Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
mer. Études
Camps Gabriel. Origines de la domestication en Afrique du Nord et au Sahara. In: 2000 ans d’histoire africaine. Le sol, la
parole et l'écrit. Mélanges en hommage à Raymond Mauny. Tome II. Paris : Société française d'histoire d'outre-mer, 1981. pp.
547-560. (Bibliothèque d'histoire d'outre-mer. Études, 5-6-2);
https://www.persee.fr/doc/sfhom_1768-7144_1981_mel_5_2_961
Abstract
The problem of the origins of animal domestication in North Africa is considered here in relation to the
development of industrial cultures producing ceramics and usually qualified as neolithic. The author
does not believe in a preneolithic domestication of the mimed moufflon (Ammotragus lervia ) by the
Capsians. These are two cases, not of domestication, but rather of selective hunting.
In the Sahara-Sudanese neolithic period, the domestication of oxen, probably preceded by that of
sheep and goats, is amply illustrated by cave art which reveals a well-developed pastoral society,
similar to that of the Fulani. A transhumance between the plains (today the erg of Admer and the
Tenere of Teffassesset) and the highlands of Tassili n’Ajjer is suggested by the stylistic unity of animal
sculpture in hard rock - idols which the shepherds probably carried with them the length of their travels
and which one finds in the two aforementioned regions.
In the northern Sahara and on the Saharian Atlas (neolithic in the Capsian tradition) the domestic
animal that one finds most often in the oldest paintings is the ram of the race Ovis longipes. It is often
depicted in religious scenes (ram with sphere). A scene of capture and taming of a Bos primigenius
(Tiout) and the appearance of cows with developed udders lend support to the theory of ancient
domestication of horned animals.
Stock farming during the Mediterranean neolithic period (Tell and the coast) is less well documented
because of the absence of ancient cave paintings ; nevertheless, sheep, goats and pigs are very
frequently found in the most ancient neolithic sites.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION
par
GABRIEL CAMPS
En 1965, mon excellent ami R. Mauny publiait une étude fort bien docu¬
mentée sur «L’Afrique et les origines de la domestication». Qu’il veuille bien
recevoir aujourd’hui en hommage cette modeste contribution sur le même sujet
limité au Maghreb et au Sahara.
Les origines de la domestication dans le Nord de l’Afrique sont encore fort
mal connues en raison du faible intérêt porté jusqu’à présent aux études et aux
analyses de faune dans les gisements préhistoriques. Cependant l’Afrique du
Nord et le Sahara possèdent une importante source de documentation dans leur
très riche art mpestre néolithique.
On sait que la néolithisation fut longuement préparée par le développement
de cultures épipaléolithiques et mésolithiques qui dans le Maghreb sont excep¬
tionnellement
ensembles les mieux
riches alors
connus
qu’elles
sont l’Ibéromaurusien
sont peu affirméeset dans
le Capsien.
le Sahara.
Le Les
premier,
deux
contemporain du Tardiglaciaire, s’épanouit vers 10 000 av. J.C. et disparaît len¬
tement au cours des millénaires qui suivent ; établi surtout sur le littoral, l’Ibéro-
maurusien, dans sa phase finale, semble avoir servi de substrat au Néolithique
méditerranéen.
1. CAMPS, 1974.
548 GABRIEL CAMPS
3.
2. J.
4.
5.
6. E.C.
E.
H. MOREL,
HIGGS,
CAMPS-FABRER
SAXON,
1967.
1976.
1974.
1976. et al., 1975.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION 549
7. G. CAMPS, 1968.
550 GABRIEL CAMPS
4 000 av. J.C. ait déjà appartenu au «Bovidien» (frontal de bos brachyceros).
F. Mori8 fait remonter encore plus haut les débuts de l’ère pastorale. La phase
ancienne dans l’Acacus s’étendrait du milieu du Vie millénaire jusqu’au début
du IVe ; la phase moyenne se terminerait au milieu du IVe millénaire. Le Bovi¬
dien final a donné le plus grand nombre de peintures du Tassili. C’est aussi celui
pour lequel on possède le plus grand nombre de datations ; elles se situent toutes
dans la première moitié du IHe millénaire9 (In Itinen 2 910 av. J.C., Ekaham
ouan Tartaït 2 520 av. J.C., Titerast n’Elias n°3 : 2 610 av. J.C.). Dans le Tadrart
Acacus à Ouan Muhuggiag la couche archéologique qui recouvrait un bloc peint
tombé de la voûte permet de fixer à 2 780 av. J.C. la date ante quem de la phase
récente
rale ou bovidienne
du style pastoral
a duré dans
au moins
cette deux
région.
millénaires.
