Supplément

Du sang dans les

canaux de Venice
 SOMMAIRE
INTRODUCTION.................................3
Les trames principales...........................4
Trames indépendantes...........................4
Où la traque prend fin...........................5
Où des conseils sont donnés..................7
Où l’on gère des organisations............. 11
VENICE...........................................14
Historique .......................................... 14
Les forces en présence........................... 16
Vivre à Venice..................................... 22
Carte de Venice................................... 28
Visiter la cité ...................................... 30
L’évolution de Venice
au cours de la geste............................ 41
Dramatis personae............................... 44
Les secrets de Venice........................... 53
L’ASILE HUMANISTE DE VENICE....56
L’antre de la folie : architecture........... 56
La folie des grandeurs.......................... 58
L’éloge de la folie................................. 59
Plus on est de fous : personnalités........ 61
VOIR VENICE ET…..........................66
Une marche sous le soleil.................... 66
LA RÉVOLUTION............................ 68
Introduction........................................ 68
Mise en place...................................... 70
CRÉDITS
Rédaction
Alexandre Clavel, Pierre Coppet,
Samuel Metzener.
Textes additionnels
Mathieu Gaborit et Guillaume Vincent (Venice)
2
CLAIRE.......................................... 88
Introduction........................................ 88
Mise en place...................................... 90
L’ENFANT.......................................96
Introduction........................................ 96
Mise en scène...................................... 97
ÉPILOGUES...................................106
Où le sort des personnages joueurs
est décidé........................................... 106
Où l’on évoque la situation
de la Toile......................................... 107
ANNEXES
CONCERTO POUR DÉTRAQUÉS......109
Où les éléments clés sont introduits... 109
Au pied du mur ................................ 112
Faire le mur ...................................... 114
Droit dans le mur.............................. 116
Où les trames se rejoignent................ 117
DES CHRYSANTHÈMES
POUR LE LYS NOIR.......................118
Où la vengeance est un plat
qui se mange froid............................. 119
Où le Lys Noir dévoile ses racines..... 120
Où l’assaut est donné ........................ 122
Où l’on pénètre dans l’antre
de l’Androgyne.................................. 126
Relecture et conseils
Romain Delplancq
Illustrations intérieures
Émile Denis, Sabrina Tobal, Nicolas Fructus
 INTRODUCTION
Cet ouvrage fait suite à La Balade d’un troubadour muet et marque son achèvement. Long et atypique, il se
présente sous une forme totalement ouverte que certains appellent bac à sable. En effet, le texte s’emploie en grande partie
à décrire deux cadres dans lesquels les personnages joueurs seront amenés à agir : Venice et son asile humaniste.

Les conteurs, quant à eux, bénéficient de trois grands axes de jeu appelés trames qu’ils feront évoluer en
fonction du temps qu’ils désirent accorder à leurs parties ainsi que des avancées de leur groupe. Pour les aider,
de nombreuses pistes et intrigues sont données afin de favoriser (ou compliquer) le parcours initiatique des
personnages joueurs vers la céphalie.
Dans le détail, cet ouvrage comprend :

La présente introduction Un aperçu de l’asile humaniste

Elle explique les tenants et aboutissants des dif- C’est dans cet asile que débute la révolution veni-
férentes trames proposées. Elle fournit aussi des cienne. Par défaut, c’est aussi le point de chute
conseils de mise en scène et se conclut par une des personnages durant leurs pérégrinations au
aide de jeu sur la gestion des organisations. cœur de la cité-musée.

Une description détaillée de Venice Voir Venice et…

Jonction démesurée, Venice est plus grande que Cette courte partie décrit l’arrivée des person-
nombre de cités. De par son importance dans nages joueurs dans la cité des doges depuis celle
l’univers d’Écryme et afin de profiter au maxi- de Méandre. Elle permet de faire la transition
mum des possibilités offertes, il était important avec La Balade d’un troubadour muet.
de lui accorder une attention toute particulière.
Ainsi, la cité des doges bénéficie d’un dévelop-
pement en deux temps : la cité dans un état
normal, puis son évolution avec la crise initiée
par l’Enfant.

3
 LES TRAMES PRINCIPALES
La Révolution
Cette vaste intrigue est la première
trame proposée. Elle correspond
aux plans mis en place par les adver-
saires des personnages joueurs.

Claire
Cette deuxième trame s’attarde
sur le tragique destin de la Fillette
accompagnant les personnages
depuis Hodologie à rebours.

L’Enfant
Le personnage de l’Enfant est au
centre de la troisième trame qui
décrit les moyens de le traquer
et l’affrontement final contre ce
redoutable adversaire.

TRAMES INDÉPENDANTES

Concerto pour détraqués Des Chrysanthèmes pour le Lys Noir

Il s’agit d’une préquelle aux événements veni- Cette trame oppose à nouveau les personnages
ciens. Indépendante du reste des trames, cette aux sinistres terroristes traversiers. Cette ballade
ballade aide les joueurs à comprendre les méfaits permet de régler leur sort et de découvrir leurs
commis par l’Enfant. sombres secrets.

4
 OÙ LA TRAQUE PREND FIN
D’une trame générale
La traque de l’Enfant par Anthelme Pelleterat
arrive à son terme. Après avoir quitté Méandre,
les personnages rejoignent Venice et croisent en
chemin un fou en liberté. En le ramenant à l’asile
humaniste, ils découvrent un lieu en proie à un
chaos qui semble se répandre sur l’ensemble de
la jonction. En effet, au sein de la cité des doges
gronde un vent de révolte qui ne cessera d’enfler
jusqu’à la destitution des Loges artistocratiques et
des antiquaires au profit d’un art totalement décom-
plexé, dirigé par des personnes se faisant appeler les
Artnarchistes. Il reviendra aux personnages joueurs
de rejoindre ou de former la résistance.
En parallèle, Claire, la Fillette sauvée lors d’Es-
cale à Sableryne, souffre des courants de Nostalgie
qui se déversent en elle. Plusieurs Veniciens, sen-
sibles aux effets de l’émotion, se rapprocheront
d’elle jusqu’à former un culte à sa gloire.
Ces deux tâches se trouvent d’autant plus com-
pliquées à résoudre que les personnages joueurs
doivent également traquer les fous échappés de
l’asile.
Bien évidemment, l’objectif d’Anthelme est de
découvrir l’Enfant et de le détruire définitive-
ment. Il fera donc le maximum pour aiguiller
les personnages vers cet ultime affrontement.
Dépassé par les puissants pouvoirs de céphale
de son ennemi, Anthelme libérera la Nostalgie
contenue dans Claire pour contrer l’Amertume
que l’Enfant dégage, offrant ainsi aux person-
nages joueurs l’opportunité de mettre fin aux
agissements de leur adversaire.
De l’implication des
personnages
La Balade d’un troubadour muet
Cette geste clôt l’intrigue initiée par Hodologie
à rebours et poursuivie dans La Balade d’un
troubadour muet. Les personnages joueurs ne
devraient normalement pas avoir besoin de moti-
vation pour aider Claire ni pour s’opposer aux
effluents et à l’Enfant. Au début de cette aven-
ture, la rencontre avec le fou sur le chemin qui
mène à Venice les plongera au cœur de l’action.
Prendre le train en marche
Jouer cette geste de manière indépendante
est possible, moyennant quelques ajustements.
Chaque trame peut être réutilisée séparément si
l’on s’applique à en extraire les moteurs de la cam-
pagne (l’Enfant, la Loge des effluences, Claire,
etc.). Il suffit qu’elles découlent des manigances
d’une autre puissance cherchant à déstabiliser
Venice (une autre cité ferait très bien l’affaire).
Il est aussi possible de jouer ces trames en chan-
geant la nature des liens entre les protagonistes.
En effet, alors qu’ils font route vers Venice, le
métropolite Anthelme (fusionné pour l’occasion
avec l’aliéniste Johan Jagger d’Hodologie à rebours)
et les personnages arrêtent le fou. La proposition
de travailler à l’asile humaniste apparaît alors
comme une évidence. Claire serait une démente
au passé trouble (fille de bonne famille ou orphe-
line, cobaye d’un aliéniste particulier, etc.). Les
liens avec les différents protagonistes et surtout
l’Enfant devraient alors être plus marqués.
Ce dernier pourrait être le frère jumeau de la
Fillette, mais, paradoxalement, son opposé qui
chercherait à la détruire.
Intrigue
De l’alpha à l’oméga
Tout débute dans un orphelinat de Démos avec
les actions d’une obscure Loge hippocratique : la
Loge des effluences. Agissant pour le compte des
ministères de la Subsistance et de la Propagande,
ces scientistes expérimentent sur les enfants
l’hypnose, le lavage de cerveau, les drogues, la
privation de sommeil, le conditionnement…
afin d’insensibiliser ces derniers aux émotions
et à l’influence de l’écryme. Dénués d’ambition,
affranchis du stress, de la peur ou du doute, les
cobayes devraient être capables de prendre les
meilleures décisions en un minimum de temps
et d’être totalement imperméables à la céphalie.
Tout se déroule sans encombre jusqu’à la venue
de l’Enfant, un jeune garçon privé d’émotions et
possédé par un puissant courant d’Amertume.
Fort d’un pouvoir de persuasion extraordinaire
grâce à l’influence de l’écryme, il met fin aux
expériences de l’orphelinat et oblige les scien-
5
 tistes à fuir. Des années plus tard, après les
avoir activement recherchés et retrouvés, il les
encourage à reprendre leurs travaux, mais sous
sa houlette. Les effluents prennent alors peu à
peu la forme d’une secte décentralisée, mais
dont les ramifications s’étendent à toute la Toile.
Dans l’ignorance de ses membres, l’Enfant tire
les ficelles, lentement consumé par l’Amertume.
Parmi les anciens orphelins, le métropolite
Anthelme Pelleterat cherche à retrouver les
émotions dont il a été privé. À son niveau, il lutte
contre les effluents et tente de sauver les victimes
de ces derniers.
L’histoire aurait pu continuer ainsi si les che-
mins d’Anthelme et de l’Enfant ne s’étaient pas
croisés. Cette confrontation prend une tournure
cruelle dictée par les penchants malicieux de ce
dernier qui s’amuse à briser le céphale. Tous ses
espoirs s’achèvent par l’anéantissement de son
cercle céphalique. Lassé, l’Enfant aurait aban-
donné son jeu si Anthelme n’avait pas découvert
une étrange Fillette (Claire) née d’une femme
et d’un courant de Nostalgie. Voyant en elle son
égale, il tente de la corrompre et d’en faire son
alliée. Ses plans échouent pour deux raisons :
Anthelme s’allie avec les personnages joueurs qui
le mettent en échec à plusieurs reprises (à moins
d’une éventuelle catastrophe survenue lors de La
Balade d’un troubadour muet) et l’Amertume qui
le consume commence à prendre le dessus et se
lasse de ses jeux enfantins. Elle détourne en partie
son attention de la Fillette, car elle désire avant
toute autre chose se répandre sur l’ensemble de
la Toile. Son idée est aussi simple que terrible :
elle veut faire tomber Venice.
De Venice et de la Toile
Venice occupe une place particulière au sein
de la Toile. Géographiquement, elle en est à peu
près le centre, mais surtout la majeure partie des
courants émotionnels transitent par elle pour
confluer ensuite vers les autres cités. Dit autre-
ment, celui qui se verrait capable d’influencer
Venice serait capable d’influencer le reste de la
Toile. Toutefois, si l’ensemble des cités subit le
joug des émotions transitant par Venice, la jonc-
tion cristallise également en retour une partie de
ces dernières et en particulier de l’Amertume. De
manière consciente ou non, les artistes se servent
de cette émotion qu’ils ressentent puissamment
pour créer des œuvres de toute beauté et enfer-
mer une partie de cette aigreur. Le fameux mythe
de l’artiste maudit est non seulement réel, mais
6
a transformé insidieusement la cité des doges
en véritable réservoir à Amertume qui n’attend
qu’une étincelle pour embraser les traverses et
l’ensemble de la Toile.
C’est pour cela que l’Enfant s’est rendu à Venice
et plus particulièrement dans l’asile humaniste.
Là, d’anciens patients des effluents sont traités et
des scientistes à la solde de la Loge renégate tra-
vaillent. En libérant sur la cité la folie enfermée
dans l’établissement, l’Enfant met alors en place
un plan de grande envergure et abandonne la
cité des arts à la haine et à la folie…
Des somnambules et des Artnarchistes
Alors que l’Enfant amorce sa révolution en
manipulant les aliénés, il quitte l’asile pour
s’enfoncer au cœur du quartier des mines. Là, il
prend le contrôle de la ghilde des somnambules
et donne une direction plus marquée à sa révolte
en y adjoignant des artistes : les Artnarchistes.
C’est à ce moment précis que les personnages
arrivent à Venice.
Les effluents, de leur côté, s’emploient à mani-
puler les Veniciens. Leurs troupes comportent
des artistes excédés contre les antiquaires qui
assurent un commerce basé sur l’exploitation
et non sur une libre diffusion de la culture. La
colère se mue en haine et la haine en rébellion
ouverte. L’objectif est de réaliser un coup d’État
en imposant la tenue d’un nouveau Festival qui
sera remporté par les Artnarchistes et leurs
sympathisants.
Partout dans la jonction, la rumeur prétend
que les Artnarchistes avaient prévu de longue
date la révolution qui allait libérer Venice. Ils
sont perçus comme des génies créatifs destinés
à diriger la cité. Il n’en est rien. Les premiers
Artnarchistes sont des individus normaux,
habitants des quartiers proches de l’écryme et
particulièrement sensibles à son influence. À la
tombée de la nuit, ces individus étaient pris de
crises de somnambulisme et avaient rejoint la
ghilde des somnambules.
L’Enfant prend le contrôle de cette orga-
nisation en liant directement ses membres
à l’écryme. Il crée des anences en forme de
masques veniciens et les applique sur leur visage.
Ainsi parés, les somnambules s’installent au
parlement, observent la lune, s’ouvrent à la folie
des flux d’écryme, à l’influence de l’Enfant et
de l’Amertume. Hululant comme des chouettes,
ils établissent des lois cruelles et absconses. Tuer
un Artnarchiste ne sert à rien : son masque
redevient alors écryme et lui brûle le visage, le
rendant ainsi méconnaissable. La nuit suivante,
un nouveau masque émerge de la mer acide, prêt
à parasiter une nouvelle victime.
Le soulèvement des somnambules ne cesse
de prendre de l’ampleur grâce aux actions de
l’Enfant. En tant que céphale puissant et gorgé
d’Amertume, ce dernier révèle ouvertement son
pouvoir. À chaque nouvelle lune et à chaque
pleine lune, l’écryme est animée de soubresauts.
Partout dans la ville, des innocents se lèvent,
somnambules à leur tour. On brise des fenêtres,
des portes, les meubles sont jetés dans les rues
sans échanger le moindre mot. Les somnam-
bules recherchent les opposants du mouvement,
leurs caches d’armes. Ce qu’ils trouvent, ils le
détruisent.
Lentement, l’Amertume se libère des canaux
d’écryme comme un solvant qui s’évapore. La
température baisse alors de plus en plus significa-
tivement jusqu’à créer un véritable hiver localisé.
Le gel se répand aussi rapidement que la folie sur
Venice.
Des fous, des gondoliers et des Art-bitres
Si les Artnarchistes sont la face visible du plan
de l’Enfant, son véritable génie consiste à conver-
tir et former d’autres agents plus dévoués : les
Art-bitres.
Dans un premier temps, ces individus sont issus
des fous échappés de l’asile humaniste. Par la
suite, ils sont rejoints par les criminels enfermés
dans les mines, mais aussi, et surtout, par les gon-
doliers capturés pendant la révolution et recondi-
tionnés. Ceux-ci ont tout d’abord tenté d’apaiser
les troubles qui secouaient la jonction, mais ont
été traqués, emprisonnés, torturés et relâchés
OÙ DES CONSEILS SONT DONNÉS
Jouer une campagne de jeu de rôle demande
une certaine planification afin d’entretenir la
motivation et éviter les baisses de régime. À l’in-
verse des précédents épisodes (Hodologie à rebours
et La Balade d’un troubadour muet), le nombre
de séances de jeu nécessaire à Du Sang dans les
canaux de Venice s’avère difficile à prévoir. Suivant
la liberté laissée aux personnages joueurs et
vos envies d’improvisation, comptez près de six
une fois qu’ils ont été sous l’emprise de l’Enfant.
Ce dernier leur alloue un rôle particulier : alors
que la glace recouvre l’écryme, les gondoles
ouvrent la mer acide à leur passage, guidant les
courants d’Amertume le long des canaux pour
empoisonner Venice.
Des artistes complètent enfin les Art-bitres.
Agissant comme des espions infiltrés, ils sont
un véritable instrument de terreur au service de
l’arbitraire, obligeant les contestataires à rentrer
dans le rang ou à vivre dans la clandestinité. Plus
encore que les Artnarchistes, l’Enfant se sert des
Art-bitres pour traquer et abattre ses opposants.
De l’espoir et de la nostalgie
Alors que les plans de l’Amertume prennent
forme, les graines de la discorde germent pour
faire naître une véritable résistance à la révolu-
tion. Venice, plongée dans le chaos, se rebelle
contre la folie. En effet, même exaltés, les artistes
sont rapidement horrifiés par la folie des mas-
sacres. Les antiquaires rentrent dans la clandes-
tinité et font leur possible pour saper l’influence
des Artnarchistes. L’écryme elle-même, enrichie
par des décennies de calme et de stabilité,
engendre des créatures qui serviront de guides à
tout contre-pouvoir. Leur objectif est de détruire
l’Enfant qui la menace.
Les ambassades et puissances étrangères, dans
leur grande majorité, tentent également de favo-
riser une contre-révolution.
Enfin, ici et là, la Nostalgie gagne du terrain et
contrebalance petit à petit l’Amertume ambiante.
En effet, la présence de Claire l’a concentrée,
attirant de plus en plus de Veniciens horri-
fiés. Autour de la Fillette se formera un culte
contre-révolutionnaire.
grosses séances. L’aventure risque donc de vous
prendre plusieurs mois. Alors que les épisodes
précédents formaient un tout, mais avec un fil
rouge moins marqué, il vous faut conserver des
traces des événements passés et des liens créés.
Encouragez vos joueurs à prendre des notes ou
mieux encore, enregistrez/phonographiez vos
parties afin que chacun puisse les réécouter à sa
guise.
7
 Avant de préparer vos parties, nous vous encou-
rageons à faire une première lecture de l’inté-
gralité de cet ouvrage. Par la suite, n’hésitez pas
à vous réimprégner régulièrement des lieux, des
personnages et des événements.
Un jeu sans contrainte
La forme ouverte de cette geste impose aux
conteurs de jongler avec plusieurs éléments, mais
aussi les envies et les actions de leur tablée. Ce
sont les personnages joueurs qui construiront
l’histoire en interagissant avec les éléments qui
leur seront présentés. Plus ils se sentiront libres
et plus les parties deviendront plaisantes.
Pour s’aider, les conteurs doivent se reposer
sur leurs connaissances des différents lieux et
personnages, ainsi que des options qui s’offrent
à eux. Plus leur maîtrise de ces éléments sera
grande et plus il leur sera facile d’improviser en
revenant en terrain connu. Laissez du temps aux
joueurs pour que leurs personnages prennent
pied à Venice et s’y sentent à l’aise. De nom-
breuses accroches sont fournies comme support.
L’important est que tout le monde y trouve son
compte : les conteurs surpris par les joueurs et les
joueurs qui s’amusent à suivre (ou pas) telle ou
telle intrigue. Il est capital de profiter de chaque
fin de séance de jeu pour échanger entre joueurs
sur ce qu’ils projettent de faire. Les personnages
joueurs tout comme le conteur peuvent proposer
des pistes à suivre.
Si les joueurs piétinent, libre aux conteurs
d’oublier une intrigue voire de la résoudre par le
biais d’autres groupes (cf. infra le chapitre Nous
ne sommes pas seuls). L’important est d’éviter de
stagner.
Les conteurs qui seraient mal à l’aise avec cette
liberté peuvent toujours subtilement orienter
leur groupe dans les directions données par les
trames. Ils disposent de suffisamment de seconds
rôles pour y parvenir. L’absence de linéarité de
cette longue aventure permet aux personnages
joueurs d’emprunter plusieurs voies différentes
afin de parvenir à sa conclusion. À de nombreuses
reprises, le risque est grand que les personnages
se scindent en plusieurs groupes. Hachez alors
votre narration pour éviter de trop longs apartés
et conservez l’ensemble des joueurs à la table en
leur rappelant qu’ils ne sont pas leurs person-
nages et que ces derniers ne savent pas forcément
ce que les joueurs savent. Et n’hésitez jamais à
faire des ellipses pour raccourcir le temps où les
personnages joueurs sont séparés. Autre solution,
8
Une aide aux conteurs
Pour que les conteurs s’adaptent aux actions
ou aux centres d’intérêt des personnages
joueurs, de nombreuses intrigues sont four-
nies. Il n’est pas obligatoire de toutes les jouer
et les conteurs sont libres de créer les leurs.
Elles reprennent le format synthétique du
Tour du monde en 80 ballades :
Le titre
L’Intrigue décrit les tenants et aboutissants
de l’histoire.
L’Implication des personnages propose des
pistes pour introduire l’intrigue ou pour jouer
d’autres personnages (cf. Nous ne sommes pas
seuls).
Le Synopsis dépeint les principaux axes de
jeu.
Développement(s) possible(s) présente les
conséquences des actions des personnages
joueurs et les liens avec les plans de l’Enfant.
les joueurs dont les personnages n’interviennent
pas peuvent endosser le rôle de divers seconds
rôles (cf. Nous ne sommes pas seuls).
Les trames
Du sang dans les canaux de Venice s’organise
autour de trois trames. Il s’agit d’axes narratifs
qui guident l’avancée de l’intrigue et permettent
aux conteurs d’estimer et d’animer le déroule-
ment de celle-ci. Les trames proposées sont : (1)
La Révolution, (2) Claire, (3) L’Enfant.
L’évolution de chacune des trames est laissée à
la libre interprétation des conteurs qui peuvent
y adjoindre, s’ils le désirent, des trames supplé-
mentaires traitant par exemple des effluents, des
déments de l’asile humaniste ou même des aven-
tures à l’extérieur de Venice. Afin de les aider, les
trames sont elles-mêmes découpées en plusieurs
étapes conduisant chacune au dénouement. Les
trames peuvent avancer de manière indépendante
bien qu’il soit déconseillé d’avoir plus de deux
ou trois étapes de retard (ou d’avance) sur l’une
d’elles par rapport aux autres. Tel que présenté
ici, n’oubliez pas que ce ne sont que de simples
propositions. N’hésitez pas à sortir ces éléments
de leur cadre pour les mêler à d’autres. Venice
est une cité vivante et les joueurs ne devraient pas
savoir si un élément est lié à l’une ou l’autre des
trames ou s’il s’agit uniquement d’un élément du
décor sans rapport avec leur quête.
 Nous ne sommes pas seuls
Des seconds rôles jouables
En jeu de rôle, l’enchaînement d’événements
extraordinaires pose souvent le problème de
comment gérer l’ensemble des individus qui s’y
trouvent mêlés. Après tout, les circonstances
décrites dans cet ouvrage touchent l’ensemble
de la cité des doges. Il n’y a aucune raison pour
que seuls les personnages résolvent la situation…
Pour autant, il est plus ludique que ce soient eux
qui s’en chargent plutôt que des milliers d’indivi-
dus excédés. Comment faire alors ? Envisagez des
seconds rôles prêts à jouer. Un joueur pourrait
alors incarner son personnage principal et des
personnages secondaires au fils des aventures…
S’il le faut, scindez le groupe et adjoignez-y pério-
diquement des protagonistes qui graviteraient
autour de tel ou tel personnage joueur. Accordez
à chacun des moments de gloire.
Néanmoins, il n’est pas conseillé d’employer des
pré-tirés tels que ceux fournis dans les flashbacks
décrits dans Effluves de l’écryme. En effet, une ver-
sion complète était fournie afin d’appréhender
les règles dans leur ensemble. Mieux vaut laisser
ici aux joueurs des personnages simplifiés répon-
dant aux règles des seconds rôles en partant d’un
concept (en fonction de la ballade ou de l’imagi-
nation des joueurs). Laissez-les répartir 7 points
dans les trois champs (Physique, Mental, Social)
avec un minimum de 1. Puis cinq +1 sous la forme
de Traits, de Compétences ou de Spécialisations.
Ces cinq points supplémentaires pourront être
distribués durant la partie, en cours du jeu.
Par exemple, le joueur incarne un dément convaincu
que des automates sont dissimulés au sein de la popu-
lation, sous un tissu de peau. Il répartit 7 points dans
les 3 principaux champs et décide de débuter avec un
+1 qu’il place en Anthropo-mécanologie soit Physique
2, Mental 4 (Anthropo-mécanologie +1), Social 1…
Puis en cours de jeu, il vérifie que son interlocuteur ne
lui ment pas (en ajoutant paranoïaque à +2) et lance
donc 2d6 + 3 au lieu de 2d6 + 1. Il conservera le Trait
paranoïaque +2. Le joueur dispose encore de deux +1 à
placer pour compléter sa création de personnage.
Une histoire de point de vue
Aimez vos seconds rôles, qu’il s’agisse du métro-
polite Melchior, de Claire ou même d’un révo-
lutionnaire inventé pour l’occasion. Chacun de
leurs choix, chacune de leurs actions doit peser
dans les événements. Votre groupe principal en
entendra parler par un crieur, d’une conversa-
tion d’alcôve ou même pourra en être un témoin
direct.
Si l’idée plaît à votre table, vous pouvez pro-
longer le plaisir de jeu en improvisant de petites
missions de résistance spécialement créées pour
l’occasion. Mieux encore, laissez pour cela le rôle
du conteur à un autre joueur et endossez celui
d’un révolutionnaire. Il suffit alors de convenir
avec votre remplaçant occasionnel le fait que vous
ayez le droit de prendre part ponctuellement à
la narration pour faire avancer le cadre de jeu,
à moins que vous ne lui fournissiez les éléments
pour y parvenir par lui-même.
Cette seconde partie de la geste est longue et
peut à loisir augmenter encore. Du sang dans les
canaux de Venice nécessite un petit travail de pré-
paration, surtout si le groupe décide de se sépa-
rer. Voici quelques options qui s’offrent à vous :
Le groupe se sépare. Divisez alors également
les séances de jeu pour vous focaliser sur tel
ou tel protagoniste de votre table. Entourez-le
de quelques seconds rôles tels que décrits
précédemment.
Envisagez des parties courtes, avec moins
de préparation. Plus encore, certaines actions
sont jouables en off par mail ou téléphone. Les
joueurs seront ravis de vous exposer leurs plans
machiavéliques.
Engagez un second conteur, faites-lui lire la
geste et faites varier les groupes de personnages.
Débriefez régulièrement pour gérer la progres-
sion des intrigues.
Si vous désirez parvenir plus rapidement au
bout de l’aventure, demandez à vos joueurs de
ne pas se séparer durant l’aventure et ignorez les
conseils sur l’ajout de seconds rôles.
Prenez votre temps…
Tout au long de vos parties, l’ambiance doit être
particulièrement soignée afin de retranscrire
au mieux la situation explosive et délétère. Les
artistocrates ont le sentiment d’être pris en otage
par les antiquaires, puis par les Artnarchistes
et comparent ces derniers à l’armée d’occupa-
tion lanskoise. Haine, ressentiment et regrets
devraient alors refaire surface au moment du
coup d’État. Attardez-vous sur la description
des lieux (qui se dégradent au fur et à mesure
des parties), du climat (de plus en plus froid) et
surtout de l’agressivité croissante des gens. Les
personnages, protégés en quelque sorte par la
9
 La fuite
Si les personnages joueurs désirent fuir la
cité, la situation est plus délicate. Plusieurs élé-
ments devraient les en dissuader ou au moins
les faire réfléchir : Claire qui a besoin d’eux
(et le lien qui les rappelle à elle), Anthelme
qui peut aller jusqu’à leur promettre de les
former à la céphalie, l’Enfant qui refuse de
perdre ses jouets, les frontières veniciennes
qui sont fermées ou gelées, etc.
nostalgie de Claire, se trouvent au milieu de cette
violence, dans l’œil du cyclone de la tragédie.
L’enjeu pour les conteurs consiste à entremêler
les trames les unes aux autres pour garder un
rythme soutenu. La révolution se passe dans des
conditions totalement incontrôlées et prend de
plus en plus d’ampleur jusqu’au Festival (cf. trame
La Révolution). L’ordre de résolution des trames
dépend avant tout des décisions des joueurs.
Toutefois, n’hésitez pas à les bousculer, grâce aux
différents rebondissements, s’ils passent trop de
temps sur une même problématique. Des événe-
ments, des seconds rôles ou des visites de lieux
permettent de (re)lancer les personnages vers
d’autres voies.
Malgré tous les efforts fournis, il est possible
que les joueurs se montrent très perspicaces et
découvrent l’intrigue trop rapidement. Si les
parties s’acheminent trop brusquement vers la
confrontation finale avec l’Enfant, alors proposez
des apartés. À l’instar des séries ou des romans
choraux, orientez-les vers un autre axe de jeu
(une des trois trames, la traque des effluents, une
adversité plus forte ou des fous voire même une
intrigue à l’extérieur de la cité). Présentez-leur
d’autres pistes plus attractives ou plus urgentes.
Cette geste propose en annexe deux ballades,
Des chrysanthèmes pour le Lys Noir ou Concerto pour
détraqués, qui peuvent servir cet objectif.
10
… mais gardez le rythme.
Du Sang dans les canaux de Venice s’étend sur une
longue période de temps. Ne tombez pas dans le
piège d’une gestion au jour le jour en répétant
inlassablement la même question : jour X, que
faites-vous ? Préférez des ellipses en prenant soin
de demander aux joueurs ce qu’ils comptent faire
durant la semaine (voire la lune/mois) à venir :
cinq jours vont passer, que comptez-vous faire ? Rien
ne vous oblige à tenir compte de l’ensemble des
suggestions de joueurs fourmillant d’idées. Après
tout, leurs personnages ne sont pas forcément
capables de remplir l’ensemble des tâches qu’ils
ont envisagées, surtout en cas d’imprévus. En
parallèle, détaillez sommairement la dégradation
ou l’amélioration de la situation par quelques
anecdotes.
Si les ellipses peuvent être employées dans les
séances de jeu, elles sont encore plus vivement
conseillées entre les parties afin de vous per-
mettre d’improviser, de rebondir, voire de gérer
quelques actions par mail ou téléphone.
Envisagez les séances comme les épisodes d’une
série télévisée qui formeront une saison complète.
Gardez la trame principale toujours en tête et ajou-
tez-y une (ou plusieurs) trame secondaire pouvant
être conclue dans la séance. Tentez de finir sur
des cliffhangers relançant l’intérêt de la tablée.
Graduez la montée en puissance des enjeux et des
menaces, mais arrangez-vous pour que l’action ne
stagne jamais. À travers les actions de leurs per-
sonnages, les joueurs devraient donner le rythme
et orienter l’intrigue dans les directions qui leur
plaisent le plus. Mais s’ils peinent de temps à autre,
si la liberté dont ils bénéficient les intimide ou
qu’ils se montrent passifs et se replient vers des
seconds rôles (comme le métropolite Anthelme)
pour résoudre un problème, alors dressez en tra-
vers de leur route une pluie d’événements qu’ils
devront résoudre et qui devraient idéalement les
ramener vers l’une des intrigues.
 OÙ L’ON GÈRE DES ORGANISATIONS
Les règles qui suivent expliquent la création et la
gestion d’une organisation ou d’un groupe avec
les règles d’Écryme. La forme de l’organisation
est totalement laissée à la discrétion des joueurs
(conteurs inclus). Le plus souvent, il s’agira
d’un regroupement de personnes : une Loge,
une ghilde, une compagnie de mercenaires ou
même une cellule politique. Ces règles peuvent
toutefois s’appliquer à un élément plus grand
comme une portion de traverse, une seigneurie
traversière voire même l’une des cités de la Toile.
Le seul élément à prendre en compte est que, au
sein d’une même geste ou d’une même ballade,
les groupes doivent être de taille relativement
comparable. Sans cela, l’échelle de différence
serait trop importante pour nécessiter des règles
ou représenter un challenge. Ainsi les règles qui
suivent permettent par exemple d’opposer une
Loge à une ghilde ou un konzern, mais nulle-
ment à l’intégralité d’une cité.
Du Sang dans les canaux de Venice encourage les
personnages à créer, rejoindre ou s’opposer à
diverses organisations, cellules révolutionnaires
et mouvements de résistance. L’intérêt est d’aider
les conteurs dans leur narration, mais aussi de
donner un aspect quantifiable aux actions posi-
tives et négatives entreprises par les personnages.
Rapidement, les scores permettront de générer
des intrigues et d’encourager les groupes à pro-
poser des idées pour faire évoluer leur faction.
Présenter une organisation
Les organisations sont considérées comme des
seconds rôles. Elles doivent être définies par un
nom, un objectif commun et des qualités (qui
prennent la forme de Traits ouverts). Elles béné-
ficient aussi des champs Physique, Mental, Social
ainsi que de Compétences/Spécialisations si
besoin.
11
 Le champ Physique
Il chiffre la valeur des soldats : leur armement,
leur entraînement et surtout leur nombre. Dans
un contexte révolutionnaire, cette caractéristique
interviendra souvent. Néanmoins, le groupus-
cule pourrait utiliser son trait physique pour la
construction d’une traverse, un déplacement en
marche forcée, etc.
Ce score peut temporairement évoluer en fonc-
tion du lieu ou de la situation. Un bonus peut
être accordé alors que le groupe s’est retranché
dans un bastion protégé ou dans des égouts laby-
rinthiques… Un malus peut quant à lui survenir
en cas d’attaque-surprise, lors d’un assassinat
ou après un attentat. Une tactique de guérilla
permettrait d’accroître de manière significa-
tive ce champ, mais il inciterait à une réponse
proportionnelle.
Le champ Mental
Il permet de jauger la capacité de renseigne-
ment et d’information de l’organisation, et sa
résistance aux tentatives d’infiltration.
Ce champ s’appuie sur deux éléments fonda-
mentaux : des sources de renseignement et des
règles de conduite. Dans le premier cas, il s’agit
d’aider et d’influencer le plus de personnes afin
d’en retirer des faveurs. Dans le second cas, une
hiérarchie très structurée voire même la culture
du secret empêche de livrer des informations.
De nombreuses sociétés dites secrètes favorise-
ront un score de Mental élevé au détriment des
champs Physique et Social. Le plus souvent un
Mental élevé implique un groupe dirigé par une
poignée d’hommes dévoués et/ou possédant de
multiples ramifications.
Le champ Social
Il dépeint l’aptitude de l’organisation à propa-
ger ses idées et déjouer les tentatives de discrédit.
Outre l’aspect propagandiste, il évalue également
le moral et la loyauté des personnes au sein de
l’organisation.
Cette influence peut varier en impressionnant
une assemblée, en s’attirant son respect ou en
contrecarrant une organisation opposée. Le
bluff qui fait miroiter un futur plus glorieux,
les menaces ou même de fausses promesses per-
mettent aussi d’influer sur ce champ.
12
Le champ Céphale
Il chiffre l’accès aux disciplines céphaliques
par les membres de l’organisation. Sauf en cas
d’usage direct, ce champ est plutôt employé
comme un bonus temporaire à un autre champ
afin d’apporter un avantage lors d’une attaque,
de sonder ses troupes ou d’encourager les gens à
rejoindre son mouvement.
Attention, l’utilisation trop répétée de la cépha-
lie augmente les risques d’effrayer la population
et, à terme, peut constituer un malus permanent.
La richesse
Les moyens dont dispose l’organisat ion
n’entrent pas en compte dans ces règles. L’argent
disponible peut néanmoins faire varier l’en-
semble des champs si l’on considère les besoins
en nourriture, la logistique ou même l’équipe-
ment (pour le Physique), la possibilité financière
de se procurer des documents, d’acheter des
indicateurs (pour le Mental) ou de financer tel
ou tel aspect politique à l’interne ou à l’externe
(pour le Social). Cet argent peut augmenter en
fonction de prêts, d’alliances, d’extorsions...
À l’instar de la céphalie, la richesse peut être
considérée comme un bonus temporaire dans les
trois champs Physique, Mental et Social.
Créer une organisation
À la création, une organisation débute à 0 dans
chaque champ. Pour obtenir quelque chose, les
personnages doivent réaliser eux-mêmes leurs
missions. Par la suite, ils peuvent faire appel à
leur organisation. Chaque action réussie rap-
porte 1 point d’expérience. Ce dernier permet
d’acquérir un nouveau Trait ou d’en augmenter
un ancien de +1 ou d’obtenir un point dans un
champ. Par exemple, s’associer à plusieurs métro-
polites donnerait une capacité Inquisiteur +1.
Voici quelques exemples de Traits : Influence
importante, Lié à l’histoire de la cité, Membres soudés,
Allié avec la Subsistance, Locaux secrets, Trésor de
guerre important, etc.
Quand deux organisations fusionnent, seuls
les meilleurs scores sont conservés. Les Traits et
Compétences sont gardés uniquement avec l’accord
des conteurs. Il est également possible de scinder
une cellule ou de créer des branches secondaires.
Dans ce cas, les points dans les champs et les Traits
se divisent en fonction des suggestions des person-
nages. On remarquera donc qu’une organisation
se divisant en deux puis tentant de fusionner à
nouveau perdrait la moitié de ses capacités.
Par exemple, une cellule disposant de Physique 5,
Mental 3, Social 2, Céphale 1 pourrait donner deux
cellules aux profils suivants : Physique 3, Mental 2,
Social 0, Céphale 1 et Physique 2 (5-3), Mental 1 (3-2),
Social 2 (2-0), Céphale 0 (1-1). Après quelques coups
durs, ces deux organisations pourraient à nouveau
fusionner avec le profil suivant : Physique 3, Mental
2, Social 2, Céphale 1.
Le principal désavantage de gérer plusieurs
organisations est de fournir un effort proportion-
nel à leur nombre. Une organisation avec plu-
sieurs branches présente néanmoins deux avan-
tages. En premier lieu, il est possible de mener
des actions concertées. Dans ce cas, le meilleur
score est employé. Le champ Céphale peut passer
de l’un à l’autre. Enfin, une branche peut être
détruite sans que l’ensemble de l’organisation en
subisse les conséquences. Une fois scindée, même
si les deux organisations disposent de liens forts,
elles peuvent croître de manière autonome.
Limitation des Marges de succès par la Com­
pétence/Champ, usure, règles de Confrontation
et de séquelles s’appliquent à l’identique des
règles de base. Les Impacts superficiels, légers,
graves et majeurs ont également lieu et se soignent
en stabilisant la situation ou en réalisant des
actions opposées. Les Impacts graves et majeurs
conduisent à des Séquelles qui donnent des Traits
à -1 ou une réduction de 1 à une Compétence/
Champ. Exemple de Trait à -1 : Traître infiltré (qui
donnerait lieu à une ballade pour le débusquer).

Exemples d’organisations
Les Artnarchistes sont très nombreux (+2), coordonnés (+1) et bénéficient d’une parfaite
connaissance de Venice (+2) grâce aux gondoliers et aux nombreux artistes dans leurs rangs. Ils
gouvernent par la peur (+1) qu’ils inspirent et agissent de façon souvent confuse du point de vue
de leurs opposants (+1). Les Artnarchistes agissent presque exclusivement la nuit (-3).
Physique 5, Mental 6, Social 6, Céphale 3, Richesse 3.

Les Art-bitres sont le bras armé des Artnarchistes. Trop dispersés pour agir, ils pourraient
disparaître rapidement si les Artnarchistes venaient à perdre du terrain (-1). Certains collabora-
teurs d’hier deviendraient alors leurs plus fervents adversaires.
Physique 5, Mental 7, Social 1.

Les chantres de la liberté vivent dans la clandestinité. Regroupant d’anciens arlequins, anti-
quaires et crépusculaires, ils se sont alliés aux ghildes de contrebandiers qu’ils avaient pris l’habi-
tude de traquer. Nombreux (+1), puissants et riches (+1), ils souffrent toutefois d’une importante
désorganisation (-1) et d’un manque de confiance les uns envers les autres (-2).
Physique 5, Mental 2, Social 2, Céphale 1.

Officiellement démantelée dans la révolution, la Loge des antiquaires est devenue un mou-
vement souterrain contre-révolutionnaire. Accusés d’avoir maintenu les artistes de Venice dans
un état de servilité durant l’ancien régime, les antiquaires ont perduré grâce à leurs réseaux.
Certains d’entre eux cherchent à libérer la cité et ont rejoint les chantres de la liberté, d’autres
réclament uniquement la vengeance. Les antiquaires sont divisés (-1), peu nombreux (-1), mais
prêts à tous les sacrifices (+1) et bien protégés dans leurs anciens locaux (+3).
Physique 1, Mental 6, Social 2, Richesse 2

13
 VENICE
« Si l’on considère l’Arantèle dans sa globalité, Venice, comme une araignée, siège au milieu de la toile. »
Arsène Mallochio, conseiller du doge du Masque

HISTORIQUE

Venice est une jonction démesurée, plus grande
que nombre de cités. À l’époque de la première
trame, lorsque chacune des villes originelles,
isolées sur son îlot de terre, a lancé une unique
traverse au-dessus de l’écryme, cinq de ces tra-
verses (celles de Vienne, Endémine, Méthalume,
Théoric et de Démos) se sont rejointes quasiment
au même point. Ultérieurement, une sixième s’y
est adjointe, celle d’Entrepont.
Les bâtisseurs des traverses, séparés par leur

