essentiellement pour se recomposer un
masque de maîtrise.
14
‌L’histoire des anences
‌ a création de faisceaux d’écryme im-
L
plique, pour le céphale, d’entrer en
transe. Les premiers d’entre eux avaient
les yeux révulsés, tombaient en catalep-
sie... Ils ont appris à canaliser leur hyp-
nose avec l’anence jusqu’à ce que cette
dernière devienne indispensable à leur
art. L’anence prenait alors le plus sou-
vent la forme d’un pendentif et leur ser-
vait à engourdir leurs sens, magnétiser
leur esprit. Traqués, ils se sont dissimu-
lés à travers les âges, inventant toujours
de nouveaux subterfuges afin de mas-
quer leur transe, mais également leur
anence. Le plus souvent, ils ont relié ces
dernières à une ou plusieurs formes d’art
ou d’artisanat : la musique, la couture,
la tannerie, la joaillerie, la peinture, la
sculpture, la mécanique… Ce qui était
perdu en mobilité était gagné en dissi-
mulation.
Mais ce n’est qu’une partie de l’immense
bénéfice retiré par ces nouvelles anences.
Les agrandir a permis de fédérer des
groupes de céphales. Ensemble, ils ont
vu plus grand, mais surtout plus loin.
Ce qu’il fallait des années à construire,
une communauté le faisait en quelques
mois. Le travail avait, en effet, besoin
de moins de précision. Ajouter un sen-
timent dans une bague demandait des
mois d’un dur labeur alors qu’un seul
rouage pouvait comporter un unique sen-
timent. À l’image d’une mécanique bien
agencée, ils emboîtaient des anences les
unes dans les autres pour obtenir des
effets décuplés.
Avec l’anence, la taille et la forme de leurs
bohèmes se sont affinées. Collectivement,
il était désormais plus aisé de bâtir des
cités bien plus ambitieuses.
 ‌ Ù LA CÉPHALIE FROIDE
O
DEVIENT UN NOUVEL ENJEU
C
e que j’ai dit tout à l’heure sur l’écryme
et les machines n’est pas tout à fait exact ;
c’est plutôt de la rationalité liée à la révo-
lution industrielle dont je parlais, car
il existe un rapport particulier entre le
métal et l’écryme. C’est ce lien qui fait
que, dans la majorité des cas, les anences
contiennent au moins une partie métal-
lique. Il semblerait que le métal conduise des
sentiments comme il le fait avec l’électricité.
C’est pour cela que le métal supporterait bien
mieux l’acidité que la majeure partie des autres
matériaux.
Ce rapport est toutefois faussé par les senti-
ments antithétiques engendrés par le progrès :
peur et admiration. Il va bien au-delà du culte
de Malachine ou de la dévotion à l’égard de
la Sainte Électricité. Il aurait donné naissance
à un panthéon machine, régi par des dieux
biomécaniques.
Que sont-ils ? Existent-ils seulement ? Je ne sau-
rais le dire. Leur origine pourrait être multi-
ple. Seraient-ils des créatures de l’écryme nées
des peurs d’une technologie mal contrôlée et
des cultes scientistes comme celui des charbon-
neux ou de Notre Dame des Airs ? Une théorie
veut que les êtres vivants ne soient pas les seuls à
ressentir des émotions. Cela relierait les machines
à l’écryme. Plus simplement, ces divinités ne
seraient-elles pas des anences mécaniques ayant
atteint une telle complexité qu’elles auraient pris
vie ? Peut-être est-ce tout cela à la fois. À moins
que ce ne soit des céphales souffrant, à un stade
très avancé, de stigmates métalliques.
En faisant transiter des faisceaux émotionnels,
il arrive aux céphales de faire jaillir également
de l’écryme de leur corps. Eh bien, il existe en
réalité un autre type de céphales qui manipulent
les machines comme nous manipulons les sen-
timents. Le culte de Malachine est réel et son
prophète comme son mentor, le contremîme
George, étaient bien des céphales froids. Le tou-
cher métallique comme l’accouchement des âmes
sont le pendant froid de notre cristallisation de
créatures à partir de l’écryme. Nous connaissons
bien peu de choses sur ces céphales : ils sont ap-
parus récemment et se sont joints à des cercles
céphaliques formés autour d’une anence dans
l’espoir de voir émerger des bohèmes plus com-
plètes. Et si certains d’entre nous croient encore
à l’existence d’une divinité comme Anencéphale,
nous nous sommes affranchis de beaucoup de
folklore inutile et avons bien mieux rationalisé
notre potentiel. Ainsi, si certains céphales prient
un panthéon mécanique, c’est qu’il doit exister
un fond de vérité dans tout cela.
Je ne saurais expliquer la nature exacte de
la céphalie froide ou céphalie machine. Les
céphales froids manipulent les objets métalliques,
les mécanismes comme nous manipulons les per-
ceptions et les émotions d’autrui. À la façon des
alchimistes qui cherchaient la vie éternelle en
travaillant la transformation du plomb en or, ils
transforment le corps des hommes en machine
et donnent un aspect anthropomorphe à la ma-
chine, parfois même une âme.
Les stigmates qu’ils en retirent intègrent la ré-
action de l’homme envers la machine ou, plus
précisément, de ses espoirs déçus par le potentiel
industriel, mal employé. Leur corps ne se couvre
donc plus d’écryme mais de métal. Leurs pieds
fondent à même le sol alors qu’ils parlent à un
dirigeable, ils exultent de la fumée ou perdent
leurs yeux au profit de roulements à billes en ar-
rêtant une locomotive par la seule force de leur
volonté. Ces stigmates rendraient leur corps froid
et conducteur comme du métal.
15
 ‌OÙ LA SÉMANTIQUE CÉPHALIQUE
EST EXPLIQUÉE

L
es céphales ont développé cinq approches quer des lieux où les effluves d’écryme et leur
non exclusives de leur don qu’ils défi- influence auraient dû se dissiper, mais ne l’ont
nissent de la manière suivante : pas fait. Comme, par exemple, un lieu hanté par
le souvenir d’un meurtre. Le céphale apprend à
L’élégie crée une réalité illusoire, modifier ses sensations pour percevoir ces scories
trompant les sens de la victime. ou résonnances résiduelles.
L’entéléchie fait appel à l’anence et à L’humidité, quant à elle, est créatrice. L’élégie
son développement. évoque donc la création poétique tout en conser-
La mekanë, ou céphalie froide, s’attache vant cette notion d’amertume et de tristesse liée à
aux machines et aux manières de les manipu- l’écryme. Le fait que l’élégie et la scorie renvoient
ler. Formidable outil de l’utopie mécanique, toutes les deux à la littérature souligne encore
elle influe sur la frontière entre l’humain et la leur opposition.
machine. L’entéléchie, enfin, présente l’équilibre entre
La psyché, ou céphalie chaude, est le pendant les quatre humeurs, un état de perfection aussi
émotionnel de la Mekanë. En manipulant l’esprit bien moral que physique. Cet état, quand il prend
humain, le céphale peut le modifier durablement forme, se matérialise sous la forme de bohème.
et même finir par le contrôler. D’un point de vue métaphysique, la théorie
La scorie est un pouvoir de divination proche des humeurs n’est ainsi plus reliée aux éléments,
de celui des augures. Le céphale extrait les per- mais à l’écryme. Cette dernière devient la per-
ceptions de son esprit pour visiter des scories fection (l’entéléchie). Elle détruit (la scorie) et
chargées d’émotions. crée (l’élégie). L’homme peut s’en servir et accep-
ter sa nature humaine (la psyché) ou la nier (la
Ces cinq approches sont directement reliées à mekanë). Ainsi, l’écryme se situe à la croisée des
l’ancienne doctrine hippocratique des humeurs chemins entre machine et humain. Le feu, l’eau,
qui liait quatre qualités (chaud, froid, sec et l’air et la terre ne sont alors que des artifices
humide) à des états émotionnels. visant à dissimuler les pratiques alchymiques.
L’humeur chaude coïncide avec un caractère
extraverti. Elle joue sur les émotions démons-
tratives et correspond donc à la psyché. Son
contraire, la mekanë, s’associe à la froideur du
métal et aux tempéraments introvertis. La majo-
rité d’entre nous ne connaît que ces deux types
de céphalie qui de prime abord semblent s’oppo-
ser. Pourtant, elles sont analogues sur bien des
points, si bien que leurs divergences pourraient
ne provenir que du manque de connaissances
que les céphales en ont.
Les céphales assimilent l’écryme à une matrice
créatrice d’émotions et de matière, à un lien
unissant chaque chose et chaque être vivant.
Ainsi, la sécheresse pourrait tarir cette force
génitrice. Au sens figuré, la scorie désigne la par-
tie faible ou mauvaise d’un texte. Plus généra-
lement, elle qualifie les résidus provenant de la
combustion de minerais métalliques. Cette défi-
nition a été reprise par les céphales pour indi-

16
 ÉLÉGIE
INSTABLE

ATRABILE BILE
FLEGMATIQUE COLÉRIQUE
SEC

INTROVERTI FROID ENTÉLÉCHIE CHAUD EXTRAVERTI

MEKANË PSYCHÉ

HUMIDE
MÉLANCOLIQUE SANGUIN
PITUITE SANG

STABLE
SCORIE

17
 ‌OÙ LE RÔLE DE LA PROPAGANDE
TRANSURBAINE SE CONFIRME
S
i l’écryme est une substance surnaturelle
se nourrissant des émotions des vivants,
capable de les capter et les retranscrire
en retour, si ses ruisseaux soumettent
tout individu proche à l’influence des
sentiments qu’ils véhiculent, alors ceux
qui en prennent le contrôle peuvent
changer la face du monde. C’est pour
cette raison que des céphales se sont engagés
dans une lutte sans merci. La Propagande et ses
nouveaux censeurs, les métropolites, jouent un
rôle majeur dans cette guerre de l’ombre. En prô-
nant l’avènement de la raison sur les émotions,
ils ont coupé tout lien entre l’écryme et les êtres
humains. En manipulant patiemment l’infor-
mation, ils ont convaincu la majorité de l’iner-
tie de l’écryme. Ils sont parvenus à diaboliser la
céphalie.
Les métropolites ont, depuis longtemps,
dépassé les frontières de l’Antipolie et du Lansk.
Ils se sont dispersés sur toute la Toile. Avec des
moyens financiers plus importants que les plus
grands konzerns, ils traquent et persécutent les
opposants céphales. Bien sûr, tous les métropo-
lites ne sont pas au courant des plans de leurs
maîtres. Seule une poignée d’entre eux les
connaît. Par un jeu d’ordres cloisonnés, ils sont,
en effet, peu nombreux à savoir que ces plans
dépassent largement le cadre de leur cité et
donnent corps à une véritable Propagande tran-
surbaine. Plus rares encore sont ceux qui appré-
hendent la céphalie comme une réalité.
Si les métropolites ne sont que de simples exé-
cutants, qui constitue le noyau d’origine de la
Propagande ? Je n’en ai pas la réponse, toutefois
j’affectionne l’idée que ce sont les popes noirs.
Contrairement à la majorité de mes frères, je
suis certaine qu’ils ne sont pas qu’une chimère.
Je pense qu’ils ont gagné plus de pouvoir, plus
vite, et ont agi dans l’ombre. Sont-ils parvenus
à asseoir leur autorité par la création d’une
18
nouvelle terre ? Collectionnent-ils les anences
de leurs rivaux supprimés ? Combien sont-ils et
quelles sont les relations qu’ils entretiennent ? Je
n’en ai aucune idée. Chaque légende ayant un
fond de vérité, certaines rumeurs persistantes
parlent d’êtres sans âge, de corps transformés en
anence, d’écryme cristallisée sur la peau.
Si les méthodes des popes noirs sont discu-
tables, si leurs buts demeurent obscurs, ils ont
néanmoins compris plus rapidement que les
autres l’influence de l’écryme sur le visage du
monde. Ils ont appris à se servir de ce réser-
voir émotionnel selon leur bon vouloir. Je reste
convaincue que les popes noirs, par le biais de
la Propagande transurbaine, n’agissent pas uni-
quement pour asseoir un peu plus leur pouvoir.
Qu’ils sont, par exemple, à l’origine de la fin des
guerres d’Acrymonie, que leurs facultés sont
assez grandes pour permettre aux diverses tra-
verses de se rejoindre. À l’inverse des partisans de
l’arpenthème, je ne pense pas que la rencontre
des traverses soit une volonté divine, mais qu’elle
découle de céphales extrêmement puissants.
Prenons l’exemple de Venice. Par quelle coïnci-
dence autant de cités (Prague, Entrelace, Vienne,
Méthalume, Démos, Endémine, Théoric et de
multiples villes mineures) sont-elles parvenues à
se rejoindre en un même point ? Qu’est-ce qui a
bien pu entraîner cette immense jonction à deve-
nir la capitale des arts et non celle du commerce,
si ce n’est la volonté d’une ou plusieurs créatures
aux pouvoirs quasi divins ?
Koursko se lève d’un geste raide, cherchant ses mots
afin de répliquer. Le discours de Delphine remet en
question ses croyances les plus profondes, secouant les
derniers vestiges de son allégeance à la Propagande…
Mais la jeune femme lève la main pour l’interrompre.
Elle n’a pas tout à fait fini.
 ‌‌ ù les questions
O
sont enfin posées

À
n’en point douter, toutes ces révélations donnent lieu à des interroga-
tions plus nombreuses encore. Jusqu’à quel stade peut se développer
l’anence ? À l’émergence de nouvelles terres ou de nouveaux dieux ? Si
un panthéon machine, froid, se dévoile, devons-nous attendre l’appa-
rition de dieux chauds opposant ainsi irrémédiablement raison et sen-
timents, mécanique et organique ?
Les céphales et la Propagande transurbaine parviendront-ils à mettre leurs dif-
férences de côté ? Quels sont les buts réels des popes noirs ? Existent-ils seulement ?
Les ministères de la Propagande s’efforcent sans succès de faire disparaître l’espoir
provenant de la légendaire Bohème. Cette cité libre jamais clairement définie n’est
pourtant qu’un idéal, une utopie parmi la population comme parmi les céphales. Pour
l’instant, elle appartient au passé, siégeant au milieu d’un endroit où l’écryme n’a pas
de prise. Elle possède plusieurs noms : berceau de l’humanité, cité des origines, écrin
de verdure… Peut-être les métropolites redoutent-ils l’influence de cette folie cha-
otique et créative. Pour lui donner forme, des centaines de céphales se réunissent de
par la Toile pour prélever dans leurs anences autant d’émotions qu’ils souhaiteraient
retrouver ultérieurement dans leur cité parfaite, leur bohème.
C’est ce que nous rêvions de faire en rejoignant la caravane de Syan, héritier de l’Af-
frevie. Je comprends désormais que nous poursuivions une chimère. Plutôt que de
tenter de créer une utopie, nous aurions dû accepter la nature humaine et simplement
la retranscrire dans notre anence. Notre rêve était enfantin. Nous ne pouvons créer
une totale liberté sans générer l’anarchie. Nous aurions dû, dès le début, compren-
dre que les plus beaux sentiments ne peuvent exister sans un minimum de noirceur.
C’est pour cela que je vous raconte tout, c’est pour cela que je vous propose une alli-
ance. Mon but n’est plus d’améliorer la réalité, mais de la comprendre et de l’accepter
telle qu’elle est. Dans cette quête, j’ai besoin de vous ! Vous serez mon sésame pour
contacter les popes noirs et percer leurs secrets, ceux de la céphalie et de l’écryme.
Allez-vous m’aider ? Si tel est le cas, je vous enseignerai, comme j’ai initié Eugène et
Vautrin aux arcanes de mon anence. À votre regard, je sais déjà que vous n’attendiez
que cela. Mais jusqu’où serez-vous prêt à aller ?

19
 IIème PARTIE


CONSEILS AUX CONTEURS

ET NIVEAUX DE JEUX

 ‌ Ù LES GENRES
O
SE MÉLANGENT
L
’univers d’Écryme est le fruit d’un mélange
entre plusieurs éléments disparates dont
la réunion, pour insolite qu’elle puisse
paraître, n’en demeure pas moins cohé-
rente. Ce panachage se retrouve dans
les atmosphères diverses que les joueurs
seront amenés à rencontrer durant leurs
ballades et gestes. Ces thèmes forts ali-
menteront leurs parties et se développeront au
fur et à mesure de leurs envies.
‌Une uchronie urbaine
Écryme décrit notre passé, ordinaire, bou-
leversé par un cataclysme inexplicable. Plus
qu’une uchronie, Écryme est une dystopie met-
tant en exergue les côtés sombres de l’homme.
Et comme écrin, elle se pare des cités. En effet,
s’il existe des bourgs ou des relais sur les tra-
verses, la majorité des hommes se sont regrou-
pés dans des cités comme Éole, Prague ou
Souspente. Chacune possédant une architec-
ture propre, mosaïque de fer forgé, de dômes
de verre et de cuivre, ou encore de tours médié-
vales encadrées par les hautes cheminées des
complexes industriels. La personnification des
émotions souligne les travers des cités et des
hommes et dresse ainsi une satire sociale propre
à l’uchronie.
‌Un steampunk réaliste  les habitants sont constamment déchirés entre
Il serait caricatural de limiter le steampunk à
des inventions à vapeur incongrues ou à d’im-
menses pistolets de cuivre (à vapeur). À l’instar
d’une fantasy avec une magie en filigrane, Écryme
pourrait être qualifié de low steampunk. À ce
genre, il emprunte certes l’indispensable uchro-
nie et la lie des éléments cyberpunk tels qu’un
horizon urbain, la pollution, un corporatisme
oppressant (nobles marchands ou Loges), des
machines folles (mais pas trop, telles que les
cerfs-volants électriques), la fusion homme-ma-
22
chine (dieux froids), le manque de ressources et
le besoin de survie, les difficultés d’adaptation…
Mais Écryme s’efforce de les légitimer par rapport
à une contingence (l’écryme) qui les inscrit dans
une histoire, avec ce que cela implique comme
limitations. En reprenant les éléments d’une
anticipation littéraire, Écryme traite de certains
thèmes contemporains en nous émerveillant ou
en nous horrifiant.
‌Un post apocalyptique
victorien
À cause du confinement imposé par l’écryme,
les matières premières sont devenues rares et
donc extrêmement précieuses. Des complots, le
plus souvent bassement mercantiles, se tissent
dans l’ombre pour acquérir leur monopole.
Sur les traverses, les grands empires se livrent
à des guerres sanglantes. Des cohortes de
fonctionnaires prennent quotidiennement part
aux conflits d’influence interministériels tandis
que les konzerns se disputent le contrôle d’une
économie qui périclite. Les idées révolutionnaires
se propagent inlassablement dans les bas-fonds.
Ces rivalités sont généralement appuyées par
les différentes factions céphales qui voient là
autant de pions interposés dans leur guerre
idéologique. Enfin, au milieu de cette agitation,
le besoin de survivre et les moyens à employer
pour y parvenir.
‌Un univers poétique
De prime abord, l’univers d’Écryme peut sem-
bler terne et désespéré. Mais à bien y regar-
der, il fourmille de détails pittoresques qui
le rendent unique : la fixation de la technolo-
gie, l’agoraphobie des citadins habitués à vivre
dans des villes surpeuplées, les traverses ouvrant
sur un horizon sans limites… Faite d’excès, la
Toile devient parfois caricature. Pensons à ces
ouvriers priant dans leurs usines, ces bibliothé-
caires sacrifiant un sens, ou ces cités tournées
vers une seule et unique activité. Pour obtenir ce
cachet écryméen, il suffit de confronter des sujets
opposés : un noble-marchand négociant avec
un seigneur traversier la création d’une ligne de
chemin de fer, un urbatech désirant raser une
tour médiévale pour bâtir un observatoire en
verre, le membre d’une Loge témoignant contre
une collègue renégate… Ces antagonismes per-
mettent de créer des termes évocateurs typiques :
la noblesse marchande, les temples-usines de
Malachine, les dieux froids, les avocats-duel-
listes… Enfin, le fantastique, présent sans être
oppressant, est garant de ce potentiel poétique.
Il est facile d’y ajouter les dérives de la céphalie
comme les personnifications des émotions (au
sens propre comme au figuré).
‌Une initiation au fantastique
Écryme n’est pas un jeu à secrets classique, car le
conteur détient la majorité des clés de l’univers
dans le seul livre de base. Toutefois, pour les
joueurs, une grande partie du plaisir est liée à la
découverte et à la compréhension de la dimension
mystique de l’écryme. Ils doivent trouver leur
chemin au cœur des luttes céphaliques et
appréhender des enjeux dont l’aboutissement est
la survie du monde. Cette dimension fantastique
est personnifiée par l’écryme et ses propriétés à la
source des rumeurs de monstres étranges hantant
les bas-fonds ou de rituels macabres, menés
par des communautés isolées. Indispensable à
l’ambiance, véritablement ancrée dans l’univers,
elle devra, dans un premier temps, être plutôt
subie par les joueurs avant qu’ils ne la maîtrisent.
23
 ‌OÙ L’ON CONSEILLE LE CONTEUR
Si la réussite d’une partie repose sur les joueurs et leur interprétation, elle se base également sur les
scénarios et la capacité du conteur à installer une ambiance autour de la table. Pour réaliser cette
lourde tâche, il existe plusieurs méthodes.
‌Conseils généraux
Même si certaines peuvent paraître évidentes,
mieux vaut les rappeler :
Bien lire les scénarios (les relire s’ils sont de votre
fait) en prenant des notes sur les personnages
importants, les lieux, les idées sur lesquelles vous
pourriez improviser si un joueur décidait de sor-
tir des sentiers battus…
Être le conteur n’implique pas seulement de
devoir préparer et arbitrer la partie : il faut faire
respecter vos prérogatives, et la plus importante
de toutes est que votre avis l’emporte sur tout le
reste. Les joueurs peuvent avoir voix au chapitre,
mais c’est vous qui avez le dernier mot.
Ne pas couper une scène (interrompre un com-
bat, un dialogue…). Préférez arrêter une séance
de jeu sur un cliffhanger, même si cela signifie
stopper la séance plus tôt.
Connaître les personnages, leurs buts et leurs
passés. Cela permet, entre autres, d’impliquer
plus efficacement tous les joueurs dans la par-
tie, de calmer un hyperactif ou d’en relancer un
autre plus discret. N’hésitez pas, entre chaque
séance, à demander aux joueurs ce qu’ils désirent
entreprendre. En règle générale, ils aiment les
scénarios sur mesure.
Apporter du matériel comme de la musique par
exemple (en fond sonore ou plus appuyée avec
des thèmes musicaux), des éléments de décor
(bougies, lampes à pétrole et autres lanternes),
mais surtout des aides de jeu préparées à l’avance
à donner aux joueurs. Le meilleur exemple se
base sur les disques phonographiques. Ces der-
niers sont le support de nombreux documents
dans l’univers d’Écryme. Vous pouvez alors envi-
sager de lire un document ou de passer à vos
joueurs un enregistrement. Si ces documents sont
préenregistrés, cela vous permettra, en plus d’évi-
ter une prestation difficile, de relire des notes, de
préparer une improvisation… Bref, de trouver un
moyen de reprendre votre partie en main.
Rebondir sur les idées des joueurs, au cas où ils en
auraient de meilleures que les vôtres. Un conteur
24
doit savoir s’adapter. Si les joueurs partent dans
une direction inattendue, surprenante et intéres-
sante en termes d’aventure et s’ils détaillent bien
leurs intentions, cela est gratifiant pour eux et
les conteurs de ne pas leur dire « non » d’entrée,
mais « oui et ». Un « et » introduisant un nouvel
élément narratif qui propulsera l’histoire certes
hors des sentiers battus, mais qui procurera du
plaisir à toute la tablée.
‌Conseils spécifiques
à Écryme
Il existe d’autres méthodes propres à instiller
l’atmosphère et les thèmes d’Écryme. À vous de
définir seulement ce que vous désirez obtenir
autour de votre table de jeu.
Le fantastique doit se dévoiler avec parcimonie. La
structure initiatique du jeu fait que la source de
fantastique sera amenée à se transformer, du
moins, dans la perception qu’en auront les person-
nages comme les joueurs. Elle vous permettra éga-
lement de faire évoluer l’ambiance et de donner
un sentiment de progression réelle aux joueurs.
Dans un premier temps, sa spécificité est de
créer un doute dans leur esprit : les événements
décrits sont-ils réels, ou bien le fruit d’une alté-
ration des sens ? Cette incertitude couplée à la
perte progressive de repères doit concourir à
créer un sentiment de malaise et de peur.
Cette toile de fond omniprésente deviendra
plus inquiétante à mesure que les joueurs évolue-
ront. Elle soulèvera les aspects sombres du monde.
Pour cela, jouez sur les non-dits. Dans l’épouvante,
l’exercice consiste à effrayer en en montrant le
moins possible : du sang, des indices macabres. Ici,
à l’instar de l’écryme, vous pouvez (devez) intro-
duire le fantastique au niveau des sentiments, des
émotions perçues par les joueurs. Ils doivent len-
tement perdre leurs repères et tenter tout au long
de leur progression de s’en créer d’autres. En cela,
le Spleen et l’Idéal peuvent vous aider. De même,
exalter l’aspect héroïque en rendant les situa-
tions plus difficiles met en avant leur triomphe et
leurs échecs. Les personnages, mais surtout leur
force morale sont alors magnifiés lorsqu’ils sont
confrontés à un destin qui les dépasse, parsemé
de choix difficiles, lourds de sacrifices.
De nombreux à-côtés vous aideront à entrete-
nir le dépaysement tout au long de vos parties.
En effet, plus les personnages découvriront la
céphalie, plus il vous sera difficile d’entraîner vos
joueurs dans des ambiances occultes. Vous pou-
vez inclure dans vos descriptions des éléments
anodins et poétiques pour les personnages, mais
qui ne le sont pas pour les joueurs : les animaux
sont un parfait exemple de dépaysement. Le
rameur, moustique qui parvient à se poser sur
l’écryme en s’humectant les pattes, ce qui pro-
duit, à la surface de la mer acide, de petites trai-
nées de fumée. Les papillons de pluie, eux, ne
sortent de leur chrysalide que pour mourir trans-
percés par les pluies acides…
Changez le décor. Par exemple, les traverses
peuvent être neutres sur des centaines de kilo-
mètres puis présenter à leur surface d’étranges
sculptures à moitié rongées par l’acidité de
l’écryme et érodées par le vent.
Cela ne se limite pas uniquement au fantas-
tique. Dans un premier temps, les joueurs et
leur(s) personnage(s) appréhenderont une nou-
velle cité avec son ambiance, son architecture.
Puis, comme des touristes, avec le temps, ces
spécificités arrêteront d’enflammer leur imagi-
nation. Des scènes de la vie quotidienne placées
de temps à autre peuvent remédier à cela. Elles
pourront revenir au cours de votre campagne :
quelques seconds rôles à qui vos héros n’auraient
peut-être jamais parlé, des rumeurs qu’ils n’ont
pas écoutées ou même de simples portraits quo-
tidiens d’un monde à l’agonie...
Des descriptions soignées sont également garantes
de ce lyrisme. L’emploi d’un vocabulaire soutenu
n’est pas indispensable, mais est conseillé. Quand
on se représente une scène, on ne la décrit sou-
vent que sommairement. Afin de lutter contre
cette habitude, n’hésitez pas à adopter un style
plus ampoulé, à ajouter des adjectifs voire même
des phrases à votre mise en scène. Il est inutile
de faire de longs monologues, mais vous pou-
vez vous attacher à un détail du décor, faire des
liens de causes à effets (il a les ongles rongés, il
est donc stressé)… Ces efforts apporteront une
atmosphère plus feutrée, propice à l’évasion.
L’exploration reste un moyen basique, mais effi-
cace pour changer l’univers des joueurs. Malgré
le danger, des expéditions au-dessus de l’écryme
sont envoyées cartographier les traverses ou
découvrir s’il existe de nouveaux îlots ou des ves-
tiges du passé qui aurait précédé l’écryme. On
peut alors imaginer des aventures plus héroïques,
de redingote et mousquet, clone écryméen de
cape et d’épée, en droite ligne des romans de
Dumas ou de Jules Vernes. Pour ce faire, envisa-
gez un style plus feuilletonnesque (pas forcément
opposé à l’horreur), des scènes d’actions plus fré-
quentes et des enjeux plus grands.
Le panachage des genres et des choses doit être
conservé tout au long de vos parties. Nous vous
en parlions précédemment pour les ambiances ;
cette source de dépaysement est un élément
majeur garantissant des parties mémorables.
Que ce soit l’architecture, la faune, la flore, n’hé-
sitez pas à mélanger deux choses qui n’auraient,
à priori, aucun rapport. Les métiers sont moins
cloisonnés et l’on peut allégrement dépasser les
nobles marchands, les avocats-duellistes ou les
ouvriers acrobates. Pensez à Tycho Brahé qui per-
dit le bout de son nez au cours d’un duel pour
démontrer une de ses théories scientifiques. Dans
Écryme, les ouvriers vont prier dans leurs usines,
l’élévation n’est plus étroitement métaphysique,
mais passe par l’adoration de la technologie.
Les émotions et les sentiments sont au cœur de
l’univers d’Écryme. Même si les joueurs s’attachent
à l’aspect héroïque de leurs personnages, ils
incarnent des êtres imparfaits vivants dans un
monde hostile. Les céphales, plus particulière-
ment, sont traqués par tous. La menace reste tou-
jours omniprésente. L’espoir doit naître au milieu
de la famine, l’intolérance. À l’instar des tragé-
dies shakespeariennes, les joueurs sont manipu-
lés par des forces qui les dépassent. Ils doivent
choisir constamment entre leur raison et leurs
sentiments, entre leur mission et leur conscience...
Ces émotions méritent un peu de travail de votre
part, mais également de la part des joueurs. Ils
doivent comprendre leur importance même si,
pour cela, vous devez le leur expliquer ou les
récompenser par des bonus lors des jets de dés.
Oublier tous ces conseils et s’amuser est très certai-
nement la plus importante de toutes ces recom-
mandations. Après tout, l’essentiel est que le
conteur et ses joueurs soient sur la même lon-
gueur d’onde et aient les mêmes attentes.
25
 ‌ Ù L’ON ÉVOQUE DIVERS
O
MOTEURS D’AVENTURES
Chercher quelque chose ou quelqu’un est un stan-
dard indémodable du jeu de rôle. Souvent reliée
à une intrigue secondaire plus complexe, cette
personne (qui peut être une chose ou un lieu)
a une importance capitale sur le déclenchement
de l’histoire. Peut-être est-ce là la cause de sa dis-
parition, à moins que cette personne/chose/lieu
n’ait pas encore été créée. Les anences sont une
source inépuisable d’artefacts aux pouvoirs mys-
tiques qu’il faut trouver pour s’accomplir.
La vengeance est un moyen efficace d’implica-
tion. Un ami des personnages, parent ou proche,
se retrouve blessé, disparu ou mort. Les person-
nages doivent en trouver la cause et démasquer
le coupable, qu’ils soient mus par esprit de justice
ou de vengeance. Ces scénarios typés enquête per-
mettent de dévoiler insidieusement des retourne-
ments de situation à même de faire douter les per-
sonnages (qui est finalement coupable ?), à mesure
que l’on en découvre les véritables raisons.
Les possessions fantastiques ou oniriques peuvent
également être employées comme intrigues. On
ne dénombre plus les scénarios faisant appel à
des flashs d’une vie antérieure. Ici, c’est l’écryme,
en charriant les émotions, qui apporte cet aspect
fantastique. Pas besoin de malaise, de vertige ou
de nuit agitée, il suffit qu’un des personnages
emploie ses pouvoirs de céphale pour que l’émo-
tion transite par son corps et y reste. Commence
alors une énigme à résoudre pour comprendre
cette émotion et s’en débarrasser.
Le voyage constitue une source inépuisable
d’aventures lorsqu’il est émaillé d’événements
inhabituels. Encore largement inexploré, le monde
d’Écryme est une invitation au voyage. Les moyens
de locomotion ne manqueront pas de dépayser
vos joueurs, que ce soit en dirigeable, en train, en
traîneau, en char à voile ou sur échasses… Souvent
mis en parallèle de la quête initiatique, ce chemi-
nement mène les personnages d’un point à un
autre, tout en mettant en avant la découverte de
soi et la compréhension du monde qui l’entoure.
26
Tout faire pour sauver sa vie permet d’impliquer
directement les joueurs. Le besoin de manger, de
subvenir à ses besoins ou la simple survie peuvent
directement forcer les joueurs à accepter une mis-
sion. Mais que découvriront-ils en l’effectuant ?
Un secret qui leur cause une mortelle inimitié ?
D’autres variantes existent : les joueurs ont provo-
qué l’ire d’un groupe (ils ont violé les lois, dérobé
un objet, interféré dans un plan…) et y sont désor-
mais confrontés. Le monde d’Écryme est suffisam-
ment riche en factions ou complots pour ne pas
forcément avoir recours au fantastique. De simples
humains suffisent à moins qu’il n’y ait un peu plus
derrière cette étrange secte traversière ou ce grou-
puscule d’astronomes renégats...
Le fantastique et l’horreur apparaissent aussi
comme possibilités de scénarios. À l’instar de la
possession et des vies antérieures, l’écryme, par
sa dimension mystique, permet de faire appel
à n’importe quel élément fantastique ou horri-
fique : fantôme, maison hantée, maladie inex-
pliquée ou apparition de monstres deviennent
explicables. Une vision de ces canons de l’hor-
reur déformée par le biais de ce cachet écryméen
peut être particulièrement intéressante.
Les confrontations céphaliques sont une approche
logique pour des scénarios. Que les joueurs com-
prennent pleinement leur potentiel céphale ou
pas, l’absence de manichéisme entre les groupes
(Amertume exceptée, encore que…) et les com-
plots qui se trament sont une source inépuisable
de conflits. Les joueurs peuvent donc s’opposer
à un autre groupe de céphales, aux popes noirs,
aux dieux froids ou à l’Amertume... Et en assu-
mer les conséquences !
Gardez à l’esprit que les aventures d’Écryme
placent les joueurs face à des choix moraux, des
dilemmes qu’ils doivent résoudre afin que l’im-
pact émotionnel soit toujours important.
 ‌ Ù LES NIVEAUX DE JEU
O
DÉPASSENT LA NOTE D’INTENTION
C
omme expliqué dans la note d’intention
débutant le présent ouvrage, ce jeu de
rôle a été pensé sur quatre niveaux de
jeu classés par ordre décroissant :
Écryme, ou E, correspondant à la
découverte de l’écryme comme une subs-
tance aux propriétés fantastiques.
C é p h a l e , o u C , r é s u l t a nt d e
l’apprentissage de la céphalie et de la découverte
des factions céphales.
Bohème, ou B, permettant le développe-
ment des bohèmes, les anences-villes communes
aux joueurs, et la progression dans les factions
céphaliques.
Amertume, ou A, où les personnages entrent
en lutte contre l’Amertume.
‌Niveaux exclusifs  ?
Ces niveaux ne sont pas exclusifs. Même les
céphales les plus anciens restent confrontés à
la multitude des anonymes, aussi omniprésents
qu’ignorants. Quels que soient leurs niveaux de
pouvoir, ils doivent composer avec l’écryme au
quotidien ou risquent de voir leurs plans submer-
gés et broyés par une telle masse émotionnelle.
Ainsi, l’ennemi n’est pas forcément une machine
vivante ou un céphale millénaire, un événement
des plus communs a souvent pour origine une
banale envie de s’enrichir.
Seules les motivations diffèrent. Les profanes
agissent avec un sentiment d’équité et de justice
ou moins glorieusement par cupidité et convoi-
tise quand les initiés y voient les impacts possibles
sur les fluctuations émotionnelles. De même, les
céphales doivent apprendre à se fondre dans la
masse, à passer inaperçu. La puissance de leurs
pouvoirs perdrait toute commodité s’ils venaient
à être découverts. Toute imprudence peut avoir
de terribles conséquences et même une per-
sonne capable de recréer à sa convenance le
subconscient d’autrui doit se soumettre devant
la puissance des institutions étatiques.
‌Ambiance
La str ucture ét agée des niveaux de jeu,
Écryme, Céphale, Bohème et Amertume, per-
met de faire avancer l’intrigue des personnages
joueurs et donc leur quête initiatique sans qu’ils
ne stagnent. L’idéal serait que toutes les une ou
deux ballades, ils découvrent un nouvel élément
de background, parfois réel, parfois tronqué.
Puis que cela s’accélère à mesure qu’ils avancent
vers un palier de révélation.
En termes d’ambiance, le niveau Écryme est
assez classique pour les joueurs habitués au jeu de
rôle. Il s’agit d’enquêtes ponctuées de quelques
combats.
La mise en place des secrets du niveau Céphale
doit être lente et insidieuse. Au moment de
construire l’intrigue, ne vous intéressez qu’à un
petit aspect du background et exploitez-le, sans en
mettre trop. Tout l’art est de dévoiler les secrets
par à-coups réguliers. Il n’est pas, non plus,
conseillé de faire trop languir les joueurs, car cela
augmente le risque de faire un effet soufflet.
Le niveau Bohème est plus difficile à gérer : les
différents acteurs occultes agissent les uns contre
les autres et contractent des alliances contre
nature. Le plus souvent, ce seront les joueurs qui
seront en mesure de décider du vainqueur, car
leurs actions bouleverseront nécessairement les
plans des différents belligérants. Cette partie sol-
licite donc une certaine capacité d’improvisation.
Il est important de bien saisir les motivations des
acteurs et de les faire agir en conséquence.
La dernière partie est plus libre. Elle décrit le
combat contre les plans de l’Amertume dont la
clé est le réenchantement de la Toile.
‌Plusieurs conteurs
Il arrive que certaines tables de jeu emploient
plusieurs conteurs afin de se séparer le travail
de préparation et accélérer le rythme des par-
ties. Les niveaux de jeu permettent de faciliter
27
 cette pratique puisqu’ils seront indiqués dès l’in-
troduction des ballades proposées. Il est alors
conseillé de n’avoir qu’un conteur principal qui
gérera les étapes clés de la geste et des conteurs
secondaires qui s’emploieront à faire vivre les
ballades ayant des liens entre elles moins mar-
quées. Le niveau de jeu comme le reste de la
courte introduction permettront de savoir immé-
diatement à quel type de conteur s’adresse le
texte. De manière générale, il est conseillé au
conteur principal d’avoir toujours un niveau de
plus que le conteur secondaire. Par exemple,
l’un fait jouer les ballades Céphale et Bohème
quand l’autre se concentre sur celles de niveau
Écryme.
‌Gérer les progrès
de niveaux
Certains conteurs ne voudront pas forcé-
ment jouer la geste officielle, mais s’approprier
la Toile au travers de leurs propres créations.
Suivant leur fréquence de jeu, ils désireront
connaître les éléments clés qu’il est conseillé
d’intégrer afin de faire progresser les joueurs
et voir évoluer l’univers d’Écryme. À cet usage, les
étapes indispensables et les principaux enjeux
de chaque niveau de jeu sont détaillés ci-dessous
pour bénéficier au mieux, par la suite, des sup-
pléments officiels.
Écryme (E)
Dans la majorité des ballades de niveau
Écryme, les joueurs se trouvent impliqués dans
des intrigues dont le but est de faire jaillir les spé-
cificités de la Toile : opposition entre traverses et
cités, progrès et conservatisme, raison et senti-
ments, contrôle des sciences par les Loges, admi-
nistrations kafkaïennes et autoritaires, lutte des
classes, manque de ressources ou enfin conflits
entre ces différentes factions.
Dans ces aventures, les joueurs doivent perce-
voir l’écryme, en toile de fond, comme un hori-
zon clos, une prison dont il est impossible de
s’extraire. Mais au fil des aventures, l’écryme va
progressivement leur apparaître comme la seule
porte de sortie de leur cité déliquescente où ils
ne seront plus les bienvenus. Un voyage sur les
traverses est un moyen de quitter leur existence
menacée même si cela implique de côtoyer des
traversiers qu’ils méprisent.
28
En parallèle, il faut poser plusieurs jalons qui
permettront d’ajouter une dimension fantastique
au jeu :
La découverte du lien entre écryme et émotions.
Des éléments reliés à l’écryme peuvent être
introduits par petites touches au cours de diffé-
rentes ballades. Mais ces derniers ne seront pas
forcément expliqués. Il suffit pour les joueurs et
leur personnage de comprendre que le surnaturel
existe. L’ambivalence entre attirance et répulsion
générée par l’écryme constitue alors un excellent
moteur de scénario.
La perte de l’idéal ou la réalisation du spleen.
Afin de percevoir le monde tel qu’il est et non
tel qu’ils le perçoivent, les personnages doivent
se débarrasser de leurs préjugés inculqués par le
scientisme et la Propagande. Le point culminant
de cette progression doit être la perte de leur
idéal ou la réalisation de leur spleen. Brisés mora-
lement, affranchis des barrières qui retenaient
les faisceaux de l’écryme, les personnages sont
dorénavant aptes à arpenter la voie céphalique.
La transition vers la céphalie.
Afin de se reconstruire, les personnages doivent
rencontrer un céphale qui acceptera de les gui-
der. Dans certains cas, ce sont les maîtres céphales
eux-mêmes qui sont directement responsables de
ce désarçonnement (perte de l’idéal/réalisation
du spleen). Ceci afin de pouvoir façonner des dis-
ciples à leur guise.
‌Céphale (C)
Le niveau Céphale présente un surnaturel
sans équivoque, destiné à initier les joueurs aux
secrets du don céphalique. À ce stade, leurs facul-
tés nouvelles les placent au-dessus du commun
des mortels, mais les mettent dans une position
des plus précaires : ils deviennent désormais la
cible d’autres céphales plus puissants ainsi que
des ennemis du système et sont traqués comme
tels par les diverses autorités de la Toile. Pour
ne rien arranger, leur anence n’en est qu’à ses
balbutiements et il va leur falloir travailler à son
développement…
Pour progresser, les joueurs vont devoir :
Développer leurs pouvoirs et leur anence.
Certains maîtres cherchent des élèves pour
accroître leur potentiel et découvrir de nouvelles
voies à la céphalie. Ainsi, la description qu’en fait
Delphine de Nucingen donne aux joueurs une
première approche des capacités d’un céphale
avéré. Il est toutefois possible de laisser les joueurs
dans un certain flou et voir ainsi comment ils s’y
prennent pour amplifier leurs facultés. Pour cela,
ils doivent s’investir dans des recherches person-
nelles (expériences, jeu d’échecs-réussites…), ils
peuvent trouver des traces d’expériences anté-
rieures (disques, lieux chargés d’émotions, vic-
times d’expérimentations étranges…) ou côtoyer
d’autres céphales (autres joueurs, autres person-
nages non-joueur…).
Augmenter leurs connaissances des milieux
céphaliques.
Gérer leurs pouvoirs n’est pas l’unique but des
joueurs. Ils doivent également apprendre que
certains céphales plus puissants se sont réunis
en groupe ou, pour parler plus justement, que
certaines tendances se dégagent parmi eux. En
pratique, ces penchants correspondent aux per-
ceptions qu’ont les céphales de leur bohème
et de la façon dont ils désirent employer leur
anence.
Choisir une faction occulte.
La découverte des différentes cabales cépha-
liques va forcer les joueurs à faire des choix :
s’émanciper ou s’affilier à une tendance leur per-
mettra d’entrer de plain-pied dans les luttes de
pouvoirs auxquelles se livrent les céphales. Les
joueurs se découvriront certainement des affi-
nités avec les enfants de Bohème et ils cherche-
ront à améliorer leur quotidien en profitant des
émotions positives (c’est dans ce sens que la geste
officielle sera orientée). Ils peuvent néanmoins
rejoindre les céphales froids et leur utopie méca-
nique cherchant à libérer l’homme de ses préju-
gés pour les machines. Enfin, ils pourront servir
l’autocratie des popes noirs afin d’acquérir plus
de pouvoirs.
‌Bohème (B)
Les ballades du niveau Bohème impliquent
des céphales aguerris. Ceux-ci maîtrisent leurs
pouvoirs autant qu’ils les redoutent. Les luttes
occultes entre factions céphaliques constituent
dorénavant le noyau du jeu. C’est en ce sens que
Bohème, Contes cruels des traverses (supplément à
paraître) vous aidera. Les différentes étapes de
découvertes sont les suivantes :
Découverte des secrets des différentes factions.
La structure initiatique s’articule désormais
dans l’exploration des divers secrets des groupes
que côtoient les personnages. À l’instar de
membres de sociétés secrètes, ils évolueront de
cercle en cercle afin de comprendre toutes les
ramifications de chaque organisation. De même,
les enjeux de leurs missions croîtront à mesure
qu’ils évoluent dans la hiérarchie des divers
groupuscules.
L’anence prend vie.
La bohème des personnages devient réalité.
Elle comprend plusieurs éléments interférant
ensemble et prenant vie. Les personnages joueurs
peuvent et doivent désormais composer avec eux
en interagissant sur deux niveaux de réalité.
La mort de Bohème et la découverte de l’Amertume.
Les sombres rivalités entre céphales s’effacent
avec la mort de Bohème (fille-déesse incarnation
de l’espoir) et la découverte de l’Amertume. Cet
ennemi ultime menace toute vie et forcera les
personnages joueurs à s’engager dans une lutte
désespérée contre le temps.
Le sacrifice de Bohème va faire émerger une
terre qui va devenir une lueur d’espoir pour tous
les porteurs d’anence.
‌L’Amertume (A)
Une fois découverte, l’Amertume engagera les
personnages dans un face à face à l’issue duquel
se jouera l’avenir de la Toile. Les personnages
joueurs devront alors contrer les séides de l’en-
tité, découvrir ses secrets et objectifs, fédérer les
différents groupes de céphales qui luttent les
uns contre les autres depuis des décennies, faire
encore évoluer leur bohème… jusqu’à ce qu’à
leur tour ils puissent l’éveiller et réenchanter ce
monde industriel en perdition qui risque d’être
submergé sous une nouvelle Vague.
29
 ‌ Ù SONT DÉVOILÉES LES ŒUVRES QUI
O
INSPIRERONT LES CONTEURS D’ÉCRYME
‌Littérature
L’ambiance des parties se retrouve renforcée
par la lecture des œuvres complètes de Mathieu
Gaborit. Dans Confessions d’un automate mangeur
d’opium, c’est l’intégralité de la Toile qui pourrait
être reprise si le lecteur se donnait la peine de
remplacer éther par écryme. On y retrouve déjà,
comme autant de clins d’œil, le culte de Bohème,
celui de la mécanique contre l’organique… De
telles similitudes se poursuivent dans l’intégrale
des Royaumes crépusculaires (et des jeux de rôle
et œuvres associés), des Chroniques des Féals, des
deux romans publiés pour Rag’Narok (La Faille
de Kaïber et S’Erum, Sydion ophidien), des Arcanes
féériques ou de Faery City. Son dernier roman, les
Chroniques du Soupir, décrit une magie, les lignes
de vie, qui se compare très aisément aux fais-
ceaux de l’écryme et permet de les visualiser.
L’imaginaire riche et poétique de Mathieu
Gaborit se développe, s’alimente et se recoupe en
de très nombreux points : poésie naissant de l’ex-
cès, détournement des mythes et importance de
l’art, le tout porté par des personnages hauts en
30
couleur, des décors originaux et une sémantique
caractéristique. Plus qu’une source d’inspiration,
le cycle romanesque de Bohème de Mathieu Gaborit
(Les rives d’Antipolie et Revolutsya et, plus encore,
l’Intégrale) est à la base de cet ouvrage. Même
si certains secrets y sont dévoilés, de nombreux
autres demeurent en suspens. Suivre l’enquête
de Louise Kechelev, avocate-duelliste praguoise,
puis sa participation à la révolution lanskoise ne
gâche en rien le plaisir de jeu.
Le mythe de Cthulhu développé par H.P.
Lovecraft et ses continuateurs est une bonne
approche des types de scénarios possibles à
Écryme. Les nouvelles intègrent un dieu oublié,
un monstre, un livre ou un objet maléfique, une
fin du monde annoncée... Cosmogonie à lire et
relire, on peut y trouver de véritables merveilles,
comme Dagon par exemple. Les films dérivés de
ses écrits et le jeu de rôle L’Appel de Cthulhu sont
des exemples du genre et des modèles.
China Mieville est un auteur minutieux qui
s’attache à dépeindre une société injuste et vio-
lente, dans son univers de Bas-Lag. La Nouvelle-
Crobuzon, qui s’y situe, est une ville industrielle
sale et puante dans laquelle évoluent de rares
êtres révoltés par l’injustice. Bien que très diffé-
rents d’Écryme, ses romans (surtout Perdido Street
Station et Le Concile de fer) développent des thé-
matiques proches, dépeignant une faune urbaine
interlope, des révolutionnaires pourchassés ou
un système répressif qui peuvent se rapprocher
de ceux évoqués dans Écryme. Ses descriptions
de monstres complètement fous, agglomérats
de différentes matières, cultures et langues rap-
pellent directement les créatures pouvant naître
de l’écryme ou des âmes-machines. Plus récem-
ment, dans The City & the City, il s’est focalisé sur
deux villes-états fictives d’Europe de l’est imbri-
quées l’une dans l’autre et pourtant indépen-
dantes. Ennemies de longue date, elles imposent
à leurs citoyens d’ignorer leurs voisins étran-
gers. Les situations ubuesques, les changements
architecturaux à chaque coin de rue ou le choc
des cultures sont autant de thèmes directement
transposables. Mais surtout, la Rupture, police
transfrontalière, est une excellente illustration de
la Propagande.
À la manière de Poe ou de Lovecraft, Clive
Barker fait partie des écrivains qui cassent les
habitudes et précipitent les règles de la création
dans un sens inattendu. Rangez ses livres (Secret
Show, Everville entre autre) dans la catégorie à lire
avec la certitude de trouver des mondes vastes
et colorés, bourrés de curiosités épiques… et
d’éléments à conserver pour vos parties. L’Art et
l’océan onirique, par leurs seuls noms, devraient
déjà vous aiguiller.
Écryme est au steampunk ce que les trois prin-
cipaux cycles de Robin Hobb sont à la fantasy. Il
existe, en effet, de nombreuses similitudes entre
L’assassin royal (les deux cycles) et Les aventuriers
de la mer : le fantastique reste au premier plan,
sans pour autant être la caractéristique principale
de ces mondes typiquement humains. La magie
y est essentiellement liée aux émotions : l’Art,
le Vif, le bois-sorcier, la Forgisation sont autant de
formes que peut prendre la céphalie. D’ailleurs,
l’Art est une magie sous forme de courants, de
rivières dans lesquels l’utilisateur s’immerge. On
s’y noie et son utilisation est une drogue pous-
sant à artiser même sans aucun but. Les deux
premiers cycles (Les dragons d’Art et Le bois sorcier
des vivenefs) évoquent aisément l’évolution d’une
anence. La noblesse marchande est comparable
en bien des points aux marchands de Terrilville
et aux nouveaux marchands. Enfin, le conteur
peut s’inspirer des descriptions de Robin Hobb
faisant la part belle aux émotions et aux senti-
ments qu’éprouvent les personnages tout au long
de leurs aventures.
Certains ouvrages classiques peuvent aider
à cerner l’ambiance d’Écryme. Les Misérables de
Victor Hugo et le cycle des Rougon-Macquart
d’Émile Zola, pour leur peinture pessimiste de
la société du XIXe siècle. La majorité des nou-
velles parisiennes de Guy de Maupassant, qui
entraînent le lecteur dans l’ambiance tourbil-
lonnante et fantasmée d’une ville bourgeoise
aussi extravagante que ses habitants. À l’opposé,
dans sa trilogie Jacques Vingtras, Jules Vallès nous
présente le Paris des miséreux et des révoltés, en
des tableaux saisissants de noirceur. Les œuvres
poétiques de Charles Baudelaire et Guillaume
Apollinaire, auxquelles la mélancolie d’Écryme
doit beaucoup. Paris au XXe siècle de Jules Verne,
dont les vertigineuses descriptions sont une mine
d’or. Enfin Honoré de Balzac, dont les écrits n’ont
pas uniquement inspiré les personnages présents
dans les nouvelles de ce livre. L’auteur de la
Comédie humaine a en effet écrit de nombreux tex-
tes empreints de mysticisme, dans lesquels l’art
tient un rôle prépondérant (La Peau de chagrin,
Jésus-Christ en Flandre, Gambara, Séraphîta, L’Élixir
de longue vie, Maître Cornélius).
Cette liste se complète de lectures plus fan-
tastiques. Frankenstein de Mary Shelley, L’étrange
cas du Dr Jeckyll et Mr Hyde de R. L. Stevenson et
l’Ile du Docteur Moreau de H.-G. Wells dévoilent
des monstres faisant échos aux peurs humaines
les plus fondamentales. Les Histoires extraordi-
naires d’Edgar Allan Poe confrontent directe-
ment les protagonistes au surnaturel, tandis
que les Nouvelles histoires extraordinaires présen-
tent un fantastique plus subtil ou, a contrario,
plus outrancier et ironique. Héritière des contes
d’Hoffmann, la littérature fantastique française
du XIXe siècle va se plaire à instiller le doute
dans l’esprit des lecteurs : les choses décrites
sont-elles réelles, ou bien le fruit d’une altéra-
tion des sens ? Les contes fantastiques de Charles
Nodier, Prosper Mérimée, Théophile Gautier
ou L’Isle-Adam l’illustrent parfaitement. Mais
le genre atteint son paroxysme dans le Horla de
Maupassant, où le protagoniste principal parvi-
ent aux limites de la folie.
31

