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Les Conditions Dune Pensee de La Relatio
Les Conditions Dune Pensee de La Relatio
Didier Debaise
Introduction
continuité par rapport à une histoire des concepts, dont elle porte l’ensemble des
positions qui ont pu être opérés dans cette histoire, et en rupture. On aurait pourtant
tort de croire qu’il s’agit là d’un problème d’histoire de la philosophie ; celle ci
n’intéresse pas beaucoup Simondon, même si on retrouve chez lui des histoires de
concepts, l’instauration de gestes et de leur parcours, l’invention de formes de
pensées, leur reprise et les liens implicites qui s’opèrent dans différents domaines. Ce
qui l’intéresse particulièrement, c’est la mise en place de schèmes de pensée qui ne
sont pas qu’historiques, bien qu’ils puissent parfois être datés, liés à une époque qui
leur a donné leur condition d’existence et d’expression. Qu’il s’agisse de
l’hylémorphisme, de l’atomisme ou encore de l’empirisme, c’est à l’invention de
schèmes de pensée qui peuvent très bien ne pas correspondre à une situation actuelle
précise, n’être que virtuels, mais qui appartiennent à des formes toujours actualisables
de la pensée. C’est à travers cette manière d’envisager l’histoire des concepts, comme
un ensemble d’inventions qui forme une véritable constellation du problème, que
nous avons cherché à poser la question chez Simondon.
Il nous semble que l’essentiel se joue dans le passage de ce que nous
appellerions les relations comme simple modalité d’existence vers la relation comme
un véritable principe transcendantal1, génétique et constitutif. C’est ce passage que
1
Le concept de transcendantal est bien entendu ambigu puisqu’il renvoie à des formes disparates,
des conceptions parfois tout à fait hétérogènes. Rien n’est plus étranger à la pensée de Simondon que
la définition kantienne de transcendantal comme « toute connaissance qui s’occupe en général non pas
tant d’objets que de notre mode de connaissance des objets en tant que celui-ci doit être possible à
priori » Kant, Critique de la raison pure, Paris, Gallimard/ Pleiade, Tome 1, 1980, p. 777. Il peut donc
paraître étonnant d’utiliser le concept de transcendantal alors que Simondon cherche justement à
défaire la question des relations d’une forme à priori, générale et abstraite qui relèverait des conditions
de connaissance. Pourtant, il y a une histoire du concept de transcendantal qui dépasse le problème de
la connaissance et qui cherche à s’établir sur un espace préalable à la constitution de l’objet et du sujet
qu’on retrouve dans sa forme la plus radicale chez Schelling comme nature ou encore dans la forme de
ce qui apparaît chez lui comme un « empirisme transcendantal », comme espace de genèse, de
transformation, plan d’existence antérieur que viennent occuper, comme une phase, une étape, le sujet
et l’objet. En ce sens, comme le remarque J. Wahl, il y a une sorte de proximité entre Schelling et
l’empirisme : « Le philosophe qui a été le plus profondément vers l’essence de l’empirisme, c’est cet
idéaliste que fut Schelling, en nous montrant le fait du monde comme quelque chose d’irréductible,
qui s’impose à nous, et en inventant une sorte d’empirisme transcendantal qui peut être aussi légitime,
et plus légitime, que l’idéalisme transcendantal » (Jean Wahl, L’expérience métaphysique, Paris,
Flammarion, 1965, p.164). Voir aussi X. Tilliette, Schelling. Une philosophie en devenir, 2 tomes, Paris, Vrin,
1969, pp. 128-133.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 3
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
nous avons essayé de décrire. Nous nous sommes limités, dans cette optique, à
l’exposition des conditions qui permettent, à partir de Simondon, de penser les
relations.
Le geste de la coupure
« La relation est de toutes les catégories, celle qui est le moins réalité déterminée ou
substance. La relation est, comme nous l’avons dit, un mode de la quantité et elle ne
peut être matière de la substance. ”2
C’est dans la définition d’un transcendantal qui ne renverrait pas à des conditions de connaissance
mais à des formes d’existence et de genèse que le concept nous semble pertinent pour la philosophie
de Simondon.
