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À ma fidèle lectrice Paule MOMBO qui m’a aidé dans les

phrases en Punu. Merci à toi ma belle. Dieu te bénisse.

Ce roman est une fiction. Les noms propres, les personnages,


les lieux, les intrigues, sont le fruit de l’imagination de
l’auteur. Toute ressemblance avec des personnes réelles,
vivantes ou décédées, des évènements ou des lieux serait une
pure coïncidence.
MURIMA
(Tome 1)

Résumé

Murima ITSIEMBOU et Derrick WILLAR vivaient le parfait


amour jusqu’à ce que le passé de toxicomane de Murima les
sépare. Murima part en prison pour Quarante ans et Derrick
élève tout seul leurs trois enfants non sans avoir divorcé de
Murima et la fait passer pour morte aux yeux des enfants.
Seulement, Vingt-deux ans après, Murima est libérée pour
bonne conduite. La vie de tous sera ébranlée par son retour
fulgurant. Principalement celle de Derrick qui s’est remarié.
Murima veut récupérer ses enfants, mais c’est sans compter
sur l’accord de cette personne mystérieuse qui l’a fait mettre
en prison injustement. Entre coups, complots, révélations,
amour et trahison, Murima devra s’armer de force pour arriver
au bout de son combat.
Prologue

MURIMA TATIANA ITSIEMBOU

J’ouvre difficilement les yeux et je remarque tout de suite que


je suis dans une chambre d’hôpital. Je suis frappée par une
atroce migraine. Je grimace de douleur en tentant de me lever.
Des mains me retiennent.

‒ Hey reste tranquille !

Je reconnais la voix de Daniel sans l'avoir encore vu. Je le


regarde enfin.

‒ Pourquoi suis-je ici ? Que s'est-il passé ?

L’expression de son visage devient grave.

‒ Tu as consommé.
‒ QUOI ????

De brefs souvenirs me reviennent. Je me vois me déshabiller


devant Derrick et…
‒ Non, non non ! Oh mon Dieu ! Daniel dis-moi que vous
n'étiez pas avec les partenaires ?
‒ Si !
‒ Oh mon Dieu !! Qu’ai-je fait ? Non ce n’est pas possible. Et
Ricky ?

Il se passe nerveusement la main sur son visage. Je comprends


que quelque chose ne va pas.

‒ Il m'a demandé de te conduire ici. Il n'a pas voulu venir.

Une boule se forme sur mon cœur.

‒ Non ! Seigneur pas ça ! Daniel je n’ai rien fait. Je n'ai rien


pris depuis deux ans. Je te le jure.

Il baisse la tête encore plus embarrassé. Je retire d'un coup la


seringue de ma main.

‒ Je dois aller lui parler. Je dois lui expliquer.


‒ Non attends, reste tranquille, me retient-il. Tu as beaucoup
vomi et tu as perdu beaucoup de force. Tu dois bien te
reprendre avant de te lever.
‒ Non. Je dois lui expliquer. Il doit être déçu. Je t'en prie
ramène-moi.

Il ouvre la bouche.

‒ Je t'en prie, le supplié-je la voix cassée.


‒ Ok laisse-moi parler au Docteur.

Une heure plus tard, j'entre à petits pas chez moi. Je me


rappelle maintenant de tout. J'avais mis la petite au lit
lorsqu'on a sonné à la porte. J'ai ouvert et n'ai vu personne.
Mais au moment de refermer la porte j'ai senti quelque chose
être aspergée dans mes yeux. Je ne sais pas si j'ai perdu
connaissance mais je sais que quand j'ai ouvert les yeux je
n’étais plus dans mon état normal. J’étais droguée au plus haut
point. Je n’étais plus maitresse de moi. Il y avait des seringues
sur la table et de la cocaïne. Dans mon état second j'ai aspiré
une grande quantité. Après j'ai vu Derrick rentrer avec des
hommes. J'ai fait plein de bêtises et parmi elles je me suis
déshabillée devant tous avant de vomir sur l'un des hommes
qui accompagnaient mon mari. Seigneur c'était les partenaires
qui devaient signer un contrat avec lui pour faire décoller
notre entreprise. Qu’ai-je fait mon Dieu ?

Derrick est assis dans le fauteuil la tête entre les mains. Non
loin de lui sont posées mes valises. Mes larmes se mettent à
couler à flot. Je marche doucement vers lui, le corps tremblant
comme une feuille morte qu’on piétine.
‒ Bébé !

Il ne me répond pas. Il demeure dans sa position. Tout mon


corps est pris d’horrible frisson. J’étouffe mes sanglots pour
avoir assez de force devant cette situation.

‒ Bébé, je t'en prie parle-moi !


‒ Ramasse tes affaires et sors de ma maison.
‒ Bébé, je n'ai rien fait.
‒ VRAIMENT ? Hurle-t-il en se levant d'un coup me faisant
reculer. Dans ce cas pourquoi t'ai-je trouvé complètement
shootée ? Pourquoi il y avait toutes ces poudres et ces
seringues sur cette table ?
‒ Je…
‒ Donc tout ce temps tu te foutais de ma gueule ? Tu me
faisais croire que tu étais clean alors que tu te shootais en
cachette.
‒ Bébé, je te jure sur la vie des enfants que je n'ai rien pris
depuis deux ans. Je suis guérie.
‒ FOUTAISE !

Il balance à mes pieds une boite qui contient tout type de


drogue. Je ne la reconnais pas.
‒ Je t’ai pardonné toutes les fois que tu as chuté. Je t'ai
pardonné d'avoir plus d'une fois mis la vie de Travon et Will
en danger. Je t'ai soutenu tout le temps. J'ai tourné dos à ma
famille, à mon héritage, à mes privilèges, POUR TOI. Mon
père est mort en me détestant parce que je voulais vaille que
vaille épouser une junkie.

Je ferme les yeux, accusant le coup.

‒ Moi, gosse de riche, j'ai accepté de vivre dans la misère rien


que pour être avec toi. Je t'ai épousé avec le peu d'argent qui
me restait, je t'ai sorti des fumoirs, je t'ai donné un toit, de
l’amour, une famille. Que diable ne t'ai-je pas donné encore ?
Je t’ai fait manquer la prison une dizaine de fois quand tu te
faisais prendre avec la drogue par la police. Cinq fois avant et
pendant la grossesse de Travon. Trois fois pendant la
grossesse de William. J’ai dépensé de l’argent pour tes
cautions. J’ai soudoyé des flics pour qu’ils te relâchent en
douce. J’ai essuyé tes vomis partout dans cette maison, même
en présence de Travon qui pleurait à chaque fois qu’il te
voyait drogué. JE T’AI SUPPORTÉ PUTAIN. Mais malgré
tout ça tu trouves encore le courage de te droguer de la sorte,
dans cette maison où vivent nos trois enfants. COMMENT ???

Je sursaute.

‒ Tu m'as humilié devant ceux qui étaient censés devenir des


partenaires d’affaire. Tu en as embrassé un et vomi sur un
autre. Tu t'es mise nue devant tous ces hommes. MA FEMME
S'EST MISE NUE DEVANT CES HOMMES. Xandra
pleurait dans son berceau quand nous sommes arrivés.
Comment as-tu pu faire une telle chose Murima ? Après tous
ces sacrifices que j'ai fait pour toi.

J’éclate en sanglot.

‒ Je sais qu’il est difficile de me croire mais je t'en prie fais-le.


C'est un piège. J'ai été endormie puis droguée.
‒ Donc là aussi c’est un piège ?

Il jette à mes pieds une enveloppe. Je la récupère et je tombe


des nues lorsque je vois des photos de moi dans notre lit
conjugal avec un autre homme.

‒ Non, c’est faux. Je ne t’ai jamais trompé. Non jamais. Je suis


sûre que ce sont eux qui ont manigancé tout ça.
‒ Dans ce cas va les rejoindre pour qu'ils me foutent enfin la
paix.
‒ Ricky…
‒ SORS DE MA MAISON.

Il tire mes valises vers la porte. J'essaie de l'en empêcher en le


suppliant de me croire. Il est très en colère, ce qui est très rare
chez lui. J'ai tellement mal qu'il ne me croit pas. Qu'il me croit
capable de foutre ainsi notre famille en l'air. Alors que nous
luttons avec mes valises, des coups sont donnés sur la porte. Il
lâche tout et va ouvrir. C’est la police. L’un présente sa
plaque.

‒ Bonsoir Monsieur. Nous sommes la brigade anti-stupéfiant.


Sommes-nous bien chez les WILLAR ?
‒ Oui.
‒ Nous avons un mandat de perquisition. Nous avons eu vent
qu’il y aurait chez vous une importante quantité de drogue
d’un groupe de dealer qui sévit en ce moment. Et Mme
Murima WILLAR serait un moyen de faire circuler cette
drogue plus facilement.

Derrick se retourne et me regarde. Je ne comprends rien.

‒ Vous pouvez entrer, leur permet-il.

Ils se précipitent tous à l’intérieur et commencent les fouilles.


Derrick vient vers moi.

‒ S’il trouve quoi que ce soit, je te tue de mes propres mains,


me chuchote-t-il.

Je me contente de verser une larme. Nous restons là à les


regarder. Derrick suit ceux qui vont dans notre chambre. Ils
reviennent quelques secondes plus tard avec un énorme sac
noir. Quand le flic l’ouvre, j’ouvre grandement les yeux.

‒ Non, non. Ce n’est pas à moi, dis-je précipitamment pour me


défendre en secouant les mains.

Le policier en sort une arme et un portable. Il les examine.

‒ Cette arme correspond à celle utilisée pour le meurtre d’un


collègue policier et dans ce portable se trouve les contacts de
gang que nous traquons.
‒ Non. Il n’est pas à moi ce sac.
‒ Mme Murima WILLAR, vous êtes en état d’arrestation pour
trafic de drogue et complicité de meurtre.
‒ Non je n’ai rien fait. Derrick !

Derrick le regarde me menotter sans rien faire. Je supplie,


pleure pour qu’il réagisse mais rien.

‒ Monsieur l’agent, je vous jure que je n’ai rien à voir dans


cette histoire. C’est un coup monté. Vous devez mener une
enquête.

Je regarde Derrick mais il ne bouge pas d’un centimètre. Il


regarde la police me conduire hors de la maison.
‒ DERRICK JE N’AI RIEN FAIT, hurlé-je en luttant avec le
policier qui me tient. BEBE CROIS-MOI POUR L’AMOUR
DU CIEL. DERRICK !!!!!!

*Mona
*LYS

‒ Pour les chefs d’accusation suivants : détention et


consommation de drogue et complicité de meurtre d’un
officier de police, vous êtes condamnée à Quarante ans de
prison ferme. La séance est levée.

J'entends Mélodie hurler de douleur dans mon dos. Je ferme


les yeux et laisse couler mes larmes. Ma vie vient d’être
gâchée à tout jamais. Je suis condamnée pour des choses que
j’ignore. Je me tourne vers Mélodie qui me prend dans ses
bras malgré les interdictions. Daniel essaie de la calmer du
mieux qu'il peut malgré sa tristesse. Derrick n'est pas venu. Il
n'a pas non plus cherché à me voir pour entendre ma version
des faits. Il me croit déjà coupable. Mon Dieu qu’ai-je fait
pour mériter cela ? Je sais que je n'ai pas un passé glorieux.
J’étais une toxicomane, je fréquentais des dealers. Mais pour
Derrick et nos enfants j’ai changé. Je ne suis plus la même. Je
n'ai plus touché à la drogue et à la cigarette depuis deux ans.
Je l'ai fait pour sauver mon mariage et être une bonne mère. Je
me suis battue pour y arriver mais aujourd’hui on me
condamne pour ça alors que je suis innocente. J'ai pourtant
expliqué les faits, mais tout me condamnait et mon passé
n’était pas pour arranger les choses. Je vais donc passer
Quarante ans en prison. Je sortirai vielle.

‒ Prends soin de mes enfants je t'en prie, dis-je à Mélodie sous


mes larmes. Aime-les autant que Samuel.
‒ Je le ferai. Je te le promets.
‒ A bientôt.

***VINGT-DEUX ANS PLUS TARD***

La grille s'ouvre pour me laisser passer. Quand je franchis le


seuil de cette satanée prison, je ferme les yeux et souffle un
très grand coup. Enfin libre. Après vingt-deux ans je suis enfin
libérée pour bonne conduite. J'ai pleuré de joie lorsque mon
Avocat m'a tenu informé. Je n’ai cessé de demander à Dieu un
miracle parce que je ne me sentais pas capable de rester dans
cette prison pendant Quarante ans.

Dieu a entendu mes pleurs. Il a entendu mes cris de détresse.

Personne n'est venue m’accueillir parce que personne ne sait


que je suis sortie plus tôt que prévu. Mélodie et Daniel ont fini
par m’abandonner. Après juste deux mois, ils ont disparu. Plus
de visite, plus d'appel, plus de nouvelle. J'ai été abandonné à
mon propre sort. J’ai passé des nuits blanches à pleurer ma
solitude. Tout le monde m’avait abandonné. Seul Josky venait
me voir les deux premières années pour m’inciter à retourner
près de lui en échange de ma liberté. Je lui ai fait comprendre
que je préférais mourir en prison que de retourner dans ses
fumoirs, encore moins lui servir de pute.

J’ai commencé à consommer de la drogue et en vendre à l’âge


de 16 ans après la mort de mes parents. J’étais retournée au
Gabon avec la famille pour les funérailles après lesquelles j’ai
été traitée comme une moins que rien. J’étais devenue la
bonne à tout faire chez mon oncle paternel. Des coups j’en
recevais à chaque seconde de sa femme. J’ai alors fugué et
c’est ainsi que j’ai intégré un groupe de jeune qui vendait de la
drogue pour s’en sortir. Je vivais avec eux mais après quelques
mois, Derrick est venu m’y sortir. Nous sommes revenus
ensemble ici en Angleterre. Mais malgré ça je me suis encore
attachée à une bande de dealer. La bande de Josky. Il a fait de
moi sa meilleure vendeuse en juste trois mois. Il partageait la
moitié de ce que je gagnais alors qu'avec les autres il prenait
une plus grosse part. Mais c’était aussi parce qu'il était
amoureux de moi. Il ne m’avait cependant jamais touché parce
que j’étais trop petite pour supporter son calibre mais surtout
parce que je lui avais fait savoir que je n’étais pas intéressée
par lui. Derrick et moi nous nous sommes disputés plus d’une
fois parce que j’étais très entêtée. Il n’acceptait pas que, vivant
sous son toit, je puisse mener cette mauvaise vie. Il était mon
tuteur mais je l’ai fait baver. Mais mon entêtement a pris fin ce
soir-là où nous avons fait l’amour pour la première fois. Il
avait pris non seulement ma virginité, mais avait pris aussi
mon cœur cette nuit. Je tombais amoureuse de lui, mais aussi
enceinte de notre premier enfant.
Avec le peu d'argent qu'une des détenues m'a filé, je me
prends une chambre dans un Motel. Cette détenue qui est plus
âgée que moi a été comme une mère. J'étais tellement jeune
avec mes vingt-trois ans qu'elle m'a tout de suite adoptée. Elle
était à mes petits soins. Elle m’avait confié que je lui rappelais
sa fille qu’on l'a accusé d’avoir tué alors que non. Elle en a
pris pour 50 ans mais avec l’âge qu'elle avait il y a vingt-deux
ans en arrière je crois qu'elle passera toute sa vie en prison,
sauf si un miracle se produit comme avec moi.

Après trois jours de recherche, je retrouve enfin la maison des


WILLAR. Il ne m'a pas été si difficile d’obtenir l’adresse vu
que Derrick s'est fait un nom dans le monde des affaires. Mes
lunettes de soleil plaquées sur mon visage et le foulard me
couvrant la tête, je marche vers la maison. Mon cœur bat à
mille à l'heure. J'ai hâte de voir mes enfants. Mes trois bébés.
Vingt-deux longues années loin d'eux. Quel calvaire ! J'ai
pourtant supplié Derrick de les emmener me voir ne serait-ce
qu’une seule fois mais c’était trop lui demander. J'ai vu
seulement deux fois à la télé Travon en compagnie de son père
dans des soirées de gala. Hier j'ai fait des recherches sur le net
mais aucun d'eux n’utilise Facebook. Ou du moins de façon
personnelle. Mais j'ai néanmoins vu des photos d'eux. Mon
bébé est devenu si beau. Encore plus que dans son enfance.
J'ai aussi hâte de voir Will et ma petite Alexandra. Elle n'avait
que six mois lorsque je me faisais arrêter. Je ne sais donc pas à
quoi elle peut ressembler maintenant.
Je sonne à plusieurs reprises lorsqu'un homme en tenue vient
vers moi. De l’extérieur cette maison est gigantesque. Derrick
s'en est vraiment bien sorti.

‒ Bonjour Madame. Comment puis-je vous aider ?


‒ Bonjour. Suis-je bien chez la famille WILLAR ?
‒ Oui. Qui souhaitez-vous voir ?
‒ Toute la famille si possible.
‒ Et vous êtes ?

Le klaxon d’une voiture m'interrompt. Il me demande de me


décaler pour permettre à la voiture de sortir. J’obéis. Une
magnifique BMW sort de la concession. Je lève ma main en
espérant que ce soit Derrick qui se trouve à l'intérieur. La vitre
arrière se baisse et je reconnais tout de suite l'occupant.

‒ Djénéb !

Elle me regarde longuement. J’ôte mes lunettes et mon


foulard. Son visage se déforme sous le choc. Elle sort
prestement de la voiture.

‒ Tan… tantine ?
‒ Oui Djénéb c'est moi, répondé-je en souriant du fait qu'elle
m'ait reconnu.
‒ Oh mon Dieu !

Elle se jette dans mes bras et ce sont des sanglots qui s'en
suivent.

‒ Merci Seigneur pour tout. J'ai tellement prié pour qu'on te


libère. Merci mon Dieu. Tantine viens monter.
‒ Pour aller où ? Je veux voir mes enfants. Sont-ils là ?

Son air devient grave.

‒ Tantine, beaucoup de chose se sont passées. Tu ne peux pas


les voir comme ça.
‒ Pourquoi ?

Elle soupire.

‒ Accompagne-moi on va s’asseoir quelque part pour parler.

Son ton me fait peur. Je monte dans la voiture à sa suite et


quelques minutes plus tard nous nous installons dans un petit
fast-food. Durant le trajet elle n'a pipé mot. Le serveur nous
apporte des jus de fruit.
‒ Oui dis-moi ce qui se passe. Pourquoi je ne peux pas voir
mes enfants ?
‒ Tantine, quand tu es allée en prison, tonton leur a dit que…

Elle marque une pause, de plus en plus embarrassée.

‒ Il leur a dit quoi ?


‒ Que…
‒ Mais parle Djénéb.
‒ Que tu étais morte.

Je sens mes forces me quitter.

‒ Quoi ? Il n'a pas osé dire ça à mes enfants ?


‒ Moi je ne voulais pas qu'il dise une telle chose. Un jour j'ai
dit à Travon que c’était faux mais tonton m'a surpris et il m'a
menacé de me ramener dans la rue où tu m'as prise. Comme
j'avais peur et que je ne voulais retourner, j'ai fermé ma
bouche.
‒ Donc… mes enfants pensent que je suis… morte ?
‒ Oui. Tonton a aussi brûlé toutes tes photos donc je ne crois
même pas qu'ils puissent te reconnaître.
‒ Mon Dieu !
Derrick me détestait à ce point-là ? Me faire passer pour morte
aux yeux de mes propres enfants. Seigneur pourquoi ? C'est
pour eux que je me tenais à carreau en prison pour avoir la
chance de sortir tôt et les retrouver mais là on me dit qu'ils ne
savent même pas que j’existe. Mes yeux me picotent et malgré
mes efforts mes larmes coulent comme ruisseau. Je pleure en
silence devant Djénéb qui pose affectueusement sa main sur la
mienne.

‒ Je suis désolée tantine. Ce n'est pas ma faute.

Je relève les yeux vers elle sans cesser de pleurer.

‒ Comment vont-ils ? Comment ont-ils vécu mon absence ?


‒ Mal. Travon pleurait tous les jours, William aussi. Même
jusqu’à aujourd’hui il arrive à Travon d’être triste et quand je
lui demande il me dit qu'il a mal de ne plus savoir à quoi tu
ressemblais. Il a mal d'avoir oublié ton visage. Il sait juste que
tu as été là un moment et après plus rien. Mais il est fort. Des
trois, c'est lui le plus courageux. Il a pris ton intelligence. C'est
lui-même qui gère avec son père l’entreprise familiale.
‒ Et ma petite princesse ?
‒ Elle est encore à l'Université. Mais je te préviens, elle est
très capricieuse. Tonton l'a trop gâté.

Je souris.
‒ Elle était la prunelle de ses yeux. Il a toujours aimé les filles.
Aucun n'est marié ?
‒ Si. Travon, depuis deux ans mais il n'a pas encore d'enfant.
Lui et sa femme sont venus vivre à la maison à cause d'un
incendie qui a brûlé l’immeuble où ils vivaient. Donc le temps
que leur maison en construction soit terminée ils sont avec
nous. Xandra n'a pas encore présenté d'homme donc je
suppose qu'elle est célibataire. Et Will…

Elle baisse les yeux et l’embarras reprend forme sur son


visage.

‒ Quoi Will ?
‒ Lui et tonton sont comme chien et chat.
‒ Pourquoi ça ?

Elle se tire les doigts.

‒ Will… Will se… il se drogue.

Je ferme les yeux. Pas mon bébé. Pas lui.

‒ Il lui arrive de découcher pendant une semaine et il revient


tout débraillé. La drogue, l’alcool, la cigarette et les femmes.
Voici son quotidien.
‒ Mon Dieu ! Lâché-je dans un sanglot.
‒ Il refuse de travailler dans l’entreprise malgré les
engueulades de son père. Tonton lui a donc arraché son
appartement pour l'obliger à vivre aussi dans la grande maison
afin d’avoir un œil sur lui. Actuellement la maison est calme
parce que tonton a voyagé et Will a encore disparu.

Je me sens coupable de l'état de mon fils. J’en suis peut-être la


cause. Lorsque j’étais enceinte de lui j'ai consommé de la
drogue plus d’une fois et pendant que je le nourrissais au sein,
j'ai encore pris de la drogue. La drogue était ma plus grande
faiblesse mais lorsqu’un jour j'ai failli le tuer après en avoir
consommé, j'ai finalement mis fin à tout ça. Je me suis battue
contre mes démons pour m'en sortir et j'avais réussi jusqu’à ce
jour où j’ai été drogué de force.

‒ Ok. Je veux faire partie de leur vie.


‒ Tantine…
‒ Oui je sais ils me croient morte. Je veux donc me rapprocher
d'eux d’une autre manière
‒ Comment ?

Je me réfléchis à la recherche d’une bonne idée. Ça fait


subitement tilt dans ma tête.

‒ Je veux entrer dans la maison en tant que servante.


‒ Quoi ?
‒ Fais-moi entrer dans cette maison. S'il faille que je sois une
boniche pour pouvoir voir mes enfants et être près d'eux je le
ferais. Je ne veux plus vivre loin d'eux. Je les veux tout près de
moi. Je vais me rapprocher d'eux au fur et à mesure puis quand
ils seront habitués à moi je leur dirai qui je suis. S’ils
apprennent que je reviens de prison, ils risquent de me
détester. Je dois d’abord me faire accepter et aimer par eux. Tu
comprends ?
‒ Mais tonton risque…
‒ Derrick j'en fais mon affaire. Tu as dit qu'il était en voyage
non ? Bah lorsqu’il reviendra je serais déjà installée. S'il veut
me foutre à la porte je ferais un scandale. On verra qui aura le
plus à perdre.
‒ D’accord tantine. De toutes les façons c'est moi la chef des
employés et c'est moi qui gère les salaires. On cherchait
justement une troisième servante. Je travaillais avec une jeune
fille parce qu'il n'y avait pas assez de personne dans la maison
mais maintenant que tout le monde est là nous avons besoin de
renfort. Je vais donc te faire embaucher. Surtout que tu dois
avoir besoin d'argent.
‒ Merci. La vie est drôle. Toi qui fus autrefois la nounou de
mes enfants, te voilà devenu ma chef.
‒ Tantine je ne peux jamais être ta chef. C'est toi qui vas nous
gérer. Je te suis trop reconnaissante de m'avoir sortie de la
prostitution. C’est grâce à toi si j’en suis là aujourd’hui.

Je lui caresse la main.


‒ Tu es gentille.
‒ Mais tantine, il y a une dernière chose.
‒ Quoi encore ?
‒ Tonton, son voyage, au fait…
‒ Djen parle.
‒ Il est allé en lune de miel avec sa femme. Ils se sont mariés
il y a deux semaines.

J'accuse le coup.

‒ Ok. Ma priorité ce sont mes enfants. Derrick fait partie de


mon passé.

En plus, avec tout ce qu'il m'a fait je le déteste. Je lui en veux


de m’avoir abandonné et maintenant de m’avoir fait mourir
aux yeux de mes enfants. Je vais uniquement me concentrer
sur eux. Ma seule priorité dans la vie c'est de les récupérer.
Quel qu’en soit les risques.
1

MURIMA

Après vingt-deux ans je dors et me réveille dans un lit


confortable avec des draps aux bonnes senteurs. En prison ce
n’était pas la grande classe. Rien n’était vraiment à sa place et
on devait s’y adapter. La nourriture était infecte, il n'y avait
pas vraiment de règle, ou du moins elles n’étaient pas
respectées. Toute personne ayant une bonne somme d'argent
obtenait tout de suite du pouvoir avec le soutien des gardes qui
demandaient leurs parts. La prison c'est vraiment l'enfer sur
terre. Penser à ces choses me donne un haut le cœur. Je suis
libre donc je dois oublier le passé.

Après ma rencontre avec Djénéb, j'ai intégré la maison dans la


nuit. Je devais avant tout me faire des affaires. Je n'avais pas
grande chose à me mettre sur le corps et l'argent que j'avais
avait suffi à peine pour mon séjour dans cet hôtel miteux.
Djénéb m'a filé une bonne somme d'argent pour me faire une
petite valise. J'avais besoin de tant de choses pour me sentir de
nouveau intégrée dans la société. C'est donc à 20h que je suis
revenue. Tout le monde avait déjà rejoint ses appartements.
Étant crevée je n’ai pas eu le temps de visiter la maison.
Néanmoins, du peu que j'ai vu je suis conquise. Mais je n'ai
pas besoin de visiter cette maison pour la connaitre. Je la
connais déjà parce que c'est moi qui ai dessiné les plans. Ou
du moins j'ai expliqué à Derrick qui s'est charge de la faire
dessiner pour nous. C'était notre projet à long terme, parmi
tant d’autres.

Je finis de me préparer et je rejoins Djénéb à la cuisine. Elle


s'affaire pour le petit déjeuner avec une belle jeune fille à qui
je donnerais vingt-trois ou vingt-quatre ans. Djénéb et moi
faisions partie en quelque sorte de la même bande. Si moi
j'avais été recueillie par un dealer, elle, c’était par un
proxénète. Un ami à Josky. Malgré son jeune âge il a fait d'elle
une prostituée. Il m'a fallu quitter la haute société pour la plus
misérable pour me rendre compte que la vie n'est pas du tout
rose. Moi qui étais une fille à papa, qui ne manquais de rien, je
me suis retrouvée du jour au lendemain dans la rue après la
mort tragique de mes parents dans un crash d'avion. Mes
parents n’étaient certes pas riches à l’extrême mais nous
occupions néanmoins une très bonne place. Place qui a
dégringolée après les obsèques. Étant enfant unique, personne
ne voulait me récupérer. Toutes les deux familles se sont
désistées, chacune espérant que l'autre me prenne. Finalement
un oncle paternel m’a pris avec lui et sa famille mais c’était
uniquement pour que je sois la bonne à tout faire. Ils en ont
toujours voulu à mon père de s’être installé en Angleterre avec
moi et ma mère sans les prendre eux aussi. J’ai été maltraitée
dans ma propre famille jusqu’à ce qu’un jour, après une
bastonnade pour avoir égaré l’argent du marché, j’ai fugué.
J’ai passé un long moment dans un bas quartier avec des
jeunes drogués de mon âge qui m’ont initié. Ça a été ainsi
jusqu’à ce que Derrick me sorte de là, me ramène ici et qu’à
mon tour je sorte Djénéb de la prostitution. Elle avait 13 ans
quand je l'ai prise avec moi après qu’elle ait réussi à échapper
à son “patron’’ qui était une connaissance à son père resté au
Niger. Elle a fui la pauvreté dans son pays pour finalement
être obligée d’assouvir les fantasmes sexuels des pervers. Rien
que des pédophiles. Avec l’accord de Derrick elle est venue
vivre avec nous en tant que la nounou de Travon que j’ai eu à
18 ans. Elle et moi c'est donc une longue histoire de
reconnaissance et d'amour.

‒ Bonjour les filles.

Djénéb m’embrasse chaleureusement. L'autre fille parait


surprise.

‒ Tu as bien dormi tantine ?


‒ Oui.
‒ Viens, je te présente. (Elle me tire) Tantine elle c'est Aurelle,
Aurelle elle c'est…

Se souvenant qu'elle ne doit révéler mon identité, elle cherche


quoi dire.

‒ Je suis la nouvelle employée, terminé-je en lui tendant la


main qu'elle serre chaleureusement.
‒ Bonne arrivée tantine…
‒ Murima.
‒ Je vais t'appeler tantine.
‒ Comme tu voudras Aury.

Nous échangeons toutes un sourire. Je leur demande de


m’expliquer le fonctionnement de la cuisine. Comment se font
les programmes culinaires, les goûts de chacun et autre.

« Bonjour. »

La voix nous fait nous retourner vers elle. Se tient au pas de


l’entrée une jeune femme très sophistiquée. Teint noir, taille
moyenne sous laquelle elle a ajouté des talons. Elle est très
belle.

‒ Bonjour Madame, la salut les filles.


‒ Bonjour Madame, dis-je pour faire comme elles.
‒ Mon Dieu combien de fois vais-je vous dire de m’appeler
Imelda. J'ai vingt-sept ans, pas 60.

Sa gestuelle et l’expression de son visage nous font sourire.

‒ Bon on va faire avec Madame Imelda c’est mieux, propose


Djénéb.
‒ Ok, capitule-t-elle. Bon pour ce matin Travon veut juste
boire un verre de jus de fruit. Il dit avoir des réunions
importantes. Mais moi je vais prendre mon temps. Je n’ai
d’ailleurs pas grand-chose chose à faire.
‒ C'est noté Madame, disent-elles.

La jeune femme darde son regard sur moi.

‒ Euh, vous je ne vous connais pas.


‒ Oui je suis la nouvelle servante.
‒ C'est une vielle amie, renchérit Djénéb. Puisqu'on avait
besoin de mains supplémentaires, je lui ai fait appel.
‒ Ah ok. Soyez la bienvenue.
‒ Merci Imelda. Veuillez me tutoyer s'il vous plaît.
‒ De même pour vous aussi.

Elle continue de me regarder avec insistance.

‒ Je ne sais pas pourquoi mais tu me rappelles quelqu'un.


Qui ? Je ne sais pas encore.
‒ Les gens se ressemblent vous savez.
‒ Tu as raison. J’insiste pour le tutoiement. Je vais en salle à
manger. Et puis ce n'est pas la peine de monter rangée notre
chambre, je m'en suis déjà chargée.

Elle ressort dans une démarche élégante.


‒ C’est la femme de Travon, me souffle Djénéb.
‒ Je l'avais deviné. Il a du goût.

J'aide les filles à transporter le petit déjeuner dans la salle à


manger. Imelda y est déjà installée à la gauche d'un jeune
homme qui manipule une tablette. Je ralenti mes pas en le
regardant. Il n'a pas besoin de lever la tête pour que je le
reconnaisse. C'est lui, mon bébé, Travon. Je pose le plateau
que j'ai en main sans le lâcher du regard. J'ai l’impression de
voir Derrick tant il lui ressemble, encore plus que lorsqu'il
était enfant.

‒ Travon ! Chuchoté-je dans une émotion qui m'a prise aux


tripes.

Il lève la tête et là l’émotion m’engloutit. J'oublie la situation


délicate dans laquelle je suis et comme une automate je
contourne la table jusqu’à lui. Il me regarde perplexe.

‒ Travon ! Dis-je de nouveau.

Je lève la main en direction de sa joue mais avant que je ne le


touche il saisit ma main.

‒ Qu’est-ce qui vous prend ? Et qui êtes-vous ?


Je suis ta maman, ai-je envie de lui dire. Je suis celle qui t’a
mis au monde et qui t’aime comme une folle. Il me fixe
intensément. Un moment je crois qu'il m'a reconnu.

‒ Nous, nous nous sommes déjà vus non ? Questionne-t-il. J'ai


l’impression de vous connaître.

Un raclement de gorge me ramène violemment sur terre. Je me


souviens de la place que j'occupe dans cette maison. Je regarde
la femme de Travon qui n'a pas l'air ravie de mon geste. Je
m’éloigne de son mari.

‒ Je suis désolée. C'est juste que j'ai été perturbée par votre
ressemblance avec un être qui m'était cher. Je ne crois pas que
nous nous soyions déjà rencontrés.
‒ Que faites-vous donc dans cette maison ?
‒ Travon, c'est la nouvelle servante, répond à ma place Djénéb
qui apparait dans mon dos.

Elle refait le même discours d'une vielle connaissance. Le


visage d’Imelda se défait. Une autre personne entre dans la
pièce. Une jeune fille. Elle s'assoit en manipulant son portable.

‒ Bonjour, bredouille-t-elle sans lever les yeux.


Je lève les yeux vers Djénéb qui me fait un oui de la tête pour
me signifier que c’est Alexandra ma fille, la dernière de la
fratrie. Elle est un mélange de moi et Derrick. Travon
ressemble à son père, William avait pris mes traits quand il
était enfant. Je ne sais pas si c'est toujours le cas. Et Xandra a
fait un mélange de tous les deux même si les traits dominants
sont ceux de son père.

‒ Aurelle sert-moi du café, ordonne-t-elle.

Je semble être la seule personne choquée dans cette salle


devant son ton condescendant. Derrick l'a donc pourri à ce
point ? Bien que je sois émue de la voir, j'ai bien envie de lui
donner une petite claque pour lui retourner le cerveau.

‒ Ah au fait Aurelle, j'ai une tonne de vêtements sales dans


mon panier à linge. J'ai aussi perdu une boucle d’oreille. Je
crois qu'elle doit être sous le lit. J’aimerais bien la voir ce soir
quand je rentrerais.
‒ Bien Madame.

Elle engloutie son petit déjeuner sans lâcher son portable. Elle
est sérieuse cette petite ? Je retourne à la cuisine me remettre
un peu de mes émotions. Djénéb me rejoint.

‒ Elle est ainsi insolente avec tout le monde ?


‒ Avec tout le monde non. Mais de façon générale elle est
pourrie gâtée. C'est la princesse de la maison.
‒ Je vais devoir en parler avec Derrick pour corriger cela. Je
refuse que ma fille fasse partie de ces jeunes filles sans
cervelle. Alors dis-moi un peu les goûts de chacun.

Nous passons les dix prochaines minutes à discuter. Elle me


fait signe qu'il est l'heure d’aller débarrasser. Je constate que
ni Travon ni Alex n'ont lâché leurs appareils. Travon écoute à
peine sa femme qui semble lui raconter quelque chose de
drôle.

‒ Bon j'y vais, annonce-t-il sans un regard pour sa femme.


‒ Mais bébé tu n'as pas terminé ton jus.
‒ Ça va.

Elle baisse les yeux de frustration.

‒ Ok, bon, faites quelque chose de spéciale pour le dîner. Papa


et sa femme rentre de leur lune de miel.

Cette annonce fait sursauter mon cœur. L'idée de revoir


Derrick après Vingt-deux ans me rend nerveuse. Comment va-
t-il réagir ?
‒ Je compte sur vous pour apporter un accueil chaleureux à la
nouvelle maitresse de maison. J'y vais maintenant.

Il récupère son attaché case.

‒ Bébé tu…

Il suspend la phrase de sa femme en lui posant un baiser sur le


front plutôt que sur ses lèvres qu'elle lui a tendues. Cette fois
elle n'arrive pas à cacher sa frustration. Xandra embrasse sa
belle-sœur sur la joue, dit au-revoir à Djénéb et part à son tour.
Imelda est clairement abattue. C’est en silence qu’elle quitte la
pièce. J’attends qu’Aurelle s’éclipse pour me tourner encore
vers Djénéb.

‒ Il y a quelque chose qui ne va visiblement pas entre Travon


et sa femme.
‒ Tout allait bien jusqu’à ce que le besoin d’enfant se fasse
ressentir. Selon les tests, le problème viendrait d’Imelda.
Travon donc pour éviter de ressentir le chagrin s'est plongé en
entier dans le travail au point de ne plus accorder d'attention à
sa femme.
‒ Juste deux ans et il agit déjà ainsi ? Il s'est marié par amour
ou juste pour pondre des enfants ? Derrick est au courant de
tout ça ?
‒ Tonton n'a vraiment pas le temps. C'est un homme beaucoup
occupé. Il passe beaucoup de temps à l’entreprise et quand il
rentre, il part s’enfermer pour des heures dans son bureau.
Travon fait aussi comme lui.
‒ Ce n'est pas bon ça, chuchoté-je plus à moi-même qu’à
Djénéb.

Le reste de la journée, je la passe à découvrir la maison.


Djénéb me fait visiter chaque recoin. Je souris en parcourant
les pièces du bas.

‒ Je devine qu'au premier se trouve les chambres des enfants


avec deux autres chambres supplémentaires. Le deuxième
étage est uniquement destiné à Derrick. C'est un appartement
complet. Il y a un vaste salon avec du marbre au plafond et au
sol, une terrasse au balcon avec jacuzzi, fauteuil et table à
manger, il y a aussi la chambre, le bureau de Travon qui a une
vue direct sur le jardin et une autre salle pour les jeux, billard
et PlayStation.
‒ Comment tu sais tout ça ?
‒ Nous avons dessiné le plan ensemble. Nous avions décidé de
faire cinq chambres pour enfants parce que nous comptions en
avoir cinq. L’appartement était censé être notre havre de paix
pour échapper aux enfants et nous retrouver rien que tous les
deux. Les chambres d’amis et des employés devraient être en
bas pour que nos enfants aient leur intimité. Il y a une grande
piscine dehors ?
‒ Une très très grande piscine. Mais personne ne l'utilise
vraiment. Chacun a sa vie dans cette maison. Il n'y a qu'aux
diners que toute la famille se réunie. Après c'est chacun pour
soi. Tonton reste tout le temps en haut. Et avant que Travon ne
vienne avec sa femme, chacun dinait dans sa chambre.
‒ C’est quoi cette famille de merde que Derrick a pondue ? Ce
n’était pas cette image de notre famille que nous avions.

J’essaie d’ouvrir une porte mais elle me semble condamnée.

‒ Pourquoi celle-ci est fermée ?


‒ Personne ne le sait. C'est la pièce secrète de tonton. Il refuse
que quelqu’un y entre. Il garde même la clé sur lui.
‒ Il y entre ?
‒ De temps en temps. Et quand il ressort, il est saoul.
‒ Vraiment ?
‒ Oui.

Je suis surprise parce que d’autant je me souvienne, Derrick ne


touchais jamais à l’alcool. Mais bon bref. Nous montons les
escaliers pour continuer l'exploration. Tout est comme j'ai dit.
Derrick n'a rien modifié à notre plan. Quand nous arrivons
dans son appartement, j'ai un pincement au cœur. Ça aurait dû
être à nous deux. Un lieu où nous passerions notre temps à
nous aimer de toutes les manières possibles. Il m'avait promis
me faire l'amour sur le billard quand nous en aurions un. Je
vois un portrait d’une photo de mariage accroché au mur. Son
mariage avec une autre. Je réprime un sentiment amer. Je
prends un cadre photo de lui et les enfants encore petits et
m'assois dans l'un des fauteuils super confortables.
‒ Parle-moi de sa femme.
‒ Nous l'avions connu un mois avant leur mariage. Il l'a
présenté à la famille comme sa future épouse parce qu'il venait
de lui faire sa demande.
‒ Comment ont réagi les enfants ?
‒ Comme je te l'ai dit hein, chacun vit sa vie donc ils n'ont pas
vraiment eu de réaction. Ils ont juste donné leur accord pour le
mariage et c'est tout. A peine s'ils ont échangé des mots avec
elle. Avant la présentation elle n’était jamais venue ici.
‒ Quelles sont tes impressions la concernant ?
‒ Je dirais que c'est une femme en quête d'une vie luxueuse.
Pour te dire la vérité, je ne crois pas qu'ils soient ensemble par
amour. Tonton cherchait justement une femme pour combler
le vide que tu as laissé. Les hommes d’affaires qui venaient ici
ne cessaient de lui demander pourquoi il ne se mariait pas. Il a
donc suivi leur conseil et s'est pris la première femme qu'il a
rencontré. Elle a Quarante ans, sans enfants, mais très
superficielle. Il n'y a que l’argent de tonton qui l’intéresse et
lui sa compagnie. Peut-être que tu la connais. C’est celle que
les parents de tonton voulaient pour lui.
‒ Ah je vois. Il doit l'aimer sinon il ne l'aurait pas épousé.
‒ Tonton n'a plus aimé une autre femme après toi.
‒ Qu’est-ce que tu en sais ? Tu n'es pas dans son cœur.
‒ Mais je le connais. Il s'est renfermé dans le travail afin
d'assurer un avenir meilleur aux enfants. Il ne pensait même
pas aux femmes.
Je ne sais pas trop comment prendre cette information. Mais
bon bref, je ne suis pas ici pour faire des amourettes. Derrick a
mis une croix sur nous quand il m'a foutu à la porte de notre
maison. Aujourd’hui il a refait sa vie et moi je suis là pour
mes enfants. Je veux me faire aimer par eux avant de leur dire
la vérité.

*Mona
*LYS

Nous avons presque terminé le dîner. C'est un véritable festin


que nous avons préparé là. Les goûts culinaires de Derrick
n'ont changé en rien. Il déteste toujours autant les épices. Mais
nous en mettons de côté pour les enfants. William et Xandra
en aimeraient.

Le courant est très vite passé avec la petite Aurelle. C'est une
vraie pipelette. Elle n'a pas manqué de me dire que je
ressemblais à William. J'ai juste souri. Elle travaillait dans le
supermarché où Djénéb a l’habitude de faire les courses de la
maison. C’est ainsi que durant une conversation Aurelle lui
aurait confié qu’elle en avait marre de son travail. Cette
dernière lui a donc proposé de la rejoindre ici. Ça fait une
Africaine de plus dans cette maison. Moi Gabonaise, Djénéb
Nigérienne et Aurelle Ivoirienne.
Le vrombissement d'une voiture fait bondir mon cœur. Il est
là !

‒ Ils sont arrivés, me confirme Djénéb. Nous allons les


accueillir. Tu viens ?
‒ Euh non. Allez-y. Je préfère attendre plus tard pour me
présenter.
‒ Ok.

Me retrouvant seule, je mets mes idées en ordre quant à


l’attitude que je dois avoir à son égard. J'ai passé Vingt-deux
ans à le détester de m’avoir abandonné au moment où j'avais
vraiment besoin de lui. Je le déteste toujours. Il n'a pas eu
confiance en moi, il ne m'a pas cru quand je lui disais que
j'avais été piégée. Il ne m'a pas non plus cru quand je lui ai dit
que jamais je ne l’avais trompé. Il m'a laissé aller en prison
sans lever le petit doigt. Il n'est jamais venu me voir et ne m'a
jamais contacté. Tout ce qu'il a fait c’était de me rapporter les
papiers du divorce que j'ai signé avec beaucoup de rage et
d'amertume. J’avais plus que besoin de lui, de son amour dans
cette épreuve. Mais il m'a lâché. Peut-être que s'il avait été là
je ne serais pas allée en tôle. Toutes ces années ont fait mûrir
une profonde haine contre lui. Mon premier et unique amour.
C'est cette haine qui m'a rendu plus que déterminée à purger
ma peine et sortir retrouver mes enfants. J'avais une rage sans
nom. Je rêvais du jour où je sortirais pour lui cracher à la
figure toute ma haine et lui montrer que je suis ressortie plus
forte que lorsque j'étais rentrée. Aujourd’hui, je peux dire que
je le déteste autant que je l'ai aimé.
Les filles reviennent et m’informent que la famille passera à
table sous peu. J’entends sans cesse la voix d'Alexandra qui
est très heureuse de voir son père. Je vérifie une dernière fois
les plats. Il y a un peu de tout.

‒ Tantine, je dois te présenter à la famille. Le dîner est le seul


moment où ils se réunissent tous.
‒ Ok. William est-il arrivé ?
‒ Non.
‒ Ok.

Je ferme les yeux pour récupérer des forces.

‒ Ça va aller ? S’inquiète Djénéb.


‒ Oui. On y va.

Je prends un plateau, les filles prennent d'autres choses qui


seront utiles pour le dîner. Je marche à la queue pour mieux
préparer ma surprise. J'ai bien envie de lui faire avaler de
travers la nourriture. Me rappeler qu'il a dit à nos enfants que
j’étais morte me fait le détester encore plus. Ça ne lui a pas
suffi de me laisser croupir en prison, il a encore fallu qu'il me
fasse passer pour morte. L’imbécile !
Sa voix me parvient. Elle est devenue plus rock que dans mes
souvenirs mais je la reconnais quand même. Je souffle encore
un grand coup quand j’entends Djénéb annoncer la nouvelle
employée. Je quitte dans l'ombre d’Aurelle et me montre à la
famille.

‒ Bonsoir Messieurs dames.

Derrick qui buvait dans sa coupe avale de travers lorsque ses


yeux rencontrent les miens. Il tousse à en devenir tout rouge.
Sa peau blanche ne l'aide pas.

‒ Doucement avec le champagne papa, lui dit Alexandra en lui


tapotant le dos.

Il boit une gorgé d'eau, s'essuie la bouche et relève ses yeux


sur moi. J'ai dit que je le détestais ? Bah maintenant je suis
troublée. Je suis en colère et troublée. En colère parce qu’il
m'a abandonné, en colère parce qu’il a préféré détruire notre
famille et tous nos projets plutôt que de croire en mon
innocence, en colère parce qu’il a renoncé à notre amour. Et je
suis troublée parce que même Vingt-deux ans plus tard, je
l'aime encore. Il a embelli. La dernière fois que je l'ai vu il
était plus svelte, les cheveux longs, un jeune de vingt-six ans.
Mais aujourd’hui, malgré ses Quarante-huit ans, il est encore
plus beau, avec une plastique plus développée, des cheveux
courts, bruns, qui donnent plus d’éclat à ses yeux gris et leur
confèrent un regard ténébreux mais sexy. Il n'avait pas cette
magnifique couronne autour de la bouche. Il est devenu un
homme. Un vrai.

Le temps semble s’être arrêté dans cet échange de regard entre


lui et moi. Je vois de la surprise dans ses yeux. Oui il est
surpris que je sois sortie de prison dix-huit ans plus tôt. Oui il
est surpris de me voir toujours en vie. Oui surpris de me voir
chez lui près de nos enfants.

Djénéb se racle la gorge pour mettre fin à cette atmosphère si


pesante entre nous. Je jette un coup d'œil rapide aux autres et
Dieu merci ils ont tous la tête dans leurs plats. Le reste du
dîner demeure tendu pour Derrick qui ne cesse de bouger sur
sa chaise. A peine s’il a touché à son plat. A chacune de mes
apparitions, il me regarde avec un choc sur le visage. Je
m'efforce de ne pas lui prêter attention.

‒ Euh comment vous appelez-vous déjà ?

Je tourne les yeux sur Alexandra qui agite ses doigts dans ma
direction.

‒ Moi ?
‒ Oui.
‒ Murima.
Une once de tristesse traverse son regard. Mais très vite parce
qu’elle continue comme si de rien n’était.

‒ Ah, vous avez le même prénom que ma défunte mère. Bref,


servez-moi du jus.

Je regarde Derrick qui ne cesse de me regarder. Je prends sur


moi et lui serre à boire. Étant assise près de son père, je me
place entre les deux et dans un geste incontrôlé, je lui touche
la main. Mon cœur manque un battement. Il bouge de sa
chaise en se raclant la gorge. Je ne reste pas une minute de
plus dans la pièce. Je sens qu'il me sera difficile de garder mes
idées claires.

Le dîner terminé, j'aide les filles à nettoyer bien que Djénéb


me demande de ne toucher à rien. Elle revient avec le dernier
lot d’assiettes utilisées.

‒ Tonton demande à te parler. Il est dans son bureau. Tu peux


retrouver ?
‒ Oui.

Je m'essuie les mains sur le torchon et m'y rends. Sa voix


m’intime l’ordre de rentrer après que j'ai donné des coups. Je
referme la porte derrière moi. Me retrouver seule avec lui dans
une pièce m’empêche de mettre de l'ordre dans mes pensées.
Je fais quand même l’effort. Il est de dos et regarde par la
fenêtre. Il garde ses mains au chaud dans ses poches.

‒ Quand es-tu sortie ? Interroge-t-il sans se retourner.


‒ Il y a quatre jours. J'ai été libérée pour bonne conduite.

Un ange passe. Il repasse de nouveau.

‒ Que fais-tu ici ? De surcroit comme une employée ?

Je réprime un rire amer.

‒ Je suis ici pour MES ENFANTS. Et je n'aurais pas eu à


jouer à la boniche si tu ne leur avais pas dit que j’étais morte.
Non mais comment as-tu pu ?

Ma hausse de ton l’oblige à faire volte-face. Quand il pose son


regard de félin sur moi, je perds pied. Je sers les dents pour
rester stoïque sans rien laisser paraître.

‒ Que voulais-tu que je leur dise ? Que leur mère a été


condamnée à Quarante ans pour complicité de meurtre,
détention et consommation de drogue ? C'est ça que tu voulais
que je leur dise ?
‒ Oui ! Dis-je d’un ton mordant. Oui la vérité aurait été
préférable à la mort. Tu l'as dit, j'en avais pour Quarante ans
donc j'allais finir par sortir. Peut-être vieille mais en liberté
quand même.
‒ Je ne voulais pas qu'ils t'attendent désespérément.
‒ Dis plutôt que tu espérais que je meure en prison.

Je vois ses mâchoires craquer. Il passe nerveusement la main


dans sa chevelure.

‒ Que veux-tu ? De l'argent ? Je vais t'en donner. Mais il est


hors de question que tu restes ici.

Cette déclaration me fait un choc violent. Il contourne son


bureau et sort d'un tiroir ce qui me semble être un chèque. Il
soulève ensuite un stylo.

‒ Quoi ? Tu es sérieux ?
‒ J'ai souffert tout seul pour élever mes enfants. Je refuse que
tu viennes foutre le bordel dans leur vie surtout avec ta satanée
addiction à la drogue. Ils sont heureux sans toi.
‒ Ils sont heureux ? Vraiment ?
‒ Combien ?
‒ Travon se plonge dans le travail pour éviter d’affronter
comme un homme le problème de fertilité de sa femme et de
l'aider. Il délaisse sa femme, la rend malheureuse et tu me dis
qu'il est heureux ?
‒ Tous les couples ont des problèmes.
‒ Alexandra est la fille la plus hautaine que je n'ai jamais vu.
Elle n'a pas de vie en dehors de son portable. Connaît-elle-
même la valeur de l’être humain ?
‒ C’est de son âge.
‒ Et William, paraît que ça fait une semaine qu'il est dans la
nature à faire je ne sais quoi dans le seul but de noyer une
dispute avec toi. Et tu me dis qu’il est heureux ? Qu'ils sont
heureux ?
‒ Juste une journée que tu es là et tu crois déjà tout connaitre ?
Je refuse que tu aies une quelconque place dans leur vie. Pour
eux tu es morte et ça restera ainsi. Donne-moi un montant et tu
vas refaire ta vie ailleurs.
‒ Ok. Puisque tu refuses la manière douce, je vais y aller à ton
rythme.

Je tourne les talons.

‒ Où pars-tu ?
‒ Leur dire toute la vérité.

Je ne sais pas s'il s'est envolé mais à peine j’ouvre la porte


qu'il la referme fortement. De son autre main il m'attrape.
‒ Tu ne me touches pas, hurlé-je presque en le tapant.
‒ Si tu l’ouvres je te tue de mes propres mains.
‒ Tu penses que c'est un plaisir pour moi de jouer à la
servante ? Mais c'est la seule solution que j'ai trouvée lorsque
Djénéb m'a dit qu'ils me croyaient morte. J’étais pourtant si
enthousiaste de venir les retrouver. Comment as-tu pu me faire
une chose pareille ? Ai-je une tombe ?

Il recule.

‒ Juste un faux acte de décès. Je leur ai dit que ta famille était


retournée avec ton corps en Afrique.
‒ Wahoo ! Quel art du mensonge tu as.

Nous nous jaugeons du regard. Son regard est indéchiffrable


pour moi. Je ne peux deviner ce qu'il ressent ni même à quoi il
pense.

‒ Je ne veux pas de ton argent. Je ne veux absolument rien de


toi. Je désire juste que mes enfants me connaissent. Je veux
qu'ils apprennent à me connaitre et à m'apprécier avant de leur
dire la vérité. Leur amour, c'est ce qui m'a permis de tenir en
prison.

Son regard a vacillé au mot prison. De sa démarche pleine


d’assurance il retourne à la fenêtre.
‒ Tu ne feras rien dans mon dos.
‒ Je n’en avais pas l’intention.
‒ Je te permets de rester dans cette maison parce que je sais
que tu n’as nulle part d'autre où aller. Je ne crois même pas
que tu aies un sou. Mais comprend que tu auras des limites. Tu
es dans la peau d'une domestique alors restes-y. Jamais, au
grand jamais, tu ne te mêle des problèmes de ma famille.
‒ De ton couple, Derrick. Je ne m’occuperai ni de toi ni de ton
épouse. Mais je me mêlerai de tout ce qui touche de près ou de
loin mes enfants. Je ne suis pas ici pour être spectatrice. Je
veux jouer mon rôle de mère tout en restant dans l'ombre.
Mais le moment venu, nous leur dirons toute la vérité. Je n’ai
pas honte de mon passé. Que mes enfants sachent que j'ai été
une toxico et une dealeuse de drogue ne me dérange pas.

Le silence se réinstalle dans la pièce.

‒ Où est William ? Et pourquoi se drogue-t-il ?


‒ C'est toi la junkie. Tu es la mieux placée pour savoir ce qui
se passe dans sa tête.

Je prends sur moi cette assertion.

‒ Reste loin de moi. Évite-moi du mieux que tu peux. Je ne


veux jamais te voir dans cette partie de la maison. Elle m'est
uniquement destinée. Tu veux tes enfants ? Reste donc avec
eux. Tant que je n'ai pas demandé de tes services tu restes loin.
Est-ce clair ?
‒ Très clair.
‒ Bien. Tu peux t'en aller. Djénéb se chargera de te remettre
ton salaire chaque fin de mois.
‒ Ok, Monsieur.

Je sors de là encore plus troublée que lorsque j'étais rentrée. Je


sens encore le contact de ses doigts sur ma peau. Murima
ressaisi-toi ! Tu es là pour tes enfants donc reste concentrée.

Nous nous apprêtions à aller au lit lorsque nous avons été


convoquées dans le plus grand salon. Toute la famille est
présente. Derrick se tient debout près de sa femme. Il a la
main posée dans son dos. Cette image me met un goût amer
dans la gorge. Je détourne les yeux.

‒ Je vous ai demandé de…

« Bonsoir tout le monde. »

Toutes les têtes se tournent dans la même direction. La


personne qui a interrompu Derrick est un jeune et beau garçon,
quoi que mal rasé. C'est William. Je le sais parce qu’il est ma
photocopie. Son style vestimentaire montre clairement qu'il est
un jeune rebelle. La chemise ouverte sur son torse tatoué où
scintillent deux chaines en or, le jean déchiré des deux côtés
des genoux, des timberlands. Ses cheveux et sa barbe sont
broussailleux. Et pour boucler le tout, les boucles d’oreilles.
Contrairement aux deux autres qui sont carrément blanc, lui il
est beaucoup plus métissé. C’est un très beau garçon.

‒ Assieds-toi William, lui ordonne son père. Nous tenions une


réunion de famille.

Il jette ses clés sur la table et se laisse tomber dans l'un des
fauteuils. Il sort ensuite de sa poche un paquet de cigarette
plus un briquet qui terminent aussi sur la table. Je lève les
yeux vers Derrick. Il fait de même. Nous échangeons un
regard avant de tourner nos têtes.

‒ Bien, comme je le disais, reprend Derrick, je vous ai réuni


pour vous faire part des changements qui auront lieu dans
cette maison. Il y a dorénavant une maîtresse de maison. C'est
ma femme Pétra WILLAR. C'est elle qui dirigera cette maison
avec ma complicité bien évidemment. (Il regarde les filles et
moi) Tout ce qui concerne la cuisine et la gestion de cette
maison, vous les verrez avec elle. Accordez-lui le même
respect qu’à moi. Si elle ordonne, vous obéissez. (Il me fixe)
Que chacun reste donc à sa place. Est-ce clair ?
‒ Oui Monsieur, répondent les filles.
‒ Bien. Les enfants, je compte aussi sur vous pour aider Pétra
à s’intégrer dans notre famille.
Travon, Xandra et Imelda acquiescent.

‒ Bon ça va je peux aller dormir ? Lance avec désinvolture


William en se levant.
‒ Non tu restes là, ordonne Derrick d’un ton ferme.

William se rassoit. Derrick se tourne vers sa femme.

‒ As-tu quelque chose à ajouter ?


‒ Oui, si tu me le permets.
‒ Vas-y !
‒ Ok. Les enfants, je voudrais vous rassurer déjà que je ne suis
pas là dans l’intention de prendre la place de votre mère.
Jamais je ne le pourrais. Je sais à quel point vous l'aimez
même si…
‒ Tu peux arrêter de parler d'elle s'il te plaît.

La phrase d'Alexandra sonnait plus comme un ordre qu'une


demande.

‒ Xandra ! Gronde Derrick.


Elle roule les yeux. Nos regards se croisent Derrick et moi. Le
silence revient.

‒ Je suis désolée pour mon écart, se reprend Pétra. J’espère


que nous nous entendrons tous bien. J'aime beaucoup votre
père et je vous aime aussi. Je vous le prouverais chaque jour.

Elle tourne la tête vers nous. Son regard qui était doux, en
apparence, devient sévère et menaçant.

‒ Maintenant, à vous les domestiques. J’attends de vous le


sérieux dans le travail. J'aime que les choses soient bien faites.
Je vous donnerai mon plan de travail. Je ne tolérerai pas des
erreurs grotesques. A chaque petite erreur, il vous sera retiré
sur votre salaire et si ça en devient trop je vous foutrai à la
porte. Avec moi c'est la rigueur.

Elle marche devant chacune et s’arrête devant moi. Elle


braque un regard de défi sur moi.

‒ Parait que c'est vous la plus âgée et la nouvelle gouvernante.


Vous serez donc la première responsable des erreurs de vos
collègues. Si je constate que malgré votre âge vous n'avez pas
la maturité nécessaire pour produire un bon travail, je ne vous
ferai pas de cadeau. Vous êtes la chef mais c'est moi qui
commande. Est-ce que c’est compris ?
Derrick dans le fond se racle la gorge. Je dirige mes yeux sur
lui. Il m'a l'air tendu. Lui il sait qu'elle genre de femme
bagarreuse je suis. Jamais je ne laisse quelqu'un me rabaisser
encore moins me piétiner. Je démarre généralement au quart
de tour. Vivre dans les bas quartiers m'a formé. Autant je sais
utiliser mes poings autant je sais utiliser une arme. Pas avec
expertise, mais je sais viser et tirer. Et ça, Derrick le sait.

Je ramène mon regard sur sa femme qui me défie toujours du


regard pour je ne sais quelle raison.

‒ Oui Madame. C'est bien compris.


2

DERRICK WILLAR

« ‒ Veux-tu m’épouser ?

Elle ouvre grand les yeux de surprise.

‒ Ricky !

Elle pose Travon dans son berceau et se retourne vers moi. Je


suis toujours à genou attendant sa réponse. Elle est de plus en
plus choquée.

‒ Bébé, je… es-tu sûr de vouloir m’épouser ? Je veux dire,


nous sommes encore si jeunes. J'ai dix-huit ans et toi Vingt et
un. Je n'ai pas encore réussi à me libérer à 100% de ma
dépendance. Pour couronner le tout, tes parents ne m'aiment
pas.
‒ Toutes ces choses sont sans importance à mes yeux. Malgré
notre jeune âge nous nous aimons et je dirai beaucoup plus
que des personnes totalement adultes. Tu m'as donné mon
premier enfant malgré ton jeune âge. Pour ta dépendance on
relèvera ce défi ensemble. Pour mes parents je m'en occupe.
Ce n'est pas à eux de me choisir une compagne. Dis oui je t'en
prie, Murimami (Mon cœur en Punu).

Elle sourit. Elle adore quand je l'appelle ainsi.

‒ Je veux t'épouser mon Ricky d’amour.

Je lui enfile la bague, le cœur gonflé de joie. Je me relève et


l'entraine dans un baiser langoureux.

‒ Je t'aime future Madame WILLAR.


‒ Je t'aime aussi. Énormément. Merci de m’aimer malgré tout.

Je la relève de terre et la conduis dans notre chambre. Je


l'allonge sur notre lit d’amour sur lequel j’entreprends de la
déshabiller. Malgré la maternité elle est si belle et son corps
si parfait. On ne croirait pas qu'elle a donné la vie.

‒ Quand veux-tu qu'on se marie ? Demandé-je en parsemant


son corps de baisers.
‒ Demain même, si tu le… oh bébé.

Je n’attends pas qu'elle se remette de son orgasme que je me


glisse en elle. »
J’ouvre les yeux. Saloperie de rêve. Saloperie d’érection.
Saloperie de libido. Pourquoi faut-il que je ressasse le passé ?

‒ Hum je vois que tu es debout de partout.

Je tourne la tête vers la voix mielleuse de Pétra. Elle fait


tomber sa serviette qui était nouée sur sa poitrine et telle une
tigresse avançant vers sa proie, elle vient vers moi. Je me
détends et me laisse aller. Je ferme les yeux pour mieux
profiter de ses caresses. Mais finalement c'est une mauvaise
idée parce que l’image de Murima s’impose à moi. Je sers les
dents dans le seul but de retarder cette éjaculation si précoce
au risque de mettre la puce à l’oreille de Pétra. Elle ne m'a
encore rien fait pour que je puisse éjaculer. Je refoule
tellement fortement que mon érection tombe.

‒ Merde !

Je rencontre le regard incompréhensif de Pétra qui


commençait à s'empaler sur moi.

‒ Ça va ?
‒ Oui.
‒ J'ai fait quelque chose ?
‒ Non ce n'est pas toi. Je ne suis pas très en forme. On
reprendra ce soir.
‒ Ok

Je sors du lit complètement frustré. Juste une semaine qu'elle


est là et elle a une influence négative sur ma sexualité. Je retire
le préservatif que Pétra m’avait enfilé et le jette dans les
toilettes. C'est en ruminant que je prends ma douche. Pourquoi
est-elle sortie de prison si tôt ? Pourquoi a-t-il fallu qu'elle
revienne dans ma vie ? J'avais pourtant réussi à aller de
l’avant. A accepter son absence. A me faire à l'idée qu'elle
m’avait planté un couteau dans le dos. J’ai réussi tout seul à
élever mes enfants. J'avais réussi à effacer toutes traces d'elle
dans ma vie. Ou du moins j'avais fermé les yeux sur tout ce
qui pouvait me la rappeler. Même si je ne m'en étais pas
débarrassé par manque de courage. Ce n'est pas si facile de se
débarrasser de son premier amour encore moins de son
premier mariage. Murima a été ma plus belle histoire d’amour
qui s'est douloureusement terminée.

Comment tout a commencé ?

Adolescents, nous faisions partie de la même classe. Nous


l'avons été de la seconde à la terminale mais c’est en première
que tout a commencé. Murima était la première de notre classe
depuis la seconde où je l'ai connu. Elle raflait ce rang dans
chaque matière et de façon générale. Ce qui faisait d'elle la
chouchoute de tous les professeurs. Tous la désignaient même
comme délégué de classe mais elle était beaucoup trop timide
pour assumer ce rôle. Elle était d'une discrétion sans nom.
Pourtant quand elle avait commencé à s’absenter cela se
ressentait. Moi je faisais partie des élèves qui glanaient entre
10 et 12 de moyenne maxi. J’avais du mal dans presque toutes
les matières sauf le sport parce que je pratiquais depuis tout
petit le Judo et le Karaté. Pourtant je n’étais ni un ado perturbé
ni un élève turbulent. Je ne pouvais tout simplement pas faire
plus. Mes parents se contentaient de mes moyennes tant que je
ne reprenais pas de classe. J’avais déjà repris certaines donc
tant que je passais avec ces moyennes faibles ça leur allait.
Pourtant en classe de première, tout s’entremêlait dans ma
tête. Les cours s’enchainaient et je me perdais. J'ai fini avec
neuf de moyenne au premier trimestre tandis que Murima
sortait avec dix-huit. Mes parents m’ont tellement grondé et
menacé de m’envoyer dans un camp militaire que j'ai pris
peur. Mes parents pouvaient être compréhensifs quand ils le
voulaient sinon ils étaient très, mais très sévères. Ils
acceptaient que j’aie les moyennes qui me permettaient de
progresser mais en dessous c’était inacceptable. Ils n'arrêtaient
pas de dire que les Anglais étaient beaucoup plus intelligents
que tous les Africains donc à défaut de faire plus qu'eux je me
devais de rester dans la balance. Ils le disaient à cause des
Africains qui étaient dans ma classe et qui s’en sortaient aussi
mieux que moi. Oui ils étaient racistes.

C'est ainsi qu'un jour j'ai pris mon courage à deux mains et ai
approché Murima. Je la voyais tout le temps expliquer telle ou
telle matière aux autres élèves, alors j’étais sûr qu'elle
accepterait de m'aider. Ce qui a été le cas. Mieux, vue mes
lacunes générales, elle m'a proposé d'étudier ensemble chez
elle ou chez moi. J'ai préféré chez elle pour éviter que mes
parents ne la regardent de haut à cause de sa couleur de peau.
Pour eux les noirs devaient juste être nos subordonnés donc il
serait inadmissible qu'une fille à la peau foncée vienne me
donner des cours. Nous étudions donc les mercredi, samedi et
dimanche après-midi chez elle. Elle venait d'une famille bien
placée, pas plus que la mienne mais aisée quand même. Ses
parents, contrairement aux miens, étaient très accueillants et
sympas. Je me sentais comme chez moi. Les choses allaient
pour le mieux et elle faisait une bonne enseignante. Si bien
qu'au trimestre suivant j'ai fini avec 14,5 de moyenne. Je n'en
revenais pas. Tellement heureux je lui ai offert un portable.
C’était à l’époque où les portables étaient hyper coûteux parce
que très rares. Pas comme aujourd’hui où les portables sont
accessibles à tous. Je la savais très simple et pas adepte du
m’as-tu vu. Elle a cependant été heureuse de son cadeau.

Le dernier trimestre je finissais avec quinze de moyenne. Mes


parents m'ont demandé quel cadeau je voulais, je leur ai
répondu un appartement rien que pour moi. J’avais dix-neuf
ans donc j’étais majeure. Mais la raison principale de cette
demande était que je voulais passer plus de temps avec
Murima sans avoir des surveillants sur nous. Je n’étais pas
encore amoureux d'elle mais j'aimais sa compagnie plus que
celle de mes amis. Nous avons passé les vacances presque tout
le temps ensemble. Nous ne parlions plus études mais nous
apprenions à nous connaitre. A la fin des vacances j'avais
l’impression de l'avoir toujours connu. Je connaissais
absolument tout d'elle et vice versa. Nous étions devenus de
meilleurs amis. Même Daniel l’appréciait.
Vint l’année où les choses ont commencé à changer. Avant la
fin du premier trimestre de la terminal, Murima a commencé à
se faire rare à l'école si bien que sa moyenne a dégringolé. De
première de la classe elle est passée à huitième pour la
stupéfaction de tous, même des professeurs. Il nous a été
rapporté qu'elle avait perdu ses deux parents en même temps
dans un crash d'avion. Nous lui avons tous apporté notre
soutien et elle s'est relevée de cette grosse perte. Mais une
semaine après tout est encore parti en couille. Murima avait
complètement déserté l’école. J'ai essayé tant bien que mal de
la joindre mais impossible. Je m’étais rendu chez elle et j'ai vu
que la maison avait été mise en vente. Je ne savais plus où la
trouver. Le deuxième trimestre elle a été non classée et moi
premier avec seize de moyenne. Mais je n'arrivais pas à me
réjouir car celle qui m'avait relevé de mes lacunes était portée
disparue. J’ai appris plus tard qu’elle était retournée dans son
pays d’origine, le Gabon. J’en ai été attristé.

Elle me manquait tellement que pendant les vacances, avant


les examens, je me suis précipité en Afrique. Après Quatre
jours de recherche, je les vu par hasard dans la rue. Son
magnifique teint avait disparu et elle c’était même rasée le
crâne. J'ai tout de suite couru vers elle et c'est une odeur des
moins agréable qui m'a en premier accueilli. Quand elle m’a
vu, elle a voulu prendre la fuite mais je l'ai retenue. Et à ma
question de savoir si elle se droguait, parce que son apparence
le reflétait, seul son regard m'en a donné confirmation. Elle a
profité de mon état de choc pour prendre la fuite. Deux jours
après je l’ai revue avec deux filles. Sans réfléchir je l’ai fait
monter de force dans le taxi dans lequel j’étais. Elle s'est mise
à pleurer et supplier de la laisser s'en aller. C’était plus de la
honte qu'un désir. Ce soir-là elle a dormi dans ma chambre
d’hôtel et c'est en plein milieu de la nuit qu'elle m'a raconté
tout ce par quoi elle était passée après les obsèques de ses
parents. Mais ça ne m'a pas empêché de la ramener avec moi
en Angleterre, de la garder chez moi, de tomber amoureux
d’elle, de l’épouser et de lui faire des enfants.

Je finis de me préparer pour le boulot et avec Pétra nous


descendons prendre le petit déjeuner. Alexandra, Travon et
Imelda sont déjà attablés. William doit certes encore être dans
sa chambre ou simplement sorti faire des bêtises. J’embrasse
Xandra et salut les autres en prenant place. Djénéb m'aide à
me servir bien que je n'en ai pas besoin. Elle c'est comme la
petite sœur que je n'ai pas eu. Elle m'a beaucoup aidé dans
l’éducation des enfants. J'ai plusieurs fois voulu lui offrir
mieux mais elle n'a jamais voulu s'éloigner des enfants. C’était
sa façon à elle d’être reconnaissante envers Murima. Je n'ai
plus insisté.

‒ Bonjour monsieur.

Mon corps réagit à cette voix. J’hésite même à lever les yeux
vers elle.

‒ Bonjour, dis-je du bout des lèvres sans relever la tête.


Je porte mon café à mes lèvres en regardant mes mails.

‒ William ne descend pas prendre son petit déjeuner ?


S’inquiète encore une fois Murima.
‒ Qu’est-ce que ça peut bien te faire qu'il descende ou pas ?
répond effrontément Pétra. Y en a marre de t’entendre
toujours demander après lui. C'est un grand garçon dis-donc.
Votre rôle c'est de faire la cuisine et servir. Qui mange ou pas,
ça ne vous regarde en rien.

Le silence tombe dans la pièce. Les enfants sont concentrés


sur leurs appareils en sirotant leur café. Seul Imelda a l'air
choqué. Dans ce silence je peux entendre le cœur de Murima
battre de rage. S'il n'y avait pas cette situation, elle aurait refait
le portrait depuis le premier jour à Pétra. Murima c'est une
vraie tigresse. La vie la faite passer de la fille timide à une
bagarreuse.

‒ Bref, balaie Pétra sans attendre une quelconque réponse de


Murima. Pour ce soir on va faire spécial menu fast-food. Je
veux des poulets panés avec de la salade, des frites, un
ensemble de crudités avec des cornichons, une patte de piment
et de la patte à l'ail. Aussi, badigeonnez les poulets dans des
épices. J'aime quand c'est épicé.

Je m’apprête à faire un rectificatif lorsque Murima m'arrache


les mots de la bouche.
‒ Votre époux n'aime pas tout ce qui est épicé et tout le monde
dans cette famille fait une allergie à l'ail.

C'est justement ce que je m’apprêtais à signifier. Je lève les


pupilles vers Murima, surpris qu'elle se souvienne de mes
goûts.

‒ Tu penses mieux connaitre ma famille que moi ? S’énerve


Pétra. Je sais tout ça. La patte à l'ail c'est pour moi.
‒ Moi je ne suis pas allergique mais je n'en mange pas en
soutien, rectifie Xandra.
‒ Imelda aussi n'en est pas allergique. Donc ce n'est pas parce
que les hommes eux le sont que nous n'avons plus le droit d'en
manger. Pour les épices, faites sans pour mon époux. Aussi
que ce soit la dernière fois que tu me contredises.
‒ Bien, madame.

Elle récupère son plateau et reprend le chemin de la cuisine. Je


suis conscient que Pétra est hautaine et un peu autoritaire sur
les bords mais je n'ai pas envie de lui faire de reproche de ce
côté. Murima n'a qu’à supporter puisqu’elle veut tant rester
dans cette maison. Si elle n'avait pas fait sa conne, ç’aurait été
elle la maitresse de cette maison. Je la déteste toujours pour
avoir brisé notre famille, notre mariage et foutu en l’air tous
nos projets. Nous avions tellement des projets que ça m'a
complètement brisé de les réaliser tout seul. J'ai tellement
aimé cette femme qu’aujourd’hui j'ai peur de me rendre
compte que ces sentiments sont toujours existants.

Travon et moi arrivons à l’entreprise familiale. Pas celle de


mon père, mais le mien. Ayant été déshérité à cause de mes
choix, j'ai construit moi-même mon entreprise. Je n’avais que
sur moi une partie de mon héritage légué par mon grand-père.
L’autre ayant été saisi par mon père. C’est Murima qui m'a
donné toutes les idées. Absolument toutes. En matière de
comptabilité et gestion des finances, elle était douée. Elle
savait comment procéder pour gagner deux fois plus qu’une
procédure normale. Mon point fort à moi c’était mon
éloquence, mon sens des négociations et mon charisme. Je
peux vendre n’importe quoi à n’importe qui juste par la
tchatche. Donc elle avait les stratégies financières et moi
l’éloquence. J'avais aussi de bonnes idées mais de façon
générale ses idées à elle étaient toujours meilleures. Elle a
toujours été meilleure que moi. Elle était ma force et nous
nous complétions.

J'ai réussi à m'en sortir sans Murima. Mais il ne m'est pas


arrivé un seul jour où je ne regrettais pas son absence, surtout
lorsque j’étais face à certaines situations. Mais j'ai quand
même réussi. Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir Travon à
mes côtés. Il a pris le QI de sa mère. Ce jeune manie les
chiffres comme si ce n’était rien. Il a commencé à travailler
avec moi très jeune tout en continuant les cours. A nous deux
nous faisons des exploits.
Je me concentre sur mes dossiers afin d’éviter de penser à la
présence qui est dans ma maison depuis une semaine. Je la
déteste tellement cette femme. Je me suis maudis ces Vingt-
deux dernières années de l’avoir épousé. Quelle mouche
m’avait bien piqué ? Me marier à Vingt et un ans ? Du gros
n’importe quoi. L’amour m’avait tellement aveuglé bon sang.
Et puis ça va. Assez pensé à elle pour aujourd’hui.

A l’heure de la pause, Alexandra déboule dans mon bureau


sans même prendre la peine de frapper comme à son habitude.

‒ Bonjour papouneetttt !!!

Elle pose le paquet qu'elle tient sur mon bureau, le contourne


et vient m’embrasser.

‒ Tu n’as plus cours ?


‒ Oui, répond-t-elle en allant s'asseoir de l'autre côté du
bureau. C’était juste une demi-journée. Je nous ai acheté de
quoi déjeuner. J'en ai apporté aussi à Travon.
‒ C'est gentil.

Nous nous installons dans mon salon où nous déjeunons. Je


l’écoute me raconter sa journée et ses caprices du jour. Elle
finit son discours en me demandant de lui acheter le tout
dernier IPhone.
‒ Tu as de l’argent sur ta carte.
‒ Oui mais je ne veux pas y toucher. C'est pour mes
shoppings. D’ailleurs il ne m’en reste plus assez.
‒ Tu n'es pas sérieuse. Xandra, je l'ai rempli il y a à peine deux
jours.

Elle fait sa mine de chien battu.

‒ J'avais ma garde-robe à renouveler. Il me faut en plus de


nouvelles chaussures. S'il te plait papa. Allééé !!!

Je lève les yeux au ciel. Cette petite sait me faire capituler


devant ses caprices. Je prends mon portable séance tenante et
vire 2 000 Livre sterling sur son compte.

‒ Ça c'est pour ne pas que tu manques d’argent. Pour ton


portable on verra demain. Je n’ai pas de liquide sur moi.
‒ Merci tu es un amour.

Elle s’accroche à mon cou et m’embrasse bruyamment.


Xandra, c'est la princesse de la maison. Tout le monde a le
droit de la chouchouter et ne rien lui refuser. C'est mon unique
fille alors je n’accepte pas que qui que ce soit la frustre. Si elle
veut quelque chose, bah qu'on la lui donne. J'aime aussi mes
garçons mais elle c'est mon amour. Je pense que j'ai transféré
sur elle tout l’amour que j'avais pour sa mère. Surtout qu'elle
lui ressemble. Pas totalement comme William, mais elles ont
plusieurs traits de ressemblance. C’était elle dorénavant la
femme de ma vie donc je n'ai jamais hésité à la gâter.

‒ Au fait je voulais te parler de la nouvelle domestique.

Mon cœur fait une embardée.

‒ Qu’a-t-elle fait ?
‒ Je ne sais pas mais je l’ai plusieurs fois surprise à me
dévisager. Elle est bizarre et mystérieuse. En plus de ça elle
m’a l'air hautaine.
‒ Ne parle pas ainsi d'elle. Tu la connais à peine.
‒ Un jour je lui ai demandé de me servir du café et elle m'a
regardé de travers avant de le faire. Je ne l'aime pas.
‒ On en reparlera à la maison. Là j'ai du boulot.
‒ Ok je vais donc chez Samy.
‒ Rentre à temps pour le dîner.
‒ C'est noté papa. Je t'aime.

Elle m'embrasse.

‒ Je t'aime aussi.
*Mona
*LYS

Quand j’entends la voix de ma mère alors que je descends les


escaliers, mon cœur se met à cogner fort contre ma poitrine.
Que fait-elle là ? Je l’entends rire aux éclats avec Pétra. Elle
vient m’embrasser lorsqu'elle me voit.

‒ Je suis surpris de te voir, maman.


‒ Je devais passer vous saluer depuis votre retour de lune de
miel mais j’étais un peu trop surmenée.
‒ Je comprends. C'est une belle surprise, apprécie Pétra. Je
vais demander qu’on ajoute un autre couvert.

Ma mère acquiesce alors que moi je suis inquiet. Si ma mère


reste dîner elle va voir Murima. Et si elle la voit ça risque de
dégénérer parce que ma mère n'a jamais aimé Murima, encore
moins supporter sa présence. Murima, elle a toujours pris sur
elle pour ne jamais lui manquer de respect bien qu'elle a
plusieurs fois été tentée de répondre à ses insultes. Je me
rappelle que lorsque ma mère a su qu'elle était en prison, elle a
voulu lui rendre visite rien que pour lui en coller une. Je crois
même qu’elle l’a fait à mon insu. Ma mère l'a toujours détesté
parce qu'elle a toujours soutenue que c’était Murima la base de
la division de notre famille, elle, mon père et moi. Aussi que
c’était de sa faute si ce dernier était mort sans m'avoir
pardonné. Il faut donc que je lui annonce la nouvelle avant
qu'elle ne la voit.

‒ Maman il faut que…


‒ Le dîner est servi, annonce une voix dans mon dos.

Je ferme les yeux quand ma mère regarde par-dessus mon


épaule. Quand je les ouvre, c'est une femme choquée et en
colère que j'aie sous les yeux.

‒ Der… Derrick, que fait cette…

Elle cherche un qualificatif pour Murima en balançant sa main


dans sa direction.

‒ … chose dans cette maison ?


‒ Maman s’il te plait, pas de scandale, soufflé-je doucement.
Les enfants sont là et ils ne savent encore rien.
‒ Que fait-elle ici ? Redemande ma mère en me fixant
méchamment.
‒ On en reparlera après le dîner.
‒ Tu as intérêt à me donner une bonne explication sinon tu
verras de quelle matière je suis faite. Je la ramènerais du trou
d’où elle vient.
Elle sort de la pièce non sans bousculer Murima qui est restée
là tout ce temps.

‒ Tu devrais mettre une muselière à ta mère si tu ne veux pas


qu’elle l’ouvre.
‒ Fais gaffe à tes propos.
‒ Je le dis pour toi. C'est toi qui as intérêt que nos enfants ne
sachent pas qui je suis.

J’ouvre la bouche mais avant qu'un mot ne sorte, Pétra


réapparait et me tire Jusqu’à la salle à manger. William est de
nouveau absent. Sûrement en train de faire des bêtises. Ma
mère ne cesse de lancer un mauvais regard à Murima qui
dispose les plats avec les autres.

‒ Il est où William ? S’enquiert ma mère.


‒ Encore dans la nature, lui répond Pétra.
‒ Je suis certaine qu'il est encore en train de se droguer. Je me
demande bien de qui il tient ce comportement si dégradant.

Elle a terminé sa phrase en fixant Murima. Cette dernière l'a


juste regardé brièvement. Son regard a glissé sur moi avant de
se baisser.

‒ Murima, découpe mon poulet, lance Xandra d'une voix


banale en manipulant son portable.
‒ Non laisse que je le fasse ma princesse, intervient ma mère
rapidement. Je ne veux pas que des étrangers touchent à ton
plat.

Tout le monde à l'air désintéressé par tous ces jeux de mots.


En même temps nous avons tous l’habitude du langage de ma
mère. Elle ne cache jamais ce qu'elle pense. Surtout lorsqu’il
s’agit d’Imelda. Travon a épousé une Gabonaise et ma mère
ne l’a jamais accepté. Murima qui n'a pas bronché quitte la
pièce. Je peux enfin normalement respirer. A chaque fois
qu'elle est là j'ai l’impression qu’à n’importe quel moment elle
va péter un câble.

Le dîner terminé, je monte dans mon bureau avec ma mère. A


peine elle referme la porte qu'elle reprend les hostilités.

‒ Je peux savoir ce que fait cette criminelle dans cette


maison ? N’était-elle pas censée être en prison ?
‒ Elle a été libérée pour bonne conduite, l'informé-je en
m’asseyant derrière mon bureau.
‒ Bonne conduite ? Ça c’est la meilleure. Mais ça ne répond
pas à ma première question.
‒ Elle est là pour les enfants. Elle veut faire partie de leur vie.
‒ Et toi tu l’acceptes ? As-tu oublié ce qu’elle a fait il y a
Vingt-deux ans ?
‒ Non je n'ai rien oublié. Mais ce sont ses enfants.
‒ Les enfants sont orphelins de mère donc elle n'est rien pour
eux. Et puis si elle veut faire partie de la vie des enfants elle
peut le faire en restant hors de cette maison. Pourquoi lui
permets-tu de rester ici ? En plus avec toi et ta femme ?

Je me pose la même question. Je ne cesse de me demander


pourquoi diable est-ce que je la laisse être si proche de moi
alors que je désire qu'elle disparaisse de ma vie.

‒ J’espère que tu n'es pas encore amoureux d'elle ?


‒ Je ne peux pas me permettre d’être amoureux d'une autre
femme alors que je suis marié.

Parle pour toi Derrick. Parle pour toi. Deux coups sont donnés
sur la porte. J’ordonne de rentrer. Je murmure un gros mot
lorsque je vois Murima faire son entrée. Je sens que cette fois
je n'échapperai pas à une querelle.

‒ Et voici la criminelle qui fait son entrée, s’exclame ma mère


avec dédain.
‒ Derrick, pourrait-on parler, en privé, me dit Murima sans
accorder un semblant d’importance à ma mère.

Je n'ai pas le temps de répondre que ma mère se relève de son


siège. Elle se positionne face à Murima.
‒ Tu devrais avoir honte de te pointer ici après tout le mal que
tu as fait à cette famille. Je te donne deux minutes pour
disparaître ou j’appelle la police pour qu'elle t’arrête pour
harcèlement.
‒ Derrick, est-ce qu'on peut discuter de NOS ENFANTS en
tête à tête ? Réitère-t-elle toujours sereinement.
‒ Non mais quelle insolence !

Ma mère pousse Murima. Elle tente une deuxième fois mais


Murima lui saisit la main.

‒ N'osez plus jamais lever la main sur moi. Je vous ai toujours


respecté et jamais je n'ai répondu à vos piques uniquement par
amour pour votre fils.

Mon cœur s’emballe malgré moi.

‒ Mais aujourd’hui que cet amour n’existe plus, ne tentez


surtout pas le diable.

Mon cœur se comprime cette fois. Cet amour n’existe plus.


Mon cerveau s'est arrêté à cette phrase.

‒ Si vous êtes grand-mère c'est parce que j'ai mis au monde


des enfants. Vous êtes la grand-mère de mes enfants. MES
enfants. Vous n'avez donc pas plus de droit sur eux que moi.
Maintenant laisse-moi m’entretenir avec mon ex-mari.

Je ne vois pas ma mère de face mais je sais qu'elle est


affreusement choquée. Je décide de mettre fin à tout ça. Je les
rejoins et retire la main de ma mère de l’emprise de Murima.

‒ Maman s'il te plait. Laisse-nous.


‒ Quoi ? Tu vas la laisser me parler de la sorte ?
‒ Je vais régler ça.

Elle me dévisage.

‒ S'il te plait maman !

Elle dévisage Murima une dernière fois avant de s'en aller. Je


lance un regard dur à Murima.

‒ Que ce soit la dernière fois que parles ainsi à ma mère.


‒ Tiens la donc en laisse.

Je la saisi violemment.

‒ Tu maitrises ton langage dans ma maison.


‒ Et toi tu ne m’attrapes plus jamais ainsi, rétorque-t-elle en se
dégageant.

Nous nous jaugeons du regard.

‒ Parle et va-t-en. Tu m'insupporte.


‒ C'est concernant Alexandra.
‒ Qu’a-t-elle fait ? Demandé-je en retournant derrière mon
bureau.
‒ Derrick, elle est très insolente. Elle nous parle comme si
nous étions des exclaves. Sers-moi ci, coupe-moi ça. Elle n'a
aucun respect pour quiconque. Ce n'est pas ce genre
d’éducation que je voulais lui donner.
‒ Oui sauf que tu as baisé avec un homme dans notre lit
conjugal, consommé de la drogue et planqué chez nous une
grande quantité plus une arme, raison pour laquelle ce n'est
pas toi qui l'as éduqué, mais moi.
‒ Bah tu as raté son éducation.
‒ Dixit la toxicomane, dis-je dans un ricanement. Quelle
bonne éducation peut-elle recevoir d'une femme comme toi ?
Une femme dépourvue de toute moralité.
‒ J'ai toujours été une bonne mère et tu le sais.
‒ Baliverne.

Je tourne ma tête sur mon ordinateur pour ne plus avoir à la


regarder. Je hais cette femme chaque jour encore plus.
‒ Reproche-moi tout ce que tu veux mais tu sais que j’ai
raison. Tu laisses trop de liberté à Xandra. Il faut la recadrer.

Je sais qu’elle a raison. Alexandra manque constamment de


respect à presque tout le monde mais je ne m'y suis jamais
vraiment attardé. J'ai attiré son attention quelque fois puis j'ai
laissé tomber me disant qu’avec l'âge elle s’assagirait.

‒ Je ne suis pas là pour te demander ta permission pour jouer


mon rôle. Je veux juste que tu me soutiennes parce qu'elle
viendra se plaindre chez toi en te demandant certainement de
me renvoyer.
‒ Fais ce que tu veux tant que tu ne lui portes pas main.
‒ Je n’en ai pas l’intention. Enfin, tant qu’elle ne me manque
pas de respect.
‒ Puisque c'est clair peux-tu libérer mon bureau ?
‒ As-tu appelé William ?
‒ Pour quoi faire ? Il est soit dans un fumoir soit entre les
jambes d’une femme deux fois plus âgée que lui. Il reviendra.
Il revient toujours.
‒ Derrick…
‒ Sors de mon bureau Murima.
‒ Ok. Mais avant je voulais te dire de tenir ta femme. Qu’elle
sache s’adresser à moi sans me manquer de respect. Je suis
peut-être une “employée” mais je demeure un être humain.
C'est valable pour Aurelle et Djénéb. Parce que la prochaine
fois, crois-moi je ne me retiendrai pas de lui en coller une.

Elle sort de mon bureau et claque la porte derrière elle. Je


souffle. Je ne sais pas si je pourrai supporter tout ceci
longtemps. Qu’est-ce qui m'a pris de tomber amoureux d'une
telle femme ? Il faut que je trouve un moyen de me
débarrasser d'elle au risque de perdre la tête. Il faut qu’elle
parte.
3

ALEXANDRA YESSI WILLAR

Du revers de la main je balance la veilleuse qui ne cesse de


sonner à m'en casser les tympans. Je tâte de la main la place
près de moi à la recherche de mon portable. Je réussi enfin à
mettre la main dessus. J'active le wifi sans toujours ouvrir les
yeux. Je suis automatiquement bombardée de notifications de
toutes sortes. Je me retourne sur le dos en relevant mon
portable par-dessus mon visage. Je prends le temps de vérifier
chaque notification et lire chaque message écrit ou audio. Rien
de nouveau sous le soleil. Je réponds aux messages les plus
importants, en l’occurrence celui de mon petit ami et de mon
meilleur ami. Les deux hommes les plus importants de ma vie
en dehors de mon père et de mes frères.

Je passe plus de deux heures à me préparer pour l'Université.


Je déteste allée à l'école. J'y vais uniquement parce que c’est la
seule chose que mon père exige de moi. De bons retours dans
mes études. Je lui fais honneur. En retour il me laisse faire tout
ce qui me fait plaisir. Je suis une fille pourrie gâtée, je ne m'en
cache pas. Étant la seule fille de la famille, je suis traitée en
Princesse par tous. Mes désirs sont des ordres. Mes frères
n'ont d’ailleurs pas le temps de me contredire. L'un a tout le
temps la tête dans ses dossiers quand l'autre passe tout son
temps hors de la maison. Je les aime même si nous ne sommes
plus très proches.

Lorsque je reviens dans la chambre après avoir terminé mon


maquillage, je vois la nouvelle gouvernante poser mon petit
déjeuner sur ma table de chevet comme je l’avais demandé.

‒ Demande à Aurelle de se ramener. J’ai du linge sale. Elle


doit aussi ranger ma chambre.
‒ Désolée mais elle ne pourra rien faire de tout ça.
‒ Pardon ? Fais-je en me tournant vers elle.
‒ Elle a d’autres choses à faire. Donc toutes tes tâches, tu les
feras toi-même.
‒ Puisqu’elle est occupée fais-les toi.

Elle rit.

‒ Il n’y a pas moyen que je range tout ce désordre. Tu es une


grande fille. Utilise tes doigts.

Et elle sort de ma chambre. Non mais pour qui se prend cette


femme ? J’appelle mon père.

‒ « Al… »
‒ Papa je ne supporte plus cette femme. Tu dois la renvoyer.
‒ « Quelle femme ? »
‒ La gouvernante. Elle ose me manquer de respect.

Je l’entends soupirer.

‒ « Qu’a-t-elle dit ? »
‒ J’ai demandé à ce qu’elle ou Aurelle fasse le ménage dans
ma chambre ainsi que ma lessive et elle ose me répondre de
les faire moi-même. Non mais tu entends ça ?
‒ « Princesse je ne vois pas ce qu’elle a dit de si méchant. »
‒ Quoi ?
‒ « C’est ta chambre et tes vêtements. Toute femme propre
ferait ces choses sans l’aide de personne. Tu es une grande
fille mon amour. »
‒ Tu ne peux pas me dire ça papa. Tu payes ces employées
pour…
‒ « Nous aider. Pas pour faire toutes les tâches de nos vies.
Ce sont des aides de maison. Pas des bonnes à tout
faire. Rends ta chambre propre et je te fais un cadeau de ce
que tu veux en échange. »
‒ Ok.

Je raccroche complètement déçue. Je n’arrive pas à croire que


mon père se range du côté de cette femme. Depuis qu’elle est
là il a en quelque sorte changé. Quand je me plains d’elle, il
trouve de quoi la défendre. Je pense qu’elle fait des pratiques
contre lui. Ces Africaines aiment bien faire ce genre de chose.
Qu’elle ne se trompe pas, je lui mettrai les bâtons dans les
roues. Je ne la laisserai pas faire du mal à mon papa.

Les cours terminés, je fonce chez Samy mon meilleur ami.


C’est le fils du meilleur ami de mon père, oncle Dani. Ayant le
double de sa clé, j’entre et je me mets à mon aise. Je balance
mon sac à main dans le divan et je pars me prendre un carton
de jus dans la cuisine que je bois directement. J’entends sa
petite amie gémir depuis la chambre. Ça ne m’empêche pas
d’allumer la télé. Je suis habituée à les entendre faire l’amour.
Samy et moi sommes tellement proches que ces choses ne sont
pas gênantes entre nous. Il est mon seul meilleur ami. Le reste
ce sont juste des connaissances.

Il apparait dans mon champ de vision avec sur lui uniquement


son boxer. Il est tout luisant de sueur et les cheveux en
bataille.

‒ Tu es là toi ?
‒ Oui depuis peu. Vous avez terminé ? Tu peux être
maintenant à moi ?

Il me prend des mains le carton de jus de fruit et en bois.

‒ Oui elle prend sa douche. Je lui avais dit que tu venais. Elle
ne tardera donc pas ici.
Il me renifle le cou.

‒ Tu as changé de parfum ?
‒ Pas changé. Je me suis achetée un autre. Tiger n’aime pas
l’autre alors je mets celui-ci quand je dois aller le voir.
‒ Ah !

Il porte son attention sur le téléviseur. Samy n’apprécie pas


Tiger, il ne me la jamais caché d’ailleurs. Sa petite amie
apparait à son tour. Quand elle me voit, elle fronce du nez.
Elle ne m’apprécie pas vraiment pourtant moi je n’ai rien
contre elle. Je représenterais une menace pour elle à cause de
ma trop grande amitié avec son mec. Il faut être stupide pour
croire que je sors avec Samy. Il est comme un frère pour moi.
Nous avons grandi ensemble. Il était le meilleur ami de Will
mais une distance s’est créée entre eux quand Will a
commencé à toucher à la drogue. Samy s’est rapproché de moi
et nous sommes devenus super complices. C’est un grand-
frère de plus pour moi.

Après le départ de sa copine, nous entamons notre programme


de la journée. Préparer de la pizza que nous dégustons en
jouant au jeu vidéo. Je finis par le laisser jouer seul. Je me
détends dans le divan, les pieds allongés sur ses jambes, et je
surf sur le net. Je reçois un appel de ma grand-mère. Je
décroche avec un grand sourire et mets sur le haut-parleur. Je
l’aime trop ma grand-mère. Nous sommes aussi très proches.
Je suis d’ailleurs la seule de ses petits-enfants à être proche
d’elle.

‒ Allô Mamie.
‒ « Comment va ma princesse adorée ? »
‒ Je vais bien et toi ?
‒ « Je tiens encore sur mes deux jambes c’est déjà ça. Dis,
comment trouves-tu la nouvelle gouvernante ? »
‒ Pff, cette femme commence à me sortir par les pores. Elle
n’arrête pas de me contredire. Ce matin elle a osé me dire de
faire moi-même mes tâches. Tu t’en rends compte ?
‒ « Je le savais qu’elle n’était pas une bonne personne. Hier
j’ai dit à ton père de la renvoyer mais il en a fait à sa tête.
Mais laisse-moi te dire un truc mon trésor. »
‒ Quoi ?
‒ « Ne laisse jamais cette femme s’approcher de toi. Je sens
une mauvaise onde autour d’elle. Elle risque de te faire du
mal. Je pense que si elle s’acharne sur toi c’est uniquement
parce qu’elle est jalouse. Elle voit en toi la jeune fille belle et
riche qu’elle aurait voulu être. Méfie-toi d’elle. Est-ce que tu
m’as comprise ? »
‒ Oui Mamie.
‒ « Bien. Je vais te laisser maintenant. A plus. Je t’aime. »
‒ Je t’aime aussi Mamie. Bye.

Quand je raccroche, je vois le regard de Samy sur moi.


‒ Quoi ?
‒ Je ne cesserai jamais d’être surpris devant les conseils
sordides de ta grand-mère. Comment peut-elle te conseiller de
détester quelqu’un ? Ça n’a pas de sens.
‒ Oh, parce que c’est normal qu’une domestique me demande
de faire son travail ?
‒ En quoi faire ses propres tâches est mauvais ? Tu es une
femme, chérie. Tu dois savoir utiliser tes dix doigts.
‒ Dans ce cas pourquoi payent-on les employés si nous devons
nous-même faire le boulot ?
‒ Tu deviens comme ta grand-mère. Toujours à rabaisser les
autres.
‒ Ce n’est pas de notre faute si nous sommes supérieurs à eux.

Il tourne des yeux. Je le rejoins et nous nous remettons à jouer


jusqu’à ce que je me souvienne subitement que j’avais rendez-
vous avec Tiger.

‒ Oh punaise, punaise. Il va me tuer.


‒ Qui ? Me demande-t-il pendant que je range rapidement mes
affaires.
‒ Tiger. Nous avons rendez-vous.

Je lui baise la joue et je pars en courant. Je garde mon pied sur


l’accélérateur jusqu’à ce que j’arrive chez l’homme de ma vie.
Dès qu’il me voit entrer chez lui, il renfrogne sa mine. Il a
horreur que je vienne en retard lorsqu’il désire me voir.

‒ Je suis désolée mon amour.


‒ Ça fait plus de trente minutes que je t’attends.
‒ Je te demande pardon. Je n’ai pas vu l’heure passer. J’étais
absorbée par ma journée avec Samy…
‒ Samy ? C’est donc avec lui que tu étais au point d’oublier
notre rendez-vous ?
‒ Je…
‒ Combien de fois vais-je te dire que je ne veux plus que tu
fréquentes ce type ?
‒ C’est mon meilleur am… Ah !

La claque ne s’est pas faite attendre.

‒ Tu oses me contredire ? Je te le redis une dernière fois “Je-


ne-veux-plus-que-tu-le-vois’’. Est-ce clair ?
‒ Bébé même si je le voulais je ne le pourrai parce que c’est
un membre de notre…

Je reçois un coup de poing au visage cette fois, puis un


deuxième. Je sens ma lèvre se déchirer.

‒ Je te demande pardon bébé, dis-je en pleurant.


‒ J’ai horreur que tu t’opposes à mes ordres. Comment veux-
tu que j’accepte que tu fréquentes un mec qui t’empêche de
venir passer du temps avec moi ?
‒ Il n’a pas…

Il me donne une autre claque. Il me relève par les cheveux et


me trimballe dans sa chambre. Il me projette sur son lit. C’est
avec hargne qu’il retire mes vêtements. Il ne prend pas la
peine de retirer les siens. Il me pénètre violemment malgré
mes pleurs. Je supporte ses coups malgré les douleurs qu’ils
me procurent. Je l’ai énervé donc je dois assumer les
conséquences. Je m’accroche à lui, une manière de lui
communiquer mon amour et lui dire que je regrette mon acte.
Lorsqu’il se vide en moi, il retourne dans le salon. Je finis de
me nettoyer avant de le rejoindre. Je reste là à le regarder
snifer sa drogue.

‒ Je suis encore désolée bébé.


‒ J’ai besoin d’argent. Milles Livre.
‒ Je n’ai pas cette somme sur moi.

Il fouille dans mon petit sac et prend tout ce qu’il y a comme


billet. Cent en tout.

‒ Demain tu me rapportes ce que j’ai demandé. Je dois


relancer mon business.
‒ Ok.
Je veux l’embrasser mais il me repousse.

‒ Rentre chez toi. Je suis toujours en colère.


‒ Ok.

C’est toute triste que je retourne à ma voiture. Je regarde mon


visage dans le miroir. Je camoufle du mieux que je peux mes
bleus avec du fond de teint. Dès que j’arrive à la maison, je me
précipite vers ma chambre mais malheur pour moi je rencontre
Murima dans le couloir. Je baisse la tête.

‒ Je… Qu’as-tu au visage ?


‒ Ce ne sont pas tes oignons.
‒ Attends, m’attrape-t-elle.
‒ Lâche-moi !

Je cours m’enfermer dans ma chambre. Il en était moins une.


Personne ne doit savoir que je me fais battre par mon petit
ami. Ils le condamneront sans même chercher à comprendre
que c’est moi qui le pousse à bout. Tiger n’est pas méchant.
C’est moi qui suis un peu trop chiante. Mais il m’aime malgré
tout.

***PÉTRA KNOX WILLAR


‒ Alors comment ça va la vie de couple avec le beau Derrick
WILLAR ?
‒ Ça va. Je joue à la perfection mon rôle de maitresse de
maison.
‒ Et avec les enfants ?
‒ Oh il n’y a pas souci. Ils ne s’occupent pas de mes affaires et
j’en fais de même. Chacun mène sa vie de son côté. C’est
seulement la petite Alexandra qui me sort par les pores avec
son insolence.
‒ Tu devrais la remettre à sa place.
‒ Ne t’inquiète pas. Je le ferai à la seconde même où elle osera
élever la voix sur moi. Il n’y a que sa famille qui supporte son
mauvais comportement. Mais je m’en fiche. Tout ce qui
m’intéresse c’est de bien profiter de la fortune des WILLAR.

Nous levons toutes les trois nos verres dans un trinque en nous
réjouissant. J’aime passer du temps avec mes deux meilleures
amies. Nous faisons toutes les trois parties de la haute et
cherchons à nous hisser encore plus haut. Nous sommes nées
dans l’opulence et dans l’opulence nous mourrons.

‒ Regarde derrière toi Pétra, me chuchote Samantha.

Je me retourne et qui vois-je ? Une colère mêlée à la jalousie


me sort par les narines.
‒ Je reviens.
‒ Où vas-tu ?
‒ Lui parler.

Je me relève et avec élégance je me rapproche de sa table. Il


discute avec une femme et à voir le regard de cette dernière
c’est clair qu’il lui dit de belles paroles. Je me racle la gorge
une fois à leur table.

‒ Je dérange ?

Quand il me voit il lève les yeux au ciel.

‒ Oui tu déranges.
‒ C’est donc pour cette… chose que je ne te vois plus ?
‒ Pétra arrête ! Tu n’en as pas le droit.

Je tourne vers l’autre.

‒ Toi dégage.
‒ Pardon ?
‒ J’ai dit de lever tes fesses de cette chaise et de dégager de ce
restaurant. Ou tu veux que je fasse un scandale ?
‒ Non mais pour qui vous vous prenez ? Me défie-t-elle en se
redressant de toute sa taille.
‒ Ne me provoquez pas très chère, dis-je en me positionnant
devant elle.

Il se glisse entre nous.

‒ Attends-moi dans la voiture s’il te plaît, dit-il à l’autre en me


fixant.

Elle obéit sans rechigner. C’est fou comme il peut être


imposant malgré son âge.

‒ C’est quoi ton problème ? Me lance-t-il.


‒ Tu me manques bébé, dis-je en glissant ma main sur son
torse.

Il repousse ma main.

‒ Je t’ai déjà dit que c’était fini entre nous deux. Concentre-toi
sur ton mariage et fiche-moi la paix. La prochaine fois que tu
m’importunes, je balance tout à ton mari. Compris ?

Il me plante là comme une moins que rien. Il ne perd rien pour


attendre. Il reviendra entre mes jambes. Aussitôt qu’il sort du
restaurant que je vois Dame WILLAR y entrer. Je lui fais
signe de la main et retourne à ma table.

‒ Ma belle-mère est là.


‒ Ok à plus, me disent-elles.

Elles libèrent la table. Le serveur se dépêche de venir


débarrasser tout ce que nous avons consommé. Dame
WILLAR ne tarde pas à prendre place devant moi. Nous nous
sommes données rendez-vous ici pour discuter d’un problème
commun.

‒ Comment vas-tu ma chérie ?


‒ Ça pourrait aller si seulement je savais qui rentrait dans ma
maison.
‒ C’est elle. La mère des enfants et l’ex-femme de Derrick.
‒ Je le savais. Je l’ai tout de suite su par son changement
d’humeur à chaque fois qu’elle apparait et les regards qu’ils
s’échangent. Mon Dieu Derrick l’aime toujours.
‒ Mais c’est toi sa femme. On s’en contrefiche de ce qu’il peut
ressentir pour elle. Mme WILLAR c’est toi.
‒ Qu’est-ce qu’on fait maintenant qu’elle est de retour ?
‒ On fait tout pour qu’elle dégage le plancher.
‒ Je ne crois pas que ça puisse être possible encore moins
facile. Elle est là pour ses enfants.
‒ Et aussi pour ton mari. Si tu ne fais rien elle te le prendra.
Cette Africaine est une sorcière alors tu dois l’être deux fois
plus qu’elle. Tu dois te débarrasser d’elle.
‒ Comment ?
‒ C’est à toi de trouver. Elle vit sous ton toit n’est-ce pas ? Je
ne la supporte pas cette femme. Gggrrr.

Je réussi à peine mon plan d’être la femme de Derrick que


déjà je rencontre un obstacle. Et pas n’importe lequel. Le
premier et seul amour de mon mari. Il me sera très difficile de
me débarrasser d’elle mais je ne baisserai pas les bras. Nous
débâtons encore un long moment sur les stratégies pour éjecter
cette femme loin de nos vies. Nous finissons par nous séparer
avec le sourire aux lèvres. Avec ce que nous préparons c’est
sûr qu’elle s’en ira d’elle-même.

Au diner, j’observe mon mari et j’ai la rage. Il n’arrête pas de


la regarder en biais. Il la regarde d’une manière qu’il ne m’a
jamais regardé. Il aime encore cette droguée. Elle aussi lui
lance des regards. C’est clair qu’elle a toujours des sentiments
pour lui. Mais ça ne se passera pas ainsi. Je n’ai pas attendu
toutes ces années pour qu’une autre vienne me voler mon
mari. J’ai trop patienté pour que Derrick me prenne enfin
comme sa femme. J’ai attendu trop longtemps. Maintenant
qu’il est à moi, je ferai tout pour qu’il le reste, quitte à tuer
toutes les femmes qui lui tourneront autour.
Le diner terminé, j’attends que Derrick monte dans notre
appartement pour me rendre à la cuisine.

‒ Laissez-nous, ordonné-je aux deux autres domestiques.

Elles se hâtent de sortir. Je m’avance vers cette Murima en


rivant mon regard dans le sien. Je m’arrête juste devant elle.

‒ Je sais qui tu es.


‒ C’est bizarre parce que moi aussi je sais qui tu es, me
répond-t-elle dans un rictus.
‒ Quel que soit tes intentions en venant dans cette maison,
sache que je te mettrai les bâtons dans les roues.
‒ Aucun être dans ce monde ne m’empêchera de récupérer
mes enfants.
‒ Tu sais pertinemment que je ne te parle pas des enfants.
‒ Derrick ? Quoi tu as peur qu’il retombe amoureux de moi ?
Enfin si ce n’est déjà le cas.
‒ Tu es morte pour Derrick.
‒ Tu n’as donc pas à me craindre. Je ne suis pas ici pour lui.
Mais si tu tentes quoi que ce soit contre moi, je te montrerai
que la morte que je suis peux encore donner une érection à ton
cher mari.

Je serre les dents en me retenant de lui donner une belle


claque.
‒ Tu t’approches de mon mari et je te tue.
‒ Que chacune reste à sa place sinon crois-moi que je ne ferai
pas que m’approcher.
‒ Derrick est à moi. Il ne ressent plus rien pour toi. Je peux te
jurer qu’il te hait même. Donc même si tu le voulais, il ne te
reviendra jamais.

Son sourire sur ses lèvres me donne des envies de meurtre. Je


ressors de la cuisine avant de l’étrangler. Je dois chasser cette
femme loin de cette maison et de la vie de mon mari. Il faut
qu’il la déteste beaucoup plus pour supprimer toute chance
qu’ils ne se remettent ensemble. Il n’est pas question qu’elle
vienne me piquer la fortune des WILLAR. Ce sera à la guerre
comme à la guerre.
4

DERRICK

Encore une journée où je vais devoir la voir. Ça devient


comme un supplice pour moi. Je ne m’habitue toujours pas à
l’idée qu'elle soit dans ma maison, tout près de moi. Je m’étais
juste habitué à son absence. Je ne devais normalement plus la
revoir ni entendre parler d'elle. Ça m'épuise le cerveau de la
voir chez moi. Je crains qu'elle ne dise la vérité aux enfants et
qu’ils me détestent en retour. Je n'avais pas trouvé meilleur
mensonge que sa mort furtive pour expliquer son absence. Je
ne me voyais pas dire à des enfants que leur mère était en
prison pour détention, consommation de drogue et meurtre
pour couronner le tout. Ils ne méritaient pas une telle vérité.
Maintenant voilà que Vingt-deux ans plus tard elle réapparaît.
Sa présence me donne une boule au ventre. Pourvu qu'elle
change de décision et s'en aille.

Je rejoins presque tout le monde à table pour le petit déjeuner.


Will se fait encore remarquer par son absence. Cet enfant, je
ne sais quoi en faire. Murima et les autres nous servent le petit
déjeuner. Je ne supporte pas voir Murima dans ce rôle de
domestique mais c'est son choix et je ne vais pas l’en
dissuader.
‒ Aurelle sers-moi du jus. Pas de café, ordonne Xandra.

Un raclement de gorge me fait lever la tête vers Murima. Elle


me fait des gros yeux en direction d'Alexandra. Je soupire.

‒ Xandra, dis s'il te plaît. Aurelle n'est pas une esclave.


‒ Mais c'est une domestique. C'est pareil.
‒ Tant que tu ne demanderas pas poliment elle ne te servira
pas. D’ailleurs sers-toi toi-même.
‒ Mais…
‒ Je ne vais pas me répéter.

Elle boude et se sert elle-même son jus.

‒ Ce sera ainsi tous les jours. Chacun se servira.

Je lève les yeux vers Murima. Elle me fait un léger merci de la


tête. Bon je le reconnais elle a raison quand aux mauvais
comportements d’Alexandra. Je l'ai un peu trop couvé.

‒ Bon, dit subitement ma femme. J’informe tout le monde que


demain se tiendra ici une soirée que j’organise avec des
connaissances et vous la famille. C'est pour remercier tout le
monde d'avoir assisté à notre mariage. De ce fait donc, (elle se
tourne vers Murima) voici la liste des courses que vous allez
faire pour demain et les mets qui seront proposés.

Murima prend la feuille et la lit.

‒ C'est pour combien de personne ? Demande cette dernière.


‒ Une vingtaine avec la famille y compris. Je tiens à ce que
tout se passe bien. Je ne tolérerai aucun écart de votre part.
‒ Bonjour.

Nous nous tournons tous vers Will qui fait son entrée dans la
salle à manger. Il s’assoit négligemment dans le siège près de
sa petite sœur.

‒ Café, dit-il d'une voix enrouée.

Murima se hâte de lui en servir en le regardant avec beaucoup


de tendresse.

‒ Encore plus de sucre, ordonne-t-il alors que Murima finissait


de mettre les deux petites cuillérées de sucre dans sa tasse.
‒ Trop de sucre ce n'est pas bon pour la santé, lui dit Murima.
‒ Ton travail c'est de me servir, pas de te mêler de ce qui ne te
regarde pas, lui balance-t-il avec mépris.
Murima obéit. Je veux intervenir mais je me retiens.

‒ J'ai besoin d'argent, me lance-t-il comme à son ami.


‒ Tu en as déjà, William.
‒ Je n'en ai plus. Et tu as bloqué mon compte.
‒ Dans ce cas viens travailler et tu auras un très bon salaire qui
te permettra de faire tes folies.
‒ Je ne veux pas travailler dans ta boite.
‒ Dans laquelle alors ?
‒ Dans aucune boîte.
‒ Tu veux donc passer toute ta vie à fréquenter tous les dealers
du pays et revenir à la maison tel un sans-abri avec cette odeur
puante sur toi ?
‒ Je fais autre chose.
‒ Oui je sais. Coucher avec toutes les vielles peaux de la ville.
Dis-moi quelque chose que je ne sais pas.

Il se tait.

‒ Je te donne deux semaines pour te décider. Soit tu viens


travailler à la boite comme ton frère, soit tu te débrouilles tout
seul pour subvenir à tes besoins. J'en ai marre de gaspiller des
sous sur toi.
‒ Je ne suis pas obligé de travailler dans la boite comme
Travon.
‒ Mais tu vois au moins que lui ne me demande rien.
‒ Parce que tu lui donnes tout.
‒ Non, parce qu’il n'est pas un raté comme toi encore moins
un toxico de merde.

Murima fait trembler les assiettes qu'elle tenait. Je la regarde.


Elle me regarde avec surprise. Personne n'ose parler. Travon et
Xandra détestent ce genre d’atmosphère mais ne bronchent
jamais. Ils s'y sont habitués. Will sort de table et de la pièce
tout énervé. Je termine mon café et je sors à mon tour. Je sens
quelqu’un dans mon dos quand je récupère mon sac dans le
salon.

‒ Un raté ? Tu es sérieux ?

J’ignore Murima et je marche vers la porte d’entrée.

