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UNITE D’ENSEIGNEMENT

DECOUVERTE – UED 711


Histoire de la conservation I

Module dispensé au 1er semestre du


Master I Préservation du cadre
patrimonial bâti au Sahara

Elaboré par l’enseignant Mr


Abdelmalek Houcine Abdelmalek
UED 711. Histoire de la conservation I Enseignant Abdelmalek Houcine

UNITE D’ENSEIGNEMENT DECOUVERTE – UED 711


Histoire de la conservation 1

PROGRAMME ET OBJECTIFS
D’ENSEIGNEMENT

Module dispensé au 1er semestre du Master I

Préservation du cadre patrimonial


bâti au Sahara

Enseignant ABDELMALEK Houcine

Master I. Préservation du cadre patrimonial bati au Sahara 2014/15. 1


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1. Objectifs
1. Acquisition des instruments conceptuels et opératoires nécessaires à la lecture du langage
architectural et à la formation du jugement critique.

2. Confrontation de différents concepts de modernité en architecture et de leur rapport à la


tradition locale algérienne.
Introduction à la conception contemporaine de l'architecture en Algérie.

3. Sensibilisation des étudiants aux débats touchant les questions de la conservation, la mise en
valeur, la sauvegarde et la transformation des bâtiments.
Développer diverses compétences dans le domaine du patrimoine.
Proposer aux étudiants les méthodologies d’étude et de recherche, leur permettant d’intervenir
sur un cadre bâti existant, ou sa mise en valeur.

2. Connaissances préalables recommandées


Connaissance en histoire d’Algérie et en histoire d’architecture.

3. Contenu de la matière :
La définition du patrimoine bâti à travers l’histoire de l’activité humaine au Sahara et les
différentes interventions en vue de sa conservation afin de la transmettre aux générations futures.

Le cours introductif porte sur les débats autour de la notion de patrimoine bâti et sur les
fondements des diverses approches conceptuelles et méthodologiques à la conservation et à la
transformation tant des ensembles et bâtiments patrimoniaux reconnus que des milieux
vernaculaires. Il se penche aussi sur la mise en œuvre de projets et de politiques de mise en valeur
du patrimoine bâti et paysager. En général, le cours peut est structuré selon deux grande parties
comme suit :

1ère partie
1. Notion du patrimoine bâti au Sahara.
2. Le XVIII siècle et les découvertes archéologiques.
3. Les différentes techniques de restauration des monuments.

2ème partie
1. La conservation des monuments historiques au Maghreb.

Les cours sont détaillés comme suit :


Cours introductif
1. Notion du Patrimoine bâti
2. Conservation /restauration
3. Conclusion

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Cours 2. Le patrimoine bâti au Sahara. Territoire et Consistance


1. Le territoire du Sahara
2. Consistance du patrimoine saharien
3. Intéret opérationnel

Cours 3. Patrimoine et développement local


1. Notion de territoire
2. Relation Patrimoine / territoire
3. Le processus de la patrimonialisation
4. Patrimoine et développement

Cours 4. Les projets des Nations Unis en faveur du patrimoine ksourien


1. Projets pilotés par les Nations Unis
2. Objectif
3. Résultat

Cours 5. Le patrimoine institutionnel des Ksour. 1. Les waqf


1. Définition
2. Rôle des waqfs dans le développement durable des ksour
3. Conclusion

Cours 6. Le patrimoine institutionnel des Ksour. 2. La hisba


1. Définition
2. Les attributions urbaines du Mohtasib.
3. Conclusion

Cours 7. Le patrimoine institutionnel des Ksour. 3. Les corporations de métiers.


1. Introduction
2. Structure des corporations de métiers.
3. Activités des corporations de métiers.
4. Rôle des corporations dans la gestion urbaine.
5. Conclusion
6. Les services urbains en Annexe

Cours 8. Le patrimoine institutionnel des Ksour. 4. L’organisation socio-physique des ksour


1. Introduction.
2. Une organisation socio-spatiale par quartiers.
3. Conclusion

3. Evaluation et volume horaire:


L’évaluation s’effectuera sur la base d'un recueil des TD corrigés, des interrogations courtes et
d'un examen semestriel. Volume horaire : Cours 1h 30 et TD : 1h 30 - Coefficient : 2

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Cours introductif
Approche conceptuelle

Plan
1. Notion du Patrimoine bâti
2. Conservation /restauration
3. Conclusion

1. Notion du Patrimoine
Le patrimoine est l'ensemble des biens, matériels ou immatériels, ayant une importance
artistique et/ou historique . Il peut etre privé ou public. Cet ensemble de biens est
généralement préservé, restauré, sauvegardé et montré au public.

Le patrimoine dit « matériel » est constitué de :


1. L'architecture et de l'urbanisme,
2. Des sites archéologiques et géologiques,
3. D'objets d'art et mobilier,
4. Du patrimoine industriel (outils, instruments, machines, bâti, etc.).

Le patrimoine dit « immatériel » peut revêtir différentes formes :


1. Chants, costumes, danses, (Ahl elail à Timimoun)
2. Traditions gastronomiques,
3. Jeux, contes et légendes,
4. Petits métiers, savoir-faire,
5. Documents écrits et d'archives

Le patrimoine fait appel à l'idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés,
et que nous devons transmettre intact aux générations futures.
Le patrimoine aide à la reconstitution de l’histoire. Mais, mieux qu’un texte.Il est très
convaincant.

Exemple de patrimoine religieux à l'échelle


mondiale. La Kaaba fondée par le Prophète
Ibrahim. C’est une œuvre architecturale majeure de
notre civilisation arabo-musulmane.
Patrimoine attestant la véracité du message divin.

a. L'élaboration du patrimoine
II est important de comprendre qu'un objet urbain aujourd'hui considéré comme patrimonial
ne l'a pas toujours été. Il l'est devenu lorsqu'un groupe, une société a décidé qu'il devait être
préservé pour être transmis à ses descendants. Le patrimoine est donc une construction
sociale.

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Un objet devient patrimonial lorsqu'une société estime que, en le détruisant, elle perdrait
une trace importante de son histoire. Le patrimoine est donc un signe du rapport de cette
société à son passé. Elle choisit des éléments qui sont pour elle des symboles de ce passé.

Mais le patrimoine n'est pas l'histoire : les choix effectués par une société ne sont pas toujours
historiquement corrects. Elle peut avoir une vision erronée de son histoire, ou de l'objet
qu'elle choisit.

L'extension du patrimoine
L'élaboration du patrimoine d'une ville n'est pas seulement du ressort de la société qui
l'habite. Il peut incarner une importance nationale voire internationale.
Enfin, de nouveaux objets, autres que monumentaux, peuvent devenir patrimoniaux. À Paris,
à partir des années 1970, se diffuse l'idée d'un patrimoine paysager, d'un patrimoine industriel.
La patrimonialisation est un phénomène reversible.

A. Usages politiques
1. Affirmer une identité
Préserver et mettre en valeur le patrimoine peut servir à affirmer une identité, en
transmettant des valeurs et un passé communs aux citoyens. Il s'agit dans ce cas d'utiliser le
patrimoine comme une justification, comme une preuve. Le patrimoine est un moyen de soutenir
des revendications concurrentes.

2. Préserver, ouvrir et accueillir


Rôle important de l'Etat dans la sauvegarde et l’édification du patrimoine (premières lois de
préservation : L'intérêt que portent aujourd'hui les sociétés à leur patrimoine témoigne de
l'importance qu'elles attachent à sa préservation. Il faut donc le protéger, lui permettre de
traverser le temps sans dommage.
Aujourd'hui, la protection du patrimoine s'internationalise, avec la notion de patrimoine
mondial de l'humanité (UNESCO). C'est elle qui crée la notion de patrimoine mondial culturel et
naturel, puis immatériel.
Pour préserver le patrimoine, il faut aussi que les générations futures comprennent
pourquoi la société actuelle l'a choisi. Il doit donc être étudié et explicité.

Enfin, les sociétés veulent avoir accès à leur patrimoine, même si sa fonction originelle a
disparu. Il faut donc aménager le patrimoine pour l'ouvrir au public.

• Des patrimoines conflictuels


L'étude scientifique du patrimoine peut remettre en question la manière dont la société
considère son passé. En effet, historiens ou archéologues peuvent montrer que la vision qu'elle
a construit de son patrimoine ou de son histoire est fausse. De même, toute action sur le
patrimoine peut être considérée par un groupe comme une tentative de modifier ou de nier
son passé.
Ex. place Taksim à Istamboul, où on commémore l’abolotion de la califat en 1928, et la
l’avènement de la république turque. Le projet de la restauration d’une anncienne caserne
ottomane a fait déclencher des émeutes.

Ces situations sont sources de tensions, particulièrement lorsque des patrimoines sont mis en
concurrence par des groupes différents.

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B. Usages économiques
1. L'attrait pour le patrimoine constitue aujourd'hui un enjeu économique majeur, générant
revenus et emplois. Le patrimoine est non seulement un bien culturel, mais aussi un objet de
consommation (entrées dans les monuments, locations de monuments,tourisme, hôtellerie,
restauration, souvenirs, etc.).

2. Rôle important des villes dans le rayonnement international.

3. L'extension du patrimoine augmente les coûts de conservation et de restauration, et il y a


donc multiplication des acteurs, à toutes les échelles : particuliers, associations, entreprises,
collectivités territoriales, État, Union Européenne, UNESCO.

4. L'intérêt grandissant pour le patrimoine peut, paradoxalement, le mettre en danger. En


effet, comme à Rome, la forte fréquentation fragilise les œuvres anciennes et menace leur
préservation. De plus, la multiplication des objets patrimoniaux accroît encore les besoins
financiers nécessaires à leur sauvegarde.

2. Conservation /restauration
2 positions extrêmes :
Viollet-Le-Duc, écrit “restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire,
c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné”.
A l’opposé, l’anglais John Ruskin, refuse toute restauration: “la restauration... signifie la
plus totale destruction qu’un bâtiment puisse souffrir”.

Ruskin prône la conservation plutôt que la restauration. Le travail des générations


passées donne, selon lui, un caractère sacré aux édifices.

Pour lui, le bâtiment a une âme, l’âme que lui a donné l’artisan avec ses bras et ses yeux et
si on lui donne une autre âme, ça sera alors un nouvel édifice. Restaurer un monument c’est
porter atteinte à son authenticité. Il conseille donc de prendre soin des édifices, de les
conserver afin d’éviter tout acte de restauration.
A coté de ces 2 positions extrèmes, on peut trouver des attitudes plus nuanceés.

3. Conclusion
L'attention portée au patrimoine peut conduire à figer l'espace urbain. En effet, la
possibilité d'intervenir au cœur de la ville devient de plus en plus difficile : à Béchar, par
exemple, pour préserver le centre historique, le vieux ksar.
A Rome et Paris aussi. Pourtant, l'organisation urbaine de ces villes ne répond plus aux
besoins actuels d'une métropole moderne. Ainsi, ni Rome ni Paris ne peuvent accueillir un trafic
routier grandissant.
De plus, faire de la ville un musée ne permet pas d'édifier des objets qui, plus tard,
pourraient devenir patrimoniaux.
Pourtant, c'est la fréquentation des objets patrimoniaux qui témoigne de leur statut
patrimonial et génère les sommes nécessaires à leur entretien. Il y a donc conflit entre deux
impératifs : préserver et accueillir .

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Cours 2. Le patrimoine bâti au Sahara.


Territoire et Consistance

Plan
1.Le territoire du Sahara
2. Consistancedu patrimoine saharien
3. Intéret opérationnel

Réf. Bibliographiques
1. La ville et le désert: le bas-Sahara algérien par Marc Cote
2. Khedidja Aït Hammouda-Kalloum. L’architecture urbaine à Adrar, modèle imposé ou esthétique
recherchée ?
3. Mustapha Ameur Djeradi. Les arcanes de la maison ksourienne entre signes et signifiants.
( Communication présentée aux Ateliers Méditerranéens du Patrimoine, 21 et 22 Avril 2010 à Bechar).

1. Le territoire du Sahara
Localisation : Algérie, Maroc, Libye, Mauritanie,
Tunisie, Egypte, Sahara occidentale, Mali, Niger,
Tchad, Soudan.

Il s'étend sur 7 500 kilomètres de l’Atlantique à la


Mer Rouge et couvre 12 millions de km2.

le désert de sable ne couvre que 20% de la


superficie du Sahara. Le reste est départagé entre
les montagnes (Hoggar, Tassili), des Hamadas et des
Regs.

Ce grand désert, comporte des régions :


1. Hyperarides (moins de 50 mm de précipitations annuelles),
2. Semi-arides et sub-humides sèches.
3. Arides (moins de 150 mm de précipitations annuelles),

le Sahara possède les endroits faisant partie des plus chauds, des plus secs, des plus arides et
des plus ensoleillés au monde.

Les étés y sont longs, les hivers courts, brefs et d'une extrême douceur et peuvent même être
véritablement très chauds. Le ciel est dégagé, les précipitations, très faibles.

Les oasis sahariennes, milieu naturel et aménagé, n'occupent qu'un millième de la surface du
Sahara. Elles sont situées généralement au-dessus des nappes phréatiques affleurantes ou
peu profondes.