2
Aristote, Métaphysique, N, 1, 1088a, 23.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 4
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
3
Ibid., 1088a, 25.
4
Ibid., 1088b.
5
Pour une analyse des fondements ontologiques du problème des relations chez Aristote, voir J.R.
Weinberg, Abstraction, Relation and Induction, The University of Wisconsin Press, Wisconsin, 1965,
pp.68-78. Mais aussi A. Krempel, La doctrine de la relation chez St Thomas, Paris, 1952.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 5
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
posée, à la surface d’un autre problème où tout s’est joué antérieurement, une
ontologie implicite à la question des relations.
6
IPC, p.10.
7
R. Ruyer dans un article intitulé « L’individualité », Revue de Métaphysique et morale,
développe une intuition similaire. Il pose la question : l’indiviudalité est elle susceptible de degré ? Par
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 6
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
cette question Ruyer rejoint celle de la quiddité chez Simondon. Selon la conception de Ruyer
l’individualité est susceptible de plus et de moins, susceptible de variations ; elle est une grandeur
intensive. Simondon s’oppose à l’idée selon laquelle l’individualité serait donnée comme identité à soi,
homogène, sorte d’atome. Pour que cette variation de l’individualité soit possible, il critique la position
empiriste des relations externes, tout en marquant les limites des relations internes, qu’il rejoint malgré
tout. Ruyer, comme Simondon plus tard, refuse surtout la distinction terme – relation, au profit de ce
qu’il appelle une “ transfiguration du terme ”, celui ci ne peut donc être pensé indépendamment des
relations qui se tissent.
8
IPC, p. 14.
9
,IPC, p. 49.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 7
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
de l’expérience : l’état stable est un état pauvre qui survient lorsque tous les potentiels
d’un existant se sont actualisés. On fait comme si cet état qui est un effet, une
possibilité, était le fondement même de la réalité. L’atomisme est la radicalisation de
cette orientation. Les seules relations qui peuvent s’établir dans une vision atomiste
sont des relations externes entre les atomes, et les seuls changements ne peuvent être
qu’extérieurs, l’impulsion ne peut venir que du dehors. L’atomisme est une tendance
naturelle de la raison qui fait d’une réalité appauvrie l’image même du réel.
Dès lors, toute une série de difficultés émergent, qui n’ont cessé de se répéter,
pour exprimer le mouvement, l’excès par rapport aux formes stables, ce que Bergson
appelait « la surabondance du réel ». A chaque fois, au lieu de s’installer dans la
mobilité et le processus, il s’agit de reproduire la genèse, le devenir, à partir de ces
états, entrainant un ensemble de situations complexes sur la recomposition du
processus à partir des états. Il y a, bien entendu, une réelle proximité sur ces points
avec Bergson, lorsqu’il fait de l’immobilité le fondement du mode d’existence de la
représentation, lorsqu’il remarque que « c’est toujours à des immobilités, réelles ou
possibles qu’elle veut avoir affaire »10. L’immobilité qu’on veut penser comme le
fondement de la réalité est un effet des possibilités de représentation lié à la
détermination d’un champ d’action possible. Il faut qu’il y ait une sorte de
correspondance entre l’individuation de la connaissance et l’individuation de l’objet,
un même rythme d’individuation et une même orientation. Or, comme le remarque
Simondon, on fait de cette rencontre entre deux individuations, le paradigme même
de toute existence ; on fait de l’illusion d’une stabilité ou immobilité, l’essence même
de l’existence des choses : « C’est l’individu en tant qu’individu constitué qui est la
réalité intéressante, la réalité à expliquer. »11
Il y a un geste qui ne cessera d’étonner Simondon et qui consiste à extraire
l’individué du processus auquel il participe, de couper les liens qui le reliaient à son
environnement, à se donner donc, ou plus exactement à construire une réalité coupée
de toutes ses conditions et de ses modes d’existence, une réalité abstraite, pour
