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La symboliquedes nombres

dans la Chine traditionnelle


Du même auteur

En collaboration avec Jean Schatz et Claude Larre


Aperçus de médecine chinoise traditionnelle, Maisonneuve, 1979 ; Desclée
de Brouwer, 1994 ; rééd. Guy Trédaniel, 2006.
Les énergies du corps, Sowen, Milan, 1977 (épuisé).

En collaboration avec Claude Larre


Les mouvements du cœur, Desclée de Brouwer, 1992 ; rééd., 2006.
Les grands traités du Huai nan zi, C. Larre, I. Robinet, E. Rochat de la
Vallée, Le Cerf, Paris, 1993.
Su Wen  : les 11 premiers traités, Maisonneuve, 1993  ; rééd.  : La vie, la
médecine et la sagesse : Su Wen, les onze premiers traités, Cerf/Institut
Ricci, 2005.
Le Zhuangzi, la conduite de la vie. 1. Le Vol inutile, Desclée de
Brouwer/Institut Ricci, 1994.
La Bannière  : pour une dame chinoise allant en paradis, Desclée de
Brouwer/Institut Ricci, 1995.
Le Zhuangzi, la conduite de la vie. 2. De vide en vide, Desclée de
Brouwer/Institut Ricci, 1996.

Pour information sur les autres parutions en français et dans les autres
langues, voir le site de l’École européenne d’acupuncture : acupuncture-
europe.org
Élisabeth Rochat de la Vallée

La symbolique

des nombres

dans la Chine traditionnelle

Sagesses orientales

DESCLÉE DE BROUWER
Avertissement : pour les références complètes des ouvrages dont sont extraites les citations, se
reporter à la bibliographie page 219.

© Desclée de Brouwer, 2006

10 rue Mercœur - 75011 Paris


ISBN 978 -2-220-05659-3
ISBN epub 9782220094793
Introduction

Témoins d’une culture, les nombres sont des inventions de l’esprit


humain ; ils ne sont pas des réalités concrètes, comme les objets, mais ils
ont aussi une signification très concrète et universelle par les quantités
qu’ils désignent : un sac de grain, quatre sacs ; un bœuf, une paire de bœufs,
dix bœufs, un troupeau de cent têtes ; une pomme partagée en quatre ; un
homme, deux humains, une famille de six personne, etc. Mais le deux peut
suffire pour évoquer un couple humain et tout ce qui est à son image, et le
quatre pour évoquer une répartition égale… Les nombres sont donc bien
placés pour s’enrichir aisément de significations abstraites, acquérir des
valeurs symboliques, de telle sorte qu’ils peuvent devenir représentatifs du
monde et de l’agencement des phénomènes qui le composent.
L’usage des nombres est ancien en Chine, très présent dès les origines
de l’écriture et devant exister bien avant. Dans les inscriptions archaïques1,
les nombres servent surtout à indiquer une quantité ou un rang, même si
l’on remarque aussi quelques séries numériques, qui pourraient avoir été
liées à des indications de clan ou à la divination.
La valeur symbolique des nombres se construit, évolue et se modifie au
fil du temps  ; sans être jamais parfaitement homogène, elle apparaît
cependant dans les écrits, dès ceux le plus anciennement attestés. Son usage
se précise et prend toute son ampleur à l’époque classique, dans les siècles
autour de l’ère chrétienne, de telle sorte que la connaissance de cette valeur
symbolique est indispensable à la bonne lecture des textes. Mais pour autant
l’histoire n’est pas simple et le sens symbolique d’un nombre est rarement
univoque ; plusieurs systèmes de repérage, utilisant les nombres dans leur
expression de la vision du monde, se succèdent et coexistent ; les efforts de
systématisation ne sont que partiellement couronnés de succès ; ce qui fait
que la compréhension de la valeur symbolique d’un nombre reste toujours
contextuelle. Il n’est pas question de faire ici une histoire des nombres ou
un recensement de toutes leurs possibilités d’interprétation. Nous voulons
simplement tenter de dégager les sens symboliques les plus communs dans
les textes de la période classique.

La valeur qualitative des nombres

Une première observation est que les nombres s’écrivent avec des
caractères qui ne diffèrent en rien des autres caractères et s’emploient
comme eux dans la phrase. Il n’existe pas, en chinois classique, de signes
particuliers pour écrire les nombres. Il n’y a pas de différence entre 1 et un.
Ce qui fait que le caractère utilisé pour un nombre s’inscrit dans la phrase
soit comme un nombre avec sa valeur numérique, soit comme un nom, un
adjectif, un verbe. Le caractère pour «  cinq  » peut être employé pour
signifier quintupler  ; «  cent  » pour centaine ou centupler  ; «  un  » pour
unifier, unique, unité…
Ce fait renforce la valeur qualitative prise par les nombres. Comme l’a
bien montré Marcel Granet2, les nombres sont utilisés bien sûr pour leur
valeur quantitative  : pour calculer, compter, dénombrer, pour indiquer des
quantités précises. Mais ils revêtent aussi une valeur qualitative, c’est-à-dire
qu’on les utilise pour assigner à chaque chose sa place dans l’ordre du
monde.
Parler de Cinq couleurs ne signifie pas que l’œil ne peut percevoir et
distinguer que cinq nuances colorées, mais que l’on considère les couleurs
au niveau qualitatif indiqué par le nombre Cinq, c’est-à-dire comment cinq
couleurs représentent symboliquement l’ensemble des impressions colorées
et permettent de les classifier en fonction des Cinq éléments.
En vertu de cette valeur qualitative ou symbolique, les nombres jouent
un rôle ordonnateur dans la représentation de l’apparition de la vie à partir
d’une origine unique et commune et de son développement, de sa
prolifération dans le multiple. La prescience de l’organisation du réel selon
un ordre sous-jacent trouve dans la série numérique son expression la plus
universelle, parce que la plus simple et la plus dénuée de représentations
particulières.
D’un côté, la rigueur interne du réel se montre dans les nombres, qui se
posent comme ses lois, son organisation fondamentale ; le caractère chinois
pour nombre ayant aussi le sens de lois naturelles3. On ne peut aller contre,
même si de légères oscillations autour du nombre attestent de la souplesse
de l’ordre dans ses réalisations individuelles.
D’un autre côté, les successions et les opérations des nombres entre eux
suggèrent toutes les transformations constamment à l’œuvre dans chaque
être et phénomène pour lui permettre d’exister. Séquences, additions,
multiplications, élévations à la puissance… génèrent des nombres
significatifs du mouvement des souffles (qi) qui font et montrent le réel.
Parlant du souffle Un, on évoque l’origine  ; les Deux souffles sont le
couple primordial prêt à générer les êtres : le yin yang ; les Quatre souffles
sont la répartition de cette capacité à produire et entretenir la vie en quatre
qualités dont le modèle est les Quatre saisons  ; les Huit souffles sont
l’éclatement tous azimuts de ce qui détermine les propriétés de l’espace et
du temps, comme sur la rose des vents  ; les Vingt-quatre souffles sont la
scansion de la vie cosmique au long de l’année par des périodes de quinze
jours chacune…

Du macrocosme au microcosme

Les rythmes et normes de la vie cosmique sont le modèle de toute vie


particulière ; les nombres ont symboliquement la même valeur au niveau de
l’univers et au niveau de chacune de ses réalisations particulières. Les Cinq
souffles sont, au niveau cosmique, les souffles des Cinq éléments, les Cinq
modalités agissantes permettant d’organiser tout ce qui existe  ; dans le
corps, ils seront les souffles des Cinq organes dont l’activité couvre la
totalité de la vie physique et psychique.
La considération des nombres est la seule manière de faire sortir les uns
des autres, pour une adhésion totale, tous les aspects de l’intime des vivants.
Chaque élévation d’un degré sur l’échelle numérique, chaque passage d’un
nombre au suivant, découvre un aspect du réel, applicable à tout ce qui vit.
Il n’y a de connaissance certaine et universelle que par le recours aux
nombres.
En conséquence, toute connaissance et toute pratique consécutive
supposent un recours à la compréhension de la valeur symbolique des
nombres. Ainsi, les Cinq couleurs permettent de classifier tous les aspects,
saisissables à l’œil, présentés par les êtres ; analogiquement, elles fondent
une partie du diagnostic médical qui étudie le teint du patient.
Il y a bien sûr une part d’artifice dans cet ordonnancement. La
systématique peut couper de la réalité. Mais quand on débouche sur une
pratique et qu’on garde un esprit ouvert, l’usage des nombres reste vivifiant.

Les nombres, expressions de l’Un

Ainsi donc, à partir d’une origine Une4, la vie s’exprime dans le


multiple infini. Des règles semblent régir apparitions et développements  ;

on peut les appeler shu ( )  : nombres ou lois naturelles. Ces nombres,
investis d’une valeur qualitative, permettent de construire les figures
expressives d’un réel qui demeure Un dans les mille changements et Dix
mille transformations qu’il présente à l’esprit humain.
L’Unité n’est jamais perdue de vue, de sorte que tout nombre n’est que
l’expression particulière, particularisée, du Un. La science des nombres est
la connaissance de la relation de l’Un au multiple des êtres. C’est par l’Un
que chaque être particulier se maintient en existence, selon sa nature
authentique.
Les nombres sont les agents de la production du monde, au sein de l’Un.
Ils symbolisent l’organisation que met l’esprit humain dans l’univers en
constante transformation qui s’offre à sa perception et à sa connaissance. Ils
deviennent les opérateurs de la vie cosmique en perpétuelle évolution.
À l’image du développement d’un embryon durant la gestation, toute
chose prend forme par addition et multiplication, par une accumulation de
quantités qui finit par être mesurable, pesable… Ces mesures, qui supposent
l’usage des nombres, rendent intelligibles la structure, les principes et les
opérations de la vie. La quantité mesurable, qui suppose une forme,
appartient à la Terre. La structure, l’organisation préexistante, qui règle la
prise de forme, appartient au Ciel.
Les nombres régissent donc le Ciel Terre à partir de la domination que
le Ciel exerce sur la Terre  ; l’instrument de cette domination sont les lois

naturelles exprimées par les nombres (shu ). Ils sont l’expression la plus
épurée de l’invisible structure de l’univers, la voie du Ciel, perceptible dans
ses manifestations terrestres. Ils indiquent la manière de comprendre cet
ordre, d’y adhérer et de nous conduire en conséquence.
Ainsi, par les nombres, le monde vivant devient compréhensible. Les
nombres indiquent le niveau où l’on parle  ; chaque niveau est une qualité
différente du souffle qui se manifeste. On pourrait dire que chaque nombre
exprime une potentialité propre qu’il confère aux ensembles qu’il domine,
que chaque nombre donne sa qualité commune aux séries qu’il mène.

Les nombres, reflet de l’ordre du monde

Reflet de l’ordre du monde, les nombres génèrent des modèles. L’agir


efficace conforme au réel livre son secret à celui qui, obéissant à la voie de
la Terre, respecte les pratiques, sachant que ces pratiques sont fondées sur
les nombres.
Ainsi donc, les nombres constituent un système de repé-rage, qui
permet de comprendre le monde dans ses mouvements, dans son devenir, et
donc de revenir à l’Un, origine et terme des existences, une fois épuisée la
suite des nombres. Ce retour est une intégration et un accomplissement ; ce
n’est pas un retour au point de départ comme si rien ne s’était passé. Il n’y a
pas de remise à zéro5.
L’usage des nombres se systématise avec la mise en place de la
cosmologie selon le yin yang et les Cinq éléments (yin yang wu xing) ; il est
présent dans quasiment tous les grands textes, parfois d’une façon très
étudiée, voire sophistiquée, parfois involontairement, la langue et l’esprit
étant finalement profondément pénétrés de la symbolique des nombres.
Les nombres servent alors à classifier, à indiquer le registre utilitaire
dont on parle  ; ils distinguent les ensembles et les mettent en relation. Ils
assignent à chaque phénomène une place au sein d’un tout structuré, où il se
trouve en corrélation avec chaque élément de l’ensemble.
Les nombres expriment aussi les moments du temps, car rythmes et
cycles font partie, depuis l’origine, de l’ordre du monde. À l’échelle
cosmique, on pourra même dire que les nombres sont le grand cycle de vie,
produisant et complétant le monde puis accompagnant son déclin jusqu’à la
fin.
Il faut cependant se méfier des nombres, car, par définition, ils sont
parfaits. Ce qui explique qu’on ait parfois abusé des constructions
numérologiques et développé beau-coup d’ingénieuse artificialité,
débouchant parfois sur une utilisation trop systématique, voire stérile, des
nombres. Il n’en reste pas moins qu’une étonnante aptitude chinoise à
exprimer heureusement la vie en procède. Pratiques et nombres servent à
conformer l’inspiration que chacun peut ressentir à ce qu’est le souffle
cosmique qui fait partout exister les êtres et les développe.

Contenu de l’ouvrage

Après une brève présentation de ce qu’on entend par les pratiques et les
nombres dans la Chine ancienne, nous étudierons les nombres les plus
significatifs. Pour chaque nombre, nous donnons, dans un encadré, un bref
aperçu de ses graphies successives, ainsi que leurs principales inter-
prétations, historiques et traditionnelles et nous livrons une étude de ses
grandes valeurs symboliques ainsi que ses relations privilégiées avec
d’autres nombres, illustrées par des citations tirées des ouvrages chinois
classiques. Trois appendices complètent cette approche. Le premier donne
les variations du niveau de signification d’un caractère en fonction du
nombre qui le qualifie. Le second présente un choix de textes, dans lesquels
l’usage symbolique des nombres est important et représentatif. Le troisième
prend l’exemple de l’usage des nombres pour régler les âges de la vie
humaine et les grandes étapes de son activité, tant sociale qu’organique.

1. Ces inscriptions remontent aux environs du XIVe siècle avant J.-C. Elles
apparaissent sur des carapaces de tortue ou des omoplates de bœuf, qui
servaient à la divination ; d’où leur nom usuel d’inscriptions oraculaires.
2. M. Granet, La Pensée chinoise, Paris, Albin Michel, 1934.
3. On appelle « lois naturelles » les principes qui sont considérés comme
intrinsèques, comme présidant à l’avènement et au développement de
chaque être ou phénomène, au sein d’un univers conçu comme une
perpétuelle auto-production et autorégulation.
4. Pour la signification ce qu’on entend ici par Un, Unité, voir plus loin
l’étude du nombre Un.
5. Le zéro n’existe pas en Chine avant son importation par les Arabes.
C’est pourquoi nous n’en traiterons pas.
Les pratiques et les nombres

Deux caractères à la prononciation identique et aux sens parfois voisins


expriment l’art de se servir des nombres  : les pratiques (shu 術
) et les
nombres (shu ).數
LES PRATIQUES : shu 術 c’est d’abord et étymologiquement une manière

d’aller, de faire aller, de procéder (xing )1. D’où le sens pour shu
2
術 de
voie, route, avec son sens dérivé de méthode, façon de faire . Shu prend le
sens d’un procédé plein d’habileté ; une technique qui demande un savoir,
une expertise, un art, qui devient parfois suspect  ; le caractère peut alors
désigner des stratagèmes trop astucieux ou tordus. Comme pour le caractère

shu , nombres, les sens liés à la divination sont forts et fréquents, car la
divination est un art qui demande des spécialistes, lesquels utilisent souvent
des méthodes numériques, comme dans la divination par le Yijing.
Celui qui excelle dans les techniques est un maître en manipulations de
toutes sortes : il est un expert en son art ; il sait, par exemple, comment faire
pour calculer le cours des astres et établir l’almanach, ou comment faire
pour s’installer au mieux sur un territoire en fonction de la géomancie ; il
est un bon stratège, mais un intrigant potentiel.
Tout être, toute situation requièrent pour être traités convenablement
qu’on en connaisse la nature. Les éleveurs d’animaux ou les cultivateurs le
savent. Les procédés vont des recettes les plus physiques, celles des
gymnastes dont les mouvements corporels peuvent reproduire ceux qui
procèdent des variantes de la vertu animale, jusqu’aux plus sublimes qui
sont la conduite en soi des souffles par une attention très pure, avec recours
à la méditation, pour la régénération des essences qui construisent les
esprits vitaux. Ainsi les pratiques culminent dans la pratique par
excellence : l’art du Cœur (xin shu 心術
).

LES NOMBRES : shu 數 c’est, étymologiquement, à droite, une main qui


manipule (pu ) et à gauche, un caractère, lou 婁 , signifiant vide,

creux. Cependant, le Shuowen3 donne, comme équivalent à shu , un autre
caractère, composé à droite de la main qui manipule et à gauche du
caractère li麗 qui signifie une troupe de cerfs. À partir de là, le caractère li
prend soit le sens de beau, élégant, soit celui de nombreux, en grand
nombre. C’est ce dernier sens qui nous intéresse. Le caractère pour les
nombres représente alors ce qu’il faut compter par des calculs, faits avec la
main manipulant des bâtonnets, ou des cordelettes, ou un boulier… comme
par exemple quand on compte le nombre de têtes d’un troupeau.
D’où les sens premiers du caractère  : calculer, compter, dénombrer,
examiner, évaluer ; nombre, norme s’exprimant par le nombre. Et les sens
dérivés : règles fixes, normes, telles qu’on les rencontre dans l’arithmétique
et les calculs calendériques, ou telles qu’on les prescrit dans les opérations
numériques entrant dans la divination par les nombres. De là le caractère
prend le sens de lois naturelles, l’ensemble des nombres et leurs rapports
servant de reflet à l’ordre que l’esprit humain détecte ou met dans la
nature ; on peut donc lire dans les nombres la constitution, la qualité propre
de chaque phénomène, son rang dans la succession et la hiérarchie des
êtres, ainsi que la ligne de son développement, sa destinée ; ce qui est dans
les nombres est ce qui est de tout temps dans l’ordre naturel4.


Les pratiques (shu ) en tant que conduites humaines sont ordonnées

par les nombres (shu ), expression de l’ordre naturel. La combinaison de
ces deux caractères donne :
shu shu 數術   : les nombres et les techniques ou les techniques des
nombres  : sciences traditionnelles, telles qu’astronomie, astrologie, calcul
calendaire, almanach, divination, géomancie ;
shu shu 術數   : les techniques et les nombres. Pratiques fondées sur
l’observation naturelle des phénomènes et leur compréhension  ; arts et
techniques fondés sur l’observation de l’ordre naturel et de ses lois
exprimés par les nombres. L’art de bien gouverner, d’appliquer les bonnes
techniques, pour le respect des règles et des lois.

Quelques citations éclairent l’usage de la notion de nombre :

1. Lois naturelles

Les nombres du Ciel sont les lois naturelles ; l’expression « les nombres
du Ciel Terre » (tian di zhi shu 天地之數 ) désigne l’organisation du monde
naturel, les lois qui prési-dent à l’avènement et au devenir de toute chose5,
et l’expression « nombres du Ciel » (tian shu 天數 ) s’emploie pour les loi
naturelles, les normes données par le Ciel à l’origine de toute chose et qui
commandent son devenir.
« N’allez pas à l’encontre des lois naturelles (les nombres donnés par le
Ciel, tian shu 天數 ) » (Liji, ch. Yueling).

2. Divination


« User intégralement des nombres (lois, calculs, shu ) et connaître par
là ce qui va arriver, est appelé divination » (Xici I, 5).
«  La tortue procède par les images (xiang 象 ) et l’achillée par les
數 生
nombres (shu ). Dès qu’un être est généré (vit, naît, sheng ), il a une
image ; dès qu’il y a une image, il prolifère (il se multiplie) ; dès qu’il y a
prolifération, il y a des nombres » (Zuozhuan, 15e année du Duc Xi).
La tortue représente la divination par l’interprétation des figures
formées par les craquelures apparaissant sur les carapaces de tortue
chauffées. L’achillée représente la divination par les hexagrammes,
résultant des manipulations de cinquante tiges d’achillée et des calculs faits
sur les nombres ainsi obtenus.
Dès qu’une vie commence, elle est à l’image de ce qui la produit et lui
permet d’être telle qu’elle est, en référence à une image modèle dont elle est
comme un reflet ; ainsi un homme se fait à l’image, à la ressemblance d’un
être humain, comme un cheval ressemble toujours à l’image du cheval. Dès
qu’il y a vie, il y a prolifération, reproduction, croissance par
multiplication  ; l’imperceptible devient perceptible pour constituer une
forme, à l’image de son modèle, et gouvernée par des règles  ; ces règles
deviennent évidentes quand la forme est assez développée pour être
quantifiable et pour qu’on puisse alors observer les lois qui règlent sa
croissance et son comportement.
La tortue a une relation préférentielle avec l’image première, qui
modèle le nouvel être surgi entre Ciel et Terre (qu’elle symbolise en son
corps), alors que l’achillée a une affinité naturelle avec les nombres6  ;
quand les calculs, mesures, computs deviennent possibles, ils expriment les
lois intrinsèques de l’être, analogiques aux lois des mouvements de la vie
dans l’univers. Les bâtonnets ou tiges d’achillée permettent alors la
représentation des lois qui mènent ces figures par la composition
d’hexagrammes avec des lignes yin et yang.

Sans relation à la divination, le Suwen ch. 8 développe une idée très


proche :
« La Voie suprême (zhi dao 至道 微
) est dans l’imperceptible (wei )  ;
changements et transformations (bian hua 變化 ) sans fin ! […] Multiples
confusions, indistinctions, d’où sortent des brins ténus ; des brins ténus qui
se multi-plient jusqu’à la mesure et la quantité ; par mille et par dix mille,
ils s’augmentent et grandissent ; par développement et grandissement, voilà
形 制
un corps (xing ), gouverné par des règles (zhi ) ».

3. Modèles de conduite et de gouvernement

« Le Ciel a sa Voie constante (chang dao 常道 ) ; la Terre a ses nombres
constants (chang shu 常數 ) ; l’homme de bien a un comportement constant
(chang ti 常體 ) » (Xunzi, ch. 17).
Le Ciel est l’ordre naturel lui-même  ; la puissance qui assure la
régularité du déroulement de la vie, par exemple le déroulement régulier
des saisons. La Terre reflète le Ciel et l’exprime ; ses dimensions et mesures
permettent de connaître les lois qui régissent la vie. Le sage s’en inspire et
reste ainsi constant à travers la multiplicité des actes dictés par les
circonstances variées.

«  Un prince sage s’appuie sur (ren 任 ) les normes (bien établies



objectivement), les nombres (shu ), et non sur les discours. […] S’il ne
s’appuie pas sur ces normes (nombres), le peuple abandonnera la réalité et
se laissera aller aux paroles (creuses et vaines) » (Guanzi, XV, 45).
Celui qui désire gouverner efficacement s’appuie sur les lois qui
régissent les situations et les tempéraments en fonction de leurs analogies
avec les lois naturelles, c’est-à-dire les nombres. Tout autre discours est
inefficace, voire dangereux. Les nombres et les normes auxquels ils donnent
accès enracinent dans la réalité et procurent l’efficacité.

4. Calcul astronomique

«  Puis il ordonna à Xi et à He d’observer avec attention le ciel


majestueux et d’appliquer les méthodes du calcul (shu fa 數法 ) au soleil et
à la lune, aux constellations et aux syzygies de conjonction, puis d’indiquer
avec soin au peuple les saisons » (Shiji, ch. 1, trad. Chavannes).

« Jadis, Chang Hong détenait la science des nombres (shu ) des Zhou.
氣 行
Des souffles (qi ) du Ciel et de la Terre, du cours (xing ) du soleil et de

la lune, des changements (bian ) du vent et de la pluie, des nombres (shu
數 ) qui régissent la musique et l’astronomie, tout lui était connu  »
(Huainanzi, ch. 13, trad. I. Robinet, Les Grands Traités du Huainanzi).
Le cours des astres est l’exemple parfait de la régularité des lois
naturelles et de la possibilité de les exprimer par des calculs et des nombres.
La musique bien faite met en résonnance avec cette harmonie des sphères,
car elle est compréhension de l’ordre du monde.

5. Opérations du Cœur

« Dans les discours des passants qui vont et viennent, le Cœur (xin  : 心
intelligence et sensibilité, capacité à juger) apprécie (shu 數
  : calcule,
estime, discerne le vrai du faux) » (Shijing, Xiaoya, ode 198).
Les opérations par lesquelles le Cœur – qui représente tout le mental,
l’activité non seulement affective mais intel-lectuelle, morale et spirituelle –
est capable de distinguer le vrai du faux, de poser des jugements de valeur,
sont semblables aux manipulations des nombres, aux calculs qui permettent
de voir les lois qui régissent la vie et d’avoir la connaissance subtile.

6. Un art au-delà des nombres

« C’est quelque chose que j’ai dans la main et qui est ressenti dans le

Cœur ; la bouche est incapable de l’ex-primer ; il y a là un art (shu ) qui
se tient quelque part » (Zhuangzi, ch. 13).
Art au-delà de tout calcul de la main ou du Cœur, mais parfait, car la vie
de celui qui agit est un reflet spontané des lois naturelles. Les nombres
peuvent servir à l’apprentis-sage de la main et du Cœur  ; ils sont ensuite
oubliés pour permettre de ne faire qu’un avec la Voie du Ciel.

1. Ce caractère xing 行 (qui signifie marcher, circuler, mouvement



régulier) s’ouvre pour lasser place à  ; ce qui forme le caractère shu , 術
les pratiques, expliqué par le Shuowen comme «  une voie traversant une
ville par le milieu ».
2. Analogiquement à ce que l’on trouve pour le caractère Voie (dao ) 道
qui est un cheminement, un procédé, une doctrine, une manière d’être et de
se conduire.
3. Shuowen jiezi : ouvrage publié en 121 après J.-C. et expliquant le sens
des caractères en fonction des éléments graphiques qui le composent. Nous
nous y référerons régulièrement pour éclairer le sens d’un caractère par une
étymologie qui, si elle n’est pas historique, n’en conserve pas moins un
intérêt culturel évident, puisqu’elle nous livre des associations que le
caractère pouvait véhiculer chez les lettrés des débuts de l’ère chrétienne.
4. Signalons simplement qu’à la prononciation shuo le caractère a le sens
de « fréquent, rapide », et à la prononciation cu de « tressé fin ».
5. Voir, par exemple, Lüshi chunqiu (Printemps et Automne de Lü Buwei,
XXIV, 6).
6. Un des modes de calcul primitifs est celui qui utilise des tiges ou des
fiches pour faire les opérations numériques simples (addition, soustraction,
division).
Un ou l’unité


YI

Un n’est pas simplement le premier des nombres, il est premier par


rapport aux nombres, l’origine même des nombres.
Comme les nombres sont l’expression des êtres, dans ce qui structure
leur apparition et leur développement, l’Un est aussi l’origine des êtres.
Commencement absolu ou commencement du processus d’apparition,
l’Un est à la genèse des nombres, il est donc originaire ; il est ce qui permet,
par des mutations successives et par la constitution du couple, l’élaboration
et la production des êtres. Ces êtres sont toujours structurés, organisés par
des normes internes, qui s’expriment par les nombres. l’Un est ce qui
précède tous les nombres, leur condition. C’est LE nombre premier.
Les nombres, dans leur suite et leurs combinaisons, expriment la
potentialité contenue dans l’Un, sans forme, en donnant les spécificités des
étapes du développement de la vie.
L’Un est une façon de parler de l’indifférencié  ; le Deux est la
différenciation. Ce qui est avant le Deux ne connaît pas la différence, la
distinction, la séparation. L’Un est sans qualité, car il les a toutes ; il n’est
pas un nombre comme les autres, étant tous les nombres en potentialité.
Il est la totalité, l’Unité où rien n’est distinguable encore, où tout est uni
et indifférencié. Le Grand Commencement, quand il n’y a rien, rien de
perceptible, rien qu’on puisse nommer, rien qu’on puisse saisir par les sens
ou appréhender par l’intellect, cette réalité originelle et permanente qui,
présente en chacun, continuellement génère et soutient la vie des êtres.
Le Grand Un, l’Unité absolue, tai yi 太一 , est ce qu’il y a avant la
distinction du Ciel et de la Terre. Il est ce qui précède les mélanges
nécessaires à l’apparition des êtres ; il est ce qui est absolument pur et sans
mélange, étant le mélange absolu, précédant tout mélange postérieur à la
différenciation.
En Un, tout est en potentialité, qui n’est peut-être pas encore une
gestation, à la façon dont l’ancêtre fondateur d’une lignée ou d’un peuple,
comme Abraham, contient en sa semence tous les descendants à venir, aussi
nombreux que les étoiles au firmament. Et l’identité de chacun des
multiples descendants, bien que propre, se fonde sur la réalité de l’ancêtre,
qui les rassemble tout en permettant à chacun d’exprimer sa propre
différence. Mais chacun ne sera connu que quand il aura apparu.
L’Un contient la totalité et fait Un les Dix mille êtres. Il est l’origine de
chaque être et sa relation constante avec le mystère vivant. Un n’est pas
manifesté en lui-même, mais la source de toutes les manifestations  ; par
l’Un, l’individu est maintenu dans sa propre unité et dans son unité avec
tout ce qui existe ; il évolue dans l’Un par toutes les transformations.

UN
Depuis les origines de l’écriture, le nombre Un s’écrit d’un trait ; un
seul trait, horizontal . Il indique le chiffre un, seul ou ajouté à d’autres,
par exemple au dix pour faire 11. Mais, plus d’un millénaire avant notre
ère, l’Un a déjà d’autres usages que celui de sa seule valeur quantitative.
Il désigne ainsi celui qui vient en premier, ou celui qui est unique en son
genre, l’homme unique (yi ren 一人 ), c’est-à-dire le souverain, celui qui
n’a pas son pareil, celui qui seul – et solitaire – règne sur la multitude des
sujets qui peuplent l’Empire. Le souverain est non seulement unique, car
il ne peut y avoir deux maîtres, mais il est l’Un, l’union et l’unité de tous
les êtres qui vivent sur son territoire. L’Un est lié à la puissance absolue,
qui contient et embrasse tout ; contenant tout, il est à l’origine de chaque
être  ; embrassant tout, il est leur rassemblement  ; sa présence donne à
chacun son sens fondamental, sa raison d’être.

Les sens usuels du caractère reflètent sa richesse  : Un, un seul,


unique  ; rien qu’une fois. Premier, premièrement. Tendre à un but
unique ; être tout entier à une chose. Unir ses forces ; réunir, conjoindre ;
unifier. Le même, égal ; toujours le même, constant, invariable. Pur, sans
mélange, inaltéré et donc parfait. Complet  ; tout. Chacun. L’un…
l’autre ; tantôt… tantôt.
En grande écriture, c’est-à-dire en prenant un caractère homophone
plus complexe que le caractère usuel, pour éviter toute confusion ou

fraude, Un s’écrit , qui signifie  : s’appliquer uniquement à, unifier  ;
identique, véridique.

L’Un, par définition, échappe au discours. Il se révèle dans la suite des


Nombres et la suite des Nombres ne garde sens que parce que l’Un est
présent en chacun : l’Unité sous-tend les mutiples facettes de la réalité ; la
réalité est toujours Une et la multiplicité des manifestations de la vie ne sont
réelles que par leur relation à l’Un. L’Un est le fondement des êtres, leur
cohésion, leur cohérence intime et la préservation de leur identité.
L’homme Unique, c’est-à-dire l’Empereur, est celui qui fait l’unité de
tous les hommes et qui permet ainsi à chacun d’exister à sa manière au sein
de la communauté.
Se faire un, c’est se concentrer sur, être tout entier sur quelque chose ;
s’appliquer uniquement à, entièrement. Mais cela peut détourner de la vraie
unité qui consiste en tout rassembler. Se concentrer exclusivement sur
quelque chose, peut résulter en l’exclusion de ce qui n’est pas l’objet de la
pensée ou du désir. Méditer, c’est non pas se concentrer sur un objet, mais
tenter de dépasser tous les objets pour aller à leur racine : l’Un.
« Embrassez l’Un (bao yi
1
抱一 ) », selon la formule employée dans le
taoïsme , c’est être présent à tout, mais tout oublier, à commencer par soi-
même2.
Regardons, à travers un certain nombre de textes, comment se
comprend le sens symbolique de Un.

L’UN COMME PUR ET SANS MÉLANGE

Le chapitre du Shujing intitulé «  Une Vertu sans mélange3  » donne


maints exemples du Un utilisé en ce sens de pur et sans mélange :
« Dans sa bonté, [l’auguste ciel] a cherché un homme d’une vertu sans
mélange (une vertu Une, yi de 一德 ), pour en faire le grand prêtre des
esprits. Tang et moi, Yin, nous avions tous les deux cette vertu pure (yi de
一德 ), et répondions aux désirs du ciel (tian xin 天心 ). […] Quand la vertu

est pure (yi ), tout réussit  ; quand elle ne l’est pas, rien ne réussit. […]

Que les intentions (le cœur, xin ) de notre empereur sont pures (unes, yi
一 ) ! »
La vertu du Ciel, l’efficacité suprême par laquelle il régit le déroulement
naturel de la vie en chacun, n’est pas le résultat d’un équilibre de diverses
tendances, n’est pas l’amalgame de différentes vertus ou capacités ; elle est
la racine unique de la vie, à partir de laquelle s’épanouissent et se dirigent
les manifestations variées de la vie, comme toutes les branches d’un arbre
viennent ensemble quand on les tire par la racine. La vertu du Ciel est pure
et sans mélange. La vertu du souverain, le roi Tang fondateur de la
deuxième dynastie, doit lui être semblable, ainsi que celle de celui qui
l’assiste dans le gouvernement, le sage Yi Yin.

« Quand l’eau est Une (telle qu’en elle-même, shui yi 水一 ), le Cœur


des hommes est droit (xin zheng 心正 ). Quand l’eau est pure (shui qing 水
清 ), le Cœur du peuple est calme. Celui qui est Un (qui a le cœur droit), les
désirs ne le souillent pas. Quand le peuple a le cœur en paix, sa conduite ne
dévie pas » (Guanzi, ch. 39).
L’eau est un modèle de vie  ; elle suit parfaitement, dans ses
transformations et ses écoulements, l’ordre naturel. Le sage s’en inspire
pour se rectifier et devenir toujours plus spontanément conforme au Ciel.
La première qualité de l’eau est de n’en avoir aucune  ; elle est
naturellement sans couleur, sans odeur, sans saveur, sans forme  ; elle a la
potentialité de prendre des qualités, de prendre une couleur, une odeur, une
saveur et même la forme de son contenant. Mais elle peut toujours retourner
à son état nature, qui est d’être inaltérée, sans mélange, d’être à l’image de
l’Un. Elle est générée par le Un à son image, comme le rappelle le
manuscrit de Guodian4 : « Le grand Un génère l’eau » (da yi sheng shui 大
一生水 ).
Le Cœur de l’homme s’en inspire ; il ne laisse pas les désirs troubler sa
nature, comme odeurs et couleurs souillent l’eau  ; il recherche le vide, la
potentialité d’être présent à tout ce qui se présente, sans préjugés, sans rien
exclure. C’est ainsi qu’il se fonde sur l’Un.

L’UN COMME TOTALITÉ


De nombreux textes attestent cet emploi. Donnons juste un bref
exemple  : un pays Un (yi guo 一國
) signifie tout le pays, le pays tout
entier5.

L’HOMME UNIQUE UNIFIE

Être capable de réunir sous son autorité souveraine l’ensemble des


hommes, de rassembler tous les peuples qui vivent entre les Quatre mers
délimitant les territoires de la Terre, c’est unifier le monde, c’est faire usage
de l’Un pour unifier tous ceux qui vivent sous le Ciel, c’est établir l’Empire
et le maintenir à l’abri des germes de division.
Celui qui est capable, par la vertu une et pure, d’unifier l’Empire sous le
Ciel est l’homme Un, le souverain. Il est celui qui seul commande à tous les
hommes, car il est celui qui réalise l’union du Ciel et des hommes sur Terre.
« Le souverain de l’Empire sous le Ciel est appelé fils du ciel (tian zi 天
子 )… Il se nomme en disant : Moi, l’homme Unique (yi ren 一人 ) » (Liji,
ch. Quli).

L’un est la Voie royale par excellence, le dao du prince :


« Il n’y a de prince d’établi qu’afin que l’unité du peuple (yi min 一民 )
soit garantie  ; tant qu’il maîtrise cette unité (zhi yi 執一 ), l’ordre règne,
mais dès qu’il n’y a plus de constance dans les normes, le désordre
s’installe.
Le dao du prince consiste non pas à agir, mais à ne pas agir. Que signifie
« ne pas agir » ? S’il est sage, il ne profite pas de sa position pour s’ingérer
dans les affaires du royaume  ; s’il est courageux, il ne profite pas de sa
position pour se montrer despotique, et s’il est plein d’humanité, il ne
profite pas de sa position pour afficher sa clémence. Car seul le non-agir
permet d’obtenir l’unité, laquelle se trouve au fondement des dix mille êtres
et constitue l’essence du dao auquel rien ne résiste  » (Huainanzi, ch. 14,
trad. N. Pham-Miclot, Pléiade).

L’UN EST ORIGINE


Au Ier siècle après J.-C., l’Histoire des Han affirme la valeur originelle
du Un en des formules lapidaires :
«  Origine et fondation (yuan yuan ben ben 元元本本 ), les nombres

commencent (shi ) à Un. […] Le Un est le commencement (shi ) d’où 始
procèdent les Dix mille êtres » (Hanshu, ch. Xu zhuan).
Le Shuowen y fait écho :
«  L’Un (yi 一 ) est initial (chu 初 )  ; c’est le faîte suprême (le
commencement absolu, tai ji 太極 道
) ; une fois la Voie (dao ) établie dans
et par l’Un, Ciel et Terre sont produits et distingués (zao fen 造分 ), les Dix
mille êtres évoluent et s’accomplissent (hua cheng 化成 ). »
Le Un est donc le faîte suprême, l’absolue perfection qui contient tout et
dont vont émaner, par différenciation, tous les êtres. Le Un est ce qui
précède la distinction du Ciel et de la Terre et ce qui permet à cette
distinction d’avoir lieu en son sein. Ciel et Terre une fois distingués, le
souffle, qui s’exprime par les deux modalités yin et yang, va former les Dix
mille être, tous résultat d’un mélange yin yang spécifique. Tout ce qui existe
prend sa source et sa signification fondamentale dans le Un.

Les Rites visent à aider l’individu et la société à se modeler sur l’ordre


naturel. Leurs déroulements doivent toujours émaner de l’Un et y ramener.
本 禮
« Le fondement (ben ) des Rites (li ) est toujours dans la Grande
Unité (da yi 大一 分
) ; il y a distinction (fen ) et c’est le Ciel et la Terre ; les
influx se distribuent partout par rotation et c’est le yin et le yang  ; il y a
changements et c’est les Quatre saisons  ; tout se dispose en bon ordre et
c’est les esprits de la Terre et du Ciel (gui shen 鬼神 ). Quand cela descend
(sur les hommes) c’est ce qu’on appelle  : mandat (ordre donné pour

accomplir une mission, destinée individuelle, ming ) ; leur exemple est au
Ciel » (Liji, ch. Liyun).

L’Un et la Voie

Les textes des grands penseurs taoïstes se passionnent pour l’Un,


l’Unité sans forme et sans détermination de tout ce qui existe en
potentialité. Quelle différence avec la Voie (dao) ? Il n’y a pas vraiment de
différence. Tout au plus pourrait-on dire que l’Un est comme l’expression
de la Voie quand on est au seuil du multiple ou quand on veut opposer
l’Unité de la Voie à la mutiplicité des manifestations particulières qui en
dépendent. Le Un, c’est déjà une notion, c’est la possibilité de générer la
suite des nombres ; on pourrait dire que c’est la Voie quand la Vertu va en
émaner.
Ainsi, le Laozi6 présente le Un comme généré par la Voie  ; ce qui est
aussi présenter la Voie comme permettant le processus par lequel
l’avènement des nombres et des êtres va commencer :
« La Voie donne vie en Un
Un donne vie en Deux » (Laozi, ch. 42, trad. Claude Larre).

Zhuangzi, de même, place le Un comme un intermédiaire entre la Voie,


sans nom et sans détermination, et la genèse des êtres :

«  Au Grand Commencement, il y a le Rien (wu ), sans rien et sans

nom. De là émerge le Un (yi ). Il y a le Un sans qu’il y ait encore de

formes (xing ). Quand les êtres (wu 物 ) ont de quoi devenir vivants
生 德
(sheng ), cela s’appelle : Vertu (de ). Avant qu’il y ait des formes, il y a

division (fen ). Mais quand elles ne sont pas encore effectives comme

séparation, cela s’appelle : Destinée (ming ) » (Zhuangzi, ch. 12).
Le surgissement du Un ne fait encore rien apparaître  ; rien n’est
perceptible. Mais le Un permet le Deux, qui est division à l’intérieur de
l’Un, et, à partir de là, les qualités distinctes et les êtres sensibles dans
lesquels elles s’expriment vont commencer à apparaître  ; chacun a la
destinée qui découle de ses qualités naturelles propres.

L’UN, FONDEMENT DES ÊTRES

L’origine n’est pas temporelle, en ce sens qu’elle est toujours là, dans le
présent, omniprésente  ; elle est ce qui donne et maintient cohésion et
cohérence, ce qui fonde la nature propre de chacun et permet donc à chacun
d’être soi, de réaliser ses qualités naturelles, d’accomplir sa destinée.
Chaque être, chaque phénomène prenant forme dans l’univers, à
commencer par les plus grandes : le Ciel et la Terre, est parfait parce qu’il
reste fidèle à ce que son origine lui a conféré et maintient en lui.
Ne pas maintenir sa nature originelle, c’est ne pas se maintenir dans
l’Unité, dans la réalité Une, qui seule permet les vies particulières  ; c’est
aller à sa perte.
« Dès le temps ancien possèdent l’Un (de yi 得一 )
Le Ciel par sa clarté
La Terre par sa tranquillité
Les Esprits par leur pouvoir merveilleux
Les Vallées par l’abondance de leur plénitude
Les Dix mille êtres par leur vitalité
Barons et Rois en étant la noblesse du monde
Là est leur perfection
Sans clarté le Ciel s’effondrerait
Sans tranquillité la Terre éclaterait
Sans pouvoir merveilleux les Esprits s’épuiseraient
Sans abondance de plénitude les Vallées s’assécheraient
Sans vitalité les Dix mille êtres s’éteindraient
Sans noblesse Barons et Rois trébucheraient  » (Laozi, ch. 39, trad.
Claude Larre).

Comment atteindre l’Un en soi ?


« Que veut dire se tourner vers soi-même ? » Bien user de ses oreilles et
de ses yeux, tempérer ses désirs et ses envies, concevoir des projets
intelligents, éviter les raisonnements spécieux, faire voyager son esprit en
des lieux sans limites et mener son cœur sur le chemin de la spontanéité (zi
ran 自然 ). Voilà ce qui permet de ne heurter en rien la Nature (le Ciel, tian
天 ). En ne heurtant pas la Nature, on prend conscience de sa propre énergie
intérieure (ses essences, jing 精 )  ; en prenant conscience de sa propre
énergie intérieure, on reconnaît en soi-même l’esprit (shen 神 ) et
得一
reconnaître en soi l’esprit, c’est atteindre l’unité (de yi ). Chacun des
Dix milles êtres qui ont forme ne peut être achevé qu’après avoir atteint
l’unité. Ce n’est donc qu’en prenant conscience de l’unité (zhi yi 知一 )
qu’on est en position de répondre aux changements et aux évolutions de
toutes choses, avec un esprit insondablement large, grand, profond et
pénétrant. La pratique des vertus, éclatante, admirable, ressemble alors aux
feux du soleil et de la lune, que rien ne peut éteindre. C’est à ce moment
que les hommes éminents se montrent et viennent de loin, tant qu’on ne
peut les arrêter. Le souffle de la pensée (yi qi意氣 ) se répand en tous lieux
sans que rien ne vienne le freiner, tant qu’on a peine à le retenir. Ainsi donc,
savoir reconnaître l’unité, c’est en revenir à la véritable simplicité (pu )樸
(Lüshi chunqiu, Traité III, 4, trad. I. Kamenarovic).

L’Un est-il une fusion au Ciel qui empêche de vivre dans la diversité
des dispositions et des actions humaines  ? Pas forcément. L’homme est
celui qui doit maintenir en lui l’unité et le multiple, la multiplicité qui
donne les qualités et déterminations par lesquelles il est un être vivant, et le
Un qui en reste le fondement.
Zhuangzi, au chapitre sixième, parle ainsi de l’homme authentique  :
一 徒
« Son unité (yi ) le fait compagnon (tu ) du Ciel ; sa non-unité (bu yi 不
一 ) le fait compagnon des hommes. Que le céleste et l’humain ne
s’opposent pas, c’est cela qui fait l’homme authentique. »

Par le Un, la vertu, l’efficacité, la puissance est à son comble parce


qu’on peut utiliser à plein ses capacités et les utiliser en harmonie avec le
rythme cosmique, le devenir de chaque être et de chaque situation. L’Un est
l’expression de la Voie, c’est la présence de la Voie dans les évolutions
naturelles, dans les actions humaines, dans ce qui permet l’influence et le
gouvernement. Le chapitre 39 du Guanzi regorge de ce thème :

« Que, Un (yi ) avec les êtres, on puisse les faire évoluer (transformer,
hua 化 ), c’est ce qu’on appelle les esprits (shen 神 ). Que, Un avec les
affaires, on puisse les faire fluctuer (bian 變 ), c’est ce qu’on appelle le
savoirfaire (qui est sagesse, zhi智 ). Faire évoluer (transformer, hua 化 )
sans modifier les souffles (yi qi 易氣 ), et faire fluctuer (bian 變 ) sans
modifier le savoir-faire (yi zhi 易智 ), seul l’homme de bien qui tient en
main l’Un (zhi yi 執一 ) en est capable. Tenir l’Un sans le perdre donne la

souveraineté (jun ) sur les Dix mille êtres. […]
L’homme de bien se sert des êtres sans être utilisé par eux, car il a saisit

le principe (li ) de l’Un. […]
Avec la parole Une bien adaptée (yi yan de 一言得 ), tout sous le Ciel se

soumet (fu ). Avec la parole Une bien établie (yi yan ding 一言定 ), tout

sous le Ciel obéit (ting ) […].
Concentrez les souffles pour devenir comme des esprits et les Dix mille
êtres seront tous présents (en vous). Pouvezvous concentrer ? Pouvez-vous
être dans l’Unité (neng yi 能一 ) ? » (Guanzi, ch. Neiye).