On peut donc dire que la phase pasto¬
H. Lhote10 estime que l’élevage du bœuf fut, au Sahara, précédé par celui du
mouton et de la chèvre. Cette hypothèse logique repose sur des observations de
superposition des œuvres rupestres. Les populations «prébovidiennes» éleveurs
de petit bétail seraient de race blanche et pratiquaient la peinture corporelle
(Ti-n-Rhardis) mais à Ouan Derbaouaen et dans le massif d’Azzer, ainsi qu’à
Tahilahi, nous retrouvons ces mêmes populations possédant d’importants trou¬
peaux de bovins. En fait il semble bien qu’il n’y ait pas eu, dans les débuts du
pastoralisme, une telle dichotomie au Sahara. Les fresques «bovidiennes» les
plus belles et les plus documentées, telles celles du massif d’Azzer dans le Tassili,
représentent des troupeaux d’ovins accompagnant des bœufs.
10.
11.
8. HAMPATE
9. F. MORI,
ALIMEN,
H. LHOTE,BEUCHER,
1965.
B1962.
A et DIETERLEN,
LHOTE, 1968,
1966.CAMPS, 1968.
ORIGINES de la domestication 551
comes plus épaisses et souvent représentés en profil absolu. Comme il a été dit
supra, il est très rare que la robe soit uniforme : on trouve le plus souvent des
bêtes bicolores : fauve et blanc, noir et blanc ; parfois trois couleurs, bmn, blanc
et noir sont associées sur la même robe. Les têtes sont toujours rendues avec
beaucoup de soin : plus allongées que dans la réalité, elles sont traitées dans un
sens artistique qui parfois sent le procédé, particulièrement dans la disposition
des comes. Celles-ci sont parfois curieusement déformées, aussi bien sur les
gravures que dans les peintures : dans le seul massif du Tibesti, une centaine
de cas ont été signalés alors que les déformations sont plus rares dans l’Ennedi
et dans le Tassili et exceptionnelles au Hoggar12. Or ce trait culturel n’est pas
limité au Sahara ni aux temps néolithiques. Il semble bien tirer son origine des
populations nubiennes où il s’est maintenu pendant l’époque égyptienne ; c’est
ainsi que les tributs des Nubiens sont souvent des bœufs engraissés aux cornes
diversement déformées et sculptées. De nos jours chez les Nuer et les Dinka du
Nil et jusque chez les Souk et les Naudi du lac Victoria, de telles pratiques
plurimillénaires subsistent sans défaillance. Dans les gravures, les bovins sont
parfois munis de curieuses pendeloques13. Ces reproductions sont fréquentes
dans les gravures du Hoggar, de l’Ahnet, de l’Aïr, du Tibesti, du Fezzan, du
Djebel Ouenat, alors qu’elles sont pratiquement inconnues dans les peintures
du Tassili mais se retrouvent dans les gravures de la même région (Oued Djerat).
Ce trait culturel doit être considéré comme une influence du groupe C de Nubie,
et par conséquent assez tardif.
Aucun des bovins représentés sur les rochers, du Nil à l’Atlas saharien, ne
possède la bosse caractéristique du zébu qui a conquis, avec les Peuls, à l’époque
historique, toute la zone sahélienne refoulant plus au Sud les taurins descendants
des animaux domestiques néolithiques.
Les peintures plus détaillées nous révèlent les soins que les Bovidiens don¬
naient à leurs troupeaux ; on les voit leur rapporter de l’eau, attacher les veaux
par une patte à une longue corde commune, comme le feront les Égyptiens et le
font encore les pasteurs du Mali et du Niger14. Le troupeau est conduit par une
bête qui porte parfois un attribut entre les cornes. Chose curieuse, les scènes
d’abattage et de dépeçage sont rares : il semble que comme un grand nombre de
populations pastorales africaines les «Bovidiens» aient eu une certaine répu¬
gnance à réduire le nombre des bêtes de leurs troupeaux. Toutefois les ossements
de bœufs sont fréquents dans les dépôts archéologiques. La consommation du
lait devait être importante si on en juge par le souci de représenter des vaches
aux pis bien remplis.