‒ Pourquoi le détestes-tu autant ? Me demande-t-elle en me


suivant. Pourquoi rejettes-tu sur lui la haine que tu as contre
moi ?

Je lui fais face.

‒ Peut-être que si tu n'avais pas consommé de drogue lorsque


tu étais enceinte de lui nous n'en serions pas là.
J'ouvre la porte et sors. Je déteste cette femme.

Assis dans mon bureau, je fixe mon ordinateur en réfléchissant


à comment faire partir Murima de ma maison. Je n’en peux
plus de la voir. A chaque fois que je la vois, ma haine pour
elle monte crescendo. Elle a brisé notre famille. C'est de sa
faute si Will se drogue. Elle lui a transmise la toxicomanie. Si
elle m'avait écouté ne serait-ce qu'une seule fois, nous ne
serions pas à ce stade. Elle a fait n’importe quoi et maintenant
elle veut se jouer la bonne mère soucieuse de ses enfants.
N’importe quoi.

Je redescends sur terre lorsque des coups sont frappés sur la


porte de mon bureau. Je donne la permission de rentrer. C'est
Daniel, mon meilleur ami qui fait son entrée.

‒ Tu es rentré de voyage ? Lui demandé-je surpris de le voir


là.
‒ Dans la nuit d'hier. J'ai voulu te faire une petite surprise.

Nous nous tapons dans les mains avant qu'il ne prenne place
en face de moi.

‒ Alors ces vacances ?


‒ Super. Ma femme et moi en avions besoin. Elle est
maintenant heureuse et moi je pourrais enfin respirer. Quoi de
neuf ici ?
‒ Elle est de retour ?

Il plisse les yeux d’incompréhension.

‒ Qui elle ?
‒ Murima.
‒ Je ne vois toujours pas. Qui est Murima ?
‒ La seule que tu connaisses.

Il fait mine de réfléchir et quand son cerveau capte il me


regarde avec de gros yeux.

‒ Non. Comment est-ce possible ? Elle en avait pour encore


longtemps non ? Comment ça se fait ?
‒ Remise de peine pour bonne conduite.
‒ Waho ! Elle est chanceuse dis donc. Et où est-elle ?
‒ Chez moi.
‒ Comment ça chez toi ?
‒ Elle vit avec nous mais comme gouvernante. C'est le moyen
qu'elle a trouvé pour se rapprocher des enfants et créer des
liens.
‒ Et tu la laisse faire ? Tu laisses une criminelle près de ta
femme et de tes enfants ?
‒ C’était soit ça, soit elle leur révélait son identité, ce qui me
mettrait dans une mauvaise posture face à eux. N'oublie pas
que je leur ai dit qu'elle était morte. Ils me détesteront s'ils
venaient à apprendre la vérité.
‒ Mais tôt ou tard ils le sauront.
‒ J’espère que d'ici là ils l’affectionneront pour que la pilule
passe plus facilement.
‒ Tu n'as donc pas l’intention de l’éloigner de vous ?
‒ Je ne cesse d’y penser mais je ne sais pas si c'est une bonne
idée. Je la déteste mais en même temps je pense qu'elle a le
droit d’être près de ses enfants.
‒ Et qu'en pense Pétra ?
‒ Je ne lui ai encore rien dit. Je suis moi-même encore sous le
choc alors j’ai du mal à lui en parler.
‒ Tu vas devoir le faire avant qu'elle ne le découvre d’elle-
même.
‒ Je sais.

La porte de mon bureau s'ouvre sur Xandra.

‒ Combien de fois vais-je te dire de cogner avant d'entrer ?


‒ Désolée papa. Mais il faut qu’on parle.

Elle croise ses bras sur sa poitrine.


‒ Tu n'as pas vu ton oncle ?

Elle se tourne vers Daniel.

‒ Oh tonton tu es de retour, fait-elle en l’enlaçant. Vous êtes


revenus quand ?
‒ Hier.
‒ Vous m'avez rapporté des cadeaux ?
‒ Bien évidemment. Je ne peux pas ne pas rapporter de cadeau
à ma princesse.
‒ Chouette. Je passerai les prendre avec tata.
‒ Bon oui que voulais-tu ? Demandé-je pour mettre fin à leur
échange.
‒ D’abord je n'ai pas aimé la façon dont tu m'as traité ce matin
devant les employés. Surtout cette… Murima ou je ne sais
quoi.
‒ J'ai fait ce qui me semblait juste. Tu ne dois manquer de
respect à personne, encore moins aux employés parce qu’ils
sont aussi humains. C’est à moi de me fâcher contre toi.

Elle fait la tronche.

‒ Que voulais-tu d'autres ?


‒ Je veux te présenter mon petit ami. Aujourd’hui si possible.
‒ Invite-le donc pour le dîner ce soir comme ça toute la
famille le verra.
‒ C’est super. Merci papa. Bon je te laisse. A ce soir. Je
t’aime.

Elle nous embrasse à tour de rôle Daniel et moi et nous laisse


de nouveau seuls.

‒ Apparemment elle n'aime pas sa mère.


‒ Oui. Murima la trouve insolente et elle s’est lancée dans une
mission de redressement.
‒ Et tu laisses faire ? Après Vingt-deux ans d’absence elle
veut refaire l’éducation de tes enfants ? Sait-elle déjà pour
Will ?
‒ Oui. Elle en est chagrinée.
‒ Bah voyons. N’est-ce pas qu’il suit ses traces ?

Cette remarque me blesse malgré moi. Je mime une grimace.

‒ Ecoute, si j’ai un conseil à te donner c’est de veiller à ce que


cette femme ne foute pas de nouveau le bordel dans ta famille.
Je l'adorais autant que toi mais nous avons tous vu ce qui s’est
passé. Tu as su élever tes trois enfants tout seul donc qu'elle ne
vienne pas tout gâcher.
‒ J’ai l’œil sur elle. Soit sans crainte.
Je mets un autre sujet sur la table. Il me raconte ses vacances
en amoureux avec sa femme. Je l’écoute d'une oreille distraite.
Je repense à nos moments à moi et Murima. Lorsqu'elle était
enceinte de Travon, je crois à son sixième mois de grossesse,
je nous avais organisé un mois dans un hôtel en bordure de
mer. C’était pour qu’elle se détende un peu parce que la
grossesse l'épuisait. Nous avions passé des moments
formidables. J'avais remis ça après son accouchement. Ces
moments étaient tous inoubliables pour moi. Jusqu’à ce
qu’elle détruise tout à cause d'une putain de drogue.

Après le départ de Daniel que j’ai pris la peine d’inviter à la


soirée de demain, je passe le reste de la journée entre les
réunions et certains dossiers. Le plus gros du boulot est confié
à Travon qui prendra d'ici la fin de cette année les rênes de
l’entreprise. Il est maintenant apte à diriger totalement.

Travon c’est mon portrait craché. Non seulement au niveau du


physique mais aussi dans le caractère. Il est très réservé et
intègre dans ses agissements. Jamais durant le cours de sa vie
il ne m'a déçu ni donné des céphalées comme Will. Il est ma
fierté. Au moins mes deux garçons ne sont pas à jeter. Ils
n’ont pas tous deux pris leur mère.

Nous rejoignons la maison après une journée harassante.


Djénéb et Aurelle nous accueillent et nous débarrassent de nos
effets. Je cherche Murima du regard sans la voir. C’est
pendant ma douche que ma femme entre à son tour. Elle me
rejoint et nous faisons l’amour avant de terminer par nous
laver. Je souffle lorsque je constate qu’il est l'heure du dîner.
Avant, dîner avec ma famille était un moment de plaisir. Mais
depuis que cette femme est réapparue c’est devenu un
supplice. La voir me donne des hauts les cœurs. Je ne pensais
pas un jour la détester autant que je l'ai aimé.

Dès que nous prenons tous place autour de la table, Xandra


apparaît accrochée au bras d'un jeune qui n'a pas fait d’effort
pour cacher ses nombreux tatouages. Sans oublier son piercing
au nez.

‒ Bonsoir. Je vous présente Tiger. Mon petit ami. Bébé, voici


mon père, mon grand-frère Travon et sa femme Imelda et elle
c’est ma belle-mère Pétra.
‒ Bonsoir à tous.
‒ Bonsoir, répondons-nous tous en chœur.

Elle l’installe près d'elle. Durant le dîner je pose des questions


à l’invité pour en savoir plus sur lui. J’espère apprendre de
bonne chose parce que son apparence déjà me met un goût
amer à la bouche.

‒ Quel âge avez-vous jeune homme ?


‒ Vingt-huit ans Monsieur.
‒ Et que faîtes-vous dans la vie ?
‒ Je grouille.
‒ Quoi précisément ?
‒ Les business monsieur. Je fais un peu de tout.

Sa réponse me laisse perplexe. Lorsqu’une personne dit qu'elle


fait des business, ça sent les affaires louches. J’espère qu’il
n'en est rien. Je lui pose d'autres questions sur sa famille et les
réponses sont encore plus ambigües. Je préfère m’arrêter. En
balançant mon regard je tombe sur celui de Murima qui en dit
long sur le fond de sa pensée. Je ne m'en préoccupe pas.

*Mona
*LYS

Ma femme a invité plus de monde que prévu. Ça devait être


juste une petite fête de remerciement avec une quinzaine
d’invités mais là nous nous retrouvons avec plus de trente.
Heureusement que j’avais fait construire un immense salon
qui puisse contenir toutes ces personnes. Arrêté dans un coin
isolé de la pièce, une coupe de champagne à la main, je
regarde tout le monde discuter, rire, boire et manger. Ma
femme joue à la perfection son rôle d'hôte. Elle arrive à
discuter avec tout le monde. Aurelle, Djénéb et Murima
apportent au fur et à mesure les amuses-bouches et les
champagnes. C’est un cocktail debout donc chaque invité fait
son propre service. Un DJ installé dans un autre coin joue de
la musique douce en fond sonore. On pouvait bien se passer de
lui mais ma femme a insisté. A chaque apparition de Murima
dans la pièce je ne peux m’empêcher de la suivre du regard.
En plus de détester sa présence dans ma maison, je déteste
encore plus la voir dans ce rôle qu'elle campe. Mais elle ça n'a
pas l’air de la gêner.

Je sens un tapotement sur mon épaule. Clinton, un partenaire


d’affaire et bon ami depuis plusieurs années maintenant
apparaît près de moi, sa coupe de champagne en main.

‒ Comment vas-tu très cher ? Me questionne-t-il.


‒ On se maintient malgré l'âge.
‒ J’ai remarqué que vous aviez une nouvelle employée. Elle
n’était pas là la dernière fois que je suis venu.

Je suis son regard qui est braqué sur Murima toute souriante
qui sert du champagne à un homme qui doit sans doute lui
faire la cour.

‒ Oui elle est nouvelle.


‒ Elle est très belle. Ça fait plus d'une heure que je l’observe.
Ça ne te dérangerait pas que je tente un rapprochement ?

Je le regarde sans lui répondre dans l’immédiat. J’essaie de


déceler sur son visage un signe de plaisanterie ou de mauvaise
foi mais rien. Il est très sérieux. Clinton est veuf depuis cinq
ans. Du haut de mes souvenirs il n'a jamais été un homme
volage. Alors s’il s’intéresse à Murima je crois que ce n’est
pas pour jouer à touche pipi. C’est d’ailleurs la première fois
depuis la mort de sa femme que je le vois s’intéresser à une
femme.

‒ Non ça ne me dérange pas, lui répondé-je sans grande


conviction. Tu es donc prêt à te relancer dans une relation ?
‒ Il faut bien. La solitude commence à se faire ressentir et j’ai
besoin de quelqu’un avec qui dépenser ma fortune.
‒ Je vois.

Il s’excuse et s’éloigne. Je termine ma coupe de champagne en


le regardant se diriger vers Murima. Il la gratifie d'un sourire
auquel elle répond. Il se contente de prendre une coupe de
champagne sur la table puis s’éloigne. Ça faisait longtemps
que je n’avais pas vu son sourire à elle. C’est juste un sourire
de circonstance mais ça faisait quand même longtemps. Elle
s’approche de Travon qui discute avec Xender, le DAF de
notre entreprise. Elle lui dit quelque chose avec un sourire. Il
hoche la tête et elle se détourne de lui. Lorsque les premières
notes d’une chanson parviennent à mes oreilles, mon cœur fait
un splendide looping. Automatiquement, Murima et moi nous
nous regardons.

C’est notre chanson.

Enfin, c’était notre chanson. C’est sur cette belle musique qui
faisait mouche à notre époque qu'elle et moi avions fait
l’amour pour la toute première fois. C’était un soir du nouvel
an. Elle et moi ne sortions pas ensemble. Mais cette nuit-là,
alors qu'on se souhaitait les meilleurs vœux, nos lèvres se sont
rencontrées et nos corps ont fait connaissance pour la première
fois d'une longue série. Ce fût aussi là le début d'une belle
histoire d’amour. C’est cette nuit que Travon a été conçu.
Juste la première fois et c’était la bonne. C’est d’ailleurs le
nom de l'artiste que nous avons donné à notre fils pour ne
remémorer à chaque fois cette nuit magique. Nous avions
décidé de faire de cette chanson la nôtre et nous faisions
l'amour la plupart du temps sur ces notes.

Par le regard qu'elle me lance, je comprends qu'elle aussi


pense à cette nuit. Elle ne l'a pas oublié. Mon cœur bat si fort à
m’en faire mal à la poitrine. Ces souvenirs sont douloureux.

Ma femme me tourne la tête par surprise et m’embrasse


langoureusement.

‒ A quoi penses-tu ? Me demande-t-elle.


‒ Rien de particulier. Je me sens un peu las.
‒ La soirée prendra fin dans une trentaine de minutes. Juste un
petit effort mon amour.
‒ Ok.

Elle m’embrasse de nouveau et retourne près de ses amies.


Quand je relève la tête, Murima n’est plus là. Il me faut une
deuxième coupe de champagne. Cette femme commence
sérieusement à me mettre le cerveau à l’envers. Après elle je
n'ai plus jamais aimé. Je ne suis plus tombé amoureux. Même
pas de Pétra. Je ne suis pas amoureux d'elle. Enfin, pas comme
je le devrais et ça elle le sait. Pétra, ça a toujours été le choix
de mes parents. Tout comme nous, elle vient d’une famille de
la haute Mexico-Anglaise. Son père et le mien étaient amis et
partenaires en affaire. Notre destin à tous les deux étaient donc
tout tracé. Nous devrions coûte que coûte finir ensemble. Mais
j'ai rencontré Murima et les choses ont vite dégénéré. Mais
plusieurs années plus tard, c'est elle que je finis par épouser.
Même s'il n'y a pas d’amour entre nous, ou du moins me
concernant, j’avoue quand même qu'elle fait une bonne
partenaire. Grâce à elle je me sens moins seul. Je lui ai fait
comprendre à l’entame de notre relation que je l'épouserais
pour trois raisons. La première, pour faire plaisir à ma mère et
honorer la mémoire de mon père qui est mort en me haïssant.
La deuxième parce que j'ai juste besoin d’une femme à mes
côtés pour mes besoins charnels, mon image dans la société
qui exige que je sois marié. Et la troisième, pour ne pas
terminer ma vie seul quand mes enfants iront tous fonder leur
foyer. Elle n'y a pas vu d’inconvénient. Elle a aussi compris
que je ne voulais plus d’enfant. Elle non plus n’en veut pas.
Disons qu’elle n'est pas maternelle et Pétra c’est le genre de
femme qui refuse de déformer son corps pour aucune raison
que ce soit, même pas la maternité. Je lui ai aussi fait signer un
contrat de mariage qui stipule qu'en cas de divorce chacun
reparte de son côté avec ses biens qui lui sont propres donc
pas de communauté de bien. J'ai trimé seul pour bâtir mon
empire. Je ne vais pas tout laisser à une femme. Tout est pour
mes enfants et leurs enfants. Mon père m'a renié quand j'ai fait
le choix de rester avec la femme que j’aimais. J’étais juste
jeune et stupide. C'est tout ce que je peux faire comme résumé.

Une trentaine de minutes plus tard, ma femme entame un


discours de remerciement à tous nos invités présents. Moi je
reste debout près d’elle.

‒ Vraiment merci à vous d'avoir répondu présent à cette


soirée. Ma famille et moi avons été ravies de vous recevoir.
J’espère…
‒ Ta famille ? Il ne manquerait pas un membre ?

Toutes les têtes se dirigent vers l’entrée du salon. Je sers les


dents lorsque je vois William faire son entrée avec une
bouteille d’alcool à la main. Il est tout débraillé, les premiers
boutons de sa chemise ouvertes, avec un soupçon de poudre
blanche sur le nez.

‒ La fête ne peut pas finir sans le fils préféré de la famille.


‒ Will ! Essaie de le retenir Travon.
‒ Toi lâche-moi, le dévie-t-il. Nous devons trinquer. Elle est
où cette putain de bouteille de champagne ?

Il ramasse une bouteille sur l'une des tables.


‒ Nous devons trinquer à mon père. Le meilleur père qui
puisse exister.
‒ Mais c’est qui lui ? Questionne l'un des invités.
‒ Oh ! Il ne vous a pas parlé de moi ? Tu déconnes Derrick. Je
suis son deuxième fils. Il vous a juste parlé de Travon parce
que c’est lui l'intello de la famille. Moi je suis le junkie.

Travon essaie encore de le retenir mais il le repousse. Moi je


m’emploie à un exercice des plus compliqué : se contrôler.
Mes poings brûlent de s’écraser sur sa face. Ma femme s’en
apercevant m’attrape la main pour me calmer.

‒ Mon père ne parle jamais de moi parce que je lui fais honte.
Pour lui je ne suis rien qu'un toxico qui ne mérite pas son
amour. Mais on s'en fout. Ce n’est pas important. Ce soir j’ai
envie de faire la fête.

Il secoue la bouteille et la pète. Tout le monde sursaute de


frayeur. Je décide d’intervenir. Je lui agrippe le bras alors qu’il
boit à même la bouteille.

‒ Toi viens par-là.


‒ Ne me touche pas Derrick.

Il se dégage tellement fortement qu’il tombe sur une femme.


‒ Oh désolé belle dame.

Il se relève à peine qu’il dégueule sur la même femme qui se


met à hurler. Je perds patience. Je le saisis violemment par les
colles et le sors de force de la pièce. Je le trimballe jusqu’à
une autre pièce qui était normalement destinée pour les
moments en famille mais qui n’a jamais servi. Je le projette
par-dessus un fauteuil.

‒ Espèce de petit enculé.


‒ L'enculé c’est toi.

Il me lance un vase. Je l’esquive de justesse et lui enfonce


mon poing dans sa gueule. Il se ramasse au sol. Il revient
encore à la charge et je lui donne encore un autre coup.

‒ Papa ! S'écrit Travon en courant vers nous.


‒ Sors d'ici Travon. Ton frère et moi devons régler nos
comptes.
‒ Papa…
‒JE T’AI DEMANDÉ DE SORTIR.

Il sort malgré lui.


‒ Tu penses pouvoir ternir mon image ? Tonné-je en
retroussant les manches de ma chemise. Tu n'y arriveras
jamais, sale chien.
‒ Vas te faire foutre Derrick. Tu ne mérites pas ce titre de père
parce que tu es nul à chier dans ce rôle. J'aurais souhaité un
malade mental pour père plutôt que toi. T'es qu'un gros
bouffon.

Je vois rouge face à toutes ces insultes. Je fonce sur lui et je lui
assène des coups que je retiens pour ne pas trop l'amocher.
Mon prochain coup s’apprête à s’abattre lorsque le cri de
Murima me parvient.

‒ Derrick non arrête !

Elle m'attrape de justesse le bras avant qu'il ne descende sur


Will. Elle me pousse et me tape dans la poitrine.

‒ Je t'interdis de le toucher, me hurle-t-elle d'une voix brisée.

Elle se tourne vers Will qui tente de se relever.

‒ Will !

Dès qu'elle pose sa main sur lui, il se relève brusquement et


bam donne un coup à Murima en plein visage pensant que
c’était moi. Elle se cogne encore le mur avant de s’écrouler.
Son cri me met deux fois plus en rogne. Il a osé la taper. Je
fonce de nouveau sur mon fils. C’est à ce moment que ma
femme fait son entrée suivie de Travon, Imelda et Alexandra.
Elle me tire loin de Will tandis que Travon part aider son frère
à tenir sur ses pieds. Murima se relève en se nettoyant du sang
sur la bouche.

‒ Murima tu vas bien ? M’inquiété-je en essayant de l'aider à


se tenir debout.
‒ Ne me touche pas, se dégage-t-elle.

Will repousse de nouveau son frère.

‒ Laissez-le me tuer pour qu’il ait enfin la paix qu'il recherche,


gueule-t-il. Qu'il me tue qu'on en finisse.
‒ William ressaisi-toi, l’interpelle ma femme.
‒ Toi la pute de service ferme-la.

Je fonce encore une fois de plus sur lui. Mais je ne le cogne


pas. Je le saisis juste.

‒ Estime-toi heureux d’être de mon sang sinon j'aurais mis à


exécution ton souhait. Espèce de petit merdeux.
Murima vient de nouveau me dégager de son fils. Son visage
est rempli de larme. Elle ne dit rien mais je la sens très en
colère. Elle la ferme juste parce que nous ne sommes pas
seuls.

‒ Je vais m'occuper de lui, dit-elle en me fixant tout en


essayant de maîtriser sa voix.
‒ Enferme-le dans sa chambre et apporte-moi la clé. Il y
restera jusqu’à ce que la police vienne le chercher. Un séjour
en prison ne lui ferait pas de mal.

Will se décale sur le côté.

‒ Oh tu veux maintenant me foutre en tôle ? Dans ce cas


laisse-moi te tuer pour avoir une raison valable d’y croupir.

Il sort de son dos un révolver. C’est la panique dans la pièce.


Ma femme se cache derrière moi, Imelda et Xandra derrière
Travon. Seuls Murima et moi restons stoïques. Elle lui arrache
l’arme en un clin d’œil. Je profite du fait qu'elle soit distraite
pour en coller une dernière à Will qui s’évanouit sur le coup.
Sa mère me pousse de nouveau en hurlant.

‒ J’AI DIT DE NE PAS LE TOUCHER.


Je sors évacuer ma colère. Je n'arrive pas à croire que mon
propre fils était sur le point de me tuer.

Je rumine dans mon bureau sans prêter attention à tout ce que


dit Pétra. Je sais qu’elle essaie de me calmer mais je ne suis
pas disposé à l'écouter.

‒ Tu devrais le faire séjourner en prison en moment. Ça lui


remettra les idées en place, me dit-elle.
‒ Oui je le ferai demain à la première heure. Il faut que je lui
apprenne une bonne leçon à ce garçon.

Je tourne sur moi-même comme un lion en cage.

‒ Calme-toi mon amour. Ça va passer.


‒ Je vais travailler un peu pour faire baisser l’adrénaline, dis-je
en m'asseyant derrière mon bureau.
‒ Ok je te sers un verre ?

Avant que je ne réponde la porte de mon bureau s'ouvre en


fracas sur Murima. Le bleu près de son œil et sa lèvre fendue
me sautent tout de suite aux yeux.

‒ Non mais ça ne va pas de rentrer sans frapper ? Gueule


Pétra.
‒ Nous devons parler, me dit Murima son regard rivé sur moi
sans se préoccuper de ma femme.
‒ Non mais pour qui tu te prends ? Continue Pétra. Sors
immédiatement de ce bureau.
‒ Derrick, nous devons discuter.

Je blêmis quand je l'entends m'appeler par mon prénom devant


ma femme.

‒ Comment oses-tu…
‒ Si c’est pour elle ne t’inquiète pas, m’interrompt-elle. Elle
sait déjà tout.

Je regarde Pétra qui ne réplique pas. Je fronce les sourcils.

‒ Comment ça ?
‒ Tu pensais vraiment que je n'aurais pas reconnu cette femme
qui t'a séparé de ta famille et qui a bousillé ta vie ? Me crache-
t-elle. Je ne l'avais jamais vu en vrai mais je savais tout d'elle.
Alors quand je vous ai vu vous échanger des regards j’ai tout
de suite compris et ta mère m'a confirmé son identité.
‒ Je… je suis désolé.
‒ Oui sois désolé Derrick. Je suis ta femme et tu aurais dû me
dire toute la vérité dès le premier jour.
‒ Tu as raison et…
‒ Oh ça suffit, nous interrompt Murima. Vous ferez vos
amourettes plus tard. Pour l’instant je veux parler de mon fils.
En tête à tête avec toi Derrick.
‒ Il s'agit aussi du fils de mon mari donc je ne bougerai pas,
s’impose Pétra.

Murima me regarde. Je ne contredis pas ma femme.

‒ Ok, fait-elle en se rapprochant de mon bureau. Will et toi


aviez besoin de discuter de père à fils. Il est en manque
d'amour.

Ma femme éclate de rire.

‒ Non mais tu t’entends parler ? En manque d'amour ?


N’importe quoi. Ce gosse est tout simplement insolent et un
toxico. Ce dont il a besoin c’est d'un bon séjour derrière les
barreaux. Demain matin il y sera.

Le visage de Murima change d’expression.

‒ Tu ne vas pas faire ça !?


‒ C’est tout décidé.
‒ Derrick, ce dont il a besoin c’est de son père. La prison ne
fera qu’aggraver son cas.
‒ Il aurait dû y penser avant de me menacer avec une arme.
‒ Je te l’interdis.

Pétra éclate de nouveau de rire.

‒ Non mais pour qui se prend-elle ? Tu penses être en droit


d’interdire quoi que ce soit ici ?
‒ Je ne permettrai pas que tu mettes mon bébé en prison.
‒ (Tapant du poing) C’est aussi mon fils et je décide de son
sort.
‒ Dans ce cas tu m'auras sur ton chemin, hausse-t-elle le ton.
Tu ne toucheras pas un seul de ses cheveux. Pourquoi déverse-
tu sur lui toute la colère que tu as à mon égard ? Il n'a rien fait.
Tu passes ton temps à le traiter comme de la merde au lieu de
discuter avec lui. Ce garçon est juste faible
psychologiquement parce qu'il lui manque l’amour de son père
en plus de n'avoir pas eu celui de sa mère.
‒ Et à qui la faute, rigole Pétra. Si tu n’étais pas une toxico…

Je bondis de mon siège lorsque Murima fonce sur elle. Je me


place en deux enjambées entre les deux.

‒ Calme la sauvageonne qui dort en toi, lui dis-je entre les


dents.
‒ Dans ce cas calme la connasse sans cervelle qui dort en ta
femme, me répond-t-elle sèchement.
‒ Sors de ce bureau.
‒ Touche un seul cheveu de mon fils demain et tu verras une
autre facette de ma sauvagerie.

Elle tourne les talons et me laisse seul avec ma femme. Je


retourne derrière mon bureau.

‒ Je suis désolé pour tout ça.


‒ Tu aurais dû y penser avant de la laisser vivre ici avec nous.
‒ Pardonne-moi de te l'avoir caché. Mais pourquoi ne m’as-tu
pas dit que tu savais ?
‒ Je voulais que ça vienne de toi. Je voulais voir si tu me
faisais suffisamment confiance pour me mettre dans la
confidence. Mais je me suis trompée. Je ne suis juste qu'une
compagnie pour toi.
‒ Ne dis pas ça. Tu as de l’importance à mes yeux.
‒ Si c’était vraiment le cas tu ne m'imposerais la vision de son
nom sur ta poitrine. A chaque fois que nous faisons l'amour
c’est son nom que je vois et je prends sur moi par amour. Mais
voilà que tu viens encore m'imposer sa personne et je vais
encore prendre sur moi parce que je t'aime. Seulement ne
compte pas sur moi pour jouer à la marelle avec elle. Je vais
dormir.

Elle sort et claque la porte. Je me laisse choir dans mon siège


dans un gros soupir. Et voilà que je me retrouve entre mon ex-
femme et ma femme. Je sens que je vais en baver.
Debout devant le miroir de la salle de bain, le torse nu après
avoir pris une douche froide pour me calmer, je regarde
longuement ce tatouage fait sur mon sein gauche, exactement
à l’emplacement de mon cœur. Murima. C’est juste ce qui y
est tatoué. Je me l’étais fait comme preuve d'amour. J’étais
tellement dingue d'elle que j'ai voulu me tatouer son nom sur
mon cœur. Elle en avait pleuré de joie lorsque je lui avais
montré. Après tout ce qui s’était passé, je n’ai pas eu le temps,
ou plutôt pas assez de courage pour l'effacer ou encore le
modifier. Je ne saurais dire pourquoi je le garde encore. Mais
ce n’est certainement pas parce que je l'aime. Ce doit plutôt
être l’habitude.

N'arrivant pas à dormir, je descends dans la cuisine me


chercher un verre d’eau. Il y en a dans mon appartement mais
en descendant j’espère voir Murima. Maintenant que je suis
plus calme j’ai pris en compte ses propos. Comme espéré, je la
trouve assise sur l'un des sièges près du plan de travail dans la
cuisine. Elle tient une poche de glace contre son visage. Elle
doit avoir mal. Le coup que Will lui a donné était quand même
violent. Je me souviens m'être plus énervé à cet instant-là. Ça
a réveillé mon instinct de protection vis-à-vis d'elle. Je reste
silencieusement à l’entrée à la regarder. Je ne m’habituerais
peut-être jamais à la voir chez moi. J’ai encore l’impression
d’être en train de rêver.
Je finis par entrer dans la cuisine. Nos regards se croisent
lorsque j'arrive près du réfrigérateur. Je prends une autre
poche et m’approche d'elle.

‒ Prends ça. L’autre doit être déglacé.


‒ Pas la peine. Je n’ai plus vraiment mal.
‒ Ok.

Je remets la poche de glace à sa place et je reviens sur mes


pas.

‒ J’ai réfléchi pour William. Tu as raison, la prison ce n’est


pas une bonne idée. Mais il doit aller en centre de désintoxe
sinon il finira par se détruire.
‒ Je sais. J’approuve cette idée bien que je ne veuille pas qu'il
s'éloigne.

Une larme s'écrase sur sa joue.

‒ L’arme n’était pas chargée, m'informe-t-elle en essuyant la


larme. Je crois qu'il a fait ça pour te pousser à bout.
‒ Faut croire qu’il aime bien ça.
‒ Ce n’est pas un mauvais garçon. Pourquoi ne prends-tu pas
le temps de discuter avec lui ?
‒ La communication ce n’est pas notre fort.
‒ Tu devrais essayer. C’est ton fils.

Elle a raison. Mais comment revenir au stade de la discussion


lorsqu’on a déjà franchi l’étape des poings ?

‒ Tu devrais aller te reposer, lui dis-je pour changer de sujet.


‒ Oui. Au fait, pour le petit ami de Xandra…
‒ Je sais. Il n’est pas fiable. Je vais garder un œil sur lui.
‒ Ok.

Je braque mon regard sur elle alors qu'elle manipule le paquet


de glaçons.

‒ Ok. Bonne nuit, lui souhaité-je.


‒ Bonne nuit.

Je marche vers la sortie de la cuisine mais une fois au pas de la


porte je me retourne. Nous échangeons un dernier regard avant
que je ne parte pour de bon.
5

MURIMA

J’écoute Djénéb d'une oreille distraite. J'ai perdu le fil après sa


première phrase. Je pense à mon fils. William. Ça fait deux
semaines qu'il est parti en cure de désintoxe en France. Je ne
comprends vraiment pas pourquoi Derrick l’a emmené si loin.
Nous avons tous été surpris qu’il accepte de partir sans
rechigner. A peine Derrick le lui a annoncé qu’il a approuvé.
Mais depuis qu’il est parti je n’ai plus aucune nouvelle de lui.
Derrick n’appelle même pas le centre pour prendre de ses
nouvelles. Je me demande pourquoi il est si froid avec Will.
J’ai mal de les voir en ennemis. J’ai mal de voir mon fils vivre
sans aucun amour. Il n'a connu ni l’amour maternel ni celui
d'un père puisqu’il est en conflit depuis des années avec
Derrick. Il faut que les choses s’arrangent entre eux. Ce n’est
pas normal que père et fils soient comme chien et chat. Ça n'a
pas de sens. Derrick aimait pourtant Will lorsqu’il était enfant.
Je me souviens que cela créait des histoires avec Travon qui
en était jaloux. Il se plaignait que son père ne lui consacrait
plus assez de temps, pourtant celui-ci leur consacrait à tous les
deux beaucoup de temps.

Je souris rien qu'en repensant à cette époque. Notre vie était


tellement plus belle. Nous n’avions pas d'autres
préoccupations que de nous aimer. Nos enfants étaient les
meilleures choses qui nous étaient arrivées, surtout après toute
la crise et les disputes qu’il y avait eu entre Derrick et ses
parents à cause de moi. Ces gens ne voulaient pas me sentir.
Leur niveau de racisme avait atteint son paroxysme. Mais cela
n'avait pas empêché Derrick de me choisir contre leur gré.
Comme j'aurais aimé qu’il me choisisse dans les moments de
trouble que nous avons connu. J'aurais aimé qu’il me choisisse
jusqu’à la fin. Faut croire que finalement ses parents ont
gagné. Tout ce que nous avons traversé n'a servi à rien.

Je pose ma tasse de café dans un long soupir qui fait


comprendre à Djénéb que je ne l'écoutais pas.

‒ Tu penses à Will ? Me questionne-t-elle.


‒ Oui. J’aimerais savoir comment il va. Derrick ne me dit rien.
‒ Tu devrais monter lui demander. Il n’est pas allé au bureau
aujourd’hui.
‒ Ah bon ? Je n'avais pas fait attention. Tu sais pourquoi ?
‒ Hum j'sais pas.
‒ Je préfère donc attendre qu'il descende. Je ne veux pas
d’histoire avec sa femme.

Nous demeurons silencieuses lorsqu’apparaît Aurelle. Puisque


le couple est à la maison nous allons devoir cuisiner un plus
grand déjeuner. D'accoutumé il n'y a jamais personne à la
maison donc nous ne cuisinons que pour nous, le jardinier et
les gardes de la maison. Eux ils occupent une petite
dépendante derrière la maison tandis que nous les femmes
occupons certaines chambres du bas des escaliers. La maison
est tellement immense qu'on ne s’entendrait pas.

Djénéb répond au téléphone de la cuisine qui sonnait et après


communication demande à Aurelle de monter dans le bureau
de Derrick avec du jus de fruit et du thé. Je me propose d'y
aller à sa place. Je vais en profiter pour demander des
nouvelles de Will.

Lorsque Derrick me voit franchir la porte de son bureau, il


bouge dans son siège comme s’il était mal à l’aise. Sa femme,
elle, me toise. Je ne m'en formalise pas. Si je veux répondre à
ses provocations je la démonterais en mille pièces. Elle n'en
vaut pas la peine. Derrick continue de discuter avec son invité.
Un homme qui semble être là pour les affaires. Pendant que je
sers, je saisis quelques brides de leur conversation. Il veut
signer un contrat de partenariat avec la boite de Derrick. La
curiosité me poussant, je jette un coup d’œil furtif sur les
documents posés devant lui. Ceux que doit signer Derrick. Je
remarque tout de suite quelque chose de louche dans les
chiffres.

Les maths, j’en ai toujours fait mon affaire. Cette matière


n'avait aucun secret pour moi. J’étais la meilleure de tout le
lycée si bien que je me présentais à des concours nationaux et
j’en remportais les prix. En classe de 4e j'avais été reçu par le
Président de la république en son temps pour féliciter mon
brillant parcours scolaire. Durant ces Vingt-deux années,
j’étudiais en prison. J’avais demandé à suivre des cours qui
faisaient partie des programmes du centre. Je passais aussi
mon temps à enseigner les détenues qui le voulaient.

J’écoute le discours que l'homme fait à Derrick pour le


convaincre de signer et c’est moi qui ne suis pas convaincue.
Derrick quant à lui paraît déjà séduit. C’est normal. Cet
homme a la tchatche. Derrick aussi a toujours eu un peu de
mal avec les gros chiffres. Je comprends pourquoi c’est
Travon qui s’occupe de ce côté. D’ailleurs il devrait lui parler
de ce contrat avant de le signer mais apparemment il fera le
contraire. Je me racle la gorge pour lui faire signe. Il me
regarde.

‒ Désolée Monsieur, pourrais-je m’entretenir avec vous un


instant ?
‒ Ne vois-tu pas qu’il est occupé ? Me lance l'autre conne.

Je fixe Derrick avec insistance. Il n'a pas l'air de vouloir


bouger.

‒ Plus tard. Je suis occupé, répond-t-il.

Cet homme est trop idiot. Il récupère les documents des mains
de son invité. Je me racle la gorge. Il me regarde
méchamment. Je lui fais signe de la tête de ne pas signer. Il
plisse les yeux. Je baisse les yeux sur les documents, les relève
sur lui et lui fais non de la tête. Il roule les yeux.

‒ Veuillez me donner un instant très cher, dit-il à son invité.

Je le suis jusqu’à une bonne distance hors de son bureau.

‒ Quoi ?
‒ Cet homme veut te gruger.
‒ Tu es sérieuse ? Fait-il dans un ton de reproche.
‒ Oui. J’ai jeté un coup d’œil aux documents et les chiffres
que j’ai vu ne me sont pas fiables.
‒ Tu as passé Vingt-deux ans en prison et tu crois encore
comprendre les maths ? Tu devrais peut-être suivre des cours
en ligne.
‒ Derrick !

Il me plante et retourne dans son bureau. Je le suis. Je ne vais


pas le laisser jeter à la fenêtre l’héritage de mes enfants. Je
récupère le plateau et lorsque je le vois sur le point de poser sa
signature sur les documents, je renverse tout le jus dessus.

‒ Merde Murima ! Hurle-t-il en se levant pour éviter à son


pantalon d’être encore plus mouillé par le jus.
‒ Désolée Monsieur.
Il me fusille du regard. Je le fixe sans ciller. Il me prend par le
bras et me fait sortir de force.

‒ Je peux savoir c’est quoi ton problème ? Vocifère-t-il.


‒ Arrête de gueuler et apporte ces documents à Travon pour
qu’il les examine. Mtchrrr.

Je quitte ses appartements avec satisfaction. Mais j’ai oublié


de parler de Will. J’attendrai quand il sera plus calme. En
descendant les escaliers, j'entends des reniflements. Je crois
que quelqu’un pleure. Je marche en suivant la voix. Ça vient
de la chambre de Travon et sa femme. La porte est légèrement
ouverte. Je vois Imelda, la femme de Travon pleurant assise à
même le sol. Je cogne et entre. Quand elle s’aperçoit de ma
présence elle se nettoie prestement le visage.

‒ Que fais-tu dans ma chambre ? Me demande-t-elle en se


relevant. Tu n'as pas le droit d'y entrer.
‒ Je suis désolée. J’ai entendu des pleurs.
‒ Ce n’est rien. Tu peux t'en aller.

Elle s'assoit sur le lit et sans pouvoir se retenir elle


recommence à pleurer.

‒ Sors de cette chambre, fait-elle entre ses pleurs.


Plutôt que d’obéir, je pose le plateau et me rapproche d'elle. Je
me permets de m’asseoir sur le lit près d’elle et je la prends
dans mes bras. Elle s'y jette automatiquement.

‒ Je ne veux pas perdre mon mari. Je l'aime tellement.

Je la laisse se vider en lui caressant les cheveux. Elle pleure


pendant un bon moment avant de se calmer. Je lui tends un
papier mouchoir avec lequel elle se nettoie le visage.

‒ Je suis désolée, s’excuse-t-elle avec gêne.


‒ Tu n'as pas à l’être. Tu peux me parler tu sais.
‒ Non. Je ne veux pas t'emmerder avec mes histoires de
couple.
‒ Ce n’est pas le cas. Je vois clairement que tu as envie de
parler à quelqu’un.

Elle ne me contredit pas.

‒ Vas-y donc, je t’écoute.

Elle reste un moment à hésiter avant de se lancer.


‒ Entre Travon et moi ça ne va plus. Surtout depuis que le
Docteur de la famille nous a appris que ça venait de moi le
problème d’enfantement de notre couple. Travon est devenu
distant parce qu’il sait que je lui cache quelque chose. Il ne me
touche plus au lit et quand il se force à le faire c’est sans
passion, sans amour, sans envie. Mon Dieu je crois qu'il voit
une autre.
‒ Eh, ne dis pas ça tant que tu n'as pas de preuve. Mais tu lui
caches bien quelque chose ?
‒ Oui, avoue-t-elle en baissant la tête. Disons deux choses. Je
me suis faîtes avorter quand j’étais plus jeune. Je n’ai jamais
eu le courage de le dire à Travon de peur qu’il me juge et ne
veuille plus de moi.
‒ Et la deuxième ?

Elle se remet à pleurer.

‒ Après un an de mariage et de traitement que je suivais en


cachette, je suis tombée enceinte mais je n'en savais rien. Me
sentant mal j'ai pris des comprimés qui m'ont illico fait avorter
et depuis je n'arrive plus à tomber enceinte, termine-t-elle en
repartant dans un autre sanglot. Je m'en veux tellement si tu
savais.
‒ Oh viens là ma chérie !
Je la reprends dans mes bras où elle pleure tout son saoul. J’ai
mal de la voir ainsi pleurer. Elle ne devait pas gérer ça toute
seule.

‒ Tu devrais tout dire à Travon.


‒ Quoi, hurle-t-elle en se relevant. Il va me tuer. Travon est
très calme mais en même temps très colérique. Tu n'as pas
idée des dégâts qu'il peut causer lorsqu’il pète une durite.
‒ Mais tu dois pourtant le lui dire. Il soupçonne déjà quelque
chose et ça le rend distant envers toi donc pourquoi ne pas tout
lui avouer une bonne fois ? Vous pourrez ensuite trouver une
solution.
‒ Je ne veux pas le perdre Murima. Je n’ai personne d’autre
que lui. Mes parents m’ont renié parce que je voulais me
marier avec le petit fils d'une femme sans cœur.

Dame WILLAR. Cette femme cause toujours des problèmes


aux gens.

‒ Écoute-moi ma belle, tu dois parler à ton mari avant qu’il ne


l’apprenne autrement. Mieux vaut mourir pour avoir dit la
vérité que de vivre dans le mensonge. S'il t'aime réellement il
te pardonnera.
‒ Tu penses que c’est le mieux à faire ?
‒ Oui.
‒ D’accord je vais faire ça. (Souriant) Merci beaucoup. Ça m'a
fait du bien de parler à quelqu’un. Je ne suis proche de
personne dans cette famille.
‒ Je serai très ravie d’être ta confidente. Je m'ennuie d’ailleurs
dans cette maison. Ça ne me ferait pas de mal de jouer la
conseillère matrimoniale.

Elle sourit encore plus. Je la laisse seule et je retourne dans la


cuisine, satisfaite d’avoir pu aider ma belle-fille. Ça me
plairait de voir mes petits-enfants.

Ce soir pour le dîner j’ai préféré rester dans la cuisine plutôt


que de me rendre près de la famille. Je préfère me passer ce
soir des regards en biais de Pétra. Je ne sais vraiment pas
pourquoi elle me voit en son ennemi alors que je ne suis même
pas là pour elle, encore moins pour son mari. Seuls mes
enfants m’intéressent. Mais une chose est sûre, si elle me
cherche des noises je me ferais un plaisir de lui en servir sur
un plateau d'argent. La connasse ne sait pas encore de quel
bois je me chauffe mais elle va le découvrir si elle ne me lâche
pas aux basques. Assise dans un coin de la cuisine, je savoure
du lait chaud. Le temps est un peu frais ces jours-ci. Je me
balade un peu dans mon esprit en buvant à contre goutte mon
lait.

Il m’est arrivé plus d'une fois de me demander qui aurait bien


pu mettre ce sac de drogue chez nous pour m'incriminer. Seuls
Derrick et moi avions les clés de notre appartement. Qui
d’autre aurait pu y avoir accès ? Ce doit sans doute être un
proche de nous. Mais mes idées convergent plus vers mon ex
belle-mère à défaut de Josky. Cette femme n'avait de cesse de
me menacer qu'elle ferait de ma vie un enfer parce que je
refusais de quitter son fils, même contre les millions qu'elle
m'avait proposé en échange. Qui que ce soit, cette personne a
vraiment réussi à gâcher ma vie. J’ai perdu mon homme et
mes enfants. Ils ont grandi sans moi. Et le pire c’est qu’ils me
croient morte. Derrick a franchement merdé sur ce coup.

Derrick.

Malgré moi, je me remets à penser à lui. Cet homme, Dieu que


je l'ai aimé. Avant lui je n'avais d'yeux que pour mes études.
Les amourettes ne faisaient pas partie de mes priorités. Mes
ambitions d’être une grande dame de ce pays m’obligeaient à
bosser comme une forcenée. Mais cet homme a tout
chamboulé. Je me rappelle comme si c’était hier de notre
première nuit. Comme j’ai adoré cette nuit. Même en prison
j'y repensais encore et encore. C’était ma première fois et
c’était magique. Même les autres fois qui ont suivi n'ont pu
égaler cette nuit-là. Derrick savait y faire avec mon corps. Il
en connaissait chaque parcelle par cœur. J'avais déjà de
l’attirance pour lui, mais cette nuit-là, je suis tombée follement
amoureuse de lui.

Je reviens à moi en frissonnant. Tout ça fait partie du passé


maintenant. Je dois me concentrer sur mes trois bébés. Je
regarde justement Xandra faire son entrée dans la cuisine. Elle
ne s’aperçoit pas de ma présence dans le fond. Je la suis du
regard dans tous ses mouvements. Elle ouvre l'une des deux
portes du frigo et sort une poche de glaçons. Je plisse les yeux
lorsque je vois dans le bas de son dos un énorme bleu sur
lequel elle pose le glaçon.

‒ Oh putain ça fait mal, gémit-elle douloureusement.

Je me rapproche lentement d'elle sans faire de bruit. Plus je


suis proche, plus je vois avec netteté le bleu.

‒ Qui t'a fait ça ?

Elle sursaute et risque même de tomber.

‒ Bordel mais d’où tu sors toi ?


‒ Qui t'a fait ce bleu ?
‒ Je ne vois pas de quoi tu parles, ment-elle en tirant son haut.
‒ J’ai bien vu un bleu.
‒ Ce ne sont pas tes oignons. Tout ton souci doit être de faire
la cuisine et le ménage donc fiche-moi la paix.

Cette fille sait-elle que je peux la cogner sans que son père ne
puisse broncher ?
‒ Et puis je t’interdis d'en parler à qui que ce soit sinon tu le
regretteras.

Elle sort de la cuisine. Je suis sur le point de la suivre lorsque


deux personnes font leur entrer. Daniel et sa femme Mélodie.
Celle-ci me tombe dans les bras en pleure.

‒ Oh mon Dieu Murima ! C’est donc vrai que tu es libre. Je ne


croyais pas lorsque Daniel me l’a appris. Oh God comme je
suis heureuse de te revoir.

Elle se lance dans une jérémiade sans fin. Je la regarde,


indifférente à toutes ses larmes. Ils m'ont tous abandonné
quand j’étais en tôle donc qu’ils ne viennent pas se la jouer
meilleurs amis. Ils ne le sont plus.

‒ Chérie ça suffit, lui dit son mari.

Elle se calme.

‒ Je suis heureuse de te revoir. Surtout en aussi bonne santé.


‒ Sinon que tu savais où je me cachais, lui dis-je avec
sarcasme. Tu avais la possibilité de m'y voir comme bon te
semblait. Je n'avais pas fugué.
‒ Je suis sincèrement désolée Murima. Nous le sommes
Daniel et moi. Tout t'incriminait tu vois. Alors nous étions
obligés de couper tout contact avec toi de peur d’être vu
comme des complices.
‒ Donc maintenant je suppose que vous croyez en mon
innocence ?
‒ Murima…
‒ Non ça va, coupé-je Daniel qui essayait d'en rajouter. Je ne
suis pas là pour faire ami-ami donc rester dans votre monde.
‒ Murima, nous restons des amis malgré tout, reprend Daniel.
Maintenant que tu es libre, nous pouvons repartir sur de
nouvelles bases. Donne-nous la possibilité de nous racheter
vis-à-vis de toi.
‒ Faîtes comme bon vous semble. Comme je l’ai dit, je ne suis
pas ici pour ça.
‒ Mais tu me permettras de venir de temps en temps discuter
avec toi ? Demande Mélodie. Tu m'as tellement manqué si tu
savais.

Je les regarde à tour de rôle. Mélodie a toujours été la plus


douce de notre bande. C’est ce qui m'a fait l’apprécier dès le
premier contact. A elle je ne peux vraiment en vouloir. Elle est
d’ailleurs la seule à être venue me voir deux fois lorsque
j’étais en prison avant de disparaître.

‒ Ok.

*Mona
*LYS

Djénéb et moi parcourons les rayons du supermarché avec nos


cadis. Nous faisons le ravitaillement du mois en denrée. J'ai
profité de cette sortie pour m’acheter des trucs personnels. Le
salaire que Derrick m'a attribué m'est largement suffisant
surtout que je n'ai aucune charge. Je fais donc des économies
pour pouvoir plus tard me prendre un appartement. Je ne
compte pas rester dans cette maison indéfiniment. J'attendrai
de m'être bien intégrée dans la vie des enfants avant de quitter
la maison. Je continuerai à venir travailler jusqu’à ce qu'ils
m'adoptent totalement et m’apprécient.

‒ Bonjour madame.

Je relève la tête vers un homme dont le visage me semble


familier.

‒ Oui bonjour, lui répondé-je.


‒ Désolé de vous déranger. Je suis un ami à votre employeur.
Derrick WILLAR. J’étais à la dernière soirée chez lui.
‒ Ah oui je vois.
‒ C’est Monsieur Clinton ELDER, se présente-t-il en me
tendant la main.
‒ Murima ITSIEMBOU, me présenté-je à mon tour en la
saisissant.
‒ J’ai eu l’accord de votre patron pour vous approcher.

Ah bon ?

‒ Est-ce qu’il est possible qu'on échange les contacts ? Enfin


si cela ne vous dérange pas.

Je m’apprête à lui dire non gentiment quand Djénéb me


devance en lui prenant sa carte.

‒ Non pas du tout, lui répond-t-elle.

Je la regarde. Elle me fait des gros yeux. Je me retourne vers


l'homme qui est très beau et très élégant je dois l’admettre. Un
homme blanc grand de taille avec des yeux marrons.

‒ Je n’ai pas de carte. Donnez votre portable que j'y inscrive


mon numéro.

Il le fait à la hâte. Une fois les contacts échangés, il nous


souhaite une belle fin de journée et retourne à ses courses.

‒ Je peux savoir ce qui t'a pris ? Grondé-je Djénéb.


‒ Ah tantine pardon. Je savais que tu refuserais de lui donner
ton numéro pourtant cet homme est trop bien. C’est même le
seul ami de tonton qui est sérieux. Moi je ne veux pas que tu
restes sans homme. Je veux que tu sois heureuse.
‒ Il n'y a que mes enfants qui m’importent pour l'heure. Je n'ai
pas le temps pour l’amour. Toi par contre je ne comprends pas
pourquoi tu n'es pas encore mariée. Tu as Quarante ans que je
sache.
‒ Je sais. Mais je t'avais promis prendre soin des enfants et
c’est ce que j’ai fait toutes ces années. Si je me mariais j'allais
m’éloigner d’eux.
‒ Donc maintenant que je suis de retour tu peux te marier.
‒ Hum. Qui me prendra encore à mon âge ?
‒ Tu ne fais même pas Quarante ans. Tu es une très belle
femme ma chérie. Dieu t’enverra un homme bon.
‒ Inch’Allah.

Nous terminons les courses, réglons tout à la caisse et c’est en


rigolant que nous nous dirigeons vers la voiture. Le chauffeur
vient nous porter main forte en plus de l’agent du
supermarché. A peine il me libère de ce que j'avais en main
que je heurte quelqu’un.

‒ Oh je suis déso…

Mon sang arrête de circuler face à l'homme devant moi. Non


pas lui. Un sourire diabolique étire ses lèvres.
‒ Tiens tiens qui voilà ? On m'avait pourtant dit que tu étais en
liberté mais je n’y ai pas cru.

Il glisse sur moi un regard désireux et pervers. Mon ancien


maître dealer, celui qui a pourri ma vie, celui qui m’a rendu
deux fois plus accro à la drogue est juste devant moi. Je suis
certaine à 90% que c’est lui qui m’a fait croupir en prison.

Je recule de frayeur. Je n’ai pas peur de lui personnellement.


Mais j’ai peur que pour m'atteindre de nouveau il s’en prenne
à mes enfants comme il comptait le faire dans le passé.

‒ Je vois que la prison n'a rien enlevé à ta beauté.

Il lève la main vers moi mais je fais un pas en arrière.

‒ Je ne t'ai jamais oublié mon cœur. Ma proposition est encore


d’actualité. Ta place est toujours bien au frais à mes côtés.
‒ N'essaie même pas de t’approcher de moi ou de rentrer en
contact avec moi. Reste loin de ma vie.

Djénéb vient vers nous.

‒ Tantine ça va ?
Lorsqu’il la voit il plisse les yeux.

‒ Tu es retournée chez cet homme qui t'a abandonné quand


moi je te soutenais ? Tu es toujours aussi ingrate et stupide à
ce que je vois.

J’ai envie de hurler, de le tuer, de le faire disparaître en


pensant à tout ce qu'il serait capable de faire pour m'avoir de
nouveau. Pourquoi diable l'ai-je rencontré ? Sans un mot, je
pousse Djénéb vers la voiture dans laquelle nous nous
engouffrons à la hâte. J’ordonne au chauffeur de quitter les
lieux illico.

‒ Tantine c’était qui ?


‒ Une personne que j'aurais préféré morte.

Je ne prête aucune attention au regard intrigué qu'elle me


lance. Dieu seul sait ce dont cet homme est capable. Avant il
avait du pouvoir alors qu’il n’était qu'au bas de l’échelle dans
le domaine de la drogue. Mais maintenant je suis certaine qu’il
a beaucoup plus de pouvoir. J’ai remarqué son apparence
hyper soignée. J’ai remarqué les hommes de mains qui le
suivaient. J’ai surtout senti l'arme qu'il dissimulait dans sa
ceinture lorsque je l'ai percuté.

Cet homme est dangereux.


Il m'a toujours voulu rien que pour lui seul, raison pour
laquelle il s’est fait l’ennemi numéro un de Derrick. Il avait
tout essayé dans le temps pour nous séparer. Des menaces de
mort, des accidents ratés, des agressions et j’en passe. C’est ce
qui avait poussé Derrick à m’imposer des cours de Judo et de
Taekwondo pour que je puisse me défendre. Lui les suivait
déjà depuis son enfance. Mais maintenant que cet homme sait
que je suis de retour, je crains qu'il recommence ses
manigances.

‒ Mon Dieu, protège mes enfants, murmuré-je. Protège


Derrick.

***DANS L’OMBRE

‒ Elle est de retour, plus vite que prévu, et ce n’est pas bon
pour nous.
‒ Il n’y a rien de grave. Elle est juste là pour ses enfants.
‒ Mais diantre c’est grave, dis-je en tapant du poing. Qui dit
ses enfants dit Derrick et qui dit Derrick dit amour. Les deux
dans la même maison ? Nous savons déjà ce qui va se passer.
Nous ne pouvons permettre une telle chose.
‒ Je pense que pour l’heure nous devons juste observer. S’il
commence à y avoir un rapprochement entre les deux nous
interviendrons.

Je réfléchis un instant.
‒ Tu as raison. Nous avons bien pu les séparer une première
fois. Ce sera un jeu d’enfant. Nous allons donc les suivre de
près. Mais n’oublie pas que tout ce que nous faisons c’est pour
toi et moi. Tu veux Derrick et je veux Murima. Je ne l’aurais
peut-être jamais mais je ne permettrai à personne d’autre de
l’avoir, surtout Derrick.

Je tire sur mon cigare.

‒ J’ai une idée. Nous ne sommes pas les seuls à vouloir


séparer ces deux-là. Je crois bien que d’autres personnes
rejoindront notre bateau.
‒ A qui penses-tu ?

Je souris.

‒ Tu verras bien. Maintenant viens sucer ton bonbon. Ça me


permet de mieux réfléchir.

Elle ouvre ma braguette et s’exécute. Murima, ma belle


Murima. La seule femme que j’ai jamais aimé. Tu n’aurais pas
dû revenir. Si tu n’es pas à moi, tu ne seras pas non plus à
Derrick. C’est moi ou personne. Cet imbécile ne te mérite pas.
Tu vas devoir retourner en prison ou mourir cette fois parce
que je refuse que tu te remettes avec cet enfoiré de Derrick
WILLAR.
6

TRAVON YITU WILLAR

Je bois la dernière goutte du thé qui me permet d’être encore


éveillé jusqu’à cette heure tardive de la nuit. Je fais craquer
ma nuque en exaltant un soupir. Je me dois de boucler certains
dossiers cette nuit. Je peux très bien le faire plus tard mais j’ai
pris l’habitude de travailler tardivement. Le silence m’aide à
mieux me concentrer. Le calme de la nuit m’aide à réfléchir
plus posément. Il faut que j’aille me faire une autre tasse de
thé à la cuisine si je veux tenir encore longtemps. En me
massant l’arête du nez je sors de la pièce nouvellement
aménagée pour qu'elle me serve de bureau. Une fois dans la
cuisine, je lave la tasse déjà utilisée et je commence à me
préparer une autre tasse de thé.

‒ Tu ne dors pas ?

J’émets un léger sursaut en me retournant vers la voix. C'est


Murima, la nouvelle gouvernante.

‒ Non j’ai du boulot. J’avais besoin de thé.


‒ Laisse je t'en fais.
Avant que je ne puisse lui dire de ne pas se déranger elle m'a
déjà pris le sachet de thé des mains. Je m’éloigne en la
regardant faire. Arrêté derrière elle je me creuse les méninges
la concernant. C’est fou mais j’ai cette sensation de la
connaître. Peut-être que ça remonte à mon enfance ou peut-
être l'ai-je déjà vu lors d'un de mes nombreux voyages
d’affaires. Je remarque sur le dos de son épaule, un tatouage.
Je vois juste trois lettres ‘‘TRA’’

‒ Voilà. Tiens.

Elle me tend la tasse avec un sourire et un regard plein de


tendresse.

‒ Merci, lui dis-je doucement.


‒ Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais il
est peut-être temps de rejoindre ta femme dans le lit. Elle doit
se sentir seule.
‒ Je ne vais plus tarder. Encore merci pour le thé.

Je retourne à mon bureau en buvant le thé qui est beaucoup


mieux fait que ce que je m’étais fait la première fois. Je
reprends le boulot là où je l'avais stoppé.

Je suis ce qu'on peut appeler un obsédé du travail. Mon père


m'a élevé ainsi. Le travail, toujours le travail et rien que le
travail. Il n'a cessé de me dire que je serais celui qui prendrait
les rênes de l’entreprise familiale. Il m'a formé comme le
prochain chef de famille. J’ai grandi sans connaître ce que
c’était que de s'amuser en boite et tout le reste. Mon quotidien
c’était Maison-Ecole, Ecole-Entreprise, Entreprise-Maison. Ça
a été comme ça toute ma vie. Je ne connais rien d’autre. J’ai
été initié à l’entreprise dès mes 16 ans. C’est seulement
lorsque j’ai atteint la majorité que j’ai commencé peu à peu à
me détendre, à faire des sorties même si je les faisais que très
rarement parce que j'avais toujours mieux à faire. Je ne suis
pas très sociable donc les amis, je n'en ai pas vraiment. Mais
des connaissances j’en ai plein à faire craquer mon carnet
d’adresses.

‒ Travon ?

Je lève les yeux sur mon père qui entre dans mon bureau en
desserrant sa cravate. Il revient d'un diner d’affaires.

‒ Que fais-tu encore debout ? M’interroge-t-il.


‒ J'analysais le contrat que tu m’as apporté hier. La personne
qui t'a prévenu que les chiffres étaient truqués avait raison.
Nous allions nous faire gruger des millions en un clin d’œil.
Tu le sors d’où ce partenaire ?
‒ Une connaissance à Pétra.
‒ Tu ne devrais pas faire confiance aux gens si facilement
simplement parce qu’ils sont des connaissances à ta femme.
‒ Je sais fiston. J’ai manqué de tact sur ce coup mais ça ne
saurait se reproduire.
‒ Bien. Comment était le diner ?
‒ Très bien ? Au fait, j’ai besoin que tu me représentes après
demain à une conférence. C’est en Suisse et le vol est prévu
dans la nuit de demain.
‒ Ok j’irai.
‒ Merci. Je monte me coucher. Tu devrais en faire autant.
‒ Tout de suite papa.
‒ Bonne nuit fiston.
‒ Bonne nuit.

Il se retourne vers la porte.

‒ Papa attends.
‒ Quoi ? Fait-il en se retournant vers moi.
‒ Cette femme, Murima, la nouvelle gouvernante. Était-elle
dans le même quartier que nous avant ou quelque chose du
genre ?
‒ Pourquoi ? Demande-t-il les sourcils froncés.
‒ Elle m'est familière. Je ne me rappelle pas l'avoir vu dans
mon état adulte alors c’est sûrement lorsque j’étais gosse.
‒ Non. C’est la première fois que nous la fréquentons.
‒ Ok.
Il part pour de bon cette fois. Je termine en une quinzaine de
minutes ce que je faisais et je monte me mettre au lit à mon
tour. Tout le monde dort déjà. Je me mets au lit près de ma
femme après une douche rapide. A peine je m’allonge qu'elle
se tourne vers moi. Son bras m'encercle la taille et sa main
glisse lentement vers mon boxer. Je l’attrape au moment où
elle empoigne mon sexe.

‒ Pas ce soir s'il te plaît.

Elle soupire, retire sa main et me donne dos. Je m'endors en un


rien de temps.

Quand je ressors de la salle de bain, je vois Imelda assise sur


le lit occupée à se triturer les doigts. Je commence à me vêtir
sans en tenir compte.

‒ Bébé, j’ai… besoin de te parler, me dit-elle, l’hésitation dans


la voix.
‒ Si ce n’est pas urgent ça pourrait attendre ce soir à mon
retour.
‒ Justement ça l'est.
‒ Ok.
Je m'installe sur un pouffe. Elle continue son manège avec ses
doigts.

‒ Je… je dois t'avouer quelque chose, commence-t-elle la tête


baissée. C’est en rapport avec le fait que je n’arrive pas à
concevoir.

Je ne suis pas très surpris qu’elle veuille m’avouer quelque


chose parce que je sais qu’elle me cache quelque chose.
Seulement je ne sais pas quoi. Le Docteur nous avait annoncé
que le problème de conception venait d'elle mais il n'a pas
signifié le problème exactement. Il a juste dit que c’était à elle
de m’en parler. Je lui ai posé plus d’une fois la question et elle
est restée dans le mutisme. C’est ce qui justifie mon
éloignement et mon indifférence vis-à-vis d'elle. Je ne peux
pas continuer à la chérir tout en sachant qu’elle me cache
quelque chose d’important.

‒ Voilà, lorsque j’étais plus jeune j’ai… eu recours à un


avortement.

Je lève les pupilles sur elle. Là je suis surpris d'autant plus que
jamais elle ne m'avait parlé d’un tel truc.

‒ Mes parents ont exigé que je le fasse pour ne pas


interrompre mon cursus scolaire vu que j'avais seize ans.
‒ Woh woh stop. Tu as fait un avortement à seize ans ?
‒ Oui et je n'en suis pas fière. Mais je…

Je me lève et fais un tour sur moi.

‒ Lorsque je t'ai rencontré tu m'as dit n'avoir connu que deux


hommes dans ta vie et que ça datait de l’année d’avant notre
rencontre. Tu m'avais donc menti ?
‒ Je te demande pardon. Je…
‒ Je n'ose imaginer le nombre d'homme avec qui tu as couché
de tes seize ans jusqu’à tes vingt-cinq ans où je t’ai épousée.
Combien d’avortement as-tu fait dans cet intervalle ? Et je
veux la vérité.

Elle baisse la tête.

‒ Chéri !
‒ COMBIEN BORDEL ???

Elle sursaute de peur et fais un mouvement de recul sur le lit.

‒ Trois, avoue-t-elle dans un sanglot.


‒ Mon Dieu ! Déglutis-je, sonné par cette révélation.
‒ Travon je te demande pardon. Je ne voulais pas te perdre
raison pour laquelle je t’ai caché mes mésaventures.
‒ Que tu aies couché avec des hommes ne m’intéresse guère.
Mais que tu aies pratiqué jusqu’à trois avortements, tu étais
dans l’obligation de me le dire surtout qu’on était appelé à
avoir des enfants.
‒ Mon amour pardonne-moi. Je craignais que tu me juges.
‒ Que je te juge ? Comment aurais-tu qualifié toi une fille
dans ce cas ? Ne l’aurais-tu pas traité de trainée ? Une fille qui
couche à tout va et qui interrompt ses grossesses, comment
crois-tu qu'on l’appelle ? Mon Dieu j’ai épousé une pute.
‒ Travon je t'en supplie ne me dis pas ça, m'implore-t-elle, se
jetant à mes pieds et en pleurant de plus en plus. J'avais
changé de vie avant de te rencontrer. J'avais de ce fait coupé
avec tous les hommes jusqu’à faire une année sans rapports
sexuels ou relation amoureuse parce que je m’étais imposée
que le prochain qui me verrait nue serait celui qui m'aurait mis
la bague au doigt. Et tu es arrivée Travon. Je suis tombée folle
amoureuse de toi au point où je me voyais déjà ta femme.
J'avais changé.
‒ Mais tes trompes non. Tu as vécu ta vie comme tu
l’entendais et aujourd’hui c’est à moi d’en payer les frais. Je
désire être père mais je dois subir le macabre passé de ma
femme. Si au moins j'en avais été informé j'aurais su comment
gérer. Tu m'as menti et je ne te le pardonnerai jamais.
‒ Bébé pardonne-moi je t'en supplie. Mes trompes sont encore
fonctionnelles. Je suis déjà tombée enceinte de toi.
‒ Ah bon ? Et où est l'enfant ?
Elle se mordille la lèvre comme regrettant d'avoir fait sortir sa
phrase.

‒ Je l'ai aussi perdu. Mais c’était un accident. Je ne savais


même pas que j’étais enceinte. Il y encore de l’espoir mon
amour. On peut encore avoir des enfants.
‒ La bonne blague. Tu sais ce que moi je pense ? Que ce
mariage doit prendre fin maintenant. Tu as brisé tous nos
vœux. Une relation bâtie sur le mensonge n’a aucun sens.
‒ Oh mon Dieu non ! Non Travon je t'en supplie ne fais pas
ça. Je ferai tout ce que je peux pour te donner des enfants. Je
t'en supplie ne me laisse pas. Tu es ma seule famille. Je n’ai
personne d’autre. Travon mon amour.

Elle continue de pleurer et de me supplier mais je ne m'occupe


guère. Je termine de me préparer, je récupère mon attaché-case
et je sors de la chambre. Elle me suit en me suppliant. Même
dans les marches elle continue. Je suis tout simplement en
colère. Je lui claque la porte au nez et je démarre en trombe
une fois dans ma voiture. Je suis tellement en colère.

‒ Merde, merde, merde ! grogné-je en cognant sur le volant.

Je voyais en elle la femme parfaite. Elle m'a menti. Qu'elle ait


couché avec la terre entière, ce n’est pas mon problème. Mais
qu'elle m’ait caché ses avortements je dis non. C’est plus que
ce que je ne peux tolérer. J’ai horreur du mensonge. Je peux
tout accepter lorsqu’il y a la franchise. Mais lorsqu’on me
ment je sors de mes gongs. Je l'aime cette femme. De façon
déraisonnable. Mais je ne pense pas pouvoir lui pardonner
cette tromperie.

Elle a été mon premier coup de foudre et ma première fois.


Pour ne pas mener une vie de débauche à coucher avec toutes
les filles qui rencontraient mon chemin, j'avais décidé d'avoir
mes premiers rapports avec ma femme. C’est ce que j’ai fait
avec Imelda. Après juste un an de relation je l'ai épousé. Je
voyais en elle la mère de mes enfants mais surtout ma mère
que je n'ai pas eu la chance de connaître. Je lui ai fait part de
toutes mes craintes, toutes mes douleurs, tous mes rêves. Mais
elle n'en a pas fait autant. Je me sens trahi. Trahi de m’être
livré corps et âme à une personne qui m'a fait croire qu'elle
avait fait pareil alors que non. Je ne crois pas que je serais en
mesure de l'aimer comme avant. Son mensonge a brisé
quelque chose en moi.

Toute la journée au bureau je ne fais que ruminer. Impossible


pour moi de me concentrer sur les dossiers à traiter. J’ai
encore du mal à avaler cette révélation. Elle sait parfaitement
que dès l’instant où mes yeux se sont posés sur elle dans ce
restaurant, je suis tombé raide dingue d'elle. Alors comment a-
t-elle pu penser que je l’aurais quitté si elle m'avait raconté son
passé ? Ce ne sont rien d'autres que des excuses. Oui, tous
ceux qui mentent prennent comme arguments qu'ils avaient
peur de perdre l'amour de l’autre. Bah non les choses ne se
passent pas comme ça. Tu dis la vérité et si l'autre part c’est
qu'elle ne t'aimait pas assez. Moi je l'aurais quand même
épousé malgré ce détail. Mais maintenant qu'elle me le
balance après deux ans de mariage je ne crois pas avoir la
force nécessaire pour passer aussi facilement dessus. Non pas
pour le moment.

Un coup est donné sur la porte de mon bureau et la seconde


d’après mon père entre.

‒ Ça va fiston ?

Je range ma bouteille de cognac dans mon tiroir.

‒ Oui papa. Tu as besoin de quelque chose ?


‒ Non. Mais ce matin j’ai entendu Imelda pleurer. Tout va
bien ?
‒ Oui. Oui. On traverse une mauvaise passe. Rien de grave.
‒ Rien de grave et tu bois au bureau ?

Je me masse le visage.

‒ Je n’ai pas pour habitude de me mêler de vos vies privées


mais si tu sens que c’est trop lourd à porter, tu peux m'en
parler.
‒ Je sais papa. Merci c’est gentil. Mais ça va je peux gérer.
‒ Ok. Je me rends donc à un rendez-vous. On se dit à plus
tard.
‒ Oui.

Il me laisse de nouveau seul dans mon bureau. Je ressors ma


bouteille et me sert un autre verre. Il faut que je me concentre,
surtout que je repose mon esprit pour mon vol ce soir. J'appuie
sur le combiné pour faire rappliquer Debby, mon assistante
personnelle. Elle ne tarde pas à me rejoindre. Je lui demande
son aide pour boucler les dossiers. Je dois finir avec avant de
prendre l'avion le soir. Ça me fera du boulot en moins.

‒ Monsieur vous allez bien ? S’inquiète Debby après m'avoir


vu me masser les tempes plus d'une fois.
‒ Oui ça va.
‒ Vous avez besoin d'un massage ?

J’arque un sourcil dans sa direction. Je ne suis pas sans ignorer


que je ne laisse pas mon assistante indifférente. Elle n'a jamais
manqué une occasion de me lancer des signaux. Seulement je
ne suis pas un homme volage. Je n’ai connu que Imelda
comme femme et même si je devais en connaitre d'autres, je
divorcerais d’abord d'elle. Tels sont les principes que je me
suis toujours imposés.
‒ Tu rentreras tôt aujourd’hui pour avoir le temps de te reposer
avant l'heure du vol, lui dis-je, ignorant sa proposition
indécente.

Si je ne la renvoie toujours pas c'est uniquement parce que je


sais qu'elle a besoin d'argent pour subvenir à ses besoins et à
ceux de son fils de cinq ans dont le père a fui la responsabilité.

‒ Moi je resterai deux jours de plus mais toi tu pourras rentrer


juste après la conférence.
‒ C’est compris Monsieur.

Nous sommes dérangés par les appels incessants de ma


femme. Je les ignore tous. Un moment, las, je mets le portable
sous silence.

‒ Un problème avec votre femme ?


‒ Ton rôle c’est de m'aider à accomplir mes tâches
journalières. Rien de plus.
‒ Désolée Monsieur.

Je la congédie sans plus attendre. Je déteste les aguicheuses.


Ma femme m'a déjà pourri la journée je ne vais pas encore
supporter mon assistante. S’il n'y avait pas eu son fils, je me
serais volontiers passé d’elle.
La discussion du dîner de ce soir tourne autour de Will qui est
en centre de désintoxe. Je n’ai personnellement pas de ses
nouvelles et je sais que mon père non plus. J'aime mon frère
mais notre relation n’est pas ce qu'on pourrait qualifier de
spéciale. Nous ne sommes plus très proches parce que déjà
nous avons grandi avec chacun ses priorités. Il a fait le choix
de la drogue, chose qui me peine au plus grand point. Plus
jeunes, nous étions inséparables mais en grandissant
l’éloignement a eu raison de nous. Je me contente d’espérer de
loin qu'il se ressaisisse et revienne à de meilleurs sentiments.

‒ Bref changeons de sujet. Ce gosse me donne des céphalées,


clos ma grand-mère qui dîne avec nous ce soir. Imelda, tu es la
seule belle-fille de la famille et jusque-là aucun héritier.
Qu’attends-tu ?

Mon regard rencontre celui de ma femme. Elle baisse le sien,


le visage rempli de gêne. Elle ne répond pas à ma grand-mère.

‒ Mon Dieu regarde l’éducation de cette fille. Je te pose une


question et tu n'as pas la décence de me répondre. A quoi sers-
tu dans cette maison si tu ne peux au moins donner une
descendance à mon petit fils ? Tu crois qu’il t'a épousé juste
pour que tu fasses la belle ?
‒ Maman s'il te plaît, intervient mon père.
‒ Ne suis-je pas libre de m’exprimer ? Tout ça c’est ta faute.
Ton père et moi t'avions formellement interdit d’épouser cette
Africaine mais tu n'en as fait qu’à ta tête. Aujourd’hui c’est
ton fils qui nous ramène encore une femme de couleur dans la
famille et ce malgré mes mises en garde. Elles sont toutes les
mêmes ces négresses. (Regardant ma femme) Je suis prête à
mettre ma main à couper que si tu n’enfantes toujours pas
c’est parce que tu as eu recours à l’avortement dans le passé.
C’est leur passe-temps à ces Africaines. Je me trompe ?

Imelda laisse couler ses larmes en ayant la tête baissée. J’ai


mal de la voir ainsi. J’ai toujours eu horreur des jugements de
ma grand-mère sur ma femme. Mais ce soir je ne me sens pas
en mesure de la défendre. Qu'elle ressente aussi le mal que je
ressens en ce moment.

‒ Mamie cesse de t'en prendre aux femmes noires, intervient


Xandra. Nous aussi avons du sang Africain dans nos veines et
je sais que ma mère était une bonne femme. Mon père ne
l'aurait pas épousé sinon.

Mamie éclate de rire.

‒ Une bonne femme ? Ça c’est la meilleure. Elle n’était rien


d’autre qu'une toxi…

Murima renverse par accident la soupe chaude sur Mamie.


Nous nous levons, tous pris de panique et aidons Mamie à vite
se nettoyer. Murima se confond en excuses.
‒ Tu n'es qu'une sale garce, vocifère Mamie. Tu l'as fait exprès
n’est-ce pas ? Sale négresse de merde. Tu iras brûler en enfer.
‒ Maman calme-toi !

Murima quitte la pièce et je crois voir un sourire étirer ses


lèvres. Ma grand-mère part se nettoyer sans cesser de cracher
des insultes. Quand nous nous rasseyons je remarque
l’absence de Imelda. Elle a quitté la table. Je jette un coup
d’œil à ma montre. Il est l'heure pour moi de me rendre à
l’Aéroport. Je m’excuse et sors de table. Je retrouve ma
femme pleurant sur le lit. Je veux la prendre dans mes bras
mais je me contente juste de prendre mon sac de voyage et de
m'en aller.

*Mon
*LYS

Mes tâches ont été accomplies avec succès. J’ai rajouté


d'autres adresses à mon carnet. J’ai décidé de rester encore
deux jours de plus histoire de mieux réfléchir à la situation
délicate qui mine mon mariage. Je veux pouvoir prendre la
meilleure décision. Sois je divorce sois je passe sur ça et
continue comme si de rien n’était. Seulement je ne me sens
pas capable d'oublier cette trahison de sitôt. Je n’ai pas non
plus envie de divorcer. Je l’ai juste évoqué pour lui faire mal.
Je ne pense pas divorcer pour le moment. Au fait, je veux juste
oublier.
Je vide mon verre de vin cul sec et je m'en sers un autre.
Depuis plus d'une heure de temps que je suis assis dans ce
restaurant et je n'arrive pas à faire passer cette boule qui me
comprime la poitrine. Plus je regarde la photo de ma femme
sur le fond d’écran de mon portable, plus j’ai envie de me
bourrer la gueule. Cette femme n'a pas idée du mal qu’elle m'a
fait en me cachant un aussi gros secret. Pourquoi a-t-il fallu
qu'elle me fasse ça ?

‒ Je peux m'asseoir ?

Je relève la tête et c’est avec surprise que je vois mon


assistante debout devant ma table.

‒ Que fais-tu là ? Tu as raté ton vol ?


‒ Non. Je n’ai pas voulu vous laisser seul dans votre état.
Vous m'aviez l'air de très mal aller.
‒ Je vais bien.

Je vide mon verre.

‒ Vous ne devez pas boire autant. Vous ne supportez pas


l’alcool.

Elle se permet de s'asseoir.


‒ Vous avez besoin de parler ?
‒ Non.
‒ Ok. Je vais juste me contenter de vous tenir compagnie.

Je ne m'y oppose pas. Elle reste juste là à me regarder boire. Je


fais signe au serveur de lui apporter un verre. Nous terminons
tous les deux la bouteille de vin.

‒ Je vais retourner dans ma chambre, lui dis-je en me levant.


‒ Attendez, je vous accompagne. Je crois que vous avez un
peu trop bu.

Sans lui répondre j'entame ma marche vers l’ascenseur. Elle


me suit. Elle m’accompagne jusque devant ma chambre. Je ne
suis pas saoul bien qu’ayant beaucoup bu mais je crois que
l’alcool joue sur mes émotions. Parce qu'en temps normal
jamais je n'aurais laissé mon assistante se tenir aussi proche de
moi. Je garde toujours une distance considérable entre les
femmes et moi. Ça m'évite les problèmes tel l’adultère. Ma
carte d’accès me tombe des mains quand je m’apprête à la
glisser dans la serrure. Mon assistante se baisse
immédiatement pour me la ramasser. Ma vue tombe direct sur
son décolleté qui ne cache absolument pas grande chose de sa
poitrine.
‒ Vous avez l'air vraiment épuisé, me dit-elle d'une façon
tellement sensuelle que je sens quelque chose bouger vers ma
masculinité.

Elle glisse sa main le long de mon torse, remonte à mon


épaule et descend jusqu’à ma main dans laquelle elle pose la
carte.

‒ Je peux vous aider à vider votre frustration. Ça vous fera


certainement du bien.

Bonne idée, me crie ma tête pendant que mon cœur m’intime


l'ordre de l’envoyer balader. Mais pourquoi devrais-je me
retenir de vider toute ma frustration ? N’en ai-je pas besoin ?
J’ai besoin de faire sortir toute cette colère qui bouillonne en
moi depuis deux jours. Pourquoi devrais-je continuer à être un
mari réglo et fidèle à sa femme alors que cette dernière n'a pas
hésité à me mentir au point de me faire douter de ma fertilité ?
Pourquoi devrais-je rester pur pour une femme qui a souillé
son corps par toutes les manières possibles ?

J'attire mon assistante contre moi et je pose un baiser sur ses


lèvres. Nous nous regardons un instant. Elle se mordille la
lèvre, le sourire grand sur les lèvres. Mon excitation monte
crescendo. J’ouvre la porte, la tire à l’intérieur et referme
derrière nous.
Allongé sur le lit, en sueur, respirant comme un athlète qui a
fait le tour du pays, je me rends compte de ma bêtise. Sapristi
qu’ai-je foutu ? J’ai couché avec une autre femme que la
mienne. Ça ne me ressemble pourtant pas. Je ne suis pas ce
genre d'homme-là. Mon père m'a élevé avec des principes et
être un homme fidèle en faisait partie. Je n’ai jamais convoité
une autre femme en dehors de la mienne. J’ai merdé. Grave
merdé. Quel que soit ce que Imelda a pu me faire elle ne
méritait pas ça. Finalement je ne suis pas mieux qu'elle.

‒ Habille-toi et sors d'ici, ordonné-je d'un ton sec.


‒ Je peux au moins prendre une douche rapide ?
‒ Je te donne trois minutes.

Elle se hâte de sortir du lit. Je me passe la main sur le visage


en m’asseyant.

‒ Putain de bordel de merde ! Fais-je dans un grognement.

J’ai une atroce migraine à la tête. J’ai non seulement brisé tous
mes principes mais aussi les vœux que j'avais fait à ma
femme. Putain qu’est-ce qui m'est passé par la tête ?

Des coups sont donnés sur la porte. Je ne bouge pas d'un


pouce mais les coups se font insistants. J’enfile mon pantalon
et je vais ouvrir avec colère parce que ça commence à me faire
chier. Je m’apprête à gueuler mais je ravale ma phrase lorsque
mes yeux rencontrent ceux de ma femme.

‒ I… melda ?

Elle me tombe dans les bras.

‒ Oui mon amour. Je n’ai pas voulu attendre que tu rentres


pour qu'on règle cette histoire. Ça nous fera du bien d’être un
peu loin et seuls. Je regrette tellement de t'avoir caché ça. Je
t’aime plus que tu ne peux l’imaginer. Je ne veux pas te perdre
bébé.

Elle ferme la porte derrière elle d'un coup de pied et saisi mes
lèvres dans un baiser. Je suis tellement sous le choc que je
n'arrive pas à réagir. Je suis dans une grosse merde.

‒ Je t'aime chéri. Plus que tout.

Elle reprend son baiser. Malgré la bombe qui va exploser sous


peu, ça me fait un sacré bien d'avoir ma femme dans mes bras.
Il faut pourtant que je la fasse sortir pour donner le temps à
l’autre de disparaître incognito. Je mets fin au baiser mais un
raclement de gorge me devance avant que je ne puisse dire
quoi que ce soit. Imelda tourne la tête et lorsqu'elle voit mon
assistante vêtue uniquement d’une serviette nouée à la
poitrine, elle blêmie. Elle fait deux pas en arrière. Son regard
passe de la fille à moi. Elle arrime son regard au mien. Quand
une larme traverse ses pupilles, je me maudis intérieurement.

***ALEXANDRA

Je me sens toute anxieuse ce matin. Je suis heureuse et


perplexe. J’ai fait trois tests et ils sont tous positifs. Je suis
enceinte de Tiger. J'en suis heureuse parce que je l'aime
énormément. Avoir un petit bout de lui ça a toujours été mon
rêve. Mais je n'ai rien programmé. Les choses se sont faites
seules. Je m'en réjouis. Mon père ? Il ne fera rien de plus
qu’être choqué. Il me passe tout donc après le choc il n'aura
d'autres choix que d’accepter son futur petit enfant.

Je retrouve comme toujours Tiger dans son QG avec ses potes.


La fumée des chichas a envahi l’espace. L'un fait signe de la
tête à mon mec dans ma direction. Il tourne la tête vers moi. Je
les saluts et je prends place près de lui.

‒ Je t'ai déjà dit de ne jamais venir sans me prévenir en


avance, me gronde-t-il.
‒ Je suis désolée mais tu es injoignable.
‒ Mon portable est à plat. Mais ce n’est pas une raison. Bref,
que veux-tu ?
‒ On pourrait monter ? Je dois te parler de quelque chose.
‒ Que se passe-t-il ?
‒ Montons s'il te plaît.

Il tire une dernière bouffée de chicha et se lève. Je le suis


comme son ombre jusque dans son appartement.

‒ Ouais que veux-tu ?


‒ Je suis enceinte, lui annoncé-je avec joie. On va avoir un
bébé.

Il semble sidéré.

‒ Comment tu as pu tomber enceinte alors qu'on se protège ?


‒ Les protections ne sont pas…

Il bondit sur moi et m’agrippe le cou.

‒ T'as baisé avec un autre ?


‒ Non je te le promets. Il n'y a que toi.

Il serre son emprise. Je commence à pleurer.

‒ Bébé je dis la vérité. Je ne t'ai trompé avec personne. Nous


ne nous protégions pas tout le temps.
‒ Dans ce cas tu m’enlèves cette grossesse, tranche-t-il me
relâchant violemment à me faire tomber dans le fauteuil.
‒ Quoi ?
‒ Tu es bouchée ou quoi ? J'ai dit tu m’enlèves cette chose.
‒ Mais c’est notre…

Ma tête valse sous la gifle violente que je reçois.

‒ J'ai dit tu m’enlèves ça, gueule-t-il.

Je pleure de plus en plus. Je ne m’attendais pas à cette réaction


de sa part. Il disparaît dans sa chambre et revient avec un petit
sachet transparent en main.

‒ Tiens avale ça, m’ordonne-t-il en le jetant sur moi.


‒ C’est quoi ?
‒ Ça va vite faire passer cette chose. Si tu oses encore
t’opposer à ma décision je vais te rouer de coups, te jeter dans
la rue et tu n'entendras plus jamais parler de moi. Si tu
m'aimes et veux maintenir cette relation, débarrasse-nous de
ça.

Il sort et claque la porte derrière lui. Je ne veux pas le perdre.


J'avale donc les deux petits comprimés qui se trouvaient dans
le sachet. Je lui envoie un message pour l’en informer espérant
qu’il vienne me réconforter. Mais sa réponse me brise.
‒ « Dégage. »

Et c’est tout. Je monte dans ma voiture en continuant à


déverser toutes les larmes de mon corps. Je ne comprends pas
pourquoi est-ce qu’il me traite de la sorte alors que je lui
donne tout. Mon amour et mon argent. Je lui ai même acheté
une nouvelle voiture récemment. Que veut-il de plus ? Mon
cœur me fait atrocement mal.

A quelques mètres de ma maison je commence à ressentir des


douleurs au bas-ventre. J’accélère pour vite arriver. Ce doit
être les médicaments qui ont commencé à faire leur effet. Plus
je me rapproche de la maison plus j’ai mal. Je gare devant la
maison et j'entre en courant difficilement vers l’intérieur. Une
douleur fugace me vrille le bas-ventre, m’arrachant un cri des
plus stridents. Quelque chose me coule entre les jambes. Je
n'arrive pas à baisser la tête pour voir de quoi il s'agit. Mes
forces me lâchent peu à peu alors que j'ouvre la porte d’entrée.
Mes pas deviennent lourds, ma vue devient de plus en plus
faible.

‒ Aidez… moi ! Appelé-je faiblement.

Je lutte encore pour rester debout mais je finis par sombrer.


7

***MURIMA

Je regarde ma fille allongée sur ce lit d’hôpital et je ne cesse


de me maudire de n'avoir pas été là pour suivre son éducation.
Mais je maudis encore plus Derrick d'avoir foutu n'importe
quoi. Un avortement ? A son si jeune âge ? Dieu, qu’a cette
fille dans la tête ? J’ai cru mourir lorsque je l'ai retrouvée
évanouie dans son sang à l’entrée de la maison. J’ai tout de
suite pensé au pire jusqu’à ce que je sente son pouls battre,
faiblement, mais il battait quand même. Toute sorte de
scénario m'est passé par la tête. J’ai d’abord pensé à un
accident, puis une agression, après un empoisonnement. Mais
j’étais loin de me douter qu'il s'agissait d'un avortement qui a
mal tourné. Cinq minutes de plus à la maison et je la perdais.
J’ai voulu prévenir son père mais lorsque le Docteur m'a
annoncé qu’il s’agissait d'un avortement je m'en suis abstenue.
J’attends d’avoir une conversation avec elle avant tout.

Elle ouvre lentement les yeux. Elle pose sa main sur son
ventre en mimant une grimace de douleur.

‒ Où suis-je ? Demande-t-elle les yeux se promenant partout.


‒ Dans une clinique.
Elle braque son regard sur moi avec surprise.

‒ C’est toi qui m'as conduite ici ?


‒ Oui.

Elle essaie de se redresser. Je vais l'aider à mieux se


positionner. Je reviens ensuite sur mon siège. Elle garde les
yeux baissés.

‒ Alors… comment je vais ?


‒ Cinq minutes de plus et tu passais de vie à trépas.

Elle ferme les yeux. J’ai envie de la claquer mais en même


temps de la prendre dans mes bras.

‒ Alors je t’écoute, dis-je en croisant les bras.


‒ Pourquoi te dirais-je…
‒ Un seul mot déplacé et j'appelle ton père, la menacé-je en
brandissant mon portable.
‒ Non s'il te plaît, se précipite-t-elle de me stopper. Je vais tout
te dire mais je t'en supplie, pas un mot à mon père. Il serait
vraiment déçu de moi.
‒ Je t’écoute donc.
Elle se triture les doigts.

‒ Mon petit ami m'a demandé d’avorter après que je lui ai


annoncé mon état. Il m'a donné des comprimés à avaler. La
suite tu la connais.
‒ J'ai plusieurs fois aperçu des bleus sur ton corps. Et même
en ce moment tu en as. Il te bat ?
‒ Oui. Mais il n'est pas méchant je t'assure. C’est moi qui le
pousse souvent à bout.

Mon cœur se brise de voir ma fille souffrir pour un homme qui


abuse de sa naïveté. J’ai mal de voir qu'elle fait partie de la
League de ces femmes battues qui ‘‘supportent’’ soi-disant par
amour et qui vont jusqu’à se mettre la faute dessus. Elle
continue à me parler de son petit ami, de leur relation et tout
ce que je dois savoir pour me donner une raison d'aller lui
régler son compte.

‒ Où vit-il ?
‒ C’est pourquoi ? Demande-t-elle perplexe.
‒ Il m'est familier. Juste savoir si c’est la même personne.
‒ Je ne crois pas.
‒ Dis toujours.
Elle me regarde longuement comme pour essayer de lire dans
mes pensées puis se décide à me donner son adresse. Je cale
dans un coin de ma tête. Elle continue de parler jusqu’à ce que
le Docteur nous rejoigne. Il nous informe qu'il n'y a pas eu de
dommage majeur pour le moment. Il faudra qu’elle revienne
faire d’autres examens plus tard. Cependant elle pourra rentrer
d’ici ce soir mais devra rester au lit un moment, histoire de
mieux récupérer. Elle ne tarde pas à être frappée par le
sommeil. Lorsqu'elle s'endort, je m’autorise à prendre son
portable. A l'aide de son pouce, je le déverrouille par
l’empreinte digitale. Je fouille dans sa messagerie ses
conversations avec son type. Je commence à lui écrire un
message lorsqu’il me devance.

‒ « J'ai besoin de fric pour un business. Aujourd’hui. »


‒ Ok. Est-ce qu'on peut se voir, pas chez toi. Je ne me sens pas
très bien pour y arriver.
‒ « Ok. Mais avant, la chose est-elle passée ? »
‒ Oui t’inquiète. J’ai eu un peu mal mais ça va.
‒ « Cool. On se voit où ? »

Je réfléchis à un endroit isolé et je lui envoie l'adresse en


prétextant être dans les parages pour une course urgente. Le
rendez-vous est dans deux heures de temps. J’ai donc le temps
de rentrer à la maison enfiler une tenue plus adéquate pour ce
que je dois aller faire. Un jean, un tee-shirt et des baskets. Je
donne des nouvelles de Xandra à Djénéb qui décide de me
relayer à son chevet. Je me munie d'une batte de baseball que
j’ai récupéré dans le bureau de Travon.

Je suis arrivée cinq minutes avant l'heure du rendez-vous pour


mieux inspecter les lieux et trouver un endroit propice pour ne
pas être vue. L'endroit est déjà désert donc aucun risque d’être
surpris. J'entends des pas s'approcher. Je me décale et le vois.
Il marche peinard, les mains dans les poches, marchant
vulgairement un chewin-gum.

‒ Alex ? L'appelle-t-il à haute voix.

Je me positionne bien avec ma batte en main et lorsqu'il arrive


à mon niveau, BAM, dans sa face. Il tombe en hurlant de
douleur. Il sort directement une arme et la pointe sans regarder
à qui il a affaire. Je tape sur l'arme qui va tomber plus loin. Il
relève la tête et tique de surprise en me voyant.

‒ Non mais qui êtes-vous ?

Bam un coup sur sa jambe gauche. Il hurle deux fois plus. Un


autre coup sur l'autre jambe. Il essaie de se relever mais
j’enchaîne les coups partout sur son corps.

‒ Ça t'apprendra les bonnes manières espèce de couillon sans


cervelle.
Je continue de le battre. Même son visage y passe. Il n'aurait
pas dû toucher à mon bébé. Je l’imagine la battant et ma colère
redouble. Je le cogne de plus en plus.

‒ Espèce d'enfoiré.

Je lui donne un coup au visage qui lui arrache une dent. Enfin,
si ce n’est plus. Il appelle à l'aide.

‒ Oh tu appelles à l'aide ? Lui retourné-je en cessant de le


battre. N’est-ce pas qu'elle n’avait personne pour la défendre ?
Mais maintenant c’est fini. Je suis là et je veille sur elle
comme sur mon ombre.
‒De qui parlez-vous bordel ?

Je lui donne un coup dans le ventre. Le dernier. Je crois que je


l'ai assez amoché comme ça.

‒ Plus jamais tu ne t'approche d'elle. Même pas en rêve. Si tu


penses à elle ne serait-ce qu'une nanoseconde je reviendrai et
cette fois je t’arracherai le cœur.

Je me baisse un peu vers lui.


‒ Personne ne touche à mon bébé.
‒ C’est qui votre bébé merde ?
‒ Alexandra WILLAR.
‒ Putain !

C’est ça continue de jurer. Je le laisse agoniser au sol et je pars


toute satisfaite. Je nettoie soigneusement la batte et la
repositionne dans le bureau de Travon une fois à la maison. Je
vais me changer et je retourne à la Clinique chercher ma fille.
Je n’ai pas l’intention de le dire à Derrick pour le moment. Ça
lui apprendra à être plus présent dans la vie de ses enfants.

*Mona
*LYS

‒ Murima ! Murima !

Je me retourne vers l’entrée de la cuisine par laquelle entre


Xandra en continuant à hurler mon nom.

‒ Que fais-tu debout ma chérie ? Le Docteur t’a conseillé de


rester allongée.
‒ Je m'en fiche pas mal de ce qu'il a dit. Qu’as-tu fait à Tiger ?
‒ Je ne comprends pas.
‒ Il m'a appelé pour m’informer que ma domestique l'avait
passé à tabac. Sur le coup il ne t'a pas reconnu mais plus tard
si. Il m’a demandé ton nom pour pouvoir porter plainte contre
toi.
‒ Et je suppose que tu le lui as donné ?
‒ Oui mais c’était avant de savoir ce qu'il voulait faire. Bref,
pourquoi l’as-tu violenté ?
‒ Tu me poses vraiment la question ? Dois-je te rappeler
l’auteur de tes bleus et de cet avortement qui a failli te tuer ?
‒ Ça, ça ne te regarde pas. Ce n’est pas parce que tu m'as
sauvé la vie que ça te donne le droit d'y fourrer ton nez.

Je me rapproche d’elle un couteau à la main.

‒ Jeune fille, sais-tu que je peux te refaire le portrait sans que


ton père ne bronche ?
‒ Non mais pour qui te prends-tu ? Non mais ça ne va…
‒ Hé hé hé hé tu me manques de respect et je te fais avaler ta
langue, la menacé-je en lui pointant le couteau. Ne me tente
surtout pas. Ne me pousse pas à te botter ton joli petit cul.
‒ Vas-y et mon père te foutra en prison.

Je me rapproche d'elle, elle recule. Derrick entre dans la


cuisine. Il nous regarde à tour de rôle.

‒ Que se passe-t-il ?
Je fixe ma fille.

‒ Tu veux expliquer à ton père ? Lui dis-je le sourire aux


lèvres.

Elle me fusille du regard. Je ne cligne pas des yeux. Elle sort


en marmonnant.

‒ Que se passe-t-il entre vous deux ?


‒ Rien, dis-je en retournant à ma tâche.
‒ Comment ça rien ? Je te surprends à menacer ma fille avec
un couteau et tu dis rien ?
‒ C’est aussi ma fille je te signale donc je peux lui ôter la vie
si ça m’enchante.

Je range quelque bric à brac en l’ignorant.

‒ Tu as fait n'importe quoi avec les enfants. Tu les as mis à


l'abri de tout besoin mais côté éducation tu as fait du gros
n’importe quoi.
‒ Tu pensais peut-être faire mieux ? Toi une junkie ?
‒ Tu n'as que ce mot à la bouche. Et oui j'aurais fait mieux.
Donne-moi juste le temps de me familiariser à eux et tu verras
que la drogué que je suis est une bonne mère.
‒ Une bonne mère qui agresse le petit ami de sa fille.

Je me retourne vers lui.

‒ J’ai reçu un appel du Commissaire, un ami à moi. Quelqu’un


aurait porté plainte contre mon employé qui se prénomme
Murima.

Je souris.

‒ Il a osé.
‒ C’est donc vrai ? Et je peux savoir pourquoi une telle
barbarie ?
‒ Tu le saurais si tu étais impliqué dans la vie de tes enfants.
Tu m'avais pourtant dit que tu garderais un œil sur ce voyou
que ta fille a choisi comme petit ami mais apparemment non,
tu ne l'as pas fait.
‒ Qu’a-t-il fait ?
‒ Donne-moi l'adresse du commissariat. Je vais répondre à sa
convocation.
‒ Nous irons ensemble.
‒ Si tu y tiens.

Je vais dans ma chambre me changer et nous embarquons dans


sa voiture. C’est bien la première fois depuis Vingt-deux ans
que nous nous retrouvons seuls dans une voiture. Je me sens
toute mal à l'aise du coup. Le savoir assis juste près de moi et
étant obligée de sentir son parfum si envoutant me trouble. Je
garde donc mon visage tourné vers la vitre. Regarder le
paysage et commenter mentalement ce que je vois
m’empêchent d’être troublée.

‒ J’ai appelé le centre de désintoxe.

Je tourne vivement la tête vers Derrick.

‒ Et comment va Will ?

Il tourne la tête et plonge son regard dans le mien. Je détourne


le mien.

‒ Apparemment bien.
‒ Tu as pu discuter avec lui ?
‒ Non. Il était occupé selon ce que m'a dit son surveillant.
Mais je le rappellerai plus tard.

Je hoche la tête. Le reste du trajet se fait en silence. Je peux


sentir de temps à autre son regard sur moi. Je garde ma tête
tournée jusqu’à ce que nous arrivions. Nous sommes tout de
suite conduits dans le bureau du Commissaire. C’est Franck,
un ami de longue date.
‒ C’est elle la concernée ? Demande-t-il à Derrick.
‒ Vous pouvez me parler directement, coupé-je avant que
Derrick n'ouvre la bouche. Oui c’est moi.
‒ Ok une plainte a été déposée contre vous pour agression
physiques sur le surnommé Tiger. Il a même apporté des
photos de ses blessures.
‒ Je ne me reconnais pas dans les faits, dis-je sans sourciller.

Derrick bouge dans sa chaise.

‒ Par contre j'ai un tas d’informations compromettantes et je


voudrais qu’il ait une restriction de s’approcher de ma…
d’Alexandra WILLAR.
‒ Et quelles sont ces informations ?
‒ Il est un trafiquant de coque et d'autres stupéfiants. Ce n’est
pas la peine de vous signifier qu'il en consomme. Je veux aussi
porter plainte contre lui pour violences physiques sur
Alexandra.
‒ Quoi ? Sursaute Derrick.
‒ Ce jeune écervelé est violent et manipulateur, continué-je
sans m’occuper de lui. Il se sert de la naïveté de cette gamine
pour lui soutirer de l’argent.
‒ Vous avez des preuves ?
‒ Oh bien-sûr que j'en ai.
J'affiche de mon portable les captures d’écran des
conversations entre Xandra et ce jeune.

‒ Je les ai prises du portable d'Alexandra alors qu'elle était


distraite. Il doit s’éloigner d'elle. En plus il est beaucoup plus
âgé.

Le Commissaire relève la tête vers moi après avoir analysé les


captures.

‒ Vous ne pouvez demander une restriction madame, puisque


vous n’êtes pas un parent proche.
‒ Je suis sa…

Je ferme ma bouche. Je me tourne vers Derrick pour qu'il


prenne les devants. Il m'a l'air perdu.

‒ Derrick !

Il lève les yeux sur moi. Il se reprend et approuve ma


démarche. Le Commissaire prend note et nous libère. Nous
retournons à sa voiture.

‒ Tu as menti au Commissaire sur l’agression du jeune.


‒ Ce sera sa parole contre la mienne. Personne n’était présent,
il ne pourra donc rien prouver. En plus avec ce que je viens de
déballer sur lui, sa parole n'aura plus aucun poids. Ne
t’inquiète pas, je suis une ancienne toxico et personne ne croit
aux paroles des toxicomanes. Hum ?

Je darde sur lui un regard narguant. Il paraît gêné. Je monte


dans sa voiture. Il fait de même et nous reprenons le chemin
dans le silence. Il rompt le silence lorsque nous entrons dans la
concession.

‒ Xandra t'en voudra si elle apprend ce que tu as fait.


‒ Ce que j’ai fait ? Nous avons tous les deux fait ce qui est
bien pour elle. Et peu importe qu'elle m'en veuille. Elle peut se
les garder ses humeurs.

Il gare et coupe le moteur.

‒ Décidément ton sang est fort Murima. Tu as su influencer


les enfants malgré ton absence.
‒ Que veux-tu dire ?
‒ S'ils ne sont pas des drogués, ils en tombent amoureux.
Finalement après tous mes sacrifices ils ont décidé de suivre
tes traces.
‒ Vas te faire foutre Derrick. Si Will est dans cet état c’est de
ta faute et si Xandra aussi fréquente des drogués c’est aussi de
TA faute. Tu as été un mauvais père.
‒ Je t'interdis de me traiter de mauvais père quand la
délinquante c’est toi. Si tu n'avais pas consommé de la drogue
lorsque tu étais enceinte d'eux et les allaitais ils n'en seraient
pas là. La malédiction qui était sur toi les suit.

Bam je lui administre une claque.

‒ Le maudit ici c’est toi. Toi qui as abandonné ta femme


derrière les barreaux. Toi qui l'as privé de ses enfants pendant
Vingt-deux années. Toi qui as poussé Will vers la drogue en le
détestant tout simplement parce qu’il me ressemble
physiquement. Toi qui as rendu Xandra insolente et stupide en
lui cédant tout. Toi qui as tout appris à Travon sauf comment
être un bon mari. Le maudit c’est toi et ta sorcière de mère.
Imbécile que tu sois. Musunzuwawu (Ton cul, en Punu)

Je descends et claque la portière. Je l’entends me suivre à


grandes enjambées. Il est en colère. Il a horreur qu’on le gifle.
Et moi j’ai horreur qu'on me manque de respect.

‒ Reviens ici Tatiana, Gueule-t-il dans mon dos.

Quand il m’appelle par mon deuxième prénom c’est qu’il est


vraiment en colère. Je continue de marcher lorsqu’il me saisit
violemment le bras et me ramène contre lui. Je bute sur son
torse.
‒ La prochaine fois que tu te permets de lever la main sur moi,
sur la vie de mes enfants je te ferai croupir en prison pour le
reste de ton inutile de vie.
‒ Et toi la prochaine fois que tu me manques de respect je te
coupe les couilles et je les donne à manger aux chiens errants.
Tu me connais Derrick. J’ai passé toute ma vie ici à Londres
mais tu sais pertinemment que mon côté Africain n’a jamais
été désactivé. Garde donc tes couilles loin de moi.

Nous restons là, nos visages proches, les yeux dans les yeux à
nous fusiller du regard. On verra bien qui sera le premier à
baisser les yeux. Ce ne sera pas moi en tout cas. Sa mâchoire
se contracte. Je ne cille pas pour autant. La porte de l’entrée
claque violemment, nous obligeant à nous tourner rapidement.
Nous avons le temps de voir Imelda disparaître dans les
escaliers en pleurant. Je fronce les sourcils. Que fait-elle là ?
Elle était censée allée rejoindre Travon en Suisse pour régler
le problème que leur couple rencontre.

***IMELDA

Je monte dans ma chambre ranger toutes mes affaires. Je dois


déguerpir d'ici. Une infidélité. Mon Dieu une infidélité. C’est
plus que je ne peux supporter. Dieu seul sait ce que j’ai enduré
dans ce mariage. Je n’ai jamais été heureuse. Mais soucieuse,
ça si. Travon n'a jamais vraiment été très démonstratif avec
moi. Avant le mariage, c’était toujours moi qui initiais les
sorties en amoureux, les dîners et autres activités ensemble.
Pour lui rien d'autre n'a compté si ce n’est son travail. Mais les
seules fois où il a fait des efforts, il était tellement adorable
que j’ai décidé de fermer les yeux sur le reste. Je mettais
toutes ces choses sur le fait qu'il n'ait pas connu l'amour
maternel. Il ne sait donc pas comment aimer une femme.

Après notre mariage, j’étais toujours seule. Il partait le matin


sans me demander si j’avais besoin de quelque chose et quand
il rentrait il continuait à travailler jusqu’à x heure. Je suis celle
qui demande toujours le sexe et la plupart du temps je recevais
des ‘‘pas ce soir. Je suis épuisé’’. Je prenais sur moi. En deux
années de mariage je n’ai jamais connu ce que s’est qu’être
complice avec son mari. Je sais qu'il m'aime, ça je ne pourrais
jamais en douter. Mais il n'y a pas que l’amour dans le
mariage. Mais je gardais le silence en ayant foi qu'un jour il
deviendrait le mari que j’ai toujours rêvé qu’il soit.

Mais il n'y avait pas que ça. J’étais toujours la raison de la


mauvaise humeur de Dame WILLAR. Mon Dieu je ne peux
compter le nombre de fois où j'ai été lynchée verbalement par
cette vielle femme. Je suis à chaque fois jugée pour la moindre
chose. Je suis trop noire, avec une forme pas adéquate, mes
cheveux sont trop crépus, je ne suis pas assez présentable, pas
assez classe pour faire partie de sa famille. Et personne dans la
famille n'a jamais osé prendre ma défense ne serait-ce que
pour lui demander de cesser de me cribler de remarques
grossières et blessantes. Même pas mon mari. Mais j'avalais
ma rage. Pourquoi ? Par amour pour Travon.
Dans cette famille, les noirs sont relégués au rang de moins
que rien. Il n'y a qu’à voir comment sont traités les
domestiques. Pourtant la mère des trois enfants de la famille
était une Africaine. Une Gabonaise de ce que je sais. Je ne sais
pas ce qu'elle leur a fait avant de mourir mais cette femme et
son fils, M. Derrick, lui vouent une haine pas possible bien
qu'elle soit morte et enterrée. Avec haine j'ai entendu M.
Derrick parler de cette défunte à ses enfants. Elle aussi n’était
pas acceptée tout comme moi. Alors aujourd’hui c’est sur mon
dos qu’ils cassent tous leurs sucres. J'en suis plusieurs fois
arrivée à penser que Travon regrette de m’avoir épousé, moi
une Africaine. Ce qui pourrait expliquer sa froideur envers
moi.

Cette indifférence n’a pas commencé à cause de mon


problème de fertilité. Oh là non. Elle a toujours été présente.
Seulement je jouais l'épouse heureuse aux yeux de tous
jusqu’à ce que nous venions nous installer ici. Cette histoire
d'enfant l'a juste rendu deux fois plus froid. Combien de fois
j’ai voulu trouver du réconfort chez les autres membres de la
famille. Mais c’était peine perdue. Cette famille n'en est pas
vraiment une. On se fiche des uns et des autres. En dehors du
lien de sang, ils n'ont rien en commun. Entre eux et moi il n'y
a que des civilités. Pourtant moi je rêvais d’une belle et grande
famille unie, solidaire, aimante, réchauffante. Tout ce que j’ai
eu avec ma propre famille. Dieu qu’elle me manque.
Je termine de ranger le maximum de mes affaires et je les fais
descendre un par un au bas des escaliers. Je sens quelqu’un me
suivre jusque dans la chambre.

‒ Ma chérie qu’est-ce qui se passe ? Où pars-tu ?

Je reconnais la voix de Murima.

‒ Chez mes parents, dis-je en tirant ma valise vers la porte.


J’ai atteint mon quota de patience.
‒ Mais pourquoi ?
‒ PARCE QUE TRAVON ME TROMPE, hurlé-je en faisant
volte-face pour la regarder.

J'éclate en sanglot. Elle essaie de me toucher.

‒ Non ne me touche pas, la repoussé-je en évitant sa main.


C’est de ta faute. Tu m'as dit de lui dire la vérité sur mon
passé et maintenant il s’est trouvé une fille qui va sans doute
lui faire des gosses.
‒ Je suis désolée ma belle.
‒ Il m'a fait tellement mal. Mon Dieu ! J’ai cru mourir quand
j'ai vu son assistante sortir en serviette de sa salle de bain. Lui
il était le torse nu. Travon m'a trahi.
Elle me prend dans ses bras malgré ma résistance. Je finis par
me libérer dans ses bras. Je hurle toute ma douleur. Une autre
femme a vu la nudité de mon homme. C’est trop humiliant.
Trop douloureux.

‒ Je suis sincèrement désolée ma chérie. Je ne savais pas qu’il


était aussi faible d’esprit.
‒ Je dois partir avant qu’il ne rentre, dis-je en me détachant de
son emprise.
‒ Tu devrais peut-être attendre qu’il rentre pour mieux
discuter.
‒ Discuter de quoi ? Lorsque je lui ai parlé de mes
avortements, il m'a traité de tous les noms d’oiseaux. Il a
même terminé son discours par une demande de divorce. Je
crois que maintenant toutes les raisons sont là pour que ça se
fasse. J’ai déjà trop supporté Murima. Trop. J’ai besoin d'un
break.
‒ Ok. Mais je t'en supplie. Ne prends pas de décision
maintenant. Attends d’être plus calme.
‒ Ok.

Elle m'aide à faire descendre toutes mes affaires. M. Derrick


me regarde avec surprise.

‒ Que se passe-t-il Imelda ? Où pars-tu avec toutes tes


affaires ?
‒ Je pars d’ici. Je crois que mon mariage avec votre fils tire à
sa fin.
‒ Mais comment ça ? S'il t'a fait quelque chose de grave dis-le
moi qu'on en parle. On peut toujours trouver une solution.
‒ Je vais y aller.

C’est tout ce que je lui dis. Je suis de nouveau aidé par


Murima et Aurelle jusqu’à ma voiture. Je les embrasse, je
monte et je pars. En conduisant, je me nettoie le visage mais
c’est inutile parce que quand j’essuie une larme, une autre
coule. Je décide de les laisser couler à flot.

Je sais déjà ce que mes parents vont me dire. « On t'avait


prévenu. Cette famille est une famille à problème surtout avec
cette sorcière de Dame WILLAR. Ils n'aiment pas les noirs. »
J’ai entendu cette phrase tous les jours qui ont précédé mon
mariage. Après, ma mère m'a juste appelé pour me dire
‘‘J’espère que tu es bien armée. Ne viens pas après pleurer
dans mes jupons.’’. Aujourd’hui, cette phrase va prendre tout
son sens. Je n’étais pas bien armée et maintenant je retourne
pleurer dans les jupons de ma mère. Je n’ai nulle part où aller.
Je ne travaille pas parce que Travon ne le voulait pas. Il a dit
qu’en tant qu’homme c’était sa mission de s'occuper de moi.
Je devais juste être occupée à être toujours belle pour lui. Mais
aujourd’hui j’ai besoin de travailler parce que l'ennuie a fini
par avoir raison de moi surtout lorsque mon mari ne me
consacre pas son temps.
Je gare à peine ma voiture devant la maison de mes parents
que la porte s'ouvre sur ma mère. Elle me regarde descendre
avec un regard qui me dit ‘‘je savais que ce jour arriverait’’. Je
reste donc immobile près de ma voiture, la regardant avec les
yeux qui laisse couler encore plus de larme. J’attends sa
réaction. Va-t-elle me chasser ?

Je suis soulagée lorsqu'elle m'ouvre ses bras. Je cours m’y


réfugier. Elle me berce pendant un moment avant de me
conduire à l’intérieur. Je vois mon père qui descend les
escaliers. Personne ne me pose de question. On me sert à boire
après que je me sois installée dans le salon.

‒ Est-ce que je peux rester ici un moment s’il vous plaît ?


Demandé-je à mes parents.
‒ Qu’est-ce qui se passe avec ton mari ? Questionne ma mère.
Il t'a fait quoi pour que tu viennes ici avec toutes tes affaires ?

Je reste silencieuse.

‒ Je t'avais prévenu que cette famille n’était pas bonne pour


toi. Mais tu ne m'as pas écouté. Voici maintenant les
conséquences. Je t'ai dit que ces blancs étaient tous les mêmes.
Ils nous verront toujours comme leurs esclaves, leur
serpillière. Cette Dame WILLAR est une vipère de première.
Tout ça je te l'ai dit mais tu ne m'as pas écouté.
‒ Hum chérie arrête, intervient mon père. Ce n’est pas le
moment.
‒ Ce n'est pas le moment où ? N’est-ce pas j'avais ici raison ?
(A moi) Regarde toi-même la famille là. Le père s'en fout de
ses enfants, Travon est bien mais il n'a pas de couille.
Incapable de te défendre contre sa grand-mère. William est un
drogué et gigolo. Il sort avec des vieilles femmes qui peuvent
le mettre au monde. Et la petite Alexandra, une petite
insolente comme sa grand-mère. En plus elle marche avec des
drogués. C’est dans cette famille que toi une belle et
intelligente femme Africaine tu as vu pour rentrer. Fhumm.
Deux années gaspillées cadeau. Ichhh.

Elle se tape dans les mains. Elle veut encore reprendre la


parole mais mon père la devance cette fois.

