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Élisabeth Rochat de la Vallée
La symbolique
des nombres
Sagesses orientales
DESCLÉE DE BROUWER
Avertissement : pour les références complètes des ouvrages dont sont extraites les citations, se
reporter à la bibliographie page 219.
Une première observation est que les nombres s’écrivent avec des
caractères qui ne diffèrent en rien des autres caractères et s’emploient
comme eux dans la phrase. Il n’existe pas, en chinois classique, de signes
particuliers pour écrire les nombres. Il n’y a pas de différence entre 1 et un.
Ce qui fait que le caractère utilisé pour un nombre s’inscrit dans la phrase
soit comme un nombre avec sa valeur numérique, soit comme un nom, un
adjectif, un verbe. Le caractère pour « cinq » peut être employé pour
signifier quintupler ; « cent » pour centaine ou centupler ; « un » pour
unifier, unique, unité…
Ce fait renforce la valeur qualitative prise par les nombres. Comme l’a
bien montré Marcel Granet2, les nombres sont utilisés bien sûr pour leur
valeur quantitative : pour calculer, compter, dénombrer, pour indiquer des
quantités précises. Mais ils revêtent aussi une valeur qualitative, c’est-à-dire
qu’on les utilise pour assigner à chaque chose sa place dans l’ordre du
monde.
Parler de Cinq couleurs ne signifie pas que l’œil ne peut percevoir et
distinguer que cinq nuances colorées, mais que l’on considère les couleurs
au niveau qualitatif indiqué par le nombre Cinq, c’est-à-dire comment cinq
couleurs représentent symboliquement l’ensemble des impressions colorées
et permettent de les classifier en fonction des Cinq éléments.
En vertu de cette valeur qualitative ou symbolique, les nombres jouent
un rôle ordonnateur dans la représentation de l’apparition de la vie à partir
d’une origine unique et commune et de son développement, de sa
prolifération dans le multiple. La prescience de l’organisation du réel selon
un ordre sous-jacent trouve dans la série numérique son expression la plus
universelle, parce que la plus simple et la plus dénuée de représentations
particulières.
D’un côté, la rigueur interne du réel se montre dans les nombres, qui se
posent comme ses lois, son organisation fondamentale ; le caractère chinois
pour nombre ayant aussi le sens de lois naturelles3. On ne peut aller contre,
même si de légères oscillations autour du nombre attestent de la souplesse
de l’ordre dans ses réalisations individuelles.
D’un autre côté, les successions et les opérations des nombres entre eux
suggèrent toutes les transformations constamment à l’œuvre dans chaque
être et phénomène pour lui permettre d’exister. Séquences, additions,
multiplications, élévations à la puissance… génèrent des nombres
significatifs du mouvement des souffles (qi) qui font et montrent le réel.
Parlant du souffle Un, on évoque l’origine ; les Deux souffles sont le
couple primordial prêt à générer les êtres : le yin yang ; les Quatre souffles
sont la répartition de cette capacité à produire et entretenir la vie en quatre
qualités dont le modèle est les Quatre saisons ; les Huit souffles sont
l’éclatement tous azimuts de ce qui détermine les propriétés de l’espace et
du temps, comme sur la rose des vents ; les Vingt-quatre souffles sont la
scansion de la vie cosmique au long de l’année par des périodes de quinze
jours chacune…
Du macrocosme au microcosme
Contenu de l’ouvrage
Après une brève présentation de ce qu’on entend par les pratiques et les
nombres dans la Chine ancienne, nous étudierons les nombres les plus
significatifs. Pour chaque nombre, nous donnons, dans un encadré, un bref
aperçu de ses graphies successives, ainsi que leurs principales inter-
prétations, historiques et traditionnelles et nous livrons une étude de ses
grandes valeurs symboliques ainsi que ses relations privilégiées avec
d’autres nombres, illustrées par des citations tirées des ouvrages chinois
classiques. Trois appendices complètent cette approche. Le premier donne
les variations du niveau de signification d’un caractère en fonction du
nombre qui le qualifie. Le second présente un choix de textes, dans lesquels
l’usage symbolique des nombres est important et représentatif. Le troisième
prend l’exemple de l’usage des nombres pour régler les âges de la vie
humaine et les grandes étapes de son activité, tant sociale qu’organique.
1. Ces inscriptions remontent aux environs du XIVe siècle avant J.-C. Elles
apparaissent sur des carapaces de tortue ou des omoplates de bœuf, qui
servaient à la divination ; d’où leur nom usuel d’inscriptions oraculaires.
2. M. Granet, La Pensée chinoise, Paris, Albin Michel, 1934.
3. On appelle « lois naturelles » les principes qui sont considérés comme
intrinsèques, comme présidant à l’avènement et au développement de
chaque être ou phénomène, au sein d’un univers conçu comme une
perpétuelle auto-production et autorégulation.
4. Pour la signification ce qu’on entend ici par Un, Unité, voir plus loin
l’étude du nombre Un.
5. Le zéro n’existe pas en Chine avant son importation par les Arabes.
C’est pourquoi nous n’en traiterons pas.
Les pratiques et les nombres
術
Les pratiques (shu ) en tant que conduites humaines sont ordonnées
數
par les nombres (shu ), expression de l’ordre naturel. La combinaison de
ces deux caractères donne :
shu shu 數術 : les nombres et les techniques ou les techniques des
nombres : sciences traditionnelles, telles qu’astronomie, astrologie, calcul
calendaire, almanach, divination, géomancie ;
shu shu 術數 : les techniques et les nombres. Pratiques fondées sur
l’observation naturelle des phénomènes et leur compréhension ; arts et
techniques fondés sur l’observation de l’ordre naturel et de ses lois
exprimés par les nombres. L’art de bien gouverner, d’appliquer les bonnes
techniques, pour le respect des règles et des lois.
1. Lois naturelles
Les nombres du Ciel sont les lois naturelles ; l’expression « les nombres
du Ciel Terre » (tian di zhi shu 天地之數 ) désigne l’organisation du monde
naturel, les lois qui prési-dent à l’avènement et au devenir de toute chose5,
et l’expression « nombres du Ciel » (tian shu 天數 ) s’emploie pour les loi
naturelles, les normes données par le Ciel à l’origine de toute chose et qui
commandent son devenir.
« N’allez pas à l’encontre des lois naturelles (les nombres donnés par le
Ciel, tian shu 天數 ) » (Liji, ch. Yueling).
2. Divination
數
« User intégralement des nombres (lois, calculs, shu ) et connaître par
là ce qui va arriver, est appelé divination » (Xici I, 5).
« La tortue procède par les images (xiang 象 ) et l’achillée par les
數 生
nombres (shu ). Dès qu’un être est généré (vit, naît, sheng ), il a une
image ; dès qu’il y a une image, il prolifère (il se multiplie) ; dès qu’il y a
prolifération, il y a des nombres » (Zuozhuan, 15e année du Duc Xi).
La tortue représente la divination par l’interprétation des figures
formées par les craquelures apparaissant sur les carapaces de tortue
chauffées. L’achillée représente la divination par les hexagrammes,
résultant des manipulations de cinquante tiges d’achillée et des calculs faits
sur les nombres ainsi obtenus.
Dès qu’une vie commence, elle est à l’image de ce qui la produit et lui
permet d’être telle qu’elle est, en référence à une image modèle dont elle est
comme un reflet ; ainsi un homme se fait à l’image, à la ressemblance d’un
être humain, comme un cheval ressemble toujours à l’image du cheval. Dès
qu’il y a vie, il y a prolifération, reproduction, croissance par
multiplication ; l’imperceptible devient perceptible pour constituer une
forme, à l’image de son modèle, et gouvernée par des règles ; ces règles
deviennent évidentes quand la forme est assez développée pour être
quantifiable et pour qu’on puisse alors observer les lois qui règlent sa
croissance et son comportement.
La tortue a une relation préférentielle avec l’image première, qui
modèle le nouvel être surgi entre Ciel et Terre (qu’elle symbolise en son
corps), alors que l’achillée a une affinité naturelle avec les nombres6 ;
quand les calculs, mesures, computs deviennent possibles, ils expriment les
lois intrinsèques de l’être, analogiques aux lois des mouvements de la vie
dans l’univers. Les bâtonnets ou tiges d’achillée permettent alors la
représentation des lois qui mènent ces figures par la composition
d’hexagrammes avec des lignes yin et yang.
« Le Ciel a sa Voie constante (chang dao 常道 ) ; la Terre a ses nombres
constants (chang shu 常數 ) ; l’homme de bien a un comportement constant
(chang ti 常體 ) » (Xunzi, ch. 17).
Le Ciel est l’ordre naturel lui-même ; la puissance qui assure la
régularité du déroulement de la vie, par exemple le déroulement régulier
des saisons. La Terre reflète le Ciel et l’exprime ; ses dimensions et mesures
permettent de connaître les lois qui régissent la vie. Le sage s’en inspire et
reste ainsi constant à travers la multiplicité des actes dictés par les
circonstances variées.
4. Calcul astronomique
5. Opérations du Cœur
« Dans les discours des passants qui vont et viennent, le Cœur (xin : 心
intelligence et sensibilité, capacité à juger) apprécie (shu 數
: calcule,
estime, discerne le vrai du faux) » (Shijing, Xiaoya, ode 198).
Les opérations par lesquelles le Cœur – qui représente tout le mental,
l’activité non seulement affective mais intel-lectuelle, morale et spirituelle –
est capable de distinguer le vrai du faux, de poser des jugements de valeur,
sont semblables aux manipulations des nombres, aux calculs qui permettent
de voir les lois qui régissent la vie et d’avoir la connaissance subtile.
« C’est quelque chose que j’ai dans la main et qui est ressenti dans le
數
Cœur ; la bouche est incapable de l’ex-primer ; il y a là un art (shu ) qui
se tient quelque part » (Zhuangzi, ch. 13).
Art au-delà de tout calcul de la main ou du Cœur, mais parfait, car la vie
de celui qui agit est un reflet spontané des lois naturelles. Les nombres
peuvent servir à l’apprentis-sage de la main et du Cœur ; ils sont ensuite
oubliés pour permettre de ne faire qu’un avec la Voie du Ciel.
一
YI
UN
Depuis les origines de l’écriture, le nombre Un s’écrit d’un trait ; un
seul trait, horizontal . Il indique le chiffre un, seul ou ajouté à d’autres,
par exemple au dix pour faire 11. Mais, plus d’un millénaire avant notre
ère, l’Un a déjà d’autres usages que celui de sa seule valeur quantitative.
Il désigne ainsi celui qui vient en premier, ou celui qui est unique en son
genre, l’homme unique (yi ren 一人 ), c’est-à-dire le souverain, celui qui
n’a pas son pareil, celui qui seul – et solitaire – règne sur la multitude des
sujets qui peuplent l’Empire. Le souverain est non seulement unique, car
il ne peut y avoir deux maîtres, mais il est l’Un, l’union et l’unité de tous
les êtres qui vivent sur son territoire. L’Un est lié à la puissance absolue,
qui contient et embrasse tout ; contenant tout, il est à l’origine de chaque
être ; embrassant tout, il est leur rassemblement ; sa présence donne à
chacun son sens fondamental, sa raison d’être.
L’Un et la Voie
L’origine n’est pas temporelle, en ce sens qu’elle est toujours là, dans le
présent, omniprésente ; elle est ce qui donne et maintient cohésion et
cohérence, ce qui fonde la nature propre de chacun et permet donc à chacun
d’être soi, de réaliser ses qualités naturelles, d’accomplir sa destinée.
Chaque être, chaque phénomène prenant forme dans l’univers, à
commencer par les plus grandes : le Ciel et la Terre, est parfait parce qu’il
reste fidèle à ce que son origine lui a conféré et maintient en lui.
Ne pas maintenir sa nature originelle, c’est ne pas se maintenir dans
l’Unité, dans la réalité Une, qui seule permet les vies particulières ; c’est
aller à sa perte.
« Dès le temps ancien possèdent l’Un (de yi 得一 )
Le Ciel par sa clarté
La Terre par sa tranquillité
Les Esprits par leur pouvoir merveilleux
Les Vallées par l’abondance de leur plénitude
Les Dix mille êtres par leur vitalité
Barons et Rois en étant la noblesse du monde
Là est leur perfection
Sans clarté le Ciel s’effondrerait
Sans tranquillité la Terre éclaterait
Sans pouvoir merveilleux les Esprits s’épuiseraient
Sans abondance de plénitude les Vallées s’assécheraient
Sans vitalité les Dix mille êtres s’éteindraient
Sans noblesse Barons et Rois trébucheraient » (Laozi, ch. 39, trad.
Claude Larre).
L’Un est-il une fusion au Ciel qui empêche de vivre dans la diversité
des dispositions et des actions humaines ? Pas forcément. L’homme est
celui qui doit maintenir en lui l’unité et le multiple, la multiplicité qui
donne les qualités et déterminations par lesquelles il est un être vivant, et le
Un qui en reste le fondement.
Zhuangzi, au chapitre sixième, parle ainsi de l’homme authentique :
一 徒
« Son unité (yi ) le fait compagnon (tu ) du Ciel ; sa non-unité (bu yi 不
一 ) le fait compagnon des hommes. Que le céleste et l’humain ne
s’opposent pas, c’est cela qui fait l’homme authentique. »
L’Un est la totalité, la solidarité de tout ce qui existe ; l’Un est ce qui
sous-tend l’ordre naturel. Celui qui agit en se situant réellement dans l’Un
est dans l’agir non-agissant, qui ne sépare pas du cœur de la vie. Ainsi, rien
qui ne se fasse, rien qui n’arrive à perfection. Si l’on abandonne l’Un, la
multiplicité devient confusion et désordre.
道
« La méthode (dao ) pour tenir l’Un (yong yi 用一) :
Partir des noms.
À noms corrects, choses assurées.
Les noms sont doubles,
Les choses se troublent.
執一
Inactif, le sage tient l’Un (zhi yi ) ;
Les noms se nomment,
Les choses se donnent. […]
ER 二
Deux est le nombre de la division, faisant apparaître le couple. Il est le
battement qui atteste la vitalité propre de Un ; il représente l’ouverture de
l’unité permettant la relation grâce à la distinction. À l’intérieur de l’Un,
l’embryon d’une manifestation se fait : cela palpite ; mouvement et repos
alternent et créent le rythme ; le mouvement se fait expansion et le repos,
condensation. C’est le yin yang, qui va permettre l’apparition du Ciel par
élévation et diffusion, puis de la Terre par tassement et condensation.
Ciel et Terre se forment ainsi par distinction au sein de l’Unité
primordiale ; mais cette distinction ne divise pas l’Un ; elle est la condition
nécessaire à la révélation de l’Un, qui s’exprime dans le mutiple des êtres
peuplant l’entredeux du Ciel Terre.
La distinction du Ciel et de la Terre produit le couple fécond par sa
différence. Ciel et Terre sont la condition des échanges ; leurs souffles
s’entrecroisent. Mais une Terre qui ne serait pas unie au Ciel, qui ne le
suivrait pas parfaitement, provoquerait une division néfaste. Le Deux,
nombre de la Terre, représente ainsi soit le déroulement harmonieux de la
vie, soit la scission mortifère.
Deux, partage nécessaire qui ne rompt pas l’unité, permet l’exercice,
l’usage de l’Un ; c’est la mise en œuvre, l’effet de couple. Il en découle
rythme, alternance, cycles dans le temps et mélange équilibré, composition
harmonieuse dans l’espace.
Le couple est, par définition, compénétration. En même temps, il est
distinction des deux parties qui se séparent. Il faut toujours considérer les
deux partenaires dans un couple à la fois comme distingués et comme
compénétrés.
Le couple n’est pas l’Un, car chaque membre a son identité et ses
qualités propres ; par son union le couple retrouve l’Un, et il le manifeste
par ses fruits. On passe alors au Trois et à la multitude des êtres.
Dans et par le Deux, le Un devient opératoire, les choses vont
commencer à se faire ; il est possible d’établir des différences, des
séparations : les êtres vont pouvoir apparaître, avec leurs particularités,
leurs déterminations, et leurs formes qui les séparent les uns des autres. Le
processus est lancé et les distinctions vont se multiplier.
Le Deux est mauvais quand il s’oppose au Un, quand il divise en
rompant l’unité. Le désorde ainsi instauré coupe les relations ou les
déséquilibre, apporte obstruction et destruction.
Les couples sont les opérateurs de la vie. Ils se rattachent tous aux
couples fondamentaux que sont le Ciel Terre et le yin yang ; ils méritent une
considération particulière.
DEUX
Deux traits horizontaux forment le caractère : . Il n’y a ni variation,
ni évolution. Le sens aussi affiche une grande constante : deux,
deuxième, second, en second.
Cependant apparaît assez tôt l’idée que le Deux n’est plus l’Un,
qu’une disparité est introduite ; différence ou divergence, elle peut aussi
devenir duplicité ou inconstance.
