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Bibliothèque d'histoire d'outre-

mer. Études

Origines de la domestication en Afrique du Nord et au Sahara


Gabriel Camps

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Camps Gabriel. Origines de la domestication en Afrique du Nord et au Sahara. In: 2000 ans d’histoire africaine. Le sol, la
parole et l'écrit. Mélanges en hommage à Raymond Mauny. Tome II. Paris : Société française d'histoire d'outre-mer, 1981. pp.
547-560. (Bibliothèque d'histoire d'outre-mer. Études, 5-6-2);

https://www.persee.fr/doc/sfhom_1768-7144_1981_mel_5_2_961

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Résumé
Le problème des origines de la domestication dans le Nord de l’Afrique est posé ici en relation avec le
développement des cultures industrielles dotées de céramique, habituellement qualifiées de
néolithiques. L’auteur ne croit pas, en Afrique, à une domestication prénéolithique du mouflon à
manchette (Amnotragus lervia) chez les Ibéromaurusiens ou de l’antilope bubale (Alcelaphus
boselaphus) chez les Capsiens. Dans les deux cas il ne s’agissait que d’une chasse sélective.
Dans le Néolithique saharo-soudanais, la domestication du bœuf, peut-être précédée par celle du
mouton et de la chèvre, est amplement démontrée par les peintures rupestres qui révèlent une vie
pastorale bien développée, semblable à celle des Peuls. Une transhumance entre les plaines
(actuellement l’erg d’Admer et le Ténéré du Teffassesset) et les hautes terres du Tassili n’Ajjer est
suggérée par l’unité stylistique des sculptures animalières en roches dures, idoles que les bergers
devaient transporter avec eux au cours de leurs déplacements et que l’on retrouve, identiques, dans
ces deux régions.
Dans le Sahara septentrional et l’Atlas saharien (Néolithique de tradition capsienne), l’animal
domestique le plus souvent figuré sur les gravures les plus anciennes est le bélier de la race Ovis
longipes. Il figure souvent dans les scènes de caractère religieux («bélier à sphéroïdes»). Une scène
de capture et d’apprivoisement d’un Bos primigenius (Tiout) et la figuration de vaches au pis développé
font croire à une domestication ancienne des bovins.
L’élevage dans le Néolithique méditerranéen (Tell et littoral) est moins bien documenté en raison de
l’absence d’un art pariétal très ancien ; toutefois moutons, chèvres et porcs sont fréquents dans les
gisements néolithiques les plus anciens.

Abstract
The problem of the origins of animal domestication in North Africa is considered here in relation to the
development of industrial cultures producing ceramics and usually qualified as neolithic. The author
does not believe in a preneolithic domestication of the mimed moufflon (Ammotragus lervia ) by the
Capsians. These are two cases, not of domestication, but rather of selective hunting.
In the Sahara-Sudanese neolithic period, the domestication of oxen, probably preceded by that of
sheep and goats, is amply illustrated by cave art which reveals a well-developed pastoral society,
similar to that of the Fulani. A transhumance between the plains (today the erg of Admer and the
Tenere of Teffassesset) and the highlands of Tassili n’Ajjer is suggested by the stylistic unity of animal
sculpture in hard rock - idols which the shepherds probably carried with them the length of their travels
and which one finds in the two aforementioned regions.
In the northern Sahara and on the Saharian Atlas (neolithic in the Capsian tradition) the domestic
animal that one finds most often in the oldest paintings is the ram of the race Ovis longipes. It is often
depicted in religious scenes (ram with sphere). A scene of capture and taming of a Bos primigenius
(Tiout) and the appearance of cows with developed udders lend support to the theory of ancient
domestication of horned animals.
Stock farming during the Mediterranean neolithic period (Tell and the coast) is less well documented
because of the absence of ancient cave paintings ; nevertheless, sheep, goats and pigs are very
frequently found in the most ancient neolithic sites.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION

EN AFRIQUE DU NORD ET AU SAHARA

par
GABRIEL CAMPS

En 1965, mon excellent ami R. Mauny publiait une étude fort bien docu¬
mentée sur «L’Afrique et les origines de la domestication». Qu’il veuille bien
recevoir aujourd’hui en hommage cette modeste contribution sur le même sujet
limité au Maghreb et au Sahara.
Les origines de la domestication dans le Nord de l’Afrique sont encore fort
mal connues en raison du faible intérêt porté jusqu’à présent aux études et aux
analyses de faune dans les gisements préhistoriques. Cependant l’Afrique du
Nord et le Sahara possèdent une importante source de documentation dans leur
très riche art mpestre néolithique.
On sait que la néolithisation fut longuement préparée par le développement
de cultures épipaléolithiques et mésolithiques qui dans le Maghreb sont excep¬
tionnellement
ensembles les mieux
riches alors
connus
qu’elles
sont l’Ibéromaurusien
sont peu affirméeset dans
le Capsien.
le Sahara.
Le Les
premier,
deux
contemporain du Tardiglaciaire, s’épanouit vers 10 000 av. J.C. et disparaît len¬
tement au cours des millénaires qui suivent ; établi surtout sur le littoral, l’Ibéro-
maurusien, dans sa phase finale, semble avoir servi de substrat au Néolithique
méditerranéen.