‒ Monte dans ta chambre te reposer ma princesse. Quand tu


voudras parler, nous serons là.

Je me lève en silence et monte dans mon ancienne chambre.


Mes parents n'ont touché à rien depuis mon départ. Je reste
couchée sur le lit en essayant de me faire une raison. Je dois
réfléchir à ce que je vais faire de ma vie. Je dois m'occuper
l’esprit. Je dois faire quelque chose de mes mains. Si Travon
et moi divorçons, je me retrouverai à zéro. Nous nous sommes
mariés sous le régime de la séparation de bien. C’était selon
lui pour me protéger parce que son travail comporte souvent
des risques auxquels il ne veut m’exposer. Et puisque je
n'avais aucune réalisation je reviendrai à ma case départ. Je
dois me relever. Je crois que ce mariage a trop bouffé de ma
personnalité.

***TRAVON

Je descends de ma voiture en courant. Je ne prends même pas


la peine de refermer la portière. Je fonce directement dans la
maison.

‒ Imelda ? Hurlé-je en montant les escaliers. Imelda !!

Je constate avec horreur la chambre vide ainsi que sa penderie.

‒ Non pas ça !

Je sors mon portable de la poche de mon pantalon. C’est en


redescendant les marches que je lance l'appel vers son numéro.
Je rencontre mon père et ma grand-mère en bas. Imelda est
injoignable. J’insiste.

‒ Papa tu n'aurais pas vu ma femme ? Lui demandé-je le


portable toujours à l’oreille.
‒ Elle est partie fiston.
‒ Où ?
‒ Je n'en sais rien. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Je tourne sur moi-même.

‒ J’ai foutu le bordel dans mon mariage. Je crains qu'elle ne


demande le divorce.
‒ Ça serait une bonne chose, lance ma grand-mère en se
rapprochant. Elle ne servait à rien dans cette famille.
‒ Mamie il s'agit de la femme que j'aime.
‒ Tu ne seras pas le seul. Ton père peut en témoigner.
‒ Maman s’il te plaît ! Gronde mon père.
‒ Il faut que je la retrouve papa.

Murima apparaît dans mon champ de vision.

‒ Elle est partie chez ses parents, m’informe-t-elle en me


fixant avec une certaine douceur qui m’intriguerait si je n’étais
pas dans une situation délicate.
‒ Merci !

Je me précipite dehors mais elle me rattrape.

‒ Tu devrais peut-être lui laisser jusqu’à demain le temps de


digérer. Elle a besoin d’être seule.
‒ Et moi j’ai besoin d'elle.

Je reprends mon chemin jusqu’à ma voiture et je repars


comme je suis venu. C’est-à-dire, en trombe. J’ai mon cœur
qui bat à tout rompre. Si elle est retournée chez ses parents, ça
m’enlève 90% de chance de la ramener. Depuis notre mariage
ils ne se sont plus adressés la parole et aujourd’hui elle est y
est retournée. Mon Dieu qu’elle ne me demande pas le
divorce. Je risque d'en mourir.

Je ressens subitement une douleur transperçante dans ma


poitrine. Je freine brusquement en plein milieu de la voie. Je
reste un moment à me masser la poitrine. La douleur
m’empêche de respirer convenablement. J’aspire et inspire par
la bouche jusqu’à ce que mon cœur reprenne un rythme
normal. Ce n’est pas le moment pour mon cœur de me jouer
un tour. C’est sûrement toute cette histoire qui fait monter ma
tension. Au bout d'une dizaine de minutes je reprends la route.

La mère d'Imelda m’accueille avec un air qui me fait


clairement comprendre que je ne suis pas le bienvenu.

‒ Bonsoir Madame je voudrais…


‒ Que fais-tu chez-moi ?
‒ Je souhaiterais voir Imelda s’il vous plaît.
‒ Elle n'est pas ici. Dois-je te rappeler qu'elle a coupé les ponts
avec nous pour toi ?
‒ J'en suis navré Madame. Mais j'ai vraiment besoin de la voir.
Il faut que je lui parle.
‒ Je te donne trois secondes pour dégager d'ici ou je te verse
de l'huile chaude dessus.
‒ Je sais que vous ne m’appréciez pas personnellement mais
pour l’amour du ciel laissez-moi la voir.
‒ Une… deux…
‒ Maman laisse-moi lui parler s'il te plaît.

Je soupire de soulagement en la voyant apparaître derrière sa


mère.

‒ Tu n'as plus rien à lui dire ma puce, lui dit sa mère.


‒ Je gère maman. S’il te plaît !

Sa mère ne se prive pas de me dévisager avant de se décider à


nous laisser seuls.

‒ Mon amour je te demande pardon pour ce que tu as vu. Je…


c’était une erreur stupide qui ne se reproduira plus.
‒ Oui je sais que ça ne se reproduira plus. J’ai déjà contacté
mon Avocat.
‒ Ma puce ne fais pas ça pour l’amour du ciel. On peut tout
arranger.
‒ Tout arranger ? Tu étais pourtant celui qui a évoqué le
divorce en premier. Tu m'as traité de pute et maintenant tu ne
désires plus divorcer ?
‒ J’ai fait une bêtise.
‒ Non la bêtise c’est moi qui l'ai faite en t’aimant plus que ma
propre personne. J'ai sacrifié ma relation avec mes parents
pour toi. J’ai supporté les remarques blessantes de ta grand-
mère sur ma couleur de peau et mes origines Africaines. J'ai
supporté sa mauvaise éducation. J’ai même accepté que jamais
tu ne me défendes. J’ai supporté de passer en dernier plan dans
ta vie. Même ton travail avait plus d’importance que moi.
Combien de fois m'as-tu invité à sortir ? Rien que tous les
deux pour un dîner romantique ? Pourtant j'en mourrais
d'envie. Mais je l'ai bouclé par amour. Tout ça pour quoi ?
Pour que tu ailles baiser avec ton assistante.
‒ Chérie !

Elle nettoie avec vivacité la larme qui a coulé sur sa joue.

‒ Oui je t'ai caché mon passé. Mais jamais, au grand jamais je


ne t’ai trompé avec un autre. En acte ou même en pensée. Tu
as toujours été le seul homme avec qui j’ai voulu être. Mais
c’est terminé Travon Yitu WILLAR. Je refuse de continuer à
souffrir pour toi.
‒ On peut tout reprendre de zéro.

Elle sourit.
‒ Tu ne disais pas ça lorsque je t’ai avoué mon passé. Toi tu
refusais de me donner une chance mais tu veux que moi je le
fasse. Pas possible.

Elle retire son alliance et la glisse dans la poche de mon Polo.

‒ Je ne veux rien de toi. Juste que tu poses ta signature sur les


papiers du divorce.

Elle rentre et referme la porte. Je reste sur place à regarder la


porte comme un débile. J’ai mal. Je n’ai pas uniquement mal
parce qu’elle désire me quitter. J’ai aussi mal parce que tous
les points qu'elle a énoncés sont vrais. Jamais je ne l'ai
défendu contre ma grand-mère. Jamais je ne lui ai donné sa
place dans ma vie et dans ma famille. Elle a toutes les raisons
du monde de s'en aller. Toutes.

Je noie mon chagrin dans l’alcool, assis sur la terrasse de la


maison. Tout le monde s’est mis au lit sauf moi. J’ai du mal à
dormir seul dans ce lit sans ma femme à mes côtés. Je l’avais
là à mes côtés tous les soirs. Elle m’attendait toujours dans
notre lit pour m’enlacer. Mais je n’ai pas profité. Je préférais
travailler plutôt que de la rejoindre pour lui faire l’amour. Je
préférais signer des dossiers au lieu de la rejoindre pour lui
réchauffer le corps quand elle avait un peu trop froid. J’ai
gaspillé mon temps à faire autre chose que l'aimer comme il se
devait. Et maintenant je le paye. Avant même que je n'arrive
chez moi, après être quitté chez ses parents, j’ai reçu l'appel de
mon Avocat qui me confirmait les dires de ma femme. Elle est
vraiment déterminée à divorcer. Je vide mon verre et m'en sert
un autre.

‒ Tu ne devrais pas boire autant.

Je retourne la tête en direction de la voix lorsque je vois


apparaître Murima.

‒ Je me doutais bien que tu ne dormais pas.


‒ J'avais besoin de réfléchir.
‒ Elle te manque n’est-ce pas ?
‒ Tu n'as pas idée.
‒ Je peux te tenir compagnie ? Moi aussi j’ai du mal à dormir.

Je lui indique la chaise sur laquelle elle s'assoit. Je remarque


qu'elle a en main un verre de jus. Je bois une gorgée de ma
boisson.

‒ Imelda s’était confiée à moi, commence-t-elle après avoir


aussi bu une gorgée de son jus. C’est d’ailleurs moi qui lui ai
conseillé de te dire la vérité. Elle craignait te perdre. Je l’ai
rassuré que non mais faut croire que j'avais tort.
‒ Tu n'avais pas tort. C’est moi qui me suis conduis en parfait
imbécile.
Je pousse un soupir et me cale dans mon siège.

‒ J’ai perdu ma femme définitivement.


‒ Ne dis pas ça chéri, fait-elle en me prenant la main.

Surpris par son geste qui a bousculé quelque chose en moi, je


baisse les yeux sur sa main. Elle la retire.

‒ Je suis désolée, se ressaisie-t-elle en lâchant ma main. Ce


que je voulais dire c’est de ne pas baisser les bras. Imelda
t'aime et si tu lui démontres que tu l'aimes aussi elle reviendra.
‒ Justement je n'ai jamais su comment lui prouver mon amour.
Je n'avais jamais courtisé de femme avant elle. Elle a été mon
premier en tout. Tout ce que je sais faire c’est de travailler,
travailler et travailler.
‒ Mais tu l'aimes au moins ?
‒ Bien-sûr que je l'aime. Quelle question ! Elle est mon
premier amour et je ne veux personne d’autre. Je sais que j'ai
merdé mais je l'adore cette femme. Elle est tellement douce
que des fois je me demande comment elle fait pour supporter
les insultes de ma grand-mère.
‒ Tu devrais déjà commencer par la défendre pour un début.
Quand on aime une femme on ne laisse personne lui manquer
de respect.
‒ Je sais.
Je bois une gorgée.

‒ Personne ne comprend pourquoi j’ai épousé une Gabonaise


au lieu d'une Anglaise. C’est pourtant simple. Je cherchais une
femme qui me rapprocherait de ma mère et je l'ai trouvé elle.
A chaque fois que je la voyais, je voyais ma mère. C’est vrai
que j'ai oublié à quoi elle ressemblait mais je sais qu'elle était
très douce, exactement comme Imelda. Elle serait déçue de
moi si elle voyait l'homme que je suis devenue.
‒ Ne dis pas une telle chose, dit-elle en posant de nouveau sa
main sur la mienne. Elle serait fière de toi. Tu es un homme
génial. Et n'importe quelle femme souhaiterait avoir un fils
comme toi. Tu as juste commis des erreurs mais ce n’est pas
bien grave. Tu peux encore te racheter auprès de ta femme. Il
te suffit juste de devenir l'homme qu'elle désire. Tu la connais
mieux que quiconque.
‒ Tu crois que j’ai des chances ?

Elle me sourit tendrement.

‒ Tu as toutes les chances mon chéri.

Une lueur étrange danse dans ses yeux. Le contact de sa main


sur la mienne me fait me sentir bien, protéger. Du bout des
doigts elle range une mèche rebelle de mes cheveux. Je la
regarde et je me sens étrangement proche d'elle.
‒ As-tu des enfants ? Lui demandé-je sans la quitter des yeux.

Elle retire son doigt de mon visage.

‒ Oui. J'en ai trois.


‒ Et où sont-ils ?
‒ Quelque part dans ce monde.

Elle veut lâcher ma main, mais je l’en empêche. Elle paraît


surprise.

‒ Ton contact me fait du bien. C’est bien la première fois que


je me sens si proche d'une personne en dehors de Djénéb.

Elle sourit. Ses yeux deviennent subitement brillants, comme


si elle allait pleurer.

‒ Merci ! Dit-elle doucement.


‒ Merci à toi de m'avoir tenue compagnie. Ça m'a fait du bien
de parler. Je n'ai pas vraiment d'ami en qui me confier.
‒ Je sais. Et je serai toujours disposée à t’écouter si tu le
désires.
‒ Tant mieux.
Elle me caresse la joue. Cette femme a quelque chose qui me
trouble.

‒ Je crois qu’il est l’heure d’aller dormir, me dit-elle quand je


baille.
‒ Oui.

Je me lève mais je manque de tomber.

‒ Attends que je t'aide, dit-elle en riant. Je crois que tu as un


peu poussé sur le vin.
‒ Ouais, dis-je en souriant.

Elle m’aide en me servant d’appuie jusqu’à ma chambre. Elle


me déchausse et m'aide à me coucher.

‒ Bonne nuit, me souhaite-t-elle.


‒ Merci, à toi de même.

Je la regarde s'en aller sans m’empêcher de penser que je la


connais. Même si je ne sais où, je suis néanmoins ravi d'avoir
pu trouver en elle une oreille attentive. Lorsqu’elle atteint la
porte, pour je ne sais quelle raison, je la rappelle.
‒ Murima. Est-ce que… tu peux me prendre dans tes bras ?

Son visage se déforme par la surprise.

‒ Je suis désolé, je ne sais pas pourquoi je…

Avant que je ne termine ma phrase elle se précipite de


m’enlacer. J’ai l’impression qu’un poids m’est ôté sur
l’épaule. Je réponds à son étreinte. Ça me fait un bien fou
d’être enlacé avec autant d’amour. Je suis en manque de cet
amour maternel mais cette nuit, j’ai l’impression d’en recevoir
de cette femme qui n’est pourtant que mon employée.

Je l’entends renifler. Je me sépare d’elle.

‒ Pourquoi pleures-tu ?
‒ Rien, répond-t-elle en s’essuyant le visage. Enfin, c’est juste
que ça m’a fait du bien de te prendre dans mes bras. Je suis
désolée.
‒ Ça m’a aussi fait du bien. Encore merci.
‒ Bonne nuit mon chéri.

Elle pose un baiser sur mon front et cette fois je la laisse


partir, non sans me sentir bien comme un enfant qui vient
d’être chouchouté par sa mère.
8

***TRAVON

Ce matin je me suis réveillé avec la pèche. Ma conversation


d’hier avec Murima m’a boosté. Je suis prêt à récupérer ma
femme. Déjà avant l’aube j’étais debout à chercher des
endroits exotiques où aller avec elle pour quelques semaines.
J’en ai trouvé plusieurs. Il me faut maintenant choisir le
meilleur. Mais moi je suis plus tenté par Hawaï ou le
Bahamas. Ces deux lieux sont géniaux pour des vacances en
couple. Je demanderais bien l’avis de Murima.

Je descends retrouver les autres autour de la table à manger. Je


bois d’une traite mon jus de fruit après les avoir tous salué.

‒ Tu ne prends pas ton petit déjeuner ? S’enquiert mon père.


‒ Non. J’ai une tonne de chose à faire.

Je cherche Murima du regard. Elle entre dans la pièce une


carafe d’eau en main.

‒ Bonjour Murima. Pourrais-je te voir un instant ?


‒ Bonjour chéri. Oui bien-sûr.
Tous relèvent la tête vers elle quand elle m’appelle chéri. J’en
suis moi-même surpris mais je ne le lui interdirai pas. Un peu
de tendresse dans ma vie ne me ferait vraiment pas de mal.
Elle pose la carafe et me suit jusque dans le salon. Je lui tends
ma tablette.

‒ Voilà, j’ai visité différents sites à la recherche d’un


merveilleux endroit où me rendre avec Imelda.
‒ Oh c’est mignon, s’exclame-t-elle avant de faire défiler sur
la tablette les images.
‒ Mais je penche plus entre le Bahamas et Hawaï. Elle a
toujours voulu se rendre dans ces endroits.
‒ Oui ce serait aussi génial. Vous pouvez commencer par l’un
et terminer par l’autre. Combien de temps y resterez-vous ?
‒ Autant qu’il faudra pour la reconquérir.
‒ Mais et ton travail ?
‒ Je crois que j’ai assez bossé comme ça. Une pause ne serait
pas de refus.
‒ C’est bien, se réjouit-elle en posant sa main sur ma joue.
‒ Merci pour tes conseils. Ça m’a énormément aidé.
‒ De rien. Mais avant, tu dois te séparer de ton assistante.
‒ Oui j’y ai déjà réfléchi. Merci !

Je lui baise la joue alors qu’elle ne s’y attend pas. Mais par
son sourire je comprends que ça lui a fait plaisir. Je récupère
ma tablette et je fonce à ma voiture. Je me rends au travail,
mettre un peu d’ordre autour de moi. En effet, j’ai décidé de
transférer mon assistante dans un autre département loin de
moi. Je ne peux la virer pour avoir été moi-même consentant
pour ce qui s’est passé. Je peux néanmoins l’éloigner de moi.
Si je dois ramener ma femme, je dois d’abord m’éloigner de
celle-là. Je contacte le Directeur des ressources humaines pour
s’en occuper. Je vérifie prestement un dossier important à
rendre à mon père aujourd’hui pour un rendez-vous. Une fois
terminé je marche vers la sortie quand je rencontre Debby.

‒ Vous m’avez renvoyé ? Me demande-t-elle en se mettant sur


mon chemin.
‒ Non je t’ai juste transféré ailleurs.
‒ Pourquoi ? Parce que nous avons couché ensemble ?
‒ Que tu travailles pour moi ou pour quelqu’un d’autre, quelle
différence ça fait ? Tu auras toujours un salaire.
‒ Mais je…

Je continue mon chemin sans plus attendre. Je conduis avec


enthousiaste jusque chez les parents d’Imelda. Je gare à peine
que je la vois descendre d’un taxi. Je me lance vers elle.

‒ Imelda ! Chérie !
Elle se retourne à peine que je capture ses lèvres. Elle ne me
repousse pas sur le champ. Ça me donne l’opportunité
d’approfondir le baiser. Mais pas pour longtemps.

‒ Arrête ça Travon, me repousse-t-elle.


‒ Ma puce je te demande pardon.
‒ C’est trop tard Travon. Je veux refaire ma vie loin de toi et
ta famille.
‒ Je vais me racheter. Laisse-moi juste une chance.
‒ Ça tombe bien que tu sois là.

Elle sort un document de son sac à main.

‒ Ce sont les papiers du divorce.


‒ Quoi ? Si vite ? M’étonné-je en les prenant pour les
examiner.
‒ Oui. Mon père s’est chargé d’accélérer les choses.
‒ Tu es donc décidée à mettre un terme à notre mariage ?
‒ N’étais-tu pas sur le point de le faire ?
‒ J’avais parlé sous l’effet de la colère.
‒ Peu importe. Les papiers sont là. J’attends ton retour.

Elle me plante et disparait dans la maison. Je regarde les


papiers entre mes mains et je n’en reviens pas. C’est donc
vrai ? Elle veut vraiment divorcer ? Elle souffrait à ce point
près de moi ? Je ne sais plus quoi faire là. Vaut-il toujours la
peine que j’organise ces voyages ? Une douleur à la poitrine
m’oblige à retourner dans ma voiture. Plus je m’éloigne de la
maison, plus la douleur à la poitrine s’intensifie. Mes forces
commencent à me lâcher. Ce n’est vraiment pas le moment.
J’essaie de garer sur le côté quand je sens un gros coup dans
ma poitrine qui me fait sursauter. Je pose instinctivement la
main vers mon cœur. Ne roulant pas à vive allure je heurte
légèrement un poteau électrique. Je commence à suffoquer.
Mon cœur fait un autre sursaut et cette fois je me sens partir.

***MURIMA

L’assiette en porcelaine que je tenais me tombe des mains et


se brise en mille sur le carrelage. Je suis court-circuitée par
une douleur dans le cœur. Je m’assois sur un siège.

‒ Tantine ça va ? S’inquiète Djénéb.


‒ Mes enfants. Il est arrivé quelque chose à l’un de mes
enfants.
‒ Quoi ? Comment ça ?

Aurelle me regarde avec interrogation. Djénéb m’apporte un


verre d’eau que je bois avec difficulté.
‒ Appelle Travon pour prendre de ses nouvelles s’il te plaît,
demandé-je à Djénéb. Et toi Aurelle va voir dans sa chambre
si Xandra va bien.

Elles s’exécutent toutes les deux. Aurelle ne tarde pas à


revenir avec de bonnes nouvelles concernant Xandra qui serait
concentrée sur son ordinateur. Mes pensées vont bizarrement
vers Travon.

‒ Travon ne décroche pas, m’informe Djénéb.


‒ Mon Dieu non pas ça ! Pas mon bébé. J’espère que c’est une
fausse alerte.

Djénéb continue d’insister avec Travon. Je passe les longues


minutes qui suivent à prier qu’il ne soit rien arrivé à mes
garçons. Quand le fixe sonne, je bondis dessus et décroche à la
hâte.

‒ Allô ! Maison des WILLAR.


‒ « Murima c’est moi, Derrick. Travon est aux urgences. Il a
fait un arrêt cardiaque. »

Je laisse le téléphone tomber. Djénéb le récupère et continue la


conversation avec Derrick.

‒ Seigneur pas mon bébé. Je t’en supplie, pas lui.


J’arrache le téléphone à Djénéb et demande à Derrick le nom
de l’hôpital où il se trouve. Dès qu’il me le donne je jette de
nouveau le téléphone et cours vers la sortie. Le chauffeur gare
à peine devant la clinique que je sors en trombe. Mon visage
s’est inondé de larme sans que je ne m’en aperçoive. Je fonce
à l’accueil.

‒ Bonjour mon fils a été admis ici aujourd’hui. Il s’appelle


Travon Yitu WILLAR. Il aurait fait un arrêt cardiaque.
‒ Patientez un instant Madame. Il y avait des gens avant vous.

Je me rends compte d’avoir poussé les deux personnes


présentes à l’accueil. Mais j’en ai que faire.

‒ Je veux juste savoir comment il va.


‒ Madame…
‒ JE VEUX JUSTE SAVOIR COMMENT VA MON FILS
MERDE !
‒ Murima !

Je me retourne vers Derrick. Je le rejoins.

‒ Comment va-t-il ? Dis-moi qu’il va bien je t’en prie.


‒ Ils essaient de le réanimer. Son cœur a lâché alors qu’il était
au volant.
‒ Non ! Non ! Non !

Je m’éloigne à reculons très lentement en pleurant.

‒ Derrick non ! Pas mon bébé ! NON !

Je me laisse tomber par terre près des fauteuils. Je n’arrive pas


à me retenir. J’ai tellement peur pour mon fils. Je sens tout
mon être se déchirer. Je refuse de perdre mon fils maintenant
que je l'ai retrouvé. Surtout qu'il commence à se rapprocher de
moi. Il m'a demandé un câlin hier et aujourd’hui il se retrouve
entre la vie et la mort. Mon Dieu ne permet pas ça.

‒ Murima calme-toi s’il te plaît. Ne pense pas déjà au pire.

Je continue de pleurer sans m’occuper de Derrick qui se


rapproche de moi. Avant qu’il ne puisse poser sa main sur
moi, sa femme fait son entrée. Elle court se jeter dans les bras
de son mari. S'en suivent de longues séries de questions. Je me
lève et m’éloigne d'eux. Je vais m’asseoir dans une autre salle
un peu plus loin. Là, je me mets à prier pour mon fils. Mes
larmes ne tarissent pas pour autant.
‒ Je sais que depuis ma libération je ne t'ai plus vraiment
parlé. Mais aujourd’hui je viens à tes pieds Seigneur pour
t'implorer de ne pas me prendre mon fils. Pas maintenant, pas
comme ça. Laisse-le encore vivre de longues années. Il a
tellement de chose à faire et à vivre. Il est encore tout jeune
pour mourir. Je t'en supplie mon Dieu, sauve mon garçon. Je
ne veux pas le perdre, continué-je cette fois en éclatant en
sanglot. Je n’imagine pas ma vie sans l'un de mes enfants. Je
mourrais si cela devait arriver.

Je continue de prier pendant plusieurs minutes lorsque je sens


quelqu’un s’approcher de moi. Je relève vivement la tête
espérant que ce soir le Docteur qui m'apporte de bonne
nouvelle. C’est plutôt Derrick que je vois.

‒ Il a été placé dans une chambre. Il n'est pas encore tiré


d’affaire mais son état est pour l’heure stable.
‒ Conduis-moi à sa chambre s'il te plaît.

Il acquiesce. Je lui emboîte le pas jusque dans une chambre.


Travon est allongé dans un lit, branché de partout. Il est encore
inconscient. Quand je le vois mes larmes redoublent. Je vais
vers lui et je pose mes lèvres sur son front.

‒ Rétablis-toi mon chéri s'il te plaît. Maman a encore besoin


de toi. Je t'aime tellement si tu savais. Ne me laisse pas
maintenant.
Ma voix se brise sous l’émotion. Mes larmes reprennent leur
trajet sur mes joues. Les mains de Derrick se posent sur mes
épaules. Il me ramène contre lui et me serre dans ses bras. Je
m'y réfugie. J'en avais besoin. Je hume fortement son parfum.

‒ Il va s’en sortir, ne t’inquiètes pas.


‒ J’ai tellement peur de le perdre. Oh mon Dieu !
‒ Tu ne le perdras pas. Regarde-moi !

Il relève ma tête de son doigt.

‒ Il me ressemble physiquement mais il a tout pris de toi. Tu


lui as transmis ton courage et je sais qu'il se battra pour rester
en vie. Alors toi ne faiblis pas s'il te plaît. Communique-lui
plutôt ta force. Hum ?

Je hoche la tête.

‒ Tu te souviens que lorsqu’il avait un an il avait eu ce même


problème de cœur ? Et je t’avais dit qu’il nous reviendrait sain
et sauf ?
‒ Oui.
‒ Je te le redis aujourd’hui. Ton bébé te reviendra beaucoup
plus fort.
Je secoue vigoureusement la tête. Le regard de Derrick devient
beaucoup plus tendre. Il me garde toujours fermement contre
lui avec son bras autour de ma taille. Me sentir de nouveau si
proche de lui, sentir ses puissantes mains me tenir et sa virilité
m'envelopper, me troublent jusque dans mes entrailles. Je ne
cesserais donc jamais d'aimer cet homme ? Malgré tout le mal
qu'il m’a fait ? Je le vois rapprocher ses lèvres. Il pose un
baiser sur mon front. Le contact de ses lèvres sur ma peau fait
battre mon cœur à un rythme affolant. Quand il pose lentement
le deuxième baiser sur ma joue gauche, une vague de souvenir
m’emporte. Je sais ce qu’il est en train de faire. Il pose un
autre baiser sur ma joue droite, puis sur le bout de mon nez.
Mon pouls s’accélère quant à l’étape qui va suivre. Je plonge
mon regard dans le sien. Il soude le sien au mien. Je peux
sentir son cœur tambouriner contre sa poitrine. Va-t-il le faire
comme il en avait l’habitude Vingt-deux ans en arrière ? Je
ferme les yeux quand il rapproche ses lèvres. Et quand il les
pose sur les miennes, je sens des fourmillements partout en
moi.

Il l'a fait.

Et il ne s’arrête pas là comme ce qui devait être le cas. Nous


échangeons un regard rempli de désir, de souvenirs et d'un
commun accord muet nous scellons nos lèvres de nouveau
pour notre premier baiser après Vingt-deux ans de séparation.
Il me presse contre lui au point où je peux sentir son érection.
Nous oublions tout autour de nous. Nous oublions même la
délicatesse de la situation qui nous a conduit en cet hôpital.
Les secondes s’égrènent sans que nous ne mettions fin à ce
baiser. Je ressens des milliers de feux d’artifice dans tout mon
être. Je ne veux plus qu’il me relâche.

Il avait pour habitude de poser des baisers sur les parties de


mon visage pour me rassurer à chaque fois que quelque chose
m’inquiétait. C’était sa technique à lui et à chaque fois qu'il le
faisait toute ma peur s’enfuyait comme à cet instant. La
première fois qu’il l'a fait c’était quand Travon a cessé de
respirer une nuit dans son lit. J’étais morte de peur. Quand il a
fait ça, j’ai éclaté de rire sans vraiment m'en rendre compte et
depuis il le refaisait. J'en prenais toujours plaisir. Aujourd’hui
je me retrouve encore dans ses bras à savourer ses lèvres que
j’aimais embrasser. Je glisse ma main dans sa chevelure
soigneuse. Je veux juste que le temps s’arrête, que tout ce qui
s’est passé ne soit qu’un rêve et que je sois de nouveau la
Madame WILLAR.

Le bruit de la porte nous fait sursauter. Quand nous nous


retournons, c’est sur le regard choqué d'Imelda que nous
tombons.

‒ Je suis désolée de vous avoir interrompu, dit-elle avec une


pointe de dégoût dans la voix.
‒ Non, tu ne nous déranges pas, répondé-je avec embarras.
Elle continue de nous regarder méchamment. Derrick s’excuse
et sort de la chambre. Je peux voir de la déception dans son
regard.

‒ Écoute ce que tu as vu…


‒ Au moins maintenant je sais d’où Travon tient son infidélité.
Je vais y aller. Contactez-moi quand il se réveillera.

Elle sort sans attendre ma réponse. Je la suis. Je ne peux pas


laisser les choses comme ça. Je refuse qu'elle garde cette
image de moi.

‒ Imelda attend. Nous devons parler.

Elle se retourne.

‒ De quoi ? Du fait que tu sortes avec ton patron ? Un homme


marié ? Je te croyais plus responsable et de bonne moralité.
‒ Non. Nous allons parler du fait que je sois la mère de ton
époux, de Will et Xandra. Du fait que je sois l'ex-femme de
Derrick.

Son visage se déforme par l’incompréhension.


‒ Pouvons-nous aller dans un endroit plus calme pour
discuter ?

Elle me regarde comme si j’étais une extraterrestre. Elle fait


un léger oui de la tête.

Nous nous sommes rendues dans la cafétéria de l’hôpital afin


de rester proche de Travon. En buvant une gorgée de mon café
je cherche comment lui expliquer l’histoire sans qu’elle aussi
ne me condamne à la va vite.

‒ Comment ça tu es la mère des enfants WILLAR ? Leur mère


est morte et enterrée depuis Vingt-deux ans.
‒ C’est ce que Derrick a trouvé de mieux à leur dire pour me
faire du mal et me faire sortir définitivement de leur vie. Sinon
je suis bel et bien en vie.
‒ Et où étais-tu donc toutes ces années ?
‒ En prison.

Elle déglutit.

‒ J’avais été condamné à Quarante ans de prison mais j'en ai


finalement fait Vingt-deux pour bonne conduite.

Je marque une pause et reprends.


‒ J’étais une accro à la drogue avant. J’ai été livrée à moi-
même après la mort de mes parents. J’ai été recueillie par un
premier dealer au Gabon puis un deuxième ici qui m'a tout de
suite introduite dans son business. J'en prenais aussi en plus
d'en vendre. C’est Derrick qui m'a délivré de ses griffes. Il m'a
épousé malgré ma dépendance et le refus de ses parents parce
que j’étais noire.
‒ Exactement comme moi.
‒ Oui. J’ai eu les trois enfants et nous étions heureux. J’avais
réussi à vaincre ma dépendance. Ça n’avait pas été facile mais
j’y étais quand même arrivée. L’amour de Derrick m'avait
aidé. Mais un jour, je ne sais pas ce qui s’est passé. Je ne sais
comment s’est arrivé mais je me suis retrouvée droguée et j’ai
ridiculisé mon mari devant ses partenaires. Après ça la police
a retrouvé une grosse quantité de drogue au-dessus de ma
penderie ainsi qu’une arme qui avait servi pour un meurtre. Je
ne sais comment toutes ces choses sont arrivées chez nous.
J’ai essayé de m’expliquer mais personne ne m’a cru. Même
pas Derrick. Je crois qu’il avait atteint son seuil de tolérance
envers moi. J’ai été jugée et condamnée. Derrick m’a demandé
le divorce et je n’ai plus eu de ses nouvelles ni celles de mes
enfants durant toutes ces années passées enfermée. La
première chose que j’ai faite une fois libérée c’est de me
rendre à la maison. J’ai rencontré Djénéb qui m'a avoué que
pour mes enfants j’étais morte. C’est alors que j’ai décidé
d’entrer en tant que domestique dans l’espoir de me
rapprocher d’eux. Mais aussi pour qu'ils apprennent à me
connaître. Je n’ai pas voulu leur révéler mon identité de façon
brusque. Voilà donc toute l’histoire.
Elle reste silencieuse, complètement sous le choc.

‒ Je comprends maintenant ta douceur envers eux. Je


comprends aussi ta forte ressemblance avec Will. Je me disais
que c’était une coïncidence mais non. Tu dois avoir souffert
tout ce temps.
‒ Je ne te le fais pas dire. Je pensais chaque jour à eux. Je me
demandais s'ils allaient bien. S'ils pensaient à moi. Ça a été un
calvaire de vivre sans eux. Mais penser à eux m'a donné la
force de rester en vie malgré l’horreur que je vivais.
Aujourd’hui je suis là et j’ai mal de voir ce qu’ils sont
devenus. Derrick a négligé beaucoup d’aspects dans leur
éducation. C’est pourquoi ma chérie…

Je lui prends les mains.

‒ Je te demande de ne pas abandonner mon fils. Il a commis


des erreurs mais il n’est pas un méchant garçon. Il est très
sensible. Il t’aime énormément tu n’as pas idée. Il s’est mis à
organiser un voyage pour tous les deux. Ne le laisse pas je t’en
supplie.
‒ Je n’avais pas l’intention de le quitter, m’avoue-t-elle les
larmes aux yeux. Sur le coup oui j’y ai pensé mais après
m’être calmée je me suis rendue compte que je ne pouvais
vivre sans lui. Murima, j’aime tellement ton fils si tu savais.
Tout ce que je fais c’est uniquement pour le pousser à devenir
l’homme que je désire. J’ai même fait de faux papiers de
divorce que je lui ai remis ce matin. Je crois que c’est ce qui
l’a mis dans cet état. Oh mon Dieu qu’est-ce que j’ai fait ?

Elle étouffe ses pleurs dans sa main.

‒ Hé ! Non, arrête. Ce n’est aucunement ta faute. Travon avait


un problème de cœur depuis petit. J’ai cru que ça avait été
réglé mais apparemment non. Ce n’est rien. Il va s’en
remettre. Tu me promets de lui redonner une chance ?
‒ Bien-sûr que oui. Mais ça va être difficile de convaincre mes
parents de me laisser retourner avec lui.
‒ Ne t’inquiète pas je vais m’en occuper. Parait qu’ils sont
aussi Punu comme moi.
‒ Tu es Punu ? Gabonaise ?
‒ Oui, dis-je en souriant.
‒ Enfin j’aurais une alliée.
‒ Evidement.

Enfin nous retrouvons le sourire.

‒ Dis, tu l’aimes toujours ? Me questionne-t-elle subitement.

Je baisse les yeux face à cette question.


‒ Te dire non serait un mensonge. Derrick a été mon unique
amour. Avant lui je n’avais jamais aimé et après lui non plus.
Je ne pense d’ailleurs pas que j’arriverais à aimer un autre
homme.
‒ Je crois que c’est pareil pour lui. Je pense que lui aussi ne t’a
pas oublié.
‒ Peu importe Imelda. Il est marié à celle qui a toujours été le
choix de ses parents. Aujourd’hui ma seule priorité ce sont
mes enfants.

Je termine mon café. Je camoufle du mieux que je peux la


tristesse sur mon visage.

‒ Ton histoire ne m’encourage pas à continuer avec Travon. Et


si je vivais la même chose que toi ?
‒ Chacun à son histoire ma chérie. As-tu déjà touché à la
drogue ? Non je ne crois pas. Donc nous n’aurons pas la même
histoire.

Elle me sourit.

‒ Je suis heureuse de savoir que j’ai une belle-mère et qui


m’apprécie.
‒ Et moi je suis heureuse d’avoir une belle-fille. Wu dji
ivuandi (Tu es trop jolie).
Elle éclate de rire. Après ce moment d’échange qui nous a fait
du bien à toutes les deux, nous retournons à l’intérieur de
l’hôpital. Derrick est en compagnie de Xandra et de son ami
Clinton. Quand ce dernier me voit, une lueur brille dans ses
yeux.

‒ Bonsoir Murima. Comment vas-tu ?


‒ Je vais bien et toi ?
‒ Ça va. J’ai appris pour Travon alors j’ai tenu à apporter mon
soutien. Je ne savais pas que tu serais là.
‒ Je fais partie de la famille. Je me devais d’être là.
‒ Je suis ravi de te voir.

Je lui réponds par un faible sourire. Quand je tourne les yeux


je tombe sur ceux de Derrick qui ne cachent rien de sa
jalousie. Le Docteur vient nous informer de l’état de Travon et
comme je le pensais il faille qu'il se fasse opérer du cœur. Je
m'assois pour m’éviter de tomber telle je suis prise de peur.
Imelda reste près de moi en me tenant la main. Une opération.
C’est risqué. Il risque d'y rester si ça ne se passe bien. Je
préfère rester positive.

Nous passons tout le reste de la journée dans la chambre de


Travon. Xandra fini par s'en aller à son cours. Derrick et son
ami retournent dehors se dégourdir les jambes. Quand il ne
reste que moi et Imelda, je m'assois près de mon garçon et je
lui chante la berceuse que je leur chantais lorsqu'ils étaient
enfant. Je lui communique ma chaleur par une caresse sur la
joue. Peut-être que me sentir près de lui l'aidera à vite se
rétablir. C’est un chant en Punu qui veut dire « Que tu sois une
petite Chenille qui a besoin d'aide pour marcher ou que tu
deviennes un papillon qui vole tout seul, moi ta maman je
serai toujours là pour veiller sur toi et empêcher tout mal de
t’atteindre. ». Je prends sa main dans la mienne en continuant
à chanter quand subitement je sens ses doigts se resserrer sur
ma main. Il la serre fortement comme s'il ne voulait plus que
je le lâche. Imelda qui assiste à ça me regarde avec surprise.
L’émotion reprend sa place. De mon autre main je caresse les
cheveux de mon fils.

‒ Maman est là mon amour. Plus jamais je ne m’éloignerais de


toi.

Ses doigts se desserrent petit à petit comme s’il était


maintenant rassuré. Je pose un baiser dans le dos de sa main.
Remarquant que ma belle-fille voulait aussi être proche de lui,
je lui cède la place. Quand je me retourne je vois Derrick
arrêté près de la porte. Il a assisté à toute la scène. Son regard
me communique tellement de chose que je préfère détourner le
mien de peur qu’il ne lise en moi. Clinton ne tarde pas à faire
son entrée.

‒ Tu devrais peut-être rentrer te reposer, me suggère Derrick.


‒ Non je vais rester près de lui. Je ne veux pas le laisser seul.
‒ Il ne sera pas seul, répond Imelda. Je vais passer la nuit ici et
demain lorsque tu viendras je rentrerai. Tu as l'air épuisé à
force d'avoir pleuré. J’ai aussi besoin de prendre soin de mon
mari.
‒ D’accord on fera ça.
‒ Moi aussi je rentre, je peux te déposer, propose Clinton
interrompant Derrick qui s’apprêtait aussi à parler.
‒ Je ne veux pas déranger.
‒ J’insiste.

Je regarde Derrick qui n'a pas l'air enchanté.

‒ Ok d’accord.

J’embrasse Imelda et je suis Clinton jusqu’à sa voiture. Il


m’ouvre la portière en parfait gentleman avant de prendre
place près de moi, derrière son chauffeur. A peine nous
démarrons qu'il entame une conversation plutôt gaie qui me
détend au fur et à mesure. Je trouve en lui une très bonne
compagnie. Je me surprends à sourire.

‒ Tu as un très beau sourire, me complimente-t-il alors que la


voiture s’arrête à un feu tricolore.
‒ Merci.
‒ Tu dois beaucoup aimer Travon au point de vouloir passer la
nuit à son chevet.
‒ Oui. C’est un bon garçon.
‒ Tu m'as l’air très maternelle. As-tu des enfants ?

Qu’est-ce que je lui réponds ? Si je lui dis oui il voudra en


savoir plus. Je ne veux pas non plus pas lui dire non. Je refuse
de renier mes enfants. Pendant que je fais un choix de réponse
mentalement, une silhouette dehors attire mon attention.

‒ William ? Me chuchoté-je à moi-même en regardant plus


attentivement.

Quand il tourne son visage vers la voiture je vois nettement


son visage. C’est William. Il tient en main des paquets. Mais
que fait-il là alors qu’il est censé être en centre de désintoxe ?
Il monte dans un taxi.

‒ S’il te plaît demande à ton chauffeur de suivre ce taxi sans se


faire remarquer, dis-je à Clinton oubliant le risque que cela
ferait s'il voyait Will.
‒ Que se passe-t-il ?
‒ Je veux juste suivre ce taxi s’il te plaît. Mais si ce n’est pas
possible ce n’est pas grave. Je vais aller prendre un taxi.

Avant que je n’ouvre la portière il m’attrape le bras.

‒ Pas besoin. On y va, ordonne-t-il à son chauffeur.


Nous démarrons quelques secondes après le taxi. C’est en
restant à une distance considérable que nous le suivons. Je
n’écoute plus Clinton qui essaie de me faire la conversation. Je
me demande bien comment cela se fait-il que Will soit encore
au pays. Son père a pourtant appelé dans le centre où il était et
on lui a bien dit qu’il y était. Alors pourquoi je le vois là ?

Après des minutes à le suivre, son taxi gare devant un petit


immeuble dans un quartier isolé de la ville. C’est un quartier
qui ne ressemble pas à son statut d’enfant de riche.

‒ N’est-ce pas Will là ? Me montre Clinton. N’est-il pas censé


être en centre de désintoxe ou quelque chose comme ça ?
‒ Oui. Mais je te demande s’il te plaît de ne rien dire à
Derrick.
‒ Ok. Mais tu me revaudras ça, plaisante-t-il. Je veux un diner.
‒ Ok, dis-je en souriant. On en reparlera plus tard. J’y vais.
‒ Je t’attends ?
‒ Non pas la peine merci. Bye et merci encore.

Je sors rapidement et traverse la voie en courant. Will est déjà


entré. Je le suis jusqu’au deuxième étage où il rentre dans un
appartement. Je vais y cogner. Il met un peu de temps à ouvrir.
Quand il me voit il sursaute.
‒ Que fais-tu là ?
‒ Je t’ai vu et je t’ai suivi. Que fais-tu là toi ?
‒ Ce ne sont pas tes oignons. Dégage d’ici et si tu l’ouvres je
te le ferais regretter.

Il essaie de refermer la porte mais je l’en empêche. J’entre de


force.

‒ Non mais ça ne va pas ? Tu es ma domestique je te le


rappelle et je t’ordonne de foutre le camp de mon appartement.
‒ Tu n’es pas en centre de désintoxication ? Pourquoi ?
‒ Parce que je n’en avais pas envie. Maintenant si tu veux tu
peux aller le dire à mon père. Je n’en ai rien à foutre de toutes
façons. Sors maintenant.

Il me tire jusque dehors.

‒ Je n’ai pas l’intention de dire quoi que ce soit à ton père. Au


contraire, je veux t’aider.
‒ Tu crois pouvoir m’aider ? Toi une domestique ? La bonne
blague.

Il s’apprête à fermer la porte.

‒ J’ai été aussi une accro.


La porte s’ouvre lentement.

‒ Je sais ce que ça fait d’être rejeté par ceux qu’on aime. J’ai
passé Vingt-deux ans en prison pour quelque chose que je
n’avais pas fait mais comme j’étais une ancienne droguée on
m’a condamné d’office. Alors crois-moi que je peux t’aider
dans ce que tu traverses.

Son regard dur se radoucit. Il se dégage du passage et referme


une fois que je suis à l’intérieur. Je regarde partout et tout ce
que je vois ce sont des tableaux, des pinceaux et des peintures.
Il y a juste un divan et une table basse au milieu de tout ça.

‒ Tu… peins ?
‒ Oui. Et tu es la seule personne à le savoir maintenant.

Je lui fais face.

‒ Pourquoi n’es-tu pas allé au centre ?


‒ Parce que je ne suis pas accro à la drogue, répond-il en allant
s’asseoir sur un tabouret. J’en prends mais je peux aussi m’en
passer. La plupart du temps c’est pour faire chier mon père.
‒ Vraiment ?
‒ Oui. Cet homme me déteste et c’est réciproque. J’ai contacté
le centre et j’ai donné de l’argent à un agent pour qu’on me
couvre quand mon père appellerait. J’ai préféré venir
m’enfermer dans mon appartement. Mais j’ai aussi trouvé un
groupe ici. Un groupe de jeunes comme moi rejetés par leur
famille pour des choses qu’ils n’ont pas forcément faits.
Certains aussi se sont mis à consommer de la drogue pour
oublier. Ce groupe m’aide beaucoup. Je m’y sens à mon aise.

Je suis soulagée d’entendre ces choses qui me prouvent que


j’avais raison. Il n’est pas ce que son père croit.

‒ C’est donc pour énerver ton père que tu refuses de faire


quelque chose de ta vie ?
‒ Rien à voir. Je ne veux pas travailler dans l’entreprise
familiale ni dans aucune autre parce que j’aime faire autre
chose.

Il se lève et marche vers les tableaux.

‒ J’aime peindre. C’est ma passion. Je peins depuis que j’ai


quatorze ans. Je veux en faire mon métier. J’ai essayé d’en
parler à mon père mais il ne m’a laissé aucune chance d’en
placer une.
‒ C’est toi qui as peint tout ça ? Lui demandé-je en le
rejoignant près des tableaux.
‒ Oui.
‒ Ils sont magnifiques.
Je suis épatée devant les œuvres de mon fils. Quel talent !

‒ C’est ici que je passe mes jours lorsque je découche de la


maison. Me retrouver au milieu de mes tableaux, c’est ce qu’il
y a de mieux dans ma misérable vie.
‒ Ta vie n’est pas misérable. Ne dis plus jamais ça, lui dis-je
d’un ton mordant. Tu es un jeune garçon brillant qui n’a juste
pas la chance d’être soutenu par sa famille. Mais moi je veux
te soutenir. Je veux être là pour toi.
‒ Pourquoi ? Tu ne me connais pas.
‒ Je n’ai pas besoin de te connaitre pour t’apprécier. Dès le
premier jour j’ai vu en toi une bonne personne. Intègre-moi à
ta vie s’il te plaît et je t’aiderai.

Il m’a l’air complètement perdu. C’est normal. Depuis quand


les domestiques s’intéressent à la vie de leur employeur ?

‒ Je sais aussi peindre.


‒ Vraiment ? S’étonne-t-il mais d’un air plus intéressé.
‒ Oui. Je n’ai jamais réellement peint mais je dessinais
beaucoup quand j’étais plus jeune. Je dois certainement avoir
perdu la main maintenant. Tu pourrais me donner des cours.

Il mime un sourire.
‒ Je ne sais pas pourquoi mais j’ai bien envie de te faire
confiance.

Je me retiens de sauter au plafond. Je lui souris juste. Le reste


de la soirée nous la passons à discuter pendant que je lui fais à
manger. Il me parle de sa vie, de ses rêves. Devant moi il se
débarrasse d’un sachet de Marijuana qu’il avait prévu prendre
ce soir. Je me rapproche aussi de mon deuxième fils. Je me
souviens de l’état de santé de Travon. Je l’en informe. Il
devient tout inquiet mais je le rassure. Je vois qu’il aime
beaucoup son frère et que la distance qui s’est installée entre
eux le chagrine. Je suis tellement heureuse d’être avec mon
fils que je ne vois pas l’heure passer.

***DERRICK

Il sera bientôt minuit et Murima n’est toujours pas rentrée. Je


n’arrête pas d’imaginer ce qu’elle peut être en train de faire
avec Clinton. Il n’y a qu’avec lui qu’elle puisse être. Elle ne
connait personne dans ce pays. Je veux dire personne qui la
ferait rester dehors jusqu’à cette heure. J’ai appelé Imelda
pour savoir si elle était retournée à la Clinique mais non. Je
n’ai pas assez de jugeote pour appeler Clinton et lui demander
des comptes. Il n’est pas censé savoir ce qui me lie à Murima.
Je me contente de ruminer en fixant l’horloge murale.

Que fout-elle avec lui jusqu’à cette heure ?


J’ai honte de le reconnaitre mais je suis jaloux. J’ai honte
parce que ma femme m’attend dans notre lit alors que moi j’en
attends une autre. Je ne peux plus cacher mes sentiments.
J’aime encore mon ex-femme. Je l’aime au point de n’avoir
pas eu assez de force pour me retenir de l’embrasser. Cette
femme détient toujours la clé de mon cœur. Je la détestais
pourtant. Je la détestais plus que je n’avais détesté quiconque.
Mais faut croire que derrière cette haine se cachait mon amour
pour elle. Cet amour qui m’avait poussé à la choisir malgré sa
dépendance à la drogue, à la choisir contre le gré de mes
parents. Cet amour qui m’a permis de l’aider à se défaire de la
drogue. Cet amour qui m’a poussé à lui faire trois gosses. Je
l’aime comme au premier jour et je sens que je vais encore en
souffrir comme j’en ai souffert ces Vingt-deux années loin
d’elle.

Je prends un cadre photo de nous deux. Dans une pièce, j’ai


emmagasiné tout ce qui lui appartenait personnellement mais
aussi ce qui nous appartenait tous les deux, telles nos photos
de mariage. Il y a toutes nos photos dans cette pièce à laquelle
j’ai interdit l’accès à tout le monde. Je garde précieusement la
clé sur moi. Il y a ses vêtements, son carnet de dessin. Elle
dessinait à ses heures perdues. J’ouvre une grosse boite qui
contient l'écrin de son alliance. Cette bague, je l’avais faite
confectionner rien que pour elle. Elle me l’a remise en même
temps que les papiers du divorce après les avoir signés. J’ai
tout gardé d’elle. Absolument tout. Et je viens dans cette pièce
quand la nostalgie s’installe. Il m’était difficile de me
débarrasser de toutes ces choses. Je ne voulais
inconsciemment pas l’oublier.
J’entends la porte d’entrée se refermer. Je m’y précipite. Elle
est enfin rentrée. Je suis soulagée mais en même temps en
colère.

‒ Tu crois que c’est une heure pour rentrer ? Lui lancé-je en


marchant vers elle.
‒ Tu m’as fait peur Derrick, dit-elle la main posée sur sa
poitrine. Que fais-tu encore debout à cette heure ?
‒ Je te retourne la question. Il est formellement interdit dans
cette maison de rentrer à des heures tardives.

Je m’arrête juste devant elle. Je la regarde durement.

‒ Je suis désolée. J’avais des choses à faire.


‒ Avec Clinton ?
‒ Pardon ?
‒ Tu restes aussi tardivement avec un homme que tu connais à
peine ?
‒ Ce que je fais de ma vie ne te regarde en rien Derrick. Passe
une bonne nuit.

Elle essaie de s’en aller mais je la ramène violemment contre


moi.
‒ Que se passe-t-il entre vous ?
‒ Que t’arrive-t-il Derrick ?
‒ Il m’arrive que je ne supporte pas votre “amitié’’.
‒ N’est-ce pas que tu lui as donné ton accord pour qu’il me
côtoie ?
‒ Et je m’en repends.

Elle plisse les yeux. Je baisse les yeux sur ses lèvres sans
jamais la libérer de mon emprise.

‒ Je ne veux pas qu’un autre t’embrasse.


‒ Tu embrasses pourtant une autre. Tu couches même avec et
vous êtes légalement mariés.
‒ Tu sais pertinemment que ce qu’il y a entre elle et moi ça
n’a rien à avoir avec l’amour.
‒ N’empêche que c’est elle qui porte ta bague. Je suis aussi
appelée à porter celle d’un autre homme.

Je serre mes doigts autour de son bras.

‒ Nous ne devrions pas avoir cette conversation Derrick. Toi


et moi, ça fait Vingt-deux ans que c’est mort. Tu as mis un
trait sur nous en me laissant croupir en prison.
‒ ET TU NE M’AS PAS… (Je baisse la voix) Et tu ne m’as
pas laissé le choix. C’est toi qui as tiré un trait sur nous en
continuant le trafic de drogue. Tu m’as trompé Tatiana. Est-ce
que tu sais ce que j’ai ressenti lorsque j’ai vu des photos de toi
toute nue dans les bras d’un autre homme ? Tu as couché avec
un autre. Mes partenaires t’ont vu nue. Ils ont vu ce corps qui
était à moi. Ce corps que je prenais plaisir à aimer de toutes
les manières possibles. Ce corps qui me rendait fou.

Elle frémit.

‒ Ils ont vu la nudité de ma femme. Tu m’as mis hors de moi.


‒ Et moi je te le répète, je ne me suis jamais donnée
volontairement à un autre homme que toi. Tu étais toute ma
vie, l’homme de mes rêves. Je ne désirais que toi alors il
m’était inconcevable de m’offrir à un autre. Aucun ne
t’arrivait à la cheville pour moi. Même étant en prison j’ai
continué à espérer que tu reviennes me chercher Derrick. Je
t’ai attendu. Mais tu n’es jamais venu. Jamais.

Je glisse la main qui l’avait empoignée dans son dos et je la


ramène beaucoup plus contre moi. Je rapproche mes lèvres des
siennes.

‒ Tu m’as fait énormément souffrir Murimami (Mon cœur en


Punu). J’ai souffert de ton absence tu n’as pas idée.
‒ Moi aussi j’en ai souffert, mais toi seul était en mesure de
mettre fin à cette souffrance. Seulement tu as préféré nous
laisser ainsi.
‒ Murimami !
‒ Ne m’appelles plus ainsi. Tu n’en as plus le droit.

Elle me repousse. Je vois des larmes remplir ses yeux.

‒ Si Clinton tente un rapprochement, je lui donnerai sa chance.


Ma priorité ce sont mes enfants, mais je ne dirai pas non à un
peu d’amour.

Je veux lui dire de ne pas se mettre avec un homme mais je la


regarde juste disparaitre dans le couloir qui mène aux
chambres des employées. Je sens que la souffrance que j’ai
enduré ces Vingt-deux ans refera surface parce que je verrais
tous les jours la femme que j’aime sans pouvoir la prendre
dans mes bras, lui dire que je suis fou d’elle et former avec
elle la famille que nous avons toujours été. Je ne pense pas
être en mesure de supporter cette souffrance qui m’avait donné
plus d’une fois des idées suicidaires. Seuls mes enfants m’ont
permis de rester en vie. Si Travon n’avait pas été là ce jour, je
serais déjà mort. Tout ça parce que je voulais arrêter de
souffrir pour une femme qui m’a brisé jusque dans mon âme.
9

***ALEXANDRA

J'essaie depuis hier de joindre Tiger sans succès. Ça sonne


dans le vide. L’idée qu'il soit toujours en colère contre moi à
cause de cette Murima m’empêche de dormir. Je crains qu'il
rompe avec moi. Je l'aime trop pour pouvoir le supporter. Je
n’imagine pas ma vie sans lui. Malgré tout ce qu'on peut dire
sur lui ça ne m’empêche pas de l'aimer. Il n'est pas méchant. Il
a juste un fort caractère c’est tout sinon quand il le veut il sait
être romantique. Il m'a déjà offert des cadeaux. Pas coûteux
mais importants à mes yeux. J’ai compris pourquoi il ne
voulait pas d’enfant maintenant. Il a juste peur d’être un
mauvais père. C’est tout à fait compréhensible. Nous
souhaitons tous être de bons parents pour nos enfants alors
lorsqu’on ne s'en sent pas encore capable on ne doit pas en
faire. C’est ce qui explique la réaction de Tiger. Il n'a pas eu
besoin de me le dire. Je le sais parce que je le connais plus que
quiconque.

‒ Comment va-t-il ?

Nous tournons tous la tête vers Mamie qui rentre dans la


chambre où Travon est hospitalisé.
‒ Son état est stable pour le moment, répond mon père.
L’opération aura lieu dans quelques heures.

Mamie s'avance vers Travon qui est toujours inconscient.


Imelda qui est assise près de lui semble ne pas s’intéresser à la
présence de Mamie près d’elle.

‒ Je te croyais partie toi, lui dis Mamie.


‒ Je ne pouvais pas rester loin pendant que mon époux est
entre la vie et la mort.
‒ Tu as sans doute oublié que c’était toi l’origine de son état
actuel. Tu n'as cessé de le stresser.
‒ Maman s'il te plaît, intervient papa. Ce n’est pas le moment.
‒ Demande donc à cette femme de retourner d’où elle vient.
Mon petit fils a juste besoin de sa famille. Et d’ailleurs que fait
la domestique ici ? Demande-t-elle en fixant Murima.

Je remarque des échanges de regard entre papa, Murima et


Mamie. C’est à ce moment que Tiger décroche enfin mon
énième appel. Je sors de la chambre à la hâte.

‒ Allô bébé !
‒ « Je ne suis pas ton bébé. Que me veux-tu ? »
‒ Pourquoi ne réponds-tu pas à mes appels ?
‒ « Pourquoi veux-tu que j'y réponde ? Ça ne t'a pas suffi
qu'on me bastonne parce que tu as raconté n'importe quoi sur
moi ? Il a fallu encore que ta famille porte plainte contre moi.
J’ai reçu la visite de la police. Ils ont fouillé ma maison à la
recherche de drogue. J’ai été mis au cachot depuis hier. Il m'a
fallu payer une caution pour me libérer de là. Mais avant on
m'a donné une restriction. Je ne dois plus te parler ni même te
voir. Tu es contente maintenant ? Ta famille et toi êtes en train
de me pourrir la vie. »
‒ Mon amour, je te promets que je n'en savais rien. Je ne
savais même pas qu’une plainte avait été déposée contre toi.
Encore moins qui l'a fait.
‒ « Qui cela peut-il être si ce n'est cette connasse de
gouvernante. Tu as permis à une moins que rien de bonniche
de s’immiscer dans notre couple. Assumes donc les
conséquences. Je ne veux plus te voir. Ne m’appelle plus
jamais. »

Il me raccroche au nez. Ses paroles me font tellement mal que


je ne me retiens pas de pleurer.

‒ Xandra ça va ? Tu es sortie précipitamment de la chambre.


Est-ce que tout va bien ?

Je fais volte-face devant Murima sans manquer d’afficher ma


colère sur mon visage.

‒ Non ça ne va pas. Ça ne peut aller parce que toi tu as décidé


de fourrer ton nez dans ma vie privée. Pour qui te prends-tu
pour t'immiscer dans mes affaires hein ? Jusqu’à envoyer la
police chez mon petit ami ? Non mais tu es malade ?
‒ Mesure tes propos jeune fille.
‒ Sinon quoi ? C’est à toi de mesurer tes propos parce que je
suis ta patronne. Parce que je t'ai raconté ma vie tu as poussé
des ailes. Mais laisse-moi te rappeler que tu n'es rien qu'une
misérable bonniche et tu le resteras.

La gifle que je reçois instantanément me fait tomber dans le


fauteuil derrière moi.

‒ Imbécile à qui crois-tu parler de la sorte ? Vocifère Murima.


Quand tu me regardes nous avons le même âge ? Non mais tu
es malade ? Enfant sans cervelle et sans éducation. Oses
encore ouvrir ta sale gueule pour me hurler dessus.

Je tombe des nues. Comment peut-elle me parler de la sorte ?


A moi sa patronne ? Quand je vois mon père venir vers nous,
je cours me jeter dans ses bras en pleurant.

‒ Que se passe-t-il ?
‒ Elle m'a giflé, lui dis-je en hoquetant.
‒ Quoi ? Murima tu as osé ?
‒ Qu'elle l'ouvre encore et elle verra si je ne lui arrache pas ses
dents de lait, menace-t-elle en agitant ses doigts devant moi.
‒ Papa renvoie-la. Je ne veux plus qu'elle travaille chez nous.
C’est au tour de ma grand-mère de nous rejoindre.

‒ Qu’est-ce qu’il se passe ici ? On entend vos voix depuis la


chambre.
‒ Mamie cette femme a levé la main sur moi.
‒ QUOI ? Comment diable as-tu pu ?
‒ Peut-être que si vous aviez appris à cette fille le respect du
prochain nous n'en serions pas là, lui lance Murima à la figure
avec hargne.
‒ Respecter qui ? Toi ? Une sous femme ? Mieux vaut encore
mourir que de respecter une prostituée comme toi. Plus jamais
tu ne touches ma petite fille avec tes sales pattes.
‒ Tant que nous serons liées je ferai ce que je voudrai. Quitte à
lui arracher la vie.
‒ Murima ! Gronde mon père.

Elle tourne les yeux sur lui et les reportent sur Mamie comme
s'il n’existait pas.

‒ Puisque vous êtes autant une bonne grand-mère, conseillez


votre petite-fille pour ne plus qu'elle s’amourache des jeunes
drogués.
‒ Ce n’est pourtant pas la première fois qu’un membre de ma
famille côtoie les délinquants drogués et meurtriers. Ça finira
par lui passer comme ça l’a été la première fois. En attendant
je veux que vous ramassiez vos affaires et dégagiez de la
maison de mon fils.

Elle sourit, regarde mon père et tourne les talons. Je n'arrive


pas à cerner ce qui vient de se passer. J'ai eu l’impression
qu’ils se parlaient avec des codes. Leurs propos étaient un peu
énigmatiques. Mais ce que je n’arrive toujours pas à
comprendre c’est la faiblesse de mon père face à cette femme.
Cet homme qui m'a toujours défendue contre vents et marrées
n'ose parler quand j'ai affaire à cette femme. Est-il amoureux
d'elle ? Ou c’est elle qui l'a ensorcelé pour qu'il ne la
contredise jamais ?

‒ Xandra tu n'aurais pas dû lui manquer de respect, me dit


enfin mon père.
‒ Quoi ? Tu ne lui as rien dit quand elle m'a giflé mais tu me
fais des reproches à moi ?
‒ Si tu ne t’étais pas mal comportée elle n’aurait pas réagi de
la sorte. Tu lui dois des excuses.

J'ouvre ma bouche sous le choc.

‒ Comment peux-tu défendre cette femme malgré tout…


‒ Maman arrête. Xandra s'est mal conduite, un point c’est tout.
Nous n’allons pas nous attarder sur ce sujet. (A moi) Rentres à
la maison. La nuit tombe déjà. Tu as cours demain.
Je quitte les bras de mon père encore plus déçue et en colère.
Je retourne dans la chambre prendre mon sac à main en toisant
au passage cette mégère. Elle ne perd rien pour attendre. En
sortant de la Clinique je rencontre Samy et ses parents.
J’embrasse ses parents qui nous laissent seuls.

‒ Tu vas où comme ça avec la mine amarrée ? C’est quoi cette


rougeur au visage ?
‒ C’est cette pétasse de Murima qui a eu le culot de me gifler.
Mais je vais le lui faire payer sa race.
‒ Elle t'a porté main ?
‒ Oui et mon père n'a pas eu la décence de me défendre. Ça ne
m’étonnerait pas qu'elle l'ait marabouté.
‒ Pourquoi en est-elle arrivée à ces extrêmes ?
‒ Par sa faute la police a donné une restriction à Tiger. Ils ont
même perquisitionné sa maison parce qu’il y cacherait de la
drogue et maintenant il me déteste.
‒ Donc tout ça pour ce type ? Xandra tu es sérieuse ? Tu le
défends encore après ce qu’il t'a fait ?
‒ Que m’a-t-il fait ?
‒ Il t'a obligé à avorter et tu as failli perdre la vie.
‒ C’était un accident. Tiger est un mec bien. Il n'a juste pas eu
la chance de naître et grandir dans une famille de riche comme
nous. Moi je vais l'aider à s'en sortir. Vous aurez tous honte
demain lorsque vous verrez l'homme qu’il sera devenu.
La sonnerie de mon portable nous interrompt. Je souris en
voyant son numéro.

‒ Oui bébé ?
‒ « Je te donne une dernière chance de te racheter. J’ai besoin
d’argent tout de suite. »
‒ Merci mon amour de combien as-tu besoin ?
‒ « Deux milles Livre sterling. Retrouve-moi dans le deuxième
QG. »
‒ Tout de suite bébé.

Je raccroche.

‒ Il faut que j'y aille. Tiger a besoin de moi.


‒ N'y va pas. Ce type se sert de toi.
‒ Arrête de me raconter des bêtises.
‒ Xandra !
‒ Non Samy. J'en ai marre que tout le monde me dicte ce que
je dois faire surtout quand ça concerne mon mec. Je ne me
mêle pas de ta relation avec ta copine donc fais-en de même.
Tu es mon meilleur ami mais ça ne te donne pas tous les
droits.
‒ Non mais tu es inconsciente ou quoi ? Ta famille traverse un
moment difficile avec la santé de ton frère et toi tu trouves la
force d'aller fricoter avec ce drogué ?
‒ Je ne te permets pas Samy. Contrôle ton insolence. Ce n’est
pas parce que tu sors avec une pouffiasse de première qui n'en
veut qu’à ton argent que tu vas vouloir gâcher ma relation.
Plus jamais tu ne parles de mon homme ainsi. Plus jamais.

Je pars sans lui permettre d'en rajouter. Non mais qu’ont-ils


tous à vouloir me monter contre Tiger ? Ils ne comprennent
pas qu'il a besoin de moi. Il m'aime énormément sinon il ne
me donnerait pas une chance après ce qu’il a subi par ma
faute.

Je fais un tour à la banque retirer de l’argent sur mon compte


et je rejoins mon homme dans une boîte de nuit où il passe du
temps avec ses amis. Il m’accueille avec un baiser langoureux
devant ses potes. J’ai bien dit qu’il m'aimait. Il m’embrasse
encore quand je lui donne l'argent. Je passe le reste du temps à
le regarder discuter, fumer de la chicha et boire toutes sortes
d’alcool avec ses amis. Ils ne se gênent même pas de
consommer de l'herbe qu'ils mettent dans la chicha. Tiger tire
une bouffée et la souffle dans ma bouche suivi d'un baiser qui
m’excite. Ses doigts se fraient un chemin sous ma robe jusque
dans mon dessous qu'il pousse sur un côté pour mieux avoir
accès à ma fleur.

‒ J’ai grave envie de te baiser ma salope.

Je déteste quand il m'appelle ainsi mais je l’accepte puisque ça


lui fait plaisir. J’essaie de retirer sa main entre mes cuisses
parce que c’est gênant de faire ça devant ses amis mais il m'en
empêche.

‒ Bébé pas ici.


‒ Laisse-toi faire.

Il pousse un peu plus ses doigts quand un groupe de jeune de


la même trempe que Tiger fait son entrée. Aucun ne cache son
arme. Je prends peur. Une dispute éclate soudainement et les
bouteilles commencent à voler dans tous les coins. C’est la
débandade. Tiger me laisse carrément pour aller se battre. Je
me planque derrière le fauteuil dans lequel nous étions assis.
Après les bruits de bouteilles, ce sont maintenant aux armes de
crépiter. Je hurle de toutes mes forces tant la peur qui m’anime
est intense. Mon Dieu j’ai peur de mourir. Je ne sais combien
de minute tout ça dure mais je souffle de soulagement lorsque
j'entends une sirène de police. Les tirent cessent et cette fois
tous prennent la fuite. La police entre et pointe les armes sur
les personnes présentent dans la pièce. Les mains levées, je
cherche Tiger mais il n'est nulle part. J'essaie d’expliquer que
je ne suis pas du quartier mais on me passe les menottes.

‒ Je vous en supplie ne m’enfermez pas. Je ne suis pas d'ici.


J’étais juste venue voir quelqu’un.

Personne ne m'écoute. Nous sommes cinq à être embarqués. Je


continue de hurler, expliquer que je ne suis en rien concernée
par ces échanges de tire mais c’est comme si je parlais aux
oreilles de sourds. Me rendant compte de la merde dans
laquelle je venais de me mettre, je me mets à pleurer. Ils vont
me mettre en prison pour quelque chose qui ne me regarde
même pas. Mon Dieu comment vais-je m'en sortir ?

‒ Vous pouvez appeler un proche pour payer votre caution et


vous faire sortir, nous informe un officier après que nous
ayons passé plus d'une heure de temps en cellule.

Je me précipite vers le combiné sur lequel je compose le


numéro de Samy. Ça sonne dans le vide. Je relance l'appel
plus d'une fois sans succès. Les autres s’impatientent. Je
compose le numéro des domestiques.

‒ « Allô Résidence des WILLAR. »

Je souffle quand j'entends la voix de Murima. Merde !


Comment je lui explique la situation ? La honte.

‒ Allô Murima c’est moi. Alexandra. Je suis au poste de police


et j’ai besoin que tu viennes payer ma caution.

Je n'entends rien. J'ai peur qu'elle me raccroche au nez et ne


décide de me laisser dormir ici. Effectivement elle raccroche.
Je ferme les yeux. Je me retiens de pleurer mais lorsque je
retourne dans la cellule j’éclate en sanglot. Je suis
franchement dans la mouise. Et Tiger qui a pris la fuite sans
moi. Je ne sais pas si je dois le détester ou comprendre que ce
n’était pas entièrement de sa faute. Tout le monde cherchait à
se mettre à l’abri. Il a donc fait pareil. Bref, je penserai à lui
plus tard. Pour le moment je dois sortir d'ici. Je réfléchis à qui
je pourrais appeler. Si je contacte oncle Daniel ou sa femme
c’est clair qu'ils en parleront à mon père. Ils sont meilleurs
amis et ils ne se cachent rien. Je vais devoir insister sur le
numéro de Samy jusqu’à ce qu’il décroche.

Je me couche sur le banc, réfléchissant à mon sort. Si mon


père apprend toute cette histoire je risque de passer un sale
quart d’heure. Il laisse passer mes caprices mais ça je ne crois
pas qu’il laissera couler. Il a horreur qu’on traîne son nom
dans la boue. Mon Dieu je n’ai même pas pensé à la possibilité
que les flics l’appellent. C’est un homme très connu dans le
pays. S'ils voient mon nom ils risquent de faire le
rapprochement. Pas ça mon Dieu s'il te plaît.

‒ Mademoiselle WILLAR, vous êtes libre.

Quoi ? Je me relève prestement. Qui a payé ma caution ? Je


sors de la cellule heureuse mais en même temps craintive.
J'avance encore et je vois Murima. S'en était moins une.

‒ Merci d’être venue, lui dis-je.


‒ Ne me remercie pas, répond-elle en marchant vers la sortie.
Demain je dirai tout à ton père.
‒ Je te l'interdis.

Elle continue de marcher sans m’écouter. Je l’oblige à se


retourner.

‒ C’est à cause de l'argent que tu veux tout raconter à mon


père ? Je vais te rembourser.
‒ Tu es folle ma petite. Je me demande s’il y a un cerveau
dans ce crâne. Tu as été au milieu d'une fusillade entre deux
gangs de dealer et tout ce que tu trouves à dire c’est que tu vas
me remettre mon argent ? Tu as besoin d'une délivrance. Mais
crois-moi je ferais en sorte que ce Tiger ou comment il
s'appelle pourrisse en prison.
‒ De quel droit te permettras-tu une chose pareille ? Ce n’était
pas de sa faute tout ce qui est arrivé.
‒ Dis-moi où est-il jeune fille ? Il t'a laissé toute seule. Et toi
comme une maboule tu continues de le défendre. Tu es la fille
la plus stupide que je connaisse.
‒ Je…
‒ Non ferme ta gueule ! Regarde ta vie. Sais-tu combien de
jeune rêve de l'avoir ? Des milliards. Tu as tout mais tu
gaspilles ta jeunesse auprès d'un dealer de drogue. Tu en
dégages même l'odeur. Réfléchis-tu à ce que tu veux faire de
ta vie ? As-tu des projets ? Des ambitions ? Non je ne crois
pas. Sinon tu serais en ce moment dans ta chambre à étudier
pour tes cours de demain. Tu n'as que Vingt-deux ans et te
voici déjà derrière les barreaux. Tu penses que la vie s’arrête
au bling-bling ? Il y a plus que ça. Lorsque j’ai entendu parler
de toi je ne m’attendais pas à voir une écervelée. Mais je suis
certaine d'une chose, ta mère, de là où elle est, doit être
vraiment déçue de toi. Si elle était là, elle aurait honte de
t'avoir comme fille.

Elle tourne les talons, arrête un taxi et disparaît. Ses dernières


phrases ont été comme un fouet. Ma mère serait déçue de
moi ? Suis-je donc à ce point une mauvaise fille ?

***WILLIAM WARISSE WILLAR

Je m’écroule sur le lit tout épuisé, le corps reluisant de sueur et


le cœur battant à tout rompre.

‒ C’était super mon amour.

Elle pose sa tête sur ma poitrine et glisse ses doigts sur mon
corps.

‒ Tu devrais rentrer maintenant. Je dois travailler.


‒ Je croyais que nous passerions la nuit ensemble ? J’ai dit à
mes enfants que j’avais une urgence au travail.
‒ Ton fils risque de péter un câble s’il venait à apprendre que
son ancien camarade de classe couche avec sa mère.
‒ Ce n’est pas ma faute si tu es un jeune si séduisant.
Elle glisse sa langue le long de mon corps et se positionne sur
moi. Je n’ai pas le temps d’en placer une qu’elle m’a déjà pris
en bouche. Ces femmes bien que plus âgées sont des
vicieuses. Les femmes, je les aime plus âgées que moi de cinq
ans et plus. Je ne sors pas avec des femmes mariées. Alors là
non. Mais des divorcées, des veuves, des célibataires
endurcies qui ont du mal à se trouver un homme pour partager
leur couche. Je ne suis pas un gigolo. Pas du tout. Je n’ai
besoin de l’argent d’aucune parce que j’en ai déjà même si ces
temps-ci Derrick m’en prive. Si je sors avec ces femmes c’est
pour ressentir cet amour maternel que je n’ai jamais connu.
J’ai toujours ressenti ce besoin d’être proche de ce genre de
femme pour atténuer ce manque que je vis chaque jour.

Je la raccompagne après que nous ayons de nouveau fait


l’amour. Je retourne à mon appartement transformé en studio
de peinture et je me remets à peindre. Peindre me déstresse
totalement. Toutes les fois que je me disputais avec Derrick, je
venais m’enfermer ici pour peindre pendant des jours et des
jours sans pointer mon nez dehors. C’est une fois ma rage
évacuée que je retourne près de ma famille sans manquer de
prendre de la drogue uniquement pour énerver mon père. Mais
je l’avoue que de temps en temps j’en consomme pour noyer
ma colère après une dispute rudes avec Derrick WILLAR mais
j’ai fini par en consommer juste par habitude.

De la drogue je ne suis pas accro, encore moins dépendant. Au


départ c’était pour oublier le rejet de mon père me concernant
mais j’ai fini par y prendre goût. Seulement j’en prends de
façon modérée. Toute cette histoire de drogue a commencé à
mes seize ans lorsqu’un groupe d’élèves de ma classe qui
dealait déjà de la drogue en a glissé en douce dans mon sac à
dos lors d’un contrôle du principal à qui on aurait signalé la
vente de stupéfiant au sein de l’établissement. Mon père a été
convoqué, moi renvoyé et malgré mes explications mon père
ne voulait rien comprendre. Il ne m’a même pas laissé en
placer une. C’est depuis ce jour que nos rapports se sont
dégradés. Il n’arrêtait plus de m’engueuler pour n’importe
quelle petite faute commise. La déprime a eu raison de moi.
Etant vagabond puisque j’avais été renvoyé, je préférais passer
mes journées dehors, fuyant ainsi les engueulades de Derrick.
C’est ainsi que j’ai commencé à réellement toucher à la
drogue. Pour oublier mes querelles avec mon daron, pour
noyer ma solitude parce que personne ne me défendait, même
pas Travon de qui j’étais pourtant proche. Seule Djénéb se
préoccupait de moi mais en tant que domestique sa parole
n’avait aucun poids.

J’avais besoin de ma mère. C’est à cette période de ma vie que


son absence à commencer à se faire plus ressentir. Au fur et à
mesure que je voulais noyer ma solitude, je prenais d’autres
habitudes, comme fréquenter les femmes mûres. J’ai eu ma
première aventure sexuelle avec la mère de celui qui avait
planqué la drogue dans mon sac. J’ai voulu me venger parce
que c’était lui qui avait foutu ma vie en l’air. Je n’avais que
dix-sept ans. J’ai séduit sa mère, j’ai couché avec elle et j’ai
envoyé la vidéo à son fils. Parait que ça a divisé la famille.
Enfin, c’est ce que j’ai appris par un ami. J’avais eu ma
revanche et j’ai continué dans cette vie. Coucher avec des
mères de famille, prendre de la drogue, me disputer avec
Derrick. C’était ça mon quotidien avant que je ne me
concentre pour de bon sur ma passion. La peinture. Lorsque
j’ai commencé à peindre, j’y ai trouvé un réconfort sans
précédent. Je pouvais peindre ma douleur, ma frustration, mon
amertume, ma colère, mes larmes, bref tout ce que je
ressentais. Et plus je me focalisais sur la peinture moins
j’avais le temps pour me droguer. Ce sont mes incessantes
disputes avec Derrick qui m’y ont replongé. Comme toujours
c’est de sa faute si je prends de la drogue.

Le rouleau de marijuana placé dans le coin de ma bouche, je


peins une nouvelle œuvre. Je fais un peu de tout. Des portraits
de personne, des œuvres d’arts… Mais j’aime plus les
portraits de femme Africaine, en honneur à ma mère.

Je pose le pinceau quand des coups sont frappés sur ma porte.


C’est avec surprise que je regarde Murima quand j’ouvre.

‒ Que fais-tu là ?
‒ Je voulais passer du temps avec toi vu que tu es seul. Et je
veux aussi t’accompagner à ta réunion de ce soir.
‒ Tu es sérieuse ? Dis-je perplexe.
‒ Oui.
Je la regarde sans comprendre. Quelles sont ses intentions ?
J’ai du mal à comprendre pourquoi elle qui n’est qu’une
simple employée s’intéresse à moi. A moins que…

‒ Tu veux coucher avec moi ? Lui demandé-je de but en blanc.


‒ Quoi ? Non mais ça ne va pas ? Je suis ta… Je t’aime
comme une mère aime son fils. Tu me vois en l’une de tes
conquêtes ou quoi ?
‒ C’est juste que je ne comprends pas ton intérêt pour moi.
‒ Je te sais seul et délaissé par ta famille. Je veux donc être ton
amie, ta confidente si tu veux. Je n’ai rien dit à ton père sur ta
présence ici.

Je continue de la fixer. Hier lorsqu’elle est venue, je l’ai laissé


entrer parce qu’elle m’a touché avec son histoire de prison. Je
me suis retrouvé en elle. Elle aussi avait été stigmatisée parce
qu’elle a été une droguée dans le passé. Un peu comme moi. A
la seule différence que moi je n’avais encore rien fait. J’avais
aussi besoin de parler à quelqu’un et elle était là. Seulement je
ne m’attendais pas à ce qu’elle revienne.

‒ Alors tu me laisse entrer ?

Je dégage le passage. Je l’observe entrer et je ne sais pas quoi


penser.
‒ Tu as fumé de la marijuana ? M’interroge-t-elle en me
fixant.
‒ Oui, répondé-je gêné.
‒ Tu m’avais dit…
‒ Je ne t’ai pas menti lorsque je t’ai dit que je n’étais pas
dépendant. J’en prends de temps en temps juste comme ça.
‒ Si tu veux prouver à ton père qu’il se trompe sur ton compte
tu dois arrêter totalement de consommer. Plus tu en prendras
et plus tu te rapprocheras de la dépendance.

Elle pose sa main sur ma joue.

‒ Je ne veux pas que tu finisses comme moi. Libère-toi de ce


vice maintenant au risque de te pourrir encore plus la vie. Tu
dois devenir un homme meilleur pour mettre la honte sur le
visage de ceux-là qui ne cessent de te rabaisser.

Elle arpente la pièce.

‒ Ta sœur est en train de gâcher sa vie auprès d’un dealer. Je


reviens comme ça du Commissariat où elle a été enfermée.
(Elle me fait face) Fais l’exception. Deviens ce jeune homme
responsable que tu veux être, je t’en prie.

La tristesse se ressens dans le timbre de sa voix. Je peux même


ressentir de la tendresse mêlée à de l’inquiétude pour moi.
C’est vraiment chelou qu’une parfaite étrangère s’inquiète
autant pour moi quand ma propre famille m’a tourné le dos.
Elle continue en me parlant d’elle. De comment elle est
devenue une accro et dealeuse, de comment elle a perdu sa
famille après avoir été condamnée à Quarante années de
prison. Ecouter son histoire me fait de la peine mais en même
temps m’encourage à faire de mon mieux pour ne pas finir
comme elle.

‒ Je promets de tout arrêter.


‒ Bien.

Elle tourne la tête.

‒ Qu’est-ce que tu peins ?


‒ Une femme.
‒ Tu aimes beaucoup peindre les femmes à ce que je vois.
‒ Quand je dessine une femme, je pense à ma mère. J’essaie
de la représenter en chacune de mes œuvres.

Elle me regarde avec émotion. Je réponds timidement à son


sourire.

‒ Tu me donnes un petit tableau ? Je vais aussi peindre. Ça fait


des lustres que je n’ai pas fait de graphisme.
‒ Ok.
Pendant qu’elle se positionne sur son tableau, je reprends mon
œuvre où je l’avais arrêté. Elle se met à fredonner une
musique en peignant. Je la regarde faire et malgré moi sa
présence me fait du bien. Je souris.

‒ Pourquoi souris-tu ?
‒ Rien.

Chacun peint sur son tableau. Le sien étant très petit elle finit
en une quarantaine de minute. Elle a tenté de peindre une
femme qui berce son bébé. Ce n’est pas parfait mais c’est
quand même représentatif. Elle me rejoint sur ma toile et tous
les deux nous continuons. Elle met de la couleur à chaque fois
que je termine une partie. C’est bien la première fois de ma vie
que je laisse quelqu’un peindre avec moi, ou plutôt que
quelqu’un veuille peindre avec moi. Personne dans ma famille
ne connait cette passion que j’aie. Derrick me veut coûte que
coûte dans l’entreprise familiale, pourtant moi je veux faire
autre chose. Je l’ai vu admirer le tableau de mariage que lui et
sa femme avait reçu mais jamais il n’a su que les initiales W.I
étaient les miennes. Le W pour William et le I pour
ITSIEMBOU, le nom de ma mère. Ils ont adoré le tableau sans
savoir que c’était moi qui le leur avais offert.

‒ Il est l’heure pour la réunion, l’informé-je en retirant mon


tablier.
‒ Ok. Tu vas donc terminer plus tard. De toutes les façons je
n’en peux plus.

Je souris. Nous nous débarbouillons avant de nous mettre en


route pour ma réunion de jeunes délaissés, si je peux l’appeler
ainsi. J’ai récemment découvert dans l’une de mes balades un
groupe de jeune de ma trempe et même un peu plus âgés qui
vivent la même chose que moi. Ils subissent aussi des
injustices de la part de leur famille et ils se sont réfugiés dans
la drogue. Ensemble ils essaient de s’aider à en sortir. Je serais
à ma quatrième séance ce soir et depuis je n’ai pas encore pris
la parole. Je ne me contente d’écouter. Murima s’assoit près
de moi. Nous écoutons les autres parler. Pour certains les
choses vont de mal en pire, quand pour d’autres leurs
résolutions commencent à porter du fruit. Ils ont pour la
plupart mis fin à la consommation de la drogue. Il y a un
nouveau ce soir.

‒ Bonsoir, moi c’est Louis, je suis Français. Je suis dépendant


à la drogue depuis trois ans maintenant. Ça a commencé quand
mon père a commencé à être violent à la maison. Il tapait sans
cesse sur ma mère et sur mes frères et moi quand nous osions
intervenir. J’ai supplié ma mère de s’en aller avec nous mais
elle s’entêtait à rester. Elle disait qu’elle ne voulait pas
détruire notre famille, qu’il finirait par changer et blabla.
Ayant marre de tout le temps assister à leurs scènes de
ménage, je passais mes journées dehors. J’avais du mal à me
concentrer sur mes cours, mes notes dégringolaient et
finalement j’ai eu des amis qui fumaient beaucoup. J’en ai pris
une fois, puis deux fois, puis ainsi de suite. Remarquant qu’en
prendre me faisait oublier mes soucis, je m’y plongeais chaque
jour un peu plus jusqu’à devenir complètement accro. Depuis
j’ai du mal à arrêter. Je veux devenir plus responsable mais ma
dépendance m’en empêche. J’espère vraiment que vous
pourrez m’aider.

Nous l’encourageons par des ovations.

‒ Qu’en est-il de ta famille ? Demande un autre. Vis-tu


toujours avec ?
‒ Non. Je vis avec des amis. Et faut dire que ça ne me facilite
pas la tâche parce que la drogue c’est leur quotidien. Ma mère
est toujours avec son époux. Lorsque je serai plus stable je
prendrai avec moi mes petits frères.

D’autres prennent la parole et les échanges se poursuivent.

‒ Tu devrais prendre la parole, me chuchote Murima à


l’oreille.
‒ Non je préfère juste écouter.
‒ Tu es ici pour avoir de l’aide donc tu dois t’exprimer.
‒ Toi d’abord.
‒ Ok.
Elle se racle la gorge et prend la parole alors que moi je
blaguais juste. Je voulais seulement la faire taire.

‒ Bonsoir, je suis Murima. Anglaise d’origine Gabonaise. Moi


je n’ai pas de problème particulier mais j’aimerais quand
même vous raconter brièvement mon histoire. Ça pourra peut-
être vous aider.

J’essaie de la retenir mais elle se lance. En quelques secondes


elle raconte sa vie avec la drogue et bien que je l’aie déjà
entendu tout à l’heure ça m’émeut de l’entendre de nouveau.

‒ Nous avions besoin de conseils sages d’un adulte et puisque


vous êtes là, ça vous dirait de vous joindre à nous et nous aider
à nous en sortir ? Lui demande le modérateur et initiateur de
ce groupe.
‒ Vraiment ? Vous voulez que je vous aide ?
‒ Bien-sûr.

Tout le monde approuve.

‒ Ok. Avec plaisir.

Elle me regarde. Je comprends que je dois aussi prendre la


parole. Je me jette à l’eau et à la fin de mon récit je promets de
ne plus toucher à la drogue. Le sourire sur les lèvres de
Murima s’agrandit.

La réunion terminée, nous faisons le chemin retour à pied en


dégustant des hot-dogs.

‒ Merci ! Lui dis-je.


‒ Pour quoi ?
‒ De t’intéresser à moi.
‒ C’est un plaisir pour moi de t’aider. Je crois en toi.

Cette dernière phrase me fait monter la larme à l’œil. C’est la


première fois que quelqu’un croit en moi. Je souffle pour me
reprendre.

‒ As-tu revu ta famille depuis ta libération ?


‒ Oui. Mais c’est compliqué.
‒ Ça ira.

Je sens des vibrations dans la poche de mon jean. Je sors mon


portable et je vois son numéro. Punaise ! Si elle m’appelle sur
mon numéro c’est qu’elle doit savoir que je suis ici. J’ignore
son appel mais elle insiste. Au bout du troisième appel je
décroche.
‒ Quoi ?
‒ « Tu n’es donc pas parti ? Une amie t’a aperçu en journée
et elle m’a envoyé ta photo. C’est ton père qui sera très en
colère de l’apprendre. Mais je peux la fermer à une seule
condition. Que tu me dises où tu es pour que je te rejoigne. Je
meure d’envie de toi bébé. »

Je raccroche. Cette femme va me créer des problèmes à la


longue. Je dois trouver le moyen de me débarrasser d’elle.

‒ Un problème avec l’une de tes amoureuses ? Plaisante


Murima.
‒ Non, dis-je dans un sourire.

*Mona
*LYS

Après avoir passé la nuit à réfléchir, j’ai décidé de rentrer à la


maison avant que cette femme révèle tout à mon père. Je
refuse de céder à son chantage. Il n’en est pas question. Je
refuse de faire plus de mal que j’en fais déjà. Je suis peut-être
un crâne brulé mais pas à ce point. C’est une maison vide que
je trouve. Je marche vers les escaliers lorsque Murima
apparait.

‒ Will ? Que fais-tu là ?


‒ J’ai décidé de rentrer.
‒ Si vite ? Que vas-tu dire si ton père te demande ?
‒ Je dirai que je suis revenu pour être près de mon frère. Je
compte sur toi pour appuyer mes dires.
‒ Bien-sûr. Il n’y a personne pour le moment. Ils sont tous à
l’hôpital pour l’opération de Travon. Je dois m’y rendre tout à
l’heure.
‒ Ok je vais me reposer. On se retrouve donc à la réunion.
‒ Oui. Je chargerais Aurelle de t’apporter ton diner.
‒ Bien.

Je me rends dans ma salle de bain me débarbouiller avant de


m’en aller pour la réunion. Arrêté sous le jet, je profite de
l’eau chaude quand je sens subitement des mains m’enlacer et
m’attraper le sexe.

‒ Merde qu’est-ce qui te prend ? Je gueule en me retournant.


‒ Tu m’as manqué chéri.

Elle se baisse et essaie de me prendre en bouche.

‒ Pétra tu m’arrêtes ça maintenant sinon je hurle, dis-je en la


relevant.
‒ Il n’y a personne. Je suis heureuse de te revoir mon amour.
S’il te plaît fais-moi l’amour, là maintenant. Je n’arrête pas de
me masturber en repensant à nos nuits.

Je coupe l’eau et m’enroule dans ma grande serviette. Je sors


dans la chambre. Elle me suit.

‒ Pétra, tu es la femme de mon père donc comprends qu’on ne


peut plus continuer. Avant c’était différent parce que je ne
savais pas qui tu étais. Mais maintenant je ne peux pas. Tu es
mariée à mon père, mon père.
‒ Je sais mais je n’arrive pas à t’oublier, dit-elle en me
caressant le torse. Nos nuits sont les plus belles de toute ma
vie. Ton père ne fait pas le poids face à toi. Prends-moi
comme une salope bébé.

Elle essaie de dénouer ma serviette mais je l’en empêche.

‒ Si tu n’arrêtes pas de me harceler je me verrais dans


l’obligation de tout dire à mon père. Maintenant tu dégages de
ma chambre.

Je la sors de force et claque la porte. Cette femme m’épuise. Je


l’ai rencontré dans un bar, nous avons fait l’amour, elle m’a
collé et nous avons remis ça mainte fois. Mais je ne savais pas
qu’elle connaissait mon père. Elle par contre savait qui j’étais
parce qu’elle n’a manifesté aucune surprise lorsque nous nous
sommes vus au diner de sa présentation à la famille. J’ai cru
qu’après ça chacun prendrait son chemin mais non, elle a
voulu qu’on continue notre aventure, chose qui était au-dessus
de mes capacités. Coucher avec la femme de mon père ? Je
suis certes un inconscient, mais de là à arriver à ces extrêmes,
jamais. J’espère juste que mon père comprendra si un jour il
l’apprend.

***DERRICK

Trois fois, trois soirs. Ça fait le troisième soir que Murima part
de la clinique avec Clinton et rentre tardivement. Ça
commence à bien faire. Je ne peux pas tolérer un tel
comportement dans ma maison. Je l’ai regardé quitter la
clinique avec Clinton après qu’on nous ait informé que
l’opération avait été un succès. J’ai voulu l’empêcher de s’en
aller avec lui mais en tant que qui l’aurais-je fait ? Nous
sommes tous rentrés mais elle n’était pas présente. Je n’ose
imaginer ce qu’ils font. Rien que de penser qu’ils flirteraient
ensemble me fait monter la moutarde au nez.

Lorsque j’entends la porte d’entrer claquer, je me retiens


d’aller lui faire des reproches. Mais au bout de cinq minutes je
craque. Je marche jusqu’à sa chambre. A peine je cogne
qu’elle ouvre. Je retiens mon souffle quand je la vois dans sa
nuisette. Elle fronce les sourcils.

‒ Derrick ? Il y a un problème ?
‒ Bien-sûr qu’il y en a.

J’avance vers elle. Elle recule, Nous entrons et je referme


derrière nous.

‒ Que fais-tu dans ma chambre ?


‒ C’est ma maison et j’entre où je veux. Ça fait la troisième
fois que tu rentres tardivement.
‒ Et ?
‒ Et je ne te le permets plus. Tu es ici en tant qu’une
domestique et tu te dois de respecter les règles de cette
maison. Personne n’entre ou ne sort après 21h. Je refuse la
dépravation sous mon toit. Si ton homme et toi vouliez vous
voir, vous n’avez qu’à aménager ensemble. Ou qu’il te prenne
un appartement.
‒ Derrick, je ne sais pas ce que tu racontes mais je tombe de
fatigue. Merci donc de rejoindre ta femme dans votre
chambre.

Elle passe près de moi mais je la ramène de force contre mon


buste.

‒ J’ai horreur de ce genre de comportement et tu le sais.


‒ Je ne suis pas ta femme Derrick. Je ne le suis plus donc je
fais ce que je veux. Tu m’as interdit de me mêler de ta vie,
moi aussi je te l’interdis. Sors maintenant de ma chambre.
Je craque des mâchoires. Nous nous affrontons du regard. Je
tremble presque de colère. Son portable posé sur son lit sonne.
Je tourne des yeux et je tombe sur le nom de Clinton.

‒ Sors Derrick. J’ai besoin d’intimité.

Je la regarde aller prendre son portable. Je sors quand elle


commence à parler. Je repars encore plus énervé. Plongé dans
mes pensées, je ne me rends pas compte de la présence de
Pétra dans les escaliers. Je sursaute quand je la vois.

‒ Que fais-tu vers les chambres des bonnes ?


‒ Je… j’avais des instructions de dernière minute à donner à…
Djénéb pour demain.

Elle me regarde bizarrement.

‒ Ok. Tu sais que Will est rentré ?


‒ Quand ?
‒ Aujourd’hui, lorsque vous étiez à l’hôpital.
‒ Ok. Je le verrai demain. Montons nous coucher.

Elle me lance un dernier regard étrange avant de tourner les


talons.
10

***TRAVON

Petit à petit j’ouvre mes yeux. Je me sens lourd, épuisé et la


bouche pâteuse. La lumière me frappe dans les yeux. Je les
referme automatiquement. Que m’arrive-t-il ? Et où suis-je ?
Je fais de nouveau l’effort d’ouvrir les yeux. Je vois un visage
par-dessus le mien.

‒ Tu es réveillé ? Me demande Xandra, le sourire aux lèvres.


‒ Où… suis-je ?
‒ A la Clinique. Tu t’es fait opérer du cœur.

Elle continue de sourire et m’embrasse la joue. J’entends des


bruits de pas. Je détourne les yeux de Xandra et je vois toute
ma famille. Mon père, Pétra, et Will que je suis surpris de
voir. Il y a aussi Murima. Je tourne la tête et là je vois Imelda.
Une joie sans nom me prend aux tripes.

‒ Mon amour, dis-je d’une voix à peine audible en levant une


main vers elle.
Elle la prend précipitamment. A son contact je ferme les yeux
de soulagement. Elle est près de moi malgré ce qui s’est passé.

‒ Je suis là. Tu dois te ménager.

Tous les autres se rapprochent de moi.

‒ Bienvenue parmi nous, me dit mon père.


‒ Merci !
‒ Salut frangin, me salut Will.
‒ Salut toi. Quand es-tu rentré ?
‒ Hier.

Ça fait un bien fou d’avoir toute ma famille près de moi.


Malgré les distances qui se sont installées entre nous au fil de
ces années, nous avons toujours été là les uns pour les autres
dans les moments difficiles. Le Docteur, averti par mon père
de mon réveille, vient faire des vérifications. Il nous annonce
que tout est ok et qu’il me faut trois voire quatre semaines
pour que je puisse totalement me remettre sur pieds. Tout le
monde me laisse seul avec Imelda. Elle reste debout un peu en
retrait.

‒ Approche chérie s’il te plaît !


Elle s’assoit près de moi. Je lui prends la main.

‒ Je suis heureux de te voir ma puce, déclaré-je en lui baisant


le dos de la main.
‒ Heureuse que tu ailles mieux.
‒ Bébé, redonne-moi une dernière chance.
‒ On en parlera après ton rétablissement. Pour l’instant c’est
ce qui…
‒ J’irai mieux si tu restes près de moi.
‒ Je viendrai te voir ici comme à la maison chaque jour.
‒ J’en veux plus.
‒ Travon !
‒ Je nous ai organisé un voyage à Hawaï et on terminera au
Bahamas. Je veux que nous allions loin pour remettre notre
couple sur les rails. Pour se donner de nouvelles règles, une
nouvelle base.
‒ Travon ! Ménage-toi s’il te plaît !
‒ Je suis prêt à devenir le mari que tu as toujours voulu. A te
défendre envers et contre tous. Donne-moi juste la possibilité
de te le montrer.
‒ Tu m’as fait trop mal en couchant avec…
‒ Ne parlons plus de ça. Ecoute, accepte juste ce voyage et si
jusqu’à la fin de notre séjour tu ne trouves toujours pas la
force de nous redonner une chance, je n’insisterai plus. S’il te
plaît !
Elle pousse un soupir.

‒ Ok. Mais une chose après l’autre. D’abord ton


rétablissement et après le voyage.
‒ Merci !

Je lui baise de nouveau la main. Je saisirai cette chance, je la


reconquerrai et plus jamais je ne la laisserai partir.

***DERRICK

‒ Je peux savoir pourquoi es-tu revenu si vite ? Demandé-je à


Will qui boit dans un gobelet à café.

Je vois du coin de l’œil Murima tourner la tête vers moi.

‒ Pour Travon. Je ne pouvais pas rester loin alors qu’il était


dans un état critique.
‒ Et comment l’as-tu su ?
‒ C’est moi !

Et voici que cette femme nous interrompt. Elle nous rejoint.

‒ Il a appelé à la maison et je lui ai dit.


Je passe mon regard sur les deux.

‒ Si tu n’as plus de question, je vais rentrer.


‒ Nous allons rentrer ensemble, lui dit Murima.
‒ Ok je t’attends à la voiture.

Xandra suit son frère.

‒ Tu vas arrêter avec tes questions ? Me gronde Murima. Ton


fils revient d’une cure et toi tout ce que tu trouves à lui
demander c’est pourquoi il est revenu ? T’es sérieux ?
‒ Depuis quand êtes-vous devenus si proches au point où il te
permet de monter dans sa voiture ?
‒ Une seule minute suffit à deux personnes pour se
rapprocher. Maintenant tu lui lâches les baskets. Je m’occupe
de lui.

Elle me tourne dos et part à son tour. Je la regarde s’en aller


jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Je secoue la tête pour me la
sortir de la tête. Je retourne dans la chambre de Travon
m’assurer que sa femme restera avec lui de la journée et je
pars faire un tour au bureau. Depuis le malaise de mon fils je
n’y ai pas encore mis les pieds. Je retrouve sur mon bureau
tout un tas de dossiers. Je n’attends pas longtemps pour me
plonger dans le travail. C’est cette boite qui m’a fait tenir le
coup.
Murima.

Et elle se réinstalle dans mes pensées. Je m’adosse dans mon


siège, le regard perdu dans le vide. Depuis ce baiser à la
clinique je ne retrouve plus mes repères. J’ai oublié toutes mes
interdictions. Je ne cesse de penser à elle. Comment puis-je
continuer à aimer une telle femme ? Elle qui m’a tant fait
souffrir. Mon cœur veut lui pardonner, tout oublier, mais
lorsque les souvenirs de ce jour catastrophique reviennent j’ai
tout simplement envie de lui tordre le cou. Je veux la tuer
qu’elle disparaisse à jamais de ma vie.

‒ Je peux ?

Je coule mon regard sur Clinton qui se tient au pas de mon


bureau. Je contracte mes doigts sur mon bureau.

‒ Oui vas-y Clinton.

Je me redresse pendant qu’il s’installe en face de moi.

‒ Alors Travon ?
‒ Il s’est réveillé et tout va pour le mieux. D’ici un mois il sera
sur pieds. C’est gentil de t’inquiéter.
‒ Il n’y a pas de quoi.
‒ Alors quoi de neuf chez toi ?
‒ Bon beh si je suis là c’est en rapport avec… Murima.

Je me fais violence pour ne rien laisser paraitre de mon


humeur.

‒ Oui de quoi s’agit-il ?


‒ Puisqu’elle travaille chez toi, peut-être toi ou quelqu’un de
ta maison la connait un peu plus. Ses goûts de façon générale.
Je sais que ça fait bizarre de te parler de ta domestique mais
depuis la mort de ma femme je n’ai plus fréquenté aucune
autre donc je suis un peu rouillé de ce côté-là.

Il est clair que je n’ai aucune envie de lui parler des goûts de
Murima. Alors je décide de ne pas lui en parler.

‒ Non je ne sais rien. Mais je crois que les femmes aiment


toutes les mêmes choses. N’est-ce pas qu’elles sont toutes
pareilles !?
‒ Hum je ne crois pas que Murima soit pareille. Elle est
différente.
‒ Tu la connais à peine.
‒ Mais j’ai vite détecté en elle une femme très courageuse et
battante. Elle donne aussi plein d’amour près d’elle. J’aime
déjà ce que je vois d’elle.
Tout comme ça a été mon cas vingt-huit ans en arrière.

‒ Es-tu amoureux d’elle ? Lui demandé-je de but en blanc sans


pouvoir me contenir.
‒ Je n’y tarderai pas, ça je peux te l’assurer, sourit-il. Plus je la
fréquente, plus j’ai envie d’être plus proche d’elle. Ça ne serait
pas si mal pour moi de refaire ma vie avec une femme comme
elle.

Je me lève brusquement.

‒ Euh excuse-moi, je viens de me souvenir que j’avais un


rendez-vous avec le Docteur de Travon. Je dois y aller.
‒ D’accord pas de soucis.

Je sors de là les nerfs complètement tirés. Je préfère mettre fin


à cette conversation avant que je ne perde toute maitrise de ma
personne. Il veut refaire sa vie avec mon ex-femme. Il est donc
aussi sérieux ? Je ne vais pas cacher que ça me met en rogne.
Moi je l'ai perdu à cause de ses bêtises. Elle n'a pas été droite
lorsqu'elle était avec moi alors pourquoi maintenant elle l'est
avec un autre ? Elle n'a pas été juste, elle ne cessait de faire
des bêtises. Alors pourquoi maintenant qu'il s’agit d'un autre
homme elle devient la femme parfaite ? Elle a détruit notre
famille sans vergogne et aujourd’hui elle veut en avoir une
nouvelle ? C’est donc moi qui ne méritais pas le bonheur ? Je
ne méritais pas qu'elle soit une femme parfaite ? J'étais trop
con pour ça ?
Et voici que cette femme me fait encore sortir de moi.

Elle ne fait que ça depuis sa réapparition. Elle se l'est donné


pour mission ou quoi ? M’énerver à tout bout de champ. Je
veux lui reparler du passé. Lui rappeler tout le mal qu'elle
nous a fait à moi et aux enfants mais surtout à moi parce
qu'eux étaient encore petits. J’ai passé ces Vingt-deux années
à souffrir et elle quand elle sort plutôt que de demander pardon
pour tout le tort causé, elle fait comme si de rien n’était. Pire,
elle commence à flirter avec un autre.

Pourquoi lui ai-je permis de vivre sous mon toit ?

Je devrais la mettre dehors. J’ai toutes les raisons de le faire.


Elle est une délinquante, une meurtrière, une toxicomane et
que sais-je encore. Toutes ces raisons sont valables pour la
foutre loin de chez moi.

‒ Fais chier ! Grogné-je en tapant contre le volant.

Il faut que je garde les idées claires. Je ne dois pas lui laisser le
contrôle sur mes émotions. Pas question que je lui donne le
dessus sur moi. Je reconnais avoir été trop laxiste avec elle ces
jours-ci. Je lui ai donné trop de liberté et depuis elle s'est
donnée des ailes.
J'arrive à la clinique sans que ma colère ne se soit dissipée. Je
rencontre Daniel dans le hall.

‒ Ça fait longtemps que tu es là ? Demandé-je en lui tapant


dans la main.
‒ Disons une vingtaine de minutes. J’ai un peu papoté avec
Travon mais maintenant il dort alors je suis sorti me dégourdir
les jambes. Alors toi, fait-il en me donnant une tape sur
l’épaule. Tu es visiblement en colère parce que tu n’as pas
ouvert tes poings depuis que tu es là.

J’ouvre mes poings.

‒ Laisse-moi deviner. C’est Murima !


‒ Je l’ai embrassé.
‒ Tu as quoi ? Derrick !
‒ Je sais. Je n’aurai pas dû. Mais… ça a été plus fort que moi.
‒ Tu l’ai…
‒ Oui ! Je ne vais pas te mentir, tu es mon meilleur ami.
J’aime toujours cette femme malgré tout ce qu’elle a fait. J’ai
moi-même du mal à croire que j’aime encore cette meurtrière.
‒ Je n’aurais jamais cru qu’après tant d’année tu puisses
encore l’aimer.

Je m’assois dans l’un des sièges. Il imite mon geste.


‒ Elle était mon premier véritable amour tu le sais bien.
J’avais mis toute ma vie entre ses mains. Moi aussi j’ai cru
arriver à la détester au fil des années mais il m’a fallu poser de
nouveau les yeux sur elle pour que tout m’éclate à la figure. Je
la déteste en même temps que je l’aime. Elle m’a brisé.
‒ Et si elle était innocente.
‒ Arrête de raconter des bêtises, lancé-je en me relevant.
Toutes les preuves étaient contre elles. Comment veux-tu
qu’elle soit innocente ?
‒ Je ne sais pas. Il m’est arrivé de penser que c’est peut-être
une personne qui vous en voulait qui a fait le coup. N’oublie
pas que des gens étaient contre votre couple. Ce Josky en tête
de liste.
‒ Ecoute ne revenons pas sur ce sujet. C’est le passé.
‒ Comme tu veux. Mais si vous vous aimez encore, il va
falloir que vous reparliez du passé pour peut-être essayer
d’arranger les choses entre vous.
‒ Je suis marié, fais-je choqué. Comment peux-tu avoir de
telles idées ?
‒ Bah je dis ça je dis rien.
‒ Changeons de sujet.

Le Docteur de Travon vient dans notre direction avec un autre


qu’il nous présente.

‒ Monsieur WILLAR comme Alexandra WILLAR ?


Demande le Docteur en me serrant la main.
‒ Euh oui. Vous connaissez ma fille ?
‒ Oui. Elle avait été transmise à ma Clinique il y a quelque
jour. Vous étiez en voyage je crois. D’ailleurs comment va-t-
elle ? Elle devait repasser faire plus d’examens.
‒ Des examens ? Répété-je sans comprendre.
‒ Oui. La substance qu’elle avait ingurgitée pour se faire
avorter a aussi des conséquences à long terme. Elle devait
revenir pour des examens afin de s’assurer qu’elle n’a toujours
rien.
‒ Ma fille ? Vous êtes certain qu’il s’agisse de ma fille ?
‒ Euh je me trompe peut-être. Vous n’êtes pas le père
d’Alexandra WILLAR ?
‒ Bien-sûr que si mais je ne comprends pas cette histoire
d’avortement.
‒ Votre domestique était pourtant à son chevet et elle m’a
rassurée qu’elle vous avait tenu informé de la situation. Vous
n’en saviez rien ?

C’est quoi cette histoire d’avortement ? J’ai manqué un


épisode ou quoi ?

‒ Excusez-moi je dois y aller.

J’avais dit que cette femme s’était donnée pour mission de me


faire chier. Elle a été complice d’un avortement. Jamais je
n’aurais dû la laisser rentrer dans ma maison et dans la vie de
mes enfants. Un avortement ? Non mais c’est quoi ces
bêtises ?

Je claque la porte d’entrée et marche droit vers la cuisine.

‒ Dans mon bureau Murima. Immédiatement.

Je rebrousse chemin sans attendre sa réaction. Je me rends à la


grande terrasse.

‒ Xandra dans mon bureau immédiatement.

Je rejoins mon bureau. Je retire mon costume et m’arrête


derrière mon bureau attendant ces deux femmes. Elles entrent
ensemble. Elles me regardent toutes deux avec interrogation.

‒ Que se passe-t-il papa ?


‒ As-tu eu recours à l’avortement dernièrement ? Lui
demandé-je en arrimant mon regard au sien.

Elle pâlit.

‒ Pa…
‒ EST-CE QUE DIABLE TU AS EU RECOURS A
L’AVORTEMENT ???
‒ Derrick…
‒ Toi tu la fermes, coupé-je Murima d’un ton claquant comme
le fouet. Je ne t’ai pas encore donné la parole.

Elle tique. Alexandra se met à pleurer.

‒ Papa je te demande pardon.


‒ Mon Dieu Xandra ! Tu n’as que Vingt-deux ans et déjà tu te
mets à tuer des êtres innocents ? Comment ?
‒ Tiger ne se sentait pas prêt alors nous avons décidé…
‒ Tiger ? Encore ce délinquant ?
‒ Il n’est pas un délinquant. Il…
‒ Et tu oses encore le défendre ? Hurlé-je de nouveau.
‒ Derrick ! Interpelle Murima, doucement.

Je l’ignore.

‒ S’il y a d’autres choses que j’ignore, mieux tu m’avoues tout


maintenant avant que je ne les apprenne par d’autres.

Elle se tire les doigts. Elle appelle ensuite à l’aide du regard


Murima qui reste là les bras croisés sur sa poitrine.

‒ Je… j’ai été… J’ai été récemment… arrêtée par la police.


J’ai été prise au milieu d’une… fusillade.
Mes jambes manquent de me lâcher. Je n’arrive pas à croire
que ma fille soit à ce point inconsciente.

‒ Laisse-moi deviner, c’est encore chez ce Tiger ?

Elle baisse la tête.

‒ Oui papa.
‒ NON MAIS QUELLE INCONSCIENTE TU FAIS
XANDRA !
‒ DERRICK !!!!

Je fais valser les documents sur mon bureau et je fais un tour


sur moi-même.

‒ Tu me déçois Xandra. Je croyais que le crâne brûlé de la


famille c’était William mais faut croire que tu l’as rejoint.
‒ Papa !
‒ Apporte-moi tes cartes. Toutes. On verra bien comment vous
ferez toi et ton Tiger sans mon argent. Demain tu iras à la
clinique faire des examens. Maintenant sors d’ici.

Elle lance un dernier regard à Murima avant de s’en aller. Je


braque mes yeux sur celle-ci.
‒ Comment as-tu…
‒ N’oses même pas lever la voix sur moi.
‒ J’en ai tous les droits parce que tu as foutu n’importe quoi.
Tu savais qu’elle avait avorté mais tu l’as gardé pour toi.
‒ Ah ! Parce que tu voulais savoir ? Bah fallait être présent.
Tu as échoué en tout Derrick WILLAR. Tu as été mou là où il
fallait taper et tu as tapé là où il fallait faire le contraire.
‒ Tu ne me parles pas de la sorte ok ? Je les ai élevés tout seul
ces trois gosses. J’ai été un bon père. Et jamais une telle chose
n’était arrivée avant que tu ne viennes.
‒ Ce qui serait arrivé si JE n’avais pas été là, c’était la mort.
Xandra était à cinq minute de la mort et je l’ai sauvé. Tu as été
un bon père ? Comment ça se fait que tu ne savais pas que ce
vaurien la battait ? Dis-moi comment ?
‒ Je ne vais pas discuter avec toi. Je te mets juste en garde que
si tu me caches encore une chose sur MES enfants je te jure
que je ne réponds de rien.
‒ Je n’en ai rien à foutre de tes menaces.

Elle veut s’en aller. Je me lance vers elle et la saisis


violemment par le bras.

‒ Je crois que je vais devoir t’imposer mes règles Tatiana. Plus


jamais tu ne lèves le ton sur moi. Plus jamais tu ne me tournes
le dos quand je te parle. Plus jamais tu ne fais des choses avec
mes enfants sans que je n’en sois informé. Tu m’accuses de
n’avoir pas été assez présent ? Maintenant je le serais. Il n’est
pas question que ma fille finisse prostituée comme toi.

Son regard vire au rouge. Elle me pousse de toutes ses forces


et avant que je ne relève la tête je reçois un vase en plein
visage.

‒ C’est ta mère la prostituée. Itsiewou (Imbécile, en Punu).


C’est du vagin de la prostituée que sont sortis tes trois enfants.
Tu es maboule de me traiter de la sorte. Plus pute que ta mère
il n’en existe pas.

Je la plaque brutalement contre le mur en lui agrippant le cou.


Je resserre mes doigts pour l’étouffer.

‒ Ouvre-la encore Tatiana. Ouvre ta grande gueule.

Elle me donne des tapes qui ne m’éloignent pas pour autant


d’elle. Je suis trop en colère pour la lâcher.

‒ Je t’ai laissé trop de liberté dans cette maison. Alors


maintenant tu m’écoutes. Tu restes droite. Tu ne sors de cette
maison que sur autorisation parce que JE TE PAYE un salaire.
Ça me procure un droit sur toi. La prochaine fois que tu entres
à x heure, tu ramasses tes affaires et tu fous le camp. La
prochaine fois que tu élèves le ton sur n’importe quel membre
de MA famille ou même menace qui que ce soit, je t’expédie
dans le trou d’où tu viens. Est-ce clair ?

Je relâche un peu la pression pour lui permettre de parler.

‒ Je-t’em-mer-de !

Elle me prend de court et me donne un coup de tête dans le


nez.

‒ Fais chier ! Grogné-je en m’attrapant le nez duquel


commence à couler du sang.

Elle met de l’ordre dans sa tenue et me fixe.

‒ Oses encore me tenir de la sorte et tu verras tous les


comportements de chaque pays d’Afrique dans un seul corps.
Na yintse mondi (Le visage comme le chien).

Je reste concentré à me nettoyer le nez et la laisse s’en aller. Je


retourne derrière mon bureau et j’appelle Franck, mon ami
Commissaire.