10
H. Bergson, La pensée et le mouvant, Paris, Quadrige/PUF, 1985, p. 6.
11
IPC, p. 9.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 8
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
ensuite, une fois ce travail d’épuration opéré, se demander comment des relations
sont possibles. La pensée abstraite prend les effets pour les causes ; elle prend
l’individu constitué, homogène, cette réalité qui n’est plus capable d’individuation
puisqu’elle a perdu toutes ses puissances de transformation et épuisé ses potentiels,
pour la réalité elle-même. C’est à l’individuation qu’il faut remonter, à ce plan
préalable à l’individu, car “ L’individuation est un événement et une opération au sein
d’une réalité plus riche que l’individu qui en résulte.”12
La question des relations pour être correctement posée implique un nouveau
renversement : au lieu de penser l’individué, sur lequel reposait la question du terme,
et l’ensemble des procédures qui le rendent possible et le définissent – la stabilité,
l’identité et l’homogénéité -, il faut revenir au processus. Dans la mesure où
individuation et relation sont profondément liés, il faut les opposer à toute pensée
qui privilégierait le terme, la substance dans la relation, l’individué comme finalité de
l’individuation.
Relation et Individuation
12
IGPB (edition de 1964), p. 72. Nous nous référons à l’édition de 1964 sauf lorsque nous
précisons l’édition de 1995, notamment pour les compléments qui y ont été fait.
13
IGPB, p. 30
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 9
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
“L’individu n’est pas considéré comme identique à l’être ; l’être est plus riche, plus
durable, plus large que l’individu : l’individu est individu de l’être, individu pris sur
l’être, non constituant premier et élément de l’être. ”15
14
IPC, p. 30
15
IPC, p. 220.
16
IPC, p. 196
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 10
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
« La nature dans son ensemble n’est pas faite d’individus et n’est pas non plus elle-
même un individu: elle est faite de domaines d’être qui peuvent comporter ou ne pas
comporter d’individuation. »17
17
IGPB, p. 73.
18
IGPB, p.123
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 11
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
un, il est capable d’expansion à partir de lui-même ; l’être ne subsiste pas par rapport
à lui-même ; il est contenu, tendu, superposé à lui-même, et non pas un »19.
La première condition pour qu’une individuation puisse se produire est donc
l’émergence d’un espace relationnel entre éléments hétérogènes produisant donc
l’accumulation d’une énergie potentielle qui place le système dans un équilibre
métastable, une logique de l’hétérogène. C’est la rencontre entre un système
surtendu, métastable, et une singularité20 – souvent externe au système remarque
Simondon – qui brise l’équilibre et permet l’actualisation de l’énergie potentielle.
Cette rencontre libérant une énergie potentielle se déploie dans l’environnement du
système selon un modèle que Simondon appelle l’opération transductive :
« L’opération transductive serait la propagation d’une structure gagnant de proche en
proche un champ à partir d’un germe structural »21. Le germe structural est la
singularité, et la structure, le système en équilibre métastable. Le modèle même de la
propagation est la structuration de proche en proche.
Enfin, deuxième condition de la relation : ce qui émerge de l’individuation,
ce n’est pas l’individu mais le couple individu-milieu, c’est à dire une dimension
supérieure et plus étendue que l’individu. Le milieu associé est ce qui produit
l’inadéquation de l’individu à lui-même dans la mesure où l’individu est pris sur l’être,
sur une nature préindividuelle, qu’il porte avec lui, comme un milieu, chargé de
potentialités, de singularités qui sont des amorces de nouvelles individuations et
d’indétermination. C’est le mode le plus fondamental de la relation qu’on voulait
réduire au simple principe d’identité : il y a d’abord une tension relationnelle de
19
IGPB, p. 284.
20
Les singularités sont des amorces d’individuation. Il ne faut tout d’abord pas confondre
singularités et termes (quelque soit le statut ontologique qu’on accorde au terme). Car les singularités
chez Simondon sont préindividuelles alors que les termes sont individués, selon une forme d’identité.