CIEL TERRE
YIN YANG
Deux, nombre du couple d’où sortent les êtres des deux sexes (er xing
二性 ), peut cependant facilement s’associer à la Terre qui vient après le
Ciel, au yin qui manifeste dans les formes le dynamisme du yang. Il est
alors lié à la vertu du yin et de la Terre. C’est ainsi que le présente le
Shuowen :
二
« Deux (er ) : le nombre de la Terre. Le caractère représente une paire
de traits. »
Le Un n’est plus dépareillé ; il devient une paire. Le Deux, nombre pair,
appartient à la Terre alors que les nombres impairs appartiennent au Ciel.
Cette répartition, qui apparaît nettement dans le Xici, devient prédominante
à partir des IIe, IIIe siècles avant J.-C.3 (cf. Appendice 2).
Le Yijing figure le yang par une ligne pleine (continue −), et le yin par
une ligne brisée (discontinue --) ; ce sont les Deux principes (er yi 二儀 ),
symboles du Ciel et de la Terre, du dur et du souple, dont les différentes
combinaisons forment les hexagrammes et les trigrammes, images de tous
les êtres.
Chaque hexagramme a son nom et sa signification, comme chaque
phénomène ou chaque situation a ses caractéristiques propres.
法
Tout ce qui relève du yang prend modèle (fa ) sur le Ciel ; le Ciel
正
prise la rectitude (zheng ). Tout ce qui relève du yin prend modèle sur la
Terre ; la vertu efficace de la Terre est dans la tranquillité paisible. »
Les Deux Reins sont surtout une paire de Reins (liang sheng 兩腎 ). Ils
reflètent exactement la différence et l’unité qui caractérisent le couple.
Les Reins, Deux ou doubles, sont, enl’homme, la double expression du
yin et du yang dès l’origine. Yin originel et yang originel sont présents dans
le corps par les Reins ; ils soutiennent toutes les activités et productions
organiques au long de la vie.
C’est à partir de cette expression du yin et du yang originels que va
pouvoir se tisser et se former la multiplicité des réalités d’un corps avec ses
organes ; la pathologie est souvent rupture de relation entre deux qui
devraient s’appareiller harmonieusement, se compénétrer fructueusement.
Il y a toujours à la fois compénétration et distinction de deux aspects yin
et yang de la vie. Prenons l’os et la moelle : pas de force et de souplesse
pour l’os si la moelle ne peut pas le nourrir ; pas de possibilité pour la
moelle de se garder à l’interne et de sauvegarder sa richesse sans l’os. Leurs
propriétés sont différentes, mais leur dissociation est inconcevable et
mortelle.
C’est la relation yin yang par excellence :
« Yin est ce qui thésaurise les essences et puis le surgissement se fait et
se développe ; Yang est ce qui défend à l’extérieur et puis la solidité en
résulte » (Suwen, ch. 3).
« Yin se tient à l’interne, mais c’est yang qui l’y main-tient ; Yang se
tient à l’extérieur, mais c’est yin qui lui donne d’agir » (Suwen, ch. 5).
三
SAN
Trois symbolise la totalité des êtres, produits des échanges infinis des
souffles yin yang entre Ciel et Terre.
« La Voie donne vie en Un
Un donne vie en Deux
Deux donne vie en Trois
Trois donne vie aux Dix mille êtres
Les Dix mille êtres adossés au Yin, embrassant le Yang,
Les souffles qui s’y ruent composent en harmonie » (Laozi, ch. 42, trad.
Claude Larre).
Trois, symbole du multiple, est aussi l’Un retrouvé, exprimé. Comme
les parents retrouvent leur union manifestée en chacun des différents
enfants, le Trois est l’expression de l’unité du couple. Ciel et Terre
ensemble produisent les êtres vivants, yin et yang se combinent de Dix
mille manières sans quitter l’unité. L’un, à jamais caché, se révèle dans la
multitude des êtres ; Trois est la triple expression de l’Un ou plutôt l’Un
comme manifesté dans le multiple. Le Un mène au Trois, comme le Trois
permet de concevoir l’Un et d’y faire retour :
TROIS
Dans le cosmos, cette Triade se repère avec les Trois lumières (ou
三光
luminaires) : le soleil, la lune, les étoiles et les astres (san guan ).
Le caractère shi 示 qui, à l’origine, montre les esprits des ancêtres
descendants sur leur autel, prend assez vite le sens de manifester, indiquer.
Le Shuowen interprète ainsi le caractère :
« Les symboles suspendus dans le Ciel, qui permettent de prévoir l’heur
et le malheur, et les annoncent ainsi aux hommes. Le caractère se compose
de 二 (les deux traits horizontaux supérieurs, ancienne forme de shang :上
haut, en haut) et de 三 (les trois traits verticaux inférieurs) pour les trois
symboles suspendus : soleil, lune et constellations. Par leur observation,
l’astrologie connaît les changements au long du temps, car shi 示 c’est
神
l’activité des esprits (shen ). »
Le Ciel montre les principes de l’ordre naturel à travers les mouvements
parfaitement régulés des corps célestes. L’activité des esprits se décèle dans
le soleil, la lune et les constellations qui sont, au Ciel, la meilleure
expression du yang, du yin et des innombrables figures de leur mélange, de
toutes leurs harmonieuses compositions.
Trois, utilisé en particulier dans les textes taoïstes, à partir du iii e-iv e
siècle après J.-C. essentiellement, représente les Trois plans fondamentaux
qui sont à l’origine du monde des hommes comme à l’origine du monde
céleste. Ils s’expriment dans le yin yang et leur harmonie (yin yang he 陰陽
和 ) ou encore dans Ciel Terre et Homme, les Trois puissances.
Au sommet du panthéon de la religion taoïste se trouve une triade. Ces
Trois divinités suprêmes règnent dans les Trois cieux et leurs souffles (trois
ou triple) produisent le monde, génèrent les êtres.
En tant qu’origine, ils sont les Trois originels (san yuan 三元 ), le triple
aspect de l’Un originel.
En tant qu’unité, ils sont les Trois Un (san yi 三一 ) : l’Un coq (mâle,
xiong yi 雄一 ) ou Un céleste (tian yi 天一 ), l’Un poule (femelle, ci yi 雌一 )
ou Un terrestre (di yi 地一 ) et l’Un suprême (tai yi 泰一 ) 6. Ils figurent le
déploiement de l’Unité primordiale vers la multiplicité, la possibilitié de
manifestation de la Voie dans le monde perceptible, formel. Essences,
esprits et souffles sont le triple aspect des êtres, que l’on refond dans
l’Unité. Ils sont aussi les Trois Un, Trois qui est Un.
Les Trois Purs (san qing 三清 ) sont aussi les Trois divinités suprêmes 7
nommées en fonction de la qualité fondamentale de l’Un : la pureté, le non-
mélange.
Dans l’homme, ces divinités célestes et primordiales sont les Trois
divinités majeures du corps, résidant dans les trois Champs de Cinabre 8 :
l’Un Supérieur, l’Un Médian et l’Un Inférieur qui président au centre de
chacune des parties du corps humain, dans le cerveau, le cœur et sous le
nombril. Elles sont fondamentales dans les méditations qui se concentrent
sur la garde du Un (shou yi bao yi 守一抱一 ).
À l’opposé, les Trois vers (san chong 三蟲 ) sont les trois esprits
mortifères qui rongent l’homme en son cerveau, son cœur et son ventre.
Les Trois souffles, les Trois origines, les Trois champs de cinabre…
etc., sont toujours la Triple expression de la réalité Une et Pure.
Les Trois Âmes Hun représentent en l’homme une animation céleste, à
Trois niveaux différents : spirituel, intellectuel, affectif. Mais elles forment
la totalité de son être noncorporel.
Ce qui est Un, authentique, originel, se révèle sous un triple aspect.
Trois est donc le moyen de retrouver l’Un à partir de la diversité.
1. Graphie que l’on ne doit pas confondre avec celle du nombre Trois 三
où le trait central est toujours bien complet et ne peut pas être réduit à un
point ou à un très court trait.
2. Cf. le texte du Hongfan qui donne les nombres associés à chacun des
Cinq éléments, cité dans l’étude de Cinq.
3. Qian : nom du premier des hexagrammes, composé de 6 lignes
continues ; il symbolise le Ciel, la puissance du yang le plus pur. Kun : nom
du second hexagramme, composé de 6 lignes brisées ; il symbolise la Terre,
la puissance du yin le plus pur.
4. Dong Zhongshu (179-104 avant J.-C.) : philosophe confucéen qui
intégra la cosmologie fondée sur le yin yang et les Cinq éléments dans la
pensée et la morale confucéennes.
5. Cf. pour idée analogue, Laozi 25.
6. Sima Qian nous dit que tous les Trois ans, l’Empereur sacrifiait aux
Trois divinités : l’Un céleste, l’Un terrestre et l’Un suprême. (Shiji, ch.
Xiaowu benji).
7. La Pureté de Jade, la Très Haute Pureté, la Très Grande Pureté.
8. Les Trois champs de cinabre (san dan tian 三丹田 ) sont le triple lieu
du travail des souffles sur les essences pour devenir esprits. Ils sont
localisés au niveau de l’ombilic, du cœur et du cerveau.
9. Le « jeu des nuages et de la pluie » est aussi une métaphore, en
chinois, pour les relations sexuelles.
10. Dans la pratique, Trois jours ne font pas toujours 3 fois 24 heures ou
Trois ans 3 fois 365 jours. Si l’on part du principe que la partie vaut le tout,
une heure d’une journée vaudra pour la journée entière ou un mois d’une
année pour l’année entière, etc. Trois jours pourront faire 26 heures…
11. C’est le dépôt de l’enfant sur le sol. Voir M. Granet, in Études
sociologiques sur la Chine.
Quatre ou la partition
SI四
GRAPHIE DU CARACTÈRE
QUATRE
Sur les inscriptions oraculaires, le nombre Quatre, en plus de sa
valeur quantitative (quatre, quatrième), est d’entrée associé à une
division fondamentale : celle de l’espace sous l’autorité du Roi. Sur
Terre, le monarque règne, à partir du centre, sur les Quatre grands
territoires qui s’étendent dans les Quatre directions et forment son
royaume, comme au Ciel le Grand ancêtre, puissance suprême,
commande aux Quatre esprits protecteurs de la vie du sol dans chacun
des Quatre grands territoires ; ces esprits s’expriment dans les Quatre
vents.
Les Quatre mers (si hai 四海 ) limitent l’étendue terrestre dans chacune
des Quatre directions ; entre ces Quatre mers se trouvent les territoires
connus, l’empire du monde, dominé par le Souverain. Chacun de ces
confins est une étendue orientée (nord, sud, est, ouest), un réservoir de la
puissance des souffles qui s’exprime en chacun des Quatre grands
territoires.
En médecine, les Quatre mers du corps humain sont, analogiquement,
Quatre réservoirs qui contrôlent la quaduple expression de ce qui maintient
la vie du corps : aliments, moelles, souffles, sang.
Les informations qu’une forme vivante, un être corporel, donne sur son
état, se répartissent en Quatre diagnostics (si zhen 四診 ) : voir
(inspection), entendre (auscultation), demander (interrogatoire), palper
(prise des pouls et palpation).
RAPPORTS DU TROIS AU QUATRE
1. Ces hypothèses pour le Quatre et pour les autres nombres, sont fondées
sur l’étude publiée par R. Djamouri : « L’emploi des signes numériques
dans les inscriptions Shang », Extrême-Orient, Extrême-Occident, n° 16,
1994.
2. Cette interpétation « dactylonomiforme » est invérifiable, et, pour
certains, hautement improbable ; il en va de même pour l’hypothèse qui voit
dans les signes numériques une représentation des tiges qui servaient
anciennement aux opérations.
3. Voir la présentation des Six qualités du souffle actif dans le corps, dans
l’étude de Six.
4. À partir de là, les associations des nombres peuvent se développer ; on
peut en faire une base d’explication pour des diagrammes comme celui de
la rivière Luo (Luoshu). Cf. Yixue qimeng de Zhu Xi.
5. Même si l’expression Quadruple commencement (si shi) peut aussi
désigner le premier jour de l’année ; il y a alors redondance du
commencement de la saison.
Cinq ou la centralisation
WU 五
GRAPHIE DU CARACTÈRE
Quatre marque la division dans la masse des souffles yin yang qui
emplissent l’espace médian entre Ciel et Terre, de façon à distinguer des
grands principes organisateurs, comme les Quatre directions et les Quatre
saisons.
Cinq réunit par un Centre les souffles distincts ; le centre est leur
mélange, leur compénétration.
Comme Trois était le mélange des deux composants du couple, Cinq est
l’assemblage des souffles différenciés en Quatre. Dans l’un et l’autre cas,
l’harmonie du composé est essentielle. Cependant, il y a une différence de
niveau ; Cinq fait apparaître un centre, alors que Trois faisait apparaître un
médian. Ce centre accueille, recueille tous les souffles et devient leur
principe d’organisation. Par le Centre, ces souffles, à présent différenciés,
vont composer ensemble, harmonieusement ; et ils vont se redistribuer à
partir du Centre selon des mouvements bien réglés.
CINQ
Le centre en médecine
En médecine, l’organe qui est mis en relation avec le Cinq est la Rate.
Elle est l’un des Cinq organes zang ; au même titre que les quatre autres 7,
la Rate est responsable du fonctionnement d’une qualité spécifique du
souffle dans tous les domaines de la vie, du plus corporel au plus spirituel.
En tant qu’exprimant les souffles de l’élément Terre, la Rate est responsable
de plusieurs fonctions : des formes du corps, c’est-à-dire les chairs ; de
l’assimilation des essences et l’élaboration des nutriments répartis dans tous
les organes (c’est-à-dire les Cinq zang) et partout dans le corps (c’est-à-dire
dans les Quatre membres) ; de la constitution des liquides corporels et leur
distribution ; de la réception des perceptions et informations ainsi que de
leur mise en relation avec les souvenirs, ce qui consitue le tissage de la
pensée qui se présente au Cœur, etc. La qualité propre des souffles de la
Rate est donc d’agir comme un centre 8 : c’est en tant que centre que la Rate
reçoit tout ce qui est assimilé par la digestion et le redistribue dans les
Quatre directions. La Rate assure l’harmonie ; elle soutient et nourrit les
Cinq organes zang et les Quatre membres. La qualité de ses souffles et sa
position centrale ne sont en fait qu’une même chose considérée sous deux
aspects dont on peut à peine dire qu’ils sont différents, et sans doute pas
qu’ils sont distincts.
L’élément Terre peut être considéré comme la mère des autres Éléments,
car elle les contient et les nourrit tous. C’est pourquoi, l’expression du
souffle propre à l’élément Terre dans différents domaines peut servir de
fondement aux autres expressions de souffles dans ces mêmes domaines.
Ainsi le son, la couleur, la saveur liés à la Terre sont facilement perçus, dans
certains textes anciens, comme ce qui permet l’expression juste des autres.
« Dans les notes, il y a cinq sons ; le gong les régit. Dans les couleurs, il
y a cinq teintes ; le jaune les régit. Dans les saveurs il y a cinq modifications
[du goût] ; le sucré les régit. Dans l’ordre [des cinq éléments], il y a cinq
substances ; la terre les régit. C’est la raison pour laquelle, quand la terre est
raffinée, elle engendre du bois ; quand le bois est raffiné, il engendre du
feu ; quand le feu est raffiné, il engendre des nuages ; quand les nuages sont
raffinés, ils engendrent de l’eau ; quand l’eau est raffinée, elle retourne à la
terre » (Huainanzi, ch. 4, trad. Rémi Mathieu, Pléiade).
Gong est le nom de la première note, base des autres ; elle est liée à
l’élément Terre, ainsi que la couleur jaune et la saveur douce ou sucrée.
On remarque la place de la Terre au début du cycle de succession des
puissances élémentaires.
CINQ ET UN
On comprend alors comment tout ce qui existe est organisé par Cinq.
Ainsi peut-on présenter le Cinq comme l’émanation de l’Un :
« On le cherche des yeux sans en voir la forme, on prête l’oreille sans
en entendre le son, on le suit à la trace sans atteindre sa personne. Puisque
du Sans forme procèdent les êtres ayant forme, du Sans son se font entendre
les Cinq notes, du Sans saveur se forment les Cinq saveurs, du Sans couleur
se constituent les Cinq couleurs. Ainsi ceux qui ont des formes sont-ils
produits par ce qui n’en a pas et la plénitude sort-elle du vide » (Huainanzi,
ch. 1, trad. Claude Larre).
Les expressions menées par Cinq n’en finiraient pas. On pourrait encore
citer, sans s’y attarder, les Cinq races de la Chine (wu zu 五族 ), les Cinq
Classiques (wu jing 五經 ), les Cinq animaux domestiques (wu chu 五畜 ),
les Cinq céréales (wu gu五穀 )…
« C’est le ciel qui a établi les lois des cinq relations sociales ; c’est à
nous de travailler à l’observation de ces cinq lois (wu dian 五典 ), et elles
seront en vigueur. C’est le ciel qui a réglé les usages propres aux cinq rangs
de la société (wu li 五禮 ) 12 ; c’est à nous de travailler à l’observation de
ces cinq sortes d’usages, et ils seront bien observés. Respectons et
observons de concert (ces lois et ces usages), et l’harmonie des passions et
des sentiments régnera dans tous les cœurs (he zhong 和衷 ). C’est le ciel
qui met en charge les hommes vertueux ; oh ! les cinq sortes de vêtements
(wu fu 五服 ), les cinq sortes de décorations (wu zhang 五章 ) doivent les
distinguer ! C’est le ciel qui punit les coupables ; oh ! les cinq grands
châtiments (wu xing 五刑 ) et leurs cinq applications (wu yong 五用 )
doivent être en usage ! Oh ! les affaires publiques ne doivent-elles pas être
l’objet de tous nos efforts ! » (Shujing, Conseils de Gao Yao, trad.