L’Un est la totalité, la solidarité de tout ce qui existe ; l’Un est ce qui
sous-tend l’ordre naturel. Celui qui agit en se situant réellement dans l’Un
est dans l’agir non-agissant, qui ne sépare pas du cœur de la vie. Ainsi, rien
qui ne se fasse, rien qui n’arrive à perfection. Si l’on abandonne l’Un, la
multiplicité devient confusion et désordre.


« La méthode (dao ) pour tenir l’Un (yong yi 用一) :
Partir des noms.
À noms corrects, choses assurées.
Les noms sont doubles,
Les choses se troublent.
執一
Inactif, le sage tient l’Un (zhi yi ) ;
Les noms se nomment,
Les choses se donnent. […]

[Le Tao] classe les noms,


Différencie les faits,
Unifie l’Un (tong yi 通一 ), rassemble les cœurs.
Voilà pourquoi il est dit :
“Le Tao n’est pas les dix mille êtres,
Sa vertu n’est pas le Yin et le Yang ;
La balance n’est pas ce qu’elle pèse,
Le cordeau ce qu’il redresse,
Le diapason la sécheresse et l’humidité,
Le Prince ne s’identifie pas à ses ministres.”
Ces exemples illustrent la transcendance du Tao,

C’est pourquoi il est Un (yi ) :
Le Prince aussi est Unique » (Han Fei ou le Tao du prince, ch. 8, trad.
Jean Lévi cf. bibliographie).

Finalement, citons quelques textes extraits du Huainanzi qui chantent la


rhapsodie de l’Un :
« On accompagne l’évolution, poussant dans le sens de ce qui change ;
et grâce à l’Un qui est propre au Tao, avec peu l’ordre règne sur beaucoup.
[…]
Évoquer le Sans forme, c’est évoquer l’Un. L’Un s’appelle ce qui est
sans égal sous le Ciel. Éminent, il se dresse indépendant, massivement
solitaire. En haut, il communique avec les Neuf cieux, en bas, il relie les
Neuf éten-dues terrestres. Cercle qui échappe au compas, carré qui échappe
à l’équerre, ce grand Mélange fait l’Un. C’est une frondaison étagée sans
racine, embrassant, enserrant le Ciel Terre. Tenant pour le Tao les barrières
et les portes, majesté inaccessible, retirée dans l’impénétrable, vertu toute
pure, demeurant solitaire, répandant ses dons sans se lasser, on y puise sans
l’épuiser. […]
Bien plus, pour les notes  : une fois gong7 établie, les Cinq notes sont
formées. Pour les saveurs  : une fois le Doux établi, les Cinq saveurs sont
composées. Pour les couleurs  : une fois le Blanc établi, les Cinq couleurs
sont constituées. Et pour le Tao : une fois l’Un établi, ce sont les Dix mille
êtres qui sont produits.
À partir de là, l’Un, comme ordre, s’étend jusqu’aux Quatre mers et,
comme déploiement, atteint jusqu’aux limites du Ciel Terre. Ah ! l’Un, en
son intégrité ! Rien que le Simple assurément ! Tout à fait le Brut. Ah ! l’un,
en son expansion ! Chaotique assurément ! Tout à fait le Trouble. Trouble
qui lentement redevient Clair, vide qui lentement se remplit. Impassible
assurément ! Et comme l’abîme profond. Vagabond assurément ! Comme le
nuage flottant. Comme n’ayant pas d’existence. Et pourtant bien réel  ;
comme perdu, et toujours subsistant.
La réunion des Dix mille êtres point au travers d’un unique orifice et les
racines des Cent affaires sortent par une porte unique. Son mouvement est
Sans forme, changements et transformations sont ceux des Esprits. Il va et
ne laisse pas d’empreinte, toujours en arrière, il se retrouve au premier
plan » (Huainanzi, 1, trad. Claude Larre).
L’un est le fondement de toute pratique et de toutes les techniques  ;
chaque règle ou loi particulière en tire sa pertinence, comme chaque
nombre sort de lui. Un texte des débuts du XVIIIe siècle sur l’art de peindre
en atteste magistralement :
«  Dans la plus haute antiquité, il n’y avait pas de règles  ; la Suprême
Simplicité (tai pu太樸 ) ne s’était pas encore divisée.
Dès que la Suprême Simplicité se divise (yi san 一散 ), la règle s’établit.
Sur quoi se fonde la règle  ? La règle se fonde sur l’Unique Trait de
Pinceau (yi hua 一畫 ).
L’Unique Trait de Pinceau est l’origine de toutes choses, la racine de
tous les phénomènes ; sa fonction est manifeste pour l’esprit, et cachée en
l’homme, mais le vulgaire l’ignore.
C’est par soi-même que l’on doit établir la règle de l’Unique Trait de
Pinceau.
Le fondement de la règle de l’Unique Trait de Pinceau réside dans
l’absence de règles qui engendre la Règle  ; et la Règle ainsi obtenue
embrasse la multiplicité des règles  » (Shi Tao, Propos sur la peinture du
moine Citrouille-amère, ch. 1, trad. Pierre Ryckmans).

1. Cf. Laozi, ch. 10 par exemple.


2. Cf. Zhuanzi, ch. 24, par exemple.
3. Shujing, III, 6, trad. Couvreur, p. 127 sq.
4. Document faisant partie des manuscrits trouvés dans des tombes, à
Guodian, et antérieur à 278 avant J.-C.
5. Par exemple en Zuozhuan, Xuan 14e année.
6. Le Livre de la Voie et de la Vertu, Daodejing, trad. Claude Larre,
Desclée de Brouwer.
7. Nom de la première des Cinq notes, à partir de laquelle on fait
apparaître les autres.
Le Deux ou le couple

ER 二
Deux est le nombre de la division, faisant apparaître le couple. Il est le
battement qui atteste la vitalité propre de Un ; il représente l’ouverture de
l’unité permettant la relation grâce à la distinction. À l’intérieur de l’Un,
l’embryon d’une manifestation se fait  : cela palpite  ; mouvement et repos
alternent et créent le rythme ; le mouvement se fait expansion et le repos,
condensation. C’est le yin yang, qui va permettre l’apparition du Ciel par
élévation et diffusion, puis de la Terre par tassement et condensation.
Ciel et Terre se forment ainsi par distinction au sein de l’Unité
primordiale ; mais cette distinction ne divise pas l’Un ; elle est la condition
nécessaire à la révélation de l’Un, qui s’exprime dans le mutiple des êtres
peuplant l’entredeux du Ciel Terre.
La distinction du Ciel et de la Terre produit le couple fécond par sa
différence. Ciel et Terre sont la condition des échanges  ; leurs souffles
s’entrecroisent. Mais une Terre qui ne serait pas unie au Ciel, qui ne le
suivrait pas parfaitement, provoquerait une division néfaste. Le Deux,
nombre de la Terre, représente ainsi soit le déroulement harmonieux de la
vie, soit la scission mortifère.
Deux, partage nécessaire qui ne rompt pas l’unité, permet l’exercice,
l’usage de l’Un  ; c’est la mise en œuvre, l’effet de couple. Il en découle
rythme, alternance, cycles dans le temps et mélange équilibré, composition
harmonieuse dans l’espace.
Le couple est, par définition, compénétration. En même temps, il est
distinction des deux parties qui se séparent. Il faut toujours considérer les
deux partenaires dans un couple à la fois comme distingués et comme
compénétrés.
Le couple n’est pas l’Un, car chaque membre a son identité et ses
qualités propres ; par son union le couple retrouve l’Un, et il le manifeste
par ses fruits. On passe alors au Trois et à la multitude des êtres.
Dans et par le Deux, le Un devient opératoire, les choses vont
commencer à se faire  ; il est possible d’établir des différences, des
séparations  : les êtres vont pouvoir apparaître, avec leurs particularités,
leurs déterminations, et leurs formes qui les séparent les uns des autres. Le
processus est lancé et les distinctions vont se multiplier.
Le Deux est mauvais quand il s’oppose au Un, quand il divise en
rompant l’unité. Le désorde ainsi instauré coupe les relations ou les
déséquilibre, apporte obstruction et destruction.
Les couples sont les opérateurs de la vie. Ils se rattachent tous aux
couples fondamentaux que sont le Ciel Terre et le yin yang ; ils méritent une
considération particulière.

DEUX
Deux traits horizontaux forment le caractère : . Il n’y a ni variation,
ni évolution. Le sens aussi affiche une grande constante  : deux,
deuxième, second, en second.

Cependant apparaît assez tôt l’idée que le Deux n’est plus l’Un,
qu’une disparité est introduite ; différence ou divergence, elle peut aussi
devenir duplicité ou inconstance.

D’où les sens usuels du caractère  : Deux, en second. Second,


assistant. Deux fois, redoubler. Paire, couple. Pareil, égal à. Double  ;
faire deux. Divisé ; différer ; divergence. Mélangé, mitigé, qui n’est pas
pur. Inconstant, duplicité.

Si un et un font deux en mathématiques, le caractère pour deux , 二


bien que s’écrivant avec deux fois le un 一 , n’est pas deux fois l’Un,
puisque l’Un, étant le tout, ne peut pas être double ou dupliqué. Les deux
traits sont à considérer, symboliquement, comme l’ouverture du Un, la
distinction au sein de l’unité, le partage nécessaire, mais qui ne rompt pas
l’appartenance commune des deux éléments.

Un caractère spécifique désigne le couple  : liang , deux qui font
une paire. Anciennement ou représente un attelage à deux chevaux,
une voiture attelée d’une paire d’animaux. Le caractère s’emploie pour
ce qui va par paire, comme les chaussures ; pour deux partenaires, deux
personnes en relations proches, travaillant en étroite collaboration.

Comme le Deux, ce caractère liang 兩 peut être l’harmonie du couple


ou la scission, la rupture. Ainsi un Cœur double (liang xin 兩心 ) c’est
soit deux cœurs frères, deux personnes liées par des sentiments mutuels
de grande affection et profonde affinité ; soit un cœur plein de duplicité.

Deux, en grande écriture, c’est 貳   : aide, second  ; assister. Douter,


tergiverser.

CIEL TERRE

Le Ciel et la Terre forment un couple interdépendant et hiérarchisé ; la


différence produit une préséance. Le Ciel est toujours premier, l’initiative et
la norme. La Terre est comme la suivante du Ciel, recevant ses influx et y
réagissant. Dans le couple Ciel Terre, le Ciel est donc aussi Un étant
premier, étant en position haute, et la Terre Deux, étant seconde et
secondant, étant en position basse.
Ciel et Terre gardent leur différence : la Terre ne duplique pas le Ciel ;
le Ciel, par nature, maintient l’unité de la vie et des vivants, donne
l’impulsion première, confère les qualités originelles et par là ordonne les
lignes de déroulement de la vie. La Terre, par nature, porte en gestation le
multiple des formes manifestées, reflète de toutes les manières les
potentialités de la vie céleste.
La Terre révèle le Ciel ; les souffles du Ciel (symboliquement le Trois)
deviennent perceptibles au travers des formes de la Terre (symboliquement
le Quatre). Quand on est au niveau du Deux, on a le rapport du Ciel Un à la
Terre Deux, l’effet de couple qui n’est pas encore les produits du couple. Il
y a une interdépendance absolue des membres d’un couple, ce qui
n’empêche pas la hiérarchie à l’intérieur de cette interdépendance.
Ciel et Terre ne s’occupent que l’un de l’autre ; le Ciel est pour la Terre
et la Terre pour le Ciel. Le Ciel est entièrement tourné vers la Terre et
répand sur elle ses souffles ; la Terre est toute réception, accueil des souffles
du Ciel pour donner formes aux vivants selon l’impulsion et l’inspiration
célestes.
La différenciation du Ciel et de la Terre est la condition de leur relation ;
ils ne peuvent échanger leurs souffles que parce qu’ils se distinguent. Mais
être différent ne suffit pas pour échanger fructueusement, encore faut-il
admettre l’autre. Le yang du Ciel admet le yin pour faire retomber sur la
Terre la pluie fécondante  ; le yin de la Terre admet le yang pour faire
s’élever au Ciel vapeurs et nuées. L’un ne peut exister sans l’autre ; la Terre
n’est fertile que par le Ciel et le Ciel n’est riche de souffles et de nuages que
par la Terre.
S’il n’était tourné vers la Terre, le Ciel ne pourrait exister ; l’expansion
infinie du yang n’est pas le Ciel qui produit la vie avec la Terre. Si elle
n’était pas ouverte au Ciel, la Terre ne pourrait exister ; elle ne serait pas la
Terre qui fait sortir au jour les êtres.
Séparation et relation ne sont que les deux facettes d’une seule et même
réalité, celle du couple, du Deux qui tient sa place dans le processus de
manifestation de la vie.
L’Un reste donc présent  ; il soutient et sous-tend le Ciel Terre  ; car la
séparation mène à l’union. Le Deux est donc un partage au sein de l’unité et
non pas une scission qui rompt ou nie l’unité. Qui nie le Un va à la
destruction.

YIN YANG

Le souffle Un est yin yang dans sa manifestation première, dans le


battement qui fait apparaître Ciel et Terre. Deux est le nombre du yin yang,
comme qualités différenciées de ce qui fait ensemble la vie, les vivants.
Dès que le Souffle s’exprime, dès qu’il devient les souffles des êtres, il
est yin et yang indissociablement mélés, il est expansion et contraction,
montée et descente, réchauffement et refroidissement… Le yin yang
représente les mouvements opposés et complémentaires au sein du souffle,
comme Ciel et Terre sont les réalités opposées et complémentaires qui
forment le cosmos. De ce point de vue, il n’y a pas un aspect qui vient avant
l’autre ; ils sont l’expression duelle de la réalité Une.
Yin et yang, image de la dualité inhérente à la pensée et à la vie,
permettent donc l’expression du réel, à condition que l’indicible – l’Un –
soit toujours présent comme pivot du discours.
Ils représentent «  le principe de la différence qui crée attraction, ainsi
que du devenir et de la multiplicité qu’ils font naître par leurs
combinaisons ; mais aussi, par la corrélation étroite qui les unit, ils sont les
témoins de l’Unité de fond sous-jacente au monde1 ».
C’est ainsi que le Xici2 peut dire : « Un Yin, un Yang, c’est cela la Voie
(dao). »

Deux, nombre yin

Deux, nombre du couple d’où sortent les êtres des deux sexes (er xing
二性 ), peut cependant facilement s’associer à la Terre qui vient après le
Ciel, au yin qui manifeste dans les formes le dynamisme du yang. Il est
alors lié à la vertu du yin et de la Terre. C’est ainsi que le présente le
Shuowen :

« Deux (er ) : le nombre de la Terre. Le caractère représente une paire
de traits. »
Le Un n’est plus dépareillé ; il devient une paire. Le Deux, nombre pair,
appartient à la Terre alors que les nombres impairs appartiennent au Ciel.
Cette répartition, qui apparaît nettement dans le Xici, devient prédominante
à partir des IIe, IIIe siècles avant J.-C.3 (cf. Appendice 2).

Les Deux Principes

Le Yijing figure le yang par une ligne pleine (continue −), et le yin par
une ligne brisée (discontinue --) ; ce sont les Deux principes (er yi 二儀 ),
symboles du Ciel et de la Terre, du dur et du souple, dont les différentes
combinaisons forment les hexagrammes et les trigrammes, images de tous
les êtres.
Chaque hexagramme a son nom et sa signification, comme chaque
phénomène ou chaque situation a ses caractéristiques propres.

D’autres couples exemplaires


Gauche et droite, haut et bas, avant arrière, tous les couples qui forment,
par le simple fait de leur existence, un entre-deux, un espace vide qui se
remplit de la totalité des possibilités.
Un prince a deux scribes pour écrire l’histoire de son règne : l’annaliste
de gauche (qui note paroles et ordres) et l’annaliste de droite (qui note les
actes).

La société a deux grands aspetcs : militaire (wu ) et civil (wen ).文
Si l’univers est régi par les deux esprits qui tiennent la «  poignée de
commande  » de la Voie (dao)4, le souverain gouverne aussi, selon les
légistes, à l’aide de deux pouvoirs de contrôle, les «  Deux poignées  » (er
bing 二柄 ) que sont les récompenses et les châtiments.
Et tant d’autres. Citons simplement un des plus anciens textes5 qui
présente systématiquement une série de couples à l’image du yin yang.
« Dans tout exposé [doctrinal], c’est la détermination du yin et du yang
qui donne le sens général :

Le Ciel est yang La Terre est yin


Le printemps est yang L’automne est yin
L’été est yang L’hiver est yin
Le jour est yang La nuit est yin
Les grands États sont yang Les petits États sont yin
Les États importants sont yang Les États insignifiants sont yin
L’activité est yang L’inaction est yin
L’extension est yang Le repliement est yin
Le souverain est yang Le ministre est yin
Le supérieur est yang L’inférieur est yin
L’homme est yang La femme est yin
Le père est yang Les enfants ont yin
Le plus âgé est yang Le moins âgé est yin
Le noble est yang Le vulgaire est yin
L’esprit pénétrant est yang L’esprit borné est yin
Prendre femme et engendrer
Les deuils sont yin
des enfants sont yang
Dominer est yang Être dominé est yin
L’invité est yang Le maître de maison est yin
L’armée est yang Les corvées sont yin
La parole est yang Le silence est yin
Donner est yang Recevoir est yin.


Tout ce qui relève du yang prend modèle (fa ) sur le Ciel  ; le Ciel

prise la rectitude (zheng ). Tout ce qui relève du yin prend modèle sur la
Terre ; la vertu efficace de la Terre est dans la tranquillité paisible. »

EXEMPLES DE COUPLES EN MÉDECINE

Une paire de Reins

Les Deux Reins sont surtout une paire de Reins (liang sheng 兩腎 ). Ils
reflètent exactement la différence et l’unité qui caractérisent le couple.
Les Reins, Deux ou doubles, sont, enl’homme, la double expression du
yin et du yang dès l’origine. Yin originel et yang originel sont présents dans
le corps par les Reins  ; ils soutiennent toutes les activités et productions
organiques au long de la vie.
C’est à partir de cette expression du yin et du yang originels que va
pouvoir se tisser et se former la multiplicité des réalités d’un corps avec ses
organes  ; la pathologie est souvent rupture de relation entre deux qui
devraient s’appareiller harmonieusement, se compénétrer fructueusement.
Il y a toujours à la fois compénétration et distinction de deux aspects yin
et yang de la vie. Prenons l’os et la moelle  : pas de force et de souplesse
pour l’os si la moelle ne peut pas le nourrir  ; pas de possibilité pour la
moelle de se garder à l’interne et de sauvegarder sa richesse sans l’os. Leurs
propriétés sont différentes, mais leur dissociation est inconcevable et
mortelle.
C’est la relation yin yang par excellence :
« Yin est ce qui thésaurise les essences et puis le surgissement se fait et
se développe  ; Yang est ce qui défend à l’extérieur et puis la solidité en
résulte » (Suwen, ch. 3).
«  Yin se tient à l’interne, mais c’est yang qui l’y main-tient  ; Yang se
tient à l’extérieur, mais c’est yin qui lui donne d’agir » (Suwen, ch. 5).

DEUX COMME DUPLICITÉ ET INCONSTANCE



« Quand la vertu est pure (Une, yi ), tout réussit ; quand elle ne l’est
pas, rien ne réussit » (Shujing, III, 6, trad. Couvreur, p. 129).
L’opposé de la vertu sans mélange, Une, c’est, mot à mot, «  la vertu
deux ou trois » (de er san 德二三 ). Être changeant dans sa conduite, c’est
avoir deux ou trois voies de conduite, être deux ou trois dans sa vertu (er
san qi de 二三其德 )6 ; faire une chose puis une autre différente, opposée.
Celui qui n’est pas changeant dans sa conduite, qui est constant dans son
sens des devoirs, est celui qui est Un, invariable.
Dès qu’on quitte l’Un, on est dans le désordre, l’incertain. On peut vivre
dans le multiple en gardant sa constance, son rapport à l’Un, c’est-à-dire la
fidélité à soi-même, à ce que l’on est authentiquement. Sinon, deux et trois,
au lieu d’être les développements de la vie dans l’Un, sont artifice et
errement.
Celui qui n’est pas double est inébranlable  ; il n’a pas de doute ni
d’hésitation, et même la mort ne le fera pas changer. Celui qui enracine sa
conduite, sa vertu, dans le Un a une puissance efficace dont ne peuvent
approcher ceux qui se fondent sur le Deux :
«  Ceux dont le pouvoir procède d’une unique origine (émane du Un,
chu yi 出一 ) sont puissants  ; ceux dont le pouvoir procède de plusieurs
sources (émane du Deux, chu er 出二 ) sont faibles » (Xunzi, ch. 15, trad. I.
Kamenarovic).

DEUX COMME LE COUPLE

« La voie qu’on peut énoncer n’est déjà plus la Voie


Et les noms qu’on peut nommer ne sont déjà plus le Nom.
Sans Nom commence le Ciel Terre
Les noms donnent leur Mère aux Dix mille êtres.
Ainsi le toujours sans attrait invite à contempler le mystère
Et le toujours plein d’attraits à considérer ses aspects manifestes.
Ces deux-là nés ensemble sous des noms différents sont en fait
ensemble l’Origine
Et d’origine en Origine la porte du mystère merveilleux » (Laozi, ch. 1,
trad. Claude Larre).
Le double aspect de la vie sur Terre : celui qui appartient au mélange, au
multiple, aux formes, aux activités poussées par les désirs, et celui qui
appartient à un autre ordre, celui de la Voie, de l’Un origine et mystère
insondable. Si le premier ne s’accomplit pas en fonction du second, ne se
fonde pas sur le second, on s’égare et se perd.
Le texte continue :
« Chacun sous le Ciel décrète le Beau et voici venir le Laid
Chacun sous le Ciel décrète le Bon et voici venir le Mal » (Laozi, ch. 2,
trad. Claude Larre).
Le Deux est la menace de la scission quand on tranche au lieu
d’accepter, d’intégrer, d’alterner.
« Ayant et n’ayant pas naissent l’un de l’autre
Compact et subtil se forment l’un de l’autre
Long et court se mesurent l’un à l’autre
Haut et bas se tournent l’un vers l’autre
Notes et sons s’accordent les uns avec les autres
Avant et après se suivent l’un l’autre » (Laozi, ch. 2, trad. Claude Larre).
Exemples types des couples naturels qui expriment le Un par leur
relation  ; leur alternance et le mélange ne quittent pas le Un. On a Six
couples pour signifier toutes les qualités possibles des souffles (cf. étude de
Six).

« Au tout début, les Deux augustes tiennent en mains la commande du


Tao et l’établissent en un pouvoir central. Les Esprits s’ébattent dans les
transformations, leur influx se fait sentir dans les Quatre quadrants  »
(Huainanzi, ch. 1, trad. Claude Larre).
«  Jadis, dans le “temps” qui fut avant le Ciel Terre, il n’y avait que
l’Image invisible. […] Là, dans l’emmêlement d’une commune génération
(hun sheng 混生 ), les deux Esprits président à l’ordonnance du Ciel et à
l’établissement de la Terre » (Huainanzi, ch. 7, trad. Claude Larre).
Deux-qui-ne-sont-pas-séparés président à l’avènement du Ciel Terre et
commencent le processus par lequel tous les êtres vont apparaître. Les Deux
membres du couple restent liés dans l’emmêlement originel ; ils n’ont pas
quitté le chaos primitif (hun dun 混沌 ) ; ils émergent et se distinguent, mais
restent confondus et unis. Leur meilleure expression se trouve dans les
représentations de Fuxi et Nügua, symbolisant le Ciel et la Terre, le yin et le
yang, quand ils produi-sent l’univers et façonnent tous les êtres. Ils se
distinguent par la partie supérieure de leur corps  : Fuxi est un homme et
Nügua une femme ; mais leur partie inférieure, qui n’est pas humaine mais
reptilienne, est faite de deux queues par lesquelles ils s’entrelacent. Ces
représentations, anciennes et nombreuses, expriment à merveille le Deux.
On pourrait penser aussi aux esclaves de Michel-Ange, émergeant de la
pierre mais appartenant encore à la pierre non taillée, évoquant le stade
inchoatif de toute production.

1. Isabelle Robinet, Histoire du taoïsme, p. 17.


2. Grand Commentaire du Yijing ou Livre des Mutations.
3. On ne peut pas l’appliquer aux textes plus anciens. Ainsi on verra que
Cinq peut relever de la Terre et Six du Ciel dans des organisations
antérieures à cette systématisation, concomitante à l’établissement des Cinq
éléments en cosmologie.
4. Cf. textes du Huainanzi à la fin de la présentation du Deux.
5. Texte appartenant aux manuscrits de Mawangdui et datant sans doute
de la fin des Royaumes Combattants.
6. Voir par exemple Shijing, odes 58 & 229.
Trois ou la triade


SAN

Deux, le couple, la paire, est la différenciation au sein du Un, de la


totalité, permettant l’apparition du rythme interne du souffle : yin et yang.
Yin et yang ne peuvent pas être perçus ni même exister indépendamment
l’un de l’autre, pas plus que Ciel et Terre. Ils sont perceptibles dans leurs
multiples compositions qui sont les Dix mille êtres. C’est-à-dire la totalité,
mais perçue sous une multitude d’aspects et de manifestations, de qualités
et de spécificités. Trois est alors bien la manifestation du Un, et Deux en est
la condition préalable.
Trois, c’est plusieurs, plus que deux, un groupe de personnes, une
troupe d’animaux, une collection d’objets.
«  Des quadrupèdes au nombre de trois sont tout le troupeau  ; des
hommes au nombre des trois sont toute une multitude  ; des sœurs au
nombre de trois sont tout le lot de Filles (à épouser) » (Guoyu, Zhouyu, trad.
A. d’Hormon et R. Mathieu).
Trois n’est pas plus 3 fois 1 que Deux est 2 fois 1 (sauf en
mathématiques), car si l’Un est l’Unité et la totalité, il contient tout et ne
peut pas être double ou triple. Comme Deux est le partage au sein du Un,
Trois est le fruit du couple au sein du couple, refaisant l’unité du couple,
manifestant son unité mais en tenant compte des multiples possibilités,
comme un couple a des enfants tous différents. Les enfants ne divisent pas
le couple, bien au contraire.
Trois suffit pour évoquer la multitude, puisqu’on entre dans le produit
du couple. Ce qui naît du Deux n’est pas simplement un troisième, mais
tous les produits  ; comme un couple qui peut engendrer bien plus qu’un
enfant et qui se perpétue dans la descendance au long d’innombrables
générations. De la même manière, certaines langues connaissent trois
nombres en grammaire : le singulier, le duel et le pluriel.

Trois symbolise la totalité des êtres, produits des échanges infinis des
souffles yin yang entre Ciel et Terre.
« La Voie donne vie en Un
Un donne vie en Deux
Deux donne vie en Trois
Trois donne vie aux Dix mille êtres
Les Dix mille êtres adossés au Yin, embrassant le Yang,
Les souffles qui s’y ruent composent en harmonie » (Laozi, ch. 42, trad.
Claude Larre).
Trois, symbole du multiple, est aussi l’Un retrouvé, exprimé. Comme
les parents retrouvent leur union manifestée en chacun des différents
enfants, le Trois est l’expression de l’unité du couple. Ciel et Terre
ensemble produisent les êtres vivants, yin et yang se combinent de Dix
mille manières sans quitter l’unité. L’un, à jamais caché, se révèle dans la
multitude des êtres  ; Trois est la triple expression de l’Un ou plutôt l’Un
comme manifesté dans le multiple. Le Un mène au Trois, comme le Trois
permet de concevoir l’Un et d’y faire retour :

TROIS

Les trois traits horizontaux 三qui forment le caractère sont une


simple représentation de trois comme nombre ou encore de la troisième
place dans une série.

Cependant, dès les inscriptions oraculaires, le caractère désigne un


groupe de trois, personnes ou esprits  : trois esprits ancestraux ou trois
grands dignitaires aux côtés du roi, par exemple.

Car ce qu’évoque le caractère c’est une triade. Symboliquement, dans



le caractère Trois , le Deux 二 s’ouvre pour laisser appaître au milieu

le produit du couple , qui est l’image de leur union. Trois 三 n’est pas
trois fois l’Un, mais Trois qui font Un, ou la façon de considérer l’unité
sous son aspect ternaire.

D’où les sens usuels du caractères  : Trois, troisième  ; triple, triade.


Plusieurs.

Trois exprime le produit du couple et en montre la compénétration.


Représentant toutes les possibilités de combinaison yin/yang, il est le
nombre des souffles qi 氣 à partir desquels sont formés les Dix mille
êtres. Trois est la manifestation de l’Un dans le multiple.

Trois, en grande écriture, c’est 參 la triade  ; caractère qui, à la


prononciation can, signifie : participer, mélanger, former une harmonie à
trois.

« On regarde mais sans voir on l’appelle Invisible


On écoute sans entendre on l’appelle Inaudible
On cherche à le toucher on l’appelle Impalpable
Voilà trois choses ineffables qui confondues font l’Unité (yi 一 )  »
(Laozi, ch. 14, trad. Claude Larre).

LE TROIS ET LES SOUFFLES

Le couple Ciel Terre, image du Deux, s’ouvre pour faire apparaître un


entre-deux. L’intervalle entre le Ciel et la Terre est le résultat de leur
distinction, mais aussi le lieu de leurs échanges. Cet « espace médian » est
donc le croisement des souffles yin yang du Ciel et de la Terre, leur
mélange ; c’est la manifestation des souffles.
Le souffle devenu Triple, multiple, est prêt à se particulariser dans
toutes le combinaisons yin/yang, dont le grand modèle sera le Quatre et le
résultat ultime les myriades d’êtres qui peuplent l’espace entre Ciel et Terre.
Trois est le support présupposé de toutes les qualités propres spécifiques à
chaque être. Trois est l’établissement d’un vide, d’un creux interne, tout
plein de la force vitale du souffle qui l’investit avec la douceur d’une
infusion et la violence d’un déferlement. C’est le sens du caractère chong

( ) que l’on trouve au chapitre 42 du Laozi, traduit par « se ruer ».
Que l’on dise vide médian ou totalité des êtres, on parle de la même
chose : la richesse infinie du souffle qui se déploie et se diversifie. Vide et
plénitude sont les deux aspects complémentaires de la même réalité, quand
elle est parfaite. Le vide n’est pas la non-existence ou l’absence des êtres
mais leur présence dans les mouvements, cycles et échanges qui se
déroulent sans obstacle ni blocage. La plénitude n’est pas l’encombrement
de la multitude, une pléthore étouffante, mais la variété des ressources et
des richesses. Trois, c’est l’harmonie pleine de toutes les potentialités.
Trois donc est le nombre par excellence des souffles. Il y a du reste une
analogie graphique forte entre le nombre trois et la forme ancienne du
caractère pour souffles, qi : 1 sur les inscriptions oraculaires, évoluant en
sur les bronzes, pour finalement donner 气 qui devient 氣 par addition du

grain de céréale .
Trois est l’énoncé du principe de modulation des souffles  : Trois
souffles différents, Trois mois d’une saison.
Une saison est achevée en Trois mois : le premier mois est l’émergence
de la qualité propre à la saison  ; le second mois est sa plénitude et le
troisième mois est déjà l’acheminement vers la saison suivante.
Yin et yang ne sont pas des souffles, au sens où il y aurait un souffle yin
et un souffle yang existant séparément. Le nombre des souffles n’est donc
pas le Deux, mais le Trois : la somme du yang (Un) et du yin (Deux), leur
conjonction (Trois). Dans certains textes taoïstes, l’Eau (Un) plus le Feu
(Deux) 2 donne Trois qui est leur conjonction. Chaque souffle particulier est
une expression de la relation yin yang et Trois représente la réalisation de
cette relation, la composition commune en un souffle manifesté.
Dans le même ordre d’idée, pour le Yijing et des ouvrages qui lui sont
liés, Trois est la somme du yin, du yang et de la Mutation (yi 易 ). La
Mutation est le résultat de la rencontre yin yang ; elle se trouve dans tout ce
que fait le yin yang. On choisit de dire ici la Mutation – et non pas les
mutations – car, au niveau du Trois, il s’agit de la potentialité de toutes les
mutations, de LA manifestation du souffle Un à travers toutes LES modalités
possibles des souffles yin yang.
Le résultat de la rencontre yin yang est l’Harmonie (he 和 ), car
l’harmonie est toujours un mélange bien dosé, une composition
harmonieuse. Au niveau de Trois, l’Harmonie est totale, c’est l’harmonie
des souffles. Chaque être particulier doit retrouver ou conserver sa propre
harmonie, qui est fonction de la façon dont les souffles yin yang le
constituent. Cette harmonie évolue au long du temps, puisqu’il s’agit du
mouvement même des souffles à l’intérieur de chaque être.
« Le Maître dit : Qian et Kun 3 sont la porte d’accès à la Mutation. Qian
pour les être yang et Kun pour les êtres yin. Yin et yang joignent leur vertu,
dur et souple (gang rou 剛柔 ) sont ainsi constitués, pour former le corpus
révélé du Ciel Terre et pour pénétrer la vertu des esprits radieux » (Xici).

Cette manière de considérer le Trois est une vision très générale  ; le


Trois est la tripartition du monde, la présentation sur Trois des souffles qui
le produisent et le font vivre. On dégage Trois éléments constitutifs de
l’univers, ou de l’homme, ou de n’importe quel phénomène particulier ; ce
sont exemplairement le yin et le yang avec leur conjonction et interaction.
On a, par le nombre Trois, l’instauration d’un ordre cosmique entre ce
qui est en Haut (Ciel), ce qui est en Bas (Terre) et ce qui est au milieu, le
Médian. C’est, par excellence, les Souffles, ou encore tous les êtres produits
de ces souffles, ou parfois le plus accompli de ces êtres : l’Homme.
«  L’être humain est la vertu (de 德 ) (;combinée) du Ciel-Terre,
l’entrelacement du yin/yang, l’assemblage des esprits de la Terre et du Ciel
(gui shen 鬼神 ), le meilleur des souffles des Cinq éléments  » (Liji, ch.
Liyun).
Trois sert donc pour qualifier tout ce qui s’organise sur ce modèle. On
peut trouver Trois niveaux en de multiples circonstances. C’est une
première répartition  ; elle sera souvent mise en œuvre par 3 fois 3 = 9,
chaque niveau étant subdivisé en trois, pour une organisation plus détaillée,
efficace et inscrite dans la réalité de la vie sociale ou corporelle (cf. étude
de Neuf).

Dans le cosmos, cette Triade se repère avec les Trois lumières (ou
三光
luminaires) : le soleil, la lune, les étoiles et les astres (san guan ).
Le caractère shi 示 qui, à l’origine, montre les esprits des ancêtres
descendants sur leur autel, prend assez vite le sens de manifester, indiquer.
Le Shuowen interprète ainsi le caractère :
« Les symboles suspendus dans le Ciel, qui permettent de prévoir l’heur
et le malheur, et les annoncent ainsi aux hommes. Le caractère se compose
de 二 (les deux traits horizontaux supérieurs, ancienne forme de shang  :上
haut, en haut) et de 三 (les trois traits verticaux inférieurs) pour les trois
symboles suspendus  : soleil, lune et constellations. Par leur observation,
l’astrologie connaît les changements au long du temps, car shi 示 c’est

l’activité des esprits (shen ). »
Le Ciel montre les principes de l’ordre naturel à travers les mouvements
parfaitement régulés des corps célestes. L’activité des esprits se décèle dans
le soleil, la lune et les constellations qui sont, au Ciel, la meilleure
expression du yang, du yin et des innombrables figures de leur mélange, de
toutes leurs harmonieuses compositions.

LES TROIS PUISSANCES

Trois c’est le haut, le bas et le médian  ; c’est le Ciel, la Terre et


l’homme ; le yin, le yang et leur mélange.
L’homme est le produit par excellence du Ciel Terre. Mais tous les êtres
le sont aussi. Les myriades d’êtres, ce qu’on appelle les Dix mille êtres,
sont donc le médian du Ciel Terre et les innombrables expressions du
mélange de leurs souffles ; mais ils ne sont pas une « puissance » comme le
sont le Ciel et la Terre, responsables de l’harmonie des souffles.
L’homme est le meilleur des souffles échangés entre Ciel et Terre,
l’harmonie du Ciel Terre. Ce qui lui donne un statut qui n’est pas
simplement d’être l’un des Dix mille êtres  ; il peut aussi être considéré
comme l’Un du Ciel Terre, le témoin et le facteur de leur unité.
L’homme, par sa nature exceptionnelle qui lui permet de prendre en
charge la conduite de sa vie et de donner un sens à l’univers, devient
responsable de l’harmonie des souffles cosmiques. Il peut concourir à son
entretien, ou l’altérer. Il est ainsi un participant réel du jeu des souffles
cosmiques, et non le simple fruit du Ciel Terre. Ainsi se développe, dans les
siècles juste avant l’ère chrétienne, la notion des Trois puissances agissantes
de l’univers (san cai 三才 ) : le Ciel, la Terre et l’Homme.
Dong Zhongshu 4 était sans doute sous l’inspiration de cette vision,

quand il donna sa célèbre interprétation du caractère roi (wang ). Nous
savons à présent que cette analyse n’a rien à voir avec l’étymologie du
caractère ; elle nous renseigne cependant fort utilement sur les conceptions
de l’époque, d’autant plus que le Shuowen s’y réfère. Il définit le caractère

Trois (san ) comme « la voie que forment le Ciel, la Terre et l’Homme ».

Puis le caractère pour roi (wang ) comme « Celui vers qui converge tout
ce qui se trouve sous le ciel ». Dong Zhongshu dit : « Dans l’ancienne façon
de tracer le caractère il y a trois traits (horizontaux) reliés entre eux par
un trait (vertical) médian  ; les trois traits représentent le Ciel, la Terre et
l’Homme  ; celui qui les réunit et les fait communiquer, c’est le roi.
Confucius a dit : Unir les trois, c’est être roi. »
Le Trois, expression première du multiple, est aussi ce qui rassemble,
unit. Le roi est l’intermédiaire qui rassemble tout sous le Ciel, car il est la
vertu du Ciel sur Terre, le fils du Ciel. Il attire ainsi tous les êtres  ; ils
viennent à lui spontanément. Par le roi, l’homme par excellence, se rejoue
constamment l’unité du Ciel Terre 5.

TROIS DANS LA COSMOLOGIE TAOÏSTE

Trois, utilisé en particulier dans les textes taoïstes, à partir du iii e-iv e
siècle après J.-C. essentiellement, représente les Trois plans fondamentaux
qui sont à l’origine du monde des hommes comme à l’origine du monde
céleste. Ils s’expriment dans le yin yang et leur harmonie (yin yang he 陰陽
和 ) ou encore dans Ciel Terre et Homme, les Trois puissances.
Au sommet du panthéon de la religion taoïste se trouve une triade. Ces
Trois divinités suprêmes règnent dans les Trois cieux et leurs souffles (trois
ou triple) produisent le monde, génèrent les êtres.
En tant qu’origine, ils sont les Trois originels (san yuan 三元 ), le triple
aspect de l’Un originel.
En tant qu’unité, ils sont les Trois Un (san yi 三一 ) : l’Un coq (mâle,
xiong yi 雄一 ) ou Un céleste (tian yi 天一 ), l’Un poule (femelle, ci yi 雌一 )
ou Un terrestre (di yi 地一 ) et l’Un suprême (tai yi 泰一 ) 6. Ils figurent le
déploiement de l’Unité primordiale vers la multiplicité, la possibilitié de
manifestation de la Voie dans le monde perceptible, formel. Essences,
esprits et souffles sont le triple aspect des êtres, que l’on refond dans
l’Unité. Ils sont aussi les Trois Un, Trois qui est Un.
Les Trois Purs (san qing 三清 ) sont aussi les Trois divinités suprêmes 7
nommées en fonction de la qualité fondamentale de l’Un : la pureté, le non-
mélange.
Dans l’homme, ces divinités célestes et primordiales sont les Trois
divinités majeures du corps, résidant dans les trois Champs de Cinabre 8 :
l’Un Supérieur, l’Un Médian et l’Un Inférieur qui président au centre de
chacune des parties du corps humain, dans le cerveau, le cœur et sous le
nombril. Elles sont fondamentales dans les méditations qui se concentrent
sur la garde du Un (shou yi bao yi 守一抱一 ).
À l’opposé, les Trois vers (san chong 三蟲 ) sont les trois esprits
mortifères qui rongent l’homme en son cerveau, son cœur et son ventre.
Les Trois souffles, les Trois origines, les Trois champs de cinabre…
etc., sont toujours la Triple expression de la réalité Une et Pure.
Les Trois Âmes Hun représentent en l’homme une animation céleste, à
Trois niveaux différents : spirituel, intellectuel, affectif. Mais elles forment
la totalité de son être noncorporel.
Ce qui est Un, authentique, originel, se révèle sous un triple aspect.
Trois est donc le moyen de retrouver l’Un à partir de la diversité.

TROIS DANS LA THÉORIE MÉDICALE

Les Trois composants principaux du monde, travaillés dans les Trois


champs de cinabre, sont aussi les Trois trésors de la médecine  : essences
精 氣
(jing ), souffles (qi ) et esprits (shen ).神
Ce n’est pas le lieu de faire une étude des Trois Trésors de la médecine,
mais on y verra une image des Trois Puissances constitutives de l’univers,
du monde et de chaque être humain parce que Trois est une structure, un
ordre par Trois qui fait apparaître quelque chose.
Un organe particulier et sans aucun équivalent dans les perceptions
occidentales du corps, le Triple Réchauffeur (san jiao 三焦 ), fait l’unité des
souffles et du corps.
Il s’agit d’un seul organe, mais réparti sur trois niveaux : supérieur (le
Réchauffeur Supérieur, qui occupe la poitrine, la zone au-dessus du
diaphragme, territoire du Cœur et du Poumon), médian (le Réchauffeur
Moyen, qui occupe la partie supérieur de l’abdomen, territoire de la Rate et
de l’Estomac) et inférieur (le Réchauffeur Inférieur qui occupe la partie
basse de l’abdomen et inclut le système uro-génital).
Le Triple Réchauffeur permet l’expression du souffle originel en sa
triple manifestation corporelle  : les souffles ancestraux (zong qi 宗氣 )
rassemblés au Réchauffeur Supérieur ; les souffles nutritifs (ying qi 營氣 ),
en charge de la reconstitution permanente du corps, de l’entretien de la vie,
sécrétés au Réchauffeur Médian (ou Moyen) ; les souffles défensifs (wei qi
衛氣 ), en charge de la protection de l’organisme, qui s’originent au
Réchauffeur Inférieur. Nutrition et défense proviennent de l’alimentation et
forment un couple yin/yang où ce qui entretient est du côté du yin, du
travail des substances et de la recomposition des formes, et ce qui protège
du côté yang, qui circule et réchauffe, rythme et retient. Les souffles
ancestraux sont le rassemblement des souffles renouvelés par la respiration
(Ciel) et des souffles renouvelés par l’alimentation (Terre). Il en résulte le
mélange yin yang, le plus équilibré possible, pour que l’harmonieuse
composition ainsi obtenue fasse vivre au plus proche du modèle originel, de
l’ordre naturel exprimé en un être par sa nature propre, ses souffles
originels (yuan qi 元氣 ). L’expression, la mise en œuvre de l’origine, se fait
par les souffles renouvelés de toutes les manières en l’organisme ; ils sont à
l’image de l’expression triple du souffle cosmique : le haut (supérieur), le
bas (inférieur) et l’entre-deux (médian), où se jouent toutes les modalités de
la compénétration yin/yang.
Le Triple Réchauffeur est la synergie de l’ensemble organique  ; les
viscères se répartissent selon ses trois étages. Le Triple réchauffeur n’est
pas un organe ayant une manifestation physique, une masse corporelle
perceptible  ; c’est une fonction qui n’est rien d’autre que l’union, l’unité,
par Trois, des multiples composantes organiques, à commencer par les
Douze viscères. Son fonctionnement est donc d’assurer que tout circule
bien, que les souffles se conduisent correctement, que les liquides sont
normalement guidés et transformés. Les montées et les descentes
s’équilibrent, comme entre Ciel et Terre s’élèvent les nuages et tombe la
pluie 29.
Ce Triple Réchauffeur est une quasi-nécessité logique pour qu’un être
humain fonctionne, car il faut bien trouver en lui cette Triple expression des
Souffles de vie. Il faut bien trouver en lui les Souffles analogues aux
Souffles du Haut, du Bas et de l’Harmonie Centrale, analogues aux Trois
Souffles qui composent l’univers  : le clair, le trouble et l’harmonieux
mélange du clair et du trouble.
Le mouvement yang fait s’élever des profondeurs vers la surface  ; le
mouvement yin fait descendre des hauteurs ; la plaque tournante du médian
assure les prises en forme et les répartitions. Ainsi les souffles yang de la
défense s’élèvent du Réchauffeur Inférieur et les liquides s’abaissent dans le
tronc à partir du Réchauffeur Supérieur, tandis que les nutriments élaborés
par le Réchauffeur Médian se diffusent dans les Quatre membres et tout le
corps pour y reconstruire les formes corporelles.
On pourrait aussi, selon une autre perspective, considérer uniquement le
processus de la digestion et de l’assimilation. Dans ce cas, le clair
représente les essences, assimilables par l’organisme, tandis que le trouble
représente ce qui est à éliminer du corps. Le Réchauffeur Supérieur est alors
le lieu d’aboutissement des essences et des souffles les plus purs de
l’organisme, le clair de l’alimentation, et le Réchauffeur Inférieur comme le
lieu d’aboutissement des résidus sur le chemin de l’évacuation, le trouble de
l’alimentation ; le Réchauffeur Médian, mélange de clair et de trouble, fait
s’élever le clair (Rate) et s’abaisser le trouble (Estomac).
Le Triple Réchauffeur n’est qu’un seul Souffle puisque c’est le Souffle
de vie qui s’exprime sur une Triple modalité  ; il permet que les qualités
différentes du souffle fassent fonctionner les différents aspects de la vie.