Populations et cultures
Plus de 5 millions d'habitants vivent dans le Sahara, un habitant sur deux vit dans des villes, un
habitant sur huit dans le Sahara maghrébin (estimation en 1990).
Les populations actuelles du Sahara incluent :
1. Les Toubous (en Libye, Tchad, Niger, Egypte et Soudan , soit environ 600 000 personnes),

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2. LesTouaregs (un million de personnes),


3. Les Sahraouis (500 000 habitants,
4. Les Maures (Musulmans d’origine berbère, arabe, ou espagnole)

Progression
Depuis 1900, le Sahara a progressé vers le sud de 250 kilomètres et ce sur un front qui en
fait plus de 6 000 km.
L'étendue, le degré d'ensoleillement et la faible population sédentaire du Sahara en font
potentiellement un gigantesque atout d’énergie solaire renouvelable, tant photovoltaïque que
thermique.
Un carré de 300 km de côté en plein Sahara équipé suffirait à alimenter la totalité de
l'Afrique et de l'Europe en électricité.

2. Consistance du patrimoine saharien


Le patrimoine cuturel saharien est composé de 4 grands ensemble de patrimoine relevant
des périodes suivantes :
1. La pré histoire
2. Le patrimoine ksourien
3. Le patrimoine colonial
4. le patrimoine post colonial

2.1. La préhistoire
Au Sahara, de nombreuses traces d'une activité humaine préhistorique peuvent être
découvertes, outils, poteries et peinture rupestres.

Gravures rupestres à Taghit

Poteries Outils ( Sahara occidentale)

2.2. Le patrimoine ksourien


Les ksour forment, par leur implantation sur les anciennes routes des caravanes, un réseau
important qui s’étale sur tout le Sud algérien. Bien que la plupart d’entre eux aient perdu
depuis longtemps leurs remparts, ils ont pu demeurer, des structures fonctionnelles assurant à

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leurs habitants une suffisance alimentaire et la cohésion sociale.Ils ont toujours été partie
intégrante d’un agro-système intégrant la palmeraie, les terres cultivables et l’eau.

Les ksour révèlent unité et différences :


1. l’unité paraît surtout dans la localisation, le processus d’implantation, et le modèle
d’organisation des rues.
2. Les différences portent essentiellement sur la morphologie de l’unité fondamentale
composant le ksar.

Dans le Sud-ouest, le ksar est constitué par la juxtaposition d’entités appelées kasbet, entités
fortifiées, cette caractéristique ne se rencontre pas dans la vallée du Mzab ou dans les ksour
du Sud-est.

Le tissu est organisé autour d’un réseau de voirie structuré en ramification, dont les différentes
branches traduisent, au sol, la division du groupement humain et des sous-groupes.
Les habitations sont continues et généralement mitoyennes sur deux ou trois côtés. Les places
des ksour sont appelées rahbas. Elles constituent des éléments structurants dans l’espace urbain
et servant le plus souvent de lieux de réunions pour les structures sociales traditionnelles. C’est
aussi dans les rahbas que sont célébrées certaines fêtes religieuses, et parfois de vieilles
traditions.

Quelques activités commerciales y prennent place à côté du marché hebdomadaire. La place


acquiert souvent de l’importance du fait de ses activités commerciales. L’importance de ces
dernières se reflète dans la configuration de la place et sur sa structure urbaine.
La plupart des ksour sont actuellement abandonnés. Si certains attestent de la présence d’un
certain nombre d’habitants, c’est plus pour témoigner de leur précarité et de leur volonté de
partir pour une maison en dur, dans la périphérie, dès que les conditions matérielles le
permettent.

2.3. Le patrimoine colonial


Le corpus ou le répertoire stylistique composé tout d’abord par Jonnart au début du XXème
siècle, puis par Pouillon et consorts à partir des années cinquante. (Travail effectué par
l’enseignanteKhedidja Aït Hammouda-Kalloum, université d’Adrar.)

a.Le patrimoine bati colonial, prend des formes variées dans l’étendue saharienne. Ainsi à
Adrar par exemple on trouve le style soudanais et néo-soudanais.
Les éléments qui vont être repris dans l’architecture urbaine de la ville d’Adrar par les colons
puis par les architectes locaux sur les édifices publics essentiellement, sont :
- La couleur ocre dans ses différentes tonalités, du jaune au rouge. .
- Le crénelage des couronnements, « choriffs », sous forme triangulaire en général.
- Les contreforts et pilastres soutenant les murs, « âarsats » ou « erkiza ».
- Les niches triangulaires,
- Les tours d’angle des casbahs ou bordj, base carrée et forme légèrement
pyramidale.
- Le crépissage selon la méthode dite « tboulit » en forme de mottes de la taille d’une
poignée, jetées contre le mur et gardant la trace des doigts pour la région du Touat, alors
qu’au Tidikelt, il se présente comme des griffures certainement tracées à la palme « djerida ».
- Les arcades, « kous, kouas », généralement plein cintre, légèrement inégales et souvent
basses.

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Le style Soudanais est une architecture purement traditionnelle dont les façades se
caractérisent par de lourdes formes coniques en argile et comportent un grand nombre de
décorations. La mosquée de Mopti est l’archétype parfait de cette architecture.

Les éléments récurrents de ce style, sont :


- La centralité sur la façade d’une composition monumentale encadrant la porte et les fenêtres.
- L’auvent situé au dessus de la porte d'entrée.
- Des montants verticaux qui servent de contreforts et sont un stade préliminaire vers une
éventuelle décoration de la façade.
- Les compositions des façades s'étendent entre deux colonnes qui marquent les angles.
- Des consoles de bois de palmier en saillie sur la façade.
- Petites ouvertures de 20 cm sur 40, peu nombreuses et de trois types : la lucarne, le trou
dans le mur et la fenêtre à grillage.

Le style néo-soudanais est une forme de réinterprétation de l’architecture traditionnelle


malienne par la stylisation des formes et l’utilisation des matériaux locaux avec des techniques
modernes. La problématique reste dans l’usage des espaces qui diffèrent du mode de vie de
la société locale et celui de la société coloniale.
Le marché Dinar construit à Adrar en 1932 est presque contemporain du marché rose de
Bamako (Mali) datant de 1929.

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Par ailleurs, les portes de la ville d’Adrar, tout comme celles de Timimoun, furent largement
inspirées par ce type d’architecture. Il semblerait par ailleurs, que la main d’œuvre était
d’origine africaine et que ces artisans-maçons ont transféré leur savoir-faire et leur répertoire
architectural à la nouvelle création de la ville d’Adrar.

b. L’architecture saharienne moderne


On désigne par « architecture saharienne » toute la production architecturale moderne qui a
commencé dans les années cinquante et qui s’éloigna peu à peu de l’inspiration soudanaise et
néo-soudanaise.
De l’avis de Godard qui lui consacre un chapitre, les lignes sont plus sobres, les volumes plus
purs et les motifs ornementaux disparaissent au profit de compositions plus élaborées mettant
en évidence les rapports entre pleins et vides dans des proportions harmonieuses. Les
matériaux utilisés sont durs de préférence, quoique Luyckx à qui l’on doit l’hôpital d’Adrar ait
combiné entre techniques anciennes et matériaux nouveaux.

Les éléments les plus utilisés dans ce style


architectural sont :
- Les auvents,
- Les claustras,
- Les brise-soleil,
- Les arcades et les voûtes sans décoration.

A Béchar, l’on rencontre un autre style qu’on désigne par arabisance. Exemple, école du
centre , hotel Antar….. utilisant quelques éléments de l’architecture musulmane ; arcade
coupoles, ….

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2.4. le patrimoine post colonial


L’architecture actuelled’Adrarse voie puiser dans ce répertoire stylistique qui joue sur l’image
positive de la ville. Exemple, l’université africaine, et l’ensemble du centre de l’artisanat et des
métiers, la nouvelle APC,… etc.

3. Intéret opérationnel
La restauration des monuments historiques nécessite des architectes et des bureaux
d’étude spécialisés en la matière.
A Béchar. Une enveloppe de 100 milliards de centimes est consacrée en 2014 par le
ministère de la culture à la restauration de trois Ksour dans la wilaya de Bechar, classés
patrimoine national: Kenadza, Taghit, etBéni-Abbès. Les ksour de Béni-Ounif, Mougheul et
Kerzaz sont classés patrimoine local.

Au M’zab. Une enveloppe de plus de 200 millions de dinars a été mobilisée en 2013 pour
la restauration des Ksour classés patrimoine mondial par l’UNESCO depuis 1982, dans la
wilaya de Ghardaïa : Ghardaïa, Mellika, Ben-Isguen, Bounoura, El Ateuf, Metlili, Berriane et
Guerrara.
Ces opérations de restaurations comprendront la réfection des passages et voies d’accès
des ksour, la réhabilitation des places du marché (souk) les placettes les mosquées et autres
lieux de prières, les anciennes murailles, forteresses et portails, ainsi que les arcades de
chaque ksar.
En outre, 20 millions de dinars sont consentis pour la mise en valeur par l’éclairage des
monuments historiques et architecturaux des villes forteresses du secteur sauvegardé de la
vallée du M’Zab.

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Cours 3. Le patrimoine le développement


local

Plan
1. Notion de territoire
2. Relation Patrimoine / territoire
3. Le processus de la patrimonialisation
4. Patrimoine et développement

Ref. bibliographiques.
1. Michel Vernières (Professeur émérite). La contribution du patrimoine au développement
local : enjeux et limites de sa mesure, CES-Université de Paris 1, 2012.
2. Michel Vernières. Patrimoine, patrimonialisation, dév. local :un essai de synthèse
interdisciplinaire, 2011.
3. Pierre-Antoine L. et Nicolas S., « Patrimoine et territoire, les nouvelles ressources du
développement », 2014.

1. Notion de territoire
Espace physique et social identifié : un territoire.Un « territoire », est une « étendue de
la surface terrestre sur laquelle vit un groupe humain, et spécial. Une collectivité politique
nationale. ( état, nation, pays).
Le territoire de référence engagé dans une dynamique de développement local n’est
pas isolé, mais articulé à d’autres espaces emboîtés les uns dans les autres. Différentes
échelles peuvent être relevées :
1. le global (le mondial),
2. le continent (Afrique),
3. le pays (national)
4. le local (régional).

Un territoire est « habité ».L’existence d’une communauté territoriale et le sentiment


d’appartenance sont des facteurs essentiels.

Plus qu’un espace géographique, la notion de territoire insiste sur l’importance des
hommes qui y vivent. Un lieu est marqué par les traces laissées par ses habitants passés
et présents. Elles témoignent de la relation des hommes avec leur environnement.
L’activité humaine se structure avec les contraintes du milieu et la conditionne en
déterminant les caractéristiques d’une certaine vie sociale, politique et économique et
une sociabilité : des modes de vies, des rites, des façons d’être au monde et des modes
de vie collectives. Une identité collective singulière s’en détache unie par une histoire
commune.
Par ailleurs, un territoire se réinvente perpétuellement. Les hommes l’investissent
différemment à travers le temps. Chaque génération confrontée à l’évolution de son
environnement (révolution technique, contexte historique, idéologies, etc.) interagit avec
son propre cheminement interne.
Un développement local s’inscrit toujours dans l’histoire du territoire. Les traditions
historiques restent comme des socles sur lesquels l’avenir peut se construire. Les
émergences patrimoniales révèlent des désirs, des envies, des besoins voire des

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espérances. En un même territoire, le potentiel de « mises en patrimoine » est riche et


varié.

2. Relation Patrimoine / territoire


Le patrimoine est un outil essentiel dans la création de l’identité territoriale des
nations. Les monuments historiques deviennent une affaire d’État et font l’objet d’une
politique publique. « L’héritage » défini ainsi consiste alors à légitimer la volonté de
vivre ensemble dans une Nation, perçue comme le résultat d’un territoire distinct, avec
ses propres institutions et sa propre population.

Il s’agit d’effectuer un tri en mettant de côté, les éléments qui méritent une
protection, ceux auxquels l’ensemble de la population nationale peut s’y reconnaître.

L’ascension d’un élément au rang patrimonial est le résultat de l’action conjuguée de la


sensibilité de la société et des choix effectués par les « entrepreneurs du patrimoine »:
hommes d’État de Lettres, artistes, écrivains, dont le rôle, est de définir le corpus du
patrimoine national. À travers eux, la volonté publique choisit ses emblèmes et ses
symboles. Le patrimoine apparaît donc comme une construction à la fois historique et
politique.

En même temps, en sont exclus d’autres qui relèvent d’un passé qu’on pourrait qualifier
d’hostile, d’inconfortable, ainsi que ceux qui peuvent porter préjudice à l’unité nationale
; et il va de soi que le choix du passé est gouverné par des stratégies présentes : on
cherche à légitimer le présent, plutôt qu’à le mettre en cause.

Les “monuments historiques”, ont progressivement cédé la place au « patrimoine », terme


beaucoup plus générique qui englobe des témoins autres que les grands témoins
officiels du passé. À côté des édifices majeurs, les monuments « mineurs » réclament la
reconnaissance régalienne et le droit de passer à la postérité.

L’émergence de « nouveaux patrimoines », n’est donc plus l’expression unique de la


Nation, mais celle de groupes vivant et produisant des « patrimoines » sur le territoire
national. Dans un certain sens, il s’agit d’un véritable éveil du local, qui revendique le
statut patrimonial pour des éléments qui ne représentent qu’un groupe limité. La «
mémoire nationale », cède donc la place à des « mémoires plurielles ».

2.1. Les idées genèses du patrimoine

Le patrimoine est continuellement construit, produit par différents acteurs. Mais ce


qui mérite d’être analysé en premier lieu, ce n’est pas le type du patrimoine produit,
mais l’idée du projet qui porte sa construction.
Les différents projets et les motivations des “entrepreneurs du patrimoine” sont alors
beaucoup plus importants à analyser que les types de patrimoine produit. La
construction patrimoniale n’a ainsi de sens que si elle est portée par un projet, elle n’est
saine que si le projet qui la porte l’est aussi.
Les motivations des acteurs et leur “projet” de construction patrimoniale peuvent ainsi
nous instruire sur les rapports que les groupes sociaux entretiennent avec leur territoire
et, à travers ceci, sur la manière dont ils construisent la société. Ainsi 3 approches
peuvent être dégagées :

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1. Le patrimoine comme appropriation


Dans le processus, patrimonialisation et territorialisation vont de pair.
Patrimonialiser un élément permet d’enraciner celui-ci à un espace, et par cet
intermédiaire de s’approprier l’espace dans lequel il se trouve.