Le Capsien, plus récent, s’organise au Ville millénaire et connaît son plein


développement aux Vie et Ve millénaires, la néolithisation ne se fera que tardive¬
ment et apportera moins de modification que dans les régions situées plus au
Nord et plus au Sud.
Au-delà du Tropique du Cancer, et particulièrement dans le Sahara central et
méridional, est apparu précocement (Vile millénaire) un Néolithique à céra¬
mique abondante qui connaîtra, à partir du Ve millénaire, une intense vie pasto¬
connues1.
rale. Les industries épipaléolithiques qui l’ont précédé sont encore très mal

1. CAMPS, 1974.
548 GABRIEL CAMPS

Depuis quelques années des chercheurs britanniques sous l’influence de Higgs


ont posé la question d’une très ancienne domestication largement antérieure aux
industries pourvues de céramique que nous nommons habituellement néoli¬
thiques. C’est ainsi que récemment E.C. Saxon2 a proposé de reconnaître une
véritable domestication du mouflon à manchette (Ammotragus lervia ) chez les
Ibéromaumsiens de Tamar-Hat (Béni Seghoual - Algérie). En effet 94% des
herbivores identifiés dans la faune de ce gisement appartiennent à des mouflons.
Il remarque aussi que plus de 55% des extrémités distales desmétapodes étaient
dépourvues de leurs épiphyses, dénotant le jeune âge des bêtes abattues (2 à
3 ans, ce qui est le meilleur âge pour la consommation des ovinés). Dans les
conditions de vie nomade la pyramide des âges ne donne pas une telle proportion
de jeunes bêtes. Fort de ces données, E. Saxon considère comme évidente la
domestication de Y Ammotragus lervia par les Ibéromaumsiens. C’est aller un
peu vite dans le raisonnement, E. Higgs3 s’était montré plus pmdent lors de
l’analyse faunistique d’Haua Fteah (Cyrénaïque). Dans cet important gisement
le mouflon est largement prédominant dès les phases anciennes du Dabbéen
(vers 33 000 av. J.C.) et le pourcentage de restes appartenant à cette espèce varie
de 5 1 à 83%. D est nettement plus fort au début de l’Ibéromaurusien (83%) qu’à
la fin de cette période (5 1 ,20%), et redevient fort dans le Capsien (80,86%). Mais
dès le Néolithique des variations sensibles apparaissent dans la pyramide des âges
car ce n’est qu’à cette période (antérieure à 4 800 av. J.C. mais postérieure à
6 450 av. J.C.) que le pourcentage des bêtes juvéniles passe bmsquement chez
les ovinés de 4 à 25% pour s’accroître jusque dans les périodes historiques ;
aussi en 1967, Higgs plaçait entre ces deux dates l’introduction du mouton et de
la chèvre domestiques. On sait qu’à une période récente4 il prit une position
plus aventureuse, que l’on retrouve chez E. Saxon et qui aboutit à qualifier de
domestique toute espèce animale représentée anormalement dans les gisements
préhistoriques. C’est ainsi que partant des analyses très pertinentes de J. Morel5
sur la faune de l’escargotière capsienne de Dra-Mta-el-Ma-el-Abiod, il se demande
si les Capsiens n’avaient pas domestiqué l’alcélaphe (antilope bubale).
A vrai dire il semble bien que nos collègues britanniques ne donnent pas
exactement la même valeur que nous au concept de domestication (husbandry).
Dans les cas ibéromaumsiens et capsiens, rien ne s’oppose à ce que nous soyons
en présence d’une spécialisation très poussée, d’une chasse sélective du mouflon
d’une part, de l’antilope bubale de l’autre. Il est inutile de préciser que les
conditions géographiques du Tell montagneux occupé par les Ibéromaumsiens
conviennent particulièrement aux mouflons, tandis que l’antilope bubale, qui
représente par exemple 52,6% de la faune mammalienne recueillie dans le gise¬
ment capsien de Medjez II6 et qui est présente dans presque toutes les escargo¬
tières dont la faune a été étudiée, apprécie davantage les savanes et steppes dans
lesquelles vivaient les Capsiens.
On ne saurait cependant lier trop étroitement la prépondérance d’une espèce
aux conditions naturelles : ainsi les gazelles, qui étaient certainement aussi

3.
2. J.
4.
5.
6. E.C.
E.
H. MOREL,
HIGGS,
CAMPS-FABRER
SAXON,
1967.
1976.
1974.
1976. et al., 1975.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION 549

nombreuses que les alcélaphes en pays capsien, sont nettement sous-représentées


par rapport à cette espèce. On n’en connaît que dans 14 des 35 gisements dont
la faune a fait l’objet d’une étude même sommaire. Or nous savons que les
Égyptiens ont tenté de domestiquer la gazelle aussi bien que le mouflon.
Nous parlerons donc chez les Ibéromaumsiens, comme chez les Capsiens,
de chasse très sélective, non seulement dans le choix de l’espèce mais dans la
préférence donnée à l’abattage des jeunes.

LA DOMESTICATION DANS LE NÉOLITHIQUE SAHARO-SOUDANAIS :


LE NÉOLITHIQUE PASTORAL DES «BOVIDIENS» .