H. Lhote a signalé l’existence de véritables parcs à bœufs dans les vallées du
Tassili, à proximité ou devant les abris. Ces parcs sont limités par des murettes
qui ne dépassaient pas un mètre de hauteur. Certaines barraient plusieurs vallées,
les
comme
habitats.
à Tissoukaï, pour délimiter un vaste carrefour qui renfermait également
12. LHOTE,
13.
14. HUARD, 1966.
1965.
1959.
552 GABRIEL CAMPS
Il ne faut pas oublier que les populations qui ont laissé leurs œuvres peintes
dans les abris du Tassili ou de la Téfedest étaient des populations pastorales.
Elles pratiquaient donc la transhumance et passaient une bonne partie de l’année
dans les vallées et les plaines voisines qui sont devenues des ergs. Ainsi devons-
nous trouver aussi dans les gisements de ces ergs l’outillage des «Bovidiens». La
preuve de cette transhumance nous est administrée par la présence, aussi bien
dans les gisements sous abri du Tassili que dans les plaines voisines devenues l’Erg
d’Admer, de magnifiques sculptures en ronde bosse représentant des bovidés, des
antilopes, des ovins, des rongeurs ou des anthropomorphes16. Ces idoles qui,
dans le domaine de la sculpture, sont aussi précieuses et d’aussi grande qualité
que les peintures des abris, sont des œuvres «bovidiennes», mais l’outillage
lithique qui les accompagne dans l’erg est généralement plus riche que celui des
abris. La présence de disques bifaces à retouches en pelures et l’élégance des
pointes de flèches révèlent sans conteste des influences ténéréennes, fort admis¬
sibles puisque l’Erg d’Admer est à la tête du Ténéré du Taffassasset. Il faut donc
admettre que les populations «bovidiennes» aient eu un équipement plus pauvre
en montagne, où le séjour était plus court, qu’en plaine. Cela n’a rien d’impro¬
bable mais toute constmction est hypothétique tant que l’industrie lithique des
stations rupestres bovidiennes n’aura pas été étudiée après de véritables fouilles.
Celles-ci ont commencé dans le beau gisement de Tin Hanakaten17.
On ne peut parler d’art «bovidien» sans dire quelques mots de ces très belles
sculptures sur pierre dure qui sont essentiellement rassemblées dans le Tassili
n’Ajjer et plus particulièrement sur son rebord méridional18. Leur liaison avec
l’art bovidien est assurée par la trouvaille de Jabbaren, celle avec l’industrie
ténéréenne est prouvée par les découvertes d’Anou oua Lelioua. L’unité stylis¬
tique est cependant indiscutable. Les sculptures animalières du Tassili, de l’erg
d’Admer et du Hoggar actuellement connues sont au nombre de 38 ;font partie
de ce nombre quelques bétyles anthropomorphes (Tabelbalet, Issouane et Ouan
Sidi) qui ont été trouvés en-dehors et au Nord de la zone de plus forte concen¬
tration que constituent le Tassili et l’ërg d’Admer. Parmi les animaux figurés, le
bœuf l’emporte largement sur les ovidés, les antilopes et les rongeurs. Toutes
répondent à des règles stylistiques très strictes fondées essentiellement sur une
symétrie bilatérale de part et d’autre d’un axe le plus souvent matérialisé par une
15. CAMPS-FABRER,
16.
17.
18. LHOTE,
G. AUMASSIP,
1968. 1976-1978.
1966, 1967.
1967.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION 553
crête qui, sur certaines sculptures, va du museau à l’extrémité dorsale ;le second
caractère est le dépouillement extrême de ces rondes-bosses qui ne conservent
que l’essentiel, l’enroulement d’une come, la disposition de l’oreille ou même
l’Orientation de la moustache ; le choix du détail anatomique est toujours excel¬
lent. Ces petits objets en pierre dure (basalte, dolérite, gneiss amphibolithique)
sont des œuvres de grand art.