2. Le patrimoine comme “étendard”


La construction patrimoniale s’inscrit dans des projets de revendication sociale: créer
du patrimoine pour exister, pour revendiquer non pas des retombées économiques,
mais sa place dans la société; se démarquer des autres, mettre en évidence ses
particularités, sa culture, sa vision de société. Dans cette logique, le patrimoine se porte
comme un drapeau identitaire (que ce soit par un individu, un groupe, une collectivité
territoriale). La patrimonialisation sert la territorialisation. Exister, c’est aussi exister sur
un territoire.

3. Le patrimoine comme lien social


De même que le territoire, le patrimoine joue le rôle du ciment identitaire. Si le
patrimoine peut pertinemment exister sans assise territoriale, la territorialisation a
besoin de marqueurs patrimoniaux: “si l’on veut concevoir un espace géographique
signifiant pour l’individu et pour la société, l’on ne peut se dispenser de lui conférer une
valeur patrimoniale”

3. Le processus de la patrimonialisation
La patrimonialisation, est un construit sociale . Notre société accepte qu’a priori, tout
puisse devenir patrimonial. Tout, mais pas n’importe quoi. Certains éléments émergent
en tant que patrimoines, d’autres pas.
La patrimonialisation, est en effet une véritable construction, faite de manière à la fois
émotionnelle et intellectuelle, éminemment dynamique, s’adaptant toujours aux
sensibilités, aux désirs, mais aussi aux intérêts de la société concernée.

La production patrimoniale cherche incontestablement à s’appuyer sur des légitimités


historiques ou géographiques, mais elle n’a pas un caractère d’automaticité: La
production n’a lieu que s’il y a des producteurs: ceux qui élisent les éléments à
patrimonialiser et non pas la qualité (esthétique, date, histoire) des éléments en
question. Le rôle de ces producteurs, est, de sélectionner, de trier, de montrer,
d’expliquer, d’interpréter, bref, de rendre compréhensible, visible, désirable, ce
patrimoine en émergence.

Ce processus de “construction patrimoniale”, est étroitement lié à la construction


territoriale. La territorialisation s’appuie sur des démarches patrimonialisatrices : le
territoire est avant tout la terre des ancêtres, la tautologie entre territoire et terre de
sépulture des ancêtres est claire et directe.

Si dans le passé des critères “objectifs” tels que l’ancienneté ou la qualité esthétique
jouaient un rôle important dans la constitution du patrimoine (qui devait inévitablement
être ancien, beau, historique, monumental), on accepte aujourd’hui dans le champ
patrimonial des objets d’un passé très proche et sans prétention esthétique.

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Paradoxe
La nature consensuelle du processus de construction patrimoniale ne va pas de soi. Le
patrimoine est créateur du “lien social”. Mais si le patrimoine sert à réunir (construction
d’un “nous”) il sert aussi à creuser des fossés et des frontières (“notre patrimoine n’est
pas le leur”).
Dans tous les cas, la “construction” patrimoniale apparaît intimement liée à des enjeux
d’appropriation de l’espace. Elle exprime les motivations de groupes sociaux qui
cherchent à se placer, à faire valoir leurs revendications, à construire ou à contrôler des
territoires, bref, à construire la société.
La revendication de la protection et de la valorisation d’un site, d’un monument, d’un
espace donné, en mettant en avant des qualités patrimoniales (en « construisant » du
patrimoine) est souvent un moyen déguisé de se l’approprier, réellement ou
symboliquement, c’est se construire une légitimité (territoriale, identitaire, mémorielle)
et, par ce biais, exercer une forme de pouvoir. Les conflits patrimoniaux sont ainsi, le
plus souvent, des conflits territoriaux.

4. Patrimoine et développement
L’espace local doit générer sa propre dynamique économique et social en s’appuyant
sur ses ressources, ses capacités d’initiative et d’organisation. Le processus s’exerce sur
un espace physique et social identifié : un territoire.
Le développement local peut s’ppuyer sur le patrimoine en valorisant les « richesses »
collectives :

1. Des identités,(caractéristiques de la société)


2. Des paysages naturels,
3. Des traditions culturelles,
4. L’histoire de la communauté et l’ensemble de ses variations.

Son objectif est d’améliorer le quotidien des habitants. Le projet peut intégrer plusieurs
échelles de territoires ou se limiter à un seul.

Les acteurs du développement, assurent une expertise ainsi qu’une consultation du


territoire, pour l’identification des mises en patrimoine émergentes, des ressources et
des besoins des habitants. Ils les aident et les accompagnent dans la réappropriation
de leur environnement en faisant émerger la priorité des actions.

Il existe parfois des intérêts divergents, voire concurrents, sur un même patrimoine au
sein d’un même territoire. La « possession/propriété » est un point de litige récurrent
dans de nombreuses situations.

Comment concilier les intérêts de tous lorsque plusieurs possessions s’exercent sur un
même objet ?

Les acteurs de développement local agissent en médiateurs. Un projet de


développement local doit servir la société et non la diviser.

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Cours 4. Les Projets des Nations Unis en faveur


du patrimoine ksourien

Plan
1. Projets pilotés par les Nations Unis
2. Objectif
3. Résultat

Réf. bibliographiques
1. LE SAHARA DES CULTURES ET DES HOMMES. Document de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture. Paris, Juillet 2003.
2. LES ROUTES DES KSOUR. PNUD, programme des nations Unis pour le développement. 2005.
3. Annexes la fiche des ksour

1. Projets pilotés par les Nations Unis


1er projet : Le Sahara des cultures et des peuples
Ce projet est adopté lors de l'Atelier international de Ghardaïa tenu le19-21 avril 2003.
Dans une perspective de lutte contre la pauvreté (Objectifs du Millénaire de l'ONU), le projet
intitulé « Le Sahara des cultures et des peuples » a pour objectif d’assister les États du Sahara
à élaborer et à mettre en œuvre, des stratégies de développement durable et de lutte contre la
pauvreté fondées sur la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel matériel et
immatériel et du patrimoine naturel.

Les États concernés sont : l'Algérie, l'Égypte, la Libye, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le
Niger, le Soudan, le Tchad, la Tunisie.

Le tourisme, en tant qu'activité transversale peut constituer un véritable outil au service du


développement et de la lutte contre la pauvreté, en particulier au Sahara qui est un écosystème
désertique à la fois très fragile et présentant une grande richesse patrimoniale et humaine, avec
des cultures et des savoir-faire ancestraux.

Ce projet traite les thèmes suivants :


- Le renforcement des capacités des acteurs locaux ;
 - La sauvegarde et la valorisation du patrimoine au bénéfice des populations;
 - La promotion des cultures et des civilisations du Sahara ;
 - L’amélioration des conditions de préservation des eco-systèmes sahariens ;
 - L’encouragement des politiques touristiques responsables ;
- La promotion de la gouvernance participative locale et le renforcement des coopérations
aux niveaux local, national et international

2ème projet : Les routes des ksour


Les routes des ksour est un projet d’appui au développement local. Inscrit en 2005 pour une
durée de 3 ans. Financé conjointement par le gouvernement algérien et le PNUD (Programme
des Nations Unies pour le développement).Ce projet est inscrit dans le plan d'action du projet
"Le Sahara des cultures et des peuples",

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Il vise à promouvoir des activités de tourisme durable afin de développer l'autonomie des
populations locales pour le développement local dans dix pays sahariens. Son action se dirige
avant tout vers les populations les plus démunies et leur apporte un certain nombre de moyens
et d'outils pour que celles-ci puissent être actrices de leur propre développement.

A l'issue des activités de sensibilisation et de formation :


-des patrimoines sont réhabilités,
- des produits de tourisme culturel et naturel sont fabriqués et commercialisés par les
habitants eux-mêmes, dans une démarche de durabilité. Les recettes qui seront générées par
les activités touristiques, serviront de base à la valorisation du patrimoine, faciliteront la
création d'emplois, en particulier dans l'agriculture et les services.

Ce projet étant sous régional, il s'agira de mettre en réseau les Ksour puis de développer des
séjours et des circuits touristiques culturels transfrontaliers, mettant en valeur la richesse du
patrimoine. Le partage des expériences et les échanges dans les domaines de l'environnement,
du patrimoine et du tourisme renforceront la coopération nationale, sous régionale et
internationale. La première étape de ce projet a été lancée en Algérie avec le soutien des
Autorités algériennes, du PNUD et de plusieurs pays partenaires. Ce projet a pour vocation
par la suite de s'étendre aux autres pays sahariens.

La réhabilitation de constructions ksouriennes et leur aménagement en hébergement


touristique, la préservation de l’environnement ainsi que la sauvegarde du patrimoine matériel
et immatériel en constituent les actions essentielles.

Le projet reprend les anciennes routes des caravanes commerciales du Sahara et propose la
promotion d’un tourisme culturel durable, dans les quatre wilayas du Sahara: Bechar, Adrar,
Ghardaïa et Ouargla, en tant qu’alternative économique pour la région.

Le projet, qui emprunte les antiques routes commerçantes du Sahara s’inscrit dans un vaste
territoire, la superficie de l’Algérie est de 2.381.741 km² dont les quatre cinquième sont
occupés par le Sahara. La problématique centrale dans ces régions est marquée par la
nécessaire recherche d’alternatives économiques à l’agriculture oasienne qui est en grande
difficulté et ne suffit plus à subvenir aux besoins de toute la population.

2. Objectifs
1. Réhabiliter de constructions Ksouriennes et leur aménagement en hébergement
touristique et associations culturelles,
2. Préserver l’environnement
3. Sauvegarder le patrimoine matériel et immatériel en s’appuyant sur la participation
des communautés locales.
4. Créer des emplois productifs durables pour les communautés locales,

3. Résultats

1. Les acteurs locaux se sont appropriés les démarches de durabilité, sont sensibilisés,
notamment à la valeur du patrimoine culturel, et se sont organisés afin de les mettre en œuvre.

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2. Les équipes formées au marketing touristique (2 à 4 personnes par site), se sont appropriés
les savoirs et savoir-faire nécessaires à la fabrication et à la commercialisation de produits
touristiques.

3. Des chômeurs et des jeunes (10 à 15 personnes par site) sont formés aux arts de la
construction traditionnelle, à la réhabilitation et à la maintenance des structures patrimoniales.

4. Un réseau de partenariat d'échange des expériences, des techniques et des savoir-faire sur
les matériaux locaux est créé.

5. Les associations, les coopératives de jeunes et de femmes sont renforcées et se sont


spécialisées dans l’identification, la sauvegarde et la réhabilitation du patrimoine
immatériel(décoration des habitations réhabilitées, tapisserie, gastronomie, contes, pratiques
médicales traditionnelles, etc.)

6. Des foggaras sont renforcées et une approche communautaire participative pour une
gestion durable des systèmes hydrauliques est assurée.
7. L’architecture de terre et le recyclage des produits manufacturés sont valorisés.

Bailleurs de Fonds
Bailleurs de Fonds Montant
Gouvernement algérien 206 000 USD
PNUD 488 000 USD
UNESCO 17 500 USD
STATOIL 413 009 USD
ANADARKO 84 000 USD

Début de projet……………………Juin 2007


Date prévue pour la Clôture………Décembre 2013
Localisation ………………………Adrar, Béchar, Ghardaia et Ouargla
Agence chargée de l'exécution…....Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Locales
Partenaires :………………………..
- UNESCO,
- STATOIL (compagnie pétrolière norvégienne)
- ANADARKO(compagnie pétrolière américaine)

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Le patrimoine institutionnel des cités islamiques est composé des institutions suivantes :
I. Les waqfs
II. La hisba
III. Les corporations de métiers.
IV. L’organisation socio-physique des ksour

Cours 5. Le patrimoine institutionnel de l’espace ksourien


I. Les waqfs

Plan
1. Définition
2. Rôle des waqfs dans le développement durable des ksour
3. Conclusion

Bibliographie.
1. Acte de waqf de l'Emir Ali ketkhudà du régiment des Camélites dressé au tribunal de la mosquée de Salih au
Caire en 1129 h/manuscrit,
2. ALI PACHA, Mubarak .- El Khitat taoufiqiya el jadida fi Mir .- dernière édit., le Caire, 1980, 4 tomes.
3. AMIN, M.M. .- Al-awqaf wal-hayat-al-igtimaiyya Fi Misr. (Les waqfs et la vie sociale au Caire) de 928
à 1517, le Caire, 1950.
4. IBN ABDUN.- la vie urbaine et les corps des métiers à Séville au début du XII° siècle.- Publié par
Levi Provençal in Journal asiatique, Juin 1934.
5. IBN KHALDOUN.- "Discours sur l'histoire universelle" (Al-Muqaddima) trad. par Vincent Monteil,
Beyrouth, 1968. 2 vol. Chapitre IV vol. 2: - la civilisation sédentaire, villes et cités pp. 709-782.
- Architecture pp. 827-832.
6.BELDICEANU, N.- Recherche sur la ville ottomane au XVIO siècle.- Paris, 1973. 466
7. RAYMOND, A.- Grandes villes arabes à l’époque ottomane, 1985, Paris. 381 pages.
8. RAYMOND, A. -Les grands waqf et l’organisation de l’espace urbain à Alep et au Caire à l’époque
ottomane, in Bulletin d’études orientales .tome 31 p. 120 .