TROIS POUR LES PÉRIODES DE TRANSITION

Trois représentant les diverses facettes du souffle Un, l’ensemble


dynamique Ciel, Terre et Médian, il est apte à symboliser une totalité. Ainsi
3 jours, 30 jours, 3 ans ou 30 ans sont une plénitude achevée pour une
pratique (taoïste, par exemple) ou pour changer en restant dans l’unité.
Trois est souvent utilisé, anciennement, pour les périodes de transition,
peut-être parce qu’on y voit un accomplissement. Par exemple, on porte
Trois ans le deuil pour retrouver en soi l’apaisement et retourner à la vie
normale. On se retire Trois jours avant une cérémonie pour se purifier. La
jeune mariée attend Trois mois avant d’aller faire une visite à sa mère. On
dépose Trois jours 10 l’enfant sur le sol pour voir si véritablement il veut
vivre parmi les hommes 11 (cf. Appendice 3).

1. Graphie que l’on ne doit pas confondre avec celle du nombre Trois 三
où le trait central est toujours bien complet et ne peut pas être réduit à un
point ou à un très court trait.
2. Cf. le texte du Hongfan qui donne les nombres associés à chacun des
Cinq éléments, cité dans l’étude de Cinq.
3. Qian  : nom du premier des hexagrammes, composé de 6 lignes
continues ; il symbolise le Ciel, la puissance du yang le plus pur. Kun : nom
du second hexagramme, composé de 6 lignes brisées ; il symbolise la Terre,
la puissance du yin le plus pur.
4. Dong Zhongshu (179-104 avant J.-C.)  : philosophe confucéen qui
intégra la cosmologie fondée sur le yin yang et les Cinq éléments dans la
pensée et la morale confucéennes.
5. Cf. pour idée analogue, Laozi 25.
6. Sima Qian nous dit que tous les Trois ans, l’Empereur sacrifiait aux
Trois divinités  : l’Un céleste, l’Un terrestre et l’Un suprême. (Shiji, ch.
Xiaowu benji).
7. La Pureté de Jade, la Très Haute Pureté, la Très Grande Pureté.
8. Les Trois champs de cinabre (san dan tian 三丹田 ) sont le triple lieu
du travail des souffles sur les essences pour devenir esprits. Ils sont
localisés au niveau de l’ombilic, du cœur et du cerveau.
9. Le «  jeu des nuages et de la pluie  » est aussi une métaphore, en
chinois, pour les relations sexuelles.
10. Dans la pratique, Trois jours ne font pas toujours 3 fois 24 heures ou
Trois ans 3 fois 365 jours. Si l’on part du principe que la partie vaut le tout,
une heure d’une journée vaudra pour la journée entière ou un mois d’une
année pour l’année entière, etc. Trois jours pourront faire 26 heures…
11. C’est le dépôt de l’enfant sur le sol. Voir M. Granet, in Études
sociologiques sur la Chine.
Quatre ou la partition

SI四
GRAPHIE DU CARACTÈRE

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

Diverses thèses existent sur l’origine possible de la graphie de Quatre1.


Certains partent du principe que tout ou partie des nombres seraient des
représentations de positions de la main et de ses doigts. Le Quatre serait,
dans sa graphie archaïque , simplement les doigts indiquant la quantité,
chaque trait horizontal représentant un doigt. Le même principe explique la
graphie de Un, Deux et Trois2.
Selon une autre thèse, la graphie des nombres serait un «  emprunt  »,
c’est-à-dire la graphie d’un caractère de même prononciation. La graphie de
quatre qui s’impose à partir des Royaumnes Combattants : 四 s’expliquerait
comme une bouche 口 八
de laquelle un souffle s’échappe , un bâillement,
car un caractère ayant le sens de bâiller a une prononciation proche de celle
de Quatre.
D’autres hypothèses ont été formulées, comme celle de la figuration
d’un rhinocéros.

La thèse traditionnelle, le Shuowen


Se fondant sur des graphies des bronzes de l’époque des Royaumes

Combattants ( ou ), le Shuowen voit dans le Quatre (si ) l’image de
ce qui se divise, se sépare aisément en deux parts  : un cadre, un espace

défini par ses Quatre côtés , à l’intérieur duquel s’exerce une poussée qui

sépare et qui va résulter en une différenciation perceptible, sensible.
四 分
« Quatre (si ), c’est un nombre yin (pair) ; la divisibilité (fen ) de
quatre y est représentée. »

QUATRE
Sur les inscriptions oraculaires, le nombre Quatre, en plus de sa
valeur quantitative (quatre, quatrième), est d’entrée associé à une
division fondamentale  : celle de l’espace sous l’autorité du Roi. Sur
Terre, le monarque règne, à partir du centre, sur les Quatre grands
territoires qui s’étendent dans les Quatre directions et forment son
royaume, comme au Ciel le Grand ancêtre, puissance suprême,
commande aux Quatre esprits protecteurs de la vie du sol dans chacun
des Quatre grands territoires  ; ces esprits s’expriment dans les Quatre
vents.

Alors que, pendant des siècles, Quatre s’écrit avec 4 traits


superposés, sur le modèle de 2 et de 3  : la graphie classique de
Quatre (apparue sur les bronzes des Zhou orientaux) ou, évoluant

en , comprend la division 八 à l’intérieur d’un rond, qui devient un
carré 囗 , ce qui ouvre la possibilité à toutes les subdivisions, comme
celle par huit de la rose des vents. De là, la valeur symbolique de Quatre
comme le prototype de toutes les distinctions faisant apparaître des
moments particuliers du temps ou des secteurs spécifiques de l’espace.
Et la potentialité de faire apparaître tous les moments du temps et tous
les secteurs de l’espace.

Les Quatre territoires (si fang 四方 ) sont toutes les directions de


l’espace, comme les Quatre saisons (si shi 四時 ) sont le modèle de tous
les moments du temps. Le même caractère s’emploie pour saison, heure,
tout moment qualifié du temps (shi 時 ), comme le même caractère
s’emploie pour le carré, le territoire, le lieu, l’emplacement (fang ). 方
En grande écriture, Quatre c’est 肆 : étaler, disposer, exposer.
DIFFÉRENCIATION DANS L’AMAS DE SOUFFLES

Quatre est le mouvement des souffles en expansion qui se séparent en


quatre amas distincts, faisant apparaître les quatre directions de l’espace
四方
terrestre (si fang ) et les quatre saisons du temps céleste perçu sur terre
四時
(si shi ).
La qualité du territoire qui s’étend à l’Est de la Terre est spécifique et
nettement différente de la qualité de l’Ouest, du Nord ou du Sud. La
végétation n’y est pas la même, pas plus que les animaux ou les hommes, à
la fois dans leur apparence physique et leurs tendances profondes…
Le Huainanzi décrit ainsi les effets de l’intense présence des souffles
yang dans le quadrant sud de la Terre :
«  Le territoire méridional (le sud, nan fang 南方 ) est le lieu où
s’accumulent les souffles yang, là où siègent chaleur et humidité. Les gens
y ont un corps longiforme et pointu dans la partie supérieure ; leur bouche
est grande et leurs yeux larges  ; l’orifice par lequel ils communiquent (le
mieux avec l’extérieur) est l’oreille  ; les circulations du sang (xue mai 血
脈 ) en dépendent (du Sud) ; la couleur rouge commande le Cœur. Les gens
y sont robustes dans leur jeunesse mais meurent prématurément. Ce terrain
convient au riz ; rhino-céros et éléphants y abondent » (Huainanzi, ch. 4).
Chaque secteur de l’espace est ainsi décrit selon les effets spécifiques de
ses souffles. De même, chacune des Quatre saisons joue un rôle particulier
dans le cycle de la végétation, influe de façon différente sur le
comportement des animaux ou des humains… Un souffle analogue à celui
qui domine les formes de vie au Sud s’exprime pendant l’été  ; de même
pour les trois autres qualités de souffles présentées au niveau de Quatre.

Les Quatre directions représentent toutes les directions possibles. Les


seigneurs qui viennent de toutes les parties de l’Empire rendre hommage à
l’Empereur entrent symboliquement dans son palais par l’une ou l’autre des
Quatre portes :
« Il (l’Empereur Shun) reçut aux quatre portes du palais ; et les princes
qui entraient par les quatre portes étaient fort soumis  » (Shujing, ch.
Shundian, trad. Couvreur).
Par la symbolique du nombre Quatre, les souffles expriment leurs
différences. Leurs qualités variées donnent forme à des lieux et des
moments du temps, chacun caractérisé par un souffle. Quatre commence
donc la prise en forme et commande les formes exprimées par la Terre.

APPARITION DES FORMES

Apparition sur Terre des possibilités de formes différentes, Quatre n’est


cependant pas encore une forme, mais plutôt le prototype des formes.
Quatre symbolise les formes définies, mais elles ne sont pas définies au
point d’être sensibles, perceptibles, palpables comme le sont les êtres. On
n’est pas encore au niveau des êtres, des choses constituées en vie propre.
Le printemps est bien un souffle particulier, mais ce n’est pas une forme
palpable  ; c’est une qualité de souffles qui va pouvoir s’exprimer de
diverses manières. Le printemps ne donne pas les mêmes formes, par
exemple dans la végétation, selon les endroits où il se déploie (Nord ou
Sud, montagnes ou plaines), selon les années (en avance ou en retard, plus
ou moins chaud ou froid), selon le déroulement de son souffle sur Trois
mois (début, milieu ou fin du printemps).
Le printemps est plutôt une idée générale, dont la manifestation varie au
fil des semaines et selon les lieux. Mais c’est un souffle assez déterminé
pour qu’on puisse appeler printemps toutes ces manifestations.
On pourrait dire la même chose des autres saisons, comme de chacun
des Quatre territoires.
Ce qui est mené par Quatre ce sont des modèles, des symboles dont le
grand exemple est les Quatre images ou figures emblématiques.

LES QUATRE IMAGES

Dans la mouvance du Yijing, Quatre figures emblématiques (si xiang 四


象 ) se forment par la combinaison des deux lignes yin (discontinue, brisée)
ou yang (continue) : deux traits yin forment le vieux yin (tai yin ) et deux
traits yang le vieux yang (tai yang ), un trait yang en bas et un trait yin en
haut pour le jeune yang (shao yang ) et l’inverse pour le jeune yin (shao
yin ). On les associe facilement aux Quatre saisons  : vieux yang,
maximum de yang, à l’été et vieux yin, maximum de yin, à l’hiver ; jeune
yang, montée du yang, au printemps et jeune yin, début du yin, à l’automne.
Ces Quatre figures peuvent donc représenter l’alternance yin yang dans
le temps, mais sont aussi le prototype de toutes les variations du souffle yin
yang au long de l’année, de l’extrême yin (solstice d’hiver) à l’extrême
yang (solstice d’été) en passant par la montée du yang, puis de nouveau de
l’extrême yang à l’extrême yin, en passant par le renforcement graduel du
yin. Ce qui inclut toutes les modalités du réchauffement et du
refroidissement, de l’ensoleillement et des intempéries…
Quatre suffit donc pour symboliser comment peut exister chaque souffle
particulier, chaque mélange particulier de yin de de yang. Quatre ne
représente pas un souffle déterminé, mais comment tous les souffles
spécifiques peuvent apparaître, comme autant de jours de l’année. La
combinaison yin yang, ici sous la forme du trait yang continu et yin
discontinu, fait d’abord apparaître ces Quatre symboles ou figures
emblématiques, qui signalent qu’il y a de quoi constituer des êtres
différenciés, des amas de souffles particularisés au sein du grand amas de
souffles. Les Huit trigrammes, puis les 64 hexagrammes continueront le
processus d’apparition des êtres et des situations particularisés.

EXEMPLES DE GROUPEMENTS PAR QUATRE

Les Quatre membres du corps présentent les multiples possibilités des


combinaisons yin yang. On a les membres inférieurs (yin) et supérieurs
(yang), ceux de droite (yin) et ceux de gauche (yang) ; chacun présente une
face interne (yin) et une externe (yang). On peut avoir la face externe du
membre inférieur gauche, la face interne du membre supérieur droit…
La triple modalité des souffles yin et des souffles yang3 qui parcourt et
anime le corps humain peut donc s’y déployer en Douze méridiens à gauche
et Douze méridiens à droite.
Trois souffles yin et trois souffles yang – soit Six qualités – forment
Douze méridiens quand on les répartit sur les membres inférieurs et
supérieurs. Ces nombres sont analogues aux Trois mois de chacune des
Quatre saisons se déployant sur les Douze mois de l’année.
Si l’on préfère considérer 24 (12 à gauche et 12 à droite), l’analogie se
fait alors avec les 24 périodes climatiques (jie qi 節氣 ), d’environ 15 jours
chacune.
Par ses Quatre membres, et les méridiens qui y circulent, l’homme est
relié à l’espace (aux lieux) et au temps (aux moments) de la nature et se met
en résonnance avec les qualités variées du souffle.

Les Quatre mers (si hai 四海 ) limitent l’étendue terrestre dans chacune
des Quatre directions  ; entre ces Quatre mers se trouvent les territoires
connus, l’empire du monde, dominé par le Souverain. Chacun de ces
confins est une étendue orientée (nord, sud, est, ouest), un réservoir de la
puissance des souffles qui s’exprime en chacun des Quatre grands
territoires.
En médecine, les Quatre mers du corps humain sont, analogiquement,
Quatre réservoirs qui contrôlent la quaduple expression de ce qui maintient
la vie du corps : aliments, moelles, souffles, sang.

Les Quatre peuples barbares (si yi 四夷) s’étendent aux frontières de


l’empire, dans les Quatre directions (Barbares du Nord, du Sud, de l’Est et
de l’Ouest).

Quatre classes sociales (si min 四民 ) divisent la société chinoise  :


lettrés, paysans, artisans, marchands.

L’essence de l’enseignement confucéen est concentré en un canon,


formé de Quatre livres (si shu 四書 )  : La Grande Étude (da xue 大學 ),
L’Invariable Milieu (zhong yong 中庸 ), Les Analectes ou Entretiens de
Confucius (lun yu 論語 ) et l’œuvre de Mencius.

Les informations qu’une forme vivante, un être corporel, donne sur son
état, se répartissent en Quatre diagnostics (si zhen 四診 )  : voir
(inspection), entendre (auscultation), demander (interrogatoire), palper
(prise des pouls et palpation).
RAPPORTS DU TROIS AU QUATRE

Ce sont les relations du Ciel et de la Terre, en tant que caractérisées par


les souffles et par les formes.
Un calcul simple permet de lier le Ciel – traditionnellement associé au
cercle, symbolisant la rotation des souffles qui déterminent les saisons –, au
nombre Trois, et la terre – traditionnellement associée au carré, symbolisant
sa surface où se découpent les territoires –, au nombre Quatre.
Si l’on prend 1 comme diamètre du cercle, la circonférence est à peu
près 3 (le nombre π, 3,1416)  ; tandis que si l’on prend 1 comme côté du
carré, le périmètre est 44.
Un certain nombre de termes peuvent se trouver associés soit au nombre
Trois, soit au nombre Quatre. Leurs sens et usages éclairent sur les rapports
et les différences entre ces deux nombres.
Les Trois passes (san guan 三關 ) désignent parfois des passes
géographiques, mais l’usage principal de l’expression est trois endroits pour
le passage du souffle vital. Des variations existent selon la discipline ou
l’école. Les Trois passes désignent souvent la progression du souffle au
long de la colone vertébrale, au centre du dos, au niveau du coccyx, des
omoplates et de l’occiput. Dans le taoïsme, elles peuvent désigner les Trois
étapes de l’œuvre alchimique (sublimation des essences, des souffles, des
esprits).
Les Quatre passes (si guan 四關 ) sont des passes géographiques,
permettant traditionnellement l’accès, depuis chacune des Quatre directions,
à une région appelée « à l’intérieur des passes » (guan zhong 關中 ).
Ainsi on a Trois passes pour les passages du souffle sans forme dans le
corps et Quatre passes pour les passages sur Terre des hommes et de leurs
biens.
Le Triple commencement (san shi 三始 ) désigne un seul jour  : le
premier jour du premier mois de l’année, alors que les Quatre
commencements (si shi
5
四始 ) sont les commencements de chacune des
Quatre saisons ou encore, en littérature, la première ode de chacune des
Quatre parties du Livre des Odes (Shijing).

Quatre, le nombre qui porte malheur ?


Les Chinois diront facilement que le Quatre est un mauvais Nombre,
qu’il porte malheur. Cela tient à son homophonie avec le caractère

signifiant « mort » (si ). Si les deux caractères ont même prononciation
(au ton près), ils n’ont aucun rapport de graphie ou de sens. On peut
comparer, à ce niveau, le Quatre au Treize en France.
Il est bien évident que dans la symbolique traditionnelle, le Quatre est à
sa place dans le déroulement des Nombres ; il n’a aucun rapport particulier
avec la mort, ni avec quelque chose de mauvais, de dépréciatif. Il n’y a pas
de « mauvais » nombre, comme il n’y a pas non plus de nombre «  porte-
chance », sauf dans les croyances populaires.

1. Ces hypothèses pour le Quatre et pour les autres nombres, sont fondées
sur l’étude publiée par R. Djamouri  : «  L’emploi des signes numériques
dans les inscriptions Shang  », Extrême-Orient, Extrême-Occident, n° 16,
1994.
2. Cette interpétation «  dactylonomiforme  » est invérifiable, et, pour
certains, hautement improbable ; il en va de même pour l’hypothèse qui voit
dans les signes numériques une représentation des tiges qui servaient
anciennement aux opérations.
3. Voir la présentation des Six qualités du souffle actif dans le corps, dans
l’étude de Six.
4. À partir de là, les associations des nombres peuvent se développer ; on
peut en faire une base d’explication pour des diagrammes comme celui de
la rivière Luo (Luoshu). Cf. Yixue qimeng de Zhu Xi.
5. Même si l’expression Quadruple commencement (si shi) peut aussi
désigner le premier jour de l’année  ; il y a alors redondance du
commencement de la saison.
Cinq ou la centralisation

WU 五
GRAPHIE DU CARACTÈRE

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

Ces hypopthèses travaillent sur la forme ancienne du caractère cinq :


ou .
Dans la thèse qui explique la graphie des nombres par les positions de la
main et des doigts, le caractère Cinq représenterait la main vue avec ses
cinq doigts étendus et figurerait les lignes entrecroisées visibles sur la
paume.
La thèse de l’emprunt phonétique propose un caractère de prononciation
semblable  : soit un caractère signifiant une navette vide, soit un caractère
montrant une corde symbolisée par l’entrelacs de ses fils.

La thèse traditionnelle, le Shuowen

La croix y est comprise comme l’entrelacement et les permutations du



yin et du yang, et les deux traits du haut et du bas comme l’évocation du
Ciel et de la Terre  ; les souffles permutent dans leur espace médian et
s’organisent selon les Cinq éléments1 :

« Cinq (wu ), c’est les cinq éléments. Le caractère comporte 二 qui
indique que c’est entre Ciel et Terre que le yin et le yang s’entrecroisent et
permutent » (Shuowen).

PASSAGE DE QUATRE À CINQ

Quatre marque la division dans la masse des souffles yin yang qui
emplissent l’espace médian entre Ciel et Terre, de façon à distinguer des
grands principes organisateurs, comme les Quatre directions et les Quatre
saisons.
Cinq réunit par un Centre les souffles distincts  ; le centre est leur
mélange, leur compénétration.
Comme Trois était le mélange des deux composants du couple, Cinq est
l’assemblage des souffles différenciés en Quatre. Dans l’un et l’autre cas,
l’harmonie du composé est essentielle. Cependant, il y a une différence de
niveau ; Cinq fait apparaître un centre, alors que Trois faisait apparaître un
médian. Ce centre accueille, recueille tous les souffles et devient leur
principe d’organisation. Par le Centre, ces souffles, à présent différenciés,
vont composer ensemble, harmonieusement  ; et ils vont se redistribuer à
partir du Centre selon des mouvements bien réglés.

CINQ

Depuis l’origine et jusqu’à la fin du IIIe siècle avant J.-C., la graphie


du nombre Cinq est une croix, un croisement  : , la plupart du temps
encadré par le haut et par le bas : . La graphie classique se fixe sous la

forme : .

Des groupes de Cinq sont attestés dès les inscriptions oraculaires,


comme un sacrifice à un groupe de Cinq esprits ancestraux ou (autre
interpétation) Cinq rituels échelonnés au long de l’année. Le groupement
par Cinq continue à être le principe de séries importantes : saveurs, sons,
couleurs, planètes…, avant de devenir, un peu avant l’ère chrétienne, la
base des correspondances universelles qui fondent la cosmologie sur les
Cinq éléments (wu xing 五行).

Cinq est alors le nombre de l’organisation centrée de la vie, la


répartition et les relations harmonieuses des Cinq mouvements de
souffles qui composent chaque vivant et chaque phénomène. Nombre de
toutes les séries composées sur le modèle des Cinq éléments et nombre
du Centre, Cinq règle les permutations et les associations de tous les
souffles, organisés selon leurs Cinq aspects remarquables.

En grande écriture, Cinq c’est 伍 : escouade de cinq hommes, groupe


de cinq foyers.

Cinq va jouer en ce sens un rôle de catalyseur, une sorte de force


centrale et dynamique qui va s’épanouir dans tous les dispositifs spatio-
temporels, de l’Espace et du Temps.
Les Quatre directions de l’espace font apparaître un centre qui les réunit
et les organise pour constituer l’espace où vivre, la région centrale, par
excellence la Chine (zhong guo 中國 ). Les Quatre directions et le centre
sont les Cinq secteurs de l’espace (wu fang 五方 ).
Cinq a donc un double aspect : d’une part l’apparition d’une cinquième
position, la position centrale  ; d’autre part, le fait que cette cinquième
position permettant la compénétration des Quatre autres fait apparaître Cinq
qualités du souffle : les Quatre qualités de souffles spécifiées par le nombre
Quatre et une cinquième qualité qui est spécifiquement la capacité à réunir
et harmoniser. Dans le corps, la Rate en est une illustration exemplaire (cf.
p. 82, 83).
Cinq est ainsi le nombre de l’absolue harmonie. Harmoniser est très tôt
la grande caractéristique du Centre, qu’il soit spatial ou temporel.
Harmoniser les moments du temps, les saisons, c’est faire qu’ils glissent
l’un vers l’autre, se transforment l’un en l’autre, en temps voulu. Que le
printemps arrive au moment du printemps et qu’il succède ainsi à l’hiver,
préparant l’été, est un effet de l’harmonie, liée aux souffles du Centre. C’est
ainsi que les Quatre saisons deviennent Cinq moments du temps, car ce qui
les harmonise, les lie, les unit est la cinquième qualité du souffle2.
Cinq va donc assumer un rôle de centre et un rôle de fondement.
ORGANISATION CENTRALE

L’ordre le plus ancien de présentation des Cinq Éléments 3 évoque un


croisement qui est l’intégration de Quatre en Un :
« Un l’Eau, Deux le Feu, Trois le Bois, Quatre le Métal, Cinq la Terre »
(Shujing, ch. Hongfan).
Le texte pose ainsi deux axes : d’abord vertical, de Un à Deux, du bas
(Eau) en haut (Feu) ; puis horizontal, de Trois à Quatre, de gauche (Bois) à
droite (Métal), dessinant ainsi une croix qui, en son centre, en cinquième
position, est la Terre, définie comme capable de recevoir les semences et
donner les récoltes4. Les souffles différenciés se ren contrent et font
apparaître un centre vers lequel tout converge et duquel tout émane. Entre la
réception et la distribution se placent toutes les transformations, mutations
qui ne sont rien d’autre que le jeu mutuel des souffles entrelacés au centre.
Comme le yin yang n’existe que par et dans le croisement, Cinq est le
résultat du yin yang, mais, comme nous l’avons vu, à un autre niveau que
Trois. Trois est pour l’émergence des souffles qui se manifestent dans et par
les vivants, les Dix mille êtres. Cinq sont ces mêmes souffles qui
rassemblent leurs spécificités apparues avec le Quatre, pour s’organiser et
s’harmoniser.

Que les manifestations des mouvements fondamentaux de souffles


s’organisent par Cinq, c’est la doctrine des Cinq Éléments (agents ou
phases). Leurs entrelacs sont la constitution première d’un être,
l’organisation d’une vie dont tous les aspects pourront se classer par Cinq.
Cinq représente donc la constitution d’un centre organisateur, d’une
organisation interne, à partir de quoi s’effectue la mise en mouvement
régulée des différentes modalités du souffle agissant sur Terre, identifiées
comme les Cinq Éléments. Cette régulation inclut tous les rapports du
centre et de la périphérie, de l’interne à l’extérieur, ainsi que toutes les
relations internes des divers souffles ; elle les organise analogiquement par
Cinq.
En tant qu’organisateur, Cinq préside aux mutations, changements et
transformations, à partir du centre où un être se construit. Cinq définit les
différentes modalités d’activités des souffles et règle leurs actions,
réactions, interactions dans les êtres. Cinq éléments dans la nature et Cinq
organes zang dans un corps sont l’organisation fondamentale, base de la
construction et du développement d’un être.
Cinq est ainsi la base de classification du multiple et du divers infinis. À
partir de Cinq, on a toutes les permutations de souffles variés ; on a donc les
possibilités infinies de composition à l’intérieur d’un être, d’un phénomène,
d’une catégorie donnée. Il ne faut cependant jamais perdre de vue que ces
Cinq qualités fondamentales, organisatrices de la diversité, gardent et
expriment l’unité (cf. Cinq et Un, p. 85).

Cinq occupe la positon centrale également dans la suite des nombres de


1 à 10 ; il divise Dix en Deux. Une des conséquences est que la somme des
2 nombres avant et après 5, dans la même position, est toujours égale à 10
(4 + 6, 3 + 7, 2 + 8, 1 + 9).
Ces nombres de 1 à 10 sont répartis entre le Ciel et la Terre : au Ciel, les
nombres impairs, yang, qui sont au nombre de Cinq, et à la Terre, les
nombres pairs, yin, aussi au nombre de Cinq5.
« Le Ciel Un, la Terre Deux, le Ciel Trois, la Terre Quatre, le Ciel Cinq,
la terre Six, le Ciel Sept, la Terre Huit, le Ciel Neuf, la Terre Dix. Cinq
nombres pour le Ciel et Cinq pour la Terre. Les Cinq positions s’accordent
mutuellement et chacune trouve sa réunion (ce avec quoi elle se conjoint) ;
les nombres du Ciel sont 25 et les nombres de la Terre 30. Au total les
nombres du Ciel Terre sont 55. Par eux, s’achè-vent les changements et
transformations et sont conduits les esprits de la Terre et du Ciel » (Xici, 1re
partie, section 9)6.
Le somme des nombres impairs : 1 + 3 + 5 + 7 + 9 est égale à 25, alors
que la somme des nombres pairs  : 2 + 4 + 6 + 8 + 10 est égale à 30. On
arrive donc à un total de 55, qui peut aussi être compris comme 50, soit 5
×10, plus 5  ; une façon, par les opérations entre 5 et 10, de couvrir
parfaitement et totalement l’ensemble du monde ainsi que les mouvements
organisés et les activités repérables qui s’y déroulent. Les nombres
permettent ainsi de comprendre les transformations incessantes, dont
l’origine reste dans le mystère des esprits.

Cinq est, de même, le pivot entre les nombres de génération (sheng ) 生



et les nombres d’accomplissement (cheng ). Chaque nombre de 1 à 5 se
conjoint avec un nombre de 5 à 9 (ou de 6 à 10). Les nombres de 1 à 5 sont
des nombres de production, qui donnent vie (sheng 生 ), alors que les
nombres de 5 à 9 (ou de 6 à 10) sont des nombres d’achèvement, qui

forment et constituent les êtres (cheng ). Ainsi, dans le Hongfan, chaque
nombre de 1 à 5 est associé à un élément, faisant vertu commune avec lui,
car il y a analogie profonde, même puissance entre le Un et l’Eau, le Deux
et le Feu, le Trois et le Bois, le Quatre et le Métal, le Cinq et la Terre. Les
éléments sont les conditions d’apparition de la vie, sont les Cinq modalités
du souffle qui constituent les êtres. Mais si l’on veut parler de réalités
constituées, on utilisera l’autre série de nombres, obtenue en ajoutant 5 à
chacun des 5 premiers nombres. Ainsi le nombre des Reins, en tant
qu’organe lié à l’Eau, est Six (5 + 1) et celui du Foie, en tant qu’organe lié
au Bois, est Huit (5 + 3)  ; les Reins sont l’expression, sous une forme
concrète et particulière, de l’élément Eau dans le corps  ; le Foie, celle du
Bois.
Quand le Premier Empereur, Qin Shihuangdi, prit le pouvoir après avoir
réunifié la Chine, il adopta la vertu de l’Eau et régna en son nom  ; en
conséquence, il mit en acte la vertu de l’Eau, représentée par le nombre Un,
en décrétant des changements dans les usages et en prenant alors pour
norme le nombre Six (1 = 5) :
« Pour les vestes et les robes, pour les guidons en poils et les guidons en
plumes et pour les étendards, on mit en honneur le noir. Dans les nombres,
six fut l’étalon  ; les plaques des contrats et les chapeaux officiels eurent
tous six pouces et les chars eurent six pieds  ; six pieds firent un pas  ;
l’attelage eut six chevaux… » (Shiji, ch. 6, trad. E. Chavannes).

Le centre en médecine

En médecine, l’organe qui est mis en relation avec le Cinq est la Rate.
Elle est l’un des Cinq organes zang ; au même titre que les quatre autres 7,
la Rate est responsable du fonctionnement d’une qualité spécifique du
souffle dans tous les domaines de la vie, du plus corporel au plus spirituel.
En tant qu’exprimant les souffles de l’élément Terre, la Rate est responsable
de plusieurs fonctions  : des formes du corps, c’est-à-dire les chairs  ; de
l’assimilation des essences et l’élaboration des nutriments répartis dans tous
les organes (c’est-à-dire les Cinq zang) et partout dans le corps (c’est-à-dire
dans les Quatre membres) ; de la constitution des liquides corporels et leur
distribution  ; de la réception des perceptions et informations ainsi que de
leur mise en relation avec les souvenirs, ce qui consitue le tissage de la
pensée qui se présente au Cœur, etc. La qualité propre des souffles de la
Rate est donc d’agir comme un centre 8 : c’est en tant que centre que la Rate
reçoit tout ce qui est assimilé par la digestion et le redistribue dans les
Quatre directions. La Rate assure l’harmonie  ; elle soutient et nourrit les
Cinq organes zang et les Quatre membres. La qualité de ses souffles et sa
position centrale ne sont en fait qu’une même chose considérée sous deux
aspects dont on peut à peine dire qu’ils sont différents, et sans doute pas
qu’ils sont distincts.

CINQ COMME FONDEMENT

Tenir la position Cinq peut se traduire par tenir la position centrale,


comme on vient de le voir. Mais cela peut aussi être en position de
commandement, c’est-à-dire en haut, au sommet, ou encore en position de
fondement, c’est-à-dire en bas, à la base. C’est ainsi que l’élément Terre et
sa qualité d’harmonisation peuvent se trouver associés au centre
topographique, à l’organe Rate dans les textes médicaux, mais au Cœur,
organe souverain, dans d’autres textes.
Le Centre est la position du Souverain, puisque c’est la place qui
contrôle et commande dans toutes les directions. Dans un hexagramme, la

5e ligne est la place du Souverain (jun ).
Cette qualité de commandement et d’harmonisation peut aussi être vue
comme un fondement.
Dans le déroulement de l’année, la qualité de la Terre, associée au Cinq,
se trouve parfois en début d’année  ; «  le moment du temps où le Cinq
assure l’harmonie 9  » est celui qui permet le déroulement harmonieux et
régulier des saisons ; il peut donc avoir sa place au début du calendrier qui
présente l’année.

L’élément Terre peut être considéré comme la mère des autres Éléments,
car elle les contient et les nourrit tous. C’est pourquoi, l’expression du
souffle propre à l’élément Terre dans différents domaines peut servir de
fondement aux autres expressions de souffles dans ces mêmes domaines.
Ainsi le son, la couleur, la saveur liés à la Terre sont facilement perçus, dans
certains textes anciens, comme ce qui permet l’expression juste des autres.
« Dans les notes, il y a cinq sons ; le gong les régit. Dans les couleurs, il
y a cinq teintes ; le jaune les régit. Dans les saveurs il y a cinq modifications
[du goût] ; le sucré les régit. Dans l’ordre [des cinq éléments], il y a cinq
substances ; la terre les régit. C’est la raison pour laquelle, quand la terre est
raffinée, elle engendre du bois  ; quand le bois est raffiné, il engendre du
feu ; quand le feu est raffiné, il engendre des nuages ; quand les nuages sont
raffinés, ils engendrent de l’eau ; quand l’eau est raffinée, elle retourne à la
terre » (Huainanzi, ch. 4, trad. Rémi Mathieu, Pléiade).
Gong est le nom de la première note, base des autres  ; elle est liée à
l’élément Terre, ainsi que la couleur jaune et la saveur douce ou sucrée.
On remarque la place de la Terre au début du cycle de succession des
puissances élémentaires.

CINQ ET UN

Une autre façon de regarder l’harmonie du Centre et du Cinq est de


considérer la puissance d’harmonisation du Cinq non plus comme le
fondement, mais comme la cohabitation des différentes qualités de souffles.
Cinq permet aux diffé-rents souffles de participer ensemble à la vie d’un
être, de composer l’ensemble d’une série (couleur, sons…).
Cinq exprime la totalité en en montrant les différentes facettes, en étant
son organisation interne, mais sans rompre l’unité intrinsèque. Cinq sert à
classifier, à l’intérieur de la totalité unifiée, en fonctions des qualités de
souffles spécifiques à chaque élément. Ce sont des sortes de catégories a
priori, qui servent à indiquer l’agencement du monde, selon la construction
culturelle prédominante dans le monde chinois.
On compte donc Cinq, et pas davatange ; mais à partir de là, on a tous
les possibles ou plutôt toutes les possibilités de repérer et de classer les
phénomènes concrets qui s’offrent à notre connaissance. Cinq couleurs
permettent de connaître dans leurs qualités intrinsèques toutes les couleurs
possibles, y compris les nuances encore à inventer. Cinq sons pour arranger
tout ce qui retentit à l’oreille, y compris ceux que l’on n’a pas encore
entendus. Cinq saveurs, mais qui per mettent aux chefs d’inventer sans
cesse de nouvelles combinaisons.
«  Le monde sous le Ciel nous apparaît comme un enclos où noms et
réalités vivent en commun. On n’y compte que Cinq notes, pas davantage,
mais leurs variations défient l’audition. On n’y combine que Cinq saveurs,
pas davantage, mais leurs préparations défient le goût. On n’y compte que
Cinq couleurs, pas davantage, mais leurs variations défient la vision  »
(Huainanzi, ch. 1, trad. Claude Larre).

Couvrant ainsi la totalité, le Cinq est la quintuple manifestation de


l’Un ; Cinq est l’harmonieuse composition des souffles de qualités variées
faisant apparaître soit un être particulier, soit une catégorie d’êtres ou de
phénomènes, comme les couleurs ou les sons, les animaux domestiques ou
les céréales… Tout peut et doit être organisé par Cinq.
« [Huangdi] se rendit maître des cinq influences (les Cinq souffles, wu
qi 五氣 )  ; il mit en terre les cinq semences  ; il fit du bien aux dix mille
tribus et gouverna les quatre côtés (si fang 四方 )  » (Shiji, ch. 1, trad.
Chavannes).
On est en présence de séries classificatoires et non pas de réalités
concrètes. Ainsi les Cinq éléments ne sont pas l’eau physique, même si
cette eau est la meilleure expression des souffles de l’Eau. Les Cinq
couleurs ne sont pas des couleurs perceptibles par les yeux ; n’étant aucune
couleur particulière, elles peuvent servir à classifier toutes les couleurs.
Comme pour les notes de musique ; le do qui permet de reconnaître tous les
do, n’est pas un do particulier, ni l’idée du do, mais ce qui est derrière tous
les do. Finalement, on n’entend jamais « le » do, celui qui permet de classer
comme do un certain nombre de sons, parfois en apparence très différents,
comme un do à l’orgue et un do aigu au flageolet. Le souffle qui est ainsi
derrière des phénomènes variés les unit au sein d’un même élément et
permet l’établissement des correspondances. Ce qui unit le printemps, l’Est,
l’aube, les arbres et les plantes, le vert/bleu, l’acide, le Foie, les
mouvements musculaires, la colère, la vision… c’est le souffle du Bois.

On comprend alors comment tout ce qui existe est organisé par Cinq.
Ainsi peut-on présenter le Cinq comme l’émanation de l’Un :
« On le cherche des yeux sans en voir la forme, on prête l’oreille sans
en entendre le son, on le suit à la trace sans atteindre sa personne. Puisque
du Sans forme procèdent les êtres ayant forme, du Sans son se font entendre
les Cinq notes, du Sans saveur se forment les Cinq saveurs, du Sans couleur
se constituent les Cinq couleurs. Ainsi ceux qui ont des formes sont-ils
produits par ce qui n’en a pas et la plénitude sort-elle du vide » (Huainanzi,
ch. 1, trad. Claude Larre).

QUELQUES EXPRESSIONS MENÉES PAR CINQ

Il existe, de ce fait, d’innombrables expressions menées par Cinq, la


plupart sur le modèle des Cinq éléments.
Les Cinq éléments (wu xing 五行 ) 10  : Métal, Bois, Eau, Feu, Terre,
sont les cinq emblèmes classificateurs. Ils ana lysent l’unité du mouvement
vital, en répartissent les composantes et guident l’action. Ils deviennent la
base de la théorie générale de corrélations cosmiques, sociales, morales,
physiques, etc.
Les Cinq vertus (wu de 五德 ) sont les cinq fondements de la conduite
仁 義
morale : le sens de l’humain (ren ), le sens des devoirs (yi ), le sens des
rites ou bienséance (li 禮 ), le sage discernement (zhi 智 ), la sincérité ou

fiabilité (xin ).
Les Cinq planètes (wu xing 五星 ), par la régularité de leur course, sont
un modèle pour les Cinq mouvements de souffle sur Terre ou Cinq éléments
(wu xing 五行 ).
Les Cinq pics (wu yue 五嶽 ) ou montagnes sacrées, sont les lieux
symboliques de toutes les qualités de l’espace chinois, sur lesquelles
l’Empereur offrait des sacrifices. Dans le taoïsme, on appelle ainsi les
plates-formes orientées selon les cinq directions dans le laboratoire
alchimique ; le fourneau est sur la plate-forme centrale.
Les Cinq souverains mythiques des âges semilégendaires de la Chine
(wu di 五帝 ) représentent une vision des Cinq aspects du pouvoir s’exerçant
sur Terre.
Les Cinq supplices (wu xing 五刑 ) 11 sont, traditionnellement, les
peines légales auxquelles sont condamnés les coupables pour le maintien de
l’ordre.
Les Cinq organes (wu zang 五藏 ) sont le centre organisé de la vie,
représentant le niveau supérieur de l’animation. Cœur, Foie, Poumon, Rate
et Reins dirigent la vitalité à tous les niveaux, en exprimant chacun un des
Cinq éléments ainsi que son équilibre par le jeu des productions et
dominations. Ils représentent tous les Souffles du corps et toutes leurs
relations. Chaque activité physiologique ou psychologique pourra être
ramenée à l’un de ces organes. Les Cinq organes zang forment l’unité d’un
être humain.
Les Cinq vouloirs (wu zhi 五志 ) sont les cinq tensions ou orientations
internes en chacun des organes (zang)  : l’impétuosité du Bois, qui tend à
devenir la colère pour le Foie  ; l’allégresse du Feu, qui tend à devenir
l’excitation pour le Cœur  ; la pensée de la Terre, qui tend à devenir
répétitive pour la Rate  ; le resserrement du Métal, qui tend à devenir
accablement ou tristesse pour le Poumon ; la prudence ou le retrait de l’Eau,
tendant à devenir crainte et peur pour les Reins.
Les Cinq charges (wu guan 五官 ) sont Cinq fonctions ministérielles
assistant le prince ou, dans le corps, les organes des sens sous la domination
du Cœur.
Les Cinq couleurs ou aspects colorés (wu se 五色 ) sont la révélation
sur l’extérieur de la réalité intime, sous la forme d’aspects colorés
correspondant aux Cinq éléments : vert azur correspondant au Bois, rouge
au Feu, jaune à la Terre, blanc au Métal et noir à l’Eau. En médecine, les
Cinq variations majeures du teint, normal ou pathologique, reflétant l’état
des Cinq organes zang. D’une façon générale  : air  ; mine  ; expression du
visage.
Les Cinq odeurs (wu xiu 五臭 ) sont la répartition en Cinq qualités des
souffles qui se dégagent des êtres  : le rance ou odeur de bouc
(correspondant au Bois), le brûlé ou odeur d’objets calcinés (correspondant
au Feu), l’aromatisé ou odeur de fleurs (correspondant à la Terre), le
piquant ou odeur de viande crue (correspondant au Métal), le fermenté ou
odeur de bois pourri (correspondant à l’Eau).
Les Cinq saveurs (wu wei 五味 ) sont la qualité des essences qui
composent un être, un aliment, un nutriment. L’acide correspond au Bois, le
doux à la Terre, l’amer au Feu, l’âcre au Métal et le salé à l’Eau.
Les Cinq notes de la gamme pentatonique (wu yin 五音 ) en corrélation
avec les Cinq éléments, servent comme rubriques de classification non
seulement pour les sons et les airs de musique, mais aussi pour les
atmosphères, typologies, relations dans la société, etc. En phonétique
ancienne, ce sont les cinq sortes de sons  : guttural, labial, dental, nasal,
palatal.
Les Cinq relations (wu lun 五倫 ) organisent la vie sociale en énoncant
les principes de conduite entre les gens, selon Cinq relations types qui
couvrent toutes les situations possibles  : hiérarchie ou absence de
hiérarchie, différence ou non de génération, de sexe. Ce sont les relations
entre prince et sujet, entre père et fils, entre aîné et cadet, entre époux et
épouse, entre amis.

Les expressions menées par Cinq n’en finiraient pas. On pourrait encore
citer, sans s’y attarder, les Cinq races de la Chine (wu zu 五族 ), les Cinq
Classiques (wu jing 五經 ), les Cinq animaux domestiques (wu chu 五畜 ),
les Cinq céréales (wu gu五穀 )…
«  C’est le ciel qui a établi les lois des cinq relations sociales  ; c’est à
nous de travailler à l’observation de ces cinq lois (wu dian 五典 ), et elles
seront en vigueur. C’est le ciel qui a réglé les usages propres aux cinq rangs
de la société (wu li 五禮 ) 12 ; c’est à nous de travailler à l’observation de
ces cinq sortes d’usages, et ils seront bien observés. Respectons et
observons de concert (ces lois et ces usages), et l’harmonie des passions et
des sentiments régnera dans tous les cœurs (he zhong 和衷 ). C’est le ciel
qui met en charge les hommes vertueux ; oh ! les cinq sortes de vêtements
(wu fu 五服 ), les cinq sortes de décorations (wu zhang 五章 ) doivent les
distinguer  ! C’est le ciel qui punit les coupables  ; oh  ! les cinq grands
châtiments (wu xing 五刑 ) et leurs cinq applications (wu yong 五用 )
doivent être en usage ! Oh ! les affaires publiques ne doivent-elles pas être
l’objet de tous nos efforts  !  » (Shujing, Conseils de Gao Yao, trad.
Couvreur).