Les romans policiers canoniques sont de
bonnes sources d’inspiration : les aventures
d’Hercule Poirot d’Agatha Christie ou de Sherlock
Holmes de Conan Doyle, en particulier, sont des
références en matière d’enquête policière et pour
leur charme britannique suranné. L’adaptation
mi-steampunk mi-pulp de Thomas Day (L’Instinct
de l’équarrisseur) est également vivement con-
seillée ne serait-ce que pour son rythme de nar-
ration effréné.
‌Jeux de rôle
Les deux très bonnes éditions françaises de
Kult (Ludis / 7e Cercle) décrivent un univers
assez proche de Hellbound Heart de Clive Barker
(nouvelle à l’origine de la saga des Hellraiser). Ce
décor riche a plus qu’inspiré l’évolution du jeu et
les perceptions altérées de la réalité qu’auront les
personnages. Son approche onirique, sombre et
gnostique a fortement guidé notre imagination.
Scales, le jeu des dragons de Croc, a été une
référence tout au long du développement des
anences et de la céphalie. Les chapitres traitant
des gestalts et des magies peuvent, en effet, très
facilement être reliés à Écryme.
Certains jeux du Monde des Ténèbres se sont
révélés précieux. Mage : l’Ascension et son système
de Magye moderne décrivant les effets du para-
doxe est une source inépuisable pour la cépha-
lie. Changelin : le Songe dépeint le Glamour et le
Songe, deux éléments assez proches en fin de
compte de l’écryme.
Précurseur de nombreux jeux à secrets,
Hurlements amène les personnages à découvrir
une révélation de manière graduelle. Il a été
une inspiration majeure en ce qui concerne les
niveaux de jeu.
En ce qui concerne les règles, nous avons
trouvé matière à réf lexion dans les règles de
Brumaire de Cédric Ferrand, de Herowars, de Fate
et FU, du système Gumshoe, des Cheap Tales du
Grümph, ou d’Hellywood et Tenga. La création de
personnages au moyen d’un questionnaire s’ins-
pire de l’excellent jeu de rôle historique Te Deum
pour un massacre de Jean-Philippe Jaworski.
32
‌Films et séries
Pour ce qui concerne les films, l’aspect visuel
des œuvres de Terry Gilliam a été une impor-
tante source d’inspiration : Brazil, les Aventures du
Baron de Munchausen ou L’Imaginarium du docteur
Parnassus ont éclairé notre vision de l’influence
des rêves sur la réalité.
Le même imaginaire et les comportements
étranges apparaissent dans la mystérieuse ville de
Twin Peaks créée par Mark Frost et David Lynch.
L’idée de l’anence se retrouve dans The Lost
room de Christopher Leone et Laura Harkcom,
L’Antre de la Folie de John Carpenter, ou son petit
frère qu’est Cigarette Burns (traduit en français par
La fin absolue du monde).
La série X-Files de Chris Carter correspond
parfaitement à l’ambiance recherchée dans les
scénarios de type Céphale. Les deux enquêteurs
évoluent, en effet, aux frontières de la raison.
Le joueur de citernes est un court-métrage
d’Emmanuel Gorinstein racontant les aventures
d’un vieux joueur de violon interprété par Jean
Rochefort. Ce dernier fait jaillir de curieuses
sonorités des citernes d’une ville intemporelle.
Les accordant à son instrument, il s’engage avec
elles dans une longue procession. Tout décrit à la
perfection ce que ferait un céphale froid arpen-
tant les toits d’une cité.
Comme pour beaucoup de mondes urbains
sombres, cert aines références rev iennent
régulièrement pour leur esthétique singulière et
soignée : Metropolis de Fritz Lang, avec les fabu-
leux décors expressionnistes d’Otto Hunte ; La
Grève, Le Cuirassé Potemkine et Octobre de Sergueï
Eisenstein pour leur façon de représenter les révo-
lutionnaires ; la cité brumeuse et confinée du Dark
City d’Alex Proyas ; l’ambiance gothique des Sleepy
Hollow ou Sweeney Todd de Tim Burton, à qui l’on
doit aussi le Gotham des Batman, les personnages
surréalistes de Big Fish, Ed Wood, Beetlejuice ou
Edward aux mains d’argent ; l’univers poétique de
Caro et Jeunet, où le fantastique se révèle à par-
tir d’éléments quotidiens (Delicatessen, La Cité des
enfants perdus ou même le Fabuleux Destin d’Amélie
Poulain et Un long dimanche de fiançailles) ; la cité
futuriste et fasciste du Brazil de Terry Gilliam ;
enfin pour saisir toute la violence inhérente au
monde des traverses, une vision du Mad Max 2
de George Miller, du Seigneur de la guerre de
Franklin J. Schaffner et de La Chair et le Sang de
Paul Verhoeven peut s’avérer intéressante (pour
son approche des mercenaires).
Un film très vivement conseillé reste Les Fils de
l’Homme d’Alfonso Cuarón. Malgré le décalage
d’époque, l’ambiance du film représente exact-
ement ce à quoi la Toile doit ressembler : des
cités surpeuplées, une société violente, une forte
présence policière, des injustices multiples, une
apathie généralisée... Mais en filigrane, la nais-
sance d’un espoir et la volonté de se battre pour
lui. Les arrière-plans fourmillent de détails dont
les conteurs peuvent s’emparer pour donner vie
à leurs descriptions.
‌Bandes dessinées
Pour une approche plus visuelle, certaines
bandes dessinées peuvent être considérées
comme des incontournables. Le cycle des Cités
obscures de Benoît Peeters et François Schuiten
décrit un monde urbain, riche et étrange à
explorer. Le Pont dans la vase de Sylvain Chomet
et Hubert Chevillard dépeint à la perfection les
traverses et le dogme scientiste des Loges.
Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut encore
citer Albatros de Vincent ; Le Codex angélique de
Thierry Gloris et Mickaël Bourgouin ; Le Cycle
d’Ostruce de Nicolas Pona et Christophe Dubois ; Le
Fond du monde de Éric Corbeyran et Denis Falque ;
From Hell d’Alan Moore et Eddie Campbell ; Le
Régulateur d’Eric Corbeyran et Marc Moreno ;
Le Réseau Bombyce d’Eric Corbeyran et Cécil ;
Thanéros de Claude Carré- Denis Parent et Eric
Larnoy…
Musique
Une partie d’Écryme dégage une certaine
ambiance, mélancolique et désabusée, qu’une
utilisation judicieuse de la musique permet de
retranscrire autour de la table.
Certains compositeurs de musique classique
sont parfaitement dans le ton du jeu : Berlioz,
Chopin, Fauré, Schubert, Debussy…
Concernant les bandes originales de films,
nous conseillons celle de Dolores Claiborne de
Danny Elfman (compositeur de presque tous les
films de Burton cités précédemment), les parti-
tions de James Newton Howard pour les films de
M. Night Shyamalan (6e Sens, Incassable, Signes, Le
Village, La Jeune fille de l’Eau, Phénomènes, le Dernier
Maître de l’Air), celles de Philipp Glass en partic-
ulier The Hours et L’illusionniste ou celles de Hans
Zimmer (et James Newton Howard déjà cité)
pour des films tels que la trilogie des Batman,
les Sherlock Holmes...
Composées dans des arrangements mini-
malistes, les bandes originales des jeux vidéo
Arcanum : Engrenages et Sortilèges de Ben Houge,
Journey d’Austin Wintory et Child of Light de Cœur
de Pirate répondent à ces critères ; de même que
la musique captivante de l’animé japonais Le che-
valier d’Éon signée par Ooshima Michiru.
Enfin, plusieurs artistes francophones contem-
porains ont inspiré notre écriture : Noir Désir,
Saez, Dionysos, Eiffel et Mano Solo…
33
 IIIe PARTIE


DE LA BALLADE À LA GESTE

 ‌ Ù L’ON ABORDE
O
LA COMPOSITION DES BALLADES
‌Structure des ballades
De manière générale, les ballades officielles
seront décrites selon le même modèle.
Le titre sera suivi d’un court texte explicatif
permettant de situer l’intrigue. Au minimum,
le niveau de jeu et le contexte (place dans une
geste, lieu de l’action…) y seront indiqués.
Une fois cette courte présentation passée, les
éléments clés de la ballade seront introduits : le
synopsis (où les axes et les enjeux de la ballade
sont survolés), l’intrigue (où les dessous de l’af-
faire sont explicités) et l’implication des per-
sonnages (où des pistes permettent d’inciter les
joueurs à agir).
La mise en place de la ballade se terminera
par la revue des différents protagonistes et lieux
nécessaires au bon déroulement de l’intrigue.
Ensuite, la plus grosse partie du texte s’em-
ploiera à détailler les scènes jusqu’aux conclu-
sions possibles.
Pour les lecteurs ayant déjà pratiqué le jeu de
rôle, cette structure est légèrement plus longue
et moins littéraire que celles qu’on trouvait par
exemple dans la première version du magazine
Casus Belli. Elle réunit cependant tous les élé-
ments de manière plus pratique et ergonomique.
Si elle rend la lecture moins fluide, elle permet
donc de retrouver des informations plus aisé-
ment en cours de partie.
Dans une ballade d’Écryme, les vignettes sont de
deux natures :
Les vignettes d’aventure servent à apporter
des éléments scénaristiques significatifs en lien
avec l’histoire.
Exemples :
Si les personnages enquêtent sur une traite
de citadines, la vignette peut montrer un noble
marchand anonyme négociant avec un sei-
gneur traversier l’achat d’esclaves. Votre groupe
pourra rencontrer ces deux protagonistes plus
tard. L’effet sera d’autant plus saisissant si vous
avez pris soin de préciser un détail physique
caractéristique.
36
Si les personnages affrontent un puissant adver-
saire, une vignette pourra le montrer, vers la fin
de l’aventure, montant à bord d’un dirigeable
cuirassier qui a été affrété militairement. Dans
une ballade ultérieure, il attaquera les person-
nages à bord de cet engin de mort.
Les vignettes d’ambiance mettent en lumière
des éléments intéressants du quotidien de la
Toile, qu’il s’agisse d’un protagoniste se livrant
à une activité singulière ou un objet étonnant…
Elles permettent ainsi d’illustrer un élément de
background digne d’être mis en valeur.
Exemples
Cet ouvrier que les personnages ont interrogé
et qui avait l’air suspicieux, dans une vignette
spécifique, rentre chez lui chargé d’une robe
somptueuse qu’il offre à sa femme, avant de l’in-
viter à dîner. Surprise, elle lui demande où il a
obtenu l’argent nécessaire. En riant, le mari lui
dit que c’est un cadeau du patron en raison de
son travail assidu. Plus tard dans la partie, dans
une autre saynète, il avouera, ivre, à un collègue,
qu’il a piqué dans la caisse du syndicat.
Une courtisane magnifique, adulée par la haute
société, présentait quelques marques au visage
qu’elle s’efforçait de cacher. Une vignette la mon-
trera avec le père de son enfant, alors qu’il s’apprête
à battre ce dernier. Courageusement, elle s’inter-
pose et prend une volée de coups à sa place…
Comme les conseils de mise en scène, les
vignettes prendront place dans les marges. Il sera
toujours fait mention de leur nature (d’aventure
ou d’ambiance).
‌Les vignettes
‌
Dans l’écriture théâtrale, cinématographique
ou télévisuelle, les vignettes sont des scènes évoca-
trices qui se focalisent brièvement sur un person-
nage, un objet ou une action dans le but de donner
aux spectateurs des informations que les protag-
onistes principaux ignorent. Transposé dans
une partie de jeu de rôle, ce procédé permet de
s’adresser aux joueurs plutôt qu’aux personnages
et de créer du méta jeu (et non pas du hors-jeu).
Celui-ci est un élément positif, car il peut apporter
de la tension quant à l’issue des événements ou
des indices infimes sur le déroulement de l’affaire. ‌Faits et gestes
Il maintient une ambiance prenante autour de la
‌ es encadrés intitulés Faits et gestes
D
table en piquant la curiosité des joueurs. Il permet
apparaîtront dans la majeure partie des
également de faire vivre le monde, rompant ainsi
ballades officielles. Ils donneront aux
avec l’impression illusoire des joueurs que leurs
conteurs des moyens d’enrichir tel ou tel
personnages naviguent au centre de l’intrigue et
point de background ou de l’histoire qui n’a
de la Toile.
pu être pleinement développé. Souvent, il
s’agira d’une piste annexe qu’il n’est pas né-

‌Les éléments clés cessaire de suivre, mais qui peut être évo-
quée par l’un des personnages et/ou mise
en avant par le conteur.
Certains personnages, événements, organisa- Ce type d’encadré laissera toujours une
tions ou même lieux interviendront ultérieure- certaine part de liberté aux conteurs afin
ment dans les scénarios officiels. Ces éléments qu’ils puissent relier des scénarios entre
cruciaux seront indiqués en gras dans le texte eux, s’ils le désirent, et développer leurs
et suivis d’un code lettre (E, C, B, A), ainsi que propres campagnes. Par exemple, un objet
d’une valeur numérique (0, 1, 2). ne sera pas décrit précisément, ou alors
Les lettres indiquent le niveau de jeu (Écryme, il sera décliné sous plusieurs formes, de
Céphale, Bohème, Amertume). Elles servent à même que son contenu. Par exemple, il
préciser en un coup d’œil la connaissance des pourra s’agir d’un texte ésotérique dont le
secrets qu’il faut maîtriser afin d’en comprendre message exact ne sera pas formulé. Ce do-
pleinement le sens. cument permettra d’aiguiller vers un com-
La valeur numérique indique le degré de plot, des armes renégates ou des décou-
liberté laissé aux conteurs. vertes céphaliques atypiques. Bref, tout ce
Un 0 signifie que l’élément est d’une impor- qui pourrait être nécessaire pour greffer
tance capitale dans le suivi officiel du jeu. Le une autre ballade qui permettra de déve-
modifier vous éloignera de ce que la gamme pro- lopper cette piste... jusqu’à en faire une vé-
posera et demandera des efforts conséquents ritable geste inextricablement liée de bout
pour y remédier. Même si le descriptif corres- en bout. Pour les conteurs occasionnels,
pondant au code vous semble anodin, il n’en ces encadrés serviront de fausses pistes et
sera rien. Par exemple, un second rôle pourrait de moyen d’enrichir davantage l’univers
se transformer en grand méchant. d’Écryme.
Un 1 indique que cet élément sera employé
ultérieurement. Le modifier reste possible, mais
nécessitera un léger développement de la part
du conteur pour raccrocher les wagons vis-à-vis des permettre aux joueurs de découvrir quel est le
aventures officielles. Cela se rapporte à un pro- plan du ministère de la Guerre.
tagoniste qui n’est pas central, une invention qui
constituera l’amorce d’une autre ballade, etc.
Un 2 correspond à un élément périphérique
dont la destinée repose entre vos mains. Une
fois ce dernier décrit aux personnages joueurs,
il ne cessera d’évoluer et de prendre de l’im-
portance en fonction de vos idées. Un parfait
exemple serait un plan découvert dans les locaux
du ministère de la Guerre antipolien. Lors d’une
ballade ultérieure, les personnages découvriront
qu’il s’agit d’une carte des égouts d’une cité pen-
tapolienne qui met en évidence certains endroits.
Un ratier ou un urbatech leur apprendra qu’il
s’agit de différents piliers de soutènement. Enfin,
vous devrez trouver une issue à cette enquête et

37
 ‌OÙ LA BALADE D’UN TROUBADOUR
MUET EST INTRODUITE
L
a théorie présentée, il est temps de pas-
ser à la pratique avec le synopsis de la
geste intitulée La balade d’un troubadour
muet. Cette geste a pour objectif d’ame-
ner les personnages à devenir céphales
et de passer au niveau de jeu éponyme.
Bien qu’elle se suffise à elle-même, nous
tenterons d’y inclure certains éléments
des gestes ultérieures afin d’amorcer le passage
aux niveaux de jeu suivants. Par la suite, les bal-
lades officielles s’étaleront au fil des supplé-
ments. Toutefois, celles contenues dans le présent
ouvrage forment un tout cohérent et permettent
de révéler aux joueurs l’intégralité des secrets
contenus dans le cycle romanesque de Bohème
écrit par Mathieu Gaborit.
‌ ù le ton de la geste
O des pantins, de parfaits soldats que l’on pouvait
est donné (intrigue)
La peur, la coercition, les tabous n’ont jamais
empêché l’attraction des hommes pour l’écryme.
Intuitivement, ils ressentent que cette dernière est
reliée à leur être et ne peuvent se défaire de son
attraction. Sciences renégates, alchymie, cépha-
lie, cultes divers, la Propagande lutte contre cet
appétit néfaste, mais ne parvient pas à l’endiguer.
Parfois, les métropolites l’apaisent comme c’est le
cas en Antipolie et dans le Lansk où les actions
secrètes des popes noirs coordonnent leurs efforts.
Mais en Pentapolie, cette soif de connaissance les
déborde. Ne pouvant la combattre, les métropo-
lites pentapoliens ont donc tenté des manières de
la contrôler à de nombreuses reprises. L’une de ces
expériences trouva un terreau fertile à Démos et
fut dissimulée derrière une organisation fictive :
la Loge des effluences.
Officiellement, cette Loge hippocratique gérait
un orphelinat sous la tutelle des ministères de la
Subsistance et de la Propagande. Officieusement,
sous la supervision des métropolites, des expé-
riences sur les enfants y étaient pratiquées, des
manipulations visant à modifier la personnalité
par procédé scientifique : lavages de cerveau,
38
hypnoses, drogues, privations, programmes
éducatifs…
L’objectif de la Propagande pentapolienne
était de donner naissance à des êtres hors du
commun, des individus destinés à faire partie
de l’élite citoyenne. Le système d’apprentissage
était tellement élevé qu’il y a peu de chance qu’il
puisse être égalé un jour. La volonté affichée était
de créer des êtres dénués d’émotions, affranchis
du stress, de la peur, du doute ; libérés même de
l’influence de l’écryme. Ils devaient être capables
de prendre la meilleure décision en un minimum
de temps, d’être totalement imperméables à la
céphalie. Ce qui émotionnellement leur était
retiré, ils le comblaient par un savoir froid et
scientifique. Les enfants qui ne résistaient pas au
conditionnement psychologique devenaient alors
envoyer à la mort sans scrupule.
Les premiers spécimens dépassaient toutes les
espérances. Sans en comprendre exactement
la raison, les scientistes parvenaient à vider les
enfants de leurs émotions et à les remplacer par
des courants émotionnels parcourant l’écryme. Le
plus souvent, les petits étaient liés à une émotion
en particulier qu’ils parvenaient à contrôler de
manière intuitive. Les liens se firent avec des senti-
ments tels que la soif de connaissance, la curiosité,
l’ardeur, la constance… Ces derniers étaient géné-
rés par les scientistes, car, si certains enfants deve-
naient imperméables aux émotions, leurs bour-
reaux, eux, ne l’étaient pas et ils ne désiraient pas
être submergés par des émotions négatives.
Hélas, le déroulement du programme fut per-
turbé par un gros imprévu. Les adultes prirent
rapidement plaisir à manipuler les orphelins
comme des rats de laboratoire. Ils les rassem-
blaient par petits groupes afin d’étudier préci-
sément leurs réactions face aux conflits et face
aux autres. Ils nourrissaient leur haine afin de les
insensibiliser, de ne laisser dans leur esprit aucune
place à la pitié ou à la compassion. Ils pensaient
abolir le désespoir, la haine, les pulsions de mort,
de meurtres et tous les penchants effroyablement
humains par lesquels l’homme se damne. Sans le
vouloir, ils favorisèrent leur essor. Leurs exactions
finirent par laisser un jeune garçon complètement
vide. Ce vide fut rempli par l’Amertume.
À partir de ce moment précis, tout s’accéléra.
Les jeux devinrent cruels et injustes. Le peu de
solidarité unissant les enfants vola en éclats.
La situation dégénéra complètement en moins
d’une semaine jusqu’au suicide du grand maître
de la Loge. Les éducateurs se battirent même
pour savoir qui allait reprendre la direction. Des
enfants comme des membres de la Loge s’échap-
pèrent… Certaines plaques commencèrent à en
parler avant d’être muselées par la Propagande.
Les métropolites durent d’ailleurs intervenir
pour faire disparaître toutes les preuves ; sau-
vant ce qui pouvait encore l’être et massacrant
les personnes atteintes par la folie ambiante. La
Propagande et la Subsistance finirent par étouf-
fer toute l’affaire.
Mais certains membres de la Loge avaient réussi
à fuir avec les dossiers. Pire encore, l’enfant par qui
tout était arrivé s’était lui aussi enfui ! Les métro-
polites voulaient mettre la main sur les uns comme
les autres pour, à terme, retenter l’expérience.
Aujourd’hui, les orphelins rescapés ont tous un
point commun : le sentiment auquel ils étaient
liés s’est estompé et ils sont incapables d’éprou-
ver de vraies émotions. Ils jouent donc des rôles,
affichant un sourire de façade ou mine déconfite
savamment travaillée. Les adultes, quant à eux,
sont sujets à de terribles cauchemars, certains
plus réguliers que d’autres. Tous se rappellent le
sourire malsain de ce jeune garçon…
‌ ù les joueurs suivent
O maître de parcourir la Toile pour mettre fin aux
les pas du troubadour
muet (implication)
Le métropolite Anthelme Pelleterat fut l’un des
derniers enfants à s’être enfui de l’orphelinat des
effluences pour gagner l’Antipolie. Pendant de
longues années, il tenta de vivre comme les autres
puis, échouant, se contenta de les mimer. Malgré
tous les efforts pour exprimer ses sentiments, il
ne parvint jamais à se lier vraiment à une per-
sonne. Ses sourires passaient, au mieux, pour des
rictus. Son incapacité à ressentir quoi que ce soit
l’empêchait de donner un sens à sa vie. Il ne put
assimiler les concepts de fierté, d’espoir ou de
dévouement… Face à son échec, il décida de dis-
simuler sa froideur comme ses origines en deve-
nant métropolite. Il aurait pu finir sa vie dans
l’anonymat si deux événements n’étaient pas
venus troubler sa routine.
Le premier fut sa rencontre avec un céphale
nommé Baptiste Merville. Alors qu’il était censé
mettre fin aux agissements d’un criminel aux
yeux de la Propagande, le métropolite Pelleterat
préféra l’étudier. Naquit alors une association
mutuellement intéressée des plus étranges (nous
ne pouvons pas parler d’amitié). Le céphale
découvrit un élève extrêmement doué, confi-
nant au génie. En effet, à l’instar d’une éponge,
Anthelme était capable d’emmagasiner un grand
nombre d’émotions et d’y rester imperméable
jusqu’à ce qu’il les (re)libère, ce qui l’immu-
nisait de facto aux risques de contrecoups. De
plus, en se gorgeant des ressentis d’autrui, il pou-
vait entrapercevoir des souvenirs. Ces instanta-
nés d’autres personnes lui permirent d’enrichir
sa compréhension des hommes pour mieux les
mimer. En échange, il veillait sur Merville, l’aler-
tant en cas d’enquête ou lui transmettant des
informations précieuses.
Les guerres d’Acr y monie, second événe-
ment d’importance pour Anthelme Pelleterat,
mirent dans les mains du métropolite de nom-
breux rapports secrets concernant les activités
de la Pentapolie. L’étude de ces dossiers lui per-
mit de découvrir que les activités de la Loge des
effluences n’avaient jamais été stoppées. Elles
étaient disséminées, plus discrètes, mais plusieurs
membres avaient repris diverses études à Théoric,
Démos, Éole, Sérone et même Venice. Il ne fallut
pas longtemps à Anthelme pour convaincre son
agissements des disciples de la Loge. Merville,
quant à lui, voyait surtout un moyen de former
d’autres céphales d’exception.
Anthelme Pelleterat déserta donc la Propagande
pour retourner en Pentapolie. En remontant son
passé, il découvrit qu’il n’était pas le seul à agir
de la sorte. Une autre personne, un jeune enfant,
le précédait souvent et massacrait chaque tortion-
naire, chaque martyr, tout individu ayant un lien
avec la Loge des effluences. Le modus operandi,
extrêmement particulier, était toujours le même.
L’enfant incitait sa victime à commettre un acte
épouvantable qui impliquait ce qu’il avait de plus
précieux (tuer sa famille, son employeur, ruiner
sa réputation, trahir sa cause), puis à mettre fin
à ses jours. Les enquêteurs qui n’expliquaient pas
ces actes déments évoquaient le plus souvent la
folie. Aux yeux de tous, les coupables étaient des
personnes sans histoire, respectées et peu sujettes
à la violence, à l’irrationalité. Ils n’avaient aucun
39
 mobile apparent. Ceux qui ont pu être arrêtés
étaient tous convaincus de la logique de leurs
actes. Eux aussi finissaient par trouver cependant
un moyen de mettre fin à leurs jours. Anthelme y
voyait bien là l’héritage des effluences.
Pendant deux longues années, avec plusieurs
apprentis et Baptiste Merville, il traqua cet
enfant et tenta de protéger les personnes liées
à la Loge. Impliqué corps et âme dans sa quête,
il négligea son cercle céphalique ce qui per-
mis à l’enfant possédé par l’Amertume d’entrer
en contact avec l’un des siens. Après quelques
heures, l’anence du groupe fut détruite par ce
jeune apprenti céphale et le massacre du groupe
débuta. Anthelme retrouva la majorité des corps
sauvagement abattus, l’assassin mort après avoir
avalé de l’écryme. Les autres, dont celui de
Baptiste Merville, avaient disparu, sûrement jetés
dans l’acide. La situation était telle que pour la
première fois de sa vie, le métropolite Pelleterat
éprouva de la peur et de la haine. Aujourd’hui
encore, il est hanté par l’idée que sa survie n’est
due qu’à un caprice de sa proie.
Sa traque se poursuivit pourtant, mais de
manière légèrement différente. S’il continuait
à pousser les victimes des effluences à devenir
céphales, il ne les reliait plus à sa nouvelle anence.
En effet, dans sa lutte contre l’Enfant, il sacrifia
son utopie en collectant les sentiments les plus
néfastes comme la haine, la rancœur, la peur qui
étaient plus puissants et plus destructeurs. Il espé-
rait en emmagasiner une quantité impression-
nante pour déployer des effets dévastateurs lors
de l’affrontement final. Et relier d’autres gens à
ce véritable trou noir émotionnel aurait signé leur
mort immédiate. Il se mit donc à pousser les per-
sonnes liées aux effluences à suivre ses traces et
à redécouvrir leurs origines de leur propre côté.
Parmi ces personnes figurent les personnages
joueurs.
‌ ù l’on esquisse
O
l’itinéraire d’un enfant
gâté (synopsis)
Afin de contrer l’Enfant, l’idée d’Anthelme
est simple : il va poursuivre sa quête tout en for-
mant un nouveau groupe de céphales liés aux
effluents. Pour cela, il mettra tout d’abord sur
leur route des indices qui les pousseront à enquê-
ter sur des sujets proches de la céphalie afin
qu’ils en découvrent les tenants et les aboutis-
sants. Ensuite uniquement, il les plongera dans
sa lutte. Pour les réunir, il va leur forcer la main.
Il les amènera à embarquer à Méthalume dans le
Transécryme, le plus souvent en les manipulant
ou en utilisant ses pouvoirs de persuasion (voir
les flashbacks d’Hodologie à rebours).
Dans ce train mythique, le métropolite en exil
escorte une jeune fille extraordinaire qui abrite
en elle un courant de nostalgie (voir La Fillette
ci-après). Le métropolite compte se servir d’elle
pour troubler son adversaire. Son plan subit

‌C’est parfait tout ça, mais…

‌ vous avez déjà créé les personnages de vos joueurs et leur historique se prête difficilement
…
à cette campagne. Il est en effet plus pratique que les joueurs aient, dès la conception de leur
alter ego, intégré certains éléments de background nécessaires à leur implication. Encouragez-
les au moins à laisser des points d’ombre sur eux-mêmes, ou alors leurs parents, leurs men-
tors, etc. Exploitez tous les points d’ombre laissés par un joueur : son ami imaginaire de son
enfance l’était-il vraiment ? L’homme qui lui a servi de conseiller durant des années était des
plus taciturnes et pourtant il jouissait d’une empathie extraordinaire. Pourquoi et comment
a-t-il fait pour disparaître en une nuit ? Le précepteur du personnage avait des drôles de mé-
thodes mnémotechniques, etc.
Les personnages n’ont pas forcément besoin d’être des anciens orphelins ou des enfants de pen-
sionnaires (ou de gardiens). Ils n’ont pas même besoin d’avoir subi de traumatismes. Avoir été
intimement lié à une personne au contact des effluents peut suffire à attacher le personnage à
un courant d’émotion et donc à cette geste. Les héritiers de la Loge des effluences ont un très
vaste panel d’activités et peuvent se trouver n’importe où. En effet, les guerres d’Acrymonie
ont permis aux effluents comme à leurs cobayes de se disperser à travers toute la Toile.

40
toutefois un premier imprévu, car l’Enfant lui
tend une embuscade dans le Transécryme (voir
Hodologie à rebours), puis le train, victime d’une
avarie, s’arrête dans le bourg de Sableryne (voir
Escale à Sableryne). Les deux fois, il s’en pren-
dra à la Fillette, ne supportant pas de partager
Anthelme, sa proie, avec quelqu’un d’autre. Ces
deux éléments permettront à Anthelme d’ap-
prendre à faire confiance aux personnages et
à la Fillette de se lier à eux. Il faudra attendre
Méandre pour qu’Anthelme puisse réellement
entamer sa quête initiatique (voir Le pas chaloupé
du Métronome). Là, avec votre groupe, il tentera
de comprendre les meurtres d’un tueur en série.
À nouveau, le garçon possédé par l’Amertume les
a précédés et efface sur son passage les traces de la
Loge des effluences. Pour réaliser son plan macabre,
il a donné vie à un monstre attiré par les personnes
capables de générer un lien avec l’écryme. Enfin,
Méandre, victime des affres du tueur en série, som-
brera peu à peu dans une panique telle que la peur
des habitants fera émerger à son tour une créature
de l’écryme (voir L’ombre du Métronome).
Conscient des risques qu’il fait courir aux per-
sonnages et à la Fillette, Anthelme protégera ce
qu’il considère comme ses meilleurs atouts en
les abandonnant sans formation ni information Les céphales en devenir qu’il laisse sur son che-
supplémentaire. Une fois ses premières graines min sont la seule faille à sa détermination. En
semées, il se rendra à Venice pour irrémédiable- effet, privé de repères, ayant du mal à appréhender
ment placer les personnages au centre de sa toile. les concepts de bien ou de mal, Anthelme s’inter-
roge parfois sur la légitimité de ses objectifs. Agit-il

‌ ù l’on s’attarde sur les

O pour la bonne cause ou simplement pour combler
différents protagonistes
‌‌ Métropolite Anthelme
C moque complètement. Sa quête est son moteur,
Pelleterat (C0)
Depuis la disparition des céphales liés à son
anence, Anthelme est hanté par la mort. Pire, il
est obsédé par l’incertitude, se demandant sans
cesse si cette peur vient de lui ou des contrecoups
subis par son anence. Il est toutefois encore plus
obnubilé par l’envie d’accomplir quelque chose
de valable à ses yeux, de trouver un but à sa vie. Ce
but, il se l’est fixé en pourchassant pour mettre
fin aux expériences des héritiers de la Loge des
effluences. Qu’importe s’il y a des dommages
collatéraux, il avance avec l’implacable froideur
d’un homme sans émotion. S’il y a des victimes,
il les entraîne dans sa course contre son passé,
tentant de les rallier à sa cause.
un vide en lui ? Ne pouvant trouver la réponse
seul, il étudie souvent les réactions des personnes
à sa suite afin d’y trouver une justification.
Conseil d’interprétation : Anthelme est froid. Il
pense, espère, faire le bien, mais au fond s’en
elle le pousse à avancer et à continuer de vivre.
Qu’importe le mal qu’il fait. Au début, rendez-le
aussi antipathique, froid et distant que possible.
Mais laissez affleurer de temps à autre son atti-
tude singulière et ambivalente envers les person-
nages, dont il a besoin et à qui il peut rendre
service.
Apparence : De prime abord, Anthelme res-
semble à une car icat ure de mét ropolite.
Toutefois, un examen plus rigoureux fait naître
un sentiment de mal-être. L’observateur est, en
effet, frappé par son visage inexpressif, sa froi-
deur absolue. Entre deux âges, le teint pâle, les
yeux bleus tirant sur le gris d’une intensité dif-
ficile à soutenir, le corps dissimulé sous le lourd
pardessus d’un métropolite, les cheveux poivre et

41
 sel plaqués sous un haut-de-forme noir… Rien ne
semble pouvoir l’atteindre.
Apparition durant la geste : Anthelme Pelleterat
apparaîtra sous les traits du Métropolite Melchior.
Caractéristiques : Sang-froid absolu (+3), écha-
fauder des plans à long terme (+2), incapable de
jouer la comédie (-2) en mimant la sympathie par
exemple, parfois candide (-1), Obsession pour sa
quête (Idéal), Faillir à sa vengeance (Spleen).
Physique : Athlétisme 3, Conduite 3,
Escrime 3, Pugilat 2, Tir 4.
Mental : Anthropo-mécanologie 4,
Écrymologie 6, Traumatologie 6,
Traversologie 6, Urbatechnologie 6.
Social : Argutie 3 (interrogation +4),
Créativité 2, Faconde 2, Maraude 5 (ob-
servateur +2), Représentation 1.
Céphalie : Entéléchie 4, Psyché 6.
Anence : L’anence d’Anthelme est composée de ses vête-
ments (chapeau, chemise, manteau qui se complexifient
au fil des ans). Dorénavant, elle est totalement corrom-
pue par les sentiments négatifs tels que la peur, la ran-
cœur, la haine, le désespoir et la nostalgie. Pour chacun
de ces cas, elle lui apporte un bonus de +4. En contre-
partie, toute personne douée d’un minimum d’empathie
risque de ressentir ces émotions.
de cerveau, l’hypnose, les drogues, les priva-
tions, les effets de l’écryme, les cas de réincar-
nation… Chacun échange ses résultats avec les
membres qui lui sont connus et propose à son
tour des modifications à apporter aux tests. Les
expériences sont de tous types, allant de la simple
observation à la torture. La seule constante est,
qu’avec le temps, tous finissent par se convaincre
que leurs découvertes leur donnent un droit de
vie et de mort sur leurs semblables.
Il ne faut pourtant pas se fier aux apparences : ce
réseau a bien une structure définie. Il ressemble
à une toile d’araignée au centre de laquelle se
trouve l’enfant habité par l’Amertume.
‌C L’Enfant (A0)
Les expériences menées par les effluents ont
brisé l’esprit de beaucoup d’enfants. L’un deux,
moins chanceux que les autres, a fini par n’être
qu’une coquille vide, un être perdu qui pour sur-
vivre à laisser entrer en lui un courant d’Amer-
tume. Ce courant émotionnel, déjà extrêmement
puissant au sein de la Toile, a pris alors dans le
corps de l’enfant un caractère plus égoïste, plus
joueur. Ce dernier pousse les scientifiques à s’en-
gager de plus en plus loin dans l’horreur afin
de les corrompre irrémédiablement. Le plus sou-

CLes héritiers de la
vent, ses victimes deviennent folles et finissent par

Loge des effluences (C1)

La Loge des effluences a été totalement dissoute
suite au désastre de l’orphelinat démocrite.
Pendant un temps, la Propagande a interdit
et traqué tout ressortissant de ce programme.
Toutefois, avec le temps, certains fonctionnaires
ont envisagé sa remise en œuvre dans un cadre
plus structuré, mieux contrôlé. De même, les
anciens scientistes-précepteurs ont œuvré dans
l’ombre afin de parfaire les théories qu’ils avaient
envisagées à l’époque. Les guerres d’Acrymonie
ont permis à nombre d’entre eux d’effacer leur
passé et de regagner en crédibilité. De renégats,
ils ont donc désormais le droit d’agir en plein
jour. De leurs longues périodes de clandestinité,
ils ont également tissé de nombreux contacts avec
d’autres scientistes renégats tels que les héritiers
de l’Affrevie.
De prime abord, les effluents ne forment donc
pas une société très structurée et n’ont aucune
hiérarchie définie. Il s’agit pour l’instant d’un
réseau d’érudits expérimentant de manière iso-
lée tout ce qui a trait à l’éducation et l’endoc-
trinement. Ils étudient donc pêle-mêle le lavage

42
mettre fin à leurs jours. Celles qui parviennent à
survivre perdent toute humanité.
L’Enfant n’a pas d’objectif à long terme. Dans
l’instant, il aime se nourrir de l’amertume que ses
actions provoquent. Inconsciemment, ses actions
l’orientent vers la création d’êtres semblables à
lui, aussi corrompus. Atteindre cet objectif ne
l’amuse pourtant guère, ce qui lui plaît, c’est
la lente déchéance qu’il provoque, comme un
enfant s’amuserait à mutiler des insectes et, une
fois tués, s’en lasserait.
Conseil d’interprétation : l’Enfant doit rester au
maximum une menace latente, un être que les
personnages ne croisent jamais ou de loin. Il
doit essentiellement apparaître dans les dires
des témoins qu’ils rencontrent, dans des paroles
mêlées de terreur ou d’admiration, à moins que
ce ne soit les deux.
Apparence : l’Enfant conserve à jamais les traits
d’un garçon de quinze ans. Blond, il évoque
l’innocence pour ceux qui le regardent sans y
prêter attention. Ceux qui le dévisagent voient
en lui le regard froid et cruel d’un adulte. Ses
mâchoires, sa position, tout évoque en lui une
autorité naturelle.
Apparition durant la geste : comme expliqué,
l’Enfant doit apparaître en filigrane, évoqué,
mais jamais vraiment croisé.
Caractéristiques : Lié à l’Amertume (+3), com-
prendre et découvrir les secrets d’autrui (+1),
perdre la face ou voir ses plans contrariés (Spleen),
provoquer la rancœur et la colère (Idéal).
Physique : Athlétisme 1, Conduite 1,
Escrime 0, Pugilat 1, Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanologie 3,
Écrymologie 7, Traumatologie 8,
Traversologie 6, Urbatechnologie 8.
Social : Argutie 7, Créativité 6,
Faconde 8, Maraude 3, Représentation 6.
Céphalie : Élégie 5, Entéléchie 2,
Mekanë 2, Psyché 5, Scorie 3.
Anence : L’Enfant n’a pas d’anence.
Son corps en est une.
forment alors d’autres céphales et, parmi les plus
prometteurs, leur apprennent leur secret et aug-
mentent ainsi leur champ d’action. De manière
occasionnelle, ils se réunissent pour échanger
leurs expériences. Les diverses Propagandes
n’arrivent pas à endiguer le phénomène, cer-
taines pensant encore qu’il s’agit d’un individu
isolé.
Le Baptiste Merville qui a formé Anthelme
Pelleterat n’est pas mort. En aidant son protégé, il
a été corrompu. C’est lui qui a aidé l’Enfant à bri-
ser le lien créé entre lui et le reste de son cercle
céphalique, laissant croire à Anthelme qu’il était
mort. Son sort ainsi que celui de ses homonymes
est laissé à votre discrétion.
‌C Claire (C1)
Dans sa quête effrénée contre les effluents,
Anthelme Pelleterat a découvert une étrange
expérience réalisée par les popes noirs anti-
poliens. Ces derniers, cherchant à générer un
important courant d’indifférence, ont tenté de
détruire un courant de nostalgie. Pour cela, ils
l’ont redirigé vers une jeune femme. Ils pensaient
que l’émotion inciterait la femme au suicide et
qu’elle emporterait avec elle le courant de nos-
talgie. Toutefois, la jeune femme portait en son

‌‌ Baptiste Merville (C2)

‌C
Baptiste Merville n’a jamais existé. Il s’agit
en réalité d’un groupe de céphales désirant
expér imenter les pouvoir s des légendes.
Plusieurs céphales ont ainsi pris ce nom et se
sont ainsi dispersés au travers de la Toile afin
de créer le mythe d’un maître itinérant aidant à
faire la lumière sur les mystères de l’écryme. Ils

43
 sein un jeune embryon humain qui s’est lié au
courant d’émotion.
De manière spontanée, mais régulière, ce désé-
quilibre se reproduit formant une sorte de cycle
d’incarnations. Le stoïcisme fait place à un puis-
sant courant de nostalgie qui se lie à un embryon
puis grandit jusqu’à acquérir les traits d’une fil-
lette qui aura toujours la même apparence. Ainsi
arrachée à l’écryme, la nostalgie laisse place à
un stoïcisme dont les popes noirs exhalent et se
servent pour former de nouveaux métropolites,
enclenchant ainsi un nouveau cycle.
Anthelme Pelleterat pensait y trouver l’œuvre
d’un ancien membre de la Loge des effluences,
mais a découvert cette jeune fille si étrange et
compris sa nature. Ce n’est pas cette nouvelle
approche du clonage qui intéresse le céphale
mais plutôt la nostalgie, émotion employée
et liée à l’embryon. Il a kidnappé la Fillette et
s’est enfui avec elle sur les traces de son adver-
saire, car il désire s’en servir pour l’atteindre,
en espérant aussi le déstabiliser, voire réveiller
en lui des émotions écrasées par l’Amertume.
Toutefois, le métropolite comprend rapidement
que le corps humain de sa compagne, trop faible
pour accueillir une telle émotion, vieillit préma-
turément et se nécrose. La Fillette semble ainsi
condamnée à mourir à plus ou moins brève
échéance. Anthelme s’est donc engagé dans
une course contre la montre pour qu’ils se ren-
contrent. Baptisée Claire par Anthelme pour don-
ner le change, la fillette n’a en réalité pas de nom.
Conseil d’interprétation : l’esprit de la fille a été
balayé par une émotion qui n’a pas la place de se
développer. Toutefois, au contact d’autrui et en
particulier des personnages, dont le passé lié aux
effluents la touche instinctivement, sa personna-
44
lité va se complexifier. Elle développera une sorte
de mimétisme en essayant de les imiter jusqu’à
développer les germes de son propre caractère.
Pour elle, le métropolite est ce qui se rapproche
le plus d’un père, mais il sera bien vite remplacé
par les personnages.
Claire ne parle jamais. Parfois, elle regarde
fixement une personne la laissant en proie à une
terrible nostalgie. Globalement assez effacée, elle
alterne un comportement exempt de réaction
avec celui d’une fillette cherchant à comprendre
naïvement le monde qui l’entoure.
Apparence : D’apparence, cette fillette qui ne
quitte pas d’une semelle Anthelme paraît avoir
6 ou 7 ans et regarde les gens avec de grands
yeux bleus et tristes sans jamais parler. Blonde,
elle passe pour une enfant particulièrement
mignonne, mais timide. Parfois, elle tousse
démontrant ainsi sa faible constitution.
Apparition durant la geste : la Fillette, initia-
lement prévue par le métropolite pour lutter
contre l’Enfant, va se lier aux personnages au fur
et à mesure de la geste (voir La Fillette dans Où
l’on dénoue plusieurs fils rouges).
Caractéristiques : Nostalgie (+3), détachée du
reste du monde (+1), comprendre qu’elle n’est
pas comme les autres enfants (Spleen), ne pas
éprouver de nostalgie (Idéal).
Physique : Athlétisme 2, Conduite 0,
Escrime 0, Pugilat 0, Tir 0.
Mental : Anthropo-mécanologie 0,
Écrymologie 1, Traumatologie 0,
Traversologie 0, Urbatechnologie 1.
Social : Argutie 2, Créativité 3,
Faconde 6, Maraude 4,
Représentation 5.
 ‌OÙ DES CONSEILS DE MISE
EN SCÈNE SONT DONNÉS
Cette partie développe sans long discours les intentions derrière chaque élément qui vient d’être
évoqué afin que vous puissiez vous en servir au mieux.
‌La Loge des effluences
La Loge des effluences présente un triple inté-
rêt dans cette geste.
Elle lie Anthelme Pelleterat, l’Enfant et les
personnages.
Elle permet de différencier les personnages
du commun des mortels. L’idée est de les lier à
une émotion particulière qu’ils développeront
comme un trait. Les personnages sont, après
tout, des héritiers du savoir de la Loge et à ce titre
ont une relation particulière avec les émotions
de l’écryme. De par leur histoire, leurs actions
et leur comportement, n’hésitez pas à noter une
émotion qui collera plus à un personnage et
faites-la revenir régulièrement.
Les effluents permettent de mettre en scène
un complot qui, à chaque fois que ses plans sont
défaits, en dévoile un peu plus aux joueurs sur les
secrets de l’écryme, de la céphalie et du potentiel
ludique qu’ils offrent.
‌Anthelme Pelleterat
contre l’Enfant
La quête de vengeance contre l’Enfant est
vouée à l’échec pour l’unique raison que l’Amer-
tume est trop puissante. À la fin de cette pre-
mière partie de campagne, le métropolite aban-
donnera les personnages avec la Fillette (et donc
ses plans). Il jouera le rôle d’appât pour les laisser
évoluer plus librement. L’idée est de faire mourir
Anthelme face à l’Enfant au cours de l’Exposi-
tion transurbaine de Paris et de laisser ce dernier
à vos bons soins de conteur. Mis de côté pour un
temps, il constituera un excellent moyen d’intro-
duire le niveau Amertume.
‌Les enfants nostalgiques
D’autres filles, physiquement identiques à
Claire, ont fui l’Antipolie. Aliénées comme
la Fillette par un courant de nostalgie, elles
cherchent à retrouver leurs sœurs et à vivre en
paix. Il est possible que les personnages croisent
l’une d’elles au cours de vos ballades. Leur lien
avec les popes noirs permet d’introduire en dou-
ceur le niveau Bohème.
La Fillette, quant à elle, a un rôle à jouer. Pour
devenir céphales, des personnages déjà au fait de
la nature de l’écryme doivent ressentir une émo-
tion particulièrement intense à son contact. Se
faisant, un premier lien se crée avec l’écryme et
peut se reproduire plus facilement par la suite
(idéalement, le Spleen et l’Idéal serviront à créer
ce premier lien). Toutefois, la diversité des per-
sonnages nous empêche de couvrir tous les cas
de figure. Ainsi, si les personnages se lient à la
Fillette et que cette dernière meurt, alors il est
possible de considérer que l’équivalent du Spleen
s’est réalisé. Ils pourront alors devenir céphales et
débuter les aventures de niveau éponyme...
‌La Fillette
Les conseils qui suivent sont destinés à rendre
la Fillette attachante et vivante aux yeux des per-
sonnages et donc des joueurs. Gardez ces conseils
en têtes et mettez-les en scène ni trop souvent,
pour ne pas ennuyer vos joueurs, ni pas assez,
pour ne pas qu’ils finissent par considérer la
Fillette comme une pièce d’équipement.
Lui donner un nom est une étape très impor-
tante pour la Fillette comme pour les joueurs. À la
limite, vous pouvez même en faire un PJ jouable.
Jouez avec les Spleens et Idéaux de vos joueurs.
L’un d’eux a placé sa famille dans ses traits, cela
tombe bien, car la Fillette ressemble à sa jeune
sœur. Un autre cherche à venger sa femme, la
45
 Fillette lui rappelle ses rêves de fonder une
nouvelle famille. Elle peut également prendre
un trait de l’un des personnages et s’offusquer
pour les mêmes raisons que lui, rêver des mêmes
choses que lui, etc.
La Fillette possède deux facettes utilisables :
celle d’une enfant de 6 ans cherchant protection
et tendresse et celle d’une coquille où une émo-
tion s’est ancrée.
Pour la première, jouez sur la fibre paternelle/
maternelle des joueurs. S’ils lui donnent de l’af-
fection, elle leur rendra au centuple, les imitant,
leur faisant des câlins voire les soignant ou leur
préparant un repas. Plusieurs moyens sont bons
pour rappeler ce besoin d’amour. La jeune fille
peut chercher les bras d’une mère, être jalouse
d’une relation amoureuse d’un père de substitu-
tion, chercher l’attention par des farces…
Les pouvoirs de la Fillette sont également un
très bon moyen d’intéresser les personnages.
Elle comprend certaines choses qui échappent
au commun des mortels et peut ainsi vous ser-
vir à réorienter des personnages dans la bonne
direction au cours d’une enquête compliquée.
De même, si leurs actions la poussent à s’atta-
cher à eux, elle se servira inconsciemment de
son pouvoir pour les aider. Après tout, une per-
sonne réticente, voire hostile aux propositions
des personnages, peut bien plier sous l’effet de
la nostalgie.
N’hésitez pas à rappeler sa présence aux
joueurs. Elle joue à leur pied, leur prend la main
quand ils marchent, a peur d’une personne, a
faim, fait des cauchemars. S’ils ne lui donnent
pas assez d’attention, elle va devenir totale-
46
ment insupportable, ne voudra pas dormir ou
bien dans le même lit qu’un des personnages…
L’enfermer et la garder à l’écart du monde exté-
rieur est une grave erreur. En effet, même si
l’intention est louable comme la protéger de
tout risque extérieur, cela ne fera qu’accélérer
la nécrose de son corps. Seul l’entretien de son
lien avec les personnages permet de repousser
la nostalgie qui l’habite et donc de ralentir son
dépérissement.
S’ils tentent de se débarrasser d’elle en l’aban-
donnant dans un orphelinat, cette dernière ten-
tera de s’échapper et y parviendra si les person-
nages ne lui rendent pas visite. S’ils vont la voir,
les autres enfants seront tous déprimés et en
pleurs. Sa magie de la nostalgie lui attirera l’ini-
mitié des autres et en particulier des adultes.
Élément comique et attendrissant, elle permet
d’éviter de trop s’enliser dans les travers sombres
de la Toile. Elle n’hésite pas à imiter les person-
nages, qu’il s’agisse de leurs expressions ou de
leurs mauvaises habitudes. Elle permet aussi de
recadrer gentiment les joueurs. Employez-la,
par exemple, pour rappeler à un joueur faisant
une digression sur la vie réelle son expérience
de joueur de jeu de rôle… en plein milieu d’une
partie (C’est quoi un PNJ papa ?). Enfin, elle per-
met d’évoquer certains éléments typiques du
background aux joueurs comme, par exemple
l’hygiène, les jeux d’enfants, l’alimentation,
l’éducation…
Si les joueurs s’attachent à la Fillette, n’hésitez
pas à faire ressurgir sa maladie. Elle crache du
sang, a besoin de médicaments rares, d’un méde-
cin d’une Loge…
 ‌Aide de jeu
la jauge de la Fillette
‌Le rapport entre les personnages joueurs (considérés comme un tout) et la Fillette s’avèrera détermi-
nant pour la conclusion de cette geste. Il s’agira de le mesurer très précisément sur la jauge ci-dessous.
Cette dernière évoluera en fonction de l’attitude, des gestes et des paroles de votre groupe. Cette aide
de jeu devra être mise à jour fréquemment tout au long des aventures qui suivront.

