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REVUE DELLA/AFRIQUE
VOL.4 No 9 - Mars 2022
ISSN 2790- 0584 (Online)
ISSN 2790- 0576 (Print)
Coordonné par
Komi KOSSI-TITRIKOU
0
Comité scientifique
- AFELI KossiAntoine, Lomé, Togo
- AGRESTI Giovanni, Naples « Federico II », Italie
- BADASU Cosmas. K., Legon, Ghana,
- BOUSTANY Daisy, Montréal, Canada
- DAO Yao, Lyon 2, France
- DEVRIESERE Viviane, Isfec Aquitaine, France
- DUMONT Pierre, Montpellier 3, France
- HANANIA Lilian, Paris, France
- KIANGBENI Kévin, Brazaville, Congo
- KOUDJO Bienvenu, Abomey Calavi, BENIN
- LEMAIRE Eva, Université d’Alberta, Canada
- LEZOU KOFFI Aimée Danielle, UFHB, Cocody, Côte d’Ivoire
- MAURER Bruno, Montpellier 3, France
- NAPON Abou, Ouagadougou, Burkina Faso
- NUTAKOR Mawushi, Ghana, Legon
- RAONISON N’jaka, Antanararivo, Madagascar
- SANDS Sarah, Strasbourg, France
- TCHEHOUALI Destiny, Montréal, Canada
- TCHAGNAOU Akimou, Université de Zinder, Niger
- YEBOUA Kouadio D., Legon, Ghana
- YENNAH Robert, Ghana, Legon
1
REVUE DELLA/AFRIQUE
o
VOL.4 N 9 - Mars 2022
Sous la direction de
Koffi Ganyo AGBEFLE
3
12. ANALYSE DE LA MAITRISE DES FACTEURS
DETERMINANTS DE LA CULTURE DU MAÏS PAR LES
AGRICULTEURS DE LA BOUCLE DU MOUHOUN (BURKINA
FASO) _ LOMPO Mamadou, KOALA Suzanne & SIA Cyriaque (Bénin/
Burkina-Faso) ……………………………………………………...………196
13. NSION URBAINE ET REGRESSION DES ESPACES
AGRICOLES DANS LA PLAINE DE KAR-HAY (EXTREME-NORD
CAMEROUN) _Nicolas BELBARA DJOUBOUYANG (Cameroun)……213
14. L’OBSERVATOIRE CHRÉTIEN DES ÉLECTIONS (OCE) OU
L’ÉCRITURE D’UNE AUTRE HISTOIRE DU PROCESSUS
ÉLECTORAL AU CAMEROUN_Noël SOFACK (Cameroun)……….…230
15. LA CORRUPTION POLITIQUE : CONTRIBUTION ET
ACTUALITE DE MACHIAVEL_ Oualoufeye Razack BINDA & Eustache
Roger Koffi ADANHOUNME (Cameroun)…………………………......…249
16. L’INTERCOMMUNALITE COMME FONDEMENT D’UNE
NOUVELLE LOGIQUE D’AMENAGEMENT ET DE
DEVELOPPEMENT TERRITORIAL EN CASAMANCE_ Papa Bacary
KONE et Al. (Sénégal)………………………………………..……………260
17. CORPORATION EPARSE TOUPOURI AU CAMEROUN :
EXODES OU MIGRANTS_Pascal Dourwe BINWE (Cameroun)…….…278
18. LE VECU DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES DANS LA
COMMUNAUTE RURALE D’EKPUI DANS LE SUD-EST DU
TOGO_ Salamatou BILABENA et Al. (Togo)……………….……………297
19. DE L’ARRIVEE DU CAPITAINE PORTUGAIS, TEIXEIRA
PINTO, A LA PACIFICATION DEFINITIVE DES ROYAUMES DU
MANJAKU, AU XXE SIECLE : ALLIANCES ET CONSEQUENCES
SOCIO-POLITIQUES (1908-1936) _ Aliou SENE & Malang LELOU
(Sénégal)……………………………………………………………………321
20. RESPECT DES NORMES DE LA CMB ET RÉDUCTION DES
CRISES D’ÉNERGIE AU CAMEROUN DEPUIS 1994_Sévérin
NWAHA (Cameroun)………………………………………………………336
21. GOUVERNANCE DU FONCIER ET TRANSFORMATIONS
FONCIERES DANS LES COMMUNES RURALES DE BOUDRY ET
DE MOGTEDO_ Souleymane KARAMBIRI (Cameroun)………….……..362
22. FONCTIONNEMENT DU TRANSPORT ET DE LA
LOGISTIQUE DES ONG HUMANITAIRES AU BURKINA
FASO_Vincent ZOMA (Burkina Faso) ……………………………………387
4
23. CULTURE ET PROTECTION ENVIRONNEMENTALE CHEZ
LES SEEREER_ Francis Birame Daaba SARR (Sénégal)…………………403
24. STRATEGIES PAYSANNES DE RESILIENCE AUX EFFETS DU
CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS L’ARRONDISSEMENT DE
MBE_ Adelaïde YONTA FOUOMENE & Henri MOUSSIMA
(Cameroun)……………………………………………………………...….414
25. VARIABILITÉ CLIMATIQUE ET MISE EN VALEUR DES BAS-
FONDS DANS LE BASSIN VERSANT DE GOMBA HAOUSSA (SUD-
ZINDER AU NIGER) _ Amadou ABDOU BAGNA (Niger)…..………..435
26. DYNAMIQUE DES RESSOURCES NATURELLES DANS LE
DEPARTEMENT DE FILINGUE, OUEST NIGERIEN_ Zaharadine
MOHAMED SANI I. (Niger)…………………………………………...…451
5
Préface
Le présent numéro de la revue Della/Afrique concentre 26 articles
couvrant différents domaines de recherche des sciences sociales et
humaines dans le bon esprit de pluridisciplinarité qui fait le mérite
particulier de cet organe de publication.
