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Livre du professeur
Hélène Bart Audrey Jedrezac Claire Ridel
Collège Langevin-Wallon Lycée Jean-Baptiste Corot Collège Henri Matisse
Grenay (62) Douai (59) Grand-Couronne (76)
Certifiée Théâtre Formatrice académique
Roxane Bernard
Collège Victor Hugo Aurélie Lamadie Stéphanie Rouen
Bourges (18) Collège Claude Debussy Collège Guillaume de Conches
Certifiée théâtre Romans-sur-Isère (26) Conches-en-Ouche (27)
Professeure-documentaliste
Laurence Bot Carine Lemarié
Collège Henri Matisse Collège Victor Hugo Marie-Amélie Sery
Grand-Couronne (76) Gisors (27) Collège Pierre Corneille
Formatrice académique Formatrice académique Le Neubourg (27)
Anne Droit Vincent Molmy Mathilde Spychala
Collège Claude Debussy Collège Jean Monnet Collège Jules Ferry
Romans-sur-Isère (26) Coulogne (62) Douai (59)
Matthieu Duflos Marie Pilon Céline Walkowiak
Collège Blaise Pascal Collège Saint-Exupéry Collège René Cassin
Longuenesse (62) Forges-les-Eaux (76) Loos-en-Gohelle (62)
Formateur académique
Aurélie Plywaczyk
Isabelle Harbonnier-Valdher Lycée Anatole France
Collège René Cassin Lillers (62)
Loos-en-Gohelle (62)
Professeure-documentaliste
Formatrice en littérature jeunesse
Responsable éditorial : Gaël Gauvin
Responsable de projet : Jessica Alléguède
Édition : Sylvain Gürtler, Emma Jory
Conception graphique intérieur : Valérie Goussot, Delphine d’Inguimbert
Couverture : Guylaine Moi
Mise en page : Valérie Goussot, Delphine d’Inguimbert
Relecture : Anne Chougnet, Franck Henry
Fabrication : Miren Zapirain, Sandrine Delplace
hachette-education.com
© Hachette Livre 2022, 58, rue Jean Bleuzen, 92178 Vanves CEDEX
ISBN : 978-2-01-706694-1
ISBN à utiliser pour toute commande de l’ouvrage 1,191 kg éq. CO2
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Étude de la langue
4 > Comment créer le doute ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 24 > Comment choisir le bon homophone ? . . . . . . . . . . . . . . 196
Les modalisateurs Les homophones grammaticaux
5 > Comment former des mots et bien les orthographier ? . 172 25 > Comment former les temps simples de l’indicatif ? . . . . 197
Classe grammaticale et orthographe des mots dérivés Les temps simples de l’indicatif
6 > Comment comprendre un mot inconnu ? . . . . . . . . . . . . . 173 26 > Comment identifier et utiliser les temps
L’étymologie : préfixes, suffixes et radicaux de l’indicatif ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
Les temps simples et composés de l’indicatif
7 > Comment comprendre les relations entre les mots ? . . 174
Les réseaux de mots et les degrés d’intensité 27 > Comment utiliser le conditionnel présent et passé ? . . 199
Le conditionnel présent et passé
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Ma bibliothèque Mission plumes
À la fin du manuel vous trouverez la bibliothèque « Mission plumes » qui présente
Ma biblIothèque
les titres étudiés et évoqués dans les séquences du manuel. Ce visuel se retrouve
MIssion pluMes Imprimez
votre fIche et
créez votre propre
bIbliothèque. également dans le poster bonus distribué avec les spécimens et librement téléchar-
geable sur le site de la collection Mission Plumes :
Midnight Sun Stephenie Meyer
Honoré de Balzac
Nouvelles Guy de Maupassant
Jean Racine
Le Rouge et le Noir Stendhal
Orwell
https://www.enseignants.hachette-education.com/livres/mission-plumes-mon-
Bram Stoker
manuel-francais-cycle-4-4e-livre-eleve-ed-2022-9782017066934
Dracula
Dans la version poster, quelques dos de livres sont laissés vierges, ainsi d’autres titres
Mémoires d’une jeune fille rangée Simone de Beauvoir
Sébastien Japrisot
Théophile Gautier
Le Quai de Ouistreham Florence Aubenas
4
e
n plm
sS i o
Les Yeux d’Elsa Louis Aragon
es
mi
Français
Français
d
étudiés en classe peuvent y être inscrits. Ce poster peut trouver sa place sur les murs
George San
4
Colette
e
Ovide
Jade
Un long dimanche de fiançailles
CYCLE 4
Arria Marcella
Les Amours
Indiana
Manuel Ressources
Pénélope Bagieu
Cormac McCarthy
J. M. G. Le Clézio
Suzanne Collins
La Colonie Marivaux
Hunger Games
Culottées
format fiche pour chaque élève grâce au mini-lien qui figure en 3e de couverture
Chants d’ombre Léopold Sédar Senghor
Page_garde_OK.indd 1 10/02/2022 10:04 du manuel. Les élèves apprécient d’intégrer cet outil dans leur cahier de français,
Enzo ou leur carnet de lecture, et de remplir leur bibliothèque au fur et à mesure de leurs
lectures. Il est important de leur préciser qu’ils peuvent aussi y référencer leurs
lectures personnelles, qui participent à leur parcours de lecteur au même titre que
les lectures scolaires. Certains ne rempliront qu’une étagère de cette bibliothèque,
d’autres demanderont de nouvelles fiches à remplir. Ce visuel inspiré des pratiques
de « bullet journal » a l’avantage de faire apparaître concrètement la progression
d’ouvrages lus en une année scolaire.
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choisie chaque année et quatre catégories d’âges, de 3 à 15 • Le prix Chronos porte sur la thématique « grandir-vieillir »
ans. La thématique 2022-2023 : « Un air de famille ». en littérature jeunesse. Il compte des sélections de la caté-
Voir : https://my.unicef.fr/contenu/prix-unicef-de-litterature- gorie « maternelle » à la catégorie « lycéens 20 ans et + ».
jeunesse-2023 (Jury : jeunes lecteurs.)
• Le prix Farniente est un prix littéraire belge, « par et Voir : http://www.prix-chronos.org/
pour les ados », avec un système de vote en ligne, pour • De nombreux prix sont organisés par des salons littéraires,
deux catégories de lecture. Porté par les réseaux associés, des associations locales, des comités départementaux, des
notamment un compte Instagram. Le prix est accompagné réseaux de librairies ou de nombreuses autres structures
d’un jeu « Farnient’Game », d’un projet solidaire audio publiques et privées. Le site Ricochet en recense une grande
« Farnient’audio », et d’un évènement « Farnient’party ». partie :
(Jury : adolescents.) https://www.ricochet-jeunes.org/prix-litteraires
Voir : https://prixfarniente.be/
ers
ateli Mission lecture ! p. 14-15
de ren t rée
Les ateliers de rentrée « Mission lecture ! » sont des L’atelier 4 se décline à l’écrit et à l’oral, proposant une
propositions d’activités permettant aux élèves de construire ouverture entre les médias vidéos aimés des élèves et les
leur portrait de lecteur : connaître leurs pratiques, leurs lectures qui ciblent les mêmes caractéristiques. Pour que
goûts, leur rapport aux livres et à l’expérience de lecture. cette activité soit efficace, il faut recueillir en amont
Ces activités incitent à communiquer et à produire des écrits les souhaits des élèves, puis tenter de faire une sélection
et oraux autour de la thématique de la lecture, scolaire d’ouvrages. (Un algorithme de recommandations littéraires
et personnelle. C’est l’acte de lecture qui est travaillé, et existe par exemple sur le site Babelio.com.) Du type « si
non pas les supports (ouverture à tout type de lecture : BD, vous avez aimé cette série ou ce film, vous pourriez aimer
mangas, magazines, lectures numériques…). cette lecture », cet exercice clôture un positionnement
L’atelier 1 propose aux élèves de travailler en binôme pour individuel, et permet à la fois aux élèves de se connaître,
sécuriser la parole. L’objectif de cette activité est de faire mais aussi de découvrir des propositions de lectures recom-
prendre conscience aux élèves que certains ont déjà des mandées selon leurs goûts. La recommandation peut être
pratiques de lecture. Pour les autres, on peut leur proposer faite par les professeurs documentalistes, les professeurs de
de se projeter et d’imaginer quel type de lecteurs ils pour- français, mais aussi par les élèves eux-mêmes, entres pairs.
raient être. La fiche à télécharger « Ma mission lecture » est un
L’atelier 2 s’appuie sur l’écrit et la photographie, et incite modèle qui peut permettre aux élèves une restitution de
les élèves à construire leur autoportrait de lecteur. Ils lecture. Elle peut être insérée dans un outil pédagogique
peuvent s’appuyer sur leurs réponses à l’atelier 1, ayant déjà du type « cahier de bord » ou « carnet de lecture ». On peut
fait émerger plusieurs pistes individuelles. Il est possible proposer aux élèves en difficulté de lecture une différencia-
de faire un portrait de « petit » lecteur, comme il s’agit tion pédagogique avec l’aide d’une autre fiche de type
d’atelier de rentrée, mais il est important de faire prendre « notes de lecture fractionnée ».
conscience aux élèves qu’on attend d’eux une progression.
TESTÉ EN CLASSE ET AU CDI Les réponses indivi-
Pour la deuxième partie de l’atelier, la photo demandée
est une photo scénarisée, c’est-à-dire qu’elle doit mettre duelles aux ateliers peuvent être intégrées dans les pre-
en scène le rapport de l’élève à la lecture : un élève qui aime mières pages du carnet de lecture des élèves. C’est un
lire plusieurs livres à la fois peut se prendre en photo avec positionnement de début d’année qui permet aux élèves
plusieurs titres en main, un autre qui n’aime pas trop lire de se définir en tant que lecteur. Les activités peuvent être
peut utiliser un langage corporel adapté… proposées à plusieurs reprises dans l’année, pour évaluer
une évolution du parcours de lecteurs des élèves, de leur
L’atelier 3 mobilise l’oral et interroge les techniques de
zone de confort de lecture, de leurs pratiques… ce carnet
choix de lectures. Il s’agit d’une activité classique en classe
peut aussi accueillir des pages libres ou des pages du type
de français et au CDI autour de l’objet-livre (rappel du voca-
« challenge de lecture », selon les envies des élèves.
bulaire, analyse de l’illustration, hypothèse de lecture…).
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La fiction pour interroger le réel
Maupassant, « l’émotion
1 de la simple réalité » > p. 16
1 Présentation de la séquence
Le manuel Mission Plumes 4e s’ouvre sur une première les récits réalistes ne sont pas qu’une description de la
séquence dont le questionnement est « La fiction pour réalité sociale du xixe siècle. Maupassant, comme Zola,
interroger le réel ». Celui-ci incite, en classe de 4e, à Flaubert ou encore Balzac, cherche l’objectivité, l’imper-
explorer les nombreuses relations entre le monde réel sonnalité et la vraisemblance. Paradoxalement, car ils
et la fiction, propres à la littérature et aux arts. s’éloignent ainsi de leur désir d’impartialité, ces auteurs
La séquence s’intitule « Maupassant, “l’émotion de la font passer des messages dans leurs œuvres : critique de
simple réalité” ». Sous l’apparente simplicité de la narra- la bourgeoisie, dénonciation de la bêtise humaine ou
tion et du thème abordé se cache une réalité, toujours de l’avarice, satire de l’hypocrisie, violence des relations
intense, qui va devenir brutale et terrible. Dans chacune familiales.
des trois nouvelles intégrales de notre chapitre – « Un Ces réflexions, adaptées à un public d’élèves de 4e,
parricide » (1882), « La Dot » (1884) et « Le Petit Fût » sont indispensables pour comprendre certains conflits
(1884) – le lecteur assiste impuissant à la crise que vivent humains, qui n’ont finalement pas vraiment évolué au fil
les personnages, dont la vie va changer de manière des siècles.
radicale… ou fatale. Il est à noter deux points qui favorisent la différenciation
La littérature dite « réaliste » interroge le fourmillement et qui permettent à tous les élèves d’être sensibles aux
de la vie pour en dégager un sens. Maupassant, dans la messages liés à nos trois nouvelles :
préface de Pierre et Jean (1887), écrit : « Son but n’est point – l’intégralité des nouvelles est accessible en version
de nous raconter une histoire, mais de nous forcer à penser, audio ;
à comprendre le sens profond et caché des événements. » – les fiches « Coup de pouce » à destination des élèves
Cf. préface de Pierre et Jean : https://fr.m.wikisource.org/ en grande difficulté scolaire et/ou porteurs de handicap
wiki/Pierre_et_Jean/Pr%C3%A9face proposent une mise en forme simplifiée des pages
Ainsi, les élèves vont être amenés, par le questionne- « Lecture » et « Atelier ». Celles-ci sont téléchargeables
ment thématique de ces trois œuvres, à comprendre que et imprimables.
2 Objectifs de la séquence
Objectifs visés : les mêmes : l’argent, l’amour, le bonheur, la quête de soi.
• Lire des nouvelles réalistes, miroirs de la société du On étudiera les caractéristiques du réalisme, dont les classes
xixe siècle. sociales font partie intégrante, mais aussi la peinture des
• Identifier les caractéristiques d’une nouvelle réaliste. défauts humains ou encore l’apparence de la réalité, grâce
• Comprendre la construction narrative d’une nouvelle. aux détails de la vie quotidienne, l’imitation du parler
• Découvrir l’impressionnisme. normand et l’ancrage géographique. On fera découvrir aux
• Écrire une nouvelle réaliste à partir de l’observation d’un élèves les contraintes imposées par le genre bref de la
tableau. nouvelle, qui voit les personnages en situation de crise,
On s’interrogera dans cette séquence sur l’imperméa- et qui rompt avec une chronologie narrative classique.
bilité des classes sociales et sur la dureté de la vie au Enfin, les élèves trouveront pour illustrer les nouvelles
xixe siècle. Les trois nouvelles étudiées sont les miroirs des tableaux de peintres impressionnistes, et, pour aller
d’une société dont les élèves constateront qu’elle a peu plus loin, une double page en « Histoire des arts » consa-
évolué, hélas, jusqu’à aujourd’hui. Les problématiques sont crée aux paysages impressionnistes.
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L’atelier écrit guidera les élèves, avec des étapes d’écri- aider à lire et à écrire », les outils de la langue qui portent
ture précises et progressives, et leur permettra de mettre sur le vocabulaire des qualités et des défauts et la phrase
à profit leurs connaissances et leurs lectures afin d’écrire, complexe, afin d’enrichir ce travail d’écriture qui peut se
à partir d’un tableau de Manet, une nouvelle réaliste faire en groupe.
complète. Ils utiliseront, dans la double page « Pour vous
3 Corrigés de la séquence
Ouverture > p. 16 sans idéal, en dépeignant la société sous tous ses aspects
On pourra commencer le chapitre en faisant paraphraser quotidiens, si dure, violente, ou brutale soit-elle.
la citation : Maupassant, « l’émotion de la simple réalité ». Ces lectures vont susciter des émotions chez de jeunes
Le genre réaliste, ou le réalisme en littérature, consiste à lecteurs : le rire parfois, la colère aussi, souvent liée aux
prendre pour objet la réalité du monde qui nous entoure sentiments d’injustice, face à des situations extrêmes vécues
et à vouloir la représenter telle qu’elle est, c’est-à-dire par des personnages ancrés dans la réalité d’une société
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organisée et arbitraire car, sous l’apparente simplicité de Cela permettra aux élèves moins à l’aise avec le déchiffrage
la narration et du thème abordé, se cache une réalité, d’accéder plus vite au sens du texte.
toujours intense et terrible. Par ailleurs, il est également envisageable de demander
aux élèves d’écouter la nouvelle chez eux, en amont de son
Quelques repères > p. 17 étude en classe.
Pour la culture des élèves, et pour la nôtre, enseignants,
POUR COMMENCER
il est possible de consulter la vidéo suivante, qui retrace
la vie de l’auteur normand : https://youtu.be/6RyC2ZnFavw On attend des élèves qu’ils comprennent que la nouvelle
Pour cette page de repères, on pourra faire un pont avec ne suit pas une chronologie classique, mais que Maupassant
le cours d’histoire-géographie sur la société au xixe siècle. a pris la liberté d’enchâsser deux récits : le récit cadre,
On demandera aux élèves de repérer sur le tableau de situé lors du procès de Georges Louis, au tribunal, et le récit
Jean Béraud les catégories sociales. encadré, qui consiste en un retour en arrière qui a pour
but d’informer le lecteur (et la Cour) des circonstances du
Passerelles double meurtre.
En ce qui concerne le réalisme, on peut demander aux élèves
La construction narrative de la nouvelle
de consulter le sommaire du manuel pour repérer les auteurs
1 a. La nouvelle commence par l’évocation de l’endroit
réalistes mentionnés dans le livre. On trouvera plusieurs
où deux cadavres ont été retrouvés. La scène se passe
exemples dans la séquence 5 « Se confronter aux autres »,
près de Chatou, ville du département des Yvelines (78), sur
dans la séquence 6 « Jetez-vous dans la presse à corps perdu »
une berge de la Seine. Les deux mondains retrouvés sont
et dans la séquence 8 « Itinéraire d’un cœur amoureux ».
présentés. Le décor est planté : c’est une scène de crime.
Lecture 1 « Un parricide » − 1882 > p. 18-22 b. LANGUE La plupart des verbes sont à l’imparfait de
l’indicatif, qui a une valeur de description. Maupassant, au
Vos objectifs début de son récit, présente non seulement les deux bour-
• Lire une nouvelle sur la justice. geois retrouvés morts, mais il présente aussi physiquement
• Découvrir les sentiments complexes du personnage prin- et moralement le personnage de Georges Louis, le respon-
cipal. sable de cet odieux crime. Ces informations vont permettre
• Comprendre ce qu’est un récit enchâssé. au lecteur de mieux comprendre le cadre de l’histoire.
• Comprendre les rapports entre les classes sociales au
2 La nouvelle commence dans un tribunal. C’est un procès
xixe siècle.
d’assises, car l’accusé, Georges Louis, est accusé d’un double
Les élèves découvriront ici un texte dont les thèmes sont meurtre, celui de ses parents.
difficiles : la bâtardise, le rejet, la recherche d’affection,
3 La nouvelle est composée de deux parties, délimitées par
l’imperméabilité des classes sociales au xixe siècle, la quête
deux astérisques (entre les l. 91-92 et les l. 269-270), situés
d’identité, le meurtre. Ils feront la connaissance de Georges
au début et à la fin du récit. Ils encadrent le récit enchâssé.
Louis, personnage complexe et torturé. La nouvelle déve-
4 Entre les deux astérisques se trouve ce que l’on appelle
loppe le cas difficile de Georges, qui a assassiné ses deux
parents pour se venger de son abandon. C’est l’accusé une analepse. Cette rupture chronologique permet le retour
lui-même qui mène sa propre défense pour justifier son en arrière au sein du récit. Elle apporte un éclairage sur
crime en racontant son enfance. La plaidoirie de son avocat un événement qui s’est passé antérieurement et explique
encadre son récit, ce qui permettra de faire comprendre le moment présent, c’est-à-dire la raison de la présence
aux élèves la notion de récits enchâssés, dont le récit enca- de Georges Louis au tribunal.
dré apporte une version subjective des raisons du double 5 Cette analepse se situe chronologiquement avant les
meurtre. premières lignes du texte.
Si vous avez aimé « Un parricide » vous aimerez… 6 La première histoire se situe entre les lignes 1 et 91,
d’autres récits sombres de Maupassant comme « L’Enfant » puis entre les lignes 270 et 273. Les élèves pourront
(paru le 24 juillet 1882 dans Le Gaulois), « L’Ermite » (paru proposer des titres comme « Le procès » ou « Au tribunal »,
dans le quotidien Gil Blas, le 26 janvier 1886), ou encore « Le portrait du criminel »... La deuxième histoire se trouve
« L’Assassin » (paru dans la revue Gil Blas du 1er novembre entre les lignes 92 et 269. On attendra des titres comme
1887), dans lesquels les liens de parenté sont bafoués « Le double meurtre », « La genèse d’un parricide »...
de manière terrible et contre-nature. Les deux titres doivent permettre de vérifier que l’élève
a compris le motif de chaque récit.
Différenciation 7 De nombreuses années sont résumées entre les lignes
Avant de laisser les élèves répondre au questionnement en 107 et 111. Il s’agit de l’enfance de Georges Louis. Ces années
autonomie, à l’écrit ou à l’oral, on peut diffuser en classe sont passées rapidement dans le récit car elles présentent
la lecture de la nouvelle grâce à l’enrichissement audio. peu d’intérêt : il s’agit d’un sommaire.
11
8 L’action dure quelques minutes, peut-être une dizaine, « il devint singuliè- Il apprécie les
le temps d’un échange difficile entre Georges et ses parents. rement intelligent, choses délicates,
Georges leur explique qu’il sait qui ils sont et qu’il ne veut avec des goûts et montre de
pas leur nuire. Les parents paniquent. Le lecteur assiste des délicatesses l’intelligence et de
à un moment dramatique. On appelle cela une scène, natives que l’éducation qui sont
Culturel
c’est-à-dire un moment court et important de l’histoire n’avaient point réservées aux
qui est développé sur de nombreuses lignes. ses camarades, classes favorisées.
Cette scène est LE moment ultime de la vie de Georges on le surnomma : Présence d’une
qui le fait basculer et qui lui fait perdre l’esprit jusqu’à “le bourgeois” » dichotomie.
(l. 31-34)
commettre le double meurtre de ses parents.
« On le disait aussi Ses idées sont
À L’ÉCRIT
fort exalté, partisan révolutionnaires et
On demande ici aux élèves de tracer une frise chronologique Idéologique/ des doctrines contre la religion.
pour résumer l’histoire de la nouvelle. politique communistes et Il s’oppose à la
même nihilistes » iiie République et
Différenciation (l. 38-39) au capitalisme.
Le traitement du temps dans la nouvelle peut poser
problème à certains d’entre eux. La création d’une frise 2 Georges Louis se fait appeler « bâtard » par les autres
chronologique leur permettra de situer les événements enfants. Le sens de ce mot est péjoratif et vieilli. Il se dit d’un
chronologiquement et de mieux s’y retrouver. On peut enfant né hors mariage, d’un enfant illégitime (voir l. 96).
imaginer leur demander d’utiliser des couleurs différentes
selon ce qui est raconté : l’enfance de Georges, la rencontre Pour aller plus loin
avec ses parents biologiques, le meurtre, la découverte Le 27 février 1883 naît à Paris Lucien, le premier enfant
des corps, la Cour ; ou leur demander combien de lignes de Maupassant, qu’il ne reconnaîtra pas. Ce thème est
sont consacrées pour chacun d’eux, pour leur faire visualiser développé par exemple dans sa nouvelle « Histoire d’une
les notions de sommaire et de scène ; ou encore de repré- fille de ferme » (1881). Le thème de la bâtardise a donc ici
senter la forme cadre et la forme encadrée pour mieux une résonance toute particulière.
leur faire comprendre la notion de récits enchâssés. 3 Georges Louis est un ouvrier, ou plus précisément un
Le portrait de Georges Louis artisan car il est menuisier, c’est-à-dire qu’il travaille le
1 bois. Il est pauvre. Ses parents sont riches (« il me faisait
travailler et payait bien », l. 153-154 ; « Maintenant, je suis
Ce que vous
Portrait Extraits du texte riche », l. 193) : ce sont des bourgeois (« il a voulu du sang,
en déduisez
du sang de bourgeois ! », l. 67).
« électeur influent Georges Louis est
4 LANGUE La première phrase comporte une apposition
et orateur habile un ouvrier qui doit
dans les réunions travailler dur et « Ce crime », qui met ce GN en valeur, de par sa position
Social au tout début de la phrase.
publiques d’ouvriers qui prend la parole
ou de paysans » facilement pour La deuxième phrase contient deux propositions construites
(l. 41) défendre ses droits. en parallèle, dont les deux compléments sont antonymes :
S. + V. + attribut du sujet : « Je fus la victime, / eux furent
« grand liseur de Ces deux citations
[...] romans à laissent à penser les coupables ».
drames sanglants » qu’il est psychologi- La troisième et la quatrième phrase sont constituées
(l. 39-40) quement fragile et chacune de deux propositions indépendantes. Ces deux
Moral phrases sont construites en parallèle et en opposition :
« je préfère même enclin à la violence.
la guillotine, je vais Il est potentielle- « sans défense/sans pitié » ; « aimer »/« rejeté ».
tout vous dire » ment dangereux. Le propos est violent : la réaction de Georges Louis est sans
(l. 87-88) appel.
« L’homme se leva. Il y a une opposition 5 « un soulèvement de la justice, de la droiture, de l’hon-
Il était de petite homme/garçon, neur, de l’affection rejetée ». Il s’agit d’une accumulation :
taille, d’un blond de entre son apparence Georges Louis vit avec un déchirant besoin de reconnais-
lin, avec des yeux et ce qu’il est sance et d’amour. C’est l’accumulation de rancœurs qui
Physique gris, fixes et clairs. vraiment. le fait basculer vers la folie meurtrière.
Une voix forte,
franche et sonore À L’ORAL
sortait de ce frêle Maupassant est indulgent à l’égard de la femme qui a fauté,
garçon » (l. 77-80) mais pas envers le père égoïste et inconscient assimilé à un
12
criminel. La bâtardise est perçue comme un questionne- HISTOIRE DES ARTS
ment sur l’exclusion, la difficulté à se construire une iden- 1 a. Dans le tableau de Pissarro, la Seine occupe tout
tité. Ce thème est développé dans la nouvelle « Le Papa de le côté gauche du premier plan, jusqu’à l’arrière-plan. De ce
Simon », publiée dans le recueil La Maison Tellier en 1881. fait, elle est visible sur tous les plans.
Une nouvelle sur la justice b. Le tableau pourrait illustrer le début du texte « On avait
1 Le tribunal demande à Georges Louis « − Accusé, n’avez- retrouvé un matin, dans les roseaux » (l. 3) ou la fin : « je
vous rien à ajouter pour votre défense ? » (l. 75-76). Georges les ai jetés à la Seine, sans réfléchir » (l. 268). La Seine est
sait qu’il va devoir s’expliquer pour éviter la « maison de le lieu où a été retrouvé le couple. Elle est donc un lieu
fous » (l. 87) ou la « guillotine » (l. 88). En racontant sa vie, important.
de sa naissance à son double meurtre, il compte justifier 2 a. Le tableau de Toulouse-Lautrec représente un ouvrier :
son acte terrible à la Cour et, peut-être, obtenir la clémence il porte une casquette, un pantalon rapiécé à la jambe droite
des jurés. avec une corde rouge pour ceinture, ainsi que des sabots.
2 Georges Louis a été rejeté par sa famille naturelle. Il est assis dans l’herbe. Ses mains sont jointes, son regard
Il a grandi en étant différent des autres enfants, en étant semble lointain, sa bouche est pincée. Par son allure, les
insulté et traité de « bâtard », pleinement conscient de élèves l’assimileront à Georges Louis. Ils situeront sans
ne pas appartenir à leur monde. Adulte, il a travaillé dur doute la scène au moment où il vient de commettre son
pour survivre. Ses parents refaisant surface, il a cherché et double meurtre. Par ailleurs, de l’eau est visible à l’arrière-
réclamé leur amour, ou tout du moins leur affection, en plan : cela peut-être la Seine dans laquelle il a jeté les deux
vain. Il s’est fait rejeter une nouvelle fois. Cela peut justifier corps.
son double crime aux yeux de Maupassant, qui lui trouve b. Le personnage donne l’impression de réfléchir. Peut-être
donc des circonstances atténuantes. est-il en train de prendre conscience de l’acte qu’il vient de
commettre. Une fois la folie meurtrière passée, il semble
3 « Une tristesse épouvantable, mêlée de colère, de haine,
abasourdi. Il se dégage également un sentiment de solitude,
de dégoût, m’envahit » : il s’agit d’une accumulation, qui
celle d’un homme simple qui n’a pas de famille.
explique comment est déclenché l’accès de colère aveugle
de Georges Louis. On parlera alors de « crise » du person- Votre bilan
nage de Georges Louis (voir réponse à la question 8 dans Dans sa nouvelle « Un parricide », Maupassant donne une
la partie « La construction narrative de la nouvelle »). vision terrible de la société et des catégories sociales de
4 L’arme du crime est son compas de menuisier, qui lui son époque. Le xixe a vu l’apparition de la société capitaliste
sert à mesurer et à prendre des mesures. Cette arme symbo- de classes, caractérisée par des appartenances de classe,
lise sa condition d’ouvrier qui aurait dû vivre une vie de des manifestations de « conscience de classe » très claires
bourgeois si ses parents ne l’avaient pas rejeté. Le champ et tranchées. Les classes sociales sont imperméables : on
lexical de la violence est « frappé » (l. 261), répété deux fois, naît ouvrier pour le rester sa vie durant.
il montre l’acharnement et la folie de Georges Louis ;
« arrachant » (l. 264), sa mère a cherché à se défendre ; Lecture 2 « La Dot » − 1884 > p. 23-27
« tuée » (l. 265).
Vos objectifs
5 Georges semble ne pas avoir pleinement conscience • Observer comment Maupassant raconte une histoire
de ce qu’il vient de faire. Il fait part de son trouble à la Cour : d’amour.
« je ne sais plus » (l. 260), « Il paraît que je l’ai tuée aussi » • Découvrir une peinture de la société du xixe siècle.
(l. 264-265). Quand il les a tués, il avoue les avoir « jetés à • Étudier le thème du voyage.
la Seine, sans réfléchir » (l. 268). On peut parler aux élèves • Identifier la mise en place d’une manipulation.
de « folie meurtrière » et de « folie passagère ». Georges
Les élèves suivront le parcours d’un jeune couple et identi-
est clairement aveuglé par la colère, la rage, conséquences
fieront la mise en place cruelle du jeune homme, unique-
d’un nouvel abandon pour lui insupportable.
ment attiré par l’argent donné sans réticence par sa jeune
6 LANGUE Les mots du champ lexical de la justice et épouse naïve éperdue d’amour. Ils voyageront par le train,
du tribunal sont : « accusé », « révélation », « affaire » puis par l’omnibus, de Boutigny (le-Rebours), commune de
(l. 270), « session » (l. 271), « jurés » (l. 272) et « parricide » Seine-et-Marne, en région Île-de-France, jusqu’à Paris, faite
(l. 273) : le lecteur est de retour dans le récit cadre. de promesses et de loisirs. La campagne, puis la capitale,
À L’ORAL
permettront de croquer toute une galerie de portraits
de personnages et de métiers, et de faire la peinture de la
Quand il y a préméditation, on parle d’assassinat. Ainsi, un
société d’un xixe siècle en pleine effervescence.
assassin est quelqu’un qui a planifié à l’avance un homicide
volontaire et qui l’a commis. L’acte de tuer son père, sa mère Si vous avez aimé « La Dot » vous aimerez…
(dans ce dernier cas, on parle plus précisément de matricide) Vous pouvez également lire d’autres nouvelles de Maupassant
ou un autre de ses ascendants s’appelle un parricide. sur des histoires de couple : « L’Attente » (parue dans Le
13
Gaulois du 11 novembre 1883, puis dans le recueil posthume 4 « Une tristesse vague l’oppressait » (l. 141) : elle est
Le Colporteur en 1900), « Les Épingles » (publiée dans le Gil « inerte » (l. 139), sans réaction, mais sent que la situation
Blas du 10 janvier 1888, puis dans le recueil La Main gauche n’est pas en sa faveur. Elle est triste car elle est séparée de
en 1889), « La Parure » (parue dans la revue Le Gaulois en son époux.
1884, puis publiée en 1885 dans le recueil Contes du jour et 5 Jeanne n’imagine pas que son mari pourrait l’abandon-
de la nuit), « Le Lit 29 » (publiée dans le Gil Blas du 8 juillet ner car elle insiste auprès du conducteur de l’omnibus, et
1884, puis dans Toine en 1886)... remet sa parole en doute : « – Comment ça ? Ce n’est pas
possible. Il est monté avec moi. Regardez bien ; il doit y
Différenciation être ! » (l. 187-188), puis répète encore « monsieur, vous
Avant de laisser les élèves travailler en groupe et en autono- vous trompez » (l. 194). Pour terminer, avant de s’en
mie, on peut imaginer la diffusion en classe de la lecture aller, elle vérifie une dernière fois que son mari n’est plus
de la nouvelle. Cela permettra aux élèves moins à l’aise avec sur l’impériale « et regarda, malgré elle, d’un mouvement
le déchiffrage d’accéder plus vite au sens du texte. instinctif de l’œil, sur le toit de l’omnibus » (l. 201-203).
Par ailleurs, il est également envisageable de demander 6 Dans un premier temps, Jeanne éprouve toujours de la
aux élèves d’écouter la nouvelle chez eux, en amont de son détresse puisqu’elle a « les yeux pleins de larmes » (l. 232),
étude en classe. qu’elle conte « en pleurant son aventure » (l. 237). Mais
POUR COMMENCER quand elle comprend que son mari l’a abandonnée, elle est
On attend des élèves qu’ils dégagent les éléments essen- « suffoquée » (l. 251), et le traite de « misérable » (l. 252) :
tiels du texte : mariage d’amour, départ en voyage de noces elle est indignée d’avoir été trahie par celui qu’elle aime, et
à la capitale, abandon de Jeanne dans l’omnibus et vol de comprend que ses sentiments n’étaient pas partagés.
la dot par son époux. Bilan
La description du couple est réaliste car Maupassant
EN GROUPE
n’idéalise pas leur physique, il montre leurs défauts : Jeanne
Thème 1 : Une histoire d’amour est un peu ridicule et naïve, Lebrument est séducteur et
1 Maître Lebrument est « un beau garçon ». Le nom « chic » manipulateur. Les relations de couple sont également
est répété quatre fois, pour insister sur le fait que c’est brossées avec réalisme, dans les habitudes des amoureux.
un homme d’apparence. Mais les expansions dévalorisent Les allusions sexuelles sont discrètes, mais présentes.
ce chic. Mlle Cordier est décrite comme jolie, elle a de la
Thème 2 : Une peinture de la société
« grâce et de la fraîcheur ». De nouveau, les expansions
dévalorisent les deux termes. La conclusion de Maupassant 1 Lebrument est un notable car il est notaire, c’est un
est sans appel, c’est une « belle fille désirable et fêtable » : homme qui gagne de l’argent, appartient à la petite bour-
ses qualités physiques sont mises en avant. On ne sait rien geoisie, et qui est connu de tous puisqu’il traite des affaires
des qualités et des défauts moraux des personnages. des habitants de Boutigny.
2 Les mariés sont heureux : « leur bonheur » (l. 18), « char- 2 Boutigny est décrite de façon ironique et négative
mant ce tête-à-tête » (l. 21). Lebrument ne se montre pas par Maupassant. En évoquant la prestance de Lebrument,
un rustre et sait se faire apprécier par sa femme dans le narrateur note qu’il a du « chic, ce qui était rare à
l’intimité : « une adresse, une délicatesse et un à-propos Boutigny-le-Rebours » (l. 10), ce qui sous-entend un certain
remarquables » (l. 23-24). Jeanne semble même développer manque de délicatesse des habitants. Par ailleurs, l’expres-
un comportement proche de l’addiction : « Elle ne pouvait sion familière « mit tout Boutigny sens dessus dessous »
plus se passer de lui » (l. 28). Maupassant s’attarde longue- (l. 15-16) montre qu’il ne se passe pas grand-chose dans
ment sur le comportement à la fois puéril et attendrissant cette ville pour qu’un simple mariage, dont au demeurant
de Jeanne, qui cajole sans cesse son mari : « le caresser, « personne ne s’étonna » (l. 1) cause un pareil émoi ! Enfin,
l’embrasser, lui tripoter les mains, la barbe, le nez, etc. le pronom indéfini « on » dans la proposition « on admira
Elle s’asseyait sur ses genoux, et, le prenant par les oreilles » fort les mariés » montre une masse indéterminée, sans
(l. 29-32). Enfin, la figure de l’anaphore lignes 39 à 42 visage, d’habitants.
montre la réciprocité des sentiments, Lebrument n’avait 3 Pour répondre à cette question, on s’appuiera sur la page
« pas assez de caresses, pas assez de lèvres, pas assez de « Quelques repères » de la séquence (p. 17). Cela permettra
mains, pas assez de toute sa personne pour fêter » Jeanne. d’ordonner le relevé sous forme de tableau. Sont présents
3 Lignes 107-119, le champ lexical de la rapidité montre dans l’omnibus :
que Jeanne est projetée dans l’omnibus, elle subit la situa-
tion et ne la comprend pas : « au trot des trois chevaux »,
« très vite », « n’eut pas le temps », « la précipita ».
14
Ouvrier
Petite-
Religieux Militaire Indéterminé Pour aller plus loin
bourgeoisie
On pourra faire écouter une version moderne de cette des-
un garçon un monsieur deux un un gros cription des voyageurs des transports en commun, avec
épicier à lunettes bonnes sergent monsieur
la chanson de Gauvain Sers, « Le ventre du bus 96 », sortie
(l. 124), d’or coiffé sœurs d’infan- qui sentait
une ouvrière d’un (l. 129- terie la pipe en 2017 dans son album intitulé Pourvu : https://www.
(l. 124), un chapeau de 130) (l. 124- (l. 120-121), youtube.com/watch?v=BJIEgHY8omU
croque-mort soie (l. 125), 125) une vieille
(l. 130), une deux dames femme Thème 3 : Le voyage
cuisinière à l’air qui sentait 1 Le couple part en voyage de noces.
(l. 146), important le chien
2 Maupassant convoque un vocabulaire technique précis :
un cocher et grincheux (l. 121-122),
(l. 152), (l. 127) une fille « la gare » (l. 65), « l’employé » (l. 77), « en voiture ! »
un commis- en cheveux (l. 78), « wagon » (l. 79), « le train siffla » (l. 86), « le trajet »
sionnaire (l. 130) (l. 86), « la cour de la gare Saint-Lazare » (l. 89). Il fait agir
(l. 153) les personnages : l’employé crie, le train siffle, tout est vie
pendant ce voyage.
4 Maupassant exagère les traits des personnages de l’om-
3 Lebrument promet à sa femme de se rendre « dans les
nibus. Il insiste sur les odeurs que les corps émanent, sur
restaurants, au théâtre, dans les cafés-concerts » (l. 50-51).
les attitudes résignées des voyageurs « alignés et muets »
Il met en avant les attractions de la capitale face à cette
(l. 123). On analysera en particulier la citation lignes 131
jeune femme de province, vite éblouie par ces promesses
à 134 : ils avaient « l’air d’une collection de caricatures,
qui sont aussi des clichés.
d’un musée des grotesques, d’une série de charges de la face
humaine, semblables à ces rangées de pantins comiques 4 Le couple a prévu de se rendre au boulevard pour déjeu-
qu’on abat, dans les foires, avec des balles ». Les termes ner. Ils sont séparés car Lebrument veut pouvoir fumer :
soulignés dans ce passage montrent que les voyageurs n’ont il monte sur le toit de l’omnibus, l’impériale, tandis que
presque plus face humaine, ce sont des effigies déformées. sa femme reste à l’intérieur du véhicule.
5 La promiscuité induite par l’omnibus rend le champ 5 Il annonce le terminus du voyage : Jeanne, qui n’a jamais
lexical des odeurs très présent de la ligne 120 à 156 : « qui pris l’omnibus, ne comprend pas qu’elle doit descendre.
sentait la pipe », « qui sentait le chien », « une odeur fade 6 Elle termine son voyage chez son cousin car elle est seule
de vieille jupe », « une forte senteur d’eau de vaisselle », dans Paris, abandonnée par son mari. Elle ignore où elle est,
« qui fleurait l’écurie », « dont les pieds exhalaient le parfum et se rapproche de la seule personne qui lui est familière.
de ses courses ». Toutes ces odeurs ont pour conséquence Pour ce faire, elle prend un moyen de transport plus sécuri-
d’écœurer Jeanne, d’augmenter son malaise et sa détresse : sant, le fiacre, le même moyen de transport que son mari
« La notaire se sentait mal à l’aise, écœurée, prête à pleurer lui a refusé à leur arrivée à Paris. Le fiacre et le logement de
sans savoir pourquoi » (l. 155-156). son cousin sont synonymes de sécurité.
6 Jeanne est traitée comme une quantité négligeable 7 LANGUE Nous possédions juste de quoi payer la course
(« Bon, ce n’est rien », l. 212), les deux hommes se moquent du fiacre ; nous nous fîmes conduire chez lui. Et nous le ren-
d’elle (« L’employé se mit à rire », l. 197) et refusent de contrâmes comme il partait pour son ministère. Il portait,
l’aider. Le conducteur se montre même « grossier » (l. 189). ainsi que Lebrument, un gros portefeuille sous le bras.
On attend des élèves qu’ils concluent sur le peu d’importance Nous nous élançâmes de notre voiture.
que la détresse d’une femme a aux yeux de ces hommes. – Henry ! criâmes-nous.
Bilan Bilan
Maupassant critique la société en la caricaturant, en exagé- Ce thème est rendu moderne par l’utilisation d’éléments
rant ses caractéristiques. Il se moque du manque d’hygiène, précis (toponymes), les divers moyens de locomotion et les
du manque de relations humaines et d’entraide à Paris. Les indications techniques du voyage en train.
habitants de Boutigny sont critiqués pour leur admiration
Thème 4 : La mise en place de la ruse
déplacée et leur naïveté.
1 Le champ lexical dominant est celui de l’argent : « ache-
HISTOIRE DES ARTS ter » (l. 3), « argent » (l. 4), « payer » (l. 5), « trois cent mille
On laissera les élèves argumenter en faveur de l’un ou de francs liquides » (l. 5-6), « billets de banque » (l. 6), « titres
l’autre, en faisant remarquer que ce ne sont pas les mêmes au porteur » (l. 7). Un champ lexical si développé en si peu
sens qui sont convoqués (la vue pour Delondre, l’odorat de lignes indique que Lebrument épouse Jeanne pour son
pour Maupassant). argent.
2 Jeanne est naïve, elle ne remet pas en question ce que
lui dit son mari. Elle se comporte comme une enfant en
15
embrassant toute la journée son mari : « Ouvre la bouche • Analyser la relation entre les personnages.
et ferme les yeux » (l. 32-33). Sa jeunesse est également • Comprendre l’importance de la chute de la nouvelle.
mise en avant : « sa jeune compagne » (l. 45) – comme dans • Identifier les caractéristiques de la nouvelle réaliste et sa
une fable, cet âge est synonyme d’inexpérience. structure.
3 Lebrument se laisse cajoler par Jeanne, il lui fait décou- La nouvelle « Le Petit Fût » est l’occasion pour nos élèves
vrir les joies de l’amour avec « une adresse, une délicatesse de découvrir deux personnages archétypaux de la campagne
et un à-propos remarquables » (l. 23-24). Il lui promet un normande et un autre thème cher à Maupassant : l’argent
voyage sous le signe des plaisirs parisiens. et la vénalité. L’histoire est un peu l’écho de « La Dot » :
4 Lebrument veut fumer une première fois dans le train, un personnage en dupe un autre pour le voler. Ils analyse-
il ne le peut pas, empêché par la présence de deux vieilles ront au fil du questionnement la relation complexe que
dames dans le wagon. Il prépare donc Jeanne à ce désir les personnages entretiennent l’un envers l’autre. Ils identi-
de tabac, et peut réitérer son souhait en arrivant à Paris. fieront les caractéristiques de la nouvelle réaliste : l’ancrage
Cela justifie le fait qu’il monte sur le toit de l’omnibus : dans la réalité sociale, la peinture des défauts humains,
il peut alors filer en toute discrétion au premier arrêt ! l’apparence de la réalité, et prendront conscience de sa
structure en cinq étapes et de sa chronologie plus ou moins
5 Seul dans le fiacre avec Jeanne, il ne pouvait pas s’éclip-
resserrée.
ser. Il a laissé ses malles à la gare pour faire demi-tour,
récupérer ses effets et « filer sur la Belgique » (l. 246) en
toute tranquillité.
Pour aller plus loin
6 Lebrument est manipulateur, et Jeanne est naïve. On pourra passer aux élèves l’adaptation télévisuelle du
Petit Fût, réalisée par Claude Chabrol en 2008 et diffusée
7 LANGUE Le verbe « filer » est à l’infinitif car il est le
par France 2. La distribution est exemplaire et Tsilla Chelton,
noyau du complément d’objet du verbe « doit » (cf. page 153
qui incarne la mère Magloire, est plus vraie que nature ! Il est
de la nouvelle terminologie grammaticale :
possible de leur faire comparer cette version et la nouvelle
https://lettres.spip.ac-rouen.fr/?La-grammaire-du-fran-
de Maupassant : le traitement du temps, la psychologie des
cais-terminologie-officielle
personnages, le ton utilisé…
Bilan https://www.youtube.com/watch?v=WX2bEBy5Rzg
Maupassant exagère les traits de caractère des personnages,
en employant le thème classique de la ruse. Ici, la femme Si vous avez aimé « Le Petit Fût »
amoureuse est terriblement aveuglée par ses sentiments, Vous pouvez lire d’autres contes normands de Maupassant :
et le Don Juan est dénué de scrupule : il ruine son épouse « La Ficelle » (publiée dans la revue Le Gaulois du 21 novembre
en une semaine ! 1883, puis dans le recueil Miss Harriet en 1884), « La Bête
à maît’ Belhomme » (publiée initialement dans le Gil Blas
TOUS ENSEMBLE du 22 septembre 1885, avant d’être reprise dans le recueil
1 On peut attendre une lecture des questions et des Monsieur Parent la même année), « Histoire d’une fille de
réponses apportées par le groupe. ferme » (publiée dans La Revue politique et littéraire du
2 On demandera une justification claire, même s’il s’agit 26 mars 1881, puis dans le recueil La Maison Tellier en 1881,
d’une paraphrase. « Boule-de-Suif » (publiée en 1880 dans le recueil collectif
des Soirées de Médan)…
3 On peut imaginer une carte mentale dont les quatre
branches reprennent les quatre thèmes étudiés, et le bilan Différenciation
de chaque partie.
Avant de laisser les élèves répondre au questionnement
Votre bilan en autonomie, à l’écrit ou à l’oral, on peut diffuser en classe
Ici, la société est représentée dans toute sa diversité, en la lecture de la nouvelle grâce à l’enrichissement audio.
particulier dans l’omnibus. Toutes les catégories sociales Cela permettra aux élèves moins à l’aise avec le déchiffrage
y sont représentées, et Maupassant n’épargne pas à son d’accéder plus vite au sens du texte. Par ailleurs, il est égale-
lecteur les détails corporels. Par ailleurs, il montre comment ment envisageable de demander aux élèves d’écouter la
une histoire d’amour peut commencer et se terminer, sans nouvelle chez eux, en amont de son étude en classe.
l’idéaliser. Le voyage est réaliste, riche de détails. Enfin,
Maupassant, comme à son habitude, ne cède pas à la POUR COMMENCER
tentation de la fin heureuse : la ruse s’achève sur le triomphe On attend des élèves qu’ils comprennent que la nouvelle
du faussaire des sentiments, et pas sur la victoire de Jeanne. s’étend sur plusieurs années, qu’elle est la construction
du plan d’un des personnages pour piéger mortellement
Lecture 3 « Le Petit Fût » − 1884 > p. 28-31 l’autre. On leur demandera pourquoi ce titre a été choisi,
Vos objectifs et donc d’essayer d’expliquer quelle place importante le
• Étudier deux personnages caricaturaux. petit fût prend dans la nouvelle.
16
Des personnages caricaturaux Maître Chicot est l’archétype du terrien qui essaie de
1 Les deux personnages de cette nouvelle sont Mme Magloire s’élever dans la hiérarchie sociale : il mange et boit bien
et maître Chicot. comme un homme qui a les moyens (« ventru », l. 4) mais
2 Mme Magloire est une femme âgée (« la vieille », l. 7 ; son visage reste « rouge » (l. 3) comme un fermier qui passe
« Âgée de soixante-douze ans », l. 12) qui possède une sa vie au grand air. Il se déplace en voiture légère, de type
ferme. Son visage est marqué et son corps abîmé, mais cabriolet, à deux roues, tractée par un cheval, comme un
elle est encore très dynamique (« elle était sèche, ridée, bourgeois : « Maître Chicot, l’aubergiste d’Épreville, arrêta
courbée, mais infatigable comme une jeune fille », l. 12 à son tilbury devant la ferme de la mère Magloire » (l. 1-2).
14). Elle a de l’arthrose qui déforme ses mains (« Ses doigts De simple manipulateur dans la 1re partie, il devient diabo-
crochus, noués, durs comme des pattes de crabe », l. 22-23). lique dans la seconde pour obtenir ce qu’il désire : « Pu tôt
Elle est entêtée (« s’y refusait avec obstination », l. 9 ; que ce sera fini, pu que je serai content. » La phrase est
« J’y sieus née, j’y mourrai », l. 10) et méfiante envers à prendre à double sens : il sera ravi que la mère Magloire
Chicot (« La vieille le considérait avec méfiance, cherchant finisse l’alcool contenu dans le fût. Il sera ravi quand la mère
le piège », l. 58-59). Magloire sera enfin morte. Trop de naïveté, trop de vénalité,
Maître Chicot est l’aubergiste d’Épreville, une petite ville trop de manipulations, trop d’alcool : la vieille Magloire et
de Normandie. C’est un homme encore jeune (« C’était un maître Chicot sont des personnages exagérés et ridicules.
grand gaillard de quarante ans », l. 3), qui apprécie la bonne À L’ORAL
chère (« ventru », l. 4), la boisson (« rouge », l. 3), qui peut
Qu’importe la réponse, pourvu que l’enseignant(e) retrouve
se montrer malveillant et dont il faut se méfier (« qui
les caractéristiques d’une caricature dans ce que propose
passait pour être malicieux », l. 4). Il est intéressé par les
l’élève : amplification/exagération des traits naturels d’une
terres de Mme Magloire qui refuse de les lui céder.
personne, ridicule du rendu, critique indirecte, mise en
3 La mère Magloire manque d’argent : elle est pauvre. situation incongrue, dérision, effet comique. Les personnes
4 Maître Chicot a des arguments convaincants pour faire caricaturées sont souvent célèbres : le caricaturiste choisit
céder la vieille dame. Il lui propose un viager et l’appâte souvent une personnalité, en général politique, qu’il va
en lui faisant miroiter un apport conséquent d’argent sans pouvoir critiquer indirectement en utilisant le dessin comme
fournir le moindre effort : « vous restez chez vous, vous type d’expression. L’artiste peut aussi dessiner la personne
n’vous occupez point de mé, vous n’me d’vez rien. Vous choisie en développant une partie de son visage selon
n’faites que prendre mon argent » (l. 53-55), « Vous m’la son caractère. De cette façon, la caricature va être une
vendez, et pi vous la gardez tout d’même » (l. 44-45). façon de montrer que cet aspect de la personnalité est
Il garantit son action en passant par un notaire et officialise prépondérant par rapport au reste.
le marché : « vous m’ferez un p’tit papier chez l’notaire pour À propos de la caricature page 31 : Guy de Maupassant est
qu’après vous ça me revienne » (l. 65-66). Il lui demande représenté avec une tête disproportionnée par rapport
donc de le nommer légataire universel, c’est-à-dire qu’il à son corps. Il se tient sur un piédestal, tenant de sa main
n’est pas une personne censée hériter, mais il le devient droite un bouquet de journaux de l’époque (une référence
parce que la mère Magloire l’aura désigné dans son testa- au fait qu’il publie ses nouvelles dans la presse, aux côtés
ment. d’articles de faits divers) et saluant de la gauche. Un membre
5 Les deux personnages sont intéressés et attirés par du clergé, lui-même caricaturé (il ressemble à un diablotin
l’argent. Maître Chicot est manipulateur et rusé car, malgré − oreilles et nez pointus, dents acérées et manquantes),
la méfiance de la mère Magloire, il réussit à obtenir ce qu’il tombe sur la droite. C’est certainement un clin d’œil au
désire. fait que Maupassant se moque de la religion : « La religion
6 Les traits de la mère Magloire et de maître Chicot sont m’attire beaucoup, car parmi les c… de l’humanité celle-là
exagérés. La mère Magloire apparaît sous les traits d’une me semble capitale, c’est la plus large, la plus multiple
fermière typique : « épluchant des pommes de terre devant et la plus profonde », écrira-t-il à Flaubert en 1878. Il tient
sa porte » (l. 11-12), entourée de ses poules, « Trois poules cette aversion depuis son internat, au séminaire d’Yvetot
hardies s’en venaient l’une après l’autre jusque dans ses (Seine-Maritime), qui lui a été insupportable ; il conservera
jupes » (l. 29-30), d’une femme percluse de douleurs liées ce profond dégoût de la religion toute sa vie durant.
à son âge « sèche, ridée, courbée » (l. 13). La mère Magloire
se laisse naïvement prendre au piège de la boisson tendu Pour aller plus loin
par Chicot alors qu’elle se méfiait de lui dans la 1re partie Coll-Toc est un pseudonyme qui désigne un duo de caricatu-
(« cherchant le piège », l. 58-59). Elle devient alcoolique ristes, Alexandre Collignon et Georges Tocqueville. Ils cari-
profonde : « la mère Magloire s’ivrognait toute seule » caturent les hommes célèbres à partir de 1882 et leur travail
(l. 218) et meurt de froid, après être tombée dans la neige fait la première page des Hommes d’aujourd’hui, revue à
en étant alcoolisée : « Elle mourut l’hiver suivant, vers la intention littéraire et satirique.
Noël, étant tombée, saoule, dans la neige » (l. 228 à 230). C’est grâce à Honoré Daumier, graveur, peintre, sculpteur et
17
caricaturiste français, que la caricature est reconnue comme À L’ÉCRIT
un art à part entière. Caricature, c’est aussi le nom de Chicot prémédite ses actions, en poussant la mère Magloire
l’hebdomadaire satirique créé en 1830 qui comptera Honoré vers la mort grâce à l’alcool dont il arrive à la rendre
Daumier au dessin et Honoré de Balzac à l’écriture. dépendante. Il n’a aucun scrupule à la tuer et murmure de
https://www.cairn.info/revue-humanisme-2014-1- manière mauvaise : « Tu ne crèveras donc point, carcasse ! »
page-14.htm (l. 138). Sans le savoir, elle va passer un pacte avec un
homme qui va devenir son meurtrier indirect. La dernière
La relation entre les personnages phrase de Chicot, « C’te manante, si alle s’était point bois-
1 Du début à la ligne 141 : la mère Magloire est maîtresse sonnée, alle en avait bien pour dix ans de plus » (l. 232-233),
de la situation et ne cède pas à Chicot : « La résistance de montre bien qu’il lui a tendu un piège duquel elle n’a pu
l’âge », « Une volonté à toute épreuve »... peuvent être des se défaire, dépendante à l’alcool qu’elle est devenue à cause
titres proposés par les élèves qui mettent la mère Magloire de lui : « Ça, c’est du lait, voyez-vous ; mé, j’en bois dix,
au centre de cette première partie. « Un désir inassouvi », douze, sans embarras. Ça passe comme du sucre. Rien au
« Un contrat ambigu »... mettront au centre maître Chicot. ventre, rien à la tête ; on dirait que ça s’évapore sur la
La seconde partie se situe de la ligne 142 jusqu’à la fin : langue. Y a rien de meilleur pour la santé ! » (l. 188 à 191).
Chicot a pris le dessus, il a élaboré un plan qui va piéger La mère Magloire est victime d’un homme mauvais, prêt
la vieille femme. Elle en mourra. « Le plan diabolique » est à tout pour obtenir ce qu’il désire : « il s’en revint la voir en
centré sur Chicot, « L’alcool tue » sur la mère Magloire. se frottant les mains » (l. 143-144).
2 Dans la première partie, c’est Mme Magloire qui domine
La chute de la nouvelle
car elle ne cède pas à la pression exercée par maître Chicot
1 Le verbe « flairer » est un verbe applicable notamment
et refuse de mourir : « Elle paraissait n’avoir pas vieilli
au chien. Par conséquent, dire de la mère Magloire qu’elle
d’un jour » (l. 128-129). Elle semble même s’amuser du
« flaire » fait d’elle une personne qui relève plus de l’anima-
désespoir de Chicot : « Elle le recevait avec une malice
lité que de l’humanité. C’est donc une vision dévaluative
dans le regard. On eût dit qu’elle se félicitait du bon tour
que l’auteur donne de ce personnage.
qu’elle lui avait joué » (l. 134 à 136).
2 La faux est un outil agraire, mais c’est aussi l’outil utilisé
3 « Alors il chercha des moyens » (l. 142) est la phrase
par la Mort pour ôter la vie. Quand les blés sont mûrs, on
qui fait la transition entre les deux parties. Maître Chicot
les coupe. Chicot va donc rendre visite à la vieille pour voir
a épuisé toutes ses ressources pour faire céder la mère
si elle va bientôt mourir.
Magloire de manière honnête et officielle. Le constat est là :
elle ne meurt pas. Il va devoir passer à la vitesse supérieure 3 Cette phrase est ironique, d’autant plus qu’elle est
et user de malice pour obtenir ce qu’il souhaite de la vieille prononcée par la mère Magloire elle-même. L’ironie est
dame. l’opposition entre une réalité cruelle, décevante et ce qui
pouvait être attendu. Il faut donc comprendre le contraire
4 Dans la seconde partie, c’est Chicot qui domine claire-
de ce qu’affirme la mère Magloire : boire va assurément
ment. Il l’invite très (trop) poliment à dîner : « Tant que
la tuer !
le cœur vous en dira, v’nez sans retenue, ça m’fera plaisir »
(l. 152-153), « L’aubergiste, radieux, la traita comme une 4 Le petit fût offert par Chicot accélère la chute de la mère
dame » (l. 160-161), ce qui permet de comprendre qu’il Magloire car, en le possédant, elle a accès à une grande
a fomenté un plan pour faire céder la vieille fermière. Enfin, quantité d’alcool et n’a plus besoin de voir Chicot pour
il va la faire boire plus que de raison et va créer chez elle, boire : elle peut « s’ivrogner » toute seule.
petit à petit, une dépendance à l’alcool : « Et il reconnut 5 LANGUE « Et la bonne femme se mit à boire tout
un souffle d’alcool. Alors son visage s’éclaira » (l. 213-214). doucement, à petites gorgées, faisant durer le plaisir »
5 La relation entre les personnages se dégrade au fil (l. 178-179) : « tout doucement », « à petites gorgées » et
du texte. Chicot se met à haïr la mère Magloire qu’il accuse « faisant durer le plaisir » sont trois compléments circons-
de l’avoir ruiné : « – Tu ne crèveras donc point, carcasse ! tanciels de manière.
Il ne savait que faire. Il eût voulu l’étrangler en la voyant. Proposition de corrigé pour les trois phrases simples : Et la
Il la haïssait d’une haine féroce, sournoise, d’une haine bonne femme se mit à boire tout doucement. Puis, elle but
de paysan volé » (l. 137 à 141). Quant à la vieille femme, à petites gorgées. Elle faisait durer le plaisir.
elle prend un malin plaisir à mener Chicot par le bout du nez 6 LANGUE Proposition de corrigé : En s’en allant, Chicot
en se refusant à mourir : « elle se félicitait du bon tour déclara que plus tôt ce serait fini, plus tôt il serait content.
qu’elle lui avait joué » (l. 135-136). Proposition principale : En s’en allant, Chicot déclara /
6 L’ellipse temporelle est « Trois ans s’écoulèrent ». Cette
Proposition subordonnée conjonctive : que plus tôt ce serait
fini / Proposition subordonnée conjonctive (la conjonction
rupture chronologique révèle que la situation créée par
« que » est sous-entendue ici) : plus tôt il serait content.
maître Chicot dure, et, qu’avec le temps, elle est devenue
insupportable.
18
À L’ÉCRIT cachées », l. 99-100), et il se rend régulièrement auprès
Les indices qui montrent que le lecteur pouvait s’attendre d’elle vérifier que sa fin est proche : « Il allait de temps en
à cette fin sont nombreux. Les élèves en trouveront sûre- temps rendre visite à la fermière, comme on va voir en
ment encore, disséminés dans le texte : « elle rentra trou- juillet, dans les champs, si les blés sont mûrs pour la faux »
blée comme si elle eût bu quatre pots de cidre nouveau » (l. 131 à 134). Tout est calibré, pensé, et réfléchi avec
(l. 102 à 104), montre son attirance pour l’alcool ; « Je n’en précision. Sans remords, ni culpabilité, Chicot assiste à la
ai pas pour pu de cinq à six ans pour sûr » (l. 113) annonce déchéance de la mère Magloire : il ironise même à la fin
sa mort prochaine ; « Et la mère Magloire exigea dix écus sur sa faiblesse, dont il est lui-même l’auteur : « – C’est-il
de pots de vin » (l. 125-126) joue sur le double sens, à peine pas malheureux, à son âge, d’avoir pris c’t’habitude-là ?
caché, de « pot-de-vin » ; « sobre depuis son enfance » Voyez-vous, quand on est vieux, y a pas de ressource. Ça
(l. 163-164) sous-entend qu’elle ne tient pas l’alcool et finira bien par lui jouer un mauvais tour ! » (l. 224 à 227).
que cela peut être sa faiblesse, n’y ayant jamais goûté ; Enfin, alors qu’elle est morte, il ne respecte pas sa mémoire
« Elle voulut refuser, mais il était trop tard » (l. 183-184) et la traite de « manante » (l. 232), qui est une femme
montre que le piège tendu par Chicot se referme sur elle. grossière et sans éducation.
Enfin, à la fin de la nouvelle, les indices se font de plus en
plus évidents. Il n’y a plus qu’une fin possible. Pour vous aider à lire et à écrire > p. 32-33
Un récit réaliste
Grammaire et conjugaison
Un récit réaliste Extraits du texte
La phrase complexe
Des lieux existants Épreville / une ferme normande
Des thèmes la vente de la ferme / l’acte notarié J’observe
du quotidien / la dure vie des paysans 1 Phrase 1 :
Des métiers réels un aubergiste / une paysanne [La vieille frémit à cette perspective] : proposition indé-
pendante 1 coordonnée à la deuxième avec la conjonction
« – J’y sieus née, j’y mourrai,
de coordination mais.
Des dialogues disait-elle » (l. 10) / « Pu tôt
réalistes que ce sera fini, pu que je serai mais [elle se méfiait toujours], proposition indépendante
content » (l. 208), etc. 2 juxtaposée à la troisième avec la virgule.
[elle demeura jusqu’au soir à poser des questions, ne
les doigts crochus de la mère
pouvant se décider à partir.] : proposition indépendante 3.
Magloire, « durs comme des pattes
Phrase 2
de crabe » (l. 22-23) / le côté
rougeaud de Chicot (l. 3) / [Enfin, elle ordonna de préparer l’acte] : proposition indé-
Des descriptions pendante coordonnée à la principale avec la conjonction
« Elle flairait bien quelque chose
précises et imagées de coordination et.
de mauvais » (l. 82) / « elle était
sèche, ridée, courbée, mais et [elle rentra troublée] : proposition principale ;
infatigable comme une jeune [comme si elle eût bu quatre pots de cidre nouveau] :
fille » (l. 12 à 14), etc. proposition subordonnée conjonctive introduite par la
conjonction de subordination comme.
HISTOIRE DES ARTS
1 Le tableau de Toulouse-Lautrec peut illustrer tous les Je m’entraîne
passages où Chicot et la mère Magloire boivent ensemble. 2 a. Proposition subordonnée (conjonctive) introduite par
2 Les deux personnages du tableau semblent s’être perdus la conjonction de subordination que.
dans l’alcool. La bouteille de vin est entamée, les verres b. Proposition indépendante juxtaposée à la 2e avec la
presque vides. Par leur posture, le spectateur a l’impression virgule.
qu’ils n’en sont pas à leur première bouteille. Les regards c. Proposition indépendante coordonnée à la 1re avec
sont lourds et troubles et les corps avachis. la conjonction de coordination et.
Votre bilan d. Proposition subordonnée (relative) introduite par le pro-
Maître Chicot incarne la cruauté humaine dans la nouvelle. nom relatif qui / proposition indépendante juxtaposée à
Il est satisfait de son plan pour se débarrasser de la mère la 2e proposition avec la virgule.
Magloire et impatient d’arriver à ses fins (« en se frottant 3 Propositions :
les mains », l. 143-144). Il a trouvé le moyen de l’éliminer a. C’est l’histoire d’un ouvrier [qui tue ses parents] : propo-
sans faire peser les soupçons sur lui en attendant qu’elle sition subordonnée relative.
se perde dans l’alcool. Elle tombe dans tous les pièges qu’il b. Il est arrêté et un procès a lieu donc l’avocat plaide pour
lui tend malgré la méfiance qu’elle a envers lui au début de lui : propositions indépendantes coordonnées.
la nouvelle (« craignant mille choses imprévues, des ruses c. Le lecteur suit son aventure avec intérêt et découvre la
19
raison de cet acte : propositions indépendantes coordon- 3 bienveillance/malveillance ; pessimiste/optimiste ; orgueil-
nées. leux/modeste ; élégant/vulgaire ; généreux/mesquin ; rétro-
d. On s’interroge s’il avait eu raison de tuer sa famille et grade/moderne ; franc/sournois ; inconstant/persévérant.
s’il était un monstre : proposition principale + propositions Défi : persistant, constant, entêté, obstiné, opiniâtre, patient,
subordonnées interrogatives indirectes introduites par la fidèle, assidu, endurant, soutenu, tenace.
conjonction de subordination si.
J’écris
J’écris Proposition : Maître Chicot (« Le Petit Fût ») : Maître Chicot
4 On attend des élèves qu’ils mettent en avant un des était un homme d’une quarantaine d’années, bien bâti
quatre personnages du tableau. Naturellement, l’attention et aux joues un peu rougeaudes. Il convoitait les terres
va se porter sur la femme au premier plan, qui diffère par de la mère Magloire, une vieille fermière aux revenus plus
la couleur de sa robe, mais aussi par son âge : c’est une que modestes. Mais la paysanne résistait et se montrait
jeune femme parmi des femmes beaucoup plus âgées. tenace face aux propositions de l’aubergiste. L’homme,
Sa tenue indique qu’il s’agit d’une bourgeoise. Elle brode qui était sournois, était persévérant. Un jour, il eut une idée
dans un parc fleuri, confortablement installée à l’ombre malveillante…
d’un arbre, les jambes rehaussées grâce à un marchepied.
Tous les scénarios d’une nouvelle réaliste sont possibles. Orthographe
Une attention toute particulière sera portée à la construc-
tion des phrases, l’exercice même de l’écriture d’une nou- Dictée préparée
velle étant traité spécifiquement dans l’Atelier écrit des 1 s’en est le pronom réfléchi se + le pronom en ; et est
pages 34-35. la conjonction de coordination et est est le verbe être à
la 3e personne du singulier au présent de l’indicatif ; ce est
Maîtriser les finales en [e] un déterminant démonstratif et se est un pronom réfléchi.
2
J’observe
Verbes au participe Verbes à la troisième
1 •• monté : participe passé du verbe monter, conjugué au
présent personne du pluriel
passé composé (« est monté »).
• regardez : présent de l’impératif du verbe regarder (2e per- chuchotant − regardant méditent − entourèrent −
finirent
sonne du pluriel non exprimée).
• marcher : verbe à l’infinitif, utilisé derrière la préposition 3 « malins et cruels » sont deux adjectifs qualificatifs
« à ». qui se rapportent au nom « yeux », et s’accordent avec lui,
• effarée : participe passé du verbe effarer, utilisé (le plus au masculin pluriel.
souvent) comme adjectif. Il s’accorde avec le pronom
4 Les trois mots à mémoriser comportent des difficultés :
« elle », féminin singulier.
à remarquer les consonnes doubles de embarrassé et de
• affolée : participe passé du verbe affoler, utilisé comme
succès ; à remarquer aussi la prononciation de enorgueilli
adjectif. Il s’accorde avec le pronom « elle », féminin singu-
et la présence du u après la lettre g.
lier.