Progression Échelle
Au début de la geste, le rapport se situe à 0 -11 à -12 : haineux (la Fillette agit ouverte-
sur l’échelle. ment contre les intérêts du groupe).
Pour passer au chiffre suivant (=1 point), -9 à -10 : méprisant (la Fillette rabaisse ce que
la progression sur la jauge se déroule en deux fait le groupe, a des gestes d’humeur et construit
temps. Lorsqu’une action susceptible d’affecter ses propres buts).
la Fillette est commise, il faut tracer un premier -6 à -8 : froid (la Fillette se coupe du groupe
trait en diagonale de gauche à droite dans la case et s’isole dans son coin).
suivante. En jeu, cela signifie que le sentiment
-3 à -5 : indifférent (la Fillette est déçue et
éprouvé commence à se modifier et s’amplifie
adopte une moue boudeuse).
légèrement. Dès qu’une seconde action digne
d’intérêt est commise, un second trait en diag- -2 à +2 : neutre (la Fillette observe le groupe
onale est tracé de droite à gauche pour former et analyse ses actions).
une croix. L’attachement ou l’hostilité croissent 3 à 5 : cordial (la Fillette apprécie le groupe
et évoluent significativement si le chiffre corre- et arbore une mine enjouée).
spond à un nouveau palier. 6 à 8 : amical (la Fillette s’intéresse à ce que
Chaque action sympathique permet de fait le groupe et manifeste des gestes d’amour)
cocher le nombre immédiatement supérieur sur 9 à 10 : fraternel (la Fillette éprouve un pro-
la jauge (=1/2 croix, cf. supra) : un mot gentil, fond attachement pour le groupe, elle est prête
du temps passé, de l’attention, de la compréhen- à prendre des risques pour lui).
sion, un moment complice, du pardon, etc.
11 à 12 : dévoué (la Fillette est prête à mettre
Les actions antipathiques auront l’effet sa vie en danger pour le groupe).
inverse : une moquerie, de l’impatience, un mot
dur, un geste violent, du désintérêt, etc.
Comprendre la nature de la Fillette et l’ac-
cepter telle quelle permet de cocher 3 cases
entières d’un coup et donc de progresser d’au-
tant. Si en revanche les personnages la rejettent,
la baisse est proportionnelle.
Attention, il ne faut pas oublier que les
sentiments des personnages joueurs évoluent
aussi ! Il faudra leur décrire l’attachement ou
l’agacement qui se développent et s’amplifient à
chaque changement sur la jauge.

-12 -11 -10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

haineux méprisant froid indifférent neutre cordial amical fraternel dévoué

47
48
49
50
51
52
Écryme
Hodologie
à
Rebours
 HODOLOGIE À REBOURS
Et si jamais la nostalgie te prend
Tu peux toujours imaginer le pire
- La nostalgie, Léo Ferré
C
ette première ballade inaugure la cam-
pagne officielle qui se prolongera dans les
futurs suppléments d’Écryme. Du niveau
éponyme, son objectif est de lier les per-
sonnages entre eux. Elle se prolongera
dans Escale à Sableryne. Avec Le pas cha-
loupé du Métronome et L’ombre du Métronome
qui leur font suite, ces aventures constitue-
ront une courte geste introduisant plusieurs élé-
ments qui prouveront aux joueurs l’existence de la
céphalie et leur dévoileront la nature de l’écryme.
Hodologie à rebours se déroule à bord du
Transécryme, train emblématique de l’univers
d’Écryme. Ce choix n’est pas anodin. Le voyage
symbolise en effet le début du périple initiatique
des personnages. C’est également l’occasion
de présenter les différentes factions de la Toile
aux joueurs (Loges, ghildes, konzerns, métro-
polites, culte de Malachine…) dans un univers
clos et de ne pas s’embarrasser d’intrigues poli-
tiques complexes dans des cités démesurées. À
la manière d’une série télévisée ou d’un film
choral (voir Mettre en scène des flashbacks), cette
aventure fonctionne avec une narration éclatée.
Elle introduit le passé des personnages dans des
flashbacks dédiés, ainsi que les raisons qui les ont
amenés à prendre le train et où certains destins
s’entrecroisent. Ces retours en arrière sont entre-
coupés de courtes scènes qui mettent en exergue
différents aspects du système de jeu.
‌Synopsis
Le Transécryme achemine ses passagers vers
Méandre, cité halle de Venice que les personnages
veulent rallier. Un à un, ces derniers sont pris de
nostalgie et se remémorent les événements qui
les ont conduits dans le train. Leurs chemins se
sont peut-être croisés sans qu’ils sachent vraiment
pourquoi. Au-delà de ces visions, ils se rendent
compte que l’ensemble des passagers du wagon
qu’ils occupent (voire du train) sont étrangement
liés autour de ce puissant sentiment. Que ce soit
ce mystérieux métropolite et la petite fille qui l’ac-
54
compagne, ce domestique servile obéissant aveu-
glément à un noble marchand ou cet ancien échas-
sier aux jambes brisées, si aimable, qui retourne à
la cité des doges... Ils n’ont toutefois pas l’oppor-
tunité de découvrir ce qui se trame. Le métropo-
lite est victime d’une tentative d’assassinat et la
Fillette se fait enlever par des hommes du Lys Noir.
Malheureusement, cet attentat n’est que le cadet
de leurs soucis. En effet, l’organisation anti-cita-
dine a placé plusieurs bombes à bord du train.
Mais ce n’est pas tout ; alors que le Transécryme
est lancé à pleine vitesse, il commence à montrer
de graves signes d’avarie.
‌L’intrigue
L’histoire débute dans le contexte de La balade
d’un troubadour muet décrit dans le Livre Troisième.
Dans sa quête effrénée contre les eff luents,
Anthelme Pelleterat a découvert l’existence de
l’Enfant et cherche à le détruire. Toutefois, son
adversaire en a pris conscience et joue avec lui,
tuant un à un tous ses compagnons. Un étrange
jeu du chat et de la souris débute alors. Pour obte-
nir vengeance, Pelleterat, sous l’identité du métro-
polite Melchior, réunit auprès de lui Claire, une
Fillette portant en elle un courant de nostalgie,
ainsi que des personnes ayant eu un lien avec les
effluents (les personnages). Il veut les étudier
durant le voyage et les lier à lui pour qu’ils l’aident
dans sa quête. Pendant plusieurs jours, un puis-
sant courant de nostalgie altère les sens des voya-
geurs qui se retrouvent dans un état psychique
propice à la rêverie et aux regrets, ce qui favori-
sera l’apparition des flashbacks.
Pressé par le temps, Anthelme n’a malheureuse-
ment pas remarqué le stratagème de l’Enfant. Ce
dernier est intrigué par Claire et commence à se las-
ser de la course-poursuite qu’il a lui-même initiée.
Il s’associe alors au Lys Noir. Contre la promesse
de lui ramener la Fillette, l’Enfant indique aux
terroristes un moyen de saboter le Transécryme :
empoisonner l’eau de la citerne de la locomotive
principale, provoquer de nombreuses avaries
et faire exploser le train au moyen de plusieurs
bombes dissimulées à des endroits stratégiques.
Trop heureux de porter un coup fatal à ce sym-
bole de la décadence marchande et citadine, Guy
de Lune (le chef du Lys Noir) accepte et embarque
plusieurs hommes à bord du train. Ces derniers
contaminent non seulement l’eau de la motrice
de tête, mais aussi celle que boit le personnel pour
amoindrir leur vigilance et créer une diversion.
Comme le prévoyait l’Enfant, l’intoxication de la
locomotive coupe le lien entre les conducteurs et
le reste du train (cf. Quatrième trame : l’empoisonne-
ment du Transécryme, page 82), ce qui enclenche
une série d’avaries. Les terroristes mettent alors
leur plan à exécution. Les personnages n’ont plus
que quelques heures pour retrouver les explosifs
disséminés dans les différentes classes.
‌L’implication
Cette ballade sert à impliquer les personnages
dans la geste à venir. Durant sa première partie,
leur présence dans le Transécryme est justifiée par
les différents flashbacks, où Anthelme est discrète-
ment intervenu. Au cours du voyage, il gardera un
œil sur votre groupe, jusqu’à ce qu’il soit malheu-
reusement victime d’un assaut du Lys Noir. Dépassé
par les événements, le personnel du Transécryme
demandera aux personnages de découvrir ce qui
se passe et d’y mettre un terme. Dans la mesure
du possible, le groupe devra enquêter discrètement
afin de ne pas inquiéter les autres passagers.
‌Conseils de mise en scène
De prime abord, l’action d’Hodologie à rebours
peut paraître décousue, mais il n’en est rien. Elle
rappelle les séries télévisées où le passé des prota-
gonistes est rappelé au fur et à mesure que l’his-
toire avance. Afin de mieux cerner les divers élé-
ments composant sa narration, ces derniers sont
présentés sous forme de trames distinctes. Pour
maîtriser cette ballade particulière, lisez-les atten-
tivement et songez à leur mise en scène. Si une
trame vous pose problème, retravaillez-la dans
le sens qui vous convient, en veillant à conserver
cependant les éléments permettant de découvrir
certains secrets importants.
Durant les parties-tests, Hodologie à rebours a duré
en moyenne deux séances de six heures. En fonc-
tion de l’importance que vous accordez aux flash-
backs, ce temps peut être raccourci ou rallongé.
Entre chaque séance de jeu, pensez bien à rappe-
ler les éléments clés que le groupe aura vécus, en
employant la même méthode que les séries télévi-
sées (Précédemment dans Écryme…). En évoquant les
flashbacks, axez sur la nostalgie ressentie. Centrez-
vous aussi sur les scènes et les indices que les joueurs
auront pu glaner. Si vous êtes pressé par le temps,
ne délayez pas trop les flashbacks. Allez plutôt à
l’essentiel (entre 1 et 2 heures par mini aventure).
Enfin, chronométrez la course visant à rechercher
les bombes laissées par le Lys Noir (1 heure envi-
ron, suivant vos joueurs et leur état de fatigue).
‌Les trames
‌Première trame : le voyage
Il s’agit de la trame principale, elle décrit les
événements tels qu’ils se déroulent sans l’action
des personnages. C’est autour de cette trame que
chacune des autres trames s’articule.
‌Seconde trame : les flashbacks
Ces aventures secondaires qui sont détaillées
dès la page 90 peuvent être mises en place de
manières très diverses. Elles permettent d’expli-
quer la présence de chaque personnage à bord
et apportent des indices sur les agissements pré-
alables d’Anthelme Pelleterat.
‌Troisième trame : les agissements du Lys Noir
Au nombre de cinq, les terroristes disposent
chacun d’une bombe qu’ils placeront à différents
endroits du train. Ils sont responsables des ava-
ries du Transécryme et du kidnapping de Claire.
‌Quatrième trame : l’empoisonnement du Transécryme
Cette trame introduit une dimension fantas-
tique en montrant les conséquences surprenantes
de l’empoisonnement des conducteurs.
‌Cinquième trame : les effets de la nostalgie
Cette intrigue n’a d’autre but que de dépeindre
l’ambiance de la ballade. Elle amène les person-
nages à se questionner sur la nature de la Fillette
et les intentions du métropolite Melchior.
‌Sixième trame (optionnelle) : La pie voleuse
Cette dernière trame oppose les personnages à
une ancienne cleptomane. Optionnelle, elle per-
met de prolonger le voyage que vous le souhaitiez
ou que vos joueurs progressent trop rapidement,
tout en dévoilant certains secrets des passagers.
55
 ‌OÙ LE TRANSÉCRYME
EST VISITÉ
‌Histoire
Les origines du Transécryme sont liées au
transport de minerai et à la création de la route
du fer reliant Méthalume à Endémine. Le car-
tel de l’Acier, simple compagnie marchande aux
débuts de la révolution industrielle, avait investi
des sommes colossales dans ce train ainsi que
dans le développement des premières traverses
eiffeliennes.
Symbole de la puissance de ce konzern en deve-
nir, le Transécryme a grandement évolué depuis
sa construction assurée par la Loge du rail de
Méthalume. Il a fini par délaisser le transport
de matières premières au profit de celui de per-
sonnes. Cela a impacté son trajet qui s’est considé-
rablement accru. Le défi technique était immense.
Quelle que soit la durée du voyage, les passagers
devaient en effet rester assis des journées entières
sur des bancs métalliques horriblement durs,
tenant lieu de banquettes. Il a fallu attendre la
venue d’ingénieurs des Loges tenders pour réa-
liser des wagons-lits comprenant couchettes et
lavabos, mais surtout remplacer l’omniprésent
acier par du bois nettement moins conducteur de
chaleur, même si extrêmement cher. Mais le jeu
en valait la chandelle ; finis les étés étouffants et
les hivers glacés !
Le concept obtenant un franc succès, des
wagons salons et restaurants se sont développés à
leur tour, toujours plus luxueux. La technologie
aidant, les locomotives étaient en mesure de trac-
ter des wagons de plus en plus hauts et larges. Le
convoi pouvait dès lors rejoindre Éole après un
périple de plus de quatre mois. Il réalisait alors,
d’ouest en est, la jonction entre les cités les plus
éloignées de l’époque. Même de nos jours, mal-
gré le développement de la Grande Traverse ista-
nienne, le Transécryme reste, dans les esprits,
le train qui parcourt la plus grande partie du
monde connu. Il est d’ailleurs prévu qu’il pro-
longe sa course jusqu’aux territoires du Lansk.
56
‌Vue d’ensemble
Plus qu’un simple train, le Transécryme est une
petite ville, souvent comparée à Itinérance. Il y
règne d’ailleurs la même ambiance exiguë, cos-
mopolite et orgueilleuse.
Le train possède quatre grandes parties sépa-
rées chacune l’une de l’autre par une locomo-
tive. Chaque partie est placée sous l’autorité d’un
‌Le vol de bois
‌ n des problèmes les plus préoccu-
U
pants et récurrents auxquels le cartel
de l’Acier doit faire face concerne le
vol de bois dont une grande partie du
mobilier du Transécryme est consti-
tué. Les déprédations pour s’en ap-
proprier un morceau étaient si nom-
breuses que les nobles marchands ont
fini par édicter une loi extrêmement
sévère : quiconque serait pris à arra-
cher un morceau de bois ou à trans-
porter un morceau arraché dans ses
bagages serait puni de mort. Les cou-
pables sont remis aux veilleurs qui
exécutent immédiatement la sentence
en abattant le coupable ou en le préci-
pitant dans l’écryme.
Cette sévérité n’empêche pas la tenue
d’un trafic lucratif. Nombreuses sont
les ghildes qui ont des agents à bord,
chargés de récolter des petits bouts
ici ou là. Mais leur travail devient de
plus en plus difficile à mesure que les
contrôles se renforcent et se systéma-
tisent. À l’heure actuelle, il n’est pas
rare qu’à chaque escale des inspec-
tions soient organisées dans les wa-
gons publics. Sensibilisé à cette pro-
blématique, le personnel inspecte
également discrètement les cabines
lors de leurs tâches quotidiennes.
maître contrôleur. Celui-ci dispose de stewards
dont le rôle est d’accueillir les voyageurs et de
veiller à leur sécurité. Les premiers wagons de
chaque classe abritent les dortoirs du person-
nel qui disposent notamment de leur propre sys-
tème de récolte d’eau pour ne pas amoindrir les
réserves des voyageurs. Enfin, des guetteurs sont
installés sur les toits afin d’observer l’extérieur et
de repousser d’éventuelles attaques.
Surnommée classe de stockage, la dernière par-
tie est composée d’une dizaine de wagons placés
à l’arrière du train. Elle abrite les vivres ainsi que
les marchandises suffisamment luxueuses pour
être embarquées. C’est à ces voitures que sont
attachés et tractés d’éventuels aérostats.
En troisième classe, les wagons sur trois étages
sont si bas qu’il faut se pencher pour s’y déplacer.
En ces lieux, la notion de luxe est une gageure.
L’occupation principale reste l’écoute de disques
phonographiques fournis par la Propagande.
Plus spacieuse, la seconde classe est pourvue
en places assises, parfois réunies en cabines de six
à dix personnes. On y trouve aussi quelques res-
taurants. Également construits sur trois étages,
ces wagons, au nombre de trente-deux, forment
la plus grande partie du convoi. C’est là que se
trouve la plus importante citerne récoltant l’eau
destinée aux employés du Transécryme.
Enfin, juste avant la monstrueuse locomotive
de tête, la première classe composée des vingt-
neuf premiers wagons sur deux étages comprend
des chambres luxueuses regroupant deux à six
personnes. Au nombre de vingt-quatre par wagon,
ces cabines diffèrent à mesure que l’on s’éloigne
de la locomotive de tête. Les plus proches de la
machinerie contiennent un nombre plus élevé de
lits. Le tout premier wagon est réservé au chef de
train, aux cheminots de la locomotive de tête et
au personnel. Les deux derniers, situés entre la
première classe et la locomotive de la seconde
classe, accueillent un restaurant, un salon, un
gymnase faisant aussi office de salle de bal, un
casino et une salle de spectacle.
‌Particularités
architecturales
Quelle que soit leur classe, les wagons pré-
sentent au minimum deux étages. Certaines voi-
tures ne possèdent aucune fenêtre. En effet, de
nombreuses personnes, habituées à l’exiguïté des
cités, souffrent d’agoraphobie. De même, la peur
irraisonnée face l’écryme demeure fréquente
parmi les voyageurs et peut occasionner des crises
de panique. Les fenêtres ressemblent donc à des
meurtrières, laissant passer l’air et la lumière, mais
pas une personne. Seuls les wagons-restaurants
sont dotés de plus grandes ouvertures. Dans les
troisième et seconde classes, il s’agit de sabords
pouvant être clos par des volets métalliques si la
vision du paysage incommode les passagers. En
première classe, les sabords cèdent la place à des
baies vitrées couvertes ou non, selon l’humeur, de
stores souples et résistants.
Sur les toits et les côtés, de nombreux wagons
possèdent de petites éoliennes horizontales (res-
semblant à celles situées sur les bouches d’aéra-
tion) permettant de les alimenter en électricité.
Des éoliennes rythment également les traverses
et produisent un autre apport électrique au train.
Enfin, au crépuscule et au lever du soleil (ainsi
que les jours de pluie), des filets extrêmement
fins sont tendus afin de filtrer l’air et condenser
l’humidité. Quand cela arrive, le train décroît
alors grandement son allure. L’ensemble de ces
prises au vent (éoliennes et filets) peuvent être
rentrées, afin de redonner au train un aspect
plus aérodynamique et lui permettre de rouler
beaucoup plus vite. Cela lui fait toutefois perdre
en autonomie.
‌La technique au service
de la ségrégation
Sur deux étages reliés par un entrelacs de pas-
serelles et d’escaliers, la locomotive de tête revêt
des proportions démesurées. Ses trois consœurs
séparant les différentes classes sont de dimen-
sions plus modestes. Elles sont aussi aménagées
afin de permettre le transit de passagers entre les
classes. Elles sont toujours suivies d’un fourgon
chargé de charbon. Dans ces trois locomotrices,
au milieu des manettes, vannes de pressions et
autres niveaux d’hydrocryme se trouve une cha-
pelle dédiée à Malachine. Les prêtres y révèrent
quotidiennement l’âme machine du train qui
détient le record de vitesse (à vide) de la Toile.
Les accès aux locomotives intermédiaires sont
en permanence surveillés par un guetteur qui
contrôle les identités et s’enquiert des raisons des
voyageurs désirant changer de classe. Cette sur-
veillance vise avant tout à limiter le mélange des
classes sociales et éviter aux voyageurs de première
d’être incommodés par la présence des passa-
57
 gers plus pauvres. Dans l’ensemble, le cloisonne-
ment fonctionne bien. Pour éviter des sentiments
d’injustice, les secondes et troisièmes classes pos-
sèdent elles aussi restaurants, salons, salles de
bal, de jeu et de spectacle qui sont moins luxueux
et plus exigus.
Mais comme dans tout système, il y a des déro-
gations. Il est possible de se rendre sans trop de
difficultés dans les classes inférieures, mais l’in-
verse s’avère plus compliqué. Le seul moyen légal
d’y parvenir est de s’acquitter d’une taxe de pas-
sage : cinq sous pour passer de la troisième à la
seconde, et cinq hurles pour entrer dans la pre-
mière. En échange de services en nature, certains
guetteurs acceptent ponctuellement de fermer les
yeux. Certains passagers téméraires tentent de les
éviter en progressant sous les wagons. La plupart
d’entre eux n’en réchappent pas. En revanche,
l’accès à la classe de stockage est formellement
interdit aux passagers, sous peine d’expulsion au
prochain arrêt. Seuls peuvent s’y rendre les pas-
sagers qui ont un aérostat amarré sur les toits. Le
personnel, quant à lui, peut circuler librement où
il le souhaite.
‌L’écoulement du temps
À bord du Transécr yme, en l’absence de
lumière naturelle (pour certains wagons), l’écou-
lement de la journée est régi par les repas. Le
petit déjeuner est servi quelques heures après
l’aube, le déjeuner vers midi et le dîner à sept
heures du soir. Chacun est annoncé par le pas-
sage d’un steward agitant une petite cloche. Pour
les premières classes, les repas sont servis au res-
taurant ou au salon, mais peuvent être distribués
en cabine. Les classes inférieures mangent en
commun dans les restaurants (seconde classe),
les cabines ou les espaces communautaires.
Le reste du temps, les passagers font ce qu’ils
désirent. Ils peuvent s’occuper en discutant, en
écoutant des amuseurs ou des disques loués avec
les phonographes pour l’occasion. D’autres pré-
fèrent danser, jouer aux cartes, s’engager dans
des duels amicaux, lire des plaques ou discuter
autour d’un verre.
‌Le personnel
Le personnel porte un uniforme réglemen-
taire : de couleur blanche pour le service et noire
pour l’entretien technique. Le premier a été
58
choisi comme preuve de l’expertise des serveurs
qui disposent les plats dans un environnement
mobile sans jamais se salir en les faisant tom-
ber. Le second rappelle l’emploi du charbon
pour faire fonctionner les chaudières colossales.
En temps de grand froid, un long manteau de
chanvre vient compléter cette panoplie.
‌Les maîtres contrôleurs
Chaque classe se voit attribuer un maître contrô-
leur. Ces derniers connaissent le nom de chaque
passager et leur assurent le meilleur voyage pos-
sible. Afin de s’aider dans cette tâche, ils écrivent
à la craie, sur les murs en ardoise de leur cabine, la
liste des passagers avec leur profession telle qu’an-
noncée, leur destination et le nom de celui qui a
réglé le billet. À l’inverse des stewards, les cabines
exiguës des maîtres contrôleurs sont situées dans
les wagons passagers afin de pouvoir renseigner
chaque voyageur à toute heure du jour ou de la
nuit. Enfin, ce sont eux qui sont chargés de faire
monter et descendre les passagers ou de les préve-
nir de l’arrivée prochaine en gare.
Caractér istiques : Physique 2, Ment al 2
(Mémoriser les passagers 7), Social 5.
‌Le brigadier
Un unique brigadier est présent durant le
voyage. À chaque station, on assiste néanmoins
à un curieux manège : il est remplacé par
un autre dont la nationalité coïncide avec la
prochaine étape. Cette coutume date de la fin
des guerres d’Acrymonie, quand les différents
empires cherchaient à instaurer de nouveaux
équilibres sur la Toile. Ainsi, c’est un Lanskois
qui monte lors des retours vers Méthalume et un
Éolien quand le train se dirige vers la cité des
vents. Concrètement, les brigadiers ont peu d’in-
fluence. Leur rôle est d’évaluer le risque potentiel
de chaque voyageur. Cependant, ils ne peuvent
matériellement contrôler chaque passager et
en plus ils n’ont pas le droit d’intervenir lors de
la vérification d’une infraction. Leur rôle reste
donc purement symbolique. Cette absence d’au-
torité a généré de nombreuses spéculations sur
les raisons supposément réelles de leur présence
à bord. Le grand public les relie souvent aux
ministères de la Propagande, voire à la légende
de la Propagande transurbaine.
Caractéristiques : Physique 2, Mental 3, Social 2.
‌Le personnel de cabine
Les stewards et les hôtesses sont de jeunes gens
habillés de blanc et armés de fins stylets dissi-
mulés dans leurs manches. S’ils ne connaissent
des passagers que ce qu’ils ont pu observer, ils
jouent un rôle majeur dans le bon déroulement
des voyages à bord du Transécryme. Obséquieux
en première classe, ils sont nettement plus atten-
tifs dans les wagons de queue. Ce sont souvent
eux qui interviennent en cas de rixe entre des
passagers indisposés par un trop long voyage.
Ils ont également la lourde responsabilité de
surveiller tout risque d’infection dans cet envi-
ronnement confiné. Par exemple, ils examinent
d’office les personnes qui toussent pour déceler
d’éventuelles traces de sang qui nécessiteraient
une isolation immédiate afin d’éviter à la tuber-
culose de se répandre. Ils ont le droit d’exiger
une certaine hygiène des passagers pour évi-
ter qu’ils ne transportent des poux, des spores
de teigne ou les germes d’une maladie infec-
tieuse. Le Transécryme transporte aussi à son
bord un médecin issu des Loges hippocratiques
de Théoric qui réserve généralement ses soins
aux première et seconde classes. Enfin, la pol-
lution omniprésente des cités a popularisé l’ha-
bitude de cracher par terre. Même si cette pra-
tique malpropre est proscrite au sein des wagons,
les stewards sont régulièrement obligés de sanc-
tionner les contrevenants. Certains travaillent
au ménage des compartiments, mais aussi aux
lessives qui ont lieu lors des arrêts. Quand ils
désirent se reposer brièvement, les stewards font
de courtes siestes sur des paillasses pliables ou des
hamacs pour ceux chargés des cuisines. Quand
ils sont trop fatigués, ils rejoignent les wagons
prévus à cet effet pour dormir et décompresser.
Caractéristiques : Physique 3 (Stylet 5), Mental 1,
Social 3.

‌Le cartel de l’Acier

‌ e konzern possède un passé pour le moins tumultueux. Spécialisé dans le transport de
C
métaux (donnant notamment son nom à la route du fer), le cartel a, à deux reprises, ris-
qué d’être démantelé. La première fois survint lors du vol des secrets de la Loge du rail de
Méthalume. Se sentant menacées, les Loges citoyennes refusèrent d’entretenir et d’ache-
ter le matériel provenant de ce konzern. Plus encore, elles firent pression auprès des au-
torités pour interdire le passage de ses trains. Pour sortir de cette mauvaise passe, les
nobles marchands acceptèrent de révéler les noms des personnes incriminées et de les
punir. Plusieurs membres des Loges ainsi que des dignitaires du cartel furent ainsi écar-
telés entre deux wagons. De cette première mésaventure, le Transécryme conserva une
certaine mentalité apatride. À l’époque, ils trouvèrent néanmoins un soutien auprès des
prêtres de Malachine, poursuivis au même moment par les autorités méthalumiennes.
Le second écueil d’importance survint durant les guerres d’Acrymonie. En effet, relié à
Méthalume comme Itinérance pouvait l’être à Éole, le Transécryme manqua de peu de
dépérir. Le cartel de l’Acier avait misé tout son capital dans l’acquisition de nombreux hô-
tels luxueux dans les cités desservies par le Transécryme. Ces derniers furent tous per-
dus avant la signature du traité de Venice. Ruinés, les nobles marchands parvinrent néan-
moins à tirer leur épingle du jeu en se plaçant comme relais apolitique entre différentes
nations. Le Transécryme devint donc un symbole d’après-guerre : une ouverture entre les
nations aux yeux des pacifistes et un véritable nid d’espions pour les plus paranoïaques.
Si le cartel de l’Acier n’est plus aussi puissant qu’auparavant, il continue à baser son éco-
nomie sur le transport. Après l’abandon du convoyage de métaux, il s’est recentré sur le
transport de luxe de passagers, réinvestissant chaque lige dans son train emblématique.
C’est pour cela que les wagons de première et de seconde classes sont si majoritaires par
rapport à ceux de troisième classe. Le Transécryme conserve le record de vitesse sur la
Toile et entend bientôt regagner celui de la plus longue distance parcourue, grâce au pro-
longement de son parcours vers le Lansk. Les deux sont possibles grâce à l’importante im-
plication des prêtres de Malachine. Actuellement, soutenus financièrement par le konzern,
les religieux sont d’ailleurs en train de construire d’autres locomotives et d’autres wagons
dans les entrepôts de Méthalume et de Ferraille afin de transformer le Transécryme en
une ligne de trains en non plus un unique convoi.

59
 ‌Les guetteurs
Une dizaine au total, ces sentinelles sont répar-
ties sur les toits des wagons, armés d’épées larges,
de mousquets et d’arbalètes. Les passagers ima-
ginent que leur présence est uniquement dissua-
sive, qu’ils ne servent qu’à éloigner d’éventuels
pirates traversiers. Cette croyance tend à se véri-
fier, puisque le train n’a subi aucune attaque
depuis plusieurs années. De même, le travail
des stewards a contribué à ce que les guetteurs
n’interviennent jamais à l’intérieur des wagons.
Pourtant aucune règle n’interdit leur interven-
tion auprès des passagers. Enfin, ils refusent
presque tout le temps d’engager la conversation
avec les passagers et repoussent à l’intérieur du
train ceux qui souhaiteraient le faire.
Caractéristiques : Physique 4, Mental 2, Social 1
(Vigilance 3).
‌Les techniciens
Les machinistes et les conducteurs forment
la caste la plus emblématique du Transécryme.
Véritables icônes, ils sont à la fois ambassadeurs
du cartel de l’Acier et pontifes de Malachine.
Recrutés parmi les meilleurs mécaniciens, ils ont
le droit d’entrer dans n’importe quel comparti-
ment et ont toute autorité sur le reste du person-
nel. Des rumeurs, jamais démenties, évoquent
d’ailleurs que le marquis de la route du fer, le
noble marchand le plus titré du konzern, se serait
converti au culte de Malachine et vivrait cloîtré
dans le wagon de tête. Des variantes plus fantai-
sistes évoquent des rites funéraires durant les-
quels, les dépouilles des techniciens alimente-
raient les chaudières pour faire avancer, même
par-delà la mort, la locomotive…
Caractéristiques : Physique 2, Mental 3, Social 1,
test concernant le Transécryme 8.
60
‌Les wagons
De manière générale, les wagons des autres
trains sont des coques de fer et d’acier. L’usage
du bois à bord du Transécryme diminue forte-
ment son poids et lui confère une plus grande
vitesse. À l’exception de la spartiate troisième
classe et la classe de stockage, les fauteuils sont
plus moelleux, les intérieurs plus cossus. Les
salles de bain et les commodités sont situées
aux extrémités des wagons. On y trouve aussi
des escaliers en colimaçon pour gagner les
étages. Les bagages de troisième classe sont
entassés dans un wagon dédié. Pour les autres,
des compartiments spéciaux fermés à clé accue-
illent les malles trop encombrantes pour ne pas
être conservées dans les cabines des passagers.
Ces box peuvent être ouverts sur demande, en
présence de stewards.
‌Les arrêts d’urgence ?
‌ etit détail qui peut avoir son impor-
P
tance, il n’y a aucun signal d’alarme. Le
Transécryme ne s’arrête qu’aux haltes pré-
vues ou bien sur la décision des techni-
ciens. Si une personne tombe du train, elle
est considérée comme morte, soit parce
qu’elle s’est fracassé le crâne dans sa chute,
soit, car elle est tombée dans l’écryme. Si
un passager fait un malaise, le médecin est
appelé, mais le train continue de rouler.
 ‌ Ù LE LYS NOIR POUSSE
O
SUR UN TERREAU DE HAINE
D
epuis la révolution industrielle, il existe
un antagonisme extrême entre les cités
et les seigneuries traversières. Une ques-
tion demeure pourtant. Pourquoi, au vu
du manque d’organisation des nobles
traversiers et de leur faible puissance
armée, les habitants des cités ont-ils si
peur des traverses ? Les discours de la
Propagande et la crainte irraisonnée de l’écryme
ne suffisent pas à y répondre. Il faut aussi mettre
en cause les diverses sectes traversières exploi-
tant les appréhensions de chaque bord. La plus
connue et la plus redoutée est sans conteste la
religion de l’aragone, qui rejette dans son inté-
gralité le scientisme, ayant causé à ses yeux la
perte du monde et l’apparition de l’écryme.
Pourtant, il existe une myriade de confréries, ter-
roristes pour la plupart, qui luttent activement
contre l’expansion des cités. Certaines emploient
même sans renâcler des armes modernes. Le Lys
Noir en fait partie.
Constitué à l’origine de royalistes éoliens
radicaux, le mouvement s’est répandu à travers
toute la Toile comme une trainée de poudre.
L’idéologie du Lys Noir est simple : revenir à un
système féodal, tout en conservant les avancées
technologiques acquises. Ses partisans consi-
dèrent les seigneurs traversiers comme plus
aptes à gouverner que les ministères, trop cor-
rompus à leurs yeux et surtout illégitimes depuis
la mise à bas de l’ancien régime. Leurs visées
politiques s’étendent également à un contrôle
des naissances plus strict et un certain eugé-
nisme afin de mieux sélectionner les vivants. Ils
assurent la promotion de leur idéologie grâce à
un immense réseau de conteurs jamais à court
de légendes sur des héros, véritables Robin des
bois traversiers, aidant les pauvres contre les
riches citadins.
Bien évidemment, l’organisation est très appré-
ciée des seigneurs traversiers qui la financent, l’ar-
ment et parfois l’accueillent. Les nobles y voient
une alternative moins extrême et contraignante
à l’aragone. De fait, il existe une multitude de
groupes qui se réclament du Lys Noir, générale-
ment affiliés à seulement une ou deux seigneu-
ries. La plupart de ces groupes ne se connaissent
pas et ne se reconnaissent même parfois pas
de légitimité entre eux. En revanche, tous se
retrouvent naturellement sur la méfiance envers
les étrangers. La Propagande fait tout pour exa-
cerber les sentiments d’insécurité réciproques,
quitte à commettre des actes répréhensibles pour
y parvenir. En effet, de nombreux agents gouver-
nementaux infiltrés œuvrent à maintenir des dis-
sensions vivaces entre tous ces groupuscules afin
de les empêcher de se fédérer. Généralement, les
membres d’une cellule se connaissent tous, mais
aucun ne se révèle jamais sous son vrai nom.
Depuis plusieurs années, l’activité du Lys Noir
se diversifie, ce que beaucoup considèrent à rai-
son comme étant dû à la multiplication des cel-
lules. Ces dernières ne se cantonnent plus exclu-
sivement aux attentats contre des personnes.
Elles s’attaquent aux infrastructures des cités
pour déstabiliser le pouvoir en place, mais aussi
aux caravanes et aux dirigeables commerciaux
qu’elles délestent de leurs marchandises. Elles se
sont également spécialisées dans la désinforma-
tion. De plus en plus, des rumeurs colportées au
sein même des cités dénoncent en effet le pou-
voir des ministères. Elles cherchent à instrumen-
taliser la grogne sociale et les peurs causées par
les autres cités.
Le Lys Noir inquiète de plus en plus les métro-
polites, car ses actions suscitent de moins en
moins d’hostilité dans les cités, auprès des plus
démunis ou des plus xénophobes. Malgré ce
que ses membres voudraient faire croire, le Lys
Noir reste une organisation terroriste extrême-
ment dangereuse, cherchant à réaliser des coups
d’éclat qui leur attireront l’attention et l’admira-
tion de nouvelles recrues. L’abandon de la lutte
armée n’est pas près d’arriver.
À bord du Transécryme, les membres du Lys
Noir sont tous dotés de deux particularités. En
premier lieu, dans leurs bagages, ils gardent
dissimulée une petite bombe. De plus, ils s’af-
fublent d’un faux patronyme construit sur un
modèle identique : un prénom commençant par
la lettre L et un nom de famille commençant par
la lettre N.
61
 ‌La vérité sur le Lys Noir
Nul ne sait qui a créé le Lys Noir et de nom-
breuses légendes sont colportées à ce sujet, pour
discréditer ou encenser le mouvement. La plu-
part se rapportent à son chef charismatique et
insaisissable, le célèbre Guy de Lune. Sur les tra-
verses, son nom est synonyme d’espoir, tandis que
dans les cités il se transforme en croquemitaine.
La réalité est plus simple et plus terrible que
chacune de ces suppositions. Un céphale dément
cherche à influencer l’ensemble de la Toile en
brisant la barrière séparant les citadins de l’in-
fluence de l’écryme. Pour ce faire, il repère et
prend sous sa coupe des êtres tourmentés qu’il
façonne à sa guise. Ces derniers deviennent
alors des Guy de Lune qu’il essaime ensuite sur
la Toile. Chacun d’eux bâtit autour de lui une
cellule qu’il dirige depuis un dirigeable construit
sur le même modèle. Chaque cellule et chaque
Guy de Lune pensent être uniques et que les
actions des autres ne sont au mieux que des hom-
‌De bien sombres
rumeurs
‌ lusieurs rumeurs courent au sujet du
P
Lys Noir :
1. Le noyau central de l’organisation
serait en réalité constitué d’un groupe
de mercenaires. Ceux-ci chercheraient
à dissimuler leurs actions sous le cou-
vert du fanatisme.
2. Des scientistes renégats trouve-
raient régulièrement refuge au sein du
Lys Noir.
3. Toutes les actions revendiquées
par le Lys Noir ne seraient pas causées
par le Lys Noir.
4. Le Lys Noir grandirait de jour en
jour et recruterait désormais même des
partisans dans les cités exaspérées par
les politiques actuelles.
5. Le Lys Noir aurait des ramifica-
tions transurbaines. Arrêter ou assassi-
ner son chef, un certain Guy de Lune,
serait l’unique moyen de faire tomber
l’organisation.
6. Le Lys Noir serait un épouvantail
brandi par les métropolites afin de justi-
fier certains de leurs excès.
62
mages ou, au pire, des plagiats. Impossible donc
pour les différentes Propagandes d’abattre cette
organisation qui, telle une hydre, perd une tête
pour en voir repousser deux…
‌Guy de Lune et son dirigeable
Dans cette aventure, Guy de Lune (ou plutôt le
Guy de Lune de la cellule impliquée) ne devrait
apparaître qu’en arrière-plan, par l’entremise de
son dirigeable. Celui-ci se remarque de loin à
cause de ses nombreuses baies vitrées permettant
d’admirer l’immensité de l’écryme. Guy de lune
est un fanatique qui n’hésitera pas à abandon-
ner ses hommes à leur sort. Dans chaque classe,
il a infiltré des membres de sa cellule dotés d’une
bombe. Ces derniers sont chargés de deux mis-
sions : dans un premier temps, ils doivent empoi-
sonner l’eau de la citerne de la locomotive de tête
(demande expresse de l’Enfant qui connaît le
secret du Transécryme – cf. page 82 – et sait que
cela le paralysera) ainsi que les rations du per-
sonnel dans la citerne de seconde classe. Une fois
cette tâche réalisée, ils sont censés kidnapper la
Fillette, poser les bombes et fuir par le dirigeable
qui est amarré en queue du train.
‌C Lionel Neron (1re classe)
S’appelant en réalité Fredrik Kerter, ce bâtard
d’un seigneur traversier dispose d’une certaine
fortune à défaut d’une reconnaissance officielle.
Ayant bénéficié d’une bonne éducation, Guy de
Lune réserve son usage auprès des cibles aisées.
Sa couverture d’entrepreneur non affilié à un
konzern lui permet de nouer facilement contact,
mais lui demande de redoubler de vigilance face
aux nobles marchands, devant lesquels il s’ef-
face. Chevaleresque, idéaliste et sensible, le jeune
homme croit au combat qu’il mène, défendant
des valeurs qu’il pense éteintes dans les cités.
À bord du Transécryme, sa mission consiste à
empoisonner les réserves d’eau du personnel,
afin que ses membres ne gênent pas les plans du
Lys Noir. Sa besogne accomplie, il doit poser sa
bombe et kidnapper Claire, quitte à se débar-
rasser du métropolite qui l’accompagne, puis
rejoindre l’arrière du train où est amarré le diri-
geable de son chef. À bord de ce dernier, il doit
s’enfuir avec ses frères d’armes. Toutefois, son
idéalisme chevaleresque exacerbé par la nostal-
gie retient son bras plus longtemps que néces-
saire, au risque de gêner son plan.
 système basé sur la manipulation de l’homme par
l’homme. C’est lui qui a tenu à participer à cette
mission et il est prêt à se sacrifier pour elle.
Destination et raison officielles : Laurent se fait
passer pour un auteur de phonographes à suc-
cès, voulant visiter la cité des arts pour trouver
l’inspiration.
Conseil d’interprétation : Laurent est plein de
morgue. Il sortira peu de sa cabine, sauf pour
rencontrer Neron/Fredrik et s’enquérir de la
raison pour laquelle il n’a pas encore agi. Leur
entretien houleux attirera l’attention.
Apparence : Grand, les cheveux poivre et sel, le
regard un peu fou, l’homme suinte l’orgueil et le
mépris lorsqu’il s’adresse à un citadin.
Effet de la nostalgie : La nostalgie l’encourage
dans sa démarche de fanatique.
Trame du Lys Noir : Méchant de l’histoire,
l’homme est prêt à se sacrifier pour couvrir la
fuite de Guy de Lune avec Claire. Le principal
indice laissé est sa mise au point avec Lionel Neron.
Caractéristiques : Sûr de lui (+1), Orateur de
talent (+1), Mépris de la noblesse marchande
(-1), Physique 4, Mental 4, Social 4.

Destination et raison officielles : Il se rend à Venice

pour y acheter des fournitures diverses avant de
les revendre plus cher.
Conseil d’interprétation : Fredrik masque sa
fougue naturelle derrière la passion pour son
métier. Il ne peut s’empêcher de vanter les tra-
verses et leur mode de vie, mais sait se montrer
discret. Il apprécie visiblement les jeux et les ani-
mations, mais reste en retrait. Il commet plu-
sieurs impairs qui seront détaillés plus bas.
Apparence : Kerter est un homme imberbe d’une
vingtaine d’années et de taille moyenne. Plus que
ses cheveux courts et clairsemés, ce sont surtout
ses yeux passionnés qui retiennent l’attention.
Effet de la nostalgie : La nostalgie le pousse à
négliger sa fausse identité et à mépriser de plus
en plus ce qu’il s’apprête à commettre.
Trame du Lys Noir : Ce personnage dissémine
plusieurs indices. Sa dispute avec Laurent Nébère
marque le début véritable de l’enquête.
Caractéristiques : Passionné (+1), Physique 3,
Mental 3, Social 4.

‌C Laurent Nébère (2de classe)

Le vrai nom de Laurent est Richard et il est le
bras droit de Guy de Lune. Ancien syndicaliste
érudit, il déteste les nobles marchands et leur

63
 ‌C Lucas Narasco (2de classe) franc et une bonne humeur communicative.
Doté d’une tignasse noire savamment apprêtée
pour faire négligé, il enchaîne les compliments
et les blagues légères.
Effet de la nostalgie : La nostalgie le rend pro-
gressivement paranoïaque.
Trame du Lys Noir : C’est lui l’expert artificier
au sein du Lys Noir.
Caractéristiques : Beau parleur (+1), Éducation
militaire (+1), Révolutionnaire lanskois (-1),
Physique 3 (Escrime 5), Mental 3, Social 4.

‌C Léon Rawiz et Nicolas Slavomir

(3e classe)
Ces deux marionnettistes, funambules à
l’occasion, mont aient des divertissement s
au contenu subversif. Leurs spectacles sati-
riques ont attiré l’attention du Lys Noir qui les
a ralliés à sa cause. Ils ont embarqué à bord
du Transécryme sous leur véritable identité
(puisque leurs deux prénoms forment LN)
et réaliseront un spectacle au cours du trajet.
Celui-ci permettra de réunir l’ensemble des
membres du Lys Noir dans le même wagon et
initiera l’enlèvement.

