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JANVIER 2013
DiRECtRiCE DE la puBliCation :
Mireille RIOU-CANALS
Directrice générale de l’enseignement et de la
recherche
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire,
et de la Forêt
MinistèRE DE l’aGRiCultuRE,
DE l’aGRoaliMEntaiRE Et DE la FoRÊt
Direction Générale de l’Enseignement et de la
Recherche (DGER)
Sous direction des Politiques de Formation et
d’Éducation
Bureau de la vie scolaire, étudiante et de
l’insertion
Réseau Animation et Développement Culturel
1, ter avenue de Lowendal 75007 PARIS
École Nationale de Formation Agronomique
(ENFA)
BP 87 - 31326 CASTANET CEDEX
Responsable de la rédaction :
Claire Latil, réseau Animation et Développe-
ment Culturel
MinistèRE DE la CultuRE
Et DE la CoMMuniCation
secrétariat Général
Service de la coordination des politiques cultu-
relles et de l’innovation
Département de l’éducation et du développe-
ment artistique et culturel
182, rue Saint-Honoré - 75033 PARIS CEDEX 01
Correspondants r
diante et de l’insertion Marie-Luce CLERC BassE-noRManDiE
Co
EPL agro-environnemental du CRARC – DRAAF/SRFD LEGTA d’Avize
Tarn Legta de Bergerac 51190 AVIZE Stéphane BILLARD
Contact
Site d’Albi Domaine de la Brie Tel : 03 26 57 50 42 LEGTA de Sées
Route de Toulouse 24240 MONBAZILLAC marie-luce.clerc@educagri.fr Rue du 11 novembre 1918
81000 ALBI Tel : 05.53.24.69.37 61500 SEES
Tel : 05 63 49 43 75 martine.hauthier@educagri.fr Tel : 02.33.8.74.00
claire.latil@educagri.fr FRanChE-CoMté stephane.billard@educagri.fr
(25)
auvERGnE
Coordination alsaCE CoRsE
Dominique DEON noRD pas DE Calais
Haute-normandie
ContaCt DGER DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon
Claire LATIL Sabine DUCASTEL Cécile CLAUS DRAAF-SRFD
Correspondants régionaux
Eve LE QUANG Catherine HERITIER 2DRAAF-SRFD
rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Chargée de mission réseau Legtpa de Rouffach Francis
Lycée duBOURBIER
Bois
S/D des Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE
« animation et développement 8 aux remparts Le Solférino Chargé
Rue de la formation
du Général et des
de Gaulle
et d’Éducation 63370 LEMPDES Tel : 03 81 58 61 41
culturel » 68250 ROUFFACH 8 cours Napoléon missions
76630 ENVERMEU
Bureau dede
la vie scolaire, étudi- Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr
Ministère l’Agriculture, de Tel : 03 89 78 73 00 20176 AJACCIO Cité Adm
Tel : 02 32 BP
06505
30 40
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr
l’Agroalimentaire et de la Forêt sabine.ducastel@educagri.fr Tel : 04 95 51 86 77 59022
marion. LILLE Cédex
girat-quibel@educagri.fr
1DGER
ter, avenue de Politiques
Lowendal de ÎlE DE FRanCE
parCours Culturels
- S/D des Tel : 03 20 96 42 20
75700
FormationPARISet07 SP
d’Éducation BouRGoGnE francis.bourbier@educagri.fr
eve.lequang@educagri.fr aquitainE DRIAAF/SRFD
ChaMpaGnE-aRDEnnE pays DE la loiRE
Bureau de la vie scolaire, étu- Raphaël MORETTO 18 avenue Carnot
diante et de l’insertion Martine HAUTHIER Marie-Luce CLERC
DRAAF/SRFD Bourgogne 94234 CACHAN cédex BassE-noRManDiE
Emmanuel DEVINEAU
ContaCt EnFa
EPL agro-environnemental du CRARC – DRAAF/SRFD LEGTA d’Avize
des jeunes
22D Bld Churchill LEGTA La Roche sur Yon
Tarn Legta de Bergerac 51190 AVIZE Stéphane BILLARD
85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
Joël N. TOREAU BP 87865 lanGuEDoC-Roussillon
Site d’Albi Domaine de la Brie Tel : 03 26 57 50 42 LEGTA de Sées
Tel : 02 51 09 82 82
ENFA – BP 22687 21078 DIJON CEDEX
Route de Toulouse 24240 MONBAZILLAC marie-luce.clerc@educagri.fr
James CHAIGNEAUD Rue du 11 novembre 1918
emmanuel.devineau@educagri.fr
31326 CASTANET CEDEX Tel : 03.80.39.30.56
81000 ALBI Tel : 05.53.24.69.37 DRAAF/SRFD Montpellier 61500 SEES
raphael.moretto@educagri.fr
et CompétenCes :
Tel : 05 61 75 32 75 martine.hauthier@educagri.fr Tel : 02.33.8.74.00
Tel : 05 63 49 43 75 Place A. Chaptal
joel.toreau@educagri.fr
claire.latil@educagri.fr
piCaRDiE
stephane.billard@educagri.fr
FRanChE-CoMté
(25) ?
BREtaGnE CS 70039
auvERGnE 34060 MONTPELLIER cx 02 Odile DERAEVE
MinistèRE DE la CultuRE Et Bernard MOLINS Dominique DEON Haute-normandie
LPA de la Baie de Somme
ContaCt DGER Tel : 04 67 10 18 15
quels parCours
DE la CoMMuniCation DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon 10 rue du Quinconce
LEGTA St Jean Brévelay- james.chaigneau@educagri.fr
Eve LE QUANG Catherine HERITIER 2 rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Hennebont 80220 PERONNE cedex
Isabelle
S/D des DUFOUR-FERRY
Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE Lycée du Bois
Le Talhouët Tel : 03.22.84.73.20
Chargée de mission tourisme et
et d’Éducation 63370 LEMPDES liMousin
Tel : 03 81 58 61 41 Rue du Général de Gaulle
BP14 odile.deraeve@educagri.fr
monde
Bureau rural Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr 76630 ENVERMEU
quelles CompétenCes ?
de la vie scolaire, étudi- 56701 HENNEBONT DRAAF-SRFD
Secrétariat général
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr Tel : 02 32 06 30 40
Tel : 02.97.36.23.40 Agnès NARDOT poitou-ChaREntEs
Service de la de
1 ter, avenue coordination
Lowendal des marion. girat-quibel@educagri.fr
ÎlE DE FRanCE
Immeuble Le Pastel
parCours Culturels
bernard.molins@educagri.fr
politiques
75700 PARIS culturelles
07 SP et de BouRGoGnE Arnaud STINES
22 rue des Pénitents Blancs
l’innovation - département de
eve.lequang@educagri.fr DRIAAF/SRFD pays
LEGTADE de la loiRE
Venours
CEntRE
Raphaël MORETTO BP 39 16
l’éducation et du développe- 18 avenue Carnot RURART D150
DRAAF/SRFD Bourgogne 87039 LIMOGES cédex Emmanuel DEVINEAU
ment artistique et culturel Marie-Laure BOUTTIER 94234 CACHAN cédex 86480 ROUILLE
ContaCt EnFa Tel : 05 55 12 92 60
des jeunes
182, rue Saint-Honoré 22D Bld Churchill LEGTA La Roche sur Yon
EPL Tours Fondettes Tel : 05 49 43 62 59
75001
Joël N.PARIS
TOREAU BP 87865 85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
La Plaine lanGuEDoC-Roussillon arnaud.stines@educagri.fr
Tel
ENFA: 01– 40
BP 15 78 58
22687 21078 DIJON CEDEX loRRainE Tel : 02 51 09 82 82
37230 FONDETTES James CHAIGNEAUD
isabelle. dufour-ferry@culture.
31326 CASTANET CEDEX Tel : 03.80.39.30.56 emmanuel.devineau@educagri.fr
Tel : 02.47.42.01.06 Sophie CABANAC pRovEnCE alpEs
raphael.moretto@educagri.fr DRAAF/SRFD Montpellier
et CompétenCes :
Tel : 05 61 75 32 75
gouv.fr marie-laure.bouttier@educagri.fr Franck DUPONT
joel.toreau@educagri.fr Place A. Chaptal
Legta de Courcelles-Chaussy CôtEs D’azuR
piCaRDiE
BREtaGnE CS 70039
1, avenue d’Urville Agnès DECHY
Odile DERAEVE
34060 MONTPELLIER cx 02
MinistèRE DE la CultuRE Et Bernard MOLINS 57530 COURCELLES CHAUSSY DRAAF/SRFD
LPA de la Baie de Somme
Tel : 04 67 10 18 15
quels parCours ?
DE la CoMMuniCation LEGTA St Jean Brévelay- Tel : 03 87 64 00 17 Les bureaux
10 rue de Marveyre
du Quinconce
james.chaigneau@educagri.fr
Hennebont sophie.cabanac@educagri.fr 10 Bld Ralli
80220 PERONNE cedex
Isabelle DUFOUR-FERRY franck.dupont@educagri.fr 13008 MARSEILLE
Le Talhouët Tel : 03.22.84.73.20
Chargée de mission tourisme et liMousin Tel : 04 91 23 08 77
BP14 odile.deraeve@educagri.fr
monde rural agnès.dechy@educagri.fr
quelles CompétenCes ?
56701 HENNEBONT MiDi-pyRénéEs
DRAAF-SRFD
Secrétariat général
Tel : 02.97.36.23.40 Agnès NARDOT poitou-ChaREntEs
Service de la coordination des Géraldine JANER
politiques culturelles et de
bernard.molins@educagri.fr Immeuble Le Pastel
EPL agro-environnemental du RhônE-alpEs
22 rue des Pénitents Blancs Arnaud STINES
l’innovation - département de Tarn Denise
LEGTA de MENU
Venours
CEntRE BP 39 16
l’éducation et du développe- Site d’Albi DRAAF
RURARTCité administrative
D150
87039 LIMOGES cédex
ment artistique et culturel Marie-Laure BOUTTIER Route de Toulouse de la Part-Dieu
86480 ROUILLE
Tel : 05 55 12 92 60
182, rue Saint-Honoré EPL Tours Fondettes 81000 ALBI 165
Tel :rue Garibaldi
05 49 BP 3202
43 62 59
75001 PARIS La Plaine Tel : 05.63.49.43.70 69401 LYON CEDEX 03
arnaud.stines@educagri.fr
Tel : 01 40 15 78 58 loRRainE
geraldine.janer@educagri.fr Tel : 04 78 63 34 43
La revue Champs culturels est distribuée dans tous 37230 lesFONDETTES
établissements. Elle
isabelle. dufour-ferry@culture. Tel : 02.47.42.01.06 Sophie CABANAC denise.menu@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics. pRovEnCE alpEs
gouv.fr
Elle marie-laure.bouttier@educagri.fr
est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJSCS, les mis- Franck DUPONT
Legta de Courcelles-Chaussy CôtEs D’azuR
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement. 1, avenue d’Urville Agnès DECHY
57530 COURCELLES CHAUSSY DRAAF/SRFD
http://escales.enfa.fr Tel : 03 87 64 00 17 Les bureaux de Marveyre
le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels sophie.cabanac@educagri.fr 10 Bld Ralli
est aussi disponible en ligne. franck.dupont@educagri.fr 13008 MARSEILLE
Tel : 04 91 23 08 77
MiDi-pyRénéEs agnès.dechy@educagri.fr
Géraldine JANER
EPL agro-environnemental du RhônE-alpEs
BAT-CC25-couverture.indd 2 7/01/13 16:10:54
Tarn Denise MENU
Site d’Albi DRAAF Cité administrative
Route de Toulouse de la Part-Dieu
81000 ALBI 165 rue Garibaldi BP 3202
Tel : 05.63.49.43.70 69401 LYON CEDEX 03
geraldine.janer@educagri.fr Tel : 04 78 63 34 43
La revue Champs culturels est distribuée dans tous les établissements. Elle
denise.menu@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics.
Elle est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJSCS, les mis-
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement.
http://escales.enfa.fr
le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels
est aussi disponible en ligne.
sommaire
p.03 Editorial
éditorial
///////////////////////////////////////////////////////////// Suite à la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation pro-
fessionnelle tout au long de la vie, un appel à projet a été lancé par le Haut Commis-
sariat à la jeunesse dans le cadre du fonds d’expérimentation pour la jeunesse, en
direction des établissements volontaires du premier et second degré.
Cet appel à projet proposait d’expérimenter, pour les établissements engagés,
une démarche éducative visant à valoriser les compétences des jeunes qu’elles
soient acquises dans le cadre de l’éducation formelle, au-delà des acquis disciplinai-
res, ou hors de ce cadre lors d’activités et/ou d’engagements dans le milieu associa-
tif, privé ou dans le milieu professionnel.
Le cahier des charges de l’expérimentation précisait que les parcours de tous les
jeunes devaient être valorisés, y compris ceux de jeunes qui ne développent pas, ou
Directrice de la publication : très peu, d’activités hors du cadre de l’école.
Mireille Riou-Canals Par ailleurs, cette expérimentation avait également pour objet de travailler les
Directrice générale de l’enseignement liens qu’entretiennent les établissements scolaires avec les différents acteurs de
et de la recherche leur territoire, notamment les associations de jeunesse et d’éducation populaire
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire, impliquées dans le soutien à l’engagement et aux initiatives des jeunes.
et de la Forêt
Commencée le 1er septembre 2010, l’expérimentation s’est achevée le 30 juin
2012 dans les 166 établissements expérimentateurs dont 26 relevant du ministère
Ministère de l’Agriculture,
chargé de l’agriculture.
de l’Agroalimentaire et de la Forêt
Ce 25ème numéro de Champs Culturels ne vise pas le compte-rendu exhaustif
DIRECTIon GénéRALE DE L’EnSEIGnEMEnT
des expérimentations conduites. Il propose d’apporter quelques éléments de ré-
ET DE LA RECHERCHE (DGER)
flexion indiquant combien cette question des compétences des jeunes réinterroge,
Sous direction des Politiques de Formation
pour partie, le système éducatif et son organisation.
et d’éducation
Bureau de la vie scolaire, étudiante et de l’insertion Dans un deuxième temps, il fait part de témoignages croisés de différents ac-
Réseau Animation et Développement Culturel teurs, enseignants, animateurs, responsables d’établissement, chargés d’études etc.
1, ter avenue de Lowendal 75007 PARIS engagés dans des projets à visée socioculturelle, dans le cadre ou hors du cadre des
établissements expérimentateurs.
école nationale de Formation Agronomique (EnFA)
Au-delà de la complexité de la notion de compétence appliquée au champ so-
BP 87 - 31326 Castanet Cedex
cioculturel, ces témoignages évoquent l’articulation de cette démarche avec celle
d’un parcours culturel, proposent des outils, et mentionnent plus généralement, la
Responsable de la rédaction
nécessaire vigilance de chaque acteur aux conditions de valorisation réelle des par-
Claire Latil cours des jeunes.
Réseau Animation et Développement Culturel
Ministère de la Culture
Pour le comité de rédaction,
et de la Communication
Claire LATIL,
SECRéTARIAT GénéRAL
Animatrice du réseau national « Animation & développement culturel »
Service de la coordination des politiques culturelles
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
et de l’innovation Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche
Département de l’éducation et du développement Bureau de la vie scolaire, étudiante et de l’insertion
artistique et culturel
182, rue Saint-Honoré 75033 PARIS Cedex 01
Impression :
Midi Pyrénées Impression - Toulouse
Tirage : 4500 exemplaires
n°ISSn : 1253-0352
Compétences :
regards
croisés
p.05 Questions de compétences et autres
réflexions sur l’école
Alain BOLLON
p.09 La compétence professionnelle dans les
dispositifs de formation agricole : une
histoire qui se raconte par la situation
de travail
Éric GILLY
comPétences : regards croisés 5
Questions de compétences
et autres réflexions sur
l’école
Alain Bollon
Expert en évaluation des systèmes éducatifs auprès de l’UNESCO. Ancien enseignant à l’université P. Mendès-France, Grenoble, en
Master 2 Sciences de l’éducation spécialité Ingénierie de la Formation.
Champs Culturels : Comment définir une compétence. systèmes éducatifs, nous rencontrons
compétence quand on travaille en mi- des organisations scolaires très différen-
Comment ? En mobilisant les grandes
lieu scolaire ? tes de par le monde : Syrie, Libye, Liban,
capacités (structuration cognitive) qui,
Pérou etc.
Alain Bollon : En premier lieu il faut elles, perdurent et permettent de re-
indiquer que travailler sur les compé- construire des compétences en fonction Le système occidental de l’école,
tences à l’école c’est aborder un espace d’une nouvelle situation. particulièrement le système français,
de réflexion nouveau, c’est questionner ne permet pas de comprendre l’organi-
Le vrai enjeu éducatif devrait être cen-
l’espace traditionnel de l’école. sation d’une éducation informelle (1) , par
tré sur le développement des capacités.
exemple chez les Touaregs.