L’institution des waqfs, comme celle de la Hisba, a joué un très grand rôle dans la
production, financement des opérations urbaines et remodelage des villes islamiques. Une
grande partie dans l’organisation de l’espace et les services urbains, ne sauraient être assurés
sans la contribution des Habous . Les historiens médiévistes attestent l’existence de plusieurs
biens waqf dans toutes les cités islamiques.

1. Définition.
Littéralement, le mot « waqf » ou « habous », signifie l’arrêt, l’emprisonnement d’une
manière absolue, matériellement et moralement. Juridiquement, le mot « waqf » signifie, soit
empêcher l'aliénation des biens tout en les laissant à la disposition du constituant, soit
l'aliénabilité des biens avec emplois des fruits à titre de charité.

Deux objectifs essentiels à la base de la constitution d’un waqf :


a. Constituer un waqf, c'est réaliser une intention pieuse (‫)قـربـة‬, non seulement par une
libéralité au profit des pauvres, mais aussi au profit d’œuvres d'utilité sociale : hôpitaux, asiles,
puits, fontaines (Sébil), écoles, (madrasa), etc...
b. La perpétuité : c'est rendre le bien ou la propriété inaliénable. Seuls ses revenus
devant être affectés à l’œuvre pie, dévolutaire définitif, et, auparavant, aux bénéficiaires
intermédiaires, s'il en a été désigné dans la waqfiat représentant l’acte constitutif du waqf .

Master I. Préservation du cadre patrimonial bati au Sahara 2014/15. 20


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Deux sortes de waqf : - khaïri ou de bienfaisance


-Ahli ou de famille:

1. Les revenus du waqf khaïri vont soit à des œuvres pieuses : construction et entretien de
mosquées, certaines œuvres d'utilité publique : hôpitaux, asiles, écoles, soit, enfin à des œuvres
charitables aumônes aux pauvres, construction de fontaines publiques, secours aux pèlerins,
etc...
2. Les revenus du waqf Ahli, quoique destinés en dernier ressort à une œuvre pieuse ou
charitable, sont préalablement attribués au constituant, à ses descendants, à sa famille ou
même à des tiers à l'extinction de la série des bénéficiaires successifs indiqués dans la Hodja,
le waqf ahli tombe dans le domaine des waqfs khaïri.

Cette institution repose sur les quatre sources du droit musulman, à savoir, le Coran, la sunna,
lIjma 'et le qîyàs.

2. Rôle des waqfs dans le développement durable des ksour


Les waqfs ont joué, dans le développement ksourien, un rôle dont l'ampleur ne pourra être
appréciée que lorsque les plus importantes de ces fondations auront été étudiées. Quelques
exemples de waqfiah : (voir détails en annexe)
1. Travaux de Ridwan Bey
2. Travaux d'Ibrâhim Agha
3. Travaux de l'Emir Ali Kethuda
4. Travaux de Suleyman Pacha.
En cherchant à faire perpétuer une aumône durant sa vie et après sa mort, le constituant d’un
bien waqf, fait perpétuer aussi un service urbain. Nul n’a le droit de changer l’usufruit des biens
waqf . On doit impérativement suivre scrupuleusement les intentions du constituant, comme
indiquées sur l’acte ou la waqfia. Le caractère religieux de cette institution, oblige tous les
Nadhir qui se succèdent à travers des siècles, dans la gestion du bien waqf, à respecter les
orientations de la waqfia. Ceci entraine une stabilité et assure un fonctionnement éternel de
l’équipement public ou du service urbain décrit dans la waqfia, en lui procurant un financement
et entretien durable. Il est tout à fait clair, qu’aucune autre institution, ne peut remplacer celle
des waqf, si l’administration urbaine souhaite atteindre un développement durable de l’utilité
publique.

3. Conclusion
A travers l’étude de ces quatre exemples ponctuels, nous relevons que :
1. Les opérations menées dans le cadre des waqfs contribuèrent à modeler l'espace urbain. On
voit sur les plans que le parcellaire, au niveau des opérations waqf, change ponctuellement de
taille et se distingue facilement de son environnement. Au niveau du paysage urbain, la
production des composantes de l'espace urbain, découlant des waqf, offre un changement
d'échelle permettant une lecture facile de l'espace urbain, étant donné que ces opérations
concernaient surtout des "équipements publics" tel que les Sébil, mosquées, mâristân
(centre de santé), medersa, …
Une fois, ces opérations montées, elles permettent un entretien soigné et continu aux
édifices pour lesquels, elles sont constitués, en leur attribuant des revenus bien défini est
réguliers. La plupart des monuments qui nous sont parvenus jusqu'à maintenant s'inscrivent
dans des opérations waqf.

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2. Les waqf pourraient engendrer eux-mêmes d'autres waqfs. On l'a vu dans l'opération de
l'Emir Ali Kethuda. Cette possibilité accentue le remodelage de l'espace urbain, aboutissant
parfois à refaire toute une rue, ou un quartier.

3. Les waqfs assumaient plusieurs services publics :


 Alimentation parfois de tout un quartier en eau potable ;
 Hygiène publique par la construction de Mâristân (centres de santé)
- L'instruction publique par l'édification des medersasMosquées , Assistance sociale ,
Charité, distribution des cadeaux pendant les jours de fêtes.
Il faut souligner que l’institution des waqf, offrait l’occasion aux tiers de participer au
service public. Comme le constituant, aspire que son aumône soit utile pour lui procurer le
plus de rapprochement possible d’Allah le tout puissant, il choisit de financer le service urbain
qui est en deçà par rapport à la demande, à son époque, ou de faire entretenir les équipements
publics qui ont en besoin.

A notre avis, c’est le caractère religieux de l’institution, qui guide les constituants à bien
cibler le service urbain à combler et par conséquent à parfaire la nature de leur aumône
éternelle (‫)صدقة جارية‬. Ceci, bien sûr, faisait profiter à la ville de se doter, non seulement des
services urbains vitaux, mais d’offrir à sa population urbaine des services atteignant des
niveaux de confort très élevés.

Même avec les taxes, et impôts prélevés actuellement, la majorité des villes actuelles,
n’arrivent pas à satisfaire d’une manière correcte sa population en matière des services
urbains. La fiscalité actuelle de l’urbanisme contemporain, a montré ses limites à prendre en
charge ces services, même dans les pays dits développés. Sans la participation effective de la
population, et d’une manière libre et responsable, aucun mode de gestion urbaine ne peut être
garant de la perpétuité de ces services d’utilité publique. Ce qui ne peut être possible qu’avec
le retour et la restauration de l’institution des waqf.

Annexe

1. Travaux de Ridwan Bey.


Ces travaux qui sont situés au Sud de bab Zuwaila, font partie des opérations de réaménagement de la région
sud du Caire qui se développèrent à partir du transfert des tanneries vers bâb al-luq, aux environs de 1600.
Ali Pacha Mubarak nous retrace la cause de ce transfert : « L’accroissement de la population du Caire et
l’installation d 'un nombre de plus en plus importants d’habitants dans une zone qui était très proche du centre
ville, obligèrent à déplacer les tanneries en raison des désagréments et en particulier des mauvaises odeurs que
leur activités causait à la population . Les gens se plaignirent d’être incommodés par ce voisinage, et les
tanneries furent transférées en un lieu tout à fait excentrique : la région de bab el-louq, à la limite ouest de la
ville, était fort peu urbanisée encore, le voisinage de plusieurs Birka (étangs), d’un canal (le khalidj el-
maghribi), la proximité même du Nil, rendaient cet emplacement particulièrement propice pour de telles
activités. »
Ce transfert qui a libéré près de quatre hectares de terrain vide, a contribué à une forte urbanisation,
notamment les travaux de Ridwan Bey. Ridwan Bey était un émir mamelouk d'origine circassienne, qui
exerça les fonctions d'Amir al-hadj (émir du pèlerinage) presque sans interruption de 1631, jusqu’à sa mort en
1656 .Il entreprit plusieurs constructions au Caire, dans cette zone justement libérée par des tanneries, au Sud -
Ouest de bab Zuwaila. Ces constructions sont énumérées dans une série de waqfiat dont la plus ancienne date
1629 et la plus récente de 1647. Elles étaient organisées autour de sa magnifique résidence. Mais l'élément
essentiel de cet ensemble était le grand souk (125 mètres de long, en partie couvert) avec un rab’ et une
wakala. Ces constructions comprenaient, en outre, deux Zawiya, et un sébil. Ces travaux ont remodelé
l'ensemble du quartier avec le réseau de rues sur près de 150 mètres.

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Tout ce complexe a été constitué en waqf par l'émir Ridwan Bey en faveur de la mosquée qu'il a fait
construire à médinet El mansourah par la régularité des revenus que procurent ces biens waqf, cet édifice a été
conservé jusqu’à nos jours.)

2. Travaux d'Ibrâhim Agha


Ibrahim Agha, dont la personnalité est moins connue que celle de Ridwan Bey, a édifié un très grand nombre
de constructions et de travaux de restauration dans la région de Tabbana , sur la rue conduisant de bab Zuwaila à
la citadelle.
De ces constructions, dont un certain nombre subsistent encore, nous connaissons sur le coté Est de la rue, un
sébil, un tombeau, des makan, la mosquée Aqsunqur (qu'il restaura), un abreuvoir, et en face une maison et un
rab'. Cet ensemble se développait sur une longueur totale de 250 mètres et sa réalisation dut entraîner une
réorganisation de la voirie.
Ces opérations réalisées juridiquement dans le cadre des waqf, ont eu plus de chance à survivre. Dans la mesure
où cette institution procure un financement régulier pour le fonctionnement et l’entretien . Dans ce sens, A.
Raymond, écrit : « Le waqf donnait une certitude de permanence pour l'opération envisagée, dans la mesure où
il assurait la continuité des revenus nécessaires à l'entretien des monuments édifiés, en organisant avec
précision la collecte des fonds nécessaires et leur répartition entre les œuvres d'intérêt religieux ou d'utilité
publique, et en lui donnant un caractère intangible et perpétuel ».
3. Travaux de l'Emir Ali Kethuda
La waqfiat de cet émir se trouve dans le manuscrit, fond arabe n° 1120, que nous avons consulté à la
bibliothèque nationale de Paris.Cette waqfiat a été dressée au tribunal de la mosquée de Salih au Caire en 1129
h/1717. L’Emir Ali Kethuda y a constitué en waqf toute sa propriété immobilière, et avec procuration celle de
son neveu Mustapha Jalabi. Cet ensemble, qui comprend deux maisons, des boutiques et un Khoulouw (terrain
vague), servira pendant 30 ans à la restauration et l'entretien du Makan.qui se trouve dans le Khatt suwaqa el-
Ousfour (le marché de l'oiseau) situé en dehors de bab Zuwaila. Ce Makan comprend un Hawche, une écurie (
Istabl ), un Sébil-kuttàb, un riwaq, deux parcelles agricoles, l’une pour le lotus et l’autre pour les dattiers, et
d'autres annexes et équipements dont la nature n'a pas été précisée dans la waqfiat .
Comme on a pu le constater, ce waqf se distingue des deux précédents par sa durée limité (30 ans, à partir du 1°
moharrem de l’an 1129 h/1717 . Ali Kethuda y précise aussi le montant qui doit être affecté à la restauration de
ce Makan : 30 nisf Foulous en bronze par mois seront prélevés des recettes de ses waqf et 10 nisf Foulous en
bronze par mois de celle de son neveu Mustapha Djalabi.
Le constituant précise que dans chaque année., on doit remplir le bassin du Sébil (sahridj) de l'eau potable du
Nil, lors de sa crue, et la distribuer à tous les passants par le Derb (ruelle), chaque jour entre la prière du Dohr
(vers 13 h) et celle du Asser ; sauf pendant le mois du Ramadhan où la distribution doit s'effectuer à partir de
l’Adhan d'el Maghrib (lors de la rupture du jeune, jusqu'après la prière de Tarawih
Pour le transport de l'eau, le nettoyage du bassin et son entretien, on doit utiliser 720 nisf Fedda argent
soit 60 nisfs par mois.
L'émir Ali Kathuda, conseille qu'on attribue la gestion du Sébil à un homme pieux. Il précise encore,
qu'il doit toujours être bien vêtu pour offrir l'eau potable aux passants. Au premier étage du Sébil, où
habituellement se trouve une salle de lecture de Coran, Ali Kethuda, souligne qu'on doit désigner cinq
récitateurs du Coran, qui devront lire chaque matin dix hizb (soit le un sixième du Coran) et doivent terminer
leur lecture par les trois dernières sourate du Coran. Ils offriront leur lecture au Prophète et à ses pères, ses frères,
les autres Prophètes, ses contemporain: (es-Sahaba), aux Imams des quatre écoles orthodoxes, les Ulémas
(savants de la législation musulmane), les wali et tout être humain. On doit toutefois, affecter à chaque
psalmodiant, 50 nisf Fedda mensuellement.
Le salaire du Nazir doit être de 220 nisf Fedda par an. Le montant restant, sera versé, après la mort du
constituant, à ses enfants garçons et filles avec la participation de sa femme Djalhouh Khatoun, à son neveu
Mustapha et les esclaves libérés par les dons de l'émir qu'ils soient hommes ou femmes, noirs ou blancs; tout doit
être distribué équitablement.
Enfin après eux les fils de ses fils, puis à leur descendants, génération après génération qu'ils soient des fils
paternel ou maternel homme ou femme, tous d'une façon équitable. Ali Kethuda, poursuit ensuite, la désignation
de l'affectation des revenus dans le cas où le successeur légal serait absent, jusqu’à ce qu'il arrive à l'affectation
du restant des recettes des waqf, aux services des "Harameyn". Si cela ne peut être possible, l'affectation sera aux
pauvres, les infortunés et les veuves. Si la possibilité est de nouveau offerte, l'affectation, sera par ordre de
priorité.
Le Nazir désigné par Ali Kethuda, est son épouse Khatoun bent Abdellah, durant toute sa vie. Après sa
mort, la relève sera assuré par le plus mûr d'entre les enfants et ainsi de suite ; puis à son neveu Mustapha
Djalabi, puis le plus mûr d'entre ceux qui bénéficient des waqf selon leur classe ; après leur mort, le Nazir sera
celui qui gère les waqf des Harameyn.

