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Décembre 2021
ISSN 2518-8143
FoloFolo N° Décembre 2021 ISSN 2518-8143
FOLOFOLO
Revue des sciences humaines et des
civilisations africaines
Décembre 2021
http://www. http://folofolo.univ-ao.edu.ci
FoloFolo N° Décembre 2021
Administration et Rédaction
Comité scientifique
ALLOU Kouamé René, Professeur titulaire, Université Félix Houphouët-Boigny
Sékou BAMBA, Directeur de recherches, Université Félix Houphouët-Boigny/IHAAA
OUATTARA Tiona, Directeur de recherches, Université Félix Houphouët-Boigny/IHAAA
OSSEYNOU Faye, Professeur titulaire, Université Cheick Anta Diop
LATTE Egue Jean Michel, Professeur titulaire, Université Alassane Ouattara
KOUAKOU Antoine, Professeur titulaire, Université Alassane Ouattara
GUIBLEHON Bony, Professeur titulaire, Université Alassane Ouattara
ISSN 2518-8143
FoloFolo N° Décembre 2021
Comité de lecture
KOUAKOU Antoine
BATCHANA Essohanam
CISS Ismaila
VEI Kpan Noél
GOMA-THETHET Joachim Emmanuel
N’SONSSISA Auguste
CAMARA Moritié
FAYE Osseynou
IDRISSA Bâ
BAMBA Mamadou
SARR Nissire Mouhamadou
GOMGNIMBOU Moustapha
DEDOMON Claude
DEDE Jean Charles
BAMBA Aboulaye
DIPO Ilaboti
ISSN 2518-8143
FoloFolo N° Décembre 2021 ISSN 2518-8143
TABLE DES MATIERES
AHOUE Jean-Jacques / ASSAKA Tatiana Larissa Sandrine Blieron, une zone frontalière
entre la Côte d’Ivoire et le Libéria : éclairage d’un passé colonial à nos jours ….....….. 23–39
KEITA Mohamed / YODA Epse YEO Habibatou L’intégration des Burkinabé en Côte
d’Ivoire : le cas de la communauté burkinabé de la Marahoué : 1960 à 2013 ...... 59–77
Modou NDIAYE / Meïssa Birima FALL La ville nouvelle de Diamniadio : Enjeux urbains
et perception par les acteurs ……...................................................................…... 100–115
BAMBA Fatoumata Les religieux dans les résistances à la conquête coloniale en Côte
d’Ivoire de 1892 à 1945 ……...................................................................…......... 116–127
DIAMIDIA Marie Cécile / OSSORO Angela Ephrem Les reliques de Constantinople : une
cause de la déviation de la quatrième Croisade sur Byzance ……........................... 143–160
KOUAMÉ N’guessan Bernard L’histoire d’une ville du nord de la Côte d’Ivoire : Tiémé,
des origines à l’arrivée de René Caillié du xvième siècle à 1828 ….......................... 177–191
KOFFI Mélesse Le chef religieux wassa et la crise du colonialisme français dans le baoulé,
1916-1919 ........................................................................................................... 207–224
OUATTARA Mamadou Speech acts in selected utterances in Things Fall Apart by Chinua
Achebe ................................................................................................................ 238–253
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DIOUF Benjamin L’offrande des épis : de l’Égypte pharaonique au Sine (Faick-Sénégal)
............................................................................................................................ 254–267
KOUZAN Stéphane La Brasserie du Bénin ou le renforcement de la germanophilie togolaise
1964-2018 ........................................................................................................... 268–290
DJAMALA Kouadio Alexandre Eclairage sur l’histoire précoloniale des Wan de Côte
d’Ivoire ............................................................................................................... 339–360
ISSN 2518-8143
FoloFolo N° Décembre 2021 ISSN 2518-8143
EDITORIAL
Bamba Mamadou
Eclairage sur l’histoire précoloniale des Wan de Côte d’Ivoire
Résumé : L’autochtonie présumée des Wan constitue l’une des difficultés pour la reconstitution de l’histoire de
ce peuple. Il existe de nombreux points d’ombres de l’histoire de ce peuple qui méritent d’être clarifiée. La
question des origines, de la migration, de l’occupation de leur espace actuel ainsi que la constitution du peuple
tel que nous le connaissons aujourd’hui sont autant de préoccupations auxquelles nous tenterons d’apporter des
éléments de réponses.
Summary: The supposed autochthony of Wan constitutes one of the difficulties for the reconstitution of the
history of these people. There exist many points of shades of the history of these people which deserve to clarify.
The question of the origins, the migration, the occupation of their current space as well as the constitution of the
people such as we know it today are as many concerns to which we will try to bring brief replies.
INTRODUCTION
La Côte d’Ivoire compte une soixantaine de groupes ethniques regroupés en quatre
aires culturelles que sont les Akan, les Gour, les Krou et Mandé (Atlas de la Côte d’Ivoire,
1970 : n. p). Cependant, il existe parmi ces groupes ethniques plusieurs qui sont partiellement
étudiés. Il s’agit par exemple des Wané (situés au Sud-Ouest dans la région de San-Pedro sur
le site de Monogaga), les Krobou (établis seulement dans trois villages), les Mona, les Sokwa,
les Sia, les Bakwé et les Wan qui font l’objet de la présente étude.
Pour répondre à ces préoccupations nous avons mis à contribution plusieurs auteurs
notamment Ravenhill Philip léonard, Boyer Alain-Michel, Niangoran-Bouah Georges, Deluz
Ariane, Siagbé Ziboh Fulgence et Djamala Kouadio Alexandre qui se sont intéressés plus ou
moins à l’histoire du peuple wan. La méthode historique utilisée a consisté à l’exploitation
des sources orales, écrites et électroniques avec la confrontation des informations, le
recoupement des données et la critique historique. Cette démarche a permis de rédiger le
présent article. Ainsi, il s’est agi d’examiner d’abord l’occupation ancienne du site et la
question d’autochtonie, puis l’origine et la migration des Wan et enfin le peuplement de
l’espace et la formation du peuple wan.
L’espace Wan a été habité auparavant par les populations Sénoufo et Malinké. Si les traces
des premiers sont difficilement perceptibles, pour les seconds sont plus visibles.