La question de la définition d’une
Le terme de compétence vient du la-
compétence est problématique, mais Au regard de nos or-
tin cum petere qui signifie
travaillant pour l’UnESCo sur l’évalua- ganisations scolaires, il
tion des systèmes éducatifs nous avons
porter en soi les ressour- On pourrait dire n’y pas d’école chez les
ces qui permettent de se que la compétence
été obligés d’aboutir à un compromis Touaregs, pourtant ils dé-
comprendre soi-même et c’est la forme provi-
car il n’était pas envisageable d’avoir 195 tiennent de nombreuses
d’agir dans le monde.
définitions correspondant aux 195 états soire actuelle de la compétences : vivre dans
membres. on pourrait dire que maîtrise de certains un milieu difficile, trouver
on peut donc dire qu’une compétence
la compétence c’est la apprentissages. les ressources en eau, se
forme provisoire actuelle nourrir, se déplacer etc.
est la mobilisation d’une ou plusieurs ca-
de la maîtrise de certains
pacités (sélectionner des informations, De la même manière, pour le Minis-
apprentissages.
structurer sa pensée…) pour agir dans tère du travail cette fois, l’approche par
une situation qui présente un enjeu. La bataille autour du terme est sans compétences est très utile pour travailler
fin ; le débat s’oriente notamment avec les personnes en très grande diffi-
Être compétent, c’est mobiliser ses
autour de l’origine mana- culté. Faire émerger leurs compétences
ressources (savoir, savoir-
gériale supposée du ter- – car toutes en ont – c’est la première
faire, savoir social) pour Être compétent,
me de compétence. C’est étape de la (re-) construction d’un projet
agir dans une situation c’est mobiliser ses personnel de développement.
une vision largement
qui fait sens pour soi. La ressources (savoir, réductrice et dépassée :
connaissance reste la pier- savoir-faire, savoir Tout l’enjeu de l’accompagnement
pourquoi cette approche
re angulaire de la compé- social) pour agir dans serait-elle réservée à une de ces personnes en grande difficulté
tence. Mais la connaissan- une situation qui fait est précisément de les aider à expliciter
sphère économique ?
ce seule n’amène rien. Elle leurs compétences.
sens pour soi.
doit s’exercer en situation Cette acception existe
pour devenir une compo- dans le monde de l’entre-
sante de compétence. prise, mais ce n’est pas cette approche
(1) L’éducation formelle se fait dans l’école, l’édu-
qui nous occupe.
C’est bien pour cela que toute com- cation non formelle, hors école dans des contex-
tes organisés pour apprendre, et l’éducation
pétence est « mortelle » : si je change la nous utilisons la notion de compé- informelle, partout ailleurs sans l’infrastructure
situation, alors je dois reconstruire ma tence car dans notre travail d’expert en de l’école.
6 comPétences : regards croisés
De manière plus générale, toute per- attendu et à un état initial c’est casser le sens.
sonne qui traverse un dispositif d’éduca- • analyser les adéquations, les inadé-
Champs Culturels : L’évaluation telle
tion, de formation, d’accompagnement quations pour fonder un jugement
que vous la définissez s’entend comme
devrait en sortir avec trois outils : de valeur
un processus qui s’exerce tout un long
• un portefeuille de compétences (ce • prendre une décision pédagogique
d’un parcours d’apprentissage avec un
que je sais faire)
Ce qui compte réellement dans l’ac- jeune. Se pose alors la question de l’ac-
• un portfolio de ses grandes capa-
compagnement d’un jeune (et d’un adul- compagnement et de l’accompagnant.
cités : ce sont les
te aussi) ce n’est pas Comment accompagner correctement
structurations cogni-
tives, ce qu’il y a der-
Les connaissances se tant la maîtrise finale un jeune dans une explicitation de ses
rière une compétence contrôlent. (…). Effec- du processus mais bien compétences (en cours ou acquises) ?
tivement ce sont des la trajectoire : l’ensei-
(comment je sais Alain Bollon : La question de l’ac-
objets contrôlables (…). gnant aide le jeune à
faire ce que fais) compagnement est intéressante car
lire sa trajectoire et
• un projet personnel On dit bien « contrôle elle interroge la posture de l’accompa-
pour cela, à partir de
de développement de connaissances ». l’hypothèse de réussite
gnant et plus généralement la relation
(qu’est ce que je veux Une compétence ne (objectif), il faut expli-
accompagnant-accompagné.
faire de ce que je sais se contrôle pas, elle citer l’état de départ Il y a toute une littérature sur cette
faire, comment je me s’évalue (positionnement, dia- question. Plusieurs dispositifs existent,
projette).
gnostic…) et regarder ils sont variables selon les systèmes édu-
les traces successives. catifs à l’œuvre.
Champs Culturels : Les enseignants qui
C’est ainsi que se construit l’auto- Pour aller vite, nous pouvons dire que
travaillent sur la question des com-
nomie. La fonction du contrôle c’est l’accompagnateur est celui « qui aide
pétences à l’école s’interrogent sur
la référence à une norme, la fonction l’autre à faire », le tuteur est davantage
l’évaluation. Comment évaluer une
de l’évaluation c’est la référence à une « celui qui redresse », le moniteur ou le
compétence ?
valeur. Donc évaluer les compétences : guide (assez fréquent dans le système
Alain Bollon : La question de l’évalua- c’est faire sortir la valeur, la plus value Belge) est « celui qui montre », le parrai-
tion est primordiale, elle est assez dés- apportée par l’acte éducatif. nage implique davantage la conformité,
tabilisante parfois car elle ré-interroge le compagnonnage suggère la filiation,
Sans évaluation pédagogique en dé-
tout notre système éducatif. le coaching s’inscrit davantage dans un
but de parcours et en fin de parcours,
système néo-libéral et vise l’excellence.
Ce dernier est construit sur la on fait du contrôle pas de
conformité à la norme, sur le contrôle, l’évaluation. De tous ces dis-
De tous ces dispositifs,
sur la note. on dit bien « contrôle de positifs, l’accompa-
connaissances ».
L’évaluation s’exerce l’accompagnement re- gnement requiert la
sur des objets dynami- quiert la posture la plus posture la plus intéres-
Les connaissances se contrôlent. ques, en construction, intéressante : la pa- sante : la parité, l’éga-
Effectivement ce sont des objets complexes (projet d’éta- rité, l’égalité provisoire lité provisoire entre
contrôlables à condition qu’il n’y ait pas blissement, compéten-
entre les deux parties les deux parties pre-
méprise entre l’élève et le maître sur le ces…), le contrôle sur des
objets « mesurables » (ex :
prenantes. L’objectif est nantes. L’objectif est la
« contrôle ». Malheureusement très sou-
vent on observe que l’enseignant ne fait les connaissances). la réussite de l’accom- réussite de l’accompa-
pas un contrôle de connaissances mais pagné, la finalité est gné, la finalité est son
Enfin, pour évaluer son émancipation. émancipation.
un contrôle de compréhension. Pour y
une compétence on doit
répondre avec succès il faudrait avoir on peut penser ici
définir des critères (des
vécu des situations de compréhension à toutes les pédagogies par le projet, de
qualités construites à partir des valeurs)
dans la classe et pas seulement une Piaget(2) à Freinet en passant par Maria
qui sont abstraits qui s’incarnent dans
transmission de connaissances. C’est un Montessori qui écrit « Apprends-moi à
des informations qui s’appellent des
des leviers qui peut expliquer certains faire tout seul », au fronton de son école.
indicateurs.
échecs d’élèves, ceux qui n’ont pas la
Ce que l’on vise dans un processus
chance d’avoir appris le métier d’élève Attention quand même aux dérives, il
d’accompagnement c’est aider le jeune
(voir les travaux de F. Dubet). faut garder du contrôle qui a sa justifica-
ou l’adulte à comprendre pourquoi il
tion, mais pas exagérément sinon le sys-
Une compétence ne se contrôle pas, réussit ou échoue, c’est-à-dire à lire une
tème implose : de l’extérieur, il semble
elle s’évalue. trajectoire et à gagner de l’autonomie.
fonctionner mais il est immobile à l’in-
évaluer, en pédagogie, c’est : térieur. De même qu’il faut être vigilant
• comparer un état terminal à un état sur l’excès d’évaluation : trop évaluer (2) Réussir et comprendre, Jean Piaget, PUF, 1974
comPétences : regards croisés 7
C’est tout l’enjeu d’une biographie Bourdieu (4) a montré les limites de la vi- Dans notre système cartésien, le
cognitive : comment je sais ce que je sée émancipatrice de l’école telle qu’elle fonctionnement même du système a
sais ? C’est également l’enjeu des entre- fonctionne. dévoré le sens. on ne se rappelle plus
tiens d’explicitations, voire de l’auto- que l’école est faite pour que les enfants
notre civilisation gréco-latine fait de
accompagnement. (3) se passent de l’école.
notre système éducatif une machine à
Un autre point important de l’accom- reproduire (le savoir disciplinaire est le Il faut revenir à Socrate, Montaigne,
pagnement réside dans l’implication sésame absolu, il fonde la mission de Rousseau, et aujourd’hui à P. Meirieu, M.
de l’accompagnant. Ce dernier doit être l’école). Serres, E. Morin l’analyseur de la pensée
engagé dans la réussite de celui ou celle complexe, pour retrouver
notre école est fon-
qu’il accompagne. un sens à l’école et par là
dée sur la re-produc- On ne se rappelle plus même une organisation
Finalement, la question à se poser tion et le contrôle : je que l’école est faite scolaire et pédagogique
est : « Comment permet-on à un jeune reproduis ce qui a été pour que les enfants se pertinente.
ou à un adulte d’expliciter ce dont il produit avant. passent de l’école.
est porteur ou ce qu’il est en train de
nous sommes dans
construire pour pouvoir transformer
une culture cartésienne qui considère le Champs Culturels : quelle crise vit l’école
ses acquis en compétences dans un
savoir comme quelque chose de compli- selon vous ?
contexte précis, quand il en aura besoin
qué et donc appréhendable à condition
ailleurs ». Alain Bollon : L’école d’aujourd’hui
d’être découpé par morceaux : cela
doit gérer au moins trois apories, (c’est-
s’appelle un programme (pro-gramme :
à-dire deux réalités contradictoires et
ce qui est écrit d’avance), et l’élève va
Champs Culturels : Ce travail implique insolubles )
devoir maîtriser tous les morceaux de ce
tant chez les jeunes que chez les adultes
savoir jusqu’à la fin de son parcours. Première aPorie : réussite-
de nouvelles manières d’envisager la
relation à l’apprentissage. L’école doit- La difficulté survient lorsque l’on ne échec
elle se transformer ? maîtrise pas un des morceaux : il faut
Faite pour réussir, l’école fait aussi
alors tout recommencer, cela peut aller
Alain Bollon : oui l’école doit se trans- échouer. on peut annoncer 80 % de
jusqu’au redoublement.
former, je dirai même se refonder, et non réussite au baccalauréat mais ce chiffre
se réformer, car re-former c’est changer Le redoublement est catastrophique ; est un taux de rendement et non un
la forme. or changer la forme c’est ce nous le savons depuis de nombreuses indicateur de réussite des élèves. Arrivés
que nous faisons en empilant les dispo- années. Il ne sert qu’à une personne sur en université, 1/3 d’entre eux ne passe-
sitifs depuis des années. Ces dispositifs 19. Pour les 18 autres il est inefficace et ront pas en deuxième année.
tuent l’école. Pour nous, spécialistes, le nocif car il dégrade l’estime d’eux-mê-
surcroît de dispositifs est même le signe mes des apprenants.
d’un système éducatif en souffrance. Deuxième aPorie : l’esPace et
Tous les pays nordiques (par exem- temPs
notre système aujourd’hui est en ple) ont supprimé le redoublement et
tension, il est au cœur d’un paradoxe ont concentré les moyens (y compris L’école est un lieu d’apprentissages.
majeur : l’école est faite pour émanciper, économiques car le redoublement coûte mais elle n’est pas le seul espace.
elle passe son temps à conformer. P. cher) sur la formation aux pédagogies
on ne se construit pas qu’à l’école,
différenciées.
on n’apprend pas qu’à l’école, le livret
expérimental de compétences nous le
confirme. Les jeunes arrivent à l’école
avec des compétences et des capacités.
(4) La Reproduction. éléments pour une théorie du
(3) L’entretien d’explicitation, Pierre Vermersch, ESF système d’enseignement Pierre Bourdieu, Jean-
Comment se fait-il que l’école ne prend
éditeur, septembre 2011 Claude Passeron Editions de Minuit, 1970. pas cela en compte ?
8 comPétences : regards croisés
120 000 jeunes quittent le système modèle cartésien qui vise les contenus,
Pour un DéveloPPement
éducatif sans qualification tous les ans. sans se préoccuper suffisamment du
Que deviennent ces jeunes ? Pour la sens de ces contenus hors de l’école.
Plus comPlet Du sujet :
plupart ils vont réintégrer des dispositifs Voir les trois conférences don-
nous savons qu’une compétence
de formation continue ou autres dans nées par Alain Bollon en Lorraine
n’existe pas sans les
lesquels ils vont se en décembre 2011, février 2012 et
Nous savons qu’une connaissances, pourquoi
reconstruire des com- avril 2012 à l’invitation de la Direc-
avons-nous séparé les
pétences, en dehors de compétence n’existe tion régionale de la jeunesse, des
deux ?
l’école. pas sans les connais- sports et de la cohésion sociale
Un jeune doit 40 %
sances, pourquoi Si je sors de l’école dans le cadre de l’expérimen-
de la totalité de ses avons-nous séparé les avec des connaissances tation portant sur le livret de
acquis à l’école quand deux ? pures, j’aurai beaucoup compétences.
de difficultés à m’intégrer http://www.lorraine.drjscs.gouv.
il en sort.
aujourd’hui ; si je sors de fr/Cycle-de-conferences-debats.
La question du temps est un enjeu l’école avec des techniques maîtrisées, html
majeur au sein de l’école. Aujourd’hui, le jour où les techniques évoluent je suis
elle est en partie figée : les heures de exclu ; si je quitte l’école convaincu par
cours sont découpées dans des emplois de grandes idées, sans avoir éprouvé le
du temps et calées sur 60 minutes, les réel, ça ne me suffira pas non plus. BiBliograPhie
apprentissages doivent être validés en
J’ai donc besoin, a minima, d’articuler comPlémentaire :
un temps record.
ces composantes-clés pour les actualiser
Question : combien de temps néces- provisoirement dans une situation signi- • CHARLIER, E. (2012). Accompa-
site réellement tel ou tel apprentissage ? ficative, pour être compétent. gner : un agir professionnel. De
nous savons que l’heure de cours n’est Boeck
Le modèle éducatif est en tension : • DE VECCHI, G. (2011). évaluer sans
pas une unité opérante : sur une heure,
pendant que le modèle cartésien dévaluer. Hachette éducation
sept minutes seule-
perdure, d’autres, plus • HADJI, C. (2012). Faut-il avoir peur
ment sont efficaces. Comment organiser complexes, comme les de l’évaluation ? De Boeck
Comment organiser l’école pour sortir de ce pilotages partagés des • PERRAUDEAU, M. (2006). Les
l’école pour sortir de ce schéma quasi taylorien changements, émergent stratégies d’apprentissage - Com-
schéma quasi taylorien qui découpe le temps dans les démarches ment accompagner les élèves.
qui découpe le temps et les tâches, pour inté- de projets, d’évalua- Armand Colin
et les tâches, pour in- grer un espace qui a du tions, de compétences, • PIAGET, J. (1974). Réussir et com-
tégrer un espace qui a de différenciations, prendre. PUF
sens pour le jeune ?
du sens pour le jeune ? d’accompagnement… • PIAGET, J. (1974). La prise de
conscience. PUF
Cette tension se répercute dans le
• RAYnAL, F., RIEUnIER, A. (2007).
corps enseignant qui vit une crise de son
Pédagogie : dictionnaire des
troisième aPorie : le collectif identité professionnelle très importante
concepts clés. ESF éditeur
et l’inDiviDuel avec des difficultés et des souffrances
• ZAKHARTCHoUK, J-M., HATEM, R.
graves.