Le Ténéréen.
Or les caractères et la technique de ces sculptures qui ne peuvent être que des
idoles se retrouvent identiques sur d’autres objets en pierre dure qui font partie
de l’outillage du Néolithique ténéréen. Ce sont des «pilons», des molettes aux
sculptures énigmatiques, des meules ornées et surtout d’innombrables haches
parfaitement travaillées, caractérisées par leur gorge, leurs ergots et leur talon
parfois appointi. Ces haches à gorge, dont certaines sont aussi de véritables
œuvres d’art, ont longtemps suffi à caractériser le Ténéréen. C’était négliger tout
le reste de l’outillage bien étudié par J. Tixier, qui se sert de l’industrie de
T Adrar Bous, site n°3, pour définir le Ténéréen. Cette industrie possède un outil¬
lage microlithique important (segments, triangles, rares trapèzes), des micro¬
burins très abondants (plus du quart de l’outillage), de nombreuses lamelles à
bord abattu de différents types, des lamelles tronquées, des grattoirs et de
nombreux perçoirs ainsi que de rares burins. A un ensemble de tradition épi-
paléolithique s’ajoute un important équipement proprement néolithique à
retouches bifaces, d’admirables armatures de flèches particulièrement fines et
allongées, des tranchets, des pièces foliacées et les célèbres et énigmatiques
«disques ténéréens» dont la minceur et la fragilité révèlent l’habileté des tailleurs
de pierre. Il s’y ajoute des couteaux de style égyptien, des haches taillées et
polies, des tranchets bifaces et des gouges, enfin le matériel de broyage habituel
dans le Néolithique saharien. Des meules plates encochées sur les bords pour
humance.
faciliter le transport sur les bâts des bœufs confirment l’existence d’une trans¬
Les auteurs de cette industrie, l’une des plus belles au monde, sont aussi les
auteurs des admirables sculptures en pierre dure de l’Erg d’ Admer ; leur relation,
sinon leur identification, avec les Bovidiens qui possèdent un goût aussi sûr et sont
leurs contemporains (l’industrie de T Adrar Bous III est datée de 3 180 av. J.C.)
paraît indubitable. L’expédition britannique découvrit en 1970 un squelette de
bœuf domestique dans un gisement ténéréen de l’Adrar Bous. Or le Ténéréen
offre par ailleurs de grandes affinités avec l’industrie néolithique d’Esh-Shaheinab
qui ne possède cependant ni disques, ni microburins, ni triangles19 et semble un
peu plus ancien (3 300 av. J.C.). Ces nouvelles observations ne font que confir¬
mer une certaine unité culturelle entre le Sahara néolithique et la vallée du Nil.
La céramique toujours abondamment décorée a des formes plus variées.
Le chien est présent dès les phases les plus anciennes du Néolithique médi¬
terranéen. D est très proche du chien kabyle actuel, son origine est inconnue,
mais elle pourrait bien être autochtone.
Ainsi, à la certitude de la domestication du chien, du porc, du mouton et de
la chèvre correspond une incertitude troublante quant au bœuf qui paraît toute¬
fois avoir été domestiqué à une époque à peine plus récente.
Les gisements du Néolithique dit de tradition capsienne ont livré des restes
d’animaux domestiques (bœuf, mouton, porc) mais comme au Sahara, c’est
dans la riche documentation de l’art rupestre qu’il est possible d’obtenir des
éléments de valeur pour une meilleure connaissance de cette activité.
Les œuvres rupestres de l’Atlas saharien s’éparpillent sur les rochers et bancs
gréseux depuis l’Anti-Atlas du Sud marocain jusqu’aux petits massifs de la région
de Constantine. Dans cet ensemble très riche il est possible de reconnaître
plusieurs styles dont seul le plus ancien, celui dit style naturaliste monumental,
intéresse notre propos.
Ce style est caractérisé par la fréquence de la représentation du grand buffle
antique (Homoïceras antiquus). Ceux qui tentent de vieillir davantage les plus
anciennes gravures doutent de la survie de cet animal au Néolithique.