DEUX ET CINQ

Le caractère Deux 二est un radical, c’est-à-dire qu’il fait partie des


caractères qui servent à classer tous les autres, car ils entrent dans leur
composition graphique. Deux figu-rant le haut et le bas, le Ciel et la Terre,
il s’ouvre souvent pour loger d’autres traits dans l’espace médian ainsi
apparu, générant de la sorte un autre caractère. Deux 二 est, entre autres, le

radical de Cinq (wu ).
Deux et Cinq, c’est le yin yang et les Cinq éléments  ; leur somme est
Sept, une mise en activité réglée, et leur produit est Dix, l’unité retrouvée et
accomplie (cf. étude de Sept et de Dix).
Plus tard 13, on oppose parfois Deux et Cinq. Le Deux symbolise la
parole, l’expression, l’action qui relèvent du ministre et le Cinq symbolise
le centre, la non-parole, la non-action qui appartiennent au souverain.

PAR TROIS ET PAR CINQ

Trois Cinq (san wu 三五 ) est une expression qui renvoie à l’association


d’une série de Trois et d’une série de Cinq. La Triple expression du souffle
et la Quintuple manifestation de ses mutations s’associent pour exprimer la
vie qui émane de l’Un sans jamais le renier.
Les temps anciens de l’histoire (plus ou moins légendaire) de la Chine
sont les Trois (dynasties Xia, Shang et Zhou) et les Cinq (Empereurs
légendaires). Dans un contexte plus précis, les Trois (fondateurs des Trois
dynasties) sont associés aux Cinq (hégémons de la période Printemps et
Automne).
Au Ciel, se tiennent les Trois (luminaires que sont le soleil, la lune et les
étoiles) et les Cinq (planètes). Dans le cosmos, les Trois (puissances : Ciel,
Terre et Homme) s’associent aux Cinq (éléments).
Dans le taoïsme, Trois orifices (oreilles, nez, bouche) s’associent aux
Cinq organes zang. Dans le travail alchimique, c’est Trois façons d’obtenir
le nombre Cinq, en additionnant le nombre propre à l’élément
correspondant à chacun des Cinq organes : 3 (Bois, Foie) + 2 (Feu, Cœur) =
5 comme symbole de l’Esprit originel ; 1 (Eau, Reins) + 4 (Métal, Poumon)
= 5 comme symbole du Souffle originel  ; le 5 (Terre, Rate) représente la
Pensée. Ces trois secteurs sont réunis dans l’Un, symbole de l’enfançon ou
de l’élixir d’or. C’est alors l’Unité des Trois-Cinq (san wu yi 三五一 ).
Parlant des êtres vivant entre Ciel et Terre, le Suwen, ch. 3, dit : « Cinq
les fait vivre, Trois les insuffle  » (qi sheng wu qi qi san )
pour signifier que leur vie s’organise par Cinq et leurs souffles animent par
Trois. Tous les mouvements et transformations des souffles sont réglés par
les Cinq organes.
Dans la même veine, le Xici déclare : « Par trois et par cinq (san wu 參
伍 ) se font les changements. Ils entremêlent et entrecroisent leurs
nombres. »

Le Huainanzi développe ces rapports du Trois et du Cinq comme ceux


entretenus par les Trois niveaux des souffles et les Cinq éléments.
« Pour régler les affaires, il convient de sérier par trois et d’apparier par
cinq » (Huainanzi, ch. 9, trad. Jean Lévi, Pléiade).
« Jadis, lorsque les cinq empereurs et les trois rois exerçaient le pouvoir
et propageaient leur enseignement, ils se devaient d’agir selon le principe
des “trois séries et des cinq appariements” (san wu 參五 ). De quoi s’agit-
il  ? En levant les yeux, ils empruntaient leurs emblèmes au ciel  ; en les
baissant, ils empruntaient leurs mesures à la terre ; en regardant au milieu,
ils empruntaient leurs lois à l’homme. C’est alors qu’ils établirent le
cérémonial de cour du Palais des lumières (ming tang ) et en
appliquèrent les ordonnances, afin de réguler les souffles yin et yang,
d’harmoniser les articulations entre les quatre saisons (he si shi zhi jie
) et d’éviter les calamités dues aux infections et aux maladies.
Baissant les yeux, ils observèrent les lignes de la terre (di li ) afin
d’instaurer les règles et les mesures, ils examinèrent l’utilisation appropriée
des monts et des terres, des rivières et des lacs, des sols fertiles ou stériles,
élevés ou bas, ils mirent en branle les activités et produisirent des richesses,
afin d’écarter les malheurs que sont la faim et le froid. Regardant au milieu,
ils considérèrent la vertu de l’homme afin d’instaurer les rites et la musique,

ils pratiquèrent le dao ( ) de l’humanité et de la justice (ren yi ) afin
de gouverner les rapports sociaux et de dissiper les maux que sont la
tyrannie et le désordre. Puis, ils disposèrent en ordre clair les natures
respectives du métal, du bois, de l’eau, du feu et de la terre.
C’est en établissant le sentiment d’affection entre père et fils qu’ils
fondèrent la famille. C’est en distinguant les nombres qui font que les cinq
notes sont aiguës ou graves et que les six tubes musicaux s’engendrent
mutuellement, afin d’établir la juste relation entre souverain et ministre,
qu’ils fondèrent l’État. C’est en observant la succession des quatre saisons
et de leurs mois, afin d’établir les rapports rituels entre jeunes et vieux,
qu’ils fondèrent les fonctions gouvernementales. C’est là ce qu’on appelle

le principe des trois séries (san ). Quant à instaurer la relation de devoir
entre souverain et ministre, le sentiment d’affection entre père et fils, la
distinction entre mari et femme, la hiérarchie entre jeunes et vieux, le lien
entre amis et compagnons, c’est ce qu’on appelle le principe des cinq

appariements (wu ) » (Huainanzi, ch. 20, trad. Anne Cheng, Pléiade).
On a donc Trois expressions (la triple manifestation), au Ciel, sur Terre
et dans le médian où vivent les hommes, des souffles qui fondent les
rapports entre supérieurs et inférieurs ; on a le haut, le bas et ce qui se passe
entre eux. Puis les Cinq relations sociales, qui s’étendent à tous les
membres de la société dans des rapports aussi bien égalitaires que
hiérarchisés. On retrouve ainsi les valeurs propres de Trois et de Cinq dans
une présentation qui prétend organiser harmonieusement l’ensemble des
souffles de la société humaine.

L’organisation qui se construit au fur et à mesure qu’un être prend


forme, de l’embryon au nouveau-né, peut, elle aussi, être exprimée par
Cinq. Un texte du Guanzi 14, sans prétention médicale particulière et
antérieur à la mise en place des correspondances définitives entre les
éléments, les organes, les saveurs, les parties du corps…, en atteste :

« L’homme est eau. Quand il y a conjonction (he ) des essences-et-
souffles (jing qi 精氣 ) d’un homme et d’une femme, l’eau en s’écoulant
prend une forme. À trois mois, il mâche. Que mâche-t-il  ? Les Cinq
saveurs. Que font les Cinq saveurs  ? Les Cinq organes (wu zang 五藏 )  :
l’acide maîtrise la Rate ; le salé, le Poumon ; l’âcre, les Reins ; l’amer, le
Foie  ; le doux, le Cœur. Les Cinq organes zang une fois achevés, il y a
production des Cinq [constituants] internes (nei 內 )  : la Rate produit le
diaphragme ; le Poumon, les os ; les Reins, le cerveau ; le Foie, la peau ; le
Cœur, les chairs. […] Au cinquième mois [de gestation], tout est achevé
成 生
(cheng ) et au dixième mois, il naît (sheng ) » (Guanzi, ch. 39).
Dans beaucoup d’autres textes, c’est au septième mois que le fœtus est
achevé. Mais ici le texte insiste sur la valeur constitutive du Cinq. Par Cinq
tout est mis en place, organisé. Par 2 fois 5, Dix, tout est achevé et formé.

1. Également traduits par Cinq agents ou Cinq phases.


2. Selon les cas et les besoins, cette qualité de souffles se placera en
différentes périodes de l’année. Elle se fixe le plus souvent entre l’été et
l’automne, ou encore s’insère entre chacune des Quatre saisons.
3. Texte vraisemblablement rédigé vers la fin du IVe siècle avant J.-C.
4. Les Cinq éléments sont habituellement disposés sur un cercle : l’Eau,
correspondant à l’hiver et au nord, est en bas, au nadir  ; le Feu,
correspondant à l’été et au sud, est en haut, au zénith  ; le Bois,
correspondant au printemps et à l’est, est à gauche (d’un observateur faisant
face au diagramme) et le Métal, correspondant à l’automne et à l’ouest, est
à droite. La Terre se trouve soit au centre soit entre le Feu et le Métal, c’est-
à-dire au sud-ouest.
5. Si l’on prend la série numérique de 1 à 9, au lieu de 1 à 10, Cinq peut
garder sa position centrale ; on a alors Cinq (chiffre impair) nombres pour
le Ciel, le yang (1, 3, 5, 7, 9), mais seulement Quatre (chiffre pair) nombres
pour la Terre, le yin (2, 4, 6, 8).
6. Cf. Appendice, Choix de textes classiques, p. 190.
7. Les cinq organes zang sont : le Foie, le Cœur, la Rate, le Poumon, les
Reins.
8. En tant que Un, le Cœur est centre du non-sensible, du sans-forme,
mental, morale, jugements, des relations au Ciel… alors que la Rate est
centre des formes sensibles et de ce qui renouvelle ces formes, Terre.
9. Cf. Guanzi, ch. 8 (Youguan).
10. Aussi traduits Cinq agents ou Cinq phases.
11. Par mutilations corporelles ou par des châtiments de substitution.
12. Wu li 五禮   : les devoirs propres aux cinq classes de la société. Les
cinq rangs de la société sont le roi, les princes, les ministres d’État, les
grands préfets, les simples officiers. Ou, selon une autre liste  : le roi, les
princes, les ministres d’État et les grands préfets, les simples officiers, le
peuple.
13. À l’époque Ming et dans certains contextes.
14. Ce texte a sans doute été rédigé vers la fin du IIIe siècle ou au début
du IIe siècle avant J.-C.
Six ou le flux organisé


LIU

GRAPHIE DU CARACTÈRE

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

Ces hypothèses travaillent sur les formes anciennes du caractère six  :


ou ou ou .
La graphie du nombre serait la représentation d’un geste de la main et
des doigts, mais qu’on ne peut préciser. Il s’agirait peut-être d’un poing
fermé (main repliée, pouce rentré) ou encore d’une main fermée laissant
saillir le pouce et l’auriculaire.
La thèse de l’emprunt phonétique propose un caractère de prononciation

semblable, soit celui signifiant «  rentrer  » (ru ) et qui serait, de plus,
proche graphi quement (cf. Shuowen), soit celui pour un champignon, dont
le caractère aurait aussi la forme.

La thèse traditionnelle, le Shuowen

六 易
« Six (liu ) c’est le nombre des Mutations (yi ) : le yin change à six
et reste prépondérant à huit » (Shuowen).
Le Shuowen explique le nombre Six en fonction du Yijing : si l’on tire le
nombre Six, dans la construction d’un hexagramme par les sorts, on obtient
une ligne yin (brisée) qui va muter en une ligne yang (continue) quand on
transforme l’hexagramme obtenu en un autre (hexagramme dérivé). Si l’on
tire le nombre Huit, on a aussi une ligne yin, mais qui reste invariable.
La ligne yin obtenue avec le nombre Six est appelée un Taiyin, vieux
yin ou grand yin, le yin au maximum de son développement et de sa
puissance ; alors que la ligne yin obtenue avec le nombre Huit est appelée
un Shaoyin, jeune yin, le yin dans ses commencements.
On comprend que le Taiyin ou vieux yin soit celui qui change, car le yin
arrivée à son maximum ne peut qu’évoluer vers le yang, comme l’hiver
(Taiyin, vieux yin) ne peut qu’annoncer le printemps (Shaoyang, jeune
yang), alors qu’un jeune yin (automne) va continuer dans le yin et
s’enfoncer dans l’hiver et donc ne pas changer de yin en yang.
Cependant, le Shuowen donne une indication intéressante par la manière

dont il décompose le caractère. Il décèle le caractère pour « rentrer » (ru )

dans la partie supérieure et celui pour huit (ba ), c’est-à-dire le signe de la
division, dans la partie inférieure. Cela est bien visible dans une forme
comme .
On comprend combien il était tentant de voir ce signe de la division ,八

puisqu’il était déjà présent dans la graphie de Quatre (si ) et qu’il est lui-

même le nombre Huit (ba ). On a donc alors un élément commun aux
nombres pairs et qui indique leur divisibilité, comme ils se séparent
toujours aisément en deux ou multiples de deux.

SIX
Les graphies archaïques de Six ou ou évoquent la
fermeture, le toit, le couvert, l’intérieur, la demeure. On y décèlera
ultérieurement la rentrée, la pénétration, des qualités spécifiques du yin.

Six sert pour la mise en œuvre de l’organisation initiée à Cinq ; c’est


le nombre par excellence de ce qui administre par répartition : répartition
des souffles yin yang en Trois paires dont les échanges forment l’univers
connu, au croisement du dynamisme céleste et de la soumission
terrestre ; divisions des services du gouvernement ou de l’administration,
sur le modèle des Six ministères ; représentation des réalités constituées
de l’ensemble des souffles yin yang par des hexagrammes composés
chacun de Six lignes continues ou brisées.

Six, c’est le flux et reflux des souffles animateurs, dont les échanges
construisent et entretiennent chaque espace où se déploie la vie.

Six est donc le nombre de base de l’organisation des grands courants


animateurs. Dans les phénomènes naturels, ce sont Six sortes d’esprits à
qui l’on sacrifie sur les Six autels ancestaux. Dans le sol et sur terre, ce
sont les rivières et cours d’eau  ; et, analogiquement, dans le corps de
l’homme, les Douze méridiens qui règlent toutes les circulations vitales.
Dans le temps, c’est le cycle de 60 jours ou de 60 ans.

En grande écriture, Six c’est 陸 : terre ferme, continent, voie terrestre
(comme une route).

Que le Shuowen voie le caractère pour « rentrer » rejoint ce qui semble


bien appartenir à la graphie originelle, sinon pour le sens, du moins pour
l’idée  : la fermeture, la pénétration à l’interne, notion devenue une des
caractéristiques du yin à l’époque du Shuowen.

DE CINQ À SIX

Le Six est la suite du Cinq. Cinq est une centration ; Six est une triple
conjonction, par laquelle s’effectuent les mouvements initiés à Cinq  : à
partir du Centre, l’espace est occupé ; à partir de l’organisation intime de la
vie, se constituent les normes du flux yin yang qui l’animent et
l’entretiennent.
La simple variation du yin yang sur Quatre donnait les Quatre saisons,
les Quatre images (si xiang 四象 ). La variation sur Six est un mouvement
plus complexe. Le yin yang se module à présent sur Trois couples, sur le
grand modèle des Six réunions ou Six jonctions (liu he 六合 ), qui sont les
échanges dynamiques entre Ciel et Terre des Quatre variations du souffle
exprimées par les Quatre directions (si fang 四方 ).

SIX JONCTIONS
Les Six jonctions (liu he 六合 ) sont les Quatre directions (4) avec le
haut et le bas (2), pour organiser la dynamique des échanges entre Ciel et
Terre et former ainsi le monde où se developpe la vie. C’est faire tourner le
Ciel et s’offrir la Terre et marquer les relations archétypales ainsi prises. La
Terre offre ses Quatre faces, ses Quatre amas de souffles  : les Quatre
directions ou territoires (si fang四方 ). Le Ciel l’enveloppe par le haut et le
bas, par les montées et les descentes, établissant ainsi comme un axe de
rotation universelle ; il fait tourner ses souffles yin yang, qui font apparaître
le couple Ciel et Terre, qui forment les Quatre saisons et qui sont les Six
influences atmosphériques.
Les Six jonctions forment le lieu défini et délimité du déroulement des
existences qui s’entretiennent au contact du Ciel et de la Terre, des
échanges yin yang entre Ciel et Terre.
Six est le prototype des relations et des voies de cheminement qui
entretiennent la vie et qui forment, par leur réseau même, un espace de vie
délimité, où les frontières s’établis-sent naturellement.
« Les Six jonctions (liu he 六合 , l’univers connu) sont ce qu’il y a de
plus grand, mais elles sont contenues tout entières (dans la Voie)  »
(Zhuangzi, ch. 22).
« Lorsqu’un enfant mâle venait au monde (on suspendait un arc au côté
gauche de la porte ; trois jours après), on prenait un arc de bois de mûrier et
six flèches faites de roseau ; on lançait ces flèches vers le ciel, vers la terre,
vers les quatre points cardinaux. Le ciel, la terre, les quatre points cardinaux
étaient les lieux où l’enfant devait plus tard exercer son action. Il fallait
qu’il dirigeât ses vues vers les lieux où son action devait s’exercer, avant
qu’il se permette de manger des grains, c’est-à-dire de la bouillie » (Liji, ch.
Sheyi, trad. Couvreur).
Les Six jonctions sont l’enveloppement qui permet l’accomplissement ;
c’est ce qui soutient, maintient, entretient ; c’est le lieu de toute activité.

L’expression Six jonctions (liu he 六合 ) peut se comprendre à plusieurs


niveaux :
1. Le haut et le bas (Ciel Terre) et les Quatre directions  : l’espace
cosmique construit et déterminé par les échanges dynamiques des souffles
différenciés (4) entre Ciel et Terre (2). Ce que nous venons de voir.
2. Sous le Ciel, le monde des hommes : les souffles qui font la société
humaine, à l’image du cosmos, et qui modèlent le tissu relationnel.
Analogiquement, dans le corps humain, les Six conjonctions des Douze
méridiens renforcent les relations yin yang et les échanges haut bas, interne
externe (cf. Six en médecine, p. 109).
六親
Six relations (liu qin ) maintiennent la cohésion familiale et règlent
les relations au sein des familles, à l’image des Six jonctions qui organisent
les mouvements relationnels du Ciel Terre. Leur liste varie, mais prétend
toujours couvrir tous les niveaux de parenté sur plusieurs générations.
3. Des conjonctions particulières entre des moments du temps. Six
conjonctions parmi toutes celles possibles entre les Douze rameaux
terrestres1 déterminent des moments propices (1 et 2 - 3 et 12 - 4 et 11 - 5 et
10 - 6 et 9 - 7 et 8). Certaines conjonctions sont des conjonctures
particulièrement favorables. Six conjonctions parmi toutes celles possibles
entre les Douze mois de l’année2, comme le premier mois du printemps
avec premier mois de l’automne, le premier mois de l’été avec le premier
mois de l’hiver… Les mouvements propres à chaque mois sont résumés de
façon opposée/complémentaire. L’erreur commise au 1er mois se voit au 7e
mois (= 1er de l’automne) et une erreur au 7e mois se voit au 1er, etc.
L’équilibre est ainsi assuré ou perturbé.
On constate que le nombre Six et son doublement, Douze, sont très
solidaires. Il y a ainsi Six conjonctions des Douze rameaux terrestres, des
Douze mois de l’année (qui sont Six mois yin et Six mois yang). On a, par
ailleurs, Six tubes musicaux, qui sont en fait Douze (Six mâles et Six
femelles), ou encore Six qualités des souffles yin et yang qui forment
Douze méridiens…

SIX SOUFFLES

Six est donc l’ensemble des souffles dans l’entre-Ciel Terre, avec des
variations, des fluctuations, des changements qui se voient bien sûr au long
des Quatre saisons, mais qui se combinent de toutes les manières.
Quand la vision du monde évolue et que tout s’organise par Cinq, on
parlera de Cinq souffles, de Cinq vouloirs ou émotions fondamentales,
mouvements intérieurs de base. Mais plus anciennement le nombre Six est
celui des souffles du Ciel, comme il est celui des désirs et des tensions
internes.

Un texte ancien comme le Guoyu (Zhouyu 3-2) attribue Six au Ciel et


Cinq à la Terre et qualifie ces nombres de «  constant, normatif, loi
fondamentale » (chang ). 常
D’autres textes, tirés du Zuozhuan, reprennent cette conception. Le Ciel
envoie Six souffles, que la Terre manifeste dans les couleurs, les saveurs,
les sons… tout ce qui est perceptible par nos sens. La variation des Six
souffles du Ciel correspond sur Terre à des différences dans ces couleurs,
saveurs, odeurs, différences qui se rangent en Cinq catégories, qui ne sont
pas encore la théorie des Cinq éléments. L’entretien organisé de la vie se
fait sur Terre par Cinq et la régulation céleste par Six.
« Le Ciel possède Six souffles (liu qi 六氣 ) qui, descendant (sur Terre)
génèrent les Cinq saveurs (wu wei 五味 )  ; leur déploiement est les Cinq
couleurs (wu si 五色 ), leur manifestation les Cinq sons (wu sheng 五聲 ) ;
en excès ils génèrent les Six sortes de maux (liu ji 六疾 ). Les Six souffles
sont le froid (qui règne à l’ombre) et la chaleur (qui règne au soleil), le vent

et la pluie, l’obscurité et la lumière. Leur division (fen ) donne les Quatre
saisons et leur succession les Cinq rythmes (wu jie 五節 ), mais leurs
débordements sont les calamités » (Zuozhuan, 1re année du Duc Zhao).

Ces souffles sont perçus comme étant analogiquement en l’homme ses


propres tendances, désirs et passions.
« En l’homme, attrait et aversion, allégresse et colère, affliction et joie
sont générés par ces Six souffles. C’est pourquoi on contrôle ses Six
vouloirs (liu zhi 六志 ) par une claire connaissance des catégories
appropriées (selon les corrélations avec ces souffles)  », (Zuozhuan, 1re
année du Duc Zhao).
Le Guanzi reprend la même série de Six :
« Les goûts et saveurs, le mouvement et le repos sont l’entretien de la
vie. Attraits et aversion, allégresse et colère, affliction et joie sont les
changements dans la vie. Acuité et finesse ainsi que des réactions

appropriées sont la puissance efficace (vertu, de ) de la vie. Ainsi donc
les sages ajustaient goûts et saveurs, se mettaient en mouvement et se
reposaient en temps opportun, guidaient correctement les changements dans
les Six souffles et s’interdisaient la luxure et la débauche » (Guanzi, ch. 26,
Jie).
Le nombre des inclinations ou vouloirs deviendra Cinq, sur le modèle
des Cinq éléments, associés aux Cinq zang, alors que le nombre des
émotions sera Sept (cf. étude de Sept). On trouve cependant régulièrement
le nombre Six associé aux émotions, comme la variation en l’homme des
Six souffles constitutifs de l’univers3.
Contrôler les Six souffles, c’est être maître de soi comme de l’univers.
«  Si, par contre, monté sur la Norme du Ciel Terre, on mène
parfaitement l’attelage des Six souffles, pour randonner à travers le Sans
limites, a-t-on encore besoin d’un appui ? » (Zhuangzi, ch. 1).
« Les souffles du Ciel ont perdu leur harmonie, les souffles de la Terre
sont bloqués, les Six souffles sont désaccordés, les Quatre saisons ont perdu
leur régulation. Je voudrais à présent réunir (he 合 ) les essences des Six
souffles pour entretenir la vie de tous les êtres » (Zhuangzi, ch. 27).
Analogiquement, l’attelage du char impérial est à Six chevaux  : les
souffles différenciés circulent et travaillent ensemble.

Six sacrifices et Six vénérables

Six, anciennement le nombre de référence des souffles du Ciel, est aussi


celui des hommages rendus aux puissances qui les animent  : Six autels
ancestraux (liu shi 六示 六宗
), Six sortes d’esprits (liu zong ) auxquels on
rend Six sortes de sacrifices.
«  Ensuite il offrit un sacrifice extraordinaire au Shang di, fit des
offrances aux Six Vénérables (liu zong 六宗 ) avec une intention parfaite ;
puis, se tournant vers les montagnes et les cours d’eau célèbres, il leur
rendit des honneurs semblables, ainsi qu’à toute la multitude des esprits »
(Shujing, ch. Shundian, trad. Couvreur).
Ces Six vénérables sont différemment interprétés selon les
commentateurs. Par exemple :
– À l’image des Six jonctions, ils représentent l’axe Ciel Terre avec
Quatre souffles différenciés. Ce sont alors le Ciel, la Terre et les Quatre
saisons ou encore le Ciel, la Terre et les Quatre directions.
– À l’image des Six souffles, ils représentent Trois paires de puissances
naturelles yin yang : l’eau et le feu, le tonnerrre et le vent, les montagnes et
les marais (terres hautes et terres basses).
– On trouve encore deux triades : Trois vénérables du Ciel : soleil, lune,
étoiles et Trois sur Terre : fleuves, mers, pics.
– Plus tardivement, on tente de tout englober et on fait des Six
vénérables les puissances divines se manifestant sous les grands aspects yin
yang des phénomènes naturels : les Quatre saisons (yin yang), le froid et la
chaleur (yin yang), le soleil (yang), la lune (yin), les étoiles (yin yang),
l’inondation et la sécheresse (yin yang).
– Finalement, on peut les assimiler à des divinités perçues comme
responsables du monde : les Cinq empereurs (cf. Cinq, p. 87, 88) exprimant
les aspects variés de la vie sur Terre et le Grand empereur qui les domine et
les unifie.
L’important est de trouver le nombre Six associé aux puissances
constitutives de l’univers entre Ciel et Terre auxquelles on sacrifie. Les
sacrifices et rituels vont aisément par Six4, même si beacoup d’autres
nombres sont aussi possibles. Ainsi Six grands rites rythment la vie et
régulent les comportements  ; une cérémonie aussi importante et fastueuse
que le mariage, est divisée en Six parties rituelles.

Six sources de richesse

L’homme se sert de ce que lui offre la nature pour satisfaire ses besoins
vitaux  : se nourrir, se vêtir, se loger, se protéger, fabriquer des ustensiles,
etc. On répartit sur Six ces choses nécessaires à la vie de l’homme sur
Terre ; ce sont les Six sources de richesse (liu fu 六府 ) offertes par les lacs
et les rivières (Eau), l’usage du feu (Feu), le travail des métaux (Métal),
l’exploitation des arbres et des forêts (Bois), l’utilisation de la glaise (Terre)
et la culture des champs (céréales).
Les Six modalités du souffle céleste générant la vie trou-vent ici comme
leur contrepartie dans les Six modalités sous lesquelles la Terre entretient la
vie.
«  La Terre a été aplanie et le Ciel a parachevé (la production de la
végétation et des êtres). Les Six sources de richesse (liu fu 六府 ) et les
Trois affaires (san shi 三事 ) sont bien réglées  ; Dix mille générations en
tireront à jamais profit » (Shujing, ch. Dayumo).
Le Zhuozhuan explique :
«  Les six sources de richesses et les trois affaires sont ce que les
Annales appellent les objets des neuf occupations (jiu gong 九功 ). L’eau, le
feu, les métaux, le bois, la terre, les grains sont ce que les Annales appellent
les six sources de richesses. La réforme des mœurs, l’acquisition des objets
nécessaires, les moyens de vivre commodément, c’est ce que les Annales
appellent les trois affaires » (7e année du duc Wen, trad. Couvreur).
Les Six sources de richesse sont placées sous la responsabilité d’un
organisme ; l’expression prend alors le sens des Six ministères s’occupant
des ressources vitales du pays.
La même expression devient, dans le corps, les Six organes fu chargés
de l’assimilation des nutriments et du rejet des matières inutilisables. Ce
sont  : Estomac, Gros intestin, Intestin grêle, Vésicule biliaire, Triple
réchauffeur et Vessie.
Les Six souffles peuvent aussi être ce qui est nécessaire à l’entretien de
la vie, réparti en Trois couples : essences et souffles (jing qi 精氣 ), liquides
corporels légers et denses (jin ye 津液 ), le sang et ses circulations (xue mai
血脈 )5.

Six instances administratives

Six est le nombre qui rend compte de la même organisation dans la


société humaine, qu’elle soit civile avec les Six ministres (liu qing 六卿
) et
les Six ministères (liu fu 六府 ), ou militaire avec les Six corps d’armée (liu
shi六師 ).

Six sert de préfixe désignant des divisions des services du


gouvernement ou de l’administration, en particulier sur le modèle des six
ministères. Les Six ministères sont le sextuple contrôle de la vie sociale, la
sextuple influence que le gouvernement répand sur les sujets pour régler
leur vie.
Un livre comme le Rituel des Zhou (Zhouli) qui décrit minutieusement
tous les fonctionnaires, les répartit en Six grands ministères : Ciel, Terre et
Quatre saisons. Sans avoir la répartition du Zhouli, les groupes de Six
ministres (liu qing六卿 ) autour du prince sont anciens6.

De même, l’armée est anciennement organisée en Six corps7 qu’il faut


maintenir dans la bonne discipline pour assurer l’ordre.
«  Le ministre de la guerre dirigera les expéditions militaires de
l’Empire, conduira les six légions (liu shi 六師 ) et maintiendra la
tranquillité dans tous les États » (Shujing, ch. Zhouguan, trad. Couvreur).

Six lignes

Les lignes discontinues yin et continues yang se combinent pour former


les trois lignes supérieures et les trois lignes inférieures d’un hexagramme.
Ces Six lignes (liu yao六爻 六
) sont aussi appelées les Six vides (liu xu
虛 ) quand on veut insister sur les changements et fluctuations, tout comme
les variations du temps.

SIX EN MÉDECINE

À six, tous les souffles (3) yin yang (2) s’entrecroisent, communiquent,
se conjoignent pour régler la vie par leurs circulations et échanges. Dans le
corps humain, des trajets qui se détachent des méridiens, appelés trajets
distincts (jing bie經別 ) renforcent les relations du yin dans le yang et du
yang dans le yin. Chaque méridien yang détache un courant de souffles
pour renforcer ses relations avec le yin du corps (interne, cœur, organes
zang) alors que chaque méridien yin détache un courant de souffles pour
renforcer ses relations avec le yang, c’est-à-dire le haut du corps (nuque et
gorge, organes des sens, face, encéphale). Ce sont les Six jonctions (liu he)
dans le corps.
Les Six variations des souffles yin yang dans le corps forment les Six
qualités du souffle, que l’on retrouve dans les Douze méridiens et qui sont
la base du Shanghanlun.
Prenons l’exemple des Trois qualités du yang, qui se retrouvent dans les
Six variations du souffle ainsi que dans les Douze méridiens :
Le yang commence et perce, avec l’impétuosité et la fragilité,
l’instabilité et la force de la jeunesse pleine de potentialités non encore
réalisées, comme l’enfant plein d’avenir mais non encore affirmé  : jeune
yang, petit yang, Shaoyang.
Le yang arrive à complétion, il a sorti sa puissance et la déploie
largement, mais n’a plus rien d’autre à exprimer, comme l’adulte qui ne
grandit plus, mais dont la force culmine et s’impose avant de décliner  :
vieux yang, grand yang, Taiyang.
Le yang pénètre le yin et montre sa puissance dans les substances  ; il
affirme sa richesse et montre sa splendeur  : yang radieux, yang brillant,
Yangming.
Dans les textes médicaux et selon la distribution par Six, le yin varie
aussi sur Trois :
Le yin se montre dans la plénitude des formes, la visibilité, comme à
l’automne dans les grains et les fruits bien mûrs : grand yin, Taiyin.
Le yin se fait secret, mécanisme intime de la vie  : yin imperceptible,
petit yin, Shaoyin.
Le yin se concentre pour préparer l’avènement du yang, il tend vers le
yang comme la nuit tend vers l’aurore : yin qui prépare l’élan, yin du reflux
pour un afflux, Jueyin.

L’expression Six mai (liu mai 六脈 ) peut désigner soit les Six types de
circulations vitales (la somme des trois méridiens yin et des trois méridiens
yang), soit les Six aspects fondamentaux du pouls (trois couples yin yang :
superficiel ou profond, long ou court, glissant ou rêche), soit les Trois
positions bilatérales de la prise des pouls radiaux (distale, médiane,
proximale).
L’expression Cinq mai (wu mai 五脈 ) réfère uniquement aux pouls des
Cinq organes zang.

Les Six changements (liu bian 六變 ) sont les Six variations majeures
des pouls.
Les Six débordements (liu yin 六淫 ) sont les dérèglements des Six
influences atmosphériques (vent, froid, chaleur, sécheresse, humidité et feu)
provoquant des maladies.

SIX DANS LE DÉROULEMENT DU TEMPS

Six est aussi la base des circulations cycliques de souffle. L’association


des Dix troncs célestes et des Douze rameaux terrestres8 donne 60
combinaisons différentes et compose un cycle de 60 jours ou de 60 ans (6 ×
10)9.
Appliqué aux jours, on a six décades. Si l’on multiplie à nouveau par 6
(nombre des souffles du Ciel) ces 60 jours, on obtient le nombre
représentatif des jours de l’année : 60 × 6 = 360.
« Le Ciel a 10 jours  ; Six révolutions de la décade font revenir jia (le
jour initial). Six révolutions à nouveau amènent le terme d’une année. C’est
le système des 360 jours » (Suwen, ch. 9).
On peut, par exemple dans le bouddhisme, diviser le jour et la nuit
chacun en trois temps ; ce sont les Six périodes du nycthémère (liu shi 六
時 ).

PAR SIX ET PAR CINQ

Certaines séries peuvent être par Cinq ou par Six, ou bien se répondre
de Cinq à Six.
Beaucoup de notions réparties en Cinq par l’application de la théorie
des Cinq éléments peuvent également se retrouver réparties en Six. On
reprend alors régulièrement la liste de Cinq correspondant aux Cinq
éléments, et on ajoute un terme qui, souvent, exprime quelque chose qui va
au-delà de la série des Cinq.
Ainsi les Six souffles ne sont plus les Trois couples identifiés
anciennement (froid et chaleur, vent et pluie, obscurité et lumière), mais le
vent correspondant à l’élément Bois, la chaleur correspondant au Feu, le
froid correspondant à l’Eau, la sécheresse correspondant au Métal,
l’humidité correspondant à la Terre, auxquels on ajoute un feu qui se répand
partout entre Ciel et Terre. De même les Six saveurs sont les Cinq saveurs
en corrélation avec les Cinq éléments (amer, acide, doux, âcre, salé) plus
l’insipide. Les Six couleurs sont le vert, le rouge, le jaune, le blanc, le noir
plus le sombre10.
Les Cinq notes et les Six tubes musicaux  : Cinq notes inaudibles font
retentir les sons à travers Six tubes musicaux. On distingue en fait Six tubes
donnant des notes mâles (liu lü 六律 ) et Six donnant des notes femelles (liu
lü六呂 ) soit un total de Douze.
En médecine, les Cinq organes zang et les Six organes fu sont
l’ensemble des viscères du corps humain. Les Six fu, liés au yang et à
l’extérieur, s’occupent des substances, de leurs transformations et de leur
circulation ; alors que les Cinq zang, liés au yin et à l’interne, gardent les
esprits vitaux et sont responsables de l’harmonie des souffles.
Les Cinq mouvements et les Six souffles (wu yun liu qi 五運六氣 ) sont
cinq modalités de distribution au long du temps des souffles exprimant les
cinq éléments, et les six souffles exprimant les six influences climatiques.
La théorie médicale exploite les relations de ces cycles concomitants avec
les pathologies de chaque période.
Les Six parties du corps (liu ti 六體 11) se comprennent sur le modèle

des Six jonctions. Ce sont la tête, le tronc et les Quatre membres, c’est-à-
dire le Ciel, la Terre et les Quatre directions. Les Cinq parties du corps (wu
ti五體 ), dans le même ordre d’idée, sont la tête avec les Quatre membres,
la répartition par Quatre autour d’un centre, ici en position supérieure et de
commandement.
On pourrait multiplier les exemples de listes menées soit par Cinq soit
par Six. Parfois la différence est assez claire ; parfois il s’agit plutôt d’une
redondance liée à des questions d’évolution historique.

Signalons qu’en chinois parlé, on peut dire « quatre, cinq, six » (si wu
liu四五六 ) pour parler de la raison d’être, du pourquoi (d’une affaire,
d’une situation, etc.).

1. Les Douze rameaux ou branches terrestres sont douze caractères


utilisés pour nommer les douze heures de la journée, les douze signes du
zodiaque, etc. Associées aux Dix troncs célestes, elles constituent les 60
binômes qui servent à nommer les jours et les années.
2. Cf. Huainanzi, ch. 5.
3. Ainsi en Lüshi chunqiu, Baihutong…
4. Cf. Zhouli, ch. Dazongbo.
5. Cf. Lingshu, ch. 30, par exemple.
6. Cf. par exemple Shujing, ch. Zhouguan ; Zuozhuan, 26e année du duc
Ai, etc.
7. On parle aussi souvent des “Trois armées “ (san jun).
8. Deux séries de caractères sont employés en paire pour désigner les
années. On couple le premier des Dix troncs célestes au premier des Douze
rameaux terrestres, puis le deuxième tronc céleste au deuxième rameau
terrestre et ainsi de suite  ; après le couple formé du dixième tronc et du
dixième rameau, on continue en couplant le premier tronc céleste au
onzième rameau terrestre, le deuxième tronc au douzième rameau, le
troisième tronc au premier rameau… On retrouve alors le premier couple :
premier tronc céleste et premier rameau terrestre, au sixème retour du
premier tronc céleste, c’est-à-dire après 60 couples.
9. Pour la multiplication de Six et de Douze, cf. p. 175, 176.

10. Le sombre (xuan ), couleur de l’eau profonde ou du ciel nocturne,
évoque l’insondable du mystère originel.
11. L’expression liu ti 六體 signifie aussi 6 modes de formation des
六書
caractères chinois, aussi appelées les liu shu .
Sept ou l’émergence

QI七
GRAPHIE DU CARACTÈRE

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

La forme ancienne du caractère sept pendant des siècles (des Shang aux
Zhou orientaux) est une croix1 : ou . Elle symboliserait une coupure ;
couper, trancher, inciser étant le sens d’un caractère homophone 切
qui se

compose du sept et du couteau . 刀
Pour certains, la graphie de Sept représenterait un signe inconnu de la
main et des doigts, censé indiquer ce nombre.

La thèse traditionnelle, le Shuowen

Le Shuowen fonde son explication sur la graphie de Sept où la partie


inférieure du trait vertical se courbe et fait comme une boucle avant de
s’élancer vers le haut :

« Sept (qi )  : dominance du yang. Le caractère se compose du trait

horizontal et d’un brin de yin qui s’échappe en oblique. »
Le trait horizontal qui est aussi l’écriture du nombre Un 一 , sert de
base ; il est coupé par un trait vertical. Le Shuowen ne semble pas attribuer
de valeur yang au vertical et yin à l’horizontal  ; il est plutôt sensible à la
valeur yang du nombre, prépondérante à son époque comme le nombre du
Shaoyang, jeune yang. Dans la mouvance du Yijing, c’est le nombre de la

ligne yang ( ) non mutante ; le yang qui reste yang.
Mais le Shuowen est aussi sensible à ce qui sort du yin, encore fragile
comme tout ce qui commence. D’où le yin ténu (wei yin 微陰 ) qui sort (chu
出 ) après des repliements marquées par la sinuosité du trait inférieur.
Certains y voient la petite pousse sortant du yin (terre) et montant vers
le yang (lumière). La coupure est alors une percée, une ouverture par où
peut sortir ce qui vient du yin.
On notera avec intérêt que le nombre Six était lié à la rentrée et que Sept
est lié à la sortie. D’abord pénétrer à l’interne pour pouvoir émaner vers
l’extérieur.
De toute façon, on a un rapport yin yang, où le yang surgit du yin, où le
yin donne au yang de s’élancer vers l’extérieur. Toute la force vitale du
yang vient de la richesse du yin. Si le yang ne tire pas sa puissance de la
richesse du yin, il ne durera pas, ne maintiendra pas sa force de
développement, la plupart du temps parce que l’excitation et l’emballement
épuisent les ressources. Le surgissement n’est pas un arrachement. Pour
l’avoir oublié, beaucoup se retrouvent perdus ou démunis.

SEPT
Les graphies archaïques du nombre Sept sont une croix ou dont
la branche horizontale est parfois réduite ou . On a donc un trait
vertical, une montée, qui traverse ou coupe un trait horizontal moins
important. D’où la possibilité d’y voir une émergence, le yang qui
apparaît, la jeune pousse qui vient au jour.

Vers la fin du IIIe siècle avant J.-C., le trait vertical, de droit qu’il
était, se courbe dans sa partie inférieure. Ce qui donne le caractère
classique pour Sept .七
Sept symbolise l’apparition concrète de la puissance de vie, l’élan
vital, avec ses excès et ses dangers. Tout surgissement contient son
dérèglement potentiel, et il faut maîtriser la force qui pousse à sortir, de
façon qu’elle ne devienne pas violence incontrôlée. Le Sept, qi, est le
seul nombre (avec mille, qian) à être prononcé avec une aspiration.

Sept est l’élan, le jaillissement. Il est l’émergence d’une inspiration


secrète. Le yin yang (2) et les Cinq éléments (5) constituent sa puissance,
et doivent en garder l’ordre intime pour éviter désordres et désastres.
Sept orifices supérieurs (du yang clair), Sept émotions, Sept Po
représentent ce surgissement de la vie dans le mental comme dans le
corporel.

En grande écriture, Sept c’est 柒 : arbre à laque.


Nombre du Shaoyang, du jeune yang, le Sept se trouve donc
indirectement lié à l’élan printanier.

En médecine, le Shaoyang est associé à la Vésicule biliaire, à l’élément


Bois, à la puissance des commencements, mais aussi à la justesse, la
rectitude si importantes dans les débuts. Cependant, la puissance du
surgissement ne peut venir que de l’enracinement dans la profondeur, le
yang ne peut sortir que du yin.
Sept doit être un nombre d’équilibre entre le yin et le yang. Une image
du Sept pourrait être la peau du tigre, où alternent les rayures.

Sept et le tigre

On trouve souvent le Sept associé à l’Ouest, alors qu’on attendrait une


association avec l’Est, où le soleil se lève.
On peut trouver une analogie entre le Sept et le tigre, animal lié au 3e
rameau terrestre (3 à 5h - ENE), qui pullule dans les territoires de l’Est et
dont le feulement fait lever le vent  ; mais qui en tant que tigre blanc est
associé à l’Ouest, à la planète blanche du Métal (Vénus)2.
Sept est un nombre qui convient au tigre : « Trois fois neuf font vingt-
sept. Sept commande les astres, qui commandent les tigres  ; ceux-ci
naissent donc au septième mois » (Huainanzi, ch. 4) (cf. Appendice 2).
Les tigres commencent à s’accoupler au cœur de l’hiver3 et les petits
naîtront à la fin de l’été.
Le tigre manifeste la parfaite alliance du yin et du yang : superbement
immobile au repos, il se détend avec puissance et justesse  ; sa capacité à
bondir de toute la force des muscles sur sa proie ne l’empêche pas de
retourner au repos, d’où il tire la force d’un nouveau saut. Cette harmonie
intérieure, qui se voit dans la régularité des stries de son pelage, en fait une
image possible des esprits vitaux (jing shen).
Sept, de même, est une concentration pour un jaillissement qui doit
garder le calme qui préside à l’ordre et à l’harmonie. La régulation est donc
fondamentale pour le Sept.

LES SEPT RÉGULATEURS

«  (L’Empereur Shun) examina la sphère (armillaire) précieuse et la


pièce transversale en jade pour ajuster les Sept régulateurs (qi zheng 七
正 ) » (Shujing, ch. Règle de Shun).
L’instrument dont il est ici question est sans doute une sorte de sphère
armillaire, utilisée pour représenter le cours des astres. Il est important de
bien calculer pour établir le calendrier et ajuster les activités humaines aux
saisons envoyées par le Ciel. Par l’emplacement des corps célestes, par la
connaissance de leurs mouvements, on sait le moment du temps dans lequel
on est, à l’intérieur d’un déroulement régulier.
Les Sept régulateurs sont donc ce qui gouverne le temps et les saisons.
Ils sont le plus souvent interprétés comme étant le soleil, la lune et les Cinq
planètes. Sept est alors la somme de Cinq et de Deux. Par la suite, cette
somme est comprise comme celle du yin (lune), du yang (soleil) et des Cinq
éléments (planètes), c’est-à-dire l’ensemble de ce qui fonde les
mouvements ordonnés des souffles dans le cosmos par la doctrine du yin
yang et des Cinq éléments (yin yang wu xing 陰陽五行 ).
D’autres interprétations de l’expression se trouvent dans des textes et
des contextes différents. Ainsi les Sept régulateurs (qi zheng 七正 ) peuvent
représenter les Sept étoiles de la Grande Ourse, considérées comme le pivot
des mouvements des corps célestes. Ou encore le Ciel, la Terre, l’Homme et
les Quatre saisons, la somme des Trois puissances et de la variation
fondamentale des souffles yin yang. Signalons enfin un usage particulier
comme les Sept principes qui règlent l’art militaire.
Le mouvement régulier de ces Sept régulateurs, le Soleil et la Lune et
les Cinq planètes, est l’exemple d’une vitalité puissante qui se développe
selon un ordre majestueux. Ou encore, la commande des mouvements de la
sphère céleste par les Sept étoiles de la Grande Ourse est un modèle de
régularité. Sept exprimant la régulation des mouvements de souffles,
l’équilibre des montées et des descentes ainsi que la justesse des impulsions
données à ces mouvements, on comprend que les Sept étoiles de la Grande
Ourse puissent être considérées comme le pivot des mouvements de tous les
astres4.
Les Sept luminaires resplendissent de l’éclat du yang en haut  ; ils
offrent leur clarté et leur modèle à tous, comme autant d’ouvertures dans la
voûte céleste. Quand l’Homme ne peut pas se réguler selon ce même ordre
naturel et laisse se débaucher ses Sept orifices, il est dévoré par Sept
passions au lieu d’ouvrir son Cœur à l’esprit vital.
Sept peut donc être considéré comme 5 + 2, toujours sur le modèle des
Cinq éléments, ou de ce qui leur est associé, et du couple yin yang. Par
exemple dans le Huangjing neijing jing, les Sept fluides corporels sont ceux
liés à chacun des Cinq organes zang, plus ceux liés au sang (yin) et aux
souffles (yang).