Master I. Préservation du cadre patrimonial bati au Sahara 2014/15. 23


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L'Emir Kethuda a interdit la location de son wagf. D'après lui, son waqf sera habité selon un prix usuel ou
plus. Un malveillant ne doit pas y habiter, ni celui qui ne peut pas assurer la paie de la location. Si le Nazir
pratique l'un de ces faits, on doit lui affecter un congé sans solde pendant quinze jours. L'émir a ordonné à celui
qui serait gardien dans la Atfa (impasse) avoisinant le bassin (es-Sahridj), le balayage, l'arrosage (rach) aux
alentours du bassin, chaque matin et après la prière du Dohr (vers 13 h.).

4. Travaux de Suleyman Pacha.

Cette waqfiat se trouve au ministère des archives au Caire sous le numéro 1074 et date de 974 h/1566. Elle
a été analysée par Rudolf Vesley Pacha. Cet acte n'est pas seulement une waqfiat affectant un bâtiment aux waqf
de Suleyman Pacha, mais aussi un document de construction, un document ordonnant l'exécution de quelques
travaux de construction. Ce qui nous éclaire, partiellement, sur les modalités techniques dont se faisait une
constitution en waqf.
C'est aussi une waqfiat, comme nous le verrons, faisant expliciter quelques modalités juridiques concernant
l'exécution d'un ensemble waqf . Concernant l'aspect juridique, cette waqfiat mentionne l'ordre à Ahmed Agha
des Janissaires, commandant de la citadelle du Caire, administrateur (Mutawwali) des waqfs de Suleyman
Pacha, de construire à Bulak une wakala au voisinage d'une autre construite également par Suleyman Pacha. On
y apprend aussi que cette wakala constituée en waqf , a été bâtie à l'aide de revenus provenant des autres waqfs
de Suleyman Pacha, et administrée de la même manière que ces derniers .
Ce qui nous prouve que souvent un waqf engendre, par ses revenus plusieurs waqf. Cette waqfiat se
caractérise, aussi, par la description d’une façon très détaillée des travaux dont doit être construite la wakala. On
y relève, la liste des matériaux de construction fondamentaux comme les pierres, le bois, les briques, les dalles
de carrelage, le plâtre, la chaux, la glaise, la cendre, les clous et les instruments du travail expressément indiqués
comme tout à fait neufs .
On y constate que l'emplacement a été mesuré, débarrassé des restes des constructions anciennes et qu'enfin
on a creusé et construit les fondations de la nouvelle wakala. Ces deux wakala juxtaposées devaient servir au
commerce et au dépôt du lin . Elles sont caractérisées aussi par leurs dimensions énormes dépassant celles des
types courants des Khan du Caire connus du XV° siècle.
Pour la situation de ces wakala, on lit dans l'acte : « Le côté Nord était formé d'une petite rue et à son côté
opposé, il y avait la petite wakala de Suleyman Pacha . Même le côté Sud était borné par une rue et par un dépôt
de blé., Le côté Est était fait d'une autre rue et à son opposé, il y avait une maison d'habitation (rab') qui était
une donation pieuse de Bard Bek ad-dawadar. Dans la rue Ouest de la wakala et vis-à-vis de celle-ci, se trouvait
la maison d'Ibn Bilal Kabutan". ». La dépense pour la construction de ces deux wakala s’est élevée à 160.396
pièces argent et 11 dirhems1 .

1. Une pièce d’argent équivaut à 1 nisf -1 nisf équivaut à 12 dirhams - 1 dinar d’or vaut 25 nisf .

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Cours 6. Le patrimoine institutionnel de l’espace ksourien


II. La hisba
Plan
1. Définition
2. Les attributions urbaines du Mohtasib.
3. Conclusion

Bibliographie.
1. Ibn abdoun (Muhammad b abd allah an naha ), c’est un traité sur la Hisba , intitulé « La vie urbaine et les
corps de métiers à Séville au début du XII° siècle » , publié par E. Levi Provençal in journal asiatique , juin 1934
2. Ibn Khaldoun .- el-Mouqadima .- trad. par Vincent Monteil , Beyrouth, 1968 .2 vol.. chap. IV .
3. El Maqrizi. — (‫ « ) الـخـطـط و الـعـبـر‬la description de Misr » trad. A. Bouriant, .-Boulaq , 1858, 2 vol. Paris,
1900.
4. El mawerdi (abou Hassan Ali).-Les statuts gouvernementaux. (‫ )االحكام السلطانية‬traduction et notes de E.
Fagnan , Paris , 1982 .
5. Ibn el-Forat « chronique des règnes et des rois »
6. Ibn djemaàt el-kinani , manuscrit se trouvant à la bibliothèque impériale de vienne.
7. el-Nabrawi ( abdrahmane Abi Nasr el-Shayzari ) (‫ « ) نهـاية الرتبة فى طلب الحسبة الشريفة‬l’autorité publique dans la
demande de la hisba »
Ces trois derniers documents, sont publiés par Walter Bernhauer, in journal asiatique, 1860 -juin – novembre.

L’institution de la hisba prenait en charge la plus grande partie de l’urbanisme de détail


dans la cité islamique. La fonction du Mohtasib, comprend des attributions qui font de lui un
vrai préposé urbain. D’ailleurs, même les occidentaux orientalistes ont, dès la deuxième moitié
du XX° siècle, saisi l’importance de ce fonctionnaire dans la pratique de l’espace islamique,
mais sans saisir complètement la maîtrise de l’administration urbaine dans ces médina. Car ils
sont tombés dans l’erreur de vouloir assimiler les formes juridiques et opérationnelles de
l’urbanisme musulman à celles de l’urbanisme occidental contemporain. Evoquons cette
citation de G. Marçais : « On ne peut s’occuper de l’urbanisme en pays d’Islam sans faire une
place à cet important fonctionnaire, et l’on doit au moins lui accorder l’honneur d’une
parenthèse ».

1. Définition.
C’est une charge à caractère religieux comme l’ont souligné tous les juristes, historiens,
chroniqueurs et philosophes sus-indiqués. Les trois raisons qui ont permis de qualifier ainsi ce
caractère, sont :
1°- Le fait que la charia est constituée à partir des sources, dont le Coran et la Sunna, sont
les plus fondamentales.
2°- Le nom même de cette charge « hisba » est issu du verbe (Ihtasaba ‫ )احـتـسب‬sous –
entendu ( lillah ‫ ) لـله‬ce qui veut dire l'accomplissent d'un travail en vue d’obtenir une
récompense uniquement d'Allah le Tout Puissant .
3°- cette charge est considérée comme une obéissance aux prescriptions coraniques, du
verset suivant : « qu’il y ait parmi vous des gens appelant à ce qui est bon , ordonnant le bien
et défendant le mal ».

Cette charge, comme le montre ce verset, incombe à tout musulman sans exception.
Cependant el-Mawerdi dans « el Ahkam el-Soultaniya » (les statuts gouvernementaux),
spécifie le Mohtasib, en le distinguant de neuf qualités , lui permettant d'agir et d' être écouté et
obéi par "el-Oumma "( la Nation ) tout en étant couvert par l'autorité supérieur, c'est-à-dire le
Cadi et le Sultan . Ce fonctionnaire est nommé par le cadi qui doit aviser toutefois, le Sultan.

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« L'office du Mohtasib est proche de celui du Cadi , nous précise Ibn Abdoun, il est le porte-
parole du Cadi, son chambellan , son vizir et son lieutenant , si le Cadi a quelque
empêchement, c'est le Mohtasib qui doit juger à sa place dans les affaires de sa compétence et
relevant de ses charges » .
Beldiceanu, N, a analysé de nombreux documents et actes concernant la nomination des
Cadi et celle des Mohtasib qui se pratiquaient séparément.
Précisons que le Mohtasib est payé du bayt el –mal (‫)بيت الما ل‬. Ibn Abdoun dit à ce propos
: « Une solde lui sera attribuée : elle sera prélevée sur le trésor des fondations pieuses et lui
permettra de subvenir à ses dépenses personnelles. ».
Le passage ci- après du docteur Hassan Ibrahim Hassan, mentionne la valeur même de
cette rémunération : « Le Mohtasib était parmi les grands fonctionnaires à l'époque fatimide ;
il avait à sa charge la surveillance des souk et la conservation des mœurs, il vérifiait la validité
des poids et veillait à l'application de ses attributions (son divan) il était élu parmi les bons
musulmans, car sa fonction est quasi – totalement religieuse ; il recevait chaque mois un
salaire estimé à trente dinars. »

Ibn Abdoun attire notre attention à ce que l'on veille au bon exercice de cette fonction
car elle embrasse l'ensemble de la vie sociale. Cependant d'autres juristes, ont bien classé les
attributions du Mohtasib, ils se sont basés sur le verset coranique cité plus haut, pour en
constituer deux grandes catégories répondant aux deux principes fondamentaux :
- ordonner le bien
- interdire le mal.
Ils ont subdivisé chacune ces deux catégories en trois branches :
- ce qui se rapporte au droit d'Allah lui- même ;
- ce qui se rapporte aux droits de l'individu ;
- ce qui se rapporte aux droits communs d'Allah et de sa créature.

2. les attributions urbaines du Mohtasib.


Assisté par le cadi le Mohtasib doit prescrire des recommandations concernant les
techniques de la construction, auprès des maitres d’œuvres et des maçons.
Résumons les recommandations indiquées par Ibn Abdoun par :
- L’épaisseur convenable des murs
- La fiabilité du système constructif, en entrant dans les détails, tels que la section
des poutres porteuses, l’écartement entre-elles, etc…
- La mise en œuvre de la maçonnerie : l’imbrication des briques d’angle.
- Les matériaux de construction.

2.1. Marchés.
- Le Mohtasib, doit assigner un emplacement à chaque corps de métier : ainsi, chaque
artisan se trouvera à quartier fixe avec ses confrères.
« Cela, dit el-Nabrawi, est plus commode pour ceux qui veulent acheter quelque chose
de ces négociants et aussi plus avantageux pour leur métier. »
- Il doit faire éloigner les boutiques faisant des dommages à leur voisines, en dégageant
par exemple de la fumée. C'est le cas des boulangers, gargotiers, forgerons qui doivent
s'éloigner des épiciers, des parfumeurs et des marchands d’étoffes.
- Il doit veiller à ce que les commerçants nettoient les bazars avec des balais, et d'en
enlever toutes les souillures qui nuisent aux passants. El-Nabrawi s'est appuyé sur le hadith :
"Que rien n'y soit une cause du dommage ni de tort ! ".

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2.2. Les corporations des maçons.


-Le Mohtasib doit veiller à que les tuiles et les briques soient fabriquées hors des
portes de la ville. Il y a lieu d’améliorer la cuisson des briques et des tuiles ; et il ne faut pas
employer de briques crues avant qu’elles n’aient prises, en séchant au soleil, une teinte
blanchâtre. On ne doit pas utiliser pour la fabrication des tuiles et des briques crues, des moules
usagés qui ont été rabotés et ont perdu de leur épaisseur. Ces moules doivent être massifs, de
longueur de leur épaisseur. Ces moules doivent être massifs, de longueur, de largeur et
d’épaisseur déterminées et connues du Mohtasib et des ouvriers.

- Le Mohtasib , doit prescrire , également, au scieurs ( de bois) de ne scier les poutres que
suivant les donnée qu’ ils ont reçus ; de même de scier les voltiges en leur laissant une
épaisseur suffisante .
- En ce qui concerne les clous, ils doivent, quelle qu'en soit la taille, être épais, de forme
régulière et présenter une grosse tête ; de même les serrures des armoires ; les cadenas de
celles-ci doivent être massifs, épais et renforcés. Le Mohtasib désigne un expert dans l'art de
menuiserie qui l'aidera à surveiller toutes ces productions.
- Le Mohtasib doit interdire la construction aux endroits d'où l'on extrait de la terre à crépir
et du gravier, « Car, ajoute Ibn Abdoun ces endroits sont d'utilité publique ».
-Ibn Abdoun attribue la protection du port de Séville au Cadi. Cependant celui- ci pourra
déléguer ce pouvoir à la charge du Mohtasib. Il faut éviter qu’en aliène la moindre parcelle ou
qu’on y édifie la moindre construction. Comme le fleuve guadalkivir passait au centre de la
ville, Ibn Abdoun précise :
″ Cet endroit constitue le point vital de la cité, le lieu d’exportation des
marchandises, le chantier de réparation des bateaux ; aussi ne doit –il pas s’y trouver de
propriétés privés ; l’ensemble doit appartenir uniquement à l’état. Il faut prescrire aux
curateurs des successions de ne pas vendre un seul empan de terrain des quais.″
On relève de cette citation, un souci pour la délimitation de réserves foncières d’une
part, et la séparation entre la propriété publique et la propriété privée d’autre part.