1. Les Senoufo
Les Sénoufo (Klôgômù en wan) sont considérés comme les premiers habitants de
l’espace occupé par les Wan. Leur zone d’habitation s’étend dès le XVème siècle sur une
vaste zone allant de la région de Mankono à Tiébissou en passant par Bouaké comme
l’attestent les auteurs de l’Etude Régionale de Bouaké (Salverte-Marmier et alii. 1965 :17).
Axel Dadié NASSA (2005 :59) précise que les Sénoufo ont anciennement occupé la région
actuelle du Koro avant les Wan. Cette région de façon géographique est d’ailleurs située à la
limite Nord du pays Wan actuel. Cette présence des Sénoufo sur l’habitat actuel des Wan est
corroborée par les traditions orales wan. Celle-ci abonde de récits sur les guerres livrées aux
Sénoufo-Djimini par les Wan pour occuper l’espace. Alexis Bomisso note : « Des populations
Sénoufo, précisément des Djimini, occupaient la zone allant de Bomassapla à Foutounou. Il a
fallu de nombreuses guerres pour qu’ils soient délogés par nos grands-parents »2.
S’il est vrai que les Sénoufo ont occupé anciennement le territoire wan, ces derniers
n’ont laissé aucuns indices qui permettent de prouver leur préexistence spatiale sur le plan
matériel. Nous n’avons pas eu mention d’anciens villages ni de campements laissés par les
2
Alexis Bomisso, Entretien réalisé à son Domicile à Kounahiri le 23 Février 2016
340
Sénoufo. Cependant, ils ont légué l’initiation des hommes (le Zêh) aux Wan. Des
interlocuteurs Wan et Sénoufo ont affirmé l’existence d’alliance à plaisanterie et des liens très
anciens entre ces deux peuples. Mais cette information n’a pas été confirmée par la majorité
des informateurs sur le terrain. Ne seraient-ce pas des liens oubliés par la mémoire
collective ? La question mérite d’être posée car il y a une ressemblance entre le Zêh et le poro
d’une part et le Goly-Glin des Wan et les Wambèlè3 des Sénoufo d’autre part. Nous sommes
donc d’avis avec Axel Nassa Dadié (2005 :55) lorsqu’il affirme qu’il s’agit d’anciens contacts
oubliés entre Sénoufo et Mandé Sud en général et avec les Wan en particulier. A partir du
XVIème, les Sénoufo sont chassés par des Malinké. Ces derniers vont momentanément
occuper le site.
2. Les Malinké
Les Malinké qui occupent le territoire actuel des Wan sont descendus de l’empire du
Mali. Leurs établissements ont occasionné un mouvement migratoire sans précédent à partir
du XVIème siècle. Les migrants sont composés majoritairement de guerriers animistes, de
marabouts et de commerçants en quête de terres nouvelles pour leur installation. Ils ont
transité par la Guinée actuelle avant d’arriver sur le territoire de l’actuelle Côte d’Ivoire à
travers le Nord-Ouest où ils fondent les localités actuelles d’Odienné et de Séguéla.
Quelques-uns des migrants, animés d’un esprit mercantiliste, pénètrent plus au Sud, à
travers la zone actuelle de Mankono, où ils fondent le vieux village de Boron, actuel
Kounahiri (Salverte-Marmier et alii 1965 :17). Cet emplacement du site est partagé par A.
Clerici, Jean-Noël Loucou ainsi que les auteurs du Mémorial de la Côte d’Ivoire. Si
l’occupation du territoire wan par les Malinké est attestée par Yves Person (1906 : Note 37) :
« Les Nwa occupent effectivement un territoire que les Manding ont occupé un certain
temps », l’auteur pense pour sa part que « le site du vieux Boron (XVI-XVIIe siècle) se trouve
à quatre Kilomètre au Sud de Kunairi ». Pour plus de certitude sur cette question, nous
pensons qu’une étude archéologique minutieuse doit prendre en compte toute la région
Centre-Ouest du territoire ivoirien. Celle-ci pourra éclairer davantage l’occupation ancienne
de cette partie de la Côte d’Ivoire. Sans elle, toute initiative d’étude de cette zone sera
toujours limitée.
La venue des Malinké comme le dit Simon-Pierre Ekanza (2006 :23) « offre des
allures d’invasions successives qui chassent devant les occupants des pays qu’elles
traversent ». Dans cette occupation militaire de l’espace, les autochtones Sénoufo ont été
délogés (Salverte-Marmier et alii 1965 :17) ou intégrés pour donner naissance au groupe Koro
que l’on retrouve dans la zone actuelle de Tiénigboué et Bouandougou (Nassa 2005 :55).
L’occupation ancienne du site ayant été définie, il convient de répondre à la question de
l’origine des Wan.
Les traditions orales wan font allusion à plusieurs mythes qui expliquent leur
préexistence sur le territoire ivoirien4. Ainsi, le premier homme est descendu du ciel à l’aide
d’un fil de fer. Voici les propos de Siagbé Modeste : « Notre ancêtre du nom de Ziagli est
descendu du ciel. A l’origine, il se nommait Zialè. Ziagli est en fait le bruit qu’il a fait lors de
la descente. Il a été envoyé pour explorer la terre, vaste étendue inhabitée. Par la suite, il a
été suivi par une femme avec qui, il eut des rapports sexuels. De leur union naquit leur
premier fils du nom de Kpatro. Ziagli appartient à la famille Glangbé qui signifie l’homme
sacré ou encore l’homme des choses sacrées »5. Ce mythe rejoint les propos d’Ariane Deluz
(1973 : 93) qui situe la descente du ciel dans la localité actuelle de Gohitafla avant le XVIème
siècle.