14
culture, avaient en commun une œuvre pour
laquelle plusieurs générations des leurs avaient
été sacrifiées. Enfin achevée, elle les laissait sans
idéal, étrangers à leur propre cité d’origine. Ainsi,
une grande partie de ces gens se sont installés sur
ce lieu de croisement, créant la première ébauche
de ce que sera Venice par la suite. Une cité, mais
sur les traverses.
Passage obligé de cinq cités enfin libérées de
leur isolement, cette jonction est devenue le haut
lieu du commerce et de la diplomatie, mais aussi
le refuge de tous ceux qui fuyaient la déliques-
cence des cités. Rapidement, les traverses n’ont
plus suffi à héberger visiteurs et immigrants.
Auberges et immeubles ont dès lors été construits
sur de petites traverses adjacentes ou sur des
blocs de pierre immergés dans l’écryme.
Avec la découverte d’autres cités, puis la
construction de la seconde trame, Venice a
perdu son statut de centre du monde. Une
longue période de déclin s’en est suivie, lorsque
négociants et diplomates ont quitté la ville. La
population ne subsistait que grâce aux gisements
miniers rendus accessibles par la faible profon-
deur de l’écryme.
L’invention de l’imprimerie sur fer a mis fin à cet
effondrement. En effet, le gouvernement a conclu
un marché avec les Loges artistiques des cités
avoisinantes : en échange de l’octroi du mono-
pole de l’imprimerie, chacune se voyait autorisée
à construire un pavillon représentatif de son art
pour participer à la première Exposition transur-
baine. Dès lors, Venice a retrouvé une partie de
son prestige. D’abord par sa mainmise sur la pro-
duction des plaques et des disques puis, lorsqu’elle
a perdu ce monopole, en devenant la capitale
artistique de la Toile. Les festivals et les diverses
expositions ont pris une telle importance dans la
conduite de la jonction que le gouvernement a été
relégué au seul maintien de l’ordre. L’artistocratie
venicienne était née, dirigée par les doges à la tête
des Loges artistiques : celle du Masque s’occupant
des théâtres, la Lettre des œuvres littéraires, la
Note de la musique et le Glyphe des arts visuels.
Pourtant, cette santé retrouvée était amenée à
s’estomper avec les guerres d’Acrymonie. Malgré
une opposition acharnée, Venice est tombée
sous le joug du Lansk. La résistance, soutenue
par des espions éoliens, a poursuivi la lutte pen-
dant presque toute l’occupation. Le saccage était
depuis longtemps consommé quand l’armistice a
enfin été signé entre les belligérants.
En 1107, Venice était libre, mais complètement
dévastée. En dépit de l’aide apportée durant cette
période trouble, Venice a refusé la main tendue
d’Éole. Elle a proposé, sous l’impulsion de
Phaléo Vitali, alors doge de la Lettre, de devenir
une cité neutre, une plate-forme de discussions
entre nations. La cité musée est également devenue
la cité des ambassades.
Même si elle peine à reconstruire ses merveilles
disparues, le rayonnement culturel de Venice ne
peut désormais plus être remis en cause. De nou-
velles traverses aboutissent à ce carrefour et la
jonction libre de Venice continue son développe-
ment autour des arts dont fait maintenant partie
la diplomatie. De par leur apport financier, les
konzerns aidés des marchands d’art (apparte-
nant à la Loge des antiquaires) ont également
pris une place prépondérante dans le renouveau
de la cité au grand dam de l’artistocratie parfois
considérée comme vieillissante.
Venice en quelques nombres
Population : 13 000 000 habitants.
Bâtiment le plus haut : 130 m au-dessus de
l’écryme.
Noms : plus de 20 qualificatifs, dont cité des
arts, cité musée, cité des doges, cité neutre,
cité des mystères, cité des ambassades, etc.
Longueur : 60 km.
Largeur : 23 km.
Ponts : 226 recensés.
Éoliennes : 58 grandes éoliennes publiques,
412 éoliennes privées sont nécessaires pour
alimenter l’éclairage public ainsi que les
maisons.
15
 LES FORCES EN PRÉSENCE
Le système politique venicien reflète son ambi-
tion d’être la cité des arts. Il repose sur les doges
et le parlement artistocratique. Toutes les déci-
sions sont ensuite mises en application par la pré-
fecture, équivalent administratif des ministères.
Les doges sont les quatre grands maîtres des
Loges artistiques de Venice : le Masque, la Note,
la Lettre et le Glyphe. Élus pour cinq ans grâce
à un système complexe de concours artistiques
appelé le Festival, ils disposent d’un pouvoir
quasi absolu. Ils édictent les lois, notamment
celles relatives aux relations entre artistes et
konzerns. Ils maîtrisent, en théorie, le système
judiciaire et policier de Venice et disposent de
leur propre corps de garde : la police de l’œuvre.
Leur principal pouvoir s’exerce cependant sur
la diffusion de l’art. En effet, ce sont eux qui,
à leur nomination, sélectionnent les œuvres
qui seront éditées sur plaques et disques. Par la
suite, les antiquaires et les konzerns doivent leur
soumettre toutes les œuvres qu’ils désirent repro-
duire. Les doges contrôlent ainsi la production
artistique de Venice et, par voie de conséquence,
une grande part de la culture de la Toile. Ils
sont également garants de la qualité artistique et
orientent les modes.
Le parlement est le siège de l’artistocratie.
Élus au début du Festival parmi les éléments
les plus prometteurs des Loges artistiques, ses
membres assistent ensuite à tous les spectacles et
choisissent les quatre artistes les plus doués pour
devenir doges.
Le parlement ne siège en plénum que lors de
ces votes ou si un nombre suffisant d’artistocrates
demande la destitution d’un doge. La majeure
partie du temps, son rôle se limite à créer des
commissions d’étude (festivals d’été, urbanisme
des quartiers miniers, etc.) qui proposeront des
projets de loi aux doges.
L’artistocratie est un système fragile qui ne se
maintient que grâce à la personnalité des doges,
à leur maîtrise des ressources publiques et à
l’attachement profond qu’éprouvent les artistes
veniciens pour ce régime. Le besoin impérieux
de financement pour rénover la cité impose à de
nombreux artistocrates de s’accointer avec des
antiquaires, voire même des konzerns, ce qui
dévalorise souvent leurs œuvres aux yeux des
artistes plus indépendants.
16
La préfecture, survivance des premières ins-
titutions de la jonction, est le pendant venicien
des ministères. Tous, même les non-artistes, sont
admis. Toutefois, elle n’est pas divisée en quatre,
mais en deux sous-préfectures : la Droiture est
chargée de l’apport quotidien en nourriture
et exerce la justice au tribunal du Saint-Office,
auquel est rattachée la police des crépusculaires ;
la Prévenance veille sur l’état des bâtiments de
Venice, attaqués en permanence par l’écryme.
Ces deux sous-préfectures jouent respectivement
les rôles de ministère de la Subsistance et de celui
de l’Urbanisme. La Propagande est réservée aux
doges et la Guerre n’est plus censée avoir lieu dans
la cité neutre.
Tous les membres de la préfecture sont nom-
més par concours interne et la hiérarchie est
basée sur un système d’ancienneté qui explique
que seuls des gens d’âge mûr occupent les postes
les plus importants.
À la tête de la préfecture, le préfet dispose d’un
pouvoir absolu tant sur les tribunaux que sur les
polices (dont la sienne, les crépusculaires). La
préfecture doit, en théorie, se limiter à appliquer
les directives des doges. Dans les faits, le préfet,
nommé à vie, a une connaissance de la ville supé-
rieure à celle des doges et prend la plupart des
initiatives. Cette indépendance de la préfecture
est accentuée par le fait que les doges, comme les
artistocrates, n’ont aucun pouvoir sur la nomina-
tion des membres de la préfecture et ne peuvent
révoquer le préfet.
Les Loges
À Venice, l’art et la politique sont indissociables.
Les quatre grands arts que sont l’écriture, les
arts graphiques, la musique et la comédie dis-
posent de nuances bien trop fines pour exclure
de leurs rangs les membres de l’une ou l’autre
Loge. De même, les artistes composent une
importante part de la population et sont trop
nombreux pour permettre un fonctionnement
similaire à celui des Loges des autres cités. Ainsi,
les quatre Grandes Loges, et les branches qui les
composent n’admettent comme membres que les
artistes reconnus par leurs pairs lors du Festival.
Ceux-ci gagnent alors les dividendes des œuvres
qui seront reproduites et vendues par les doges
et les antiquaires. Cette somme suffit parfois à
les nourrir le restant de leur vie, voire plus. En
théorie, le titre d’artistocrate n’est donné que
pour les cinq années qui séparent chaque renou-
vellement du parlement. Toutefois, les artistes qui
continuent à vivre de leur art en portent toujours
le titre, même s’ils n’ont pas accès aux arcanes du
pouvoir venicien. Ces artistes, qu’ils aient produit
une œuvre magistrale ou plusieurs centaines
moins reconnues que celle leur ayant octroyé le
titre, gardent parfois un poids politique comme
conseillers ou éminences grises.
Si la sélection des membres diffère, les luttes
d’inf luence entre différentes branches d’un
même art, et entre chacun des quatre grands
arts sont monnaie courante. L’objectif est la
recherche systématique de popularité. Pour cela,
les artistes placent leurs alliés ou leurs disciples,
discréditent leurs concurrents, tout en s’assurant
que les œuvres de ceux-ci ne deviennent pas plus
appréciées que les leurs. Un poète travaillera
plus volontiers de concert avec des graveurs sur
plaque ou des musiciens qu’avec des membres de
sa propre Grande Loge.
La Loge des esthètes reste la plus générale de
Venice. Ses membres les plus anciens et respec-
tés sont des artistocrates vieillissants qui jouent
le rôle de précepteurs. Ils forment et accueillent
l’ensemble des enfants des artistocrates, des
antiquaires et même quelques fils de nobles mar-
chands. Les cours donnés sont bien évidemment
payants, mais c’est surtout la renommée des
artistes et des antiquaires issus de leur enseigne-
ment qui les rémunère. Le plus souvent, ils font
la promotion de leurs élèves les plus talentueux
lors des Festivals.
Les Artpenteurs constituent une autre classe
de précepteurs. Ces derniers empruntent les tra-
verses afin de diffuser leurs connaissances artis-
tiques et les modes veniciennes, et rapportent par-
fois dans la cité des doges de nouveaux concepts
qu’ils revendent ensuite aux artistocrates en mal
d’inspiration. Certains prétendent qu’ils jouent
le rôle d’espions et de propagandistes.
L’institut des Sciences Sociales est dédié à
l’élaboration de cultes. Les artistes dévouent leur
art à l’apologie d’une cause qu’ils font religion.
Iconographie, enluminures, légendes et récits,
chants, gestes et même prêtres recrutés parmi les
acteurs du Masque… Tout est mis en place pour
donner forme à un culte adapté à une situation
donnée. Ces professionnels de la foi officient sur
toute la Toile, sauf à Venice qui est particulière-
ment agnostique.
L’art dramatique
À Venice, l’art est une affaire à prendre au
sérieux et n’est pas qualifié d’artiste qui veut.
Ainsi, une démarcation a vu le jour entre les
arts dits nobles et les bas arts. Les premiers
se placent sous le patronage des quatre Loges
tandis que les seconds, longtemps considérés
comme renégats, regroupent les œuvres jugées
périssables. Dans cette catégorie, on trouve par
exemple les parfumeurs, les cuisiniers ou les
fleuristes… Certains Veniciens parlent d’un cin-
quième doge qui, tapi dans l’ombre, attendrait
son heure pour être reconnu à sa juste valeur.
Cette légende venicienne se confond avec celle
du doge noir. Selon cette rumeur, l’ombre d’un
artiste de la cambriole, d’un génie du crime,
planerait depuis plusieurs années et personne
ne saurait de qui il s’agit.
Certains croient que Phaléo, ancien doge de la
Lettre et artistocrate de renom, dirige la cité
à la fois en pleine lumière et dans l’obscurité
la plus sombre en lui octroyant le rôle de cin-
quième doge ou doge de l’ombre. Cette rumeur
a bien évidemment été démentie par l’intéressé
qui s’investit bien trop auprès des ambassades
et pour le développement de sa cité pour s’oc-
troyer le luxe d’une double identité.
La Loge des concubines est composée de
femmes (très majoritairement bien qu’elle
accueille également des hommes) chargées de
divertir les doges. Formées dès leur plus jeune
âge, ses membres sont éduquées à toutes les
formes d’art. Elles deviennent souvent, lors-
qu’elles n’ont plus les faveurs de leurs clients,
des femmes de premier plan à Venice... Quand
elles ne deviennent pas artistocrate à leur tour !
Formée à l’art des courtisanes, on en voit de temps
à autre détachées auprès des ambassadeurs.
De nombreuses Loges plus mineures sont
également présentes, si nombreuses et parfois
si éphémères qu’il serait vain de toutes les
dénombrer. On peut citer la Loge de la concorde
sociale, démantelée car accusée d’avoir délibéré-
ment contaminé certains quartiers surpeuplés,
ou celle des gouttières, porteurs d’eau qui s’ar-
rangent pour rapidement livrer leur produc-
tion avant qu’elle ne devienne impropre à la
consommation.
Loges dépendant de la Grande Loge du Glyphe
La Loge des volutes résulte d’un mouvement
encore jeune cherchant à rompre avec l’art
traditionnel. Ses membres s’inspirent de l’art
17
 populaire, du primitivisme et surtout des dessins
d’enfants et de malades mentaux. Ils créent des
œuvres expérimentales et colorées. Ce mou-
vement se serait tari de lui-même si plusieurs
esthètes n’avaient pas décelé certaines récur-
rences, voire même des messages cryptiques,
dans les œuvres les plus spontanées.
Les Loges des tailleurs de pierre, de la cise,
des bas-reliefs… se livrent à une guerre fratricide.
La nuit venue, on peut, au détour d’une ruelle,
surprendre les étudiants de ces écoles de sculpture
retravaillant discrètement la statue d’une école
concurrente à leur propre style. Venice tient ainsi
ses monstres, statues publiques mille fois retravail-
lées et qui ne ressemblent plus à grand-chose.
Les Artchitectes allient à la fois la sculpture et
l’architecture. Les mauvaises langues prétendent
que les membres de cette Loge, intiment liés aux
architecs de la Prévenance, en formeraient l’élite.
On raconte également que leur art proviendrait
des bâtisseurs de traverses et que la Loge orga-
niserait des pèlerinages arpenthes. Les rumeurs
de leur influence sur la Toile sont en tout cas très
nombreuses, en particulier quand il s’agit d’évo-
quer le développement de Venice ou de Théoric
(qui aurait été dessinées par un de leurs membres).
Les Loges de peintres luttent sur le style gra-
phique, le support employé (verre, pierre, métal,
papier) et même sur les couleurs. Toutefois,
une pratique commune à ces écoles veut que les
jeunes diplômés parcourent les rues du quartier
artistique en vélo, armés d’un pinceau imbibé de
peinture rouge…
Récemment, la peau humaine est devenue un
nouveau support pour les artistes. Tatoueurs et
scarificateurs revendiquent désormais une place
dans le parlement. Beaucoup d’entre eux ont fait
leurs premières œuvres à Éole.
Loges dépendant de la Grande Loge de la Lettre
À Venice, l’écrit possède une connotation poli-
tique bien plus importante que les trois autres arts.
Cet état de fait admis par le plus grand nombre
a été démontré sans conteste par les actions de
Phaléo, ayant occupé durant quinze années la
place de doge de la Lettre. Les Loges veniciennes
naissent et meurent le plus souvent autour d’un
ou deux auteurs talentueux comme c’est le cas des
frères de la plume, des gris-bouilles, des afficheurs
et même des maîtres archivistes.
Les auteurs maniant habilement le stylet (pour
graver sur des tablettes de cire ou de fer) sont sou-
vent payés pour tourner en dérision un rival de
18
leurs clients. Certains s’en servent pour défendre
leurs opinions avec une grande élégance. La
langue est un outil politique et diplomatique et de
nombreux échanges existent entre les Loges rhé-
toriques de Démos et de Venice. Depuis quelques
mois, le collège des arts diplomatiques a ouvert ses
portes pour former des diplomartes. La diplomatie
reste hélas considérée comme un mal nécessaire et
non comme une source de passion, comme une
obligation exploitant le talent des auteurs.
Les tragédies et les réécritures historiques
sont appréciées par les Veniciens et constituent
la grande majorité des œuvres enseignées dans
l’école des Pages. Ces jeunes auteurs travaillent
bien évidemment leur style, mais surtout leur
mémoire, afin de pouvoir écrire et réécrire des
millions de fois dans leur tête des textes phono-
graphiques de plusieurs heures. On prétend que
certains d’entre eux sont même capables d’ima-
giner des œuvres communes. Une chose est sûre,
la sélection est terrible et de nombreuses Pages
finissent blanches, à peine capables d’aligner deux
mots de manière intelligible.
La Loge des Aèdes et celle des Rhapsodes se
revendiquent à la fois de la Lettre et de la Note.
Auteurs et interprètes de leurs propres œuvres,
leurs membres sont systématiquement les plus
représentés au sein du parlement. On les accuse
d’optimiser leurs chances en composant leurs
textes à plusieurs.
Les cénacles veniciens sont connus à travers
toute la Toile pour leurs œuvres policières et fan-
tastiques. On prétend que nombre de ces récits
sont inspirés de faits réels, quand ils ne sont pas
prophétiques.
La Loge historienne de Venice occupe une
place un peu particulière parmi les auteurs pho-
nographiques. Plus que d’historiens, on peut les
qualifier d’assassins de la mémoire qui réécrivent
l’histoire pour les puissants.
Loges dépendant de la Grande Loge du Masque
À l’origine, la Comédie Venicienne est une
petite troupe de comédiens cherchant à s’éman-
ciper des dogmes théâtraux traditionnels,
poussant l’art dramatique dans ses derniers
retranchements. Ils aspirent à s’identifier com-
plètement à leurs personnages afin de détruire
leurs barrières émotionnelles, mettant à mal
leur équilibre mental. Rapidement, la qualité de
leur jeu leur a ouvert les portes du parlement.
De nombreuses Loges tentent de les égaler, mais
tous ont peur d’eux.
 La Compagnie des Marionnettistes qui tient
une salle réputée au palais des 107 théâtres
organise parfois des spectacles improvisés dans
les rues de Venice. Pour l’occasion, les marion-
nettistes juchés sur des barres de fer (installées
entre deux toits au-dessus de la rue) animent
des marionnettes de taille humaine. Certaines
d’entre elles, décorées par des peintres des
Lazzis, abusent parfois le spectateur qui peut les
prendre pour des personnes réelles.
Le Palais des 107 théâtres recèlerait des salles
servant de repères à une Loge d’acteurs déchus.
Ces renégats seraient spécialisés dans la substitu-
tion de personnes...
La Loge des poseurs impose à ses membres
une plastique parfaite et la capacité à rester immo-
bile pendant de longues heures. Une fois vieux,
ceux-ci rejoignent la ghilde des poseurs et vendent
leur corps aux plus offrants. Certains n’acceptent
pas cette déchéance et préfèrent s’exposer une
dernière fois dans une nature morte…
Loges dépendant de la Grande Loge de la Note
Deux branches se distinguent et s’opposent dans
la Note : le cercle des accords et la Loge des mélo-
dieux. Grassement payés pour leur savoir-faire, les
membres de ces deux Loges se concurrencent lors
des fêtes mondaines et privées. Ils sont unanime-
ment réputés pour leur polyvalence et la beauté de
leurs compositions. Afin de valoriser leur travail,
ils fabriquent leurs propres instruments, inventent
des mélodies et les interprètent. Ces deux castes ne
connaissent d’autre hiérarchie que celle du talent ;
ce même talent qu’ils opposent à la supériorité
numérique des artistocrates.
Plus récemment, les Harmoniques sont appa-
rus et surpassent même les plus doués des artisto-
crates. En effet, ses membres ont choisi de se spé-
cialiser dans une unique discipline et d’y exceller.
On trouve à leur tête les compositeurs qui dirigent
à la fois les affaires de la Loge et les musiciens,
puis les artistes, incluant de plus en plus de chan-
teurs (parfois considérés comme des membres du
Masque), et enfin les facteurs d’instruments. La
Venelle des Luthiers abrite de nombreux ateliers
et des dizaines de scientistes capables d’un travail
d’orfèvre. Parmi eux se trouvent des ingénieurs
pour orgues de barbarie qui n’ont rien à envier
aux fabricants d’automates.
Les sonneurs de glas se sont spécialisés dans
les arts mortuaires (masques, cérémonies et
requiems). Ils sont souvent appelés pour les der-
niers hommages aux défunts. La Loge pratique
toutefois d’autres activités qui pourraient lui
être reprochées : elle met notamment à disposi-
tion des étudiants de Loges hippocratiques des
cadavres. Ils entretiennent également des liens
avec plusieurs francs assassins…
Les instrumentiers ont été créés à l’origine
pour accélérer les connaissances en acoustique
de la Note. Même s’ils ne l’avoueront jamais, ses
membres se sont en partie détournés de l’art au
profit de la science. Propagation du son dans
l’écryme, ondes capables d’effondrer des ponts,
instruments de musique pouvant servir d’instru-
ments de torture… Aucun sujet n’est tabou !
La Loge de la tessiture se limite à une cin-
quantaine de ténors sélectionnés pour la sensibi-
lité de leur voix. Ils seraient capables d’ensorceler
leurs auditoires grâce à la beauté des mélodies
entonnées. Le public ressentirait et éprouverait la
dévotion transmise par le chant, à moins qu’il ne
s’agisse d’une capacité d’entrer en résonnance.
Les arrangeurs sont des compositeurs et des
musiciens qui se sont séparés en deux catégories
distinctes : les diurnes et les nocturnes. Ils consi-
dèrent en effet que la musique n’a pas la même
fonction ni les mêmes publics en fonction de
l’heure. Les nocturnes composent plus de réci-
tals, d’opéras, de requiems, alors que les diurnes
s’emploient à proposer des morceaux plus courts
et plus joyeux. Les arrangeurs sont également
liés à des activités illicites comme la mendicité en
journée et d’autres moins avouables, dépendant
des phases de la lune.
La Loge des antiquaires
L’autre Loge principale à Venice est celle des
antiquaires. En faire partie nécessite plus de payer
une cotisation, de prouver son bon goût et d’avoir
le sens des affaires que de se former à un pro-
cessus long et ésotérique. Regroupés en cabinets
d’experts, les antiquaires ont leur mot à dire sur
l’ensemble des ventes, une fois celles-ci autorisées
par les doges. Ils négocient les prix des artistes et
les empêchent de casser les prix. Il est ainsi inter-
dit de vendre aux étrangers sans passer par eux.
Venice est un pays de mécènes et d’amoureux
des arts. Les œuvres s’achètent et se vendent pour
créer la plus belle collection du monde. Mais pour
se faire, les artistes ont besoin d’argent, de matières
premières et de négociants capables de faire jeu
égal avec des familles nobles marchandes rompues
à ce type d’exercice. Avec le temps, les antiquaires
sont devenus un maillon indispensable de l’écono-
mie venicienne. Avec le concours d’un corps d’ex-
19
 perts, des arlequins et des commissaires-priseurs,
la Loge des antiquaires garantit l’authenticité
d’une œuvre, l’absence (relative) de contrebande,
de contrefaçons et le faible recel d’art.
La vente d’œuvres est soumise à la loi de l’offre
et de la demande, mais rares sont les artistes à
pouvoir se passer d’un apport financier constant.
Pour vivre et faire prospérer leur cité, ils doivent
donc ravaler leur orgueil et flatter leurs mécènes.
La flatterie occupe d’ailleurs une large part de la
formation des artistocrates… au grand dam de
ces derniers.
Plus qu’un apport financier, c’est aussi de la
visibilité et des conseils de mise en œuvre qui
sont prodigués par les antiquaires, qui jouent
en quelque sorte le rôle d’esthètes facilitant
l’ensemble de la mécanique économique de la
cité. Rares sont les artistes à avoir pu percer sans
eux. Le phénomène a pris une telle ampleur que
certains nobles marchands achètent les œuvres
vendues par un mécène au goût sûr avant même
de rencontrer l’artiste ou de voir son travail.
Au cours de l’histoire venicienne, plusieurs
générations d’artistes ont souhaité dicter leurs
prix et conserver leur liberté créatrice. Ils se sont
regroupés pour résister à la dictature du mécénat
des antiquaires. Ces derniers ont violemment
réprimé toute tentative en bloquant la production,
la vente d’œuvres ainsi que le financement de
nombreuses festivités, paralysant la cité des doges.
Aujourd’hui, seule la Loge des artistes bohèmes
est parvenue à conserver un réseau d’entraide
fiable entre artistes, où les plus riches viennent
en aide aux plus pauvres… Toutefois, ne nous y
trompons pas, si la Loge parvient à survivre, c’est
uniquement dans un dénuement quasi complet.
Les milices
Il est aisé pour les artistes de faire fortune à
Venice. Le mécénat, couramment pratiqué par
les antiquaires, a favorisé l’essor des créations
artistiques et permis des ventes abondantes.
Chaque bâtiment, chaque espace de la ville ren-
ferme de véritables trésors artistiques, à tel point
que le vol d’œuvres est une hantise permanente
et le recel le plus grave des crimes.
Pour lutter contre la criminalité, Venice dispose
donc de quatre polices distinctes :
Les crépusculaires, dirigés par le préfet, sont
des échassiers qui sillonnent la cité une fois la
nuit venue. Créés à l’origine pour faire face aux
tailleurs de pierre renégats de l’école d’Esquille
qui volaient les statues publiques, leur efficacité
20
a fait réfléchir le préfet de l’époque, qui a décidé
de les conserver. Ce corps d’élite dont les actions
s’étendent parfois au-delà de la cité a conservé la
tradition de l’échasse, qui lui confère une liberté
de mouvement peu commune dans Venice.
Les arlequins constituent la milice des anti-
quaires. Tenant particulièrement à la mise en
scène de leurs interventions, ses membres portent
l’habit du célèbre personnage de comédie. Un
costume qui peut prêter à sourire, mais qui sert
surtout à dédramatiser le caractère expéditif de
leurs interventions. Les arlequins s’annoncent, le
plus souvent, par une sorte de rire nasillard qui
suffit à disperser d’éventuels trouble-fêtes. Ils uti-
lisent, comme arme de prédilection, des cartes à
jouer en métal qu’ils lancent à distance. Au corps-
à-corps, la rapière ou plus rarement la dague ont
leur préférence. L’arlequin se déplace soit à vélo
(lorsqu’il est seul), soit dans des véhicules faits de
bric et de broc, bien connus des Veniciens.
La police de l’œuvre, au service des doges, est
constamment en concurrence avec les crépuscu-
laires. Son rôle est de protéger les artistes, notam-
ment contre les konzerns qui cherchent souvent
à s’approprier leurs œuvres. Financée par les
Le doge des gueux
Les légendes évoquant la présence d’autres
dirigeants de la cité sont nombreuses. Les
plus populaires sont celle du cinquième doge
organisant dans l’ombre les bas arts, celle du
doge noir, artiste de la cambriole et génie du
crime et celle du doge de l’ombre à la tête d’un
formidable réseau de contrebande d’art. Mais
l’itération la plus effrayante est certainement
celle du doge des gueux, très présente dans
l’imaginaire venicien. Ce mystérieux person-
nage serait d’une manière ou d’une autre lié
aux céphales et aurait la capacité d’invoquer
des démons de l’écryme.
Si l’ancien doge de la Lettre, Phaléo, est sou-
vent évoqué comme piste, d’autres pensent
que les anciens doges du Masque sont à la tête
de ces artistes maudits. En effet, jamais un
doge du Masque n’a été réélu pour un second
mandat à la tête de la cité. On raconte que les
cinq ans passés dans le palais des doges leur
sont nécessaires pour apprendre ce nouveau
rôle occulte. De même, le Masque ne produit
pas d’œuvre pouvant défier les ans (bien que
cela soit contredit avec les enregistrements
sur disques) et cette Loge reste en retrait par
rapport aux autres. Mais le Masque n’a jamais
eu besoin de justifier sa présence par rapport
à ses trois consœurs.
nombreuses taxes sur les spectacles, elle règle les
affaires criminelles d’une certaine importance
(meurtre d’un artiste, vol d’une œuvre, etc.). Ses
membres escortent également les marcheurs, des
juges itinérants qui représentent la justice artis-
tocratique. Seul le Saint-Office, tribunal collégial
assuré par la Droiture, se tenant dans les quar-
tiers artistiques, a une plus haute autorité.
Enfin, la Prévenance est chargée de contrôler
l’état des bâtiments de Venice. Pour éviter les
écroulements dans une ville construite à même
l’écryme, les architecs de cette police de l’urba-
nisme ont un droit de regard impératif et per-
sonne ne peut s’opposer à leurs décisions. Le plus
souvent, des travaux de rénovation à la charge du
propriétaire sont exigés. En de plus rares cas, les
architecs peuvent ordonner la destruction d’une
bâtisse jugée trop abîmée. Les aléas de l’architec-
ture venicienne nécessitant de constants ajuste-
ments, les cadastres de la Prévenance font partie
des rares archives à être intégralement tenues sur
papier. Elles ne sont consultables qu’accompagné
par un des nombreux archivistes. En signe dis-
tinctif, les architecs portent un fil à plomb sur
l’épaule droite. Certains en font d’ailleurs une
arme à part entière, l’utilisant comme un bolas
ou un fléau.
Les ghildes
À Venice, les milices dépendent de l’endroit
où l’on se trouve. Il en va de même à propos de
la sécurité. Les vols sont fréquents, mais les vio-
lences et les meurtres demeurent anecdotiques
pour une cité de cette taille. Le plus souvent, il
s’agit de règlements de comptes entre factions
d’artistes, de ghildes ou de Loges. Le crime le
plus commun reste pourtant l’escroquerie des
touristes… qui n’est interdite par aucune loi.
Les artistes, quant à eux, peuvent faire appel à la
police de l’œuvre s’ils se sentent lésés.
La contrebande est une autre spécificité veni-
cienne concernant la criminalité. Cette dernière a
toujours été une activité particulièrement impor-
tante. L’occupation lanskoise durant les guerres
d’Acrymonie lui a permis de prendre une dimen-
sion bien plus grande, puisque même les pouvoirs
en place favorisaient le travail des passeurs creusant
des tunnels sous l’écryme, ajoutant ici et là des pou-
lies pour tirer en urgence des câbles à gondoles ou
investissant les quartiers lacustres où des échassiers
courageux (ou inconscients) se déplaçaient…
Désormais, entrer ou sortir des marchandises
interdites sert surtout aux ghildes alimentant les
faussaires et écoulant des œuvres d’art. Toutefois,
de nombreux artistes utilisent ce marché noir pour
se procurer des matières premières sans financer les
nobles marchands et autres riches mécènes qui pré-
servent leur monopole. Respectivement spécialisés
dans le convoyage d’objets et de personnes, contre-
bandiers et passeurs sont donc monnaie courante
dans Venice, à tel point qu’il n’existe aucune ghilde
pour réguler ce service. Ils pratiquent des tarifs
totalement variables, dépendant essentiellement
de leur réputation, des chemins qu’ils emploient et
de la tête du client.
La ghilde des faussaires est la plus redoutée,
mais aussi la plus puissante. Artistes copieurs,
presses clandestines, matières premières en quan-
tité… La ghilde bénéficie de moyens quasiment
illimités égalant presque ceux des antiquaires ou
de certains nobles marchands.
La ghilde des somnambules est composée de
membres sujets à ce trouble. Officiellement, ils
se laissent guider par lui, se réveillant chaque
matin un peu plus haut. Ils se réunissent dans
le quartier des mines. Certains prolongent leurs
crises pour savoir jusqu’où ils tiendront, endor-
mis, en équilibre. En réalité, il s’agit d’individus
plus sensibles à l’écryme qui, à la nuit tombée,
sont contrôlés par elle. L’Enfant se sert d’eux
pour en faire les Artnarchistes. De par leur
trouble, ils n’officient que la nuit et ont besoin
de masques veniciens pour être totalement
contrôlés. Possédés par l’Amertume de la cité,
ils libéreront l’aigreur et la désillusion contenue
dans les œuvres de Venice pour perpétrer une
véritable révolution artistique.
Cette ghilde joue un rôle majeur dans la suite de la
campagne.
La légende raconte que les galeries des Lazzis
sont issues de l’esprit dérangé des anarchitectes,
une Loge dissidente des artchitectes. Ces archi-
tectes en disgrâce auraient laissé ici leur imagi-
nation vagabonder au gré de l’insolite. Beaucoup
prétendent que la ghilde des anarchitectes se
serait reformée à Sérône et à Théoric, mais beau-
coup de Veniciens craignent que les anarchitectes
soient infiltrés au sein de la Prévenance.
Les membres de la ghilde de la martingale
proposent aux artistes des porte-bonheurs,
des soi-disant entrevues avec les membres d’un
konzern ou même des plans pour accéder à l’hé-
micycle des salons de l’écho. Pour certains, ils
agissent pour le compte des nobles marchands
et réalisent une présélection des artistes... Les
porte-bonheurs marquant leurs cibles comme
plus ou moins bien notées. D’autre affirment
21
 qu’il s’agit juste de rebouteux plus malins que
les autres.
Les agrippins sont composés de troupes
traversières ou renégates de saltimbanques qui
ont décidé de se fédérer pour survivre, gagner
une autonomie et oublier la dépendance au bon
vouloir des seigneurs traversiers. Le noyau dur de
ce groupement est formé des ritournelles, troupe
de funambules veniciens qui s’est fait bannir par
le doge de la Note pour avoir singé des digni-
taires théoriciens susceptibles. Ils ont gardé leurs
costumes chamarrés comme outils de ralliement
et se servent de leur savoir acrobatique pour
entretenir leur traverse. Les esgourdes, d’anciens
musiciens ou phonoéditeurs devenus renégats,
leur servent de vigiles en mettant leur sens de
l’ouïe au service de la communauté.
La ghilde des passeurs tente de profiter du
marché fertile de l’escroquerie en s’en prenant
aux artistes même ils sont protégés par la police
de l’œuvre. Ses membres ont fait le pari que les
bénéfices seraient proportionnels au nombre de
créateurs. Ils se sont spécialisés dans le vol et la
revente de matières premières pour les œuvres
VIVRE À VENICE
S’habiller
22
d’art en prétendant les avoir obtenus par contre-
bande. Les artistes recevant leurs dus de manière
illégale sont alors bien en peine de se plaindre
lorsqu’ils se découvrent escroqués.
La gh i lde des cha mbres pr ivées est le
plus vaste réseau de maisons closes de la cité.
Originellement tenue par la princesse Taslana,
une odalisque tangerienne, cette ghilde envisage
les plaisirs sexuels comme un art, une représen-
tation sans cesse renouvelée. Ouvrant ses portes
aux hommes comme aux femmes, les titres des
dirigeants sont en revanche uniquement fémi-
nins. La mère supérieure actuelle est d’ailleurs
un travesti jugeant le talent de ses membres au
nombre de cris d’orgasme qu’ils provoquent.
Les 26 est le nom que se donne un groupe
terroriste aux motivations assez confuses.
Officiellement, ils sont comparés au Lys Noir.
Officieusement, ils revendiquent rarement leurs
crimes et semblent choisir leurs cibles au hasard.
On les accuse d’agir à la solde des doges, de se
réunir au cours des veillées funèbres macabres
où ils fêtent leurs défunts voire même de relancer
leur carrière à titre posthume.
Pour un Venicien, se vêtir est un acte sérieux.
Le code vestimentaire très strict ne manque d’ail-
leurs pas de surprendre : la couleur des habits
varie en fonction du rang social. L’abondance et la
vivacité des couleurs sont synonymes de pauvreté,
tandis que l’unicité et la sobriété demeurent le
privilège des riches ; les doges sont les seuls à ne
se vêtir que de noir. Toutes les classes sociales sont
assujetties à ces lois somptuaires, qui définissent
également la teinte que chacun doit porter en
fonction de ses alliances, de ses responsabilités et
ainsi de suite. Cette étiquette nécessite, pour ne
pas paraître grossier, un sens de l’observation tel
qu’il est conseillé aux visiteurs de se limiter aux
vêtements de couleurs neutres.
Hormis le costume, les Veniciens jouent éga-
lement beaucoup avec les masques. À l’origine,
ces derniers servaient aux victimes défigurées
par une chute dans l’écryme. Mais depuis, leur
usage s’est considérablement accru et croiser
une personne masquée est désormais monnaie
courante. Si les ghildes en profitent, cela permet
surtout aux diplomates de conserver une cer-
taine discrétion… En effet, il ne faut pas oublier
le rôle majeur que joue désormais Venice dans
les relations internationales. De nombreuses
ambassades, situées dans les quatre quartiers
artistiques, représentent les différents empires
ou, parfois même, les cités qui les composent. Les
quartiers artistiques recouvrent la majeure partie
de Venice. En plus des bâtiments administratifs,
s’élèvent aussi casinos, maisons closes et autres
hôtels, dont les plus remarquables sont bâtis à
proximité des pavillons de l’ancienne Exposition
transurbaine de 1107.
Se déplacer
Comme beaucoup de jonctions, Venice s’est
développée de façon chaotique, selon les initiatives
individuelles et en mélangeant les styles architec-
turaux. Ainsi, si les grandes traverses restent relati-
vement dégagées, sa structure faite de viaducs, de
plates-formes et d’escaliers entrelacés est véritable-
ment déconcertante. Les bâtiments construits sur
pilotis, les passerelles et les blocs immergés dans
l’écryme se relient et se soutiennent par un réseau
complexe d’appontements. En certains endroits,
l’absence de parapets nécessite une attention par-
ticulière, sanctionnant les insouciants d’une chute
fatale dans l’écryme.
Cet urbanisme foisonnant interdit l’usage d’au-
tomobiles et rend l’équitation hasardeuse. Aucun
train ne circule à l’intérieur de Venice, de peur
que les vibrations n’abîment les œuvres d’art. De
fait, les halles se situent à l’extérieur de la ville. Si
l’on excepte les chaises à porteurs réservées aux
artistocrates, les Veniciens se déplacent essen-
tiellement à pied, à vélo ou encore en gondole.
Attachées à des câbles surplombant les canaux,
celles-ci sont tractées par le gondolier, à la main
ou avec un pédalier. Elles sont le moyen le plus
sûr et le plus rapide de circuler. Mais les plus har-
dis n’hésitent pas, pour éviter la cohue de rues,
à sillonner les canaux sur leurs échasses métal-
liques. Impossible d’évoquer les gondoles sans
aborder le système en vigueur pour différencier
les gondoliers : la couleur et la texture de leurs
gants définissent leur rang et les chemins qu’ils
peuvent emprunter. Cette mode n’est pas sans
rappeler celle de l’habillement venicien. Le noir
leur permet d’utiliser les câbles de leur choix.
Plus chers que les autres gondoliers, ils offrent
des voyages plus rapides et plus discrets.
La cité dispose enfin d’un tramway unique : des
roues à la toiture, il est intégralement recouvert
de textes et de dessins gravés par les artistes les
plus en vue. Largement usité par les touristes, ce
livre brinquebalant sert de vitrine à l’art venicien,
bien que certains se plaisent à semer le trouble en
gravant de temps à autre des œuvres subversives.
Se loger
Au vu du caractère touristique de Venice, le
visiteur s’attend généralement à ce que la ville
regorge d’hôtels. En fait, ils ne sont présents que
dans les quartiers artistiques et des antiquaires,
rien n’étant prévu pour les étrangers dans les
autres lieux veniciens.
Dans les quartiers des antiquaires, les hôtelleries
sont pour la plupart modestes et ne surprendront
en rien le voyageur. Par contre, celles des quartiers
artistiques rivalisent de faste et d’originalité, les
plus remarquables étant les grands hôtels installés
dans les pavillons de l’ancienne Exposition tran-
surbaine. Les prix sont, bien entendu, en rapport
avec le caractère touristique…
Voici quelques exemples sortant du commun :
Le Jardin sous cloche, dans le quartier de la
Note, est une grande serre permettant de dor-
mir sous les frondaisons des arbres. Le service
est assez médiocre par rapport au prix, mais le
cadre végétal unique est parfaitement entretenu
par un hivernais d’origine.
Spécificités culturelles
Venice est une cité d’une extraordinaire
richesse culturelle. Son histoire est marquée
par le passage et la rencontre de toutes les
civilisations de la Toile. Ses multiples tra-
verses sont ornées d’œuvres d’art et abritent
des spectacles novateurs ou classiques. Plus
qu’ailleurs, les Veniciens sont fiers de leur
cité, allant même jusqu’à considérer faire
partie d’une élite.
Cet orgueil est d’autant plus marqué que la
majorité de la population bénéficie, du fait
des besoins artistiques, d’une éducation
poussée par rapport au reste de la Toile.
L’alphabétisation est courante, même parmi
la classe moyenne. La plupart des Veniciens
savent lire, écrire et pratiquer un art. Ils
apprennent très tôt à apprécier les histoires
allant de la tragédie au conte épique, à mani-
puler les burins de sculpture ou à pratiquer
plusieurs danses. En outre, les jeunes artis-
tocrates se doivent de posséder des connais-
sances poussées pour apprécier l’histoire de
la Toile et ses différentes cultures et juger les
œuvres extérieures.
23
 En plein cœur du quartier des antiquaires, le
Relais doré possède cinquante chambres décorées
de luminaires en cristal, de meubles plus ou moins
rococo et de draps frais pour dormir. Destinés
majoritairement aux nobles marchands, les prix
restent raisonnables si l’on considère le quartier.
La Halte sans retour tire son nom d’une
étrange légende. Initialement bâti sur une
traverse qui menait à Venice, ce relais isolé a
rapidement été rattrapé par l’agglomération
grandissante. Selon la tradition, les traversiers
s’y arrêtaient suite aux promesses d’alcool et
d’agréable compagnie, puis se réveillaient
drogués et embarqués dans des aérostats péni-
tenciers pour participer à la construction de
traverses ou de puits menant à l’écryme.
La confortable Ma ison du g uet ser vait
autrefois aux soldats veniciens… avant d’être
abandonnée et revendue. La place ne garde de
sa fonction initiale qu’une taille imposante, une
grande coupole en verre en guise de dernier
étage et un télescope qui permet d’observer une
bonne partie de la cité.
Au traversier prospère est à la fois un hôtel
et un casino situé dans le quartier de la Note.
Les jeux de hasard sont peu appréciés dans la
cité des doges, si bien que la concurrence est peu
nombreuse. Pour y attirer ses clients, le patron
engage de nombreux chanteurs accompagnés
de jongleurs et d’acrobates. La nourriture, les
chambres et l’alcool sont également parfaitement
abordables. En contrepartie, les clients qui ne
jouent pas sont discrètement incités à quitter
l’établissement.
Se nourrir
Comment une cité quasi exempte de terre
émergente peut-elle produire suffisamment pour
Coût de la vie
Un voyageur serait en droit de s’attendre à
ce que la vie venicienne soit plus chère, du
fait de ressources moins abondantes que dans
une grande cité. Il n’en est rien. Les tarifs
appliqués à Venice sont tout à fait dans la
norme. On peut, bien entendu, trouver des
prix défiants toute concurrence et d’autres
atteignant des sommets. Généralement cher,
le marché noir est très actif à Venice, surtout
lorsqu’il s’agit d’œuvres d’art. Les receleurs
connaissant les risques, ils chercheront plutôt
à vendre leurs marchandises hors de la cité
des doges.
24
nourrir presque treize millions de personnes ?
La principale réponse est l’importation : par
dirigeables, voitures, chevaux, trains (depuis
Méandre)… Étant au centre de la Toile, à la croi-
sée de nombreuses routes, il est souvent plus facile
et rentable de faire un détour par Venice que de
prendre un trajet direct entre deux cités. Et quitte
à faire escale, autant y vendre quelque chose.
Les quartiers miniers sont un autre élément
de réponse. Ils profitent d’entretiens constants
afin de permettre l’autarcie de la cité neutre. Les
galeries taries sont rachetées à prix d’or afin d’y
créer des mycotières et des clapets à rats et busos.
Certaines roches ou terres semblent capables de
filtrer l’eau contenue dans l’écryme et constituent
aussi un apport indispensable à la jonction. En
effet, la récolte d’eau de pluie, et parfois même
de vapeurs condensées d’hydrocryme, ne suffit
pas à fournir l’eau nécessaire à la consommation
des Veniciens.
Les abords des quartiers miniers ne sont pas
en reste, avec l’entretien de nombreux pontons
et la création d’habitations pour les cueilleurs
de fleurs d’écryme. Les porteurs d’eau doivent
récolter chaque matin les pièges à eau afin de
pouvoir compléter leur tournée.
Les demeures les plus riches bénéficient de
l’eau courante, qui est ensuite convoyée dans des
tuyaux en cuivre ou en céramique, puis recyclée.
S’enrichir
Si Venice dispose d’activités et de ressources
destinées à sa propre consommation (artisanat,
cultures, industries, etc.), l’essentiel de ses reve-
nus provient du tourisme, du marché de l’art, de
la production de disques et, plus récemment, des
spéculations financières liées à son statut de cité
neutre. Mis à part cette dernière composante,
l’essentiel des ressources veniciennes repose
entre les mains des doges.
Le tourisme
L’étranger qui visite Venice pour la première
fois est d’abord charmé par l’accueil qui lui est
réservé dans les quartiers artistiques. Il y sera
traité comme un roi et pourra profiter pleinement
des fêtes, manifestations artistiques et festivals.
Cette première impression passée, il s’apercevra
qu’il n’est pas possible d’acheter une œuvre d’art
sans s’adresser à un antiquaire. De plus, sortis
des quartiers artistiques, les Veniciens n’ont plus
aucune considération pour les étrangers.
 Le tourisme est une affaire d’État dominée
par les doges. Par l’organisation des activités
touristiques et culturelles (pièces de théâtre,
expositions, festivités...), ils contrôlent une part
importante des revenus qui en découlent et qui
constituent l’ordinaire des artistes. En échange,
ceux-ci doivent verser aux doges une taxe sur
chacune des représentations qu’ils proposent.
Le commerce de l’art
Le seul contre-pouvoir économique réside dans
le commerce de l’art, quasi-monopole de la Loge
des antiquaires. En effet, pour un artiste qui n’a
pas la chance de passer par la phonoédition ou
l’imprimerie, s’attacher un antiquaire permet de
s’assurer des revenus stables. Consciente de ce pou-
voir, la Loge exige des artistes qu’ils ne vendent
pas directement leurs œuvres à des particuliers.
Contrevenir à cette règle, c’est s’assurer qu’aucun
antiquaire n’achètera plus vos œuvres. Son pou-
voir sur les artistes fait de la Loge l’objet de vives
polémiques chez les artistocrates : faut-il laisser de
simples commerçants asservir l’élite venicienne ?
Si les doges n’ont pas osé, jusqu’à présent, l’affron-
ter directement, la Loge est l’objet de l’attention
toute particulière de la police de l’œuvre...
La diffusion sur fer
La première industrie de Venice est la gravure
des œuvres littéraires, musicales et, à un moindre
degré, picturales. Les énormes machines qui
servent cette industrie sont, depuis toujours, la
propriété de la ville qui en confie l’exploitation à
une vingtaine de konzerns choisis par les doges.
Une fois la famille marchande désignée comme
concessionnaire, elle a en principe toute liberté
pour l’utilisation des machines. Le choix des
œuvres qui seront diffusées reste soumis à l’ap-
probation des Loges artistiques.
À cela s’ajoute l’exploitation des ressources de
la cité. L’importance de l’industrie de la diffusion
sur fer explique l’existence à Venice d’une activité
métallurgique importante. Cette industrie est ser-
vie par plusieurs grands puits miniers situés à la
périphérie de la ville. Ces gisements apportent les
métaux, mais également des pierres précieuses et
une petite partie des matériaux employés à l’entre-
tien et au développement des traverses.
Comme pour les presses, ce sont les doges qui
octroient les concessions minières aux konzerns.
Cet état de fait pousse les nobles marchands à
courtiser les artistocrates. Certains d’entre eux
interviendraient durant le Festival pour aider finan-
cièrement certains des candidats au titre de doge.
La finance
De par sa position géographique et son histoire,
Venice est de plus en plus considérée comme la
première place financière de la Toile, bien plus
propice aux négociations que les cités glorian-
naises. En premier lieu, son statut de cité neutre
incite aux échanges commerciaux puisqu’elle offre
à la fois une certaine stabilité et l’assurance de ne
pas aider (directement) une nation concurrente.
De plus, Venice est par définition le lieu où l’on
donne aux matériaux bruts une forme plus noble,
où on leur confère une valeur plus importante.
Avec le temps, les artisans les plus doués des
Principautés traversières d’Olmune, puis du reste
de la Toile ont acheminé des matières premières
d’une qualité sans cesse croissante. D’abord, ce
sont les substances rares et précieuses qui ont fait le
jeu des spéculateurs, puis l’ensemble des matières
en transit, y compris les capitaux. Venice est alors
devenue une sorte de succursale banquière.
Tant que son statut de cité neutre perdure et
qu’aucune guerre ne se déclare, la cité des doges
génère de la richesse à partir des différents mar-
chés (y compris boursiers). Encouragé par les
antiquaires, cet état ne manque pas d’inquiéter
les artistes qui y voient un détournement de leurs
arts.
S’informer
Venice est au centre de la Toile et ses visiteurs
viennent de chaque cité sans distinction. On s’y
rend le plus souvent pour se détendre. Aussi,
les gens que l’on y croise ont un comportement
amical. Ils parlent beaucoup, se racontant des
nouvelles de toute la Toile. L’information étant
très peu diffusée du fait du cloisonnement entre
les cités, ces échanges sont une autre source de
richesse de Venice.
L’oralité est bien sûr privilégiée. Il est assez
commun d’être abordé par un individu qui
demande des nouvelles de telle région et, en
échange, raconte les événements de la sienne.
C’est d’ailleurs, après l’art, le sujet de conversa-
tion le plus courant. L’ambiance décontractée
dans les lieux publics joue également un rôle
primordial. Les places les plus fréquentées de la
jonction sont si bondées qu’il est impossible de
s’y asseoir. Cependant, tout café, bar ou relais dis-
pose d’alcôves permettant de traiter les affaires
25
 plus officieuses. À l’origine, ces niches servaient
à discuter le prix des œuvres en toute discré-
tion, les négociations commerciales étant jugées
trop vulgaires, presque impudiques, pour être
abordées au vu et au su de tous. Désormais, ces
établissements permettent de discuter politique,
sujet tout aussi délicat et nécessitant parfois bien
plus de discrétion.
Les plaques sont l’autre élément central de
cette prolifération d’informations avec, comme
fer de lance, le Ballon poste connu dans l’ensemble
de la Toile. À elle seule, cette plaque a permis
d’asseoir la suprématie venicienne en ce qui
concerne l’imprimerie sur fer et de diffuser à
grande échelle les valeurs et la propagande de
la cité des doges. Il existe de nombreuses tenta-
tives de plaques transurbaines, mais elles sont
limitées à de la propagande interne à un état.
On peut citer la Pentapolie, qui vise à promouvoir
l’entraide entre les cinq cités qui la composent, le
Petit Journal de l’Antipolie ou le Cachet du Lansk…
Le Ballon poste dispose de presses dédiées, sa dif-
fusion et sa politique éditoriale ne relèvent pas
de konzerns ou de Loges, mais directement des
doges et des artistocrates.
Parmi les plaques limitées à la diffusion
dans Venice et ses proches voisins, se trouvent
le Pamphlet, dévoilant l’actualité sous forme de
poèmes satyriques, et l’Officiel des spectacles qui
décrit l’ensemble des grands événements sur une
semaine. L’Esthète est la plaque la plus ancienne
de la jonction. Son contenu pointu constitue
une écoute obligatoire pour un cercle restreint
d’amateurs d’art. Enfin, La Nocturne est connue
pour avoir accueilli les articles d’Amantine
Dupin, jeune femme qui composait ses textes
sous un pseudonyme masculin. Connue pour
ses critiques d’art, ses essais et ses romans bous-
culant les traditions, la Nocturne les réédite sous
forme phonographique.
Cette diffusion de l’information a toutefois
un revers à la médaille, puisque près d’un quart
de la population est estimé comme travaillant
directement ou indirectement pour une autre
cité ou une organisation de renseignement. Dans
une cité neutre où rien ne devrait être dissimulé
aux autres, l’espionnage est devenu une véritable
institution. On échange des ragots, des légendes,
de fausses rumeurs… parfois contre de l’argent,
parfois juste pour le plaisir du partage. La popu-
lation alimente les services d’espionnage sans
même s’en rendre compte.
26
Se protéger
Les lois sont relativement peu nombreuses et les
tribunaux n’ont qu’une compétence limitée. Ils
ne peuvent agir que sur demande et uniquement
pour les affaires criminelles graves, comme le
meurtre, le vol, la dégradation d’œuvres et les
actes de terrorisme. Les séances ont lieu dans
d’anciens théâtres. Les juges occupent les loges,
les plaignants et défenseurs se présentent sur
scène et exposent leurs revendications à tour de
rôle. Le parterre est laissé à la foule qui s’entasse
poliment, mais reste rarement discrète. C’est
souvent suite à l’intensité des sifflements ou des
applaudissements que les juges rendent leurs
verdicts. La justice est parfois bien plus expédi-
tive, prenant la foule à partie. Les plaidoyers sont
parfois même des spectacles improvisés, orches-
trés par les marcheurs, les juges uniques des
tribunaux itinérants qui représentent la justice
artistocratique ordinaire.
En revanche, le tribunal du Saint-Office, tri-
bunal collégial qui se tient dans le quartier des
antiquaires, a compétence pour les litiges. Il
s’occupe uniquement des affaires dans lesquelles
sont impliqués des artistes ou des touristes.
L’ingérence des ambassadeurs ainsi que la volonté
d’attirer les touristes en n’appliquant aucune peine
trop importante rendent aux yeux des Veniciens la
justice plutôt laxiste. Cet état de fait est renforcé par
la faible présence de la Droiture dans le quartier
des artistes afin de ne pas s’opposer aux marcheurs
et à la justice des doges.
Ces luttes d’influence se prolongent jusqu’aux
différentes polices. En principe, les agents se
limitent aux enquêtes et en réfèrent aux juges
pour les sanctions. En pratique, ils bénéficient de
pouvoirs bien plus étendus. Leurs compétences
sont d’ailleurs si proches que les frictions ne
sont pas rares. Il est de notoriété publique que
la police de l’œuvre et les crépusculaires sont en
constante concurrence. L’ingérence des arlequins
et de certaines milices à la solde des konzerns
n’améliore en rien la grogne des artistes. En effet,
ces derniers apprécient peu d’être mal protégés,
mais voient plusieurs corps policiers au service
des plus riches.
Se divertir
Le calendrier est rythmé par de nombreuses
réjouissances. Hormis les festivités organisées par
les doges à l’attention des visiteurs, il y a tout au
long de l’année des célébrations impliquant toute
la population et non pas les seuls artistes.
La Noce est une survivance des bâtisseurs de
traverses qui ont fondé Venice. Chaque année, les
Veniciens construisent de petites traverses métal-
liques qui se rejoignent en un point de l’écryme.
Durant une semaine, ils ne vivent que pour faire
de leur traverse la plus belle de toutes. Une fois la
jonction établie, une grande fête y est donnée, au
terme de laquelle les doges jettent une alliance
d’or dans l’écryme, pour symboliser le mariage
de Venice et de la mer acide. Ensuite les traverses
sont démontées, quand elles peuvent l’être, ou
consolidées pour étendre la cité.
Le Carnaval commémore la création de
l’artistocratie. Pour simuler la chute de l’ancien
gouvernement, Venice oublie, durant trois jours,
toute structure hiérarchique. À l’exception des
crépusculaires, les polices sont en congé, ce qui
engendre une habituelle hausse de la crimina-
lité. Il est de tradition qu’une foule de Veniciens
monte la garde autour du palais des doges pour
empêcher ceux-ci d’en sortir. Chacun est tenu de
se déguiser et de se masquer sans tenir compte
de son rang. Se déroule alors une fête sans équi-
valent durant laquelle se côtoient manifestations
artistiques et prouesses physiques (courses de
gondoles, combats d’échassiers, etc.) dans tous
les quartiers.
Le Festival, manifestation la plus impor-
tante de Venice, s’ouvre sur la dissolution du
parlement en exercice par les doges. Les Loges
artistiques réunissent alors leurs membres pour
élire les nouveaux artistocrates. Durant près de
trois mois, Venice ne vit plus qu’au rythme des
expositions et des spectacles installés, pour l’oc-
casion, sur les grandes traverses. Le public n’est
jamais aussi nombreux que durant cette période,
chacun cherchant à connaître les œuvres les plus
appréciées par le nouveau parlement. Le Festival
arrive à son terme quand les doges invitent les
parlementaires à se réunir pour choisir les quatre
œuvres les plus méritantes du Festival. Leurs
auteurs président la cérémonie de clôture du
Festival, durant laquelle les anciens doges leur
transmettent leurs pouvoirs.
L’anniversaire du traité de Venice est égale-
ment l’occasion de festivités importantes. Les
ambassades ouvrent leurs portes au public,
de nombreuses expositions et représentations
sont gratuites. Les gondoliers travaillent égale-
ment gracieusement pendant toute la journée.
Attention toutefois, de nombreuses courses de
gondoles sont organisées sans en informer les
passagers.
27
 9
8

Pont
du trépas 7 2
22

1
5

21 3
24 25 18
Pont des soupirs
11

Pont de 1
la cloche
13

20

23
Pont des
19 mauvais
pas

26

28
 10

17 29

Pontqui
tremble
16
4 31

32 30
1

3
15 33

11

14
12
13

Pont du Rialto

27
des
vais
s 28

35

36 37

38
34
29
 VISITER LA CITÉ

L’asile humaniste de Venice est le plus vaste établissement de la Toile consacré au traitement des troubles de
l’esprit. Même s’il forme un tout administratif et idéologique, l’asile est composé de deux zones clairement
démarquées architecturalement et aux fonctions fort différentes : le panoptique et la reposante.

Construite sur cinq grandes traverses primitives, Venice s’est développée selon les initiatives individuelles
et les matériaux disponibles aux différentes étapes de sa croissance. Si les grandes traverses restent relati-
vement dégagées, l’architecture anarchique de la jonction ne facilite ni le travail des cartographes ni les
déambulations des touristes. On peut cependant distinguer certains quartiers : les quartiers artistiques, le
quartier des antiquaires, celui des phonoéditeurs et des imprimeurs, puis enfin le quartier minier.

Les quartiers artistiques

Les quatre quartiers artistiques sont en perma-
nence inondés de spectacles, de fêtes et d’expo-
sitions organisés par les doges. On y retrouve le
même découpage que pour les Loges artistiques
des doges : le quartier du Masque est principale-
ment dédié aux théâtres, celui de la Lettre aux
œuvres littéraires, celui de la Note à la musique
et enfin le quartier du Glyphe (plus hétéroclite)
est consacré aux arts visuels.
Regroupés par art autour des pavillons de l’Ex-
position transurbaine, artistes, ateliers et salles
de spectacle forment des îlots autonomes, dotés
d’une forte identité et d’un esprit de corps. Ce
communautarisme peut déboucher sur des actes
violents, car des bandes sillonnent les quartiers
pour protéger les intérêts de leur Loge, au grand
dam des crépusculaires et de la police de l’œuvre.
À la jonction entre les quatre quartiers artis-
tiques, au centre de la cité, se trouve la place
des doges. Sur cette grande esplanade carrée se
dresse le palais des doges, aussi appelé parlement.
Place et palais des doges (1)
Galeries des Lazzis (2)
Bibliothèque d’Agrégante (3)
Conservatoire de l’Aquilone (4)

Palais des 107 théâtres (5)

2

30
 QUARTIER DU GLYPHE
9 6
8 GALERIES DES LAZZIS (2)
10 Ambassade de Méthalume (6)
Jardin de patience (7)
40
Palazzo et palais del Arte (8)
Statue des calomnies (9)
Ambassade du Lansk (10)
Tour carré(40)
7 2

3
15
QUARTIER DE LA LETTRE

BIBLIOTHÈQUE
11 D’AGRÉGANTE (3)
Ambassade de Démos (11)
Ambassade d’Éole (12)
14 Ambassade de Pentapolie (13)
Ambassade de Théoric (14)
12 Histrion facétieux (15)
13

QUARTIER DE LA NOTE
17
CONSERVATOIRE
DE L’AQUILONE (4)
Les Conques (17)
16 Opéra mendiant (16)
4

21 18

QUARTIER DU MASQUE

PALAIS DES 107 THÉÂTRES (5)

Ambassade d’Antipolie (18)
Cirque (19)
Place des contemplations
silencieuses (20)
20 Théâtre des marionnettes (21)

19

31
 Le quartier des antiquaires
Ce quartier a pris le nom de la Loge qui y est la
plus présente. Il n’est toutefois pas réservé aux seuls
marchands d’art. On y trouve une vaste panoplie
de boutiques et d’auberges plus modestes que
celles des quartiers artistiques. Quasiment tous les
échanges commerciaux se font dans ce lieu bruyant
et surveillé en permanence par les arlequins.

22

24 25

HAUTS LIEUX

Esplanade d’Itinérance (22)

Tours d’adjudication (23)
Saint-Office (24)
Préfecture / Prévenance (25)

23

26

Les quartiers des phonoéditeurs et des imprimeurs 29

Ces quartiers légèrement excentrés abritent
les manufactures de plaques et de disques dont
Venice est propriétaire. Outre les ouvriers et les 31
membres des konzerns qui les exploitent, on y ren-
30
contre beaucoup d’artistes fauchés qui conservent
l’espoir de se faire phonoéditer. Moins protégés,
ces quartiers sont aussi le siège de gens peu recom- 32
mandables comme les voleurs d’œuvres, la ghilde
des faussaires ou même des milices marchandes
qui, selon certaines rumeurs, ne se limiteraient
33
pas à protéger leurs employeurs…

HAUTS LIEUX
Les Montgolfières (27)
Ambassade du Gloriana (29)
Salons de l’écho (30)
Café des Soupirs (31)
Club du fer (32)
Club des dilettantes avertis (33) 27

32
Les quartiers miniers
Plus en périphérie, on trouve les mineurs, les
ouvriers et, de façon générale, les infortunés qui
n’ont pas les moyens de se loger ailleurs. Proches
des usines métallurgiques et des puits miniers
qui les noient sous une fumée malsaine, ces
repères de crève-la-faim ne gagnent pas à être
visités de nuit. Ils reçoivent des investissements
notables pour être réhabilités et produire de
28
39
35
36 37
34
Zones non affiliées
Les séparations entre quartiers ne sont pas aussi
évidentes qu’on voudrait bien le croire. L’absence
de plan digne de ce nom et l’expansion perma-
nente de la cité rendent les frontières troubles.
Les nuances entre les différents arts et l’ingérence
des antiquaires compliquent également la donne.
Ainsi, il arrive que des rues entières ne soient
affiliées à aucune Loge. Dans le meilleur des cas,
Voici quelques-uns de ces lieux insolites :
Le mémorial est une immense stèle commé-
morative consacrée aux tombés pour la défense
de Venice contre le Lansk. Trop éloigné des
considérations artistiques, cet endroit est mal
aimé des Veniciens. Il est donc souvent couvert
de graffitis pour l’égayer.
La place des ciseleurs est investie par des cen-
taines de sculpteurs qui y font résonner le bruit
de leurs outils. Le glyphe pourrait revendiquer ce
lieu s’il n’y avait pas un chef d’orchestre rythmant
le bruit des coups de marteau…
nouvelles ressources alimentaires (création de
mycotières, de pièges à rats et buso, de pontons
goudronnés conduisant à l’écryme et aux fleurs
qui y poussent). On y trouve quelques hauts
lieux veniciens comme le café du Temps Perdu
ou l’ancienne prison venicienne transformée en
asile humaniste.
HAUTS LIEUX
Asile humaniste (28)
Ambassade d’Endémine (34)
Ambassades d’Olmune (35)
Ambassade des Provinces
rhodésiennes (36)
Café du Temps Perdu (37)
Puits miniers (38)
Ambassade istanienne (39)
38
cette absence de reconnaissance est désirée par
des habitants qui s’estiment Veniciens avant tout. Il
s’agit souvent de lieux et places commémoratifs ou
d’ateliers situés dans le mauvais quartier. Parfois,
cette absence d’affiliation n’inspire que l’indiffé-
rence, mais il arrive que des partis se forment et
que des conflits éclatent.
La cour des pensées vagabondes est une place
fleurie et ombragée où de nombreux écrivains se
retrouvent pour y chercher l’inspiration.
La rue des affiches oubliées est, en quelque
sorte, une vaste bibliothèque murale recouverte de
plaques relatant les événements les plus marquants
de Venice. On y trouve des poèmes, des illustra-
tions et bien sûr des articles de plaques entassés
les uns sur les autres. Des dizaines de curieux s’y
promènent à la recherche d’inspiration.
33
 Hauts lieux
Les ambassades
Venice attire des représentants des différentes
nations et cités profitant de la jonction pour
mener leurs négociations dans un cadre neutre.
Certains ambassadeurs continuent à se réunir de
manière informelle dans des cafés qui sont ainsi
devenus des hauts lieux de la politique intercita-
dine. La plupart préfèrent tout de même utiliser
leur ambassade.
18
L’ambassade d’Antipolie est l’une des plus
anciennes. Elle a la forme d’un palais praguois,
un austère mais élégant bâtiment ouvragé de
marbre sombre et entouré de hauts murs d’en-
ceinte. Elle compte un grand nombre de salles mal
éclairées par des fenêtres au verre sale. Sur le toit se
trouve une serre peuplée de plantes et de sculp-
tures. Elle sert aussi de salon panoramique offrant
une vue plongeante sur l’ensemble de la jonction et
les reflets vermeils de ses canaux pollués.
Toutes les cités d’Antipolie ont légué un bâti-
ment à Venice, mais seul le palais praguois a
conservé son rôle politique. La tour parisienne
sert désormais à Itinérance (voir plus bas). De
manière anecdotique, l’opéra construit par
Vienne et enseignant le ballet est souvent consi-
déré par les Veniciens comme une ambassade.
Même s’ils apprécient les échanges artistiques
qu’un tel lieu permet, les Viennois n’ont jamais
considéré cette école comme un atout politique
(ils sont trop stricts pour lier la chose publique
aux arts).
29
L’ambassade du Gloriana s’est installée à proxi-
mité des quartiers phonographiques, dans une
jolie maison bourgeoise. Les nobles marchands des
cités gloriannaises cherchent à montrer un visage
uni au reste de la Toile. Bien plus vaste, le domaine
de l’ambassade est protégé par des grilles en fer
blanc couvertes de plantes grimpantes et possède
une cour arborée ainsi que plusieurs serres
construites par des scientistes d’Hivernêce. Au prin-
temps et en été, les plantes se couvrent de fleurs et
donnent à l’ambassade des airs de jardin.
Les doges et de nombreux artistocrates négocient
âprement afin de faire venir des botanistes dans leurs
mines et améliorer la production de vivres. Plusieurs
artistes se disputent aussi les pigments extraits des
fleurs cultivées dans les jardins de l’ambassade. Le
problème est que le Gloriana demande de trop
fortes contreparties financières, dont une partie des
privilèges des antiquaires. Les nobles marchands
sont à ce titre de farouches opposants à cette Loge.
34
39
L’ambassade istanienne présente une gestion
complexe. En effet, contrairement aux autres
royaumes, l’Istanie ne possède pas d’autorité cen-
trale, mais une multitude de sultanats aux moyens
et ambitions propres. Au sein de la confrérie du
Sérail, chacun est libre de mener comme il l’en-
tend sa politique commerciale et ses alliances. Ses
différentes ambassades sont donc ouvertes à tous.
Leurs salons offrent des plaisirs où s’oublient les
grands artistes et les bourgeois de la cité. Les cour-
tisans y recueillent les secrets.
L’ambassade de Tanger dénote des autres par
la présence de bains ouverts au public en guise
de cadeau diplomatique. Dans cette aile du palais,
des fontaines actionnent de petits moulins à eau
entraînant à leur tour des orgues de barbarie qui
produisent une musique entraînante.
22
L’esplanade d’Itinérance est ce qui ressemble
le plus à une ambassade pour la caravane.
Construite par Paris lors de l’Exposition transur-
baine, cette tour eiffelienne bien plus petite que
son homologue parisienne n’en est pas moins la
plus haute tour d’appontage de la cité.
L’esplanade est l’unique point d’entrée des aéros-
tats. Son personnel guide les pilotes, régule le tra-
fic aérien, inspecte les ballons et forme les jeunes
pilotes. L’endroit accueille également de nombreux
arpenthes désireux de bénéficier des hauteurs pour
avoir le meilleur point d’observation de la jonction.
10
Les cités du Lansk ont cédé leurs ambassades
suite aux guerres d’Acrymonie pour ne réelle-
ment conserver que celle de Méthalume. Les métro-
polites lanskois ont certes acheté une grande
demeure en pierre qui culmine sur une traverse de
la cité, mais leur présence se fait la plus discrète
possible. L’ambassade de Méthalume, quant à elle,
est adossée aux galeries des Lazzis. Elle bénéficie
d’une construction anarchique d’escaliers, de tra-
boules et de culs-de-sac. Ce labyrinthe assure la
défense du site. L’ambassade en elle-même se pré-
sente comme un cône inversé (plus large en hauteur
qu’à sa base) et s’orne en son sommet de spires et de
tours, laissant dégouliner des ferronneries de cuivre
dentelées.
40
La tour carrée est à l’image des maisons mer-
cenaires de Nordanie. Ici, les scribes de
l’ordre de glace collectent les contrats sur des
plaques gelées et les soldats de fortune attendent
leurs prochains contrats.
36
Un modèle similaire s’est développé pour les
Provinces rhodésiennes. Leur représentation,
située dans le quartier minier, n’a d’ambassade
que le nom. Il s’agit plus d’une auberge bruyante
où se retrouvent les aventuriers du sud.
 Les grandes familles princières d’Olmune
35
apprécient l’art et ont constitué des collections
d’œuvres qui font aujourd’hui partie du trésor de
Venice. Riches en matières premières, le mécénat
des principautés est particulièrement apprécié et
leurs nombreuses commandes stimulent la création
artistique. Les palais aux allures de forteresses sont
gérés comme des seigneuries traversières.
13
La Pentapolie compte à elle seule six ambas-
sades ! Toutes rivalisent en matière de faste, au
détriment de l’ambassade commune (qui réunit
les cinq cités), moins belle que celles d’Éole et de
Démos, bien que d’un éclat à couper le souffle.
Chaque ambassade engloutit un budget important
en œuvres d’art, moins par réel sens esthétique
que pour s’attirer les faveurs de Veniciens, en par-
ticulier des artistes que les ambassadeurs espèrent
voir triompher au Festival.
Les ambassades de Démos et Théoric sont sépa-
rées par une ruelle qui sinue entre les façades de
marbre blanc, ornées de balcons ouvragés et de
passerelles élégantes. Sous les dômes délicats et
les terrasses abritées règne une ambiance hospita-
lière. Endémine a racheté et emménagé avec l’aide
des charbonneux de nombreux boyaux de mines.
Les Éoliens utilisent tout un quartier comme
ambassade. L’intérieur des hôtels particuliers est
une splendeur. Certaines œuvres veniciennes ne
sont que pacotille face aux pièces où elles sont entre-
posées. La beauté des collections rend le lieu unique
et témoigne de la mégalomanie de la cité des vents.
L’ambassade commune a la forme d’un penta-
gone. Si l’extérieur est notable, l’intérieur austère
trahit un manque de moyens flagrant, ainsi que
l’inefficacité des différentes cités à s’entendre sur
une politique commune.
?
Les quatre ambassadeurs des Marches ont un
statut particulier. En effet, selon la tradition
mongole, ces derniers vivent en nomades même
dans l’enceinte de la cité. Toute communication se
fait donc le plus souvent par coursiers et plaques
de fer, ou sous leurs tentes s’ils reçoivent.
Les ponts
Comme dans beaucoup de jonctions, les ponts
sont légion à Venice. La spécificité de la cité des
doges provient de la volonté de conserver les canaux
d’écryme et non de les recouvrir totalement. Ainsi,
Venice compte plus de deux cents ponts dont voici
les plus fameux :
Incurvé, le pont du Rialto comporte trois pas-
sages piétonniers, dont un au centre, entre deux
rangées de boutiques installées dans six arches à
la montée et six arches à la descente.
Le pont qui tremble est une petite passerelle
du quartier de la Note qui a tendance à forte-
ment vibrer quand des concertos sont joués à
proximité. Un membre de la Prévenance y passe
quotidiennement.
Le pont du trépas doit son nom au nombre
incroyable d’ouvriers qui ont péri lors de sa
construction. Cinq tentatives ont été nécessaires
pour qu’il soit stable.
Le pont de la cloche a été bâti afin de com-
mémorer le traité de Venice. La cloche qui le sur-
monte et les rambardes ont été façonnées dans le
métal des canons lanskois.
Le pont des soupirs est l’œuvre de l’artistocrate
Miragliano. Même ruiné, le sculpteur désirait
prouver sa capacité à créer une merveille.
Le pont des mauvais pas est en réalité la jonc-
tion de deux escaliers très raides et particulière-
ment glissants.
De l’utilisation des plans
Ces pages ont pour but de donner une idée
globale de l’aspect de Venice, de ses quartiers
et de ses habitants. Les descriptions donnent
aux conteurs des détails sur tel ou tel lieu,
quand ils sont en manque d’inspiration et non
pour les contraindre dans leurs descriptions.
L’objectif est de dépeindre des ambiances
générales et des éléments pour les mettre en
œuvre, pas de décrire les horaires d’ouverture
d’un magasin, l’âge d’un gérant et les produits
de son étal. Ces listes, et en particulier leur
localisation, sont donc données à titre indicatif
et peuvent être modifiées à loisir, suivant les
besoins de vos scénarios. Les zones non affi-
liées ont en particulier été créées dans ce but.
35
 28 Asile humaniste
  37
 Café du Temps Perdu
A lors que les aliénés À sa création, cet éta-
sont généralement soi- blissement appartenait à
gnés par l’isolement et les un groupe d’artistes qui
chocs électriques, l’asile avaient le projet d’ou-
humaniste s’occupe des vrir les ouvriers et les
troubles mentaux en communiquant avec le mineurs à l’art en mêlant représentations artis-
patient par le biais de la musique et de l’art. tiques et consommations bon marché. Lorsque
Ce lieu avant-gardiste bénéficie d’un traitement par- les fondateurs ont disparu, le café a été repris par
ticulier dans le chapitre suivant. un manœuvre qui lui a donné le surnom dont
l’avaient affublé les gens des quartiers artistiques.
Aujourd’hui, aucun artiste ne s’y produit plus
3
  Bibliothèque d’Agrégante et le café est devenu le lieu favori des voleurs
Symbole de la Lettre, d’œuvres. Certains s’étonnent d’ailleurs, le fait
ce bâtiment est des plus étant notoire, de la négligence dont fait preuve la
curieux. Il a été conçu par police de l’œuvre à l’égard de cet endroit.
Agrégante, prêtre de l’ar-
penthème, pour reconsti-
tuer symboliquement le réseau des traverses. Sa 19
  Cirque
forme évoque un hangar gigantesque dans lequel Ce restaurant réputé
serait construite une myriade de plates-formes, pratique des tarifs exor-
d’échelles et d’escaliers. bitants si l’on considère
Le doge Salione ayant accordé aux arpen- la quantité de nourriture
thes la concession des archives de Venice, ce ser vie. Sa clientèle est
sont eux qui s’occupent des milliers de plaques constituée de nantis venus chercher un spectacle
et de disques. Le classement et l’architecture qu’on ne trouvera jamais ailleurs. Des serveurs
anarchiques les rendent indispensables pour la funambules et des animaux dressés amènent les
moindre recherche. plats pendant que des clowns prennent les com-
Les disques et les plaques sont consultables sur mandes et lisent le menu. Une rumeur circule
les plates-formes qui servent de rayonnage à la concernant les prix pratiqués qui se justifieraient
bibliothèque, grâce à des phonographes publics, par certains spectacles moins avouables qui met-
créant un vacarme tel que les bibliothécaires-ar- traient en vedettes des pauvres malheureux ache-
penthes sont sourds. tés à prix d’or aux autorités et qui seraient forcés
Lieu privilégié des écrivains et des poètes, la de réaliser les mêmes acrobaties que le personnel.
bibliothèque est entourée de cafés et de clubs où
les artistes exposent leurs œuvres aux critiques
de leurs pairs. 32 Club du fer
 
Cet hôtel particulier
abrite périodiquement les
31
  Café des Soupirs dirigeants des konzerns.
Situé à proximité des Le but avoué du club est
salons de l’écho, ce café de concilier les intérêts
est connu comme le refuge de ses adhérents pour opposer aux doges une
des artistes venant d’audi- politique commune. S’il est très fréquenté, les
tionner. Il est de tradition membres n’ont pas encore réussi à oublier leurs
d’y organiser une fois par semaine une soirée au différends et les duels y restent monnaie courante.
cours de laquelle les noms des artistes phonoédités
sont rendus publics. Ces derniers donnent alors la
dernière représentation de leur œuvre avant d’en
vendre les droits aux konzerns.