Issu de la prestigieuse famille Nienski, Lucas

aurait dû endosser un rôle important au sein du
ministère de la Guerre lanskois. Au lieu de ça,
il a préféré suivre une autre voie. Son père lui
avait pourtant donné une éducation militaire
auprès des meilleurs précepteurs. Attentif aux
troubles sociaux, il avait aussi tenté de lui incul-
quer une éducation progressiste en l’obligeant à
côtoyer des fils d’artisans, de serfs et d’ouvriers
à son service. Lucas a donc bénéficié d’un ensei-
gnement hors norme qui aurait dû faire évoluer
sa conscience et le préparer à affronter la Toile
actuelle. Au grand malheur de son père, cela n’a
fait que l’inciter à rallier les révolutionnaires.
Puis, acculé par la Propagande, il a rejoint le Lys
Noir pour fuir sa patrie.
Destination et raison officielles : Lucas prétend
vouloir voir la Toile, ce qui finalement est assez
vrai si l’on considère qu’il cherche à mettre le
plus de distance possible entre lui et le Lansk.
Conseil d’interprétation : Il fait tout pour paraître
superficiel et bon vivant, mais reste calculateur
et intéressé.
Apparence : Jeune et brillant, profondément
charismatique et fier, Lucas arbore un sourire

64
 Destination et raison officielles : Venice pour y
réparer leurs marionnettes et réaliser de nom-
breux spectacles.
Conseil d’interprétation : Les deux hommes
parlent peu et ont plutôt tendance à faire parler
leurs doigts.
Apparence : Jeunes, ils ont les cheveux longs
et filasses. Leurs visages sont assez quelconques
et ils sont relativement musclés et agiles. Léon
Rawiz est légèrement plus vieux et plus trapu que
son collègue.
Effet de la nostalgie : Aucun visible par les
personnages.
Trame du Lys Noir : Si tout échoue, les deux
frères parviendront à kidnapper Claire. Ce sont
également eux qui vont remonter le Transécryme
pour empoisonner la citerne de la locomotive
de tête. Cet indice peut être donné au cours de
l’épreuve de cerf-volant ou lors de la rencontre
des machinistes.
Caractéristiques : Physique 5 (Acrobatie 6),
Mental 4, Social 5.

L’Androgyne, maître du Lys Noir

Il est désormais temps de dévoiler l’intégralité des secrets cachés derrière le Lys Noir.
Le sanctuaire du Lys Noir est un îlot montagneux émergeant de l’acide entre Entrepont et
Venice. Là, une communauté du Moyécryme a façonné la roche pour lui donner la forme
d’une église à la gloire d’une divinité insolite. Les hommes y priaient en effet la lune et
son influence sur l’écryme, en raison d’un supposé cycle de marées imperceptibles à l’œil
humain. Bien évidemment, au fil des siècles, les vapeurs acides ont rongé la pierre, mais
c’est un véritable cataclysme, la chute d’une pierre venue du ciel, qui a fini de briser la
foi des fidèles de jadis. Le Mont Sélène est resté abandonné jusqu’à ce que le konzern
Steinerz y envoie une expédition géologique. À sa tête se trouvait celui que l’on nomme
aujourd’hui l’Androgyne.
L’homme a erré sous les voûtes lézardées du sanctuaire, déchiffrant ici ou là quelques
bas-reliefs ou lisant même des parchemins abîmés rarissimes du culte oublié. Toutefois, sa
propre foi s’est forgée suite à la découverte d’une pierre blanche et légère. Ce rêveur s’est
convaincu qu’il s’agissait d’un fragment de lune tombé sur terre. L’étude de ce minéral
étonnant est devenue pour lui une véritable obsession et il s’est détourné de sa mission pre-
mière. Toute autre personne aurait été remise à l’ordre par le konzern, mais l’Androgyne
possédait, sans le savoir, des dons céphaliques. La pierre est devenue son anence et il a
réussi à se faire oublier en manipulant les envoyés de ses employeurs désirant connaître
les raisons de son silence. Toutes les informations concernant l’îlot ont ainsi fini par dis-
paraître et son existence est à nouveau tombée dans l’oubli.
L’Androgyne s’est mis à détester les nobles marchands et leur course constante au pro-
fit. Il idéalisait les mythes et récits chevaleresques du Moyécryme. Il a rejoint un temps
l’aragone, mais il s’est senti trop contraint et limité par son dogme. Il idéalisait certes la
noblesse des temps anciens, mais il restait méthodique et détaché comme un scientiste.
Après avoir mené une attaque contre un konzern, l’Androgyne a été blessé et s’est trou-
vé handicapé. Son Idéal a alors tourné au délire. Persuadé que les habitants de la lune lui
avaient confié une mission, il s’est fait opérer par des chirurgiens déments pour devenir
comme eux, mi-homme, mi-femme. Il s’est fait enfermer dans un cercueil de verre empli
d’un dérivé nutritif de l’écryme. Il a attiré à lui des hommes qu’il a conditionnés par ses
pouvoirs céphales pour créer les maîtres de sa chevalerie sélénite, destinés à montrer
l’exemple aux humains exilés sur la terre : les guides-lune qui sont devenus, par dériva-
tion phonétique, les Guy de Lune.
Il a confié à ces derniers la tâche d’abattre les sbires de l’écryme (les popes noirs et les
métropolites) et d’inciter l’humanité à retrouver sa pureté originelle. Toujours moins hu-
main avec les années, l’Androgyne s’est quant à lui dévoué à examiner la généalogie des
habitants des cités de la Toile à la recherche de lignées supposément pures qu’il imagine
descendre de sélénites exilés sur terre. Par hasard, ou pour une raison plus étrange en-
core, nombre de ces individus se révèlent être céphales.

65
 ‌OÙ LES AUTRES PASSAGERS
SONT DÉTAILLÉS
Les personnes présentées ci-après sont des passagers de première classe se trouvant dans le même wagon que
les personnages. Elles sont suivies par d’autres personnalités marquantes des classes plus basses.
‌La première classe
‌C Andreij Bader
Il fait partie des scientistes les plus réputés de
la Loge des acoustiqueurs de Méthalume. Un à
un, il a gravi ses échelons, à force de volonté et
de manipulations. Mais il n’en a jamais assez.
Prétextant un voyage d’études, il s’est déjà rendu
à Venice pour y proposer ses services. Là dans les
salons de l’écho des quartiers phonoéditeurs, il
a accepté de vendre les secrets de sa Loge contre
une importante somme d’argent. Son nom est
parvenu jusqu’au doge de la Note, qui espère pro-
fiter de ses talents pour être réélu lors du pro-
66
chain Festival. Andreij bénéficierait alors d’une
exonération totale, d’un statut à vie d’artistocrate
et d’un logement somptueux. Il est donc retourné
à Méthalume et a volé de nombreux plans de sa
Loge qu’il conserve précieusement. Il compte se
retirer après sa transaction avec le doge.
Destination et raison officielles : Andreij taira bien
évidemment les raisons de son voyage. Il prétex-
tera une mission importante pour sa Loge.
Conseil d’interprétation : Cupide, hautain, suffisant,
maniéré et méprisant envers les traversiers ne sont
pas les moindres de ses défauts. Il est également
lâche et obséquieux lorsqu’il a besoin de quelqu’un.
Apparence : Andreij est pâle et décharné. Sa
tignasse clairsemée en désordre dénote avec ses
beaux habits. Mais ce qui intrigue le plus, ce sont
ses yeux noirs enfoncés dans leurs orbites et creu-
sés par les cernes.
Effet de la nostalgie : La nostalgie ne faisait
pas partie du vocabulaire d’Andreij jusqu’à très
récemment. La présence de la Fillette va en effet
le pousser à s’interroger sur ses actions, à s’inven-
ter des opportunités qu’il aurait pu avoir, des rela-
tions qui auraient pu lui apporter le bonheur…
Trame du Lys Noir : Andreij est un mauvais
acteur. Les personnages devront penser, à raison,
qu’il dissimule quelque chose. C’est aussi avec lui
que Lionel Neron partage sa cabine. Le person-
nage étant tout aussi secret que lui, Andreij n’ap-
portera malheureusement pas beaucoup d’infor-
mations supplémentaires.
Caractéristiques : Audition parfaite (+2), Cupide
(-1), Physique 2, Mental 4 (Phonoédition 6), Social 2.
‌ ‌Akhram Bila
C
Troisième fils d’un sultan de Tanger, il est à ce
titre un homme politique respecté dans toute l’Is-
tanie. Toutefois, il doit son importance réelle au
réseau de vente de rull et de sylamel qu’il dirige.
Il voyage pour négocier de nouveaux débouchés
avec plusieurs ghildes veniciennes.
 Destination et raison officielles : Akhram se rend
à Venice pour y négocier plusieurs somptueux
cadeaux pour les siens et ses amis.
Conseil d’interprétation : Akhram est plein de
morgue. Il méprise la vie comme l’avis d’autrui
et limite les relations humaines aux seuls aspects
économiques. Il n’a aucun honneur, n’accorde sa
confiance à personne, mis à part à ses deux gardes
du corps qui le suivent partout. Par-dessus tout,
il aime la compétition, mais ne supporte pas la
défaite. Pour passer le temps, il parie sur tout et
sur rien.
Apparence : Akhram est un homme musclé et
plutôt bien fait. Seul, il est impressionnant. Avec
ses deux gardes muets, il l’est plus encore.
Effet de la nostalgie : Akhram regrette sa jeu-
nesse passée. Il va lentement redevenir un jeune
garçon insouciant, oubliant son arrogance et
ses responsabilités, pour accepter l’autorité des
autres passagers.
Trame du Lys Noir : Trafiquant de drogues, il
sera un faux suspect idéal.
Caractéristiques : Immensément riche (+2),
Mauvais perdant (-1), Physique 2, Mental 2
(Connaissance des ghildes 5), Social 3 (Aspect
commercial 5).
Gardes du corps : Physique 6, Mental 1 Social 1.
‌C Armelle de Montbellaise
Cette jeune femme est une courtisane de la
ghilde suave d’Entrelace. Depuis peu, l’organi-
sation cherche à étendre son influence pour se
distinguer de la concurrence. Armelle est en
mission afin de tisser de nouveaux liens à Venice
et dénicher de nouvelles cibles. Profitant de sa
présence dans le Transécryme, elle tente de
séduire un pigeon, mais hésite à jeter son dévolu
sur Sergei Iorga (qu’elle trouve délicieusement
niais) ou Akhram Bila (qu’elle méprise).
Durant son enfance, elle avait commis de
nombreux larcins pour la ghilde des aigrefins.
Désirant mettre à profit sa déjà grande beauté,
son maître l’avait finalement vendue aux suaves.
La grande délicatesse de ses traits a poussé sa
nouvelle ghilde à miser énormément sur elle.
Elle a donc été formée à l’art subtil de la séduc-
tion, mais elle maîtrise également celui de la
rhétorique. Elle est suffisamment cultivée pour
débattre de tout avec esprit, même de sujets
pointus.
Le manque d’attaches a formé son caractère.
Elle méprise sa beauté et ceux qui sont trop
superficiels pour y succomber. Son besoin de
67
 plaire s’est mué en une ambition dévorante, une
envie de contrôler et de ne pas l’être. Armelle
cherche donc moins des clients potentiels qu’un
moyen de prendre le contrôle de sa ghilde.
Destination et raison officielles : Armelle a simple-
ment ajouté une particule nobiliaire à son nom et
s’est inventé des origines dans l’aristocratie pra-
guoise. Elle prétend aller à Venice pour visiter
un cousin travaillant à l’ambassade. Confrontée
à un protagoniste ayant de réels liens avec cette
ambassade, elle est gênée et feint un problème de
santé pour s’éclipser.
Conseil d’interprétation : Armelle joue de ses
charmes à la perfection. Consciente de sa beauté
et de sa force de caractère, elle en impose par sa
prestance en entrant dans une pièce, parlant clai-
rement et haussant rarement le ton. Souriante le
plus souvent, elle n’hésite pas à se retrancher der-
rière sa noblesse fictive quand ses interlocuteurs
ne l’intéressent pas. Pour les autres, elle mani-
feste son intérêt par des mouvements corporels
discrets, mais captivants. Seul quelqu’un qui per-
cerait ses secrets pourrait la désarçonner.
Apparence : Sa peau pâle et douce, ses grands
yeux bleus et ses lèvres carmin figées dans un
triste sourire lui donnent des allures de poupée
de porcelaine. Ses toilettes blanches et de qualité
renforcent encore cette impression. de justifier leur présence en raison du statut de
Effet de la nostalgie : Armelle, va perdre de sa métropolite et de ses pouvoirs.
superbe et peu à peu céder à une cleptomanie Effet de la nostalgie : Anthelme Pelleterat n’est
qu’elle pensait avoir guérie. Ce vice est en effet que peu sujet à la nostalgie qu’il véhicule. Il sera
le seul lien avec son jeune âge qu’elle a conservé. toutefois pris d’envies irrépressibles de toucher
Trame du Lys Noir : Armelle a vu Lionel Neron son anence. Il lissera régulièrement son com-
se diriger vers les réserves du personnel peu plet noir et son haut-de-forme fera également de
avant que les passagers ne tombent malades, nombreux tours entre ses mains. La nostalgie n’a
alors qu’elle s’introduisait dans sa cabine. Il avait aucun effet visible sur Claire.
l’air nerveux et tentait de cacher une fiole sous sa
veste. Elle ne parlera que si sa manie est décou-
verte, afin de détourner l’attention. ‌C Sergei Iorga
Caractéristiques : Très belle (+2), Ambitieuse Désormais vicomte du Rail au sein du cartel
(+1), Mé p r i s a nt e env er s le s p er s on ne s de l’Acier, ce membre de la petite noblesse lans-
superficielles (-1), Physique 2, Mental 2, Social 5. koise a réalisé ses premières armes comme soldat
durant les guerres d’Acrymonie. En marge de ses
‌C Melchior de Borde distinctions militaires, il a gagné une profonde
estime des cités pentapoliennes. Par la suite,
et la Fillette : Sergei a dû pacifier les Marches avant de rega-
Ces personnages ne sont autres qu’Anthelme gner le Lansk et de lutter contre les révolution-
Pelleterat et Claire, largement décrits dans la pré- naires moscovites. À chaque fois, il a développé
sentation de la geste. un grand respect pour ses adversaires.
Destination et raison officielles : Officiellement, ils Parmi ses cicatrices résultant des luttes menées
se rendent à Venice pour y effectuer une mission au nom du Tsar, la plus profonde est celle faite à
diplomatique. La Fillette est présentée comme son âme. Ses supérieurs l’ont senti et ont préféré
celle d’un ambassadeur qu’il escorte. Ils n’ont, se débarrasser de lui plutôt que de le voir tra-
de toute façon, aucune raison ni aucun besoin hir le Lansk. Son nom a donc été proposé pour

68
intégrer le cartel de l’Acier. En effet, lors du rap-
prochement entre les konzerns de Méthalume et
du Lansk, des alliances ont été scellées par des
contrats exclusifs, des mariages entre enfants de
nobles marchands et de ministres, mais aussi par
des adoubements de militaires méritants.
Le cartel a rapidement compris les avantages
qu’il pouvait tirer de l’esprit acéré et des manières
directes de Sergei. Durant son voyage à bord du
Transécryme, il doit donc nouer de précieux
contacts, en particulier à Endémine, et travailler
sur les apports réguliers en matières premières
permettant de poursuivre le tracé du train vers
Moscou. Ses supérieurs savent qu’il ne se conten-
tera pas de s’assurer de l’approvisionnement,
mais qu’il créera des réseaux secondaires, quitte
à collaborer avec les ghildes en place afin de ne
pas alerter la Pentapolie, hostile aux travaux.
Destination et raison officielles : Sergei se présente
comme un noble marchand en voyage d’affaires
(il oublie souvent de donner son titre). Il ne
donne guère de précisions, mais avoue se rendre
à Endémine.
Conseil d’interprétation : Il aime discuter de
paix et d’entreprise. Le plus souvent, dans ce
genre de débat, il se montre franc, mais reste
en retrait, essayant de retirer le maximum d’in-
formations de ses interlocuteurs. En revanche,
quand il aborde la tactique, l’armement ou les
récits de bataille, il participe activement aux dis-
cussions. Pour rester en forme, il fait de l’exer-
cice chaque matin.
Apparence : Proche de la cinquantaine, Sergei
est très grand. Il porte une barbe bien taillée
afin de dissimuler ses nombreuses cicatrices.
Blond, une tresse de duelliste moscovite pend
dans son dos. Il porte une tunique richement
brodée, recouverte par un manteau doublé de
fourrure, tout comme sa coiffe. Seules ses bottes
militaires trahissent son passé.
Effet de la nostalgie : Sergei va de plus en plus
s’enfermer dans son mutisme, ressassant ses
mauvais choix et les morts qu’il a causées. Il va
aussi voir ressurgir sa rancœur contre le Lansk.
Caractéristiques : Taciturne (-1), Autoritaire
(+1), Expert en technique militaires (+1),
Physique 4 (Escrime 6), Mental 3, Social 3.
‌C Tibor
Les nobles marchands du cartel de l’Acier qui
ont placé beaucoup d’espoirs dans Sergei Iorga
se sont arrangés pour que leur poulain soit
constamment accompagné d’un de leurs meil-
leurs sicaires. Bien évidemment, l’ancien soldat
n’a pas été mis au courant et pense avoir rencon-
tré Tibor par hasard. Les deux hommes ont rapi-
dement sympathisé et Sergei a pris Tibor à son
service comme homme à tout faire. Pourtant,
il s’est vite rendu compte qu’aucun domestique
ne pouvait manier le stylet aussi efficacement et
que leur rencontre n’est peut-être pas le fruit du
hasard. Tibor se doute que le noble marchand
soupçonne quelque chose. Loin de les agacer,
c’est devenu une sorte de jeu entre eux, un défi
tacite visant respectivement à cacher et à per-
cer ce secret. De là est né un profond respect
mutuel. Pour l’instant, aucun des deux ne sait ce
qui surviendra si ce dernier est découvert. Tibor
commence même à douter de lui et de sa capa-
cité à obéir à l’ordre du comte Ferré (le seigneur
tutélaire de Sergei) : tuer l’ancien soldat si ce
dernier se détourne des intérêts du konzern.
Destination et raison officielles : Tibor se présente
comme l’homme à tout faire de Sergei. Il appré-
cie de laisser planer le doute quant à son véri-
table rôle. Par-dessus tout, il aime se moquer des
personnes qui font la confusion et pensent que
Sergei est son domestique et lui son vrai patron.
69
 ‌C Autres figurants
Irma Calvé, camériste discrète, possède
l’étrange et énervant don d’apparaître derrière
les personnes et de les surprendre, jamais de
manière intentionnelle toutefois. Irma Calvé se
prend d’affection pour Claire et est la première
à subir son pouvoir. Elle développe un amour
maternel de plus en plus exclusif, afin de com-
penser la perte de sa fille, décédée à peu près au
même âge.
Renata Gounod est une cantatrice venicienne
dont les mérites sont vantés partout sur la Toile.
Officiellement, elle s’est rendue à Méthalume
pour entraîner sa voix en dépassant en intensité
le bruit d’une usine. Officieusement, c’était pour
suivre un amant.

‌La deuxième classe

‌C Johan Jagger (C1)
Johan est un vétéran des guerres d’Acrymonie.
Jeune échassier, il s’est distingué en désertant
l’armée lanskoise pour rejoindre Venice. Là, il a
rencontré Phaléo Vitali, alors doge de la Lettre et
Conseil d’interprétation : Tibor prend souvent une
posture très noble, exigeant le respect. Il tente de
se montrer toujours bienveillant même lorsqu’il
est offensé. Durant les discussions et les transac-
tions financières, il soutient le noble marchand
par son incroyable mémoire. Il ne manque jamais
de lui rappeler que le profit doit rester la priorité
du konzern. Une telle attitude induit souvent la
confusion entre Sergei et Tibor, renforcée encore
par les conseils qu’il glisse à l’oreille de son maître.
Apparence : Quand l’étrange couple marche
ensemble, il semble plus que l’ancien soldat soit
le garde du corps et que cet homme âgé, bien
habillé et au port aristocratique soit le noble mar-
chand. Sergei en joue d’ailleurs, soit pour mettre
mal à l’aise une personne dans l’erreur, soit pour
gagner du temps et jauger son adversaire.
Effet de la nostalgie : La seule chose que Tibor
regrette est son ancienne ghilde d’assassins. Il se sou-
viendra d’anecdotes liées à ses anciens camarades et
se montrera enclin à aider ceux qui leur ressemblent.
Caractéristiques : Froid (-1) Port altier (+1),
Vigilant (+1), Physique 4 (Stylet 6), Mental 3
(Poison 5), Social 2.

70
farouche résistant à l’occupation. Mais Johan est
un survivant et il a préféré fuir plutôt que d’aider
les Veniciens. Caché dans une petite jonction, il a
servi de saisonnier, cueillant les fleurs d’écryme
jusqu’à ce qu’un hurleur lui brise les genoux.
S’il a retrouvé l’usage de ses jambes, sa mobilité
réduite lui interdit de remonter sur des échasses
et aurait dû le condamner. Pourtant, le hasard
fit que Phaléo l’a retrouvé et lui a permis d’ob-
tenir un poste dans l’asile humaniste de Venice.
Sous une nouvelle identité, il parcourt désormais
la Toile afin de déceler certains types de folie et
de ramener les déments pour qu’ils soient traités
humainement à Venice.
Destination et raison officielles : Johan ne ment
pas sur ses motivations. Il rentre bredouille, car
un étrange message provenant de l’asile l’a invité
à revenir de toute urgence.
Conseil d’interprétation : Johan Jagger est plutôt
un homme sympathique, proche des autres.
Apparence : Cette force de la nature présente
une chevelure rousse dorénavant teintée de
blanc. Habillé de manière pratique plus qu’es-
thétique, il boite de façon très visible.
Effet de la nostalgie : la nostalgie apportée par
Claire rend Johan mélancolique. D’un naturel
rieur et optimiste, il devient amer et prompt à
s’enivrer.
Caractéristiques : Boiteux (-1), Observateur
(+1), Fort (+1), Physique 4, Mental 3, Social 3.
donné qu’ils connaissent très peu Méthalume,
uniquement Moscou. Elle sera d’ailleurs rapide-
ment éventée par Sergei Iorga et Tibor.
Conseil d’interprétation : Lucien et Georges
n’ont pas l’habitude de dissimuler leur fonction
ni d’avoir à se justifier. Conscients qu’ils doivent
rester discrets, ils ont donc inventé à la hâte l’alibi
de la mort de leur père pour pouvoir ainsi s’en-
fermer dans leur chagrin (qu’ils miment d’ail-
leurs mal). Même s’ils sont décontenancés, ils
restent des métropolites et ne doivent pas être
sous-estimés.
Apparence : L’un grand blond et l’autre plus
chétif et brun, les deux métropolites font montre
d’une assurance due à leur fonction. Ils ont revêtu
des habits bourgeois extrêmement passe-partout.
C’est d’ailleurs ce qui dérange quand on les voit.
Ils ont l’air très/trop banals.
Effet de la nostalgie : La nostalgie provoquée
par Claire les incite à commettre des erreurs et à
se montrer plus intrépides qu’ils devraient être.
Distraits par des émotions d’une puissance dont ils
n’ont pas l’habitude, ils en oublient leur couverture
et les conséquences d’une action trop directe.
Trame du Lys Noir : Contre toute attente, ils
peuvent aider les personnages en difficulté s’ils

‌C Les frères Stengel

Lucien et Georges ne se ressemblent pas du
tout. L’un est un grand blond et l’autre, plus ché-
tif, arbore des cheveux bruns. En réalité, ce sont
deux métropolites moscovites à la recherche
d’un révolutionnaire lanskois en fuite dont ils ne
connaissent ni le nom ni le signalement (voir Lucas
Narasco plus haut). Les deux hommes imaginent
qu’il s’agit d’Anthelme. Il est assez rare qu’un
métropolite voyage seul et avec une enfant qui
plus est. Ils supposent donc qu’il s’agit d’une mau-
vaise couverture. Lucien et Georges vont dépen-
ser de fortes sommes pour faire des allers-retours
entre leur cabine et la première classe, mais ils ten-
teront de rester discrets, car ils n’ont aucune auto-
rité à bord du Transécryme. Ils dissimulent leur
appartenance au ministère de la Propagande par
peur de provoquer un incident diplomatique.
Destination et raison officielles : Lucien et Georges
prétendent être des frères méthalumiens en
voyage pour retrouver leur père mourant à
Venice. Leur couverture est assez grossière étant

71
 découvrent que le Lys Noir œuvre à bord du perdront la sympathie du personnel de la troi-
Transécryme. Les pistes qu’ils suivent permettent sième classe.
aussi d’aiguiller des personnages un peu perdus. Apparence : Vêtue élégamment, mais de
Caractéristiques : manière démodée, elle incarne les convenances
Lucien : Physique 4, Mental 3, Social 3 et les bonnes manières. Ses cheveux sont relevés
Georges : Physique 3, Mental 5, Social 2 en chignon strict, ses bottines et sa robe bien
qu’abîmés sont apprêtés à chaque arrêt du train.
‌C Autres figurants Elle se fait belle pour son amant.
Caractéristiques : Physique 2, Mental 2, Social 2.
Boris Foster est un domestique fidèle et ser-
viable qui n’apprécie pas son maître, Joachim
Guillemot. La nostalgie lui fait perdre son
professionnalisme.
Joachim Guillemot était l’assistant d’un noble
marchand. Son supérieur mort, veuf et sans des-
cendance, il s’est offert le luxe d’un voyage au bord
du Transécryme et verra où ses pas le mènent
(sûrement à Endémine). Négociant de la vieille
école, il n’arrive plus à se projeter dans la crois-
sance exponentielle des konzerns modernes.
Gardant l’esprit vif, la nostalgie lui fera regretter
le temps où les nobles marchands se spécialisaient
dans un unique domaine précis et ne cherchaient
pas à diversifier à outrance leurs sources de profit.

‌La troisième classe

Les passagers de troisième classe sont décrits
plus succinctement, car les personnages devraient
passer plus de temps dans les classes précédentes.

‌C Élisa Fagrec
Élisa est un cas à part dans le Transécryme. Elle
est une passagère permanente… Cette femme
entrant dans la cinquantaine a perdu la rai-
son durant les Guerres d’Acrymonie. Au début
du conflit, elle avait pris le parti de fuir pour
rejoindre l’amour de sa vie à bord du train. Ce
Christophe devait l’attendre à la prochaine escale,
mais il n’est jamais venu… Depuis elle descend à
chaque arrêt de train pour y guetter son amant.
À bord, elle demande à tous les passagers s’ils ne
l’ont pas aperçu.
Destination et raison officielles : Le personnel du
Transécryme peut témoigner de la véracité de son
histoire. Cette dernière les a d’ailleurs suffisam-
ment touchés pour qu’ils acceptent de la loger dans
le train. Élisa se comporte étrangement depuis
Méthalume et l’arrivée de Claire. La nostalgie l’at-
teint encore plus durement que les autres passagers.
Conseil d’interprétation : Amicale mais monoma-
niaque. Les personnes qui se moqueront d’elle
‌C Autres figurants
Hans Reiner était un membre de la petite
noblesse lanskoise. Il a été forcé de fuir sa patrie
et d’abandonner les honneurs auxquels il était
destiné suite à un duel d’honneur au cours
duquel il a tué son opposant. Il a rejoint le train
pour échapper à la justice du Tsar et se terre dans
la troisième classe, où personne ne devrait le
reconnaître. La plupart des passagers le trouvent
suspect, car agressif.
Alain Barre et ses collègues icariens voyagent
à bord du Transécryme afin de trouver du tra-
vail en tant que mercenaires. L’arrêt des guerres
d’Acrymonie les a laissés sur le carreau. Ils appa-
raîtront au cours de la première activité de la pre-
mière Trame et peuvent aider par la suite les per-
sonnages à trouver les affaires des membres du
Lys Noir qui se trouvent en troisième classe.

72
 ‌PREMIÈRE TRAME :
LE VOYAGE
Où l’on découvre
un monde mobile
P
our des raisons diverses, les personnages
sont à bord du prestigieux Transécryme
et remontent la route du fer en direc-
tion de Venice, ou plutôt de Méandre,
une localité proche de la cité des doges
qui fait office de gare ferroviaire. En
effet, les trains ne sont plus admis à
Venice du fait des vibrations, du bruit
et de la pollution qu’ils produisent. Une grande
partie des passagers y descendront.
Quels que soient leur sexe et leur origine, les
personnages se retrouvent dans la même cabine,
Anthelme ayant forcé le destin. Au cours de leurs
investigations, ils pourront découvrir que leur
nom et place ont été modifiés au dernier moment
(s’ils se rendent dans la cabine du maître contrô-
leur). Interrogé là-dessus, le maître contrôleur
avouera ne pas se souvenir des changements.
‌ onseils
C
pour la première
trame
‌ ’est autour de cette trame que se mo-
C rants ou toutes les petites fenêtres. Les passagers
dulent les autres. Idéalement, les premières
courtes scènes devraient mettre en valeur
un ou plusieurs personnages-joueurs, puis
être suivies d’un flashback. Flashbacks
comme scènes comportent des indices, à
vous de les mettre en scène plus ou moins
rapidement afin d’introduire les autres
trames. Jonglez avec les différentes scènes
en fonction de l’intérêt des joueurs. Si les
personnages s’intéressent rapidement au
Lys Noir et enquêtent sur le métropolite
et la Fillette alors, vous pouvez en omettre
certaines et accélérer les autres trames.
Chacune des scènes qui suivent donne
des indices au sujet du Lys Noir
et de la nostalgie.
En effet, il a été manipulé mentalement par
Anthelme pour les faire.
Bien qu’extrêmement luxueuse, la première
classe présente peu de distractions simultanées,
ce qui permet aux passagers de bénéficier de cha-
cune d’elles à tour de rôle. Ces événements ont
pour objectifs de tester certains aspects du sys-
tème de jeu et mettent l’accent sur les liens entre
les différentes factions de la Toile.
‌Une démonstration
de cerf-volant.
Un steward passe en faisant teinter sa clochette.
Le Transécryme va bientôt passer sur la longue
traverse de Salène. Cette dernière est en cours
de rénovation par les ouvriers acrobates du car-
tel de l’Acier, le train va donc réduire sa vitesse
durant quelques heures. Plusieurs icariens en
profitent pour sortir et réaliser un ballet de
cerfs-volants : accrochés au train, ils vont réaliser
des danses aériennes pour le plaisir des passagers
qui verront le spectacle depuis les wagons-restau-
désirant participer sont cordialement invités à les
rejoindre. La vitesse du train étant réduite (envi-
ron 30 km/h), la tâche n’est pas insurmontable.
La difficulté provient plutôt de la basse altitude
des vols qui doivent être vus du train.
Le principe de la danse est des plus simples :
deux icariens accrochent leur corde au même
endroit, puis se tournent autour en volant,
entrelaçant à chaque fois un peu plus leur lien.
À mesure que le temps passe, ils réduisent leur
marge de manœuvre et ajoutent du poids à leur
cerf-volant (celui des deux cordes). Le premier
des deux à arrêter perd. La Difficulté au test de
Conduite commence à 6, puis augmente de 2 en 2
à chaque nouveau tour de corde. Si l’un des deux
participants échoue, il est possible au second de
le remonter en réalisant jet de la Difficulté du
73
 test raté +2. Si les deux échouent, ils subissent un
Impact léger, majoré par la somme des Marges
d’échec. Arrivé à une Difficulté de 12, l’icarien
adverse propose d’arrêter, d’attraper son com-
parse et de séparer leur corde en tournant main
dans la main dans le sens contraire.
Participer à cette démonstration n’apporte rien
si ce n’est l’estime de tous les passagers du train.
Rien n’empêche non plus que les personnages
recroisent un icarien qui se montrera disposé
favorablement envers le participant de l’épreuve
et acceptera de l’aider dans la mesure de ses
moyens.
Caractéristiques : Physique 5 (Conduite de
cerf-volant 8)
Indice Nostalgie : la danse quasi hypnotique des
cerfs-volants permet une transition simple avec
un flashback ou un souvenir.
Indices Lys Noir : au cours de la joute, la corde
d’un des icariens se brise. Après quelques
secondes de flottement, le pilote arrive à se stabi-
liser et s’accroche in extremis à l’un des aérostats
amarrés aux wagons de queue. Il s’agit de l’appa-
reil de Guy de Lune, doté d’une immense baie
vitrée et dont chacun se fait une image différente.
Durant le ballet de cerf-volant, l’un des icariens
(ou un personnage) voit deux hommes, les deux
marionnettistes, remonter le train par l’extérieur
en direction de la locomotive de tête (Conduite
diff. 10). Décrivez la scène de manière trouble. Le
personnage croit avoir vu, il a peut-être rêvé ou
il s’agit d’une illusion d’optique. Leurs vêtements
et leur allure laissent deviner qu’ils viennent de
la troisième classe. Les guetteurs, intéressés par
le spectacle, n’auront rien remarqué. C’est suite à
cet événement que débute la quatrième trame et
les avaries du Transécryme, puisqu’ils ont empoi-
sonné l’eau de la citerne de la première motrice.
‌Les jeux
Le salon de la première classe possède de nom-
breux jeux pour se changer les idées : cartes,
échecs ou errance sont les plus répandus. Si
un personnage manifeste de l’intérêt pour l’un
d’eux, il se fera proposer une partie par un
autre passager. Les jeux de cartes étant basés en
partie sur le bluff, c’est un test de Faconde qui est
demandé. Les échecs exigent un test d’Urbatech-
nologie et l’errance de Traversologie. Si le person-
nage ou son adversaire trichent, une opposition
en Maraude est demandée pour dissimuler et/ou
démasquer la supercherie.
74
Afin d’inciter les interactions sociales, il est
conseillé de mettre en scène les passagers détail-
lés précédemment.
Armelle de Montbellaise adopte une attitude
ingénue, toujours charmante. Démonstrative
quand elle gagne, faussement boudeuse quand
elle perd, remerciant en permanence son adver-
saire pour ce divertissement.
Sergei Iorga est calme et calculateur, préfé-
rant les échecs et l’errance. Donnez-lui un score
de base de 4, augmentant de +2 à chaque partie
passée à étudier son adversaire.
Akhram Bila n’aime pas perdre, mais joue très
mal.
Le métropolite Melchior ne joue pas et reste
en retrait.
Claire elle aussi se désintéresse des activités
ludiques, mais elle est marquée par un regain
de curiosité si un personnage joue. Elle accep-
tera avec hésitation une invitation de la part d’un
membre de votre groupe, acquiesçant d’un hoche-
ment de tête. Si ses premiers tours se révèlent
médiocres, elle gagnera rapidement en ingénio-
sité et en astuce, sous l’œil noir de Melchior qui
n’apprécie guère qu’on parle à sa protégée.
Joueur type : Compétence pour le jeu 4, Maraude 2
Tricheur : Compétence pour le jeu 4, Maraude 4.
Indice Nostalgie : Servez-vous du Spleen ou de
l’Idéal des joueurs pour évoquer un souvenir. Les
éléments de jeu (une carte, une pièce) peuvent
rappeler une personne ou un lieu et ainsi amor-
cer la transition vers un flashback. Ce sentiment
est démultiplié en cas de partie avec Claire.
Indice Lys Noir : Lionel Neron semble avoir la
tête ailleurs. Quand on lui propose une partie,
il se prétend piètre joueur, mais en insistant ou
en lui demandant s’il a peur de perdre, son côté
chevaleresque prendra le dessus et il acceptera.
Il démontre alors une étrange habileté pour un
néophyte... La chance du débutant, répète-t-il.
‌Duel d’escrime
ou de poésie
Ce passage survient alors que le train longe
les traverses des principautés d’Olmune. Les
stewards prétextent une tradition : les personnes
qui le souhaitent peuvent s’affronter lors de joutes
courtoises, voire de passes d’armes amicales, à
la première touche, avec toutes les protections
d’usage (fleuret moucheté, pourpoints rembour-
rés...). En réalité, ce sont les courants émotionnels
charriant une partie de l’esprit chevaleresque et
d’amour courtois des seigneuries traversières qui
les poussent à agir de la sorte. D’ailleurs, durant
la traversée de ces courants, certains appareils
mécaniques modernes se dérèglent. Les montres
ralentissent ou s’arrêtent, les portes séparant les
wagons grincent, l’eau chaude est absente de la
tuyauterie, le panache de fumée issu de la loco-
motive de tête semble se coller au train, etc.
Les passes d’armes se font avec du matériel prêté
par le personnel du Transécryme, tandis que les
thèmes des poèmes sont choisis par une dame et
porteront sur des éléments caractéristiques de
la Toile (l’industrie, la liberté, le commerce, la
noblesse, la modernité…). La manière de les abor-
der peut octroyer des bonus. Les opposants des
personnages évoquent l’écryme, comparée à la
mort ou la toile formée par les traverses, tissant un
lien entre les individus. Le savoir sans contrôle des
Loges conduit à la ruine. Les ghildes sont abor-
dées de manière romantique, avec des voleurs au
grand cœur. Les ministères permettent de fédé-
rer les cœurs et la dévotion du peuple, garants de
l’ordre opposé au chaos de la révolution.
Appliquez les règles de Confrontation. Toutefois,
ces dernières ne donneront pas lieu à des séquelles
physiques, mentales ou sociales ni à de quel-
conques Malus durant le reste de la ballade.
Indice Nostalgie : Cette scène est entièrement
marquée par la nostalgie. Elle imprègne chaque
personne présente. Les personnages eux aussi
sont plus secrets, plus soucieux que d’ordinaire.
Un mot, une intonation, le cliquetis de l’acier ou
les intonations des participants peuvent les plon-
ger dans la rêverie d’un flashback.
Indice Lys Noir : Ces courants d’écryme ont un
impact très important sur Lionel Neron qui va
devenir encore plus chevaleresque qu’à l’accoutu-
mée. Le jeune homme exprimera en termes très
imagés son amour de l’honneur, des traverses et
de leurs valeurs.
‌ ispute entre
D fait que le personnage ne soit pas menacé per-
deux passagers
Lionel/Fredrik touché par la nostalgie n’a
pas encore empoisonné les réserves d’eau et la
nourriture du personnel du train. Il considère
en effet ce geste trop éloigné de ses idéaux che-
valeresques. Laurent Nébère, son supérieur au
sein du Lys Noir, vient le voir pour le rappeler à
l’ordre et le sommer d’agir.
Lui aussi est frappé par la nostalgie qui le rend
plus agressif envers les nantis. Plusieurs personnes
sont témoins de cette discussion et certains
évoquent même une altercation entre un membre
de la première classe et un roturier. Questionné,
Lionel évoque une discussion passionnée avec
un artiste de talent dont il voulait acheter des
œuvres… Malheureusement, le talent n’empêche pas
la misanthropie.
Indice Nostalgie : De manière dépitée et hau-
taine, les passagers se plaignent de l’évolution
des mœurs. Autrefois, les gens savaient tenir leur
place. Témoin de ces discours, Claire est genti-
ment prise à partie. On lui demande de bien
faire attention à rester sage quand elle grandira
et de toujours respecter les bonnes manières. Ces
éclats de voix rappelleront de situations vécues
aux personnages et amorceront un nouveau
flashback.
Indice Lys Noir : La scène est un indice à elle
seule, destinée à faire comprendre que quelque
chose de louche est lié à Lionel. Si ce n’est pas
le cas, faites jaser les autres passagers : l’alterca-
tion a débuté à voix basse, les deux semblaient
se connaître, l’outrecuidant passager de seconde
classe parlait à ce gentilhomme comme à un
subalterne, etc.
‌Le tir aux albâtres
Brisant leur isolement coutumier, plusieurs
guetteurs font irruption dans le wagon-restau-
rant pendant un repas. Ils ont apprécié l’action
des icariens et souhaitent s’y essayer à leur tour.
Ils mettent donc au défi les personnes présentes
de tirer quelques albâtres avant le coucher du
soleil. Accepter attire la sympathie des surveil-
lants. Pour l’occasion, ils s’arment d’une arba-
lète ou d’un mousquet et fournissent ce qu’il
faut aux volontaires. Les oiseaux étant extrême-
ment rapides, la Difficulté du Tir est de 12. Le
met de tirer quatre dés et de conserver les deux
meilleurs.
Indice Nostalgie : Chaque coup de feu peut être
un moyen de transition entre la scène et un flash-
back. À moins que le vol erratique des albâtres ne
captive un joueur.
Indice Lys Noir : Lionel Neron s’offusque de
cette activité et saisit ce prétexte pour s’éclipser.
Il se rend en seconde classe et empoisonne les
rations d’eau du personnel, avec son complice
Laurent Nébère. Après le défi, l’un des guet-
75
 teurs proposera aux participants de boire de
l’eau fraîchement arrivée depuis la grosse citerne
de seconde classe. Il envoie l’un de ses comparses
remplir un jerricane. Ce dernier reviendra surpris
d’avoir trouvé la citerne mal refermée et s’en plain-
dra. Ceux qui boiront se sentiront mal environ
une heure plus tard (crampes au ventre, vomisse-
ment et fatigue). Les doses ne sont pas mortelles.
Si à ce niveau de l’aventure les personnages
suivent Lionel, arrangez-vous pour que ce der-
nier les sème (ils sont pris dans un flashback,
quelqu’un les appelle…).
‌Personnel malade
Plusieurs stewards de première classe sont
tombés malades suite à l’empoisonnement des
réserves d’eau. Ils se sont fait remplacer au pied
levé par des membres du personnel de la troi-
sième classe, moins touchée.
Indice Nostalgie : Moins à cheval sur le proto-
cole, ces nouveaux arrivants vont remarquer
avec étonnement la morosité des passagers, qui
évoquent le mal du pays et une certaine nostalgie.
Indice Lys Noir : L’un va avoir une mauvaise idée.
En discutant avec Lionel, il lui demande ce qui
se passe et ce qu’il faudrait faire pour égayer
le wagon. Saisissant la balle au bond, celui-ci
lui propose de faire venir des marionnettistes
de sa connaissance, pour ramener de la bonne
humeur. Leur discussion n’est pas secrète et peut
être remarquée. Enfin, ce nouveau steward étant
peu touché par la nostalgie ou le poison, il se
comportera normalement, mais passera pour
extrêmement enjoué aux yeux des autres. Cela
permettra de faire comprendre que le mal pro-
vient du wagon.
‌Le spectacle
de marionnettes
Pour ramener un peu de gaieté, un des stewards
remplaçants a invité des amuseurs de troisième
classe. Il s’agit de Léon Rawiz et Nicolas Slavomir,
les deux marionnettistes du Lys Noir. Au salon,
ces derniers vont mettre en scène un petit spec-
tacle singeant les métropolites. La critique gros-
sière met en scène des membres de ghildes se
faisant passer pour de bons citoyens et trom-
pant des fonctionnaires acariâtres et bornés, le
tout avec force plaisanteries scatologiques. Cette
76
satire sociale heurte certains passagers. Une fois
la représentation terminée, les deux s’éclipsent
sans demander leur reste, laissant une partie de
leur matériel dans un coin.
Complication et indice : Après le début de la
représentation, un jet de Maraude (diff. 12) per-
met de remarquer que Lionel Neron discute avec
Laurent Nébère, le passager de seconde classe
avec qui il s’était disputé. Étonnamment, tout
semble avoir été oublié et ils échangent normale-
ment. Marge de 2 : quelques minutes plus tard,
en plein pendant le spectacle, les deux s’éclipsent
discrètement. De plus, un test de Représentation
(diff. 10) révèle que les amuseurs balayaient
l’assistance du regard comme s’ils cherchaient
quelque chose ou quelqu’un. Marge de 2 : à plu-
sieurs reprises, ils ont lancé des regards insistants
à Laurent et Lionel.
Attention : si un personnage a participé au duel
de cerfs-volants et a aperçu les deux silhouettes
remontant le long du train, il les reconnaît : ce
sont les marionnettistes !
‌L’attentat du Lys Noir
Alors que le spectacle de marionnettes bat son
plein, Lionel Neron et Laurent Nébère se fau-
filent telles des ombres dans le couloir. En che-
min, le second saisit un steward, l’égorge et laisse
son cadavre en plein milieu du couloir, autant
pour détourner l’attention des passagers que
pour gêner d’éventuels poursuivants. Quelques
secondes plus tard, ils enfoncent la porte de la
cabine du métropolite. Ils se battent et Melchior
est gravement blessé au ventre. Les agresseurs
attrapent la Fillette et courent vers la queue du
train où ils montent dans l’aérostat de Guy de
Lune. Durant tout ce temps, Claire ne se débat
pas ni ne crie.
Complication et indice : Cette partie dépend
entièrement des réactions des personnages. Leur
présence permettrait quelques empoignades,
mais aussi une course-poursuite dans les cour-
sives et sur les toits du train qui, rappelons-le, est
construit sur deux ou trois étages. S’ils ont le des-
sus, faites intervenir les marionnettistes qui sont
des acrobates accomplis. Si le sort s’acharne, que
les joueurs ont tout prévu et que leurs person-
nages parviennent à sauver Claire, alors laissez-les
gagner, ils l’ont bien mérité. Pour l’instant…
Si, au contraire, ils n’ont suivi aucun des signes,
passez directement à la scène suivante. Quoi qu’il
advienne, Guy de Lune parviendra à fuir.
 Configuration idéale : Cette scène, si les person-
nages y assistent, impose un choix : celui de sau-
ver le métropolite ou la Fillette. Mieux encore,
si les joueurs enquêtent sur Lionel Neron, insis-
tez sur le fait que ce dernier ainsi que son voisin
de cabine assistent à la représentation et que les
personnages n’auront pas de meilleure opportu-
nité de fouiller sa cabine. Ils découvrent alors la
bombe pour voir passer ensuite un peu plus loin
les deux membres du Lys Noir (n’oubliez pas les
divers étages des wagons pour aider les terroristes
dans leur action). Les personnages se retrouvent
face à trois choix : désamorcer la bombe, sauver
le métropolite (un rapide regard le donne mou-
rant à moins de stabiliser son état) ou arrêter les
kidnappeurs.
‌La découverte du corps
Si les personnages n’ont pas assisté à la scène, un
cri les avertira. Le sort du steward ne fait aucun
doute, mais celui de Melchior demeure incer-
tain. Se tordant de douleur, il perd beaucoup de
sang et risque de mourir lui aussi s’il n’est pas soi-
gné dans les plus brefs délais. L’homme est pâle,
plus encore qu’à l’accoutumée, et sa chemise se
teinte de rouge. Étrangement, le métropolite
refuse d’ôter ses vêtements, se cramponnant à
son haut-de-forme. Il faudra déployer des trésors
d’argumentation pour qu’il envisage de se dévê-
tir et qu’on puisse examiner sa plaie (Argutie ou
Faconde diff. 12). La personne qui prodiguera les
premiers soins remarquera qu’il est impossible de
déchirer ses habits et qu’il faut les déboutonner
pour enlever son gilet et sa chemise.
Manteau, haut-de-forme, gilet et chemise sont
étrangement lourds. Un examen minutieux per-
mettra d’y trouver quelques fils métalliques. Si ses
vêtements n’avaient pas été d’une telle qualité,
la blessure aurait sans doute été fatale. Malgré
l’urgence de la situation, les personnages se sur-
prennent à éprouver une certaine révérence
envers les vêtements du métropolite. Plus encore
s’ils se demandent pourquoi ils accaparent tant
leurs pensées.
Complication et indices : L’état de Melchior
ne lui permet en aucun cas d’aider les person-
nages (surtout s’il a usé de la céphalie pour les
convaincre de l’aider). Il peut toutefois répondre
à quelques-unes de leurs questions. Durant toute
la scène, insistez sur son absence de réaction.
Le métropolite ne semble pas comprendre
pourquoi des traversiers auraient voulu enlever
la jeune fille et suppose qu’il s’agirait plutôt
d’un ennemi personnel qui aurait cherché à
l’atteindre. Il n’en dira pas plus, mais sous-
entendra qu’un métropolite se fait de nombreux
adversaires durant sa carrière. Mis à part Lionel,
il est incapable d’identifier ses agresseurs. Enfin,
ce n’est qu’une supposition, mais les ravisseurs
voulaient prendre Claire vivante. S’ils avaient
voulu la tuer, ils l’auraient déjà fait. Quant à
l’absence de réaction de la Fillette, cela ne le
surprend pas. Après tout, les personnages avaient
dû remarquer qu’elle était étrange.
‌Autres événements
Ces quelques scènes permettent de présenter
plus avant les autres passagers :
Dans le salon, des discussions autour d’un
verre d’absinthe inciteront les personnages à
découvrir les protagonistes de la ballade. Armelle
y badine, Sergei Iorga sympathise puis se fâche
avec Akhram Bila ou Andreij Bader, Melchior
s’intéresse aux personnages, Renata Gounod est
victime de commérages au sujet de ses mœurs
volages… Ces rencontres, si elles se reproduisent,
sont un parfait moyen de montrer la nostalgie
grandissante au sein du wagon.
Le wagon-restaurant est transformé en salle
d’opéra par Renata. Elle entonne La Duchesse de
Moscou, une œuvre dans laquelle une jeune prin-
cesse traversière refuse de continuer sa vie iso-
lée et rejoint la cité ; l’amour lui fait surmonter
ses peurs et les difficultés de la vie. Un test de
Représentation (diff. 10) montre que Lionel Neron
peine à dissimuler de l’agacement.
L’un des passagers (Andreij Bader ou Akhram
Bila) se plaint du goût de la nourriture. Une
hôtesse promet que cela ne se reproduira pas.
Une fois partis, les autres passagers critiquent
sa perpétuelle insatisfaction. D’autres plaintes
vont désormais sur venir régulièrement. La
nostalgie affadit le voyage et même le person-
nel du Transécryme commence à perdre son
professionnalisme.
77
 ‌SECONDE TRAME :
LES FLASHBACKS
Où l’on se déstructure
le récit
L
es ballades sobrement intitulées flash-
back sont spécifiquement dédiées à
chaque personnage et leur servent à
tour de rôle d’introduction. Pendant
leur déroulement, les autres joueurs
incarnent des PNJ prétirés. Ces courtes
aventures créent une structure sur le
modèle des films choraux. Pour vous
aider, n’hésitez pas à revoir Pulp Fiction de
Quentin Tarantino, Crash de Paul Haggis ou
Bobby d’Emilio Estevez.
‌ ettre en scène
M tez en moyenne deux grosses séances de jeu).
des flashbacks
‌ e ton divers, les flashbacks offrent la pos-
D rieure en temps qu’aventure pleine et entière.
sibilité de sortir de l’ordinaire et de bou-
leverser le fonctionnement de votre table.
Nous vous proposons trois schémas pour
les mettre en scène :
Le même conteur organise l’ensemble
des flashbacks. Il les sélectionne en fonc-
tion des personnages à mettre en valeur et
distribue les prétirés spécialement adaptés.
Le joueur organise son propre flashback.
Son personnage est incarné par un autre
joueur ou par ce conteur improvisé, qui
traitera son personnage comme un PNJ
d’importance.
Le conteur est choisi au hasard. Le per-
sonnage mis en valeur conserve son joueur
attitré.
Dans le cas où les seconde et troisième op-
tions seraient retenues, le conteur principal
devrait transmettre aux joueurs concernés
leurs flashbacks dédiés.
78
Il existe de multiples moyens de les aborder :
La première possibilité est d’utiliser chaque
flashback indépendamment. Plus facile à mettre
en œuvre pour des conteurs et des joueurs débu-
tants, cette approche perd un peu en dynamisme.
Une seconde possibilité consiste à incorporer
les flashbacks entre chaque scène, diminuant
le sentiment de linéarité de la première trame.
C’est cette option qui a été retenue lors des par-
ties tests, ainsi que lors de la rédaction de cette
ballade. Il est conseillé d’alterner un événement
du train touchant l’un des personnages, puis de
faire jouer le flashback qui lui est dédié. La diffi-
culté n’est pas au niveau de la narration, mais du
temps nécessaire à cette première partie (comp-
Une dernière possibilité est de supprimer
ces retours en arrière pour une utilisation ulté-
Cette approche empêche cependant de décou-
vrir les indices fournis dans les flashbacks. Dans
ce cas, n’hésitez pas à replacer quelques-uns de
ces indices au cours d’une discussion de salon
dans le Transécryme.
Si vous aimez mettre vous-mêmes les mains
dans le cambouis, faites un peu des trois : jouer
un premier flashback lors de la création d’un
personnage, en mettre en scène un ou deux
dans le train et les derniers après Hodologie à
rebours. De même, n’hésitez jamais à piocher ce
qui vous plaît dans les flashbacks pour les faire
à votre sauce.
 ‌TROISIÈME TRAME :
LES AGISSEMENTS DU LYS NOIR
Où les fleurs du mal
sont noires
L
es activités terroristes du Lys Noir à bord
du Transécryme sont de trois ordres :
Empoisonner les citernes de la loco-
motive principale (détaillé dans la qua-
trième trame).
Empoisonner les réserves d’eau du
personnel afin de créer une diversion et
de réaliser plus facilement l’enlèvement.
K idnapper Claire et fuir en laissant cinq
bombes (une par membre) à bord du train.
‌ ans les épisodes
D un concurrent du noble marchand.
précédents d’Écryme…
Voici un petit bréviaire des indices permet-
tant de découvrir le jeu du Lys Noir au sein du
Transécryme, ainsi que l’endroit où ces indices
se trouvent :
L’église des Trois Aciers : une plaque relate
les fortes suspicions d’actions du Lys Noir à proxi-
mité de Méthalume.
‌Du timing idéal
‌Le début de l’enquête sur le Lys Noir de-
vrait survenir aux environs de l’événement
sur le tir aux albâtres. Si les personnages
assistent (voire participent) à l’activité, of-
frez-leur une petite altercation avec Lionel
Neron, et embrayez sur la demande des
machinistes d’enquêter. L’empoisonnement
du personnel constituera ensuite un indice
plus précis. Les personnages devraient
nourrir de forts soupçons et chercheront
des preuves incriminant Lionel Neron
dans les autres classes. S’ils profitent du
spectacle de marionnettes pour le faire,
ils seront témoins de l’enlèvement.
L’église des Trois Aciers : le dialogue entre
un enfant (l’Enfant) et Guy de Lune permet de
comprendre que des personnes doivent employer
des mécanismes renégats et kidnapper une fil-
lette (la Fillette).
Traverser les océans du vide : Edward Albrane
avoue avoir créé des mécanismes de bombes pour
payer les réparations du navire.
Le manuscrit de Linzi : des transferts de
fonds ont été faits entre Samuel Bilefsky et Guy
de Lune, afin de nuire au cartel de l’Acier qui est
Si les symptômes persistent : de la poudre
noire a été vendue à une personne voyageant à
bord d’un étrange dirigeable vitré.
Il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte :
les personnages entendent parler du Lys Noir au
cours de leur première sortie.
Scène Une démonstration de cerf-volant : les per-
sonnages peuvent voir l’aérostat du Lys Noir (voir
plus bas) et deux hommes remonter le train par
l’extérieur.
Scène Les jeux : Lionel Neron ment clairement
au cours de cette scène.
Scène Duel d’escrime ou de poésie : à nouveau
Lionel Neron dissimule quelque chose.
Scène Dispute entre deux passagers : c’est avec
cet indice que les joueurs sont censés entrer
dans l’action. Les paroles à voix basse, l’attitude
étrange de Lionel Néron, ses mensonges… tout
devrait les inciter à y regarder de plus près.
Scène Le tir aux albâtres : l’attitude étrange de
Lionel Néron, le fait qu’il parte discrètement, les
personnes tombant malades à partir de cet instant…
Scènes Personnel malade : ces scènes servent
autant à diffuser des indices qu’à brouiller les pistes.
Scène Le spectacle de marionnettes : au cours
de cette scène, les membres du Lys Noir vont être
réunis.
Sixième trame : La pie voleuse : au cours de
cette trame optionnelle, Armelle fouille la cabine
de Lionel et découvre la bombe (arme renégate).
Elle ne dévoile rien à moins d’être démasquée.
79
 ‌Les bombes
Les bombes sont apportées dans le train par
les différents membres du Lys Noir. Au nombre
de cinq, elles sont placées dans des sacoches de
médecin elles-mêmes disposées de la manière
suivante :
Lionel Neron (dans sa cabine en première
classe).
Laurent Nébère (dans sa cabine en seconde
classe).
Lucas Narasco, artificier, place sa bombe dans
les toilettes d’un wagon de seconde classe. Ces
dernières, situées au bout de la voiture la feront
dérailler plus sûrement.
Léon Rawiz et Nicolas Slavomir (une dans
le wagon-consigne en troisième classe et l’autre
dans le décor des marionnettes laissé en pre-
mière classe).
‌Jouer aux démineurs
Les bombes sont un amalgame de fils de cuivre,
de montres à gousset, de mini cylindres rotatifs,
de fioles contenant du liquide et d’autres de la
poudre noire. Les mécanismes paraissent assez
rustiques (pour nous, personnes du XXIe siècle)
et les personnages n’auront qu’à tirer sur les fils
ou à jeter les bombes dans l’écryme pour s’en
débarrasser. Toutefois, à leurs yeux de person-
nages de la Toile, ils semblent extrêmement com-
pliqués (d’autant plus qu’ils ont été réalisés par
un prêtre de Malachine – cf. Traverser les océans
du vide). Gageons que les joueurs, mus par un
réflexe quasi pavlovien entretenu par des dizaines
de films hollywoodiens à gros budget, redouble-
ront d’ingéniosité pour couper le fil rouge ou
le fil bleu. S’agissant de technologie renégate,
seul un test d’Anthropo-mécanologie (diff. 16) les
convaincra d’arracher bêtement les fils ou de ne
pas avoir de sueurs froides en les transportant.
‌Autres indices
D’autres indices peuvent être donnés aux
joueurs.
‌Les cabines
Lionel Neron
L’homme paraît suffisamment riche pour une
cabine deux places qu’il partage avec Andreij
80
Bader. Ce dernier étant plus secret encore que
Lionel, il y a peu de chance qu’il puisse en dire
beaucoup. Il révélera simplement que dans les
poches intérieures du manteau de son compa-
gnon, des petits objets de verre comme des fioles
teintaient à chaque cahot du train. Lionel s’effor-
çait de toujours masquer ce bruit qui le mettait
mal à l’aise. Évidemment, il s’agissait des fioles de
poison. Autre fait notable, il conservait sa sacoche
de médecin comme son bien le plus précieux.
Si les personnages fouillent ses bagages, ils ne
trouveront que quelques vêtements. Ces derniers
assez peu nombreux, mais de qualité indiquent
que l’homme cherchait à démontrer qu’il parais-
sait riche, mais ne l’était pas. Dans la sacoche de
médecin qui est dissimulée sous la couchette du
terroriste se trouve la bombe.
Laurent Nébère
L’homme garde peu de chose dans sa cabine.
Il en sortait rarement, pour sa toilette unique-
ment, et était particulièrement antipathique. S’ils
ne sont pas informés de la situation, ses voisins de
cabines trouvent étrange que Laurent soit parti
aussi longtemps et ait abandonné sa sacoche.
Léon Rawiz et Nicolas Slavomir
Comme ils n’ont pas le choix, les deux hommes
abandonnent une première sacoche dans le
wagon-consigne de troisième classe. Quant à
la seconde, il la laisse dans le décor utilisé lors
de leur spectacle de marionnettes, une fois que
celui-ci est terminé.
Le wagon-consigne abrite une pyramide désor-
donnée de bagages. Les joueurs vont devoir
redoubler d’ingéniosité pour trouver la sacoche
sans perdre un temps précieux. S’ils fouillent de
manière désordonnée, ils risquent d’attirer l’at-
tention et la colère des voyageurs. Ils devront
trouver une bonne explication pour que ces der-
niers acceptent de reprendre leurs bagages dans
le calme.
Lucas Narasco
Aucune sacoche ne se trouve dans la cabine du
dernier terroriste tout simplement parce qu’il a
déposé la sienne dans les toilettes de la seconde
classe, la cachant à l’intérieur du panneau der-
rière une cuvette. Pour y parvenir, il a littérale-
ment délogé une personne qui faisait ses petites
affaires. Cette dernière, un marchand de cas-
quettes venicien du nom de Leopold Saganti, s’en
plaint encore bruyamment.
‌Le personnel du Transécryme
À partir du moment où les personnages ont une
légitimité pour enquêter (suite à leur rencontre avec
les conducteurs détaillée dans la trame suivante), le
personnel du Transécryme accepte volontiers de les
aider. Ils ne savent pas grand-chose de Neron ni
de ses complices. Ce dernier a acheté son billet et
s’est déclaré marchand indépendant en route pour
Venice. Ils ne lui connaissent pas d’accointances
avec les autres passagers, si ce n’est le personnage
de seconde classe Laurent Nébère. Malgré l’alter-
cation dont il a été victime, Lionel Neron n’a pas
estimé bon de se plaindre.
Les guetteurs ont suivi comme ils ont pu les
déplacements de Nébère. Cet homme était pour
le moins mystérieux ; il ne parlait quasiment pas,
sortait peu si ce n’est pour rencontrer un ou plu-
sieurs autres passagers de seconde classe, ainsi
que deux autres individus de troisième classe
vêtus comme des traversiers.
Gageons qu’après le spectacle de marionnettes,
les personnages auront découvert 4 poseurs de
bombes potentiels :
Lionel Neron.
Laurent Nébère.
Léon Rawiz et Nicolas Slavomir.
Et qu’il leur manque :
Lucas Narasco.
‌Traces laissées sur le train
Après la rencontre avec les conducteurs, les
personnages désireront peut-être examiner
l’extérieur du train. Ils découvriront alors des
rayures et des entailles sur la carlingue externe.
Il s’agit des traces laissées par les crochets qui ont
été utilisés pour longer le train. Ces dernières se
prolongent de la locomotive de tête (la citerne)
jusqu’à la troisième classe. Seuls de véritables
acrobates auront pu réaliser un tel exploit.
La bombe, dissimulée dans les toilettes
de seconde classe peut être découverte, car
un panneau a été abîmé. Les avaries (voir
trame ci-après) ont poussé le personnel du
Transécr y me à négliger ce fait, mais elles
frappent également les commodités qui fonc-
tionnent désormais très mal.
‌Les initiales
Si l’un des joueurs fait le recoupement des ini-
tiales et du Lys Noir, alors il aura besoin d’une
liste de tous les passagers qui peut leur être four-
nie par les maîtres contrôleurs. Au vu du nombre
de passagers, cette piste est toutefois un peu
‌Alerte à la bombe
‌Si à un moment ou à un autre, les passa-
gers sont informés de la présence d’une
bombe à bord, cela va provoquer des
mouvements de panique. Ils chercheront
désespérément à changer de wagon en
allant si possible vers l’avant du train.
Circuler se révèlera extrêmement
compliqué.
longue à suivre. Voici quelques faux noms et leurs
descriptifs pour vous permettre d’improviser :
Louis Nohr (avocat-duelliste, première classe) ;
Lucie Neyer (maître de Loge, première classe) ;
Lise et Luc Neuville (frère et sœur de 5 et 9
ans, deuxième classe) ; Lucien Nadrani (chroni-
queur indépendant, deuxième classe) ; Lorelyne
Nalleham (musicienne, deuxième classe) ; Léger
Nahmany (page d’un noble marchand, pre-
mière classe) ; Lanae Nomose (musicienne, deu-
xième classe) ; Levin Nonahan (militaire en per-
mission, deuxième classe) ; Laurent Naynard
(porteur de chaise, troisième classe) ; Lorenso
Nagel (scribe, troisième classe) ; Lydie Narciniec
(disciple de l’Arantèle, troisième classe) ; Lyse
Nagaillant (artisan, deuxième classe) ; Larissa
Neiland (chasseur de prime, troisième classe) ;
Lester Norbedo (travailleur itinérant, troisième
classe) ; Ludivine Nadin (femme à tout faire, troi-
sième classe).
Et si l’un des joueurs recherchait également
les initiales NL, voici une petite liste vous per-
mettant d’improviser : Nicole Lera (diplomate,
première classe) ; Norbert Laumont (brasseur,
deuxième classe) ; Natacha Leconte (actrice,
deuxième classe) ; Ninon Livingston (commis-
sionnaire, première classe) ; Nina Loren (artiste
ratée, troisième classe).
‌L’aérostat du Lys Noir
Cet indice est donné si les personnages visitent le
Transécryme ou participent à la scène Une démons-
tration de cerf-volant. Le train charrie de nombreux
dirigeables attachés aux wagons de queue. Parmi
eux, un aérostat se distingue par ses larges baies
vitrées, dont une servant de plancher. Il n’est pas
frappé d’aucun blason de konzern.
Difficile d’en apprendre davantage sur ce diri-
geable flottant fièrement au milieu des autres bal-
81
 lons appartenant à la noblesse marchande. Ses
propriétaires ont payé en or et prétendent appar-
tenir à la seigneurie traversière de Sableryne
(voir Escale à Sableryne). Il se désarrimera dès
qu’il aura à son bord la jeune fille. Si les person-
nages ne s’inquiètent pas de ce dirigeable, veillez
à leur faire parvenir cette information alors qu’ils
enquêteront sur les membres du Lys Noir.
‌Sauver la situation
Si les joueurs passent totalement à côté de l’in-
trigue, plusieurs indices supplémentaires peuvent
être ajoutés :
‌QUATRIÈME TRAME :
L’EMPOISONNEMENT DU
TRANSÉCRYME
Où un immense privilège
est accordé
L
e Transécryme est bâti sur un secret. Il
s’agit d’une anence et ses machinistes
sont en réalité des céphales qui ont
développé un lien mimétique exclusif
avec l’ensemble des wagons. Grâce à ce
dernier, ils parviennent à systématique-
ment empêcher les avaries et les dépré-
dations, aidant le personnel (en particu-
lier les guetteurs) à assurer leur tâche. Au prix
de leur humanité, deux d’entre eux se sacrifient
et se fondent en partie dans la machine. Ainsi,
ils deviennent les conducteurs. Ils pilotent le
train comme s’il s’agissait d’une extension de
leur propre corps. Selon un cycle immuable, ils
finissent par se fondre dans le train lorsqu’ils
sont épuisés et ils laissent la place à deux nou-
veaux. Tout se déroule au mieux depuis la créa-
tion du Transécryme… jusqu’à aujourd’hui où
deux actions distinctes ont grippé cette méca-
nique finement rodée.
La nostalgie dégagée par Claire altère la raison
des machinistes et des conducteurs et brouille en
partie leur lien avec le Transécryme. D’abord avec
le wagon dans lequel se trouve la Fillette, puis peu
à peu avec le train tout entier. Cela va permettre
82
Oreille interne : Andreij Bader discute pho-
nographie avec l’un des personnages. Il évoque
sa surprise quand il s’est rendu compte que son
compagnon de cabine n’avait absolument aucune
notion phonographique, alors qu’il est un ache-
teur averti.
Les frères Stengel : les deux métropolites
pensent avoir trouvé en Lionel leur fugitif. Ils
s’intéressent donc à lui plus que de raison.
Fausse identité : un passager d’un autre wagon
reconnaîtra un membre du Lys Noir et l’appel-
lera par son vrai nom. Le terroriste prétextera
une erreur et quittera les lieux à la hâte.
aux terroristes du Lys Noir d’agir sans se faire
repérer et sans que le personnel ne puisse réagir.
Le poison dilué dans la citerne de la locomo-
tive de tête n’est pas suffisant pour tuer les deux
céphales enchâssés, mais il les corrompt malgré
tout. Comme une infection, il s’étend à l’ensemble
du train qui connaît des avaries de plus en plus
importantes. Les prêtres de Malachine voient à leur
tour leur esprit se déliter et, sans maître à bord, le
Transécryme s’emballe dans une course folle.
‌Les conducteurs
Se déroulant après la dispute entre Neron et
Nébère, cette scène est très proche chronologi-
quement du tir aux albâtres. Si les personnages
ne se montrent pas trop suspicieux envers Lionel
Neron, elle se déroulera après ce petit concours.
Une fois que les personnages en auront appris
suffisamment (dès qu’ils commencent à enquê-
ter de manière active), une jeune hôtesse leur
annonce que les conducteurs sollicitent leur pré-
sence à l’instant. Il s’agit d’un immense privilège
et un refus serait simplement impensable.