On sait en effet qu’il s’agit d’une espèce disparue n’ayant laissé aucune
descendance. En fait, des ossements de buffle antique furent recueillis dans sept
gisements néolithiques répartis dans tout le Maghreb et nos propres fouilles à
Amekni, dans le Hoggar, ont apporté la preuve indiscutable de la coexistence
de ce grand boviné et des industries néolithiques dotées de céramique. De plus
les représentations d 'Homoïceras antiquus n’appartiennent pas toutes au même
style naturaliste dit monumental et considéré comme le plus ancien ; on en
connaît d’ autres de style semble-t-il plus récent et qualifié de décadent. Si on
admettait donc que les représentations du grand buffle sont nécessairement
pré-néolithiques, ce ne serait donc pas seulement les gravures du premier style
mais la plupart des gravures de style naturaliste ou subnaturaliste qui devien¬
draient ainsi antérieures au Néolithique. Comme le stock subsistant est, à juste
titre, considéré comme post-néolithique et protohistorique, on aboutirait à cette
conclusion absurde que l’art rupestre nord-africain est pour une partie antérieur
et pour l’autre partie postérieur au Néolithique, mais jamais contemporain de
cette période
œuvres d’art mobilier.
qui couvrit au moins trois millénaires et qui, de surcroît, livre des
proposition a cependant été faite tout au long d’un chapitre d’un ouvrage
récent21. C’est oublier que le mouton et en particulier YOvis longipes est d’ori¬
gine orientale et qu’il n’existe aucune souche indigène ; Hilzheimer, Adametz,
Espérandieu, Zeuner et Higgs l’ont montré tour à tour. Le mouton représenté
dans les gravures rupestres de l’Atlas est un animal domestique qui, d’origine
exotique, a été introduit dans le pays par l’homme. Une scène fréquente et
caractéristique est l’association d’un homme dans l’attitude d’un orant, les bras
tendus à demi, et un oviné, le plus souvent un bélier coiffé ou non d’un sphé¬
roïde. Il ne s’agit pas d’une adoration du bélier qui est généralement placé
derrière le personnage. Les plus belles représentations sont celles de béliers
portant sur la tête un sphéroïde qui ne peut être confondu avec un disque
solaire. La forme sphérique suggère une calebasse ou un bonnet rigide, sphérique,
muni de jugulaires (Aïn Naga, Bou Alem) qui permettent de le nouer. Ce sphé¬
roïde est le plus souvent omé d’appendices qui, dans les figurations les plus
précises, ont l’aspect de plumes d’autruche. L’animal est muni parfois d’un
collier tressé et volumineux (Bou Alem). L’importance de cette figuration
apparaît non seulement dans sa qualité esthétique mais dans le traitement de la
surface du sujet, tantôt soigneusement polie et teintée d’ocre, tantôt finement
hachurée pour figurer la toison ou piquetée partiellement pour représenter les
taches de la robe. L’espèce figurée est facilement reconnaissable, la longueur des
membres et de la queue fine, le profil convexe de la tête et jusqu’aux jarres de la
toison sont autant de caractères de YOvis longipes Fitz qui est encore élevé dans
le centre et le sud du Sahara. La principale question qui se pose est de savoir non
pas si l’animal ainsi magnifié est un mouton domestique mais s’il est une divinité
ou une offrande. Cela importerait assez peu si, à la suite d’une mauvaise inter¬
prétation des attributs du mouton, on n’avait cm à un moment que les gravures de
l’Atlas saharien reproduisaient le thème bien connu en Égypte du bélier d’Amon
portant entre ses comes le disque solaire. Les gravures de l’Atlas sont bien
antérieures au développement du culte d’Amon-Râ dans la région de Thèbes.