Accompagner un jeune ou un adulte (2009). Travail par compétences
dans un parcours de formation, c’est le Il faut avoir le courage de s’y prendre et socle commun. CRDP de l’Aca-
faire naître à lui-même, c’est lui donner autrement. démie d’Amiens
les moyens d’apprendre tout seul, c’est le • VERMESCH P.(2011) L’entretien
rendre autonome. Et en même temps cet d’explicitation. ESF éditeur
accompagnement doit être socialisé car • BoURDIEU. P, PASSERon JC
il vise l’intégration dans un collectif. (1970). La Reproduction. élé-
ments pour une théorie du sys-
L’école doit aujourd’hui trouver tème d’enseignement. Editions
d’autres solutions pour remplir la mis- de Minuit.
sion fondamentale qui est la sienne, • MEIRIEU, P (2010). Apprendre…
c’est-à-dire émanciper les jeunes qu’on oui, mais comment. ESF éditeur
lui confie. notre modèle éducatif est en • SERRES, M (1991). Le Tiers-Ins-
tension mais nous ne sommes pas les truit. Paris, Gallimard, collection
seuls. Dans beaucoup de pays l’école est Folio.
en crise. • MoRIn, E (1990) Introduction à la
En France nous avons adopté le pensée complexe, le Seuil.
comPétences : regards croisés 9
La compétence
professionnelle dans
les dispositifs de formation
agricole : Une « histoire »
qui se raconte par
la situation de travail
Éric Gilly
Ingénieur d’étude, Institut Eduter, Agrosup Dijon – Éducation et développement professionnel - Animateur du groupe « Unités
Capitalisables »
Le Ministère de l’Agriculture, de actuel des dispositifs « UC », nous exa- des éléments essentiels de la compéten-
l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF) minerons notre représentation de la ce professionnelle et de son expression.
a engagé depuis quelques années une notion de compétence pour préciser en
rénovation de ses diplômes. Elle a dé- quoi l’introduction de cette nouvelle no-
buté par les diplômes de la formation tion dans la construction des diplômes,
professionnelle continue et plus particu- engendre une difficulté, voire un para- Les objectifs,
lièrement par les diplômes délivrés par le doxe pour peu que l’on veuille préserver
dispositif des Unités Capitalisables (UC). le modèle de la Pédagogie Par objectifs. ces miettes
Cette rénovation a provoqué une mise
en dialectique de deux approches para-
De nouveaux choix sont faits et mis capacitaires
en œuvre dans l’ingénierie des disposi-
doxales que sont la Pédagogie Par ob-
jectifs (PPo) et la notion de compétence.
tifs qui visent l’articulation du « travail » et mesurables
et de « l’évaluation » au service d’une
Cette mise en dialectique engage pro-
conception nouvelle de la certification et
gressivement les acteurs des dispositifs Dans les années quatre-vingts, s’est
de la formation. Enfin, nous pourrons, en
des formations diplômantes du MAAF mise en place au MAAF une nouvelle
guise de conclusion, développer en quoi
vers un changement de paradigme, vers approche de l’ingénierie de la certifica-
et pourquoi nos conceptions et les dis-
un regard nouveau, vers de nouveaux tion. Cette dernière s’est principalement
positifs que nous préconisons peuvent
possibles. appuyée sur la pédagogie par objectifs
et/ou doivent, en plaçant l’apprenant
Afin de mieux comprendre ce « bou- comme auteur de sa propre aventure, in- (notamment sur les travaux de D. Ha-
leversement » à l’œuvre, et après avoir tégrer les approches culturelles, non pas meline, 1979). La PPo rappelons-le, re-
explicité rapidement le fonctionnement comme compétence, mais comme un jette la conscience et se focalise sur les
10 comPétences : regards croisés
comportements observables et mesura- d’opérationnalité portés par la PPo, à la de diplômes, engageant ainsi une nou-
bles. Elle vise à planifier et rationnaliser suite d’une analyse des emplois (tâches velle réflexion depuis le milieu des an-
la formation. Elle développe le principe confiées aux titulaires de l’emploi). nées 2000.
que le meilleur moyen d’apprendre est
Si l’absence de programme de forma-
de découper l’objet complexe d’appren-
tion était une avancée de la PPo, cette
tissage en éléments plus fins. Ralph
Tyler (1935), son initiateur, précise que la
dernière fut de courte durée puisque
très rapidement, les formateurs ont
La compétence,
formation est d’autant
plus efficace que des
trouvé dans le réfé- ce tout, invisible
Si l’absence de pro- rentiel d’évaluation
objectifs sont fixés et
que l’apprenant sait gramme de formation une nouvelle forme et personnel
était une avancée de la de programme (dé-
ce qu’il doit atteindre.
Les objectifs ainsi dé- PPO, cette dernière fut de clinaison d’objectifs
finis, extérieurement courte durée puisque très visant le contrôle, la La notion de compétence est une no-
certification). tion polysémique. De nombreux auteurs
au sujet, en fonction rapidement, les forma- ont largement produit sur le sujet (Per-
des besoins de la so- teurs ont trouvé dans le Cette confusion
renoud, Le Boterf,…) et même si la notion
ciété, permettent un référentiel d’évaluation par la capitalisation
n’est pas très stabilisée aujourd’hui,
contrôle de la forma- une nouvelle forme de que le dispositif UC
nous pouvons retenir quelques caracté-
tion. Cette approche engendre, a permis le
programme (déclinai- ristiques propres à la compétence que
était présentée comme développement de ce
son d’objectifs visant le nous posons comme postulat : nous
une voie innovante, que certains nomment
comme une approche
contrôle, la certification). encore « individualisa-
considérons que la compétence ne peut
être indépendante ni de l’action ni du
moins béhavioriste en tion de la formation »
sujet. La compétence ne s’exprime ainsi
se recentrant sur l’apprenant, en privilé- mais qui est en fait, un agencement
qu’individuellement et dans l’activité.
giant l’objectif comme visée des appren- individuel de modalités de certification
Elle est donc directement liée à la situa-
tissages et l’évaluation certificative (le et qui par conséquent tend à limiter les
tion et qui plus
contrôle) des comportements attendus apprentissages à la réussite des épreu-
comme structuration des dispositifs de ves certificatives.
est, à la situation La compétence ne
réelle (notion s’exprime ainsi qu’in-
formation. Elle a ainsi permis de s’éloi-
nous savons aujourd’hui que la capi- d’enjeu). La
gner des programmes d’enseignement dividuellement et
talisation de capacités éparses ne peut compétence est
sanctionnés par un examen terminal. dans l’activité. Elle est
constituer un tout. Edgard Morin (1990) située. Cette no-
La notion de référentiel (qui sert de dans son travail sur la complexité nous tion de situation
donc directement liée
référence) a fait son apparition, accom- le décrit très bien lorsqu’il précise que nous renvoie au à la situation et qui
pagnée de celle du contrôle en cours de « le tout est supérieur à la somme des particularisme, plus est, à la situation
formation. C’est ainsi que se sont mis en parties », que l’on ne peut comprendre à la singularité, réelle (notion d’enjeu).
place sur ce principe, au dé- les parties sans à l’approche uni- La compétence est
but des années quatre-vingt- comprendre le que et plurielle située.
dix, les dispositifs en UC pour Nous savons aujourd’hui tout et inverse- de la situation.
les diplômes de la formation que la capitalisation de ment. Il semble Unique parce que
continue et les dispositifs capacités éparses ne peut donc difficile que la complexité, le nombre de paramètres
modulaires pour ceux de la constituer un tout. la seule maîtrise en jeu la rendent unique, complexe et
formation initiale. Si ces der- de connaissan- éphémère ; plurielle parce que le nombre
niers conservent une partie de l’examen ces et mêmes de capacités acquises de situations permettant l’expression
sous forme traditionnelle (terminal), les séparément permettent la réalisation de d’une même capacité est infini.
dispositifs en UC permettent une certifi- tâches complexes.
Enfin, nous savons que réaliser une
cation du diplôme par capitalisation des
Pourtant, c’est bien sur ces disposi- action, dans une situation donnée, avec
unités tout au long de la formation.
tifs encore à l’œuvre aujourd’hui que compétence c’est mobiliser des connais-
La certification dont la mise en œuvre s’appuie une nouvelle rénovation des sances, des capacités déjà acquises, mais
est confiée aux équipes de formation, diplômes et c’est dans ce contexte que le c’est aussi en construire des nouvelles.
s’appuie sur un référentiel d’évalua- Ministère chargé de l’Agriculture a sou- Plus exactement c’est ré-agencer ses
tion (de certification ?) construit à haité introduire la notion de compétence savoirs, en découvrir et en chercher de
partir des principes d’intégration et dans la construction de ses référentiels nouveaux pour développer ses capacités
comPétences : regards croisés 11
et gagner en compétence vers une iden- l’Agroalimentaire et de la Forêt. L’évaluation tient ici une fonction
tité professionnelle, vers une identité particulière. À la charnière entre for-
L’introduction de la notion de com-
sociale. mation et certification, elle est l’une
pétence, nous l’avons vu, modifie
et l’autre, elle permet la définition des
Pour nous la compétence c’est ce radicalement nos modèles, revisitant
critères du « genre » par la prescription
« quelque chose » de volatil qui apparaît notre conception même de la formation
mais elle permet aussi l’expression de
et disparaît au gré des situations ren- professionnelle. Si jusqu’à présent la
l’imaginaire, du « style » personnel, de sa
contrées et qui d’une part, laisse comme conception des dispositifs en UC s’ap-
régulation, de sa confrontation au réel et
trace l’accroissement des connaissances puyait sur l’analyse des emplois et sur un
ainsi de sa confrontation aux critères du
et des capacités et d’autre part permet contrôle sommatif (certification), l’in-
« genre », articulant profession et profes-
une acculturation infinie, une culture des troduction de la notion de compétence
sionnalité et permettant la certification.
situations, une culture du métier. oblige à intégrer dans cette articulation
les notions de « travail » et « d’évalua- L’articulation emploi/travail et
tion ». C’est donc vers une double articu- contrôle certificatif/évaluation, dans la
lation que s’oriente la construction des construction pragmatique des disposi-
De nouveaux dispositifs aujourd’hui : Une articulation tifs, s’appuie sur la didactique profes-
entre « emploi » et « travail » d’une part sionnelle, et en particulier sur les travaux
dispositifs sur et entre « contrôle certificatif » et « éva- menés sur les situations de travail,
la base des luation progrès » d’autre part. l’activité et leur analyse (Pastré, Mayen,
Savoyant).
Générer cette articulation, c’est s’in-
situations téresser au « style » de chacun, à son Autrement dit pour élaborer un dis-
travail pour vérifier positif de formation, nous
singulières et son appartenance au avons besoin d’analyser le
Générer cette articula- travail. En premier lieu dans
significatives, « genre » (Clot, 1999-
2000), au métier, à la tion, c’est s’intéresser la conception des situations
articulant travail profession. C’est s’ap- au « style » de chacun, d’évaluation qui repose sur
puyer donc sur l’écart à son travail pour l’identification des situa-
et évaluation entre la prescription vérifier son apparte- tions de travail significati-
de la tâche relative nance au « genre » ves de la compétence (qui
au métier et les par- (Clot, 1999- 2000), au donnera par extension les
Partant de ces postulats notre appro- ticularités de la réali- métier, à la profession. fondements du dispositif
che des dispositifs de certification ne sation individuelle de C’est s’appuyer donc de formation), en deuxième
peut s’orienter sur l’évaluation des com- cette tâche, l’activité lieu, dans l’évaluation in-
sur l’écart entre la
pétences. L’idée que nous développons du sujet. C’est géné- dividuelle des réalisations
rer non seulement
prescription de la tâ- singulières des candidats
est que la seule évaluation possible est
l’évaluation par la compétence. Autre- des apprentissages, che relative au métier (émanation des situations
ment dit, évaluer des capacités, mais la construction de et les particularités de significatives).
dans des situations où la compétence connaissances, mais la réalisation indivi-
duelle de cette tâche, L’analyse du travail est
s’exprime. Si la compétence est située c’est aussi les situer
donc l’outil essentiel de la
alors l’évaluation doit l’être aussi. dans une culture, l’activité du sujet.
conception des nouveaux
leur donner du sens.
on comprend alors la difficulté que dispositifs permettant à la
Mettre l’apprenant au
nous pouvons rencontrer dès lors que fois de fournir le matériau de prescrip-
travail pour qu’il crée, pour qu’il produise
l’on veut élaborer des dispositifs de cer- tion mais aussi de comprendre l’activité
du sens c’est aussi lui fournir la possibi-
tification et de formation qui s’appuient individuelle mise en œuvre.
lité d’exprimer son « style », la possibilité
sur les deux paradigmes qu’illustrent la d’avoir des besoins, c’est lui fournir dès nous avons compris que le boulever-
PPo et la notion de compétence. Pour- l’entrée en formation l’ensemble des sement est ici de taille, il n’est plus ques-
tant c’est bien de la mise en dialogue caractéristiques de la situation réelle de tion dans l’évaluation d’attendre une
des antagonismes que naît la créativité, travail qui permettra l’évaluation puis la réponse unique à la prescription, une
qu’émerge la solution nouvelle (Morin certification. C’est lui fournir le support réponse déjà proposée en formation,
1990). C’est autour de cette articulation de la construction de sa formation et de mais de susciter l’élaboration d’une ré-
que se construisent aujourd’hui les la construction de son identité (profes- ponse originale faisant intervenir l’ima-
dispositifs diplômant en unités capitali- sionnelle entre autres). ginaire, le rêve, en l’articulant aux savoirs
sables du Ministère de l’Agriculture, de
12 comPétences : regards croisés
Compétences
et parcours
culturels
p.15 Le quatrième métier de l’enfance :
le métier de consommateur culturel
Sylvie OCTOBRE
p.20 Le support vidéo en lycée professionnel
Gérard MARQUIE et Cécile DELESALLE
p.25 Expérimentation multimédia : mettre en
œuvre des compétences construites hors
cadre formel
Benjamin VOLFF
p.27 Valériane est une artiste… ou l’est-elle
devenue par et malgré l’école ?
Philippe SAHUC
p.30 Le sens du vivre sous chapiteau
Corinne COVEZ
p.33 Contribution pour une didactique
artistique autour de la question de
l’appartenir
Didier CHRISTOPHE
p.39 « Ton âme est un paysage choisi »
Arnaud PEUCH
p.41 Parcours culturels des jeunes
Texte collectif, stage de formation
continue
p.46 Propositions pour une démarche
d’accompagnement
Texte collectif co-écrit avec le réseau
éducation au développement durable,
stage de formation continue
comPétences et Parcours culturels ? 15
Le quatrième métier de
l’enfance(1) : le métier de
consommateur culturel
Sylvie Octobre
Département des études, de la prospective et des statistiques, Ministère de la culture et de la communication
(1) on utilise ici ce terme au sens large, c.a.d. de mineur, en tant qu’englobant un processus de « grandissement » qui peut comporter plusieurs « âges » dont les
délimitations sont sujettes à débat. Cette acception a été validée par l’Agence nationale de la Recherche dans le lancement de son appel à projet Enfance en
2009, et sous-tend la prise ne compte de l’enfance comme catégorie sociale (cf les travaux du Groupe de sociologie de l’enfance de l’Association internationale
des sociologues de langue française, w3.aislf. univ-tlse2.fr).
Les enfants occupent diverses scènes Les liens entre ces trois métiers s’incarnent de manière croissante à
sociales, face à des systèmes d’injonc- se tissent largement dans le registre partir de l’entrée au collège, notamment
tions et d’attentes variables. Premier à culturel, qui agit également sur eux : on dans la dimension expressive et interac-
avoir été analysé, le métier d’enfant (2) peut alors parler de métier de consom- tive de la musique, de l’internet, mais
se définit dans la sphère familiale : il mateur culturel (5) avec ses contraintes, aussi des comportements liés à la mode,
enjoint aux enfants de connaître les ses compétences, ses modes de fonc- au look, à l’affirmation d’une identité
attentes parentales, l’économie morale tionnement, ses temporalités (6) . Les visible.
des ménages et de s’inscrire dans une articulations entre métier d’enfant et
La « culturalisation » des trois pre-
filiation. Le métier d’élève (3) est défini métier d’élève peuvent être traduites
miers métiers est patente, et s’accélère
dans la sphère scolaire : il leur enjoint de en « contrats » tacites ou explicites,
depuis les premières observations de
répondre aux attentes et aux critères qui impliquent le quatrième métier :
Jean-Claude Chamboredon et Jean
de régulation d’une institution et de de bons résultats scolaires sont ainsi
Prévot (7) .
son programme de formation, faisant « monnayés » dans la famille contre des
émerger de manière cruciale la question autorisations plus larges de consomma-
de la performance. De la même manière, tions ou de sorties, ou encore, l’octroi
le métier de copain, apparu plus récem- d’argent de poche (qui sert souvent aux
ment dans les travaux de recherche (4) , achats de produits culturels et aux sor-
leur enjoint de maîtriser les codes de ties culturelles).
définition des âges et des groupes, pour
De leur côté, les injonctions juvéniles
être à la fois intégré et reconnu.
sont – et c’est une de leurs caracté-
ristiques – en prise très forte avec des
codes culturels, dans lesquelles elles
de livres chute de manière rapide dès Des systèmes D’oPPosition. Des lieux De convergence : la
l’entrée au collège, elles sont encore 12 % chamBre Digitale.