1 Présentation de la séquence
Cette séquence s’inscrit dans l’entrée du programme de s’intéresser à l’évolution du mythe aux xxe et xxie siècles.
cycle 4 « La fiction pour interroger le réel » et vient com- En effet, force est de constater qu’en se démocratisant, le
pléter l’étude de nouvelles fantastiques. En effet, s’inté- personnage tend à perdre de sa bestialité initiale pour
grant dans un travail sur la littérature fantastique patrimo- exploiter d’autres facettes de ses pouvoirs, en particulier
niale, cette deuxième séquence propose la découverte celui de la séduction.
et l’exploitation d’une figure fantastique majeure : le vam- Le vampire étant bien connu des élèves grâce à ses mul-
pire. Bien qu’existant depuis fort longtemps (on en trouve tiples déclinaisons dans la production culturelle destinée à
des traces dans la littérature et les croyances antiques), la jeunesse, l’intérêt de la séquence est de les amener à
c’est le roman Dracula de Bram Stoker, au xixe siècle, qui prendre conscience de la façon dont un personnage arché-
lui donne toutes ses lettres de noblesse. typal peut évoluer avec le temps.
La séquence s’attache donc à cerner ce personnage litté-
raire, afin d’en identifier les caractéristiques, avant de
2 Objectifs de la séquence
Il s’agit pour les élèves de rencontrer une figure mythique La Lecture 4 présente un autre aspect d’une figure
de la littérature fantastique du xixe siècle et surtout une littéraire qui évolue : celui du vampire amoureux, plus
œuvre fondatrice du genre : Dracula de Bram Stoker. contemporain.
Les trois premières Lectures de la séquence permettent, La double-page « Histoire des arts » permettra, d’ail-
en effet, de découvrir les multiples facettes du personnage leurs, de poursuivre cette étude de la représentation du
ainsi que ses caractéristiques, ses pouvoirs surnaturels et vampire au cinéma, en comparant trois adaptations du
les lieux dans lesquels il évolue. roman de Bram Stoker, en évoquant la parodie de ce mythe
À ce titre, la Lecture 1 propose une activité de groupe sur et de ses codes en général bien connus.
différents extraits du roman montrant des transforma- L’atelier, quant à lui, accompagne les élèves dans la mise
tions physiques chez le vampire. Ces textes, et ceux qui en voix et en musique d’un des extraits de la séquence.
suivent dans les Lectures 2 et 3, permettent d’appréhender Les pages consacrées à la langue abordent des outils
quelques caractéristiques du genre fantastique, qui seront essentiels de la description – les expansions du nom et
approfondies dans la séquence suivante, et de le distinguer l’apposition – et s’intéressent au vocabulaire de l’angoisse
ainsi d’un autre genre voisin : le merveilleux. et du mystère.
23
Compétences du programme travaillées dans la séquence
Ouverture > p. 40 leurs représentations initiales avant de revenir avec eux aux
fondamentaux du mythe, avec les lectures d’extraits du
La séquence s’ouvre sur une image du film Dark Shadows de
roman Dracula. L’abécédaire a pour objectif de mobiliser le
Tim Burton, montrant Johnny Depp maquillé en vampire en
champ lexical du vampire en partant, de nouveau, des repré-
train de se brosser les canines, éléments caractéristiques du
sentations initiales des élèves. On pourra y faire des ajouts
vampire. D’emblée, les élèves identifient le thème de la
tout au long du travail sur la séquence, grâce notamment au
séquence. Ce photogramme permet d’introduire la notion
vocabulaire abordé par les textes littéraires, qui viendra
d’évolution et de parodie de la figure littéraire.
compléter celui mobilisé au premier abord par les élèves.
La citation qui accompagne l’iconographie est extraite du
roman de Bram Stoker, Dracula. C’est une citation légen- Quelques repères > p. 43
daire du roman qui rappelle que le vampire n’a d’emprise
que sur ceux qui entrent de leur plein gré chez lui : une sorte Quelques mots de vocabulaire liés au vampire permettent
d’incitation pour les élèves à entrer de leur plein gré dans les de montrer aux élèves la variété des origines du mythe. Puis,
Lectures de la séquence… c’est Vlad Tepes, seigneur roumain qui a inspiré Bram Stoker,
qui est introduit. Cette présentation est suivie par celle
À la découverte… > p. 42 de quelques romans fantastiques du xixe siècle, comme
Frankenstein de Mary Shelley. Un rappel est fait sur les diffé-
Cette page est consacrée à la présence de la figure du vam-
rences entre registres merveilleux et fantastique.
pire dans la culture des élèves, dans les séries, les films ou
les mangas. Il est intéressant, en effet, de les interroger sur
24
Lecture 1 > p. 44 revoir les temps composés et de développer le lexique de
Un travail de groupe pour découvrir trois descriptions du l’angoisse et du mystère. Ces exercices de vocabulaire
comte Dracula : la première issue de la rencontre de pourront venir enrichir l’abécédaire commencé dans la
Jonathan Harker avec le comte Dracula dans son château, la page « À la découverte… ».
deuxième effectuée par le même Jonathan qui prend le
temps d’observer le comte et ne peut réprimer le malaise Atelier oral > p. 56
qu’il ressent devant cet étrange personnage, et la décou- L’atelier propose la mise en voix et en musique d’un des
verte par Jonathan du comte dans son cercueil, rassasié et textes de la séquence : la découverte de la crypte de Dracula
rajeuni. L’analyse demandée insiste pour chaque texte sur par Jonathan Harker. La mise en voix des textes constitue,
les sentiments et sensations éprouvés par le narrateur face en effet, un axe important de l’oral à apprendre en classe de
à cette créature démoniaque. français.
3 Corrigés de la séquence
Sentiments
Texte Éléments du portrait de Dracula Comparaisons Modalisateurs
du narrateur
1 « un grand vieillard, rasé de près, hormis une « figé sur place, « impression « excellent »,
longue moustache blanche. II était vêtu de noir, ainsi qu’une statue désagréable » « étrange » (l. 6)
des pieds à la tête, sans que la plus petite au geste d’invite (l. 11-12) « désagréable » (l. 12) …
couleur tranchât sur ses vêtements » (l. 1-3) éternellement figé « très » (l. 3)
« il se jeta littéralement sur moi et s’empara de dans la pierre » « littéralement » (l. 10)
ma main avec une puissance qui me fit grimacer (l. 9-10) « tellement » (l. 15) …
– impression désagréable encore renforcée par « on aurait juré « on aurait juré » (l. 12)
la froideur glacée des chairs » une main de « je crus » (l. 16) …
(l. 10-12) cadavre »
(l. 12-13)
2 « Son visage donnait une impression de force » « Je ne pus « une impression »
(l. 1) retenir un (l. 1)
« son nez fin mais aquilin » (l. 1) frisson » « particulièrement »
« narines particulièrement larges » (l. 2) (l. 17) (l. 2)
« un front haut et bombé » (l. 2) « Le comte « paraissaient » (l. 4)
« des cheveux qui s’aperçut de « particulièrement »
se clairsemaient aux tempes, mon dégoût » (l. 7)
mais, ailleurs, épais et abondants » (l. 2-3) (l. 19) « paraissait » (l. 9)
« Les sourcils, massifs, […] denses » (l. 3-5) « donnaient toujours
« l’épaisse moustache » (l. 5) une impression » (l. 10)
« La bouche […] présentait quelque chose « extraordinaire » (l. 11)
de cruel » (l. 5-6) « m’avaient paru » (l. 13)
« dents éclatantes et particulièrement
pointues » (l. 6-7)
« lèvres […] rouge vif » (l. 7-8)
« Les oreilles étaient pâles et se terminaient
en pointes » (l. 9)
« Le menton paraissait large et dur » (l. 9-10)
« les joues, malgré leur maigreur, donnaient
toujours une impression
d’énergie » (l. 10-11)
27
« L’impression générale était celle
d’une extraordinaire pâleur » (l. 11)
« ses mains […] longues et fines. […] grossières,
larges » (l. 12-14)
« doigts épais » (l. 14-15)
« des poils au milieu des paumes » (l. 15)
« Les ongles étaient longs et fins, presque trop
pointus » (l. 16)
« haleine fétide » (l. 18)
« sourire effrayant » (l. 20)
« dents proéminentes » (l. 20-21)
3 « ses cheveux et sa moustache, blancs hier « Il gisait comme Phrase « paraissait » (l. 1)
encore, avaient, à présent, la couleur du plomb » une sangsue gonflée exclamative « plus » (l. 3)
(l. 2-3) et repue. » (l. 10) (l. 8-9) « mal » (l. 4)
« Les joues paraissaient plus pleines » (l. 3) « plus […] que jamais »
« la peau, toujours blanche, masquait mal, (l. 5)
à présent, une rougeur sous-cutanée » (l. 3-4) « paraissaient »
« La bouche était plus rouge que jamais » (l. 4-5) (l. 3 et l. 7)
« gouttes de sang frais qui sortaient des « On eût dit » (l. 8)
commissures et lui coulaient sur le menton
et le cou » (l. 6-7)
« Même les yeux, enfoncés, brillants,
paraissaient plus profonds » (l. 7)
« cette chair neuve » (l. 8)
À un train d’enfer ou
3 quand le réel déraille… > p. 62
1 Présentation de la séquence
Enjeux littéraires et de formation personnelle : • Le récit fantastique se déroule dans un univers quotidien.
• Découvrir des œuvres et des textes narratifs relevant de • Certains lieux et certains moments sont propices à
l’esthétique réaliste ou naturaliste. l’irruption d’événements étranges.
• Comprendre quelles sont les ambitions du roman réaliste • Le fantastique commence lorsqu’un phénomène étrange,
ou naturaliste au xixe siècle en matière de représentation auquel le narrateur ne peut pas donner d’explication,
de la société. surgit.
• Comprendre comment le récit fantastique, tout en • La peur s’empare du héros qui, face au phénomène,
s’inscrivant dans cette esthétique, interroge le statut et cherche à trouver une explication rationnelle.
les limites du réel. • Le récit se termine sur l’hésitation entre une explication
• S’interroger sur la manière dont les personnages sont logique et une explication surnaturelle sans qu’il soit
dessinés et sur leur rôle dans la peinture de la réalité. possible de se prononcer en faveur de l’une ou l’autre
En classe de 4e, les programmes officiels préconisent des hypothèses, laissant le lecteur dans le doute.
la lecture intégrale et l’étude de nouvelles fantastiques. Nous avons choisi de proposer trois nouvelles intégrales
Cette séquence pédagogique porte sur l’objet d’étude dans cette séquence afin de faciliter la tâche des ensei-
« Regarder le monde – inventer des mondes : la fiction gnants dans leur incitation des élèves à la lecture, puis
pour interroger le réel ». Tel est bien justement l’enjeu à l’écriture. Une attention particulière a été portée à la
de ce type de récit que de permettre au lecteur de franchir variété des auteurs et des nouvelles proposées. Il s’agit
la limite du réel et de la raison pour découvrir des lieux qui de faire prendre conscience aux élèves que le fantastique
lui sont inconnus et étrangers et, par nature, inquiétants. revêt des formes diverses et qu’on y retrouve des thèmes
L’une des caractéristiques principales du fantastique est récurrents. L’écriture, la logique narrative, les motifs
d’ancrer le récit dans un quotidien souvent ordinaire, pour, littéraires et leurs connotations les amènent également
à un moment ou à un autre, amener les éléments qui à exercer leur jugement critique. Pour des élèves moins
le feront basculer dans le surnaturel et l’étrange. Ainsi, à l’aise en termes de lecture, on pourra envisager de
les élèves qui découvrent les textes de la séquence auront n’étudier que deux nouvelles intégrales.
à repérer un certain nombre d’invariants :
2 Objectifs de la séquence
Cette séquence vise à mettre en place des outils de de leur permettre une réflexion sur leur propre ressenti
lecture propres à déterminer les enjeux et les ressorts de lecteurs. La Lecture 1 s’intéresse au cadre réaliste,
du récit fantastique tout en en soulignant la spécificité. glissant peu à peu vers l’étrange. La Lecture 2 se focalise
Comment, en partant d’une situation initiale réaliste, faire sur l’apparition du phénomène fantastique. Quant à la
naître le doute qui s’empare du personnage principal ? Lecture intégrale, qui porte sur un texte bien plus connu
La page « Quelques repères » présente le contexte (Arria Marcella de Théophile Gautier), elle souligne le
historique et culturel de la naissance du fantastique caractère inexplicable du phénomène et l’hésitation pro-
et montre la fascination des écrivains et des artistes voquée chez le lecteur. Jouant sur l’altération du temps et
pour le train, à la fois promesse de progrès et source sa réversibilité, Gautier réactive un passé que l’on croyait
d’inquiétude. La lecture des trois nouvelles, avec l’apport disparu, et que le narrateur fixe à tout jamais par le récit
de démarches d’analyse et d’activités de maîtrise des qu’il en fait. L’expérience fantastique est unique, tout
outils de la langue et d’écriture, a pour but d’initier comme le personnage qui l’a vécue. C’est par le récit qu’elle
les élèves au fonctionnement de récits fantastiques et échappe au temps.
36
Les deux premières nouvelles peuvent être lues en classe. • Repérer et analyser la progression narrative d’une nou-
Les élèves devront, en revanche, avoir lu au préalable velle.
la nouvelle de Gautier avant d’entamer, en classe, le travail • Distinguer le fantastique du merveilleux.
en groupes. • Explorer des thèmes fantastiques secondaires : le double,
Grâce à des activités d’apprentissages spécifiques de la la morte-vivante, le pouvoir de l’objet, la résurrection du
langue et d’écriture proposées en cours et en fin de passé, le diable…
parcours, les élèves identifieront les techniques et procédés • Relever et analyser les manifestations du surnaturel.
utilisés par les auteurs, qu’ils pourront appliquer à d’autres • Plonger au cœur de l’hésitation fantastique.
textes relevant de la même esthétique, avant de se lancer • Explorer le champ lexical de la peur.
eux-mêmes dans la rédaction de leur propre nouvelle fan- • Reconnaître et utiliser les modalisateurs du doute.
tastique. À titre d’entraînement au DNB, une évaluation • Inciter à la lecture autonome et susciter le plaisir de lire
sommative, sur un extrait de la nouvelle « Le Signaleur » et d’exprimer un avis argumenté.
de Dickens, est également proposée. • Écrire une nouvelle fantastique à partir d’un tableau
Objectifs pédagogiques du parcours : en respectant les codes du genre et en réinvestissant les
• Lire et analyser plusieurs nouvelles fantastiques. connaissances acquises au cours du chapitre.
• Montrer comment le fantastique investit l’univers
moderne et industriel du chemin de fer.
3 Corrigés de la séquence
Dans la séquence 2, un groupement de textes a permis apparence et réalité, renvoyant ainsi à la problématique
aux élèves de découvrir et de définir le fantastique au de notre séquence. Si elle connaît des détracteurs qui
travers d’extraits. Avant d’entamer cette nouvelle séquence, l’accusent de profiter de la crédulité des plus faibles, la pho-
il pourra s’avérer utile de brièvement rappeler aux élèves tographie spirite, très en vogue au xixe siècle, occupe une
la distinction qui prévaut entre, d’une part, le merveilleux, place de choix dans la recherche de l’invisible, aussi bien
principalement étudié dans les contes en 6e ou dans dans la médecine et la physique que dans les sciences
les récits médiévaux mettant en scène des héros en 5e, occultes, ouvrant la voie aux expériences d’hypnose, de
et d’autre part, le fantastique. La nouvelle, en tant que médiumnité, de suggestion, de magnétisme.
genre littéraire, méritera d’être également redéfinie comme La deuxième partie de cette ouverture de séquence s’inté-
étant un récit bref, à l’intrigue centrée sur une action resse au motif littéraire du train. Le fantastique va trouver
principale et quelques personnages, et au rythme rapide. dans l’univers ferroviaire le cadre propice à ses manifesta-
La visée de ce chapitre sera, avant d’aborder la phase tions, avec l’idée sous-jacente selon laquelle il est beaucoup
d’écriture, d’analyser l’atmosphère qui prépare l’apparition plus efficace quand il surgit d’un quotidien par nature très
fantastique et ses manifestations dans chacune des nou- mécanique et très réglé. Les écrivains et les artistes auront
velles. tôt fait de déceler dans ce mode de transport le fort poten-
tiel poétique et émotionnel, capable de saisir l’atmosphère
Quelques repères > p. 63 particulière qui s’en dégage.
Dans le tableau de Turner, Pluie, vapeur et vitesse, que l’en-
Compétences travaillées :
seignant gagnera à vidéo projeter pour une étude en classe,
• Acquérir des éléments de culture littéraire et artistique.
on retrouve cette fascination de l’artiste pour la modernité
• Se forger une culture.
de son temps, et son engouement particulier pour le voyage
C’est dans leur quotidien que les personnages des nouvelles et la prouesse technologique. Pour Turner, il est moins
fantastiques sont envahis par l’irrationnel. Au fil de leurs important de reproduire le réel que de le rendre visible et
lectures, les élèves constateront que le fantastique est bien sensible à la fois. Dans cette représentation onirique du
souvent une expérience solitaire où le personnage principal chemin de fer, qui témoigne de la révolution industrielle en
est confronté à l’étrange et au surnaturel. Ce terme décrit marche, l’œil du spectateur est attiré par la locomotive
l’ensemble des phénomènes qui résistent à la raison et noire, dont la masse rougeoyante à l’avant sort d’un rideau
aux connaissances humaines, ce qui peut le rendre difficile de pluie dans ce paysage presque abstrait. L’effet de vitesse,
à définir précisément pour l’élève. Les fantômes, les appari- annoncé par le titre du tableau, est encore accentué par
tions en font partie, notamment dans les récits de Nodier, la composition en diagonale du tableau. Certains détails ont
Gautier, Balzac ou Maupassant que cette page n’oublie pas leur importance : dans la brume, on distingue quelques
de citer. champs, une machine agricole, et une ville dans la plaine.
L’iconographie du haut de la page 63 aide l’élève à bâtir À gauche, le peintre a figuré un pont sous lequel va passer
sa propre représentation. Utilisant le procédé de double une embarcation de pêche. À l’avant du train, comme
impression de la plaque photographique, ce trucage se prisonnier des rails, le peintre a représenté un lièvre qui
fonde sur l’illusion d’optique et questionne le rapport entre tente d’échapper à un destin funeste.
39
Lecture 1 « Le Train perdu » > p. 64-67 4 Le plus petit voyageur, « très petit » (l. 38) comme
le souligne le narrateur, semble venir d’une autre époque.
Compétences travaillées :
Il paraît « aussi vieux que le Juif errant » (l. 39-40). (L’allusion
• Lire des textes variés avec des objectifs divers.
à la figure légendaire du Juif errant qui parcourt le monde
• Contrôler sa compréhension, devenir un lecteur autonome.
entier et apparaît de temps en temps, annonçant une malé-
• Élaborer une interprétation des textes littéraires.
diction, ne sonne-t-elle pas d’ailleurs comme un funeste
Avec « Le Train 081 » de Marcel Schwob, « Le Train perdu » présage pour la suite du texte ?) Ce curieux personnage
de Claude Farrère est selon toute vraisemblance le texte porte les cheveux longs jusqu’aux épaules (l. 40-41). C’est
français de fantastique ferroviaire le plus connu. Prix surtout sa tenue, qualifiée d’« accoutrement invraisem-
Goncourt en 1905, auteur de nombreuses nouvelles et de blable » (l. 42), qui le rend remarquable. Le narrateur
romans qui lui vaudront d’être élu à l’Académie française, décrit un pantalon « baroque » (l. 43), « serré aux genoux
Claude Farrère fait partie de ces auteurs quasiment oubliés comme une culotte » (l. 43-44), « des souliers à boucle »
aujourd’hui mais qui furent célèbres en leur temps et dont (l. 44), « une sorte d’habit-redingote à boutons d’argent,
l’œuvre recèle quelques pépites propres à ravir le lecteur dont les larges basques bouffaient comme un jupon »
amateur d’insolite et d’étrange. Une nuit, donc dans une (l. 45-46), « un chapeau de castor » (l. 47) ressemblant
espèce de hors-temps, Tiphaigne Hoff, le héros de la à un tricorne. De cet accoutrement se dégage une épouvan-
nouvelle, est le témoin de la mystérieuse disparition d’un table odeur de moisi (l. 49). Le dernier détail étrange de
train de nuit à bord duquel sont montés deux personnages ce voyageur est une canne à pomme d’or plus haute que
qui semblent sortis d’une autre époque et qui provoquent lui et qu’il serre à deux mains « comme les suisses serrent
chez lui un mélange d’étonnement et de crainte. leur hallebarde » (l. 49-52).
Vos objectifs 5 LANGUE Les modalisateurs – essentiellement ici des
Cette nouvelle doit permettre à l’élève d’identifier les carac- adverbes d’intensité et des verbes exprimant un jugement,
téristiques formelles de la nouvelle fantastique. Il s’agira une opinion, un sentiment − qui marquent l’étonnement de
aussi de relever tous les indices du surnaturel et de l’étrange Tiphaigne Hoff face au petit voyageur, sont les expressions
et de montrer comment ils bouleversent la perception du réel. suivantes : « très petit », expression mise en valeur entre
tirets, qui surenchérit la description « le petit » (l. 38),
La mise en place du récit
« il semblait aussi vieux que le Juif errant » (l. 39-40),
1 Tiphaigne Hoff agite son fanal et crie : « En arrière, les
« tout à fait invraisemblable » (l. 42), « si singulièrement »
voyageurs ! » (l. 2-3). Une fois le train arrêté en gare, le chef
(l. 47-48).
de gare procède à des opérations de contrôle : il s’assure
6 Le portrait du grand voyageur est rendu inquiétant
qu’aucun wagon ne manque en vérifiant les signaux de
par sa taille et son allure, il est « très grand » (l. 53), et
queue (l. 11-12) puis il marche « le long des quatre voitures »
par le manteau qu’il porte, manteau suffisamment long
(l. 13-14), éclairant de son fanal « les essieux, les châssis
pour que le voyageur s’y cache tout entier : « C’était une
et les attelages » (l. 16). Une fois les trois minutes d’arrêt
longue silhouette tout enveloppée d’un long manteau […]
passées, il crie : « En voiture ! » et signifie le départ imminent
lequel manteau traînait à terre […]. » (l. 56-58), « Un capu-
du train par un « coup de sifflet réglementaire » (l. 24-26).
chon […] cachait la tête. » (l. 59-60). On peut remarquer
2 a. La scène se passe la nuit, sur le quai d’une gare.
la répétition de l’adjectif « long » dans la même phrase qui
L’atmosphère est sinistre, lugubre : plongé dans une nuit
souligne le point commun étrange, presque hors norme,
épaisse, l’endroit est désert et très peu fréquenté car les
entre la silhouette et le vêtement. Ce manteau renforce
voyageurs s’y font rares. Nous pouvons citer comme
le sentiment de gêne du chef de gare qui peine à le décrire
indices : « le train 1815, gémissant de tous ses freins serrés,
et qui emploie alors une comparaison et une question :
entrait en gare » (l. 3-4), « il n’y avait pas un seul voyageur
il n’a « ni forme ni couleur qu’on p[uisse] préciser »
sur le quai » (l. 5-6), « Ces sacrés trains de nuit ! » (l. 8).
(l. 58-60), « un long manteau pareil à une draperie ou à
Les seules personnes présentes sont Tiphaigne Hoff, le chef
un linceul » (l. 57-58), « un capuchon ou une cagoule ? »
de gare, l’homme d’équipe et le mécanicien du train 1815.
(l. 59-60). Les quelques détails physiques que le long
Nous apprenons par le mécanicien qu’il fait très froid
manteau laisse apparaître n’en sont que plus significatifs : le
(l. 21-22).
chef de gare remarque « deux yeux caves », « une barbe
b. L’histoire a pour cadre un lieu réel : une gare. La nuit est
blanche de deux pieds », « une main décharnée », « des
un moment propice à l’apparition des phénomènes étranges
doigts blafards » (l. 61-63). On dirait la description d’un
car l’obscurité peut modifier la perception des événements.
fantôme. Cette allusion à la mort est d’ailleurs suggérée
L’absence de voyageurs limite le nombre de témoins.
par la comparaison du manteau avec un linceul.
Des événements étranges et inquiétants On retrouve le même procédé stylistique qui avait permis
3 Le travail du chef de gare est perturbé par l’apparition de décrire l’autre voyageur « très petit » et qui, de fait,
soudaine de deux voyageurs sur le quai, prêts à monter dans installe une comparaison par la taille entre les deux person-
le train. nages.
40
7
Du doute à la terreur – Toute cette histoire n’existe peut-être que dans l’imagina-
8 Même si le train 1815 est en retard et n’a pas encore tion de Tiphaigne Hoff. Le personnage est en proie à un état
atteint le poste suivant, Tiphaigne Hoff refuse de le déclarer second (l’ivresse) lorsqu’il se confie au narrateur, ce qui
en détresse et annonce qu’« il y a marche lente » (l. 156- modifie sa perception des événements et favorise l’ambi-
157). guïté.
9 Les mots et expressions qui appartiennent au champ Votre bilan
lexical de la peur sont : « une secousse de tout son être La mise en place d’un cadre réaliste où le personnage princi-
le fit bondir » (l. 133-134), « un pressentiment » (l. 135), pal est présenté dans son quotidien de chef de gare permet
« terrifié » (l. 136), « le cœur comme dans un étau » (l. 144), de progressivement faire basculer le récit du côté du surna-
« pâles comme linge » (l. 150), « sa propre épouvante » turel et de l’étrange. Cela s’avère d’autant plus efficace
(l. 155), « la terreur » (l. 167). que l’apparition fantastique des deux mystérieux voyageurs
10 LANGUE L’accumulation d’adjectifs insiste sur le carac- puis la disparition mystérieuse du train ont lieu de nuit,
tère surnaturel du phénomène : le train 1815 a disparu sans dans le cadre sombre d’une gare puis des alentours d’une
explication. Ces adjectifs sont épithètes du nom « chose ». voie ferrée qui peuvent tromper les sens du personnage.
Barricadé dans ses certitudes et la tranquillité trompeuse
Un dénouement troublant
de son existence, le personnage principal est d’abord ébranlé
11 Deux éléments prouvent la disparition du train : d’abord
dans ses convictions personnelles, puis se voit dominé
le diable touché par le grand voyageur et réduit après cela à par la peur qui l’envahit progressivement jusqu’à lui faire
« un petit tas de rouille » (l. 191) et les cailloux du ballast, admettre la réalité du phénomène, lui révélant au passage
autrefois gris, devenus « rougeâtres et comme poudrés ses propres limites.
d’oxyde de fer » (l. 200-201).
12 Dans la dernière phrase, le narrateur intervient directe-
ment dans le récit grâce au pronom de la première personne TESTÉ EN CLASSE La lecture de cette nouvelle en
« moi » (l. 208) en précisant qu’il tient son récit de Tiphaigne lecture cursive avec une classe de 4e a beaucoup plu aux
Hoff lui-même, de qui il a été le confident un jour où le chef élèves. Donnée en complément d’un groupement de
de gare avait trop bu. textes sur la nuit fantastique, la nouvelle installe dès
Le lecteur est invité à croire le témoignage de Tiphaigne le départ une atmosphère inquiétante qui précède les
Hoff. Mais ce récit fait par un autre narrateur, qui n’a pas principales péripéties. Les jeunes lecteurs apprécient
été directement témoin des événements étranges, peut l’attente dans laquelle ils sont plongés : on pressent
faire douter le lecteur sur la véracité des faits racontés que quelque chose va arriver mais on ne sait pas encore
d’autant plus que ce narrateur prend soin de préciser qu’il ce qui va se produire.
tient cette histoire d’un homme ivre. Dans cette classe, une dizaine d’élèves participe à la
webradio du collège. Aussi était-il tout naturel de s’ap-
À L’ORAL
puyer sur leur expérience en matière de montage avec
Cet exercice de lecture expressive permet de travailler les Audacity. L’enseignant a choisi de les répartir dans chacun
compétences du cycle 4, « participer de façon constructive des cinq groupes à qui une activité de mise en voix des
à des échanges oraux » et « passer du recours intuitif à lignes 1 à 70, avec l’ajout d’effets sonores est proposée.
l’argumentation à un usage plus maîtrisé ». Cette activité Grâce à ce travail de collaboration exécuté sur des
s’appuiera sur les réponses des élèves qui, à partir des indices tablettes au sein de la classe, les élèves ont pu saisir que
du texte, peuvent émettre deux hypothèses : l’atmosphère d’une nouvelle fantastique est étroitement
– Suite à l’arrivée soudaine des deux mystérieux voyageurs, liée au cadre dans lequel se meuvent les personnages de
le train de nuit, dans lequel ils sont montés, a réellement l’histoire. Par l’ajout d’éléments sonores qui font sens,
disparu dans un monde intermédiaire, sorte de hors-temps, comme le bruit du vent ou encore le son du marteau
entre la réalité et l’au-delà.
41
qui frappe la roue du train, ils ont pu rapidement se rendre Lecture 2 « La Choucroute » > p. 68-72
compte que l’évocation d’un décor ou la description d’un Compétences travaillées :
lieu ne servent pas uniquement à situer l’histoire sur • Lire des textes variés avec des objectifs divers.
le plan spatial et temporel ; elles permettent également • Contrôler sa compréhension, devenir un lecteur auto-
de susciter des émotions chez le lecteur et revêtent une nome.
dimension symbolique. • Élaborer une interprétation des textes littéraires.
Pour cette deuxième Lecture, les élèves découvrent l’univers
de Jean Ray, écrivain belge prolifique encore trop méconnu
en France. Il est pourtant considéré par certains comme
Passerelles l’un des maîtres de la littérature fantastique francophone,
En amenant les élèves à confronter divers textes du manuel, comme en témoignent certains titres de ses œuvres
on pourrait imaginer, toujours dans le cadre de l’entrée thé- publiées dès 1940 : « Le Grand Nocturne », « La Croisière
matique « La fiction pour interroger le réel », une séquence des ombres », « Les Cercles de l’épouvante » ou « Le Livre
pédagogique autour des personnages mystérieux dans des fantômes ». Il fait évoluer ses personnages dans des
le récit fantastique. Ce chapitre aborderait la question du décors mystérieux composés de ports embrumés, de mai-
portrait, prise dans sa diversité, et amènerait l’élève à se sons truquées, de boutiques vieillottes ou de rues se trans-
demander comment le narrateur fait naître le trouble formant en labyrinthes. La grande originalité de Jean Ray,
chez le lecteur. Un premier support possible pour la séance c’est de faire surgir la peur d’un environnement paisible,
inaugurale serait un extrait de film fantastique, comme de localiser le surnaturel dans le quotidien le plus sécurisé.
Dark Shadows de Tim Burton. Après avoir visionné l’extrait, Vos objectifs
le questionnement pourrait porter sur le photogramme La lecture de cette nouvelle focalise l’attention sur le thème
reproduit page 41 dans le manuel. Le choix de ce film est de la peur. Elle doit aussi permettre à l’élève de dégager
intéressant : l’acteur américain Johnny Depp y incarne la structure d’une nouvelle fantastique, notion qui devra
Barnabas Collins, un riche châtelain américain du xviiie siècle être réinvestie dans l’atelier d’écriture.
transformé en vampire par une sorcière jalouse, Angélique,
et enterré pendant deux cents ans. Il est accidentellement Thème 1 : Les personnages
libéré de sa prison en 1972 et découvre à la fois le monde 1 Le lien qui unit Buire et le narrateur est qu’ils sont amis :
du xxe siècle et ce qu’il est advenu de sa puissante famille… « Je le considère comme ami parce que je perds rarement
Il permet un premier travail de repérage des caractéristiques une de nos vastes parties d’échecs, qu’il essaye toujours
du portrait fantastique et pourrait servir de catalyseur pour de m’être agréable par de menus et fréquents services »
entraîner les élèves dans la lecture d’autres textes, notam- (l. 6 à 9). Ce lien se rompt à la fin de la nouvelle : « Ce n’est
ment les extraits de Dracula aux pages 44 à 48 du manuel. plus mon ami » (l. 314).
L’histoire du comte Dracula compile en effet les journaux
intimes des différents protagonistes du roman : Jonathan, Pour aller plus loin
le premier à se rendre en Transylvanie, sa femme Mina,
On pourra faire remarquer aux élèves que cette amitié est
l’amie de celle-ci, Lucy, et le professeur Van Helsing sont
toute relative : l’allusion à Wackford Squeers, personnage
les plus importants. À chaque narrateur ses impressions,
du roman Nicholas Nickleby de Charles Dickens, est peu
ses expériences et sa réalité : c’est ce qui fait tout l’intérêt
flatteuse. La mention du cruel directeur de Dotheboys Hall,
de ce roman.
institution qu’il dirige d’une main de fer et où les enfants
La confrontation de Tiphaigne Hoff avec les deux mysté- sont affamés et régulièrement battus et humiliés, interroge.
rieux voyageurs du train 1815, surgis de nulle part, dans Jean Ray annonce-t-il déjà au lecteur la duplicité dont
la nouvelle « Le Train perdu » de Claude Farrère, reproduite semble faire preuve Buire ? L’épisode final du morceau de
aux pages 64 à 67, pourrait constituer la troisième étape rubis montre que Buire est avant tout guidé par le sens
de ce projet. des affaires. Au grand étonnement du narrateur, il lui pro-
Enfin, un extrait d’Arria Marcella de Théophile Gautier, pose un million pour le rubis avant de se reprendre : « Allons,
étudiée en page 73, viendrait conclure cette étude. Dans jouons franc jeu, ils vous en offrent deux millions, mais
cette nouvelle, Octavien, fasciné par une silhouette n’espérez pas en obtenir davantage, sinon ce serait trop
féminine aperçue plus tôt dans la cendre au musée de réduire ma commission » (l. 283-285).
Naples, fait la rencontre de la fascinante Arria Marcella. Dans la nouvelle, Buire fait aussi figure de tentateur.
Ici, le fantastique se manifeste dans le portrait ambivalent Aiguisant l’envie du narrateur et sa soif d’« atteindre des
de la jeune femme, mais aussi et surtout à travers un écart horizons inconnus et prestigieux » (l. 38), il représente
temporel : le protagoniste, Octavien, fait en effet un bond celui qui va attirer le narrateur dans la transgression en
dans le passé et se retrouve dans la ville de Pompéi avant lui proposant d’utiliser la carte d’abonnement de train.
l’éruption volcanique fatale. L’enseignant pourra faire remarquer aux élèves que le pacte
42
avec le Diable est un motif récurrent dans la représentation déserte à ce moment de la journée. Lorsque le train s’éloigne,
du Diable. L’attrait du pacte est souvent tel que l’individu il est comparé à « une ombre fuyante piquée d’un œil
ne s’aperçoit a priori pas de l’aliénation définitive que cela flamboyant de cyclope » (l. 103-104).
représente : « Je pense à la choucroute et je meurs de regret 8 Le narrateur ne tient pas compte de cet avertissement.
de n’y avoir pas goûté. Je la revois sans cesse ; elle hante Il est bien décidé à trouver un restaurant au plus vite car
mes jours et mes nuits. » (l. 300-303). On pourra proposer la conversation dans le train avec l’autre voyageur a aiguisé
de lire « Le Veston ensorcelé » de Buzzati ou « Deux acteurs son appétit : « à cette heure, une unique chose me préoccu-
pour un rôle » de Théophile Gautier qui partagent des pait : celle de m’installer sur une banquette de restaurant et
thèmes communs avec notre nouvelle. de commander une choucroute » (l. 112-114).
9 LANGUE Le passager utilise des phrases exclamatives.
2 Buire travaille comme courtier dans une entreprise de
De forme négative, elles prolongent les efforts désespérés
joaillerie : « aussi est-il employé chez Wilfer et Broways,
qu’il fait pour dissuader le narrateur de s’arrêter à cette
firme très honorablement connue » (l. 19-21) .
gare : « Je lui tendis la main. Il la retint avec force » (l. 90-91).
3 Buire bénéficie d’une prime et d’« un abonnement sur Son insistance est marquée par les effets de répétition :
tout le réseau ferroviaire » (l. 23-24) qui lui « [ouvre] un « Ce n’est pas possible ! Vous ne pouvez pas descendre…
ciel de félicités sans nombre » (l. 25-26). Il propose au pas descendre… ici » (l. 93-94) puis « vous ne pouvez
narrateur de lui prêter cet abonnement pour qu’à son tour pas descendre… ici ! » (l. 99). L’utilisation des points de
il puisse bénéficier du même avantage : « Un jour, je vous suspension renforce le sentiment d’« angoisse » (l. 101)
prêterai mon abonnement » (l. 39). qu’il ressent.
4 Le narrateur rencontre un voyageur inconnu à l’attitude 10 Cette réaction trouble le lecteur. Elle provoque son
débonnaire, « un homme jovial et bavard » (l. 57) avec étonnement car le compagnon de voyage du narrateur
lequel il sympathise : « l’homme me devint sympathique » cherche par tous les moyens à le retenir à bord du train.
(l. 71). Sa peur semble disproportionnée : « son gros et cordial
5 Tous deux partagent la même passion pour la cuisine en visage avait soudainement blêmi » (l. 91-92). Ce même
général et pour la choucroute en particulier : « je me serais visage vient ensuite, « se coller, tordu d’angoisse, contre
contenté d’une ordinaire mais bonne choucroute, avec des la vitre de la portière » (l. 101-102). De plus, les verbes
saucisses, du lard, des tranches de porc rissolées » (l. 73-75). de parole comme « balbutia » (l. 93) et surtout « hurla »
Le narrateur lui-même avoue faire « grand cas d’une chou- (l. 99) traduisent la même idée.
croute bien conditionnée » (l. 77-78). En fins gastronomes, Thème 3 : Le restaurant
ils se mettent à discourir sur la manière de préparer ce plat
11 L’endroit est aussi désert que la rue que le narrateur
selon qu’on soit « d’Allemagne », « d’Alsace », d’« Ardenne »
vient d’emprunter : « je ne vis aucun passant » (l. 122). Dans
(l. 81-82) ou qu’on la serve « en spécialité autrichienne,
la pénombre qu’éclaire la lueur de « réverbères à flammes
avec des saucisses à la chipolata » (l. 83-84).
bleues » (l. 120), il devine « les contours flous de tables,
6 Plusieurs indices présentent Buire comme un double de glaces et d’un comptoir confortablement garni » (l. 131-
du narrateur. Ce dernier insiste d’ailleurs sur leur proximité 132). Plus tard, alors que la choucroute s’est mise à flamber,
au niveau de l’apparence physique. Dès le début de la nou- il arrive dans une arrière-salle « absolument vide et nue »
velle, le narrateur explique : « il y a entre nous une certaine (l. 175-176). Il s’aperçoit alors que c’est toute la maison
ressemblance physique depuis qu’il porte un Borsalino qui est « vide, déserte, inhabitée, sans trace de meubles ni
à très larges bords et qu’il fume une pipe bulldog de même de présences anciennes » (l. 181-183). Le narrateur
marque écossaise » (l. 10-13). Cette ressemblance physique trouve ces détails étranges, évoque « la suite des étonne-
– vraisemblablement cultivée par son ami − est telle qu’elle ments sans nombre de cette soirée » (l. 173-174) et se
permet au narrateur d’emprunter la carte d’abonnement montre surpris de n’avoir autour de lui que la marque « du
de train de Buire, sans le risque que le contrôleur ne découvre mystère, du vide et du silence » (l. 190).
la supercherie : « nous nous ressemblons comme des
12 Le serveur apparaît comme un personnage inquiétant et
frères » (l. 41-42), précise ainsi Buire. Ils partagent « des
peu avenant : il est d’emblée présenté comme un « étrange
goûts communs, par exemple pour la choucroute, le vin
bonhomme » (l. 141). Le lexique péjoratif utilisé pour son
des Côtes-Rôties et le tabac de Hollande » (l. 14-16). Enfin,
portrait physique déconcerte le lecteur : « il avait un visage
ils nourrissent une passion commune pour les échecs.
décati de clown, tout blanc, à la bouche mince et rentrante,
Thème 2 : La mise en garde aux yeux tapis derrière un rempart de bourrelets graisseux »
7 Le passager du train avertit le narrateur de ne pas (l. 144-145). Sa couleur dominante, ses déplacements
descendre à cet arrêt. Alors que le train ralentit, le narrateur silencieux, ses apparitions puis disparitions soudaines
se lève et salue son interlocuteur. La scène a lieu le soir font penser à un fantôme : « je ne l’avais vu, ni entendu
(le narrateur est monté dans le train « entre chien et loup » venir, et il s’était dressé devant ma table, comme surgi
(l. 45-46)). La gare, « aux lumières avares » (l. 106), est d’une trappe » (l. 141-143). Troublé, le narrateur ajoute :
43
« Je ne vis partir ni revenir le serveur » (l. 150) puis « je ne les propriétés combustibles du feu − est la manifestation
revis pas le serveur » (l. 160). Nul moyen de savoir comment de la puissance de Dieu qui dit à Moïse et au peuple hébreu
la choucroute arrive sur la table, comme en atteste l’emploi de mener une vie nouvelle. Dans « La Choucroute », c’est
de la forme pronominale « se trouva » (l. 151). Enfin, tandis tout l’inverse qui se produit : aucune voix ne se fait entendre.
que la choucroute s’embrase, c’est « une voix » (l. 159) qui Seul le plat, devenu intouchable, reste au centre de la scène.
avertit le narrateur de la façon peu conventionnelle de
16 Le restaurant est comparé à l’enfer car il est associé
servir la choucroute dans ce restaurant.
au champ lexical du feu : « chaleur » (l. 166), « flamme »
13 La description gastronomique de la choucroute acquiert (l. 157 et 195), « ardent » (l. 199), « brasier » (l. 167). Le lieu
une dimension presque picturale. L’illustration de Caroline est transformé en un « pâle brasier » (l. 167) duquel
Taconet présente dans le manuel à la page 70 va dans ce s’échappe « une chaleur torride » (l. 194).
sens : elle aidera l’élève à se figurer la scène. L’énumération La comparaison aux lignes 199-200 « ardent comme l’enfer
d’adjectifs qualificatifs et de participes passés donne même » confirme cette impression. Cette image sera
une image gargantuesque de ce plat : « la choucroute se poursuivie dans le texte avec les mots « fournaise » (l. 235),
trouva placée sur la table, énorme, splendide, dressée l’allusion à « une haleine centuplée de forge en furie »
sur un gigantesque plat d’étain frotté, bardée de lards (l. 236-237).
épais, étayée de saucisses dorées, flanquée de puissantes
Thème 4 : Le doute
tranches de jambon et de rôti » (l. 151-155). L’assonance
17 Le narrateur s’enfuit de la ville car il est envahi par
en [e] procure une certaine musicalité à cette longue
la peur : « Alors, la peur me poussa aux épaules, et je m’en-
phrase entrecoupée de virgules, si bien que le lecteur se
fuis » (l. 210). Celle-ci atteint son paroxysme avec les mots
trouve lui-même repu devant ce tableau.
« épouvantablement » (l. 229) ou « anéanti » (l. 239) quand
14 L’étonnement du narrateur est marqué par le vocabu-
il découvre qu’il est dans une ville « toute en façades »
laire choisi pour la description gourmande du plat. Il s’agit
(l. 227), donc factice et irréelle. Il trouvera refuge dans le
essentiellement des adjectifs de sens mélioratif et de sens
train qui l’avait déposé là plus tôt.
hyperbolique qui insistent à la fois sur la beauté du plat
18 Il a en poche « un gros morceau de verre rouge » (l. 249-
servi, son caractère appétissant, abondant et généreux :
250) qui se révélera être « un rubis » (l. 280) à « l’étrange
« énorme », « splendide », « gigantesque », « bardée »,
forme irrégulière » (l. 277).
« étayée », « flanquée », « puissantes » (l. 151-155).
L’intervention du narrateur à la première personne (« du 19 Le lecteur pourra hésiter entre deux types d’interpréta-
moins je ne m’en souviens guère » (l. 150-151)) apporte tion :
une distance qui vaut précaution. • Explications logiques :
– Le narrateur est fou et raconte une histoire totalement
15 Ce qui empêche le narrateur de déguster le plat est
inventée qui n’existe que dans son esprit.
le fait qu’il s’enflamme immédiatement après avoir été
– Le narrateur s’est endormi durant son voyage en train :
servi. « Une haute flamme bleue s’en éleva » (l. 157) de telle
« ce ne fut qu’après un temps bien long, une heure peut-
sorte que le narrateur est contraint de quitter sa table :
être, que je vis que d’autres voyageurs l’occupaient égale-
« Une chaleur terrible, formidable […] et je dus reculer sur
ment. Ils dormaient. » (l. 241-243). Ce récit serait-il celui
la banquette » (l. 166-168). Sous l’effet d’« une chaleur
du cauchemar vécu ?
torride » (l. 194), il ne peut repartir déguster son plat
• Explication surnaturelle : le narrateur a bel et bien vécu
qu’il devine désormais « à travers un léger voile azuré,
cette aventure de ville fantôme, comme semble en attester
mais ardent comme l’enfer même » (l. 199-200).
la présence du rubis dans sa poche.
Ce passage de la nouvelle est très symbolique. On pense
au supplice de Tantale : Tantale, fils de Zeus, était, à la suite Il est difficile de trancher pour l’une ou l’autre des explica-
d’une punition de son père, condamné à supporter la faim tions. La nouvelle est bâtie sur le principe de l’hésitation.
et la soif pour l’éternité. En effet, lorsqu’il s’approchait Ce doute se situe entre la folie et la réalité du phénomène
d’un fruit ou d’une source, le premier se transformait en surnaturel. Il n’y a pas d’autre hypothèse plausible, ce qui
pierre, quant à la seconde, elle disparaissait. renvoie le lecteur à l’univers fermé, quasiment tragique
du personnage principal.
Pour aller plus loin Votre bilan
L’enseignant pourra également proposer aux élèves une Cette nouvelle est à la fois troublante et effrayante car
recherche sur l’épisode du Buisson-ardent. Cette choucroute elle conduit le héros à franchir une limite. Le voyage en train
aux « flammes bleues, épouvantablement ardentes et permet ce passage. Mû par l’envie irrépressible de déguster
pourtant ne brûlant pas » (l. 228-229) n’évoque-t-elle pas une choucroute mais aussi par la curiosité, le personnage
le livre de l’Exode au moment où Moïse aperçoit le Buisson- principal pénètre dans un lieu étrange et terrifiant, à la
ardent et fait preuve de curiosité ? L’épisode du Buisson- frontière entre la raison ou la folie, entre rêve et réalité.
ardent et son feu symbolique − puisqu’il ne possède pas Le mystère happe alors le personnage. Par contagion,
44
c’est également le lecteur qui se met à douter, il a bien Les élèves auront lu l’intégralité du texte avant le travail
du mal à se fier à sa raison pour trouver une explication en classe. L’écoute de la lecture audio (disponible par ce lien
vraisemblable pour comprendre l’histoire. Le récit fantas- https://www.youtube.com/watch?v=rzLtBnBiXuw) consti-
tique l’amène à sonder les parts obscures qui le hantent tuerait un préalable très utile, notamment pour les lecteurs
(incertitudes liées au temps, univers du rêve et du cauche- plus fragiles ou pour ceux qui sont peu familiarisés avec
mar, confusion des contours et des limites…). l’univers antique. Pour contextualiser l’œuvre, l’enseignant
La structure de la nouvelle répond à cette attente et parti- pourra choisir d’intégrer un certain nombre d’illustrations
cipe également à ce trouble. Aussi peut-on dégager diverses à son projet de lecture.
étapes : Dans une perspective d’interdisciplinarité, voire dans le
• Une introduction dans laquelle le personnage se voit cadre d’un EPI, des liens pourront être établis avec le latin
placé dans un cadre banal et réaliste qui contribue à authen- ou l’italien.
tifier son histoire.
Thème 1 : Un cadre réaliste : de Naples à Pompéi
• Un avertissement qui suggère au héros qu’il ne doit pas
1 Le sous-titre de la nouvelle est « souvenir de Pompéi ».
faire ce qu’il projette de faire ou qui lui communique des
Le début de la nouvelle, qui se déroule dans le sud de l’Italie,
interdits, comme le fait le passager rencontré dans le train.
entre Naples et Pompéi, prend les allures d’un carnet de
• Une aventure fantastique : le héros, ayant « trans-
voyage : l’histoire se déroule « l’année dernière » (l. 2),
gressé » les règles, est entraîné dans une aventure. Des faits
ce qui situe l’action par rapport au moment de l’écriture,
qui progressent souvent de l’étrange vers le fantastique
c’est-à-dire 1852. L’auteur y mêle des souvenirs précis au
se produisent. Ils engendrent une angoisse puis une peur
récit d’un amour rêvé, ce qui confère plus de véracité à
ou une panique.
l’ensemble. Il donne à lire dans la première partie de son
• Une sanction : le retour au quotidien qui marque la fin
récit une certaine image de Pompéi pour mettre en lumière,
de l’expérience fantastique n’est pas heureux. Le héros du
par contraste, la deuxième partie de son récit racontant
récit fantastique reste marqué négativement par les événe-
l’aventure étrange et unique que va vivre Octavien.
ments vécus.
Pour aller plus loin
Lecture intégrale > p. 73 Théophile Gautier écrit Arria Marcella deux ans après un
Compétences travaillées : voyage en Italie dont il fait le récit dans son volume
• Lire des textes variés avec des objectifs divers. Italia en 1852. Il cite un grand nombre de détails qui sont
• Contrôler sa compréhension, devenir un lecteur autonome. consignés dans les guides, tels que les affiches de Pompéi,
• Élaborer une interprétation des textes littéraires. la tache sur le marbre laissée par la tasse des buveurs,
• Exploiter les ressources créatives et expressives de la la pièce de théâtre de Plaute, ou encore les noms propres
parole. d’Arria, de Tyché, de Rufus Holconius et d’Arrius Diomèdes.
• Participer de façon constructive à des échanges oraux.
2 Le début de la nouvelle ressemble à un guide touristique
Arria Marcella constitue l’un des récits de Gautier possédant car Théophile Gautier nous offre ici une écriture pittoresque
un très fort ancrage réaliste. Au xixe siècle, de nombreux et picturale, en particulier lorsqu’il décrit le paysage
visiteurs prestigieux sont venus à Pompéi. Dès les premières napolitain. La description s’attarde d’abord sur l’évocation
exhumations de maisons et de corps prisonniers de la poétique du volcan et de la mer : « Le chemin de fer par
couche de cendres, c’est une sorte d’étape obligée de lequel on va à Pompéi longe presque toujours la mer, dont
visiter Pompéi et le musée des Studii de Naples pour celles les longues volutes d’écume viennent se dérouler sur un
et ceux qui viennent « faire le voyage d’Italie », pour sable noirâtre qui ressemble à du charbon tamisé » (p. 11).
reprendre une expression présente dans la nouvelle, comme L’auteur multiplie les indications concernant les couleurs
en témoignent les comptes-rendus de Mme de Staël, et la lumière : « La ville ressuscitée, ayant secoué un coin
Chateaubriand ou Alexandre Dumas. Plus loin, on note de son linceul de cendre, ressortait avec ses mille détails
cependant que l’auteur du « Pied de momie » semble sous un jour aveuglant. Le Vésuve découpait dans le fond
prendre ses distances vis-à-vis d’eux, comme l’indique son cône sillonné de stries de laves bleues, roses, violettes,
sa remarque initiale : « Le corricolo [...] est trop connu mordorées par le soleil » (p. 12). Il reprend certains procé-
pour qu’il soit besoin d’en faire la description ici, et dés qu’on trouve plus généralement dans les guides touris-
d’ailleurs nous n’écrivons pas des impressions de voyage tiques comme les déterminants démonstratifs, le présent
sur Naples [...] » (p. 11). de vérité générale ou le pronom personnel indéfini « on »
Vos objectifs comme dans cette description du Vésuve (qui partage
L’étude de la nouvelle de Théophile Gautier permettra à d’ailleurs des caractéristiques communes avec la locomo-
l’élève de percevoir l’importance de l’héritage antique. tive) : « au premier abord, on eût pu le prendre pour un
L’édition de référence du texte est celle publiée au Livre de ces nuages qui, même par les temps les plus sereins,
de poche jeunesse en 2014. estompent le front des pics élevés. En y regardant de
45
plus près, on voyait de minces filets de vapeur blanche (p. 25). Seule l’œuvre d’art est à ses yeux parfaite. Octavien
sortir du haut du mont comme des trous d’une cassolette peut se livrer à une contemplation profonde de la représen-
[...] » (p. 12). tation plastique, à la fois belle et inaccessible. La quête
3 Les trois jeunes amis, Max, Fabio et Octavien, sont en de la femme idéale est celle dont l’image est parfaite et
voyage touristique à Pompéi. Encore célibataires, ils sont stable. Or, il n’y a que l’art qui puisse ainsi figer la beauté
venus de France (« Je suis du pays des Gaulois », p. 35, par nature instable dans le temps. Enfin, Octavien est attiré
« le Français », p. 36), espérant à la fois voir du pays et par une partie du corps de la femme, un buste moulé dans
s’amuser. la cendre noire qui devient une sorte d’objet fétiche.
4 Le paysage décrit lors du trajet en train, noirci par la Il y a donc une prédisposition chez lui à être attiré par le
cendre du Vésuve entré en éruption en 79 après Jésus Christ, surnaturel et l’étrange.
se construit sur une série d’oppositions :
• la noirceur / la lumière : « parmi tout cet éclat, la terre Pour aller plus loin
seule semble retenir l’ombre » ou encore « l’intensité Autrefois, Octavien a ressenti le même type d’attirance
du soleil et le lait de chaux méridional, quelque chose morbide lorsqu’il était à Rome. Le narrateur nous dit
de plutonien et de ferrugineux comme Manchester et d’ailleurs qu’il pratique la nécromancie : « À Rome, la vue
Birmingham ; la poussière y est noire, une suie impalpable d’une épaisse chevelure nattée exhumée d’un tombeau
s’y accroche à tout » (p. 11). antique l’avait jeté dans un bizarre délire ; il avait essayé,
• L’antique / le moderne : « Les trois amis descendirent à la au moyen de deux ou trois de ces cheveux obtenus d’un
station de Pompéi, en riant entre eux du mélange d’antique gardien séduit à prix d’or, et remis à une somnambule
et de moderne que présentent naturellement à l’esprit d’une grande puissance, d’évoquer l’ombre et la forme
ces mots : Station de Pompéi. Une ville gréco-romaine et de cette morte ; mais le fluide conducteur s’était évaporé
un débarcadère de railway ! » La ville gréco-romaine renvoie après tant d’années, et l’apparition n’avait pu sortir de la
à l’Antiquité quand les mots « station » et « railway » nuit éternelle » (p. 26).
évoquent davantage la modernité liée au progrès industriel.
• La mort / la vie : « La ville ressuscitée, ayant secoué un Thème 3 : « Hors du temps et de l’espace »
coin de son linceul de cendre, ressortait avec ses mille 1 C’est par le train que les trois amis arrivent à Pompéi,
détails sous un jour aveuglant » (p. 12). les conduisant vers une ville semi-ressuscitée, non pas
Lors de ce court trajet en train, les trois amis sont donc face « une Pompéi morte, froid cadavre de ville qu’on a tiré
à un espace dédoublé. à demi de son linceul, mais dans une Pompéi vivante,
jeune, intacte, sur laquelle n’avaient pas coulé les torrents
Thème 2 : Octavien, un héros singulier de boue brillante du Vésuve » (p. 30). C’est également
1 Octavien est plus réservé que ses deux amis. Jeune en train qu’ils en repartent : « La petite bande retourna
homme cultivé volontiers rêveur et sensible, il se distingue à Naples par le chemin de fer, comme elle était venue [...].
des autres, dès le début de la nouvelle, par son attitude : À dater de cette visite à Pompéi, Octavien fut en proie
alors que Fabio et Max déambulent dans le musée d’une à une mélancolie morne » (p. 51). Ce nouveau passage par
vitrine à l’autre au gré de leurs découvertes, Octavien le chemin de fer les conduit cette fois vers le monde
reste en contemplation profonde : « voyant qu’il s’obstinait des vivants, qui pour Octavien ne sera que dérisoire. Il ne
dans sa contemplation, les deux amis d’Octavien revinrent vivra pas en effet avec sa jeune épouse Ellen, mais avec
vers lui, et Max, en le touchant à l’épaule, le fit tressaillir le fantôme d’Arria Marcella.
comme un homme surpris dans son secret » (p. 10). De plus,
2 Ce passage s’opère tandis qu’Octavien part se promener
le prénom d’Octavien le relie directement à l’Antiquité et
dans Pompéi en pleine nuit. La ville de Pompéi semble
l’on comprend d’autant mieux l’attirance de ce personnage
renaître à la clarté de la Lune, qui parvient même à cacher
pour cette époque ancienne.
les dégradations sur les édifices (« les génies taciturnes
2 Octavien est subjugué par la poitrine d’une jeune de la nuit semblaient avoir réparé la cité fossile » (p. 27)).
Pompéienne pétrifiée par le Vésuve : « ce morceau de cendre Au fil de sa progression dans les rues, Octavien croit
noire » (p. 10) devient aussitôt pour lui une sorte de fétiche. apercevoir des silhouettes humaines, entend des chuchote-
3 Il est attiré par la beauté de femmes qui sont mortes ou ments vagues alors que le silence devrait régner, jusqu’à
qui n’ont jamais existé que dans l’imaginaire d’artistes. ce qu’il se rende compte qu’une maison en ruine quelques
Devant les vitrines du musée de Naples, il est « absorbé […] heures plus tôt a été restaurée « dans un état d’intégrité
dans une contemplation profonde » (p. 9) ; par rapport à parfaite » (p. 28). L’expression « jour nocturne » (p. 27) est
ses amis, il est tourné vers le passé : « il s’était composé un oxymore qui souligne le caractère ambivalent de cette
un sérail idéal avec Sémiramis, Aspasie, Cléopâtre, Diane lumière qui redonne vie à Pompéi. Elle efface les affres
de Poitiers, Jeanne d’Aragon » (p. 25). du temps, laisse place à un temps imaginaire et permet
4 La femme visible et vivante ne saurait satisfaire Octavien. à la cité de Campanie de renaître de ses cendres, comme
Il avoue d’ailleurs que « la réalité ne le séduisait guère » le fera plus tard le personnage d’Arria.
46
3 Cette expression, empruntée à Shakespeare, montre gorge d’un contour si correct, d’une coupe si pure, troubla
qu’il existe un dérangement du temps dans la nouvelle. magnétiquement Octavien ; il lui sembla que ces rondeurs
La métaphore du char dont la roue serait sortie du chemin s’adaptaient parfaitement à l’empreinte en creux du musée
montre que le temps se dérègle. Octavien a perdu tous de Naples, qui l’avait jeté dans une si ardente rêverie, et une
ses repères. Lors de sa déambulation nocturne dans Pompéi, voix lui cria au fond du cœur que cette femme était bien
il est transporté dans le rêve d’un passé, qui est un non- la femme étouffée par la cendre du Vésuve à la villa d’Arrius
temps car « hors du temps et de l’espace » (p. 46). De plus, Diomèdes » (p. 40). On pourra montrer aux élèves que la
la montre d’Octavien marque minuit. Et pourtant le jour nouvelle de Gautier reprend le mythe de Pygmalion mais de
semble se lever. Si l’on pousse plus loin l’interprétation, façon inversée : ce n’est pas la figure du tableau ou la statue
le train semble se cacher dans ces « ornières de char » qui doit vivre, mais la femme qui doit devenir un objet artis-
(p. 13) qui font penser à des rails. tique, en conservant, de cette façon, à jamais, sa beauté.
4 Ce « déraillement » du temps permet une plongée du 3 Arria Marcella revient à la vie car elle a su déceler le fait
personnage principal dans l’étrange, comme en témoigne qu’Octavien est profondément attiré par elle. C’est ce que
le champ lexical très riche : « mystère » (p. 28), « restaura- suggère l’emploi du champ lexical de la vie et de la passion :
tion étrange » (p. 29), « mystérieux » (p. 29), « prodige « brillaient » (p. 39), « ardeur vivace » (p. 40), « si passion-
inconcevable » (p. 30), « parfaitement incroyable » (p. 32), née » (p. 41), « si ardente », « si vivace » (p. 41). Arria Marcella
« pouvoir mystérieux » (p. 32), « problème incompréhen- est ressuscitée grâce à l’amour que lui voue Octavien.
sible » (p. 32). L’espace et le temps sont étroitement liés 4 Arria Marcella fait d’abord penser à une morte-vivante
grâce à une sorte d’« aiguillage » qui, en plus de faire écho, en raison de sa pâleur : « elle était brune et pâle » (p. 39),
permet de passer d’une voie à une autre, faisant écho à « une main pâle » (p. 41), « ses joues pâles » (p. 45), « la
l’univers du chemin de fer. Pour Octavien, ce déraillement blancheur tranquille du masque » (p. 40). Les allusions
lui permet d’évoluer dans un espace et un temps variables à la statuaire sont nombreuses et suggèrent la mort. Sa
hors du réel. Il le plonge ainsi dans les illusions de son froideur va également dans ce sens : « froid comme la
univers de fantasme. Puisque le présent et le passé se peau d’un serpent ou le marbre d’une tombe » (p. 45). Mais
confondent pour une durée indéterminée, il peut désormais Arria Marcella passe aussi pour une créature vampirique
vivre son histoire d’amour avec Arria Marcella, en marge qui porte à ses lèvres un vin comparé à du sang : « un vin
de ce que le réel ordinairement impose. d’une pourpre sombre comme du sang figé ; à mesure
qu’elle buvait, une imperceptible vapeur rose montait à
Thème 4 : Arria Marcella, une « morte amoureuse »
ses joues pâles, de son cœur qui n’avait pas battu depuis
1 La rencontre a lieu dans un théâtre, ce qui n’est pas
tant d’années » (p. 45). Enfin, lorsque le père apparaît,
anodin. D’une part, c’est un lieu qui sert souvent de cadre
il sermonne sa fille qu’il considère comme une débauchée.
à la rencontre amoureuse au xixe siècle, d’autre part, c’est
Portant « une petite croix de bois noir » (p. 47) faisant partie
l’univers de l’illusion et des faux-semblants. Lors de la repré-
de l’arsenal traditionnel pour lutter contre les vampires,
sentation, Octavien se montre de moins en moins attentif
il semble exorciser sa fille qui redevient cendres.
à la pièce qui se joue sur scène : « Octavien n’écoutait plus
et ne regardait plus. Dans la travée des femmes, il venait Thème 5 : Les émotions du narrateur
d’apercevoir une créature d’une beauté merveilleuse » (p. 39). 1 Octavien est plongé dans une sorte de rêverie poétique
2 Au musée des Studii, Octavien est tout de suite attiré et romantique, rêverie qualifiée par le narrateur d’« ivresse »
par « un morceau de cendre noire coagulée portant une pour bien faire comprendre au lecteur combien le jeune
empreinte creuse » (p. 10), qui le laisse dans une contem- homme est troublé depuis qu’il a vu l’empreinte recueillie
plation profonde, une fascination. La notation suivante dans la villa d’Arrius Diomèdes.
dit que « l’œil exercé d’un artiste y eût aisément reconnu Ce trouble s’explique par la conception idéale qu’Octavien
la coupe d’un sein admirable et d’un flanc aussi pur de a de l’amour : comme on peut le lire à la page 25, le jeune
style que celui d’une statue » (p. 10). Ce fragment renvoie homme se laisse aisément emporter par de grandes
d’ailleurs à l’idée d’une femme puisque le sein est aussi passions sublimes que lui inspirent des héroïnes ou des
l’un des symboles de la maternité. œuvres d’art. Les explications du guide ont fait déjà naître
En esthète qui s’est depuis longtemps réfugié dans un en lui « un amour rétrospectif » (p. 20) pour cette femme
monde animé de fantômes artistiques qu’il peut librement morte tragiquement sous les cendres du volcan.
contempler, Octavien a, lors de la scène de rencontre, La précision est importante pour la suite, Octavien est
la très forte intuition (« une voix lui cria... ») d’être devant plutôt sobre : il « avait souvent laissé son verre plein devant
celle dont il a observé l’empreinte. Il reconnaît dans la lui, ne voulant pas troubler par une ivresse grossière l’ivresse
perfection du corps de la jeune femme la perfection du poétique qui bouillonnait dans son cerveau » (p. 26).
moulage observé au musée. On note des effets de symétrie 2 Aux pages 27-28, le champ lexical de la peur est com-
dans le vocabulaire employé qui permettent d’insister sur posé des mots et expressions suivants : « une espèce
la pureté des lignes de ce corps féminin. « La vue de cette d’angoisse involontaire » (p. 27), « un léger frisson » (p. 27),
47
« son trouble » (p. 28), « mille détails alarmants » (p. 28). 4 En guise d’explication logique (rationnelle), on peut
On remarque que le héros est sujet à un mélange d’émo- penser qu’Octavien a rêvé l’histoire qu’il pense avoir vécue.
tions. Troublé par les éléments appartenant au passé de Cette explication est d’autant plus plausible que ses amis le
Pompéi, Octavien ressent une « espèce d’angoisse involon- retrouvent « évanoui sur la mosaïque d’une petite chambre
taire », une sorte de « frisson », qui pourrait tout aussi à demi écroulée » (p. 50-51) dans les vestiges de Pompéi.
bien « être causé par l’air froid de la nuit » que par la peur L’explication irréelle (irrationnelle) serait qu’Octavien a
face à la vision de ce passé recomposé qui surgit dans le pré- véritablement vécu quelques heures dans la ville de Pompéi,
sent. La périphrase « une espèce d’angoisse involontaire » ressuscitée pour lui, et que son amour pour Arria Marcella a
agit comme si, dans la confusion extrême qui s’empare ramené à la vie la jeune femme avant que le père de celle-ci
du jeune homme, la peur ne pouvait être véritablement ne mette fin à leur passion.
nommée et qu’il fallait d’une certaine façon la conjurer. L’auteur nous met donc en présence de plusieurs possibilités :
3 Octavien est bouleversé au point que plus rien d’autre nous pouvons croire que le personnage principal a réellement
autour de lui ne compte : « tout s’évanouit, tout disparut vécu ces événements étranges, nous pouvons aussi penser
comme dans un songe ; un brouillard estompa les gradins qu’il les a imaginés parce qu’il était sous l’emprise de l’alcool
fourmillants de monde, et la voix criarde des acteurs sem- (étant donné que du vin a été servi à table lors du dîner avec
blait se perdre dans un éloignement infini » (p. 39). ses amis) ou à cause d’un désir refoulé pour un idéal de beauté
Il ressent un véritable choc émotionnel, intense, compa- qui ne peut exister que dans l’Art (« voyant qu’il s’obstinait
rable à un coup de foudre quand son regard croise celui de la dans sa contemplation », p. 10 ; « Comme un homme surpris
jeune femme. Deux comparaisons soulignent la puissance dans son secret », p. 10 ; « Octavien rougit faiblement »,
électrique des émotions : « Il avait reçu au cœur comme p. 10). Mais nous pouvons aussi dire qu’il s’agit d’un simple
une commotion électrique, et il lui semblait qu’il jaillissait rêve. Toutes ces hypothèses sont possibles, mais elles ne
des étincelles de sa poitrine lorsque le regard de cette s’excluent pas mutuellement, si bien qu’il est impossible
femme se tournait vers lui » (p. 39). d’en privilégier une par rapport à l’autre. Cela nous amène
à considérer cette hésitation comme une particularité
4 Octavien accepte son aventure fantastique comme si
essentielle au bon fonctionnement de ce genre littéraire.
elle se déroulait dans un rêve. La distinction entre rêve et
réalité est abolie : Octavien, « surpris au dernier point, Votre bilan
se demanda s’il dormait tout debout et marchait dans Le voyage dans le temps d’Octavien, favorisé par le trajet
un rêve » (p. 29), « Il accepta sa présence comme dans en train, et la double résurrection de Pompéi puis d’Arria
le rêve » (p. 40), « face à face avec sa chimère » (p. 40). Marcella constituent les éléments fantastiques de la nou-
Il se laisse aller et savoure cette expérience sans essayer velle.
de trouver une explication raisonnable, décide de tout Sous une lumière lunaire qui révèle des détails insoupçon-
accepter : « Octavien, ravi au fond de voir un de ses rêves nés de la ville, cette double renaissance provoque un senti-
les plus chers accompli, ne résista plus à son aventure ; ment ambigu puisque le passé semble se reconstruire
il se laissa faire à toutes ces merveilles, sans prétendre sous les yeux d’Octavien, à la fois animé par un mystérieux
s’en rendre compte » (p. 32). Quand l’expérience prendra souffle de vie et dominé par le poids de la mort.
fin, il cherchera même à la renouveler. La nouvelle repose enfin sur un certain nombre d’éléments
Thème 6 : Le retour à la réalité insolites qui maintiennent l’hésitation fantastique jusqu’au
1 C’est Arrius Diomèdes, le père d’Arria, qui interrompt bout du récit. Le lecteur hésite en effet entre une interpréta-
le couple en entrant dans la chambre. La jeune fille semble tion logique, rationnelle (Octavien pourrait avoir été vic-
être une morte plutôt débauchée et son père, modelé time d’hallucinations, p. 29) et une interprétation irration-
par son esprit chrétien, lui reproche ses légèretés : « deux nelle (Octavien a réussi à ressusciter la femme aimée par
mille ans de mort ne t’ont donc pas calmée et tes bras la seule force de leur passion amoureuse).
voraces attirent sur ta poitrine de marbre, vide de cœur, les
pauvres insensés enivrés par tes philtres » (p. 48).