Sept c’est aussi 4 + 3  : les Trois puissances et les Quatre saisons  ; ou


encore Trois pour le Ciel (comme les souffles, impulsion du Ciel, yang) et
Quatre pour la Terre (formes, manifestations, yin) ; cette association fait et
soutient l’influx vital, à condition qu’elle soit équilibrée. On y retrouve
l’harmonie yin yang si nécessaire, si vitale en Sept. Ciel et Terre génèrent et
forment l’impulsion vitale ; l’homme doit la diriger pour qu’elle ne retourne
pas sa force contre sa vie.

Parfois, Sept est aussi 6 plus Un, soit le retour à l’1, à la concentration, à
partir de la circulation exprimée par le Six. En alchimie taoïste, Sept est un
nombre typique pour les ingrédients composant l’élixir, et la boue utilisée
pour sceller le creuset et éviter ainsi la dispersion du souffle s’appelle la
boue du Six et Un (liu yi ni 六一泥 ).

SEPT ÉMOTIONS
Les émotions sont liées aux organes (zang) et sont l’expression la plus
puissante du mouvement de souffles qui en émane. On a donc Cinq
expressions dans le mental, dans ce qui est sans forme, non corporel, du
souffle propre à un organe. Ce sont les Cinq vouloirs (wu zhi 五志 ) (cf.
Cinq) qui doivent normalement s’équilibrer et s’harmoniser pour un état
d’esprit calme et une conscience claire. On passe au nombre Sept quand on
parle des émotions pour indiquer le désordre habituel, les dangers
potentiels.
On a donc Sept émotions (qi qing 七情 ), dont la liste varie, car ce n’est
pas le détail qui importe, mais le fait que ce qui peut troubler le Cœur par
des mouvements intempestifs soit représenté par le nombre Sept.
On a souvent trois paires d’émotions complétées par un terme général
qui les englobe, comme en Liji, ch. Liyun, où l’on trouve la série suivante :
喜 怒 哀 懼
allégresse (xi ) et colère (nu ), affliction (ai ) et crainte (ju ), attrait
好 惡
(hao ) et aversion (wu ), désir (yu ). 欲
La liste qui est le plus souvent retenue en médecine est la suivante  :
喜 怒
allégresse (xi ) – colère (nu ) – accablement (you) – pensée obsessive
(si) – tristesse (bei) – peur (kong) – tressaut convulsif (jing). Mais il y a
plusieurs variations.
Très souvent ces émotions sont des dérèglements dus à l’élan vital
incontrôlé, à l’attrait de désirs toujours plus violents et insatiables.

SEPT ORIFICES

Sept est la force de jaillissement, un yang qui a la force de soutenir


commencement et apparition, de pousser vigoureusement au jour une jeune
pousse à travers le sol encore gelé de l’hiver : un jeune yang ou Shaoyang.
Ses effets sont donc dans le mouvement yang  : vers le haut et l’extérieur.
C’est ainsi que le haut du corps se perce de Sept orifices pour permettre le
jaillissement du flux vital. Il s’agit, chez l’homme, non seulement d’avoir
des appareils sensoriels qui fonctionnent bien physiquement, mais aussi de
contrôler ce qui y passe. En effet, c’est par les organes des sens, répartis en
Sept ouvertures, que pénètrent en nous ce qui émeut et déstabilise. Le bon
usage des informations qui, de l’extérieur, pénètrent au centre, est essentiel
pour le maintien de l’équilibre, qui seul sauvegarde la puissance des
souffles à l’œuvre pour le développement de la vie. Sinon, les Sept passions
la détruisent par désorganisation, désordre, quand ce qui pénètre le Cœur
par les organes des sens fait naître des désirs incontrôlés.
Les Sept orifices (qi qiao 七竅 ) sont habituellement les deux yeux, les
deux oreilles, la bouche et les deux narines. En médecine, la langue est
parfois considérée comme l’orifice du Cœur  ; le nez alors ne compte que
pour un.
Comme les émotions, les orifices sont liés aux souffles de chacun des
Cinq organes zang. Quand ces souffles maintiennent leur bon ordre, ils
fonctionnent correctement ; sinon, ils en deviennent incapables.
«  Les Cinq organes zang (wu zang 五藏 ) constamment de l’interne
s’informent par les Sept orifices (qi qiao 七竅 ). Ainsi, les souffles du
Poumon communiquant avec le nez, quand le Poumon est en harmonie, le
nez peut reconnaître les odeurs bonnes et mauvaises. Les souffles du Cœur
communiquant avec la langue, quand le Cœur est en harmonie, la langue
peut reconnaître les Cinq saveurs. Les souffles du Foie communiquant avec
l’œil, quand le Foie est en harmonie, l’œil peut distinguer les Cinq couleurs.
Les souffles de la Rate communiquant avec la bouche, quand la Rate est en
harmonie, la bouche peut reconnaître les Cinq céréales. Les souffles des
Reins communiquant avec l’oreille, quand les Reins sont en harmonie,
l’oreille peut entendre les Cinq notes (sons fondamentaux). Quand les Cinq
zang ne sont pas en harmonie, les Sept orifices ne communiquent plus  »
(Lingshu, ch. 17).

Entre Cinq et Sept, le pivot est Six ; ainsi entre les Cinq organes zang,
qui contrôlent tous les mouvements de souffles depuis les profondeurs de
l’interne, et les orifices, qui s’ouvrent à la surface du corps, il y a
l’intermédiaire des circulations, menées par le nombre Six.
Le titre du chapitre septième du Huainanzi est «  Les esprits vitaux  »
(essences et esprits, jing shen 精神 ). Ils se construisent par l’entretien et la
protection de l’interne et doivent maintenir dans la rectitude des
commencements, l’authenticité originelle. C’est ainsi qu’un humain
accomplit sa vie, tirant sa puissance de la régulation de ses forces, car une
force non maîtrisée est un mouvement qui s’emballe et qui détruit ce qu’il
est censé animer.
Les orifices sont le lieu de passage de ce qui touche aux esprits vitaux ;
les émotions qui naissent des réactions aux objets extérieurs pénètrent par
les orifices et perturbent les Cinq organes zang de l’interne.
«  Pores et orifices corporels sont les portes et les fenêtres des Esprits
vitaux  ; souffles et vouloirs sont les messagers et les huissiers des Cinq
organes zang. Quand les yeux et les oreilles se laissent débaucher par les
plaisirs des sons et des couleurs, les Cinq organes, fortement secoués,
perdent leur stabilité. Ces organes, secoués et déstabilisés, sang-etsouffles
s’agitent et débordent au lieu de demeurer en repos. Sang-et-souffles agités,
débordants, sans repos, les Esprits vitaux galopent éperdument à l’extérieur,
abandonnant leur garde » (Huainanzi, ch. 7).

Analogiquement, le Cœur possède aussi Sept orifices qui sont son


ouverture à la réalité ; la capacité à percevoir le monde tel qu’il est, au-delà
des désir, des plaisirs et des souffrances, au-delà même de la vie et de la
mort. Chez les sages, ils sont tous ouverts, c’est-à-dire que rien ne bloque la
compénétration avec la totalité, l’unité de la Voie.
« Je vois votre cœur. L’emplacement d’un pouce carré est vide (xu ) ;虛
vous êtes presque un sage. Votre cœur a Six ouvertures (liu kong 六孔 ) qui
laissent s’écouler librement ; mais une n’est pas encore ouverte » (Liezi, ch.
4).
Quand les organes des sens fonctionnent parfaitement, l’homme atteint
l’illumination. Tout est conforme en lui aux souffles originels  ; on peut
alors parler, dans le taoïsme, des Sept orifices comme des Sept
manifestations du souffle originel, les Sept Originels (qi yuan 七元 ).

SEPT ÂMES PO


En un humain, les âmes Po ( ) sont l’animation de la Terre, par

opposition aux âmes Hun ( ), qui sont l’animation céleste. Les Hun
doivent se faire de plus en plus semblables aux esprits du Ciel (shen ). 神
Les Po restent liés au corps, à la chair, à la satisfaction instinctive des
besoins. Ils n’ont d’autres raisons que ce vers quoi ils tendent.
On trouve le nombre Sept lié anciennement à des rituels funéraires, en
particulier ceux de l’empereur. Après un décès, les bouddhistes en
particulier tiennent des cérémonies tous les 7 jours pendant 7 fois 7 jours
(49 jours).
Dans le Liji, le temple ancestral du Fils du Ciel comporte Sept salles ; le
Fils du Ciel est enterré Sept mois après son décès. Avant de faire un
sacrifice, en particulier une offrande à un ancêtre défunt, on doit garder
l’abstinence durant Sept jours et se purifier durant Trois jours, la
purification de Trois jours étant plus dure que les Sept jours d’abstinence.
On retrouve encore l’association de 7 et 3, totalisant 10, comme dans Sept
Po et Trois Hun (cf. étude de Dix).
Les Sept offrances (qi si 七祀 ) sont faites à des divinités plutôt reliées à
la maison, aux défunts…

SEPT DANS LES PÉRIODES DE TEMPS

Au septième mois de la grossesse, le fœtus est formé et se prépare à


venir au monde au dixième mois ; la femme enceinte se retire et se prépare
à l’accouchement.
À Sept ans, « les enfants de sexes différents ne s’asseyaient plus sur la
même natte et ne mangeaient plus ensemble  » (Liji, ch. Neize, trad.
Couvreur).
Après Sept ans d’études dans la grande école, où il est entré à l’âge de
dix ans, l’étudiant a reçu sa première formation (xiao cheng 小成 ) ; après
Neuf ans, sa formation est achevée (da cheng 大成 ) (cf. Appendice 3).
On verra, dans l’étude du Neuf, l’importance de ces deux nombres dans
les étapes successives d’une initiation, d’un accomplissement.
On pourrait mentionner les Sept périodes de l’apparition du monde en
Zhuangzi, ch. 2, ou au début du Huainanzi, ch. 2  ; les Sept étapes de la
sagesse que certains décèlent en Laozi, ch. 15  ; ou encore les Sept étapes
dans le développement de la méditation (qi hou 七候 , d’après Sima Cheng-
zhen, dynastie Tang).
Le Sept marque donc un premier accomplissement. Le fœtus est formé à
Sept mois  ; l’enfant est considéré comme sexué à Sept ans  ; après Sept
années d’études, il a une première formation  ; Sept étapes permettent
l’apparition du monde ou l’ouverture à l’illumination. Le Sept apparaît
comme signalant une manifestation visible, sensible, personnelle5.
Il reste cependant à achever. Le Sept est le début du Yang, le Shaoyang,
le commencement de la poussée ; quelque chose est apparu, est sorti ; une
pousse émerge de terre, mais il lui faut encore grandir et se développer ; le
printemps se continue en été pour porter les fruits. Ainsi la naissance n’a
lieu que le dixième mois ; il faut attendre encore Trois mois pour que tout
soit prêt et complet.

À l’autre extrémité de la vie, les mêmes nombres jouent. À soixante-dix


ans, l’homme devient un vieillard, il se démet de ses charges et laisse à son
fils le soin des relations avec les hôtes. Il a trente ans pour se préparer à la
mort, puisque la durée naturelle d’une vie humaine est de Cent ans (cf.
Appendice 3).
Au même âge, la différenciation sexuelle s’abolit :
«  D’après les règles établies, le mari et la femme ne serraient leurs
objets dans le même endroit, sans séparation, que quand ils avaient atteint
l’âge de 70 ans » (Liji, ch. Neize, trad. Couvreur).
On retrouve la division de Dix en Sept et Trois pour exprimer la totalité
de la vie d’un homme.

Sept, un premier accomplissement dans l’ordre naturel et social (fœtus,


éducation…), est toujours cependant un désordre potentiel, surtout dans le
monde des hommes qui ne maîtri-sent pas leurs forces vitales et laissent les
passions, la corporéité, les Po dominer la lumière des esprits, qui doit
éclairer la conduite pour l’insérer dans l’ordre naturel (les Hun).
Sept associé à Huit se retrouve dans beaucoup d’expressions avec le
sens de désordre, conflits, multiplicité des affaires, agitation, hâte, fièvre.
Mais aussi dans certaines, plus rares, exprimant l’ordre, la régulation, la
réussite. (Cf. étude de Huit).
Le tangram (qi qiao ban 七巧板 ) est un casse-tête chinois, comportant
sept morceaux de bois, avec lesquels on peut former différentes figures
géométriques… ou ne pas y arriver et laisser tout sans ordre et sans sens.
Pour arroser son jardin, il faut qu’il y ait une certaine pression d’eau
dans le tuyau, sinon on ne peut pas arroser loin. Mais parce qu’il y a cette
pression, on doit tenir le tuyau d’une main ferme. Sinon, l’eau ira
violemment là où elle ne devrait pas aller, se perdant sans effet et causant
des dommages. L’explosion de vitalité qu’il y a dans le Sept doit être
régulée pour servir et maintenir sa puissance  ; elle doit garder sa
concentration et sa ferme tenue sans emportement ni emballement.
Voir les multiples de 7 : 7 × 4 = 28, p. 171 et 7 × 7 = 49, p. 173.
1. La croix deviendra la graphie du nombre Dix, shi 十, qui

anciennement s’écrit d’un simple trait vertical, .
2. Voir Huainanzi, ch. 3 et 4.
3. Lüshi chunqiu, XI, 1 - Liji, ch. Yueling - Huainanzi, ch. 5 (2e mois de
l’hiver).
4. De même, en médecine, les souffles Shaoyang jouent le rôle de pivot,
de régulateur des mouvements et circulations. Cf. Shanghanlun.
5. C’est pourquoi, quand on perce Sept orifices à Hun-tun, Chaos, il
meurt (cf. Zhuangzi, fin du ch. 7).
Huit ou la répartition


BA

GRAPHIE DU CARACTÈRE

Elle est simple et quasi invariée  : deux traits disjoints et donnant


l’impression d’un éloignement réciproque 八 symbolisent la division, la
séparation. Le Shuowen ne dit pas autre chose :

« Huit (ba ) : Diviser. Division. Le caractère représente la séparation,
(deux) éléments qui s’écartent l’un de l’autre. »
L’un des caractères employés par le Shuowen pour indiquer la

séparation est fen , expliqué comme le couteau 刀 八
qui divise . En

chinois parlé, on désigne le caractère fen 八 刀
en disant : 8 ( ) couteaux ( )
八 刀 分
ou 8 et couteau ( + = ).

HUIT DOUBLEMENT DE QUATRE

Quand on partage quelque chose (un gateau par exemple), on


commence par le couper en deux, puis on recoupe chacune des moitiés, et,
selon le nombre des convives, on continue la division en deux de chaque
part obtenue. C’est ce que symbolise le Huit. C’est aussi pourquoi on aime
voir, dans les autres nombres pairs  : Quatre 四 (au centre) et Six六 (en

bas), la présence du Huit , comme illustrant leur divisibilité.
Huit c’est deux fois Quatre, le nombre de la différenciation et des
distributions distinctes de souffles. Huit double Quatre : les Quatre saisons
deviennent les Huit vents  ; et les Quatre images-symboles, les Huit
trigrammes1. Huit à la puissance (8 × 8) donne les 64 hexagrammes.
Les Huits vents (ba feng 八風 ) soufflent partout et viennent de partout.
Ce qui s’exprime en les associant aux Quatre points cardinaux avec leurs
quatre points collatéraux : les Huit directions de l’espace (ba fang 八方 –
Est, Ouest, Sud, Nord, Sud-Est, Sud-Ouest, Nord-Ouest et Nord-Est) ou les
Huit confins (ba ji 八極 ), qui représentent les orientations de la rose des
vents, toutes les directions. Ils soufflent tout au long de l’année, variant
selon les Huit articulations majeures de l’année (ba jie 八節   : solstices,
équinoxes et début de chaque saison).
Tout circule parfaitement partout et chaque souffle se trouve en son lieu
et son temps. Par exemple, le vent froid qui souffle du nord amène la
froidure hivernale ; il participe ainsi correctement aux cycles de la vie avec
les autres vents  ; arrivant à contretemps ou soufflant dans une autre
direction, il perturbe les équilibres.

HUIT
La séparation en deux parties, origine des multiples répartitions, est,
de tout temps, le signe du huit ou ou . Sa graphie classique 八
s’apparente au Deux 二 , en ce sens qu’on y voit, depuis toujours, une
division de ce qui était un. Huit c’est la division, la répartition, la
divisibilité.

Huit manifeste et étale les souffles et les esprits vitaux ; ce qui surgit
de Sept est partout, occupe la totalité de l’es-pace et du temps.

Huit sépare et distingue les souffles ; il les déploie et fixe une limite à
leur expansion. Par le doublement de quatre, Huit affirme la spécificité
des souffles animateurs. Il met en place les règles fondamentales : Huit
trigrammes, Huit vents, Huit méridiens extraordinaires sont des
exemples de la variation des souffles vitaux au niveau de Huit.

En grande écriture, Huit c’est 捌 : déchirer, fendre, diviser.


Les esprits des Quatre saisons, ou des Quatre directions, deviennent les
Huit esprits des directions de la rose des vents (ba ling 八靈 ), c’est-à-dire
les esprits de tous les lieux.

Quatre et Huit s’associent facilement pour définir un ensemble spatial


ou temporel.
Ainsi Quatre côtés et Huit issues (si zhi ba da o 四至八 道 ) est une
expression employée pour les marques qui limitent un terrain.
四時
L’année partage ses souffles selon Quatre saisons (si shi ) et Huit
grands repères temporels (ba jie 八節 ) qui sont les divisions de l’année
solaire (solstices, équinoxes et début de chaque saison).
En astrologie chinoise, Quatre paires de caractères indiquent l’année, le
mois, le jour et l’heure de la naissance. Ce sont les Huit signes (ba zi 八字 )
ou les Quatre piliers (du destin, si zhu四柱 ) dont on se sert pour établir un
horoscope.
Un pays se maintient et se régule par Quatre règles cardinales (si wei 四
維 ) et Huit vertus (ba de 八德 ) qui déterminent les valeurs qui le mènent en
toute situation.

Six fait circuler par Trois paires les souffles organisés et centrés par
Cinq. Huit répartit et règle les forces vitales qui ont surgi en Sept.

SEPT ET HUIT :

YIN YANG DANS UNE ACTIVITÉ DE COUPLE

Si Sept peut être compris comme 5 (éléments) + 2 (le couple Ciel Terre
ou yin/yang), Huit peut être compris comme 5 (éléments) + 3 (Ciel, Terre,
Homme).
Mais les rapports du Sept et du Huit sont principalement dans leur relation
de couple.
Dans le Yijing, Huit est le nombre du jeune yin, la ligne yin non
mutante  ; il s’apparie avec Sept, nombre du jeune yang, la ligne yang,
également non mutante.
Sept et Huit représentent ainsi le yin et le yang dans la pleine capacité
de leur développement. Ils vont donc être naturellement utilisés pour
l’interaction du yin et du yang. Le yang du jeune yang (Shaoyang) demeure
yang, peut-être parce qu’il contient un trait yin, qui lui permet de continuer
son développement de yang en vieux yang (Taiyang, deux traits yang, voir
p. 70). De même pour le jeune yin (Shaoyin), qui contient un trait yin. Il en
va ainsi dans la sexualité, où l’homme et la femme échangent en s’acceptant
mutuellement pour se développer l’un par l’autre, tout en gardant
profondément et pleinement leur caractéristique de mâle ou de femelle.
Cependant, quand ils sont utilisés pour représenter le yin et le yang dans
leurs activités de couple, une sorte d’inversion se produit. Le yin n’agit que
par et pour le yang et le yang, que par et pour le yin. C’est le yin qui offre
au yang sa force de jaillissement  ; c’est le yang qui permet au yin de se
garder tranquillement à l’interne.
Ainsi, de même que le Sept peut être associé à l’Ouest, le Huit peut
l’être à l’Est. Ou encore, quand on décrit les étapes de l’évolution de la
fécondité de l’homme et de la femme, comme dans le Suwen, ch.1, on
choisit le Sept, jeune yang, pour mener les différents stages de la femme et
le Huit, jeune yin, pour mener ceux de l’homme, de la puberté à la perte de
la capacité à procréer. (Cf. Appendice 2.)
On dénombre Sept étapes pour la femme, de 7 ans à 7 fois 7 ans, et Huit
pour l’homme, de 8 ans à 8 fois 8 ans. La puissance vitale grandit en la
femme pendant les 4 premières périodes et déclinent pendant les 3
dernières  ; elle grandit en l’homme durant les 4 premières et déclinent
durant les 4 dernières.
Homme et femme confondus, il y a Sept périodes de déclin et Huit
périodes d’augmentation. L’expression «  Sept diminutions et Huit
accroissements » (qi sun ba yi 七損八益 ) désigne différents procédés, dont
beaucoup nous sont inconnus, qui visaient à maintenir la plénitude du
dynamisme vital par la régulation des équilibres yin yang. Ces procédés
étaient essentiellement d’ordre sexuel ou alchimique.
Sur la Bannière funéraire trouvée à Mawangdui2, dans la tombe de la
marquise Dai, deux dragons enlacés, de couleur bien contrastée,
représentent le yin et le yang dont l’union produit tous les êtres. Le dragon
yang a 16 dents, soit 2 fois 8, alors que le dragon yin en a 14, soit 2 fois 7.
Sur la même peinture, les deux dragons qui se font face dans le Ciel ont
chacun 12 dents, soit 2 fois 6.
HUIT EN MÉDECINE

Prenons brièvement quelques exemples parmi les nombreuses


expressions menées par Huit en médecine.
Huit méridiens extraordinaires (qi jing ba mai 奇經八脈 ) semblent
mettre en place les grandes règles de la vitalité, qui sera gérée par Douze
méridiens. Ils expriment la répartition fondamentale du yin yang et de son
expression dans le corps comme sang et souffles selon Huit grands
principes d’équilibre et de fonctionnement.
Huit règles du diagnostic (ba gang 八綱 ) structurent l’approche du
patient et de ses symptômes et Huit méthodes thérapeutiques (ba fa 八法 )
guident le traitement.
Les Huit influences nocives à l’homme (ba xie 八邪 ) : le vent, le froid,
la canicule, l’humidité, la famine, l’abus de nourriture, la fatigue et les
excès (en particulier sexuels) sont le dérèglement des Huit vents, de
l’octuple souffle vital.
Les Huit articulations (ba jie
3
八節 ) sont les Huit temps forts du
calendrier qui rythment le passage des souffles dans le temps, et sont aussi
les Huit grandes articulations osseuses du corps4 qui rythment le passage
des souffles dans son espace.

QUELQUES EXPRESSIONS MENÉES PAR HUIT

Le taoïsme dénombre Huit immortels (ba xian 八仙 ) et Huit produits


minéraux (ba shi 八石 ) que l’on ingère pour obtenir la longévité ou
l’immortalité.
Les Cinq notes, ou sons fondamentaux (wu yin 五音 ), résonnant à
travers Six tubes musicaux (liu lü 六律 ) et joués sur Huit sortes
d’instruments de musique (ba yin 八音 )5, produisent l’infinité des
morceaux de musique. Comme les Cinq saveurs (wu wei 五 ), utilisées
selon les Huit méthodes de l’art culinaire (ba zhen 八 ), permettent
l’infini variation des plats.
Si Six est le nombre des ministres et des ministères, Huit est le nombre
de l’administration bien répartie (les Huit parties de l’administration, ba
zheng 八政 ), des règlements régissant la conduite des fonctionnaires (les
八法
Huit lois, ba fa ), des procédés de gouvernement (les Huit « poignées »
ba bing八柄 )…
De même, selon l’approche qui prend le caractère yong 永 pour base,
Huit traits fondamentaux servent à tracer tous les caractères chinois et
servent de modèle pour l’énoncé des Huit règles de l’écriture (ba fa 八法 ).
Les candidats aux examens devaient rédiger leur dissertation en Huit parties
(ba gu 八股 ), strictement définies comme autant d’articulations nécessaires
de l’exposé général.

HUIT DANS DES EXPRESSIONS IDIOMATIQUES

Bon nombre d’expressions idiomatiques contenant les caractères Sept et


Huit ont le sens d’un enchevêtrement d’objets hétéroclites, sans
organisation, un fouillis, un bricà-brac où tout est sens dessus dessous, en
désordre, pêlemêle ; la pagaille intégrale où l’on ne retrouve plus rien. Le
sens peut être mental  ; c’est avoir l’esprit confus, chamboulé  ; s’affairer
avec hâte et fièvre ; être perturbé, agité, voire pris de panique.
Parfois, plus rarement, le sens de l’expression qui combine Sept et Huit
est à l’opposé  : bon ordre, bien stable, sûr. Ou encore celui d’une riche
prolifération, comme pour parler d’un érudit en toutes les matières, vrai
puits de science, ou d’une famille nombreuse et prospère.
Les expressions idiomatiques qui contiennent Cinq et Huit ont, elles,
des sens tournant autour de l’idée d’une organisation de base et de son
déploiement  : les moyens d’actions variés, toutes sortes de combinaisons
permettant un résultat. On couvre la totalité du champ d’action. Ainsi les
Cinq métiers et les Huit activités (wu hang ba zuo 五行 八作 ) désignent
toutes les professions.

1. Selon une genèse symbolique et très certainement conçue a posteriori.


2. Voir La Bannière pour une Dame chinoise allant en Paradis, Desclée
de Brouwer.
3. Les 2 solstices, les 2 équinoxes et les 4 débuts de saisons.
4. Deux sur chacun des Quatre membres.
5. Les instruments de musique émettent des timbres différents, selon la
substance de base entrant dans leur fabrication  ; on en compte Huit  :
métaux, pierre, terre cuite, peaux, cordes de soie, bois, calebasse et bambou.
Neuf ou l’accomplissement

JIU 九
GRAPHIE DU CARACTÈRE

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

Ces hypothèses travaillent sur des formes anciennes du caractère neuf :


ou .
La thèse de l’emprunt phonétique propose un caractère de prononciation
semblable et signifiant une ligature entre deux liens : jiu  : joindre, unir,
être attaché ensemble ; s’entrelacer comme des tiges de plantes grimpantes ;
tordu, courbé. La graphie présente aussi des analogies  : une ligne qui se
courbe et rejoint une autre dans sa torsion.
Certains y ont vu la figuration d’un coude, d’un bras en flexion, voire
d’un bras tordu, ou encore celle d’un ver, selon la graphie que l’on
sélectionne.
Quand la valeur de Neuf est affirmée comme un achèvement complet,
une finition, il était tentant d’expliquer le caractère par l’image d’une plante
qui, arrivée au bout de sa floraison, à l’automne, retombe, sa vitalité ayant
été entièrement épuisée. La graphie du Neuf s’oppose alors à celle du Sept,
quand il est compris comme la sortie de terre de la jeune pousse, pleine de
promesse et de vigueur.

La thèse traditionnelle, le Shuowen


Le Shuowen y voit une courbe, mais l’interprète comme un
déploiement, sans doute influencé par la valeur du nombre Neuf dans le
Yijing, puisque c’est le Taiyang, grand yang ou vieux yang.
«  Neuf (jiu 九 )  : Transformation, mutation du yang. Le caractère
représente une courbe qui prend tout dans son ampleur. »

L’ÉPUISEMENT ET L’ACCOMPLISSEMENT

Neuf se présente comme l’épuisement des nombres qui détaillent le


multiple. Dix est l’intégration, l’unification, alors que Neuf est plutôt la
réunion, le rassemblement d’un grand nombre.
On a pu dire que Neuf était la mutiplicité imparfaite par rapport à Dix
qui représente la perfection du multiple réalisé. Ce n’est pas que Neuf est
imparfait ; c’est que le multiple reste multiple à Neuf, alors qu’il redevient
Un à Dix.

«  La tour aux neuf étages monte d’un simple tertre  » (Laozi, ch. 64,
trad. Claude Larre).

NEUF
Neuf est l’arrivée à complétude ; tout a été déployé, organisé, achevé.
En Neuf mois, la graine mise en terre a poussé au jour une plante prête à
être moissonnée ; elle est arrivée à maturité, a usé toutes les ressources
que lui offraient ses racines et plus rien ne peut la grandir encore ou
l’alléger du poids de sa richesse. Neuf est le nombre qui exprime le total
déploiement, la plus grande expression du yang, mais en même temps
l’épuisement, le vieillissement.

L’interprétation de ses graphies varient selon l’aspect que l’on veut


retenir. On y verra la retombée ou le déploiement de la plante : ou
ou ou . Les graphies les plus anciennes montrent un crochet, une
courbe : ou .


Outre son sens numérique, le caractère pour neuf, jiu , s’emploie
également pour un grand nombre formant un tout complet, beaucoup de
choses rassemblées  ; c’est donc aussi réunir, assembler. L’homophonie

avec le caractère jiu   : «  qui a duré longtemps  », «  ancien  », lui fait
parfois prendre lui-même le sens de «  vieux  ». Sa présence dans
plusieurs caractères leur donne un sens de rassemblement ; ainsi pour jiu
鳩 鳥 九
, la tourterelle, caractère formé de l’oiseau ( ) et du neuf ( ), et qui
signifie aussi réunir, rassembler, ou encore le caractère kui 馗qui
signifie : carrefour où convergent Neuf routes.

En grande écriture, Neuf c’est 玖 : un quartz noir.


Les plus grandes choses ont d’humbles commencements  ; ce qui a
débuté de rien, par entassements successifs, a construit tous les étages. Si
l’on veut compter les étages d’une tour, on en compte Neuf et pas un de
plus ; la tour ne montera pas plus haut. Mais on peut aussi regarder la tour
dans sa totalité, sans s’inquiéter des étages qu’il a fallu monter l’un après
l’autre pour arriver jusqu’au sommet.

Si le Neuf n’est pas spécifiquement le retour à l’Un, il l’annonce et,


comme pour tous les nombres, il n’a de sens que comme expression de
l’Un, dont il est comme l’ultime développement.
« Par l’éclaircissement de la parole procédant de l’Un (yi yan zhi jie 一
言之解 ), en haut, on observe ce qui se trouve au Ciel, en bas, on atteint les
limites de la Terre, s’insinuant partout, on remplit (man 滿 ) les Neuf
九州
territoires (jiu zhou ) » (Guanzi, ch. Neiye).
« Évoquer le Sans forme, c’est évoquer l’Un. L’Un s’appelle ce qui est
sans égal sous le Ciel. Éminent, il se dresse indépendant, massivement
solitaire. En haut, il communique avec les Neuf cieux, en bas, il relie les
Neuf étendues terrestres. Cercle qui échappe au compas, carré qui échappe
à l’équerre, ce grand Mélange fait l’Un » (Huainanzi, ch. 1).

Neuf est l’aboutissement de la série des nombres qui permettent de


structurer et de comprendre l’univers.
« Les Sages ont érigé les nombres (lois) du Ciel Terre, en allant de Un à
Neuf […] et les aiguilles correspondent à ces nombres » (Lingshu, ch. 78).
Neuf est la totalité accomplie en ce sens que tout est exprimé, collecté,
assemblé. Rien ne manque, mais il n’y a plus rien en réserve ou en
potentialité. C’est un grand yang, un vieux yang (tai yang 太陽 ), un yang
parvenu à son plus haut point, qui ne peut plus croître comme yang. Il ne
peut se poursuivre que par un renversement, comme tout ce qui arrive à
extrémité. Dans le Livre des Mutations, la ligne yang obtenue par un Neuf
est mutante et se transforme donc en une ligne yin quand on construit le
deuxième hexagramme (hexagramme dérivé). L’accomplissement est aussi
un épuisement de tout ce qui a mené à l’achèvement.
Analogiquement, dans les textes médicaux anciens, on dira que le
Taiyang1 jouit d’une abondance de sang mais a peu de souffles, pour
indiquer que toute sa force est déployée, qu’il ne peut pas aller plus loin
dans le yang, qu’il occupe de toute sa puissance la totalité de l’espace
superficiel du corps. Inversement, le Shaoyang2 a abondance de souffles et
peu de sang pour indiquer que cette qualité de souffles est dans le
mouvement et la potentialité, mais encore peu inscrite dans la forme.
En Neuf, le vieux yang a achevé son développement de yang  ; son
avenir est le retour au yin, le retournement de l’automne. Alors que dans le
cas du Sept, le jeune yang est en plein développement, tourné vers un avenir
yang estival.

NEUF ET SEPT

Neuf complète souvent Sept pour exprimer la totalité aboutie, alors que
Sept se limite parfois trop à l’impulsion yang. Ainsi, la Grande Ourse
compte Sept étoiles ; mais on ajoute deux étoiles voisines pour un total de
Neuf, qui évoque mieux la puissance d’organisation et de centration
dévolue à cet astérisme. Dans le corps, aux Sept orifices supérieurs, vers
lesquels monte le yang clair, on ajoute les Deux orifices inférieurs où
descend le yin trouble, pour un total de Neuf orifices, passages et
aboutissements des mouvements internes du souffle.
« La Terre possède Neuf régions (jiu zhou 九州 ) ; l’homme, ses Neuf
orifices (jue qiao九竅 ) » (Lingshu, ch. 71).
Les Sept luminaires (qi yao 七曜 ) sont soit les Sept étoiles de la Grande
Ourse, soit les Cinq planètes plus le soleil et la lune. Les Neuf luminaires
(jiu yao 九曜 ) sont soit les Neuf étoiles de la Grande Ourse, soit les Cinq
planètes, le soleil et la lune, auxquels on ajoute l’esprit qui provoque les
éclipses et une comète, c’est-à-dire deux facteurs d’irrégularité, mais qui
rendent complètes la considération et la connaissance des mouvements des
corps célestes.

Les nombres impairs sont souvent seuls employés pour marquer les
étapes de l’évolution de Un à Neuf. Ainsi, l’éducation de l’enfant se déroule
sur Neuf ans, comme la gestation se déroule sur Neuf mois et montre son
résultat au dixième. On regarde si leur conduite et leur progression sont
satisfaisantes après Un an, Trois ans puis Cinq ans ; après Sept ans, ils ont
atteint un premier niveau de connaissance, qui ne sera complet qu’à la fin
de la neuvième année.
« Chaque année on admettait des élèves à la grande école de la capitale.
Tous les deux ans avait lieu un examen comparatif. À la fin de la première
année, on examinait s’ils savaient couper les phrases des auteurs d’après le
sens, et discerner les tendances bonnes ou mauvaises de leurs cœurs. À la
fin de la troisième année, on examinait s’ils s’appliquaient au travail et s’ils
aimaient la société de leurs compagnons. À la fin de la cinquième année, on
examinait s’ils étendaient leurs connaissances et s’ils aimaient leurs
maîtres. À la fin de la septième année, on examinait s’ils savaient rendre
compte de ce qu’ils avaient appris et choisir leurs amis. On disait alors
qu’ils avaient reçu leur première formation (xiao cheng 小成 ). À la fin de la
neuvième année, ils comprenaient les raisons des choses et savaient les
ranger en différentes catégories ; ils marchaient d’un pas ferme dans la voie
du devoir, sans jamais s’en écarter. On disait que leur formation était
achevée (da cheng 大成 ) » (Liji, Xueji, trad. Couvreur).

Il n’est pas rare de trouver, dans les textes taoïstes anciens, des récits
symboliques d’initiation en Neuf étapes3, là aussi avec prédominance des
nombres impairs. Souvent, la septième étape est marquée et constitue même
un certain achèvement4  ; mais Neuf marque l’accomplissement intégral,
incluant le surgissement de la lumière et le retour à l’indifférencié.
«  Voici ma progression depuis que j’ai suivi votre enseignement. La
première année, j’ai retrouvé ma nature sauvage  ; la seconde, je me suis
laissé aller à mes passions  ; la troisième, j’ai tout fondu dans la même
identité  ; la quatrième, j’ai fait corps avec les êtres de la création  ; la
cinquième, j’ai vogué de-ci de-là ; la sixième, les génies m’habitèrent ; la
septième, j’ai accompli ma nature céleste ; la huitième, je ne savais plus ni
ce qu’était la vie ni ce qu’était la mort  ; la neuvième, j’ai percé le Grand
Mystère » (Zhuangzi, ch. 27, trad. Jean Lévi).
Retourner sept fois et revenir neuf fois (qi fan jiu han七返九還 ) est une
expression, en alchimie taoïste, pour les sublimations répétées du Feu et de
l’essence dans la constitution de l’élixir. Dans le même ordre d’idée, les
Sept retours et les Neuf cycles (qi fan jiu zhuan 七返九轉 ) évoquent toutes
les transmutations cycliques qui permettent l’élaboration de l’élixir à partir
du cinabre.

On trouve, dans le premier chapitre du Liezi, la totalité de l’apparition et


du développement cosmique présentée de Un à Neuf en passant par Sept.
«  Souffles, formes et substances sont prêts, mais sans être séparés les
uns des autres : c’est la chose en état de mélange (le Chaos, hun lun 渾淪 ).
Par là on veut dire que les Dix mille êtres étaient tous emmêlés (hun ) 渾
sans que rien ne puisse être perçu et qu’ils n’étaient pas encore séparés les
uns des autres.
“On regarde mais on ne voit rien, On écoute, mais on n’entend rien, On
palpe mais sans rien saisir5.”

On parle alors de “Mutation” (yi ). La mutation est sans forme et sans

limite. Un changement (bian ) dans la mutation et c’est le Un (wei yi 為
一 七
). Changements dans le Un et c’est le Sept (qi ). Changements dans le

Sept et c’est le Neuf (jiu ). Changements dans le Neuf et on est arrivé au
究 復
terme (jiu ). Alors accomplissant un retour (fu ) il y a changement et
c’est le Un (wei yi為一 ).

Le Un est le commencement (shi ) des changements dans les formes :
清輕
ce qui est clair et léger (qing qing ) monte et constitue le Ciel ; ce qui
est trouble et lourd (zhong zhuo 重濁 ) descend et constitue la Terre. Les
souffles harmonisés qui s’écoulent puissamment dans le médian (chong he
qi 沖 和氣 )6 constituent l’Homme. Ainsi le Ciel Terre contient les essences
(jing 精 ) et les Dix mille êtres en sont produits par transformation (hua
sheng 化生 ) » (Liezi, ch. 1).
Les textes taoïstes de l’école Lingbao continueront la même symbolique
d’un Neuf qui comble l’univers : les nombres (en particulier impairs : Trois,
Cinq, Sept, Neuf) sont arrivés au bout de ce qu’ils contenaient  ; ils
expriment en Neuf la totalité et la longévité du cosmos, jusqu’à son terme.

Aller jusqu’au bout, aller au fond des choses est le sens d’un caractère
homophone composé du nombre neuf 九 sous une caverne 穴   : jiu究 .
Comme un autre caractère, aussi composé avec le Neuf, désigne l’extrémité

de l’épine dorsale, le coccyx : kao .
Aller jusqu’au bout n’est pas sans danger. Achever totalement sa vie
d’homme et parvenir à Cent ans fait traverser des périodes dangereuses  ;
elles sont marquées par l’expression an jiu 暗九 , mot à mot Neuf obscur,
indiscernable, secret, et qui signifie : âge multiple de 9 (18, 27, etc., jusqu’à
81 ans), c’est-à-dire âge critique, période dangereuse, voire néfaste.

LA FORMATION DE NEUF

Diverses façons d’obtenir le Neuf par addition peuvent se concevoir :


5 + 4  : la centration de Cinq et la différenciation orientée de Quatre.
Cinq pour l’organisation centrale et Quatre pour les formes dans lesquelles
s’exprime la vie organisée en Cinq.
Le chapitre 9 du Suwen nous en fournit un exemple :
«  Trois fois Trois font Neuf  : la répartition par Neuf donne les Neuf
étendues, et les Neuf étendues font les Neuf organes zang. Ainsi les organes
qui relèvent du corps sont Quatre et les organes qui relèvent des Esprits sont
Cinq. Ce qui fait Neuf organes pour établir les correspondances » (Suwen,
ch. 9).
Quatre organes sont pour la forme, l’inscription corporelle, et Cinq pour
les esprits qui sont sans forme et agis-sent en maîtres. Les Cinq sont les
Cinq organes zang euxmêmes  ; les Quatre sont plus difficiles à préciser  ;
mais qu’il s’agisse des Quatre membres, de Quatre entrailles7 ou de Quatre
autres parties du corps, ce qui importe est qu’ils s’occupent de ce qui
construit la forme, alors que les Cinq s’occupent de ce qui organise et
commande cette forme corporelle.
Neuf, c’est aussi 6 + 3 : ce qui maintient la vie par Six et ce qui l’anime
fondamentalement par Trois.
Ainsi, par exemple, les Neuf réalités pratiques (jiu gong 九功 ) sont les
Six choses nécessaires à la vie (les Six sources de richesses  : eau, feu,
métaux, bois, terre, grains) et les Trois tâches indispensables (réforme des
mœurs, bon usage des choses, soin du bien-être du peuple. Cf. p. 107).

LA DIVERSITÉ RÉUNIE ET ORGANISÉE

Neuf, c’est avant tout Trois fois Trois, c’est-à-dire le Nombre des
Souffles à la puissance, toute la puissance des souffles, leur totalité et leur
répartition. Neuf représente donc l’ensemble de ce qui existe quand tout a
été ordonné et distingué ; il gère pleinement et efficacement la totalité.
« Les trois souffles (san qi三氣 尊
) sont la dignité (zun ) du Ciel Terre ;
les neuf souffles sont les racines des Dix mille êtres » (Yunji qiqian).
On peut se figurer Trois niveaux, à l’image des Trois puissances Ciel
Terre Homme ; ce qui donne un niveau supérieur, un niveau inférieur et un
niveau médian. On subdivise ensuite chacun de ces niveaux en trois, selon
le même principe. C’est ce qu’on trouve dans l’organisation des
fonctionnaires, par exemple. Ils sont classés selon trois niveaux et trois
degrés à l’intérieur de chaque niveau. Un fonctionnaire peut être ainsi du
degré moyen du niveau supérieur, ou du degré supérieur du niveau
inférieur… ce qui fait Neuf possibilités hiérarchiques, qui rappellent les
Neuf couches de la sphère céleste ou les Neuf profondeurs de la Terre (cf.
expressions menées par Neuf, p. 150).

En médecine, on peut diviser de même le corps en Trois parties que l’on


subdivise chacune en Trois régions  ; on estime l’état des souffles
spécifiques de chaque région à un pouls que l’on appelle le pouls
révélateur  ; ils sont au nombre de Neuf. Dans les pouls radiaux, on peut
aussi discerner Trois emplacements sur Trois niveaux de profondeur8.

Trois et Neuf entrent dans des expressions pour couvrir un champ


organisé et hiérarchisé. Ainsi, Trois et Neuf (san jiu三九
) peut vouloir dire
les Trois ducs et les Neuf minis-tres qui représentent l’organisation du
gouvernement au plus haut niveau  ; ou encore les Trois doctrines et les
Neuf écoles (san jiao jiu liu 三教九流 ) sont une manière d’évoquer les
diverses branches des connaissances humaines.

Cependant, le rassemblement opéré par Neuf fait souvent apparaître un


centre. Neuf organise autour d’un centre toutes les variations des souffles
échangés entre Ciel et Terre (symbolisés par Trois et répartis par Huit).
Neuf occupe tout l’espace et le temps, dans la Nature comme dans
l’homme. C’est l’implantation et l’organisation locale des souffles du Ciel
Terre9. Neuf, 8 + 1, s’affirme comme le nombre du déploiement organisé et
centré des souffles.
« Il [le sage] connaît les configurations des Huit confins et de leurs Neuf
territoires avec ce qu’on y voit » (Huainanzi, ch. 1).
Le monde est organisé de façon centralisée en Neuf provinces du
Royaume du Milieu, dirigées théoriquement à partir du centre où réside
l’Empereur. Yu le Grand fit graver Neuf grands chaudrons de bronze pour
représenter ces Neuf provinces (cf. expressions menées par Neuf, p. 150).
Neuf se figure aisément comme l’organisation et le rassemblement
autour d’un centre de ce qui est réparti par Huit dans tous les secteurs de
l’espace et du temps  ; ce qui évoque immédiatement l’image des Neuf
palais et celle du Hall de lumière ou Mingtang.