à en lire tous les jours au lycée (soit deux L ’accès aux pratiques ne suffit pas à
fois plus nombreuses que les garçons expliquer les positions à l’égard du genre Alors que l’ordinateur reste encore
du même âge) et leur attachement à et les distinctions se déplacent vers chez les adultes un objet clivé sur le plan
la pratique reste supérieur. De plus, les les univers de goûts, même dans des du genre (16) , l’observation des compor-
filles conservent plus longtemps les pratiques a priori largement partagées. tements des enfants indique que les
sorties liées à l’enfance : à chaque âge, Ainsi, en matière d’écoute de musique, niveaux de pratique quotidienne sont
au moins la moitié d’entre elles fréquen- les filles, à 11 ans, écoutent plutôt de la similaires pour les garçons et les filles,
tent les musées et les monuments et chanson française, qu’il s’agisse d’Indo- de même que leurs niveaux d’attache-
elles sont toujours plus nombreuses que chine ou de Renaud (pour les filles de ment à la pratique dès 13 ans. Les com-
les garçons à fréquenter les parcs d’at- cadres) ou de Johnny Hallyday, Garou, portements des filles et des garçons à
traction, de même que les zoos et parcs Jennifer (pour les filles d’ouvriers), tandis l’égard de l’ordinateur et de l’Internet se
animaliers, ou encore les bibliothèques. qu’au même âge, les garçons d’origine ressemblent donc de plus en plus avec
Parallèlement, elles abordent les rivages populaire plébiscitent la dance et le R’n’B l’avancée en âge, notamment chez les
culturels de l’adolescence plus tôt que et que leurs homologues issus des caté- enfants de catégories supérieures.
les garçons et elles sont durablement gories favorisées écoutent de surcroît du
rock et du rap. Chez les enfants de cadres, l’avantage
plus attachées à ces consommations
initial des garçons ne dure pas puisque
que les garçons qui s’y adonnent. Elles Six ans plus tard, à 17 ans, ces oppo- ces derniers sont rattrapés par leurs
entrent par ailleurs également plus tôt sitions n’ont pas disparu mais se sont homologues filles en seconde moitié de
dans la culture de sortie adolescente, déplacées sous l’effet de l’importance collège et au lycée. Ce rattrapage n’a en
notamment celle qui est en lien avec prise, dans les deux sexes, par l’écoute revanche pas lieu dans les milieux popu-
leurs intérêts musicaux (les concerts et de musique et la construction de com- laires, où les garçons sont à tout âge plus
les salles de spectacles). pétences musicales, qui modifient les investis dans l’usage de l’ordinateur que
Ce double mouvement – persistance périmètres du féminin et du masculin et les filles, les enfants de cadres ayant par
de sorties ou consommations de l’en- re-différencie les partitions socialement ailleurs toujours un niveau de pratique
fance et entrée plus précoce dans les situées des unes et des autres : un goût supérieur aux enfants d’ouvriers.
univers culturels de l’adolescence - fait populaire masculin se constitue autour
du rap (auparavant caractéristique des Il y a donc, avec l’avancée en âge, un
que les univers des filles sont plus
goûts des fils de cadres) et du R’n’B, un mouvement de convergence globale des
précocement et durablement variés
goût populaire féminin autour de la comportements des filles et des garçons
que ceux des garçons, ces derniers les
dance (auparavant prisée des garçons de à l’égard de l’accès à l’ordinateur et de
« rattrapant » dans certains domaines
même milieu), tandis que les fils et filles l’Internet, avec néanmoins un effet
deux années plus tard. Ces différences
de cadres se rejoignent autour du rock, retard des catégories populaires. L’inter-
de genre sont socialement situées et
auquel les premiers ajoutent le hard, le net rassemble filles et garçons autour
varient en fonction des pratiques ou
punk et le métal et les secondes le rock d’usages communs, qui redéfinissent les
activités considérées. Dans certains
français (ce qui ré-interprète leur goût périmètres du féminin et du masculin,
cas, les facteurs se compensent ; dans
initial pour la chanson française). on ob- cette redéfinition semblant plus difficile
d’autres, les décalages perdurent. Ainsi,
serve donc un double mouvement : des dans les milieux populaires. Pour tous,
une origine sociale favorisée ne suffit
filles vers les goûts des garçons et des filles et garçons, enfants d’ouvriers et de
pas à « combler » le retard des garçons
catégories populaires vers les goûts des cadres, MSn est l’usage le plus fréquent :
en matière d’audience radiophonique :
catégories supérieures, qui maintient l’ordinateur propose ainsi aux garçons
à 11 ans, les plus auditrices de radio sont
des systèmes d’oppositions où chacun une entrée dans la culture de chambre
les filles de cadres (39,5 % l’écoutent
dit son genre, son âge et son origine so- jusque-là fortement connotée par le
chaque jour), tandis que filles d’ouvriers
ciale. Les oppositions de genre sont donc féminin.
et garçons de cadres ont des niveaux
d’écoute quotidienne similaire (35 % et de deux sortes : certaines semblent in- La « chambre digitale » (17) dote ainsi
34,5 %), équilibre qui ne varie pas avec variables dans le temps et dans l’espace les garçons de compétences et appéten-
l’avancée en âge. Le moment radiopho- social, d’autres semblent mobiles et défi- ces à l’égard de cette culture de chambre
nique pré-adolescent est ainsi de plus nir de manière socialement et temporel-
grande ampleur chez les filles que chez lement situées des stéréotypes où puiser
les garçons, et les oppositions d’origine des références, des ressources, tant en (16) olivier Donnat, Les pratiques culturelles des
sociale y sont moins marquées, même si terme d’appartenance que d’exclusion. Français à l’ère du numérique. Enquête 2008,
Paris, MCC, DEPS/La Découverte, 2009
les enfants d’ouvriers y restent plus du-
(17) David Buckingham, La mort de l’enfance. Gran-
rablement attachés. dir à l’âge des médias, Paris, Armand Colin, 2010
féminine, qu’objective par ailleurs la cool, faire partie de la bande) qui valent
pratique du téléphone : internet permet comme mode de désignation autant que
aux garçons un usage conversationnel comme mode d’exclusion.
parfois impossible dans les autres scènes
Dans chacun de ces métiers, des sa-
- les adolescents peuvent ainsi discuter
voirs « minuscules » (18) , des savoir-faire
sur MSn avec des membres du sexe
(trouver les informations, les sites, les
opposé avec lesquels ils ne parlent pas
images, les musiques, etc.), des savoir-
dans la cour de récréation du collège.
être (la bonne démarche, le bon look,
La participation des garçons aux fo- etc.) et des faire-savoir (savoir mettre
rums et aux chats est un autre signe de en scène ce soi auprès des différentes
cette mutation des stéréotypes : si les scènes, sociales auxquelles l’enfant
pratiques « traditionnelles » d’écriture est confronté) sont à l’œuvre, en per-
(journaux intimes, poèmes,…) sont ma- manence, associant compétences et
joritairement féminines, l’usage des ré- négociations.
seaux et des blogs les ouvre aux garçons.
La convergence des univers culturels des
filles et des garçons se fait donc par un
double mouvement d’accès des filles à
des outils « masculins », parce que tech-
nologiques, et d’inscription des garçons
dans des usages des outils technologi-
ques qui renouvellent des pratiques « fé-
minines » (écriture, conversation, etc.).
De l’enfance à la grande adolescence,
décalages, oppositions et convergences
mais également temporalités différen-
tes alimentent la construction de ce
métier de consommateur culturel, qui se
trouve placé à l’intersection des autres.
D’abord avec celui de « fils ou fille de »
à travers les transmissions culturelles
ascendantes et descendantes, qui sont
nombreuses, mais aussi les négocia-
tions d’autonomie liées aux sorties ou
consommations culturelles avec l’avan-
cée en âge.
Ensuite avec celui d’élève, puisque
l’école propose un modèle culturel avec
lequel les élèves doivent négocier et que
l’école – sous l’angle des résultats scolai-
res – est souvent une monnaie d’échan-
ge pour obtenir de l’autonomie en ma-
tière de consommations culturelles.
Enfin, le métier de copains, puisque
l’identité enfantine et adolescente s’y
constitue dans l’entre-soi de manière
importante, que ce soit pour l’acquisi-
tion de compétences culturelles (connaî-
tre les « bons » chanteurs, les « bons »
(18) Dominique Pasquier, « « Les savoirs minus-
jeux, les « bons » sites ) mais également cules », Le rôle des médias dans l’exploration
pour la validation des identités (être des identités de sexe », éducation et sociétés,
2002/2, n°10
20 comPétences et Parcours culturels ?
Le support vidéo
en lycée professionnel
Cécile Delesalle
est psychosociologue, Vérès Consultants
Gérard Marquié
est chargé d’études et de recherche à l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire
Dans cet article les deux auteurs relatent et analysent le contenu d’une expérimen-
tation relative à l’observation des pratiques d’Internet des jeunes dans la recherche
d’information.
Ce travail publié dans le numéro 36 de la revue Les Cahiers de l’Action(1), met notamment
en évidence l’existence chez les jeunes concernés de compétences en matière de
recherche numérique d’information, avec parallèlement, une hésitation à mobiliser ces
compétences, perçues de prime abord comme non légitimes car construites au cours
d’apprentissages informels.
(1) C. Delesalle et G. Marquié (dir. de), L’information des jeunes sur Internet : observer, accompagner. Expérimentation d’outils avec les professionnels de jeunesse.
InJEP, coll. Les Cahiers de l’action n°36, Paris 2012.
de deux mois, deux chercheurs de Défi musique, ce n’est jamais la même chose,
Internet se rendent dans le lycée pro- il y a toujours des nouveautés donc…
fessionnel pour expérimenter cette J’aime bien être à la page, on va dire. »
observation participative des pratiques
D’autre part, ces thèmes sont moins
d’information des jeunes qui utilise la
anxiogènes que ceux du scolaire ou de
vidéo avec les vingt-cinq élèves de cette
l’orientation et la créativité de la recher-
classe et leur professeur.
che y est plus grande.
Ensuite, plusieurs savent utiliser
des fonctions avancées du moteur de
Des compétences recherche (utilisation de guillemets
pour cerner la recherche, entrée par les
révélées, mais pas sous-rubriques dans les listes de sites…).
d’homogénéité Tous connaissent les principaux sites
d’information et les sites des médias.
Ils savent distinguer entre l’information
commerciale et l’information institu-
une meilleure maÎtrise De tionnelle : « Moi, je cherche le site exact,
l’accès à l’information sur en regardant l’adresse verte. »
internet Qu’on ne le Pense
Ils sont en capacité de corriger le tir si
haBituellement.
la recherche mène sur un site erroné ou
on constate tout d’abord une rapi- si l’information n’est pas trouvée. Ils ont
dité et une aisance dans la recherche, conscience des limites de la fiabilité de
du moins sur les sujets qu’ils ont choi- l’information sur Internet et ils ont une
sis (par exemple, les bonne connaissance
mangas, le sport, la des risques inhérents
musique, les forums
Toutes ces compétences à Internet. Toutes ces
de rencontres ou de sont d’autant plus à sou- compétences sont
hackers, les armes…). ligner que la plupart les d’autant plus à sou-
Plusieurs jeunes de ont acquises seuls ou par ligner que la plupart
cette classe savent se des amis. les ont acquises seuls
servir d’Internet pour ou par des amis. Leur
développer leurs connaissances dans les enseignant est surpris :
domaines qui les intéressent ou les pas- « Là, vraiment on voit qu’il y a un chemi-
sionnent. D’une part, l’intérêt pour un nement. Je suis épaté par la façon dont
sujet motive pour faire la démarche et la ils rebondissent sur les icônes, sur les si-
faire régulièrement ; la passion, le plaisir tes. Des sites dont je n’ai jamais entendu
engendrent une curiosité plus grande : parler. Là, j’ai trouvé que vos pratiques
« J’aime bien m’informer sur les nou- libres étaient très intéressantes. »
veautés parce que dans le sport, dans la
22 comPétences et Parcours culturels ?
De granDes Différences au d’Internet pour s’informer est inégale. sociaux, ce n’est pas Internet. » Il leur
sein D’un grouPe a Priori Enfin, leur niveau diffère dans la maî- est difficile de différencier la nature des
homogène trise des recherches d’information, des sites, ne serait-ce que par l’adresse, et la
fonctions du Web et la capacité à mener distinction entre les types de noms de
Dans un groupe socialement et scolai- une recherche sur un thème imposé. Un domaines n’est pas opératoire chez eux.
rement relativement homogène, compo- élève analyse : « Il galère, il a du mal à Ils n’ont pas pour habitude de comparer
sé entièrement de garçons, on constate chercher ce qu’il veut. Parce qu’il n’a pas les contenus de deux sites sur un même
d’importantes différences, ce qui ten- l’habitude de rechercher sur Internet sujet. La notion de « site officiel » reste
drait à évoquer une diversité des usages, là-dessus donc il ne peut pas savoir for- pour eux très large. Ils ne savent pas
voire une fragmentation. Tout d’abord, cément comment il faut faire. » toujours sur quel site ils se trouvent et
l’accès à Internet n’est pas le même pour ce n’est pas leur préoccupation première,
tous, certains en sont privés à la maison, même si le souci de la source peut appa-
parfois pour des longues périodes (cou- les zones De flou et les Points raître chez certains (lors des sessions de
pure du téléphone, équipement en pan- à améliorer prises de vue, ceux qui observent leurs
ne…). Ensuite, les représentations qu’ils camarades sont souvent plus critiques
ont d’Internet varient, or on sait que les La notion d’information demeure que ceux qui naviguent). Enfin, ils sem-
pratiques et le rapport à l’information un concept flou chez ces élèves. Pour blent plutôt démunis sur les méthodes
sont aussi fonction des représentations beaucoup, les réseaux sociaux d’un de vérification de l’information, et la
générales qu’ont ces jeunes de ce qu’est côté, et Internet de l’autre, relèvent de définition de ce qu’est un site légal est
Internet. Leur motivation à se servir représentations disjointes : « Les réseaux peu partagée.
comPétences et Parcours culturels ? 23
Des élèves Peu convaincus de Google, succession de pages et de l’aPProche ParticiPative : une
De la Pertinence De leurs clics, traitement de l’information… Ces nécessaire mise en confiance
PratiQues enregistrements vidéo fournissent éga- PréalaBle Des élèves
lement une mémoire des commentai-
La mise en œuvre de cette expérimen- res formulés oralement par les jeunes Ce dispositif met en évidence le sens
tation révèle que les jeunes n’ont pas durant les navigations et des échanges. que peut prendre une position d’acteurs
d’emblée le sentiment d’une légitimité Enfin, la ressource audiovisuelle per- des élèves dans l’observation et a claire-
de leurs pratiques d’information sur In- met de disposer d’éléments partagea- ment une dimension valorisante pour les
ternet. C’est visible dans la façon dont la bles et diffusables (avec l’accord des jeunes participants.
proposition est re- participants).
Ils prennent progressivement
çue au démarrage, Ils n’ont pas le sentiment
Ce matériau a d’ailleurs conscience de leurs compétences et
ils mettent beau- de disposer de compé- été réutilisé dans d’autres de l’intérêt de rendre lisibles leurs pra-
coup de temps à tences aisément transpo- expérimentations présen- tiques. Mais, dans un premier temps,
réaliser que leurs sables et n’osent pas se tées dans ce numéro des il leur est très difficile de s’extraire du
pratiques intéres- servir de ce qu’ils savent Cahiers de l’action. cadre scolaire, surtout lorsque les consi-
sent réellement
faire. gnes viennent des adultes. Ils donnent
leur enseignant
l’impression de jouer un rôle et s’effor-
et les chercheurs,
un outil accessiBle aux aDo- cent de présenter « la meilleure façon de
et à accepter de montrer leurs modes
lescents et Qui les motive s’informer sur Internet ».
de recherche d’information « de façon
un peu reconnue ». Ils n’ont pas le sen- Il est donc nécessaire de mener un
L’outil vidéo numérique léger(4) se
timent de disposer de compétences travail de mise en confiance afin qu’ils
révèle abordable, très attractif pour un
aisément transposables et n’osent pas se puissent pratiquer l’auto-observation
public d’adolescents et facilement ma-
servir de ce qu’ils savent faire. sans se juger, ce qui ne vient pas naturel-
niable par les élèves participant à l’expé-
lement aux élèves dans un cadre scolai-
rience. La manipulation de la caméra et
re. Une fois l’élève rassuré et encouragé,
la prise de vue sont très motivantes pour
rechercher sur Internet, commenter sa
Réutiliser cet les jeunes de cet âge et de ce profil, qui
sont à l’aise avec l’image et apprécient
navigation ou interroger son camarade
sur ses choix de sites se fait de manière
outil avec des une situation où l’expression orale est
privilégiée.
plus naturelle et plus fluide. Ici, la pré-
jeunes Le principe du trinôme d’élèves (un
sence d’un camarade à côté du jeune
(le plus souvent amicale et bon enfant)
cameraman, un discutant et un témoin- libère son expression. Ceci s’avère beau-
acteur de sa recherche d’information) coup plus favorable que l’intervention
un outil riche De fonctionne bien. Le rôle du discutant est d’un adulte, toujours perçu comme éva-
Potentialités essentiel pour éviter que le « témoin » luant, et à qui on répond ce qu’on pense
n’aille que sur des sites qu’il connaît bien qu’il attend.
Le mode du reportage vidéo permet
et aussi pour que les processus devien-
aux jeunes de témoigner de leurs pra- De la même façon, au moment des vi-
nent conscients et soient commentés.
tiques de façon vivante (oralement et sionnages, lors de l’analyse rétrospective
Les enseignants présents soulignent la
avec le support de l’écran internet) et en groupe, les jugements des élèves sur
grande concentration dont les élèves
très interactive. L’enregistrement par leurs propres pratiques sont sévères. La
font preuve, le calme et l’application
une caméra garde une trace exacte question formulée pour lancer le débat
sont de mise tout au long des sessions,
des cheminements sur Internet lors de est en principe neutre : « En revoyant ces
quels que soient les profils d’élèves.
recherches d’information sur différents films, qu’est-ce qui vous frappe le plus
thèmes et dans des buts variés, donnant dans la recherche d’information ? » Les
à voir les hésitations, les mouvements élèves pensent alors qu’il faut trouver
du curseur, bref les parcours de recher- des lacunes, des erreurs et ils cherchent
che d’information en temps réel. d’abord ce qui ne va pas. Il faut réajuster
et préciser :
Ceci permet d’analyser d’autres di-
« Ce qui vous frappe aussi en positif »,
mensions que celles habituellement
phrase qui provoque des rires presque
décrites dans un discours rétrospectif (4) nous avons utilisé un « pocket video » mais il
gênés. Les jeunes de ce profil ont ten-
est aussi possible d’utiliser la fonction vidéo
ou un questionnaire : modes de déci- dance à minimiser leurs compétences
d’un appareil photo numérique ou d’un télé-
sion, interactions entre pairs autour phone portable. présentes dans les captures vidéo des
d’une recherche d’information, usages
24 comPétences et Parcours culturels ?