36

17
  Les conques
Constituées de vastes
hangars encombrés de
pou l ies, de c âbles et
d’outils, les conques sont
constamment envahies
par des nuées d’artisans affairés à la confection
et à l’entretien d’instruments de musique. Elles
abritent également une caserne de miliciens
assurant la protection des matières précieuses qui
servent à l’ouvrage des orgues de barbarie, comme
le bois ou les métaux précieux. En journée, il est
facile de s’introduire dans cette fourmilière, mais
voler demeure ardu. La nuit, les conques sont si
bien gardées que le vol en devient presque impos-
sible. La vente des instruments ne se fait jamais
directement avec les artisans, mais avec les anti-
quaires qui négocient des pourcentages sur les
œuvres qui seront créées.
4 Conservatoire de
 
l’Aquilone
Cathédrale de fer et
de verre, fruit des élucu-
brations des urbatechs
d’Éole, c’est dans ce bâtiment que se trouvent les
plus grandes salles de concert. Chaque instru-
ment y a sa partie et un nombre conséquent de
concerts y sont quotidiennement donnés. Siège
de la Note, la Loge y entretient à grands frais
des transparents, des laveurs de carreaux, dont les
dons d’acrobates servent parfois à des missions
bien différentes du nettoyage ou de l’entretien
des vitraux de la cathédrale.
2
  Galeries des Lazzis
Siège du Glyphe, les
galer ies des Lazzis se
distinguent avant tout
par leur enchevêtrement
de ruelles escarpées. Ce
labyrinthe rempli de trompe-l’œil, de façades sans
immeuble et de portes condamnées ou dérobées,
forme un tout si complexe que la prévenance a
depuis longtemps renoncé à incorporer ce quar-
tier au cadastre venicien. La galerie n’obéit qu’à
une seule règle : le chaos architectural. Peintres
et graveurs tiennent autant à leurs ateliers qu’à
l’esprit labyrinthique du quartier. Plus qu’ailleurs,
une conscience locale a émergé. Une plaque avait
même envisagé, ironiquement, de distinguer
citoyenneté venicienne et lazzi. Pour autant, le
quartier ne constitue pas un bloc monolithique,
mais abrite une multitude de ghildes et d’ateliers
concurrents.
En s’enfonçant dans les galeries, le foisonnement
des peintures murales se teinte de réalité à tel
point que l’étranger ne sait plus distinguer le vrai
du faux. La traversée du quartier rappelle la visite
d’un musée décousu. Aux trompe-l’œil s’ajoutent
les folies architecturales. Certaines ruelles sont
parfois si étroites qu’il faut les emprunter de guin-
gois. C’est dans ces dernières que la violence du
vent se fait le plus sentir. Parfois, on peut y observer
l’étrange ballet d’un homme. Il s’agit d’un langage
lazzi, dérivé de la langue des mains des voleurs. La
place du corps laisse le vent s’engouffrer avec plus
ou moins de violence, modulant ainsi les sons qu’il
produit. Certains communiquent ainsi en jouant
avec le chant du vent.
Certains comédiens prennent l’habitude de
s’intégrer aux trompe-l’œil. Par exemple, une
file d’hommes et de femmes peints en attendant
devant les portes d’un grand magasin s’anime
soudain et la moitié de cette foule se révèle être
tout à fait réelle. Plusieurs histrions poursui-
vraient un concours cynique visant à provoquer
le plus possible de crises cardiaques. On ignore
ce qui a été promis au gagnant...
Le quartier est un endroit particulièrement
sale. Le sol ne permet pas de se débarrasser des
ordures directement dans l’écryme et beaucoup
les jettent dans les rues.
26
 Grande Halle de Venice
La Grande Halle date
du temps où les trains
p ou v a ient enco r e s e
rendre jusqu’à Venice,
avant que la Prévenance
ne les interdise. Là, à l’intersection des voies
ferrées, s’était spontanément construit un gigan-
tesque marché des plus prospère. Depuis, faute
d’entretien, les rails ont été recyclés ou ne mènent
plus à rien, mais la structure des Halles est restée,
tout comme sa fonction commerciale.
Ce qui choque le visiteur des Grandes Halles,
outre leur taille, c’est la présence, parmi les han-
gars et boutiques, de voies ferrées disposées un
peu partout. Certains commerçants utilisent les
wagons comme échoppes pour conserver un peu
d’intimité lors des transactions les plus sensibles.
37

15
  (L’) Histrion Facétieux
Le patron de cet éta-
blissement bâti dans un
théâtre en ruine est un
fou de poésie. Il n’autorise
à entrer que les personnes
dont il apprécie les rimes. Ainsi les clients doivent
s’astreindre à des versifications improvisées,
sous peine de se voir fermer la porte au nez.
Malheureusement, les amateurs de bonne chère
ne sont pas tous poètes pour autant et un véritable
commerce lyrique s’est mis en place. Autour de
l’auberge gravitent de nombreux gratte-plaque
qui, contre quelques hurles, font mémoriser à
leurs clients des vers capables d’égayer le patron.
Mais la concurrence est féroce, et il n’est pas
rare de voir un jeune aède finir sa vie dans le
caniveau. Pour survivre, la cohorte littéraire s’est
organisée en clans, engageant chacun des gardes
du corps pour assurer sa sécurité. À l’ombre des
colonnades, des hommes à la mine patibulaire se
regardent donc en chiens de faïence…
7
  Jardin de patience
Cette grande cour est
peuplée de sculptures
dédiées à la patience. Cet
art demande de strier
avec précision des pierres
de minces sillons, dans lesquels on fait goutter de
l’écryme qui fragilise le roc. Au fil des intempé-
ries, certaines plaques se détachent en prenant
des formes prédites bien des années avant. Les
sculpteurs prudents ne dévoilent jamais ce qu’ils
ont préparé et leur art se dévoile bien après leur
mort.
27
 (Les) Montgolfières
Cette maison close est
la plus connue et la plus
chère de Venice. Le bâti-
ment triangulaire qui la
constitue n’a d’intérêt
que pour son somptueux jardin. C’est là que se
déroulent la plupart des activités des Mongolfières,
soit le jeu et la prostitution.
Ce qui a fait l’intérêt de la maison, ce sont les
neuf aérostats qui la surplombent. Réservées aux
plus riches clients, on y accède par des ascen-
seurs situés dans des tours contiguës. Là-haut, la
contemplation de Venice est loin d’être l’attrac-
38
tion principale… Ce bordel céleste tient à la fois
de la maison close et du musée d’art. Ses œuvres
les plus remarquables représentent d’anciennes
mondaines à la beauté rare.
16
  (L’) Opéra mendiant
C onst r u ite da ns un
réser voir abandonné,
cette salle de concert
considérée comme un
temple de la musique
prend appui sur les colonnes et les arches de
ce chef-d’œuvre d’architecture. Elle marie le
théâtre à l’opéra, transformant les œuvres les
plus simples en vibrantes représentations. Des
sommes phénoménales sont engrangées dans
les différents spectacles, toujours bondés, avant
d’être dépensées dans la création et l’entretien
de nouveaux décors démesurés. Les meilleurs
artistes du Glyphe ont travaillé à sa rénovation et
son embellissement. Le résultat est à la hauteur
des engagements, puisqu’aucune représentation
n’égale celles données ici. Artistes comme specta-
teurs ne s’y trompent pas et continuent à favoriser
la prédominance de l’opéra mendiant. Le lieu
tire d’ailleurs son nom du fait qu’une foule de
mendiants s’y pressaient pour solliciter la géné-
rosité des riches artistocrates venus apprécier le
spectacle.
L’opéra mendiant réunit à la perfection les
quatre arts. Tout Venice s’y retrouve pour se mon-
trer, se jauger, mais aussi pour passer des accords
confidentiels, négocier des traités commerciaux
et politiques. Les intrigues, les rendez-vous
secrets se déroulent dans les loges privées...
1 Palais des doges /
parlement
Situé au centre de la
place des doges, elle -
même au cœu r de la
cité (à la réunion des cinq premières grandes
traverses), se dresse le majestueux parlement.
Cet imposant quadrilatère de marbre, dont les
façades sont finement ouvragées, représente les
quatre arts se fondant les uns dans les autres.
Construit pour loger les premiers représentants
des Loges ainsi que leurs proches, le palais des
doges est en réalité constitué de quatre palais (un
pour chaque Loge artistique).
 Les décrets et lois pris par les doges y sont
placardés, tandis que les greffiers reçoivent les
doléances. On accède à cette place publique par
une des quatre portes de fer sculptées au symbole
des Loges artistiques et gardées, en permanence,
par la police de l’œuvre.
5
  Palais des 107 théâtres
Le palais était, à l’ori-
g ine, une py r a mide
approximative constituée
de marches en pierre,
importées à grands frais
par la Loge théâtrale d’Endémine lors de l’Ex-
position transurbaine. Avec le temps, ce lieu
est devenu un labyrinthe de couloirs ornés de
lustres, d’escaliers en colimaçon majestueux et
de vestibules. Sur son fronton de marbre blanc
ont été sculptées des scènes du passé historique
ou imaginé de Venice. La Loge du Masque s’est
emparée du bâtiment et y a construit une multi-
tude de théâtres dont la réputation est d’autant
plus grande qu’ils sont
situés près du sommet.
8
  Palazzo et palais del Arte
Le Palazzo et son pas-
tiche, le palais del Arte,
sont deux résidences parfaitement symétriques
qui tirent leur origine de collectionneurs
avant-gardistes. Ces derniers ne jugeaient pas
une œuvre en fonction de sa qualité artistique,
mais de ses reflets et des projections qu’elle fai-
sait avec la lumière… Ils considéraient les artistes
comme des sculpteurs d’espace et d’ombre. Les
deux palais aux allures de musées sont donc peu-
plés de jeux d’ombres et de lumière, mais aussi de
miroirs et de trompe-l’œil, des effets dignes des
meilleurs illusionnistes.
20 Place des contempla-
 
tions silencieuses
Alors que Venice était
s y nony me de fêtes et
d’animations populaires,
que les places étaient peuplées de mimes, de
musiciens, d’acteurs et de portraitistes, le doge
du Masque Fabulo a trouvé qu’il était difficile de
se concentrer et d’apprécier pleinement la pureté
des œuvres. Il a ordonné qu’un silence complet
soit maintenu dans cette place d’exposition.
Cette loi n’a jamais été modifiée, si bien qu’il est
interdit d’y parler à voix haute.
24 Saint-Office
Gigantesque bâtiment
aux formes épurées et
à la disposition géomé-
trique, le Saint- Off ice
est l’ancien pavillon de
Méthalume lors de l’Exposition transurbaine. Si
les forces de l’ordre y ont leur siège à l’exception
de la police de l’œuvre, le Saint-Office est surtout
connu pour abriter la justice venicienne et les
appartements du préfet.
30 Salons de l’écho
Ce bâtiment est com-
posé de nombreuses salles
de concert utilisées par
les konzerns pour audi-
tionner et découvrir de
futures célébrités. Les artistes n’ayant pas encore
réussi à percer espèrent être sélectionnés pour se
faire phonoéditer.
Les salons sont une série de petites pièces où
ont lieu les auditions. Ils entourent un grand
hémicycle où un jury sélectionne les meilleurs.
Le son étant transmis à travers un réseau de
tubes métalliques, la qualité fluctue en fonction
de la distance. Les konzerns les plus influents
disposent donc d’un salon proche de l’hémicycle.
Il n’existe aucune convocation ou aucun ordre
de passage. Pour auditionner, les artistes doivent
attendre leur tour, parfois plus d’une semaine,
dans la rue aux auditions, petite venelle tortueuse
qui est le seul point d’entrée. Cette ruelle est
le siège de la ghilde de la martingale dont les
membres proposent aux artistes des porte-bon-
heurs, des entrevues avec de soi-disant membres
d’un konzern ou même des plans permettant
d’accéder directement à l’hémicycle en passant
par le labyrinthe formé par les salons...
9
  (La) Statue des calomnies
Après les g uerres
d’Acrymonie, certaines
statues ont été retrouvées
dans un si piteux état
qu’aucun collectionneur
n’en voulait. La nuit tombée, le peuple rédige sur
39
 le corps de l’une d’elles satires et revendications,
fustigeant les mœurs de l’élite ou la politique des
doges, des antiquaires et des ambassadeurs. Au
matin, les calomnies se répandent dans toute la
cité, colportées auprès des divers ambassadeurs
et manquant parfois de créer des incidents
diplomatiques.
23
 Tours d’adjudication
Ces trois tours, reliées
entre elles par un f in
réseau de passerelles, de
câbles et de gondoles,
sont la propriété de la
Loge antiquaire, qui y a son siège. Situées à la
frontière entre le quartier des antiquaires et ceux
des artistes, ces flèches métalliques sont l’endroit
où les œuvres d’art refusées à la diffusion sur
fer par les différentes Loges sont vendues aux
enchères.
Mais le marché de l’art n’est pas la seule raison
d’être des tours : c’est un fait établi que de soi-di-
sant artistes y vendent des secrets d’État, sous
couvert d’œuvres d’art.
Lieux remarquables aux
abords de Venice
La cité des ambassades est entourée de nom-
breuses localités qui, bien que bâties sur des
terres émergentes, sont de moindre importance.
Le plus souvent, ces îlots ont été découverts après
l’achèvement de la première trame, créant ainsi
de nombreux chemins détournés pour arriver à
Venice, le long des deuxième et troisième trames.
Le plus souvent, ces villes jouent le rôle d’anti-
chambres des Loges artistiques.
40
Estampe est une jonction connue pour abriter
des statues défigurées suite aux guerres d’Acrymo-
nie ou aux dégradations pratiquées par les étu-
diants des différentes écoles de sculptures sur celles
de leurs concurrents. Le visiteur ne peut qu’être
décontenancé par cette galerie de monstres.
Arpège, affiliée à la Note, s’est spécialisée dans
la création de partitions pour orgue de barbarie
et limonaire. Peuplée d’artistes n’ayant su per-
cer, cette agglomération a mauvaise réputation
auprès des voyageurs. Ces derniers la fuient à
cause de la cacophonie permanente qui y règne,
résultant du mélange anarchique des différentes
œuvres. Le côté atypique d’Arpège fait que de
nombreuses rumeurs circulent à son sujet : les
habitants auraient développé un langage mysté-
rieux basé sur la musique, dialecte qu’ils seraient
les seuls à comprendre. Une cabale de musiciens
étudierait le vacarme produit par le mélange de
plusieurs œuvres, espérant trouver une significa-
tion ésotérique derrière le chaos apparent…
C’est à Murmure, la cité du silence, que sont
formés les plus grands mimes de Venice. Au
milieu de ces statues vivantes, le touriste est
d’abord émerveillé par les spectacles qu’il voit,
avant d’être effrayé en découvrant que des
hommes grimés à la craie sont parvenus à se
fondre dans les murs blancs et les observent.
Dédiée à la Lettre, Symandre est surtout
peuplée par des konzerns qui y produisent à
moindres frais des œuvres phonographiques.
C’est le martèlement des disques qu’on y fabrique
qui a donné ce nom à la cité.
Méandre est une localité d’importance pour
Venice. Tirant son nom du virage opéré par les
constructeurs des traverses pour passer sur cette
terre émergente, elle occupe le rôle de gare pour
la cité de doges. C’est par ce lieu que transite la
majeure partie des marchandises venant ou par-
tant de Venice.
 L’ÉVOLUTION DE VENICE AU COURS DE LA GESTE
Outre son emplacement, Venice doit son essor
à sa gestion du commerce de l’art. Longtemps,
les antiquaires ont encouragé l’innovation, mais
n’ont jamais obtenu une place prépondérante.
Les guerres d’Acrymonie ont modifié cet équi-
libre en amenant des ambassadeurs de toute la
Toile et un besoin plus pressant d’argent et de
matière première. Les principaux mécènes et
vendeurs ont alors joué un rôle privilégié dans
les décisions politiques, ce qui a exaspéré les
artistocrates conservateurs.
La révolution des Artnarchistes modifiera en
profondeur ces rapports de force. Voici ses consé-
quences les plus marquantes.
Forces en présence
Les Loges
Dans chaque quartier, les Loges artistiques
sont divisées et le resteront durant l’ensemble des
troubles. Une profonde méfiance s’instaure entre
les membres d’une même organisation : est-ce un
sympathisant ou un contre-révolutionnaire ?
Il est important de se rappeler tout au long de
la geste qu’à Venice l’art équivaut à la politique.
Ainsi, les duels sur vitrienne, les messages grif-
fonnés sur la Statue des calomnies, les spectacles
de rue… doivent prendre une tournure poli-
tique. En prenant le parlement, les Artnarchistes
prennent le contrôle de la diffusion de l’art
venicien, ils freinent ou favorisent l’essor de
tel ou tel artiste. Certains jours, ils iront même
jusqu’à interdire certaines représentations, en
reprogrammeront d’autres, modifieront certains
textes… Cette ingérence doit paraître aux yeux
des personnages joueurs comme de la censure et
pour l’opinion publique, comme une améliora-
tion globale des œuvres proposées.
Seuls les antiquaires, en tant que victimes,
seront totalement opposés aux Artnarchistes.
Les ghildes
Les ghildes sont nombreuses et désorganisées.
Longtemps sous la coupe (ou victimes) des anti-
quaires, elles profitent du chaos pour faire naître
un marché noir f lorissant et régler de vieux
comptes. Après la révolution, les ghildes refusent
tout d’abord de se joindre à tout mouvement,
puis cherchent à retrouver la stabilité même si
cela implique de s’allier aux antiquaires.
Forces de l’ordre
Seule la Prévenance sera maintenue. Les arle-
quins et les crépusculaires vivront dans la clan-
destinité, alors que la police de l’œuvre explosera
entre partisans et opposants de la révolte, suite au
désordre et aux destructions. Police du nouveau
système, les Art-bitres seront composés d’artistes
prêts à risquer leur vie pour la liberté de l’art.
Les ambassades
Bien que prises au dépourvu, les puissances
étrangères ne resteront pas inactives. Seules les
réactions des principales ambassades sont décrites
ci-après. Pensez bien que les avis seront nuancés
(en particulier dans des pays décentralisés comme
la Pentapolie), que des traîtres pour les uns ou les
autres seront présents et que nombre d’ambassa-
deurs ayant profité des antiquaires fuiront la cité
des doges pendant une bonne partie du conflit…
Les Artnarchistes assiégeront l’ambassade
de Méthalume qu’ils considèrent à la solde des
antiquaires. Poliakhoff, autrefois responsable
de la sécurité, confinera l’ambassadeur Marc
Domarazdki dans ses quartiers et fera régner une
discipline de fer dans le bâtiment. Ses hommes
devront repousser chaque nuit les incursions
des Artnarchistes et chaque jour les échelles et
les cerfs-volants des troupes révolutionnaires.
Heureusement pour lui, les artistes placés à la tête
des unités ennemies sont de piètres généraux.
Toutefois, le temps joue contre lui et Poliakhoff
envisagera de plus en plus d’utiliser des fantas-
sins équipés d’armes renégates, comme des tubes
mis au point par les alchymistes de Méthalume et
capables de cracher de l’acide ou des flammes.
Les ambassades d’Antipolie joueront sur
plusieurs tableaux. Prétextant la division des
ambassadeurs des différentes cités, leur per-
sonnel essaiera clairement de gagner du temps.
Leur action consistera à discrètement aider les
contre-révolutionnaires à fuir ou à les armer
quand ils désirent mener le combat.
41
 L’ambassadeur du Gloriana, Phil Silvermain,
un vieillard enfermé dans un exosquelette de fer,
affichera son soutien au régime des Artnarchistes,
mais il maintiendra ses distances. Il veut certes du
changement, mais pas se mouiller. Son objectif
est de récupérer les privilèges des antiquaires.
Néanmoins, il n’hésitera pas à aider officieu-
sement quelques antiquaires afin de s’assurer
de leur soutien en cas de retour à la normale.
Silvermain est prêt à soutenir une révolution,
mais il demande une raison logique à cela.
Évoquer des raisons occultes comme l’influence
de l’écryme conduira à un rejet immédiat.
Azra, l’ambassadrice d’Istanie, est fascinée
par le mystère des Artnarchistes et sera prête à
offrir son réseau à qui le lui dévoilera. Elle refu-
sera totalement de s’allier avec le Lansk.
Les membres d’Itinérance couperont littéra-
lement les amarres avec Venice dès le début de
la révolution et ne prendront pas part au conflit.
Comme Méthalume (qui fait partie du Lansk),
l’empire lanskois choisira de résister aux révolu-
tionnaires pour maintenir un semblant d’ordre
dans la cité. L’ambassade, un palais de marbre,
sera assiégée par les troupes des Artnarchistes et
lentement affamée. L’ambassadeur restera fier,
mais désespèrera de trouver des alliés puisque ses
contacts avec l’extérieur seront coupés. Contacté
par les personnages, il négociera férocement son
alliance pour la forme, mais capitulera aisément.
La Nordanie et ses mercenaires accepteront
uniquement d’aider les révolutionnaires ou les
contre-révolutionnaires à protéger les œuvres
d’art des déprédations. Pour la première fois dans
l’histoire de la Toile, les Nordaniens refuseront
des contrats bellicistes. Ils feront même alliance
avec les Provinces rhodésiennes, alliance aussi
inattendue qu’extraordinaire, pour refuser de
prendre part au conflit. Les ressortissants de
ces deux pays se transformeront en gardiens de
musée, accueillant dans leurs ambassades des
crépusculaires et des pièces rares et protégeant
de leur mieux les œuvres ne pouvant être dépla-
cées. Celles en leur possession seront rendues
après le conflit. En plus de l’extraordinaire publi-
cité générée à travers la Toile par leurs actions
désintéressées, la révolution permettra aux deux
nations de s’enrichir puisque les mercenaires
organiseront la fuite de milliers de Veniciens.
L’ambassade de Pentapolie fera de son mieux
pour soutenir le nouveau régime. L’ambassadeur
se rend compte que la Venice des Artnarchistes
ne peut s’en sortir seule. En l’y aidant, il assure
une conquête facile de la cité des doges. Obtenir
42
le soutien de l’ambassade pour s’opposer aux
Artnarchistes est quasi impossible, sauf si le régime
montre des signes de défaite imminente ou si les
personnages prouvent à l’ambassadeur l’impli-
cation d’un céphale (l’Enfant) dont le projet se
résume à la destruction de Venice. Il négociera
âprement les avantages futurs de son empire avec
Venice (notamment des prêts pour reconstruire).
Les quartiers artistiques
Avec le temps, la place des doges se fermera
au public. Les lois votées seront de plus en plus
aberrantes. Les simples touristes seront chassés et
les Artnarchistes transformeront le parlement en
véritable tribunal. Siégeant la nuit (sauf les nuits
sans lune), ils jugeront les responsables de crimes
contre la beauté (artistes jugés indignes, personnes
laides ou contre-révolutionnaires). Les peines rete-
nues sont plus cruelles et créatives les unes que les
autres. Conçu comme une tour de marbre et d’al-
bâtre, le parlement s’enorgueillissait d’une coupole
en verre peint que les Artnarchistes ont brisée afin
d’entrer par le faîte du bâtiment. Là, ils siègeront
comme des oiseaux sur des balcons semblables à
des perchoirs, sous la lumière lunaire.
Les quartiers artistiques seront animés en per-
manence de spectacles et d’expositions qui, avec
l’influence de l’Amertume, se transformeront en
concours, puis en joutes plus ou moins fairplay
et, enfin, en véritables lieux d’affrontement. Au
plus fort de la révolution, plusieurs centaines
de familles quitteront les lieux, laissant les plus
démunis se terrer terrifiés, ne sortant que pour
se nourrir, craignant d’être pris à partie dans l’af-
frontement de deux artistes ou d’être incorporés
de force à une œuvre. La peur régnera, pas celle
des Artnarchistes (quoique), mais surtout celle des
artistes terroristes qui supposément dégraderaient
certaines œuvres, voleraient des biens, etc. De
jours, les veniciens découvriront de vastes efforts
déployés durant les nuits pas les Artnarchistes pour
empêcher le vandalisme d’antiquaires vengeurs. Les
palais des doges prendront des allures de places
fortes de l’artistocratie démente. Sous l’influence
de l’Amertume, les révolutionnaires mettront à sac
les lieux et y installeront leurs ateliers. La plupart
passeront autant de temps à saboter les créations
de leurs rivaux qu’à en créer. De véritables escar-
mouches seront à déplorer quand il s’agira de
s’emparer d’un bloc de marbre pour sculpter ou
d’une voix spéciale pour chanter une aria.
Certains insurgés tenteront de piller la biblio-
thèque d’Agrégante qui aura été épargnée par
les Artnarchistes. Ils seront repoussés par les
bibliothécaires arpenthes qui les acculeront dans
les profondeurs de la bâtisse où ils mourront de
faim. Le lieu abritera des réfugiés que le pouvoir
redoutera de poursuivre.
Le palais de la Lettre sera envahi d’écrivains
de talent capables de manipuler les mots jusqu’à
leur faire perdre tout sens. Certains s’amuseront
à inventer de nouveaux langages, plus agréables
à l’oreille, ou à dépouiller les mots de leurs sens
dans des juxtapositions aberrantes. Le palais
finira par devenir le centre de la propagande des
Artnarchistes, puisqu’ils y écriront leurs discours
et édicteront leurs lois. Dans ses sous-sols, les
opposants seront accrochés à de lourdes chaines
de métal suspendues au-dessus de l’écryme en
attendant leur sentence. Chaque chaine sera gra-
vée de textes afin que le prisonnier se cultive…
Au sein du conservatoire de l’Aquilone, les
Artnarchistes permettront le développement de
nouvelles sonorités qui attireront de nombreux
artistes, en particulier ceux rejetés par la Note.
Les artistes n’ayant pas réussi à percer y joueront
alors leurs créations dans l’espoir d’être repé-
rés. La cacophonie ambiante imposera alors
d’adopter le langage de contremimes ponctué
par quelques mots se calant dans le rythme du
chaos ambiant.
En temps normal, les galeries des Lazzis sont
particulièrement sales. En effet, privées d’accès
à l’écryme, elles ne disposent d’aucun moyen
pour se débarrasser des ordures. La révolution
améliorera paradoxalement ce quartier puisque
les déchets y deviendront moins présents. En
outre les trompes l’œil ne seront plus aussi bien
entretenues, permettant aux visiteurs d’avoir de
meilleurs repères.
Les Artnarchistes interdiront tout spectateur
dans le palais des 107 théâtres. Au paroxysme
de la révolution, les visiteurs se verront confier
un masque et une plaque de cire sur laquelle est
inscrit le rôle qu’ils devront jouer. Toutes leurs
actions et interactions au sein du palais devront
se conformer à ce rôle sous peine d’attirer l’atten-
tion des agents des Artnarchistes. Il sera interdit
d’enlever son masque. Le perdre, parler hors rôle
ou agir sans cohérence par rapport à la pièce
entraînera un emprisonnement en vue d’un juge-
ment par les Artnarchistes. La pièce comme les
rôles changeront à chaque visite. Il pourra s’agir
d’une tragédie familiale ou d’un vaudeville.
Le quartier des antiquaires
Bien évidemment, ce quartier sera le lieu le plus
affecté par la révolution. Les réseaux antiquaires
se seront retranchés toujours plus profondément
dans les bas-fonds, protégés par des arlequins
encore plus débraillés qu’à l’accoutumée. Les
membres de la Loge seront prêts à tout pour bri-
ser le pouvoir des Artnarchistes et n’attendront
qu’une contrepartie : une fois la révolution avor-
tée, le commerce reprendra comme avant.
Le feu dévastera une grande partie du Saint-
Office, laissant des murs noircis et des planchers
instables. Pour se déplacer dans les étages, il
faudra s’aventurer sur les poutrelles grinçantes.
De nombreuses pièces existeront encore, dont
plusieurs réserves et archives de la cité, mais l’ac-
cès en sera plus que périlleux.
Des trois tours d’adjudication, seules deux res-
teront debout. En effet, après une nuit de combat,
l’une des trois tours sera brûlée et s’effondrera,
provoquant l’horreur de l’ensemble des Veniciens
qui verront alors perdues les œuvres contenues
dans la tour. Les passerelles qui les relient seront
ornées des corps mutilés d’antiquaires pendus
là pour glorifier les arts libres. Pourtant, les anti-
quaires n’oublieront pas leur ancien siège. Ils se
retrouveront discrètement dans les hauteurs, à
intervalles réguliers, pour fomenter leur retour.
Gare à qui ne connaîtrait pas les mots de passe :
la paranoïa règnera.
Les autres quartiers
Déclarés vitaux par la propagande artnarchiste,
les konzerns en charge de la manufacture des
disques auront échappé à la purge, même si des
révolutionnaires s’installeront dans les apparte-
ments des nobles marchands afin de les surveiller.
Les chambres d’enregistrement du quartier des
phonoéditeurs seront sous la coupelle des grands
artistes qui enregistreront à tour de rôle chants
et pièces vantant une société venicienne éclairée.
Les nobles marchands, quant à eux, feront forti-
fier leurs tours et conserveront la mainmise sur
leurs manufactures. Ils n’hésiteront d’ailleurs pas
à se rapprocher des syndicats ouvriers pour garder
leur loyauté durant les troubles. Pour les habitants,
les quartiers phonoéditeurs seront un havre de
stabilité dans la Venice révolutionnaire.
Les quartiers miniers, bien qu’ils accueillent
les mines où se terre l’Enfant, seront presque
totalement épargnés par la révolution.
43
 DRAMATIS PERSONAE
Les doges
C Michel Barbier, doge du Glyphe c
Histoire : De manière générale, les doges
poussent leurs talents et compétences artistiques
si loin qu’ils flirtent avec la céphalie. Dans le cas
de Michel Barbier, c’est l’effet inverse qui s’est pro-
duit. En effet, Michel était un artiste talentueux,
mais ses dons artistiques ont été décuplés suite à
plusieurs tatouages qui lui ont été faits sur le dos.
Plans et secrets : Les tatouages de Michel
Barbier sont l’expérience d’un apprenti pope noir
qui cherche à devenir immortel en transformant
son esprit en encre sous la peau. Il pourrait alors
corrompre la conscience de son porteur. Quand
ce dernier deviendrait trop vieux, il s’arrangerait
pour être prélevé et tatoué ailleurs… Toujours
est-il que Michel porte sur lui ces marques qui
sont autant d’anences. Ces dernières agissent sur
son inconscient et accroissent son inspiration et sa
capacité à provoquer des émotions. Mieux encore,
Michel est relié aux œuvres qu’il crée ; les sculp-
tures qu’il laisse dans la cité, les peintures sur les
murs, les textes qu’il graffe changent et reflètent
son état. Ainsi, un observateur peut voir et inter-
préter différemment les textes ou les illustrations
selon les jours et en particulier selon l’humeur du
doge. Inversement, les modifications apportées à
ses œuvres par des tiers ainsi que les émotions des
spectateurs peuvent influer sur son moral, faisant
de Michel Barbier tour à tour un sympathisant des
Artnarchistes ou un adversaire. La compréhension
de son importance par l’Enfant ou les personnages
joueurs peut constituer une épreuve majeure dans
la résistance.
44
C Robert Cerfontaine, doge du Masque c
Histoire : L’enfance de Robert Cerfontaine se
perd totalement dans les brumes du mythe. Acteur
talentueux, l’homme a tant inventé et réinventé sa
vie avec le plus grand sérieux qu’il s’est lui-même
perdu dans ses différents rôles, comiques aussi
bien que tragiques. S’il est difficile (y compris
pour lui-même) de distinguer la réalité de la
fiction, le doge conserve toutefois une constante
dans chacun de ses personnages : son amour de la
cité et des arts sous toutes leurs formes ainsi qu’un
immense don artistique pour rendre les scènes
plus vivantes les unes que les autres.
Plans et secrets : Robert Cerfontaine a agrégé
autour de lui de très nombreux acteurs fidèles à sa
cause et plus encore à Venice. Il est parvenu avec le
temps à former les prémisses d’une unité d’espion-
nage qui commence à se répandre à travers toute
la Toile. À Venice même, ses soupçons et ses décou-
vertes autour des troubles initiés par l’Enfant vont
le conduire à mettre en scène sa propre mort afin
de forcer ses adversaires à se dévoiler. Se faisant, il
va malheureusement provoquer la révolution des
Artnarchistes (cette intrigue est décrite ultérieure-
ment dans Mort d’un doge, p. 75)…

C Florian Michelet, doge de la Lettre c
L’actuel doge de la Lettre peut se révéler à la
fois un allié comme un adversaire potentiel.
Histoire : Comme l’ensemble des doges de la
Lettre, Florian Michelet est un auteur talentueux,
mais il vit dans l’ombre de Phaléo. Dans l’esprit des
Veniciens, ce dernier reste non seulement le plus
brillant des auteurs et surtout l’artiste et l’homme
politique le plus accompli. Cette frustration n’est
pourtant rien en comparaison des efforts qu’il
fournit pour se réinventer et renouveler son style
dans d’autres types de récits. En effet, malgré son
travail acharné, ses seules œuvres à avoir réelle-
ment percé sont des essais philosophiques. Les
disques de comédie, de tragédie, les romances et
les histoires fantastiques qu’il s’échine à produire
(sous des pseudonymes) n’ont jamais connu qu’un
succès d’estime. L’incompréhension et la colère
qu’il ressent face à ce qu’il estime être une injus-
tice artistique vont permettre à l’Enfant d’inciter
le doge de la Lettre à regarder favorablement
l’avènement des Artnarchistes... La violence de la
révolution va toutefois le faire hésiter.
Plans et secrets : La frustration du doge l’a
entraîné aux limites de la folie et de la céphalie.
Après l’avènement des Artnarchistes, sa volonté
rageuse de plaire va donner vie aux personnages
qui peuplent ses récits. Sa raison vacille et les frag-
ments de son esprit prennent la forme de ses cinq
personnages favoris. Sa disparition va plonger sa
Loge dans le désarroi, mais il n’est pas pour autant
perdu. Apporter une forme de reconnaissance à
ses cinq personnages et les réunir permettrait au
doge de redevenir lui-même et de se ranger du
côté des contre-révolutionnaires. Sans cela, ses
avatars seront gagnés un par un à l’Amertume.
Quelques œuvres : L’Apogée et chute des sociétés de
la Toile est son œuvre majeure, où il développe la
thèse selon laquelle toute société échappe progres-
sivement à ses origines barbares tout en conservant
la nostalgie des luttes passées et l’excitation qu’elles
provoquent. De l’assassinat comme l’un des beaux-arts
est une ode aux esthètes-assassins de Nordanie, à
la fascination qu’ils ont pour l’art et à la manière
qu’ils ont de le retranscrire dans leurs missions.
Avatars du doge : Main-verte est une jeune caïd
de la ghilde des tire-laine. Elle apparaît dans le
conte Des pièces pour Nina d’où elle tire son sur-
nom de sa passion pour les plantes. Incarnant
l’esprit libre du doge, elle traîne souvent dans le
quartier des imprimeurs. Quenotte est un ancien
dentiste devenu icarien par passion. Ce rêveur est
décrit dans la nouvelle De l’air frais. Représentant
les aspirations élevées du doge, il voltige sans
discontinuer dans le quartier des phonoéditeurs.
Cherubino von Stade est un révolutionnaire exalté
que la haine de l’injustice conduit souvent à l’ex-
cès. Dépeint dans la satire Pour qui sonne le glas, il
personnifie les frustrations et l’intransigeance du
doge. On le trouve dans le quartier de la Lettre.
Mademoiselle de Cirse est jeune et ambitieuse
actrice qui rêve de s’élever vers le firmament. Ses
tribulations sont narrées dans Crime au théâtre.
Incarnant les ambitions artistiques et la soif de
revanche du doge, elle traîne dans le quartier du
Masque. Charles de Portalès est un avocat-duel-
liste qui est la coqueluche du barreau venicien.
Doué pour l’épée et pour le verbe, il apparaît dans
le drame Pavés souillés. Il représente l’importance
(voir l’amour) que le doge porte au langage. On le
trouve dans le quartier des antiquaires.
Les localiser : Si les personnages sont déjà
devenus céphales, ils remarqueront d’étranges
filaments émotionnels liés à l’art qui présentent
des différences, mais de nombreuses similitudes.
Tous conduisent aux avatars. Sans cela, le doge
possède une riche collection de disques (son
abondante correspondance) et il présente à plu-
sieurs reprises ces cinq personnages comme ses
plus belles créations. Quant aux avatars du doge,
ils font parler d’eux dans leur quartier en rai-
son de leurs compétences, de leur aura, etc. Les
personnages finiront par en entendre parler et
souhaiteront peut-être les rallier à la résistance.
45