2 Octavien perd connaissance, dévasté par la douleur Pour vous aider à lire et à écrire > p. 74-75
de perdre sous ses yeux Arria Marcella, laquelle n’est plus
« qu’une pincée de cendres mêlée de quelques ossements Grammaire et conjugaison
calcinés parmi lesquels brillaient des bracelets et des bijoux Compétences travaillées :
d’or » (p. 49). • Consolider l’orthographe lexicale et grammaticale.
3 Octavien est sans doute conscient que ses amis ne le • Construire des notions permettant l’analyse et l’élabora-
croiraient pas : leurs doutes briseraient alors le charme de tion des textes et des discours.
cette aventure aussi unique que fantastique. Aux yeux de • Enrichir et structurer le lexique.
ses amis, il passerait au mieux pour un rêveur, au pire pour • Connaître les aspects fondamentaux du fonctionnement
un fou. syntaxique.
48
La description fantastique Les modalisateurs
J’observe J’observe
2 singulier = adjectif qualificatif 2 Texte 1 : « Je crus ». − Texte 2 : l’interrogation « n’est-ce
mou = adjectif qualificatif pas ? » et « Le quai […] semblait se soulever ».
horrible = adjectif qualificatif On a l’impression que la perception de la réalité par le nar-
gantée = adjectif qualificatif rateur ou le personnage de l’histoire est troublée.
longue = adjectif qualificatif
Je m’entraîne
étroite = adjectif qualificatif
froide = adjectif qualificatif 3 a. À l’évidence, une présence invisible se trouvait à
inerte = adjectif qualificatif bord du train. − b. Sans doute, dans la gare désaffectée,
crispée = adjectif qualificatif les guichets poussiéreux étaient déserts. − c. Je crus voir une
que le somnambule avait oubliée = proposition subordon- chose bouger : une patte monstrueuse qui sortait du dernier
née relative wagon par la porte ! − d. Trou d’ombre béant dans la nuit,
le tunnel semble aspirer le convoi dans un fracas de tonnerre.
3
Complé J’écris
Adjectif Complé
ment 4 Exemple de corrigé : Le convoi s’était arrêté. En plein
qualificatif Apposition ment
de l’anté-
épithète du nom tunnel. Inexplicablement. Il faisait si sombre que la nuit
cédent
semblait tout à coup tombée. Mon métier de contrôleur
• singulier • l’horrible • que le ne laissait décidément que peu de répit ! Je remontai les
• mou (introduit main somnambule wagons d’un pas rapide. Les passagers s’impatientaient.
par de) gantée avait oubliée Les questions fusaient : y avait-il un problème ? Pourquoi
• longue (épithète
s’était-on arrêté dans un tunnel ? Quand allait-on repartir ?
détachée)
Les minutes passaient. Je tâchai de les rassurer. Soudain,
• étroite (épithète
un bruit assourdissant de pierres qu’on entrechoque fit
détachée)
• froide sursauter les occupants du wagon où je me trouvais. C’était
• inerte comme un fracas de tonnerre. Sans doute une partie du
• crispée tunnel s’était-elle effondrée ? Une poussière âcre sembla
• de mou (groupe envahir l’espace, rendant l’air soudain plus lourd. Dans
adjectival le lointain, j’eus l’impression d’entendre un hurlement
épithète) horrible et singulier. C’était comme si une créature horrible
se rapprochait !
Je m’entraîne
Le lexique de l’étrange
4 a. une gare de province bondée – b. une sombre nuit
qui restera dans ma mémoire – c. le temps maussade J’observe
d’hier – d. une étrange machine à remonter le temps –
1 On peut relever « étrange », « une animation inhabi-
e. un terrible cauchemar : mourir.
tuelle », « pourquoi ces va-et-vient dans les cours, ces
J’écris femmes affolées, ces chariots, ce bétail ? ».
5 Exemple de corrigé : Cette marche rapide sur le sentier 2 étrangement (adverbe), étranger/ère (nom/adjectif),
rocailleux m’avait épuisé. C’était l’heure trouble où les étrangeté (nom).
ombres se fondent dans les ténèbres, où la lumière disparaît 3 L’étonnement du narrateur est rendu par l’emploi de la
peu à peu. Il allait falloir bientôt rentrer. Afin de reprendre phrase interrogative : « Enfin, pourquoi ces va-et-vient dans
mon souffle, je m’assis sur une énorme pierre plate. Soudain, les cours, ces femmes affolées, ces chariots, ce bétail ? »
je pris conscience que je n’étais pas seul. Tout était devenu
silencieux. Je me levai, un peu intrigué, car à travers le Je m’entraîne
rideau des hêtres et des charmilles, une lueur diaphane, 4 Les mots qui appartiennent au registre de l’« étrange » :
une sorte de halo lumineux, se déplaçait sans émettre déroutant – mystérieux – inquiétant – énigmatique – insolite.
aucune ombre. Juste un voile transparent, un peu vaporeux Les antonymes : commun – ordinaire – habituel –
qui sembla se rapprocher de moi puis qui s’évapora dans quelconque – banal – répandu.
le feuillage des arbres. Cela avait duré quelques secondes. 5 bizarre une bizarrerie – singulier une singularité –
Je frémis. particulier une particularité – excentrique une
excentricité.
49
J’écris – une tâche = travail qu’on doit exécuter (syn. : besogne,
devoir).
6 Exemple de corrigé : Dans la campagne désolée, un
– une tache = petite étendue de couleur, d’aspect différent
chêne mystérieux aux branches tourmentées, dont le tronc
du reste/surface salie (syn. : marque, trace, salissure, souil-
décrit une diagonale déroutante, résiste au vent en furie,
lure).
encadré par d’inquiétantes souches. De rares feuilles mortes
sont encore fixées aux branches noueuses, ajoutant de la
singularité au tableau. Plus au loin, une nuée d’oiseaux
Atelier écrit Écrire une nouvelle fantastique
noirs s’approche. À l’arrière-plan, une petite colline de > p. 76-77
forme insolite, un tumulus de l’époque des Huns, évoque Compétences travaillées :
la gloire passée du héros qui y est enseveli. Dans le lointain, • Adopter des stratégies et des procédures d’écriture effi-
un curieux paysage maritime s’étend. caces.
• Exploiter les fonctions principales de l’écrit.
Dictée préparée • Exploiter des lectures pour enrichir son écrit.
2 • Pratiquer l’écriture d’invention.
Présent Passé simple Passé simple Imparfait Il n’est pas de meilleur exercice pour comprendre les pro-
3e personne 1re personne 3e personne 3e personne blèmes posés par l’écriture d’une nouvelle fantastique que
du singulier du singulier du singulier du singulier de s’y essayer soi-même. Tel est bien le but de cette activité
• c’est • j’observai • le premier • le dormeur d’écriture qui vient clore la séquence. L’écriture d’une nou-
• je ne vis phénomène faisait velle permet d’intégrer toutes les activités et de nombreux
pas plongea objectifs de la classe de français. Les élèves mettront à pro-
• j’aperçus • le voyageur fit ce qu’ils ont retenu de la lecture des nouvelles intégrales.
• je ne pus s’étendit et
ferma Différenciation
• le dormeur Selon le niveau de la classe, le travail pourra être réalisé
se leva et seul ou en binôme. Lorsqu’on propose d’écrire à deux, c’est
tendit aussi un moyen de tenir compte des difficultés rencontrées
• une rapidité et de pratiquer la différenciation pédagogique. Il est conseillé
silencieuse
de passer plusieurs séances avec les élèves pour cette acti-
stupéfia
vité, de manière à les aider à travailler au brouillon.
Plus-que-parfait L’activité proposée sur cette double page de manuel a
Conditionnel passé
3e personne du singulier re
pour point de départ le tableau de Lionel Walden, Train de
1 personne du singulier
(voix passive) nuit. Par sa puissance évocatrice, par le choix des couleurs,
l’action avait été faite j’aurais dû par les motifs qui sont repris (la nuit, le train, l’atmosphère
vaporeuse propice au surgissement du surnaturel…), ce
Le temps dominant est le passé simple. tableau pourra être inspirant pour les élèves. Le but de cette
3 C’est alors que nous observâmes le premier phénomène tâche complexe est de rédiger une nouvelle intégrale. Tout
qui nous plongea dans l’étrange. au long de ce parcours, les élèves ont à mobiliser les diverses
ressources pour comprendre le sujet et planifier le travail.
À l’oral, on ne perçoit pas la différence entre « j’observai »
Une première étape au brouillon est indispensable en insis-
(passé simple) et « j’observais » (imparfait). Il suffit de chan-
tant bien sur la nécessité de respecter l’ordre des étapes.
ger de personne pour entendre la différence : « nous obser-
L’important est qu’ils permettent aux élèves de passer
vâmes » (passé simple) et « nous observions » (imparfait).
d’un texte premier à un texte second, de prendre conscience
4 « assujetti » est un participe passé formé sur le radical du volume de travail accompli et surtout de mesurer
« sujet » auquel ont été ajoutés le préfixe « as- » et le leurs progrès. L’enseignant pourra lire ces brouillons et pro-
suffixe « -ti ». Dans le contexte, il signifie « dompté » : diguer quelques conseils pour améliorer les productions.
« ayant dompté son oreiller ». L’enseignant pourra également prévoir en cours d’élabora-
5 a. Le verbe « apercevoir » ne porte pas de cédille puisque tion des séances d’oral collaboratif, en groupe classe ou en
le son [s] est produit par la présence de la voyelle « e » petits groupes. Ces moments pourront permettre aux élèves
après la consonne « c ». La cédille est nécessaire dans de mesurer leurs réussites et leurs faiblesses, de prendre
« j’aperçus » puisque la consonne « c » suivie de la voyelle conscience de ce qui ne va pas et d’adopter une posture
« u » se lit [k]. La cédille rétablit le son [s]. réflexive. De plus, on peut envisager de faire découvrir
b. L’accent circonflexe sur la voyelle « a » permet de distin- les brouillons aux autres élèves. Le regard critique des
guer ces homonymes par le sens : élèves sur les textes produits par leurs pairs est la meilleure
50
incitation à l’auto-correction. La co-évaluation peut favori- (l. 4-5), « cette personne » (l. 11), « la personne » (l. 13)
ser la compréhension de ses propres erreurs et l’exercice puis d’une « apparition » (l. 21 et 36), sorte de forme
d’un regard critique sur son propre travail. Elle peut aussi gesticulante qui fait un signe au narrateur pour l’avertir d’un
faciliter l’appropriation des critères de réussite présents dans danger imminent puis qui disparaît. Est-elle bienveillante
le tableau d’auto-évaluation présent en fin de double page. ou funeste ? À ce stade de l’extrait, cette apparition s’adresse
Pour mener à bien sa mission, l’élève doit suivre un parcours directement au narrateur sous la forme d’une apostrophe
guidé qui réinvestit ce qui a été croisé dans les textes, suivie d’une mise en garde : « Hé ! Vous là-bas ! » et
notamment en ce qui concerne la structure de la nouvelle, « Attention ! Attention ! » (l. 3, 8 et 9). La lanterne du
le surgissement de l’étrange et du surnaturel, l’expression signaleur, tournée « du côté du verre rouge » (l. 10-11)
de la peur et du doute. donc annonciatrice d’un danger, va la faire disparaître.
2 La scène se passe de nuit « au temps de la pleine lune »
Pour aller plus loin (l. 1). Le lieu est désert, balayé par « le vent » (l. 30).
Pour clore le travail, l’enseignant pourra choisir de valoriser Une voie ferrée occupe une sorte de tranchée étroite et
les productions écrites et envisager de les organiser en profonde, une « vallée artificielle » (l. 24-25) qui débouche
un recueil numérique de nouvelles. Un concours au sein de sur la gueule menaçante d’un « tunnel obscur » (l. 14).
la classe ou de l’établissement pourra même être proposé. 3 Il éprouve une forme de malaise et de la peur : « Ce récit
En groupes, les élèves pourront aussi enregistrer les cinq me donna l’impression qu’un doigt de glace me parcourait
meilleures productions sous la forme de podcasts. l’échine » (l. 19-20).
4 Il explique que l’apparition est « l’effet d’une illusion
Faisons le bilan > p. 78 optique » (l. 22) et que les cris entendus sont causés par
Cette séquence est tout d’abord l’occasion de définir les le bruit du vent qui fait « [jouer des] airs étranges aux fils
caractéristiques de l’écriture fantastique. Le fantastique est télégraphiques » (l. 25-26).
ancré dans la réalité avec des références constantes au réel. 5 Le signaleur réfute l’explication du narrateur : « il répli-
Le texte fantastique est souvent porté par un « je » pour qua que j’avais beau dire, qu’il savait fort bien à quoi
que le narrateur soit partie prenante de l’action. Il a pour s’en tenir sur le vent et les fils télégraphiques » (l. 29-31).
caractéristique essentielle l’hésitation entre une explication Il établit un lien direct entre la silhouette aperçue et « un
surnaturelle et une explication logique du phénomène et ne accident […] sur la ligne » (l. 37) qui a lieu « moins de six
doit jamais pencher plus d’un côté que de l’autre. heures après l’apparition » (l. 36).
Ce parcours de lecture questionne aussi de manière plurielle Grammaire et compétences linguistiques
la notion de fantastique au travers du motif littéraire du
1 a. – du vent : Nature : GN prépositionnel ; Fonction :
train. Plus qu’un simple décor mystérieux qui viendrait
complément du nom « bruit » (l. 24).
redoubler l’étrangeté du phénomène, le train opère un vacil-
– artificielle : Nature : adjectif qualificatif ; Fonction :
lement des repères. D’une nouvelle à l’autre, il devient sous
épithète du nom « vallée » (l. 24).
la plume des différents auteurs de la séquence un élément
– étranges : Nature : adjectif qualificatif ; Fonction : épithète
susceptible de faire basculer le lecteur dans un autre espace-
du nom « airs » (l. 25).
temps que le nôtre, dans un univers insolite, à la fois attirant
– qu’il fait jouer aux fils télégraphiques : Nature : proposi-
et repoussant, où le possible et l’impossible se côtoient ou
tion subordonnée relative fonction ; Fonction : complément
se confondent.
de l’antécédent « fils » (l. 26).
Escape game : une activité ludique interactive sous la
b. On reconnaît une comparaison : « comme aux cordes
forme d’un Genially pourra être proposée aux élèves.
d’une harpe » (l. 26-27). L’explication du narrateur se veut
Réalisable en classe ou en autonomie, elle se veut une
rationnelle. Le vent produirait un son presque similaire à
manière active de faire le bilan des connaissances acquises
celui que produisent les doigts du musicien sur les cordes
au cours du chapitre. Dans cette mise en situation, les élèves
de sa harpe.
doivent résoudre des énigmes liées aux principales notions
2 a. « mémorable » est composé du radical « mémor- »
qui caractérisent le fantastique et à l’univers ferroviaire
dans les nouvelles fantastiques. suivi du suffixe « -able ». « Inoubliable », « remarquable »,
« retentissant », « marquant » sont des synonymes de ce
mot.
Évaluation > p. 79 b. mémoriser, mémorisation, immémorial, mémorial, com-
Compréhension et compétences d’interprétation mémorer, commémoration…
1 Cette apparition prend la forme d’un spectre présenté 3 Je m’élançai vers cette personne en demandant ce qui
sous les traits d’un homme : « cette autre personne » se passait, ce qu’il était arrivé et où était le danger.
51
Individu et société : confrontations de valeurs ?
4 La Colonie
Une comédie sociale de Marivaux > p. 80
Parcours d’œuvre
1 Présentation de la séquence
Cette séquence porte à l’étude une œuvre intégrale : Elles l’accompagnent pour faire des choix interprétatifs,
La Colonie de Marivaux. Cette pièce en un acte, en dix-huit pour travailler la mémorisation, pour réfléchir de l’inté-
scènes et en prose a été publiée dans Le Mercure de France rieur aux missions du metteur en scène et, bien sûr, pour
en 1750. Elle permet d’aborder la thématique « Vivre en jouer avec l’autre.
société, participer à la société » dans la déclinaison dédiée Marivaux, journaliste, romancier et dramaturge des
au niveau 4e : « Individu et société : confrontations de Lumières dont il fréquente les principaux représentants,
valeurs ? ». Cette comédie sociale, utopique, philoso- est imprégné par la pensée de ses contemporains.
phique et politique est moins connue que L’Île des esclaves, Progressiste sans être révolutionnaire, partisan de la
autre pièce insulaire du même auteur, et frappe peut-être modernité, il se veut l’auteur d’un théâtre nouveau, por-
davantage encore par la modernité de son propos. Il y est teur d’une réflexion politique et sociale. En 1729, il écrit
en effet question de réfléchir au fonctionnement de la une comédie en trois actes : La Nouvelle Colonie ou la Ligue
société du xviiie siècle, à une égalité possible entre les des femmes. Elle n’est jouée qu’une seule fois et c’est un
classes sociales et, surtout, entre les sexes. Autant de échec. Le public, surtout masculin, n’est pas prêt à remettre
sujets qui trouvent pleinement leur écho dans notre en question les inégalités sociales, ni les inégalités entre
époque. C’est pourquoi la captation inédite qui accom- les hommes et les femmes, lesquelles sont confinées au
pagne l’étude a fait le choix de la modernité, de la clarté et balcon et, de fait, moins nombreuses aux représentations.
de la sobriété. En 1750, il publie une nouvelle version de sa pièce : il
Ce parti pris contribue à la rendre vivante et actuelle, modifie le titre et raccourcit le texte sous la forme que
donc d’autant plus accessible à des élèves de 4e. nous connaissons aujourd’hui. L’intrigue est à la fois poli-
Par ailleurs, elle leur permet de comprendre que le texte tique et sentimentale. Marivaux, proche du théâtre italien,
est indissociable de sa représentation, laquelle se prête est fidèle à l’esprit de la commedia dell’arte et utilise toute
tout autant à des interprétations, des investigations, des la palette des ressorts comiques. Il faut d’ailleurs souligner
réflexions. Ainsi l’élève s’initie-t-il à l’école du spectateur, que dans la première version de La Colonie, le rôle de
qui permet de construire des compétences multiples, Persinet était joué par Arlequin, figure du serviteur à la fois
exigeantes et transférables. L’idée, dans le même temps, drôle, soumis et naïf. Le dramaturge met en effet en scène
est de lier cette expérience de spectateur à l’initiation des personnages hauts en couleur dans un espace qui se
au jeu d’acteur. Les rubriques « Comme au théâtre » en prête à l’expérimentation de tous les possibles : une île
témoignent. Elles contribuent à rendre l’élève encore plus utopique.
actif dans sa réception et son appropriation du texte, à le
mobiliser, à changer sa posture.
2 Objectifs de la séquence
Conformément aux recommandations officielles, il les valeurs morales qui construisent la vie en société, et la
s’agit de « découvrir à travers des textes dramatiques la critique, sur le mode utopique, de la société du xviiie siècle.
confrontation des valeurs portées par les personnages », La gestuelle de l’acteur est aussi centrale que ses intona-
de « comprendre que l’action dramatique a partie liée tions. Les élèves ont en effet à formuler de manière régu-
avec les conflits » et de « s’interroger sur les conciliations lière des points de vue personnels argumentés ou des
possibles ». jugements esthétiques. Il s’agit aussi de développer des
Les objectifs d’apprentissage sont variés. La Colonie compétences de lecture et d’interprétation du texte litté-
permet en effet d’étudier un genre théâtral, la comédie, et raire, et d’utiliser l’écrit pour penser et pour apprendre.
52
La pratique de l’écriture d’invention est également sollici- l’étude de la langue ou à la réécriture, ce qui prépare les
tée par le biais, notamment, de la rédaction de la suite élèves aux exigences du DNB.
d’une scène ou d’un monologue. Elle trouve son aboutis- Enfin, des liens permettent d’accéder au visionnage de la
sement dans l’atelier écrit et oral. De plus, le lexique est captation de chaque scène, à des fiches Coup de pouce et à
travaillé de manière systématique dans les questionne- des fiches d’analyse. Il s’agit donc bien d’accompagner au
ments et dans les « boîtes à mots », ainsi que les procédés maximum la démarche de l’élève, à la fois lecteur, specta-
d’écriture dans les rubriques « Avec du style ! ». À chaque teur et apprenti acteur.
Lecture, une question est systématiquement réservée à
Quelques repères > p. 81 in medias res et qui remplit, de la même manière, les fonc-
tions traditionnelles de l’exposition.
Cette page permet de donner un éclairage synthétique et
immédiat sur l’auteur, l’intrigue et les personnages de La
Lecture 2 > p. 84
Colonie. L’objectif est d’étayer les élèves avant la lecture de
la pièce tout en les rendant actifs à l’aide de deux questions. L’étude de la scène 2 permet d’achever l’étude de l’exposi-
Ces dernières permettent de présenter le lien et le groupe tion et de découvrir les deux personnages masculins princi-
social des personnages. On peut proposer aux élèves de paux, différents en tous points, sauf en ce qui concerne
répondre par un schéma, un tableau ou une carte mentale. l’idée qu’ils ont de la place des femmes dans la société.
Les textes choisis pour les Lectures permettent d’étudier Cette scène permet en outre de mesurer à quel point ce qui
les scènes essentielles de la comédie. Des résumés (« Que oppose les sexes est avant tout un conflit de valeurs.
s’est-il passé ? ») favorisent la réactivation de la lecture Le questionnement permet de confirmer que le registre
personnelle. comique – ici à la limite de la farce – est au service de la
critique et de la satire.
Lecture 1 > p. 82
L’étude de la scène d’exposition conduit à poser les enjeux Lecture 3 > p. 86
essentiels de la pièce, à en découvrir les deux personnages La scène 5 traite d’un thème essentiel de l’intrigue. Il s’agit
principaux, le registre et l’intrigue. Elle pose aussi immédia- du mariage, que les femmes veulent abolir au grand déses-
tement le cadre utopique ainsi que le lieu et le temps de poir de Lina, incarnation de la jeune amoureuse de comédie
l’action. On peut proposer en écho la lecture de la scène dont les aspirations sincères à un mariage d’amour sont
d’exposition de L’Île des esclaves qui commence également bridées par sa mère. Le conflit, moteur de l’action, devient
53
ici familial et générationnel et l’intrigue sentimentale est Atelier écrit & oral > p. 96
désormais en place.
Cet atelier, dans la mesure où il est guidé, peut tout à fait
être le support d’une évaluation. Il faut d’ailleurs préciser
Lecture 4 > p. 88
que les élèves ont déjà été amenés à rédiger un monologue
Cette Lecture porte à l’étude le début de la scène 9, au cœur – celui de Lina (p. 87) – et que les rubriques « Comme au
de la pièce par sa longueur et son contenu. Elle est l’occa- théâtre » leur ont déjà permis de s’initier au jeu d’acteur,
sion de comprendre les mécanismes d’une stratégie argu- à la mémorisation et à la mise en scène. Il s’agit donc
mentative – celle d’Arthénice – et d’en analyser les procédés d’un travail progressif, guidé aussi par des critères précis
rhétoriques. La scène permet aussi de soulever une autre (« Auto-évaluez-vous ») et clairs pour les élèves. Il est donc
question cruciale : celle de l’éducation des femmes et des ici question de réinvestir les compétences de lecture et
préjugés dont elles sont victimes au xviiie siècle. d’écriture construites au cours de la séquence, et de jouer
face aux autres. Une expérience souvent réjouissante et
Lecture 5 > p. 90 formatrice pour les élèves. En outre, cette activité favorise
La scène 13, à la fois comique et sérieuse, est celle de la la relecture de certaines scènes et le feuilletage du manuel.
montée en puissance du conflit de valeurs qui oppose les
hommes et les femmes, déterminées à fonder une société Faisons le bilan > p. 97
nouvelle et égalitaire. Elles exigent en effet le droit d’exer- Le bilan permet aux élèves de faire la synthèse des appren-
cer des fonctions habituellement dévolues aux hommes et tissages de manière très visuelle grâce à une carte mentale.
défendent leur cause, se faisant leurs propres avocates. On fait le point sur les caractéristiques de l’écriture théâ-
Les revendications des femmes, dans cette scène d’affron- trale et les procédés comiques, puis on met en évidence les
tement qu’elles dominent, montrent que l’évolution du principaux enjeux de La Colonie. Le quiz interactif Genially
rapport de force est en leur faveur. C’est le fonctionnement achève ce bilan. La rubrique « Et vous, dans tout ça ? »
de la société dans son ensemble qu’elles remettent en sollicite l’expérience personnelle de lecture des élèves, et
cause, face à des hommes qui ne convainquent pas. Cette donc leur appropriation de l’œuvre.
scène permet aussi de découvrir Hermocrate, futur agent du
dénouement. Et vous, dans tout ça ?
Les élèves s’approprient la lecture de la pièce en notant dans
Lecture 6 > p. 92 leur carnet de lecture ce qu’ils ont le plus apprécié. Cette
analyse personnelle est progressive, car elle était déjà
Cette dernière Lecture a pour objectif d’étudier le sens
annoncée par les Post-it sur la carte mentale.
du dénouement orchestré par Hermocrate, stratège rusé
et manipulateur, qui met fin à l’unité féminine. On mesure, Sitographie / Bibliographie
comme l’annoncent les objectifs de la séquence, à quel • Sur l’histoire du théâtre : André Degaine, Histoire
point la réflexion sociale est au cœur des enjeux de la pièce. du théâtre illustrée, Jean Dasté, Nizet, 2000.
C’est précisément en raison de l’opposition de leurs classes • Sur Marivaux : https://eduscol.education.fr/odysseum/
sociales que les femmes vont se diviser et retrouver leur marivaux-et-les-lumieres
place initiale. C’est donc la fin de la volonté d’émancipation • Sur La Colonie : « Marivaux, La Colonie, 4e », NRP, n°659,
et de liberté des femmes, utopique à l’époque de Marivaux. supplément collège, septembre 2018.
Le bilan amène les élèves à prendre position de manière • Sur le lexique du théâtre : Agnès Pierron, Dictionnaire
argumentée sur ce dénouement en forme de statu quo. de la langue du théâtre, Éditions Le Robert, 2009.
• Sur l’initiation au jeu d’acteurs : Alain Héril, Dominique
Lecture intégrale > p. 95
Mégrier, Entraînement théâtral pour les adolescents,
Cette page complète l’étude de l’œuvre, que les élèves Retz, 2002.
peuvent lire dans son intégralité grâce au lien fourni. Ensuite, • Sur la pratique du débat en classe : https://eduscol.
un questionnaire propose de revenir sur l’ensemble des education.fr/document/20578/download
personnages, leurs caractéristiques, leurs liens, leur appar-
tenance sociale. Puis, les grandes étapes de l’intrigue Podcast
étudiées au cours de la séquence (l’exposition, le nœud de • Sur Marivaux : https://www.radiofrance.fr/
l’action et le dénouement) sont questionnées par le biais franceculture/podcasts/serie-marivaux
d’entrées différentes, ce qui permet d’aller plus loin et faci-
lite une approche différenciée selon les besoins des élèves.
Les scènes qui ne sont pas traitées au fil des Lectures
sont enfin abordées, sous la forme de questionnaires qui
répondent aux objectifs de la séquence en mettant en évi-
dence que La Colonie est une pièce qui fait rire et réfléchir.
54
3 Corrigés de la séquence
Quelques repères > p. 81 2 La relation entre les deux femmes est amicale et chaleu-
reuse (« Madame Sorbin, ou plutôt ma compagne » l. 1-2),
1. et 2. M. et Mme Sorbin sont mariés. Ils ont une fille, Lina,
même si elles se vouvoient, ce qu’implique leur différence
amoureuse de Persinet. Ces personnages font partie du tiers
sociale. Elles ont aussi une proximité physique qui symbo-
état, auquel appartiennent les artisans, ce que sont M. et
lise leur union : « donnons-nous la main, unissons- nous »
Mme Sorbin. Arthénice, une jeune veuve, appartient quant à
elle à la noblesse, tout comme Timagène et Hermocrate, ordonne Arthénice (l. 4-5), ce qu’accepte Mme Sorbin,
dont le nom signifie « doué du pouvoir d’Hermès » (le mes- comme l’indique la didascalie (« Madame Sorbin, lui don-
sager des dieux). nant la main », l. 6). Elles sont unies dans un même projet
On pourra faire écho au programme d’histoire de 4e, « Le au-delà de tout clivage (« n’ayons qu’un même esprit toutes
xviiie siècle : expansions, Lumières et révolutions », qui les deux », l. 5). C’est un point sur lequel Mme Sorbin insiste
précise notamment que, jusqu’à la Révolution française, la également à l’aide de la négation exceptive (l. 6-7). On
société est répartie en trois ordres : le clergé, la noblesse et soulignera aussi la récurrence du pronom personnel de la
le tiers état. Le groupe social auquel chacun appartient est 1re personne du pluriel qui traduit également leur solidarité.
déterminé par la naissance. 3 Leur projet est de « discuter [leur] droit vis-à-vis les
hommes » (l. 10), de faire exister les droits des femmes dans
Lecture 1 « L’heure est venue » > p. 82-83 le gouvernement qui va être instauré sur l’île. Ce dessein est
pour elle essentiel, ce que mettent en évidence les superla-
Vos objectifs
tifs : « Nous voici chargées du plus grand intérêt que notre
Il s’agit ici de comprendre les caractéristiques et les enjeux
sexe ait jamais eu, et cela dans la conjoncture du monde la
de cette scène d’exposition traditionnelle de comédie. On
plus favorable » (l. 8-9). Elles ont pour cela été élues comme
montre que les projets des personnages féminins sont
représentantes chargées de défendre les droits féminins par
porteurs de valeurs morales et politiques. La société uto-
les autres femmes de l’île (l. 2-4).
pique que veulent construire les femmes est nouvelle, en
opposition avec l’organisation sociale inégalitaire qui la 4 Les femmes s’opposent aux hommes, ce qui risque de
précède, d’où la nécessité d’étudier les rapports de force qui surprendre ces derniers : « Je vous dis que les hommes n’en
se mettent en place. reviendront jamais » (l. 29). Comme le dit Mme Sorbin, les
femmes feront valoir leurs droits, tout comme les hommes :
Avec du style ! « Oh, pour cette fois-ci, Messieurs, nous compterons
« plutôt mourir que d’endurer plus longtemps nos affronts ! » ensemble » (l. 11-12). Elles savent qu’elles vivent un moment
(l. 17-18). Cette hyperbole insiste sur la détermination exceptionnel (« Nous voici chargées du plus grand intérêt
totale de Mme Sorbin et son engagement. Elle est prête à que notre sexe ait jamais eu » , l. 8-9) et elles sont détermi-
tout sacrifier pour faire valoir les droits des femmes et aussi nées à tous les sacrifices (« plutôt mourir que d’endurer plus
pour sortir de la condition qu’on leur impose à son époque, longtemps nos affronts », l. 17-18). Mme Sorbin est certaine
ce que confirme une autre hyperbole : « Tenez, je me soucie qu’elles laisseront une trace : « dans vingt mille ans, nous
aujourd’hui de la vie comme d’un fétu » (l. 21-22). serons encore la nouvelle du jour » (l. 25-26). Arthénice est
Comme tout aussi déterminée et inscrit leur projet dans la durée :
au théâtre
La réplique peut être recopiée dans le carnet de
« Et quand même nous ne réussirions pas, nos petites-filles
lecture de manière à pourvoir être annotée, pour
réussiront » (l. 27-28).
mettre en évidence les marques de ponctuation et en guise
d’aide à la mémorisation. On peut, avant la mise en voix, 5 Mme Sorbin tout comme Arthénice veut que le combat
instaurer un temps de lecture à voix haute de la manière la politique des femmes s’inscrive dans l’histoire (Madame
plus neutre possible en insistant sur la nécessité d’articuler Sorbin veut vivre dans l’Histoire et non pas dans le Monde »,
et de respecter le rythme du texte. l. 23), qu’il fasse date, ce que confirme la réplique d’Arthé-
1 Les personnages sont sur une île, car « le Gouvernement nice : « Je vous garantis un nom immortel » (l. 24). La solen-
de [leur] patrie a cessé » (l. 14). Cette île n’est ni nommée ni nité de la phrase de Mme Sorbin est accentuée par l’emploi
située, tout comme l’action n’est pas précisément datée. des majuscules. « L’Histoire, avec une majuscule » désigne
Le choix du cadre insulaire permet de mettre en scène un celle des personnages illustres. C’est une manière pour
lieu clos, isolé, véritable microcosme dont on ne peut facile- Mme Sorbin, femme du peuple, de changer de posture et
ment partir, ce qui constitue un réel observatoire pour de l’exprimer. À l’époque, on ne raconte pas l’histoire des
Marivaux. Ainsi les personnages se retrouvent-ils en terra petites gens.
incognita, loin des codes et usages habituels. Tout y est 6 LANGUE « il a fallu » et « a cessé » : employé avec
vierge et possible : ils peuvent organiser une société nouvelle. l’auxiliaire avoir, le participe passé ne s’accorde pas avec le
55
sujet ; « nous sommes fixées » : fixer est conjugué à l’indica- Lecture 2 « Toujours des hommes,
tif présent de la forme passive, le participe passé employé et jamais de femmes » > p. 84-85
dans une phrase passive s’accorde avec le sujet, ici le
Vos objectifs
pronom personnel est au féminin pluriel.
L’extrait choisi pour l’étude permet d’étudier l’explosion du
Différenciation conflit dû à une confrontation de valeurs, ces principes qui
On peut aussi proposer aux élèves, notamment à ceux qui guident les personnages. Cette opposition est déjà présente
ont des difficultés à mémoriser, de mettre en voix cette en germe dans la première partie de la scène que l’on aura
réplique avec leurs propres mots à condition de respecter le avantage à lire aux élèves. Dans le passage choisi, les
sens du texte. personnages se révèlent pleinement. On peut mesurer les
forces en présence et les caractéristiques de chacun.
À L’ÉCRIT
Marivaux divertit avec des personnages de comédie typés,
Exemple de corrigé : à la limite de la farce, comme les époux Sorbin, mais le
Arthénice. – Ah ! Timagène. Vous voilà donc. Vous vous ren- comique est au service de la réflexion : l’égalité est-elle
dez à l’assemblée que l’on vient d’appeler, n’est-ce pas ? possible ?
Vous serez bien aise d’apprendre que votre gouvernement
d’hommes qui, par ailleurs, n’est pas des plus efficaces, va Comme Avant de faire jouer la scène aux élèves, on peut
au théâtre
bientôt avoir une agréable surprise. En effet, Mme Sorbin et leur proposer de la mimer, ce qui leur permettra
moi-même, ainsi que toutes les femmes de cette colonie, de nourrir le comique de gestes tout en en se libérant du
allons sans plus tarder vous laisser à votre propre sort et texte. La deuxième étape peut être de leur proposer de jouer
s’assembler dans un nouveau gouvernement qui sera totale- le passage en grommelot. Il s’agit d’ une langue imaginaire
ment séparé et indépendant du vôtre. Nous sommes toutes composée de sons et d’onomatopées qui facilite aussi les
unies et allons enfin faire justice de manière sûre. Tenez, trouvailles et laisse la part belle à l’improvisation comique.
nous allions d’ailleurs sonner notre assemblée ! C’est aussi un exercice de diction efficace qui permet de
vérifier par ailleurs que les élèves ont compris les person-
Votre bilan
nages. On peut trouver un exemple de pratique ici : https://
Cette scène répond aux critères de la scène d’exposition
vimeo.com/171305010.
traditionnelle et plonge in medias res le lecteur dans
l’intrigue. Elle apporte des informations sur le genre de la 1 Timagène et Arthénice appartiennent à la noblesse et
pièce : c’est une comédie, le personnage de Mme Sorbin, sont désignés par leurs prénoms, d’origine grecque. Les
haut en couleur, le garantit, tout comme le dynamisme de la Sorbin font partie du peuple et sont désignés par leur nom
scène et la vivacité des dialogues. Le lieu, une île, est précisé. de famille, caractéristique du tiers état. On ne connaît pas
L’époque n’est pas clairement renseignée, mais on com- leurs prénoms. Le choix de mettre en scène des personnages
prend que les personnages font partie de la société de appartenant à des ordres différents permet de donner à la
l’Ancien Régime. On découvre aussi les deux personnages comédie une portée sociale. C’est aussi l’occasion de mon-
féminins principaux et il est aussi question à travers leur trer que la condition féminine est la même que l’on soit une
dialogue d’autres protagonistes : Timagène, épris d’Arthé- aristocrate ou une femme d’artisan.
nice, et M. Sorbin que son épouse semble prête à sacrifier 2 Sorbin et Timagène s’apprêtent à se rendre au Conseil
pour mener son combat. On comprend également les des hommes (l. 53), car « il faut des lois » (l. 16). Or, les
enjeux de l’intrigue, qui va proposer une réflexion politique hommes comptent les écrire seuls, sans la participation des
et sociale et mettre en place des rapports de force entre les femmes (l. 25). Ils refusent un vrai dialogue et ne prennent
hommes et les femmes. Conformément aux fonctions habi- pas les femmes au sérieux. L’échange est donc de plus en
tuelles de l’exposition, cette scène met aussi le lecteur en plus vif. Mme Sorbin impose le silence à son mari de manière
attente et en appétit. Par ailleurs, elle met en place une uto- agressive et en l’insultant (l. 7), car il refuse d’écouter
pie. En effet, loin du monde réel, les personnages exilés ont Arthénice (l. 5-6), puis elle est franchement « en colère »
à construire une société et un gouvernement nouveaux sur (didascalie l. 12). Arthénice, par ses questions, montre sa
une île imaginaire. Cela permet, en creux, de remettre en détermination (l. 23-24, 28, 31, 34-35). Elle finit même par
question la société de l’époque et d’en faire la critique. dénigrer ouvertement Sorbin (l. 35-36). Elle devient aussi
agressive avec Timagène (l. 43) et le chasse (l. 53), tout
Pour aller plus loin comme Mme Sorbin chasse son mari (l. 41). Enfin, les deux
On peut proposer aux élèves une recherche ou un exposé femmes refusent d’en dire davantage aux hommes sur ce
sur l’ouvrage fondateur de la pensée utopique : L’Utopie qu’elles préparent (l. 53-55). Mme Sorbin laisse planer une
de l’humaniste anglais Thomas More, paru en 1516. https:// menace (l. 54-55). La discussion hommes-femmes, à la fin
eduscol.education.fr/odysseum/marivaux-lile-des-es- du passage, semble désormais impossible.
claves-voyages-en-utopies 3 LANGUE « Malhonnête » est un adjectif formé du
préfixe « mal » et du radical « honnête ». Des adjectifs
56
construits avec le même préfixe : maladroit, malavisé, il est en décalage par l’attitude et par le verbe avec le duo
malvoyant, malchanceux, malappris, malsain… d’aristocrates formé par Arthénice et Timagène. La vivacité
4 Tout d’abord, M. Sorbin ignore tout simplement la de la scène, la rapidité du rythme contribuent aussi au dyna-
demande d’attention d’Arthénice (l. 5-6). Il ne prend pas au misme et à l’efficacité comique de l’ensemble. Marivaux,
sérieux la parole des femmes (l. 11). Il n’imagine même pas tout en amusant le public, cherche à le faire réfléchir, fidèle,
la contribution des femmes à l’élaboration des lois (l. 21-22, comme Molière avant lui, à la devise latine des comédiens
33). Pour lui, cela relève uniquement du domaine des Italiens : Castigat ridendo mores ([la comédie] corrige les
hommes (l. 21-22, 25, 27, 30, 33). Il ne semble pas com- mœurs en riant).
prendre la revendication des femmes (l. 46, 49) et il les
ignore (l. 56-57). Timagène est plus mesuré et plus prudent. Lecture 3 « Abolir le mariage ! » > p. 86-87
Il exhorte Sorbin à l’écoute (l. 8). Il répond à Arthénice avec
Vos objectifs
courtoisie, comme son rang l’exige, mais sur le fond, il n’en-
Il est à nouveau ici question d’une scène de conflit. Il s’agit
visage pas plus que M. Sorbin que les femmes puissent avoir
de comprendre la thèse et l’argumentation des personnages
un rôle politique (l. 17). Il est également dans l’incompré-
en présence tout en affinant l’étude de leurs caractéris-
hension (l. 37-38). Toutefois, il est amoureux d’Arthénice et
tiques. On étudie aussi la mécanique de ce conflit qui
il évite de se compromettre franchement, et cherche à
confronte des visions antagonistes du mariage et qui
dialoguer avec elle (l. 51-52). Il se montre inquiet et n’est
oppose aussi une mère et sa fille. L’opposition devient donc
jamais agressif (l. 58-59). Les deux hommes malgré leurs
aussi familiale.
différences ont cependant la même vision de la place des
femmes dans la société. Comme On peut demander au préalable aux élèves
au théâtre
5 Mme Sorbin : agressive (l. 7, 41, 45, 50) ; moqueuse quelles sont les missions du metteur en scène au
(l. 29) ; déterminée et énergique (l. 54-55). théâtre. Il est bien celui qui s’approprie l’œuvre. Par ses par-
M. Sorbin : méprisant (l. 5-6, 11) ; sûr de lui (l. 18-19, 21-22, tis pris, ses choix artistiques, sa direction d’acteur, il trans-
27, 30, 33, 56-57) ; autoritaire (l. 40). forme le texte en spectacle et donne sa vision, son interpré-
Arthénice : éloquente et déterminée (l. 1-4, 13-16) ; mépri- tation de l’intrigue et des personnages. Il est donc nécessaire
sante (l. 35-36) ; autoritaire (l. 39, 53). que les élèves aient bien saisi les caractéristiques de chaque
Timagène : conciliant (l. 8) ; sûr de lui (l. 17) ; amoureux personnage pour imaginer des indications de jeu. Cette
(l. 51-52) ; inquiet (l. 58-59). activité permet donc aussi de vérifier leur compréhension.
6 Le comique de répétition est présent avec la récurrence 1 La forme exclamative vise à exprimer un sentiment, une
du pronom personnel « nous » et du substantif « homme(s) ». émotion du locuteur. Lina s’exclame : « Hélas ! Quel dom-
Il est accentué par la stichomythie (l. 25-33) et la ponctua- mage ! » (l. 5). Cette double exclamation met l’accent sur sa
tion expressive. Le comique de caractère est également à déception à la suite de ce que vient de lui dire sa mère qui
noter : chaque personnage reste fidèle à lui-même jusqu’à la refuse qu’elle épouse Persinet. Notons qu’au xviiie siècle, le
caricature. Le comique de mots avec « le gros jugement de mot « dommage » a un sens fort, presque synonyme de
votre Adjoint » (l. 35) sera sans doute relevé par les élèves. « tragédie ». Les exclamations « Abolir le mariage ! Et ! »
(l. 9) témoignent de sa stupéfaction face à la décision prise
À L’ORAL
par les femmes de supprimer cette institution.
Cette photographie représente une manifestation pour le 2 Pour Mme Sorbin, « l’amour n’est plus qu’un sot » (l. 4).
droit des femmes, ce qu’indique la légende. On distingue C’est une personnification qui souligne à quel point l’amour
des femmes, nombreuses, et un slogan sur la pancarte au est devenu un sujet futile pour elle qui est entièrement
centre de l’image : « On veut l’égalité ». C’est aussi ce que dévouée à son combat politique.
réclament Mme Sorbin et Arthénice, qui ont à lutter contre
3 Pour Arthénice, le mariage est « une pure servitude »
l’« oppression », autre mot qui ressort par contraste, en
(l. 6-7) qui implique la soumission de la femme depuis
blanc sur fond noir sur l’autre pancarte.
« toujours » (l. 12-13). Ce n’est qu’un outil de domination de
l’homme sur la femme. Mme Sorbin n’a pas d’autre argu-
Pour aller plus loin
ment et refuse tout autant la soumission de la femme
On peut demander aux élèves d’imaginer d’autres slogans dans le mariage (l. 18-21). On peut préciser aux élèves qu’au
que prononceraient les femmes de La Colonie, voire de xviiie siècle, la femme était mineure à vie, d’abord sous la
réaliser des pancartes qui prendraient place sur un mur de tutelle de son père, puis sous celle de son mari.
mots dans la classe.
4 L’argument essentiel de Lina est l’amour sincère qu’elle
Votre bilan éprouve pour Persinet et contre lequel elle ne peut rien :
Pour faire rire, Marivaux utilise, comme on l’a vu, différents « Quand il y est, comment l’ôter ? Je ne l’ai pas pris ; c’est lui
types de comique. Par ailleurs, le couple Sorbin, par ses qui m’a prise » (l. 16-17). Elle est l’objet de ce sentiment,
désaccords et ses excès, est un agent comique essentiel ; ce que l’on peut montrer aux élèves en leur demandant de
57
préciser la classe et la fonction grammaticale de « m’ » 7 Arthénice est assise à côté de Lina, les mains croisées,
( pronom personnel COD). De plus, contrairement aux deux dans une attitude pensive. Arthénice la tient dans ses bras
femmes, elle ne « refuse pas la soumission » (l. 17). Enfin, tendrement et semble lui parler avec douceur et détermi-
elle avance que, pour elle, le mariage ne sera pas un nation, ce que montre la position de sa main gauche.
esclavage dans la mesure où Persinet et elles voudront Mme Sorbin, immobile, droite et le poing serré, les observe.
« toujours la même chose » (l. 28) et qu’ils en ont convenu Elle paraît prête à intervenir.
(« nous en sommes convenus entre nous », l. 28).
La boîte
5 Arthénice prône un mariage égalitaire dans lequel le à mots
pouvoir est réparti, ce que souligne le comparatif d’égalité
« autant que » : « Je vous assure qu’elle sera charmée d’avoir Dans le texte, le mot « servitude » désigne l’état d’asservis-
autant d’autorité que son mari dans son petit ménage sement de la femme à son mari : la femme, par le mariage,
(l. 24-25) ». De plus, la femme peut y exprimer son avis et devient esclave de l’homme. « Esclavage » est donc un
s’imposer : « quand il dira, je veux, de pouvoir répliquer, moi, synonyme possible, même s’il possède un sens plus fort que
je ne veux pas » (l. 25-26). « servitude », dans la mesure où l’esclave n’est pas un sujet
mais un objet de droit.
6 Arthénice reste sensée, mesurée et bienveillante, en
appelant par exemple Lina « ma belle enfant » (l. 7) et en À L’ÉCRIT
prétendant lui expliquer la servitude que représente le Exemple de corrigé : Ma mère s’oppose à mon amour pour
mariage « pour la consoler » (l. 8). Elle essaye en fait de la Persinet, mais je ne l’ai pas décidé et je ne peux rien faire
persuader et utilise ses talents d’oratrice en la prenant contre ! Elle veut abolir le mariage, tout comme Arthénice,
directement à parti : « Vous savez, Lina » (l. 12). Elle montre parce qu’elle est sûre qu’il rend les femmes esclaves. Avec
qu’elle a confiance dans le jugement de la jeune fille dès lors mon Persinet, tout sera différent : il me comprend et nous
qu’elle sera instruite : « je vous réponds d’elle, dès qu’elle sommes d’accord sur tous les points. Nous avons longue-
sera instruite. » (l. 23-24). Il faut aussi noter qu’elle exhorte ment discuté et je ne doute pas de lui une seconde… Et puis
la mère de Lina à plus de calme (« Ne vous emportez point », me soumettre à lui ne me dérange pas, je l’aime tellement.
l. 22). Mme Sorbin, en revanche, fidèle à elle-même, reste Maman m’a fait pleurer en me menaçant et en me repro-
excessive et sans nuance. chant de lui faire honte. Elle a même dit que j’avais une
Elle oppose à sa fille un refus catégorique : « Non, ma fille » petite âme de servante. Même Arthénice n’a pas pu la
(l. 3). Elle est radicale et sans mesure, ce que traduit sa calmer… Que vais- je devenir ?
réponse très brève uniquement composée du pronom
indéfini : « Rien » (l. 10). Votre bilan
Elle est autoritaire et exprime une interdiction comique et Le conflit repose ici sur une opposition de valeurs liée à la
absurde : « Je te défends l’amour » (l. 15). Elle est dominée question du mariage. Cette scène est l’occasion d’un débat
par la colère, ce que montre le juron « jour de Dieu » d’idées. Le binôme Mme Sorbin-Arthénice est soudé et
(l. 18-19) ou encore le groupe nominal méprisant et insultant partage la même conception de la conjugalité, synonyme
par lequel elle désigne sa fille : « petite âme de servante » pour les deux femmes d’asservissement. Lina, en revanche,
(l. 18). La question rhétorique témoigne également de son n’a qu’un objectif : épouser Persinet qu’elle aime et en qui
dépit (l. 18-19). Elle exprime encore une interdiction au elle a une entière confiance. La soumission n’est pas rédhi-
subjonctif présent : « Que je ne vous entende plus proférer bitoire pour elle. La deuxième partie du bilan peut être
cette horreur-là » (l. 19-20) et un ordre à l’impératif présent : l’occasion d’un débat en classe et de participer de façon
« apprenez » (l. 20). constructive à des échanges oraux (6. Comment organiser
Enfin, elle se montre menaçante (« Prends-y garde avec ton et participer à un débat ? > p. 244). La classe peut être
Persinet », l. 29) et exerce une forme de chantage avec la divisée en deux groupes (l’un favorable à l’abolition du
proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de mariage, l’autre non) et dispose d’un temps de préparation
condition (« si tu n’as pas des sentiments plus relevés », des arguments. On rappellera aux élèves la condition de la
l. 29-30). La menace qui plane sur Lina est d’être « [retran- femme mariée au xviiie siècle afin de les aider à prendre en
chée] du noble corps des femmes » (l. 30). Mme Sorbin est compte le contexte.
particulièrement dure avec sa fille, en lui interdisant de La ressource Eduscol sur le débat (réglé ou argumenté) peut
pleurer, en lui reprochant de lui faire honte et de faire du tort accompagner votre démarche : https://eduscol.education.
à la cause des femmes : « qu’on supprime ces larmes qui fr/document/20578/download.
font confusion à ta mère, et qui rabaissent notre mérite »
Pour aller plus loin
(l. 32-33).
Arthénice et Mme Sorbin ont donc des réactions différentes Prolongement littéraire : On peut lire aux élèves des
mais partagent toutefois le même avis. extraits ou la totalité de « Femmes, soyez soumises à
vos maris » de Voltaire (Mélanges, pamphlets et œuvres
polémiques, 1759-1768).
58
Lecture 4 « C’est notre chef qui parle » dirait-on pas que les Dieux en ont fait l’objet de leurs plus
> p. 88-89 tendres complaisances ? » (l. 38-39).
6 Arthénice mène ce dialogue. C’est une véritable oratrice,
Vos objectifs
L’essentiel est ici de comprendre le fonctionnement d’une elle a en d’ailleurs les techniques et se prépare physique-
ment : « après avoir toussé et craché » (l. 1). C’est aussi une
argumentation efficace et de repérer ses éléments constitu-
façon de capter l’attention et d’instaurer le silence. Sa pre-
tifs et ses procédés. On cherche aussi à comprendre l’am-
mière réplique, qui est une longue phrase complexe, révèle
pleur, l’ancienneté et la profondeur des revendications des
que sa pensée est organisée et efficace. Elle sait interpeller
femmes, plus que jamais déterminées et opposées aux
son auditoire par le choix de mots qui peuvent le marquer
hommes.
(« oppression », « tyrans ») et aussi en soulignant que les
1 Dans sa première réplique, les hommes sont désignés
femmes forment un groupe, ce que traduit l’utilisation du
par l’expression « nos tyrans » (l. 2). Arthénice reproche pronom personnel « nous » qui s’oppose aux « ils » (l. 5-6).
aux hommes d’exercer un pouvoir injuste, cruel et oppressif Elle encourage les femmes à prendre conscience de ce
par la domination. qu’elles sont et les exhorte à se mobiliser avec détermi-
2 Les hommes reprochent aux femmes de ne pas avoir nation, ce que soulignent les impératifs présents (l. 3, 30 et
« le sens commun » (l. 9), c’est-à-dire de manquer d’intel- 37). L’utilisation de la ponctuation expressive et du registre
ligence. La tournure impersonnelle « il est décidé » (l. 8) ironique rend également sa prise de parole frappante et
souligne que ce sont eux qui ont choisi de le penser de incisive (l. 18-19), tout comme les questions rhétoriques
manière autoritaire, ce que souligne l’anaphore de « décidé » l. 37-39). Elle montre en outre qu’elle tient compte de l’avis
qui rythme le propos. Les femmes ont donc malgré elles de son public : « arrêtez-moi, si j’en dis trop » (l. 37-38).
intégré cette manière de penser car « cela va tout seul » Enfin, la réaction des femmes prouve qu’Arthénice mène
(l. 9) et elles ne protestent pas : « nous n’en appelons pas le dialogue : « N’interrompons point » (l. 47). Elle est recon-
nous-mêmes » (l. 10). La réplique de l’une des femmes nue comme étant à la tête de la révolte des femmes : « C’est
(l. 11-15) montre par ailleurs que les femmes ont été condi- notre chef qui parle » (l. 50). La qualité de son discours est
tionnées par leur éducation « dès le berceau » et de généra- reconnue et soulignée : « Et qui parle bien » (l. 51). En bonne
tion en génération : « on l’a dit à nos mères qui l’ont cru, qui oratrice, elle a su convaincre, persuader et captiver.
nous le répètent ». On leur a inculqué dans la brusquerie
(« on nous crie ») qu’elles n’étaient capables de rien, ce que Pour aller plus loin
traduisent l’anaphore du pronom indéfini « rien » et le TESTÉ EN CLASSE Les élèves mémorisent la première
rythme ternaire : « vous n’êtes capables de rien, ne vous
réplique d’Arthénice et la mettent en voix à la manière
mêlez de rien, vous n’êtes bonnes à rien qu’à être sages ».
d’un orateur après avoir défini les gestes et les intentions
On les a habituées à la soumission, à « être sages », et à la
nécessaires pour convaincre. L’utilisation d’un pupitre a
douceur (« nous sommes douces »). Elles s’y sont résignées facilité cet exercice.
en raison d’une forme d’habitude et de renoncement : « la
paresse s’en mêle ».
7 Sur la photographie, Arthénice, debout, est au centre et
3 LANGUE « On » pronom personnel indéfini de la 3e per-
se tient droite. Elle a les bras et les paumes des mains ten-
sonne est le sujet de la phrase et désigne les hommes.
dus vers son public dans une posture d’ouverture. Les
« Nous », pronom personnel, est le COD et désigne
femmes, assises, la regardent toutes et l’écoutent avec
l’ensemble des femmes.
attention.
4 Le premier argument d’Arthénice pour expliquer la sou-
À L’ORAL
mission des femmes est, comme on l’a dit plus haut, qu’elles
ont intégré un schéma de pensée et qu’elles ne protestent De la même manière que p. 87, l’objectif est d’ici d’amener
pas (l. 9-10). De plus, elles manquent de confiance en elles les élèves à exprimer un avis argumenté. Il s’agit de
et en leur intelligence, car elles ont fini par intérioriser le « s’exprimer de façon maîtrisée en s’adressant à un audi-
discours des hommes : « Il faut qu’il y ait en nous une toire ». On attend de l’élève qu’il « formule un avis person-
défiance bien louable de nos lumières pour avoir adopté ce nel en employant un vocabulaire précis et étendu. » https://
jargon-là » (l. 21-22). Les femmes ne sont en effet pas assez cache.media.eduscol.education.fr/file/Reprise_deconfine-
conscientes de leur valeur : « Pénétrons-nous donc un peu ment_Mai2020/08/6/Fiche_College_4e_1280086.pdf.
de ce que nous valons » (l. 30). Votre bilan
5 Arthénice est ironique. Elle pense en réalité que les La première question du bilan permet de réinvestir la ques-
femmes ont de multiples qualités. Elle développe sa pensée tion 4, la plus complexe, et de vérifier que les élèves ont
plus bas, à travers deux questions rhétoriques (l. 37-39), bien fixé la notion d’argument. La deuxième question peut
lesquelles lui permettent de faire un éloge de la femme être accompagnée d’un prolongement culturel : Cicéron
par le biais, notamment, d’une hyperbole : « En vérité, ne dans De oratore a défini les compétences de l’orateur :
59
l’inventio (avoir des idées), le dispositio (les organiser), 4 Arthénice et Mme Sorbin sont complices dans cette
l’elocutio (la qualité de l’élocution ; les figures de style), scène 13 qui les oppose aux représentants de l’autorité mas-
l’actio (la gestuelle, la posture), et la memoria (la mémoire). culine. Elles reprennent chacune les arguments de l’autre en
les développant (exemple : l. 14-16). De plus, Arthénice uti-
Lecture 5 « Des femmes avocates ? » lise la première personne du pluriel, comme si leurs pensées,
> p. 90-91 déjà similaires pour cette cause, faisait fusionner leur corps :
Vos objectifs elles ne représentent plus des personnages mais la cause
Cette lecture de la scène 13 a pour objectif d’observer les féministe (« suivez-moi, Madame Sorbin, sortons », l. 65).
mécanismes de l’affrontement dans l’art théâtral, notam- 5 LANGUE La dernière réplique d’Hermocrate utilise le
ment grâce à la rhétorique et à l’argumentation. Les élèves mode verbal de l’impératif : « Seigneur Timagène, donnez
sont amenés à comprendre le rapport de force qui évolue vos ordres, et délivrez-nous de ces criailleries » (l. 49-50).
entre les personnages féminins et les personnages mascu- Le recours à l’impératif peint ici un personnage déterminé,
lins à travers cet extrait qui restitue assez fidèlement la mais qui n’ose pas donner lui-même des injonctions aux
condition des femmes au xviiie siècle. femmes. Il se place en dessous du seigneur Timagène et
1 Les personnages masculins en opposition aux femmes souhaite surtout que ce dernier ne faiblisse pas face à son
sont ici représentés par Timagène, M. Sorbin, Hermocrate et amante, Arthénice.
un autre homme. Les rôles que les femmes doivent tenir 6 Selon Arthénice, les gouvernements et les lois ont autant
durant leur existence, selon ces hommes, est de devenir de défauts car ils ne défendent pas tout le monde. De plus,
épouse puis mère, mais toujours sous le joug de l’autorité créés par une partie de la population – les hommes –, elle
patriarcale comme l’indique cette réplique de « l’autre manque des idées des femmes et n’est donc pas parfaite, car
homme » : « C’est-à-dire, à vous marier quand vous serez incomplète : « il n’y a point de Nation qui ne se plaigne
filles, à obéir à vos maris quand vous serez femmes, et à veil- des défauts de son gouvernement ; d’où viennent-ils, ces
ler sur votre maison, on ne saurait vous ôter cela, c’est votre défauts ? C’est que notre esprit manque à la terre dans
lot » (l. 5-7). Ici, l’idée du fatum, de la destinée, avec l’utili- l’institution de ses lois, c’est que vous ne faites rien de la
sation du mot « lot » illustre bien l’incapacité des hommes moitié de l’esprit humain que nous avons » (l. 52-56). Elle
à imaginer un autre destin pour l’ensemble des représen- reprend cet argument en l’appliquant aux lois : « C’est que
tantes du sexe féminin. le mariage qui se fait entre les hommes et nous, devrait
2 Arthénice et Mme Sorbin veulent tout d’abord écrire les aussi se faire entre leurs pensées et les nôtres ; c’était
lois de cette nouvelle société « de concert » avec les l’intention des Dieux, elle n’est pas remplie, et voilà la
hommes, comme dit dès la scène d’exposition de La Colonie. source de l’imperfection des lois » (l. 59-62).
Cependant, face à l’opposition des hommes à cette idée, 7 Cette scène comporte plusieurs types de comique :
elles sont motivées à prendre des positions dans tous les il y a d’abord le comique de caractère (« À rien, comme à
corps de métiers, comme l’indique la réplique d’Arthénice : l’ordinaire », l. 4 ; « je tirai ces jours passés sur un perroquet,
« Elle vous apprendra que nous voulons nous mêler de tout, moi qui vous parle », l. 23-24). On trouve également du
être associées à tout, exercer avec vous tous les emplois, comique de répétition avec les énumérations des métiers
ceux de finance, de judicature et d’épée » (l. 15-17). La répé- « d’homme » que pourraient exercer les femmes et les
tition de « tout » dans cette réplique indique bien la volonté reprises anaphoriques de « tout » (l. 15-17, 24, l. 26-27 ;
d’installation dans l’ensemble des domaines : judiciaire, cf. supra exercice 2). Mme Sorbin reprend également les
militaire, économique… La réplique de Mme Sorbin reprend mots du noble Hermocrate, ce qui est à la fois du comique
d’ailleurs l’idée de sa consœur en citant des métiers et non de mots et de caractère (« Hermocrate. − D’épée, Madame ?
plus des domaines : « De même qu’au Palais à tenir l’au- Arthénice. – Oui d’épée, Monsieur », l. 18-19)
dience, à être Présidente, Conseillère, Intendante, Capitaine RÉÉCRITURE
ou Avocate » (l. 26-27). Cette énumération de professions « Parle-leur donc, Seigneur Timagène, sache de quoi il est
précises prouve que les femmes ont déjà songé à ce projet question. »
de manière concrète.
3 Selon Hermocrate, cette volonté des femmes à vouloir Avec du style !
s’intégrer dans tous les domaines est vaine, car leur précio- L‘énumération est une figure d’accumulation qui permet
sité et leur physique n’iraient pas pour ces emplois. « Vous d’insister sur certains points dans un texte argumentatif
n’y songez pas, la gravité de la magistrature et la décence du ou descriptif. Aux lignes 26-27, Mme Sorbin énumère
barreau ne s’accorderaient jamais avec un bonnet carré sur différentes professions (« De même qu’au Palais à tenir
une cornette » (l. 32-34). L’emploi du mode conditionnel l’audience, à être Présidente, Conseillère, Intendante,
renforce l’idée qu’Hermocrate n’envisage à aucun moment Capitaine ou Avocate ») pour insister sur le fait qu’une
la proposition des femmes comme sérieuse. femme peut prendre le même métier qu’un homme, même
dans les institutions politiques ou judiciaires.
60
Comme Cet exercice de mise en scène prépare à l’atelier Cette Lecture peut encore résonner de nos jours et il est
au théâtre
de fin de séquence avec la création d’un mono- intéressant de poursuivre cette réflexion en EMC, notam-
logue et sa mise en scène. Il est envisageable d’effectuer ce ment concernant les préjugés ou encore sur l’égalité actuelle
travail en binôme ou de manière individuelle. L’exercice per- des hommes et des femmes en France.
met aux élèves de s’approprier le texte théâtral tout en res-
Lecture 6 « On aura soin de vos droits »
pectant les didascalies déjà présentes. Il est intéressant de
> p. 92-94
confronter les différentes mises en scène.
Vos objectifs
TESTÉ EN CLASSE De nombreux élèves de 4e ont À travers les deux dernières scènes de la pièce de Marivaux,
modernisé la mise en scène en choisissant une musique de les élèves sont amenés à comprendre le stratagème
rap en ouverture ou fermeture de la scène, ou encore en d’Hermocrate qui monte les deux féminines l’une contre
demandant un fond projeté grâce au VPI allant de l’image l’autre grâce à la dimension sociale qui les divise. In fine, les
d’un parking à celle d’un immeuble ou encore d’un tribunal. élèves réfléchissent au sens du dénouement de la pièce, qui
n’était pas forcément attendu.
La Lecture 6 propose des questionnements séparés pour les
Pour aller plus loin
deux scènes.
Il est possible que les élèves imaginent l’ordonnance et la Il peut être envisageable de faire de cette Lecture un travail
rédigent, car bien que présente dans la scène 13, elle n’est de groupe.
jamais lue par un des personnages. Avec cette tâche écrite,
Le saviez-vous ? La rubrique permet aux élèves de com-
les élèves pourront utiliser le mode impératif, vu dans cette
prendre le choix des prénoms des personnages : celui
séquence, et réinvestir leurs connaissances des Lectures
d’Hermocrate n’est pas anodin. Si Marivaux s’est inspiré
précédentes afin d’être cohérents dans les idées de l’affiche.
d’Hermès pour créer ce prénom, c’est parce qu’il relie le
On peut aussi faire jouer la scène 12 à des petits groupes de
messager des dieux au « messager » de la pièce, celui qui
la classe, sur deux séances, en leur donnant le texte (assez
n’est attaché à personne, mais qui au fil de la pièce tire les
court) à mémoriser. Les rôles masculins peuvent évidem-
ficelles jusqu’au paroxysme de sa ruse : le stratagème pour
ment être joués par des filles et inversement.
diviser les femmes.
Scène 17
TESTÉ EN CLASSE Cette activité orale a été testée en 1 Hermocrate décrit de manière méliorative Arthénice et
classe et a connu un franc succès. Les élèves ont été ame- utilise des termes péjoratifs pour Mme Sorbin : « Arthénice ;
nés à construire une rapide mise en scène (ajout de trois sa raison, sa politesse, ses grâces et sa naissance nous
didascalies à la scène), à choisir des costumes et un décor auraient déterminés bien vite ; mais à vous parler franche-
projeté grâce au VPI. ment, le caractère de Madame Sorbin, qui va partager avec
vous le pouvoir de faire les lois, nous a d’abord arrêtés,
non qu’on ne la croie femme de mérite à sa façon, mais la
Pour aller plus loin petitesse de sa condition, qui ne va pas ordinairement sans
Iconographie : « Un club de femmes en 1793, durant la rusticité, disent-ils... » (lignes 4-9)
Révolution française », gravure tirée de l’ouvrage Histoire Hermocrate divise ici les deux femmes par leur condition
des Girondins (Furne et Coquebart, 1847) d’Alphonse de sociale, mais aussi par leur comportement face au conflit :
Lamartine. si Arthénice sait être calme et raisonnée, la franchise de
Cette iconographie peut amener les élèves à la décrire, afin Mme Sorbin a déplu.
de s’entraîner à la question du DNB liant un texte à une 2 Hermocrate, en critiquant les mœurs de Mme Sorbin et
image. Ils peuvent être conduits à justifier le choix de cette son appartenance au tiers état, provoque un désaccord
illustration et l’expliquer, qu’ils soient d’accord ou non avec entre les deux femmes. Mme Sorbin ne supporte pas d’être
l’utilisation iconographique de cette dernière. mal vue lorsque sa consœur triomphe. Les réactions des
Votre bilan deux femmes sont donc opposées pour la première fois dans
Marivaux dénonce ici la misogynie des hommes. Ces der- la pièce. La sororité née de leurs idées politiques s’effrite
niers pensent en effet que les femmes ont un destin lié à la face à la jalousie et la concurrence, ce qui relativise le
maternité et aux épousailles. Les femmes sont réduites à « féminisme » de Marivaux.
des rôles d’ombre, elles ne seraient pas capables d’accéder à De plus, Mme Sorbin souhaite abolir la noblesse, ce que ne
des métiers à responsabilités, selon Hermocrate. Cette veut surtout pas Arthénice, car elle est concernée par cette
joute verbale est comique, car les femmes prennent l’ascen- mesure et elle tient à ses privilèges.
dant dans ce débat en ridiculisant les arguments d’Hermo- 3 Les deux personnages, Mme Sorbin et Arthénice, sont en
crate. Elles usent de l’ironie et s’allient pour défendre leur conflit à cause de leurs catégories sociales. Mme Sorbin se
cause, qui reste très sérieuse. moque même de son ancienne alliée :
61
« Madame Sorbin. − Non, cela ne vaut rien, et je l’empêche. 4 Timagène, dans sa dernière réplique, propose aux
Arthénice. − Ce que je dis ne vaut rien ? Madame sorbin. − femmes de se mettre à l’abri durant la bataille, mais il
Rien du tout, moins que rien » (l. 49-51). n’oublie pas de souligner que leurs revendications ont été
Plus loin, Arthénice qualifie Mme Sorbin d’« extravagante » entendues : « Mesdames, allez vous mettre à l’abri de la
(ligne 60) jusqu’à la traiter d’« harengère » (ligne 66) après guerre, on aura soin de vos droits dans les usages qu’on va
que Mme Sorbin a insinué que les femmes nobles sont établir » (l. 15-16). Il promet donc une certaine place aux
volages et infidèles : « nous ne changeons ni d’amant ni de femmes dans cette future société.
mari, au lieu que des Dames, il n’en est pas de même » 5 LANGUE Dans la phrase : « Mesdames, allez-vous
(l. 62-63). mettre à l’abri de la guerre, on aura soin de vos droits dans
4 Hermocrate qui était là pour statuer sur les nouvelles les usages qu’on va établir », le mot « on » est un pronom
réformes des femmes n’a plus rien à écrire. Suite à la dispute personnel indéfini. Il désigne les hommes qui feront les lois
des deux protagonistes, Arthénice répond qu’il n’y a plus après la guerre, c’est-à-dire M. Sorbin, Timagène et l’assem-
« rien à statuer ». blée des hommes.