Quant à Niangoran-Bouah, il fait venir les Wan du grand groupe Kwanin. Cette
population, aurait occupé le territoire ivoirien depuis le paléolithique. Leur habitat se situait
dans la région comprise entre la Sassandra et la rive Est du Comoé8. Concernant l’espace
occupé par les Wan, l’auteur affirme :
Une chose est certaine, nous savons qu’aussi loin que nous remontons dans le temps,
allant jusqu’au paléolithique ancien, la région habitée de Côte d’Ivoire à cette époque
lointaine, c’est-à-dire qu’il y a plus de 10.000 ans en Côte d’Ivoire, la région habitée, au
8
G. NIANGORAN-BOUAH, 1997, le trésor du Marahoué : sculptures lithiques de Gohitafla, Abidjan, EDILIS, 219p
343
paléolithique ancien je dis, c’est la région comprise entre les deux Bandama. Or la région
comprise entre les deux Bandama est aujourd’hui effectivement la région que les Wan
habitent.
C’est avec la venue des Baoulé au XVIIIème siècle9 que les Kwanin se disloquent pour créer les
différents groupes que l’on connait. Il s’agit des Wan, Yacouba, Gouro, Gagou, Mona, Toura et
Nguin. Tous ces groupes se comprennent plus ou moins du point de vue linguistique.
Les mythes et la thèse d’autochtonie tentent de justifier l’antériorité des Wan sur le territoire ivoirien.
Cependant, d’où viennent-ils réellement ? Plusieurs origines leurs sont attribuées. Elles vont des
origines étrangères aux origines ivoiriennes.
Dans son rapport sur les cantons Sia, Mona et Wan10, Schiffer, le premier
administrateur à soumettre les Wan mentionne que ces derniers sont une population d’origine
Mandé venus du Mali actuel. Au cours de leur migration, ils auraient séjourné dans les
localités de Séguéla et de Mankono avant l’occupation de leur habitat actuel. A quelle période
situer cette venue des Wan ? Selon l’auteur, elle remonterait à 3 ou 400 ans c’est-à-dire en
1600 ou 1700 (17ème ou 18ème siècle). Si nous partageons le lieu d’origine proposé par
Schiffer, nous ne sommes pas d’avis avec la date proposée pour la simple raison que les Wan,
Mona et Koro étaient déjà présents lors de la venue des Koyaka dans la localité de Mankono
en 1752. Il a fallu plusieurs combats pour que les Koyaka puissent s’installer et phagocyter
politiquement les populations Wan11. L’origine du Nord ou malienne est partagée par certains
lignages Bomisso. Selon Bomisso Alexis12, membre du lignage Gbamalé, les ancêtres des
Wan viennent du Mali actuel. Au cours de leur migration et après plusieurs batailles, les
migrants ont fait escale dans les localités de Séguéla et de Mankono. Le chef de la troupe se
nommait Kobalou et était un grand marabout.
Yves Person dans son étude sur Samory14 fait certaines incursions chez les minorités
ethniques notamment les Wan, Sia, Mona etc. S’il reconnait l’origine soudanaise ou malienne
des Wan, il précise que c’est seulement les Bomisso qui seraient concernés par cette origine et
ces derniers sont d’ailleurs une famille d’extraction Dosso de Mankono. A ce sujet l’auteur
affirme que : « le clan dominant, celui des Bomiso (Bomisso), se prétend d’origine Malinké et
apparenté aux Doso (Dosso) » (Person 1975 :1906). Les propos de Person comportent
quelques limites. En effet, tous les Bomisso ne sont pas d’extraction Dosso. Seuls quelques
membres du lignage Gbamalé étaient Dosso ou Fofana d’origine. Cette information a été
confirmée au cours de nos enquêtes de terrain15. Si certains auteurs pensent que les Bomisso
sont tous d’extraction Dosso, c’est parce que ces derniers ont dominé les Wan. Nous sommes
d’avis avec le professeur Niangoran-Bouah lorsqu’il soutient que « le groupe dominant a
obligé le groupe minoritaire a changé de lieu de provenance. Vous venez de tel endroit, mais
désormais, pour telle ou telle raison, vous allez dire que vous venez de tel autre endroit ».
C’est surement ce qui a poussé Schiffer à affirmer que les Wan viennent du Soudan au même
moment que les famille Dosso.
L’origine méridionale des Wan est attestée par les Gbêgbé, un clan wan localisé dans
les villages de Gbêwa et de de Gbétépla ainsi que certains Siagbé de Gbôtôpla. Selon les
Gbêgbé, leurs ancêtres sont venus du sud dans la zone actuelle d’Abidjan et a précédé les
Ebrié. Ces derniers les ont accueillis et cohabitèrent ensemble avant que Nohnin, ancêtre des
Gbêgbé ne décide de remonter vers le Nord avec les membres de sa famille. Au cours de leur
migration, les migrants transitent par Liliafla dans la région actuelle de Vavoua occupés par
les Kouya puis à Sinfra en pays Gouro. Les migrants remontent plus au Nord pour créer le
village de Gahizogréla.
Quant à certains Siagbé de Gbôtôpla, ils font venir leurs ancêtres de derrière le
Cavally dans la localité actuelle de San-Pedro. Fuyant leurs ennemis au cours d’une guerre, ils
13
1EE104-2, Rapport de Monsieur le Lieutenant Schiffer sur la tournée exécutée dans les pays Sia, Mona,
Nouas et Lôs du 4 Septembre au 11 Octobre 1901
14
Y. PERSON, 1968, 1969 et 1975, Samori, une révolution Dyula, Dakar, IFAN, 3 Tomes, Mémoire 80), 2377 p
15
Les Bomisso sont composés de plusieurs lignages à savoir les Sroukousrè, Gbamala, Srigbé etc.
345
furent sauvés par un poisson lors de la traversée du Cavally avant de venir fonder le village de
Gahizogréla. Que retenir de ces différents récits ?
En se basant sur le nom de l’ancêtre des Gbêgbé, sa fonction et son lieu d’origine, nous
émettons l’hypothèse selon laquelle les Gbêgbé ont pour ancêtre les Ehotilé. Allou et Gonnin
(2006 : 23) font mention des Ehotilé qui seraient considérés « comme les colons de l’espace
lagunaire ». Plusieurs similitudes lient les Gbêgbé aux Ehotilé. D’abord leur origine. Les
deux groupes affirment que leur ancêtre provient de l’eau. S’il est possible de situer le lieu de
provenance exact des Ehotilé (lagunes Aby-Tendo-Ehy), il est difficile de situer celui des
Gbêgbé. La seconde ressemblance si situe au niveau de l’ancêtre qui était pêcheur. Ces
différents éléments nous font penser que les Gbêgbé seraient des Ehotilé.