‌ érer
G
l’aspect fantastique
‌ uivant la quantité de surnaturel que
S les yeux rivés au plancher quand il s’arrête devant
vous désirez introduire dans votre par-
tie, vous pouvez modifier cette trame.
Si vous ne souhaitez pas amoindrir le
fantastique, alors les personnages sont
conviés à voir les conducteurs.
À l’inverse, ils rencontreront simplement
un représentant du cartel de l’Acier, par
exemple un noble marchand soucieux
de ses intérêts. Il leur expliquera avoir
remarqué certaines irrégularités et de
troublantes coïncidences dans leur ac-
quisition d’un billet de première classe.
Non seulement il accepte de fermer les
yeux, mais il leur serait éternellement
redevable (financièrement au besoin) si
les personnages acceptaient de mener
une enquête en son nom. En effet, le
personnel lui fait défaut pour assurer
cette tâche. Une part importante des
employés surveille d’inquiétants signes
d’usure sur le train qui doivent impéra-
tivement être scrutés de manière quasi
continue. Et lui-même supervise l’opé-
ration.
Les regards scrutateurs accompagnent les pas
des personnages durant toute leur progression
vers la locomotive. Le personnel reste en grande
partie surpris d’un tel honneur et les regarde avec
une ferveur quasi religieuse. La jeune hôtesse les
devance jusqu’à la porte de la locomotive. Cette
dernière s’ouvre sur un véritable monde méca-
nique en agitation, où les personnages sont lais-
sés entre les mains des prêtres de Malachine. Ces
hommes et ces femmes, le visage couvert de suie,
avancent pieds nus et ont constamment une main
en contact avec le wagon. Ils s’affairent sans un
mot, sachant presque intuitivement ce que les
autres vont réaliser, contrôlant les niveaux d’eau
ou d’huile, et alimentant en charbon un foyer
colossal situé tout à l’avant du Transécryme qui
ressemble à une gueule béante. Dans un tinta-
marre assourdissant, le plus jeune leur fait signe
de le suivre dans cette direction.
Sur le chemin, les personnages peuvent remar-
quer la citerne d’eau. Elle n’est ni entièrement
encastrée dans la locomotive ni couverte, afin
de pouvoir récolter l’eau de pluie. D’imposantes
tubulures de fonte et de cuivre en sortent pour
acheminer le précieux liquide dans les chau-
dières environnantes.
Avec déférence, le garçon garde la tête baissée,
le foyer. Les flammes immenses dégagent une cha-
leur suffocante. À gauche du feu, il s’engouffre
dans un conduit qui contourne l’âtre jusque dans
une étroite pièce, la plus à l’avant du train. Là, cha-
cun contre un mur et se faisant face, deux corps
sont enchâssés à partir du bas ventre et au niveau
des épaules. Ces hommes troncs, imberbes, sem-
blables au point qu’ils paraissent jumeaux, parlent
d’une même voix sifflante, entrecoupée de quintes
de toux durant lesquelles, ils crachent une glaire
épaisse comme de l’huile :
Depuis bien des années, nous n’avions plus conscience
d’être humains, jusqu’à ce que vous montiez en nous.
Cela nous intrigue et nous effraie à la fois. Nous ne
saurions dire pourquoi, mais nous perdons peu à peu
notre sensibilité si bien qu’un crime a pu, peut ou
pourra être commis en notre sein sans que nous le res-
sentions (note 1). Notre vision s’embrume et nous res-
sentons des douleurs inhabituelles, comme si un cancer
se multipliait en nous. Par moment, nous percevons le
vent sur notre peau mise à nue et griffée par des cro-
chets. En ce qui concerne le travail que nous vous assi-
gnons, il faut qu’il soit achevé. Aidez-nous à trouver le
cancer avant qu’il ne soit trop tard. Nous percevons la
présence diffuse de 5 tumeurs (note 2). Même si nous
sommes affaiblis, partout où vous irez, nous serons là,
car vous serez nos yeux et nos oreilles, notre lumière
dans la nuit. Touchez et nous verrons et nous pourrons
vous aider dans la mesure de nos moyens. Regardez-
nous bien dans les yeux et partez.
En plongeant leur regard dans celui des
céphales, les personnages sont confrontés à un
vide abyssal. Ils sentent comme une brûlure
dans leur esprit et une volonté qui se greffe à la
leur. L’expérience est très désagréable, mais elle
s’avère bénéfique. En effet, à partir de ce moment
et à tout instant, il suffira qu’un des personnages
pose sa peau nue contre le train pour qu’une de
ses requêtes se réalise. Il faut néanmoins que le
joueur en ait l’idée et qu’il s’agisse d’une action
simple (porte qui ne s’ouvre pas, lumière qui
s’éteint ou s’allume, tuyau qui chauffe ou crache
de la vapeur, etc.).
Note 1 : les conducteurs perdent en grande par-
tie les notions du temps présent, passé et futur.
Note 2 : Ils parlent des bombes.
83
 ‌ a première avarie
L ‌Un train en décrépitude
d’une longue série
Des avaries de plus en plus fréquentes se pro-
duisent. En voici quelques-unes destinées à vous
inspirer :
Des crissements se font entendre.
Les passagers ressentent quelques sursauts.
La course du train se fait plus saccadée.
Les portes s’ouvrent mal.
La tuyauterie émet des grincements inquié-
tants. Ces derniers sont plus forts près des toi-
lettes ou des points d’eau.
L’eau ne coule pas ou sort souillée des robinets.
‌Rien ne va plus !
À mesure que les personnages progressent, les
avaries deviennent de plus en plus importantes.
Un tuyau explose dans le couloir, expectorant
sa vapeur brûlante.
La locomotive émet un sifflement plaintif.
Le personnel du Transécryme adresse une
prière silencieuse au train et semble paniqué.
La poignée d’une cabine casse, laissant enfer-
més des passagers.
La nourriture moisit rapidement et l’odeur
oblige les stewards à s’en débarrasser.
L’eau des toilettes se met à refouler, puis
déborde et envahit un couloir.
84
Les lambris, les décorations, la taille réelle des
cabines du Transécryme, tout cela est magnifié
par le fait qu’il s’agit d’une anence. La perte de
contrôle des céphales laisse entrevoir certains élé-
ments de décrépitude aux passagers :
Les dorures se ternissent, les wagons paraissent
plus petits.
Les peintures changent, semblant passées
d’époque.
Des enfants fantomatiques courent et dispa-
raissent dans de grands éclats de rire.
De la musique et des rires se font entendre,
mais ne mènent à rien.
Répétez plusieurs fois un point précédent.
‌La fin du voyage
Cette trame se conclut lorsque les joueurs
déduisent que l’eau servant à la locomotive prin-
cipale est empoisonnée (n’hésitez pas à mettre
de l’eau dans la plupart des avaries). Avisés, les
prêtres de Malachine vidangeront la citerne. Le
train ralentira, mais la suite du périple sera moins
difficile. Si rien n’est fait, les conducteurs finiront
par mourir. Imaginez des dégradations bien pires
encore, jusqu’au déraillement du Transécryme.
 ‌CINQUIÈME TRAME :
LES EFFETS DE LA NOSTALGIE
Où l’on se souvient et où l’on regrette
‌ ostalgie sur
N la nostalgie ajoutent surtout à l’ambiance
la route du fer
‌ a nostalgie provoquée par la Fillette
L peuvent découvrir le lien entre les senti-
n’est pas uniquement un moyen de pré-
senter les personnages et de les lier au
métropolite Anthelme Pelleterat. C’est
aussi l’occasion de souligner leur Spleen
et leur Idéal ainsi que de développer des
liens avec la Loge des effluents. Ces sou-
venirs sont à la fois provoqués par le cou-
rant d’émotion lié à la Fillette, mais aussi
le pouvoir suggestif du métropolite.
Spleen et Idéal :
S’ils sont liés à un élément imma-
tériel (but moral ou idéologique, code
de conduite ou objectif personnel), le
personnage se remémore comment sa
vie était simple avant sa montée dans
le train. Il entend quelques bribes de
conversation lui rappelant à quel point
sa vie est désormais risquée. Les deux
orateurs parlent d’échec, d’une per-
sonne devenue folle à force de vouloir
lutter contre le destin, etc.
S’ils se rapportent à quelque chose
de tangible, un objet ou une personne,
le personnage les voit ou les entend. Il
sent leur odeur, se rappelle un moment
avec eux, etc.
Liens avec les effluents :
Il est intéressant de définir dès à présent
la manière dont les effluents ont marqué
la vie des personnages. Idéalement, cela
a un rapport avec leur enfance ou celles
d’un proche : des brimades, des séances
d’hypnose, des drogues, de longues
périodes de maladie ou d’inconscience,
des enseignements incohérents,
d’étranges disparitions…
L
’objectif de cette trame est plus diffus
que les précédentes. En effet, les effets de
de la ballade, mais ils n’imposent pas
de fin totalement définie. Les joueurs
ments qu’ils éprouvent et Claire ou sim-
plement se douter que quelque chose
d’étrange est lié aux personnages de la Fillette
et du métropolite. Les chapitres qui suivent sont
donc des éléments destinés à aiguiller les joueurs
vers la nostalgie.
‌Souvenirs, souvenirs
Dès le début de la ballade et jusqu’à l’enlève-
ment et la poursuite qui s’ensuit, les personnages
seront de plus en plus sujets à la mélancolie. Cette
dernière gagne insidieusement tous les voyageurs.
Plongés dans leurs souvenirs, ils deviendront de
plus en plus tristes. Afin de mettre cette nostalgie
en scène, modifiez vos descriptions en les ponc-
tuant de grisaille. Les plats les plus fins paraissent
fades, les lits et les dorures rappellent des souve-
nirs d’enfance… Bref, tout était mieux avant !
Voici quelques éléments qui pourront vous
aider à mettre en scène cette mélancolie :
Un passager erre quelques minutes, hagard,
avant de se rendre d’un pas décidé dans le
wagon-restaurant.
Un passager contemple de longues minutes
l’écryme à travers une des rares vraies fenêtres
du train.
Le passé poursuit un passager qui se plaint
de mal dormir (la nostalgie prenant la forme de
cauchemars).
Des passagers s’enivrent jusqu’à la démesure,
pour oublier leurs problèmes. L’alcool les rend
particulièrement tristes.
Les plaintes sont désormais constantes et la
bonne ambiance a laissé place à des accusations.
Stewards et hôtesse ont beau faire de leur mieux,
l’ambiance est de plus en plus morose.
85
 Un passager comprend qu’il se passe quelque
chose, mais n’arrive pas à dire quoi. Il note tou-
tefois que l’effet est moins important dans les
autres wagons.
Un passager, de plus en plus paranoïaque, est
consigné dans sa cabine par les stewards après
qu’il s’en soit pris à quelqu’un et ait tenté de se
suicider.
‌Mettre en scène
la Fillette
Ce personnage devrait bénéficier de plusieurs
éléments angoissants au cours de la ballade :
Elle ne parle pas.
Elle apparaît toujours sans faire de bruit.
Elle a le regard étrangement triste.
Elle est toujours là, inexpressive, quand
quelque chose de bizarre se produit.
Les autres enfants se méfient et ne veulent pas
jouer avec elle. D’ailleurs, elle ne joue pas.
Les animaux ont un étrange comportement
soumis en sa présence.
Elle semble apprécier les personnages. Elle
cherche leur présence et s’extériorise même.
Graduellement, elle manifeste des émotions
fugaces quand ils parlent, les imite, puis finit par
lâcher quelques mots.
‌Le métropolite Melchior
Durant toute la traversée, le métropolite reste
à l’écoute des personnages.
Il est possible de remarquer que Melchior est
plongé dans une longue discussion avec le maître
contrôleur de première classe (Maraude diff 10).
Le métropolite lui indique les personnages d’un
geste du visage (Marge 2). Étrangement, le chemi-
not adopte une attitude très soumise (Marge 4).
Si les personnages posent des questions
franches au métropolite Melchior sur la raison
de son voyage ou sur la Fillette et surtout pour-
quoi il s’intéresse tant à eux, ce dernier détour-
nera la question en se montrant bienveillant à
leur égard. Il répondra tout simplement qu’ils lui
font bonne impression, qu’ils ont l’air de savoir
se maîtriser et garder la tête sur les épaules. De
même, partager des doutes sur le rôle éventuel
qu’il a joué dans les aventures qui ont conduit à
leur montée dans le train le fait sourire. Quand il
répond, sa voix devient rassurante et paternelle.
86
La précipitation obscurcit l’esprit et tout vient à point
à qui sait attendre.
Conscient de l’influence de Claire, le métro-
polite Melchior quitte de moins en moins sa
cabine. Pour finir, il n’en sort plus que pour
manger. Il s’entretient avec les personnages qu’il
apprécie pour une raison connue de lui seul et
qui intrigue les autres voyageurs. S’ils lui parlent
ouvertement, il n’hésite pas à s’immiscer dans
leur enquête et émet des hypothèses afin de les
aiguiller. Il jouera la carte du bon vieux temps où la
Propagande le laissait fouiner partout, même si bien
évidemment, sa nostalgie est feinte.
Au cours du kidnapping, le costume de
Melchior est déchiré. Il s’agit de son anence qui
provoque une certaine déférence auprès des per-
sonnes qui le regardent. Melchior se comporte
étrangement, mais surtout, le costume semblera
se réparer lentement de lui-même. À terme,
la déchirure deviendra un léger accroc, puis
disparaîtra.
‌La nostalgie s’effrite
Après le kidnapping, laissez comprendre aux
joueurs que l’absence de la Fillette soulage les
autres passagers (s’ils ne sont pas au courant des
événements qui se sont produits). Même si la ten-
sion à bord du Transécryme est à son comble, la
nostalgie qui affectait les passagers se résorbe. Les
victimes sont moins sujettes à la mélancolie et parti-
cipent à nouveau activement aux discussions. Ils se
sentent libérés d’un poids qu’ils ne comprennent
pas et arrivent de nouveau à se focaliser sur le pré-
sent et l’avenir. Faites ressentir ce changement
aux personnages, sans pour autant être exces-
sif (de légers soupçons ou des interrogations suf-
fissent). En agissant ainsi, vous donnez des pistes
aux joueurs pour trouver un lien entre l’émotion
et la présence de Claire, ce qui augmentera leurs
interrogations sur la nature de la Fillette.
De même, Melchior blessé baissera sa garde et
permettra aux personnages d’en apprendre plus
sur lui. Protagoniste majeur de la geste, il doit
paraître étrange (même pour un métropolite) et
déconnecté de la réalité, en ce sens qu’il ne semble
pas se soucier de sa blessure. Paradoxalement, il
doit se mettre plus en retrait qu’à son habitude. En
effet, il pense que l’enlèvement de Claire est l’œuvre
des effluents. Il voudra donc à nouveau éprouver les
personnages pour découvrir la présence éventuelle
d’un espion ou d’une taupe en leur sein.
‌SIXIÈME TRAME (OPTIONNELLE) :
LA PIE VOLEUSE
Où l’on vole un œuf
puis un disque
P
our les joueurs assidus, cette dernière
intrigue permet d’ajouter un peu d’in-
vestigation à la ballade et d’aider les
conteurs à dévoiler les secrets des dif-
férents passagers du Transécryme. Elle
aide aussi à détourner les soupçons de
Lionel Neron, si votre groupe se focalise
sur lui. Elle reste toutefois secondaire
et peut être ignorée pour ceux désirant jouer
Hodologie à rebours d’un seul tenant.
‌Une impressionnante série
Portée par les effets du courant de nostalgie,
Armelle de Montbellaise voit ressurgir ses pen-
chants cleptomanes. Seuls les vols les plus impor-
tants sont décrits, mais la belle compense les
effets du courant émotionnel par des larcins com-
pulsifs si bien qu’un grand nombre d’objets ano-
dins disparaissent : des couverts sur les tables ou
la sonnette d’un steward par exemple.
‌Premier vol
La première victime est Andreij Bader, parti-
culièrement antipathique envers les passagers
et poursuivant Armelle de ses assiduités. Après
avoir égaré la clé de sa cabine, le scientiste voit
disparaître quelques-uns de ses disques. Traître
‌En suspens
‌ n théorie, les joueurs devraient se
E qu’elle considère comme renégats, mais elle ne
poser de nombreuses questions à l’issue
de cette première aventure. Quel est
leur lien avec le métropolite ? Qui est-il
vraiment ? Qu’est-ce qu’est la Fillette ?
Pourront-ils se venger du Lys Noir ? Ces
interrogations trouveront des réponses
dans Escale à Sableryne, la prochaine
ballade de cette geste.
à sa Loge, il ne peut pas dévoiler ce qui lui a été
dérobé. Persuadé qu’il a été retrouvé par ses pairs,
il devient totalement paranoïaque. S’enfermant
dans un premier temps dans sa cabine, il tente
ensuite de découvrir sans aucune subtilité si les
autres passagers ont des notions d’acoustique,
afin de savoir s’ils travaillent pour son ancienne
Loge.
Indice : c’est Armelle qui retrouve la clé et la
rend à Bader.
‌Second vol
La seconde victime est Akhram Bila. Les
stewards vont faire le maximum pour minimiser
l’affaire, d’autant qu’Armelle lui a volé des dro-
gues. L’Istanien se montrera suspicieux en par-
ticulier envers des personnages qui mèneraient
trop ostensiblement leurs investigations. À l’in-
verse, si les drogues venaient à être retrouvées,
Bila constituerait un suspect idéal pour l’empoi-
sonnement du personnel du Transécryme.
Indice : le comportement d’Armelle va évoluer
du tout au tout à partir de son vol. Alors qu’elle
envisageait l’Istanien comme un bon parti, elle
se montrera inquiète en sa présence, car elle aura
découvert qu’il est compromis dans un important
trafic.
‌Troisième vol
Sa curiosité piquée, la jeune femme décide
de fouiller la cabine de Lionel Neron. Elle y
découvre la bombe et sa minuterie, mécanismes
sait pas précisément de quoi il s’agit. Armelle
croit que Neron est bien un entrepreneur, mais
qu’il fait commerce d’armes illégales.
Indice : elle taira cette découverte jusqu’à ce
qu’elle soit démasquée. Alors seulement, elle la
partagera pour détourner l’attention sur autre
chose. Si les personnages piétinent dans leur
enquête, elle peut venir les trouver et ainsi les
aider précieusement.
87
 ‌Devenir d’Armelle
Hélas pour elle, plus son trouble s’aggravera et
moins Armelle se rendra compte de ce qu’elle
fait. Lorsque les vols commenceront à trop atti-
rer l’attention, la jeune femme prétextera que sa
cabine a également été fouillée. Elle feindra la
peur et tentera de séduire l’un des personnages.
Mais dans sa précipitation, elle commettra deux
erreurs : en premier lieu, elle laissera sa cabine
en désordre pour faire croire au cambriolage,
alors qu’elle avait agi minutieusement lors des
précédents larcins. Et deuxièmement, à l’inverse
des autres, rien ne semblera avoir disparu si ce
n’est un soi-disant collier dont les personnages
ne se souviennent pas.
‌ Ù L’ON CONCLUT
O
CETTE PREMIÈRE ÉTAPE
L
a fin de ce scénario dépend des actions
de s p er s on n a g e s . Nor m a lement ,
Anthelme devrait être grièvement blessé
et Claire se faire kidnapper par le Lys
Noir à bord d’un dirigeable ayant pour
destination la seigneurie traversière de
Sableryne, qui est un des arrêts tech-
niques du Transécryme. Les différentes
avaries que le train a subies obligent d’ailleurs les
conducteurs à y faire une escale prolongée.
Si malgré tout, les personnages sont parvenus
à sauver la Fillette, son enlèvement marquera le
début de la ballade suivante, Escale à Sableryne.
88
Pour se sortir de ce guêpier, Armelle sera prête
à tout : mentir, séduire, dévoiler les secrets trouvés
sur les autres passagers, promettre les faveurs de sa
ghilde ou même révéler les objectifs de sa mission.
Le meilleur moyen de la démasquer est de la
prendre en flagrant délit. Lorsque cela sera fait,
la jeune courtisane avouera ses fautes et plus
encore. Elle expliquera ne plus pouvoir se rete-
nir depuis sa montée dans le train, mue par des
réminiscences nostalgiques de son passé d’une
force qu’elle n’avait encore jamais connue.
Le devenir d’Armelle est laissé à la discré-
tion des personnages. S’ils la dénoncent, elle
est débarquée à Sableryne. Un moyen humain
de terminer cette ballade serait de la remettre
à Johan Jagger pour qu’elle soit traitée à l’asile
humaniste de Venice.
‌Gains d’expérience
Finir une séance de jeu : 1 point.
Finir la ballade : 1 point.
Démasquer les membres du Lys Noir avant qu’ils
n’agissent : 2 points.
Trouver toutes les bombes : 1 point.
Rencontrer les conducteurs du Transécryme : 1
point.
Faire le lien entre les problèmes du train et
l’eau : 1 point.
Faire le lien entre la Fillette et les comporte-
ments étranges : 1 point.
Démasquer Armelle de Montbellaise : 1 point.
Écryme
Flashbacks
déchronologies
d’une rencontre

89
 
FLASHBACKS 
DÉCHRONOLOGIES
D’UNE RENCONTRE
L
’idée de ces retours en arrière repose
sur le même principe que les films à
tiroirs aussi appelés films à sketches.
Toutes basées sur des liens communs
(la présence d’un mystérieux métropo-
lite, la traque puis la montée dans le
Transécryme), ces histoires indépen-
dantes présentent le passé des différents
personnages, les ancrent dans la geste à venir
et mettent en avant certains aspects de la Toile.
À l’instar des films à tiroirs, éclatez votre nar-
ration et faites que les personnages se croisent
dans un même lieu, sans forcément se connaître.
Réutilisez les scènes les plus mémorables de vos
autres parties sous forme de vignettes (voir enca-
dré éponyme). Plus vous créerez de liens entre
les différentes intrigues vécues et plus l’effet sera
saisissant.
En considérant le nombre moyen de joueurs
lors d’une partie, entre quatre et cinq, cinq
exemples ont été prévus afin d’offrir une palette
de choix au conteur.
Mis à part Traverser les océans du vide, ces flash-
backs ont tous pour cadre la cité de Méthalume.
Ils ne nécessitent pas une mise en place aussi
détaillée que des ballades traditionnelles et
demandent un peu plus d’improvisation et
d’adaptabilité de la part du conteur. Idéalement,
ces aventures devraient être centrées sur un (ou
deux) personnage(s)-joueur(s) en particulier
(appelés pour l’occasion personnages principaux),
les autres joueurs incarnant des protagonistes
prétirés de moindre importance ou aidant le
conteur dans l’interprétation ponctuelle de cer-
tains seconds rôles. Il n’est, en effet, pas forcé-
ment nécessaire qu’ils jouent tout le flashback. À
l’inverse d’une ballade normale, seule l’histoire
90
du ou des personnages principaux nous intéresse
ici. Le devenir des autres protagonistes peut être
passé sous silence, clos par une ellipse, ou ne
revenir que plus tard dans votre geste.
L’ i mpl ic at ion dépend g r a ndement des
personnages mis en valeur et doit être adaptée
à leur passé.
De plus, selon leurs concepts, certains person-
nages se connaîtront déjà ou se rencontreront
Conseils
de mise en scène
‌ es flashbacks imposent au conteur,
C
mais surtout aux joueurs, de privilégier
autant l’histoire que le libre arbitre au-
tour de la table. Ainsi, les personnages
principaux doivent nécessairement mon-
ter dans le Transécryme. Les joueurs in-
carnant les autres personnages doivent
aller dans ce sens et accepter de ne
pas accaparer la première place. Leur
heure de gloire est déjà venue ou vien-
dra. Quant au conteur, trichez, suggérez
et même imposez certains événements
en prenant à votre compte la narration
et en décrivant les actions réalisées par
les personnages qui n’iraient pas dans
le sens de l’intrigue désirée. Après tout,
ils peuvent très bien être contrôlés par
Anthelme (cf. Où l’on joint la geste à la
parole dans le Livre troisième, Effluves de
l’écryme).
dans ces retours en arrière. Il est donc possible
que vous n’ayez pas à tous les faire jouer. Dans
ces cas-là et selon la maxime de Lavoisier, rien
ne se perd […], tout se transforme. Les ballades qui
ne seront pas jouées pourront par la suite ser-
vir éventuellement d’interludes à votre geste ou
à mettre en avant un nouveau personnage (rem-
plaçant un personnage décédé ou pour accueillir
un nouveau joueur).
L’église des Trois Aciers introduit des person-
nages issus de ghildes, de milices privées ou des
ministères. Il peut également mettre en scène
un scientiste télégraphiste ou un membre d’une
Loge. Les personnages y enquêtent sur un vol de
câbles de cuivre utilisés pour l’alimentation élec-
trique de la cité.
Traverser les océans du vide met en avant l’un
des premiers interdits scientistes consistant à pros-
crire la construction de bateaux. Cette seconde
ballade convient particulièrement à un fidèle du
culte de Malachine, un mécanicien renégat, un
coche de Méthalume, un pilote en tout genre,
un chroniqueur (de plaques) ou un militaire…
‌Personnages prétirés
‌ haque flashback est fourni avec des
C
personnages prétirés. Ces derniers ont
été conçus pour s’intégrer facilement
dans l’aventure proposée, présenter cer-
taines facettes de l’univers aux joueurs
ou aider un conteur en manque d’inspi-
ration. Pour certaines ballades (Traverser
les océans du vide et Le manuscrit de
Linzi), leur utilisation est presque indis-
pensable.
Les prétirés ont été créés avec les règles
de création de personnages présentées
dans le Livre Second, Rouages et engre-
nages mais ne bénéficient ni de Spleen
ni d’Idéal. Ils se démarquent en cela des
personnages principaux de chaque flash-
back.
Au nombre de quatre, ils sont fournis
dans l’ordre conseillé d’interprétation.

Le manuscrit de Linzi s’adresse préférentielle-

ment au membre d’une Loge. À défaut, il peut
impliquer une ghilde, un échassier (pour tra-
verser les douves) ou un icarien (par la voie des ‌Hodologie à rebours
airs). Cette ballade est directement reliée aux
effluences. ‌ haque flashback présente un indice qui
C
permettra au personnage de découvrir
Si les symptômes persistent s’applique à des per- ce qui se trame à bord du Transécryme.
sonnages n’étant pas originaires de Méthalume, Ces éléments seront marqués par un en-
mais se dirigeant vers la cité. Cette ballade est cadré similaire à celui-ci.
idéale pour des personnages en fuite ou des iti-
nérants (cartographe, arpenthe, conteur). La fin
assez dure permet de rappeler que la justice est à
double vitesse entre les traverses et les cités.

Il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte met en

valeur un jeune noble marchand. Fonctionnant
comme un huis clos, cette ballade peut facile-
ment être transposée dans une seigneurie tra-
versière ou le siège d’une Loge centrée autour
d’un vieux sage. L’intrigue met directement en
scène les effluences et des éléments fantastiques.