C Anna Luise Lombardi, doge de la Note c
Histoire : Fille d’un compositeur et violoniste
à la renommée intercitadine, Anna Luise est une
enfant prodige capable de jouer les plus grands
répertoires sur n’importe quel instrument dès
l’âge de cinq ans. S’il en tire parti, le père est
rapidement éclipsé par les dons extraordinaires
de sa fille et finit par nourrir de la rancœur à son
égard. Cela ne l’empêche nullement d’entamer
une mémorable tournée de six années à travers
la Toile. Ses œuvres éclipsent pour un temps les
plus célèbres partitions veniciennes et mettent à
mal la puissance du doge de la Note de l’époque.
De Londres à Moscou, les konzerns tentent de
s’approprier son talent. Des milliers de disques
sont vendus simplement parce qu’ils auraient été
prétendument composés par elle.
Son appétence naturelle pour la musique n’ex-
plique pas tout. Personne plus qu’Anna Louise
ne s’acharne autant à étudier l’art de composer
et les œuvres des maîtres. Revenue à Venice, elle y
séjourne neuf ans, ne s’absentant que pour aller à
Prague puis au Lansk pour répondre à une invita-
tion du Tsar. Les artistocrates veniciens jalousent
son talent, mais plus encore le droit de partager ses
œuvres qui agissent rapidement comme une drogue
sur eux. Ils voient d’un mauvais œil ses déplace-
ments continuels et ne manquent pas une occasion
de lui rappeler qu’elle appartient à la cité. Ses frais
de déplacement sont coupés, l’obligeant à parcourir
la Toile dans le plus grand dénuement. Ses proches,
46
et en particulier son père, meurent misérablement
et sont jetés, dans une fosse commune remplie
d’écryme. Certains biographes voient un tournant
dans ses productions de cette période. Insensible
en apparence, Anna Luise s’isole en réalité pour
composer son grand œuvre : un opéra de vingt-
quatre heures intitulé Le Couronnement des émotions.
De nombreuses légendes entourent le concert de
présentation. Les auditeurs se seraient percé les
tympans, d’autres auraient perdu la raison, certains
se seraient jetés dans l’écryme…
Depuis, Anna Luise ne compose plus. Elle
conseille, corrige, commente les œuvres de ses
confrères et est, à ce titre, devenue doge. Cette dis-
tinction ne lui avait jamais été attribuée, non pour
des raisons politiques ou de talent, mais simplement
à cause de son refus de participer au Festival.
Plans et secrets : Anna Luise Lombardi est
sans aucun doute la plus douée des musiciennes
et des compositrices que la Toile ait jamais
connue, mais son génie l’éloigne du commun
des mortels. Son passé torturé aurait pu la jeter
dans les bras de l’Amertume, mais c’est bien son
amour de la musique qui l’a corrompue. Avant
même de rencontrer l’Enfant, Anna Luise avait
créé la ghilde des assonants, cherchant à briser le
rythme des compositions, à jouer avec le silence et
l’anarchie du bruit. Les dissonants (membres de la
ghilde) ne connaissent pas leur dirigeante qu’ils
appellent Anatone. Ces derniers sont toutefois fort
impliqués dans la révolution artnarchiste.
L’Enfant lui a permis de développer des dons
céphaliques à un niveau extraordinaire. En deve-
nant sa première nonce, la pièce maîtresse de son
plan, elle peut hypnotiser et créer le désordre
comme on joue d’un instrument. Toutefois, la
doge de la Note s’est rapidement lassée de la par-
tition que l’Enfant lui demande de jouer. Elle a
donc créé en secret une seconde ghilde, la sororité
de la cacophonie, composée de jeunes céphales
dont les buts sont proches des siens sans pour
autant dépendre de l’Enfant.
Enfin, les nuits précédant le soulèvement révo-
lutionnaire, l’écryme est agitée d’ondes inha-
bituelles, des quasi vagues qui convergent vers
Venice pour lécher les traverses. Plusieurs chas-
seurs tombent de leurs échasses. Ces ondulations
caustiques prennent des formes humanoïdes aux
visages haineux difficiles à distinguer : un nouvel
instrument pour la doge Lombardi.
Quelques œuvres : L’enlèvement du sérail ; La
Grand-Messe Lyrique ; Les noces veniciennes ; L’écryme à
son apogée ; Le déclin de la Toile ; Le requiem de l’inno-
cence ; Le Couronnement des émotions.
 Quelques seconds rôles
À l’instar des lieux, les personnages sont décrits
par ordre alphabétique et non par faction.
cAndrea-Maria c
Cette jeune femme a été formée par une branche
conjointe de la Lettre et du Glyphe. Cette sous-
Loge proposait de visiter la Toile et d’en ramener
des descriptifs et des cartes afin d’alimenter l’ins-
piration des artistes veniciens. Toutefois, aucun de
ces apprentis auteurs et cartographes n’a eu l’au-
dace de quitter la cité des doges. À défaut de deve-
nir de grands arpenteurs, ils se sont transformés
en grands conteurs, piochant dans l’imagination
et le panache ce qui leur manquait de courage.
En revanche, leur connaissance des quartiers de la
cité pourrait en faire des coursiers recherchés par
les révolutionnaires ou leurs opposants.
cCorinna Bianchic
Cette soprano ne sera peut-être jamais une
grande cantatrice, mais lorsqu’elle s’abandonne
à son plaisir, elle atteint des accents qui prennent
aux tripes. Son répertoire favori est celui du doge
Olzano, dont les notes s’accordent à merveille
à son ton... et à son don. Car Corinna est une
céphale encore débutante, de même qu’Olzano
à la fin de sa vie. Lorsqu’elle ne chante pas,
Corinna apprend à connaître son entourage. Par
l’entremise de ses mots, ses sens sont à l’affût des
étrangetés de ses interlocuteurs.
cLe père Biazzioc
Officiellement interdit par les Artnarchistes, le
culte de l’aragone continue son office en secret, mal-
gré la persécution. Le père Biazzio aide ses fidèles
en encourageant le partage des ressources. Figure
positive, même pour un aumônier, rendu truculent
par son léger accent monténégrin, le temps lui est
compté avant que les Art-bitres ne s’intéressent à lui.
Biazzio a également un secret : ancien terroriste, il a
fui Monténégro après un attentat spectaculaire qui
a coûté la vie à nombre d’innocents. Le remords
motive son comportement actuel.
cBrandoc
Personnage massif à l’expression sévère, l’homme
a fait ses premières armes en tant que forgeron
dans les Provinces rhodésiennes et son travail
a été reconnu par un membre du Glyphe. Ayant
accepté de le suivre, Brando a appris à travailler des
métaux particuliers (des anences) et ses pièces sont
reconnues comme des objets de maître. L’expertise
de Brando se développe toutefois bien au-delà du
simple art de la forge. L’homme martèle comme un
possédé, envouté par le bruit des marteaux et du
métal, jusqu’à être reconnu parmi les artistocrates
de la Note. Brando est à l’origine d’un nouvel art,
celui de la frappe cadencée. Considéré par beaucoup
comme un génie, il est souvent cité en exemple lors
de l’avènement des Artnarchistes, bien qu’il ne s’en-
gage pas à leurs côtés et pour cause. Brando est un
traditionaliste appréciant plus que tout la stabilité.
cCelsoc
Ce metteur en scène annonce sans arrêt que
son prochain spectacle sera son meilleur. Cela se
pourrait, car c’est un auteur talentueux, mais il est
piètre gestionnaire. Il dépense sans compter pour
les décors, les costumes ou les effets spéciaux,
jusqu’à s’endetter et laisser des cachets misérables
à ses acteurs. Par conséquent, il n’a jamais percé au
sein du Masque. Celso est un homme bon, un pas-
sionné en quête de l’œuvre d’art totale. Comme
de nombreux Veniciens, il déplore la mainmise
des antiquaires concernant les fonds et le mécénat.
Même s’il abhorre la violence, il jette un regard
plutôt bienveillant sur les Artnarchistes.
cMassimo Costac
Massimo devait devenir le prochain prodige de
la Note à cause d’un solfège inculqué avec force
brimades dès son plus jeune âge. Si son éducation
a fait de lui un compositeur remarqué, extrême-
ment rigoureux, c’est surtout un homme que tout
contact répugne. Humainement peu apprécié, il
fait figure d’asocial, voire de sociopathe. Sortant
rarement de sa demeure, il vivait grâce aux
dons d’un antiquaire qui avait non seulement su
reconnaitre son génie, mais qui avait aussi appris
à respecter son besoin d’isolement. La révolution
l’a privé de tout moyen de subsistance et l’a obligé
à réaliser ce qui le répugnait le plus : côtoyer
d’autres personnes pour retrouver rapidement
un nouveau mécène, de quelque bord qu’il fût.
cElvire Dello Iavococ
En tant que fille d’artistocrates de la Lettre, elle
a grandi au milieu de peintres, poètes, musiciens,
sculpteurs, et une foule de parasites qu’elle ne
47
 connaissait qu’à peine. Très tôt, elle a appris les
belles lettres et la philosophie. Elle a également
étudié avec assiduité l’histoire de l’art et s’est
essayée à la peinture. Si les bonnes manières lui
ont été enseignées, il n’en est rien de l’économie
et encore moins de la politique. Si bien que quand
elle a rencontré l’apprenti antiquaire Demetrio,
elle a découvert un nouveau monde de possibili-
tés, mais surtout l’amour. Demetrio est l’un des
premiers antiquaires à avoir subi la colère des
Artnarchistes, laissant une Elvire totalement
dévastée et rongée par les envies de vengeance.
cIsabelle Dorac
Cette peintre est une escroc dénuée de talent, la
plupart des œuvres qu’elle revend ne sont pas d’elle.
Elle profite de la révolution pour s’approprier des
tableaux. Quand elle estimera que la situation
deviendra un peu trop tendue, il ira voir ailleurs,
mais pour l’instant elle tire parti de la situation.
cEliseoc
Archétype même de l’artiste affranchi de
toute morale, il est encouragé en cela par les
Artnarchistes. En lui cohabitent deux personna-
lités presque opposées. La première, précédant
la révolution, est un membre du Glyphe sans réel
talent et sans inspiration. La seconde se révèle
avec les troubles. Elle s’affirme en tant que sculp-
teur cadavérique, trouvant son inspiration dans
la mort de ses victimes. Il peint avec du sang,
façonne les corps démembrés, imagine des mises
en scène macabres. Que ses œuvres soient appré-
ciées ou pas, il se sent totalement libre.
48
cPalata Fendavic
Cette jeune mère célibataire cherche à per-
cer dans l’industrie du disque. Elle fait le pied
de grue dans les couloirs et les salles d’attente
en espérant l’audition qui la distinguera. Pour
réussir, elle est prête à s’acoquiner avec les Art-
bitres ou leurs ennemis contre-révolutionnaires.
Au cours de ses heures d’attente, elle s’est fait
de nombreux contacts des deux côtés et est au
courant de bien des rumeurs. Si les personnages
lui donnent l’impression d’avoir quelque chose
à cacher ou semblent avoir des contacts avec des
gens haut placés, elle est prête à marchander ses
informations avec eux ou à les faire chanter.
cMarcello Filibertoc
En dansant, il/elle (car Marcello est né Marcia)
est capable de concevoir et de réaliser des spec-
tacles étonnants en jouant avec les ombres. Bien
que l’homosexualité soit parfaitement admise sur
la Toile, et plus encore à Venice, le travestissement
met encore parfois mal à l’aise. Marcello apprécie
mal d’être souvent pris pour une femme et sup-
pose (à juste titre) que le malaise qu’il provoque
lui a valu une place au sein de l’artistocratie. Cette
aigreur le rend dans un premier temps plus sus-
ceptible de s’allier aux Artnarchistes et lui accor-
dera même une place après le Festival. Il reviendra
rapidement sur ses choix politiques une fois la
prise de pouvoir des Artnarchistes officialisée.
cFilippoc
Enfant d’une famille nombreuse, il a perdu ses
parents très tôt et est devenu le souffre-douleur de
ses six frères et sœurs. Il a donc fui ce qui lui restait
de famille pour prendre les traverses. À force de ren-
contres et de voyages, il est parvenu à se construire
un réseau de clients et de distributeurs à l’échelle
de la Toile... Son petit empire se situe tout naturelle-
ment en son centre : Venice. Même s’il vend de tout,
sa marchandise comporte de nombreuses œuvres
d’art, ce qui lui a permis d’intégrer les antiquaires.
Toutefois, endurci par une adolescence solitaire et
difficile, il ne fait confiance à personne et ne s’in-
tègre pas bien à la Loge, si bien qu’il est rapidement
devenu un traître à la solde de l’Enfant.
cMama Fragezzac
Elle fait partie des bonnes âmes qui, même
dans des heures sombres, se dévouent à leur pro-
chain. Proche du père Biazzio, elle organise une
cantine et distribue chaque soir une soupe faite
avec des produits donnés par les syndics de son
quartier. Tout le monde est bienvenu. La Mama
est populaire et a tellement d’enfants, de petits
enfants, de neveux dans toutes les couches de la
société que personne n’a jusqu’ici osé s’attaquer
à elle ou à son sanctuaire.
cGilles Garciac
Il a passé sa vie au service de sa nation comme
greffier de la Préfecture. Fonctionnaire sans
envergure, il a vécu de nombreuses années avec
la peinture pour seule passion. Non pas comme
praticien, mais comme contemplateur. L’homme
achète compulsivement n’importe quelle œuvre
d’art à sa portée (financière) dans l’espoir que la
mode change et qu’il puisse en tirer fortune. La
révolution des Artnarchistes a réalisé son rêve et
plusieurs de ses possessions se sont revendues rubis
sur l’ongle. Il est désormais à l’abri du besoin pour
plusieurs vies, mais garde de la rancœur contre
les personnes qui remettaient ses goûts en cause.
cValério Giamazzoc
En plus de ses activités picturales, ce portraitiste
se voyait régulièrement confier le soin d’organiser
les fêtes des artistocrates qu’il peignait. Que ce soit
pour les mariages, les commémorations, les tour-
nois, les cortèges ou les banquets... Il pouvait lais-
ser libre cours à son imagination délirante pour
inventer costumes, mises en scène et artifices qui
lui ont rapidement valu une réputation dépassant
celle de ses portraits. Valério a néanmoins radica-
lement changé depuis sa rencontre avec l’Enfant.
De festif, il est devenu calme et renfermé. Il met
désormais l’ensemble de son savoir-faire pour
mettre en valeur les actions des Artnarchistes.
cArniello Di Giacomoc
Troisième fils d’une famille d’artistocrate, il est
jeune, dynamique, intelligent, mais totalement
dépourvu de sens artistique. C’est néanmoins
un arriviste qui n’a qu’un seul but : devenir un
écrivain reconnu, un digne descendant de ses
parents. Arniello est parvenu à faire illusion à
force de travail, en plagiant des œuvres, mais aussi
et surtout grâce aux contacts tissés par sa famille.
Il est un fervent partisan des Artnarchistes,
jugeant que leur mouvement est un moyen sûr
de parvenir à ses fins.
cRaphaëlle Grecoc
Raphaëlle passe le plus clair de son temps
en consultation avec ses associés ou à conce-
voir de nouvelles entreprises commerciales.
Marchande expérimentée, c’est une experte en
intrigues. Qu’elle ait survécu aussi longtemps
à la concurrence des nobles marchands et des
antiquaires atteste de ses compétences et de son
intelligence. La collecte de renseignements sur
ses rivaux occupe le plus clair de son temps, si
bien qu’elle se néglige elle-même. Elle entretient
des relations plus ou moins sporadiques avec sa
garde du corps et quelques artistocrates (des
deux sexes). Raphaëlle n’a pas hésité à vendre de
précieuses informations sur ses concurrents aux
Artnarchistes afin de remporter des marchés ou
discréditer des rivaux. Elle a conscience d’avoir
mal agi et comprend que son changement de
camp puisse la desservir à long terme.
cKoroshkac
Formé à Prague, Koroshka s’établit à Vienne où
il fréquente les milieux artistiques d’avant-garde,
réunis autour de la plaque Der Strum. À 22 ans, il
déménage à Venice et publie son premier roman,
suivi de quelques poèmes et drames. La cohérence
de l’univers qu’il développe le rend particulière-
ment populaire et lui permet de rejoindre la Lettre.
Pendant de longues années, ses lecteurs ont cru
qu’il cherche une continuité alors que selon ses
propres mots, il se contente de décrire le monde tel
qu’il le perçoit. La révolution ne l’intéresse guère et
il se tient autant que possible éloigné des troubles.
cImelda Lasagrelac
Elle s’est installée dans l’un des étages du palais
de la Note où ses élèves et lui construisent des
harpes éoliennes. Elles canalisent le vent glacé
dans les couloirs et font vibrer des fibres de métal
pour produire des sons étranges qui font naître
diverses émotions chez ceux qui les entendent.
Ce succès lui vaut une grande jalousie des autres
musiciens du palais qui estiment qu’elle contamine
leurs créations. Certains la prétendent espionne,
transmettant des messages à l’aide du vent.
Plusieurs personnes ont déjà été trouvées dans
ses locaux, cherchant à saboter son projet.
49
 cCesare Malnerac
C’est un Art-bitre. Voleur, assassin, violeur, il
a été interné à l’asile humaniste pour avoir tué
un notable. Après cinq années de traitement, il
arbore désormais un rictus figé qui ne quitte pas
son visage. Cesare se bat à la rapière, mais a éga-
lement dressé un essaim de rats qui obéissent à
ses sifflements. L’homme ne parle plus, il chante
et siffle uniquement.
cLucrezio Morettic
Il jouit d’une réputation considérable au sein
des artistocrates de la Lettre. Auteur de plusieurs
nouvelles horrifiques à succès, il cherche à dicter
des œuvres plus longues, considérées par ses pairs
comme plus littéraires. Il développe donc un véri-
table culte à des dieux endormis dans l’écryme
et dont le réveil sonnerait la fin de l’humanité.
Un antiquaire finance ses moindres dépenses
en échange de la certitude que le travail avance.
Lucrezio a ainsi décroché l’énorme commande
dont ils rêvaient, une œuvre unique qui saurait
assurer son confort des années durant… Plus
qu’une relation commerciale, c’est une relation
de confiance, qui s’est créée entre lui et son
mécène. La révolte des Artnarchistes risque de
laisser l’auteur seul avec des milliers de plaques
de cire gravées et numérotées, sans espoir de les
voir un jour diffusées sur disque.
cPascalec
Cet acrobate est chargé de l’entretien du pla-
fond du conservatoire de l’Aquilone. Comme
ses semblables, il a juré de ne jamais poser un
pied sur le sol. Il vit dans les cordages et les nids
au-dessus du vide. De son perchoir, il voit ce qui
se passe en dessous et utilise des lentilles pour
observer la place des doges. Pascale cherche une
femme prête à le rejoindre dans les airs. Il a vu
Pavarella et sera prêt à aider les personnages (s’il
a eu le loisir de les observer) s’ils lui permettent
de la rencontrer. Attention, nuire à Pascale c’est
voir une douzaine d’acrobates voler à son secours,
lames à la main, des quatre coins du bâtiment.
cPavarellac
Officiellement sculptrice dans les galeries des
Lazzis, c’est en réalité une cambrioleuse qui visite
les palais endormis à la recherche d’objets inté-
ressants à voler et qu’elle revend ensuite sous son
50
propre nom. Son mari antiquaire a été tué par
les Artnarchistes de cruelle manière : recouvert
de métal fondu. Il trône dans sa cave pour lui
rappeler sans cesse qu’elle a promis de le venger.
cBiagio Pietroc
Issu d’une famille modeste, il est entré à l’école
des Arts appliqués à l’âge de huit ans. Sept ans
plus tard, il a ouvert un atelier de décoration avec
son frère et s’est détaché peu à peu de l’acadé-
misme, sous l’influence de ses amis. À vingt-deux
ans, il a décoré les escaliers du palais du doge de la
Note. Grâce au succès remporté par ses fresques,
il a reçu une commande pour décorer des facul-
tés de Vienne. Ses peintures allégoriques de la
Philosophie, la Médecine et la Jurisprudence ont été
achevées après dix années. La Philosophie a scan-
dalisé la bonne société, pour qui la fresque était
un outrage aux bonnes mœurs. Quatre-vingt-
sept professeurs ont protesté et le ministère de
l’éducation a dû défendre le projet. Son œuvre a
finalement été détruite, l’obligeant à fuir Vienne.
Son retour à Venice s’est fait en fanfare, avec une
énorme exposition... Par son côté iconoclaste et
son ralliement aux Artnarchistes, beaucoup le
voient dorénavant comme leur porte-parole.
cPulvèrec
Cet ancien violoncelliste a échoué l’admission au
conservatoire de l’Aquilone pour une fausse note.
Exilé à Arpège, il a ensuite perdu trois doigts de
sa main droite dans les mâchoires d’un singe sur-
plombant un orgue de barbarie. Revenu à Venice
comme franc-mendiant, il peut guider les person-
nages dans le chaos des ruelles s’ils consentent à
l’écouter chanter (mal) ses œuvres. Gare à ceux
qui se montreraient moqueurs ! Pulvère les gui-
dera tout droit dans un traquenard.
cMadeleine Romanoc
Madeleine se décrit elle-même comme une
sorcière du Glyphe. Elle vend diverses amulettes,
talismans, broches et autres babioles, des simples
charmes jusqu’à de puissants artefacts. Ses prix
dépendent de la puissance de l’objet et de l’argent
dont le crédule dispose. Pour les moins dupes, c’est
une habile artiste capable de façonner de magni-
fiques bijoux à partir d’objets de récupération. La
réalité se situe entre les deux extrêmes : Madeleine
est particulièrement sensible aux émotions conte-
nues par Venice. Les objets qu’elle appelle charmes
sont en quelque sorte des anences éphémères.
En termes de jeu, elle dispose de 2 points en Entéléchie
et en Scorie. Si les personnages joueurs ne sont pas
initiés au système de céphalie, mieux vaut réserver ces
révélations pour plus tard et simplement lui accorder le
Trait « sensible aux émotions +2 » et un Trait de +1 ne
pouvant servir qu’une unique fois au charme.
cCristiano Rossic
Il s’agit du grand maître des esthètes renaissants, un
groupe d’une vingtaine de personnes s’étant fixé la
mission de promouvoir l’art antérieur aux guerres
d’Acrymonie. Comme beaucoup de Veniciens, il
a vécu comme un traumatisme les dégradations
et les pertes artistiques causées par l’occupation.
Son mouvement considère que des œuvres ont été
perdues et que la manière de faire de l’art a été per-
vertie. Ainsi, bien que très proches des antiquaires,
car collectionneurs et amateurs d’art, ils seront de
fervents partisans des Artnarchistes… jusqu’à ce
qu’ils se rendent compte des déprédations que la
révolution artistique va engendrer.
cLuna Ruggeroc
C’est une céphale ayant hérité d’un petit
théâtre. Un lieu sans prétention que les specta-
teurs évitent, sauf quand des prix bas incitent à
y venir. Après les trois coups, l’assistance rit de
bon cœur devant de mauvais vaudevilles. En réa-
lité, le théâtre est chargé de ressentiment. Les
spectateurs qui y viennent oublier leurs soucis
et les laissent dans le théâtre. Toutefois, la scène
commence à trop se charger de problèmes du
quotidien et ne fait plus aussi bien le travail. En
effet, les pièces déforment la réalité à mesure que
le nombre de représentations grandit. Luna verra
d’un bon œil l’avènement des Artnarchistes et
en profitera pour déverser les effluves d’aigreur
quotidienne accumulés au fil des ans.
cColumbina Salazi c
Il s’agit d’une actrice du Palais des 107 théâtres.
Jolie enfant, on lui a confié le rôle de vieille femme
aigrie chargée d’éconduire les visiteurs qu’elle doit
guider dans le palais. Son inclinaison est de les aider,
mais elle ne le peut pas sans briser la contrainte
de son rôle. Elle parle donc par négation : « Je ne
conseillerai pas d’assister à la pièce du treizième théâtre de
la troisième marche, Julietta Pernadacci le joua jadis avec
brio, ce serait gâché pour des ânes comme vous. »
cIgnigo Scarpulasic
C’est un peintre de renom. Grand, longiligne,
les mains toujours tachées de pigments, il traîne
avec lui un aréopage d’admirateurs qui l’écoutent
discourir de ses maîtres et de ses techniques. L’aide
des Artnarchistes a permis à Ignigo de s’installer
dans le palais d’un artistocrate de la Lettre. En
vérité, le « maître » n’a aucun talent. Ancien anti-
quaire, il a su utiliser son réseau pour se procurer
des œuvres qu’il présente comme siennes. Peu
de gens le suspectent, et moins encore peuvent le
prouver. Ignigo traitera par la dérision ceux qui
contesteraient son talent, mais, défié de livrer une
création publique, il sera prêt à de nombreuses
concessions, comme introduire les personnages
au Parlement ou de leur présenter ses obligés
parmi le réseau souterrain des antiquaires.
cSergioc
Cet ancien Arlequin a échappé aux persécu-
tions ayant frappé les siens. Dissimulé au sein des
bas-fonds, il souffre d’une plaie gangrenée à la
jambe. Il porte toujours son ancien manteau mul-
ticolore, mais son éclat a disparu sous la crasse.
Il pue les ordures et l’alcool. Aider cet homme
amer à retrouver un peu de dignité l’amènera à
aider la contre-révolution : il fournira à ses sau-
veurs de précieuses informations sur les mines et
le projet que l’Enfant veut y mener (il a entendu
ses agresseurs parler d’un « Carnaval à venir »).
Sergio connaît également beaucoup de choses
sur les défenses de la cité et a tout un réseau, qui
pourrait aider à la reprise de la cité.
cSignec
Acteur spécial, il a pris le parti de poursuivre
son rôle dans la vraie vie : celui d’un muet
solitaire qui ne s’exprime que par le biais d’un
langage manuel qui lui a valu son surnom. Signe
connaît de nombreuses manières de parler avec
les mains, mais invente la plupart du temps. La
situation commençait à le lasser avant de décou-
vrir le mouvement artnarchiste. Il a décidé de
patienter un peu afin que sa voix soit un atout
pour le camp qu’il choisira.
cMalcolm Stromenbergc
Autrefois colonel en charge de la sécurité,
Malcolm Stromenberg s’est arrogé le titre d’am-
bassadeur antipolien suite au déclenchement
de la révolution. Ce grand moustachu ne quitte
51
 jamais son uniforme et arpente jour et nuit
les couloirs de l’ambassade, haranguant ses
hommes, distribuant les blâmes et traquant des
espions réels ou imaginaires. S’il devait perdre le
contrôle de l’ambassade, il aurait à justifier l’em-
prisonnement de l’ambassadeur légitime et de
sa famille. C’est pour cela que, malgré ses dires,
aucun messager n’a été envoyé vers son pays.
cPaolo di Terentic
Officiellement tailleur de pierre, il travaille en
injectant de l’écryme dans des blocs de marbre et
en attendant que l’acide donne des formes à ses
œuvres de patience. Son art formant la plus basse
des castes des sculpteurs de la Loge du Glyphe,
cet homme d’âge mûr doit gérer plusieurs chan-
tiers de reconstruction de la ville afin de vivre
dignement. En secret, il est également maître
architec. S’étant tenu à l’écart de la révolution,
il étudie avec intérêt l’inf luence des change-
ments sur l’âme humaine, changements qu’il
tente de mesurer empiriquement en employant
un jargon architecturo-psychologique (« degré
d’inclinaison pneumatostèle », « gnomofaçade »,
etc.). Paolo a un réseau important qui pourrait
servir la cause aussi bien que la desservir. Il est
enfin un des seuls à avoir découvert l’influence
des gondoliers sur les canaux d’écryme, ce qui
l’inquiète.
cVc
Personne ne sait qui il est, mais ses ouvrages
font grand bruit. V écrit des romans particuliè-
rement salaces et est sans doute un ou une pion-
nier(ère) de la phonographie pornographique.
52
Les lectrices payées pour les enregistrements
ne sont jamais les mêmes et sont le plus souvent
inconnues de la Loge du Masque. Certains ima-
ginent V comme un quadragénaire au caractère
épouvantable, comme un ou une amante excep-
tionnelle séduisant un nouveau lecteur à chaque
nouveau disque ou comme une femme mutine
qui aurait mis en forme ses propres phantasmes.
La seule constante est l’élégance de son style
souvent plagié, mais jamais imité.
cEustachio Vengezzac
C’est un matamore qui recherche l’adulation et
la crainte. Il vit dans les ombres du palais des 107
théâtres. Il adore défier ses rivaux (réels ou ima-
ginaires) dans des duels à la rapière et au verbe.
Connaissant fort bien plusieurs Art-bitres (notam-
ment Cesare Malnera), il n’hésite pas à espionner
ceux qui le battent pour ensuite attirer sur eux les
foudres des agents de la Loge du Masque.
Eustachio cherchera à entrer dans la pièce que
joueront les personnages visitant le palais des 107
théâtres, se présentant comme un amant éconduit
ou un frère ennemi. Pour ne pas briser leur rôle, les
personnages devront s’adapter à ce nouveau venu
qui fera tout pour diriger la pièce vers un duel.
 LES SECRETS DE VENICE
La cité des doges recèle de nombreux secrets.
Le plus important (celui nécessaire à la com-
préhension du plan de l’Enfant) est que Venice
occupe une place centrale dans la Toile, aussi
bien géographiquement qu’émotionnellement.
Tout changement des courants émotionnels qui
s’y produit se répercute sur l’ensemble de l’uni-
vers. Quelques secrets plus précis vous sont don-
nés afin de développer la cité dans cette geste,
mais aussi vos futures parties. Ils sont décrits en
fonction des niveaux de jeu.
Niveau Écryme
Chacun des doges soupçonne l’un des autres
d’être le cinquième doge organisant cette mascarade
afin de saper son pouvoir. Les actions de cette émi-
nence grise sont parfaitement orchestrées, laissant
supposer qu’elle connaît les secrets de Venice.
L’incapacité chronique du préfet à l’arrêter est
également suspecte. Cette légende urbaine n’est
autre que Phaléo Vitali, l’ancien doge de la Lettre.
Auteur surdoué et autodidacte, il a non seulement
été le plus jeune artistocrate à devenir doge, mais
aussi le premier à être reconnu comme un esthète
sachant apprécier chaque art. Durant les guerres
d’Acrymonie, il est devenu le symbole de la résis-
tance contre le Lansk. À l’origine, Phaléo voulait
simplement agiter la cité afin que les artistocrates
se remettent en question. Son projet l’a dépassé et
il y a vu un moyen d’action à long terme.
Niveau Céphale
Phaléo est un céphale mais pas des plus puis-
sants (la découverte de ses dons est décrite dans
la ballade Sonate venicienne). Il s’est toujours plus
intéressé à ressentir les émotions qu’à les provo-
quer. Pourtant, son réseau d’espions lui a permis
de découvrir certains secrets liés aux anences.
Depuis son initiation, Phaléo rêve de transformer
Venice en anence géante, une sorte d’hymne
permanent aux émotions. Ce fantasme a pris
forme quand il a découvert que d’innombrables
anences et céphales étaient dissimulés au sein de
la population. Il forme donc les jeunes artistes
céphales et les encourage ensuite à léguer leurs
œuvres à la cité. Pour cela, il doit libérer la cité
des doges de ses carcans artistiques.
Phaléo ignore que Venice est neutre même du
point de vue occulte. Elle renferme la plus grande
concentration de céphales et d’anences de la Toile
(dont un grand nombre ont été abandonnées et
sont tombées en sommeil). Les premières furent
celles des quatre premiers popes noirs. Chacun
des quatre palais des doges accueille les artefacts
et les corps de ces puissants céphales. Elles se
nourrissent sans cesse des doges présents et les
influencent en retour, faisant perdurer le statu
quo céphalique depuis des générations. Cette
neutralité émotionnelle se retrouvait dans la sur-
vivance des modes artistiques… Insidieusement,
cet équilibre se fragilise, encourageant la Lettre
et le Masque à préférer des tragédies, la Note à
récompenser des requiems, le Glyphe à se concen-
trer sur des peintures sombres… Beaucoup de
Veniciens pensent que cette mode de la noirceur
provient des souvenirs difficiles de la guerre. Sous
l’impulsion de l’Enfant et de la doge de la Note,
l’équilibre va se rompre.
Malgré leur propension à générer des émo-
tions, très peu de céphales ont obtenu le titre
de doge. Phaléo n’est d’ailleurs devenu céphale
qu’après sa nomination. Cet événement fort
singulier s’explique par le fait que les céphales
préfèrent rester dans l’ombre. Ainsi, s’ils sont
quelques-uns parmi les artistocrates, rares sont
ceux qui osent présenter leurs œuvres occultes
de peur d’être victimes de représailles.
Niveau Bohème
Les événements décrits dans cette geste vont
entraîner le réveil des anences endormies, mais
surtout rompre la neutralité de Venice. En effet,
les popes noirs du Lansk et de l’Antipolie y ont
laissé prospérer des céphales durant de trop lon-
gues années, indulgence qui a failli leur coûter
cher. Ils vont donc détruire de nombreuses œuvres
qui libèreront une quantité d’émotions sans pré-
cédent. Il s’agira principalement d’émotions liées
à la mélancolie et aux désirs inassouvis qui étaient
magnifiés par des générations de céphales.
Cette activité occulte inaccoutumée va encou-
rager les céphales arpenthes de toute l’Arantèle à
transformer Venice plus activement. Qu’ils aient
été conscients ou pas de sa place dans le schéma
des écoulements émotionnels, les arpenthes vou-
53
 laient donner à Venice un souffle. Ils chercheront
à structurer les émotions et les arts. Ils veulent
ainsi donner un sens à la cité et élever l’esprit
des hommes de toute la Toile vers un même but.
Les deux camps se disputent les faveurs du cin-
quième doge afin d’en faire un allié. Toutefois,
ce dernier ayant pris conscience de leur lutte
occulte voit d’un très mauvais œil les dommages
collatéraux produits et s’oppose aux deux mouve-
ments. De manière similaire (mais souvent moins
complexe), de nombreux céphales se joignent à
la lutte des uns et des autres.
Niveau Amertume
Ces affrontements ne bénéficient qu’à l’Amer-
tume. Jusqu’au système artistique, aussi élaboré
soit-il, qui dissimule ses actions. La mise en concur-
rence perpétuelle, la surabondance et la complexi-
fication des règlements, tout ça ne sert qu’à brider
l’imagination des Veniciens… pour générer de la
frustration. Même les plans de l’Enfant serviront
son dessein. L’Amertume se sert de Venice pour
archiver son essence méphitique dans la Toile.
Les arpenthes et de nombreux céphales sont ses
jouets. Ils pensent donner un souffle à la jonction
en y cumulant des anences, mais ils n’apportent
que des bohèmes destinées à être corrompues. Les
événements vont précipiter cette tendance.
Avec le temps, la cité des doges deviendra un
véritable exutoire pour l’entité qui y implantera
toujours un peu plus son mal-être. L’existence
même de l’Amertume est un supplice pour elle.
De par sa nature, elle est vouée à grandir, mais
ses suppôts ne peuvent supporter leur propre
existence une fois qu’ils ont atteint une certaine
puissance. L’entité accumule donc de manière
méthodique sa rancœur et son envie de recréer le
monde dans les œuvres veniciennes, transformant
la jonction en véritable bombe à retardement.
Les cercles céphaliques
Cette ballade étant destinée à faire passer les
personnages joueurs du niveau Écryme au niveau
Céphale, les puissances occultes de la Toile
devraient jouer un rôle mineur dans l’intrigue.
Néanmoins, cette logique présente quelques fai-
blesses et un conteur désirant épaissir l’intrigue
et les aventures veniciennes de son groupe peut
développer l’une ou l’autre faction.
Pour faire simple et rester dans le cadre qui
sera développé dans les futurs suppléments, les
céphales se divisent en quatre catégories :
54
Les Enfants de Bohème sont composés prin-
cipalement de cercles céphaliques relativement
indépendants.
Les disciples des Popes noirs, principalement
situés dans le Lansk et l’Antipolie, servent des
céphales si puissants qu’ils sont devenus quasi-
ment immortels.
Les adorateurs des dieux froids implorent des
anences ayant pris vie et qui incarnent différents
aspects de l’ère industrielle.
Les serviteurs de l’Amertume révèrent un
courant d’aigreur si puissant qu’il a pris vie.
Bohème et dieux froids
Les Enfants de Bohème et les adorateurs des
Dieux froids sont peu nombreux, peu puissants
et totalement désorganisés. Les émotions bras-
sées par la révolution vont les inciter à fuir ou
rentrer encore plus dans la clandestinité. Le club
des dilettantes avertis (particulièrement bien
décrit dans le supplément Première Trame) est la
parfaite illustration du potentiel des céphales.
Situé dans un pilier traversier, il accueille des
membres jouant aux échecs avec des pièces
anences. Les céphales, bien que peu puissants,
sont des experts intrigants qui disposent d’un
vaste réseau qui pourrait être plus que profitable
aux personnages. Les rallier ne sera pas facile.
Les Popes noirs
Ils vont être particulièrement inquiets de l’im-
portance que prendra la révolution. Toutefois,
leurs agents veniciens sont peu puissants, car
ils préfèrent garder les plus doués auprès d’eux
afin de les surveiller. Il s’agit essentiellement
de métropolites, infiltrés ou non, jouant le rôle
d’espions. Certains ne bénéficient pas de dons
céphaliques et agissent sans le savoir pour leurs
maîtres. Néanmoins, les ambassades du Lansk et
de l’Antipolie agiront contre les Artnarchistes.
Les agents dormants ou infiltrés seront les pre-
mières victimes de la colère des Artnarchistes.
L’Amertume
En théorie, les différents serviteurs amers
devraient profiter de l’influence de l’Enfant. En
pratique, c’est l’effet inverse qui se produit, car
l’Enfant use et gaspille l’Amertume qu’ils ont
soigneusement pris le temps d’accumuler. Leur
action n’est presque jamais concertée. Trop occu-
pés par leurs propres projets, les céphales se ren-
dront compte tardivement de l’influence néfaste
de l’Enfant. Ceux ayant échafaudé des plans
sur le long terme seront dérangés et prendront
conscience que leurs petites expériences doivent
être reportées voire annulées. Une partie quit-
tera purement et simplement Venice. Employant
des méthodes totalement imprévisibles, les autres
sont trop fous pour envisager les conséquences
de leurs actes. Ils se jetteront à corps perdu dans
la révolution des Artnarchistes. Parmi eux se
trouveront quelques céphales qui pourraient être
confrontés (ou pas) aux personnages joueurs.
Même s’il ne s’agit que de quelques exemples,
leurs pouvoirs expliquent en partie l’ascension
fulgurante des Artnarchistes. Ces derniers sont
décrits de manière succincte afin d’être adaptés
à votre table.
L’Esthète ne collectionne pas les œuvres d’art,
mais les artistes qu’elle brise pour en obtenir des
pièces chargées de désespoir.
Le Collectionneur accumule les petites actions
qui, prises de manière indépendante, sont ano-
dines, mais mises bout à bout sèment la zizanie.
Il aidera les Artnarchistes jusqu’à ce qu’il perde
le contrôle de la situation.
Le Mauvais Garçon joue sur le côté irrationnel
de l’art. Il porte aux nues (grâce à son pouvoir)
des artistes sans talent ni imagination et rend
insipides aux yeux des spectateurs de véritables
chefs d’œuvre.
Le Metteur en scène organise des spectacles
de rue plus vrais que nature. Il avilit les relations
entre les acteurs et les incite à une compétition
sauvage et jalouse.
La Mécène tire profit de l’art et le dépouille
de sa substance pour le traiter comme une vul-
gaire marchandise. Sa demeure anence absorbe
l’amour propre et la rancœur des artistes… avant
d’être prise pour cible par les Artnarchistes. Cette
céphale mettra tous ses pouvoirs en œuvre pour
obtenir vengeance (et deviendra donc sûrement
l’une des plus farouches alliées des personnages
joueurs).
Devinette est une as de la déstabilisation,
sapant toute forme de confiance et d’organisa-
tion par tous les moyens possibles. Elle multiplie
les anences sous forme d’œuvres d’art laissant les
observateurs pour le moins perplexes.
55
 L’ASILE HUMANISTE DE VENICE
L’asile humaniste de Venice est le plus vaste établissement de la Toile consacré au traitement des troubles de
l’esprit. Même s’il forme un tout administratif et idéologique, l’asile est composé de deux zones clairement
démarquées architecturalement et aux fonctions fort différentes : le panoptique et la reposante.
L’ANTRE DE LA FOLIE : ARCHITECTURE
Le Panoptique
Construit en pierre blanche sur les fondations
de l’ancien pénitencier, le Panoptique reprend
tous les codes de l’architecture carcérale. Haut
de cinq étages, ce bâtiment oblong est entouré
de douves remplies d’écryme et d’une passerelle
amovible permettant son isolation complète.
Presque 300 aliénés y résident et sont considé-
rés comme dangereux : schizophrènes violents,
sociopathes, hystériques, etc. Ils ne quittent pra-
tiquement jamais leurs cellules réparties autour
de la tour de manière circulaire. Le personnel
est composé d’une cinquantaine d’aliénistes,
soignants et gardes logés dans une gigantesque
tour centrale d’où ils observent les aliénés.
Le panoptique répond à une politique de
positionnement spécifique des patients. Les plus
dangereux sont placés au rez-de-chaussée pour
faciliter une éventuelle intervention alors que les
cas les moins risqués trouvent leurs cellules en
hauteur. Un comportement adéquat octroie des
récompenses sous forme d’allégements de traite-
ment, d’accès à des ateliers ludiques et récréatifs
voire une relocalisation dans un étage inférieur.
L’accès aux différents étages se fait en emprun-
tant de rares et larges escaliers barrés par une
série de grilles que seul le personnel soignant
peut ouvrir.
Les repas (bols de soupe ou de gruau servis
sur du pain à la farine de chanvre) sont le plus
souvent drogués. Un seau d’eau propre leur est
fourni tous les deux jours pour leur toilette. Ils
sortent uniquement pour se rendre à des séances
de thérapie quotidienne où ils échangent avec un
des aliénistes et quelques autres patients pendant
une heure.
Le panoptique comprend également une infir-
merie gardée par trois aides-soignants. Cette
petite salle aux voûtes gothiques dispose d’une
dizaine de lits. Les admissions y sont toujours
56
brèves. La pharmacie et l’accès aux drogues ne
sont autorisés qu’à un nombre limité d’aliénistes
et de gardes. L’accès aux cuisines du deuxième
étage est lui aussi strictement règlementé en
raison de la dangerosité des ustensiles qui s’y
trouvent. Enfin, au premier étage, quelques
pièces étaient autrefois réservées aux traitements
intensifs menés par des médecins peu portés sur
l’humanisme (lobotomie, électrochocs, etc.).
Elles sont désormais transformées en salles de
phonoédition où les patients les plus exemplaires
peuvent venir écouter quelques disques.
La Reposante
Faite de briques rouges, la Reposante est de
structure plus classique. Construite sur deux
étages, elle s’est développée tout autour du
Panoptique comme le cloître d’un monastère dont
elle reprend l’architecture austère. Les toitures en
cuivre oxydé contrastent avec l’ocre de ses parois.
Les patients, presque 700, dorment pour la
plupart dans des salles communes et bénéficient
de bien plus de libertés que dans le Panoptique.
Certains pensionnaires plus fortunés et aux
troubles moins marqués disposent même d’une
chambre individuelle. Durant la journée, des temps
libres sont laissés aux patients pour des jeux de
société, des activités artistiques, l’écoute de disques
phonographiques ou des promenades dans le jar-
din. De jardin, ce vaste espace en a surtout le nom
puisqu’il s’agit de bande de graviers entourant le
Panoptique agrémenté de quelques rares arbustes à
la charge des pensionnaires. Pour les patients, c’est
un espace de liberté où ils peuvent faire de l’exer-
cice. Là, hors de portée de l’oreille des surveillants,
de petits trafics ont lieu pour améliorer le quotidien
(nourriture, tabac, drogues, etc.). La zone séparant
le Panoptique et la Reposante comporte également
une énorme serre fournissant des légumes ainsi
que plusieurs plantes médicinales. Si l’entretien
est également réalisé par les pensionnaires, c’est
systématiquement sous bonne garde.
Malgré les conditions moins sévères que la
Panoptique, la Reposante reste un lieu d’inter-
nement soumis à des règles strictes, surveillé par
presque 200 personnes qui trouvent refuge dans
la partie administrative de l’asile. Cette zone fait
d’ailleurs office de façade pour l’établissement
et comprend l’accueil des visiteurs ainsi que les
offices des différents aliénistes. Les patients ne s’y
rendent que pour les visites dûment annoncées
d’un proche ou d’un parent. Le bureau des admis-
sions s’y trouve également. Là sont traitées aussi
Une journée typique à
l’asile humaniste
6h : réveil
7h : toilette
7h30 : prise de médicaments et petit-déjeuner
9h30 : séances de thérapie
10h30 : temps libre (si autorisé)
11h30 : déjeuner
13h : sieste
15h : temps libre (si autorisé)
17h : audition de disques ou jeux de société
19h : dîner
20h : prise de somnifères
21h : extinction des feux
bien les demandes que les premiers diagnostics ou
certaines consultations privées.
L’aile orientale regroupe les pièces communes
de l’établissement soit la cuisine, le réfectoire avec
ses tables et de chaises rivetées ainsi que l’infir-
merie. À l’opposé, l’aile méridionale est réservée
aux patients les plus fortunés. Le plus souvent,
ils intègrent l’asile humaniste sur demande de
leur famille, en raison de quelque dépendance
(drogues, alcool...). Les places dans cette aile
sont négociées au cas par cas et les durées de
séjour dépassent rarement une lune.
La répression
En cas de manquement aux règles, voire
de violations manifestes (violence, sédition,
déprédation, vol…), la réaction du personnel
n’est pas uniforme. Dans la Reposante, les soi-
gnants vont avant tout chercher à séparer les
personnes incriminées, n’utilisant la violence
qu’en dernier recours (usage de matraque
et de sédatifs par injection ou voie orale).
Dans le Panoptique, la marge de tolérance est
beaucoup plus faible et les membres du corps
médical réagissent rapidement avec la plus
grande vigueur pour empêcher que l’agitation
ne s’étende comme une traînée de poudre. En
plus de matraques, certains surveillants sont
armés de cestes, des gants munis de renforce-
ment au niveau des articulations osseuses afin
d’augmenter l’impact de leurs coups.
57
 LA FOLIE DES GRANDEURS
Une nouvelle méthode
Un demi-siècle avant les guerres d’Acrymonie,
l’asile a acquis ses lettres de noblesse (et son
nom) sous la direction de George Osparo, ancien
maître de la grande Loge hippocratique d’Éole.
Cet illustre savant était venu à Venice pour expé-
rimenter une méthode que tous ses confrères
qualifiaient alors d’élucubration : l’approche
humaniste.
Osparo ne voulait pas guérir le corps des fous,
mais leur redonner un sens moral. La folie était
selon lui un trouble mental où le malade devenait
étranger à lui-même. Un médecin humaniste
devait chercher la guérison à travers l’observa-
tion, l’écoute et la proximité avec ses patients.
Pour que les thérapeutes espèrent vaincre les
troubles mentaux, il fallait en premier lieu qu’ils
puissent les identifier de manière précise. Cela
passait par la communication. À l’en croire,
humaniser les actes de soins permettait de s’atti-
rer la sympathie des patients et de diminuer leur
agressivité. Jusque-là, les internés étaient en effet
mal traités et placés dans des environnements
insalubres. Osparo privilégiait l’expression par
le biais de l’art, en particulier la musique et la
peinture.
Ce n’est toutefois pas l’apport scientifique
d’Osparo qui l’a rendu célèbre, mais son cha-
risme et son sens politique. Il avait en effet fini
par convaincre une majorité de l’artistocratie
venicienne de la nécessité d’investir pour l’amé-
lioration de la santé psychique des malades, ce
qui au final aurait amené à un affermissement
de la morale de de la population venicienne
en général, selon le postulat suivant : plus une
personne était appréciée et plus il lui arrivait de
bonnes choses.
Un essor sans précédent
Sous son impulsion, le parrainage d’un aliéné
est devenu une mode où chaque artistocrate se
revendiquait bienfaiteur d’un excentrique qu’il
jugeait plus original que celui de son voisin.
Pour les aliénistes, il s’agissait alors de pouvoir
répondre à la demande en cherchant des patients
toujours plus étranges et dont les comportements
n’auraient obéi à aucune loi psychiatrique connue.
Osparo étudiait même des dossiers d’autres asiles
58
pour obtenir le transfert de certains patients pro-
metteurs. Il a fini par créer une nouvelle branche
au sein de sa Loge, les chiourmes, chargée de
parcourir cités et traverses afin d’en ramener les
aliénés les plus intéressants, mais également de
recenser le plus de traitements possible.
Pour les artistocrates, la lubie s’est transfor-
mée en véritable pratique d’État, une course au
mécénat jamais vue dans l’histoire. Prônant une
thérapie par l’art, Osparo faisait travailler ses
patients et des œuvres avant-gardistes, ou tout
au moins à contre-courant des idées classiques,
n’ont pas tardé à sortir des ateliers de l’asile.
Alors que les hospices des autres cités vivotaient
uniquement grâce à la générosité de quelques
donateurs privés ou de maigres investissements
publics, l’asile humaniste de Venice a rapidement
atteint son autonomie financière, finissant même
par générer des bénéfices.
Les premières dérives
Hélas, des dysfonctionnements sont rapidement
apparus. La réhabilitation des malades est peu à
peu passée au second plan derrière les profits. En
effet, les chiourmes étaient grassement rémuné-
rés par certaines familles riches cherchant à se
débarrasser de parents gênants. Quoi de mieux,
pour bénéficier plus rapidement de l’héritage,
que d’enfermer son vieux père dans une insti-
tution sécurisée et humaniste ? Durant certaines
années, cette demande étant supérieure à l’offre,
les prospecteurs corrompus n’hésitaient pas à
faire grimper leurs tarifs, créant une véritable
forme de spéculation sur la folie.
L’asile humaniste est aussi devenu le théâtre de
nombreuses pratiques renégates autorisées par
l’absence relative de Loges scientifiques dans la
cité des doges. De nombreux savants ont afflué
de toute la Toile pour y tester leurs soi-disant
méthodes miraculeuses sans être le moins du
monde inquiétés. Ils le faisaient plus ou moins
secrètement dans des départements ou des ser-
vices de l’établissement qu’ils parvenaient à créer
et dont la durée de vie était suspendue à leur
efficacité. Certaines de ces pratiques étaient bien
loin des considérations bienveillantes d’Osparo :
lobotomies, traitements électriques répétés,
bains glacés, etc. Cette relative impunité a fini
par déboucher sur un espionnage conséquent
mené par les Loges hippocratiques de toute la
Toile qui s’arrachaient à prix d’or les résultats de
ces expérimentations (qui étaient enregistrées
sur disques phonographiques).
Une réhabilitation
bienvenue
Ces pratiques dégradantes ont cessé suite au
séjour à l’asile humaniste du doge de la Lettre
L’ÉLOGE DE LA FOLIE
Cette visite de l’asile humaniste est l’occasion de
découvrir un peu plus les techniques employées
sur la Toile pour traiter la démence.
Les méthodes classiques
Héritée de la théorie des humeurs, l’opinion la
plus répandue sur la Toile pour traiter la démence
veut que cette dernière soit la conséquence d’une
cause physique provenant, la plupart du temps,
des artères. Les aliénistes traditionnels appliquent
donc les mêmes types de traitements que ceux des-
tinés au corps : saignées, ventouses, purgatifs, etc.
Certains vont même, pour les cas les plus désespé-
rés, jusqu’à effectuer un trou dans le crâne afin
d’y réduire la pression qui s’y trouverait.
Dans les cités
La démence et son étude se sont heurtées à une
question liée à l’urbanisation galopante : alors
que la surpopulation demeurait un problème
permanent, comment fallait-il gérer les déments ?
Deux solutions ont traditionnellement été appli-
quées : les personnes souffrant des troubles les
moins aigus pouvaient espérer intégrer une
ghilde et demeurer dans l’ombre, tandis les plus
atteints étaient chassés sur les traverses.
Ce lien entre les traverses et la folie a conduit
les savants citadins à imaginer des théories plus
tarabiscotées les unes que les autres.
La principale veut que l’air avoisinant l’écryme
finisse par rendre fou. Cette spéculation hâtive a
incité certaines Loges hippocratiques radicales à
Phaléo en l’an 1100 (cf. la ballade Sonate Venicienne
dans le supplément Première Trame). Choqué
par certains traitements qu’il a subis ou entra­
perçus, l’artistocrate a consacré, une fois sorti,
une grande partie de sa fortune (et de celle de la
cité) à l’amélioration de la santé publique et du
traitement de la démence. Les praticiens les plus
extrêmes ont été discrètement écartés pour éviter
un scandale public.
L’asile humaniste est retourné à sa vocation
première : le traitement et l’étude de la folie.
proposer de nouveaux traitements respiratoires
à base d’air citadin, voire même de smog.
Les aliénistes modérés proposent des exercices
thérapeutiques contraires au mal dont souffre le
patient afin de rétablir un équilibre psychique :
une attitude sérieuse devant être observée avec
les personnes trop joyeuses et inversement avec
les mélancoliques.
Les plus durs infligent des claustrations dans le
noir, des ligotages ou des immersions soudaines
et répétées dans de l’eau froide.
À la frange des traitements renégats, certains
envisagent enfin l’action positive de diverses
plantes et pierres, voire même de décoctions
alchymiques.
Le niveau social pondère grandement la sévé-
rité des traitements prescrits. Les personnes
aisées ont accès à des médicaments ou des trai-
tements souvent plus humains que les personnes
issues des classes inférieures.
Sur les traverses
Les malades mentaux sont socialement plus
acceptés. Beaucoup les considèrent comme
des paratonnerres, des réceptacles aux effluves
néfastes de l’écryme protégeant ainsi le reste
de la communauté. Les gens, le plus souvent à
l’intérieur de la cellule familiale, les soignent
physiquement afin qu’ils continuent de protéger
les autres. Dans certaines communautés, les fous
sont même respectés, parce qu’ils auraient accès
à une sagesse interdite au commun des mortels.
Néanmoins, pour la majorité des traversiers, un
59

Bibliographie sélective
Pour en apprendre plus sur le sujet, nous vous
conseillons de consulter les ouvrages suivant :
Soliloque d’un aliéniste sur les maladies
mentales et de l’encéphale.
L’hypertrophie des passions de l’aliéniste
Charles Edère.
S om n a mbu l i sme, cl a i r voya nce, e t
influence des rêves du très honoré Heinrich
Waldener.
Privations et traitements permettant de
percer l’intimité mentale des malades.
Fragments du traité du marquis de
Puységur sur le somnambulisme artificiel.
Biographie d’Esquirol, théoricien de
l’isolement thérapeutique de la médecine
d’imagination.
fou est une personne à charge. Face aux coûts
qu’il représente, il n’est pas rare que des familles
finissent par se débarrasser d’un malade encom-
brant. Certains sont abandonnés sur des tronçons
reculés de l’Arantèle, d’autres sont vendus à des
caravaniers. Les moins chanceux sont précipités
dans l’écryme. Là encore, la richesse permet de
pondérer le problème.
Les méthodes humanistes
Les théories développées au sein de l’asile
humaniste sont plus polyvalentes et envisagent
des interactions possibles entre l’esprit, le corps,
l’écryme et toute autre chose. Certains aliénistes
considèrent même que l’inverse de la théorie des
humeurs doit s’appliquer, à savoir que les mala-
dies physiques ont des causes psychiques.
Le concept le plus répandu est celui du fluide
nerveux, une sorte d’éther remplissant l’ensemble
de l’espace et pouvant être concentré différem-
ment suivant les personnes. La doctrine fluidique
suppose une connexion interactive entre le cor-
porel et le mental et fait le lien entre la physique
et le magnétisme.
Selon cette théorie, chaque personne emmaga-
sine et transmet aux autres des fluides nerveux
qu’il serait possible de canaliser à l’aide d’aimants
ou par apposition des mains. En effet, un tel fluide
pourrait être concentré dans le corps de certaines
60
personnes qui, par contact avec les mains sur le
front ou sur les tempes, pourraient réorganiser
les pathologies nerveuses des malades. Ce rayon-
nement serait semblable à la force invisible des
aimants minéraux. Le traitement le plus commun
consiste à faire glisser sur le corps des patients des
aimants ce qui déclenche, chez certains, des crises
convulsives. D’autres envisagent la transmission
et l’écoulement de ce fluide au travers de mou-
vements réguliers. Par le lien qu’elle tisse entre la
matière et la pensée, la doctrine des fluides per-
met d’expliquer également le fameux magnétisme
animal dégagé par certaines personnes particu-
lièrement charismatiques et qu’elle associe aux
légendes des céphales. Cette doctrine alimente
enfin énormément les pratiques des différents
aliénistes, notamment l’emploi de l’électricité à
des fins thérapeutiques puisque le passage répété
de cette dernière modifierait l’écoulement des
fluides.
À la croisée des chemins avec certaines pra-
tiques initiées par la théorie des humeurs,
d’autres aliénistes tentent de prouver que les
corps célestes et l’écryme exercent une influence
sur le système nerveux en raison de leur force
d’attraction. D’autres envisagent de bloquer cette
perméabilité en érigeant des barrages mentaux à
l’aide de drogues, mais aussi grâce à la pratique
de l’hypnose et l’autosuggestion ou encore par
l’usage de la musique.
L’ensemble des méthodes, théories et expéri-
mentations de l’asile humaniste sont consignées
dans les registres tenus par l’institution. Les dos-
siers les plus récents sont tous passés sur disques
phonographiques, le plus souvent de cire. Ils sont
particulièrement synthétiques, voire brouillons,
enregistrés comme on prendrait des notes. Puis,
chaque année, les dossiers les plus importants ou
les plus emblématiques sont repris sur support
métallique. Cette importance est évaluée sur plu-
sieurs critères à la fois scientifiques et politiques.
Le secret professionnel n’existe pas au sein du per-
sonnel de l’asile qui peut à loisir consulter les dos-
siers des confrères. Les disques ne sont toutefois
pas accessibles aux internés eux-mêmes, à leurs
familles ou à leurs amis pour ne pas heurter leur
sensibilité, mais aussi par peur qu’une autre Loge
hippocratique profite des secrets scientifiques
découverts.
 PLUS ON EST DE FOUS : PERSONNALITÉS
Voici une liste de figures incontournables de
l’asile humaniste.
Le personnel
c Lucia Stazzo, directrice humaniste
« Certains me considèrent comme moderne et auda-
cieuse. Je suis simplement sensible aux conditions
de vie des aliénés et à l’affût de toutes les nouvelles
théories. Si j’occupe aujourd’hui une place privilégiée
dans cette institution, ce n’est pas pour mes compétences
scientifiques, mais simplement parce que j’ai accepté de
me confronter plus ouvertement que mes collègues à
l’hostilité de nos confrères du reste de la Toile. Je n’ai
plus de contact direct avec les patients, mais j’ai aidé
à la mise en place de plusieurs théories expérimentales
prometteuses, notamment avec le cinématographe, la
photographie et l’hypnose. J’entretiens une correspon-
dance soutenue avec de nombreux aliénistes étrangers. »
c Horace Belmont, chiourme corrompu
« Chiourme de l’asile humaniste depuis une dizaine
d’années, je traîne une mauvaise réputation. Les gens
évoquent notamment ma vénalité. Certains aliénistes
diraient pourtant que tout est une question de point
de vue. Ma mission est de chercher de nouveaux
patients prometteurs et de connaître les intentions des
familles qui nous les remettent. Contre rémunération,
je m’arrange pour que le patient soit jugé fou et, une
fois enfermé, subisse des vexations et reste pour de bon
à l’asile. D’autres familles me paient pour protéger leurs
proches et leur accorder des privilèges. Au fond, les rai-
sons m’importent peu. Tous les liges sont bons à prendre
pour quitter cet endroit que je commence à détester. »
c K arl Ludwig Kalhbaum, aliéniste en visite
« Vous devez faire erreur, je ne travaille pas ici. J’aide
simplement, quand je le peux, sans interférer auprès de
mes collègues. En réalité, je suis le directeur de la Loge
psychiatrique de Prague et ne suis ici qu’en tant que
simple observateur. Vous avez sûrement entendu parler
de mes Considérations phonographiées fondées sur
l’empirisme et les sciences naturelles. Ce n’est toutefois
pas pour cela que j’ai été invité, mais en raison de la
correspondance que j’ai entretenue avec la directrice
Stazzo au sujet de patients atteints de catatonie. Ce mal
est très commun à Prague, laissant certaines personnes
dans un état de coquille vide. »
c Lana Stemp, machiniste à tout faire
« Avec le professeur Sagasser, je travaille à une
machine capable de coder les empreintes mentales des
patients sur des cylindres d’orgue de barbarie. Dans
le cadre de cette tâche, je collabore avec bon nombre
d’artisans afin de schématiser le cerveau comme un
instrument de musique aux possibilités énormes et
subtiles. S’il fonctionnait, un tel dispositif permettrait
de créer une gigantesque boîte à musique diffusant des
harmoniques éphémères, voire même permanents si
nous nous y prenons bien. »
Quelques personnages de plus
c Le bon Giano est un soldat qui avait été
engagé pour veiller à la sécurité des aliénistes,
après qu’avait été étudiée la mise en place d’un
traitement des patients sans contention méca-
nique. Le projet n’avait pas été retenu, mais
Giano avait participé à une réorganisation plus
humaine de la surveillance et il avait donc été
gardé.
c Cesare Lombroso soigne les patients qui
se blessent volontairement. Encouragé par un
environnement stimulant, il ambitionne de déve-
lopper les fondations de la psychiatrie crimino-
logique. Même s’il garde ce projet secret, il passe
de plus en plus de temps dans le Panoptique et
avec les patients afin de confronter ses théories.
c Pavla Jacomino accueille les v isiteurs.
Avenante et extrêmement observatrice, cette
jeune femme est capable de découvrir si on
lui ment, ou non, en analysant les expressions
faciales.
Les aliénistes
c Isabella Maiorana, aliéniste venicienne
« Mes patients ne fixent jamais totalement leur regard
sur quelqu’un ou quelque chose. L’art a longtemps été
considéré comme une échappatoire, un moyen de donner
corps à leur folie créatrice ou, au contraire, de permettre
à la partie saine de leur esprit de s’exprimer. Je pense aux
deux meilleurs peintres de mon regretté mentor Gilberto.
Le premier avait une pensée totalement décousue, mais
réalisait des peintures extraordinairement ordonnées et
structurées. L’autre, une jeune fille calme, ne dessinait
qu’un univers en déliquescence. Je poursuis l’œuvre de
61
 mon maître et je suis désormais capable de retrouver
des similitudes dans les peintures de mes patients. Au
début, j’ai cru à de simples coïncidences, mais ces petits
éléments perdus dans des toiles d’artistes qui ne se sont
jamais rencontrés, sans aucun lien entre eux, sont
autant d’indices qui m’aideront à percer ce mystère. »
c François Marandon, prêtre de la divine élec-
tricité reconverti
« Les alachines réparent les machines comme on
soigne le corps humain. Pourquoi l’inverse ne serait-il
pas vrai ? Les électrochocs ont déjà plus que démontré
leur efficacité. Certains osent taxer mes inventions
de barbares, voire même de granguignolesques, mais
l’électricité nous traverse tous : elle relie nos corps et nos
esprits et seul son passage permet de modifier durable-
ment un canal déficient. Bien évidemment, utilisées à
mauvais escient, les Saintes Escarbilles peuvent avoir
l’effet inverse, comme en témoigne le jeune Giacchino,
ce patient idiot depuis qu’il a été frappé par la foudre.
En revanche, des chocs électriques modérés et répétés
semblent guérir ses nombreuses crises violentes, mais ils
ne donnent pas encore de cohérence à son discours sur
l’écryme qu’il dépeint avec crainte et confusion. »
c Catherine Prebitich, aliéniste de la vieille
école
« Beaucoup de jeunes collègues décrivent mon travail
avec mépris, le jugeant passéiste. À les croire, je serais
rétive au moindre changement. C’est aller un peu vite
en besogne ! Ils ne savent sans doute pas que j’ai été
pionnière dans la lutte contre la folie absinthique, cette
pathologie plus destructrice encore que l’alcoolisme
à proprement parler. Et pour ce faire, j’ai utilisé des
moyens qui seraient encore considérés par certaines
Loges comme avant-gardistes. Face à cette cabale, je
me suis un peu repliée sur moi-même et je traite désor-
mais des questions de dépendance avec les patients les
plus fortunés de l’asile. Dans mon dos, on me traite de
soignante complaisante. J’ai appris à ne plus accorder
autant importance aux quolibets. En tant que doyenne
de l’établissement, personne n’ose s’en prendre frontale-
ment à moi. De toute manière, personne ne connaît les
lieux aussi bien que moi. »
c Vittorio Sagasser, professeur et aliéniste
inventeur
« Sans fausse modestie, je pense être plutôt bon quand
il s’agit de diagnostiquer les démences. Je suis d’ailleurs
chargé de donner des cours à ce sujet au siège de la
Loge hippocratique venicienne. Ce n’est toutefois pour
moi qu’un aimable passe-temps. En effet, j’ambitionne
d’inventer un moyen de mettre en évidence la capacité
du cerveau à émettre des ondes invisibles et inaudibles.
62
Je suis persuadé que si l’on pouvait lire, d’une manière
ou d’une autre, et interpréter ces ondes, on pourrait com-
prendre la démence et donc y mettre un terme. Plusieurs
aliénistes ont concentré leurs recherches sur le cerveau
humain et ont confirmé mes théories, évoquant des har-
moniques variant d’intensité en fonction de l’humeur
du patient (ceci est d’ailleurs abordé dans la geste In
memoriam développée dans Le Tour du monde en
80 ballades). Quelle que soit la cité de la Toile où de
telles théories ont émergé, ceux qui les tenaient ont sim-
plement disparu, ainsi que le fruit de leurs recherches. »
Quelques personnages de plus
c Ivan Balinsky de la Loge de psychiatrie de
Saint Pétersbourg, travaille sur un mémoire trai-
tant des troubles apparaissant chez les militaires
suite à des batailles.
c Irma Peeters a été envoyée par la Loge d’ana-
to-pathologie de Théoric afin de chercher à éta-
blir la nature des lésions cérébrales, au moyen de
minutieuses techniques. Elle prône avec ferveur
le recours à la dissection des cadavres plutôt qu’à
l’immersion dans l’écryme.
c Valentino Monari est ce qui pourrait ressem-
bler le plus à un aide-soignant. Petit et volontaire,
il est secrètement amoureux d’une personne de
votre choix (aliéniste ou patient).
Les patients de la Reposante
c Geroge Radraux, somnambule suicidaire
« Vous me prenez pour un fou de faire partie de la
ghilde des somnambules de Venice, mais sachez que
j’en tire une grande fierté. Chaque nuit est une victoire
contre mon trouble et chaque matin je me réveille sur un
édifice un peu plus haut que le précédent. Si j’ai accepté
d’être un sujet d’étude, c’est uniquement dans l’espoir
d’être parmi les élus qui seront acceptés à bord de la
Nef d’Itinérance. J’ai signé un papier vous déchargeant
ainsi que les Pasteurs de toute responsabilité. Depuis, je
tâche de veiller le plus longtemps possible pour réserver
mes plus belles crises de somnambulisme à la caravane.
Nombreux seront les membres de notre ghilde à y perdre
la vie, mais nous connaissons les risques. Comme
chacun, je connaîtrais l’extase d’arpenter en équilibre
et endormi l’enveloppe d’un dirigeable et peut-être glis-
serais-je dans le vide avec le sourire ! »
(Du fait de l’importance de la ghilde des som-
nambules durant la révolution venicienne, il est
intéressant de développer ce personnage durant
Concerto pour détraqués puis de le faire disparaître
par la suite.)
c Jennifer Boel, paranoïaque nihiliste
« Vous refusez de voir les choses telles qu’elles sont.
Vous refusez d’admettre que l’homme n’a pas la moindre
valeur. Celles et ceux que vous avez enfermés ici ne sont
que des pantins, de toutes petites choses sans importance
que les Maîtres manipulent à leur guise. Ce que vous
faites ici ne signifie rien. Rien de concret… Vous êtes
tellement affamé que vous acceptez de ronger les os alors
que le festin est dehors. Oui docteur ! Vous êtes enfermé
comme nous, et on vous observe. Il va falloir choisir,
docteur. L’écryme ou ceux qui en sont victimes ? »
c Le bon docteur Théophile Magnan, éminent
psychiatre éolien
« À votre regard surpris, je devine votre question.
Vous vous demandez la raison de ma présence en ces
lieux. Ancien dumestre éolien, j’ai été interné depuis
peu dans cet asile à la demande de mes confrères de la
Loge hippocratique. J’étais un thérapeute renommé ce
qui, sur la Toile, signifie que j’étais capable d’imaginer
de nombreuses nouvelles façons de torturer mes patients.
Je dois ma présence en ces murs à mon abnégation et
ma recherche de la vérité. Oui de la vérité ! Au cours
d’une séance, j’ai pu pénétrer dans l’imaginaire d’un de
mes patients et j’ai arpenté ses songes. Par la suite, ces
songes m’ont rattrapé. Parfois, au cours de mes nuits,
je me retrouve dans de mystérieux royaumes de cristal
et de cités arboricoles. Mon seul tort a été d’évoquer ces
lieux merveilleux avec mes anciens collègues. »
c Brando Marcini, gourou dément
« Vous rejetez tout ce que vous nommez folie. Comment
pourriez-vous en effet accepter qu’un homme ne soit pas
maître de lui ? Vous me l’avez répété à de nombreuses
reprises. Pourtant, vous tolérez une forme de dualité
dans vos jugements de valeur. La féodalité et tout ce
qu’elle implique ne sont que folies à vos yeux. Vous la
chassez sur les traverses, mais l’acceptez auprès des
nobles marchands. Vous rejetez des valeurs que vous
jugez dépassées pour en créer de nouvelles puis vous
recommencez, encore et encore. Certains individus
entrent chez vous avec des rêves et n’ont pour seul tort
que de les juger plus importants que leur quotidien.
Acceptez que certains d’entre nous aient simplement une
échelle de valeurs différente de la vôtre. »
c Corinna A niello, scientiste disciple de
Brando Marcini
« Je tremble d’effroi et de rage en vous voyant contem-
pler ainsi mon univers quotidien et le juger. Je sais que
vous tirez à chacune de mes actions des conclusions
sur ma personnalité, mais qu’en est-il exactement de la
réalité ? Si la folie est simplement de se situer en dehors
de la norme, alors les déments deviennent-ils lucides
dans l’environnement de cette institution ? Plus encore,
la réalité n’est-elle pas perméable à l’humanité ? Qui des
deux façonne l’autre ? »
Quelques personnages de plus
c Bölmer adore entretenir le jardin de l’asile, là où
il s’agit d’une corvée pour l’immense majorité des
patients. Il désherbe, racle, bêche, coupe, ramasse
et recommence avec dévotion. La propreté des lieux
est devenue pour lui une authentique obsession.
C’est que, voyez-vous, le jardin lui parle…
c Éléonore est une très belle femme, à longue
chevelure blonde, la peau diaphane et… de
grands yeux absents. Catatonique depuis bientôt
neuf ans, elle se réveille parfois pour évoquer des
histoires étranges, réminiscences ou hallucina-
tions, ou soliloquer avec de supposés fantômes
qui l’environneraient.
c Cirillo est dans un tel état d’autisme qu’il ne
se rend pas compte de la présence des personnes
qui l’entourent. Sa vie est rythmée par des auto-
matismes : il répète des phrases toutes faites ou
des gestes du quotidien. Certains supposent qu’il
était architecte avant d’être interné, car, quand
il prend un crayon, c’est pour dessiner des laby-
rinthes, des conduits sans fin.
c Schnute, un aérostier antipolien, a été interné
après le naufrage de son navire. Hystérique et
paranoïaque, il évoque une toile d’araignée
invisible et noire tissée dans le ciel. L’homme
prétend que son ballon en a été victime.
c Célio est un jeune garçon de vingt ans atteint
de claustrophobie délirante. Il prétend que son
âme est coincée dans un couloir fantasmagorique.
c Georgio est un immigré istanien, un ancien
ouvrier d’une centrale à hydrocryme. Le mal-
heureux est parfois plongé dans d’interminables
transes ponctuées de harangues sur la fin du
monde. Il prétend qu’une vague parcourant
l’écryme va bientôt s’abattre sur Venice.
c Louis de la Chardière, officier de l’armée
parisienne, se dit victime d’une expérience
militaire menée à la frontière avec la Pentapolie,
quand il était en garnison : il aurait été blessé par
une bombe à rêve. Depuis, ses nuits sont peuplées
de cauchemars.
c Tiffany, une jeune semi-catatonique, est
dotée d’une habileté incroyable pour résoudre
des énigmes. Les puzzles et les casse-têtes sont les
seuls éléments qui la sortent de sa léthargie. On
raconte qu’elle descend d’un fameux fabricant
de jouets parisien, Philippe Lemarchand, mort
à la fin du Moyécryme et encore connu à travers
63
 de toute la Toile pour la finesse des mécanismes
qu’il avait créés.
c Raphaëlle Vaenti est enceinte. Personne,
pas même elle, ne sait qui est le père, même si
la pauvre reste persuadée qu’elle va donner
naissance à quelque extraordinaire divinité. Les
théories les plus folles courent à son sujet parmi
les patients : mère d’une créature d’écryme, d’un
sauveur ou au contraire d’un prophète de l’apo-
calypse, etc. Son cas médical demeure un com-
plet mystère puisque la grossesse de Raphaëlle ne
semble ni évoluer ni régresser.
c La Chose prétend qu’il est une créature née
de l’écryme…
c Vittore Caccace est persuadé qu’il passe un
test et qu’il est toujours interne dans l’hôpital.
Les autres patients seraient des docteurs et les alié-
nistes ses anciens patients. Il prétend avoir décou-
vert un disque explicitant les secrets de l’asile…
pas de ce que cette litanie signifie et serait sûrement
horrifiée d’apprendre qu’il s’agit des noms de toutes les
personnes qu’elle a assassinées en tant que danseuse du
fil, capable de trancher les gorges en un geste. »
c A mbroise, géant violent
Propos de Lucia Stazzo : « Ambroise est arrivé
dans notre établissement sous la garde vigilante de
quatre métropolites et fut décrit comme un individu
très dangereux. Malgré une taille plus haute que la
moyenne et un corps vigoureux, il a l’allure d’un idiot
inoffensif avec ses petits yeux larmoyants, ses poils de
barbe hirsute et sa lèvre inférieure qu’il laisse pendre
mollement. Mais lors de ses crises, son aspect change et
devient menaçant. On dirait presque que sa morpho-
logie s’altère également. L’homme se tasse et bande ses
muscles qui paraissent grossir. Il a estropié un membre
du personnel. »

Les patients du Panoptique

c Cole Durain, schizophrène suicidaire
« C’est uniquement cette logique qui nous maintient
en vie. C’est elle qui m’a empêché de céder aux mur-
mures. Mille fois, vous m’entendez, mille fois je suis resté
assis là, sur le bord de mon lit à regarder les barreaux
de cette fenêtre. La pendaison comme solution, docteur,
voilà ce qu’ils me chuchotent lorsque les lumières s’étei-
gnent et qu’il n’y a plus que les veilleurs de nuit pour
nous surveiller. »

c Blandrate, psychopathe cherchant un aliéniste

« Imaginez pourtant, le docteur et l’assassin ! Nous pour-
rions transformer cet endroit en laboratoire et nous lancer
dans des recherches d’envergure, balayant tous ces patients
misérables et sans intérêt qui ralentissent vos travaux sans
que cela apporte quoi que ce soit à la compréhension de
l’écryme. »

c Claire Mendez, danseuse de la ghilde du fil

Propos de l’aliéniste Isabella Maiorana : « Il
existe des personnes marquées par un traumatisme, un
événement si noir qu’il a modelé leur personnalité. Ce
sombre secret a scellé la conscience de Claire de manière
irrémédiable. Elle est incapable de tenir des propos cohé-
rents ou même de se rappeler son nom. Sur les fiches
de l’asile, elle est inscrite sous celui de X. Toutefois,
lorsqu’elle danse, elle étourdit les autres patients en
exécutant des mouvements dont la délicatesse et la force
d’expression contredisent son regard éteint et ses che-
veux hirsutes. À d’autres moments, elle récite à sa seule
intention une longue liste de noms. Elle ne souvient

64

Quelques personnages de plus
c 21 est un meurtrier récidiviste prétendant agir
pour le compte d’un supposé ange de l’écryme.
Même si ses victimes ne présentaient aucun lien
entre elles, ses propos délirants sont structurés
et il pourrait même passer pour un patient
aimable, quand il n’évoque pas ses crimes. Il tire
son surnom du numéro tatoué sur son épaule.
Certains de ses camarades prétendent qu’il s’agit
du nombre de ses victimes, d’autres de la somme
des gens que l’ange lui aurait demandé de mettre
à mort.
c A rthur Spivey n’est pas dangereux bien
au contraire. Il a toutefois été placé dans le
Panoptique en raison de l’influence néfaste qu’il
exerçait sur les patients de la Reposante. En effet,
il dort plus que la normale et évoque à son réveil
des choses si bizarres qu’il inspire la crainte.
Même la population féroce du Panoptique a fini
par prendre peur. Le pauvre est lui-même aussi
terrifié et déconcerté que ses auditeurs. Une heure
après son réveil, il oublie tout ce qu’il a dit et même
ce qui l’a poussé à parler.
c Marcello Moitessier est un savant qui avait
mis sur pied une importante expédition en mont-
golfières. Malheureusement, les appareils ont été
victimes d’une tempête. Son équipage s’est écrasé
dans l’écryme et lui seul a survécu. Traumatisé,
schizophrène, Marcello souffre depuis d’un
syndrome de personnalité multiple. À tour de
rôle, des identités différentes émergent de son
inconscient et prennent le contrôle. Certaines
sont plus violentes que d’autres.
c Vermine doit son surnom au fait qu’elle se
pense capable de parler aux serpents, aux rats,
aux mouches, mais surtout aux cafards avec les-
quels elle aurait développé une sorte de symbiose.
Elle a été placée dans le Panoptique, car elle a
assassiné deux patients de la Reposante pour
donner à ses alliés une forme plus anthropomorphique.
c À son entrée dans la reposante, Aimant n’avait
pas de nom, ni même de signe distinctif... Il a été
appelé ainsi du fait de l’étrange théorie proposée
par un aliéniste : Aimant semble attirer à lui les
folies et les troubles des autres patients pour les
faire siens.
Aimant est au centre de la ballade Concerto pour
détraqués.
65
 VOIR VENICE ET…
Après un passage à Méandre, gare de Venice
où ils ont dû abandonner le Transécryme et
où ils ont fait face à une série de meurtres, les
personnages se joignent à la cohorte des voya-
geurs qui rejoignent la cité des doges à pied,
en carrosse ou même en chaise à porteurs. Ils
sont toujours lancés sur les traces de l’Enfant en
compagnie du métropolite Melchior, de Claire et
de Johan Jagger qui rejoint l’asile humaniste. Les
immenses silhouettes des bâtiments se dressent
à l’horizon, légèrement voilées par la fumée des
usines.
La cité apparaît comme un assemblage de
palais aériens, chatoyants et élégants. L’avancée
sur l’immense traverse de pierre est toutefois
rendue difficile tant elle est empruntée. Chaque
pas se fait sous un soleil de plomb rendu un peu
plus supportable par un léger vent frais venu de
Venice. Phénomène étrange, les départs de la
cité des doges semblent plus importants que les
venues.
Des cancans sur la traverse
Au sein de cette marée humaine, les commen-
taires vont bon train et il est possible d’apprendre
quelques informations récurrentes.
« À mon avis, certains messages retrouvés sur les
murs des ambassades lanskoises sont le fait d’artistes
du Glyphe. Pour l’instant, le Lansk fait semblant de
n’avoir rien remarqué, mais ce n’est que pour mieux
préparer sa riposte. »
« Je pense que chaque Festival crée un certain désé-
quilibre au sein des Loges. À une époque, la Lettre avait
Phaléo qui dominait les autres doges. Actuellement, la
supériorité artistique d’Anna Luise Lombardi, la doge
de la Note, ne fait aucun doute. »
« Les liges dominent la Toile, et grâce à cette monnaie
les nobles marchands y assurent leur emprise. Je parie-
rais qu’ils sont même présents au sein des antiquaires.
D’ailleurs, as-tu vu comme les prix de leurs marchan-
dises ont augmenté pour une qualité moindre ? »
« Je ne devrais pas en parler, mais j’ai entendu
dire qu’un nouvel impôt avait été voté, imposant aux
artistes des taxes plus lourdes. Les antiquaires seraient
derrière cette manœuvre. »
« Des marchands antipoliens ont rebaptisé leur
eau-de-vie en bourbon gloriannais afin de lutter contre
l’embargo pentapolien. Mais les éoliens ne s’y sont pas
66
trompés et ces stocks d’alcool illégal ont dû être rapide-
ment écoulés à Venice. La distinction est pourtant évi-
dente : l’alcool gloriannais est vieilli en fûts de chêne,
ce qui lui donne un fumet incomparable. »
« Je comprends sa frustration, mais de là à faire
l’amalgame entre les milices des antiquaires et l’armée
lanskoise, il y est allé un peu fort, non ? Ils sont sur-
tout là pour assurer une forme de protection, pas pour
envahir la ville et l’asservir. »
« J’ai rarement été aussi mal reçu à Venice ! Les spec-
tacles des rues et les différentes représentations tenaient
tous un discours politique peu subtil et j’ai aussi senti
une forme d’hostilité à chaque coin de rue. On ne me
reprendra pas à faire le déplacement. »
« Plusieurs cavaliers d’Olmune ont été vus en embus-
cade à proximité de Venice. Afin d’assurer la sécurité
des voies commerciales et d’endiguer le banditisme, les
antiquaires recrutent de plus en plus de patrouilleurs
et de mercenaires. »
Une étrange rencontre
A lors qu’ils remontent ce f lot humain à
contre-courant, les personnages entendent Johan
Jagger hurler d’arrêter un homme qu’il pointe
du doigt. Normalement, si vous avez pris de
temps d’incarner ce second rôle, les personnages
ont fait un bout de chemin en sa compagnie et
devraient l’apprécier. S’ils n’interviennent pas,
ce sera le métropolite Melchior (Anthelme
Pelleterat) qui s’en chargera, à moins que Claire
(qui apprécie Jagger) ne demande à son tour au
groupe d’arrêter l’homme.
L’inconnu voyage très légèrement habillé dans
des vêtements qui ne sont pas à sa taille (sûrement
volés). Il est armé d’un stylet (Phys. 5 et Incidence
+2) et cherchera à éventrer toute personne qui
tentera de l’empêcher de fuir Venice. Au milieu
de la foule, le combat s’avère compliqué (malus
de -2 pour ne blesser personne) et l’adversaire
n’hésitera pas à prendre une personne en otage,
en dernier recours.
Une fois la confrontation résolue, Johan Jagger
explique qu’il s’agit d’un fou dangereux qu’il
a lui-même ramené à l’asile humaniste voilà
presque un an. Il avait peu d’espoir quant à sa
guérison et a immédiatement pensé qu’il s’était
probablement enfui, sans savoir comment une
telle catastrophe avait pu néanmoins se produire.
 Il demande aux personnages de l’aider à rame-
ner ce dément en cellule au Panoptique, la par-
tie la plus sécurisée de l’asile. Ce que Melchior
s’empresse d’accepter. En effet, le métropolite
soupçonne que s’il y a une influence des effluents
à Venice, elle doit probablement trouver son
origine dans l’asile (en raison des expériences
passées de l’organisation). Au besoin, Jagger pro-
pose de payer le groupe pour le dérangement.
Difficile de tirer quoique ce soit de concret de
la personne qu’ils ont attrapée (si elle n’a pas été
tuée). Tout au plus se contente-t-elle de répéter
que Venice lui parle, car elle est en train de
s’éveiller et que sa fureur est grande. Une fois
entré dans la cité, Johan Jagger conduit les per-
sonnages à travers les ruelles veniciennes tout en
les briefant sur l’asile et ses spécificités.
Mais vous êtes fous
L’arrivée dans l’asile humaniste est laissée à
votre discrétion. En effet, l’état des lieux dépend
des événements survenus dans Concerto pour
détraqués (cf. p. 109). Pour la suite des aventures,
deux choix s’offrent à vous : faire une pause dans
la geste et jouer cette préquelle de la révolution
venicienne, ou placer les résultats que vous sup-
posez en découler, orientant ainsi l’intrigue dans
un sens qui vous paraît logique. Dans ce second
cas, les aliénistes ont de fortes chances d’avoir été
maltraités et placés en cellule, les déments jouant
un jeu de dupe et singeant le personnel de l’asile
au moment de l’arrivée du groupe. Si vous préfé-
rez une situation moins compliquée, vous pouvez
partir du principe que les soignants ont com-
mencé à inverser la vapeur, au bout d’un temps,
et à reprendre le contrôle de l’établissement.
La colère et la rage étant passées, les patients
acceptent finalement de se faire reconduire
calmement dans leur cellule. Armé du registre,
Johan Jagger joue le rôle de directeur, orientant
les fous vers leurs chambres comme des enfants
punis. Les aliénistes et les gardes sont encore sous
le choc. Certains déserteront dans les prochains
jours (une trentaine). Du côté des pensionnaires,
le constat est sans appel : environ vingt internés
se sont enfuis et au moins autant sont décédés
durant les troubles. Le personnel n’est plus assez
nombreux pour faire face.
Les personnages se voient proposer un nouveau
travail, mais également une résidence tempo-
raire. En échange de leur aide pour garantir la
sécurité et retrouver le plus possible de malades
en fuite, ils peuvent habiter à l’asile le temps
qu’ils souhaitent. En cas d’acceptation, des
chambres confortables situées dans les bâtiments
administratifs leur sont allouées. Le métropolite
Melchior, quant à lui, accepte de séjourner dans
l’asile avec Claire et de mettre ses compétences
au service des soignants pour réparer ce qui peut
encore l’être. Il y voit (si les personnages hésitent
encore) un moyen de traquer les eff luents et
l’Enfant. La Fillette souhaite, elle aussi, que les
personnages restent.
Introduction alternative
La rencontre avec le fou n’est pas forcément
nécessaire. En effet, les personnages ont peut-
être trouvé des traces des effluents parmi
les victimes du Métronome dans la ballade
Le Pas chaloupé du Métronome. Il est donc
possible qu’ils cherchent d’eux-mêmes à se
rendre directement à l’asile humaniste. Mais
si tel n’est pas le cas, cette altercation permet
de remettre les effluents et la visite de l’éta-
blissement sur le dessus de la pile des choses
à faire. À l’inverse, si vous désirez mettre le
focus sur la visite de l’asile par votre groupe,
n’hésitez pas à ajouter d’autres déments sur la
route et à impliquer des visiteurs de l’établis-
sement (adversaires mal avisés ou victimes
collatérales).
67
 LA RÉVOLUTION
Cette trame forme l’ossature principale de Du sang dans les canaux de Venice. Elle est très malléable afin
d’adapter la durée de votre geste. Si vous désirez mener ces aventures en quelques séances, la révolution des artistes
sera expéditive (un coup d’État où l’horreur ne s’étendra que sur quelques jours). En revanche, si vous entendez
profiter au maximum du cadre de jeu, la prise de pouvoir des Artnarchistes peut être plus marquée et la libération
de Venice bien plus longue.
Pour vous aider, de nombreuses accroches d’intrigues sont proposées plus loin.
D’importances variables, elles peuvent être vécues par les personnages joueurs, narrées par des seconds rôles
pour donner vie à la révolution ou tout simplement ignorées.