Sur les 26 articles, le Cameroun se taille la part du lion avec 9 titres, suivi
la Côte d’Ivoire qui place tout de même 5 titres et du Niger qui se
retrouve avec 3 titres. Les autres pays suivent, de l’Afrique de l’ouest à
l’Afrique centrale et abordent des thématiques qui, généralement, font
l’actualité de la communication scientifique du continent. On peut
dénombrer plusieurs axes d’orientation, nous sélectionnons les 4 plus
porteurs à notre sens :
- Histoire et devoir de mémoire ;
- La coopération internationale sur fond d’intérêts économiques ;
- La gestion de l’espace et des ressources agricoles et
environnementales dans un contexte de changements
climatique exacerbé ;
- L’urbanisation, la croissance démographique et les politiques
économiques.
Est-il exagéré de dire aujourd’hui de l’Afrique qu’elle se trouve vraiment
à la croisée des chemins ? Prise en étau entre des intérêts divergents et
contradictoires, et en même temps tiraillée de toutes parts par des
puissances qui la sollicitent pour des causes pour lesquelles elle n’est en
rien partie prenante, elle a du mal à faire un choix porteur et se trouve
aux prises à des pressions inutiles.
L’actualité de l’Afrique est aussi marquée par une instabilité chronique,
induite par la pandémie du coronavirus, les attaques djihadistes dans le
sahel qui redoublent d’ampleur, les coups d’Etat en cascades en Afrique
de l’Ouest et centrale, et enfin la guerre de l’Ukraine avec ses
conséquences incalculables.
La recherche scientifique ne saurait rester en marge de ces
développements, elle qui se fait le devoir d’observer et d’analyser les
situations, désireuse de proposer des pistes de lecture tangibles et
indicatrices. Conscients de cette mission cruciale qui est la leur, les
6
chercheurs en sciences sociales et humaines ont encore tenté d’apporter
leur pierre à l’édifice d’une recherche scientifique efficace.
En Afrique, l’histoire ancienne est toujours vivace, qui a peine à se laisser
exorciser. Elle prend la forme d’un devoir de mémoire indispensable à la
compréhension des déplacements de groupes et des processus
d’alliances ou de conflits latents entre les populations d’un même pays.
Ces déplacements se prennent parfois l’allure de migrations volontaires
des personnes à la recherche de conditions de vie meilleures, c’est le cas
sans doute des Toupouri du Cameroun décrits par P.D. Binwe, ou ils
sont provoqués par les puissances coloniales dans le but d’impulser la
mise en valeur des régions inhabitées du territoire.
La traite négrière transatlantique fait souvent oublier qu’il a existé un
esclavage interne au continent qui a nourri bien des trafics commerciaux.
C’est ce que nous rappelle l’histoire du Faafouê au XIXe siècle en Côte
d’Ivoire centrale. Le sort des Akpatoufou, toujours en Côte d’Ivoire, un
peuple dont l’existence semble avoir été oubliée par l’historiographie
moderne, a pu être exhumé ici grâce aux travaux de K.R. Django et H.
Kouamé.
Le devoir de mémoire concerne également des pans entiers de l’histoire
coloniale ou encore la soi-disant pacification des peuples orchestrée par
des colons blancs qui ont dressé certains groupes dominants contre des
autochtones en Guinée portugaise.