‒ « Allô Bonjour Derrick. »


‒ Je viendrai te voir tout à l’heure. J’ai besoin que ce Tiger
soit coffré pour qu’il reste définitivement loin de ma fille.
‒ « Sans problème. »

DEUX MOIS PLUS TARD

***IMELDA

C’est notre dernier soir ici à Hawaï et je le regrette déjà. Je ne


veux plus retourner à Londres. J’ai passé les trois semaines les
plus belles de toute ma vie. Nous avons commencé au
Bahamas avant d’atterrir ici. Jamais avant ou après ma
rencontre avec Travon je ne m’étais autant amusée. Au début
j’ai été réticente et je ne voulais rien faire. Mais très vite j’ai
été emballée par toutes ces soirées Hawaïennes. La bouffe est
parfaite. J’ai même fait plein d’achat souvenirs. Travon a bien
choisi comme lieu de retraite pour notre couple. Entre nous ce
n’est pas encore la réconciliation. J’ai été à son chevet pendant
toute sa convalescence qui a duré un mois. Je venais passer les
journées près de lui et rentrais en soirée. J’ai gardé mes
distances avec lui, aussi durant tout notre séjour ici. Il n’a pas
non plus essayé de me forcer la main ni de me mettre la
pression. Au contraire, il se comporte comme si c’était
maintenant qu’on s’était rencontré. Il me fait la cour. Chaque
jour j’ai eu droit à des cadeaux, des fleurs, des invitations à
visiter l’ile, de belles paroles, de beaux messages. Bref, la
totale. Pratiquement tout ce qu’il n’avait pas fait la première
fois.
Il m’avait déjà conquise la première fois sans toutes ces
choses donc maintenant c’est la totale. Je suis deux fois plus
amoureuse de lui. Seulement je joue l’indifférente. Je ne lui ai
encore accordé aucun baiser encore moins une nuit dans le
même lit. Nous faisons chambre à part depuis que nous
sommes là. Mais je dois avouer que mon mari me manque. Le
voir chaque jour de plus en plus beau et ne pas pouvoir être
dans ses bras c’est difficile. Son parfum, hum toujours aussi
énivrant. Je secoue la tête quand j’arrive à son niveau.

‒ Bonsoir ! Dis-je d’une voix mi-sensuelle mi-naturelle.

Il se lève, les yeux brillants posés sur moi.

‒ Salut ma puce !

Il me tire la chaise près de lui. Je l’en remercie. Pour notre


dernière soirée, Travon a voulu que nous assistions à une
soirée de diverses spectacles organisée par l’hôtel. Il y a des
couples et des familles sur d’autres tables. Tous, nous
regardons les danseuses en dinant. Notre table est remplie de
plein de mets locaux. Je me jette sur les crustacés. Un
spectacle comique nous est présenté. Je ris aux éclats en même
temps que les autres. On demande au public de participer en
donnant des réponses à certaines questions où en rejoignant la
scène. Je sens le regard de Travon peser sur moi.

‒ Cesse de me regarder ainsi, lui dis-je sans tourner la tête.


‒ J’avais oublié pendant longtemps que tu étais encore plus
belle quand tu souriais.

Il se rapproche de mon oreille.

‒ Si tu me donnes une seconde chance, je te promets que plus


jamais ce sourire ne disparaitra de tes lèvres.

Sa voix et son souffle me font frémir. Je garde contenance. Il


se reconcentre sur le spectacle. Il entame un autre sujet de
conversation. Nous discutons de tout et de rien comme depuis
notre arrivée ici.

‒ On pourrait aller marcher près de l’eau ? Me propose-t-il.


‒ Oui je veux bien.

Nous partons près de l’eau qui est très calme ce soir. Nous
marchons le long, côte à côte.

‒ Ça te dirait qu’on vienne ici chaque vacance ?


‒ Ça serait super génial.
‒ Et lorsque nous aurons des enfants nous les emmènerons
également. Ou mieux, je pourrais nous acheter une Île. Qu’est-
ce que tu en dis ?
‒ J’en dis qu’il est trop tôt. Je n’ai pas encore dit que je…
Il capture mes lèvres entre les siennes. Ses lèvres sont glacées
et humides. Assez humides pour me rendre moi aussi toute
humide en bas.

‒ J’espère vraiment que tu me donneras cette chance.

Il fait deux pas en arrière.

‒ C’est notre dernière nuit ici et j’aimerais avoir une réponse.


Je t’ai laissé quelque chose sur ton lit. Si ta réponse est non, tu
poses justes le colis devant la porte de ma chambre. Dans le
cas contraire, tu sauras quoi faire.

Il pose un léger baiser sur mes lèvres, me prend la main et


nous retournons à notre hôtel. Il me souhaite une bonne nuit
devant ma chambre avant de rejoindre la sienne. De retour
dans ma chambre, la première chose sur laquelle mes yeux
tombent est une minuscule boite rouge. Je dirais un écrin. Je
l’ouvre en m’asseyant sur le lit.

‒ Dieu qu’elle est magnifique !

Mes yeux brillent devant cette merveille. Une alliance en


diamant deux fois plus belle que la mienne. Il m'a acheté une
nouvelle alliance ? Il y a un petit mot.
‒ « Une nouvelle bague pour un nouveau départ. Je t'aime
comme un fou. »

Punaise cet homme sait jouer avec mon cœur. Me voilà qui
souris comme une gamine devant un gâteau au chocolat. Ma
mère me tuerait si elle me voyait sourire de la sorte pour cet
homme. Heureusement que je ne lui ai pas dit que le ‘‘petit
congé’’ que je m’étais prise était un voyage avec mon mari.
Elle m'aurait enchaîné sinon. Mais c’est sûr qu'elle le fera en
apprenant la décision que je viens de prendre à l’instant.

Je sors à la hâte de ma chambre, la bague dans ma main. Je


souffle plusieurs fois avant de cogner à sa porte. Il ne tarde pas
à ouvrir.

‒ J’accepte de te pardonner à trois conditions, lui dis-je en lui


montrant la bague.
‒ Tout ce que tu veux ma puce.
‒ La première, je veux travailler. Je refuse de passer mes
journées à la maison à ne rien faire. Même si tu gagnes des
millions par jours je veux être une femme indépendante.
‒ Comme tu voudras, s’empresse-t-il de répondre.
‒ La deuxième, plus jamais je ne laisserai un membre de ta
famille me manquer de respect. Si ta grand-mère me cherche
des noises je lui répondrai.
‒ Tu n'auras pas à le faire parce que je te défendrai envers et
contre tous. Même elle. Mais ça marche quand même. Et la
troisième ?
‒ Qu'on reste encore une semaine de plus. J’adore ce pays.
‒ Et deux semaines ?

Mon sourire s’agrandi. Je lui saute au cou et l’embrasse. Voilà


c’est ce que j'attendais de lui. Il me prend la bague et me
l’enfile.

‒ Tu m'as manqué, lui avoué-je.

Il m'attire contre lui pour un autre baiser plus approfondi. Il


me serre tellement fort contre lui que je sens son érection
contre moi. Il nous conduit dans la chambre et ferme la porte
d'un coup de pied. Nos vêtements ne tardent pas à rejoindre le
sol près de nos chaussures. Nous nous retrouvons entrelacés
sur le lit sans que nos lèvres ne se soient détachées une nano
seconde. Ses mains parcourent tout mon corps. Je gémis de
plus en plus contre ses lèvres. Et quand il rentre en moi, c’est
la totale. Je m’arrache les cheveux.

‒ Bébééé !
‒ C’est ça vas-y, m’incite-t-il continuant à me limer de ses
coups de butoirs.
Je tire sur les draps et le mords à l’épaule. Je crois qu'il a pris
ses coups de reins de son côté Africain. Il va me rendre folle
ce soir. Les Punu savent y faire. Mamééé !!!

*Mona
*LYS

Après deux autres semaines nous rentrons enfin dans notre


pays. J’ai voulu passer ces deux semaines à découvrir encore
plus le pays mais je les ai passé à recevoir des sentences au lit.
Ichh je chauffe du bas. Mais ça ne m'a pas empêché d'en
redemander ce matin avant que nous ne prenions l'avion. La
voiture arrive vers la maison de mes parents. Travon refuse de
me lâcher la main. Je demande au chauffeur de garer un peu
avant la maison. Faut éviter que ma mère me voie descendre
de cette voiture sinon elle devinera

‒ Tu es sûre de ne pas vouloir rentrer avec moi ?


‒ Non bébé. Je dois d’abord informer mes parents pour nous
deux. Je ne peux pas retourner comme ça.
‒ Mais tu reviendras ?
‒ Bien évidemment. Tu es toujours mon mari et ma place est à
tes côtés.
‒ Viens là.

Nous nous embrassons une bonne dizaine de minutes avant


d’être obligés de nous lâcher par manque de souffle.
‒ Je t'aime. Rentre vite.
‒ Je t'aime aussi. A plus.

Je descends de la voiture avec ma valise que j’avais prise et la


deuxième que je me suis achetée là-bas pour y mettre tous ce
que j’ai acheté. Je suis chaleureusement accueillie par ma
mère qui me pose toutes les questions du monde. Je réussi à
me sauver. Une fois dans ma chambre toute seule, j’appelle
Murima. Elle décroche à troisième sonnerie.

‒ « Coucou ma chérie. Enfin de retour ? »


‒ Oui. C’était génial. Parfait. Au-delà de mon rêve.
‒ « Alors ? »
‒ Je nous ai redonné une chance. Raison pour laquelle le
séjour a été prolongé.
‒ « Je suis heureuse pour vous. Vous le méritez. »
‒ Oui mais maintenant il y a un problème. Mes parents.
Comment je leur dis que je retourne dans la famille
WILLAR ?
‒ « J'en fais mon affaire. Dis-moi où ils vivent. »
‒ Que vas-tu faire ? Demande-je perplexe.
‒ « Nous allons parler un peu le Punu. »

Je souris.
Aussitôt dit, aussitôt fait. J'ouvre la porte à Murima qui est
venue quelques heures après notre appel. J’ai dit à mes parents
que quelqu’un viendrait les voir sans leur en dire plus. Je
conduis ma belle-mère au salon où mes parents attendent.

‒ Papa, maman, je vous présente Murima. La mère de Travon.

Ils froncent les sourcils.

‒ Tsiéni a cundjandi ? Ara a fuwa ? (Comment ça sa mère ?


Elle n’est pas morte ?) Me dit ma mère en Punu.
‒ Nésio nira ni fuwo (Non je ne suis pas morte), répond
Murima dans le même dialecte.

Mes parents déglutissent. Je savais que ça leur ferait un choc


comme ça m'en a fait à moi. Mais c’est elle-même qui a voulu
que je la présente ainsi.

‒ Mboluo (bonjour), salut Murima.


‒ Nyambi (Seigneur) ! S'écrie ma mère.

Mes parents ont du mal à répondre mais en font l'effort. Nous


prenons place.
‒ Je suis désolée de me présenter à vous de la sorte, surtout
que tout le monde me croit morte mais il le fallait parce que le
bonheur de ma brue et de mon fils est en jeu.

‒ Tu es donc vraiment la mère des enfants WILLAR ?


Redemande ma mère sans en revenir.
‒ Oui. On m'avait enfermé pour des crimes que je n’avais pas
commis. Aucune enquête n'avait été faite parce que j’étais
noire.
‒ Fhum, fait ma mère comme pour approuver les dires de
Murima.
‒ Mais je ne suis pas là pour ça. En effet, Imelda m'a informé
qu’elle se sentait prête à sauver son mariage.

Ma mère me regarde.

‒ Mais elle m'a aussi parlé de votre méfiance vis-à-vis des


WILLAR. Alors de ce fait j’ai tenu à venir vous parler avec
mon identité. Personne dans ce monde ne connaît mieux cette
famille que moi. Surtout Dame WILLAR. Alors je peux vous
assurer qu’il n'y aura personne de mieux placée que moi pour
défendre votre fille qui est dorénavant la mienne. Je suis votre
sœur Punu et je prends l’engagement devant vous de prendre
soin d'elle. Je serai son bouclier.
‒ C’est bien beau mais c’est à Travon qu'elle est mariée,
réplique mon père. Vous pouvez bien la défendre mais et si lui
ne le fait pas ? Elle souffrira toujours.
‒ Il m'a promis qu'il le ferait, dis-je prestement. Il m'a prouvé
qu’il tient à moi et je veux lui redonner une chance.
‒ A quel moment ? Demande ma mère.
‒ Pendant notre voyage à Hawaï, dis-je d'une petite voix,
craignant leur réaction.

Elle ouvre grand ses yeux.

‒ Donc tu nous as menti ?


‒ Je suis désolée. Nous avions besoin d’être loin pour faire le
point.
‒ Donc maintenant vous avez fait le point et tu veux retourner
dans cette maison ?
‒ Oui maman. J'aime mon mari.
‒ Et je peux vous assurer que Travon aussi l'aime, complète
Murima. Il s'est confié à moi et il m'a dit tout ce qu’il
ressentait. Derrick l'a élevé dans le travail et uniquement le
travail. Il est donc nul dans les relations homme-femme. Mais
je crois que maintenant il a compris. Donnez-lui s’il vous plaît
une chance de se racheter auprès de votre fille et de vous. S'il
vous plaît !

Mes parents s’échangent un long regard durant lequel ils se


chuchotent des mots. Murima et moi échangeons un regard.
‒ Bon nous allons la laisser partir, nous informe mon père.
Mais à une seule condition. Qu’elle soit sous ta responsabilité.
Nous te la confions comme ta fille. Donc si quelque chose lui
arrive, dibandu ndèdju (c’est ta faute).
‒ Ni mu réguissangue (Je veillerai sur elle). Je vous le
promets.
‒ Marché conclu. Imé !
‒ Oui papa.
‒ Quand tu vas partir, dis à ton mari de venir nous voir. Il a du
sang Punu donc il doit suivre la tradition. Il doit venir nous
demander pardon. C’est d’accord ?
‒ Oui, répondé-je en affichant un très grand sourire. Je peux
retourner ce soir ?
‒ Regardez, dit ma mère en m'indexant. Vous les femmes
Punu vous aimez trop le pipi. Hum tu peux partir. Mais si on
ne voit pas ton mari dans les jours à venir nous allons venir te
chercher.
‒ Sans faute maman. Merci merci merci. Je vous aime.

J’embrasse mes parents et je finis par Murima. J’ai eu une


belle-mère super géniale. Je la raccompagne à la porte.

‒ A ce soir ma chérie.
‒ A ce soir… maman.
Elle sourit. Je l’embrasse chaleureusement avant de la laisser
partir.

Le soir comme convenu, je retourne chez les WILLAR non


sans avoir subir une longue série de conseils et de menace de
ma mère. J’ai envoyé un message à Travon pour lui faire une
blague. Je lui ai dit que mes parents refusent que je revienne.
Sa réponse ne tarde pas à venir.

‒ « Dis leur que je suis prêt à faire tout ce qu'ils désirent mais
par pitié qu’ils ne me privent pas de ma femme. »
‒ Ça va être difficile de les convaincre. Laisse-moi encore
quelques jours pour mieux les apaiser. Je crois que ma mère
me veut encore près d'elle.
‒ « Moi aussi je te veux près de moi. Nous avons longtemps
été séparés. »
‒ Comprends-les s'il te plaît.

Il tarde cette fois à répondre.

‒ « Ok. Je t'aime et tu me manques. J’ai encore envie de te


faire l’amour. »
‒ Moi aussi. A plus. Je t’aime.

Je descends de ma voiture le sourire aux lèvres. Le garde vient


m’ouvrir la portière. Je lui donne la clé en lui demandant de
faire entrer mes bagages. Quant à moi je marche vers la salle à
manger. C’est l’heure du dîner chez les WILLAR. Je vois tout
de suite Travon qui picore dans son assiette.

‒ Bonsoir !

Ils lèvent tous les yeux sur moi. Travon n'en revient pas. Il me
rejoint.

‒ Que fais-tu là ?
‒ Bah je suis une femme mariée n’est-ce pas ?
‒ Mais tu as dit…
‒ C’était une blague.

Il sourit. Je fais de même. Il se courbe et m’embrasse là devant


tout le monde.

‒ Djénéb pourrait-on avoir un autre couvert s'il te plaît,


demande-t-il.
‒ Tout de suite.

Je croise le visage radieux de Murima.

‒ Aurelle pourrais-tu s'il te plaît aider le garde à monter mes


affaires ?
‒ Oui Madame.
‒ Non elle ne bouge pas, impose subitement Dame WILLAR
que je n'avais pas vraiment remarqué. Ne vois-tu pas qu'elle
est occupée à servir ?
‒ Je…
‒ Mamie, Aurelle est aussi payé pour servir ma femme, me
coupe Travon. Donc Aurelle s'il te plaît fais comme ma femme
a dit.

Aurelle obéit.

‒ Mamie je te demanderais de faire preuve d'un peu de retenue


envers ma femme. Je vous aime toutes les deux et je ne veux
pas être obligé à choisir.
‒ Co… comment oses-tu me parler de la sorte pour cette…
noire ?
‒ Mamie s'il te plaît ! (A moi) Assieds-toi ma puce.

Je vois M. Derrick échanger un regard avec Murima. Le reste


du dîner se passe bien, en tout cas pour moi. Travon n’arrête
pas de me chuchoter des mots à l'oreille qui me font sourire.
Après le dîner Derrick demande à Travon de lui accorder
quelques minutes pour voir un dossier. J'en profite pour aller
discuter un peu avec Murima, Djénéb et Aurelle. Travon ne
tarde pas à se pointer.

‒ Chérie tu viens ?
‒ Oui je te suis.
‒ Ok. Bonne nuit à vous mesdames, souhaite-t-il aux autres.
‒ Bonne nuit, répondent-elles en chœur.

Je leur souhaite aussi une bonne nuit et je suis les traces de


mon mari. Je suis accostée au bas de l’étage par Dame
WILLAR.

‒ Donc comme ça tu es de retour ? Mais crois-moi, tu t'en iras


très vite parce que tu es une plaie pour cette famille. Je ne
comprends pas pourquoi les hommes de cette famille
s’évertuent à s’amouracher des femmes comme vous.
‒ Peut-être parce que nous sommes meilleures que les femmes
comme vous.

Elle s’offusque.

‒ Et tu as le toupet de me répondre.
‒ Oui et ça sera ainsi toutes les fois que vous me manquerez
de respect à moi ou à ma race. Je ne la fermerais plus.
‒ Je vais te faire sortir de la vie de mon petit-fils illico presso.
‒ Oui comme vous avez fait sortir Murima de la vie de M.
Derrick.

Elle plisse les yeux.


‒ Oui je sais tout. Je sais aussi de quoi vous êtes capable et
croyez-moi je suis prête. Tant que vous resterez à votre place
je ne vous manquerai jamais de respect donc gardez vos
distances. Passez une excellente nuit.

Je la laisse plantée là comme un poteau. Je monte rejoindre


mon mari. Je vais appliquer le conseil de ma mère. On me
respecte, je respecte. On me marche sur les pieds, je leur
montre qu’ils ont raison lorsqu’ils disent que les Africains sont
des sauvages.
11

***PETRA

Il faut qu’il me fasse l’amour. Il faut qu’il éteigne ce feu en


moi. Je n’en peux plus de le voir dans cette maison, si sexy, si
beau, sans pouvoir l’avoir dans mon lit. Je ne savais pas que
j’allais être à ce point obnubilé par ce jeune, qui plus est le fils
de mon époux. Mais n’empêche que je suis amoureuse de lui.
Il n’y a pas que le sexe qui m’intéresse chez lui, mais tout. Je
suis certes tombée amoureuse de lui par rapport au sexe puis
les choses sont devenues plus intenses.

Nous nous sommes rencontrés dans un bar. Je savais qui il


était. Je connaissais de loin tous les enfants de l’homme que je
désirais. Mais celui-ci ne s’intéressait pas à moi malgré tout ce
que ses parents lui ont dit me concernant. Prenant de l’âge et
perdant espoir d’être un jour avec Derrick, je me suis lancée
dans des aventures sans lendemain. C’est ainsi que je suis
tombée sur William. Il était à tomber ce soir-là. Tellement que
mon cœur s’est emballé à sa vue. Il a ce truc propre à lui qui
ne laisse aucune femme indifférente. Je me suis rapprochée de
lui sans lui faire savoir que j’étais la prétendante à son père. Je
voulais juste m’amuser le temps que Derrick se décide à me
donner une chance. Mais après notre première nuit, j’ai remis
ça. Je contactais Will chaque jour pour me faire hurler de
plaisir comme jamais aucun homme auparavant ne l’avait fait.
Nous nous rapprochions lorsque Derrick a fait surface dans ma
vie. J’étais entre mon plaisir charnel et la fortune des
WILLAR que j’ai toujours guettée. Être la grande Dame
WILLAR a toujours été mon rêve. J’ai alors choisi Derrick en
nourrissant l’espoir que Will accepte de continuer notre idylle.
Malheureusement non. Cet imbécile se la joue intègre. Mais il
ne perd rien pour attendre. Je finirai par le ramener entre mes
jambes.

Je regarde Derrick sortir de la salle de bain pour son dressing.


Une fois qu’il y entre, je saute du lit. Ma robe de chambre
toujours sur le dos, je descends vers la chambre de Will. Je
suis certaine qu’il dort encore. Hier il est rentré très tard.
Heureusement que son père était déjà couché sinon nous
aurions eu droit à une scène de boxe. J’entre prudemment dans
sa chambre après m’être assurée de n’être vue par personne. Il
est allongé sur le dos, à moitié nu. Je me pince la lèvre. Je fais
tomber mon mini peignoir, puis ma robe. Je me retrouve au-
dessus de lui à admirer son corps d’athlète. Quand je retire le
drap sur ses hanches, je libère un gémissement de satisfaction.
Je m’humecte les lèvres que je referme par la suite sur l’objet
de mes désirs. Ces grognements ne se font pas attendre.
Comme ça m’avait manqué. L’entendre grogner me pousse à y
aller deux fois plus vite et plus loin.

‒ Oh je viens ! Dit-il les yeux toujours clos.


Vas-y bébé, donne-moi de ce jus que j’aime tant. Il empoigne
ma chevelure mais quand il ouvre les yeux et me voit, il
sursaute.

‒ Fais chier Pétra !

Il me projette sur le sol à m’en faire mal au poignet. Merde !

‒ Non mais tu as perdu la boule ou quoi Pétra ? Faire ça ici ?


Dans la maison de mon père ?

Il enfile avec rage un jogging.

‒ Que ce soit la dernière fois que tu t’incruste dans ma


chambre sinon je ne répondrai de rien.
‒ William !
‒ Sors de cette chambre ou je fais un scandale.

Je meurs d’envie de le gifler. Je ne supporte plus qu’il fasse


autant le difficile. Je ressors toute rageuse. J’ai toujours autant
envie de faire l’amour avec lui. Je vais devoir me contenter de
son père. Mais je finirai par le faire flancher. S’il faille que je
passe par des stratégies absurdes, je le ferais. Je déteste qu’on
me résiste. La seule résistance que j’ai acceptée c’était celle de
Derrick parce que je savais qu’à la fin j’aurai le gros lot. Mais
la résistance de ce gamin me met hors de moi. Je suis du genre
à obtenir tout ce que je veux et lui, je l’aurais.

Je descends faire un tour en cuisine afin d’avoir un alibi au cas


où Derrick venait à me demander d’où je revenais. Je passe
par la salle à manger quand j’entends des chuchotements. Je
reconnais la voix de Derrick. J’avance lentement vers la salle à
manger. Il est avec cette Murima. Je ne sais pas ce qu’ils
disent mais ils sont beaucoup trop proches à mon goût. Leurs
visages trop proches comme s’ils allaient s’embrasser. Je me
planque pour mieux les observer. Ils ont l’air de se disputer
mais l’atmosphère qui les enveloppe n’a rien à avoir avec une
dispute. Elle est non seulement sexuelle mais il y a plus. Ils
s’aiment toujours. Je froisse ma robe entre mes doigts. Je
retourne toute furieuse dans ma chambre. Cette femme doit
s’en aller. Il faut qu’elle dégage le plancher.

Toute la famille est maintenant réunie autour de la table à


manger pour le petit déjeuner. Ne pas regarder Will qui s’est
fait tout beau ce matin est une tâche bien difficile pour moi.
Une chose de bien que cette pimbêche de Murima ait faite
c’est de donner naissance à un homme aussi beau que
William. Je le regarde, lorsqu’il s’en aperçoit il m’ignore
royalement.

Nous sommes interrompus par Clinton qui entre dans la pièce.


Derrick et lui ont une affaire à traiter ensemble. Il salue la
famille et c’est avec surprise que je le vois sourire à Murima.
Il la regarde même d’une certaine manière qui ne cache pas
son intérêt pour elle. Derrick qui a aussi suivi cet échange de
regard et de sourire entre ces deux-là se racle la gorge. J’invite
Clinton à nous rejoindre en bonne maitresse de maison. Il ne
lâche toujours pas du regard Murima. Derrick paraît énervé. Je
vais tuer cet homme.

‒ Ces crêpes sont délicieuses, complimente Clinton.


‒ Oui c’est Murima qui les a faites, répondé-je. Elle ferait une
très bonne épouse pour toi très cher Clinton.

Derrick se racle la gorge.

‒ Je n’en doute pas une seconde, répond Clinton, le sourire


aux lèvres en fixant Murima.
‒ Je suis prête à te donner des astuces pour la conquérir.
Murima doit faire sa vie. N’est-ce pas ? Demandé-je en la
fixant.
‒ Oui Madame, répond cette dernière en souriant.
‒ Je suis prête à te donner ta soirée pour répondre à un rencard
avec Clinton.
‒ Oui j’en ai déjà parlé à Monsieur Derrick. Il me libère de
mes fonctions tous les soirs pour me permettre d’aller à des
rencards.

Derrick fait craquer sa chaise.


‒ Je crois qu’il est l’heure pour moi d’y aller.

Les enfants sont perplexes devant notre conversation. Derrick,


Travon et Clinton partent tous les trois ensemble. Murima
chuchote quelque chose à Will qui sourit. Ces deux-là se sont
beaucoup rapprochés ces dernières semaines. Ce
rapprochement peut faciliter les choses pour Murima. Elle
s’est aussi rapprochée de Travon. Elle gagne chaque jour un
peu plus de terrain. Je vais très bientôt y mettre fin.

Après avoir passé la moitié de la journée à faire du shopping,


je décide de faire un tour dans la boite de Clinton. Après
réflexion je pense qu’il pourrait m’aider à éloigner Murima de
mon mari. Son assistante me conduit à son bureau.

‒ Que me vaut l’honneur de cette visite ? Dit-il


chaleureusement en se tenant debout. Installe-toi !
‒ Merci ! Dis-je pendant que nous nous asseyons. Je suis là
pour te parler de Murima.
‒ Ah bon ? Qu’a-t-elle fait ?
‒ J’ai pu voir ce matin qu’elle ne te laissait pas indifférent
alors j’aimerais t’aider à l’avoir dans tes filets.
‒ Filets ? Ce n’est pas ce genre d’intérêt que je porte à
Murima.
‒ Aah on sait un peu comment vous les hommes vous
fonctionnez. Vous êtes d’abord attirés par autre chose puis
vient l’amour. Mais bref ce ne sont pas mes oignons. Je veux
vous aider à l’avoir.

Il me fixe longuement les yeux plissés.

‒ Pourquoi ai-je l’impression que tu ne l’apprécies pas


personnellement ? Relève-t-il.
‒ Parce que c’est le cas. Je vais donc être franche. J’ai besoin
de toi pour faire dégager cette femme de ma maison.
‒ Pourquoi tu ne le fais pas toi ? Elle est ton employée que je
sache.
‒ Oui sauf que Derrick n’est pas de cet avis. Je n’aime pas le
rapprochement qu’il y a entre eux, raison pour laquelle je
désire que tu la séduises et que tu la sortes de chez moi.

Il sourit.

‒ Je vais faire mine de n’avoir rien entendu. Si tu as des


problèmes à régler avec cette bonne dame, règle-les avec elle.
Mais ne m’y intègre pas. J’irai au rythme de Murima nous
concernant. Si elle me donne une chance je la saisirais, sinon
je passerai à autre chose. Et parce que tu es la femme d’un bon
ami, je vais juste te demander de partir. N’ais crainte, je ne lui
soufflerai mot de cette rencontre qui n’a d’ailleurs jamais eu
lieu.
‒ Bien. Passe une belle fin de journée. Mais sache que si tu
changes d’avis je serai toujours disponible.
Il fait un léger hochement de tête. Je repars toute honteuse
mais une autre idée me trotte l’esprit. J’entre rapidement à la
maison mettre mon plan à exécution en prenant soin de ne pas
être surprise. J’appelle ensuite Derrick.

‒ « Oui allô Pétra. »


‒ Derrick je ne retrouve plus l’une de mes colliers en diamant.
Celle que j’avais porté le jour de notre mariage.
‒ « Tu l’as surement déplacé. »
‒ Non je sais où je l’avais mis mais il n’y est pas. J’ai même
fouillé partout sans le trouver. Je crois qu’on me la volé.
‒ « Il n’y a pas de voleur dans la maison. Cherche-le bien. »
‒ Ok.

Je raccroche satisfaite de la première étape. Derrick et Travon


seront à la maison dans quelques minutes. Ils travaillent en
demi-journée les week-ends. Je monte en chambre me reposer.
Quand j’entends les voitures garer, je redescends en trombe. Je
croise les deux hommes au bas des escaliers.

‒ Derrick, il n’y a pas que ma chaine qui ait disparu. L’une de


tes montres aussi.
‒ Elles doivent être quelque part, fait-il las.
‒ Non, elles ont été volées. J’en suis certaine.
Je n’attends pas qu’il réagisse parce que je sais qu’il ne le fera
pas. Je hurle les noms des domestiques. Elles rappliquent.
Imelda, Xandra et Will aussi.

‒ Des bijoux ont disparu de ma chambre et je vous suspecte.

Will lève les yeux au ciel et retourne sur ses pas. Xandra
remonte les escaliers.

‒ Pétra arrête ça, m’ordonne Derrick mal à l’aise.


‒ Non je n’arrête rien. Nous savons tous que les domestiques
prennent ce malin plaisir à piller leurs employeurs. Personne
dans cette famille n’est en manque d’argent si ce n’est vous. Je
vais alors procéder à une fouille.
‒ Pourrait-on commencer par ma chambre pour vite mettre fin
à cette histoire ? Propose Murima qui me devance.

Elle me prend de court mais je la suis. Derrick, Imelda et les


autres domestiques aussi. Je pénètre dans sa chambre et je fais
mine de fouiller un peu partout jusqu’à terminer là où j’ai
caché les bijoux.

‒ Eh ben dis-donc, m’exclamé-je en montrant les objets à tout


le monde.
Derrick n’a pas l’air surpris. Il croise les bras sur sa poitrine
tout comme Murima. Les deux me fixent.

‒ Laissez-nous seuls, ordonne Derrick aux deux autres


employées.

Elles s’exécutent. Imelda sort également.

‒ Qu’est-ce que ça veut dire ça Pétra ?


‒ Quoi ? Pourquoi c’est à moi que tu t’adresses alors que c’est
elle la voleuse ? Elle nous a volé…
‒ Assez Pétra. Ça c’est un coup foireux ce que tu viens de
faire.
‒ Comment oses-tu me parler ainsi devant cette femme ? Elle
nous a piqué des bijoux alors j’exige qu’elle soit renvoyée.
‒ Attend-moi là-haut.
‒ Je ne bouge pas d’ici tant que cette femme ne quitte pas cette
maison.
‒ Je t’attends en haut Pétra.

Il sort de la chambre. Murima secoue la tête.

‒ Tu es sérieuse ? Vol de bijou ? Tu n’as pas trouvé mieux que


ça ?
‒ Tu vas déguerpir de cette maison.
‒ Trouve donc le meilleur piège parce que ça c’est révolu. Tu
as trop regardé les Novélas je crois.

Je me rapproche d’elle l’air menaçant.

‒ Tu vas quitter cette maison.


‒ Personne ne peut me faire quitter cette maison si ce n’est
moi-même. Et je te le dis une dernière fois, n’essaie pas de me
mettre les bâtons dans les roues sinon tu en sortiras grande
perdante. Je peux coucher avec Derrick en un clin d’œil. Ne
m’y pousse surtout pas.

Elle sort à son tour de la chambre. Je lance un juron. Mon plan


n’a pas fonctionné. Je suis vraiment nulle à chier. Je rejoins
Derrick dans notre chambre. Assis sur le lit, il me regarde
entrer.

‒ C’était quoi ça tout à l’heure ?


‒ Elle nous a volé.
‒ Murima n’est pas une voleuse. On peut tout lui reprocher
mais pas d’être une voleuse.
‒ Et tu prends encore sa défense ?
‒ Parce que je la connais. Elle a été ma femme bon sang.
‒ Et c’est moi qui suis ta femme aujourd’hui et en tant que tel
tu dois me soutenir envers et contre tous. Même contre elle.
‒ Je peux prendre ta défense lorsque tu as raison mais pas
lorsque tu manigances des plans à deux balles. Reste à ta place
si tu ne veux pas que Murima en arrive à te manquer de
respect. Crois-moi, elle le fera très bien.

Il sort et claque la porte.

‒ Imbécile ! Sifflé-je en jetant les bijoux sur le lit.

Ils ne payent rien pour attendre ces deux-là. Je vais réfléchir à


un meilleur plan et cette fois Murima n’en sortira pas
gagnante.

***MURIMA

Depuis la cuisine j’entends William parler au téléphone. Je me


rends près de lui lorsque je sens sa conversation s'achever.
Effectivement il ne tarde pas à raccrocher.

‒ Que fais-tu là encore ? Lui demandé-je.


‒ Comment ça ?

Je vérifie que personne ne vient.

‒ Tu ne te rends pas à l’exposition ?


‒ Je t'ai déjà dit que non. Cette exposition concerne les
personnes douées. Moi je ne suis qu'un amateur. Je ne vais pas
aller me faire ridiculiser.
‒ Non mais qui t'a dit que tu te ridiculiserais ? Tes œuvres sont
parfaites et je sais que tu meurs d'envie d’être connu alors
c’est le moment. Tu dois y aller.
‒ Et si personne ne s’intéresse à moi ?
‒ Au moins tu auras essayé. Will tu dois y aller s'il te plaît.
Apporte tes meilleures œuvres avec toi.

Il parait réfléchir. L'un des jeunes du groupe de soutien auquel


il appartient lui a fait part d’une soirée d’exposition d'art de
divers artistes organisés par son cousin et il désire que Will y
participe. Il y aurait des gens de la haute qui y feront un tour.

‒ Ok je vais y aller. Mais si personne ne s’intéresse à mes


œuvres ce sera ma première et ma dernière fois de participer à
ce genre de soirée.
‒ Moi j’ai foi que tu épateras plus d'un.
‒ On verra bien.

Je souris.

‒ Vas donc vite. Tu as encore deux heures pour t'y rendre et te


trouver une place.
‒ Ok. Tu me trouves un alibi pour mon père ?
‒ Je m'en occupe.

Il ramasse ses clés et court vers la sortie. Je le regarde le cœur


embaumé de joie et d’amour.

‒ Si je ne savais pas que c’était ton fils je jurerais que tu es


amoureuse de lui, me dit Imelda en descendant les escaliers.
‒ Je suis juste heureuse de m’être rapprochée de lui. Il me voit
comme sa confidente.
‒ J'en suis ravie. Ça se fera aussi pour les autres. Hier Travon
m'a dit qu'il t'aimait bien. Surtout ton côté Africain qui se fait
ressentir dans ta façon de t’exprimer.

Mon sourire s’élargit.

‒ Il ne reste plus que Xandra et j'aurais tous mes enfants


autour de moi.
‒ Ça viendra. Bon j'y vais. Je dois terminer l’aménagement de
ma nouvelle boîte. A toute.

Elle m’embrasse la joue et sort de la maison. Je suis heureuse,


malgré tout ce que je traverse, de savoir que Will me fait
confiance. Depuis son retour il n'y a pas eu de dispute entre
son père et lui. Il est vrai qu’ils ne se parlent pas vraiment
mais au moins les disputes se sont arrêtées. Il écoute mes
conseils et ça me remplit de joie. Je ne l'ai pour le moment pas
encore vu drogué. Je crois que ça commence à aller.
‒ Murima !

Je reviens à moi au son de la voix de Derrick.

‒ Quoi ?

Il s’arrête juste devant moi.

‒ Je tenais à m’excuser pour ce qui s'est passé avec Pétra.


‒ Tu n'as pas à le faire. Une femme jalouse est prête à tout
pour préserver son homme. Seulement fais-lui comprendre
que je ne suis pas ici pour toi. Vous devriez sortir en
amoureux de temps en temps. Ça la mettra en confiance.

Il me regarde comme avant lorsque nous étions mariés. Ça me


rend nostalgique ce regard. Sans lui dire un mot je marche
vers la cuisine mais je reviens aussitôt sur mes pas.

‒ Au fait, je dois sortir dans peu de temps. Je rentrerai ce soir.


Je ne serais donc pas disponible pour servir le dîner.
‒ Tu as rendez-vous avec Clinton ?
‒ Je tenais à juste t’informer. Monsieur mon patron.
Son visage s’assombrit. Je n’y prête pas attention je m’éclipse
cette fois vers la cuisine.

J'arrive à la soirée d’exposition avec dix minutes de retard. Je


suis tombée dans un embouteillage sans nom. Je passe devant
plusieurs œuvres d'art qui je dois le reconnaitre sont très
belles. Mais celles de mon fils restent mes préférées. Je
l’aperçois de loin, tout timidement arrêté près de ses tableaux.
Il discute avec deux de ses amis du groupe de soutien.

‒ Bonsoir !

Will répond bien que surpris.

‒ Que fais-tu là ?
‒ Bah je suis venue t’apporter mon soutien. Je sais que tu en
as besoin.
‒ Ouais. C’est vraiment gentil de ta part.
‒ Pas de quoi. Alors comment ça s’annonce ?
‒ Bah comme tu vois. Personne ne s'est encore approché.
‒ La soirée débute à peine, intervient l'un de ses amis. Moi je
crois que tu auras des acheteurs.
‒ Moi aussi, dit l'autre.
Will sourit sans être vraiment convaincu. Nous restons près de
lui pendant près d'une heure de temps sans que personne ne
s’approche de lui. Bon il faut qu’on fasse quelque chose. J’ai
l’impression que les gens vont vers les artistes qu'ils
connaissent déjà. Will est le seul novice en plus d’être un
amateur. Je prends sur moi de me rapprocher de ces gens.
J'accoste un homme pas très loin.

‒ Bonsoir Monsieur.
‒ Oui bonsoir.
‒ Excusez-moi de vous importuner mais à vous voir on devine
que vous êtes un passionné d’art.
‒ C’est exact.
‒ Voilà, je voudrais vous parler de mon garçon qui fait de très
belles œuvres à vous couper le souffle.
‒ Comment s’appelle-t-il ?
‒ William WILLAR.
‒ Connais pas.
‒ Beh c’est le moment de le connaitre. Accordez-lui juste cinq
minutes de votre temps et vous ne serez pas déçu. Je peux
vous assurer que vous n’aurez plus envie d'une autre œuvre
que les siennes.

Il sourit.

‒ Vous avez la tchatche vous.


‒ Il le faut bien pour convaincre des hommes aussi
charismatiques que vous.

Il hausse les épaules. J’ai flatté son ego.

‒ Ok accompagnez-moi donc vers ce jeune talentueux.


‒ Après vous Monsieur.
‒ Les dames d’abord.
‒ En plus de l’élégance vous êtes gentleman, le complimenté-
je avec un sourire radieux.

Il me suit. Je lui présente Will qui a l'air débité. Je l’encourage


avec un sourire. Il se détend et explique ses toiles à l'homme.
Quand je le sens plus à son aise, je m’éloigne. Je dois me vider
la vessie. Je me soulage très rapidement pour ne pas laisser
Will seul très longtemps. Faudrait pas qu’il panique. Je me
dépêche tellement de retourner près de lui que je ne fais pas
attention à la personne devant moi. Je lui rentre dedans.

‒ Oh désolée !

Quand l'homme en question se retourne je manque de


m’effondrer.

‒ Bonsoir ma beauté. Comme on se retrouve.


‒ Que fais-tu ici Josky ?
‒ C’est un lieu public. Je cherche une belle œuvre d’art à
exposer dans ma salle à manger. Toi que fais-tu là ?

Je jette un coup d’œil vers Will qui est entouré par plusieurs
personnes. Je suis toute craintive pour lui. Je ne veux pas que
Josky s’approche de lui. Comme s'il lisait dans mes pensées, il
tourne la tête dans la direction de mon regard.

‒ Oh je vois. Tu es avec ton fils. Je ne savais pas qu’il


peignait. Allons voir ce qu’il a à proposer.

Je lui barre rapidement le passage.

‒ Je t'interdis formellement de t’approcher de mon fils. Tu


m'as déjà éloigné de lui trop longtemps pour que tu en
rajoutes.
‒ J’ignore de quoi tu parles. Mais ta place dans ma vie est
toujours disponible. Toi et moi ferons de grandes choses
ensemble. Et je peux assurer la sécurité de tes enfants. Alors
que si tu restes dans ta position, je ne crois pas que tu puisses
faire grandes choses pour eux quand le danger s’approchera.
‒ Si tu touches à un seul cheveu de mes gosses je jure sur ma
vie que je te tue de mes propres mains, le menacé-je toute
tremblante. Est-ce que c’est clair ?
Il sourit de ce sourire malicieux qu’il esquisse lorsqu’il a de
mauvaises pensées.

‒ Tu es encore plus belle que dans mes souvenirs. Tu restes la


plus belle de toutes celles que j’ai connu. J’ai envie de te faire
l’amour maintenant.

Je craque des dents. Je me retiens vraiment de le cogner.

‒ Murima ça va ?

Je reconnais la voix de Clinton dans mon dos. Je change


l’expression de mon visage avant de lui faire face. Il fixe
Josky.

‒ Oui ça va Clinton. Je suis surprise de te voir.


‒ Moi aussi, répond-t-il sans toujours me regarder.

Je le tire par la main plus loin de Josky. C’est à ce moment il


baisse les yeux sur moi.

‒ Tu es sûre que ça va ?
‒ Oui, oui tout va bien. On se prenait la tête sur qui avait
bousculé l’autre en premier. Alors dis-moi, tu es venu acheter
des tableaux ?
‒ Pas vraiment. Je n’en pouvais plus de rester chez moi alors
j’ai décidé de faire un tour ici. Et toi ? Tu n'es pas censée être
à ton poste chez les WILLAR ?
‒ Oui mais je…
‒ N’est-ce pas William là-bas ? Remarque-t-il en fixant un
point derrière moi.
‒ Oui c’est lui. Il peint aussi et je suis là pour le soutenir.
‒ Derrick ne m'a jamais dit que Will peignait.
‒ C’est parce qu’il ne sait pas que son fils a ce talent. Et je
souhaiterais que ça reste ainsi jusqu’à ce que Will décide de le
lui dire lui-même.
‒ Encore un autre secret que je dois garder ? Demande-t-il en
arquant un sourcil avec un ton rieur.
‒ On peut dire.
‒ Et qu’ai-je en échange ? Fait-il en croisant les bras. Ne me
dis pas un rencard parce que je n’ai toujours pas eu celui de la
dernière fois.
‒ Demain tu auras ton premier rencard et le deuxième au cours
de la semaine. Faudrait pas abuser de la gentillesse de mes
employeurs.
‒ Marché conclu. Votre secret sera bien gardé charmante
Dame.

Nous nous serons les mains accompagnés d’un échange de


sourire. Il a réussi à me faire oublier cette mauvaise rencontre
avec Josky. Nous rejoignons Will qui a l'air plus heureux.
Mais son sourire disparaît quand il aperçoit Clinton.
‒ Il est dans la confidence, ne t’inquiète pas.
‒ Ok.
‒ Alors c’est toi qui as peint tout ça ? S’enquiert Clinton.
‒ Oui Monsieur Clinton. (Il me regarde) Et devine quoi ? J’en
ai vendu trois.
‒ Vraiment ? Fais-je émerveillée. Mais c’est génial.

Dans l'éphorie je le prends dans mes bras. C’est avec surprise


que je ressens ses bras se fermer autour de moi.

‒ Moi aussi j'en voudrais un, dit Clinton. Je prendrai la femme


Africaine avec le foulard. Il me fait rappeler Murima.
‒ Ça marche, répond Will.

Je lui murmure un merci. Un autre homme s’approche et


demande une autre toile d'une femme Africaine. Il peint
beaucoup la femme Africaine en souvenir de sa mère, m’a-t-il
confié une fois. J’en ai été émue.

J’ai dû laisser Will à l’exposition et rentrer avec Clinton qui


m'a déposé devant la maison. Je me sentais épuisée mais j’ai
dû attendre que Josky s'en aille pour ensuite rentrer. Depuis le
seuil de la porte j’entends des éclats de voix venant du grand
salon. Je reconnais la voix de Derrick mais la deuxième non.
Elle m'a juste l’air familière. Doucement, je me rapproche du
salon et là un coup de feu retentit. Je pense directement au
pire. J’accélère mes pas et avec stupéfaction je vois ce jeune
Tiger pointer une arme sur Derrick. Je prends un vase que je
lui brise sur la nuque. Il dandine sur lui-même et l’arme tombe
de sa main. Derrick en profite pour lui asséner des coups
jusqu’à ce que sortie de nulle part Alexandra vienne se mette
entre les deux hommes.

‒ Papa non arrête. Ça suffit !


‒ Éloigne-toi de ce fils de pute Xandra, lui ordonne Derrick. Je
vais lui faire regretter d’être venu me menacer jusque chez
moi. Je vais te foutre en prison et cette fois crois-moi tes
relations ne pourront rien pour toi. Espèce d’imbécile.
‒ Papa non tu ne feras rien. Tu l'avais donc envoyé en prison ?
‒ Oui et j'y suis resté ces deux derniers mois, répond Tiger. Tu
vois ce que ton père fait contre moi ? Il me fout en tôle comme
bon lui semble mais je ne vais pas en rester là. Je vais vous le
faire payer à tous les deux.

Il ramasse son arme.

‒ Je n'arrive pas à croire que tu aies fait une chose pareille


papa. C’est mon petit ami bon sang.
‒ Ton petit ? Tu appelles petit ami quelqu’un qui menace ton
père avec une arme ?
‒ C’est parce que tu l'as poussé à bout. Il en a eu marre et moi
aussi j'en ai marre. Marre que vous vouliez nous séparer à tout
prix. Marre que vous vouliez décider à ma place. Je ne te
reconnais plus depuis que cette femme travaille dans cette
maison. Tu n’étais pas ainsi papa.
‒ Toi non plus Xandra. Ou du moins je n'en savais rien. Je
t'ordonne maintenant de monter dans ta chambre. Je vais tout
de suite appeler la police.

Tiger lève de nouveau son arme.

‒ Si vous lancez le numéro de la police je vous fous une balle


dans la tête.
‒ Tiger non baisse cette arme, l’arrête Alexandra en baissant
son bras. Tu n'as pas besoin de faire ça. Je pars avec toi.
‒ Quoi ? Disons-nous ensemble Derrick et moi.
‒ Je pars avec lui pour que nous soyons enfin en paix. Je veux
vivre mon amour comme je l’entends sans vous avoir dans
mes pattes. Vous me faîtes chier à la fin.
‒ Contrôle ton langage jeune fille, lui ordonné-je.
‒ Toi mêle-toi de ce qui te regarde. Non mais pour qui tu te
prends ? Bref je m’en fiche. Je monte prendre mes affaires.

Elle nous tourne le dos. Deux gardes de la maison arrivent en


courant. Je leur fais signe de la main de ne rien faire pour le
moment. Ce type est fou et on ne sait ce qu’il peut faire avec
son arme.
‒ Alexandra Yéssi WILLAR, reviens ici tout de suite, tonne
Derrick.
‒ Non papa, je pars, hurle-t-elle en montant les escaliers.
‒ Si tu sors de cette maison je te prive de tout. (A Tiger) Et toi
sac à merde dégage de ma maison.
‒ Venez me foutre dehors si vous le pouvez.

Il agite son arme. A croire que c’est ce qui lui confère du


pouvoir.

‒ Bon j’en ai marre de tout ce cirque. Je vais chercher mon


arme et si à mon retour tu es encore là tu recevras une balle.
Ce sera de la légitime défense, vu que tu es rentré par
effraction chez moi. Et Murima empêche cette petite de sortir
d’ici.

Il s’élance dans les escaliers. Tiger et moi nous nous jaugeons


du regard. Un sourire sournois étire ses lèvres.

‒ Quoi que vous fassiez, elle me courra toujours après. Elle


m’a dans la peau cette gamine.

Il se rapproche de moi.
‒ Je sens que toi et moi ferions une très bonne équipe. J’aime
les femmes dures de caractère. Au lit elles sont de vraies
tigresses.

Je me demande ce qui me retient de lui en foutre une.


Alexandra redescend en courant presque avec une petite valise
en main.

‒ Si mon père vient, dis-lui que je suis une grande fille et c’est
à moi de prendre les décisions de ma vie. Je reviendrai
uniquement quand il sera prêt à l’accepter. Viens bébé on part.

Elle part avec son copain qui me fait un dernier clin d’œil. Les
gardes sortent à leur suite. Derrick apparait son arme à la main
quelques secondes après leur départ.

‒ Où sont-ils ? Demande-t-il en regardant un peu partout.


‒ Partis, répondé-je les yeux larmoyants.
‒ Partis ? Comment ça partis ?
‒ Elle est partie avec lui.

Il me regarde choqué. Une larme coule sur ma joue.

‒ Et tu l’as laissé partir avec ce type ?


‒ C’était la meilleure chose…
‒ ET TU L’AS LAISSÉ PARTIR ???
‒ C’ÉTAIT LA MEILEURE CHOSE A FAIRE, hurlé-je à
mon tour en laissant mes larmes couler.
‒ POUR QUI ??? Murima comment as-tu pu faire une telle
chose ? Je pars la chercher.

Je lui attrape le bras.

‒ Non Derrick laisse-la. Il est temps que la vie l’éduque.


‒ La vie ? Répète-t-il en se dégageant violement. Il s’agit de
ma fille.
‒ C’est aussi ma fille Derrick et ça me fend le cœur de la
laisser partir avec ce type mais c’est la seule chose à faire pour
qu’elle comprenne.
‒ Connais-tu ce type ? Il n’est pas qu’un dealer. C’est aussi un
meurtrier, un chef de gang. Tout ce qui pourra lui arriver avec
ce type c’est de finir soit en prison soit morte. Lui il est
intouchable pour je ne sais quelle raison mais si Xandra est
impliquée dans l’une de ses affaires louches tout mon argent
ne pourra rien faire pour elle. C’est vraiment ce que tu
désires ? Qu’elle termine comme toi ? En prison ?
‒ Que voulais-tu que je fasse ?
‒ QUE TU L’EMPECHES DE PARTIR. TU DEVAIS LA
RETENIR BORDEL DE MERDE.

Il tourne sur lui-même. Je ne peux me retenir de pleurer. Je


sais ce que j’ai fait est très risqué mais c’est le seul moyen que
j’ai trouvé pour faire revenir Alexandra à la raison. Elle est
plus que bornée cette petite.

‒ Tu es la plus mauvaise mère que je connaisse.


‒ Ne dis pas ça Derrick. Je l’aime et je l’ai fait pour elle.
‒ Ah bon ? Parce que la laisser entre les mains d’un dealer
c’est une preuve d’amour ? Tout ça c’est ta faute et tu veux
qu’elle suive ton chemin. Fréquenter ce type signifie qu’elle
finira aussi par toucher à la drogue. Enfin si ce n’est pas déjà
le cas. Tu passes ton temps à lancer que tu es une bonne mère
alors qu’il n’en est rien.
‒ Ne me dis pas ça.
‒ Tu veux que je te rappelle toutes les choses que tu as faites
qui ont failli tuer nos enfants ? C’est de ta faute si Travon est
né avec un problème de cœur. Tu prenais de la drogue
enceinte de lui comme tu buvais de l’eau. William a
inconsciemment consommé de la drogue que tu avais laissé
sur la table lorsqu’il avait six mois et il a terminé aux
urgences. Xandra pleurait et mourrait de fin dans son berceau
alors que toi tu te shootais.
‒ C’étaient des erreurs, me défendé-je en éclatant en sanglot.
‒ DES ERREURS QUI ONT FAILLI LES TUER. Et tu ne
t’es pas arrêtée là. As-tu une idée de ce que j’ai enduré avec
ces trois enfants après ton départ pour la prison ? C’est moi
qui encaissé toutes les conséquences de tes fameuses erreurs.
Travon a plus d’une fois frôlé la mort. J’ai plusieurs fois
craqué et j’ai voulu abandonner. MAIS J’AI TENU BON
POUR EUX ALORS NE VIENS PAS JOUER LA BONNE
DARONNE PARCE QUE TU NE L’ES PAS LE MOINS DU
MONDE.

Je pleure de plus en plus parce qu’il a raison.

‒ Jamais elle n’avait quitté la maison. Jamais. Mais il a fallu


que tu apparaisses pour qu’elle parte. Tu as laissé ma fille
partir avec un délinquant de la plus grande espèce.
‒ Derrick crois-moi c’est la meilleure…

Il me plaque violemment au mur, les doigts resserrés autour de


mon cou. Je n’ai pas la force de me défendre. Toutes mes
forces m’ont lâché. Je me contente juste de pleurer.

‒ Derrick !
‒ Puisque tu sais tout, je vais te regarder gérer cette merde,
crache-t-il entre ses dents sans me lâcher. Et s’il arrive quoi
que ce soit, je dis bien quoi que ce soit à MA FILLE, Tatiana,
si tu pensais que t’abandonner quand tu es allée en prison était
la pire chose que je pouvais te faire, eh bien je te montrerai
qu’il y a d’autres choses encore pires que je peux te faire.
Demain je vais te donner ta paie. Je veux que tu dégages de
ma maison.

Je ferme les yeux face à son regard éjecté de sang. La dernière


fois qu’il m’avait regardé avec autant de haine dans le regard
c’était il y a Vingt-deux ans, le jour de mon arrestation. Revoir
ce regard me brise littéralement. Il me lâche et je m’écroule au
sol. Je pleure tout mon saoul. Derrick cogne dans le mur. Des
bruits de pas se font entendre. Je reconnais le parfum de
Travon.

‒ Bonsoir. Que se passe-t-il ici ? Questionne-t-il.


‒ Demain tu diras à Djénéb de se trouver une troisième aide.
Murima est renvoyée.

Je peux sentir leur regard sur moi. Je cours m’enfermer dans


ma chambre et sur mon lit je continue de pleurer.

‒ Mon Dieu je t’en supplie protège mon bébé. Je n’ai pas


voulu qu’elle termine ainsi. Pardonne-moi d’avoir touché à la
drogue. Je te demande pardon. Tu peux me punir mais je t’en
supplie épargne mes bébés. Ils sont innocents. Mon Dieu
prends pitié ! Prends pitié pour mes enfants.

Des bras m’entourent.

‒ Maman qu’est-ce qu’il se passe ? S’inquiète Imelda.


‒ Je suis une mauvaise mère. C’est de ma faute si mes enfants
côtoient la drogue. Mais je ne le voulais pas. Je ne voulais pas
de ça pour eux.
‒ Qu’est-il arrivé ? Je ne comprends rien.
Je me redresse.

‒ J’ai laissé Xandra s’en aller avec Tiger. Elle est partie vivre
avec lui.
‒ Ce dealer ?
‒ Oui.
‒ Mais pourquoi ? C’est dangereux.
‒ Je le sais mais je sais aussi que c’est le seul moyen pour
qu’elle prenne conscience. Il faut qu’elle le quitte d’elle-même
sinon elle continuera à le fréquenter malgré nos interdictions.
‒ Et s’il lui arrivait quelque chose de grave ? Tu y as pensé ?
‒ Quand tu seras mère tu comprendras que ce rôle implique
aussi de devoir laisser son enfant se cogner contre le mur. Être
parent c’est laisser ses enfants vivre leurs propres expériences,
bonnes ou mauvaises. C’est en cela qu’ils se forgeront.
Alexandra est amoureuse et on le sait tous qu’on ne peut
donner des conseils à une femme amoureuse. Elle en fera
toujours à sa tête.
‒ Tu as raison. Derrick n’est pas de cet avis apparemment.
‒ Oui. Et je dois te l’avouer, j’ai sacrément mal de savoir ma
fille avec ce type. Je sais qu’elle s’est jetée dans la gueule du
loup. Mais que puis-je faire si ce n’est l’assister de loin ? Que
puis-je faire mon Dieu ?

Je me remets à pleurer.
‒ Et Derrick, oh Seigneur, Derrick me déteste pour ce qui s’est
passé il y a Vingt-deux ans. Il m’en veut toujours. Il me croit
coupable J’ai mal qu’il continue de me voir comme une
criminelle. C’est un supplice pour moi. L’homme que j’aime
me déteste pour quelque chose que je n’ai pas fait. Mais il a
raison. Il en avait assez bavé avec moi. Je mérite sa haine.
Mon Dieu je suis une mauvaise personne.
‒ Tu ne l’es pas maman.
‒ Je me suis droguée pendant mes grossesses. J’ai mis la vie
de mes enfants en danger avec mon inconscience. J’ai plus
d’une fois failli les tuer. Et aujourd’hui je laisse ma petite
princesse aller avec un délinquant de la pire espèce. J’ai
échoué entant que mère. Mon Dieu j’ai échoué.
‒ Viens-là !

Elle me prend de nouveau dans ses bras. Je suis consciente de


prendre un gros risque mais pour qu’Alexandra devienne
mature elle doit subir les conséquences de ses choix. Mais
pourquoi mon cœur bat si fort ? Pourquoi ai-je autant peur ? Et
si j’avais pris la mauvaise décision ? Mon Dieu ai-je mal fait
de laisser ma fille s’en aller avec ce type ?
12

***MURIMA

J'écoute d'une oreille distraite les anecdotes racontées par


Clinton. J’ai du mal à me concentrer sur ce dîner qui a
pourtant été bien organisé. Je suis tellement inquiète pour
Alexandra. Je suis morte d’inquiétude de la savoir vivre dans
ce quartier de dealer. Il faut qu'elle rentre pour que je puisse
être tranquille. La savoir chez ce type me mortifie. J’ai peur
qu'on nous appelle à n’importe quel moment pour nous
annoncer le pire. Je ne cesse de prier depuis hier que Dieu la
garde et qu'elle nous revienne saine et sauve.

‒ Tu es présente ?
‒ Hum ?

Je souffle.

‒ Je suis sincèrement désolée Clinton. Je gâche complètement


cette soirée.
‒ Tu ne gâche absolument rien. Dis-moi, que t’arrive-t-il ?
‒ C’est Alexandra.
‒ WILLAR ?
‒ Oui. Elle a quitté le domicile familial pour suivre son dealer
de petit ami.
‒ Le même que son père avait foutu en prison ? Il est sorti ?
‒ Oui. Faut croire qu'il est intouchable. Elle l'a suivi sans
savoir dans quel merdier elle se mettait. Je suis morte
d’inquiétude tu n'as pas idée. Et le pire c’est que c’est moi qui
l'ai laissé partir.
‒ Pourquoi ?
‒ Parce que je ne savais pas trop comment réagir, dis-je pour
éviter de trop en dire. Son père a pété un câble, m’accuse
d'avoir guidé sa fille à l’abattoir. Il m'a demandé de quitter le
domicile et que j'avais pour responsabilité de lui ramener sa
fille saine et sauve sinon je finirai en prison.
‒ Il t'a dit ça ?
‒ Oui. Je dois donc trouver le moyen de garder un œil sur
Alexandra et me trouver un toit demain. J’ai l’impression que
ma tête va exploser.

Je me tiens la tête entre les mains. Il faut que je trouve


comment m’assurer que ma fille aille bien durant son séjour
là-bas. Je n’ai pas suffisamment d’argent pour penser engager
quelqu’un. La seule chose que je vois c’est que j'aille moi
aussi habiter le quartier mais ça ne fera qu’envenimer les
choses. Elle se sentira surveillée et Dieu seul sait ce qu’elle
fera.

‒ Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression qu’il y a


beaucoup de zones d'ombre dans ta vie, dit subitement
Clinton. Je ne comprends vraiment pas ton affection pour les
enfants WILLAR. Tu pleures pour Travon, tu aides William à
réaliser ses rêves et maintenant tu portes le poids de la sécurité
de Xandra. J'en viens à penser que tu es peut-être parentée à
leur défunte mère. Elle était aussi Gabonaise je crois.

Je me redresse dans ma chaise.

‒ Je ne suis parentée à qui que ce soit. Je les affectionne juste


c’est tout.
‒ Ils sont où tes enfants ?
‒ J’ai trop de souci en ce moment pour parler de ma vie
privée.
‒ Je comprends. Désolé d’être allé sur ce terrain.
‒ Tu n'as pas à t’excuser. C’est moi qui ne suis pas trop
d’humeur. Je gâche même cette si belle soirée. Encore
désolée.
‒ Tu ne gâche rien. Tant que tu es là, ma soirée est belle.
‒ Tu es gentil.

Il réussit à m’arracher un sourire.

‒ Bon voici ce que je propose, dit-il en sortant son portable de


la poche de sa veste. Je vais engager un garde qui aura pour
mission de veiller sur la sécurité d’Alexandra. Il m’appellera
ou t’appellera si tu veux pour te faire le point de ses journées à
elle et aura aussi pour mission d’intervenir en cas de danger.
Ça te va ?
‒ Je ne peux pas te demander de faire une telle chose pour moi
Clinton. C’est trop.
‒ Arrête avec ça. Tu fais partie de ma courte liste d'amis et
c’est un plaisir pour moi de redonner le sourire à une brave
dame comme toi. Un instant.

Il communique un moment et cale un rendez-vous pour


demain.

‒ Voilà, c’est fait. J'aurai besoin d’information


supplémentaire.

Je reste abasourdie par son geste.

‒ Je n’arrive pas à croire que tu fasses ça pour moi.


‒ Ne vas surtout pas t’imaginer que je le fais en échange du
sexe. Je le fais en toute amitié. Mais j’accepte que tu me fasses
des crêpes en guise de remerciement.

J'éclate de rire.

‒ C’est ça, je te préfère ainsi. Demain je t'aiderais avec ton


appartement.
‒ Merci Clinton, le remercié-je la main posée sur la sienne. Ça
faisait une éternité que personne n'avait pris soin de moi de la
sorte.
‒ Tu vas trouver ça tiré par les cheveux mais à chaque fois que
je te vois je ressens le besoin de te faire sourire. J’ai
l’impression que tu portes un fardeau trop lourd pour toi. Ai-je
raison ?
‒ Oui. Mais je…
‒ Tu m'en parleras quand tu seras prête.
‒ Merci !
‒ Bon je crois qu’il est temps de rentrer. Faudrait pas deux fois
plus énerver tes patrons.

Je ris à cœur joie. Ça fait du bien de savoir que quelqu’un se


préoccupe de soi. J’espère de tout cœur que cet homme le fait
sans rien attendre en retour parce que l'amour ne fait pas partie
de mes priorités en ces moments. Il y a trop de bordels dans la
vie de mes enfants à régler.

Je franchis de deux pas le seuil de la porte que Dame


WILLAR hurle mon nom depuis le petit salon. Je tourne des
yeux. Je m'y rends en me jurant de ne répondre à aucune
provocation. Derrick est assis avec sa femme qui ne lui lâche
pas la main. J'attarde sur lui mon regard. Depuis hier soir nous
ne nous sommes plus vus jusqu’à maintenant. Il est parti au
bureau sans prendre son petit déjeuner.
‒ Bonsoir !
‒ Je ne m’attendais plus à te revoir, entame Dame WILLAR.
Que fais-tu encore ici ?
‒ Je n'ai pas encore reçu ma paye et j’ai jusqu’à demain pour
m'en aller, dis-je sans sourciller.
‒ Tu n'attendras pas jusqu’à demain. Va-t-en d'ici maintenant.

Elle jette à mes pieds une enveloppe.

‒ C’est un peu plus que ton salaire. Nous ne voulons plus te


voir dans cette maison.
‒ Peut-être que vous ne l’avez pas compris la première fois
que je l'ai dit mais… je ne déserterai pas cette maison tant que
ma mission auprès de mes enfants ne sera pas atteinte. Je vais
juste changer de dortoir mais demain je viendrai faire la
cuisine pour MES enfants.

Pétra gesticule de colère depuis sa place.

‒ Non mais quel culot, s’écrie-t-elle. Je suis la maîtresse des


lieux et je t’ordonne de ne plus jamais mettre les pieds dans
cette maison.
‒ C’est de ta faute si ma petite-fille est partie. Depuis ton
arrivée tu ne fais que créer des problèmes. Ne m’oblige pas à
te faire retourner en prison sale négresse.
‒ Maman ça suffit ! Tonne la voix de Derrick derrière.
Je fais deux pas en avant vers sa mère, il se lève. Lui et moi
échangeons un regard. Il est triste, je le sens dans son regard.
Il a mis ses cheveux en bataille à force d’y avoir passer des
doigts. Derrick a toujours été à cheval sur son apparence.
Jamais un cheveu ne doit dépasser l'autre. Quand il mélange
ses cheveux de la sorte c’est qu’il a une grosse amertume. Je
ravale ma colère, consciente d'en avoir trop fait. Je n’ai
d’ailleurs plus la force de me disputer avec qui que ce soit. Je
veux juste que ma fille rentre.

Je pars dans ma chambre sans prendre l’argent. Je refuse de


me baisser devant cette femme. Derrick me les donnera lui-
même. Je range un à un mes vêtements. Dans d'autres
circonstances jamais je n'aurais accepté de partir. Mais savoir
ma fille dehors ne me permet pas de rester à mon aise dans
cette maison. Peut-être qu’être loin d’ici m’aidera à mieux y
voir clair dans ma tâche avec mes enfants.

‒ Murima !

Je continue ma tâche sans me préoccuper de la présence de


Derrick derrière moi.

‒ Murima !
‒ Si tu es là pour m’interdire de revenir dans cette maison, tu
perds ton temps. Tant que mes enfants ne m’auront pas connu
et aimé je ne disparaitrai pas de ta maison.
Je tire trois vêtements de mon armoire.

‒ Pour Xandra tu n’as pas à t’inquiéter. Clinton a décidé de me


venir en aide en engageant un homme de main qui veillera sur
elle.
‒ Je sais, il vient de m’appeler.
‒ Bien.
‒ Tu avais raison. Il est temps qu’elle devienne responsable
et… j’ai été un peu trop passif avec elle sur son éducation.
‒ Espérons qu’il ne soit pas trop tard.

Je ferme ma valise.

‒ Je crois que maintenant ta femme sera heureuse de me savoir


“loin’’ de son mari.
‒ Ne pars pas, souffle-t-il.
‒ Quoi ?

Je fais volte-face prise de surprise. Il me prend aussitôt par la


taille et me ramène contre lui. Ses lèvres s’écrasent sur les
miennes. Je réprime un hoquet de surprise. Une bouffée de
chaleur m’irradie tout le corps. Mes muscles se détendent petit
à petit. Je réponds malgré moi à son baiser. Il me presse
encore plus contre lui et glisse sa main autour de mon oreille.
Je suis obligée de me mettre sur la plante de mes pieds pour
être un tout petit peu à sa hauteur. Un flux de souvenirs tant
douloureux que gais viennent me hanter à cet instant. Il est
difficile pour moi de l’admettre à chaque fois mais mes
sentiments pour cet homme sont intacts. Ils n’ont pas bougé
d’un poil. Le souvenir de notre dernier jour de vie de couple
me fouette en plein cerveau.

‒ Derrick ! Chuchoté-je doucement en mettant fin au baiser.

Il resserre son emprise sur ma taille. Je me blottie volontiers


contre son torse. Il me pose un baiser sur le front.

‒ Reste s’il te plaît !


‒ Tu voulais que je parte.
‒ Juste parce que je n’en peux plus de te voir sans pouvoir
t’embrasser à souhait.

Nous restons silencieux dans cette même position.

‒ Je resterai à une seule condition. Que tu te rapproches un


peu plus de Will.

Il soupire. Je relève la tête vers lui.


‒ Invite-le à déjeuner et parler. Vous en avez besoin pour
recréer des liens.
‒ Ok.

Il veut de nouveau m’embrasser mais je quitte ses bras.

‒ Arrête ça Ricky. Tu es marié. Je ne veux pas jouer ce rôle


dans ta vie.
‒ Tu m’as appelé Ricky. Est-ce à dire que tu m’aimes
toujours ?

Je m’assois sur le bord du lit.

‒ Ça n’a pas d’importance. Je suis là pour les enfants. Notre


histoire est morte depuis longtemps.

Je cligne plusieurs fois des yeux pour réprimer mes larmes. Je


ne dois pas pleurer devant lui. Je dois rester forte.

‒ Et si je dois rester je voudrais que mes tâches soient


modifiées. Je veux uniquement m’occuper des enfants et rien
d’autres. Je ne servirai le diner que des enfants donc si ta
femme a des ordres à donner qu’elle le fasse avec Djénéb.
‒ Ok.
Il reste encore debout, les mains dans les poches, à me
regarder. Je garde mon regard ailleurs. Il pose l’enveloppe
près de moi et sort. Je peux enfin respirer convenablement. Il
faut que je garde la tête sur mes objectifs. Je ne dois pas
laisser Derrick me distraire. Je reçois un coup de fil de
Clinton.

‒ Allô !
‒ « Murima, je t’ai trouvé un appartement. Demain tu pourras
y aménager. »
‒ Ça n’en vaut plus la peine. Je reste finalement. Derrick est
revenu à de meilleurs sentiments.
‒ « C’est bien alors. Mais je te garderai quand même
l’appartement au cas où tu en auras besoin un autre jour. »
‒ Merci Clinton. Infiniment.
‒ « Pas de quoi. Douce nuit. »
‒ Bye.

***IMELDA

Je donne des tâches à chacune des filles que j’ai récemment


embauché. Arrêtée de l’autre côté de mon bureau, je mets de
l’ordre dans mes effets. J’ai ouvert ma boite il y a trois jours et
pour l’heure tout est nickel. Je suis analyste financière. Je
conseille et suis toute personne désirant se lancer dans
l’entreprenariat jusqu’à ce qu’elle commence. Nous lui évitons
toute dépense inutile qui pourrait dès le début la faire échouer.
J’ai reçu le premier jour le fils d’une connaissance à mon père.
Je dois encore le recevoir cet après-midi. Je suis super
heureuse de travailler. Ça fait du bien de sortir le matin et de
rentrer le soir après une dure journée de travail. Je me sens
utile mais surtout forte. J’ai pris de la confiance depuis mon
retour. Travon est venu voir mes parents et les a rassurés que
plus jamais je ne reviendrai en pleurs dans leur maison. Je ne
crains plus rien ni personne, encore moins depuis qu’il est
devenu très protecteur. Il m’a enfin donné ma place dans sa
famille. Mon mari est devenu comme je le voulais. Tendre,
attentionné, coquin et très très très romantique. Il me rapporte
des cadeaux chaque soir à sa descente du boulot. Des choses
que j’aime beaucoup. Je suis tout le temps surprise qu’il se
souvienne de mes goûts.

‒ J’ai besoin de conseil pour mon nouveau projet s’il vous


plaît.

Je regarde Travon qui sourit grandement. Il entre dans mon


bureau et referme derrière lui.

‒ Dans quoi allez-vous investir Monsieur ? Demandé-je en


posant tout ce que j’avais en main sur mon bureau.
‒ Je voudrais acheter un énorme cadeau à ma femme, répond-
t-il en me posant des baisers dans mon cou. J’ai pensé à un
hôtel mais je ne sais pas si elle aimera.
‒ Un hôtel c’est énorme comme cadeau. Je crois qu’elle va
adorer.
Il me hisse sur mon bureau et se glisse entre mes jambes.

‒ Nous avons donc rendez-vous demain pour la signature des


papiers.
‒ Attends tu es sérieux ? Dis-je en l’obligeant à stopper ses
baisers.
‒ Bien-sûr. Tu auras un autre travail. Gérer un hôtel quatre
étoiles.
‒ Vraiment ? Demandé-je en riant de bonheur.
‒ Je te dis que oui. Maintenant laisse-moi continuer ma tâche.

Il remonte ma jupe. Ses lèvres se baladent partout. Dans mon


cou, sur mes lèvres, sur ma poitrine.

‒ Bébé, je suis au bureau.


‒ Si je ne te fais pas l’amour maintenant je risque d’exploser.

J’éclate de rire. Il descend son zippe et en deux trois


mouvements il me pénètre. Oh c’est bon ! J’encaisse ses coups
avec plaisir. C’est comme ça depuis notre retour de Hawaï.
Nous sommes comme de gros lapins, toujours à faire l’amour
partout et à n’importe quel moment.

‒ Yitu u mbôkô (Yitu tu vas me tuer). Achh !!


‒ J’adore t’entendre parler ta langue.
‒ Continue comme ça et tu m’entendras parler longtemps.
Ichh Nyambi (Seigneur) !

Nous finissons affalés sur mon bureau tout en sueur malgré la


clim.

‒ Mon Dieu Travon tu vas me tuer. Je suis sûre que mes


employés m’ont entendu.
‒ Elles sauront que tu as un mari compétent.
‒ Wu ne munû (Tu as la bouche) !
‒ Je te retourne le compliment.

Nous éclatons de rire.

‒ Viens, je t’emmène quelque part.


‒ Où ?
‒ Tu verras.
‒ Ok.

Nous nous nettoyons dans mes toilettes. Je donne des


consignes à mes employés et nous nous en allons. Tout le
trajet nous le faisons la main dans la main, discutant de rien,
de tout et n’importe quoi. Travon peut être drôle quand il le
veut. Il gare enfin devant une immense maison en
construction. Je la reconnais.

‒ C’est notre maison ? Les travaux ont beaucoup avancé dis-


donc.
‒ Oui, répond-t-il en ouvrant sa ceinture. J’ai demandé qu’ils
accélèrent. Viens.

Il m’ouvre la portière, me prend la main et nous conduit à


l’intérieur. Ce n’est pas encore terminé mais la majorité des
pièces a déjà été construite. Cette maison sera énorme. Un peu
comme celle de son père.

‒ Allons là-haut !

Il me conduit au premier étage. Le deuxième étage est encore


en travaux. Nous visitons les différentes chambres.

‒ Il y a une chambre de plus non ? Demandé-je.


‒ Deux. J’ai demandé qu’on fasse cinq chambres d’enfant
plutôt que trois. J’en veux cinq ma puce.

Il me ramène contre lui.


‒ On fera ENSEMBLE tout ce qu’il faut pour avoir nos bébés.
Ensemble.
‒ Ensemble, répété-je en souriant.
‒ Ce qui signifie que nous devons encore faire l’amour.
‒ Oh je le savais, éclaté-je de rire. Mon Dieu Travon tu ne
t’épuises jamais.
‒ Faut croire que mon sang Gabonais est en ébullition, dit-il
en commençant à me déshabiller.
‒ C’est ça. Mais les ouvriers.
‒ Je leur ai donné leur journée. Je veux rester ici avec toi.

Il me tire dans une autre chambre. Il y a un matelas posé au


sol. J’éclate de rire lorsque je le vois. Il avait tout préparé.

‒ J’ai hâte que les travaux finissent et que nous aménagions.


Je n’en peux plus de te voir étouffer tes cris quand je te fais
l’amour.
‒ Impossible de hurler quand on vit avec toute une famille.
‒ Maintenant tu peux. Personne ne peut t’entendre. La
prochaine maison est bien trop loin.

Et nous faisons encore l’amour. Il commande de la pizza que


nous dégustons dans nos tenues d’Adam et Eve. Nous
annulons tous deux tous nos rendez-vous pour rester ensemble
toute cette journée.
UNE SEMAINE PLUS TARD

‒ Oh mon Dieu ! Vous êtes sérieux Docteur ?


‒ Bien-sûr que oui. Regardez bien là.

Je regarde plus attentivement et même si je ne vois pas grande


chose je crois en la parole du Docteur. Dieu du ciel je suis
enceinte. Je n’arrive pas à le croire. Mon Dieu est-ce un rêve ?
Je suis tellement heureuse que je n’ai plus les mots. Je suis
embrouillée. Même sur le chemin de la maison je n’en reviens
toujours pas.

‒ Je vais avoir un bébé, dis-je la main caressant mon ventre.


Un bébé.

Dieu que je suis heureuse ! Selon la date qui m’a été donné,
nous l’avons conçu à Hawaï. Purée je suis trop heureuse. J’ai
hâte de l’annoncer à Travon. Je compose son numéro mais je
me ravise avant de lancer l’appel. Je ne vais pas le lui
annoncer ainsi. Je dois lui faire la surprise. Il faut que je pense
à une très belle surprise qui va le laisser sans voix. Mais je ne
peux me retenir de le dire à Murima. Je fonce à la cuisine une
fois à la maison. Elle est affairée sur le four. Il n’y a personne
d’autre dans la cuisine.

‒ Maman ! Maman !
‒ Oh quoi ? Pourquoi tu es autant agitée ?
Je lui prends les deux mains.

‒ Je suis enceinte. Mon Dieu je suis enceinte.


‒ Quoi ? Vraiment ?

Je sors les résultats des tests et l’échographie. Elle jubile avec


moi.

‒ Oh mon Dieu je vais être grand-mère !


‒ Oui et moi maman. Aaaaahhhh !!!!

Nous nous étreignons tellement fortement que je me mets à


pleurer.

‒ Oh mon lapin ne pleure pas.


‒ Je suis tellement heureuse mais en même temps anxieuse. Et
si je le perdais aussi.
‒ Eh, on ne pense pas au malheur en plein début de grossesse.
On n’y pense même pas tout court. Reste positive darling. Ce
bébé, on l’aura qu’il pleuve ou qu’il vente. S’il faille que
j’aille au Gabon te ramener des plantes pour tes lavements je
le ferais. Ce petit Travon viendra au monde. Viens-là.

Elle m’enlace encore. Nous nous asseyons.


‒ Alors tu l’as dit à ton mari ?
‒ Pas encore ? Je cherche une belle manière de le lui dire.
‒ Moi quand je devais annoncer la grossesse de Will à
Derrick, vu que la grossesse de Travon nous avait tous les
deux surpris, je nous ai préparé une soirée dans un endroit qui
nous était spécial. J’ai tout décoré, parfumé, tout est parfait.
Dans son plat, en lieu et place de la nourriture, j’ai mis les
clichés de l’échographie. Il était fou de joie.

Elle devient toute rêveuse, les yeux brillants d’amour mais


aussi de tristesse.

‒ Bref, trouve une idée qui le marquera.


‒ Je crois que je vais suivre la tienne. Même par ta manière
d’en parler ça se voit que vous étiez heureux.
‒ Très heureux. Mais bon, pas de sujet triste. Nous allons
avoir un bébé !!!!

Nous papotons encore quelques minutes avant que l’heure de


mon rendez-vous chez le coiffeur arrive. J’avais prévu ce
rendez-vous depuis la semaine passée et le fait que je
découvre ma grossesse pile ce même jour est un signe. Chez le
coiffeur je lui demande de changer ma coupe. Je décide de me
couper les cheveux. C’est une nouvelle aventure qui
commence et un nouveau style s’impose. J’opte pour une
coupe garçon. Je prends tous les produits utiles pour ma
nouvelle coupe de cheveux. Je termine la journée par un peu
de shopping. De nouveaux vêtements, de nouvelles lingeries,
de quoi rendre notre soirée belle. Je fais un tour à l’entreprise
familiale. J’attends Travon dans son bureau le temps qu’il
termine sa réunion. Quand il entre et me voit, il s’arrête direct.

‒ Qui êtes-vous Madame et que faîtes-vous dans mon bureau ?


Plaisante-t-il.

Je rigole. Il s’approche et m’enlace. Il promène ses doigts dans


mes cheveux.

‒ Tu as changé de coupe ?
‒ Oui. Ça te plaît ?
‒ Mais bien-sûr. Si je savais que tu serais autant plus belle
avec les cheveux courts je te l’aurais demandé depuis. Tu es à
tomber. Personne ne t’a fait des avances j’espère ?
‒ Pas encore. Merci tu es gentil.

Je l’embrasse. Mon cœur bat à un rythme affolant. Il promène


sa main sur mes fesses. Je fuis ses bras.

‒ Non pas maintenant Monsieur. Je ne suis pas ici pour ça.


‒ Pour quoi alors ?
‒ Pour t’inviter dans notre future maison, ce soir à 19h. Je
nous ai réservé une soirée que tu n’oublieras pas de si tôt.
‒ Humm, j’ai hâte.
‒ J’y vais donc. Ne sois pas en retard. A ce soir.
‒ A ce soir.
‒ Je t’aime, dis-je en l’embrassant.
‒ Comme un fou.

Je le quitte à contre cœur. Je veux rester blottie contre lui.


Mais bon j’ai une soirée à organiser.

Tout est ok. La chambre avec le matelas est bien décorée. Elle
est illuminée uniquement par les bougies odorantes. Le diner
est bien étalé près du matelas et j’ai pris soin d’emballer les
clichés de l’échographie dans une petite boite que je lui
offrirai comme cadeau. J’ai moi-même enfilé un ensemble de
lingerie à couper le souffle. Je ne me reconnais moi-même
pas. On risque de rajouter ce soir un deuxième bébé. Tout est
prêt, il ne reste plus que Travon.

***TRAVON

J’ai super hâte de retrouver ma femme et passer toute la nuit


avec elle dans notre maison bientôt terminée. Ce n’est certes
pas la première fois que je passe la nuit avec elle mais depuis
notre réconciliation, chaque moment passé avec elle est
spécial. Il y a comme un goût de neuf à chaque fois. J’ai
l’impression de la découvrir chaque jour un peu plus. Ça rend
de la sorte heureux d’être avec la femme qu'on aime et moi je
gaspillais tout mon temps à autre chose. Mais je ne referai plus
cette erreur de délaisser ma femme. Plus jamais. Je
travaillerais chaque jour à rendre ma femme heureuse.

J’ajuste les colles de ma chemise en descendant les marches.


La famille se prépare à aller à table. Mamie est de la partie ce
soir. Bien heureux que ma femme ne soit pas là. Ça m’évite
une dispute avec ma grand-mère sur pourquoi je défends ma
femme plutôt qu'elle. J’ai promis à Imelda de la protéger
contre tous et je m'y atèle. Plus personne ne lui fera de mal.

‒ Tu sors Travon ? Questionne mon père lorsqu’il me voit.


‒ Oui papa. Je dîne dehors avec Imelda.
‒ Fhum ! Fait ma grand-mère. Cette femme est en train de
t'éloigner de ta famille. Ne le vois-tu pas ? Elle refuse que tu
dînes avec nous.
‒ Il n'en est rien Mamie. Imelda n'est pas ce genre de femme.
‒ Ton père aussi disait ça pour ta mère. Mais elle l'a poignardé
dans le dos.
‒ Pouvons-nous enfin savoir ce que notre défunte mère a fait
au point de la détester autant ? Tu n’as de cesse de salir son
image. Dis-je en glissant mes mains dans mes poches.
‒ Elle était…
‒ Je crois que nous devons passer à table, interrompt mon père
en se levant.
Mamie lui lance un regard mauvais. Nous sortons tous de la
pièce. Will descend à cet instant les escaliers. Je prends congé
et avant que je n’arrive à la porte, celle-ci s'ouvre sur…
Debby ?

‒ Bonsoir ! Salut-elle timidement.


‒ Bonsoir, répondons-nous.
‒ Travon il faut que je te parle.
‒ Travon ? Je suis ton patron Debby donc c’est Monsieur
WILLAR pour toi.
‒ Je ne crois pas être en mesure de continuer dans les civilités
après ce qui s'est passé entre nous et ce qui nous attend
maintenant
‒ Je ne te suis pas.
‒ Je suis enceinte.

Un vent glacial souffle sur moi. Elle me tend une enveloppe


que j’ai du mal à prendre. C’est ma grand-mère qui s'en
charge.

‒ Oh my God ! Elle est vraiment enceinte ! Enfin Travon tu


auras un héritier.

Will quitte la pièce. Mon père me regarde complètement


estomaqué. Moi je ne peux définir l’état dans lequel je suis.
Mon assistante est enceinte de moi ? Non, pas possible.
‒ Si tu ne crois pas on peut toujours faire un test ADN. J'entre
bientôt dans mon troisième mois.

Je ne dis toujours rien. Je pense directement à Imelda. Elle va


me tuer.

‒ Attends, Si tu es à trois mois de grossesse, pourquoi est-ce


maintenant que tu l’annonces ? Demande mon père.
‒ A la base je ne voulais rien dire pour éviter les histoires.
Mais là je suis dans la merde. Mon proprio m'a foutu à la porte
pour loyer impayé et je n'ai plus de sous pour me nourrir, moi
et mon fils. Je me suis dis pourquoi continuer à souffrir si le
père de mon deuxième enfant est en vie avec assez de moyen
pour prendre soin de nous.
‒ Que veux-tu ? Demandé-je de but en blanc. Tu veux de
l'argent c’est ça ? Raison pour laquelle tu as inventé toute cette
histoire ?
‒ J’ai besoin d’argent certes, mais jamais je n’inventerais une
histoire aussi sérieuse pour vous soutirer de l'argent. J’ai déjà
un fils sans père de qui je ne peux prendre soin
convenablement. Crois-tu donc que c’est une joie pour moi de
tomber de nouveau enceinte ? De surcroît d'un homme marié ?
‒ Je te croirai une fois le test ADN fait.
‒ C’est ton problème. Mais pour l'heure j’ai besoin d'un toit et
de la bouffe. Je meure de faim. Mon fils aussi.
Je remarque à cet instant son petit garçon caché derrière elle.
Pétra leur demande de la suivre à la cuisine. Mon père me fait
signe de le suivre dans la pièce d’où nous sortons à peine.
Mon cœur bat tellement fort que j'en ai des douleurs. Je
m'assois pour m’éviter un malaise.

‒ Te reconnais-tu dans cette grossesse ? S’enquiert mon père.


‒ Nous avons eu une aventure d'une nuit en Suisse. C’était une
erreur.
‒ Erreur ou pas elle est enceinte, intervient ma grand-mère. Et
tu dois t'en réjouir parce que tu as toujours voulu avoir un
enfant.
‒ De ma femme, Mamie. De ma femme.
‒ Mais tu vois très bien qu'elle est incapable de t'en donner.
Cette Africaine n'est pas productive.
‒ Elle l'est. Il suffit juste d’être patient.
‒ Pourquoi patienter quand on a déjà été exaucé ailleurs ? Je
vais être arrière-grand-mère tu t'en rends compte.

Je me passe la main sur le visage. Elle ne comprend pas que


mon mariage est de nouveau en danger. Imelda ne s'en
remettra pas.

‒ Voici ce que je propose, continue ma grand-mère. Elle reste


vivre ici jusqu’au résultat du test et après tu prendras une
décision que j’espère juste et sage.
‒ Elle ne peut pas vivre ici Mamie. Ma femme vit dans cette
maison je te rappelle.
‒ Qu'en ai-je à foutre moi de ta femme stérile ?
‒ Mamie ça suffit ! Tapé-je du poing. Que tu n'aimes pas
Imelda je te le concède mais ne parle plus ainsi d'elle en ces
termes. Il s'agit de MA FEMME.
‒ Et tu oses hausser le ton sur moi ? Non mais quel culot !
‒ Calmez-vous ! Intervient-mon père. Travon, je sais que c’est
difficile mais ta grand-mère a raison. Debby n'a nulle part où
aller en ce moment. Alors pour éviter d'autres surprises
désagréables il est préférable que nous la gardions ici le temps
des résultats afin de garder un œil sur elle. Après elle s'en ira
quel que soit les résultats.
‒ As-tu pensé à Imelda ?
‒ Je lui parlerais si tu le désires. Elle comprendra.

Non elle ne comprendra pas. Je la connais. Cette histoire va


encore créer un fossé entre nous. Imelda est beaucoup trop
sensible pour supporter ça. Mais de l'autre côté il y a Debby.
Nous avons tous les deux conçu cet enfant. Il y a 90% de
chance que je sois le père parce que cette nuit-là je n’ai pas
pris la peine de me protéger. Tout est allé si vite. Je n’ai pas
trop réfléchi. Tout ce que je voulais c’était évacuer ma peine.

Je sens des vibrations dans la poche de mon portable. Ce doit


être elle. Je vérifie et c’est exact.
‒ Je dois y aller.

Je sors de la maison à grandes enjambées. Comment je gère


cette situation ? Comment je l’annonce à ma femme qu’une
autre porte mon enfant ? Elle aura mal d'autant plus qu'elle
désire ardemment me donner un enfant.

Vie de merde.

Je reste longtemps garé devant notre maison. Je me sens assez


lourd pour descendre et monter dans l’une des chambres de
nos enfants la retrouver. Comment je lui dis que l'une des
chambres sera destinée à l’enfant que j’aurais avec une autre ?
Pourquoi cela m’arrive-t-il à moi ? Surtout au moment où les
choses s’arrangent dans ma vie ?

Mon portable sonne de nouveau. Cette fois je décide de


descendre. Mes pas se font lourds. J’ai même du mal à monter
les escaliers. Il faut que je lui dise. Ça risque de gâcher notre
soirée mais c’est mieux ainsi. Plus tôt elle le saura et mieux ce
sera.

Mon courage me lâche quand j'arrive à la chambre. Mon Dieu


qu'elle est belle dans cette tenue.

‒ Coucou mon amour ! Enfin tu es là.


Elle n’attend pas que j’arrive vers elle. C’est elle qui vient
vers moi et m’embrasse langoureusement.

‒ J’avais tellement hâte que tu arrives. Je n’en peux plus de


garder ça pour moi.

Elle m’embrasse encore.

– Ma puce il faut que je te dise quelque chose.


– Ça peut attendre. Moi aussi j’ai quelque chose à te dire.
Viens là !

Elle me tire vers le matelas. Elle me tend un paquet cadeau. Je


le fixe sans le prendre. Je n’ai pas la tête pour les cadeaux en
ce moment.

‒ Bébé qu’est-ce qu’il y a ? Demande-t-elle inquiète.


‒ Je… il y a que… Debby est… enceinte.
‒ C’est qui Debby ?
‒ Mon ancienne assistante. Elle dit être enceinte de moi.

Elle recule de deux pas. Son regard me transperce, si


profondément que je baisse les yeux.
‒ Je l’ai appris tout à l’heure. Elle est venue avec son fils à la
maison. Ma famille a suggéré qu’on la garde à la maison le
temps de faire un test sanguin. Elle n'a nulle part où aller.
‒ Waho !
‒ Ma puce…
‒ Si ta famille et toi aviez tout organisé, pourquoi m’en parles-
tu ?
‒ Parce que tu es ma femme.
‒ SI J’ÉTAIS TA FEMME TU M'EN AURAIS PARLÉ
AVANT DE DÉCIDER DE LA LAISSER DORMIR DANS
LA MAISON OÙ JE DORS.
‒ Bébé c’était brusque. Tout me tombait dessus. Je ne
m’attendais pas à ce qu'elle m’annonce une grossesse.
‒ Tu as l'air sûr d'en être l'auteur. Dois-je comprendre que tu
ne n’étais pas protégé ?

Je baisse les yeux.

‒ Waho ! Non seulement tu me trompes mais tu ne prends pas


la peine de te protéger. A croire que tu visais justement qu'elle
soit enceinte.
‒ Non c’est faux. Je ne visais rien du tout. C’était une bêtise.
‒ Une bêtise qui va réaliser ton rêve de devenir père. Tu le
voulais tellement que tu nous as tous exposé au risque
d’infection. Et si elle avait quelque chose ? Tu y avais pensé ?
Non ! Tout ce qui t’intéressait c’était qu'elle tombe enceinte.
‒ Imelda !
‒ Va-t-en !
‒ Bébé !
‒ J'AI DEMANDÉ DE T'EN ALLER BON SANG.

Elle se met à pleurer. J'essaie de la toucher mais elle me


repousse. Je le savais que ça la briserait. Je tourne les talons
mais une fois au pas de la porte je me retourne vers elle. Elle
se laisse glisser le long du mur jusqu’au sol, les mains posées
sur son visage. Je veux la prendre dans mes bras, lui dire que
je suis désolé et que je n'avais rien planifié. J'aime tellement
cette femme que la perdre est impensable pour moi. Elle a
besoin d’être seule pour digérer ça. Et dire que nous devions
passer une merveilleuse soirée à nous aimer.
13

***IMELDA

Mes nuits sont agitées depuis l’annonce de cette nouvelle. Une


autre femme porte l’enfant de mon homme. Et comme si cela
ne suffisait pas elle vit à la maison. Ils n’ont eu aucun respect
pour moi. Tout le monde s’en fiche de moi dans cette famille.
Ne pouvant supporter cette humiliation j’ai quitté la maison.
Je vis à l’hôtel depuis. Je n’ai ni la force ni le courage de
retourner chez mes parents. S’ils apprennent ça c’est clair
qu’ils vont me rabâcher les oreilles avec des “on t’avait
prévenu’’, surtout venant de ma mère. Je ne suis pas d’humeur
à supporter ça. Mon Dieu je ne vais donc jamais être
heureuse ? Juste au moment où je croyais sortir la tête de l’eau
voici ce qui me tombe dessus. Jusqu’à quand encore vais-je
souffrir dans ce mariage ?

Je vais ouvrir la porte à Murima. Si elle n’avait pas insisté


jusqu’à m’en casser les tympans je ne lui aurais jamais dit où
je me trouvais. Travon, lui l’a deviné tout seul. Ou du moins il
a usé de ses relations pour me retrouver.

‒ Je dis hein, c’est comme ça tu vas faire ton mariage là ?


M’attaque-t-elle en rentrant. Tu quittes la maison pour laisser
une autre s’installer.
‒ Ce sont eux qui l’ont laissé s’installer à ma place. Pourquoi
devrais-je donc y retourner ?

Elle me regarde avec tendresse.

‒ Viens là !

Je m’étais promis ne plus pleurer mais quand elle me serre


dans ses bras j’éclate en sanglot.

‒ Ça va, je suis là.


‒ J’ai très mal maman. Elle porte l’enfant de mon mari.
‒ Les résultats ne sont pas encore sortis.

Je quitte son étreinte.

‒ Il m’a dit qu’il ne s’était pas protégé. Mon Dieu il lui a fait
l’amour comme il m’en fait à moi. C’est douloureux.
‒ Ce n’est pas pareil. Avec toi il y a de l’amour, de la
tendresse. Avec elle c’était juste une erreur.

On frappe à la porte. C’est elle qui va ouvrir. Je me nettoie


rapidement le visage quand je vois Travon.
‒ Bon je vais vous laisser, dit Murima.
‒ Non reste s’il te plaît, lui demandé-je.
‒ Non vous devez…
‒ Tu peux rester ça ne me dérange pas, lui dit à son tour
Travon.

Elle referme la porte derrière lui. Je croise les bras sur ma


poitrine attendant ce qu’il a à me dire.

‒ Comment vas-tu ?
‒ Va droit au but s’il te plaît.
‒ Ok.

Il se passe la main dans les cheveux.

‒ Le résultat du test est positif. L’enfant est de moi.


‒ C’est bien. Toutes mes félicitations.
‒ Ma puce !
‒ Travon va-t-en s’il te plaît.
‒ Ah c’est comment ? Intervient Murima qui est arrêté dans un
coin de la chambre. Sile mulumi awu uvosse (Laisse ton mari
parler).
Je m’assois sur le lit. Je fais vraiment un effort des plus
surhumain pour ne pas pleurer devant lui.

‒ Je sais que c’est difficile pour toi, ça l’est aussi pour moi.
C’est pourquoi nous devons être ensemble. Bébé j’ai besoin de
toi. Cet enfant nous allons l’élever ensemble comme s’il était
le nôtre. Je ne peux pas le renier parce qu’il est mon sang mais
je te promets de mettre une grande distance entre Debby et
moi. Elle ne signifie rien pour moi. C’est toi ma femme, la
femme que j’aime, la seule mère de mes enfants parce que je
sais que nous en aurons d’autres à nous.
‒ Ura mutsingul (Tu ne lui as rien dit) ? Demande Murima
dans le dos de son fils.

Je baisse les yeux.

‒ Uré mutsinguli (Tu ne lui dis pas) ?


‒ Que se passe-t-il ? Demande Travon.

Je demeure muette.

‒ Tu veux que je lui dise moi-même ?


‒ Me dire quoi ?
‒ Je suis enceinte.
Les yeux hagards, son corps figé, Travon me regarde,
complètement sous le choc. Je baisse les yeux, ne pouvant
plus m’empêcher cette fois de pleurer.

‒ C’est ce que je voulais t’annoncer la nuit dans notre maison.


‒ Punaise ! Chuchote-t-il. Bébé… je… je ne sais…
‒ Laisse-moi s’il te plaît. J’ai besoin de temps pour avaler tout
ça.

Il n’insiste pas. Dans le silence il part. Le regard de Murima


pèse sur moi.

‒ Que vas-tu faire maintenant ?


‒ Je n’en sais rien. Mais je ne veux juste plus retourner dans
cette maison.
‒ Tu vas donc laisser cette gamine te prendre ton mari ?
‒ Elle me l’a déjà prise. Il a couché avec elle et maintenant
elle est enceinte. Mon mariage est fichu.
‒ Toi aussi tu es enceinte de lui.
‒ Ça va devenir de la concurrence et ça je ne le veux pas.
‒ Tu ne dois pas oublier que ton mari t’aime.
‒ Tous les hommes infidèles aiment leur femme.
‒ Ton cas n’est pas pareil. Les autres hommes trompent pour
le plaisir. Dans ton cas il s’agissait de l’erreur d’une nuit. Tu
ne peux pas comparer.
Elle s’assoit près de moi.

‒ Ce n’est pas le moment de baisser les bras. Tu dois te battre


pour sauver ton mariage. Ne leur donne pas la victoire aussi
facilement. Sois forte ma chérie. Tu n’as pas fait tout ça pour
abandonner maintenant. Le mariage c’est aussi ça, savoir se
battre contre tous pour le préserver.
‒ (Me levant) Pourquoi est-ce à moi de me battre pour sauver
mon couple ? Pourquoi est-ce à la femme de tout le temps se
sacrifier ? Pourquoi est-ce toujours à nous de tout supporter ?
N’avons-nous pas aussi un cœur ? Je refuse de faire partir de
ces femmes qui perdent leur dignité à force de vouloir garder
leur bague à tout prix. Toi tu ne fais que penser aux intérêts de
ton fils. Tu me dis d’être forte et tout parce qu’il s’agit de ton
garçon. Au fait tu t’en fiches de ce que moi je peux ressentir.
Il n’y en a que pour lui. Toi tu as lutté pour Derrick et dis-moi
comment tu as fini ? En prison. C’est ce que tu veux que moi
aussi je vive ? Bah je dis non. Si mon mariage doit prendre fin
maintenant, qu’il en soit ainsi. Mais il est hors de question que
je “supporte’’ quoi que ce soit. Travon n’est pas le seul
homme sur terre diantre.

Elle me regarde longuement avec les yeux plissés puis se lève.

‒ Je vois donc que tu fais partie de cette nouvelle génération


de femme qui pense que le mariage c’est le conte de fée et qui
à la moindre épreuve plie bagage. C’est bien.
Elle prend son sac à main.

‒ Rappelle-moi ton âge déjà.


‒ Vingt-sept ans.
‒ Je vois.

Elle marche vers la porte mais revient sur ses pas.

‒ Et… la prochaine fois que tu me parles de la sorte je


t’arrache les yeux. Retrouve-moi à la maison quand tu auras
plus de jugeotte.

Elle sort et claque la porte. Je me laisse tomber dans le fauteuil


et j’éclate en sanglot. Tout est en train de m’échapper.

***WILLIAM

Encore un autre lancé et hop c’est dans le panier. Après toute


une nuit à peindre, je relaxe en jouant au basket dans le terrain
sous-terrain. Depuis ma participation à l’exposition dernière,
je reçois des commandes de toiles de femme Africaine
principalement. D’autres me demandent de peindre leur
portrait. Individuel pour certains, en couple ou en famille pour
d’autres. Je me suis fait un vrai pactole en ce lapse de temps.
Bon ce n’est pas aussi faramineux mais c’est déjà ça pour un
débutant comme moi. A cette allure je risque d’ouvrir mon
propre atelier. Pour l’heure je continue de peindre dans mon
petit appartement. J’y passe des fois les nuits quand
l’inspiration est à son haut niveau. Je peux enfin exprimer mon
talent aux yeux des gens. J’en ai toujours rêvé, seulement il
me manquait du courage pour me lancer. Maintenant que c’est
fait je suis plus que déterminé.

‒ Monsieur, votre… votre boisson.

Je termine mon lancé franc. Quand je me retourne c'est un


regard troublé mais surtout plein de désir que je vois glisser
sur mon torse nu. Je fais un rictus. Cette fille veut jouer avec
le feu. Je me racle la gorge. Elle sursaute. J’ai la confirmation
qu'elle me désire lorsqu'elle lève les yeux.

‒ Votre boisson.

Je prends le soin de toucher ses doigts en prenant le verre. Elle


frémit. La voir dans cet état m’enchante. J'aime voir l'effet que
je fais sur les femmes. Une subite envie de jouer un peu me
titille l’esprit. Je me rapproche d'elle.

‒ Merci ! C’est vraiment gentil de ta part.


‒ De… de rien Monsieur.
‒ Euh c’est quoi ton prénom déjà ?
‒ Aurelle, Monsieur.
‒ Beau prénom.
‒ Merci Monsieur.
‒ Will. Appelle-moi juste Will.
‒ Mais vous êtes mon patron.
‒ Je déteste les honneurs.
‒ C’est compris.
‒ Bien.

Je termine le jus sous ses yeux brillants.

‒ Tu pourrais m'en rapporter un autre ?


‒ Tout de suite Mon… Will.

Elle sourit. Je fais de même. Je braque mon regard sur son


postérieur rebondit dans son jean lorsqu’elle marche vers la
sortie. Elle est bandante. J’aimerais bien tenter le coup avec
une fille plus jeune que moi. Ça doit être aussi plaisant. Je
retourne à mon jeu. Je sens que je vais bien m'amuser avec
cette fille. Mais bon juste une fois et c’est bon. Faudrait pas
trop abuser quand même. Mon truc c’est les femmes mûres. Je
m’interromps à la sonnerie de mon portable. A la vue du
numéro, je souris.

‒ Hi darling (Coucou chérie) !


‒ « Salut toi. Comme tu me manques. »
‒ Toi aussi. Alors tu rentres ?
‒ « On va devoir prolonger le voyage d’une semaine. Les
enfants s’amusent trop bien et me supplient de rester encore
un peu. Ça date de longtemps la dernière fois que nous nous
sommes autant amusés. Disons depuis mon divorce avec leur
père. »
‒ Je comprends. Mais ne tarde pas trop. Je commence à me
languir de ton corps.

Je sors de la salle mon tee-shirt à la main.

‒ « Je peux te faire un petit show maintenant si tu le désires. »


‒ Humm. Tu as déjà préparé tes mots ?
‒ « Bien-sûr. Je me suis même vêtue en conséquence. »
‒ Qu’est-ce que tu portes ? Lui demandé-je en entrant dans ma
chambre.
‒ « Juste un minuscule string noir et des caches tétons. »
‒ Oulaa tu m’excites.
‒ « Et ce n’est que le début. Tu es bien allongé ? »
‒ Oui, dis-je étendu sur mon lit.
‒ « Bien. Je glisse ma langue le long de ton torse. Je descends
plus bas… »

Pendant qu’elle continue de me chauffer, des coups sont


frappés sur ma porte. Aurelle entre par la suite avec mon verre
de jus. Je coule mon regard sur elle. Cette petite Ivoirienne est
en bonne santé je l’assure. Je lui fais signe de poser ce qu’elle
tient sur la petite table de ma chambre. Je la suis du regard.
J’écoute Mirabelle et j’imagine que c’est Aurelle qui me fait
en ce moment tout ce qu’elle me dit à l’oreille. Je me mordille
la lèvre. Cette fille est attirante sur tous les plans, et c’est un
point qu’elle me désire. Ça sera donc facile de la mettre dans
mon lit. Je continue de la reluquer jusqu’à ce qu’elle sorte.
Mon portable me signale un deuxième appel. Je regarde et je
vois le numéro de Derrick.

‒ Hey ma puce, je dois te laisser. Mais on reprend ça ce soir


en appel vidéo.
‒ « Ça marche. Je t’aime. »
‒ Moi aussi.

Je réponds à l’appel de Derrick.

‒ Oui Derrick.
‒ « Pourrait-on déjeuner ensemble ce midi ? »

Je décolle mon portable de mon oreille histoire d’être sûr que


c’est bien son numéro. C’est bien le sien.

‒ Toi et moi ?
‒ « Oui. Je t’attends au restaurant en face de la boite. »
‒ Ok.

Je suis vachement surpris là. Derrick veut déjeuner avec moi ?


Son fils raté ? Bah dis-donc, quelle mouche l’a piqué ? Bon on
va y aller, voir ce qu’il a de beau à me dire.

Je le rejoins une demi-heure plus tard dans le restaurant. Il a


déjà entamé son repas. Je fais signe au livreur de m’apporter
un plat de frite avec du steak.

‒ Alors, qu’ai-je encore fait ? Commencé-je.


‒ Je ne t’ai pas demandé de venir pour que nous nous prenions
la tête. Je veux juste qu’on discute. Une discussion entre père
et fils.

Je plisse les yeux.

‒ Depuis quand je suis ton fils ?


‒ William arrête tu veux ? Je devais le faire depuis deux
semaines mais j’ai été beaucoup pris avec le boulot. Bref,
comment vas-tu ?

Le serveur m’apporte mon plat.

‒ Bien, répondé-je en piquant dans mon steak.


Il s’essuie les coins des lèvres.

‒ Je voudrais qu’on parle de toi. De ton avenir. Dis-moi, que


veux-tu faire puisque tu refuses de venir travailler à
l’entreprise ?
‒ Je veux ouvrir mon atelier.
‒ Ton atelier ? S’étonne-t-il. Atelier de quoi ?
‒ De peinture.
‒ Tu te fous de ma gueule ? La peinture ? Sais-tu peindre ? Et
même si, crois-tu pouvoir vivre avec ce que tu gagneras ?
Combien de peintre penses-tu s’en sortes grâce à ça ?
‒ Le but c’est de faire ce que j’aime. L’argent ça vient après.
‒ Bon voici ce que je te propose. Tu as vingt-cinq ans, donc
encore jeune. Viens travailler une année à la boite et après si
tu veux toujours faire… ton truc je ne t’empêcherai pas.

Je pose ma fourchette.

‒ Je ne veux pas travailler dans une boite. Je veux ouvrir mon


atelier.
‒ Mais crois-tu qu’on ouvre un atelier comme ça du clic au
clac ? Je peux comprendre que tu aimes peindre. Ta mère
aussi aimait ça. Mais ça reste juste un hobbit. Tu dois chercher
quelque chose de sérieux à faire, quelque chose qui pourra te
permettre de construire une fortune mais surtout ta famille.
‒ Je ne changerai pas de choix.
‒ Comme tu peux être borné Will.
‒ Le borné c’est toi Derrick. Tu ne m’écoutes jamais.
‒ Que crois-tu que je fais en ce moment ?
‒ Tu essaie de m’imposer ton choix sans tenir compte de ce
que je veux moi.
‒ Oui parce que tu ne prends jamais de bonnes décisions.
‒ Ce n’en est pas une bonne pour toi, mais pour moi ça l’est.
C’est ce que je veux faire.
‒ Je refuse que mon fils passe son temps à attendre des miettes
que voudront bien lui donner les gens pour ses tableaux.
‒ Bah je préfère avoir ces miettes que de vivre à tes crochets
en bossant pour toi Derrick, haussé-je le ton.
‒ Oublie un temps soi peu la guéguerre entre nous et pense à
ton avenir. Tu auras le salaire que tu voudras. Je veux que tu
sois responsable.
‒ Tu veux que je réalise ta définition d’être responsable et
c’est là notre mésentente.
‒ Parce que tu crois que tu es responsable en ce moment ?
Passer tes journées à la maison à jouer à la play-station et tes
nuits entre les cuisses des femmes qui ont l’âge de ta mère…
‒ (Tapant du poing) Ne parles pas de ma mère. Tu parles
d’elle uniquement dans des contextes négatifs. Laisse-la
reposer en paix. Tu ne l’as jamais aimé.
‒ Tu ne sais pas ce que tu racontes. J’aime ta mère.
‒ C’est ça. C’est pourquoi tu laisses tout le temps Mamie
casser du sucre sur son dos. Dire des choses sombres sur elle.
Nous avons grandi avec l’idée qu’elle t’avait fait du mal avant
de mourir et puisque je lui ressemblerais physiquement tu
déverses ta haine sur moi.
‒ Arrête de raconter n’importe quoi putain.
‒ Non toi arrête de me parler si tu n’as rien de nouveau à me
dire. Tu fais chier à la fin.

Je sors de là furieux. Je me doutais bien que ce déjeuner


finirait par une engueulade. Lui et moi c’est toujours ainsi. Cet
homme me déteste autant que je le déteste. Mais je déteste
encore plus qu’il parle de ma mère. Tout le temps c’est ta
mère a fait ci, elle a fait ça. Ma grand-mère ne manquait
jamais une occasion de la traiter de tous les noms et lui il la
bouclait. Je préfère aller terminer la journée dans mon
appartement.

Je rentre après l’heure du diner. Je n’avais aucune envie de


manger à la même table que Derrick. Dès que je rentre, je
rencontre Murima en bas des escaliers.

‒ Mais d’où viens-tu ?


‒ De l’appart.
‒ As-tu diné ?
‒ Ouais.
‒ Vraiment ?
‒ Oui j’ai bouffé un truc.
‒ Ok. Je vais quand même te faire monter du jus.
‒ Comme tu veux. Demande-le à Aurelle. J’ai d’autres tâches
à lui confier.
‒ Compris.

J’ai bien envie de décompresser ce soir. Je prends une douche


rapide juste pour être frais. Je reviens dans la chambre au
même moment que des coups sont frappés sur la porte. Je
prends le soin de rester avec ma serviette nouée à la taille et
des gouttes d’eau dégoulinant sur mon torse.

‒ Entrez.

Elle s’exécute. Elle sursaute lorsqu’elle me voit. Son regard se


baisse immédiatement.

‒ Je… je vous ai apporté votre jus Monsieur.

Je marche lentement vers elle.

‒ Je t’avais dit Will.


‒ Désolée.
‒ Dépose le jus sur la table de chevet.
J’ai l’impression qu’elle est morte de trouille. Je condamne la
porte sans la quitter du regard. Je reste collé à son dos et
quand elle se retourne elle bute contre mon torse. Je la
rattrape.

‒ Mon Dieu ! Will ! Déso… désolée.


‒ Arrête de tout le temps t’excuser, soufflé-je près de son
visage. Je t’observe depuis un moment et je dois t’avouer que
tu ne m’es pas indifférente.
‒ C’est vrai ?
‒ Oui. Tu es ravissante, susurré-je près de son oreille, la
faisant frémir. Tu as encore du boulot ?
‒ Non. Je partais en chambre.
‒ Je n’ai pas envie de rester seul cette nuit.
‒ Monsieur…
‒ Will.

Je relève son menton et je capture délicatement ses lèvres.


Tout son corps est pris de tremblement. Elle se hisse sur la
pointe de ses pieds. Je la ramène contre moi. Ses lèvres
s’entrouvrent pour laisser le passage à ma langue. J’adore le
goût de ses lèvres.

‒ Monsieur…
Je la bascule sur le lit avant qu’elle ne change d’avis. Mes
doigts se fraient un chemin sous son haut. Ils prennent plaisir à
titiller ses seins. Elle gémit. C’est à m’en rendre fou.
L’entendre gémir me met la tête à l’envers. Je ne peux plus
attendre. Je la déshabille rapidement, je retire ma serviette.
Elle se couvre le visage avec les mains. Pudique à ce que je
vois. J’aime ça. Je retire ses mains.

‒ Je veux que tu me regardes pendant que je te fais l’amour.

Elle fait oui de la tête. Je me préserve et doucement,


lentement, je glisse en elle. Elle se pince la lèvre dans un
gémissement. Ce geste anodin me plaît au point de me faire
sourire.

‒ Refais ça encore, lui dis-je en commençant à bouger.

Elle le refait. Je l’embrasse. J’avais prévu lui faire


sauvagement l’amour un peu comme je le fais avec ces dames
mais mon corps va à un rythme que je n’arrive pas à modifier.
J’y vais lentement, tendrement, sensuellement, et j’en suis le
premier surpris, mais ce n’est pas pour me déplaire. Elle est
tellement serrée que je ne tarde pas à me vider. Elle aussi. Elle
me rejoint dans mon dernier coup. Elle se cache encore le
visage. J’éclate de rire.

‒ T’es mignonne quand tu fais ça.


Et c’est vrai. Elle est mignonne quand elle fait la timide. Je lui
fais un suçon dans le cou.

‒ J’ai encore envie de toi. Tu restes avec moi cette nuit ?

Elle hoche la tête. Je l’avais bien dit que je m’amuserais bien


avec cette fille. Je change la protection et c’est reparti pour
une nuit de folie.

Je me réveille le corps totalement courbaturé. Cette nuit a été


géniale. Cette fille a un truc. Elle a un truc spécial que je n’ai
trouvé chez aucune autre. C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle j’ai encore envie d’elle ce matin. Dommage qu’elle
soit déjà partie. Je me prépare pour ma journée. Je dois
rencontrer un homme qui désire que je réalise un portrait
réaliste pour l’anniversaire de sa fille. Je retrouve toute la
famille à table. Enfin toute la famille sauf Xandra qui fait
encore sa star et Imelda qui a déserté la maison elle aussi
depuis l’arrivée de cette nouvelle femme et son fils.

‒ Bonjour.

Je récupère une pomme dans le bol à fruit.

‒ Tu ne déjeunes pas ? Demande Murima.