5 En opposant les deux femmes, Hermocrate arrive à ses 6 À la fin de la pièce, la situation des femmes semble être
fins : elles ne souhaitent plus constituer une assemblée revenue au point initial : les femmes vont se mettre à l’abri,
et ne se parlent plus. S’il semblait essayer d’apaiser les elles semblent faibles face à la force guerrière des hommes.
tensions (« Doucement, Mesdames, laissons cet article-ci Ne s’entendant plus à cause du stratagème de Timagène,
en litige, nous y reviendrons », l. 43-44), il met finalement elles ne souhaitent plus se confronter à eux. Cependant, la
en place son stratagème sans que les deux femmes s’en dernière réplique de Timagène laisse présager une améliora-
rendent compte. L’aide « Que s’est-il passé ? » avant la tion de leurs conditions féminines.
lecture de la scène 17 informe qu’Hermocrate a un plan À L’ORAL
pour mettre fin au conflit avec les femmes et le signale à
Les élèves sont amenés à réfléchir à la suite de la pièce. Il est
l’assemblée des hommes dans la scène précédente.
possible de leur demander un travail écrit, en groupes avant
6 La photographie permet d’imaginer le personnage
de mutualiser leurs réponses. Cette activité orale peut être
d’Hermocrate. La posture de ce dernier, qui montre un
menée en débat : selon vous, que va-t-il se passer après ?
personnage de la main, ainsi que son air moqueur, nous
Pourquoi ? Expliquez et défendez votre idée.
laissent penser qu’il ressent beaucoup d’amusement face au
conflit qu’il a créé. Il semble ressentir une certaine forme de Avec du style !
satisfaction dans l’entreprise de son projet.
Le coup de théâtre est un procédé bien connu des élèves
sans qu’ils réussissent à l’identifier. Il peut être judicieux de
Pour aller plus loin
leur demander comment se terminent parfois les saisons
Prolongement théâtral : La scène à visionner et la fiche des séries dont ils sont friands : par un coup de théâtre !
d’analyse permettront aux élèves de comprendre la mise en C’est cela qui leur donne l’appétit de poursuivre. Ici le coup
scène. Il est possible de confronter cette version avec la de théâtre final est l’information que donne Timagène : des
mise en scène des lycéens du collège franco-mexicain « Sauvages », les autochtones de l’île sur laquelle ils ont
(cf. Sitographie). échoué, semblent vouloir leur mener la guerre. Ainsi, le
Scène 18 conflit extérieur entraîne la fin du conflit interne entre
1 La didascalie « quelques hommes qui tiennent des armes » hommes et femmes. Ces dernières ne veulent pas prendre
annonce un changement de situation. La première réplique les armes et laissent volontiers l’autorité aux hommes.
de Timagène informe les personnages qui étaient en train L’ordre social du temps de Marivaux est rétabli.
de se quereller qu’« une foule innombrable de Sauvages » Comme L’approche de cette scène par la pantomime
au théâtre
(l. 1-2) veulent les attaquer de manière imminente. permet aux élèves de voir que la gestuelle et
2 Mme Sorbin nomme Timagène « Colonel de l’affaire » les déplacements au théâtre apportent de nombreuses
(l. 7) et se dédouane de toute responsabilité dans ce conflit informations hors texte aux spectateurs : les postures, les
armé. Quant à Arthénice, toujours en conflit avec sa attitudes, mais aussi l’espace sont très importants dans un
consœur, elle utilise cette excuse pour ne pas prendre les jeu théâtral.
armes comme elle voulait pourtant le faire contre les
Votre bilan
hommes dans les scènes précédentes (l. 10-12).
Cette question bilan propose une analyse et un question-
3 Les femmes semblent avoir peur de prendre part à la
nement de l’intrigue de la pièce dans son entièreté. Le coup
bataille sans aucun entraînement. Elles délaissent donc leur
de théâtre remet en cause tous les efforts des deux person-
possible place dans les affaires de cette nouvelle société.
nages féminins. La situation semble être au point mort.
Mme Sorbin pardonne même à son mari leur querelle
La réponse des élèves sera sûrement mitigée et l’on s’attend
(l. 12-13). Tout est rentré dans l’ordre.
62
à avoir des réponses positives et négatives sur le bilan taire, mais qui échoue à cause des querelles de deux femmes
politique de l’assemblée des femmes. dues à la stratégie d’Hermocrate.
Enfin, cette pièce est utopique, car elle se déroule dans un La susceptibilité des deux femmes n’est pas la cause de
lieu insulaire qui n’existe pas et dont la proposition de l’échec de cette nouvelle société, c’est bien la manipulation
société n’est pas encore celle établie au temps de Marivaux. d’Hermocrate, politicien, qui crée cette discorde.
Avant-gardiste, il propose une société féministe et égali-
2 Les Sorbin et Lina sont liés par le sang : ils appartiennent métiers avec de faibles responsabilités et elles sembleraient
à la même famille. trop coquettes pour entrer dans les domaines de la justice
Lina est également liée sentimentalement à Persinet. ou militaire.
Arthénice est liée à son amant Timagène. 3 Mme Sorbin et Arthénice se disputent car elles n’ont pas
3 Seul Hermocrate n’appartient à aucune paire de person- exactement la même vision de la nouvelle société. Mme
nages. Il est en effet le messager de la pièce, le calculateur Sorbin ne veut plus d’union avec les hommes, elle propose
et celui qui sera responsable du coup de théâtre lors de la même de ne plus leur parler, alors qu’Arthénice souhaite
scène finale. En retrait, il manipule l’assemblée des hommes continuer sa romance avec Timagène, son amant. De plus,
en défaveur de celle des femmes. Arthénice se veut meneuse de la Ligue des femmes et
4 Les noms des personnages ont parfois des sonorités Mme Sorbin aimerait bien avoir ce rôle.
antiques : Arthénice, Hermocrate, Timagène. D’autres per-
4 Les autres femmes de l’assemblée se détournent de leurs
sonnages ont des noms courants : Persinet, Lina, Sorbin.
cheffes car elles proposent d’abolir le mariage et d’aban-
Nous remarquons que les personnages de rang social élevé
donner les superficialités de leurs tenues coquettes. Ces
ont des noms inspirés de l’Antiquité, tandis que les person-
femmes trouvent les idées extrêmes et jugent même la
nages de rang social moins élevé ont des noms plus cou-
préciosité ridicule d’Arthénice et le physique un peu rude de
rants, populaires.
Mme Sorbin.
L’intrigue 5 Lina doit surveiller les mouvements des hommes tout en
L’exposition (scène 1)
étant interdite de communiquer avec son fiancé : Persinet.
1 La scène 1 permet aux spectateurs et aux lecteurs de
comprendre la situation des personnages : arrivée sur une île Le dénouement (scènes 17 et 18)
et volonté des femmes de créer un nouveau gouvernement 6 L’intrigue se dénoue par une prétendue attaque des
avec les hommes. Elle présente également les deux prota- autochtones de l’île, armés et prêts à combattre nos naufragés.
gonistes de la pièce : Mme Sorbin et Arthénice. 7 Les hommes sont prêts à aller au combat, tandis que les
Le nœud de l’action (scènes 9 et 10) femmes ne souhaitent pas prendre part au conflit. Elles pré-
2 Selon le personnage d’Arthénice, les hommes enferment fèrent déléguer cette mission aux hommes et abandonnent
les femmes dans des rôles mineurs, liés au joug patriarcal : leur projet politique d’une société égalitaire, notamment
fille, épouse, mère. Elles ne sont capables d’exercer que de suite à un désaccord social entre elles.
63
8 Réponse libre, l’élève doit rester cohérent avec le cadre la vulgarité. Elle répond sans aucune diplomatie aux autres
spatio-temporel de la pièce ainsi qu’avec les caractères des femmes et se moque ouvertement des hommes, dont son
personnages. mari, en les ridiculisant à chaque confrontation.
7 Arthénice apparaît comme la noble précieuse, elle
Pour aller plus loin ordonne à Persinet, qu’elle utilise, d’apporter des bancs pour
Prolongement possible : Concernant la question 8, l’élève son audience auprès des autres femmes. Elle ne semble pas
peut être amené à la développer dans un travail construit et d’accord avec la misandrie de Mme Sorbin.
plus élaboré. Cette question peut devenir un écrit d’inven- Persinet peut aussi être vu comme un personnage ridicule
tion sous forme théâtrale ou romanesque. On peut proposer qui se fait chasser par tous les personnages.
aux élèves de rédiger la quatrième de couverture de la suite 8 Les époux Sorbin ressemblent à un vieux couple, usé par
de la pièce, cela permettra d’avoir un texte concis et clair. le temps. Ils se parlent très mal et ne semblent plus être
Ils peuvent également inventer un titre à cette suite et le amoureux. C’est d’ailleurs Mme Sorbin qui dit à son mari
justifier. « ta face d’homme », réponse dépréciative lorsque celui-ci
Les ressorts de la comédie lui parle.
Le comique de situation Le coup de théâtre
1 Le personnage de Persinet représente le jeune benêt 9 Le coup de théâtre ramène la pièce à son début : les nau-
dont tout le monde se moque. Il est à plusieurs reprises uti- fragés vont devoir faire face ensemble au peuple insulaire.
lisé, à la fois par les femmes et par les hommes de la pièce. On peut même se demander si ce n’est pas un stratagème
Ce personnage est également chassé de la scène de manière de la part des hommes. Dans les scènes précédentes, les
répétée, ce qui apporte une dimension comique au person- hommes fomentent ces rumeurs pour que les femmes aient
nage qui devient souvent persona non grata à ses dépens. peur et mettent fin à cette révolte. C’est donc comique, car
Enfin, ce personnage niais croit tout ce qu’on lui dit. Il appa- ce coup de théâtre n’en est pas vraiment un, il est fondé sur
raît également comme l’amoureux éperdu lors de sa scène un mensonge et une ruse d’Hermocrate.
seul face à Lina.
Les sujets de réflexion
2 La scène 11 est une scène d’amour, de déclaration, mais Cet exercice permet aux élèves de s’entraîner à justifier
biaisée par le fait que Lina ne peut pas parler directement à leurs réponses en les illustrant d’exemples, ce qui est
son fiancé, Mme Sorbin lui ayant défendu de le faire. Elle attendu à l’épreuve écrite de français du DNB. Il est possible
parle donc comme si Persinet n’était pas là pour lui faire de le réaliser en binôme afin de faciliter le travail aux élèves
parvenir des messages. C’est du comique de situation. les plus fragiles. L’activité permet également aux élèves
3 À la scène 17, Arthénice et Mme Sorbin qui jusque-là de retourner dans la pièce et de se l’approprier par une
étaient complices deviennent irrespectueuses l’une envers deuxième lecture « thématique » des scènes 3, 5, 8 et 14.
l’autre à cause des troubles qu’a causés Hermocrate. Elles Un texte argumentatif est attendu puisqu’on leur demande
sont insultantes et leur susceptibilité ainsi que leur impulsi- de justifier leur choix. Il est envisageable de faire une carte
vité montrent qu’elles sont tout aussi bien manipulables mentale en guise de réponse pour cette question.
qu’autrui. Leur amitié n’était que superficielle et elle
Votre bilan
s’effrite en quelques répliques, sous l’œil amusé d’Hermo-
1. Cette pièce de Marivaux permet de faire réfléchir à la
crate, fauteur de troubles.
condition des femmes au xviiie siècle tout en peignant des
Le comique de mots personnages parfois ridicules : Mme Sorbin, aux paroles
4 Le mot « tumulte » employé par Persinet est repris par franches et populaires, Arthénice en précieuse, Lina et
M. Sorbin qui lui demande ce qu’est ce tumulte. Persinet lui Persinet en jeunes amants naïfs.
définit le mot avec une énumération de synonymes : « C’est Elle questionne également les catégories sociales : ici la
une émeute, une ligue, un tintamarre, un charivari sur le noblesse et le tiers état se liguent à travers le projet égali-
gouvernement du royaume », donnant ainsi une dimension taire des femmes, mais finissent immanquablement par
comique à la scène. s’opposer.
5 La réplique de Persinet qui ouvre la scène 16 semble 2. Sur la volonté égalitaire entre les sexes, cette pièce est
ridicule car elle est exagérée. Cette hyperbole montre que résolument actuelle et très moderne. L’égalité des hommes
Persinet se sent menacé par une mort imminente (« Voilà et des femmes n’est pas acquise dans la plupart des pays.
une départie qui me procure la mort, je n’irai jamais jusqu’au Les élèves pourront largement justifier ce propos à travers
souper ») à cause des paroles de Mme Sorbin et d’Arthénice leur vécu ou des situations vues chez eux ou au collège.
dans la scène 15. 3. La Colonie est une comédie sociale, car elle pose la pro-
Le comique de caractère blématique de l’appartenance à une catégorie sociale, elle
6 Mme Sorbin est souvent comique car elle est un person- est également politique avec la revendication féministe des
nage haut en couleur : populaire, sa franchise frôle parfois femmes, et enfin elle est sentimentale grâce à l’histoire
64
d’amour entre Lina et Persinet, mais aussi avec le duel mari- Différenciation
tal des Sorbin et l’attachement de Timagène pour Arthénice.
Certains élèves, plus en difficulté, peuvent travailler en
binôme ou en trinôme pour l’ensemble de l’activité. On les
Atelier écrit & oral Jouer un monologue aidera alors à se répartir les tâches en amont. Pour la partie
théâtral > p. 96 jeu, on propose alors une mise en voix partagée ou encore
Cet atelier peut être, pour la production écrite, le support la restitution du même texte mais avec des intentions
d’une évaluation en classe ou encore d’une préparation à la différentes.
maison des trois premières étapes. Les « coups de pouce »,
les critères de réussite et la progressivité du travail guident Faisons le bilan > p. 97
les élèves et permettent en effet une approche en autono- Le bilan sous forme de carte heuristique permet aux élèves
mie. L’objectif est bien le réinvestissement des différentes de rassembler leurs connaissances acquises tout au long de
compétences travaillées au fil de la séquence. L’activité la séquence.
place à la fois l’élève en position de scripteur, de metteur en La Colonie rassemble tous les éléments de la comédie
scène, d’acteur et de spectateur. L’étape 1 conduit à une utopique : on tente de renverser l’ordre de la société dans un
relecture de la scène 18, mais on peut aussi conseiller de cadre insulaire et nouveau pour les personnages. Cette pièce
reparcourir les textes de la séquence pour être au plus près a pour but de faire rire, notamment grâce aux différents
des caractéristiques du personnage choisi et pour répondre procédés comiques présents dans la pièce. Les personnages,
avec précisions aux attendus des deux premières étapes. à la limite de la caricature, permettent de dégager des
On peut aussi visionner de nouveau les scènes étudiées. enjeux politiques essentiels : la volonté de l’égalité entre les
Pour l’item 3 de l’étape 3, on conseille au besoin aux élèves hommes et les femmes, la liberté du mariage, l’association
de s’aider du manuel et du rappel des figures de style présent de personnages appartenant à des rangs sociaux différents.
sur la page de garde arrière. L’item 4 de cette même étape La Colonie est une pièce résolument moderne dans les
peut faire l’objet d’un rappel sur les types de phrase. L’étape causes qu’elle défend, bien que la dernière scène restaure le
5 peut éventuellement provoquer la résistance de certains système de l’époque de Marivaux.
élèves timides. Il est possible dans ce cas de proposer sim- Pour vérifier les acquis des élèves, un quiz interactif Genially
plement une lecture expressive du monologue. complète ce bilan. Il peut être fait par les élèves, à la maison,
Les étapes 4 et 5 permettent aussi de faire éprouver aux en guise de révision, ou encore en classe entière après avoir
élèves que le théâtre nécessite un travail d’équipe et des fait le bilan.
échanges collaboratifs qui amènent à formuler des juge-
Et vous, dans tout ça ?
ments esthétiques argumentés, à prendre position, à faire
Les élèves s’approprient la lecture de cette pièce en notant
des propositions.
dans leur carnet de lecture ce qu’ils ont le plus apprécié.
Les compétences du programme travaillées sont : « Exploiter
Cette analyse personnelle est progressive, car elle était déjà
des lectures pour enrichir sa production écrite », « Pratiquer
annoncée par les Post-it sur la carte mentale.
l’écriture d’invention », « Adopter des stratégies et des pro-
cédures d’écriture efficaces » et « Exploiter les ressources
expressives et créatives de la parole ».
65
Individu et société : confrontations de valeurs ?
1 Présentation de la séquence
Cette séquence s’inscrit dans l’entrée du programme du sociaux. Il s’agit donc de s’interroger sur les valeurs qu’in-
cycle 4 : « Individu et société : confrontations de valeurs ? », carnent ces personnages, sur la difficulté qu’ils peuvent
déclinaison au niveau 4e de la thématique générale « Vivre avoir à affirmer leurs valeurs, leurs différences, leurs
en société, participer à la société ». marginalités, sur leur volonté de conquérir leur place
L’ambition de ce groupement de textes est, dans un dans une société parfois excluante et elle-même porteuse
premier temps, de faire découvrir aux élèves des romans de valeurs reflétées par les œuvres étudiées.
clés de la littérature française : Le Rouge et le Noir de L’atelier écrit, qui convoque le genre épistolaire, en écho
Stendhal, Le Père Goriot de Balzac, Bel-Ami de Maupassant aux Lectures 1 et 2, amène les élèves à s’approprier concrète-
et Les Misérables de Victor Hugo. Cette exploration d’œuvres ment le thème de la confrontation avec l’autre et à défendre
littéraires du patrimoine national du xixe siècle se prolonge des valeurs et un point de vue personnels en argumentant.
par des lectures qui font la part belle aux autrices et à Le film de Charlie Chaplin Le Kid, proposé en pages
une littérature plus récente avec Maylis de Kerangal, « Au cinéma », permet de prolonger la réflexion et de
Djaïli Amadou Amal, Delphine de Vigan et Lisa Balavoine, découvrir un grand classique du cinéma muet, mettant
sans oublier la littérature de langue étrangère avec Joyce en scène la rencontre de deux solitudes : un duo en marge
Carol Oates. de la société, à laquelle ils se confrontent.
Le titre de la séquence, sous forme de phrase infinitive et Enfin, l’évaluation porte sur un extrait d’un texte d’Annie
assertive, pose d’emblée une tension : pour les personnages Ernaux : La Place ; précisément celle que l’on occupe au
des textes proposés, vivre en société, c’est se confronter sein de la cellule familiale et de la sphère sociale. Une place
aux autres, famille ou membres de différents milieux forcément mouvante et porteuse de confrontations.
2 Objectifs de la séquence
Il s’agit, comme le préconisent les programmes officiels, romanesques, de leurs points de vue et de leurs sentiments
de s’interroger, ici à travers des textes romanesques, sur est aussi une direction essentielle. Alors, comme l’indiquent
« la confrontation de certaines valeurs qui guident les modes les programmes : « On montrera comment l’opposition
de pensée et les comportements des personnages avec les entre un individu (ou un groupe d’individus) et l’ensemble
valeurs collectives ». Il est donc question de comprendre du corps social se développe et s’exprime. »
précisément quelles sont ces valeurs et « les conciliations L’étude des personnages s’opère d’ailleurs à partir de
possibles entre ces différents systèmes de valeurs ». formes littéraires diverses : récits, autoportraits, lettres,
Les trois premières Lectures de la séquence proposent qui amènent à l’utilisation d’outils d’analyse variés, autre
des textes canoniques qu’il est judicieux de présenter objectif majeur.
dans leur contexte historique et culturel, ce que permet La Lecture en groupe est proposée à deux reprises
notamment la page « Quelques repères ». (Lectures 3 et 5) à partir de textes d’époques différentes.
Les Lectures 4 et 5 sont l’occasion pour les élèves de L’objectif, en dehors de lire, comprendre et interpréter des
découvrir des autrices probablement inconnues d’eux et textes variés, est ici de construire du sens ensemble, de
qui mettent en scène la rébellion et/ou la différence de favoriser la mutualisation et la collaboration entre pairs.
leurs personnages dans un univers plus proche de nous. À travers l’écriture d’invention, l’élève est également
L’objectif est bien d’acquérir des éléments de culture amené à défendre son point de vue en écrivant une lettre.
littéraire et d’établir des liens entre des œuvres issues de Il doit donc communiquer par écrit un jugement argumenté
cultures et d’époques diverses. L’étude des personnages en tenant compte de son destinataire et en respectant les
66
normes de la langue. Les pages consacrées à l’étude de la tique singulier, celui du cinéma muet.
langue lui apporteront des outils nécessaires à cet exercice, S’exprimer à l’oral est aussi un objectif crucial de la
mais aussi à l’analyse des textes romanesques puisqu’il séquence. Les activités proposées, comme la lecture
s’agit d’y étudier l’expression de l’ordre, les points de vue expressive, l’explication de l’attitude d’un personnage en
du narrateur et les niveaux de langue. Par ailleurs, l’exer- faisant référence au texte et de manière argumentée,
cice de réécriture, réinvesti également en évaluation, favorisent l’exploitation des ressources expressives de la
accompagne l’élève dans une perspective, celle du DNB. parole, mais également les interactions dans un débat.
Comprendre la réflexion portée sur la société au cinéma L’écriture n’est pas réservée à l’atelier final, la démarche
à travers un grand classique, Le Kid, permet l’étude d’images est progressive. Les consignes, au fil de la séquence,
fixes (ce qui est régulièrement le cas au fil de la séquence) répondent à des objectifs variés : écriture d’invention et
à partir d’une affiche et de photogrammes du film mais de réflexion (journal intime, lettres, charte). Il faut donc
aussi mobiles, grâce aux extraits vidéo proposés. Il s’agit bien, dans tous les cas, adopter des stratégies et des procé-
par ailleurs de favoriser la découverte d’un univers artis- dures d’écriture efficaces.
3 Corrigés de la séquence
TESTÉ EN CLASSE Ce travail a beaucoup plu aux 5 Julien, venant d’une famille modeste, n’aurait pas dû
épouser une jeune noble comme Mathilde. Le marquis de
élèves qui sont assez friands de l’écriture « intime ». Cet
La Mole se sent donc trahi par sa propre fille et déshonoré
exercice permet de raconter les mêmes faits sous un autre
de cette basse union. Ici, il peut être utile de rappeler les us
point de vue bien plus proche des élèves : celui de Julien,
et coutumes de l’époque sur le mariage.
un adolescent incompris par son père.
6 Mathilde dresse un portrait mélioratif de son mari Julien :
Exemple de corrigé (travail de Sidonie, 4e E au collège
« ce jeune Sorel est le seul être qui m’amuse ; le pauvre
Jules-Ferry de Douai) :
garçon est aussi affligé que moi » (l. 17-18). Il semble
Mon cher journal, comme je suis triste ! La vie est injuste…
amusant et très sensible également. Il partage la peine
Mon père ne me comprend pas, il ne veut pas entendre mon
de Mathilde. Enfin, elle renforce l’idée que lui seul peut
amour pour la lecture. Aujourd’hui, il m’a encore insulté et
la rendre heureuse.
il m’a même frappé. Le pire dans tout ça c’est qu’en me fai-
sant tomber, mon livre préféré est tombé à l’eau… Je ne À L’ORAL
pourrai plus jamais le lire ! Cet exercice de lecture expressive permet de travailler la
En plus, je n’ai pas d’argent pour le racheter. compétence de cycle 4 « Lire des textes variés avec des
Pourquoi mon père ne comprend-il pas nos différences ? objectifs divers » avec les connaissances associées sui-
Je jure ici même que JAMAIS, oui JAMAIS je ne travaillerai vantes : « Adapter sa lecture à l’objectif poursuivi » et
à la scierie. Ma place est dans les bibliothèques ! « Adapter sa lecture aux supports et modes d’expression ».
À bientôt cher journal, mon ami secret.
Ton Julien.
71
La boîte la cervelle », car il serait en proie au désespoir si sa requête
à mots n’est pas satisfaite (l. 5). Il exerce une forme de chantage
Dans ce texte, le sens de l’adjectif « obscur » (l. 9) est « une affectif, ce que confirment les propositions : « mais si tu
personne de condition sociale modeste ». tiens à conserver la vie que tu m’as donnée, il faut me trou-
ver cette somme » (l. 8-9). Il insiste sur la situation
Pour aller plus loin d’extrême urgence dans laquelle il se trouve, ce que ren-
force la répétition de l’adverbe « promptement » (l. 2 et 15).
• Comme prolongement, il est possible d’étudier un des
deux extraits avec l’adaptation en manga de l’œuvre de 3 LANGUE Il conseille à sa mère de vendre quelques-uns
Stendhal publié chez l’éditeur Soleil, en 2011. de ses anciens bijoux : « vends quelques-uns de tes anciens
bijoux » (l. 15-16). Le verbe « vendre » est conjugué au
• Il est également possible de faire écrire la réponse du père
présent de l’impératif qui est le mode de l’injonction (prière,
à cette lettre ou une lettre que Julien enverrait à son beau-
ordre, conseil). On pourra préciser aux élèves que le jeune
père en cachette.
homme reçoit déjà un peu d’argent de ses parents qui ont
Votre bilan par ailleurs cinq enfants.
Ce bilan est un moyen de poser les premiers jalons de ce
4 Rastignac souhaite « aller dans le monde », c’est-à-dire
que sont les conflits et les oppositions de valeurs entre les
la haute société. Il veut progresser sur l’échelle sociale, ce
personnages d’un roman. Ici, les enfants ne semblent pas
que suggère la métaphore : « Il s’agit pour moi de faire
être compris de leurs parents et les conflits s’inscrivent
mon chemin ou de rester dans la boue » (l. 13-14). Il s’agit
dans des dimensions physiques et verbales pour le premier
pour lui d’une « impérieuse nécessité » (l. 19), c’est-à-dire
extrait, et morales pour le second.
pressante et irrésistible.
Passerelles 5 Rastignac est ambitieux, arriviste, il veut « arriver », ce
Ce texte peut être mis en relation avec la nouvelle « Un par- que confirme le défi qu’il lance, à la fin du roman, à Paris,
ricide » de Guy de Maupassant de la séquence 1 (p. 18) si ville de l’argent et du pouvoir : « À nous deux maintenant ! ».
l’on souhaite croiser la thématique du conflit familial à Les élèves diront sans doute aussi qu’il est déterminé ou
travers deux genres différents du programme. encore pauvre. On pourra leur préciser qu’il l’est, en effet,
mais qu’il est issu d’une famille aristocratique provinciale
Lecture 2 Conquérir sa place ? désargentée. C’est pour cette raison qu’il loge dans une
chambre de la modeste pension Vauquer, à Paris où se
> p. 104-105
trouve le père Goriot, le personnage éponyme, dont il est
Vos objectifs
très proche. Rastignac est aussi opportuniste et amoral.
Il s’agit ici d’étudier un texte de Balzac, considéré tel
Stendhal, à qui la Lecture 1 est consacrée, comme un précur- À L’ÉCRIT
seur du roman réaliste. Rastignac est ici encore pauvre, avide Cet écrit d’appropriation permet une première approche
de progression sociale, il veut « arriver » et sollicite l’aide des codes d’écriture de la lettre, ce qui sera réinvesti dans
financière de sa famille. Au contraire, l’insatiable Bel-Ami, l’atelier écrit (p. 118-119). On peut, au préalable, faire relire
autre archétype de l’ambitieux, est en pleine consécration. à voix haute la lettre de Rastignac par les élèves ou écouter
Il est, quant à lui, parvenu au sommet de son ascension à nouveau la version audio. Ensuite, on liste collectivement
sociale et il est en position d’envoyer de l’argent à ses les critères de réussite à respecter pour la rédaction, par
parents. Dans les deux cas, il s’agit d’étudier les caractéris- exemple :
tiques de deux personnages ambitieux, obsédés par l’argent 1- Prise en compte des informations/indices fournis par la
et la réussite sociale. Il est aussi question de comprendre le lettre de Rastignac.
rôle joué par la société à laquelle Rastignac se confronte et 2- Présentation de la lettre ( atelier écrit p. 119).
dans laquelle il veut réussir, objectif qu’a pleinement atteint 3- Respect de la situation d’énonciation (qui écrit ? À qui ?
Bel-Ami. Quand ? Où ?).
1 Le
4- Choix des temps et pronoms personnels utilisés.
Père Goriot
5- Expression des sentiments et des émotions.
1 Rastignac, jeune étudiant de 22 ans, écrit à sa mère pour
6- Correction de la langue et de l’orthographe. Selon le
lui demander de l’argent : « J’ai besoin de douze cents francs,
niveau des élèves, on peut différencier la longueur attendue
il me les faut à tout prix » (l. 2-3). Il est conscient de l’am-
et/ou réduire le nombre de critères.
pleur du sacrifice et fait appel à l’amour maternel, ce qui est
souligné par l’image : « vois si tu n’as pas une troisième
TESTÉ EN CLASSE Exemple de corrigé :
mamelle à t’ouvrir pour moi » (l. 1-2). On peut préciser que
la demande est formulée de manière très directe, dès l’ou- Eugène, mon cher fils,
verture de la lettre, ce qui révèle l’urgence de sa requête. J’espère que tu restes raisonnable et que tu es revenu à plus
2 Il menace par une métaphore de se suicider : de se « brûler de calme. Je sais que tu es désespéré et que tu veux absolu-
72
scène est vue à travers le point de vue de Du Roy, ce qui
ment faire partie du grand monde. Je suis si heureuse que tu
permet de connaître ses sentiments et ses pensées. Il per-
ne joues pas d’argent et que la comtesse de Bauséant t’ait
met de comprendre de quelle manière il se perçoit lui-
pris sous sa protection mais surtout, n’oublie pas tes études
même (l. 1-2) ; ce qu’il voit : « Il les vit » (l. 3) ; « il aperçut »
de droit.
(l. 14) ; « il découvrit » (l. 17), ce qu’il ne voit pas : « il ne
Eugène, tu me demandes douze-cents francs, ce qui est
voyait personne » (l. 12-13), ce qu’il a fait « il leur avait
pour nous une somme énorme et tu sais que j’ai déjà dû
envoyé cinq mille francs » (l. 5), ce qu’il compte faire :
revendre certains de mes bijoux. Il m’en reste si peu. Je ne
« Il allait maintenant leur en envoyer cinquante mille »
peux en effet pas parler à ton père de ta requête. Il serait fou
(l. 6). On connaît également ses sensations : « Il sentait
d’inquiétude. Je vais demander à ta tante de vendre ses den-
sur sa peau […] bonheur » (l. 11-12), et ses sentiments :
telles pour te venir en aide, je n’ai pas d’autre solution et tu
« il ne pensait qu’à lui » (l. 13), « il lui sembla qu’il allait
sais comme elle t’aime.
faire un bond […] Palais- bourbon » (l. 19-20).
Je pense à toi avec une immense affection.
Reviens nous voir, dès que tu le pourras,
Pour aller plus loin
Ta mère qui s’inquiète et pense à toi.
Prolongement possible en langue par l’écriture :
Réécrire une partie de ce passage en utilisant un point de
RÉÉCRITURE vue externe, et/ou omniscient. On peut aussi demander à
un groupe de choisir le point de vue omniscient et à l’autre
Ne dis rien de notre demande à notre père, il s’y opposerait
le point de vue externe. On pourra ensuite échanger sur
peut-être, et si nous n’avons pas cet argent, nous serions
les effets produits par l’utilisation de chaque point de vue
en proie à un désespoir qui nous conduirait à nous brûler
et dresser un bilan. Réécrire la scène selon le point de vue
la cervelle.
de Suzanne peut aussi être envisagé.
Pour aller plus loin p. 241 > 3. Comment différencier les points de vue
du narrateur ?
• On pourra lire, à la suite de ce travail, la véritable lettre
4 Le personnage est ici l’acteur principal de cette scène
de la baronne de Rastignac à son fils, située au début du
très théâtralisée, véritable « comédie humaine ». Il y joue
chapitre II « L’entrée dans le monde ». Elle y cède à la
un rôle et tout est artifice alors qu’il s’agit en fait d’un
demande d’Eugène.
mariage religieux et non de son sacre personnel. Le lexique
• On peut réaliser le continuum de l’écrit à l’oral en propo- de l’amour est d’ailleurs absent du passage. Bel-Ami se sent
sant aux élèves de produire un fichier son dans lequel puissant, ce que met en évidence l’hyperbole : « Il devenait
ils lisent de manière expressive la lettre qu’ils ont rédigée. un des maîtres de la terre », en opposition avec « le fils de
On pourra demander par ailleurs aux élèves de justifier deux pauvres paysans de Canteleu » (l. 1-2). Il est conscient
leur choix d’interprétation. du chemin qu’il a parcouru, ce que souligne la répétition
2 Bel-Ami du pronom personnel « lui » (l. 1) et l’ensemble du 2e para-
graphe. Bel-Ami ressent aussi de la fierté, de l’orgueil et met
1 Ce passage met tout d’abord en évidence les origines
en scène ce qu’il pense être sa puissance. Il se sent au centre
provinciales de Bel-Ami. Alors que dans cette scène, il se
des regards et de l’attention de la foule qu’il considère
trouve au cœur de Paris dans ce qui est pour lui un moment
comme un public : « Il allait lentement, d’un pas calme, la
de triomphe, sa terre d’origine est bien « Canteleu » (l. 2),
tête haute, les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la
dans « la grande vallée de Rouen » (l. 4). De plus, lui qui
porte » (l. 10-11). Il se sent mis en lumière comme sous un
s’est fait ennoblir, est le fils de « deux pauvres paysans »
projecteur de théâtre et contrôle sa posture et son attitude,
(l. 1-2) qui tiennent un « humble cabaret, […] donnant
à l’instar d’un acteur face à un public (l. 10-11). Il éprouve
à boire aux campagnards du pays » (l. 3-5). Ses origines
aussi des sensations physiques, « de longs frissons, ces fris-
paysannes et normandes sont désormais bien loin de lui
sons froids » (l. 11-12) causés par son bonheur. Il s’agit bien
mais il en a conscience et cela nourrit son triomphe personnel.
d’un spectacle couru dont le protagoniste est Du Roy. Le
Pour information, « Canteleu » signifie « chant du loup »…
« public » est en effet nombreux, ce qu’illustre le substantif
2 Le sujet des verbes actifs est presque systématiquement : « foule » (l. 14) et les différentes épithètes qui le qualifient :
« il » et à une reprise « Georges » (l. 8). Bel-Ami est donc « amassée », « noire » (l. 14) ou encore « bruissante »
bien le personnage central, seul face aux autres. On (l. 15). Cette foule par un effet de déformation de la réalité
remarque en effet l’insistance portée sur la multitude qui de Du Roy devient d’ailleurs « le peuple de Paris » (l. 15)
l’entoure et qui devient un personnage collectif. Quand le dont il se sent contemplé et envié (l. 16). Il ressent enfin de
personnage éponyme n’est pas sujet des phrases, il reste l’ambition : « Et il lui sembla qu’il allait faire un bond du
au centre de l’attention, en position d’objet admiré : « Le portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon »
peuple de Paris le contemplait et l’enviait » (l. 15-16). (l. 19-20) (cf. question 5).
3 LANGUE Le point de vue du narrateur est interne, la Les élèves peuvent être surpris par le peu d’intérêt accordé
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à Suzanne, évoquée une seule fois dans ce passage (l. 8). « Palais Bourbon » (l. 20). Du Roy apparaît comme un
Aucun verbe de perception ou de sentiment n’accompagne homme de désir dont l’ambition n’est jamais satisfaite.
cette évocation, ce qui suggère que Bel-Ami n’y accorde 6 Ce photogramme peut illustrer la ligne 8 mais aussi
en réalité que très peu d’importance. Le choix du point de les lignes 14 à 20. On pourra mettre en évidence que les
vue interne renforce cet effet. Elle semble être un simple personnages, au centre et au premier plan, ne regardent
accessoire, l’instrument qui permet sa gloire : « Georges pas dans la même direction et que Du Roy est particuliè-
reprit le bras de Suzanne pour retraverser l’église » (l. 8). rement raide, droit, imposant et déterminé. Suzanne est
On pourra souligner que cette phrase simple est mise en quant à elle souriante et semble regarder ceux qui l’en-
valeur par la disposition typographique. En réalité, Du Roy tourent, au contraire de son mari. Le décor, en arrière-plan,
« Il ne voyait personne. Il ne pensait qu’à lui » (l. 12-13), est par ailleurs fastueux.
ce qui est étonnant le jour d’un mariage. Ces deux phrases
forment un alexandrin, deux hémistiches secs qui sou- À L’ORAL
lignent une fois encore l’égocentrisme du personnage qui On attend des élèves qu’ils réinvestissent les réponses aux
ne pense qu’à ses futures ambitions et à ce qu’il vit comme questions en mettant en évidence l’absence de sentiment
sa propre gloire. amoureux de la part du personnage, le jour de son mariage,
5 Les lieux parisiens mentionnés dans une vision panora- lequel est uniquement un moyen de parvenir. Ce qui domine
mique : « Concorde » (la plus grande place de la capitale, est bien la satisfaction profonde d’avoir atteint une position
située dans le viiie arrondissement), « portique de la sociale élevée dans la société parisienne, devenue son
Madeleine », « Palais-Bourbon » inscrivent Bel-Ami au cœur public. Ce mariage consacre bien le triomphe du personnage
de la capitale et des lieux de pouvoir. Il semble envisager qui semble vouloir aller plus loin encore. La fin est ouverte,
une carrière politique, pourquoi pas la députation, ce que l’ambition du personnage semble insatiable.
suggère « la Chambre des députés » (l. 18), située au
Votre bilan
Points communs Différences
• Personnages masculins provinciaux (Rastignac vient de Charente et • Rastignac est encore étudiant et veut
Duroy de Normandie) au xixe siècle à Paris. absolument réussir, c’est le début du roman
• Paris est le théâtre de leur ascension sociale. Du Roy a réussi son ascension sociale même
s’il veut aller encore plus loin.
• Bel-Ami, est le surnom que Duroy obtient en raison des liaisons qu’il
entretient avec les femmes et qui lui permettent de progresser sur l’échelle • Rastignac demande de l’argent à ses parents
sociale On comprend que Rastignac a obtenu la protection de la Du Roy leur en donne.
vicomtesse de Beauséant. Les élèves peuvent supposer que les femmes • Rastignac se confronte à la société Du Roy
jouent un rôle essentiel dans le parcours de ces deux opportunistes. en jouit.
• Ils ont compris les mécanismes et les rouages de la société dans
laquelle ils évoluent.
• Les deux personnages sont sans scrupules.
• Ils se vivent comme des héros épiques.
Rastignac : « cette vie de Paris est un combat perpétuel » (l. 20).
Duroy : « Et il lui sembla qu’il allait faire un bond du portique de
la Madeleine au portique du Palais Bourbon. » (l. 18-20)
Différenciation
On peut faire lire aux élèves les plus avancés, l’incipit du roman Bel-Ami et le comparer avec l’excipit étudié pour mesurer la
progression et même la métamorphose de Du Roy.
Incipit Excipit
• Célibataire et pauvre. • Marié et riche.
• Seul dans Paris, en quête de reconnaissance. • Très entouré, centre de l’intérêt du tout Paris.
• En attente. • Comblé.
• Paris populaire. • Paris synonyme d’argent et de réussite sociale (Madeleine ;
• La foule le bouscule et l’ignore. vision Concorde, députés…).
• Le soleil l’accable de chaleur étouffante, associée à misère • La foule le contemple et l’envie, rangée pour lui en haies.
et pourriture. • Éclatante lumière métaphore de son triomphe.
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Passerelles « n’eut pas même la force de jeter un cri » (l. 10). Elle a
Il est envisageable de faire lire l’extrait de Bel-Ami dans la toutefois un mouvement physique involontaire, un sursaut :
séquence 6 (p. 130), qui montre comment Georges Duroy, « Elle tressaillit » (l. 10). Elle est profondément frappée par
alias Bel-Ami, est devenu ce qu’il est dans notre passage : l’apparition de l’ancien forçat : « [elle] resta béante » (l. 11).
le baron Georges Du Roy de Cantel. Étudier deux extraits De la même manière, la réaction de Mlle Baptistine est phy-
d’une même œuvre dans des séquences différentes montre sique mais plus marquée dans un premier temps : « se dressa
aux élèves que les œuvres ne sont pas figées dans une seule à demi d’effarement » (l. 12-13), elle ressent donc de l’effroi,
thématique. de la stupeur. On pourra noter avec les élèves la présence du
champ lexical de la peur. La sœur de l’évêque se calme vite
Pour aller plus loin toutefois : « elle se mit à regarder son frère et son visage
On pourra montrer la bande-annonce de l’adaptation ciné- redevint profondément calme et serein » (l. 13-14), ce qui
matographique (dont est issu le photogramme) de Declan souligne la confiance qu’elle a en l’évêque, lequel « fixait sur
Donnellan et de Nick Ormerod. Les élèves pourront alors l’homme un œil tranquille » (l. 15). La réaction du prélat est
débattre sur le personnage de Georges Duroy : opportuniste très posée, s’oppose donc à celle des deux femmes et elle
sans morale ou travailleur acharné prêt à tout ? est mise en valeur par la disposition typographique. Le verbe
« fixer » insiste sur l’intensité du regard et contrairement
Lecture 3 Seul contre tous ? aux autres verbes du champ lexical du regard qui sont conju-
en GROUPE > p. 106-109 gués au passé simple (« aperçut », l. 12 ; « se mit à regarder »,
l. 14), il est conjugué à l’imparfait, ce qui souligne l’idée de
Les Misérables durée. Dans tous les cas, les personnages sont donc frappés
Vos objectifs par cette apparition même si le calme de l’évêque s’oppose
Il s’agit, d’abord, de faire découvrir aux élèves le roman- à ce que semblent ressentir les personnages féminins.
épopée, historique, social et philosophique qu’est Les c. Jean Valjean est un ancien galérien (l. 20). À l’époque où
Misérables, ainsi que trois extraits d’adaptations cinémato- se déroule le roman (1815-1832), un « galérien » est une
graphiques de l’œuvre. Figure emblématique de l’exclu et personne envoyée aux bagnes maritimes (chantiers navals à
du marginal, Jean Valjean amène à s’interroger sur l’image Brest et à Toulon) : il ne rame plus sur une galère, mais reste
d’une société qui rejette, mais aussi sur des personnages aux soumis à des travaux forcés. On pourra renvoyer les élèves
valeurs positives, comme Monseigneur Myriel. C’est donc aux notes de lexique 3, 9 et 10 pour approfondir ce point.
bien sur les conciliations possibles entre différents systèmes d. Il est rejeté car le passeport jaune qu’il a présenté à la
de valeurs que portera l’étude. Par ailleurs, la lecture en mairie le stigmatise : l’information de son passé au bagne
groupe permet l’étude approfondie et progressive de chaque s’est propagée dans la ville : « on m’a renvoyé à cause de
personnage. Elle incite à un parcours complet du texte. mon passeport jaune » (l. 24 et l. 45) : « cela sert à me
Enfin, le temps de mutualisation « tous ensemble » favorise faire chasser de partout où je vais » (l. 46). On le chasse
une vision d’ensemble approfondie et collective du passage. de manière violente, ce que souligne le tutoiement, associé
à l’impératif présent : « Va-t’en ! » (l. 26). C’est un rejet
EN GROUPE collectif de la société, ce que suggère le pronom indéfini
Jean Valjean « on » : « On m’a dit » (l. 25) et l’expression « chez l’un
a. C’est d’abord l’équipement, caractéristique du voyageur, chez l’autre » (l. 26). Il résume en une phrase simple et
qui est évoqué : « son sac sur l’épaule, son bâton à la main » brève le rejet total dont il fait l’objet : « Personne n’a voulu
(l. 7). Puis c’est l’expression de son regard qui est décrite de moi. » (l. 26), qui fait écho à « Tout le monde m’a jeté
avec précision par le biais d’une énumération d’adjectifs : dehors. » (l. 53). L’anaphore de « j’ai été » + complément
« rude, hardie, fatiguée et violente dans les yeux » (l. 7-8). circonstanciel de lieu (l. 23-27) montre qu’il a fait plusieurs
On pourra demander aux élèves de trouver des synonymes tentatives pour être hébergé : dans une auberge (l. 24) ;
des adjectifs « rude » (bourrue, revêche, sévère…) et « har- « une autre auberge » (l. 25) ; « à la prison » (l. 26) et
die » (audacieuse, intrépide). Ensuite, « le feu de la chemi- même « la niche d’un chien » (l. 27). L’hostilité est donc
née » (l. 8) met en lumière la laideur du personnage : totale, même le chien (réputé pour sa fidélité) le mord et
« Il était hideux. » (l. 8). On soulignera que la phrase simple le chasse (l. 27- 28). La comparaison « comme s’il avait été
et brève est frappante et particulièrement péjorative et un homme » (l. 28) met en évidence la bestialité des êtres
qu’elle est renforcée par la phrase suivante (également humains éprouvée par J. Valjean. La nature elle-même
simple et courte) qui souligne l’impression produite par le semble s’opposer à lui : « Il n’y avait pas d’étoile. » (l. 30),
personnage : « une sinistre apparition » (l. 9). Synonymes ce qui évoque l’absence de lumière et d’espoir : il semble
de « sinistre » : sombre, effrayante, redoutable, ténébreuse, délaissé par le ciel lui-même. On pourra souligner le registre
terrifiante, angoissante. La description campe donc un pathétique de ce passage.
personnage inquiétant et effrayant. e. On met en évidence que le personnage se définit toujours
b. Madame Magloire reste muette, comme pétrifiée : comme étant un galérien, au présent de l’indicatif, alors
75
qu’il a purgé sa peine : « j’ai passé dix-neuf ans au bagne » aux élèves que l’auteur s’est inspiré, pour créer ce person-
(l. 20-21) (note n° 9). C’est la raison pour laquelle il possède nage fictif, de François Melchior Charles Bienvenu de Miollis,
un « passeport jaune » (l. 24), il s’agit du passeport interne évêque de Digne de 1805 à 1838, réputé pour sa bonté et
des bagnards libérés, il est obligé de le présenter : « Il avait sa générosité. Voici un contenu intéressant à lire sur le sujet
fallu » (l. 25). Il a été libéré récemment : « Je suis libéré sur une page du site Internet de la ville de Digne-les-bains :
depuis quatre jours » (l. 21). Son objectif est de se rendre https://www.dignelesbains.fr/culture-patrimoine-2/
à Pontarlier (l. 21, note n°4) ; il marche pour cela depuis notre-histoire/victor-hugo-et-les-miserables/
« quatre jours » et il arrive de Toulon (l. 22). En un jour, c. Cette deuxième intervention fait écho à la première
il a parcouru « douze lieues à pied » (l. 23) (note n° 5). On (l. 39). L’évêque va encore plus loin dans l’hospitalité et
pourra souligner l’endurance et la résistance hors du propose ici non plus seulement d’accueillir J. Valjean à sa
commun du personnage. On apprend qu’il sait lire et qu’il table mais aussi de l’héberger pour la nuit dans de bonnes
a « appris au bagne » (l. 47). Il précise qu’il a été condamné conditions, dans le confort et la propreté : « des draps blancs
« cinq ans pour vol avec effraction » (l. 51) et qu’il a tenté au lit de l’alcôve ». Elle donne de lui l’image d’un homme
de s’évader « quatre fois » (l. 52) ce qui a donc rallongé bon, accueillant, charitable, sans préjugés.
sa peine de quatorze ans (l. 51-52). Son passeport indique
d. Les paroles de l’évêque sont rapportées au discours
que « Cet homme est très dangereux. (l. 52-53).
direct (l. 39 ; 56-57 ; 61-62 ; 75 ; 84-85 ; 87 ; 89 ; 97-98 ;
f. « L’expression de son visage » (l. 63) change totalement. 100). Les tirets et le verbe de parole « dit » le prouvent.
Elle était initialement « sombre et dure » (l. 63-64). Lorsqu’il Les paroles sont donc restituées telles qu’elles ont été
« comprit tout à fait » (l. 63), il éprouve des sentiments prononcées, ce qui permet de rendre le passage plus vivant,
successifs, ce que signale l’énumération « de stupéfaction, de créer un effet de réel mais surtout de faire entendre
de doute, de joie » (l. 64). L’expression de son visage, enfin, la manière de parler du personnage. Il s’exprime en effet
« devint extraordinaire » (l. 64) (synonymes : inhabituelle, avec simplicité et calme. Le narrateur précise d’ailleurs que
exceptionnelle). Son trouble se manifeste aussi dans sa sa voix est « doucement grave et de bonne compagnie ».
diction (l. 65) : « Il se mit à balbutier ». On pourra demander La présence de marques d’oralité comme les interrogations
aux élèves des synonymes de ce verbe (bégayer, bafouiller, (l. 84-85 ; 87 ; 100) ou l’exclamation (l. 89) soulignent
bredouiller…). La comparaison « comme un fou » met en l’intérêt du personnage pour Valjean.
évidence le bouleversement du personnage, confirmé par e. Il fait preuve de générosité en refusant l’argent de Valjean
la ponctuation expressive et la brièveté des phrases, parfois (l. 84-85) mais aussi d’intérêt pour ce qu’il a vécu (l. 87).
averbales (l. 66-74). Il est surpris par la proposition de Il se montre soucieux de l’accueillir de manière très confor-
l’évêque qui lui rend sa dignité en le traitant comme un table et chaleureuse (l. 97-98). Il s’intéresse au bien-être
semblable et non plus comme un paria : « Vous m’appelez du visiteur : « Vous devez avoir froid, monsieur ? » (l. 100).
monsieur ! vous ne me tutoyez pas ! » (l. 66-67). Son huma- Il est particulièrement bienveillant, charitable et fait preuve
nité lui est rendue : « Va-t’en chien ! qu’on me dit toujours. » d’un grand sens de l’hospitalité.
(l. 67-68). On comprend qu’il n’avait plus d’espoir : « Je
croyais bien que vous me chasseriez. » (l. 68). Il se réjouit Mademoiselle Baptistine
de ce dont il va bénéficier et qui lui semble extraordinaire a. Sa réaction est d’abord physique et très marquée :
après dix-neuf ans de bagne : un souper, un lit, un matelas, « se dressa à demi d’effarement » (l. 12-13), elle ressent
des draps (l. 69-70). Il est prêt à payer pour cette hospita- donc de l’effroi, de la stupeur. On remarque toutefois qu’elle
lité, ce que souligne l’anaphore de « je payerai » (l. 72-73). ne parle pas.
g. Jean Valjean s’étonne dans la mesure où cette désigna- b. « elle se mit à regarder son frère et son visage redevint
tion implique une forme de respect et de reconnaissance de profondément calme et serein » (l. 12-13). Les adjectifs
son statut d’individu dont il a totalement perdu l’habitude « calme » et serein » accentués par l’adverbe « profondé-
après avoir été si longtemps prisonnier et exclu de la société. ment » soulignent la confiance totale qu’elle a en l’évêque,
Cette marque de respect réjouit particulièrement Valjean lequel « fixait sur l’homme un œil tranquille » (l. 15). On
(cf. aussi l. 101-102). peut lire aux élèves un passage du roman qui met en
évidence la relation entre les deux personnages : « Pour cette
L’évêque sainte fille, M. de Digne était tout à la fois son frère et son
a. « Madame Magloire, dit l’évêque, vous mettrez un cou- évêque, son ami selon la nature et son supérieur selon
vert de plus. » (l. 39). l’église. Elle l’aimait et le vénérait tout simplement. Quand
b. L’hospitalité spontanée de l’évêque surprend dans la il parlait, elle s’inclinait ; quand il agissait, elle adhérait ».
mesure où Valjean vient de se présenter en tant que c. « Profondément » est un adverbe. Dans ce contexte,
galérien et de raconter qu’il a été rejeté de tous. Le prélat les synonymes possibles sont : entièrement, extrêmement,
ne commente ni le passé ni les péripéties de l’ancien forçat, infiniment, pleinement, totalement, intensément.
ne le juge pas, ne le condamne pas, ne se méfie pas de lui. d. « Mademoiselle Baptistine le considérait avec douceur »
Au contraire, il l’accueille à sa table. On pourra préciser (l. 81). On peut demander aux élèves des synonymes
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du verbe « considérer » dans ce contexte : observer, regar- e. Madame Magloire est au service de l’évêque et de
der, examiner. Mlle Baptistine. On peut développer la réponse en citant
e. Elle aurait pu être effrayée ou au moins réticente en un passage du roman : « Ils avaient pour tout domestique
raison du passé de J. Valjean. une servante du même âge que mademoiselle Baptistine,
et appelée madame Magloire, laquelle après avoir été la
Pour aller plus loin servante de M. le Curé, prenait maintenant le double titre
On peut demander aux élèves de faire la description phy- de femme de chambre de mademoiselle et femme de charge
sique de Mlle Baptistine, telle qu’ils l’imaginent. de monseigneur […]. Madame Magloire était une petite
Madame Magloire vieille, blanche, grasse, replète, affairée, toujours haletante,
a. Madame Magloire reste muette, comme pétrifiée : « n’eut à cause de son activité d’abord, ensuite à cause d’un asthme. »
même pas la force de jeter un cri » (l. 10). Elle a toutefois
un mouvement physique involontaire, un sursaut : « Elle TOUS ENSEMBLE
tressaillit » (l. 10). Elle est profondément frappée par 1 Il s’agit ici de prendre la parole de afin de présenter
l’apparition de l’ancien forçat : « [elle] resta béante » (l. 11). de manière synthétique le personnage étudié dans une
b. Elle est probablement tout d’abord surprise car J. Valjean, démarche de compte-rendu, de hiérarchiser les informa-
qu’elle n’a jamais vu, a ouvert la porte avec « énergie et tions et de mémoriser les éléments importants, conformé-
résolution » (l. 2). De plus, elle est sans doute effrayée. ment aux compétences et programmes du cycle 4. On peut
Le personnage a en effet « une expression rude, hardie et, conseiller à chaque groupe de construire en amont de cette
fatiguée et violente dans les yeux. » (l. 7-8), il est « hideux » restitution une carte mentale qui les guidera et les aidera
(l. 8) et enfin, c’est une « sinistre apparition » (l. 9). à se détacher de leurs notes.
c. Lignes 39 ; 56-57 ; 97-96 2 Cette activité peut être l’occasion d’un rappel sur
d. Les verbes sont conjugués au futur de l’indicatif : « vous l’adjectif ( fiche 10 p. 272). On peut aussi développer
mettrez » (l. 39 et 56) et au présent de l’impératif : « mettez » ce temps d’oral en demandant aux élèves quel personnage
(l. 97). les a le plus marqués et pourquoi.
3 L’essentiel est ici que les élèves argumentent leur On peut diviser la classe en trois. Chaque groupe se consacre
réponse avec des exemples et passages précis des extraits plus précisément à un questionnement. Enfin, si l’on veut
visionnés. En classe, on peut les aider en proposant un gagner du temps, ce travail peut aussi faire l’objet d’une
premier visionnage sans prise de notes, puis un deuxième préparation individuelle à la maison. Les liens vidéo fournis
visionnage où on leur demande de comparer les trois le permettent. On procédera ensuite à un temps d’échange
extraits à l’aide d’un tableau. On peut étayer les élèves et de mise en commun tous ensemble, en cours. Dans tous
avec quelques points d’observation : les lieux, l’époque les cas, on conseille aux élèves de relire ou de réécouter
sont-ils respectés ? Les personnages sont-ils les mêmes ? le texte avant les visionnages. L’extrait 1 peut être considéré
Correspondent-ils à ceux du livre (sentiments, attitudes, comme l’adaptation la plus fidèle, on y retrouve le dérou-
apparence physique…) ? Comment Jean Valjean, en particu- lement du texte et certaines phrases sont restituées.
lier, est-il présenté ? L’adaptation de Raymond Bernard est d’ailleurs souvent
77
la préférée des cinéphiles. Dans les trois cas, l’esprit du pas- Oates, figure emblématique dans la littérature américaine
sage est respecté, ce que les élèves remarqueront sans doute. et Maylis de Kerangal, autrice française en pleine ascension,
4 Il peut sembler intéressant ici de rappeler aux élèves lauréate du grand prix de Littérature Henri-Gal de l’Acadé-
que, comme un metteur en scène, le réalisateur propose mie française en 2014, pour son ouvrage Réparer les vivants,
sa vision, sa lecture de l’œuvre. Il procède à des choix paru en 2013.
pour mettre en œuvre sa perception du texte à travers
1 Confessions d’un gang de filles
les costumes, les décors, les lumières, l’ambiance sonore,
1 La narratrice éprouve une vive colère face au jugement
des bruitages, et bien entendu par sa direction d’acteurs,
de sa voisine sur ses fréquentations, mais elle ne se montre
selon l’image qu’il se fait d’eux. Les élèves peuvent se
pas impolie : « j’ai répondu poliment » (l. 5). Cette colère se
montre curieux face à cette thématique, on peut donc
manifeste par une sensation de chaleur : « J’ai senti une cha-
prolonger la discussion sur le rôle du metteur en scène.
leur sur mon visage » (l. 3-4). Elle utilise un niveau de langue
5 Réponse libre.
très familier et vulgaire avec l’emploi du mot « garce » :
Votre bilan « comme si cette garce m’avait filé une claque » (l. 4).
Jean Valjean, paria et homme du peuple, envoyé au bagne 2 Le fait qu’une simple remarque la mette dans cet état
pendant dix-neuf ans pour avoir volé du pain fait ici preuve prouve que la narratrice est très sensible et susceptible ;
de franchise et de sincérité. Il se présente tel qu’il est : un elle ne supporte pas le jugement de valeur de sa voisine sur
ancien bagnard qui a purgé sa peine, victime des fatalités son amie. Cependant, elle tente de rester calme et, si elle
et des injustices de la société. Il se montre reconnaissant répond de manière insolente, elle ne le fait pas de manière
face à la générosité, la bienveillance, l’hospitalité, la frater- vulgaire : elle arrive à contrôler sa colère. Elle est donc à
nité de l’évêque. En cela, ces deux personnages porteurs la fois impulsive dans ses sentiments, mais réfléchie dans
de valeurs positives se différencient d’une société qui exclut ses paroles.
ce qui lui fait peur et ce qui s’éloigne de ses codes habituels.
3 LANGUE Le passage de la première personne du singu-
lier à la première personne du pluriel : « nous provoquions »
TESTÉ EN CLASSE Si ce texte peut paraître résistant, (l. 10) ; « Comme si nous n’étions plus des individus-filles,
les élèves le comprennent assez bien après une lecture mais un faisceau de flammes en marche » (l. 13-14) illustre
professorale suivie des ressentis des élèves. Tous com- bien l’esprit collectif et fusionnel du groupe.
prennent que Valjean n’était pas le bienvenu et que 4 Maddy, la narratrice, s’émancipe du cercle familial en
l’évêque est un homme bon. S’il est possible de travailler prononçant cette phrase à la voisine : « Ce n’est pas ma mère
par personnage, il est aussi envisageable de découper qui choisit mes amies. Je choisis mes amies moi-même. »
le texte en différentes parties et que chaque groupe ques- (l. 6-7). La reprise anaphorique du verbe « choisir », combinée
tionne les enjeux de l’extrait qui leur est attribué. à la première personne du singulier, montre sa volonté d’in-
dépendance et de liberté sur ses « choix ». La redondance
de l’utilisation de la première personne dans « Je choisis
Différenciation
mes amies moi-même » renforce cette idée de liberté
Il est possible d’émettre des hypothèses de lecture avant décisionnelle.
la lecture du texte grâce aux photogrammes puis d’affiner
5 Le gang de filles semble se séparer du monde grâce à un
ces hypothèses en regardant les extraits grâce aux liens
effet d’optique. Le champ lexical de la vision est présent
donnés. Enfin, venir au texte dont le sens global a été
dans la dernière phrase : « verre spécial », « nos yeux »,
compris par l’ensemble des élèves.
« le verre […] invisible ». Ainsi le gang a la volonté de ne
pas appartenir à cette société.
Lecture 4 Faire bande à part ? > p. 110-111
6 Sur l’affiche du film Foxfire, nous pouvons observer
Vos objectifs
un groupe de six adolescentes au regard froid, dans une
Cette Lecture permet d’aborder deux textes contemporains
posture fermée à la communication avec leurs bras croisés.
de deux autrices. Si la Lecture 3 proposait à l’analyse un
Elles semblent essayer d’être intimidantes et peu chaleu-
extrait des Misérables dans lequel Jean Valjean se retrouvait
reuses. Leurs habits (dans des tons sombres) et leur proxi-
seul face aux membres de la société, la Lecture 4 illustre
mité (main sur l’épaule) montrent leur complicité et leur
bien la définition même d’un gang, s’excluant lui-même de
appartenance à un groupe.
certaines valeurs de la société dont il fait pourtant partie.
L’objectif est donc de comprendre ces personnages en RÉÉCRITURE
rébellion tout en rappelant la notion de niveaux de langue C’est à cette occasion qu’elles ont commencé à remarquer
à travers ces deux textes. qu’elles provoquaient de leur part un regard dont elles
Il est par ailleurs intéressant de découvrir Joyce Caroll tiraient un plaisir mêlé d’appréhension.
78
La boîte Avec du style !
à mots
La métaphore filée se retrouve grâce aux termes suivants :
La définition du mot « gang » donne une vision dépréciative chasse, lasso, capture, sifflements à quatre doigts dans la
du gang de filles Foxfire. Elles aiment provoquer les membres bouche, des signaux lumineux au miroir, des criaillements
qui sont en dehors de leur gang et perdent leur individualité. de flamants roses, des feulements de puma, agile, véloce.
79
b. Elle a « horreur des exposés » et « horreur de prendre 2 Les Impatientes
la parole devant la classe » (l. 8-9). Elle semble donc très 1 a. Ramla est une jeune femme ambitieuse et en quête
timide, en manque de confiance en elle, introvertie. On de liberté et d’émancipation féminine. Elle est différente
pourra souligner la répétition du mot « horreur » qui met des autres femmes de sa famille qui vivent avec d’autres
en évidence le malaise profond qu’elle ressent à l’idée aspirations : devenir femme au foyer, faire un beau mariage,
d’une intervention orale devant ses camarades. Elle a s’apprêter... Ramla se rebelle contre toutes ces traditions
conscience d’être perçue comme la « meilleure élève de la qu’elle trouve liberticides pour la femme.
classe, asociale et muette » (l. 13). On la sent en décalage, b. Ramla se décrit comme « différente » (l. 1) ; « je m’obsti-
en retrait, très réservée. nais à aller au collège » (l. 11).
c. Cet autoportrait est moral. Il n’y a ici aucune description c. C’est un autoportrait moral. Ramla est décrite à travers
physique. La seule indication relative à son apparence ses choix de vie et ce qu’elle veut.
est qu’elle porte des « Converse » (l. 11). On peut aussi
d. La jeune femme de 17 ans vit très bien sa différence, elle
supposer qu’elle est de petite taille : « ma petite hauteur »
n’hésite pas à exposer son point de vue même dans des
(l. 11).
situations conflictuelles.
d. Lou est ici dans une situation précise : elle ne s’est pas
e. Ses sœurs et sa mère ne la comprennent pas : « Pour ma
inscrite sur la liste des exposés puisqu’elle déteste prendre
mère, c’est comme si j’étais une extra-terrestre » (l. 1-2).
la parole en classe. Elle se sent donc fautive, ce que souligne
Il y a ici une confrontation au sein de la famille, car Ramla
le champ lexical policier : « J’espérais le sursis, c’est le flagrant
casse les codes de son éducation et de la tradition jusqu’alors
délit » (l. 3-4). Elle ressent surtout un profond malaise
suivie par l’ensemble des femmes de la famille.
physique, car elle est terrorisée à l’idée de s’exposer aux
autres, ce que montre l’hyperbole : « Si je pouvais m’enfon- 3 Un garçon c’est presque rien
cer cent kilomètres sous terre, du côté de la lithosphère »
1 a. Roméo est un lycéen sensible qui vit très mal sa diffé-
(l. 7). L’intensité de ce qu’elle ressent : « une faille sismique
rence émotive. Cela permet aux élèves de revoir aussi
s’est ouverte sous mes pieds […] je préférerais m’évanouir là,
les sentiments et émotions que l’on « genre » parfois à tort.
[…] foudroyée » (l. 9-10) montre l’ampleur de sa détresse.
En fait, elle va jusqu’à souhaiter perdre connaissance pour b. Roméo utilise une reprise anaphorique, tel un refrain « Je
échapper à sa situation : « foudroyée, je tomberais raide de suis sensible, Sensiblement différent ».
ma petite hauteur » (l. 10-11). Toutefois, l’épitaphe qu’elle c. C’est un autoportrait moral où l’adolescent déplore sa
imagine (l. 12-13) montre aussi qu’elle a de l’humour et un forte sensibilité (physique : sport, scène chez l’infirmière) ou
certain recul sur elle-même et sur la situation, une forme encore dans des situations de tous les jours (ne pleure pas
de maturité. devant un film par peur du jugement, jugement des parents,
e. Le champ lexical du regard : « Monsieur Marin m’observe » peur du jugement dans les transports en commun).
(l. 2) et « vingt-cinq paires d’yeux tournés vers moi » (l. 4) d. Contrairement à Ramla, Roméo vit très mal sa différence,
montre que Lou est (ou se sent) scrutée. Elle est aussi au point de faire attention à ne pas montrer sa sensibilité.
l’objet de moqueries de la part des filles de sa classe qui, Il a honte de lui et de l’image qu’il reflète.
en revanche, semblent complices : « Axelle Vernoux et Léa e. Ses parents rabaissent Roméo et le jugent « mauviette »,
Germain pouffent en silence derrière leurs mains » (l. 5-6). « fragile » (l. 3), au lieu de l’aider et de le soutenir.
On sait aussi que Lou est surnommée « le cerveau » (l. 5),
ce qui est ici péjoratif et malveillant.
80
2 Ramla se sent différente Moral. Elle est déterminée à poursuivre Ses parents rabaissent
par rapport aux attentes « Moi je suis ses études afin de pouvoir Roméo et le jugent
sociales de sa famille. différente. Je l’ai s’émanciper : « m’en allais […] me « mauviette », « fragile »
Elle ne veut pas s’inscrire toujours été » replonger dans mes livres » (l. 6). (l. 3), au lieu de l’aider et
dans le schéma patriarcal (l. 1) ; Ramla attache peu d’intérêt aux de le soutenir.
reproduit par les femmes « Je m’obstinais à choses matérielles : « Quand
de son entourage. aller au collège » mes sœurs tombaient en
« Moi, je suis différente. (l. 11). pâmoison devant les beaux
Je l’ai toujours été » (l. 1) ; pagnes multicolores […] j’arrivais,
« Elles me traitaient de bonne dernière, prenais un pagne
folle » (l. 13). dont généralement personne ne
voulait… » (l. 2-6).