écrans et ils attribuent leurs succès à la sur le thème De la vérifica- qu’ils apprennent comme par accident,
facilité de navigation offerte par les sites tion Des informations de façon non intentionnelle : « on dé-
qu’ils fréquentent le plus (achats, musi- couvre surtout au hasard », dira l’un.
que, fédérations sportives, visionnage ou on constate que le regard des jeunes n’ayant pas le sentiment de disposer de
lecture en ligne…). Ici, l’accent est donc devient plus critique lorsqu’ils sont en cette compétence, ils seront d’autant
à mettre sur la dimension neutre des situation d’observer la recherche d’infor- moins enclins à la mobiliser, ou à trans-
constats que l’on fait au cours de l’ana- mation (la leur ou celle de leurs camara- poser ces pratiques sur des sujets moins
lyse du matériau, et sur l’intérêt que leur des) ou de l’analyser dans les enregistre- familiers. Cette expérience semble donc
regard présente pour cette analyse et ments. À partir de la question posée au indiquer qu’il serait souhaitable de tra-
pour l’amélioration de l’information. groupe : « À partir de ces films, quelles vailler, à l’aide d’outils comme celui-ci, à
sont les informations auxquelles on peut une relégitimation de pratiques consi-
une exPérience transPosaBle faire confiance ? », l’enseignant dévelop- dérées comme informelles alors qu’elles
pe une séquence sur peuvent être d’un très
à certaines conDitions
cette question. Parmi bon niveau.
les thèmes abordés :
N’ayant pas le sentiment
Tout d’abord, au démarrage, il est
crucial d’en faire une présentation qui la légalité de certains de disposer de cette L’expérience sem-
« dédramatise » et opère, le cas échéant, sites, la nécessité de compétence, ils seront ble indiquer aussi la
d’autant moins enclins à pertinence d’intégrer
un décentrage par rapport au contexte bien identifier un site
scolaire. Ensuite, au niveau du plan de et sa localisation géo- la mobiliser, ou à transpo- davantage l’appren-
tissage en faisant,
tournage, il est impératif de prendre graphique, les risques ser ces pratiques sur des
comme on peut le voir
des options simples et de donner aux liés au paiement sur sujets moins familiers. dans les situations
jeunes des indications précises. égale- Internet, les sites trai-
filmées et également
ment, il faut leur laisser une marge de tant de la législation…
dans l’aspiration forte exprimée par les
manœuvre : dans le choix des thèmes, les méthodes de recherche et le rôle des
élèves à participer à la réalisation du site
des relances, de l’interactivité et de la moteurs.
de leur lycée.
prise de vue. À chaque étape (prépara- Cet apport par l’enseignant débouche
tion, prise de vue, analyse participative), Plus généralement, elle encourage à
sur une mise en pratique : il leur fait faire
il faut formuler des consignes claires et privilégier une éducation à l’information
une recherche en groupe et leur montre
acceptables par les jeunes et surtout qui s’appuie davantage sur les pratiques
l’importance de choisir le bon mot-clé
facilitantes pour un public adolescent des jeunes, à condition de les rendre lisi-
pour aboutir sur des sites fiables. Il fait
qui se juge. bles et de les analyser, de prendre com-
un développement sur le fait que Google
me base le socle des compétences qu’ils
n’est pas la seule façon de rechercher
maîtrisent déjà pour aller plus loin. Il
une information et sur les contraintes
serait intéressant également de faciliter
Une éducation à liées à ce moteur de recherche. « C’est
intéressant que tu aies posé à ton cama-
la mutualisation des compétences déte-
nues par les uns au profit des autres.
l’information qui rade la question : “quand on va sur Goo-
gle est-ce qu’on arrive forcément sur le Enfin, ces analyses mettent en évi-
s’appuie sur les sujet qu’on a choisi ?” Parce qu’il y a aussi dence, à nouveau, les cloisonnements
des choses qui sont intéressantes à dire préjudiciables, dans le domaine du
pratiques des sur le rôle de Google dans la recherche numérique, existant entre les appren-
d’information et comment ça conduit ou tissages non scolaires et scolaires, et la
jeunes pas vers ce qu’on recherche vraiment. » nécessité d’une meilleure interpénétra-
tion entre les sphères sociale, scolaire et
culturelle sur la question des pratiques
Ce support vidéo permet de construi-
sur la nécessité De relégi- numériques des jeunes.
re des sessions d’éducation à l’informa-
timer les PratiQues et De
tion, d’une part, à partir des mises en
situation lors des enregistrements et, moBiliser les comPétences
« Dormantes » ////////////////////////////////////////
d’autre part, grâce au matériau filmé qui
peut être projeté à tout moment pour Article condensé publié
on observe que ces jeunes ne pensent avec l’autorisation des auteurs.
être analysé avec la classe. Les discus-
pas avoir de méthode pour rechercher
sions entre les prises de vue fournissent
sur Internet, ils minimisent leurs prati-
également à l’enseignant l’occasion de
ques, n’ont pas conscience de faire des
parler d’éducation à l’information avec
recherches systématiques et pensent
ses élèves.
comPétences et Parcours culturels ? 25
Expérimentation multimédia :
mettre en œuvre des
compétences construites
hors cadre formel
Benjamin Volff
est enseignant en français/histoire-géographie au lycée professionnel Clément Ader d’Athis-Mons.
Dans cet entretien Benjamin Volff évoque l’expérimentation conduite avec Gérard
Marquié et Cécile Delesalle auprès de ses élèves de seconde professionnelle « Electro-
technique » en matière de recherche d’informations sur internet. Outre les résultats
sur différents volets observés, cette expérimentation a favorisé chez les jeunes une
prise de conscience de compétences jusqu’ici non valorisées.
Champs Culturels : Pouvez-vous nous attention continue. Bref, ils ont besoin sur sa navigation, et un qui filme cette
décrire l’origine du projet ? de faire un lien entre leurs apprentissa- navigation.
ges et le monde d’aujourd’hui, celui dans
Benjamin Volff : J’avais emmené mes Les vidéos ont ensuite été projetées
lequel ils vivent. Il faut leur prouver que
élèves de seconde professionnelle « Elec- à tous et ont fait l’objet de débats, com-
l’école fait partie de ce monde, que ce
trotechnique » à une conférence sur le mentaires et d’apports en termes de
qu’ils savent faire en dehors de l’école a
multimédia à laquelle Gérard Marquié contenus.
de la valeur dans l’école.
de l’InJEP (1) , participait.
C’est lui qui a pris Le multimédia est
Il faut leur prouver que
contact avec moi en un excellent outil pour Champs Culturels : Précisément,
l’école fait partie de ce
me voyant avec mes aborder des contenus qu’est-ce-que vous avez appris sur les
élèves. Il m’a proposé
monde, que ce qu’ils avec ces jeunes, l’ex- savoir-faire de vos jeunes par cette
de faire un travail por- savent faire en dehors de périmentation nous l’a expérimentation ?
tant sur les pratiques l’école a de la valeur dans clairement démontré.
l’école. Benjamin Volff : Qu’ils sont très à
de recherche d’infor-
l’aise avec le multimédia, avec le support
mations sur le net de
numérique et totalement en échec avec
mes élèves. Champs Culturels : Quel était l’objectif
le support papier.
de cette expérimentation ?
Je trouve que cela pose des questions
Benjamin Volff : L’objectif était d’ob-
Champs Culturels : Qu’est-ce qui a à l’institution scolaire et à nous, les
server les pratiques de ces jeunes en ma-
motivé votre engagement dans cette enseignants.
tière de recherches d’informations sur le
expérimentation ?
net, en questionnant plusieurs aspects : J’ai moi-même une utilisation
Benjamin Volff : Il me semble indis- • La qualité de cette recherche : en en cours de ce support. Je pense
pensable que l’école s’ouvre sur l’exté- quoi cette recherche est métho- qu’aujourd’hui il est trop peu présent à
rieur. Elle fait preuve d’une grande opa- dologique, rigoureuse, ou bien au l’école ou maladroitement introduit.
cité sur son fonctionnement vis-à-vis de contraire hasardeuse, confuse ?
on voit par exemple des tableaux
l’extérieur, des familles. • Les jeunes ont-ils des sites d’infor-
numériques interactifs extrêmement
mations privilégiés ? Quels sont-ils ?
Les jeunes qui constituent ma classe performants mais d’une utilisation telle-
• Quelle est leur connaissance de la
sont souvent orientés en seconde pro- ment complexe qu’ils sont peu partagés.
réglementation sur le net ? etc..
fessionnelle « Electrotechnique » par Dans mes cours, j’ai une utilisation sim-
défaut, ils ont entre 15 et 17 ans, ils sont Pour cela le protocole de l’expé- ple du support informatique ; je donne
remuant, ont du mal à soutenir une rimentation prévoyait des binômes très souvent les commandes de l’ordina-
de trois élèves, un qui effectue une teur à un élève qui projette les éléments
recherche (thème imposé, puis thème du cours sur un écran, mais je pense
(1) Institut national jeunesse et de l’éducation au choix), un qui questionne cet élève que l’on pourrait gagner en interactivité
populaire
26 comPétences et Parcours culturels ?
les lucioles qui font peur… Tiens, tiens, genre de jeune participant qui fait plaisir l’habillement. Les autres collégiens et
Anne Ch. m’a parlé de lucioles hier… Je lui par son attention quasi-permanente, collégiennes ne lui ont alors pas épargné
fais remarquer que son histoire se passe donnant à croire à l’animateur que son les moqueries, voire les brimades. Elle
plutôt en automne qu’en hiver (bruits animation est de qualité… Elle était peut- se souvient avoir ainsi été déchaus-
de feuilles mortes). être alors tout simple- sée de force sur les graviers de la cour
A un moment, elle se Elle était aussi ce genre ment ce que l’ordre parce qu’elle portait des ballerines, qui
bloque et puis pour de jeune participant qui scolaire nomme une n’étaient pas à la mode à l’époque (et
fuir le loup, l’homme fait plaisir par son atten- bonne élève. le sont devenues ensuite, dit-elle). on
court, s’enferme chez tion quasi-permanente, comprend que le monde du collège de
Cela s’est confirmé
lui et se met au lit (fait donnant à croire à l’ani- cette petite ville lui soit devenu insup-
lorsque j’ai retrouvé
le mort, comme Pelet portable. or, dans ce genre de pays rural,
mateur que son anima- Valériane, quinze ans
de la légende locale ?)» toute la jeunesse passe normalement
Philippe Saüc, journal
tion est de qualité… Elle après. Elle se souve-
par cohorte entière du collège au lycée
d’acteur culturel en était peut-être alors tout nait d’avoir été une
du bourg centre.
Couserans simplement ce que l’ordre élève intéressée par les
scolaire nomme une apprentissages et les Valériane ne veut surtout pas ça. Elle
À ce jeu-là, Valé- bonne élève. découvertes, au point cherche donc un plan d’évasion, qu’elle
riane avait l’une des qu’au collège, elle avait trouve sous la forme du choix d’option
participations les plus souvent un livre en rare. Cela aurait pu être telle ou telle lan-
gratifiantes, s’élançant sensoriellement mains et était par ailleurs moins pré- gue, ou encore le théâtre ou la musique
sur des canevas de contes ou de légen- occupée que d’autres préadolescentes et, dans son cas, c’est l’option arts plasti-
des à peine suggérés. Elle était aussi ce par la présentation de soi, en particulier ques qui la conduit au lycée du chef-lieu
comPétences et Parcours culturels ? 29
Dans ce texte, Corinne Covez développe le contenu d’une action culturelle et artis-
tique franco-anglaise conduite durant trois années consécutives avec plusieurs
jeunes en grande souffrance, dont quelques-uns scolarisés au lycée horticole de
Lomme. Au-delà du repérage de telles ou telles compétences, artistiques par exemple,
c’est bien la question de la pratique artistique – de cirque, avec son rapport au
risque - comme catalyseur puis révélateur de capacités à vivre qui est évoquée ici, ou
comment l’appétence est un préalable à toute compétence.
possibilités. Très vite, il s’est avéré que le des jeunes en CAPA (5) dans la métropole
centre social, aux moyens restreints ne Compétence ou lilloise, il y en a. Mais avec autant de dif-
pouvait remplir de manière satisfaisante
son cahier des charges dans ce domaine,
appétit de vivre ? ficultés de vie, je ne le soupçonnais pas.
se détendent un peu, se surprennent et tomber la tête de turc de passage, à Les « transformeurs » quant à eux, se
s’acceptent un peu mieux. Toute l’épreu- mieux parler avec sa mère ou son copain, sont focalisés sur leur objet, cerceaux,
ve du cirque a consisté dans ce terrible ou à retrouver la motivation pour les diabolo, bâton du diable et autre jeu de
et pourtant si simple et si émouvant études ou le travail physique… etc. Mais balle. Le risque c’est l’objet qui devient
combat. Faire face, traverser l’épreuve par-dessus tout l’expression qui revient à comme un prolongement du corps.
tête haute, « pour pas qu’on dise ». Et la bouche et brille dans leurs yeux, c’est Souvent, ils se font silence. Discrets, ils
là, surprise sur le gâteau, la pratique « avoir été heureux ». Je n’ai pas la com- chercheraient à se dissimuler derrière
de cirque, si décriée avant l’action, est pétence à formuler le domaine d’applica- l’objet fétiche qui sert de point de mire.
apparue petit à petit et grand à grand, tion de cette expression. J’y vois un plus Ils sont heureux des figures renouvelées
surprenante, risquée mais vivifiante. grand dénuement de soi, une meilleure qu’ils dessinent et parfois se servent de
prise sur la réalité, une espèce de ré-en- leur capacité pour créer dans la rue de
chantement du monde et de ses propres nouvelles amitiés…
possibilités. J’y entrevois une vérité à
Se mettre en route laquelle on aurait bien voulu échapper,
À chacun son histoire à créer, à
chacun en fonction de ses forces et
mais qui a assez turlupiné pour essayer !
potentialités. Cette aventure humaine
J’y sens aussi un retour vers la vie, le
Et c’est ainsi que d’atelier en atelier leur a appris à savourer, s’entraider,
monde des autres et des adultes. Chacun
(trois au total), les jeunes se sont révé- s’étonner, s’amuser, décoller de la réalité
à sa façon s’est lancé.
lés à eux-mêmes, aux autres et à moi- pour mieux s’y retrouver. Il n’a pas été
même. La théorisation ancrée dans le question de culture dans leur propos. Il
terrain afin de justement respecter au s’agissait de refuser, de s’opposer, de se
mieux le sens de leur propos et l’analyse Clowns, sensibiliser, d’essayer… il s’agissait de la
difficulté et du bonheur d’apprendre en-
du contexte, ont permis de mettre à
jour, à travers diverses analyses com- Mal-fêteurs et semble et de s’y reconnaître à l’intérieur
parées avant/après ou français/anglais comme à l’extérieur. Ils parlent davanta-
et en croisant le regard et l’observation
Transformeurs ge d’eux-mêmes, des artistes, du métier
particulière des artistes, ce qui a finale- difficile du cirque, des jeunes de l’autre
ment fini par représenter la force de cet- côté de la Mer du nord si différents et si
te pratique de cirque à l’intérieur de ce Il ressort que des types de stratégies pareils à eux-mêmes ou de ce qu’ils ont
projet : A savoir que c’est en traversant se sont mises en œuvre. pu réaliser, que de compétences artisti-
trois grands types d’épreuve que sont la ques ou culturelles.
À chacun suivant ses appétits : les
mise en danger du corps grâce à la pra- plus courageux, peut-être, se sont lan- Les premières, ils les ont développées,
tique circassienne, l’apprentissage d’une cés dans l’aventure de faire le clown. mais c’est du travail corporel rapproché
socialisation au corps à corps (par pro- Faire rire de soi, alors que le feu brûle à qu’ils ont été le plus émus et remués.
tection, accompagnement…) et enfin la l’intérieur de soi. À quelle personne ne
création et la réalisation d’un spectacle, Des secondes, il ne fut pas question.
viendrait-il pas l’idée d’éviter cela? Mais
que l’on apprend à se connaître, connaî- En revanche, ce fut l’occasion de s’ex-
trois d’entre eux l’ont fait et ont osé
tre les autres et se faire reconnaître. primer sur ce que signifie éduquer. « tu
prendre le risque du ridicule de soi de-
vois, le prof il est là pour ça, pour essayer
Est-il besoin de spécifier une com- vant les autres. Lesquels n’ont pas bron-
que les neurones comme une graine, ils
pétence à la reconnaissance de l’autre ? ché. Parce qu’il fallait oser. Les clowns
poussent à l’intérieur ».
ou est-il simplement question, dans ont porté le monde et ses hauteurs ridi-
cette histoire, de se reposer les bonnes cules pour ne pas tomber sans jamais se éduquer alors, ce serait accorder as-
interrogations ? départir de l’envie de rire. sez de soin pour qu’une graine naisse !
Qui a parlé de cultiver, sans utiliser le
Pour ces jeunes, la vie du lycée - la Les mal-fêteurs ont fait la fête au fil
mot ? Qui a ressenti le sens plus que la
vie tout court - n’est qu’un fardeau dont de vie. Plus d’une fois, ils ont tenté trop
définition ? Ainsi apprendre le goût du
on ne peut s’échapper. Là, les uns et loin, se sont brûlés les mains, sont tom-
vivre, serait le sens de l’éducation par le
les autres ont appris à oser, risquer le bés, mais sont remontés « semblant que
cirque. Un sens peut-être d’appétence
vertige, risquer de tomber, risquer de c’était du chiqué ».
autant que de compétences.
« se taper la honte »…Et l’acceptation du Le cœur en accro-branche, ils veulent
risque devient alors un danger assumé être vus par-dessus tout et par leur ex-
dont la personne sort plus forte et plus ploit surtout.
rassemblée.
Ils sont vite éreintés, à cloche-pied
Bien sûr il est question d’apprendre à mais comme dit l’un d’eux « pour moi
se dire bonjour, à se concentrer, à laisser mon nid, c’est là-haut. »
comPétences et Parcours culturels ? 33
Quelles compétences sont construites au cours d’une action artistique qui entremêle
apports théoriques et activités pratiques ? Sont-elles spécifiques ? Transversales ? En
Corrèze, l’intérêt d’élèves de terminale Bac Professionnel pour leur territoire rencontre
le thème de recherche de leur enseignant orienté vers « l’appartenir », expression
désignant une identité culturelle centrée sur un terroir. A travers une approche
socio-culturelle décalée – grâce aux apports des sciences de l’art marqués par l’Inde
contemporaine -, la réflexion est « globalisée » et la pratique artistique nourrie.