Le Mingtang

Ce que l’on appelle en chinois les Neuf Palais (jiu gong 九宮 )


représentent les Huit points cardinaux, les Huit Directions de l’Espace avec
le Centre, ou encore les Huit Trigrammes organisés, disposés autour d’un
Centre. On peut arranger les Neuf premiers nombres dans des carrés
magiques ou des diagrammes, dont certains tels le Livre de la Rivière Luo
(luoshu) ou le Diagramme du Fleuve (hetu) sont très connus.
Le Mingtang10 est une construction dotée d’un toit rond – à l’image du
Ciel – et d’un corps de bâtiment carré – à l’image de la Terre. Il se compose
de Neuf pièces (comme l’Empire a Neuf provinces). Huit pièces sont
disposées autour de la salle centrale, de telle sorte qu’il y a toujours trois
pièces faisant face à chacune des quatre directions de l’espace. Ces quatre
segments de trois pièces correspondant aux quatre directions de l’espace
sont mises en corrélation avec les quatre saisons. Comme les pièces qui
occupent les quatre coins ont une double orientation (un côté tourné vers
l’est et un autre au sud, par exemple), elles servent pour deux mois ; on a
donc une correspondance parfaite avec les douze mois de l’année.
Traditionnellement, le roi se place, au début de chaque mois, dans la
salle correspondante pour édicter les commandements propres à ce mois.
Ainsi, au début du printemps, il va dans la salle de l’angle nord-est, se place
face à l’est et édicte les commandements propres au premier mois du
printemps. Puis, au deuxième mois du printemps, mois de l’équinoxe, il
passe dans la salle centrale du segment tourné vers l’est et édicte les
commandements propres au deuxième mois du printemps  ; au troisième
mois du printemps, il passe dans la salle située à l’angle sud-est, face à l’est.
Au premier mois de l’été, il est encore dans cette salle de l’angle sud-est,
mais cette fois, face au sud ; puis, au deuxième mois d’été, mois du solstice,
il passe dans la salle orientée plein sud, et il continue ainsi sa circumduction
tout au long de l’année. Il siège dans la salle centrale à la période
correspondant à la fin de l’été. Selon certaines interprétations, il repasserait
dans la salle centrale entre chaque saison, quand il change d’orientation à
l’intérieur de la même salle d’angle.
Comme l’a bien souligné L. Vandermeersch11, le Ming-tang est un
« palais de lumière », mais surtout un palais qui rend lumineux, clair ce que
doivent être le gouvernement et l’enseignement. Il représente ainsi
comment le bon gouvernant incite ses sujets à se conformer en toutes leurs
conduites aux souffles du moment, à se modeler sur le naturel du Ciel Terre.

L’espace (et le temps) entièrement limité, construit, occupé, entretenu,


est recentré autour d’un palais central  ; ce qui permet d’organiser la
permutation des souffles, et de gouverner le monde, comme à partir du
Mingtang.
Avec ces Neuf Souffles centrés et organisés, on peut édicter les règles
pour les Douze mois. Dans le corps, l’organisation du mouvement des
souffles se traduit en Douze méridiens, Douze «  organisateurs  » (cf.
Douze). Des Huit salles disposées autour de la salle centrale du Mingtang,
on passe à Douze segments sur le pourtour, comme on passe de Huit
méridiens extraordinaires à Douze méridiens ordinaires.

EXPRESSIONS REMARQUABLES MENÉES PAR NEUF


Les Neuf Cieux (jiu tian 九天 ) représentent la totalité du monde céleste,
des sphères supérieures. Dans le chapitre premier du Zhuangzi, l’oiseau
fabuleux, Peng, monte à 9 fois 10 000 lis pour assurer son plein vol vers le
sud.
Parallèlement, il y a Neuf couches des profondeurs de la Terre.
L’expression Neuf sources (jiu quan 九泉 ) désigne la totalité du monde
souterrain, l’en-bas, le séjour des morts.
Sur la surface de la Terre, Neuf sortes de terrains (sablonneux,
marécageux, etc.) expriment la diversité du monde naturel  ; ils se
répartissent en Neuf continents, qui forment la totalité du monde ; alors que
l’Empire est organisé et centralisé en Neuf provinces (jiu zhou 九州 ).
Neuf chaudrons tripodes (jiu ding 九鼎 ) furent fondus par l’empereur
Yu le Grand avec le métal fourni par les Neuf régions ou provinces qu’il
avait instituées  ; sur ces symboles du pouvoir impérial étaient gravés une
multitude d’êtres vivant dans ces régions et, selon certains, les Neuf
circonscriptions de l’Empire s’y trouvaient tracées.
« Le ciel a neuf régions (jiu ye 九野 ), la terre a neuf provinces (jiu zhou
九州 ), notre territoire a neuf montagnes (jiu shan 九山 ), les montagnes ont
neuf frontières (jiu sai 九塞 ), les territoires lacustres ont neuf étendues
marécageuses (jiu sou 九藪 )  » (Lüshi chunqiu, traité XIII, 1, trad. Ivan
Kamenarovic).
Selon le relief, il y a Neuf types de terrains d’opération militaire, et
selon la fertilité, Neuf catégories de terrains, déterminant Neuf classes
fiscales.
Dans le gouvernement, on compte Neuf ministres d’État, Neuf grades
de dignitaires, Neuf degrés de la hiérarchie administrative et honorifique
des fonctionnaires (jiu pin 九品 ) et Neuf emblèmes ornant les vêtements
officiels, correspondant à ces Neuf grades.
Les Neuf articles (jiu chou 九疇 ) de la Grande Règle12 reflètent
l’organisation naturelle dans la société humaine.
Neuf sillons sont tracés par l’Empereur lors de la cérémonie du
commencement du printemps, pour que soient totalement établis les travaux
du nouveau cycle annuel.
On discerne Neuf moments dans les mouvements respectivement
descendants et ascendants des souffles du Ciel et de la Terre (jiu zhi 九窒 ),
et on passe par Neuf transmutations pour élaborer l’élixir d’immortalité,
dans les pratiques taoïstes.
Neuf sections répartissent l’enseignement de la médecine dépendant du
Bureau impérial de la médecine (taiyiju 太醫局 ) sous les Song. On y
apprend, entre autres, comment manier les Neuf aiguilles (jiu zhen 九針 )
pour soigner la totalité des maux, ou comment observer les Neuf sections
qui divisent le corps, chacune portant un pouls révélateur de son état (jiu
hou 九候 ).
« Les Neuf aiguilles sont les lois (nombres) suprêmes (da shu 大數 ) du
Ciel Terre, qui commencent par Un et finis-sent par Neuf  » (Lingshu, ch.
78).
Confucius13 voit dans les Neuf préoccupations du sage (jiu si 九思 ) le
fondement de l’attitude appropriée en toutes circonstances. Ce sont  : bien
regarder ; bien écouter ; manifester de la bienveillance dans l’expression, de
la déférence dans les manières, de l’honnêteté dans les paroles, du sérieux
dans le travail ; demander conseil dans le doute ; penser aux conséquences
de la colère ; rester équitable devant le profit.
Une liste légèrement différente, mais semblable dans l’esprit, existe
dans le Shujing. Encore une fois, le nombre est plus important que le détail
du contenu de la série :
«  On compte en tout neuf vertus qui contribuent à rendre la conduite
parfaite. […] [Ce sont] l’aisance et la gravité, la condescendance et la
fermeté, la simplicité et la décence, le talent de gouverner et la
circonspection, la docilité et la force, la rectitude et la douceur, l’indulgence
et le discernement, l’inflexibilité et la sincérité, le courage et la justice.
Celui qui déploie constamment ces neuf qualités est parfait  » (Shujing,
Conseils de Gao Yao, trad. Couvreur).

REMARQUES SUR LES NOMBRES PAIRS

ET IMPAIRS DE UN À NEUF

Les nombres pairs  : Quatre, Six, Huit construisent et reconstruisent


l’espace et le temps, qualifient les territoires et les moments, les constituant
dans leur différence, les séparant, distinguant, selon la dualité, diversité,
multiplicité et formalisation propres à la Terre.
Les nombres impairs  : Trois, Cinq, Sept, Neuf centrent et recentrent,
dans l’unité chaque fois retrouvée à un autre niveau. Ils sont l’origine du
dynamisme qui commande la mise en mouvement et qui lui donne force ;
convergence et lancement des distributions, animation et initiation célestes.
Isabelle Robinet cite à ce propos un texte du Lingbao ancien14  : «  Les
nombres émergent à Un, s’établissent en Trois, s’accomplisent en Cinq,
s’épanouissent en Sept et culminent en Neuf. »

NOMBRES DES SÉRIES

Redisons-le, le contenu des séries menées par des nombres est


fréquemment variable. Ainsi, il y a différentes listes des Sept émotions. Ce
qui importe, ce n’est pas le détail des Sept, c’est que le total soit toujours
Sept. Le nombre qui mène la série est plus important, donne plus de sens,
que le détail de l’énumération.
Il existe bien sûr des séries tout à fait fixées, constantes, inchangeables.
En général, alors, le sens du nombre et celui du contenu se superposent (par
exemple les Cinq éléments).
Il y a aussi de multiples noms possibles pour des séries très proches ou
même souvent identiques. Ainsi a-t-on une dizaine de façons d’évoquer les
Neuf territoires ou Provinces de la Chine ancienne…

1. Qualité des souffles des méridiens de Vessie et Intestin grêle.


2. Qualité des souffles des méridiens de Vésicule biliaire et Triple
réchauffeur.
3. Voir aussi Zhuangzi, ch. 6.
4. Cf. étude de Sept et de l’accès à la lumière en Sept étapes.
5. Cf. Laozi, 14.
6. Cf. Laozi, 42.
7. Par exemple l’estomac, les deux intestins et la vessie.
8. Cf. Nanjing 5 et surtout Nanjing 18.
9. La série continue du reste avec 3 à la puissance 3 = 27 et 3 à la
puissance 4 = 81. Voir ces nombres.
10. Il n’y a pas de traces archéologiques attestant qu’un tel bâtiment ait
effectivement existé dans les siècles qui précèdent l’ère chrétienne. Il s’agit
très probablement d’une illustration de la vision organisée du monde, une
vue de l’esprit ; ce qui n’enlève rien à sa valeur symbolique. A posteriori,
plusieurs souverains firent ériger un Mingtang en s’inspirant des textes
classiques qui le décrivent ; souvent pour assurer ou légitimer leur autorité.
11. La Voie royale, École française d’Extrême-Orient, t. II, p. 383-384.
12. Le chapitre Hongfan du Shujing.
13. Lunyu ou Analectes de Confucius, ch. 16.
14. «  Le rôle et le sens des nombres dans la cosmologie et l’alchimie
taoïstes », Extrême-Orient Extrême-Occident, n° 16.
Dix ou l’unité recomposée

SHI

GRAPHIE DU CARACTÈRE

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

Ces hypothèses travaillent sur la forme ancienne du caractère Dix : ou


.
Dans la thèse qui explique la graphie des nombres par les positions de la
main et des doigts, le trait vertical qui est la graphie archaïque de Dix
représenterait la paume de la main vue de profil, ou, selon une autre
interprétation, les deux paumes jointes vues de face. On aurait alors les Dix
doigts des deux mains jointes.

La thèse traditionnelle, le Shuowen

«  Dix (shi 十 ) est le nombre qui exprime la complétude. Le trait


horizontal, c’est la ligne est-ouest. Le trait vertical, c’est la ligne sud-nord.
Ainsi a-t-on les Quatre points cardinaux avec la région centrale. Tout est
alors au complet, parfaitement constitué, bien agencé. »
La totalité exprimée par le Neuf se visualisait bien comme Huit autour
d’un centre. Dix totalise le vertical et l’horizontal en un croisement, qui est
intégration et fusion. Tout est exprimé dans le Dix, tout est présent, mais le
détail s’efface au profit de l’unité.
LES FORMATIONS DE DIX

Dans le décompte les directions, Dix est 8 + 2. Les Dix directions (shi
fang 十方 ) sont les Huit points de la rose des vents, plus le haut et le bas.
On retrouve quelque chose d’analogue aux Six jonctions (cf. Six) formées
par les Quatre directions, plus le haut et le bas. L’axe vertical zénith/nadir
demeure ; les Quatre directions sont devenues les Huit polarités de la rose
des vents, exprimant toute la diversité des souffles déployés
horizontalement. Dix exprime bien ainsi le croisement de l’horizontal et du
vertical, du Ciel et de la Terre.
Dix est aussi perçu comme le doublement de Cinq, soit le produit de
Deux, représentant le yin yang, et de Cinq, représentant les Cinq éléments.
Les Dix troncs célestes (tian gan 天干 ), formés de Cinq couples yin yang,
en sont un exemple.

DIX

La graphie primitive du nombre Dix est un trait vertical  : . Par la


suite, un renflement ou un petit trait horizontal est ajouté, sans doute
pour éviter la confusion avec un simple dérapage de l’outil qui servait à
écrire.

La valeur quantitative semble dominer pendant des siècles. Même si


le trait vertical peut évoquer le Ciel, le mouvement entre Ciel et Terre, ce
n’est que progressivement que ces notions enrichissent leur contenu
symbolique.

La croix dessinée par le caractère classique pour Dix 十 peut se


comprendre comme l’intersection d’une ligne nordsud avec une ligne
est-ouest. Les Quatre directions et le centre sont alors représentés ; c’est
la totalité de ce qui s’ex-prime sur Terre, le parfait agencement.

Cependant, la verticalité se lie facilement au Ciel, comme


l’horizontalité se lie à la Terre. Si bien que, prise comme le croisement
de la ligne verticale avec la ligne horizontale, la graphie classique de Dix
十 peut aisément être interprétée comme la totalité de ce qui vient du
Ciel et la totalité de ce qui est reçu et s’étend sur Terre, comme la totalité
du Ciel Terre. Dix prend alors le sens de complet, un tout complet et
parfait, à l’image du Ciel Terre.

Dix a ainsi remis dans l’unité tous les éléments distingués de la


composition de la vie. Il est aussi alors le nombre de l’homme, unique en
son genre et exprimant l’unité de la vie cosmique.

En grande écriture, Dix c’est 拾 : recueillir, rassembler, ranger.


DIX ET UN

C’est aussi Neuf plus Un. Mais, comme on l’a déjà vu, le Un est
symboliquement la présence sous-jacente de l’Unité. Rien n’est réellement
« ajouté » quand on additionne Un à Neuf. Mais les éléments de la vie, la
diversité des souffles, organisés et répartis par Neuf, sont intégrés dans
l’unité intrinsèque de chaque être. En Dix, ce qui était analysé comme
différent à Neuf se retrouve dans l’unité vitale. La communication et la
communion des différentes parties constitutives d’un être permettent à la
vie de fonctionner comme un tout dans lequel on ne s’intéresse plus à
discerner des éléments ou des parties car on est plongé dans l’activité vitale
elle-même.
Imaginons un livre ; il contient un savoir que nous ne connaissons pas
encore. Pour connaître, il faut ouvrir le livre et le lire, de la première à la
dernière page, si possible dans l’ordre de succession des chapitres. Mais
ensuite, il s’agit d’intégrer ce qu’on a lu ; il faut alors refermer le livre pour
vivre. Le livre refermé est semblable au livre avant qu’il soit ouvert  ; la
seule différence est la connaissance qu’on a à présent de son contenu. On
trouve un rapport analogue entre Un et Dix ; leur seule différence est qu’à
Dix, on connaît ce qui était contenu dans le Un.
Dix est donc une variante de Un. C’est la somme des 4 premiers
nombres (1 + 2 + 3 + 4 = 10). Dans certain contexte, on peut comprendre :
Un pour la Voie, Deux pour la Vertu, Trois pour le Ciel, Quatre pour la
Terre.
Dix c’est aussi la fin des nombres, puisque 11 se compose de 10 et de
1 ; en chinois : shi yi十一 十
. Dix (shi ) est donc le dernier des caractères
spéciaux pour les nombres, si l’on excepte ses propres puissances Cent,
Mille et Dix mille1. Comme l’Un, le Dix contient tous les autres nombres
simples, mais entre Un et Dix ils ont été énumérés, leur succession a

structuré et rempli la vie. Le caractère ji , qui signifie « calculer, compter,
méthode de calcul », montre, par sa graphie, que savoir calculer c’est savoir
言 十
énoncer ( ) les nombres de 1 à 10 ( ).

DIX NOMBRE ULTIME

Dix ramène à l’Unité toutes les variations achevées à Neuf. Dix est
perfection, complétion. Illustrons cette valeur symbolique de Dix à travers
quelques caractères qui l’intègrent dans leur graphie :
bo 博 est composé à gauche de dix 十 et à droite d’un caractère

signifiant propager, répandre largement . Il signifie vaste, étendu, ample,
immense, universel, général, innombrable  ; érudit  ; au vaste savoir  ;
connaître intégralement.
xie 協 est composé à gauche de dix 十 et à droite de trois fois le

caractère pour la force . Il signifie l’accord harmonieux d’une multitude,
union des forces ou des sentiments ; se mettre d’accord, mettre ses forces en
commun, s’unir ; ensemble.
zhi汁 est composé à droite de dix 十 et à gauche de l’eau Il désigne
les liquides parfaits, complets, capables de régénérer le sang  ; ou la bile
faite de pures essences.
gu 古 est composé du dix sur une bouche. Il a le sens de ancien,
十 口
antique ; l’Antiquité. Le Shuowen explique : « Dix ( ) bouches ( ) pour
signifier que l’on reconnaît les paroles des prédécesseurs. » Ce qui est passé
par Dix bouches, ou Dix générations, a l’authenticité d’une transmission
ancienne.
zhi直 十 目
est composé du dix ( ) sur un œil ( ) et d’un trait qui figure
l’objet que l’on regarde. Il a le sens de droit, probe, juste, correct, franc,
direct. Ce que Dix yeux ont regardé sans y voir de défaut est droit et
correct.
On peut considérer Dix comme la reprise de Un au niveau des êtres
particuliers, parfaitement constitués.
L’homme est achevé et prêt à naître au dixième mois de gestation ; ses
esprits sont alors au complet, ainsi que ses âmes : Trois Hun et Sept Po pour
un total de Dix. Il est alors équipé pour Cent ans (10 × 10) de vie. L’adepte
de l’alchimie taoïste nourrit son embryon spirituel sur Dix mois, qui
symbolisent les étapes de la sublimation des souffles en esprits. Dix
«  ailes  » (ou commentaires, shi yi 十翼 ) sont adjointes au Yijing pour en
faire un classique, le texte de référence.
Dix est donc le nombre propre au principe animateur de l’homme, en
tant que celui-ci représente l’achèvement parfait ainsi que l’unité du Ciel
Terre. Pour la même raison, il est aussi un nombre solaire, le soleil étant le
principe animateur des êtres qui, du Ciel, procure la chaleur et la lumière
nécessaires à la vie sur Terre.
La légende raconte qu’il y avait anciennement Dix soleils2 pour rythmer
sur Dix jours les activités des êtres. Il s’agit sans doute de l’illustration de la
décade, antique division du temps selon les Dix troncs célestes, désignée
par un caractère spécifique : xun . 旬
旬 十
Ce caractère xun , comme le caractère Dix shi , étend son sens de
décade à ceux de : partout, complet, universel.
Terminons par un texte de Dong Zhongshu :
« Les grands nombres du Ciel sont complets à Dix. […] Dix et tout est
achevé, parfaitement complet. Dix, c’est la limite des nombres du Ciel (lois
naturelles, tian shu 天數 ). […] Ainsi, au premier mois (zheng yue 正月 )3,
les souffles yang commencent à sortir de terre ; ils nourrissent l’apparition
et entretiennent la croissance vers le haut (des plantes), jusqu’à ce qu’ils
aient parachevé leur œuvre  ; c’est alors la richesse amassée du dixième
mois (la moisson). L’homme, de même, naît au dixième mois, s’accordant
ainsi aux nombres du Ciel. Selon la Voie du Ciel (tian dao 天道 ), tout est
donc achevé au dixième mois  ; et pour l’homme tout est aussi achevé au
dixième mois ; il s’accorde ainsi à la Voie du Ciel » (Chunqiu fanlu, ch. 43).
Dix est une période de temps complète à la fin de laquelle on recueille
les effets des actes qui y ont été accomplis4. Ainsi, surveillant la croissance
de son enfant, tout homme qui occupe un certain rang dans la société se le

fera présenter tous les Dix jours (xun ). À Dix ans l’enfant est mûr pour
commencer l’apprentissage de sa vie  : le garçon sort à l’extérieur pour
étudier à l’école ; la fille se cloître à l’intérieur pour apprendre les travaux
ménagers5 (cf. Appendice 3).

1. Ces graphies spéciales sont sans doute liées à l’absence d’un zéro
permettant de distinguer l’ordre de grandeur d’un nombre.
2. Voir le récit plus complet dans La Bannière, op. cit.
3. Il faut ici certainement comprendre l’année astronomique, donc le
mois qui débute au solstice d’hiver.
4. Cf. M. Granet, « La vie la mort », Études sociologiques sur la Chine,
p. 207.
5. Liji, ch. Neize.
Après le Dix

Les nombres s’arrêtent à Dix ; la série numérique est complète de Un à


Dix. Les autres nombres tirent leur usage symbolique essentiellement de la
façon dont ils sont composés  : somme ou produit de deux ou plusieurs
autres nombres.
Nous nous contenterons donc de signaler quelques-uns des plus
remarquables de ces nombres, à commencer par les trois qui suivent
immédiatement le Dix, puis un choix de nombres, entre Quinze et Cent,
incluant les carrés, et qui jouent un rôle particulier dans des expressions ou
énonciations de la connaissance.
Nous terminerons avec l’étude de Cent, Mille et Dix mille.

ONZE

Onze est entre Dix (2 fois 5) et Douze (2 fois 6), entre donc le double
des deux nombres, Cinq et Six, qui organisent la vie, règlent les
permutations et les échanges de flux qui la maintiennent.
En médecine, Cinq organes zang et Six organes fu font un total non pas
de onze, mais de Douze organes du corps humain, car le Cœur présente un
double aspect. Le Onze se trouve donc, en quelque sorte, en dehors de ce
qui règle habituellement, des règles normales.
Légendairement, il y avait anciennement Douze lunes, comme il y avait
Dix soleils. Les Douze lunes correspondent aux Douze mois de l’année (le
même caractère yue 月 servant pour la lune et le mois) et les Dix soleils aux
Dix jours de la décade, l’unité de base du calendrier (le même caractère ri
日 servant pour le soleil et pour le jour). Entre Dix et Douze, Onze est,
d’une certaine manière, entre le yin (lune) et le yang (soleil). Onze marque
ce qui est un peu étrange, différent, qui n’entre pas dans la catégorisation
habituelle du yin yang, ou ce qui a une place un peu particulière entre yin et
yang.
Après le retour à l’Un par le Dix et avant la régulation, la
réglementation des espaces et des temps sectorisés, à Douze, le nombre
Onze montre la diversité à l’intérieur de l’Unité. Il convient à ce qui est
étrange, non habituel, autre, mais fait partie du fonctionnement de
l’ensemble, est intégré dans le réel.

En médecine traditionnelle, les fu extraordinaires (qiheng zhi fu) sont


des organes entre zang et fu. Comme ils présentent un creux anatomique, un
espace vide prêt à être rempli de substance, ils s’apparentent aux organes
fu  ; mais comme ils reçoivent et thésaurisent les essences, sous diverses
formes, ils se conduisent comme des organes zang. Ils sont très nécessaires
à l’entretien de la vie et sont décrits au chapitre onzième du Suwen (wu
zang bie lun 五 藏別論 經別
). Les trajets distincts des méridiens (jing bie ),
經 絡
ni méridien (jing ) ni connexion (luo ), renforcent la conjonction entre
les méridiens yin et les méridiens yang. Ils sont décrits au chapitre onzième
經別
du Lingshu (jing bie ). On remarque un caractère commun dans le titre

de ces deux chapitres onzième : bie  : ce qui est divergent, se distingue,
diffère (ici de la norme usuelle représentée par les Cinq organes zang et les
Six organes fu ou par les Douze méridiens).
Le chapitre onzième du Huainanzi montre que la variété des us et
coutumes, toutes les divergences et les différences des rites et des lois dans
les sociétés humaines, reviennent au même dans la grande Unité, qui
englobe le normal et l’anormal, l’habituel et l’exceptionnel, le familier et
l’étranger. La diversification ne sort pas de l’Unité  ; elle exprime la
multitude des réponses possibles, sur Terre, au même influx céleste. Onze
permet d’inclure les variantes et les dérivations.

DOUZE

Douze est Six fois Deux, comme Dix est Cinq fois Deux. Étant le
doublement de Six, Douze est la mise en acte régulée des échanges de
souffles qui se manifestaient à Six. Cela se fait ordinairement par Six
couples yin yang. Il y a ainsi, en médecine, Douze méridiens, Six yin et Six
yang, qui développent, dans tout le corps, les Six qualités fondamentales du
souffle.
Douze est aussi Trois fois Quatre : les souffles (Trois) s’isncrivent dans
la diversité des formes terrestres (Quatre)  ; la variété des espaces et des
temps offerte sur Terre (Quatre directions, Quatre saisons) est animée et
activée par les souffles (Trois). Les souffles (Trois qualités yin et Trois
qualités yang) des Douze méridiens circulent dans les Quatre membres.
Douze exprime donc un système d’organisation au niveau des êtres ou
des circonstances particulières, un système de règles, qui dirige
parfaitement et efficacement les mouvements, les circulations, les échanges.
Douze mois règlent ainsi tous les souffles de l’année, Six mois yang du
printemps et de l’été et Six mois yin de l’automne et de l’hiver (6 × 2), ou
encore Quatre saisons de Trois mois (4 × 3). À chaque mois correspondent
des commandements particuliers, que le souverain proclame à partir de la
salle appropriée du Mingtang ou Palais de lumière, afin que toutes les
activités humaines soient parfaitement ordonnées.
Douze Tubes musicaux, Six tubes femelles ou yin et Six tubes mâles ou
yang, règlent tous les sons de la musique par les Douze notes de la gamme
chromatique.
Un banquet traditionnel comporte Douze plats – ou même Douze
services –, Six principaux et Six secondaires.
Plus récemment, le cycle complet de l’enseignement comprend Douze
années  : six ans pour le primaire et six ans pour le secondaire, ce dernier
étant réparti en deux étapes de trois ans chacune.
En médecine, les Douze organes du corps s’associent chacun à un
méridien  ; les organes yang (fu) aux méridiens yang et les organes yin
(zang) aux méridiens yin. Ils sont responsables de la régulation des
différentes fonctions vitales.
Douze cours d’eau majeurs (shi er jing shui 十二經水 ) organisent les
territoires de la Terre, déterminent la qualité de ce qui y pousse et de ce qui
y vit. Ils sont présentés au chapitre 12 du Lingshu dans leurs relations aux
Douze méridiens.
Douze rameaux terrestres (shi er zhi 十二支 ) et leurs associations  :
Douze animaux emblématiques (shi er qin 十二禽 ), Douze emblèmes de
naissance (shi er xiao 十二肖 ), Douze signes zodiacaux (shi er chen 十二
辰 ), Douze heures de la journée…, servent à préciser les moments du temps
(heures, mois, années), à repérer les espaces zodiacaux, à pratiquer
l’astrologie…
Les Douze brocards (shi er duan jin 十二段錦 ) sont douze mouvements
de gymnastique traditionnelle (Qigong).
12 × 9 = 108, soit le produit de l’entretien total et organisé de la vie par
les règles qui président son administration. C’est le nombre des
mouvements dans certaines séquences de Taiji. Dans le bouddhisme, le
chapelet compte 108 grains (bai ba wan 百八丸 ), alors que matin et soir la
cloche de la pagode et du monastère sonne 108 coups (bai ba zhong 百八
鍾 ).

TREIZE

Treize, c’est 12 plus 1. Les mouvements réglés par Douze sont


effectués. L’activité va donc se faire dans une conformité plus ou moins
grande avec les règles énoncées par Douze. Treize représente ainsi les
dangers inhérents à la mise en œuvre de l’activité, d’une façon un peu
semblable à ce que l’on trouve pour le Sept. Du reste Treize, c’est aussi 6 +
7, les mouvements organisés (Six) et le surgissement vital, qui peut
facilement être intempestif (Sept).
On ne s’étonne pas alors de trouver Treize lié à la vie et à la mort. La
vie se déroule en de multiples activités, s’ex-prime en des mouvements  ;
elle se conserve si l’on suit les règles ; elle s’épuise prématurément si on en
fait fi.

Le Lingshu présente toutes les circulations qui animent le corps en 3


chapitres  : le chapitre dixième est consacré aux circulations ordinaires et
décrit les Douze méridiens et les Quinze trajets connectifs ou luo. Leur
place est en Dix, car il s’agit de l’animation de l’homme, dont le nombre
symbolique est Dix. Le chapitre onzième décrit des circulations spéciales
(cf. étude de Onze). Le chapitre douzième présente les apparentements des
Douze méridiens avec les Douze cours d’eau qui sillonnent la Terre.
Finalement, le chapitre treizième du Lingshu présente Douze
circulations responsables des mouvements musculaires (tendino-
musculaires, jin jing 筋經 ). Si la vie est bien réglée, ces mouvements seront
forts et souples  ; si l’on force trop, crampes et contractions signalent le
manquement à l’ordre et finalement on se rend impotent.

L’activité vitale n’est pas seulement musculaire  ; elle s’exprime aussi


par les orifices, dont on dit qu’ils sont les passages des esprits vitaux1.
Treize est alors 4 + 9 : les Quatre membres, qui exercent l’activité physique
extérieure, et les Neuf orifices, témoins des variations de la vie intérieure.
La construction du mental, de la conscience est présentée, au chapitre 8
du Lingshu, en Treize entités : Vertu, Souffles, Vie, Essences, Esprits, Hun,
Po, Cœur, Propos, Vouloir, Pensée, Réflexion et Savoir-faire2. Un savoir-
faire qui est l’art de vivre et d’atteindre la longévité.
Celui qui ne connaît pas l’art de vivre se dépense vainement et
dangereusement, en dépit des règles qui devraient guider sa conduite et que
l’on trouve, par exemple, dans les Treize classiques, livres canoniques pour
régler l’activité humaine, le corps social.
Le Laozi exprime parfaitement la valeur du Treize au chapitre 50 :
« On sort c’est la vie on rentre c’est la mort
Compagnons de la vie ils sont Treize
Compagnons de la mort ils sont Treize
Mouvant les vivants aux sites de mort Treize encore
Et pourquoi
Sinon qu’on est mené par l’avidité de vivre
On dit que ceux qui connurent l’art de vivre
Quand ils voyageaient par les routes
Ne rencontraient ni le rhinocéros ni le tigre
Quand ils étaient à l’armée
Ne portaient ni armes ni cuirasse
Le rhinocéros n’aurait pas eu où planter sa corne
Le tigre n’aurait pas eu où jeter sa griffe
L’arme où placer sa lame.
Et pourquoi
Sinon qu’ils n’offraient pas de prise à la mort3. »

QUINZE

Quinze, c’est 3 × 5, le produit du nombre qui insuffle (Trois) par celui


qui permet la vie (Cinq). On a donc le produit du déploiement des souffles
vitaux par l’organisation fondamentale.
Dans le temps du calendrier, c’est le nombre des jours de chacune des
24 périodes de l’année solaire.
Dans l’espace du corps, c’est le nombre des circulations qui connectent
les méridiens entre eux ainsi qu’avec des lieux importants de leur fonction.
Ce sont les Quinze grands luo (shi wu da luo 五大絡 ).
C’est aussi bien Sept (jeune yang, Shaoyang) plus Huit (jeune yin,
Shaoyin) que Six (vieux yin, Taiyin) plus Neuf (vieux yang, Taiyang) ; dans
l’un et l’autre cas, la somme du yin et du yang, leur expression complète.
Ce nombre joue un rôle dans les étapes du développment de la vie, par
exemple pour les fiançailles de la jeune femme (cf. Appendice 3).
Quinze, c’est encore la somme des cinq premiers nombres : 1 + 2 + 3 +
4 + 5.

SEIZE

Seize est le carré de Quatre et le doublement de Huit  ; il peut


représenter les espaces de la Terre. Sur la Bannière funéraire de
Mawangdui, la Terre est symbolisée par un grand carré subdivisé en 16
petits ; soit un carré de 4 carrés de côté.
Le corps humain est présenté, en Suwen, ch. 62, comme divisé en 16
parties.

DIX-NEUF

Dix-neuf, c’est 10 + 9, l’addition de deux nombres de totalité. Il peut


donc symboliser un temps long ou un cycle complet. On le trouve avec ce
sens en plusieurs occurrences de Zhuangzi.
Au chapitre 3, le boucher se sert de son couteau depuis 19 ans, sans
l’avoir usé ou cassé  ; ce qui signifie qu’il vit depuis longtemps sans
dommage. Au chapitre 5, un disciple étudie depuis 19 ans sous un maître.
Finalement, au chapitre 11, Huangdi, l’Empereur Jaune, règne depuis 19
ans, quand il entend parler d’un vrai maître taoïste et décide d’aller le
visiter.

VINGT-QUATRE
Vingt-quatre est 12 × 2, l’extension de la régulation dans un détail plus
fin. L’année ne se divise plus simplement en Douze mois, mais en 24
périodes climatiques de 15 jours chacune, dont le nom jie qi 節氣 évoque le
rythme donné aux mouvements des souffles. Ces périodes sont 24 qualités
du souffle  ; chacune est responsable de transformations caractéristiques
dans la nature au cours d’une année. Elles font ainsi évoluer la vie du Petit
froid au Grand froid ou des Épis moitié pleins aux Épis qui ont des barbes,
de la Fin de la canicule à la Rosée blanche ou de la Rosée froide à la Gelée
blanche, pour citer le nom de 8 de ces 24 périodes.
Si l’on veut regarder dans le détail les variations spatiales du souffle
exprimées en Huit par la rose des vents, on multi-plie Huit par Trois pour
二十四向
obtenir les 24 directions (de la rose des vents, er shi si xiang ).
Si l’on veut un modèle de bonne conduite pour chaque situation, on
二十四孝
étudie les 24 exemples de la piété filiale (er shi si xiao ), ouvrage
confucéen composé par Guo Jujing (dynastie Yuan).
Le Poumon qui, dans le corps, est responsable de tous les souffles,
comporte symboliquement 24 cavités.

VINGT-CINQ

Vingt-cinq est le carré de Cinq. Il peut représenter les variations des


composants d’une série par Cinq selon les Cinq éléments.
On peut facilement construire un ensemble de 25 en mettant en relation
deux ensembles de Cinq, tous les deux sur le modèle des Cinq éléments.
Vingt-cinq exprime alors les relations entre les composants de ces deux
ensembles.
En médecine, par exemple, il y a Cinq points parti culiers (points dits
shu), correspondant chacun à un des Cinq éléments, sur chacun des Cinq
méridiens associés aux Cinq organes zang.
«  Les Cinq organes zang ont [chacun] Cinq points shu (sur leur
méridien) ; 5 fois 5 fait 25 points shu » (Lingshu, ch. 1).
Vingt-cinq représente donc facilement un ensemble de transformation
ou de circulation. Cet ensemble peut être considéré comme complet, ou
peut être considéré comme la moitié seulement de la totalité  ; dans ce
dernier cas, 25 est mis en relation avec un autre ensemble qui le complète.
Ainsi, les méridiens des organes fu sont au nombre de Six et ils portent
chacun non pas Cinq, mais Six points dits shu, pour un total de 36.
Selon le Xici, 25 est aussi la somme des nombres impairs entre Un et
Dix (1 + 3 + 5 + 7 + 9 = 25), comme 30 est la somme des nombres pairs (2
+ 4 + 6 + 8 + 10 = 30).
Mais plus souvent, 25 est complété par un autre ensemble de 25, pour
une totalité yin yang exprimée par 50. Ainsi, les cycles des circulations,
dans le corps, des souffles nutritifs et défensifs, sont menés par ces
nombres. Ils parcourent 25 fois un circuit durant le jour et 25 fois un circuit
durant la nuit4.
Vingt-cinq c’est aussi la somme des expressions corporelles qui
participent aux mouvements des souffles  : Neuf orifices + Cinq organes
zang + Six organes fu + Cinq organes des sens.
Cette somme corporelle, plutôt du côté yang, est complétée par une
autre, plutôt du côté yin, qui totalise 30 aspects plus substantiels du corps :
Dix doigts + Dix orteils + Huit grandes articulations osseuses + Deux reins.

VINGT-SEPT

En tant que 3 × 9, vingt-sept est le produit de nombres indiquant une


puissante et totale vitalité de souffles. On trouve ainsi, dans certains textes
taoïstes, 27 groupes de 27 esprits, tels les 27 Seigneurs des souffles vivants
du corps, ou encore 27 sortes d’immortels.
En médecine, le méridien des Reins compte 27 points, alors que celui
du Cœur en a 9.
C’est aussi 12 + 15, soit le nombre des méridiens (12) et celui des trajets
qui les connectent, les luo (15). C’est donc la totalité des circulations,
verticales et transversales, dans le corps.
«  Les méridiens (jing mai 經脈 ) sont Douze. Les circulations
connectives (luo mai 絡脈 ) sont Quinze. Soit en tout 27 souffles pour
monter et descendre » (Lingshu, ch. 1).

VINGT-HUIT

C’est surtout 4 × 7 : une lunaison compte 28 jours, facilement divisables


en 4 périodes de 7 jours. L’espace céleste comporte 28 mansions5  : 7 en
chacun des 4 points cardinaux.
«  Les sept directeurs (corrects, ba zheng 七正 )6 et les vingt-huit
mansions, les tuyaux sonores et le calendrier sont ce par quoi le Ciel est en

communication avec les émanations (souffles, qi ) des cinq éléments (wu
xing 五行 ) et des huit corrects (ba zheng 八正 )7» (Shiji, ch. 25, trad.
Chavannes).
Les huit corrects sont les Huit vents quand ils proviennent chacun de la
direction appropriée, au temps voulu. Ils sont le doublement des souffles
des Quatre directions et des Quatre saisons.

TRENTE-SIX

Trente-six est le carré de Six. Il peut servir, comme tous les carrés, à
exprimer une totalité. Elle est du côté des circulations et des activités. On a
ainsi les 36 stratagèmes de l’art militaire, qui sont tous les expédients,
toutes les ruses, et les 36 métiers, qui sont tous les métiers.
Qu’il y ait 36 cours d’eau qui vont à la mer et 36 palais où résident
toutes les concubines impériales est peut-être également lié au fait que 36
c’est aussi 9 × 4, c’est-à-dire l’organisation sur Terre.
Cependant, 36 en tant que 9 × 4 peut être associé au Ciel  ; il y a 36
cieux dans des textes taoïstes. Mais alors on prend un premier groupe de
Neuf : les Neuf étages des cieux, comme base, et chacun de ces Neuf cieux
va se développer en Trois cieux secondaires. On a donc 3 groupes de 9 qui
s’ajoutent au premier groupe de 9, pour un total de 36.
Mais 36 est aussi le dixième de 360, donc le dixième de la totalité
exprimée par les jours de l’année, et donc capable de représenter cette
totalité même. C’est en fonction de ce raisonnement que les premiers
Maîtres célestes du taoïsme divisèrent leur organisation en 36 provinces.
36 peut aussi être 12 × 3  ; ainsi il y a une méthode de divination où
chacun des Douze rameaux terrestres est représenté par trois animaux
emblématiques et non un seul.

QUARANTE-NEUF

Quarante-neuf est le carré de Sept et n’est divisible que par 7.


C’est le nombre des tiges d’achillée manipulées pour trouver les lignes
d’un hexagramme.

SOIXANTE-QUATRE

Soixante-quatre est le carré de Huit et le nombre des hexagrammes,


formés de 6 lignes et tirés avec 7 × 7 (49) bâtonnets.

SOIXANTE-DOUZE

Soixante-douze est le doublement de 368 ; il s’emploie avec une valeur


symbolique analogue : les 72 métiers sont tous les métiers.
Il y a souvent quelque chose de plus définitif, de plus complet en 72
qu’en 36, comme 50 est plus complet que 25. Ainsi les 72 sages sont les
plus remarquables des 3 000 (3 × 1 000) disciples de Confucius. Les 36
stratagèmes deviennent les 72 métamorphoses que le Roi des singes est
capable d’accomplir, c’est-à-dire les innombrables changements de
tactiques et non plus les 36 répertoriés.
Les 360 jours de l’année se divisent en 72 périodes de 5 jours, appelées

hou ( ), il faut 3 de ces périodes pour constituer l’une des 24 périodes de
節氣
15 jours de l’année solaire, appelées jie qi ( 氣
) ou qi ( ) en abrégé.
« Cinq jours font un hou. Trois hou font un “souffle” (qi). Six “souffles”
font une saison. Quatre saisons font une année. Chacun se traite selon ce qui
le commande » (Suwen, ch. 9).
En renversant le calcul, l’année est aussi divisée en 5 périodes de 72
jours  ; il y a donc 72 jours pour chacune des Quatre saisons, plus les 72
jours dévolus aux souffles de la Terre.
Soixante-douze peut être arrondi en 70, comme beaucoup de grands
nombres peuvent l’être. Ainsi le nombre des jours de l’année est 366 ou
365 ; mais 360 fait aussi bien, sinon mieux, l’affaire, symboliquement.

QUATRE-VINGT-UN

Le nombre des souffles (3) élevé à la puissance donne 9, qui, élevé lui-
même à la puissance, donne 81. Quatre-vingtun est donc une totalité
organisée qui est énoncée dans un détail suffisant pour couvrir tous les
aspects d’un enseignement fondamental.
Des livres, chacun essentiel en leur domaine, sont divisés en 81
chapitres  : Laozi, Suwen, Lingshu, Nanjing. Cette division est une
organisation de textes qui, plus anciennement, ne se présentaient pas ainsi ;
elle intervient quand la symbolique numérique est suffisamment affermie.

LES PUISSANCES DE DIX

CENT 百 BAI
Graphie du caractère

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

Ces hypopthèses travaillent sur des formes anciennes du caractère


Cent  : ou ou ou . Certains voient dans ces graphies la
représentation d’un pouce ; d’autres y voient une pomme de pin.

La thèse traditionnelle, le Shuowen


Pour le Shuowen, Cent (bai ) est le carré de Dix et le caractère montre
一 白 自
un trait ( ) sur le nez ( = ), c’està-dire les souffles qui sortent du nez,
soi-même. Au centre du visage, c’est en montrant son nez que l’on se
désigne soi-même. Montrer son nez avec un doigt serait la graphie de Cent
(bai 百 ) et le montrer avec deux doigts formerait le caractère archaïque
pour 200 : deux traits au-dessus du caractère cent.

La multiplicité dénombrable
Outre cent, centaine, centupler, les sens usuels du caractère Cent sont :
toutes sortes de, l’ensemble de, un grand nombre.
On emploie Cent, symboliquement, pour indiquer un ensemble
important, une catégorie d’êtres, mais dont tous les éléments sont
différenciés par nom, fonction, position, forme… On a certes une grande
quantité, mais elle est dénombrable  ; s’il s’agit d’une foule, elle n’est pas
indistincte.
Cent oiseaux, c’est toutes les espèces d’oiseaux, de même pour les
quadrupèdes, les fleurs ou les fruits. Toute la faune et la flore, en tant que
formées d’espèces nombreuses mais distinctes, sont bien repérées et
décrites par Cent. Dans la société humaine, Cent officiers sont tous les
fonctionnaires et Cent familles, toute la population. Les Cent produits sont
tous les articles et marchandises que l’on trouve dans un bazar et les Cent
métiers, tous les corps de métiers. Cent os soutiennent le corps, qui est
affecté de Cent maladies, etc.

Carrré de Dix, Cent est aussi une expression de l’Un. Quand on dit
Cent, on englobe tous les éléments appartenant à une même catégorie, sans
exception. C’est l’Un dans le détail particulier de son expression ; alors que
Cinq pouvait servir à signifier les grandes lignes d’organisation, les
expressions fondamentales du souffle à l’intérieur de cette unité.
On trouve ainsi la même notion exprimée sous l’aspect de Un, de Cinq

ou de Cent. Un seul corps (ti ), un organisme qui ne fonctionne que par
son unité, mais dont on peut dire qu’il se compose de Cinq parties (wu ti 五
體 ), quand on veut signifier que toutes les manifestations corporelles se
ramènent à l’un ou l’autre des Cinq souffles élémentaires9, ou qu’il se
compose de Cent parties (bai ti 百體 ), quand on veut parler du détail
concret de ces parties (un bras, un doigt, un organe, un œil…).
Cinq esprits (wu shen 五神 ) animent les Cinq éléments, les Cinq
organes zang dans le corps, et Cent esprits (bai shen 百神 ) habitent toutes
les parties du corps. Mais ils ne font qu’un seul esprit (yi shen一神 ).

MILLE 千QIAN
Graphie du caractère

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

Ces hypothèses travaillent sur des formes anciennes du caractère mille :


ou . On y voit la représentation d’un homme ; certains précisent : un
homme de plain-pied, dont on voit le corps entier.

La thèse traditionnelle, le Shuowen


« Mille (qian ) c’est dix fois cent. Le caractère se compose de dix 十

et de l’homme . »
Le Shuowen voit bien le corps de l’homme dans la partie haute de la
graphie, et en fait la phonétique. Alors que le Dix, en partie basse, est pour
le sens, puisque 1 000 c’est 10 × 10 × 10.