3 Roméo se sent différent Moral. Roméo se sent attristé par cette Il semble incompris par tout
par son hyper-sensibilité. « Je suis sensible ». situation, il va même jusqu’à ne le monde : tant dans la
Reprise anaphorique pas dire ce qu’il ressent, comme sphère familiale (« Ma mère
pour marquer sa sa sensibilité face à un film de dirait mauviette, mon père
grande différence peur qu’on le juge : « Je repense à fragile », l. 3) qu’au lycée
et illustrer les ce jour où j’ai pleuré en regardant (« le prof de sport
différentes Le magicien d’Oz, et où j’ai gardé constituait les équipes […]
situations blessantes ces larmes pour moi par peur Mets-toi sur le côté, tu vas
dans lesquelles qu’on ne les comprenne pas » les faire perdre », l. 10-11).
il s’est retrouvé : (l. 17-18). Les autres acteurs de la
« Je repense à ce société le jugent également :
jour… » (l. 6). « L’infirmière a ri » (l. 13).
81
Les points de vue du narrateur immobile, mais des frissons lui parcourent le dos et sa vue
se trouble. Elle a l’impression qu’elle va s’évanouir. Celle qui
p. 241 > 3. Comment différencier les points de vue du narrateur ?
lui fait face a du mal à se contrôler et a très envie de s’enfuir.
J’observe Pour se donner du courage, elle se répète que ce n’est qu’un
1 Texte 1 : 3e personne du singulier – Texte 2 : 1re personne mauvais moment à passer.
du singulier. Défi Activité possible : On peut faire travailler les élèves
2 Texte 1 : Point de vue externe. Le narrateur ne décrit que par deux. Un élève donne sa production à son binôme qui
ce qu’il observe de l’extérieur de la scène. Il ne livre pas au a pour consigne d’identifier le point de vue choisi et de jus-
lecteur ni les pensées ni les sentiments du personnage. tifier sa réponse en soulignant les mots et les expressions
Texte 2 : Le texte est écrit à la 1re personne du singulier, qui lui ont permis de répondre.
le narrateur est un personnage de l’histoire et il se présente. Pas plus tard que la semaine dernière, elle était décidée à ne
Le point de vue est donc forcément interne. plus avoir de conflit avec celle qui avait été sa meilleure
3 Texte 1 : Le point de vue externe donne une vision amie quand elles étaient à l’école du quartier. Elle avait pris
d’ensemble du personnage et le rend ici plus mystérieux et de bonnes résolutions et décidé de tout changer : sa manière
effrayant. On apprend qu’il est muni d’un sac et d’un bâton, de se comporter, sa coiffure... Elle avait demandé au coiffeur
qu’il a « une expression rude, hardie, fatiguée et violente de couper sa longue chevelure. Elle était persuadée, sans
dans les yeux » et qu’il « était hideux ». La narratrice quali- comprendre pourquoi, que cela l’aiderait à devenir plus
fie cette « apparition » de « sinistre ». forte.
Texte 2 : Le narrateur, personnage qui se présente, exprime
ici la manière dont il se perçoit et se définit. Sa personnalité
Les niveaux de langue
semble complexe. Les élèves remarqueront sans doute, en 1 Texte 1 : courant – Texte 2 : soutenu – Texte 3 : familier.
effet, une apparente contradiction entre la première phrase
« Je ne suis pas un garçon ordinaire », et la dernière phrase Différenciation
« Tout ça fait de moi un garçon comme les autres », qui suit On peut demander aux élèves les plus à l’aise de réécrire un
l’énumération de ses activités quotidiennes. ou plusieurs extraits en changeant de niveau de langue.
Pour ceux qui ont plus de difficultés, on peut proposer
Je m’entraîne de relever les mots et expressions qui leur ont permis de
4 a. J’étais fatigué, car j’avais marché deux heures dans répondre.
le froid en ayant très faim. Mon ventre gargouillait. J’avais 2
repoussé mes limites et je pensais qu’à une chose : manger.
Familier Courant Soutenu
b. Elle veut intégrer ce gang. Elle ne cesse d’y penser depuis
des jours. Elle veut appartenir à un clan, un groupe qui ne Piquer Voler Dérober
l’exclurait pas. Poto Ami Camarade
c. Elles sont les FOXFIRE. Elles semblent n’avoir peur de Godasses Chaussures Souliers
rien ni de personne. Elles paraissent ne pas prendre en Bagnole Voiture Automobile
compte l’avis des autres. Elles ont l’air libres de tout ! Flics Policiers Gardiens de la paix
Meuf Femme Dame
J’écris
3 Argent fric – pognon
5 Point de vue interne
Hideuse moche – cheum (verlan)
Elle m’agace. J’ai envie de lui crier ma colère et de lui dire que
Père papa – daron
sa queue de cheval est ridicule. J’avoue qu’elle me fait peur
Comprendre piger – capter
aussi, mais je n’ai aucune envie qu’elle le comprenne. Je pré-
Démodé ringard – has been
fère me répéter que je suis plus forte qu’elle. Je m’efforce
de respirer le plus calmement possible. Je me sens capable
Réécriture
de tout.
Point de vue externe 1 , 2 et 3
La sonnerie vient de retentir. Les deux adolescentes, de la J’ ai besoin de douze cents francs, et il me les faut à
même taille, ont un air menaçant. Elles se font face et se tout prix. Ne dis rien de ma demande à mon Père, il s’y
regardent dans les yeux depuis quelques minutes. Pas une opposerait peut-être, et si je n’avais pas cet argent, je
ne bouge d’un millimètre. Elles respirent bruyamment. Elles serais en proie à un désespoir qui me conduirait à me
semblent déterminées et prêtes à se battre. brûler la cervelle. Je t’expliquerai mes motifs aussitôt
Point de vue omniscient que je te verrai, car il faudrait t’écrire des volumes pour
L’adolescente aux cheveux courts n’a aucune intention de te faire comprendre la situation dans laquelle je suis.
montrer sa peur. Elle essaie de toutes ses forces de rester Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835.
82
4 , 5 et 6 Différenciation
Nous avons besoin de douze cents francs, et il nous les Grâce à la fiche Coup de pouce de l’atelier, on peut fournir
faut à tout prix. Ne dis rien de notre demande à notre Père, le corps d’une lettre vierge aux élèves à besoin éducatif
il s’y opposerait peut-être, et si nous n’avions pas cet particulier pour qu’ils puissent rédiger le contenu de la lettre
argent, nous serions en proie à un désespoir qui nous dans un modèle qui les guidera.
conduirait à nous brûler la cervelle. Nous t’expliquerons Il est également envisageable de faire une carte heuristique
nos motifs aussitôt que nous te verrons, car il faudrait d’idées collectives pour guider les élèves en manque
t’écrire des volumes pour te faire comprendre la situation d’arguments ou d’idées. Cette activité peut être réalisée
dans laquelle nous sommes. lors de l’étape 1. Tous pourront s’approprier des idées venant
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835. des pairs et elles seront alors inscrites au tableau par le
professeur.
Différenciation
On peut enrichir la consigne pour les élèves, les plus à l’aise, TESTÉ EN CLASSE Cet atelier a été réalisé en fin de
en leur demandant de réécrire le texte en imaginant que
séquence. La tâche écrite concernant la Lecture 2 avec
l’expéditeur vouvoie le destinataire de la lettre.
le texte de Balzac (p. 104) avait déjà permis de diagnosti-
quer les prérequis des élèves concernant la lettre. Ils ont
également lu la lettre de Mathilde à son père dans la
Atelier écrit Défendre son point de vue
Lecture 1 construite sur Le Rouge et le Noir (p. 103). Ainsi,
en écrivant une lettre > p. 118-119
nous sommes revenus sur leurs connaissances tout en
Cet atelier est à privilégier en fin de séquence afin que l’élève les consolidant. Après avoir bien expliqué à l’oral les
utilise les notions abordées à travers les différents textes différentes étapes de l’atelier, nous avons réécrit tous les
de conflits romanesques. En effet, les personnages des noms des personnages rencontrés lors de cette séquence
textes rencontrés au fil de cette séquence pourront lui per- ainsi que leur source de conflit.
mettre de nourrir ses idées pour le travail écrit. De nombreux élèves ont choisi les héros adolescents de la
Cet atelier est à prévoir sur plusieurs heures en classe. Lecture 5 en groupe (p. 112-113), le processus d’identifica-
Il peut se réaliser en binôme ou seul. Les élèves peuvent tion devant aider à trouver des idées. Ces personnages
également feuilleter le manuel pour y trouver des idées et sont en effet proches de nos élèves et des problématiques
s’en inspirer : qu’ils rencontrent au cours de leur scolarité.
• Page 116 : « L’expression de l’ordre grâce à la conjugaison » ; Les élèves ont produit un premier jet, seuls, puis j’ai relu
• Page 247 : fiche méthode 9. « Comment rédiger une argu- et annoté les « manques ». Enfin, avant de rendre les
mentation et utiliser des connecteurs logiques ? » brouillons, j’ai mélangé et distribué les brouillons parmi
Ces pages pourront guider les élèves dans les différentes les élèves. Chacun devait donner un conseil à son cama-
étapes de la création de leur lettre. Les différents Coups rade en le formulant de manière bienveillante à la fin du
de pouce, dont celui sur l’organisation d’une lettre, favorise- brouillon. Les élèves ont lu leur brouillon à l’oral pour
ront l’autonomie des élèves dans cette activité. Le profes- qu’ils se rendent compte des erreurs de syntaxe.
seur peut aussi choisir de consacrer une partie du cours L’heure suivante, nous sommes allés en salle informatique
à la manière d’organiser un texte épistolaire. Cette étape pour que les élèves réécrivent leur lettre en s’aidant du
rend plus accessible la compétence concernant la « connais- correcteur orthographique, du dictionnaire des syno-
sance des caractéristiques principales des différents genres nymes en ligne et en respectant la forme épistolaire.
à produire ». Certains élèves sont allés chercher des adresses.
Cet atelier amène à travailler sur les compétences suivantes Voici une production finale d’élève (Meryeme, 4e E) :
du socle commun :
• « Adopter des stratégies et des procédures d’écriture
efficaces » ;
• « Pratiquer l’écriture d’invention ».
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Ramla Zitou Idia Benzouko
56, rue Ngosso Din 15, rue Njo-Njo
99322 Douala, CAMEROUN 99322 Douala, CAMEROUN
Le 8 octobre 2021, à Douala.
Ma chère Idia,
Je t’écris avec le cœur serré. Depuis notre dispute sur l’indépendance des femmes camerounaises,
je ne cesse de penser à comment sauver notre amitié tout en te faisant comprendre mes idées.
Tu dis que ton oncle est venu informer ton père qu’il allait te marier au cousin de son patron,
mais connais-tu ce jeune homme ? Souhaites-tu vraiment te marier et abandonner tes projets ?
Je n’arrive pas à croire que tu vas accepter que ton père te « donne » à un inconnu.
Je peux entendre tes mots, mais sont-ils bien les tiens ? N’es-tu pas victime de l’éducation donnée
par nos parents ?
Si je suivais la vie de ma mère, je serais destinée comme elle à être davantage devant une marmite
gigantesque de notre succulent ndolé que devant mes livres ! C’est d’une tristesse… Nous valons
mieux que cela.
Tout d’abord, nous sommes aussi sérieuses et intelligentes que les garçons. C’est une chance pour
nous de pouvoir aller à l’école pour apprendre davantage.
De plus, dans d’autres pays il y a des femmes qui dirigent de grandes entreprises, d’autres qui
sont ministres et ont de grandes responsabilités… sans pour autant délaisser leur rôle de mère
de famille. Il y a bien des reines plus importantes que leur mari ; comme au Royaume-Uni… Cela
est donc possible !
Réagis, Idia ! Cet avenir pourrait être le mien, le tien… Ne laisse pas les autres guider ton avenir.
Tu es une élève brillante, tu n’as pas besoin de te marier, d’être la femme parfaite, la « fée du
logis » pour exister. Ta vie est déjà le résultat de tes réussites et non de celles d’un homme.
Je suis convaincue qu’au fond de toi, tu penses la même chose mais que tu n’oses pas te rebeller
contre ta famille et nos coutumes.
Accepterais-tu que l’on en reparle autour d’un bon verre de jus de fruits frais ? J’espère vraiment
que l’on trouvera un moyen de se comprendre et de s’accepter. Si telle est ta décision, ta propre
décision d’arrêter les études et de te marier avec l’homme choisi par ton oncle, alors je me réjouirai
sincèrement pour toi, mais si ce n’est pas le cas, laisse-moi te convaincre.
Je t’embrasse,
Ramla, ton amie un peu (trop) étrange.
Au cinéma Le Kid de Charlie Chaplin : ensemble 2 Comme dit précédemment, les deux personnages au
contre tous ? > p. 120-121 premier plan regardent dans la même direction. Ils vont
certainement avoir une interaction ou un lien va les unir
Observer l’affiche du film
à un moment donné dans le film. On peut supposer que
1 L’affiche du film est construite à partir d’un élément
le « Kid » est ce jeune enfant. De plus, le regard sévère du
central : un chapeau melon, l’attribut d’un des personnages policier laisse deviner que les deux personnages principaux
principaux, Charlot. Sur ce chapeau, on voit un enfant auront des problèmes avec la justice ou du moins ce troi-
montrant du doigt quelque chose qui est hors-champ, ainsi sième personnage.
qu’un personnage (portant ce même chapeau) qui regarde
3 Certains personnages semblent en marge de la société,
dans cette direction. En arrière-plan, un homme peut être
notamment le jeune garçon avec ses haillons. La posture
identifié comme un policier grâce à son uniforme ainsi
de Charlot, un peu nonchalant, avec les mains dans les
qu’à sa posture, un peu sévère (mains sur les hanches, regard
poches, peut également illustrer un personnage marginal.
réprobateur). Le fond jaune tranche bien avec ce chapeau
Enfin, la présence du policier, derrière eux, comme une
noir. Le titre Le Kid apparaît sous le chapeau, comme un
menace, renforce cette impression de mise à l‘écart des
visage dessiné grâce aux trois lettres du personnage. Il est
deux protagonistes. Il est fort possible que le film raconte
important de rappeler que cette affiche a été créée en 2019,
l’histoire de Charlot et du Kid, leur rencontre et leurs pro-
mais que le film date de 1921.
blèmes avec la justice.
86
qu’elle a vu, entendu et pensé. C’est à travers son regard
et ce qu’elle ressent que le lecteur découvre le personnage
du père : « Il n’osait plus me raconter des histoires de son
enfance » (l. 2) ; « elles lui étaient incompréhensibles et il
refusait de faire mine de s’y intéresser » (l. 4-5) ; « Il s’éner-
vait de me voir à longueur de journée dans les livres » (l. 9) ;
« Mais que j’aime me casser la tête lui paraissait suspect »
(l. 13-14).
3 Il se fâchera quand je me plaindrai du travail ou critique-
rai les cours. Le mot « prof » lui déplaira, ou « dirlo », même
« bouquin ».
87
Informer, s’informer, déformer ?
« Jetez-vous dans
6 la presse à corps perdu »
Émile Zola > p. 124
1 Présentation de la séquence
Cette séquence s’inscrit dans l’entrée du programme du existe et fait de cette activité un outil de manipulation de
cycle 4 « Informer, s’informer, déformer ? », déclinaison au l’opinion, dont les acteurs peuvent être sujets à la corrup-
niveau 4e de la thématique générale « Agir sur le monde ». tion. Il est donc intéressant de s’interroger sur la multipli-
L’ambition de ce groupement de textes est, avant tout, cité de ces visions et sur les valeurs que peut (ou non) por-
de faire découvrir aux élèves la représentation fictionnelle ter la profession de journaliste.
et non fictionnelle d’une profession et d’un univers, celui L’« Atelier écrit », qui amène les élèves à la création
du journalisme. Certaines œuvres font partie du patri- d’une une de journal, les fait passer par des étapes impor-
moine national et international du xixe siècle (Illusions tantes : la confrontation à des documents et à leur compa-
perdues d’Honoré de Balzac, Bel-Ami de Maupassant, Dix raison, la sélection éclairée d’un modèle, la réflexion sur la
jours dans un asile de Nellie Bly). Elles sont ici associées à manière de structurer et de composer un journal destiné à
des textes qui ont été rédigés du début du xxe siècle à celui un public, la formulation concise et efficace d’idées, le tout
en faisant valoir leurs avis individuels au sein d’une équipe.
du xxie siècle. Cela permet de percevoir l’évolution des
La double-page « Au cinéma », volontairement orientée
considérations sociétales, individuelles et collectives por-
sur des films récents et mettant en scène des super-héros,
tées sur ce milieu si particulier (Au bagne d’Albert Londres,
n’a pas seulement vocation à plaire à l’élève. Elle entend,
Le Quai de Ouistreham de Florence Aubenas et Ceux qui
avant tout, montrer que les blockbusters, les œuvres dites
passent d’Haydée Sabéran).
« grand public », tiennent parfois des propos fins et perti-
Le titre de la séquence est une citation extraite d’un
nents sur des faits de société. Les réalisateurs sélectionnés
article d’Émile Zola, publié dans Le Figaro au moment des
(Zack Snyder et Sam Raimi) appartiennent, d’ailleurs, à
adieux de l’auteur au journalisme. En utilisant l’impératif, cette catégorie d’artistes-techniciens dont les œuvres se
mais sur le ton du conseil de l’aîné aux nouvelles généra- rapprochent esthétiquement, selon certains critiques, du
tions, l’écrivain énonce un souhait, un désir ardent, presque « film d’auteur ».
urgent : que les plus jeunes se lancent dans la presse Enfin, la page « Évaluation », qui porte sur l’article de
comme on se lance dans une bataille, dans un élan presque Zola d’où est extraite la citation liminaire, permettra aux
vital qui donne, à celui qui s’y soumet sous l’égide de la élèves de se confronter à un texte argumentatif, mêlant
vérité, une énergie féconde pour avancer dans le monde. autobiographie et engagement, ainsi que de découvrir
Cette citation ne doit pas cependant nous faire oublier l’autre facette – celle du journaliste – d’un écrivain majeur
qu’une représentation moins positive du journalisme du xixe siècle.
2 Objectifs de la séquence
Il s’agit, comme le préconisent les programmes officiels, meilleure perception du « monde de la presse et du journa-
de « comprendre […] les effets de la rédaction », la diffi- lisme ». L’angle, qui autorise des approches pédagogiques
culté de cette étape dans le processus de transmission de plurielles et variées, est donc large.
l’information, de s’interroger sur « les évolutions édito- Les deux premières Lectures sont attendues et cano-
riales de l’information » et de fréquenter des supports niques, bien qu’elles présentent d’emblée le journalisme
divers (journaux, podcasts) ; il s’agit encore de se question- comme étant difficile et non comme une source d’épa-
ner sur une éventuelle « manipulation de l’information », nouissement. Les questions d’éthique journalistique et de
où le concept d’éthique peut être convoqué. Enfin, les labeur sont posées, mais c’est le travail des mots, la fabri-
documents de la séquence sont autant de portes vers une cation d’un discours, qui est au centre de la réflexion.
88
Toujours sous forme de question, la troisième Lecture des mots, ils sont alors journalistes ; ils doivent faire appel
propose de réfléchir à un paradoxe : faut-il mentir pour à leur sens de la créativité pour fabriquer un document qui
accéder à la vérité ? Après le travail d’écriture, abordé attire l’œil et se font alors maquettistes.
dans les deux premières Lectures, elle invite les élèves Les pages consacrées à l’étude de la langue permettront
à découvrir une autre forme du journalisme : celle de aux élèves de pratiquer et d’identifier les rouages d’un récit
l’investigation. au passé, plus ou moins lointain, d’affiner leur compréhen-
La Lecture en groupes met à disposition des élèves des sion de la phrase complexe et de conforter leurs connais-
textes d’époques différentes, qui présentent une manière sances lexicales en lien avec le journalisme. L’exercice de
de travailler singulière : s’il s’agit toujours d’une enquête, réécriture invite les élèves à la transposition des interro-
le ton change et laisse parfois apparaître le ressenti du gatives et les accompagne dans leur parcours en vue du
journaliste, qui prend position. En effet, si ce dernier parle passage du brevet.
en son nom, il peut être aussi, bien souvent, porte-parole : L’écrit et l’oral sont équitablement travaillés dans cette
celui qui raconte l’histoire d’un autre que lui. Il est l’inter- séquence, et les activités proposées permettront aux
médiaire par lequel on accède à une tranche de vie. élèves de pratiquer différentes formes d’écrit argumentatif
À travers l’Atelier d’écriture, les élèves sont amenés à (blâme, lettre) et de prendre la parole dans des buts distincts
varier les postures : ils doivent être ceux qui distinguent et (lecture expressive, délibération, développement d’une
hiérarchisent les informations (laquelle mérite la première opinion, exposé). La prise en compte du destinataire pour
page ?), et revêtent donc l’habit du rédacteur en chef ; ils chaque production est essentielle.
doivent réfléchir à la formulation des titres et au pouvoir
90
Sitographie / Bibliographie • Francis Balle, Les Médias, PUF, coll. « Que sais-je ? »,
• Le site de la Maison des journalistes : 2020.
https://www.maisondesjournalistes.org • Philippe Gaillard, Technique du journalisme, PUF,
• Le site de Reporters sans frontières : https://rsf.org coll. « Que sais-je ? », 1996.
• Le site du Centre de liaison de l’enseignement et des Podcasts
médias d’information (CLEMI) : https://www.clemi.fr/ • « Profession reporter », podcast de France Info qui donne
• Fac-similé du journal Le Figaro du 22 septembre 1891, la parole aux journalistes afin qu’ils évoquent leur
contenant l’article « Adieux » d’Émile Zola, Gallica, expérience professionnelle : https://www.franceinter.fr/
Bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de emissions/profession-reporter
France : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k277965r. • Interview vidéo de Florence Aubenas sur Le Quai
item# de Ouistreham (deux parties de quinze minutes) :
• Thomas Ferenczi, Le Journalisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », https://www.youtube.com/watch?v=A3OF38TmdoQ
2007.
3 Corrigés de la séquence
À la découverte… > p. 126 nement de travail, les deux mains jointes sous le menton,
dans une posture de réflexion et de détermination, le regard
1 Tintin, l’incontournable journaliste porté légèrement au-dessus de celui du spectateur qu’elle
1. Tintin est représenté, de manière assez stéréotypée, avec semble écouter.
un appareil photo à la main et une sacoche. L’image consti-
4. Plusieurs objets apparaissent : une plume et un encrier,
tue, sans doute, une preuve lors de ses enquêtes autant
des enveloppes ouvertes, des lettres et autres billets, des
qu’une source d’informations à interpréter.
livres. Le bureau semble chargé, encombré presque. Ces objets,
2. Le personnage est en mouvement, en pleine course, ce à voir comme des attributs ou des artéfacts symboliques,
qui donne l’impression d’un personnage dynamique, à l’affût connotent l’intelligence du modèle, sa culture, l’aspect
d’un scoop, dans une recherche effrénée et passionnée de littéraire de son travail et l’importante charge de celui-ci.
l’information. Le travail intellectuel est valorisé par cette représentation.
3. En classe. Il est possible de regarder l’image et la
bande-annonce de manière conjointe, puis de répondre à
Lecture 1 Trahir ses convictions pour réussir ?
toutes les questions, ou même de répartir les tâches
(certains élèves analysant et interprétant l’image fixe,
> p. 128-129
d’autres l’image mobile). Vos objectifs
4. Intrépide, courageux, téméraire, hardi, obstiné, tenace, Les deux textes de cette première Lecture offrent l’occasion
curieux, etc. de découvrir un ouvrage appartenant au patrimoine de la
5. Réponse libre à l’oral. Il est possible d’interroger quelques littérature française : Illusions perdues d’Honoré de Balzac.
élèves désireux de donner leur avis. Peut-être seront-ils en Le premier texte allie narration et dialogues, tandis que le
mesure de relier Tintin à une figure journalistique contem- second se concentre sur des propos rapportés au discours
poraine. direct. La figure majeure de ces deux textes est le person-
nage de Lousteau qui, dans un premier temps, initie Lucien à
2 Séverine, journaliste pionnière du xixe siècle l’art de la critique puis, dans un second temps, lui fait part de
1. Cette activité peut se faire à la maison, ainsi que la sa désillusion. À travers ce personnage qui peut sembler
réponse aux questions, ou peut même donner lieu à un secondaire, nous avons accès à deux aspects d’une pratique
rapide exposé en classe. particulière du journalisme culturel : la critique d’œuvres
2. Le podcast s’intitule Une journaliste debout, ce qui préfi- littéraires et la difficile objectivité de la plume quand il est
gure le portrait qui sera fait d’elle. On marque par là son question d’argent. L’étude des extraits permet la confron-
caractère engagé, militant, en partie révolutionnaire. L’une tation des points de vue entre les deux personnages et
des choses que l’on peut retenir de cette présentation est l’analyse des sentiments de ces créatures balzaciennes.
qu’elle a fondé, avec l’une de ses amies, le premier journal
féministe de France : La Fronde. Illusions perdues (extrait 1)
3. Cette lecture d’image permet de revoir les caractéris- Cet extrait permet de découvrir la compromission de
tiques du portrait, genre mineur de la peinture pendant Lousteau et la déconvenue de Lucien, dont il est le mentor.
longtemps. La journaliste est représentée dans son environ- Il montre une pratique peu éthique du métier de journaliste.
91
1 Lousteau demande à Lucien d’écrire un article critique À L’ÉCRIT
très négatif sur l’œuvre de Nathan. Cette demande inatten- Cet exercice d’écriture invite les élèves à exercer leur plume
due a pour but de former Lucien, de lui montrer les rouages sur le genre argumentatif et plus précisément dans le
peu honnêtes du métier qu’il a choisi d’exercer. registre du blâme. La contrainte est double puisqu’il faut, à
2 La métaphore de l’acrobate (l. 11) traduit tout l’art de la la fois, proposer un texte de nature journalistique et à visée
critique, toute la finesse et toute la manipulation langagière épidictique. C’est la raison pour laquelle la consigne pro-
qu’il faut déployer dans ce métier selon Lousteau. Le terme pose de n’écrire que les premières lignes. Un travail de
lui-même est tiré du monde du spectacle et désigne un longue haleine peut être envisagé en fonction des attentes
artiste de cirque qui exécute des exercices plus ou moins des enseignants et de la place qu’occupe cette Lecture dans
périlleux. Ainsi, Lousteau fait comprendre à Lucien qu’il y a leur séquence, car il est tout à fait possible de traiter les
quelque chose de risqué, de dangereux dans l’exercice du Lectures dans un autre ordre que celui qui est proposé dans
métier de journaliste, qu’il finit par déconsidérer. le manuel.
3 LANGUE a. Le temps utilisé est le futur (« commence- Si la tâche semble difficile, il est possible de montrer
ras », l. 13 ; « se dira », l. 14 ; « sera », l. 15 ; « tiendra », l. 16). quelques exemples d’articles critiques piochés çà et là, dans
b. Lousteau recourt à ce temps car il prodigue des conseils à des journaux divers (les rubriques culturelles du Monde, les
Lucien, le guide dans sa démarche d’écriture. Parallèlement, critiques de films de Télérama, etc.)
il prédit avec certitude la réaction du public, car, en raison Illusions perdues (extrait 2)
de son expérience, il en connaît sans doute parfaitement le
1 LANGUE Ce texte est intégralement écrit au discours
« fonctionnement » : à aucun moment il ne semble douter
direct. Les marqueurs de l’énonciation peuvent mettre les
de lui ; le futur utilisé aux lignes 14 et 16 peut donc être
élèves sur la piste : « Je » (l. 1), « vous » (l. 3), « aujourd’hui »
qualifié de futur de certitude.
(l. 1). Les marqueurs d’expressivité du locuteur peuvent égale-
4 Lucien évolue face au discours de Lousteau : les pre- ment être mentionnés (« moi comme cent autres ! », l. 8-9).
mières réactions verbales de Lucien prennent la forme de
2 « Je vis en vendant les billets que me donnent les direc-
questions, manifestant sa perplexité et son étonnement
teurs de ces théâtres […], les livres que m’envoient les
(« Mais que peut-on dire contre ce livre ? », l. 4 ; « Mais
libraires et dont je dois parler » (l. 4-6).
comment ? », l. 8). S’ensuit une réplique dans laquelle
« Enfin je trafique, une fois Finot satisfait, des tributs en
Lucien déclare son incapacité à manipuler l’apparence d’un
nature qu’apportent les Industries » (l. 6-7).
sujet par la rhétorique (« Je suis incapable d’un pareil tour
On constate donc que le journaliste ne vit pas de son métier,
de force », l. 10). Il pense ne pas pouvoir être aussi malhon-
mais des « à-côtés » qu’il obtient pour sa capacité à mani-
nête intellectuellement que Lousteau. Enfin, l’étonnement
puler l’opinion. Ainsi, lorsque les spectacles et les livres qu’il
de Lucien se traduit psychologiquement (« fut stupéfait »,
critique se vendent, il obtient de l’argent, comme il en gagne
l. 17 ; « il lui tombait des écailles des yeux », l. 18). À la fin de
également quand il épargne certaines œuvres (l. 11-12).
l’extrait, il atteint, après l’effarement, la compréhension
(« comprit admirablement ce métier », l. 21). Ainsi, l’évolu- 3 L’adjectif « ignoble » est péjoratif et est construit par
tion est radicale : Lucien pensait ne pas être capable de préfixation « in + noble » (qui n’est pas noble). Ce mot
mentir en critiquant une œuvre ; puis, il se rend compte que qualifie quelque chose de bas, de vil, de laid, de vulgaire.
c’est ce que l’on attend de lui en tant que journaliste et il Ainsi, Lousteau pose un regard dégradant sur sa pratique
semblerait, au vu de l’usage de l’adverbe « admirablement », professionnelle.
ironique, qu’il se complaise dans ce comportement peu 4 L’auteur propose ici une variation sur le thème de la
éthique mais qu’on lui a enjoint d’adopter. corruption en proposant des mots de la même famille :
5 Lucien (incarné au cinéma, en 2021, par Benjamin Voisin) « corruption » (l. 10), « corrupteur » (l. 11), « corrompu » (l. 11).
apparaît comme un être idéaliste, portant aux nues la poé- On parle de figure dérivative (car les termes ne sont pas de
sie et le métier de journaliste qu’il considère comme une la même nature, de la même classe grammaticale : les deux
activité noble, altruiste, dont l’objectif est d’éclairer les premiers sont des noms, le dernier est un participe passé).
lecteurs. Dès lors qu’il rencontre Lousteau (incarné par L’effet d’une telle figure est de rendre omniprésente à
Vincent Lacoste), il comprend que c’est l’argent qui moti- l’esprit l’idée négative de corruption. On a l’impression que
vera tous ses écrits. Certains plans le montrent en train de cette dégradation morale est partout, qu’elle prolifère.
rire et de s’enrichir, le dépeignent manquant de foi à la 5 Lousteau ne semble pas heureux. Pour se justifier, l’élève
femme qui s’est engagée pour lui, le représentent en train peut s’appuyer sur le passage narratif entre parenthèses qui
de renier ses valeurs au moment de son baptême de journa- laisse voir la mine déconfite du locuteur (« regard de déses-
liste. Finalement, l’appât du gain et l’ambition ont eu raison poir », l. 13) ou encore sur l’expression du regret, lignes
de ses idéaux. 15-18.
92
À L’ORAL Lecture 2 Comment trouver sa plume
Cet exercice de lecture expressive permet de travailler la de journaliste ? > p. 130-131
compétence de cycle 4 « Lire des textes variés avec des
Vos objectifs
objectifs divers ».
Cette lecture propose aux élèves de découvrir un extrait peu
Pour préparer la lecture expressive du passage, il faut bien
connu du célèbre roman de Guy de Maupassant, Bel-Ami.
tenir compte de la ponctuation qui guide toute lecture, car
En règle générale, c’est le personnage principal perçu
elle indique comment respirer, où placer les pauses et
comme un ambitieux arriviste que l’on étudie. Ici, l’extrait le
quelles intonations prendre. Les parenthèses doivent éga-
met en scène face à la difficulté d’écrire et replace ainsi le
lement attirer l’attention, car tantôt elles jouent un rôle
métier de journaliste dans sa dimension littéraire. Le texte
d’apostrophe, tantôt elles sont le fait d’une incise narrative
utilise le monologue intérieur et le style indirect libre
de la part de l’auteur.
comme méthode efficace pour signifier le passage du temps
dans un récit. Son étude permet d’entrer dans les pensées
Pour aller plus loin
d’un apprenti journaliste confronté au labeur de la mise en
L’adaptation au cinéma du roman Illusions perdues peut mots des idées. En regard, une œuvre de Félix Vallotton pré-
être étudiée plus précisément, surtout en ce qui concerne sente un personnage, dans la solitude de son bureau, cerné
le thème de la « trajectoire du personnage littéraire au par une paperasse qui s’accumule par piles, penché sur son
cinéma ». Cela permettra de se pencher sur l’évolution et ouvrage. Le texte et le tableau ont ceci en commun qu’ils
les épisodes initiatiques que traverse le personnage princi- mettent sous les yeux le fait que, quand il s’agit d’écrire, la
pal, mais aussi de constater, éventuellement, les transfor- concentration et le calme sont nécessaires, même si cela
mations qu’il peut subir d’une version à l’autre. n’empêche pas de manquer d’inspiration ou de peiner.
1 Georges Duroy est confronté à la difficulté de mettre en
Passerelles
mots ses souvenirs. Il peine à rédiger un article. Il utilise
Prolongement possible : La question du roman d’apprentis- beaucoup d’énergie, mais n’est pas satisfait du peu qu’il
sage ou de formation peut être également soulevée et parvient à écrire. De ce fait, la rédaction se transforme en
associée à certaines Lectures de la séquence 5 (« Se confron- labeur, souffrance et découragement.
ter aux autres », p. 98).
2 La description de la chambre donne l’impression que
Votre bilan Georges Duroy vit seul et dans la pauvreté. L’équipement
Le bilan permet de se concentrer sur le personnage secon- est sommaire et inadapté à un adulte (« petit lit de fer »,
daire de Lousteau et de brosser le portrait de l’antihéros, ce l. 26), le lieu est en désordre car les vêtements ne sont pas
personnage qui, au début, aurait pu endosser le rôle du rangés (« jetés là, vides, fatigués, flasques », l. 27). Ils sont
héros, mais qui s’est compromis, corrompu et a perdu ses qualifiés de « hardes de la Morgue » (l. 28). Le narrateur
valeurs. mentionne enfin que le protagoniste ne possède qu’un
Les deux extraits présentent des personnages qui perdent chapeau (« son unique chapeau », l. 29), ce qui confirme
leurs illusions : le premier, Lucien, croyait à tort que la réa- l’idée de pauvreté. La personnification des vêtements (que
lité qu’il découvre était chatoyante et prometteuse ; le l’on peut aussi voir comme une hypallage) traduit en fait la
second, Lousteau, sait désormais qu’il est passé à côté du fatigue du personnage, usé par une vie de misère.
bonheur, par appât du gain. 3 Plusieurs expressions évoquent l’activité intellectuelle
Ainsi, la figure du journaliste est d’emblée présentée négati- de recherche d’idées ou de formulations : « il chercha » (l. 7),
vement, dans un courant littéraire du xixe siècle qui, bien « Il ne trouvait plus rien maintenant de ce qu’il avait raconté »
que fictionnel, vise à dépeindre crûment la réalité et à en (l. 10), « recommença à chercher des phrases » (l. 31) ;
dévoiler tous les secrets, même les plus inavouables : la d’autres font référence à la réflexion : « il pensa » (l. 11),
littérature réaliste. Pour autant, il ne s’agit pas de faire de « Après dix minutes de réflexion » (l. 17).
cette « photographie » une généralité. En effet, c’est parfois 4 LANGUE Ces trois mots commencent par un préfixe
avec force pessimisme que la littérature réaliste – en parti- négatif in- dont la forme peut varier en fonction de la lettre
culier le roman balzacien – tente de mettre au jour les tra- qui suit (im-, ill-, irr-, etc.). Tous les trois présentent le
vers des êtres humains ; un pessimisme qui peut facilement personnage comme un être qui se mésestime, qui n’a pas
confiner à la satire sociale. confiance en ses capacités, qui doute de lui.
5 Les différentes étapes de la rédaction d’un article pré-
sentes dans le texte sont :
– la préparation du cadre de travail (lumière, papier, plume
et encre) : « Il posa sa lumière sur sa table » (l. 1), « en
ouvrant la feuille dans toute sa grandeur » (l. 4), « Il trempa
sa plume dans l’encre » (l. 4-5) ;
93
– la rédaction du thème : « écrivit en tête […] Souvenirs Passerelles
d’un chasseur d’Afrique » (l. 5-6) ;
Une autre séquence permet d’approfondir l’écriture réaliste
– la recherche des idées : « Qu’allait-il dire ? » (l. 10) ;
de Guy de Maupassant, écrivain mais également journaliste :
– la réflexion quant à l’organisation du texte : « Il faut que je
la séquence 1 (Maupassant, « l’émotion simple de la
débute par mon départ » (l. 12) ;
réalité », p. 16).
– la rédaction : « Et il écrivit » (l. 12).
Mais, à partir de là, le travail du personnage devient plus
Lecture 3 Dissimuler son identité pour accéder
difficile : il diffère la page d’introduction pour en venir à
à la vérité ? > p. 132-133
décrire tout de suite la ville d’Alger, mais il ne parvient pas à
trouver les mots pour nourrir sa description. La difficulté Vos objectifs
semble résider plus particulièrement dans le fait de trouver Cette lecture permet de découvrir une figure importante du
les mots pour exprimer ce qu’il a dans la tête, pour rendre journalisme, Nellie Bly, et un aspect de la profession, en
compte de ses sensations, impressions, émotions (« il ne l’occurrence l’investigation sous couverture. Nous quittons
trouvait plus un mot pour exprimer ce qu’il avait vu, ce qu’il un temps le domaine de la fiction pour aborder un autre
avait senti », l. 22-23 ; « il ne les pouvait point formuler genre : le témoignage, le récit de faits réels. Le texte permet
avec des mots écrits », l. 41). Peut-être aussi qu’une autre de comprendre la démarche et l’engagement de la journa-
difficulté rencontrée par Georges Duroy est celle d’écrire à liste, ce à quoi fait écho la planche de bande dessinée de
partir de simples souvenirs, sans même les avoir auparavant Pénélope Bagieu.
listés et ordonnés.
1 Dix jours dans un asile
6 Un homme, seul et concentré, est en train d’écrire dans
1 Nellie Bly doit pénétrer dans un asile sous couverture :
la solitude de son bureau, éclairé par une petite lampe. De la
« me faire interner dans l’un des asiles de fous de New York »
paperasse s’accumule autour de lui ; son travail actuel est
(l. 1-2). Elle doit rendre compte des conditions de vie des
même masqué par la pile au premier plan. Les lignes verti-
internées, du mode de fonctionnement de la structure
cales des vitres à l’arrière-plan donnent l’impression qu’il est
psychiatrique : « que je décrive en termes simples et directs
enfermé, emprisonné. Cette œuvre ne transmet pas l’idée
les soins apportés aux patientes, les méthodes de direction,
de souffrance au travail, mais plutôt de calme et de concen-
etc. » (l. 3-4). Pour cela, elle va devoir mentir sur son iden-
tration. On a aussi le sentiment qu’il est tard et qu’en consé-
tité et faire semblant d’être digne d’être internée : « capable
quence le travail de cet homme l’oblige à rester le soir au
de me faire passer pour folle » (l. 6).
bureau, qu’il rogne peut-être sur sa vie personnelle.
2 LANGUE La journaliste utilise des phrases interroga-
À L’ÉCRIT
tives (« Mais avais-je les nerfs suffisamment solides […] ?
Cet exercice d’écriture invite les élèves à pratiquer le style Serais-je capable de […] ? », l. 4-8) : elle se questionne
épistolaire tout en faisant preuve de créativité et d’imagi- quant à sa capacité à mener à bien cette enquête et son
nation, puisqu’il s’agit d’être quelqu’un d’autre que soi. Le aptitude en tant que comédienne.
locuteur doit être Georges Duroy, et le destinataire un membre
3 Le rédacteur en chef donne plusieurs instructions à
de sa famille. Cette situation d’énonciation pose certains
Nellie Bly :
enjeux de proximité et de subjectivité dans l’écriture. On
– la clarté du récit : « termes simples et directs » (l. 3) ;
peut attendre, dans la lettre, que les élèves parviennent
– une exposition de la vérité sans volonté d’exagération,
à formuler précisément les difficultés intellectuelles et
avec sincérité : « un récit honnête des faits » (l. 16).
rédactionnelles du personnage, à rendre compte de la vision
Ainsi, Nellie Bly doit être une journaliste honnête, elle ne
péjorative qu’il a de lui-même, tout en exprimant peut-être
doit pas trahir la vérité de ce qu’elle verra, entendra, vivra,
des pistes d’amélioration.
durant son investigation.
Votre bilan 4 Pour désigner les résidents de l’asile, Nellie Bly utilise
Le bilan est tout entier voué à la rédaction d’une synthèse plusieurs expressions :
de la Lecture 2 et du tableau qui l’illustre. En effet, cette – « patientes » (l. 4) ;
Lecture ne propose pas une nouvelle piste de réflexion, mais – « malades mentales » (l. 7) ;
fait le choix de la récapitulation. Un texte argumentatif en – « ses propres pensionnaires » (l. 24) ;
plusieurs paragraphes peut être demandé par l’enseignant – « ces créatures vulnérables » (l. 26).
qui veillera à ce que les élèves appuient leurs idées direc- La journaliste oscille ici entre objectivité et subjectivité :
trices sur des éléments concrets du texte et du tableau, sous parfois, elle désigne les résidents en faisant référence à leur
la forme de citations, d’allusions ou de références. maladie (occurrences 1 et 2), parfois, elle les évoque par
le biais de leur statut administratif (occurrence 3) et, enfin,
elle laisse transparaître son empathie avec la dernière
94
expression, où elle met l’accent sur l’infériorité et la Votre bilan
faiblesse physique et morale des aliénées. L’acte de définir n’est jamais anodin. C’est l’occasion avec
cet exercice de préciser la manière dont on définit claire-
RÉÉCRITURE ment un mot ou une expression. Définir signifie caractériser
Cet exercice vise à manipuler la langue afin d’en mieux com- quelque chose, lister ses attributs, formuler de manière
prendre le fonctionnement. Nellie Bly se questionne et les brève et précise le contenu, le sens d’un mot. Ainsi, on ne
trois interrogatives directes sont totales ; ainsi la difficulté peut s’accommoder de formulations commençant par « Le
de transposition est moindre puisqu’un seul type de subor- journalisme d’investigation, c’est quand on… » et l’on doit
donnée est requis. Les formes verbales doivent également préférer, « Le journalisme d’investigation est une pratique
être modifiées ainsi qu’un pronom. qui / par laquelle / grâce à laquelle… ».
Elle se demandait si elle avait les nerfs suffisamment solides Les points attendus sont :
pour supporter pareille épreuve. Si elle était capable de se – la recherche d’éléments sensibles d’information ;
faire passer pour folle auprès des médecins, et d’évoluer une – la dissimulation de l’identité du journaliste ;
semaine entière au milieu de malades mentales sans que les – la capacité à feindre, à jouer la comédie ;
autorités ne découvrent qu’elle n’était qu’une « moins que – l’implication à un plus ou moins long terme du journaliste ;
rien armée d’un calepin ». – le désir de révéler ce qui est caché au grand public.
1 Culottées
1 Les cinq premières cases évoquent l’expérience de Nellie Lecture 4 Comment être journaliste ?
Bly dans un asile psychiatrique. Les dessins poursuivent en GROUPE > p. 134-135
les idées développées dans les textes situés en regard. Les Vos objectifs
étapes de l’investigation y sont décrites : la soumission du Il s’agit d’abord de faire découvrir des journalistes du
sujet par le rédacteur en chef, l’entraînement à la « comédie » xxe siècle ou contemporains, qui marquent ou qui ont
de la journaliste, l’internement, la découverte des trai- marqué le monde du journalisme. Les Lectures en groupe
tements infligés aux patientes et enfin la publication du permettent aussi de lire des textes plus courts et de propo-
reportage dans la presse. ser un travail différencié selon les difficultés éprouvées par
2 Le ton adopté peut sembler léger, mais on est peut-être les élèves.
influencé par le style du dessin. En réalité, le texte est La rubrique « Coup de pouce » peut aider les élèves sur un
sérieux, informatif, mais non impartial. La dessinatrice laisse aspect du texte (description, subjectivité, objectivité). Cette
transparaître son admiration pour la journaliste et ses com- méthode de lecture offre également aux élèves la possibilité
bats. L’ambition semble être d’en faire une héroïne. de travailler de manière autonome et de s’exprimer en
classe avec l’objectif, en premier lieu, d’être synthétique et,
3 La case 7 nous renseigne à ce sujet : « les lobbys, l’accès
en second lieu, de formuler une opinion.
aux soins pour les pauvres, les prisonnières maltraitées… »
La journaliste s’intéresse aux sujets qui permettent de EN GROUPE
révéler des injustices et des inégalités.
1 Au bagne
4 La démarche est originale puisqu’elle tente toujours
d’avoir un regard de l’intérieur, en vivant ce que les per- 1 a. Le journaliste choisit de parler des conditions de tra-
sonnes qui l’intéressent vivent. Elle éprouve, elle ressent, vail des prisonniers d’un pénitencier de Guyane.
elle fait l’expérience des vies de ceux qui souffrent, qui b. Albert Londres décrit ce qu’il voit (« ils ne mangent pas à
saignent et qui se battent. leur faim », l. 6), il observe, il commente (« C’est affreux à
voir… », l. 13), il questionne (« L’administration du bagne
5 Nellie Bly apparaît comme une journaliste engagée ; le
dit : “ Quand ils avaient des souliers, ils les vendaient ! ” »,
portrait est très positif : on peut la comparer à une héroïne. l. 9-10) et pointe du doigt les absurdités (« On pourrait
peut-être inventer des souliers faciles à reconnaître aux
À L’ORAL
pieds du peuple libre qui les achète ! », l. 10-11).
Cette activité peut nécessiter un temps de réflexion, indivi-
c. Albert Londres est subjectif : il donne son avis sur la
duellement ou collectivement, avec mise à l’écrit des diffé-
situation : « C’est affreux à voir… » (l. 13).
rents avantages et inconvénients ; mais l’objectif final est
l’expression en classe, à voix haute. d. On n’attend pas forcément l’emploi de tous les termes
On peut proposer des lanceurs : « Selon moi, enquêter sous proposés ; des mots dérivés peuvent être utilisés : Albert
une fausse identité… » ; « L’investigation sous couverture Londres enquête sur le traitement des prisonniers contraints
est, à mon avis… » de travailler. Il décrit ce qu’il voit, il fait le compte-rendu de
L’enseignant peut, pour valoriser les prises de parole, créer son expérience. Il recueille le témoignage de l’administra-
une carte mentale au tableau qui constituera une base pour tion mais aussi des prisonniers.
le bilan de la lecture.
95
2 Le Quai de Ouistreham 3 Ceux qui passent
1 a. La journaliste enquête sur les conséquences de la crise 1 a. La journaliste travaille sur les conditions de vie des
de 2008 sur le monde du travail. migrants qui atteignent le Nord de la France.
b. Florence Aubenas se fait passer pour une demandeuse b. Haydée Sabéran rencontre directement les gens qui
d’emploi (« chercher anonymement du travail », l. 6). Elle l’intéressent (« René, permanent d’association », l. 2 ; un
ne change pas d’identité, mais fait tout pour ne pas être « Kurde d’Iran, ancien étudiant en orthopédie », l. 8), leur
reconnue en tant que journaliste (« J’ai conservé mon iden- pose des questions ou recueille leurs témoignages pour se
tité, mon nom, mes papiers », l. 12 ; « Je suis devenue blonde. faire une idée globale de la situation.
Je n’ai plus quitté mes lunettes », l. 17). c. La journaliste, dans cet extrait, se veut objective. Elle
c. Dans cet extrait, la journaliste expose sa démarche avec laisse la parole aux témoins, sans faire intervenir ses sen-
objectivité, même si elle parle d’elle-même. Le texte n’est timents. Les passages narratifs qui sont de son fait s’en
pas empreint d’émotions ou de sentiments forts. Il a pour tiennent à la description de lieux et de moments (« On y
vocation d’expliquer. entre avant la tombée de la nuit », l. 1 ; « On s’enfonce dans
d. Florence Aubenas choisit l’investigation et l’enquête les bois. La nuit tombe », l. 17-18).
sous anonymat. Elle décrira ce qu’elle vivra en tant que d. Haydée Sabéran enquête sur les conditions de vie des
demandeuse d’emploi et fera ainsi le compte-rendu de son migrants en interviewant les intéressés et en faisant le
expérience. compte-rendu objectif des propos tenus. Elle recueille,
donc, des témoignages et s’en tient à une description for-
melle des circonstances dans lesquelles ont été effectués
ces échanges.
TOUS ENSEMBLE compte de ce que l’on a vu, entendu, éprouvé. Sur ce dernier
3 On attend des groupes qu’ils parviennent à synthétiser point, les démarches varient : certains optent pour le récit
avec clarté la démarche du journaliste choisi, en se fondant presque biographique, d’autres pour le compte-rendu des-
sur les mots-clés proposés en aide. Les élèves peuvent s’ap- criptif et objectif, d’autres enfin pour le témoignage. On
puyer sur le texte, proposer une paraphrase éclairante des constate donc que, si parfois les moyens d’enquêter se res-
passages pertinents. semblent (observer, poser des questions, écouter), les
moyens de transmission au public sont beaucoup plus variés
4 On attend ici une formulation d’opinion fondée sur des
et divers.
arguments variés. L’exercice peut se faire à l’oral, mais
demande, dans ce cas, un temps de préparation des argu- Passerelles
ments, pour éviter les hésitations et les blancs lors du
Dans la séquence 11 du manuel, à la page 220, un extrait du
compte-rendu oral.
roman d’anticipation 1984 de George Orwell pourrait faire
Votre bilan le lien entre les différentes démarches journalistiques étu-
Cette question invite à réfléchir aux moyens mis en œuvre diées et une autre forme d’engagement : celle du combat
par les journalistes pour trouver l’information et pour trans- contre les totalitarismes. Cette piste d’approfondissement
mettre cette information au public. Deux aspects coha- permettrait d’envisager la littérature, au même titre que le
bitent donc ici : une première étape qui repose sur le départ journalisme, comme un outil de lutte sociale et politique. Il
pour le « terrain », l’enquête, l’investigation, le contact avec serait alors bienvenu de rappeler que George Orwell, avant
les témoins, le recueil d’histoires ; une seconde étape qui d’être connu pour sa plume de romancier, était également
consiste en un choix, celui de la forme à adopter pour rendre journaliste.
96
À vos marque-pages ! > p. 136-137 J’observe
Les suggestions de lecture « À vos marque-pages ! » 1 Verbes au passé composé : « ont mise » (texte 3), « ai
peuvent servir de supports pour développer des compé- passé », « ont brûlé, électrocuté » (texte 4). Verbes au
tences d’éducation aux médias et à l’information (EMI). plus-que-parfait : « avait soupçonnées » (texte 1), « avait
Pour rappel, pour le ministère de l’Éducation nationale, vu » (texte 2), « avait senti » (texte 2).
l’EMI « présente dans tous les champs du savoir transmis Infinitifs : mettre, passer, brûler, électrocuter, soupçonner,
aux élèves, est prise en charge par tous les enseignements. voir, sentir.
[…] Il s’agit de faire accéder les élèves à une compréhension 2 L’explication, dans l’usage de termes techniques, est lais-
des médias, des réseaux et des phénomènes information- sée à l’enseignant.
nels dans toutes leurs dimensions : économique, sociétale,
technique, éthique. […] Les élèves sont formés à une lecture Je m’entraîne
critique et distanciée des contenus et des formes média- 3 a. L’ouvrage que Florence Aubenas a écrit évoque son
tiques. Ils sont incités à s’informer suffisamment, notam- investigation sous couverture.
ment par une lecture régulière de la presse en français et en b. L’enquête qu’a menée Albert Londres l’a conduit en
langues vivantes, ainsi qu’à produire et diffuser eux-mêmes Guyane.
de l’information » (extrait du site Eduscol : https://eduscol. c. Georges Duroy ne parvenait pas à rédiger un article sur
education.fr/1531/education-aux-medias-et-l-informa- une ville qu’il avait pourtant visitée.
tion#lien11). d. Lucien de Rubempré était stupéfait des conseils que
Dans ce cadre de l’EMI, le CLEMI est un partenaire indispen- Lousteau lui avait donnés.
sable, qui propose à la fois des formations, des accompa- N’hésitez pas à rappeler aux élèves qu’il faut être observa-
gnements sous forme de dispositifs spécifiques et des teur pour bien conjuguer. Mon verbe se conjugue-t-il avec
ressources. l’auxiliaire « avoir » ou « être » ? Si c’est avec l’auxiliaire
« avoir », remarqué-je la présence d’un pronom relatif en
TESTÉ EN CLASSE L’association Entre les lignes amont de la forme verbale ? À quel antécédent corres-
(https://entreleslignes.media/) nous a été présentée lors pond-il ? Quels sont le genre et le nombre de cet antécé-
d’une formation dispensée par le CLEMI. Cette association dent ?
d’éducation aux médias et à l’information anime, entre 4 Les journalistes se sont rendus à l’ONU où s’est déroulée
autres, des ateliers à destination des collégiens, grâce à un une conférence sur l’éducation. Les photos qu’ils ont prises
réseau de journalistes bénévoles. Avec une classe de 4e, et les interviews qu’ils ont faites seront publiées dans des
dans un projet qui faisait collaborer l’histoire-géogra- journaux tels que Le Monde ou The New York Times. Les diri-
phie-EMC, le français et la documentation, nous avons geants se sont prêtés au jeu des questions qui ont permis de
ainsi pu recevoir la visite d’un journaliste du journal Le comprendre les enjeux de ce rassemblement.
Monde. Lors de deux ateliers choisis au préalable sur les
thématiques « Démêler le vrai du faux » et « Les images J’écris
et leur détournement », l’intervenant a participé à la for- 5 Cet exercice d’écriture rapide est l’occasion pour les
mation à l’esprit critique des élèves. En complément du élèves de pratiquer, encore une fois, mais sous une autre
travail mené en classe, les élèves ont beaucoup apprécié forme, le passé composé et de réfléchir à sa formation. La
cette rencontre avec un professionnel du monde des description de la une est un prétexte à l’écriture et à la
médias. réflexion morpho-grammaticale. Cependant, elle prépare
aussi à l’Atelier écrit qui suit.
99
Évaluation > p. 145 Grammaire et compétences linguistiques
Ces exercices à réaliser en fin de séquence, en guise d’entraî- 1 Le verbe « mettre » est conjugué au passé composé.
nement à l’épreuve écrite du brevet, prennent appui sur un Le sujet de cette forme verbale est « je » qui désigne, ici,
texte argumentatif assez peu connu d’un auteur, au l’auteur, autrement dit un sujet masculin singulier, ce qui
contraire, très célèbre : Émile Zola. explique la forme « mis ». L’autre versant de l’explication
réside dans la nature de l’auxiliaire « avoir » qui n’est pas
Pour aller plus loin censé engendrer d’accord particulier, sauf en cas de complé-
La source de ce document, le journal Le Figaro, peut donner ment d’objet direct placé en amont de la forme verbale.
l’occasion à l’enseignant de faire le point sur la longévité de 2 Plusieurs propositions sont présentes :
certains organes de presse en France et sur leur évolution – « je ne voyais aucun critique qui acceptât ma cause »
éditoriale. On peut, également, expliquer le lien entre le (l. 5-6) ;
titre de ce journal et le personnage de théâtre créé par – « À tout jeune qui me consultera » (l. 9) ;
Beaumarchais au xviiie siècle : Figaro. – « il vide les gens qui n’ont rien dans le ventre » (l. 15-16) ;
Compréhension et compétences d’interprétation – « pour ceux qui travaillent et qui veulent » (l. 20).
1 Dès la première ligne du texte, le constat est simple : le Les antécédents sont soulignés.
verbe « battre » (« je me bats ») met l’accent sur le côté 3 « On a accusé le journalisme de vider les gens, de les
belliqueux, hargneux, du journalisme. L’expression « très détourner des études sérieuses, des ambitions littéraires
durement » (l. 2) confirme cette idée. On sent que, pour plus hautes. Certes, il a vidé les gens qui n’avaient rien dans
Zola, être un journaliste a été une épreuve. le ventre, il a retenu les paresseux et les fruits secs, dont
2 La métaphore filée est assez facile à percevoir : « bats » l’ambition se contentait aisément. »
(l. 1), « bagarre » (l. 4), « lutte » (l. 5), « défendre » (l. 6),
Passerelles
« sur la brèche (l. 7), « victoire » (l. 7), « assauts » (l. 8),
« courage » (l. 8). Le lexique du combat est utilisé : Émile Zola L’étude de la séquence 6 peut tout à fait s’envisager dans un
voit le monde du journalisme comme une arène, une guerre ensemble qu’elle formerait avec la séquence 7, « Journalistes
dans laquelle il faut entrer avec force et conviction. en herbe ! », une séquence fondée sur des projets pratiques
en lien avec le journalisme : réalisation d’exposés, d’inter-
3 Zola conseille à la jeunesse de se lancer dans le monde
views, de reportages et d’émissions de radio. La variété
du journalisme car c’est une bonne école de la vie, selon lui.
des approches (en binômes ou en groupes, recherche,
Il invite les jeunes à entrer pleinement dans ce monde pro-
confrontation à l’autre, prise de parole, rédaction, construc-
fessionnel, sans doute, pour apprendre et se former.
tion d’une émission…) offre un approfondissement ludique
4 « Je sais bien qu’on accuse le journalisme de vider les
mais toujours exigeant d’une séquence 6 plus centrée sur la
gens, de les détourner des études sérieuses, des ambitions représentation littéraire et artistique d’un métier, ses enjeux
littéraires plus hautes » (l. 13-15). À cette époque, semble- et de ses difficultés.
t-il, le journalisme est accusé de capter les forces de ceux
qui pourraient utiliser leur plume pour de plus « nobles
choses », comme la littérature. C’est un domaine perçu
comme peu sérieux, séduisant mais vain.
100
Informer, s’informer, déformer ?
7 Journalistes en herbe !
> p. 146
1 Présentation de la séquence
La séquence « Journalistes en herbe ! » se décline en Cette séquence peut être menée dans son intégralité ou
quatre projets : faire un exposé oral, réaliser une interview, bien projet par projet. Les élèves sont particulièrement
écrire un reportage, et réaliser une émission de radio. La sensibles au sujet du développement durable, et ils s’inves-
thématique retenue est celle de l’écologie. Ces quatre tiront volontiers dans chacun des projets.
projets permettent aux élèves de s’exprimer, à l’oral ou
à l’écrit, individuellement, en binômes ou en plus grands
groupes.
2 Objectifs de la séquence
La séquence « Journalistes en herbe ! » a pour objectifs Les quatre projets sont diversifiés et peuvent être diffé-
de sensibiliser les élèves à l’écologie, et de leur offrir renciés : chacun y trouve son intérêt, enseignant comme
plusieurs modes d’expression (oral et écrit). Elle permet élève. Ils peuvent être menés successivement, ou bien
aussi de les familiariser avec la presse écrite dans sa diver- séparément.
sité ainsi qu’au média radio. La séquence peut être investie en cours de français, de
Les projets proposés vont permettre de faire travailler SVT ou encore d’EMC.
des compétences telles que s’exprimer à l’oral, analyser Les projets réalisés peuvent rayonner dans l’enceinte de
le point de vue d’un journal, travailler en équipe ou encore l’établissement, plus spécifiquement l’émission de radio,
sélectionner des informations pour construire une émis- qui pourra être déposée sur l’ENT ou diffusée en direct.
sion de radio.
3 Corrigés de la séquence
Pourquoi le thème de l’écologie ? Les élèves sont particuliè- TESTÉ EN CLASSE Au collège Guillaume de Conches,
rement sensibles à cette thématique : la question du déve-
les élèves se sont immédiatement emparés du projet
loppement durable et de l’avenir de leur planète les concerne
radio lorsqu’il leur a été présenté (par le professeur
et les implique.
de français et le professeur documentaliste). Les élèves
En leur permettant de réaliser ces projets, voilà les 4e jour-
ont interviewé un maraîcher local, le chef de cuisine,
nalistes, mais aussi ambassadeurs de l’environnement.
le personnel d’entretien (sur la question du recyclage),
La question de l’EDD est prégnante au collège : de nom-
leurs camarades... Ils ont aussi réalisé un reportage sur
breux établissements ont mis en place un système de
le compostage récemment installé au collège. Chaque
compostage, de tri des déchets à la cantine, d’installation
élève a mené à bien la mission qui lui a été confiée.
de ruches, d’élection d’éco-délégués… Les objets de repor-
tages sont donc nombreux, et les personnes à interviewer
potentiellement aussi.
101
Projet 1 Faire un exposé oral sur un journal Les élèves travailleront en amont les questions à poser.
mettant l’écologie à sa une > p. 147 Ils ont souvent tendance à ne poser que des questions fer-
mées, ce qui réduit considérablement l’intérêt des réponses
L’intérêt de ce projet est de faire découvrir la diversité de
apportées ! Il ne faut alors pas hésiter à les faire reformuler.
la presse aux élèves : selon le titre de presse, le point de vue
ne sera pas le même. On peut ici aussi faire un point sur Lors de l’interview, il est important que les élèves disposent
le vocabulaire de la presse (hebdomadaire, quotidien…) et d’un lieu calme pour être totalement concentrés sur l’inter-
sur celui de la une (manchette, ventre… fiche méthode 11 view. Il est utile aussi de prévoir du temps pour qu’ils ne se
page 249). trouvent pas bousculés par la sonnerie, et qu’ils puissent
Il est intéressant de profiter de la Semaine de la presse conclure leur interview convenablement, en prenant le
et des médias (en mars) pour travailler autour de cette temps de remercier la personne interviewée. Bien sûr,
activité. Les élèves manipulent, feuillettent et découvrent il faut penser à prévenir le chef ou la cheffe d’établissement
une multitude de titres de presse. qu’un invité extérieur est dans l’enceinte de l’établissement.
Les élèves choisissent ensuite un des titres (ou l’enseignant L’interview peut être enregistrée avec un smartphone ou
l’attribue, selon le niveau ou les centres d’intérêt des élèves), un enregistreur numérique. Casques et micros ne sont pas
et observent la une. Ils relèvent les éléments majeurs indispensables.
qui la composent, et essaient de trouver un point de vue Si l’interview nécessite du montage (bafouillements,
(politique ou autre). silences, bruits parasites…), on pourra utiliser les logiciels
Lors de cette activité, les élèves travaillent l’oral, et gratuits Audacity ou Reaper.
s’exercent à intervenir devant un public. Comme ils sont en Si l’interview est mise en ligne, la personne interviewée
binômes, ils peuvent s’entraîner ensemble avant de passer est toujours touchée d’être prévenue, et un accord oral
devant la classe. est suffisant pour une personne majeure dans le cadre
d’un projet pédagogique. Elle pourra ainsi écouter son
TESTÉ EN CLASSE Ce projet peut être réalisé en une intervention !
heure : les élèves se mettent en groupes puis observent TESTÉ EN CLASSE Attention aux personnes trop
la une durant 15-20 minutes. Ils préparent ensuite leur
bavardes ! ll peut être utile de rester à proximité des
oral, puis passent devant le reste de la classe. L’enseignant
jeunes intervieweurs pour « cadrer » quelque peu l’entre-
peut, à la fin de l’heure, s’il reste du temps, faire un bilan
tien et éventuellement le conclure.
en comparant tous les journaux proposés et rappeler les
différents points de vue évoqués.
Projet 3 Écrire un reportage sur l’écologie
au collège > p. 149
Projet 2 Interviewer un acteur de l’écologie
Avant que les élèves se lancent dans l’écriture, il peut être
au collège > p. 148
utile de faire un point sur les attendus : les élèves doivent
Lors de ce projet, les élèves pourront faire preuve d’autono-
chercher la définition du mot « reportage » dans le diction-
mie : ils essaieront, s’ils s’en sentent capables, de réaliser
naire, mais une reformulation et des explications supplé-
seuls toutes les étapes. L’enseignant devra veiller au bon
mentaires peuvent être les bienvenues : il s’agit de rapporter
déroulement de l’activité, mais n’aura pas à intervenir
de manière vivante ce qu’on a vu, entendu et ressenti.
beaucoup.
On peut montrer aux élèves des exemples de reportages
Pour commencer, il faut faire réfléchir les élèves sur le choix
(dans Géo Ado, Le Monde des ados…) pour s’assurer qu’ils
de leur invité : connaissent-ils quelqu’un personnellement ?
ont bien compris ce que l’on attend eux.
Si ce n’est pas le cas, il sera utile d’ouvrir son propre carnet
Le reportage doit être concis et complet à la fois, et intéres-
d’adresses !
ser le lecteur. Il peut être intéressant de faire réfléchir les
Le plus difficile sera certainement de trouver la bonne
élèves à un axe de travail : comment veulent-ils expliquer
personne à interviewer : il faudra trouver quelqu’un de dis-
le sujet abordé ? Quel est le point de vue adopté ? Veulent-
ponible sur les horaires scolaires, qui peut venir au collège,
ils convaincre le lecteur ? Le faire réagir ?…
et qui fera preuve de bienveillance et de patience vis-à-vis
des élèves. En comité de rédaction, les élèves détermineront ce qu’ils
Ensuite, on peut laisser les élèves contacter eux-mêmes savent déjà de leur sujet (le compostage au collège, par
la personne qu’ils souhaitent interviewer ; il peut cependant exemple), et ce qu’ils voudraient savoir de plus (quels
être prudent de les faire s’entraîner, en simulant un appel déchets de cantine on peut composter, par exemple).
téléphonique, par exemple. Il faut que les élèves pensent Une étape majeure est celle de la rédaction : les élèves liste-
à expliquer leur démarche, ce à quoi servira l’interview, et où ront les éléments qu’ils souhaitent conserver, et ils choisi-
elle sera disponible à l’écoute. ront le fil conducteur de leur reportage.
102
TESTÉ EN CLASSE Un reportage complet peut être l’émission : il pourra rédiger un article sur l’ENT, concevoir
des flyers, ou encore réaliser et accrocher des affiches.
réalisé en 3 ou 4 séances : une séance préparatoire, une
séance de reportage et une à deux séances de réalisation Plusieurs séances en classe entière sont nécessaires : il est
finale. important que chaque groupe suive l’avancée de l’ensemble
Par expérience, les élèves ont hâte de « partir en repor- du groupe-classe pour donner une cohésion à l‘émission.
tage ». Il est cependant indispensable de les contraindre Le titre de l’émission devra être choisi collectivement. Les
à préparer et à travailler les cinq questions essentielles animateurs de l’émission (deux maximum) pourront être
auxquelles ils devront répondre (Qui ? Quand ? Quoi ? élus après une brève improvisation devant leurs camarades.