2.3. Inspection des possesseurs de fours


- le Mohtasib doit distribuer l’emplacement des fours, dans les rues, les quartiers et les
différents endroits de la ville, d’une manière équilibrée, à cause des avantages qu’ils procurent.
- Il ordonne aux propriétaires de maintenir en bon état les cheminées et de nettoyer les
pavés du four avec des balais à chaque heure.
- De larges ouvertures doivent être pratiquées dans leurs toits afin que la fumée puisse
sortir.
- Le Mohtasib doit avoir une liste des noms des boulangers et des tenanciers de bains avec
les adresses de leurs boutiques pour lui faciliter le contrôle.
- Le Mohtasib peut même imposer à chaque boutique des boulangers, l’obligation de
fournir chaque jour des quantités déterminées de pains, pour éviter tout désordre dans la ville.

3. Conclusion.
On voit ici se dégager une des façons de gestion urbaine forgée par la charia. En effet, la
hisba comprenait dans ses attributions une pratique urbaine bien précise. Le Mohtasib peut être
considéré comme un vrai préposé urbain. Résumons la partie de ses fonctions qui concerne la
pratique de l’espace par :
1. Distribution des équipements dans l’espace urbain, selon leur nuisances ou gêne
provoquée aux habitants (fours, forges, vente de matériaux de construction…)

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2. Entretien des équipements publics, et contrôle de leur fonctionnement, tels que les
cimetières, ports, mosquées, murailles…
3. Contrôle des services urbains : alimentation en eau potable, assainissement, du point
de vue hygiène.
4. Faire respecter les réserves foncières, pour l’extension future des équipements publics.
Nous avons vu l’exemple du port de Séville sur le fleuve Guadalkivir .
5. Exécution de l’expropriation pour cause d’utilité publique, après la délibération du Cadi
ou du Sultan.
6. Contrôle de l’hygiène publique en générale,
a. en inspectant les fours et les fournisseurs de denrées alimentaires
b. en obligeant les riverains de balayer le devant de leur maison, et les
commerçants, le devant de leurs boutiques
c. en chargeant un préposé de nettoyer les parvis des mosquées, le jour du
vendredi …
7. Exécution des délibérations des Cadi, concernant les problèmes du vis-à-vis et les
rapports du voisinage.

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Cours 7. Le patrimoine institutionnel de l’espace ksourien


III. Les corporations de métiers

« La ville musulmane est essentiellement bâtie sur l’idée du marché et la constitution de la


cité musulmane ressort des corporations de métiers. » (Louis Massignon).

Plan.
1. Introduction
2. Structure des corporations de métiers.
3. Activités des corporations de métiers.
4. Rôle des corporations dans la gestion urbaine.
5. Conclusion
6. Les services urbains en Annexe

Bibliographie.
1. Massignon, Louis.- Les corps de métier et la cité islamique.- in Revue internationale de sociologie,
XVIII, 1920.
2. Nafidh Souwid ( ‫)الحرفيون و دورهم التاريخي فى تطور المدينة العربية اإلسالمية‬
3. Raymond André. —Problèmes urbains et urbanisme au Caire aux XVII° et XVIII° siècle.- Colloque
international sur l’histoire du Caire, du 27 mars au 5 avril 1969, le Caire, 1972.

1. Introduction
Les orientations de la charia sont claires au sujet du travail en général, et l’artisanat
et métiers en particuliers. De nombreux versets coraniques et Hadidh du Prophète, incitent
les Musulmans, non seulement à travailler, mais inscrivent la miséricorde d’Allah à ceux qui
cherchent la perfection dans l’accomplissement de leur métier. Nous nous contentons de citer
les versets suivants :
‫ "وقل اعملوا فسيرى هللا عملكم ورسول والمؤمنون‬:‫قال تعالى‬
"‫ "وأما من آمن وعمل صالحا ً فله جزاء الحسنى‬:‫وقال تعالى‬
Et le Hadith suivant : ‫طـلـب الكـسـب فـريـضـة عـلى كـل مـسـلم‬

‫ «‏‬La recherche d’un métier , est un devoir pour tout musulman . » - Le deuxième calife
Omar Ibn el-Khattab a dit : « Lorsque je vois un homme et me plait, je cherche à connaître
s’il a appris un métier ? Si les gens me disent : non, je n’ai plus de l’estime envers lui. »

Ces directives générales, ont favorisé la promotion du mouvement artisanal dans la


société islamique au point où chaque cité possédait une structure bien organisée des arts et
métiers qu’on appelait (‫)الطـوائف الصناعية‬, les corporations de métiers. Ces structures étaient
tellement organisées, qu’elles avaient parvenues à jouer un rôle très important dans
l’administration économique et culturelle de la cité et son organisation spatiale.

2. Structure des corporations de métiers.


Toute corporation est administrée par un « Cheikh », appelé « el-Amin » au Maghreb, « el-
Asta », « el-Maallam », ou encore « el-Arif », en Orient. Ce gestionnaire est choisi parmi les
experts du métier en question, ou à travers des élections organisées par les membres de la
corporation sous le regard attentif du Mohtasib et son consentement, jouant ici le rôle du
représentant du gouverneur de la cité appelé « Sahib el-Madina. Une fois désigné, ce
« Cheikh », représente sa corporation vis-à-vis « Sahib el-Madina ». Il est souvent sollicité et

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consulté par ce derniers, au sujet de tout ce concerne l’exercice du métier de sa corporation :


détermination des prix des produits, leur qualité,…
Les membres affiliés à la même corporation, sont structurés selon des grades
hiérarchiques conformément à leur savoir-faire : affilié-apprenti, affilié-membre artisan
titulaire (‫) صانع مدرب‬, enseignant (‫) معلم‬, Cheikh de la corporation ( ‫) شيخ الطائفة‬
Le passage ou promotion d’un grade à un grade supérieur se faisait solennellement durant
une réception officielle, organisée par l’ensemble des affiliés à la corporation, et en présence
toujours du représentant du gouverneur qui était souvent le Mohtasib. Nafidh Souwid, nous
décrit avec précision, les moments forts de cette cérémonie :
« Cette cérémonie commence par la lecture de la Sourate el-Fatiha, puis quelques
versets coraniques. Puis, commence la cérémonie d’el-chad, qui consiste à ceinturer au
niveau des hanches, le promu au grade supérieur, par un cordon spécial comportant
plusieurs nœuds pratiqués par les soins des grands experts de la corporation, présents à la
cérémonie. Ensuite, on fait porter au candidat des habits spéciaux connus sous le nom du
Seroual , on met ensuite un shale sur ses épaules . On lui rappelle ses devoirs professionnels.
Il doit accepter toutes les obligations de son métier et ne pas les négliger. Les quasi-totalités
de ces devoirs concernent la bienveillance et les bons comportements, notamment la patience,
la modestie, et l’obéissance totale aux devoirs de sa profession, les orientations de ses
maitres, sa famille. Les festivités se terminent par la dégustation d’un bon festin présenté par
les mineurs apprentis de la corporation. ».

Elia Kodsi, a publié en 1882, une étude très complète sur la cérémonie et le serment
d’initiation au sujet des corporations de Damas. L’aspirant qui va devenir maitre doit
participer à une cérémonie à trois événements :
1. D’abord, par les attouchements et les signes des mains et des pieds, à ce que l’on appelle
« ‫ » أخـد الـيـد‬la prise de la main .
2. Ensuite, le Cheikh el-Ta’ifa, le président de la corporation, qui préside en même temps la
cérémonie, lui ceint une ceinture ; c’est ce que l’on appelle le ( ‫) شــد الـحـزا م‬.
3. Enfin, c’est un banquet corporatif que l’on appelle le ( ‫ ) التمليح‬, c’est à dire
partager le sel. Un parrain accompagne l’aspirant, et le garantit au point de vue de sa
préparation. L’aspirant doit participer aux frais de la cérémonie. Louis Massignon, évoque
aussi la lecture d’un doustour (‫ )دستـور‬ou charte, lors de la cérémonie. C’était un ensemble de
règles jurées par un serment solennel, une espèce de codes, ou droit coutumier.
« Ce code, dit L. Massignon, implique de la part des adhérents, de faire du bon travail,
de vendre à juste prix. Et lorsqu’ils veulent changer les prix, s’ils menacent de faire grève, ils
ont une phrase assez particulière, ils disent : le métier ne va plus. Et cette espèce de
déclaration de grève indique qu’il faut réviser les tarifs. »

Ce code stipule entre autre, l’interdiction de l’usure ( ‫ ) الربــى‬et la concurrence déloyale .


C’est le juste prix qu’il faut adopter, et non pas l’esprit de concurrence qui doit régner. Notons
qu’Istanbul, comptait en 1640, 600 corporations qui étaient groupées en 24 classes.

3. Activités des corporations de métiers.


Les corporations de métiers, possédaient une gestion interne, bien organisée. Nous la
résumons comme suit :
1. Apprentissage et transmission des secrets du métier aux nouveaux affiliés et mineurs.
Les relations entre enseignés et enseignants, sont clairement définies.
2. Contrôle technique de l’ensemble des adhérents à la même corporation. Les fraudes
étant proscrites, les malfaçons au niveau des produits aussi, et il faut faire valoir les droits du
consommateur en terme de qualité et prix.

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3. Établir une large consultation pour mieux déterminer les prix des produits d’une part, et
les salaires des travailleurs exerçant au sein de la corporation, d’autre part.
4. Intervention dans les règlements des contentieux et litiges qui surgissent entre les
membres de la corporation.
5. Cheikh el-Ta’ifa ou el-Arif, est considéré comme le représentant officiel de la
corporation vis-à-vis du Mohtasib qui jouait souvent le rôle du représentant du gouverneur de
la cité au niveau du Souk.

Cette séries de fonctions, nous rappelle l’organisation administrative des syndicats


européens et les chambres de commerce. Mais ce qui est important, c’est que les quasi-
totalités de ces corporations étaient constituées de membres issus de la classe générale de
société. Cette position leur a permis de contribuer d’une manière efficace, dans la vie
quotidienne de la société urbaine. Ils participaient dans l’organisation des grandes festivités
aussi bien religieuses qu’occasionnelles.

4. Rôle des corporations dans la gestion urbaine.


Les corporations de métiers, étaient donc un élément fondamental de la vie urbaine. Elles
permettaient aux autorités urbaines, de contrôler l’ensemble des catégories socio-
professionnelles de la cité islamique. En arbitrant les disputes entres membres de la
corporation, en réglant les conflits et en sanctionnant les fautes commises, les cheikhs des
corporations contribuaient à l’administration de la cité et au maintien de l’ordre. Par
l’intermédiaire des Cheikh des corporations, étaient collectées un certain nombre de
redevances qui étaient levées sur les métiers et qui constituaient une grande partie des
ressources fiscales de la cité. Quand les gouvernants avaient besoin de mains d’œuvres pour
accomplir certains services urbains telles que la lutte contre les incendies, ou le nettoyage des
Derb et khitat ( rues), c’étaient aux corporations de métiers et à leurs cheikh qu’ils se
dirigeaient .

Origine de la commune.
D’après Louis Massignon, la commune n’est qu’une corporation puissante autour de
laquelle, gravitent les autres corporations. Comme il y a des intérêts communs, purement
commerciaux, unissant les habitants, elles arrivent à faire un cahier de revendications et à
l’imposer au gouverneur.
« Les communes dit-il, sont des fédérations de métier. », « …. La commune de Paris, a
comme noyau une corporation de métier particulièrement puissante qui s’appelait les
marchands d’eau, c’est à dire ceux qui servaient à faire le commerce de la moyenne Seine. »
L. Massignon, nous démontre clairement que la corporation de métier, est une institution
d’origine purement musulmane. Elle est passée ensuite, en occident.
« On sait historiquement dit-il, que pour la corporation des maçons, par exemple, en
Occident, à la fois les secrets de métiers et la corporation même viennent de l’Orient,
s’établir en Lombardie et ensuite en France, nous pouvons supposer ( puisque la courbe
même de la progression des communes, nous montre que le mouvement vient d’Orient le long
des voies de commerce au moment même des croisades, au moment où le commerce a été le
plus intense avec l’orient ) , nous pouvons supposer qu’il y a bien là une réaction d’une forme
de vie sociale musulmane sur la vie sociale de la chrétienté . »

Pour étayer sa thèse, Massignon évoque la quatrième source du droit musulman, qui est
el-Ijma’ ou « l’unanimité ». Dans la commune, les délibérations, doivent être prises à
l’unanimité : « C’est précisément dit Massignon, le principe musulman de l’Ijma’. ». Il ajoute
plus loin : « En Islam, une sentence n’est pas valide s’il n’y a pas une unanimité, un

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consensus. ». Il faut donc l’unanimité, et non la majorité. Par ailleurs, les corporations de
métier, ont utilisé un certain nombre de mots arabes passés à plusieurs langues, tels que le mot
« tarif », signifie l’identification ou (‫) التعريف‬, le mot « douane », c’est (‫) الديـوان‬, ou encore le
mot « charte » veut dire « condition », (‫ ) الشـرط‬.

5. Conclusion.
Les corporations de métiers, étaient donc un élément fondamental de la vie urbaine. Elles
permettaient aux autorités urbaines, de contrôler l’ensemble des catégories socio-
professionnelles de la cité islamique. Les cheikhs des corporations contribuaient à
l’administration de la cité et au maintien de l’ordre. Par ailleurs, elles contribuaient
substantiellement aux ressources fiscales de la cité. Une grande partie des services urbains ne
pouvaient être assurée sans la concours des corporations, telle que la lutte contre les
incendies, le nettoyage des rues ou encore l’alimentation en eau potable.
D’une manière générale, les corporations étaient un lien administratif entre la classe
gouvernante et les sujets. D’après Louis Massignon, les corporations de métiers islamiques
étaient la base de l’émergence de la commune. « La commune n’est qu’une corporation
puissante autour de laquelle, gravitent les autres corporations.