Quant à une frange des Siagbé de Gbôtôpla, ils seraient assimilés selon nous aux No
ou Nosso. Sur les Wan, Niangoran-Bouah notait déjà qu’« une frange population wan affirme
être venue du Bas-Cavally. Or dans la région de Tabou, dans le Bas-Cavally, sont partis les
Nosso ou No pour remonter vers le Nord et ont donné naissance à d’autres groupes
(Yacouba, Wê etc.) »16. Si l’auteur ne donne pas le nom de cette frange de la population, il
mentionne cependant qu’il existe plusieurs indices qui abondent dans ce sens.
Nous pensons pour notre part qu’une partie des Siagbé vient du Bas-Cavally, dans la
zone actuelle de San-Pédro. Aussi, Gbêgbé et Siagbé appartiendraient au même clan17. Au
cours de leur migration, ces deux groupes ont dû se croiser et former une même famille18.
C’est ainsi qu’ils virent fonder Gahizogréla, mais ont dû se diviser pour des querelles
intestines.
Si tous les Zogbé sont assimilés aux Baoulé par Leblanc, c’est parce que les membres du clan
Agoua, d’origine Baoulé venus de la zone de Béoumi ont participé à refouler les Wan (les
Kehn) dans leur habitat actuel et ont eu par la suite des relations matrimoniales et ont ensuite
intégré les Kehn notamment ceux de Boyaokro. Ayant pris une ascendance politique, des
liens très forts lièrent ces derniers à leur village d’origine. Leblanc note à cet effet : « une
seule coutume fut cependant conservée longtemps : enterrer le chef du village des Zogbé à
l’emplacement primitif du village où s’était formée l’agglomération de Guienfiensou
(Diéviéssou). Actuellement, cette coutume est tombée en désuétude »23. Comme nous venons
20
Entretien avec la famille Diagbé d’Agbahou le 26/01/2016 de 7 h 15-9h
21
SALVERTE-MARMIER et alii, 1965, Etude Régionale de Bouaké (ERB) 1962-1964, Tome 1 : Le peuplement,
Ministère du Plan (RCI), 239 p. P32, P44
22
ANCI, 3BB12, 1910, commis aux affaires indigènes chef de poste de Béoumi à Monsieur le capitaine
Commandant le cercle du Baoulé-Nord
23
ANCI, 3BB12, 1910, commis aux affaires indigènes chef de poste de Béoumi à Monsieur le capitaine
347
de le voir, certains éléments constitutifs des Wan sont venus du Ghana actuel. Ils sont Baoulé
en réalité et appartiennent au clan Agoua que l’on retrouve à Boyaokro.
Commandant le cercle du Baoulé-Nord
348
Cette zone est mentionnée comme le lieu d’origine de plusieurs familles Wan. Sindou
Fofana note qu’ils viennent du Libéria24. Cette origine libérienne est confirmée dans la
Monographie du département de Kounahiri. L’auteur se basant aussi sur la tradition orale wan
note : « Le peuple Wan du département de Kounahiri serait issu du groupe Mandé venu du
Libéria à une époque très reculée dans le temps. Selon la tradition orale, les Wan se seraient
installés initialement en un lieu baptisé « Gbanokpahipla », dans la région de Sinfra »25. Pour
certains informateurs, le lieu d’origine serait la Guinée. Sahourou Détho Jean-Pierre note :
« Les Wan viennent de la Guinée. Au cours de leur migration, ils ont transité par Man avant
de s’installer provisoirement en pays Gouro actuel. Il est difficile de dire les raisons de leur
migration depuis la Guinée. Mais, il est probable que les raisons politiques et les rivalités
avec les peuples avec lesquels ils cohabitaient seraient les causes de leur migration »26.
Cette affirmation est partagée par Deloh Adolph Zaouella qui note que les Wan
viennent de la basse Guinée à une période difficile à déterminer. C’est au cours d’une dispute
avec leurs frères Yacouba et Mona qu’ils ont décidé de migrer vers l’est. Il est probable que
des familles Wan et Mona ont migré ensemble jusqu’en pays Gouro actuel. Simon-Pierre
Ekanza note que les Wan et les Mona, un sous-groupe Mandé-Sud étaient établis sans doute
au Sud-Est des Toura. La tradition orale Mona mentionne, en effet, que leurs ancêtres ont
quitté la Guinée suite à des mésententes avec les Yacouba. Au cours de leur migration, ils
sont passés non loin de Séguéla pour s’infiltrer en direction du Sud vers Zuénoula et vers
Mankono pour certains. Ces indications bien qu’imprécises permettent néanmoins de penser
qu’ils ont sans doute amorcé leur migration avec des familles Wan.
Il est difficile de parler d’une origine ou d’une migration des Wan. Si les linguistes
admettent cette parenté, aucun informateur n’a confirmé cette origine ou l’appartenance au
Mandé dont parle les auteurs. Ravenhill avait déjà évoqué les limites de la classification
linguiste dans l’étude des peuples. Si celle-ci a le mérite d’« indiquer des liens au sein d’une
famille linguistique, elle ne considère pas les questions de convergences ou d’emprunts avec
d’autres langues hors de la famille ». Pour lui, elle n’apporte pas grande chose sur l’histoire
des contacts avec d’autres langues non apparentées. Nous pensons pour notre part que les
ancêtres des Wan, Ycouba et Mona ont réellement vécu dans les pourtours du Lac Tchad
avant de venir s’installer dans la zone comprise entre la Guinée, le Libéria et le territoire
actuel de la Côte d’Ivoire. Il est probable que ces derniers ont oublié ce passé lointain du fait
24
S. FOFANA, 2014, Le Worodougou : peuplement et mutation économique, des origines à 1912, Thèse unique
de Doctorat en Histoire, Université de Cocody Abidjan, 504p
25
Monographie du département de Kounahiri
26
Entretien avec SAHOUROU Détho Jean-Pierre originaire de Boyapla et enseignant à Bouaké. Entretien réalisé
à son domicile à Bouaké le 02/05/2016
349
des confluences liées à l’histoire27. Suite aux mésententes, ces derniers se séparèrent du noyau
originel pour venir occuper la localité de Gohitafla. Mais la venue des Gouro aux XVIème
pousse les Wan à quitter ce nouveau territoire pour occuper la localité actuelle de Kounahiri.