‒ Pas le temps.
‒ Attends qu’on te fasse un sandwich rapidement.
‒ Ok.
‒ Aurelle occupe-toi de lui.

Je regarde Aurelle qui baisse les yeux. Elle fuit presque la


salle. Je la suis en croquant dans ma pomme. Je ne quitte pas
ses fesses des yeux. Je reste dans un coin à la regarde me faire
mon sandwich. Je me rapproche d’elle doucement dans son
dos.

‒ J’ai aimé notre nuit, lui chuchoté-je à l’oreille.

Je la sens sourire. Je lui mordille l’oreille.

‒ Votre sandwich est prêt.


‒ C’est toi que j’ai envie de croquer.

Son sourire s’agrandit. Je la retourne et l’embrasse.

‒ A ce soir.
‒ Ok.
Je récupère mon sandwich et je pars avant que quelqu’un ne
nous voit. J’avais prévu passer juste une nuit avec elle mais je
crois que j’ai encore envie de la savourer.

***ALEXANDRA

Je n’en peux plus. Mais vraiment plus. Je ne suis pas habituée


à rester sans argent. Mon père a bloqué tous mes comptes et
l’argent que j’avais pris sur moi est fini trois jours après mon
aménagement chez Tiger. Il a tout dilapidé dans je ne sais quoi
et maintenant nous sommes sans un seul sou. Tiger non plus
ne fait rien pour que nous en ayons. Ou du moins il attend que
je retourne demander de l’argent à mon père. Mais il ne
comprend pas que je ne veux pas y retourner. Si je vais lui
demander de l’argent il le prendra comme argument pour me
demander de rentrer à la maison. C’est lui l’homme de la
maison mais il veut que ce soit moi qui prenne soin de tout.

J’ai tellement de besoin en ce moment. Besoin de mes


différentes crèmes du corps, mes parfums, mes gels de
douche, mes gels intimes. Bref, tout un tas de chose que je ne
peux m’acheter maintenant. Si je ne les ai pas je risque de me
choper des infections. Déjà que l'eau d'ici me donne des
démangeaisons. L'appart de Tiger n'a vraiment aucune
hygiène. Je range l’appart mais dès qu'il rentre il fout le bordel
partout. Ma maison me manque mais je dois rester forte. Il
faut que je leur prouve que je peux être déterminée quand je le
veux.
‒ Alex !

Il est enfin rentré. Depuis hier nuit qu’il est sorti c’est cet
après-midi qu’il entre. Je quitte la sortie de secours derrière la
fenêtre par laquelle je rentre. Il tient en main un paquet.

‒ Tu m'as apporté mes crèmes pour le corps ?


‒ Tes crèmes ? Où vais-je sortir l'argent pour les acheter ?
Elles sont trop coûteuses. J’ai juste envoyé de la bouffe.

Bah c’est mieux que rien. J’espère que c’est quelque chose de
bon parce que ces derniers jours je ne mange que des choses
qui me donnent des indigestions. J’ouvre le paquet et je
soupire. De la salade et du pain. Encore. Je pose le paquet.

‒ Tu ne manges pas ?
‒ J'en ai marre de manger ça. En plus ce n’est pas fait dans les
normes. Aucune vitamine.
‒ Bah toi seul a la solution à notre problème d'argent. Tu peux
facilement en trouver mais tu refuses.
‒ Demander de l’argent à mon père serait lui donner raison.
‒ Mais et tes frères ?
‒ C’est du pareil au même. Ils voudront que je rentre avant de
me donner de l'argent.
‒ Bon débrouille-toi pour nous trouver des sous ou sinon c’est
moi qui te fous dehors. Je ne vais pas vivre avec quelqu’un qui
ne m'est d’aucune utilité. Tu deviens un poids Alex.

Il s'enferme dans la chambre. J’ai faim, mon corps me


démange. Il me faut de l'argent. Et je sais avec qui je peux en
avoir.

Je donne des coups mais vraiment violent sur la porte de


Samy.

‒ Non mais oh doucement, gueule-t-il de l'autre côté.

Il ouvre enfin.

‒ Xandra ? Enfin tu te montres.

Je n’ai pas le temps de lui répondre. Je fonce dans sa cuisine


prendre tout ce qu'il y a dans son frigo. J'engouffre un peu de
tout. Croissant, jus de fruit, gâteau au chocolat, raisin. Bref,
tout ce sur quoi ma main tombe. Il reste adossé au chambranle
de la porte à me regarder.

‒ Il ne prend pas convenablement soin de toi n’est-ce pas ?


‒ Ce n’est pas le moment Samy.
Je vois des pattes sur la gazinière. Je m'en sers un peu. Humm
que c’est bon !!! Enfin quelque chose de bon à manger. Je ne
prête attention ni à Samy ni à sa petite amie qui vient de se
pointer en petite culotte.

‒ Euhh bébé, je sais que ce n’était pas prévu mais j’ai besoin
d’être un peu seul avec elle, dit-il à sa copine.
‒ Tu me demandes de m'en aller là ?
‒ Oui mais ne te fâche pas s'il te plaît. J’ai des trucs à régler
avec Xandra.
‒ Non tu sais quoi ? Cette fois je pars et je ne reviens plus. Y
en a marre de tout le temps passer après elle. Bye.
‒ Bébé…

Elle est déjà partie. De mon côté je vide le grand verre d’eau
que je m’étais servie. La porte claque depuis le salon. Samy
continue de me regarder jusqu’à ce que je finisse enfin. Je me
nettoie la bouche et je vais me laisser tomber dans le divan au
salon.

‒ Ça y est on peut parler maintenant ?


‒ Non Samy. Je sais déjà ce que tu vas me dire. Je ne veux
rien entendre.
‒ Pourquoi es-tu là ?
‒ J’ai besoin d'argent. Au moins 1000 Livres.
‒ Pour que l'autre les dilapide dans la vente de drogue.
‒ Je ne te permets pas…
‒ Tu ne me permets pas quoi ? Regarde comme tu es devenue.
Tu as perdu du poids et de la couleur en même pas deux
semaines. C’est quand la dernière fois que tu as fait un tour à
la manucure ?
‒ Je suis là pour que tu me donnes de l'argent. Pas pour
entendre tes sermons.
‒ Quand vas-tu te ressaisir Xandra ? Quand ? Tu gâches ta vie
auprès de ce type. Tu es allée jusqu’à quitter ta famille pour
lui tu t'en rends compte.
‒ Tu me donnes l’argent ou pas ?
‒ Je ne donne pas.

Je le regard choquée. Il n’est pas sérieux là ? Si, il l’est. J'ai


grave besoin de cet argent mais je ne vais pas le supplier.

‒ Bien. Va toi aussi te faire foutre.

Je le pousse de mon chemin. Il me ramène rapidement dans le


fauteuil.

‒ Tu ne sors pas d'ici.


‒ Quoi tu vas m'y obliger ?
‒ Oui, s'il le faut pour ne plus que tu retournes chez ce
connard.

Je me relève mais il me bloque le passage. Je lutte avec lui.

‒ Laisse-moi partir Samy.


‒ J’ai dit non.

Sans que je ne le vois venir il me faire tomber sur son épaule


comme un vulgaire sac de patate.

‒ Lâche-moi Samy, hurlé-je en le tapant. Fais-moi descendre.

J’ai l’impression qu’il ne ressent rien des coups que je lui


donne. Il continue de marcher jusqu’à sa chambre. Il me jette
sur son lit et se positionne au-dessus de moi. Je continue de le
taper.

‒ Cesse de faire ta gamine Xandra.


‒ Laisse-moi m'en aller. Je ne dois pas rester tard.
‒ Tant pis pour toi. Tu passeras la nuit ici.
‒ Non, non je ne peux pas.

Je lui donne une claque. Puis une autre.


‒ TU M’ARRÊTES ÇA MAINTENANT, gueule-t-il en
bloquant mes deux bras par-dessus ma tête.

Je gesticule sous lui au point où son emprise se desserre. Je


tente de me relever mais il me ramène cette fois avec
beaucoup plus de force à ma place initiale.

‒ ÇA SUFFIT !!!

Son visage se rapproche un peu trop du mien. Nous


demeurons subitement tous les deux silencieux. Les yeux dans
les yeux nous nous regardons. Nos soufflent se mélangent à
cause de la trop grande proximité entre nos deux visages. Nos
respirations sont saccadées mais petit à petit se calment. Mes
yeux descendent sur ses lèvres que je trouve subitement sexy.
Mon corps réagit à la proximité de son corps. Que m'arrive-t-
il ? Lui aussi a l’air troublé. Son visage se rapproche de plus
en plus. Je le regarde, le cœur battant follement. Nous ne nous
lâchons pas des yeux jusqu’à ce que nous lèvres se joignent.
Mon corps est électrocuté par ce contact. J'ouvre la bouche et
le baiser se fait plus intense. Samy libère mes bras pour
maintenant me presser la hanche. Sa main glisse le long de
mon corps et ça m'arrache un gémissement. Je glisse à mon
tour mes mains sous son tee-shirt. C’est ainsi que petit à petit
nous nous déshabillons mutuellement et… faisons l’amour.
J’ai l’impression qu’il s’agit de ma première fois parce que ce
je ressens en ce moment jamais auparavant je ne l’avais
ressenti. C’est trop intense. Tellement intense que je gémis à
me faire entendre dehors. Il reçoit mes ongles dans la chair de
son dos. Ça a l’air de décupler son plaisir.

Nous restons tous deux silencieux, étendus sur le lit. Mon


Dieu qu’est-ce qui vient de se passer ? Samy et moi ? Dans le
même lit ? A faire l'amour ? Ce n’est pas possible. Le soupir
qu’il lance me fait comprendre que lui aussi se rend compte de
la bêtise que nous venons de faire.

‒ Xandra !
‒ Non ne dis rien.

Je ramasse prestement mes vêtements et je cours m’enfermer


dans sa salle de bain. Comment une telle chose a pu se
produire ? Samy est mon meilleur ami putain. Il est un
membre de ma famille, un troisième grand-frère si je peux le
dire ainsi. Je n'aurais jamais dû venir. Jamais. Je ressors une
fois habillée et sans répondre à ses appels je me dépêche de
sortir de chez lui. Je me sens… toute honteuse d'avoir couché
avec mon meilleur ami. Il a vu ma nudité. Il m'a entendu
gémir. Il m'a vu jouir sous lui. C’est trop humiliant. Comment
vais-je le regarder maintenant ? Notre amitié ne sera plus la
même. Je me rends aussi compte que j’ai trompé Tiger. J’ai
trompé mon petit ami. Il va me tuer s'il venait à l'apprendre. Je
ne sais pas ce qui me fait le plus pleurer. Le fait d'avoir trompé
Tiger ou le fait d'avoir couché avec mon meilleur ami ? Putain
je n’arrive pas à le croire. Comment cela a-t-il pu arriver ?
14

***WILLIAM

A peine Aurelle entre dans ma chambre que je tombe sur ses


lèvres. Depuis notre première nuit il y a trois jours nous
n’avons plus remis ça. Faut dire qu’entre les disputes avec
Derrick et la peinture je n’ai pas vraiment eu de temps. Mais
c’est dingue comme je brulais d’envie d’elle.

‒ Will attend, essaie-t-elle de se défaire de mon emprise. J’ai


du boulot.
‒ Tu m’as manqué, dis-je en continuant à l’embrasser.
‒ Toi aussi tu m’as manqué. Mais si je ne descends pas
maintenant ta mè… Tantine Murima me passera un savon.
‒ Ok mais tu viens ce soir ?
‒ Je voulais avant tout qu’on parle de nous.
‒ De nous ? Répété-je en m’éloignant.
‒ Nous avons couché ensemble une fois mais j’aimerais savoir
si ça avait vraiment de l’importance pour toi ou si c’était juste
du sexe de plus ?
‒ Où veux-tu en venir ?

Elle baisse la tête.


‒ C’est que… pour moi c’était vraiment important. Je suis
amoureuse de toi.

Je recule d’un pas. Je ne m’y attendais pas. La sonnerie de


mon portable nous interrompt. C’est Mirabelle.

‒ Allô !
‒ « Coucou mon amour. Je suis devant chez toi. »
‒ Comment ça ? Tu es déjà revenue de voyage ?
‒ « Oui en matinée. Je n’en pouvais plus d’être loin de toi. »
‒ Ok je descends.

Je raccroche.

‒ On en reparlera plus tard s’il te plaît.

Je sors avant qu’elle ne dise quoi que ce soit. Sa déclaration


m’a comme qui dirait troublée. Je ne m’y attendais pas
vraiment et là ça me trouble pour Dieu ne sait quelle raison.
Dès que j’ouvre la porte d’entrée ma cougar me saute dessus.
Elle m’embrasse passionnément et elle me tient tellement fort
que j’ai du mal à la repousser. J’ouvre les yeux et je croise
ceux d’Aurelle. Je réussi à me dégager. Le regard qu’elle me
lance est tellement profond que ça me transperce. Elle est
triste. Sacrément triste et je n’aime bizarrement pas la voir
ainsi.

‒ Tu m’as tellement manqué mon amour. On y va ?


‒ Euh, oui. On y va.

Aurelle part non sans que je n’ai vu ses larmes traverser les
barrières de ses pupilles. Pourquoi ça m’affecte tant que ça
qu’elle soit mal ? A la base elle est juste un passe-temps.

‒ On va chez moi ? Mes enfants sont chez leur père.


‒ Ok.

Le regard d’Aurelle n’arrête pas de me hanter durant toute la


journée. J’ai constamment la tête dans les nuages. Je ne savais
pas qu’elle était amoureuse. Je sais juste qu’elle me désirait
uniquement comme toutes ces femmes âgées que je fréquente.
Je n’ai jamais mis l’amour au centre de toutes mes
mésaventures malgré les petits mots doux. On prend juste du
bon temps et quand il commence à y avoir de l’attachement je
mets mes distances. Juste une nuit et elle m’avoue être
amoureuse de moi ?

‒ Bébé à quoi penses-tu ? Tu ne réagis pas à ma fellation.


‒ Je suis désolé. J’ai la tête pleine. On remet ça s’il te plaît ?
‒ Après tout ce temps passé séparé tu n’as pas envie de me
faire l’amour ? Tu as rencontré quelqu’un d’autre ?
‒ Ne me fait pas de crise de jalousie. Je ne suis pas d’attaque,
rien de plus.
‒ Ok.
‒ Je vais rentrer.
‒ Maintenant ? J’ai cru qu’on passerait la nuit ensemble. Le
diner est presque prêt.
‒ J’ai un truc à régler.

J’arrive à la maison à l’heure du diner à cause des bouchons.


Je monte prendre une douche avant de rejoindre tout le monde
à table. Aurelle fait le service sans me regarder ne serait-ce
qu’une seule fois. Je veux pourtant croiser son regard. Je
cherche ses yeux en vain. Pétra fait un bruit de verre qui me
fait tourner les yeux sur elle. Elle me dévisage. Elle m’a
surement vu regarder avec insistance Aurelle. Je profite du fait
que Murima et Djénéb soient occupées à faire le service pour
retrouver Aurelle à la cuisine. Elle fait du rangement.

‒ Aurelle, l’appelé-je en lui attrapant le bras.

Elle se dégage.

‒ Aurelle nous devons parler. Je crois qu’il y a eu un


quiproquo entre nous.
‒ Je suis occupée Monsieur.
‒ Aurelle !

Elle sort de la cuisine. Mais qu’est-ce qui m’arrive à moi ?


Depuis quand je me préoccupe de ce que peut penser une
femme, de surcroit une employée ? Je veux faire l’indifférent
mais j’y arrive pas. J’ai peut-être mal fait de mettre ma
domestique dans mon lit. J’ai pensé à mon plaisir sans penser
qu’elle pourrait s’impliquer plus qu’il ne le faut.

Après le diner je patiente à la terrasse le temps qu’elle termine


son service. Je l’aperçois de loin se diriger vers les chambres.
Je me dépêche de m’y rendre à mon tour. Je cogne à sa porte.
Dès qu’elle ouvre je rentre presque de force.

‒ Monsieur c’est ma chambre.


‒ Je veux qu’on parle de nous.
‒ De nous ? Il n’y a pas de nous. Il y a juste un patron qui a
profité de la faiblesse de son employée pour la mettre dans son
lit. Rien de plus.
‒ Je ne savais pas que tu prendrais ce qui s’est passé au
sérieux. J’ai cru que tu le voulais aussi juste pour le fun.
‒ Pour le fun ? J’ai laissé toute ma famille en Côte d’Ivoire
pour venir me chercher un avenir meilleur ici à Londres. La
tante chez qui je vivais m’a livré à moi-même et grâce à Dieu
j’ai eu ce boulot qui me permet d’envoyer de temps en temps
des sous à ma famille. Tu penses que j’ai le temps de prendre
du plaisir ? De faire du fun ? Non. Je suis amoureuse de toi.

Je déglutis.

‒ Aurelle je n’en savais rien.


‒ Bah maintenant tu sais. Je me suis donnée à toi parce que
j’ai toujours été amoureuse. Je le suis depuis ce jour où je t’ai
vu pour la première fois. J’ai cru qu’enfin tu t’intéressais à
moi mais je me suis leurrée. Maintenant que tu as eu ce que tu
voulais merci de me laisser me concentrer sur mon travail.

Elle me donne dos pour cacher ses larmes. Je me sens de plus


en plus mal.

‒ Je te demande pardon Aurelle. Je n’aurais jamais fait ce que


j’ai fait si j’avais su pour tes sentiments. Je ne suis pas du
genre à jouer avec les sentiments des gens.
‒ Faut croire qu’il y a un début à tout.

Elle disparait dans la salle de bain et claque la porte. Je crois


que pour une fois j’ai vraiment fait n’importe quoi. J’ai merdé.
Je m’en veux d’avoir joué avec une fille aussi douce qu’elle.

***PETRA
‒ Je veux que les domestiques portent des uniformes.
‒ Pourquoi ça ?
‒ Bah parce que c’est comme ça dans toutes les maisons. On
doit différencier les maitres des employés.
‒ Nous n’en avons jamais eu besoin alors pourquoi
maintenant ?
‒ Parce que je le veux Derrick. Ce n’est pas normal qu’elles
s’habillent comme si c’étaient elles les patronnes, jusqu’à se
maquiller et tout.

Il arrête de mettre ses boutons et se tournent vers moi.

‒ Tu fais allusion à Murima ? Pétra tu sais pertinemment


qu’elle n’est pas vraiment une domestique. Elle joue un rôle.
‒ Dans ce cas qu’elle le joue jusqu’à la fin. J’en ai marre de la
voir se pavaner dans cette maison comme si elle était chez
elle. Tu trouves ça normal qu’une employée se fasse autant
belle ? Avec des jeans par-ci par-là.
‒ Tu as un problème avec son style vestimentaire ?
‒ Oui. Aucune femme n’accepterait qu’une bonne se vêtisse
de la sorte. Ça ne m’étonnerait pas qu’elle veuille te séduire.
‒ Et voilà que tu recommences.

Il retourne à sa tâche. Je me lève du lit.


‒ Mais bien-sûr que je vais recommencer. Comment veux-tu
que je reste zen lorsque le jour tu la renvoies et le lendemain
tu reviens sur ta décision.
‒ Où voulais-tu qu’elle aille ? Elle ne connait personne dans
ce pays.
‒ Ça ce n’était plus à ton niveau.
‒ Je crois qu’on va mettre un terme à cette discussion.
Personne ne porte d’uniforme dans cette maison.

Il sort de la chambre. Je lui lance un coussin qui atterrit sur la


porte qu’il referme derrière lui. Espèce d’imbécile. Je crois
que je ferais mieux d’aller à ce rendez-vous mystère. Une
personne anonyme désire me rencontrer pour parler “affaire’’
selon le terme employé. J’espère que ce sera une affaire qui
me sera favorable. Elle a dit qu’il s’agissait de Derrick. Je
descends les marches et c’est sans surprise que je vois mon
cher mari discuter un peu trop intimement avec cette garce.
Ces deux-là ne payent rien pour attendre.

Je suis conduite dans une salle privée dans un restaurant. Je


m’installe à une table joliment dressée. Quelqu’un s’approche
dans mon dos.

‒ Bonjour très chère.

Il s’assoit face à moi, un cigare à la bouche.


‒ Ah ! C’est toi. Pourquoi m’as-tu fait appel ?
‒ Pour une affaire qui nous concerne tous les deux.

Un serveur nous sert du champagne.

‒ Laquelle affaire puis-je savoir ? Demandé-je en prenant ma


coupe.
‒ Derrick et Murima.

Je lève les yeux vers lui.

‒ Vas-y donc, dis-je toute intéressée.


‒ Je suis celui qui a envoyé Murima en prison. Celui qui l’a
séparé de Derrick une première fois et crois-moi donc quand
je te dis que je peux le refaire.
‒ Eh ben dis-donc. Je ne m’y attendais pas. Et en quoi suis-je
concernée ? Tu aurais dû craindre de me l’avouer parce que je
peux le dire à Derrick.
‒ Et prendre le risque de le jeter dans les bras de Murima ?
Non je ne crois pas que tu aies autant de bonté.

Il boit une gorgée de sa coupe.

‒ Pourquoi suis-je là ?
‒ Pour empêcher que ton MARI ne recolle les morceaux avec
son ex. il l’aime toujours.
‒ Ça je le sais déjà.
‒ Bien. Ça ne te pose donc pas de problème de les séparer
pour de bon. Sauf si tu veux voir la fortune des WILLAR te
passer sous le nez.

Je le fixe longuement.

‒ Ok que dois-je faire ? Ou du moins qu’allons-nous faire ?


‒ Tout. Mais pour commencer tu dois tomber enceinte de
Derrick. Le reste, nous nous en occupons.
‒ Nous ?
‒ Il n’y a pas que nous deux. Faut croire qu’ils ont beaucoup
d’ennemis.

Il termine son verre. Moi je bois juste une petite gorgée.

‒ Qui donc ?
‒ Tu les verras le moment venu. Tu dois être prête à tout pour
cette mission. Quitte à aller à des extrémités comme toucher
Derrick et les enfants.
‒ Les toucher ?
‒ Comment crois-tu qu’on arrivera à mettre la zizanie entre
Derrick et Murima ? Tu crois que la première fois j’ai juste
réfléchi et tout s’est fait ? C’est la guerre ma douce. Pour
arriver à notre fin ils doivent tous boire de la coupe amère.
‒ On va les tuer ?
‒ S’il n’y a plus d’option oui. Dommage pour toi vu que tu es
amoureuse de Will.
‒ Com… comment ?
‒ Je sais tout chérie. Alors tu marches avec moi ?

Je fais mine de finir ma coupe pour me donner le temps de


réfléchir. J’avoue que c’est une bonne idée qu’on se mette
ensemble. Je n’en peux plus de voir cette femme chez moi.

‒ Je marche.
‒ Parfait.

Il lève son verre, j’y cogne le mien.

‒ Ta mission à toi, provoque-la jusqu’à ce qu’elle décide de


quitter la maison. Mais… ne la provoque surtout pas
physiquement.
‒ Pourquoi ? Elle ne me fait pas peur.
‒ Oh tu devrais. Il ne faut surtout pas chercher la bagarre à une
Africaine. Tu risques de le regretter. Elles sont sauvages ces
femmes.
Je tourne les yeux. Moi elle ne me fait pas peur. S'il faille que
nous en arrivions aux mains pour qu’elle dégage le plancher je
le ferais.

‒ Trinquons donc à notre collaboration.


‒ Avant, j’aimerais connaître les noms des autres.
‒ Ne sois pas si pressée. (Levant son verre) A nous.
‒ A nous.

De retour à la maison, je me lance dans mes tâches. Tomber


enceinte de Derrick et pousser Murima à bout. Je me rends
dans la cuisine où elles sont toutes occupées à rigoler. Les
deux autres lorsqu'elles me voient se lèvent. Murima quant à
elle reste assise à me regarder.

‒ Murima, Derrick te convoque à son bureau.

Je sors sans attendre. Une fois hors de leur vue je me dépêche


de retrouver mon mari qui travaille dans son bureau. Je
commence à me déshabiller avant même d'y arriver.

‒ Mon amour !

Il lève les yeux de son ordinateur sur moi. Je le rejoins derrière


son bureau et je capture fougueusement ses lèvres.
‒ Hola tu es excitée dis-donc, fait-il remarquer.
‒ Oui j'ai grave envie de toi. Tourne là.

Il me laisse tourner son siège de sorte à ce qu’il soit dos à la


porte que je n'ai pas fermé. Je retire mon dessous et sur ses
genoux je m'assieds sans cesser de l’embrasser et d’ouvrir son
pantalon.

‒ Pétra j’ai du boulot.


‒ Chuuuttt !!! J’ai trop envie de toi.

Je sors son mini lui et je m’empale lentement dans un long


soupir de plaisir. Les WILLAR sont délicieux je l'avoue.
Même si je préfère Will je dois reconnaître que Derrick est à
rendre folle toute femme qu'il aura dans ses bras. Je l’incite à
se détendre et je commence à le chevaucher. Mes seins nus
claquent devant son visage. Il grogne sous moi. Je me mets à
gémir d'abord doucement. Mais lorsque je vois la porte
s’ouvrir grandement je hausse la voix.

‒ Oui bébé ! C’est bon. Oh Derrick tu me rends folle !

J'ouvre les yeux et elle est là, debout devant le bureau à nous
regarder. Je continue de gémir et de chevaucher mon mari en
la fixant. Elle soutien mon regard. Je lis clairement la jalousie
et la rage sur son visage. Quand Derrick grogne elle serre les
mâchoires. Je la nargue avec un sourire. Elle ressort du bureau
sans faire de bruit. Mon sourire s’agrandit.

Prépare-toi très chère. Ce n’est que le début.

***ALEXANDRA

J’ignore encore une fois de plus les appels de Samy. Je ne


veux pas lui parler, encore moins le voir. Je n’ai toujours pas
digéré ce qui s’est passé entre nous il y a quatre jours. J’ai
toujours aussi honte de moi. Je n’arrive même plus à me
regarder dans la glace. Comment j'ai pu faire une bêtise
pareille ? Coucher avec mon meilleur ami ? Comment ? Et le
pire, le pire c’est que j’ai non seulement aimé mais j’ai encore
envie de recommencer. J’ai encore envie que Samy me fasse
l'amour. Jamais auparavant je n'avais ressenti pareille
sensation. Jamais un homme ne m’avait autant fait l’amour
avec passion et amour. Il y avait une lueur étrange dans son
regard. Tiger ne m’a jamais regardé de la sorte pendant nos
rapports. Lol à peine même s'il me regarde. Je ne suis qu'un
objet sexuel pour lui. Il passe son temps à me demander des
nudes, à filmer nos ébats et se branler en les regardant. Et
quand je suis avec lui il me prend dans toutes les positions
possibles sans aucune tendresse. Je ne suis qu’une vulgaire
pute pour lui.

Nom d'un chien c’est maintenant que je m’en rends compte ?


Il m'a fallu coucher avec un autre pour me rendre compte que
depuis je n’étais pas aimé comme il se devait. Pour la
première fois je me suis sentie désirée, aimée, spéciale. Les
gens avaient-ils donc raison de dire que Tiger ne m’aimait
pas ?

Par la fenêtre je vois de loin Tiger avec une autre fille. Cette
fille est constamment avec lui partout alors que moi il
m'interdit de sortir de la maison. Il lui arrive même de rester
avec elle jusqu’à des heures tardives. Je lui ai fait part de mon
mécontentement mais il fait des histoires. Je l'ai donc bouclé
pour m’éviter des coups. Mon sang ne fait qu'un tour lorsque
je les vois s’embrasser. C’est donc ça ? La sonnerie de mon
portable me fait détourner les yeux. C’est encore Samy. Cette
fois je réponds.

‒ QUOI SAMY ???


‒ « Nous devons parler Xandra. »
‒ Nous n'avons rien à nous dire. Ce qui s'est passé était une
erreur. Je préfère qu'on arrête de se fréquenter. Bye.
‒ « Xand… »

Je raccroche. Tiger entre dans la maison.

‒ Tu sors donc avec cette pétasse ? Hein Tiger ?


‒ Ne me fais pas chier.
‒ Te faire chier ? Je suis ta petite amie et tu te permets
d’embrasser une autre ? Je vous ai vu.
‒ Donc quoi ? Que veux-tu que je fasse ?
‒ Tu me dois du respect.
‒ Tu arrêtes de me faire chier ok ? Tu n'es pas le centre du
monde. Et oui je sors avec elle. Il y a certaines choses qu'elle a
que toi tu n'as pas. Au lit par exemple, elle est meilleure que
toi.

Cette parole me fait l’effet d'une bombe. Mes yeux me


picotent.

‒ Vas te faire foutre Tiger. J’ai tout abandonné pour toi et


c’est comme ça que tu me remercies.
‒ Je ne t'avais rien demandé.
‒ Tu n'es qu'un pauvre enfoiré.
‒ Mesure ton langage. Je ne serais pas patient.

Mon portable posé sur la table me signale un message. Avant


que je ne le récupère, Tiger le saisi. Son visage se déforme la
seconde qui suit.

‒ Tu as couché avec ton fameux meilleur ami ? Demande-t-il


furieux.
Mon cœur manque de se détacher.

‒ JE T’AI POSÉ UNE QUESTION.


‒ Tiger !

Il me bondit dessus. Je manque de tomber en voulant l’éviter.


Il me saisit violemment les cheveux.

‒ Tu as baisé avec un autre ? Comment as-tu pu ? Espèce de


pute.
‒ Tiger tu me fais mal.

Les coups se mettent à pleuvoir sur mon visage. Je me débats


du mieux que mes forces me le permettent même si c’est peine
perdue. Les mains et les pieds, tout y passe sur mon corps déjà
affaibli par le manque d’alimentation régulier et de vitamines.
Un moment il marche vers son arme à feu. J'en profite pour
prendre mes jambes à mon cou. Si je reste c’est sûr qu'il va me
tuer. Je dois partir le plus loin possible de lui.

‒ Reviens ici espèce de garce.

Je cours toute affolée dans son quartier en hurlant à l'aide. Il


me court après, son arme à la main. Je trébuche et Tiger me
rattrape. Cette fois ce sont des coups de pieds que je reçois
dans mon ventre. Je vois un homme derrière sortir d'une
voiture et foncer droit sur Tiger. Il le trimballe loin de moi et
entre les deux une bagarre explose. Je réussi à me relever
difficilement. Tiger pointe son arme sur l’homme qui lutte
pour le lui arracher. Un coup de feu part. L’homme assomme
d'un coup violent Tiger qui s’évanouit. Quand il tourne sur
moi son expression faciale devient grave.

Je ressens une douleur au niveau de mon ventre. Je n'arrive


pas à parler. Je baisse les yeux et je vois ma robe devenir toute
rouge. Je lève mes mains toutes tremblantes. Elles sont pleines
de sang.

‒ Je… je…

J'essaie d’articuler. Mais tout ce que j'arrive à faire c’est


pleurer.

J’ai reçu la balle en plein ventre.

L’homme essaie de me rattraper mais trop tard. Je m’effondre.


15

***IMELDA

Je prends un grand souffle avant de pénétrer la maison des


WILLAR. Ça n’a pas été facile pour moi de me décider à y
revenir. Mais après mure réflexion, j’ai trouvé que Murima
avait raison. Je ne peux pas laisser une autre venir me prendre
ce qui m’appartient, en plus sous mon toit. Mon enfant a aussi
besoin de son père. De plus, je suis celle qui est légalement
mariée à Travon. Cette fille ne va pas quitter son monde et
venir bousiller le mien. Alors je reviens auprès de mon mari.
Mais avant je dois parler à ma belle-mère. J’ai conscience
d’avoir été vache avec elle. Je le regrette amèrement.

Je rencontre Djénéb et Aurelle qui partent faire les courses.


Elles m’informent que Murima est seule à la cuisine. Je l’y
retrouve effectivement en train de faire du rangement.

‒ Bonjour maman.

Elle lève les yeux sur moi et les retourne sur ce qu’elle faisait
sans me répondre. Je me rapproche.

‒ Je suis désolée pour…


‒ Ton mari est là-haut. C’est à lui que tu devrais parler.
‒ Je te demande pardon.
‒ Kokolu uya kambise (Pardon ne me dérange pas). J’ai plein
de chose à faire.

Elle manque de briser une assiette. Je crois qu’elle est en


colère.

‒ Que t’arrive-t-il ? Lui demandé-je en posant ma main sur la


sienne.

Elle souffle et s’assoit.

‒ J’ai vu Derrick et Pétra faire l’amour. Cette garce à fait en


sorte que je les vois.
‒ Oh, je suis sincèrement désolée.
‒ Ce n’est rien.

Elle retourne à ses tâches.

‒ Alors tu t’es enfin décidée à revenir ?


‒ Oui. Et je voudrais m’excuser pour la façon dont je t’ai
parlé.
‒ Ce n’est rien. Tu devrais monter parler à ton époux. Il se
prépare pour un voyage.
‒ Ok. Je reviens.

Je monte avec mes affaires dans ma chambre. Travon enfile sa


chemise lorsque j’entre. Il interrompt son geste quand il me
voit.

‒ Salut ! Dis-je d’une petite voix.

Il se précipite sur mes lèvres qu’il prend entre les siennes. Un


poids me libère les épaules. Je n’aurais jamais dû partir.

‒ Je suis heureux de te revoir ma puce.


‒ Moi aussi.
‒ Ne pars plus s’il te plaît.
‒ Je n’irai plus. On affrontera tout ensemble. Où est-elle ?
‒ Je lui ai pris un appartement. Je lui verserais de l’argent
chaque fin de mois jusqu’à l’accouchement et une fois le bébé
né on le récupèrera. Si tu le désires bien-sûr.
‒ Bien-sûr. Je suis prête à l’accepter comme le mien.
‒ Merci.

Il me serre dans ses bras. Mais moi j’en veux plus. Mon mari
m’a manqué. Je l’embrasse suavement. Il comprend le
message.
‒ Comment va notre fils ? Me demande-t-il contre mes lèvres.
‒ Il va bien. Encore plus maintenant que tu es là.

Nous basculons sur le lit où les minutes qui suivent nous


faisons l’amour comme deux affamés. J’avais besoin de me
sentir aimée. Surtout par mon mari. Nous restons entrelacés
sur le lit à reprendre notre souffle.

‒ Je t’aime ma puce, déclare-t-il en posant un baiser dans mes


cheveux.
‒ Je t’aime aussi. Tu pars en voyage ?
‒ Oui. Pour le boulot mais je serai là dans deux jours maxi. J’y
vais seul t’inquiète.
‒ Tu vas me manquer.
‒ Toi aussi.

***DERRICK

Depuis ce matin je me sens mal dans ma peau. Il y a quelque


chose qui me chiffonne. Je ne sais encore quoi mais il y a un
truc qui ne va pas. Je me concentre sur la signature de certains
dossiers espérant faire passer ce malaise.

‒ Derrick !
Je sursaute face à Clinton qui est rentré en trombe dans mon
bureau.

‒ Merde tu m’a foutu la trouille Clinton.


‒ Désolé de débarquer de la sorte. J’ai essayé de te joindre
mais pas de réseau. C’est Alexandra.
‒ Qu’a ma fille ? Demandé-je en me levant de mon siège.
‒ Le garde qui veillait sur elle vient de me contacter. Tiger lui
a tiré dessus.
‒ Quoi ? Comment ? Où est-elle ?
‒ J’ai demandé qu’il la conduise à la clinique du Docteur de
votre famille.
‒ Allons-y !
‒ Tu devrais appeler Murima, me dit-il alors que je cours déjà
vers l’ascenseur.

Ce n’est qu’une fois dans ma voiture que j’appelle ma mère et


Pétra pour les informer. Je crains maintenant d’appeler
Murima. Elle risque de faire une crise. Il faut quand même que
je le lui dise. Je demande à Clinton de s’en charger. Moi je
n’en ai pas la force.

Je déboule dans la clinique en courant et Dieu merci je tombe


sur le Docteur FOXX.

‒ Comment va ma fille ?
‒ Elle vient d’arriver et elle est au bloc. Mais son état était
vraiment alarmant lorsqu’elle est arrivée.
‒ Merde ! Docteur faites tout votre possible pour la sauver.
C’est mon unique fille.
‒ Je ferais de mon mieux. Excusez-moi.

Je vois Clinton qui discute avec un jeune homme. Je les


rejoins et après avoir entendu ses explications sur les faits, j’ai
des envies de meurtre. Ce jeune a osé toucher à ma fille. Il va
me le payer.

‒ Je crois que je vais tuer ce fils de pute, dis-je rouge de


colère. Je te donne la somme que tu veux pour l’abattre.
‒ Rick non pas ça. Ne te salie pas les mains. Je vais y aller
avec lui voir la police. Laissons-le aux mains de la justice. Je
t’appelle.
‒ Ok comme tu veux.

Clinton est remplacé par ma femme et ma mère qui est toute


en pleurs. Je la console du mieux que je peux dans mes bras.
Je suis mort de trouille. J’ai vraiment peur de perdre ma fille.

‒ Jamais tu n’aurais dû accepter qu’elle reste avec ce drogué,


me lance ma mère toute furieuse. Tu aurais dû la ramener.

« Derrick ! Derrick ! »
Je lève les yeux vers Murima qui court vers moi. Son visage
est inondé de larme. Elle est suivie d’Imelda et de Will qui
pour la première fois depuis des années est vraiment inquiet.

‒ Derrick où est-elle ? Où est mon bébé ?

Ma mère fait volte-face et lui administre une gifle qui la fait


reculer de deux pas.

‒ Espèce de sorcière, vocifère ma mère. C’est de ta faute si ma


petite-fille se retrouve entre la vie et la mort. Si elle meurt, tu
iras pourrir en prison où est ta place. Sale toxico de merde.

Murima n’a pas détourné son regard apeuré de moi.

‒ Derrick ! Dit-elle d’un air désolé et pleurant de plus en plus.


Les choses ne devaient pas se passer de la sorte. Il faut qu’elle
s’en sorte.

Je serre les dents en la regardant. J’ai envie de la prendre dans


mes bras mais ce serait déclencher une guerre.

‒ Papa comment va-t-elle ?


‒ On attend encore. Elle est au bloc.
Les minutes s’enchainent sans que nous n’ayons de nouvelles.
Daniel, Mélodie et Samy nous ont finalement rejoint. Will et
Imelda sont près de Murima qui ne fait que murmurer des
prières. De mon côté je réprime une folle envie de cogner
quelque chose. Mes poings m’en démangent.

‒ Famille WILLAR.

Nous nous attroupons autour du second Docteur de la


Clinique. Le Docteur FOLDER.

‒ Elle a urgemment besoin de sang maintenant que nous avons


réussi à extraire la balle.
‒ Oui moi, je suis du même groupe qu’elle, se propose Will.
‒ Ok suivez-moi.

Le Docteur part avec Will. Ça devient un supplice d’encore


attendre. Je passe le temps à tourner sur moi-même. Les autres
s’absentent de temps à autre pour se dégourdir les jambes.
Samy est obligé d’aller répondre à une urgence mais promet
de revenir plus tard. Le Docteur FOXX revient quelques
instants après et demande à me parler en privé.

‒ Que se passe-t-il ? Quelque chose est arrivée à ma fille ?


‒ Non. Votre fils lui donne son sang en ce moment. Au fait,
j’ai constaté un truc dans l’examen que j’ai fait passer à
William. Enfin, c’est plutôt le Docteur FOLDER qui l’a
remarqué.
‒ Qu’est-ce qu’il y a ?
‒ Will est certes du même groupe que Travon et Alexandra
mais… il n’a pas les mêmes gènes.
‒ Comment ça ? Will est bien mon fils. Il a d’ailleurs le même
groupe sanguin que ses frères comme vous venez de le dire.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
‒ On n’a pas besoin d’être de la même famille pour avoir le
même groupe sanguin.
‒ Qu’est-ce que vous sous-entendez ?

Il me regarde avec gêne. Je capte.

‒ Non. Non ce n’est pas possible. William est bel et bien


mon…

Un détail me frappe en plein visage. J’avais découvert dans le


passé une aventure entre Murima et un autre homme. Et si…
Et si c’était possible que Will ne soit pas mon fils ?

‒ Je ne voudrais pas semer la zizanie. J’ai juste voulu en avoir


le cœur net puisque je suis le Docteur de votre famille depuis
des années.
‒ Faites un test ADN. Je veux avoir les résultats dans un bref
délai.
‒ Ok.

Je retourne près des autres très furieux. Murima s’approche de


moi.

‒ Qu’a-t-il dit Derrick ? C’est en rapport avec Xandra ?

Sans pouvoir me contrôler je lui saisis le cou.

‒ Avec qui m’as-tu trompé ?


‒ Quoi ? Lâche-moi !

Elle se dégage. Les autres prêtent attention à notre


conversation.

‒ On vient de m’apprendre que William n’a pas mes gènes.


‒ Qu’est-ce que tu racontes Derrick ? William est ton fils.
‒ Bah on le saura. J’ai demandé qu’on fasse un test ADN.
‒ QUOI ?? Tu es sérieux Derrick ?
‒ Je le savais, intervient ma mère. Je savais que ce gosse avait
quelque chose de bizarre. Je comprends maintenant pourquoi
il m’a toujours été difficile de l’aimer.
‒ Vous, fermez-la, lui lance Murima. Vous n’avez jamais aimé
personne donc bouclez-la. (A moi) Je suis vraiment sidérée
que tu puisses penser un seul instant ou même croire que
Warisse ne soit pas ton fils.
‒ C’est un diagnostic médical. Qui suis-je moi pour le
contrer ? Les hommes peuvent mentir autant qu’ils veulent
mais les examens non. Mais je te préviens que si ce test
prouve que Will n’est pas ma chair, je te jure de te faire
regretter ta venue dans ma maison.
‒ Va te faire enculer Derrick, gueule-t-elle. Tu m’entends ? Tu
n’as jamais aimé ce garçon donc il suffit d’une petite chose
pour te retourner contre lui. Tu auras ton clapet fermé lorsque
les résultats prouveront clairement qu’il est ta chair et ton
sang. Espèce d’imbécile.

***MURIMA

Je rejoins Derrick, sa mère et sa femme dans le petit salon. Les


résultats ont été apportés aujourd’hui. Je suis sereine parce que
jamais je n’ai trompé Derrick. Jamais je n’ai connu un autre
homme que lui. Tous mes enfants ont le même père. Je ne vois
donc pas comment les résultats pourraient être autrement. J’ai
hâte de voir la confusion sur leur visage à tous.

Derrick attend que j’arrive et déchire l’enveloppe. Dame


WILLAR me dévisage de haut en bas. Sa sorcière de belle-
fille sirote son vin avec sérénité et un sourire aux lèvres.
Derrick balance contre toute attente un vase contre le mur.
Nous sursautons toutes.
‒ Will n’est pas mon fils, annonce-t-il.
‒ Quoi ? C’est impossible.

Je ramasse la feuille qu’il a jeté au sol. Je tombe des nues en


lisant ce qui est écrit.

‒ C’est faux. Ce n’est pas possible.


‒ Comment as-tu pu ? Tu m’as menti tout ce temps.
‒ WILL EST TON FILS.

Il bondit sur moi et me plaque violemment contre le mur.

‒ Tu m’as fait élever le fils d’un autre homme.


‒ Il est ton fils Derrick. Ton sang, ta chair.
‒ J’ai envie de te tuer Tatiana. MERDE !!!

Il cogne dans le mur près de mon visage. Il tourne sur lui-


même tel un lion enragé. Je n’arrive pas à comprendre ce qui
se passe.

‒ Je l’avais dit, intervient Dame WILLAR. Cette femme n’a


jamais rien été d’autre qu’une garce. Elle a emmené un intrus
dans notre famille.
‒ Derrick tu dois refaire le test, dis-je les mains tremblantes. Il
y a forcément une erreur.
‒ L’erreur c’est moi qui l’ai faite en tombant amoureux de toi
et en t’épousant. Tu es la plus grande erreur de ma vie.
‒ Comment tu peux croire ce test ? Will a toujours été ton fils
et tu le sais.
‒ C’est un bâtard, gueule Dame WILLAR.

Je bondis sur elle mais Derrick me retient de justesse. Il me


repousse avec rage manquant de me faire tomber.

‒ Tu ne poses pas tes sales pattes sur ma mère.


‒ Que se passe-t-il ?

Nous nous retournons vers Will qui s’avance, avec Imelda à sa


suite.

‒ Il se passe que nous venons de découvrir que tu n’es pas un


WILLAR, lui lance à la figure Dame WILLAR de but en
blanc.
‒ FERMEZ-LA BORDEL !!!! Hurlé-je.
‒ Qu’est-ce que tu racontes Mamie ?
‒ Je ne suis pas ta Mamie. Je ne suis rien pour toi. Tu n’es pas
de ma famille. Ta garce de mère a trompé ton père.
‒ DERRICK COMMENT TU PEUX LA LAISSER DIRE
UNE TELLE CHOSE A TON FILS ? (Avançant vers Will)
Mon Dieu Will n’écoute pas ce qu’elle dit.

J’essaie de le toucher, il recule.

‒ Papa est-ce vrai ? Demande-t-il les yeux braqués sur


Derrick.
‒ Oui, répond celui-ci en détournant les yeux. Tu n’es pas mon
fils. J’ai fait un test ADN et il est négatif.
‒ Tu as fait un test ADN ? Tu doutais donc de ta paternité ?
‒ Derrick ne fais pas ça, supplié-je pour qu’il arrête de parler.
‒ Là n’est pas la question, continue Derrick sans se soucier de
moi. Le problème est que j’ai passé vingt-cinq années à élever
le fils d’un autre.

Will déglutit.

‒ Donc c’est tout ce que ça te fait ? Réplique-t-il en laissant


couler ses larmes. Tu découvres que je ne suis pas ton fils et
tout ce qui te fait souffrir c’est d’avoir pris soin du gosse d’un
autre ? Rien de plus ?

Dame WILLAR l’ouvre de nouveau.


‒ Bah faut dire qu’on a toujours su que tu avais un sang
étranger. Tu ne ressembles à aucun de nous. Regarde-toi, tu es
métis alors que les autres sont blancs. Tu as toujours été un
bâtard.

Cette fois je pète un plomb et je lui donne une gifle résonnante


qui la fait vaciller.

‒ MURIMA ! Hurle Derrick.

Il me projette contre le mur en m’attrapant de nouveau par la


gorge. Ses yeux révulsent dans leurs orbites.

‒ Comment peux-tu faire ça à ton fils Derrick ? Fais-je toute


en pleure. William est ton fils et tu laisses ta mère lui dire
toutes ces atrocités. Mon Dieu Derrick tue-moi qu’on en
finisse parce que chaque jour tu me brises un peu plus. Ouvre
les yeux. C’est un complot. Mon Dieu !

Toujours sous son emprise je pleure toute la douleur que j’ai


ressenti en voyant la souffrance dans les yeux de mon fils.
Pourquoi la vie s’acharne-t-elle sur lui de la sorte ? Le
vrombissement d’une voiture me fait rouvrir les yeux. Will
n’est plus là. Je repousse Derrick.

‒ Non il ne doit pas prendre le volant dans cet état. WILL !!!!
Je cours vers la sortie. Quand j’arrive dehors il est déjà parti.

‒ WILLIAAMMM !!!!!

Il manque de fracasser la grille en sortant. Mon Dieu il risque


de se tuer en conduisant de la sorte. Je sors mon portable dans
le but de l’appeler. Imelda me rejoint.

‒ On doit le suivre Murima. Il faut qu’on le rattrape avant


qu’il ne fasse une bêtise.

Nous sautons dans sa voiture et en deux trois mouvements


nous nous lançons à la suite de Will. Il est déjà sur la grande
voie. Je lance l’appel vers son numéro. Ça sonne mais il ne
décroche pas. J’insiste.

‒ Mon Dieu garde ta main sur sa voiture. Il faut qu’il sache


qu’il est un WILLAR. Tu me crois hein Imelda ? Tu me crois
quand je dis…
‒ Bien-sûr que je te crois. Il y a surement quelque chose qui a
cloché quelque part.

Je lance encore l’appel et cette fois il décroche.

‒ Will, mon amour je t’en supplie gare toi sur le côté.


‒ « Pour quoi faire ? Je vais mettre fin à mes jours comme ça
tout le monde sera content dans cette famille de merde. »
‒ Je t’en supplie ne fais pas ça. J’ai besoin de toi mon bébé.
‒ « Je n’ai d’importance pour personne et maintenant je
découvre que je n’ai pas de famille. Je n’ai pas connu ma
mère et là c’est mon père que je ne connais pas. Je n’ai plus
personne dans cette chienne de vie. Je ne me vois pas me
lancer à la recherche d’un père que je… »
‒ Je suis ta mère, lâché-je de but en blanc. C’est moi ta mère.
Je ne suis pas morte. C’est moi ta mère, Murima Tatiana
ITSIEMBOU. Tes frères et toi avez une tâche de naissance en
forme d’étoile juste au-dessus des fesses.

Un crissement de pneu me fait sursauter. La voiture de Will


fait trois tonneaux.

‒ WIIILLL !!!!!!!

Sa voiture finie renversée. Je sors en courant de la voiture


d’Imelda à peine elle gare. Je cours toute effrayée vers la
voiture de mon fils. Je le vois sortir doucement. Il s’adosse sur
la voiture.

‒ Will ! Oh mon Dieu comment tu vas ?

Je l’examine. Il est blessé sur le front.


‒ Mon Dieu mon bébé tu as mal quelque part ?
‒ Comment ça tu es ma mère ?
‒ Attends que je vérifie que tu vas bien.
‒ COMMENT ÇA TU ES MA MÈRE ???

Je me calme mais mes larmes refusent de tarir.

‒ Je suis ta maman. Je ne suis pas morte comme Derrick vous


l’a fait croire. Regarde !

Je décale mon haut vers mon épaule et je lui montre le


tatouage que je m’étais fait dans le temps. Ce sont leurs
prénoms. Travon Yitu, William Warisse et Alexandra Yessi.
Ses yeux s’ouvrent grandement sous le choc.

‒ Tu es…
‒ Oui. Je ne suis pas morte mon amour. Je suis là, devant toi.
‒ Où étais-tu tout ce temps ?
‒ Tout ce que je t’avais raconté sur moi, c’est la vérité. J’ai été
éloignée de vous injustement. Je suis allée en prison pour
quelque chose que je n’avais pas fait. Votre père m’a privé de
vous. Mais dès que je suis sortie, je suis tout de suite venue
vous chercher. Lorsque Djénéb m’a dit que vous me croyez
morte j’ai décidé de camper le rôle de gouvernante dans le
seul but de me rapprocher de vous.
‒ Tu es en vie ?

Mes larmes ruissellent comme un torrent d’eau.

‒ Oui chéri. Ta maman est là. Et crois-moi sur tout ce que j’ai
de cher au monde, c’est-à-dire toi et tes frères, que tu es un
WILLAR. Jamais je n’ai trompé ton père.
‒ Mais les tests ont dit…
‒ Que les tests disent ce qu’ils veulent. C’est moi qui t’ai porté
dans mon sein pendant neuf mois et je te dis que tu es le fils de
Derrick WILLAR. Il y a surement eu une erreur quelque part.
Tu dois être fort. Ton prénom Warisse signifie dans ma langue
le Courage. N’essaie donc plus de te tuer. Je t’ai trouvé et je
ne veux plus te perdre.

Une marée de larme se déverse sur son visage. Il m’attire


contre lui et me serre dans ses bras. Une bouffée de chaleur
me gonfle la poitrine. Je le serre encore plus. Nous oublions
que nous sommes assis par terre près d’une voiture renversée.

‒ Je t’aime tellement mon amour. Ne me quitte plus.


‒ Tu m’as tellement manqué maman, éclate-t-il en sanglot en
me serrant de plus en plus.

Nous restons là à pleurer l’un dans les bras de l’autre. Il n’y a


que quand une ambulance arrive que nous nous séparons. Il se
fait examiner et Dieu merci il n’a rien d’alarmant. On nous
autorise à rentrer. Will appelle une dépanneuse pour récupérer
la voiture. Imelda nous ramène à l’appartement de Will. Elle
retourne seule à la maison. Je fais à manger à Will le temps
qu’il prenne sa douche. Après le diner il se met au lit.
L’accident l’a un peu courbaturé. Je le rejoins et le tire sur mes
jambes. Je lui caresse la tête en fredonnant la berceuse que je
leur chantais quand ils étaient enfants. Je m’étonne quand il
m’accompagne.

‒ Tu ne l’as pas oublié ?


‒ Impossible de l’oublier. Après ton départ Travon nous la
chantait à moi et Xandra. Chante-la-moi encore jusqu’à ce que
je m’endorme.

Je le fais avec plaisir. Comme on le dit en Afrique, en quelque


sorte malheur est bon. Au moins cette histoire m’a permis de
récupérer l’un de mes enfants.
16

***DERRICK

‒ Tu es sûr de ne pas faire une erreur ?


‒ Je n’en sais rien Daniel, lui répondé-je en me massant le
visage. Je ne sais plus quoi penser.
‒ Moi je crois qu’il y a eu une erreur quelque part.
‒ Je ne sais plus où mettre de la tête. Entre les tests qui disent
que William n’est pas mon fils, Alexandra qui est toujours
inconsciente, Murima qui me jure sur tous ses ancêtres que
Will est bel et bien mon fils et ma mère qui me demande de
couper les liens avec Will de peur qu’il ne fasse quelque chose
qui pourrait briser toute la famille.
‒ J’espère que tu ne vas pas écouter ta mère ?

Je reste silencieux.

‒ Je sais que j’ai eu à te dire de te méfier de Murima et même


de l’éloigner de toi mais je pense que tu devrais lui accorder le
bénéfice du doute. Nous la connaissons tous et bien que les
évènements aient toujours été en sa défaveur, je crois qu’elle
est aussi une victime.
‒ Je n’en peux plus de tous ces évènements qui nous tombent
dessus depuis son retour.
Quand on parle de la louve, elle montre sa queue. Elle fait son
entrée dans la clinique. Je la suis du regard jusqu’à ce qu’elle
disparaisse derrière un mur.

‒ Toujours aussi fou amoureux d’elle à ce que je vois, fait


Daniel, un sourire en coin.
‒ Elle me fait perdre la tête. Je la haie en même temps que je
l’aime.
‒ Tu es marié Rick. Tu es marié ne l’oublie pas.
‒ Merci de me rappeler que je suis un enfoiré.

Il sourit en me donnant une tape sur l’épaule. Une infirmière


vient nous informer que Xandra a ouvert les yeux. Nous nous
précipitons dans sa chambre. Murima, Travon qui a écourté
son voyage et Imelda sont à son chevet. Je me rapproche aussi.
Xandra regarde tout le monde sans parler. Le Docteur
demande à ce que nous nous éloignions afin qu’il puisse
l’examiner.

‒ Mon lapin comment vas-tu ? Lui demandé-je à distance.

Elle me regarde sans répondre. Son regard est vide quoi que
ses yeux remplis de larmes. Tout le monde lui parle sans
qu’elle ne puisse répondre.
‒ Docteur que se passe-t-il ? Pourquoi ne parle-t-elle pas ?
‒ Je crois que c’est dû au choc. Sinon la balle n’a rien
endommagé à ses facultés vocales. Elle parlera lorsqu’elle
aura repris plus de force. Puis-je vous parler dehors ?
‒ Oui.

Murima s’impose en nous suivant dehors.

‒ Voilà, la balle a touché l’une des trompes de votre fille et…


ça réduit ses chances d’enfanter à l’avenir.
‒ Nyambi (Seigneur) ! S’exclame Murima en s’asseyant sur
l’un des sièges.
‒ Elle ne pourra plus enfanter ? Demandé-je pour être certains
d’avoir bien compris.
‒ Hummm disons que ça lui sera difficile. Je suis vraiment
navré.

Il me laisse avec Murima.

‒ C’est de ta faute Derrick. Si tu avais été plus sévère avec


elle, si tu avais pris tes responsabilités de père en éloignant ce
jeune dès le jour de votre rencontre, tout ceci ne serait pas
arrivé.
‒ Tu te fous de ma gueule ? N’est-ce pas toi la super maman
qui l’a laissé quitter la maison ? S’il y a un responsable de tout
ce chaos ici c’est bien toi. Depuis ton retour tout va mal dans
ma famille.
‒ Dans ce cas prépare-toi à en supporter d’autres parce que tu
n’es pas au bout de tes peines.

Elle se relève quand un homme extrêmement âgé s’approche


de nous.

‒ Oh bonjour M. et Mme WILLAR, nous salut-il.

Je le reconnais. C’est Docteur FOXX le père. C’est le


fondateur de cette clinique et celui qui s’occupait de notre
famille à l’époque où Murima et moi étions mariés. C’est son
fils qui a pris la relève.

‒ Je suis vraiment heureux de vous revoir, continue-t-il sans


nous laisser le temps de répondre. Ça fait bien longtemps.
Alors comment vont mes petits enfants ?

Il a toujours considéré les enfants ainsi puisque c’est lui qui


les a tous mis au monde. Il considère tous les bébés nés de ses
mains comme ses petits-enfants.

‒ Ils vont bien merci. Sauf que Xandra est hospitalisée ici.
‒ Ah oui j’ai vu son dossier. Elle s’en remettra n’ayez crainte.
C’est dommage que je n’aie pas été celui qui ai mis votre
quatrième enfant au monde. Ma santé se faisait fragile. Alors
c’est une jeune dame ou un homme ?
‒ Nous n’avons eu que trois enfants Docteur FOXX. Vous
devez faire erreur.

Murima part comme si elle avait une urgence.

‒ Ah non. La dernière fois que votre femme s’était fait


hospitalisée lorsqu’elle avait replongé, elle était bel et bien
enceinte. Je vous avais même envoyé le courrier des résultats
de ses analyses.

C’est quoi cette histoire de grossesse ?

‒ Euh veuillez m’excusez un moment. Je viens de me rappeler


d’une urgence. Ça été un plaisir de vous revoir.

Je cours derrière Murima que je rattrape avant qu’elle n’entre


dans la chambre de Xandra.

‒ C’est quoi cette histoire de grossesse ?


‒ Lâche-moi Derrick.
‒ Tu étais enceinte ? Où est l’enfant ?
‒ Va le demander à tes ancêtres. Mtchrrrr.
Elle se dégage et entre. Je reçois un appel de ma mère qui me
demande de revenir à la maison où elle m’attend. Je vais dire
aux autres que je m’absente. Travon décide de rentrer avec
moi se changer. Il est venu ici directement de l’aéroport.

Ma mère est assise dans le grand salon avec une valise devant
elle. Pétra est près d’elle.

‒ Qu’est-ce qu’il se passe ? Elle est à qui cette valise ?


‒ C’est celle de Will. J’ai pris le soin de lui ranger quelques
affaires. Il doit quitter cette maison sur le champ parce qu’il
n’est pas un WILLAR.
‒ Mais maman, tu n’avais pas à aller fouiller dans ses affaires.
‒ Je fais ce que je veux dans cette maison. Je crois que tu as
assez laissé cette femme te manipuler. Elle doit aussi quitter
cette maison.

Je reste médusé face à l’attitude de ma mère. Je ne m’attendais


pas à ce qu’elle fasse une telle chose.

‒ Je peux savoir ce que fou ma valise en plein milieu du


salon ? S’élève la voix de Will qui fait son entrée.
‒ Tu pars de cette maison et maintenant, lui répond ma mère.
‒ Tu vas la laisser me foutre à la porte papa ?
Je déglutis péniblement. Ça faisait un bon moment qu’il ne
m’avait pas appelé ainsi. Tellement de temps à nous disputer.

‒ Maman dit que je suis bien ton fils.


‒ Maman ? Répété-je sans comprendre.
‒ Oui. Murima. Elle m’a dit toute la vérité.

J’arrive pas à placer un mot. Je ne savais pas que Murima lui


avait finalement dit la vérité.

‒ Au fait tu sais quoi ? Je vais m’en aller d’ici. Jamais tu n’as


été un père pour moi. Jamais tu n’as empêché ta mère de me
trainer dans la boue quand l’envie lui en prenait tout comme tu
le faisais avec maman. Je n’ai jamais eu ma place dans cette
famille et je crois que ce n’est pas demain la veille que ça
changera. Je vous laisse avec votre famille.

Il marche avec rage vers les escaliers. Je me lance à sa suite


quand ma mère me ramène en arrière.

‒ Non tu le laisses s’en aller.


‒ Maman c’est mon fils.
‒ Par quel lien ? Celui du sang ? Bah laisse-moi te rafraichir la
mémoire, il n’est pas de ton sang.

Ma tête se met à chauffer. J’en ai marre de toute cette histoire.


‒ Papa, pourquoi Will s’en va ? Demande Travon qui à son
tour déboule dans le salon.
‒ Parce qu’il n’a pas sa place dans cette famille, lui répond ma
mère. Il n’est pas le fils de ton père.
‒ Comment ça ?
‒ Nous avons fait un test ADN qui s’est montré négatif. Will
n’est pas ton frère.
‒ Papa tu ne vas pas croire une telle histoire !? Will ne te
ressemble certes pas physiquement mais il a tes yeux et ton
sourire. Nous les avons tous les trois. Nous avons tous certains
traits de ressemblance.
‒ Arrête de raconter n’importe quoi Travon, le reprend encore
ma mère.

Et une dispute éclate entre les deux. Ok ça suffit pour


aujourd’hui. J’en ai par-dessus la tête. Je monte m’enfermer
dans mon bureau. Je sors une bouteille de Liqueur et un verre.
Ça me fait mal tout ça.

‒ Derrick ! M’appelle Pétra en entrant en fracas.


‒ Laisse-moi seul Pétra.
‒ Nous devons parler de tout…
‒ (Tapant du poing) JE T’AI DEMANDÉ DE ME LAISSER
MERDE !!!
Elle reste sur le cul à me regarder comme si j’étais un
extraterrestre. C’est bien la première fois que je lui hurle
dessus. Elle ressort et referme derrière elle. J’enchaine verre
sur verre. J’aime William. Malgré toutes nos mésententes je
l’aime. Ça m’a tué de savoir qu’il n’est pas la chair de ma
chair. Je me souviens de toutes nos sorties lorsqu’il était
encore enfant. Il adorait les sorties à vélo, alors chaque samedi
nous sortions tous, chacun sur son vélo pour plusieurs balades.
J’en avais acheté pour chacun de nous un vélo. Nos balades
étaient toujours animées. J’étais un homme heureux avec ses
enfants malgré la solitude que je vivais. Je ne sais pas à quel
moment nous sommes passés de cette famille-là à celle de
maintenant. Je ne sais pas à quel moment mon fils et moi
sommes passés de père-fils à ennemis.

La douleur étant à son summum je ne me rends compte ni des


heures que j’ai passées enfermé dans mon bureau ni du
nombre de verre que j’ai aligné. J’ai presque terminé la
bouteille.

‒ Dis-moi que je rêve Derrick.

Et revoilà Murima qui revient me faire péter le cerveau. Elle


claque la porte tellement fort derrière elle que mon cerveau se
met à battre.

‒ Dis-moi que tu n’as pas mis notre fils à la porte.


‒ Je ne l’ai pas mis à la porte.
‒ Dans ce cas pourquoi a-t-il quitté la maison avec ses
affaires ?

Les yeux fermés, je remonte mes doigts sur l’arrête de mon


nez.

‒ Murima, de grâce j’ai mal au crâne.


‒ Tu me prouves encore aujourd’hui que tu ne l’as jamais
aimé.
‒ (Tapant du poing) Je t’interdis de me dire une telle chose.
J’aime ce gosse. Je l’ai élevé. J’ai veillé plus d’une fois à son
chevet lorsqu’il était malade. Je l’aimais trois fois plus que les
autres parce qu’en lui je te voyais. A chaque fois que je
mourrais d’envie de te voir, il me suffisait juste de le regarder
pour m’apaiser le cœur. Je l’aime tu m’entends ?
‒ Dans ce cas continue de l’aimer. Continue d’être son père.
‒ Tu crois peut-être que c’est facile pour moi de vivre tout ça ?
Demandé-je en quittant derrière mon bureau. Toutes ces
disputes ? Cette distance entre lui et moi. Et maintenant ce test
ADN qui vient me bousiller complètement. J’aime Will tu
m’entends. Tout ce que je lui disais, tout ce que je lui faisais,
c’était pour le pousser à quitter le mauvais chemin qu’il avait
choisi d’emprunter. J’avais peur de perdre mon fils. J’avais
peur de perdre le seul en qui je pouvais te voir. J’avais déjà
perdu la femme de ma vie, je ne voulais pas en plus perdre
mon garçon.
Ma voix se fait tremblante. Les émotions me prennent aux
tripes.

‒ Pourquoi m’as-tu trahi de la sorte Murima ? Lui demandé-je


la voix tremblante.
‒ Je ne t’ai pas trahi Derrick, répond-t-elle la voix tremblante
également en s’approchant de moi. William est notre fils à
tous les deux. Le fruit de notre amour. Nous l’avons conçu
cette nuit-là en bordure de mer. Le soir de mon anniversaire.
Regarde-moi Derrick !

Elle m’attrape les joues d’une main. Je lève les yeux et quand
nos regards se soudent je me trouble.

‒ Oublions le test ADN et dis-moi réellement si au plus


profond de toi tu crois que Will n’est pas ton fils.

Je la regarde sans pouvoir répondre. Au fond de moi je n’y


crois pas mais comment douter d’un test fait dans une
Clinique dans laquelle nous nous soignons depuis des années
et par le Docteur de notre famille ? Je suis interrompu dans
mes pensées par un appel.

‒ Derrick WILLAR.
‒ « Bonsoir Monsieur WILLAR. Ici l’Aéroport d’Heathrow.
Comme vous l’aviez demandé, nous tenons à vous avertir que
votre fils William Warisse WILLAR a pris l’avion pour
Birmingham. »
‒ Ok merci.

Je me passe la main sur le visage après avoir raccroché.

‒ Will a quitté la ville pour Birmingham.


‒ Oh mon Dieu il est parti, panique-t-elle en tournant sur elle-
même.
‒ Il reviendra.
‒ QUAND ? Mon fils est parti loin de moi. C’est encore de ta
faute Derrick. Mon Dieu tu es en train de m’éloigner de mon
fils. Il faut que je le retrouve avant qu’il ne s’en aille plus loin.

Elle veut sortir mais je lui attrape le bras.

‒ Où vas-tu ?
‒ Ramener mon fils. Lâche-moi !
‒ Mais tu ne sais même pas où il se trouve. En plus as-tu tous
tes papiers pour prendre l’avion ? As-tu de l’argent ?
‒ J’irai en car ou en train ou par téléportation mais je refuse de
rester ici à attendre qu’il se décide à revenir.
Elle sort et claque encore la porte. Je grince à cause de la
douleur au crâne que cause ce bruit. Je sens que cette femme
va m’obliger à faire quelque chose de stupide.

‒ Fais chier !

Je récupère mes clés et je me lance à sa suite. Elle est déjà


dehors. Je m’y précipite.

‒ Murima reviens, lui ordonné-je en déverrouillant ma voiture.


‒ J’ai dit non Derrick.

Je la rattrape de force.

‒ Tu montes maintenant dans cette voiture. Il n’est pas


question que je te laisse aller chercher notre fils seule.

Son regard s’illumine. Elle opine du chef et monte. Je la


rejoins dans la voiture et nous quittons les lieux. C’est une fois
loin que je me rends compte de la folie que je suis en train de
faire. Je pars en voyage avec mon ex-femme sans que ma
femme n’en soit informée. Murima a le don de me faire faire
des choses auxquelles je ne pense même pas.

*Mona
*LYS
Nous sommes en pleine ville de Birmingham à la recherche de
Will. La localisation de son portable nous conduit vers un bar.
Lorsqu’il a commencé à découcher de la maison fréquemment,
j’ai fait activer dans son portable un GPS qui me permettrait
de le suivre de près. Mais ces derniers mois je ne m’y suis plus
intéressé. J’avais aussi demandé à mes connaissances dans les
Aéroports de m’avertir lorsqu’il sortait du pays ou de la ville.

‒ C’est encore loin ?

Je tourne la tête vers Murima qui ne cesse de se triturer les


doigts. J’ai encore du mal à croire que j’ai tout plaqué sur un
coup de tête pour me retrouver dans une autre ville avec elle.

‒ Nous y sommes. Tu m’attends ici. Je vais le chercher.


‒ Il n’en est pas question.

Elle sort avant même que je ne puisse la retenir. Cette femme !


Elle arrive avant moi devant l’énorme garde posté à l’entrée.

‒ Je veux juste rentrer parler avec mon fils, lui dit-elle avec
insistance.
‒ Désolé Madame vous ne pouvez entrer.
‒ Vous voulez m’empêcher de voir mon fils c’est ça ?
‒ J’ai juste des instructions à respecter.
‒ Non mais c’est n’importe quoi.

Elle essaie d’entrer de force. Il lui agrippe fortement le bras. Je


vois rouge et je fonce sur lui.

‒ Hé tu ne la touches pas !

Je la dégage et d’une prise je le retourne et le plaque contre le


mur.

‒ Plus jamais tu ne poses tes mains sur elle. Nous ne voulons


pas d’embrouille. Nous allons juste rentrer, récupérer notre fils
et ressortir. On est d’accord ?

Il hoche la tête. Je le lâche. Je prends la main de Murima et


nous entrons. Nous parcourons quelques secondes la boite
lorsque nous apercevons Will dans un salon VIP avec des
putes et deux autres jeunes. Murima court vers le salon mais
un autre garde essaie de l’empêcher d’avoir accès au salon.
Elle le dégage de son passage avec virulence. Il essaie de la
retenir de nouveau mais mon regard l’en dissuade. Il recule.

‒ William Warisse WILLAR on rentre, hurle Murima.

Ce dernier à un sursaut lorsqu’il voit sa mère. A voir son


regard on comprend directement qu’il est non seulement saoul,
mais qu’il a aussi consommé de la drogue. Il y en a de fait sur
la table. Murima balance la poudre blanche qu’il tenait.

‒ Maman ?
‒ Oui ta maman. Lève-toi !

Elle le relève par les colles. L’une des putes s’interpose. Elle
retire la main de Murima.

‒ Hé lâchez-le !

Murima lui assène une gifle qui la fait tomber dans le divan.

‒ Ose encore t’interposer entre mon fils et moi. Pute de


pacotille. (A Will) Toi suis-moi !

Elle le trimballe jusqu’à notre voiture. Avant qu’elle ne lui


ouvre la portière il dégueule sur le pneu. Il finit par s’affaler
sur le siège arrière. Une fois à notre hôtel, mère et fils
disparaissent dans la salle de bain de la chambre de Murima.
Je les rejoins. Murima lui verse de l’eau froide dessus.

‒ Maman c’est froid.


‒ La ferme. La prochaine fois que tu consommes encore de la
drogue c’est la pompe que je t’enfoncerai dans la gorge.
Adossé au chambranle de la porte, je souris devant ce manège.
Ça me rappelle une scène il y a plus de Vingt-deux ans entre
Murima et Travon. Il avait joué ce jour-là dans la boue et
quand sa mère l’a vu, elle a aligné plus de dix phrases en
Punu. Elle l’a mise de force dans la baignoire et a versé sur lui
tout ce qu’il y avait comme produit. Ce côté fou d’elle m’avait
fait l’aimer cinq fois plus.

Will a fini par s’endormir. Murima et moi nous nous rendons


dans ma chambre à moi. Elle s’assoit sur mon lit l’air pensive.

‒ Tu vas donc le rejeter définitivement ? Me demande-t-elle le


regard rivé droit devant elle.
‒ Si je voulais le rejeter je ne serais pas ici avec vous,
répondé-je en m’asseyant dans le fauteuil en face. Malgré tout
il reste mon fils.

Elle baisse ses yeux dans les miens.

‒ Il n’y a pas de malgré tout. Il-est-ton-fils. Derrick sur la vie


de nos trois enfants je ne t’ai jamais trompé.
‒ Et ces photos de toi et cet autre que j’avais reçu ?
‒ Je ne sais pas d’où ça sortait mais c’est clair que c’était un
complot. Pour nous séparer. Souviens-toi que beaucoup ne
voulait pas nous voir ensemble, à commencer par ta mère.
‒ Ne la mêle pas à ça.
Elle prend une profonde inspiration. Je la regarde et je veux
lui poser cette question qui m’a toujours brûlé les lèvres.

‒ Pourquoi ? Pourquoi as-tu décidé de détruire notre famille


pour juste de la drogue ? Pourquoi ? Je ne t’avais pas assez
donné d’amour pour te donner une raison valable d’être une
femme clean ? Nos enfants n’étaient pas une raison de tout
arrêter ? Que voulais-tu que je fasse pour te faire changer
définitivement ? Mon amour n’était pas suffisant ? Pourquoi
Murima ? Why ?

Elle se nettoie le visage d'une larme qui lui avait échappée.

‒ Tu ne me croiras peut-être jamais, mais j’étais innocente.

Elle s’essuie une autre larme. J’ai horreur de la voir comme


ça.

‒ Ce jour-là, j’avais tout préparé pour te recevoir avec les


partenaires. J’avais réussi à faire dormir Xandra après l’avoir
nourri. J’étais moi-même prête et la nourriture aussi. J’avais
envoyé Djénéb déposer les garçons chez Daniel et Mélodie
pour le week-end comme c’était prévu. Je finissais de mettre
la petite dans son lit lorsqu’on sonna à la porte. J’ai ouvert
mais il n’y avait personne. Au moment de refermer la porte
j’ai senti quelque chose m’être aspergée dans les yeux. Après
c’était le trou noir. Quand je me suis réveillée j’étais dans le lit
à la clinique. C’est Daniel qui m’a un peu raconté ce qui
s’était passé et j’ai eu quelques flashs. Pour le sac de drogue et
l’arme je n’en sais rien.
‒ Pourquoi te croirais-je ?
‒ Parce que je n’ai plus rien à perdre, hausse-t-elle le ton. J’ai
déjà purgé ma peine et j’ai perdu ma famille. Que peut-il
encore m’arriver à cause de cette histoire ? Je n’avais rien fait
tu m’entends ? Termine-t-elle la voix tremblante.

Elle se nettoie le visage mais ses larmes redoublent.

‒ J’étais heureuse. Je n’avais plus de raison de me droguer. Je


t’aimais comme une folle Derrick. Tu étais ma raison de me
battre chaque jour contre ma dépendance. Pourquoi aurais-je
voulu perdre ce bonheur ? J’avais la famille dont j’ai toujours
rêvé. Toi et nos TROIS enfants. J’ai eu mal quand tu ne m’as
pas cru. J’ai eu profondément mal tu m’entends ?
‒ Et que voulais-tu ? Tu étais dans une mauvaise posture.
‒ Peu importe Derrick, éclate-t-elle en sanglot. Tu devais me
croire. Chaque jour je priais pour que tu reviennes me sortir de
prison. J’avais besoin de toi. Mais tu m’as séparé de mes
enfants. Mes bébés. Pourquoi ?
‒ Tu crois que ça a été facile pour moi de te demander le
divorce ? Haussé-je le ton à mon tour. Je l’ai fait pour protéger
nos enfants. Je ne voulais pas qu’ils soient constamment
stigmatisés parce que leur mère était en prison. Ils allaient en
souffrir. Tu voulais qu’on les pointe du doigt tous les jours de
leur vie ? J’ai aussi souffert Murima. T’as pas idée de ce que
j’ai enduré. Mes partenaires ont tous refusé de signer parce
que j’avais une femme dealeuse. Il m’a fallu glaner encore une
année avant d’avoir de nouveau la confiance de ces
partenaires. Ne viens donc pas me dire que tu as le plus
souffert.
‒ Oui mais ce n’est pas toi qui as vu mourir notre quatrième
bébé, lâche-t-elle avec rage.

***MURIMA

Je vois son visage se décomposer. Il fallait que ça sorte.

‒ Quel bébé ?

Je me lève et marche lentement vers la fenêtre de sa chambre.


Je croise mes bras sur ma poitrine en regardant la ville.

‒ Murima de quel bébé parles-tu ?


‒ J’étais enceinte lorsque je suis allée en prison.
‒ Comment était-ce possible ? Xandra n’avais que huit mois.
‒ Une femme peut de nouveau tomber enceinte à compter de
trois à quatre mois après l’accouchement. Je l’ai su une fois en
prison. Je t’ai écrit plusieurs lettres pour te prévenir. J’ai tenté
de te joindre en vain. Même après l’accouchement je t’ai écrit
pour que tu viennes la chercher. Je ne voulais pas qu’elle reste
en prison. Tu m’as répondu en me signifiant que tu ne te
reconnaissais pas dans la paternité.
‒ Je n’ai jamais dit une chose pareille, répond-t-il en se levant.
‒ BAH C’EST CE QUE J’AI REÇU COMME RÉPONSE,
hurlé-je en lui faisant face. Tu as laissé notre fille mourir à
cause de ta stupide colère.
‒ Je ne savais pas que tu étais enceinte, réplique-t-il le ton
levé. Je n’ai jamais reçu de lettre ni d’appel ni rien du tout.
Jamais je n’aurais laissé mon sang en prison. Jamais. Mon
Dieu je n’arrive pas à le croire.

Ses yeux sont rougis et ses mains tremblantes.

‒ Elle est morte trois jours après sa naissance. Elle n’était pas
dans de bonnes conditions. Tu as laissé mon bébé mourir.
C’est à partir de ce jour que j’ai commencé à te haïr à mon
tour. Jamais je ne te le pardonnerais.
‒ Tu me demandes de te croire lorsque tu me dis que tu étais
innocente mais tu refuses de me croire lorsque je te dis que je
ne savais pas pour la grossesse.

Cette fois il laisse libre cours à ses émotions. Des larmes


s’échappent de ses pupilles.

‒ On parle de mon bébé là Murima. Si j’avais su, j’aurais fait


mains et pieds pour te sortir de prison même si nous étions
divorcés.
Je lui tourne dos ne supportant pas de le voir pleurer et ayant
marre de me montrer si vulnérable devant lui.

‒ Elle avait tes yeux, comme tous les autres. Elle était si belle.
J’ai failli mourir quand elle est morte. Je m’étais tranché les
veines afin de mettre fin à toutes ces souffrances.
Malheureusement, ou heureusement, j’ai été sauvé de justesse.

Ma gorge se noue.

‒ Mon Dieu Derrick pourquoi m’as-tu abandonné ? Il te


suffisait juste de me croire.

Il m’oblige à me retourner. Son visage est trempé de larme,


tout comme moi. Il est tout rouge.

‒ Je te demande pardon Murima. Je te demande pardon de


n’avoir pas été là. Mon Dieu nous avions tous les deux voulu
en finir avec nos vies. Qui aurait pris soin de nos enfants ?
J’avais fait une overdose parce que je m’étais plongé dans
l’alcool. C’est Travon qui m’a trouvé et appelé Daniel. Je
regrette tellement tout ce qui s’est passé.
‒ Pourquoi tout ce mal hein ? Qu’est-il arrivé à notre famille ?
Pourquoi tous ces drames ? Je n’ai pas voulu t’humilier ce
jour-là. Je te jure sur mon amour pour toi que je n’ai pas pris
volontairement la drogue et je n’étais la complice d’aucun
gang. Tu peux lire la vérité dans mes yeux Derrick. Tu as
toujours su quand je te mentais et quand je te disais la vérité.
Crois-moi je t’en prie.

Il glisse ses mains sur mes joues. Ses yeux laissent filtrer une
émotion fugace. Son regard est plein de douceur mais surtout
de regret.

‒ Je te crois mon amour. Un peu trop tard mais je te crois.


‒ Crois-moi donc quand je te dis que Will est ton fils. Tu as
été mon seul et unique homme. Toute ma vie je n’ai désiré que
toi. Rien que toi Ricky.

Il se jette sur mes lèvres. Je sens un feu d’artifice éclater dans


tout mon être.

‒ Derrick !
‒ Chuuttt !!! Oublions tout ce qui nous éloigne cette nuit.
Oublions tout.

Sa voix masculine, grave et profonde coule comme un baume


apaisant sur mon cœur brisé. J’en ressens même des frissons.
Il reprend le baiser avec plus de fougue cette fois. Un frisson
recouvre tout mon corps en faisant redresser les poils de ma
peau. En un clin d’œil il fait tomber ma robe à mes pieds. Mon
soutien suit le même chemin. Ça me rend toute chose de me
retrouver de nouveau nue devant lui après Vingt-deux ans. Je
maîtrise tant bien que mal mes émotions qui veulent me
submerger. Avec mes doigts tremblants je déboutonne sa
chemise pendant que nos lèvres continuent de se savourer. Je
baisse mes yeux sur son corps d’apollon.

‒ Tu… tu ne l’as pas fait effacer ? Lui demandé-je en glissant


mes doigts sur mon nom tatoué sous son sein gauche.
‒ Comment l’aurais-je pu ? J’ai gardé jalousement tout ce qui
pouvait me garder proche de toi.

Devant son corps d’apollon mon excitation décuple et je n’ai


qu'une seule envie. Qu’il me fasse sienne. Comme s'il avait lu
dans mes pensées il me fait allonger sur le lit, nos lèvres de
nouveau scellées. Il continue ses baisers dans mon cou, sur
mes épaules. Et quand il harpe mon sein je me surprends à
lâcher un cri de plaisir. Il continue son supplice sur le
deuxième avant de descendre sur mon ventre. Il m’inflige la
douce torture de ses caresses.

‒ Quatre maternités et ton corps est toujours aussi magnifique


Murimami.
‒ Ricky ! Balbutié-je au comble de l’excitation.

Quand ses lèvres se referment sur mes lèvres intimes je suis


vrillée de partout par un orgasme terrible. Je suis obligée
d’étouffer mon cri avec un coussin. Il continue son supplice.
Je fais un effort surhumain pour respirer normalement. Derrick
ne me laisse pas aller au bout de ma jouissance qu'il me
possède.

‒ Ricky !!!!! hurlé-je en sombrant dans un océan de délice.


‒ Regarde-moi mon cœur.

J'obéis. Ce que je lis dans ses yeux me ramène une vingtaine


d’années en arrière quand tout était beau et chic. Il commence
à bouger et je commence à perdre la tête. Cet homme me
plonge dans un tel état d’ivresse et d’abandon. Mon corps
avait envie de lui. Il avait besoin de lui. Vingt-deux ans
d’abstinence. J’étais vraiment en manque. Mais plus en
manque de lui.

‒ Je t'aime Murimami.
‒ Je t'aime Ricky.

Mes ongles s’enfoncent dans sa chair. C’est plus fort que moi.
Je n'avais pas prévu qu'une telle chose arrive. Je n'aurais
d’ailleurs jamais cru cela possible. Je sais que tout nous
sépare. Nous ne pouvons plus être ensemble parce que
beaucoup de chose ont changé. Mais cette nuit, je veux juste
un peu de tendresse dans ma vie. Un peu d'amour, un peu de
calme avant une autre tempête. Je veux un peu du seul homme
que j'ai jamais aimé avant qu'une autre le prenne à jamais. Je
veux tout oublier de la souffrance que j’ai vécu avant que le
jour ne se lève et que tout ne me revienne à la figure.
17

***PETRA

‒ Comment peux-tu me manquer de respect de la sorte


Derrick ? Lui crié-je dessus au téléphone. Disparaitre de la
sorte avec une autre femme dans une autre ville sans même
avoir l’audace de me prévenir. Ça fait deux jours que je suis
sans nouvelle.
‒ « Je suis désolé. »
‒ JE SUIS TA FEMME PUTAIN.
‒ « Nous devions retrouver Will avant qu’il ne fasse une
bêtise. »
‒ La bêtise c’est moi qui la ferais si je ne te vois dans les
prochaines 24h.

Je raccroche avec rage et je balance mon portable contre le


mur. Non mais cet homme se fout de qui ? Oser me traiter de
la sorte pour cette garce ? C’est plus que je ne peux accepter.
Ils vont tous les deux me le payer. Depuis que cette femme est
là, Derrick n’a plus de temps ni d’attention pour moi. Chaque
heure, chaque seconde, chaque minute, c’est Murima par-ci,
Murima par-là. Il n’y en a que pour elle. Il faut qu’elle quitte
cette maison. Je me rends dans sa chambre. Je la parcours du
regard à la recherche de je ne sais quoi. Cette femme m’énerve
tout simplement. Tout allait pour le mieux quand elle était en
prison. Derrick me cédait tout. J’étais sa priorité après ses
enfants. Mais maintenant tout a changé. Je hais cette femme.
Je remarque un cadre photo au chevet de son lit. Je le prends.
C’est une photo d’elle, des enfants et Derrick. Alexandra était
encore bébé. Les voir si heureux sur cette photo me met
encore plus en rogne.

‒ Je vais te faire regretter ta venue dans cette maison Murima.

J’entreprends de jeter le cadre par terre lorsqu’une main me


l’arrache.

‒ Que fais-tu dans cette chambre ? Me demande Imelda d’un


ton injurieux.
‒ De quoi je me mêle ?

Elle repose le cadre photo.

‒ Tout ce qui concerne ma belle-mère me concerne. Tu n’as


aucun droit d’être ici.
‒ Au cas où ton cerveau aurait saturé, laisse-moi te rappeler
que cette maison est la mienne.
‒ Elle est celle de M. Derrick, nuance.
‒ Je déteste ta condescendance.
‒ Et moi je déteste que tu veuilles à chaque instant chercher
des noises à la mère de mon mari. Sors de cette chambre
maintenant.

Nous nous jaugeons du regard. Je crois que je dois régler son


compte à cette garce aussi. En fait je dois régler le compte de
tous ceux qui feront alliance avec Murima. Je sors de la
chambre en prenant le soin de lui cogner l’épaule. J’appelle
mon nouvel associé qui me donne rendez-vous dans sa
chambre d’hôtel.

Je fais comprendre ma colère par le bruit assourdissant que je


fais avec la porte quand je la claque.

‒ Oulaa tu es énervée dis-donc, remarque-t-il.


‒ Oui, confirmé-je en jetant mon sac à main dans le fauteuil.
Ça fait deux jours qu’ils sont tous les deux je ne sais où et
Dieu seul sait ce qu’il se passe là-bas.
‒ Du calme ma douce, dit-il sereinement en éjectant la fumée
de son cigare. Peu importe ce qu’ils y font. Jamais ils ne
seront ensemble. C’est pour ça que nous sommes ensemble
n’est-ce pas ?
‒ Je le sais mais ça me fout les boules qu’ils fricotent
ensemble.
‒ Ne fais pas la femme amoureuse. Nous savons tous les deux
que celui que tu aimes c’est William.
‒ Ce ne sont pas tes oignons.
Il marche lentement vers moi.

‒ Tu sais, à défaut d’avoir le père ou le fils, tu peux m’avoir


moi.

Il pose des baisers dans mon cou. Sa main descend sur mon
fessier qu’il presse.

‒ Tu es une belle femme. Derrick ne sait pas la chance qu’il a.

Il me fait retourner contre le mur, descend mon dessous et me


pénètre d’un seul coup.

‒ Oh !
‒ C’est ça gémis ma belle.

***DERRICK

‒ Ok à plus fiston.
‒ « A plus papa. »

Je raccroche avec Travon au même moment que Murima sort


de la salle de bain toute habillée. Je la dévore littéralement du
regard. Cette femme est magnifique malgré tout ce qu’elle a
traversé en prison.

‒ Tu as eu des nouvelles de Xandra ? Me demande-t-elle en


mettant ses boucles.
‒ Oui. Travon m’a rassuré qu’elle va mieux. Elle s’est remise
à parler.
‒ Dieu merci. On devrait aller voir Will. Il doit être
maintenant habillé.

Elle ne fait qu’éviter mon regard. Je la retiens avant qu’elle


n’ouvre la porte.

‒ Murima, l’appelé-je en l’obligeant à me regarder. Je ne


regrette pas notre nuit. Je ne regrette rien de ce que je t’ai dit.
Je t’aime.
‒ Moi aussi Derrick. Je ne regrette rien. Mais il fait jour et la
réalité est là. Toi et moi ne pouvons être ensemble. Tu es
marié et moi je dois encore me faire accepter par mes deux
autres enfants.

Elle se libère de mon emprise et sort. Bien que douloureux,


elle a raison. Il y a trop de chose qui nous obligent à rester loin
l’un de l’autre. Je la rejoins dans la chambre d’à côté. Will est
assis sur le lit, tout habillé. Je m’assoie près de Murima dans
le divan.
‒ Salut fiston.
‒ Bonjour Derrick, répond-t-il avec désinvolture.
‒ Je sais que tu ne me considère plus vraiment comme ton
père, et c’est entièrement ma faute. L’une des raisons qui
m’ont poussé à être sévère avec toi, c’est que j’avais peur de te
perdre comme j’avais perdu ta mère.

Je regarde celle-ci. Elle baisse la tête.

‒ Tu ne l’avais pas perdu. Tu l’avais simplement abandonné.


C’est de ta faute si nous avons grandi sans la connaitre.
‒ Oui et je le regrette amèrement. J’ai fait une erreur de
jugement et c’est toute la famille qui l’a payé. Seulement
voilà, je suis prêt à tout réparer.
‒ Tu ne peux rien réparer. Tu ne peux effacer ces Vingt-deux
dernières années. Elle a souffert et moi aussi. Combien de fois
tu as laissé Mamie la traiter de sale négresse et toxico devant
nous ? Tu m’as aussi fait souffrir avec ton rejet.
‒ Et je te demande pardon fiston.

Je mets un genou par terre.

‒ Je vous demande pardon à tous les deux. Laisse-moi être ton


père.
‒ Lève-toi s’il te plaît, me demande-t-il l’émotion dans la
voix. Je ne peux accepter que tu t’humilies devant moi. Tu
restes malgré tout mon père. Enfin, toi tu crois que tu ne l’es
pas.

Je m’assois près de lui sur lit.

‒ Encore une erreur que j’ai commise. Je sais que tu es mon


sang. A bat le test ADN. Tu es mon fils ok ? Et je veux
resserrer nos liens. Je veux que nous redevenions comme
avant. Complices. Je veux être ton meilleur ami. Je veux être
de nouveau ton Daddy chou. Tu t’en souviens. C’est ainsi que
tu m’appelais.

Une larme glisse sur sa joue. Il l’essuie.

‒ Je t’aime Warisse. Je suis d’accord pour ton atelier de


peinture. Je ferai tout ce que tu veux.
‒ Je veux que tu interdises à Mamie de dire du mal de maman.
‒ Je le ferai.
‒ Je veux qu’on refasse le test ADN.
‒ Ça n’en vaut plus la peine. Tu es mon fils.
‒ Il y aura toujours un doute qui planera si on ne le refait pas.
‒ Ok. On le refera ici afin d’être certain qu’il n’y aura pas
encore d’erreur. Alors… on fait la paix ?

Il regarde sa mère.
‒ Accepte s’il te plaît chéri, lui dit-elle. Tu ne peux pas
continuer à être loin de ton père.
‒ Pourquoi veux-tu que je lui pardonne après tout le mal qu’il
t’a fait ?
‒ Parce que notre famille a besoin d’être unie. Nourrir la
haine, tout ça, ça ne nous mène à rien. Regarde la famille,
c’est de cette famille que tu as toujours rêvé ? Toi et Travon
qui était ton meilleur ami, vous êtes distants. Tout ça à cause
des disputes incessantes. Je veux que tous mes enfants soient
inséparables.

Elle marque une pause.

‒ Ton père, tout comme moi, avions été piégé. Quelqu’un a


tout manigancé dans le seul but de nous séparer.
‒ Et c’est bien réussi.
‒ Je sais, mais la relation entre ton père et moi ne doit pas
dépeindre sur vous.
‒ Je suis certains que c’est Mamie.
‒ Ça ne sert plus à rien de chercher le coupable. Ce qui est fait
est fait. Allons de l’avant.

Il se passe la main sur le visage. Nous le regardons à l’attente


d’une réponse. Il se nettoie de nouveau les yeux.
‒ Ok. On repart sur de nouvelles bases.

Je l’attire dans mes bras et le serre très fort. Il répond à mon


étreinte. Ça faisait des lustres que je n’avais pas pris mon fils
dans mes bras. L’émotion me prend aux tripes. Son corps est
pris de tremblement.

‒ Je t’aime fiston.
‒ Je t’aime aussi papa.

Je me sépare légèrement de lui. Je prends sa tête en coupe et la


colle à la mienne.

‒ C’est toi et moi ensemble maintenant. Ok ?


‒ Ok.

Je lui pose un baiser sur le front. Du bout des doigts je lui


nettoie le visage de l’arme.

‒ Alors par quoi commence-t-on pour ton atelier ?

Il sourit.
‒ A propos, je dois participer à une exposition. C’est au fait ça
la raison principale de ma venue ici mais j’ai voulu encore
rester longtemps histoire d’être loin.
‒ Ok on viendra y assister. Je veux voir tes œuvres.
‒ Ça marche. Mais je dois y aller maintenant pour m’installer.
Je vous ferai signe quand tout sera prêt.
‒ Bien.

Il sort du lit, part s’accroupir devant sa mère qui n’a pas bougé
de sa place.

‒ T’as pas idée de la joie qui m’anime de te savoir en vie


maman.
‒ Oui et c’est pour quoi tu as voulu t’éloigner de moi ?
‒ Je te demande pardon. J’avais besoin d’une pause. Tu me
pardonnes ?
‒ Comment ne pas ? Lui dit-elle en lui caressant la joue. J’ai
tellement rêvé de ce moment. Je te prie de ne pas tout gâcher
en retouchant à la drogue.
‒ Maintenant que j’ai mes deux parents à mes côtés, je n’ai
plus aucune raison d’en toucher. Je te promets maman.
‒ Viens-là.

Ils s’étreignent avec émotions. J’en profite pour appeler une


clinique que j’ai déjà fréquenté pour qu’on vienne nous
prendre nos échantillons.
Une heure de temps après la prise d’échantillon et le départ de
Will, Murima et moi déjeunons dans un restaurant de la ville
non loin du lieu de l’exposition. Je ne cesse de regarder
Murima. Notre nuit danse encore sous mes yeux. Comme j’ai
adoré être en elle, l’entendre gémir, l’entendre gémir mon nom
et ressentir ses ongles dans ma chair. Je brûle encore d’envie
pour elle.

‒ Cesse de me dévisager de la sorte Derrick.

Je baisse les yeux sur mon plat.

‒ Dis, si ce que tu m’as raconté s’est réellement passé, ne


penses-tu pas que nous devrions découvrir qui était derrière
tout ça ?
‒ J’y ai pensé Derrick. Mais ça serait une perte de temps et
d’énergie. Si je dois passer le temps à trouver le coupable, le
temps que je dois passer à récupérer mes enfants réduira.
Passons à autre chose. En plus je pense que ce doit être Josky
ou ta mère. Si tu n’as reçu aucune de mes lettres lorsque j’étais
en prison c’est qu’elle a dû les réceptionner.
‒ J’ai discuté avec elle lorsque tu étais sous la douche et elle
m’a assuré n’avoir jamais vu de lettre non plus. Comme tu l’as
dit, passons à autre chose puisque c’est le passé. Et…

Je lui prends la main.


‒ On dira tout à Travon et Xandra une fois que celle-ci sera
rétablie. Elle a été un peu top secouée. Ils me détesteront mais
ça finira par passera.
‒ Ok. Et il n’y a pas que ça. Tu dois resserrer les liens de la
famille. Depuis que je suis là, jamais je ne vous ai vu tous
passer du temps ensemble en dehors des diners. Te souviens-
tu que le petit salon était censé être le salon familial où passer
du temps à parler de tout et n’importe quoi ? L’avez-vous déjà
fait ne serait-ce qu’une seule fois ? Juste t’asseoir avec les
enfants et les écouter te raconter leurs journées ? Avez-vous
déjà eu des moments de détente hors de la maison ? Des diners
en ville ? Des sorties à la plage ? Dans des coins de détentes ?
‒ Je reconnais que non. J’étais très occupé à les mettre à l’abri
de tout besoin. J’ai privilégié l’argent au détriment de ces
petits moments. Je te promets d’y remédier. Surtout
maintenant que tu es là.

Elle retire sa main.

‒ N’oublie pas que tu es marié Derrick.

Elle a raison. Je zappe à chaque fois ce détail. Will m’envoie


un message.

‒ Nous pouvons y aller maintenant.


Je règle la note et nous nous mettons en route. Nous
retrouvons William expliquant ses toiles à deux hommes. Je
suis fasciné par ce que je vois. Je ne m’attendais pas à voir de
telles merveilles en venant ici.

‒ C’est… wahoo !! M’exclamé-je sur le cul.


‒ Il est fort hein notre bébé ?
‒ Je l’avoue, oui.

Will conclu une affaire et vient vers nous. Je le prends dans


mes bras sans hésiter.

‒ Je suis fier de toi fiston.


‒ Merci papa.
‒ Elles sont magnifiques ces femmes Africaines. Elles me font
toutes penser à ta mère.
‒ C’est le but, sourit-il en attirant sa mère contre lui.
‒ Je vais t’en prendre deux.
‒ Vraiment ?
‒ Bien évidemment. Si la famille ne te soutient pas en premier
qui le fera ?
‒ Dans ce cas pour toi ce sera un double tarif.
‒ Je triple le tarif.
‒ Par quatre alors ?
‒ Non n’abuse pas.
Nous nous tapons dans la main et terminons par une accolade.
Murima est très heureuse. Je l’incite à nous rejoindre. Je pose
un baiser sur son front. Cette femme m’a toujours porté
chance. Il a suffi qu’elle revienne pour tout arranger entre mon
garçon et moi. Je ne cesserai jamais de l’aimer.

***IMELDA

Je suis toute heureuse après ma conversation téléphonique


avec ma belle-mère. Enfin Will et son père ont enterré la
hache de guerre.

‒ Qu’est-ce qui te fait autant sourire ? Demande Travon qui


sort de la salle de bain tout mouillé.
‒ La réconciliation entre ton père et ton frère, dis-je en allant
me blottir contre lui.
‒ C’est une excellente nouvelle.

Je le laisse se vêtir.

‒ Dis, tu crois en cette histoire d’ADN ? Me demande-t-il.


‒ Même pas. Je pense qu’il y a dû avoir une erreur.
‒ J’ai été surpris d’apprendre que mon père était allé avec
Murima à la recherche de Will. Ça m'a intrigué.
‒ Pourquoi ?
‒ Bon, elle est juste la gouvernante. Je ne comprends donc pas
son implication dans les problèmes de la famille. Je n’ai
absolument rien contre elle mais ça m’intrigue.

Je récupère le peigne et lui peigne les cheveux.

‒ Il n'y a rien d'intriguant. Elle vous a juste adopté comme ses


enfants. Elle n'a pas eu une vie facile tu sais. Elle a été
injustement séparée de ses enfants. Je crois donc qu'elle fait
une sorte de transfert sur vous. Mais avoue que ça te plaît
qu'elle se comporte comme une mère avec toi.
‒ Oui je l'avoue. C’est plaisant.
‒ Ce doit être aussi le cas de Will raison pour laquelle elle
s'est rendue à Birmingham.
‒ Sans doute.
‒ Bon ça suffit. Il est l'heure du dîner.

Je pose le peigne sur ma coiffeuse.

‒ Et si on prenait un premier dîner ici ?

Il m'attire contre lui et glisse sa main sous ma robe.

‒ Non chéri. Je meurs de faim.


‒ Allez ! Laisse-toi faire !
Il essaie de me retenir mais je m’échappe de force en riant.

‒ Non M. WILLAR. Descendons dîner.


‒ Je t'aurais, sois-en sûre.
‒ Je sais.

Arrivés à la salle à manger, c’est avec surprise que je trouve


l'ancienne assistante de mon mari attablée avec Pétra et Dame
WILLAR. Je me retourne vers mon mari.

‒ Tu savais qu'elle dinerait avec nous ?


‒ Pas du tout. Attends je règle ça.
‒ Non laisse, je m'en occupe.

Je me retourne vers les femmes.

‒ Bonsoir ! Salué-je Debby. Que nous vaut cette visite


surprise ?

Elle regarde Pétra et Dame WILLA.

‒ Ça ne se voit pas qu'elle est venue dîner et passer la nuit ici ?


Me répond effrontément Dame WILLAR.
Je fixe la fille sans m'occuper de l'autre vieille.

‒ Merci de bien vouloir quitter cette maison parce que tu n'as


reçu ni ma permission ni celle de mon mari pour t’inviter ici.
‒ Non elle ne bougera pas d'ici, continue la vielle. Elle est
mon invité.

Travon passe sa main sur ma taille.

‒ Mamie ça ne se fait pas de prendre de telle décision en ayant


conscience de la présence de ma femme.
‒ Ta femme, je n'ai que faire. On parle ici de la femme qui
porte ton enfant Travon.

Il veut parler, je l’interromps.

‒ Pour votre gouverne, Dame WILLAR et compagnie, JE


porte aussi l'enfant de mon mari.

Elles froncent toutes les sourcils.

‒ Oui je suis enceinte. Mais peu importe. Même si je ne l’étais


pas, jamais je n’accepterais qu'une femme qui a eu une
aventure avec mon mari vienne me narguer sous mon toit.
‒ Ton toit ? Intervient Pétra. Ici c’est chez moi et tu ne peux
pas la mettre dehors parce qu’elle est aussi mon invité.
‒ Tu es la maîtresse des lieux, je n'en disconviens pas.
Seulement, tout ce qui touche mon ménage me concerne
directement, donc ni toi ni ta belle-mère n'avez droit à une
quelconque décision.

Dame WILLAR tape du poing.

‒ Travon est mon petit fils et j’ai des droits de décision dans sa
vie, hausse-t-elle le ton.
‒ Et il est mon mari donc je suis plus habilitée à prendre des
décisions pour lui, lui répondé-je sur le même ton. Assez
bavardé, (à l'autre) sors de cette maison immédiatement.
‒ Vous n’êtes pas celle qui m'a invité, me lance-t-elle avec
défi.

Travon veut répliquer. Je l'en empêche encore une fois. Je


m’approche doucement de la fille.

‒ Tu crois que parce que tu portes l’enfant de mon mari ça te


donne un quelconque droit ou même certains avantages ? Non
ma belle. Tu ne seras jamais rien dans cette famille. Si tu ne
veux pas te retrouver pour la deuxième fois mère célibataire tu
as intérêt à me craindre. Le fait d’être enceinte ne te donne
aucun droit sur mon homme. Aucun. Tu es juste une erreur de
parcours. Alors tu vas lever tes fesses de cette chaise et
dégager de cette maison avant que je ne le fasse moi-même.
Son regard vacille.

‒ Travon tu vas la laisser parler ainsi à la mère de ton enfant ?

Travon reste silencieux. Je fixe toujours l'autre fille. Vu que


Travon se rangeait de mon côté elle n'a donc pas d'autre choix
que de se lever.

‒ Je suis enceinte et mon enfant a aussi besoin de son père.


‒ Oui, il aura droit à son père, mais une fois né. Pour l’instant
il a juste besoin de sa mère. Et… dorénavant…

Je prends un post-it posé dans un coin de la salle à manger et y


marque mon numéro. Je reviens devant elle et lui tend la
feuille.

‒ Tu m’appelles moi pour tous tes besoins en rapport avec la


grossesse. Plus jamais tu n’appelles mon mari à des heures
tardives pour te plaindre de je ne sais quoi. Il est un homme
marié et tu dois le respecter. Si ton unique préoccupation c’est
d’accoucher dans de bonnes conditions, ça ne devrait pas te
déranger que ce soit moi qui m’occupe de toi. Pour les
échographies, nous irons tous les trois. (Je souris) Ce serait
amusant non ? Tu m'auras tellement dans tes pattes que tu
seras pressée d’accoucher pour nous remettre l'enfant et
disparaître. Et crois-moi que cette expérience t’enlèvera tout
goût de courir derrière le mari d’une autre.

Ses yeux de remplissent de larme. Son regard passe de moi à


Travon qui ne bronche toujours pas. Elle récupère le bout de
papier de ma main et sort.

‒ Aurelle ma belle, fais monter mon dîner dans ma chambre


s’il te plaît.
‒ Oui Madame !

Dame WILLAR se met à vociférer. Je sors à mon tour de la


pièce la laissant se disputer avec son petit fils. Arrivée aux bas
des escaliers, je suis retenue par Pétra. Elle est furieuse.

‒ C’est la dernière fois que tu me contredis dans ma maison.


‒ Et toi c’est la dernière fois que tu mets tes pattes dans les
histoires de mon couple.
‒ C’est chez moi ici.
‒ Le nom de mon mari figure sur les papiers de cette maison
donc c’est aussi chez moi. Que chacune gère son ménage.
‒ Oh parce qu’être de mèche avec Murima c’est gérer ton
ménage ?
‒ Il s'agit de ma belle-mère. Ma-belle-mère.
‒ J’aimerais bien voir comment réagirais ton mari en
apprenant que tu lui as caché l’existence de sa mère.
‒ Tu peux aller le lui dire si tu le veux. Il est juste à côté. Il
sera peut-être en colère mais ne divorcera pas pour autant. Tu
devrais plutôt te soucier de ce qui se passe là-bas à
Birmingham entre TON mari et son ex-femme. Un ancien
couple, seul ensemble dans un hôtel, humm va savoir ce qui
s'est passé ces deux dernières nuits. Comme on le dit chez
nous en Afrique : Mudji wulu aré tambi na wubangue.
Traduction : Ancien feu se rallume très vite.

Je me rapproche beaucoup plus d'elle.

‒ Il suffit juste d'une étincelle. Et l’étincelle, nous savons


toutes les deux qu'ils l'ont déjà. Bonne nuit, Madame
WILLAR.

Je monte les marches encore plus forte. Qu’elle parte dormir


avec ça. Ça l’occupera un peu.
18

***MURIMA

De l’Aéroport nous nous rendons directement à la clinique.


C’est aujourd’hui que Xandra sort. Elle continuera sa
convalescence à la maison. Tiger séjourne en ce moment en
prison. J’espère qu’il y restera assez longtemps. Nous
retrouvons le reste de la famille dans la chambre. Imelda vient
m’embrasser en affichant un grand sourire.

‒ Je suis heureuse de te voir, me dit-elle.


‒ Moi aussi ma chérie. Tout s’est bien passé ici ?
‒ Oh t’inquiète, j’ai géré tout ce qui n’allait pas.
‒ C’est bien.

Xandra est installée dans un fauteuil roulant. C’est Travon qui


la conduit jusqu’à la voiture et l’aide à s’y installer. Nous nous
départageons dans les autres voitures. Je monte avec Imelda.
Je suis heureuse que ma fille aille bien. Elle n’est pas encore
rétablie mais elle a plutôt bonne mine. Durant le trajet, Imelda
me raconte ce que j’ai raté en mon absence. Je vois que Pétra
s’est aussi donnée pour mission de s’en prendre à ma belle-
fille. Je vais bien finir par lui régler son compte. Une fois à la
maison, je concocte à Xandra son plat préféré que je lui
apporte.

‒ Tiens ça ma chérie. Mange pour vite te remettre sur pieds.


‒ Tu peux retourner avec. Je n’en veux rien qui vienne de toi.
‒ Qu’ai-je fait ?
‒ Tout. Tu portes la poisse. Depuis que tu es dans cette maison
il ne s’enchaine que des tragédies. C’est toi qui m’as laissé
partir avec Tiger plutôt que de me retenir. Sors tout de suite de
ma chambre, sale sorcière.

Je prends sur moi ses propos qui me font mal au plus profond
de moi. Mais je sais qu’elle a mal.

‒ Déteste-moi mais pour ta santé mange ton repas.

Quand je sors de sa chambre, je tombe sur Derrick. Je crois


qu’il a tout entendu.

‒ Ne t’inquiète pas, ça va lui passer.


‒ Je l’espère.
‒ Tu viens avec moi s’il te plaît ?
‒ Où ?
‒ Viens !
Il me prend la main. Je me laisse guider par lui. Nous nous
rendons aux bas des escaliers, précisément devant cette pièce
interdite d’accès.

‒ Que faisons-nous là Derrick ?

Il ouvre la porte. A mon premier pas je me fige sur place.

‒ Derrick ! Chuchoté-je avec grande surprise.

Il me fait entrer et referme derrière nous. Mes yeux se


promènent dans toute la pièce. Il y a nos anciennes affaires. Ce
qui avait été autrefois notre lit conjugal, ce lit sur lequel nous
avons conçu nos trois enfants. Nos photos de mariage
encadrées. Notre album photo posé sur une table. Il y a aussi
d’autres objets qui nous étaient précieux dans le passé.

‒ Tu as gardé tout ça ? Tout ce temps ? Vingt-deux ans


Derrick.
‒ Oui. Je n’avais pas eu assez de volonté de m’en débarrasser.
Tout ça nous était précieux. J’avais besoin de te garder près de
moi et tout ça… ça me faisait te sentir proche. Chaque soir je
venais m’y enfermer et revivre tous nos moments. Je ne t’ai
jamais oublié Murima.

Tout ça, ça me fait me sentir morose. J’ai envie de pleurer.


Tous ces objets me ramènent en arrière. Trop de beaux
souvenirs. De beaux souvenirs qui sont en même temps
douloureux. Je feuillette notre album de mariage. Nous étions
tellement heureux. Un petit mariage mais qui était magnifique
pour nous. Il y a aussi mes bijoux et quelques robes à moi.
Celles que Derrick aimait plus que les autres.

‒ Regarde !

Je me retourne et avec stupéfaction je regarde ce qu’il tient.

‒ Mon alliance !

Je la prends. Elle est toujours intacte. J’ai du mal à le croire. Je


lève les yeux larmoyants vers Derrick.

‒ Derrick !

Il prend ma tête en coupe.

‒ Je ne t’ai jamais oublié. Je pensais à toi nuit et jour. Je


t’aime tellement tu n’as pas idée.

Il capture mes lèvres, éparpillant un brasier en moi. Il me hisse


sur la table et se glisse entre mes jambes. Ses mains se
faufilent sous ma jupe. Je le repousse lorsque ses doigts
touchent ma féminité.
‒ Ricky non arrête.
‒ J’ai envie de me perdre encore en toi.
‒ Arrête je t’en prie !

Il s’exécute.

‒ Je ne veux pas jouer le rôle de maitresse. Ça ne fait pas


partie de mes principes.
‒ Demande-moi de divorcer et je le ferais.
‒ Je ne suis pas ce genre de femme et tu le sais. Je refuse de
faire à une femme ce que je ne voudrais pas qu’on me fasse.
J’ai déjà couché avec toi, ce qui est mal. Je ne vais donc pas
en rajouter. Le mieux c’est que nous restions juste les parents
des enfants. Evitons de plus compliquer les choses. S’il te
plaît.

Je le repousse légèrement. Je mets de l’ordre dans ma tenue.

‒ Tu peux garder la bague. Elle t’appartient.


‒ Ok. Merci !

Je marche vers la porte.

‒ Je t’aime Murima.
Je me tourne vers lui.

‒ Je t’aime aussi Derrick, lui dis-je l’émotion dans la voix.


Mais c’est derrière nous maintenant. C’est le passé.

Je sors et referme derrière moi. Je reste adossée à la porte.


Fixant ma bague, je ne peux plus retenir mes émotions. C’est
si dur d’aimer une personne et de ne pouvoir être avec elle.
Tellement dur.

***ALEXANDRA

J’ai gâché ma vie. Elle n’a plus de sens. Déjà à Vingt-deux ans
je n’ai plus la possibilité de faire des enfants. Je rêvais d’en
avoir assez pourtant. J’ai toujours rêvé d’une grande famille.
Cinq à six enfants avec l’homme de ma vie. J’ai cru un
moment que ça serait avec Tiger, mais je me suis bien leurrée.
Je le déteste aujourd’hui autant que je l’ai aimé. J’ai bêtement
cru qu’il m’aimait pourtant lui il était prêt à me buter aussi
facilement. Il n’a pas hésité un seul instant à me malmener.
Comment j’ai pu tout ce temps accepter ses coups ? On
m’avait prévenu pourtant. Quelle belle conne j’ai fait !

Je me déteste tellement. Je n’en fais qu’à ma tête et


aujourd’hui j’en paye le prix fort. Maintenant je ne sais plus
quoi faire de ma vie. Avant je l’avais défini par ma relation
avec Tiger. Aujourd’hui je suis blasée. Mes études ne
m’intéressent plus. Je n’ai plus la tête à quoi que ce soit. Je
veux mourir pour faire passer cette douleur qui me comprime
la poitrine depuis ce jour fatidique.

Des coups sont frappés sur ma porte. Avant que je n’aie le


temps de répondre, la porte s’ouvre sur Samy. Oh non pas lui !
Depuis que je l’évite il faut qu’il s’impose. J’évite de le
regarder dans les yeux. Je remonte plutôt le drap sur moi.

‒ Salut toi ! Salut-il en glissant ses mains dans ses poches.


‒ Qu’est-ce que tu n’as pas compris dans je ne veux pas te
voir ?
‒ Il faut pourtant que nous parlions. Au fait, je ne suis pas
venu parler de ça.

Il s’assoit sur le rebord du lit près de moi.

‒ Xandra !

Il essaie de me prendre la main. Je la déplace.

‒ Xandra. Je suis désolé pour ce qui t’es arrivé. Je veux que tu


saches que je suis là pour toi. Et depuis cette nuit-là je me suis
rendu compte que…
‒ J’ai dit que je n’avais pas envie...
‒ Que je suis amoureux de toi.
Je déglutis. Il m’oblige à le regarder et plonge un regard
sincère dans le mien.

‒ Je me suis rendu compte que toutes ces années j’étais


amoureux de toi mais je le mettais sur le compte de l’amitié.
‒ Tu n’as pas le droit de me dire une telle chose, réussis-je à
dire la voix tremblante. Tu as une copine.
‒ Je sais. J’en suis le premier troublé parce que pour moi tu as
toujours été une petite sœur. Mais là tout chamboule après
cette soirée. J’ai bien réfléchi et j’en suis arrivé à penser qu’on
devrait peut-être essayer tous les deux.
‒ Quoi ? Mais tu as perdu la raison ?
‒ Ça peut sembler fou mais je ne me crois pas capable de vivre
sans toi à mes côtés. Pas seulement entant que meilleure amie,
mais bien plus. Je t’aime Xandra.