91
 FLASHBACK 1
‌L’ÉGLISE DES TROIS ACIERS
Cette courte ballade se situe préférentiellement avant les autres flashbacks et en particulier avant Si
les symptômes persistent. L’action des effluents y étant peu marquée, l’Église des Trois Aciers
constitue donc une très bonne introduction aux autres ballades.
‌ ù l’on remonte
O
le fil de cuivre
La nouvelle fait grand bruit dans toute la cité :
des câbles de cuivre ont été dérobés ce qui a para-
lysé un train et son chargement en partance pour
Endémine. Ce vol n’est pas isolé puisque plusieurs
installations électriques ont été vandalisées (voir
le Ballon Poste en annexe du livre univers). Les
ghildes semblent hors de cause. Les personnages,
d’où qu’ils viennent, sont chargés de traquer les
francs-voleurs responsables. La tâche peut leur
être confiée par des sémaphoriens bloqués, des
syndics privés d’électricité, des travailleurs inter-
rompus œuvrant sur un projet de la Loge de
l’Étaincel (train électrique)… Les désagréments
prennent de telles proportions que les ministères
finissent par envoyer des agents (Subsistance
pour l’implication énergétique, l’Urbanisme,
la Propagande et la Guerre, car cela pourrait
résulter d’une tentative de déstabilisation). Les
ghildes sont également de la partie, désireuses
de faire un exemple d’éventuels renégats. Enfin,
des hommes de main peuvent être engagés par
l’ensemble de ces protagonistes.
Quelle que soit l’origine des personnages, ils
seront dans leur enquête en concurrence avec
d’autres factions. Faites vivre ces dernières afin
d’échanger des informations qui auraient pu être
éventuellement ratées.
Trois sites ont été la cible des malfaiteurs et cha-
cun apporte son lot d’informations :
Le premier site vandalisé est celui du quartier de
la Poutre. Cet endroit figure parmi les plus fréquen-
tés de Méthalume. Il vibre au rythme des laminoirs
et des cohues à chaque changement d’équipe. Là,
plusieurs éoliennes ont été abîmées afin d’en retirer
les composantes ou les fils de cuivre. Il n’est guère
besoin de soudoyer, menacer ou chercher long-
92
temps des coupables puisque les habitants pointent
du doigt Abion et sa bande de petites frappes. Le
jeune homme a d’ailleurs eu quelques démêlés avec
la milice locale. Toutefois, ses frasques semblent
s’être espacées puis arrêtées. Certains pensent qu’il
s’est assagi, d’autres qu’il travaille désormais pour
une ghilde et qu’il a reçu l’ordre de ne plus marau-
der dans son propre quartier. Sa rue est d’ailleurs
l’une des rares à avoir été épargnée.
Le sémaphore de Bénevent a perdu plusieurs
dizaines de mètres de câble avant que son télé-
graphiste n’intervienne. Il n’a pas été témoin de
grand-chose, mais prétexte avoir vu des adoles-
cents (14-16 ans) faire le coup. Selon lui, il s’agit
d’une épreuve pour jeunes désireux de rentrer
dans une ghilde. En fait, il ne s’est même pas
rendu compte du vol, car il n’était pas à son poste.
Il préfère inventer plutôt que ça se sache. Sans le
savoir, son mensonge favorise les investigations
en aiguillant à nouveau les recherches vers le
quartier de la Poutre à proximité du sémaphore.
Afin de répondre plus facilement aux interrogations
des joueurs, le sémaphore de Bénevent est relativement
ancien. Il tire son nom de la traverse sur laquelle il a
été construit, cette dernière se dirigeant vers la jonction
éponyme. La jonction comme les communications qui
en découlent n’ont (officiellement) aucune importance
stratégique. Le sémaphore est propriété de l’Urbanisme
et est entretenu par la Loge de l’Étaincel.
Le dernier et plus récent site est celui d’une
halle ferroviaire, proche des quartiers limi-
trophes à l’écryme. Là étaient entreposés plu-
sieurs centaines de kilogrammes de câble qui
devaient servir à la mise au point d’une alimen-
tation secondaire pour les trains.
Le vol dénote néanmoins par bien des aspects
des précédents. L’ampleur est ici bien supérieure
et plusieurs complices ont été observés. Un garde,
mort assassiné, a eu le temps de se servir de son
mousquet et de blesser l’un des voleurs. Enfin, les
câbles ont été retrouvés sur la traverse menant aux
seigneuries de Sankt Antha et Weinsert. Les gardes
ont été surpris d’y découvrir des jeunes méthalu-
miens attendre presque toute la nuit avec leur char-
rette puis l’abandonner aux premières lueurs de
l’aube. Ils seront capables de reconnaître formel-
lement Abion et son gang. Rechercher un homme
blessé dans le quartier de la Poutre conduit égale-
ment vers un ancien camarade d’Abion.
À partir de là, le jeune homme n’est pas difficile
à retrouver puisqu’il se terre dans sa planque habi-
tuelle. L’immeuble sert également de traboule. Il
présente donc deux entrées ainsi que la possibilité
de s’enfuir par les jardins suspendus ou par les fils
encombrés de linges reliés à l’immeuble contigu.
Abion n’a rien d’un fanatique ou d’un suicidaire.
Il préfère la fuite, qu’elle soit acrobatique ou dans
les rues bondées. Acculé ou en mauvaise posture,
il tente de négocier, préférant livrer ses collègues
plutôt que finir dans les mains d’une ghilde (s’il
a en face de lui des officiels) ou des métropolites
(s’il a en face de lui des membres de ghilde). Il
sait qu’en tant que franc-malfaiteur, son sort n’est
guère enviable et qu’il servira d’exemple. Il est prêt
à raconter tout ce qu’il sait en échange de sa liberté.
L’homme a l’habitude de prendre ses contrats à
l’église des Trois Aciers du culte de Malachine. Les
commanditaires voulant garder l’anonymat, les ren-
dez-vous se font dans les salles d’Aiguillages, où se
trouve le confessionnal. Là, son contact lui indique
la quantité de cuivre à voler, le prix et le lieu de
dépôt. Ils conviennent alors d’une autre rencontre
pour recevoir la seconde partie de la somme. Le
dernier contrat s’est toutefois déroulé de manière
étrange. L’homme proposait une très grosse somme
en échange des bobines, un coup qui aurait permis
à Abion de devenir célèbre et de monter sa ghilde.
Si cela se passait mal, le jeune homme pouvait se
servir de son acompte : un billet de première classe
pour le Transécryme et une cinquantaine de liges.
Mais le coup a raté et le commanditaire n’est
jamais venu chercher son cuivre. Au matin, Abion
se demandait s’il n’avait pas été floué, trompé
par une ghilde concurrente qui voulait faire un
exemple. Il ne comprend même pas ce qui a pu
l’inciter à accepter de commettre ce vol. Voler une
telle quantité de cuivre était totalement suicidaire.
Par le seul transport des bobines de câbles, il lais-
sait derrière lui trop de traces pour ne pas s’incrimi-
ner… Les personnages ne le découvriront qu’après, mais
il s’agit d’une suggestion céphalique faite par Anthelme.
Abion dit l’exacte vérité et son sort repose entre
les mains des personnages.
Plusieurs fausses pistes permettent de rallonger
l’enquête des personnages :
L’implication du Lys Noir ou de l’aragone : ces
groupes terroristes traversiers forment des cou-
pables évidents. En effet, le cuivre et les câbles
électriques symbolisent tout ce qui répugne ces
traversiers extrémistes. De plus, la pose des rails
et des lignes de télégraphes n’est pas sans provo-
quer le mécontentement des opposants au pro-
grès. Les escarmouches visant à les saboter ont
systématiquement été punies dans le sang. La
vengeance est finalement un très bon motif.
L’action d’une Loge concurrente : une Loge
telle que celle de l’Étaincel ne peut parvenir à ce
statut sans générer une certaine jalousie et tout
autant de rancœurs. De plus, ce sont les installa-
tions de cette Loge qui sont le plus touchées.
Les konzerns incriminés : travaillant à l’ap-
provisionnement des matières premières, ce ne
serait pas la première fois qu’ils vendent d’une
main et reprennent de l’autre. Une rapide
enquête permettrait de découvrir qu’un konzern
en particulier (dont le nom vous appartient) spé-
cule depuis plusieurs mois sur le prix des métaux.
Coïncidence ou judicieuse anticipation, le duc
des Alliages est l’un des principaux bénéficiaires
de la flambée des prix du cuivre.
Un complot à l’échelle de la Toile : plutôt que
de chercher à qui profite le crime, il serait plus
judicieux de se demander à qui il ne profite pas.
En effet, l’ensemble de Méthalume va rapidement
souffrir de la paranoïa ambiante. Quelqu’un
cherche-t-il à isoler la cité ? La Pentapolie est-elle
derrière cela ?... N’hésitez pas, avec ces simples vols,
à encourager les joueurs à échafauder des théories
conspirationnistes aux dimensions transurbaines.
‌ ù tout n’est
O
que question d’argent
L’église des Trois Aciers se trouve dans le quar-
tier de l’Ébarbage. Dénotant des autres bâti-
ments par la prédominance du fer, l’intérieur est
également des plus hétéroclites. L’autel est une
‌Hodologie à rebours
‌ ette partie permet d’introduire le Lys
C
Noir ainsi que de disséminer quelques
indices quant à la présence de terroristes
de ce groupe à proximité de Méthalume.
93
 machine, un moteur étincelant couvert par une
grande plaque en acier. De nombreuses pièces
mécaniques sont incrustées dans les piliers
qui supportent l’édifice. Les fidèles en prière
égrènent des chapelets constitués de boulons.
Le confessionnal, quant à lui, ressemble à une
grande armoire en fer. Tarendil, un alachine
d’une cinquantaine d’années, vêtu d’une longue
tunique ou bure grise, se tient le plus souvent
derrière l’autel. Il y entretient une poignée de
fidèles sur les vertus de la mécanique divine.
Tarendil répondra sans sourciller aux person-
nages auxquels il laisse l’impression d’un homme
inoffensif et pétri de foi. Si les personnages lui
posent la question franchement, il avoue se dou-
ter de ce genre de pratiques. Il a repéré ainsi
d’étranges allées et venues autour du confes-
sionnal. Mais il admet également qu’il tient à
la tranquillité de son église. Ainsi, pour ne pas
être rançonné par les ghildes, il les tolère. Si des
francs-voleurs en profitent, il n’en a cure. Bien
évidemment, Tarendil ment, mais menacer un
alachine (pour le faire parler) dans Méthalume
équivaut à signer son arrêt de mort.
La réalité est légèrement plus complexe que
cela. Tarendil connaît très bien l’utilisation que
font les francs-voleurs ou les ghildes de son confes-
sionnal. Il l’a même encouragée. En technicien
hors pair, l’alachine a mis au point un système
qui lui permet d’enregistrer directement sur pho-
nographe toutes les conversations qui y ont lieu.
Bien évidemment, ce genre d’installation est bien
trop moderne pour être autorisé par les Loges,
mais, avec les informations enregistrées, Tarendil
compte donner un réel ascendant aux fidèles de
Malachine. Pour l’instant, il archive soigneuse-
ment tous ses disques dans la crypte et monte une
véritable industrie du chantage...
Il est possible de découvrir ce stratagème en
visitant le confessionnal. Une personne atten-
tive (Anthropo-mécanologie diff. 12) découvrira le
système d’enregistrement à moins qu’elle ne dis-
cerne les fils reliant le confessionnal à la crypte,
dissimulés parmi le fatras mécanique.
Il est possible de comprendre le plan de l’ala-
chine en pénétrant dans la crypte.
1. Une trappe est fermée par une clé, mais
s’ouvre facilement. Elle donne sur un petit esca-
lier en pierre éclairé par des lampes électriques.
2. La porte, en bas de l’escalier, est piégée. Un exa-
men attentif (Maraude diff. 12/ Anthropo-mécanologie
diff. 14) révélera un petit mécanisme. Déclencher le
piège fait retentir les cloches de l’église.
3. Cette grande salle est occupée aux trois
94
Lien avec
les effluences
‌ e rapport avec la geste n’est de prime
L
abord pas évident. En réalité, le métal
volé sert une expérience des effluents
dans la seigneurie traversière de Sankt
A ntha (voir Si les symptômes per-
sistent). Lors de ses recherches sur la
Loge, Anthelme a découvert l’utilisation
du métal. Il a alors été facile à ce télé-
pathe de remonter la piste des voleurs
jusqu’à l’église des Trois Aciers puis de
simuler un dernier coup. Ce faisant, il
espère mettre fin aux activités des ef-
fluents, mais aussi mettre à l’épreuve
le(s) personnage(s) principal(aux) qui a
(ont) reçu la mission de démanteler le
trafic. Il attend ce(s) dernier(s) à l’église
où il exaltera la peur et la paranoïa afin
de lui (leur) faire quitter Méthalume.
quarts par des machines. Entretenues avec soin,
elles servent à graver les disques. Tarendil y grave
également l’ensemble des microsillons pour le
culte de Malachine.
Il s’agit là d’une installation valant plusieurs
milliers de liges (Anthropo-mécanologie diff. 10).
La pièce abrite plus de cinq cents disques. En
majorité, ils concernent le culte : cours, prières,
traités mécaniques... Dans un coin, une cinquan-
taine de disques ont pour titre des dates. Il s’agit
des périodes que recouvrent les enregistrements
du confessionnal.
La nuit est le moment idéal pour s’y rendre
puisque Tarendil dort avec ses novices dans une
petite maison attenante à l’église. Si les cloches
retentissent, il interviendra avec cinq d’entre eux,
armés de longues barres de fer. Ils mettront envi-
ron cinq minutes pour arriver jusqu’à la crypte.
Les disques qui intéressent les personnages
remontent à la dernière lune. Ces derniers
peuvent être isolés de la pile après une brève
écoute sur place (à condition que les cloches
n’aient pas sonné) ou dans un autre endroit.
Le dernier contrat a été passé par une unique
personne. La conversation entre Abion et ce com-
manditaire a été assez décousue.
Plusieurs contrats ont été passés afin de voler
du cuivre et les vols d’Abion n’en sont que la par-
tie émergée. En effet, deux individus semblent
régulièrement proposer de petites sommes
 ‌Faits et gestes
‌ es disques constituent une occasion
L veux broussailleux, le regard un peu fou. Véritable
idéale pour introduire d’autres bal-
lades de votre cru :
Vous pouvez aiguiller les joueurs
vers l’existence d’un complot contre
Venice.
Des armes renégates, fabriquées
dans un monastère traversier sont ré-
gulièrement acheminées en ville. Cet
autre exemple servira lui aussi dans le
développement officiel de la gamme.
Un konzern engagerait un larron
afin de pousser les ouvriers à la grève
et de porter préjudice à l’usine. Ceci
donnerait un prétexte pour la fermer
et délocaliser la production.
Un espion pourrait utiliser le
confessionnal de l’église pour échan-
ger des informations.
contre du cuivre. L’un des commanditaires sert
uniquement d’intermédiaire et traite directe-
ment avec les voleurs alors que le second, à la
voix haut perchée, doit être le cerveau de l’af-
faire (Maraude diff. 10). Il semble bénéficier
d’une meilleure éducation et fait mention à trois
reprises d’un duc impliqué dans l’affaire (il s’agit
en fait du duc de Sankt Antha). Il ne reste plus
aux personnages qu’à recouper avec les lieux de
livraison ou à faire jouer leurs contacts sur les sei-
gneuries traversières. Abion allait servir de bouc
émissaire (Marge 2). Le second commanditaire
emploie quant à lui un jargon de métropolite
(Marge 4).
‌Hodologie
à rebours
‌ es personnages découvrent un dialogue
L
entre un jeune enfant au ton autoritaire et
un homme que l’enfant appelle Monsieur
de Lune. L’enfant propose un mécanisme
renégat qui permettra de parvenir à leur
fin. En échange, il demande simplement
de se faire livrer la fille.
Cette transaction aurait pu paraître nor-
male, si elle n’avait pas été menée par
un enfant.
‌Seconds rôles
Abion : Abion est un jeune homme brun, les che-
bouc émissaire, son intelligence n’est malheureu-
sement pour lui pas à la hauteur de ses ambitions.
Physique 5, Mental 2, Social 3 (Maraude 4)
Le complice : Physique 6, Mental 2, Social 2
(Maraude 5)
Tarendil : Physique 3, Mental 4, Social 4
Les novices de Tarendil : Physique 3, Mental 3, Social 3
‌Où le silence est d’or
Les possibilités offertes aux personnages sont
nombreuses. Ils peuvent laisser l’affaire se décan-
ter sans intervenir en cédant l’information
aux ministères, aux konzerns concurrents, aux
ghildes… Il serait alors intéressant de faire inter-
venir certains des personnages prétirés en tant
que seconds rôles de Si les symptômes persistent voire
de leur faire jouer cette ballade. Une autre option
pour les personnages-joueurs serait d’enquêter
plus avant seuls même s’il est important de men-
tionner qu’une telle démarche serait suicidaire.
Les vrais problèmes des personnages ne font
que commencer. En effet, qu’ont-ils fait des
disques ? Qui d’autre que la maraude a eu vent
de l’existence de ces derniers ? Les ghildes vont
s’estimer trahies et vont tenter de faire dispa-
raître toutes les preuves compromettantes et les
témoins gênants. Leur réaction sera d’autant plus
violente si elles subissent une tentative de chan-
tage. Enfin, des hauts fonctionnaires peuvent éga-
lement être incriminés dans ces enregistrements
si bien qu’ils feront tout pour étouffer l’histoire.
Plus grave encore, le culte de Malachine va
également chercher vengeance. En effet, les ala-
chines verront d’un mauvais œil les personnes
ayant apporté la preuve de la culpabilité d’un
des leurs. Tarendil exilé, ils seront impitoyables
avec des personnes considérées comme traîtres
au culte. Les personnages seront donc un par
un traqués et assassinés. Il est important de faire
comprendre aux joueurs qu’ils doivent oublier
leurs rêves de justice. La fuite reste leur meilleure
chance pour survivre.
Certains d’entre eux (les personnages prin-
cipaux) rencontrent alors un étrange métropo-
lite qui leur propose une échappatoire : un bil-
let pour le Transécryme (s’ils n’ont pas déjà pris
celui d’Abion). Son prix ? Un service dans un
futur proche.
95
 ‌Olo Tchevsky,
homme de main vieillissant
S’il fallait résumer qui je suis et en quoi je crois,
je dirais que j’ai perdu tous mes idéaux et ma
foi en l’être humain durant les guerres d’Acry-
monie. Quand les hostilités ont cessé, j’ai quit-
té Moscou avec l’espoir de trouver au-delà des
traverses la gloire et l’honneur. Je n’y ai rencon-
tré que la mort, comme si elle me collait aux
basques et à la peau. Pour survivre, je me suis
affilié à la ghilde des ciseleurs, des racketteurs
à la petite semaine qui ont suffisamment peu
d’ambition pour ne pas devenir des assassins.
Tout le monde sait en quoi consistent nos acti-
vités et, quand ça les arrange, milices, autorités
ou syndics un peu véreux font appel à nous pour
exécuter leurs basses besognes. Plus les années
passent et plus je deviens las. Je commence à en
avoir assez de casser des nez ou des bras pour le
compte de quelques gras profiteurs. Hélas, je ne
sais foncièrement pas faire grand-chose d’autre
et je suis bougrement doué dans l’exercice de la
violence. C’est sans doute comme ça que je fini-
rai et ça n’est pas plus mal.
‌ omá Pipko,
T Description physique : âgé d’une trentaine d’années,
coursier interlope
Dès l’âge de cinq ans, j’ai connu la guerre, no-
tamment le siège de Venice, en suivant mon
père, un révolutionnaire lanskois en fuite. En
grandissant, j’ai découvert que le reste de ma
famille était mort dans la misère, alors que
dans ses récits mon paternel m’avait toujours dit
qu’ils étaient tombés en héros, pour de nobles
idéaux, sur les barricades moscovites. Il les avait
tout simplement abandonnés… Pour gagner ma
croûte, je suis devenu coursier, apprenant par
cœur des messages que je restitue mot pour
mot à l’aide de moyens mnémotechniques, par
exemple le fait d’associer des comptines célèbres
à chaque terme de mes employeurs. À l’occasion,
il m’arrive de travailler pour la ghilde des cise-
leurs, des racketteurs qui proscrivent le meurtre.
Je parcours donc la cité en tous sens et transmets
des instructions aux membres. Eux me voient
comme l’un des leurs, je préfère me considérer
comme un messager libre de toute contrainte.
96
Description physique : la quarantaine avancée, je
perds déjà mes cheveux grisonnants. Je suis un monsieur
tout le monde. Je n’ai pas une carrure impressionnante, ma
taille est tout à fait dans la moyenne et je n’ai pas pour ainsi
dire la mine patibulaire. Tout cela fait que je passe souvent
inaperçu. Deux choses dénotent cependant : mes grandes
mains calleuses et mon nez cassé à plusieurs reprises.
Caractère : je suis une personne extrêmement réservée,
d’aucuns disent sur la défensive. Je me méfie des gens qui
parlent trop. Amer en surface, j’étouffe systématiquement
cette envie de croire en quelque chose pour éviter d’être
à nouveau déçu.
Traits : volonté de survie (+1), membre de la ghilde des
ciseleurs (+1).
Physique : Athlétisme 2, Conduite 0, Escrime 4, Pugilat 4,
Tir 1.
Mental : Anthropo-mécanologie 1, Écrymologie 3,
Traumatologie 1, Traversologie 3, Urbatechnologie 2.
Social : Argutie 3, Créativité 1, Faconde 2, Maraude 1,
Représentation 2.
je suis extrêmement maigre et j’ai les articulations proé-
minentes et anguleuses. Mes genoux cagneux me donnent
l’air d’un infirme, mais ils me permettent de courir très
vite. Mon regard est froid et acéré, comme celui des auto-
mates en porcelaine, et mes cheveux roux, souvent compa-
rés à de la rouille, sont sans arrêt en bataille. Ils m’ont valu
une mauvaise réputation.
Caractère : je suis un idéaliste en perpétuel devenir. Je
mène une quête insensée, à savoir chercher une cause qui
vaudrait la peine qu’on s’investisse pour elle. Ne l’ayant
jamais trouvée, je me demande parfois si la situation ac-
tuelle ne me convient pas, si je ne me mens pas à moi-
même, préférant ce flottement perpétuel à un choix défi-
nitif et radical.
Traits : véloce (+1), excellente mémoire (+1).
Physique : Athlétisme 3, Conduite 2, Escrime 3, Pugilat 3,
Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanologie 2, Écrymologie 1,
Traumatologie 1, Traversologie 2, Urbatechnologie 4.
Social : Argutie 2, Créativité 0, Faconde 2, Maraude 1,
Représentation 2.
 Ondrej Horník,
membre de Loge
Fils d’ouvriers méthalumiens, mon destin au-
rait été le même que celui de mes parents :
mourir à petit feu dans l’une des usines d’un
noble marchand. C’était sans compter mon ha-
bileté à réparer les machines et la mort du fils
du docte Malunka. Quand ce dernier a entendu
parler de mes techniques, il a d’abord pensé que
j’étais un renégat. Mais en apprenant mon jeune
âge, le même que son fils, il a décidé de m’adop-
ter et de me former pour lui succéder au sein
de la Loge de l’Étaincel. À l’époque, je ne sa-
vais pas vraiment comment fonctionnaient les
machines. Je me contentais de mettre en pra-
tique les enseignements de mon grand-père qui
m’avait appris à aimer la mécanique. Le vieil
homme n’était pas un disciple de Malachine,
loin de là. Selon lui, le culte était trop corrom-
pu par son appétit politique. Le don pour l’an-
thropo-mécanologie et la sidérurgie que j’ai dé-
veloppé, beaucoup me l’envient, à tel point que
je me sens menacé au sein de ma propre Loge.
Jana Chebenova,membre
de Loge en fuite et indic
Peu après ma naissance, ma mère est morte,
très affaiblie par l’accouchement. Mon père, en-
rôlé dans les guerres d’Acrymonie, a dû m’aban-
donner à la tutelle de mon frère aîné alors ser-
viteur de la Loge de l’Étaincel. Découvrant que
j’étais très douée, il me fait travailler avec lui,
dissimulant mon sexe. Cela fut facile jusqu’à ce
que je devienne femme. Le maître de la Loge
me remarque et offre à mon frère de le pro-
mouvoir docte de la Loge s’il accepte de le lais-
ser faire de moi sa maîtresse. Je m’enfuis vivre
parmi les brumes de Méthalume, dissimulée
constamment sous un masque jusqu’à ce que je
sois remarquée par Drapè, haut fonctionnaire
de l’Urbanisme qui m’aide en échange d’infor-
mations. L’homme a très rapidement su quels
avantages tirer de mes connaissances et me res-
pecte pour cela.
Description physique : je suis assez jeune, plutôt
svelte, et je n’ai pas le physique abîmé qu’on associe
souvent aux ouvriers. Je cultive une apparence andro-
gyne que mon prénom, phonétiquement proche d’Audrey,
n’aide pas à clarifier. Dans mes longs et épais cheveux, je
porte des écrous comme décoration. Je passe plus pour un
alachine qu’un respectable membre de Loge.
Caractère : je préfère souvent la compagnie de mes ma-
chines à celle de mes semblables. Eux, il m’est difficile de
saisir leur logique. J’aimerais pourtant trouver un moyen
de les comprendre. Je me montre donc souvent assez froid
et distant de prime abord. Cela me vaut quelques inimi-
tiés.
Traits : mécanicien hors pair (+1), respecté par les ala-
chines (+1), assez fin pour se faufiler au cœur des ma-
chines +1), malaimé par ses frères de Loge (-1).
Physique : Athlétisme 2, Conduite 2, Escrime 0, Pugilat 2,
Tir 3.
Mental : Anthropo-mécanologie 5, Écrymologie 1,
Traumatologie 1, Traversologie 2, Urbatechnologie 4.
Social : Argutie 3, Créativité 3, Faconde 2, Maraude 0,
Représentation 0.
Description physique : plutôt grande, je suis une
jeune femme aux cheveux blonds, coupés courts. Les
travaux manuels ont développé ma carrure. Depuis mon
plus jeune âge, je m’habille de manière masculine. De
dos, on me prend souvent pour un homme.
Caractère : j’ai été abandonnée plus qu’à mon compte
et j’ai donc appris à ne compter que sur moi-même.
Certains disent que j’ai le sang chaud. Je m’emporte fa-
cilement, mais c’est à cette capacité à réagir rapidement
et à cette force de caractère que je dois la vie. Quand je
me concentre sur un travail particulier, il est difficile de
m’en distraire.
Traits : contact : ministère de l’Urbanisme (+2).
Physique : Athlétisme 2, Conduite 1, Escrime 2, Pugilat 2,
Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanolog ie 5, Écr ymolog ie 2,
Traumatologie 0, Traversologie 3, Urbatechnologie 4.
Social : Argutie 2, Créativité 0, Faconde 2, Maraude 2,
Représentation 1.
97
 FLASHBACK 2‌
TRAVERSER LES OCÉANS DU VIDE
Ce flashback n’est destiné qu’à un seul personnage principal, les autres joueurs incarnant les
prétirés. En effet, alors que les autres ballades permettent d’introduire plusieurs personnages-
joueurs, l’intrigue de Traverser les océans du vide s’appuie beaucoup sur les intrigues incluses avec
les prétirés ; en diminuer le nombre amoindrirait son intérêt.
‌Où il était un petit navire
Ferraille, à proximité de Méthalume, est un
endroit unique, construit sur les carcasses rouil-
lées de centaines d’aérostats échoués dans
l’écryme. Cette cité absurde et désordonnée est
un lieu d’échanges où des marchands de toute la
Toile viennent acheter des pièces rares. C’est aussi
la patrie de nombreux anthropo-mécaniciens
talentueux et de disciples de Malachine. L’un
d’eux, Edward Albrane, est parvenu à entendre
au milieu de ce cimetière mécanique ce qu’il a
identifié comme les cris d’agonie d’une antique
embarcation conçue pour voguer sur l’écryme.
Le prêtre était-il déjà dément ou sont-ce les
râles de douleur qui ont fait vaciller sa raison ?
Lui seul les entend, mais la torture que subit le
métal rongé par l’écryme n’aurait-elle pas rendu
fou n’importe qui… même une machine ? Qu’il
s’agisse de la réalité ou d’un délire, le prêtre
considère que la machinerie est en train de
mourir et qu’elle a amalgamé en elle les regrets
de n’avoir pu réaliser ce pour quoi elle avait été
conçue. Sous l’emprise de ces émotions, le dis-
ciple de Malachine a donc décidé de braver l’in-
terdit scientiste pour la navigation. Son plan est
simple : entreprendre un périple vers Méthalume
et s’échouer dans l’écryme pour accéder à la der-
nière volonté d’une épave moribonde. Il envi-
sage bien de mourir avec sa précieuse méca-
nique pour ne pas l’abandonner à nouveau. Il a
néanmoins besoin de passagers pour l’aider à la
manœuvre et espère sincèrement qu’ils se sorti-
ront de ce mauvais pas. Il compte pour cela lon-
ger les traverses.
De leur côté, entre les préparatifs, la fuite effré-
née de Ferraille et les premières avaries, les per-
sonnages auront fort à faire avant de découvrir
qu’ils ont suivi un fou.
98
I‌ mpliquer
les personnages
‌ e personnage principal devrait avoir un
L
lien avec Edward Albrane. Il peut tra-
vailler pour lui (scientiste, disciple de
Malachine, scaphandrier…), être sollici-
té par un noble marchand qui entrevoit
dans cet acte renégat une possibilité de
gain importante (militaire, pilote…) ou
être simplement curieux (chroniqueur,
écrymologue…). Les autres passagers
peuvent être interprétés par les joueurs
et sont décrits en fin de scénario. Ces
prétirés sont donnés avec des thèmes à
aborder, mais également quelques se-
crets. Ces éléments de background per-
mettent de développer des intrigues se-
condaires et de briser la linéarité.
‌Où un matelot navigue
sur les flots
La première scène doit se dérouler uniquement entre le
joueur ou la joueuse incarnant le personnage principal
et le conteur. Pendant ce temps, il suffira de distribuer
les personnages prétirés aux autres joueurs et de leur
demander comment ils envisagent les préparatifs, quels
ustensiles ils comptent emporter : échasses ou cerfs-vo-
lants pourraient être utiles…
‌Dès que le vent soufflera, je repartira
Alors que le personnage principal arpente les
rues de Ferraille, il est pris de doute quant à la

‌ ien avec
L Ferraille, les personnages collectent du charbon,
les effluences
‌ e lien est donné par Edward Albrane.
L lier de la mandre qui pousse dans les tréfonds de
Avant d’être un fervent de Malachine
à moitié fou, il s’agit surtout d’une vic-
time des effluents. L’homme se lie aux
machines pour combler le vide laissé
par les tests qu’il a subis durant son
jeune âge et l’apathie qu’il a ressentie
durant ses années d’errance. Il consi-
dère la froideur du métal comme une
sorte d’écho à sa propre incapacité à
ressentir les émotions d’autrui.
Plus les relations entre Edward Albrane
et les personnages principaux seront
importantes et travaillées et plus le
ressenti et l’implication dans le scéna-
rio seront faciles à mettre en œuvre.
L’homme peut être un ami, un mentor,
un père adoptif…
Enfin, avant que l’action ne débute,
Anthelme aura rendu visite à Edward.
Le métropolite voulait l’inciter à venir
avec lui, mais s’est rapidement rendu
compte qu’il avait affaire à un dément.
Alors qu’il partait, il a croisé les per-
sonnages principaux (voir la première
scène). Cette rencontre l’a incité à res-
ter encore un peu avant de partir vers
Méthalume.
réalisation du projet. Perdu dans ses pensées, il se
cogne contre un métropolite étrangement bien-
veillant (Anthelme). L’homme ne manque pas
de le questionner. Où va-t-il ? Qu’est-ce qui peut
bien le préoccuper autant ? L’homme semble
connaître l’objectif secret du personnage, mais
ne l’évoquera jamais clairement. Au mieux, fera-
t-il de petites allusions sur le fait que les bâtis-
seurs de traverses ne s’encombrent pas de savoir si
ce qu’ils font est bien ou mal. Dans le cas impro-
bable où le personnage évoquerait clairement
son intention de monter sur un bateau, le métro-
polite partirait d’un grand rire en disant que ce
type de projet est strictement interdit et que s’il
s’en tramait un, il le saurait. Rasséréné le per-
sonnage achève son trajet vers l’atelier d’Edward,
une sorte de grand hangar composé de tôle et
situé à une dizaine de mètres de l’écryme.
Un mois plus tard, sur l’un des marchés de
de l’huile lourde, quelques pièces détachées. Ils
remplissent leur sac d’eau et de vivres (en particu-
ce cimetière mécanique). Perdus dans cet univers
métallique fait de bric et de broc, ils ont la désa-
gréable impression d’être épiés. Malgré toutes
les précautions prises, rien n’y fait. Ils retournent
dans leur atelier, à proximité de l’écryme. Un test
de Maraude diff. 12 permet de découvrir la sur-
veillance dont l’atelier fait l’objet. S’ils ne s’en
rendent pas compte, ils ont un peu moins d’une
heure pour s’affairer aux derniers préparatifs
avant le départ qui est prévu cette nuit. Edward
et tous les scientifiques vérifient une dernière fois
le moteur et l’étanchéité de la coque, les soldats
s’arment et chargent les paquetages… Laissez les
personnages agir à leur guise quand un coup de
sifflet retentit. Que font-ils ? Courent-ils se mettre
à l’abri ou espèrent-ils charger les derniers sacs ?
Alors qu’ils s’activent à l’intérieur, des soldats
lanskois accompagnés par des mercenaires nor-
daniens arrivent à proximité de l’embarcadère.
Tout doit aller très vite. Le moteur est en marche,
Edward crie que partir en bateau est leur seule
chance d’en sortir en vie. Ouvrent-ils les portes
ou pensent-ils, comme Edward, que le navire est
suffisamment blindé pour défoncer la tôle qui
leur barre le passage ? Luttent-ils contre les mili-
taires ou préfèrent-ils prendre les commandes
(Pilotage diff. 10) ? Chaque échec esquinte un peu
plus leur embarcation. C’est sous les balles que le
véhicule défonce finalement le parapet et atteint
l’écryme. Leur périple a commencé.
C ‌Militaires c
Physique 4, Tir 5 (pistolet à silex)
‌Hodologie
à rebours
‌ ’Enfant s’est servi d’Edward Albrane
L
pour créer les mécanismes. C’est avec
l’argent donné pour l’horlogerie qu’il
a financé les rénovations du navire.
Arrangez-vous pour donner discrète-
ment cette information aux joueurs.
99

‌Tous dans
le même bateau
‌ e texte est présenté comme une suite
L affirmant que le moteur a été saboté par une per-
de scènes introduites par le conteur
alors qu’en réalité, l’intrigue se déroule
entre les passagers. Cette ballade se
base sur une double narration : celle
du conteur et celle du joueur incar-
nant Edward Albrane. Pour profiter au
maximum des possibilités de Traverser
les océans du vide, il est donc néces-
saire que le joueur comprenne qu’il a
un rôle déterminant. Pour l’aider, le
conteur devra rythmer les péripéties
afin de relancer l’action et, si le cas se
présente, sortir Albrane d’une mau-
vaise passe.
‌Maman, le petit bateau
Le véhicule est en réalité autant un submer-
sible qu’un bateau. Son puissant moteur à vapeur
actionne des roues à aubes permettant (théori-
quement) d’avancer à la fois sur la terre ferme
et sur l’écryme. Un éperon à l’avant, similaire
à celui d’un train a été ajouté. L’engin com-
porte enfin d’imposants containers-ballasts sur
les côtés, lui donnant des allures de trimaran
et contenant du combustible, mais aussi de l’air
pour assurer la flottaison.
À l’intérieur de l’habitacle, les chaudières
pro du i s ent u ne douce ch a leu r pre s que
réconfortante si l’on fait abstraction des bruits
inquiétants émis par la coque. En théorie,
Edward a calculé que le voyage devait durer
deux à trois jours (il en durera six et se finira sur
échasses). Afin de calmer les appréhensions, les
discussions vont bon train (n’hésitez pas à inciter
les joueurs à se livrer) avant que les problèmes ne
commencent vraiment.
Pour chaque péripétie, un test est donné. La
Marge servira à augmenter ou diminuer la diffi-
culté pour parvenir à s’extraire de l’épave et rega-
gner la terre ferme en fin de ballade.
Alors que la nuit tombe, un brouillard impor-
tant se lève, empêchant de suivre la traverse. Il
devient particulièrement difficile de s’orienter
(Conduite diff. 12).
Une première panne survient un peu avant la
nuit. Il faut relancer la machinerie qui tarde à
100
redémarrer (Anthropo-mécanologie diff. 10).
Dès le deuxième jour, le navire ralentit rapide-
ment son allure et la machinerie émet des sons
étranges. Edward, la main sur la coque, regarde
les personnages livides. Interrogé, il mentira en
sonne à bord. Le prêtre de Malachine fait désor-
mais tout pour accélérer la manœuvre. Il est
possible de voir qu’il ment avec un test d’Anthro-
po-mécanologie ou de Faconde diff. 16.
Une conduite explose, remplissant l’intégra-
lité de la cabine d’une vapeur brûlante. Il faut
colmater la fuite au plus vite.
Peu de temps après, l’un des containers souffre
d’une fuite et prend l’écryme. Il faut s’en débar-
rasser le plus rapidement possible (Anthropo-
mécanologie diff. 8) et trouver un moyen d’équi-
librer le véhicule en se balançant dans le vide
comme un marin (Conduite ou Athlétisme diff.
10). Ceux qui sortent se rendent compte que
de l’écryme a déjà commencé à ronger le méca-
nisme des roues à aubes (Anthropo-mécanologie/
Écrymologie diff. 10).
Une mutinerie se prépare, fomentée par les
passagers désirant abandonner l’aventure le plus
rapidement possible. Edward refuse de ne pas
accorder au véhicule sa dernière volonté (Argutie
diff. 14 pour convaincre l’un ou l’autre). S’en suit
alors une longue joute oratoire entre les uns et
les autres qui se soldera, en cas de victoire, par
les aveux d’Edward. En termes de jeu, il s’agit de
mener une Confrontation sociale.
‌Le personnage
principal
I‌ l est indispensable que le joueur du
personnage principal ainsi que le
conteur prennent un peu de temps pour
inclure le personnage dans l’intrigue.
Ainsi, en plus de son background, ils
devront réfléchir au sentiment qu’il
nourrit à l’égard des différents prota-
gonistes et en particulier aux liens qui
l’unissent à Edward Albrane.
‌Où le bateau, c’est chou !
Les passagers se sentent désormais condamnés,
peut-être même trahis par le prêtre de Malachine,
quand l’une des roues (du côté n’ayant plus de
réservoir) se sépare du véhicule qui s’immobilise N’hésitez pas à suivre les règles au pied de la
avant de commencer à sombrer lentement. À par- lettre pour tout autre personnage que le princi-
tir de maintenant, laissez complètement dému- pal. Qu’importe s’il y a des morts ! Il est même
nis vos joueurs. La bonne idée doit venir d’eux possible de prolonger le périple en faisant tran-
et rapidement. siter les personnages par la seigneurie de Sankt
Ils peuvent : Antha puis Weinsert.
Se fabriquer des échasses ou employer celles Les survivants arrivent à Méthalume com-
qu’ils ont pris soin d’emporter, plètement démunis, déshydratés et épuisés.
Laisser la cabine couler et avancer à l’aveu- Ils n’entrent dans la cité que parce qu’ils sont
glette sur une seule roue jusqu’à être proche accueillis par Anthelme. Ce dernier leur explique
d’un pilier de traverse, qu’ils sont désormais recherchés pour avoir bravé
Détacher le ballast pour en faire une sorte de un interdit. Il leur conseille de se séparer et en
radeau, profite pour donner au personnage principal un
Tenter de ramer et bénéficier de l’inertie du billet pour le Transécryme.
véhicule…
Durant chacune de ces scènes, de petites quan-
tités d’écryme rentrent dans l’épave l’enfonçant
chaque minute un peu plus dans la mer acide.
Pour leur faire gagner un peu de temps, le prêtre
communie avec le bâtiment et, pendant un bref
laps de temps, l’écryme reflue. Edward est de
plus en plus faible à mesure qu’il aide de la sorte
les personnages. Il ne les suit pas de son plein
gré, préférant rester dans l’épave et mourir. Il
quitte les personnages avec un énigmatique :
J’accepte la mort avec soulagement. Si vous en trouvez
d’autres comme moi, dites-leur qu’elle n’est pas une fata-
lité, mais une délivrance ! Edward transmet au per-
sonnage principal un petit objet métallique qu’il
conservait attaché autour de son cou (un écrou,
une balle, une clé, une plume métallique pour
écrire ou graver une feuille d’aluminium…) en
conseillant d’y faire très attention.

101
 Edward Albrane,
fervent de Malachine
Mon père m’a confié, tout jeune, à l’alachine
Joris. Ce dernier m’a élevé au milieu des ma-
chines. Fasciné par la mécanique, celle-ci s’est
mise à me parler sans que je sache pourquoi.
Elle me disait que Joris m’aimait, mais m’en-
viait. La jalousie a pris le dessus et les machines
m’ont conseillé de partir. J’ai rejoint les pèlerins
de l’industrie, en cachant ce don que je ne com-
prenais pas. Récemment, l’épave d’un navire
m’a parlé et m’a indiqué son souhait : mourir
au milieu de l’écryme. Elle s’est adressée à moi,
parce que rien ne me retient en ce monde, sauf
mon amitié avec [le personnage principal]. Un
équipage s’est constitué… jusqu’à la venue d’un
étrange métropolite qui m’a annoncé connaître
mon don. Il m’a dit que je pouvais aider d’autres
personnes comme nous. Il a insisté, mais je l’ai
ignoré. J’ai bien vu son regard sur [le personnage
principal]. Je ne me mettrai pas entre eux.
‌Antal, l’aventurier
en mal de vengeance
Je menais une vie tranquille avec mon épouse
enceinte. Pendant sa grossesse, elle gagnait plus
d’argent. Étant femme de chambre, je pensais
qu’elle faisait davantage de ménage, mais il n’en
était rien. Un soir, je l’ai retrouvée éventrée et
l’enfant enlevé ! Mourante, elle m’a avoué avoir
servi de cobaye pour un groupe mystérieux. La
découverte des responsables est devenue une ob-
session. Pour y parvenir, je me fais passer pour
un explorateur. La seule piste que j’ai trouvée,
c’est un nom, celui des effluents, et je sais qu’Ed-
ward Albrane y a été lié. Je me suis fait engager
comme copilote afin d’approcher l’alachine. Je
voulais le faire avouer, mais quelque chose m’en
a empêché. À son contact, j’ai acquis la certitude
qu’il n’était qu’une victime comme moi. J’ai trou-
vé sa quête émouvante et j’ai décidé de le suivre.
102
Description physique : plutôt maigre, j’ai le teint ci-
reux, les cheveux gras et le regard fuyant. Je marmonne
souvent aux machines.
Caractère : je suis plus à l’aise avec les machines qu’avec
les humains. Chaque nuit, je fais des cauchemars où, en-
fant, des scientifiques me font subir d’horribles expé-
riences.
Ce que je pense de :
 [Le personnage principal] est un être à part. Il a su
éveiller en moi des sentiments bienveillants.
 Antal, le copilote, est étrange. Il ment, mais il m’in-
trigue. La nécessité le poussera à révéler ses véritables
intentions.
 Bosko croit pouvoir acheter son prochain avec des
liges. C’est, hélas ! un mal nécessaire à ma quête.
 Máté n’a jamais été mécanicienne. Comment pen-
sait-elle tromper un alachine ? Elle tente de fuir Ferraille.
Pour gagner du temps, je pourrais l’accuser des avaries
qui ne manqueront pas de frapper l’épave.
Traits : parler aux machines (+2) - deux fois, Edward
peut convaincre l’épave de les aider.
Physique : Athlétisme 1, Conduite 4, Escrime 0, Pugilat 0,
Tir 0.
Mental : Anthropo-mécanologie 8, Écrymologie 2,
Traumatologie 1, Traversologie 2, Urbatechnologie 2.
Social : Argutie 2, Créativité 2, Faconde 1, Maraude 0,
Représentation 0.
Description physique : je cultive un aspect de ba-
roudeur : barbe mal entretenue, corps noueux, et vête-
ments solides, mais élimés. Mon regard dur détonne avec
mon enthousiasme feint.
Caractère : la vengeance est tout ce qui me motive. Elle
me ronge de l’intérieur sans espoir de guérison.
Ce que je pense de :
 Je ne fais pas entièrement confiance au [personnage
principal], très proche d’Albrane. Je veux en apprendre
plus sur lui avant d’agir.
 Albrane est un être étrange, mais attachant. Il ne peut
faire partie des assassins de ma femme. Il faut que j’en
sache plus sans me dévoiler. En effet, les effluents nous
surveillent sans doute.
 Bosko me paraît suspect. Pourquoi un noble marchand
risque-t-il sa vie dans une entreprise aussi incertaine,
alors qu’il pourrait payer quelqu’un à sa place ?
 Máté est aussi suspecte. J’ai dû voir cette femme aupa-
ravant dans une ghilde, mais je ne suis plus sûr. Ses com-
pétences de pilote semblent bien réelles.
Traits : désir de vengeance (+1), redouté dans les bas-
fonds de Ferraille (+1).
Physique : Athlétisme 5, Conduite 2, Escrime 3, Pugilat 4,
Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanologie 2, Écrymologie 1,
Traumatologie 1, Traversologie 2, Urbatechnologie 1.
Social : Argutie 3, Créativité 0, Faconde 2, Maraude 2,
Représentation 0.
 Bosko Ondrusov, noble
marchand désargenté
Je suis une caricature de noble marchand : fê-
tard, séducteur, escroc… J’ai toujours fui mes
responsabilités. Je pensais que mon génie du
paraître et ma chance me permettraient de tout
surmonter, mais la mort de mon père et la ruine
de son entreprise ont mis fin à ces illusions. Je
suis pourtant parvenu à me tirer de ce mauvais
pas en détournant de l’argent de mon konzern
et en l’investissant dans l’entreprise d’Edward
Albrane. En cas de succès, les bénéfices au-
raient compensé l’affront fait à mes pairs, mais
ils m’ont trouvé avant que je réussisse. Les mé-
tropolites aperçus sont certainement à la solde
de mon blason trahi. Dans mes affaires se
trouve une fiole contenant un virulent poison.
Si la mission réussit, qu’Edward a bien remis en
état un bateau, alors il faudra m’assurer la pri-
meur du prototype et protéger mon investisse-
ment en tuant l’équipage.
‌ áté Pikovitch,
M Description physique : plutôt jeune, j’ai les cheveux
assassin en fuite
J’étais la sœur de lait de Simus, dont Érik, le
père, dirigeait la ghilde de l’émaillage. L’homme
s’est montré dur quant à notre éducation, dé-
veloppant notre instinct de survie. Simus pen-
sait succéder à son père et me voyait comme sa
fidèle seconde. Pourtant, la ghilde nécessitait
une autorité exemplaire et moi seule en étais
digne. Cette rivalité a causé notre perte à tous
les deux. En effet, après que Simus s’est mis en
tête que j’obtienne les faveurs d’Érik, il nous a
trahis. Fou de douleur, son père a considéré que
sa trahison était de mon fait, une manœuvre
pour décrédibiliser son fils. Selon le code de la
ghilde, il m’a laissé une journée avant de lan-
cer ses limiers à ma poursuite. Il allait même
employer ses contacts auprès des métropolites
pour me débusquer. Le plan d’Edward Albrane
n’est pas sans faille, mais c’est le seul que j’ai
pour m’enfuir.
Description physique : la trentaine, je suis plutôt
bel homme. J’ai une chevelure clairsemée cachée sous
un béret et j’arbore un petit bouc.
Caractère : je suis pragmatique, voire cynique. Je juge les
gens selon qu’ils me sont utiles ou non.
Ce que je pense de :
 [Le personnage principal] est lié à Albrane. Les faire
douter l’un de l’autre servirait mes plans.
 Albrane est la clé de voûte de mon projet. Il m’est in-
dispensable, mais il représentera le principal obstacle à
mon avènement. Si on apprend que je me suis servi d’un
alachine, cela peut s’avérer dommageable.
 Antal se prétend explorateur, mais ce n’est qu’un mer-
cenaire. J’en ai rencontré suffisamment pour savoir que
cet homme a un prix. Ce n’est pas l’or. Il me reste à dé-
couvrir lequel.
 Máté est une tête brûlée qui cherche à se prou-
ver quelque chose, même au péril de notre vie. Cela ne
m’étonnerait pas qu’elle soit suicidaire.
Traits : se sortir de situations difficiles (+1), inspirer la
confiance (+1).
Physique : Athlétisme 4, Conduite 2, Escrime 3, Pugilat 3,
Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanologie 1, Écrymologie 1,
Traumatologie 0, Traversologie 0, Urbatechnologie 1.
Social : Argutie 5, Créativité 2, Faconde 3, Maraude 1,
Représentation 2.
longs et le corps musclé. Je me montre toujours très
sûre de moi et de mes compétences.
Caractère : le chagrin brouille la raison d’Érik et des
autres membres de la ghilde. Je vais donc partir en exil
quelque temps, puis revenir prendre la place qui m’est
due.
Ce que je pense de :
 [Le personnage principal] m’est indifférent. Son ami-
tié avec Albrane me permettra toutefois d’obtenir celle
de l’alachine.
 Albrane est ma clé de sortie. Il doit se douter que je
mens sur mes compétences, mais n’en a jamais rien mon-
tré. Quant à savoir pourquoi...
 Antal est un aventurier des plus observateurs. Il met-
tra peu de temps à percer ma couverture. Il me faudra
alors savoir si je peux le rallier à ma cause ou si je dois
l’assassiner.
 Bosko Ondrusov est une gêne dans cette aventure. Au
moindre faux pas, je m’en débarrasserai sans remords.
Traits : ambitieuse (+1), inflexible (+1).
Physique : Athlétisme 2, Conduite 2, Escrime 3, Pugilat 3,
Tir 3.
Mental : Anthropo-mécanologie 1, Écrymologie 1,
Traumatologie 1, Traversologie 2, Urbatechnologie 3.
Social : Argutie 2, Créativité 1, Faconde 2, Maraude 3,
Représentation 1.
103
 FLASHBACK 3
‌ E MANUSCRIT DE LINZI
L
Afin de s’adapter facilement à votre geste, la Loge et le konzern incriminés ne sont jamais clairement
évoqués dans le texte. Quelques éléments de réflexion vous sont livrés dans l’encadré Faits et gestes ci-après.
‌ ù une bien étrange
O
requête est formulée
Quand le grand sage d’une Loge se déplace, c’est
souvent aidé par des porteurs. Quand il prend le
soin d’être seul, c’est que l’affaire est importante ;
surtout quand il s’agit de maître Mark. Que les per-
sonnages soient novices d’une Loge ou membres
d’une ghilde n’a aucune importance. L’homme a
un service à leur demander et les doctes en retire-
ront avancement alors que les malandrins y gagne-
ront une somme substantielle. L’affaire est simple :
un manuscrit d’Armand Linzi a été dérobé par
un noble marchand s’appelant Samuel Bilefsky.
La Loge doit le récupérer, quel qu’en soit le prix,
car il y va de son honneur, mais aussi de sa sur-
vie. En effet, le document contenait d’importants
secrets de fabrication. Ils doivent agir rapidement
afin que le voleur n’ait pas le temps de profiter de
son larcin.
Abandonnés avec une obligation de résultat, les
personnages vont très certainement se renseigner
avant d’agir.
Maître Mark est un sage dont l’action est
reconnue au sein de la Loge. Il est toutefois plus
souvent dans les ateliers à commander ses subal-
ternes et agir plutôt que de se faire servir. De
même, il est étrange que ce soit lui qui ait signalé
le vol et pas maître Peeters, qui s’occupe généra-
lement des interactions avec l’extérieur.
Si l’un des personnages demande pourquoi
subtiliser le manuscrit et ne pas simplement faire
appel à une milice, la réponse fusera : les affaires
de la Loge doivent rester privées et il n’est jamais
bon de s’attirer les foudres d’un konzern. Enfin,
rien ne relie officiellement le manuscrit à la Loge.
Questionner les novices qui le servent est le plus
sûr moyen d’apprendre que maître Mark agit
étrangement depuis quelque temps, plus exacte-
ment depuis sa rencontre avec un métropolite. Les
deux hommes semblaient se connaître et auraient
même parlé du ou des personnages principaux.
104
‌Faits et gestes
‌ onteurs, cette introduction va vous
C
demander quelques réflexions afin de
l’adapter à votre geste et au(x) per-
sonnage(s) impliqués. En effet, les re-
cherches que menait Armand Linzi
dans la Loge dépendent grandement de
la nature de la Loge des personnages.
Il en va de même pour les intérêts du
konzern et plus encore pour le conte-
nu du manuscrit. Ce dernier étant ce-
pendant codé, vous pourrez répondre à
cette dernière question bien plus tard.
À titre d’exemple, en partant du prin-
cipe que l’aventure se déroulait à
Méthalume, nous avons décidé que
les recherches du docte portaient sur
une utilisation artistique du métal.
Nous avons donc envisagé la création
de fards et de mascaras employant des
scories métalliques. Nous sommes éga-
lement partis du principe qu’Armand
et Mark étaient d’anciens effluents. Le
Venicien étudiait l’effet des toilettes fé-
minines sur les émotions des dames.
Les novices sont beaucoup moins bavards en
ce qui concerne Armand Linzi. L’homme serait
une connaissance de maître Mark et un éminent
membre de la Loge qui aurait poursuivi ses
études à Venice. Les deux hommes se seraient
connus avant d’entrer dans la Loge, car il est
certain que maître Mark et Armand Linzi n’ont
pas grandi au sein de la Loge. C’est un fait assez
étrange, mais les deux hommes n’y sont entrés
qu’à l’âge adulte. Sans son exceptionnel talent et
son empathie innée avec le métal, maître Mark
ne serait resté qu’un novice toute sa vie. Les deux
hommes entretenaient une relation épistolaire et
recyclaient leur courrier à chaque missive.
 Ce que faisait Armand Linzi restera un mystère
à moins que les personnages ne parviennent à
mettre la main sur son fameux manuscrit…
Samuel Bilefsky n’est pas à proprement par-
ler un noble marchand. Il s’agit simplement d’un
chevalier servant agissant pour le compte d’un
étrange konzern gloriannais. Il serait sot de sup-
poser qu’il n’est qu’un laquais. Son adoubement, à
lui seul, l’a rendu extrêmement riche. Simplement,
le chevalier ne gère pas d’entreprises, mais achète
(des rumeurs parlent d’actes plus répréhensibles)
pour le compte de ses supérieurs des objets rares
et les achemine vers Camelot. Si vous avez joué la
ballade L’église des Trois Aciers, alors n’hésitez pas
à évoquer des liens avec le duc des Alliages ainsi
que les grosses sommes économisées en traitant
diverses quantités de cuivre.
La demeure du chevalier servant se situe à
proximité des meilleurs quartiers de Méthalume
et abrite une dizaine d’hommes de main. Plantée
à même l’écryme, elle n’est pratiquement jamais
exposée aux fumées et est attenante à d’autres
hôtels particuliers dont les propriétaires n’ont
pu se payer le luxe d’habiter sur la terre ferme.
Loin du cercle ou des parties lacustres, cette zone
de la cité est appelée la petite Venice de Méthalume.
Comme dans la cité des Doges, rares sont les
habitations dépassant les quatre étages, et encore
plus rares celles qui ne voient pas l’écryme assail-
‌ ien avec
L S’approcher avec des échasses et grimper.
les effluences
‌ e flashback est lié aux effluences par
C Passer par la porte est une autre alternative.
le manuscrit. En effet, Armand Linzi
est l’un des bourreaux qui expérimen-
taient l’influence des métaux sur le
comportement (si vous suivez l’exemple
de l’encadré Faits et gestes).
Ce lien est également accru par la pré-
sence de maître Mark ou le comman-
ditaire de la ghilde qui est également
lié aux effluents. Dans le premier cas,
il s’agit du disciple d’Armand. Dans le
second cas, le brigand est une de ses
victimes.
Enfin, Anthelme apparaît en filigrane
dans les historiques des personnages
prétirés. Ce sera d’ailleurs lui qui vole-
ra le manuscrit aux personnages dans
Hodologie à rebours.
lir leurs fondations. Chaque demeure est reliée
aux autres par de petits ponts ou trottoirs sans
parapets surplombant des douves acides.
Des joueurs débrouillards pourraient même
obtenir de nombreuses et très précises informa-
tions architecturales et topographiques auprès
du ministère de l’Urbanisme.
S’ils prennent le temps de suivre le chevalier
servant, les personnages se rendent compte que
Bilefsky est un homme sans surprise, sortant tou-
jours à la même heure, faisant la même marche
(d’environ une heure par jour), se rendant aux
mêmes endroits (aux halles puis au sémaphore
du phare), toujours accompagné par les trois
mêmes gardes du corps.
‌ ù les plans
O
ne se déroulent jamais
sans accroc
Plusieurs moyens sont offerts aux personnages
de voler le manuscrit :
Passer par les toits. Il faut alors que les per-
sonnages se placent sur les toits d’un hôtel par-
ticulier adjacent et sautent en cerf-volant. Même
si le quartier n’est pas trop exposé, les fumées
devraient assurer une certaine discrétion, mais
rendent cette option périlleuse tant il est difficile
de se repérer.
Cette approche est moins risquée même si les
fenêtres du rez-de-chaussée sont grillagées. Elle
est surtout nettement moins discrète.
Pour y parvenir, il faut alors aux personnages un
bon plan (séduire, se déguiser, corrompre, embo-
biner…) et une bonne dose de roleplay.
Enfin, il est possible de tenter de kidnapper le
chevalier Bilefsky bien que cette option soit des
plus risquées. Elle implique de se débarrasser
des gardes, mais aussi d’être suffisamment dis-
cret pour ne pas alerter la milice.
Si les personnages ont été suffisamment dis-
crets, l’entrée dans la demeure du chevalier
Bilefsky ne pose aucun problème majeur. Les
gardes sont peu vigilants et fenêtres comme ser-
rures sont faciles à forcer (Anthropo-mécanologie ou
Maraude diff. 10)…
L’hôtel particulier du chevalier servant est
vieux d’une centaine d’années, tout de pierres et
de métal. La résidence est relativement grande
105
 et sied bien au luxe des nobles marchands. Elle
est bâtie en forme de panoptique donnant sur
une petite cour centrale avec quelques plantes,
arbustes et deux chênes éclairés par une immense
verrière. Les escaliers vont par paires et se font
face de chaque côté du petit jardin. Les couloirs
ne permettent pas de se croiser de face et ne sont
protégés que par de fines balustrades faites de
câbles enchevêtrés.
Le rez-de-chaussée est occupé par une petite
salle à manger située à proximité de la végéta-
tion, une petite cuisine et un sellier. La cuisine
possède une trappe protégée d’une grille don-
nant directement sur l’écryme. Là, les restes et les
latrines sont jetés dans l’acide. Un fumoir vient se
loger sous l’un des escaliers.
Le premier étage est réservé aux nobles mar-
chands de visite et à Samuel Bilefsky lui-même. On
y trouve une importante bibliothèque contenant
de nombreux disques et les objets récoltés par le
chevalier servant. Le manuscrit, livre en papier, est
immédiatement repérable. Il se trouve empaqueté
sous une épaisse couverture en cuir de fulige. Le
livre n’est pas le seul objet à exercer une étrange fas-
cination auprès des joueurs. Une boîte à musique
extrêmement belle, des pièces métalliques d’un jeu
d’échecs (un cavalier et un fou), un médaillon en
fer forgé ne sont que quelques exemples...
Le deuxième et le troisième étage sont équipés de
chambres et de deux salles de bain, latrines com-
munes. Les gardes y séjournent et certaines pièces
permettant d’accueillir les hommes de main de
nobles marchands en visite à Méthalume sont vides.
Le dernier étage est un atrium donnant accès
à la grande verrière.
Au moment où les personnages mettent la
main sur le précieux manuscrit, des bruits se font
entendre à l’extérieur : des métropolites accom-
pagnés de soldats tambourinent à la porte et exi-
gent d’entrer. Bien évidemment, si les personnages
‌Hodologie à rebours
‌ lu s ie u r s élé me nt s r a me n a nt à
P que le bois est une chose rare. Certaines pièces
Hodologie à rebours se trouvent dans la
demeure de Samuel Bilefsky. L’homme
a en effet financé une partie de l’expé-
dition de Guy de Lune et du Lys Noir
contre le Transécryme. Le Cartel de
l’acier est en effet concurrent.
106
‌ aits et gestes :
F
chercher les dix erreurs
‌ e nombreuses anences se trouvent
D
parmi les objets récoltés par Samuel
Bilefsky. Pourquoi le noble marchand
les collectionne-t-il ? Comment les a-t-
il obtenus ? Tout cela sera détaillé ulté-
rieurement. Toutefois, il est intéressant
d’insister dès à présent sur ces objets
afin que les personnages joueurs dé-
couvrent ultérieurement qu’il ne s’agit
pas d’une manigance isolée.
Enfin, la nature et le nombre d’ob-
jets (n’en déplaise au titre de cet en-
cadré) sont laissés à votre discrétion.
Les pièces d’échec reviendront dans
une ballade ultérieure intitulée Sonate
Venicienne.
ont laissé des gardes assommés ou occis, s’ils ont
consulté les plans de l’Urbanisme sans prendre
de précautions, s’ils sont entrés en forçant grilles
ou portes, l’arrivée des soldats lanskois sera bien
plus violente. Quelques secondes après la somma-
tion des métropolites, les lourdes portes de fer de
la demeure sont enfoncées et les lieux investis au
pas de charge. L’un des métropolites crie qu’il faut
retrouver le manuscrit.
La fuite doit aller très vite. N’hésitez pas à entre-
couper vos scènes de très courtes vignettes (une ou
deux phrases) démontrant l’avancée des hommes
de main. Ne laissez pas vos joueurs souffler. S’ils
ne répondent pas immédiatement à vos questions,
c’est que leur personnage passe son tour. Plus ils
attendent et plus ils seront acculés. Le sentiment
de danger doit être palpable.
Comme pour l’entrée, les personnages n’ont que
deux choix évidents pour décamper : passer par
les toits ou par les douves remplies d’écryme. Dans
les deux cas, il leur faudra gagner du temps, car
dès qu’ils comprendront ce qui se trame, les sol-
dats n’hésiteront pas à ouvrir le feu. N’oubliez pas
ne sont séparées que par de simples tentures alors
que d’autres se ferment avec des portes métal-
liques à l’épreuve des balles. Les meubles sont éga-
lement bien plus lourds à pousser et produisent un
grincement trahissant immédiatement la présence
des personnages. Enfin, il est très difficile de faire
partir un début d’incendie (à moins que les per-
sonnages n’aient prévu de l’huile lourde).