Dès lors, quelles sont raisons de la migration des Wan depuis la localité de Gohitafla ?
Cependant, il faut noter que tous les Wan n’ont pas migré à cause des guerres
incessantes qui les opposèrent aux Gouro. Certaines familles migrent dans l’optique de
trouver des terres cultivables. Se définissant eux-mêmes « Balè-mlihnti », ce qui veut dire «
l’homme des champs », plusieurs familles décidèrent de quitter leur site originel. En effet, les
terres cultivables commencèrent à se raréfier et les productions commencèrent à baisser. Au
fur et à mesure que la pression des Gouro devenait plus forte, des familles wan, par instinct de
survie, cultivaient dans des zones éloignées des villages.
Ceux qui jugeaient leur champ trop éloigné trouvaient qu’il était pénible de revenir
chaque soir au village. Ce faisant, ils bâtirent des campements provisoires à proximité des
29
Entretien public à Gbôtôpla, 04 Février 2016 à 08h30.
30
Djè Goli signifie le guerrier qui traine dans son bissac la mort.
31
SIAGBE Modeste, Entretien du 01 Février 2016 de 9 h-12h.
351
plantations. Plus tard, les familles se détachèrent progressivement de la communauté pour
fonder leurs propres villages. Ainsi, une famille Gogbé de Kounahiri note que leurs ancêtres
vivaient avec les Gouro nommés Sian. Pour des raisons de terres cultivables, Soungolé
Bhalènissé décida de quitter la zone de Gohitafla à la recherche de nouvelles terres. C’est
ainsi qu’il arriva dans la localité de Kounahiri32.
Comme nous venons de le voir, la migration des Wan a été provoquée par plusieurs
raisons à savoir les guerres incessantes avec les Gouro et la recherche de terres cultivables.
Comment le nouveau site est-il occupé et peuplé ?
32
Entretien avec la famille Gogbé de Kounahiri le 03/02/2016 à 21h.
33
Gnrangbé est un nom qui fait allusion au Goly chez les Wan. Il est porté par l’actuel maire de Yamoussoukro.
Quant à Gadeau, il dérive selon les Wan, de Gouadeau. Il fut le nom d’un ancien ministre ivoirien nommé Koffi
Gadeau, originaire du village de Bomizambo.
352
qui incorporent les N’gain dans l’ère culturelle Mandé-Sud (Cf. Delafosse, Welmer, Vidryn,
etc.).
Pour Allou, les N’gain sont des Akan et viennent du Ghana. Il écrit : « L. G. Binger
s’est trompé sur l’origine des Ngen ou Ganne comme il les appelle. Il leur a attribué une
origine mandé, alors qu’ils sont des Ga originaires de la région d’Accra » Allou (2002 :709).
Pour notre part, nous pensons que le noyau originel des N’gain est effectivement Mandé-Sud
mais qu’à un moment, lors des migrations akan, des lignages d’origine orientale notamment
les Ga se sont fondus parmi eux. Aka Konin (2013 :9) ne dit pas le contraire lorsqu’il affirme
que « Les N’gain ont subi une très forte influence des Akan, et ils sont parmi les très rares
Mandé à être organisés en lignages matrilinéaires ».
La présence d’une partie des Wan dans la région de Bouaké est attestée aussi par
Allou. En effet, à partir du XVIIIème siècle lorsque les Baoulé-Assabou arrivent dans la zone
de Bouaké, ils repoussent les Gouro sur les rives occidentales du Bandama. Ceux qui sont
faits prisonniers de guerre, sont intégrés aux ensembles familiaux des Baoulé. Ils en font de
même des Wan, un peuple Mandé-Sud (Allou 2002 : 708).
A quelle période pouvons-nous situer la présence d’une partie des Wan dans la zone
de Béoumi et Bouaké ? Referons-nous à N’guessan Denis (2019 :55) qui note que « C’est
vers le milieu du XVIème siècle que ces familles Wan ont franchi le Bandama aux environs de
Béoumi ». Cette information revêt un double intérêt. Il permet dans un premier temps de
vérifier que les Wan ont effectivement quitté leur site originel au XVIème siècle et qu’ils ont
occupé l’espace allant de Béoumi à Bouaké à cette même période dans un second temps. Leur
empreinte dans la localité de Béoumi est attestée dans plusieurs villages Kôdè dont les
fondateurs sont les ancêtres des Wan.
Ainsi, dans le village de Diéviéssou, les populations se souviennent que les
populations que leur ancêtre Kouassi Abôgni a trouvées sur le site en arrivant sont les Wan
(N’guessan 2019 : 86). L’ancienneté des Wan à Béoumi est attestée par Alain-Michel Boyer
quand il affirme que tous les Kôdè étaient à l’origine des Wan qui furent « baoulénisés »,
c’est ce qui explique la possession de masque Goly et aussi leur système patrimonial qui est
propre au peuple Mandé (Boyer 2008 : 40).
Les chemins des migrants ainsi définis, il convient de mettre en exergue l’occupation
et le peuplement de l’espace.
353
Bouah, sont les premiers occupants de l’espace Myan. Ils créent un premier village dans
l’actuelle localité de Kounahiri. Ils s’établissent d’abord sur l’espace situé non loin de l’école
primaire avant de redescendre vers le Sud pour s’installer définitivement dans leur village
actuel de Gbéhoua/Gbêwa. Au cours de leur descente, l’un des leurs, Grouwa Gbêgbé se
détache du groupe pour fonder le village Grouwapla. Mais, ce village est détruit en 1911
pendant la colonisation pour mauvaise conduite vis-à-vis de l’autorité coloniale34.
Les Siagbé, au cours de leur migration à partir de Gahizogréla, se scindent en deux
groupes à savoir les Glangbé et les Bran. Les Glangbé dirigés par Mifianin fondent Gbotopla.