Quelles compétences devraient développer, à ce jeu-là, les lycéens ?
Fruit d’un double positionnement, adhèrent à cette double appartenance, mise en œuvre didactique. Les élèves
comme enseignant d’éducation socio- choix ou non choix, mais ce serait orien- n’ont en effet qu’à construire une appro-
culturelle en lycée agricole et comme ter les démarches des élèves porteurs, et che opérationnelle leur permettant de
plasticien et chercheur transdisciplinaire, en contradiction avec la liberté intrinsè- percevoir les enjeux culturels et sociaux
nous nous lançons, avec des élèves de que à la pédagogie de projet : c’est à eux du sujet abordé, et de les exprimer es-
Bac Pro, dans un projet transversal de de canaliser leurs approches avec l’appui thétiquement ; leur approche concep-
création artistique ayant pour but de méthodologique de l’enseignant. Il reste tuelle est restreinte. Il en résulte que
comprendre et documenter ce qui nous que leur acception d’un appartenir col- l’enseignant encadrant cette démarche
fait appartenir à un territoire. Trois clas- lectif est bousculée par cette ouverture s’engage dans un questionnement large
ses sont concernées, encadrées par ma vers l’international : vivre au pays ou afin de nourrir (et orienter, si besoin) la
collègue Delphine Soldermann ou moi- tenter l’exode rural. problématique partagée.
même, par cette action intitulée « Art et
« L’homme, en constant déplacement,
territoire : documenter ce qui nous fait
en délocalisation forcée, ne trouve-t-
exister ».
Cette recherche se situe dans un
il pas des racines, essentielles à son
équilibre, à travers une géographie
Narrativité et
cadre pédagogique codifié dans la for- intérieure ? » territoire(s).
mation générale des futurs bacheliers
C’est l’hypothèse que font, à l’Uni-
agricoles, « Analyser et pratiquer diffé-
versité de Bordeaux 3, Gérard Peylet
rentes formes d’expression et de com- Quelle narrativité (2) proposer en arts
et Hélène Sorbé (1) , et c’est un visage de
munication pour enrichir sa relation à plastiques pour documenter la réalité et
cette géographie mentale que les élèves
l’environnement social et culturel ». la diversité de l’appartenir dans un terri-
peuvent contribuer à tracer.
Appartenir à un territoire rural dé- toire ? C’est la question nodale à laquelle
Envisageons maintenant de poser une réponse collective devra être appor-
favorisé (le Limousin) tout en ayant
quelques fondations nécessaires à la tée au fil du projet.
conscience d’appartenir à l’Europe, c’est
conceptualisation de ce projet collectif,
ce qu’il est possible de mettre en rela- Mais par où débuter ? Faut-il s’orien-
tout en sachant que la structure théo-
tion avec ces élèves qui ont tous béné- ter, initialement, vers une approche
rique doit rester sous-jacente lors de la
ficié d’une bourse de stage Leonardo da
Vinci dans une entreprise européenne
(en Belgique, Hongrie, Luxembourg).
(1) Ces deux directeurs de recherches en ont fait (2) En sémiotique, ensemble des traits caractéristi-
on pourrait donc étudier auprès de ru- la question première qui sous-tend le projet de ques de la narration (d’après le Trésor Interactif
raux corréziens dans quelle mesure ils recherche L’appartenir de la Langue Française).
34 comPétences et Parcours culturels ?
Réalisations d’élèves de terminale Bac Pro Conduite et Gestion d’une Exploitation Agricole. Accom-
pagnement pédagogique Delphine Soldermann, enseignante en éducation socioculturelle. Accompa-
gnement artistique David Molteau.
Lycée agricole de Tulle-Naves, Limousin
comPétences et Parcours culturels ? 35
sociologique ? Développer des outils Bombay » du printemps 2011 au Centre Ce questionnement réactive la com-
d’enquête directifs aux côtés d’expres- Pompidou, et à l’exposition « Horn binaison souhaitable entre l’appartenir
sions libres recueillies de manière semi- please » du musée de Bâle en 2007, on et l’émancipation de tout individu. Une
directive ? Les données collectables sont peut être tenté de lier nos question- question de démocratie sous-tend cette
légions, mot-clés liés au champ enquêté, nements aux approches des penseurs dialectique. Le monde indien en a tout à
origine géographique (personnelle et indiens, familiers de l’étude du concept fait conscience, quand son récit national
parentale), ancienneté sur le territoire, d’identité territoriale. Dès lors, la ques- est impuissant à gommer les nombreux
catégorie socio-professionnelle, âge, tion des outils de représentation passe particularismes régionaux, sociaux
niveau de formation, appartenances au second plan, et l’on gagne un éclai- et religieux, autant que son passé de
socio-idéologiques. rage extérieur, délocalisé au sens propre. colonisé.
Par ailleurs, comment intégrer les L’appartenir permet-il d’échapper à
personnes ressources disponibles dans l’impérialisme, à l’esprit de colonisation
ce terroir, dont l’association Peuple et
Culture Corrèze, qui a invité le groupe de
Délocaliser la du micro-territoire de vie par la nation
ou par une philosophie collective de pos-
plasticiens Rado à travailler la question construction session de ce territoire ?
des réseaux techniques locaux ?
nous pouvons compter sur Peuple et
théorique. En ce sens, est-il un concept post-
colonial, corolaire d’un forum alter-
Culture, qui est relai départemental de mondialiste de Porto-Alegre (janvier
l’artothèque régionale, et sur l’artiste 2003) perçu, notamment par les Indiens,
Quid du rapport de la diversité à
intervenant attaché à cette structure, comme promoteur de nouvelles histoires
l’appartenir et au terroir ? Le concept
David Molteau, pour aborder les for- des terres et des peuples ?
d’appartenir à un terroir relevant de l’ad-
mes narratives et documentaires. Mais
hésion individuelle à une représentation Loin d’être un code parmi d’autres
travaillerons-nous « à la manière de »,
mentale plus ou moins partagée, nous que la culture peut utiliser pour fonder
ou faudra-t-il envisager une narrativité
ne travaillerons pas les concepts de Peu- sensément son aventure, la narration est
adaptable, dépendant de la part collec-
ple ou de nation, car c’est un territoire un méta-code, un ‘universel’ humain sur
tive de la mémoire qui sera glanée ?
restreint que nous abordons en tant que la base duquel des messages transcul-
Quel médium, quels formats, quelle lieu de reconnaissance socio-culturelle, turels sur la nature des réalités acquises
pluralité technique ? hors de tout ancrage nationaliste et le peuvent être transmis », comme le dit le
plus loin possible de tout « esprit de clo- spécialiste américain de littérature com-
Ces orientations pratiques qui sont le
cher », en une quête complexe. parée Hayden White (4) .
fondement de notre didactique ont été
cadrées avec D. Molteau : photographie, Concernant les divergences dans la Chacun, dès lors, participe à une
reprise d’éléments des photos au dessin construction d’une identité, on peut se narration partagée, en partie collective,
sur calque, recomposition intégrant référer à l’angle privilégié par l’Indien semi-consciente et épisodique, « nos
des messages écrits sont parmi nos Homi K. Bhabah : « ce que j’espère for- vies [étant] jumelées de manière ciselées
propositions de départ, que les élèves muler […], ce sont les stratégies comple- avec des narrations rêvées, imaginées,
devront adapter à leurs envies, à leur xes de l’identification culturelle et de la racontées ou entendues », pour repren-
mesure. Mais il n’y a pas que l’approche capacité discursive qui fonctionnent au dre la pensée de Peter Brooks (5) .
technique. nom du peuple ou de la nation et font
Comme on le voit, il n’est pas aisé
d’eux des sujets et objets immanents
Dans une démarche pédagogique pour des jeunes de Bac Professionnel de
d’une part des récits sociaux et littérai-
visant à travailler la question de l’appar- se projeter dans des outils de collecte
res » (3) .
tenir par des élèves de bac professionnel d’information qui soient efficients sur de
dans un enseignement professionnel, un telles terres d’expression.
certain outillage conceptuel est souhai- (3) H. K. Bhabah, « Dissemi-nation : time, narrative Dans quelle mesure peut-on repérer
table pour éveiller et enrichir l’approche and margins of a modern nation », in nation and
de la problématique commune de la part narration, Bhabha ed., Londres, 1990. Bhabah,
né à Bombay, enseigne à Harvard et travaille
des enseignants. à l’articulation de plusieurs disciplines des
sciences sociales et humaines. Cette traduction, (4) In Hayden White, Content of the form : narra-
Mais où fixer les limites acceptables comme les suivantes, est établie par mes soins. tive, Discourse and Historical Representation,
Baltimore, 1987.
de cette complexité, et où prendre des Une telle approche peut nous renvoyer à la mo-
numentale publication dirigée par Pierre nora, (5) Cité par B. Fibicher, « The Multiples Predi-
références ? Les Lieux de mémoire ; cf. notamment Thierry camlents of the narrative », in Horn Please,
Gasnier, “Le local ”, in Les Lieux de Mémoire, catalogue d’exposition au musée de Bâle, Hatje
Suite à l’exposition « Paris-Delhi- tome III.2, Paris, Gallimard, 1992 Cantz éd., ostfildern, 2007
36 comPétences et Parcours culturels ?
des invariants, des éléments com- « Ce qui rendait le cadre narratif si « Ce module aide à la formation d’opi-
muns a priori dans l’énonciation ou la attrayant est le télescopage du person- nions raisonnées, et favorise l’ouverture
narration de l’appartenir ? Au niveau nel avec le public, de l’autobiographique au monde et à la culture ».
individuel comme collectif, on ne peut avec le social et de l’individuel avec le
Poursuivons la délocalisation de notre
qu’admettre, avec le sociologue anglo- collectif. De plus, la présentation de
regard, afin de percevoir comme l’appar-
saxon Stuart Hall, que « l’identité est multiples points de vue, qui supposaient
tenance à un espace de vie est diverse-
une narration de soi ; c’est l’histoire que un spectateur mobile, transportait dans
ment traduite par les artistes.
nous nous racontons à nous-mêmes sur un large choix de possibilités formelles
nous-mêmes dans le but d’apprendre qui […]. En un sens, l’hybridité syntaxique Figure de l’art contemporain indien
nous sommes » (6) . Plus qu’un héritage ou affectait le contenu des histoires, où exposée au Centre Pompidou l’été 2011,
qu’un acquis, c’est un construit que nous l’allégorique et l’historique pouvaient Anita Dube assimile l’image de l’Inde
abordons. s’entremêler, les styles historiques an- aux violences faites aux femmes, et les
ciens pouvaient converser avec ce qui, de sublime cruellement en un emmaillo-
Cependant, l’ouverture culturelle
la culture populaire et du local, n’était tement très chic, très endimanché, de
grandissante mais encore très inégale
soumis à aucun grand universalisme » (8) . morceaux de squelettes.
dans nos sociétés, notamment rurales,
fait qu’on peut s’attendre à un change- Lors de leur résidence de création au
ment constant du « cadre de représen- lycée agricole de naves en 1995, Cyprien
tation » des narrations produites dans
une démarche artistique, de par la multi-
Démarche Tokoudagba et Romuald Hazoumé, deux
stars de l’art contemporain béninois,
plication et la généralisation d’un usage artistique et identifient différemment les pratiques
conscient des ressources narratives et les usages du culte vaudou constitutif
structurantes (au sens de narrativités diversité des de l’identité du peuple fon, ce qui donne
modélisées aussi bien par les grands mé- lieu à deux séries de peintures différen-
dias que par les mangas, par exemple). enjeux citoyens. tes, l’une littérale et didactique, l’autre
plus conceptuelle.
Dans ces conditions, les productions
risquent fort de traduire la diversité des Quelles compétences devraient déve- Rado, collectif de photographes-plas-
témoignages collectables, et l’on peut se lopper, à ce jeu-là, nos lycéens ? ticiens essentiellement franciliens, docu-
demander avec le commissaire d’exposi- mente actuellement l’impact du réseau
tion suisse Bernard Fibicher : « est-ce que Une capacité à concevoir et mener d’eau sur le vivre-ensemble à Tulle.
le mode narratif peut enregistrer une une enquête : documentation, entre-
tiens ; un savoir-faire propre au travail Ce tour d’horizon rapide atteste de
quelconque mémoire culturelle collec-
collectif : négociation, la diversité des appro-
tive acquise ? Est-ce que la compulsion
ajustement, prise de ches, lorsque des ar-
à engendrer une analogie visuelle à la Quelles compétences
responsabilité ; une tistes tentent de faire
mémoire collective empiète sur un autre devraient développer, à ce
compréhension des image autour d’une
mode de représentation ? » (7)
implications sociales jeu-là, nos lycéens ? appartenance. Leurs
Effectivement, et quels que soient les du fait artistique : dé- rhétoriques narratives
auteurs étrangers auxquels on se réfère, marches, enjeux. sont très diverses et supportent des
la rhétorique de l’appartenir ne peut réductions, des occultations ou masqua-
qu’être hybride. C’est ce qu’a parfaite- Souvenons-nous des compétences ges de certaines parts de la réalité, pour
ment synthétisé la doyenne de l’école proposées à l’élève par le référentiel de en grossir d’autres, en intégrant parfois
d’art et d’esthétique de l’Université ne- formation : une intention parodique provocatrice
hru (new-Delhi), Parul Dave Mukherji, en • exprimer un jugement respectueux (chez Anita Dube) ou distanciée (chez
exprimant ce qui fit le succès de l’école d’autrui, l’Indien Jitist Kallat). Pourtant, les réfé-
d’art de Baroda qui prône la figuration • réfléchir sur le monde d’aujourd’hui, rences sont à chaque fois sérieuses et les
narrative depuis les années soixante- • se confronter avec la production points de vue, humanistes.
dix : artistique d’hier et d’aujourd’hui,
d’ici et d’ailleurs. Peut-on peindre et témoigner du
vivre-ensemble, photographier et docu-
menter l’appartenir, tout en assumant
un regard de créateur à la fois citoyen et
(6) Differenz », cité par B. Fibicher, ibid. Cf. S. Hall,
Identités et cultures. Politiques des Cultural (8) Cette citation de Parul Dave Mukherji, comme
autonome ?
Studies, éd. Amsterdam, Paris, 2007 les suivantes, est extraite de son article « Horn
(7) B. Fibicher, ibid. Please », ibid. Parul Dave Mukherji en appelle à
comPétences et Parcours culturels ? 37
« notre hypothèse commune à propos de de notre époque, nous croyons qu’une par les élèves des trois classes concernées
la liberté de créer, le droit d’interpréter philosophie des pratiques, autre que avec l’appui de l’artiste intervenant, David
son passé et la sphère publique. Au cœur celle d’une recherche artistique isolée, Molteau, tentons un premier regard sur
de la controverse, est en fait la question est demandée aux artistes pour empê- les parcours et les compétences.
de la narration, et le droit des artistes cher l’inévitable pétrification de la vie et
Les parcours culturels des jeunes dans
à raconter et à inventer des histoires ». de l’art sous la compétition capitaliste
le projet ont-ils
En se souvenant des affrontements po- et l’exercice des ambi-
permis la construc-
litico-religieux survenus à la faculté des tions individuelles. nos Les parcours culturels des
tion de nouvelles
beaux-arts de Baroda suite à la création engagements vers une jeunes dans le projet ont-ils compétences ? Les
d’un étudiant graphiste questionnant pédagogie politique permis la construction de options, tant tech-
la place de l’hindouisme, elle déplore de l’art place sur nous nouvelles compétences ? niques qu’artisti-
que le débat « soit resté polarisé entre une lourde responsabi-
ques, prises par les
ceux qui s’enrouent à crier en défen- lité. […] L’identique, la
jeunes ont contribué in fine à construire
dant l’autonomie de l’art et ceux qui mondanité, la banalité nous donnent la
savoirs et capacités, dont certains dépas-
exaltent le résultat de la responsabilité nausée. La bataille, autant qu’elle est au
sent peut-être le cadre du référentiel. Le
sociale de l’artiste ». Elle observe que dehors, est en nous. Dans un tel grand
fait de réorienter un projet de composi-
« dans l’imbroglio général, ce qui a été groupe d’artistes acquérant une histoire,
tion, de l’amender au plan des idées ou
oublié est qu’il y a une infinité de voies une sensibilité et une vision précises,
de l’artistique, a favorisé la construction
pour lire notre passé, notre histoire, qui il est assez remarquable qu’ils fassent
de compétences pratiques, par l’usage
peuvent ne pas résonner chez quelqu’un émerger des directions distinctes d’en-
de cet esprit critique dont nous savons
d’autre ». Par-delà l’adversité socio-poli- quête individuelle. Le vieil égo monadi-
qu’il soutient la démarche modulaire.