La coopération internationale sous la forme de diplomatie économique a
aussi attiré l’attention des contributeurs. Que ce soit au Tchad avec la
Chine et le pétrole, ou au Gabon à travers une diversification des
ressources économiques par le biais d’une diplomatie économique
multiforme, le résultat est toujours décevant et ce sont les partenaires
étrangers qui « raflent la mise ».
Cependant l’Afrique aujourd’hui, c’est aussi la gestion de l’espace et
l’aménagement du territoire. Que d’aléas depuis des décennies, où les
ressources environnementales sont mises à mal par l’action de l’homme
mais aussi à travers des bouleversements qui s’opèrent dans les données
physiques. La première cause de ces bouleversements est le changement
climatique. C’est le thème le plus débattu en ce moment, auquel un grand
nombre de rencontres internationales sont consacrées et dont la fin n’est
pas encore prévisible. Or, si le climat change, ─et le climat est
7
effectivement en train de changer de façon drastique─, s’asséchant
chaque jour un peu plus, les suites seront dramatiques pour les hommes,
pour les animaux et pour les paysages terrestres voire aquatiques. C’est
un regard inquisiteur que S. Bilabena et al ont porté sur cette situation en
prenant appui sur les expériences vécues par les agriculteurs du sud-
Togo, afin d’illustrer ce qui risque de devenir la règle dans un proche
avenir, et dont les débuts sont déjà annoncés en ce moment. Le
dérèglement du climat un peu partout dans le monde, mais surtout en
Afrique, occasionne des sécheresses tenaces, des inondations
inattendues, des invasions d’insectes affamés, la destruction des paysages
entiers, la désertification à grande échelle et la mort du bétail. Qu’est-on
en droit d’attendre de tout cela ? La famine, les maladies opportunistes,
la mort, la désolation pour les populations. Les cultivateurs et pêcheurs
du village d’Ekpui au sud-Togo sont en train d’en faire l’amère
expérience. Mais des mesures palliatives sont possibles, qui permettent
de ne pas subir de plein fouet le contrecoup des aléas climatiques. C’est
le même type de réactions adaptatives que les paysans de la boucle du
Mouhoun au Burkina Faso adoptent pour se prémunir contre la
variabilité climatique qui s’installe de plus en plus dans leur région (cf.
Lompo et al.)
A Manigri, dans la Commune de Bassila au Bénin, le cycle de l’eau est
également chamboulé depuis quelque temps, les pluies n’arrivent pas au
moment attendu et n’ont ni le volume, ni la durée nécessaire. Pour le
paysan, est-ce une catastrophe ? C’est là où il doit faire appel à des
stratégies d’adaptation aux nouvelles conditions, à l’instar de ce que fait
le paysan d’Ekpui et de Mouhoun. Mais de telles stratégies, si elles
constituent des solutions provisoires pour les problèmes de certains
groupes, pour d’autres catégories d’acteurs, c’est une atteinte à leurs
intérêts. Ainsi, des conflits ne cessent de naître autour de l’eau, qui
s’accentuent avec la raréfaction de celle-ci voire les pénuries. Pour régler
ces conflits, le mieux est de développer des formules d’approche
impliquant les parties prenantes pour la recherche de la paix et le partage
équitable. C’est une telle expérience faite au Cameroun que F. C. Missem
essaie de décrire dans son article.
L’eau n’est bénéfique que lorsqu’elle est saine et potable. Que se passe-
t-il lorsqu’il y a des sources de contamination qui viennent la souiller et
la dégrader ? Certaines activités productives, quand bien même elles sont
8
source de revenu pécuniaire, occasionnent des contreparties nocives.
L’extraction des minerais fait partie de ces activités dont les retombées
sont néfastes pour la salubrité de l’eau, qu’elle soit de surface ou en
profondeur. L’activité d’orpaillage dans le Département de Bocanda en
Côte d’Ivoire en est un exemple parlant qui a fait l’objet de la rédaction
de A. M. Kouadio.
La principale activité de production dans la grande majorité des espaces
africains demeure l’agriculture. L’exercice de cette activité est cependant
confronté à une série de handicaps dont la disponibilité du foncier, son
aménagement et la maîtrise des facteurs de production. Quelques
contributions ont été consacrées à cette thématique importante. C’est
ainsi qu’en Côte d’Ivoire dans le département de Bocanda, la migration
volontaire des paysans suite à la faillite observée au cours des années 80
dans le secteur des plantations de café-cacao, a « libéré » des espaces
agricoles qui se sont transformés en jachère et forêts secondaires. Le
résultat est une restructuration forcée de cet espace, ou mieux, « une
recomposition de l’espace rural » (K. Kouakou) qui pourrait donner des
idées pour des stratégies de mise en valeur si les leçons idoines en sont
tirées. Parmi ces leçons, pourquoi ne pas évoquer les réformes foncières
pour une meilleure gouvernance des terres ? C’est la proposition qui
vient de l’article de S. Karambiri qui s’essaie à la « gouvernance du
foncier et les transformations foncières » qui en résultent. Le maître-mot
de ce développement est la « sécurisation foncière » qui se révèle être une
autre forme de pratique foncière basée sur la monétarisation des
acquisitions à travers la vente ou la location des terres. On est loin des
arrangements coutumiers qui mettent la terre à la disposition de
l’exploitant pour un laps de temps donné et contre partage de récoltes,
et qui occasionnent dans la durée des conflits de toutes sortes.