À la limite du dénombrable


Mille (qian ), c’est beaucoup ; c’est le nombre des grandes quantités,
non illimitées mais considérables et dont les éléments ne sont pas
distinguables, mesurables ou com p-tables – ou s’ils le sont, on n’est pas
intéressé à le faire.
Un voyage de Mille lis, c’est un voyage où l’on va très loin ; mais on ne
s’occupe pas de mesurer chaque kilomètre, ou de le différencier d’un autre.
On signifie qu’il s’agit d’une grande distance. Cependant, on peut
finalement la parcourir ; tandis que Dix mille évoque plutôt quelque chose
dont on n’arrive jamais au bout. Un cheval capable de courir mille lis par
jour est une métaphore pour un coursier infatigable et, par extension, une
personne exception-nellement talentueuse.
Ce qui vaut mille pièces d’or a un grand prix, est extrêmement précieux.
Mille ans est, de même, une très longue période de temps, une longévité
qui dépasse de beaucoup les normes humaines.
Dans les expressions où l’on couple Mille et Dix mille, on va au-delà du
dénombrable.
DIX MILLE 萬 WAN
Graphie du caractère

Hypothèses fondées sur des études linguistiques

Ces hypopthèses travaillent sur les formes anciennes du caractère : ou


ou .
La graphie du nombre serait la représentation d’un scorpion.

La thèse traditionnelle, le Shuowen

Plutôt qu’un scorpion, le Shuowen préfère voir, dans le caractère wan


萬 , des insectes, car ils sont des nuées, des myriades et qu’il est totalement
impossible de les compter. Or Dix mille, c’est innombrable, extrêmement
nombreux, à l’infini.

D’innombrables myriades

Dix mille (wan 萬 ) va donc être employé pour tous les éléments qui
existent dans une catégorie, sans qu’on cherche à les distinguer ou les
dénombrer, l’ensemble des variétés et des espèces possibles. Dix mille
implique quelque chose d’absolument grand, d’universel, qui vaut pour tout
et partout.
Les Dix mille êtres (wan wu 萬物 ) sont tous les êtres qui peuplent
l’univers dans la sucession des temps.
Dix mille suffit pour indiquer que c’est innombrable. Ainsi, si l’on veut
donner un nombre aux pores sur la peau, on commence par multiplier le
nombre des ouvertures (7) par celui des régions cutanées (12) ; ce qui donne
84 ; il n’y a plus qu’à multiplier ce résultat par Dix mille, puisque les pores
sont les ouvertures sur les zones cutanées qu’on ne peut dénombrer. On a
donc, symboliquement, 840 000 pores.
Même si en réalité on peut dénombrer, Dix mille s’emploie dans des
formules emphatiques qui veulent souligner l’incroyable quantité ou
distance dont on parle. Ainsi, la «  Grande Muraille  » de Chine est la
muraille longue de Dix mille lis (wan li chang cheng 萬里長城 ) ou, plus
récemment, la Longue Marche des troupes communistes s’échap-pant de
l’encerclement par les nationalistes, est la longue marche de Dix mille lis
(wan li chang zheng 萬里長征 ).
Dernière puissance de Dix à être notée avec un caractère propre, Dix
mille est, en Chine, une base de calcul, au même titre que Cent ou Mille. On
compte usuellement en centaines, en milliers et en dizaines de milliers.
Ainsi, trente mille, c’est trois dizaines de milliers (san wan 三萬) et trois
cent mille, trente dizaines de milliers (san shi wan 三十萬 ).

1. Huainanzi, ch. 7.
2. Voir Les Mouvements du cœur, Desclée de Brouwer, 1992, Rééd. 2006.
3. Trad. Claude Larre, Desclée de Brouwer.
4. Ces circuits sont les mêmes, jour et nuit, pour les souffles nutritifs ; ils
sont différents pour les souffles défensifs.
5. Les 28 mansions célestes sont les 28 constellations traversées par le
soleil, la lune et les Cinq planètes ; situées aux abords de l’équateur céleste,
elles le divisent, par projection, en 28 portions (qui ne sont pas égales).
6. Ce sont les Sept régulateurs  : soleil, lune et Cinq planètes, qui
régissent et norment le temps du Ciel (nature). Cf. l’étude de Sept.
7. Note de Chavannes : les huit divisions exactes qui correspondent aux
huit directions de l’espace d’où viennent les huit vents.
8. Qui est aussi 12 × 6 ou 8 × 9.
9. Les Cinq parties du corps sont  : les os (Eau), la force musculaire
(Bois), les circulations vitales (Feu), les chairs (Terre), la peau avec les
poils (Métal).
APPENDICE 1

Exemples de variations de sens

liées aux valeurs numériques

Cet appendice donne quelques exemples de la variation de sens d’un


même terme en fonction du nombre qui le précède. Il s’agit d’un choix.
D’autres nombres sont possibles pour chacune des notions présentées  ; le
contexte particulier éclaire normalement la signification. Certaines
expressions peuvent aussi – toujours selon le contexte – avoir un sens
différent de celui ici indiqué.

QI 氣 SOUFFLES
Un souffle (yi qi一氣 ) le Souffle Un, pour parler du Souffle originel,
des Souffles de la grande unité, avant la distiction du Ciel et de la Terre.
L’origine n’étant jamais au passé, ce sont aussi les grands souffles qui
remplissent l’intervalle du Ciel et de la Terre, en tant que l’unité toujours
présente, toujours retrouvée.
Dans le vocabulaire courant, c’est une expression qui veut dire d’un
coup, à la volée, comme quand le peintre se saisit d’un pinceau et, d’un seul
trait, trace une calligraphie, sans hésiter ou se reprendre. Un souffle
s’emploie aussi pour un accès de colère et pour encore bien d’autres sens,
car la langue conserve sa liberté et ses usages.
Deux souffles (er qi 二氣 ) c’est le yin/yang  ; les souffles yin et les
souffles yang, constitutifs de tous les êtres par leur harmonieuse
conjonction, ou facteurs de troubles quand ils entrent en lutte, causant en
l’homme les maladies et au ciel l’arc-en-ciel de mauvais augure. Dans un
contexte différent, l’expression peut désigner la deuxième des 24 périodes
climatiques.
Trois souffles (san qi 三氣 ) c’est la triade de Souffles qui constituent la
vie et qui se détaille différemment selon les domaines d’application. Dans la
cosmologie, ce sont les trois éléments constitutifs de l’univers : le clair et
léger qui constitue le ciel ; le lourd et l’obscur, qui constitue la terre ; et le
mélange des deux, qui fait apparaître le médian, l’homme. Ce sont les Trois
trésors de l’entretien de la vie : Souffles, Essences, Esprits. En médecine, ce
sont principalement les Trois souffles animateurs de l’homme  : souffles
ancestraux, nutritifs et défensifs. Dans le taoïsme, ce sont les Trois souffles
précosmiques qui président à la naissance de l’univers  : le souffle du
Mystère (xuan qi 玄氣 ), le souffle Originel (yuan qi 元氣 ) et le souffle du
Commencement (shi qi 始氣 ).
Quatre souffles (si qi 四氣 ) sont les souffles spécifiques des Quatre
saisons  : le souffle tiède qui réchauffe au printemps, le souffle chaud de
l’été, le souffle fraîchissant de l’automne, le souffle froid de l’hiver  ; les
mêmes souffles, à l’œuvre dans l’homme, en particulier dans son mental,
par l’allégresse et la colère, l’affliction et la joie. Analogiquement, en
pharmocologie, ce sont les Quatre propriétés ou natures des remèdes,
exprimant leur effet thérapeutique.
Cinq souffles (wu qi 五氣 ) sont, fondamentalement, les souffles des
Cinq éléments. À partir de là, ils peuvent représenter différentes catégories
de souffles dont les principales sont les suivantes  : les cinq phénomènes
atmosphériques  : pluie, beau temps, chaleur, froid, vent ou les cinq
modalités du souffle céleste : vent, chaleur, froid, humidité, sécheresse. Les
souffles des cinq organes zang, leurs manifestations dans le physique ou le
mental (particulièrement les tensions ou émotions qui en émanent). Les
manifestations des souffles dans ce que saisissent les organes des sens : les
cinq odeurs, les cinq couleurs, etc. Les souffles qui se manifestent dans les
Quatre directions et le centre ou dans les Quatre saisons plus la saison
intermédiaire.
Plus rarement, l’expression désigne les souffles de l’élément uni au
nombre Cinq, la Terre ; par exemple, en médecine, les souffles de la Rate.
Six souffles (liu qi 六氣 ) sont les souffles présentés en Trois paires. Ils
peuvent désigner les Six agents atmosphériques  : yin yang (froid et
chaleur), vent et pluie, ténèbre et lumière (jour et nuit) ou les Six modalités
du souffle céleste : froid et chaleur, humidité et sécheresse, vent et feu. Ce
sont aussi les six manifestations internes du souffle  : attrait et aversion,
allégresse et colère, affliction et joie. Les Six principes de l’entretien vital :
精氣
essences et souffles (jing qi ), fluides légers et denses (jin ye 津液 ),
sang et circulations (xue mai血脈 ). Ce sont encore les Six résonances des
Six tubes musicaux.
Sept souffles (qi qi 七氣 ) sont, en médecine, les désordres dans les
souffles induits par les Sept émotions ; ou les désordres provoqués par les
perturbations de Sept souffles pervers (froid, chaleur, colère, indignation,
accablement, allégresse, chagrin).
Huit souffles (ba qi 八氣 ) sont les huit souffles majeurs de l’année : les
deux solstices, les deux équinoxes et les quatre débuts de saison. Ils peuvent
désigner les souffles des Quatre saisons quand on exprime la qualité de
chacune non plus par un seul caractère, mais par deux : faire apparaître et
mettre en mouvement (sheng dong 生動 ) pour le printemps – faire croître et
élever (zhang yu 長育 ) pour l’été – stopper et mettre à mort (zhi sha 止殺 )
pour l’automne – revenir et thésauriser (gui cang 歸藏 ) pour l’hiver. Mais
l’expression Huit vents (ba feng 八風 ) est de loin plus courante.
Neuf souffles (jiu qi 九氣 ) sont neuf attitudes, neuf manières d’être. Ce
sont les neuf types de mouvements pathologiques des souffles, d’origine
aussi bien extérieure qu’interne  : colère, allégresse, tristesse, peur, froid,
chaleur, sursaut, fatigue, soucis.
Vingt-quatre souffles (er shi si qi 二十四氣 ) est synonyme des 24
périodes climatiques (jie qi 節氣 ).

FANG 方 TERRITOIRE

Les sens principaux du caractère sont : lieu, région, territoire, direction.


Le carré (qui symbolise la Terre). Recette, prescription (médicale). Moyen,
méthode. Stable.
Trois (san fang 三方 ) indique une tripartition. Un usage particulier en
fait le premier stade de la révélation du mystère, de l’Un.
Quatre (si fang 四方 ) désigne les quatre points cardinaux et les quatre
territoires qui occupent l’espace ; par extension, l’expression prend le sens
de partout ; en tout lieu. C’est aussi ce qui a quatre coins : un carré.
Cinq (wu fang 五方 ) sont les Cinq secteurs de l’espace  : les Quatre
directions ou territoires et le centre (nord, sud, est, ouest, centre).
Sept (qi fang 七方 )  : en médecine, ce sont les Sept sortes de
prescriptions (lourde ou légère, à action lente ou rapide, comportant un
nombre d’ingrédients pair ou impair, composée).
Huit (ba fang 八方 ) : les Huit directions de la rose des vents ; l’espace
réparti en Huit régions. Par extension, toutes les directions, tous les lieux.
Neuf (jiu fang九方 ) : les neuf secteurs de l’espace : les Huit régions de
la rose des vents orgnisées autour d’un domaine central.
Dix (shi fang 十方 )  : spécialement dans le bouddhisme, les Huit
directions de la rose des vents plus le haut et le bas.
Cent (bai fang 百方 )  : toutes les régions  ; tous les pays. Tous les
moyens.

JI 極 PÔLE
Les sens principaux du caractère sont : faîte, le point le plus élevé, pôle,
extrémité, apogée.
太極
Tai ji ( ) : le pôle suprême, l’Un.
Deux pôles (er ji 極 )  : géographiquement, c’est le Sud et le Nord.
Métaphoriquement, c’est l’Empereur et ses parents.
Trois pôles (san ji 三極 ) : les trois puissances : Ciel, Terre, homme. Les
trois commencements de l’année (selon trois calen-driers anciens
différents).
Quatre pôles (si ji 四極 )  : les Quatre extrémités de l’univers  ; les
Quatre frontières ou limites d’une région. Ce sont parfois Quatre piliers qui
relient Ciel et Terre. Dans le corps, ce sont les Quatre membres.
Cinq pôles (wu ji 五極 ) : sont Cinq situations extrêmes, synonymes des
Cinq châtiments.
Six pôles (liu ji六極 ) : les six directions : est, ouest, sud, nord, zénith et
nadir forment l’espace des Six pôles. Dans d’autres contextes, ce sont Six
situations extrêmes : les six malheurs extrêmes (mort prématurée, maladie,
accablement, pauvreté, méchanceté, faiblesse) ou les Six manières
d’exténuer sa vitalité en épuisant souffles, sang, force musculaire, os,
essences ou moelle.
Huit pôles (ba ji 八極 )  : les Huit confins de l’espace, de l’univers
connu, les régions les plus lointaines à l’Est, Ouest, Sud, Nord, Sud-Est,
Sud-Ouest, Nord-Ouest et Nord-Est.
Neuf pôles (jiu ji 九極 ) : dans le taoïsme, c’est une façon de parler des
Neuf cieux. C’est parfois une métaphore pour le palais impérial.

JIE 節 JOINTURE
Les sens principaux du caractère sont  : nœud (du bambou), jointure,
articulation, rythme, division du temps, date remarquable  ; modération,
tempérance.
Trois jointures (san jie 三節 ) sont les trois grandes fêtes populaires de
l’année.
Quatre jointures (si jie 四節 ) sont les Quatre saisons, ou anciennement
les Quatre chasses saisonnières. Ce sont aussi les articulations des quatre
membres des animaux.
Cinq jointures (wu jie 五節 ) sont soit les moments du temps de
l’année, soit les Cinq notes (l’expression mesurée du temps ou des sons).
Six jointures (wu jie 六節 ) peuvent être les Six hauts fonctionnaires
détenteurs d’un signe d’autorité ; ou les six allures du cheval ou encore les
Six perturbations émotionnelles (attraits et aversions, allégresse et colère,
affliction et joie).
Huit jointures (ba jie 八節 ) sont les Huit temps forts ou dates
importantes qui rythment le temps d’une année  : le commencement des
quatre saisons, les équinoxes et les solstices. Dans le corps, ce sont les Huit
grandes articulations osseuses, qui décou-pent les séquences du squelette
(poignets, coudes, chevilles et genoux).
Douze jointures (shi er jie 十二節 ) sont les Douze grandes
articulations osseuses, qui découpent les séquences du squelette (poignets,
coudes, épaules, chevilles, genoux et hanches) ; ce sont aussi les rythmes du
mouvement des souffles réglés par les méridiens.
Vingt-quatre (er shi si jie 二十四節 ) sont les 24 périodes climatiques
(jie qi節氣 ). C’est toute la rythmique des souffles d’une année ou d’un
corps humain.
Cent jointures (bai jie 百節 ) sont toutes les articulations des
mouvement du corps.
365 jointures sont les 365 articulations osseuses du corps de l’homme,
quand on considère le squelette, et 365 « points » d’acupuncture, quand on
considère la rythmique du mouvement des souffles et les relais qui la
permettent.

SHEN 神 ESPRITS
Les Deux esprits (er shen 二神) sont le Yin et le Yang, sous leur aspect
de puissances productrices de la vie, ou leurs hypostases : Fuxi et Nügua.
Les Trois esprits (san shen 三神 ) sont ceux du Ciel, de la Terre et de
l’Homme ou des Pics sacrés, ou encore les esprits qui, dans le corps,
habitent les trois champs de cinabre (cerveau, cœur, ventre).
Les Quatre esprits (si shen 四神 ) sont les divinités qui donnent leur
qualité propre aux Quatre directions de l’espace, les divinités protectrices
des Quatre points cardinaux.
Les Cinq esprits (wu shen 五神 ) : dans un contexte général, ce sont les
esprits des Cinq éléments, des Quatre directions et du centre ; ou encore les
Cinq souverains mythiques divinisés. Dans un contexte corporel, ce sont les
cinq manifestations spirituelles dans les cinq organes (esprits Shen dans le
Cœur, âmes Hun dans le Foie, âmes Po dans le Poumon, Propos dans la
Rate et Vouloir dans les Reins). Dans un contexte taoïste, ce sont les cinq
esprits corporels qui tiennent les registres de vie et de mort (Champ de
cinabre supérieur, Foie, Poumon, Cœur, Champ de cinabre inférieur).
Les Six esprits (liu shen 六神 ) sont différentes catégories d’esprits
supérieurs  : ceux à qui l’on offre des sacrifices (Quatre saisons, froid et
chaud, soleil, lune, étoiles, sécheresse et inondation) ou ceux qui, dans le
corps, habitent et animent Cœur, Poumon, Foie, Reins, Rate et Vésicule
biliaire.
Les Huit esprits (ba shen 八神 ) sont Huit divinités importantes et à
portée cosmique  : Seigneur du Ciel, de la Terre, de la guerre, du Yin, du
Yang, de la Lune, du Soleil et des quatre saisons. Ce sont aussi les esprits
ou divinités des Huit directions et régions de la rose des vents.
Les Douze esprits (shi er shen 十二神 ) sont les esprits des Douze
rameaux terrestres ou de leurs correspondances  : Douze secteurs de
l’espace, Douze mois de l’année. Douze esprits des influences néfastes
(épidémies…).
Les vingt-quatre esprits sont, dans le taoïsme, 24 esprits répartis dans
la tête et le tronc et correspondant aux 24 souffles.
Cent esprits (bai shen 百神 ) sont une troupe d’esprits. Mais l’essentiel
est exprimé par le proverbe : « Les myriades d’esprits ne font qu’un esprit »
(qian shen wan shen dou shi yi shen 千神 萬神都是一神 ).
Dix-huit mille esprits sont peut-être 4 (membres) × 5 (organes) × 9
(orifices) × 100 (troupes) pour les esprits de toutes les parties du corps.
APPENDICE 2

Choix de textes classiques

Un choix de textes permet d’illustrer plusieurs facettes de l’usage des


nombres. Ils sont tirés de différents ouvrages classiques, parmi lesquels
deux ouvrages médicaux (Suwen et Lingshu).

YIJING, XICI, I, 9

« Le Ciel Un, la Terre Deux, le Ciel Trois, la Terre Quatre, le Ciel Cinq,
la Terre Six, le Ciel Sept, la Terre Huit, le Ciel Neuf, la Terre Dix. Cinq
nombres pour le Ciel et Cinq pour la Terre. Les Cinq positions s’accordent
mutuellement et chacune trouve ce avec quoi elle se conjoint ; les nombres
du Ciel sont 25 et les nombres de la Terre 30. Au total les nombres du Ciel
Terre sont de 55. Par eux, s’achèvent les changements et transformations et
sont conduits (activés) les esprits de la Terre et du Ciel. »

Vingt-cinq (1 + 3 + 5 + 7 + 9), nombre du Ciel, et 30 (2 +


4 + 6 + 8 + 10), nombre de la Terre font, au total, 55 (qui est
aussi 5 × 10 + 5). Toutes les variations du yin yang, inspirées
par les esprits, se trouvent dans ce nombre. Quand on tire un
hexagramme, les manipulations des tiges ont 4 résultats
possibles  : 9 (pour une ligne yang non mutante, ou vieux
yang), 7 (pour une ligne yang mutante, ou jeune yang), 8
(pour une ligne yin mutante, ou jeune yin), ou 6 (pour une
ligne yin non mutante, ou vieux yin). Quand les 6 lignes ont
été tirées, on a un nombre total qui est au plus 9 × 6 = 54
(donc inférieur de 1 à 55) et au minimum 6 × 6 = 36.

« Les nombres de la grande génération sont 50, mais on en utilise 49. »

Pour construire un hexagramme, on doit déterminer 6


fois un nombre. Pour ce faire, on manipule des bâtonnets,
traditionnellement des tiges d’achillée. Leur nombre est fixé
à 50. Cependant, le premier geste de celui qui tire le Yijing,
quand il se saisit de ces 50 bâtonnets, est d’en prélever un,
qu’il met de côté. Ce bâtonnet n’est jamais utilisé, dans
aucune manipulation. C’est cependant lui qui permet toutes
les manipulations des 49 autres. Il est l’unité qui reste
présente derrière toutes les manipulations  ; il est l’Un qui
permet aux autres nombres de prendre leur valeur et
d’interagir. Sans ce bâtonnet unique, qui ne sert à rien, rien
ne serait possible.
Selon certaines explications postérieures, on passerait de
55 à 50 en retirant 5 en tant que «  racine des Cinq
éléments  ». Il s’agit d’une justification a posteriori du
nombre, répétant, pour les Cinq éléments, le modèle existant
pour l’Un.

« On divise (fen 分) et cela donne deux pour symboliser le couple (liang

). »

Le premier geste que l’on fait, après avoir isolé l’Unité,


est de diviser en deux tas les 49 tiges. On a alors un tas
supérieur, qui évoque le Ciel, et un tas inférieur, qui évoque
la Terre.

« On en distingue Un pour représenter la Triade. »

La triade  : Ciel, Terre, Homme, les Trois puissances.


Après avoir séparé en deux tas les tiges, on retire une tige du
tas supérieur, celui qui représente le Ciel, que l’on place
entre les deux tas pour représenter l’homme qui est entre
Ciel et Terre. La Triade, c’est-à-dire les Trois puissances
(Ciel, Terre, Homme) sont alors représentées. Puis, on insère
cette tige entre l’auriculaire et l’annulaire, d’où elle ne bouge
pas.

«  On les compte par Quatre pour symboliser les Quatre saisons. On


reprend le reste en le tenant entre les doigts pour symboliser le mois
intercalaire. En Cinq ans, il y a Deux mois intercalaires ; c’est pourquoi on
tient deux fois entre les doigts et ensuite on sépare à nouveau (on tire une
autre ligne). »

Étape suivante de la divination : on prend les tiges du tas


supérieur (Ciel), dont on vient de retirer une tige, et on les
compte par quatre. Quand il n’en reste que quatre ou moins,
on insère ce reste entre l’annulaire et le médius. On répète
l’opération avec l’autre tas (inférieur, Terre), plaçant le reste
entre le médius et l’index. On additionne les tiges que l’on a
entre les doigts, et on obtient un total de 5 ou de 9. On fait
l’opération trois fois pour obtenir le nombre qui donne la
première ligne.

«  Les tiges de Qian sont au nombre de 216 et celles pour Kun au


nombre de 144. Au total 360, correspondant aux jours d’une année. »

Qian est le nom du premier hexagramme, composé de 6


lignes continues ; il symbolise le maximum de yang, le Ciel.
Kun est le nom du second hexagramme, composé de 6 lignes
brisées ; il symbolise le maximum de yin, la Terre.
Sans entrer dans le détail des lois mathématiques, qui
sont les lois exemplaires étant celles des nombres purs,
disons que dans le cas où l’hexagramme Qian est obtenu
avec uniquement des lignes yang non mutantes (vieux yang),
il reste après chaque tirage 36 tiges ; donc au total 36 × 6 =
216 ; si l’hexagramme Kun est obtenu uniquement avec des
lignes yin non mutantes (vieux yin), il reste après chaque
tirage 24 tiges ; donc au total 24 × 6 = 144.
Une année contient toutes les transformations entre Ciel
et Terre, le yin/yang au cours des 4 saisons. Ces 360 jours
sont la somme des nombres liés de cette façon aux
hexagrammes qui représentent le yang céleste et le yin
terrestre.

«  Les tiges dans les deux parties sont au nombre de 11 520,


correspondant au nombre des Dix mille êtres. »

Les deux parties désignent ici l’ensemble des 64


hexagrammes. Chaque hexagramme a 6 lignes, donc un total
de 64 × 6 = 384 lignes pour l’ensemble : 192 lignes yang et
192 lignes yin.
Si l’on prend une ligne vieux yang, obtenu par un 9, et
que l’on considère le nombre de tiges restantes après le
tirage d’une ligne, on a le nombre 36 ; multipliant ce nombre
par le nombre des lignes yang du Yijing, on a 36 × 192 =
6912. Faisant de même pour une ligne vieux yin, obtenue par
un 6, on multiplie le nombre des lignes yin par le reste du
tirage d’une ligne, soit 24 : 24 × 192 = 4 608.
Additionnant à présent 6 912 et 4 608, on obtient 11 520,
soit un nombre suffisamment proche de Dix mille.

«  Ainsi donc Quatre manipulations achèvent une mutation et 18


changements achèvent une figure. »

Quatre opérations sont nécessaires au tirage : diviser en 2


tas, en mettre une tige de côté, compter le tas supérieur,
compter le tas inférieur. On fait 3 fois ces 4 opérations pour
obtenir une ligne. On répète le tout 6 fois pour construire
l’hexagramme. Soit 3 × 6 = 18 séries d’opérations. On notera
que 4 × 18 donne 72.
GUANZI, CH. 41 (wu xing)

« Un : le fondement. Deux : les instruments. Trois : la pleine puissance.


Les lois sont en Quatre  ; l’éducation en Cinq  ; la sauvegarde en Six  ;
l’établissement en Sept. Ce qui est antérieur est Huit et ce qui est postérieur
est Neuf. À dix tout est complet : les Cinq organes gouvernementaux (wu
guan 五官 ) et les Six services administratifs (liu fu六府 ), les Cinq sons
五聲
(wu sheng 六律
) et les Six tubes (liu lu ). »

Dans une société agraire, Un, le fondement, est la


capacité à inventer, la découverte de la culture du sol. L’idée
première, qui vient du Ciel.
Deux, les instruments, sont la fabrication des outils de
l’agriculture. Les moyens de l’activité, qui ressortent de la
Terre.
Trois, la pleine puissance, la force de travail des
hommes.
Quatre, les lois, l’ordre établi et les principes formulés.
Cinq, l’éducation, pour guider l’évolution, les
transformations dans les êtres.
Six, la sauvegarde, la gestion des affaires, la mise en
place de services.
Sept, l’établissement, l’institution d’un gouvernement,
d’un pouvoir central.
Huit, l’antériorité, l’organisation de l’administration, la
répartition des charges gouvernementales.
Neuf, la postériorité, le total général, la récapitulation de
ce qui précède.
Dix, la complétude, exprimée par la relation de séries
menées par Cinq et Six qui sont faites pour se compléter.

« Tous les Six mois, c’est le solstice ; c’est pourquoi les hommes ont les
(figures à) Six lignes (c.à.d. les 64 hexagrammes). Les (figures à) Six lignes
mettent en relation avec le Ciel et la Terre. La Voie du Ciel régit par Neuf et
la Voie de la Terre régit par Huit, tandis que la Voie de l’homme régit par
Six. L’homme fait ainsi du Ciel son père et de la Terre sa mère, pour
développer les Dix mille êtres et les réunir sous une seule autorité. La
compréhension des Neuf règlements (jiu zhi 九制 ), des Six services
administratifs (liu fu六府 ) et des Trois sources de puissance (san chong 三
充 ) font un monarque éclairé. »
Les Six lignes des hexagrammes sont à l’image du yin yang qui
accomplit son cycle au sein d’une année. Par là, on pénètre ce qui régit les
manifestations de la vie entre Ciel et Terre.
Neuf est attribué au Ciel, car le Ciel, par sa nature yang, est constitué de
souffles qu’il distribue dans un mouvement rotatif ; Trois est le nombre des
souffles et est aussi la circonfé rence d’un cercle de diamètre un  ; on
multiplie 3 par 3 pour obtenir Neuf, nombre approprié pour symboliser la
gestion du Ciel sur les souffles. Huit est attribué à la Terre, car la Terre, par
sa nature yin, est constituée de substances et d’espaces ; Huit est le nombre
des espaces répartis sur la rose des vents ; si l’on prend un carré de côté un,
on obtient un périmètre de 4, que l’on double pour avoir 8, car le 2 exprime
le yin de la Terre1  ; Huit symbolise donc la gestion de la Terre sur les
formes constituées.
Neuf est aussi, dans les hexagrammes, une ligne yang, et Huit, une ligne
yin. Celui qui est capable d’user avec pertinence des hexagrammes peut
gouverner l’Empire avec les mêmes lois qui régissent le Ciel et la Terre et
qui s’expriment dans les nombres. Le Fils du Ciel, ainsi éclairé, institue les
Neuf occupations, s’occupe des Six sources de richesse et des Trois affaires
(cf. texte du Zuozhuan, duc Wen 7e année, dans étude de Six, p. 107).

LIJI, CH. Liyun III

«  L’être humain est la vertu (puissance, de 德 ) (combinée) du Ciel


Terre, l’entrelacement du yin/yang, l’assemblage des esprits de la Terre et
du Ciel (gui shen 鬼神 ), le meilleur des souffles des Cinq éléments.
Le Ciel maintient le Yang, tient suspendus le soleil (qui est aussi le jour)
et les planètes. La Terre maintient le Yin, perce les passages par les monts et
les cours d’eau, répand les Cinq éléments au cours des Quatre saisons.

Quand tout compose harmonieusement (he ), la lune (qui est aussi le
mois) apparaît ; en 3 fois 5 (jours) elle va atteindre sa plénitude et en 3 fois
5 (jours) elle arrive à la nuit noire.
Le mouvement des Cinq éléments est tel qu’ils alternent et prennent
tour à tour le pouvoir.
Les Cinq éléments au cours des Quatre saisons et des Douze mois (de
l’année), sont chacun à son tour comme la base (des quatre autres).
Les Cinq sonorités principales (wu sheng 五聲 ), jouées en Six tubes
produisant des sons mâles (liu lü六律 ), et en Douze tubes, servent tour à
tour de première note de la gamme.
Les Cinq saveurs (wu wei 五味 ), combinées de Six manières différentes
(liu he 六和 ) en Douze espèces de mets, servent tour à tour de base (à
l’alimentation).
Les Cinq couleurs (wu se 五色 ), qui servent à peindre Six sortes de
figures (liu zhang 六章 ) sur les Douze espèces de tuniques officielles,
prédominent tour à tour, comme base des autres.
L’être humain est le cœur du Ciel Terre ; la perfection native des Cinq
éléments. Il se nourrit des (Cinq) saveurs, distingue les (Cinq) sonorités, se
revêt des (Cinq) couleurs ; c’est ainsi qu’il vit. »

SHUJING, CH. Zhouguan (trad. Couvreur)

«  Moi, faible comme un petit enfant, je m’applique sérieusement à


pratiquer la vertu du matin au soir, avec la sollicitude d’un homme qui
craint de ne pouvoir atteindre son but. Je pense avec respect aux empereurs
des dynasties précédentes, et tâche d’instruire et de diriger comme eux les
officiers.
Je constitue le grand précepteur, le grand maître et le grand gardien. Ce
sont les san gong (les trois plus hauts dignitaires). Ils exposent les principes
et établissent l’ordre dans l’Empire, et mettent en parfaite harmonie les
deux éléments constitutifs de toutes choses (yin yang 陰陽 ). Il n’est pas
nécessaire que ces offices soient toujours remplis tous trois ; l’essentiel est
de ne les confier qu’à des hommes capables de les bien remplir.
[Je constitue] le second précepteur, le second maître et le second
gardien. On les nomme les san gu ( 三孤 ). Gong en second (ou accesseurs
des gong 公 ), ils étendent partout la réforme, s’appliquent avec respect à
faire briller l’action du ciel et de la terre, et m’aident à gouverner tout
l’Empire.
Le grand administrateur, tenant en main le gouvernail de l’État,
commandera à tous les officiers, et maintiendra l’équilibre partout entre les
quatre mers.
Le directeur de la multitude sera chargé de l’instruction publique. Il
enseignera partout les cinq grandes lois des relations sociales (wu dian 五
典 ) et habituera tout le peuple à l’obéissance.
Le préfet du temple des ancêtres dirigera les cérémonies de l’Empire. Il
donnera ses soins aux esprits (du ciel et de la terre) et aux mânes des morts.
(Au moyen de la musique), il établira l’harmonie entre les différentes
classes d’hommes.
Le ministre de la guerre dirigera les expéditions militaires de l’Empire,
conduira les six légions (liu shi 六師 )2 et maintiendra la tranquillité dans
tous les États.
Le ministre de la justice veillera à l’observation des lois prohibitives de
l’Empire, recherchera les fraudes et les crimes secrets, et punira les
violences et les désordes.
Le ministre des travaux publics s’occupera des terres de l’Empire, fixera
les habitations des quatre classes du peuple et réglera les saisons des divers
travaux, afin d’accroître les produits de la terre.
Chacun des six ministres (liu qing 六卿 ) aura ses attributions
déterminées et dirigera ses subalternes. Donnant ainsi l’exemple aux neuf
gouverneurs de provinces, ils travailleront avec eux à la prospérité et à la
formation morale du peuple.
Les princes des cinq circonscriptions iront saluer l’empereur une fois
tous les six ans. Tous les douze ans3, l’empereur parcourra les principautés
aux quatre saisons de l’année, et examinera les règlements, les mesures,
auprès des quatre montagnes célèbres (si yue 四岳 ). Il recevra les
hommages des princes de chaque contrée auprès de la montagne célèbre du
pays. Il prononcera publiquement les destitutions et les promotions. »

GUOYU, Zhengyu 1

« Les anciens rois ont mêlé la Terre au Métal, au Bois, à l’Eau et au Feu
pour achever les Cent êtres (ou objets). Aussi harmonisèrent-ils les Cinq
saveurs pour les accorder à la bouche ; ils fortifièrent les Quatre membres
pour défendre le corps ; harmonisèrent les Six tubes musicaux pour qu’ils
résonnent à l’oreille ; réglèrent les Sept parties corporelles (les sept orifices)
pour discipliner le Cœur  ; apaisèrent les Huit liens pour achever la
formation de l’homme  ; instituèrent les Neuf règlements pour établir la
Vertu parfaitement pure  ; réunirent les Dix nombres (les Dix degrés de
noblesse, la hiérarchie des officiers, shi shu 十數 ) pour mettre l’ordre dans
les Cent organismes (de la fonction publique, bai ti 百體 ). Les Mille
produits apparurent et les Dix mille voies furent complètes ; on compta des

centaines de millions (yi ) d’affaires et on utilisa des millliards (zhao ) 兆
d’objets. »

HUAINANZI, CH. 4

« Le Ciel est l’Un, la Terre le Deux et l’Homme le Trois. Trois fois trois
font neuf et neuf fois neuf, quatre-vingt-un.
Un (dernier chiffre de quatre-vingt-un) commande le soleil et le nombre
du soleil (des soleils) est Dix ; le soleil commande l’homme ; c’est pourquoi
l’homme naît au dixième mois (de gestation).
Huit fois neuf, soixante-douze. Deux (dernier chiffre de soixante-douze)
commande les nombres pairs  ; les nombres pairs contiennent les nombres
impairs ; les nombres impairs commandent le temps astral qui commande la
lune. La lune commande les chevaux ; ils naissent donc au douzième mois.
Sept fois neuf, soixante-trois. Trois commande la Grande Ourse, qui
commande les chiens ; ceux-ci naissent donc au troisième mois.
Six fois neuf, cinquante-quatre. Quatre commande les saisons, qui
commandent les porcs ; ceux-ci naissent donc au quatrième mois.
Cinq fois neuf, quarante-cinq. Cinq commande les notes (sons
fondamentaux), qui commandent les singes  ; ceux-ci naissent donc au
cinquième mois.
Quatre fois neuf, trente-six. Six commande les tubes musicaux, qui
commandent les cervidés ; ceux-ci naissent donc au sixième mois.
Trois fois neuf, vingt-sept. Sept commande les astres, qui commandent
les tigres ; ceux-ci naissent donc au septième mois.
Deux fois neuf, dix-huit. Huit commande les vents, qui commandent les
insectes ; ceux-ci se métamorphosent donc au bout de huit mois. »
HUAINANZI, CH. 7

«  La tête, qui est ronde, figure le Ciel  ; et les pieds, qui forment un
carré, configurent la Terre. Au Ciel, il y a Quatre saisons, Cinq éléments
(wu xing 五行 ), Neuf échappées (jie jie 九解 ), Trois cent soixante-six jours.
En l’homme, semblablement, Quatre membres (si zhi 四支 ), Cinq organes,
Neuf orifices (jiu qiao 九竅 節
), Trois cent soixante-six articulations (jie ). »
Les Cinq places ou éléments se décèlent au Ciel dans le mouvement
régulier des Cinq planètes, modèle pour l’harmonie de souffles des Cinq
organes. Les Neuf couches du Ciel s’offrent comme des libérations
successives, que l’homme peut travailler en lui par ses Neuf orifices. La
variation fine des souffles de l’année s’exprime en 366 jours, qui sont, dans
le corps, autant de nœuds osseux ou articulations, à moins qu’il ne s’agisse
de nœuds de souffles ou « points d’acupuncture ».
De plus, 4 × 5 × 9 = 180, que l’on re-multiplie par 2 (le yin yang) pour
obtenir les 360 jours de l’année, 360 étant symboliquement équivalent à
366).
La correspondance de l’homme au Ciel Terre, par son corps et son
mental, se fait essentiellement par les nombres.

SUWEN, CH. 3

«  Depuis l’Antiquité, la communion avec le Ciel, racine des vivants,


s’enracine au yin/yang. Dans l’intervalle Ciel Terre, à l’intérieur des Six
jonctions (liu he 六合 ), ces souffles, en Neuf territoires (jiu zhou 九州 ) et
Neuf orifices (jiu qiao 九竅 ), en Cinq organes (wu zang 五藏 ) et par Douze
jointures (jie節 ), sont tous en libre communication avec les souffles du
Ciel. Cinq les fait vivre, Trois les insuffle. Si l’on se permettait d’aller

contre ces nombres (lois, shu ), des souffles pervers porteraient atteinte à
l’individu. Voilà la racine de la longévité pour chacun4. »

LINGSHU, CH. 11

« Je sais par la tradition que l’homme est en union (conjonction, he ) 合


avec la Voie du Ciel. À l’intérieur, il possède Cinq organes zang pour
résonner avec les Cinq notes, les Cinq couleurs, les Cinq moments du
temps, les Cinq saveurs, les Cinq positions5. À l’extérieur, il possède Six
organes fu pour résonner avec les Six tubes musicaux. Les Six tubes
musicaux fondent tous les méridiens yin yang et sont unis aux Douze mois,
aux Douze constellations (du Zodiaque), aux Douze jointures (de l’année ou
du corps), aux Douze cours d’eau, aux Douze heures (double), aux Douze
méridiens. C’est ainsi que les Cinq zang et les Six fu résonnent avec la Voie
du Ciel. »

LINGSHU, CH. 71

«  Huangdi interrogeait Bo Gao  : J’ai appris que les membres et


articulations de l’homme correspondaient au Ciel Terre. Qu’en est-il ?
Bo Gao répondit :
Le Ciel est rond et la Terre est carrée ; l’homme a donc une tête ronde et
des pieds carrés pour y correspondre.
Le Ciel possède soleil et lune  ; l’homme possède ses deux yeux. La
Terre possède Neuf régions (jiu zhou 九州 )  ; l’homme, ses Neuf orifices
(jue qiao 九竅 ).
Au Ciel, vent et pluie ; en l’homme, allégresse et colère.
Au Ciel, tonnerre et éclair ; en l’homme, les sons de sa voix.
Au Ciel, Quatre saisons (si shi四時 ) ; en l’homme, Quatre membres (si
zhi四肢 ).
Au Ciel, Cinq notes (wu yin 五音 ) ; en l’homme, Cinq organes zang (wu
zang五藏 ).
六律
Au Ciel, Six tubes musicaux (liu lü ) ; en l’homme, Six organes fu
六府
(liu fu ).
Au Ciel, hiver et été ; en l’homme, le froid et le chaud.
Au Ciel, la décade (dix jours, shi ri 十日 ) ; en l’homme, ses dix doigts
(shi zhi十指 ).
Les constellations (du zodiaque) sont au nombre de Douze et l’homme a
dix orteils plus la verge et le scrotum pour y correspondre, alors que la

femme a deux items (jie ) en moins pour porter un embryon humain6.
Le Ciel est Yin/Yang et l’homme est mâle ou femelle.
Une année compte 365 jours et l’homme compte 365 articulations

(osseuses, ou points d’acupuncture, jie ). […]
La Terre a ses Douze cours d’eau et l’homme ses Douze méridiens. […]
L’année compte Douze mois (shi er yue 十二月 ) et l’homme a Douze

articulations (jie )7.
La Terre ne donne rien sur Quatre saisons et l’homme peut être stérile.
Voilà la correspondance de l’homme avec le Ciel/Terre. »

LINGSHU, CH. 78

« Les Neuf aiguilles sont les lois (nombres) suprêmes (da shu 大數 ) du
Ciel/Terre, qui commencent par Un et finissent par Neuf.
C’est pourquoi on dit :

Un (la première aiguille) pour se modeler (fa ) sur le Ciel (tian )天
Deux (la deuxième) pour se modeler sur la Terre (di )地
Trois (la troisième) pour se modeler sur l’Homme (ren )人

Quatre (la quatrième) pour se modeler sur les Saisons (shi )

Cinq (la cinquième) pour se modeler sur les Notes (yin )

Six (la sixième) pour se modeler sut les Tubes musicaux (lü )

Sept (la septième) pour se modeler sur les Corps célestes (xing )

Huit (la huitième) pour se modeler sur les Vents (feng )

Neuf (la neuvième) pour se modeler sur les Territoires (ye ).
Huangdi  : Et comment les aiguilles correspondent-elles à ces neuf
nombres ?
Qi bo :

Les Sages ont érigé les nombres (lois, shu ) du Ciel Terre, en allant de
Un à Neuf ; d’où l’établissement des Neuf territoires ; 9 fois 9 fait 81, qui

sert à établir le nombre (la norme, shu ) du Huangzhong (Cloche jaune, le
tube musical fondamental) ; et les aiguilles correspondent à ces nombres.
Un  : le Ciel. Le Ciel, c’est le yang. Dans les Cinq organes zang, la
correspondance au Ciel se fait au Poumon. Le Poumon est le dais des Cinq
zang (wu zang 五藏 六府
) et des Six fu (liu fu ). La peau est ce qui est en
conjonction avec le Poumon ; c’est le yang de l’homme. Ainsi donc, quand
on traite avec les aiguilles, on se servira de celle qui a une tête grosse mais
une extrémité pointue, en prenant garde de ne pas pénétrer en profondeur et
de laisser sortir les souffles yang.

Deux : la Terre. En l’homme, ce qui correspond à la terre (tu ), c’est
les chairs. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on prendra celle
qui a le corps comme un tube et qui est ronde en son extrémité, en prenant
garde de ne pas blesser les intervalles des chairs, car si on les blesse, les
souffles se tarissent.
Trois : l’Homme. En l’homme, ce qui donne vie et complétude, ce sont
les circulations vitales du sang (xue mai 血脈 ). Ainsi donc, quand on traite
avec les aiguilles, on prendra celle qui a le corps gros et l’extrémité ronde.
On peut alors masser les circulations vitales (an mai 按脈 ) en prenant garde
à ne pas s’enfoncer, pour y amener les souffles, et en prenant garder à faire
sortir seulement les souffles pervers.
Quatre  : les moments du temps. Les moments du temps, ce sont les
Quatre saisons (si shi 四時 ), quand les Huit vents (ba feng 八風 ) s’invitent
dans les méridiens et les luo (circulations connectives), pour y faire des
maladies invétérées. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle dont le corps est cylindrique comme un tube de bambou avec
une extrémité comme un dard. On peut alors disperser la chaleur et saigner
pour éliminer les maladies invétérées.
Cinq : les notes. Les notes sont la différenciation entre été et hiver, entre
minuit et midi, la distinction du yin d’avec le yang, la lutte du froid avec le
chaud  ; quand ces deux souffles (liang qi 兩氣 ) s’empoigent et se
conjoignent, cela donne des ulcères et du pus. Ainsi donc, quand on traite
avec les aiguilles, on prendra celle dont l’extrémité est comme la pointe
d’une épe. On peut alors enlever les grands (amas de) pus.
Six : les tubes musicaux. Les tubes musicaux, c’est la régulation du yin
yang et des Quatre saisons et leur accord avec les Douze méridiens. Quand
les pervers qui profitent du vide s’invitent dans les méridiens et les luo, ils y
font des violents blocages. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle qui est pointue comme une queue de bœuf, ronde et pointue à
la fois, avec un corps légèrement grand. On peut alors enlever les souffles
violents.
Sept  : les corps célestes. En l’homme, les corps célestes sont les Sept
orifices (qi qiao七竅 ). Quand les pervers s’invitent par là (par les orifices)
dans les méridiens, ils y font des blocages douloureux et ils s’installent dans
les méridiens et les luo. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle terminée en pointe comme une trompe de moustique. On y va
tranquillement pour insérer (l’aiguille) lentement ; on y va légèrement pour
la laisser longtemps. Les souffles corrects en profitent  ; (souffles)
authentiques et pervers s’en vont ; on sort alors l’aiguille et on nourrit.
Huit : les vents. En l’homme, les vents sont les huit articulations (ba jie
八節 ) des membres inférieurs et supérieurs. Quand les huit souffles corrects
(ba zheng 八正 ) deviennent les vents qui profitent du vide, les Huit vents
(ba feng 八風 ) attaquent l’homme. À l’interne, ils s’installent dans les
sutures osseuses, les lombes, la colonne vertébrale, les linéaments et y font
des blocages profonds. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle qui a un long corps et une extrémité en dard. On peut alors
enlever les pervers profonds et les blocages anciens.
Neuf : les territoires. En l’homme, les territoires sont entre articulations
et peau. Quand les pervers malsains envahissent le corps, comme un flux de
vent, un écoulement d’eau, ils ne peuvent pas passer dans les grands
articulations (da jie大節 ). Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle avec une pointe comme une petite tige de bambou et avec un
dard légèrement arrondi, pour enlever les grands souffles qui ne peuvent pas
passer dans les articulations. »

1. Il n’y a pas cette multiplication pour le 3 du Ciel, car ce serait une


multiplication par 1, exprimant le yang du Ciel.
2. Chaque légion était censée avoir 12 500 hommes (5 × 25 × 100).
3. Ou bien : « Dans 6 ans, les princes viendront saluer… et après encore
6 ans, l’empereur ira… »
4. Voir les commentaires sur ce texte en La vie, la médecine, la sagesse,
les onze premiers chapitres du Suwen, Le Cerf.
5. Les Quatre directions et le centre.
6. Les 10 doigts de la main correspondent donc au Ciel, par les jours-
troncs célestes  ; alors que les 12 rameaux terrestres correspondent aux
orteils (pieds, yin) ainsi qu’au yin de l’homme, qui est son appareil sexuel,
alors que la femme use le yin pour porter et nourrir un embryon à l’intérieur
de son corps.
7. Qui sont les articulations majeures des membres (3 sur chacun des 4
membres comme les 4 saisons ont trois mois chacune) plutôt que les 12
méridiens.
APPENDICE 3

Les âges de la vie

La vie d’un homme se déroule sur Cent ans, préparés par Dix mois de
gestation, suivis de Dix années d’enfance.
Sa vie se divise aisément en Dix tranches de Dix ans, avec des étapes
remarquables dans la formation, c’est-à-dire avant Vingt ans.
Souvent dans une période totale de Dix ans, Trois sont dévolus à la
préparation de ce qui sera accompli à Dix, qu’il s’agisse du début ou de la
fin d’une activité ; à trois ans de la fin d’un cycle, on est dans la septième
année.
Voici une brève présentation des valeurs générales attribuées aux
nombres dans ces périodes, suivie de quelques textes qui les illustrent.