Les plus anciennes phases du Néolithique saharo-soudanais, qui débute au


Vile millénaire (Amekni), n’ont encore donné aucune preuve, dans les giseipents,
de l’existence d’un troupeau domestique : ainsi à Amekni la faune étudiée par
J. Bouchud n’a livré que des espèces sauvages sans large prédominance d’une
espèce sur les autres7.
On sait d’une façon certaine que la domestication du bœuf, du mouton et du
porc était acquise par les Néolithiques du Fayoum au Ve millénaire. Le bœuf
existait à l’état sauvage sous deux formes dans tout le Nord de l’Afrique :1e Bos
primigenius et le Bos ibericus. Si le second fut certainement à l’origine d’une ou
de plusieurs souches domestiques au Maghreb et au Sahara ainsi qu’en Égypte
même, nous ne sommes pas sûrs de l’origine du Bos africanus caractérisé par ses
formes élégantes et ses longues cornes grêles que les artistes sahariens, comme
plus tard les peintres et sculpteurs égyptiens, représentèrent avec le plus grand
bonheur. Lorsque l’homme a reproduit sur les rochers sahariens les caractères du
Bos africanus, celui-ci était depuis longtemps domestiqué ; l’antiquité de cette
domestication est prouvée par l’aspect bi ou tricolore des robes qui n’existe
jamais chez les bovinés sauvages et serait, selon certains zootechniciens, la
conséquence du croisement de plusieurs souches.
Il n’est pas impossible que le Sahara ait été un centre primitif de domesti¬
cation dans sa partie orientale. Celle-ci pourrait être une conséquence du dessè¬
chement : l’extension de la savane favorisait l’augmentation du nombre des
bovinés alors que la raréfaction des points d’eau rapprochait de plus en plus
l’homme et les ruminants jusqu’au moment où naquit l’idée de dominer et de
contrôler définitivement les troupeaux. Cette hypothèse paraissait osée ; elle est
à vrai dire dépassée depuis la révélation des hautes dates du Néolithique qui ne
permettent plus d’associer aussi étroitement assèchement du Sahara et origines
de la domestication. Bien au contraire, on pense aujourd’hui que les immenses
troupeaux que nous suggèrent les nombreuses représentations rupestres ont
largement contribué à la désertisation du Sahara.
Quoi qu’il en soit des origines mêmes de la domestication du bœuf, il apparaît
très nettement que cette domestication était acquise au Sahara central avant le
IVe millénaire puisque des stations rupestres qui furent occupées par les Bovi-
diens sont datées de 3 550 av. J.C. à Jabbaren, de 3 070 av. J.C. à Safar. Il y a
de fortes présomptions pour que la couche VIII de Ouan Muhuggiag datée de

7. G. CAMPS, 1968.
550 GABRIEL CAMPS

4 000 av. J.C. ait déjà appartenu au «Bovidien» (frontal de bos brachyceros).
F. Mori8 fait remonter encore plus haut les débuts de l’ère pastorale. La phase
ancienne dans l’Acacus s’étendrait du milieu du Vie millénaire jusqu’au début
du IVe ; la phase moyenne se terminerait au milieu du IVe millénaire. Le Bovi¬
dien final a donné le plus grand nombre de peintures du Tassili. C’est aussi celui
pour lequel on possède le plus grand nombre de datations ; elles se situent toutes
dans la première moitié du IHe millénaire9 (In Itinen 2 910 av. J.C., Ekaham
ouan Tartaït 2 520 av. J.C., Titerast n’Elias n°3 : 2 610 av. J.C.). Dans le Tadrart
Acacus à Ouan Muhuggiag la couche archéologique qui recouvrait un bloc peint
tombé de la voûte permet de fixer à 2 780 av. J.C. la date ante quem de la phase
récente
rale ou bovidienne
du style pastoral
a duré dans
au moins
cette deux
région.
millénaires.
On peut donc dire que la phase pasto¬

H. Lhote10 estime que l’élevage du bœuf fut, au Sahara, précédé par celui du
mouton et de la chèvre. Cette hypothèse logique repose sur des observations de
superposition des œuvres rupestres. Les populations «prébovidiennes» éleveurs
de petit bétail seraient de race blanche et pratiquaient la peinture corporelle
(Ti-n-Rhardis) mais à Ouan Derbaouaen et dans le massif d’Azzer, ainsi qu’à
Tahilahi, nous retrouvons ces mêmes populations possédant d’importants trou¬
peaux de bovins. En fait il semble bien qu’il n’y ait pas eu, dans les débuts du
pastoralisme, une telle dichotomie au Sahara. Les fresques «bovidiennes» les
plus belles et les plus documentées, telles celles du massif d’Azzer dans le Tassili,
représentent des troupeaux d’ovins accompagnant des bœufs.

Les gravures et peintures.