L’Afrique change et s’urbanise, la population croît, les politiques sont
obligées de s’adapter à l’air du temps. Ces transformations et les
problèmes structurels subséquents, ont attiré l’attention des
contributeurs. A Daloa, ville de la Côte d’Ivoire, la croissance
démographique induit une croissance urbaine qui, à son tour, provoque
une dégradation accélérée de l’environnement urbain menacé d’« asphyxie
[en raison de] l’insalubrité avec la prolifération des dépotoirs sauvages, le
ruissellement des eaux usées polluantes, des caniveaux à ciel ouvert mal entretenus et
9
parfois inexistants et la prolifération des zones non aedificandies ». (G.M. Yode et
al.)
Plus que cela, la croissance urbaine, si elle menace les villes, elle menace
aussi la campagne, à travers l’envahissement des zones agricoles par des
constructions urbaines et l’urbanisation forcée. Dans la plaine de Kar-
Hay à l’extrême-nord du Cameroun, la spéculation foncière et
l’impulsion d’une nouvelle dynamique foncière ont transformé le
paysage et en bien mal.
La dynamique urbaine s’emploie ainsi à provoquer des transformations
radicales dans le monde rural à travers l’intervention des élites urbaines
dans les activités de production agricole. Autant dire que si les conditions
le permettent, des acteurs inattendus peuvent user de moyens à leur
disposition pour apporter des changements dans l’exécution des tâches
qu’on croyait jusque-là vouées à l’échec ou à la stagnation. Le
désengagement de l’Etat a souvent été critiqué en Afrique car laissant un
vide que peu de gens peuvent combler par des actions vigoureuses et
ciblées. Voilà qu’un contre-exemple se dessine au Cameroun où les élites
des villes deviennent des investisseurs attentionnés dans les activités
agricoles. Par leur entremise, de nouveaux concepts émergent, comme la
« compétitivité agricole » ou encore « la production agricole spéculative »
se nourrissant de « technologies nouvelles de production » qui, à terme,
pourraient être porteuses d’innovation et de changement durable dans le
paysage agricole du Cameroun. Peut-on à travers cet exemple, entrevoir
une alternative aux difficultés que traverse depuis toujours le secteur
agricole de l’Afrique ? Ces innovations sont-elles adaptées au milieu
africain et pourraient-elles faire l’objet d’une promotion à grande
échelle ? On croit sortir de l’auberge mais n’est-ce pas aussi le début d’un
mirage qui s’annonce décevant ? La vigilance est de mise et la recherche
en sciences sociales et humaines doit pouvoir agir comme une veille
permanente en vue de redresser la barrer en cas de dérive.
Comme la politique prime sur tout dans les débats actuels, un certain
nombre de communications a été consacrée à cette problématique à
travers l’étude de la corruption politique actualisant la lecture de
Machiavel, les élections observées par les églises chrétiennes qui jettent
une lumière différente sur le processus et surtout sur les résultats, et les
crises récurrentes de l’approvisionnement en énergie.
10
D’autres contributions qui n’entrent pas le cadre des axes de recherche
identifiés sont autant d’apports de qualité qui démontrent que le champ
de la recherche dans ses diverses composantes, n’est pas fermé et qu’il
est toujours susceptible d’accueillir encore plus d’idées novatrices.
Le numéro actuel de la revue présente un large choix de travaux et
d’orientations qui font la preuve de l’effervescence qui anime la
recherche à l’heure actuelle.
Lomé, le 29 mars 2022
11
LES AKPATOUFOUE UN PEUPLE OUBLIE DANS LE
PEUPLEMENT DE BOUAKE
Résumé
Le peuplement des Akpatoufouê est ignoré dans la mise en place des peuples en Côte d’ Ivoire
en général et en particulier à Bouaké. Cette étude vient pour mettre en lumière le processus d’installation
de ce peuple. Pour atteindre cet objectif, il a été question de faire une recherche bibliographique dans les
bibliothèques ensuite pour pallier les insuffisances une enquête orale a été réalisée. Toutes ces informations
reçues ont permis de dégager le problème central autour du processus de mise en place des Akpatoufouê à
Bouaké. Il faut noter que ce peuple a été phagocyté par la venue des autres peuples Alanguira et Assabou.