tique (et malgré l’ambiguïté de certains que n’est pas mort » . (9)
peut répondre positivement sur ces trois l’appartenir, s’il est pour une minorité saisons». Une autre témoigne de son mi-
enjeux. des élèves l’occasion d’une révélation lieu, «nous vivons principalement sur un
de compétences non formulées mais territoire rural, et c’est cela que j’ai voulu
déjà existantes, est pour la majorité faire ressortir au premier plan ; cette
une expérience nouvelle, qui permet à vache, au milieu du pré, nous fixe droit
Qu’en retiennent travers des techniques jamais encore dans les yeux». Une kanak insiste sur le
abordées, de questionner non seulement partage et l’échange, ajoutant «ce dessin
les élèves ? leur rapport à une existence territoriale fait cohabiter deux cultures, la culture
mais aussi l’héritage des cours d’arts occidentales et la culture mélanésienne
plastiques du collège (deux ou trois ans dont je suis issue ; c’est en quelque sorte
« Découvrir la technique du dessin auparavant), et de « savoir comment mon parcours, celui que j’ai fait quand
sur calque, j’ai découvert ça, en faisant travaillent les artistes », comme le dit un j’ai quitté les miens pour venir continuer
un mélange des différents milieux ex- élève. Par cette offre faite à tous, chacun les études en France, […] je veux montrer
térieurs pour en faire un tableau final, a pu échafauder ses propres réponses, que deux cultures bien distinctes peu-
prendre des photos de l’extérieur, un peu en intégrant de nombreuses données vent cohabiter», elle parle de ses acquis
de tout, décalquer pour faire un assem- partagées et en approfondissant le cas concernant savoir-être et savoir-vivre, en
blage, que ça ait un sens quand même, échéant des formules personnelles. reconnaissant que cela lui a été difficile
avec le thème qu’on voulait. […] J’ai pas «par le changement d’environnement,
beaucoup d’acquis, je suis qu’un ama- Car en passant par toutes les phases
de paysage, de saison», et elle l’exprime
teur », atteste l’un. de définition, négociation, collecte,
dans un dessin sur calque.
conception, restitution, et par-delà le
« Faire travailler notre imagination à dosage à trouver entre : données socia-
partir de notre environnement, et par les, informatives et artistiques, ainsi que
rapport à notre imaginaire, réussir à L’éveil d’une conscience artistique
dans le respect de la parole entendue
construire quelque chose », dit un jeune participe à celui d’une conscience so-
et transmise, ce qui est central, c’est de
qui a dessiné un univers de roman noir ciale situant l’individu face aux valeurs
reconnaître la nécessité de cohabitation
à partir des photos prises lors d’une ba- communes : depuis l’origine de l’ensei-
de ce qui est mis en commun avec ce
lade dans la nature corrézienne. gnement agricole, c’est l’une des raisons
qui est une appropriation individuelle :
d’être de l’éducation socioculturelle
Un autre : « J’ai dessiné une maison admettre sa propre liberté de créer et
que de susciter des questionnements
du rugby au milieu des champs, avec les en même temps celle de l’autre, c’est la
nouveaux.
logos de Toulouse et du CABC, parce que reconnaissance du divers au sens où en
j’aime bien la nature, être dans un cadre parlait édouard Glissant. Anita Dube nous y incite par une for-
naturel, même pour faire la fête après le mule toute indienne :
Quand l’un explique qu’il a pu «re-
match. Et c’est un nouveau mode de des- présenter le territoire, les différents « A sleepless wind is raising a slee-
sin. Techniquement, ça permet de chan- types de réseaux, les voies de commu- pless song in sleepless heads in sleepless
ger de mode de dessiner, d’inventer des nication», un autre préfère retenir qu’il nights » (10) .
choses, de montrer ce qui nous passe par a pu «découvrir des territoires» et qu’en
la tête, d’inventer ». travaillant à deux sur ses compositions, il
L’effet de groupe a évidemment joué, a pu exprimer «ce qui [lui] correspondait
dans les réticences initiales comme dans le plus».
l’investissement général lors des phases En section « Services », l’une veut (10) Un vent sans sommeil fait se lever un chant sans
de création. Ce projet pédagogique sur «évoquer la nature par les quatre sommeil dans des têtes sans sommeil en des
nuits sans sommeil.
comPétences et Parcours culturels ? 39
« Ton âme
est un paysage choisi. »
Paul Verlaine
Arnaud Peuch
enseignant en éducation socioculturelle, lycée Kyoto, Poitiers.
Dans cet article, l’auteur nous propose une réflexion sur l’art comme moyen d’exercer
sa capacité à se libérer des contraintes de la réalité pour la questionner et faire
naître en soi d’autres points de vue sur le monde. Compétences à se décentrer ? Cette
capacité artistique(1) dans son volet sensible – et non pratique - serait-elle un des
moyens pour trouver, en situation, des solutions inédites quand les solutions ordi-
naires sont épuisées ?
(1) nous utilisons ici capacité artistique au sens de : faire preuve de créativité, la compétence étant la capacité dans une situation donnée.
des jeunes avec l’œuvre pour que, par bien le processus de “dé-fonctionnalisa- changer son point de vue dans le sens
une sorte de magie, la capacité artisti- tion” de l’objet qui nous fait entrer dans d’une approche non fonctionnelle du
que éclose et se développe de manière une approche artistique. Ce processus réel est à mon avis une compétence à
instantanée. Cette approche repose me semble bien une spécificité de l’art. développer pour elle-même. Cela va dans
sur des croyances qui sur-investissent le sens d’un développement de la per-
Maintenant nous pouvons nous oc-
l’art dans sa dimension sacrée, tout en sonne qui ne se réduit pas à la formation
cuper des questions : à quoi sert cette
oubliant de définir cette dimension et de techniciens.
capacité et est-elle transférable ?
en occultant tout le travail de médiation
Enfin, le caractère transférable de la
qui amène pas à pas le “spectateur” au Je réfléchissais à cette question dans
capacité artistique et sa transformation
coeur de la dynamique artistique et de le métro parisien quand en levant les
en compétence peuvent se concevoir
sa genèse. yeux je tombai sur un petit encart de la
aisément dans toutes les situations pro-
RATP à l’occasion du printemps des poè-
De mon point de vue, ces deux écueils fessionnelles, où la relation est au coeur
tes : « Ton âme est un paysage choisi. »
ont en commun une posture d’évite- du métier, relation aux enfants, aux
Paul Verlaine.
ment de la nature et donc de la spéci- personnes âgées, relation à la maladie,
ficité de l’art. Le premier par une sorte À lui seul, ce fragment de poésie nous au handicap, à la mort. Plus nous aurons
de pragmatisme paresseux, le second met en contact avec ce que je tente développé cette capacité à l’adoption
par un idéalisme imprécis et non moins d’expliquer ici. Il nous lance une invita- d’un point de vue original et inédit, plus
paresseux. tion vers notre intériorité, il est à la fois nous serons capables de proposer un
l’itinéraire et le moyen de transport. Il riche éventail de réponses face à une
Ce qui manque dans les deux cas,
nous propose une transformation radi- situation donnée impliquant la relation
c’est donc une définition simple et claire
cale et pleine de vie, de notre rapport à à l’autre.
de ce qui fonde l’approche artistique.
nous mêmes et au monde (“le monde”
Et cette capacité voisine de la fluidité
nous pouvons nous appuyer sur un n’étant que l’impression que “nous” en
idéationnelle peut encore être transférée
exemple grossier mais qui a le mérite avons). Approche qui n’est pas fonc-
à des situations où les solutions habi-
d’être très accessible. tionnelle et n’en est pas moins vitale et
tuelles ne fonctionnent plus. Il devient
essentielle.
Je suis en train de cuisiner chez moi et alors nécessaire de trouver une alterna-
je veux faire cuire un aliment à la poêle L’art participe ici à la connaissance de tive qui requiert davantage de créativité
avec un peu d’huile. Lorsque je verse soi (dans le sens psychologique et philo- et cette capacité particulière à adopter
l’huile dans la poêle un schéma aléatoire sophique). Il ne s’adresse pas seulement une approche “non fonctionnelle” mais
se dessine sur la surface du récipient. A à notre intellect mais utilise d’autres porteuse de solutions inédites.
ce moment là, je peux très bien stopper canaux et notamment ceux de la sensi-
l’action de cuisiner et décider que ce bilité ou de l’intelligence du coeur. Par la
petit dessin a un intérêt d’ordre artisti- puissance évocatrice de la poésie il ouvre
que. Je peux ensuite le conserver par le un accès original et fécond vers un do-
procédé qui me semble le plus adapté, maine qui peut jouer un grand rôle dans
une photographie par exemple. J’adopte notre existence et produire une multi-
alors une approche artistique car j’ai tude d’autres effets bénéfiques dans
détourné l’objet (la tache d’huile) de sa d’autres champs de capacités.
fonction première (aider à la cuisson)
Mais nous atteignons là un écueil
pour en faire un objet esthétique. Je
que je dénonçais plus haut, à savoir l’art
peux très bien par la suite reproduire
pour développer autre chose. Alors que
l’expérience et développer d’autres tech-
la compétence de se décentrer ou de
niques pour améliorer l’objet. C’est donc
comPétences et Parcours culturels ? 41
Parcours culturels
des jeunes :
Quelles situations pour
quelles compétences ?
Contribution collective
proposée à l’issue de deux sessions de stages organisées par l’ENFA et le réseau ADC, dans le cadre du programme national des forma-
tions en mars 2011 (Paris) et en avril 2012 (Legtpa de Mirecourt)
L’objectif de ces deux sessions de stages auxquelles une dizaine de professeurs d’édu-
cation socioculturelle et une conseillère principale d’éducation ont participé était
double : d’une part interroger la notion de parcours culturels des jeunes au sein de
l’enseignement agricole – est-il formalisé ? si oui de quelle manière ? que recouvre-
t-il ?- et d’autre part s’interroger sur la réalité de compétences socioculturelles
potentiellement construites dans un parcours formel ou non formel et envisager les
modalités de leur valorisation par le jeune.
Pour l’enseignement agricole, cette quels acteurs ?) un jeune construit-il • Le champ des pratiques sociales : il
expérimentation a été l’occasion d’iden- un parcours culturel dans son éta- est lié aux engagements sociaux.
tifier cinq objets à propos desquels une blissement au cours de sa scolarité ? L’élève est engagé dans des inte-
réflexion sur les notions de parcours, • Ce parcours est-il formalisé ? Forma- ractions sociales, qu’il soit organi-
de construction et d’identification de lisable ? Si oui, à travers quel type sateur, participant ou animateur
compétences des jeunes a été proposée d’outil ? de projets culturels. Il participe à
aux établissements expérimentateurs : • Ce parcours, s’il existe, est-il des formes variées d’organisations
les parcours sportifs, les parcours cultu- construit avec les jeunes ? Si oui, sociales.
rels, les parcours liés à la mobilité, les dans quel cadre et selon quelles • Le champ des pratiques d’expres-
parcours liés à l’éducation au dévelop- modalités ? sion : ces pratiques engagent la sen-
pement durable, les parcours liés aux • Ce parcours est-il enrichi de prati- sibilité, la créativité, et sont relatives
pratiques professionnelles. ques culturelles construites hors à toutes les pratiques amateurs
l’école ? (arts & artisanats) et aux rapports
• Comment sont-elles prises en aux œuvres.
compte ? • Le champ des pratiques culturelles :
La question du • Ce parcours, s’il est construit, est-il il est lié aux environnements cultu-
valorisé ? Valorisable ? rels, médiatiques et aux environne-
parcours culturel ments numériques.
2 - Dans un étaBlissement, Quels sont les acteurs, les actions 3- Quel lien Peut-on faire en-
et les esPaces Qui offrent Des oPPortunités De construction tre le Parcours culturel (le
De ce Parcours Pour le jeune ? livret exPérimental De comPé-
tences étant Potentiellement
un outil témoignant De ce
acteurs actions esPaces Parcours ) - et le Projet D’ani-
mation et De DéveloPPement
• Enseignants, • Projets pédagogiques • Institutionnels (classes) culturel (PaDc) ?
animateurs (EIE, EATDD, PIC, stage • Formels (foyer, ateliers,
• Vie scolaire Santé intégrant une clubs) Le livret expérimental de compé-
• Partenaires dimension culturelle…) • Informels (couloirs, tences permettrait de témoigner d’un
• Collectivités • Projets et actions escaliers, tous les parcours culturel construit dans l’éta-
territoriales ALESA lieux investis par les blissement, et à ce titre, il serait un élé-
• Structures culturelles • Autres projets pouvant jeunes…) ment d’évaluation du PADC : comment le
• Pairs intégrer une dimension • Virtuels/numériques projet d’animation et de développement
culturelle (formation (espaces explorés par culturel d’un établissement, au-delà des
de délégués…) le biais des ordina- objectifs affichés, constitue véritable-
• Dispositifs nationaux teurs et téléphones ment une plus value éducative pour les
• offres des partenaires portables) jeunes ? Est-ce que le PADC a permis de
• Initiatives en propre construire un parcours évolutif pour les
(pairs) jeunes dont ceux-ci pourraient témoi-
gner à travers leur livret expérimental ?
Ceci étant, il est nécessaire d’être vigi-
Parallèlement à cette démarche motivation à investir une pratique lant au fait que le livret expérimental ne
d’identification des conditions d’un culturelle constitue pas une sorte « d’évaluation
parcours culturel du côté de l’établisse- institutionnelle » des pratiques cultu-
Dans le premier cas il est possible de
ment, s’ajoute celui du diagnostic des relles (et in fine de celles de l’établisse-
construire une offre en interne – avec les
pratiques des jeunes. Pour construire ment), pouvant à terme devenir un indi-
jeunes eux-mêmes - en s’appuyant sur le
avec les jeunes un parcours culturel, il cateur de promotion d’un établissement
réseau de partenaires extérieurs.
faut au préalable s’interroger sur l’exis- au détriment d’un autre.
tant de leurs pratiques, de leurs engage- Dans le deuxième cas, on formule
ments voire de leurs compétences déjà une proposition libre ; l’élève n’est en Enfin, est-ce que le livret expérimen-
construites. Comment ? La réalisation rien contraint à s’impliquer, mais il est tal de compétences, par le travail de dia-
d’une enquête en début de rentrée pour informé qu’une offre existe, qu’il peut la gnostic puis de construction de parcours
identifier les pratiques mais aussi les découvrir de lui-même s’il le souhaite. culturels pour les jeunes, peut aider à
besoins, les envies, peut être une piste développer une politique partenariale
Quoiqu’il en soit, le travail d’enquête plus dense, en particulier sur les territoi-
intéressante à condition de garder à l’es-
préalable (ou de diagnostic) amène à res d’habitation des jeunes (différents
prit plusieurs points de vigilance :
construire une offre en interne et/ou en des territoires de l’établissement) ? Et à
• l’enquête est à adapter au niveau externe, pour répondre aux attentes et quelles conditions pourrait-on co-cons-
de la classe, en particulier les aux besoins. truire la valorisation des parcours des
primo- arrivants jeunes avec ces partenaires ?
Mais comment éviter une politique
• selon la forme que prend l’enquête,
de « guichet » ? Par ailleurs, ces moda-
il peut y avoir un effet groupe
lités impliquent une charge de travail
• partir de ce que les jeunes veulent
conséquente qui questionne le rôle de
bien exprimer sur leurs pratiques
l’accompagnateur et plus encore celui
culturelles, artistiques, associatives.
de l’enseignant-animateur en édu-
• être attentif aux jeunes déclarant
cation socioculturelle : le diagnostic,
n’avoir aucune pratique de ce type
l’accompagnement, l’ingénierie (réseau
Ce dernier point peut être interprété de partenaires et conventionnements,
de différentes manières : construction de l’offre), laissent-ils en-
core suffisamment de place à la fonction
• soit un élève n’est pas investi dans
d’animation ou en font-ils partie ?
le champ des pratiques culturelles
parce qu’il se heurte à des obs-
tacles (résistance de la famille,
difficulté géographique, difficulté
financière…),
• soit l’élève n’a strictement aucune
comPétences et Parcours culturels ? 43
exemPles
De situations
grouPe à intégrer Dans le comPétence(s) critères inDicateurs
De caPacités Parcours culturel PossiBle(s) PossiBles PossiBles
IdEnTIfIER, La personne orga- Concevoir une affi- Pertinence des infor- Présence des
SéLECTIonnER dES nise un concert rock che du concert mations et de leur éléments indis-
InfoRMATIonS, de musique dans le hiérarchisation pensables à la
LES METTRE En cadre d’une activité Lisibilité compréhension du
RELATIon, LES extrascolaire. Affirmation d’une message.
RESITUER En ligne esthétique Informations
ConTExTE. hiérarchisées…
La personne réalise Composer un pan- Pertinence des choix Variété des sources
une revue de presse neau d’information Clarté de la ligne Mise en relation des
affichée au foyer, du type « ce qu’il éditoriale sources
dans le cadre du club faut retenir de la
médias. semaine », à partir
d’extraits de presse.
exemPles
44 De situations
grouPe à intégrer Dans le comPétence(s) critères inDicateurs
De caPacités Parcours culturel PossiBle(s) PossiBles PossiBles
déVELoPPER La personne Faire évoluer sa pra- Posture de mise en Temps passé sur un
UnE déMARChE participe comme tique instrumentale question de la pra- morceau
RéfLExIVE, instrumentiste à un par une pratique tique, recherche de nombre de modi-
Un jUgEMEnT groupe de musique collective pistes d’amélioration fications pour un
CRITIQUE, ChAngER amateur, elle se Qualité des échanges morceau.
dE PERSPECTIVE, produit en public avec les autres mem- Prise en compte
PREndRE dU RECUL. bres du groupe des suggestions du
groupe
EnTRER En RELA- La personne chante Construire une rela- Qualité de l’écoute, Appréciation par le
TIon AVEC L’AUTRE, dans une fanfare tion d’écoute ouverture, respect jeune de la qualité de
dAnS UnE ATTI- intergénérationnelle ses relations avec les
TUdE dE RESPECT et partage sa culture anciens
ET d’éCoUTE, dE musicale avec les Prise en compte des
CoMPRéhEnSIon, aînés. univers musicaux,
d’éChAngE Travail effectif
sur de nouveaux
répertoires…
exemPles
De situations
grouPe à intégrer Dans le comPétence(s) critères inDicateurs
De caPacités Parcours culturel PossiBle(s) PossiBles PossiBles
fAIRE PREUVE La personne crée des Exprimer une sensi- Créativité, fluidité Jeux de mots,
dE CRéATIVITé, textes à déclamer bilité personnelle à idéationnelle détournements
d’InVEnTIVITé, en public (slam) travers une création Respect des codes du de sens, jeux sur
en s’inspirant de la originale. genre artistique les sons, le débit,
toponymie d’une l’intonation, absence
région de stéréotypes…
METTRE En œU- La personne met en Être capable de mo- Appréciation de ses nombre de
VRE/PARTICIPER à place une collecte biliser des énergies propres capacités à participants
dES PRojETS, AgIR de vieux vêtements au bénéfice d’une mobiliser nombre de vête-
SUR Un ModE pour une action action caritative. Implication des ments collectés et
CooPéRATIf caritative collaborateurs acheminés à destina-
Efficacité de l’action tion des bénéficiaires
Propositions
pour une démarche
d’accompagnement
Ces propositions sont issues d’un travail collectif établi lors de la deuxième session
de stage en avril 2012 entre les participants et le réseau Éducation au Développement
Durable (animateurs : C. Peltier, S. Aublin). Elles font partie de la synthèse finale de
l’expérimentation conduite par l’enseignement agricole.