INTRODUCTION

Objet de cette trame tant qu’Artnarchistes. En parallèle, la Loge des

Cette trame se développe en deux temps : la
chute de Venice sous la coupe des Artnarchistes,
puis sa libération. La première partie est menée
par l’Enfant qui va progressivement prendre le
contrôle de la jonction. Chaque méfait est détaillé
jusqu’à son paroxysme marqué par l’avènement
de la ghilde des somnambules au parlement en
gondoliers va également passer sous la coupe de
l’Enfant. Cette progression de la folie trouve son
allégorie dans une baisse de température allant
jusqu’à plonger la cité dans un hiver hors saison.
Au fil de leur découverte de la cité, les personnages
entrevoient également la peur qui pèse sur les
Veniciens : peur des lois arbitraires, des caprices

68
des artistes, des Art-bitres omniprésents et des
moyens presque magiques des nouveaux maîtres.
Toutefois, sous cette peur sommeille la volonté
de vivre libre du peuple venicien. Les personnages
devraient vite comprendre que la révolution est
un outil de l’Enfant et qu’ils peuvent l’en priver.
S’ils résistent aux Art-bitres et aux Artnarchistes,
s’ils osent s’allier aux ambassadeurs, tôt ou tard
ils seront contactés par ceux qui désirent libérer
Venice. C’est au cours de cette seconde partie que
des factions de résistants se forment (cf. Où l’on
gère des organisations p. 11). Cela permet de se faire
des alliés et d’organiser les événements qui vont
affaiblir l’emprise de l’Enfant sur la cité. Mais
attention, chaque allié potentiel suit ses propres
objectifs et chaque décision modifiera l’avenir de
la jonction, une fois celle-ci libérée.
Thèmes de cette trame
Cette trame donne un ton épique à la geste.
Elle poursuit l’escalade qui a débuté dans un
train (Transécryme), une seigneurie traversière
(Sableryne), une jonction (Méandre) et main-
tenant l’une des plus grandes cités de la Toile.
L’objectif est que les joueurs, au travers de leurs
personnages, comprennent les enjeux de la
céphalie et des courants d’émotions.
D’un point de vue narratif, c’est ce qui va per-
mettre d’habiller l’intrigue principale qui reste
la traque de l’Enfant. Cela augmente également
l’adversité. Trois thèmes ressortent en particulier
de cette partie de l’intrigue.
Le premier est l’ambivalence (morale, sociale,
artistique). Les personnes bienveillantes peuvent
être néfastes et les plus méprisables peuvent sau-
ver des vies. La liberté peut mener à des excès et
aucun camp n’est parfait. Artistes, antiquaires,
métropolites, ambassadeurs, tous sont oppresseurs
et oppressés, bourreaux et victimes. Tout n’est
qu’une question de situation et de point de vue.
Le second est la perte. Une révolution est un
moment de violence et non une chimère roman-
tique. N’hésitez pas à sacrifier, même arbitraire-
ment, des seconds rôles que les personnages vien-
draient à apprécier pour mettre à mal les plans
des personnages et ainsi augmenter l’adversité
(attention à ne pas en abuser).
Enfin, la responsabilité d’être à la tête d’un
groupe de résistants entraîne des choix corné-
liens avec des conséquences. Les conteurs sont
invités à parsemer les intrigues de seconds rôles
qui donneront un visage à cette responsabilité :
des innocents punis pour ne pas les avoir livrés,
L’art de l’improvisation
Plusieurs conseils d’improvisation sont
donnés au conteur en début d’ouvrage afin
de l’aider à adapter son récit aux actions des
personnages joueurs. Ces conseils viennent
compléter ceux déjà donnés dans la Boîte à
outils fournie avec l’écran (en particulier les
aides sur les teintes page 16 de ce supplément).
Ainsi, les thèmes donnés dans les différentes
trames sont autant de propositions de teintes
de contraintes créatrices pour le conteur.
En plus de ces thèmes s’ajoutent en filigrane
trois fondements sur lesquelles sont bâties
les trames de Claire (la folie et la Nostalgie),
de l’Enfant (l’Amertume) et de la Révolution
(l’Art).
C’est autour de l’Art que l’improvisation sera
non seulement la plus facile, mais surtout la
plus marquante pour les joueurs. Chaque fois
que le conteur doit imaginer quelque chose,
il est conseillé de le faire sous le prisme de
l’art afin de retranscrire au mieux l’ambiance
unique de Venice où l’art est politique, éco-
nomie, culture... Les duels ne se font pas au
fleuret, mais avec des mots ou des concours ;
les bombes sont remplacées par des feux d’ar-
tifice ; les acteurs sont des espions, les tortures
se font par l’usage de la musique, l’ingestion
de pigment ou l’immersion dans de la pein-
ture ; les vitriennes et les poèmes servent à
coder les messages, etc.
À ces teintes viennent encore s’ajouter les
nombreux éléments décrits dans la cité et non
exploités dans les intrigues. Par exemple, le
code vestimentaire (les plus aisés s’habillent
de couleurs sombres et les plus pauvres de
couleurs vives) pourrait être balayé par les
Artnarchistes au grand dam de nombreux
Veniciens. N’hésitez pas à insister sur l’im-
portance de l’art pour bien marquer les esprits
des joueurs.
L’hiver, en plus d’être un élément esthétique,
permet d’éviter la saturation. En effet, plus
l’intrigue avancera et plus les joueurs seront
emportés par plusieurs spirales d’intrigues.
La neige justifie la décroissance du nombre
d’expositions et de représentations.
des idéalistes capturés pour avoir suivi un ordre
à la lettre, des soldats qui remettent en doute
les décisions des personnages joueurs (accepte-
ront-ils un risque de sédition ou d’égratigner
leur image de chefs infaillibles ?), des civils qui
offrent une cachette au péril de leur vie.
69
 MISE EN PLACE
Cette trame instaure simultanément deux élé-
ments : la révolution des Artnarchistes et le règne
du froid.
La révolution des artistes
La révolution permet aux Artnarchistes de
prendre le contrôle de Venice. Officiellement,
ces individus représentent les artistes qui se sont
unis pour renverser la dictature des antiquaires qui
exploitaient le génie créatif. Les saynètes ci-dessous
présentent l’essor des révolutionnaires ; elles
peuvent être directement vécues par les person-
nages joueurs, ou leur être relatées.
1. Signes avant-coureurs
La grogne monte à propos de l’exploitation
artistique. Les œuvres qui connaissent le succès
sont décriées, car trop conventionnelles, au profit
d’audacieux artistes anonymes. Les antiquaires
sont désignés comme responsables du marasme
ambiant. Arlequins et crépusculaires se montrent
intransigeants avec les contestataires.
Voici quelques événements potentiels :
Un peintre refuse de vendre son tableau à un
antiquaire.
Certains artistes sans-le-sou invectivent un
groupe d’antiquaires et sont soutenus par la
foule.
Les possessions d’un antiquaire sont jetées à
l’écryme.
Un artistocrate est ouvertement critiqué pour
un choix de mécénat.
La domination des doges est remise en cause par
un nombre grandissant d’artistes. Pour eux, leur
élection est due à une réussite médiatique financée
par des antiquaires, et non une réussite artistique.
2. La révolution en marche
Certaines rumeurs courent sur un groupe d’ar-
tistes contestant l’autorité des doges. Ils se font
appeler les Artnarchistes et exposent dans tout
Venice leurs revendications dans des pamphlets
relayés sous forme de chants, de pièces de théâtre,
de poèmes et même de peintures. Des actes de
vandalisme et des rixes ont lieu. Le Saint-Office
et la police de l’œuvre sont débordés.
70
Voici quelques événements potentiels :
Des œuvres volées sont retrouvées chez un
arlequin (piégé).
Les lois des doges ne sont publiquement plus
reconnues dans certains ateliers.
Les vols au sein du quartier des antiquaires se
multiplient et les arlequins comme les crépuscu-
laires sont pris pour cibles par des Artnarchistes.
La main d’un antiquaire est coupée comme
celle d’un voleur sur les traverses.
Des œuvres artnarchistes (d’une rare violence)
se multiplient.
3. La mort d’un doge
Le doge du Masque est assassiné en pleine
rue après avoir joué une œuvre subversive (cf.
p. 75). Un nouveau Festival est organisé au cours
duquel les échauffourées se multiplient. Les
crépusculaires et les arlequins tentent de faire
face, mais sont trahis par la police de l’œuvre.
Finalement, les Artnarchistes sont élus. Les
doges s’enfuient et beaucoup les croient morts,
assassinés. De nombreux artistocrates ayant
senti le vent tourner trahissent leurs pairs. Un
exode massif débute. La révolution éclate : le
soir même, toutes les fenêtres du parlement sont
brisées pour laisser passer la lumière de la lune
et éclairer le conseil des Artnarchistes qui ne
siègent que la nuit. Leur identité et leur nombre
sont inconnus, mais leur consensus semble par-
fait. Les sympathisants de l’ancien pouvoir sont
dénoncés, traqués et enfermés. Une nouvelle
police secrète se forme : les Art-bitres. Ces der-
niers infiltrent les cercles les plus fermés de la
cité.
Voici quelques événements potentiels :
Plusieurs centaines de Veniciens fuient la cité.
Beaucoup pensent que l’horreur des guerres
d’Acrymonie est en train de se reproduire.
Un artiste critiquant la qualité d’une œuvre
artnarchiste est arrêté devant une assemblée
apeurée.
Des gens applaudissent devant un spectacle
totalement incohérent.
Les Art-bitres arrêtent sans ménagement un
artiste réalisant une peinture à la craie des doges.
4. De nouvelles lois
Les artistes ont toujours été la classe dirigeante
de Venice, mais la révolution les favorise encore
davantage en les plaçant au-dessus des lois pour
ne plus brimer leur créativité. Ils peuvent désormais
réquisitionner ce qu’ils veulent ou punir un
public imperméable à leurs œuvres. Toutefois,
même eux vivent dans la peur des Artnarchistes
et des Art-bitres. S’ils enfreignaient les nouvelles
lois, même leur talent ne les protègerait pas.
Voici quelques événements potentiels :
Des lecteurs de plaques lisent les nouvelles
lois aux habitants. Régulièrement, des éléments
changent vers une plus grande rigueur.
Venice devient le spectacle d’une sauvagerie
sans nom.
Ses rues se vident pour faire place à de
macabres spectacles.
Les artistes sont forcés de réciter les louanges
du nouveau régime.
Les personnes arrêtées ne ressortent pas et ne
sont pas toutes jugées. On évoque des exécutions
sommaires.
5. Vandalisme et saccage
Des symboles de l’ancien régime sont détruits,
dont l’une des tours d’adjudication. Plusieurs
ambassades sont prises d’assaut. Arlequins, cré-
pusculaires, et une partie de la police de l’œuvre
entrent dans la clandestinité. Parmi eux, certains
forment un groupe de résistants appelé les Chantres
de la liberté. Les gondoliers désertent également la
cité. Quand ils finissent par réapparaitre, ils portent
des masques et ne parlent plus. Ici et là, des groupes
anti-Artnarchistes se mettent en place ; beaucoup
éclatent, noyautés par les Art-bitres.
Voici quelques événements potentiels :
Les matériaux de la tour d’adjudication démo-
lie sont utilisés pour agrandir les 107 théâtres.
Des lecteurs racontent les exploits (ou les
méfaits) des Chantres de la liberté.
Des exécutions publiques ont lieu avec des
mises en scène grotesques (sculpture des corps,
condamnés récitant des textes alors qu’ils sont
torturés, etc.).
Les Art-bitres organisent une parade où ils
présentent à la foule des terroristes arrêtés.
Des concours de graffitis sont organisés pour
recouvrir les murs du palais des doges.
L’hiver des âmes
La chape de froid recouvrant Venice est la mani-
festation de l’influence de l’Enfant et de l’Amer-
tume. En effet, leurs actions insensibles entraînent
une série de réactions qui affectent le climat.
D’ordinaire, Venice est traversée par les émotions
provoquées par l’art et l’engouement créatif. La
peur et la colère ont détourné les habitants de ces
flux permanents. Les émotions s’émoussent et
empêchent les gens de réagir à la démence qui
les entoure. Plus sensibles, les artistes cherchent
désespérément à retrouver l’envie de créer.
La cité compense cette carence émotionnelle en
libérant une partie de l’Amertume qu’elle a emma-
gasinée. S’il se déchaîne contre les marchands
d’art, le ressentiment est en réalité plus ancien et
remonte à l’occupation lanskoise. C’est pourquoi
les ambassades lanskoises (dont Méthalume) ayant
jadis cédé à l’occupant sont prises pour cibles par la
population. Le renforcement de la mélancolie et
la perte de la créativité refroidissent l’écryme qui
gèle peu à peu l’eau qu’elle contient, plongeant la
cité des doges dans un étrange hiver. Ce froid agit
comme une épée de Damoclès au-dessus de la cité.
Si rien n’est entrepris pour endiguer sa propaga-
tion, la cité des arts est condamnée.
1. Un moral en berne
À intervalles irréguliers ( jours, semaines ou
lunes selon le rythme de la geste), les Veniciens
sont sujets à des baisses de moral et plongent
chaque fois un peu plus dans l’apathie.
Voici quelques événements potentiels :
Les comédiens attirent moins les foules.
Les musiciens jouent sans entrain.
Les tableaux sont ternes et lugubres.
Le temps se refroidit de plus en plus.
Les gondoliers se font plus rares.
2. Des flocons commencent à tomber
Le temps se dégrade de manière permanente.
La neige tombe sur la cité et la pellicule qui se
forme rend les déplacements compliqués. Par
endroit, les canaux gèlent et les périples en
échasses se révèlent ardus. Venice s’isole peu à
peu du reste de la Toile.
Voici quelques événements potentiels :
Certains prétendent que le niveau de l’écryme
est monté dans les canaux (ceci est dû au fait
qu’elle s’évapore et que la glace est moins dense).
L’écryme prend une teinte plus sombre et
71
 charrie des blocs de glace, rendant l’utilisation
des gondoles impossible.
Les scientistes ne comprennent pas ces phéno-
mènes inédits que chacun tente d’expliquer à sa
manière.
Des familles sont retrouvées gelées à leur
domicile.
Plusieurs câbles de sémaphores tombent sous
le poids de la neige, certains prétendent qu’ils
ont été sectionnés.
3. Une révolution collective
La révolution rallie insidieusement des per-
sonnes qui ne lui étaient pas forcément favorables
au départ, surtout parmi les artistes. Nombre
d’entre eux participent aux troubles sans s’en
rendre compte. Les crises de somnambulisme
semblent contagieuses.
Voici quelques événements potentiels :
À plusieurs reprises, des artistes se réveillent dans
les palais de Venice, les mains tachées de sang, avec
le sentiment d’avoir triomphé de leurs oppresseurs.
D’autres se réveillent sur les ponts de la cité.
Ils les ont sculptés d’étrange manière. Certains
sont aiguisés comme des lames de rasoir ou polis
comme des miroirs déformants.
Certains errent sur la surface gelée de l’écryme
comme des somnambules. Il est parfois possible
de traverser les canaux à pieds, mais la solidité
de la glace est relative et peut conduire à la mort.
Les gondoliers font leur réapparition, mais
ils ne parlent plus et ne prennent plus de voya-
geurs. Comme des âmes en peine, ils tractent
leurs gondoles dont la quille fend la glace, créant
des sillons noirâtres par lesquels l’écryme jaillit
et se répand sur la glace. Il se murmure qu’ils
agiraient pour le compte des doges dissimulés.
4. La situation se stabilise
Venice est sous la neige. La glace recouvre
chaque canal. L’intervention des personnages et
la Nostalgie de Claire empêchent la situation de
se dégrader davantage.
Intrigues
Les intrigues sont classées par stades qui ren-
voient aux chiffres des événements présentés plus
haut. Ainsi une intrigue de stade 2 se déroulera
pendant La révolution en marche et Des flocons com-
mencent à tomber.
72
Une bien mauvaise affaire (stades 1-2)
Implication
Les personnages joueurs sont invités à un bal
donné par les antiquaires en leur qualité de nou-
veaux personnages forts de l’asile. La demande
a été émise par Phaléo qui voudrait les évaluer
par rapport à ce qu’a pu lui en dire Johan Jagger.
Synopsis
Le bal constitue l’occasion rêvée de présenter
plusieurs seconds rôles, car l’élite de la cité y
est conviée. Débutant dans une ambiance faite
de luxe outrancier, d’alcools et de drogues ista-
niennes, les antiquaires y organisent une vente
aux enchères d’œuvres d’artistocrates sous leur
aile, mais qui tourne rapidement court : les
toiles proposées par un artiste du Glyphe sont
remplacées par un travail bâclé et font scandale.
Le peintre accuse un antiquaire de vouloir le dis-
créditer en vendant des croûtes. Celui-ci s’estime
spolié par l’artiste qui lui avait présenté d’autres
toiles. Les convives prennent parti pour l’un ou
l’autre ce qui met fin à la soirée.
Intrigue et développement possible
Ici, pas d’intrigue tortueuse, mais simplement des
œuvres remplacées pour provoquer un esclandre.
Le responsable est laissé à votre libre choix et peut
(ou pas) impliquer l’un des suivants de l’Enfant.
Le feu aux poudres (stades 1-2)
Venice entretient le mythe des artistes géniaux
connaissant une vie brève et flamboyante. La réa-
lité est moins romanesque : certains artistocrates
parviennent à faire fructifier leur travail et en
vivent sans plus rien produire. Les antiquaires
bénéficient alors d’œuvres plus rares et donc
plus chères. La Loge des élogieux en tire aussi
profit, puisqu’elle fabrique de fausses rumeurs ou
assassine des artistes pour faire monter le prix
de leurs œuvres. Joueur, l’Enfant décide d’utili-
ser les personnages pour révéler le scandale et
mettre ainsi le feu aux poudres.
Intrigue
Vittorio Lanteni était un effluent passé maître
dans l’art de manipuler l’information. Trop peu
doué pour être remarqué par l’Enfant, mais
suffisamment pour tirer son épingle du jeu, il
est rapidement devenu un contact privilégié des
konzerns. Il manipulait les chiffres à merveille
avant de disparaître et d’intégrer la Loge des
antiquaires. Il lui a fallu peu de temps pour se
distinguer et créer avec quelques collègues peu
scrupuleux la Loge des élogieux. Émanation offi-
cieuse de la Loge des antiquaires, cette ghilde Il travaillait sur un nouveau tableau. Encore
collecte des œuvres d’artistes prometteurs qu’elle grossière, l’ébauche ne comprend que des pig-
tue tout en générant des rumeurs extravagantes à ments rouges et noirs et dégage une grande
leur sujet afin de faire monter le prix des œuvres. violence en contradiction avec son style habituel.
Le modus operandi est toujours le même : des Les proches ne se souviennent pas d’avoir
œuvres sont achetées, commandées et stockées entendu parler de ce tableau. Un expert en pig-
par la Loge. Le talent de l’artiste commence à ments notera que la toile n’a pas évolué depuis
être reconnu (par des critiques payés ou des per- quelques jours (l’auteur n’a rien tenté dessus).
sonnes influentes incitées à le faire). En public, Le nœud coulant a été fait par un gaucher
les élogieux achètent quelques œuvres à un prix alors que la victime était droitière.
supérieur à leur valeur, puis ils se débarrassent de La fenêtre de l’atelier a sur son chambranle
l’artiste. Se dévoile alors tout le talent de Vittorio extérieur une rayure due à la lame utilisée par
pour désinformer les autres acheteurs. En effet, l’assassin pour l’ouvrir et entrer. Dedans, il y a
la valeur d’un artiste est souvent liée à la rareté une trace de pas de petite taille et une marque :
de son travail et aux rumeurs sur son mode de celle d’un objet fin, mais lourd (c’est ici que le
vie. Un artiste mort, couvert de mystères, vend tableau a été posé provisoirement sur la tranche).
bien plus qu’un artiste vivant qui finit par s’enfer- Les semaines suivantes, les antiquaires s’ar-
mer dans une routine. Les rumeurs sont de tout rachent les toiles de la victime. Ses proches sont
ordre : l’artiste buvait de l’écryme mêlée à l’absinthe assaillis de propositions juteuses au sujet de sa
pour nourrir sa créativité, il vivait reclus chez lui, il production restante (y compris ébauches ou car-
avait des pratiques sexuelles déviantes, il aurait créé nets de notes).
des figures occultes qui se compléteraient au travers de Les proches ou les personnages sont sollici-
ses œuvres, il aurait eu des dons prophétiques, etc. Les tés pour établir une biographie de l’artiste. Les
élogieux écoulent enfin leurs marchandises avec questions posées dans le cahier des charges sont
une plus-value majeure, asseyant leur fortune et précises et orientées : Il avait fui sa traverse, n’est-ce
la preuve de leurs bons goûts. pas ? Cela a clairement impacté sa production, ne trou-
Implication vez-vous pas ? Toutes ces couleurs, n’était-ce pas une
Laissez les personnages joueurs découvrir les façon de nier son désespoir ? N’aurait-il pas fini par
spécificités veniciennes. Puis, distillez par bribes détruire cette dernière œuvre ?
les noms de célébrités montantes décédées bruta-
lement. Le moment venu, confrontez-les à un(e)
mort : ils pourraient intervenir comme experts
pour témoigner de la folie d’un(e) artiste qui se
serait suicidé(e). Une approche plus subtile, mais
plus complexe serait qu’un des morts soit une de
leurs connaissances. Un autre moyen de mettre
en scène cette intrigue serait que les joueurs
incarnent des artistes eux-mêmes pris pour cible
par les élogieux. Ils auraient alors rencontré la
victime au cours d’une soirée organisée par la
Loge.
Synopsis
Les personnages se retrouvent devant un(e)
mort(e), pendu(e) dans son atelier. Tout laisse
croire à un suicide : la chaise renversée, le
nœud, etc. Pourtant les connaissances de la vic-
time ne comprennent pas. Il/elle était prospère,
bon(ne) vivant(e) et rien ne laissait présager
l’irréparable. Plusieurs éléments peuvent être
découverts :
La lettre d’adieu écrite de manière décousue
sur une plaque d’argile est en totale contradiction
avec le caractère positif du défunt. Il évoque des
voix dans sa tête, une douleur continuelle, etc.

73
 La victime devient un objet de rumeurs. Il est
décrit comme un homme dont la mine joviale
cachait mal un vide intérieur.
Une enquête sur les artistes morts de manière
suspecte (suicides dans l’écryme, veines taillées,
maladies foudroyantes, etc.) permet de trouver
les similitudes : valeur des œuvres décuplant
après leur disparition, rumeurs non conformes
à la réalité (alcoolique ne buvant jamais, malade
avec une santé de fer, etc.). Les moyens de
remonter la piste des élogieux sont multiples,
d’autant qu’un membre de la Loge manipulé
par l’Enfant fera tout pour aider les personnages
(télégrammes, rendez-vous mystérieux, jeux de
piste). Son objectif est de montrer les liens entre
élogieux et antiquaires.
Les ghildes évoquent des nouveaux venus, des
francs bien organisés. On les imagine au service
des doges ou d’un autre groupe puissant, car ils
n’hésitent pas à bousculer des confréries bien
établies.
La toile laissée est l’œuvre d’un faussaire à la
technique excellente, mais dénué de tout esprit
créatif. Ce dernier peint des copies pour les bour-
geois assez riches pour s’offrir ses services, mais
pas assez pour obtenir des originaux. Le faus-
saire nie tout en bloc, mais avoue sous la menace
(violence, révéler le lien entre les meurtres et ses
copies, en référer aux Arlequins).
S’intéresser aux finances des élogieux laisse
entrevoir la supercherie. Un cambriolage de
la Loge révèle que les œuvres achetées étaient
mises sous séquestre pour qu’elles prennent de
la valeur.
Développement possible
L’affaire est prise en main par la doge de la
Note. En quelques jours, les élogieux sont
condamnés et les antiquaires doivent rendre des
comptes. L’affaire enfle rapidement. Les doges
font un discours acclamé par les artistes. Ils
sous-entendent des liens entre les antiquaires et
les assassins et entendent que la prospérité des
antiquaires soit mieux redistribuée pour que les
artistes en profitent. Les moyens de relier cette
ballade à la geste sont multiples : la promptitude
de la doge de la Note pourrait la confondre alors
que ses suivants ne déplorent aucune perte liée
aux élogieux, plusieurs nonces pourraient être
impliqués dans la chute des élogieux (liens avec
le contact qui a aidé les personnages), etc. Le dis-
cours des doges est enfin le moment de montrer
des dissensions entre les Loges artistiques.
74
Le culte des Muses (stades 2-3)
Intrigue
L’institut des sciences sociales venicien a toujours
attiré la Loge des effluents. L’un de ses membres
(nonce de l’Enfant) a décidé d’employer son art
et les moyens de l’institut pour donner naissance
à un nouveau culte, celui des Muses, incarné par
quatre figures féminines représentant les arts
et associées aux quartiers de la lune. Il prend
la forme d’un véritable parlement des arts au
caractère exclusif. Les artistes y négocient leurs
besoins en matières premières et y développent
leurs grands projets pour transformer Venice en
cité utopique. Les autres cultes, en particulier celui
de l’aragone qui était admis à Venice, sont forcés
de se retirer.
Implication
Les personnages sont témoins d’un lynchage
ou d’un acte de vandalisme contre un culte (pre-
nez l’arpenthème ou Malachine qui auront faci-
lement la sympathie des personnages joueurs)
perpétré par des fanatiques des Muses.
Synopsis
Plus les jours passent et plus le culte des Muses
gagne en popularité et en influence. L’objectif est
de donner des éléments relatifs à l’essor du culte.
Lors d’un prêche, une envoyée des Muses
évoque la possibilité de s’allier avec l’internatio-
nale ouvrière des cités de l’est.
Une milice artistique est formée et sillonne
la ville pour réquisitionner les richesses et la
nourriture. Les fidèles des Muses prêchent une
redistribution selon l’apport artistique de chacun
qu’ils évalueraient.
Très populaire, la doge de la Note annonce son
retrait de la politique pour se consacrer au culte
des Muses. Cette nouvelle coïncide plus ou moins
avec la mort du doge du Masque (cf. ci-après) et
favorise la tenue d’un nouveau Festival.
Des concours artistiques ont lieu auxquels les
enfants sont conviés. Les plus doués sont emme-
nés pour recevoir la meilleure éducation possible
auprès de maîtres d’art imposés par le culte.
Les cultes, Malachine en tête, haranguent les
foules contre ces fausses déesses.
Développement possible
Cette intrigue sert surtout à montrer la dégra-
dation de l’ambiance, à introduire les prémices
du parlement révolutionnaire et le fanatisme de
certains artistes.

Mort d’un doge (stade 3)
Intrigue
Venice s’effondre, il est par conséquent impos-
sible pour les doges de rester inactifs. Si la doge
de la Note joue un rôle clé, les trois autres ne sont
pas en reste. Le plan le plus fou germe dans l’es-
prit de Robert Cerfontaine, doge du Masque. Il
se doute que les révolutionnaires ont des espions
au sommet du pouvoir, mais ignore leur identité.
Au départ, il imagine une puissance étrangère
cherchant à déstabiliser et envahir Venice, la
cité des ambassades étant un nid d’espions pro-
venant de toute la Toile. Ses premiers soupçons
se portent vers le belliqueux Lansk. En fouillant,
il découvre avec stupeur l’étendue du plan de
l’Enfant et de ses alliés : artistocrates, céphales
et même au moins un doge (sans savoir lequel)
sont dans ses filets.
Pour forcer ses adversaires à se dévoiler, il décide
de mettre en scène sa propre mort… quoi de plus
stimulant pour un acteur ? Il fait donc courir le
bruit qu’il jouera dans une pièce écrite par les
Artnarchistes, ces nouveaux artistes prétendu-
ment affranchis du diktat des antiquaires. En
pleine pièce (jouée en plein air), il est touché par
un tir de mousquet. Le tireur fuit (ou se jette dans
l’écryme si les joueurs arrivent à le prendre).
Implication
L’assassinat d’un doge est un événement sans
précédent. Les artistes crient vengeance. On com-
mandite des biographies, des pièces de théâtre et
même une enquête. Selon la place qu’ils se sont
faite à Venice, les personnages peuvent se voir
confier l’une ou l’autre activité.
Synopsis
L’enquête est une tâche ingrate, car il n’existe
aucun indice probant et les autres doges exigent des
résultats rapides, craignant que leur vie ne soit éga-
lement menacée. Cette intrigue a deux objectifs :
découvrir l’implication de la Note et comprendre
que l’assassinat du doge était un simulacre.
Parmi les proches du doge, beaucoup s’inter-
rogent sur son décès. Le mort pourrait bien n’être
qu’une de ses nombreuses doublures. En outre, le
doge lui-même vit toujours dans le palais, déguisé
en simple intendant (rôle qu’il a déjà endossé
plusieurs fois).
Les pistes vraies ou fausses se multiplient :
À qui profite le crime : la doge de la Note tente
de profiter de la situation et se dévoile (aux yeux
de Cerfontaine). Elle commandite ses propres
enquêteurs (peut-être même les personnages)
et dévoile publiquement les résultats de leurs
recherches, quitte à les inventer pour rassurer
la population. Elle impute le méfait à Konstanz
Sinosa, un baron de la Finance méthalumien.
L’absence de mobile est bien évidemment très
secondaire. Le hasard fait que ces accusations
vont focaliser les enquêtes des différentes polices
vers les ambassades du Lansk et vont permettre
de dévoiler de nombreux accords commerciaux
entre le Lansk et les antiquaires. Des conclusions
hâtives et infondées seront tirées.
L’espion qui venait du froid : le doge du
Masque suppose que l’ennemi est le Lansk
ou l’Antipolie (après tout, l’Enfant vient de
Méthalume et les effluents sont actifs dans ces
deux nations). Il dévoile plusieurs noms d’es-
pions lanskois, avec l’aide des autres ambassades,
des plaques et de la population. Les ambassades
du Lansk, et en particulier celle de Méthalume,
sont assiégées. Les espions les plus chanceux par-
viennent à fuir, les moins fortunés sont pendus
haut et court, et d’autres entrent dans la clandes-
tinité. Ces derniers chercheront des alliés auprès
des personnages joueurs et leur dévoileront ce
qu’ils savent. C’est à la fois l’occasion d’introduire
d’autres intrigues (cf. Le siège de l’ambassade), de
créer une cellule révolutionnaire et de révéler
de nombreux secrets qui auraient échappé au
groupe.
Pour ou contre les Artnarchistes : à la mort
de son doge, la Loge du Masque est divisée entre
soutenir les Artnarchistes (le doge a été assas-
siné alors qu’il jouait une de leurs pièces) ou s’y
opposer. Après avoir découvert l’implication de
ces derniers, le doge incite ses suivants à lutter
contre la révolution, faisant de sa Loge la seule à
être opposée au nouveau système. Ce revirement
doit paraître suspect aux personnages joueurs…
comme à l’ensemble de Venice. Plus étrange
encore sera le revirement de la Loge envers le
Lansk. En effet, le doge se rendra compte de son
erreur et tentera de la réparer en devenant dans
l’ombre le plus ardent défenseur de Méthalume.
Le pouvoir derrière le trône : les proches du
doge du Masque fuient la cité… avant de revenir
et de reprendre leurs rôles. Acteurs aguerris, ils
se prétendront choqués et perturbés, mais en
réalité ils font partie du plan de Cerfontaine
(bien que la plupart ignorent que le doge tire
les ficelles).
Fausse Note : l’inquisition lancée par la doge
de la Note conduit à la capture d’une cinquan-
taine de suspects au sein du Masque. En réalité,
elle tente d’infiltrer la Loge, ses agents rempla-
çant les personnes arrêtées, mais sans succès
75
 (ses gens se faisant inévitablement éconduire).
Cerfontaine tente lui aussi d’envoyer des espions
auprès de sa rivale et ces derniers se font invaria-
blement repérer. Cette guerre froide peut être
mise en scène (les personnages sont pris pour
des agents de l’un ou l’autre camp) ou racontée
par un proche.
Développement possible
Découvrir l’identité de Cerfontaine est un véri-
table défi. La meilleure façon pour les person-
nages joueurs de le forcer à se révéler consiste à
bluffer et faire croire qu’ils connaissent son iden-
tité et celle de ses alliés. Avec le temps et la for-
mation de cellules résistantes, en aidant Venice
ou l’ambassade de Méthalume, il acceptera de
les aider. S’ils s’en font un allié, les personnages
joueurs peuvent obtenir une source de renseigne-
ments incomparable. Le doge du Masque peut
placer des hommes dans la plupart des factions
(s’il ne l’a pas déjà fait). Seuls les nonces et les
effluents lui échappent grâce à leurs pouvoirs
céphaliques. Ce réseau lui a permis d’opérer une
cartographie des différentes factions au sein de
Venice et d’identifier une zone morte : les mines
où aucune faction connue ne semble agir (l’En-
fant s’y terre).
Le Festival (stade 3)
Le Festival est une fête démesurée. Venant
de toute la Toile, on y trouve des touristes, des
artistes ou des marchands. Quelques semaines
avant la cérémonie, les relais affichent complet,
les rues sont encombrées... Durant le Festival, les
Veniciens laissent de côté leurs problèmes. Les
étrangers sont les bienvenus. Essayez de trans-
mettre à vos joueurs cette animation, les sens
pris d’assaut par l’activité, les sons, les odeurs.
Les rues sont si bondées qu’il est impossible de
courir. Les marchands et artistes haranguent les
foules. Des bateleurs traversiers tentent de glaner
quelques pièces avec des spectacles d’animaux ou
des tours de jonglerie. Des odeurs alléchantes
d’alcool et de viandes flottent dans l’air. La foule
est tellement dense qu’une filature est rendue des
plus difficiles, mais offre l’avantage d’être très
discrète.
Intrigue et Implication
Cette intrigue fait suite à la mort du doge du
Masque et met en scène la prise de pouvoir de
l’Enfant par l’entremise des somnambules. En
effet, la disparition de Robert Cerfontaine et le
retrait de la doge de la Note, souhaitant se consa-
crer au culte des Muses, imposent la tenue d’un
76
nouveau Festival, un événement si important
pour Venice qu’il implique chaque citoyen de la
cité.
Le plan de l’Enfant est simple, il veut faire de
la ghilde des somnambules (sous son contrôle)
les futurs dirigeants de Venice. Pour cela, il va
organiser de nombreuses mises en scène artis-
tiques de qualité, anonymes, mais revendiquées
collectivement par les Artnarchistes. Le mouve-
ment de frustration contre les antiquaires aidant,
d’autres artistes vont créer et léguer leurs œuvres
aux révolutionnaires… entraînant l’élection d’in-
connus au parlement. En coulisses, l’Enfant va
faire appel à toutes ses ressources pour gêner la
concurrence et favoriser ses pions.
Synopsis
Quelle que soit l’ingéniosité des joueurs, les
Artnarchistes remporteront les élections grâce
au pouvoir et aux actions de l’Enfant. Le Festival
leur permettra de tisser des liens avec les futurs
révolutionnaires, mais aussi d’en apprendre
plus sur l’Enfant et ses plans. Voici quelques
éléments :
Des juges-spectateurs sont soudoyés pour déni-
grer les artistes les plus prometteurs et s’extasier
devant les œuvres anonymes d’Artnarchistes.
Certains changent d’avis du jour au lendemain
après avoir été abordés par les somnambules.
Une immense fresque est peinte en une nuit.
Si la qualité et l’originalité ne font aucun doute,
elle est l’œuvre de plusieurs artistes qui ont tenté
d’harmoniser leur style. Ce subterfuge passe-
rait dans une autre cité, mais pas à Venice. Les
détracteurs sont pourtant conspués par la foule
qui est comme hypnotisée.
Depuis plusieurs années, la doge de la Note
a préparé une œuvre magistrale en modifiant
légèrement un grand nombre de partitions et
en provoquant une erreur dans l’agencement
des concerts. Des musiciens se retrouvent donc
à jouer simultanément. En quelques minutes, ce
qui aurait dû être une cacophonie devient un
enchantement. Une étude des partitions dévoi-
lera des méthodes artnarchistes.
Des œuvres d’art sont volées et cachées dans
les mines. Elles sont acheminées de nuit pour
être découvertes au matin. Les crépusculaires
et arlequins pistent ces étranges mouvements
orchestrés par les somnambules et les gondoliers,
qui s’efforcent d’incriminer les antiquaires.
Les gondoliers, par leur contrôle de nombreux
déplacements, provoquent le retard de certains
artistes aux concours.
Des ghildes sont soudoyées pour détruire des
œuvres de concurrents sérieux, voler des matières
premières ou kidnapper des modèles. Le plus
souvent, un minutage précis est nécessaire pour
agir la veille d’une présentation et ainsi couvrir
l’artiste de ridicule.
Un artiste en vue pris pour cible par les
Artnarchistes est accusé de plagiat devant une
foule prise à témoin. Quelle que soit la qualité de
son œuvre, le discrédit est jeté sur lui.
Les mécènes semblent moins généreux, sur-
tout ceux travaillant dans les quartiers miniers
proches de l’Enfant. Une partie de leurs fonds et
de la production minière est détournée au profit
des Artnarchistes.
Voici quelques éléments indépendants de l’in-
trigue pour animer le Festival :
La cité organise de nombreux événements
dont l’illumination d’un bassin d’écryme, des
constructions de traverses éphémères, un spec-
tacle aérien (ballet illuminé à l’aide de torches
risquant de brûler les cerfs-volants), etc.
Certains vendent des fruits trop mûrs pour
les lancer sans se salir les mains et s’écraser mol-
lement en produisant un bruit du plus bel effet.
La chasse aux bouseux est un sport venicien
consistant à trouver les plus mauvais artistes et
leur faire croire qu’ils ont du talent. Un barème
est affecté en fonction de la médiocrité et de la
durée du subterfuge.
Une patrouille de la police de l’œuvre inter-
pelle un artiste accusé d’avoir souillé le palais des
doges avec des graffitis contre les antiquaires.
Les arlequins s’en mêlent et emmènent l’homme
après s’être montrés très arrogants envers leurs
collègues.
Développement
L’objectif est que les personnages joueurs se
doutent que les somnambules et les gondoliers
sont impliqués dans une sorte de révolution artis-
tique qui prend le nom de mouvement artnar-
chiste et qu’il se passe quelque chose d’étrange
du côté des quartiers miniers. Essayez de main-
tenir un rythme soutenu pour les empêcher de
creuser trop en profondeur et les orienter vers
une autre piste. Quand ce jeu d’équilibriste vous
semblera trop difficile à tenir, la révolution écla-
tera et modifiera leurs objectifs.
La chute des tours (stades 4-5)
Cette intrigue peut être jouée du côté des
assaillants ou des défenseurs. L’assaut, violent
et mortel, devrait durer au maximum le temps
d’une séance de 1 heure.
Des contre-révolutions ?
Plusieurs groupuscules rebelles (menés par
des seconds rôles déjà rencontrés ou d’illustres
inconnus) devraient naître simultanément :
Des exemples : certains sont voués à être
découverts par les Artnarchistes et extermi-
nés afin de mettre en avant la menace du
pouvoir et sous-entendre une menace dans le
groupe des personnages joueurs (agent infil-
tré, traître, trop grande visibilité, etc.).
Des rivaux : les projets politiques des
uns et des autres diffèrent. Aux personnages
joueurs de se positionner sur les limites de
leurs actions (terrorisme, pactiser avec des
groupes extrémistes, faire des compromis,
renoncer à ses valeurs). Les Spleens et Idéaux
devraient servir.
Des groupes à absorber : pour peu que
les personnages soient prêts à entrer dans
le jeu politique, certains groupes peuvent
être absorbés pour renforcer leur réseau.
Comment gérer les individus déplaisants,
s’adapter à d’autres visées ?
Intrigue
Venice se soulève ! Les artistes, furieux, sac-
cagent les demeures des antiquaires avant de
s’en prendre au principal symbole de la Loge :
les tours d’adjudication.
Implication
S’ils ont révélé les méfaits des élogieux, les per-
sonnages joueurs sont honorés par les Veniciens
et se voient proposer des postes au sein de l’ar-
mée révolutionnaire en cours de formation.
Synopsis
Impossible de réfréner la furie des artistes.
Des acrobates et des danseurs se projettent vers
les fenêtres et font couler une peinture qui se
révèle extrêmement inflammable. Des sculpteurs
tâtonnent sur les murs à la recherche de points
de faiblesses qu’ils indiquent à leurs élèves munis
de burins et d’explosifs (en réalité des feux d’ar-
tifice). Musiciens et chanteurs font se briser les
vitres sous leurs harmoniques, quant aux chefs
d’orchestre, ils coordonnent les efforts pour cau-
ser les pires dégâts. Du côté des antiquaires, la
panique règne. Les passerelles entre les tours sont
coupées, les portes barricadées. Des arlequins
repoussent les artistes, mais sont dépassés quand
des mimes et des acteurs se révèlent dans leurs
rangs et ouvrent des brèches dans les défenses.
Plusieurs opportunités de briller se présentent :
Les assauts sont coordonnés grâce à la
77
 musique. Comprendre le procédé et frapper à
contretemps permet d’entraver cette tactique.
Pour les assaillants, il importe de protéger les
chefs d’orchestre.
Démasquer les acteurs infiltrés donne du répit
aux défenseurs. Il faut pour cela se douter que
des espions sont déjà dans les murs et chercher
des traces de déguisement… à moins que les per-
sonnages n’endossent le rôle d’espions.
Des œuvres précieuses sont prises en otage
par les antiquaires et ont plus de valeur que les
hommes.
Développement possible
Pour les assiégés, il existe plusieurs moyens de
fuir les lieux : confectionner des cerfs-volants
avec des toiles de maître, se déguiser en assail-
lants, etc. Seule une tour tombera dans la nuit…
avec les œuvres qu’elle contient. Les deux autres
seront prises, mais épargnées. Pour les joueurs,
participer aux événements est le moyen de décou-
vrir une partie des plans de la doge de la Note.
lisées. Pourtant l’esprit de corps demeure chez
certains d’entre eux. Pour leur redonner l’envie
de se battre, il faut un symbole comme le retour
du doge du Masque.
Les urbatechs sont les ennemis naturels de
l’Enfant, car son influence sur Venice perturbe
leurs travaux. Bien que peu nombreux, ils peuvent
aider la résistance en lui indiquant des raccourcis
ou des cachettes. Au besoin, ils peuvent aussi sou-
tenir la guérilla même si ce n’est pas le domaine
où leurs talents s’appliquent le mieux.
Les ghildes sont nombreuses et désorganisées.
Longtemps sous la coupe des antiquaires, elles
profitent des troubles pour entretenir un marché
noir florissant et régler de vieux comptes. Les
malandrins refusent de s’allier à une cellule si
ses membres proposent un retour au statu quo
prérévolutionnaire.
De manière générale, les ambassades pré-
fèrent la stabilité de l’ancienne Venice, mais
chercheront au maximum à éviter toute confron-
tation avec les Artnarchistes. Leur réaction est

Démêler la trame décrite nation par nation dans la description de

Venice.
Les personnages joueurs devraient rapidement Malgré leurs différences, les fidèles des dif-
se rendre compte que Venice n’est pas complè- férentes religions ont soif de revanche contre
tement vaincue. Ils bénéficient d’ailleurs de le culte des Muses. Par ses exactions, ce dernier
plusieurs moyens pour faire partie d’une cellule permettrait de fédérer des cultes disparates, voire
résistante ou en fonder une (cf. Où l’on gère des ennemis (Malachine), dans une lutte sur le ter-
organisations, p. 11). Constituer ou rejoindre une rain de la doctrine aussi bien que du sabotage ou
cellule signifie se trouver des alliés potentiels, de l’assassinat.
ramener des vivres, donner de la visibilité à son
groupe, etc. Les alliés peuvent être nombreux,
mais chacun a ses motivations. Chacun offre ses
services pour des raisons différentes.
Le recrutement d’artistes n’est guère aisé. En
effet, quel que soit le quartier, ceux-ci vivent dans
la peur. Le risque d’être dénoncé à un Art-bitre
ou de recruter un agent double effraie à la fois les
alliés déjà acquis et ceux à venir. C’est toutefois le
meilleur moyen de lutter contre les Artnarchistes.
Démasquer des Art-bitres, redonner espoir aux
artistes ou critiquer l’art des Artnarchistes sont
les meilleurs moyens de s’attirer le soutien des
anciens artistocrates des quatre Loges.
Les réseaux antiquaires existent toujours
dans les bas-fonds de la ville ou dans des mar-
chés éphémères des faubourgs. Leurs représen-
tants sont prêts à tout pour briser le pouvoir
des Artnarchistes. Ils demandent avant tout l’as-
surance que, la révolution vaincue, la situation
redeviendra comme avant.
Les forces de l’ordre (arlequins, crépuscu-
laires et policiers de l’œuvre) ont été démobi-

78
 Les céphales ont l’habitude de vivre cachés ;
il est extrêmement difficile de les trouver et de
les impliquer dans le conflit. Le meilleur moyen
d’y parvenir est de convaincre un ou plusieurs
artistocrate, voire même un doge, de leur assu-
rer une vie meilleure après la révolution. Les
céphales sont indispensables pour lutter contre
les gondoliers.
Attention toutefois à la vitesse que vous désirez donner
à vos révélations. Leurs dons doivent rester mystérieux.
De plus, Anthelme cherchera au maximum à maintenir
les personnages hors de l’influence d’autres céphales.
La vie de la résistance
Les intrigues qui suivent forment une suite
naturelle à la révolution des artistes. Leur ordon-
nancement ne dépend pas d’un timing précis,
mais des initiatives des joueurs. Elles sont orga-
nisées en trois axes :
Méthodologie présente la constitution et le
développement d’un réseau de résistants.
Initiative est un florilège de situations (oppor-
tunités de bravoure, infiltrations, risques).
Répercussion propose des pistes d’actions
pour faire vivre l’adversité.
Naissance d’une cellule (Méthodologie)
Intrigue
Les personnages joueurs décident de lutter
contre les Artnarchistes. Il est vraisemblable
qu’ils aient déjà des buts et des hommes prêts à les
suivre. Tout commence par la définition de leur
mouvement, de son organisation et de ses valeurs.
Implication
Cette intrigue est liée au désir des personnages
joueurs de lutter activement contre le régime mis
en place par l’Enfant. Plusieurs raisons mènent à
cette décision :
Ils ont compris l’utilité des Artnarchistes dans
les projets de l’Enfant.
Leur Idéal (ou Spleen) les pousse à la lutte.
Les tenants du régime sont des êtres d’excès et
tout porte à croire qu’ils sont des ennemis natu-
rels des personnages joueurs.
Dans ces temps sombres, les Veniciens
cherchent des héros. La Nostalgie véhiculée par
Claire les conduit à vouloir retrouver la gloire de
la cité. Certains individus suivent donc les per-
sonnages joueurs et les mettent en danger par
leurs propres actions. D’autres agissent en leur
nom.
Les tatouages du Saint-Office.
Impossible de torturer un Artnarchiste, ni
même le suivre, durant la journée. En effet,
les masques qu’ils portent les contrôlent.
Enfermé, le captif restera prostré durant la
journée et contemplatif de la lune durant la
nuit, hululant parfois. Lui retirer son masque
provoquera des hurlements de damnés
(impression qu’on lui arrache son visage).
Après quelques heures, il sera confus, igno-
rant ce qu’il a pu faire les nuits où le masque
l’a appelé.
Affronter les Artnarchistes n’est toutefois pas
vain. En effet, les personnages pourraient
remarquer que certains sont tatoués d’un
numéro. Il s’agit d’un code employé par les
tribunaux du Saint-Office pour ficher des
membres de ghildes. Faire le lien entre ce
numéro et leur statut de criminel permet de
découvrir, dans les registres de l’institution
où toutes les condamnations sont consignées,
que certains d’entre eux ont été envoyés dans
les mines exécuter des travaux forcés. Bien
sûr, la consultation d’un tel registre nécessite
de pénétrer dans le bâtiment sans se faire
remarquer, ou en étant munis des accrédita-
tions nécessaires. De nombreux Artnarchistes
sont fichés comme ayant appartenu à la ghilde
des somnambules.
Synopsis
Cette intrigue est entièrement dictée par les
joueurs. Le conteur peut intervenir pour deman-
der des précisions :
Quels plans pour mettre à bas le régime ?
Quelles sont les idéologies du groupe ?
Quelle structure pour la faction ? La cellule
sera-t-elle très hiérarchisée ?
Comment se rencontrent ses membres ?
Comment communiquent-ils ?
Comment s’inscrire dans Venice ? La cellule
perpétra-t-elle une quelconque forme d’art ?
Si oui, comment espèrent-ils rester dans la
clandestinité ?
Il convient de lui donner de l’importance, car
elle permettra aux joueurs de fixer leurs objec-
tifs et au conteur d’y répondre. C’est également
l’occasion de présenter les premiers visages de la
faction.
Développement possible
La faction créée, présentez quelques actions
décrites dans les initiatives ci-dessous.
79