Bien qu’aucune étude exhaustive, ni même un corpus des peintures et gravu¬


res de l’époque bovidienne n’aient encore été publiés, il est possible de dresser
un tableau de la vie de ces pasteurs grâce à la précision de leurs œuvres. Le type
humain n’est pas unique, mais le plus souvent les traits du visage sont plutôt
méditerranéens que négroïdes ; dans la première catégorie, les femmes sont
* représentées par des teintes plus claires que les hommes, pratique qui subsistera
dans les arts égyptiens et crétois. Mais les représentations humaines offrant les
plus grandes ressemblances avec les populations du type Peul sont très grandes,
les hommes sont élancés, de teint sombre et portant souvent une petite barbiche.
Les femmes ont des coiffures en cimier. Les ressemblances avec le monde pasto¬
ral peul sont telles qu’une curieuse tentative d’expliquer certaines fresques
rupestres du Tassili à l’aide de texte initiatique peul a pu aboutir à quelques
concordances qui ne doivent être utilisées qu’avec la plus grande prudence11.
Il n’en est pas de même des détails de la vie quotidienne dont certains se
retrouvent identiques chez les populations actuelles du Sahel, mais aussi dans
l’Égypte ancienne. Ce sont les bestiaux qui doivent en premier être examinés :
il s’agit le plus souvent de Bos africanus aux comes longues, plus ou moins lyrées,
mais sont également représentés, particulièrement dans la Téfedest, des bœufs à

10.
11.
8. HAMPATE
9. F. MORI,
ALIMEN,
H. LHOTE,BEUCHER,
1965.
B1962.
A et DIETERLEN,
LHOTE, 1968,
1966.CAMPS, 1968.
ORIGINES de la domestication 551

comes plus épaisses et souvent représentés en profil absolu. Comme il a été dit
supra, il est très rare que la robe soit uniforme : on trouve le plus souvent des
bêtes bicolores : fauve et blanc, noir et blanc ; parfois trois couleurs, bmn, blanc
et noir sont associées sur la même robe. Les têtes sont toujours rendues avec
beaucoup de soin : plus allongées que dans la réalité, elles sont traitées dans un
sens artistique qui parfois sent le procédé, particulièrement dans la disposition
des comes. Celles-ci sont parfois curieusement déformées, aussi bien sur les
gravures que dans les peintures : dans le seul massif du Tibesti, une centaine
de cas ont été signalés alors que les déformations sont plus rares dans l’Ennedi
et dans le Tassili et exceptionnelles au Hoggar12. Or ce trait culturel n’est pas
limité au Sahara ni aux temps néolithiques. Il semble bien tirer son origine des
populations nubiennes où il s’est maintenu pendant l’époque égyptienne ; c’est
ainsi que les tributs des Nubiens sont souvent des bœufs engraissés aux cornes
diversement déformées et sculptées. De nos jours chez les Nuer et les Dinka du
Nil et jusque chez les Souk et les Naudi du lac Victoria, de telles pratiques
plurimillénaires subsistent sans défaillance. Dans les gravures, les bovins sont
parfois munis de curieuses pendeloques13. Ces reproductions sont fréquentes
dans les gravures du Hoggar, de l’Ahnet, de l’Aïr, du Tibesti, du Fezzan, du
Djebel Ouenat, alors qu’elles sont pratiquement inconnues dans les peintures
du Tassili mais se retrouvent dans les gravures de la même région (Oued Djerat).
Ce trait culturel doit être considéré comme une influence du groupe C de Nubie,
et par conséquent assez tardif.
Aucun des bovins représentés sur les rochers, du Nil à l’Atlas saharien, ne
possède la bosse caractéristique du zébu qui a conquis, avec les Peuls, à l’époque
historique, toute la zone sahélienne refoulant plus au Sud les taurins descendants
des animaux domestiques néolithiques.
Les peintures plus détaillées nous révèlent les soins que les Bovidiens don¬
naient à leurs troupeaux ; on les voit leur rapporter de l’eau, attacher les veaux
par une patte à une longue corde commune, comme le feront les Égyptiens et le
font encore les pasteurs du Mali et du Niger14. Le troupeau est conduit par une
bête qui porte parfois un attribut entre les cornes. Chose curieuse, les scènes
d’abattage et de dépeçage sont rares : il semble que comme un grand nombre de
populations pastorales africaines les «Bovidiens» aient eu une certaine répu¬
gnance à réduire le nombre des bêtes de leurs troupeaux. Toutefois les ossements
de bœufs sont fréquents dans les dépôts archéologiques. La consommation du
lait devait être importante si on en juge par le souci de représenter des vaches
aux pis bien remplis.
H. Lhote a signalé l’existence de véritables parcs à bœufs dans les vallées du
Tassili, à proximité ou devant les abris. Ces parcs sont limités par des murettes
qui ne dépassaient pas un mètre de hauteur. Certaines barraient plusieurs vallées,
les
comme
habitats.
à Tissoukaï, pour délimiter un vaste carrefour qui renfermait également

Il importe cependant de définir exactement ce que les auteurs entendent


par «Bovidiens». S’agit-il simplement d’un style de l’art rupestre néolithique ?

12. LHOTE,
13.
14. HUARD, 1966.
1965.
1959.
552 GABRIEL CAMPS

S’agit-il d’une civilisation particulière dans l’ensemble saharo-soudanais et


même largement saharien ? H. Lhote parle d’influence «bovidienne» et même
de gravures «bovidiennes» dans l’Atlas saharien d’Algérie occidentale et dans le
Sud marocain où l’industrie lithique et la céramique sont cependant très diffé¬
rentes15. Nous préférons, quant à nous, réserver ce terme à la civilisation néoli¬
thique du Sahara central qui a laissé ses admirables peintures dont le commen¬
taire et l’exploitation scientifique commencent à peine.

Traces d’une possible transhumance - Les sculptures animalières.

