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Annales de Géographie

Les civilisations africaines d'après Frobenius


Paul Vidal de la Blache

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Vidal de la Blache Paul. Les civilisations africaines d'après Frobenius. In: Annales de Géographie, t. 8, n°39, 1899. pp. 265-
267;

doi : https://doi.org/10.3406/geo.1899.6093

https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1899_num_8_39_6093

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265

NOTES ET CORRESPONDANCE

LES CIVILISATIONS AFRICAINES

APR FROBE S4US

Le matériel ethnographique est ce point accru depuis vingt ans dans


nos inusées une mine nouvelle observations et de comparaisons est
ouverte Frobenius semble connaître fond les abondantes richesses que
renferment en objets de ce genre les collections Allemagne et des pays
voisins Il en tiré les éléments du volume accompagné de cartes nom
breuses et illustrations il publie sous ce double titre Origine de la
civilisation et Origine des civilisations africaines Disons tout abord que ce
mélange dans lequel un essai général esL associé une monographie du
monde africain est pas exempt inconvénients auteur se serait épar
gné beaucoup de digressions et de propositions contestables si bornant
son cadre Afrique il avait réservé pour un travail ultérieur les généra
lisations dont il se croit maiire Nous préférons pour notre part laisser de
côté cette partie qui est certainement la moins digérée pour relever de pré
férence ce que ouvrage de Frobenius apporte de neuf la connaissance
ethnographique de Afrique cet égard ouvrage est intéressant tant par
les faits il met en uvre que par les aper us il ouvre
Frobenius le mérite de rester géographe dans ethnographie Il
prélude son étude africaine par un chapitre sur la morphologie de ce con
tinent 13-20 Nous aurions voulu ce chapitre moins court et la carte qui
accompagne moins schémaLique auteur indique la division fondamen
tale qui lui servira de guide un axe de rapports et de civilisation se des
sine de W. du Nil au Sénégal un autre du NE au SW. des sources
du Nil au Cap entre eux étend un domaine de lente propagation qui com
prend le Sud-Ouest le bassin du Congo et une partie de la côte occidentale
Pour appuyer sa thèse il attache montrer que dans Afrique orientale
par exemple certaines formes de civilisation matérielle décroissent me
sure on éloigne du foyer dont elles sont originaires est ainsi il
considère élevage du uf qui par Est de Afrique est propagé au
Cap comme étant parvenu ce continent par intermédiaire de Asie sud-
occidentale toutefois dit-il industrie du cuir si développée et si perfec
tionnée dans le Nord expire sans dépasser le centre de Afrique orientale
FROBENIUS Ursprung der Kultur I3and Ursprung der afrikanischen
Kulturen Berlin Gebruder Bornträger 1898 In-8368 p. flg. 26 cartes
26tí NOTES ET CORRESPONDANCE.
On distingue un courant de transmission en marche, et dans lequel certaines
choses ne sont encore parvenues qu'à moitié route. C'est ce qui lui permet
de parler d'une traînée de civilisation d'un type spécial, asiatique par sa
provenance, qui va s'affaiblissant du N. au S.
Il en est de même pour le Soudan, qui cependant, pays agricole plutôt
que pays d'élevage, semble moins apte à s'imprégner des habitudes
pastorales du Nord africain. Un indice d'un envahissement récent de la civilisation
du Nord résulte, suivant lui, d'une forme d'habitalion en usage chez la
plupart des races dominatrices du Soudan, la maison cylindrique surmontée
d'un toit en forme de cône. Les murs, il est vrai, sont en pisé ; mais le
principe essentiel de la construction est un poteau de bois, placé au centre,
pour soutenir la charpente également en bois. C'est le même leitmotiv que
dans la tente du nomade. Ce type inspiré de la tente serait d'importation
récente au Soudan.
Ainsi au N.et à l'E. on voit des influences actives, envahissantes, gagnant
du terrain. 11 me semble, d'ailleurs, que le mot Islam résumerait assez bien
et une fois pour toutes ce genre de civilisation vigoureuse et agressive que
veut caractériser M. Frobenius. Peut-être même est-ce là qu'il faut en
chercher le principe moteur. Quoi qu'il en soit, ce spectacle est étranger à
l'Afrique occidentale. La civilisation de l'Ouest africain se partage en deux
groupes d'inégale importance : l'un, beaucoup plus riche de formes, mieux
partagé d'ailleurs sous le rapport des matériaux, comprend le bassin du
Congo, avec la bande forestière qui s'étend le long de la côte de Guinée
jusqu'au delà de Libéria. L'autre, plus dénué et plus pauvre, s'étend au Sud