Couvreur).
DEUX ET CINQ
六
LIU
GRAPHIE DU CARACTÈRE
六 易
« Six (liu ) c’est le nombre des Mutations (yi ) : le yin change à six
et reste prépondérant à huit » (Shuowen).
Le Shuowen explique le nombre Six en fonction du Yijing : si l’on tire le
nombre Six, dans la construction d’un hexagramme par les sorts, on obtient
une ligne yin (brisée) qui va muter en une ligne yang (continue) quand on
transforme l’hexagramme obtenu en un autre (hexagramme dérivé). Si l’on
tire le nombre Huit, on a aussi une ligne yin, mais qui reste invariable.
La ligne yin obtenue avec le nombre Six est appelée un Taiyin, vieux
yin ou grand yin, le yin au maximum de son développement et de sa
puissance ; alors que la ligne yin obtenue avec le nombre Huit est appelée
un Shaoyin, jeune yin, le yin dans ses commencements.
On comprend que le Taiyin ou vieux yin soit celui qui change, car le yin
arrivée à son maximum ne peut qu’évoluer vers le yang, comme l’hiver
(Taiyin, vieux yin) ne peut qu’annoncer le printemps (Shaoyang, jeune
yang), alors qu’un jeune yin (automne) va continuer dans le yin et
s’enfoncer dans l’hiver et donc ne pas changer de yin en yang.
Cependant, le Shuowen donne une indication intéressante par la manière
入
dont il décompose le caractère. Il décèle le caractère pour « rentrer » (ru )
八
dans la partie supérieure et celui pour huit (ba ), c’est-à-dire le signe de la
division, dans la partie inférieure. Cela est bien visible dans une forme
comme .
On comprend combien il était tentant de voir ce signe de la division ,八
四
puisqu’il était déjà présent dans la graphie de Quatre (si ) et qu’il est lui-
八
même le nombre Huit (ba ). On a donc alors un élément commun aux
nombres pairs et qui indique leur divisibilité, comme ils se séparent
toujours aisément en deux ou multiples de deux.
SIX
Les graphies archaïques de Six ou ou évoquent la
fermeture, le toit, le couvert, l’intérieur, la demeure. On y décèlera
ultérieurement la rentrée, la pénétration, des qualités spécifiques du yin.
Six, c’est le flux et reflux des souffles animateurs, dont les échanges
construisent et entretiennent chaque espace où se déploie la vie.
En grande écriture, Six c’est 陸 : terre ferme, continent, voie terrestre
(comme une route).
DE CINQ À SIX
Le Six est la suite du Cinq. Cinq est une centration ; Six est une triple
conjonction, par laquelle s’effectuent les mouvements initiés à Cinq : à
partir du Centre, l’espace est occupé ; à partir de l’organisation intime de la
vie, se constituent les normes du flux yin yang qui l’animent et
l’entretiennent.
La simple variation du yin yang sur Quatre donnait les Quatre saisons,
les Quatre images (si xiang 四象 ). La variation sur Six est un mouvement
plus complexe. Le yin yang se module à présent sur Trois couples, sur le
grand modèle des Six réunions ou Six jonctions (liu he 六合 ), qui sont les
échanges dynamiques entre Ciel et Terre des Quatre variations du souffle
exprimées par les Quatre directions (si fang 四方 ).
SIX JONCTIONS
Les Six jonctions (liu he 六合 ) sont les Quatre directions (4) avec le
haut et le bas (2), pour organiser la dynamique des échanges entre Ciel et
Terre et former ainsi le monde où se developpe la vie. C’est faire tourner le
Ciel et s’offrir la Terre et marquer les relations archétypales ainsi prises. La
Terre offre ses Quatre faces, ses Quatre amas de souffles : les Quatre
directions ou territoires (si fang四方 ). Le Ciel l’enveloppe par le haut et le
bas, par les montées et les descentes, établissant ainsi comme un axe de
rotation universelle ; il fait tourner ses souffles yin yang, qui font apparaître
le couple Ciel et Terre, qui forment les Quatre saisons et qui sont les Six
influences atmosphériques.
Les Six jonctions forment le lieu défini et délimité du déroulement des
existences qui s’entretiennent au contact du Ciel et de la Terre, des
échanges yin yang entre Ciel et Terre.
Six est le prototype des relations et des voies de cheminement qui
entretiennent la vie et qui forment, par leur réseau même, un espace de vie
délimité, où les frontières s’établis-sent naturellement.
« Les Six jonctions (liu he 六合 , l’univers connu) sont ce qu’il y a de
plus grand, mais elles sont contenues tout entières (dans la Voie) »
(Zhuangzi, ch. 22).
« Lorsqu’un enfant mâle venait au monde (on suspendait un arc au côté
gauche de la porte ; trois jours après), on prenait un arc de bois de mûrier et
six flèches faites de roseau ; on lançait ces flèches vers le ciel, vers la terre,
vers les quatre points cardinaux. Le ciel, la terre, les quatre points cardinaux
étaient les lieux où l’enfant devait plus tard exercer son action. Il fallait
qu’il dirigeât ses vues vers les lieux où son action devait s’exercer, avant
qu’il se permette de manger des grains, c’est-à-dire de la bouillie » (Liji, ch.
Sheyi, trad. Couvreur).
Les Six jonctions sont l’enveloppement qui permet l’accomplissement ;
c’est ce qui soutient, maintient, entretient ; c’est le lieu de toute activité.
SIX SOUFFLES
Six est donc l’ensemble des souffles dans l’entre-Ciel Terre, avec des
variations, des fluctuations, des changements qui se voient bien sûr au long
des Quatre saisons, mais qui se combinent de toutes les manières.
Quand la vision du monde évolue et que tout s’organise par Cinq, on
parlera de Cinq souffles, de Cinq vouloirs ou émotions fondamentales,
mouvements intérieurs de base. Mais plus anciennement le nombre Six est
celui des souffles du Ciel, comme il est celui des désirs et des tensions
internes.
L’homme se sert de ce que lui offre la nature pour satisfaire ses besoins
vitaux : se nourrir, se vêtir, se loger, se protéger, fabriquer des ustensiles,
etc. On répartit sur Six ces choses nécessaires à la vie de l’homme sur
Terre ; ce sont les Six sources de richesse (liu fu 六府 ) offertes par les lacs
et les rivières (Eau), l’usage du feu (Feu), le travail des métaux (Métal),
l’exploitation des arbres et des forêts (Bois), l’utilisation de la glaise (Terre)
et la culture des champs (céréales).
Les Six modalités du souffle céleste générant la vie trou-vent ici comme
leur contrepartie dans les Six modalités sous lesquelles la Terre entretient la
vie.
« La Terre a été aplanie et le Ciel a parachevé (la production de la
végétation et des êtres). Les Six sources de richesse (liu fu 六府 ) et les
Trois affaires (san shi 三事 ) sont bien réglées ; Dix mille générations en
tireront à jamais profit » (Shujing, ch. Dayumo).
Le Zhuozhuan explique :
« Les six sources de richesses et les trois affaires sont ce que les
Annales appellent les objets des neuf occupations (jiu gong 九功 ). L’eau, le
feu, les métaux, le bois, la terre, les grains sont ce que les Annales appellent
les six sources de richesses. La réforme des mœurs, l’acquisition des objets
nécessaires, les moyens de vivre commodément, c’est ce que les Annales
appellent les trois affaires » (7e année du duc Wen, trad. Couvreur).
Les Six sources de richesse sont placées sous la responsabilité d’un
organisme ; l’expression prend alors le sens des Six ministères s’occupant
des ressources vitales du pays.
La même expression devient, dans le corps, les Six organes fu chargés
de l’assimilation des nutriments et du rejet des matières inutilisables. Ce
sont : Estomac, Gros intestin, Intestin grêle, Vésicule biliaire, Triple
réchauffeur et Vessie.
Les Six souffles peuvent aussi être ce qui est nécessaire à l’entretien de
la vie, réparti en Trois couples : essences et souffles (jing qi 精氣 ), liquides
corporels légers et denses (jin ye 津液 ), le sang et ses circulations (xue mai
血脈 )5.
Six lignes
SIX EN MÉDECINE
À six, tous les souffles (3) yin yang (2) s’entrecroisent, communiquent,
se conjoignent pour régler la vie par leurs circulations et échanges. Dans le
corps humain, des trajets qui se détachent des méridiens, appelés trajets
distincts (jing bie經別 ) renforcent les relations du yin dans le yang et du
yang dans le yin. Chaque méridien yang détache un courant de souffles
pour renforcer ses relations avec le yin du corps (interne, cœur, organes
zang) alors que chaque méridien yin détache un courant de souffles pour
renforcer ses relations avec le yang, c’est-à-dire le haut du corps (nuque et
gorge, organes des sens, face, encéphale). Ce sont les Six jonctions (liu he)
dans le corps.
Les Six variations des souffles yin yang dans le corps forment les Six
qualités du souffle, que l’on retrouve dans les Douze méridiens et qui sont
la base du Shanghanlun.
Prenons l’exemple des Trois qualités du yang, qui se retrouvent dans les
Six variations du souffle ainsi que dans les Douze méridiens :
Le yang commence et perce, avec l’impétuosité et la fragilité,
l’instabilité et la force de la jeunesse pleine de potentialités non encore
réalisées, comme l’enfant plein d’avenir mais non encore affirmé : jeune
yang, petit yang, Shaoyang.
Le yang arrive à complétion, il a sorti sa puissance et la déploie
largement, mais n’a plus rien d’autre à exprimer, comme l’adulte qui ne
grandit plus, mais dont la force culmine et s’impose avant de décliner :
vieux yang, grand yang, Taiyang.
Le yang pénètre le yin et montre sa puissance dans les substances ; il
affirme sa richesse et montre sa splendeur : yang radieux, yang brillant,
Yangming.
Dans les textes médicaux et selon la distribution par Six, le yin varie
aussi sur Trois :
Le yin se montre dans la plénitude des formes, la visibilité, comme à
l’automne dans les grains et les fruits bien mûrs : grand yin, Taiyin.
Le yin se fait secret, mécanisme intime de la vie : yin imperceptible,
petit yin, Shaoyin.
Le yin se concentre pour préparer l’avènement du yang, il tend vers le
yang comme la nuit tend vers l’aurore : yin qui prépare l’élan, yin du reflux
pour un afflux, Jueyin.
L’expression Six mai (liu mai 六脈 ) peut désigner soit les Six types de
circulations vitales (la somme des trois méridiens yin et des trois méridiens
yang), soit les Six aspects fondamentaux du pouls (trois couples yin yang :
superficiel ou profond, long ou court, glissant ou rêche), soit les Trois
positions bilatérales de la prise des pouls radiaux (distale, médiane,
proximale).
L’expression Cinq mai (wu mai 五脈 ) réfère uniquement aux pouls des
Cinq organes zang.
Les Six changements (liu bian 六變 ) sont les Six variations majeures
des pouls.
Les Six débordements (liu yin 六淫 ) sont les dérèglements des Six
influences atmosphériques (vent, froid, chaleur, sécheresse, humidité et feu)
provoquant des maladies.
Certaines séries peuvent être par Cinq ou par Six, ou bien se répondre
de Cinq à Six.
Beaucoup de notions réparties en Cinq par l’application de la théorie
des Cinq éléments peuvent également se retrouver réparties en Six. On
reprend alors régulièrement la liste de Cinq correspondant aux Cinq
éléments, et on ajoute un terme qui, souvent, exprime quelque chose qui va
au-delà de la série des Cinq.
Ainsi les Six souffles ne sont plus les Trois couples identifiés
anciennement (froid et chaleur, vent et pluie, obscurité et lumière), mais le
vent correspondant à l’élément Bois, la chaleur correspondant au Feu, le
froid correspondant à l’Eau, la sécheresse correspondant au Métal,
l’humidité correspondant à la Terre, auxquels on ajoute un feu qui se répand
partout entre Ciel et Terre. De même les Six saveurs sont les Cinq saveurs
en corrélation avec les Cinq éléments (amer, acide, doux, âcre, salé) plus
l’insipide. Les Six couleurs sont le vert, le rouge, le jaune, le blanc, le noir
plus le sombre10.
Les Cinq notes et les Six tubes musicaux : Cinq notes inaudibles font
retentir les sons à travers Six tubes musicaux. On distingue en fait Six tubes
donnant des notes mâles (liu lü 六律 ) et Six donnant des notes femelles (liu
lü六呂 ) soit un total de Douze.
En médecine, les Cinq organes zang et les Six organes fu sont
l’ensemble des viscères du corps humain. Les Six fu, liés au yang et à
l’extérieur, s’occupent des substances, de leurs transformations et de leur
circulation ; alors que les Cinq zang, liés au yin et à l’interne, gardent les
esprits vitaux et sont responsables de l’harmonie des souffles.
Les Cinq mouvements et les Six souffles (wu yun liu qi 五運六氣 ) sont
cinq modalités de distribution au long du temps des souffles exprimant les
cinq éléments, et les six souffles exprimant les six influences climatiques.
La théorie médicale exploite les relations de ces cycles concomitants avec
les pathologies de chaque période.
Les Six parties du corps (liu ti 六體 11) se comprennent sur le modèle
des Six jonctions. Ce sont la tête, le tronc et les Quatre membres, c’est-à-
dire le Ciel, la Terre et les Quatre directions. Les Cinq parties du corps (wu
ti五體 ), dans le même ordre d’idée, sont la tête avec les Quatre membres,
la répartition par Quatre autour d’un centre, ici en position supérieure et de
commandement.
On pourrait multiplier les exemples de listes menées soit par Cinq soit
par Six. Parfois la différence est assez claire ; parfois il s’agit plutôt d’une
redondance liée à des questions d’évolution historique.
Signalons qu’en chinois parlé, on peut dire « quatre, cinq, six » (si wu
liu四五六 ) pour parler de la raison d’être, du pourquoi (d’une affaire,
d’une situation, etc.).
QI七
GRAPHIE DU CARACTÈRE
La forme ancienne du caractère sept pendant des siècles (des Shang aux
Zhou orientaux) est une croix1 : ou . Elle symboliserait une coupure ;
couper, trancher, inciser étant le sens d’un caractère homophone 切
qui se
七
compose du sept et du couteau . 刀
Pour certains, la graphie de Sept représenterait un signe inconnu de la
main et des doigts, censé indiquer ce nombre.
SEPT
Les graphies archaïques du nombre Sept sont une croix ou dont
la branche horizontale est parfois réduite ou . On a donc un trait
vertical, une montée, qui traverse ou coupe un trait horizontal moins
important. D’où la possibilité d’y voir une émergence, le yang qui
apparaît, la jeune pousse qui vient au jour.
Vers la fin du IIIe siècle avant J.-C., le trait vertical, de droit qu’il
était, se courbe dans sa partie inférieure. Ce qui donne le caractère
classique pour Sept .七
Sept symbolise l’apparition concrète de la puissance de vie, l’élan
vital, avec ses excès et ses dangers. Tout surgissement contient son
dérèglement potentiel, et il faut maîtriser la force qui pousse à sortir, de
façon qu’elle ne devienne pas violence incontrôlée. Le Sept, qi, est le
seul nombre (avec mille, qian) à être prononcé avec une aspiration.
Sept et le tigre
Parfois, Sept est aussi 6 plus Un, soit le retour à l’1, à la concentration, à
partir de la circulation exprimée par le Six. En alchimie taoïste, Sept est un
nombre typique pour les ingrédients composant l’élixir, et la boue utilisée
pour sceller le creuset et éviter ainsi la dispersion du souffle s’appelle la
boue du Six et Un (liu yi ni 六一泥 ).
SEPT ÉMOTIONS
Les émotions sont liées aux organes (zang) et sont l’expression la plus
puissante du mouvement de souffles qui en émane. On a donc Cinq
expressions dans le mental, dans ce qui est sans forme, non corporel, du
souffle propre à un organe. Ce sont les Cinq vouloirs (wu zhi 五志 ) (cf.
Cinq) qui doivent normalement s’équilibrer et s’harmoniser pour un état
d’esprit calme et une conscience claire. On passe au nombre Sept quand on
parle des émotions pour indiquer le désordre habituel, les dangers
potentiels.
On a donc Sept émotions (qi qing 七情 ), dont la liste varie, car ce n’est
pas le détail qui importe, mais le fait que ce qui peut troubler le Cœur par
des mouvements intempestifs soit représenté par le nombre Sept.