Une autre famille Siagbé fonde Trafesso et Siagbé Gbété fonde Gbétépla. Les Bran, guidés
par Nôhêgbé Palé, fondent Palépla qui devient par la suite Fassapla. Dro Siagbé remonte plus
au Nord et crée le village de Drotipla. Un autre groupe issu des Bran dirigé par Siagbé Zaglo
fonde le village Zaglopla qui devient plus tard Féliapla. Ce village représente la limite Nord
du pays Wan35. Quelques Siagbé s’orientent vers l’Ouest et bâtissent d’autres villages. Par
exemple, Bassa Siagbé fonde le village de Bassapla et Togba Siagbé crée celui de Togbapla
(Togbasso). Le village Sékéssèpla (Gbaziasso) est aussi créé par un Siagbé venu de Bassapla,
selon la tradition orale de ce village. Un autre village nommé Wansoba (gros village des Wan)
et détruit lors de la venue des samoriens36 est bâti par M’gbé Siagbé, venu de Bassapla37.
Le noyau originel des Bomisso38 nommé anciennement Louéné vient de Maminigui.
Au cours de la migration, ce groupe est guidé par Mianon Koffi. Cette première famille
34
Siagbé Ziboh Fulgence écrit « Une escarmouche éclata à la suite du refus des habitants de ce village de
s’acquitter de l’impôt et surtout de rendre leurs fusils. Ils voulaient démontrer leur virilité aux conquérants ».
Cf. SIAGBE (Z. F), 1997, Les Wan sous la colonisation française. 1901-1960, Mémoire de maîtrise d’Histoire,
Abidjan, Université de Cocody, 200 p. Pour avoir tenu tête à l’administration coloniale, le village de Grouwapla
fut détruit les populations ont été regroupées avec celles de Gbétépla.
35
Entretien public à Dorotipla le 24 Février 2016 de 8 h 30-14h
36
Les samoriens entrent par deux fois en pays Wan en 1893 et 1898. Schiffer écrit qu’« à deux reprises, les
hommes de Samory ont envahi ce pays ». Cf. 1EE104 (2) : Rapport sur la tournée du Lieutenant Schiffer dans le
Mona, Ouan, Lô, Sia du 4 Septembre au 11 Octobre 1901.
37
La fondation et le peuplement de ces trois villages résulte d’un processus complexe. Il fait actuellement
l’objet d’un article qui paraitra très bientôt.
38
Les Bomisso sont composés des Sroukôsrè, Gbamalé, Srigbé, Ban et Sôkôsrè. Les Sroukôsrè sont alliés aux
Dansrè et aux Bédiosrè. Les Gbamalé sont des Koyaka (Dosso) venus du Mali. Leur migration fait suite à un
conflit qui les a opposé aux Bamba et à un autre groupe Dosso. Ces migrants ont été guidés par Kôbalou. Les
Srigbé, déformation de Sidibé sont d’origine peul venus de la Guinée. Leur migration a été conduite par
Beglinfi. Ils sont alliés aux Srôkôsrè, originaires du pays Gouro précisément de Srôkôpla où certains de leurs
ancêtres qui portent le patronyme Kpaala y résident. Quant aux Ban, ils sont des Mona venus de Bambalouma.
A Kounahiri, ils sont alliés aux Drigbé. L’étymologie du nom Bomisso diffère d’une personne à une autre. Pour
certains, Bomisso est une déformation de Bomizo. Bo (faux colatier), Zo (margouillat). Selon cette version, les
Bomisso étaient de grands guerriers qui se repliaient stratégiquement lorsque l’issu du combat n’était pas à
leur avantage. Elle fait allusion au margouillat qui court se réfugier dans les arbres lorsqu’il est en difficulté.
Selon la seconde version, Bomisso veut dire Nan-Boli-Zranni-Sô (je préfère cette liberté actuelle). Il s’agissait de
certaines populations Koyaka qui fuyaient les guerres intestines qui avaient court dans le Koyakadougou au
XVIIIème siècle. Toujours selon cette version, ce sont ces migrants qui auraient dit aux autochtones trouvés Ka-
klalé-Ango autrement dit, « nous allons nous mélanger à vous pour ne pas se faire remarquer par nos
poursuivants ». Par la suite Ka-klalé-Ango est devenu Kounahiri.
354
Bomisso appartient à la famille Sroukousrè39, selon Bomisso Dégbé40. Par la suite, une
famille Dosso nommée Gbamalé (venus du Mali) dirigée par Kôbalou intègre les Bomisso41.
C’est fort de ce constat que Schiffer déclare dans son rapport de tournée que les Wan
sont d’origine Mandé. Cette famille prit une proportion à telle enseigne qu’elle devient la
figure de proue du clan. (Person 1975 :1609) note à ce sujet que le clan dominant des
Bomisso, se prétend d'origine Malinké et est apparenté aux Dosso. Des années plus tard, pour
des raisons difficiles à déterminer, certains de ses membres, guidés par Kpin Bomisso, se
dirigent vers l’Est et fondent le village de Bomassapla42. D’autres Bomisso s’installent en
pays Kehn, notamment à Agbahou, Blipla et Boyapla.
Les Gogbé sont originaires de Wihèla (pays Gouro actuel). Ils ont emprunté deux
itinéraires différents. Ceux de Golipla ont été dirigés par Dougbé Goly. Au cours de leur
migration, ces derniers passèrent par Fassapla avant de remonter plus au Nord43. Une fraction
se dirigea au Sud-Est, précisément à Bomassapla et à Siapla. Ceux de Kounahiri dirigés par
Soungolé Bhalènissé44, transitèrent par Trafesso où ils firent une escale avant de remonter
vers le Nord. Leur périple prit fin à Kounahiri.
Deux clans, notamment les Bébo et les Drigbé n’ont pas de villages fixes. Les Bébo,
selon leur tradition orale, vinrent de Gahizogréla où ils vivaient avec les Siagbé. Si ces
derniers ne disent pas le contraire, ils estiment cependant qu’ils ont protégé les Bebo contre
leurs poursuivants. Ainsi selon la tradition orale des Siagbé,
les Bébo étaient poursuivis par de redoutables ennemis. Ils sollicitèrent la protection de
notre ancêtre qui les hébergea. Lorsque les poursuivants se renseignèrent auprès de lui, il
répondit qu’il vit passer des éléphants. C’est ainsi que les poursuivants se retournèrent et
les Bébo furent sauvés. Notre ancêtre les nomma « N’zonnin-mangnan » ; ce qui signifie
« mes enfants d’aujourd’hui »45.