Il ne faut pas oublier que les populations qui ont laissé leurs œuvres peintes
dans les abris du Tassili ou de la Téfedest étaient des populations pastorales.
Elles pratiquaient donc la transhumance et passaient une bonne partie de l’année
dans les vallées et les plaines voisines qui sont devenues des ergs. Ainsi devons-
nous trouver aussi dans les gisements de ces ergs l’outillage des «Bovidiens». La
preuve de cette transhumance nous est administrée par la présence, aussi bien
dans les gisements sous abri du Tassili que dans les plaines voisines devenues l’Erg
d’Admer, de magnifiques sculptures en ronde bosse représentant des bovidés, des
antilopes, des ovins, des rongeurs ou des anthropomorphes16. Ces idoles qui,
dans le domaine de la sculpture, sont aussi précieuses et d’aussi grande qualité
que les peintures des abris, sont des œuvres «bovidiennes», mais l’outillage
lithique qui les accompagne dans l’erg est généralement plus riche que celui des
abris. La présence de disques bifaces à retouches en pelures et l’élégance des
pointes de flèches révèlent sans conteste des influences ténéréennes, fort admis¬
sibles puisque l’Erg d’Admer est à la tête du Ténéré du Taffassasset. Il faut donc
admettre que les populations «bovidiennes» aient eu un équipement plus pauvre
en montagne, où le séjour était plus court, qu’en plaine. Cela n’a rien d’impro¬
bable mais toute constmction est hypothétique tant que l’industrie lithique des
stations rupestres bovidiennes n’aura pas été étudiée après de véritables fouilles.
Celles-ci ont commencé dans le beau gisement de Tin Hanakaten17.
On ne peut parler d’art «bovidien» sans dire quelques mots de ces très belles
sculptures sur pierre dure qui sont essentiellement rassemblées dans le Tassili
n’Ajjer et plus particulièrement sur son rebord méridional18. Leur liaison avec
l’art bovidien est assurée par la trouvaille de Jabbaren, celle avec l’industrie
ténéréenne est prouvée par les découvertes d’Anou oua Lelioua. L’unité stylis¬
tique est cependant indiscutable. Les sculptures animalières du Tassili, de l’erg
d’Admer et du Hoggar actuellement connues sont au nombre de 38 ;font partie
de ce nombre quelques bétyles anthropomorphes (Tabelbalet, Issouane et Ouan
Sidi) qui ont été trouvés en-dehors et au Nord de la zone de plus forte concen¬
tration que constituent le Tassili et l’ërg d’Admer. Parmi les animaux figurés, le
bœuf l’emporte largement sur les ovidés, les antilopes et les rongeurs. Toutes
répondent à des règles stylistiques très strictes fondées essentiellement sur une
symétrie bilatérale de part et d’autre d’un axe le plus souvent matérialisé par une

15. CAMPS-FABRER,
16.
17.
18. LHOTE,
G. AUMASSIP,
1968. 1976-1978.
1966, 1967.
1967.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION 553

crête qui, sur certaines sculptures, va du museau à l’extrémité dorsale ;le second
caractère est le dépouillement extrême de ces rondes-bosses qui ne conservent
que l’essentiel, l’enroulement d’une come, la disposition de l’oreille ou même
l’Orientation de la moustache ; le choix du détail anatomique est toujours excel¬
lent. Ces petits objets en pierre dure (basalte, dolérite, gneiss amphibolithique)
sont des œuvres de grand art.

Le Ténéréen.

Or les caractères et la technique de ces sculptures qui ne peuvent être que des
idoles se retrouvent identiques sur d’autres objets en pierre dure qui font partie
de l’outillage du Néolithique ténéréen. Ce sont des «pilons», des molettes aux
sculptures énigmatiques, des meules ornées et surtout d’innombrables haches
parfaitement travaillées, caractérisées par leur gorge, leurs ergots et leur talon
parfois appointi. Ces haches à gorge, dont certaines sont aussi de véritables
œuvres d’art, ont longtemps suffi à caractériser le Ténéréen. C’était négliger tout
le reste de l’outillage bien étudié par J. Tixier, qui se sert de l’industrie de
T Adrar Bous, site n°3, pour définir le Ténéréen. Cette industrie possède un outil¬
lage microlithique important (segments, triangles, rares trapèzes), des micro¬
burins très abondants (plus du quart de l’outillage), de nombreuses lamelles à
bord abattu de différents types, des lamelles tronquées, des grattoirs et de
nombreux perçoirs ainsi que de rares burins. A un ensemble de tradition épi-
paléolithique s’ajoute un important équipement proprement néolithique à
retouches bifaces, d’admirables armatures de flèches particulièrement fines et
allongées, des tranchets, des pièces foliacées et les célèbres et énigmatiques
«disques ténéréens» dont la minceur et la fragilité révèlent l’habileté des tailleurs
de pierre. Il s’y ajoute des couteaux de style égyptien, des haches taillées et
polies, des tranchets bifaces et des gouges, enfin le matériel de broyage habituel
dans le Néolithique saharien. Des meules plates encochées sur les bords pour
humance.
faciliter le transport sur les bâts des bœufs confirment l’existence d’une trans¬

Les auteurs de cette industrie, l’une des plus belles au monde, sont aussi les
auteurs des admirables sculptures en pierre dure de l’Erg d’ Admer ; leur relation,
sinon leur identification, avec les Bovidiens qui possèdent un goût aussi sûr et sont
leurs contemporains (l’industrie de T Adrar Bous III est datée de 3 180 av. J.C.)
paraît indubitable. L’expédition britannique découvrit en 1970 un squelette de
bœuf domestique dans un gisement ténéréen de l’Adrar Bous. Or le Ténéréen
offre par ailleurs de grandes affinités avec l’industrie néolithique d’Esh-Shaheinab
qui ne possède cependant ni disques, ni microburins, ni triangles19 et semble un
peu plus ancien (3 300 av. J.C.). Ces nouvelles observations ne font que confir¬
mer une certaine unité culturelle entre le Sahara néolithique et la vallée du Nil.
La céramique toujours abondamment décorée a des formes plus variées.