Aujourd’hui, ils ont perdu leur identité culturelle, politique, économique et religieuse. Il est donc nécessaire
de les mettre au grand jour pour éviter les amalgames faits qui ont cours sur ce peuple.
Mots clés : Akpatoufouê, mise en place, peuplement, organisation, territoire.
Abstract
The settlement of the Akpatoufouê is ignored in the establishment of peoples in Côte d'Ivoire in general
and Bouaké in particular. This study is intended to shed light on the settlement process of this people. To
achieve this objective, a bibliographical search was carried out in libraries, and then an oral survey was
carried out to make up for the shortcomings. All of this information was used to identify the central
problem surrounding the process of the establishment of the Akpatoufouê in Bouaké. It should be noted
that these people have been swallowed up by the arrival of the other Alanguira and Assabou peoples.
Today, they have lost their cultural, political, economic and religious identity. It is therefore necessary to
bring them into the open to avoid the amalgams that have been made about this people.
Key words: Akpatoufouê, establishment, settlement, organisation, territory.
181
Introduction
1Nimbo signifie en langue Baoulé la forêt où l’on trouve de la viande ou la forêt de viande. C’est pour monter à
quel point cette zone était giboyeuse.
182
peuple et montrer l’impact de leur installation sur le peuplement de
Bouaké.
La démarche méthodologique pour y parvenir a consisté essentiellement
à confronter les informations recueillies à partir de la documentation sur
le peuplement de la Côte d’Ivoire en général et sur le peuplement de
Bouaké en particulier et à en tirer celles qui nous ont paru nécessaires par
rapport à nos préoccupations. Ensuite pour pallier les insuffisances de la
documentation bibliographique, nous avons eu recours à la tradition
orale pour nous éclairer sur certaines informations. L’enquête orale s’est
faite en deux phases. La première phase a consisté à faire une prospection
pour répertorier les personnes susceptibles de donner les informations
nécessaires à notre étude. La deuxième phase a consisté à interroger les
personnes déjà répertoriées. Nous avons alterné l’entretien privé et
l’entretien public ; quant à la technique nous avons pratiqué l’entretien
semi-directif, c’est-à-dire que la démarche a consisté à laisser nos
interlocuteurs développer le sujet que nous leur avions soumis, puis
quand ils sont au bout de leur argumentaire, nous engageons à nouveau
la conversation sur certains détails non abordés.
Ainsi nous avons pu dégager trois grandes parties dont la première est
intitulée les origines et les causes des migrations des Akpatoufouê, la
deuxième relate la migration et la mise en place des Akpatoufouê et enfin
la dernière l’impact de l’établissement des Akpatoufouê sur le
peuplement de Bouaké.
183
Selon Tanou N’Goh Zamienty, les Akpatoufouê sont venus de nulle
part2 et ont une origine céleste3. Selon lui : « les Assabou sont venus nous
trouver ici. Nous sommes installés ici depuis la nuit des temps. Nous sommes
descendus à l’aide d’une échelle du ciel. »4
Pour (Allou, 2002 :708), les Akpatoufouê font partir d’un groupe de
populations qui vivaient dans le Ghana actuel. Il s’agit des Akpati
(Akpatoufoè, Akpatifoè), des Asrin ou des Battrafoè (Mgbatrafoè, Battra,
Mgbatra), des Wamala (Mamala), des Ngen, Krobo (Krowou,
Akrowoufoè) et des Gbomi. Il affirme que ces différentes populations
sont originaires de la basse-vallée des plaines de la Volta, de la région
d’Accra et des hauts plateaux du pays Krobo. La migration de ces peuples
a été provoquée par l’expansion de l’Akwamu entre 1660 et 1689, (Allou,
2002 :708). Toutes ces populations sont issues de la migration que René
Kouamé Allou a appelée Akpafu-Ga-Krobo-Adele Avatime, (Allou,
2002 : 708). C’est de cette migration que les Akpatoufouê font partie.
Salverte-Marmier (Ph. de) et Alii quant eux abondent dans le même sens
que René Kouamé Allou. Ils indiquent que les Akpatoufouê sont
originaires du Ghana actuel. Selon eux, les Akpatoufouê sont originaires
d’une région située à l’Est d’Accra. C’est compte tenu de l’insécurité
incessante dû aux guerres d’acquisition d’esclaves et aux razzias qui
régnaient dans cette zone que les Akpatoufouê décident de migrer en
traversant la Comoé. En somme, le point commun de toutes ces versions
est que les Akpatoufouê ont pour point départ la région du Ghana actuel.