Deuxièmement, et ce point est lié à la confusion entre termes et singularités, il faut éviter toute
approche abstraite des singularités. Si les singularités se déploient dans une nature préindividuelle, elles
ne prennent sens et ne sont amorce d’individuation que par une rencontre avec un système en
équilibre métastable. « Elle peut être la pierre qui amorce la dune, le gravier qui est le germe d’une île
dans un fleuve charriant des alluvions : elle est le niveau intermédiaire entre la dimension
interélémentaire et la dimension intra-élémentaire », IGPB, p. 36
21
IPC, p. 32.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 12
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
l’individu et d’un milieu associé, qui le prolonge, formant une véritable structure
réticulaire. Le milieu associé ne doit pas être pensé comme extérieur ou intérieur à
l’individu, ce serait à nouveau produire une logique substantialiste où l’individu serait
donné indépendamment de ce milieu, et reproduire une pensée abstraite de la
relation. Mais plus justement, l’individu est toujours en deçà de l’identité, par une
inadéquation à lui-même, et en même temps l’individu est toujours au-delà de
l’identité par l’ensemble des relations qui se tissent avec ce milieu associé, avec cette
nature indéterminée qu’il porte avec lui toujours plus étendu, plus large, que l’identité
qu’on voudrait lui attribuer. En deçà et au delà de l’unité, l’individu est avant tout
hétérogène, et c’est cette inadéquation qui explique que l’individuation est
permanente et non produite une fois pour toutes. La pensée de l’individu et d’un
milieu associé, participant de son identité ou plus exactement au fondement de son
identité, produit une immanence du devenir à l’individu. L’inadéquation n’est pas
accidentelle ou secondaire, elle est au fondement de l’individu et de ses capacités de
transformation par les tensions internes qui s’y cristallisent.
Le renversement qui s’opère dans “ l’être comme relation ” est de substituer
la relation à la substance, à ne plus faire de la substance qu’une sorte de
ralentissement des relations, un ralentissement dans le rythme de l’individuation.
Avant ces bifurcations, ces coupures dont on cherche à rétablir, postérieurement, les
liens, il y a “ l’être comme relation ”, c’est à dire non pas l’être dans une relation, ou
l’être préalable à la relation, mais être et relation comme une seule réalité d’où émerge
l’ensemble des processus d’individuation. La proposition que “ l’être est relation ” est
un véritable renversement qui produit le passage de la relation comme simple
modalité d’existence, réalité inférieure et réduite à la question de la substance, à un
véritable principe transcendantal, élément constitutif de la genèse et de la production
de l’individué ou encore “ quand on dit que la relation est de l’être, on ne veut pas
dire que la relation exprime l’être, mais qu’elle le constitue ”22.
Le renversement dont nous parlions consiste à produire une nouvelle
économie de la relation, à établir un nouveau lieu, plan, pour penser les relations ;
22
IGPB (édition de 1995), p. 126.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 13
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
« Que les êtres consistent en relations, que la relation, par là, ait rang d’être et
constitue l’être, voilà sans doute le postulat ontologique ou plutôt ontogénétique, central
pour une philosophie de l’individuation. »23
23
M. Combes, Simondon. Individu et collectivité, Puf, 1999, p. 40.
24
« On n’étudie pas l’individuation en général, mais l’individuation d’un être physique ou d’un être
vivant, d’un cristal ou d’un électron, d’un végétal ou d’un animal, les caractères de l’individuation du
vivant ne pouvant apparaître qu’à l’occasion de l’étude spécifique de tel ou tel groupe de vivants… »
M. Combes, op. cit., P. 36
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 14
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
25
M. Combes, Op. Cit, p.36
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 15
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
nous entendons par ontologie ce qui est producteur de l’individué, ontogénèse, qui
est impliqué par l’identification de l’individuation et de la relation : les êtres, avant
d’exprimer une quelconque identité ou essence, reposent sur des relations qui les
fondent, et ce sont celles ci qui déterminent les formes et les modalités qui rendent
possibles l’identité et la singularité d’un système. L’identité est produite par le type de
relation qu’un système en individuation mobilise. L’individu lui-même, comme phase
du processus, repose sur des relations et les prolonge tout au long des individuations
successives dont il est l’agent, ou encore « L'individu est théâtre et agent de
relation »26. Il n’y a pas de coupure entre l’identité d’un système – l’individu est pensé
comme système - et ses opérations relationnelles ; c’est une même chose que de
demander ce qui fait l’identité d’un système et quelles sont ses activités de relation.