On a souvent trois paires d’émotions complétées par un terme général
qui les englobe, comme en Liji, ch. Liyun, où l’on trouve la série suivante :
喜 怒 哀 懼
allégresse (xi ) et colère (nu ), affliction (ai ) et crainte (ju ), attrait
好 惡
(hao ) et aversion (wu ), désir (yu ). 欲
La liste qui est le plus souvent retenue en médecine est la suivante :
喜 怒
allégresse (xi ) – colère (nu ) – accablement (you) – pensée obsessive
(si) – tristesse (bei) – peur (kong) – tressaut convulsif (jing). Mais il y a
plusieurs variations.
Très souvent ces émotions sont des dérèglements dus à l’élan vital
incontrôlé, à l’attrait de désirs toujours plus violents et insatiables.
SEPT ORIFICES
Entre Cinq et Sept, le pivot est Six ; ainsi entre les Cinq organes zang,
qui contrôlent tous les mouvements de souffles depuis les profondeurs de
l’interne, et les orifices, qui s’ouvrent à la surface du corps, il y a
l’intermédiaire des circulations, menées par le nombre Six.
Le titre du chapitre septième du Huainanzi est « Les esprits vitaux »
(essences et esprits, jing shen 精神 ). Ils se construisent par l’entretien et la
protection de l’interne et doivent maintenir dans la rectitude des
commencements, l’authenticité originelle. C’est ainsi qu’un humain
accomplit sa vie, tirant sa puissance de la régulation de ses forces, car une
force non maîtrisée est un mouvement qui s’emballe et qui détruit ce qu’il
est censé animer.
Les orifices sont le lieu de passage de ce qui touche aux esprits vitaux ;
les émotions qui naissent des réactions aux objets extérieurs pénètrent par
les orifices et perturbent les Cinq organes zang de l’interne.
« Pores et orifices corporels sont les portes et les fenêtres des Esprits
vitaux ; souffles et vouloirs sont les messagers et les huissiers des Cinq
organes zang. Quand les yeux et les oreilles se laissent débaucher par les
plaisirs des sons et des couleurs, les Cinq organes, fortement secoués,
perdent leur stabilité. Ces organes, secoués et déstabilisés, sang-etsouffles
s’agitent et débordent au lieu de demeurer en repos. Sang-et-souffles agités,
débordants, sans repos, les Esprits vitaux galopent éperdument à l’extérieur,
abandonnant leur garde » (Huainanzi, ch. 7).
SEPT ÂMES PO
魄
En un humain, les âmes Po ( ) sont l’animation de la Terre, par
魂
opposition aux âmes Hun ( ), qui sont l’animation céleste. Les Hun
doivent se faire de plus en plus semblables aux esprits du Ciel (shen ). 神
Les Po restent liés au corps, à la chair, à la satisfaction instinctive des
besoins. Ils n’ont d’autres raisons que ce vers quoi ils tendent.
On trouve le nombre Sept lié anciennement à des rituels funéraires, en
particulier ceux de l’empereur. Après un décès, les bouddhistes en
particulier tiennent des cérémonies tous les 7 jours pendant 7 fois 7 jours
(49 jours).
Dans le Liji, le temple ancestral du Fils du Ciel comporte Sept salles ; le
Fils du Ciel est enterré Sept mois après son décès. Avant de faire un
sacrifice, en particulier une offrande à un ancêtre défunt, on doit garder
l’abstinence durant Sept jours et se purifier durant Trois jours, la
purification de Trois jours étant plus dure que les Sept jours d’abstinence.
On retrouve encore l’association de 7 et 3, totalisant 10, comme dans Sept
Po et Trois Hun (cf. étude de Dix).
Les Sept offrances (qi si 七祀 ) sont faites à des divinités plutôt reliées à
la maison, aux défunts…
八
BA
GRAPHIE DU CARACTÈRE
HUIT
La séparation en deux parties, origine des multiples répartitions, est,
de tout temps, le signe du huit ou ou . Sa graphie classique 八
s’apparente au Deux 二 , en ce sens qu’on y voit, depuis toujours, une
division de ce qui était un. Huit c’est la division, la répartition, la
divisibilité.
Huit manifeste et étale les souffles et les esprits vitaux ; ce qui surgit
de Sept est partout, occupe la totalité de l’es-pace et du temps.
Huit sépare et distingue les souffles ; il les déploie et fixe une limite à
leur expansion. Par le doublement de quatre, Huit affirme la spécificité
des souffles animateurs. Il met en place les règles fondamentales : Huit
trigrammes, Huit vents, Huit méridiens extraordinaires sont des
exemples de la variation des souffles vitaux au niveau de Huit.
Six fait circuler par Trois paires les souffles organisés et centrés par
Cinq. Huit répartit et règle les forces vitales qui ont surgi en Sept.
SEPT ET HUIT :
Si Sept peut être compris comme 5 (éléments) + 2 (le couple Ciel Terre
ou yin/yang), Huit peut être compris comme 5 (éléments) + 3 (Ciel, Terre,
Homme).
Mais les rapports du Sept et du Huit sont principalement dans leur relation
de couple.
Dans le Yijing, Huit est le nombre du jeune yin, la ligne yin non
mutante ; il s’apparie avec Sept, nombre du jeune yang, la ligne yang,
également non mutante.
Sept et Huit représentent ainsi le yin et le yang dans la pleine capacité
de leur développement. Ils vont donc être naturellement utilisés pour
l’interaction du yin et du yang. Le yang du jeune yang (Shaoyang) demeure
yang, peut-être parce qu’il contient un trait yin, qui lui permet de continuer
son développement de yang en vieux yang (Taiyang, deux traits yang, voir
p. 70). De même pour le jeune yin (Shaoyin), qui contient un trait yin. Il en
va ainsi dans la sexualité, où l’homme et la femme échangent en s’acceptant
mutuellement pour se développer l’un par l’autre, tout en gardant
profondément et pleinement leur caractéristique de mâle ou de femelle.
Cependant, quand ils sont utilisés pour représenter le yin et le yang dans
leurs activités de couple, une sorte d’inversion se produit. Le yin n’agit que
par et pour le yang et le yang, que par et pour le yin. C’est le yin qui offre
au yang sa force de jaillissement ; c’est le yang qui permet au yin de se
garder tranquillement à l’interne.
Ainsi, de même que le Sept peut être associé à l’Ouest, le Huit peut
l’être à l’Est. Ou encore, quand on décrit les étapes de l’évolution de la
fécondité de l’homme et de la femme, comme dans le Suwen, ch.1, on
choisit le Sept, jeune yang, pour mener les différents stages de la femme et
le Huit, jeune yin, pour mener ceux de l’homme, de la puberté à la perte de
la capacité à procréer. (Cf. Appendice 2.)
On dénombre Sept étapes pour la femme, de 7 ans à 7 fois 7 ans, et Huit
pour l’homme, de 8 ans à 8 fois 8 ans. La puissance vitale grandit en la
femme pendant les 4 premières périodes et déclinent pendant les 3
dernières ; elle grandit en l’homme durant les 4 premières et déclinent
durant les 4 dernières.
Homme et femme confondus, il y a Sept périodes de déclin et Huit
périodes d’augmentation. L’expression « Sept diminutions et Huit
accroissements » (qi sun ba yi 七損八益 ) désigne différents procédés, dont
beaucoup nous sont inconnus, qui visaient à maintenir la plénitude du
dynamisme vital par la régulation des équilibres yin yang. Ces procédés
étaient essentiellement d’ordre sexuel ou alchimique.
Sur la Bannière funéraire trouvée à Mawangdui2, dans la tombe de la
marquise Dai, deux dragons enlacés, de couleur bien contrastée,
représentent le yin et le yang dont l’union produit tous les êtres. Le dragon
yang a 16 dents, soit 2 fois 8, alors que le dragon yin en a 14, soit 2 fois 7.
Sur la même peinture, les deux dragons qui se font face dans le Ciel ont
chacun 12 dents, soit 2 fois 6.
HUIT EN MÉDECINE
JIU 九
GRAPHIE DU CARACTÈRE
L’ÉPUISEMENT ET L’ACCOMPLISSEMENT
« La tour aux neuf étages monte d’un simple tertre » (Laozi, ch. 64,
trad. Claude Larre).
NEUF
Neuf est l’arrivée à complétude ; tout a été déployé, organisé, achevé.
En Neuf mois, la graine mise en terre a poussé au jour une plante prête à
être moissonnée ; elle est arrivée à maturité, a usé toutes les ressources
que lui offraient ses racines et plus rien ne peut la grandir encore ou
l’alléger du poids de sa richesse. Neuf est le nombre qui exprime le total
déploiement, la plus grande expression du yang, mais en même temps
l’épuisement, le vieillissement.
九
Outre son sens numérique, le caractère pour neuf, jiu , s’emploie
également pour un grand nombre formant un tout complet, beaucoup de
choses rassemblées ; c’est donc aussi réunir, assembler. L’homophonie
久
avec le caractère jiu : « qui a duré longtemps », « ancien », lui fait
parfois prendre lui-même le sens de « vieux ». Sa présence dans
plusieurs caractères leur donne un sens de rassemblement ; ainsi pour jiu
鳩 鳥 九
, la tourterelle, caractère formé de l’oiseau ( ) et du neuf ( ), et qui
signifie aussi réunir, rassembler, ou encore le caractère kui 馗qui
signifie : carrefour où convergent Neuf routes.
NEUF ET SEPT
Neuf complète souvent Sept pour exprimer la totalité aboutie, alors que
Sept se limite parfois trop à l’impulsion yang. Ainsi, la Grande Ourse
compte Sept étoiles ; mais on ajoute deux étoiles voisines pour un total de
Neuf, qui évoque mieux la puissance d’organisation et de centration
dévolue à cet astérisme. Dans le corps, aux Sept orifices supérieurs, vers
lesquels monte le yang clair, on ajoute les Deux orifices inférieurs où
descend le yin trouble, pour un total de Neuf orifices, passages et
aboutissements des mouvements internes du souffle.
« La Terre possède Neuf régions (jiu zhou 九州 ) ; l’homme, ses Neuf
orifices (jue qiao九竅 ) » (Lingshu, ch. 71).
Les Sept luminaires (qi yao 七曜 ) sont soit les Sept étoiles de la Grande
Ourse, soit les Cinq planètes plus le soleil et la lune. Les Neuf luminaires
(jiu yao 九曜 ) sont soit les Neuf étoiles de la Grande Ourse, soit les Cinq
planètes, le soleil et la lune, auxquels on ajoute l’esprit qui provoque les
éclipses et une comète, c’est-à-dire deux facteurs d’irrégularité, mais qui
rendent complètes la considération et la connaissance des mouvements des
corps célestes.
Les nombres impairs sont souvent seuls employés pour marquer les
étapes de l’évolution de Un à Neuf. Ainsi, l’éducation de l’enfant se déroule
sur Neuf ans, comme la gestation se déroule sur Neuf mois et montre son
résultat au dixième. On regarde si leur conduite et leur progression sont
satisfaisantes après Un an, Trois ans puis Cinq ans ; après Sept ans, ils ont
atteint un premier niveau de connaissance, qui ne sera complet qu’à la fin
de la neuvième année.
« Chaque année on admettait des élèves à la grande école de la capitale.
Tous les deux ans avait lieu un examen comparatif. À la fin de la première
année, on examinait s’ils savaient couper les phrases des auteurs d’après le
sens, et discerner les tendances bonnes ou mauvaises de leurs cœurs. À la
fin de la troisième année, on examinait s’ils s’appliquaient au travail et s’ils
aimaient la société de leurs compagnons. À la fin de la cinquième année, on
examinait s’ils étendaient leurs connaissances et s’ils aimaient leurs
maîtres. À la fin de la septième année, on examinait s’ils savaient rendre
compte de ce qu’ils avaient appris et choisir leurs amis. On disait alors
qu’ils avaient reçu leur première formation (xiao cheng 小成 ). À la fin de la
neuvième année, ils comprenaient les raisons des choses et savaient les
ranger en différentes catégories ; ils marchaient d’un pas ferme dans la voie
du devoir, sans jamais s’en écarter. On disait que leur formation était
achevée (da cheng 大成 ) » (Liji, Xueji, trad. Couvreur).
Il n’est pas rare de trouver, dans les textes taoïstes anciens, des récits
symboliques d’initiation en Neuf étapes3, là aussi avec prédominance des
nombres impairs. Souvent, la septième étape est marquée et constitue même
un certain achèvement4 ; mais Neuf marque l’accomplissement intégral,
incluant le surgissement de la lumière et le retour à l’indifférencié.
« Voici ma progression depuis que j’ai suivi votre enseignement. La
première année, j’ai retrouvé ma nature sauvage ; la seconde, je me suis
laissé aller à mes passions ; la troisième, j’ai tout fondu dans la même
identité ; la quatrième, j’ai fait corps avec les êtres de la création ; la
cinquième, j’ai vogué de-ci de-là ; la sixième, les génies m’habitèrent ; la
septième, j’ai accompli ma nature céleste ; la huitième, je ne savais plus ni
ce qu’était la vie ni ce qu’était la mort ; la neuvième, j’ai percé le Grand
Mystère » (Zhuangzi, ch. 27, trad. Jean Lévi).
Retourner sept fois et revenir neuf fois (qi fan jiu han七返九還 ) est une
expression, en alchimie taoïste, pour les sublimations répétées du Feu et de
l’essence dans la constitution de l’élixir. Dans le même ordre d’idée, les
Sept retours et les Neuf cycles (qi fan jiu zhuan 七返九轉 ) évoquent toutes
les transmutations cycliques qui permettent l’élaboration de l’élixir à partir
du cinabre.
Aller jusqu’au bout, aller au fond des choses est le sens d’un caractère
homophone composé du nombre neuf 九 sous une caverne 穴 : jiu究 .
Comme un autre caractère, aussi composé avec le Neuf, désigne l’extrémité
尻
de l’épine dorsale, le coccyx : kao .
Aller jusqu’au bout n’est pas sans danger. Achever totalement sa vie
d’homme et parvenir à Cent ans fait traverser des périodes dangereuses ;
elles sont marquées par l’expression an jiu 暗九 , mot à mot Neuf obscur,
indiscernable, secret, et qui signifie : âge multiple de 9 (18, 27, etc., jusqu’à
81 ans), c’est-à-dire âge critique, période dangereuse, voire néfaste.
LA FORMATION DE NEUF
Neuf, c’est avant tout Trois fois Trois, c’est-à-dire le Nombre des
Souffles à la puissance, toute la puissance des souffles, leur totalité et leur
répartition. Neuf représente donc l’ensemble de ce qui existe quand tout a
été ordonné et distingué ; il gère pleinement et efficacement la totalité.
« Les trois souffles (san qi三氣 尊
) sont la dignité (zun ) du Ciel Terre ;
les neuf souffles sont les racines des Dix mille êtres » (Yunji qiqian).
On peut se figurer Trois niveaux, à l’image des Trois puissances Ciel
Terre Homme ; ce qui donne un niveau supérieur, un niveau inférieur et un
niveau médian. On subdivise ensuite chacun de ces niveaux en trois, selon
le même principe. C’est ce qu’on trouve dans l’organisation des
fonctionnaires, par exemple. Ils sont classés selon trois niveaux et trois
degrés à l’intérieur de chaque niveau. Un fonctionnaire peut être ainsi du
degré moyen du niveau supérieur, ou du degré supérieur du niveau
inférieur… ce qui fait Neuf possibilités hiérarchiques, qui rappellent les
Neuf couches de la sphère céleste ou les Neuf profondeurs de la Terre (cf.
expressions menées par Neuf, p. 150).
Le Mingtang
ET IMPAIRS DE UN À NEUF
SHI
GRAPHIE DU CARACTÈRE
Dans le décompte les directions, Dix est 8 + 2. Les Dix directions (shi
fang 十方 ) sont les Huit points de la rose des vents, plus le haut et le bas.
On retrouve quelque chose d’analogue aux Six jonctions (cf. Six) formées
par les Quatre directions, plus le haut et le bas. L’axe vertical zénith/nadir
demeure ; les Quatre directions sont devenues les Huit polarités de la rose
des vents, exprimant toute la diversité des souffles déployés
horizontalement. Dix exprime bien ainsi le croisement de l’horizontal et du
vertical, du Ciel et de la Terre.
Dix est aussi perçu comme le doublement de Cinq, soit le produit de
Deux, représentant le yin yang, et de Cinq, représentant les Cinq éléments.
Les Dix troncs célestes (tian gan 天干 ), formés de Cinq couples yin yang,
en sont un exemple.
DIX
C’est aussi Neuf plus Un. Mais, comme on l’a déjà vu, le Un est
symboliquement la présence sous-jacente de l’Unité. Rien n’est réellement
« ajouté » quand on additionne Un à Neuf. Mais les éléments de la vie, la
diversité des souffles, organisés et répartis par Neuf, sont intégrés dans
l’unité intrinsèque de chaque être. En Dix, ce qui était analysé comme
différent à Neuf se retrouve dans l’unité vitale. La communication et la
communion des différentes parties constitutives d’un être permettent à la
vie de fonctionner comme un tout dans lequel on ne s’intéresse plus à
discerner des éléments ou des parties car on est plongé dans l’activité vitale
elle-même.