39
Entretien avec BOMISSO Dégbé le 13 Février 2016 à Kounahiri. Les Sroukousrè diffèrent des Srôkôsrè.
L’ancêtre des Srôkôsrè se nomme Ulè. Leur généalogie commence par Ulè-Gbé-Srôkô, ce qui signifie Ulè mit au
monde Srôkô. Quant aux Sroukusrè leur ancêtre est Mianon Koffi.
40
Entretien avec BOMISSO Dégbé à son domicile à Kounahiri le 13 Février 2016 à 19h
41
La venue de ces populations Dosso en pays Wan fait suite à des rivalités d’intérêt qui éclatèrent au sein du
groupe. Ce qui occasionna une guerre où elles furent repoussées au Sud du Béré avec l’aide des Bamba. Cf.
1EE104 (2) : Rapport sur la tournée du Lieutenant Schiffer dans le Mona, Ouan, Lô, Sia du 4 Septembre au 11
Octobre 1901.
42
Entretien avec BOMISSO Déloh à son domicile à Bomassapla le 29 Janvier 2016 à 10h
43
Selon Gogbé Yopini, plusieurs personnes décidèrent de se soustraire à l’autorité de Dougbé Goli. C’est ainsi
que Zangbénin Gogbé décide de créer son propre village à environ trois kilomètres au Nord. Après plusieurs
années, les populations abandonnent Zangbéninpla, village fondé par Zangbénin Gogbé, pour retourner à
Golipla. Il en est de même pour Koussoupla qui a été créé par Koussou Gogbé. Quant à Décaho Gogbé, il alla
fonder un nouveau village nommé Kotolekun. Mais, sa mort survenue de façon mystérieuse obligea les
populations à retourner dans leur village d’origine.
44
Ce personnage est apparenté à Mianon Koffi. Il serait son oncle maternel
45
Anonyme. Information confirmée par plusieurs informateurs n’appartenant pas à la famille Siagbé.
355
Les Bébo ne disent rien sur cette histoire, mais reconnaissent que l’étymologie de leur nom
est « sur les traces des éléphants ». Ils constituent un seul lignage (Srè) nommé Zonnin
(enfant d’aujourd’hui). Les Bébo sont représentés majoritairement à Gbôtôpla et à Agbahou46.
Quant aux Drigbé, leur village n’a pas été formellement déterminé. Ils disent venir de
la localité de Gohitafla. Mais, nous pensons à l’origine qu’ils sont des Mona apparentés à la
famille Ban originaires de Bambalouma. Les Drigbé sont majoritairement installés à
Kounahiri. Ils créèrent auparavant un village du nom de Kpintinkpinpla qu’ils abandonnèrent
par la suite. Ces populations se dispersèrent en pays Wan et Mona. Certains quittèrent
Kounahiri et partirent en direction de l’Ouest, où ils occupèrent les villages tels que
Soukourougban et Sékéssèpla. Les Drigbé de Sékéssèpla ont pour guide par Drigbé Dêpou47.
Au cours de leur migration, le groupe passa par Kongasso avant de remonter vers le Nord.
Les migrants qui ont suivi la direction Est sont issus de la famille Zogbé. Ils ont créé
après plusieurs pérégrinations le village de Siapla48 dont le premier site du village était
entouré de sept baobabs qui sont toujours perceptibles. Son fondateur est Kangôh-Gbé-Séhi,
le plus valeureux des conquérants wan. Siapla devint rapidement le centre névralgique,
culturel et politique de la tribu Kehn. Cependant, des conflits internes ont suscité le
déplacement des populations. Kokla Boya et Konan Bli se sont dirigés vers le Sud et ont créé
un premier village nommé Yapla. Mais Bli se sépara de son frère pour fonder son propre
village nommé Blipla. Boya abandonna plus tard Yapla et bâtit Boyapla (Boayaokro)49. Ces
villages ont accueilli plusieurs familles d’origines diverses.
Des Baoulé composés de plusieurs familles pour la grande majorité venue de
Dievissou s’établissent progressivement à Boyapla et forment plus tard le clan Agoua. Il en
est de même des Mona du clan Kouangbé venus du village de Korokopla. Des Koué50, selon
Goulé Goulédi Zédo51, sont d’origine Malinké. Venus de Klêwa (sous le rocher) dans la
région actuelle de Séguéla, sous la direction de Gbowi, transitèrent par Siapla avant de
redescendre vers le Sud, suite à une querelle pour s’installer à Boyapla52. Ces derniers furent
intégrés aux Wan53. Niangoran-Bouah (1997 : 30) écrit « les Koué après leur venue seront les
responsables du culte Goli de Boyapla ». Cette fonction leur a été attribuée par leurs hôtes
46
Concernant le village d’Agbahou, certains informateurs mentionnent que le village a été anciennement fondé
par la famille Bébo et pour d’autres par la famille Siagbé. Mais cela n’a pas été vérifié sur le terrain.
47
Entretien avec Drigbé Alain le 19/02/2016
48
Siapla devint par la suite un village de dispersion. De ce village, certains fondèrent Boayaokro, Blipla,
Agbahou et Foutounou.
49
Entretien public à Boyaopla le 24 janvier 2016
50
Les Koué étaient auparavant des musulmans qui ont abandonné cette religion pour pratiquer le fétichisme.
Ils ont pour totem le cynocéphale.
51
Entretien avec GOULE Gouledé Zedo, le 24 janvier 2016 à son domicile à Boyaopla
52
Un jour, le piège de Gbowi, ancêtre de Koué a attrapé un buffle que le chef de Siapla (Bonhouli) prit de force.
Ne se sentant plus en sécurité à Siapla, les Koué quittèrent Siapla pour Boyapla
53
On note aussi la venue de populations Gouro qui quittèrent les zones Daloa, Sinfra, Vavoua et Bouaflé qui
s’installeront par la force. (Niangoran-Bouah 1997 : 30)
356
Zogbé afin qu’ils puissent rester dans le village. Cette pratique est très courante en pays
wan54.