Où ? Comment / Pourquoi ?). Les élèves peuvent aussi
réfléchir en amont aux photos qu’ils prendront. Lorsqu’ils
TESTÉ EN CLASSE Ce projet demande un peu de
sont réellement en reportage, ce n’est plus le moment
de discuter du sujet à traiter ! Il peut être nécessaire de temps (en général, quatre à six séances sont nécessaires,
vérifier l’état de charge de la batterie de l’appareil photo et il faut prévoir aussi du temps de montage) et beaucoup
et de prévoir un stylo de secours... d’énergie : les élèves sont pareils à des abeilles dans
une ruche ! Motivés par le projet, ils sont en ébullition
et les discussions en groupe sont parfois vives. Mais c’est
Projet 4 Réaliser une émission de radio l’un des temps forts dans une année scolaire. Les élèves se
sur le thème de l’écologie > p. 150 rappelleront longtemps d’avoir participé à une émission
C’est le projet le plus ambitieux des quatre : réaliser entiè de radio !
rement une émission de radio représente du travail ! Mais
les élèves sont très fiers de participer à un tel projet, et l’on
peut compter sur leur implication. Aucune émission de radio Chaque élève, quel que soit son niveau scolaire, trouve sa
réalisée au collège de Conches ne s’est trouvée avortée. place :
Nul besoin d’un studio radio équipé avec du matériel • l’animateur sera un élève à l’aise à l’oral ;
dernier cri : un enregistreur numérique, voire un smartphone • le groupe Coup de cœur littéraire sera composé d’élèves
et un ordinateur suffisent. lecteurs ;
Travailler avec toute une classe peut être compliqué : la • le groupe Communication sera proposé aux élèves en
co-intervention prend ici tout son sens. Faites appel au difficulté et/ou ne souhaitant pas passer à la radio.
professeur documentaliste ! Attention : il faut que chaque groupe prenne le temps de
La première séance consistera à présenter le projet aux taper son texte sur ordinateur et de l’imprimer : il est parfois
élèves, et à leur attribuer un rôle et un sujet ; c’est aussi difficile de se relire, et devant le micro, il est préférable de
le moment où il faut leur présenter un rétroplanning : ne pas bafouiller ! Chaque texte sera aussi donné aux ani-
en leur donnant une date d’enregistrement de l’émission, mateurs pour qu’ils puissent suivre le déroulé de l’émission
le stress s’installe, mais aussi la motivation et l’efficacité ! en temps réel.
Des groupes de 2 à 4 élèves peuvent être constitués selon Pour guider l’ensemble de l’émission, vous pouvez utiliser
leurs affinités ou bien selon leur niveau. le modèle de fiche Conducteur accessible en téléchar
• Le groupe Animation pourra créer le jingle de l’émission gement dans l’étape 4 du Projet (p. 151).
avec le site Incredibox par exemple ; les élèves pourront C’est l’outil directeur de l’émission : on y inscrit les sujets
aussi jouer d’un instrument de musique et s’enregistrer. dans l’ordre, leur durée ainsi que le nom des chroniqueurs.
• Le groupe Interview devra veiller à l’intérêt des questions Les élèves savent ainsi exactement à quel moment ils
posées (là encore, attention aux questions fermées). passent à l’antenne (les temps indiqués permettent de
• Les deux groupes Coup de cœur pourront faire des se préparer), et les animateurs (ainsi que l’enseignant !)
recherches documentaires au CDI et demander conseil peuvent suivre l’ensemble de l’émission sans rien oublier.
aux enseignants pour choisir les titres de livres ou de films. Pour conclure, les élèves sont systématiquement enthou-
• Le groupe Reportage devra réfléchir avant de partir sur le siastes lorsqu’on leur propose de se mettre dans la peau
terrain (cf. projet précédent) ; il pourra être utile de conseil- d’un journaliste ; les activités proposées sortent de l’ordi-
ler les élèves et de leur permettre d’enquêter à l’extérieur naire et du cadre traditionnel d’un cours en classe. Ils se
du collège si possible. voient obligés de faire preuve d’autonomie et prennent
• Pour que le groupe Micro-trottoir puisse travailler effica- des initiatives. Ils sont responsables d’une tâche qu’ils
cement, il pourra être utile de prévenir le personnel de vie devront mener à bien jusqu’au bout pour l’intérêt du groupe.
scolaire : les élèves intervieweurs pourront interroger leurs De nombreux élèves se révèlent ainsi très curieux ou parti-
camarades plus aisément (dans la cour, par exemple). culièrement à l’aise à l’oral, ce qui permet de les valoriser
• Le groupe Communication, lui, s’attachera à promouvoir lors de l’évaluation finale du projet.
103
Dire l’amour
1 Présentation de la séquence
Cette huitième séquence du manuel propose de déve- dès le xviie siècle avec la Carte de Tendre, Stendhal
lopper l’analyse du sentiment amoureux dans des récits. l’a théorisé au xixe siècle dans son livre De l’amour. Il y
Elle s’articule en plusieurs étapes, qui sont autant de développe le concept de cristallisation, pour expliquer
repères sur la route des sentiments : la rencontre de deux comment on tombe amoureux. Parmi les étapes, il note
cœurs, la naissance de l’amour, l’écriture de lettres d’amour, le fait d’admirer l’autre, de le parer de qualités imaginaires,
la séparation et les retrouvailles. Le thème de la séparation d’espérer ou de douter de l’amour.
est traité dans l’atelier d’écriture. Le chapitre présente On pourra croiser les apprentissages de cette séquence
donc un ensemble de topoï de la littérature. avec les deux autres traitant du même thème : « L’amour
« Tomber amoureux », c’est suivre tout un parcours donne-t-il des ailes ? » (> p. 174) et « Sans vous je ne
psychique et sentimental. Si cet itinéraire a été illustré saurais plus vivre » (> p. 196).
2 Objectifs de la séquence
Compétences du programme travaillées dans la séquence
3 Corrigés de la séquence
Ouverture > p. 152-153 litanie de noms doux plus ou moins ironiques de la part
de Bénabar. On pourra, bien entendu, envisager la diffusion
On peut commencer la séquence en faisant commenter aux
des extraits sonores de ces chansons, mais également élargir
élèves le tableau de Renoir, La Promenade. On sera attentif
ce corpus avec, par exemple, les chansons suivantes : Gotainer
à la composition, au style impressionniste, au choix des
et « Ô vous » (album Rendez-vous au tas de sable, 1989),
couleurs en opposition et symboliques. On pourra attirer
Vanessa Paradis avec « Divine idylle » (album Divinidylle,
l’attention sur le cadrage en plongée de ce couple. On fera
2007), Lomepal avec « Toi et moi » (album Seigneur, 2014),
noter que l’homme, attentionné, fait franchir un obstacle
Baloji et sa « Peau de chagrin » (album Bleu de nuit, 2018)…
invisible à sa compagne. La femme détourne pudiquement
les yeux, se laisse guider tout en regardant à l’arrière : 1. Ma gonzesse, ma princesse, mon âme sœur, amour, mon
on engagera les élèves à chercher une portée symbolique cœur, mon p’tit cœur, mon p’tit chat, mon trésor, mon petit
à la représentation du couple, par exemple en faisant rat, ma p’tite fouine, ma p’tite teigne, ma sardine, ma
commenter l’idée d’obstacle sur le chemin de l’amour. Sardaigne : on fera remarquer l’utilisation du déterminant
Par ailleurs, on fera paraphraser la citation de Colette, en possessif. Classement envisageable : noms d’animaux, les
explicitant la personnification du sentiment amoureux, et références au sentiment amoureux…
l’idée de son inéluctabilité. On montrera que l’amour est 2. On relèvera un effet comique, trivial chez Anaïs Croze,
représenté là aussi comme un obstacle sur le chemin de mais une proximité affichée avec l’auditeur chez Renaud,
la vie, il est celui qui arrête, ou qui fait tout s’écrouler quand qui imite le parler quotidien.
il déserte. 3. Pour lever les réticences des élèves, on n’hésitera pas à
étendre cette recherche de noms doux aux surnoms donnés
Passerelles
par les parents à leurs enfants, ou entendus dans des films.
En ce qui concerne le style impressionniste de La Promenade, Cet élément permet de débloquer la parole, car l’expression
on pourra se reporter utilement à la page « Histoire des arts » de l’intime est parfois difficile pour les adolescents.
de la séquence 1 (p. 36-37).
2 Le coup de foudre
À la découverte… > p. 154 On peut commencer cette activité par un pont entre deux
langues et demander aux élèves comment « coup de
1 Les petits mots d’amour foudre » se dit en anglais. On expliquera alors que « Love at
On propose d’entrer dans le chapitre par le biais d’extraits first sight » – littéralement « l’amour au premier regard » –
de chansons mettant en avant les surnoms affectueux en est la traduction. Fort de cette mise en perspective, on
que les amoureux se donnent. On fera remarquer que fera regarder l’extrait de Big Fish de Tim Burton. Pour rappel,
chacun a un point saillant : le registre familier chez Renaud, ce film raconte, dans un long flash-back, l’histoire d’amour
l’expression des sentiments avec Slimane et Vitaa, le rejet entre les parents du narrateur. Comme souvent, le réalisa-
des minauderies par la moqueuse Anaïs Croze, enfin une teur de Sleepy Hollow et Edward aux mains d’argent amène
106
son spectateur dans un monde onirique et fantastique, où également, puisque la jeune fille est toute en retenue
la réalité est tout autre. Ainsi, dans Big Fish, le personnage (« La jeune fille répondait doucement », l. 23 ; « ce même
interprété par Ewan McGregor narre ses aventures sous le regard innocent et grave », l. 24) alors que sa compagne ne
prisme particulier de la reconstruction poétique des souvenirs. cesse « de causer gaiement et de rire » (l. 22-23). On notera
1. Grâce au lien du manuel, il est possible de faire visionner que cette description rompt avec les codes classiques
cette scène en classe ou à la maison, ou même de façon d’une jeunesse gaie et d’une vieillesse austère.
individuelle sur des postes de la salle informatique. Si cette 2 Elle semble « extraordinaire » (l. 3), « excentrique »
dernière option est retenue, on pourra demander aux élèves (l. 6) : Meaulnes trouve donc cette jeune fille hors norme,
de rédiger la réponse à la question 2 et de l’envoyer sur étrange dans son accoutrement modeste. Cependant, il est
l’ENT. Il sera alors opportun de valider la compétence aussi favorablement impressionné par Yvonne, ainsi que
« Utiliser des outils et espaces numériques pour échanger, le montrent les adjectifs « charmant » (l. 2), « beau » (l. 10),
stocker, mutualiser des informations ». « pur » (l. 12), « fine » (l. 13) : sa beauté (celle de son accou-
2. On notera que ce film est poétique puisqu’il met en scène trement, de son physique, mais aussi de son allure) et son
une rencontre au ralenti, expliquée par la voix off ; cette charme sont ainsi soulignés.
rencontre est rendue particulièrement attendrissante par le 3 LANGUE Les adjectifs qui s’appliquent à Yvonne de
jeu des regards entre les deux jeunes gens, par la délicatesse Galais et aux éléments de son physique sont « lourde »
avec laquelle le jeune homme se meut sur la piste du cirque (l. 15), « blonde » (l. 15), « courts » (l. 16), « douloureuse »
tout en écartant les pop-corns figés du revers de la main. (l. 17), « simple » (l. 18), « sage » (l. 18). L’aspect extraordi-
La poésie réside aussi, à la fin de la scène, avec le temps naire de la jeune fille est gommé, au profit d’une description
qui reprend sa course en accéléré et avec le visage triste plus réaliste.
de la jeune femme qui disparaît dans la foule. 4 Meaulnes est tout d’abord étonné (« avec un étonne-
ment », l. 4), si bien qu’il se tient « immobile » (l. 8). À la
Passerelles ligne 19, il est décrit comme « perplexe ». Encouragé par
On pourra proposer comme activité de chercher dans le le fait qu’Yvonne s’est tournée « imperceptiblement vers
sommaire du livre les auteurs romantiques cités dans ces lui » (l. 20), il reprend confiance à la fin de l’extrait : il ne
lignes, pour en lire les extraits (Arria Marcella de Théophile reste plus figé mais suit les deux femmes.
Gautier, p. 73 ; Les Misérables de Victor Hugo, p. 106 ; 5 Les deux compléments indiquent ici une prolepse, une
Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier, p. 160). anticipation de la suite du roman : Yvonne et Meaulnes
vont être séparés, et la jeune fille n’existera plus que dans
Lecture 1 Décrire la première rencontre les souvenirs de Meaulnes, de façon imprécise.
> p. 156-157
À L’ÉCRIT
Vos objectifs
• Découvrir deux scènes de première rencontre. La réponse de Meaulnes pourrait être : « Je ne suis personne,
• Analyser les sentiments des personnages. juste un garçon perdu qui vient de se retrouver en vous
• Étudier deux portraits. rencontrant. J’ai participé hier à une fête extraordinaire,
Ces deux scènes de rencontre sont différentes sur de nom- mais ce que je vois aujourd’hui l’est tout autant. »
breux points. La première, celle du Grand Meaulnes, est vue
par les yeux d’un jeune homme qui est attiré irrésistible-
Croisements
ment par une jeune femme, dont le souvenir ému et candide On peut enrichir cette séance d’une analyse de l’image, en
viendra longtemps le hanter. La seconde, celle de 15 ans, utilisant le photogramme de la page 170. On fera remarquer
beaucoup plus moderne et plus actuelle, parlera davantage le jeu des regards, le geste et la posture romantique de
à nos élèves, qui se retrouveront sûrement dans le point Meaulnes qui baise la main d’Yvonne, la rigidité tout en
de vue de la jeune fille qui s’interroge sur son pouvoir de retenue de celle-ci. Les couleurs en opposition des costumes
séduction et sur ses premiers émois. seront à souligner. On peut détourner l’exercice d’écriture
de la page en demandant aux élèves d’inventer le dialogue
1 Le Grand Meaulnes entre les deux personnages à ce moment précis du film.
Cette première rencontre est rédigée sous le sceau du
contraste, qui fait de la jeune femme, Yvonne de Galais, 2 15 ans
une personne remarquable et remarquée par Meaulnes. Cette première rencontre parlera certainement davantage à
Elle place d’emblée Yvonne dans le domaine de la rêverie, nos élèves, car elle met en scène une jeune fille de 15 ans
du souvenir, de la femme pressentie comme inaccessible. qui croise pour la première fois un garçon qui l’attire. Il s’agit
1 L’un des personnages est aussi vieux que l’autre est jeune. ici des premiers émois adolescents. L’expression est aisée
De plus, la vieille femme est « courbée » alors que la jeune à comprendre, parfois légère, et le texte est rendu amusant
fille est « élancée » (l. 1-2). Leurs caractères s’opposent par la candeur de la narratrice.
107
1 Ce sont des caractéristiques physiques qui font de lui célèbre couple d’amoureux Bella et Edward.
un « garçon super mignon » (l. 6) : il est « grand et élancé »
Votre bilan
(l. 2-3), « à la peau claire, au nez parfait et aux cheveux
On notera l’importance du regard, le trouble et les interro-
châtains courts » (l. 4-5). Une insistance particulière est à
gations des personnages, la difficulté à parler à l’autre.
noter pour la description de ses yeux, avec une comparaison
Le portrait de l’autre est primordial dans la première
incongrue « exactement du même marron que le velours
rencontre, puisque les coups de foudre reposent souvent
de mon fauteuil préféré » (l. 9-10), « avec de longs cils et
sur une attirance physique.
des sourcils épais » (l. 10).
2 Les échanges se font uniquement avec des regards :
Lecture 2 Un amour naissant ? > p. 158-159
« il a relevé la tête pour me regarder » (l. 8), « Ces beaux
yeux marron se sont à nouveau baissés vers la couverture Vos objectifs
du livre pendant un instant, avant de retourner à moi, mais • Étudier la description de la naissance du sentiment amou-
écarquillés cette fois » (l. 12-13), « je sentais son regard reux.
dans mon dos » (l. 21). Enfin, Chelsea s’imagine lui rendre • Analyser les sentiments des personnages et comprendre
« son regard avec des étincelles de malice » (l. 28). leurs contradictions.
3 Tout d’abord, Chelsea est surprise (« Je me suis arrêtée L’amour naissant est toujours soumis à des sentiments
net », l. 1), puis elle est troublée (« faire battre mon cœur confus, parfois contradictoires. Les personnages dont il est
à toute vitesse », l. 15-16), et incrédule (« Il est vraiment question en Lecture 2 ne dérogent pas à cette règle :
resté scotché... sur moi ? sur moi ! », l. 17-18). Elle éprouve évolution de la relation d’Eugénie et de son cousin Charles,
ensuite « une montée de panique mélangée à de l’excita- réciprocité souhaitée de Simone et de son cousin Jacques.
tion » (l. 19), qui la rend nerveuse (« enroulé nerveusement Les élèves remarqueront sûrement la proximité familiale
une mèche », l. 24). Pour terminer, elle ressent du regret des protagonistes. C’est à leur professeur de remettre les
car elle est timide (« j’ai regretté de ne pas ressembler éléments dans leur contexte culturel et historique : 1833
au stéréotype de la rouquine, forte tête, impulsive », pour Eugénie Grandet et 1958 pour les Mémoires d’une jeune
l. 26-27). fille rangée.
113
Je m’entraîne heureux, libre ! pour implorer un secours que le premier
venu aurait rendu, suppliante et lui rapportant toute ma
3
tendresse, il me repoussa.
Voix active Voix passive Temps utilisé
Je crois Je suis cru Présent de l’indicatif Atelier écrit Rédiger une scène de rupture
Tu aimais J’étais aimé Imparfait de l’indicatif > p. 168-169
Elle écrira Elle sera écrite Futur de l’indicatif Avant de commencer l’atelier d’écriture, on proposera de
J’avais séduit Nous avions Plus-que-parfait visionner trois extraits de films, Autant en emporte le vent,
été séduits de l’indicatif Au revoir là-haut et les Liaisons dangereuses. On pourra
utiliser la fiche méthode sur la lecture de l’image mobile
Vous avez jugé Vous avez Passé composé
(p. 243) pour demander une analyse. On attend des élèves
été jugés de l’indicatif
qu’ils notent que ces scènes de cinéma mettent en avant
Ils félicitèrent Ils furent Passé simple trois ruptures à trois époques différentes, mais qu’il existe
félicités de l’indicatif des invariants : violence physique ou/et dans les propos,
refus de croire à la séparation, argumentation pour
4 a. Manech est aperçu au fond du jardin par Mathilde.
convaincre l’autre…
b. Un tableau a été peint avec application par le jeune
homme.
c. Ses yeux ne seront pas maquillés en noir par Mathilde. Au cinéma De l’encre à l’écran > p. 170-171
d. Sa fiancée sera-t-elle de nouveau aimée par Manech ?
Analyser la citation d’un réalisateur
e. Le lecteur est ému par les retrouvailles des amoureux.
1 Pour réussir une bonne adaptation, il faut avoir compris
J’écris le livre, « faire une bonne explication de texte ». La mise en
image, en son et le scénario doivent « faire comprendre aux
5 Les deux amoureux sont observés par le petit chien.
spectateurs les thèmes ».
Le jeune homme observe la jeune femme, de la musique
est jouée sur l’instrument par celle-ci. Les regards qui sont 2 Il fallait exprimer les sentiments : « l’amour, le premier
échangés montrent une grande complicité. regard, la parole donnée ».
3 On attend une réponse argumentée qui repose sur des
Vocabulaire exemples précis.
115
Dire l’amour
L’amour donne-t-il
9 des ailes ? > p. 174
1 Présentation de la séquence
Le séquence 9, comme la séquence 8, permet d’explorer • Montrer aux élèves que le sentiment amoureux est uni-
la même entrée du programme de français de cycle 4 versel, qu’il existe partout et de tous temps, que (grands
« Dire l’amour » : la première en explorant le genre narratif écrivains comme personnes moins lettrées) nous tous
et la seconde en se consacrant au genre poétique. Le cha- sommes confrontés à une forme d’indicible du sentiment,
pitre s’étend sur une large période − de l’Antiquité à nos et ce à toutes les étapes de la relation amoureuse.
jours. Au-delà de la poésie, le chapitre s’ouvre sur le rôle • On s’appuiera sur l’idée d’un cheminement, d’un par-
des images et des références dans la poésie amoureuse. cours, d’étapes dans la relation amoureuse : on partira de
Problématiques : la déclaration d’amour, puis on explorera l’expression du
• Pourquoi est-ce si difficile de parler d’amour ? trouble amoureux et de l’amour fou, pour terminer avec
• Comment trouver les mots pour dire son amour ? Comment l’expression de la souffrance amoureuse quand l’amour est
exprimer la complexité du sentiment amoureux ? confronté à la séparation. La figure de Cupidon constituera
• Pourquoi la poésie apparaît-elle comme un moyen privi- une sorte de fil rouge, la séquence s’attachera à montrer
légié pour exprimer son amour, de l’Antiquité à nos jours ? le rôle des références antiques et les liens que les textes
tissent les uns entre les autres.
Le projet pédagogique :
• Ces objectifs permettront de mobiliser les élèves sur des
• Amener les élèves à s’interroger sur la langue choisie par
compétences à mettre en œuvre et à acquérir tout au
les poètes pour « dire l’amour » à partir de leurs propres
long du parcours proposé, leur permettant d’être acteurs
expériences d’écriture : l’amour touche au domaine de
de leurs apprentissages et d’en percevoir les enjeux dans
l’intime, et il est difficile de mettre au clair ses sentiments
la vie comme dans la littérature.
pour les communiquer à autrui.
2 Objectifs de la séquence
Après la séquence 8, « Itinéraire d’un cœur amoureux », Le jeu des références rattache les poèmes à l’Antiquité et
qui explore l’expression du sentiment amoureux dans des tisse des liens entre les textes : il est important d’évoquer
récits, on étudiera en quoi l’expression poétique permet la notion de filiation entre les textes, d’intertextualité :
un travail spécifique sur la langue. l’auteur écrit un texte singulier mais en utilisant les mots
La séquence 9 propose d’étudier des formes poétiques de tous. On écrit toujours à partir de textes antérieurs,
variées : poésie en vers, vers libres, slam, chanson… ce qui d’une tradition littéraire, surtout quand il s’agit d’affirmer
permet d’approfondir l’étude de la versification. son amour avec force en échappant aux nombreux
Il s’agit aussi d’étudier comment les figures de style clichés…
sont au service de l’expression du sentiment amoureux, et On s’efforcera de faire prendre conscience aux élèves
d’analyser leurs effets stylistiques et esthétiques. Les acti- qu’une culture littéraire et artistique peut les aider à enri-
vités d’oral permettront aux élèves de prendre conscience chir l’expression de leurs sentiments.
de la dimension rythmique et des effets esthétiques On insistera sur la dimension musicale de la poésie, en
recherchés par les poètes, avec le souci constant d’amener proposant systématiquement l’écoute du poème en ver-
les élèves à réinvestir ces figures de style et procédés sion audio avant d’en faire l’étude : on travaillera d’abord
stylistiques dans leurs propres écrits. sur la compréhension orale du poème, puis on procédera
116
à une étude de texte plus détaillée, pour finir par une Place dans la progression annuelle :
mise en voix proposée par les élèves. On pourra aborder cette séquence en janvier : les élèves
On amènera les élèves à s’interroger sur les questions qui le souhaitent pourront ainsi offrir leurs poèmes à
d’écriture à partir du rapprochement entre l’amoureux qui l’occasion de la Saint-Valentin. Nous préconisons de
veut déclarer sa flamme et le poète qui veut trouver les suivre l’ordre des textes présenté dans le manuel du fait
mots les plus beaux, les plus justes, ce qui, nous l’espérons, de la progression établie et des renvois entre les textes.
leur donnera l’envie d’écrire à leur tour des poèmes.
Quelques repères > p. 177 pour dire la beauté de l’être aimé et la puissance de cet
amour ? Pour étudier le travail de la langue, on s’appuiera
Cette double-page permet de lancer la séquence :
en particulier sur les assonances et allitérations.
– en affirmant d’emblée le lien entre musique et poésie,
grâce aux chansons et à la figure d’Orphée ;
– en impliquant d’emblée les élèves dans des échanges
Lecture 4 > p. 184
oraux pour qu’ils s’approprient le questionnement ; Les élèves travailleront par groupes pour réinvestir les
– en montrant que le thème de l’amour traverse toutes les connaissances acquises dans les Lectures 1, 2 et 3 (sur
époques. l’énonciation, la versification et les figures de style) autour
d’un nouveau questionnement. Le bilan sera fait en com-
Lecture 1 > p. 178 mun pour s’assurer de la bonne compréhension des textes
Cette double-page permet de s’interroger sur les enjeux par tous les élèves.
littéraires de la déclaration d’amour, elle permet d’initier Les trois poèmes proposés permettent de s’interroger sur
le travail sur les références mythologiques et les figures le rôle de l’écriture face à la séparation créée par l’éloi-
de style. gnement, la guerre, et le deuil.
3 Corrigés de la séquence
• Autre question à poser aux élèves pour déclencher Cupidon est lui aussi une référence indispensable dans
la parole : l’amour rend-il heureux ou fait-il souffrir ? On cette poésie amoureuse. Il est l’auxiliaire de sa mère Vénus
demandera aux élèves de s’exprimer et de respecter et personnifie le désir le plus ardent. Sa passion pour Psyché
la parole des autres, on montrera qu’il n’y a pas une en fait aussi un grand amoureux dont Apulée nous fait
seule réponse et que cela dépend des individus et des le récit. En effet, Psyché était si belle que Vénus elle-même
situations. en était jalouse. Elle demanda donc à son fils Cupidon de lui
inspirer, par ses flèches, un amour passionné pour l’homme
119
le plus laid du royaume, mais Cupidon lui-même tomba Ovide évoque toujours Corinne, la femme aimée et muse
amoureux de Psyché. Après de nombreux rebondissements du poète, mais son existence est questionnée : deux thèses
et chacun ayant prouvé son amour inconditionnel à l’autre, s’opposent à l’heure actuelle entre un pur jeu littéraire et
Psyché devint immortelle à son tour et vécut sur l’Olympe une femme qui aurait réellement existé mais dont le nom
avec Cupidon. Corinne ne serait qu’un pseudonyme.
OBSERVEZ Quel don d’Orphée le tableau illustre-t-il ?
La boîte
Le tableau illustre le don d’Orphée mentionné dans la carte à mots
d’identité. Il peut charmer par ses chants les animaux Ce poème est une élégie car on en retrouve tous les élé-
comme les hommes. Sur le tableau, on peut dénombrer ments : le distique, l’expression du sentiment amoureux.
plus de cinquante bêtes différentes des plus communes
aux plus exotiques en passant par l’animal merveilleux 1 Le poète s’adresse à la femme qu’il aime : « ô toi qui sus
que représente la licorne. Le peintre a voulu ainsi mettre hier me charmer » (v. 1). On retrouve le pronom personnel
en valeur l’universalité du charme d’Orphée. de la 2e personne du singulier tout au long du poème.
Différenciation : à noter pour les petits lecteurs de 4e, 2 Les expressions du sentiment amoureux sont diverses :
le très bel album d’Yvan Pommaux, Orphée et la morsure le poète utilise à plusieurs reprises le verbe « aimer » et
du serpent, paru chez l’École des loisirs en 2009. joue avec sa réciprocité (v. 2-3). Il est « enchaîné » (v. 5)
aux pieds de sa belle. Il utilise la métaphore de la flamme
OBSERVEZ Comment Cupidon est-il représenté dans ce
amoureuse (v. 6).
tableau ?
Ce tableau comporte neuf personnages : Cupidon se situe 3 Le poète lui promet un amour sincère : « une flamme
au centre en haut au-dessus de Vénus (apparentée aussi sincère » (v. 6), « fidélité » (v. 11), « constance » (v. 14)
à la Vierge Marie chrétienne). De gauche à droite, les per- et respectueux (« Sa pudeur et son innocence », v. 12).
sonnages sont Mercure, les trois Grâces, Vénus, Cupidon, Elle sera aussi une source d’inspiration : « laisse-moi te
Flore, Chloris et Zéphyr. Cupidon a son apparence habituelle chanter », « ta divine empreinte » (v. 17-18). Il lui promet
d’enfant potelé. On le reconnaît grâce à ses attributs : ailes, ainsi un amour qui s’inscrira dans le temps voire l’éternité :
arc, flèches et carquois. Il s’apprête, dans cette scène, à « vivront à jamais dans le monde ! » (v. 20).
décocher une flèche portant la flamme de la passion dans 4 LANGUE Ces verbes conjugués au présent de l’impératif
le cœur de Castitas (la Chasteté), une des trois Grâces ont une valeur d’ordre. Ce sont des injonctions à partager
initiée aux mystères de l’amour par ses sœurs Voluptas le sentiment amoureux du poète.
(la Volupté ou le Plaisir) et Pulchritudo (la Beauté). À noter 5 Les références mythologiques lui permettent de renou-
que Cupidon a les yeux bandés, ce qui résonne avec le veler son langage amoureux. Il en appelle à Vénus et
fameux proverbe selon lequel « l’amour rend aveugle ». Cupidon (Amour). Il met ainsi la sincérité de ses sentiments
malgré ses origines modestes et promet de les inscrire
Lecture 1 Avouer ses sentiments > p. 178-179 dans le temps grâce à la référence aux Parques.
Vos objectifs 6 On reconnaît Apollon au centre du tableau, entouré
Il s’agit ici de s’interroger sur les enjeux de la déclaration par les Muses dont il est le guide. Sa posture indique qu’il
d’amour et sur tout ce que ce moment implique, tant à titre est en train de chanter avec sa lyre et qu’il les charme toutes
personnel que pour les questions d’expression qu’il pose. à l’expression de leur visage.
Il s’agira également de comprendre le rôle des références
À L’ORAL
mythologiques. Dans un moment aussi délicat, qui relève
de l’intime, le poète (comme n’importe quel amoureux) De nombreux couples sont célèbres dans la mythologie :
ne s’exprime pas à partir de rien : il invente un nouveau Vénus et Mars, Cupidon et Psyché, Ariane et Thésée, Ulysse
langage amoureux à partir de textes, de références qu’il a et Pénélope, Pâris et Hélène, Médée et Jason, Pygmalion et
aimés. Le texte s’invente dans la tension entre l’expression Galatée, Hector et Andromaque, Pyrame et Thisbé.
d’un sentiment universel (dans un langage commun à tous,
2 « A poor young shepherd »
qui comporte aussi des clichés), et d’une relation unique,
totalement inédite entre deux êtres. Biographie :
• On peut demander aux élèves de faire des recherches
1 Les Amours pour établir la biographie d’Arthur Rimbaud et montrer que
Biographie : la vie même de Paul Verlaine rejoint notre problématique
On peut parler de la place majeure d’Ovide dans la littéra- « Dire l’amour » : la rencontre amoureuse entre Verlaine et
ture latine (rappel du texte des Métamorphoses sans doute Rimbaud commence par une rencontre poétique et une
étudié en 6e) qui contraste avec son exil aux confins de admiration réciproque pour la poésie de l’autre.
l’Empire romain, décidé par Auguste lui-même et dont • On peut rappeler quelques notions d’EMC en demandant
les raisons restent encore obscures. aux élèves pourquoi ce couple a fait scandale à l’époque
120
et rappeler que la loi autorisant le « mariage pour tous » À L’ORAL
s’applique en France depuis 2013, qu’un « couple » peut On demandera aux élèves de veiller à respecter la règle
être constitué de personnes de même sexe. du -e (p. 189) : le professeur leur donnera le texte du poème
• On pourra demander aux élèves pourquoi Verlaine a donné imprimé pour qu’ils puissent souligner les -e à prononcer et
un titre en anglais à ce poème : on rappellera que plusieurs mettre entre parenthèses les -e muets.
poèmes du recueil ont été inspirés à Verlaine par son séjour Il serait intéressant de proposer une mise en voix à plusieurs
en Angleterre avec Arthur Rimbaud, d’où leurs titres anglais pour faire ressortir la forme musicale du poème : un même
et certaines indications de lieux. élève prononcera les vers qui sont répétés (le premier et
1 Le berger a « peur d’un baiser » : il a peur de déclarer le dernier vers de chaque strophe).
son amour à Kate pour la Saint-Valentin (peur de déplaire, Votre bilan
de ne pas être aimé, caractère obligatoire de la date de la • Il sera intéressant d’élargir le débat après l’étude des textes
Saint-Valentin dont la date tombe comme un couperet). pour faire réfléchir les élèves aux émotions ressenties dans
2 Les phrases exclamatives montrent son émotion. une relation amoureuse et particulièrement au moment
de la déclaration d’amour, où le sujet trouve le courage
3 •• La comparaison : « J’ai peur d’un baiser / Comme d’une
d’exprimer ses sentiments les plus intimes et où il affronte
abeille » (v. 1-2) montre que l’amour peut faire souffrir
le risque d’essuyer un refus, de se sentir rejeté et irrémédia-
(elle suggère la piqûre de l’abeille, qui peut rappeler la
blement mis à distance par l’être aimé. Il faudra leur faire
souffrance liée à la flèche de Cupidon dans la chanson de
verbaliser la notion de danger ressentie lors de la déclara-
Clara Luciani proposée en page « À la découverte… »).
tion : la déclaration d’amour nous expose au risque du refus
• On peut relever une première antithèse : « Je dois et je
et met en jeu l’estime de soi. La déclaration d’amour est un
n’ose » (v. 12). Le « et » signifie ici « mais », la figure suggère
moment de vérité, de sincérité.
une obligation qui paraît impossible à remplir (sa famille,
• Les poètes inventent une forme poétique qui recourt
la société a des attentes envers lui : Kate est sa « promise »,
aux figures de style et qui est aussi musicale, ils empruntent
sa fiancée, donc il doit faire sa déclaration).
des références mythologiques ou un personnage tradition-
• On peut relever une deuxième antithèse : « Je veille / Sans
nel comme le berger pour exprimer leurs sentiments (et
me reposer » (v. 3-4) qui rapproche les antonymes « veille »
parfois aussi les mettre à distance).
et « repos ». Le berger en perd le sommeil.
4 Ces angoisses au moment de la déclaration d’amour Lecture 2 Décrire le sentiment amoureux
sont celles de tous les amoureux, l’amour est un thème > p. 180-181
universel. Le poète utilise le berger pour évoquer ses senti-
ments car il est difficile de dire « je » et d’exprimer ses Vos objectifs
sentiments les plus intimes : il met à distance ses émotions Il s’agit de faire comprendre la difficulté d’exprimer, de
en utilisant le personnage du berger, de même que la langue décrire le sentiment amoureux à travers l’étude d’un poème
anglaise représente une autre forme de mise à distance de l’Antiquité et d’un poème de la Renaissance.
(l’action se situe dans un autre espace). 1 « Ode à une femme aimée »
5 Les élèves constateront la présence d’un refrain : la pre- Biographie :
mière et la dernière strophe sont identiques, et dans les Depuis l’Antiquité, les poètes nous chantent l’amour et cer-
autres strophes, le premier et le dernier vers se répondent, tains motifs, des topoï, qui traverseront les siècles. Sappho
ce qui crée un effet de boucle, à la fois à l’échelle de la est l’une des plus anciennes poétesses grecques dont des
strophe et à l’échelle du poème entier. fragments nous soient parvenus. Elle est née sur l’île de
On notera l’importance de l’impair, qui crée un rythme par- Lesbos dans une famille noble. Elle est une des premières
ticulier (pas d’équilibre possible comme avec les vers pairs, à chanter l’amour passionné et non les exploits glorieux
plus classiques) : le poème se compose de 5 strophes de 5 vers des héros de l’Antiquité.
(des quintils), les vers comportent 5 syllabes (ce sont des
1 La poétesse s’adresse à l’être aimé qu’elle tutoie : « près
pentasyllabes). On expliquera que ce choix de l’impair lié
de toi », « pour toi » (v. 1). L’adjectif « seule » nous indique
à la recherche de la musicalité est une caractéristique de
que c’est une femme.
la poésie de Verlaine, on pourra citer son Art poétique :
2 Les manifestations physiques ressenties par la poétesse
« De la musique avant toute chose, amoureuse sont nombreuses et variées. Elle sent davantage
Et pour cela préfère l’Impair de chaleur dans son corps « une subtile flamme / Courir
Plus vague et plus soluble dans l’air, par tout mon corps » (v. 5-6). Ses sens sont bouleversés,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. » sa vision se trouble (« Un nuage confus se répand sur ma
Les rimes sont embrassées dans la première et la dernière vue », v. 9), son ouïe se brouille (« Je n’entends plus », v. 10).
strophe (ABBA), ce qui renforce encore l’effet de circularité, Enfin, son corps est pris de tremblements : « Un frisson me
puis croisées dans les strophes 2, 3, 4. saisit, je tremble » (v. 12).
121
3 La poétesse se trouve dans un état de bonheur et 3 Les deux sentiments qui s’opposent sont la joie et la
d’amour intense. L’ode s’ouvre sur l’adjectif « Heureux ». souffrance : il sera intéressant de faire verbaliser aux élèves
La comparaison du vers 4 insiste sur ce « bonheur » et élève les éléments qui selon eux provoquent la joie (la vision
l’être aimé au rang des « dieux ». Elle évoque aussi « les de l’être aimé, les moments de partage, d’entente…) et
doux transports » (v. 7) et « les douces langueurs » (v. 10), ceux qui provoquent la souffrance (l’absence de l’être aimé,
tous ces termes développent l’idée de cette félicité amou- la jalousie, les disputes…). Cela permet de prolonger
reuse. l’atelier d’ouverture « À la découverte… » qui soulevait
4 « Pâle », « interdite », « éperdue » sont des adjectifs la question : « L’amour rend-il heureux ou fait-il souffrir ? »
qualificatifs, épithètes détachées du pronom « me ». Cette et de préparer la Lecture 4 qui évoquera la souffrance liée
énumération d’adjectifs en tête de phrase insiste sur le à l’absence.
trouble de la poétesse. 4 C’est l’amour qui est la cause de cette confusion des
5 Ce poème est lyrique car la poétesse exprime ses senti- sens : on expliquera le sens de l’adverbe « inconstamment »
ments amoureux à travers ses sensations complètement (on pourra travailler sur cette famille de mots).
bouleversées (voir questions précédentes). On retrouve 5 On reconnaît ici la figure de Cupidon : la majuscule à
aussi l’emploi de la première personne du singulier : « Je « Amour » signale la personnification du sentiment, c’est
sens de veine en veine » (v. 5). une allégorie (voir la définition dans la rubrique « Avec du
style ! »). Cette référence rattache le poème à l’Antiquité,
À L’ÉCRIT
il est important d’évoquer la notion de filiation entre les
On peut aiguiller les élèves pour faciliter le passage à l’écrit textes.
en leur disant de ne pas hésiter à reprendre les émotions
6 Ce sonnet est composé de deux quatrains à rimes
vécues par la poétesse : la vue troublée, les frissons et les
embrassées suivis de deux tercets ; le vers utilisé est le
tremblements. On peut leur faire penser au cœur qui bat
décasyllabe. On expliquera aux élèves que le sonnet est une
la chamade, par exemple.
forme « à la mode » à la Renaissance, le modèle du sonnet
est importé d’Italie.
2 « Je vis, je meurs »
À L’ÉCRIT
Biographie :
• On pourra évoquer le fait que les femmes écrivaines sont On demandera aux élèves :
très rares au xvie siècle : surnommée « la Belle Cordière », – de chercher des couples d’antonymes ;
Louise Labé a été victime de rumeurs à cause de sa liberté – de travailler sur les sentiments et leurs manifestations
d’esprit : elle passait à tort pour une femme légère (certains physiques.
l’ont assimilée à une prostituée, et elle fit l’objet de chan-
sons médisantes anonymes).
Différenciation
• Une chercheuse a été jusqu’à douter de l’existence même On peut proposer aux élèves en difficulté d’écrire des vers
de Louise Labé : Mireille Huchon, professeur à l’université libres, en s’efforçant de trouver quelques rimes. Quant aux
Paris-Sorbonne, avance dans son étude Louise Labé. Une élèves plus à l’aise, on peut les inviter à adopter la forme
créature de papier (Droz, 2006) l’hypothèse que Louise fixe du sonnet, en veillant au schéma des rimes. Et pour les
Labé n’aurait jamais réellement existé et qu’elle ne serait élèves les plus brillants, on peut demander un type de vers
qu’un personnage de papier, inventée par un groupe de précis (décasyllabes, comme Louise Labé, ou alexandrins).
poètes lyonnais. Votre bilan
• On pourra insister sur son lien avec Sappho : la Renaissance Les deux poétesses expriment la complexité du sentiment
s’appuie sur les textes antiques et Sappho a pu constituer un amoureux :
modèle pour une femme qui souhaitait écrire de la poésie. – en évoquant le bouleversement des sens, les manifesta-
1 LANGUE La poétesse s’exprime à l’aide du pronom tions physiques que provoque le sentiment amoureux ;
personnel « je ». – en recourant à la figure de l’antithèse, qui permet de
2 On relève dans les deux premières strophes de nom- rapprocher des mots de sens contraires, qui traduit le boule-
breux couples d’antonymes : je vis / je meurs − je me brûle / versement des émotions et qui montre que l’amour est un
je me noie − chaud / froidure − molle / dure − ennuis / sentiment extrême (on pourra faire remarquer aux élèves
joie − je ris/ je larmoie − plaisir / tourment − s’en va / le « je (me) meurs » commun aux deux textes).
dure − je sèche / je verdoie.
Il s’agit d’antithèses comme dans le poème de Verlaine étu- Lecture 3 Chanter la beauté > p. 182-183
dié dans la lecture précédente (« Avec du style ! », p. 179).
On pourra montrer qu’il s’agit là encore de manifestations 1 « La Constellation »
physiques de l’amour pour faire le lien avec le poème de Biographie :
Sappho. On insistera sur la place d’Elsa Triolet, poétesse elle-même
122
(donc à même d’apprécier la qualité littéraire des textes), un mot-valise : le poète est celui qui « trouve » les « vers ».
dans l’œuvre d’Aragon : on expliquera ce qu’est une muse, On rappellera l’étymologie du mot « texte » qui vient du
on pourra évoquer les recueils de poèmes consacrés à Elsa. verbe « tisser » en latin : le poète tisse les mots et les sons.
On pourra également évoquer la date d’écriture du recueil, 5 On demandera aux élèves de s’attacher à bien décrire
1942, et interroger la place du sentiment amoureux dans le tableau : on le projettera en grand pour mieux l’observer.
un contexte de guerre. On leur demandera de chercher les points communs et
1 LANGUE a. Les pronoms personnels désignent le poète les différences entre le poème et le tableau pour pouvoir
(« je ») et sa muse qui est d’abord évoquée à la 3e personne formuler un avis personnel motivé.
du singulier (« elle », « lui » : on fera remarquer que le pro- On pourra évoquer la présence du couple dans le ciel, la
nom « lui » peut désigner une femme) : le poète parle d’elle. barque volante fonctionne un peu comme les métaphores
b. Au vers 10 apparaît le pronom « t’ » : le poète s’adresse du poème : comme dans le poème, l’amour est heureux et
directement à elle, le tutoiement crée un lien plus direct et permet l’envol, l’élévation vers une forme de paradis des
plus intime. amants (un lieu qui n’appartient qu’à eux). Le bleu de la nuit
peut évoquer l’idée de constellation, mais aussi l’idée de
2 Le poète utilise de nombreuses métaphores pour célé-
secret, de sérénité nocturne : les amoureux se retrouvent
brer la beauté d’Elsa. La « robe en nuages filés » (v. 2)
quand tout le monde dort et la nuit préserve leur intimité.
reprend l’idée de la constellation, le poème est un « tro-
En revanche, l’élément marin (mer, voiliers, poisson) est
phée » offert à la femme aimée.
absent du poème d’Aragon. Le lieu n’est pas le même, mais
On s’attachera aux métaphores qui décrivent les mains
le sentiment (l’amour heureux dans le couple) est le même.
d’Elsa :
Le tableau met en scène le couple alors que le poème décrit
– vers 15 : « Primevères du cœur », « promesses du prin-
des parties du corps de la femme aimée.
temps » (demander aux élèves de s’aider de la note pour
« primevères » : ces fleurs annoncent le printemps, la À L’ÉCRIT
renaissance qui s’oppose au « froid » de l’« enfer » de
la guerre ;
Différenciation
– vers 17 : « Téméraires blancheurs », « oiseaux de paradis » : On pourra complexifier la consigne en fonction du niveau
l’amour est associé aux couleurs et au paradis. des élèves. On pourra ainsi leur demander :
On pourra enfin évoquer le lexique du recueil : cantique, – de reprendre la structure du quintil d’Aragon et la construc-
constellation. Elsa est comme une divinité pour lui. tion syntaxique ;
3 a. Les verbes sont conjugués au futur : c’est le temps – d’ajouter des allitérations ou des assonances et de trouver
des promesses d’amour, le poète annonce ce qu’il est prêt des métaphores.
à faire pour elle, ce qu’il va lui offrir. 2 « Femme noire »
b. Vers 10 : « Pour récolter la strophe et t’offrir ce trophée ». Biographie :
Le poète offre ses poèmes à Elsa : c’est un cadeau précieux, On peut évoquer avec les élèves le mouvement de la
un « trophée » conquis, qui a nécessité beaucoup de travail négritude insufflé par Senghor : « La Négritude est la simple
(évocation du « métier » et du sang qui sert d’encre au poète). reconnaissance du fait d’être Noir, et l’acceptation de ce
4 •• La forme : l’extrait se compose de 4 quintils d’alexan- fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre
drins, mais le vers 4 est plus court : il s’agit d’un octosyllabe, culture ». Le poème « Femme noire » est issu du recueil
marqué par un retrait. Chants d’ombre, le poète y revendique le métissage, la
• La musicalité : on notera l’absence de ponctuation qui fierté d’être noir. Profondément anticolonialiste, il prône
laisse le lecteur libre de trouver son rythme, on pourra l’identité noire. Il est aussi l’un des fondateurs de la franco-
demander aux élèves de mettre en voix chacun une strophe phonie (communauté de langue française).
pour mettre en évidence le rythme des vers.
1 Le poète s’adresse à une « femme noire » (v. 1).
Le texte est effectivement très travaillé, on peut relever
le jeu sur les paronymes dans la strophe 2 : « je tresserai » / 2 Le poète célèbre plusieurs parties du corps. Il commence
« je tisserai », et surtout la répétition du son [ver] qui renvoie par « la forme » toute entière du corps qui est « beauté »
évidemment aux vers du poème, et sur ses homonymes : (v. 2), puis il enchaîne sur « la douceur de tes mains » (v. 3).
« vers », « verre », « verveine », « trouvère », « verserai », Il célèbre ensuite « sa bouche » (v. 8). Puis il évoque la
« vaine », « verte », « veines ». C’est une assonance du son [ɛ] « voix grave de contralto » (v. 11). Enfin, il évoque sa peau
+ allitération en [v] pour laquelle on peut ajouter « avoine ». (v. 14 et 15) puis sa chevelure (v. 16).
Ces sons sont repris à la strophe suivante dans le mot 3 Le poète sollicite pratiquement tous les sens :
« primevères » et on peut noter que le mot « verveine » • la vue : « je te découvre » (v. 4) ;
fait la jonction de deux mots du texte : « vers » + « veines », • le goût : « sombres extases du vin noir » (v. 8) ;
renforçant l’idée que le poète écrit son texte avec son • le toucher : « chair ferme » (v. 8), « caresses ferventes
sang. De la même façon, « trouvère » fonctionne comme du vent d’est » (v. 9) ;
123
• l’ouïe : « Tamtam sculpté », « Ta voix grave de contralto » faciliter le choix d’un vers. Ainsi, la justification de leur choix
(v. 10-11). pourra mettre en évidence le sens mais aussi le travail sur
4 Ce poème est très musical, notamment grâce à deux le rythme et les sonorités.
effets : Votre bilan
• la répétition des deux vers « Femme nue, femme noire » et Les deux poètes célèbrent la beauté de l’être aimé :
« Femme nue, femme obscure » forme comme un couplet – en décrivant des parties du corps de l’être aimé mises en
de chanson ; valeur par des figures de style comme la métaphore ;
• l’allitération en [t] : « Tamtam sculpté, tamtam tendu » – en travaillant sur les sons pour que la beauté du texte
(v. 10) imite le son du tamtam. soit à la hauteur de l’intensité de leur amour : ils ont recours
Au sujet du « Tamtam », on peut faire écouter aux élèves aux allitérations et assonances.
la chanson d’IAM Tam tam de l’Afrique qui fait écho, dans Le poème peut ainsi devenir un « trophée » (car il a nécessité
le thème et la forme, au vers de ce poème. un long travail) offert à la femme aimée.
5 On identifie une métaphore : « Gazelle aux attaches
célestes ». Lecture 4 Écrire pour surmonter la séparation
6 Ce poème n’est pas uniquement une ode à la femme en GROUPE > p. 184-185
noire : il est une ode à l’Afrique. La « femme noire » devient
l’Afrique : « Terre promise » (v. 5), « Savane aux horizons EN GROUPE
purs » (v. 9), « racines de la vie » (v. 19). 1 & 2 Pour préciser le contexte du poème, les élèves
7 Dans le dessin de Stéphanie Ledoux, la beauté de la s’appuieront sur le paratexte, ils pourront aussi faire des
femme est mise en valeur par le travail de la lumière sur recherches documentaires sur la biographie de l’auteur
sa peau. L’expression de son visage est fière et déterminée. pour établir le contexte précis.
Les couleurs de l’arrière-plan, du turban et des boucles On demandera aux élèves de reproduire le tableau en for-
d’oreille mettent d’autant plus en valeur la beauté du visage mat paysage pour avoir la place de noter leurs réponses.
et du buste de la femme. Beaucoup d’éléments de réponses figurent dans les textes,
les élèves ne pourront évidemment pas tout trouver, le
À L’ORAL professeur pourra les guider dans leurs recherches et leur
Pour cette activité, on peut s’appuyer sur la version audio demander d’approfondir leurs intuitions en relevant des
du poème proposée en accompagnement afin de leur passages intéressants des textes puis en les analysant.
Écrire permet-il de
Texte Contexte du poème Forme poétique Figures de style
supporter l’absence ?
1 On comprend dans 4 strophes de 5 vers : • Métaphores pour dire l’absence : Non : la lettre est un
le poème que la 4 quatrains à rimes – vers 2 absence = nuit sans la lumière faible substitut de la
poétesse est séparée croisées suivis d’un prodiguée par l’être aimé ; présence, elle ravive le
géographiquement de refrain, l’injonction – vers 4 = cœur assimilé au tombeau, manque par le souvenir
l’homme qu’elle aime. paradoxale « N’écris l’absence est une forme de mort ; de l’absent au lieu
pas » qui encadre • Abondance des formes négatives + de l’apaiser. La lettre
chaque strophe. injonctions (verbes à l’impératif). réveille la souffrance de
Ce poème ressemble • Champ lexical de la mort : l’absence l’absence, les souvenirs
à une lettre est une forme de mort. sont douloureux.
(paradoxe : elle écrit • Opposition paradis/enfer : l’amour
pour lui demander comblé est le paradis « flambeau, dieu,
de ne pas écrire) : ciel, monter, l’eau vive » tandis que
c’est une lettre de l’absence évoque la mort et l’enfer :
rupture épistolaire. « nuit, tombeau, mourir, brûler ».
• Évocation de la « voix » dans les deux
dernières strophes : c’est justement le
son de la voix qui manque dans l’écrit,
mais la mémoire peut la restituer et
rendre présent l’absent.
124
Contexte du Forme Écrire permet-il de
Texte Figures de style
poème poétique supporter l’absence ?
2 Le poète est engagé L’extrait est • Acrostiche : le prénom de Lou se lit Oui : l’amour est
volontaire dans composé de verticalement au début de chaque strophe « plus fort encor que
l’artillerie, il est 4 tercets à comme pour conjurer son absence, comme la mort » (v. 2) et plus
envoyé sur le front rimes suivies si l’amour pouvait constituer une forme de fort que l’éloignement
en 1915, il participe (le poème talisman face à la guerre. géographique, « un
à la Première complet • Assonance en [or] vers 1 et 2 : « sort, fort, cœur le mien te suit
Guerre mondiale. comporte encor, mort » pour souligner la force de cette jusqu’au bout du
La guerre sépare les 5 tercets), maxime. monde » (v. 9).
amants, il pourrait le vers utilisé • Champ lexical des sentiments, de la tendresse : Le poète demande
mourir loin d’elle. est l’alexandrin. « l’amour, un cœur, ma chérie » + la nuit est à Lou de lui écrire
Il envoie 220 lettres C’est une « douce » et « blonde » (personnification qui une lettre par jour,
à Lou, celles qui ont lettre-poème, rend Lou présente sur le champ de bataille) il la supplie presque :
une forme poétique une lettre qui s’oppose à celui de la guerre et de la mort. « je t’en prie » +
furent publiées en d’amour. • Absence de ponctuation : « l’amour est libre ». répétition de « au
1947 sous le titre • Une lettre : lieu et date à la fin, formule de moins » (v. 6).
Poèmes à Lou. prise de congé « Adieu », tutoiement.
3 Le poète a appris la Vers libres, L’ensemble du texte insiste sur la notion de perte : Non : rien ne pourra
mort subite de son strophes de • Formes négatives radicales : « rien », remplacer l’être aimé,
épouse Nusch. longueurs « personne », « ni, ni, ni jamais plus », le poète a perdu le
différentes « tout », « plus », « plus ». « sens de l’amour »,
(4/10/4/3 • Anaphores pour dire adieu à chaque partie du le « sens de la vie »
pour le poème corps de l’être aimé, comme un blason du deuil : (v. 9).
entier). perte du corps de l’aimée « mes yeux », Oui : écrire peut aider
« ma bouche », « mes mains », « mes pieds ». à dire la souffrance
• Répétition du verbe « se séparer » (vers 5, 7, 8, du deuil et affirmer
10, 12) et du verbe « perdre » (vers 6). malgré tout la
• Structure des phrases très simple, le seul lien puissance de son
entre les propositions est « et » (vers 9 et 14) : amour.
une forme d’anéantissement poétique. Le titre du poème,
• Perte d’une partie de soi-même : vers 4. « Ma morte vivante »,
– solitude (cf. Lamartine « Un seul être vous est fondé sur
manque et tout est dépeuplé ») : « personne l’antithèse mort
ne viendra » (v. 2), « j’étais si près de toi que (physique)/vie (dans
j’ai froid près des autres » (v. 16) ; le souvenir).
– perte de l’avenir (verbes au futur + négation) :
« personne ne viendra » (v. 2), « Ils n’avanceront
plus, il n’y a plus de route » (v. 13), « Et l’avenir
mon seul espoir c’est mon tombeau » (v. 14).
TOUS ENSEMBLE demande à son amant de ne pas lui écrire : « N’écris pas ! »
Pour Apollinaire, la lettre permet au contraire de surmonter
Chaque groupe viendra présenter le poème sur lequel il
l’éloignement et de supporter les horreurs de la guerre :
a travaillé : les élèves liront le poème puis en livreront
« Envoie aussi des lettres ma chérie […] une par jour au
l’analyse, il est important que chaque membre du groupe
moins une au moins je t’en prie ».
prenne la parole et/ou écrive les éléments de réponse au
Avec Éluard, face à la séparation radicale que représente
tableau : on pourra vidéo projeter le tableau de synthèse
la mort, l’écriture ne permet pas de combler l’absence de
pour que chaque élève note les éléments de réponses afin
l’être aimé mais permet d’affirmer la survie de l’amour
de garder une trace de ce travail collectif.
dans le souvenir et dans l‘écriture : Nusch est devenue sa
Votre bilan « morte vivante ».
Écrire peut-il aider à supporter l’absence de l’être aimé ?
Il n’y a pas une réponse unique, cela dépend des causes Pour aller plus loin
de l’absence et de la sensibilité de chacun. À l’oral ou dans le carnet de lecture : on pourra demander
Pour Marceline Desbordes-Valmore, une lettre ne comble aux élèves d’exprimer leurs réactions individuelles : Si vous
pas l’absence de l’être aimé, elle renforce au contraire étiez séparé de la personne que vous aimez, aimeriez-vous
la souffrance liée à cette absence, c’est pourquoi elle qu’elle vous écrive une lettre tous les jours comme
125
Apollinaire, ou préféreriez-vous ne pas en recevoir du tout Je m’entraîne
comme Marceline Desbordes-Valmore ? On peut élargir
3 je t’offrirai − je creuserai − je ferai − l’amour sera −
le débat aux nouveaux moyens de communication.
l’amour sera – tu seras
À vos marque-pages ! > p. 186-187 4 Car elle me comprendra, et mon cœur transparent
Pour elle seule, hélas ! cessera d’être un problème
La poésie n’est pas le genre favori de lecture des élèves ;
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
d’où une sélection large, moderne et accessible. Certains
Elle seule les saura rafraîchir, en pleurant.
auteurs sont déjà connus des élèves, comme Bernard Friot,
l’auteur des Histoires pressées, et Susie Morgenstern, autrice J’écris
de La Sixième. Il nous paraissait indispensable d’ouvrir,
5 On pourra faire écouter la chanson de Jacques Brel en
à la suite du poème « Femme noire », à un auteur de la
entier, elle comporte de belles images qui pourront inspirer
francophonie avec le poète tunisien Abdellatif Laâbi. À cela
les élèves.
s’ajoute une œuvre renversante et tellement poétique
de Clémentine Beauvais que les élèves ont découverte avec
Vocabulaire
Les Petites Reines (Sarbacane, 2015). Enfin, sont proposées
deux anthologies qui offrent un large choix de lecture. La versification
Partagez vos lectures ! Je m’entraîne
Pour la présentation à l’oral d’un recueil et la mise en voix
1 a. et b. Texte 1
de certains vers, plusieurs activités sont possibles. Si l’on
Sous le pont Mirabeau coule la Sein(e) > décasyllabe
veut sortir des présentations classiques, les recueils peuvent
Et nos amours > vers de 4 syllabes
être présentés façon « Booktube » (https://www.education-
Faut-il qu’il m’en souvienn(e) > hexasyllabe
aux-medias.ac-versailles.fr/realiser-la-presentation-d-un-
La joie venait toujours après la pein(e) > décasyllabe
livre-a-la-facon-d-un-youtubeur) ou « speedbooking »
Texte 2
(quelques minutes pour présenter le recueil et proposer
Je fais souvent ce rêv(e) étrang(e) et pénétrant
quelques vers).
D’une femm(e) inconnu(e), et que j’aim(e), et qui m’aim(e),
Enfin, rappelons que cette séquence peut être proposée
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la mêm(e)
autour de la Saint-Valentin mais qu’elle peut aussi trouver
Ni tout à fait un(e) autr(e), et m’aim(e) et me comprend.
un écho pendant le Printemps des Poètes qui a lieu en
> Il s’agit d’alexandrins.
mars chaque année. Le thème peut souvent se combiner
2 Texte 1 Les rimes sont croisées : ABAB.
avec le thème de la séquence (2022 « l’éphémère », 2021
Texte 2 Les rimes sont embrassées : ABBA.
« le désir », 2019 « la beauté », 2018 « l’ardeur », etc.).
3 On renverra les élèves au poème de Louise Labé (p. 181)
Rappelons aussi que le travail de l’oral est une entrée
pour visualiser la disposition du sonnet.
majeure du programme, travail qui sera poursuivi l’an
Outre la disposition, on demandera aux élèves de soigner
prochain en 3e avec l’expérimentation de l’éloquence, qui
l’écriture, la calligraphie.
se déploie dans plus en plus d’établissements.
Le travail sur le carnet de lecture peut aussi être poursuivi Différenciation
avec cette séquence. Il est souvent intéressant de demander On pourra aider les élèves en difficulté à repérer le ou les
aux élèves d’illustrer le texte poétique qu’ils ont fait figurer premiers vers, on peut aussi donner un « patron » du sonnet
dans leur carnet. Cela permet d’interroger à nouveau la avec les lignes prévues pour les deux quatrains et les deux
question des images poétiques et de l’appel à l’imaginaire tercets, cela pourra aider certains élèves à mieux s’organiser
en général. dans l’espace. On demandera aux élèves de surligner les
rimes à la fin de leur travail pour en étudier la disposition.
Pour vous aider à lire et à écrire > p. 188-189 Corrigé :
Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Grammaire et conjugaison Des divans profonds comme des tombeaux,
Le futur de l’indicatif Et d’étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.
J’observe Usant à l’envi leurs chaleurs dernières,
1 Texte 1 : je partirai − j’irai Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Texte 2 : seront − réfléchiront Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Les terminaisons sont : -ai, -as, -a, -ons, -ez, -ont Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
2 Le futur permet d’envisager l’avenir du couple, c’est Un soir fait de rose et de bleu mystique,
le temps des serments et des promesses. Nous échangerons un éclair unique,
126
Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux ; des rimes. Certains élèves auront peur de devoir écrire
Et plus tard un Ange, entr’ouvrant les portes, un poème : on peut les rassurer en leur disant que le travail
Viendra ranimer, fidèle et joyeux, est très guidé, qu’il se fait par étapes, qu’il ne s’agit pas de
Les miroirs ternis et les flammes mortes. créer immédiatement un poème complet.
Si le sujet appelle plutôt une production individuelle et
J’écris personnelle de chaque élève, le travail de groupe pourra
se révéler intéressant pour la recherche des images et des
4 Réponse libre.
rimes : la coopération peut « débloquer » un élève qui ne
trouve pas d’idée ou de rime appropriée. L’élève pourra
Orthographe
également recourir à un dictionnaire des rimes en cas de
Réécriture besoin.
1 Elle était déchaussée, elle était décoiffée, Une consigne préalable à donner : on demandera aux élèves
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ; [...] de ponctuer leur texte et de s’assurer de son sens, ils ne
Elle me regarda pour la seconde fois, devront pas créer des figures de style ou des rimes au
Et la belle folâtre alors devint pensive. [...] détriment du sens.
Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts, Cette activité testée en classe comporte une phase de
La belle fille heureuse, effarée et sauvage, recherches et d’effort au début mais, à la fin de l’atelier,
2 Demain, il sera déchaussé, il sera décoiffé, tous les élèves étaient fiers du texte qu’ils avaient créé !
Assis, les pieds nus, parmi les joncs penchants ; [...]
Il me regardera pour la seconde fois, Histoire des arts La représentation du couple
Et le beau folâtre alors deviendra pensif. [...] dans la sculpture > p. 192-193
Je verrai venir à moi, dans les grands roseaux verts, Il s’agit dans cette double-page de travailler le thème de
Le beau garçon heureux, effaré et sauvage, l’amour à travers un art moins connu des élèves : la sculp-
Défi Les deux changements en même temps : ture. Les œuvres choisies nous ont paru accessibles et
Demain, elle sera déchaussée, elle sera décoiffée, significatives, et permettent d’aborder différentes tech-
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ; [...] niques. Cupidon, fil rouge de la séquence, est présent dans
Elle me regardera pour la seconde fois, la première œuvre, ce qui permettra de réinvestir le travail
Et la belle folâtre alors deviendra pensive. [...] effectué lors des séances précédentes. Aussi, ce corpus
Je verrai venir à moi, dans les grands roseaux verts, permettra de faire le lien entre texte et image, activité qui
La belle fille heureuse, effarée et sauvage, [...] figure dans l’épreuve de français du brevet.
1 Document 1 Artiste : Antonio Canova –
Atelier écrit & oral Écrire et mettre en voix Époque : xviiie siècle – Matériau : marbre.
des poèmes d’amour Document 2 Artiste : Constantin Brancusi –
> p. 190-191 Époque : xxe siècle – Matériau : calcaire.
Document 3 Artiste : Milton Eltig Hebald –
Cet atelier est à faire en fin de séquence pour que les élèves
Époque : xxe siècle – Matériau : bronze et granit (socle).
puissent réinvestir les images et les procédés qu’ils ont
Document 4 Artiste : Tamara Kvesitadze –
découverts au cours de la séquence.
Époque : xxie siècle – Matériau : acier (mobile).
Le choix entre plusieurs sujets permet une réelle différen-
ciation : l’acrostiche est un exercice plutôt simple, qui peut 2 Document 1 Les deux personnages sont Psyché et
être travaillé dès l’école primaire, mais il peut être appro- l’Amour, connu aussi sous le nom de Cupidon ou d’Éros.
fondi au collège par le travail sur les images, les figures et Cette scène de Psyché ranimée par le baiser de Cupidon
les rimes. nous est racontée par Apulée. Nous avons déjà évoqué
L’écriture à partir de deux vers connus est une entrée qui dans la page « Quelques repères » l’histoire de Psyché.
comporte deux contraintes : le thème et les rimes. On peut Nous sommes ici à la fin des épreuves conçues par Vénus
ajouter d’autres débuts de poèmes si on souhaite élargir pour tester l’amour de Psyché. La déesse l’a envoyée auprès
le choix. On peut demander à un élève de traiter plusieurs de Proserpine chercher un flacon qu’elle ne devait en
sujets si le texte produit est très court : dans le cas d’un aucun cas ouvrir. Mais Psyché étant une simple mortelle,
prénom court pour l’acrostiche, on peut aussi demander cède à la curiosité et ouvre le flacon. Elle en respire donc
à l’élève de créer plusieurs strophes contenant l’acrostiche les effluves et tombe dans un sommeil éternel. Cupidon
comme l’a fait Apollinaire avec le prénom Lou. ne supporte pas la perte de Psyché et implore sa mère.
On privilégiera le sens du texte et la beauté des images Il la réveille d’une flèche et Psyché obtient de boire le nectar
trouvées à la présence de rimes pour ne pas donner trop et l’ambroisie pour vivre auprès de Cupidon sur l’Olympe.
de contraintes simultanées aux élèves en difficulté d’écri- Les deux personnages sur un rocher sont enlacés. Psyché,
ture. Les élèves pourront aussi recourir à un dictionnaire semi-allongée, se relève légèrement dans les bras de Cupidon
127
et encercle sa tête de ses bras. Sa tête s’abandonne dans du sentiment amoureux.
la main droite de Cupidon. Celui-ci est penché vers Psyché. – Au début, les deux personnages, face à face, sont éloignés
Leurs yeux sont plongés dans ceux de l’autre et la fascina- et se rapprochent au fur et à mesure l’un de l’autre. C’est
tion de Cupidon pour Psyché se lit sur son visage. la rencontre.
– Les deux personnages se touchent et concrétisent leurs
Pour aller plus loin sentiments amoureux. C’est le baiser.
Le musée du Louvre propose une exploration de la statue – Les deux personnages continuent de se rapprocher et
en détails : fusionnent l’un avec l’autre jusqu’à ne plus faire qu’un.
http://musee.louvre.fr/oal/psyche/psyche_acc_fr_FR. C’est l’amour fusionnel, passionnel.
html#seq_2 – Les deux personnages, ayant chacun « traversé » le corps
de l’autre, se séparent et s’éloignent dos à dos. C’est la
Document 2 L’aspect de la sculpture peut tout d’abord
séparation, la fin de l’histoire d’amour.
dérouter les élèves. Brancusi a réalisé une série de quarante
œuvres déclinées sur ce modèle. Les formes sont géomé- 5 Pour cette question, l’important est que les élèves
triques et peuvent paraître très simples. Le couple apparaît verbalisent ce qu’ils ressentent devant ces différentes
sous une forme « colonne ». La longueur des cheveux représentations du couple et qu’ils sachent justifier leurs
permet de différencier les différents personnages qui sont choix. Quel support est le plus évocateur pour eux ? Quel
en train de s’embrasser. La femme peut être aussi identifiée couple correspond le plus à leur propre vision du couple ?
grâce au galbe du sein apparaissant. La sculpture représente À votre tour maintenant !
l’amour passion, l’amour fusionnel. Ils ne semblent former On propose de garder le même thème d’étude, le couple,
qu’un seul être. mais dans un art sur lequel ils sont en général plus aguerris.
À noter : dans la rubrique « Le saviez-vous ? », il s’agit bien Ils peuvent reprendre les couples de la mythologie mais
de l’œuvre originelle qui a posé problème pour sa possession. aussi élargir à d’autres couples célèbres. On pense évidem-
Document 3 Cette œuvre représente le célèbre couple ment à Roméo et Juliette, mais cela peut être aussi César
Roméo et Juliette, créé par Shakespeare. Les deux person- et Cléopâtre, Tristan et Iseut, jusqu’à Frida Kahlo et Diego
nages sont sur le point de s’embrasser. Juliette s’abandonne Rivera, et bien d’autres.
dans les bras de Roméo, ses cheveux flottent dans l’air,
le bras droit à la taille de Roméo et la main gauche placée
un peu au-dessus de la nuque de Roméo. Celui-ci, une jambe Faisons le bilan > p. 194
en avant, se penche vers Juliette qu’il s’apprête à embrasser. Cette page propose de revenir sur les notions étudiées
Leurs visages sont tournés l’un vers l’autre. lors de cette séquence 9. Elle revient sur l’objectif principal
Document 4 Cette œuvre très moderne met en scène un de cette séquence : comprendre ce qu’est le lyrisme amou-
couple aux dimensions exceptionnelles. Ils sont composés reux et comment il se caractérise. On insiste sur le fait
de disques d’acier et n’ont pas de bras. Postés l’un en face que c’est un thème universel qui traverse les siècles, c’est
de l’autre, leurs visages face à face laissent deviner le regard l’occasion de compléter une frise littéraire, si le professeur
plongé dans l’autre. a initié cette activité, ou de l’observer, si elle est affichée
sur les murs de la classe, en faisant convoquer aux élèves
3 Document 3 Roméo et Juliette sont des personnages
leurs souvenirs des textes et auteurs étudiés en classe.
de la tragédie du même nom de William Shakespeare.