Imaginons un livre ; il contient un savoir que nous ne connaissons pas
encore. Pour connaître, il faut ouvrir le livre et le lire, de la première à la
dernière page, si possible dans l’ordre de succession des chapitres. Mais
ensuite, il s’agit d’intégrer ce qu’on a lu ; il faut alors refermer le livre pour
vivre. Le livre refermé est semblable au livre avant qu’il soit ouvert ; la
seule différence est la connaissance qu’on a à présent de son contenu. On
trouve un rapport analogue entre Un et Dix ; leur seule différence est qu’à
Dix, on connaît ce qui était contenu dans le Un.
Dix est donc une variante de Un. C’est la somme des 4 premiers
nombres (1 + 2 + 3 + 4 = 10). Dans certain contexte, on peut comprendre :
Un pour la Voie, Deux pour la Vertu, Trois pour le Ciel, Quatre pour la
Terre.
Dix c’est aussi la fin des nombres, puisque 11 se compose de 10 et de
1 ; en chinois : shi yi十一 十
. Dix (shi ) est donc le dernier des caractères
spéciaux pour les nombres, si l’on excepte ses propres puissances Cent,
Mille et Dix mille1. Comme l’Un, le Dix contient tous les autres nombres
simples, mais entre Un et Dix ils ont été énumérés, leur succession a
計
structuré et rempli la vie. Le caractère ji , qui signifie « calculer, compter,
méthode de calcul », montre, par sa graphie, que savoir calculer c’est savoir
言 十
énoncer ( ) les nombres de 1 à 10 ( ).
Dix ramène à l’Unité toutes les variations achevées à Neuf. Dix est
perfection, complétion. Illustrons cette valeur symbolique de Dix à travers
quelques caractères qui l’intègrent dans leur graphie :
bo 博 est composé à gauche de dix 十 et à droite d’un caractère
尃
signifiant propager, répandre largement . Il signifie vaste, étendu, ample,
immense, universel, général, innombrable ; érudit ; au vaste savoir ;
connaître intégralement.
xie 協 est composé à gauche de dix 十 et à droite de trois fois le
力
caractère pour la force . Il signifie l’accord harmonieux d’une multitude,
union des forces ou des sentiments ; se mettre d’accord, mettre ses forces en
commun, s’unir ; ensemble.
zhi汁 est composé à droite de dix 十 et à gauche de l’eau Il désigne
les liquides parfaits, complets, capables de régénérer le sang ; ou la bile
faite de pures essences.
gu 古 est composé du dix sur une bouche. Il a le sens de ancien,
十 口
antique ; l’Antiquité. Le Shuowen explique : « Dix ( ) bouches ( ) pour
signifier que l’on reconnaît les paroles des prédécesseurs. » Ce qui est passé
par Dix bouches, ou Dix générations, a l’authenticité d’une transmission
ancienne.
zhi直 十 目
est composé du dix ( ) sur un œil ( ) et d’un trait qui figure
l’objet que l’on regarde. Il a le sens de droit, probe, juste, correct, franc,
direct. Ce que Dix yeux ont regardé sans y voir de défaut est droit et
correct.
On peut considérer Dix comme la reprise de Un au niveau des êtres
particuliers, parfaitement constitués.
L’homme est achevé et prêt à naître au dixième mois de gestation ; ses
esprits sont alors au complet, ainsi que ses âmes : Trois Hun et Sept Po pour
un total de Dix. Il est alors équipé pour Cent ans (10 × 10) de vie. L’adepte
de l’alchimie taoïste nourrit son embryon spirituel sur Dix mois, qui
symbolisent les étapes de la sublimation des souffles en esprits. Dix
« ailes » (ou commentaires, shi yi 十翼 ) sont adjointes au Yijing pour en
faire un classique, le texte de référence.
Dix est donc le nombre propre au principe animateur de l’homme, en
tant que celui-ci représente l’achèvement parfait ainsi que l’unité du Ciel
Terre. Pour la même raison, il est aussi un nombre solaire, le soleil étant le
principe animateur des êtres qui, du Ciel, procure la chaleur et la lumière
nécessaires à la vie sur Terre.
La légende raconte qu’il y avait anciennement Dix soleils2 pour rythmer
sur Dix jours les activités des êtres. Il s’agit sans doute de l’illustration de la
décade, antique division du temps selon les Dix troncs célestes, désignée
par un caractère spécifique : xun . 旬
旬 十
Ce caractère xun , comme le caractère Dix shi , étend son sens de
décade à ceux de : partout, complet, universel.
Terminons par un texte de Dong Zhongshu :
« Les grands nombres du Ciel sont complets à Dix. […] Dix et tout est
achevé, parfaitement complet. Dix, c’est la limite des nombres du Ciel (lois
naturelles, tian shu 天數 ). […] Ainsi, au premier mois (zheng yue 正月 )3,
les souffles yang commencent à sortir de terre ; ils nourrissent l’apparition
et entretiennent la croissance vers le haut (des plantes), jusqu’à ce qu’ils
aient parachevé leur œuvre ; c’est alors la richesse amassée du dixième
mois (la moisson). L’homme, de même, naît au dixième mois, s’accordant
ainsi aux nombres du Ciel. Selon la Voie du Ciel (tian dao 天道 ), tout est
donc achevé au dixième mois ; et pour l’homme tout est aussi achevé au
dixième mois ; il s’accorde ainsi à la Voie du Ciel » (Chunqiu fanlu, ch. 43).
Dix est une période de temps complète à la fin de laquelle on recueille
les effets des actes qui y ont été accomplis4. Ainsi, surveillant la croissance
de son enfant, tout homme qui occupe un certain rang dans la société se le
旬
fera présenter tous les Dix jours (xun ). À Dix ans l’enfant est mûr pour
commencer l’apprentissage de sa vie : le garçon sort à l’extérieur pour
étudier à l’école ; la fille se cloître à l’intérieur pour apprendre les travaux
ménagers5 (cf. Appendice 3).
1. Ces graphies spéciales sont sans doute liées à l’absence d’un zéro
permettant de distinguer l’ordre de grandeur d’un nombre.
2. Voir le récit plus complet dans La Bannière, op. cit.
3. Il faut ici certainement comprendre l’année astronomique, donc le
mois qui débute au solstice d’hiver.
4. Cf. M. Granet, « La vie la mort », Études sociologiques sur la Chine,
p. 207.
5. Liji, ch. Neize.
Après le Dix
ONZE
Onze est entre Dix (2 fois 5) et Douze (2 fois 6), entre donc le double
des deux nombres, Cinq et Six, qui organisent la vie, règlent les
permutations et les échanges de flux qui la maintiennent.
En médecine, Cinq organes zang et Six organes fu font un total non pas
de onze, mais de Douze organes du corps humain, car le Cœur présente un
double aspect. Le Onze se trouve donc, en quelque sorte, en dehors de ce
qui règle habituellement, des règles normales.
Légendairement, il y avait anciennement Douze lunes, comme il y avait
Dix soleils. Les Douze lunes correspondent aux Douze mois de l’année (le
même caractère yue 月 servant pour la lune et le mois) et les Dix soleils aux
Dix jours de la décade, l’unité de base du calendrier (le même caractère ri
日 servant pour le soleil et pour le jour). Entre Dix et Douze, Onze est,
d’une certaine manière, entre le yin (lune) et le yang (soleil). Onze marque
ce qui est un peu étrange, différent, qui n’entre pas dans la catégorisation
habituelle du yin yang, ou ce qui a une place un peu particulière entre yin et
yang.
Après le retour à l’Un par le Dix et avant la régulation, la
réglementation des espaces et des temps sectorisés, à Douze, le nombre
Onze montre la diversité à l’intérieur de l’Unité. Il convient à ce qui est
étrange, non habituel, autre, mais fait partie du fonctionnement de
l’ensemble, est intégré dans le réel.
DOUZE
Douze est Six fois Deux, comme Dix est Cinq fois Deux. Étant le
doublement de Six, Douze est la mise en acte régulée des échanges de
souffles qui se manifestaient à Six. Cela se fait ordinairement par Six
couples yin yang. Il y a ainsi, en médecine, Douze méridiens, Six yin et Six
yang, qui développent, dans tout le corps, les Six qualités fondamentales du
souffle.
Douze est aussi Trois fois Quatre : les souffles (Trois) s’isncrivent dans
la diversité des formes terrestres (Quatre) ; la variété des espaces et des
temps offerte sur Terre (Quatre directions, Quatre saisons) est animée et
activée par les souffles (Trois). Les souffles (Trois qualités yin et Trois
qualités yang) des Douze méridiens circulent dans les Quatre membres.
Douze exprime donc un système d’organisation au niveau des êtres ou
des circonstances particulières, un système de règles, qui dirige
parfaitement et efficacement les mouvements, les circulations, les échanges.
Douze mois règlent ainsi tous les souffles de l’année, Six mois yang du
printemps et de l’été et Six mois yin de l’automne et de l’hiver (6 × 2), ou
encore Quatre saisons de Trois mois (4 × 3). À chaque mois correspondent
des commandements particuliers, que le souverain proclame à partir de la
salle appropriée du Mingtang ou Palais de lumière, afin que toutes les
activités humaines soient parfaitement ordonnées.
Douze Tubes musicaux, Six tubes femelles ou yin et Six tubes mâles ou
yang, règlent tous les sons de la musique par les Douze notes de la gamme
chromatique.
Un banquet traditionnel comporte Douze plats – ou même Douze
services –, Six principaux et Six secondaires.
Plus récemment, le cycle complet de l’enseignement comprend Douze
années : six ans pour le primaire et six ans pour le secondaire, ce dernier
étant réparti en deux étapes de trois ans chacune.
En médecine, les Douze organes du corps s’associent chacun à un
méridien ; les organes yang (fu) aux méridiens yang et les organes yin
(zang) aux méridiens yin. Ils sont responsables de la régulation des
différentes fonctions vitales.
Douze cours d’eau majeurs (shi er jing shui 十二經水 ) organisent les
territoires de la Terre, déterminent la qualité de ce qui y pousse et de ce qui
y vit. Ils sont présentés au chapitre 12 du Lingshu dans leurs relations aux
Douze méridiens.
Douze rameaux terrestres (shi er zhi 十二支 ) et leurs associations :
Douze animaux emblématiques (shi er qin 十二禽 ), Douze emblèmes de
naissance (shi er xiao 十二肖 ), Douze signes zodiacaux (shi er chen 十二
辰 ), Douze heures de la journée…, servent à préciser les moments du temps
(heures, mois, années), à repérer les espaces zodiacaux, à pratiquer
l’astrologie…
Les Douze brocards (shi er duan jin 十二段錦 ) sont douze mouvements
de gymnastique traditionnelle (Qigong).
12 × 9 = 108, soit le produit de l’entretien total et organisé de la vie par
les règles qui président son administration. C’est le nombre des
mouvements dans certaines séquences de Taiji. Dans le bouddhisme, le
chapelet compte 108 grains (bai ba wan 百八丸 ), alors que matin et soir la
cloche de la pagode et du monastère sonne 108 coups (bai ba zhong 百八
鍾 ).
TREIZE
QUINZE
SEIZE
DIX-NEUF
VINGT-QUATRE
Vingt-quatre est 12 × 2, l’extension de la régulation dans un détail plus
fin. L’année ne se divise plus simplement en Douze mois, mais en 24
périodes climatiques de 15 jours chacune, dont le nom jie qi 節氣 évoque le
rythme donné aux mouvements des souffles. Ces périodes sont 24 qualités
du souffle ; chacune est responsable de transformations caractéristiques
dans la nature au cours d’une année. Elles font ainsi évoluer la vie du Petit
froid au Grand froid ou des Épis moitié pleins aux Épis qui ont des barbes,
de la Fin de la canicule à la Rosée blanche ou de la Rosée froide à la Gelée
blanche, pour citer le nom de 8 de ces 24 périodes.
Si l’on veut regarder dans le détail les variations spatiales du souffle
exprimées en Huit par la rose des vents, on multi-plie Huit par Trois pour
二十四向
obtenir les 24 directions (de la rose des vents, er shi si xiang ).
Si l’on veut un modèle de bonne conduite pour chaque situation, on
二十四孝
étudie les 24 exemples de la piété filiale (er shi si xiao ), ouvrage
confucéen composé par Guo Jujing (dynastie Yuan).
Le Poumon qui, dans le corps, est responsable de tous les souffles,
comporte symboliquement 24 cavités.
VINGT-CINQ
VINGT-SEPT
VINGT-HUIT
TRENTE-SIX
Trente-six est le carré de Six. Il peut servir, comme tous les carrés, à
exprimer une totalité. Elle est du côté des circulations et des activités. On a
ainsi les 36 stratagèmes de l’art militaire, qui sont tous les expédients,
toutes les ruses, et les 36 métiers, qui sont tous les métiers.
Qu’il y ait 36 cours d’eau qui vont à la mer et 36 palais où résident
toutes les concubines impériales est peut-être également lié au fait que 36
c’est aussi 9 × 4, c’est-à-dire l’organisation sur Terre.
Cependant, 36 en tant que 9 × 4 peut être associé au Ciel ; il y a 36
cieux dans des textes taoïstes. Mais alors on prend un premier groupe de
Neuf : les Neuf étages des cieux, comme base, et chacun de ces Neuf cieux
va se développer en Trois cieux secondaires. On a donc 3 groupes de 9 qui
s’ajoutent au premier groupe de 9, pour un total de 36.
Mais 36 est aussi le dixième de 360, donc le dixième de la totalité
exprimée par les jours de l’année, et donc capable de représenter cette
totalité même. C’est en fonction de ce raisonnement que les premiers
Maîtres célestes du taoïsme divisèrent leur organisation en 36 provinces.
36 peut aussi être 12 × 3 ; ainsi il y a une méthode de divination où
chacun des Douze rameaux terrestres est représenté par trois animaux
emblématiques et non un seul.
QUARANTE-NEUF
SOIXANTE-QUATRE
SOIXANTE-DOUZE
QUATRE-VINGT-UN
Le nombre des souffles (3) élevé à la puissance donne 9, qui, élevé lui-
même à la puissance, donne 81. Quatre-vingtun est donc une totalité
organisée qui est énoncée dans un détail suffisant pour couvrir tous les
aspects d’un enseignement fondamental.
Des livres, chacun essentiel en leur domaine, sont divisés en 81
chapitres : Laozi, Suwen, Lingshu, Nanjing. Cette division est une
organisation de textes qui, plus anciennement, ne se présentaient pas ainsi ;
elle intervient quand la symbolique numérique est suffisamment affermie.
CENT 百 BAI
Graphie du caractère
百
Pour le Shuowen, Cent (bai ) est le carré de Dix et le caractère montre
一 白 自
un trait ( ) sur le nez ( = ), c’està-dire les souffles qui sortent du nez,
soi-même. Au centre du visage, c’est en montrant son nez que l’on se
désigne soi-même. Montrer son nez avec un doigt serait la graphie de Cent
(bai 百 ) et le montrer avec deux doigts formerait le caractère archaïque
pour 200 : deux traits au-dessus du caractère cent.
La multiplicité dénombrable
Outre cent, centaine, centupler, les sens usuels du caractère Cent sont :
toutes sortes de, l’ensemble de, un grand nombre.
On emploie Cent, symboliquement, pour indiquer un ensemble
important, une catégorie d’êtres, mais dont tous les éléments sont
différenciés par nom, fonction, position, forme… On a certes une grande
quantité, mais elle est dénombrable ; s’il s’agit d’une foule, elle n’est pas
indistincte.
Cent oiseaux, c’est toutes les espèces d’oiseaux, de même pour les
quadrupèdes, les fleurs ou les fruits. Toute la faune et la flore, en tant que
formées d’espèces nombreuses mais distinctes, sont bien repérées et
décrites par Cent. Dans la société humaine, Cent officiers sont tous les
fonctionnaires et Cent familles, toute la population. Les Cent produits sont
tous les articles et marchandises que l’on trouve dans un bazar et les Cent
métiers, tous les corps de métiers. Cent os soutiennent le corps, qui est
affecté de Cent maladies, etc.
Carrré de Dix, Cent est aussi une expression de l’Un. Quand on dit
Cent, on englobe tous les éléments appartenant à une même catégorie, sans
exception. C’est l’Un dans le détail particulier de son expression ; alors que
Cinq pouvait servir à signifier les grandes lignes d’organisation, les
expressions fondamentales du souffle à l’intérieur de cette unité.
On trouve ainsi la même notion exprimée sous l’aspect de Un, de Cinq
體
ou de Cent. Un seul corps (ti ), un organisme qui ne fonctionne que par
son unité, mais dont on peut dire qu’il se compose de Cinq parties (wu ti 五
體 ), quand on veut signifier que toutes les manifestations corporelles se
ramènent à l’un ou l’autre des Cinq souffles élémentaires9, ou qu’il se
compose de Cent parties (bai ti 百體 ), quand on veut parler du détail
concret de ces parties (un bras, un doigt, un organe, un œil…).