Annexe
(les services urbains)

1. Alimentation en eau potable.


Les corporations contribuaient efficacement dans l’alimentation en eau potable, des cités islamiques,
nous étudions à titre d’exemple, Le Caire à l’époque ottomane. Au Caire, le problème de l’approvisionnement
en eau potable, était particulièrement difficile à résoudre. Cette ville, ne pouvait compter sur l’eau de pluie qui
enregistrait tout juste, trente millimètres en moyenne par an. Elle ne pouvait compter, non plus sur celle que
fournissaient les puits (elle était trop saumâtre pour qu’on put la consommer en dehors des périodes de crise),
ou le khalidj (canal) où coulait l’eau que pendant la crue du Nil qui, à l’époque ottomane était éloigné de 1300
mètres environ de la limite occidentale de la ville, sauf à la hauteur de bab « el-louq » qui n’était distant que de
800 mètres de la rue du fleuve. La distribution de l’eau, se faisait donc, pour l’essentiel, à partir du Nil, suivant
deux modalités différentes :
A. Portage de l’eau par la corporation des « el-Saqqa’in » (porteurs d’eau)
B. Stockage dans des équipements appelés « Sébil »
C. Les marchands d'Alger.

A. Portage de l’eau par la corporation des « el-Saqqa’in »


Ce service était assuré par des « Saqqa’in » , (‫ ) الـسـقـايـين‬dont le nombre, atteignait une dizaine de mille et
qui faisait le va-et-vient entre le Nil et la ville, à l’aide des milliers de chameaux et d’ânes pour porter les outres
(rawiya en peau de buffle, ou garba en peau de bouc). Ils étaient organisés en cinq corporations de métiers
suivant une double spécialisation technique et géographique :
- Une corporation utilisait les chameaux et était localisée à Bâb el-louq, dans une position centrale à
proximité du fleuve.
- 4 corporations utilisaient les ânes et étaient localisées les anes et étaient localisées à bab el-Bahr, bab el-
louq, hara el-Saqqa’in ( ‫)حـارة السـقـايـين‬, Qanatir el-Siba’ (‫) قنـاطير السـباع‬, points échelonnés sur la limite ouest de la
ville. La distribution en ville était répartie entre trois corporations, comme suit :
- une de vendeur d’eau de détail

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- une de porteur d’eau des citernes (Sébil)


- une de porteur d’eau salée destinée aux usages domestiques.
L’eau était vendue aux passants ou à domicile et payée soit immédiatement, soit selon des modalités
d’abonnement souvent ingénieuses : le porteur d’eau inscrivait sur la porte de son client des traits
correspondants à la quantité d’eau fournie, ou se servait de colliers de perles bleues, dont il retirait une perle
par outre apportée. L’autorité avait recours à ce service pour le faire intervenir dans d’autres services publics,
telles que les incendies, l’arrosage de quelques artères centrales, dont chari’ el-Mou’iz (‫)شـارع المـعـز‬. Tandis que
les Derb (artères centrale d’une hara ou quartier), Atfa (ruelles), et zouqaq (impasses), étaient considérés
comme des propriétés privées indivises, dont les frais d’arrosage et entretien incombaient donc aux riverains.
Une privatisation hiérarchisée, conformément à la jouissance des habitants sur ces espaces non bâtis. En effet,
les sens attribués aux notions de « public » et « privé », ne peuvent en aucun cas être appliqués à ce type
d’espaces, souvent arborescent. Ceci renvoie à l’organisation de la famille musulmane, ses croyances, culture
et pratiques sociales. En fait ses spécificités familiales et par conséquent sociales dictent nécessairement
l’adoption des techniques appropriées pour satisfaire les services urbains. A notre sens ces techniques, sont
engendrées d’une manière naturelle par la société urbaine : thèse très négligée par l’urbanisme dit
progressiste contemporain préconisé par la charte d’Athènes et tant recherché par l’urbanisme écologique
contemporain. Passons à la deuxième modalité.

B. Stockage dans des équipements appelés « Sébil »


Dans le système d’approvisionnement en eau du Caire, un rôle très important était joué par les Sébils, dont
les réservoirs permettaient de stocker l’eau en vue de sa distribution ultérieure. Les Sébil sont des équipements
constitués en waqf . Comme leur nom l’indique ( ‫)فى سبيل هللا‬, c’est une aumône consacrée à la distribution de
l’eau, sans contrepartie financière ou autre. Leur construction, gestion et fonctionnement est assuré
essentiellement par les rentes des biens waqf. La « description de l’Egypte », évalue le nombre de Sébil au
Caire ottoman à trois cent. Voir leur localisation sur la carte. La répartition de ces Sébil, sur la carte du Caire,
est conforme à la répartition de la population. La construction de ces fontaines, est logiquement liée à une
population dense. Ces Sébil étaient habituellement constitués :
- d’un réservoir où l’eau était stockée,
- d’un rez de chaussée où se faisait la distribution de l’eau
- d’un étage occupé par un « maktab », sorte de médersa où les riverains peuvent venir
apprendre le Coran. C’est pour cette raison, qu’ils ont été souvent appelés : « Sébil-Kouttab ».

La fourniture de l’eau était, par excellence, une œuvre pie, aussi, trouve- t- on parmi les fondateurs de
Sébil, des Pacha, des Bey, des officiers, des Odjaq, et des habitants aisés. Les Sébil sont mentionnés dans de
nombreuses fondations pieuses. Les waqfs, constituent un moyen efficace pour assurer la pérennité de ce
service public, tant vital dans la vie de la société urbaine. D’autant plus important, quand on sait que la plupart
des devoirs religieux ne sont valables qu’après les ablutions.
Les actes des waqfs, font état des dispositions minutieuses fixant le montant des sommes affectées pour
le remplissage des réservoirs, à la rémunération des gestionnaires, à l’entretien du monument et de son
matériel, jusqu’à même la fourniture d’huile et de fanaux pour l’éclairage de la façade, durant le mois sacré du
ramadhan et les fêtes religieuses. Relevant essentiellement des waqf, des exemples de Sébil ont été traités
dans la section consacrée au rôle des waqf dans le développement urbain. Notamment dans les travaux de
l’Emir Ali Khéthuda, ceux d’Ibrahim Agha et ceux de Ridwan Bey. L’approvisionnement en eau du Caire en eau,
fut parfois perturbé par les répercussions des crises politiques : la source d’où s’approvisionnaient les Saqqa’in,
était trop lointaine pour que, en période de trouble, la fourniture ne fut pas compromise. Mais, au total, cette
combinaison originale des corporations des Saqqa’in, et la construction des Sébil, dans le cadre des waqf,
fonctionnait d’une manière satisfaisante.
Notons enfin, que le Mohtasib, qui était un fonctionnaire nommé et rémunéré par le Beyt el-mal ( ‫بيت‬
‫ ) المـال‬ou trésorerie municipale, avait un œil sur la conduite du Nadhir (‫ ) النـاظر‬ou gérant du waqf, pour la
bonne exécution des prescriptions établies par le constituant dans sa waqfiat . C’est cette harmonie et
complémentarité qui existait entre le pouvoir municipal et la population urbaine, qu’il faudra actuellement
restaurer pour faire face aux besoins de la société en matière des services urbains. Cette restauration n’est
possible que si l’on adopte des techniques adaptées aux spécificités sociales et soutenues par la population.

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C. Les marchands d'Alger.


Diego de Haëdo, nous renseigne sur les marchands d’Alger où se tenaient les cérémonies des corporations
de métier, sans s’étaler sur les détails. En revanche il nous offre une idée précise sur le nombre de ces
corporations en le mettant en rapport avec la population totale d’Alger au XIVe siècle. .
« Les marchands forment la cinquième classe de la population d'Alger ; elle est assez nombreuse. Elle se
compose de Turcs de naissance, de renégats ou enfants de renégats, parmi lesquels on trouve aussi quelques
juifs qui se sont volontairement convertis à l'islamisme ainsi qu'il arrive chaque jour. Beaucoup de ces
marchands ont été d'abord des janissaires ou marins et se sont donnés au commerce parce que ce genre de vie
leur a paru plus paisible et exempt de périls. D'autres, dès l'enfance, sont dressés à cette carrière par leurs
maîtres et patrons. Les marchandises sur lesquelles ils opèrent sont celles qu'il y a en Berbérie, dans la partie qui
répond à Alger, savoir : blé, orge, riz, vaches, bœufs, chameaux, moutons, laines, huiles, beurre, miel, raisins
secs, figues, dattes, soie ; on ne peut traiter en cuirs et en cire qu'autant qu'on a obtenu une permission du
pacha pour acheter ces deux denrées aux Maures et les revendre aux chrétiens. …..Leurs boutiques qui sont
nombreuses sont dirigées par leurs fils, ou des renégats en qui ils ont confiance … Ces boutiques, dans les divers
souks sont au nombre d'environ 2.000 ; il n'est pas d'usage d'y habiter, les maisons où ces marchands logent
avec leurs familles s'élèvent à peu près à 3.000 ».

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Cours 8. Le patrimoine institutionnel de l’espace ksourien


IV. La Djémaa
Plan
1. Introduction.
2. Une organisation socio-spatiale par quartiers.
3. Conclusion

Bibliographie.
1. Diego de HAËDO, Topographie et Histoire générale d'Alger, trad. de l'espagnol par Dr. Monnereau et A.
Berbrugger, Editions Bouchène, 1998.
2. Francesco Della Casa est le rédacteur en chef de la revue Tracés. Curateur de Lausanne Jardins en 2004 et
2009.
3 .Gérald Billard « Ville fermée, ville surveillée. La sécurisation des espaces résidentiels en France et en
Amérique du Nord », Presses Universitaires de Rennes, 2005.
4. el-Maqrizi.- "Kitab Al Mawàiz wa 1-i'tibar fi dhikr al khitab wa l'âthar .- (Description topographique et
historique de l’Egypte), Boulaq, 1858, 2 vol. Trad. A. Bouriant, Paris, 1900.
5. Roger Le Tourneau .- Les villes musulmane de l’Afrique du Nord. La maison des livres. Alger, 1957.
6. André Raymond. Grandes villes arabes à l’époque ottomane.- Paris, 1985 pp. 133-135.
7. Filippo PANANTI, Relation d'un séjour à Alger, 1820, rapporté par Lucette VALENSI, Le Maghreb
avant la prise d'Alger (1790-1830). Paris, Flammarion, coll. « Questions d'histoire », 1969.
8. Niebuhr, Voyage en Arabie (Amsterdam 1776), I, p.88. Description, Etat moderne, II-2.
9. Denis Grandet.- Quatre Djemaa des ksours du sud-ouest algérien, USTO, 1985.
10. Jacques Berque, structure sociale du Haut Atlas, PUF, Paris, 1995, p.383.
11. A. Hennia et B. Tlili, l’organisation des pouvoirs des notables dans les communautés des Djérid
tunisien au XVIII e siècle in cahiers de la méditerranée, numéro spécial, université de Nice, 1980.
12. Isabelle Eberhardt, récit de voyage vers 1900 Chap. théocratie saharienne, page 31.
13. Arpaillange Christophe, « Small is beautiful » : Le quartier est-il aujourd'hui le lieu d'une refondation de
la culture et de la pratique démocratiques ? Démocratie locale et management, Actes des 4èmes rencontrent
ville-management, Dalloz, 2003.

1. Introduction.
Cette section nous révèle l’influence du mode d’aménagement initié par le Prophète à
Médine sur l’organisation spatiale de la cité islamique surtout celles qui étaient construites
dans les premières périodes de l’Islam. Un mode d’aménagement basé sur la distribution d’un
Iqta’ (‫( )اإلقطاع‬grande parcelle de terrain) à chaque groupe ethnique ou religieux. L’autonomie
de gestion interne de chaque quartier est consacrée par une charte rédigée par les soins du
Prophète. Ce mode d’aménagement ne préconise pas seulement une concertation et
participation de la population dans l’édification de son cadre de vie, mais il offre l’autonomie
pure et simple à chaque groupe ethnique ou religieux de décider et réaliser les espaces
nécessaires et adéquats à leurs pratiques sociales. Le quartier se construit alors par
négociation entre proches. Son développement graduel cristallise spatialement le
développement progressif du groupe social. Cette démarche naturelle et organique trouve
actuellement un écho favorable dans l’urbanisme dit écologique ou durable. Ce mode
d’aménagement facilite énormément la gestion urbaine de la cité islamique. Chaque quartier
est géré par une assemblée ou djemaa qui coordonne ses actions avec l’ensemble des autres
assemblées de quartiers de la cité. Les troubles internes sont réglées à l’intérieur de chaque
quartier. Même le Cadi doit se conformer aux prescriptions de la charia et aux coutumes du
groupe social pour se prononcer sur un litige bien précis entre membres d’un même groupe
social. Illustrons cette gestion très proche des citoyens par des exemples concrets.

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2. Une organisation socio-spatiale par quartiers.