Ses paroles me troublent fortement. Tout se mélange en moi.


Son regard insistant m’intimide.

‒ Je crois que tu devrais t’en aller Samy.


‒ Je sens que mes sentiments sont réciproques.
‒ Vas-t-en !
‒ Ok.
Il se penche vers moi dans le but de m’embrasser mais je
détourne la tête. Il me retourne la tête de force en me tenant
les joues de sa main et il capture mes lèvres. Mon corps
tremble de frisson. Il s’éloigne.

‒ Je te laisse réfléchir.

Il pose un dernier baiser sur mon front. De nouveau seule, je


suis hantée par ses révélations. J’en suis troublée parce que je
crois que moi aussi j’ai des sentiments. Cette nuit a changé
quelque chose en moi. Je pense constamment à lui. Même
pendant mon séjour à la clinique, je ne voulais que le voir lui,
être dans ses bras. Mais à chaque fois qu’il entrait dans ma
chambre je faisais semblant de dormir jusqu’à ce qu’il reparte.
Il m’a manqué tout ce temps. C’est fou de tomber amoureuse
de son meilleur ami.

Je suis de nouveau importunée par des coups sur ma porte.

‒ Coucou ma princesse.

Mon grand frère Will me rejoint sur le lit et me baise le front.

‒ Ça va toi ?
‒ Oui.
‒ Tu sais qu’il fait beau dehors ? Ça fait trois jours que tu es
enfermée.
‒ Pas envie de sortir.
‒ Bah moi j’ai envie de faire un tour dans le jardin avec ma
Xandrella.

Je souris. C’est lui qui m’a donné ce surnom Xandra. Parait


que lorsqu’il était petit et moi bébé, il trouvait que Alexandra
c’était trop long. Donc il disait toujours Xandra. Bon à sa
manière mais ça sonnait Xandra. Après il disait Xandrella
comme Cendrillon. J’ai toujours été sa poupée. Il faisait de
moi ce qu’il voulait.

‒ J’ai pas trop envie de marcher. Le Docteur a dit que je


devais éviter de fournir trop d’effort.
‒ Mais qui a parlé de marcher. Je vais te porter. Allez viens !

Il me prend dans ses bras telle une nouvelle mariée. Je me sens


bien d’être dans les bras de mon frère. Ça faisait tellement
longtemps que nous n’avions pas eu ce genre de complicité.
Toutes ces disputes avec papa nous avaient éloigné. Il nous
installe près de la piscine dont l’eau est éclatante à cause du
reflet du soleil. C’est vrai, le temps est beau dehors.

‒ Oh qui voilà ! Notre princesse.


Imelda me serre chaleureusement dans ses bras. Ça fait
tellement de bien.

‒ Attend que je nous apporte des rafraichissements. Je venais


aussi profiter de l’air dehors. Elle part et revient sans tarder
avec du jus pour tous les trois.

‒ Tu ne bosses pas aujourd’hui ? Lui demandé-je.


‒ Non. Ton neveu n’est pas d’humeur à sortir.
‒ Neveu ? Répété-je sans comprendre.
‒ Oui je suis enceinte.
‒ Non !!
‒ Si !!
‒ Je vais être tata ?
‒ Eh oui !
‒ Oh mais c’est génial !!

Nous nous étreignons. Ça me fait vraiment plaisir d’apprendre


cette nouvelle. Enfin un autre WILLAR dans la famille. Nous
passons les prochaines heures à rire aux blagues de Will. Je
me rends compte d’avoir perdu du temps précieux dehors alors
que je pouvais profiter de ces moments avec ma famille.

‒ Alors ça rigole ici.


Nous regardons tous Travon arriver à son tour. Il embrasse sa
femme, tchèck Will et m’embrasse aussi le front.

‒ Heureux de te voir dehors poussin.

Il s’assoit entre moi et sa femme. J’ai toujours adoré qu’il


m’appelle ainsi. Ça fait aussi partie des choses qui ont cessé
de se faire entre nous. En même temps je n’étais plus vraiment
un poussin avec ma rébellion. Il m’a fallu passer par cette
tragédie pour me rendre compte de l’importance de ma
famille. C’est bien dommage !

***WILLIAM

Je ramène Xandra dans sa chambre pour lui permettre de


prendre son bain avant le dîner.

‒ Merci mon Willy pour cet après-midi.


‒ De rien ma Xandrella. A toute au dîner. Tu veux que je
vienne te porter ?
‒ Non je vais marcher.
‒ Ok. Je t'aime comme un bonbon.
‒ Moi aussi mon bonbon.

Je lui embrasse de nouveau le front. Après ma réconciliation


avec mon père et mes retrouvailles avec ma mère, j’ai pris la
décision d’être un bon frère pour Travon et Xandra. Nous nous
sommes trop éloignés aux fils des années, pourtant gosses,
nous étions inséparables. On nous surnommait les triplés tant
nous étions proches. Je me sens heureux d’être de nouveau
avec ma famille.

Je remarque que la porte de ma chambre est ouverte quand j’y


arrive. C’est sans doute l'une des employés qui y est. Je vois
effectivement Aurelle entrer dans mon dressing avec mes
vêtements propres. Je referme et la rejoins. Je reste néanmoins
adossé au chambranle à la regarder faire. Elle me donne dos.
Cette fille à force de m’éviter a fini par faire naître en moi de
l’intérêt pour elle. J’ai envie de plus la connaître, réparer mon
tort et reprendre tout à zéro avec elle sans mauvaise intention.

Elle sursaute lorsqu’elle se retourne et me voit.

‒ Bonsoir monsieur, se reprend-t-elle.

Elle essaie de passer mais je lui barre le chemin.

‒ Aurelle !
‒ Monsieur s'il vous plaît j’ai du boulot. Je dois faire le service
pour le dîner.

Elle tente encore de sortir mais je ne bouge pas.


‒ Je suis désolé pour ce qui s’est passé. Je le regrette
sincèrement.
‒ Vous ne me devez aucune excuse monsieur.
‒ Dans ce cas tu acceptes de me donner une deuxième
chance ?
‒ Deuxième chance de quoi ? Écoutez, je suis ici uniquement
pour travailler, pas pour lutter un homme avec une autre
femme.
‒ Il n'y a plus aucune femme.
‒ Pas mon souci.

Elle me pousse et sort. Je reste un moment sur place quand


piqué au vif je cours la rattraper. Elle est déjà sortie de ma
chambre. Je la retiens avant qu'elle n'arrive aux escaliers. Je la
retourne brusquement et l’embrasse par surprise. Ce n’était
pas ce que j'avais prévu faire mais lorsque je lui ai pris le bras
ça a suivi automatiquement. Je la plaque contre le mur,
approfondissant un peu plus le baiser. Elle y répond pour mon
plus grand soulagement.

‒ Il n'y a plus aucune autre femme, soufflé-je près de ses


lèvres, les yeux dans les yeux. Je les ai toutes chassées pour
toi.
‒ Monsieur…

Je l’embrasse de nouveau.
‒ Je peux savoir ce qui se passe ici ?

Aurelle sursaute à la voix de Pétra. Je la lâche lentement. Pétra


me dévisage.

‒ Plutôt que de faire ce pourquoi on te paye, tu fricotes avec


les hommes de la maison. Prépare-toi à dégager de cette
maison.
‒ Madame je vous en prie ne…

Je l’interromps en lui attrapant le bras.

‒ Tu ne la vireras pas Pétra. Pas tant que je suis dans cette


maison.
‒ Tu me lances un défi ?
‒ Appelle ça comme tu veux.
‒ (A Aurelle) Dégage de là boniche.

Aurelle prend la fuite.

‒ Tu es aussi tombé bas pour te coltiner les boniches ? Tu


préfères manger dans la poubelle plutôt que de t'asseoir à la
table des Rois.
‒ S'il n'y a que des putes à cette table, oui je préfère manger
dans une poubelle qui a de la valeur.

Alors que je veux retourner dans ma chambre, elle m’agrippe


violemment le bras. Je me dégage et lui saisis le cou.

‒ Tu ne me touche plus jamais, sifflé-je entre les dents.


‒ Oui c’est ça mon amour. Fais-moi mal et donne-moi du
plaisir. Bats-moi si tu le désires
‒ T'es qu’une malade mentale.

Je la lâche et rentre dans ma chambre. Cette femme a besoin


d’être internée.

Pétra fait la tronche pendant le diner. Moi je suis occupé à


taquiner Imelda sur sa grossesse et ses envies de femme
enceinte. Aurelle est la première à venir faire le service.

‒ Que fais-tu là encore toi ? Lui lance Pétra. Ne t’avais-je pas


dit de quitter cette maison ?

Aurelle se met à trembler.

‒ Et moi j’avais dit qu’elle n’irait nulle part, répliqué-je. (A


Aurelle) Continue ton service.
‒ Non mais comment oses-tu William, s’écrit-elle.
‒ Woh j’ai raté un épisode ? Intervient mon père. C’est quoi
cette histoire ?

Je fixe Pétra. Qu’elle réponde elle-même pour sa bêtise.

‒ J’ai surpris cette fille flirter avec Will. Elle l’embrassait.


‒ JE l’ai embrassé, nuance, la contredis-je. Et il s’agit de ma
vie privée. Elle ne s’en ira donc pas.
‒ Si elle reste c’est moi qui pars, menace-t-elle en se levant.
‒ Et si elle part, je pars aussi, Fais-je pareillement.

Nous tournons nos têtes vers mon père qui doit maintenant
trancher. Je suis confiant. Avec ma mère dans les parages il
n’aura pas le courage de me laisser quitter la maison.

‒ Asseyez-vous ! Ordonne-t-il. Personne ne quitte cette


maison. Aurelle continue ton service.

Qu’est-ce que je disais ? Je me rassois avec un sourire de


victoire aux lèvres.

‒ Comment tu peux me contredire Derrick ? En plus pour


quelqu’un qui n’est même pas de la famille.
‒ Will est mon fils, l’informe-t-il en jetant un coup d’œil vers
ma mère. J’ai refait le test ADN et les résultats m’ont prouvé
ce matin qu’il est réellement mon fils. Demain j’irai demander
des comptes à la clinique et porter plainte s’il le faut. Assieds-
toi s’il te plaît qu’on reprenne le diner. Will est un grand
garçon.

Elle me lance un regard éclair. Je lève mon verre vers elle et


boit à sa santé. Ma mère pose devant moi un plat typiquement
Gabonais. C’est moi qui le lui ai demandé pour mieux
connaitre mon autre moitié. Je ne voulais pas manger les
chichis ce soir. Aurelle et Djénéb servent un menu Anglais
aux autres.

‒ Yes ! Dis-je en me frottant les mains. Comment ça se


mange ?
‒ Avec les doigts, me répond-t-elle.
‒ Oh mon plat préféré, s’écrie Imelda. J’en veux aussi.

Ma mère lui en sert.

‒ C’est quoi ? Demande Travon.


‒ Iyamb y ngantsi na dituk di malang, répond notre mère.
Traduction, de la sauce de palme avec des boulettes de Taro.
‒ Je peux en goutter aussi ? Ma femme ne m’en a jamais
cuisine.
Imelda ouvre grand la bouche.

‒ M’en as-tu seulement demandé ? Le jour où je t’en ai parlé


tu m’as dit ne pas vouloir une indigestion.
‒ Tu pouvais insister. Il s’agit quand même de mes origines.
Mauvaise femme.

Elle regarde ma mère.

‒ Nudimb mwanawu dibal.

Elles rigolent ensembles.

‒ Qu’a-t-elle dit ? Questionne Travon à notre mère.


‒ Elle a dit qu’elle allait te taper, répond-t-elle.

Il regarde sa femme. Nous rigolons tous les trois.

‒ Puis-je en avoir aussi s’il te plaît Murima, demande contre


toute attente Derrick.

Pétra le regarde, surprise. Elle devient toute rouge de colère.


‒ Pendant qu’on y est pourquoi n’allons-nous pas vivre au
Gabon ?

Elle quitte la salle à manger sans se priver de lancer un long


tchip. Personne ne s’occupe d’elle. Xandra qui était réticente
fini par en demander juste un peu. Finalement nous mangeons
du Gabonais ce soir.

‒ Rejoins-nous, dis-je à ma mère.


‒ Quoi ? Non je vais rejoindre les autres à la cuisine.
‒ Papa, dis-lui de s’asseoir avec nous. Rien que pour ce soir si
tu veux.

Les deux échangent un regard. Travon qui a du mal à manger


prend la parole.

‒ Oui assieds-toi Murima. Nous sommes dans ton pays ce soir


donc montre-nous comment faire.
‒ Je ne veux pas…
‒ Prends place Murima, clôt mon père.

Elle abdique. Nous la regardons manger et imitons ses gestes.


Toute ma famille est complète ce soir. Les deux parents et
nous leurs enfants, sans oublier la belle-fille. Mon père ne se
cache pas de regarder son ex-femme qui rigole avec Travon et
Imelda. J’aurais aimé que ce tableau soit réel. Pétra fait tâche.
Je devrais trouver un moyen de la dégager.

Après le diner, notre père a demandé à passer du temps avec


nous dans le petit salon. Murima a rejoint les autres à la
cuisine. C’est bien la première fois que nous passons tous du
temps ensemble en famille en dehors des diners. Xandra est
couchée sur le torse de notre père et a les pieds posés sur mes
jambes. Imelda est assise sur les jambes de Travon. Notre père
nous raconte des anecdotes de sa vie de jeune. Il nous parle de
ses mauvaises notes à l’école.

‒ C’est comme ça tu as rencontré maman ? Demande Xandra.


‒ Oui. Nous faisions partie de la même classe. Elle était
l’intello et moi le crâne brûlé. C’est grâce à elle que je suis
devenu super intelligent.
‒ Pourrais-tu nous parler d’elle ? Demande cette fois Travon.
En dehors des sous-entendus de Mamie, tu ne nous as jamais
vraiment parlé d’elle.
‒ Tu as raison fiston.

Il prend une profonde inspiration

‒ Votre mère reste jusqu’à ce jour ma plus belle rencontre.


Elle était intelligente, belle et très courageuse. Elle vous aimait
énormément. Je crois que c’est ce que vous devez retenir
d’elle. Vous étiez sa raison de vivre et de se battre chaque jour
pour être une femme meilleure. Nous étions une belle famille
avant que tout ne chamboule.
‒ Que s’est-il passé ? Demande encore Travon.
‒ On aura une occasion d’en reparler. Ce soir je veux juste me
rappeler des bons moments. C’est pourquoi j’ai sorti les
cassettes vidéo de vous quand vous étiez enfants.
‒ Super !!! Se réjouit Xandra.

Il met nos vidéos. Nous en avions faits un bon nombre lorsque


nous étions enfants. Tous nos moments étaient filmés pour les
garder comme souvenir. Les premiers pas de Xandra, nos
différents spectacles à l’écoles, nos moments détentes dans les
parcs ou à la plage. Nous rigolons à en pleurer.

‒ Will tu étais trop moche petit.


‒ Ta gueule Travon. Tu veux que je montre à Imelda les
photos de toi avec ton appareil dentaire ?
‒ Tu fais ça tu es un homme mort.

Je lui lance un coussin, il me le ramène à la figure. Mon regard


tombe sur ma mère arrêtée dans un coin, le sourire aux lèvres
et la larme à l’œil. Quand elle me voit, elle souffle un baiser
dans ma direction dans sa main. Je lui réponds par un sourire.
Elle tourne les talons. Je reviens aux autres qui rigolent devant
une autre vidéo.
19

***DERRICK

Je fais un tour ce matin à la clinique. J’ai besoin d’explication


sur ce fameux test qu’ils ont effectué. Ils m’ont induit en
erreur et de ça ils doivent en répondre. Le Docteur me reçoit à
son bureau. Je lui tends sans perdre de temps le test fait à
Birmingham.

‒ Je ne comprends pas, s’étonne-t-il en fixant le papier. Nous


n’avons pourtant jamais fait d’erreur auparavant.
‒ Peut-être qu’il y a eu falsification.
‒ Non pas du tout, se défend-t-il vivement. Nous nous
connaissons depuis des lustres. Toute la clinique vous connait.
Ecoutez, je vais m’entretenir avec le Docteur FOLDER qui a
effectué tous les tests ce jour-là.
‒ Parce que ce n’était pas vous ?
‒ Non. J’étais occupé au bloc sur Alexandra. Je veillais à ce
que tout se fasse bien.
‒ Pourquoi ne pas l’appeler maintenant ?
‒ Aujourd’hui c’est son jour de repos et il est en déplacement.
A son retour demain je vous ferai signe pour une
confrontation.
‒ Si je n’obtiens pas d’explication rationnelle je me verrais
dans l’obligation de porter plainte contre lui.
‒ Ce serait logique. Mais j’espère que nous n’en arriverons pas
là.
‒ Je l’espère aussi.

Je prends congé. En montant dans ma voiture je lance le


numéro de Murima. Elle met du temps avant de répondre.

‒ « Allô Derrick ! » Répond-t-elle d’une voix presque sourde.


‒ C’est quoi cette voix ? Tu es malade ?
‒ « Bof, juste une petite migraine mais rien de grave. Je crois
que c’est dû à la fatigue. Oui quoi de neuf ? »

Je lui fais le compte rendu de ma rencontre avec le Docteur.


Le timbre de sa voix m’inquiète. Je décide de faire un tour à la
maison. Ce matin elle n’a pas fait le service. J’ai cru qu’elle
n’était pas d’humeur. Ça lui arrive souvent surtout quand la
tension est au top avec Pétra.

Avant même que je n’arrive à la cuisine, je la vois qui se tient


la tête entre les mains. Seules Djénéb et Aurelle sont actives.
Quand celles-ci me voient, avant Murima qui est toujours tête
baissée, elles sortent en silence.

‒ Rima ! L’appelé-je.
Elle relève vivement la tête.

‒ Derrick ? Que fais-tu là ? Tu ne devais pas te rendre au


boulot ?
‒ Si, mais ta voix au téléphone était inquiétante. Je me devais
de venir te voir.
‒ Mais fallait pas. Ce n’est rien du tout.

Moi j’ai plutôt l’impression qu’elle ne va pas bien. Je pose ma


main sur son front.

‒ Mais tu es brulante Rima.


‒ Ce n’est…
‒ Non lève-toi !

Elle veut rechigner mais je la fais lever de force.

‒ Derrick !
‒ Chut ! Tu t’occupes de tout le monde mais tu t’oublies, lui
fais-je remarquer en la conduisant à sa chambre.
‒ Je vais bien.
‒ La dernière fois que tu m’as dit ça, tu as fini hospitalisé à la
clinique.
‒ En même temps ce n’était pas ma faute. Tu ne me laissais
pas respirer. Ni le jour ni la nuit.
‒ Normal. Je voulais profiter de chaque seconde avec ma
précieuse femme.
‒ C’est ça, sourit-elle.

Je l’incite à s’allonger.

‒ Tu exagère Derrick.
‒ Je veux te voir en forme. Si tu es malade tu n’auras plus ta
grande gueule des Gabonais.

Elle éclate de rire. Je me rends dans sa salle de bain lui


prendre des médocs.

‒ Avoues que tu l’aimes bien ma grande gueule.


‒ C’est elle qui m’a d’abord séduite, répondé-je en revenant
dans la chambre. Même enceinte tu ne la bouclais pas. Tiens
avale ça.

Elle me prend le comprimé et le verre d’eau des mains. Elle


prend les comprimés et se recouche.

‒ Merci !
‒ Maintenant tu vas prendre deux jours pour mieux reprendre.
‒ Non ! Je ne vais pas rester à ne rien faire pendant deux jours.

Elle se relève mais je la refais coucher.

‒ Murima tu te couches maintenant et tu ne touches à rien


pendant deux jours. C’est un ordre de ton patron.
‒ Carrément !

Elle essaie encore de se lever.

‒ Tatiana je vais te taper.


‒ Dussur vane (Dégage). Mtchrrr.

Elle se recouche. Nous nous regardons un moment et finissons


par nous sourire.

‒ Au fait, j’ai reçu ma paie et c’était beaucoup plus que la


normale.
‒ Tu n’es pas une domestique. Je te donne ce qui te reviens de
droit. Je pense même te verser de l’argent en plus sur ton
compte.
‒ Derrick, tu ne me dois rien.
‒ Si, je te dois tout. Cette maison, l’entreprise, tout. C’était
aussi ton argent. Nous l’avons fait à deux même si tu n’étais
pas là. J’en ai marre de te voir jouer ce fichu rôle et être
financièrement limitée. Tu mérites plus. N’oublies pas que
MURRICK c’est un mélange de nous deux.
‒ J’ai eu du mal à croire que tu ais gardé le nom que nous
avions choisi pour la boite.
‒ Tu as toujours été présente quoique absente.

Je lui prends la main.

‒ Comme j’aimerais remonter le temps. Si seulement je t’avais


cru, nous serions unis en ce moment avec nos enfants et notre
petit fils en route.
‒ On ne devrait plus penser au passé. Profitons juste de chaque
instant avec nos enfants.
‒ Ouais ! Bon maintenant repose-toi. Je vais laisser des
instructions à Djénéb. Si tu touches à quoi que ce soit je
reviens te botter le derrière.

Elle ricane. Je lui pose un baiser sur le front avant de m’en


aller. C’était plus fort que moi. Je donne comme dit des
instructions à Djénéb concernant Murima. Je pars ensuite
retrouver Daniel dans notre restaurant habituel.

‒ Alors quoi de neuf mon frère ? Lui demandé-je en prenant


place en face de lui.
‒ Tout va pour le mieux. Mais toi dis-moi, je te sens différent
depuis que tu es revenu de Birmingham.
‒ C’est parce que justement il s’est passé quelque chose.

Je tourne mon verre entre mes doigts.

‒ Nous nous étions tous gourrés il y a Vingt-deux ans.


‒ Comment ?
‒ Je crois bien que Murima était innocente.

Il plisse les yeux.

‒ Pourquoi dis-tu ça ?
‒ Parce que pour la première fois, elle et moi avions
véritablement parlé de ce qui s’était passé. Elle m’a raconté la
scène qui s’était déroulée et conclusion, elle s’était faite
piégée.
‒ Je te l’avais déjà dit ça. Mais j’aimerais quand même savoir
pourquoi tu crois maintenant en son innocence ?
‒ Parce que je l’ai lu dans ses yeux. Elle m’a même dit qu’elle
avait été enceinte de notre quatrième enfant qui n’a
malheureusement pas survécu.

Il ouvre grand la bouche.

‒ Vraiment ?
‒ Ouais. Et le Docteur FOXX l’a confirmé. Tu n’en savais
rien ? Vu que c’était toi qui étais à son chevet ?
‒ Bien-sûr que non. Si je l’avais su c’est sûr que je te l’aurais
dit. Mais c’est… waho ! Elle a dû grave souffrir.
‒ Je ne te le fais pas dire. Et tu sais quoi ?

Je me carre dans mon siège.

‒ Depuis que je sais tout ça, j’ai envie de tout envoyer bouler
pour me remarier avec elle.
‒ Par tout, tu entends Pétra ?
‒ Oui. Je veux divorcer.

Il me regarde attentivement comme s’il essaie de trouver une


quelconque réponse sur mon visage.

‒ Vous avez couché ensemble ?

Il me connait tellement cet enfoiré.

‒ Ouais !

Il se met à sourire.
‒ Mais t’es un putain d’enfoiré toi, me taquine-t-il.

Je souris.

‒ Je savais bien que ça finirait par arriver. Il n’y a qu’à voir la


tension qui se propage dans l’air lorsque vous êtes tous deux
dans la même pièce. Donc tu vas demander le divorce ?
‒ C’est ce à quoi je pense. Je vais donner une forte somme à
Pétra en guise de compensation pour ces quelques mois de
mariage. Mec, je veux rattraper toutes ces années avec
Murima. C’est fou comme je l’aime.
‒ Oh ça tu l’as dit !

Nous partons dans un fou rire. Je crois que divorcer est la


meilleure solution pour que tout le monde soit heureux.

***PETRA

‒ « Si tu ne tombes pas enceinte maintenant, tu peux dire


adieux à ton mariage. »

Je lance un juron. Tomber enceinte c’est la dernière des choses


que je désire. Mon corps sera tout déformée avec des
vergetures partout et les seins qui triples. Ce n’est pas pour
moi tout ça. Seulement là, mon avenir en dépend. La fortune
de ma famille a carrément dégringolé. Disons qu’il ne nous
reste presque rien, tellement rien que mes parents se sont
s’installés en campagne. Je suis en quelque sorte l’espoir. Je
leur verse chaque fin de mois une grosse somme qui leur
permet de vivre. Mais là si Derrick divorce, je n’aurai plus
tous ces avantages. Il me faut donc tomber enceinte.
Seulement, comment je fais pour tomber enceinte ? Derrick et
moi avons convenu ne pas avoir de rapport pendant ma
période féconde. Il suit tout avec moi parce que dès le départ il
a été clair avec moi qu’il ne voulait plus d’enfant et moi non
plus d’ailleurs. Alors nous évitons tout rapport à ces moments.

Mon esprit s’illumine subitement !!!! Je crois que je viens


d’avoir l’idée la plus brillante de toute ma vie.

Je fais un détour à la pharmacie avant de rentrer à la maison.


J’arrive au moment même où Aurelle monte les escaliers avec
un verre de jus.

‒ Hey toi, redescends !

Elle obéit.

‒ Il est à qui ce verre ?


‒ C’est pour Monsieur Will. Il a demandé que je lui apporte un
verre.
‒ Donne-moi ça et attends ici. Je vais moi-même lui servir du
jus. Tu y as peut-être versé quelque chose.
Elle fait comme j’ai dit. Je fais mine de m’éclipser vers la
cuisine et dans un coin isolé, j’y verse de l’aphrodisiaque et du
somnifère. Je mélange le tout et reviens le lui donner. Je
monte me changer avant de redescendre à la cuisine. J’ai deux,
trois trucs à dire à cette pimbêche qui rôde autour de mon
homme.

‒ Laisse-nous Djénéb !
‒ Oui Madame.

Elle sort. Aurelle recule, la tête baissée.

‒ Je voudrais savoir ce qu’il y a eu entre toi et Will.


‒ Rien d’important Madame.

Elle recule.

‒ Regarde-moi et dis-moi la vérité. Avez-vous couché


ensemble ?

Elle recule encore sans lever la tête.

‒ Si tu ne me réponds pas maintenant je te vire. Alors ?


‒ Ou… oui Madame. Mais ce n’était qu’une erreur et ça s’est
fait qu’une fois. Je ne…

Je lui administre une claque et pas des moindres. Elle vacille.

‒ Nous te payons pour que tu fasses ton travail et toi en retour


tu écartes tes sales jambes de négresse de merde.

Elle renifle.

‒ Will a déjà des problèmes avec la drogue et toi tu veux en


rajouter. Espèce de profiteuse. La prochaine fois que je te vois
roder autour de lui tu le regretteras. D’ailleurs, pour tout ce qui
le concerne, tu ne t’en occupes plus. Djénéb et Murima s’en
chargeront. Est-ce clair ?
‒ Oui Madame ! Répond-t-elle le sanglot dans la voix.
‒ Bien. Maintenant prépare-toi à aller faire des courses.

Je sors de la cuisine satisfaite. Ça c’est de fait. Avant de passer


à la prochaine étape avec elle, je dois monter terminer mon
plan avec Will. J’entre de nouveau dans sa chambre. Il
gesticule bizarrement sur son lit.

‒ Qu’as-tu Will ? Demandé-je en me rapprochant lentement.


‒ Je ne sais pas. Je… je me sens bizarre.
Il essaie de se lever mais retombe aussitôt. Je m’assois en
califourchon sur lui.

‒ Pétra non arrête !


‒ Chut mon amour. Laisse-moi m’occuper de toi.

J’entreprends de le déshabiller. Il essaie de m’en empêcher


mais il est beaucoup trop faible. Je peux sentir son érection
sous moi. Arrggh j’ai hâte. Ses bras finissent par tomber sur le
lit. Une fois que je l’ai déshabillé, je vais condamner la porte.
J’active la caméra de mon portable que je place à un endroit
qui permet de mieux filmer, je me déshabille et je reviens à ce
que je faisais. Il est à moitié inconscient. Il chuchote mon nom
alors qu’il a les yeux fermés.

Cette fois tu es à moi William WILLAR.

Je me délecte de son joujou pour le rendre encore plus dur


qu’il ne l’est déjà. Il grogne, endormi cette fois. Je m’empale
sur lui sans plus perdre de temps.

‒ Oh William !!!!

Dieu a bien créé ce jeune. Il va me rendre folle. Je le


chevauche telle une amazone. Je le chevauche ardemment
parce qu’il y a des chances que ce soit la dernière fois. Je jouis
encore et encore et encore sur lui. Je le sens aussi se déverser
abondamment en moi mais je continue. Je veux beaucoup de
son jus. Quand je le sens faiblir, je le suce pour qu’il reprenne
de la vigueur et je me rassois sur lui. Oh yes c’est ma fête
aujourd’hui. Si je dois tomber enceinte, faudrait au moins que
ce soit de l’homme que j’aime. Avec plaisir je porterai l’enfant
de Will.

Après plus d’une heure à faire l’amour à Will, je prends une


douche dans sa salle de bain et comme si de rien n’était je
remonte dans ma chambre me changer. Je redescends donner
la liste des courses à Aurelle. Lorsqu’elle part avec le
chauffeur, je les suis quelques minutes plus tard. Il est temps
de me débarrasser de cette gamine qui risque d’être un
obstacle entre Will et moi. Garée devant le supermarché,
j’interpelle un jeune non loin. Ça se voit que c’est un
nécessiteux.

‒ Bonjour Madame.
‒ Bonjour. J’ai une mission à te confier. Si tu la réussis, je te
donne 1000 Livres.
‒ 1000 quoi ? Oh oui Madame, je ferais tout ce que vous
voudrez.
‒ Bien !

J’explique mes attentes au jeune. J’attends ensuite les minutes


qu’il lui faut pour accomplir sa mission. Une quarantaine de
minutes plus tard, un grabuge se fait à l’entrée du
supermarché. Le jeune revient.
‒ C’est ok Madame. Elle vient d’être arrêtée.
‒ C’est bien !

Je lui donne son dû. J’entre ensuite à la maison comme si de


rien n’était. A mon retour je constate que Will s’est réveillé et
est même sorti. Bien. Je vais faire une petite sieste.

Je me réveille deux heures plus tard. Quand je descends, je


constate une réunion entre Derrick et les trois domestiques.
Oui trois, Murima est aussi présente. Aurelle pleure à chaudes
larmes.

‒ Que se passe-t-il ? Demandé-je en m’approchant.

Derrick se passe la main dans les cheveux.

‒ Je reviens du Commissariat avec Aurelle. Elle aurait… volé


des produits dans le supermarché.
‒ Comment ? M’écrié-je faussement choquée.

Aurelle se met à genou.

‒ Monsieur je vous le jure sur ma vie que je n’ai rien fait.


Vous me connaissez.
‒ Oui mais les gens changent, dis-je en me postant près de
Derrick. Les gens dans le besoin sont prêts à faire n’importe
quoi. D’abord Murima, et maintenant toi.

Murima arque les sourcils en me fixant. J’attends qu’elle


réplique cette garce. Mais elle ne fait rien.

‒ Je crois qu’il faut la renvoyer.

Murima se choque, Djénéb baisse la tête et Aurelle pleure de


plus en plus.

‒ Derrick nous n’allons pas en arriver là, intervient Murima.


Jamais auparavant tu ne t’es plains de son travail. Elle mérite
donc une seconde…
‒ Murima, que je sache la parole ne t’a pas été donnée donc
boucle-la.
‒ Pétra arrête, grogne doucement Derrick.
‒ Arrêtez quoi ? A chaque fois qu’il y a un souci dans cette
maison je n’ai jamais le droit de donner mon mot. Mais à elle
tu permets tout. Dis-moi, suis-je ta femme ou non ?
‒ Ce n’est pas le moment Pétra.
‒ Je veux juste que tu me répondes.

Il soupire.
‒ Tu es ma femme.
‒ Dans ce cas renvoie cette fille.

Il ne dit rien. Je lui fais face.

‒ Depuis le retour de cette femme tu n’as plus aucun respect


pour moi. Je suis reléguée au dernier plan. Tu te fous en
permanence de moi et contredis toujours mes ordres.

En parfaite comédienne, je me mets à pleurer.

‒ Si tu n’avais pas l’intention de me donner la place de


maitresse de maison, pourquoi m’as-tu donc épousé ? Tout ce
que je dis, tout ce que je fais, ce n’est jamais bon. Je suis tout
le temps humiliée, devant ton ex-femme, devant tes enfants et
maintenant devant les domestiques.
‒ Je n’ai jamais rien fait contre toi Pétra, réplique-t-il avec
gêne.
‒ Dans ce cas prouve-le moi. Prouve-moi que je suis encore la
Dame de cette maison en renvoyant cette voleuse. Prouve-moi
que Madame WILLAR ici c’est moi.

Je ne le quitte pas du regard. Il craque ses mâchoires. Je souris


intérieurement parce que je sais que cette fois il va craquer. Il
lève un regard désolé en direction de Murima.
‒ Je suis désolé Aurelle. Nous ne pouvons plus te garder après
cette faute.

Aussitôt sa phrase terminée qu’il monte à la hâte. Je me


retourne vers les trois autres femmes avec un sourire de
victoire. Je fixe Murima.

‒ La maitresse de cette maison, c’est moi. Merci donc à toi


Aurelle de dégager le plancher.

Je monte à la suite de mon mari.

***WILLIAM

Je rentre à la maison après avoir passé quelques heures à


l’hôpital. Je me suis réveillé avec une érection qui ne voulait
pas descendre malgré toutes les douches froides que je me suis
pris. Je n’ai rien compris à ce qui m'est arrivé. Je ne me
souviens pas avoir maté du porno. Ce n’est d’ailleurs pas mon
truc. Je ne sais non plus à quel moment je me suis endormi.
Paraît que j’ai pris du somnifère et de l’aphrodisiaque, chose
qui est complètement loufoque. Je ne prends jamais de ces
choses. Je vais devoir demander des explications à Aurelle
parce qu'elle est celle qui m'a servi du jus en dernier. Mais je
m’étonne de penser que ça pourrait être elle. En même temps
je pense que c’est possible. Elle a peut-être voulu se venger de
moi. Je dois tirer cette affaire au clair.
Je me dirige directement vers la cuisine une fois entré. Je vois
juste ma mère et Djénéb. Elles ont l'air triste.

‒ Maman, elle est où Aurelle ?

Elle pose sur moi un regard désolé.

‒ Elle a été renvoyée mon chéri.


‒ Comment ça ? Qui la renvoyé ? Et pourquoi ?
‒ Ton père. Elle…

Je ressors avant qu'elle ne puisse continuer sa phrase. Je monte


retrouver mon père à ses appartements. J'entre sans frapper. Il
est assis dans son salon devant les informations à la télévision.

‒ Je peux savoir pourquoi le renvoie d'Aurelle, papa ?

Il fronce les sourcils de surprise avant de se reprendre.

‒ Il y a eu un problème au supermarché fiston. Elle aurait…


volé des articles.
‒ Volé des articles ? Fais-je dans un tic. Aurelle n’est pas une
voleuse. Elle n'a jamais rien volé dans cette maison, à plus
forte raison dehors.
‒ Je sais mais… les faits étaient là. Je ne pouvais faire
autrement.
‒ Tu pouvais au moins lui donner une chance. Elle a toujours
bien fait son travail.
‒ Je…
‒ Cesse de la défendre William, s’élève soudainement la voix
de Pétra qui sort de la chambre. Tu as couché avec elle qu'une
fois et tu crois déjà tout connaître d'elle.
‒ C’est donc toi qui as demandé qu'on la vire de cette
maison ?
‒ Ton père a fait ce qu’il pensait être juste pour notre famille.

J’ai envie d’étrangler cette femme avec sa sournoiserie. Face


au regard désolé de mon père, je retourne sur mes pas. Je
rencontre ma mère aux bas des escaliers.

‒ Elle ne t'a rien dit quand elle partait ? Lui demandé-je en


descendant les marches. Elle ne t'a donné aucune adresse ?
‒ Si. Mais avant j'aimerais savoir pourquoi tu t’intéresses
autant à elle ? Ton truc ce n’est pas les vieilles ?

Je me passe la main dans les cheveux. Je n'arrive moi-même


pas à comprendre ce qui m'arrive. Depuis ce jour où elle m'a
parlé de ses sentiments j’ai l’impression que ça a réveillé
quelque chose en moi.
‒ Je ne sais pas trop maman. Je crois qu'elle… me plaît bien.
Enfin, je crois que j’ai des sentiments. Tu crois que c’est
mauvais ?
‒ Bien-sûr que non. Elle est une fille bien.

Elle fouille la poche arrière de son jean et me tend un bout de


papier.

‒ C’est l'adresse de sa tante.


‒ Merci maman.

Je lui arrache presque la feuille et je cours vers la sortie.

‒ Will il se fait déjà tard, me hurle-t-elle de loin. Attend


dem…

J’ai déjà claqué la porte. Je gare plusieurs minutes plus tard


devant un petit immeuble vieux de plusieurs années avec des
murs complètement délavés. Je me trouve dans le quartier le
plus précaire de Londres. Je me renseigne auprès d'une dame
qui allaite son bébé dans la ruelle. Elle m’indique la porte qui
serait celle de la maison d'Aurelle. Je m'y rends et cogne. Une
femme de la même trempe que ma mère ouvre.

‒ Euh bonsoir Madame. Je voudrais voir Aurelle. Enfin si


c’est bien ici qu'elle vit.
La femme me détaille de la tête à la plante de mes pieds.

‒ C’est vous son patron qui l'avez renvoyé ?


‒ Euh non. Il s'agit de mon père. Je peux la voir s'il vous
plaît ?

Elle me dévisage de nouveau. Oh mais qu'elle se bouge un peu


diantre. Je n’ai pas que ça à faire.

‒ Aurelle il y a un blanc bec pour toi, hurle-t-elle.

Elle retourne à l’intérieur en laissant la porte grandement


ouverte. La pièce est carrément petite et je vois plusieurs têtes,
pour la majorité des enfants. Toutes ces personnes dans une
aussi si petite maison ? La vie n'est vraiment pas généreuse
avec tout le monde. Je reviens à moi lorsque Aurelle se
présente.

‒ Que fais-tu ici ? S’énerve-t-elle en refermant la porte


derrière elle.
‒ Je viens d'apprendre pour ton renvoie et je suis sincèrement
désolé Aurelle. Si j'avais été là…
‒ Si tu avais été là quoi ? N’est-ce pas que tout ça c’est
entièrement ta faute ?
‒ Ma faute ? Comment ?
‒ Depuis que nous avons… couché ensemble il ne m'arrive
que des malheurs. Jamais je n'avais eu d’histoire avec Mme
Pétra et voici que subitement elle me prend en ennemi tout
simplement parce qu'elle croit que je veux te mettre le grappin
dessus alors que c’est archi faux. Dieu seul sait que j’ai été
une victime de plus sur ta liste.

Sa voix se brise et ses yeux se remplissent de larme.

‒ Elle m'a menacé avec des mots blessants. Elle m'a traité de
sale négresse. Tout ça à cause de toi.

Elle se met carrément à pleurer. Je suis débité.

‒ Je regrette tellement d'avoir été naïve. Je regrette d'avoir


rencontré ton chemin. Moi tout ce que je veux c’est travailler.
Mon père doit se faire opérer et c’est pile à ce moment que je
me fais licencier. Tu vois toutes ces personnes à l’intérieur ?
Elles comptent aussi sur moi. C’était mon salaire qui les faisait
vivre. Mais tout ça c'est fichu. Par ta faute. Je dois tout
recommencer à zéro.
‒ Je peux t'aider.
‒ JE NE VEUX PAS DE TON AIDE.

Elle se reprend.
‒ Je ne veux plus jamais avoir affaire à toi. Je veux que tu
disparaisses de ma vie. William WILLAR je te déteste. Tu
m'entends ? Ça ne m’étonnerait même pas que ce soit Mme
Pétra qui m'ait piégé uniquement dans le but de me faire
renvoyer. Je n’ai jamais rien volé de toute ma vie. Rien.
Maintenant s'il te plaît va-t-en.
‒ Aurelle attend !

Elle entre et ferme la porte. Ses paroles m'ont fait l'effet d’une
douche froide. Je ne voulais pas qu'il lui arrive toutes ces
choses. Je ne voulais en aucun cas être source de malheur dans
sa vie. Ce qui avait juste commencé en plaisir a fini en
catastrophe. Mais j’ai surtout retenu une chose. Pétra qui
l’avait menacé. Mais surtout qu’il y a de forte possibilité que
ce soit elle derrière ce prétendu vol. La colère monte d'un cran.
Je remonte dans ma voiture et fonce à la maison.

Il n'y a que Pétra, mon père et Xandra dans la salle à manger.


Je fonce droit sur Pétra. Avant que quiconque ne s'en
aperçoive, je la saisi par les colles de sa robe, la relève et la
plaque contre le mur.

‒ MERDE WILLIAM QU’EST-CE QUE TU FOUS ? Hurle


mon père.

C’est le chaos dans la cuisine, entre les assiettes et sa chaise à


elle qui sont tombées et ses cris.
‒ Oh mon Dieu Will ! Lâche-moi !
‒ C’est toi hein ? C’est toi qui as manigancé pour qu’on la
fasse renvoyer ?
‒ Je ne sais pas…

Je la cogne contre le mur. Elle se met à chialer. Mon père me


dégage de force et m'assène un coup de poing à la figure. Je
dandine mais reste sur pieds. C’est à ce moment que ma mère
apparaît.

‒ Ça ne va pas de traiter ainsi une femme ? Gueule mon père.


De surcroît MA femme ? As-tu perdu la raison ?
‒ Ta femme est une sorcière papa. Tu ne la connais pas. Tu ne
sais pas de quoi cette mégère est capable.

Il fait un pas vers moi. Ma mère se place rapidement entre


nous deux. Quand il pose les yeux sur elle il se calme direct.

‒ Monte dans ta chambre William, m’ordonne ma mère.

Je regarde Pétra qui, cachée derrière mon père, me lance un


sourire sournois. Je le savais bien qu'elle y était pour quelque
chose. Quand mon père se tourne dans sa direction elle fait
mine de pleurer. Il la prend dans ses bras. Je monte toujours
aussi furieux dans ma chambre. Je jette mon portable sur le lit.
Je cogne dans le mur et enchaîne des tours sur moi-même. La
porte s'ouvre sur ma mère.
‒ C’était quoi ça Warisse ?
‒ C’est elle qui a manigancé contre Aurelle.
‒ Et tu crois que c’est comme ça que tu vas régler les choses ?
Tu penses vraiment que c’est en réagissant de la sorte que
Aurelle va revenir ?
‒ Je déteste cette femme maman. Je la hais de toutes mes
forces.

Elle me regarde attentivement pendant plusieurs secondes.

‒ Qu’est-ce que tu ne me dis pas ?

Je fais mine de n’avoir pas entendu sa question. Je m’excuse


et me rends dans les toilettes me vider la vessie. J'entends mon
portable me signaler un message depuis la chambre. Quand je
ressors je vois le portable dans la main de ma mère. Elle a l’air
horrifiée.

‒ Qu’est-ce qu'il y a ? Lui demandé-je perplexe.

Elle relève lentement les yeux sur moi.

‒ William, qu'il y a-t-il entre toi et la femme de ton père ?


Mon cœur rate deux battements. Je la regarde sans répondre.

‒ William je t'ai posé une question. Pourquoi Pétra t'envoie un


message ‘‘Tu es à moi et à aucune autre’’ ? Et plus haut il y a
‘‘Ton corps me manque.’’

Devant son air dangereux je recule de deux pas.

‒ Maman !

Elle me balance le portable à la figure. Je me décale de


justesse.

‒ Après tout ce que j’ai fait pour te réconcilier d’avec ton père,
tu trouves encore l’audace de baiser sa femme ?
‒ Maman ce n’est pas ce que tu crois…

Elle se saisit d'une paire de ciseaux sur ma table de chevet et


bondit sur moi. Avant que je ne cligne des yeux, elle me
renverse sur mon lit, se place au-dessus de moi et place la
paire de ciseaux dans ma gorge. Je suis à deux doigts de me
pisser dessus.

‒ Maman je te jure que ce n’est pas ce que tu crois.


‒ Si tu ne me dis pas la vérité tout de suite je te reprends la vie
que je t’ai donnée.
Oh punaise !! Et moi qui étais si heureux d'avoir retrouvé ma
mère.
20

***MURIMA

J’écoute les explications de mon fils et je n’en reviens pas.


Non mais cette femme est malade. Derrick a épousé la pire
garce qui puisse exister.

‒ Tu me promets ne l’avoir plus touché depuis que ton père


vous l’a présentée ?
‒ Sur ma vie maman. J’ai tout arrêté ce jour-là. Mais c’est elle
qui me harcèle
‒ Bien !

Je tourne les talons.

‒ Où vas-tu ?
‒ Lui régler son compte à cette mégère.

J’ai assez laissé celle-là faire ses conneries. Il est temps


qu’elle sache qui je suis vraiment. Qu’elle sache qu’on ne
touche pas à mes bébés. Oser harceler sexuellement mon fils
tout en étant mariée, je ne peux l’accepter. Il n’est pas
question que je laisse passer. Il est impératif que je l’arrête
maintenant avant que ça ne devienne pire.

Je donne de gros coups sur la porte de leur appartement. C’est


Derrick qui vient ouvrir.

‒ Murima ?

Je le pousse et entre. Elle sort justement de la chambre en


attachant son peignoir en soi. Je fonce sur elle comme un
éclair et là BIM BAM BOUM, je la foudroie. Je la projette au
sol et je m’assois sur elle.

‒ Murima arrête, hurle Derrick en me relevant.

Je le mords au bras. Il hurle et me libère. Je retourne sur sa


femme. J’entends William faire son entrée.

‒ Maman arrête !!

Il essaie de me toucher.

‒ Si tu me touches je te coupe les testicules.

Il recule. Pétra se débat sous moi.


‒ Lâche-moi pétasse !
‒ La pétasse va te montrer de quoi elle est capable, dis-je en
continuant à la bastonner. Utsi rembousse bawissi bami. Uba
mang (Tu as réveillé mes génies. Tu vas seulement les
goutter).

Je continue de lui infliger la raclée du siècle. Derrick me saisit


cette fois violemment.

‒ TATIANA ÇA SUFFIT !

Je recule sans lâcher du regard la garce. Elle a du mal à se


relever.

‒ Je jure sur ce que j’ai de plus cher au monde que tu vas me


le payer, me menace-t-elle toujours au sol. Tu vas regretter
tous ces coups.
‒ Et toi si tu t’approches encore de mon fils je te brise la
nuque.

Tout son visage est rempli de bleu et elle a la lèvre fendue. Je


la regarde, prête à lui rebondir dessus.
‒ Derrick tu vas la regarder me traiter de la sorte ? Pleure-t-
elle. Elle m’a humilié dans ma propre maison. Elle doit foutre
le camp maintenant.

Le regard de Derrick vacille. Je profite du fait qu’il ait baissé


sa garde pour foncer encore sur Pétra. Avant même que je ne
la touche, Will m’attrape par la taille.

‒ Maman je t’en prie, ça suffit ! Chuchote-t-il à mon oreille.

Je fixe dangereusement Pétra. Je me rapproche doucement


d’elle.

‒ Demande encore à Derrick de me mettre à la porte et je


prendrai un plaisir à lui expliquer comment tu harcèles son
fils, lui murmuré-je sans ciller.

Elle déglutit. Je vois la crainte traverser son regard. Je souris.

‒ Il m’a tout raconté donc maintenant tu es dans mon


collimateur. Si tu tentes quoi que ce soit contre mon bébé, je
détruis ta vie.

Je tourne les talons et sors avec Will. Lorsque nous arrivons


devant sa chambre je me retourne vers lui.
‒ La prochaine fois qu’elle te harcèle tu me le dis ok ?
‒ Maman je ne veux pas créer…
‒ Ok ? Le coupé-je sèchement.
‒ Ok maman.
‒ Bien. Va te reposer maintenant.

Il m’embrasse et entre. Moi je me rends dans ma chambre.


Mais à peine j’y entre que Derrick entre à son tour sans
frapper.

‒ Murima c’était quoi ça ?


‒ T’a-t-elle demandé de me virer ? Lui demandé-je en
commençant à ôter mes vêtements.
‒ Euh non !
‒ Donc ce n’est rien de grave.
‒ Rien de grave ? Tu l’as presque défigurée.
‒ Elle va s’en remettre.
‒ Arrête de me prendre pour un con et dis-moi ce qui se passe,
hausse-t-il le ton.

Je le fixe, il me fixe. Je retire mon chemisier.

‒ Sors Derrick. Je dois prendre une douche.


Son regard descend sur ma poitrine englobée dans mon
soutien. Il avale sa salive.

‒ Derrick !

Il lève les yeux sur moi.

‒ Sors !

Il lutte contre l’envie de se rapprocher de moi. Je le connais si


bien et je sais comment mettre fin à une discussion.

‒ On en… en reparlera demain.

Il sort et referme derrière lui. Mon portable me signale un


appel. C’est Clinton.

‒ Coucou toi !
‒ « Hey ma belle ! Comment te portes-tu »
‒ Je vais bien merci. Tu rentres quand ?
‒ « Oulaa je te manque autant que ça ? »
‒ On peut dire ça, avoué-je en souriant.

Et c’est vrai. Il me manque. J’en suis la première surprise.


‒ « Ça me fait chaud au cœur de l’entendre. Et j’ai une bonne
nouvelle, je viens de descendre de l’avion. Je rentre chez moi.
On se voit demain ? »
‒ Oui. A demain donc.
‒ « Bonne nuit ma belle. »

Je raccroche le sourire aux lèvres. Je crois que je commence à


m’attacher à ce Clinton.

***ALEXANDRA

Mon père pénètre ma chambre et le regard qu’il pose sur moi


me fait baisser les yeux. Je sais déjà de quoi il va me parler. Il
prend place sur le bord du lit.

‒ Samuel est là depuis ce matin, me rappelle-t-il.


‒ Je sais papa, dis-je les yeux baissés et me triturant les doigts.
‒ Je ne sais pas ce qui a bien pu se passer entre vous mais,
c’est un jeune homme amoureux et non un meilleur ami que
j’ai vu en bas. Et là devant moi, j’ai aussi une jeune femme
amoureuse.
‒ Papa ! Fais-je gênée.
‒ Si c’est à cause des sentiments que tu le repousses laisse-moi
donc te dire que ça n’en vaut pas la peine de fuir parce qu’ils
finiront toujours par te rattraper. Alors le mieux c’est de
laisser les choses se faire.
‒ Il a toujours été mon meilleur.
‒ L’amour commence toujours par l’amitié. Ta mère et moi
étions de très bons amis avant que les sentiments ne s’en
mêlent. Et je peux t’assurer qu’elle reste jusqu’à ce jour ma
plus belle histoire d’amour. Peut-être que tu devrais aussi
laisser tomber ces barrières que tu as mises

Je garde la tête baissée à cogiter. Il pose la main sur ma cuisse.

‒ Je vais lui dire que les médocs t’ont drogué.

Je le regarde ressortir, le cœur battant à tout rompre. Ces


dernières semaines, mes sentiments pour Samy se sont
accentués au point où j’en ai moi-même peur. J’ai peur que les
choses tournent mal et que je ne perde Samy définitivement.
Si je le fuis c’est justement parce que j’ai peur de le perdre.
C’est incongru mais c’est comme ça. J’entends depuis une
voiture sonner. Je me mets rapidement à la fenêtre de ma
chambre. Je le vois qui marche vers sa voiture. Comme il me
manque mon beau aux yeux gris. Comme ça fait longtemps
que je ne l’ai pas fait chier, que je ne l’ai pas embêté en
promenant mes doigts dans ses cheveux. Mon Dieu qu’il me
manque !

Je me précipite dehors en dévalant avec précaution les


escaliers sans me faire mal. Ma plaie s’est refermée mais n’a
pas encore totalement cicatrisée. Je sors au moment où il
s’apprête à sortir de la concession.

‒ SAMY !!!

Il freine brusquement. Je croise son regard dans le rétroviseur.


Quand il sort de la voiture mon cœur s’emballe. Je cours vers
lui et lui, comprenant ce qui me passe par la tête, marche vers
moi les bras ouverts. Il me réceptionne et me décolle du sol.
J’enroule mes jambes autour de sa taille et mes bras autour de
son cou. Nous nous étreignons si fort à nous briser les os.

‒ Tu m’as manqué chaton, me souffle-t-il.


‒ Toi aussi mon lapinou.

Je l’entends rire de sa si belle voix. Je desserre mon étreinte


autour de son cou. Nous nous regardons un moment avant de
nous décider silencieusement à sceller nos lèvres. Je me sens
renaitre de mes cendres par ce baiser. Je glisse mes doigts
dans ses cheveux comme j’adorais le faire avant.

‒ On ne se sépare plus hein, le supplié-je presque.


‒ Ami-Amour pour la vie ?
‒ Ami-Amour pour la vie.

Nous nous embrassons de nouveau.


‒ Et si on se faisait une promenade, propose-t-il au bout d’un
moment.
‒ Ok. Attend que j’aille me changer.
‒ Non, on y va comme ça.
‒ Mais je suis en encore en pyjama et pantoufle.
‒ Comme si nous n’étions jamais sortis nous promener avec
nos vêtements de nuit.

J’éclate de rire. Il a bien raison. Plus d’une fois nous nous


sommes baladés dans la ville en pyjama et pantoufle. Nous
nous engouffrons dans sa voiture et quittons les lieux. Nous
passons la journée dans nos endroits préférés à bouffer toutes
les friandises possibles. C’est la première fois que je sors de la
maison depuis mon agression et je suis heureuse que ça se
fasse avec lui.

***PETRA

Pour la énième fois je jouis dans les bras de mon amant du


jour. J’avais besoin de me défouler après l’humiliation que
m’a faite subir Murima. J’ai même quitté la maison depuis ce
matin. Je me devais d’être loin pour mieux me préparer à
attaquer. Il me faut préparer un coup magistral pour faire
sauter son sale cul de merde de ma maison. Après le départ de
ce jeune apollon, qui m’a baisé comme une vraie chienne, je
reçois enfin l’appel de celui que j’attendais depuis ce matin. Il
me donne rendez-vous à sa chambre d’hôtel. Je me presse de
le rejoindre. Nous devons très rapidement avancer dans nos
plans. Dès qu’il m’ouvre la porte il me saute dessus. Je le
repousse doucement.

‒ Arrête je ne suis pas d’humeur.


‒ Dis plutôt que tu as baisé avec un autre. Tu sens le sexe.

Je ne lui réponds pas. Quand il me fait face il éclate


subitement de rire.

‒ Oh la vache, elle t’a grave amoché dis-donc !


‒ Vas te faire foutre ! L’insulté-je en me servant un verre.
‒ Je t’avais bien dit de ne pas la provoquer.
‒ C’est cet imbécile de Will qui lui a tout raconté. Mais bon je
m’en fiche, j’ai déjà obtenu de lui ce que je voulais. Je
n’attends que les résultats. Mais maintenant j’aimerais me
débarrasser d’elle. Je suis prête pour qu’on la tue.

Il se sert aussi un verre et vient s’assoir près de moi.

‒ On ne va pas la tuer. En tout cas pas pour te faire plaisir à


toi. Derrick par contre on peut le tuer.
‒ Pas maintenant. Je veux être sûre de figurer sur son
testament avant. Mais puisque j’ai envie de tuer quelqu’un de
toute urgence pour me calmer, ce sera donc Imelda. Cette fille
a osé me défier. J’ai déjà pensé à tout.
‒ Tu veux que ça se fasse quand et comment ?
‒ Ce soir et à la maison. Qu’on pense à un cambriolage. Nous
allons donner l’emplacement de sa chambre avec Travon et il
n’aura qu’à s’y rendre et la buter après avoir volé quelque truc
çà et là.
‒ Ok j’organise tout.
‒ Yes !

Il se rapproche de moi.

‒ Et si maintenant on s’amusait un peu.

Je sais qu’il ne me lâchera pas tant que je ne lui aurais pas


donné ce qu’il veut. Il sort une protection et là sur le canapé il
me cogne fort. Je reste encore avec lui jusqu’à la tombée de la
nuit. Je réponds enfin à l’appel de Derrick après qu’il n’ait
cessé de m’appeler toute la journée.

‒ Oui !
‒ « Où es-tu ? Tu as quitté la maison depuis ce matin. »
‒ J’avais besoin d’être loin de cette maison où je me fais
humilier à longueur de journée.
‒ « J’étais prêt à la faire partir mais tu as refusé. »
‒ Parce que ça ne changera absolument rien. Le problème est
que tu ne me donnes pas ma place Derrick. Tu me contredis
toujours et les autres ont fini par ne plus me respecter. J’en ai
marre.

Je me mets à pleurer faussement en reniflant bruyamment. Il


se confond en excuse et me supplie de rentrer. J’accepte mais
je rentre très tardivement pour pouvoir permettre au bandit
chargé de tuer Imelda de s’introduire dans la maison sans être
vu par les gardes. Il se cache dans le coffre de ma voiture. Il
en sortira quand son heure d’opérer sera arrivée. Quand
j’arrive je trouve la maison vide et silencieuse. Je monte
rejoindre Derrick qui m’attend dans le salon. Je prends une
mine abattue. Il vient me prendre dans ses bras.

‒ Je te demande pardon chérie.


‒ Ok.

Il m’embrasse tendrement. Quand je sens ses mains descendre


sur mon fessier je me dégage gentiment. J’ai assez subit
d’assauts comme ça. J’ai même mal donc ça suffit pour
aujourd’hui.

‒ Je suis épuisée chéri.


‒ Ok.
‒ Mais ça me ferait du bien de dormir dans tes bras.
Il sourit. Nous nous suivons dans la chambre et nous mettons
au lit. Je regarde l’heure une dernière fois. Le bandit ne va pas
tarder à opérer. Je me cale confortablement dans les bras de
mon homme. Il ne tarde pas à s’endormir.

Je me réveille en sursaut lorsque deux coups de feu


retentissent dans la maison. L’imbécile. Il aurait dû utiliser un
silencieux. Derrick aussi se réveille en sursaut.

‒ Tu as entendu ça ? Lui demandé-je.


‒ Oui. C’étaient des coups de feu. On aurait dit que ça venait
du deuxième.

Il se précipite hors du lit mais je le retiens rapidement. Je dois


donner un peu de temps à l’autre type de s’échapper en
espérant que personne en bas ne l’ait vu.

‒ Attend Derrick ! Attend un peu avant de sortir. Le bandit est


peut-être encore là.
‒ Justement, mes enfants aussi y sont. Je dois aller voir. Toi
reste ici.

Il court hors de la chambre. Je reçois un message.

« C’est fait. »
Je souris. J’entends des éclats de voix en bas. Je me décide
d’aller voir. Quand je descends à l’étage des enfants je vois
tout le monde attroupé devant la chambre de Travon. Derrick
et Will luttent avec ce dernier pour l’empêcher de rentrer dans
la chambre. Il pleure comme un bébé.

‒ Non laissez-moi entrer, pleure-t-il. C’est ma femme. Je dois


la voir.
‒ Non Travon. Tu ne dois pas voir ça, l’en empêche son père.
‒ Imelda, hurle-t-il. Mon amour noonn !!!!

Travon tombe aux pieds de son père en pleurant comme un


gamin. Les deux hommes le prennent dans leurs bras.
Alexandra pleure dans les bras de Djénéb. C’est parfait.

Et une de moins.
21

***PETRA

‒ Que se passe-t-il ? J’ai cru entendre des coups feu dans mon
sommeil.

Toutes nos têtes tournent dans la même direction. Je manque


de m’évanouir quand je vois Imelda apparaitre avec Murima.
C’est quoi ça ? Tous sont autant surpris que moi. Travon court
prendre sa femme dans ses bras et l’embrasse à lui couper le
souffle. Will entre dans leur chambre.

‒ Mais… si toi tu es ici… qui est… qui est couché dans votre
lit… baignant dans son sang ? Demandé-je en bagayant.

Will ressort et lâche un soupir.

‒ C’est Debby !

C’est quoi ces conneries ?

***TRAVON
Je m’attrape la tête. Je suis soulagé mais en même temps
navré. Mon Dieu pourquoi a-t-il fallut qu’elle s’incruste dans
ma chambre conjugale ?

‒ Attend mais que faisait-elle là ? Demande Pétra toute rouge.


‒ Elle s’était pointée ce soir au diner disant qu’elle n’en
pouvait plus d’être seule chez elle et exigeait de passer la nuit
ici, expliqué-je. J’ai essayé de lui faire entendre raison sans
succès. Mais ce que je ne comprends pas c’est comment elle
s’est trouvée dans mon lit.

Je regarde ma femme.

‒ Je t’ai pourtant laissé dans la chambre avant d’aller


m’enfermer dans mon bureau.
‒ Oui. Après notre dispute j’ai décidé d’aller aussi perdre du
temps dans la chambre de Murima où j’ai fini par m’endormir.
C’est peut-être à ce moment qu’elle a profité pour se faufiler
dans notre chambre. Oh mon Dieu c’est horrible !

Je la prends dans mes bras. Je suis tellement heureux que ce ne


soit pas elle dans ce lit. J’ai cru mourir quand j’ai vu ce corps
de femme allongé sous les draps et dans du sang. Nous
descendons tous dans le grand salon et mon père appelle la
police. Deux voitures et une ambulance s’emmènent une heure
de temps après. Nous leur expliquons la situation et ils
commencent leur travaille. Le corps de Debby sort sur un
brancard caché sous un drap blanc. Mon cœur se serre à cette
image. Deux vies se sont éteintes en même temps. J’ai perdu
un de mes enfants. Je prends ma femme encore dans mes bras.
Un flic revient vers nous.

‒ Alors, il s’agit d’un cambriolage qui a mal tourné. Certains


objets ont disparu. Mais ce que je n’arrive pas à comprendre
c’est pourquoi le cambrioleur a tiré sur une femme qui
dormais dans son lit ?
‒ Peut-être qu’elle a vu son visage en ouvrant subitement les
yeux, pense Pétra.
‒ Peut-être bien. Nous allons mener une enquête. Nous allons
tous vous interroger séparément. Il y a-t-il des caméras de
sécurité ?
‒ Juste à l’entrée de la maison. Sur la grille, répond mon père.
‒ Ok. J’aurais besoin de voir les enregistrements. Dès demain
vous pourrez à tour de rôle passer au poste.

Ils prennent tous congé de nous. Imelda éclate en sanglot en se


touchant son ventre qui est maintenant visible.

‒ Oh mon Dieu ! Ça aurait pu être moi. Je serais morte à


l’heure qu’il est. C’est affreux.

Je la serre dans mes bras.


‒ Je suis là ma puce. Rien ne t’arrivera.
‒ Je ne peux pas dormir dans cette chambre Travon. Une
femme est morte dans mon lit.
‒ Nous changerons de chambre.
‒ Non, me repousse-t-elle. Je ne veux plus rester dans cette
maison. Tu te rends compte que ça aurait pu être moi ? Mon
Dieu ! Mon bébé !

Elle s’attrape le ventre. Murima l’aide à s’asseoir avant de se


tourner vers moi.

‒ Elle devrait s’éloigner un peu, suggère Murima. Chez ses


parents peut-être.

Je regarde ma femme, je revois l’image du corps sans vie dans


mon lit et je suis de nouveau pris d’horreur. Elle n’a pas
besoin d’être secouée en ce moment. Je m’accroupis devant
elle.

‒ Tu vas rester un moment chez tes parents.

Elle fait oui de la tête. Je pose un baiser sur son front et la


prends dans mes bras.

Après le commissariat où nous nous sommes rendus pour faire


notre déposition, je conduis Imelda chez ses parents. Elle a
l’air toujours autant effrayé. Je lui prends la main en
conduisant. Elle a décidé de rester pour une à deux semaines
le temps pour elle d’oublier. Par contre, je reste perplexe
devant cette situation. C’est bien la première fois que la
maison se fait cambriolée. Cela n’était jamais arrivé avant.
Nous sommes dans un quartier sécurisé, raison pour laquelle
nous n’avons pas mis l’accent sur la sécurité de la maison.

Nous arrivons chez les MOMBO, mes beaux-parents. Je leur


explique la situation et Dieu merci ils ne me font pas de scène.
Ils sont plutôt compréhensifs. Ils me laissent seul avec ma
femme. Je l’attire contre moi.

‒ Tu vas me manquer, lui dis-je.


‒ Toi aussi. Mais j’en ai besoin.

Je lui pose un baiser dans le cou.

‒ Je suis désolée pour le bébé. Je ne m’entendais pas avec


Debby mais elle ne méritait pas ça. Encore moins cet être
innocent.
‒ Je sais. Merci !
‒ Je serai avec toi pour l’enterrement.
‒ Ok. Je t’aime.
‒ Moi aussi.
Je l’embrasse brièvement avant de prendre congé. Il faut que
je fasse deux fois plus accélérer les travaux de notre maison
pour que nous puissions enfin y aménager.

***IMELDA

J’avais prévu faire une à deux semaines chez mes parents mais
finalement j’en ai fait quatre. Je suis tombée malade le
lendemain de mon arrivée et j’ai même passé toute une
semaine sous perfusion dans ma chambre. Je manque de sang,
de vitamine, de presque tout ce qui est nécessaire pour le bon
développement du bébé. J’avais grand besoin de repos entre
ma boite qui va bon train et toutes ces disputes qu’il y a chez
les WILLAR. Je vais maintenant mieux même si je suis tout le
temps épuisée. Travon passe presque toutes ces journées près
de moi et me rapporte à chaque fois des choses soit à manger
soit de petits cadeaux. Il doit être là ce soir après réunion
importante avec des associés. J’ai hâte de le voir mais surtout
qu’il me fasse l’amour. Depuis que je suis ici nous n’avons
rien fait.

Debby a été enterrée il y a deux semaines. Je n’ai pu m’y


rendre à cause de l’état fragile de ma santé. Mais toute la
famille y était aux côtés de Travon. Je m’en veux en quelque
sorte de ce qui lui est arrivé. Ce soir-là quand elle s’est pointée
avec son énorme ventre à exiger de passer la nuit dans la
maison, j’ai perdu mon sang froid et je lui ai administré une
gifle que j’ai accompagné de menace. Elle m’avait manqué de
respect. J’avais tellement la rage que l’espace d’un instant j’ai
souhaité qu’elle disparaisse de la surface de la terre. Mais je
ne savais pas que les heures qui suivraient mon souhait
silencieux se réaliserait. Je ne le pensais pas réellement. J’étais
juste en colère. Si en colère que j’ai préféré aller rester avec
ma belle-mère dans sa chambre. Heureusement je dirais, parce
que j’aurais été la victime de ce cambrioleur, mais
malheureusement parce que c’est une autre qui l’a été. Mais
quelle idée de s’incruster dans la chambre des gens ?

Je sors de mes pensées et me force à manger la soupe que m’a


fait envoyer ma belle-mère ce matin avec son acolyte Djénéb.
J’ai aussi reçu la visite de Will et Xandra, sans oublier M.
Derrick et sa femme qui avait l’air de s’en foutre royalement
de moi. Je suis plongée dans ma soupe lorsque j’entends du
grabuge en bas. J’entends surtout ma mère parler à haute voix.
Je descends voir. Ma mère semble se disputer avec quelqu’un.
Je vois aussitôt des hommes en tenue commencer à fouiller
partout.

‒ Que se passe-t-il maman ?


‒ Ces policiers disent qu’ils ont un mandat de perquisition.

Le flic avec qui elle discutait se montre à moi.

‒ Bonsoir Madame WILLAR. Je suis le Lieutenant FLYNN.


Puis-je vous poser quelques questions ?
‒ Euh oui.
‒ Bien ! Quels étaient vos rapports avec la défunte Debby
BERRY ? Enfin je veux dire après que vous ayez appris
qu’elle était la maitresse de votre mari ?
‒ Elle n’était pas la maitresse de mon mari mais plutôt un
coup d’un soir. Et quels rapports voulez-vous que j’aie avec
elle ? Elle portait l’enfant de mon mari donc il est clair que je
ne la voyais pas comme ma meilleure amie.
‒ Parait-il que vous l’aviez menacé plus d’une fois.
‒ Oui mais pas des menaces de mort.
‒ Des menaces restent des menaces Madame.

Il a quel problème ce flic ? Deux policiers descendent les


escaliers avec en mains un objet dans un sachet.

‒ Chef, nous l’avons.

Ils lui donnent une arme qu’il examine.

‒ Ça correspond à l’arme du crime, annonce-t-il. On


l’embarque.
‒ QUOI ?? Hurlons-nous ma mère et moi.
‒ Madame WILLAR, vous êtes en état d’arrestation pour le
meurtre de Mademoiselle Debby BERRY.
Il me passe aussitôt les menottes. Ma mère se met à tempêter
mais il me conduit de force vers la voiture alors que je n’émets
aucune résistance.

‒ Maman, appelle Travon et explique-lui.


‒ Je vous suis mon bébé.

Il me jette presque dans la voiture. Je grimace de douleur. Ça


n’a pas l’air de le préoccuper. Il monte et démarre. Sur le trajet
je ne cesse de me demander à quel moment cette histoire s’est
retournée contre moi. A la base c’était un cambriolage qui a
mal tourné donc comment je me retrouve au milieu ? Dès que
nous arrivons au Commissariat je vois un groupe de personne
qui se met à gueuler à ma vue.

‒ C’est elle la meurtrière.

Quand je descends de la voiture, une femme s’approche de


moi. Je remarque la voiture de Travon qui gare aussi. Il y sort
avec sa mère. Ma mère descend de la sienne.

‒ Assassin, me hurle la femme. C’est toi qui as tué ma fille.


Tu vas pourrir en prison espèce de sorcière. Sale négresse.
‒ Non je n’ai…
Je ne vois pas la gifle venir. Elle retentie tellement fort que
toutes les têtes lointaines se retournent.

‒ TA GUEULE !!!

Je vois ma mère foncer sur la femme.

‒ Maman non !

Je n’ai pas le temps de finir que ma mère lui a rendu sa gifle à


la dame.

‒ De quel droit tu vas taper mon enfant ? Ndé utsi mubure ?


Ifufu ! (C’est toi qui l’as mise au monde ? Imbécile !)

Toutes les personnes venues avec la femme se mettent à


hurler. Une autre femme veut foncer sur ma mère mais Travon
s’interpose rapidement.

‒ Tu veux te battre ? Hurle ma mère. Laissez-la venir. Mabeni


nan ipele (Les seins comme l’assiette).

Elle retire son foulard qu’elle avait sur la tête et l’attache sur
ses reins. Elle retire ensuite ses talons qu’elle jette n’importe
où. Murima essaie de la calmer lorsqu’une autre femme sortie
de nulle part lui lance une bouteille à la figure. Bon je crois
que cette fois c’est mort. La seule personne capable de calmer
ma mère a changé l’expression de son visage. La gifle de
Murima contre son agresseuse ne se fait pas attendre. Travon
est partagé entre sa mère et sa belle-mère. Les officiers
viennent lui prêter main forte. Je regarde tout ce qui se passe
et je ne peux que pleurer. M. Derrick arrive à son tour
accompagné de Will. Les deux hommes attrapent Murima et
l’éloignent. Les policiers remettent de l’ordre et je peux enfin
avancer. Seulement ma mère court se placer devant l’entrée.

‒ Ma fille n’entrera pas dans ce commissariat. Vous allez


devoir me passer sur le corps.
‒ Madame s’il vous plaît…
‒ Ngué rondi ! Tu m’entends ? Ça ne me plaît pas ! Tuez-moi
d’abord.

Travon s’approche d’elle.

‒ Maman s’il te plaît. N’aggravez pas les choses.


‒ Tout ça c’est ta faute, lui crache-t-elle. Tu ne pouvais ranger
ton kiki ? Vous les hommes n’avez que vos petits zizis à la
place du cerveau. Toujours à courir derrière les fesses des
femmes. Na yidze (Regardez sa tête).
Un flic ayant marre de son manège la dégage de force. C’est
l’erreur à ne pas commettre. Mme Paule MOMBO, cette
femme Punu se jette à terre en hurlant.

‒ Ama ndimbe oohh. Bérondi umbok (Il m’a frappé oohh. On


veut me tuer). Venez voir comment une vielle femme est
traitée ici à Londres. Ils sont tous racistes ici. Nyambi rungue
ukuamuss oohh (Seigneur vient me sauver oohh).

Murima qui s’est calmée vient la calmer à son tour. Elle


réussit à la faire quitter l’entrée du commissariat. La voiture de
mon père gare au même moment. Je suis conduite à une
cellule qu’on referme derrière moi. Travon apparait de l’autre
côté.

‒ Bébé je n’ai rien fait. Je le jure sur la vie de…


‒ Chuut ma puce ! Tu n’as pas à me dire quoi que ce soit. Je te
connais et je sais que tu es innocente. Je ferai tout ce qui est en
mon pouvoir pour te faire sortir de là.

Il prend ma tête en coupe par les barres de fer et m’embrasse.

‒ Je t’aime ma puce. Ce sera nous jusqu’à la fin. Avec nos


enfants. Ok ?

Je fais oui de la tête.


‒ J’ai soif.
‒ Ok. Je vais t’apporter de l’eau.

Il repart mais je ressens aussitôt une vive douleur dans le bas


ventre. Je marche cherche à m’asseoir quand je sens quelque
chose sortir de moi.

***MURIMA

Le commissariat est bondé de monde. Clinton nous a rejoint.


Mais aussi Daniel et Samy qui était avec Xandra. Il y a aussi
Pétra. Je reste près de Mme Paule MOMBO, la mère d’Imelda,
qui pleure dans un coin de la salle.

‒ Tout va bien se passer, la consolé-je du mieux que je peux.


Ayons fois en Dieu et il fera éclater la vérité.
‒ Merci ma belle. Je suis désolée pour ce que j’ai dit à ton fils.
‒ Oh ne t’inquiète pas. J’ai déjà menacé Imelda de lui arracher
les yeux si elle me manquait de respect.

Elle sourit.

‒ Je vais appeler mon fils, le grand-frère d’Imé. Il est Avocat


aux Etats-Unis. Il pourrait faire quelque chose.
‒ D’accord.

Elle rejoint son mari qui ne cesse de passer des appels depuis
son arrivée. Clinton s’approche de moi.

‒ Je suis sincèrement navré pour ce qui arrive à Imelda. Je


vous sais très complices.
‒ Oui. Elle est innocente.
‒ Je le sais ça Murima. J’y mettrai aussi du mien pour la faire
libérer.

Un cri soudain nous parvient. C’est la voix de Travon. Il


revient tout affolé.

‒ Sortez ma femme de la cellule, hurle-t-il. Elle s’est évanouie


et elle saigne.
‒ QUOI ???? Disons-nous tous ensemble.

Nous courrons vers la cellule mais on nous demande de


dégager le passage. Je réussie quand même à voir Imelda
allongée dans du sang. Je retiens sa mère de justesse avant
qu’elle ne la voie dans cet état. Elle est très vite transportée
dans une ambulance. Nous nous la suivons tous jusqu’à la
clinique la plus proche. Je prie intérieurement qu’il ne lui
arrive rien de grave. Ni à elle ni au bébé.
Nous tournons tous sur nous-même comme des lions en cage.
Travon est sur le point de craquer tant à cause de l’anxiété. Je
veux le prendre dans mes bras mais ce n’est pas le bon
moment. Il a besoin de bouger pour faire passer son angoisse.
Il est comme son père. Quand ils sont angoissés, il se sentent
obligés d’être en mouvement comme si le fait de rester sur
place allait les faire exploser. A force de le regarder, je pleure
sans m’en rendre compte. Clinton m’attire dans ses bras.

‒ Je sais que tu en as besoin, me chuchote-t-il.

Et il a raison. Je me laisse aller dans ses bras.

‒ J’ai tellement peur pour elle mais surtout pour Travon. Je


n’en peux plus de voir mon bébé souffrir. Il ne mérite pas ça.
‒ Chuutt !!! Tu dois rester forte.

Je reste dans ses bras jusqu’à ce que le Docteur s’approche.


Nous courons tous vers lui. Travon en premier.

‒ Docteur, dîtes-moi comment va ma femme et mon enfant.


Comment vont-ils ?

La mine qu’il affiche ne me dit rien qui vaille.


‒ Votre femme se porte bien. Mais concernant le bébé. Je suis
navré. Nous n’avions rien pu faire pour le sauver…

Travon recule de deux pas et hurle avant que le Docteur ne


termine sa phrase.

‒ Non ! Non ! Ça ne peut pas être possible. NON !!!

Il se met à cogne dans le mur avec ses poings en continuant de


hurler. Il cogne sa tête dans le mur.

‒ TRAVON NON ! Hurlé-je à mon tour en courant vers lui.

Derrick, Will et moi l’attrapons avant qu’il ne se cogne la tête


une seconde fois. Il est déjà blessé. Je reste accrochée à lui
jusqu’à ce qu’il tombe sur ses genoux. Les deux hommes me
laissent le prendre dans mes bras.

‒ NOON !!! Continue-t-il de hurler en pleurant.


‒ Calme-toi chéri, pleuré-je à mon tour.
‒ C’est de ma faute. C’est de ma faute si ma femme est dans
cet état. C’est moi qui mérite de mourir. Pas mon fils.
‒ Ne dis pas ça je t’en prie. Tu dois rester fort.
Plus il pleure, plus je pleure avec lui. William nous rejoint au
sol et enlace son frère. Je relève la tête un moment et je
frissonne d’effroi lorsque mon regard rencontre celui de…
Josky. Il se tient à une bonne distance de nous. Il me fait un
sourire en coin avant de disparaitre.

***DANS L’OMBRE

Je profite de cette belle fellation en tirant sur ma cigarette. Je


reviens de la clinique et ça été jouissif de voir Murima pleurer.
Elle est intelligente et je sais qu’elle comprendra toute seule
que tout ce qui arrive est uniquement à cause d’elle et là elle
voudra s’éloigner. J’avoue avoir eu un peu mal de la voir
pleurer mais le plaisir était plus intense, surtout lorsque je
voyais ce Derrick au bord des larmes. J’appuie sur la tête de
ma maitresse pour qu’elle me prenne plus au fond de sa gorge.
Je me maintiens longuement tout au fond jusqu’à ce que je me
vide totalement.

‒ Contre la table, lui ordonné-je.

Elle s’exécute. Je la cogne durement en la voyant mentalement


comme Murima. Elle hurle de plaisir.

‒ Oui vas-y ma Murima d’amour. Hurle mon nom.


Elle s’exécute comme si c’était elle. J’y vais avec plus de
hargne.

‒ Tu seras bientôt à moi. Je vais t’épauler quand tu seras en


train de pleurer la mort de Derrick.

Je me vide dans ses entrailles. Je la retourne et l’embrasse


sauvagement. Elle part ensuite se nettoyer dans les toilettes.
J’apporte mon cigare à la bouche en me rasseyant dans le
fauteuil. Elle revient quelques instants plus tard.

‒ Prends ce paquet, lui dis-je. Débrouille-toi pour le planquer


dans la chambre de Will. Ils sont tous occupés à l’hôpital donc
ça te sera facile de t’infiltrer.
‒ Ok. Et Pétra ? Comment ça avance de son côté ?
‒ Cette conne n’a rien dans la tête. Elle risque de ne pas être
discrète. Tu sais que dans cette histoire, c’est toi et moi. Elle,
c’est juste un pion. Elle est amoureuse de Will, raison pour
laquelle je te confie cette mission à toi. Arrange-toi donc pour
ça.
‒ C’est compris.

Elle ramasse ses affaires et sort. Une demi-heure plus tard


c’est à Pétra de faire son entrée, une bouteille de champagne à
la main. Elle la pète aussitôt. Je souris en allant prendre les
coupes. Elle nous sert.
‒ Trinquons à notre victoire, s’exclame-t-elle toute joyeuse.
Imelda a perdu son bébé et elle ira en prison.
‒ Tu crois qu’ils la laisseront aller en prison ?
‒ Peu importe si elle s’en sort. L’essentiel est qu’elle a perdu
son bébé. Dès que j’ai entendu le Docteur dire la phrase
magique, je me suis éclipsée dans les toilettes savourer mon
plaisir. C’est lorsque je t’ai vu t’éclipser que j’ai demandé à
rentrer parce que je serais fiévreuse.
‒ C’est bien. A notre victoire.

Nous trinquons et buvons.

‒ Nous devons aussi trinquer à une deuxième bonne nouvelle.


‒ Laquelle ?
‒ Je suis enceinte. Pile poil comme je l’avais programmé.
‒ Elle est de qui ?
‒ Comment ça de qui ? De William voyons. Je porte le bébé
de l’homme que j’aime et j’aurai les milliards de son père. A
nous.

Nous trinquons de nouveau avant de nous asseoir.

‒ C’était si jouissif de voir cette chienne pleurer. Elle n’est pas


au bout de ces peines. Je lui ferais payer chaque coup qu’elle
m’a donné mais surtout lui faire regretter de se mettre entre
mon mari et moi.
Je mime un sourire.

‒ Tu t’es assurée que le poison mis dans la soupe d’Imelda


soit un poison qui se dissimule dans le sang sans laisser de
trace ?
‒ Bien-évidemment. J’ai profité de la distraction de Murima et
son imbécile de copine Djénéb pour m’en occuper.
‒ C’est bien.
‒ C’est quoi la suite ?
‒ Annoncer ta grossesse à toute la famille autour d’une petite
soirée organisée par toi à votre domicile.
‒ On va attendre que les choses se calment un peu.

J’acquiesce. Elle pose sa coupe et vient sensuellement vers


moi.

‒ En attendant, j’ai bien envie de m’éclater.

Elle ouvre ma ceinture et m’englobe dans sa bouche. Je souris.


Si elle savait que ce qu’elle suce venait de sortir du vagin
d’une autre. Les femmes toutes des connes. Enfin, sauf ma
Murima.
22

***TRAVON

Je récupère les documents dont j’ai besoin et je sors de ma


chambre. En descendant les marches je tombe sur tante
Mélodie, la femme de notre oncle Daniel, qui les entamait.

‒ Bonjour ma tante, la salué-je, surpris de la voir ici à cette


heure de la matinée.
‒ Bonjour Travon. Je ne te savais pas à la maison.
‒ Je faisais juste un tour rapide. Je retourne à la clinique. Toi
que fais-tu ici ? Il n’y a personne. Enfin, en dehors de Djénéb.
‒ Ah ! J’étais venu voir Murima pour lui demander la recette
d’un plat qu’elle nous avait servi des jours en arrière.
‒ Ah ok. Elle est à la clinique mais je crois qu’elle doit être en
chemin maintenant pour la maison.
‒ Je vais donc l’attendre. Mais est-ce que Xandra est dans sa
chambre ?
‒ Non. Sortie avec Samy.
‒ Ah oui j’ai oublié. Je vais donc attendre Murima dans le
jardin. Je n’ai pas grande chose à faire de ma journée. J’irai
voir Imelda après ici.
‒ Ok. A plus.
Je la laisse et je fonce dans ma voiture. De retour à la clinique
je retrouve Maxence le frère ainé d’Imelda qui vit et exerce
aux Etats-Unis comme Avocat. Il est arrivé hier et il a tout de
suite pris le dossier de sa sœur en main. Il travaille avec
l’Avocat de notre famille qui est lui aussi très compétent. Je
crois qu’il revient d’ailleurs du tribunal. Il arrête de rigoler
avec sa sœur quand il remarque ma présence. Nous nous
saluons d’une poignée de main. Lui et moi ne nous sommes
vus qu’une seule fois et c’était le jour de notre mariage avec sa
sœur. Il a fait un aller-retour juste pour la soutenir.

‒ Alors quelles sont les nouvelles du tribunal ? Lui demandé-


je.
‒ Une enquête plus approfondie sera faite. Avec les arguments
que l’autre Avocat et moi avions avancés il ne pouvait en être
autrement. Déjà, rien ne prouve que c’était Imelda qui détenait
l’arme chez elle. C’est tellement récurant de voir des flics qui
posent eux-mêmes des objets incriminants. Aussi il n’y avait
pas ses empruntes sur l’arme. Faut dire que son état de santé
actuelle a aussi joué en notre faveur. On ne peut mettre en
prison une femme qui vient de perdre son bébé et qui plus est
très faible, surtout qu’il n’y a pas de preuve tangible. Sans
oublier que les flics l’avaient aussi un peu secoué malgré sa
coopération.
‒ Waho ! Fais-je soulagé. Vraiment merci. Tu m’enlèves un
énorme poids sur la poitrine. Elle est donc innocentée ?
‒ Pour le moment oui mais elle demeure le suspect numéro un.
Elle ne doit aussi pas quitter le pays.
‒ Ok ça marche.
‒ Bon je retourne à la maison me reposer un peu. Je n’ai pas
fermé l’œil depuis que je suis là.
‒ Encore merci !

Je lui serre encore la main. Il embrasse sa sœur et nous laisse


tous les deux. Je rejoins ma femme sur son lit. Je l’embrasse
langoureusement.

‒ Je suis tellement heureux maintenant que tu ne retourneras


pas en cellule.
‒ Moi aussi.

Je pose ma main sur son ventre.

‒ Je suis vraiment désolé pour ce qui est arrivé. Tout ça c’est


entièrement…
‒ Chuutt ! M’intime-t-elle le silence en posant son doigt sur
mes lèvres. Arrête de culpabiliser mon amour. Nous avons
perdu un bébé mais le deuxième est encore là et en bonne
santé. Nous devons nous réjouir pour lui sinon il se sentira
délaissé.

Je souris.
‒ T’as raison.

Je pose un baiser sur son ventre et je reçois un coup de pied. Je


regarde Imelda qui éclate de rire.

‒ Il a commencé à me donner des coups de pied depuis ce


matin.
‒ Je crois qu’il veut nous dire que lui il est encore là.
‒ Ouais.

Je pose un baiser sur son front. J’avais pété un câble il y a


deux jours lorsque le Docteur nous avons annoncé la perte du
bébé sans même attendre qu’il finisse de parler. Il a été obligé
de presque hurler qu’en fait c’était une grossesse gémellaire et
que l’autre était encore en vie. Je n’en revenais pas de cette
chance. Mes larmes ont tari illico même si j’avais quand
même mal d’avoir perdu un bébé. J’en aurai eu deux.

‒ Je t’aime tellement ma puce. Je te promets que tu n’iras pas


en prison.
‒ Oh, même si toi tu ne fais rien je compte sur les
compétences de ma mère.

J’éclate de rire. C’est vrai qu’elle est bien folle ma belle-mère.


‒ Je vais demander qu’on te garde encore un peu ici pour que
tu récupères au mieux.
‒ D’accord. Je ne retournerai pas à la maison.
‒ Je sais. Je mets la pression sur les ouvriers pour qu’ils
terminent rapidement la maison. Je vais cependant nous
prendre un appartement.
‒ C’est compris. Je veux dormir dans tes bras.

Je m’assois près d’elle et passe mon bras autour de ses


épaules. Elle pose sa tête sur mon épaule. Nous restons dans
cette position jusqu’à ce qu’elle s’endorme.

UNE SEMAINE PLUS TARD

***WILLIAM

J’écoute ma mère discuter au téléphone avec Aurelle. J’ai


cette folle envie de lui parler mais je sais qu’elle raccrochera à
la seconde même où elle entendra ma voix. Je ne pensais pas
qu’elle me manquerait autant.

‒ Comment va ton père ? Lui demande ma mère.


‒ « L’opération a été un succès par la grâce de Dieu. Dieu a
envoyé un ange qui a payé tous les frais. »
‒ Comment ça ?
‒ « Alors que nous réfléchissions à comment réunir la somme
demandée, on nous apprend que quelqu’un avait tout réglé. A
la question de savoir de qui il s’agissait, le Docteur nous a
répondu qu’il préférait garder l’anonymat. »

Ma mère lève les yeux sur moi. Je souris. Elles discutent


encore un bref moment avant qu’Aurelle ne demande à
raccrocher parce qu’elle doit sortir faire des courses. Je fais
des signes à maman pour qu’elle lui demande où est-ce qu’elle
se rend. Elle répond avant de raccrocher.

‒ Quelque chose me dit que cet ange c’est toi, déduit ma mère
en me fixant.
‒ Ouais.
‒ Comment tu as fait ?
‒ Je suis passé par sa tante qui m’a dit tout ce que je devais
savoir. J’ai contacté directement l’hôpital pour régler.
‒ Dois-je comprendre par-là que tu es amoureux d’Aurelle ?
Parce que je ne vois pas pourquoi d’autre tu aurais fait ça.

Je baisse les yeux. Je ne saurais situer ce que je ressens pour


cette fille.

‒ Peut-être que oui M’man.


‒ Faut que tu saches ce que tu ressens pour savoir ce que tu
dois faire.
‒ Je sais.

Elle me sourit tendrement. Je pioche un morceau de viande


dans le plat qu’elle a cuisiné à Imelda.

‒ Enlève tes sales pattes de là Warisse, m’intime-t-elle en me


tapant la main.
‒ Moi aussi je t’aime Murima, lui lancé-je en sortant de la
cuisine.

J’arrive au supermarché où Aurelle fait déjà ses courses.


J’entre et je la repère en moins de temps. Je reste discret à
l’observer. Malgré tout ce qu’elle traverse elle est restée belle.
Sa petite robe volante lui va à merveille et son chignon révèle
encore plus les beaux traits de son visage. Et ses lèvres, hum
ses lèvres. Comme j’ai envie de les emprisonner entre les
miennes. Elle s’avance vers la caisse. J’en fais de même sans
me faire voir encore. Je me rapproche encore plus lorsque la
caissière lui fait le total de ses achats. Pendant qu’elle fouille
son petit sac moi je tends ma carte de crédit.

‒ Prélevez le montant de ses courses, dis-je à la jeune fille qui


me fait des yeux doux.

Aurelle relève la tête et quand elle me voit…

‒ Oh putain encore toi Will ! Non mais que me veux-tu ?


‒ Je…
‒ Mademoiselle tenez ces billets, dit-elle à la caissière en lui
tendant l’argent. J’ai de quoi payer mes courses.

La fille me regarde. Je lui fais non de la tête. Elle fait glisser


ma carte dans l’appareil et me la rend. Aurelle la regarde avec
rage. Elle récupère ses courses dans les sacs et marche vers la
sortie sans un regard pour moi.

‒ Aurelle s’il te plaît !

Je la retourne par le bras une fois hors du local.

‒ Aurelle…
‒ Que me veux-tu Will ? Ça ne te suffit pas que je me sois
faite renvoyer ?
‒ Jusqu’à quand vas-tu continuer à m’en vouloir pour ce qui
s’est passé entre nous ?
‒ Il ne s’est rien passé justement. Tu as profité de ma faiblesse
pour te foutre de moi. Mais tu ne m’auras plus.
‒ Il est vrai que mes intentions au début étaient malsaines mais
maintenant c’est différent.
‒ En quoi ?
‒ En le fait que… je suis tombé amoureux de toi.
Son regard se trouble. Il devient subitement tendre. Je me
rapproche d’elle.

‒ Ecoute, je n’ai aucune raison de te mentir parce qu’à la base,


mon truc ce sont les femmes plus âgées. Tu es la première fille
qui… qui me fait perdre la tête. Depuis que t’es partie mes
diners sont fades parce que je ne vois plus ton joli visage. Je
n’entends plus ta voix et je n’entends plus ton rire depuis la
cuisine. Tu me manques Aurelle.

Elle ne dit rien. Je sens qu’elle a baissé la garde. Je me


rapproche encore plus d’elle dans le but de l’embrasser
lorsque quelqu’un m’agrippe subitement le bras.

‒ Oh mon amour comme je suis heureuse de te voir.

Je n’ai pas le temps de réagir que Mirabelle se jette sur mes


lèvres. Elle s’accroche à mon cou, m’empêchant de la
repousser.

‒ Mira… belle… attend !

Je me dégage mais trop tard. Aurelle est partie. Et merde ! Je


tourne les yeux et je vois sous l’essuie-glace de ma voiture des
billets d’argent. Elle m’a remboursé. Et dire que j’étais à deux
doigts de me faire pardonner. Je monte dans ma voiture sans
m’occuper de Mirabelle qui m’appelle sans cesse. Ça n’en
vaut pas la peine de suivre Aurelle parce qu’elle m’enverra
bouler. Il vaudrait mieux que j’aille me préparer pour la soirée
organisée par mes parents ce soir à la maison.

Le jardin est le témoin de cette soirée. Pétra a invité toute sa


bande d’amie. Du côté de mon père il n’y a que quelques
personnes. Oncle Daniel et sa famille, Clinton et le DAF de
l’entreprise Xender qui est aussi un bon ami à mon père. Je ne
sais vraiment pas à quelle occasion Pétra a organisé cette
soirée. Surement pour se faire voir comme toujours. Je
m’ennuie grave. Je sens que je ne tarderais pas à m’éclipser.
Xandra ne cesse de rire dans les bras de Samy, Travon et
Imelda sont assis dans un coin à discuter calmement en
amoureux. Moi je suis là, tout seul à les regarder. Je crois qu’il
est temps pour moi de me lancer dans une relation sérieuse qui
aboutira au mariage. Je suis las de coucher avec toutes ces
femmes qui peuvent me mettre au monde. Parlant de mettre au
monde, je regarde la première femme de ma vie, ma mère,
sourire au bras de Clinton. Il a demandé l’autorisation à mon
père pour qu’elle puisse être sa partenaire ce soir. Il a
difficilement accepté. Des fois je me dis que mes parents
devraient se remettre ensemble, mais quand je repense à tout
ce qui s’est déjà passé, il m’arrive encore de penser qu’il serait
mieux que chacun vive sa vie de son côté même s’ils s’aiment
encore tous les deux.

N’en pouvant plus de boire du champagne, je me rends dans la


cuisine me servir du jus de fruit. Je sens une présence dans
mon dos quand j’ouvre le frigo. Je le referme et je la vois.
Encore cette Pétra. Elle ferme la porte de la cuisine et fonce
sur moi.

‒ Non mais tu n’en as pas marre de me harceler ? Lui


demandé-je en posant la carafe de jus sur le plan de travail.
‒ Bah non, répond-t-elle sensuellement en s’approchant. Tu es
tellement beau ce soir dans ce costume mon amour.

Elle essaie de me toucher, je repousse sa main et je sors. Je


rencontre Djénéb à qui je demande de me rapporter du jus. Je
retourne près de Travon et sa femme. Je me plonge dans leur
conversation qui est plutôt gaie. Pétra qui se repointe impose
le silence en cognant sur sa coupe de champagne. Tous lui
accordent leur attention.

‒ Mon époux et moi vous remercions de votre présence à notre


petite soirée détente. Je voulais profiter du fait que vous tous
qui représentez nos plus proches amis soyiez présents pour
vous annoncer une merveilleuse nouvelle.

Elle s’accroche au bras de mon père. Djénéb m’apporte


discrètement mon jus. Je le vide d’une traite.

‒ Voilà, nous allons avoir un bébé dans la famille. Je suis


enceinte.
Mon père recrache sa boisson tandis que tous les autres
ovationnent la nouvelle. Imelda et moi tournons
automatiquement nos têtes vers Murima qui est près de
Clinton. Je peux clairement voir qu’elle est tout autant
choquée que mon père. Ce dernier la regarde également.
J’essaie de me lever pour la rejoindre mais je suis frappé par
un tournis qui m’oblige à me rasseoir. J’ai chaud tout d’un
coup. Je sens mes tempes battre et mes mains trembler. Je
transpire à grosse goutte. Il faut que je boive. Je prends la
coupe de champagne de Travon et la vide d’un seul coup.

‒ Hé non mais tu es malade de prendre ma boisson ? S’énerve-


t-il faussement.

Il fronce les sourcils lorsqu’il me voit agité.

‒ Will ça va ? S’inquiète-t-il ?
‒ Oui. Je… crois.

Je marche vers la table des boissons et j’enchaine coupe sur


coupe. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je défais les boutons de ma
chemise tant la chaleur m’indispose. J’ai l’impression d’avoir
pris de l’ecstasy pourtant je n’ai pas touché à la drogue depuis
mon retour de Birmingham. Il faut que je retourne à l’intérieur
de peur de faire n’importe quoi et que ma relation avec mon
père ne se dégrade de nouveau. Je cogne deux personnes sur
mon passage. Je m’excuse à chaque fois et continue ma
marche vers l’intérieur. J’essaie de monter les marches mais je
risque de me faire mal. Je me rends donc dans le grand salon.
Je retire ma veste et ouvre complètement ma chemise. L’envie
de hurler me prend aux tripes mais je me retiens. Je me retiens
franchement de faire des bêtises. Je suis tout excité. Je dois
bouger, danser, être en mouvement.

‒ Will ?

Oh non pas encore elle. Je lui donne dos mais cette garce
m’enlace de ses bras. Elle glisse ses mains sous mon
débardeur.

‒ Pétra arrête !
‒ Tu m’as l’air tout excité. Et si on s’éclipsait pour faire les
fous.
‒ Arrête !

Elle m’embrasse de force. Je veux céder mais je puise en moi


la force de la repousser.

‒ Mon Dieu Pétra tu devrais avoir honte de me harceler alors


que tu es mariée et porte l’enfant de mon père.
‒ Oh ça ? Sourit-elle. Laisse-moi t’informer que le bébé que je
porte n’est pas de ton père, mais de toi.
‒ Arrête tes conneries.
Je vais me servir un verre de liqueur pour étancher ma soif.

‒ Je porte ton enfant William.


‒ Je ne t’ai pas touché depuis des lustres.
‒ Oh que si.

J’enchaine un deuxième verre mais j’en veux plus. Je veux


sortir quand elle me plaque contre le mur et place devant mes
yeux son portable. Une vidéo s’y joue. Malgré mon état
j’arrive à voir ce qui se passe. Moi couché dans mon lit et elle
me chevauchant comme une malade. Je la regarde
complètement choqué.

‒ Rappelle-toi de ce jour où tu t’es réveillé avec une érection


après avoir bu le jus de fruit que cette garce t’avait fait. Eh
bien, j’y avais glissé un peu d’aphrodisiaque et de somnifère.

Elle rapproche ses lèvres des miennes alors que je suis encore
sous le choc.

‒ Ce jour-là tu as joui en moi comme jamais. Et pas qu’une


seule fois. Tu seras donc papa, mon amour.

Elle me mordille la lèvre avant de la prendre entièrement. Je


reviens à moi et dans une rage sourde je lui agrippe fermement
le cou.
‒ Comment as-tu pu ?
‒ Vas-y, brutalise-moi bébé.

Avec toute ma force je la projette dans le fauteuil derrière.

‒ COMMENT AS-TU PU ????

Elle revient vers moi. Quand elle pose ses mains sur moi je
vois rouge. Je lui administre une violente gifle qui la propulse
au sol avec un cri de douleur. Je la relève par les cheveux et la
balance n’importe où. Elle se prend un vase en pleine figure.
Elle se déchire au front.

‒ William arrête ! Me supplie-t-elle toute effrayée.


‒ Comment peux-tu faire ça ?
‒ Parce que je t’aime. Je t’aime comme jamais personne ne
t’aimera.

J’ai envie de la tuer. Je m’avance encore vers elle lorsque des


pas se font entendre. Je crois entendre la voix de mon père.
Pétra se relève et d’un seul coup déchire sa robe.

‒ NON WILL ARRÊTE !!!


Elle se griffe sous mes yeux. Qu’est-ce qui lui prend ?

***MURIMA

‒ Murima ! M’appelle Derrick qui m’a suivi à l’intérieur de la


maison.
‒ Que veux-tu ? Demandé-je en lui faisant face.
‒ Je…

Il cherche ses mots.

‒ Par rapport à la grossesse de Pétra. Je… je ne m’y attendais


pas.
‒ Attends, tu n’as pas d’explication à me donner Derrick. Elle
est ta femme et c’est normal qu’elle porte ton enfant.
‒ Je sais mais… j’avais l’intention de divorcer pour nous
redonner une chance à tous les deux.

Je ris.

‒ Et tu crois que j’allais accepter de me remettre avec toi ?


‒ Oui. Parce que tu m’aimes.
‒ Retourne près de ta femme et de votre futur enfant.
Je lui redonne dos mais il me ramène contre lui et écrase ses
lèvres sur les miennes.

‒ C’est toi que je veux, souffle-t-il entre deux baisers.

Après un bref moment d’échange de baiser, je reviens à moi et


je le repousse. Il ouvre la bouche lorsqu’un cri nous provient.

‒ NON WILL ARRÊTE !!!

C’est la voix de Pétra. Qu’est-elle encore en train de faire à


mon fils ? Elle continue d’appeler à l’aide. C’est une Pétra
affolée et le visage en sang que nous retrouvons affalée sur la
moquette. Sa robe est en pièce sans parler de ses cheveux en
pagaille.

‒ Que se passe-t-il ? Demande Derrick en courant vers elle.


‒ C’est… C’est Will, pleure-t-elle. Il a consommé de la
drogue et il a essayé de me violer.
‒ Quoi ? Dis-je en même temps que Derrick.

Je regarde mon fils et effectivement dans ses yeux je peux voir


qu’il n’est pas très lucide. Il est aussi tout débraillé et en sueur.
Il put l’alcool.
‒ Non c’est faux, se défend-t-il. Je n’ai pas essayé de la violer.
‒ Il ment. Derrick aide-moi, j’ai mal.

Elle pleure dans les bras de son époux. Je m’approche de mon


fils.

‒ Warisse qu’as-tu pris ? Lui demandé-je sèchement.


‒ Rien maman. Je te jure que je…

Il hoquette. Je ne vois pas Derrick venir dans mon dos. Il


relève son fils et lui envoie un coup de poing dans le visage.

‒ DERRICK !!!!

Je le repousse loin de Will qui dandine sur ses jambes.


J’attrape les cols de mon fils.

‒ William tu m’avais promis.


‒ Maman je te jure que je n’ai rien pris.

Il pleure.

‒ Je t’avais promis et depuis je n’ai touché à rien.


‒ Donc pourquoi es-tu dans cet état ?
‒ Je… je n’en sais rien. J’ai juste pris du jus de fruit et… j’ai
commencé à me sentir bizarre. Je crois que Pétra a mis de
l’ecstasy dans mon verre parce qu’elle était dans la cuisine.

Je regarde mon fils pleurer. Il est sincère. Je le vois subitement


suffoquer. Il pose sa main sur sa poitrine en grimaçant de
douleur

‒ Que t’arrive-t-il ? Paniqué-je en lui serrant les joues.


‒ Je… j’ai du mal à respirer maman. Je…

Il s’étouffe.

‒ Il faut que tu vomisses chéri.

Il s’écroule au sol en suffoquant toujours. Je m’agenouille


devant lui et je glisse deux doigts dans sa gorge. J’y vais au
fond et là il vomit en abondance. Il en met un peu sur ma robe.
Petit à petit il se reprend.

‒ Ça va bébé ?
‒ Oui maman.

Il s’adosse contre le mur et pleure en silence.


‒ Que se passe-t-il bébé ? Parle-moi !

Il pleure sans me répondre. L’émotion me secoue en voyant


mon fils dans cet état.

‒ Bébé parle-moi ! Le supplié-je la voix tremblante.


‒ Il faut que je parte, finit-il par dire.
‒ Partir où ? Tu veux me laisser ?

Il essaie de se relever mais il est faible. J’entends du bruit dans


mon dos.

‒ Je t’avais donné une chance William, vocifère Derrick dans


mon dos. Mais cette fois tu es allé trop loin. Je veux que tu
quittes ma maison, sur le champ.

Je me relève droit devant lui.

‒ Tu vas le mettre dehors sans chercher à comprendre ce qui


s’est passé ?
‒ Tout est pourtant clair Murima. Il s’est drogué et a violenté
ma femme.
‒ Et tu crois en cette garce sans entendre la version de ton
fils ?
‒ Tu as encore le courage de la traiter de garce alors que ton
fils l’a mise dans cet état ?
‒ C’est une garce parce que…
‒ Maman s’il te plaît ! M’interrompt la voix de Will.

Derrick et moi nous jaugeons du regard. Je vois du coin de


l’œil Djénéb entrer dans la pièce.

‒ Euh excusez-moi mais, il y a la police dehors. Elle est là


pour Will.

Je tourne vivement la tête. Elle me fait oui de la tête. Derrick


et moi nous nous rendons à la porte d’entrée où trois officiers
nous attendent.

‒ Bonsoir Monsieur, Madame. Nous avons un mandat de


perquisition. Une quantité importante de drogue qui fait objet
d’une enquête aurait été cachée dans cette maison par le
suspecté William WILLAR.

Derrick et moi échangeons un regard. J’ai une sensation de


déjà-vu. Nous les escortons jusqu’à la chambre de Will. Mon
visage se décompose lorsqu’un petit sac noir rempli de drogue
est tiré de sous son lit.

‒ Non ce n’est pas possible, chuchoté-je.


Le même scénario qu’il y a vingt-deux ans.

‒ Nous serons obligés d’embarquer votre fils, Monsieur


WILLAR, informe l’officier à Derrick.
‒ Faites ce que vous avez à faire.
‒ Derrick non ! Lui lancé-je.

Je vois dans son regard de la colère et la déception. Les


policiers sortent de la chambre.

‒ Derrick empêche-les de faire ça.


‒ Ton fils reprend exactement ce que tu as fait vingt-deux ans
plus tôt.
‒ Je croyais que… Tu m’avais dit que tu croyais en mon
innocence.
‒ J’étais surement aveuglé par l’amour que je ressens pour
toi ?

Je n’en reviens pas de ce qu’il me dit. Mais on verra son cas


plus tard. Je redescends à la hâte et j’arrive pile au moment où
un officier essaie de faire passer les menottes à Will qui
résiste. Travon aussi se met entre son frère et l’officier.
‒ Il n’est pas question que vous l’embarquiez, dis-je en
courant vers eux.

Will me regarde.

‒ Ce n’est pas à moi, me dit-il avec peine dans la voix.


‒ Je te crois.

L’officier essaie d’y aller avec force. Je repousse son bras.

‒ Ne le touchez pas.
‒ Madame faites attention à ce que vous faites. Nous pourrions
aussi vous embarquer ;
‒ Oui allez-y !

Je m’arrête devant Will. Daniel, Mélodie et Clinton arrivent à


leur tour. Ils ne comprennent pas ce qui se passe.

‒ Madame laissez-nous faire notre travail.


‒ J’ai dit non.

Un autre essaie de me dégager de force. Je me dégage


violemment de son emprise. Clinton et Derrick viennent tout
de suite m’entourer comme bouclier.
‒ Ne la touchez pas, ordonne Clinton.

Il se tourne vers moi.

‒ Murima, laisse-les faire leur boulot. Tu risques de


compliquer les choses.
‒ Il n’a rien fait.
‒ Ce n’est pas ainsi que tu le prouveras.

Pendant que Clinton me parle, les policiers en profitent pour


s’en aller avec Will suivi de tous les autres.

‒ NON !! NE L’EMMENEZ PAS !!!

Clinton me retient avant que ne me lance à leur suite. Je gigote


dans bras.

‒ NON LA DROGUE EST A MOI, hurlé-je espérant que ça


les empêche d’aller avec mon fils.

Je me dégage de l’emprise de Clinton et je cours dehors.


‒ La drogue est à moi, dis-je à nouveau au moment où Will
s’apprêtait à monter dans leur voiture. C’est… c’est moi qui
l’ai planqué sous son lit espérant qu’on ne la retrouve pas. Je
devais la récupérer plus tard mais vous êtes arrivés et…
‒ Maman ne fais pas ça. Tu en as déjà assez fait. Plus de
sacrifice pour nous s’il te plaît.
‒ Bébé, soufflé-je la voix tremblante et les larmes dans mes
yeux.
‒ Retiens juste que j’ai tenu la promesse que je t’avais faite.
‒ Et je te crois, le rassuré-je en lui tenant les joues. Je te ferai
sortir.
‒ Je n’en doute pas une seconde.

Il me fait un dernier sourire et monte dans la voiture. Je ne me


retiens pas de pleurant en regardant la voiture s’éloigner. Je
retourne à l’intérieur à la hâte récupérer mon sac à main avec
un peu d’argent. Je ne prête attention à personne. Ils sont tous
en train de discuter sur je ne sais quoi. Je sors quand je suis
retenue.

‒ Murima attend !
‒ Clinton non.
‒ Je vais avec toi. Je ne veux pas te laisser seule.
‒ Ok.
Sur le trajet je ne cesse de me triturer les doigts. Mais je me
pose surtout plein de questions. Comment cette drogue a pu
arriver dans la chambre de Will ? Je lui fais confiance donc je
crois qu'elle ne lui appartient pas. Ces événements ressemblent
trop à ce que j’ai vécu. D'abord j’ai été droguée, ensuite de la
drogue a été retrouvée au-dessus de ma penderie et j’ai fini en
tôle pour des crimes que je n’ai pas commis. L’histoire ne peut
pas se répéter diantre. Et si… et si cette personne qui m’avait
piégé dans le passé avait refait surface ? Tous ces événements
seraient-elles l’œuvre d'une personne ?

‒ Je peux te garantir que ce qui t'es arrivée il y a vingt-deux


ans n'arrivera pas à ton fils, ni à aucun de tes deux autres
enfants.

Je sursaute devant la promesse de Clinton.

‒ Comment ? Lui demandé-je pour être sûre d’avoir bien


entendu.
‒ Tu n'as plus besoin de te cacher Murima Tatiana
ITSIEMBOU, continue-t-il en conduisant toujours. Je sais qui
tu es. Ou du moins je l’ai deviné.
‒ Comment ?
‒ Tu en connais toi des gouvernantes qui pleurent pour chaque
petit bobo qui arrive aux enfants de leur patron ? Qui
s’inquiètent d'eux jusqu’à avoir des insomnies ? Qui s'accusent
des crimes qu'elles n'ont pas commises juste pour protéger le
petit patron ? Et pour finir qui appellent les enfants de leur
patron ‘‘mon chéri, mon bébé…’’ ?

Je reste silencieuse.

‒ En plus de ces événements il y avait trop de coïncidences


entre toi et la mère des enfants WILLAR. Le même prénom, la
même nationalité, la même ethnie, sans oublier ta
ressemblance frappante d'avec William. Je l'ai toujours su
mais ton échange émouvant avec Will ce soir m’a donné la
confirmation. Alors, je me trompe ? Es-tu l'ex-femme de
Derrick ?

Je n'avais vraiment pas envie qu'il le sache maintenant. J'aurais


préféré que ce soit au même moment que tout le monde.

‒ Oui c’est moi, admets-je la tête baissée. Mais je


t’expliquerai tout plus tard.
‒ Je sais déjà tout. Inculpée pour quarante ans pour complicité
de mafia et meurtre mais tu en as finalement fait vingt-deux.
‒ Je n’ai rien…
‒ Je sais Murima, me rassure-t-il en posant sa main sur la
mienne. Je crois en ton innocence je t'assure. Et c’est pourquoi
je m’engage à te protéger contre tous ceux qui te voudront du
mal.
‒ Merci Clinton.
‒ Mais il va te falloir dire la vérité à tes autres enfants. Travon
posait des questions à Derrick.
‒ Je crois bien que le moment est venu de tout révéler. Mais
d’abord je m’occupe du cas de William.

Nous arrivons au poste et Clinton s’entretient un moment avec


un officier. Il revient quelques minutes plus tard.

‒ Que se passe-t-il ? Nous devons payer une caution ?


‒ Oui !
‒ D’accord. J'ai mes économies à la maison.
‒ Mais il y a autre chose.
‒ Quoi ?
‒ Derrick nous a devancé. Il a appelé pour demander qu'on
fasse enfermer Will pendant deux semaines même si la caution
était payée.
‒ C’est une blague ? Attends je l'appelle.

Je compose le numéro de Derrick. Il décroche à la première


sonnerie.

‒ « Quoi ? »
‒ Dis-moi que tu n'as pas osé demander qu'on enferme ton fils.
‒ « Tu veux que je répète l'ordre devant toi ? »
‒ NON MAIS TU ES MALADE ??? ON PARLE D'UN
GOSSE DE VINGT-CINQ ANS BON SANG !!!
‒ « Un gosse de vingt-cinq ans qui consomme de la drogue et
qui tente de violer la femme de son père. Un séjour en prison
lui remettra les neurones en place. Nous l'avons assez caressé
dans le sens du poil. C’est terminé maintenant. »

Il me raccroche au nez. Ça ne va pas se passer comme ça.

‒ Ramène-moi à la maison s'il te plaît Clinton.

Il me conduit de nouveau sans broncher. Une fois arrivés, je


m'attends à ce qu’il démarre et rentre chez lui mais non, il me
suit à l’intérieur. Derrick est dans le grand salon avec Daniel
et Pétra qui a un sparadrap sur le front.

‒ Derrick, tu n'es qu’un enfoiré. Un fils de chienne.


‒ Je t’interdis de me parler de la sorte dans MA maison.
‒ Ta maison ? C’est moi qui ai dessiné les plans de cette
fichue maison et si tu es à ce stade de ta vie c’est grâce à mes
idées. Tu n'as jamais rien eu dans la tête. Et ça continue
jusqu’à ce jour. Tu n’as toujours rien dans ta cervelle de
merde. Comment tu peux faire enfermer ton fils ?
‒ Tu veux peut-être le rejoindre ? Ramasse vos affaires et
dégagez de chez moi. Au final tu aurais dû rester toute ta vie
en prison parce que c’est là-bas qu'est ta place. Jamais il n'y
avait eu de drogue dans cette maison et il a fallu que tu
reviennes pour qu’il y en ait. Ça ne m’étonnerait pas
d'apprendre que tu baises de nouveau avec ce Josky.

Je ramasse à la va-vite le vase près de moi et le lui lance à la


figure. Il ne le voit pas venir et se fait déchirer au front.
Clinton m'attrape lorsque j'attrape un deuxième vase.