Elles ont chacune donné les motifs du déplacement des Akpatoufouê de
leur habitat originel. Cependant la version de la tradition orale diffère, car
elle cherche a montré que les Akpatoufouê cherchent à montrer leur
antériorité par rapport aux autres populations qui occupent actuellement
l’espace de Bouaké, (Django, 2019 : 97). Pour notre part, les
Akpatoufouê sont originaires du pays akan, car comme l’indique Tanoh
N’goh Zamienty « les Akpatoufouê sont aussi des Akan, mais ne sont pas
venus à la même période que les Allanguira et les Assabou. »5
6 Les produits sont les étoffes, verroterie, cuivre, fer en barre ou en anneau, armes à feu, poudre à canon, munitions,
alcools.
7 La découverte du continent américain.
185
2.La migration et la mise en place des Akpatoufouê
aujourd'hui Kamounoukro (quartier de la ville de Bouaké). Le patriarche Assouman Loukou, chef coutumier de Kamounoukro,
interrogé en 1977 sur les origines de sa tribu, par le père Jean Dhumeau de la paroisse notre Dame de Nazareth de Bouaké soutenait
mordicus que les Allanguira trouvèrent déjà sur place la famille des Akpatoufouê, la sienne, dont le nom signifie "propriétaires
terriens". Information tiré de la thèse de GBODJE,S. A.,2005,Evolution économique de Bouaké : de l’économie précoloniale
l’économie coloniale de marché (1858-1938), thèse de doctorat unique d’histoire contemporaine, Université de Cocody, 2004-2005,
2 tomes, pp.536.
11Qui signifierait en langue Baoulé qu’on soit mélangé.
186
Denkyira, ils s’imposent aux Akpatoufouê par la force contre leur gré12.
Cet acte conduit le peuple Akpatoufouê à trouver refuge loin du village
Ae N’golibo devenu Kambonoukro plus tard. C’est ainsi qu’Akpatou-
Kan chasseur de son état crée son campement Nimbo13. D’autres
partirent vers l’actuel Belleville pour créer le village d’Attienkro. Ils furent
rejoints plus tard par d’autres Akpatoufouê dans ces localités14.
Selon Yobouet Koffi15, avec l’arrivée des Européens, pour échapper aux
différentes corvées, aux paiements de l’impôt de capitation, aux travaux
forcés et à la répression denkyira, les Akpatoufouê ont adopté la stratégie
de la dispersion. Cette tactique leur permit de créer plusieurs
campements qui donnèrent plus tard naissance aux villages, de Kouakro,
d’Angouattanoukro, de N’dakro, de N’Douakouamékro, d’Adjenoussou,
d’Akpessé Soklo.16 Ce peuple comme le souligne Sekré Gbodjé Alphonse
a crée le village de Yaakro à l'emplacement de l'ancien cimetière situé sur
la route de M'Bahiakro. Ce village a été créé par une famille Akpatoufouê,
(Gbodje, 2005 : 536).
Le processus de mise en place des Akpatoufouê s’est fait de façon
progressive et s’est opéré au fil des années. La dispersion des populations
Akpatoufouê a été occasionnée par la venue des Denkyira, des Assabou
et l’installation des Européens depuis 1898, date de création du poste
militaire de Gbêkêkro par le Capitaine Marchand, (Django, 2002 : 99).
Comment ce peuple est-il organisé ?
189
organisation politique des Assabou de la façon suivante. « Au niveau
inférieur, nous avions l’Awlo (la cour) et le Kloh (le village), puis venaient
l’Akpassoua (sous-groupe de villages) et le N’vlé (le groupe territorial), le
Minh (ensemble de groupes territoriaux) constituait théoriquement le
niveau supérieur ». Ainsi, la plus grande unité territoriale politique est le
Minh ou N’vlé. Elle comprend plusieurs sous-tribus d'origines diverses,
qui se reconnaissent, en une autorité supérieure, celle d'un seul chef : le
N’vlé Kpingbin28. Les N’vlé Kpingbin sont presque issus toujours des
descendants Assabou. Le siège de la chefferie est le village fondé par ces
derniers qui a servi de centre de dispersion pour l’essaimage ultérieur,
(Yao, 1988 : 39).
Le choix du N’vlé kpingbin obéit à des règles beaucoup plus strictes. Il est
toujours choisi au sein des descendants des chefs des migrations Assabou.
Selon Kouakou Kouamé, Le N’vlè kpingbin s’appuyait sur deux conseils
dans l’exercice de sa fonction : le conseil privé de son matrilignage et le
conseil du royaume composé de chefs d’Akpassoua et de villages. Il
présidait les grands jugements et veillait sur les cultes du N’vlè29.