De même, on insiste sur l’expression des sentiments (voca-
La pièce se déroule à Vérone et narre l’histoire de deux
bulaire des émotions, sentiments, le langage de l’amour,
jeunes gens, Roméo Montaigu et Juliette Capulet, dont
l’utilisation de la première personne du singulier et l’adresse
l’amour est impossible car ils appartiennent à deux maisons
à l’être aimé). Enfin, on revient sur les figures de style
que tout oppose, leurs familles se querellant sans cesse.
qui permettent de réinventer et de renouveler le langage
Ils s’unissent en secret mais leur plan ne fonctionnent pas
amoureux. On peut questionner les élèves sur leur ressenti
et ils meurent l’un auprès de l’autre.
après cette séquence et sur ce qu’apporte la forme poétique
Document 4 Ali et Nino, les personnages qui inspirent à la déclaration d’amour. Quelle forme privilégieraient-ils
l’œuvre, sont aussi des personnages littéraires. Ils appar- pour se déclarer lors de la Saint-Valentin ?
tiennent à un roman de l’auteur azerbaïdjanais, Kurban
Dans un second temps, il est important de revenir avec les
Said, Ali et Nino (1937). Un jeune aristocrate musulman,
élèves sur les différentes formes poétiques que les auteurs
Ali, tombe amoureux de la fille d’un marchand, Nino, au
ont donné à l’amour. On revient sur les formes abordées
temps de la Première Guerre mondiale. Ils s’aiment malgré
lors de la séquence et on demande aux élèves d’identifier
leur religion différente et les obstacles.
deux poèmes de leur choix. Puis on fixe les connaissances
Ces deux couples ont en commun de vivre un amour impos-
indispensables sur les différents vers et les différentes
sible car ils viennent de milieux différents. façons de créer de la musicalité (les rimes, les vers, le rythme,
4 L’animation de la statue représente les différentes étapes l’anaphore, les jeux sur les sonorités, allitération et asso-
128
nance). Ces bases seront indispensables pour aborder 3 La femme aimée par Musset est « brune aux yeux
l’objet d’étude de 3e « Visions poétiques du monde ». bleus » (v. 2). Le terme « fine » (v. 8) peut être entendu au
Un quiz interactif Genially permet de revenir sur les princi- niveau physique mais le reste du vers tend à faire croire
pales notions évoquées de manière plus ludique et auto- que Musset évoque la finesse d’esprit de Ninon puisqu’il
nome (par exemple, pour réviser avant l’évaluation de fin ajoute au portrait l’« insouciance ». L’être aimé apparaît
de séquence). comme une femme vive d’esprit et malicieuse qui « se plaît,
Le questionnement « Et vous, dans tout ça ? » permet de comme une fée, à deviner d’avance » (v. 9).
revenir sur le ressenti des élèves face aux textes de la 4 Le poète éprouve les tourments de l’amour dans ce
séquence. Un travail de restitution en groupes est proposé texte. Il évoque « une peine extrême » (v. 3), « un mal
afin de leur faire exprimer plus facilement leur opinion. sans pitié » (v. 4), « de longs tourments » (v. 7). Il est comme
une « ombre » (v. 12) qui suit Ninon.
Évaluation > p. 195 5 Ce n’est pas un amour heureux, le poète évoque sa
Ce poème d’Alfred de Musset est abordable pour reprendre souffrance comme les sentiments ressentis évoqués lors
les principales notions de la séquence. À ce moment de de la question précédente. L’emploi de l’alexandrin accen-
l’année, il est important de familiariser les élèves de 4e avec tue cette gravité mêlée de mélancolie. L’anaphore « si je
le questionnement proposé lors de l’épreuve de français vous le disais » insiste sur la difficulté du poète à exprimer
du brevet. Le professeur peut diffuser la version audio du ses sentiments. On note aussi les références à la folie du
poème pour une meilleure compréhension par les élèves. poète « vœux insensés » (v. 7) et « douce folie » (v. 11).
129
Dire l’amour
1 Présentation de la séquence
Cette séquence s’inscrit dans l’entrée du programme du étudiés. Ne propose-t-on pas Le Bourgeois gentilhomme
cycle 4 : « Dire l’amour », déclinaison au niveau 4e de la dès la 5e ?
thématique générale « Se chercher, se construire ». Les élèves sont capables de nous suivre si nous y met-
L’ambition de ce groupement de textes est, dans un tons suffisamment de conviction et si nous savons mettre
premier temps, de faire découvrir aux élèves un auteur en évidence les thèmes qui les préoccupent le plus –
majeur de la tragédie du xviie siècle, Jean Racine. La l’amour et la jalousie sont tout indiqués dans la période de
séquence se concentre sur quatre de ses pièces : Bérénice, l’adolescence.
Britannicus, Phèdre et Andromaque. Cette exploration Ne pas hésiter à créer un effet d’attente, susciter la
d’œuvres littéraires du patrimoine national du xviie siècle, curiosité des élèves, en abordant un élément ayant lieu
se prolonge par deux lectures de tragédies contemporaines dans la pièce. Par exemple, si cette séquence avait reposé
de Sarah Kane et Jean-Michel Ribes, qui ont puisé leur ins- sur l’étude complète de Britannicus, il aurait été intéres-
piration chez Racine. sant de leur demander si l’intervention d’une mère dans
Le titre de la séquence est une réplique extraite de la une relation amoureuse peut aider son fils à obtenir
pièce Bérénice, elle permet de présenter le thème qui se l’amour de celle qu’il aime, sachant que la jeune fille aime
trouve au cœur des tragédies de Racine : la passion amou- un autre homme qui n’est autre que le beau-fils de la mère,
reuse. Cette séquence permettra donc d’étudier comment c’est-à-dire le fils de son mari. Une discussion s’engagerait
l’amour est dépeint dans les tragédies raciniennes. alors, qui permettra à la classe de se familiariser avec la
L’atelier mêlant écrit et oral amène les élèves à réécrire situation et les personnages. Ne reste plus alors, de
le dialogue théâtral tragique de la Lecture 2, en écho aux manière machiavélique, qu’à leur distribuer le livre en leur
réécritures contemporaines de la Lecture 5. Enfin, l’évalua- demandant de ne surtout pas l’ouvrir jusqu’au prochain
tion porte sur un extrait de Phèdre, dans lequel amour et cours et d’attendre le feu vert de leur enseignant ! Bien
tragique sont étroitement liés. évidemment, le professeur refuserait de « spoiler » (angli-
Étudier Racine en 4e ne pose pas plus de problème cisme qu’ils connaissent tous !) l’issue de la pièce… et vous
que d’autres œuvres théâtrales : il suffit de bien expliquer pouvez être certain que ce sont les élèves eux-mêmes
en amont et de s’appuyer sur des captations de la pièce, qui réclameront le début de l’étude. Nous parlons ici
sans hésiter à « traduire » en langage courant les extraits d’expérience !
2 Objectifs de la séquence
L’acquisition d’une culture littéraire et artistique est les programmes officiels, le but est de « comprendre les
l’une des finalités majeures de l’enseignement du français. nuances du sentiment amoureux et quelques-unes
Elle suppose que les élèves puissent acquérir des connais- des raisons qui en font un thème majeur de l’expression
sances leur permettant de s’approprier cette culture et de littéraire et artistique ». Il s’agit également de comparer la
l’organiser, d’affiner leur compréhension des œuvres et des tragédie de Racine avec des textes contemporains, l’objec-
textes, et d’en approfondir l’interprétation. Dans cette tif étant d’acquérir des éléments de culture littéraire et
optique, il s’agit d’étudier les caractéristiques de la tragé- d’établir des liens entre des œuvres issues de cultures et
die classique du xviie siècle. Il est ainsi question d’aborder d’époques diverses.
la spécificité du poème dramatique et d’observer comment La Lecture en groupe est proposée lors de la Lecture 2
les passions violentes, douloureuses et contrariées devien- à partir d’extraits de deux pièces sur le thème de l’amour
nent les ressorts de la tragédie. Comme le préconisent impossible. L’objectif, en dehors de lire, comprendre et
130
interpréter des textes variés, est ici de construire du sens consignes de grammaire, ainsi qu’une réécriture, accom-
ensemble, de favoriser la mutualisation et la collaboration pagne l’élève dans une perspective, celle du DNB.
entre pairs. S’exprimer à l’oral est un objectif tout aussi important de
Dans l’atelier final, l’élève est également amené à exploi- la séquence. Les activités proposées, comme la lecture
ter la Lecture 2 pour réécrire la scène en la modernisant. Il expressive d’alexandrins ou le jeu de quelques extraits sur
doit adopter des stratégies et des procédures d’écriture scène, favorisent l’exploitation des ressources expressives
efficaces, en mobilisant ses connaissances sur les caracté- de la parole, mais également les interactions dans des
ristiques de la tragédie pour composer librement son écrit échanges oraux.
tout en respectant les normes de la langue. Les pages L’écriture n’est pas réservée à l’atelier final, la démarche
consacrées à l’étude de la langue lui apporteront des outils est progressive. Les consignes, au fil de la séquence,
nécessaires à cet exercice, mais aussi à l’analyse des textes répondent à des objectifs variés : écriture de didascalies,
théâtraux puisqu’il s’agit d’y étudier les types et formes de d’un procès, d’une scène de réconciliation. Il faut donc
phrases, ainsi que la versification. Enfin, l’évaluation, bien, dans tous les cas, adopter des stratégies et des procé-
posant des questions de compréhension et proposant des dures d’écriture efficaces.
132
3 Corrigés de la séquence
Lecture 1 Souffrir d’aimer ? > p. 198 tions viennent fléchir la décision qu’il venait de prendre, car
il ne peut plus taire cet amour qui le fait tant souffrir. Les
Vos objectifs
dernières phrases interrogatives et les phrases déclaratives
Ces deux premiers textes mettent en scène des personnages
qui suivent sont adressées directement à Bérénice :
qui souffrent par amour, soit parce que cet amour n’est pas
Antiochus s’imagine lui avouer ses sentiments, même s’il
partagé, soit parce qu’il rencontre un obstacle. Les objectifs
sait que cet aveu ne changera rien à leurs relations (« espoir
sont ainsi d’analyser les sentiments des personnages et de
superflu » v. 26, « je n’espère plus » v. 27, « un amant sans
découvrir la forme du poème dramatique, ainsi que le
espoir » v. 30). C’est ainsi, qu’à la fin de son monologue,
registre tragique. Le premier extrait permet également de
il prend la décision de lui déclarer ses sentiments, dans
définir la fonction d’une scène d’exposition et d’étudier un
une phrase impérative avec un verbe à l’impératif présent
monologue délibératif.
(« parlons », v. 48), puisqu’il n’a plus rien à perdre.
1 Bérénice 6 Ce monologue est composé d’alexandrins (des vers de
AVANT DE COMMENCER On pourra demander aux élèves de 12 syllabes) et de rimes suivies (AABB). L’alexandrin et les
définir ce qu’est un monologue au théâtre, de trouver les rimes suivies donnent un rythme très régulier au mono-
indices permettant de l’identifier, et de chercher quelles logue et créent ainsi une musicalité qui permet de faire
fonctions il peut avoir dans une œuvre théâtrale. ressortir l’intensité des sentiments du personnage. La lon-
1 Grâce à ce monologue, on apprend qu’Antiochus, le per- gueur de l’alexandrin impose un rythme lent, notamment
sonnage seul sur scène, aime en secret depuis cinq ans la quand une phrase se prolonge sur plusieurs vers. Citons par
reine de Palestine, Bérénice. Or, celle-ci est sur le point exemple la longue phrase allant des vers 21 à 27, dont
d’épouser Titus, empereur de Rome et ami d’Antiochus. le rythme lent renforce le pathétisme de la plainte
Ce monologue constitue une scène d’exposition puisqu’il se d’Antiochus.
situe au début de la pièce. Il permet de donner aux specta- À L’ORAL
teurs les renseignements nécessaires pour comprendre la Les élèves pourront choisir autant les phrases interrogatives
pièce. En effet, il nous donne des indications sur l’intrigue, que les phrases déclaratives. Ils devront veiller à bien faire
sur les personnages principaux et sur leurs relations. Ce ressortir la souffrance du personnage et à s’appuyer sur la
monologue a donc une fonction informative. musicalité des vers.
2 Le lexique utilisé au vers 2 montre le trouble d’Antiochus : Proposition de vers : v. 16-17 ou v. 25-27.
« je tremble » et « mon cœur agité ». L’antithèse au vers 3,
qui oppose les formes verbales « craint » et « souhaite », 2 Britannicus
souligne bien la confusion des sentiments qui agite le Comme On pourra donner aux élèves quelques conseils
au théâtre
personnage, partagé entre l’envie d’agir et la peur de le faire. pour écrire leurs didascalies :
Ces deux formes verbales sont d’ailleurs placées au début • utilisez le participe présent ou le présent de l’indicatif,
et à la fin du vers de manière à bien mettre en évidence • écrivez-les en italique,
l’antithèse. • soyez précis pour écrire des didascalies courtes et efficaces,
3 Antiochus est confronté à une décision difficile à prendre : • faites ressortir les sentiments du personnage.
doit-il avouer son amour à Bérénice avant qu’elle n’épouse Exemples de didascalies :
Titus ou bien se taire à jamais ? C’est ce qu’on appelle un v. 7 : Marchant de long en large
dilemme. Le personnage réfléchit à voix haute et pèse le v. 14 : S’interrompant
pour et le contre pour prendre sa décision. Ce monologue a v. 15 : Se tordant les main
donc aussi une fonction délibérative. v. 23 : Baissant la tête et murmurant
4 La métaphore qu’utilise Antiochus se trouve au vers 7 : v. 25 : Se reprenant
« D’un voile d’amitié j’ai couvert mon amour. » 1 Britannicus reproche à Junie son regard glacial : elle
5 LANGUE Les phrases interrogatives jusqu’au vers 12 aurait pu lui montrer par le regard qu’elle l’aimait toujours,
traduisent les hésitations et les craintes d’Antiochus à décla- pendant qu’elle prétendait le contraire avec ses paroles
rer son amour à Bérénice. On trouve également des phrases quand Néron les écoutait.
déclaratives dans ce passage (pour expliquer leurs relations 2 LANGUE Les mots et groupes de mots appartenant
aux spectateurs). Des vers 13 à 15, le personnage utilise des au champ lexical de la souffrance sont : « trouble » (v. 5),
phrases impératives pour sembler se décider à ne rien « hélas ! » (v. 1, 7 et 23), « désordre » (v. 8), « combien de
avouer à Bérénice. Mais, de nouveau, à partir du vers 16, on soupirs » (v. 9), « Quel tourment » (v. 11), « gémir » (v. 12),
retrouve des phrases interrogatives qui sont en fait des « affliger » (v. 12), « consoler » (v. 13), « quels pleurs »
questions rhétoriques montrant que de nouvelles hésita- (v. 14) et « douleur » (v. 18).
133
3 Junie prouve son amour à Britannicus dans sa réplique en d’autant plus important pour ces textes destinés à être dits
lui révélant que cela a été une véritable souffrance pour et écoutés, et pas seulement lus en silence. On pourra pré-
elle-même de lui dire qu’elle ne l’aimait plus et de voir ciser aux élèves que Racine a été reconnu dès son époque
qu’elle lui brisait le cœur par ses paroles. Sa souffrance comme particulièrement habile dans la manière d’agencer
s’exprime par les nombreuses phrases exclamatives, par le ses rythmes, cadences et sonorités et à créer par là des
champ lexical de la souffrance (repéré grâce à la question effets de sens. Il était un artiste du « beau vers », comme on
précédente), mais aussi par l’accumulation présente aux disait alors. Des témoignages de l’époque disent que, quand
vers 11 et 12 : « Quel tourment de se taire en voyant ce qu’on il rédigeait une pièce, il aimait pouvoir « tester » les vers en
aime, / De l’entendre gémir, de l’affliger soi-même […] ! ». les prononçant lui-même à haute voix.
On peut également relever une antithèse aux vers 9 et 10
(« De combien de soupirs interrompant le cours, / Ai-je Pour aller plus loin
évité vos yeux que je cherchais toujours ! ») qui suggère la On pourra faire écouter le passage du postcast sur
difficulté qu’elle a eue à cacher ses véritables sentiments. Britannicus qui explique cette scène (« Les grands person-
4 Le type de vers utilisé dans tout l’extrait (comme dans nages de Racine »). Puis il est possible de demander aux
toute la pièce) est l’alexandrin (vers de 12 syllabes) et les élèves d’écrire (simplement en prose) et de jouer la scène
rimes sont suivies (AABB). L’alexandrin et les rimes suivies dans laquelle, sous la surveillance de Néron, Junie est obli-
donnent un rythme très régulier et créent ainsi une musica- gée de faire croire à Britannicus qu’elle ne l’aime plus.
lité qui permet de faire ressortir l’intensité des sentiments
des personnages, ici la souffrance. La souffrance de Junie Lecture 2 Un amour impossible ?
est d’ailleurs soulignée par l’allitération en « m » que l’on en GROUPE > p. 200
retrouve dans les rimes suivies « aime » et « même » des
Vos objectifs
vers 11 et 12, ainsi qu’à l’intérieur de ces mêmes vers avec les
Les deux textes mettent en scène deux héros tragiques en
mots « tourment » et « gémir ».
proie à un cruel dilemme. En effet, dans le premier texte,
5 On voit dans cet extrait que Néron représente un danger Titus doit sacrifier son amour pour des raisons politiques ;
pour le couple, puisque Néron risquait de tuer Britannicus dans le second texte, Phèdre éprouve un amour coupable
si Junie avait un seul mot ou un seul regard de tendresse. pour son beau-fils. Les objectifs sont donc d’aborder le
C’est pour cela que Junie coupe brutalement la parole à dilemme comme principal ressort de l’action de la tragédie,
Britannicus au vers 6 pour l’alerter de cette menace : « Il et d’étudier le tragique d’une passion amoureuse impos-
fallait me taire et vous sauver. » Junie éprouve un sentiment sible.
de peur vis-à-vis de Néron comme le souligne l’emploi de La lecture de ces deux textes est à mener en groupes de
ce champ lexical dans sa réplique : « inquiète » (v. 15), quatre élèves maximum. Cette méthode de lecture offre
« troublée » (v. 15), « effrayé » (v. 17) et « je craignais » aux élèves la possibilité de travailler les questions d’abord
(v. 17 et 21). Enfin, Junie invite Britannicus à la prudence en autonomie, individuellement, puis de prendre un temps
avec la phrase impérative, « Allez, encore un coup, cachez- pour échanger et discuter sur leurs réponses, et enfin de
vous à ses yeux » (v. 25), qui montre que Néron est toujours mutualiser leurs recherches afin de remplir le tableau de
une menace. synthèse, qui servira de support pour une restitution orale
RÉÉCRITURE au reste de la classe.
a. J’aurais compte à vous rendre de mille autres secrets. Différenciation
b. Le bouleversement syntaxique permet de mettre en
valeur l’hyperbole « de mille autres secrets », qui se retrouve Pour des élèves plus en difficulté, on pourra proposer de
placée en début de vers et par laquelle Junie exprime à travailler l’extrait de Phèdre à partir de l’adaptation Phèdre
Britannicus l’intensité de son amour, qui ne peut pas encore en bandes dessinées, scénarisée et dessinée par Armel, aux
être montré au grand jour à cause de Néron. éditions Petit à Petit, 2020 (extrait pages 32 à 39).
c. « De mon front effrayé je craignais la pâleur », (v. 17). EN GROUPE
Votre bilan
1 Bérénice
La situation de ces personnages est tragique, puisqu’ils
éprouvent des sentiments amoureux très forts, mais ces 1 a. Titus est amoureux de Bérénice.
sentiments les font souffrir. Antiochus souffre parce que son b. Puisqu’il va devenir l’empereur de Rome, Titus n’a pas le
amour n’est pas partagé. Junie et Britannicus souffrent droit d’épouser Bérénice parce qu’elle n’est pas une femme
parce que Néron est un obstacle dangereux pour leur relation. romaine, c’est la reine de Palestine.
Racine se sert de la cadence de l’alexandrin et des rimes c. Nous pouvons relever les vers 2 à 4 : « Je sens bien que
suivies, des sonorités, ainsi que de la disposition des mots, sans vous je ne saurais plus vivre, / Que mon cœur de moi-
pour créer des effets de sens et pour faire ressortir encore même est prêt à s’éloigner ; / Mais il ne s’agit plus de vivre,
plus la souffrance des personnages. Cet aspect poétique est il faut régner. » Ces vers montrent bien que Titus est partagé
134
entre son amour et ses intérêts politiques : il doit devenir dans la durée et insister ainsi sur sa pénibilité. Elle emploie
empereur de Rome, ce qui l’oblige à rompre avec la femme plusieurs anaphores : « dans un », v. 15, « que le », vers 17,
qu’il aime. La forme verbale « il faut » présente cela comme « Sans que », vers 18 et 19. Cette figure d’insistance contri-
un devoir à accomplir. bue à donner une atmosphère lyrique (de même que les
D’ailleurs, dans la réplique coupée de Bérénice, qu’on pourra chiasmes présents aux vers 18 et 19 et au vers 23).
lire aux élèves, Bérénice personnifie la ville de Rome et la
2 Phèdre
présente comme une rivale : « Rome à ne vous plus voir
m’a-t-elle condamnée ? » Titus doit choisir entre Bérénice 1 a. Phèdre aime Hippolyte.
et Rome. b. Phèdre aime son beau-fils, le fils de Thésée, son mari. Cet
d. Titus emploie le mot « tourments » au vers 1 pour évo- amour est impossible car il est incestueux et immoral.
quer la souffrance provoquée par cette décision de rompre. c. Nous pouvons relever les vers 2 et 3 : « Tu vas ouïr le
Puis, il annonce que, sans Bérénice, sa douleur sera si vive, comble des horreurs. J’aime… À ce nom fatal, je tremble,
qu’il ne pourra pas continuer à vivre, aux vers 2 et 3 : « Je je frissonne », qui montrent le dilemme de Phèdre, partagée
sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre, / Que mon entre sa passion pour Hippolyte et son sentiment de culpa-
cœur de moi-même est prêt à s’éloigner », et il le répète aux bilité exprimé par l’hyperbole « le comble des horreurs ».
vers 25 à 27. Au vers 30, Titus exprime sa plainte mélanco- Elle considère elle-même son amour comme un crime.
lique par l’interjection « Hélas ! ». On pourra également commenter aux élèves le sens de
e. Au vers 30, « vous pouvez tout, madame : demeurez », l’expression (« une flamme si noire », v. 52) : par la méta-
le « tout » représente le pouvoir que Bérénice exerce sur lui phore courante, la flamme désigne l’amour ; et cette
grâce à l’amour, et Titus montre son impuissance à lutter flamme est associée à l’adjectif « noire » qui, normalement
par les expressions « Je n’y résiste point » et « je sens ma lui est incompatible, dans ce qu’on appelle un oxymore. Cet
faiblesse » au vers 31. Si Bérénice reste à Rome, la résistance oxymore exprime bien cette passion coupable : une flamme
de Titus pour ne pas succomber sera d’autant plus difficile, il noire, c’est impossible, c’est contre-nature, exactement
lui faudra lutter encore plus contre ses sentiments, comme comme l’amour incestueux.
le suggèrent l’accumulation et la répétition aux vers 32 à 34 : d. Dans sa tirade, Phèdre exprime sa souffrance par des
« Il faudra vous combattre et vous craindre sans cesse, / phrases exclamatives : « Ô comble de misère ! » (v. 31),
Et sans cesse veiller à retenir mes pas / Que vers vous à « Vaines précautions ! Cruelle destinée ! » (v. 43) ; on peut
toute heure entraînent vos appas ». La disposition des mots remarquer que ces phrases sont courtes et non verbales, ce
au vers 34 souligne le pouvoir d’attraction de Bérénice sur qui souligne encore plus l’intensité de cette souffrance.
lui. On peut penser qu’il est plus envahi par l’amour de Ensuite, par des métaphores, elle compare l’amour à une
Bérénice que par la puissance politique. En effet, le verbe maladie qui la fait souffrir : « Mon mal » au vers 1, « D’un
« aimer » est le dernier mot de la réplique de Titus. incurable amour remèdes impuissants ! » au vers 25, puis à
f. Bérénice est surprise par la décision que vient de prendre une blessure au vers 46 : « Ma blessure trop vive aussitôt a
Titus : en effet, elle ne s’attendait pas à cette rupture, elle saigné. » Elle montre bien que cet amour est un mal qui fait
avait confiance en ses sentiments comme le suggère souffrir. Elle le compare aussi à un feu intérieur qui la dévore :
l’hyperbole « après mille serments » au vers 7. Elle mani- « feux redoutables » (v. 19), « flamme » (v. 50 et 52). Enfin,
feste en plus sa colère en l’apostrophant par un terme nous pouvons noter la gradation présente aux vers 49 et 50 :
péjoratif et en employant une phrase impérative au vers 5 : « J’ai conçu pour mon crime une juste terreur : / J’ai pris la
« Eh bien ! régnez, cruel, contentez votre gloire ». Des vers 5 vie en haine et ma flamme en horreur » qui souligne bien
à 14, on peut relever aussi des allitérations en [r] et en [t] l’idée que la culpabilité qu’elle ressent la fait souffrir à un tel
qui renforcent ce sentiment d’indignation. Elle emploie éga- point qu’elle envisage la mort, le suicide (v. 51).
lement une phrase de forme exclamative : « Mais quelle est e. Phèdre raconte son coup de foudre pour Hippolyte, le
mon erreur, et que de soins perdus ! » (v. 20). Elle le désigne jour même de son mariage avec Thésée. C’est par les yeux
par le terme « l’ingrat » au vers 21. que Phèdre est prise au piège : « Athènes me montra mon
Elle montre sa résignation avec les expressions « Je ne dis- superbe ennemi » (v. 14 ; on pourra faire identifier l’oxymore),
pute plus » au vers 6, « Je n’écoute plus rien » au vers 12, et privée de sa volonté d’agir, ce coup de foudre prend le
avec la répétition de l’expression « pour jamais » qui enca- contrôle à la fois de son esprit et de son corps et elle ne peut
dre le mot « adieu » aux vers 12 et 13 et avec le rythme résister : « Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ; / Mes
décroissant du vers 12. yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; / Je sentis tout
Mais elle exprime aussi sa souffrance. Elle utilise le champ mon corps et transir et brûler » (v. 16 à 18).
lexical du temps (« absence éternelle », v. 10, « Dans un Pour Phèdre, cet amour coupable est une vengeance de la
mois, dans un an », v. 15, « le jour », v. 17, « jamais », part de Vénus, et Phèdre est victime de la malédiction de la
v. 18, « de tout le jour », v. 19, « compter les jours », v. 22 déesse, contre laquelle elle ne peut rien faire. Elle se pré-
et « Ces jours si longs », v. 23) pour inscrire cette séparation sente comme la victime impuissante et prisonnière de
135
Vénus, la déesse de l’amour : « C’est Vénus tout entière à sa lignent son impuissance à lutter contre cette passion.
proie attachée » (v. 48). En effet, la déesse Vénus ne cesse D’ailleurs, les rimes « redoutables/inévitables » sont signi-
de la persécuter, elle et sa famille (v. 19-20). fiantes : Phèdre est écrasée par une fatalité qui la dépasse.
En voici la raison : Vénus est mariée à Héphaïstos, le dieu du L’expression « En vain » au vers 26 indique bien l’échec
feu, des forges et de la métallurgie, mais elle le trompe avec de cette première tentative, puisque Vénus n’est plus la
Mars, le dieu de la guerre. Hélios, le dieu du soleil, qui a sur- véritable destinataire des offrandes et des prières, c’est
pris le couple infidèle, prévient Héphaïstos, qui pose un filet Hippolyte qu’elle en vient à adorer comme un dieu
magique sur le lit et emprisonne le couple. Tous les dieux (v. 27-30). Elle tente de se détourner d’Hippolyte en l’évi-
sont prévenus et Vénus, humiliée, va poursuivre la descen- tant (v. 31), en l’éloignant du royaume (v. 35 à 38), mais ses
dance d’Hélios par sa vengeance. Or, Hélios est le père de efforts se soldent encore par des échecs, comme le montre
Pasiphaé, la mère de Phèdre. Pasiphaé fut elle-même l’expression « Vaines précautions ! » (v. 43), qui fait écho
victime de Vénus : elle lui inspira amour et désir pour un avec l’expression « En vain » du vers 26. Rien n’y fait, chaque
taureau, relation contre-nature qui donna naissance au fois la passion amoureuse se fait plus forte qu’avant.
Minotaure. Phèdre essaye par tous les moyens d’apaiser f. La nourrice Œnone est choquée, sidérée et affligée par
Vénus, par des prières, des offrandes, la construction d’un l’aveu de Phèdre, elle ne s’exprime pratiquement que par
temple. Mais en vain : « je crus les détourner », le verbe des phrases exclamatives, ce qui montre l’intensité de ses
« croire » élimine d’emblée tout espoir et après la liste de émotions. Au vers 8, nous pouvons relever la gradation
ses actions, on peut relever plusieurs adjectifs formés du et l’anaphore qui montrent qu’elle condamne durement
même préfixe privatif « in-/im- » : « in-évitables » (v. 20), cet amour coupable que Phèdre vient de lui avouer : « Ô
« in-curables » (v. 25) et « im-puissants » (v. 25) qui sou- désespoir ! ô crime ! ô déplorable race ! »
TOUS ENSEMBLE position quasi martiale, les bras croisés dans le dos, en signe
de rejet, mais surtout de condamnation (« ô crime ! », v. 8).
3 À L’ORAL
4 LANGUE Louise utilise des phrases de forme exclama- Cette écriture d’invention prépare l’« Atelier écrit & oral »
tive qui expriment son énervement, son émotion (l. 1 à 4, (p. 211). On veillera à ce que les élèves maîtrisent les
l. 6). On remarque ensuite des phrases de type interrogatif caractéristiques formelles de l’écriture théâtrale, notam-
(l. 9, 11, 15, 17, 25-26) qui montrent qu’elle cherche à savoir ment la typographie particulière des noms des personnages.
140
On peut aussi leur conseiller de rédiger des didascalies Comme Cette activité peut être menée, en improvi-
au théâtre
(cf. « À l’écrit », p. 206). Avant la mise à l’écrit, pour plus de sation, en amont de l’explication de texte, ce qui
précision, il est utile de faire relire ou réécouter le texte de permettra d’en vérifier la réception, la perception du registre
Jean-Michel Ribes et de lister d’une part les caractéristiques et les enjeux de la situation. On peut ensuite refaire jouer ce
de chaque personnage, et d’autre part les éléments qui passage aux élèves après l’explication. Ils pourront ainsi
contribuent au comique du texte. On conseille de varier les expliquer ce que l’analyse du passage a apporté à leur jeu et
types et les formes de phrase (cf. p. 210). de quelle manière il l’a fait évoluer.
Votre bilan
Points communs Différences
• Textes contemporains • Sarah Kane propose une réécriture de Phèdre alors que
• Scènes de duo Jean-Michel Ribes l’évoque et s’en inspire ; les personnages
qu’il met en jeu sont des personnages de comédie
• Les deux personnages masculins peinent
à communiquer • Le registre (tragique dans le texte 1, comique dans le texte 2)
• Les deux personnages féminins mènent le passage • Dans le texte 1, Phèdre déclare son amour à Hippolyte qui n’y
répond pas, dans le texte 2 Louise déclare qu’elle est prête à
quitter Jean-Claude mais, dans le même temps, elle cherche
à vérifier si il l’aime
Dans le texte 1, les élèves peuvent être surpris par le trai- J’écris
tement des personnages, loin de la grandeur tragique qu’ils
3 Pour les élèves plus en difficulté, on pourra rechercher
incarnent chez Racine. Le niveau de langue et la création
d’un personnage (Strophe) peut également retenir leur collectivement des mots du champ lexical de la souffrance :
attention. pleurs, larmes, chagrin, douleur, peine, tristesse, mal,
Dans le texte 2, Le registre comique peut étonner les élèves. supplice, torture, désespoir, triste, douloureux, malheureux,
Ils peuvent également remarquer que la représentation de pénible, souffrir, endurer, supporter, subi...
Phèdre de Racine est un prétexte à cette saynète qui met en
Passerelles
jeu la tragédie (comique) vécue par ce couple en crise.
Il est possible de mettre en lien cette activité d’écriture avec
Pour vous aider à lire et écrire > p. 210 certains poèmes de la séquence 9, « L’amour donne-t-il des
ailes ? ». En effet, pour écrire leurs alexandrins, les élèves
La versification
pourront s’inspirer des quelques poèmes de cette séquence
Je m’entraîne évoquant la souffrance d’aimer.
Mais ces poèmes pourront aussi être lus en prolongement
1 a.
de l’activité.
Que/ le/ jour/ re/com/men/c(e), et/ que/ le/ jour/ fi/niss(e)/,
Sans/ que/ ja/mais/ Ti/tus/ puis/se/ voir/ Bé/ré/nic(e)/, Les types et les formes de phrases
Sans/ que/, de/ tout/ le/ jour/, je/ puis/se/ voir/ Ti/tus ?
Mais/ quel/l(e) est/ mon/ er/reur/, et/ que/ de/ soins/ per/ Je m’entraîne
dus ! 1 On trouve des phrases interrogatives et des phrases
b. Dans le premier vers, la césure crée une opposition entre déclaratives dans ce monologue d’Oreste.
les deux parties du vers, où l’on observe la même construc-
2 On pourra relever les phrases exclamatives à partir du
tion syntaxique (un parallélisme de construction) et une
vers 11 jusqu’à la fin du monologue d’Oreste, qui laisse écla-
antithèse entre les verbes « recommence » et « finisse ».
ter sa colère. On peut facilement les repérer puisqu’elles se
Dans le deuxième vers, la césure met en valeur le nom
« Titus », alors que le nom de Bérénice est cité en fin de vers. terminent par un point d’exclamation.
Ces césures soulignent l’idée que cette séparation sera dou- 3 Il n’y a pas de phrases impératives dans ce monologue.
loureuse à vivre pour la jeune femme.
J’écris
c. Les élèves devront lire à haute voix les quatre alexandrins
de façon expressive en s’appuyant notamment sur les 4 Propositions de corrigé : Oublions-la et partons loin d’ici.
césures et sur la ponctuation. Qu’elle aille sur quelqu’un d’autre déchaîner sa fureur !
2 Si je vous aime ? Ô dieux ! Mes serments, mes parjures, Qu’elle regrette un jour toutes les souffrances qu’elle m’a
Ma fuite, mon retour, mes respects, mes injures, fait endurer !
Mon désespoir, mes yeux de pleurs toujours noyés, Les élèves devront essayer de varier les procédés pour expri-
Quels témoins croirez-vous, si vous ne les croyez ? mer l’injonction : verbes à l’impératif, subjonctif, futur...
141
Atelier écrit & oral R
éécrire un dialogue Avant la phase d’écriture elle-même, chaque élève lit la
théâtral tragique > p. 211 grille d’évaluation finale qu’on lui conseillera de consulter à
tout moment (étape 5).
Conclure la séquence par cet atelier est la démarche la plus
Puis, chaque membre du binôme prend en charge un per-
pertinente a priori dans la mesure où les élèves ont à s’inspi-
sonnage. Il s’agit alors de réagir aux propositions d’écriture
rer de textes précis. Ils auront aussi été initiés à la prise de
de l’autre et de rebondir. On crée ainsi du sens à plusieurs,
parole et au jeu avec la rubrique « Comme au théâtre » pour
on mutualise, on reçoit les propositions de l’autre, comme
chaque texte de la séquence.
sur un plateau. Par ailleurs, ce partage, qui favorise l’échange
Avant la mise en œuvre, relire ou réécouter et visionner de
constructif, peut réduire le temps de finalisation de cet
nouveau la scène de la Lecture 2 est essentiel. On s’assure
écrit d’invention. Un renvoi à la page 251 « Comment relire
de la compréhension fine de cette scène.
et améliorer sa rédaction ? », accompagne utilement la
Il est ensuite intéressant de former des binômes. Chaque
démarche.
élève prépare cinq questions et les pose à son partenaire
Avant l’étape 4, un rappel des éléments constitutifs de la
pour vérifier la compréhension du sens du texte racinien.
lecture expressive qui remplit un certain nombre de critères
Pour la notion de dilemme, qui est centrale, on demande
s’avère souvent utile, particulièrement dans ce dialogue où
aux élèves d’autres exemples possibles, éventuellement
les sentiments des personnages s’expriment. On liste avec
tirés de leur expérience, afin qu’ils ne s’engagent pas sur une
les élèves les attendus de cet exercice. Un tableau fourni aux
piste erronée.
élèves leur permet de s’évaluer entre pairs. On peut tout à
L’écriture collaborative se prête pleinement à cette activité
fait imaginer la mise en place d’un jury d’élèves, c’est une
d’écriture et permet de répartir les tâches, tout en étayant
démarche valorisante et appréciée. Elle favorise un retour
les plus fragiles. Elle favorise donc la différenciation.
réflexif sur le travail d’autrui, une démarche de réception
En préparation à l’écriture, sur une feuille partagée, chaque
active pour le jury et des pistes possibles de remédiation
binôme peut mettre en commun, sous forme de nuage de
pour le lecteur-scripteur.
mots par exemple, les sentiments de chaque personnage.
• Des exercices ludiques d’articulation peuvent être propo- – Pratiquer l’écriture d’invention.
sés en amont de la lecture expressive. Les virelangues sont – Exploiter des lectures pour enrichir son écrit.
toujours un succès. – Connaître les genres littéraires et leurs caractéristiques.
Exemple de consigne : répétez cinq fois le plus rapidement – Utiliser des outils d’analyse des textes.
possible et en articulant les phrases suivantes : Tonton Tati, – Chercher des informations.
ton thé a-t-il ôté ta toux ? / Foie frit froid et fruits frais – Exploiter les ressources expressives et créatives de la parole.
frits ! / Je sèche ces cheveux chez ce cher Serge. /Dix-huit
doigts droits de druides. /Qui hache un chou, cache un Faisons le bilan > p. 212
chat. / Un chasseur qui chassait a fait sécher ses chaus- Le bilan pose de manière synthétique les différentes notions
sette… abordées dans la séquence permettant de définir la tragédie
• On peut aussi proposer aux élèves de varier les intentions classique racinienne. Il est tout à fait possible de le construire
de lecture (cf. « Comme au théâtre », p. 208). avec les élèves en leur proposant une carte mentale vierge,
Autre scénario pédagogique possible : Donner aux élèves avec les titres et en leur demandant d’y noter les mots-clés.
les étapes 1 à 3 à travailler en autonomie, en classe ou à la À l’issue de cette séquence, on pourra proposer aux élèves
maison. La fiche Coup de pouce peut faciliter leur travail et un quiz interactif qui permettra de vérifier ce qui a été retenu
les étapes guident et cadrent l’ensemble de la production. de l’auteur, des œuvres, des personnages rencontrés dans la
Les compétences travaillées sont : séquence.
142
Et vous, dans tout ça ? 4 Au vers 8, Phèdre se désigne par le substantif « monstre ».
Les élèves peuvent répondre librement aux questions. Ils Cette hyperbole souligne qu’elle s’exclut de l’humanité
doivent veiller à justifier de façon pertinente et précise dont elle considère qu’elle doit disparaître : « délivre l’uni-
leurs choix. On peut leur proposer de constituer des nuages vers ». Elle prononce ainsi sa propre sentence : la mort.
de mots autour de l’extrait, du personnage et de la mise Au vers 10, le pléonasme « monstre affreux » montre à quel
en scène qu’ils auront choisis afin de les utiliser comme point elle se sent ignoble et anormale. On pourra mener
support pour une explication orale, ce qui leur permettra avec les élèves une recherche lexicale sur le mot « monstre »
d’apprendre à s’exprimer clairement à l’oral en se détachant dont les deux acceptions d’une certaine manière peuvent
de ses notes. se rapporter à Phèdre. En effet, ce terme désigne un être
terrible et fantastique (des légendes, des mythologies) et aussi
Évaluation > p. 213 un être vivant ou un organisme de conformation anormale.
Compréhension et compétences d’interprétation 5 Au vers 10, Phèdre veut persuader (« crois-moi »)
Hippolyte de tuer le monstre qu’elle est. « Doit » insiste
1 Son aveu est honteux car Hippolyte est le fils de
sur le fait qu’en le faisant, il accomplira son devoir et qu’il
l’amazone Antiope et de Thésée, le mari de Phèdre.
n’a pas le choix, tout comme son père, le héros Thésée, a tué
Symboliquement, il s’agit donc bien d’un amour incestueux
le Minotaure. C’est son « cœur », personnifié (v. 11) et siège
mais aussi adultère. L’adjectif « honteux » est ici renforcé
de son amour coupable qu’elle pousse Hippolyte à frapper.
par l’adverbe d’intensité « si », ce qui souligne à quel point
On remarque la répétition de « doit » : « Voilà mon cœur :
Phèdre a honte. La question rhétorique posée qui se termine
c’est là que ta main doit frapper » (v. 11). Rongée par la
par l’adjectif « volontaire » montre le caractère incontrô-
culpabilité, elle sait que la mort mettra fin à sa souffrance,
lable de cet aveu qui lui a donc échappé. Le substantif
donc à sa passion qui par étymologie signifie souffrir, et lui
« aveu » connote par ailleurs la faute.
permettra « d’expier son offense » (v. 12). Elle est bien
2 Le vers 1 montre que Phèdre n’a pas pu s’empêcher
dominée par son cœur qui semble autonome et dissocié
d’avouer son amour à Hippolyte (cf. question 1). Les vers 2 d’elle : « Au-devant de ton bras, je le sens qui s’avance »
à 4 révèlent qu’elle ne venait pas le voir pour lui faire cet (v. 13). Phèdre exhorte Hippolyte à la tuer, ce qu’exprime le
aveu mais pour placer son fils sous sa protection (v. 2-4). verbe à l’impératif « Frappe », mis en évidence par sa place
En effet, à ce moment de l’intrigue, Phèdre pense, comme à l’attaque du vers et par la césure. Elle est totalement
tous les autres personnages, que Thésée est mort. Elle veut déterminée et dirige l’action de la scène.
donc que se crée une alliance politique qui protège les inté-
6 Phèdre est prête à se tuer elle-même si Hippolyte ne le
rêts de son propre fils. Cependant elle n’a pu réprimer ses
fait pas lui-même (« Au défaut de ton bras », v. 17). C’est
sentiments, ce que révèle le vers 5 : « Hélas ! Je n’ai pu par-
avec l’épée de celui qu’elle aime qu’elle veut se donner la
ler que de toi-même ! » ; l’interjection tragique et la double
mort. Elle lui ordonne, à l’impératif présent, de la lui prêter :
exclamation soulignent l’émotion et le regret de Phèdre,
« prête-moi ton épée ». Le dernier vers monosyllabique est
obsédée par Hippolyte. Malgré elle, elle fait passer sa pas-
constitué d’un seul verbe à l’impératif qui souligne encore la
sion pour Hippolyte avant tout, ce que mettent en évidence
détermination de Phèdre à mourir.
les marques de la deuxième personne du singulier : « t » ;
« te » ; « ta » ; « toi-même ». Elle en oublie donc toute Grammaire et compétences linguistiques
considération maternelle et politique. 1 Les verbes sont conjugués au présent de l’impératif.
3 Le vers 4 montre à quel point Phèdre est dominée et
2 Il s’agit d’une antithèse. On peut rappeler aux élèves que
dépassée par l’amour qu’elle éprouve : « un cœur trop plein ce procédé ne doit pas être confondu avec l’oxymore, autre
de ce qu’il aime ». Au vers 6, elle qualifie cet amour par figure d’opposition dans lequel deux termes de sens
l’adjectif épithète « odieux » : « odieux amour ». Cet oxy- contraire sont directement accolés. (cf. dernière page du
more met en évidence qu’elle sait que cette passion est manuel.)
digne de haine (odieux vient du latin odium : haine).
3 Vengez-vous, punissez- moi d’un odieux amour
Digne fils du héros qui vous a donné le jour,
Délivrez l’univers d’un monstre qui vous irrite.
143
La ville, lieu de tous les possibles ?
1 Présentation de la séquence
Cette séquence s’inscrit dans le questionnement com- La séquence aborde le thème de la ville sous un angle
plémentaire du programme de 4e, « La ville, lieu de tous les différent : celui de l’anticipation, genre apprécié des élèves
possibles ? ». et traité, encore récemment, dans de nombreuses séries
L’objectif est de présenter aux élèves, à travers ce grou- télévisées et de nombreux films.
pement, un ensemble d’œuvres appartenant au genre de Son titre repose sur une contradiction : comment
l’anticipation dans une courte séquence. Les textes ont été peut-on habiter dans une ville inhabitable ? Les différentes
choisis dans la littérature récente française (Les Géants Lectures proposent d’enrichir, au fur et à mesure, la
de Jean-Marie Gustave Le Clézio, Les Loups de Prague réflexion des élèves, afin d’interroger l’objectif des littéra-
d’Olivier Paquet) ou anglo-saxonne (La Route de Cormac tures du futur.
McCarthy, Hunger Games de Suzanne Collins). On trouvera La double-page « Histoire des arts » permettra de décou-
aussi un classique du genre : 1984 de George Orwell. vrir des œuvres et des auteurs peut-être encore inconnus
Il a également été choisi de mettre la bande dessinée au des élèves, et d’observer que la thématique étudiée est
cœur de la séquence à travers le travail de Mathieu Bablet aussi source de réflexion dans la bande dessinée.
(La Belle Mort, Carbone & Silicium), Enki Bilal (Monstre), Enfin, l’« Atelier écrit » invitera les élèves à imaginer leur
Zep et Dominique Bertail (Paris 2119) et Katsuhiro Ōtomo propre dystopie. Il sera l’occasion de rassembler les
(Akira). Le film Alita : Battle Angel, dont est issu le photo- connaissances acquises dans la séquence et de mettre en
gramme choisi pour accompagner la Lecture 1, est inspiré scène leur nouveau monde.
du manga Gunnm de Yukito Kishiro.
2 Objectifs de la séquence
Il s’agira, comme le préconisent les programmes, de aux enjeux de l’époque dans laquelle il vit) et plus particu-
« montrer comment la ville inspire les écrivains » et de lièrement des dystopies. Elle doit leur permettre d’en saisir
« s’interroger sur les ambivalences des représentations toutes les significations implicites (critique des systèmes
du milieu urbain ». Nous avons ainsi choisi « d’étudier politiques, de la société, des relations entre genres, du
l’importance de la ville dans le roman d’anticipation ». rapport à l’environnement…).
La séquence ne présentant pas de repères, les élèves Ces questions sont posées dans chaque Lecture : à
pourront se référer au bilan page 225 pour mieux définir travers la description dans la Lecture 1, le récit dans la
le genre étudié. Lecture 2 et la mise en parallèle de trois extraits dans
La ville est, dans la littérature, un lieu très souvent la Lecture 3. Les élèves observeront le fonctionnement
hostile, dans lequel les personnages vont devoir surmonter de chaque monde imaginé et s’interrogeront sur le sens
des épreuves pour y trouver leur place et se construire. essentiel de chaque texte.
Mais que peut-on y devenir quand l’anticipation mène Il est régulièrement demandé aux élèves d’écrire, qu’il
cette hostilité à des degrés particulièrement élevés, incon- s’agisse de le faire à la manière d’un auteur, pour s’appro-
nus dans la vie réelle ? Et surtout, pourquoi les auteurs prier les procédés liés au genre littéraire (Lecture 1), ou
veulent-ils mettre en scène des personnages dans ces lieux d’imaginer un épisode supplémentaire au récit (Lecture 2),
dangereux, voire de désolation ? Cette réflexion doit ame- avant de créer un univers complet (Atelier écrit). La
ner les élèves à s’interroger sur l’intérêt sous-jacent de démarche est progressive, ce qui permet aux élèves
la littérature d’anticipation (mettre futur imaginaire et d’aborder le dernier exercice en ayant déjà acquis des
présent bien réel face à face pour faire réfléchir le lecteur compétences.
144
L’oral est également travaillé puisqu’il est demandé aux page « Histoire des arts » enrichira les représentations
élèves de débattre et de confronter des idées (Lecture 1 et mentales des élèves.
Lecture 2). Cela leur permettra de construire une banque Le travail en groupe crée, grâce à la coopération, une
d’idées et d’informations utile aux travaux écrits et à la mise au travail motivante pour aborder un thème plus
compréhension des textes. De la même façon, la double- difficile : l’organisation politique des villes.
3 Corrigés de la séquence
Lecture 1 La ville dystopique : compréhension ; mais, l’écoute sera aussi l’occasion d’entrer
un futur inhabitable ? > p. 216 dans le monde créé par Le Clézio et d’apprécier la beauté de
la langue.
Vos objectifs
La double-page met en regard un extrait du livre Les Géants 1
de J.-M. G. Le Clézio et un photogramme du film Alita : Ouïe Odorat Toucher Vue
Battle Angel de Robert Rodriguez. Tous deux permettent de « bruits « sentait « très dur » « métal
s’interroger sur l’image de la ville dans les dystopies et de rauques » l’odeur (l. 1) mat, sans
montrer qu’on y trouve la dénonciation implicite d’une (l. 4-5) des gaz » « La chaleur reflets »
réalité actuelle : la société de consommation et ses excès. « résonner (l. 7-8) était lourde » (l. 4)
Nous proposons de faire cette analyse en lisant et en écri- leurs souliers (l. 6)
vant une description. Cela sera l’occasion de voir comment ferrés » « il n’y avait
J.-M. G Le Clézio a construit son portrait de la ville et com- (l. 5-6) pas de vent »
ment s’approprier ses procédés d’écriture. Cela sera aussi (l. 6)
l’occasion d’écrire une description du photogramme et de « une sorte
revoir la méthode de description de l’image. de poussière
très fine
1 Les Géants dans l’air
Le texte, assez poétique et onirique, se révèle violent et (l. 8-9)
nous montre une ville-monstre aux dangers omniprésents.
2 L’auteur a voulu créer une atmosphère oppressante,
L’atmosphère se fait de plus en plus oppressante. L’auteur
étouffante et angoissante. On laissera les élèves exprimer
parvient, par les images et le rythme du texte, à immerger
leur ressenti.
le lecteur dans les dangers de la ville.
3 On relève une opposition entre « ce paysage de fer » et
AVANT DE COMMENCER On n’hésitera pas à faire écouter le « un corps de chair tendre » (l. 12). Ainsi, la vulnérabilité de
texte aux élèves. Comme il est assez long, cela facilitera la la jeune fille face à la ville est mise en avant.
146
4 On trouve le champ lexical de la violence, de la blessure 2 Alita
et de la mort : « mourir perforé » (l. 13), « carotides ouvertes » AVANT DE COMMENCER On trouve, sur YouTube, la bande-
(l. 14), « tranchants » (l. 14), « mouraient » (l. 19), « baïon- annonce du film qui permet de voir différents plans de cette
nette » (l. 21), « transpercé » (l. 22)… Les éléments métal- ville postapocalyptique. Les élèves connaissent peut-être le
liques ressemblent à des animaux, des bêtes cruelles qui manga Gunnm, fondateur, mais plus violent que le film que
attaquent les voyageurs : « La rue était hérissée de dards, nous proposons.
d’ongles et de crocs » (l. 14-15), « des sortes de guirlandes 1 La fiche méthode 5 p. 266 du manuel Mission Plumes 5e
de fer forgé terminées par des griffes » (l. 18). La lumière (publié en 2021) peut être utilisée pour rappeler comment
aussi est « féroce » (l. 15). Le décor traversé par la jeune fille décrire une image. On observe au premier plan le docteur
est entièrement hostile. Ido, que l’on identifie à son tee-shirt vert, et Alita. On
5 L’auteur commence par égrener la liste des objets qui remarque son bras semblable à celui d’un robot. C’est un
agressent et en évoque d’abord les « signes apparents » cyborg que le docteur a réparé. La ville se trouve derrière
(l. 23). Dans les lignes 23 à 25, on trouve, ainsi, une énumé- eux. On voit des habitations très resserrées et en mauvais
ration : « les paratonnerres, les flèches, les appareils à état, un mélange d’architecture ancienne et moderne, rafis-
broyer, les marteaux-piqueurs, les becs, les tessons de bou- tolée. Deux espèces de camionnettes roulent sur le côté.
teille, les poignards ». Cette figure de style se retrouve un À l’arrière-plan, un grand bâtiment aux formes plus arron-
peu après, de la ligne 25 à la ligne 29. Il s’agit maintenant dies barre la vue et empêche de voir au loin. Le tout forme
des « formes cachées » (l. 25) : « des pensées qui voulaient un ensemble désordonné et chaotique. On laissera les
tuer et briser, des mots, des musiques, des dessins qui guet- élèves exprimer leur ressenti.
taient leurs proies » (l. 28-29). Ainsi, la jeune fille doit se 2 « Iron City » signifie la « ville de fer ». Cela fait certaine-
méfier de tout. Le danger est multiple et l’entoure complè- ment référence au fait que cette ville est faite d’objets de
tement, et la figure de style contribue à créer cette sensa- récupération et qu’elle ressemble plus à une décharge qu’à
tion de péril omniprésent. un endroit réellement habitable.
3 L’exercice, tel qu’il apparaît dans l’épreuve du brevet,
Différenciation demande de faire le lien entre le texte et l’image. Ainsi, les
On indiquera le nom de la figure de style que les élèves élèves pourront commencer par le nom de la ville, « Iron
doivent chercher, si elle n’a pas été encore étudiée. Sa défi- City », qui rappelle les différentes références au métal
nition se trouve dans la rubrique « Avec du style ! ». dans le texte de Le Clézio (« des nuages de limaille micros-
6 LANGUE Les adjectifs sont « dures » et « coupantes ». copique », l. 9-10 ; « tout ce paysage de fer », l. 11-12 ; « les
pointes de métal », l. 13 ; « de guirlandes de fer forgé »,
Il s’agit de comparatifs de supériorité. On se réfèrera, au
l. 18. Les couleurs chaudes de la photographie laissent
besoin, à la leçon p. 272, et on pourra faire comparer les
penser qu’il fait chaud à Iron City. On voit de la poussière se
exemples de la carte mentale à la phrase du texte.
soulever au passage des véhicules. De la même façon, dans
À L’ÉCRIT la ville que traverse la jeune fille, « La chaleur était lourde »
Il s’agit, ici, d’écrire à la manière de l’auteur et d’inciter les (l. 6) et « Il y avait même une sorte de poussière très fine
élèves à s’approprier le style du texte. On peut laisser un dans l’air » (l. 8-9). Les deux villes sont menaçantes, inhos-
temps de travail personnel aux élèves, et leur demander pitalières et oppressantes.
ensuite de lire leurs productions à voix haute. À L’ORAL
Exemple de phrase possible : Je rentre en passant par le parc, On laissera un temps de préparation aux élèves, afin qu’ils
tout me semble menaçant : le ciel couvert, les fleurs fanées, puissent parfaire leur intervention orale. Il sera peut-être
l’herbe grillée par le soleil, et surtout les grands arbres qui nécessaire de revoir la construction du discours indirect
tendent vers moi leurs bras décharnés. pour les aider à formuler leurs phrases. Après ce temps de
préparation, chaque élève pourrait dire une phrase à voix
Pour aller plus loin
haute. Cela constituerait un temps intéressant de réinves-
On pourra demander aux élèves de poursuivre leur travail tissement de la notion grammaticale.
d’écriture avec quelques phrases supplémentaires, afin de déve- Exemple : Le docteur dit que la vie est difficile dans la ville.
lopper le texte, les champs lexicaux et les figures de style. Il explique que la ville est surpeuplée et polluée…
Textes Éléments qui décrivent la ville Dangers courus par les habitants Critères de la dystopie
1 « une colossale pyramide de béton Ce gouvernement est une dictature, Un gouvernement liberticide
blanc étincelant » (l. 2-3), sans liberté de décision et
« audacieux » (l. 3), « élégantes » d’expression. Les pensées et actions
(l. 4), « trois mille salles en surface des habitants sont surveillées.
et des ramifications correspondantes On peut imaginer qu’il existe
en sous-sol » (l. 9-10) une répression pour ceux qui
désobéissent
2 « Grandeur » (l. 4), « magnificence » Richesse excessive et trop Inégalités sociales, domination
(l. 5), « larges » (l. 6), par opposition ostentatoire, au détriment des autres par l‘argent
à la « minuscule échoppe de friandises districts du pays. Ce système est donc
du district Douze » (l. 11), « le soleil profondément inégalitaire et
inonde le salon » (l. 1), « façades maintient une partie de la population
irisées, des voitures étincelantes » dans la pauvreté
(l. 5-6), « costumes somptueux » (l. 7),
« au visage peint » (l. 8) ; couleurs
(l. 8-9) : « les roses », « les verts »,
« les jaunes »
3 Les rues, les bâtiments, et les édifices Si les habitants sont considérés Oppression et répression
sont truffés de capteurs (l. 4-6) comme nocifs, ils sont détruits
150
TOUS ENSEMBLE Leyla et Amir, orphelins de Sarajevo, dispersés aux quatre
3 À l’oral, les élèves résument en quelques phrases le
coins du monde. Ils sont nés en même temps, sous les bom-
thème du texte qu’ils ont lu et travaillé (question 1). Puis, ils bardements de Sarajevo, pendant la guerre en Yougoslavie,
relèvent les mots décrivant la ville et en déduisent l’image et cherchent à se retrouver.
qui veut en être donnée (question 2). Ils identifient ensuite Enki Bilal a une fascination pour les villes du futur dont il
les dangers que courent les habitants (question 3) avant de imagine la grandeur vieillissante et décatie. Le document
conclure sur le type de dystopie que le texte décrit. présenté est une case extraite d’une planche de Monstre,
mais comme Enki Bilal travaille chacune de ses cases comme
4 Réponse libre du groupe. Préalablement, il peut lui être
un tableau, elle peut s’étudier de façon isolée.
demandé de s’accorder sur une réponse commune, ou au
contraire de partager avec les autres groupes les désaccords 1 À gauche de l’image, nous voyons des personnages se
qui ont émergé en son sein. déplacer sur un pont en hauteur. Au-dessus d’eux passe une
rame de train ou de métro. Le trait du dessin donne une
5 Plusieurs éléments de réponse possibles : le milieu
impression de grande rapidité à ces deux mouvements.
urbain, avec son univers de tôle et de béton, peut sembler
paradoxalement plus hostile à l’être humain qu’un milieu À droite de l’image, à l’arrière-plan, se trouve un grand
naturel. Ces dystopies sont fondées sur des régimes poli- immeuble bourgeois, de style néogothique, portant
tiques spécifiques, qui siègent souvent au cœur de grands l’inscription « Hôtel Moskva » en alphabet cyrillique. Nous
centres urbains. sommes donc, peut-être, dans un Moscou futur. La neige
semble recouvrir le sol et les toits. Des voitures volantes et
Votre bilan
des piétons occupent cet espace citadin.
On attend des élèves qu’ils soient capables de comprendre
2 Les éléments futuristes sont essentiellement les véhi-
la critique faite des différents régimes dystopiques rencon-
trés dans cette double-page ; qu’ils aient perçu les dangers cules volants (voitures et trains), ainsi que la passerelle qui
que ces modes de gouvernement font planer sur leurs surplombe la rue et sur laquelle les piétons semblent se
citoyens ; qu’ils soient capables d’identifier la critique d’un déplacer à vive allure.
exercice dictatorial et liberticide, inégalitaire et répressif du 3 L’impression dégagée par ce dessin est celle d’une ville
pouvoir ; qu’ils aient saisi que la description n’est pas une fin un peu décadente, détruite et reconstruite en alliant l’ancien
en soi, mais est au service d’un message engagé plus com- et le moderne, sans réflexion architecturale préalable (ce que
plexe de l’auteur sur le fonctionnement des sociétés décrites cherche certainement à montrer Bilal, qui a vu son pays de
et, finalement, sur celui de notre propre société. naissance ravagé durant la guerre en ex-Yougoslavie.)
4 L’alliage de l’ancien et du moderne, des constructions
Pour aller plus loin
hétéroclites et juxtaposées, entretient l’impression de ville
George Orwell, dans Hommage à la Catalogne, apporte son dystopique difficile à vivre, non pensée dans son architecture.
témoignage sur la guerre civile espagnole. Il y dénonce les
5 Réponse libre des élèves. On attend cependant qu’ils la
agissements des franquistes et des staliniens, responsables
justifient. Pour les aider, on peut les amener à formuler des
à parts égales, selon lui, de la chute de la démocratie en
ressentis sur les mondes décrits, mais aussi des éléments
Espagne en 1939. Cela illustre bien l’engagement politique
d’analyse de l’image (graphisme, couleurs, etc.).
de cet auteur contre tous les totalitarismes.
6 Cette ville pourrait être qualifiée de rétrofuturiste. C’est
Passerelles d’ailleurs ainsi que l’on qualifie le style de Bilal.
Sur cette thématique, on pourra aussi se référer à la
2 Paris 2119
séquence 4 sur La Colonie de Marivaux, qui évoque la tenta-
tive de mise en place d’une nouvelle forme de gouver- Dans un Paris futuriste, où drones et machines de téléporta-
nement. Dans cette pièce de théâtre, il ne s’agit pas d’une tion sont le quotidien des habitants, un homme, Tristan,
dystopie, mais plutôt d’une utopie ratée. cherche à lutter à sa manière contre cette déshumanisation
qui éloigne les gens les uns des autres : il continue à prendre
Histoire des arts La ville dystopique le métro, par exemple. Mais, un soir, une rencontre insolite
en bande dessinée > p. 222 va l’amener à se demander ce que le gouvernement cache
aux habitants et à mener l’enquête.
L’art de la description littéraire et du dessin peuvent se
faire écho. Il semblait donc nécessaire d’inclure dans cette 1 L’extrait étudié présente deux cases. Dans la première,
séquence les représentations de la ville dans la bande dessi- Tristan, le personnage principal, marche dans la rue sous la
née d’anticipation et de science-fiction. pluie, avant d’entrer dans un monde, qui semble virtuel, où
le soleil brille.
1 Monstre Dans la seconde, le personnage déambule dans une rue
L’intégrale de Monstre contient quatre récits, qui sont eux- parisienne sous le soleil, mais des indices indiquent qu’il
mêmes des récits polyphoniques, à trois voix : celles de Nike, doit se trouver dans une réalité numérique et virtuelle car
151
l’hologramme d’un requin géant se déplace dans les airs. En 5 Réponse libre des élèves (voir ci-dessus).
arrière-plan, un couple en train de s’embrasser tient en 6 On peut qualifier cette ville d’apocalyptique, puisqu’elle
laisse un gros tamanoir, ce qui semble aussi irréel. Le texte semble survivre après une catastrophe suffisamment impor-
dit que les gens n’aiment plus sortir et préfèrent les vies tante pour avoir tout détruit.
virtuelles, ce qui laisse penser que la rue dans laquelle se
À votre tour maintenant !
promène le héros n’est pas réelle mais constituée par
On peut proposer aux élèves d’inclure, dans leur présenta-
l’assemblage des réalités virtuelles de plusieurs personnes.
tion orale, des villes futuristes de films ou de dessins animés.
2 Les éléments ajoutés par la réalité virtuelle (soleil,
En effet, de nombreux dessinateurs ont collaboré avec des
requin, tamanoir) permettent de déduire que nous sommes
cinéastes de science-fiction, pour la création de décors ou
dans une ville futuriste. de costumes futuristes (par exemple Jean-Claude Mézières
3 Ces images créent une impression de fausse réalité, pour le film de Luc Besson Le Cinquième élément).
d’illusion.
4 La première case montre que le monde réel est noir et Pour aller plus loin
pluvieux. Les habitants de cette ville, en s’enfuyant dans une Quelques BD à découvrir sur ce thème : Entre les ombres
vie numérique et alternative, se mentent donc sur la réalité d’Arnaud Boutle, L’Incal de Mœbius et Jodorowsky, Les Cités
de leur vraie vie. On peut s’interroger sur les dangers de obscures de François Schuiten et Benoît Peeters, La Ville qui
choisir de vivre une vie qui n’est pas réelle. C’est en cela que n’existait pas d’Enki Bilal et Pierre Christin, 20th Century
ce monde est dystopique. Boys de Naoki Urasawa, Gunnm de Yukito Kishiro.
5 Réponse libre des élèves (voir le corrigé de la question 5 Des univers urbains à explorer : Batman ou d’autres super-
pour Monstre, ci-dessus). héros évoluant dans des environnements citadins, comme
6 Dans ces deux cases, Paris est donc une ville numérique Superman, Dardevil ou Spider-Man.
et alternative. Des références cinématographiques : Soleil vert, Blade
Runner, Brazil, ou plus récemment Dark City, Star Wars
Pour aller plus loin épisode II, Blade Runner 2049.
L’hologramme du requin renvoie à celui que l’on trouve dans Passerelles
le film de Robert Zemeckis : Retour vers le futur 2. Une autre
On pourra confronter ces représentations de la ville au
vision d’une ville du futur déshumanisée, corrompue et vio-
travail d’Edmond Baudoin, dans la séquence 12, autour de
lente à faire découvrir aux élèves.
l’idée de solitude qui peut régner dans l’univers urbain : un
3 Akira environnement où les habitants se craignent ou se replient
sur eux-mêmes pour survivre. La ville postapocalyptique
Cette série de mangas de science-fiction, sortie il y a trente
ne serait-elle pas, finalement, une hyperbole de nos cités
ans et devenue culte, relate la vie de Tetsuo, un adolescent
actuelles, poussées à l’extrême dans leurs (dys)fonction-
livré à lui-même dans Néo-Tokyo, une ville apocalyptique
nements ?
sortie de terre après la Troisième Guerre mondiale nucléaire.
Comme beaucoup d’artistes japonais, Ōtomo est hanté par
l’apocalypse nucléaire ; c’est donc dans ce décor de ville
Atelier écrit Imaginer et décrire une ville
dévastée, corrompue, dangereuse qu’il situe son récit. dystopique… touristique > p. 224
1 La première case montre une rue vide, cabossée, comme L’objectif de cet atelier est de faire décrire une ville dysto-
si le sol s’était soulevé. À l’arrière-plan, des immeubles pique aux élèves, mais pas sous la forme d’une description
gigantesques, éventrés, aux vitres brisées, dangereusement intégrée à un récit. En effet, il s’agit de privilégier des récits
instables, certains à moitié effondrés sur les autres ; au courts dont l’assemblage créera un texte long. Ce type de
premier plan, des véhicules abandonnés. La seconde case production peut être mobilisateur pour des élèves plus
montre une bande de motards qui arrivent à toute allure. fragiles face à l’écrit.