19. ARKELL, 1953.


554 GABRIEL CAMPS

LES ANIMAUX DOMESTIQUES DU NÉOLITHIQUE MÉDITERRANÉEN.

Contrairement à ce qui se passe dans le Sahara central et méridional, les


débuts de la domestication sur le littoral et dans le Tell coïncident avec l’appari¬
tion de la poterie, s’ils ne lui sont pas antérieurs. Il ne semble pas en effet que
le Néolithique
été les initiateurs
cardial
de laetdomestication
la phase ancienne
du mouton
du Néolithique
et de la chèvre.
méditerranéen
Les restes
aient
de
ces animaux sont trop abondants dès les niveaux les plus anciens dans la grotte
du Khril à Achakar ou dans les remplissages néolithiques des abris et grottes
du littoral algéro-tunisien pour qu’il s’agisse des premières tentatives de domesti¬
cation. Aucune étude sérieuse n’a encore été faite sur le mouton néolithique du
Tell et nous ne savons même pas si cet animal appartient, comme celui de
l’Atlas saharien, à l’espèce Ovis longipes Fitz. Toutefois, Pomel rattachait sans
hésitation les nombreux restes d’ovins de la grotte du Grand Rocher (Alger) à
Ovis africanus Sanson, qui est la race actuelle. L’origine du mouton domestique
reste mystérieuse, il ne semble pas en effet qu’il y ait une souche locale d’ovinés.
Comme l’a montré G. Espérandieu, les restes attribués à des ovinés sauvages dans
les gisements antérieurs aux temps néolithiques sont des ossements de mouflon
dont ne peut dériver le mouton domestique. Des études comparées entre les
ossements de mouton du Néolithique méditerranéen, en Orient, en Europe et en
Afrique, permettront un jour de résoudre cette question.
Celle-ci bien entendu reste posée pour la chèvre. Pomel avait nommé Capra
promaza l’espèce qu’il reconnut dans la faune du Grand Rocher (Alger) ; Ü la
considère comme la souche de la chèvre kabyle actuelle à longs poils, de taille
réduite et aux comes petites, plates et très divergentes.
Dans l’état actuel des connaissances on peut donc admettre que le mouton et
la chèvre domestiques furent introduits dans le Tell maghrébin en même temps
que la céramique cardiale et impressionnée. Il n’en est peut-être pas de même
pour le porc domestique qui peut tirer son origine du sanglier qui, au moins
depuis la période Würmienne, est très abondant en Afrique du Nord.
' Plus complexe encore est la question de l’origine de l’élevage du bœuf dans le
Tell. Le bœuf, dont on trouve les ossements très fréquemment dans les grottes
néolithiques, est un animal de format petit ou moyen, assez trapu, aux membres
et aux comes courts, différent donc du Bos africanus dont nous savons que la
domestication fut entreprise par les Africains de l’Est. Le bœuf du Tell appar¬
tient à la sous-espèce Bos ibericus, présente depuis le Villafranchien dans le
Maghreb. La vigueur et l’adaptation de cette espèce sont telles qu’elle a absorbé
sans subir de modifications de nombreux croisements depuis sa domestication.
Bos ibericus est à l’origine de la race bmne de l’Atlas, actuellement répandue
dans l’ensemble du Maghreb. Il èst probable que le bœuf dont on trouve les
ossements dans les gisements néolithiques était déjà domestiqué, mais seules les
études statistiques pourraient démontrer l’existence d’un troupeau. Il ne faut pas
oublier en effet que Bos ibericus se retrouve identique aussi bien dans les gise¬
ments acheuléens (Temifine) que dans de nombreux sites néolithiques. S’il est
donc difficile de fixer la date de la domestication du bœuf dans le Tell, il faut bien
admettre qu’il fut domestiqué sur place puisque la souche même de la race
domestique se trouvait sur place et était chassée depuis des milliers d’années.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION 555

Le chien est présent dès les phases les plus anciennes du Néolithique médi¬
terranéen. D est très proche du chien kabyle actuel, son origine est inconnue,
mais elle pourrait bien être autochtone.
Ainsi, à la certitude de la domestication du chien, du porc, du mouton et de
la chèvre correspond une incertitude troublante quant au bœuf qui paraît toute¬
fois avoir été domestiqué à une époque à peine plus récente.

LA DOMESTICATION DANS LE NÉOLITHIQUE DE TRADITION C APSIENNE.