Il se distingue des autres chefs de rang inférieur par l’abondance
d’insignes, de statut en or ou en bois recouvert d’or dont il dispose, par
le nombre de ses serviteurs et des dépositaires. Pour maintenir l’ordre, et
éventuellement pour défendre les intérêts de leur N’vlé vis-à-vis de
l’extérieur, certains chefs entretiennent chez eux une force permanente
de guerriers communément appelé aloufouê. La mort d’un N’vlé kpingbin
appelé Famien ou Nanan (Viti ; 2005 : 117-138) donne lieu aux mêmes
rites que celles des autres chefs. Selon Kouakou Kouamé, leur décès n’est
rendu public qu’au moment des funérailles, soit au moins un an plus tard
ou sinon plus. Pendant cette période, le N’vlé kpingbin ou Famien à titre
honorifique était simplement censé être malade, on disait que le chef a
mal au pied. Il est au sommet de la pyramide. Après cette entité politique
vient l’Akpassoua.
L’Akpasoua c’est une sous-tribu. Les dimensions des sous-tribus sont très
variables. Elles peuvent englober un certain nombre de villages
d'autochtones, soumis au moment de la conquête, ou d'étrangers venus
par la suite demander du terrain. La plupart des Akpassoua constituent
190
des unités territoriales et politiques relativement homogènes en ce sens
que les villages qui en font partie sont issus d’un même centre de
dispersion (Kouamé, 2015: 60). Le chef de ce groupement est
généralement celui du village fondateur : le chef de l’Akpassoua ou
l’Akpassoua kpingbin. Il est un chef religieux30. Il est un arbitre des conflits
qui peuvent naître entre les villages de sa circonscription et il défend son
groupe vis - à - vis de l’extérieur. Il est entouré de son nouanoudifouê, de
plusieurs kpoanfouê ou porte cannes.
Selon N’Guessan Kouadio, le nouanoudifouê et les kpoanfouê ne sont pas
uniquement des personnes résidant au siège de la chefferie. Certains
appartiennent à d’autres villages du groupe. Ils sont choisis par le chef
pour leur connaissance étendue des coutumes. Ils font entièrement partie
de la chefferie31.
Le chef de l’Akpassoua, en tant que représentant des ancêtres et héritier
de l’adja, est le symbole vivant de l’unité du groupe qu’il doit défendre en
toute circonstance. Il a le pouvoir de recruter une armée et d’en prendre
la tête en cas d’agression extérieure. Tous les chefs de village font partie
du conseil de l’Akpassoua et l’Akpassoua kpingbin est membre du conseil
du N’vlé.
Ensuite vient le Klôh ou le village, c’est un site d’habitation. Dans la
conception le village est une entité appelé à se développer à partir d’une
maison. Une maison isolée dans laquelle est établi un individu constitue
donc son village. Voilà pourquoi le nom d’une localité habitée même
constituée d’une seule habitation se met en relief par le terme Klôh . Le
village peut se développer pour atteindre des proportions bien grandes.
Quelle qu’en soit la taille, toute entité habitée est représentée et sa
représentation est la chefferie du village. Il est dirigé par un chef de
village. Les fonctions politiques et judiciaires sont exercées
conjointement par le chef du village ou kloh kpingbin et le conseil des
notables, au niveau du village. Le chef du village cumule presque toujours
ls fonctions d’Awlo et Awlobo de l’agglomération qu’il gouverne. En
d’autres termes, il est Awlo kpingbin avant d’être kloh kpingbin. Selon
Nanan Tanou N’Goh Zamienty II, le chef peut accéder à ce poste de la
manière suivante : « soit il a fondé lui-même un hameau de culture et
obtenu du chef de son village d’origine son émancipation dont les rites
30 Nanan Tanou N’Goh Zamienty II, entretien du dimanche 22 mars 2015 à Nimbo (Bouaké).
31 N’Guessan Kouadio dit Blé entretien réalisé le 22 août 2013.
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consacrés à la terre ou Assiè constituent le symbole, soit il y est parvenu
par héritage »32.
Les attributions et les prérogatives du chef de village sont de même
nature que celles du chef de l’Awlo, mais elles s’exercent à un niveau
supérieur. Il est aidé dans l’exécution de ses taches par le Kpoanfouê33ou
porte canne, spécialiste des problèmes juridiques, par le nouanoudifouê34ou
porte-parole et par le Gbanflin kpingbin35 ou chef des jeunes. Il est le
détenteur des terres inoccupées donc des palmiers qui y poussent, le vin
de palme lui est remis tout comme les meilleurs parts du gibier et du
poisson. Les hommes effectuent des travaux sur ses champs. Les chefs
de l’Awlo lui apportent les produits de leurs champs tels que l’igname, le
riz, etc à travers les membres de l’Awlobo.
