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Desanges Jehan. L'Afrique noire et le monde méditerranéen dans l'Antiquité (Éthiopiens et Gréco-romains). In: Revue
française d'histoire d'outre-mer, tome 62, n°228, 3e trimestre 1975. pp. 391-414;
doi : https://doi.org/10.3406/outre.1975.1849
https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1975_num_62_228_1849
Abstract
Contacts between Black Africa and the Mediterranean world in ancient times may only be grasped
through Greco-Roman documents. Black Africa, for the author, includes the whole territory inhabited by
the population termed " Ethiopian " by the classical world. The existence of relations between the
Mediterraneans and West Africa during this period is not easy to establish. What is to be thought of
navigation on the Atlantic ? The texts are difficult to interpret, archaeology not revealing, and the nearly
always unvarying direction of the currents and winds an obstacle to the return of over earnest sailors.
The way by land was apparently in little use. The deepest penetration known dates from the reign of
Domitian when Julius Maternus arrived in Agisymba country where the rhinoceros dwelt in numbers.
There are indications, however, that trans-Saharan trade was not of any particular economic
importance at the time. Some of the Ethiopian peoples were none the less known to the Greeks and
more so to the Romans who lived on the Saharan borders of North Africa. Ethnically complex they
were quite different from most of the Blacks in to-day's Senegal and Mali. In Roman and Ptolemaïc
times, relations were more frequent along the Red Sea and Indian Ocean shores coasts, as well as
along the Nile Valley. This dissymmetry if of great historical importance and must always be kept in
mind when evaluating the works of ancient geographers including Ptolemy's. When all is said and
done, it was mainly within its own limits that the Mediterranean world became acquainted with the
Negroes. In this connection and without failing to pay tribute to F. M. Snowden Jr. for his exemplary
work, the author makes reservations on his equating the s with the Negroes, as well as on his belief in
the absence of racial prejudice in the Antiquity.
63« Année 1975
dans l'Antiquité
(Éthiopiens et Gréco-Romains)*
par
JEHAN DESANGES
ne sont pas rares et St. Gsell 48 en avait déjà rassemblé une liste
il y a un demi-siècle. On pourrait la compléter. Il serait facile
de montrer par des recoupements que le Sud-Marocain, et notamment
le Sous, le Sud-Algérien, les oasis du Sud-Tunisien, le Fezzan, peut-
être Syouah (l'oasis d'Ammon) ont été, au moins partiellement,
d'Éthiopiens. D'autres populations étaient considérées comme
mixtes, non seulement les Mélanogétules et les Leucoaethiopes, mais
aussi les Pharusiens et Nigrites, qui semblent avoir vécu de part et
d'autre du Haut-Atlas (la noire Pherusa de Pompei est peut-être une
pharusienne 49), et les Garamantes du Fezzan.
Mais que représentent ces populations ? Si, comme on le pense de
plus en plus, elles ont engendré dans une certaine mesure les actuels
Haratin des oasis sahariennes, modifiés par bien d'autres apports,
elles paraissent n'avoir guère d'affinités avec la plupart des races
actuelles du Sénégal et du Mali. Des travaux récents font apparaître
d'ailleurs qu'elles n'étaient vraisemblablement pas homogènes. H. von
Fleischhacker 50 y voit des négroïdes plutôt que des nègres, les uns
appartenant à une couche de peuplement Khoïsanide (représentée
à l'heure actuelle par les Hottentots et les Boschimans), d'autres à une
variété archaïque d'homo sapiens indifférencié (ni noir, ni blanc) en
provenance de l'Asie, tels de nos jours les Tebou ou Teda et les Éthio-
pides. Somme toute, les Anciens avaient raison de les désigner par le
terme peu compromettant d'Éthiopiens, qui équivaut à « hommes
de couleur » plutôt qu'à Noirs. G. Camps 51, pour sa part, comparerait
avant tout les Éthiopiens des auteurs antiques à des populations
actuelles comme les Tebou et les Peuls. Ces rapprochements ne sont
pas arbitraires, car ils peuvent s'appuyer sur les nombreuses
rupestres des peuples bovidiens.
C'est ce panorama ethnique très nuancé qui explique que les Anciens
aient parfois perçu les Nasamons ou les Garamantes comme noirs
et parfois comme blancs. W. Den Boer 52 a montré naguère comment,
sous le Bas-Empire et surtout à l'époque byzantine, le nom de Maure
en est venu à désigner parfois des peuples colorés de l'Afrique orien-
80. Pline, N. H., VI, 184-186 et surtout Sénèque, Q. N., VI, 8, 3-4.
81. Pline, H. N., XII, 19.
82. Sur cette date, cf. J. Desanges, « Un point de repère dans la chronologie
du royaume de Méroë à la fin de l'époque tétrarchique », Mélanges W. Seston,
Paris, 1974, p. 161-162.
83. T. Kraus, « Rom und Meroe », Mitteil. Deutschen Archàol. Inst., Abu Kairo,
XXV (1969), p. 49-56.
84. Juvénal, Sat., XI, 124.
85. Pline, H. N., XII, 19.
86. W. Y. Adams, « An Introductory Classification of Meroitic Pottery », Kush,
XII (1964), p. 160 et 171.
87. T. Kraus, « Rom und Meroe », p. 55-56.
88. J. Desanges, « L'amphore de Tubusuctu (Maurétanie) et la datation de
Teqêrideamani », Meroitic Newslett., 11 (Dec. 1972), p. 17-21.
89. J. Leclant, « La nécropole de l'Ouest à Sedeinga en Nubie soudanaise »,
C. R. Acad. Inscr. et B.-L., 1970, p. 269-273.
90. Cf. J. Leclant, « Une monnaie romaine à Zeidab », Kush, XI (1963), p. 312-
313, avec l'essentiel de la bibliographie. On ajoutera T. V. Buttrey, « Another
Coin from Africa », Numismatic Chronicle, ser. 7, IV (1964), p. 133-134.
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AFRIQUE NOIRE ET MONDE MEDITERRANEEN DANS L'ANTIQUITE
Faut-il s'étonner dès lors que les esclaves noirs dans le monde romain
soient le plus souvent considérés comme des Nilotiques et qu'un assez
grand nombre d'entre eux aient été désignés par le surnom de Méroë 95 ?
Le rayonnement des thèmes nilotiques, notamment dans le domaine
de la mosaïque 96, ne pouvait que renforcer encore cette tendance.
APPENDICE
Traduction
L'excrément des Garamantes s'est répandu sous nos cieux
Et dans la poix de son corps s'éjouit l'esclave noir ;
Si la voix de ses lèvres émise ne sonnait humain,
II terrifierait, vision de larve à faire frissonner des hommes.
Puisse le sinistre Tartare, Hadrumète, à son usage te ravir ton monstre ;
Tel est bien le portier que se doit la demeure de Pluton.
II
Traduction :
Sur Olympius, chasseur 1 égyptien.
RÉSUMÉ
mer Rouge et de l'océan Indien, ainsi que par la vallée du Nil, aux époques
lagide et romaine. Cette dissymétrie a une grande importance historique
et ne doit jamais être perdue de vue quand on évalue l'œuvre des géographes
anciens, y compris Ptolémée.
Somme toute, c'est surtout à l'intérieur de ses propres limites que le monde
méditerranéen a connu les Noirs. A ce propos, tout en rendant hommage
à l'œuvre exemplaire de F. M. Snowden Jr., l'auteur fait des réserves sur
l'équivalence trop stricte entre Éthiopiens et Noirs établie par le savant
américain, ainsi que sur l'absence de préjugés raciaux dans l'Antiquité.
SUMMARY
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