‌ onseils
C manuscrit, ils donnent l’ordre à leurs sbires de se
de mise en scène
‌ oupées en deux, les dernières scènes
C
doivent détonner totalement avec
les premières. N’hésitez pas à tricher
pour rendre le vol plus grandiose avec
des sauts impossibles au-dessus de
l’écryme, des ennemis par dizaines et
des combats dans les escaliers ou en
équilibre au-dessus du vide. Puis, à
partir du moment où ils pensent s’être
échappés, jouez les règles avec les jets
de dés devant l’écran. Laissez la réalité
rattraper les personnages. Pour les in-
trigues, pensez au film Reservoir dogs.
En temps normal, il est rare et plutôt
déconseillé que des groupes de joueurs
s’entredéchirent, mais, pour un flash-
back sans suite, glissez discrètement
qu’il n’y a plus de règle.
‌Échec critique
‌ i, par malheur, les personnages prin-
S quadrillée par les hommes de la Propagande.
cipaux sont pris alors, les métropolites
les assailliront de questions. Qui sont-
ils ? Quels sont leurs liens avec Samuel
Bilefsky ? Où a-t-il trouvé le manus-
crit ?... Les personnages seront légère-
ment secoués, mais entre deux inter-
rogatoires, un métropolite (Anthelme)
viendra les libérer et leur rendra le ma-
nuscrit et le(s) billet(s) du Transécryme.
Leur fuite les conduira au train.
Si le personnage perd le manuscrit ou le
laisse aux métropolites pour tenter de
gagner du temps, cela n’aura que peu
d’incidence sur la suite de la geste.
Ne vous encombrez pas de réalisme et conten-
tez-vous d’acculer les personnages. Si l’un des
poursuivants tombe, il est immédiatement rem-
placé par un autre. Ils semblent sortir de partout.
Séparez votre groupe. Au contraire, seuls le per-
sonnage principal et le manuscrit importent. Les
personnages secondaires peuvent être blessés ou
laissés de côté. Le seul impératif est que les person-
nages se rendent bien compte que les métropolites
sont de la partie et que, dès qu’ils aperçoivent le
concentrer sur ce dernier. Les personnages ne s’en
sortiront qu’après une course-poursuite effrénée.
‌ ù il y a un traître
O
parmi les personnages
Ceux qui sont parvenus à se tirer de cette mau-
vaise passe doivent désormais trouver un endroit
sûr afin de panser leurs plaies et comprendre ce
qui vient de leur arriver. Certains chercheront à
rejoindre la Loge dans les plus brefs délais, mais
c’est désormais chose impossible. Cette dernière
grouille de métropolites. Le lendemain, toute la
cité ne parlera plus que du vol, les crieurs et les
plaques feront même une description sommaire
de certains personnages. Ils ont été trahis, mais
par qui ? L’un d’eux, ou une taupe au sein de la
Loge ? Et qu’y a-t-il donc dans ce manuscrit de
si important ? Ce dernier est entièrement codé,
totalement illisible pour qui n’en possède pas la
clé. Plus étrange encore, ce code ne reprend en
rien les cryptogrammes de la Loge.
Dans la cachette, l’ambiance est à couper au
couteau. Il faut fuir, mais comment ? La cité est
Impossible de le faire par la voie du ciel, car le
phare et son esplanade sont totalement sous le
contrôle du gouvernement lanskois. Il faudra, à
la faveur de la pollution et des masques, se rendre
dans la gare, qui semble l’endroit le plus sûr, pour
espérer prendre un train (c’est en tout cas ce que
suggère le prétiré Hans Czurhi).
Jouez avec la paranoïa des joueurs en plaçant à
chaque coin de rue un métropolite ou un milicien
jusqu’aux quais de la gare. Là, ils seront croisés par
des hauts fonctionnaires en redingote noire qui les
regardent de travers puis s’éloignent. Au moment
où ils penseront s’en être sortis, des métropolites
surgiront. Rendez la scène encore plus confuse
que leur fuite de l’hôtel particulier de Bilefsky, au
milieu des crachats de vapeur des locomotives.
Le personnage principal se retrouve isolé
avec le manuscrit dans le Transécryme. En se
cachant, il trouve une cabine encore vide. Après
avoir repris son souffle, il sort dans le couloir et
y trouve une fillette blonde d’environ six ans qui
le regarde fixement. Il retourne alors dans sa
cabine et ferme la porte. Le Transécryme part
quelques heures plus tard.
107
 Hans Czurhi, membre de
la ghilde des scories
Je fais partie de la ghilde des scories depuis mes
huit ans. C’est Ilia, mon meilleur ami, qui m’y a
fait entrer. Onze années parmi ces voleurs m’ont
permis de faire reconnaître mon habileté auprès
de Centon, notre maître. Malheureusement, de
nombreuses tensions sont apparues ces derniers
temps. Seuls Ilia et Centon trouvent grâce à mes
yeux. Cette fidélité explique sans doute pour-
quoi notre maître nous attribue souvent à tous
deux des missions hors de notre quartier. La
dernière en date est inhabituelle : nous devons
voler un manuscrit à un noble marchand, mais
avec des externes. Jamais Centon n’avait agi
ainsi. Nous tend-il un piège ? Plus étrange, un
métropolite m’a donné un billet du Transécryme
que je dois remettre à l’un d’entre nous si la si-
tuation tournait mal (nombre de billets corres-
pondant au nombre de personnages principaux).
Depuis, mes souvenirs se mélangent et sont un
peu flous.
Ilia Ruwinski,
scorie se sentant trahie
Avec Hans, nous avons été abandonnés par nos
parents respectifs à huit ans. Seule la mendici-
té nous a permis de survivre. Sur mon conseil,
nous avons rallié Centon et sa ghilde des scories.
Le gaillard nous a bien traités. Hélas, les temps
sont durs et notre ghilde perd du terrain. Notre
maître m’a partagé un terrible secret : il soup-
çonne l’existence d’un traître dans nos rangs.
Au début, je me suis dit que cette histoire était
due à la paranoïa… jusqu’à ce que je voie Hans
parler à un métropolite. L’homme lui a donné
quelque chose (sûrement des liges) et est parti.
J’ai tenté plusieurs fois de l’interroger sur cet
événement, mais il fait comme si cela n’était pas
arrivé. Ne s’en souvient-il vraiment pas ? Pire, il
agit comme s’il voulait quitter la ghilde.
108
Description physique : la vingtaine, plutôt musclé,
j’ai un visage de tueur parcouru d’une longue balafre.
Caractère : je suis confronté à un monde que je ne com-
prends plus. Depuis peu, mes propres actions me semblent
étrangères. Il faut que je quitte cette vie et cette cité qui
m’étouffe. Après ce coup, je préparerai ma fuite.
Ce que je pense de :
 [Le personnage principal] doit être sauvé quoi qu’il ar-
rive. Je ne peux contrôler cette pulsion, même si cela im-
plique la mort d’Ilia.
 Ilia Ruwinski est mon seul ami. Il ne se rend pas
compte de que Centon manigance peut-être. Je le sauve-
rai de lui-même.
 Cajka Hase n’est pas ce qu’il paraît. Il nous cache
quelque chose !
 Natália Keiffer s’occupe des basses œuvres de la Loge.
Assassine, demi-mondaine et enquêtrice, elle est une
franche-voleuse travaillant sans être intimidée par les
ghildes. Cela mérite le respect.
Traits : vraiment costaud (+2), plus à l’aise seul (+1),
paranoïaque (-1).
Physique : Athlétisme 3, Conduite 3, Escrime 3, Pugilat 3,
Tir 3.
Mental : Anthropo-mécanologie 1, Écrymologie 2,
Traumatologie 1, Traversologie 2, Urbatechnologie 2.
Social : Argutie 2, Créativité 0, Faconde 2, Maraude 1,
Représentation 2.
Description physique : les cheveux fous, le men-
ton en galoche, des yeux rieurs qui m’ont laissé de pe-
tites rides… J’ai tout d’un gavroche qui aurait dépassé sa
vingtième année.
Caractère : j’avais tout pour être heureux, mais il semble
que le destin ne supporte pas d’octroyer un peu de bon-
heur aux gens comme moi. Ce que je méprise par-dessus
tout, c’est le manque de loyauté.
Ce que je pense de :
 [Le personnage principal] compte aux yeux de Hans.
Tant que je n’ai pas de preuve de sa trahison, j’irai dans
son sens.
 Hans Czurhi me cache quelque chose. Je m’attends au
pire, mais je dois être certain que ça l’est réellement pour
me débarrasser de lui.
 Cajka Hase est un homme sans foi ni loi. Il ment à sa
Loge et nous ment à nous. Je l’ai déjà vu perdre une fois
son bégaiement.
 Natália Keiffer est une survivante. Elle est prête à vendre
père et mère pour s’en sortir. Elle a toutes les qualités re-
quises pour une trahison éventuelle. Je vais l’avoir à l’œil.
Traits : comédien (+1), habitué à taper là où ça fait mal (+1).
Physique : Athlétisme 4, Conduite 3, Escrime 4, Pugilat 4,
Tir 3.
Mental : Anthropo-mécanologie 1, Écrymologie 0,
Traumatologie 1, Traversologie 1, Urbatechnologie 2.
Social : Argutie 2, Créativité 0, Faconde 2, Maraude 3,
Représentation 0.
 Cajka Hase,
le bègue franc-espion
Cajka possède un visage d’ange au corps parfait,
jusqu’à ce qu’il ouvre la bouche… et se mette
à bégayer. Quand il s’énerve, il n’arrive même
plus à aligner une phrase complète. Il travaille
bien et se fait donc beaucoup d’amis au sein de
sa Loge, car il parle peu et a une oreille atten-
tive. Je dois avouer que c’est une de mes meil-
leures couvertures. Je m’appelle en réalité Silas
Wenkman et je suis un espion indépendant.
Cela fait deux ans que je travaille dans cette
Loge, à mon initiative, mais je n’ai pas encore pu
lui voler ses secrets. Quand j’y parviendrai, je
serai riche et je pourrai alors m’éclipser. Ce coup
est donc en quelque sorte mon sésame vers une
vie meilleure. Cela devient d’autant plus urgent
qu’un membre de l’Urbanisme m’a reconnu et
me fait chanter depuis.
‌ atália Keiffer,
N Description physique : ma force, c’est mon phy-
femme de main de la Loge
J’ai été engagée pour réaliser les basses œuvres
de la Loge. En effet, il arrive souvent que cette as-
semblée de doctes doive traiter avec les ghildes.
Mais cela fait mauvais genre qu’un maître ou
qu’un scientiste soit vu avec de vulgaires vo-
leurs ou des assassins. Ainsi, les maîtres Linzi
puis Mark ont su reconnaître les talents d’une
franche-voleuse telle que moi et m’offrir leur
protection et la chance de conserver mon style
de vie. Par cette seule marque de respect, ils
se sont octroyé mon indéfectible loyauté. Je me
suis portée volontaire pour cette mission, car je
le devais bien à maître Linzi.
Description physique : je mise beaucoup sur mon
physique pour séduire, amadouer et tromper.
Caractère : les guerres d’Acrymonie ont redistribué les
cartes. Maintenant, les cités, les Loges et les konzerns ont
besoin de soldats silencieux. Je fais partie de ces derniers.
Ce que je pense de :
 [Le personnage principal] peut m’être utile. Il mani-
gance quelque chose avec Hans et, si je découvre quoi, je
pourrais peut-être en tirer profit.
 Hans Czurhi est trop paranoïaque pour pouvoir m’être
utile. Autant me concentrer sur [le personnage principal].
 Ilia Ruwinski semble méfiant envers Hans. Il le sus-
pecte ou lui reproche quelque chose. Pas vraiment besoin
de découvrir quoi, il me suffira d’aller dans son sens s’il
l’accuse.
 Pour l’instant, Natália Keiffer ne paraît pas avoir de
soupçon sur moi, mais elle constitue une menace directe
en tant qu’enquêtrice de la Loge. Je dois détourner rapi-
dement son attention ou je devrai me débarrasser d’elle.
Traits : bon menteur (+1), sans attache (+1).
Physique : Athlétisme 4, Conduite 2, Escrime 1, Pugilat 1,
Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanologie 3, Écrymologie 2,
Traumatologie 0, Traversologie 3, Urbatechnologie 4.
Social : Argutie 2, Créativité 1, Faconde 1, Maraude 1,
Représentation 3.
sique passe-partout. Des cheveux coupés courts et un
corps alerte qui me permettent de passer pour un jeune
homme. Mais j’ai des traits fins, un teint pâle et des mains
délicates que je mets en valeur quand je veux séduire.
Caractère : ce qui m’a permis de survivre, c’est ma capa-
cité à m’adapter. À flatter la bonne personne au bon mo-
ment, mais surtout à rester discrète. C’est pour cela que la
Loge me paie et pour cela que les ghildes me répondent.
Ce que je pense de :
 Je n’ai pas cumulé assez de données sur [le personnage
principal] pour établir encore un avis.
 Hans Czurhi dissimule quelque chose. J’ai vu dans ses
affaires un billet en première classe pour le Transécryme.
Cherche-t-il à fuir ? Est-ce un traître ?
 Ilia Ruwinski est un chien fou. S’il se laisse duper par
Hans, c’est son problème. À moins qu’il ne soit dans le
coup également.
 Cajka Hase est un cas à part. Je le soupçonne de trahir
la Loge, ne serait-ce que parce que je l’ai déjà vu échanger
avec un fonctionnaire de l’Urbanisme. Pour l’instant, je lui
laisse croire qu’il m’a convaincue, mais cette mission est
un test. S’il échoue, je saurai où va sa loyauté et je le tuerai.
Traits : contact : ghildes (+1), discrète (+1).
Physique : Athlétisme 4, Conduite 4, Escrime 3, Pugilat 2,
Tir 3.
Mental : Anthropo-mécanologie 1, Écrymologie 0,
Traumatologie 0, Traversologie 1, Urbatechnologie 4.
Social : Argutie 3, Créativité 1, Faconde 1, Maraude 2,
Représentation 1.
109
 FLASHBACK 4
‌ I LES SYMPTÔMES PERSISTENT
S
Ce flashback dénote des autres, car il met directement en scène les actions des effluents. Se situant
sur les traverses, il est idéal pour souder un groupe venant d’horizons (géographiques) différents.
Trois personnages prétirés n’apparaissent qu’à Sankt Antha. Les joueurs les incarnant peuvent
assister aux premières scènes jusqu’à l’introduction de leur personnage sans nuire au déroulement
de l’intrigue.

‌ ù la seigneurie de
O non négligeable. La non-ingérence a été respec-
Weinsert est épargnée
La seigneurie de Weinsert contraste étonnam-
ment avec les traverses avoisinantes. Ses ponts
sont entretenus, ses habitants, bien que pauvres,
ne meurent pas de faim et ses remparts tiennent
encore fièrement debout…
Le traitement particulier de Weinsert vient du
fait que son seigneur s’est débarrassé de l’ara-
gone pour accueillir une garnison d’échas-
siers méthalumiens. En échange de cette bonne
volonté, les hommes d’armes protègent la popu-
lation de toute agression. Mieux encore, la
Subsistance traite en priorité avec les artisans
de Weinsert. Fort de cette source financière,
le seigneur nourrit de plus en plus des visées
expansionnistes.
Officiellement, Méthalume refuse d’impliquer
ses hommes dans des conquêtes traversières, mais
s’engage à protéger les traverses d’un seigneur
allié. Ce pacte constitue un avantage stratégique
‌‌‌CSamuel Bilefskyc
chevalier servant
Caractéristiques : Phys 2, Men 5, Soc 5
‌‌ Hommes de mainc
‌C
Caractéristiques : Phys 4, Men 3, Soc 3
tée par la cité jusqu’à ce que des soupçons de
vol se portent sur la seigneurie voisine de Sankt
Antha (voir L’église des Trois Aciers). Même sans
preuves, le doute suffit. Certains hauts fonction-
naires ont accordé à leurs hommes le droit d’ai-
der le seigneur de Weinsert à pacifier la zone. Ils
ont toutefois reçu l’ordre de rester discrets et de
n’impliquer Méthalume sous aucun prétexte.
Les soldats se sont donc déguisés en mercenaires
éoliens et istaniens.
Le plan se déroule en deux temps : affamer les
populations avoisinantes afin d’affaiblir le duché
de Sankt Antha puis l’assiéger. Des traîtres infil-
trés feront alors tomber la seigneurie de l’inté-
rieur. En parallèle, les Méthalumiens ont envoyé
un espion à leur solde afin d’avoir une preuve
formelle des vols.
Les personnages, quant à eux, vont être pris
dans le siège et devront tenter de tirer leur
épingle du jeu.
‌ xplication
E
pour le conteur
‌ ’historique de Hans et Ilia peut prêter
L
à confusion. Hans a croisé Anthelme
qui lui a remis le billet de Transécryme,
lui a insufflé le besoin de sauver le per-
sonnage principal et a effacé leur entre-
tien de sa mémoire. Le jeune homme a
alors rationalisé cette étrange demande

‌‌ Métropolitesc
‌C
en imaginant qu’il s’agissait d’un ordre
de Centon. Ilia a été témoin de l’échange
Caractéristiques : Phys 6, Men 7, Soc 7 entre son ami et le métropolite et aime-
rait en savoir plus. Mais il n’a pas obtenu
‌‌‌CSoldatsc de réponse satisfaisante.
Caractéristiques : Phys 7, Men 4, Soc 4

110
 ‌Où les premières fièvres
se font sentir
Les personnages s’ennuient sur ces traverses qui
serpentent sans fin. Ils se remémorent leur départ
précipité de la cité suite à l’étrange missive de
leur supérieur ou maître (s’ils font partie d’une
Loge, d’une ghilde ou d’un ministère). Comme
pris d’une soudaine frénésie, il leur a ordonné de
partir dans l’instant. Le plus compliqué a été de
prendre un billet pour le Transécryme. Depuis,
les personnages se hâtent vers Venice (ou n’im-
porte quelle autre cité du moment que leur itiné-
raire passe par Méthalume) où ils prendront le
train. Au cours de leur périple, ils sont témoins
‌ ien avec
L
les effluences
‌ e voyage des personnages résulte
L ruine ou abandonnés faute de vivres.
d’une manœuvre d’Anthelme. Le mé-
tropolite désire réunir ses pions au plus
vite. Pour cela, il a fait chanter ou de-
mandé une faveur à ses contacts en lien
avec les personnages. Ces derniers sont
donc en chemin vers une mission fictive
orchestrée par ses soins dont l’unique
objectif est de les faire monter dans le
Transécryme.
Anthelme n’a pas prévu une chose, que
leur route croise celle des effluents. En
effet, la seigneurie traversière de Sankt
Antha est le siège d’expériences menées
par d’anciens membres de la Loge. Là,
des apprentis céphales essaient de dé-
tourner les ruisseaux émotionnels en
plaçant plusieurs tonnes de métal dans
des mines désaffectées. L’acquisition il-
légale du métal a lieu depuis des années
à Méthalume. Leurs actions se sont in-
tensifiées dernièrement. Les habitants
de Sankt Antha n’ont rien soupçonné
si ce n’est l’étrange fortune des proprié-
taires de la mine. Les Méthalumiens,
quant à eux, n’ont pas été aussi dupes et
ont découvert les vols. Le ministère de
la Guerre prépare donc une vengeance.
Il emploie ses contacts auprès de la sei-
gneurie de Weinsert pour une attaque
directe tout en tentant d’incriminer les
Istaniens et les Éoliens.
‌ onseils
C
de mise en scène
‌ i les personnages sont des citadins, in-
S
sistez sur l’horreur et la barbarie qui ont
frappé ces lieux. Soulignez le contraste
entre les traverses désolées et la vie
grouillante et frénétique de la cité qu’ils
ont dû quitter.
S’ils sont traversiers, décrivez les effets
indésirables de la technologie et les stig-
mates laissés par les guerres d’Acrymo-
nie. Ici et là des impacts de balles, un
zeppelin à demi submergé qui, en s’écra-
sant, a brisé une partie de la traverse.
d’exactions commises récemment sur les popula-
tions environnantes. Nombreux sont les relais en
Durant leur progression, les personnages réa-
lisent trois étranges rencontres :
Ils tombent sur deux hommes pendus et habil-
lés en Istaniens. Les cadavres sont les jouets de
hurleurs qui, à chaque saut, arrachent des lam-
beaux de chair (Écrymologie diff. 10 pour suppor-
ter le spectacle et ne pas subir d’Impacts men-
taux). Les corps ne ressemblent pas vraiment
à ceux d’Istaniens. Il s’agit, en réalité, de pil-
lards pendus par les soldats méthalumiens et de
Weinsert.
Des marchands itinérants ont été molestés alors
qu’ils voyageaient vers la seigneurie traversière de
Sankt Antha. Leurs agresseurs devaient être des
déserteurs, car ils arboraient des uniformes pen-
tapoliens et istaniens délavés. Certains avaient
les bras tatoués ou la peau mate des mercenaires
du sud. De plus, si les malandrins se sont arran-
gés pour jeter leurs morts dans l’écryme, ils ont
laissé des roses-fers (Urbatechnologie diff. 12 : fleurs
métalliques aux pétales tranchants utilisés par les
Éoliens comme armes de duel) et un cimeterre
(Escrime diff. 10 indiquant que l’arme est prati-
quement neuve). Suite à cette rencontre, les mar-
chands proposeront de finir la route ensemble.
Au détour d’une traverse en pierre surgit
une mince bande de terre cultivée par des sau-
vages des Marches. Leur superficie fait à peine
une trentaine de mètres carrés, mais cela suf-
fit pour cultiver des champignons, des mousses
et élever deux chèvres rachitiques. Sur les tra-
verses, ils font sécher les fleurs d’écryme cueillies
111
 et fermenter de l’alcool. Les Mongols achètent
leur tranquillité aux seigneuries de Weinsert
et Sankt Antha avec des onguents, du lait caillé
et quelques vivres. Les traversiers, quant à eux,
cachent ces transactions par peur de représailles
économiques du Lansk dont l’inimitié avec les
Marches est proverbiale. Interrogés sur les événe-
ments précédents, les barbares affirment qu’il ne
peut s’agir d’Éoliens ou d’Istaniens. Selon eux,
les premiers agissent cachés derrière des pions et
les seconds paient des mercenaires…
‌Où l’on a trois factions
dans un couffin
Le duché de Sankt Antha se trouve à la jonc-
tion de deux traverses concomitantes fusionnant
pour former un gigantesque Y. Les trois extré-
mités sont fermées par de lourdes herses enchâs-
sées dans des barbacanes. Les chaînes épaisses
et le manque d’entretien des poulies font que
le mécanisme grince terriblement lorsqu’il est
actionné. La seigneurie est également proté-
gée par un parapet d’un mètre cinquante (soit
quatre mètres au-dessus du niveau de l’écryme).
L’accès à l’écryme se fait via deux canaux souter-
rains eux aussi fermés par des herses plus légères
s’enfonçant profondément sous la surface acide.
Le duché est assez typique : vivariums, mou-
lins à vent servant à meuler os et fleurs d’écryme.
Les hommes partent sur leurs échasses dès l’aube
pour cueillir les fleurs et chasser les hurleurs.
Les femmes pratiquent la broderie et élèvent les
enfants et les fuliges. Les constructions restent
proches de la surface de l’écryme car une par-
tie de la seigneurie repose sur des terres émer-
gentes. Une mine a d’ailleurs été creusée, mais
a été abandonnée faute d’approvisionnement
en air (absence de pompe) et d’un filon assez
Relations entre le duc
et les personnages
‌ ’ils se démarquent durant le premier
S ‌ ’ils n’aiment guère les étrangers, les
assaut et ne leur sont pas ouvertement
hostiles, les hommes du duc (sous son
conseil) proposeront aux personnages
de découvrir la vérité sur le déclenche-
ment du conflit.
112
rentable. Enfin, le duché est très marqué par la
présence de l’aragone. Devant tout signe de pro-
grès, les traversiers crachent par terre, accusant
les visiteurs et leur technique démoniaque d’être
la source de nombreux malheurs.
Trois factions se démarquent très nettement :
‌Le duc et ses hommes
L’autorité du duc va rapidement être contestée.
En effet, elle repose sur une puissance martiale
(une vingtaine d’hommes) que le siège va contre-
dire. L’avantage qu’il retirait provenait de l’inac-
tion des deux autres factions et de leur opposition.
Les événements vont les forcer à reconsidérer leur
position, déstabilisant les choix du duc.
Personnes clés
Le duc Jarik Antha est un admirateur du cou-
rage et de la bravoure chevaleresque. Il méprise
la lâcheté et porte des jugements sans concession.
Il est fermement opposé à une négociation qui
nuirait à son statut. Si la situation s’inverse en sa
faveur, il verra une occasion de briller.
Helena Antha, la fille du seigneur, est une bru-
nette fière et volontaire. Officiellement, elle sou-
tient son père, mais en réalité son allégeance va
à l’aragone (et son cœur à Antal).
Edo Flek, le capitaine de la garde a perdu sa
main durant les guerres d’Acrymonie. Ce vétéran
pensait couler des jours heureux loin des conflits
des cités et s’est visiblement trompé. Il serait prêt
à trahir son camp pour celui des notables si cela
lui assurait de ne pas se battre.
Cisco, le jeune écuyer, semble pressé d’en
découdre. Il est pourtant un traître à la solde du
seigneur de Wiensert. Il fait tout pour maintenir la
pression à son maximum. En poste lors de l’assaut,
son inattention feinte risque d’ailleurs de laisser
passer de nombreux soldats ennemis. S’il voit la
situation lui échapper, il tente d’abattre le duc.
‌ elations
R
entre l’aragone
et les personnages
S
prêtres ne seront pas fermés aux propo-
sitions des uns et des autres. D’ordinaire,
cette religion s’oppose aux actions des
personnages. Devoir transiger avec elle
et en tirer leur salut devrait donc désta-
biliser un peu les personnages.
‌L’aragone
Les prêtres sont totalement dépassés par les
événements. Ils jouissent d’une certaine noto-
riété acquise sur les peurs et la crédulité de leurs
concitoyens, mais perdent trop d’influence par
rapport aux deux autres factions. Ils verront dans
la situation un moyen de revenir sur le devant
de la scène. Étrangement, l’aragone ne jouera
pas la carte du fanatisme, mais plutôt d’un rejet
modéré.
Personnes clés
Matej Murtha est un prêtre vu par les traver-
siers comme un vieil homme respectable. De son
point de vue, il n’a que trop vécu et ne trouve plus
sa place dans cette Toile qui évolue trop rapide-
ment. Il cherche la bonne solution, mais a trop
peur de faire le mauvais choix (pour lui, mais
surtout pour ses fidèles).
Le jeune prêtre, Antal Yablonsky, n’a pas de
particularités notables si ce n’est qu’il a une rela-
tion avec Helena. Cette dernière n’est pas connue
du duc et est désapprouvée par Matej. Antal est
en réalité un extrémiste à la solde du Lys noir qui
enquête sur la présence du métal transporté par
les effluents.
Bea Dvornik est une simple femme de cueil-
leur de fleur. Pourtant, son fanatisme est une véri-
table aiguille dans les bottes de Matej et d’Antal.
Prenant tout au pied de la lettre, elle accule les
prêtres à des actions extrémistes afin de ne pas
se contredire. Pour le conteur, elle constitue une
suspecte idéale prônant souvent des décisions
allant à l’encontre de Sankt Antha. La bêtise est
sa seule excuse.
‌Les notables
Peu nombreux, mais relativement riches, les
membres de cette faction sont très actifs. Ils sont
source de travail et nourrissent bien des familles.
Beaucoup n’apprécient pas leurs manœuvres, mais
ils sont plus nombreux encore à être leurs débi-
teurs. Les notables sont les plus favorables à une
négociation et tentent de décrédibiliser au maxi-
mum le duc. Étrangement, leur position ne variera
pas si une partie des sommes exigées leur incombe.
Personnes clés
Kristian Fliege est un espion méthalumien
qui se fait passer pour un honnête marchand.
Les notables s’imaginent qu’il s’agit d’un noble
marchand en repérage et se plient à toutes ses
recommandations et exigences. Kristian en joue
‌Relations entre
les notables et
les personnages
‌ auf si les personnages les soutiennent,
S
les notables s’opposent à leurs actions,
en particulier s’ils viennent à accu-
ser l’un d’entre eux. La présence des
marchands rencontrés dans Où les pre-
mières fièvres se font sentir peut grande-
ment aider à adoucir ces relations.
avec délectation. En réalité, il n’est venu à Sankt
Antha que pour y trouver la preuve que la tra-
verse détient bien le métal volé à Méthalume.
S’il parvient à ses fins, il révèle son identité aux
assiégeants et fait venir des centaines de soldats
méthalumiens et autant de dirigeables pour
raser la seigneurie. Kristian conserve un soup-
çon d’humanité et, si l’on parvient à l’amadouer,
il dénonce, mais plaide en faveur de Sankt Antha.
Le duc devra abdiquer pour y placer un homme
de paille et une amende terrible ruinera l’endroit
pour des années.
Le maître forgeron Olo Maza tient en réalité
plus du charpentier. Il plie et sculpte les tiges de
fleur d’écryme afin de leur donner forme. C’est
un homme déterminé qui voit dans le siège un
moyen de sortir de sa condition et de prendre le
pouvoir. Il marche sur des œufs afin de s’octroyer
le bon rôle tout en laissant la situation s’envenimer.
Le ratier Georg Willemer est un traître à la
solde de Weinsert. Il ne sait pourtant rien de
la présence de Cisco et s’estimerait trompé s’il
venait à l’apprendre. Sa mission consiste à ouvrir
une des herses souterraines. L’anoblissement lui
a été promis en échange.
Shigi et Anita Kessler ont vendu leur mine
aux effluents qui y apportent du métal depuis
presque une décennie. Ces deux personnes âgées
ont même accepté la venue de deux étrangers :
Anton et Artus (voir ci-après). Intuitivement,
ils se doutent que les événements en cours ont
été provoqués par cet étrange manège. Ils sont
donc extrêmement discrets au point de paraître
coupables.
‌Les neutres
Plusieurs personnages peuvent changer d’avis
et se rallier à l’un ou l’autre groupe.
113
 Et les soldats
dans tout ça ?
‌ ’ils se renseignent sur les diverses ren-
S départ du côté des notables. Il n’apprécie toute-
contres réalisées avant leur arrivée, les
personnages pourront obtenir plusieurs
rumeurs dont il sera difficile de discer-
ner le vrai du faux. Les plus folkloriques
transforment les pillards en âmes de sol-
dats morts pendant les guerres d’Acry-
monie qui se vengeraient du Lansk.
Certains croient fermement qu’ils sont
des spectres invoqués par les sorciers
mongols (Méthalume étant assez proche
des Marches). Des théories plus prag-
matiques y voient des manœuvres pen-
tapoliennes pour provoquer une se-
conde guerre transurbaine.
‌ onseils
C vers les herses et les barbacanes. Ces soldats
de mise en scène
‌ e flashback peut débuter de deux ma-
C Si les personnages sont présents et remarquent
nières opposées. La première est de lais-
ser les personnages arriver dans la jour-
née, se reposer, découvrir les différentes
factions, le système de herses et les allées
et venues dans la mine... Bref de prendre
leurs marques dans la seigneurie. Cette
approche présuppose des joueurs actifs,
mais aussi quelques préparations de la
part du conteur afin d’agrémenter leur vi-
site. La seconde approche consiste à lan-
cer directement les joueurs dans l’action
en débutant par l’attaque des hommes de
Weinsert : vous êtes dans une seigneurie
traversière, le tocsin sonne. Que faites-
vous ? Cette seconde option est conseil-
lée si vous manquez de temps ou désirez
jouer d’autres flashbacks dans la même
séance de jeu.
Anton et Artus sont deux céphales engagés
par les effluents pour réaliser une expérience
sur toute la localité. Depuis des années, ils ont
acheminé des tonnes de métal dissimulé dans
les mines afin de vérifier son influence sur le
comportement des gens. Si les personnages par-
viennent à les rallier, ils bénéficient d’un bonus
114
de +3 concernant les tests visant à convaincre
autrui (tant qu’ils seront en leur présence).
L’aubergiste Emmet Weber est extrêmement
virulent envers l’aragone ce qui le place au
fois guère le changement et peut se rallier au duc
si ce dernier s’élève contre les prêtres. Son prin-
cipal défaut est qu’il parle trop.
Dame Lydia est maîtresse courtisane. Cette
femme ne désire qu’une chose, être dans le camp
des plus forts. Elle connaît beaucoup de secrets et
sera prête à s’en servir si cela s’avère nécessaire.
Ce personnage est un joker que le conteur peut
utiliser si l’intrigue s’enlise.
‌Où l’assaut est donné
Alors que la brume paresse à la surface de
l’écryme, deux dizaines d’échassiers approchent
de Sankt Anktha. Au même moment, trois fois
plus d’hommes en armes se dirigent furtivement
de Weinsert et de Méthalume sont déguisés en
Istaniens et en Éoliens. Après les premières som-
mations et les cris d’alarme, les combats éclatent.
la manœuvre (test de Traversologie diff. 10),
ils peuvent donner l’alerte et limiter la charge
ennemie. Sitôt cette dernière déclenchée, l’at-
taque devient plus violente et les assiégeants plus
nombreux.
Les personnages peuvent réaliser plusieurs
actions :
Faire sonner le tocsin pour alerter toute la sei-
gneurie et rééquilibrer le rapport de force.
Abaisser les herses des barbacanes ou des
entrées souterraines. Il faut aider les hommes qui
maintiennent éloignés les assaillants et actionner
les lourdes chaînes. Des grappins et carreaux d’ar-
balètes sont jetés afin d’escalader les barbacanes.
‌Hodologie à rebours
‌ uelle que soit la faction choisie par les
Q
personnages, ils entendront parler de
poudre vendue à d’étranges voyageurs.
Ces derniers se déplaçaient à bord d’un
grand dirigeable ayant de larges baies
vitrées et une vitre au sol. Cette poudre
aurait été bien utile pour ce siège.
 Organiser la résistance, mettre à l’abri femmes
et enfants, aiguiller les troupes et repérer les
endroits stratégiques permettent de gagner de
précieuses secondes et sauver bien des vies.
Tenter de fuir. Dans la confusion, assaillants
comme assiégés les prendront pour des adver-
saires, mais surtout, les joueurs manqueront une
grande partie de l’intrigue.
Ne rien faire et observer. Cette option n’est pas
la plus héroïque, mais permettra de démasquer
les traîtres plus facilement (voir Le ver est dans la
pomme ci-après).
Les personnages doivent sentir que les assail-
lants sont des experts entraînés et coordonnés. Ils
opèrent par petits groupes de cinq afin de réali-
ser des objectifs précis. Repoussés, ils se replient et
attaquent de temps à autre afin de maintenir la ten-
sion à son comble. Puis un messager vient donner
un délai de dix heures pour réunir la somme de
dix milles liges (une partie pouvant être donnée
sous forme de matière première et de vivres). Un
siège se met en place. Certains traversiers (à moins
que l’idée ne vienne des personnages-joueurs) sup-
posent qu’il s’agit uniquement d’une diversion pour
laisser plus de temps à l’action d’hommes de main
infiltrés (Traversologie diff. 12). En effet, l’objectif
des assiégeants est simple : jouer des tensions en
interne et laisser le temps à leurs hommes d’agir.
Plusieurs événements débutent alors. Leur
dénouement est extrêmement ouvert et dépend
de l’esprit d’entreprise des joueurs.
‌Un siège éjectable
La peur et le désespoir se lisent sur tous les
visages. La majorité est désemparée et déjà des
divisions se font sentir. Les conflits internes ressur-
gissent et les accusations vont bon train. Certains
proposent d’accéder aux demandes des assaillants
quand d’autres se refusent à tout marchandage.
Devant les clivages de plus en plus marqués, les
hommes du duc proposent de se fier à un jugement
neutre, celui des personnages (en particulier s’ils se
sont fait remarquer durant l’assaut initial). Bien
évidemment, cette ingérence ne manque pas de
provoquer certaines véhémences à leur encontre.
Il faut négocier et convaincre. Toutefois, rallier
des personnes aux avis si différents risque d’en-
gager les personnages dans des débats stériles.
Suivant la manière dont ils s’y prennent, cela
pousse les participants à se retrancher dans leurs
positions inconciliables ou empêche la situation
de dégénérer. De même, les personnages peuvent
suggérer de canaliser les plus hargneux en orga-
nisant des tâches collectives : guet, rationnement
des vivres, réparation d’un parapet…
‌Tout le monde veut prendre sa place
Afin de maintenir la pression et faciliter l’ac-
tion des traîtres, les assaillants approchent par
l’écryme. Ils envoient plusieurs échassiers munis
de lanternes. Ces derniers restent hors de por-
tés de pistolet ou d’arbalète. Il est ainsi pos-
sible de réaliser qu’il ne s’agit que d’une feinte
(Traversologie diff. 12). Une Marge de deux,
indique qu’ils ne sont même pas bien armés.
Les soldats sont plus nombreux, mais un œil
expert permet de remarquer que certains d’entre
eux portent mal leurs armes à feu (Tir diff. 12).
Ils manquent d’expérience. De même, leur supé-
riorité numérique doit être divisée par trois s’ils
veulent empêcher une sortie. Kristian Fliege en
profite pour se promener dans la cité et chercher
où est dissimulé le métal volé.
‌Le ver est dans la pomme
Au départ, les t raît res (Cisco et G eorg
Willemer) jouent sur l’égoïsme de leurs conci-
toyens puis, s’ils font face à un refus catégorique,
ils décident de passer à l’action. Avec des par-
tisans de la négociation, ils tentent d’ouvrir les
herses. Le duc ordonne d’abattre les traîtres. Si
les personnages ne parviennent pas à empêcher
une escarmouche sanglante, la tension monte
encore d’un cran.
Cisco propose de faire une sortie. Georg, quant
à lui, suggère un plan tellement fou que certains
s’imaginent qu’il pourrait fonctionner. Il pro-
pose que la population se cache dans les mines
et laisse entrer les soldats dans une cité vide. Une
embuscade pourrait leur être tendue alors que
les soldats baissent leur garde. De même, l’eau et
quelques vivres empoisonnés les débarrasseraient
de plusieurs assaillants. Aussi fou qu’il puisse
paraître, ce plan permet de reprendre une part
active dans le siège et fédère pour cela. Bien évi-
demment, les Kessler refusent catégoriquement.
‌Un siège pour deux
Quels que soient leurs efforts, la situation
échappe au contrôle des personnages quand la
fille du duc, Helena disparaît. Les discussions
menées deviennent impossibles et les disciples de
l’aragone sont finalement les plus raisonnables.
Des habitants de Sankt Antha se calfeutrent avec
des vivres dans l’auberge et les hommes du duc
essaient de les en déloger. Profitant de ce tinta-
115
 marre, les Kessler s’éclipsent discrètement vers les
mines où ils pensent être en sécurité avec les deux
céphales. Cisco ou Georg vont faire des signes à
leurs alliés de Weinsert. La seigneurie de Sankt
Antha n’a plus beaucoup de temps devant elle.
‌Pourparlers et envoi d’un émissaire
À tout moment (si les joueurs s’en sortent trop
bien ou s’ils y pensent), ils pourront demander à
négocier avec les soldats. Une rencontre permettra
aux personnages de découvrir qu’il ne s’agit que
de soldats lanskois déguisés (Urbatechnologie diff. 12
pour distinguer des objets volés, les faux uniformes
ou les imitations de tatouages…). La majorité des
traversiers ne voyageant jamais, les déguisements
paraissaient suffisants. S’ils se rendent compte que
les personnages ont découvert la supercherie, ils
tentent de les abattre. Les pourparlers sont toute-
fois le meilleur moyen de démêler cette intrigue.
‌ ù sur la Toile,
O siégés, une personne dont les nerfs
ce sont souvent
les méchants qui gagnent
L’avenir de Sankt Antha est laissé à la discré-
tion du conteur ainsi qu’aux actions des person-
nages. Une option neutre serait de gérer ce siège
comme une Confrontation entre deux entités fic-
tives : assaillants et assiégés. Le premier à rece-
voir un Impact mortel abdique, fuit, trépasse…
Les séquelles quant à elles marqueront pour long-
temps la seigneurie.
Un avantage (en termes de roleplay et pour le
calcul éventuel de l’Incidence) est de dévoiler la
présence du métal contenu dans les mines. Les
pouvoirs des céphales constituent également un
atout non négligeable. Découvrir la véritable rai-
son de l’ingérence de Méthalume est nécessaire
pour négocier sur un pied d’égalité.
Un autre avantage est de mettre à jour le rôle
de la seigneurie de Weinsert derrière les inva-
sions dans les seigneuries traversières.
Quoi qu’il advienne, il y a peu de chance que
Sankt Antha s’en sorte indemne. Les rancœurs
de ses habitants, le comportement belliqueux de
Weinsert et l’injustice commise par Méthalume
risquent de pousser certains joueurs à chercher
une autre fin plus heureuse (voir l’encadré Gérer
les chiens de guerre). Que convient-il de faire alors ?
La meilleure réponse est rien ! En particulier
dans le cadre d’un flashback. Si toutefois vous
116
‌ onseils
C
de mise en scène
‌ a mise en place du siège doit aller
L
très vite. Les batailles sont confuses
et très meurtrières. Décrivez plusieurs
événements de manière simultanée
afin de ne pas laisser les joueurs com-
prendre pleinement ce qui arrive. Les
échassiers tentent de pénétrer dans
la cité par les parapets ou les entrées
souterraines. Les barbacanes sont le
théâtre d’affrontements sauvages.
La seconde partie doit être plus feu-
trée. Le désespoir fait paniquer les
traversiers. De plus, l’évocation d’un
traître incite à la paranoïa. Si la ten-
sion décroît, faites intervenir une at-
taque, une échauffourée parmi les as-
lâchent. Accusations, bassesses et
égoïsme doivent primer sur toute
action héroïque.
‌Faits et geste
‌ ais où est passée Helena ? A-t-elle été
M
kidnappée ? En réalité, la jeune femme
a fui à la faveur de la nuit. En compa-
gnie de son amant, elle est partie re-
joindre le Lys noir pour fomenter une
vengeance. À son retour, elle sera ac-
cueillie comme une martyre par ses
gens et prendra rapidement le pouvoir.
Sankt Antha deviendra une place stra-
tégique pour le terrorisme traversier
dont souffrira Méthalume.
La présence de Mongols aussi loin des
Marches pourrait intriguer. Il s’agit en
réalité d’un clan banni par les khans
pour avoir tué de nombreux chefs de
clans. Devenus assassins profession-
nels, ils collectent ici leurs principaux
trésors. Les plus vieux et les moins ex-
périmentés restent sur cette traverse
pour garder ces biens.
désirez développer cette intrigue, plusieurs
actions peuvent être tentées par les personnages :
Rendre l’affaire publique. Seule La Taule,
plaque à scandale méthalumienne, accepte de
divulguer cette histoire. Toutefois, l’implica-
tion de Méthalume est nuancée, voire gommée.
L’entrefilet n’occupe qu’une colonne secondaire.
La Propagande et le ministère de la Guerre
cherchent néanmoins la source de La Taule.
Contacter un haut fonctionnaire. Un métropo-
lite serait particulièrement heureux de découvrir
un plan secret des militaires lanskois. Une fois
les personnages remerciés, la Propagande se sert
de ces informations comme moyen de pression.
Les personnages n’ont pas la satisfaction de voir
punis les fautifs, mais, au moins, le ministère de
la Guerre réduit ses activités.
Tenter de faire tomber les décideurs. Orchestrer
de l’intérieur la chute de hauts fonctionnaires ren-
verrait directement au point précédent.
‌Intrigues secondaires
liées aux prétirés
‌ uivant le temps à votre disposition, il
S
est possible d’ajouter un peu de sel à
votre partie en incluant des intrigues
en lien direct avec vos personnages.
Quelques-unes sont proposées ci-des-
sous :
Katka Leiser : Katka est-elle une
céphale en devenir ou est-elle simple-
ment folle ? Et si c’était elle qui incitait
Helena à devenir membre du Lys noir ?
Adèle Serviat : Matej Murtha est-il
son vrai père ? Sa mère était-elle une
des filles de Dame Lydia ? Même faux,
cela aurait-il un impact sur elle ? Que
s’est-il réellement passé durant ces
vingt jours, seule, proche de l’écryme ?
A-t-elle été recueillie par un inconnu ?...
Milan Freund : et si le troqueur était
vraiment un espion ? Il serait très cer-
tainement au courant des actions des
effluents… et serait donc à leur solde.
Il pourrait également vouloir récupérer
le métal pour lui.
Yoann : et si une des cibles de Yoann
était l’un des autres prétirés ? À moins
que ce ne soit Antal ? Et si l’un des se-
conds rôles le reconnaissait comme un
mercenaire, de là à le suspecter comme
traître, il n’y a qu’un pas.
‌Accuser les prétirés
‌ es choses se passent trop bien, les
L
joueurs sont trop perspicaces : quelques
accusations peuvent les mettre mal à
l’aise.
Katka Leiser est une espionne à qui
l’on a demandé de s’approcher de la
fille du seigneur. À la disparition d’He-
lena, ces accusations se feront plus
virulentes.
Qui a vraiment guéri Adèle Serviat ?
Et si c’était l’un des sages de la seigneu-
rie de Weinsert ? Ne s’est-elle pas dé-
tournée de Sankt Antha depuis sa mi-
raculeuse rémission ?
Milan Freund n’a jamais été très net.
Que cache-t-il, que sait-il, jusqu’où est-
il prêt à aller pour gagner de l’argent ?
Yoann est un étranger et, en tant que
tel, est suspect.
‌ érer
G
les chiens de guerre
‌ e Spleen ou l’Idéal, mauvaises habitu-
L
des de certains joueurs, peuvent inci-
ter leurs personnages à se montrer plus
agressifs que de raison. Ils tenteront
alors de résoudre le conflit de manière
directe et physique. Attaquer une garni-
son d’échassiers constitue bien évidem-
ment un suicide. Inciter les traversiers
à se battre contre la seigneurie ne ferait
qu’accélérer les plans du ministère de
la Guerre. S’ils persévèrent, leurs per-
sonnages seront torturés et abandon-
nés, attachés en plein soleil sur une tra-
verse, écoutant chacune de leur goutte
de sueur grésiller lors de son contact
avec l’écryme. Le personnage principal
(et uniquement lui) serait alors recueil-
li à moitié conscient et soigné jusqu’à
sa montée dans le Transécryme. Il
n’aurait que quelques souvenirs épars
comme la présence d’un enfant épon-
geant son front et hydratant ses lèvres
en y versant quelques gouttes d’eau…
117
 Katka Leiser, arpenthe
Nourrisson, j’ai été recueillie par des arpenthes
sur une traverse de la première trame. Depuis,
mes pas ne m’ont jamais éloignée de l’Arantèle.
Les religieux m’ont appris à considérer la Toile
dans son ensemble, de la plus petite des tra-
verses au tronçon le plus pratiqué. Autant de
veines et d’artères irriguant un monde et gui-
dant les fidèles désireux de percer ses mys-
tères. Depuis un certain temps, je ressens un
appel très fort de la part de cette traverse-ci,
vers Sankt Antha. Des forces y convergent et
un nœud est en train de s’y créer. Le visage
de la Toile pourrait bien se modifier à cet en-
droit. Afin d’être témoin de cette évolution, je
me suis fait engager par le duc comme servante.
Le vieil homme espère que je donne des cours
d’escrime et de tir à sa fille, mais la donzelle
n’en a nullement besoin. Délurée et parfaite-
ment à même de se défendre seule contre des
escrimeurs aguerris, elle se fait passer pour une
midinette et dissimule sûrement bien des sur-
prises à son père.
Adèle Serviat,
disciple de l’aragone
Ma mère est morte en couche et mon père du-
rant les guerres d’Acrymonie. Orpheline, je
n’étais plus la bienvenue dans le duché, jusqu’à
ce que Matej Murtha me recueille et me prenne
comme élève. Un père adoptif qui est prêtre de
l’aragone n’aide malheureusement pas vraiment
à s’intégrer. J’ai donc vécu seule jusqu’à mes dix
ans, où j’ai été frappée d’une terrible maladie.
La constitution chétive que j’avais héritée de ma
mère me condamnait aux yeux de tous. Même
Matej s’est détourné de moi. Ne se sentant pas
la force de me voir mourir, il m’a abandonnée
près de l’écryme. Je ne sais comment, mais les
vapeurs acides m’ont sauvée après cinq jours
d’agonie. Ce miracle n’a toutefois pas été abso-
lu, puisque depuis, les habitants de Sankt Antha
éprouvent à mon égard à la fois crainte et res-
pect. En particulier mon père adoptif qui évite
mon contact au maximum. Depuis cet événe-
ment, je passe beaucoup de temps proche de
l’écryme, à contempler ses reflets à la lumière
changeante du soleil.
118
Description physique : je suis une jeune femme
d’une trentaine d’années, plutôt grande et maigre. Les
pèlerinages que j’effectue me font côtoyer l’air du large et
de l’écryme. Il a creusé mes traits et grêlé mon visage. Je
n’attache jamais mes cheveux sombres et épais qui sont
devenus avec le temps une protection contre les vapeurs
de l’écryme.
Caractère : la solitude m’a rendue méditative, observa-
trice et solitaire. Je reste souvent en retrait. Les autres
prennent cela pour une forme de pédanterie. J’ai ainsi
acquis la réputation d’être imbue de ma personne, voire
même désagréable et revêche. Loin de me peiner, ce juge-
ment de valeur me permet de profiter de la tranquillité à
laquelle j’aspire plus que tout.
Traits : pas froid aux yeux (+1), sensibilité aux traverses
(+1).
Physique : Athlétisme 3, Conduite 3, Escrime 3, Pugilat 2,
Tir 4.
Mental : Anthropo-mécanologie 1, Écrymologie 4,
Traumatologie 0, Traversologie 5, Urbatechnologie 0.
Social : Argutie 2, Créativité 1, Faconde 1, Maraude 1,
Représentation 0.
Description physique : les voyageurs de passage me
considèrent comme jolie. Mes vingt ans, mes formes
généreuses ainsi que ma peau pâle et douce y sont sûre-
ment pour quelque chose. Mes yeux se sont éclaircis au
contact des miasmes de l’écryme pour devenir cristallins.
Pourtant, cette beauté ne m’a rien apporté de bon, si ce
n’est des propositions à mon père adoptif pour qu’il me
vende comme concubine.
Caractère : malgré mon jeune âge, j’ai un caractère bien
trempé et une très grande rigueur. L’épreuve que j’ai pas-
sée seule m’a endurcie et m’a permis de sentir que la force
des liens de la famille et du sang était plus durable que la
mort même. Nos proches doivent survivre d’une manière
ou d’une autre dans nos mémoires de manière tangible.
Traits : étrangement perspicace (+1), affinité avec
l’écryme (+2), isolée de sa communauté (-1).
Physique : Athlétisme 0, Conduite 1, Escrime 1, Pugilat 0,
Tir 0.
Mental : Anthropo-mécanolog ie 1, Écr ymolog ie 1,
Traumatologie 2, Traversologie 1, Urbatechnologie 0.
Social : Argutie 4, Créativité 5, Faconde 4, Maraude 3,
Représentation 3.
 Milan Freund
dit le troqueur
Mon surnom, je le dois à mes clients, le plus
souvent des gens pauvres ou des voyageurs qui
préfèrent pratiquer le troc que le paiement tra-
ditionnel. Pour vivre, j’ai donc acquis tout un
bric-à-brac, même des objets empreints d’un
certain niveau technologique, que je transporte
sur mon dos à grand-peine dans une sorte d’éta-
gère colossale que je monte et démonte chaque
jour. Cela me permet d’avoir toujours sous la
main ce qui est nécessaire au bon moment. Les
mauvaises langues disent que je dois plutôt mon
surnom à mon habitude d’attendre les clients
au troquet de Sankt Antha, mais c’est le meil-
leur endroit pour traiter les arrivages et les dé-
parts de marchandises. J’en profite pour parler
et surtout pour écouter. Après tout, les informa-
tions s’échangent elles aussi. Certains me consi-
dèrent d’ailleurs comme un espion. Rien n’est
plus faux. C’est simplement que je suis convain-
cu que l’autarcie est un luxe que la seigneurie
ne peut se permettre. Même si j’ai grand respect
pour le duc, il faut bien accepter que le monde
change. L’ouverture est le moindre de nos maux.
Yoann, faux guide et
vrai chasseur de primes
Ma seigneurie traversière a été décimée en
deux nuits par l’armée lanskoise. Il n’a guère
fallu plus de temps pour que les rares survi-
vants, dont je faisais partie, s’éparpillent aux
quatre vents et recommencent leur vie ailleurs.
Depuis lors, je me suis spécialisé dans la chasse
à l’homme aux citadins exilés. En effet, les mi-
nistères considèrent souvent le bannissement
comme la punition ultime. Toutefois, certaines
riches familles estiment que leur vengeance
n’est pas suffisante. Elles paient alors des gens
comme moi, afin qu’une sanction plus appro-
priée à leurs yeux soit exécutée. Le plus souvent,
il s’agit d’assassiner le fuyard et de ramener un
objet lui appartenant comme preuve. Plus ra-
rement, nous devons ramener la cible encore
vivante. Je suis payé fort cher pour cela. Bien
qu’acceptée par beaucoup, ma fonction reste
encore illégale. Officiellement, j’occupe donc le
rôle de guide pour citadins effrayés par les tra-
verses, que je connais fort bien. Cela me permet
d’approcher mes cibles sans éveiller leurs soup-
çons et de partir sans être inquiété. En ce mo-
ment, j’escorte [le personnage principal] afin de
renflouer mes finances.
Description physique : je suis très grand, mesurant
plus de 1 m 90, et assez maigre. Mon crâne est entière-
ment dégarni, j’ai le teint pâle et une barbe mal entrete-
nue qui mange mon visage. Pourtant, quelque chose dans
mon regard réussit à amadouer les gens. Grâce à mon phy-
sique bonhomme et à ma fausse naïveté, on m’apprécie
rapidement et on me fait confiance.
Caractère : je suis d’un naturel calme et négociateur. Je
n’aime pas les conflits et je reste extrêmement attaché
aux gens que j’apprécie. La population de Sankt Antha
n’a rien fait pour mériter mon amour, mais je n’ai jamais
rien connu d’autre, alors je les considère un peu comme
ma famille.
Traits : insensible à l’alcool (+1), candeur apparente (+1).
Physique : Athlétisme 2, Conduite 1, Escrime 2, Pugilat 2,
Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanolog ie 2, Écr ymolog ie 1,
Traumatologie 1, Traversologie 3, Urbatechnologie 1.
Social : Argutie 5, Créativité 1, Faconde 3, Maraude 2,
Représentation 2.
Description physique : je suis petit, mal rasé et
d’un aspect quelconque. Je n’attire pas du tout l’atten-
tion. Je prends garde à dissimuler les cicatrices qui cou-
turent mon visage, car elles démentent l’apparence sans
histoire que je m’efforce de cultiver.
Caractère : je suis une personne hargneuse, qui n’aban-
donne jamais. Un jour, un de mes employeurs a dit que je
ne laissais ma proie qu’une fois morte. Je ne sais pas s’il
avait raison, mais j’espère croire qu’il y a un peu de vérité
dans ces mots. Et qu’on ne s’avise pas de se jouer de moi.
Je suis extrêmement rancunier !
Traits : tenace (+1), sans foi ni loi (+1), discret (+1), petit
(-1).
Physique : Athlétisme 4, Conduite 2, Escrime 4, Pugilat 3,
Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanolog ie 3, Écr ymolog ie 2,
Traumatologie 0, Traversologie 3, Urbatechnologie 1.
Social : Argutie 2, Créativité 1, Faconde 1, Maraude 1,
Représentation 1.
119
 FLASHBACK 5
‌IL N’EST DE BONNE COMPAGNIE
QUI NE SE QUITTE
Cette ballade fait intervenir des éléments fantastiques explicites et relate la mort d’un des effluents.
Il est donc conseillé de jouer ce flashback en dernier. Il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte met
en scène Aimé Murdzek, un homme puissant. Ce dernier peut être un noble marchand, un seigneur
traversier, un membre important de Loge. Les personnages prétirés dépendent de lui. Le ou les
personnages principaux sont à son service. Cette ballade peut donc mettre en valeur un héritier, un
homme de main, un jeune page...