La cité islamique est organisée selon un ensemble de quartiers abritant chacun un
groupe humain caractérisé par une homogénéité sociale basée sur le sang, activités
professionnelles ou la confession religieuse. Le nombre de quartiers dans une cité annonce
autant de groupes sociaux composant la population de la cité. Ce n’est pas par hasard que la
description du Caire par el-Maqrizi suit la méthode de description par quartier ou khitta.
L’ouvrage même de cet historien du XIVe est habituellement connu sous le nom d’el-khitat
el-maqrizia au lieu de son nom initial.
1. La Casbah d’Alger
Evoquons un passage du récit du voyageur Filippo Pananti décrivant l’organisation
sociale des tribus musulmanes dans la régence d'Alger au début du XIXe siècle. La population
urbaine était organisée sous forme de plusieurs communautés ayant chacune un chef nommé
cheikh.
« (...) Chaque tribu peut être considérée comme une nation ; …. elles ont un chef. Cet
officier se somme Sheikh, qui veut dire ancien. En général on le choisit parmi les plus vieux
de la tribu ; et le plus distingué pour la maturité du jugement et la pratique de la vertu est
celui que les Arabes jugent dignes de les commander (...). Le gouvernement n'est à
proprement parler ni électif ni héréditaire ; il y a quelques familles qui gouvernent depuis des
siècles ; mais elles le doivent à leur administration paternelle et à ce plaisir que nous
éprouvons tous à obéir à ceux qui cherchent à nous rendre heureux. On voit en général le fils
succéder au père ; cependant ce mode d'arriver au pouvoir n'est pas assuré par un droit
positif ; l'élection et l'approbation du peuple autorisent seules à prendre les rênes du
gouvernement (...). Si le Scheik maltraite ses sujets, ou n'est pas fidèle aux principes qui l'ont
fait appeler au gouvernement, on ne forme point de complot contre sa personne ; on ne trame
aucune révolution. Le Scheik est tranquillement délaissé par toute la tribu ; elle va se joindre
à une autre dont le chef reçoit à bras ouvert cette nouvelle acquisition (...). Dans les affaires
d'importance, le Sheikh se fait un point capital de consulter les chefs de chaque tente ou
famille, et il montre la plus grande déférence pour leurs opinions. (...) »..

2. Le Caire.
Plus que les corporations de métiers dont les préoccupations restaient surtout
professionnelles et dont la zone d’activité ne couvrait qu’une partie de la ville du Caire, la
cellule de base de la vie urbaine paraît avait été le quartier désigné par khitta à l’époque des
Califes et hara à l’époque des fatimides.
Les quartiers du Caire, écrit Niebuhr « sont composés d’un grand nombre de petites rues,
mais qui toutes n’ont qu’une seule issue, par où elles aboutissent à quelque unes des rues
principales ». Le quartier constituait donc un ensemble fermé desservi par un réseau
hiérarchisé d’artères, impasses débouchant dans les ruelles (atfa), aboutissant à leur tour dans
la rue centrale du quartier (darb) qui lui donnait souvent son nom, et qui finalement
communiquait avec la grande rue (chari’), souvent par l‘intermédiaire d’une porte. Il n’y avait
généralement pas de boutiques dans la hara, si ce n’est auprès de la porte d’entrée.
« Les quartiers servent communément de demeures à des artisans et d’autres habitants
pauvres qui travaillent non dans leurs propres maisons mais dans de petites boutiques au
souk ou le long des rues marchandes » écrit encore Niebuhr.

Chacune de ces unités séparées abritait habituellement un groupe humain relativement


homogène, ouvriers exerçant le même métier, gens originaires du même pays ou professant la

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même religion. D’après A. Raymond, il y avait 63 hara au Caire ottoman. Les quartiers
comportaient habituellement des portes situées à l’entrée de la rue donnant accès à la Hara.
Ces portes étaient gardées par des Bawwabs. Elles n’étaient pas réellement destinées à jouer
un rôle défensif en temps de guerre, mais plutôt à assurer la sécurité nocturne, en empêchant
la circulation des éventuels voleurs. Dès que la nuit tombe, les portes des quartiers se ferment.
Elles s’ouvraient qu’aux personnes résidants dans le quartier ou rendant visite à des personnes
connues, moyennant une modeste rétribution versée au bawwab. Ce système permettait aux
autorités de contrôler les déplacements des individus suspects.

C’est l’objectif même recherché actuellement dans le recours des gated communities dont
le nombre augmente d’une manière spectaculaire à Los Angeles.
Le cloisonnement de la cité islamique était très utile en cas de troubles : au premier signe
d’émeute populaire, les quartiers se fermaient, ce qui avait le double avantage d’assurer la
protection des habitants et de gêner les activités des fauteurs de désordre. Si les Français, au
moment de l’occupation de l’Egypte, entreprirent d’enlever les portes des rues et des quartiers
du Caire, c’est pour des raisons militaires stratégiques. Ces hara étaient placées sous
l’autorité de cheikh (cheikh el-hara) qu’assistait un ou plusieurs naqib. Cette structure est
identique à celle des corporations de métiers. Les deux organisations fondées l’une sur le
métier, l’autre sur la résidence, se complètent. Le cheikh de la hara peut parfois même être le
cheikh de la corporation dominante du quartier.

Toutes les communautés ethniques et religieuses étaient organisées comme des entités
quasi administratives placées sous la direction de cheikhs qui, dans le cas des minorités
confessionnelles, pouvaient être leur chef religieux eux-mêmes. Il s’agissait donc d’une
organisation parallèle à celle des corporations de métiers et qui dans certains cas la recoupait,
puisque certaines ethnies ou communautés étaient spécialisées dans une activité déterminée :
la corporation de métier était alors l’aspect professionnel d’une structure qui avait aussi un
aspect ethnique ou confessionnel.

Ce type d’organisation était si universel et si constant, d’une ville à l’autre, qu’on peut
se contenter de mentionner ici le cas d’Alger à titre d’exemple. La ville comptait avant 1830,
six corporations de barraniya (gens du dehors), qui venaient de l’intérieur du pays pour y
travailler temporairement : gens du M’zab, de Biskra, de Djijel, de Laghouat, de la tribu des
Mzita. Chacun de ces groupes avait un chef qui était reconnu par le gouvernement et qui
servait d’intermédiaire entre la communauté et les autorités. Les Amin étaient chargés de la
police dans leur communauté, qui était responsables collectivement de tout délit commis par
l’un de ses membres. Dans leur action répressive, les Amin s’inspiraient de la coutume, et
consultaient les notables de la communauté. Le gouvernement n’intervenait que rarement
dans ses affaires.

Les communautés chrétiennes et juives avaient une organisation tout à fait similaire. Les
juifs de Tunis habitaient un quartier (hara) et étaient gouvernés à l’époque ottomane, comme à
l’époque médiéval par un conseil de notables, qui gérait les fonds de la communauté,
veillaient à l’entretien des synagogues, répartissaient les subsides entre les pauvres et les
malades, sous l’autorité d’un cheikh qui s’occupait du maintien de l’ordre et de la levée des
impôts et qui assurait la liaison entre l’Etat et la communauté. Un officier de la marine russe
faisait escale à Tunis à la fin du XVIIIe siècle, écrivait :
« On peut dire que les moines mahométans ne montrent pas autant d’animosité (haine)
que ceux d’Europe à l’égard de ceux qui professent une autre religion : la preuve en est que

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les chrétiens et israélites qui vivent ici peuvent s’administrer librement selon leur propre
loi ».
Pour mieux cibler ses actions, le gouverneur de la ville fait appel aux chefs de quartiers
(mouqaddim el-Hawma). Le Mohtasib lui, fait appel aux chefs de corporation, appelés
« Amin » au Maghreb. Ces personnages font véritablement office de charnière entre les
représentent de l’autorité et le groupe qu’ils représentent. Les uns et les autres offrent cette
particularité d’être nommés par le gouvernement, mais sur présentation des habitants d’un
quartier ou des membres d’une corporation. Le chef de quartier n’est pas désigné au suffrage
universel par tous les habitants de son quartier, pas plus que le chef de la corporation n’est
présenté par tous les membres de
sa corporation ; dans l’un et l’autre cas il est l’homme des notables (el-a’yyan) les patrons de
la corporation et les personnages du quartier. Ainsi le chef de corporation et chef de quartier
dépendent à la fois du gouvernement qui les nomme et peut les révoquer, et des notables qui
les présentent et peuvent les désavouer. « Ce système a bien fonctionné pendant des siècles
en donnant de bons résultats. » atteste Roger le Tourneau.

Pour les ksour nous évoquons les travaux de Denis Grandet qui a étudié quatre Djemââ
des ksour du sud-ouest algérien situés à Béni-Ounif, Taghit, Béni-Abès et Timimoun.
Jouissant d’une autonomie relative par rapport au pouvoir central, chaque ksar dispose d’une
assemblée de notables nommée Djemââ établie à coté de la place publique. Chaque djemaa
gère les intérêts communautaires dont les compétences étaient larges.
« La compétence de la djemââ s’étendait non seulement à la gestion temporelle, non
seulement au statut des personnes et des biens, à toute la matière du droit privé et public,
mais encore à la gestion du sacré ».

Dans les régions du Sud elles s’occupent en particulier de l’organisation du partage de l’eau,
fondement du système des cultures dans la palmeraie. Même lorsque le pouvoir central est
puissant, son représentant est contraint de passer par la Djemaa sur le plan fiscal, entre autre
pour fixer les évaluations d’imposition.

Lisons ce passage du Récit de voyage d’Isabelle Eberhardt:

« C’est la Djemaa, assemblée des fractions et des ksour qui est souveraine. Toutes les
questions politiques et administratives ont soumises aux délibérations de la Djemaa. A-t-on
besoin d’un chef ? C’est le djemaa qui le nomme. Tant qu’il conserve son investiture, ce chef
est obéit, mais il reste toujours responsable vis-à-vis de ceux qui l’ont choisi… A Kénadsa,
c’est le chef de la Zawiya qui est le seul seigneur héréditaire du ksar. C’est lui qui tranche
toutes les questions et qui, en cas de guerre, nomme les chefs militaires. C’est lui qui rend la
justice criminelle, tandis que les affaires civiles sont jugées par le Cadi. Mais là encore le
Marabout est la dernière instance et c’est à lui qu’on en appelle des jugements du Cadi. Sidi
M’hamed ben Bouziane, le fondateur de la confrérie, voulu faire de ses disciples une
association pacifique et hospitalière. La zawiya jouit du droit d’asile : tout criminel qui s’est
réfugié se trouve à l’abri de la justice humaine. Si c’est voleur, le Marabout lui fait rendre le
bien volé. Si c’est un assassin, il doit verser le prix du sang. A ces conditions, les coupables
n’en courent aucun châtiment, dès qu’ils sont entrés dans l’enceinte de la zawiya ou même un
terrain lui appartenant. La peine de mort n’est appliquée par le Marabout. S’il arrive qu’un
criminel soit mis à mort, c’est par les parents de la victime ou quelque fois même par les
siens, jamais sur condamnation des Marabouts.
« ….Grace à la zawiya la misère est inconnue à Kénadsa. Pas des mendiants dans les rues
du ksar ; tous les malheureux vont se réfugier dans l’ombre amie et ils y vivent autant que

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cela leur plait. La plupart se rendent utiles comme serviteurs, ouvriers ou bergers, mais
personnes n’est astreint à travailler. Personne n’ose élever la voix et critiquer les actes du
maître. On s’incline, on répète les opinions de sidi Brahim. »

3. Conclusion.

La cité islamique est incontestablement organisée sous forme d’un ensemble de


quartiers abritant chacun un groupe sociale homogénéisé par le sang, ou par l’exercice d’une
même activité professionnelle ou par la même confession religieuse. Tous les travaux des
historiens de l’art, architectes ou encore les récits des voyagistes attestent la présence de cette
organisation socio-spatiale qui s’est propagée à travers tout le monde musulman malgré la
considérable étendue géographique et la diversité sociale des contrées islamisées. Nous avons
remarqué la présence des djemaa de quartier aussi bien dans les médinas que les ksour.
En revanche, les attributions de ces assemblées de notables ne comportaient guère
une ingérence dans les pratiques spatiales dans les quartiers. Le Mohtasib avait son mot à dire
sur les voies indivises entre les membres de chaque communauté. L’autorité représentée par le
Cadi n’intervient dans les questions relevant du bâti que s’il y a contestation de la part des
habitants en l’occurrence des voisins. Tout laisse supposer que les gens construisaient leurs
demeures par négociation et par respect des hadiths relevant de l’espace. Il y avait non
seulement une concertation ou participation, mais simplement une autonomie qui commence à
se clarifier dans le geste de la construction islamique. Certes, cette approche fait atténuer dès
le premier geste constructif les troubles de voisinage notamment ceux qui sont lés directement
à la mitoyenneté. Dans la mesure où les gens se connaissent et partage ensemble des intérêts
d’ordre confessionnel, professionnel ou ethnique.

On note par ailleurs, que l’urbanisme dit moderne favorise ce type de gestion urbaine
qualifié de très proche du citoyen. « Small is beautiful », nous dit-on. L’action de proximité
est présentée actuellement comme un moyen privilégié pour surmonter les contraintes qui
limitent l’efficacité et la légitimité des politiques publiques, notamment en milieu urbain.
Grâce à la participation des habitants, l’action de proximité conjuguerait rationalité
gestionnaire et renforcement de la démocratie. Mais en l’absence de marges de manœuvre
financières et institutionnelles suffisantes laissée par le pouvoir central aux « gouvernements
» locaux, et en dépit d’expérience localement réussies, les politiques dites de proximité n’ont
que des effets limités sur la citoyenneté. On l’a vu à travers la prolifération des « Gated
communities » dans plusieurs villes américaines notamment Los Angeles. De nouveaux
concepts font leur apparition dans les discours urbains contemporains telle que « la gestion de
proximité » ou encore « les régies de quartier ». Tous s'accordent, localement, pour souligner
que les quartiers pourvus d’une régie de gestion sont plus propres qu'avant. La plasticité des
régies tient en premier lieu à leur capacité à agréger trois dimensions fondatrices : la gestion
de quartier, l'insertion socio-économique et l'implication sociale.

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