UN : un tout complet significatif ; une unité, une révolution totale de tous
les souffles. Pour cette raison, Un peut remplacer Trois, comme le deuil
d’un an peut valoir celui de trois ans.
TROIS : période de probation et de transition, qui prépare à l’entrée dans la
vie (le nouveau-né est déposé trois jours sur le sol ; à trois mois, on le coiffe
et lui donne son nom ; à trois ans, on ne le porte plus dans les bras) comme
elle prépare à la mort (le corps est mis en bière le troisième jour et est
enterré au troisième mois après le décés  ; le deuil dure trois ans). À trois
ans, le garçon entre dans la vie commune du gynécée ; après trois mois, la
nouvelle épousée est présentée dans le temple ancestral de son époux…
SIX : repérage et orientation de vie, pour une action déterminée et efficace.
Six flèches sont tirées, dans les directions des Six jonctions, trois jours
après la naissance d’un héritier mâle. À six ans, il apprend à se repérer dans
ces six directions de l’espace, pour exercer son activité dans le monde.
SEPT  : mise en mouvement du processus de sexualité chez la fille (7 est
aussi 5 + 2, donc l’organisation centrale plus le nombre pair, le yin) ; il y a
donc séparation des sexes  : garçons et filles sont séparés  ; comme au
septième mois de la grossesse, la femme se sépare de son mari.
Inversement, à 70 ans, mari et femme peuvent ranger leurs affaires dans le
même coffre sans risquer les désordres inhérents à la confusion.
HUIT : mise en mouvement du processus de sexualité chez le garçon (8 est
aussi 5 + 3, donc l’organisation centrale plus le nombre impair, le yang) ;
l’enfant de 8 ans apprend à se conduire en société.
DIX (= UN)  : un tout complet. Il indique une durée totale, un
accomplissement portant ses fruits. Dix ans est la période de
perfectionnement des humains (garçon ou fille). À 10 ans, garçon et fille
commencent leur apprentissage et leur éducation d’homme et de femme.
TREIZE : sans doute comme 10 + 3 : étape de l’éducation des garçons.
QUINZE : 2 × 7 + 1 : on double le nombre qui règle le développement de la
sexualité chez la fille, 7 × 2 = 14 ; à 14 ans la fillette devient pubère. On
ajoute un (14 + 1 = 15) pour achever la transformation de son corps et,
peut-être aussi, pour passer d’un nombre pair (14 ans, puberté) à un nombre
impair qui marque la capacité du yin à recevoir le yang. La jeune fille de 15
ans reçoit la marque de sa maturité (épingle de tête) et peut se fiançer,
s’engager avec le yang.
VINGT : 3 × 7 – 1 ou 2 × 10, maturité du garçon, qui reçoit le bonnet viril.
Le nombre pair marque, chez le garçon, un accomplissement ; recevant le
yin, il devient majeur. Mais il ne se marie pas encore. Par contre, la fille est
dans un nombre yin, favorable aux développements de ses facultés
féminines ; c’est l’âge où elle se marie pour devenir mère. Si elle se marie à
20 ans, elle enfantera à 21 (3 × 7) ; 20 est donc aussi 20 – 1, c’est-à-dire le
nombre de la troisième période du développement de la femme, moins un
nombre qui vaut pour le yang, le un.
VINGT-CINQ : 3 × 8 + 1, fiançailles du garcon. On triple le nombre qui règle
le développement de la sexualité chez l’homme (3 × 8 = 24) et on ajoute un
(24 + 1 = 25) pour confirmer son évolution.
TRENTE  : 3 × 10, mariage du garçon. Il est dans un nombre impair,
caractéristique du yang, car 30 est la multiplication de 10 par 3, qui est
impair. Il est prêt à assurer son rôle d’homme et de père. Trente c’est aussi 3
× 8 = 32, moins 2, on retire donc un nombre qui vaut pour le yin.
QUARANTE 4 × 10  : l’homme a développé un corps robuste et un esprit
ferme, quand on mutiplie Dix par le nombre des formes de la Terre
(Quatre). Il est capable d’exercer une charge officielle.
CINQUANTE 5 × 10 : l’homme a developpé toute sa puissance ; il est dans la
haute administration et digne de respect. Mais c’est aussi, en contrecoup, le
début du déclin de sa force, et, en conséquence, le début des exemptions et
des privilèges.
SOIXANTE 6 × 10 : l’homme dirige et fait travailler les autres. Accentuation
de l’affaiblissement et des privilèges. Il commence à préparer ses
funérailles.
SOIXANTE-DIX 7 × 10 : début de la vieillesse, qui couvre les trente ans qui
séparent encore de la mort à Cent ans. L’homme démissionne de sa charge
et quitte la vie publique. Fin de la sépa-ration des affaires à l’intérieur du
couple.
QUATRE-VINGT 8 × 10 : épuisement de la vitalité et fin des dépla-cements.
Des privilèges sont accordés à la famille du vieillard.
QUATRE-VINGT-DIX 9 × 10  : décrépitude. Délégation de la plu-part des
activités. Proximité de la mort.
CENT  : entretien complet par les enfants, retour à la dépendance totale.
Mort.
Les grands événements des âges de la vie

dans les textes

Gestation

Nous choisissons de ne citer ici qu’un texte, tiré du Huainanzi. Il va de


soi que les classiques médicaux ont une approche beau-coup plus précise et
parfois différente.

« Au premier mois, c’est une pâte (gao ) ;

Au deuxième mois, c’est une poche (une protubérance, die ) ;

Au troisième mois, c’est un fœtus (tai ) ;

Au quatrième mois, il y a des chairs (ji ) ;

Au cinquième mois, il y a l’animation musculaire (jin ) ;

Au sixième mois, il y a des os (gu ) ;

Au septième mois, l’organisme est achevé (cheng ) ;

Au huitième mois, il remue (dong ) ;

Au neuvième mois, il trépigne (zao ) ;

Au dixième mois, il voit le jour (sheng )
À mesure que s’organise la forme corporelle, les Cinq organes (wu zang
五藏 ) prennent forme » (Huainanzi, ch. 7, trad. Claude Larre).
On remarque l’importance du troisième mois (l’embryon devient un
fœtus) et du septième mois (premier achèvement du corps à vivre, pivot
entre la constitution substantielle et les mouvements de l’organisme).
Naissance et début dans la vie

«  Une femme enceinte, quand arrivent les mois où (le fœtus) remue,
s’installe dans une des chambres latérales. Son mari envoie prendre de ses
nouvelles deux fois par jour » (Liji, Neize).
Selon le texte précité du Huainanzi, ch. 7, après le 7e mois, l’évolution
du fœtus se caractérise par des mouvements de plus en plus pressants. C’est
à ce moment que la femme se retire pour passer les trois derniers mois dans
l’appartement des femmes, sans relations avec son époux. Il y a donc
séparation de la femme et du mari, du yin et du yang, au 7e mois. Comme
dans l’année, au 7e mois, on est au début de l’automne (donc à l’Ouest),
début de la séparation du Ciel et de la Terre.

« Au troisième jour, l’enfant a prouvé sa vitalité par ses vagissements :


alors on le prend, on le porte » (Liji Sangdaji, trad. Couvreur).
« Lorsqu’un enfant mâle venait au monde (on suspendait un arc au côté
gauche de la porte ; trois jours après), on prenait un arc de bois de mûrier et
six flèches faites de roseau ; on lançait ces flèches vers le ciel, vers la terre,
vers les quatre points cardinaux. Le ciel, la terre, les quatre points cardinaux
étaient les lieux où l’enfant devait plus tard exercer son action. Il fallait
qu’il dirigeât ses vues vers les lieux où son action devait s’exercer, avant
qu’il se permît de manger des grains, c’est-à-dire de la bouillie » (Liji Sheyi,
trad. Couvreur).
«  (Lorsqu’un prince feudataire apprenait la naissance de son héritier
présomptif) au troisième jour, la tortue était consultée et désignait l’officier
qui tiendrait l’enfant dans ses bras » (Liji, Neize, trad. Couvreur).

« À la fi n du troisième mois après la naissance de l’enfant, la mère se


rinçait la bouche, lavait ses vêtements et se purifiait par une sévère
abstinence. Elle présentait (l’enfant au prince)  » (Liji, Neize, trad.
Couvreur).
«  Vers la fin du troisième mois après la naissance d’un enfant, on
choisissait un jour heureux et on lui coupait les cheveux, à l’exception
d’une touffe qu’on lui laissait au-dessus des tempes. […] Ce jour-là la mère
présentait l’enfant au père » (Liji, Neize, trad. Couvreur).
C’est alors que le père lui « faisait risette », considérait l’expression de
l’enfant, et lui donnait un nom.
« La nourrice d’un enfant d’un prince quittait le palais au bout de trois
ans » (Liji, Neize, trad. Couvreur).
«  (À partir de la premièr présentation des enfants qui avait lieu trois
mois après leur naissance), tous les officiers, depuis les moins élevés
jusqu’aux grands préfets, se les faisaient présenter une fois tous les dix

jours (xun ) » (Liji, Neize, trad. Couvreur).

Mariage

(Une fille) « À quinze ans, elle recevait l’épingle de tête. À vingt ans,
elle était mariée, ou bien, si alors ses parents ou les parents de son fiancé
venaient à mourir, elle se mariait à vingttrois ans (après le deuil)  » (Liji,
Neize, trad. Couvreur).
« Une fille est fiancée à quinze ans » (Baihutong, Juan 9).
« Un jeune homme à vingt ans ( 二十 ) recevait le bonnet viril […]. Un
homme à trente ans était marié » (Liji, Neize, trad. Couvreur).

«  Un garçon prend femme à 30 ans et une fille se marie à 20 ans.


Pourquoi ? Les nombres (du) yang sont impairs et les nombres (du) yin sont
pairs. Un garçon est grand et une fille gracile. Pour-quoi ? La voie du yang
est large et la voie du yin est resserrée. Chez le garçon, à 30 ans,
musculaires et os sont solides et forts, il est prêt à assumer son rôle de père.
Chez la fille, à 20 ans, chairs et peaux sont fermes et pleines, elle est prête à
assurer son rôle de mère. Au total, cela fait 50, ce qui correspond au nombre
de la grande génération, qui produit les Dix mille êtres.
Sept, c’est le yang des années et Huit, c’est le yin des années. 7 et 8 font
15, qui est la complétude des nombres du yin yang  ; il y a donc désir
réciproque de se marier. […]
Le yang est déployé et le yin resserré, 30 est 10 par 3, nombre qui est
impair et relève du yang ; 20 est 10 par 2, nombre pair qui relève du yin.
Dans le yang, le petit accomplissement se fait par le yin et le grand
accomplissement par le yang. Donc à 20 ans (le garçon) prend le bonnet
viril et à 30 ans il prend femme. Dans le yin, le petit accomplissement se
fait par le yang et le grand accomplissement par le yin. Donc à 15 ans (la
fille) reçoit l’épingle de tête et à 20 ans elle se marie.
Le commentaire du Chunqiu fanlu dit  : “Le garçon, à 25 ans, lie son
cœur et la fille à 15 ans est promise en mariage, de façon à correspondre au
yin yang.” Le nombre du yang est Sept et le nombre du yin est Huit. Le
garçon à 8 ans renouvelle ses dents et la fille à 7 ans renouvelle ses dents.
Les nombres yang sont impairs, d’où le trois. 3 fois 8 font 24 et on ajoute
un pour faire 25, car il lie son cœur. Les nombres yin sont pairs  ; si l’on
double le 7 on obtient 14, à quoi on ajoute un pour faire 15 et c’est pourquoi
elle est promise en mariage à 15 ans. À chaque fois on ajoute un pour
montrer que leur cœur n’est lié qu’à un seul. Et pourquoi cela ? Pour éviter
la débauche » (Baihutong, Juan 10).

«  (La future épouse) reçoit des instructions dans le temple (de sa


famille) pendant trois mois » (Yili, trad. Couvreur).
« Dans la famille d’une fille qui est allée se marier, durant trois nuits on
n’éteint pas la lumière  ; (on veille et) on pense (avec douleur) à la
séparation. Dans la famille d’un jeune homme qui vient de se marier, durant
trois jours la musique est bannie  ; on pense (avec douleur) que ce jeune
homme prendra la place de son père (que le père disparaîtra de ce monde) »
(Liji, Zengziwen, trad. Couvreur).
«  Au troisième mois après le mariage, la jeune femme est présentée
dans la salle des ancêtres et désignée sous le titre de fille qui est venue pour
devenir épouse » (Liji, Zengziwen, trad. Couvreur).
«  Si le fiancé n’est pas allé en personne au-devant de sa fiancée, trois
mois après l’arrivée de la fiancée dans la maison du fiancé, celui-ci va faire
visite au père et à la mère de sa femme » (Yili, trad. Couvreur).
Selon la coutume, la jeune épouse ne participait pas aux travaux
ménagers pendant les trois premiers mois après la cérémonie du mariage.
Le troisième jour après le mariage, elle revenait visiter sa mère. Le
neuvème jour, ses parents rendaient visite à ceux du marié.

Mort et funérailles

« Le troisième jour après la mort, le corps est mis dans le cercueil » (Liji
Tanggong, trad. Couvreur).
« Après la mort d’un prince, l’héritier du trône, les autres fils du prince,
les grands préfets et tous les autres officiers (qui demeuraient à la cour)
passaient trois jours sans manger » (Liji Sangdaji, trad. Couvreur).
«  Au troisième mois après la mort se fait l’enterrement  » (Liji
Tanggong, trad. Couvreur).

« Le deuil le plus long ne dépasse pas trois années, mais ceux qui ont
disparu ne doivent jamais être oubliés » (Liji Tanggong, trad. Couvreur).
« En réalité, le deuil de trois ans ne durait que vingt-cinq mois  » (Liji
Sannianwen, trad. Couvreur).
«  Pourquoi le deuil (d’une mère, lorsque le père est encore en vie) se
termine-t-il au bout d’un an (et pas trois ans) ? On répond qu’un an de deuil
suffit, même pour les plus proches parents. Comment cela ? On répond que
(au bout d’un an) les opérations du Ciel et de la Terre, les Quatre saisons
ont terminé une révolution complète. Tous les êtres qui sont sous le ciel ont
recommencé comme une nouvelle carrière. Porter le deuil un an, c’est
imiter la nature.
S’il en est ainsi, pourquoi le deuil (d’un père) dure-t-il trois ans  ? On
répond que les anciens sages ont prescrit un temps double, afin que le fils
témoignât un peu plus son affection. C’est pourquoi le deuil dure deux
annés entières (ou vingt-cinq mois qui comptent pour trois ans).
Pourquoi ont-ils établi le deuil de neuf mois et les deuils de moindre
durée ? On répond que ce fut afin qu’on fît moins pour les uns que pour les
autres (selon les degrés de parenté).
Ainsi ils ont décidé que le plus long deuil serait de trois ans, les plus
courts de trois mois et de cinq mois, les deuils intermédiaires d’un an et de
neuf mois. Ils en ont trouvé l’image dans le ciel, la loi sur la terre et le
modèle dans l’homme. Le deuil ainsi gardé suffit pour entretenir la
concorde et l’uniformité parmi les hommes qui vivent en société.
Le deuil de trois ans est le plus parfait de tous les devoirs accomplis par
l’homme. C’est la plus haute manifestation (de la reconnaissance). En ce
qui concerne le deuil de trois ans, tous les souverains ont été d’accord ; dans
tous les temps, la conduite des hommes a été uniforme. (L’usage est si
ancien que) personne ne sait à quelle époque il a été introduit.
Confucius a dit  : “L’enfant ne cesse d’être porté dans les bras de ses
parents qu’à l’âge de trois ans. (De là vient que) l’usage du deuil de trois
ans a été adopté partout sous le ciel” » (Liji Sannianwen, trad. Couvreur).
Éducation et carrière

« À dix ans, l’homme est jeune ; il va à l’école.


À vingt ans il est encore faible ; il reçoit le bonnet viril.
À trente ans il est fort ; il a une femme (avant sa trentième année il doit
être marié).
À quarante ans il est robuste  ; il est en charge (avant sa quarantième
année il doit avoir une charge).
À cinquante ans, ses cheveux sont gris  ; il est dans la haute
administration.
À soixante ans, il approche de la vieillesse ; il dirige et fait travailler les
autres.
À soixante-dix ans il est vieillard ; il cède (à ses enfants la direction des
affaires domestiques).
À quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans, il est décrépit (les forces de son
corps sont épuisées). Un enfant de sept ans est digne de commisération.
L’enfant digne de commisération et le vieillard décrépit ne subissent pas de
châtiment corporel, même quand ils ont commis des crimes.
Un vieillard à cent ans touche à la dernière limite de l’âge ; il est nourri
et entretenu (par ses enfants). […] Un grand préfet à soixant-dix ans résigne
sa charge » (Liji, Quli, trad. Couvreur).

« Le fils du ciel offrait un repas aux hommes de cinquante ans dans les
écoles des préfectures voisines de la capitale, aux hommes de soixante ans
dans la petite école de la capitale, aux hommes de soixante-dix ans dans la
grande école (qui était audelà des faubourgs). Les princes feudataires
suivaient la même règle. Les vieillards octogénaires (n’allaient pas à
l’école, ils recevaient la nourriture dans leurs maisons ; ils) remerciaient le
prince en se mettant à genoux et en inclinant deux fois la tête jusqu’à terre.
Il en était de même pour les aveugles. Les vieillards de quatre-vingt-dix ans
chargeaient des hommes moins âgés de recevoir (à la maison le présent du
prince et de saluer pour eux).
Les hommes de cinquante ans recevaient (du prince) des grains de
qualité supérieure ; les hommes de soixante ans recevaient continuellement
de la viande. Les vieillards de soixante-dix ans recevaient de plus un autre
aliment délicat, et les vieillards de quatre-vingts ans toujours des friandises.
Les vieillards de quatrevingt-dix ans avaient sans cesse dans leurs chambres
des liqueurs et des comestibles. Lorsque les vieillards quittaient leurs
foyers, il convenait que le prince leur envoyât des aliments délicats et des
liqueurs, partout où ils allaient.
Pour un vieillard de soixante ans, on tenait prêt (en vue de sa mort) ce
dont la préparation exigeait un an de travail (à savoir le cercueil intérieur).
Pour un vieillard de soixante-dix ans, on tenait prêts les vêtements qui
(étaient nécessaires pour l’ensevelir et) demandaient trois mois de travail.
Pour un vieillard de quatrevingts ans, on tenait prêts les vêtements qui
(étaient nécessaires pour l’ensevelir et) demandaient un mois de travail.
Pour un vieillard de quatre-vingt-dix ans, on tenait prêt chaque jour tout ce
qui (était nécessaire pour l’ensevelir et) demandait quelques jours de travail.
[…]
Un homme à cinquante ans commence à perdre de sa force (il a besoin
d’être aidé)  ; à soixante ans, il a besoin de viande pour se soutenir  ; à
soixante-dix ans, il a besoin de vêtements de soie pour avoir chaud. À
quatre-vingts ans, il a besoin d’un compagnon de lit pour avoir chaud  ; à
quatre-vingt-dix ans, même avec ce secours, il n’a pas chaud.
Un homme pouvait s’appuyer sur un bâton à cinquante ans dans sa
maison, à soixante ans dans sa préfecture, à soixante-dix ans dans la
capitale, à quatre-vingts ans dans le palais. Si le fils du ciel désirait
interroger un vieillard de quatre-vingt-dix ans, il allait à sa maison avec des
mets exquis.
Un officier à soixante-dix ans pouvait quitter l’audience du prince sans
attendre la fin. À quatre-vingts ans, il recevait chaque mois les salutations
(et les présents du prince). À quatre-vingtdix ans, il les recevait
régulièrement chaque jour.
Un homme à cinquante ans était exempt des services laborieux exigés
par l’État ; à soixante ans, il était exempt du service militaire ; à soixante-
dix ans, il laissait (à son fils) le soin des relations avec les hôtes et les
visiteurs  ; à quatre-vingt-dix ans, il était exempt des abstinences et des
cérémonies funèbres.
(Un officier) à cinquante ans obtenait la dignité (de grand préfet)  ; à
soixante ans, il n’allait plus à l’école (parce qu’à cet âge il est trop tard pour
apprendre)  ; à soixante-dix ans, il quittait la vie publique. À partir de cet
âge, quand il était en deuil (il ne s’abstenait pas de manger de la viande), il
se contentait de porter des vêtements de toile blanche avec plastron » (Liji,
Neize, trad. Couvreur).
«  D’après les règles établies, le mari et la femme ne serraient leurs
objets dans le même endroit, sans séparation, que quand ils avaient atteint
l’âge de soixante-dix ans » (Liji, Neize, trad. Couvreur).

«  À six ans, l’enfant apprenait les noms des nombres et des quatre
points cardinaux.
À sept ans, les enfants de sexes différents ne s’asseyaient plus sur la
même natte et ne mangeaient plus ensemble.
À huit ans, lorsqu’ils entraient ou sortaient aux portes, et lorsqu’ils
allaient prendre place sur les nattes pour les repas, ils devaient céder le pas
à leurs aînés ; ainsi ils s’habituaient dès lors à pratiquer la déférence et la
politesse.
À neuf ans, ils apprenaient à compter les jours du mois.
(Un garçon) à dix ans, allait recevoir les leçons d’un maître à
l’extérieur  ; il demeurait jour et nuit hors de la maison paternelle. Il
apprenait à lire et à calculer. Il ne portait ni tunique ni caleçon de soie. Il se
conformait toujours aux instructions qu’il avait reçues dès ses premières
années. Du matin au soir, il étudiait les règles qui devaient diriger la
conduite des jeunes gens. Il interrogeait son maître, et apprenait de lui à lire
et à parler avec sincérité.
À treize ans, un garçon apprenait la musique et les chants, et s’exerçait à
exécuter le chant Shuo en faisant des évolutions.
Depuis l’âge de quinze ans jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, il s’exerçait à
exécuter le chant Xiang avec évolutions. Il apprenait à tirer de l’arc et à
conduire un char.
Un jeune homme à vingt ans recevait le bonnet viril ; il commençait à
apprendre les usages, les cérémonies. Dès lors, il pouvait porter une tunique
garnie de fourrures et des vêtements de soie. Il s’exerçait à exécuter le chant
Daxia avec évolutions. Il s’appliquait à remplir les devoirs de la piété filiale
et de l’amitié fraternelle. Il apprenait de plus en plus, mais n’enseignait pas
encore. Il amassait (des trésors de vertus et de connaissance), mais ne les
produisait pas au-dehors.
Un homme à trente ans était marié ; il commençait à diriger les travaux
qui sont propres aux hommes. Il étendait ses connaissances ; aucune règle
ne fixait ce qu’il devait apprendre. Il avait d’autant plus d’égards pour ses
amis qu’il les voyait plus ardents (à pratiquer la vertu).
À quarante ans, il pouvait exercer une charge, proposer des plans
relatifs aux affaires ordinaires de sa charge et exposer ses idées. Il mettait à
exécution ceux de ses plans qui étaient vraiment bons  ; il abandonnait les
autres.
À cinquante ans, il pouvait être nommé grand préfet et gérer les affaires
publiques qui étaient de son ressort.
À soixante-dix ans, il se retirait des affaires. Lorsqu’un homme saluait,
la main gauche était préférée à la droite (lorsqu’une femme saluait, c’était le
contraire).

Une fille, à dix ans, ne sortait pas (des appartements des femmes). Sa
maîtresse lui enseignait à obéir et à rendre service d’un air doux et affable, à
tiller le chanvre, à dévider les cocons, à tisser les étoffes et les rubans de
soie, à tresser les cordons. Elle apprenait à faire les travaux ordinaires des
femmes, afin de fournir les vêtements. Elle apprenait à surveiller les
sacrifices et les offrandes, à apporter les liqueurs et les sauces, les vases de
bambou et les vases de bois, les légumes conservés dans le sel et le
vinaigre, les viandes marinées. Elle apprenait à aider dans les cérémonies, à
disposer les objets offerts.
À quinze ans, elle recevait l’épingle de tête.
À vingt ans, elle était mariée, ou bien, si alors ses parents ou les parents
de son fiancé venaient à mourir, elle se mariait à vingttrois ans (après le
deuil) » (Liji, Neize, trad. Couvreur).

Les âges de la vie dans textes médicaux

« La femme de sept ans, les souffles des Reins montent en puissance, la
dentition se renouvelle, les cheveux s’allongent.
À deux fois sept ans, la fécondité survient, le Renmai fonctionne
pleinement tandis que le puissant Chongmai8 prospère  : les menstrues
descendent en leur temps et elle a des enfants.
À trois fois sept ans, les souffles des Reins sont étales, alors les dents de
sagesse poussent, vigoureusement.
À quatre fois sept ans, les mouvements musculaires et les os sont forts,
les cheveux au maximum de leur poussée, le corps est épanoui et robuste.
À cinq fois sept ans, les circulations Yangming déclinent  : le visage
commence à se parcheminer et les cheveux à tomber.
À six fois sept ans, les circulations des trois yang déclinent par le haut :
tout le visage se parchemine et les cheveux se mettent à blanchir.
À sept fois sept ans, le Renmai se vide, le puissant Chongmai décline et
se réduit  : la fécondité est tarie, la Voie de la Terre ne livre plus ses
passages, le corps dépérit, et elle n’a plus d’enfant.

L’homme de huit ans, les souffles des Reins fructifient, les cheveux
s’allongent, la dentition se renouvelle.
À deux fois huit ans, les souffles des Reins montent en puissance, la
fécondité survient, les essences (spermatiques) et souffles écoulent leur
trop-plein  ; par la conjonction du yin et du yang (union sexuelle), il peut
avoir des enfants.
À trois fois huit ans, les souffles des Reins sont étales, les mouvements
musculaires sont puissants et les os solides, de sorte que les dents de
sagesse poussent vigoureusement.
À quatre fois huit ans, force musculaire et os sont magnifi quement
épanouis, les chairs sont pleines et robustes.
À cinq fois huit ans, les souffles des Reins déclinent, les cheveux
tombent, les dents se déssèchent.
À six fois huit ans, les souffles yang déclinent et se tarissent par le haut :
le visage se parchemine, cheveux et favoris blanchissent, çà et là.
À sept fois huit ans, les souffles du Foie déclinent : la force musculaire
est sans force pour se mouvoir.

À huit fois huit ans, la fécondité se tarit, le sperme (essences, jing ) se
fait rare, la thésaurisation des Reins décline, tout le corps touche à son
terme et dents comme cheveux s’en vont » (Suwen, ch. 1).

«  Quand le yin arrive à épuisement il se renverse en yang et quand le


yang arrive à épuisement il se renverse en yin. Ainsi (au moment
oppportun) le yin est transformé par le yang, le yang est changé par le yin.
C’est pourquoi chez le garçon les dents aparais-sent à Huit mois et se
renouvellent à Huit ans. Un yin Un yang et puis on accomplit la Voie9  ;
deux fois huit font seize, et puis les dispositions communiquent, et puis le
déploiement s’exerce. Chez la fille, les dents apparaissent à sept mois et se
renouvellent à sept ans. Deux fois sept font quatorze, et puis les
transformations sont accomplies. L’addition (de 16 et 14) fait trente ; c’est
la petite période. Dans la moyenne antiquité, le garçon prenait femme à 30
ans et la fille prenait mari à 20 ans ; soit un total de 50 ; c’est la moyenne
période. Dans la grande antiquité, le garçon épousait à 50 ans et la fille
prenait mari à 30  ; ce qui fait qu’on a 30 plus 50 pour un total de 80  »
(Dadai liji, ch. Benming).

«  Qui a atteint la connaissance des Diminutions par Sept et


Accroissements par Huit (qi sun ba yi 七損八益 ) est capable de régulariser
l’un et l’autre (yin et yang). Mais qui s’y emploierait sans avoir cette
connaissance n’arriverait qu’à un déclin prématuré.
À 40 ans, les souffles yin se réduisent de moitié, l’activité décline ;
À 50 ans, le corps est lourd, oreilles et yeux n’ont plus ni finesse, ni
acuité ;
À 60 ans, le yin est impuissant, les souffles connaissent un très grand
déclin, les Neuf orifices ont perdu l’aisance de leur fonctionnement, il y a
vide en bas et plénitude en haut : morves et larmes sortent » (Suwen, ch. 5).

8. Renmai et Chongmai  : deux méridiens extraordinaires qui règlent


l’usage du sang chez la femme, et sont donc responsables des menstruations
et de la fécondité. Voir La vie, la médecine, la sagesse. Les onze premiers
chapitres du Sowen (op. cit.), pour plus d’explications sur le texte.
9. Ou les mutations, changements.
Bibliographie

LISTE DES OUVRAGES EN CHINOIS (par titre) avec indication d’une


ou plusieurs traductions en langues occidentales

Baihutong ( 白虎通 ), abréviation de Baihu tongyi, discussion sur des textes


classiques, attribué à Ban Gu (32-92 après J.-C.). Baihutong liuzheng,
Zhonghua shuju, Beijing, 1994.
道德經), Livre de la Voie et de la Vertu, cf. Laozi
Daodejing (
Chunqiu fanlu ( 春 秋 繁 露 ) attribué au philosophe confucéen Dong
Zhongshu (179-104 avant J.-C.), in Ershier zi, Xianzhi chubanshe, vol.
13.
大戴禮記
Dadai liji ( ), rituel en partie ancien, compilé au début du IIe siécle
après J.-C. Dadai liji jinzhu jinshi, Taiwan Shangwu yinshuguan, rééd.
1993, Taipei.
Guan zi (管子 ), ouvrage syncrétique de la fin des Royaumes Combattants,
début des Han; Guanzi duben, Sanmin shuju, Taipei, 1995. Traduction W.
Allyn Rickett, Guanzi, Political, Economic, and Philosophical Essays
from Early China, Princeton University Press, 1985 & 1998. Revised
Edition, Cheng & Tsui Compagny, Boston, 2001.
Guoyu ( 國語 ), recueil de discours, compilé au Ve siècle avant J.-C.
Shangha guji chubanshe, Shanghai, 1978. Traductions partielles  :
Zhouyu, par André d’Hormon et Rémi Mathieu, Guoyu, Discours sur les
principautés, Collège de France, Institut des Hautes études chinoises,
Paris, 1985. Qiyu, traduction par Jean Lévi et Liu Chaoying, Discours du
Qi, ENS Editions, Paris, 2005.
Han Fei zi (韓非子 ) compilation des écrits de Han Fei zi (280-233 avant J.-
C.), l’un des fondateurs de la pensée légiste. Hanfeizi jiaozhu, Jiangsui
renmin chubanshe, 1982 ; Hanfeizi jijie, Zhonghua shuju, Beijing, 1998.
Traduction Jean Lévi, Han-Fei ou le Tao du Prince. La stratégie de la
domination absolue, Le Seuil, Paris, 1999, coll. « Points Sagesses ».
Hanshu ( 漢書 ) ou Histoire des Han, par Ban Gu (32-92 après J.-C.).
Zhonghua Shuju, Beijing, 1962.
Huangjing neijing jing ( 黃庭內經經 ), classique conscré à la physiologie
taoïste du corps, du IVe siècle après J.-C. Daojia shisan jing, Guoji
wenhua chuban, Beijing, 1993.
Huainanzi (淮南子 ), ouvrage philosophique et syncrétique, achevé vers 140
avant J.-C. Huainan zi honglie jijie, Taiwan Shangwu yinshuguan, Taipei,
1978. Traduction partielle (ch. 1, 7, 11, 13, 18) par C. Larre, I. Robinet,
E. Rochat de la Vallée, les Grands traités du Huai nan zi, Le Cerf, Paris,
1993. Traduction complète, Huaimam Zi. Philosophes taoïstes, tome 2,
Pléiade, Gallimard, Paris, 2003  : «  Des paroles probantes  », dans la
traduction de Nathalie Pham-Miclot, «  Des formes terrestres  », dans la
traduction de Rémi Mathieu, « De l’art du maître », dans la traduction de
Jean Lévi, « De la synthèse ultime », dans la traduction d’Anne Cheng.
Laozi (老子 e
), ouvrage fondamental du Taoïsme, sans doute rédigé vers la
fin du IV siècle avant J.-C. Traduction Claude Larre, Daodejing Le Livre
de la Voie et de la Vertu, Desclée de Brouwer, Paris, 2002.
列子
Liezi ( ), ouvrage taoïste, compilé vers le IVe siècle après J.-C., mais
incluant des éléments beaucoup plus anciens. Liezi jishi, Zhonghua shuju,
Beijing, 1985. Traduction A. Graham The Book of Lieh-tzu, Columbia
University Press, New-York, 1960, rééd. 1990.
禮記
Liji ( ) ou Mémoires sur les Rites et l’un des Cinq classiques. Texte et
traduction Séraphin Couvreur, Mémoires sur les bienséances et les
cérémonies, Cathasia, rééd. les Belles Lettres, Paris, 1950.
Lingshu ( 靈樞 ), abréviation de Huangdi neijing lingshu. L’un des textes
fondateurs de la théorie médicale. Huangdi neijing lingshu, Tianjin
kexuejishu chubanshe, 1989.
Lunyu ( 論語 ) ou Analectes de Confucius. Texte et traduction Séraphin
Couvreur, les Quatre Livres, Guangchi Press, Taiwan, 1972. Traduction
Anne Cheng, Entretiens de Confucius, Le Seuil, Paris, 1981.
Lüshi Chunqiu ( 呂氏春秋 ), somme encyclopédique composée sous l’égide
de Lü Buwei, vers 239 avant J.-C. Lüshi chunqiu jiaoshi, Xuecai
chubanshe, Shanghai, 1984. Traduction Ivan Kamenarovic, Printemps et
automnes de Lü Buwei, Le Cerf, Paris, 1998.
Nanjing (難經 ) ou Classique des difficultés ; ouvrage médical du Ier siècle
après J.-C. Traduction Paul Unschuld, Nan-ching, The Classic of Diffi
cult Issues, University of California Press, 1986.
Shanghanlun ( 傷寒論 ) ou Traité des atteints par le froid, important ouvrage
de médecine rédigé par Zhang Zhongjing au IIe siècle après J.-C.
Traduction Mitchell, Feng Ye & Wiseman, Shanghanlun, On Cold
Damage, Paradigm Publication, Massachussetts, 1999.
Shi Tao (石濤 ) l’un des grands « moines fous » et peintre du XVIIe siècle.
Texte et traduction Pierre Ryckmans, Les Propos sur la peinture du
moine Citrouille-amère, rééd. Hermann Paris, 1984.
史記
Shiji ( ) grand ouvrage historique de Sima Qian (145-86 avant J.-C.).
Shiji, Zhonghua shuban, Beijing, 1969. Traduction partielle  : Edouard
Chavannes, Les Mémoires historiques de Se-ma Ts’ien, Adrien
Maisonneuve, Paris, 1967. Burton Watson, Records of the Grand
Historian, Columbia University Press, New-York/Hong-Kong, rééd.
1993.
詩經
Shijing ( ) ou Livre des Odes, ouvrage contenant 305 pièces de vers de
l’époque des Printemps et automnes, et l’un des Cinq classiques. Texte et
traduction Séraphin Couvreur, Kuangchi Press, Taiwan.
Shujing (書經 ) ou Livre des Documents et l’un des Cinq classiques. Texte et
traduction Séraphin Couvreur, les Annales de la Chine, Cathasia, rééd.
les Belles Lettres, Paris, 1950.
Shuowen Jiezi ( 說問解子 ), dictionnaire étymologique des caractères,
compilé par Xu Shen (30-124 après J.-C.). Shuowen jiezi zhu, Shanghai
guji chubanshe, Shanghai, 1983.
Suwen ( 素問 ), abréviation de Huangdi neijing suwen. L’un des textes
fondateurs de la théorie médicale. Suwen zhushi huicui, Renmin
weisheng chubanshe, Beijing, 1982. Tradution des Onze premiers
chapitres, Elisabeth Rochat de la Vallée, La vie, la médecine, la sagesse,
rééd. Le Cerf, 2005.
繫辭
Xici ( ) ou Grand commentaire du Yijing (Livre des Mutations). Zhouli
dazhuan jinzhu, Shandong xinhuayinshuachang, 1983. Traduction
Richard John Lynn, The Classic of Changes, Columbia University Press,
New-York, 1994.
Xunzi (荀子 ) ouvrage du philosophe confucéen Xun zi (335-238 avant J.-
C.). Xunzi jijie, Zhonghua Shuju, Beijing, 1988. Traduction Ivan
Kamenarovic, Xun Zi, Le Cerf, Paris, 1987.
Yili (儀禮 ) l’un des trois grands rituels. Texte et traduction Séraphin
Couvreur, Cérémonial, Cathasia, rééd. les Belles Lettres, Paris, 1951.
Yixue qimeng ( 易學啟蒙 ) ouvrage du philosophe néo confucéen Zhuxi
(1130-1200). Traduction Joseph A. Adler, Introduction to the Study of the
Classic of Change (I-hsüeh ch’i-meng), Chu Hsi, Global Scholarly
Publications, New-York, 2002.
Yunji qiqian ( 雲笈七籤 ) encyclopédie taoïste achevée en 1025. Yunji
qiqian, Huaxia chubanshe, Beijing, 1996.
Zhuangzi (莊子 ), un des grands ouvrages de la pensée taoïste, contenant des
textes de la fin des Royaumes Combattants et du début des Han.
Zhonghua shuju, Beijing, 1982. Traductions  : Jean Lévi, Les œuvres de
maître Tchouang, Editions de l’Encyclopédie des nuisances, Paris, 2006.
Burton Watson, The Complete Work of Chuang Tzu, Columbia University
Press, New York, 1968.
Zuozhuan ( 左傳 ), abréviation de Chunqiu zuozhuan. Texte et traduction
Séraphin Couvreur, la Chronique de la principauté de Lou, Cathasia,
rééd. Les Belles Lettres, Paris, 1951.

LISTE DES OUVRAGES EN LANGUES OCCIDENTALES (par


auteurs)

CHENG ANNE, Histoire de la pensée chinoise, Le Seuil, 1997.


DJAMOURI Redouane, «  L’emploi des signes numériques dans les
inscriptions Shang », in « Sous les nombres, le monde », Extrê me-Orient
Extrême-Occident, n° 16, Presses Universitaires de Vin cennes, 1994.
GRANET Marcel, La Pensée chinoise, Albin Michel, Paris, 1934.
GRANET Marcel, Études sociologiques sur la Chine, Presses Universitaires
de France, 1953, rééd. 1990. (Collection d’une série d’articles dont « La
vie la mort  »  ; «  Le dépôt de l’enfant sur le sol  »  ; «  La polygynie
sororale »…)
LARRE Claude, La Voie du Ciel, Desclée de Brouwer, Paris, 1987.
Grand Dictionnaire Ricci de la langue chinoise, Association RicciDesclée
de Brouwer, Paris, 2001.
ROBINET Isabelle, Histoire du taoïsme, Le Cerf, Paris, 1991.
ROBINET Isabelle, «  Le rôle et le sens des nombres dans la cosmologie et
l’alchimie taoïstes », in « Sous les nombres, le monde », Extrême-Orient
Extrême-Occident, n° 16, Presses Universitaires de Vincennes, 1994.
ROCHAT DE LA VALLÉE Élisabeth, La vie, la médecine, la sagesse, les onze
premiers chapitres du Suwen, rééd. Le Cerf, Paris, 2005.
ROCHAT DE LA VALLÉE Élisabeth et Larre Claude, La Bannière pour une
dame chinoise allant en paradis, Desclée de Brouwer, Paris, 1995.
VANDERMEESCH Léon, Wangdao ou la Voie royale, recherches sur l’esprit
des institutions de la Chine archaïque, École française d’Extrême-Orient,
Paris, 1977.
Quelques repères chronologiques

Époque légendaire dite des Cinq Empereurs


Dynastie Xia (1953-1576)
Dynastie Shang (1576-1416)
Dynastie Zhou (1046-222)
Zhou de l’Ouest (1046-771)
Zhou de l’Est (770-222)
Période dite des Printemps et Automnes (722-481)
Période dite des Royaumes Combattants (453-222)
Dynastie Qin (222-206)
Dynastie Han (206 avant J.-C. – 220 après J.-C.)
Han Antérieurs (206 – 8)
Han Postérieurs (25-220)
Dynastie Tang (618-907)
Dynastie Song (960-1279)
Dynastie Yuan (1277-1367)
Dynastie Ming (1368-1644)
Dynastie Qing (1644-1911)
Table

Introduction
Les pratiques et les nombres
Un ou l’unité
L’Un comme pur et sans mélange
L’Un comme totalité
L’homme unique unité
L’Un est origine
L’Un, fondement des êtres
Le Deux ou le couple
Ciel Terre
Yin yang
Exemples de couples en médecine
Deux comme duplicité et inconstance
Deux comme le couple
Trois ou la triade
Le Trois et les souffles
Les Trois puissances
Trois dans la cosmologie taoïste
Trois dans la théorie médicale
Trois pour les périodes de transition
Quatre ou la partition
Graphie du caractère
Différenciation dans l’amas de souffles
Apparition des formes
Les quatre images
Exemples de groupements par Quatre
Rapports du Trois au Quatre
Cinq ou la centralisation
Graphie du caractère
Passage de Quatre à Cinq
Organisation centrale
Cinq comme fondement
Cinq et Un
Quelques expressions menées par Cinq
Deux et Cinq
Par Trois et par Cinq
Six ou le flux organisé
Graphie du caractère
De Cinq à Six
Six jonctions
Six souffles
Six en médecine
Six dans le déroulement du temps
Par Six et par Cinq
Sept ou l’émergence
Graphie du caractère
Les Sept régulateurs
Sept émotions
Sept orifices
Sept âmes Po
Sept dans les périodes de temps
Huit ou la répartition
Graphie du caractère
Huit doublement de Quatre
Sept et Huit : yin yang dans une activité de couple
Huit en médecine
Quelques expressions menées par Huit
Huit dans les expressions idiomatiques
Neuf ou l’accomplissement
Graphie du caractère
L’épuisement et l’accomplissement
Neuf et Sept
La formation de Neuf
La diversité réunie et organisée
Expressions remarquables menées par Neuf
Remarques sur les nombres pairs et impairs de Un à Neuf
Nombres des séries
Dix ou l’unité recomposée
Graphie du caractère
La formation de Dix
Dix et Un
Dix nombre ultime
Après le Dix
Onze
Douze
Treize
Quinze
Seize
Dix-neuf
Vingt-quatre
Vingt-cinq
Vingt-sept
Vingt-huit
Trente-six
Quarante-neuf
Soixante-quatre
Soixante-douze
Quatre-vingt-un
Cent
Mille
Dix mille
Appendice 1 : Exemples de variation de sens liées aux valeurs numériques
Appendice 2 : Choix de textes classiques
Appendice 3 : Les âges de la vie
Les grands événements des âges de la vie dans les textes
Bibliographie
Quelques repères chronologiques
Composition et mise en pages : Facompo, Lisieux

Achevé d’imprimer en février 2015

sur les presses de l’imprimerie

XXXX
N° d’imprimeur : XXXX

Dépôt légal : octobre 2006.

Imprimé en France

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