Cinq esprits (wu shen 五神 ) animent les Cinq éléments, les Cinq
organes zang dans le corps, et Cent esprits (bai shen 百神 ) habitent toutes
les parties du corps. Mais ils ne font qu’un seul esprit (yi shen一神 ).
MILLE 千QIAN
Graphie du caractère
千
« Mille (qian ) c’est dix fois cent. Le caractère se compose de dix 十
人
et de l’homme . »
Le Shuowen voit bien le corps de l’homme dans la partie haute de la
graphie, et en fait la phonétique. Alors que le Dix, en partie basse, est pour
le sens, puisque 1 000 c’est 10 × 10 × 10.
À la limite du dénombrable
千
Mille (qian ), c’est beaucoup ; c’est le nombre des grandes quantités,
non illimitées mais considérables et dont les éléments ne sont pas
distinguables, mesurables ou com p-tables – ou s’ils le sont, on n’est pas
intéressé à le faire.
Un voyage de Mille lis, c’est un voyage où l’on va très loin ; mais on ne
s’occupe pas de mesurer chaque kilomètre, ou de le différencier d’un autre.
On signifie qu’il s’agit d’une grande distance. Cependant, on peut
finalement la parcourir ; tandis que Dix mille évoque plutôt quelque chose
dont on n’arrive jamais au bout. Un cheval capable de courir mille lis par
jour est une métaphore pour un coursier infatigable et, par extension, une
personne exception-nellement talentueuse.
Ce qui vaut mille pièces d’or a un grand prix, est extrêmement précieux.
Mille ans est, de même, une très longue période de temps, une longévité
qui dépasse de beaucoup les normes humaines.
Dans les expressions où l’on couple Mille et Dix mille, on va au-delà du
dénombrable.
DIX MILLE 萬 WAN
Graphie du caractère
D’innombrables myriades
Dix mille (wan 萬 ) va donc être employé pour tous les éléments qui
existent dans une catégorie, sans qu’on cherche à les distinguer ou les
dénombrer, l’ensemble des variétés et des espèces possibles. Dix mille
implique quelque chose d’absolument grand, d’universel, qui vaut pour tout
et partout.
Les Dix mille êtres (wan wu 萬物 ) sont tous les êtres qui peuplent
l’univers dans la sucession des temps.
Dix mille suffit pour indiquer que c’est innombrable. Ainsi, si l’on veut
donner un nombre aux pores sur la peau, on commence par multiplier le
nombre des ouvertures (7) par celui des régions cutanées (12) ; ce qui donne
84 ; il n’y a plus qu’à multiplier ce résultat par Dix mille, puisque les pores
sont les ouvertures sur les zones cutanées qu’on ne peut dénombrer. On a
donc, symboliquement, 840 000 pores.
Même si en réalité on peut dénombrer, Dix mille s’emploie dans des
formules emphatiques qui veulent souligner l’incroyable quantité ou
distance dont on parle. Ainsi, la « Grande Muraille » de Chine est la
muraille longue de Dix mille lis (wan li chang cheng 萬里長城 ) ou, plus
récemment, la Longue Marche des troupes communistes s’échap-pant de
l’encerclement par les nationalistes, est la longue marche de Dix mille lis
(wan li chang zheng 萬里長征 ).
Dernière puissance de Dix à être notée avec un caractère propre, Dix
mille est, en Chine, une base de calcul, au même titre que Cent ou Mille. On
compte usuellement en centaines, en milliers et en dizaines de milliers.
Ainsi, trente mille, c’est trois dizaines de milliers (san wan 三萬) et trois
cent mille, trente dizaines de milliers (san shi wan 三十萬 ).
1. Huainanzi, ch. 7.
2. Voir Les Mouvements du cœur, Desclée de Brouwer, 1992, Rééd. 2006.
3. Trad. Claude Larre, Desclée de Brouwer.
4. Ces circuits sont les mêmes, jour et nuit, pour les souffles nutritifs ; ils
sont différents pour les souffles défensifs.
5. Les 28 mansions célestes sont les 28 constellations traversées par le
soleil, la lune et les Cinq planètes ; situées aux abords de l’équateur céleste,
elles le divisent, par projection, en 28 portions (qui ne sont pas égales).
6. Ce sont les Sept régulateurs : soleil, lune et Cinq planètes, qui
régissent et norment le temps du Ciel (nature). Cf. l’étude de Sept.
7. Note de Chavannes : les huit divisions exactes qui correspondent aux
huit directions de l’espace d’où viennent les huit vents.
8. Qui est aussi 12 × 6 ou 8 × 9.
9. Les Cinq parties du corps sont : les os (Eau), la force musculaire
(Bois), les circulations vitales (Feu), les chairs (Terre), la peau avec les
poils (Métal).
APPENDICE 1
QI 氣 SOUFFLES
Un souffle (yi qi一氣 ) le Souffle Un, pour parler du Souffle originel,
des Souffles de la grande unité, avant la distiction du Ciel et de la Terre.
L’origine n’étant jamais au passé, ce sont aussi les grands souffles qui
remplissent l’intervalle du Ciel et de la Terre, en tant que l’unité toujours
présente, toujours retrouvée.
Dans le vocabulaire courant, c’est une expression qui veut dire d’un
coup, à la volée, comme quand le peintre se saisit d’un pinceau et, d’un seul
trait, trace une calligraphie, sans hésiter ou se reprendre. Un souffle
s’emploie aussi pour un accès de colère et pour encore bien d’autres sens,
car la langue conserve sa liberté et ses usages.
Deux souffles (er qi 二氣 ) c’est le yin/yang ; les souffles yin et les
souffles yang, constitutifs de tous les êtres par leur harmonieuse
conjonction, ou facteurs de troubles quand ils entrent en lutte, causant en
l’homme les maladies et au ciel l’arc-en-ciel de mauvais augure. Dans un
contexte différent, l’expression peut désigner la deuxième des 24 périodes
climatiques.
Trois souffles (san qi 三氣 ) c’est la triade de Souffles qui constituent la
vie et qui se détaille différemment selon les domaines d’application. Dans la
cosmologie, ce sont les trois éléments constitutifs de l’univers : le clair et
léger qui constitue le ciel ; le lourd et l’obscur, qui constitue la terre ; et le
mélange des deux, qui fait apparaître le médian, l’homme. Ce sont les Trois
trésors de l’entretien de la vie : Souffles, Essences, Esprits. En médecine, ce
sont principalement les Trois souffles animateurs de l’homme : souffles
ancestraux, nutritifs et défensifs. Dans le taoïsme, ce sont les Trois souffles
précosmiques qui président à la naissance de l’univers : le souffle du
Mystère (xuan qi 玄氣 ), le souffle Originel (yuan qi 元氣 ) et le souffle du
Commencement (shi qi 始氣 ).
Quatre souffles (si qi 四氣 ) sont les souffles spécifiques des Quatre
saisons : le souffle tiède qui réchauffe au printemps, le souffle chaud de
l’été, le souffle fraîchissant de l’automne, le souffle froid de l’hiver ; les
mêmes souffles, à l’œuvre dans l’homme, en particulier dans son mental,
par l’allégresse et la colère, l’affliction et la joie. Analogiquement, en
pharmocologie, ce sont les Quatre propriétés ou natures des remèdes,
exprimant leur effet thérapeutique.
Cinq souffles (wu qi 五氣 ) sont, fondamentalement, les souffles des
Cinq éléments. À partir de là, ils peuvent représenter différentes catégories
de souffles dont les principales sont les suivantes : les cinq phénomènes
atmosphériques : pluie, beau temps, chaleur, froid, vent ou les cinq
modalités du souffle céleste : vent, chaleur, froid, humidité, sécheresse. Les
souffles des cinq organes zang, leurs manifestations dans le physique ou le
mental (particulièrement les tensions ou émotions qui en émanent). Les
manifestations des souffles dans ce que saisissent les organes des sens : les
cinq odeurs, les cinq couleurs, etc. Les souffles qui se manifestent dans les
Quatre directions et le centre ou dans les Quatre saisons plus la saison
intermédiaire.
Plus rarement, l’expression désigne les souffles de l’élément uni au
nombre Cinq, la Terre ; par exemple, en médecine, les souffles de la Rate.
Six souffles (liu qi 六氣 ) sont les souffles présentés en Trois paires. Ils
peuvent désigner les Six agents atmosphériques : yin yang (froid et
chaleur), vent et pluie, ténèbre et lumière (jour et nuit) ou les Six modalités
du souffle céleste : froid et chaleur, humidité et sécheresse, vent et feu. Ce
sont aussi les six manifestations internes du souffle : attrait et aversion,
allégresse et colère, affliction et joie. Les Six principes de l’entretien vital :
精氣
essences et souffles (jing qi ), fluides légers et denses (jin ye 津液 ),
sang et circulations (xue mai血脈 ). Ce sont encore les Six résonances des
Six tubes musicaux.
Sept souffles (qi qi 七氣 ) sont, en médecine, les désordres dans les
souffles induits par les Sept émotions ; ou les désordres provoqués par les
perturbations de Sept souffles pervers (froid, chaleur, colère, indignation,
accablement, allégresse, chagrin).
Huit souffles (ba qi 八氣 ) sont les huit souffles majeurs de l’année : les
deux solstices, les deux équinoxes et les quatre débuts de saison. Ils peuvent
désigner les souffles des Quatre saisons quand on exprime la qualité de
chacune non plus par un seul caractère, mais par deux : faire apparaître et
mettre en mouvement (sheng dong 生動 ) pour le printemps – faire croître et
élever (zhang yu 長育 ) pour l’été – stopper et mettre à mort (zhi sha 止殺 )
pour l’automne – revenir et thésauriser (gui cang 歸藏 ) pour l’hiver. Mais
l’expression Huit vents (ba feng 八風 ) est de loin plus courante.
Neuf souffles (jiu qi 九氣 ) sont neuf attitudes, neuf manières d’être. Ce
sont les neuf types de mouvements pathologiques des souffles, d’origine
aussi bien extérieure qu’interne : colère, allégresse, tristesse, peur, froid,
chaleur, sursaut, fatigue, soucis.
Vingt-quatre souffles (er shi si qi 二十四氣 ) est synonyme des 24
périodes climatiques (jie qi 節氣 ).
FANG 方 TERRITOIRE
JI 極 PÔLE
Les sens principaux du caractère sont : faîte, le point le plus élevé, pôle,
extrémité, apogée.
太極
Tai ji ( ) : le pôle suprême, l’Un.
Deux pôles (er ji 極 ) : géographiquement, c’est le Sud et le Nord.
Métaphoriquement, c’est l’Empereur et ses parents.
Trois pôles (san ji 三極 ) : les trois puissances : Ciel, Terre, homme. Les
trois commencements de l’année (selon trois calen-driers anciens
différents).
Quatre pôles (si ji 四極 ) : les Quatre extrémités de l’univers ; les
Quatre frontières ou limites d’une région. Ce sont parfois Quatre piliers qui
relient Ciel et Terre. Dans le corps, ce sont les Quatre membres.
Cinq pôles (wu ji 五極 ) : sont Cinq situations extrêmes, synonymes des
Cinq châtiments.
Six pôles (liu ji六極 ) : les six directions : est, ouest, sud, nord, zénith et
nadir forment l’espace des Six pôles. Dans d’autres contextes, ce sont Six
situations extrêmes : les six malheurs extrêmes (mort prématurée, maladie,
accablement, pauvreté, méchanceté, faiblesse) ou les Six manières
d’exténuer sa vitalité en épuisant souffles, sang, force musculaire, os,
essences ou moelle.
Huit pôles (ba ji 八極 ) : les Huit confins de l’espace, de l’univers
connu, les régions les plus lointaines à l’Est, Ouest, Sud, Nord, Sud-Est,
Sud-Ouest, Nord-Ouest et Nord-Est.
Neuf pôles (jiu ji 九極 ) : dans le taoïsme, c’est une façon de parler des
Neuf cieux. C’est parfois une métaphore pour le palais impérial.
JIE 節 JOINTURE
Les sens principaux du caractère sont : nœud (du bambou), jointure,
articulation, rythme, division du temps, date remarquable ; modération,
tempérance.
Trois jointures (san jie 三節 ) sont les trois grandes fêtes populaires de
l’année.
Quatre jointures (si jie 四節 ) sont les Quatre saisons, ou anciennement
les Quatre chasses saisonnières. Ce sont aussi les articulations des quatre
membres des animaux.
Cinq jointures (wu jie 五節 ) sont soit les moments du temps de
l’année, soit les Cinq notes (l’expression mesurée du temps ou des sons).
Six jointures (wu jie 六節 ) peuvent être les Six hauts fonctionnaires
détenteurs d’un signe d’autorité ; ou les six allures du cheval ou encore les
Six perturbations émotionnelles (attraits et aversions, allégresse et colère,
affliction et joie).
Huit jointures (ba jie 八節 ) sont les Huit temps forts ou dates
importantes qui rythment le temps d’une année : le commencement des
quatre saisons, les équinoxes et les solstices. Dans le corps, ce sont les Huit
grandes articulations osseuses, qui décou-pent les séquences du squelette
(poignets, coudes, chevilles et genoux).
Douze jointures (shi er jie 十二節 ) sont les Douze grandes
articulations osseuses, qui découpent les séquences du squelette (poignets,
coudes, épaules, chevilles, genoux et hanches) ; ce sont aussi les rythmes du
mouvement des souffles réglés par les méridiens.
Vingt-quatre (er shi si jie 二十四節 ) sont les 24 périodes climatiques
(jie qi節氣 ). C’est toute la rythmique des souffles d’une année ou d’un
corps humain.
Cent jointures (bai jie 百節 ) sont toutes les articulations des
mouvement du corps.
365 jointures sont les 365 articulations osseuses du corps de l’homme,
quand on considère le squelette, et 365 « points » d’acupuncture, quand on
considère la rythmique du mouvement des souffles et les relais qui la
permettent.
SHEN 神 ESPRITS
Les Deux esprits (er shen 二神) sont le Yin et le Yang, sous leur aspect
de puissances productrices de la vie, ou leurs hypostases : Fuxi et Nügua.
Les Trois esprits (san shen 三神 ) sont ceux du Ciel, de la Terre et de
l’Homme ou des Pics sacrés, ou encore les esprits qui, dans le corps,
habitent les trois champs de cinabre (cerveau, cœur, ventre).
Les Quatre esprits (si shen 四神 ) sont les divinités qui donnent leur
qualité propre aux Quatre directions de l’espace, les divinités protectrices
des Quatre points cardinaux.
Les Cinq esprits (wu shen 五神 ) : dans un contexte général, ce sont les
esprits des Cinq éléments, des Quatre directions et du centre ; ou encore les
Cinq souverains mythiques divinisés. Dans un contexte corporel, ce sont les
cinq manifestations spirituelles dans les cinq organes (esprits Shen dans le
Cœur, âmes Hun dans le Foie, âmes Po dans le Poumon, Propos dans la
Rate et Vouloir dans les Reins). Dans un contexte taoïste, ce sont les cinq
esprits corporels qui tiennent les registres de vie et de mort (Champ de
cinabre supérieur, Foie, Poumon, Cœur, Champ de cinabre inférieur).
Les Six esprits (liu shen 六神 ) sont différentes catégories d’esprits
supérieurs : ceux à qui l’on offre des sacrifices (Quatre saisons, froid et
chaud, soleil, lune, étoiles, sécheresse et inondation) ou ceux qui, dans le
corps, habitent et animent Cœur, Poumon, Foie, Reins, Rate et Vésicule
biliaire.
Les Huit esprits (ba shen 八神 ) sont Huit divinités importantes et à
portée cosmique : Seigneur du Ciel, de la Terre, de la guerre, du Yin, du
Yang, de la Lune, du Soleil et des quatre saisons. Ce sont aussi les esprits
ou divinités des Huit directions et régions de la rose des vents.
Les Douze esprits (shi er shen 十二神 ) sont les esprits des Douze
rameaux terrestres ou de leurs correspondances : Douze secteurs de
l’espace, Douze mois de l’année. Douze esprits des influences néfastes
(épidémies…).
Les vingt-quatre esprits sont, dans le taoïsme, 24 esprits répartis dans
la tête et le tronc et correspondant aux 24 souffles.
Cent esprits (bai shen 百神 ) sont une troupe d’esprits. Mais l’essentiel
est exprimé par le proverbe : « Les myriades d’esprits ne font qu’un esprit »
(qian shen wan shen dou shi yi shen 千神 萬神都是一神 ).
Dix-huit mille esprits sont peut-être 4 (membres) × 5 (organes) × 9
(orifices) × 100 (troupes) pour les esprits de toutes les parties du corps.