Les gisements du Néolithique dit de tradition capsienne ont livré des restes
d’animaux domestiques (bœuf, mouton, porc) mais comme au Sahara, c’est
dans la riche documentation de l’art rupestre qu’il est possible d’obtenir des
éléments de valeur pour une meilleure connaissance de cette activité.
Les œuvres rupestres de l’Atlas saharien s’éparpillent sur les rochers et bancs
gréseux depuis l’Anti-Atlas du Sud marocain jusqu’aux petits massifs de la région
de Constantine. Dans cet ensemble très riche il est possible de reconnaître
plusieurs styles dont seul le plus ancien, celui dit style naturaliste monumental,
intéresse notre propos.
Ce style est caractérisé par la fréquence de la représentation du grand buffle
antique (Homoïceras antiquus). Ceux qui tentent de vieillir davantage les plus
anciennes gravures doutent de la survie de cet animal au Néolithique.
On sait en effet qu’il s’agit d’une espèce disparue n’ayant laissé aucune
descendance. En fait, des ossements de buffle antique furent recueillis dans sept
gisements néolithiques répartis dans tout le Maghreb et nos propres fouilles à
Amekni, dans le Hoggar, ont apporté la preuve indiscutable de la coexistence
de ce grand boviné et des industries néolithiques dotées de céramique. De plus
les représentations d 'Homoïceras antiquus n’appartiennent pas toutes au même
style naturaliste dit monumental et considéré comme le plus ancien ; on en
connaît d’ autres de style semble-t-il plus récent et qualifié de décadent. Si on
admettait donc que les représentations du grand buffle sont nécessairement
pré-néolithiques, ce ne serait donc pas seulement les gravures du premier style
mais la plupart des gravures de style naturaliste ou subnaturaliste qui devien¬
draient ainsi antérieures au Néolithique. Comme le stock subsistant est, à juste
titre, considéré comme post-néolithique et protohistorique, on aboutirait à cette
conclusion absurde que l’art rupestre nord-africain est pour une partie antérieur
et pour l’autre partie postérieur au Néolithique, mais jamais contemporain de
cette période
œuvres d’art mobilier.
qui couvrit au moins trois millénaires et qui, de surcroît, livre des

Actuellement la plupart des spécialistes, H. Lhote en particulier20, et nous


partageons son opinion, tendent à placer dans le même style (confondu avec une
«période») les représentations de grande taille des buffles antiques et des béliers
calebasse.
de l’espèce Ovis longipes coiffés ou non d’une sorte de bonnet sphérique ou de

On ne peut raisonnablement soutenir que cet animal ainsi affublé de cette


coiffure, et parfois d’un collier, est sauvage et non domestique. Cette curieuse

20. H. LHOTE, 1970.


556 GABRIEL CAMPS

proposition a cependant été faite tout au long d’un chapitre d’un ouvrage
récent21. C’est oublier que le mouton et en particulier YOvis longipes est d’ori¬
gine orientale et qu’il n’existe aucune souche indigène ; Hilzheimer, Adametz,
Espérandieu, Zeuner et Higgs l’ont montré tour à tour. Le mouton représenté
dans les gravures rupestres de l’Atlas est un animal domestique qui, d’origine
exotique, a été introduit dans le pays par l’homme. Une scène fréquente et
caractéristique est l’association d’un homme dans l’attitude d’un orant, les bras
tendus à demi, et un oviné, le plus souvent un bélier coiffé ou non d’un sphé¬
roïde. Il ne s’agit pas d’une adoration du bélier qui est généralement placé
derrière le personnage. Les plus belles représentations sont celles de béliers
portant sur la tête un sphéroïde qui ne peut être confondu avec un disque
solaire. La forme sphérique suggère une calebasse ou un bonnet rigide, sphérique,
muni de jugulaires (Aïn Naga, Bou Alem) qui permettent de le nouer. Ce sphé¬
roïde est le plus souvent omé d’appendices qui, dans les figurations les plus
précises, ont l’aspect de plumes d’autruche. L’animal est muni parfois d’un
collier tressé et volumineux (Bou Alem). L’importance de cette figuration
apparaît non seulement dans sa qualité esthétique mais dans le traitement de la
surface du sujet, tantôt soigneusement polie et teintée d’ocre, tantôt finement
hachurée pour figurer la toison ou piquetée partiellement pour représenter les
taches de la robe. L’espèce figurée est facilement reconnaissable, la longueur des
membres et de la queue fine, le profil convexe de la tête et jusqu’aux jarres de la
toison sont autant de caractères de YOvis longipes Fitz qui est encore élevé dans
le centre et le sud du Sahara. La principale question qui se pose est de savoir non
pas si l’animal ainsi magnifié est un mouton domestique mais s’il est une divinité
ou une offrande. Cela importerait assez peu si, à la suite d’une mauvaise inter¬
prétation des attributs du mouton, on n’avait cm à un moment que les gravures de
l’Atlas saharien reproduisaient le thème bien connu en Égypte du bélier d’Amon
portant entre ses comes le disque solaire. Les gravures de l’Atlas sont bien
antérieures au développement du culte d’Amon-Râ dans la région de Thèbes.
Le mouton n’est pas le seul animal domestique des Néolithiques de tradition
capsienne puisque les gisements livrent en outre des restes osseux de chèvres, de
porcs et de bœufs dont la domestication fut certainement plus tardive22. Le porc
ne semble pas avoir été représenté et le sanglier lui-même figure rarement sur les
rochers (Zanina, Kef Messiouer). Le bœuf, dans le grand style naturaliste, n’est
jamais figuré avec des attributs ou dans des attitudes permettant de penser qu’il
s’agit d’un animal domestique. A Tiout toutefois, de tous petits personnages
tentent de retenir une patte arrière d’un Bos primigenius avec des bâtons recour¬
bés qui rappellent les grandes houlettes d’Égypte. On ne peut affirmer ni que ces
personnages soient contemporains des grandes figures naturalistes, ce qui est
cependant probable, ni que cette scène ait une signification indubitablement
favorable à l’hypothèse de la domestication. Ce peut être tout aussi bien une
pratique de chasse ou de capture. On remarquera que dans le style considéré
comme le plus ancien, seul le grand bœuf (Bos primigenius) est représenté ; la
petite espèce, le Bos ibericus , semble avoir été dédaignée ; ce fut pourtant elle
qui fut domestiquée.
Gabriel CAMPS.
21. LHOTE, 1970.
22. HIGGS, 1967.
ORIGINES DE LA DOMESTICATION 557