‒ Lâche-moi Clinton !

Je le repousse et lance le vase sur Derrick qui a le temps de


dévier cette fois.

‒ Ne me pousse pas à bout Tatiana, me hurle Derrick. Dégage


de ma maison.
‒ Regarde-moi dégager.

Je prends la paire de ciseau posée près de la trousse de


secours. Clinton essaie de s’interposer.

‒ Je te conseille de ne pas te mettre sur mon chemin, le


menacé-je avec le ciseau.

Il recule de deux pas. J’enfonce l’objet dans le fauteuil et je


déchire tout le long. Pétra et Daniel se lèvent
automatiquement. Derrick m'attrape le bras mais je le blesse
au bras avec le ciseau.
‒ Tu me touches encore t'es un homme mort. Imbécile !
‒ Arrête maintenant !

Je continue mon travail sous leurs protestations.

‒ Je vais te laisser un dernier souvenir de moi avant de m'en


aller.

Je casse les pots de fleurs et tous les décoratifs. Plus je me


défoule plus l'émotion devient maitresse de moi. Je n’arrive
pas à retenir mes larmes. J’ai tellement mal. Je ne sais pas
exactement pourquoi mais j’ai vachement mal. Derrick
m'attrape le bras de force. Je le repousse.

‒ Lâche-moi Derrick ! Pourquoi tiens-tu tant à me faire mal ?


Pourquoi ? Tu ne penses pas que j'ai assez souffert comme
ça ?
‒ Je ne suis pas l'auteur de tes souffrances. Tu es la seule
responsable. Tu es celle qui se dopait et tu es encore celle qui
avait de mauvaises fréquentations.
‒ Mais c’est toi qui m'as privé de mes enfants pendant de
longues années. Tu m'as privé d'eux et maintenant que je les ai
retrouvés tu veux tout foutre en l'air. Je veux avoir tous mes
enfants autour de moi. (Haussant le ton) Il est temps que
Travon et Xandra sachent que je suis leur mère et que je ne
suis pas morte.
« ‒ Quoi ? »

Nous nous tournons vers l’entrée du salon où se tiennent


Travon et Xandra.

‒ Comment ça tu es notre mère ? Questionne Travon en


rentrant totalement dans la pièce.

Je me nettoie le visage.

‒ Je suis désolée de vous l'annoncer comme ça mais oui je suis


votre mère. Je ne suis pas morte comme votre idiot de père
vous l'a fait croire toutes ces années. Il m'a éloigné de vous.
‒ Murima…
‒ Non tu la fermes Derrick. J’ai assez subit. Votre père m'a
laissé croupir en prison et m'a privé de vous. J’ai joué à la
boniche juste pour me rapprocher de vous. Will le sait déjà
depuis l’épisode du test ADN.

Travon et Xandra restent là sans pouvoir dire un mot.

‒ Wahooo Murima, s’exclame subitement Pétra. Tu as réussi à


foutre le bordel dans cette famille et à te faire passer pour la
victime. Pourquoi ne dis-tu pas que tu es allée en prison pour
détention de drogue et meurtre ? Pourquoi tu ne leur dis pas
que tu es pauvre toxi…

Le revers de ma main s'abat violemment sur sa joue. Clinton


me saisit aussitôt.

‒ Ouvre encore ta gueule Pétra. Ouvre-la et tu verras de quel


bois je me chauffe. Personne ne se met entre mes enfants et
moi. Niwustiguli vara mutu (Je dis bien personne).
‒ Sors de cette maison salope. Personne ne veut de toi ici.
‒ Oh oui je vais m'en aller. Mais pas sans t'avoir dit que j’ai
baisé avec ton mari à Birmingham.

Ses traits se durcissent. Dans ta face salope.

‒ Murima ! Grogne Derrick.

Je me dégage de Clinton et m'avance vers Pétra.

‒ Il m'a fait l’amour toute cette nuit-là. Il m'a dit des choses
que je suis sûre que jamais il ne t'a dites. Comment arrives-tu
à coucher avec un homme qui a le nom de son ex-femme
tatoué sur la poitrine ? Tu bouffes juste mes restes ma cocotte.

Derrick m’empoigne le bras.


‒ Ça suffit maintenant. Tu en as assez fait.

Je me dégage.

‒ Laisse-moi, je n’ai pas encore fini. Toi, plutôt que de te


concentrer sur comment détruire ma vie et celle de ton fils, tu
devrais chercher à connaitre celle que tu as épousé.
‒ Je t'interdis de dire un mot déplacé sur ma femme.
‒ Oh ça n'a rien de déplacé de te dire que ta femme a baisé
avec ton fils Will.

Son expression faciale se décompose. Bam, dans ta face à toi


aussi.

‒ Demande-lui. Elle est juste derrière toi. (A Pétra) Dis-lui


comment tu harcèles Will pour qu'il te fasse l’amour alors
qu’il a rompu avec toi après avoir découvert que tu étais la
fiancée de son père.
‒ Qu’est-ce tu racontes ? Me demande Derrick sur le cul.
‒ Demande-lui ! Tsi muratsiawu (Ce n’est pas ta femme) ?
‒ Elle ment Derrick, hurle Pétra. Elle veut détruire notre
couple.
‒ C’est ça. Salope va !
Je tourne les talons vers la sortie quand elle m'agrippe les
cheveux. Je me retourne et c’est avec une rage sans nom que
je lui balance mon poing dans sa figure. Le coup est tellement
violent qu'elle tombe sur ses fesses. Elle se met à hurler de
douleur en se tenant le ventre. Toutes les personnes présentes
dans la pièce sont sous le choc par toutes ces révélations qui
explosent successivement.

Voilà, toutes les bombes ont été lâchées. Maintenant advienne


que pourra. Que chacun se démerde avec sa bombe.
23

***DERRICK

Les derniers mots de Murima sifflent en écho dans mes


oreilles. Je ne peux pas y croire. Pétra et Will ensemble ? Non
ça ne peut pas être vrai.

‒ Derrick j’ai mal, hurle de nouveau Pétra.

J’ai du mal à faire quoi que ce soit. Mais ça se voit qu’elle a


vraiment mal.

‒ Dani s’il te plaît conduis-là à l’hôpital.


‒ Ok.

Il la relève et ils sortent tous deux. Je reste avec Travon et


Xandra qui n’ont jusque-là pas dit un mot. Ils sont encore sous
le choc.

‒ Les enfants…
‒ C’est vrai tout ce qu’elle a dit papa ? Entame Travon.
Je m’assieds.

‒ Oui. Murima est votre mère.


‒ Et est-ce vrai qu’elle était une junkie ? Demande cette fois
Alexandra.
‒ Oui ! Elle était en prison toutes ces années. J’ai voulu vous
protéger en vous disant qu’elle était morte. Je vous demande
pardon.
‒ Tu as très bien fait papa, continue Xandra. Mamie avait donc
raison tout ce temps de me mettre en garde contre cette
femme. Je ne veux pas d’une droguée comme mère.
‒ Xandra ne dis pas…

Elle sort de la pièce. Je regarde Travon qui me dévisage.

‒ Fiston…
‒ Donc tout ce temps, elle était là, près de nous et tu ne nous
as rien dit.
‒ J’ai… j’ai déconné mais je…
‒ Garde tes explications.

Il sort à son tour. Je reste seul dans le salon, assis dans ce


désordre que Murima a laissé. Partout où cette femme passe
elle laisse le chaos. Là je suis entre mon fils qui me déteste de
lui avoir menti et mon autre fils qui aurait couché avec ma
femme. J’ai envie de croire que cette histoire n’est que pure
invention de Murima mais tellement d’éléments lui donne
raison comme par exemple que Will s’en prenne à Pétra à un
diner en l’accusant d’avoir manigancé contre Aurelle et par la
suite Murima qui la passe aussi à tabac. Ce soir aussi j’ai lu la
crainte dans le regard de Pétra. Elle n’a quand même pas pu
me faire ça ? Avec mon propre fils. Et lui, comment a-t-il osé
coucher avec ma femme ?

Je me sers un verre. J’ai l’impression d’être à chaque fois un


pantin dans ma propre vie. Ces femmes qui m’utilisent à leur
guise. Je les traite comme des reines et en retour elles me
cocufient. Je dois entendre la version de Will avant de prendre
une décision. Mais si la version de Murima est avérée, il n’est
pas question que je reste marié à Pétra.

‒ Derrick !!

Oh non pas ma mère. Je n’ai pas envie qu’elle en rajoute une


couche. Elle déboule toute énervée.

‒ Combien de fois t’ai-je dit de faire dégager cette Africaine


de ta maison ? Aujourd’hui elle a foutu le bordel dans la
famille.
‒ Maman s’il te plaît ! Fais-je en grimaçant.
‒ Pétra m’a appelé en pleurs. Elle saigne alors qu’elle est
enceinte, tout ça par la faute de cette vagabonde. Will a été
embarqué devant tous tes invités. Que vont-ils dire de la
famille ? Notre nom risque d’être trainé dans la boue.
Je quitte la pièce pendant qu’elle continue de parler. Je n’ai
pas la tête à ça en ce moment. J’ai juste besoin d’être seul afin
de réfléchir à tête posée. Je monte m’enfermer à double tour
dans mon appartement. J’y verrai un peu plus mieux la tête
reposée.

Je me prépare ce matin pour le commissariat. Je vais faire


sortir Will et avoir une discussion avec lui sur sa supposée
relation avec Pétra. J’ai besoin de savoir. En plus je crois que
j’y suis allé un peu fort en demandant qu’on l’enferme. J’étais
en colère que l’histoire avec sa mère se reproduise. Je devrais
peut-être essayer d’y voir un peu plus clair dans cette histoire.
Un même scénario qui se répète ? Soit c’est la vie qui nous
joue un tour, soit quelqu’un joue à nous tourner en bourrique.

La maison est vide. Il ne reste que Xandra et Djénéb. Travon


s’est installé dans un appartement avec sa femme. Murima n’a
pas passé la nuit ici. Normal, je l’ai mise à la porte. Je ne sais
plus comment me comporter avec cette femme. C’est fou
comme je peux basculer d’une seconde à l’autre de l’amour à
la haine. Elle me met le cerveau à l’envers. Je suis épuisé de
tous ces drames à n’en point finir.

Je me rends dans le bureau de mon ami Franck à qui j’ai


confié Will.

‒ Alors quoi de neuf Derrick ?


‒ Je suis venu chercher Will. Ça n’en vaut plus la peine de le
garder.
‒ Tu es venu le chercher ? Mais il est déjà sorti.
‒ Comment ça ? J’avais pourtant demandé à ce qu’il reste
enfermé malgré le solde de sa caution.
‒ C’est ce que nous avons fait. Mais tu as mandaté quelqu’un
ce matin pour venir le chercher.
‒ Moi ?
‒ Oui. Un homme est venu ce matin affirmant qu’il venait de
ta part. Il t’a même appelé et je t’ai entendu me demander de
libérer William. Ils sont donc partis ensemble.
‒ Je n’ai reçu aucun coup de fil depuis ce matin. Je n’ai donné
aucun ordre de le libérer à qui que ce soit.
‒ Tu en es sûr ?
‒ Mais bien-sûr.

Un élément me vient en tête.

‒ Je crois que je sais qui a fait le tour. Je vais y aller.

En montant dans ma voiture, j’appelle Murima.

‒ « J’espère que tu m’appelles pour me dire que tu as fait


libérer mon garçon ? »
‒ J’appelais pour te demander si c’était toi qui l’avais fait
libérer.
‒ « Il est sorti ? »

Mon portable me signale un deuxième appel. Je raccroche


celui de Murima et décroche. C’est un numéro masqué.

‒ Ici Derrick WILLAR.


‒ « Nous tenons votre fils William, m’informe une voix
robotisée. Vous recevrez une photo de lui comme preuve. »
‒ Que voulez-vous ? Demandé-je le cœur battant à tout
rompre.
‒ « Déjà que vous vous éloigniez du Commissariat. »

Je démarre et je conduis.

‒ C’est fait.
‒ « Ensuite, nous voulons cinq millions que vous allez déposer
ce soir-même à l’adresse que je vous enverrais. Et enfin, si
vous informez la police, vous pourrez dire adieu à votre toxico
de fils. »

Il raccroche à la seconde. C’est encore quoi ce bordel ? Ça ne


finira donc jamais ?
***MURIMA

Après avoir raccroché avec Derrick, je vais ouvrir la porte à


Aurelle qui a tenu à venir me rendre visite après avoir appris
la nouvelle de l’emprisonnement de Will. Je suis installée dans
l’appartement que Clinton avait acheté pour moi lorsque
Derrick m’avais mise à la porte la première fois. Je vais y
vivre avec Will. Maintenant que tout le monde sait qui je suis,
je ne vois pas l’utilité de retourner faire la boniche.

‒ Comment vas-tu ma chérie ?


‒ Bien ma tante.

Nous prenons place dans le salon.

‒ Quoi de neuf ? Lui demandé-je.


‒ Tante Djénéb m’a appelé hier pour m’informer de ce qui
s’était passé. J’ai alors tenu à passer te voir et te dire que je
suis prête à contribuer pour faire sortir Will de prison.

Elle sort une enveloppe de son sac à main.

‒ Ce sont mes économies. Ça peut aider pour payer la caution.

Je lui souris tendrement.


‒ Ça se voit que tu es une fille bien et que tu aimes mon
garçon.

Elle baisse les yeux. Je lui caresse la joue.

‒ C’est gentil de ta part mais dommage le problème ne se situe


pas au niveau de la caution. C’est son père qui le maintien en
prison.
‒ Ah je vois. Encore la guerre père-fils.
‒ Oui. Mais néanmoins Will serait heureux de savoir que tu
t’inquiètes pour lui.

Mon portable sonne près de moi. C’est de nouveau Derrick qui


m’appelle.

‒ Quoi encore ?
‒ « Will a été enlevé. »
‒ Quoi ? Hurlé-je en me levant. Comment ça ? Il n’était pas en
prison ?
‒ « Quelqu’un l’a fait libérer en mon nom et j’ai reçu un appel
tout à l’heure du ravisseur. »
‒ Mais comment est-ce possible ? Que veut-il ?
‒ « Cinq millions. »
‒ Mais donne-leur diantre. D’ailleurs dis-moi où tu es que je te
rejoigne.
‒ « Pas loin du bureau. »
‒ J’arrive.

Je raccroche et fonce prendre mon sac à main dans ma


chambre. Je reviens trouver Aurelle.

‒ Fais comme chez toi ma puce. Will a un problème et il faut


que j’y aille.
‒ C’est grave ? Demande t-elle toute inquiète.
‒ Prions que non. Si tu pars laisse la clé au concierge.
‒ D’accord.

Elle avait prévu passer la journée avec moi mais dommage je


dois courir sauver mon fils. J’arrive à l’entreprise en moins de
temps qu’il le faut. C’est ma première fois de mettre les pieds
ici. MURRICK, le nom que nous avions tous les deux choisis
pour notre boite. Finalement il l’a faite tout seul. Bref, l’heure
n’est pas aux rêveries. Je suis conduite à son bureau par l’un
des agents de sécurité. Il est assis derrière son bureau, la tête
baissée. Il la relève lorsque la porte se referme derrière moi.

‒ As-tu eu des nouvelles ? Lui demandé-je en m’asseyant en


face de lui.
‒ Oui. Il veut que je dépose l’argent à cette adresse
précisément à 19h.

Il me montre le message de son portable.

‒ Mais c’est carrément à la sortie de la ville. As-tu prévenu la


police ?
‒ Non. Il a menacé faire du mal à Will si je le fais. Alors
j’hésite un peu.
‒ Ne le fais donc pas.
‒ Mais…
‒ Il s’agit de la vie de mon bébé. Les ravisseurs veulent juste
cinq millions. On leur donne et on le récupère, le reste on
verra plus tard.
‒ Tu ne veux pas savoir qui se cache derrière ?
‒ On s’y penchera après avoir récupéré Will. Ma priorité là
maintenant c’est mon bébé.

Il me fixe si intensément que je détourne les yeux.

‒ Les enfants t’ont parlé, lui demandé-je le regard toujours


ailleurs.
‒ Travon m’en veut.
‒ Et Yessi ?
Il fait juste un non de la tête. Je comprends.

‒ Je suis désolé, dit-il d’une petite voix.

Je ne lui réponds pas. C’est de sa faute tout ça. Mais l’heure


n’est pas aux disputes. Nous devons retrouver William.

Derrick récupère l’argent à sa banque et nous nous mettons en


chemin. Pourquoi ne sommes-nous ni agités ni trop inquiets ?
C’est parce que ce n’est pas la première fois qu’on nous
kidnappe un enfant. Lorsqu’il était enfant, Travon a été
kidnappé par Josky dans le seul but de me ramener à lui.
Derrick et lui en sont arrivés aux poings et nous avons
récupéré Travon qui jouait à l’arrière de sa maison. Faut dire
que Derrick et moi avions traversé beaucoup de difficultés.
Des agressions, des menaces, bref. Toutes ces choses nous ont
rendu forts si bien que nous avons cessé de paniquer aux
moindres menaces.

Lorsque nous arrivons sur les lieux indiqués à 19h tapante, le


portable de Derrick sonne. Il met sur le haut-parleur.

‒ Nous sommes là ! Informe-t-il.


‒ « Déposez le sac. »

J’interromps Derrick qui s’apprêtait à répondre.


‒ Pas sans avoir parlé à mon fils.
‒ « Vous vous croyez en droit d’exiger quoi que ce soit ? »
‒ C’est bien vous le misérable qui aviez besoin d’argent.
Vous…

Derrick pose sa main sur le micro du portable pour


m’interrompre.

‒ Arrête ! Me chuchote-t-il.

Je tourne les yeux en tchipant. Il reprend la conversation avec


le ravisseur.

‒ Nous voulons juste savoir si notre fils va bien.

Nous n’entendons rien pendant un moment.

‒ « Maman je vais bien. »


‒ Mon bébé nous venons te chercher. Ils ne t’ont pas fait de
mal j’espère ?

Encore un silence.
‒ « Vous avez la preuve qu’il va bien. Déposez l’argent et je
vous dirai où le récupérer. »

Il raccroche. Avant que Derrick ne s’en rende compte je sors


de la voiture avec le sac d’argent. Derrick me demande de
revenir mais je continue d’avancer rapidement. Nous ne
devons pas perdre de temps. Je reviens à la voiture presqu’en
courant.

‒ Il t’a envoyé une adresse ? Demandé-je à Derrick.

Son portable sonne de nouveau.

‒ Nous avons déposé l’argent.


‒ « Vous trouverez votre fils dans une camionnette à trois
mètres en longeant la voie. »

Il raccroche de nouveau. Derrick met la voiture en route.

‒ Pourquoi nous emmener si loin ? Questionné-je perplexe.


‒ Je n’en sais rien.
‒ Mais ce qui me turlupine le plus c’est pourquoi te demander
juste cinq millions quand on sait que tu as une fortune
beaucoup plus estimée ? On ne demande pas cette somme
pour la rançon du fils d’un milliardaire. Ça n’a pas de sens.
‒ J’y ai aussi pensé mais nous y réfléchirons une fois Will
hors de danger.

Nous apercevons bien vite une camionnette garée droit devant


nous dans la pénombre. A peine Derrick gare que je saute hors
de la voiture.

‒ Murima attends ! Ça peut être un piège.


‒ Je dois sauver mon fils.

Je tire sur la portière arrière de la voiture. Elle s’ouvre sans


difficulté.

‒ Oh my God Will !

Mon fils est ligoté et bâillonné. Il gigote en me faisant de gros


yeux. Je lui retire le bandage sur la bouche.

‒ PAPA DERRIERE TOI !!!

Je me retourne en même temps que Derrick et nous voyons


deux hommes en cagoule se jeter sur Derrick. Il réagit très
rapidement et esquive leurs coups. Une bagarre éclate. Je veux
aller l’aider lorsqu’un autre homme sort devant moi avec une
arme à la main. Je saisis rapidement sa main qui tient l’arme et
un coup de feu est tiré dans l’air. Je suis rouillée en combat
mais il n’est pas question que je laisse ce type me tuer ou tuer
mon fils. Will s’agite pour se défaire de ses cordes. Je donne
un coup à l’homme dans ses couilles. Il se plie de douleur.
J’en profite pour lui envoyer mon genou dans la figure. Je jette
un coup d’œil vers Derrick qui a mis à terre l’un des hommes.
Il assène des coups maintenant sur le deuxième. Moi je donne
le coup de grâce à celui avec qui je me battais et je jette son
arme un peu loin. Je me dépêche de détacher les cordes qui
retiennent Will.

‒ Tu vas bien chéri ?


‒ Oui maman.

Il a la lèvre fendue et un œil au beurre. Il se tient même les


côtes.

‒ Allons, on rentre.

Derrick vient l’aider à marcher. Des coups retentissent


subitement de nulle part. nous empressons de monter dans la
voiture mais nous sommes stoppés par une balle qui retentie
sur la portière. Un type armé se pointe devant la voiture.

‒ Mais c’est quoi ça ? M’exclamé-je.


‒ Derrière la fourgonnette, hurle Derrick.
Nous nous précipitons de nous abriter au même moment que
le type se met à nous arroser. Will pousse subitement un cri.

‒ Quoi ? Paniqué-je.
‒ Je crois que je suis touché.
‒ Où ?

Il s’allonge alors que je le regarde de partout. Je vois du sang à


son épaule.

‒ Oh mon Dieu ! Derrick il est touché. Fais quelque chose.

Derrick rampe vers l’autre côté de la voiture. Il revient avec


une arme en main. Pendant qu’il tire sur l’autre tireur, moi
j’exerce une pression sur la blessure de Will qui n’arrête pas
de geindre de douleur.

‒ Reste avec moi bébé, tout va bien se passer.


‒ J’ai mal maman.
‒ Ça va aller chéri. Tiens bon.

Je déchire les manches de ma chemise que j’utilise comme


bandage pour stopper le sang mais rien y faire, le sang coule
toujours.
‒ Derrick il faut qu’on le conduise à l’hôpital. Il perd trop de
sang.

Il tire un dernier coup.

‒ C’est bon, je l’ai eu, nous informe-t-il. On peut y aller.


‒ Aide-moi à le porter.

Nous le transportons à la voiture de Derrick. Je reste sur la


banquette arrière avec Wil. Derrick démarre et nous pouvons
enfin disparaitre de ce lieu. Je continue de lutter avec le sang
qui sort de plus en plus. Je retire carrément ma chemise que
j’appuie sur son épaule blessée. J’ai maintenant du sang un
peu partout, même sur le visage. Mon démembré ne tarde pas
à y passer aussi.

‒ Putain nous sommes encore loin ? Hurlé-je.


‒ Je file du mieux que je peux Rima.

Je comprends maintenant pourquoi ce type nous a conduit hors


de la ville. C’était pour nous tuer sans que personne ne puisse
nous secourir à temps. Tout était calculé. Quel enfoiré ! Mais
nous règlerons ça plus tard.

‒ Il y a une clinique là, me montre Derrick.


‒ Fonce Derrick. (A Will) Tu vas te faire soigner mon chéri.
Il ferme les yeux.

‒ Non ouvre les yeux, lui ordonné-je en lui tapant la joue.


Reste avec maman.

Derrick gare enfin. Pendant qu’il coure à l’intérieur chercher


de l’aide, moi j’ouvre la porte pour permettre aux soignants de
sortir Will de la voiture. Il est placé sur une civière. Je lui tiens
la main pendant qu’on le conduit.

‒ Maman !
‒ Je suis là bébé, le rassuré-je en pleurant. Je n’irai nulle part.
Tiens bon !
‒ Madame vous ne pouvez pas enter, me dit l’un des
infirmiers lorsque nous arrivons devant la salle d’opération.
‒ Mais je dois rester près de lui. Je ne veux pas le laisser.
‒ C’est la règle Madame.
‒ Mais…

Derrick me retient.

‒ Rima laisse-les l’emmener.


‒ Ok mais je vous en supplie ramenez-le moi en bonne santé,
supplié-je la voix tremblante. J’ai encore besoin de mon bébé.
Je les regarde l’emmener en pleurant de plus en plus.

‒ Calme-toi Rima, dit Derrick en me touchant. Il va s’en


sortir.
‒ Toi lâche-moi ! Tout ça c’est uniquement ta faute espèce
d’enfoiré. Si tu ne l’avais pas foutu en prison il ne se serait pas
fait enlever.
‒ S’il est allé en prison c’est parce qu’il avait de la dope dans
sa chambre.
‒ Oui mais il n’aurait pas passé la nuit en prison si tu n’avais
pas laissé des ordres stricts aux officiers. Tu resteras toujours
un connard Derrick.
‒ Si j’étais un connard je n’aurais jamais versé un rond pour
faire libérer cet enfoiré qui a baisé ma femme. Il mérite que je
lui mette une balle dans la tête.
‒ Et moi je t’en mettrai une dans les couilles espèces
d’imbéciles. Tu touches à mon gosse et je te tue Derrick.
Personne ne t’a poussé à épouser ce vagin sur patte. Tu es
l’unique responsable si notre famille est détruite. Mais je peux
t’assurer que s’il arrive quoi que ce soit de grave à William tu
vas me le payer. Je n’ai pas purgé ma peine sans brocher pour
venir enterrer un de mes enfants.

Il essaie de me prendre le bras.

‒ Murima !
‒ Ne me touche pas j’ai dit.
‒ Tu es blessée.
‒ C’est le sang de Will.
‒ Non tu es blessée au bras.

Je jette un coup d’œil à mon bras et effectivement je suis


blessée. Mais rien de bien grave. Juste une déchirure.

‒ Tu devrais te nettoyer.

***DERRICK

Elle me regarde de haut avant de se diriger vers l’accueil. Elle


disparait ensuite vers un couloir. J’en profite pour appeler
Daniel qui n’a pas cessé de faire sonner mon portable de toute
la journée.

‒ Allô frangin !
‒ « Enfin tu fais signe de vie. Je n’ai cessé de te chercher
partout. »
‒ Will avait été enlevé et…
‒ « Quoi ? Comment ça ? »
‒ Non ne t’inquiète pas. Tout va bien. Enfin je l’espère.
Comment ça va là-bas ?
‒ « Je viens de déposer Pétra à la maison. Mais elle a besoin
de toi dans cette épreuve parce qu’elle a perdu le bébé. Je te
conseille de laisser ça passer avant de parler des problèmes. »
‒ On verra bien. Je te laisse.

Murima revient un peu plus propre et un bandage au bras. Elle


a les mains propres mais ses vêtements sont toujours tâchés. Je
retire ma chemise.

‒ Tiens enfile-la.

Elle me regarde méchamment.

‒ Tu vas prendre froid.

Elle la prend et l’enfile. Nous restons assis en silence dans la


salle d’attente. Un Docteur s’approche de nous quelques
instants plus tard.

‒ Famille WILLAR ?
‒ Oui, disons-nous ensemble.
‒ Vous êtes les parents ?
‒ Oui, répondons-nous encore ensemble.
‒ Bien. Votre fils va bien. Il y a eu plus de peur que de mal. La
balle était ressortie donc il n’y avait d’opération à faire. Il doit
juste ménager son épaule pour qu’elle guérisse vite.
‒ Ouf Merci Seigneur ! Souffle Murima. On peut le voir ?
‒ Oui. Suivez-moi !

Murima court la première derrière le Docteur. Il nous fait


entrer dans une chambre où Will est assis sur son lit. Je
remarque maintenant les bleus sur son visage. Sa mère court
de nouveau le prendre dans ses bras. Il grimace de douleur.

‒ Oh pardon mon bébé. Tu vas bien ?


‒ Oui maman. Et toi ça va ?
‒ Si toi tu vas bien alors moi aussi. J’ai eu tellement peur de te
perdre.

Elle l’embrasse partout sur son visage avant de le serrer


fortement. Will lève les yeux sur moi.

‒ Merci papa d’être venu me sauver, me remercie-t-il lorsque


sa mère le relâche.

Je fais juste un oui de la tête.

‒ Ta mère m’a dit pour toi et Pétra.


‒ Maman !!! S’exclame-t-il.
‒ Quoi ? Elle m’a provoqué.

Il me regarde avec gêne.

‒ Je suis désolé papa.


‒ Je veux juste savoir ce qui s’est passé entre toi et ma femme.

Sa mère et lui échange un regard. Elle lui fait un oui de la tête.

‒ Elle n’était pas encore ta femme lorsque notre aventure a


commencé. Je ne savais même pas que vous vous connaissiez.
‒ Mais elle si, ajoute Murima. N’oublie pas ce détail.
‒ Oui. Lorsque tu nous l’as présentée comme ta future femme
ce soir-là au diner, j’ai tout arrêté. Je lui ai fait comprendre
que je ne pouvais pas coucher avec la femme de mon père.
Mais elle n’a rien voulu entendre. Depuis l’hors elle n’a pas
arrêté de me harceler. Elle a même fait renvoyer Aurelle parce
qu’elle savait que je tombais amoureux.

Je respire profondément pour mieux contrôler ma rage.

‒ Que s’est-il passé hier à la soirée avec elle ? Lui demandé-je.


‒ Je ne crois pas que tu veuilles…
‒ Je t’ordonne de tout me raconter. La vérité surtout.
Il se masse le visage.

‒ Je n’ai jamais essayé d’abuser d’elle. Elle s’est elle-même


déchirée la robe et s’est mise à hurler quand elle a entendu ta
voix. Mais je reconnais lui avoir porté main, mais pas pour
coucher avec elle.

Il se passe nerveusement la main dans les cheveux.

‒ Elle m’a montré une vidéo dans son portable. On la voyait


qui abusait de moi.
‒ Abusait de toi ? Se choque Murima.
‒ Oui. Le jour du renvoie d’Aurelle, je lui avais demandé de
m’apporter du jus de fruit. Pétra m’a avoué hier qu’elle avait
mis du somnifère et de l’aphrodisiaque dans ce jus avant de le
tendre à Aurelle. Quand je me suis endormi elle a… couché
avec moi. La vidéo doit se trouver encore dans son portable,
enfin, si elle ne l’a pas supprimée. Mais ce n’est pas tout.

Il marque encore une pause.

‒ Selon ses dires, le bébé qu’elle attend… serait de moi.

Murima bondit sur ses jambes.


‒ Comment elle a osé ? La garce. Je jure sur ma vie que je vais
lui retirer ses trompes si je croise son chemin. Mon Dieu !
C’est une véritable sorcière. Porter le bébé du fils de son
mari ? C’est pire que la sorcellerie. Si ce bébé n’était pas
innocent j’aurais pris un plaisir à la faire avorter.
‒ Elle a perdu le bébé, dis-je en gardant mon calme.

Les deux se tournent vers moi.

‒ Sa chute a occasionné une fausse couche.


‒ Alléluia ! Se réjouit sans gène Murima. J’espère que
maintenant tu te débarrasseras de cette connasse parce que
sinon c’est moi qui m’en chargerais. Je ne lui permettrais plus
de s’approcher de mon garçon.

Je me contente de fixer Will. Dieu seul sait la rage qui


bouillonne en moi en ces instants.

‒ Papa je te jure que je ne l’ai pas touchée depuis les


présentations et je ne savais rien pour vous deux auparavant.
J’ai certes fait des bêtises à cette période et malgré nos
querelles jamais je ne t’aurais fait pareil coup.
‒ Et concernant le sac de drogue ?
‒ Je n’en sais rien non plus.
‒ Ça ne m’étonnerait pas que ce soit encore cette garce qui ait
manigancé ça pour vous diviser et créer des problèmes à mon
fils. Oh punaise plus je parle d’elle plus j’ai envie de la
bastonner.
‒ Vous devez vous reposer, leur dis-je.
‒ Où vas-tu toi ? Me demande Murima.
‒ Régler les frais. Je reviendrai plus tard.

*Mona
*LYS

Nous avons repris la route tôt le matin. J’ai déposé Will et


Murima à leur nouvel appartement et je suis rentré. Garé
devant la maison, je respire un grand coup avant de sortir de la
voiture. Il me faut garder mon sang froid même si j’ai des
envies de meurtre. Je trouve une maison bien silencieuse.
Djénéb est celle qui m’accueille avec un air des plus inquiets.
Je la rassure et lui demande des nouvelles de Pétra. Elle me
fait savoir qu’elle est là-haut. J’y monte. Je la retrouve
couchée dans notre lit.

‒ Oh enfin bébé tu rentres. Je me suis inquiétée.


‒ Je veux que tu me regardes droit dans les yeux et que tu me
dises que tu n’as pas eu une aventure avec mon fils.
‒ Tu ne vas tout de même pas croire cette garce ? Elle veut
nous séparer par jalousie. Ne le vois-tu pas ? Comment aurais-
je pu coucher avec un autre, de surcroit ton fils quand je
t’aime toi ?
‒ Tu n’as pas non plus dit à Will que l’enfant que tu portais
était le sien ?
‒ Qu… Quoi ? D’où… sors-tu cette ânerie ? Le bébé était le
tien. Jamais je ne t’ai trompé. Et comment peux-tu me faire
des histoires quand je viens de perdre ton enfant ? Se met-elle
subitement en colère. Tu n’es pas venu me voir à l’hôpital, tu
as découché, et maintenant que tu rentres tu me fais des
histoires sur des choses qui n’ont aucun sens ? Chercherais-tu
un prétexte pour te débarrasser de moi ? Oh oui je vois !
Maintenant que les enfants savent qui est Murima tu veux
reformer votre petite famille. Mais ça ne se… Que fais-tu ?

Je déverrouille son portable et je vais directement dans ses


vidéos. La galerie est codée.

‒ C’est quoi le code ?


‒ Que cherches-tu Derrick ?
‒ C’est quoi ton putain de code ?
‒ Tu cherches à m’incriminer de quelque chose que je n’ai pas
fait ?

Je commence vraiment à ne plus retenir ma colère. Je réfléchis


et je tape sa date de naissance. Les femmes sont toutes les
mêmes. Elles ne cherchent pas très loin comme code. Ce sont
toujours des dates d’évènements importants. La galerie
s’ouvre et je tombe des nues. Du premier coup d’œil je pense
voir des films pornographiques mais à plus y regarder je
constate que ce sont des sextapes de Pétra.

‒ Redonne-moi mon portable Derrick.

Elle tente de me l’arracher mais je recule rapidement. J’active


la vidéo qu’elle a nommé ‘‘Will de moi’’. Comme il me
l’avait dit, il est allongé les yeux fermés, immobile et elle, elle
gémit à tue-tête en le chevauchant. Plus je regarde la vidéo
plus la rage me submerge.

‒ De… Derrick ! Laisse-moi… tout…

Je fracasse son portable contre le mur en hurlant de rage. Elle


sursaute dans un cri.

‒ Comment as-tu pu Pétra ?


‒ C’est lui… c’est lui qui me harcelait. Il voulait…

Face au mensonge qu’elle essaie de déblatérer, je fonce sur


elle et lui agrippe les cheveux.

‒ Tu dégages de chez moi sale garce.


‒ Derrick tu me fais mal. Laisse-moi tout t’expliquer mon
amour.

Je la trimballe sans l’écouter jusque dehors malgré qu’elle soit


à moitié nue. C’est une garce de toute façon.

‒ Derrick je t’en supplie ne me fais pas ça. Je t’aime et je peux


tout t’expliquer. Il m’a marabouté.

Je retourne à l’intérieur après avoir fermé la porte. Je monte et


à la va-vite je range ses affaires de façon désordonnée dans sa
valise. Je redescends la lui jeter à la figure.

‒ Derrick je viens de faire une fausse couche. Je suis encore


convalescente.
‒ Murima a perdu notre bébé étant en prison. Elle n’en est pas
morte donc tu ne mourras pas non plus.

Je remonte lui chercher ses autres affaires. Je ne veux plus rien


d’elle chez moi. Je redescends les jeter sur elle. Les employés
regardent sans broncher.

‒ Bébé ne me fais pas ça s’il te plaît. Ce n’est pas ce que tu


crois. C’est une manigance.
‒ Si je te prends à roder près de ma maison, de ma famille ou
même de mon fils, tu ne me reconnaitras pas Pétra. Tu crois
que Murima est sauvage ? Tu verras pourquoi elle et moi
étions à sortir. Salope !

Je claque la porte. Je tombe sur Djénéb.

‒ Si tu la laisses entrer dans cette maison, tu la suivras dehors.

Je remonte de nouveau. Je vois dans mon appartement des


objets qui lui appartiennent. Je les balance par la fenêtre.
Même nos photos de mariage, je les balance. Je jette un coup
d’œil en bas et elle est encore là.

‒ FOUTTEZ-LA MOI DEHORS TOUT DE SUITE, hurlé-je


aux gardes. ET BRULEZ-MOI TOUTES CES PHOTOS DE
MERDE.

Je ferme la fenêtre avec rage. Je renverse tout sur mon


passage. Je n’ai pas si mal que ça qu’elle m’ait trompé. Mais
j’ai mal parce que je m'en suis plus d’une fois pris à mon fils
pour la défendre elle. Je l’ai même mis hors de chez moi
encore pour défendre sa gueule de pute. Je l’ai préféré à mon
fils. Quel mauvais père je suis. Murima a raison. La vie est en
train de me punir pour tout le mal que je lui ai fait.
24

***PETRA

Je joue le tout pour le tout aujourd’hui avec Dame WILLAR.


Après avoir passé toute la journée d’hier à réfléchir j’ai fini
par trouver une solution. Il me faut baratiner cette vielle. Je ne
sais pas si Derrick a eu le temps de lui parler mais je dois faire
en sorte qu’elle soit de mon côté et pour ça j’ai préparé le
speech parfait. Je la connais comme la paume de ma main.
Elle est très facile à manipuler surtout lorsque c’est en
défaveur de cette Murima. Je dois juste choisir les mots qu’il
faut. Je me suis même maquillée pour la circonstance. Je
ressemble à une femme qui a pleuré plusieurs jours. Aussi, j’ai
pris le soin d’effacer de mon portable toutes mes vidéos
compromettantes. J’aurais dû le faire dès l’instant où Murima
a ouvert sa grande bouche mais je ne pensais pas que Derrick
réagirait de la sorte. J’aime faire des sextapes. Je préfère
regarder mes ébats avec les hommes que de regarder ceux
d’autres personnes. Je garde surtout mes vidéos avec Will
lorsque notre deal existait encore. J’ai d’ailleurs supprimé
toutes les autres de mes appareils mais pas celles avec Will. Je
les garde jalousement. Il n’est pas question que je renonce à
lui. Juste après avoir réglé mes problèmes actuels, je me
concentrerai sur lui.
Je m’effondre en larmes lorsque je vois Dame WILLAR
débout dans son salon à me regarder venir vers elle. Je lui
tombe dans ses bras en éclatant en sanglot.

‒ Je n’arrive pas à croire ce qui m’arrive. Oh mon Dieu !


‒ Calme-toi ma chérie et raconte-moi ce qui ne va pas.

Nous nous asseyons et je lui raconte ce qui s’est passé mais


avec ma version en me faisant passer pour la victime.

‒ Cette femme a tout manigancé pour me séparer de Derrick et


lui bêtement il est tombé dans le panneau.
‒ Je ne comprends vraiment pas le pouvoir que cette femme a
sur mon fils. Il suffit qu’elle ouvre la bouche pour qu’il perde
sa raison.
‒ Je n’en reviens pas qu’il ait pu croire que moi et Will… Je
n’ose même pas y penser. C’est trop dégueulasse.
‒ Ne t’inquiète pas ma chérie, je vais régler ça. Tu ne signes
aucun papier de divorce. Tant que je serais vivante tu ne
divorceras pas de mon fils, encore moins pour que cette
femme prenne ta place.
‒ Je l’aime tellement si tu savais, dis-je en reprenant les
pleurs.
‒ Oh viens-là ma belle.
Elle me prend de nouveau dans ses bras. Je ne lui ai même pas
fait tout mon speech qu’elle est déjà tombée dans ma poche. Il
suffit juste de quelques larmes et le tour est joué. Fallait la voir
me consoler à la clinique lorsque j’ai perdu le bébé. Mais là
par contre j’avais vraiment mal parce que je venais de perdre
le seul lien qu’il y allait avoir entre Will et moi, et tout ça
encore à cause de cette garce. Mais je ne vais pas laisser ça
passer. Il est clair qu’elle va me le payer. Je vais lui en faire
voir des couleurs. Je ne vais pas non plus faire de cadeau à
Derrick. Je sais déjà qu’il ne va pas me donner de chance. Je
veux juste rester dans les bonnes grâces de Dame WILLAR
dans le seul but de profiter encore de ses milliards mais surtout
pour qu’elle continue de mener la vie dure à Murima.

Nous sommes interrompus par Alexandra. Je me nettoie le


visage.

‒ Je suis désolée de vous avoir dérangé, s’excuse-t-elle.


‒ Non ma chérie tu ne nous déranges pas, la rassure sa grand-
mère. Ça tombe d’ailleurs bien que tu sois venue pour voir par
toi-même les dégâts de cette femme Murima.

Elle s’assoit. Dame WILLAR ne perd pas de temps à


enchainer.

‒ Cette femme qui est ta mère n’est rien qu’une plaie pour
cette famille. C’est pour te mettre en garde que je t’ai
convoqué ce matin. Tu dois faire attention à elle. Cette femme
n’a jamais aimé votre père, ni même vous. Si tu savais le
nombre de chose qu’elle a faite lorsque vous étiez gosses.
C’est sa faute à elle si William se drogue. Elle lui en donnait.
Elle trompait aussi sans cesse votre père, même jusque dans
leur lit conjugal. C’est pour son amant qu’elle est allée en
prison parce qu’ils dealaient ensemble et ont même abattu un
agent de police. Aujourd’hui encore elle crée des problèmes à
cette famille. Par sa faute, Pétra a perdu l’enfant qu’elle
portait. Ton petit frère. Ce n’est pas tout, elle a inventé toute
une histoire à dormir debout et là ton père a foutu Pétra à la
porte. Tu te rends compte des dégâts qu’elle occasionne.
N’oublie pas aussi tout ce qu’elle t’a fait subir.

Elle lui prend la main.

‒ Ma puce, je t’aime beaucoup et je ne veux pas que toi aussi


tu sois une victime de cette délinquante. Reste vigilante pour
éviter d’être l’une de ses victimes.
‒ C’est compris Mamie. Je ne l’aime pas de toute façon.

Satisfaite de ma mission, je prends congé pour un autre


rendez-vous. Je dois parler avec mon acolyte pour être située
sur la suite des évènements. Je le rejoins à sa chambre d’hôtel.
Il m’a l’air énervé. Il ne fait que tourner en rond avec un verre
de boisson à la main.

‒ Que t’arrive-t-il ? Lui demandé-je en me laissant tomber


dans le fauteuil.
‒ Ces incapables d’hommes de mains ont tiré sur Murima.
‒ Ah, ce n’est que ça !
‒ Ce n’est que ça ? Ils auraient pu la tuer.
‒ Et ? Qu’est-ce que cela peut bien faire ?
‒ Au cas où tu l’aurais oublié, c’est la femme que j’aime.
Même si je ne peux l’avoir, je préfère au moins qu’elle soit en
vie. Combien de fois vais-je te le répéter ? Ce n’est pas elle
mon ennemi.
‒ Bah moi je veux qu’on en finisse avec Derrick. Cet imbécile
m’a foutu à la porte et ne tardera pas à m’envoyer les papiers
du divorce que je ne signerai d’ailleurs jamais.

Il vide son verre et s’assoit dans le fauteuil en face du mien.

‒ Tu sais que s’il meurt tu n’auras rien.


‒ De lui non, mais de sa mère si. Je serai sa veuve donc
j’aurais quand même quelque chose. Mais ça me fout en rogne
qu’on ne fasse rien à Murima. Je veux pourtant lui faire payer
de m’avoir fait perdre mon bébé.
‒ Je t’avais pourtant prévenu de ne surtout pas la provoquer
physiquement. Elle est sauvage.
‒ Oui, comme tous ces Africains. Mais ce n’est pas juste
qu’elle vive. Si nous devons tuer Derrick, elle aussi doit y
passer. C’était ça le deal au début. On tue s’il n’y a plus
d’alternative.
‒ S’il n’y a plus d’alternative. Pour l’instant il y en a. Le
moment viendra où on les tuera tous.
‒ Ce n’est pas juste.
‒ Oui mais c’est moi qui commande.

Je tourne les yeux. Si cet imbécile pense que je vais laisser


cette femme s’en tirer ainsi, il se fout le doigt dans l’œil. Je la
tuerai. D’ailleurs il faut que j’aille me préparer pour la
circonstance.

‒ Je vais y aller, lui annoncé-je.


‒ J’ai besoin de défouler ma colère, répond-t-il avec un regard
pervers.
‒ Je viens de faire une fausse couche donc je saigne en ce
moment.

Il se lève et vient vers moi.

‒ Tu ne saignes pas de partout. Tourne-toi !

Je commence par ne plus supporter ses manières. Je me laisse


juste faire parce qu’il est le seul moyen pour que j’arrive à
mes fins.

Après lui avoir servir de vide couille, je retourne à mon hôtel


où j’ai donné rendez-vous à cet homme qui n’a cessé de me
faire les yeux depuis le premier jour qu’on s’est vu. Il se
pointe dix minutes après mon arrivé.
‒ J’ai été ravi lorsque tu m’as appelé, dit-il en rentrant dans la
chambre.
‒ Oui j’ai besoin de ton aide.

Il glisse un regard désireux sur moi. Je lui fais signe de


s’asseoir.

‒ J’ai un service à te demander.


‒ Et qu’aurais-je en retour ?
‒ Tu sortiras gagnant autant que moi.
‒ Et qu’est-ce qui me garantit que tu ne me joueras pas un sale
tour ?

Je me lève et fais tomber mon peignoir. Ses yeux


s’agrandissent devant mon corps peu couvert par mes dessous
sexy. Il sourit.

‒ Je t’écoute donc.

***TRAVON

‒ Chéri tu vas bouder longtemps ?


‒ Je ne boude pas. Je t'en veux. Comment as-tu pu me cacher
que Murima était ma mère ? Tu savais pourtant ce que sa
supposée mort avait provoqué en moi. Je me suis confiée à toi
sur mes douleurs mais toi tu m'as menti.
‒ Je sais. Bébé…

Elle essaie de me toucher mais je me décale. J’ai du mal à


faire passer la pilule. Malgré mon refus qu'elle me touche, elle
insiste et m’attrape par la taille.

‒ Ce n’était pas à moi de te dire une telle vérité. Tu la croyais


morte et elle avait un lourd passé. Elle voulait donc que vous
l'aimiez en tant que personne avant de vous révéler son
identité. Tu voulais que je vienne te dire comme ça de but en
blanc que ta mère que tu crois morte depuis vingt-deux ans est
en vie et campe le rôle de gouvernante ? C’était un sujet trop
sensible pour que ce soit moi qui t'en parle.
‒ Mais je devais savoir. Il s'agit de ma mère quand même.

Je m’assieds sur le lit. Je suis vraiment en colère contre tout le


monde. Ils m'ont tous caché cette information si importante
pour moi. Imelda se met à genou devant moi.

‒ Je suis désolée mon amour.


‒ Tu portes mon héritier, je ne peux pas t'en vouloir
longtemps.
‒ Merci !
Elle pose un baiser sur mes lèvres.

‒ Tu devrais parler à ta mère.


‒ Non. Je ne m’en sens pas capable maintenant. Elle était là et
elle a gardé le silence. Elle s'est révélée à Will et pas à moi. Ça
prouve que je ne compte que pour du beurre.
‒ Ne dis pas ça. Elle vous aime tous autant. Tu n'as pas idée
des choses qu'elle a faite dans l'ombre. C’est aussi grâce à elle
si je t'ai donné une nouvelle chance. Elle m'a supplié de ne pas
te quitter et c’est elle qui a convaincu mes parents de me
laisser rentrer près de toi. Toutes ces fois où il t’était arrivé des
bobos, elle était effondrée. Quand tu as eu ton malaise au
cœur, elle est restée tout le temps à ton chevet.

Je me souviens bien de ses réactions lorsque quelque chose


m’arrivait. Surtout la dernière scène à l’hôpital quand le
Docteur nous a annoncé la perte de l’un des bébés. Elle
n’arrêtait pas de m’appeler ‘‘mon chéri, bébé’’. J’ai toujours
mis son comportement affectueux envers nous sur le compte
d’un instinct maternel. Je ne pouvais pas me douter qu’elle
était ma mère malgré la coïncidence de son prénom. Je suis en
colère contre elle car je me suis aussi confié à elle sur le
manque que je ressentais de toute affection maternelle. Elle
aurait dû me dire la vérité.

‒ Je vais aller au travail, finis-je par dire en relevant ma


femme.
‒ Ok. Mais promets-moi que tu feras un effort pour accepter ta
mère. Elle souffre d’être loin de vous.
‒ Ok.

Elle me pose un baiser chaste sur les lèvres. J’embrasse son


ventre rebondi avant de m’en aller. Je me plonge dans le
travail pour rattraper tous les retards causés par les
évènements. Des dossiers à signer, des rendez-vous reportés…
Je m’occupe de toutes ces choses durant toute la journée. A
mon retour du dernier rendez-vous, je retrouve Xender, notre
DAF devant mon bureau.

‒ Tu as besoin de moi ?
‒ Oui. J’ai besoin de signature et avis sur certains dossiers.

Nous nous rendons dans mon bureau où je vérifie tous les


dossiers.

‒ Mais c’est mon père qui s’occupe de ces dossiers.


‒ Justement, il est absent. Depuis hier il n’a pas mis pied au
bureau et il ne répond pas aux appels. Je suis donc obligé de
venir vers toi pour en finir avec ces dossiers.
‒ Ok.
J’examine de nouveau les dossiers et je pose ma signature sur
certains et sur d’autres non. A peine il sort que je reçois un
appel d’Imelda.

‒ Oui ma puce.
‒ « Je viens d’apprendre un truc mais tout est rentré dans
l’ordre. »
‒ De quoi s’agit-il ?
‒ « Will se serait fait kidnapper hier et il y a eu une fusillade
contre lui et vos parents après qu’ils l’aient récupéré. Mais
tout va bien. Enfin, Will a été blessé à l’épaule et Murima
blessée légèrement. »
‒ Je n’en savais rien. Tu peux m’envoyer l’adresse de l’appart
où vit Will ? Je passerai le voir tout à l’heure.
‒ « Ok. »

Elle raccroche et m’envoie l’adresse les minutes qui suivent.


Je termine de traiter le dossier sur lequel j’étais, je range mes
affaires et je prends la route pour l’appartement de Will.
J’hésite à appeler mon père pour prendre de ses nouvelles
mais finalement je laisse tomber. S’il avait quelque chose de
grave Imelda me l’aurait dit. Je suis aussi en colère contre lui
de nous avoir menti tout ce temps. Il nous a fait croire que
nous étions orphelins de mère alors qu’elle était juste en
prison. Il n’est en aucun cas excusable. Vingt-cinq ans que je
souffre de l’absence de ma mère alors qu’elle était juste à côté.
Ça ne m’aurait jamais dérangé d’aller la voir en prison. Que
ma mère soit incarcérée ne m’aurait pas fait honte parce qu’au
moins elle serait là. C’est tout ce qui importait pour moi.
Avoir ma mère près de moi. Le pire c’est qu’elle aussi a
préféré garder le silence à sa sortie.

Will m’ouvre la porte et je remarque tout de suite le bandage


sur son épaule.

‒ Pourquoi tu ne m’as pas informé de ce qui t’était arrivé ?


Dis-je en rentrant.
‒ Les parents ne voulaient pas qu’on vous inquiète, répond-t-il
en refermant la porte. Par contre je suis surpris de te voir ici.
‒ C’est Imelda qui m’a raconté et m’a donné votre adresse.
Alors ça va ? Demandé-je en le fixant.
‒ Ouais. La balle n’a fait aucun dégât. La plaie cicatrisera
seule.

Je le prends dans mes bras en l’enlaçant d’une seule main pour


ne pas lui faire mal. Nous nous installons dans le salon où
nous passons du temps à discuter de son enlèvement. C’est
vraiment étrange tout ce qui arrive à notre famille, surtout que
genre de chose n’était jamais arrivée avant.

‒ As-tu parlé avec maman ? Me demande subitement mon


petit frère.
‒ Non !
‒ Tu devrais. Elle souffre de ton silence.
‒ Ce n’est pas facile pour moi d’accepter cette nouvelle. J’ai
passé toute ma vie à penser que maman était morte et
maintenant comme une bombe on nous lâche qu’elle est en
vie. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de se révéler à
nous ?
‒ Parce qu’elle voulait que nous l’appréciions avant tout.
‒ Mais je l’appréciais. Elle le savait. Toi tu lui as peut-être
sauté dans les bras dès que tu l’as appris mais moi j’ai besoin
de temps pour accepter ce changement. Je lui en veux pour
son silence.
‒ Je sais.

Je me prépare à rentrer quand la porte s'ouvre sur Murima.


Elle se fige lorsqu'elle me voit. Nous restons les secondes qui
suivent à nous regarder. Comme à chaque fois qu'elle me
regardait, je lis de la tendresse dans ses yeux.

‒ Bonsoir chéri ! Me salut-elle avec hésitation. Je ne savais


pas que tu serais là.
‒ J’étais passé voir Will. Je rentre maintenant.

Je passe près d'elle en allant vers la porte mais elle me fait


retourner par le bras.

‒ Chéri ! Il faut qu'on parle.


‒ Si tu voulais qu’on parle, tu l'aurais fait dès ton premier jour
à la maison.
Ses yeux se remplissent de larme en un clin d’œil.

‒ Bébé ! Fait-elle la voix tremblante. Je te demande pardon


pour mon silence. J'avais peur que vous me rejetiez en
apprenant que je revenais de prison.
‒ Ça prouve que tu ne connais pas le fils que tu as mis au
monde. Déjà à mes cinq ans je ne pouvais passer une journée
sans te faire au moins un câlin. Je t'adorais alors comment as-
tu pu penser que je t'aurais rejetée ? Je t’avais dit que ma mère
me manquait alors tu aurais pu en profiter mais tu t'es tue.
‒ Bébé ! Pleure-t-elle cette fois.
‒ Je ne te déteste pas. J’ai juste besoin de… de digérer toutes
ces vérités que tu m'as éclatées à la figure. Laisse-moi juste le
temps.

Elle se nettoie le visage.

‒ Ok. Mais sache que je t'aime plus que tout. Je vous aime
tous les trois. Vous avez été ma raison de rester en vie lorsque
j’étais en prison. C’est pour vous que je suis là.

Ses larmes reprennent le chemin de ses joues. Je fais un léger


oui de la tête et je sors.

UNE SEMAINE PLUS TARD


***MURIMA

Ce soir j’ai décidé de passer voir Derrick à la maison. Depuis


le jour de la séquestration, paraît qu'il n'a plus fourré son nez
dehors, ni même au boulot. Il ne répond même pas à son
portable. Disons qu'il s’est coupé du monde et ça m’inquiète.
La dernière fois qu'il avait fait ça en ma présence, c’est
lorsque son père à l’annonce de la mort de son père le
lendemain d'une violente dispute me concernant. Son père
avait dit que jamais de son vivant il n’accepterait une nègre
dans sa famille alors il l'a déshérité pour m'avoir épousé sans
son accord. Ils se sont grave disputés et le lendemain M.
WILLAR faisait une crise cardiaque duquel il succombait.
Derrick avait disparu de la maison pendant près d'une
semaine. Il s'en voulait des mots qu'il avait dit à son père. Moi
aussi je m'en suis voulue d'avoir été la cause du déchirement
de leur famille. J’ai voulu tout arrêter mais Derrick ne voulait
pas me lâcher, surtout que je portais Travon dans mes
entrailles. Il m'a demandé pardon d'avoir disparu et m'a rassuré
qu’il ne regrettait pas de m’avoir choisi. Aujourd’hui encore il
se coupe du monde et je le ressens qu'il a mal. Pour quoi
exactement je ne sais pas. Mais je sais que son cœur souffre de
quelque chose.

Étant déjà une habituée de la maison, j'entre directement et me


rends à la cuisine où Djénéb fait du rangement.

‒ Salut ma chérie !
‒ Bonsoir ma tante. Je suis contente de te voir ici.
‒ Il est là Derrick ?
‒ Oui. Dans son appartement. Il n'est pas descendu depuis une
semaine.
‒ Est-ce qu’il prend soin de lui ? Se nourrit-il ?
‒ Des jours oui, d'autres non. Aujourd’hui il n'a rien mangé de
la journée. Pour le dîner aussi il n’a rien voulu. Je n’ai donc
rien fait puisque Xandra s’apprête à sortir. Par contre, il boit
beaucoup.
‒ D’accord. Je vais lui préparer quelque chose. Tu prends ta
soirée. Je m’occupe de tout.
‒ Je vais d’abord t'aider.
‒ C’est comme tu veux.

Je cuisine rapidement un plat léger. Entendant des pas dans la


maison, je me précipite vers, pensant que ce serait Derrick,
mais c’est plutôt Xandra qui descend les escaliers.

‒ Salut ma chérie !

Elle glisse son regard sur moi.

‒ Qu’est-ce que tu fais ici ? Demande-t-elle hautainement en


s’arrêtant gaillardement devant moi.
‒ Je suis venue voir comment vous allez.
‒ Je me portais mieux jusqu’à ce que je te voie.
‒ Ne me parle pas ainsi. Je suis ta mère.
‒ Ma mère est morte. Je me fiche de savoir qui tu es. Jamais je
n’accepterais une femme comme toi comme génitrice. Une
toxicomane doublée de meurtrière et adultérine.

Ma main s’abat sur sa joue violemment.

‒ Tu ne me parles jamais ainsi ok ? Ce n’est pas parce que je


désire que tu m’accordes ton affection que je vais te laisser me
rabaisser de la sorte. Que tu le veuilles ou non je suis celle qui
t’a donnée la vie donc tu me dois un minimum de respect
jeune fille.
‒ La prochaine fois que tu lèves la main sur moi, tu
retourneras dans le trou d’où tu viens. Sale junkie de merde !

Je la regarde s’en aller vers la sortie avec un pincement au


cœur. Il me sera difficile de me rapprocher d’elle. Je suis
certaine que Dame WILLAR lui a monter le cerveau. Mais je
n’abandonnerai pas ma fille. Elle finira par m’aimer. Je
retourne à la cuisine terminer mes tâches. Je dispose la
nourriture, la boisson et les couverts sur un plateau. Je monte à
l’appartement de Derrick avec le tout en main. Je suis donc
obligée de cogner avec le pied.

‒ Je ne dine pas ce soir Djénéb.


Je cogne avec insistance. Il vient ouvrir. Il fronce les sourcils
en me voyant. J’entre sans me préoccuper de son air.

‒ Que fais-tu ici ?


‒ Je suis venue m’assurer que le père de mes enfants vit
toujours.

Il referme et me rejoint dans la pièce. Je dispose les choses sur


la table basse. Il me regarde faire, les mains dans ses poches.

‒ J’ai dit à Djénéb que je ne dinerais pas ce soir.


‒ Je ne suis pas Djénéb.
‒ Que veux-tu Rima ?
‒ Viens t’asseoir et mange.

Il reste sur place. Je me redresse.

‒ Ecoute, je te déteste toujours pour ce que tu as fait à Will.


Mais nos enfants ont encore besoin de toi. Tu ne vas pas
laisser une quelconque situation te faire mourir de chagrin.
Quel que soit ce que tu traverses, tu dois rester fort pour tes
enfants et ton petit-fils qui est en route. Alors Monsieur
WILLAR merci de venir poser tes fesses et de manger ce diner
que j’ai spécialement cuisiné pour toi.

Il me fixe.
‒ Je mange si tu manges avec moi.
‒ Je savais que tu me dirais ça. Allez viens t’asseoir.

Il obéit. Il s’assoit sur la moquette plutôt que dans le fauteuil.


Je l’imite et nous commençons à diner.

‒ Ça m’avait manqué que tu cuisines pour moi.


‒ Je cuisinais ici.
‒ Pour tout le monde. Pas pour moi uniquement. En plus, ce
plat, j’ai toujours aimé quand c’était toi qui me le faisais.

Je sens son regard peser sur moi. Je continue de manger sans


tourner la tête vers lui. Le repas terminé, nous restons toujours
assis sur la moquette. Je récupère mon jus de fruit tandis que
lui tend la main vers son verre d’alcool.

‒ Non tu en as assez bu, dis-je en lui prenant le verre de la


main. Prends du jus.

Il prend le verre que je lui tends sans rechigner.

‒ Alors, c’est quoi le souci ? Lui demandé-je le regard rivé


droit devant moi.
‒ Je crois que j’ai gâché ma vie et celle de nos enfants.
‒ Ne dis pas ça.
‒ C’est pourtant la stricte vérité Rima. Je n’ai fait que de
mauvais choix et aujourd’hui j’en paye les frais. J’ai laissé ma
femme croupir en prison, je l’ai privé de ses enfants pendant
vingt-deux longues années et même quand elle est sortie, je
n’ai rien fait pour rétablir les choses. Je l’ai laissé se rabaisser
au rang de domestique dans ma propre maison. J’ai laissé ma
mère dire sans cesse des horreurs sur elle au point où
aujourd’hui notre fille la déteste et je l’ai humilié devant ma
soi-disante femme qui me faisait cocu avec la terre entière.

Il tourne la tête vers moi.

‒ Je paye pour tout le mal que je t’ai fait Rima. Je regrette


tellement.
‒ Arrête ! C’est le passé. Nous avons tous deux faits des
erreurs.
‒ J’en ai fait de bien pires. Je suis impardonnable.
‒ Hey ! Dis-je doucement en lui faisant face. Tu n’es pas une
mauvaise personne. J’ai voulu te haïr toutes ces années mais je
n’y suis pas arrivée parce que outre cette histoire, tu as été le
plus merveilleux des maris. Tu m’as aimé. Tu m’as choisi
jusqu’à faire la guerre à tes parents. Même après la mort de
ton père, tu ne m’as pas rejeté. Mon Dieu Ricky combien de
fois tu as été patient avec moi ? Je n’ai cessé de mettre la vie
de nos enfants en danger en prenant la drogue mais tu ne m’as
pas abandonné. Tu es resté pour m’aider à me sortir de ce trou.
Si je ne suis plus dépendante aujourd’hui c’est uniquement
grâce à toi, à ton amour. Alors pour ça, je ne peux pas te
détester à 100%.
‒ A combien de pourcentage me détestes-tu ? Demande-t-il
une once d’amusement dans la voix.
‒ Disons 40%. Pour m’avoir fait passer pour morte et pour
avoir mené la vie dure à Warisse. Je vais te le faire payer
crois-moi.

Nous échangeons un regard et nous éclatons de rire.

‒ C’est fou comme je peux t’aimer Rima.


‒ C’est fou comme je peux t’aimer et te détester à la fois. Tu
n’es qu’un enfoiré Ricky.
‒ Je sais.

Nous échangeons un sourire. Doucement nos visages se


rapprochent et sans hésiter nos lèvres s’unissent dans un
baiser. Nous posons ensemble nos verres et Derrick me hisse
sur ses jambes. Le baiser se fait plus intense. Je promène mes
doigts dans ses cheveux pendant que lui promène ses mains
sur mes fesses. Je sens son érection contre ma féminité. Il
glisse ses mains sous ma longue robe qui a été retroussée sur
mes cuisses. Sentir ses mains me caresser me fait gémir
fortement. Seulement, quand ses doigts se faufilent dans mon
dessous, je l’arrête.
‒ Non Derrick arrête ! Dis-je le front collé au sien et les yeux
fermés. Ce n’est pas une bonne idée. Il y a trop de cafouillage
autour de nous sur lesquels nous devons nous concentrer.
‒ J’ai envie de toi Murimami.
‒ Moi aussi. Mais je refuse qu’on fasse quoi que ce soit dans
ces conditions-là.

Je le regarde dans les yeux.

‒ Je ne veux pas être ta deuxième option.


‒ Tu ne l’as jamais été. J’avais déjà décidé de divorcer de
Pétra avant que tout ceci n’arrive. Je t’aime Murima.
‒ Je sais. Mais… S’il te plaît, concentrons-nous sur nos
problèmes, en commençant par le kidnapping de William. As-
tu eu des nouvelles de la police ?
‒ Non pas encore. Il n’y a pas non plus du nouveau concernant
la mort de Debby.

Il essaie de m’embrasser. Je l’esquive et je quitte ses jambes.

‒ Tu ne m’auras pas Derrick. Je ne coucherai pas avec toi.


‒ Arrête de te faire désirer.

Il essaie encore de m’embrasser mais je le repousse en


souriant.
‒ Nous devons parler sérieusement, lui dis-je. Tu as une idée
de qui pourrait être derrière le kidnapping de Will ?
‒ Vu la somme demandée j’ai pensé à des amateurs, mais il y
a eu ensuite la tentative d’assassinat. Quelqu’un a essayé de
nous tuer.
‒ Qui et pourquoi ?

Il parait réfléchir un moment.

‒ Et si tout ce qui nous arrivait était l’œuvre de la même


personne d’il y a vingt-deux ans ? Suppose-t-il. Parce que ce
sont à peu près les mêmes attaques, sauf que la première fois
c’était Travon qui avait été enlevé.
‒ Tu penses que ce serait Josky ?
‒ L’as-tu revu depuis que tu es sortie ?
‒ Oui. Nous nous sommes rencontrés, je crois trois fois,
‒ Et tu ne m’as rien dit ?
‒ Parce qu’il ne m’avait pas menacé. Il a juste dit qu’il voulait
toujours de moi au cas où je serais intéressée.
‒ Et que lui as-tu répondu ?
‒ Que je n’étais pas intéressée bien évidement. Je ne peux pas
affirmer avec exactitude qu’il est derrière tout ça. Mais ça ne
coûte rien de le garder à l’œil.
‒ Demain nous irons au poste demander une enquête sur lui
afin d’en avoir le cœur net.
‒ Ok. Nous devons aussi…

Je suis interrompue par un bruit.

‒ Tu as entendu ? Demandé-je à Derrick.


‒ Oui.

Nous prêtons l’oreille. On dirait que quelqu’un avance


lentement vers la porte. Nos regards se portent
automatiquement sur le bas de la porte. Nous apercevons une
ombre. Derrick se lève doucement sans faire de bruit. Je le
suis. Nous allons à la porte que Derrick ouvre subitement.
Nous tombons nez à nez avec une personne en cagoule. Elle
lève une arme dans la direction de Derrick mais celui-ci réagit
vivement et le coup part dans le mur. Je pousse un cri de
surprise. Derrick donne un coup au visage de l’intrus qui
prend aussitôt la fuite. Nous nous lançons à sa poursuite. La
maison est plongée presque dans le noir et nous n’avons pas
tout de suite le réflexe d’allumer. Derrick le rattrape avant
qu’il ne descende le dernier étage. Il enchaine deux coups sur
son visage. Le cri qui sort nous montre qu’il s’agit d’une
femme. Derrick recule immédiatement. Il a horreur de porter
main aux femmes. Je décide donc de prendre la relève. Je
bondis sur la femme qui sort aussitôt une arme. Nous nous
bagarrons et un moment elle réussit à me dégager d’elle. Je me
retrouve par terre. Elle pointe son arme sur moi. Mais je me
relève vite avant qu’elle ne tire. C’est à ce moment que nous
entendons le cri de Djénéb en bas des escaliers. Derrick tente
de l’arrêter mais elle lui donne un coup entre les jambes. Elle
lui pointe aussi l’arme et au moment de tirer je la lui arrache
d’un seul coup. Elle se retourne et avec toutes ses forces me
pousse.

‒ MURIMA !!!! Hurle Derrick en essayant de me rattraper.

Trop tard, je dégringole dans les escaliers. Je reçois des chocs


en roulant et ma tête heurte contre l’une des marches. J’atterris
juste aux pieds de Djénéb qui ne cesse de hurler. Je vois du
sang et petit à petit mes yeux se ferment.
25

***DERRICK

Je ne fais que tourner en rond dans la clinique comme un lion


en cage. Je suis à deux doigts de casser un truc si on ne me
donne pas des nouvelles de Murima. Mais surtout si ce ne sont
pas de bonnes nouvelles. Je ne m'en remettrai pas s'il lui
arrivait quelque chose. Mon cœur a manqué s'arrêter de battre
lorsque je l’ai vu dégringoler dans les escaliers. Mon Dieu
qu’est-ce qui ne va pas dans ma famille pour que nous
enchaînions drame sur drame ?

‒ Monsieur WILLAR, nous avons quelques questions à vous


poser.

Je me tourne vers l'officier de police. Je lui explique ce qui


s’est passé.

‒ Vous n’avez pas vu son visage ou un indice qui pourrait


nous aider ?
‒ Non. La maison était faiblement éclairée. Je sais juste qu'il
s’agissait d’une femme.
‒ Pourquoi ne l’avez-vous pas maintenu puisque selon vos
dires elle était à portée de main.
‒ J’ai paniqué quand Murima est tombée et mon premier
réflexe était d'aller voir comment elle allait. Cependant, j’ai
demandé à ma gouvernante de rattraper la femme lorsqu’elle
prenait la fuite mais elle non plus n'a pu. Les choses se sont
passées vraiment très vite. Mon unique préoccupation c’était
Murima.
‒ M. WILLAR, ça fait la seconde fois que des intrus entrent
chez vous par effraction et cela sans que l’alarme de sécurité
ne soit déclenchée. Ne croyez-vous pas qu’il y ait un complice
à l’intérieur de chez vous ?
‒ Je n'en sais rien. Pour la première fois peut-être mais pour
cette fois non je ne crois pas. J’étais avec Murima dans mon
appartement et Djénéb la gouvernante était déjà au lit.
‒ J’aimerais m’entretenir avec celle-ci si vous le permettez.
‒ Je lui ai demandé de rentrer à la maison nettoyer le sang
avant que ma fille ne rentre. Je lui dirai de passer au poste
demain.
‒ Bien. Merci pour votre disponibilité.

Je hoche juste la tête. Une voix qui s’élève dans la pièce me


fait tourner ma tête. C’est Will.

‒ Will ! L'appelé-je alors qu’il se rendait à l’accueil.


‒ Où est ma mère ? Demande-t-il en venant vers moi tout
énervé. Que lui as-tu fait ?
‒ Je n’ai rien fait.
Il me pousse sur la poitrine. Clinton qui le suivait le retient.

‒ A chaque fois qu’elle est avec toi il lui arrive un malheur.


‒ Will !
‒ S'il lui arrive quelque chose de grave je te le ferais payer
Derrick.

Il fait un tour sur lui.

‒ Il faut que j'aille la voir.

Il fonce vers la salle d’urgence.

‒ Will non attend !

Il continu d'avancer sans m'écouter. Je fonce sur lui et je le


stop de force.

‒ Calme-toi fiston ! On s’occupe d'elle.


‒ Je dois la voir.

Il essaie de me dévier mais je le maintiens avec fermeté. Il


lutte. Clinton viens me prêter main forte. Will continue de
lutter en pleurant cette fois.
‒ Je veux la voir, hurle-t-il. Laissez-moi la voir.

Clinton et moi arrivons à le maîtriser. Nous le faisons asseoir


dans un siège.

‒ Calme-toi s'il te plaît ! Lui dit Clinton. Ta mère s'en sortira.


‒ Oui fiston. Elle est juste tombée dans les escaliers. Elle s'en
sortira.
‒ Mais tu as du sang sur toi, me dit-il.
‒ Toi aussi tu as saigné lorsqu'on t'a tiré dessus mais tu es
encore là.

Il se passe la main nerveusement sur le visage. Je joins nos


têtes.

‒ Elle va s'en sortir. Ne t’inquiète pas. Ta mère c’est une dure


à cuire.

Nous restons dans cette position jusqu’à ce qu'il soit plus


calme. Nous sommes séparés par la voix du Docteur. Will est
le premier à se précipiter sur lui.

‒ Comment va ma mère ?
‒ Il y a eu plus de peur que de mal. Elle a une blessure à la tête
et une jambe fracturée.
‒ C’est ce que vous appelez plus de peur que de mal ?
‒ Ça aurait pu être pire. Elle aurait pu avoir un traumatisme
crânien, une perte de mémoire, les côtes brisées et que sais-je
encore. C’est une chance qu'elle s'en sorte avec juste deux
lésions. Alors, elle gardera sa jambe dans un plâtre durant un
mois. Pour sa tête, nous lui avons mis un pansement. Elle doit
aussi suivre un traitement pour faciliter son rétablissement.
‒ Merci Docteur, dis-je. Pourrait-ton la voir ?
‒ Vous allez devoir patienter qu'elle se réveille.

***MURIMA

Après mon réveil, je me fais ausculter par l’infirmière qui me


tend des comprimés à prendre.

‒ Votre fils est très impatient de vous voir, me dit-elle en


souriant.
‒ Will ? Il est là ?
‒ Oui. Il a passé la nuit ici avec son père et M. Clinton.
‒ Est-ce qu’il peut venir me voir ?
‒ Bien-sûr. Un instant.
Elle termine la vérification de mon bandage et sort de la pièce.
Je fixe la porte jusqu’à ce qu'elle s’ouvre de nouveau sur Will
qui se précipite sur moi.

‒ Oh mon chéri ! M'exclamé-je en ouvrant mes bras.

Il m'enlace fortement à me couper le souffle. Comme je me


sens bien.

‒ Ne me fais plus une telle peur maman.


‒ Je suis désolée.

Il me baise la joue et le front. Des bruits de pas nous font


retourner. Clinton et Derrick sont aussi là.

‒ Comment vas-tu Murima ? S’enquiert Clinton.


‒ Je vais mieux.

J’essaie de mieux me positionner dans le lit mais je fais un


faux mouvement qui me fait grimacer. Derrick et Clinton se
précipitent tous les deux vers moi.

‒ Attends je t’aide, disent-ils en même temps.


Je les regarde à tour de rôle. Se rendant comptent de la
tension, ils se stoppent tous les deux et échangent un regard de
gêne. Clinton recule faisant ainsi comprendre à Derrick d’y
aller. Ce dernier ne se fait pas prier. Aidé de Will, il m’aide à
me placer confortablement.

‒ Ça va ? Questionne Derrick.
‒ Oui merci !

Clinton s’excuse et sort. Je reste avec Will et Derrick. J’aurais


souhaité voir mes autres enfants mais bon, je vais me
contenter de celui-ci. Après quelques heures à discuter avec
eux, Mélodie, la femme de Daniel entre dans ma chambre.

‒ Bonjour, salut-elle timidement. J’ai vu M. Clinton qui m’a


fait savoir que vous étiez là. Comment vas-tu Murima ?
‒ Je vais bien merci.

Je la regarde avec beaucoup d’attention pour être sûre de bien


percevoir ces bleus qu’elle a dissimulés sous son maquillage.
Les hommes nous laissent seules. Je fais signe à Mélodie de
s’asseoir. Elle boite légèrement.

‒ Qu’est-ce que tu as ? Lui demandé-je.


‒ Rien ne t’inquiète pas.
‒ Comment ça rien ? Tu as le visage tuméfié, tu boites sur une
jambe et tu me dis n’avoir rien ?

Elle baisse la tête et contre toute attente éclate en sanglot.

‒ Je suis désolée, je ne veux pas t’embêter avec mes


problèmes.
‒ Tu ne m’embêtes pas. Même si notre amitié n’est plus à son
beau fixe je suis disposée à t’aider s’il le faut. Alors dis-moi ce
qui ne va pas.
‒ Mon mariage est sur le point de se briser. Daniel et moi ne
faisons que nous disputer.
‒ C’est lui qui t’a porté main.

Elle semble hésiter avant de répondre.

‒ Oui. Mais je t’en supplie ne dis rien à personne. S’il apprend


que j’en ai parlé, ça sera pire.
‒ Mais tu dois porter plainte pour violence conjugale.
‒ Non je t’en prie, pas ça. Je l’aime malgré tout et j’ai foi que
les choses s’arrangeront. Ne t’inquiète pas pour moi. Tout ira
bien.
‒ Si tu le dis.

*Mona
*LYS

Je n’en peux plus de Will qui est devenu une véritable plaie.
Ce gosse n’arrête pas de me traiter comme son enfant depuis
que je suis rentrée de la clinique. Il vient chaque deux minutes
vérifier si je respire encore. Je ne cesse de lui dire que c’est
mon pied qui est dans un plâtre et non mon cœur mais c’est
comme si je prêchais dans le désert. Un autre aussi qui ne me
lâche pas, Clinton. Ces derniers jours j’ai découvert en lui un
homme vraiment charmant. Il est à mes petits soins. C’est
même lui qui me fait à manger depuis ma sortie malgré la
présence d’Aurelle que Derrick a réembauché pour moi. Il
passe presque toutes ses journées ici avec moi. Il m’empêche
de m’ennuyer. Je dois le reconnaitre que j’aime beaucoup sa
compagnie au point où je m’ennuie lorsqu’il rentre chez lui.

Je l’observe depuis un moment ranger mes vêtements propres


dans ma penderie. Je ne pensais plus qu’il existait encore des
hommes de ce genre en ce nouvel ère. Doux, attentionné et qui
ne demande rien en échange de leur gentillesse.

Ayant une envie pressante, je pose le pied par terre et prends


ma béquille.

‒ Oh où vas-tu comme ça ? Me demande Clinton en revenant


rapidement vers moi.
‒ Je vais faire pipi.
‒ Attends je te porte.
‒ Non ce n’est…

Il m’a déjà soulevé. J’en ai marre de lui et Will. Il me pose


devant le wc.

‒ J’aurais besoin de ma béquille.


‒ Si tu finis appelle-moi.

Il sort et referme derrière lui. Lorsque je finis, je fais l’effort


d’aller me laver les mains. Je n’ai pas encore fini que Clinton
entre de nouveau.

‒ Je savais bien que tu n’en ferais qu’à ta tête.

Il m’essuie les mains comme si j’étais un bébé et me porte.

‒ Toi et Will vous me faites chier, dis-je en boudant.


‒ Toi aussi tu nous fais chier avec ton entêtement à vouloir
tout faire dans ton état, réplique-t-il en me reposant dans mon
lit. La prochaine fois que je te vois aller à la cuisine préparer
quelque chose, je te brise l’autre jambe comme ça tu nous
laisseras prendre soin de toi.

Je lève les yeux au ciel. Will rentre à son tour s’assurer que
tout va bien. Ils parlent de moi comme si je n’étais pas
présente avant que Will ne nous laisse de nouveau seuls.
‒ Je crois que je vais rentrer. Je dois traiter un dossier
important pour demain.
‒ D’accord. Encore merci d’être là pour moi Clinton.
‒ C’est tout à fait normal, dit-il en me caressant la main. Tu es
une femme qui mérite toute l’attention du monde. J’en ferais
toujours plus pour toi.

Sa voix est tellement apaisante que ça fait battre mon cœur


d’une façon étrange pour lui. Ça faisait longtemps que je ne
m’étais sentie si spéciale aux yeux d’un homme. Les secondes
s’engrainent sans que nous ne puissions nous lâcher du regard.
Cette façon qu’il a de me regarder ne me laisse pas
indifférente. Nos visages se rapprochent lentement et sans que
je n’ai la force ni l’envie de le repousser, il presse ses lèvres
contre les miennes. Je les entrouvre légèrement et je réponds à
son baiser. Une chaleur incandescente se dissipe en moi. Mon
cœur se met à cogner fort contre ma poitrine lorsque nos
langues se touchent. Je me sens fondre. Clinton tente
d’approfondir le baiser quand un raclement de gorge nous
oblige à nous éloigner. Je ferme les yeux en apercevant
Derrick débout devant ma chambre.

‒ Je… je vais y aller maintenant, dit Clinton en se levant. A


demain Murima.
‒ A demain.
Il salut Derrick avant de s’en aller. Je fais signe à celui-ci de
rentrer.

‒ Je suis désolé de vous avoir interrompu, s’exprime-t-il avec


une once de colère dans la voix.
‒ Je ne m’attendais pas à te voir ce soir, répondé-je en fuyant
son regard perçant mais surtout pour passer sur le sujet.

Il entre. Je remarque qu’il tient un document en main.

‒ Je t’ai apporté ces documents.

Je parcours les documents en question qu’il m’a tendu.

‒ Je t’ai légué 10% des parts de MURRICK. Tu recevras donc


un salaire conséquent chaque fin de mois.

J’ouvre grand la bouche.

‒ Mais… Derrick ! Fallait pas. Tu n’étais pas obligé.


‒ Si, il le fallait. Je ne peux pas ramener les vingt-deux années
que tu as perdues en prison ni réparer tout le mal que je t’ai
fait en te privant de tes enfants mais je peux au moins
m’assurer que maintenant tu vives dans de meilleures
conditions.
Son acte me touche profondément. Il se rapproche de moi et
me caresse la joue. Je prends sa main que j’apporte à mes
lèvres pour y poser un baiser. Il s’assoit en face à la place
qu’occupait Clinton il y a quelques minutes. Je lis de la
déception sur son visage.

‒ Derrick…
‒ Je sais que tu es appelée à refaire ta vie Rima. Tu es encore
une très belle femme et je vois comment les hommes te
regardent. Mais j’aimerais que tu n’oublies pas que je t’aime
et que ce que je désire maintenant plus que tout au monde
c’est de t’avoir de nouveau à mes côtés. J’ai besoin de ma
femme, de la mère de mes enfants.

Je n’arrive à rien répondre à cette déclaration. Il me souhaite


une bonne soirée, me baise le front et part à son tour. A peine
il sort que Will fait son entrée.

‒ Eh ben dis-donc, tu as beaucoup de prétendant toi.

Je le tchip. Il s’assoit près de moi.

‒ Sais-tu que tu es encore jeune et fraiche ?


‒ Ton père vient de me le dire.
‒ Ça ne serait donc pas mauvais que tu refasses ta vie. Surtout
avec Clinton.

Je lève un sourcil.

‒ Pourquoi Clinton ? Généralement les enfants désirent que


leurs parents soient ensemble pour la vie.
‒ Oui c’est vrai. D’une part je veux vraiment que tu te
remettes avec papa pour que nous soyons de nouveau une
famille. Mais d’autre part, quand je pense à toute la souffrance
que tu as endurée, je me dis qu’il est préférable que tu refasses
ta vie avec un autre. Je ne supporterai plus d’entendre Mamie
dire des bêtises sur toi ou te manquer de respect. Les
WILLAR t’ont assez humilié. Mais bon, le choix te revient.
‒ Merci !
‒ Tu as pris tes médocs ?

Je roule les yeux.

‒ Oui William.
‒ Tu veux encore quelque chose à manger ?
‒ William sort de ma chambre. Tu recommences avec tes
bêtises.
‒ Mais…
‒ J’ai dit dégage, dis-je en le poussant.
Il sort en rigolant. Je me détends dans mon lit. Les propos de
Will me font réfléchir. Il est vrai que j’ai énormément souffert
pour avoir choisi Derrick comme amour. Ma vie n’a pas été de
tout repos mais tout ce que j’ai vécu ne m’empêche pas pour
autant de l’aimer. Il y a aussi Clinton qui est un homme
vraiment parfait. Lui non plus ne me laisse pas indifférente.
J’aime être avec lui, discuter avec lui. J’ai l’impression que
rien ne pourra m’atteindre lorsqu’il est près de moi. J’ai bien
envie d’essayer avec lui. Je sais déjà que je serais heureuse à
ses côtés. Il me sera vraiment difficile de faire un choix entre
les deux.

De petits coups sont donnés à la porte de ma chambre. Je


soupire d’exaspération.

‒ Warisse je vais te taper si tu ne dégage pas, hurlé-je toujours


couchée dans mon lit. Je ne suis pas ton enfant, c’est même
comment ?

La porte s’ouvre lentement. Je me saisis d’un coussin que je


vais lui lancer à la figure s’il entre.

‒ C’est moi !

Je suspends mon geste. Je me retourne vivement et mon cœur


se gonfle en voyant Travon entrer. Je me redresse prestement.
‒ Mon amour ? Viens entre !

Il avance lentement.

‒ Assieds-toi là s’il te plaît ! Lui demandé-je en tapotant la


place près de moi.

Il s’assoit avec hésitation. Je souris.

‒ Je suis heureuse de te voir. Comment vas-tu bébé ?


‒ Je vais bien merci, dit-il la tête baissée. Comment tu vas
toi ?
‒ Maintenant que je t’ai vu je vais super bien.

Il se passe la main dans les cheveux.

‒ Je… je me suis rendu compte que j’étais en train de perdre


du temps au lieu de profiter de chaque instant. Je… j’ai eu
peur de te perdre de nouveau… maman.

Mon cœur rate un battement. Je ne peux me retenir de pleurer.


Une larme perle aussi sur son visage mais je l’efface
rapidement en lui caressant la joue.
‒ Tu ne me perdras plus jamais mon bébé, dis-je la voix
rouillée. Viens dans mes bras je t’en prie.

Il se précipite de se jeter dans mes bras ouverts. Je serre mon


bébé contre moi en bénissant le Seigneur de me rapprocher
d’un autre de mes enfants.

‒ Je n’ai jamais cessé de penser à toi mon bébé, lui dis-je sans
le relâcher et en pleurant de plus belle. Penser à vous m’a
donné la force de résister à tout. Je t’aime tellement.
‒ Je t’aime maman. Tu m’as tellement manqué.

J’ai maintenant mes deux garçons à mes côtés. Il ne me reste


que ma petite princesse et je serai une mère comblée.

***WILLIAM

J’essaie de me concentrer sur mon jeu vidéo mais je n’arrête


pas de tourner la tête à chaque fois que Aurelle passe. Ça fait
plus d’une semaine qu’elle a repris le travail ici à
l’appartement. Jusque-là je ne me suis pas approchée d’elle
pour ne pas la déconcentrer. La priorité c’est ma mère. Mais
maintenant que cette dernière va bien, surtout depuis la visite
de Travon, je pense qu’il est temps de régler mes problèmes
avec elle. J’attends que ma mère sorte avec Clinton pour la
rejoindre à la cuisine.
‒ Aurelle !

Lorsqu’elle me voit, elle lance inaudiblement un gros mot. Je


l’empêche de sortir.

‒ Will s’il te plaît !


‒ Ma mère m’a dit que tu as voulu participer pour ma caution.

Elle me tourne le dos et reprend sa tâche sans me répondre.

‒ Pourquoi continues-tu de me fuir ?


‒ Je ne te fuis pas. Je fuis les problèmes. Surtout avec tes
nombreuses conquêtes.

Je l’oblige à se retourner.

‒ Je t’ai déjà dit qu’il n’y en avait plus. Il n’y a que toi qui
compte maintenant.

Elle se dégage et retourne encore à sa tâche.

‒ J’étais juste inquiète pour toi en tant que le fils d’une femme
que j’admire beaucoup et non comme tu le penses.
‒ Dans ce cas regarde-moi et dis-moi que tu n’as plus de
sentiment pour moi. Même pas un tout petit peu.
Elle continue de toucher à tout. Je la retourne de nouveau.

‒ Dis-moi que tu ne m’aimes plus Aurelle.

Elle baisse les yeux et lentement se dégage de mon emprise.

‒ Je t’aime encore Will. Mais je n’ai pas le temps pour les


peines de cœur. J’ai déjà assez de problème dans ma vie
comme ça.

Elle sort de la cuisine. Je la regarde s’en aller et bien que je


veuille me résigner à la laisser tranquille, mon cœur n’est pas
de cet avis. Je la veux. Je la veux plus que tout. Je me lance à
sa suite jusqu’à la chambre que nous lui avons attribuée. Je
pousse la porte avant qu’elle ne la referme.

‒ Juste un essai Aurelle. Faisons juste un essai et si ça ne te


convient pas je te laisserai tranquille.
‒ Mon Dieu Will ! Fiche-moi la paix !
‒ Je ne peux pas parce que je suis fou de toi. Jamais
auparavant je n’avais couru derrière une femme comme je le
fais avec toi. Je ne me reconnais même pas. Je veux juste être
un homme meilleur avec toi à mes côtés. Je t’aime Aurelle. Je
te veux toi et toi aussi tu me veux. J’accepterai toutes tes
conditions. Je suis prêt à pratiquer l’abstinence si c’est ce qu’il
faut pour te convaincre de mes sentiments.
Je sens le doute dans son regard. Elle me tourne encore le dos.
Je comprends donc qu’elle n’est pas prête à me donner une
chance. Au moins j’aurais essayé. Je tourne les talons. Mais à
peine je pose la main sur le poignet que je suis agrippé par le
bras. Aurelle me retourne, m’oblige à courber la tête et elle
m’embrasse. Je passe automatiquement mon bras autour de sa
taille et je réponds fiévreusement à son baiser.

‒ Si tu me brises encore le cœur, je t’arrache le tien et le donne


à bouffer aux chiens.
‒ Ça marche.

Elle reprend le baiser mais cette fois avec beaucoup plus de


fougue. Je comprends son message lorsqu’elle passe sa main
sous mon tee-shirt. Je la relève et la fais allonger sur son lit. Je
parsème son corps de baiser.

‒ Je ne veux t’obliger à…
‒ Ferme-la Will et fais-moi l’amour.

Avec plaisir ma douce. Je me déshabille prestement, en fais de


même avec elle et sans trop m’attarder sur les préliminaires je
la fais mienne. Je lui fais l’amour comme jamais je ne l’ai fait
à aucune autre femme.

***DJENEB
Je vais finir par craquer. Je ne peux plus continuer à vivre dans
cette culpabilité qui me ronge depuis plus de vingt-ans. Il faut
que j’arrête au risque de mourir. J’en ai marre de voir cette
famille souffrir. Je ne veux plus en être la cause. Je dois tout
arrêter. Je n’aurais jamais dû commencer ce jeu. J’étais jeune
et naïve. J’étais en manque d’amour alors voir la manière dont
Derrick se préoccupait de moi comme si j’étais un membre de
sa famille m’a fait tomber amoureuse de lui. Jamais aucun
homme ne m’avait traité avec autant de tendresse.

Mes parents m’ont laisser venir en Angleterre avec un ami de


la famille pour que j’ai une meilleure vie. En effet, nous
vivions dans une galère sans nom au Niger. Mes parents
voulaient un avenir meilleur pour moi alors ils ont sauté sur
l’occasion. Quelques mois après mon arrivée ici à Londres,
mes parents sont tous deux morts à quelques jours d’intervalle.
C’est après ce tragique évènement que j’ai vu le véritable
visage de cet oncle à qui mes défunts parents m’avaient
confié. Apparemment il gagnait sa vie dans le proxénétisme.
C’est ainsi qu’il a fait de moi une prostituée. Les gens lui
donnaient de l’argent pour coucher avec moi. C’était tous des
pédophiles. C’est seulement un an après que j’ai rencontré
Murima qui m’a prise sous son aile après ma fugue. J’ai eu
une nouvelle famille mais j’ai tout gâché.

Jamais je n’aurais dû poser les regards sur Derrick, surtout


qu’il était l’homme de celle qui m’avait sauvé la vie. Celui qui
devint mon acolyte m’a fait du chantage. Il est vrai que
j’espérais secrètement être avec Derrick mais je ne voulais pas
le séparer de Murima. Seulement j’avais déjà commis la plus
grosse erreur qui m’a condamné d’entrée de jeu.

Je vais le voir à sa chambre d’hôtel. Nous devons tout arrêter


avant que les choses ne dégénèrent.

‒ Ça tombe bien que tu sois là, commence-t-il en me voyant


franchir le seuil de la porte. J’ai une mission à te confier.
‒ Je veux tout arrêter.

Il lève les sourcils sur moi en stoppant tout geste.

‒ Je n’en peux plus de faire du mal à cette femme qui n’a


cessé de me faire du bien. Je n’aurais jamais dû être complice
des malheurs qui lui sont arrivés. Elle n’a pas mérité ça et ne
mérite pas non plus ce qui lui arrive maintenant. Ni elle ni M.
Derrick. On devrait laisser cette famille en paix.

Il ricane. Il marche lentement jusqu’à moi, son verre à la main.


Il glisse son doigt sur ma joue.

‒ Tu es déjà mouillée jusqu’au cou ma jolie. Et nous sommes


déjà trop lancés pour faire machine arrière.
‒ Je ne veux avoir la mort de personne sur ma conscience. Je
suis fatiguée de voir tout ce sang à chaque fois mais surtout de
voir Murima pleurer. M. Derrick ne mérite pas de mourir.
‒ Il faut bien que quelqu’un meurt si nous voulons les séparer.
‒ Je t’en supplie, épargne leur vie. Trouve une autre solution
ou laissons-les juste vivre leur vie. Tu t’es déjà assez vengé
comme ça.

Il glisse son regard sur moi. Un sourire étire ses lèvres. Il


déboutonne un à un les boutons de mon chemisier d’une main.

‒ Tu sais que je te tuerais si tu essaies de me trahir, me


menace-t-il en me mordant l’oreille. Et je dirai à Murima tout
ce que tu as fait en l’occurrence comment tu as drogué Derrick
et couché avec lui alors qu’elle était à l’hôpital avec Travon
pour son vaccin.

Il m’embrasse. Je laisse mes larmes couler. C’est de là que


tout a commencé. Je ne sais comment il a découvert, mais
quand ce fut le cas, il a commencé à me faire du chantage pour
que je l’aide dans ses manigances. Je n’ai eu d’autres choix
que d’accepter. Il faisait de moi ce qu’il voulait, jusqu’à me
transformer en sa poupée sexuelle.

‒ Je ne manquerai surtout pas de lui dire que tu es tombée


enceinte à la suite de ça mais tu as avorté de peur qu’elle le
découvre. J’y ajouterai que toutes ces années tu n’as cessé de
nourrir des sentiments pour son très cher et tendre Derrick,
raison pour laquelle tu ne t’es jamais mariée. Tu espérais
qu’après sa condamnation, Derrick te prenne pour épouse.
Il fait tomber mon chemisier et ouvre mon soutien.

‒ N’oublies pas que c’est toi qui as drogué Murima pour me


permettre de la photographier avec un autre homme dans son
lit conjugal afin de faire croire à Derrick qu’elle l’avait
trompé. C’est aussi toi qui lui as aspergé du somnifère dans les
yeux et grâce à un jeune que j’ai payé pour t’aider, tu lui a fait
prendre toutes ces drogues le jour où Derrick devait venir
déjeuner avec ses partenaires à la maison.

Plus il me rappelle ce que j’ai fait, plus je pleure de regret.

‒ Ne parlons pas du sac de drogue et l’arme que tu as glissé


dans sa penderie. J’ai toutes les preuves ma douce.

Il prend un de mes seins en bouche.

‒ Il y a aussi tout ce que tu as fait ces derniers mois. Glisser de


l’extasie dans le verre de Will, mettre la drogue dans sa
chambre. Tu veux que je continue de citer ?

Je lâche un sanglot.

‒ Je dois avouer que tu m’as été d’une grande aide mais je


n’hésiterai pas à me débarrasser de toi. Alors, tu veux toujours
arrêter ?
‒ No… non, dis-je d’une voix à peine audible.
‒ C’est bien. Il est maintenant temps de contacter Tiger, l’ex-
petit ami de Xandra. Nous allons le faire revenir en scène.
Maintenant baisse-toi et suce ton bonbon.

J’obéis sans cesser de pleurer. J’ai fait tellement d’erreur dans


ma vie qu’il n’y a plus de retour en arrière possible ni de
pardon pour moi. J’ai vendu mon âme au diable il y a plus de
vingt-deux ans. J’espère qu’un jour Murima pourra me
pardonner tout le mal que j’ai causé dans sa vie.
26

***WILLIAM

‒ Will arrête ! Rigole Aurelle. Ta mère est dans sa chambre.


‒ Elle prend sa douche, dis-je en glissant mes mains sous sa
petite robe sexy qui m’a donné une érection dès que je l’ai vu.

Je continue de parsemer son cou de baiser en rapprochant


encore plus mon érection de ses fesses.

‒ Will arrête, je dois terminer le café de ta mère.


‒ Mais vas-y, je ne t’en empêche pas.

Je promène mes doigts dans son dessous jusqu’à sa féminité.


Elle gémit.

‒ Warisse laisse cette fille travailler.

Je sursaute au son de la voix de ma mère.

‒ Uya ndioynisse guéwuvè mbate (Ne m’énerve pas sinon je


vais te gifler).
J’ai compris cette phrase parce qu’elle me la dit presque tout
le temps. Je mets de l’ordre dans la robe d’Aurelle avant de
m’éloigner d’elle et de rejoindre ma mère dans la salle à
manger. Aurelle nous rejoint à son tour autour de la table
après y avoir disposé le petit déjeuner. Ma mère a exigé
qu’elle mange toujours avec nous à table parce qu’elle fait
partie de la famille.

‒ Warisse quand est-ce que tu te présentes à la famille


d’Aurelle ? Questionne ma mère en badigeonnant son pain de
beurre.
‒ Maman c’est encore trop tôt. Ça fait juste un mois que nous
sortons ensemble. Je suis encore en période d’essai.
‒ Période d’essai et vous copuler chaque seconde comme des
lapins ?

Aurelle rougie de honte.

‒ Maman ! Dis-je en souriant.


‒ Tu n’as pas intérêt à enceinter l’enfant des gens sans avoir
fait le minimum. Tu ne l’enceinte d’ailleurs pas avant de
l’avoir épousé. Je ne veux pas d’histoire avec les Ivoiriens.

Aurelle est de plus en plus mal à l’aise. Je lui caresse la main.


Nous sommes sauvés par le retentissement de la sonnette. Je
vais ouvrir la porte à Clinton qui doit accompagner ce matin
maman à la clinique faire ses derniers examens. Son plâtre lui
a été retiré il y a quelques jours. Il prend avec nous le petit
déjeuner, après quoi ma mère et lui partent de la maison. Je
me retourne vers Aurelle qui a toujours la tête baissée.

‒ Ça te plairait que je me présente à ta famille ?


‒ Je ne veux rien précipiter. Nous commençons à peine à...

Je relève son menton et pose délicatement un baiser sur ses


lèvres.

‒ Moi je suis prêt à me présenter à ta famille parce que je n’ai


aucun doute que c’est avec toi que je veux passer le reste de
ma vie. Je ne suis plus prêt à te lâcher.
‒ Moi aussi je veux passer toute ma vie avec toi, mais…

Je lui impose silence en capturant ses lèvres. Je nous fais lever


et je la soulève. Elle enroule ses jambes autour de ma taille. Je
nous conduis à ma chambre. Nous nous embrassons
passionnément allongés sur le lit. La sonnerie retentie de
nouveau alors que je retire mon haut. Je continue sans m’en
soucier.

‒ Bébé on sonne, me dit Aurelle.


‒ La personne finira par s’en aller.
Je lui retire sa robe quand on sonne de nouveau.

‒ Will !

Je soupire.

‒ Ok. Reste ici, je vais voir.

Je vais ouvrir en maudissant déjà la personne qui ose venir me


déranger à ce moment précis. Dès que j’ouvre la porte, Pétra
me saute dessus et capture mes lèvres. Je la repousse
instantanément.

‒ Oh non mais ça ne va pas ? Tu es malade ?


‒ Nous ne sommes plus obligés de nous cacher puisque tout le
monde sait pour nous.
‒ Tu as encore le courage de me demander du sexe après tout
ce qui s’est passé ? Tu es complètement tarée ma parole.
‒ Je suis folle de toi bébé.

Elle me saute de nouveau dessus. Je la repousse une fois de


plus.

‒ Will ? Qui est-ce ?


Pétra regarde par-dessus mon épaule.

‒ Oh ! Je vois que tu as ramené ta boniche.

Elle se décale sur le côté.

‒ Toi je te croyais plus intelligente mais apparemment non. Tu


préfères encore servir de vide couille à Will.
‒ Tu m’arrêtes ça maintenant Pétra, grogné-je.
‒ Son truc ce sont les femmes mûres comme moi, continue-t-
elle sans gêne. T’a-t-il dit qu’il y a un truc entre lui et moi et
que j’étais même enceinte de lui ? Mais sa connasse de mère a
provoqué une fausse couche.

Je me tourne vers Aurelle dans l’optique de m’expliquer avant


qu’elle ne s’énerve de nouveau contre moi. Mais elle ouvre la
bouche avant que je ne dise un mot.

‒ Oui je sais, répond-t-elle avec une sérénité qui me sidère. Il


m’a tout dit sur son passé dont tu fais partie. Tu as été une
cougar de plus sur sa liste comme toutes les autres.

Pétra vire au rouge.

‒ Comment oses-tu ?
Elle essaie de la taper mais je m’interpose.

‒ Que crois-tu être toi aussi ? Vocifère Pétra toute colère. Tu


es aussi sur cette liste.
‒ Si je l’étais il n’aurait pas pris rendez-vous avec ma famille
pour se présenter comme mon fiancé.

Pétra blêmie. Elle me regarde complètement choquée.

‒ Les choses ne se passeront pas ainsi Will, me menace-t-elle.


Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement.

Elle sort et claque la porte derrière elle. J’entends les pas


d’Aurelle s’éloigner. Je cours derrière elle.

‒ Bébé, bébé ! Attends !


‒ Ne me touche pas, se dégage-t-elle violemment de mon
emprise. Tu couchais avec la femme de ton père ? Jusqu’à la
mettre enceinte ? Will quel genre d’homme es-tu ?
‒ C’était il y a longtemps. Je ne savais même pas qui elle était,
et lorsque je l’ai su, je te jure sur ma vie que j’ai tout arrêté.
Pour la grossesse.

Je réprime une colère.


‒ Elle m’a drogué et abusé de moi.
‒ Quoi ?
‒ Je sais, c’est loufoque mais c’est la stricte vérité. Ecoute !

Je lui prends les deux mains.

‒ J’ai changé. Pour toi, j’ai changé. Parce que je ne veux que
toi dans ma vie. Je t’aime et crois-moi ça ne m’était jamais
arrivé auparavant. Je suis un homme plus stable maintenant
que j’ai fait la paix avec mon père et que j’ai retrouvé ma
mère. Alors je veux être un homme complet avec la femme
que j’aime.

Elle baisse les yeux.

‒ Viens voir.

Je la conduis à l’une des pièces de la maison sans lui laisser


l’occasion de s’y opposer. J’allume la lumière dans mon
studio et je retire le drap sur l’un des tableaux pas encore
achevé.

‒ Will… c’est…
‒ Toi ! J’ai pris une photo de toi endormie et j’ai commencé à
peindre.
‒ C’est magnifique !
‒ Comme toi. Je t’ai choisi parmi toutes, déclaré-je en me
rapprochant d’elle. Ça a commencé par juste une partie de
sexe mais tu as su toucher mon cœur. Ne me quitte pas pour
cette femme qui n’en vaut pas la peine. S’il te plaît !

Se hissant sur la pointe de ses pieds, elle pose ses lèvres sur
les miennes. Je la relève et contre le mur je lui fais l’amour
avant que nous n’allions terminer dans ma chambre.

J’ai eu du mal à quitter Aurelle. Mais je le devais parce que je


déjeune aujourd’hui dans un restaurant avec Travon et Xandra.
Travon et moi avons décidé de parler à Xandra concernant
notre mère. Elle ne peut pas continuer à l’ignorer
indéfiniment. Je tchèck Travon, pose un baiser dans les
cheveux de Xandra et m’assoit près d’elle. Ils ont déjà
commandé mon plat. Nous écoutons Xandra parler de ses
trucs de filles en dégustant nos plats. Travon me fait signe
qu’il va entrer dans le vif du sujet pour lequel nous sommes là.

‒ Princesse, Will et moi avions tenu à te parler d’un sujet


important.
‒ Lequel ? Demande-t-elle en buvant dans sa paille.
‒ Maman !
Elle tourne les yeux.

‒ Je ne veux pas parler de cette femme.


‒ Elle est pourtant notre mère.
‒ ‘‘Votre’’ mère, à toi et Will. Pas la mienne.
‒ Normalement tu devrais être heureuse de la retrouver après
avoir longtemps souffert de son absence.
‒ Oui mais entre-temps beaucoup de choses se sont passées. Je
ne peux compter le nombre de fois qu’elle m’a porté main.
Sans oublier le rôle qu’elle a joué dans mon histoire avec
Tiger.
‒ Bah tu as peut-être mérité ces coups. Faut dire que tu n’as
pas non plus été très respectueuse avec elle. Ecoute, oublions
le passé. Là il s’agit de la femme qui nous a mis au monde.
Elle a besoin de ses enfants autant que nous avons besoin de
notre mère.
‒ Mamie a dit…

Je lève les yeux au ciel.

‒ Mais on s’en fout de ce que Mamie a dit, interviens-je.


Mamie n’a jamais rien dit de gentil sur qui que ce soit.
Regarde, même moi son petit-fils je ne suis pas épargné. Elle
est raciste ta grand-mère, ok ?
‒ Mais elle n’a pas menti lorsqu’elle a dit que Murima était
une junkie et qu’elle avait fait la prison.
‒ Moi aussi je me suis drogué. Le suis-je encore aujourd’hui ?
Ne m’aimes-tu pas malgré mon passé ? Si. Xandra, maman
t’aime beaucoup et elle a besoin de sa petite princesse. Tout ce
qu’elle a fait jusque-là c’était pour ton bien.
‒ Parle pour vous.
‒ Ecoute, reprend Travon dans un soupir, nous n’allons pas
trop t’embêter avec ça mais promets-nous d’y réfléchir. Notre
famille est maintenant complète, nous devons en profiter avant
qu’il ne soit trop tard.
‒ C’est compris.

***ALEXANDRA

Après la demi-journée passée avec mes frères, Je rentre me


préparer pour le grand diner organisé par mon père. En effet,
puisque tous les membres de la famille sont réunis, il veut
célébrer cela autour d’un diner. Alors que je me prépare, la
porte s’ouvre sur l’amour de ma vie.

‒ Tu es magnifique, me complimente-t-il en m’enlaçant et


posant un baiser sur mes lèvres.
‒ Toi aussi bébé.
‒ Arrête, c’est juste une chemise.
‒ Quoi que tu portes tu es à croquer.
Il m’embrasse langoureusement avant de me laisser terminer
de me préparer. Avec Samy tout va parfaitement bien. En plus
d’être un meilleur ami, il est aussi un meilleur petit-ami.
Romantique, attentionné, doux, parfait, ce dont rêve toute
femme. Nos parents savent que nous sommes ensembles et ils
en sont heureux. Ça a toujours été le souhait de nos pères que
Samy et moi finissions ensembles afin de renforcer encore
plus les liens de nos deux familles.

‒ Ta mère sera là ? Me demande subitement Samy.


‒ Arrête de l’appeler ma mère, dis-je en enfilant mes boucles.
‒ Pourquoi tu continues de la rejeter ? Tu sais, une mère c’est
sacré. Je me souviens que tu me disais être prête à tout pour la
faire revenir d’entre les morts. Maintenant que c’est le cas, tu
la rejettes.

Ils ont tous raison. J’ai tant rêvé d’avoir une mère mais
maintenant, je ne sais plus. Je suis tirée entre ce que dit ma
grand-mère et mon souhait de donner une chance à Murima.
Voyant que je devenais triste, il me prend dans ses bras.

‒ Ok, pas de sujet triste ce soir. On devrait descendre


maintenant.

Nous rejoignons nos parents, Travon et Imelda en bas. Will et


Murima ne sont pas encore arrivés. Mais ils ne tardent pas à
apparaitre. Aurelle est accrochée au bras de Will. Travon part
enlacer Murima dont le visage s’illumine à la seconde. Elle
salut tout le monde.

‒ Bonsoir ma puce, me salut-elle.


‒ Bonsoir, répondé-je avec nonchalance.

Nous nous rendons dans la salle à manger où tout est déjà


disposé. Pour l’occasion, papa demande à Djénéb de nous
rejoindre car elle fait aussi partie de la famille pour nous avoir
consacré toute sa vie. Les conversations vont bon train. Will
nous a présenté Aurelle comme sa petite amie. A chaque fois
que j’ai besoin d’un truc, Murima se dépêche de me servir.
Travon, lui n’arrête pas de la toucher comme si elle allait
disparaitre d’un moment à l’autre. Nous avons tous souffert de
l’absence de notre mère, c’est donc tout à fait normal qu’ils
soient si gaga d’elle.

Je me lève de table lorsque je reçois un appel d’une amie de la


fac. Il y a trop de bruit ici pour que je puisse communiquer. Je
sors juste de la pièce.

‒ Salut !
‒ « Mon Dieu Alexandra, dis-moi que ce n’est pas toi sur les
images qui circulent ? »
‒ Quelles images ?
‒ « Il y a trois sextapes de toi qui circulent sur Instagram et
Snapchat. Tes comptes y sont identifiés. »
‒ Sextapes ? Je n’en ai…

Mon cœur fait une ambardée. Non. Tiger n’a pas osé publier
nos vidéos et les nudes que je lui envoyais quand nous sortions
ensemble ? Je raccroche et me rends immédiatement sur mes
différents comptes. Je n’avais même pas fait attention aux
notifications que j’avais reçu. Je manque de m’évanouir
lorsque je constate que je fais la une des médias. Tous mes
nudes, les sextapes, les vidéos de moi me masturbant que
j’avais envoyé à Tiger, tout est sur les plates-formes. Des
millions de personnes l’ont déjà vu. Les commentaires
pleuvent de partout, principalement ceux de la gente
masculine qui sont carrément déplacés. Ils se rient tous de
moi. Même ceux qui me connaissent ne s’en privent pas. Je
suis certaine qu’ils ont déjà tout téléchargé sur leur portable.

‒ NON PAS ÇA !!! Hurlé-je à gorge déployée.

Je m’écroule au sol au même moment que tout le monde


accourt.

‒ Que se passe-t-il ? Me demandent-ils tous.

Je ne peux répondre. Je n’arrive pas à répondre. Je pleure, le


visage caché entre mes mains. Je sens quelqu’un ramasser
mon portable.
‒ Merde ! Jure Will.
‒ Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? S’inquiète Murima.

Je n’entends plus rien signe qu’ils sont tous en train de


regarder mon portable. Leurs voix s’élèvent dans des gros
mots, des cris de désolation, bref, je me sens morte à cet
instant tellement prise de honte. Que la terre m’engloutisse.

‒ Je vais tuer ce Tiger, s’énerve mon père. Je jure que je vais


lui faire la peau à ce sale fils de pute.

Je ne prête plus attention à tout le bruit qui se fait autour de


moi. Je n’ose même pas relever la tête. J’entends la voix
d’Imelda qui me parle mais je n’entends pas ses mots. Mon
Dieu pourquoi cela m’arrive-t-il à moi ? Je croyais que Tiger
faisait maintenant partie de mon passé. Je croyais ne plus avoir
à payer les conséquences de mes choix passés. Pourquoi m’a-
t-il fait une chose pareille ?

Samy me soulève et me conduit à ma chambre. Je garde mes


yeux fermés jusqu’à ce qu’il me pose dans mon lit. Je n’arrive
pas à le regarder. Que va-t-il penser de moi ? Voudra-t-il
toujours d’une fille dont le monde entier a vu la nudité ?

‒ Ne t’inquiète pas Princesse. Nous allons arranger ça.


‒ Je veux rester seule s’il te plaît, dis-je dans un sanglot.
‒ Ok. Mais ne fais pas de bêtise. Je pose ton portable là.
Appelle-moi si besoin.

Il m’embrasse le front et sort. J’éclate en sanglot. Tiger a


détruit ma vie. Il m’a humilié de la pire des façons. Je ne
pourrai plus jamais me rendre à la fac, plus jamais sortir parce
qu’on me reconnaitra vu que je suis aussi populaire sur les
réseaux sociaux. Je suis devenue la pute du net. Mon portable
ne fait que me signaler des appels, des messages, des
notifications à n’en point finir. Je prends le risque de jeter un
coup d’œil mais je le regrette aussitôt. On ne parle que de moi.
C’est plus que je ne peux supporter. Je décide d’appeler Tiger
parce que je suppose que s’il a pu faire une chose pareille c’est
qu’il est sorti de prison. Il décroche avant même que ça ne
sonne. A croire qu’il n’attendait que mon appel.

‒ « Je savais que tu me reviendrais ma puce. Comme tu me


manques. »
‒ Comment as-tu osé me faire une chose aussi horrible Tiger ?
Hurlé-je de rage. COMMENT ???
‒ « Il me fallait me venger pour mon séjour en prison. Mais
maintenant que nous sommes quittes, je suis prêt à te redonner
une chance. Ta chatte me manque. »
‒ Tu vas me le payer Tiger. Je te jure sur ma vie que je vais te
tuer. Tu…

Mon portable m’est arraché. Je me retourne et je vois Will qui


le fixe à son oreille.
‒ Allô ! Je suis William le grand-frère d’Alexandra. Tu as
intérêt à te cacher parce que je te ferai la peau à l’instant
même où je te verrais.

Il raccroche avec hargne. Je repars dans un sanglot. Will me


prend dans ses bras.

‒ Tout va s’arranger princesse. Je te le promets.


‒ J’ai tellement mal.
‒ Ça va passer. Nous allons trouver un moyen de faire
disparaitre ces horreurs.

Je ne tarde pas à m’endormir dans ses bras avec les larmes


dans les yeux. Mais je me réveille bien assez vite. Mon
sommeil était agité. Will n’est plus dans la chambre. Je
regarde l’heure sur mon portable mais je suis attirée par un
message de Tiger.

« Si tu me donnes ta chatte, je supprime tout. »

Mais il est malade ce mec. Je lance son numéro.

‒ « Yes baby ! » Répond-t-il en rigolant.