En créant un dépliant touristique, les élèves seront amenés
2 Si ce n’est l’un des véhicules, il n’y a pas d’élément futu-
à remobiliser les éléments de description vus dans les textes
riste. Au contraire, tout est détruit.
de la séquence, ainsi que divers champs lexicaux qui leur
3 Il se dégage une impression de dévastation et de déso- sont suggérés. L’aspect comique de ce genre de production
lation, mais également de danger, à cause des immeubles (puisqu’on n’imagine pas vraiment avoir envie de passer ses
qui menacent de s’effondrer et de la bande de motards, vacances en dystopie) ne semble pas contradictoire avec le
inquiétants car arrivant en bande et à toute allure. thème. En effet, rien n’empêche de décrire avec ironie,
4 La ville étant complètement détruite, on se demande humour et décalage une ville futuriste dystopique : c’est ce
comment la société fonctionne encore : quel gouvernement, que font Luc Besson dans Le Cinquième Élément et Terry
quels commerces, quelles institutions ou entreprises ? C’est Gilliam dans Brazil. Au contraire, l’humour sert ici la
en cela que c’est une dystopie. critique. Mais, il est important de préciser aux élèves quel
152
doit être le ton de leur dépliant. plus spécifiquement étudiée. Elle s’oppose à l’utopie,
L’autre intérêt de ce travail est de proposer aux élèves étudiée dans la séquence 8 du manuel Mission Plumes 5e
d’écrire plusieurs petits textes courts, ce qui est plus acces- (publié en 2021). Afin de bien appréhender la notion, il est
sible par tous qu’un texte long et construit. L’objectif ici est demandé aux élèves d’associer une image à la définition de
avant tout lexical : que les élèves soient capables de réutili- la dystopie. Ils pourront ainsi mentionner la planche de
ser des champs lexicaux appropriés.
La Belle Mort de Mathieu Bablet, p. 215, ou encore celle
Le fait de présenter la production écrite sous forme de
d’Akira de Katsuhiro Ōtomo, p. 223.
dépliant est un moteur de motivation pour les élèves qui
« La représentation de la ville dystopique » propose de faire
apprécient de mobiliser leur créativité.
la liste des types de ville rencontrés dans la séquence :
L’étape 1 a pour objectif de projeter les élèves dans la ville
des villes réelles (Prague, p. 221 ou Paris, p. 223) comme des
qu’ils veulent décrire (on peut d’ailleurs les encourager à
villes imaginaires (Iron City, p. 217 ou le Capitole, p. 220).
s’inspirer des textes et des images de la séquence).
Pour guider les élèves dans leurs écrits, on peut les encoura- Et vous, dans tout ça ?
ger à aborder les points suivants : Pour conclure, il est demandé aux élèves de compléter leur
– les monuments historiques de la ville ; carnet de lecture. Ils doivent commencer par formuler un
– les transports ;
avis personnel en choisissant le texte qui les a le plus impres-
– les quartiers où sortir ;
sionnés et en expliquant s’ils trouvent les dystopies
– les spécialités culinaires.
effrayantes ou fascinantes. Ce travail sera l’occasion d’évo-
Les élèves doivent comprendre qu’on attend d’eux des écrits
quer le fait que l’anticipation nous présente le futur tout
décalés, utilisant des champs lexicaux péjoratifs, décrivant
en conservant de nombreuses caractéristiques du monde
des lieux repoussants et des comportements d’habitants
peu attirants. actuel. Il nous est alors facile de nous projeter et d’y voir un
futur probable et plausible ; un futur certes fascinant, mais
Différenciation aussi angoissant dès lors qu’on envisage la fin du monde tel
Si certains élèves ne parviennent pas à mobiliser leur imagi- qu’on le connaît, voire celle de l’espèce humaine. Cela peut
nation, on peut leur proposer de décrire les villes dessinées (paradoxalement) expliquer le fort engouement pour ce genre
dans les pages « Histoire des arts ». dans la littérature, le cinéma ou la télévision : en mettant en
scène nos peurs, grâce à la catharsis, nous pouvons nous
Faisons le bilan > p. 225 interroger sur nos défauts ou les risques liés aux nouvelles
Le bilan propose de définir les « littératures du futur » et de technologies, au progrès, aux abus en tous genres. Et quel
synthétiser le concept de « représentation de la ville dysto- meilleur endroit que la ville, siège de la vie moderne, pour
pique », pour que les élèves retrouvent les notions utiles mettre tout cela en scène ?
tout au long de la séquence, ainsi qu’un rappel des éléments
Escape game Genially
clés étudiés lors des différentes lectures. Il est possible de
Pour réviser tout ce qui a été dit sur les textes et les diffé-
s’y référer régulièrement comme il est envisageable de four-
rentes notions, il est possible de donner aux élèves un
nir une leçon à compléter à la fin de l’étude pour vérifier
la bonne compréhension du vocabulaire et des éléments escape game Genially. Il permet de balayer la séquence de
importants à retenir. façon ludique. Il pourra être réalisé en dehors de la classe
« Les littératures du futur » rappelle ainsi ce qu’on entend ou, pourquoi pas, lors d’une séance bilan, en salle informa-
par « science-fiction », « récit d’anticipation » et « récit tique, afin que les élèves travaillent à plusieurs et com-
postapocalyptique ». La définition de la « dystopie » est plètent leurs carnets de lecture.
153
La ville, lieu de tous les possibles ?
Le Marchand d’éponges
12 Un roman graphique de Fred Vargas
et Edmond Baudoin > p. 226
1 Présentation de la séquence
Cette dernière séquence courte sur la ville s’inscrit dans témoin du meurtre, les déambulations du commissaire
l’entrée du programme « La ville, lieu de tous les possibles ? ». dans la ville de Paris quand il réfléchit à son « affaire »,
Elle propose l’étude d’un roman graphique d’Edmond ainsi que le dénouement de l’intrigue. Le questionnement
Baudoin, adapté d’une nouvelle policière écrite par Fred proposé vise à interroger les élèves à la fois sur les textes
Vargas. Cette nouvelle se déroule au cœur de Paris. Le et sur les images ; il tente de les guider dans la construc-
commissaire Adamsberg, héros récurrent de Fred Vargas, tion du sens, à partir d’indices relevés dans les deux modes
y mène de nombreuses déambulations pour résoudre d’expression. Le questionnement récapitulatif dans la page
l’affaire dont il a la charge. La ville y est un personnage clef « Lecture intégrale » aborde à la fois la représentation de
et l’adaptation de la nouvelle en bande dessinée permet la ville, le récit policier et les spécificités du roman gra-
une étude de l’image prescrite dans les programmes. phique. L’atelier propose aux élèves de faire à leur tour le
Sont donc proposés à l’étude : le début de l’œuvre, l’inter- récit graphique d’une promenade dans une ville de leur
rogatoire par le commissaire Adamsberg du principal choix.
2 Objectifs de la séquence
L’objectif majeur de la séquence est d’étudier la repré- complexes, comme des ellipses, une variation des points
sentation d’une grande ville – ici Paris – dans une œuvre de vue ou de la chronologie du récit, ou d’autres procédés
graphique : monuments typiques, architecture et urba- identiques aux procédés romanesques.
nisme caractéristiques, ambiance et rêverie associées. Mais la séquence répond, bien sûr, également à des
Des objectifs d’analyse de l’image fixe sont aussi visés : objectifs de lecture, puisqu’il s’agit de lire un récit policier
percevoir les choix narratifs et graphiques effectués par le et d’en comprendre les caractéristiques. Cette œuvre per-
dessinateur, voir comment le découpage séquentiel parti- met ainsi de comprendre comment la ville devient un per-
cipe à la narration, comprendre la complémentarité entre sonnage à part entière dans l’intrigue policière et comment
le texte et l’image dans une bande dessinée, et réussir à les lieux dessinés participent à la construction d’une
faire des inférences entre des indices pris dans les diffé- atmosphère propice à cette intrigue.
rents modes d’expression pour construire le sens. Travailler L’atelier a pour objectif, quant à lui, de mettre les élèves
sur les codes de la bande dessinée est important car, même dans la posture de création d’Edmond Baudoin et de leur
si les élèves pensent bien connaître cet art à travers leurs permettre de construire, à leur tour, une promenade
lectures personnelles, ils sont souvent en difficulté de graphique à partir de dessins, de photos ou d’images prises
compréhension face à des romans graphiques ou des sur Internet.
bandes dessinées qui utilisent des procédés narratifs plus
154
Compétences du programme travaillées dans la séquence
155
Sitographie / Bibliographie Sur les personnes sans domicile fixe :
Sur la bande dessinée : • Anne Guibert-Lassalle, « Identités des SDF », Études
• Sur le portail du Cairn, vous trouverez le numéro 54 2006/7-8 (tome 405), p. 45-55 : https://www.cairn.info/
de la Revue Hermès (éditions du CNRS), en accès gratuit revue-etudes-2006-7-page-45.htm
et complet : https://www.cairn.info/revue-hermes-la- Podcasts
revue-2009-2.htm • Sur France Culture, découvrez un podcast consacré à
• Fred Paltani-Sargologos, Le roman graphique, une bande Edmond Baudoin : https://www.radiofrance.fr/
dessinée prescriptrice de légitimation culturelle (mémoire franceculture/podcasts/le-rayon-bd/edmond-baudoin-
de Master 2, Christian Sorrel (dir.)), 2011 : https://www. pionnier-de-l-autobiographie-dessinee-7619280
enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/56772- • Pour écouter la nouvelle de Fred Vargas Cinq francs pièce
le-roman-graphique-une-bande-dessinee-prescriptrice- dont Le Marchand d’éponges est l’adaptation :
de-legitimation-culturelle.pdf https://www.studiozef.fr/emissions/bouillon-de-
Sur le roman policier : lecture/17-fred-vargas-coule-la-seine
• Le magazine Virgule, n° 30, mai 2006, est consacré
à la question.
• Yves Reuter, Le roman policier, Armand Colin, 2007.
3 Corrigés de la séquence
159
La représentation de la ville L’enquête
1 La ville est omniprésente dans l’œuvre. On la retrouve en 5 Adamsberg commence par observer Pi et lui poser des
arrière-plan dans de nombreuses scènes et elle est repré- questions afin d’en apprendre plus sur lui (p. 15-16). Il l’in-
sentée dans de belles planches sans paroles. Les planches terroge ensuite sur les événements ; il se montre plus brus-
qui représentent la ville sont notamment aux pages 5, 6, 7, que et tutoie le témoin (p. 19). Il poursuit son interrogatoire
17, 26, 27, 31, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 50, 51. et finit par franchement s’agacer devant le refus de Pi de
2 On retrouve les rues citadines, avec les hautes façades coopérer (p. 23). Adamsberg décide alors d’emmener Pi se
des immeubles, écrasantes. On trouve aussi des décors plus promener, puis de lui offrir une chambre à l’hôtel. Il a bien
typiquement parisiens : le kiosque, le métro, les quais, etc., compris que le SDF ne céderait pas sous la pression : il doit
qui forment une espèce de carte postale. Le café (p. 42 et lui faire comprendre qu’il n’est pas contre lui.
suivantes), avec son intérieur bondé, semble convivial et 6 Pi se sent déconsidéré. Il pense qu’Adamsberg cherche
accueillant. à boucler rapidement son enquête parce que la victime
3 Le choix est laissé aux élèves. Ils doivent faire le lien est riche, importante pour les gens « d’en haut » (p. 16-18).
entre la représentation de la ville et le sens de l’histoire. Il refuse donc d’aider ceux pour qui il n’est rien (p. 22).
Peut-être choisiront-ils une des vignettes des pages 6-7 7 Adamsberg refuse de donner le nom de la victime. Pi
pour parler de Pi et du fait qu’il ne trouve pas sa place dans décide de la surnommer « 4.21 » (p. 32).
la ville, ou encore une planche des pages 38-39 pour évo- 8 Pi révèle le numéro de la plaque d’immatriculation de
quer la solitude du personnage qui déambule et réfléchit.
l’agresseur, qu’il connaît depuis le début (p. 44).
4 La ville tient une place importante dans l’ensemble du
Le roman graphique
récit ; elle est ce lieu dans lequel Pi se sent rejeté et ignoré.
1 On voit, p. 9 et p. 10 par exemple, que la forme des bulles
C’est une ville froide et imposante qui finira par porter secours
n’est pas exactement la même que quand les personnages
au personnage, grâce au mur trouvé par Adamsberg (p. 50).
parlent. La queue de la bulle est constituée de petites bulles.
5 On pense ici au « street art », à l’art urbain et à ses diffé-
2 La scène se passe pendant l’interrogatoire, au commis-
rentes manifestations : les graffitis, pochoirs, la mobilisa-
sariat. La planche montre les visages en gros plans des deux
tion éclair (flash mob) … Les artistes Banksy, Jef Aérosol ou
hommes qui discutent. Une tension et un effet de rapidité
encore JR sont peut-être déjà connus des élèves. On pourra
sont créés par l’accumulation de ces visages et des bulles qui
aussi leur montrer des images du mur de Berlin et le collage
se suivent.
de Miss.Tic, artiste décédée le 22 mai 2022, qui se trouve à
la page 176. 3 Adamsberg discute avec un émissaire du ministère.
Plutôt que de montrer les deux hommes, le dessinateur a
6 Baudoin se demande « comment “ dire ” les toits, la
fait le choix de représenter l’extérieur du bâtiment, et deux
banlieue, les rues » (p. 56), « le métal des voitures ? »
oiseaux installés sur un arbre voisin.
(p. 57), « Comment montrer qu’on peut respirer une ville ?
Et montrer qu’elle peut nous étouffer d’ennui » (p. 58). 4 Pi, lorsqu’il se remémore la scène, revoit la jeune femme
et son agresseur. La femme semble douce, elle est certaine-
7 Baudoin explique p. 58 qu’il « essaye de résoudre » et ne
ment blonde, elle porte un manteau blanc. À l’opposé, le
fait « qu’essayer ». Il n’est pas facile de dessiner la ville, il
visage grimaçant de l’agresseur laisse apparaître sa violence.
faut rendre compte de sensations, d’odeurs, d’atmosphères.
Les couleurs qui le représentent sont sombres. Les deux per-
Le récit policier sonnages s’opposent en tous points.
L’assassinat
5 La première vignette présente les personnages en pied,
1 Une femme blonde a été abattue en pleine rue. Alors c’est un plan moyen. Il permet de voir où se trouvent les
qu’elle est hospitalisée et grièvement blessée, l’inspecteur personnages et de comprendre qu’ils sortent du café. La
Adamsberg essaye de faire parler le témoin de cette tenta- deuxième vignette montre les visages en gros plan, les per-
tive de meurtre. sonnages parlent. On se concentre alors sur les expressions
2 La jeune femme portait un manteau de fourrure blanche des visages. On les observe s’éloigner dans la dernière
(p. 9). Elle occupe une fonction importante « tout là-haut, vignette. Il s’agit d’un plan d’ensemble.
pas loin du ministère de l’Intérieur » (p. 21). 6 Le roman graphique, en noir et blanc, réaliste, est réalisé
3 Pi est l’unique témoin de la scène. Il dormait dans la rue à l’encre de Chine. Edmond Baudoin joue sur les contrastes.
et sous son tas de vieux vêtements, l’assassin ne l’a pas L’ensemble peut paraître un peu « dur ». Mais c’est à l’image
remarqué (p. 11). de ce que le dessinateur veut nous montrer de la ville et de
4 Dans la première vignette, qui met en scène le moment Pi. L’ensemble prend vie et l’atmosphère sombre du récit
où le tueur tire, on remarque, au-dessus des deux person- transparaît réellement.
nages et de la voiture, une forme fantomatique, à tête de
mort, comme une faucheuse venue faire son œuvre.
160
Votre bilan Atelier écrit Faire le récit graphique
1 La ville est tout à la fois belle et terrible dans ce récit. d’une promenade > p. 235
Des décors magnifiques sont représentés, et à la fin du récit,
L’objectif de l’atelier est d’accompagner les élèves dans
la ville permettra au personnage principal d’y trouver une
une rêverie déambulatoire à la manière du commissaire
place. Cependant, elle est aussi le théâtre d’une terrible soli-
Adamsberg. Pour ne pas leur imposer de dessiner (ceux qui
tude et s’est dans un premier temps montrée hostile à Pi.
le souhaitent le peuvent, mais cela ne doit pas les mettre en
Les élèves pourront piocher dans la liste d’adjectifs propo-
difficulté dans l’exercice), il leur est demandé de choisir sur
sée pour répondre et développer leur réflexion.
internet (Google Maps par exemple) des images de rues
2 Le Marchand d’éponges est un récit policier qui raconte qu’ils connaissent et de recréer ainsi une « promenade »
l’enquête de l’inspecteur Adamsberg. C’est aussi l’histoire numérique.
de la rencontre d’Adamsberg et Pi et la découverte d’un Les différentes étapes les guident dans la construction de
personnage laissé-pour-compte qu’Adamsberg va aider. cette promenade, puis dans le choix de l’ambiance qu’ils
3 Les élèves doivent formuler un avis personnel. Au terme souhaitent créer, enfin dans la rédaction des courts textes
de l’étude, ils seront plus aptes à percevoir les liens entre le associés à chaque image.
récit et le dessin, les choix opérés pour rendre compte des
situations. Ils auront aussi compris les objectifs du dessina- Passerelles
teur, la complexité de ce qu’il veut représenter et l’adéqua- On pourra renvoyer les élèves à la double page « Histoire
tion avec la technique artistique qu’il utilise. des arts » de la séquence 11 sur « La ville dystopique en
Pour conclure, il est demandé aux élèves de compléter leur bande dessinée » (p. 222-223). Bien qu’il s’agisse de villes
carnet de lecture. Ils peuvent commencer par formuler un imaginaires, cela permet de comparer avec les élèves diffé-
avis personnel sur le roman graphique, choisir ensuite des rentes ambiances construites par le dessin.
événements qui les ont marqués. Ils peuvent aussi comparer
cette lecture avec leurs lectures personnelles et s’interroger Pour aller plus loin
sur l’intérêt de la bande dessinée. Des auteurs de bandes dessinées policières qui ont fait des
villes plus que des décors, mais des personnages indispen-
sables à leur récit : Juanjo Guarnido et Juan Diaz Canales
dans la série Blacksad, Edgar P. Jacobs dans la série Black et
Mortimer et plus particulièrement dans le tome La Marque
jaune (1956).
Des auteurs en littérature : Daniel Pennac dans La Fée
Carabine (1987), Maurice Leblanc dans Arsène Lupin (1907),
Émile Gaboriau dans Le Petit Vieux des Batignolles (1870).
161
Étude de la langue
162
Consolider l’orthographe lexicale et grammaticale
20 > Comment désigner une quantité nulle, inconnue ou imprécise ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
Les déterminants indéfinis
21 > Comment maîtriser les chaînes d’accord ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Les chaînes d’accord
22 > Comment accorder le participe passé ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
L’accord du participe passé
23 > Comment écrire un mot terminé par [e] ou [ɛ] ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Les finales en [e] ou [ɛ]
24 > Comment choisir le bon homophone ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Les homophones grammaticaux
25 > Comment former les temps simples de l’indicatif ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
Les temps simples de l’indicatif
26 > Comment identifier et utiliser les temps de l’indicatif ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
Les temps simples et composés de l’indicatif
27 > Comment utiliser le conditionnel présent et passé ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
Le conditionnel présent et passé
28 > Comment utiliser le subjonctif ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
Le subjonctif
29 > Quel temps et mode choisir dans un récit au passé ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
Les valeurs des temps dans un récit au passé
30 > Jouer pour réviser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
163
Introduction
• L’architecture globale de cette partie consacrée à l’étude de la langue est fondée sur le Programme du cycle 4
en vigueur à la rentrée 2020 (p. 21-27) accessible ici : https://eduscol.education.fr/document/621/download.
• La terminologie grammaticale utilisée est celle préconisée dans La Grammaire du français, terminologie
grammaticale de Philippe Monneret et Fabrice Poli, parue en juillet 2020, accessible ici : https://eduscol.education.fr/
document/%201872/download.
• Les fiches sont mobilisables de quatre manières : soit en lien avec des thématiques de séquences (« Je comprends
ma mission »), soit en lien avec les objectifs d’écriture ou d’oral des ateliers de fin de séquence, soit en prolongement
de l’étude des outils de la langue au sein des chapitres (cf. les titres dans les encadrés verts), soit enfin de manière
décrochée.
• Chaque double page est « scénarisée » : elle vise à acquérir des connaissances (« J’apprends la leçon ») pour
développer des compétences écrites ou orales (« J’accomplis ma mission »). La mémorisation de la leçon gagne
à s’appuyer sur la forme des cartes heuristiques que le professeur lira à haute voix et que les élèves pourront
s’approprier en les reproduisant de manière synthétique, par exemple sur https://www.mindmaps.app.
• Le parcours d’exercices « Je m’entraîne » vient étayer ces apprentissages de façon progressive : « Je relève »,
« Je manipule » et « J’approfondis ». L’autoévaluation finale peut être proposée en autonomie ; elle conduit
à trois séries d’exercices interactifs différenciés à mener en classe ou hors de la classe. Les mascottes délivrent
aussi de bons conseils, non sans une certaine malice !
Compétences travaillées
Ces activités orales se fondent directement sur quelques « exemples de situations, d’activités et d’outils pour l’élève »
proposés par le Programme du cycle 4 en vigueur à la rentrée 2020 (cf. colonne de droite).
• Comprendre et interpréter des messages et des discours oraux complexes
Programme du cycle 4 en vigueur à la rentrée 2020 (p. 14)
164
Je comprends ma mission construire une première carte mentale à main levée. Il
s’agira ensuite de réorganiser les notes prises en s’appuyant
Cette double page consacrée à l’oral de réception et de sur les 4 critères proposés : « comprendre, repérer, identifier
production propose 25 courts extraits de podcasts issus de et interpréter ». Plusieurs écoutes s’avéreront donc néces-
Radio France International, lieu d’expression libre pour des saires. La tâche finale consiste en une restitution orale du
journalistes francophones du monde entier. À l’issue de reportage : c’est un double savoir-faire réception/produc-
ce travail, on peut souhaiter que ce média de référence tion d’oral qu’il convient donc de travailler. Ce type de
devienne l’une des sources d’information des élèves. pratique (restitution d’un podcast par un élève) peut être
D’autres travaux sur l’oral durant l’année pourront aisément réitéré comme un bref rituel de début de séance lors de la
se fonder sur la qualité de ces ressources audio en évolution « semaine de la presse », par exemple.
quotidienne. Les activités visent à renforcer des compé-
tences d’attention, de méthode d’écoute et de synthèse
face à un propos oral pour en saisir le sens, la visée, parfois
Je m’entraîne
l’implicite afin d’être capable d’en rendre compte à l’oral. Au vu des objectifs précédemment cités, cette page 255 a
Cette fiche de langue en lien avec le thème du programme deux particularités : les exercices se fondent exclusivement
« Informer, s’informer, déformer » peut s’articuler aisément sur des supports audio (réception) et les réponses deman-
avec le chapitre 7, « Journalistes en herbe ! », p. 146. dées sont à effectuer exclusivement à l’oral (production).
On pourra aussi l’associer à la Fiche méthode 8, « Comment Les 24 podcasts ont été réduits à 1 minute. Cela permet de
enregistrer un podcast ? », p. 246. Les 25 reportages sélec- traiter toute cette double page en 50 minutes. On y accède
tionnés permettent d’élargir la réflexion et de libérer la via les liens hachette-clic.fr. Les pages originales RFI dont les
parole des élèves autour de nombreux sujets d’actualité liens sont repris dans les tableaux ci-dessous proposent une
à l’échelle nationale et mondiale : écologie, éducation, retranscription écrite des propos : leur consultation met en
santé, société, loisirs. Le sujet retenu ici, « la lutte contre le échec la séance car les élèves obtiennent là les réponses
cyberharcèlement », gagnera à s’accompagner d’une visite sans avoir besoin d’écouter le reportage. On peut néan-
sur la page dédiée du ministère de l’Éducation nationale : moins s’y référer une fois l’exercice accompli pour aller plus
https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement/ loin. On trouvera aussi 22 courts extraits audios complé-
faire-face-au-cyberharcelement-325385. mentaires au sein des exercices interactifs.
Différenciation Je relève
Le lien court hachette-clic.fr/22mp4197 renvoie à un 1 On convoque ici la première partie de la carte mentale :
extrait (durée 6’26) de l’« Atelier des médias » de Steven « comprendre ». Les réponses a et b seront chaque jour
Jambot publié le 15/05/2021 intitulé « Ce que Facebook, différentes puisque l’émission « 7 milliards de voisins »
Twitter et Instagram peuvent faire pour maîtriser le cyber- présentée par Emmanuelle Bastide est quasi quotidienne.
harcèlement ». On peut diriger un groupe d’élève vers l’inté- Le sommaire est accessible ici https://www.rfi.fr/fr/pod-
gralité de l’émission (durée : 32’36) accessible ici : https:// casts/7-milliards-voisins/. Bon nombre d’élèves peinent
w w w. r f i . f r / f r / p o d c a s t s / a t e l i e r- d e s - m % C 3 % A- face à ce type de recherches en ligne et d’activités de
9dias/20210515-ce-que-facebook-twitter-et-instagram- « lecture de documents numériques composites ». Les
p e u ve n t- f a i re - p o u r- m a % C 3 % A E t r i s e r- l e - c y b e - parcours dans les menus sont laborieux. On pourra convo-
rharc%C3%A8lement. Les supports pourront être écoutés quer la Fiche méthode 15, « Comment utiliser un moteur de
soit en classe entière, soit en autonomie à la maison, ou en recherche ? », p. 253. Sans un certain cadrage, cette prise
salle TICE. En classe inversée, les liens peuvent être déposés d’informations (date, titre, identité de la source) pourrait
sur le cahier de textes pour anticiper. être chronophage.
Différenciation
J’apprends la leçon On peut mener les exercices 2 et 3 sans proposer de résumé
Avant de porter cette « leçon » à la connaissance des élèves, ni de citation, mais en demandant à un groupe d’élèves de
on peut envisager au moment de l’écoute du podcast de les formuler eux-mêmes.
165
2
Extrait 1 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- c. En Italie, des bénévoles militent
hachette-clic.fr/22mp4198 europe/20210930-d%C3%A9bat-sur-la-fin-de-vie-en- pour autoriser l’euthanasie légale.
italie-mobilisation-pour-l%C3%A9galiser-l-aide-au-
suicide
Extrait 2 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- d. Internet pour tous n’est pas
hachette-clic.fr/22mp4199 europe/20210916-comment-r%C3%A9duire-la- une réalité dans le monde.
fracture-num%C3%A9rique
Extrait 3 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/recette-de- a. On peut aussi faire un bon
hachette-clic.fr/22mp4200 poche/20220113-pot-au-feu-de-poulet pot-au-feu avec du poulet.
Extrait 4 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/chronique- b. Des drones reniflent l’air
hachette-clic.fr/22mp4201 transports/20210918-des-drones-renifleurs-de- de Marseille pour mesurer
pollution la pollution.
3
Extrait 1 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- c. L’accès à l’éducation est
hachette-clic.fr/22mp4202 europe/20211001-le-long-chemin-vers-l-%C3%A9cole- insuffisant dans les pays d’accueil
des-enfants-r%C3%A9fugi%C3%A9s des réfugiés.
Extrait 2 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- d. Seul un oui est un oui.
hachette-clic.fr/22mp4203 europe/20210830-sexisme-l-europe-a-encore-des-
progr%C3%A8s-%C3%A0-faire
Extrait 3 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/7-milliards-de- b. Avec la pandémie, l’adoption
hachette-clic.fr/22mp4204 voisins/20220211-vivre-avec-des-animaux-de- d’animaux a explosé.
compagnie
Extrait 4 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/7-milliards-de- a. Maria Montessori a inspiré
hachette-clic.fr/22mp4205 voisins/20220210-qui-%C3%A9tait-vraiment-maria- des milliers d’enseignants dans
montessori le monde.
4
Extrait 1 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- esclavage, séquelles, loi
hachette-clic.fr/22mp4206 europe/20210723-sur-les-traces-de-l-esclavage
Extrait 2 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- « vélorution », vélo, ville
hachette-clic.fr/22mp4207 europe/20210721-les-villes-europ%C3%A9ennes-
%C3%A0-l-heure-de-la-v%C3%A9lorution
Extrait 3 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/alors-on-dit- développement durable, climat,
hachette-clic.fr/22mp4208 quoi/20220128-quels-impacts-des-objectifs-de- défi
d%C3%A9veloppement-durable-dans-la-vie-des-
jeunes
Extrait 4 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/7-milliards-de- réseaux sociaux, ados, piège
hachette-clic.fr/22mp4209 voisins/20211116-que-se-passe-t-il-sur-les-
r%C3%A9seaux-sociaux-des-ados
Je manipule
5
Extrait 1 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- Lutte contre la pollution de l’air,
hachette-clic.fr/22mp4210 europe/20220128-lutte-contre-la-pollution-de-l-air- de l’eau, des sols : solutions
de-l-eau-des-sols-solutions-europ%C3%A9ennes européennes.
Extrait 2 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- L’industrie du jeu vidéo explose
hachette-clic.fr/22mp4211 europe/20220127-en-europe-l-industrie-du-jeu- en Europe.
vid%C3%A9o-en-plein-boom
166
Extrait 3 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- L’Europe s’engage à faire
hachette-clic.fr/22mp4212 europe/20220111-l-europe-s-engage-%C3%A0-faire- progresser le bien-être des
progresser-le-bien-%C3%AAtre-des-animaux-d- animaux d’élevage.
%C3%A9levage
Extrait 4 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/7-milliards-de- Apprendre à faire ses devoirs seul.
hachette-clic.fr/22mp4213 voisins/20211223-apprendre-%C3%A0-faire-ses-
devoirs-seul
J’approfondis
6 On peut aussi reprendre des extraits audio des lectures du manuel, par exemple issus du chapitre 6, « Jetez-vous dans la
presse à corps perdu », p. 126 ou issus du chapitre 5, « Se confronter aux autres », p. 100
Extrait 1 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- Lutter pour le droit d’informer :
hachette-clic.fr/22mp4214 europe/20210813-lutter-pour-le-droit-d-informer informer, convaincre.
Extrait 2 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/accents-d- Sur les traces de Napoléon :
hachette-clic.fr/22mp4215 europe/20210816-sur-les-traces-de-napol%C3%A9on raconter, expliquer, informer.
Extrait 3 https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/les-pourquoi/ (France Info, Philippe Vandel) Les
hachette-clic.fr/22mp4216 les-pourquoi-pourquoi-les-ballons-de-basket-sont-ils- Pourquoi. Pourquoi les ballons de
orange_2257279.html basket sont-ils orange ? expliquer.
Extrait 4 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200626-ti-jean-et-la- DES CONTES À ÉCOUTER
hachette-clic.fr/22mp4217 diablesse Ti-Jean et la diablesse : raconter,
décrire.
7
Extrait 1 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/20201103-le-bien- implicite : le bien-être animal est
hachette-clic.fr/22mp4218 %C3%AAtre-animal-nouvel-enjeu- parfois un prétexte politique
soci%C3%A9t%C3%A9
Extrait 2 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/7-milliards-de- implicite : les inégalités d’accès
hachette-clic.fr/22mp4219 voisins/20220110-quels-sports-cartonnent-chez-les- au sport demeurent ancrées.
filles
Extrait 3 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/7-milliards-de- implicite : contrairement aux idées
hachette-clic.fr/22mp4220 voisins/20211123-les-jeunes-aiment-ils-encore- reçues, les jeunes écrivent de plus
%C3%A9crire en plus mais les supports
d’expression et les formes ont
évolué.
Extrait 4 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/7-milliards-de- implicite : la diffusion des manuels
hachette-clic.fr/22mp4221 voisins/20211029-reportage-en-guin%C3%A9e- scolaires n’est pas égalitaire à
o%C3%B9-sont-les-manuels-scolaires l’échelle mondiale.
J’accomplis ma mission
Si le temps manque en classe pour permettre à chacun un facilement la création de pages « de type RFI » et l’insertion
passage au tableau ou pour varier les restitutions indivi- d’enregistrements audios, en vue d’un éventuel partage
duelles, on peut proposer la réalisation d’un podcast en (cf. Fiche méthode 8, « Comment enregistrer un podcast ? »,
utilisant par exemple la plateforme Genially qui permet p. 246).
167
2 Comment échanger autour de ses lectures ?
S’exprimer de manière maîtrisée et adaptée face à un auditoire
Compétences travaillées
Cette double page se fonde sur quelques « exemples de situations, d’activités et d’outils pour l’élève » proposés
par le Programme du cycle 4 en vigueur à la rentrée 2020 repris ici spécifiquement dans les colonnes de droite :
• S’exprimer de façon maîtrisée en s’adressant à un auditoire Programme du cycle 4 en vigueur à la rentrée 2020 (p. 14)
Exemples de situations, d’activités et d’outils
Compétences et connaissances associées
pour l’élève
– Savoir présenter un compte rendu à l’oral. – Présentation d’une œuvre, d’un auteur.
– Savoir faire partager son point de vue sur – Formulation de réactions après lecture d’un texte,
une lecture, une œuvre, une situation. présentation d’un point de vue.
• Participer de façon constructive à des échanges oraux Programme du cycle 4 en vigueur à la rentrée 2020 (p. 14)
Exemples de situations, d’activités et d’outils
Compétences et connaissances associées
pour l’élève
– Construire des relations avec autrui dans un échange, – Échanges en classe dans des situations variées.
une conversation, une situation de recherche. – Débats variés (débats interprétatifs, débats littéraires,
– Participer à un débat, exprimer une opinion argumentée cercles de lecture, etc.).
et prendre en compte son interlocuteur. – Utilisation de sa connaissance des codes de la conversation
– Animer et arbitrer un débat. en situation publique, des usages de la politesse.
– Utilisation de sa connaissance des techniques
argumentatives.
• Exploiter les ressources expressives et créatives de la parole Programme du cycle 4 en vigueur à la rentrée 2020 (p. 15)
Exemples de situations, d’activités et d’outils
Compétences et connaissances associées
pour l’élève
– Savoir utiliser les ressources de la voix, de la respiration, – Lecture à haute voix et mémorisation de textes.
du regard, de la gestuelle, pour donner du relief à sa propre – Mise en voix et théâtralisation.
parole lors d’une prestation orale. – Exposés, comptes rendus, etc.
– Techniques associant textes, sons et images.
– Usage des technologies numériques pour enregistrer
la voix, pour associer sons, textes et images.
Je comprends ma mission
On vise ici à observer les ressorts utilisés par deux écrivains Différenciation
pour parler d’une œuvre. On cherche aussi à développer La vidéo est accessible ici hachette-clic.fr/22mp4225
des outils de communication à la fois verbale et non verbale. ou sur https://www.hachette.fr/videos/oxmo-puccino-et-
La tâche finale est un échange entre deux élèves autour de erik-orsenna-deux-tenors-jouent-au-speed-booking.
leurs lectures lors d’un temps agréable et stimulant nommé Le lien peut être déposé en amont dans le cahier de textes
speed-booking. Cette séance peut être menée à tout pour être visionné en autonomie. Le chronométrage de la
moment de l’année et réitérée suite à la lecture analytique tâche finale pourra évoluer en fonction des groupes d’élèves.
d’un extrait d’œuvre ou pour restituer une lecture cursive en
lien avec le professeur documentaliste et les pages « À vos
J’apprends la leçon
marque-pages ! » du manuel. Cette double page se situe
également à la croisée des 4 fiches méthodes suivantes : Avant d’aborder la page 256, il est conseillé de se diriger
Fiche méthode 4, p. 242, « Comment élaborer une critique directement vers l’exercice 1 p. 257 et de construire une pre-
littéraire ? » ; Fiche méthode 6, « Comment organiser un mière carte mentale à main levée à partir de la vidéo, en
débat ? », p. 244 ; Fiche méthode 7, « Comment exprimer proposant 3 critères d’observation d’Oxmo Puccino et d’Erik
ses sensations et ses émotions ? », p. 247 ; Fiche méthode 9, Orsenna : « la voix, les gestes, le propos ». Il s’agira ensuite
« Comment rédiger une argumentation et utiliser des de visionner l’extrait plusieurs fois pour compléter les notes
connecteurs logiques ? », p. 245. L’occasion peut être don- prises par chacun. On aboutira peu ou prou à la carte men-
née de faire des recherches plus approfondies sur les œuvres tale p. 256 qui servira de grille de repères pour évaluer/
de John Steinbeck dont Tortilla Flat et de Marcel Proust. autoévaluer les prestations.
168
Je m’entraîne 6
169
pour évaluer/auto évaluer les productions et pour effectuer un cadre légal sécurisé, défini par le règlement intérieur de
les ajustements nécessaires en se fondant sur la leçon de l’établissement, des enregistrements vidéo ou audio des
la page 256 qui peut servir de sous-main sur les tables. Dans prestations pourront permettre de les faire évoluer.
170
− Oui, vous devez continuer tout droit jusqu’au bout du − De rien, répliqua-t-elle, amusée par la mine intimidée de
couloir et tourner à droite, répondit la jeune fille en se tour- Théo.
nant vers Théo. − Vous, vous allez où ? s’enquit Théo timidement.
− Merci, bredouilla Théo, subjugué par le charme de son − Au terminal C, sourit-elle. Je m’appelle Aya, ajouta-t-elle
doux sourire. gentiment.
Je comprends ma mission b. métier c’est un nom, les trois autres sont des verbes.
c. élégant c’est un adjectif, les trois autres sont des noms.
Avant de lancer la mission, il est nécessaire de reprendre à d. ameublement c’est un nom, les autres sont des
l’oral avec les élèves la notion de « famille de mots » qu’ils adverbes.
ont tendance à confondre avec champ lexical, synonymes, Cet exercice invite les élèves à être observateurs sur les
antonymes, etc. terminaisons qui peuvent être trompeuses.
De même, il semble indispensable de revenir sur les notions
de préfixe / radical / suffixe et de passer par l’image concrète Je manipule
du puzzle (dé-noyaut-er). Le jeu proposé en fin d’activité
4 compromettre – appesantir – condition – apporter –
peut être réalisé avec des feuilles plastifiées pour reprendre
comparer – collatéral.
les notions en AP, demi-groupe, séance de révisions, etc.
Compétences travaillées 5 a. étrangement – b. bruyamment – c. précisément –
• Maîtriser la structure, le sens et l’orthographe des mots. d. radicalement – e. prudemment – f. vaillamment.
• Observer la morphologie des mots par leur formation : 6 illogique – irremplaçable – irréparable – illimité – inconnu –
la dérivation. imprévu – impair – improbable – inhumain – inutile – irra-
• Analyser le sens des mots. tionnel.
7 jeunesse – hauteur – dureté – compétence – hardiesse –
Je m’entraîne douceur – longueur – délicatesse – brillance – finesse –
Je relève débilité – exactitude.
1 injectable – dictée – interrogation – invisible – ventilation – 8 blanchir – scandaliser – picoter – mûrir – tyranniser –
robustesse – naviga trice – chaleureusement – rentabiliser clarifier – valser – ternir.
Vrai ou faux ? 6
a. Faux. b. Vrai. Mot générique Mots spécifiques
animal loup, chien, autruche
Je comprends ma mission métier boulanger, informaticien, professeur
Le but de cette mission est de faire comprendre aux élèves football, tennis de table, surf,
sport
athlétisme
l’intérêt d’étudier et d’enrichir leur vocabulaire afin d’obte-
nir une vraie « plus-value » dans leurs exercices d’écriture. bijou pendentif, collier, bracelet, alliance
Le professeur peut partir de différents écrits de travail 7 a. Le champ lexical présent ici est celui des sensations,
d’élèves et adapter la mission. le vocabulaire des sens : « yeux », « chaud », « respire »,
Compétences travaillées « l’odeur », « vois », « éblouissent ».
• Enrichir et structurer le lexique. b. Autres mots du même champ lexical : goût, humer, aper-
• Mettre en réseau des mots : groupement par champ cevoir, frôler, strident, etc.
lexical.
• Maîtriser leur classement par degré d’intensité
J’approfondis
et de généralité. 8 a. sympathie, affection, amour, passion − b. chagrin,
peine, tristesse, désespoir − c. irritation, exaspération,
Je m’entraîne colère, fureur − d. contentement, joie, bonheur, extase.
9 Pour décrire ce tableau, le champ lexical à utiliser est
Je relève
celui de la nature : l’eau, les fleurs (nymphéas), les feuil-
1 Champ lexical du temps présent dans le texte : « le lages, les arbres, etc.
passé », « le présent », « l’avenir », « le temps », « l’heure »,
« seconde ».
J’accomplis ma mission
2 a. chien − b. arbre − c. art − d. héros.
Cette mission consiste à faire prendre conscience aux élèves
3 Mots polysémiques : chien, dévorer, cinéma, navet, abri, que l’apport de vocabulaire est une plus-value pour une
critérium, nager, cœur. rédaction. Un paragraphe d’une dizaine de lignes suffira
4 a. le volcan − b. la littérature − c. le train − d. une île. pour la réalisation de cette mission. L’élève peut commen-
cer avec la trame proposée.
Je manipule « Le garçon, tout tremblant, poussa la porte lugubre du
5 a. Ces alpinistes ont réussi à atteindre le sommet de château. Le grincement produit par l’ouverture de la porte
l’Everest, c’est une grande fierté pour eux. − Cet acteur est lui glaça le sang. Il sentait son pouls s’accélérer et malgré lui,
au sommet de son art : il excelle dans tous les rôles. ses jambes tremblaient… »
b. Les chevaliers de la Table ronde recherchent tous le Graal.
− Pour un archéologue, le Graal est de découvrir un site
important le premier.
c. Les loups vivent en meute. − « L’homme est un loup pour
l’homme. »
d. Mon rêve est un jour de nager avec des dauphins. − Depuis
son mariage, il nage dans le bonheur.
174
8 Comment reconnaître les classes grammaticales ?
Les classes grammaticales
175
9 Comment identifier la fonction des mots ?
Les fonctions dans la phrase
Je manipule
5 Dans les phrases suivantes, recopiez les phrases puis
soulignez en bleu les épithètes et en rouge les appositions.
176
10 Quels sont les fonctions et les degrés de l’adjectif ?
Les fonctions et les degrés de l’adjectif
178
c. Thomas et toi allez au cinéma cet après-midi. 7 a. Thomas et Axelle vont au théâtre ce soir.
d. Se tromper est humain. b. Manger 5 fruits et légumes par jour est bon pour la santé.
e. La plupart des élèves ont adoré la mythologie. c. Les œuvres dont tu me parles sont vraiment magnifiques.
d. Personne n’est venu à la fête.
4 a. Ces touristes mangent des spaghettis à la bolognaise.
b. Chacun choisit ses skis avant de dévaler les pistes. J’approfondis
c. Victoire et Louis participent à la chorale du collège.
8 •• mordillait sujet : Laurie (nom propre)
d. Personne n’a réussi ce parcours de sport.
• occupaient sujet : qui (pronom relatif)
e. Peu de personnes connaissent l’existence de cette grotte.
• se rongeaient / mâchaient sujet : Les membres du
5 a. Tous les élèves viennent à la fête de samedi soir. comité de rédaction du Gordon Grapevine + • subordonnée
b. Pouvez-vous nous accompagner jusqu’à l’hôpital ? (GN)
c. Nous sommes très tristes d’apprendre cette nouvelle. • avait / hochait sujet : Alex Cooper (nom)
d. Manger est un vrai plaisir. • ressemblaient sujet : la réunion hebdomadaire du
6 a. La plupart des collégiens ont emprunté un livre pour Grapevine (GN).
le quart d’heure lecture.
b. Chaque livre a été dédicacé par l’écrivain.
J’accomplis ma mission
c. Tous les artistes ont reversé une partie de leurs gains à
des associations. L’équipe des profs a organisé une journée interclasses. La
d. Un groupe d’enfants a/ont participé au tournoi de tennis. plupart des élèves ont participé aux matchs, peu d’entre eux
(les deux sont possibles selon les mots sur lesquels on veut n’ont pas aimé. Ces épreuves nombreuses et redoutées nous
mettre l’accent). ont paru insurmontables. Chacun a apprécié la journée.
e. Beaucoup d’influenceurs font de la publicité dans leurs
publications.
179
Je manipule J’approfondis
4 a. Ce mannequin défile élégamment. 7 a. Conséquence Il est ruiné parce qu’il a perdu beau-
b. Cet élève a oublié de faire ses devoirs ; il les fait hâtive- coup d’argent au casino.
ment avant de dormir. b. Cause J’ai un rendez-vous ce soir de telle sorte que je
c. La vétérinaire s’occupe soigneusement du petit chat partirai plus tôt.
blessé. c. Cause Tu as perdu si bien que tu commenceras la
d. Le titan Cronos dévora cruellement ses enfants. nouvelle partie.
e. La jeune fille replace les pions sur l’échiquier délicate- d. Conséquence Il ne manque rien lors des festivités
ment. puisque la famille a prévu de nombreux plats.
5 a. Lorsque la nuit tombe,
b. parce qu’il était très fatigué J’accomplis ma mission
c. parce qu’elle éprouve une grande joie. Voici nos déductions : M. Martin est le voleur. Il a commis
d. afin qu’il découvre de nouvelles coutumes. son forfait au CDI grâce à la complicité du professeur de
6 a. Toute la famille regarde la télé dans le salon. technologie. Il a volé le livre en raison de sa jalousie mala-
b. Le petit garçon range ses figurines consciencieusement. dive envers son collègue de telle sorte qu’il a été renvoyé du
c. En raison de la tempête, nous ne pourrons pas nous pro- collège.
mener dans les bois demain.
d. Le coq a chanté si fort ce matin qu’il a réveillé tout le
quartier.
Je comprends ma mission
du pronom relatif dans la subordonnée.
Il est demandé aux élèves d’aider Assia dans la description • Consolider l’orthographe lexicale et grammaticale.
de son lieu de vacances en l’enrichissant avec des proposi- • Adopter des stratégies et des procédures d’écriture
tions subordonnées relatives. Les élèves de 4e ont déjà vu efficaces.
les propositions subordonnées relatives en 5e, notamment
avec l’emploi des expansions du nom. Un rappel peut être
Je m’entraîne
fait. Les élèves peuvent recopier le début de la rédaction
d’Assia tout en entourant les pronoms relatifs déjà présents. Je relève
On pourra également noter les pronoms relatifs les plus 1 Le roman que (forme simple) tu m’as offert a reçu un
courants et projeter l’image de Papeete (p. 283) au tableau prix littéraire. C’est un succès qui (forme simple) est mérité
afin de déclencher l’écriture. et dont (forme simple) tout le monde parle. C’est une his-
Compétences travaillées toire dans laquelle (forme composée) le lecteur est surpris à
• Analyser le fonctionnement de la phrase simple et chaque page. L’auteur a été souvent interviewé au moment
de la phrase complexe. où (forme simple) son livre a été publié. La précision avec
• Comprendre le fonctionnement de la proposition laquelle (forme composée) il décrit ses personnages est
subordonnée relative et identifier la fonction incroyable.
183
2 Le cinéma de mon quartier est un endroit où (antécé- b.
dent = endroit) j’adore aller et dans lequel (antécédent =
Fonction du
endroit) je me sens bien. La salle que (antécédent = salle) Pronom relatif relevé Antécédent
pronom relatif
je préfère est la plus petite. C’est là que (antécédent = là)
Maya, que je connais bien, Maya COD
j’ai vu le dernier film de mon réalisateur favori, celui dont
par ses camarades auxquels
(antécédent = réalisateur) je n’arrête pas de parler. Ses
elle est toujours prête à COI
camarades
Je manipule rendre service
une fille qui est très Fille /
3 Je vais te parler de la série que j’adore. Elle a deux saisons Sujet
sympathique Maya
qui ont chacune huit épisodes. La ville où/dans laquelle se
déroule l’histoire a été inventée par les scénaristes dont un talent dont elle m’a parlé Un talent COI
l’imagination est débordante. C’est un endroit où ont lieu Les toiles qu’elle m’a
Les toiles COD
des phénomènes inexplicables. montrées
une artiste dont les œuvres Complément
4 a. Ce groupe, qui a énormément de fans, est anglais. Une artiste
seront exposées du nom
b. Victor va au théâtre où/dans lequel ses amis l’attendent.
c. Les répétitions auxquelles nous avons consacré des mois Vers le brevet
sont finies.
d. Le spectacle dont je te parle est très apprécié. 7 Maya et Anita, que je connais bien, sont appréciées
e. Antoine que j’ai rencontré est un très bon comédien. par leurs camarades auxquels elles sont toujours prêtes à
rendre service. Ce sont des filles qui sont très sympathiques
J’approfondis et à qui on peut se confier. Elles ont aussi des talents dont
5 a. Je vais voir les amis avec lesquels je compte créer un elles m’ont parlé : elles adorent peindre. La toile qu’elles
escape game. m’ont montrée est originale et je pense qu’elles deviendront
b. Nous allons d’abord choisir un décor dans lequel nos des artistes dont les œuvres seront exposées.
personnages évolueront.
c. Ce sont des éléments essentiels auxquels nous devons J’accomplis ma mission
bien réfléchir.
Il est demandé aux élèves de compléter la description de
6 a. Maya, que je connais bien, est appréciée par ses cama- Papeete en utilisant des pronoms relatifs variés. On peut
rades auxquels elle est toujours prête à rendre service. donc leur proposer d’utiliser à la fois des pronoms relatifs de
C’est une fille qui est très sympathique et à qui on peut se forme simple et des pronoms relatifs de forme composée en
confier. Elle a aussi un talent dont elle m’a parlé : elle adore les identifiant grâce à des codes couleur. Il est envisageable
peindre. Les toiles qu’elle m’a montrées sont originales et de leur demander d’entourer l’antécédent à chaque fois.
je pense qu’elle deviendra une artiste dont les œuvres Enfin, les élèves peuvent s’aider de la carte mentale
seront exposées. page 282, mais aussi du tableau d’autoévaluation.
Je manipule
J’accomplis ma mission
3 Donner un Coup de pouce aux élèves qui en ont besoin :
lorsqu’il est employé avec l’auxiliaire être, le participe passé On pourra présenter les réponses sous forme d’un tableau.
s’accorde en genre et en nombre avec le sujet. Nous conseillons de faire distinguer au préalable les formes
Les formes passives sont surlignées : actives et passives. Les formes passives sont surlignées :
Léa et Margaux sont venues avec nous au cinéma : ensemble, les 2 premières sont identifiables à l’aide du complément
nous avons regardé un film. Jules et Lucas ont été émus d’agent introduit par par, pour la 3e on peut suggérer un
par l’histoire d’amour, tandis que Margaux n’a pas été complément d’agent : un docteur fut appelé par Mina.
touchée du tout par l’intrigue. Ensuite, nous avons tous Mina était vraiment inquiète car Lucy présentait d’étranges
mangé à la pizzeria : cette fois, les pizzas ont fait l’unani- marques rouges sur le cou : avait-elle été mordue par
mité ! Cette sortie restera gravée dans nos mémoires ! une créature pendant son sommeil ? Aurait-elle été
4 Donner un Coup de pouce aux élèves qui en ont besoin. attaquée plusieurs nuits de suite par un vampire ? Comme
Ex : Le chat mange la souris La souris est mangée par son état avait empiré, un docteur fut appelé à son che-
le chat. On rappellera qu’on peut déplacer les CC. vet mais il ne put rien faire…
a. Des livres sont lus par les élèves pendant les vacances. ACTIF PASSIF
b. Les livres seront distribués par le bibliothécaire.
Verbe Temps Verbe Temps
c. Des cadeaux nous ont été apportés par mes grands-
parents. était imparfait avait été plus-que-
présentait imparfait mordue parfait
d. Il avait été vaincu par son adversaire au dernier cham-
avait empiré plus-que- aurait été conditionnel
pionnat.
parfait attaquée passé
e. Les témoins furent interrogés par l’inspecteur de police.
put passé simple fut appelé passé simple
f. Des chocolats seront mangés à Pâques par les enfants.
186
18 Comment reconnaître la forme impersonnelle ?
La forme impersonnelle
188
Je manipule
3
4 a. La langue française s’utilise dans plusieurs pays. 6 a. a. Les gaufres se sont collées au moule lors de la cuis-
Verbe pronominal de sens passif. son.
b. Jean et Maël s’affrontent pour le sac de billes. Verbe b. Il se réveille en pleurs à cause d’un cauchemar.
pronominal réciproque. c. Les dictons s’écoutent pour rassurer les gens.
c. Yassin s’est agenouillé pour demander la main de d. La vérité parfois blessante ne se dit qu’aux vrais amis.
Charlène. Verbe essentiellement pronominal. e. Elles s’étaient réveillées en hurlant toutes les deux.
d. Jessica s’est maquillée pour sortir avec Aurélien. Verbe b. a. Passé composé − b. Présent de l’indicatif − c. Présent
pronominal réfléchi. de l’indicatif − d. Présent de l’indicatif − e. Plus-que-parfait.
e. La tablette s’utilise avec un stylet. Verbe pronominal
c. a. Complément indirect du verbe car verbe pronominal
de sens passif.
réfléchi.
J’approfondis b. Complément direct du verbe car verbe pronominal
réfléchi.
5 a. Annelise et Romain se disputent et se chamaillent.
c. Pas de fonction car verbe pronominal de sens passif.
b. L’animal se repose pendant que son petit se lave.
d. Pas de fonction car verbe pronominal de sens passif.
c. Les stylos de Magalie se sont ouverts et elle s’en aperçoit.
e. Complément direct du verbe car verbe pronominal
d. Les fruits se gâtent dans la corbeille et les mouches s’en
réfléchi.
régalent.
e. Léa s’est appliquée pour réussir son exercice alors que
Célestin s’en moque.
189
Vers le brevet Leurs yeux Verbe pronominal Complément direct
se fixent réfléchi du verbe
7 a. Les chats se regardent à travers le reflet de la vitre. Ils
se sont léchés avec soin et se sont nettoyé les babines. Les chats se Verbe pronominal Complément direct
précipitent réfléchi du verbe
Ils mordent une boule de poils coincée entre leurs coussi-
nets. Leurs yeux se fixent sur la porte d’entrée quand le bruit Ils se font Verbe pronominal Complément
de serrure retentit : leur maître est rentré. Les chats se réciproque indirect du verbe
précipitent vers lui et ils se font mutuellement la fête.
Les animaux reniflent toutes ses affaires.
J’accomplis ma mission
b. c.
Il est demandé aux élèves de raconter leur routine matinale
Fonction du et leurs habitudes en employant des verbes de construction
Verbe Construction
pronom réfléchi pronominale. Les élèves peuvent inventer si cela les met
Les chats se Verbe pronominal Complément direct mal à l’aise. La tâche écrite peut être lue à l’ensemble de
regardent réfléchi du verbe la classe en fin d’exercice. La carte mentale de la page 290
Ils se sont Verbe pronominal Complément direct pourra être utilisée comme aide. Enfin, les élèves pourront
léchés réfléchi du verbe également s’inspirer du travail sur la routine matinale
Ils se sont Verbe pronominal Complément direct d’Assia.
nettoyés réfléchi du verbe
Je m’entraîne J’approfondis
Je relève 8
1 Ce premier exercice est un rappel : il se focalise sur les a. un événement qui Chaque jeudi elle descend
articles indéfinis. Il s’agit d’anticiper une confusion possible se répète souvent en ville.
entre deux cousins proches de cette même famille des b. un proverbe ou Tout être humain a droit
indéfinis. une morale au bonheur.
a. J’ai retrouvé des photos jaunies dans un tiroir. c. une ressemblance Elle porte la même robe
b. Il manque un gardien dans une équipe. vestimentaire que Lady Gaga !
c. On met un point à la fin d’une phrase. d. un choix difficile J’hésite entre plusieurs paires
d. Ce fut un match palpitant qui se termine par une belle à faire de chaussures.
victoire inattendue.
9 J’avais loué, l’été dernier, une petite maison de
2 a. Chaque élève choisira plusieurs poèmes du même campagne au bord de la Seine, à plusieurs lieues de Paris,
auteur. et j’allais y coucher tous les soirs. Je fis, au bout de
b. On peut tout à fait reporter votre rendez-vous à n’im- quelques jours, la connaissance d’un de mes voisins. […]
porte quelle date. Un soir que nous nous promenions au bord de la Seine,
c. Une autre route est possible pour finalement arriver au je lui demandai de me raconter quelques anecdotes de
même endroit. sa vie nautique.
d. Il considère tous les monuments comme de quelconques Guy de Maupassant, Sur l’eau, 1876.
constructions. Les déterminants indéfinis indiquent l’indétermination
e. À chaque carnaval, n’importe quel anonyme endosse un des lieux, la récurrence ou la durée des actions. Sur l’eau
autre rôle. est une nouvelle fantastique : l’indétermination contribue
3 Quantité nulle : à la création du cadre narratif.
a. quelques – diverses – pas une – maintes – tout
b. chaque – certains – aucune – plusieurs – telle
J’accomplis ma mission
c. quelconque – même – différent – nul – tant de
À Rome : Certaines rues sont très étroites. Toutes les cloches
4 Quantité partielle ou vague :
sonnent en même temps. Maints monuments datent de
a. plusieurs – pas un – tous – mêmes – quelconque
l’Antiquité. Plusieurs mots d’italien ressemblent aux nôtres.
b. tant de – certains – aucune – toutes – autre
Pas une place n’est épargnée par les touristes !
c. tel – maintes – chaque – n’importe quel
5 Quantité totale :
a. aucune – chaque – autre – différents – quelconque
b. maintes – plusieurs – toutes – pas un – divers
c. quelques – nul – diverses – pas une – n’importe quelle
6 a. certaines – plusieurs – quelques – maintes expriment
une quantité partielle, sauf aucun (quantité nulle).
b. aucune – pas une – nulle expriment une quantité nulle,
sauf toute (quantité totale).
c. chaque – tous – n’importe quel expriment une quantité
totale, sauf autre (exprime une différence).
191
21 Comment maîtriser les chaînes d’accord ?
Les chaînes d’accord
Vrai ou faux ? ensemble. On insistera sur l’idée que l’accord n’est possible
que si on comprend bien le sens de la phrase.
a. Vrai.
• On lira donc tous les exemples avec les élèves en s’assu-
b. Faux : la marque du pluriel des noms est le -s ou le -x
rant qu’ils en comprennent la logique.
tandis que la marque du pluriel du verbe est la terminaison :
• On utilisera la méthode des « balles d’accord », de Danièle
-(e)nt pour la 3e personne du pluriel.
Cogis (dans Pour enseigner et apprendre l’orthographe
c. Vrai : la marque du genre n’apparaît pas pour les noms et
2005 et Comment enseigner l’orthographe aujourd’hui ?,
adjectifs épicènes : il s’agit souvent de mots terminés par un -e.
2011, Catherine Brissaud et Danièle Cogis) qui nous semble
Exemples de noms épicènes : adulte, journaliste, élève,
de loin la plus efficace pour deux raisons :
archéologue, pédiatre, secrétaire ...
– cette démarche suit l’ordre naturel de la lecture et de
Exemples d’adjectifs épicènes : fidèle, scientifique, artis-
l’écriture, de gauche à droite : les flèches vont dans un seul
tique, fragile, sévère….
sens ;
– le codage est simple à effectuer, il ne nécessite pas
Je comprends ma mission le recours aux catégories grammaticales qui sont difficiles
à acquérir pour une partie des élèves.
• On expliquera aux élèves qu’il est difficile de penser à faire
• On pourra consulter la présentation des « balles d’accord »
tous les accords en dictée comme dans chacune de leurs
proposée par Sophie Ngô-Maï (PESPE Nice) et Nathalie
productions écrites et que l’accord repose sur une bonne
Leblanc (CPD Maîtrise de la langue) dans leur diaporama
compréhension du sens du texte pour voir quels mots
« Enseigner l’orthographe » disponible en ligne : « Les mar
fonctionnent ensemble. On leur présentera la dictée comme
ques grammaticales se déposent ici comme sous l’impact
une sorte de casse-tête à résoudre, ou de Rubik’s Cube : on
d’une balle qui rebondit. » « L’outil rend visibles les relations
associe les mots comme on regroupe les couleurs.
d’accord entre les mots dans une phrase. L’élément déclen-
• Le repérage des chaînes d’accord peut se heurter à plu-
cheur de l’accord étant souvent le déterminant. »
sieurs difficultés car il nécessite de nombreuses compé-
tences :
– il faut connaître les marques de l’accord qui sont diffé- Je m’entraîne
rentes selon qu’il s’agit d’un nom, d’un verbe… Les accords Je relève
supposent une certaine maîtrise des classes grammaticales
1 Elle songeait aux grands salons vêtus de soie ancienne,
et des fonctions (déjà de la fonction sujet pour pouvoir
accorder le verbe, puis de la fonction COD pour l’accord aux meubles fins portant des bibelots inestimables,
du participe passé avec l’auxiliaire avoir…) ;
– il faut bien comprendre le sens de la phrase, de sa et aux petits salons coquets, parfumés, faits pour
construction pour identifier le mot ou groupe de mots
avec lequel se fait l’accord ; la causerie de cinq heures avec les amis les plus intimes,
– certains accords ne s’entendent pas à l’oral, ces accords-là
les hommes connus et recherchés dont toutes les femmes
sont plus souvent oubliés en dictée que les marques d’ac-
cord audibles ; envient et desirent l’attention.
– plus les mots qui fonctionnent ensemble sont éloignés,
plus l’accord a de risques d’être oublié ; Remarque : le déterminant « cinq » contient en lui-même
– une construction de phrase particulière peut déstabiliser l’idée de pluralité, il ne porte pas de marqueur orthogra-
les élèves (sujet inversé, forme interrogative, mot qui phique du pluriel.
perturbe la chaîne (adverbe, pronom relatif, complément 2 a. a. J’ai un panier de prunes mûres : ce sont les prunes
du nom). qui sont mûres, donc on accorde au féminin pluriel.
Compétences travaillées J’ai un panier de prunes rempli à ras bord : c’est le panier
• Consolider l’orthographe grammaticale. qui est rempli, donc on accorde au masculin singulier.
• Maîtriser la forme des mots en lien avec la syntaxe. b. Nos thés sont bien chauds ! Ce sont nos thés qui sont
• Connaître le fonctionnement des chaînes d’accord. chauds, donc on accorde au masculin pluriel.
Nous voudrions du jus d’orange et un chocolat chaud.
Seul le chocolat est chaud, pas le jus d’orange : accord au
J’apprends la leçon
masculin singulier.
• On insistera sur le fait que l’accord est souvent une ques- c. Ce spectacle est entièrement gratuit. C’est le spectacle
tion de logique : il faut trouver les mots qui fonctionnent qui est gratuit : masculin singulier.
192
J’ai eu des places de spectacle gratuites ! Ce sont les places le bruit du vent… Ce silence ne parvient pas à la
qui sont gratuites : féminin pluriel. rassurer : elle sent une menace planer sur elle.
d. Ils virent une maison et la trouvèrent mystérieuse. C’est b. Au masculin pluriel :
la maison qui est mystérieuse : féminin singulier. À minuit, les courageux aventuriers sont réveillés en
C’est un homme mystérieux. C’est l’homme qui est mysté- sursaut par un grincement sinistre : affolés, ils se dressent
rieux : masculin singulier. sur leurs lits, prennent leur(s) revolver(s) et appuient
b. Vrai ou faux ? Faux ! L’adjectif n’est pas toujours juste leur(s) doigt(s) sur la gâchette, ils sont prêts à tirer…
à côté du nom qu’il qualifie : on en a plusieurs exemples ici. Mais nos valeureux héros ne voient rien, ils entendent
seulement le bruit du vent… Ce silence ne parvient pas
3 Coup de pouce : on précisera aux élèves qu’il s’agit d’un
à les rassurer : ils sentent une menace planer sur eux.
jeu des 7 différences.
On veillera à la cohérence de l’accord avec le nom après
a. Jean promène son chien mais il est pressé : il doit partir
leur(s).
au travail.
b. Pierre et Jean promènent leur chien mais ils sont
J’approfondis
pressés : ils doivent partir au travail.
L’accord se fait au pluriel puisqu’il y a 2 personnes dans 8 Coup de pouce : on demandera aux élèves de bien
la phrase b. On montrera que l’accord avec un sujet au repérer les sujets des verbes conjugués.
pluriel entraîne : On rappellera en cas de besoin l’accord de tout, tous, toute,
– la terminaison -(e)nt pour les verbes ; toutes.
– la modification du pronom personnel : ils ; Elle souffrait sans cesse, se sentant née pour toutes les
– la modification du déterminant possessif : son devient leur. délicatesses et tous les luxes. Elle souffrait de la pauvreté
On pourra revoir l’orthographe du déterminant leur et expli- de son logement, de la misère des murs, de l’usure
quer la différence entre leur chien et leurs chiens. des sièges, de la laideur des étoffes. Toutes ces choses,
dont une autre femme de sa caste ne se serait même pas
Je manipule aperçue, la torturaient et l’indignaient.
4 On pourra demander aux élèves de recopier les phrases Guy de Maupassant, La Parure, 1884.
194
7 Proposition de correction : Les comédiens ont chanté restés (participe passé employé avec être, il s’accorde avec
sur une scène qui est décorée avec des vestiges de l’Anti- le sujet qui est masculin/pluriel : « de nombreux acteurs »)
quité. Les spectateurs ont admiré leur performance. À la fin, dans les mémoires : Corneille, Molière ou Racine. La tragédie
les comédiens ont eu des ovations. et la comédie sont devenues (participe passé employé
avec être, il s’accorde avec le sujet qui est féminin/pluriel :
J’accomplis ma mission la tragédie et la comédie) des genres à la mode. Elles ont
suscité (participe passé employé avec avoir et le COD est
Les auteurs du xviie siècle ont choisi (participe passé placé après. Il ne s’accorde pas avec le sujet) beaucoup
employé avec avoir et le COD est placé après. Il ne s’accorde d’engouement.
pas avec le sujet) le théâtre. De nombreux auteurs sont
Cases DÉFI
Ces cases demandent davantage de réflexion. Le délai
accordé pour la réponse sera plus long et les élèves pourront
utiliser un support papier pour rédiger un brouillon. Les
203
Réponses QUESTIONS VERTES Réponses QUESTIONS ROUGES
1 On pourra rajouter une contrainte : 3 adjectifs en lien 5 prudemment.
avec le personnage de Dracula ou avec son château. 9 Sadique, impitoyable, implacable, féroce, inhumain...
2 cruellement est un adverbe de manière. 13 Noms : Affolement, angoisse, anxiété, appréhension,
7 donc est l’intrus : c’est une conjonction de coordina- crainte, effroi, frayeur, hantise, panique, phobie, ter-
tion, le pronom relatif est dont. reur, trac, trouille…
11 Dans est une préposition. Verbes : s’affoler, angoisser, appréhender, craindre,
15 Deux synonymes d’« effrayant » : terrifiant, épouvan- effrayer, paniquer, terroriser …
table, terrible, horrible, affreux, menaçant, inquiétant, Adjectifs : affolé, angoissé, anxieux, craintif, effrayé,
redoutable... effrayé, effrayant, hanté, paniqué, phobique, terrorisé...
20 Assoiffés de sang, les vampires mordent leur victime. 18 Peut-être, sans doute, à ce qu’il paraît, sans doute,
24 Futur. probable, possible, il (me) semble que ...
28 Ses dents étaient pointues et acérées. 22 Forme impersonnelle.
33 CCT : le soir, la nuit, pendant leur sommeil... 26 Je mordrais, tu mordrais, il mordrait, nous mordrions,
CCL : au cou, dans leur lit, dans le château… vous mordriez, ils mordraient.
CCM : sauvagement, cruellement... 30 Lucy avait été mordue par Dracula.
37 L’escalier qui descend vers les cachots/ qui monte/ 35 Il eut mordu : passé antérieur, il repartit : passé simple.
dont je t’ai parlé/ que j’ai emprunté... 39 Adjectifs attributs du sujet « Dracula ».
40 Le grand / sombre/ terrifiant (adjectif) château de
Dracula (CDN) qui se situe dans les Carpates (PSR).
Réponses QUESTIONS JAUNES
3 « abominable » est un adjectif.
4 Mais ou et donc or ni car (on pourra demander de les
écrire ou de les épeler pour en vérifier l’orthographe).
8 Mots de la famille de cruel : cruellement, cruauté.
12 Un antonyme d’effrayant : rassurant, apaisant, tran-
quillisant, calmant...
17 Se laver, se lever, se coucher, s’écrier, se coiffer, se ren-
contrer, se regarder, s’inscrire, se téléphoner…
+ du champ lexical de la peur : s’évanouir, s’enfuir,
s’échapper, se méfier de...
21 Liés à la météo : pleuvoir, neiger, geler, venter, tonner,
grêler…
Autres : falloir, sembler, arriver, convenir, rester...
25 « Sortons » est conjugué à l ’impératif présent.
29 Nous sommes poursuivi(e)s par Dracula.
34 par la subordination avec « parce que ».
38 « Ses proies » = COD du verbe « hypnotiser ».
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