Croissance (Méthodologie)
Cette intrigue peut être issue de la volonté des
personnages joueurs d’absorber d’autres mou-
vements rebelles. Le conteur a pu les introduire
lors de séances antérieures.
Intrigue et implication
Au fil de ses actions, la faction des personnages
joueurs a su incarner l’image de la résistance.
Qu’ils soient issus du peuple ou d’autres mouve-
ments révolutionnaires, des seconds rôles entrent
en contact avec la faction et demandent à partici-
per au combat sous leur bannière.
Synopsis
Les valeurs sont-elles communes ? S’opposer
aux Artnarchistes n’est pas suffisant, si les nou-
veaux initiés ne partagent pas les valeurs de la
faction et les limites qu’elle impose à son action.
Aux personnages de s’interroger sur la façon de
choisir qui rejoint ou non la faction, et le sort de
ceux qui sont refusés.
Tôt ou tard, idéalement suite à un échec ou un
revers, un nouveau leader fait son chemin dans les
rangs de la faction. Charismatique, il gagne le sou-
tien de la base du mouvement. Les personnages
joueurs sont-ils prêts à partager le pouvoir avec
lui ? Au risque de créer un schisme et de perdre
un grand nombre de leurs moyens s’il quittait
la faction ? Et que faire s’il se révélait plus apte
à diriger la faction ? Leur orgueil les laisserait-il
abandonner la place pour le bien du mouvement ?
Développement possible
L’afflux de nouveaux membres est l’occasion
idéale pour les Art-bitres d’introduire ses traîtres
dans la faction.
Passage dans l’ombre (Méthodologie)
Cette intrigue naît des choix des personnages
joueurs, dont les impacts trouvent ici leur accom-
plissement. Il est important de faire comprendre
au groupe qu’elle n’a rien d’arbitraire, mais qu’il
s’agit bien de sa responsabilité. À lui d’y faire face.
Intrigue et implication
La faction est en danger. Pas militairement,
mais dans son cœur. Ses dirigeants ou sa base se
sont éloignés des valeurs initiales. Peut-être que
les moyens déployés ont dépassé les limites que
le groupe s’était posées à sa fondation. Certains
hommes désertent. D’autres parlent de se séparer
du groupe et de créer une faction plus extrémiste
ou au contraire, plus modérée. Les personnages
joueurs doivent faire taire l’opposition ou trouver
un compromis.
80
Synopsis et développement possible
Qu’il s’agisse d’une rumeur ou de défections,
les personnages comprennent qu’un malaise
existe dans leur faction. Donnez un visage à ce
malaise, sous la forme de seconds rôles contes-
tataires ou alliés, qui encouragent le groupe à
prendre des décisions.
La façon dont les personnages joueurs traitent
ces individus est déterminante. Les rencontrer, les
écouter est un premier pas, mais la demande prin-
cipale sera de modifier les valeurs du groupe ou
de s’excuser sur la façon dont les personnages les
ont traités. Toute modification risque d’entraîner
plus de défections et, peut-être, de créer une nou-
velle faction rivale connaissant le modus operandi
et les secrets des personnages. C’est toutefois la
meilleure façon de repartir sur des bases saines.
Traiter par la force les dissensions est un
moyen étrangement efficace. Si les personnages
joueurs parviennent à imposer leurs idées par la
force, ils conserveront une faction solide, peut-
être même renforcée (tant qu’ils restent les plus
forts). Cette décision devrait cependant leur être
retournée ultérieurement (comme quoi ils ne
valent pas mieux que le régime qu’ils cherchent
à renverser).
Le pire des cas est l’inaction : la faction se
fragmente alors en sous-groupes moins puissants
dont la plupart seront rapidement écrasés par les
Artnarchistes. La faction devra quasiment recom-
mencer au point initial.
Libérer les prisonniers (Initiative)
Intrigue et implication
Les Artnarchistes ont emprisonné beaucoup de
gens. Les personnages peuvent choisir d’agir par
intérêt ou par idéal. Il peut s’agir de libérer des
membres de leur cellule (afin de sauvegarder les
secrets de cette dernière), de simples innocents
injustement incarcérés ou des opposants poli-
tiques dont la libération renforcerait le mouve-
ment (anciens artistocrates, militaires, notables
d’autres cités, ingénieurs des konzerns, etc.). La
destruction d’une prison serait également un
geste politique fort.
Synopsis
Dans la nouvelle Venice, la prison la plus
importante se trouve dans le Saint-Office. Le lieu
est fortement gardé, s’y infiltrer implique donc
plusieurs choses :
Organiser une diversion pour diminuer le
nombre de gardes. Un acte terroriste ou une
insurrection armée dans un autre quartier fera
appeler une partie de la garnison en renfort et
dépeuplera la prison. Il faudra cependant les
tenir occupés le temps de l’exfiltration.
Infiltrer un agent dans la prison. Il faut pour
cela se faire arrêter pour un crime qui ne justifie
pas une exécution sommaire ou une mutilation
immédiate.
Animer une mutinerie. Cela signifie se faire
une place parmi les prisonniers. En plus des pri-
sonniers innocents, il y a également des voleurs,
des violeurs et des terroristes. Certains ont pris
sous leur aile les individus recherchés par les
personnages joueurs et demandent à profiter de
l’évasion, voire à rejoindre la faction à leur tour.
Assurer une insurrection. Les personnages
joueurs doivent armer (même sommairement)
les détenus et ouvrir les portes des cellules. Il est
possible de faire passer les armes en corrompant
un garde, en le remplaçant ou en les faisant
chanter. Les meilleures ghildes sont sans doute
capables de s’emparer des clés.
Un groupe armé dans la prison. Il est quasi
impossible de déplacer une foule en arme sans
que cela se remarque. Cela nécessite de connaître
les passages souterrains, de faire circuler un
groupe sur les canaux gelés parcourus par les
gondoliers, etc.
Des traîtres infiltrés. La fuite des personnages
joueurs devra être mémorable,et ce d’autant plus
que des Art-bitres se sont délibérément laissés
enfermés afin de pouvoir infiltrer les rebelles.
Développement possible
La libération d’un prisonnier influant précède
d’autres actions d’éclat ou même Le siège de
l’ambassade. Intégrer dans la faction certains des
prisonniers risque d’entraîner des dissensions et
un schisme (cf. Passage dans l’ombre).
Faire des exemples (Initiative)
Intrigue et implication
La lutte prend une autre dimension alors que le
groupe des personnages joueurs prend les armes.
Chaque ennemi qu’ils ont pu se faire (comme la
doge de la Note) cherchera à les éliminer. Ainsi,
si l’idée ne vient pas d’eux, il leur sera suggéré
puis imposé une action d’éclat. Le meurtre d’un
artiste influant, incarnant une figure de proue
pour le régime, leur serait exigé. Idéalement,
les personnages joueurs devraient chercher à
réaliser un coup d’éclat artistique plutôt qu’une
action violente. La culture venicienne n’en serait
que plus marquée.
Synopsis
Les figures du régime sont bien protégées.
La plupart ne reçoivent que sous surveillance
étroite et dans des endroits hors de portée d’un
trait d’arbalète. Il faut profiter d’un événement
marquant (exécution publique d’un opposant,
discours de fête, etc.) pour qu’ils s’exposent.
Avoir accès à la sphère privée d’un de ces
notables exige un effort d’infiltration, de très
bien connaître les lieux ou de faire chanter une
personne à son service.
L’acte commis doit être mis en scène et consti-
tuer une œuvre à part entière. Si la violence est
envisagée, elle ne doit pas transformer la victime
en martyr et desservir la résistance. L’action
(l’œuvre) doit inspirer un sentiment de justice
au peuple. Ainsi, une bombe serait à proscrire
(sans même évoquer les risques pour les inno-
cents présents).
Enfin, il faut s’exfiltrer. Cette tâche est d’au-
tant plus difficile si l’alarme a été donnée.
Cette intrigue est surtout l’occasion de ques-
tionnements sur les valeurs des personnages et
d’un jeu politique au sein de leur faction.
Développement possible
Un meurtre bien organisé conduit à une
réaction du régime telle que des infiltrations ou
des rafles (conduisant à des intrigues telles que
Libérer les prisonniers ou Le siège de l’ambassade).
Le siège de l’ambassade (Initiative)
Cette intrigue fait suite à la mort (fictive) du
doge du Masque et à l’enquête des personnages.
Intrigue et implication
Malgré la révolution, les ambassades étrangères
restent des îlots neutres avec leurs propres garni-
sons et leurs réserves. Les ambassades du Lansk
(surtout Méthalume) sont rapidement prises
d’assaut par les Artnarchistes et subissent un
véritable siège. Briser ce blocus permet d’entrer
en contact avec les ambassadeurs et de trouver
le moyen de profiter des ressources de l’empire
(réseaux d’espions, argent, armes, etc.).
Si les personnages joueurs ont besoin de moti-
vations, alors leurs opposants les accusent d’être
à la solde du Lansk (après tout, ils viennent bien
de Méthalume), à moins que ce ne soit l’irrup-
tion d’une soldate méthalumienne blessée qui les
projette dans l’intrigue.
Synopsis
Cette intrigue se découpe en plusieurs phases :
Entrer en contact avec les ambassadeurs. Pour
cela, il faut découvrir un moyen de communica-
81
 tion adéquat (codes transmis par miroir réflé-
chissant, sémaphores, transmission de disques
de cire par un espace souterrain, etc.).
Convaincre qu’il ne s’agit pas d’un piège. Le
personnel est totalement désespéré. Ceux qui
se sont rendus ou ont fui ont été exécutés. Les
personnes restantes souffrent de malnutrition et
manquent de sommeil.
Rétablir un contact avec la cité. Cette action
est des plus compliquées, car elle est de longue
haleine et la situation est de plus en plus critique.
De plus, il faut être capable de montrer patte
blanche.
Briser le blocus. Si les personnages joueurs
disposent de troupes conséquentes, une action
synchronisée avec les hommes de l’ambassade
permettrait de les exfiltrer de la cité. Les ambas-
sadeurs pourraient alors rejoindre leur patrie et
aider le groupuscule des personnages joueurs.
Briser le blocus occulte. Des gondoliers par-
courent les canaux bordant l’ambassade, creusant
des sillons exaltant le désespoir. Les nuits des
Méthalumiens sont peuplées de cauchemars et
les suicides se multiplient. Perturber leurs rondes,
saboter leurs gondoles, les tuer ou obtenir l’aide
de céphales capables de contrer les émotions
néfastes ramènerait un semblant de calme.
Chercher de l’aide auprès d’une autre ambas-
sade. L’ensemble des cités ont les yeux rivés sur
Venice, mais n’agissent pas, conscientes que la
première à prendre parti risque d’embraser la
Toile. Les ambassadeurs préfèrent donc attendre
que le problème se résolve de lui-même. Les
82
ambassadeurs sont toutefois prêts à des compro-
mis. Les leviers pour infléchir chacun d’entre
eux sont donnés dans la description de la cité.
Développement possible
L’aide apportée par Méthalume, le Lansk
ou toute autre cité dépend de votre geste.
Normalement, l’argent ne devrait plus être un
problème, mais l’argent ne renverse pas un
régime. En revanche, des armes, des soldats
entraînés et un meilleur accès à l’information
pourront facilement être acquis.
CMarkoff Domarazdki,
ambassadeur de Méthalumec
Histoire : Ce géant de près de deux mètres est
l’alliance parfaite entre les idéaux grégaires lans-
kois et les espoirs de paix veniciens. Habile tacticien
durant la guerre, le lieutenant Domarazdki a appli-
qué sans le moindre remords les ordres du Tsar,
massacrant impitoyablement tous ses opposants.
Cette capacité à obéir aux ordres se retrouve dans
sa reconversion après-guerre en tant qu’ambassa-
deur dans la cité des doges. Markoff Domarazdki
est en apparence exactement ce qu’on attend de
lui : un être affable, esthète, habile politicien et
fervent défenseur de la paix. En réalité, il reste
froid, calculateur, mais surtout très bon acteur
au point d’être remarqué par le doge du Masque.
Cette estime mutuelle se mue rapidement en une
amitié prudente et va donner lieu à de nombreux
complots, services et échanges d’information. C’est
malheureusement cette proximité qui va permettre
à la doge de la Note d’accuser Méthalume d’avoir
orchestré l’assassinat.
Plans et secrets : Avant la révolution, l’am-
bassadeur étudiait Venice dans son ensemble,
analysant les faiblesses des uns et des autres,
observant les alliances et les mésententes. Cette
attitude a trois intérêts ludiques : justifier la
colère des Veniciens lors du siège de l’ambassade,
surprendre les joueurs, mais aussi leur livrer au
besoin autant d’informations et de pistes que le
conteur désire. En effet, libre à vous de décider
ce que l’ambassadeur a découvert des plans de
l’Enfant. Participer au siège de l’ambassade
de l’intérieur et survivre est le meilleur moyen
d’entrer au sein d’une cellule résistante, voire de
contacter le doge du Masque.
cPaliakoffc
L’ambassadeur Domarazdki apparaît en per-
manence accompagné de son garde du corps,
Paliakoff. Ce dernier est en réalité un acteur
servant d’espion pour le doge du Masque et
capable en peu de temps de devenir le sosie de
Domarazdki pour le protéger. Véritable trait
d’union entre ses deux maîtres, il sera prêt à
prendre tous les risques afin de les protéger des
Artnarchistes.
Infiltration (Répercussion)
Intrigue et implication
La croissance de la faction attire l’attention
des Artnarchistes. Des agents (des comédiens)
infiltrent la faction pour renseigner le régime
et assassiner ses dirigeants. Cette intrigue com-
mence alors qu’une Initiative bien préparée
échoue dans le sang. Les personnages échappent
de justesse à la mort et doivent se rendre à l’évi-
dence : les Art-bitres avaient connaissance de leur
projet. Il y a un traître parmi eux.
Synopsis
Cette intrigue fonctionne mieux si vous avez
choisi à l’avance le traître. Il peut s’agir d’un pri-
sonnier libéré, d’une nouvelle recrue, d’un vieil
ami remplacé par un comédien ou, plus tragique,
contraint à renseigner le gouvernement, car vic-
time d’un chantage.
Dévoiler leurs soupçons aux survivants génère
une paranoïa qui risque de paralyser le mouve-
ment. Les plus radicaux organisent alors des
chasses aux sorcières et exécutent les individus
Le contrôle des gondoliers
L’Enfant a tenté de conditionner les gondoliers
par la torture et la céphalie (en les exposants
à des émotions très violentes et négatives).
Pourtant, la dévotion des gondoliers pour la
cité des arts leur a permis de résister. S’ils
trahissent désormais l’amour qu’ils portent à
Venice, c’est à cause de la doge de la Note.
Anna Luise Lombardi a brisé leurs dernières
barrières mentales et les a hypnotisés grâce à
sa musique.
Impossible de les faire parler même sous la
torture. Désormais, ils ne sont plus capables
que d’émettre des sifflements reprenant le
rythme de la symphonie. Impossible de tirer
quoi que ce soit de rationnel sans briser au
préalable les mélodies envoûtantes qu’ils
ressassent inlassablement. Les personnages
joueurs découvriront cet état d’hypnose dans
l’intrigue Aux premières loges et pourront y
mettre un terme dans Le dernier mouvement.
les moins sûrs (ou leurs rivaux). Selon l’attitude
des personnages joueurs, ils tenteront de prendre
le contrôle de la faction.
Garder ses soupçons et mener une enquête
offre plus de temps au traître pour identifier les
dirigeants de la faction. En cas de succès, il ren-
seigne les Artnarchistes qui tentent un coup de
filet. Le traître cherche à rester près des person-
nages pour les accompagner dans une éventuelle
évasion et les droguer ou les assassiner au besoin.
Attraper le traître impose de participer à un
jeu de dupe. Fournir des informations contradic-
toires et observer les réactions du camp artnar-
chiste permettent de l’isoler, mais induisent le
chaos et le doute dans la faction.
Développement possible
Identifier le traître et lui fournir de fausses
informations est un moyen de préparer de nou-
velles Initiatives. Sa capture implique un jugement
(plusieurs membres exigent des sanctions exem-
plaires). Cette intrigue permet à des individus
ambitieux de gagner de l’influence et au chaos de
gagner la faction (cf. Passage dans l’ombre).
Propagande (Répercussion)
Intrigue et implication
Après une v ictoire des personnages, les
Artnarchistes tentent de les discréditer. Poètes
et écrivains répandent des rumeurs et des
pamphlets concernant les soi-disant buts de
leur faction, l’accusant d’être à la solde d’une
traverse ennemie, de détruire les réserves d’eau,
d’assoiffer un quartier, de suivre des objectifs
politiques irréalistes qui ne conduiront qu’à la
ruine de Venice…
Pour bien fonctionner, les arguments doivent
viser juste. Si leurs méthodes sont violentes, les
personnages seront dépeints comme des terro-
ristes. Les Artnarchistes persécuteront la popula-
tion pour les trouver et justifieront cette décision
par les actes des rebelles eux-mêmes.
Synopsis
Après la première publication, les soutiens
de la faction sont plus distants. Des aides qui
paraissaient acquises leur sont refusées. Cet effet
s’amplifie avec le nombre de pamphlets. Une
contre-attaque par plaques interposées transpose
la lutte en véritable joute médiatique et publique.
C’est également pour les deux ennemis le pré-
texte d’une guerre secrète visant à identifier et
à détruire les moyens d’impression de leur rival.
La seconde phase du plan des Artnarchistes
débute avec l’assassinat d’un des leurs : Salvadore
83
 Alrandari. Ce capitaine de la garde, père de
famille, devient un martyr lorsque les poètes à la
solde des Artnarchistes dévoilent son prétendu
meurtre. Sa femme et ses enfants tiennent des
discours larmoyants qui invitent le peuple à se
méfier des factions rebelles. Contrer ce men-
songe est difficile, car chaque action visant à le
mettre en lumière le rend plus vivace encore.
Face aux résultats positifs de cette désinforma-
tion, les Art-bitres mettent en place un détache-
ment secret qui organise des attentats en se faisant
passer pour des agents de la faction. Les cibles sont
idéalement des citoyens récalcitrants à l’autorité.
Des bombes sont posées, tuant des civils.
Développement possible
Alors que les mensonges sont crus par le public,
les moyens de la faction s’amenuisent. Il devient
nécessaire de s’attaquer à des dépôts pour com-
penser la baisse d’approvisionnement venant de
sympathisants.
Le coup porté par les Artnarchistes impose
une remise en question de la légitimité des per-
sonnages au sein de la faction ou sur les moyens
employés (cf. Passage dans l’ombre). Enfin, réagir
contre le faux mouvement nécessite de se mettre
en position difficile et conduit à une intervention
massive des forces du régime (cf. Comme des rats).
Comme des rats (Répercussion)
Intrigue et implication
Grâce à un informateur infiltré ou en faisant
pression sur des prisonniers, les Artnarchistes sont
parvenus à identifier le quartier général de la fac-
tion. Les soldats installent des barricades près des
voies d’entrée et de sortie. L’étau se resserre. Les
personnages joueurs sont occupés à planifier leur
prochaine action quand un de leurs hommes
sonne l’alerte : ils n’ont que quelques minutes
pour fuir.
Synopsis
Plusieurs options s’offrent au groupe :
Tenir un siège afin de gagner quelques heures.
Les soldats ennemis tentent quelques actions
éclair avant de se retirer si les pertes sont trop
importantes. Un négociateur tente d’obtenir une
reddition. Il souligne la situation désespérée et
les implore de ne pas causer plus de problèmes.
Si les personnages se rendent, ils peuvent espé-
rer un procès équitable. Cette mise en scène sert
principalement à semer le doute parmi la faction.
S’échapper sans aide extérieure. Les soldats
ennemis sont nombreux, armés et prêts à tout
pour les capturer. Ils ont toutefois ordre de les
84
prendre vivants afin d’en faire des exemples.
S’ils n’ont pas prévu de solution de repli (passage
secret, égouts balisés, évasion par cerf-volant),
les personnages auront besoin d’alliés pour faire
diversion et permettre leur évasion. L’évasion
devrait refléter des alliances tissées et leur répu-
tation auprès du peuple.
Développement possible
Le siège est sans doute l’occasion d’une perte
de moyens importants pour la faction, moyens
qu’il faudra compenser par une Initiative comme
un vol de matériel du régime, l’absorption d’une
autre faction, etc.
Révolution occulte
Les intrigues suivantes ajoutent un aspect fan-
tastique à la révolution qui secoue Venice. Elles
aussi sont structurées en stades correspondant
aux événements décrits précédemment.
Une symphonie citadine (stades 2-3)
Intrigue
La doge de la Note, Anna Luise Lombardi, a
créé une symphonie capable d’influer sur Venice
par l’entremise des gondoliers. En raclant la glace
des canaux à la manière d’une aiguille sur un
disque phonographique, ces derniers créent des
craquements et des sons qui forment autant de
notes plongeant dans la mer acide. Le but final
de cette œuvre est de permettre l’émergence de
nombreuses créatures d’écryme qui viendront
se battre au côté des Artnarchistes et assurer la
pérennité de leur régime.
Implication
Les personnages peuvent remarquer d’eux-
mêmes l’influence grandissante des gondoliers
sur la cité des doges. S’ils n’y font pas attention,
Claire ou Anthelme le leur suggèrent, ou tout
autre céphale qu’ils auraient pu rencontrer et
avec qui ils se seraient associés.
Synopsis
Au cours de la geste, les gondoliers servent
d’abord d’éléments d’ambiance liés à leurs
adversaires, à l’hiver des âmes, etc. Au bout
d’un moment, les personnages joueurs finiront
par avoir l’intuition que leurs passages ont un
sens (mêmes itinéraires, fréquences identiques,
nombre de gondoles, variation des craquements,
rythme de traction, etc.).
Sur leur passage, les nautes laissent des sillons
sombres sur la glace des canaux. Au fil des jours
et des semaines, ces sillons s’accentuent. Des per-
sonnages ne manqueront pas de faire le parallèle
avec les faces d’un microsillon.
L’écryme émergeant de la glace s’assombrit.
Au contact de l’air, les volutes acides évoquent
d’étranges arabesques, parfois même des visages.
La mer acide elle-même finit par imprimer ces
éléments sur la glace.
L’ambiance dans les quartiers au contact des
canaux se modifie. Le froid y est plus mordant et
la population y est plus sujette aux cauchemars
et aux crises de somnambulisme (plus la lune
est pleine et plus les mauvais rêves sont forts).
Certains passants sifflent parfois, sans s’en rendre
compte, le même air (la symphonie). Enfin, l’in-
fluence du culte des Muses, dont Lombardi fait
partie, y est plus marquée.
Les gondoliers n’ont pas tous les mêmes gants.
En temps normal, plus les gants sont sombres et
plus ils peuvent utiliser de câbles différents. Suite
à la révolution artistique, l’usage des gants tend
à s’uniformiser : les gants sombres deviennent
noirs (les plus fréquents) et les clairs blancs. Les
bateliers blancs, plus rares, marquent la glace
plus profondément. Étonnamment, quand deux
ou plusieurs gondoliers attachent leurs esquifs
ensemble, leur vitesse s’accentue. Un musicien
finira par voir un parallèle avec des notes de
musique (noires, blanches, croches, etc.).
Développement possible
L’influence du morceau gagne du terrain. Les
personnages peuvent à leur tour être sujets à des
cauchemars (des notes de musique aiguës font
craquer la glace ; alors que la lune trône dans le
ciel, des mains noirâtres finissent par la percer
et des silhouettes effrayantes en émergent). De
plus, le culte des Muses gagne en importance,
provoquant des tensions et des rixes avec les autres
cultes. Les arpenthes ou les adeptes de Malachine
finiront par s’alarmer et chercheront à connaître
les raisons de leur expansion. Si les personnages
joueurs ont acquis une certaine aura, des émis-
saires viendront les trouver pour enquêter. Fait
étonnant, les cantiques des fidèles des Muses ont
des rythmes assez proches des craquements créés
par les gondoliers.
Aux premières loges (stades 3-4)
Intrigue et implication
Cette aventure débute quand les personnages
joueurs tentent de capturer un gondolier. Au cours
de l’altercation, la glace se met à craquer, libérant
des geysers du canal. L’un d’eux frappe l’embarca-
tion qui chancelle. Les gens à bord sont tous sonnés.
En reprenant leurs esprits, les personnages
découvrent qu’ils sont habillés en complets et
se trouvent dans les loges d’une splendide salle
de concert. Ils ont à la main un instrument de
musique, même sans être musiciens. Ils sont aus-
sitôt abordés par un violoniste plus âgé, mani-
festement paniqué, qui les supplie de suivre le
mouvement, car quelque chose cloche. L’homme
s’éclipse aussi vite qu’il est venu et disparaît dans
la foule des musiciens.
Synopsis
Le concert de la dernière symphonie d’Anna
Luise Lombardi va bientôt commencer. L’ancienne
doge elle-même joue le rôle de chef d’orchestre.
Tout le monde est attendu pour l’entrée sur scène.
Hors du bâtiment souffle un terrible blizzard.
S’ils sortent malgré tout, les personnages se
retrouvent à nouveau dans les loges. Un groupe de
musiciens les abordent pour monter sur scène avec
eux. S’enfuir entraîne une poursuite impliquant
de plus en plus de musiciens, jusqu’à être retrouvés
et menés devant une foule nombreuse qui ova-
tionne la doge. La salle est plongée dans le noir et
il règne un froid polaire. Soudain, l’éclat lunaire
perce une fenêtre, Lombardi tapote son lutrin avec
sa baguette. Les instruments s’échauffent.
L’aventure consiste à saborder la symphonie.
En réalité, les personnages se trouvent dans
l’esprit du gondolier qu’ils ont affronté (le violo-
niste était une manifestation des reliquats de sa
conscience). Scruter les spectateurs avec atten-
tion permet d’ailleurs de remarquer que ce sont
tous des bateliers.
Les personnages sont répartis à divers endroits
de l’orchestre. Il est impossible de quitter son
siège, comme si du givre les maintenait collés.
Mais étrangement, ils arrivent à communiquer
en pensées.
Tenter de crier, refuser de jouer, jouer un faux
air, déranger ses voisins ou les bousculer attire la
colère de la doge qui, d’un geste impérieux de
la baguette, ramène l’ordre autant de fois que
nécessaire.
Au cours de la représentation, il est possible
de remarquer sur la partition des notes étranges,
sans logique. À nouveau, c’est un signal du libre
arbitre malmené du gondolier. Suivre ces notes
happe le groupe plus profondément dans sa psy-
ché et l’amène dans une Venice sous les glaces
et hantée de monstres d’écryme. Là, les bateliers
partent eux aussi avant de mourir de froid. Les
gondoles sont empêtrées les unes dans les autres.
Tenter de les raisonner ne sert à rien. L’un des
sillons possède une couleur moins sombre. Le
85
 suivre permet d’entendre des notes éparses,
formant une mélodie apaisante. De nombreux
gondoliers la suivent aussi et veulent dépasser
les personnages en les malmenant. Par endroit,
la trace est coupée (elle repart plus loin) et la
musique s’arrête. Il faut alors creuser la glace
et repousser les assauts de créatures perçant la
glace et tentant de saisir le groupe. Finalement,
la trace débouche sur un quai perdu. Le batelier
s’y trouve et tient dans sa main une partition
musicale qu’il refuse de remettre au groupe.
L’arracher demande des trésors de ruse ou l’em-
ploi de la force.
De retour dans la salle, jouer cet air perturbe
les musiciens qui font des fautes. Le regard
furieux de la doge se pose sur les personnages
qui se réveillent alors dans la barque immobili-
sée. Écrasé sur la glace, le gondolier gît sans vie,
mais avec un sourire apaisé.
Développement possible
Les personnages ont affaibli l’œuvre de la doge
de la Note et ont compris comment fonctionnait
son emprise sur les gondoliers. La doge, quant
à elle, se sait démasquée. Elle cherchera à les
éliminer, mais surtout à accélérer son rituel. Une
véritable course contre la montre s’engage alors.
86
Le dernier mouvement (stades 4-5)
Intrigue
Lombardi va impliquer le culte des Muses pour
précipiter l’émergence des créatures. Une nuit,
à travers les quartiers de Venice, les fidèles vont
créer des rassemblements populaires (des rafles)
pour chanter les louanges de la cité sur l’air de
la symphonie. Les fanatiques interdisent aux mal-
heureux chanteurs de partir et amènent régu-
lièrement de nouveaux choristes. Il faut mettre
un terme à leur folie. Les personnages doivent
réaliser une cérémonie plus importante que celle
de la doge, un rituel artistique qui serait capable
de fédérer les autres rebelles, mais également de
repousser pour un temps l’Amertume.
Implication
L’objectif du conteur n’est plus de motiver les
personnages joueurs à lutter contre la doge et
l’Enfant, mais bien de les aiguiller vers l’orga-
nisation d’un événement artistique et cépha-
lique sur l’ensemble de la jonction. Les joueurs
pourraient vous surprendre en imaginant un
plan convaincant qui pourrait rejoindre l’opéra
citadin proposé. Si ces idées ne viennent pas, la
musique contrôlant les gondoliers constitue un
parfait point de départ.
Un artiste ou un scientiste peut proposer la
production d’une musique plus forte et opposée.
Des aliénistes ont tenté des techniques d’hyp-
nose et de déconditionnement mettant en scène
des lumières, des danses saccadées, des musiques,
etc.
Sauver les gondoliers un à un est inefficace.
Seule une action concertée de grande ampleur
permettrait de briser la symphonie dont ils sont
victimes.
Dans une cité où les arts guident la politique,
un spectacle monumental permettra une victoire
décisive.
Synopsis
Cette intrigue se découpe en deux temps :
ralentir le rituel de la doge et organiser une
contre-cérémonie.
Arrêter le rituel d’Anna Luise Lombardi est
quasiment impossible sans la réalisation d’un
rituel plus puissant encore. Il s’agit d’un écho qui
s’amplifie de plus en plus dans la cité et il est donc
uniquement possible de le ralentir. Pour nuire aux
gêneurs, la doge dispose du culte des Muses, de la
ghilde des assonants et même de la sororité de la
cacophonie (bien que faire publiquement le lien
entre la doge et ses ghildes pourrait se retourner
contre elle). Les personnages joueurs peuvent :
 Employer de la force. Cela exige des ressources
en hommes que les personnages (et leur cellule
de résistance) ne possèdent pas. Ils doivent donc
approcher d’autres mouvements et les convaincre
(les cultes seront ravis d’en découdre).
L’emploi d’émotions. Créer ponctuellement
des œuvres célébrant des sentiments contraires à
ceux véhiculés par la symphonie, ou capables de
les assimiler, prend du temps et demande d’avoir
des contacts de confiance dans les cercles cépha-
liques veniciens.
Perturber les fidèles des Muses et les gondo-
liers. En effet, les fidèles sont positionnés sur des
nœuds émotionnels où se croisent les itinéraires
des gondoliers qui font office de relais et d’am-
plificateur entre les chanteurs et la mer acide.
Il faut perturber leur va-et-vient pour avoir un
impact sur le rituel (attaques, sabotages, créer
des craquements contraires, air appris dans la
balade précédente, etc.).
Se renseigner sur le concert de la doge. Il
s’agit d’une version améliorée du Couronnement
des émotions (cf. son histoire). Pour en apprendre
davantage, les personnages joueurs devront se
rendre dans la bibliothèque d’Agrégante ou la
rue des affiches oubliées.
La réalisation d’un spectacle rituel demande
une très importante préparation. En effet, les
personnages doivent réunir les différents quar-
tiers de Venice.
Des musiciens, des chanteurs et des com-
positeurs de la Note suffisamment talentueux
pour s’opposer à la doge et composer un opéra
mémorable.
Les auteurs de la Lettre pour écrire les textes
des chants et des chœurs.
Des danseurs et des figurants du Masque pour
donner plus d’ampleur et de mouvement aux
émotions générées par l’œuvre.
Des artistes du Glyphe pour fabriquer les
décors et unifier des représentations parfois éloi-
gnées de plusieurs kilomètres.
Un moyen de coordonner l’ensemble de la
représentation (départ avec des feux d’artifice
par exemple).
Des céphales pour focaliser et propager encore
plus efficacement les émotions générées. Peut-
être même que la Nostalgie de Claire permettrait
une diffusion encore plus importante.
La réalisation d’une œuvre monumentale et
concertée dans tous les quartiers nécessite tou-
tefois de trouver un compromis entre les sensibi-
lités des uns et des autres, de ménager et flatter
l’orgueil de chaque artiste impliqué.
Développement possible
Cette contre-révolution artistique devrait être
un point d’orgue de votre campagne, un moyen
de marquer définitivement les esprits, un rituel
permettant de libérer les gondoliers de la sym-
phonie, d’amenuiser l’influence de l’Amertume
dans l’ensemble des quartiers. Une telle victoire
pourrait même faire réapparaitre les mines dans
lesquelles se cache l’Enfant (cf. trame éponyme).
87
 CLAIRE
La révolution va mener de nombreux Veniciens à éprouver du regret pour leur vie passée, pour la fierté qu’ils
éprouvaient envers leur cité. Cette Nostalgie extrêmement puissante, ressentie par un nombre de personnes de plus
en plus grand, va s’amalgamer au corps de Claire et la brûler de l’intérieur.

INTRODUCTION

Objet de cette trame Bien év idemment, en t ant que céphale,

Dès l’arrivée du groupe à Venice, le plan
d’Anthelme Pelleterat se déroule comme prévu :
les personnages resserrent leurs liens avec Claire
qui, de son côté, emmagasine les émotions
nécessaires à la confrontation finale contre
l’Enfant. Son état de santé se détériore : elle
oublie des choses, tombe inanimée, régresse
mentalement parfois, grandit plus rapidement.
Seuls les liens créés avec les personnages lui
permettent de tenir, de garder pied dans la réalité
et d’engranger encore davantage d’émotions.
Anthelme pourrait diminuer cette peine. Il ne le
fera pas, car plus la Nostalgie s’empare du corps
de Claire et plus cette dernière devient puissante.
Le métropolite n’envisage plus qu’une chose : se
défaire l’Enfant et, avec lui, de l’héritage de la
Loge des effluents. Anthelme est sûr de lui. Il
laisse les personnages accroître leur lien avec
Claire pour renforcer les résistances de la Fillette
et transformer à son tour le groupe en armes.

88
 Attardez-vous sur la Fillette
Claire bénéficie d’une place particulière dans
cette geste. La Balade d’un troubadour muet mettait
déjà l’emphase sur elle et Du sang dans les canaux de
Venice accentue encore l’importance de son rôle. Non
seulement la Nostalgie qu’elle véhicule va cristalliser
tous les espoirs des Veniciens autour d’elle, mais c’est
surtout son sacrifice qui permettra de battre l’Enfant.
Par ailleurs, la Fillette est le sésame nécessaire aux per-
sonnages pour devenir céphales. En voyant se briser le
lien qu’ils avaient avec elle, ils ressentiront un vide qui
sera comblé par les émotions de l’écryme. Enfin, Claire
et la Nostalgie marqueront à jamais la future anence
des personnages…
Voici quelques conseils pour renforcer le lien et l’im-
plication émotionnelle entre le groupe et Claire.
Lors des ballades, incorporez de petits moments
centrés sur Claire.
N’oubliez pas que Claire voit les personnages
comme des modèles et cherchera à passer du temps
avec eux. Ils sont ses portes sur le monde extérieur.
Elle imitera leurs côtés positifs comme leurs travers.
Véritable éponge, elle intégrera tout ce qu’ils feront
ou diront (cela peut donner lieu à des scènes cocasses).
Suite à ces scènes, demandez régulièrement aux
personnages joueurs ce qu’ils ressentent pour Claire.
Incitez-les à décrire et à jouer ces émotions. Demandez-
leur comment ils retranscrivent concrètement ce qu’ils
éprouvent à son égard.
Accaparé par sa quête, le métropolite Melchior
deviendra de plus en plus distant et laissera aux
membres du groupe le rôle de parents adoptifs. C’est
une sacrée responsabilité ! Si les joueurs perdent un
Idéal ou gagnent un Spleen, arrangez-vous pour que
le nouveau soit en lien avec Claire. En outre, si l’un des
personnages s’implique plus que les autres, récompen-
sez-le par un nouveau Trait en lien avec elle (Confident
de Claire ou Préféré de Claire). L’inverse vaut aussi (Je fais
peur à Claire ou Claire m’évite comme la peste).
N’hésitez pas à jouer sur son innocence et sa fragi-
lité, plus encore lorsque la maladie provoquée par la
Nostalgie se déclarera. Bien qu’encore jeune, Claire est
extraordinairement lucide et cherchera à éviter d’être
un poids pour les personnages. Ils devraient alors s’at-
tacher encore davantage à elle, vouloir la protéger et
la guérir.
Jouez sur sa dualité. Elle possède des dons extraor-
dinaires ; elle est reliée d’une manière inexplicable
à l’Enfant, mais elle conserve des désirs et besoins
typiquement enfantins. Elle cherchera à être aimée, à
ce qu’on s’occupe d’elle et offrira en retour affection
et tendresse (parfois de manière un peu gauche,
mais systématiquement en cas de coup dur ou lors de
soins prodigués à un personnage). Claire désire jouer
avec les personnages (aux osselets, aux dés, à cache-
cache, etc.), mais elle n’aime pas perdre. Elle les suit,
leur raconte sa journée et s’attend à ce qu’ils fassent
de même, chante des berceuses (que personne ne lui
a appris), a peur de dormir seule et s’assoupit dans
leurs bras. Comme de nombreux enfants veniciens,
elle cherche à développer ses talents artistiques en
apprenant à jouer de la musique (et si les personnages
lui ramenaient une flûte ?) ou à dessiner avec du fusain
(par exemple des dessins naïfs et idéalistes incluant les
personnages avec elle).
Si les personnages joueurs apprécient les interac-
tions avec Claire, rendez-la espiègle. Elle copie les
membres du groupe, reprend leurs tics de langage. Elle
les met en scène dans des jeux, mime leurs habitudes
(par exemple, s’ils la grondent, elle grondera sa poupée
de la même manière). Elle peut également ressortir
en public une phrase qu’il aurait mieux valu garder
privée. Un enfant aime repousser les limites fixées par
ses parents et considère comme une marque d’atten-
tion de se faire gourmander : elle ne veut pas manger,
refuse de dormir ou d’écouter une leçon. Enfin, ren-
dez-la également jalouse des relations que pourraient
tisser les personnages avec d’autres protagonistes. Ce
second rôle, s’il devenait intime avec le personnage
joueur, pourrait être victime des effets de la Nostalgie.
Elle connaît des rudiments de calcul et sait bien
s’exprimer, sans être volubile (sa Nostalgie la rend
timide, même si l’évolution de sa jauge la libère un
peu de ce côté-là), mais elle reste une enfant. Si les per-
sonnages joueurs tentent de lui inculquer des savoirs
spécifiques, elle ne peut se concentrer qu’une heure
ou deux par jour au maximum.
Enfin, elle veut suivre les personnages. Chercher
à l’enfermer représenterait une erreur monumentale.
Certes, c’est une solution arrangeante pour le groupe
qui peut vaquer à ses recherches et espérer la préser-
ver de tout danger. Dans un tel cas de figure, Claire
plongera rapidement dans une forme d’apathie ou
de colère qui rendra difficile les futures interactions
(perte de 1 ou 2 points sur l’échelle fournie dans le
livre de base qui s’accompagnera d’une série plus ou
moins longue de bouderies, d’un refus de s’alimenter,
voire même d’une tentative de fugue). Comment lui
faire découvrir le monde en la coupant des autres, en
particulier des enfants de son âge ? Elle ne comprend
rien à l’aspect sécuritaire. Pour elle, c’est une punition
qui relève d’un manque d’affection.
89
 Importance dans la geste
Claire joue un rôle central dans cette geste.
Par son sacrifice, c’est en effet la seule capable de
saper l’influence de l’Amertume sur l’ensemble
de Venice. En se libérant, la Nostalgie va non seu-
lement imposer aux Veniciens de renouer avec
leur passé, mais aussi de refuser la dictature des
Artnarchistes et d’empêcher l’Enfant d’accéder à
ses pouvoirs céphaliques.
Cette intrigue modifie le final de cette geste.
Plus Claire sera chargée de Nostalgie, plus elle
sera attachée aux personnages et plus le final
sera riche émotionnellement.
Thèmes de cette trame
Cette trame confère un ton plus triste et per-
sonnel à la geste. Elle approfondit les relations
entre le groupe et Claire et amorce le bascule-
ment des personnages joueurs vers la céphalie
(qui deviendra effectif lors de la mort de la
Fillette). Narrativement, elle fonctionne comme
une série d’arcs secondaires autour de la traque
de l’Enfant sans prendre le dessus sur le fil rouge
de l’aventure. Deux thèmes se dégagent de cette
partie de l’intrigue.
MISE EN PLACE
Comme pour La Révolution, cette trame dispose de divers événements fournis qui s’échelonnent sur cinq niveaux,
formant une véritable montée en puissance, le sixième correspondant à la confrontation avec l’Enfant. La
croissance de la Nostalgie dépend de vos envies et du temps dont vous disposez. Suivant vos joueurs et leurs
capacités à comprendre une intrigue et/ou s’en lasser, pensez à inclure fréquemment un nouvel événement.
Claire
90
Le premier est la mélancolie. Cette émotion
nourrit la Fillette et en émane jusqu’à contami-
ner l’entourage des personnages, puis Venice.
Les ravages de la révolution ont marqué les gens
qui paraissent fatigués et abattus. Cela se ressent
dans leur démarche de plus en plus lente, les
têtes baissées, les regards fuyants et les épaules
voûtées. Les artistes sont également affectés et
nombre de leurs œuvres sont marquées par des
sujets et des traitements sombres, poignants et
tournés vers la glorification du passé, du simple
mime au peintre de rue, en passant par le dra-
maturge. L’hiver des âmes décrit dans la trame
précédente renforce enfin ce délabrement.
Le second est l’importance des liens. Une
révolution est un moment d’effondrement, mais
qui renforce l’importance des groupes pour pro-
mouvoir et défendre ses idées. Par l’entremise de
Claire, les personnages joueurs vont développer
des attaches qui finiront par se matérialiser par
leur anence. Dans tout Venice fleurissent des
partis, des clubs et des cellules qui témoignent
de la vivacité des idées agitant la cité des doges et
démontrent que la solidarité ne s’étouffe jamais
que ce soit pour défendre la liberté ou le pouvoir
en place.
La Nostalgie et les regrets face à la montée
des Artnarchistes s’accumulent dans l’enveloppe
physique de Claire et sapent sa santé. D’abord
enfant souriante, presque libérée du fardeau
de son passé et des événements traumatisants
vécus depuis Hodologie à rebours, elle va lentement
dépérir.
Nous vous encourageons à évaluer l’impact de
chaque décision, de chaque explication fournie
à Claire, sous le prisme de l’aide de jeu La jauge
de la Fillette fournie à la page 47 du Livre troisième,
Effluves de l’écryme. N’hésitez pas à puiser vos ins-
pirations dans le film Le Tombeau des lucioles ou
plus encore la série d’animés Air TV.
 1. Prémisse de la maladie : Claire tousse, elle
a de la fièvre, tremble, a des absences.
2. Premiers symptômes graves : Claire s’éva-
nouit, a des quintes de toux incapacitantes. Sa
respiration siffle. Elle ne dort plus, ou très mal.
3. Accalmie inquiétante : l’état de santé de
Claire se stabilise. Ses dons céphaliques se font
toutefois plus présents. Elle évoque le passé ou
provoque la Nostalgie en passant près d’un lieu
ou d’une personne.
4. Symptômes surnaturels : Claire grandit
rapidement et vieillit parfois de manière visible
(en une nuit, ses habits ne lui vont plus). Elle se
renferme sur elle-même.
5. Dernier stade de développement : son état
empire très rapidement. Elle crache du sang,
perd ses cheveux, ses yeux sont rouges, son teint
blafard. Elle reste de longues heures alitée.
Anthelme
Le métropolite est de plus en plus obsédé par sa
quête de vengeance contre l’Enfant, au point de
perdre la raison, mais aussi contre les effluents
qu’il va traquer au travers de documents trou-
vés au sein de l’asile humaniste. Cette chasse
aux effluents est décrite dans une des intrigues
ci-dessous. La déchéance d’Anthelme propulse
les personnages au premier plan et les affranchit
totalement du rôle de pions entre les mains du
métropolite.
1. Des problèmes minimisés : le métropolite se
veut trop rassurant. Souhaitant en finir au plus vite
avec l’Enfant à cause du pouvoir de la Nostalgie, il
néglige la puissance de son adversaire et surestime
ses propres talents de manipulateur.
2. Absences prolongées : Anthelme ment
sans même y mettre les formes. Quand on lui
parle de l’état de Claire, il répond évasivement,
voire semble même s’en réjouir. Il quitte l’asile
sans prévenir quiconque, traquant des effluents
potentiels.
3. Excès d’autorité : Anthelme refuse d’inte-
ragir avec toute personne ne servant pas ses des-
seins à court terme. Il ne supporte plus aucune
opposition et refuse tout traitement pouvant
amoindrir les facultés de Claire (somnifères,
pavot ou drogues).
4. Perte de toute notion : le métropolite
n’hésite plus à se servir de ses pouvoirs devant
les personnages joueurs, et même sur eux au
besoin. Désormais, seule la confrontation avec
l’Enfant lui importe. Malgré sa maladie, il force
Claire à se déplacer (ou toute personne à porter
Claire si nécessaire) pour l’amener à proximité
de l’Enfant.
5. Retour en arrière : la déchéance d’Anthelme
a atteint son paroxysme. L’homme se perd dans
les souvenirs des sévices que lui a fait subir la
Loge des effluents, ainsi que l’Enfant. Parfois, il
régresse au stade de gamin apeuré. Durant des
moments de lucidité, ses nobles buts sont balayés
par les exactions qu’il a pu commettre. Les per-
sonnages devront surmonter cette complication,
car ses pouvoirs céphaliques sont nécessaires
pour leur lutte.
La Nostalgie
D’abord cantonnées aux pensionnaires de
l’asile, plusieurs personnes d’une sensibilité
exacerbée vont percevoir en Claire une enfant
plus qu’humaine. Les émotions de fascination
et de dévotion qui bouillonnent en eux vont se
répandre sur l’ensemble de la cité et attirer les
fidèles d’un culte naissant dans lequel Claire
serait une prophétesse.
1. Des seconds rôles agissent étrangement : ils
passent d’un extrême à l’autre. Par exemple, un
extrémiste artnarchiste s’arrête en plein milieu
d’une action pour réaliser son contraire avec
comme seule explication : c’était mieux avant.
2. Une Nostalgie palpable : quand un second
rôle n’est pas emporté par la haine ou la colère, la
Nostalgie prédomine sur tout autre ressenti dans
la cité.
3. Une enfant messianique : des personnes
sont attirées par Claire et la considèrent comme
une sorte de messie. Des sectes se forment à
proximité du lieu de résidence des personnages.
91
 Anthelme voit la chose de manière insouciante.
4. La manipulation d’Anthelme : il est pos-
sible de découvrir des liens entre Anthelme et
les sectes nostalgiques. Anthelme enjoint les per-
sonnages à l’aider afin de les instrumentaliser et
générer une force contre les Artnarchistes.
5. Le calme avant la tempête : la Nostalgie
semble temporairement disparaître de la cité, pre-
nant entièrement possession du corps de Claire.
Les sectes
Les groupuscules qui vénèrent Claire sont au
départ des rassemblements désordonnés qui se
structurent de plus en plus et gagnent en impor-
tance dans Venice.
1. L’impulsion : des premiers rassemblements
ont lieu et la Nostalgie ne s’exprime que dans
des prises de parole sur la grandeur du passé
venicien (arts, politique, histoire, etc.).
2. Le rythme : la fréquence et l’audience des
rassemblements augmentent. Des lieux fixes
de célébration commencent à être choisis. Les
fidèles y déposent des offrandes.
3. L’idole prend forme : des groupements se
distinguent et se hiérarchisent. Chacun construit
ses lieux de culte et s’y cantonne. La figure de
la Fillette, personnifiant Venice, reste un point
commun. Des portraits d’elle apparaissent sur les
murs de la cité. Comment des gens qui ne l’ont
jamais vue peuvent-ils la représenter ?
4. L’émergence de cultes : on observe parfois
des tensions entre sectes, mais dans l’ensemble
on assiste à une tendance de fond : la haine des
Artnarchistes, accusés de détruire le passé de la
cité des doges.
5. Perte de contrôle : les tensions entre nos-
talgiques et Artnartistes s’accroissent et des actes
de rébellion suivis de répression s’instaurent.
Certains sectateurs prétendent avoir des visions et
recherchent activement la Fillette pour la mettre
en sûreté. Combien de temps les personnages
parviendront-ils à garder Claire à l’abri ?
De mauvais rêves
Depuis son kidnapping lors d’Hodologie à rebours
et les événements d’Au-delà des rêves, Claire a
développé un lien avec l’Enfant. Leurs esprits
communiquent l’un avec l’autre au travers de
rêves et de cauchemars de plus en plus explicites.
1. Des chuchotements rauques : des lamen-
tations et des murmures hantent les nuits de la
Fillette. Elle paraît fatiguée et son humeur s’en
92
ressent (elle devient plus impatiente, capricieuse
et demandeuse d’attention).
2. Venice : dans ses rêves, Claire voit les fon-
dations de la cité des doges être rongées par une
écryme extrêmement acide avant de sombrer.
3. La comète : Claire rêve d’une comète
perçant profondément la terre. À travers le sol
fracturé s’élèvent des litanies et l’écryme jaillit
comme un raz de marée qui submerge Venice.
4. L’écho de la Terre : les chuchotements et les
lamentations deviennent de plus en plus forts et
semblent provenir de sous la terre.
5. Le gouffre : Claire rêve de l’entrée d’un
puits particulier qui se situe dans les quartiers
miniers veniciens. Il en émane des sortes de
fumerolles noires comme elle n’en jamais vu
auparavant.
Intrigues
Cette trame est constituée d’éléments permet-
tant aux personnages joueurs de mieux cerner les
tenants et aboutissants de la geste. Ces éléments
annoncent également un crescendo inquiétant.
Pour vous aider à le mettre en scène, plusieurs
intrigues sont proposées ci-dessous. Elles sont
reliées à l’asile, à la folie ou aux effluents. Dans
le cas de la folie, il est possible de créer, si vous le
désirez, des ballades indépendantes supplémen-
taires, en suivant le format des flashbacks d’Hodo-
logie à rebours. Elles présenteraient la découverte
et la thérapie des maux des patients de l’asile.
Concernant les effluents, le plus simple est de pla-
cer la découverte de documents dans les dossiers
des aliénistes affiliés à la Loge et d’organiser la
traque de ces derniers sur ordre du métropolite.
Un patient impatient (stades 1-2)
Intrigue
Un patient de l’asile humaniste est retrouvé
mort, les poignets ouverts, dans sa cellule du
Panoptique. Les aides-soignants concluent à un
suicide, mais Anthelme pense à un complot.
Implication
En raison des tensions encore vivaces entre le
personnel et les aliénés, les personnages sont
mandatés par Johan Jagger pour enquêter afin
d’écarter toute accusation de vengeance com-
mise par les surveillants.
Synopsis
Une enquête rapide sur le mort indique qu’il
s’agit d’un franc assassin arrêté peu avant la
révolution. Certains aliénistes soupçonnent qu’il
aurait joué la folie pour éviter l’exil sur une plate-
forme minière. La piste de l’arme, un morceau
de verre effilé, est difficile à suivre.
Si les personnages ont gagné la sympathie de
certains résidents ou s’ils se montrent persuasifs
(arguments pertinents face à des fous, menaces,
usage de la céphalie), ils peuvent apprendre de la
part de ces derniers qu’un commerce d’armes de
substitution existe depuis des années dans l’éta-
blissement. Il est géré par un ou deux détenus
très spécifiques, réputés dangereux, avec la com-
plicité d’un surveillant. Ces derniers nieront dans
un premier temps, puis promettront de dénoncer
le coupable en échange d’une amnistie.
Ils dénonceront une aliénée un peu excentrique
qui n’est en fait qu’une intermédiaire, mais au
comportement extrêmement suspect (elle se sca-
rifie la peau).
La cause de l’assassinat est entièrement laissée
à votre discrétion :
Il s’agit de la vengeance d’un garde ou l’acte
d’un membre du personnel traumatisé par la
révolte des fous.
L’assassinat a été commandité par une ghilde
désirant faire un exemple et montrer ce qu’il
advient des assassins non affiliés.
Son identité est factice, il s’agissait en réalité
d’un agent infiltré. La puissance à laquelle il est
affilié reste à définir.
Un autre patient a succombé à ses pulsions
meurtrières et compte recommencer.
Développement possible
Cette intrigue est une bonne occasion pour
laisser planer le doute sur les espions laissés par
l’Enfant et les effluents.
Si vous désirez incorporer cette ballade dans
le crescendo impliquant l’Enfant et/ou les
effluents, il vous suffit toutefois de faire de l’assas-
sin un ancien exécutant occasionnel de la Loge,
et qui avait d’ailleurs commis quelques exactions
pendant la révolte ayant secoué l’établissement
(certains pensionnaires peuvent en témoigner).
En raison de la présence de Claire, il a été frappé
par la Nostalgie et éprouvait des remords (ses
comptes rendus thérapeutiques le démontrent).
Il voulait rendre publics certains traitements
infligés à l’asile par les scientistes sous la coupe
de l’Enfant. Ainsi, il a donc été éliminé par un
soignant qui a pris la fuite, mais dont les travaux
(consultables en partie) indiquent des déviances
et un goût pour la manipulation. S’il ne l’avait
pas encore fait, Anthelme peut alors parler de la
Loge aux personnages joueurs.
On mange quoi ce soir ? (stades 2-3)
Cette intrigue évoque les pénuries de tout
type : alimentaires, énergétiques, financières…
En effet, la prise de pouvoir des Artnarchistes
pourrait avoir d’autres implications qu’un règne
de violence et de terreur. Et si le rationnement
devenait un moyen de contrôle ? À moins que
cette pénurie ne soit apparue du temps des doges
et des antiquaires et que l’abondance revienne
avec les Artnarchistes ? Dans ce cas, le régime de
l’Enfant pourrait avoir plus de partisans. Libre à
chaque conteur de décider si cette équité résulte
d’un partage différent (la révolution n’est pas
néfaste pour tous) ou d’une dilapidation irrai-
sonnée des ressources de la cité.
Intrigue et implication
Plusieurs pistes permettent de développer les
méthodes et concessions des personnages joueurs
pour survivre, ce d’autant plus s’ils vivent dans
l’asile. En effet, dès la révolution, les pénuries
et les crédits octroyés par les doges se tarissent
laissant envisager des jours bien sombres pour
les aliénés et le personnel de l’asile humaniste.
Demandez-vous dans quelle direction vous dési-
rez orienter la geste. Laissez ensuite faire les
joueurs en leur rappelant la maladie de Claire
nécessitant une alimentation saine et des médica-
ments, la faim des aliénés rationnés, les coupures
d’électricité alors que seul le phonographe calme
l’assemblée de fous dans le réfectoire, etc.
Synopsis et développements possibles
Pensez à la mise en place de cette intrigue dès
le départ. Évoquez les ressources disponibles,
leur origine et leur utilisation, les subventions
éventuelles et les fournisseurs habituels. Puis,
avec la montée des tensions et le Festival, donnez
un coup de pied dans la fourmilière. Le géné-
reux antiquaire d’hier demande aujourd’hui des
comptes ; le vendeur d’eau spécule et monte ses
prix ; les doges ne paient plus…
Voici plusieurs pistes pour se sortir de ces mau-
vais pas, ainsi que leurs conséquences :
Collaborer avec le pouvoir en place : symbole
de l’ancien régime, l’asile humaniste n’en reste
pas moins l’emblème d’une solidarité, d’une
modernité et d’une ouverture d’esprit dont les
Veniciens sont fiers. Si les personnages joueurs
acceptent de servir (du moins officiellement)
le pouvoir, quel qu’il soit, ils se prémuniront
des désagréments du manque. Ils risquent
toutefois de rendre leur tâche de négociation
auprès des rebelles plus compliquée. En outre,
les Artnarchistes exigeront qu’ils remplissent
93
 certaines obligations (accueillir des représenta-
tions, accepter des patients sans discuter et se voir
imposer des conseillers-aliénistes (Art-bitres et/
ou effluents). À l’inverse, refuser de collaborer
sera difficile et nécessitera une grande dose
de diplomatie (vouloir conserver la neutralité
et l’indépendance de l’asile reste le meilleur
argument).
Voler aux riches : le vol de denrées n’est pas
sans conséquence (représailles, vigilance du
pouvoir en place, etc.). Et voler des vivres c’est
en priver une autre partie de la population.
C’est aussi prendre le risque de provoquer une
pénurie plus globale et plus forte. En effet, si
des dépôts sont pillés, rien n’assure qu’ils seront
réapprovisionnés.
Vendre des informations : de nombreuses
nations (par le biais de leurs ambassades)
cherchent à acquérir les connaissances acquises
par les aliénistes (et les effluents) et sont prêtes
à payer chèrement ces dernières, plus chèrement
encore si elles ont l’assurance que les autres
nations n’en bénéficieront pas. Elles peuvent
même commanditer des études renégates sur
l’être humain.
Vendre de l’art : l’exploitation des déments
et la mise en vente de leurs œuvres sont de bien
mauvaises idées si elles ne sont pas faites avec
un minimum de discrétion (faux noms, marché
noir, etc.). En effet, cela mettrait les personnages
joueurs en position de profiteurs du génie créatif
comme les antiquaires.
Accepter la dégradation : jusqu’où sont prêts
à aller les personnages joueurs ? Accepteront-ils
de tuer ou de relâcher des fous pour diminuer
le nombre de bouches à nourrir ? De vendre des
déments comme main d’œuvre dans des mines
ou des chantiers contrôlés par des nobles mar-
chands ? Sont-ils prêts à risquer une nouvelle
insurrection avec des effectifs réduits ?
Profiter du culte de la Fillette : les personnages
joueurs accepteront-ils d’instrumentaliser Claire
malgré ses supplications et sa soif de liberté ?
Comment réagiront les fidèles une fois qu’ils
auront fait des dons ? Une contrepartie devrait
leur paraître légitime. L’exigeront-ils ?
La guerre des ombres (stades 4-5)
Cette intrigue met en scène Anthelme ainsi
que les eff luents. L’Enfant a amené dans son
sillage des membres de la Loge. Nombre d’entre
eux l’ont rejoint dans sa quête d’Amertume
afin de préparer l’avènement des Artnarchistes.
94
Pourtant, certains autres ont imaginé pouvoir
recréer l’œuvre du groupe à son apogée et, pour-
quoi pas, engendrer un nouvel Enfant. Ils vont
donc reprendre leurs expériences.
Intrigue
Peu de temps avant l’arrivée des personnages à
Venice, alors que la révolution artistique se pré-
pare, des enfants sont enlevés. C’est là l’œuvre
d’effluents qui installent leurs laboratoires et
recommencent leurs expériences. Ces actes ne
cessent pas avec l’avènement des Artnarchistes.
Au contraire, ils s’intensifient.
Implication
Les personnages entendent parler de ces événe-
ments alors qu’ils s’intéressent à d’autres sujets :
on évoque ces méfaits quand ils cherchent le
soutien d’un quartier populaire, tandis que le
régime accuse leur mouvement d’être à l’origine
des kidnappings pour les discréditer, etc. Peut-
être feront-ils d’eux-mêmes le parallèle entre
l’Enfant et les enlèvements. Enquêter permet de
constater que les enfants répondent tous à des
critères précis : ils sont tous très jeunes et dotés
d’une sensibilité hors norme.
Synopsis
Au cours d’une tentative d’enlèvement, le kid-
nappeur est tué par le père de la victime, arrivé
fortuitement alors qu’il sortait par la fenêtre avec
sa proie. L’eff luent est un scientiste pentapo-
lien du nom d’Auguste Venterie qui loge dans
les Lazzis au milieu de machines et de disques
détaillant ses protocoles de recherche. S’ils
ne les écoutent pas, Anthelme s’en chargera et
découvrira d’autres membres avec qui il était en
contact. D’ailleurs, le nombre d’enfants enlevés
est bien supérieur au nombre des victimes d’Au-
guste et laisse supposer que la jonction compte
d’autres effluents.
Dans les archives du scientiste, les personnages
joueurs obtiennent le signalement de cinq corres-
pondants intrigant en ville.
Jonas Venderbern était entré au service de la
Lettre comme psychiatre et auteur.
Mathias Louchelème est un médecin qui
soigne gratuitement le petit peuple des faubourgs.
Il est très apprécié et sera difficile à inculper sans
preuve accablante.
Richard Legratou vit reclus au sein de l’ins-
titut des Sciences Sociales. Il a aidé l’Enfant à
pervertir la religion des mines. Une fois parvenu
à ses fins, le séide de l’Amertume l’a congédié,
lassé de sa présence. Richard est devenu amer et
voit dans le culte des Muses (voir l’intrigue cor-
respondante) la marque des effluents. Par jalou-
sie, il sera prêt à trahir l’un de ses pairs (mais pas
l’Enfant qu’il admire comme un messie).
Les deux autres, Hélène de Fournetorde et
Robert Sacrebile sont installés dans les mines
et participent au conditionnement et à la trans-
formation de la ghilde des somnambules en
Artnarchistes.
Cette intrigue devrait s’achever par l’empri-
sonnement des effluents et la libération de leurs
victimes. L’esprit de certains est sans doute trop
corrompu pour permettre un retour à la vie nor-
male. Que faire de ces victimes qui sont devenues
de véritables bombes émotionnelles prêtes à écla-
ter ? Les personnages auront sans doute à cœur de
détruire les notes des effluents pour ne pas que
les empires de la Toile s’en emparent. Certains,
parmi les espions des ambassades notamment,
seraient prêts à payer très cher pour pouvoir les
consulter. Une concession qui permettrait aux
personnages d’obtenir de nouveaux alliés dans
leur lutte contre les Artnarchistes.
Développement possible
Cette intrigue devrait être considérée comme
une aide pour le conteur : un moyen de montrer
la folie croissante d’Anthelme, de placer des vic-
times ou des effluents sur leur route afin de les
aider à orienter les joueurs et leurs personnages
dans une bonne direction.
L’autre élément scénaristique d’intérêt est
que les personnages appréhendent, même de
façon détournée, l’impact de la céphalie, l’effet
de la Nostalgie et l’héritage de l’Enfant sur la
révolution.
Les décisions prises au cours des autres trames
(en particulier la précédente) ont un effet tan-
gible sur le lien entre les personnages joueurs
et Claire. Ils peuvent libérer la cité, mais plus
le sang sera versé et plus Claire se questionnera
sur les intentions de l’Enfant et sur le comporte-
ment des membres du groupe. Sans aller jusqu’à
prendre le parti de l’Enfant, cela pourrait forte-
ment contrarier les chances de le vaincre. Durant
chaque scène opposant la céphalie de l’Enfant
aux personnages, ces derniers disposeront d’un
bonus équivalent à la valeur de la jauge de la Fillette
(p. 47 du Livre troisième, Effluves de l’écryme) qui
peut être fractionné à leur convenance lors des
différents jets en rapport avec l’action qu’ils
entreprennent (ce bonus peut augmenter leurs
Marges de réussite).

Démêler la trame
Impossible d’empêcher l’inéluctable. Les per-
sonnages joueurs doivent comprendre que le
ressentiment et la Nostalgie qui se propagent
dans la cité rongent en même temps le corps et
l’esprit de Claire. Il est toutefois possible d’al-
léger sa peine en tentant de la soigner, de lui
faire éprouver d’autres émotions, de la traiter
comme une enfant normale et non pas comme
un artefact venu de l’écryme. L’idéal serait qu’ils
comprennent aussi qu’Anthelme, par l’usage de
la céphalie, serait capable de la soigner même si
ce n’est que temporaire. Mais ce dernier refusera
catégoriquement, car ce qui a été amorcé ne doit
pas être stoppé.

95
 L’ENFANT
La traque de l’Enfant, menace centrale de cette geste, est sur le point d’aboutir. Sa piste a mené Anthelme ainsi
que les personnages joueurs jusqu’à Venice. Depuis le début, leur ennemi a l’avantage. Il les attend, a conscience
de leur présence (surtout de celle de Claire), mais son plan à l’échelle de la Toile est sur le point d’aboutir et a donc
priorité. De plus, il est tiraillé par son jeu pervers. Il est surpris que les personnages joueurs aient survécu au
Transécryme, triomphé à Sableryne et soient sortis vivants de Cordâme. Tapi dans les mines veniciennes et occupé
par ses manigances céphaliques, il les a épargnés comme un jouet dont il ne se serait pas encore lassé. Pour le
moment.