APPENDICE 2
YIJING, XICI, I, 9
« Le Ciel Un, la Terre Deux, le Ciel Trois, la Terre Quatre, le Ciel Cinq,
la Terre Six, le Ciel Sept, la Terre Huit, le Ciel Neuf, la Terre Dix. Cinq
nombres pour le Ciel et Cinq pour la Terre. Les Cinq positions s’accordent
mutuellement et chacune trouve ce avec quoi elle se conjoint ; les nombres
du Ciel sont 25 et les nombres de la Terre 30. Au total les nombres du Ciel
Terre sont de 55. Par eux, s’achèvent les changements et transformations et
sont conduits (activés) les esprits de la Terre et du Ciel. »
« On divise (fen 分) et cela donne deux pour symboliser le couple (liang
兩
). »
« Tous les Six mois, c’est le solstice ; c’est pourquoi les hommes ont les
(figures à) Six lignes (c.à.d. les 64 hexagrammes). Les (figures à) Six lignes
mettent en relation avec le Ciel et la Terre. La Voie du Ciel régit par Neuf et
la Voie de la Terre régit par Huit, tandis que la Voie de l’homme régit par
Six. L’homme fait ainsi du Ciel son père et de la Terre sa mère, pour
développer les Dix mille êtres et les réunir sous une seule autorité. La
compréhension des Neuf règlements (jiu zhi 九制 ), des Six services
administratifs (liu fu六府 ) et des Trois sources de puissance (san chong 三
充 ) font un monarque éclairé. »
Les Six lignes des hexagrammes sont à l’image du yin yang qui
accomplit son cycle au sein d’une année. Par là, on pénètre ce qui régit les
manifestations de la vie entre Ciel et Terre.
Neuf est attribué au Ciel, car le Ciel, par sa nature yang, est constitué de
souffles qu’il distribue dans un mouvement rotatif ; Trois est le nombre des
souffles et est aussi la circonfé rence d’un cercle de diamètre un ; on
multiplie 3 par 3 pour obtenir Neuf, nombre approprié pour symboliser la
gestion du Ciel sur les souffles. Huit est attribué à la Terre, car la Terre, par
sa nature yin, est constituée de substances et d’espaces ; Huit est le nombre
des espaces répartis sur la rose des vents ; si l’on prend un carré de côté un,
on obtient un périmètre de 4, que l’on double pour avoir 8, car le 2 exprime
le yin de la Terre1 ; Huit symbolise donc la gestion de la Terre sur les
formes constituées.
Neuf est aussi, dans les hexagrammes, une ligne yang, et Huit, une ligne
yin. Celui qui est capable d’user avec pertinence des hexagrammes peut
gouverner l’Empire avec les mêmes lois qui régissent le Ciel et la Terre et
qui s’expriment dans les nombres. Le Fils du Ciel, ainsi éclairé, institue les
Neuf occupations, s’occupe des Six sources de richesse et des Trois affaires
(cf. texte du Zuozhuan, duc Wen 7e année, dans étude de Six, p. 107).
GUOYU, Zhengyu 1
« Les anciens rois ont mêlé la Terre au Métal, au Bois, à l’Eau et au Feu
pour achever les Cent êtres (ou objets). Aussi harmonisèrent-ils les Cinq
saveurs pour les accorder à la bouche ; ils fortifièrent les Quatre membres
pour défendre le corps ; harmonisèrent les Six tubes musicaux pour qu’ils
résonnent à l’oreille ; réglèrent les Sept parties corporelles (les sept orifices)
pour discipliner le Cœur ; apaisèrent les Huit liens pour achever la
formation de l’homme ; instituèrent les Neuf règlements pour établir la
Vertu parfaitement pure ; réunirent les Dix nombres (les Dix degrés de
noblesse, la hiérarchie des officiers, shi shu 十數 ) pour mettre l’ordre dans
les Cent organismes (de la fonction publique, bai ti 百體 ). Les Mille
produits apparurent et les Dix mille voies furent complètes ; on compta des
億
centaines de millions (yi ) d’affaires et on utilisa des millliards (zhao ) 兆
d’objets. »
HUAINANZI, CH. 4
« Le Ciel est l’Un, la Terre le Deux et l’Homme le Trois. Trois fois trois
font neuf et neuf fois neuf, quatre-vingt-un.
Un (dernier chiffre de quatre-vingt-un) commande le soleil et le nombre
du soleil (des soleils) est Dix ; le soleil commande l’homme ; c’est pourquoi
l’homme naît au dixième mois (de gestation).
Huit fois neuf, soixante-douze. Deux (dernier chiffre de soixante-douze)
commande les nombres pairs ; les nombres pairs contiennent les nombres
impairs ; les nombres impairs commandent le temps astral qui commande la
lune. La lune commande les chevaux ; ils naissent donc au douzième mois.
Sept fois neuf, soixante-trois. Trois commande la Grande Ourse, qui
commande les chiens ; ceux-ci naissent donc au troisième mois.
Six fois neuf, cinquante-quatre. Quatre commande les saisons, qui
commandent les porcs ; ceux-ci naissent donc au quatrième mois.
Cinq fois neuf, quarante-cinq. Cinq commande les notes (sons
fondamentaux), qui commandent les singes ; ceux-ci naissent donc au
cinquième mois.
Quatre fois neuf, trente-six. Six commande les tubes musicaux, qui
commandent les cervidés ; ceux-ci naissent donc au sixième mois.
Trois fois neuf, vingt-sept. Sept commande les astres, qui commandent
les tigres ; ceux-ci naissent donc au septième mois.
Deux fois neuf, dix-huit. Huit commande les vents, qui commandent les
insectes ; ceux-ci se métamorphosent donc au bout de huit mois. »
HUAINANZI, CH. 7
« La tête, qui est ronde, figure le Ciel ; et les pieds, qui forment un
carré, configurent la Terre. Au Ciel, il y a Quatre saisons, Cinq éléments
(wu xing 五行 ), Neuf échappées (jie jie 九解 ), Trois cent soixante-six jours.
En l’homme, semblablement, Quatre membres (si zhi 四支 ), Cinq organes,
Neuf orifices (jiu qiao 九竅 節
), Trois cent soixante-six articulations (jie ). »
Les Cinq places ou éléments se décèlent au Ciel dans le mouvement
régulier des Cinq planètes, modèle pour l’harmonie de souffles des Cinq
organes. Les Neuf couches du Ciel s’offrent comme des libérations
successives, que l’homme peut travailler en lui par ses Neuf orifices. La
variation fine des souffles de l’année s’exprime en 366 jours, qui sont, dans
le corps, autant de nœuds osseux ou articulations, à moins qu’il ne s’agisse
de nœuds de souffles ou « points d’acupuncture ».
De plus, 4 × 5 × 9 = 180, que l’on re-multiplie par 2 (le yin yang) pour
obtenir les 360 jours de l’année, 360 étant symboliquement équivalent à
366).
La correspondance de l’homme au Ciel Terre, par son corps et son
mental, se fait essentiellement par les nombres.
SUWEN, CH. 3
LINGSHU, CH. 11
LINGSHU, CH. 71
LINGSHU, CH. 78
« Les Neuf aiguilles sont les lois (nombres) suprêmes (da shu 大數 ) du
Ciel/Terre, qui commencent par Un et finissent par Neuf.
C’est pourquoi on dit :
法
Un (la première aiguille) pour se modeler (fa ) sur le Ciel (tian )天
Deux (la deuxième) pour se modeler sur la Terre (di )地
Trois (la troisième) pour se modeler sur l’Homme (ren )人
時
Quatre (la quatrième) pour se modeler sur les Saisons (shi )
音
Cinq (la cinquième) pour se modeler sur les Notes (yin )
律
Six (la sixième) pour se modeler sut les Tubes musicaux (lü )
星
Sept (la septième) pour se modeler sur les Corps célestes (xing )
風
Huit (la huitième) pour se modeler sur les Vents (feng )
野
Neuf (la neuvième) pour se modeler sur les Territoires (ye ).
Huangdi : Et comment les aiguilles correspondent-elles à ces neuf
nombres ?
Qi bo :
數
Les Sages ont érigé les nombres (lois, shu ) du Ciel Terre, en allant de
Un à Neuf ; d’où l’établissement des Neuf territoires ; 9 fois 9 fait 81, qui
數
sert à établir le nombre (la norme, shu ) du Huangzhong (Cloche jaune, le
tube musical fondamental) ; et les aiguilles correspondent à ces nombres.
Un : le Ciel. Le Ciel, c’est le yang. Dans les Cinq organes zang, la
correspondance au Ciel se fait au Poumon. Le Poumon est le dais des Cinq
zang (wu zang 五藏 六府
) et des Six fu (liu fu ). La peau est ce qui est en
conjonction avec le Poumon ; c’est le yang de l’homme. Ainsi donc, quand
on traite avec les aiguilles, on se servira de celle qui a une tête grosse mais
une extrémité pointue, en prenant garde de ne pas pénétrer en profondeur et
de laisser sortir les souffles yang.
土
Deux : la Terre. En l’homme, ce qui correspond à la terre (tu ), c’est
les chairs. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on prendra celle
qui a le corps comme un tube et qui est ronde en son extrémité, en prenant
garde de ne pas blesser les intervalles des chairs, car si on les blesse, les
souffles se tarissent.
Trois : l’Homme. En l’homme, ce qui donne vie et complétude, ce sont
les circulations vitales du sang (xue mai 血脈 ). Ainsi donc, quand on traite
avec les aiguilles, on prendra celle qui a le corps gros et l’extrémité ronde.
On peut alors masser les circulations vitales (an mai 按脈 ) en prenant garde
à ne pas s’enfoncer, pour y amener les souffles, et en prenant garder à faire
sortir seulement les souffles pervers.
Quatre : les moments du temps. Les moments du temps, ce sont les
Quatre saisons (si shi 四時 ), quand les Huit vents (ba feng 八風 ) s’invitent
dans les méridiens et les luo (circulations connectives), pour y faire des
maladies invétérées. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle dont le corps est cylindrique comme un tube de bambou avec
une extrémité comme un dard. On peut alors disperser la chaleur et saigner
pour éliminer les maladies invétérées.
Cinq : les notes. Les notes sont la différenciation entre été et hiver, entre
minuit et midi, la distinction du yin d’avec le yang, la lutte du froid avec le
chaud ; quand ces deux souffles (liang qi 兩氣 ) s’empoigent et se
conjoignent, cela donne des ulcères et du pus. Ainsi donc, quand on traite
avec les aiguilles, on prendra celle dont l’extrémité est comme la pointe
d’une épe. On peut alors enlever les grands (amas de) pus.
Six : les tubes musicaux. Les tubes musicaux, c’est la régulation du yin
yang et des Quatre saisons et leur accord avec les Douze méridiens. Quand
les pervers qui profitent du vide s’invitent dans les méridiens et les luo, ils y
font des violents blocages. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle qui est pointue comme une queue de bœuf, ronde et pointue à
la fois, avec un corps légèrement grand. On peut alors enlever les souffles
violents.
Sept : les corps célestes. En l’homme, les corps célestes sont les Sept
orifices (qi qiao七竅 ). Quand les pervers s’invitent par là (par les orifices)
dans les méridiens, ils y font des blocages douloureux et ils s’installent dans
les méridiens et les luo. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle terminée en pointe comme une trompe de moustique. On y va
tranquillement pour insérer (l’aiguille) lentement ; on y va légèrement pour
la laisser longtemps. Les souffles corrects en profitent ; (souffles)
authentiques et pervers s’en vont ; on sort alors l’aiguille et on nourrit.
Huit : les vents. En l’homme, les vents sont les huit articulations (ba jie
八節 ) des membres inférieurs et supérieurs. Quand les huit souffles corrects
(ba zheng 八正 ) deviennent les vents qui profitent du vide, les Huit vents
(ba feng 八風 ) attaquent l’homme. À l’interne, ils s’installent dans les
sutures osseuses, les lombes, la colonne vertébrale, les linéaments et y font
des blocages profonds. Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle qui a un long corps et une extrémité en dard. On peut alors
enlever les pervers profonds et les blocages anciens.
Neuf : les territoires. En l’homme, les territoires sont entre articulations
et peau. Quand les pervers malsains envahissent le corps, comme un flux de
vent, un écoulement d’eau, ils ne peuvent pas passer dans les grands
articulations (da jie大節 ). Ainsi donc, quand on traite avec les aiguilles, on
prendra celle avec une pointe comme une petite tige de bambou et avec un
dard légèrement arrondi, pour enlever les grands souffles qui ne peuvent pas
passer dans les articulations. »
La vie d’un homme se déroule sur Cent ans, préparés par Dix mois de
gestation, suivis de Dix années d’enfance.
Sa vie se divise aisément en Dix tranches de Dix ans, avec des étapes
remarquables dans la formation, c’est-à-dire avant Vingt ans.
Souvent dans une période totale de Dix ans, Trois sont dévolus à la
préparation de ce qui sera accompli à Dix, qu’il s’agisse du début ou de la
fin d’une activité ; à trois ans de la fin d’un cycle, on est dans la septième
année.
Voici une brève présentation des valeurs générales attribuées aux
nombres dans ces périodes, suivie de quelques textes qui les illustrent.
UN : un tout complet significatif ; une unité, une révolution totale de tous
les souffles. Pour cette raison, Un peut remplacer Trois, comme le deuil
d’un an peut valoir celui de trois ans.
TROIS : période de probation et de transition, qui prépare à l’entrée dans la
vie (le nouveau-né est déposé trois jours sur le sol ; à trois mois, on le coiffe
et lui donne son nom ; à trois ans, on ne le porte plus dans les bras) comme
elle prépare à la mort (le corps est mis en bière le troisième jour et est
enterré au troisième mois après le décés ; le deuil dure trois ans). À trois
ans, le garçon entre dans la vie commune du gynécée ; après trois mois, la
nouvelle épousée est présentée dans le temple ancestral de son époux…
SIX : repérage et orientation de vie, pour une action déterminée et efficace.
Six flèches sont tirées, dans les directions des Six jonctions, trois jours
après la naissance d’un héritier mâle. À six ans, il apprend à se repérer dans
ces six directions de l’espace, pour exercer son activité dans le monde.
SEPT : mise en mouvement du processus de sexualité chez la fille (7 est
aussi 5 + 2, donc l’organisation centrale plus le nombre pair, le yin) ; il y a
donc séparation des sexes : garçons et filles sont séparés ; comme au
septième mois de la grossesse, la femme se sépare de son mari.
Inversement, à 70 ans, mari et femme peuvent ranger leurs affaires dans le
même coffre sans risquer les désordres inhérents à la confusion.
HUIT : mise en mouvement du processus de sexualité chez le garçon (8 est
aussi 5 + 3, donc l’organisation centrale plus le nombre impair, le yang) ;
l’enfant de 8 ans apprend à se conduire en société.
DIX (= UN) : un tout complet. Il indique une durée totale, un
accomplissement portant ses fruits. Dix ans est la période de
perfectionnement des humains (garçon ou fille). À 10 ans, garçon et fille
commencent leur apprentissage et leur éducation d’homme et de femme.
TREIZE : sans doute comme 10 + 3 : étape de l’éducation des garçons.
QUINZE : 2 × 7 + 1 : on double le nombre qui règle le développement de la
sexualité chez la fille, 7 × 2 = 14 ; à 14 ans la fillette devient pubère. On
ajoute un (14 + 1 = 15) pour achever la transformation de son corps et,
peut-être aussi, pour passer d’un nombre pair (14 ans, puberté) à un nombre
impair qui marque la capacité du yin à recevoir le yang. La jeune fille de 15
ans reçoit la marque de sa maturité (épingle de tête) et peut se fiançer,
s’engager avec le yang.
VINGT : 3 × 7 – 1 ou 2 × 10, maturité du garçon, qui reçoit le bonnet viril.
Le nombre pair marque, chez le garçon, un accomplissement ; recevant le
yin, il devient majeur. Mais il ne se marie pas encore. Par contre, la fille est
dans un nombre yin, favorable aux développements de ses facultés
féminines ; c’est l’âge où elle se marie pour devenir mère. Si elle se marie à
20 ans, elle enfantera à 21 (3 × 7) ; 20 est donc aussi 20 – 1, c’est-à-dire le
nombre de la troisième période du développement de la femme, moins un
nombre qui vaut pour le yang, le un.
VINGT-CINQ : 3 × 8 + 1, fiançailles du garcon. On triple le nombre qui règle
le développement de la sexualité chez l’homme (3 × 8 = 24) et on ajoute un
(24 + 1 = 25) pour confirmer son évolution.
TRENTE : 3 × 10, mariage du garçon. Il est dans un nombre impair,
caractéristique du yang, car 30 est la multiplication de 10 par 3, qui est
impair. Il est prêt à assurer son rôle d’homme et de père. Trente c’est aussi 3
× 8 = 32, moins 2, on retire donc un nombre qui vaut pour le yin.
QUARANTE 4 × 10 : l’homme a développé un corps robuste et un esprit
ferme, quand on mutiplie Dix par le nombre des formes de la Terre
(Quatre). Il est capable d’exercer une charge officielle.
CINQUANTE 5 × 10 : l’homme a developpé toute sa puissance ; il est dans la
haute administration et digne de respect. Mais c’est aussi, en contrecoup, le
début du déclin de sa force, et, en conséquence, le début des exemptions et
des privilèges.
SOIXANTE 6 × 10 : l’homme dirige et fait travailler les autres. Accentuation
de l’affaiblissement et des privilèges. Il commence à préparer ses
funérailles.