Son identité et sa singularité reposent sur le type et la forme des relations : « La
relation est une condition constitutive, énergétique et structurale qui se prolonge
dans l’existence » 27.
Il faut entendre dans ces trois termes les caractéristiques d’une ontologie de la
relation : elle est constitutive, c’est à dire qu’elle est une condition de genèse - c’est
d’un espace relationnel, pensé comme système, qu’il y a individuation - ; elle est une
condition énergétique – c’est par une relation de métastabilité qu’un système produit
une énergie potentielle, c’est à dire d’évolution et de transformations des systèmes -
enfin elle est une condition structurale, condition de quiddité qui détermine l’identité
d’un système. Ces trois rôles de la relation comme condition d’individuation, de
transformation et de structure élargissent le problème des relations qui ne se pose
plus à un moment déterminé de l’existence mais concerne autant les formes
d’organisation, d’identité que les possibilités de transformation et d’évolution des
systèmes.
Elle ne peut donc plus être pensée comme une réalité abstraite, hors de
conditions locales et singulières d’existence, encore moins comme quelque chose
d’accidentel par rapport à l’être individué, au contraire elle devient principe
26
IGPB, p. 69
27
IGPB, p. 81 (édition de 1995)
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 16
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
« Les relations sont extérieures à leurs termes : quand James se dit pluraliste, il ne dit
pas autre chose en principe ; de même, quand Russel se dit réaliste. Nous devons voir
dans cette proposition le point commun de tous les empirismes. »28
28
Deleuze, Empirisme et Subjectivité, Paris, Puf/Epiméthée, 1953, p. 109
29
A. N. Whitehead, The Concept of Nature, England, Cambridge University Press, 1964, p. 9.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 17
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
30
IGPB , p. 141 (édition de 1995)
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 18
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
31
texte de Stengers P9
32
IPC, p. 25
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 19
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
psychique et collective » comme une théorie unitaire des différents aspects du réel,
est une axiomatique capable de rendre compte des conditions de toutes les formes
d’individuation. La métaphore du cristal y occupe une place centrale. Ce n’est plus
l’individu et ses conditions qui forment un paradigme pour la pensée et le réel mais
les processus de cristallisation.
M. Combes fait remarquer l’importance du paradigme de cristallisation pour
toutes les formes d’existence : « L’analogie originelle de l’individuation physique du
cristal jusque dans la description de l’individuation collective, où Simondon définit le
groupe comme une syncristallisation de plusieurs êtres individuels »33. La
constitution de cette image de pensée est d’autant plus étonnante que Simondon n’a
cessé de revenir sur les singularités des individuations et des domaines, mais plus
encore sur la multiplicité des modes d’existences et des logiques singulières qui les
animent. En fait, la multiplicité des modes d’existence, le religieux, la technique, les
collectifs, etc., se rejoignent dans les conditions de pensée de l’individuation. C’est en
ce sens qu’il nous est difficile de suivre les implications de la pensée transductive,
notamment quant au concept de relation.
Les modes d’existence sont hétérogènes et déploient des univers qualitatifs
différents ; certes des analogies dans des processus peuvent être établies, mais
postérieurement ; les analogies sont émergentes, elles sont liées à une aventure et à
un risque de la pensée. La philosophie de Simondon reste inscrite dans un projet
d’ontologie, qu’on peut bien appeler ontogénèse mais qui n’en reste pas moins lié à
l’ambition de déterminer ce qu’est le réel et donc d’y faire correspondre l’ensemble
des manifestations multiples et des formations hétérogènes.
2°) La question de la relation chez Simondon cherche une véritable
immanence de la relation au processus d’individuation. Cette immanence est
essentielle mais sa radicalisation entraîne d’autres problèmes. Ainsi les concepts de
métastabilité, de transduction, la métaphore de la cristallisation et ce qu’elle implique,
renvoient au fait que l’individu porte avec lui ses modes relationnels, dans un
prolongement, une individuation plus large, que l’essentiel est dans le centre actif,
33
M. Combes, op. Cit., p. 28.
Didier Debaise, Les conditions d’une pensée de la relation, 20
in: P. Chabot (ed.), Simondon, Paris, Vrin
Didier Debaise