TABLEAU

CHASSE SÉLECTIVE

Ibéromaurusien Ammotragus Lervia


(Tamar Hat)
(Haua Fteah)

Capsien Alcelaphus bubalis


(Dra Mta el-Ma-el-Abiod)
(Medjez II)

DOMESTICATION ASSURÉE

TELL SAHARA

Ovis aries africanus Ovis aries longipes


Ovis aries longipes Capra canis
Canis hircus mambrinus
Néolithique ancien Capra hircus promaza
(Vlème-Vème mill.) Sus
B os Ibericus
Scrofa
Canis canis

Néolithique Bos ibericus


moyen et récent Bos africanus
(IV-IIème mill.)

Autres animaux domestiques d’origine africaine

Equus asinus africanus IVème millénaire en Egypte


Numida meleagris époque historique

Espèces asiatiques introduites après le Illème millénaire

Equus caballus cheval barbe (vers 1 800


av. J.C. en
mouton barbarin
Egypte)
Ovis aries

(*) Les espèces dont le nom est en italiques ont une origine locale.
558 GABRIEL CAMPS

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560 GABRIEL CAMPS

RÉSUMÉ

Le problème des origines de la domestication dans le Nord de l’Afrique est


posé ici en relation avec le développement des cultures industrielles dotées de
céramique, habituellement qualifiées de néolithiques. L’auteur ne croit pas, en
Afrique, à une domestication prénéolithique du mouflon à manchette (Amno-
tragus lervia) chez les Ibéromaurusiens ou de l’antilope bubale (Alcelaphus
boselaphus) chez les Capsiens. Dans les deux cas il ne s’agissait que d’une chasse
sélective.

Dans le Néolithique saharo-soudanais, la domestication du bœuf, peut-être


précédée par celle du mouton et de la chèvre, est amplement démontrée par les
peintures rupestres qui révèlent une vie pastorale bien développée, semblable à
celle des Peuls. Une transhumance entre les plaines (actuellement l’erg d’Admer
et le Ténéré du Teffassesset) et les hautes terres du Tassili n’Ajjer est suggérée
par l’unité stylistique des sculptures animalières en roches dures, idoles que les
bergers devaient transporter avec eux au cours de leurs déplacements et que l’on
retrouve, identiques, dans ces deux régions.
Dans le Sahara septentrional et l’Atlas saharien (Néolithique de tradition
capsienne), l’animal domestique le plus souvent figuré sur les gravures les plus
anciennes est le bélier de la race Ovis longipes. Il figure souvent dans les scènes
de caractère religieux («bélier à sphéroïdes»). Une scène de capture et d’appri¬
voisement d’un Bos primigenius (Tiout) et la figuration de vaches au pis déve¬
loppé font croire à une domestication ancienne des bovins.
L’élevage dans le Néolithique méditerranéen (Tell et littoral) est moins bien
documenté en raison de l’absence d’un art pariétal très ancien ; toutefois moutons,
chèvres et porcs sont fréquents dans les gisements néolithiques les plus anciens.

SUMMARY

The problem of the origins of animal domestication in North Africa is consi¬


dered here in relation to the development of industrial cultures producing cera¬
mics and usually qualified as neolithic. The author does not believe in a preneoli-
thic domestication of the mimed moufflon (Ammotragus lervia ) by the Capsians.
These are two cases, not of domestication, but rather of selective hunting.
In the Sahara-Sudanese neolithic period, the domestication of oxen, probably
preceded by that of sheep and goats, is amply illustrated by cave art which reveals
a well-developed pastoral society, similar to that of the Fulani. A transhumance
between the plains (to-day the erg of Admer and the Tenere of Teffassesset) and
the highlands of Tassili n’Ajjer is suggested by the stylistic unity of animal sculp¬
ture in hard rock — idols which the shepherds probably carried with them the
length of their travels and which one finds in the two aforementioned regions.
In the northern Sahara and on the Saharian Atlas (neolithic in the Capsian
tradition) the domestic animal that one finds most often in the oldest paintings
is the ram of the race Ovis longipes. It is often depicted in religious scenes (ram
with sphere). A scene of capture and taming of a Bos primigenius (Tiout) and
the appearance
ancient domestication
of cowsof horned
with developed
animals. udders lend support to the theory of
Stock farming during the Mediterranean neolithic period (Tell and the coast)
is less well documented because of the absence of ancient cave paintings ; never¬
theless, sheep,
neolithic sites. goats and pigs are very frequently found in the most ancient

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