INTRODUCTION

Objet de cette trame conteur, c’est un moyen de rappeler aux person-

Cette trame sert de conclusion à l’épopée des
personnages. Elle n’a pour but que de conduire
les personnages à trouver les mines, à affronter
l’Enfant et à l’inéluctable destin de Claire. Pour le
nages joueurs que, si la révolution, les effluents
ou l’état de Claire sont sur le devant de la scène,
quelque chose d’encore plus grand se trame en réa-
lité. Il est donc impératif que vous leur ayez dévoilé
l’intrigue de manière parcellaire. À chaque victoire

96
sur les Artnarchistes et les effluents, à chaque crise
ou cauchemar de Claire, ils ont dû découvrir un
peu plus les vérités sous-jacentes pouvant leur per-
mettre de prendre l’avantage sur l’Enfant.
La pertinence et la fréquence des indications
sont laissées à la discrétion du conteur. Rythmez-
les comme une série télévisée où un élément
est laissé au spectateur en guise de cliffhanger
de fin et où certains épisodes (séance de jeu)
peuvent être dédiés à la découverte d’un de ces
éléments. À vous (et vos joueurs) de décider si la
série fera six, douze ou vingt-quatre épisodes, à
moins qu’elle ne dure plusieurs saisons. À chaque
fois, nous vous avons cependant laissé des jalons
afin que vous puissiez déterminer à quel moment
mettre en scène tel ou tel élément dans la geste
que vous bâtissez avec votre table.
Importance dans la geste
Cette trame est le fil rouge sur lequel est bâtie
la geste. Tant que les personnages ne sauront
pas la résoudre, ils ne pourront ni trouver ni
affronter l’Enfant. Toutefois, la recherche de
celui-ci ne devrait jamais rester au premier plan.
L’important n’est pas le but, mais bien le chemin
emprunté. Ainsi, la révolution, les relations avec
Claire et Anthelme et la traque des effluents sont
bien plus importantes. L’Enfant est un moyen de
faire coexister toutes ces intrigues. Il réunit en
un seul Grand MéchantTM l’ensemble des adver-
sités et permet un final flamboyant.
MISE EN SCÈNE
Cette trame s’articule de manière un peu diffé-
rente des deux précédentes. Elle repose sur trois
axes de mise en scène qui se suivent chronologi-
quement, la rendant plus linéaire que celles sur
la révolution et sur Claire.
Le premier axe résume les différents indices
permettant de découvrir où se terre l’Enfant.
Le deuxième développe différentes méthodes
pour débusquer l’Enfant dans les mines.
Le troisième et dernier propose un déroulé de
l’affrontement final.
Les personnages devraient avoir connaissance
de l’Enfant, de ses pouvoirs et déjà le redouter.
Toutefois, plusieurs moyens existent pour leur
rappeler son importance, sa dangerosité et le
Thèmes de cette trame
Cette trame apporte une tonalité solennelle et
sombre à la fiction, car pour espérer l’emporter le
prix à payer sera extrêmement lourd. Comme pour
les trames précédentes, deux thèmes se démarquent :
Le premier est la perte. En éliminant leur
adversaire, les personnages joueurs vont devoir
dire adieu à Claire, ce petit être sur qui ils veillent
depuis Hodologie à rebours. Pour certains, la lutte
contre l’Amertume signifiera aussi la fin de leurs
idéaux (ou la réalisation de leurs peurs les plus pro-
fondes). Cette déconstruction intérieure ne pourra
jamais bien se passer, mais elle est essentielle dans
le parcours des membres de votre table. L’hiver des
âmes atteint ici son paroxysme. La descente dans
les mines doit être mise en scène et vécue comme
une plongée en enfer, au sens dantesque autant
qu’introspectif pour les personnages.
Le second est la question des conséquences et
de la rétribution. À force de jouer avec l’Amer-
tume, l’Enfant provoque un retour de flamme de
la part de l’écryme qui veut avant tout maintenir
un équilibre. Ce mouvement de balancier ne va
pas non plus épargner les personnages. Après
le vide laissé par les deuils qu’ils devront faire,
c’est l’occasion d’être rempli par autre chose. En
échange, la mer acide leur ouvre les portes de la
céphalie. C’est un nouveau monde qui leur tend
les bras. Auront-ils le courage de l’arpenter ?
besoin impératif de le trouver pour l’empêcher
de nuire :
Les cauchemars de Claire qui ramènent à une
menace capable d’annihiler Venice.
Son lien avec les effluents qu’il semble diriger.
L’obsession d’Anthelme pour sa capture, qui
ne cesse de répéter que c’est une question de vie
ou de mort.
L’influence néfaste qu’il a laissée au sein de l’asile.
Ses manigances ayant conduit à la révolution
et les indices qu’il a pu laisser derrière lui. De
nombreux Art-bitres le suivent et le vénèrent,
plus encore que les Artnarchistes.
Enfin, la réaction inconsciente de l’écryme
(cf. plus bas).
97
 1. Découvrir la cachette
Afin de localiser leur ennemi, les personnages
joueurs disposent d’un certain nombre de pistes
disséminées au sein des trames précédentes.
Les tatouages du Saint-office : les tatouages
arborés par certains Artnarchistes permettent de
découvrir dans les fichiers du Saint-Office qu’ils
faisaient partie de la ghilde des somnambules et
qu’ils avaient été envoyés dans les mines exécuter
des travaux forcés.
Le doge du Masque : retrouver Robert
Cerfontaine, le doge du Masque, et gagner sa
confiance permet de découvrir une cartographie
détaillée des différentes factions veniciennes. Au
sein de la cité demeure une zone morte, sans
aucune faction connue : les quartiers miniers.
L’œuvre ou les arlequins : des œuvres d’art
volées sont régulièrement cachées dans les
mines. Accusés d’en être les instigateurs, cer-
tains membres des arlequins et de la police de
l’œuvre ont pisté ces mouvements, orchestrés par
les Artnarchistes et les gondoliers, dans les quar-
tiers miniers. Là encore, il faudra gagner leur
confiance de haute lutte pour délier les langues.
Les cauchemars de Claire : depuis l’arrivée
du groupe à Venice, les nuits de la Fillette sont
peuplées de songes de plus en plus terrifiants
(cf. la trame précédente, où ils se terminaient
sur la vision de l’entrée d’un puits de mine). Un
bon moyen de commencer cette trame serait de
mettre en scène un nouveau cauchemar, le plus
horrible que Claire ait jamais fait, qui contami-
nera par son ampleur tout le groupe (y compris
Anthelme). Une comète s’écrase sur Venice, un
raz de marée balaie la cité, en rongeant la chair
des habitants et la pierre de demeures, avant de
se propager sur toute la Toile. Sous un monde
entièrement liquide et acide, des créatures émer-
gent et se prosternent devant l’Enfant.
Une fois sur la piste des mines, les personnages
sont à nouveau confrontés à une impasse. Les
quartiers miniers sont ouvertement méprisés par
les Veniciens qui les évitent. Trouver un guide
est donc extrêmement compliqué. De plus, il
semble impossible de découvrir le puits adéquat
(tel que vu en rêve par Claire). Des étrangers
(ambassadeurs, voyageurs et nobles marchands)
en ont le souvenir, mais ne parviennent pas à
le situer précisément. Pire, tous les puits se res-
semblent un peu (ils ont presque le même aspect
que celui dans le rêve de Claire) et aucune rue,
aucune traverse ne semble y mener. L’Enfant a
98
usé de la céphalie pour bousculer l’urbanisme
venicien et dissimuler les bâtiments extérieurs.
Heureusement, tout n’est pas perdu. Les joueurs
disposent de trois manières de surmonter ce
problème.
Première manière : les Anarchitectes
Cette confrérie de cartographes renégats est
aussi à la recherche des mines. Ils considèrent que
Venice est vivante et que l’urbanisation planifiée
de la loge des Artchitectes l’a enchaînée. Avec la
révolution, ils se sont lancés dans des actions mili-
tantes, murant des portes ou des rues pour faire
disparaître des bâtiments, créant des escaliers
pour relier des traverses ou forcer les gens de quar-
tiers séparés à se mêler. Ils changent la ville et, à
travers elle, l’âme venicienne. Leur rencontre peut
se faire via l’entremise d’arpenthes (ou d’autres
croyants opposés au culte des Muses).
Certains d’entre eux ont perçu l’influence de
l’Enfant et devinent le rôle de l’écryme dans sa
Influence de l’Enfant
sur la cité
L’emprise qu’il exerce sur Venice augmente en
raison de l’Amertume qui ne cesse de croître
en lui. Avant d’entamer cette trame finale,
mettez en scène les éléments suivants :
L’hiver se durcit encore un peu plus. Des
murs de glace apparaissent hors des canaux,
le long des façades. Les vitres de certaines
demeures ont été brisées et le gel a pénétré
à l’intérieur.
Dans les rues, les Veniciens grelottent et
se pressent de regagner leurs demeures ou
lieux de travail. Ils sont devenus extrême-
ment froids les uns envers les autres. Il est
rare de voir des manifestations d’empathie.
Ces dernières ont encore lieu à l’intérieur, ce
qui ne manquera pas de créer un contraste
qui étonnera les personnages joueurs.
Les cas de personnes mourant de froid
se multiplient. On les retrouve au matin, la
peau cyanosée, avec une expression de peur
intense sur le visage.
Le blizzard qui balaie les rues charrie par-
fois dans son sillage l’écho distant d’un rire
enfantin cruel.
Dans les flocons de neige ou sur l’écryme
gelée des canaux, les personnages croient
entrevoir, de temps à autre, le visage impi-
toyable de l’Enfant.
propagation. Leurs recherches nocturnes les
ont menés à affronter les Art-bitres à plusieurs
reprises. Ils seraient ravis de s’allier avec les per-
sonnages pour lancer des explorations nocturnes
sur les canaux de la ville, y affronter les gondoles
brise-glace de leurs ennemis et remonter les cou-
rants d’écryme jusqu’à leur source.
Tenter de localiser la mine en utilisant cette
solution se révèlera dangereux : il faudra passer
plusieurs nuits à détourner l’attention des gon-
doliers sur les canaux glacés, ou à les affronter
discrètement, pendant que les Anarchitectes car-
tographient les ruisseaux, se trompent parfois,
jusqu’à enfin arriver au point de convergence.
En contrepartie, ils peuvent apporter de nom-
breuses informations occultes aux personnages
(concernant les ruisseaux d’émotions, les cou-
rants d’Amertume, etc.).
Seconde manière : la réaction de l’écryme
L’écryme réagit aux émotions. Si les plus néga-
tives sont souvent les plus fortes, les gens aspirent
néanmoins au calme et à la stabilité. Ainsi, la mer
acide s’autorégule afin de conserver un certain équi-
libre. Quand les sentiments sont trop puissants, elle
les expulse (en partie) sous forme de créatures ou
de faisceaux émotionnels. Parfois, elle les combat
comme le feraient des anticorps contre un virus.
L’Enfant menaçant son équilibre à une échelle
inédite, l’écryme apporte de l’aide à ses adver-
saires sous la forme de spectres d’orphelins
qui hantent la cité. Pour les trouver, vous pou-
vez mettre en scène des transes de Claire qui
guident les personnages. Leur accorder le repos
incite l’écryme à laisser des indices sur le posi-
tionnement de la mine, mais également à mettre
CLes Anarchitectesc
Cette petite organisation clandestine possède
une connaissance très pointue de Venice (+2)
qui la rend difficile à appréhender. Hélas, ses
croyances hétérodoxes et ses actions mili-
tantes lui ont conféré une mauvaise réputation
(-2). Ses membres manquent de moyens (-1),
mais ils abritent quelques céphales très puis-
sants (+2).
Physique 2, Mental 5,
Social 2, Céphale 4.
immédiatement les personnages sur la piste du
suivant. Quand ils disparaissent, les êtres disent
où se trouve le prochain d’entre eux, puis lâchent
un propos sibyllin. Mises bout à bout, ces paroles
forment un itinéraire.
Les enfants apparaissent comme très pâles et
ne peuvent communiquer qu’en murmurant. Ils
pleurent et s’attachent à qui les aide. Frappés,
leur chair se déchire aussitôt comme du coton
et ils s’effilochent en lambeaux de brume pour
réapparaitre la nuit suivante, plus méfiants.
Confrontés à Claire, ils sympathisent immédia-
tement. Claire ressentira toutefois leur douleur
et incitera les personnages à leur venir en aide.
Miguelito est une sculpture vivante, un
humain charcuté pour devenir une œuvre d’art
représentant un prédateur. Des tiges de fer ont
été plantées à la place de ses doigts et de ses inci-
sives. Et ses dents ont été taillées en pointe. Les
supplices endurés l’ont privé de sa raison puis de
sa vie. Son esprit craint toutefois les moqueries et
plus encore la peur qu’il pourrait inspirer. Il ne
supporte pas la cruauté et n’hésite pas à essayer
de protéger les personnes faibles menacées par les
plus forts. Ayant ses quartiers dans les galeries des
Lazzis et arpentant les labyrinthes comme le ferait
un minotaure, il cherche à retrouver ses parents
l’ayant abandonné à un artistocrate fou. Ces der-
niers se trouvent dans un immeuble des quartiers
artistiques. Le garçon pleurera puis montera les
marches de l’immeuble et, heureux, se dissoudra
après un dernier regard aux personnages.
Ignacio est un peu rondouillard et cherche un
modèle masculin, un homme fort qu’il se met à sin-
ger aimablement. Il a élu domicile au conservatoire
de l’Aquilone, mais hante la place des doges en
observant dans l’ombre les voyageurs à la recherche
d’un ami. Il murmure son appel à l’aide et dit
rechercher ses parents, comédiens. Les acteurs
qu’il décrit ne jouent pas à Venice actuellement,
mais les pièces et les costumes correspondent à
des pièces jouées vingt ans auparavant par Julietta
et Umbroso Pernadacci, des légendes de la scène,
hélas disparues. Leurs cendres sont conservées
dans une urne dans le palais des 107 théâtres.
Ignacio se fondra en elle si on l’y emmène.
Gina est une petite blonde liée aux couloirs
du conservatoire de l’Aquilone. Timide, les per-
sonnages n’entendent d’abord que ses pleurs,
mais peuvent l’attirer hors de sa cachette (en se
montrant gentil, curieux ou simplement rassu-
rant). Gina s’accroche alors à un personnage et lui
demande de trouver sa mère, Elsa, une cueilleuse
de fleurs d’écryme de la localité de Murmure, la
99
 jonction du silence. Pour cela, il faut se faire com-
prendre de ses habitants. Elsa est vieille et réside
dans une demeure lacustre insalubre. Elle n’a pas
oublié sa fille ni les hommes qui l’ont enlevée (elle
décrit des effluents).
Tina est une adorable petite brune. Issue
d’une très riche famille de Méthalume, elle parle
avec un léger accent et joue la grande dame. Elle
importune les personnages et les force à la suivre
jusqu’à un contrebandier, un ancien antiquaire
qui tente de survivre en revendant discrètement
les dernières œuvres en sa possession. Celle que
Tina leur montre est un fragment de toile. Un
portrait de famille déchiré où on la voit avec sa
mère. Pour libérer Tina, les personnages doivent
retrouver l’autre morceau de la toile. Cela signi-
fie passer par l’ambassade de Méthalume pour
apprendre que la toile a été vendue après la mort
de la femme de l’ambassadeur Viktor von Shatz.
Traquer l’antiquaire en sa possession nécessite
de passer par les tours d’adjudication pour
apprendre qu’il se cache dans la bibliothèque
d’Agrégante.
Boniface joue dans les Grandes Halles de
Venice. On peut le voir se glisser sur les passe-
relles fragiles qui relient les salles noircies. Il n’a
plus de parents, mais a toujours un frère qu’il
décrit comme un papillon multicolore. Sergio, le
frère, se laisse désormais mourir de boisson dans
un troquet aux portes des Lazzis. Des person-
nages joueurs avec un bon sens de l’orientation
se rendent compte que les descriptions des créa-
tures représentent un itinéraire chronométré
de manière précise, mais sans queue ni tête, à
l’intérieur des quartiers miniers. Pourtant, grâce
à cela, il est possible d’esquiver absolument toutes
les patrouilles de gondoliers avant de parvenir à
la mine. Mais c’est une solution bien plus longue
que la précédente.
Troisième manière : le rituel
La réalisation d’une cérémonie à l’échelle de
la cité comme décrite dans le chapitre Révolution
occulte de la trame Révolution permettrait de
chasser l’Amertume pour un temps et de (re)
découvrir les mines.
2. Explorer les mines
Découvrir la cachette de l’Enfant ne signifie
pas être capable de l’affronter directement. Pour
y parvenir, il faut encore passer les défenses qu’il
a mises en place et défaire ses hommes.
100
Une bataille d’envergure
Un rapide coup d’œil aux abords de la mine
permet de remarquer qu’elle n’est pas abandon-
née, loin de là. Des Artnarchistes y entrent et en
sortent, de même que des gondoliers. Tous sont
sur le qui-vive. De plus, il en émane une aura
malsaine et froide qui met Anthelme mal à l’aise.
Si Claire se trouve avec le groupe, elle sera sujette
à des vertiges. En revenant à elle, la Fillette s’ex-
clamera qu’elle n’a jamais senti autant de haine.
Le métropolite paraîtra méfiant et incitera le
groupe à ne rien tenter seul.
Il est désormais temps de solliciter les organi-
sations ralliées au cours de la geste et de mettre
en branle celle(s) créée(s) et développée(s) au fil
des aventures. Un affrontement à grande échelle
est conseillé pour insister sur l’aspect épique et
désespéré de cette fin de geste. Appuyez-vous sur
l’expérience acquise au cours de Des chrysanthèmes
pour le Lys Noir, si vous avez joué cette ballade,
pour fixer une adversité et compter sur l’ima-
gination des joueurs pour inventer des plans
tarabiscotés. Voici quelques options auxquelles
le groupe pourrait penser :
Un assaut frontal serait terriblement meur-
trier. Le groupe pourrait réaliser une percée,
mais au prix de lourdes pertes (environ 75 % des
forces alliées).
Une diversion serait bienvenue. Menée dans le
quartier, elle viderait les mines de plus de la moitié
de leurs occupants. Un assaut entraînerait moins
de victimes (moins de 50 % des forces alliées).
Une diversion menée dans plusieurs quartiers
veniciens disperserait les adversaires et réduirait
leur impact et leur efficacité. Un assaut contre
le puits entraînerait alors bien moins de perte
(30 % des forces alliées).
Toute idée maline, rusée ou retorse à l’en-
contre des Artnarchistes doit être récompensée
par une baisse supplémentaire de 10 % des pertes
finales : empoisonnement, enfumage, discrédit,
construction de tunnels de contournement, etc.
Une mine en forme de donjon
La visite des mines est l’occasion de créer
une ambiance unique et angoissante autour
de la table ; une aventure d’exploration d’un
espace donné que les pratiquants du jeu de rôle
appellent un donjon.
La létalité du système rend la tâche compliquée
et donc d’autant plus passionnante. En effet, ce
type d’aventure ne pouvant être uniquement
 Un mine aléatoire
La méthode ci-après s’inspire de l’article d’Éric Nieudan Construire un donjon, une méthode
aléatoire parue dans l’ouvrage Mener des parties de jeu de rôle par les éditions Lapin Marteau. Elle
vous permet d’improviser votre donjon. Chaque colonne vous donne un élément exerçant un
impact sur la narration.
Description
1d6 Taille/forme Utilité
1 Puits d’accès Repos, repas
2 Couloir Soin, prière
3 Pièce Cultures, réserves de matériel
4 salle commune En construction/réparation
5 Grand hall Lieu de surveillance
Lieu de savoir (laboratoire,
6 Poste de patrouille
bibliothèque)
résolu par de la chance aux dés, seuls l’intelli-
gence, des choix et des sacrifices peuvent grati-
fier les personnages joueurs d’un triomphe. De
plus, malgré son côté fantastique, la Toile reste
un univers cohérent sans adversité monstrueuse
derrière chaque porte.
Les lieux à explorer sont donc les mines de
cuivre de Venice au sein desquelles se réunissait
épisodiquement la ghilde des somnambules. Là,
un culte local de mineurs prônait depuis des
années la croyance qu’une comète avait percé la
terre, l’ayant blessée et laissant se déverser son
ichor sous forme d’écryme. Les mineurs, en creu-
sant, remontaient des fragments du corps céleste
et tentaient de soigner la Mère de Toute Vie.
La présence de l’Enfant a perverti l’endroit
et l’a gorgé d’Amertume. Celle-ci a pris forme
et s’étale sur les parois sous forme de nuées de
vermine. Certains mineurs, vénérant désormais
l’Enfant, scarifient leur corps avec de l’écryme
en hommage à la Mère. Rongés par une colère
sourde, ils séquestrent des opposants aux
Artnarchistes dans des cages métalliques, jouant
de leurs lamentations comme d’un instrument…
En raison de la prégnance de l’Amertume et des
pouvoirs de l’Enfant, la descente dans les mines se
déroulera sur deux plans : la progression réelle
et un cheminement onirique. Si un personnage
joueur devait y mourir, il en serait immédiatement
expulsé, groggy, et subirait des impacts mentaux
comme séquelle.
Adversité
Opposition directe Circonstances spéciales
Surveillée périodique-
Personnes inconscientes
ment
1d6 habitants En plein combat
1d6 sentinelle ou gardes Phénomène étrange
1d6 alliés potentiels Froid intense
1d6 monstres errants Hallucination
Danger naturel (gaz,
Piège
chute de pierres)
Aucun détail ni aucun plan des mines n’est
fourni, puisque la profondeur et la difficulté
de ce donjon varient en fonction du temps que
vous désirez investir dans son exploration. Nous
vous conseillons d’y passer deux à trois heures
au maximum, en incorporant au moins deux
ou trois phases oniriques d’une vingtaine de
minutes chacune. Veillez à varier vos descrip-
tions pour renouveler les moments de tension et
d’épouvante.
Par l’entremise de Claire, les personnages
joueurs peuvent arpenter les couloirs en direc-
tion de leur ennemi. La Fillette piste en effet
intuitivement l’Amertume et remonte à sa source.
Au cours de cette exploration, ne lésinez pas sur
l’adversité. Claire sert de guide, mais plus elle
avance, plus son état se détériore et moins elle
semble consciente du monde qui l’environne. Au
cours d’un affrontement, elle sera incapable de
faire quoi que ce soit.
Les joueurs doivent comprendre que les per-
sonnages ne sont pas de taille à affronter tous les
dangers qui peuplent le puits, surtout lorsqu’il
s’agit de créatures monstrueuses. Parfois, il vaut
mieux trouver une cachette et attendre que le
danger se soit éloigné.
Laissez les joueurs dessiner des plans, s’ils le
désirent, et contentez-vous de rendre l’atmos-
phère angoissante. Les couloirs et les embran-
chements doivent être inquiétants. Même dans
la réalité, les échos, les bruits de grognements
101
 étranges ou les lamentations lointaines montent
des profondeurs de la terre. L’humidité fait luire
les murs et rend les sols glissants. Si le groupe
décide de prendre l’initiative et de ne plus suivre
Claire en empruntant tel ou tel passage latéral,
il sera rapidement perdu, car chacun se trans-
forme en un terrifiant labyrinthe qui s’étend sur
des kilomètres dans toutes les directions. Une
seule constante : plus les personnages s’enfoncent
en profondeur et plus les dangers sont grands
(fosses, vapeurs méphitiques, bêtes mutantes,
etc.).
Cette exploration s’achève par la rencontre avec
l’Enfant où réalité et onirisme vont se superposer
sans cesse.
Écologie des mines
Les mines de cuivre sont loin d’être dépeuplées.
Les habitants peuvent être des mineurs ou
des somnambules. Tous fidèles du culte perverti
de la Mère, ils sont répartis selon leurs mérites.
Si l’on excepte le statut social, l’évolution dans
l’ordre n’apporte aucun confort particulier (bien
au contraire). On trouve aussi une Loge hippo-
cratique renégate qui n’a accepté de rejoindre
la communauté qu’à certaines conditions : un
confort relatif et l’opportunité de réaliser des
tests sur des êtres humains (certains opposants
politiques).
Les sentinelles sont des hommes d’armes qui,
à l’inverse des précédents, sont présents pour
défendre les lieux. Art-bitres, Artnarchistes,
nonces, mercenaires, gondoliers… le choix est
vaste.
Les créatures rencontrées lors des phases
oniriques peuvent avoir des contreparties dans
la réalité (et vice versa). Ainsi, une congrégation
humaine apparaît sous la forme d’un monstre
pourvu de dizaines d’yeux inquisiteurs et de
doigts effilés comme des lames de rasoir, capable
de disparaître dans l’ombre (seuls ses yeux sont
alors visibles), puis de réapparaitre au moment de
frapper. Une colonie d’insectes ou de rats nourris
par l’écryme devient un essaim de scolopendres
de givre dans un cas ou une meute mutante dans
l’autre. Des enfants sauvages et maltraités appa-
raissent sous la forme de diablotins cyanosés,
créatures ne dépassant pas le mètre cinquante, à
la peau couverte de givre et aux yeux de saphir.
Un homme torturé, à demi-dévoré par un fulige,
devient une sorte de mutant porcin énorme, inca-
pable de se déplacer, mais hurlant pour donner
l’alerte…
102
Les pièges peuvent être volontaires ou non.
Dans le premier cas, il peut s’agir d’un trou recou-
vert de mortier qui se désagrège sous le poids de
plusieurs personnes ou des arbalètes fixées pour
tuer les intrus. Dans le second cas, ce peut être
un éboulis transformant un tunnel en impasse, à
moins que ce ne soit le plafond d’une galerie qui
s’écroule. Des mycotières, fortes de millions de
champignons, dégagent une odeur pestilentielle
et potentiellement toxique. Une distillerie d’es-
sence d’Amertume rend temporairement fous
ceux qui s’en approchent (purifiant l’émotion
au travers de tubulures de cuivre sous forme
d’une mélasse empoisonnée). Il peut également
s’agir d’échelles de cordes vétustes, de passerelles
surplombant un gouffre sans fond (au moins en
apparence) et sur lesquels ne peut passer qu’une
personne à la fois.
En plus des organisations ayant éventuel-
lement suivi les personnages joueurs pour les
seconder, le puits abrite quelques alliés poten-
tiels : des opposants politiques enfermés dans des
cages suspendues, des somnambules en phase de
conditionnement et pas encore transformés en
Artnarchistes, des victimes prêtes à dénoncer
leurs congénères pour survivre...
Les phases oniriques
Elles se déclenchent par l’entremise de l’En-
fant. Durant ces phases, la température chute
drastiquement, les émotions se font plus pré-
sentes. Claire, chargée d’une importante quan-
tité de Nostalgie, est enveloppée d’une aura
douce. Des bruits étranges et répugnants de suc-
cions proviennent des murs et du sol. La vermine
pullule et se met à suinter un liquider noirâtre.
L’air est chargé de miasmes nauséabonds. Par
moment, la gravité ou le temps s’altère. Pensez
aux jeux vidéo dans l’univers de Silent Hill pour
mettre en scène ce genre de transitions entre réa-
lité et monde cauchemardesque. Ces moments
sont néanmoins régis par un certain nombre de
constantes :
L’Enfant : il s’exprime dans l’esprit des per-
sonnages joueurs et de tous leurs alliés présents.
Lointaine, sa voix se moque du groupe (si les
personnages ont des secrets honteux, c’est le
moment de les dévoiler), de la quête d’Anthelme,
de la maladie de Claire, etc. C’est aussi l’occa-
sion de révéler certains pans des desseins du
métropolite si celui-ci ne l’avait pas encore fait.
L’Enfant cherche à exacerber la paranoïa entre
les personnes présentes (n’hésitez pas durant la
geste à relever les diverses tensions qui ont pu
exister entre les membres fictifs de votre tablée et
sortez-les de votre chapeau maintenant).
Claire et Anthelme : l’Amertume cherche
à s’en prendre à la Fillette, car elle sent bien
le potentiel qu’elle a de la contrer. L’obscurité
s’enroule autour d’elle et cherche à la saisir. Le
métropolite se bat de toutes ses forces pour que
ce ne soit pas le cas et il tente de repousser les
sombres filaments, de les contrebalancer ou de
les absorber pour les dissoudre. Après chaque
passage onirique, les deux semblent de plus en
plus éreintés.
L’Amertume : sa présence imprègne l’envi-
ronnement, mais aussi l’esprit des protagonistes
que le groupe rencontrera. Ces derniers se
montrent agressifs, désespérés ou pitoyables. La
force de leurs émotions est telle qu’elle finit par
s’insinuer dans l’esprit des personnages joueurs.
Ils entendent des voix familières, celles de nom-
breux seconds rôles de leur passé ou qu’ils ont
croisé dans la geste, les implorant de mettre fin
à leur calvaire ou les accusant de tous les maux.
L’émotion prend enfin la forme d’un moment
traumatisant de leur vie qu’ils revivent séparé-
ment (basez-vous sur leur historique ou sur un
moment mémorable de la geste).
Un crescendo : il faut que ces phases marquent
une montée en puissance dans l’épouvante et le
morbide, voire l’horreur. La présence de l’Amer-
tume se fait de plus en plus forte. Les insectes
deviennent plus gros et monstrueux, les monstres
sont plus intelligents et agressifs, le froid perce les
vêtements et les chairs, les ressentis s’exacerbent,
l’aura de la Fillette est de plus en plus intense…
Notez que l’inf luence de l’Amertume ne se
limite pas au monde onirique. Elle agit égale-
ment dans la réalité. La température froide, l’air
lourd et l’obscurité à couper au couteau en sont
autant de signes, ainsi que le comportement
étrange des gens.
3. L’ultime confrontation
Peu importe le chemin employé et l’adversité
rencontrée, les personnages joueurs, à la suite
d’Anthelme et de Claire, débouchent dans une
immense cavité oblongue. Les murs sont tapissés
d’insectes et de racines parcourues de pulsations.
Le sol est constellé de brèches d’où émerge une
écryme extrêmement fumante. Cette dernière
coule, lèche le sol et se dirige vers un colossal
pilier de cristal noir torsadé, au cœur rougeoyant.
Le cristal est en train de se fissurer par l’action
de l’écryme qui se dirige vers lui, escalade ses
parois et le corrode. Au milieu de la fumée, des
cris et des gémissements horribles s’échappent
des fissures. À côté du pilier se trouve l’Enfant
qui semble diriger l’action de l’écryme.
Nous vous proposons ci-dessous un déroule-
ment de la confrontation. Ce moment marque
l’apogée de la geste. Il doit être grandiose et
inoubliable. Soyez fous et excessifs, les joueurs
devront s’en souvenir durant des années. Cette
structure n’est pas gravée dans le marbre, mais
est vouée à se modifier en fonction des actions et
des réactions du groupe.
La mise en bouche
L’Enfant s’approche des personnages, les mains
levées en signe de paix et les traits parfaitement
neutres. Par endroits, il marche sur l’écryme qui
se solidifie sous ses pas. Si les personnages sont
accompagnés d’autres protagonistes, ces derniers
jettent leurs armes, se dirigent de manière méca-
nique en bordure des fosses et s’y arrêtent, le
visage penché au-dessus de la mer acide.
Dans un premier temps, l’Enfant s’adresse à
Anthelme pour louer son abnégation, même si
celle-ci se révèle vaine. Il lui dit que leur petit
jeu a assez duré, que ce n’était que des enfan-
tillages qui les ont détournés du véritable enjeu
de cette époque. Le monde a accumulé trop de
souffrances et d’injustices. Trop d’Amertume
a convergé ici, au cœur de la Toile, mais a été
emprisonnée dans cette gangue par d’autres
émotions plus policées. Il faut la libérer en un
Cri engendrant une vague d’écryme qui submer-
gera tout. Cela permettra le nouveau départ d’un
monde vierge de souillures. L’Enfant sous-entend
aussi que ce ne serait pas la première fois qu’un
tel processus se produit, mais espère que ce serait
la dernière, avec quelques doutes cependant en
raison de la nature humaine.
Il n’y a aucun moyen de le convaincre de renon-
cer à son projet. Il est possédé par l’Amertume
qui prend progressivement contrôle de lui. Cela
se matérialise par sa voix qui devient de moins
en moins enfantine et se durcit. Il cherchera à
minimiser l’importance de Claire. S’il s’est inté-
ressé à elle au départ, c’est parce qu’il était faible
et avait peur de la solitude. Mais maintenant, il a
vu la vérité dans l’écryme et sait que la Nostalgie
ne peut rien. Plutôt que lutter contre l’irrémé-
diable, il faut l’accepter et l’accélérer. En dernier
recours, il montrera aux personnages joueurs
une vision du monde tel qu’il deviendrait si la
103
 Toile n’était pas détruite. Les villes sont encore
plus denses, sales, polluées, surpeuplées et l’op-
pression sociale s’est encore davantage creusée.
Attention, le score de la jauge de la Fillette
altère cette illusion comme suit :
Entre -12 et -11, Claire se moque du groupe et
de leur lutte. Elle critique ce qu’ils ont fait, nie son
importance et espère que le monde sera ravagé.
Elle montre au groupe les endroits qu’ils ont tra-
versés et l’impact négatif que cela a entraîné.
Entre -10 et -6, Claire est visible dans la vision.
Elle se trouve toujours aux endroits les plus sor-
dides et attire le regard sur ce qu’il y a de plus
sombre dans l’humanité.
Entre -5 et +5, la vision se déroule tel qu’indi-
qué sans intervention.
Entre +6 et +10, Claire est visible dans la
vision. Elle se trouve toujours dans des endroits
bienveillants et attire le regard sur ce qu’il y a de
plus lumineux dans l’humanité.
Entre +11 et +12, Claire nuance les propos de
l’Enfant, explique l’importance des utopies et
rappelle au groupe tout ce qu’ils ont accompli.
Elle montre au groupe les endroits qu’ils ont
traversés et l’impact positif de leur passage.
Les axes de lutte
L’Enfant met fin aux chimères d’un revers de
la main. Quoi que Claire ait pu voir de bon en
eux, cela n’a plus d’importance, car tout brûlera.
Il claque des doigts, retourne au pilier et aussitôt
plusieurs éléments terribles se précipitent.
Suicide collectif : les personnes au bord des
fissures se mettent à sauter l’une après l’autre
dans l’écryme. Elles le font sans un cri, comme
s’il s’agissait d’un devoir et se battront si on
cherche à les en empêcher.
Assauts cauchemardesques : des ombres de la
caverne jaillissent des monstres horribles qui se
précipitent sur Anthelme et Claire. Le métropo-
lite se démène comme un fou pour les repousser
en usant de tous ses talents céphaliques.
Miroir aux alouettes : certains monstres
prennent l’apparence des personnages de
manière parfaite et se jettent sur leur alter ego.
Dans l’obscurité, il devient vite impossible de voir
qui est qui. Le seul moyen de vérifier l’humanité
d’une personne est de voir ce qu’elle saigne, car
les monstres suintent uniquement de l’écryme.
Un sosie ne peut pas être tué par son alter ego,
seulement par un autre personnage joueur.
N’oubliez pas que durant chaque scène oppo-
sant la céphalie de l’Enfant aux personnages,
104
ces derniers disposent d’un bonus équivalent à
la valeur de la jauge de la Fillette.
Un combat perdu d’avance
Le nombre d’alliés présents importe peu et
les actions du groupe ne font que colmater
des brèches en périphérie. L’Enfant a pour lui
l’écryme. Il dispose de la puissance de l’Amer-
tume et contrôle les émotions des personnages
joueurs. Dans son dos, des créatures sortent de
l’ombre et y disparaissent, des seconds rôles qui
ne se sont pas encore suicidés sont avalés par des
cauchemars solides… Au faîte de sa puissance, il
savoure son plaisir et sa victoire. Le métropolite
aura beau lutter, il n’est pas de taille. Son anence
(son costume et son chapeau) part en lambeau à
chacune de ses tentatives.
Le sacrifice de Claire
Le céphale joue alors sa dernière carte et sacri-
fie Claire pour libérer sa Nostalgie. Il peut au
choix la poignarder ou lui briser la nuque. Mais
la jauge du lien avec les personnages joueurs
vient à nouveau modifier la donne.
Entre -12 et -11, Claire use de tous ses pouvoirs
contre Anthelme et le groupe. Elle les hait et veut
leur mort.
Entre -10 et -6, elle se débat et ne se laisse
pas faire et attire l’attention d’un groupe de
monstres. Elle les méprise et désire leur échec.
Entre -5 et +5, rien de spécial ne se passe pen-
dant le meurtre.
Entre +6 et +10, Claire jette un dernier regard
plein d’affection au groupe. Elle les apprécie et
souhaite leur plein succès.
Entre +11 et +12, elle aborde elle-même le
sujet de son sacrifice en expliquant que c’est la
seule solution pour repousser l’Amertume. Elle
demande au personnage joueur qui a été le plus
gentil avec elle durant la geste de l’aider à par-
tir, et aux autres de lui tenir la main, l’épaule,
le front, etc. Avant de fermer définitivement les
yeux, elle remercie le groupe de l’avoir accueillie
et d’avoir été comme sa famille.
Aussitôt le sang versé, le rougeoiement du cris-
tal diminue, l’Enfant hurle de rage, la Nostalgie
se répand dans la caverne et fait reculer l’in-
fluence de l’Amertume. Sur le sol, il bouche à
moitié certaines fissures, sur les murs, il reverdit
en partie la végétation et redonne aux insectes
leur aspect normal.
Si le groupe avait un lien de 11 à 12 avec la
Fillette, la puissance de la Nostalgie est telle
qu’elle vainc entièrement l’Amertume et l’En-
fant ne peut rien faire. Il est submergé, le cris-
tal se referme entouré d’une nouvelle gangue
protectrice, le rougeoiement devient presque
imperceptible.
Si le groupe avait un lien de 6 à 10, le travail
n’est fait qu’à moitié. Il reste quelques créatures,
mais très faibles et bien moins dangereuses.
Là encore, l’Enfant est vaincu, mais le cristal
se referme moins bien, avec un rougeoiement
encore perceptible, bien qu’atténué.
Des choix et des conséquences
Une fois épuisé, l’aspect fantastique laisse place
à une réalité bien triste. En premier lieu, le corps
de Claire a disparu. Impossible de savoir s’il est
tombé dans l’écryme ou s’il s’est évaporé dans la
lutte. À bout de force, le métropolite supplie les
personnages joueurs d’en finir une bonne fois
pour toutes avec l’Enfant sur un ton qui paraît
bien cruel. Quant à leur adversaire, auparavant
si puissant, il n’est plus qu’un gamin méprisable
dont le corps a prématurément vieilli.
Le mettre à mort mettrait fin à ses méfaits et
à son influence néfaste sur la Toile. Mais vont-ils
accepter de se salir les mains après avoir déjà tué
Claire ?
Le préserver et tenter de le soigner prendrait
du temps, mais pourrait fonctionner (ou non)
comme cela fut le cas avec Claire. Décidez en
fonction de la tonalité de que vous voulez donner
à votre geste.
Quant à Anthelme, s’il survit, il continuera à
traquer les effluents, mais n’hésitera pas à leur
enseigner au préalable les rudiments de la cépha-
lie (laissez les joueurs lire Effluves de l’écryme, troi-
sième livre du triptyque de base).
Toutes ces décisions appartiennent aux joueurs.
Il leur revient d’écrire à leur façon la geste des
traverses.
Enfin, la remontée des mines se passe dans de
bien meilleures conditions. Si les escarmouches
se sont calmées, les conflits qui ont secoué Venice
ne sont pas terminés pour autant (cf. Les épilogues
ci-après).
105
 ÉPILOGUES
L’Enfant était en quelque sorte la colonne vertébrale des Artnarchistes et des effluents. Sa chute porte donc le coup
de grâce à ces différents mouvements. L’influence de l’Amertume va commencer à s’estomper sur la cité des doges.
Dans les semaines à venir, le froid va diminuer, l’humeur des Veniciens retrouver l’enthousiasme de jadis, l’art
connaîtra un foisonnement exceptionnel et les dernières poches aux mains des révolutionnaires tomberont les unes
après les autres. Toutefois, cela n’est pas suffisant pour sauver à terme Venice et la Toile. Gagnée de haute lutte,
la victoire n’est au mieux qu’une accalmie.

OÙ LE SORT DES PERSONNAGES JOUEURS

EST DÉCIDÉ

Avant d’entrer dans des considérations géo-
politiques, attardons-nous quelques instants sur
les personnages joueurs. Désirent-ils continuer à
arpenter la Toile avec le même groupe ? En effet,
les actions et événements vécus au cours de cette
geste ont été suffisamment traumatisants pour
que certains décident de raccrocher les gants.
et n’hésitent pas à chercher à les embaucher.
Une carrière politique et publique serait aussi
totalement adaptée et formerait une très belle
récompense pour eux (ils peuvent être reconnus
comme artistocrates, à titre exceptionnel, en rai-
son de la menace qu’ils ont contribué à éliminer).
Si les joueurs continuent à arpenter la Toile,
n’hésitez pas à faire resurgir leurs anciens person-

D’une retraite gratifiante nages sous la forme de seconds rôles au cours de

Les possibilités de se séparer de son avatar
dans les honneurs ne manquent pas. Venice est
meurtrie et cherche à se reconstruire. Qui mieux
que des héros de la résistance pour occuper des
postes clés dans l’administration ? Les Loges (et
pas uniquement celle des antiquaires) cherchent
à restaurer leur honneur. Les ambassades (en
particulier celle de Méthalume) sont également
prêtes à récompenser le rôle joué par la résistance
Où les personnages
acquièrent de l’expérience
Finir une séance de jeu : 1 point.
Finir la ballade : 1 point.
Finir la geste : 2 points.
Organiser la résistance : 2 points.
Vaincre les Artnarchistes : 2 points.
Contrer l’Amertume : 2 points.
Terminer au maximum sur l’échelle de la
Fillette : 3 points.
futures parties. Ce sera extrêmement gratifiant.
D’une soif de poursuivre
la route
En termes télévisuels, la chute de l’Enfant ne
constitue pas la fin de la série, mais correspond au
final d’une saison. D’autres joueurs souhaiteront
continuer à découvrir les secrets de l’écryme
avec les mêmes personnages. Dans un tel cas de
figure, Anthelme acceptera de leur inculquer les
bases de la céphalie et du fonctionnement des
anences. Il pourra même les aider à construire
leur premier artefact céphalique commun. Si le
céphale n’a pas survécu, toute autre personne
dotée du don dans Venice que les personnages
avaient rencontrée acceptera de jouer le rôle de
mentor une fois le calme revenu.
Une autre personne sera ravie de retrouver les
personnages joueurs s’ils décident de jouer les
prolongations. Le souvenir de Claire est tellement
présent en eux qu’il irradiera leur anence et se
trouvera dans leur bohème. Quand le temps sera

106
venu (niveau Bohème), considérez que la Fillette
sera très officiellement la première habitante de
leur utopie et qu’ils pourront y venir lui parler
(elle conserve l’intégralité de ses souvenirs, y
compris sa mort). La première émotion renfer-
mée dans leur anence sera donc la nostalgie. En
termes de règles, Claire apportera en plus deux
mots gratuits aux céphales quand ils créeront
leur anence et leur bohème.
Peut-être que votre groupe souhaitera pour-
suivre ses aventures, mais en conservant un
ancrage venicien. Il existe alors une possibilité
élégante de concilier ceci avec l’itinérance que
présuppose la soif de découvrir les secrets de
l’écryme : ils peuvent travailler pour le nouveau
directeur l’asile humaniste, Johan Jagger, et par-
courir la Toile à la recherche de cas de démences
inhabituelles.

OÙ L’ON ÉVOQUE LA SITUATION

DE LA TOILE

Les intrigues et les luttes de pouvoir ne font que débuter.

Attardons-nous sur les principales en les classant par niveau de jeu.

Niveau Écryme
Venice et la Toile
La révolution venicienne a secoué l’ensemble de la Toile. Les échauffourées qui ont endeuillé la cité ont
fait trembler les différentes nations et rappelé à leurs diverses instances propagandistes qu’une nouvelle
guerre n’était pas loin. Le ballet des espions et les complots vont connaître un vif regain. Venice entre
dans une longue période d’incertitude politique. Les différentes cités la voient comme une proie facile
pour en tirer un maximum de bénéfices. Manigances et jeux de pouvoir vont devenir légion et il faudra
des trésors de diplomatie pour préserver l’intégrité de la cité.

Venice et ses rues

Cette lutte de pouvoir se fait sentir plus encore au sein de la population. Tout est à refaire et à recons-
truire. Les Loges, les ghildes, les konzerns vont chercher à tirer leur épingle du jeu. Les différentes
instances policières auront besoin d’aide pour conserver la neutralité si chère à la cité et présenter un
visage serein et apaisé au reste de la Toile. Les factions artnarchistes, bien que dissoutes, garderont
encore quelques sympathisants, tout comme les effluents. Et il y a fort à parier qu’ils gardent une
rancune tenace envers les personnages joueurs…

Cinquième doge
L’action de Phaléo Vitali est passée sous silence durant toute la révolution. Pourtant, rien n’empêche
de le faire intervenir durant les événements, notamment pour la mise en place de la résistance… Les
personnages pourraient alors devenir ses hommes de confiance pour la reconstruction de Venice.

107
 Niveau Céphale
L’équilibre émotionnel a été rompu au sein de Venice. Malgré la défaite de l’Amertume, l’aigreur, la
peur et la mesquinerie seront encore très présentes. L’ensemble des céphales veniciens devront rétablir
l’enchantement des jours passés, notamment en ravivant le plaisir de créer.
Ces chamboulements vont sortir de leur torpeur de nombreuses factions occultes, à travers toute la
Toile, qui commenceront à investiguer sur ce qui s’est passé dans la cité des doges et à reconstruire le
fil des événements. Nul doute que les personnages joueurs vont rapidement se retrouver au cœur de
l’œil du cyclone en ce qui concerne le don et sa pratique.

Niveau Bohème
Venice a été fondée sur les quatre anences et corps des premiers popes noirs. Anences comme corps
sont restés en sommeil dans les palais des doges. Les événements de la geste ont entraîné leur réveil et
ont rompu la neutralité venicienne. Pour rétablir l’équilibre, les popes noirs du Lansk et de l’Antipolie
vont en effet entrer dans la partie, tout comme les céphales arpenthes. Alors que les premiers cherche-
ront à détruire les anences et les émotions, les seconds tenteront de les restructurer vers de meilleurs
buts et de les ouvrir vers les traverses. Enfin, certains enfants de Bohème, tournés vers la liberté et la
création, essaieront de s’approprier les mouvements artistiques veniciens afin de contrecarrer les plans
des popes noirs qu’ils détestent.

Niveau Amertume
Les événements ont montré à la Toile la véritable puissance de l’Amertume. Ses fidèles vont mainte-
nant tenter de répandre son essence à travers toute la Toile. Concernant Venice, l’ensemble des masques
des Artnarchistes ont-ils d’ailleurs été détruits ? Les œuvres célébrant le chaos ont-elles été annihilées ?
Un véritable travail de compilation et d’investigation est sur le point d’être mené par les céphales qui
risquent de devoir s’allier pour espérer l’emporter. En sont-ils capables ?

108
 ANNEXES
CONCERTO POUR DÉTRAQUÉS
Cette ballade sert de prélude aux événements tragiques qui émailleront Du sang dans les canaux de Venice. Se
déroulant dans l’asile humaniste, elle met en scène la révolte orchestrée par l’Enfant.

OÙ LES ÉLÉMENTS CLÉS SONT INTRODUITS

Synopsis amplifiée au moyen d’un appareil mesurant les

L’Enfant, volontairement interné dans l’asile
humaniste, sème le trouble dans l’esprit des
patients afin de préparer une révolte qui déversera
à terme les pensionnaires sur la cité des doges.
Pour donner une ampleur dévastatrice à son pro-
jet, il a instrumentalisé la folie d’un patient et l’a
ondes cérébrales créé par un des soignants.
L’intrigue se découpe selon trois points de vue :
celui du personnel cherchant une explication à la
gronde des pensionnaires de l’asile, les déments
cherchant à prendre le contrôle de l’institution
et l’esprit morcelé du patient pris pour cible par
l’Enfant.