Enfin la cour. Chaque village est composé de cour. La cour est la plus
petite de la structure politique. La concession est formée d'une ou
plusieurs maisons d’habitation et de dépendances. Elle est habitée par
une famille, aux sens strictes, comprenant un ménage polygamique et ses
enfants. C’est aussi un espace délimité par des bâtiments à usage
d'habitation ou à usage domestique où vivent un ou plusieurs ménages
et des dépendants Plusieurs familles unies par des liens de parenté plus
ou moins éloignée, et des captifs occupent des bâtiments voisins
entourant une cour intérieure, et séparés de l'extérieur par une palissade.
La cour est dirigée par un chef de famille ou l’Awlo kpingbin. Selon Tanou
N’Goh Zamienty II l’Awlo kpingbin à plusieurs attributions.
D’abord sur le plan politique, le chef de l’Awlo organise la cour, défend
les intérêts des membres et participe au conseil du village.
Sur le plan juridique, l’Awlo kpingbin offre des sacrifices en cas de
malentendus et trouve dans l’impartialité les solutions aux problèmes.
Sur le plan religieux le chef de l’Awlo est le représentant sur terre, des
ancêtres de la communauté qui ont constitué le trésor de tous, c’est l’Adja
32 Nanan Tanou N’Goh Zamienty II, entretien du dimanche 22 mars 2015 à Nimbo (Bouaké).
33 Le kpoanfouê est le spécialiste des problèmes juridiques qui peuvent se poser non seulement au sein du village,
mais entre le village et l’extérieur. Il assume les fonctions de juge. Le chef de village se contente le plus souvent
d’entériner les sentences que son porte canne a rendues. Il n’intervient qu’en dernier ressort, lorsque son assistant
ne parvient pas à trouver une solution satisfaisante à un conflit entre deux plaideurs.
34 Le nouanoudifouê joue théoriquement un rôle neutre, quoiqu’indispensable dans la vie politique traditionnelle. En
fait, il lui appartient d’avoir une influence considérable tant sur le chef qu’il représente que sur le reste de la
population. Dans le système politique importé dans la région de Bouaké par les Akan, chef quelque soit son rang,
ne peut communiquer avec ses administrés et ceux – ci, aussi bien les étrangers, ne peuvent s’adresser à lui en
personne. Des deux côtés, les interlocuteurs doivent obligatoirement passer par le canal du nouanoudifouê.
35 Le Gbanflin kpingbin est considéré comme le chef de guerre quand bien même qu’il dirige les jeunes. Ces jeunes
forment une sorte de milice prête à intervenir en cas de conflit avec les autres villages. Dans ce cas, le chef des
jeunes devient le safougnrinou chef de guerre. Il est chargé d’exécuter les ordres du conseil et de son courage.
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dont il a la garde. Il préside le culte qui est dédié aux ancêtres. Il est le
gardien de la tradition de la cour. Il est le sacrificateur et le maître à tout
faire au niveau spirituel et religieux.
Et enfin sur le plan économique, le chef de l’Awlo est également l’Assiè
kpingbin ou le chef de terre. C’est lui qui partage les terres à cultiver entre
les membres de l’Awlo. Il est propriétaire de toutes les portions en jachère
et non défrichées, donc de tous les palmiers qui y poussent spontanément
et des ressources du sous-sol, c'est-à-dire l’or et les autres ressources36. A
tous les niveaux de cette organisation pyramidale, dont l’Awlo forme la
base, les représentants de l’autorité politique cumulent des fonctions
politiques, administratives judiciaires et religieuses. C’ainsi que le chef du
village chez les Akpatoufouê cumule les fonctions de chef du N’vlé, du
Minh, de l’Akpassoua, du Kloh, et de son propre Awlo (Kouamé, 2015: 59-
60). C’est toutes ces organisations politiques, économiques, sociales que
le peuple Akpatoufouê adopte en oubliant toutes leurs organisations
citées plus haut.
Conclusion
Sources orales
Bibliographie
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VITI, Fabio, 2005, « Entre l’État et l’anarchie : un siècle d’historiographie et
d’anthropologie politiques du Baoulé », Journal des africanistes.
WILKS, Ivor, (1957), « The rise of the Akwamu empire 1650-1710 », THSG,
Volume III, Part 2, Achimota.
YAO, Kouamé Michel, (1988), L’économie faafouê à l’époque précoloniale,
Mémoire de maîtrise d’Histoire, Abidjan, Université de Cocody.
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