A Blipla, arrivèrent des populations d’origine Gouro. Les premiers, conduit par
Gnaman quittèrent Borikouala dans la localité de Gohitafla pour cause de décès successifs au
sein de leur famille. Les seconds venus des régions actuelles de Daloa, Sinfra, Vavoua et
Bouaflé s’imposèrent aux Wan à leur arrivée. Ces Gouro s’installèrent et cohabitèrent par la
suite pacifiquement avec les Wan avec qui, ils eurent des relations matrimoniales. Ils
appartiennent à la famille Dan avec pour patronyme Ziabi et sont détenteurs du masque le
Zamblé.
Les querelles de Siapla poussèrent certaines familles à remonter vers le Nord. Il s’agit
des fondateurs de Yomankouahipla en pays Myan. Kouassi Yah, du lignage Gblé’ngblé’n qui
fonda le village de Wlègo (Agbahou). Ce lignage fut suivi par les familles Diagbé et
Gleingn’n.
Ainsi, au cours des siècles, se forma progressivement le peuple wan avec un noyau
d’origine sur lequel vinrent se greffer plusieurs familles d’origines diverses. Il s’agit
notamment des familles Baoulé, Gouro, Mona, Malinké etc. La venue de ces familles se fit
pour certaines pacifiquement et pour d’autres par la guerre.
CONCLUSION
La migration des Wan est restée depuis longtemps un mythe dans la recherche. La
raison explicative réside dans le fait que les Wan affirment être autochtones du territoire
ivoirien. Les mythes étiologiques, une vie commune avec les Magwé et les Kwanin ainsi que
les pierres sculptées renforcent cette thèse. Cependant, il convient de remarquer que l’histoire
des Wan va au-delà du territoire ivoirien. Leur migration remonte loin dans le temps. Partis
depuis le Lac Tchad à une période difficile à déterminer à l’heure actuelle de nos recherches,
les ancêtres des Wan se sont infiltrés progressivement dans la zone comprise entre le Libéria,
la Guinée et l’Ouest de la Côte d’Ivoire actuelle. Ces évènements sont perceptibles à travers la
linguistique historique et comparée. Ce pan de l’histoire est méconnu de la tradition orale.
Mais à partir du XVIème siècle, la présence des Wan est réellement attestée sur le
territoire ivoirien. Elle est attestée par des restes archéologiques importants composés de
pierres sculptées, de localités d’habitation (Maminigui, Wanzra, Wadjê, Gohitafla…) ainsi
que les différentes guerres livrées contre les populations Gouro qui arrivent dans la zone. Les
traditions orales wan et gouro s’accordent sur la réalité de ces faits. A partir de cette période,
commence alors le périple qui les conduit dans leur espace actuel. Parties de plusieurs
54
Les Wan selon les renseignements n’étaient pas nombreux après le passage des Sofa de Samory. Schiffer
notait en 1901 que les samoriens avaient 90/100 de la population wan raison pour laquelle Ravenhill notait que
la population des Wan à l’arrivée des Français s’élevait à 2600 personnes.
357
directions au XVIème siècle, les différentes familles wan parviennent à se rencontrer et
constituer à partir du XVIIIème sur un même espace. De nombreuses populations d’origines
diverses viennent s’intégrer aux premiers ; un brassage qui configure la physionomie originale
des Wan tel que nous la connaissons aujourd’hui. Il en ressort que les Wan sont le résultat des
migrations omnidirectionnelles, des superpositions et mélanges, au cours des générations et
sont les auteurs du culte Goly.
Cependant, plusieurs zones d’ombre restent à éclairer. À quand datent la fabrication
des pierres sculptées de Gohitafla ? Qui en sont les auteurs ? A quelle période le noyau
originel des Wan arrive en Côte d’Ivoire ? Quel lien y a-t-il entre Zogbé et Bomisso
considérés comme Bomizogbé ? Toutes ces interrogations méritent d’être clarifiées pour
mieux appréhender les Wan qui sont très complexes à étudier du fait de leur histoire restée
encore dans le secret.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
SOURCES ORALES
N° Nom et Prénoms Fonction Age Thème abordé Date et lieu
d’entretien
01 Bomisso Alexis Chef de la 45 ans Histoire de la famille 23/02/2016 à
famille environ Gbamalé Kounahiri
Gbamalé de
Kounahiri
02 Bomisso Déloh Chef du 80 ans Histoire des Wan et de 29/01/2016 à
village Bomassapla Bomassapla
de
Bomassapla
03 Drigbé Alain Chef de 40 ans Histoire des Drigbé de 19/02/2019 à
famille Gbaziasso Gbaziasso
Drigbé de
Gbaziassa
04 Entretien public Histoire des Wan et de 04/02/2016 à
(Gbotopla) Gbotopla Gbotopla
05 Entretien public Histoire des Wan et de 24/01/2016 à Boapla
(Boapla) Boapla
06 Entretien public Histoire des Wan et de 24/02/2016 à
(Dorotipla) Dorotipla Dorotipla
07 Fierrou Soungolé Policier 40 ans Origine et migration des 02/10/2019 à Abidjan
environ Diagbé
08 Gogbé Yopini Chef du 70 ans Histoire des Wan et de 26/02/2016 à Golipla
village de Golipla
Golopla
09 Goulé Gouledé Zedé Chef de Environ 80 Histoire des Kouangbé 24/01/2016 à Boapla
famille des ans (Kouihn)
Koué de
Boyaokro
10 Famille Gogbé de Histoire des Gogbé de 03/02/2019 à
Kounahiri Kounahiri Kounahiri
11 Feu PALE Zatta Chef de la 80 ans Histoire des Wan Jeudi 05 Mai
Patrice communauté 2016 à son domicile
Wan et sis à Dar-Es-Alam
Mona de (Bouaké)
Bouaké.
11 Siagbé Modeste Chef Cab à Environ 60 Histoire et migration des 01/02/2016 à
358
la mairie de ans Siagbé Kounahiri
Kounahiri
12 Famille Sroukousrè Histoire de Wan et de 10/08/2019 à
de Kounahiri Kounahiri Kounahiri
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