Le mouton n’est pas le seul animal domestique des Néolithiques de tradition
capsienne puisque les gisements livrent en outre des restes osseux de chèvres, de
porcs et de bœufs dont la domestication fut certainement plus tardive22. Le porc
ne semble pas avoir été représenté et le sanglier lui-même figure rarement sur les
rochers (Zanina, Kef Messiouer). Le bœuf, dans le grand style naturaliste, n’est
jamais figuré avec des attributs ou dans des attitudes permettant de penser qu’il
s’agit d’un animal domestique. A Tiout toutefois, de tous petits personnages
tentent de retenir une patte arrière d’un Bos primigenius avec des bâtons recour¬
bés qui rappellent les grandes houlettes d’Égypte. On ne peut affirmer ni que ces
personnages soient contemporains des grandes figures naturalistes, ce qui est
cependant probable, ni que cette scène ait une signification indubitablement
favorable à l’hypothèse de la domestication. Ce peut être tout aussi bien une
pratique de chasse ou de capture. On remarquera que dans le style considéré
comme le plus ancien, seul le grand bœuf (Bos primigenius) est représenté ; la
petite espèce, le Bos ibericus , semble avoir été dédaignée ; ce fut pourtant elle
qui fut domestiquée.
Gabriel CAMPS.
21. LHOTE, 1970.
22. HIGGS, 1967.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION 557
TABLEAU
CHASSE SÉLECTIVE
DOMESTICATION ASSURÉE
TELL SAHARA
(*) Les espèces dont le nom est en italiques ont une origine locale.
558 GABRIEL CAMPS
BIBLIOGRAPHIE
HUARD, P.
1959 «Les Cornes déformées sur les gravures du Sahara sud-oriental»,
Trav. de l’Institut de Rech. sahar., 18, p. 109-131.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION 559
HUARD, P.
1965 « Figurations de bovins à pendeloques jugulaires au Sahara
central et oriental», Riv. de Storia delV Agricultura, 1, p. 1-19.
Mc HUGH, W.
1974 «Late prehistoric cultural adaptation in Southwest Egypt and
the problem of the Nilotic origins of Saharan cattle pastoralism»,
Journal of the American Research Center in Egypt , XI, p. 9-22.
JOLEAUD, J.
1933-1934 «Gravures rupestres et rites de l’eau en Afrique du Nord»,
Journal de la Société des Africanistes, 3, p. 197-282 et 4,
p. 285-382.
LHOTE, H.
1958 A la découverte des fresques du Tassili, Paris, Artaud, 268 p.
1962 «L’Art rupestre saharien», Objets et mondes, 1, p. 201-214.
1965 «L’évolution de la faune dans les gravures et les peintures
rupestres du Sahara et ses relations avec l’évolution climatique»,
Miscalena en hommage al abate Breuil, 2, Barcelone, p. 83-118.
1966 «Les peintures pariétales d’époque bovidienne du Tassili. Elé¬
ments sur la magie et la religion», Journal de la Société des
Africanistes, 36, p. 7-27.
1968 «Données récentes sur les gravures et peintures rupestres du
Sahara», Simposio intern, de Arte rupestre, Barcelone, p. 273-
290.
1970 Les Gravures rupestres du Sud-Oranais, Paris, A Al. G.
1972 «Note sur les peintures rupestres de la région d’Ihérir», Libyca,
XX, p. 187-194.
1976-1977 «Le bubale antique et le buffle africain sont-ils représentés dans
les peintures pariétales d’époque bovidienne du Tassili ?», Publi¬
caciones del Patronato de las cuevas prehistóricas de la Provincia
de Santander, XV, Santuola II, p. 125-134.
MAUNY, R.
1967 «L’Afrique et les origines de la domestication», Background to
Evolution in Africa (edited by Walter W. BISHOP and J. DES¬
MOND CLARK), The University of Chicago Press, Chicago and
London, p. 583-599.
MONOD, Th.
1963 «The Late Tertiary and Pleistocene in the Sahara», African Eco¬
logy and human Evolution, Chicago, p. 117-229.
MOREL, J.
1974 «La faune de l’escargotière de Dra Mta el Ma el Abiod (Sud algé¬
rien). Ce qu’elle nous apprend de l’alimentation et des conditions
de vie des populations du Capsien supérieur», L’Anthropologie ,
t. 78, p. 299-320.
MORI, F.
1965 Tadrart Acacus. Arte rupestre del Sahara preistorico, Turin,
Einaudi.
SAXON, E.C.
1976 «The evolution of domestication. A reappraisal of the Near
Eastern and North African evidence», Union intern, des Sc. pré-
hist. et protohist. IXe Congr., Nice, Colloque XX, Origine de
l’élevage et de la domestication, p. 180-226.
560 GABRIEL CAMPS
RÉSUMÉ
SUMMARY