‒ Va te faire foutre Tiger. Tu n’es qu’un pauvre enfoiré. Tu
vas me payer ce scandale.
‒ « Que vas-tu faire ? Demander à ton petit papa d’envoyer
son gorille me tabasser ? Ou envoyer tes frères ? Tu n’es
qu’une grosse salope. Et tu sais quoi ? Tu viens de m’énerver.
Je vais balancer la vidéo où je t’ai joui au visage pendant que
tu me taillais une pipe. Sale pétasse de merde. »
‒ Tiger je t’en prie ne fais…

Il a raccroché. Je relance l’appel mais il m’a bloqué. Faut pas


qu’il mette cette vidéo. C’est trop humiliant. Je continue
d’insister quand je reçois une notification. Je m’écroule devant
la vidéo. Il l’a balancé. Je n’en peux plus. Il va me le payer. Je
sors de ma chambre et je monte dans le bureau de mon père.
Je tape le code de son coffre-fort et j’y sors son arme. Tiger va
me le payer. Je descends doucement dans les marches. Ils sont
tous dans le grand salon. Mon père ne cesse de gueuler en
intimant à je ne sais qui de se dépêcher de faire disparaitre ces
images dégradantes. Je sors en silence de la maison. Je ne
prends pas ma voiture de peur de leur signaler mon absence.
Je me rends rapidement chez cet imbécile de Tiger en taxi. Je
vais lui faire payer toute cette humiliation. Il vient de trainer le
nom de ma famille dans la boue en gâchant par la même
occasion mon avenir. Je lui avais pourtant donné mon cœur
tout entier sans oublier mon argent. Tout ça pour quoi ? Pour
qu’il m’humilie devant le monde entier. Quelle belle conne
j’ai été. Pour lui je me suis retournée contre ma famille. J’ai
manqué de respect à tout le monde, j’ai même raté des cours
pour n’être qu’avec lui. Repenser à ces choses fait monter ma
colère d’un cran.
Je donne de violents coups à sa porte en tenant l’arme de
l’autre main. Dès qu’il m’ouvre la porte, je lui pointe l’arme
au visage. Il lève les bras mais avec un sourire aux lèvres.
J’entre et je referme derrière moi.

‒ Que t’ai-je fait Tiger, pour que tu me traites de la sorte ?


‒ Toi, rien. Mais ton père si. J’ai horreur de la prison et lui
m’y a conduit plus d’une fois. Il me fallait me venger.
‒ ET C’EST MOI QUE TU AS CHOISI COMME
COBAYE ? Ne pouvais-tu pas aller l’affronter lui
directement ?
‒ Tu es sa princesse, donc te toucher toi était beaucoup plus
avantageux.

Il s’approche de moi.

‒ Recule sinon je tire, le menacé-je en reculant.


‒ Tu n’oseras pas. Tu m’aimes toujours.
‒ Non je te déteste. Recule Tiger.

Il colle son buste à l’arme.

‒ Vas-y donc.
Je pleure, tout mon corps est pris de tremblement. Plus il
avance, plus je recule. En un clin d’œil il m’arrache l’arme et
me projette dans le divan.

‒ Maintenant c’est à mon tour.

Je recule dans le fauteuil quand je le vois ouvrir sa ceinture. Je


veux m’échapper mais il me tire par le pied.

‒ Viens-là pétasse !

Je lui donne un coup sur la cuisse. En retour il me flanque une


gifle. Il retrousse ma robe malgré mes résistances.

‒ Tiger arrête !

Je le tape n’importe comment. Seulement il est plus fort que


moi. Il me maintient les deux bras au-dessus de la tête, coupe
mon dessous et me pénètre d’un seul coup. Je pousse un grand
cri de douleur mais surtout de désolation. Il continue de me
donner de forts et douloureux coups de butoir malgré mes
pleurs. Je puise en moi assez de force pour lui mordre l’oreille.
Je la saisis avec rage. Je pense à tout ce qu’il m’a fait subir
lorsque nous étions ensemble et même après. Je pense à ces
vidéos intimes qu’il a divulgué. Je reviens à moi lorsque le
bout de l’oreille que j’ai saisi se détache du reste. J’ai son sang
plein la bouche. Je profite du fait qu’il soit en train de hurler
comme un malade pour le dégager au-dessus de moi. Je cours
vers la sortie mais il me rattrape par la tignasse et m’assène un
coup de poing dans le ventre. Je m’écroule vers la table basse.

‒ Je vais te baiser jusqu’à ce que tu rendes ton dernier souffle.


Tu ne sortiras d’ici que morte.

Il brise une bouteille de bière et fonce sur moi. Je recule sur


mes fesses en pleurant.

‒ Tiger je t’en supplie laisse-moi m’en aller.

Il me tire encore par la jambe. En m’agrippant à la table basse,


ma main se pose sur l’arme de mon père. Par reflexe je la
prends rapidement, vise la poitrine de Tiger et… je tire. Un
premier coup mais il reste sur pied. Il avance vers moi. Je tire
un deuxième dans la poitrine et un troisième dans la tête. Il
tombe sur ses jambes avant de tomber sur mes jambes. Je le
repousse en hurlant.

‒ Mon Dieu qu’ai-je fait ?

J’ai tué un homme. Oh mon Dieu ! Qu’est-ce que je fais


maintenant ? Il faut que je parte d’ici avant que la police ne
débarque. Je tourne sur moi-même à réfléchir à comment
sortir d’ici sans me fait voir.
‒ Mon Dieu !

Je suis perdue. Je ne cesse de pleurer, de regretter ma venue


ici. Pourquoi ne suis pas restée à la maison ? Je ne veux pas
aller en prison. Je vais y passer toute ma vie. Mon Dieu je t’en
prie viens à mon secours.

Je sursaute lorsqu’on cogne à la porte. Je recule, totalement


morte de trouille. Si on me voit c’est fini pour moi.

‒ Xandra ! Tiger ! Ouvrez cette porte.

Murima ?

‒ Tiger, je sais que Xandra est ici. Ouvre-moi cette porte avant
que je ne la défonce.

Je me dépêche de lui ouvrir. Quand je la vois je suis tout de


suite soulagée. Elle rentre toute énervée.

‒ Il est où ce fils de…

Elle ralentit quand elle remarque le corps sans vie de Tiger


allongé au sol dans une mare de sang.
***MURIMA

Je me retourne lentement vers ma fille qui est à deux doigts de


se pisser dessus. Elle a le visage rouge et un peu de sang sur
les lèvres.

‒ Que s’est-il passé ? Demandé-je aussi morte d’inquiétude.


‒ Il… il… m’a violé, articule-t-elle difficilement entre ses
pleurs. Il m’a fait mal. Il voulait me tuer. Je me suis juste
défendue. Je ne… je ne voulais pas le…

Je la prends dans mes bras. Elle éclate en sanglot.

‒ Je ne voulais pas le…


‒ Chuutt !!!! Je suis là ma puce. Maman est là !
‒ Je ne veux pas aller en prison. Je ne le supporterai pas.

Je prends son visage en coupe.

‒ Regarde-moi ! Tu n’iras pas en prison. Je t’en fais la


promesse. Ok ?

Elle secoue vigoureusement la tête. Je me retourne vers le


corps. Il faut trouver une solution. La chose à faire c’est
d’appeler la police. Mais comment leur expliquer de sorte à ce
que Xandra ne soit pas incriminée ? Parce que selon
l’explication qu’elle me donne maintenant, c’est clair qu’on la
condamnera pour homicide volontaire vu qu’elle est venue ici
avec l’arme de son père. Perdue dans mes réflexions, je
sursaute quand la sonnerie d’un portable retentit.

‒ C’est le portable de Tiger, m’informe ma fille qui part y jeter


un coup d’œil. C’est… c’est son père.

Je jette un coup d’œil sur l’écran et je manque de tomber à la


renverse devant l’image et le nom qui s’affichent.

‒ Josky ?
‒ Oui c’est le surnom de son père qui est aussi dealer de
drogue, continue-t-elle de m’expliquer comme si ça allait nous
aider.
‒ Non ! Non pas ça !
‒ Tu… tu le connais ?

Je n’ai pas le temps de répondre que de violents coups sont


donnés sur la porte.

‒ Police ! Ouvrez immédiatement cette porte.

Xandra se remet à pleurer. Mon Dieu ! Ma fille vient de tuer le


fils du plus grand ennemi de la famille.
‒ C’est toi qui as appelé la police ? Lui demandé-je en
chuchotant.
‒ Non, répond-t-elle toute tremblante. Je ne veux pas aller en
prison.
‒ Et tu n’iras pas.

Je tourne sur moi-même.

‒ Ouvrez immédiatement cette porte ou nous la défoncerons !


Hurle de nouveau la police derrière la porte.

Je respire un grand coup.

‒ Sors par la fenêtre. Tu prends les escaliers de secours et tu


rentres à la maison.
‒ Mais et toi ? Nous devons y aller ensemble.
‒ Si la police ouvre cette porte et ne trouve personne, elle
mènera des enquêtes qui les conduiront à toi. Il faut que je
reste.
‒ Mais tu…

Un grand coup est donné sur la porte. Ils essaient de la casser.

‒ Sors d’ici Yessi.


Elle se met à pleurer.

‒ Je ne veux pas que tu retournes en prison par ma faute.


‒ Tu sors d’ici et tu ne dis rien à personne. Absolument
personne.
‒ Mais…

Un deuxième coup est donné.

‒ Dégage Xandra !
‒ Maman !
‒ Dégage j’ai dit !

Je la pousse vers la fenêtre.

‒ Je te demande pardon pour tout maman. Je suis désolée.


‒ Je sais. Je t’aime ma puce.

Elle me regarde une dernière fois avant de s’en aller. Dès


qu’elle disparait je saisi rapidement l’arme afin d’y mettre mes
empruntes et effacer celles de ma fille. Je touche un peu
partout le corps sans vie. Un dernier coup est donné sur la
porte et elle se fracasse. Les policiers entrent avec les armes à
la main.
‒ Posez cette arme et face contre terre.

J’obéis. Je suis menottée avec brutalité pendant que les autres


flics sillonnent la pièce. L’un prend le pouls de Tiger.

‒ Il est mort, annonce-t-il aux autres. On l’embarque.

On me relève comme une vulgaire criminelle. Il y a plein de


monde dehors. Je suis projetée vingt-deux ans en arrière. C’est
ainsi que le monde me regardait lorsqu’on m’embarquait.
J’étais pointée du doigt. Une larme glisse sur ma joue. C’est
pour ma fille que je le fais. Elle ne survivra pas en prison.
Même pas une journée. Je vais devoir de nouveau être forte
pour affronter cette épreuve. Avant de monter dans la voiture,
je la vois arrêter dans la pénombre, derrière une baie à ordure.
Je peux voir ses yeux briller de larmes. Je lui fais un léger
sourire. Le policier appuie ma tête pour m’obliger à entrer
dans la voiture.

Mon Dieu, viens à mon aide. Je ne crois pas pouvoir aussi


tenir une journée en prison. J’ai déjà trop bavé pour revivre cet
enfer.
27

***ALEXANDRA

Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Quand je suis rentrée, ils


étaient tous encore dans le salon avec un informaticien qui
essayait de faire disparaitre les images scandaleuses de moi. Je
pense qu’ils ne se sont pas rendus compte de mon absence. Je
comprends qu’elle a été la seule à s’en être rendue compte et a
tout de suite deviné où j’étais. Je n’ai fait que pleurer toute la
nuit. J’ai non seulement tué un homme mais j’ai aussi envoyé
une femme innocente en prison. Ce n’est pas ce que je voulais
faire. Je voulais juste effrayer Tiger. Juste lui faire peur pour
qu’il retire ses publications. Mais tout a mal tourné et je me
retrouve avec du sang sur les mains.

Maintenant qu’est-ce que je fais ?

Je me tais comme elle me l’a intimé ou je raconte tout ? Dois-


je aller me dénoncer à la police ? C’est ce qui serait juste mais
je ne veux pas aller en prison. J’en ai trop peur. Je suis
tellement perdue.

Le bruit de la porte en bas me fait sursauter. Je descends


lentement voir ce qui se passe. C’est Will qui vient d’arriver.
‒ Papa, je n’ai aucune nouvelle de maman depuis hier. Elle n’a
pas dormi à la maison.
‒ Je sais, répond mon père d’une voix lourde.

Travon et lui échangent un regard. Je m’avance doucement et


me cache derrière le mur pour les observer.

‒ Que se passe-t-il ? S’inquiète Will.


‒ J’ai reçu un appel tôt ce matin de Franck. Votre mère… a été
arrêtée dans la nuit d’hier.
‒ Arrêtée ? Comment ça arrêtée ? et pourquoi ?

Mon père marque une pause.

‒ Pour meurtre. Elle aurait tué Tiger.

Un lourd silence se fait. Je jette un œil à la pièce. Will a la


bouche grande ouverte comme s’il essayait de parler mais
qu’il n’y arrivait pas. Travon se tient la tête.

‒ Elle… elle a tué Tiger ? Répète Will d’une voix brisée.


‒ C’est ce que tout porte à croire selon les dires du
Commissaire.
‒ C’est ce que tout porte à croire ? Mais diantre que fous-tu
encore ici alors que maman est enfermée ? Je refuse de croire
qu’elle ait pu faire ça. Et, et si c’était le cas il y a forcément
une explication rationnelle. Papa, dis-moi ce qu’elle risque ?

Mon père s’assoit, l’air complètement abattu.

‒ Vu son casier, je dirais la perpétuité.

Je ferme les yeux sous le choc et je couvre ma bouche de peur


de lâcher un cri. Will renverse un pot de fleur.

‒ Non, non papa ce n’est pas possible, pleure Will. Elle ne


peut pas nous laisser de nouveau. Non !
‒ Je suis désolé fiston.
‒ Non tu dois faire quelque chose. Tu ne peux pas la laisser
partir en prison une deuxième fois. Papa tu as promis te
racheter. C’est le moment.
‒ J’attends Clinton et nos Avocats pour nous rendre au
Commissariat avant son déferrement.

Les vrombissements de plusieurs voitures me font remonter en


courant. Je m’enferme dans ma chambre et là j’éclate en
sanglot. Ma mère va croupir en prison par ma faute. Je ne
pourrais vivre avec un tel poids sur la conscience. Il faut que
je parle. Il faut que je dise la vérité. Mais, si je parle, c’est moi
qui finirais ma vie en prison. Je ne veux pas vivre en prison.
La prison ça détruit la vie. Il est difficile de se réinsérer dans
la société après avoir fait la prison. On est stigmatisée. Je ne
veux pas de cette vie.

Je me nettoie rapidement le visage quand un coup est frappé


sur ma porte. Ma grand-mère entre par la suite.

‒ Ma petite chérie, viens là !

Je la laisse me prendre dans mes bras. Je serre les dents pour


ne pas pleurer mais c’est plus fort que moi.

‒ Oh non ne pleure pas. Ton père m’a dit qu’ils avaient réussi
à faire disparaitre les vidéos et photos. Tout va s’arranger.

Je m’en fiche de ça maintenant. Il y a plus grave.

‒ As-tu appris que cette femme avait tué Tiger ?

Je lui donne dos.

‒ Tu vois hein que j’avais raison à son sujet. Elle n’est rien
d’autre qu’une criminelle. On aurait pu régler cette histoire
autrement mais cette femme ne pouvait s’empêcher de mettre
encore notre nom dans la boue. Tu comprends pourquoi je dis
de t’éloigner d’elle ? Si la police ne l’avait pas prise la main
dans le sac, tout pouvait te tomber dessus. Elle est un démon
cette…
‒ MAMIE ÇA SUFFIT !!! Hurlé-je en lui refaisant face. Je ne
veux plus t’entendre dire du mal d’elle. Ça suffit comme ça.
‒ Oh ! Elle t’a aussi amadoué ? Mon Dieu ma chérie. Cette
Africaine t’a ensorcelée.
‒ Cette Africaine comme tu dis est ma mère, répondé-je en
laissant mes larmes couler à flot. C’est cette toxico qui m’a
mise au monde. C’EST CETTE SORCIERE QUI EST EN CE
MOMENT EN PRISON A MA PLACE.
‒ Quoi ?
‒ C’est moi qui ai tué Tiger. Je lui ai tiré dessus et elle, elle a
décidé de porter le chapeau à ma place parce que je suis sa
fille. Tu m’entends ? Je suis son bébé. Elle va croupir en
prison par ma faute. Je suis une meurtrière.
‒ Chuttt la ferme ! M’ordonne-t-elle en fermant ma bouche de
sa main. Que personne ne t’entende dire ça. Tu veux aller en
prison ?
‒ Mais je ne veux pas qu’elle y aille à ma place. Elle ne le
mérite pas.
‒ Mais elle est habituée à la prison. Si elle veut aller en prison
à ta place laisse-la donc y aller. Tu es trop jeune pour finir
dans ce taudis. Tu la fermes ok ?

Je la regarde sans répondre.


‒ Est-ce que c’est clair Alexandra ?
‒ Oui mamie !

***DERRICK

Nous essayons tant bien que mal de trouver un moyen de


libération sous condition à Murima mais tout semble fermé
autour d’elle. Son casier judiciaire complique beaucoup plus
les choses. Là on parlera de récidive. Seulement moi, il y a un
élément qui me fait douter de sa culpabilité. Mon arme.
Comment a-t-elle réussi à prendre mon arme alors qu’elle ne
connait ni l’emplacement de mon coffre-fort ni le code ? Ça
me parait louche. J’ai demandé à la voir avant qu’on ne la
conduise en prison. Nous attendrons de voir à quand son
procès sera programmé. Penser qu’elle ira de nouveau en
prison me fout les boules. Je ne veux pas de nouveau la
perdre. J’ai l’impression que nous sommes maudits, qu’on ne
devrait jamais être ensemble. La vie s’acharne sur nous à
chaque fois que nous sommes en famille. Il faut qu’il y ait
toujours quelque chose pour nous séparer.

On m’informe enfin que je peux aller la voir dans la salle


d’interrogatoire. Je laisse Clinton et nos avocats discuter.
J’entre dans la salle où Murima est assise les mains menottées
et la tête baissée. Elle la relève lorsque je m’assois en face
d’elle. Ça se voit qu’elle n’a pas fermé l’œil de la nuit.

‒ Comment vas-tu ?
‒ Comme une femme qui va retourner en prison.
‒ Que s’est-il passé ?
‒ Je suis allée chez ce fils de pute et je l’ai buté.
‒ Tu n’as jamais tué qui que ce soit.
‒ Pour mes enfants je ferais n’importe quoi.
‒ Quitte à endosser un meurtre qu’ils ont commis ?

Elle garde le silence.

‒ Je ne sais pas encore lequel des trois l’a fait mais je sais que
ce n’est pas toi.
‒ Et qu’est-ce qui te fait croire ça ?
‒ C’est quoi le code de mon coffre-fort ?
‒ C’est quoi le rapport ?
‒ Réponds juste.
‒ Derrick !
‒ C’est quoi le code Murima ?

Elle me fixe un moment avant de détourner les yeux. Elle


essuie rapidement une larme qui lui a échappé.

‒ Je veux que tu prennes soin de mes bébés, dit-elle la voix


tremblante. C’est tout ce que je te demande.
Je pose mes mains sur les siennes.

‒ Dis-moi ce qui s’est passé et on trouvera une solution. Tu


n’es pas obligée de faire ça. Tu as déjà un casier, ce qui rend
les choses difficiles. Parles-moi chérie.

Elle éclate en sanglot.

‒ Je veux juste que tu prennes soin de mes bébés Derrick. Je


ne veux pas qu’il leur arrive quelque chose.

Elle se nettoie rapidement le visage.

‒ Protège-les de Josky. C’est le père de Tiger.


‒ Le même Josky ?
‒ Oui. Je crois que depuis tout ce temps c’est lui qui
manigançait contre nos enfants. Principalement Xandra. Il a
surement demandé à son fils de sortir avec elle pour lui faire
du mal à elle et à nous. Engage surtout un garde pour notre
petite. J’ai le pressentiment qu’il voudra se venger.
‒ Murima, raconte-moi tout je t’en prie.
‒ Mais tu ne comprends pas ? Josky est puissant. Je crois qu’il
contrôle aussi la police ce qui expliquerait que son fils ne
mettait jamais long feu derrière les barreaux malgré toutes ses
bêtises. S’il pense que c’est moi, il me demandera directement
des comptes.
‒ Dis-moi lequel de nos enfants l’a fait. Will ? Parce qu’il est
rentré plus tôt que tout le monde.
‒ Je…

Elle se tait lorsque la porte s’ouvre.

‒ Monsieur, le temps est écroulé, m’informe un officier. Nous


devons préparer la détenue.
‒ Ok.

Je me tourne vers Murima.

‒ Je serai là pour toi et je ferai tout pour te sortir de là. Il n’est


pas question que je t’abandonne comme la première fois.

Elle secoue légèrement la tête. Je me rapproche, lui pose un


baiser sur les lèvres avant de sortir. Alors que je m’avance
vers Clinton, je vois Alexandra faire son entrée dans le
commissariat. Elle a les yeux enflés et rouges. Elle est suivie
de ses deux frères à qui j’avais demandé de rester à la maison
avec elle parce que leur mère n’aurait pas voulu qu’ils la
voient dans ces circonstances.

‒ Ma chérie, que fais-tu ici ? Demandé-je en allant à sa


rencontre.
‒ Je… je suis venue me rendre.
Je plisse les yeux.

‒ C’est moi ! J’ai tué Tiger.


‒ Quoi ?
‒ Papa, laisse-moi parler avant de perdre le courage.

Elle va parler à un officier et par la suite elle est conduite à la


salle d’interrogatoire.

‒ C’est quoi cette histoire ? Demandé-je à mes fils.


‒ Après ton départ et celui de mamie, elle a demandé à nous
parler, me répond Travon. Nous ne nous attendions pas à ce
qu’elle nous révèle avoir tué Tiger.
‒ Était-elle sérieuse ?
‒ Apparemment oui, si elle est ici.

J’ai encore du mal à le croire. Je demande à assister à son


interrogatoire. Je fais signe à Clinton du changement de
programme. Il est autant surpris que moi. Les Avocats
rejoignent Xandra dans la salle tandis que nous restons de
l’autre côté de la vitre à regarder et écouter. Le Commissaire
actionne l’audiophone et lui fait signe de parler. Elle met du
temps avant de commencer. Son visage est inondé de larme.
Elle se décide enfin à parler et plus je l’écoute plus je suis sur
le cul. Mais je suis surtout enragé d’apprendre que ce fils de
pute l’a violée. Je suis vraiment choqué que ce soit elle qui
l’ait tué. J’ai pensé à Will puisque des trois c’est lui qui a le
sang chaud comme sa mère. Le lieutenant donne des
consignes à un agent présent dans la pièce et ils ressortent.

‒ Que se passe-t-il ? Demandé-je.


‒ Nous allons encore interroger l’autre femme pour comparer
les deux versions.

Je le suis vers une autre salle d’interrogatoire tandis que


Clinton reste où Xandra est. On demande à Murima de
raconter sa version des faits.

‒ Je me suis rendue chez lui et après un petit accrochage je lui


ai tiré dessus, explique-t-elle brièvement.
‒ Combien de balle lui aviez-vous tiré dessus ? Questionne le
Lieutenant.

Elle promène son regard dans la salle.

‒ Je ne me rappelle plus trop. Je crois que je lui ai tiré deux


fois dessus. Dans la poitrine.
‒ Ok merci !

Il fait signe qu’on la ramène dans sa cellule.


‒ Alors ? Demandé-je au Lieutenant.
‒ La mère sera libérée et la fille enfermée puisqu’elle a avoué
et ses aveux concordent. La victime a reçu trois balles. Deux
dans la poitrine et une dans la tête. Votre fille nous a aussi
montré sur son corps des traces de bagarre. Maintenant tout
dépendra du Juge.

Je suis animé par toutes sortes d’émotions. La femme que


j’aime n’ira plus en prison mais ce sera plutôt ma fille. Je
demande à parler à ma fille avant qu’on la transfère. Dès que
j’entre dans sa salle d’interrogatoire elle se jette dans mes
bras.

‒ Je te demande pardon papa. Je ne voulais pas le tuer. C’est


arrivé si vite.

Je la serre dans mes bras.

‒ Demande pardon à maman s’il te plaît.


‒ Elle ne t’en veut pas. Mais ne t’inquiète pas poussin, les
Avocats se chargeront de faire en sorte que tu t’en sortes
rapidement.
‒ Ok.
Je lui pose un baiser dans les cheveux. Je la laisse de nouveau
seule avec les policiers qui ont d’autres questions à lui poser.
Je rejoins les autres.

‒ Que va-t-il se passer papa ? Interroge Will.


‒ Xandra ira en prison en attendant son procès.

Travon et lui soupirent et se passent les mains dans les


cheveux.

‒ J’aurais besoin de vous les garçons pour pouvoir empêcher


votre mère de s’opposer à la procédure. Il est clair qu’elle ne
laissera pas votre sœur aller en prison.
‒ C’est clair, confirme William.

Nous patientons encore dans le hall quand Clinton nous fait


signe que Murima vient d’être relâchée. Nous nous levons
tous en la voyant venir vers nous.

‒ Derrick, que se passe-t-il ? Demande-t-elle avec


incompréhension. J’ai été libérée.
‒ Oui ! Il n’y a aucune charge contre toi.
‒ Comment ça ? On ne m’a rien dit.
‒ Je crois que tu devrais rentrer avec tes fils. Je viendrai
t’expliquer plus tard.
Elle me regarde complètement perplexe. Travon et Will la
prennent chacun par un bras et la conduisent vers leur voiture
mais avant qu’ils ne sortent, Xandra apparait escortée de deux
flics. Murima dans un dernier coup d’œil dans ma direction les
voit. Elle revient en arrière d’un bond.

‒ Xandra ? Que fait-elle là ?


‒ Murima !
‒ Pourquoi ma fille est menottée Derrick ?

Elle essaie de les rejoindre mais je la retiens.

‒ Derrick pourquoi ils emmènent ma fille ? Hurle-t-elle.


‒ Xandra a tout confessé.
‒ Non, non, non Derrick. Elle est trop jeune pour aller en
prison. Derrick empêche-les d’emmener mon bébé.

Je la maintiens fermement tandis qu’elle se débat. Xandra


nous lance un dernier regard rempli de larme avant de
disparaitre avec les policiers. Murima se met à pleurer.

‒ Travon, Will, empêchez ces gens d’aller avec votre petite


sœur. Derrick comment tu peux les laisser faire ça ?
Elle m’assène des coups sur le buste et au visage. Les garçons
viennent me prêter mains fortes.

‒ Je te déteste Derrick. Comment tu peux faire ça ? Mon Dieu


c’est mon bébé. Laissez-moi les retenir puisque vous en êtes
incapables. Lâchez-moi !

Travon me dégage de son emprise et la prend dans ses bras.

‒ Tout va s’arranger maman. Je te le promets !

Elle s’accroche à son fils en pleurant de plus bel. Will lui


caresse le dos en la réconfortant. Je leur fais signe de la
ramener chez elle. Clinton et moi devons encore discuter avec
les Avocats sur la tactique à suivre. Nous nous rendons dans
un endroit plus calme où nous discutons durant des heures.

Après la réunion, je me rends chez Murima. Elle est dans sa


chambre avec Imelda. Je reste donc au salon avec les garçons
et Aurelle. Après un moment à bavarder avec eux, je me rends
dans la chambre à Murima. Imelda nous laisse seuls. Je
m’assieds sur le lit près d’une Murima triste et colère.

‒ Comment te sens-tu ?
‒ Mal Derrick. Tu m’as fait mal en laissant ma fille partir en
prison.
‒ Je te demande pardon. J’ai aussi mal mais tu sais, nous
avons plus de chance de nous en sortir avec Xandra qu’avec
toi. Vu les antécédents de Tiger et ce qu’il lui avait déjà fait je
pense qu’elle s’en tirera avec moins de peine. Alors que toi, tu
aurais pris perpète.

Elle sait que j’ai raison alors elle ne dit plus rien. L’expression
de son visage devient plus détendue. Je lui prends la main.

‒ Je n’aurais pas supporté te perdre une seconde fois. Tu es


l’amour de ma vie Murimami.
‒ Arrête tes belles paroles.
‒ Tu sais très bien que c’est vrai. Ecoute ma puce.

Je me rapproche plus d’elle.

‒ J’ai besoin de toi. Notre famille a besoin de toi. Je voudrais


que nous soyons tous unis. Tu sais très bien qu’ensemble nous
sommes beaucoup plus fort.
‒ Je sais.
‒ Alors redonne-nous une chance. Nous nous remarierons,
vivrons dans la maison dont nous avons tous les deux dessiné
les plans, et peut-être feront encore d’autres enfants. Nous en
voulions cinq au départ.

Elle sourit.
‒ Mais tu n’es pas encore divorcé.
‒ Ce n’est pas un problème. Elle et moi étions mariés sous un
contrat qu’elle a brisé, je peux donc faire annuler notre
mariage. Dis oui s’il te plaît. Je meurs d’envie de me réveiller
à tes côtés chaque matin. J’ai besoin de ma femme.

Elle me regarde avec des yeux brillants de désir. Je sais


qu’elle aussi en a envie. Avant qu’elle ne réponde, je reçois un
appel du bureau.

‒ Oui ?
‒ « Monsieur, il y a un gros souci. » M’informe l’un de mes
responsables.
‒ Lequel ?
‒ « La moitié des comptes de la boité a été vidé et nous ne
cessons de recevoir des appels des partenaires qui retirent
leurs collaborations. La boite est en train de sombrer. »
‒ Quoi ? Non ce n’est pas possible. J’arrive.

Je bondis du lit en raccrochant.

‒ Que se passe-t-il ? Demande Murima inquiète.


‒ C’est justement ce que je dois aller voir. Je t’appelle plus
tard.
Je sors à la hâte de la chambre.

‒ Papa je viens de recevoir un appel de la boi…


‒ Oui Travon je viens aussi de recevoir un appel. Allons-y !

Nous arrivons à la boite et je remarque tout de suite tout le


grabuge qu’il y a. Les téléphones ne cessent de sonner de
partout. Travon part de son côté voir ce qui se passe. Je me
rends à mon bureau parce que mon assistante m’informe que
j’ai plusieurs appels en attente. Ce sont des partenaires qui me
demandent ce qui se passe parce qu’ils ont aussi perdu de
l’argent. Je n’y comprends absolument rien.

‒ MERDE APPELEZ-MOI XENDER !!! Hurlé-je à mon


assistante.
‒ Monsieur, il n’est pas venu de toute la journée.
‒ As-tu essayé de le joindre ? Comment peut-il être absent en
ces moments !?
‒ Il est injoignable aussi.
‒ Quoi ?

La porte de mon bureau s’ouvre sur Travon et deux directeurs


de département.
‒ Papa, nous venons de nous faire dépouiller.
‒ Comment ? Par qui ?

L’un des responsables s’approche.

‒ Par le DAF Monsieur. Selon les banques, ce serait lui qui


aurait vidé les comptes de cinq départements en votre nom.
Vous lui aurez donné une procuration sur tout.
‒ Non, non non non non ! MERDE !!!

Je fais valser tout ce qui se trouve sur mon bureau. Je ne peux


pas couler maintenant. Pas maintenant.

***MURIMA

Ce matin je me réveille avec une atroce migraine pour avoir


pleuré toute la nuit. Imaginer ma petite fille dans cet enfer que
représente la prison me brise au plus profond de moi. J’ai été
dans cet endroit et je sais ce qu'on y vit. Fallait qu'elle me
laisse y aller à sa place. Toute la nuit je n’ai fait que me
demander comment elle se sentait. Avec qui elle partage sa
cellule. Je crains qu'elle ne soit avec une de ces grandes
criminelles. Quand on va en prison, on ne sait avec qui on va
partager sa cellule. Ça peut être une personne dangereuse qui
fera de nous son serviteur, comme ça peut être une bonne
personne qui nous protégera contre tous. Espérons juste que le
procès se passe en sa faveur.
‒ Je peux ?

Je lève les yeux sur Clinton qui passe sa tête par


l’entrebâillement de la porte de ma chambre.

‒ Oui viens Clinton.


‒ Will m’a dit que tu voulais passer la journée au lit, dit-il en
venant s’asseoir près de moi.
‒ Faut dire que je suis épuisée. Physiquement,
émotionnellement, bref, je n’en peux plus.
‒ Tout ira bien, me console-t-il en me caressant la main.
‒ Je sais. Au fait, tu as des nouvelles de Derrick ? Hier il est
parti tout inquiet.
‒ Non pas encore. Il est injoignable depuis hier. Si tu veux je
passerai le voir pour m’assurer que tout va bien.
‒ Non pas la peine.

Il baisse la tête un moment. J’ai l’impression qu’il veut me


dire quelque chose d’important. En tout cas, son air sérieux
me le confirme.

‒ Murima, commence-t-il vraiment très sérieux. J’ai beaucoup


réfléchi à tout ce qui t’arrivait, enfin, à tout ce qui t’est arrivé
depuis vingt-deux ans. Et j’en suis arrivé à trois conclusions.
‒ Lesquelles ?
Il inspire.

‒ Premièrement, que tout ce qui t’est arrivé ne peut être que


l’œuvre d’une personne proche de toi et Derrick. Deuxième
que cette personne ne t’en voulais pas personnellement mais
t’a plutôt utilisé pour atteindre Derrick.
‒ Non je ne crois pas. Elle nous en voulait à tous les deux. Je
crois même que c’est moi son ennemi.
‒ Tu ne crois pas que si c’était le cas elle t’aurait tué en
prison ? Ou t’aurait tué maintenant que tu es dehors ?

Je me mets à cogiter.

‒ Puisque toi tu ne connaissais personne ici dans ce pays, je


pense plutôt que l’ennemi vient du côté de Derrick. Peut-être
sa mère, ou une connaissance à lui. Parait que lorsqu’il était
plus jeune, il était beaucoup envié et détesté parce qu’il avait
tout ce dont les autres rêvaient. Ecoute, je ne suis pas en train
de l’accuser lui ou lui casser du sucre sur le dos. Ma priorité
ici c’est toi. Ma dernière conclusion ici est que tu as besoin de
non seulement une plus grande protection mais surtout, surtout
de pouvoir.
‒ Je ne comprends pas.
‒ Tu as toujours été vulnérable. Avant comme maintenant
parce que tu dépendais de Derrick. Il était donc facile de
t’atteindre. De même pour maintenant. Tu n’as personne pour
te protéger et tu n’as pas un nom imposant. Tant que tu seras
vulnérable, on t’atteindra, directement ou en passant par tes
enfants. Pourtant si tu as du pouvoir, tu pourras mieux
t’imposer, te faire respecter mais surtout mieux protéger tes
enfants. Si tu avais du pouvoir, jamais personne n’aurait pu
s’en prendre aussi facilement à tes enfants. Derrick non plus
ne pourra les protéger parce que comme je l’ai dit, son ennemi
est proche de lui donc le connait en long et en large.
‒ Et je l’acquière comment ce pouvoir ? Je n’ai aucun revenu
et je ne suis non plus pas riche. Comment donc ?
‒ En acceptant de devenir ma femme.
‒ Quoi ?

Je me redresse dans mon lit. Il est sérieux ?

‒ Non attends, ne te méprends pas, se presse-t-il de dire. Ne


pense surtout pas que c’est une tactique malicieuse de ma part
pour t’avoir. Je ne suis pas ce genre d’homme. Jamais je
n’utilise la faiblesse des gens, encore moins des femmes, à
mon avantage. J’ai des sentiments pour toi, je ne vais pas le
nier, mais je peux très bien m’en passer. L’amour de ma vie
est et restera ma défunte femme. Et je sais que toi aussi ton
grand amour c’est Derrick. Je ne cherche pas un autre grand
amour. Là, nous ne sommes plus dans une histoire de conte de
fée. Il s’agit de ta vie et de celle de tes gosses. Je veux te
donner mon nom, ma fortune, mon pouvoir, si tu acceptes de
devenir mon épouse. Je ne te demande pas de tomber
amoureuse de moi, même si je sais que je ne te laisse pas
indifférente, ni de te donner à moi-même si je te désire encore
plus depuis notre baiser. Je ne te demande rien en retour. Je
veux juste t’aider.

Je suis complètement dépassée par sa proposition. Je ne m’y


attendais pas du tout.

‒ Pourquoi veux-tu faire ça pour moi ? Lui demandé-je la


gorge serrée.
‒ D’abord parce que je t’aime. Mais surtout parce que tu me
rappelle ma mère. Lorsque j’ai commencé à me faire de
l’argent, je me suis lancé dans la politique et j’ai tout de suite
eu des ennemis. Mon père n’étant plus, je me devais de la
protéger. Seulement j’étais occupé à travailler, à voyager si
bien que je ne prenais pas au sérieux les mises en garde de ma
mère. Puis un jour, alors que des hommes armés me pointaient
leurs armes en pleine rue, ma mère s’est mise devant moi et a
prise toutes les balles à ma place.
‒ Oh quelle horreur ! Je suis sincèrement désolée Clinton.
‒ C’est après cet épisode que j’ai quitté le monde de la
politique pour me lancer dans les affaires. Je sais donc ce que
c’est qu’une mère qui veut protéger ses enfants et je sais ce
que toi tu es prête à faire pour les tiens. Je ne veux pas que
tout comme ma mère tu meures en voulant les protéger. Ils ont
besoin de toi. Tu as passé vingt-deux longues années loin
d’eux. Tu dois refuser toute nouvelle séparation. Devient
Dame ELDER et le monde sera à tes pieds.
‒ Clinton, je…
‒ Tu n’es pas obligée de répondre maintenant. Prends le temps
de réfléchir. Mais retiens que, quelle que soit ta réponse, je
serai toujours là pour toi. Toujours. Je vais te laisser
maintenant.

Il me baise le front et part. Je mentirais si je disais que je ne


trouvais pas sa proposition tentante. Il a parfaitement raison.
Je suis trop vulnérable raison pour laquelle on m’atteint
facilement. Seulement il y a Derrick. Lui aussi m’a fait une
proposition. J’aime Derrick de toute mon âme. Mais Clinton
ne me laisse pas insensible donc je sais que je n’aurai pas à
faire semblant avec lui. Je sais que je serais heureuse près de
lui. Mais il a surtout raison. Là il ne s’agit pas de romance,
mais de la vie de ma famille.

Mon Dieu que faire ? Quel choix opérer ? Qui choisir ?


28

***DERRICK

J’enchaine verre sur verre. Toute la nuit je n’ai fait que ça. Je
suis au bord du gouffre. Ma boite est en train de sombrer. Le
pire c’est que je suis impuissant face à cette situation. Je n’ai
rien vu venir sinon j’aurais pu au moins avoir le temps
d’empêcher ce chaos. Plus de la moitié de l’argent de
l’entreprise a été détourné par ce type. Je lui faisais pourtant
confiance. Depuis six ans que nous travaillons ensemble,
jamais il n’avait fait quoi que ce soit contre moi ou la boite.
Xender a toujours été réglo avec moi. Alors pourquoi
maintenant ? Qu’est-ce qui a changé pour qu’il en arrive là ?
Je n’arrive pas à y croire. Vider Cinq comptes. Je lui avais
donné la procuration de pouvoir gérer les fonds de la boite en
cas de besoin parce que je voulais me concentrer sur tout ce
qui se passait dans ma famille. Les tragédies ne faisaient que
s’enchainer. Il me fallait donc y voir plus clair. Mais cet
homme en a profité pour me ruiner. Il ne reste plus grande
chose et tous nos partenaires en 24h ont retiré leurs
collaborations. Je crains de mettre les clés sous les verrous si
nous ne trouvons pas tout de suite une solution.

Travon entre dans mon bureau, tout aussi débraillé que moi.
Lui non plus n’est pas rentré chez lui et n’a pas non plus fermé
les yeux. Nous n’avons fait que travailler pour empêcher tout
autre dégât. Par son regard, je devine qu’il n’a pas de bonne
nouvelle.

‒ Les… les employés demandent s’ils auront leur paye parce


que normalement cela aurait dû être fait depuis trois jours.

Cet imbécile n’a pas versé les salaires. Je vide mon verre.

‒ Si nous devons puiser dans les comptes restants, je crains


qu’il ne nous reste plus rien pour continuer l’aventure.
Certains parlent déjà de démissionner. Il faut…
‒ JE N’AI PAS BESOIN DE SAVOIR LES HUMEURS DES
EMPLOYÉS. JE VEUX UNE SOLUTION. MERDE A LA
FIN !!!
‒ La seule solution c’est de vendre nos parts à des potentiels
actionnaires.
‒ Quarante pour cent des parts de cette boite est partagé entre
tes frères et toi. Les 10% sont pour votre mère et les 50 autres
pour moi. Tu veux que je vende votre héritage à des
inconnus ?
‒ Si nous laissons la boite sombrer il n’y aura plus d’héritage
papa. En plus ce ne sera pas définitif. Lorsque tout ira bien
nous pourrons de nouveau tout récupérer.
‒ Je refuse de laisser des étrangers venir diriger cette boite
avec nous, gueulé-je en tapant mon index sur la table. Tout ça,
je l’ai bâti tout seul, puis tu es arrivé et ensemble nous l’avons
plus développé. Je refuse de devoir demander l’accord de qui
que ce soit avant de faire quoi que ce soit dans la boite que j’ai
élevée avec mon sang.
‒ Tu n’auras juste qu’à vendre nos 40% à nous et tu gardes tes
50% pour garder la tête de MURRICK CORPORATION.
Papa, il le faut. C’est notre seule chance.

Je sers les dents et je finis par faire valser mon verre et la


bouteille.

‒ J’ai promis à votre mère de lui donner une nouvelle vie et


voici que je perds tout.
‒ Nous n’avons pas encore tout perdu papa. Il y a encore de
l’espoir. Je vais te laisser réfléchir. Mais nous n’avons pas
assez de temps.

Il ressort de mon bureau. Ça ne peut pas être possible ce qui


m’arrive. Tout ce que j’ai bâti va à l’eau en une seule journée.
Je ne comprends toujours pas pourquoi Xender m’a fait un tel
coup. Quelle mouche a bien pu le piquer ? J’ai fait tellement
de sacrifice pour en arriver là. Tellement de nuits blanches à
réfléchir aux stratégies de développement. J’en ai même été
malade plus d’une fois et c’était les enfants qui prenaient soin
de moi. Tout ça pour qu’un imbécile me prenne tout. Mais il
ne va pas s’en sortir ainsi. Je vais le lui faire payer. Où qu’il
ait pu bien aller, je le ferai retrouver, ramener et emprisonner.
Il ne s’en tirera pas facilement.
J’ignore mon portable qui ne cesse de sonner sur mon bureau.
Mais au bout d’un moment, vu l’insistance de ce numéro
masqué, je décide de répondre.

‒ Derrick WILLAR !!!


‒ « Alors on a le moral ? »

Un éclat de rire suit cette question. Je reconnais tout de suite la


voix.

‒ Ce n’est pas le moment Pétra.


‒ « Oui je sais. Je sais très bien que ta splendide boite est au
bord de la faillite. Il me fallait donc t’appeler pour… te rire
au nez. »

Elle se lance dans un fou rire. Je m’apprête à raccrocher quand


elle poursuit.

‒ « J’ai signé les papiers du divorce. »


‒ Tu n’avais pas tellement le choix.
‒ « J’en était consciente. Raison pour laquelle je me suis
permise de me faire dédommager puisque jamais tu ne
l’aurais fait. Il me fallait un dédommagement pour toutes ces
années passées à te courir après, ces deux années à te servir
de vide-couille et ces quelques mois à être ton épouse. »
‒ Qu’est-ce que tu racontes Pétra ? Ecoute je n’ai pas le…
‒ « Qui crois-tu être à la base de la situation actuelle de
MURRICK CORPORATION ? »
‒ Xen…

Je m’interromps un moment. Tout devient clair dans mon


esprit.

‒ « Xender n’était pas assez intelligent pour ça. Il lui fallait


donc un petit coup de pouce de ce côté. Il a toujours eu un
faible pour moi alors juste une partie de jambe en l’air et il est
devenu mon chien à tout faire. J’ai en ce moment devant moi
dans deux énormes sacs, presque toute ta fortune. »
‒ Tu n’as pas osé me faire ça ?
‒ « Tout comme toi tu as osé me jeter pour cette pouffiasse. Tu
n’as que ce que tu mérites. Maintenant nous verrons comment
tu te la couleras douce avec ta soi-disante fortune de merde. »
‒ Tu vas me le payer très Pétra. Ton complice et toi allez me
le payer. Je le jure sur la vie de mes enfants.
‒ « Bye bye mon amour. »

Elle raccroche dans un éclat de rire. Je fracasse mon portable


contre le mur.

‒ PUTAIN DE BORDEL DE MERDE !!!!!!


Je cogne dans le mur. La garce ! Elle m’a bien eu. J’avais
remarqué lors d’une soirée le regard de Xender sur elle, mais
jamais je n’aurais pensé qu’il pouvait se passer un truc pareil.
J’ai été con. Je l’ai toujours été depuis l’époque de mon
mariage avec Murima en la laissant aller en prison. Quel beau
con je fais ! Un parfait imbécile ! On ne peut faire mieux.

‒ Derrick c’est quoi tout ce bordel dans la famille ? S’écrit ma


mère en rentrant en trombe dans mon bureau. D’abord
j’apprends que ma petite fille est en prison à cause de cette
femme et maintenant j’entends ici que la boite est en train de
sombrer. Tout ça encore à cause de cette femme qui porte la
poisse.
‒ Un mot de plus…

Je respire profondément histoire de me calmer.

‒ Un mot de plus contre Murima et je te manquerai de respect


maman.
‒ Par… pardon ? Derrick ! C’est à moi que tu t’adresses de la
sorte ? Pour cette femme à cause de qui ta seule fille est en
prison ?
‒ Si Xandra est en prison c’est pour payer les conséquences de
ses actes. ET SI MA BOITE EST EN TRAIN DE COULER
C’EST UNIQUEMENT DE TA FAUTE A TOI.
‒ TU BAISSES D’UN TON.
Elle souffle.

‒ Ma faute ? Tu m’accuses de quoi là Derrick ?


‒ De tout. Everything ! C’est toi qui n’as cessé de m’hurler
dans les oreilles que Murima ne me méritait pas et j’ai fini par
l’abandonner. C’est encore toi qui n’as cessé de me harceler
pour que je puisse épouser Pétra et merde que j’ai encore
accepté.
‒ Et j’avais raison à chaque fois.
‒ Jamais tu n’as eu raison maman. Parce que celle que tu n’as
jamais cessé de détester est celle qui est revenue réparer notre
famille tandis que l’autre pétasse est celle qui vient de ruiner
toute la famille.
‒ Comment ?
‒ Pétra, ta protéger, c’est elle et son amant qui ont vidés les
comptes de MA boite. Nous sommes en faillite par sa faute.
Elle a tout pris.
‒ Non ce n’est… pas vrai. Je suis certaine que c’est encore un
coup monté de cette négresse.
‒ Ok ça suffit ! Sors de mon bureau.
‒ Mais…

Je la prends par le bras et la conduis hors de mon bureau. Je


n’ai pas besoin de ça en ce moment. Il me faut réfléchir.
J’aurais appelé Murima parce que j’ai plus que besoin de ses
conseils mais elle en a assez bavé ces jours-ci. Elle a besoin de
reposer son esprit.
Après des heures à réfléchir, j’appelle Travon pour lui dire que
j’accepte son idée. Il va faire l’annonce et je sais déjà que nous
aurons des propositions. Depuis des années, des hommes
d’affaires demandaient à avoir des actions dans cette
entreprise. Ils seront maintenant heureux. Espérons juste qu’ils
ne se laissent pas entrainer par cette situation. Je demande à
mon assistante de venir mettre de l’ordre dans mon bureau.
Elle m’annonce par-là que Clinton est dans les locaux. Il ne
tardera pas à monter. Effectivement, il apparait au moment où
mon assistance sort.

‒ Salut Derrick. Je suis sincèrement désolé pour ce qui


t’arrive.
‒ Merci bien ! Prends place.
‒ Travon m’a fait le point. Je n’ai pas consulté mes messages
ni mes mails ce matin.

Je lui rajoute ma dernière découverte.

‒ Je n’avais donc pas tort de ne pas apprécier cette femme.


‒ Personne dans mon entourage ne l’appréciait aussi. Elle m’a
bien entubé.

Il demeure dans le silence un bon moment durant lequel je


replonge aussi dans mes pensées.
‒ Je veux t’aider Derrick.
‒ Je ne vois pas ce que tu peux faire. Déjà que tu es le seul
partenaire à ne pas m’avoir abandonné. Enfin, pas pour le
moment.
‒ Rappelle Travon et dis-lui que tu viens de trouver un associé
pour les 40% des parts de MURRICK CORPORATION.
‒ Pardon ? Dis-je dans un bug.
‒ Je veux t’aider Derrick. Je t’ai vu saigner pour cette boite
alors il serait injuste que des gens sans morale viennent y
mettre leurs sales pattes. Je veux juste les 40% comme ça tu
resteras toujours le boss. Et je tiens à préciser que je te
laisserai toutes les rênes. Tu me demanderas mon avis que si
tu le penses nécessaire.
‒ Clinton, c’est beaucoup trop d’argent que tu veux investir là.
‒ Et je sais qu’il sera grandement fructifié. Tu ne m’as jamais
déçu et en tant que simple partenaire j’en ai toujours eu pour
mon compte.

Je le regarde, complètement à la ramasse.

‒ Pour… pourquoi veux-tu faire ça ?


‒ Je suis milliardaire Derrick et je n’ai aucune famille. Si je
meurs, toute ma fortune ira à la société, qui nous a assez volé
comme ça. Je veux aider un ami, un frère. Alors ?
J’ai du mal à croire ce qu’il me dit. Je l’ai toujours su très
généreux. Mais je ne pensais pas que ce serait à ce point. Je
regarde sa main tendue et avec joie je la saisis.

‒ Ok ça marche !

***MURIMA

Nous attendons tous avec stress le verdict du Juge. Je ne fais


que trembler sur mon siège. Quel sort sera réservé à ma petite
fille ? Normalement tous les éléments rapportés par les
Avocats prouvent que Xandra n’est rien d’autre qu’une
victime. Elle a expliqué à la barre tout ce que Tiger lui avait
faire subir. Ses examens médicaux ont appuyé ses dires. Il y a
eu aussi la vidéo du meurtre. Selon Xandra, Tiger avait
installé chez lui une petite caméra lorsqu’il soupçonnait que
des gens s’introduisaient chez lui en son absence pour lui
piquer des trucs. Dans cette vidéo nous avons pu voir ce qui
s’était passé cette nuit de l’arrivée de Xandra à mon arrivée
sur le lieu du crime. On y voyait clairement que ce n’était que
de la légitime défense. Elle n’a fait que se défendre pour éviter
d’être encore violé puis tué. Le Juge semblait compatissant.
Espérons que ce soit un bon signe.

Ce qui m’inquiète là maintenant, c’est l’absence de Josky.


Depuis la mort de son fils, il ne s’est pas montré une seule
fois. Nous n’avons aussi eu aucun signe de vie. Il s’est juste
fait représenter à ce procès par son Avocat. Il serait selon les
dires de cet Avocat hors du pays. Mais du côté d’Alexandra il
y a tout un monde. Toute la famille est présente ainsi que les
parents d’Imelda et Clinton. Derrick m’a l’air épuisé avec
toutes ces poches sous ses yeux. Il m’a raconté ce par quoi la
boite passe et je n’ai pu m’empêcher de compatir. Encore
heureux qu’il ait quelqu’un comme Clinton parmi ses proches
qui lui vienne en aide aussi grandement. Parlant de ces deux
hommes, je ne sais pas comment je me suis arrangée à me
retrouver assise entre ces deux. Les deux hommes de ma vie.
Mais bon, ce n’est ni le lieu ni le moment de penser à tout ça.
Nous nous levons tous à l’entrée du Juge. C’est l’heure du
verdict. Derrick me prend la main quand il commence à réciter
les codes en rapport avec cette affaire. Plus il parle et plus je
suis morte d’anxiété. Puis vient la phrase fatidique.

‒ Au vue de tous les éléments rapportés et de la vidéo du


meurtre, nous condamnons l’accusée à six mois de prison avec
une caution de 1,5 millions de Livre sterling. La séance est
levée.

Nous poussons tous des soupirs. Six mois. C’est long mais
c’est beaucoup mieux que la peine normale. Ça veut dire que
le Juge a penché en sa faveur. Je me lève toute heureuse et
prends ma fille dans mes bras. Elle ne fait que pleurer.

‒ Maman !!
‒ C’est une bonne nouvelle ça ma puce, dis-je en la serrant
encore plus. Six mois ça va vite passer. Soit juste forte. Je
serai toujours là pour toi.
‒ C’est compris maman.

Je prends son visage en coupe et du bout de mes pouces je lui


essuie ses larmes.

‒ J’avais une maman en prison qui avait veillé sur moi toute
ma peine. Je te confierai à elle pour être sûre qu’il ne t’arrivera
rien. Tout ira bien, ok ?
‒ Ok maman.
‒ Je t’aime mon bébé.
‒ Je t’aime aussi maman. Je suis sincèrement désolée pour
tout.
‒ Ce n’est rien. Viens là !

Je la serre encore dans mes bras avant de la laisser à son père


qui en fait de même. Ses frères sont au bord des larmes surtout
Will qui est un garçon très sensible. La police finit par
emmener Xandra. Je la regarde s’en aller en pleurant en
silence. Travon me prend dans ses bras.

‒ Elle reviendra plus forte maman.


‒ Je sais.

Nous nous retrouvons à la grande maison où nous demeurons


dans le silence. L’absence de Xandra se fait trop ressentir.
Aurelle et Imelda ont demandé à se reposer dans les chambres.
Je me rends dans celle de Xandra sentir son parfum dans ses
draps et ses vêtements. Je ne cesse de prier intérieurement que
Dieu la rende forte dans cet endroit. Demain j’irai voir mes
amies qui y sont encore leur confier ma fille. Tout ira bien. Je
crains juste maintenant la réaction de Josky surtout que depuis
il n’est que silencieux.

Je descends dans la cuisine me prendre un verre. Derrick et ses


fils sont assis sur la terrasse près de la piscine. En me
rapprochant de la cuisine, j’entends des gémissements, je
dirais des grognements. On dirait que quelqu’un s’étouffe.
J’entre et avec stupéfaction je vois Djénéb se tordant de
douleur au sol en se tenant le ventre.

‒ Djénéb ! Hurlé-je en courant vers elle. Que t’arrive-t-il ?

Je remarque près d’elle un flacon à contenu toxique. De la


bave sort de sa bouche. Elle s’est empoisonnée.

‒ Mon Dieu Djénéb qu’as-tu fait ? DERRICK !!! Hurlé-je.


‒ Il… le fallait, me répond-t-elle faiblement en continuant à
gesticuler douloureusement.
‒ Comment ça ? Djénéb qu’est-ce qui n’allait pas ? DERRICK
VIENS VITE !!!!
‒ Non ne l’appelle pas. Laisse-moi mourir.
‒ Mais tu es folle.
‒ Je suis plutôt une sorcière. Je ne peux plus vivre avec ces
remords qui me pèsent sur le cœur.
‒ Mais de quoi parles-tu ? BON SANG DERRICK OÙ ES-
TU ???
‒ C’est moi, c’est moi qui t’ai fait partir en prison il y a vingt-
deux ans.
‒ Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
‒ Tous les malheurs qui vous sont arrivés, c’était moi. Je ne
travaillais pas seule mais je faisais le plus grand boulot.
‒ Mais pourquoi ? Demandé-je complètement perdue.
‒ Parce que j’avais peur que tu me ramènes à la rue… si tu
apprenais que j’étais amoureuse de Derrick et que… j’étais
allée jusqu’à le droguer pour coucher avec lui.
‒ Quoi ? Mon Dieu Djénéb.
‒ Je suis tombée enceinte et j’ai avorté de peur que tu
découvres tout. Je te demande pardon.

Elle se met à pleurer.

‒ Pardonne-moi tout le mal que je t’ai fait.


‒ Djénéb, pourquoi ?
‒ J’ai fait une vidéo que j’ai fait envoyer à la police. J’y avoue
tout en citant les noms des autres commanditaires. J’avoue le
meurtre de Debby qui était normalement réservé à Imelda.
C’est encore nous pour les vidéos sexuelles de Xandra postées
sur la toile en complicité avec Tiger. Je t’ai aussi laissé une
copie de la vidéo chez toi au cas où celle que j’ai envoyé à la
police tombait dans les mains de nos complices. Je ne crois
pas pouvoir tout te citer maintenant.
‒ C’est qui les autres ? Djénéb c’est qui ? Tu travaillais avec
Josky ?
‒ Je… Il… C’est…

Elle commence à trembler tandis que ses yeux révulsent. C’est


à ce moment que Derrick apparait.

‒ Djénéb non parle-moi ! Dis-je en lui tapotant les joues.


‒ Que se passe-t-il ? Questionne Derrick.
‒ Nous devons tout de suite la conduire…

Avant que je ne termine ma phrase, Djénéb lâche un gros


soupire et se laisse tomber. Elle ne bouge plus, elle est
comme… morte. Mais ses yeux sont grands ouverts. Je me
laisse tomber sur mes fesses. Je laisse mes larmes ruisseler sur
mes joues. Pourquoi elle ? Pourquoi ?

‒ Que s’est-il passé Murima ?


‒ Elle m’a avoué avoir comploté contre nous, contre moi. Mon
Dieu je n’arrive pas à le croire.

Il me sert dans ses bras quand j’éclate en sanglot. Elle était un


membre de ma famille. Je ne sais pas comment j’aurais réagi
si j’avais su qu’elle avait abusé de mon mari. Surement
l’aurais-je ramené à la rue. Mais j’ai tellement mal
d’apprendre une telle chose de la personne que j’affectionnais
tant. Derrick m’oblige à quitter la pièce pour le salon où mes
enfants me rejoignent. Je l’entends appeler une ambulance et
la police pour les constats.

Après avoir répondu à toutes les questions de la police, je


rejoins toute ma famille dans le salon. Aurelle et Imelda nous
ont de nouveau rejoint. Cette famille va de mal en pire.
Chaque jour il y a une nouvelle histoire bouleversante. Que
va-t-il maintenant se passer ?

Nous sursautons tous au retentissement d’un coup de feu.

‒ Que se passe-t-il encore ? Demande Imelda visiblement


épuisée elle aussi des drames.

A peine sa phrase terminée que trois hommes armés entrent


dans la pièce.

‒ Les mains en l’air, nous ordonnent-ils les armes pointées sur


nous.

Nous obéissons en nous levant de nos places. Travon met


instinctivement sa femme derrière lui et se place aussi devant
Will et Aurelle. Derrick et moi nous nous arrêtons devant eux
comme barrière.

‒ Qui êtes-vous et que voulez-vous ? Questionne Derrick.

Les trois hommes s’arrêtent automatiquement chacun d’un


côté de la pièce sans baisser leurs armes. Des bruits de pas
approchent.

‒ Si c’est de l’argent que vous voulez prenez tout et allez-


vous-en, continue Derrick.

Les pas se font plus proches. Une silhouette se présente devant


nous. Je ferme les yeux dans un soupir.

‒ Comme on se retrouve, Monsieur et Madame WILLAR.


‒ Josky s’il te plaît, le supplié-je. Quel que soit ce que tu veux
faire, laisse partir mes enfants et leurs compagnes. On règlera
tout entre nous.
‒ Oh tes enfants sont concernés du moment où c’est ta fille qui
a tué mon fils.
‒ Josky je t’en supplie…
‒ Ligotez-les, ordonne-t-il à ses hommes. Et si l’un d’entre
eux fait un geste brusque, abattez-le.
‒ Josky laisse partir mes enfants.
Deux de ses hommes disparaissent un bref moment et
reviennent avec des chaises qu’ils placent en ligne devant lui.
Je vois Derrick former ses points lorsqu’ils viennent vers
nous.

‒ Ne fais rien je t’en prie, lui chuchoté-je. Pense aux enfants.

Nous sommes tous attachés, certains avec une corde et


d’autres avec du ruban adhésif. Dans la précipitation, ma
corde à moi n’est pas serrée autour de mes poignés. Je sens
qu’avec insistance je peux me détacher. Josky s’assoit dans un
fauteuil en face de nous.

‒ Monsieur, s’il vous plait, laissez ma femme s’en aller. Elle


est enceinte.

Josky tourne la tête vers Travon.

‒ Travon WILLAR c’est ça ?


‒ Oui, répond ce dernier.
‒ Ecoute Josky, dis-je pour qu’il détourne son attention de
mon fils. Je sais que tu as mal pour la mort de ton fils mais je
t’en conjure, laisse mes enfants s’en aller. Ou si tu veux, juste
mes deux belles-filles. Elles n’y sont pour rien.
Il tire en l’air.

‒ Mon fils non plus n’y était pour rien, salope, s’énerve-t-il. Il
était certes un peu agité mais il ne méritait pas de mourir.
‒ Un peu agité ? Répète Derrick en plissant les yeux. Ton fils
était un bandit de grand chemin. Sais-tu ce qu’il a fait endurer
à ma fille ?
‒ Et ne l’as-tu pas envoyé en prison plus d’une fois ?
‒ La prison était minime face à ce que ma fille a vécu avec lui.
Il lui a tiré dessus et l’a violé. Bon sang comment trouves-tu le
courage de réclamer une quelconque justice pour lui ?

Le regard de Josky vacille. Il tapote son arme contre son


genou.

‒ Je lui avais pourtant demandé à maintes reprises de mettre


un terme à cette relation et de me rejoindre pour bosser dans
mon business mais il était trop borné. Il n’a jamais cessé de
me détester parce qu’il me tenait pour responsable de la mort
de sa mère. Je travaillais à récupérer mon fils mais ta fille me
l’a enlevé. Elle m’a pris mon seul et unique fils. Mon héritier.
Et elle en a juste pris pour six mois. Six petits mois. Il est donc
impératif que je vous prenne vos garçons pour apaiser ma
peine et ma colère.
‒ Ma fille ne faisait que se défendre Josky, grogné-je. C’était
elle ou lui. Pourquoi refuses-tu de comprendre merde ?
Je regarde mes enfants qui sont à deux doigts de se faire tuer
et je ne peux que pleurer tellement j’ai peur de les perdre.

‒ Ne crois-tu pas nous avoir assez fait de torts comme ça


Josky ? Continué-je en maitrisant tant bien que mal ma voix
qui se brise petit à petit sous l’émotion. Combien de temps
encore vas-tu traquer ma famille ?
‒ Je n’ai pas traqué ta famille Murima.
‒ Parce que tu vas me dire que tu n’as pas envoyé ton fils faire
souffrir ma fille ?
‒ J’ai arrêté de m’intéresser à ta famille depuis des lustres.
‒ Oui, quand tu m’as fait piéger et m’a fait partir en prison
injustement avec la complicité de ma nounou. Après ça Josky,
tu n’as pas à te plaindre de la mort de ton fils parce qu’il n’a
eu que ce qu’il méritait.

Il me donne une claque. Derrick et ses fils se déchainent sur


leurs chaises.

‒ Ne pose plus jamais tes mains sur ma mère, s’énerve


William.
‒ Sinon quoi ? C’est moi qui tiens l’arme en ce moment. (A
moi) Tu me crois autant lâche pour envoyer la femme que
j’aimais en prison ? Je n’ai rien comploté contre toi. Au
contraire, j’ai essayé de profiter de la situation pour mettre des
points de mon côté en te faisant libérer de prison mais je n’y
suis pas arrivé. Après le kidnapping de Travon lorsqu’il avait
deux ans, j’ai abandonné toute tentative de te faire mienne
parce que j’avais vu comment ton homme et toi étiez
amoureux donc tous les évènements qui vous sont arrivés
après ne viennent pas de moi.
‒ Quoi ? Tu étais pourtant notre seul ennemi.
‒ Faut croire que non.
‒ Donc le kidnapping de Will, le meurtre de Debby, ce n’est
pas toi ?
‒ Je t’ai dit que non.
‒ Je t’ai pourtant vu ce soir-là à la Clinique et tu m’as nargué.
‒ Parce que oui ça me réjouissait de voir que tu souffrais
auprès de l’homme que tu avais préféré à moi.
‒ Mais si ce n’est pas toi… qui est-ce ?

Toutes les théories possibles me passent par la tête quand des


coups de feu se font encore entendre. Les hommes de Josky
sont abattus sous nos yeux et avant que Josky ne se lève, il
reçoit une balle en pleine tête.

‒ OH MON DIEU !!!! Hurlé-je.

Des pas s’approchent.

‒ Si ce n’est pas lui… c’est moi !!!


La personne se montre.

‒ DANIEL ????????
29

***MURIMA

Nous sommes tous sous le choc. Daniel ? Le meilleur ami de


la famille WILLAR ? Celui-là même que Derrick a toujours
considéré comme son frère pour avoir grandi ensemble ? Non,
ça ne peut être possible.

‒ Daniel ? S'étonne de nouveau Derrick ? Tu nous fais une


farce ?
‒ Non mon très cher ami, dit-il en faisant tourner son arme. Je
suis ton pire ennemi. Oui c’est moi qui suis à la base de tous
vos malheurs. L’emprisonnement de Murima, les tentatives
d’assassinats contre toi par arme ou par accident, la tentative
de meurtre échoué contre Imelda, l’emprisonnement et
l’enlèvement de Will, la diffusion des sextape de Xandra, bref,
tout ce que vous pouvez imaginer. Mais je plaide non
coupable pour la chute dans les escaliers. Ça c’était un coup
de Pétra.

Il jette au sol le corps de Josky et s’assoit à sa place.

‒ Des questions ? Demande-t-il le sourire aux lèvres.


‒ Pourquoi ? L'interroge Derrick la voix emprunte de douleur.
Que t’avons-nous fait pour que tu nous en veuilles à ce point ?
‒ Eux rien, mais toi si.
‒ Qu’ai-je fais ?
‒ TU EXISTES, hurle-t-il. Voilà ce que tu as fait. Ta présence
à toujours été source de frustration dans ma vie. Depuis tout
petit tu as toujours été celui qui avait tout ce qu'on pouvait
rêver. Tout ce dont JE rêvais. Tu vivais dans l’opulence, tes
désirs étaient des ordres, tu pouvais te payer les vacances que
tu voulais, tu fréquentais les meilleurs établissements, tout le
monde voulait se lier d’amitié avec toi, toutes les filles te
tombaient aux pieds, même lorsque tu n'avais pas de bonnes
notes les profs s’arrangeaient en t'en donnant parce que tu
étais le gosse du riche homme d’affaires Emeric WILLAR.
‒ Toi aussi tu avais tous ces privilèges.
‒ UNIQUEMENT PARCE QUE TU ÉTAIS LÀ, hurle-t-il en
se relevant d'un bond. Je vivais dans ton ombre. Nous partions
dans les mêmes écoles uniquement parce que ton père s’était
engagé à prendre en charge le fils de son meilleur ami. Il
m’aidait juste parce que j’étais aussi ton meilleur ami. Tout
tournait autour de toi. Même mes parents t'aiment plus que
moi.
‒ Mais c’est absurde Daniel.

Il fait des tours sur lui-même.

‒ Oui c’est absurde parce que ce n’était pas toi qui étais
toujours légué au second plan. J'avais droit à des vacances
seulement quand toi tu le voulais et nous allions où toi tu
voulais. Toi, toi et toujours toi. J'en avais marre de toi. Le seul
point où j’étais meilleur que toi c’était dans les notes. J'ai
toujours été plus intelligent que toi. Même aujourd’hui je le
suis. Tes notes étaient tout le temps inférieures aux miennes.
Mais c’était avant que Murima n'entre en scène et m’enlève le
seul plaisir que j'avais d’être au-dessus de toi.

Il me regarde, un sourire en coin. Il s’approche et glisse son


arme sur ma joue. Je soulève la tête.

‒ Tu m'as pris la seule femme que je n’ai jamais aimé. C’était


la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Elle était pourtant à
moi.
‒ Ne raconte pas n'importe quoi. Murima n'a jamais été tienne.
‒ Elle allait l’être si tu ne t’étais pas interposé. Il a fallu que je
te dise que je l'aimais pour que tu te rapproches d'elle.
‒ On ne peut compter le nombre de fille que tu as aimé.
Chaque jour il y en avait une. Tu étais un coureur de jupon
jusqu’à ce que tu mettes enceinte Mélodie et que tu ne
l’épouses.
‒ Qu'on ne m'oblige à l’épouser, rectificatif. Tu sais
pertinemment que je ne l'ai jamais aimé. Je l'ai juste épousé à
cause des parents.

Effectivement, Mélodie et lui avaient eu un moment de folie


dans les toilettes du lycée, suite à quoi elle est tombée
enceinte. Ses parents à elle ont exigé qu’il l’épouse et ça a été
fait après le Bac. Seulement après la célébration, elle a fait une
fausse couche. Daniel ne pouvait pas la quitter alors ils ont
vécu ainsi jusqu’à ce que Samy naisse cinq mois après
William.

‒ Je voulais de Murima et tu le savais.


‒ Je n'en savais rien bordel. Et si tu étais tant amoureux d'elle
pourquoi n’as-tu rien fait pour elle lorsqu’elle sombrait dans la
drogue ?
‒ Parce que je n’étais pas un gosse de richard. Je ne pouvais
me permettre de prendre l'avion comme bon me semblait.
Vous voir si heureux m’horripilait. C’est alors que j’ai décidé
de vous séparer. Je voulais d'abord te tuer pour l'avoir elle.
Mais ç’aurait été trop facile. Je voulais que tu souffres. Je
voulais te faire payer toutes mes frustrations. Et le seul moyen
de te faire souffrir, c’était de m'en prendre à la femme que tu
aimais plus que ta vie. J’ai eu mal de m'attaquer à elle. Mais la
joie que j'ai ressenti en te voyant souffrir était bien plus
grande. Tout ce que j’ai fait jusque-là c’était dans le seul but
de te faire souffrir toi et uniquement toi.

Je n'en reviens pas. Clinton avait donc raison. Je n’étais qu’un


dommage collatéral. Malgré la douleur, je commence à me
détacher les mains.

‒ Donc tout ce que tu m'as fait subir, toutes ces années que tu
m'as faites passer loin de mes enfants, C’ÉTAIT
UNIQUEMENT PAR PUR JALOUSIE CONTRE TON
MEILLEUR AMI ????
J’éclate en sanglot. J’ai mal au cœur.

‒ Mon Dieu Daniel, pourquoi m’as-tu fait une chose pareille ?


Continué-je en pleurant. Tu as privé des enfants de leur mère
juste parce que tu détestais leur père. As-tu une idée de ce que
j’ai enduré toutes ces années ? Il n'y a pas que Derrick qui ait
souffert. Il n'y a pas que lui dans cette histoire bon sang.
‒ J'aurais encore préféré que tu m’emmènes en prison ou me
tues, plutôt que de faire souffrir autant cette femme qui n'avait
rien demandé, enchaîne Derrick en pleurant. Tu as regardé les
enfants pleurer l’absence de leur mère.
‒ C’était tes pleurs à toi qui m’intéressaient, répond Daniel. Je
savais qu'eux allaient finir par s'en remettre mais toi jamais.
‒ Et maintenant que va-t-il se passer ?

Il fait mine de réfléchir.

‒ Que va-t-il se passer ?? Répète-t-il en jouant avec son arme.


Bah vous allez tous mourir. Ensuite je chargerai quelqu’un de
faire disparaître Xandra depuis la prison. Ou mieux, je tuerai
toute ta famille et toi je te laisserai en vie pour qu’enfin ma
vengeance soit totale et je te regarderai mourir à petit feu. Oui
je préfère cette deuxième option.

Imelda pousse subitement un cri.


‒ J'ai mal !!! Mon Dieu je crois que je vais accoucher.

C’est la panique chez nous tous.

‒ Mon oncle je t'en supplie, laisse ma femme s'en aller avec


Aurelle. Elle doit accoucher.
‒ Non j’ai dit que vous mourrez tous. Je vais d’ailleurs
commencer par elle pour abréger ces souffrances.

Il pointe l'arme sur Imelda. Au moment même où il appuie sur


la détente, je termine de me détacher les mains et je fonce sur
lui. Le coup part quand même.

‒ Fait attention Murima, me hurle Derrick.

Daniel m’administre une gifle qui me fait reculer de plusieurs


pas. Il pointe l’arme et me tire dessus. Je fais un mouvement
mais je me prends quand même la balle dans le côté.

‒ Ah ! Hurlé-je en tombant.
‒ Maman non, pleure Will.

Daniel appuie sur la détente dans la direction de Travon mais


ça craque. Il n'a plus de balle.
‒ Merde !!!

Il tourne sur lui-même. Moi je geins de douleur au sol tandis


que tous les autres se débattent sur leur chaise. Imelda se met à
se lamenter.

‒ Je ne veux pas perdre mon bébé.


‒ Tu ne le perdras pas mon amour, la rassure Travon en
s’agitant sur son siège. Je t'en fais la promesse au prix de ma
vie.
‒ Murima ça va ? S’inquiète Derrick.
‒ J’ai mal.

Daniel qui s’était absenté quelques secondes reviens avec un


bidon d’essence en main. Il en verse autour de nous et un peu
partout.

‒ Daniel ne fait pas ça, le supplié-je.


‒ Je vais te tuer espèce de fils de pute, le menace Derrick.
‒ Oui c’est ça ! On verra bien comment tu le feras depuis ta
tombe.

Il allume un briquet et le laisse tomber.

‒ Adieu famille WILLAR.


Il sort en courant. Le feu s’élève aussitôt à la vitesse de
l’éclair. Ils n’arrêtent pas de lutter sur leurs chaises pour se
libérer tandis que moi avec mes faibles forces je tente de me
lever pour aller les détacher.

‒ Tu dois faire un effort Murima, m’encourage Derrick. Je t'en


prie sois forte et viens me libérer.

Ils sont emprisonnés dans un cercle de feu et moi je suis hors


de ce cercle. Seulement j’ai du mal à avancer entre la douleur
que je ressens au ventre et les flammes qui m’aveuglent. Je
fais à peine un pas que je m’écroule.

***DERRICK

‒ Non non non non Murima. Relève-toi je t'en supplie, lui


hurlé-je.

Elle s'est évanouie au milieu des flammes. Il faut que je fasse


quelque chose. Mes fils luttent tant bien que mal mais sans
succès. Les femmes ne font que pleurer. Ok il me faut agir. Je
sautille sur mes fesses avec ma chaise jusque devant une
flamme. Je rapproche mes mains du feu. Je serre les dents
pour mieux supporter les brûlures. Etant du ruban adhésif,
mon attache ne met pas du temps à céder aux flammes. Je me
libère prestement et je fonce sur mes enfants. Je détache
d'abord Travon qui fonce sur sa femme pendant que moi je
vais sur Will.

‒ Sortez avec les femmes, leur ordonné-je.


‒ Maman ! Hurle Will.
‒ Je m'occupe d'elle. Allez rapidement à l’hôpital avec Imelda.

Je cours vers Murima qui revient peu à peu à elle.

‒ Mon amour ! L'appelé-je en lui tapotant la joue.


‒ Sauve les enfants. Sauve mes bébés je t’en supplie.

Je jette un coup d’œil dans leur direction. Ils ont dépassé les
grandes flammes.

‒ Ils sont hors de danger. Nous devons sortir de là.

Je la prends dans mes bras. Le feu a recouvert le passage que


les enfants ont utilisé. Je ne peux m'y aventurer avec Murima
dans mes bras. Le feu est levé un peu partout. Toutes les
décorations en bois ont favorisé cette étendue.

‒ Derrick ! Chuchote Murima à moitié inconsciente.


‒ Nous allons nous en sortir mon amour.
Seulement je ne sais comment. La seule porte de sortie est
barrée par les flammes. Comment sortons-nous de là ? Je
continue de réfléchir quand un grand bruit de verre me fait
sursauter.

‒ Papa !

Je me retourne et je vois William dehors derrière le rideau


volant qui commence à peine à se consumer. J'avais oublié
qu'il y avait une grande vitre qui donnait sur la terrasse. On la
recouvrait les soirs d'un grand rideau. Will me fait signe de
sortir par-là. Je cours avec sa mère inconsciente dans mes bras
et je traverse les débris et la petite flamme qui s’élevait. Nous
courrons vers les voitures et montons dans l’une. Travon s'en
est déjà allée avec les deux femmes pour la Clinique. En
sortant de la concession, je remarque les corps de mes deux
gardiens allongés par terre. Nous l'avons juste échappé bel
sinon nous serions aussi dans cet état.

Imelda est en salle d’accouchement avec sa mère et Travon.


Quant à Murima, elle lutte entre la vie et la mort dans la salle
d’opération. Will, Aurelle et moi répondons aux questions des
officiers le temps de recevoir des nouvelles. Nous ne sommes
normalement pas en état de répondre mais nous savons que
cela peut aider la police à mettre la main sur Daniel. Le
Commissaire en charge de l’affaire m'a informé avoir reçu une
vidéo de Djénéb avouant tous ses crimes en complicité avec
Daniel, Pétra et Franck mon ami Commissaire. Franck m’a
vraiment bien eu cet enfoiré. Tous ces évènements innocentent
d’office Imelda et blanchissent Will. Le Docteur qui a falsifié
le test ADN sera arrêté. Et ces révélations pourraient aussi
permettre de libérer Xandra plus tôt que prévu.

‒ Papa ! Résonne la voix de Travon qui vient vers nous. C’est


un garçon.

Nous nous réjouissons avec lui.

‒ Il va rester encore en couveuse parce qu’il est prématuré


mais il se porte bien. Imelda aussi.
‒ Encore félicitations fiston.
‒ Merci ! Des nouvelles de maman ?
‒ Non pas encore. Attends, Voilà de Docteur qui arrive.

Nous regardons le Docteur venir vers nous. Il nous sourit ce


qui nous soulage d’emblée.

‒ Nous avons retiré la balle qui n'a fait aucun dégât et elle va
maintenant mieux. Nous l'avons gardé endormi parce qu'elle a
besoin de beaucoup de repos.
‒ Merci infiniment.

J’ai laissé les enfants avec leur mère qui s'est réveillée ce
matin. Je rentre à la maison constater les dégâts que le feu a
fait. Et oui il en a fait dans les pièces du bas. Une chance que
les pompiers soient arrivés avant que le feu ne s’attaque aux
étages. Tout est à refaire en bas. Je monte à mon appartement
me rendre propre après quoi je vais au commissariat où
Mélodie et Sam ont été arrêtés puis interrogés toute la nuit. Il
y a des chances que Mélodie soit la complice de son mari.
Même si Djénéb n'a pas cité son nom, cela aurait pu être
possible sans qu'elle ne le sache. Les femmes savent
généralement ce que font leurs hommes même quand elles
décident de fermer les yeux. Et savoir qu'une personne
commet des actes criminels et garder le silence est
condamnable parce que jugé pour complicité. Ça ne se fait pas
de couvrir un bandit de grand chemin. Ça ne m’étonnerait pas
qu'elle sache où il se trouve.

Un officier me conduit à la salle d’interrogatoire où se trouve


Mélodie. Elle a l’air de ne pas avoir dormi mais surtout
d’avoir beaucoup pleuré.

‒ Derrick, pleure-t-elle en me voyant. Je te jure que je n'en


savais rien.
‒ Ça fait vingt-huit ans que vous êtes mariés et tu vas me dire
que tu n'as jamais rien su de ce qu’il mijotait ?
‒ Il faisait plein de truc. Il découchait tout le temps et voyait
plusieurs filles. Je ne pouvais imaginer qu’il serait capable de
tuer quelqu’un d'autre en dehors de moi. Tout ce que je savais
c’était les rôles que lui et Djénéb avaient joué dans
l’emprisonnement de Murima. Je voulais tout te dire mais il
m'a battu et menacé de me tuer si j'ouvrais la bouche. C’est
pourquoi j’ai arrêté de rendre visite à Murima en prison. Par
culpabilité. Et quand elle est sortie il m'a demandé de
m’éloigner d'elle de peur que je n'ouvre la bouche. Mais je te
jure sur ma vie que je ne savais pas qu'il intenterait à votre vie.
Je ne savais rien pour les tentatives d’assassinat avant comme
maintenant. Je te demande pardon Derrick. Je vous demande
sincèrement pardon.
‒ Tu as donc regardé ton cher mari détruire ma famille sans
rien dire. Tu as préféré le couvrir.
‒ Je regrette tellement. Si j'avais su ce qu'il faisait je vous
aurais prévenu, je le jure sur ma vie.
‒ Ça n'a plus d’importance maintenant. Dis-nous juste où il se
cache maintenant.
‒ Je l'ai dit aux agents, je n'en savais rien. Je leur ai donné des
adresses mais il n'y est pas. Il va sans doute quitter le pays s'il
ne l'a pas encore fait.
‒ Qu'on le retrouve ou non, je ne veux plus jamais te voir
auprès de ma famille.
‒ Derrick s'il te plaît ne me rejette pas. Vous êtes ma seule
famille.
‒ Si nous l'étions tu n'aurais jamais accepté que Daniel nous
détruise. Garde surtout ton fils loin de ma fille.

QUELQUES SEMAINES PLUS TARD

***ALEXANDRA
Enfin je suis libre. Les aveux de Djénéb qui ont prouvé que je
n’étais que le pion d'une machination m'ont blanchis. Je
n'aurais plus à purger six mois de prison. Selon ce qu'elle a dit,
Tiger avait pour mission de m’éliminer pour faire mal à mes
parents. Je n’en revenais pas lorsque mon Avocat m'a informé
des derniers évènements. Mon Dieu, oncle Dani ! Je n'aurai
jamais cru ça de lui. Il était pourtant si gentil avec nous. On ne
finira donc jamais de connaître les personnes qui nous
entourent. Tante Mélodie est en prison le temps de démontrer
qu'elle n’était pas la complice de son mari. Mais je crois
qu’elle va quand même être sanctionnée pour avoir fermé sa
bouche sur ce qui s’était passé les années en arrière contre ma
mère. Parlant de ma mère, j’ai tellement envie de la voir, de la
serrer dans mes bras. Elle m’a grave manqué. J’ai toujours été
en manque d'une affection maternelle alors maintenant qu'elle
est là j'aimerais en profiter au maximum.

Une fois hors de la prison, je cours vers mon père qui m’attend
adossé contre sa voiture. Il m'ouvre ses bras et je m'y jette.

‒ Enfin je te serre de nouveau dans mes bras mon poussin.


‒ Comme tu m'as manqué mon petit papa.

Nous nous étreignons de longues minutes avant de nous


séparer.

‒ Alors où sont les autres ?


‒ Au chevet de ta mère. Elle ne sait pas que tu sors
aujourd’hui. Nous avons voulu lui faire la surprise.
‒ J’ai hâte de la voir.
‒ Elle sort de la Clinique aujourd’hui donc nous irons
directement l'attendre à son appartement.
‒ Allons-y donc.

Sur le trajet, je ne fais que lui raconter mon petit séjour en


prison. Il est vrai que c’est un endroit flippant mais on y
rencontre des gens au grand cœur. Toutes les personnes qui se
trouvent dans cet endroit ne sont pas foncièrement méchantes.
D'autres sont justes des victimes. J'en ai connu quelques-unes
qui m'ont prise comme sœur. Être là-bas m'a appris beaucoup
de leçons. Comme par exemple qu'il ne faut pas tout prendre
pour acquis parce que ça peut nous échapper en un clin d’œil,
mais aussi qu'il faut saisir les chances que la vie nous offre
pour en faire des choses meilleures. J’ai décidé de devenir plus
mature. Je vais dorénavant prendre ma vie en main et penser à
mon avenir. Fini les distractions et les gamineries.

J'attends soigneusement derrière la porte de l’appartement. Je


les entends parler de l’autre côté de la porte. Quand celle-ci
s'ouvre et que je vois ma mère dans un fauteuil roulant et mes
frères entrer, mon cœur bondit de joie. Mon père qui est
descendu les accueillir en bas termine la boucle.

‒ Arrêtez de me traiter comme un bébé, je suis votre mère,


rechigne ma mère.
Elle lève enfin les yeux sur moi.

‒ OH MON DIEU MON BÉBÉ !!! Hurle-t-elle en s’agitant


dans son fauteuil roulant.

Elle essaie de se lever.

‒ Maman doucement, essaient de la retenir ses garçons.


‒ Foutez-moi la paix. Je dois prendre ma petite princesse dans
mes bras.

Je m’approche d'elle quand elle est debout et je n'attends pas


qu'elle me prenne dans ses bras. Je me jette littéralement sur
elle.

‒ Je n’arrive pas à croire que tu sois là, dans mes bras ma


puce. Comme tu m'as manqué.
‒ Toi aussi maman. J’ai tellement de chose à te raconter.
‒ Viens, asseyons-nous.

Nous oublions les hommes et nous asseyons dans les fauteuils.


Je lui raconte ma courte mésaventure en prison. Les autres
nous regardent discuter jusqu’à ce qu'ils en aient marres et
décident de se rendre chez Travon voir la nouvelle maman et
le bébé.
‒ Je reviens pour le dîner, préviens Will avant de rejoindre les
autres vers la porte.
‒ Reviens avec de la pizza et des hamburgers, lui demandé-je.
J'en ai grave envie.
‒ Ça marche.

Je vais rester vivre ici avec ma mère pour rattraper toutes ces
années perdues. Je lui fais la liste de toutes les choses que je
voudrais faire dans ma vie pour me responsabiliser. Des
projets, j'en ai eu plein la tête dans ma cellule. Maintenant je
suis prête à tous les réaliser.

Nous dégustons les pizzas et les hamburgers rapportés par


Will. Je mange avec appétit. Ça faisait longtemps que je
n'avais pas aussi bien mangé. Alors que je lutte avec la grosse
bouchée que j’ai prise, mon portable me signale un appel.
C’est Samy. Je coupe l'appel mais il se fait insistant.

‒ Tu ne vas pas le fuir éternellement. Décroche, me conseille


ma mère.

Je finis par répondre. Il me fait savoir qu’il est en bas de


l’immeuble. Je le rejoins.

‒ Qu’est-ce que tu veux ? L’attaqué-je d’entrée de jeu.


‒ Nous devons parler mon amour. Pourquoi as-tu refusé de me
voir la semaine dernière en prison ? Pourquoi me repousses-
tu ?
‒ Tu me demandes pourquoi ? Tes parents ont détruit ma
famille. Ton père a comploté pour me tuer mais au finish je
suis allée en prison. Ma mère a passé vingt-deux ans en prison
par leur faute. J’ai été privé d'elle toutes ces années, te rends-
tu comptes ? C’est sans te citer toutes les autres horreurs que
ton père a faites contre ma famille et moi. Tu veux vraiment
que je te dise pourquoi je ne veux plus avoir affaire à toi ?
‒ Mais moi je ne suis pas mon père. Je t'aime pour de vrai et
j’étais sur le point de te demander ta main.

Il sort un écrin de sa poche et l'ouvre. Il s'y trouve


effectivement une bague de fiançailles. Mon cœur tremble
mais je me fais violence.

‒ Je veux que tu deviennes ma femme. Je t'aime comme


jamais je n’ai aimé aucune autre. Ne me fais pas payer pour la
méchanceté de mes parents.
‒ Je ne peux épouser le fils de l'homme qui a brisé ma famille.
‒ Je t'en supplie, dit-il la voix brisée.
‒ Va-t’en et ne reviens plus.

Je cours à l’intérieur de peur qu'il voit mes larmes qui ne se


gênent pas de couler. Je retourne à l’appartement le cœur en
lambeaux. Je l'aime de toutes mes forces mais je ne peux être
avec lui après tout le mal que son père a fait. Ça me brise de
prendre cette décision mais c’est le mieux à faire. Comment
vivrions-nous ce genre d'amour ? Nous n'aurions pas pu. Le
mieux c’est que chacun aille de son côté. Ma mère m'ouvre ses
bras dès qu'elle me voit. En silence elle me console.

***DERRICK

Après avoir acheté les 40% de ma boîte, Clinton a demandé à


ce que nous nous voyions avec nos Avocats parce qu’il aurait
des modifications à apporter aux papiers. Je le regarde donc
prendre place dans la salle de réunion avec son Avocat qui
entame la réunion.

‒ Mon client a demandé à faire de petites modifications sur les


papiers qui vous associent.

Il sort les documents. Il nous glisse une copie et en garde une.


Mon Avocat l’examine.

‒ Au fait j’ai voulu changer le nom du détenteur des 40% de ta


boîte, continue Clinton avant que nous ne signions les papiers.
‒ Ok. Tu as trouvé quelqu’un pour te représenter ? Lui
demandé-je.
‒ Pas pour me représenter. Disons que je lui en fais cadeau.
Donc tu travailleras avec cette personne.
‒ Ok. Qui est-ce ? Je dois au moins la connaître pour une
bonne collaboration.
‒ Il s'agit de ma fiancée.
‒ Ta fiancée ? Tiqué-je. Je ne savais pas que tu fréquentais une
femme.
‒ Si. Et j’aimerais par ailleurs te remercier parce que c’est par
ton biais que j’ai fait sa connaissance. J’espère que tu ne m'en
voudras pas. Ça n'a rien de personnel. J’ai voulu t’en parler
mais il y a eu les soucis avec ta boite donc j’ai préféré garder
le silence.

Je plisse les yeux sans comprendre. Mon Avocat parait


subitement tendu. Il se racle la gorge. Avant que je ne
demande à voir le nom de la fiancée en question, la porte
s'ouvre sur…

‒ Murima ?
‒ Bonsoir. Désolée pour mon retard.

Quoi ? C’est elle la fiancée de Clinton ?


30

***DERRICK

Clinton se lève et lui tire une chaise sur laquelle elle s’assoit.
Je remarque un solitaire à son doigt. C’est quoi ce cinéma ?

‒ Attendez, c’est une blague ? Demandé-je dépité.


‒ Non Derrick, répond Murima. Je vais refaire ma vie avec
Clinton.

Je la fixe droit dans les yeux et malheureusement elle est


sérieuse. Je me lève de mon siège.

‒ Pourrais-je te parler dans mon bureau un instant ?

Je sors sans attendre sa réponse. Elle me rejoint dans mon


bureau où je ne fais que tourner en rond.

‒ Pourquoi Murima ? Je croyais que tu nous donnerais une


chance.
‒ Pourquoi l’as-tu cru ?
‒ Parce que tu m’aimes comme je t’aime. Parce que nous
avons trois enfants et un petit-fils. Voilà pourquoi je l’ai cru.
‒ Et tu crois que c’est suffisant ?
‒ Que veux-tu d’autre ? Dis-moi et je te le donne.
‒ La sécurité.
‒ Pardon ? Buté-je.
‒ La tranquillité, la paix du cœur…
‒ Qu’est-ce que tu racontes ?
‒ Toute ma vie n’a été qu’un champ de bataille. Nous avions
cru tout ce temps que c’était à cause de ma vie de junkie mais
non, tout ça venait de ton côté et jamais Derrick, jamais tu
n’as soupçonné quoi que ce soit et jamais tu n’as pu nous
protéger les enfants et moi.
‒ C’est donc pour ça que tu me quittes pour un autre ? Ou est-
ce parce que ma fortune a dégringolé.
‒ Arrête avec tes âneries. Tu sais très bien que je n’ai jamais
été ce genre de femme.
‒ ALORS QUOI ???
‒ IL EST TEMPS QUE JE PENSE A MES ENFANTS ET
MOI, hurlé-je à mon tour. Il y a maintenant un petit-enfant.
Jamais tu ne pourras les protéger contre tes proches.
‒ C’était avant.
‒ Tu as passé toute ta vie près de ton pire ennemi et jamais tu
n’as rien su des pièges qu’il te tendait. Ce n’est pas maintenant
qu’il est dans l’ombre que tu le verras opérer. Tu n’as même
jamais su que ta femme te faisait cocu alors que ça se voyait
comme le bout du nez. Même ta mère, tu ne l’as pas vu venir.
Sans oublier ton ami le Commissaire. Nos vies sont toujours
en danger et tant que nous serons ensemble, nous serons la
cible des méchants. Je n’ai plus la force de supporter la
mauvaise éducation et les coups foireux de ta mère, les œuvres
de ton meilleur ami et ton ex-femme. J’ai besoin de paix.
‒ Tu vas donc les laisser gagner ?
‒ Tu ne comprends pas que c’est aussi pour toi que je le fais ?
Moi à tes côtés, ta vie sera toujours en danger de mort. La
mienne et celle de nos enfants aussi.

Elle ferme les yeux.

‒ Je ne veux pas vivre avec la peur constante de vous perdre,


ajoute-t-elle la voix tremblante. Je veux aussi ma part de
bonheur.

Face à ses larmes je ne peux qu’avoir le cœur brisé. Je n’ai


plus la force de retenir mes larmes. Toutes ses paroles sont
véridiques. Je n’ai jamais su la protéger et toutes ces années je
l’ai blâmé en croyant que c’était son passé la cause de notre
séparation alors que tout venait de mon côté. J’ai toujours été
aveuglé par les miens. Je pensais pourtant tout recommencer
avec elle et nos enfants. Je voulais sincèrement recoller les
morceaux, rattraper mes erreurs et réparer les dégâts causés
par Daniel. Mais ça se voit que Murima est à bout. Je n’ai pas
d’autre choix que de la laisser s’en aller. Je me rapproche
d’elle et la prends dans mes bras. Tout son corps est pris de
tremblement. Elle a vraiment besoin de souffler.
‒ Je te demande pardon pour tout ce que tu as subi par ma
faute Murimami. Sincèrement pardon.

Elle resserre ses bras autour de moi.

‒ Sache que je t’aimerai toujours et je serai toujours présent


pour toi.
‒ Je le sais, répond-t-elle la gorge serrée.

Je prends sa tête en coupe.

‒ Tu me permets un baiser d’adieu.

Elle fait oui de la tête. Je capture ses lèvres délicatement pour


me les imprégner une dernière fois. J’y vais doucement de
peur de trop vite devoir y mettre fin. Nos langues s’aiment
encore et encore. Je mets fin au baiser malgré moi lorsque
mon excitation se fait intense. Je pose un dernier baiser sur
son front.

‒ N’en veux pas à Clinton s’il te plaît ! Il n’a rien contre toi.
‒ Je le sais. C’est moi qui ai été con de lui avoir donné la
permission de te courtiser alors que je t’aimais encore.
Je la serre de nouveau dans mes bras.

‒ Mais le point positif c’est que nous travaillerons ensemble,


dis-je pour me donner une raison d’accepter cette décision qui
me brise en mille.
‒ Oui. J’ai aussi demandé à Will de nous rejoindre. Xandra
aussi sera de la partie. Toute la famille doit être unie pour
relever la boite.
‒ Tu as raison.

Nous nous décisions à retourner auprès des autres après nous


être repris. Murima se rassoit près de Clinton. Nous signons
les papiers qui font de Murima la directrice au même titre que
moi de notre boite puisqu’en plus des 40% qu’elle vient
d’acquérir je lui en avais déjà donné 10. Nous avons donc
chacun une moitié des actions de l’entreprise. Clinton
demeurera juste un partenaire d’affaire. Nous échangeons des
poignées de main pour sceller l’accord.

‒ J’espère que tu prendras mieux soin d’elle, dis-je à Clinton


en lui tenant la main.
‒ Je t’en fais la promesse.

Je fais un léger hochement de tête. De retour à la maison qui


est en réhabilitation, je m’enferme en haut dans mon bureau.
Je ressasse toutes ces choses qui nous sont arrivées. Moi aussi
j’ai besoin d’un break. J’ai besoin de souffler. J’ai surtout
besoin de me concentrer sur Daniel et Pétra. Tant qu’ils seront
en cavale, ils représenteront des dangers pour ma famille.
C’est de leur faute si j’ai perdu la seule femme que j’ai aimé
toute ma vie. Je dois les faire payer. Quoi qu’il m’en coûte.

J’avale un énième verre quand la porte s’ouvre sur ma mère.

‒ Je n’ai vraiment pas envie de te voir, maman.


‒ Je suis venu voir comment tu vas, répond-t-elle avec
tristesse pour une fois depuis des années.
‒ Je veux être seul.
‒ Chéri !
‒ MAMAN !!!

Je respire un grand coup. Je me lève avec mon verre à la main.


Je marche jusque devant elle.

‒ La femme que j’aime va se marier à un autre. J’espère que


maintenant tu es satisfaite. N’est-ce pas que tu la voulais loin
de moi ? Bah c’est fait.
‒ Je… je te demande pardon mon chéri. Je croyais bien faire.
‒ Toi, la grande Dame WILLAR tu me demandes pardon ? Et
pour quelle raison ?
‒ Je… j’ai fait des erreurs de jugement.
‒ Ton pardon ne changera rien. Je veux seulement que tu
restes loin de moi parce qu’à chaque fois que je te verrai je me
rappellerai de toutes les horreurs que tu as dites sur Murima et
Will. Je n’oublierais jamais que c’est toi qui as réceptionné et
déchiré toutes les lettres que Murima m’avait envoyées depuis
la prison. Je te l’avais demandé et tu m’as dit non. Il a fallu
que Djénéb le confesse dans sa vidéo. Tu as couché avec le
Juge pour qu’il augmente la peine de ma femme. Elle devait
en prendre pour seulement dix ans parce que les preuves
contre elle n’étaient pas très tangibles mais par ta faute elle en
a fait vingt-deux. Et là encore c’est parce qu’elle a eu une
bonne conduite. Comment as-tu pu faire toutes ces horreurs à
ma famille ? Comment as-tu pu me cacher que j’allais avoir un
autre bébé ? Comment as-tu pu laisser ta petite-fille mourir en
prison maman ? Et tu as pu te regarder dans la glace après ça ?

Elle est prise d’un sanglot.

‒ Je te demande pardon. J’ai cru bien faire. Je ne savais pas ce


que faisait Daniel dans l’ombre. J’ai cru qu’il me couvrait
juste.
‒ Tu es juste une sorcière.
‒ Ne me dis pas ça je t’en prie.
‒ Je ne veux plus jamais te voir.

Je la plante dans le bureau. Je la déteste tout comme les autres.


La vidéo de Djénéb nous a révélé tellement de chose. C’est ma
mère qui a payé Debby pour qu’elle puisse coucher avec
Travon et tomber enceinte dans le seul but de dégager Imelda.
Le bébé qu’elle attendait n’était d’ailleurs pas de lui. Le test
ADN était faux. C’est aussi elle qui a encore fait falsifier le
test ADN de Will. Tout ça en complicité avec Daniel. Les
seules choses qu’elle ignorait c’était les tentatives
d’assassinats contre les membres de la famille parce que
malgré tout elle ne voulait pas avoir du sang sur les mains.
N’empêche qu’elle demeure une criminelle à mes yeux. Ce
sont toutes ces révélations qui ont poussé Murima vers un
autre. Je les déteste tous.

***IMELDA

Je suis trop heureuse d’être enfin mère. Ma joie est à son


comble surtout quand je vois mon petit trésor. Bwelili, son
deuxième prénom qui signifie Étoile dans ma langue. Il est
mon étoile. Il a illuminé nos vies à son père et moi. Travon est
complètement gaga de son fils. C’est lui qui s'en occupe les
nuits avec ma mère qui est venue s’installer momentanément
avec nous le temps que je me rétablisse. J’ai eu tellement peur
de perdre mon bébé mais Dieu merci tout s’est bien déroulé
même si j’ai fait un prématuré. On ne croirait même pas que le
bébé en est un parce qu’il est super en forme et en parfaite
santé.

Nous avons enfin aménagé dans notre superbe maison. C’est


normal qu'elle ait tant tardé vu comme elle est énorme. Je
l'adore néanmoins. Il y a au total cinq chambres pour enfant
déjà prêtes. Travon veut déjà qu'on en fasse un deuxième. Ou
du moins deux autres. Il veut ses jumeaux. Moi aussi j'en
veux. J’ai gardé à l’esprit que je devais avoir des jumeaux
donc maintenant je le désire encore plus.

‒ Je suis jaloux de ce bébé.

Je relève les yeux de Travis pour les poser sur son père qui
entre dans la chambre.

‒ Lui il a le droit de téter et moi pas, se plaint-il faussement en


s’asseyant près de moi allaitant son fils.
‒ Arrête tes conneries, rigolé-je.

Il enfouit sa tête dans mon cou. Je sens ses lèvres me


chatouiller.

‒ Arrête Travon !
‒ Ton corps me manque. Tu te rétablis quand ? J’ai hâte de me
retrouver en toi et te laisser deux petites graines.

Je ne cesse de rigoler. Il arrête quand Travis couine.

‒ Arrête de te plaindre petit garçon, lui dit Travon. Elle est ma


femme avant d’être ta mère. Ne m’oblige pas à t'emmener
vivre avec ta grand-mère Murima jusqu’à tes cinq ans.
J’éclate de rire. Travon me baise le front.

‒ Tout le monde est en bas. Derrick ne sera pas présent. Il


viendra plus tard.
‒ Ok j'arrive.

Nous descendons tous les deux rejoindre nos familles. Nous


avons organisé un grand déjeuné pour montrer notre nouvelle
maison. Mon grand-frère aussi est présent. Murima me prend
le bébé des bras quand je descends les escaliers. C’est agréable
d'avoir toute la famille réunie même s'il manque Derrick. Moi
je sais pourquoi, mais pas les autres. Murima annoncera son
prochain mariage après le déjeuner à ses enfants. Espérons que
ses enfants acceptent la nouvelle.

Ma mère et ma belle-mère ne cesse de discuter en Punu sans


se préoccuper de nous.

‒ Il faut que j’apprenne cette langue, dit Travon en piquant


dans son assiette. J’ai l’impression à chaque fois qu'on me
casse du sucre sur le dos.
‒ Exactement, répond ma mère. Je disais à ta mère qu'elle
devait vous emmener faire un séjour au village pour que vous
en sachiez davantage sur vos origines.
‒ Ce n’est pas une si mauvaise idée, approuve-t-il. On devrait
y aller aux prochaines vacances.
Nous approuvons tous. Je dois avouer que ça fait des lustres
que je n’ai pas vu mon pays. J'avais cinq ans quand mes
parents et moi sommes venus nous installer ici à Londres. Ça
me ferait du bien d'y retourner.

Alors que nous terminons de partager le festin, l'une des


domestiques nous informe qu'il y a une personne pour nous.
Travon et moi allons voir et grande est ma surprise de voir
Dame WILLAR. Je suis deux fois plus surprise de ne pas voir
son air hautain sur son visage. Mais plutôt de la tristesse.

‒ Bonjour, salut-elle.

Seul son petit-fils répond mais avec désinvolture.

‒ Comment vas-tu Imelda ?


‒ Que pouvons-nous faire pour toi Yvanna WILLAR ? Lui
demandé-je
‒ Je… je suis venue voir mon arrière-petit-fils. Et aussi
profiter pour… Je…
‒ Mamie, sans vouloir te manquer de respect, je te
demanderais de rester loin de ma famille. Tu nous as assez fait
de mal.
‒ Je vous demande pardon. Vous êtes ma seule famille. Ne me
chassez pas de vos vies.
‒ Nous ne te chassons de nos vies. Nous continuerons de
prendre soin de toi mais les choses ne seront plus comme
avant. Je ne te laisserai plus la plus petite occasion de faire
encore du mal à ma femme, à ma mère ou à mon petit-frère
puisque ce sont eux qui ont été tes victimes uniquement à
cause de leur couleur de peau. Tu as perdu ta famille à cause
de ton satané racisme.
‒ Je regrette tout ce que j’ai fait mon chéri. Daniel m'a…
‒ Ne l'accuse surtout pas. Ce n’est pas lui qui t'a demandé de
coucher avec le Juge uniquement pour qu’il fasse augmenter la
sentence de ma mère.
‒ Mon chéri ! Pleure-t-elle en voulant le toucher.

Il recule.

‒ Non va-t-en !

Elle détourne les yeux derrière nous. J'y jette un coup d’œil et
je vois Will et Xandra arrêtés de part et d'autre de leur mère.
Dame WILLAR baisse les yeux quand son regard croisé celui
de Murima. Elle part en silence. Je prends la main de Travon
pour lui communiquer mon soutien. Il aime sa grand-mère
mais il a eu vachement mal d’apprendre tout ce qu'elle a fait.
Murima demande à nous parler dans le salon. Une fois
installés, elle prend la parole.

‒ Bon voilà, je ne vais pas passer par quatre chemins pour


vous le dire. Je… vais me marier… avec Clinton.
Travon et Xandra plisse les yeux. Will n'a aucune réaction.
Murima les regarde attendant une réaction.

‒ Pourquoi Clinton ? Demande Xandra. Je croyais que papa et


toi vous vous remettriez ensemble maintenant que toutes les
vérités ont été dîtes.
‒ Je sais mais… après réflexion j'en suis arrivée à la
conclusion que j’ai aussi besoin de souffler. D'aller voir
d'autres cieux.
‒ Tu n'aimes plus papa ? Questionne encore Xandra.
‒ Votre père restera à jamais l’amour de ma vie. Mais tout
comme toi et Samy l'amour ne suffit pas pour être ensemble.
On peut aimer une personne de toute son âme sans que son
bonheur ne soit au côté de cette personne. Je le fais aussi pour
vous. Tant que je resterais aux côtés de votre père, vous serez
toujours menacé par Daniel. Vous avez aussi besoin d’être
heureux. Je refuse que vous payiez pour nos choix à nous vos
parents.
‒ Tu te maries donc uniquement par peur qu’il nous arrive
quelque chose ? Sous-entend Travon.
‒ Pas seulement ça. Même si ce n’est pas pareil à celui de
votre père, j’ai aussi des sentiments pour Clinton. Lui aussi
m'a démontré qu’il serait toujours là pour moi.
‒ Oui je peux témoigner, ajoute Will. Il a été d'un grand
soutien pour maman quand ça n'allait pas. Il m'a aussi
beaucoup aidé. J'avoue que je voulais vraiment que papa et
maman se remettent ensemble mais je sais que maman sera
aussi heureuse avec Clinton. Il est un homme au grand cœur.

Murima sourit à son fils en guise de remerciement avant de se


tourner vers les deux autres.

‒ J'ai aussi besoin de votre accord, leur dit-elle.

Travon regarde Xandra qui hoche légèrement les épaules.

‒ Tant que tu es heureuse maman, nous le sommes aussi,


répond Travon.
‒ Merci beaucoup mes amours.

***WILL

Ma mère se marie aujourd’hui avec Clinton dans le jardin de


sa maison. Il y a très peu d’invités. Les deux mariés n'ayant
pas une très grande liste d'ami se sont contentés des personnes
proches. Enfin plus du Côté de Clinton parce que du côté de
maman il n'y a que nous ses enfants et les parents d'Imelda.
J’ai essayé de mon côté de joindre Aurelle mais sans succès.
Depuis cette nuit qui a tout chamboulé, elle a pris ses
distances avec moi. Je n’ai pas insisté pour la voir parce que je
savais qu'elle avait été traumatisée donc un peu de recul ne lui
aurait pas fait de mal. Seulement là ça fait plusieurs semaines
et toujours pas de nouvelles. Elle a bloqué mes contacts. Je me
suis même rendu chez elle mais sa tante m'a fait savoir qu’elle
était absente pourtant elle y était selon son petit cousin qui
m'avait ouvert la porte en premier. J’ai alors compris que
c’était terminé entre nous. Son silence était juste une rupture.
J'avais pourtant acheté une bague le lendemain de la tragédie
pour lui faire ma demande. J’étais face à la mort et la seule
chose que je regrettais dans ma vie c’était de n'avoir pas eu le
temps de fonder une famille. Mais lorsque nous nous en
sommes sortis, le premier engagement que j’ai pris c’était de
devenir plus responsable, me marier et avoir des enfants. C’est
pour cette raison que j’ai décidé de rejoindre la famille à la
boîte la remettre sur pied. Je continuerai de peindre parce que
ça reste ma passion. Ce sera mon second boulot. Généralement
les expositions se font les week-ends donc je pourrais agencer
mes deux activités.

Je retrouve Imelda et Xandra qui discutent dans un coin du


jardin. Ma mère est encore en train de se préparer.

‒ Je suis certaine que tu fais cette tête à cause d’Aurelle, me


chahute ma petite sœur.
‒ On peut dire ça.
‒ Tu n'as toujours pas de ses nouvelles ?
‒ Elle ne veut plus me voir mais après la cérémonie je compte
me rendre chez elle. Je ne compte pas renoncer aussi
facilement. Si ça doit se terminer entre nous faudrait qu'elle
me le dise en face.
Les deux sourissent.

‒ Qu’est-ce qui vous fait sourire ?


‒ Je crois que tu n’auras pas le temps d'aller la voir, répond
Imelda.
‒ Et pourquoi ça ?

Xandra fait un mouvement de tête derrière moi. Je tourne la


tête et elle est là.

‒ Aurelle ?
‒ Salut ! Salut-elle timidement.
‒ Bon, nous allons voir où en est la mariée, informe Imelda
tout haut en faisant un signe à Xandra. A plus les tourtereaux.

Elles me font des clins d’œil avant de s'en aller. Je m’avance


vers Aurelle.

‒ Je n'avais plus de nouvelles, lui dis-je.


‒ J'avais besoin de réfléchir. Cette nuit, m'a bouleversé.
‒ Je sais.
‒ J'allais mourir pour une histoire dont j’ignorais l’existence.
J'avais besoin d'y voir un peu mieux nous concernant. Je ne
veux pas vivre dans la crainte de mourir du jour au lendemain.
‒ Je ne peux non plus pas te garantir à 100% que tout se
passera bien parce que même moi je n’ai rien vu venir. Mais je
peux te garantir que je suis prêt à te protéger même au risque
de ma vie. C’est toi que je veux Aury.

Je me rapproche d'elle et lui caresse la joue.

‒ Moi aussi Will. C’est toi que je veux. Malgré le danger que
je peux encourir. C’est pour ça que je suis revenue. Parce que
je n'arrive plus à me passer de ta présence dans ma vie.

Mes lèvres s’étirent dans un énorme sourire. Je fais sortir la


bague de ma poche. J'avais prévu aller la lui donner une fois
chez elle après le mariage.

‒ Je voulais te demander de m'épouser avant que tu ne


disparaisses.

Elle fait un grand O de la bouche. Ses yeux brillent de joie.

‒ Tu es sérieux ?
‒ Oui. Veux-tu devenir Mme WILLAR et faire partir de cette
famille à problème ?
‒ Oui je le veux. Je t'aime bébé.

Je lui enfile la bague.


‒ Je t'aime aussi.

Je la fais voltiger dans l'air. Nous nous embrassons à perdre


l’haleine. C’est un raclement de gorge qui nous sépare. C’est
Xandra.

‒ Désolée de vous déranger mais la mariée va sortir.


‒ On vous rejoint.

***MURIMA

Pas après pas j'avance vers l'autel où m'attend Clinton debout


devant l’officier du mariage. C’est Travon qui me tient la
main. En tant que mon premier enfant, il a tenu à donner ma
main à mon futur mari et lui laisser un petit mot. C’est Xandra
qui verse les pétales de rose sur mon passage. Je souris à
Imelda qui est toute heureuse pour moi. Will me fait un clin
d’œil accompagné d’un sourire. Je suis heureuse de voir
Aurelle près de lui. Je promène rapidement mon regard sur les
autres invités juste avant de retrouver Clinton.

‒ Je te la confie, lui dit Travon. Si elle pleure, tu nous auras


sur ton chemin.
‒ Elle ne versera jamais une larme. Promis.
Ils échangent une ferme poignée de main avant que Travon ne
pose ma main dans celle de Clinton.

‒ Tu es magnifique, me complimente-t-il.
‒ Merci ! Tu n'es pas en reste non plus.

Pour l’occasion je n’ai pas voulu m’encombrer avec une


grosse et longue robe blanche. J’ai quarante-cinq ans, mère de
trois enfants et grand-mère, je ne vais quand même pas me
déguiser en une jeune princesse vierge. J’ai juste opté pour un
ensemble tailleur beige et un tout petit bouquet. Je n’ai pas
mis de voile. Juste une broche dans mon chignon.

Pendant que l’officier fait son speech, je revois devant mes


yeux tout ce que j’ai vécu depuis la prison et après ma sortie.
J'en ai connu des vertes et des par murs. J’ai plus d'une fois
manqué de perdre mes enfants. J’ai subi encore et encore des
injustices et aujourd’hui je reprends ma vie en main. Je pourrai
avoir le contrôle sur tout. Plus jamais je ne serais une victime.
Plus jamais je ne laisserais quiconque faire du mal aux fruits
de mes entrailles. Je vais aussi donner une autre tournure à ma
vie amoureuse. Je n’ai connu que Derrick toute ma vie.
Aujourd’hui je me lie à un autre qui m'a lui aussi montré une
autre facette de ce que peut être l’amour. Je donne aujourd’hui
un autre sens à ma vie.
‒ Monsieur Clinton ELDER, souhaitez-vous prendre pour
épouse Mademoiselle Murima Tatiana ITSIEMBOU ici
présente ?
‒ Oui je le veux.
‒ Mademoiselle Murima Tatiana ITSIEMBOU, souhaitez-
vous prendre pour époux Monsieur Clinton ELDER ici
présent ?

Un mouvement dans le fond me fait détourner les yeux de


Clinton. Je vois derrière un buisson, Derrick arrêté, les mains
dans les poches et son regard plongé dans le mien. Il me
supplie du regard. Je lui souris légèrement. Je ne le déteste
pas. Au contraire, il occupera toujours une grande place dans
mon cœur. Jamais en sortant de prison je ne m’étais imaginée
que je me remarierais, encore moins avec un autre que
Derrick. J’aurais bien voulu que les choses soient autrement.
J’aurais voulu reformer ma famille.

Parfois, il faut penser à soi-même avant l’amour qu’on ressent


pour quelqu’un et faire le choix qui nous garantira une bonne
santé physique et mentale.

Je fixe de nouveau Clinton.

‒ Oui je le veux.
***FIN
A SUIVRE DANS LE TOME 2
Autres livres du même auteur :

1-Juste un peu d’amour


2-Ami-Amour
3-Lizzie, une exception
4-La vengeance est une femme
5-Mon cœur contre ma raison
6-Leela, la défigurée
7-Du contrat à l’amour
8-Un amour dangereux tome 1
9-Un amour dangereux tome 2
10-Un sacrifice très coûteux
11-Floriane, les épreuves d’une orpheline
12-TY : ce cœur à conquérir
13- L’autre lui
14-La vengeance est une femme tome 2
15-Si seulement…tome 1
16-Si seulement…tome 2
17-TY : Cet homme à tous prix
18-Plus qu’un regard

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@Mona LYS, 2020

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