SOIXANTE-DIX 7 × 10 : début de la vieillesse, qui couvre les trente ans qui
séparent encore de la mort à Cent ans. L’homme démissionne de sa charge
et quitte la vie publique. Fin de la sépa-ration des affaires à l’intérieur du
couple.
QUATRE-VINGT 8 × 10 : épuisement de la vitalité et fin des dépla-cements.
Des privilèges sont accordés à la famille du vieillard.
QUATRE-VINGT-DIX 9 × 10 : décrépitude. Délégation de la plu-part des
activités. Proximité de la mort.
CENT : entretien complet par les enfants, retour à la dépendance totale.
Mort.
Les grands événements des âges de la vie
Gestation
« Une femme enceinte, quand arrivent les mois où (le fœtus) remue,
s’installe dans une des chambres latérales. Son mari envoie prendre de ses
nouvelles deux fois par jour » (Liji, Neize).
Selon le texte précité du Huainanzi, ch. 7, après le 7e mois, l’évolution
du fœtus se caractérise par des mouvements de plus en plus pressants. C’est
à ce moment que la femme se retire pour passer les trois derniers mois dans
l’appartement des femmes, sans relations avec son époux. Il y a donc
séparation de la femme et du mari, du yin et du yang, au 7e mois. Comme
dans l’année, au 7e mois, on est au début de l’automne (donc à l’Ouest),
début de la séparation du Ciel et de la Terre.
Mariage
(Une fille) « À quinze ans, elle recevait l’épingle de tête. À vingt ans,
elle était mariée, ou bien, si alors ses parents ou les parents de son fiancé
venaient à mourir, elle se mariait à vingttrois ans (après le deuil) » (Liji,
Neize, trad. Couvreur).
« Une fille est fiancée à quinze ans » (Baihutong, Juan 9).
« Un jeune homme à vingt ans ( 二十 ) recevait le bonnet viril […]. Un
homme à trente ans était marié » (Liji, Neize, trad. Couvreur).
Mort et funérailles
« Le troisième jour après la mort, le corps est mis dans le cercueil » (Liji
Tanggong, trad. Couvreur).
« Après la mort d’un prince, l’héritier du trône, les autres fils du prince,
les grands préfets et tous les autres officiers (qui demeuraient à la cour)
passaient trois jours sans manger » (Liji Sangdaji, trad. Couvreur).
« Au troisième mois après la mort se fait l’enterrement » (Liji
Tanggong, trad. Couvreur).
« Le deuil le plus long ne dépasse pas trois années, mais ceux qui ont
disparu ne doivent jamais être oubliés » (Liji Tanggong, trad. Couvreur).
« En réalité, le deuil de trois ans ne durait que vingt-cinq mois » (Liji
Sannianwen, trad. Couvreur).
« Pourquoi le deuil (d’une mère, lorsque le père est encore en vie) se
termine-t-il au bout d’un an (et pas trois ans) ? On répond qu’un an de deuil
suffit, même pour les plus proches parents. Comment cela ? On répond que
(au bout d’un an) les opérations du Ciel et de la Terre, les Quatre saisons
ont terminé une révolution complète. Tous les êtres qui sont sous le ciel ont
recommencé comme une nouvelle carrière. Porter le deuil un an, c’est
imiter la nature.
S’il en est ainsi, pourquoi le deuil (d’un père) dure-t-il trois ans ? On
répond que les anciens sages ont prescrit un temps double, afin que le fils
témoignât un peu plus son affection. C’est pourquoi le deuil dure deux
annés entières (ou vingt-cinq mois qui comptent pour trois ans).
Pourquoi ont-ils établi le deuil de neuf mois et les deuils de moindre
durée ? On répond que ce fut afin qu’on fît moins pour les uns que pour les
autres (selon les degrés de parenté).
Ainsi ils ont décidé que le plus long deuil serait de trois ans, les plus
courts de trois mois et de cinq mois, les deuils intermédiaires d’un an et de
neuf mois. Ils en ont trouvé l’image dans le ciel, la loi sur la terre et le
modèle dans l’homme. Le deuil ainsi gardé suffit pour entretenir la
concorde et l’uniformité parmi les hommes qui vivent en société.
Le deuil de trois ans est le plus parfait de tous les devoirs accomplis par
l’homme. C’est la plus haute manifestation (de la reconnaissance). En ce
qui concerne le deuil de trois ans, tous les souverains ont été d’accord ; dans
tous les temps, la conduite des hommes a été uniforme. (L’usage est si
ancien que) personne ne sait à quelle époque il a été introduit.
Confucius a dit : “L’enfant ne cesse d’être porté dans les bras de ses
parents qu’à l’âge de trois ans. (De là vient que) l’usage du deuil de trois
ans a été adopté partout sous le ciel” » (Liji Sannianwen, trad. Couvreur).
Éducation et carrière
« Le fils du ciel offrait un repas aux hommes de cinquante ans dans les
écoles des préfectures voisines de la capitale, aux hommes de soixante ans
dans la petite école de la capitale, aux hommes de soixante-dix ans dans la
grande école (qui était audelà des faubourgs). Les princes feudataires
suivaient la même règle. Les vieillards octogénaires (n’allaient pas à
l’école, ils recevaient la nourriture dans leurs maisons ; ils) remerciaient le
prince en se mettant à genoux et en inclinant deux fois la tête jusqu’à terre.
Il en était de même pour les aveugles. Les vieillards de quatre-vingt-dix ans
chargeaient des hommes moins âgés de recevoir (à la maison le présent du
prince et de saluer pour eux).
Les hommes de cinquante ans recevaient (du prince) des grains de
qualité supérieure ; les hommes de soixante ans recevaient continuellement
de la viande. Les vieillards de soixante-dix ans recevaient de plus un autre
aliment délicat, et les vieillards de quatre-vingts ans toujours des friandises.
Les vieillards de quatrevingt-dix ans avaient sans cesse dans leurs chambres
des liqueurs et des comestibles. Lorsque les vieillards quittaient leurs
foyers, il convenait que le prince leur envoyât des aliments délicats et des
liqueurs, partout où ils allaient.
Pour un vieillard de soixante ans, on tenait prêt (en vue de sa mort) ce
dont la préparation exigeait un an de travail (à savoir le cercueil intérieur).
Pour un vieillard de soixante-dix ans, on tenait prêts les vêtements qui
(étaient nécessaires pour l’ensevelir et) demandaient trois mois de travail.
Pour un vieillard de quatrevingts ans, on tenait prêts les vêtements qui
(étaient nécessaires pour l’ensevelir et) demandaient un mois de travail.
Pour un vieillard de quatre-vingt-dix ans, on tenait prêt chaque jour tout ce
qui (était nécessaire pour l’ensevelir et) demandait quelques jours de travail.
[…]
Un homme à cinquante ans commence à perdre de sa force (il a besoin
d’être aidé) ; à soixante ans, il a besoin de viande pour se soutenir ; à
soixante-dix ans, il a besoin de vêtements de soie pour avoir chaud. À
quatre-vingts ans, il a besoin d’un compagnon de lit pour avoir chaud ; à
quatre-vingt-dix ans, même avec ce secours, il n’a pas chaud.
Un homme pouvait s’appuyer sur un bâton à cinquante ans dans sa
maison, à soixante ans dans sa préfecture, à soixante-dix ans dans la
capitale, à quatre-vingts ans dans le palais. Si le fils du ciel désirait
interroger un vieillard de quatre-vingt-dix ans, il allait à sa maison avec des
mets exquis.
Un officier à soixante-dix ans pouvait quitter l’audience du prince sans
attendre la fin. À quatre-vingts ans, il recevait chaque mois les salutations
(et les présents du prince). À quatre-vingtdix ans, il les recevait
régulièrement chaque jour.
Un homme à cinquante ans était exempt des services laborieux exigés
par l’État ; à soixante ans, il était exempt du service militaire ; à soixante-
dix ans, il laissait (à son fils) le soin des relations avec les hôtes et les
visiteurs ; à quatre-vingt-dix ans, il était exempt des abstinences et des
cérémonies funèbres.
(Un officier) à cinquante ans obtenait la dignité (de grand préfet) ; à
soixante ans, il n’allait plus à l’école (parce qu’à cet âge il est trop tard pour
apprendre) ; à soixante-dix ans, il quittait la vie publique. À partir de cet
âge, quand il était en deuil (il ne s’abstenait pas de manger de la viande), il
se contentait de porter des vêtements de toile blanche avec plastron » (Liji,
Neize, trad. Couvreur).
« D’après les règles établies, le mari et la femme ne serraient leurs
objets dans le même endroit, sans séparation, que quand ils avaient atteint
l’âge de soixante-dix ans » (Liji, Neize, trad. Couvreur).
« À six ans, l’enfant apprenait les noms des nombres et des quatre
points cardinaux.
À sept ans, les enfants de sexes différents ne s’asseyaient plus sur la
même natte et ne mangeaient plus ensemble.
À huit ans, lorsqu’ils entraient ou sortaient aux portes, et lorsqu’ils
allaient prendre place sur les nattes pour les repas, ils devaient céder le pas
à leurs aînés ; ainsi ils s’habituaient dès lors à pratiquer la déférence et la
politesse.
À neuf ans, ils apprenaient à compter les jours du mois.
(Un garçon) à dix ans, allait recevoir les leçons d’un maître à
l’extérieur ; il demeurait jour et nuit hors de la maison paternelle. Il
apprenait à lire et à calculer. Il ne portait ni tunique ni caleçon de soie. Il se
conformait toujours aux instructions qu’il avait reçues dès ses premières
années. Du matin au soir, il étudiait les règles qui devaient diriger la
conduite des jeunes gens. Il interrogeait son maître, et apprenait de lui à lire
et à parler avec sincérité.
À treize ans, un garçon apprenait la musique et les chants, et s’exerçait à
exécuter le chant Shuo en faisant des évolutions.
Depuis l’âge de quinze ans jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, il s’exerçait à
exécuter le chant Xiang avec évolutions. Il apprenait à tirer de l’arc et à
conduire un char.
Un jeune homme à vingt ans recevait le bonnet viril ; il commençait à
apprendre les usages, les cérémonies. Dès lors, il pouvait porter une tunique
garnie de fourrures et des vêtements de soie. Il s’exerçait à exécuter le chant
Daxia avec évolutions. Il s’appliquait à remplir les devoirs de la piété filiale
et de l’amitié fraternelle. Il apprenait de plus en plus, mais n’enseignait pas
encore. Il amassait (des trésors de vertus et de connaissance), mais ne les
produisait pas au-dehors.
Un homme à trente ans était marié ; il commençait à diriger les travaux
qui sont propres aux hommes. Il étendait ses connaissances ; aucune règle
ne fixait ce qu’il devait apprendre. Il avait d’autant plus d’égards pour ses
amis qu’il les voyait plus ardents (à pratiquer la vertu).
À quarante ans, il pouvait exercer une charge, proposer des plans
relatifs aux affaires ordinaires de sa charge et exposer ses idées. Il mettait à
exécution ceux de ses plans qui étaient vraiment bons ; il abandonnait les
autres.
À cinquante ans, il pouvait être nommé grand préfet et gérer les affaires
publiques qui étaient de son ressort.
À soixante-dix ans, il se retirait des affaires. Lorsqu’un homme saluait,
la main gauche était préférée à la droite (lorsqu’une femme saluait, c’était le
contraire).
Une fille, à dix ans, ne sortait pas (des appartements des femmes). Sa
maîtresse lui enseignait à obéir et à rendre service d’un air doux et affable, à
tiller le chanvre, à dévider les cocons, à tisser les étoffes et les rubans de
soie, à tresser les cordons. Elle apprenait à faire les travaux ordinaires des
femmes, afin de fournir les vêtements. Elle apprenait à surveiller les
sacrifices et les offrandes, à apporter les liqueurs et les sauces, les vases de
bambou et les vases de bois, les légumes conservés dans le sel et le
vinaigre, les viandes marinées. Elle apprenait à aider dans les cérémonies, à
disposer les objets offerts.
À quinze ans, elle recevait l’épingle de tête.
À vingt ans, elle était mariée, ou bien, si alors ses parents ou les parents
de son fiancé venaient à mourir, elle se mariait à vingttrois ans (après le
deuil) » (Liji, Neize, trad. Couvreur).
« La femme de sept ans, les souffles des Reins montent en puissance, la
dentition se renouvelle, les cheveux s’allongent.
À deux fois sept ans, la fécondité survient, le Renmai fonctionne
pleinement tandis que le puissant Chongmai8 prospère : les menstrues
descendent en leur temps et elle a des enfants.
À trois fois sept ans, les souffles des Reins sont étales, alors les dents de
sagesse poussent, vigoureusement.
À quatre fois sept ans, les mouvements musculaires et les os sont forts,
les cheveux au maximum de leur poussée, le corps est épanoui et robuste.
À cinq fois sept ans, les circulations Yangming déclinent : le visage
commence à se parcheminer et les cheveux à tomber.
À six fois sept ans, les circulations des trois yang déclinent par le haut :
tout le visage se parchemine et les cheveux se mettent à blanchir.
À sept fois sept ans, le Renmai se vide, le puissant Chongmai décline et
se réduit : la fécondité est tarie, la Voie de la Terre ne livre plus ses
passages, le corps dépérit, et elle n’a plus d’enfant.
L’homme de huit ans, les souffles des Reins fructifient, les cheveux
s’allongent, la dentition se renouvelle.
À deux fois huit ans, les souffles des Reins montent en puissance, la
fécondité survient, les essences (spermatiques) et souffles écoulent leur
trop-plein ; par la conjonction du yin et du yang (union sexuelle), il peut
avoir des enfants.
À trois fois huit ans, les souffles des Reins sont étales, les mouvements
musculaires sont puissants et les os solides, de sorte que les dents de
sagesse poussent vigoureusement.
À quatre fois huit ans, force musculaire et os sont magnifi quement
épanouis, les chairs sont pleines et robustes.
À cinq fois huit ans, les souffles des Reins déclinent, les cheveux
tombent, les dents se déssèchent.
À six fois huit ans, les souffles yang déclinent et se tarissent par le haut :
le visage se parchemine, cheveux et favoris blanchissent, çà et là.
À sept fois huit ans, les souffles du Foie déclinent : la force musculaire
est sans force pour se mouvoir.
精
À huit fois huit ans, la fécondité se tarit, le sperme (essences, jing ) se
fait rare, la thésaurisation des Reins décline, tout le corps touche à son
terme et dents comme cheveux s’en vont » (Suwen, ch. 1).
Introduction
Les pratiques et les nombres
Un ou l’unité
L’Un comme pur et sans mélange
L’Un comme totalité
L’homme unique unité
L’Un est origine
L’Un, fondement des êtres
Le Deux ou le couple
Ciel Terre
Yin yang
Exemples de couples en médecine
Deux comme duplicité et inconstance
Deux comme le couple
Trois ou la triade
Le Trois et les souffles
Les Trois puissances
Trois dans la cosmologie taoïste
Trois dans la théorie médicale
Trois pour les périodes de transition
Quatre ou la partition
Graphie du caractère
Différenciation dans l’amas de souffles
Apparition des formes
Les quatre images
Exemples de groupements par Quatre
Rapports du Trois au Quatre
Cinq ou la centralisation
Graphie du caractère
Passage de Quatre à Cinq
Organisation centrale
Cinq comme fondement
Cinq et Un
Quelques expressions menées par Cinq
Deux et Cinq
Par Trois et par Cinq
Six ou le flux organisé
Graphie du caractère
De Cinq à Six
Six jonctions
Six souffles
Six en médecine
Six dans le déroulement du temps
Par Six et par Cinq
Sept ou l’émergence
Graphie du caractère
Les Sept régulateurs
Sept émotions
Sept orifices
Sept âmes Po
Sept dans les périodes de temps
Huit ou la répartition
Graphie du caractère
Huit doublement de Quatre
Sept et Huit : yin yang dans une activité de couple
Huit en médecine
Quelques expressions menées par Huit
Huit dans les expressions idiomatiques
Neuf ou l’accomplissement
Graphie du caractère
L’épuisement et l’accomplissement
Neuf et Sept
La formation de Neuf
La diversité réunie et organisée
Expressions remarquables menées par Neuf
Remarques sur les nombres pairs et impairs de Un à Neuf
Nombres des séries
Dix ou l’unité recomposée
Graphie du caractère
La formation de Dix
Dix et Un
Dix nombre ultime
Après le Dix
Onze
Douze
Treize
Quinze
Seize
Dix-neuf
Vingt-quatre
Vingt-cinq
Vingt-sept
Vingt-huit
Trente-six
Quarante-neuf
Soixante-quatre
Soixante-douze
Quatre-vingt-un
Cent
Mille
Dix mille
Appendice 1 : Exemples de variation de sens liées aux valeurs numériques
Appendice 2 : Choix de textes classiques
Appendice 3 : Les âges de la vie
Les grands événements des âges de la vie dans les textes
Bibliographie
Quelques repères chronologiques
Composition et mise en pages : Facompo, Lisieux
XXXX
N° d’imprimeur : XXXX
Imprimé en France