‌Où la vérité est ailleurs

Pour les personnes qui le côtoient, Aimé
Murdzek est un vieil homme. Appartenant aux
puissants de ce monde, l’âge et la maladie l’ont
rattrapé. Son corps malingre est secoué de
fortes toux et ses glaires sont entachées de sang.
L’homme est lucide sur son état et entend régler
prestement ses affaires en souffrance.
Il a passé son enfance auprès des meilleurs pro-
fesseurs, puis a vécu sa vie de façon très renfer-
mée. Il s’est principalement réalisé dans un tra-
vail d’une rare qualité. Sa seule marotte est de
griffonner dans des carnets de feuille de mandre.
Cette manie semblait l’avoir abandonné, mais elle
est revenue depuis qu’un métropolite est passé le
voir. Depuis cette étrange visite, Aimé Murdzek
s’est enfermé un peu plus dans ses secrets, si tant
est que cela soit possible. Alors qu’il avait accepté
son sort avec philosophie, il tente désormais
d’achever quelque obscur dessein avant de mou-
rir. Il a rédigé de nombreuses missives et attend
avec impatience les retours, demandant avec
insistance à l’un de ses serviteurs (ou un person-
nage principal) d’aller chaque matin au phare
vérifier si ce qu’il attend est arrivé.
La réalité est bien plus sombre qu’elle n’y
paraît. Aimé Murdzek a été maltraité durant
son enfance. Sa jeunesse, il l’a passée à subir les
tests des effluents allant jusqu’à en devenir un
lui-même. De son expérience traumatisante, il a
appris à briser l’esprit humain pour le transfor-
mer en une véritable machine dévouée à sa cause.
Puis, un jour, en écoutant le disque d’un scien-
tiste renégat, Aimé a entrevu ce qui se cache der-
‌ ien avec
L
les effluences
‌ imé Murdzek étant un effluent, le lien
A
avec la geste se fait de manière évidente.
Si cette ballade est jouée comme l’abou-
tissement des précédentes, il est conseil-
lé d’ajouter encore des rappels aux autres
flashbacks afin d’exploiter au maximum
le concept d’intrigue à tiroirs.
En plus de mettre en scène des passages
clés, Aimé Murdzek (ou l’un de ses
hommes) peut être le commanditaire
des vols dans L’église des Trois Aciers.
Il est également en contact permanent
avec Anton et Artus de Si les symptômes
persistent et attend de découvrir les ré-
sultats de leurs recherches. Des rapports
sur disque se trouvent dans son salon.
L’homme peut également être en rela-
tion avec Samuel Bilefsky et chercher
à acquérir des anences voire même Le
manuscrit de Linzi. À moins que les mé-
tropolites n’aient agi sous son ordre. Il
en va de même pour son implication
dans Traverser les océans du vide. En
effet, l’interdit scientiste concernant la
construction d’un bateau est bien pas-
sible de mort en raison des matières
premières gâchées. Toutefois, les métro-
polites poussent rarement le zèle à tra-
quer les acolytes d’un scientiste renégat.
Encore une fois, Aimé Murdzek a agi
dans l’ombre…

120
rière son éducation et son mode de vie. Il a alors
changé de comportement. De l’extérieur, sans être
devenu philanthrope, l’homme tente de se rache-
ter une conscience. En réalité, il réalise des expé-
riences d’une tout autre envergure. Les dons qu’il
fait sont destinés à récolter de nouvelles données
en vue de nouveaux tests. Ce qu’il donne d’une
main, il le reprend de l’autre au centuple (voir
encadré Lien avec les effluences). Les chiffres qu’il
griffonne continuellement sont le seul lien encore
visible avec son passé. En effet, ces derniers cor-
respondent à des exercices de mémoire lui per-
mettant d’occulter tous stimuli extérieurs et de
ne se concentrer qu’aux tâches qu’il juge utiles.
Aimé Murdzek serait resté discret sur son passé
s’il n’avait reçu deux visites dernièrement. La pre-
mière fut celle du métropolite Anthelme le mena-
çant de tout dévoiler s’il n’arrêtait pas immédia-
tement. Loin de le stopper, la rencontre d’un des
derniers cobayes des effluents l’a incité à conti-
nuer et à accentuer ses efforts. Ce qu’il a fait en
renouant avec ses anciens contacts… jusqu’à la
visite d’un jeune homme blond (survenant au
début de cette ballade). Avec seulement quelques
mots, son visiteur lui a brutalement rappelé tout
ce qu’il avait subi et fait subir en retour puis s’est
éclipsé. Cette expérience a plongé Aimé Murdzek
dans une sorte de délire, un rêve éveillé où il
revit en boucle les pires moments de son funeste
passé. Sa raison le quitte à mesure que sa culpa-
bilité prend corps. Cette dernière cherche à s’ex-
traire de son esprit. Elle survit dans les cauche-
mars d’Aimé Murdzek et s’immisce dans ceux des
autres habitants ainsi que dans la demeure elle-
même. L’empêcher de rêver (soit en le réveillant
soit en le tuant) est le seul moyen de s’en sortir.
‌ ù la mort n’est
O Voici ce que peuvent apprendre les personnages :
qu’un commencement
La ballade débute avec la requête quotidienne
d’Aimé Murdzek de guetter le moindre message.
Les personnages doivent se rendre au phare de
Méthalume afin d’y attendre toute missive desti-
née à Aimé. Comme d’habitude, ils y attendront
environ une heure avant de rentrer bredouille.
C’est l’occasion de croiser d’autres personnalités
importantes de la cité comme Samuel Bilefsky
(Le manuscrit de Linzi). Le retour dénote toute-
fois des autres jours. Alicia, la vieille domestique
est sous le choc : maître Aimé a tenté de mettre
fin à ses jours en se lacérant le visage avec des
‌ onseils
C
avant de commencer
‌Écryme est un jeu d’intrigue et d’am-
biance. Ses ballades peuvent inclure
de l’horreur, mais, en règle générale,
il s’agira de créatures ou de monstres
(au sens figuré ou littéraire) que les per-
sonnages devront combattre. Ici, il sera
demandé aux joueurs d’incarner des
tueurs psychopathes. Ainsi, le thème et
la manière de procéder dans Il n’est de
bonne compagnie qui ne se quitte peuvent
dérouter voire gêner les joueurs. De
plus, une partie de l’intrigue vise à
dresser les personnages des joueurs les
uns contre les autres. Passée cette bal-
lade, des tensions pourraient demeurer
à votre table. Il est donc nécessaire de
connaître vos compagnons de jeu avant
de leur proposer cette intrigue.
Si vous avez le moindre doute, mieux
vaut ne pas la faire jouer. Si vous pen-
sez que cela risque de déranger vos
joueurs d’incarner un tueur, faites-
le à leur place. Si, en revanche, vous
connaissez bien les joueurs et pensez
ne prendre aucun risque, alors n’hésitez
pas à leur faire découvrir une facette
du jeu de rôle assez rare.
morceaux de miroir. Il gît désormais dans un
état critique.
Un jeune garçon blond, très beau, est venu
lui apporter un message. Sachant que le maître
attendait une missive, Alicia lui a ouvert la porte.
Le jeune garçon n’est resté que quelques minutes
avant de partir. Enfin, elle le suppose, car elle ne
l’a pas vu sortir. Plus d’une heure après, les hur-
lements du maître l’ont alertée. Elle l’a trouvé en
train de se taillader le visage.
Aimé Murdzek délire, tremblant de froid ou
de peur. Malgré ses joues salement entaillées, les
blessures ne menaceraient pas sa vie si son âge
avancé et son état de santé n’entraient en ligne
de compte. Gémissant, il semble en proie à un
terrible cauchemar. Sous ses paupières closes, ses
globes oculaires bougent rapidement et de façon
anarchique.
121
 Un diagnostic (Traumatologie diff. 8) de son
état de santé suggère de lui faire boire de l’al-
cool chaud à heures régulières afin de renouve-
ler son sang et le purger de sa bile noire. Le sang
qui suinte de ses blessures est extrêmement épais
et trop sombre pour qu’il ne faille pas le diluer.
Son carnet est encore dans la pièce (Maraude
diff. 10). Comme on pouvait s’y attendre, il ne
contient qu’une suite interminable de chiffres
sans cohérence. L’écriture est désordonnée, des
chiffres sont plus gros que d’autres, de couleurs
différentes, parfois superposés… Les quatre der-
niers chiffres sont 1157 (et n’ont aucun intérêt
pour la suite de la ballade si ce n’est celui de
vaguement évoquer une date).
Alicia s’est coupée en ramassant les morceaux
de miroir et est en passe d’être possédée par
l’esprit de culpabilité d’Aimé Murdzek. Pour
s’en libérer, elle va essayer de tuer toutes les per-
sonnes de cette maison (sauf Aimé Murdzek).
Elle ne cherchera pas à commettre des crimes
parfaits, mais simplement à ne pas être prise
immédiatement.
‌Où les frontières du réel
ont été franchies
Alors qu’Aimé Murdzek reste alité, inconscient,
la situation va se dégrader de trois manières
différentes.
Alicia, la servante, va se mettre à tuer.
L’esprit de culpabilité cherche d’autres vic-
times à posséder.
Le cauchemar d’Aimé va prendre peu à peu le
pas sur la réalité.
‌Une tueuse en série de soixante ans
Physique 6, Mental 2, Social 2 (discrétion 5).
La culpabilité et la honte d’Aimé se sont immis-
cées dans l’esprit de la vieille servante lorsqu’elle
s’est coupée avec les morceaux de miroir. Ils défor-
ment le regard des autres et l’incitent à se sentir
mal à l’aise, à se détester. Imaginant qu’elle ne
pourrait être acceptée pour ses actions commises,
son inconscient décide de se débarrasser de tous
ces regards si gênants puis elle mettra fin à ses
jours. Ainsi, Alicia est rongée de l’intérieur avec
pour seule envie la mort de chaque personne. Elle
cherchera à provoquer des morts violentes (pas de
poison donc), comme exutoire. Pour y parvenir,
elle fermera chaque porte de la demeure.
122
Hodologie à rebours
‌ u cours de leur sortie, les personnages
A
entendront parler du Lys Noir. Les gens
en parlent avec incrédulité et horreur.
Certains évoquent même l’action de
cités étrangères dissimulées sous les
actions de ce groupe terroriste.
‌ onseils
C
de mise en scène
‌ ette ballade s’inspire des slasher mo-
C
vies. Ainsi, l’esprit va tenter de gar-
der prisonniers les personnages afin
de les tuer. À chaque mort, la tension
doit monter un peu plus. N’hésitez pas
à séparer les joueurs. Dans un pre-
mier temps, laissez-leur entendre que
le tueur est l’un d’entre eux, ce qui ne
manquera pas d’être le cas puisque le
véritable tueur va aller de corps en
corps. Il est impératif que la situation
se dégrade très rapidement, qu’elle
tourne au cauchemar. La partie consa-
crée à cette ballade doit être courte
afin de privilégier l’ambiance à la co-
hérence. Ainsi, si les personnages préti-
rés ne sont pas incarnés par les joueurs,
transformez-les en victimes et rebon-
dissez plus rapidement sur les événe-
ments.
À partir du premier meurtre ou si un
personnage est possédé, laissez faire le
joueur et contentez-vous de maintenir
le rythme. Impliquez dans la narration
les joueurs dont le personnage est décé-
dé, en les prenant à part et en leur ex-
pliquant la situation. Ainsi, la difficulté
et la pression seront croissantes sur le
personnage restant… comme dans un
vrai film d’horreur.
 Mise en scène
Son objectif est simple, propager l’infec-
tion. Elle doit au moins blesser un des person-
nages-joueurs (trichez s’il le faut) afin de relan-
cer l’intrigue. Au second meurtre, elle peut être
tuée afin de faire retomber la pression autour de
la table et passer aux possessions.
Indices laissés
La vieille femme peut être découverte, car elle
n’agit pas très subtilement. Elle ne fait plus son
travail, les repas préparés sont infects, le linge
d’Aimé n’est plus changé… En revanche, elle
marmonne seule ou parle à Aimé. De même, lors
de ses affrontements, n’hésitez pas à la blesser
pour aiguiller les joueurs. Elle prétextera avoir
été attaquée, mais comment une vieille femme
est-elle venue à bout d’un personnage dans la
force de l’âge ?
‌Possession
La culpabilité s’immisce dans les esprits des
gens qu’elle blesse. Elle se répand par le sang et
contamine ainsi ses victimes. Son objectif est de
tuer chaque personne présente dans la maison.
Mise en scène
Afin de ne pas aiguiller les autres participants,
un joueur dont le personnage a été blessé devrait
continuer de l’incarner (voir encadré Conseils
avant de commencer). Pour vous y aider, un petit
encadré est destiné à expliquer au joueur com-
ment s’y prendre (voir Comment gérer la possession).
Indices laissés
Durant de brefs instants, des stigmates appa-
raissent et témoignent de la possession. En voici
quelques exemples :
Les yeux du possédé changent de couleur
(celle des yeux d’Aimé).
Son sang devient noir et épais comme celui
d’Aimé (encore faut-il tenter une saignée).
Son reflet et son ombre se modifient égale-
ment et finissent par ressembler à ceux d’Aimé
plus jeune. Le reflet du vieil homme rajeunit
également.
Le possédé a un moment de lucidité et s’ef-
fondre en larmes implorant la pitié de ses inter-
locuteurs. Après quelques secondes, il se ressaisit
et prétexte être épuisé.
Si à un moment où à un autre, un possédé
tente de tuer le personnage principal alors Aimé
Murdzek poussera dans un cri guttural : Pas lui,
je te l’interdis ! Idéalement, ce cri devrait intervenir
avant que le possédé ne se soit révélé (par exemple,
quand il s’apprête à entrer dans la même pièce, ce
qui lui laisse le temps de dissimuler son couteau).
Si les personnages cherchent à tuer Murdzek
alors le possédé deviendra comme fou et n’agira
plus que pour le sauver.
‌Le cauchemar
Plus le temps passe et plus l’état de santé
d’Aimé Murdzek se détériore. Son sang s’épais-
sit et s’assombrit jusqu’à devenir noir, son som-
meil est de plus en plus agité… Les effets du cau-
chemar dépassent largement son seul esprit. En
effet, plusieurs événements étranges ont lieu et
se propagent de manière concentrique autour
d’Aimé. En voici quelques exemples :
Les portes métalliques de la maison se dété-
riorent et ne s’ouvrent plus qu’avec difficulté. À
l’inverse, elles se ferment en claquant violem-
ment comme sous l’effet du vent. Les poignées et
les gonds grincent…
Les dalles de marbre ternissent et se fissurent.
Des vêtements ou bijoux se modifient. La che-
mise blanche ce matin est désormais rouge sang.
Les couleurs se ternissent et le tissu s’effiloche.
Les horloges et montres gousset n’indiquent
plus la bonne heure. Elles se dérèglent une à une,
mais toutes à la même heure… puis se mettent à
tourner à l’envers.
La bibliothèque phonographique se couvre
de poussière, comme abandonnée depuis des
années. Les disques sont rongés par la rouille.
Une écoute attentive permet d’isoler un bruit
récurrent parmi les grésillements. Aidez-moi ! Par
pitié ! Je regrette tellement…
Les pages du carnet de Murdzek continuent de
se remplir. C’est en fait une ultime tentative d’Aimé
pour étouffer sa culpabilité. Brûler le carnet ne fera
qu’accélérer les phénomènes inexpliqués.
Un personnage principal se réveille dans une
sorte d’orphelinat (un de ceux dans lesquels il a
séjourné ou, si son histoire ne le permet pas, dans
celui d’Aimé). Le professeur lui hurle quelque
chose qu’il ne comprend pas. L’homme s’énerve
puis finit par le frapper avec une baguette. Les
autres élèves sont indifférents à son sort. La peur
l’empêche de répondre, de fuir ou de se proté-
ger. Il subit les assauts sans bouger, un à un. Le
rêve s’achève quand du sang noir coule de ses
plaies. Le tableau d’ardoise commence égale-
ment à suinter au moment du réveil.
‌Où l’on va au-delà du voile
Pour sortir du cauchemar, il faut tuer le rêveur
ou lui pardonner alors que l’on a compris quel
123
 ‌Comment gérer
la possession
‌ otre personnage est désormais pos-
V I‌ l est possible que les personnages
sédé par un esprit vengeur lié à Aimé
Murdzek. Ce dernier n’a qu’une idée
en tête : tuer toutes les personnes pré-
sentes dans cette maison (sauf Aimé
Murdzek), mais surtout, empêcher
toute personne de fuir. Il ne s’agit pas
de commettre des crimes parfaits,
mais plutôt des crimes violents. Pensez
aux sagas de slasher movies telles que
Halloween, Vendredi 13, Les Griffes de
la nuit, Scream… Votre personnage se
pense invincible (mais ne l’est pas).
Dans le cadre du flashback, il est im-
portant de respecter un certain contrat
avec le reste de la table. Il s’agit d’aider
le conteur. Ainsi, le ou les personnages
principaux doivent finir cette ballade
comme ils ont commencé Hodologie à
rebours : c’est-à-dire vivants et muti-
lés uniquement s’ils l’ont précisé. Dans
l’idéal, il vaudrait mieux s’en prendre
aux personnages des joueurs incarnant
un prétiré.
Ne soyez pas non plus trop imprévisible
et laissez des ouvertures aux autres
joueurs. En effet, en jeu de rôle, les
joueurs agissent très souvent de concert
(et c’est très bien ainsi). S’il est amu-
sant de briser cette règle tacite dans le
cadre de ballades sans suite, cela donne
un avantage important sur les autres
joueurs.
L’idée est de retranscrire à votre table
cette ambiance de films d’horreur d’un
certain genre. À la fin, le héros (com-
prendre les personnages qui ne sont pas
des prétirés) s’en sort. Rien n’empêche,
entre temps de lui donner quelques
sueurs froides.
Dans le cadre de l’histoire globale for-
mée autour de la table, le conteur a son
mot à dire. Il peut intervenir sur votre
narration comme bon lui semble et à
tout moment.
Enfin, si jouer un tueur psychopathe
possédé vous dérange, ne le faites pas.
124
‌ artir
P
c’est mourir un peu…
tentent de fuir. De manière générale,
cela arrive peu, car les joueurs se
placent d’eux-mêmes dans l’optique
des films d’horreur où leur adversaire
les poursuivra quoiqu’il en coûte, mais
aussi dans l’idée que la fuite ne permet-
tra pas de résoudre le problème. S’ils in-
sistent, suivant le nombre de victimes,
il est possible d’accéder à leur requête.
Sinon, il est plutôt conseillé de mettre
en scène le cauchemar. Les portes d’en-
trée ne s’ouvrent plus, des barreaux
ont été posés sur les fenêtres… Du
sang noir coulera des portes puis c’est
le plan de la maison lui-même qui va
se modifier. Les pièces vont tourner en
rond sans aucune cohérence. Il devient
impossible de fuir.
‌Deux groupes de deux
‌ u risque de se répéter, l’idée est d’in-
A
citer les joueurs à conduire leurs per-
sonnages comme des protagonistes de
films d’horreur. Le problème est que
le jeu de rôle n’est pas un film d’hor-
reur et que les joueurs ne se séparent
que difficilement. Pour les y aider, voici
quelques propositions :
Demander à un joueur possédé de
les y inciter.
Imposer de bouger systématique-
ment. Par exemple, les personnages
doivent veiller Aimé, mais ils ont be-
soin des onguents de Yunus.
Provoquer des hallucinations dues
au cauchemar.
Jouer avec les portes qui se ferment
sur des personnages et ne s’ouvrent
plus ou sur une autre pièce…
Leur faire comprendre que l’assassin
est peut être l’un d’eux, et qu’il peut les
égorger dans leur sommeil…
monstre est Aimé Murdzek (ce qui aura pour
effet de le réveiller). Le cauchemar se développe
à mesure que les joueurs parviennent à com-
prendre les secrets d’Aimé (inspirez-vous des
Intrigues secondaires pour vous y aider). Les signes
de possession indiquent également le lien avec
Aimé Murdzek… jusqu’au dénouement final.
Une fois Murdzek mort ou réveillé, la demeure
redeviendra normale (avec des morts et des bles-
sures bien réelles). Les personnages principaux
pourront-ils seulement se remettre d’une telle
horreur ? Ils sortiront au petit matin et s’éloigne-
ront, sans trop savoir où. Épuisés, leurs pas les
mèneront au phare de Méthalume où un mes-
sager les attend. Il leur dira qu’un métropolite
a laissé une plaque en argile et une enveloppe à
leur intention. Dans l’enveloppe les attendent des
billets du Transécryme. Sur la tablette, le message
est le suivant : les enfants de la liste sont presque tous
réunis. Il n’en manque plus qu’un (mettre le nombre et
le nom des personnages principaux de cette ballade).
Remettez-lui(leur) ce(s) billet(s) et j’oublierai alors vos
exactions. Vos remords devraient être une punition suf-
fisante à moins que vous ne le rencontriez. Personne,
même vous, ne devrait vivre cela.
Antal Esburger est l’une des premières vic-
times d’Aimé. Il revit certaines nuits des événe-
ments avilissants comme des cauchemars par
trop réels pour lui permettre de se rendormir. Il
se revoit frapper et maintenir asservis des enfants
afin de briser leur volonté.
Felicia Eber est une poupée cassée de Murdzek.
Esperanza n’a jamais existé. Les objets d’art col-
lectionnés par Aimé ont tous en commun un vice
qui les rend plus attachants, mais surtout plus
étranges. Décrivez-les comme magnifiques pour
Felicia, mais comme affreux et malsains pour les
autres. Ils viennent tous du même artiste dément
de Venice mais lui ont été présentés comme issus
de plusieurs origines.
Yunus Szontag a été trompé. L’homme qu’il
est censé avoir tué a en réalité été empoisonné
par un autre. Sa déchéance a été commanditée
par Aimé afin de l’avoir à ses côtés et préparer
de nouvelles drogues pour briser la conscience
de ses victimes.

‌Intrigues secondaires
‌Suivant le temps à votre disposition, il est pos-
sible d’ajouter un peu de sel à votre partie en
incluant quelques intrigues secondaires. Que
ces dernières soient liées aux personnages prin-
cipaux ou aux prétirés, elles permettront d’aider
les joueurs à comprendre le rôle joué par Aimé
Murdzek et augmenteront l’aspect étrange et
dérangeant de ce flashback. Quelques-unes sont
proposées ci-dessous :
Le ou les personnages principaux sont des
sujets d’expérimentation de Murdzek. Ils ont
subi des séances d’hypnose, ont été drogués… Ils
découvrent des études généalogiques à leur sujet.
Verena Teicher n’est-elle qu’une simple duel-
liste, un garde au service d’un vieux monsieur ?
Pourtant, elle est sujette à quelques pertes de
mémoire oubliant ce qu’elle a fait pendant plusieurs
nuits. Aimé a souvent prétexté qu’elle souffrait de
somnambulisme, mais personne dans la maison-
née ne l’a jamais vue bouger en dormant. Elle s’est
déjà réveillée maculée de sang ou a trouvé l’une de
ses lames souillée et rangée au fourreau. Certains
mots-clés la mettent dans une quasi-transe qui a
permis à Aimé de l’employer comme assassin.

125
 Verena Teicher, duelliste
Depuis mon plus jeune âge, j’ai manifesté de
l’intérêt et des prédispositions certaines pour
le maniement du sabre et du pistolet. Mes pa-
rents m’ont donc inscrite dans une académie de
laquelle j’ai fini par me faire renvoyer. L’esprit
de corps, ce n’était pas pour moi. Dans les an-
nées qui ont suivi, je me suis entraînée seule
et je n’ai eu de cesse de progresser. Le duel est
un art, un savoir-faire qui se perd avec ces gé-
nérations de citadins assistés ou de traversiers
trop grossiers pour en saisir toutes les subtili-
tés. Hélas, je n’étais pas avocate-duelliste et il
était difficile pour moi de vivre de mon art. J’ai
dû m’improviser bien souvent garde du corps.
Actuellement, Aimé Murdzek me paie pour être
la meilleure et rappeler à tous ses détracteurs
que chaque affront est lavé dans le sang. Mais
je ne suis pas dupe, l’homme m’a également
engagée parce que ces derniers temps, il avait
peur de quelque chose. Quoi précisément ? Je ne
saurais le dire, mais il s’est clairement enfermé
dans une carapace de paranoïa que je ne par-
viens pas à percer.
Antal Esburger,
vieux serviteur
Je suis issu d’une famille de domestiques fidèles
à la même famille. Mon père et, avant lui, mon
grand-père étaient déjà au service des Murdzek.
Je les sers donc à mon tour avec diligence et
qualité depuis mes plus jeunes années. D’abord
comme garçon d’écurie, puis comme coursier
et, enfin, comme domestique attesté. Quand je
me retourne, j’ai l’impression que c’était hier,
mais cela fait en réalité des décennies. Bien
évidemment, sentant mon âge avancer, maître
Aimé Murdzek m’a proposé de me fournir une
rente et de me rendre ma liberté. Je ne me suis
jamais considéré comme asservi. Ce que je fais,
je le fais par choix et, au fond, j’ai toujours été
bien traité. Il est de mon devoir d’assister cette
lignée jusqu’à sa fin… qui ne saurait hélas tar-
der en raison de la maladie frappant mon bon
maître.
126
Description physique : l’exercice m’a permis
d’avoir une silhouette souple et élancée. Avec mes che-
veux blonds et mes dents blanches, je cultive l’apparence
de ces flibustières charismatiques, ferrailleuses, acrobates
et souriantes qu’on trouve dans les récits populaires. Je ne
quitte jamais mes armes et je porte des vêtements près du
corps, plus pratiques pour mes mouvements.
Caractère : je suis d’une nature extrêmement courageuse,
voire téméraire. Je ne recule en effet jamais devant le dan-
ger, mais cela peut se retourner contre moi malheureuse-
ment. Je suis un code de l’honneur qui m’est propre, au
sein duquel l’illégalité et le meurtre sont proscrits.
Traits : très adroite (+2), code de l’honneur (+1), rebelle
(-1).
Physique : Athlétisme 4, Conduite 1, Escrime 5 (fleuret +2),
Pugilat 3, Tir 4.
Mental : Anthropo-mécanolog ie 1, Écr ymolog ie 0,
Traumatologie 0, Traversologie 0, Urbatechnologie 5
(droit +2).
Social : Argutie 3, Créativité 0, Faconde 1, Maraude 0,
Représentation 1.
Description physique : j’ai toujours été maigre et
je porte des habits très près du corps, ce qui accen-
tue cette caractéristique. Malgré l’âge, je reste alerte et
garde mon maintien en chaque circonstance. Il est rare
de voir des expressions se dessiner sur mon visage taillé
à la serpe. Je prends un soin extrême de mon apparence,
de ma coupe de cheveux à mes chaussures en passant par
mes vêtements. Dernièrement, mes longs cheveux noirs
ont blanchi en une nuit et j’ai l’air terriblement fatigué.
Caractère : à cause de mon impassibilité, certains me
disent timide, voire pathétique et servile, alors que je suis
fidèle et reconnaissant. Aimé Murdzek est très certaine-
ment le seul homme qui accepterait de me faire confiance
s’il savait ce que mon esprit malade me fait voir certaines
nuits. Je fais des cauchemars horribles, peuplés d’enfants
torturés sous le regard vide de leurs bourreaux. Pourtant
je sens que cela les répugne. Que m’arrive-t-il ?
Traits : protecteur (+1), digne de confiance (+1).
Physique : Athlétisme 3, Conduite 3, Escrime 2, Pugilat 2,
Tir 2.
Mental : Anthropo-mécanolog ie 3, Écr ymolog ie 1,
Traumatologie 3, Traversologie 0, Urbatechnologie 2.
Social : Argutie 3, Créativité 1, Faconde 3, Maraude 1,
Représentation 2.
 Félicia Eber,
dame de compagnie
Je suis une cantatrice qui a perdu sa voix. Quand
j’ai entendu un vieil enregistrement d’Esperan-
za, l’une des plus célèbres divas de Venice et la
première femme à devenir Doge, j’ai totalement
perdu confiance en moi. Les tonalités de cette
artiste étaient si parfaites et si subtiles, même
retranscrites au travers d’un disque, qu’elles ont
comme asphyxié mes cordes vocales. J’ai com-
pris qu’il était vain de tenter de l’égaler et je
ne suis tout simplement plus capable de chan-
ter. J’ai quitté la scène et suis devenue dame de
compagnie. Aimé Murdzek me paie pour que
je passe du temps avec lui. Il dit apprécier ma
voix et se passionne pour les arts. Je le vois
quotidiennement durant plusieurs heures. Ces
derniers temps, un peu moins. Il est tombé ma-
lade et passe de nombreux moments seul, dans
son bureau, depuis qu’il a reçu la visite d’un
métropolite.
Yunus Szontag, herboriste
et médecin personnel
Je suis membre de la Loge des mélangeurs.
Herboriste de renom, j’ai préféré mon laboratoire
au travail en extérieur. En effet, j’ai toujours dé-
testé la cueillette… S’approcher près de l’écryme
est tellement risqué ! Nombre de mes collègues
ont déjà des cicatrices au visage et certains ont
même perdu un doigt ou un œil. Les autres mé-
langeurs me détestaient pour cela et me traitaient
de lâche, mais ils étaient obligés de me tolérer en
raison de mon talent. J’étais capable de produire
n’importe quelle décoction en un temps record,
sans jamais me tromper. Malheureusement, un
jour, une de mes préparations a tué un patient.
Mes détracteurs étaient aux anges… La Loge ne
m’a pas officiellement chassé de ses rangs. Elle
m’a prêté à Aimé Murdzek, un homme puissant.
Loin de me punir, cet exil en bonne compagnie a
fini par m’enchanter. Je n’ai plus de fâcheux sur
le dos. Dernièrement, la situation de mon patient
s’est détériorée. Il a des spasmes et une toux qui
lui fait cracher des glaires tachées de sang. Il est
fébrile et dicte de nombreux messages. Il en re-
çoit beaucoup également. Chaque matin, il en-
voie des proches les chercher.
Description physique : je ne bénéficie plus des at-
traits de la jeunesse, mais je mets un point d’honneur
à rester élégante. Mes toilettes, mes coiffures et mes pa-
rures, tout cela constitue ma nouvelle partition pour cap-
ter les regards et attirer l’attention. Cela compense en par-
tie la voix frêle que j’ai désormais.
Caractère : autrefois, j’avais une confiance totale en moi
et en mon talent, si bien que découvrir la voix d’Espe-
ranza m’a totalement anéantie. J’ai perdu de ma superbe,
mais j’ai développé un certain sens de l’humour quant à
la vacuité de la vie. Sans être totalement cynique, j’ai une
ironie mordante qui me permet de faire rire mon public
et de le mettre dans ma poche. Ma nouvelle profession me
convient. J’ai retrouvé dans Aimé un alter ego par rapport
à mes goûts que d’autres considèrent comme douteux. Il
m’a avoué un jour ne pas espérer me revoir chanter, mais
écrire de longs poèmes. Je dois reconnaître que cette idée
me séduit.
Traits : élégante (+1), pleine d’humour (+1).
Physique : Athlétisme 2, Conduite 1, Escrime 0, Pugilat 0,
Tir 1.
Mental : Anthropo-mécanolog ie 1, Écr ymolog ie 0,
Traumatologie 3, Traversologie 1, Urbatechnologie 4.
Social : Argutie 3, Créativité 5, Faconde 4, Maraude 2,
Représentation 4.
Description physique : je passe pour un gros bon-
homme barbu et débonnaire. Cet embonpoint attire
souvent l’inimitié des crève-la-faim. Il ne m’empêche pas
d’être observateur et précis dans mes gestes. Je porte des
habits peu coûteux, non par manque de moyens, mais je
me salis fréquemment durant mes expériences…
Caractère : je ne manque jamais une occasion de van-
ter les mérites de telle ou telle plante auprès de mes in-
terlocuteurs exprimant un problème de santé. Aimé me
fait travailler sur de nombreux remèdes afin d’apaiser sa
conscience et son mal. Dernièrement, il m’a proposé un
nouveau défi, celui d’étudier la similitude entre le sang
et l’écryme.
Traits : cultivé (+1), connaît son patient (+1).
Physique : Athlétisme 1, Conduite 2, Escrime 0, Pugilat 0,
Tir 0.
Mental : Anthropo-mécanologie 2, Écrymologie 5 (décoc-
tion +2), Traumatologie 5, Traversologie 2, Urbatechnologie 2.
Social : Argutie 5, Créativité 1, Faconde 2, Maraude 0,
Représentation 1.
127
128