109
 Histoire
La machine à folie
Sitôt après son passage dans la seigneurie tra-
versière de Sableryne, l’Enfant se rend à Méandre
puis à Venice pour mettre en place les derniers
éléments de son plan. Un peu moins d’une lune
avant le début de cette ballade, il s’arrange pour
être admis comme patient au sein de l’asile huma-
niste, dans la Reposante. Rien de difficile avec ses
traits de chérubin et ses talents de comédien.
Dans cet environnement aseptisé, son intelli-
gence malsaine lui permet de comprendre les
faiblesses de chacun et de les monter en épingle
pour semer le désordre. Il en profite pour repérer
et endoctriner des membres et des victimes de la
Loge des effluents. Mais il n’est que l’étincelle. La
poudre, il la trouve en la personne du professeur
Vittorio Sagasser. Cet aliéniste reconnu est aussi
un inventeur passionné par la question des ondes
cérébrales. Depuis des années, il travaille sur une
machine capable de graver les empreintes men-
tales de ses patients sur des cylindres métalliques
semblables à ceux d’un orgue de barbarie. Son
rêve ultime consisterait à jouer une musique
retranscrivant l’ensemble de la psyché humaine
pour la guérir. L’Enfant, déjà au courant de
l’existence d’une telle machine par ses contacts
effluents, saisit le potentiel destructeur de l’appa-
reil et veut en inverser le fonctionnement. C’est à
ce moment, qu’il entend parler d’Aimant.
Un Aimant à problèmes
Ce patient a la particularité d’être une page
vierge, amalgamant les démences auxquelles il est
confronté. Non-violent en temps normal, son état
et la population de l’asile imposent son isolement
dans le Panoptique. L’Enfant voit toutefois en lui
un moyen d’amplifier les effets de la machine
de Sagasser. En usant des pouvoirs conférés par
l’Amertume, il fait converger les courants émo-
tionnels les plus délétères qui impactent immé-
diatement la plupart des aliénés. Leurs troubles
sont non seulement amplifiés, mais aussi plus
sombres. Aimant se nourrit de ces changements
et devient incontrôlable. Une semaine et demie
après son entrée dans l’établissement, l’Enfant
convainc le scientiste d’essayer la machine sur ce
patient jugé comme le plus dangereux de l’asile.
Loin d’imaginer la manipulation dont il est
victime, le professeur pense sincèrement aider
110
Aimant. Plus il utilise les partitions de sa machine
sur Aimant et plus sa psyché spongieuse accumule
des émotions dévastatrices le transformant en
anence vivante qui finira tôt ou tard par éclater.
Les autres patients, quant à eux, s’agitent de
plus en plus. Des actes de rébellion ont lieu à
divers endroits, mais ont pu être contenus. Il y a
déjà eu trois séances. Encore une et les portes de
la raison d’Aimant se briseront définitivement.
Cela occasionnerait immédiatement la libération
d’une folie dévastatrice qui prendrait la forme
d’une rébellion des fous contre l’autorité. Vu les
rapports de force, ce ne serait qu’une question
d’heure avant que l’asile ne tombe…
Les plans de l’Enfant
Les objectifs de l’Enfant doivent rester nébu-
leux le plus longtemps possible. En réalité, il
cherche des aliénés qu’il pourrait influencer
suffisamment pour que ces derniers soient
entièrement sous son contrôle. Quel meilleur
endroit pour cela que l’asile humaniste ou de
nombreux effluents officient ou ont officié ?
Son séjour dans l’asile va toutefois lui appor-
ter bien plus qu’il ne désire. Dans un premier
temps, il découvrira la ghilde des somnam-
bules de Venice qui, toutes les nuits, devient
totalement sujette aux influences de l’écryme.
Mieux encore, le professeur Sagasser, sa
machine et Aimant lui permettent de créer
et modeler définitivement ses nouvelles
victimes qui deviendront les Artnarchistes.
Pour la compréhension des joueurs, il est
vraiment intéressant d’évoquer (mais sur-
tout pas insister) ces patients, leur évolution
et leur disparition durant la révolution des
artistes. Idéalement, les personnages joueurs
devraient percevoir leur changement de com-
portement comme des exemples de dégrada-
tion de l’état mental des résidents de l’asile
et non comme un changement majeur (et ce,
d’autant plus que leurs pathologies se révèlent
surtout la nuit).
La libération des fous les plus dangereux n’est
qu’un bonus provoquant un peu plus de chaos
dans la cité lui permettant de créer une diver-
sion et d’augmenter un peu l’aigreur ambiante.
S’il parvient à transformer également Aimant
alors sa victoire aura été totale.
 Mise en scène
Une aventure chorale
À la manière Des chrysanthèmes pour le Lys Noir
(cf. La Balade d’un troubadour muet), les joueurs
n’incarnent pas leurs personnages habituels. Il
s’agit d’un scénario mosaïque durant lequel ils
changeront de rôle à trois reprises.
Quelques conseils
La ballade est composée de trois arcs narratifs
qui découlent des manigances de l’Enfant au
sein de l’asile. Ce fonctionnement par strates est
comparable à celui de Du Sang dans les canaux de
Venice. Il s’agit en quelque sorte d’un échauffe-
ment en vue de se familiariser avec ce procédé.
Chaque strate offre un point de vue différent
et propose aux joueurs d’incarner différents
personnages construits sur un concept suivant
les règles proposées en Introduction dans le
chapitre Nous ne sommes pas seuls (7 points répar-
tis dans les trois champs et cinq +1 en cours de
jeu). Afin d’aider les joueurs, quelques concepts
sont donnés pour chaque strate. Le genre (mas-
culin-féminin) est laissé à votre discrétion et à
celle des joueurs.
Au pied du mur prend la forme d’une enquête
menée par le personnel de l’asile humaniste afin
de découvrir la cause de l’agitation grandissante
au sein des patients.
Concepts de personnages : un membre du personnel
violent ; un aliéniste de plus en plus passionné par la
démence de ses patients ; un effluent sentant la situa-
tion le dépasser ; un espion venu d’une autre cité ; un
machiniste chargé de l’entretien des installations et plus
particulièrement des chaudières.
Faire le mur suit les actions de sabotage
menées par des membres en lien avec l’Enfant au
sein de l’établissement, pour couper tout contact
avec l’extérieur.
Concepts de personnages : un dément craignant que
le rire (ou une autre émotion) ne soit contagieux ; un
paranoïaque convaincu qu’au sein de la population se
cachent des automates déguisés en humains ; un adepte
de la théorie du complot persuadé que la population est
droguée pour rester docile ; un analyste brillant dénué
de tout sens moral.
Exemple de liens avec l’Enfant : terrifié par ce dernier
et préférant le servir que de l’affronter ; anciens membres
des effluents devenus fous à cause de ses propres décou-
vertes ; l’Enfant lui est apparu en rêve ; l’Enfant lui
a promis la liberté ; Adepte du chaos qui a été assez
facilement convaincu.
Droit dans le mur, plus onirique, s’attarde sur
Aimant. Pour résister au mal qui lui est fait, sa
conscience s’est fragmentée en plusieurs person-
nalités qui tentent d’échapper au destin imposé
par l’Enfant. Cette lutte est personnifiée par plu-
sieurs déments qui tentent de maintenir le siège
d’une salle commune.
Concepts de personnages : un vieil homme misan-
thrope ; un membre du personnel convaincu que s’il
se rend il sera pris pour un fou ; un hypocondriaque
enfermé dans un terrible mutisme le rendant incapable
de parler (juste de mimer) ; un jeune homme épris de
liberté totalement déconnecté de la réalité ; un disciple
de l’Enfant ; une force de la nature idiote.
Pour une mise en scène, le rythme est un fac-
teur déterminant. Afin de vous aider à mener
cette ballade tambour battant, étudiez bien la
description de l’asile humaniste dans le chapitre
précédent. Entremêlez les narrations. Pour cela,
diverses manières sont possibles :
Une première, décousue, consiste à changer
de strate dès qu’une situation n’apporte pas un
challenge suffisant ou que le rythme de la partie
faiblit.
Une seconde s’inspire plus d’un découpage
en forme de poupée Russe ou à la Inception de
Christopher Nolan avec l’alternance suivante : Au
pied du mur, Faire le mur, Droit dans le mur, Faire le
mur et Au pied du mur. Ce second découpage est
conseillé dans le cas d’une partie menée de bout
en bout durant la même séance de jeu.
D’autres versions plus simples (faire jouer les
strates dans l’ordre où elles sont présentées) ou
plus expérimentales (proposer plusieurs tables
de jeu) existent.
Chronologie
Peu après la dernière lune (J-1 mois) :
l’Enfant se fait interner à l’asile humaniste.
J- 3 semaines : manipulation de Sagasser
qui révèle l’existence de sa machine.
J-2 semaines et demie : manipulation de
courants d’Amertume et premières séances
expérimentales de traitement sur Aimant.
La situation dans l’établissement devient
catastrophique.
J-2 semaines : dernière séance de thérapie
prévue et explosion de la violence.
111
 AU PIED DU MUR
Au cours de cette première strate, le personnel
de l’asile cherche à comprendre pour quelle rai-
son les aliénés sont aussi agités.
Les prémisses de l’enquête
Depuis deux semaines, le quotidien de l’asile
s’est assombri. Dans l’ensemble, les détenus sont
devenus plus agressifs et leurs pathologies plus
marquées. Récemment, les choses ont encore
empiré. Quelques actes de rébellion ont éclaté.
Jusqu’ici, les surveillants sont parvenus à rétablir
le calme, mais chaque fois avec un peu plus de
peine. Si rien n’est entrepris, la situation risque
de devenir ingérable. L’établissement ne peut
se le permettre. Ses méthodes seraient aussi-
tôt remises en cause et les dons des généreux
mécènes risqueraient de se tarir.
Quand changer de strate
Il est intéressant de passer à la seconde strate
quand les personnages cherchent à trouver le
professeur Sagasser, sa machine ou Aimant.
Idéalement, lorsqu’ils ont découvert tout ce qu’il
y avait à découvrir sur l’Enfant.
L’enquête
Voici les différentes pistes à suivre au moment
de débuter cette enquête. Elles peuvent être four-
nies au cours d’une réunion de crise.
Les émeutiers
Interroger les cinq meneurs permet de reconsti-
tuer la chronologie des événements. Les fauteurs
de troubles sont Schnute, l’aérostier antipolien
(Reposante, trois jours plus tôt), Georgio, l’ou-
vrier de la centrale à hydrocryme (Reposante,
trois jours plus tôt), Corinna Aniello, la disciple de
Brando Marcini (Reposante, avant-hier), Arthur
Spivey, le détenu aux rêves effrayants (Panoptique,
hier) et Vermine, le femme pensant contrôler les
bêtes rampantes (Panoptique, hier soir).
Les informations suivantes peuvent être obte-
nues directement si les joueurs y pensent ou via
un test en cas d’oubli.
Auprès des surveillants ou Urbatechnologie diff.
112
8. Les troubles ont débuté à la Reposante avant
de se propager au Panoptique. À écouter les
surveillants, les émeutes du Panoptique étaient
extrêmement violentes. Il régnait une atmosphère
suffocante quand elles sont survenues. Le nombre
d’aliénés impliqué a cru à chaque fois (une ving-
taine lors de l’émeute provoquée par Vermine).
Les yeux baissés, comme s’ils revivaient des sou-
venirs douloureux, les surveillants décrivent les
regards déments et les yeux exorbités de certains
pensionnaires ivres de fureur.
Auprès des fauteurs de trouble ou Traumatologie
diff. 8. Les différents fauteurs de troubles
paraissent extrêmement fatigués. Les effets sont
un peu moins marqués chez les meneurs dont
l’action est la plus ancienne.
Auprès des fauteurs de trouble ou Faconde diff.
10. S’ils sont brusqués ou menacés, les meneurs se
ferment. De même, face au scepticisme. Quelque
chose ou quelqu’un a commandé qu’ils se rebellent.
Une musique irrésistible qu’ils entendaient aussi
clairement que les sons qui sortent maintenant de
leur bouche. Cette mélodie flottait partout dans
l’air, mais semblait provenir de l’écryme. Les alié-
nés ont tous également perçu un regard lorsqu’ils
entendaient la musique, le regard d’un enfant
cruel, insoutenable. Ils ne supporteraient pas d’y
être confrontés à nouveau. Sans qu’ils parviennent
à expliquer pourquoi, tous ont la certitude diffuse
que cette personne est enfermée elle aussi dans
l’asile. En plus des yeux, les prisonniers ont senti
la présence d’un homme dans l’asile.
Interrogés sur la musique, les surveillants
avouent n’avoir rien entendu. Cet interrogatoire
prend fin de manière abrupte. Sous le regard
médusé du groupe, tous les prisonniers présents
se mettent à crier et se bouchent les oreilles. Ils
entendent à nouveau la même musique et ne
comprennent pas pourquoi ce n’est pas le cas
des personnages joueurs. Hystériques ou cata-
toniques, il n’est plus possible de tirer quelque
chose d’eux. Des soignants accourent rapidement
et leur administrent des calmants.
T’as de beaux yeux
Les personnages apprennent la présence d’un
enfant au sein de l’asile et qui perturberait profon-
dément les patients. Étrangement, son cas semble
avoir été oublié par l’ensemble du personnel. Au
service des admissions, les soignants triant les
futurs patients sont également frappés d’amné-
sie… jusqu’à ce que l’un d’entre eux se rappelle
avoir rencontré un jeune dément exempt de tout
sens moral. Malgré son trouble, son jeune âge l’a
orienté vers la Reposante. Là, il n’est pas difficile
de découvrir où il dort. Les pensionnaires, qui le
surnomment l’Enfant, lui portent une affection
sans borne malgré son attitude distante. Poser des
questions sur lui attire autant la suspicion voire
des remarques peu amènes. Il faudra se montrer
convaincant pour rassurer les aliénés. Les person-
nages pourront apprendre qu’il est soigné par le
professeur Sagasser… et même qu’il lui donne
parfois des conseils. Impossible d’ailleurs de les
trouver dans la Reposante puisqu’ils sont en train
d’assister à la thérapie d’Aimant. La cellule de
l’Enfant ne contient aucun effet personnel.
Le professeur Sagasser
Le professeur est un homme effacé. Docte sur
des sujets aussi vastes que l’anthropo-mécanolo-
gie et les sciences traversières, ses théories n’ont
pas réussi à percer parmi ses pairs.
Beaucoup pensaient qu’elles ne les mettaient
pas assez en valeur et tous ont fini par se désinté-
resser de ces cas de moins en moins nombreux.
Les aliénistes les plus proches de lui (si tant est
qu’on puisse être proche de lui) savent qu’il se
passionne pour un cas du Panoptique, un dément
victime d’un mimétisme extrême. Son patient
ne se trouve pas non plus dans sa cellule et ses
voisins comme le personnel peuvent témoigner
de son agitation croissante depuis quelques jours
(le professeur cherche-t-il à soigner le mal par le
mal ?). De même, le professeur s’est fait encore
plus secret qu’à son habitude.
Faits divers
Durant leurs investigations, les personnages
se rendent compte que l’attitude des patients
devient de plus en plus étrange :
Dans différents bâtiments, des patients qui ne
se connaissent pas chantonnent le même air.
Bölmer est au bord de la crise de nerfs, car
il juge son jardin saccagé. Dans les graviers, des
aliénés ont dessiné d’étranges silhouettes. Elles
semblent sortir de l’écryme et s’immiscer dans
l’esprit des résidents.
Ambroise, le géant, devient extrêmement
violent. Il s’en prend à un groupe de résidents
avant d’apercevoir les personnages joueurs et de
marcher vers eux d’un air menaçant. Soudain,
il s’arrête, le regard perdu. Il s’enfuit alors en
hurlant : Pas les yeux ! Pas les yeux !
Des actes de sabotage ont lieu et compliquent
l’enquête (cf. Faire le mur, la deuxième trame).
Conclusion provisoire
Dans le laboratoire de Sagasser, les person-
nages se retrouvent face à une énorme machine
aux allures d’orgue. Des tuyaux métalliques
convergent vers une plate-forme sur laquelle se
trouve une chaise. Un homme chétif est assis
dessus et lutte contre la musique diffusée par
l’appareil. Les personnages joueurs peuvent l’en-
tendre murmurer : Non, non, laissez-moi. Vous me
faites mal. Sortez !
Sagasser est, quant à lui, devant un tableau
de commande et demande au patient de cesser
de lutter, de se laisser faire pour son bien. La
machine vrombit, le patient tressaute et les vibra-
tions font légèrement trembler les murs. Quand
il voit les personnages, il leur intime de ne pas
s’approcher. À l’entendre, c’est dangereux. Il est
en train d’essayer de sauver son patient, mais c’est
compliqué, car il résiste.
Il y a peu de chances que le groupe obéisse.
Quand les personnages joueurs s’avancent, la voix
Contrat social
Cette ballade impose au préalable de s’en-
tendre avec les personnages sur deux princi-
paux points qu’il est conseillé d’aborder avant
de la jouer :
Les joueurs ne doivent pas tenir compte
des actions et informations qu’ils accom-
plissent dans les diverses strates. Avec les
changements de rôles, ils auront une vision
plus globale que celle de leurs personnages.
Ce décalage est intéressant, car il crée une
forme d’attente, voire de suspens. Pour autant,
dans les situations vécues, ils ne devront
jamais voir au-delà des yeux de leurs avatars.
La fin de cette ballade est irrémédiable :
l’asile humaniste tombe aux mains de l’En-
fant. L’inéluctabilité est parfois source de
frustration pour les joueurs. Si vous estimez
que cela pourrait être le cas, présentez bien
cette ballade comme étant une exception.
Inéluctable, mais non sans enjeux. Certains
choix à faire en fin d’aventure auront des
conséquences à plus long terme.
113
 d’un jeune garçon leur ordonner de reculer, ce
qu’ils font presque inconsciemment. Dans une
alcôve, l’Enfant les regarde. Il est d’une blondeur
insolente, mais ce sont surtout ses yeux qui attirent
l’attention. Ils sont d’une pâleur et d’une intensité
FAIRE LE MUR
Cette deuxième strate met en scène des per-
sonnes sous l’influence de l’Enfant qui tenteront
de saboter les infrastructures de l’asile et de pro-
voquer un soulèvement des patients. Beaucoup
plus ouverte que la précédente, cette strate
dépend en grande partie des idées des joueurs.
Quand changer de strate
Lancer une révolte n’est pas forcément chose
aisée. Il est ainsi possible que vos joueurs peinent
avec cette strate. Il y a plusieurs moyens de les
aider : la grogne qui s’amplifie à chaque nouvelle
thérapie d’Aimant (surtout si les joueurs s’en
rendent compte) ; les actions de l’Enfant (atten-
tion, c’est un deus ex machina dont il ne faut pas
abuser) ; avoir recours à la violence et forcer le
personnel à faire de même. Dès que la situation
passe hors de tout contrôle et que la révolte
gronde, alors envisagez de changer de strate.
Perte de contrôle
Les actions fournies ci-après sont celles qui
seront le plus probablement envisagées par les
joueurs. Données à titre indicatif, n’hésitez pas à
rebondir sur toute autre idée judicieuse. N’oubliez
pas de mettre en scène leurs répercussions dans
la strate précédente et à compliquer la tâche des
joueurs lorsque leurs personnages dans Du Sang
dans les canaux de Venice pénétreront dans l’asile.
Les actions de sabotage sont décrites de la
manière suivante :
Un titre reprenant l’objectif principal.
Le ou les moyen(s) d’y parvenir, ce qui est
nécessaire pour arriver à ses fins.
Principale(s) difficulté(s) générée(s)
Comment y mettre un terme permet de déve-
lopper la première strate ou Du Sang dans les
canaux de Venice
114
extraordinaires. Chaque pas impose désormais un
test d’Athlétisme diff. 12. Comptez comme dégâts
mentaux les éventuelles Marges négatives. Chaque
victime ressent comme un claquement de fouet à
l’intérieur de sa tête. Tout se brouille…
Rallier des patients
Moyen : convaincre le plus grand nombre pos-
sible d’aliénés de se révolter contre les autorités de
l’asile. Cette action est probablement la plus dif-
ficile et repose sur les comportements erratiques
des autres aliénés. Même si les altérations émo-
tionnelles générées par le professeur Sagasser et
l’Enfant sont à l’origine d’un véritable sentiment de
colère et de malaise au sein des patients, lancer une
révolte générale est quasiment impossible. Cette
manœuvre s’inscrit dans la durée et se gère comme
Confrontation sociale dont le but est de convaincre
aux moins trois groupes de résidents (deux Impacts
graves et un majeur). Chaque argument apporte un
bonus d’Incidence de +2. Le plus simple est d’avoir
recours aux mensonges en colportant des rumeurs
insensées, en créant un incident diplomatique, en
sacrifiant des patients, etc.
Des joueurs un peu vicieux pourraient avoir
recours aux drogues, modifier les somnifères,
gâter les plats, priver les autres codétenus de
sommeil, etc.
Principales difficultés : le manque de discré-
tion mais surtout les actions directes risquent de
provoquer l’ire des garde-chiourmes et des sur-
veillants. Sur les nerfs, ils n’hésiteront pas à jouer
de la matraque. Les droguer ou les empoisonner
semble bien plus raisonnable.
Comment y mettre un terme : malheureu-
sement, seule la force permettra un retour au
calme. Sauver et réunir le personnel sera éga-
lement indispensable sans même évoquer les
calmants s’ils n’ont pas été prélevés.
Libérer des patients
Moyens : libérer les détenus du Panoptique
de leurs cellules. Il y a une dizaine de passes en
tout, ce qui représente environ une clé pour cinq
surveillants.
Principales difficultés : S’en prendre à un
gardien pour voler ces clés s’avèrerait nettement
plus facile après l’éclatement d’une émeute. Mais
il sera délicat de contrôler les déments les plus
violents de l’asile.
Comment y mettre un terme : une libération
précoce des aliénés les plus dangereux pourrait
avoir des conséquences importantes dans la suite
de cette geste. Par exemple, ces derniers pour-
raient s’en prendre aux surveillants et laisser un
asile encore plus dépeuplé (moins de patients res-
tants et un personnel qui déserte en plus grand
nombre encore).
Se déplacer librement
Moyens : se déplacer dans l’asile sans être
repéré est extrêmement difficile. Le personnel
est nombreux, entraîné et sur ses gardes. Les
choses deviennent beaucoup plus faciles si les
personnages décident de voler des uniformes du
personnel pour se déguiser. Pour cela, il faut se
rendre à la buanderie de l’asile.
Principale difficulté : donner le change à
chaque fois que l’on croise un surveillant (tout
en continuant à interpréter sa démence).
Comment y mettre un terme : Le problème
n’est pas tant de remédier à cette manœuvre,
mais plus de convaincre le personnel de ne pas
avoir peur à la fois des déments et de ses autres
collègues. Les communications risquent alors de
se tendre passablement.
Saborder le télégraphe
Moyens : sectionner les fils du sémaphore de
l’intérieur ou de l’extérieur. Prendre le contrôle de
la salle permettant d’envoyer et recevoir des mes-
sages. L’approche la plus directe est de se rendre
sur les toits et de cisailler les fils. Il est également
possible de contacter des personnes extérieures à
l’asile pour réaliser le travail et dévier les lignes.
Cela peut se faire grâce aux points d’historiques
des personnages ou en soudoyant un autre détenu
(qui connaîtrait une ghilde, un mouvement révo-
lutionnaire, etc.). Les plus audacieux pourraient
même se lancer dans un chantage contre les stan-
dardistes de l’asile, les réduire à leur merci, etc.
Cela demande cependant des ressources en termes
de temps, d’informations et de crédibilité (repérer
une cible, la suivre, enquêter, la confronter, etc.).
Principale difficulté : isoler l’asile entraî-
nera la suspicion de personnes cherchant à
entrer en contact avec des patients (des parents,
des collègues, etc.). Un ou des émissaires
inquiets pourraient alors s’enquérir sur place de ce
qui ne va pas.
Comment y mettre un terme : trouver la cause
de la panne des communications et y remédier
via un test d’Anthropo-mécanologie.
Bloquer les issues
Moyens : entraver les points d’accès à l’asile et
empêcher l’arrivée de toute aide extérieure est
presque aussi important que de rallier les autres
déments. Isoler l’asile en prenant physiquement
les ponts est particulièrement ardu dans un laps
de temps aussi court que celui de cette ballade
(qui est quasiment en temps réel). Faire effon-
drer cette structure est impossible, tout au plus
pourrait-elle être fragilisée. À moyen terme, c’est
toutefois une mauvaise idée, car il faudra que les
fous puissent avoir accès à Venice. Là encore, l’in-
tervention d’une ghilde ou de révolutionnaires
(sous le prétexte de mouvements sociaux) pour
mettre en place un filtrage des gens serait la
solution la plus pérenne pour entraver l’accès à
l’asile.
Principale difficulté : isoler l’asile prive égale-
ment de tout apport extérieur et risque à terme
de gêner la fuite des aliénés dissidents.
Comment y mettre un terme : l’isolation totale
de l’asile serait même une aide non négligeable
pour reprendre les fous qui tenteront de s’échap-
per de l’asile puisque cela limiterait de facto leur
fuite.
Conclusion provisoire
Cette strate prend fin avec le déclenchement
d’une émeute massive. En cas d’échec éventuel,
l’Enfant finit par intervenir en usant massivement
de ses pouvoirs céphaliques (domination, mises à
mort, etc.). Dans tous les cas, la curée commence…
115
 DROIT DANS LE MUR
Cette troisième strate se déroule intégralement
dans l’esprit d’Aimant. Le pauvre homme lutte
de toutes ses forces contre la machine du pro-
fesseur Sagasser afin de ne pas emmagasiner de
nouvelles folies. Sa conscience schizophrène s’est
fragmentée en déments au caractère différent.
La partie de son esprit résistant encore à la théra-
pie du professeur Sagasser est devenue la grande
salle commune assiégée par des soldats.
Mise en scène
Cette dernière partie de la ballade ne doit sur-
tout pas s’étendre. Trente minutes à une heure
suivant vos joueurs et le temps imparti. Pour cette
raison, cette strate ne doit pas être interrompue.
L’intrigue prend la forme d’une série de discus-
sions entre les personnages joueurs : se rendre
et en subir les conséquences, mais vivre, ou se
battre et mourir dans l’espoir de laisser d’autres
déments regagner leur liberté. Évitez au maxi-
mum les jets de dés au profit des interactions
entre protagonistes.
Pour maintenir une certaine pression autour
de la table, plusieurs éléments peuvent intervenir
régulièrement et sont décrits ultérieurement. Si les
discussions entre les joueurs vont bon train, n’hési-
tez pas à omettre certains de ces éléments afin de
ne pas surcharger cette partie de la ballade.
Inutile de compter les soldats ou de se perdre
en jets de dés. Ces derniers disposent d’une
Compétence d’attaque de 7 et sont armés de
mousquets (Incidence +4) et sabres (Incidence
+3).
Débuter la strate
Après avoir proposé quelques concepts (livré
précédemment), la situation peut se résumer de
la manière suivante pour les joueurs.
La situation a dégénéré dans l’asile et des soldats veni-
ciens l’ont pris d’assaut. Vous vous êtes réfugiés dans la
salle commune et êtes parvenus à bloquer temporairement
les deux entrées. Quel que soit votre concept, vous êtes
tous convaincus que rien de bien ne se déroulera si les
portes sont ouvertes. Toutefois, il fera bientôt nuit. Les
assiégeants vous laissent un dernier moment de réflexion
avant de repartir à l’assaut. Une heure tout au plus.
116
La salle commune
Les personnages se sont en réalité enfermés
dans trois salles contiguës : le réfectoire avec
des tables et des chaises boulonnées au sol, mais
pouvant servir à créer des barricades ; un couloir
séparé du réfectoire par une grille et isolé du
reste de l’asile par une porte de métal actuel-
lement fermée par les personnages joueur et
une cuisine sommaire équipée d’un monte-plat
bloqué (empêchant donc la fuite) et d’une porte
métallique elle aussi bloquée par les personnages
joueurs. Les fenêtres vers l’extérieur sont elles
aussi condamnées par des barres métalliques
empêchant d’entrer ou de sortir. Difficile de voir
dehors avec ce crépuscule naissant.
Éléments de mise en scène
Voici quelques incidents/événements permet-
tant de maintenir une certaine tension auprès
des joueurs
Une musique s’élève, de plus en plus puis-
sante. Idéalement, prévoyez une musique d’orgue
et montez le son toutes les 10 minutes. Cette
musique mime le fonctionnement de la machine
et finit par devenir assourdissante.
À peu près à la moitié du temps que vous vous
étiez fixé, la taille de la pièce diminue. Modifiez
vos descriptions sans toutefois le dire clairement.
Idéalement, évitez les plans.
Durant toutes leurs discussions, les person-
nages joueurs ont l’impression désagréable
d’être observés.
Un premier ultimatum est lancé aux person-
nages pour les exhorter à se décider rapidement.
Le soldat accepte de négocier.
Si tous les personnages joueurs ou une majorité
décident de se rendre. Un appel au secours retentit
suivi par des cris extérieurs. Un dément se rend,
mais les personnages entendent clairement que
ce dernier est mis à mort.
Si tous les personnages joueurs décident de tenir leur
position. Les soldats ont pris des amis des person-
nages joueurs, ils vont les sacrifier s’ils n’ouvrent
pas.
Si les personnages joueurs tiennent bon. L’Enfant
entre dans la conscience fissurée de l’aliéné et
convainc l’une des entités schizophrènes de tra-
hir ses collègues. Soyez dirigistes si nécessaire en
expliquant au joueur que son alter ego change
d’avis. Une manière plus subtile consisterait à
prendre à part l’un des joueurs les plus hésitants
et de lui expliquer que durant un de ses tours
(alors qu’il est isolé), une voix derrière la porte
tente de le convaincre de trahir. N’hésitez pas à
promettre ce que bon vous semblera.
Si vous connaissez bien vos joueurs et pensez
qu’ils ne cèderont jamais, ajoutez d’autres figures
dès le début. Si vous les avez mal jugés, alors ces
personnages pourraient arriver à atteindre les
portes ou passer par le monte-charge pour se
joindre au groupe. Après quelques minutes, ils
supplient d’accepter l’offre des soldats et de se
rendre. À quoi bon mourir pour des questions de
principe ? La vie n’est-elle pas préférable à toute
autre chose ? Pour quelles raisons se sacrifier ?
L’ombre projetée par l’un d’eux ressemble à celle
d’un enfant.
Les portes sont défoncées à coup de bélier.
Cela prend toutefois un peu de temps.
Conclusion provisoire
Le choix des personnages joueurs va être abso-
lument crucial et déterminera la fin de cette bal-
lade. Accepter la reddition, c’est céder à l’Enfant
selon ses conditions et le rejoindre. Refuser, c’est
mourir. Décrivez alors les conséquences de ce
choix aux joueurs :
OÙ LES TRAMES SE REJOIGNENT (CONCLUSION)
Des bruits lointains se font entendre, faible
écho de la tragédie qui est en train de se jouer
un peu plus haut. Vague après vague, la folie
se répand dans l’asile et rien ne peut l’arrêter.
Ivres de colère, les résidents se jettent sur les
membres du personnel qui n’ont pas réussi à se
cacher. Certains surveillants n’hésitent pas à se
mêler aux autres déments et deviennent parfois
plus sauvages que les patients du Panoptique.
Puis la liesse commence à se répandre dans la
cité. L’Enfant apparaît et certains s’inclinent
devant lui. Une fois celui-ci sorti de l’asile, la
Acceptation : vous ouvrez la porte, les soldats entrent,
ivres de leur victoire. Ils se congratulent et vous prennent
dans les bras. Ils sont de plus en plus nombreux à entrer
et leurs accolades de plus en plus fermes. Les nouveaux
venus finissent par vous faire mal. Vous avez envie de
crier, mais vous vous rendez compte que les soldats ont
tous le même visage, celui d’Aimant. Vous êtes d’abord
paralysé par l’horreur puis la rage vous submerge…
Dans la réalité (première strate), Aimant ouvre
les yeux en hurlant. Une foule de nuances passent
dans ses yeux, changeant son regard du tout au
tout. Submergé par la rage, il égorge le professeur
Sagasser avec ses seules dents. Pendant cette bou-
cherie, il change parfois de posture de manière
spectaculaire, à tel point qu’on pourrait croire
qu’il s’agit d’une altération de sa morphologie.
Face au spectacle, l’Enfant a un sourire cruel sur la
bouche. Il vient de se trouver son premier nonce.
Refus : les soldats donnent l’assaut et vous ne par-
venez pas à les arrêter. Les balles sifflent. Vous tombez
l’un après l’autre. À chaque mort, vous sentez comme
une conscience apaisée qui regagne la vôtre. Le dernier
à tomber s’effondre avec un sourire sur le visage. Il part,
mais il est enfin libre et pleinement lui-même.
Dans la réalité (première strate), des blessures
apparaissent sur la poitrine d’Aimant qui s’affaisse
le visage radieux. La machine explose. L’Enfant
hurle alors sa rage. Il devra trouver d’autres sbires
(pourquoi pas les personnages joueurs).
clameur décroit pour laisser place au silence. De
nombreux aliénés désœuvrés retournent à leurs
cellules comme si de rien n’était.
L’Enfant a pris le contrôle de nombreux
déments qui vont déstabiliser la cité des doges
suffisamment pour qu’il puisse réaliser son plan.
Qu’Aimant ait survécu ou non, il est parvenu
à totalement remodeler la ghilde des somnam-
bules et dispose désormais de ses Artnarchistes.
Ce qu’il adviendra de l’asile est laissé entre vos
mains et celle de vos joueurs.
117
 DES CHRYSANTHÈMES POUR LE LYS NOIR
Durant Escale à Sableryne, les personnages ont appris des informations cruciales sur le Lys Noir. Qu’ils
les aient par la suite transmises ou non, les méfaits de l’organisation terroriste ont fini par attiser la colère de
nombreuses personnes décidées à agir à leur tour contre l’organisation terroriste.

Des Chrysanthèmes pour le Lys Noir tranche avec le
reste de la geste à plusieurs niveaux.
Elle propose aux joueurs de laisser leurs per-
sonnages pour incarner d’autres protagonistes.
Cet épisode se déroule simultanément à l’expé-
dition onirique d’Au-delà des rêves et votre groupe
ne peut pas participer aux deux aventures (c’est
du moins ce qui est vivement conseillé, en raison
de la létalité de l’intervention envisagée).
Elle est avant tout centrée sur l’action. Dans
une ambiance endiablée, cette ballade conte
l’assaut contre la forteresse du Lys Noir et la fin
de son maître. C’est un affrontement brutal sans
trop de temps consacré à la négociation.
Elle se veut sombre et désespérée. Même si
le Lys Noir se trouve décapité, les personnages
qui participeront à l’assaut ne survivront pas. La
ballade montrera ainsi le potentiel néfaste qui
réside dans l’Enfant.

118
 OÙ LA VENGEANCE EST UN PLAT
QUI SE MANGE FROID
La mise en bouche
(Intrigue)
Nombreux sont les ennemis du Lys Noir. En
premier lieu, les gouvernements citadins et les
métropolites, mais aussi tous ceux qui ont perdu
des hommes ou de l’argent à cause des terro-
ristes… Konzerns, Loges, alachines, riches parti-
culiers… Pas une des puissances modernistes de
la Toile n’a été épargnée. Le temps de la revanche
a sonné.
Le menu (Synopsis)
Cette ballade propose aux joueurs de châtier
le Lys Noir et de dévoiler qui se dissimule der-
rière cette organisation. En effet, en capturant
des hommes qui en font partie durant Escale à
Sableryne, votre groupe a permis par ricochet aux
différentes puissances de récolter suffisamment
d’informations et d’imaginer un assaut brutal
contre la forteresse de Guy de Lune.
Si vous suivez la chronologie de la geste, les
personnages n’ont pas forcément à agir (ils ont
déjà fait énormément en sauvant le Transécryme
et Sableryne). Il est plutôt conseillé de les laisser
poursuivre leur route et de mettre en scène les
conséquences des éléments qu’ils auront divul-
gués. La Toile est un univers en mouvement et
les différentes instances qui la composent ne
passent pas leur temps à attendre des person-
nages joueurs pour leur mâcher le travail. À leurs
yeux, le Lys Noir ne peut rester impuni.
L’intrigue débute alors que des personnages
regroupent leurs ressources et leur réseau, pour
trouver les moyens de détruire le Lys Noir. À
partir de là, l’action commence. Les person-
nages incarnés par les joueurs affrontent diverses
épreuves pour pénétrer dans le sanctuaire de l’or-
ganisation. L’affrontement est sanglant des deux
côtés. Pénétrant enfin dans le Saint des Saints de
la secte, ils rencontrent le céphale à sa tête, mais
meurent lorsque l’Enfant s’incarne dans le corps
de ce dernier pour détruire la citadelle.
La commande (Implication
des personnages)
Par défaut, cette ballade demande aux joueurs
d’incarner divers mercenaires et hommes
de main engagés pour attaquer le Lys Noir.
Moyennant quelques adaptations détaillées à la
fin, il est envisageable de les laisser cependant
conserver leurs personnages habituels… Mais
pensez bien à les prévenir des risques mortels
encourus !
Les convives (Conseils et
mise en scène)
Pour expliquer le court délai entre le passage
des personnages et la riposte contre le Lys Noir,
il est possible d’imaginer que les informations
transmises aient transité par télégraphe. Vous
pouvez cependant préférer une mise en place
plus longue en jouant sur la manière dont les
personnages joueurs eux-mêmes récoltent des
informations sur le Lys Noir.
Concernant les préparatifs, après quelques
épisodes de cette geste, les joueurs ont déjà une
vision plus précise de qui sont leurs personnages.
Demandez-leur une liste d’individus issus de leur
passé susceptibles de les aider. De plus, Hodologie
à rebours leur a permis de rencontrer des person-
nalités du Transécryme qui pourront également
les épauler. Après l’attentat contre le train, le
cartel de l’Acier sera ravi de pouvoir se venger
du Lys Noir. S’il a survécu, Akhram Bila peut de
son côté demander de l’aide à son père, un sultan
de Tanger. Selon ce qu’ils ont appris des autres
passagers durant leur voyage, les personnages
peuvent comploter, intriguer ou exercer des pres-
sions sur chacun d’eux pour les convaincre d’in-
vestir de l’argent et du matériel, ou de rassembler
des contacts, pour mener un assaut décisif sur le
Lys Noir. Insistez sur le fait qu’il faut faire appel
au plus de monde possible.
119
 OÙ LE LYS NOIR DÉVOILE SES RACINES
Le maître du Lys Noir
Le sanctuaire du Lys Noir est un îlot monta-
gneux émergeant de l’acide entre Entreponts
et Venice. Là, une communauté du Moyécryme
a façonné la roche pour lui donner la forme
d’une église à la gloire d’une divinité insolite.
Les hommes y priaient en effet la lune et son
influence sur l’écryme, en raison d’un supposé
cycle de marées imperceptibles à l’œil humain.
Bien évidemment, au fil des siècles, les vapeurs
acides ont rongé la pierre, mais c’est un véritable
cataclysme, la chute d’une pierre venue du ciel,
qui a fini de briser la foi des fidèles de jadis. Le
Mont Sélène est resté abandonné jusqu’à ce que
le konzern Steinerz y envoie une expédition
géologique. À sa tête se trouvait celui que l’on
nomme aujourd’hui l’Androgyne.
L’homme a erré sous les voûtes lézardées du
sanctuaire, déchiffrant ici ou là quelques bas-re-
liefs ou lisant même des parchemins abîmés raris-
simes du culte oublié. Toutefois, sa propre foi s’est
forgée suite à la découverte d’une pierre blanche
et légère. Ce rêveur s’est convaincu qu’il s’agissait
d’un fragment de lune tombé sur terre. L’étude de
ce minéral étonnant est devenue pour lui une véri-
table obsession et il s’est détourné de sa mission
première. Toute autre personne aurait été remise
à l’ordre par le konzern, mais l’Androgyne possé-
dait, sans le savoir, des dons céphaliques. La pierre
est devenue son anence et il a réussi à manipuler
les envoyés de ses employeurs désirant connaître
les raisons de son silence. Toutes les informations
concernant l’îlot ont ainsi fini par disparaître et
son existence est à nouveau tombée dans l’oubli.
L’Androgyne s’est mis à détester les nobles
marchands et leur course constante au profit.
Il idéalisait les mythes et récits chevaleresques
du Moyécryme. Il a rejoint un temps l’aragone,
mais il s’est senti trop contraint et limité par son
dogme. Il idéalisait certes la noblesse des temps
anciens, mais il restait méthodique et détaché
comme un scientiste.
Après avoir mené une attaque contre un
konzern, l’Androgyne a été blessé et s’est trouvé
handicapé. Son idéal a alors tourné au délire.
Persuadé que les habitants de la lune lui avaient
confié une mission, il s’est fait opérer par des
chirurgiens déments pour devenir comme eux,
mi-homme, mi-femme. Il s’est fait enfermer dans
120
un cercueil de verre empli d’un dérivé nutritif
de l’écryme. Il a attiré à lui des hommes qu’il
a conditionnés par ses pouvoirs céphales pour
créer les maîtres de sa chevalerie sélénite, desti-
nés à montrer l’exemple aux humains exilés sur
la terre : les guides-lune qui sont devenus, par
dérivation phonétique, les Guy de Lune.
Il a confié à ces derniers la tâche d’abattre les
sbires de l’écryme (les popes noirs et les métro-
polites) et d’inciter l’humanité à retrouver sa
pureté originelle. Toujours moins humain avec
les années, l’Androgyne s’est quant à lui dévoué
à examiner la généalogie des habitants des cités
de la Toile à la recherche de lignées supposé-
ment pures qu’il imagine descendre de sélénites
exilés sur terre. Par hasard, ou pour une raison
plus étrange encore, nombre de ces individus se
révèlent être céphales.
Le Mont Sélène
Aujourd’hui, le Mont Sélène sert de refuge au
Lys Noir, l’organisation fondée par l’Androgyne.
Que ce soit à cause de la main de l’homme ou
d’un étrange mimétisme de l’écryme, ses flancs
sont désormais couverts de lys sombres qui
poussent de manière endémique. Son pourtour
extérieur est quant à lui protégé par les canons
et les fusils des terroristes. Les anciennes cellules
des moines abritent les baraquements des soldats,
alors que les salles inférieures sont réservées aux
Guy de Lune qui s’entraînent et planifient leurs
prochains coups d’éclat. Le sanctuaire est appro-
visionné par les dirigeables de la secte. En cas
de siège, les hommes du Lys Noir peuvent tenir
aisément durant une lune et ils préfèreront se
suicider plutôt que se rendre.
Sous la rosace brisée du sanctuaire principal, le
chœur et la nef ont été transformés pour accueil-
lir l’Androgyne et ses plus proches serviteurs qui
s’affairent entre les travées pour veiller à son bien-
être. L’alambic qui accueille son corps difforme
est placé sur l’autel, devant le gouffre qu’ouvrit la
pierre céleste. Tout autour, des serfs lobotomisés,
manipulés par céphalie, gravent les délires de ce
dernier sur des plaques métalliques, transmettent
ses ordres et compulsent des registres généalo-
giques volés aux cités à la recherche des signes
d’ascendance sélénite.
 LES MEMBRES DU LYS NOIR
Les défenses du sanctuaire C Soldats (100) c
S’attaquer au Mont Sélène est une véritable Physique 4, Mental 2, Social 1.
mission suicide, tant l’endroit est surprotégé.
Dix dirigeables semblables à celui d’Hodologie C Guy de Lune (20) c
Physique 3 (5 quand à proximité de
à rebours sont amarrés à la plate-forme de déchar- l’Androgyne), Mental 4, Social 3.
gement. Ces derniers sont capables de réduire à
néant toute tentative d’attaque par voie d’écryme,
et de mener une bataille aérienne pour éviter un
débarquement ennemi.
Dans chacun d’eux se trouvent 5 couleuvrines
à bras lentes mais très puissantes (Incidence +4).
Le chemin de ronde qui entoure le sanc-
tuaire permet aux terroristes de repérer très vite
d’éventuels assaillants et de donner l’alerte. Bien
positionnés sur les rochers, des tireurs pourront
émousser fortement l’ardeur des envahisseurs.
Enfin, l’intérieur du Mont lui-même est un
labyrinthe plein de détours, de portes dérobées,
de coursives et de défenses qui feront payer cher
aux envahisseurs leur intrusion.
Lors de l’arrivée des personnages, la base
abrite une centaine de soldats du Lys Noir et
vingt Guy de Lune.

Quel soutien espérer ?

Le cartel de l’Acier : le cartel est déjà convaincu du besoin d’éliminer le Lys Noir. Faire appel aux
machinistes pour relayer la demande pèse énormément dans la balance. Travaillant pour l’organisation,
Sergei Iorga voit dans cet assaut l’occasion d’un noble combat. Le cartel fournira l’essentiel des hommes
et du matériel pour l’attaque.
Alain Barre : l’homme et ses icariens sont prêts à attaquer le repère du Lys Noir contre une modeste
somme. L’attentat contre le train a failli les tuer et abattre le mouvement terroriste apporterait de la
notoriété à leur compagnie.
Andreij Bader : faire chanter ce dernier concernant sa trahison permet d’obtenir (de sa part ou de
celle du doge de la Note qui a placé de grands espoirs en lui) une somme conséquente pour engager
des mercenaires.
Akhram Bila : le vaincre au jeu ou faire appel à son honneur bafoué par les terroristes sont deux
très bons moyens de l’amener à demander de l’aide à son père qui enverra immédiatement une com-
pagnie mercenaire rhodésienne.
Les frères Stengel : ils n’aideront les personnages que si leur couverture a été éventée (et que leurs
relations sont cordiales). Les Moscovites demandent alors l’aide d’une escouade lanskoise stationnant
dans un dirigeable non loin. Ils espèrent que cette aide permettra de nouer des liens étroits entre le
cartel de l’Acier et leur empire.
Johan Jagger : l’employé de l’asile humaniste venicien a plusieurs contacts parmi les échassiers
d’une jonction proche de la cité des doges. Si les personnages désirent un assaut discret, il peut les
introduire auprès d’eux.
Anthelme : le métropolite n’a aucune raison de participer à l’assaut et a besoin que les person-
nages restent auprès de lui. Il est prêt à faire jouer ses anciens contacts et son influence au sein de
la Propagande pour obtenir l’aide d’un détachement de Méthalume si les personnages menacent de
l’abandonner.

121
 OÙ L’ASSAUT EST DONNÉ
Pour gérer la prise du Mont Sélène, trois phases
successives sont proposées :
1. Débarquement
2. Mêlée
3. Dans le sanctuaire
Pour chaque phase, nous vous proposons plu-
sieurs moments décisifs, des scènes-clés qui ryth-
meront la progression de votre groupe. Selon les
plans et les choix de vos joueurs, choisissez-en un
et mettez-le en scène. En cas de succès, passez à la
phase suivante et sélectionnez un autre moment
décisif, et ainsi de suite. Si vous le souhaitez, vous
pouvez faire jouer plusieurs moments décisifs par
phase. N’hésitez pas non plus à créer vos propres
scènes. L’essentiel est de maintenir avant tout du
rythme et une tension permanente
Notez que nombre des moments décisifs pro-
posent des combats. Dans cette ballade, la fuite
est synonyme d’échec. Ce n’est qu’une fois que les
personnages auront surmonté le moment décisif
de la phase 3 qu’ils parviendront à rencontrer
l’Androgyne.
1. Débarquement
Cette première phase représente les efforts des
personnages pour débarquer sur le Mont Sélène.
Les moments décisifs proposés dépendent des
moyens qu’ils ont mis en place pour y parvenir
(il est donc souhaitable d’en combiner le plus
possible pour avoir l’avantage). Afin de donner
de l’ampleur à ce moment, n’hésitez pas à éclater
votre narration et à fournir plusieurs person-
nages par joueur.
Les échassiers
Bien harnachés, équipés de fusils, de masques
à gaz et d’échasses, les fantassins avancent sur
l’écryme vers leurs ennemis. Il s’agit vraisem-
blablement du gros des troupes. Attention, sans
avoir envisagé une diversion préalable, bénéficié
d’un soutien (cf. autres scènes) ou profité d’un
avantage tactique (météo difficile, ciel nuageux,
formation desserrée ou en colonne…), cette
solution débouche sur un véritable massacre : les
échassiers sont vite repérés par les sentinelles qui
alertent les soldats du Lys Noir. Ces derniers réa-
gissent rapidement et se mettent à tirer avec des
122
arbalètes et quelques mousquets. Le moral des
assaillants s’effondre alors que les tireurs alignent
leurs cibles. La fuite fait tomber dans l’écryme de
nombreux échassiers. Bien peu survivront.
Les personnages peuvent malgré tout rem-
porter ce moment décisif en haranguant leurs
hommes pour rester en formation et éviter la
panique (Argutie diff. 10). Un échec peut être
compensé par un second test diff. 12. Malgré
cet exploit, ils ne parviendront sans doute pas
indemnes sur les berges du Mont. Il faut faire
montre de rapidité et d’astuce pour rallier la rive
et s’abriter (tests d’Athlétisme diff. 10, puis Maraude
diff. 8). Envisagez un tir sur chaque personnage
qui raterait un de ces deux tests.
Sous les flots
Plusieurs scaphandres peuvent être mis à dis-
position des personnages. Traverser l’écryme
dans une obscurité totale est une expérience
claustrophobique traumatisante. Elle exige un
test d’Écrymologie diff. 12 pour ne pas paniquer
et dévoiler sa présence et gâcher ainsi l’effet de
surprise. Dans un tel cas de figure, les soldats
du Lys Noir réagiraient comme précédemment
et provoqueraient un véritable carnage dans les
rangs des assaillants.
En réussissant à rester calmes, les personnages
devanceront les fantassins et aborderont l’île en
premier. Une fois débarrassés de leur équipe-
ment, un jet de Tir ou de Maraude diff. 8 leur
permet de repérer des tireurs, tapis de leurs nids
d’aigle, qui font feu sur le gros des troupes. Il
s’agira de discrètement monter jusqu’à eux afin
de les éliminer. Réussir ce moment décisif néces-
site un test d’Athlétisme diff. 10.
En cas d’échec, chaque personnage sera
confronté à au moins deux soldats du Lys Noir
accourus en renfort.
La voie des airs
Si des icariens sont présents, un assaut aérien est
possible. Les cerfs-volants sont agiles et permettent
à un bataillon aéroporté d’esquiver les dirigeables
(Conduite diff. 12), voire peut être même d’en
endommager certains (Tir diff. 10). Il est égale-
ment possible d’éliminer les sentinelles dans les
nids d’aigle avant de s’y poser (même difficulté).
En cas d’échec lors de ce moment décisif, les
personnages perdent le contrôle de leur cerf-vo-
lant et s’écrasent sur l’îlot (1 Impact grave). Une
fois au sol, ils se retrouveraient alors face à deux
soldats par personnage menant l’assaut.
Mon beau ballon
Obtenir l’appui d’aérostats demande le soutien
d’un personnage haut placé (dans un konzern ou
un ministère). Contrairement à ce qu’on pourrait
penser, c’est une fausse bonne idée. En effet, il est
quasi impossible de se dissimuler (à moins de pro-
fiter d’un brouillard à couper au couteau). Une fois
les intrus repérés, les dirigeables des Guy de Lune
s’élancent pour les affronter. Ils sont extrêmement
maniables et bien armés (cf. les couleuvrines plus
haut, mais également des harpons et des filins
pour partir à l’abordage). Pour éviter de tomber
dans leurs pièges et se maintenir à bonne distance,
il faut réussir des jets de Conduite diff. 12.
En cas d’échec, les dirigeables se font harpo-
nner par un ou plusieurs aérostats du Lys Noir
qui les feront s’échouer contre l’îlot, au milieu de
moult explosions (1 Impact grave). Toutefois les
personnages pourraient utiliser sciemment un
dirigeable comme arme, en propulsant celui-ci
contre les dirigeables ennemis, au milieu des
défenseurs. La pluie de flammes qui s’ensuivrait
permettrait aux fantassins de mettre facilement
pied à terre sur l’île.
Si vous disposez de l’excellent supplément Chemins de
traverse, vous pouvez également mettre en œuvre une
véritable bataille aérienne.
2. Mêlée
Les moments décisifs de cette seconde phase
représentent les combats que doivent mener les
personnages pour pénétrer dans le sanctuaire du
Lys Noir. Nous vous recommandons d’en jouer au
moins trois. Échouer deux moments décisifs de
suite fait perdre pied aux fantassins tentant de
débarquer sur l’île et impose de recommencer
l’invasion depuis le début.
Une tête de pont
Après leur arrivée et leur percée éventuelle,
les personnages sont confrontés à une contre-at-
taque massive. Ils se trouvent rapidement pris
dans d’intenses combats au corps-à-corps contre
les soldats. Sur les abords du Mont Sélène, ils
doivent créer et défendre une tête de pont pour
permettre à leurs camarades de débarquer à leur
tour. Cela demande une réflexion tactique et de
la discipline. Il faudra enchaîner des jets d’Escrime
et/ou Pugilat diff. 10 et d’Athlétisme diff. 10.
En cas de réussite, chaque personnage joueur
est confronté à deux assaillants qui arrivent suc-
cessivement. Les vaincre permet au débarquement
de poursuivre sans heurts majeurs. Mais en cas
d’échec, ils doivent alors faire face à trois soldats
chacun qui les attaquent simultanément. Une
défaite mène à l’annihilation de la tête de pont.
Le lys contre le Lys
Les pentes du Mont Sélène sont couvertes de
lys. Cette plante a des pieds particulièrement
résistants. En s’agrippant à ces derniers, un petit
groupe peut espérer contourner et passer outre
les fortifications des défenseurs pour les prendre
à revers. L’escalade est extrêmement ardue, car
les plantes ont muté sous l’influence de l’An-
drogyne. Elles ont des épines acérées, un pollen
somnifère ou narcotique, etc. Réussir exige un jet
d’Athlétisme diff.12.
En cas de succès, les personnages parviennent à
prendre leurs ennemis à revers sans être repérés.
Ils peuvent ensuite ouvrir la voie à leurs troupes en
éliminant les tireurs embusqués et les guider en
balisant les pièges à éviter (ce travail de guidage
demandera de la coordination). En revanche, en
cas d’échec, l’avantage est donné aux défenseurs
qui apercevront les intrus et feront feu. De même,
les lys infligeront 1 Impact léger par éventuelle
marge négative de 2 (physique pour les épines et
mental pour les effets psychotropes).
Feu d’enfer
Les entrées et accès au sanctuaire (les portiques
et même d’éventuels tunnels) sont tous barricadés
avec de lourds sacs de sable derrière lesquels se
trouvent plusieurs soldats. Il faudrait s’en appro-
cher suffisamment près pour faire exploser une
grenade ou une charge de poudre noire. Cela
dégagerait le passage en faisant même s’écrouler
une partie du plafond sur les défenseurs. Un test
d’Athlétisme diff. 12 est nécessaire pour s’approcher
en évitant de se faire tirer dessus. Ensuite, il faut
faire un jet de Tir diff.10 pour lancer correctement
son projectile. Une réussite libère la voie de tous
les défenseurs qui s’y trouvaient. Ces derniers sont
tous morts ou suffisamment blessés pour être hors
d’état de nuire.
123
 Bien préparés
Notez la préparation des joueurs selon deux critères : la qualité de leur plan et les ressources qu’ils
parviennent à mettre en œuvre. Pour chacun des deux, ajoutez un personnage supplémentaire par
joueur lorsqu’ils font montre simultanément d’inventivité, de discernement et de stratégie. Ce dernier
remplacera directement un mort éventuel. Si l’ensemble des personnages venaient à décéder, l’assaut
s’arrêterait sur la défaite du groupe.
Vous pouvez sélectionner des personnages en vous inspirant de ceux du livre de base — en veillant à
retirer leur Spleen et leur Idéal. Sélectionnez préférentiellement l’aérostière, le dégraisseur, l’échassier,
l’icarien, le scaphandrier ou même le seigneur traversier. De manière générale, les joueurs oublient fré-
quemment la règle de Dépassement de soi et d’usure. La leur rappeler offrira un avantage non négligeable
qu’il faudra peut-être compenser en augmentant la valeur de leurs adversaires.
Au cours de parties de playtests, certains joueurs ont demandé une approche plus tactique (en termes
de règle). Pour cela, rien de plus simple. Jouez l’assaut comme une Confrontation. Accordez un avantage
allant de +1 à +3 lors des résolutions si les soldats sont mieux entraînés, équipés, plus nombreux, s’ils
disposent d’un avantage sur le terrain, etc. Toutefois, dans ce cas précis, la Confrontation ne dure que
3 phases (Débarquement, Mêlée, Dans le sanctuaire). Avant les scènes (proposées ci-après), un jet de
dés est réalisé en opposant un score de Traversologie (du général des personnages joueurs) à celui de
l’Androgyne (qui a une valeur de 7). L’Accomplissement indique le bonus qui sera employé lors de la
scène et la Préservation lors de la scène suivante.

En cas d’échec à l’un ou l’autre des tests, le

personnage impliqué subit 2 impacts graves dus
à des balles reçues ou à l’explosion mal maîtrisée
de son engin explosif. Le groupe sera repéré et
à la merci des tirs adverses. À l’intérieur, la résis-
tance sera par la suite plus farouche.
Nous sommes des vôtres
Dès les premiers instants du débarquement, les
morts s’accumulent des deux côtés. À un moment
donné, après avoir vaincu un groupe de soldats
ennemis, des personnages malins pourraient
décider de dépouiller leurs cadavres et de se gri-
mer en membres du Lys Noir. Cela leur faciliterait
en effet grandement la tâche par la suite, car ils
rencontreront fréquemment des patrouilles dans
le sanctuaire. Pour faire illusion, il faudra réussir
un test de Représentation diff. 10 (contre d’autres
soldats) et de diff. 12 (contre des Guy de Lune).
En cas de réussite, les patrouilles ne s’intéressent
pas à votre groupe et le laissent progresser à sa
guise (toute Marge de 2 leur apportera un élément
d’aide supplémentaire, comme obtenir la descrip-
tion d’un raccourci, la découverte d’un dépôt
d’armes, la description vague de l’endroit où vit le
Maître, etc.). En cas d’échec, les personnages sont
repérés par un groupe deux fois plus important en
nombre qu’eux. Ils bénéficient toutefois de l’effet
de surprise.
3. Dans le sanctuaire
Les personnages se trouvent dans le sanctuaire
du Lys Noir et se rapprochent de son centre. Ces
moments décisifs représentent la dernière pous-
sée qui les mènera jusqu’à l’antre de l’Andro-
gyne. Le débarquement se poursuit à l’extérieur.
Si un échec devait survenir, d’autres mercenaires
prendraient le relais pour assurer la mission.
Perdus
Les couloirs se ressemblent tous ! Ils tournent,
se séparent et se rejoignent inlassablement. Les
personnages entendent les bruits de la bataille
qui se joue dehors s’estomper et s’éteindre avant
de revenir presque aussi forts qu’avant. Et ce à
plusieurs reprises. Ont-ils tourné en rond ou
bien est-ce l’architecture particulière des lieux
qui finit par influencer leur esprit enfiévré ? Quoi
qu’il en soit, le résultat est le même : ils sont com-
plètement perdus.
Laissez le groupe charger un des personnages
de les diriger dans ce labyrinthe (il doit faire un
test de Traversologie diff. 12). En cas de réussite,
il parvient à les faire avancer dans la bonne direc-
tion. Toute Marge positive éventuelle confère un
avantage supplémentaire. A contrario, un échec
implique de tomber sur une patrouille ennemie
d’un nombre de soldats égal à celui des person-
nages. Ces derniers bénéficieraient quand même
de l’effet de surprise.

124
 Arpenter le sanctuaire
En parcourant les lieux, certains personnages essaieront sans doute de trouver une structure ou un
plan qui permettrait de les orienter. C’est impossible ! Le sanctuaire du Mont Sélène est un labyrinthe
où seule l’habitude permet de se repérer. Le cœur de cette fourmilière est l’ancien lieu de culte où
l’Androgyne se terre et ils ne le découvriront qu’au terme de leur folle intervention.
Durant sa progression, le groupe apercevra ici ou là d’anciens bas-reliefs et d’antiques peintures craque-
lées. Ces vestiges épars ont tous un point commun : la lune y figure en bonne place, de manière figu-
rative, abstraite ou symbolique (Traversologie diff. 10). Une Marge de 2 permet de saisir la dichotomie
qui s’en dégage (repos et cauchemars, poésie et dépression, nuit et chaos, féminité et vampirisme…).
Sous l’influence de son anence, l’androgynéité de leur adversaire marque la base, où tout devient ambigu
à mesure qu’on se rapproche de sa tanière. Les odeurs se mélangent, les couleurs paraissent incongrues,
les émotions s’inversent, les ombres dansent sur les contours des objets et des personnes jusqu’à leur
conférer des formes surprenantes, sensuelles ou terrifiantes… N’hésitez pas à être très descriptifs dans
votre manière de brouiller les pistes. Si votre groupe ressent de la tension, expliquez-leur par exemple
que ce ressenti va jusqu’à une forme d’excitation sensorielle.

Marée souterraine Il est préférable de fuir dès qu’une opportunité

Les personnages fuient un groupe d’ennemis en
surnombre jusque dans une cave où ils sont obligés
de se calfeutrer pour espérer tenir bon. Soudain
un claquement résonne, les ennemis ont ouvert
une trappe et un flot d’écryme déferle dans la
pièce ! Les ennemis bloquent et calfeutrent l’issue
par laquelle sont entrés les personnages, mais ces
derniers peuvent espérer atteindre un conduit
d’aération un peu plus haut. Pour cela, il faut
s’agripper à des gargouilles, soit en sautant, soit
en faisant la courte échelle (Athlétisme diff. 12). En
réussissant, les personnages gagnent une pièce loin
de leurs ennemis et reprennent leur progression.
Malheureusement pour lui, le personnage
qui échoue se brûle jusqu’à ce qu’il réussisse (1
Impact léger par Marge de 2). Après trois ten-
tatives, considérez que la pièce est submergée
et que les personnages qui y sont encore dispa-
raissent dans l’écryme.
De Lune et de Lune
Un Guy de Lune se met en travers du chemin
des personnages. Un autre, vêtu à l’identique et
très ressemblant physiquement, jaillit derrière
eux, puis un autre… jusqu’à ce qu’il y ait deux
Guy de Lune par personnage. Tous dégainent
leurs sabres en même temps, puis saluent leurs
adversaires avant de les attaquer de manière par-
faitement coordonnée.
se présente que de tenter d’affronter les Guy de
Lune. En effet, la proximité avec l’Androgyne les
rend extrêmement puissants et résistants. Pour
s’extraire de la mêlée, il faut jouer des coudes et
des épaules et réussir un jet d’Athlétisme diff. 10.
Les personnages qui échouent et/ou qui
foncent bêtement dans le tas finissent imman-
quablement par être faits prisonniers et amenés
au maître des lieux (cf. moment décisif suivant).
Rendez-vous ou nous tuons les otages
Alors qu’ils arrivent devant la porte massive
ouvrant sur l’antre de l’Androgyne, les person-
nages font face à un groupe deux fois plus grand
que le leur, composé en parts égales de soldats
et de Guy de Lune. Ceux-ci ont des otages qu’ils
menacent d’exécuter si le groupe ne dépose
pas les armes. Si un ou plusieurs personnages
ont été faits prisonniers lors du moment décisif
précédent, ils en font partie. Une Confrontation
sociale s’engage. Que ce soit par le bluff ou l’in-
timidation, il faut infliger au moins 2 Impacts
graves aux preneurs d’otages pour que leurs
victimes s’en sortent saines et sauves. 1 Impact
majeur mène les soldats à se retourner contre les
Guy de lune et à aider les personnages.
En revanche, à partir de 2 Impacts graves subis
par les personnages, la discussion s’arrête et les
otages sont exécutés. Une mêlée s’ensuit.

125
 OÙ L’ON PÉNÈTRE DANS L’ANTRE DE L’ANDROGYNE
De l’autre côté de la porte se trouve l’immense
cathédrale dans laquelle l’Androgyne a élu domi-
cile. Il s’agit d’une salle de pierre, dont la hauteur
et les arcs brisés rappellent les constructions du
Moyécryme. Les piliers et les voûtes sont couverts
de lys et de racines.
Une rencontre à double
tranchant
Les détonations et les explosions résonnent à
l’extérieur du temple alors que les personnages
pénètrent dans le sanctuaire intérieur. La pièce
est illuminée par la lune qui se découpe dans la
rosace brisée. Elle illumine le cylindre de plomb
et de verre dans lequel l’Androgyne baigne. Pour
incongrue qu’elle soit, une brève contemplation
de ce dernier a quelque chose de fascinant.
Son teint est blafard et ses traits émaciés.
Certaines parties de son visage font penser à
un homme et d’autres plutôt à une femme. Ses
Et si vos joueurs incarnent
leurs personnages récurrents ?
Bien qu’il ne s’agisse pas du choix que nous
recommandons, certains joueurs voudront
peut-être participer à la destruction du Lys
Noir avec leurs avatars habituels. Auquel cas,
il vous faudra faire intervenir un magnifique
deus ex machina alors que le Mont Sélène
s’effondre. Tandis que la mer acide est sur le
point de les engloutir, ils se sentent happés,
physiquement et mentalement. Les voilà
pris dans un courant émotionnel envoyé par
Anthelme ou Claire, voire même l’Enfant par
goût du jeu. Profitez de ce moment spécial
pour leur remettre en mémoire des moments
importants qu’ils ont vécus lors des aventures
précédentes. Finalement, après avoir eu l’im-
pression de flotter dans une matrice chaude
pendant des heures, les voilà recrachés, nus
et sans matériel, à proximité de Méandre, la
grande gare de Venice…
126
cheveux longs dissimulent mal un unique sein
et ses organes génitaux sont à la fois masculins
et féminins. Enfin, la rondeur de son ventre ne
laisse planer aucun doute… l’Androgyne est
enceinte… de lui-même.
Profitant de la contemplation horrifiée des per-
sonnages, la dizaine d’assistants de l’Androgyne
se groupent autour du cylindre afin de protéger
leur maître. Ils sont armés de cailloux, de pierres,
de pavés, etc. Tous ont le faciès et le corps en
partie rongés et déformés par l’écryme suintant
du grand tube.
Le céphale s’adresse alors directement aux
esprits des personnages. Comportant des intona-
tions hétéroclites, sa voix se révèle douce, fatiguée,
même, avant de s’enflammer. Les changements
sont brusques et relèvent du lunatisme de cet
être si singulier. L’Androgyne fait appel au sens
de la chevalerie des personnages, à leur amour
du passé. Il leur révèle ce qu’il croit être vrai : les
Sélénites sont jadis descendus de la lune sauver
les humains de l’écryme. Hélas, les konzerns et
les métropolites les ont capturés et leur ont fait
oublier qui ils étaient. Il les exhorte à rejoindre le
Lys Noir dans sa quête de la perfection passée, une
sorte de restauration du monde.
Laissez les personnages parler entre eux. Ceux
qui ont été ébranlés par la contemplation de l’An-
drogyne un peu plus tôt peuvent même être séduits
et convaincus par ses propos (cette appréciation est
entièrement laissée au choix des joueurs).
Les autres assaillants ne se poseront pas
toutes ces questions. Alors que les personnages
affrontent l’Androgyne et ses sbires ou s’af-
frontent entre eux, d’autres troupes arriveront
pour en finir avec le chef du Lys Noir. Au cours
des échauffourées, à l’initiative des personnages
ou de leurs alliés, à un moment donné, le verre
du cylindre se brisera sous l’effet d’un tir, l’An-
drogyne choiera et s’empalera sur un éclat de
verre. Aussitôt, tous ses assistants tomberont alors
au sol, en catatonie.
Lorsque le calme revient, les renforts rap-
portent la victoire totale sur le Lys Noir. La plu-
part des soldats ont été tués ou faits prisonniers.
Les Guy de Lune et leurs dirigeables sont en
fuite. C’est un moment de liesse. La civilisation a
triomphé de la barbarie…
 C L’Androgyne c
Traits : Passionné/fanatique (+3),
Chevaleresque (+2), Paranoïaque
(-2), Lunatique (-1), Retrouver des
Sélénites (Idéal), Que le consumé-
risme l’emporte (Spleen).
Physique 1, Mental 4 (Écrymologie
7, Traversologie 7), Social 5
(Argutie 8, Faconde 8), Céphalie 3
(Élégie 6, Psyché 4).
Anence : L’anence de l’Androgyne est la pierre
de lune qui s’est jadis abattue sur le Mont Sélène
(les reflets sur la roche se complexifient au fil des
ans et le nombre de stries augmente). Elle est
totalement imprégnée de la folie lunatique de
son maître. Il y règne principalement un espoir
fou, mais aussi une méfiance sans borne sous le
regard d’un astre lunaire omnipotent. Pour tous
ces points, l’anence peut apporter un bonus de +3.
Assistants de l’Androgyne (10)
Physique 3, Mental 6,
Social 3
De bien curieuses
généalogies
Une fois le calme revenu, les personnages
remarqueront les travaux auxquels l’Andro-
gyne et ses assistants se consacraient. Çà et là
se trouvent d’immenses parchemins de mandre
déroulés sur des plaques de métal. Il s’agit
d’arbres généalogiques. Un jet d’Urbatechnologie
diff. 10 ou de Traversologie diff. 12 permet de
trouver des liens tissés à l’encre rouge entre cer-
taines personnes formant des lignées. Tout en
bas de ces arabesques se trouvent les noms des
personnages joueurs (ou ceux de leurs parents
en fonction du choix que vous avez fait au début
de la geste en ce qui concerne leur implication
dans les agissements de la Loge des effluents).
Où la victoire tourne à la
tragédie (Conclusion)
Alors que les personnages s’intéressent aux
reliques des travaux de l’Androgyne, des bulles
émergent du liquide trouble de son cercueil.
Le corps de l’Androgyne est alors parcouru de
tressaillements. Finalement, il se relève, ouvrant
encore plus son abdomen sur le fragment de
verre. Il lève la tête comme pour crier, mais c’est
le rire cruel d’un Enfant qui se fait entendre,
avant de s’effacer dans un hideux gargouillis.
Le céphale est ensuite parcouru de spasmes
extrêmement violents, puis un torrent d’écryme
s’échappe de sa bouche, de ses yeux et de la plaie
de son ventre. Le liquide coule à gros bouillon
sans discontinuer et lèche les pieds de ceux qui
restent dans la pièce. Il monte et monte encore.
Simultanément, le Mont Sélène se met à trembler
sur ses fondations. L’écryme remonte les canali-
sations et les couloirs, submergeant tout sur son
passage.
Laissez les personnages paniquer et chercher un
moyen de s’en sortir, avant de se faire une raison.
Il n’y a aucune porte de sortie, aucune planche de
salut. En quelques minutes, le Mont Sélène s’en-
fonce dans les profondeurs de l’écryme emportant
avec lui les dernières traces du Lys Noir et de celles
et ceux qui l’ont jeté à bas.
Où les personnages gagnent en expérience
En raison de la nature particulière de cette
aventure, il n’y a aucune expérience à retirer.
127
 CARACTÉRISTIQUES DES SECONDS RÔLES
Nominatif
C Métropolite Anthelme Pelleterat c
Sang-froid (+3), incapable de jouer la comédie (-2).
Obsession de vengeance (Idéal/Spleen).
Physique 3, Mental 6, Social 2, Céphale 3.
C Claire c
Nostalgie (+3), détachée du reste du monde (+1).
Pas comme les autres enfants (Spleen),
ne pas éprouver de nostalgie (Idéal).
Physique 1, Mental 1, Social 3.
C Doge du Glyphe (Michel Barbier) c
Physique 3, Mental 3 (Venice 5), Social 5 (art 7, glyphe 8).
C Doge de la Lettre (Florian Michelet) c
Physique 2, Mental 3 (Venice 6), Social 4 (art 6,
écriture 7), Céphalie 1.
C Doge du Masque (Robert Cerfontaine)c
Physique 4, Mental 3 (Venice 8), Social 5 (art 7).
Anonymes
Les profils donnés ci-après sont destinés à vous aider à improviser. Pour les différencier, il suffit d’ajouter
entre 1 et 3 points dans un Champ, Trait, Compétence ou wune Spécification.
C Venicien typique c
Physique 2, Mental 2, Social 2.
C Aide-soignant de l’asile c
Physique 2, Mental 2, Social 2.
C Aliéniste c
Physique 2, Mental 4, Social 3.
C Ambassadeur c
Physique 2, Mental 4, Social 3.
C Antiquaire c
Riches (+2).
Physique 2, Mental 3, Social 4.
C Arlequin c
Physique 5, Mental 3, Social 3.
C Art-bitre c
Physique 3, Mental 3, Social 4.
C Artiste c
Physique 2, Mental 3, Social 4 (art 5).
C Artistocrate c
Physique 2, Mental 4 (Venice 5), Social 5 (art 6).
C Artnarchiste c
La nuit (+2).
Physique 5, Mental 2, Social 2.
C Céphale c
Physique 2, Mental 3, Social 3, Céphale 2.
128
C Doge de la Note (Anna Luise Lombardi)c
Physique 3, Mental 5, Social 5 (musique 10), céphalie 3.
C Markoff Domarazdki,
ambassadeur de Méthalume c
Physique 3, Mental 4, Social 5.
C L’Enfant c
Amertume (+3), perspicace (+1).
Physique 1, Mental 6, Social 4, Céphale 5.
C Johan Jagger c
Boiteux (-1), Observateur (+1), Fort (+1).
Physique 4, Mental 3, Social 3.
C Le Marquis c
Maîtrise des rats (+2).
Physique 7, Mental 2, Social 3.
C Paliakoff c
Physique 6, Mental 3, Social 3.
C Chiourmes c
Physique 3, Mental 3, Social 3.
C Créature cauchemardesque des mines c
Physique 7, Mental 1, Social 1, Céphale 2.
C Crépusculaire c
Physique 4 (échasse 6), Mental 3, Social 2.
C Dément de la Reposante c
Physique 2, Mental 2, Social 2.
C Dément du Panoptique c
Physique 5, Mental 2, Social 2.
C Ghildes (membres de) c
Physique 4, Mental 3, Social 2.
C Gondolier c
Sur gondole (+2).
Physique 2, Mental 3 (Venice 6), Social 2.
C Police de l’œuvre c
Physique 4, Mental 3, Social 3.
C Prévenance (Architecs de la) c
Physique 3, Mental 3 (Venice 5), Social 3.
C Mineur corrompu c
Physique 5, Mental 1, Social 1.
C Muse (culte des) c
Physique 3, Mental 1, Social 2.
C Scientistes c
Physique 2, Mental 4, Social 2.