du domaine précédent ; il s'exprime par l'état de civilisation des Boschi-
mans, semblable à celui des Australiens et Mélanésiens. Mais tous deux se
distinguent également du Nord et de l'Est africain par la nature des
matériaux employés : « Là les animaux, ici les plantes. » Les matériaux dans
l'Ouest sont empruntés au règne végétal : il en est ainsi pour les boucliers,
cuirasses, engins de pêche, instruments de musique, etc.
Je cite les assertions de M. Frobenius, sans me dissimuler que sous cette
forme absolue elles soulèvent quelques réserves, car l'éléphant et
l'hippopotame ont fourni au matériel ethnographique du centre africain assez de
contributions pour y marquer une large place à la faune. Mais que le
règne végétal ait la principale part dans les matériaux dont les peuples
de ce groupe font usage, cela n'est pas contestable. L'étude des demeures
humaines est instructive à cet égard. L'Ouest africain a son type
d'habitation, différent de celui qui prévaut au Nord et au Sud : c'est la hutte
rectangulaire où les deux parties composant le toit s'arc-boutent en forme de
château de cartes, et dont la solidité est assurée par un entrelacement
compliqué de fibres végétales. Les matériaux souples et flexibles nécessaires
à ce genre de construction sont libéralement fournis par les tiges et les
feuilles de la végétation tropicale. Le Raphia vinifera peut passer à cet égard
pour le substitut africain du bambou, cet inestimable auxiliaire de
l'industrie humaine qui, dans l'Asie orientale, sert à fabriquer des armes, des
maisons, du papier et que sais-je encore? Ce système de revêtement
végétal produit de grandes analogies de structure et d'aspect entre les
habitations du Centre africain et celles de l'Insulinde (voir iig. 202, 203). Sur
CARTES NOUVELLES INDO-CHINE ET DE CHINE 267
les fleuves et les lacs par exemple sur le lac Mohrya fig 20 après
Cameron) on trouve des maisons établies sur pilotis et présentant une
plate-forme analogue la barla de la Nouvelle-Guinée Nous laissons
Frobenius la responsabilité de hypothèse par laquelle il explique ces
ressemblances et autres encore Il aura de la difficulté faire admettre
que des formes de fabrication et des modes établissement qui correspon
dent parfaitement au milieu physique où on les trouve soient des dérivés
une civilisation malaise-polynésienne qui insulaire serait devenue
continentale
impression on retire de ces recherches est très suggestive Comme
résultats notons abord il pas même chez les Nigritiens de
Extrême-Sud de peuples on puisse appeler primitifs partout dans les
moyens de se loger ou de armer dans usage du feu se laisse voir un
certain degré avancement Puis nous percevons mieux désormais entre
Ouest africain et le reste du continent une profonde différence de civilisa
tion connexe une différence de nature physique Le rapport de la géo
graphie et de ethnographie se montre en somme avec plus de clarté Un
objet isolé ne dit pas chose mais lorsque dans les musées désormais
plus riches et sans doute aussi mieux classés alimente le progrès des
explorations nous voyons groupés un certain nombre objets de même
provenance nous reconnaissons entre eux une empreinte commune qui est
celle de la contrée où ils ont vu le jour Ici le bambou et les ubres végé
tales ailleurs le cuir et les peaux ailleurs la pierre ou la brique dominent
dans les objets de fabrication humaine ne sont-ce pas autant de traduc
tions diverses dans lesquelles expriment certains traits essentiels de cli
mat ou de sol Le parti que les riverains de la Méditerranée ont tiré de
la pierre est aussi caractéristique dans son genre que celui que les Orien
taux ont su tirer du bambou Lorsque dans notre musée du Trocadéro on
examine les objets provenant de Afrique occidentale il est difficile de ne
pas être frappé de extravagance invention que la docilité plastique du
bois semble avoir inspirée aux peuples du Dahomey et du Congo est
en et comme le fait très justement remarquer Frobenius de la
matière un objet dépend son style et les transformations mêmes aux
quelles il peut se prêter dans la suite se produisent dans un sens conforme
aux exigences de cette matière
VIDAL DE LA BLACH

CARTES NOUVELLES INDO-CHINE ET DE CHINE

Nous avons signalé lors de sa publication en 1893 la grande carte Indo-


Chine 1:1 000 000 dressée sous les auspices du ministère des Affaires tran
gères et du Sous-secrétariat tat des Colonies par MM les capitaines
Cupet Friquegnon et de Malglaive membres de la mission vic Cette
grande carte outre elle mettait naturellement profit les autres docu-
Ann de Géog. II 1892-1893 433-447

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