Même s’il est fort probable que les les plus en difficulté et nous le moDalités et conDitions fa-
équipes des établissements en expéri- concevons ainsi comme un outil voraBles au fonctionnement
mentation ont toutes réfléchi à l’utili- d’aide à la valorisation de la person-
sation du livret expérimental de com- ne et comme une contribution à la • Inscrire cette démarche dans le
pétences, nous souhaitons malgré tout construction d’un parcours de vie. projet éducatif de l’établissement
poser un certain nombre de préventions (exemples : EIE, tutorat, MAP, ac-
relatives au livret, à son utilisation et compagnement personnalisé, éco-
aux conditions de son accompagnement. Posture éthiQue De délégués, vie associative, projets
l’accomPagnement culturels…)
• Pour le jeune, liberté d’adhérer à
• Le fort risque d’intrusion dans la
la démarche une fois les finalités
Préventions vie privée des jeunes, via le livret de
compétences, impose des règles de
exposées
• Pour l’accompagnant, proposer au
relatives au livret respect de la vie privée et de confi-
dentialité des échanges.
jeune des rendez-vous réguliers
• Envisager dans le dispositif un
pour une • on veillera tout particulièrement à
temps de co-évaluation de la dé-
l’accueil que ces jeunes, notamment
utilisation les plus en difficulté avec l’institu-
marche (entre l’accompagnant et le
jeune)
tion, pourraient lui réserver. Il nous
éthique semble donc important d’instaurer
un véritable climat d’écoute, de
confiance, et non de jugement. Situations,
fonctions et oBjectifs • Le travail d’accompagnement ne
Du livret peut s’envisager sans des temps capacités,
• nous concevons le livret de compé-
de partages d’expériences entre
pairs voire le recours à un regard
compétences
tences comme un outil au service de extérieur.
l’apprenant, de son orientation et de • le travail d’accompagnement repose
son insertion. Une situation est caractérisée par des
sur des valeurs de coopération entre
• nous concevons ce livret comme un éléments de contexte, elle doit compor-
l’accompagnateur et l’accompagné
levier d’émancipation du jeune ins- ter un enjeu, un espace et des acteurs,
voire dans le cas d’un accompagne-
crit dans le temps de formation : elle est objective.
ment de groupe entre tous les ac-
- pour le repérage de ses teurs impliqués Une capacité est une qualité abstraite
compétences • le travail d’accompagnement sup- transversale, elle peut être relationnelle
- pour sa capacité à se projeter, à se pose un détachement des préoccu- (exemple : pratiquer une écoute com-
mettre en projet pations strictement scolaires ; il est préhensive) ou technique (exemple :
- pour la construction progressive suggéré aux enseignants de ne pas sélectionner des informations). Elle ne
de son autonomie accompagner leurs élèves. dépend pas du contexte.
• Il nous semble par ailleurs que ce
livret a vocation à aider les élèves Une compétence est au croisement
comPétences et Parcours culturels ? 47
Le réseau
d’une situation et d’une capacité, elle national EDD
est toujours contextualisée et liée à un Pour des outils
et le livret
domaine spécifique d’actions (exemple :
évolutifs
mener un entretien dans le cadre du
livret de compétences, en respectant - Quels que soient les outils proposés
expérimental
des règles de confidentialité). Elle est au terme de l’expérimentation, ils ne de compétences
acquise/non acquise et s’évalue par des sont pas finalisés, ils nécessitent d’être
critères (abstraits : pertinence, etc.) et amendés par les retours des équipes en
des indicateurs (concrets : nombre de établissement. Ce sont les interactions
Mobilisé sur ce projet, le réseau
participants, etc.) (via des formations, des rencontres,
national EDD y a contribué de
une mise en réseau,…) entre le système
deux façons :
national d’appui et les équipes en éta-
• la proposition, pour les ac-
blissement qui permettront à ces outils
Des entretiens d’évoluer et de mieux répondre aux
compagnateurs, d’un outil
pour lire les actions en lien
besoins.
différents en avec le développement dura-
ble menées par les jeunes, et
fonction des de boussoles pour mettre en
perspective le sens ;
publics, des BiBliograPhie • un regard critique sur les
manières de considérer le
niveaux et des PAUL M., 2004, L’accompagne-
ment : une posture professionnelle
livret de compétences lui-
domaines spécifique, L’Harmattan. même – selon des logiques
applicationniste / adaptative /
La diversité des publics et de leur par- problématique – pour la DGER,
cours scolaire nécessite des entretiens les établissements et les jeu-
adaptés. nes. Les objectifs, les finalités
n’étant pas les mêmes selon
L’accompagnement dans le diagnostic
ces logiques, l’accompagne-
comme dans l’identification des compé-
ment diffère.
tences est une étape clé. Cet accompa-
gnement passe essentiellement par des Le réseau vise un accompagne-
entretiens, individuels, collectifs, entre ment à visée émancipatrice per-
pairs. Il pose la question de la formation mettant au jeune, à partir d’un
des adultes (entretien d’explicitation ou travail sur ses représentations,
autres) mais également du contenu (vers d’en construire de nouvelles plus
quoi s’oriente-t-on : expliciter des expé- efficaces face aux situations, sco-
riences, identifier des savoir-faire, faire laires et hors scolaires, auxquelles
émerger des compétences ?) il a à faire face.
Expériences
en lycées
agricoles :
témoignages
p.49 Le livret expérimental de compétences :
une occasion de mettre en valeur
l’expérience de formation des jeunes
Marie-France RUBIELLO
p.51 Un projet d’éducation non formelle avec
les foyers ruraux de Moselle
Jérôme LEGER
p.56 « Savoir vivre ensemble, c’est une
compétence Monsieur ? »
Michel DARDENNE
p.60 Valoriser les parcours sans créer
d’inégalités
Corinne KOCEVAR
p.63 Une propostion d’outil informatique
pour valoriser les expériences
socioculturelles des jeunes
Patrick L AGNEAU
p.67 Cheminer vers l’autonomie et la culture
d’établissement
Lou COUPELON-DUMONS, Marielle
L ACHETEAU, Arnaud PEUCH
exPériences en lycées agricoles : témoignages 49
Le livret expérimental de
compétences : une occasion
de mettre en valeur
l’expérience de formation des
jeunes
Marie-France Rubiello
est actuellement directrice-adjointe de l’EPL des Vosges, Legtpa de Mirecourt.
Champs Culturels : En quoi cet appel à dans le quotidien, pour réfléchir ensem- « insertion » (un ou deux animateurs par
projet visant l’expérimentation d’un ble, pour se mettre d’accord sur des établissement). Les membres régionaux
livret de compétences vous a paru choix, pour hiérarchiser des priorités de ce réseau et les directeurs adjoints
pertinent ? éducatives, pour discuter « métier ». décident de s’engager dans ce travail
d’expérimentation, estimant que tra-
Marie-france Rubiello : Il m’est ap- En troisième lieu j’y vois pour l’éduca-
vailler sur les compétences des jeunes et
paru pertinent à plusieurs titres. En tion Socioculturelle l’occasion de renouer
leur explicitation, c’est faciliter à moyen
premier lieu, il peut être l’occasion de avec les partenaires de l’éducation po-
terme leur insertion scolaire, sociale et
mettre en valeur les expériences de for- pulaire. D’ailleurs, je rencontre assez vite
professionnelle.
mation des jeunes. la Direction régionale de la jeunesse, des
sports et de la cohésion sociale (DRJSCS). Un comité de pilotage se met en
Les élèves de nos établissements de
nous mettons en place un comité de place, constitué de ce réseau et d’acteurs
formation lorrains sont souvent peu en-
pilotage de l’expérimentation auquel associés : CRAJEP/DRJSCS/Foyers ruraux/
clins, et peu habiles, à identifier ce qu’ils
sont conviés, le CRAJEP, (dont les foyers éducation nationale.
ont appris, ce qu’ils savent faire, à valo-
ruraux), et l’éducation nationale.
riser leurs compétences ; leur curriculum
vitae, par exemple, est souvent pauvre En quatrième lieu il y a un enjeu fi-
Champs Culturels : Précisément quels
et retrace rarement tous les chemins nancier non négligeable, avec une aide
bénéfices peut-on voir à ce livret expéri-
parcourus, tant à l’école que dans leurs proposée sans cofinancement et versée
mental pour les jeunes ?
familles ou dans leurs activités. en début d’action.
Marie-france Rubiello : Ce livret fait
Je me dis alors que cette expérimen-
apparaître de nombreuses pistes possi-
tation est une occasion de réfléchir à ces
Champs Culturels : Quels axes de tra- bles de valorisation de parcours :
questions, de formuler les éléments du
vail retenez-vous autour de cette • la mise en lumière de compétences
parcours des jeunes, de mettre des mots
expérimentation ? • la construction de nouvelles compé-
sur ces parcours et d’apprendre à garder
tences y compris en dehors du cadre
des traces. Marie-france Rubiello : Stratégique-
formel et qui trouvent place dans
ment, au plan de l’organisation régio-
En deuxième lieu, j’y vois la nécessité ce livret
nale et des services déconcentrés, nous
pour les futures équipes engagées de • la réalisation de CV mieux
mettons en débat cette proposition
« se poser », de « faire un pas de côté » construits, plus riches, plus proches
d’expérimentation au sein du réseau
50 exPériences en lycées agricoles : témoignages
des parcours réels des jeunes Ce qui est positif selon moi, c’est « le une évolution des pratiques et des
• une insertion sociale facilitée avec labour et les semis ». conceptions.
des jeunes qui savent mettre en
Maintenant il faut travailler ce sujet Il faut ajouter qu’une expérimenta-
avant des qualifications acquises
dans le temps, entretenir les questionne- tion, par définition, ne donne pas de
hors cadre scolaire dans le domaine
ments, mettre en relation cette question réponse, elle ne pose que des questions,
de l’animation rurale, du BAFA etc.
des compétences avec nos référentiels, c’est à nous (adultes référents, jeunes,
je pense au bac profes- experts) de construire
Champs Culturels : Comment l’expéri- sionnel notamment où les réponses, c’est
mentation se met en place dans les ly- la question des capacités (…) une expérimenta- assez inhabituel dans
cées de l’enseignement agricole ? est au cœur des enseigne- tion, par définition, ne un fonctionnement
ments, avec la notion de donne pas de réponse, administratif. D’ailleurs
Marie-france Rubiello : Cette expé-
capacités exercées en si- elle ne pose que des cela implique une
rimentation est l’occasion de donner de
l’autonomie de réflexion dans les établis-
tuation donc de construc- questions, c’est à nous appropriation des équi-
sements mais nous (le Comité de pilota-
tion de compétences. (adultes référents, pes de direction pour
jeunes, experts) de organiser le débat et
ge) pensons qu’il faut travailler sur une Mais au-delà de l’outil,
base commune. nous proposons donc la démarche du livret construire les réponses la réflexion au sein de
l’établissement.
un accompagnement des lycées expéri- expérimental de compé- (…)
mentateurs par un cabinet conseil que tences doit être perçue
nous avons retenu parqu’il vient de faire comme un moyen de visualiser son
Champs Culturels : où en êtes-vous
un travail similaire pour le compte de la parcours, de trier, de hiérarchiser, et non
aujourd’hui dans votre établissement à
PJJ (protection juridique de la jeunesse). comme « un truc de plus ». Les jeunes
Mirecourt ?
ne doivent pas avoir le sentiment d’une
Cet accompagnement s’organise dans
charge supplémentaire mais d’un travail Marie-france Rubiello : nous avons
le respect de la géométrie de chaque ex-
qui les prépare pour demain. poursuivi le partenariat avec la DRJSCS
périmentation propre aux lycées et nous
et le Conseil Régional de Lorraine et choi-
mettons en place une nous avons nombre de
si de proposer un prolongement de la
formation commune jeunes ici qui n’ont pas
préalable autour du ré-
Ce travail a permis pour ce réflexe de valorisation
formation commune sur les compéten-
férentiel professionnel les jeunes concernés de leur parcours et qui ne
ces, par un cycle de conférences sur no-
de s’arrêter sur leur tre système éducatif animées par Alain
de compétences (Ré- sont pas dans des contex-
parcours, d’initier une Bollon, à l’attention d’un public large,
férentiel Compétences tes familiaux favorisant
salariés du secteur social, enseignants de
Clés). L’appropriation démarche de réflexivité. cette démarche.
l’enseignement agricole etc.
intégrale de ce référen-
Ce travail a permis
tiel apparaît trop complexe pour les éta- nous allons maintenant explorer le
pour les jeunes concernés de s’arrêter
blissements, en revanche certaines équi- Lorfolio avec les élèves de bac profes-
sur leur parcours, d’initier une démarche
pes décident de l’adapter à leur projet. sionnel « Forêt » avec un objectif de
de réflexivité.
recherche-action visant à construire des
Par ailleurs, au bout d’une année, il
Pour les adultes engagés cela a modalités d’accompagnement adap-
est décidé de choisir le LoRFoLIo (port-
conduit à faire des choix, tel axe à pri- tées et cohérentes. L’équipe éducative
folio numérique proposé par le Conseil
vilégier et pas tel autre etc. Il a fallu ar- va bénéficier d’un appui pour travailler
Régional de Lorraine, plutôt que le web
rêter l’éparpillement dans les établisse- correctement cette question de l’accom-
classeur), pour devenir le support de for-
ments et garder un peu d’obstination sur pagnement : quels apports on propose
malisation du livret expérimental.
un sujet pour essayer de le mener à bien. aux jeunes pour bien se situer sur cet
outil ? Comment les amène-t-on à tra-
Cela a demandé beaucoup d’engage-
vailler leur cursus, à mettre en valeur des
Champs Culturels : Qu’est-ce-qui a bien ment pour les enseignants volontaires
compétences.
fonctionné dans cette expérimenta- et cela a ébranlé quelques certitudes
tion selon vous, et sur quoi faut-il être et quelques pratiques, mais de manière Et puis, chose que nous faisons rare-
vigilant ? positive. ment, comment évalue-t-on l’accom-
pagnement ? Qu’a-t-il amené au jeune,
Marie-france Rubiello : Chaque expé- A ce titre il m’a semblé que des ap-
et ce dernier qu’en- a-t-il retiré ? À quel
rimentation s’est traduite par un projet, ports en sciences de l’éducation (initiés
signe mesure-t-on la plus-value de ce
des actions qui ont abouti de façon va- dans le cadre de la formation commune)
travail ? Ce sera le dernier volet de cette
riable selon les établissements. étaient très importants pour penser
expérimentation commencée en 2010.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 51
Un projet d’éducation
non formelle avec
les foyers ruraux de Moselle
Jérôme Léger
est animateur socioculturel au sein de la Fédération Départementale des Foyers Ruraux de Moselle. Il est responsable du secteur
« enfance et jeunesse » et intervient sur les formations professionnelles de directeurs de structures, (DEJEPS) et sur les formations
non professionnelles (BAFA, BAFD).
Dans cet entretien Jérôme Léger présente le chantier éducatif conduit avec le lycée
agricole de Pixérécourt en Juin 2011 à Chambrey dans le cadre de l’expérimenta-
tion sur le livret de compétences. Il précise en quoi ce travail sur les compétences
acquises dans un cadre d’éducation non formelle, rejoint les préoccupations des
foyers ruraux attachés à donner à la jeunesse par l’action et la confrontation des
idées, les outils pour agir et créer des perspectives de progrès.
?
CHANTIER PARTICIPATIF
Un photo-langage,
15 & 16 juin 2011
c’est quoi ?
Réalisation et impression : les Foyers Ruraux de Moselle 57420 GOIN.
pleinement dans le cadre de nos actions jérôme Léger : En premier lieu cela a nous avons élaboré deux outils : une
d’éducation non formelle, nous l’avons nécessité un travail important d’échan- grille d’observation pour aider les adul-
intitulé « Projet d’éducation non for- ges et de discussion autour de l’objectif tes à observer ce que les jeunes mettent
melle à Chambrey ». de ce projet, de ses modalités, du rôle de en œuvre – ou pas – en terme d’initia-
chacun, de la place des jeunes. tives, d’interaction avec les autres, de
Chambrey est une ancienne gare,
réalisation ; et un carnet de bord à desti-
transformée en lieu d’accueil de séjours Il s’agissait d’une classe d’élèves de
nation des jeunes qui constitue leur outil
loisirs, particulièrement orientés « envi- seconde professionnelle « nature, jar-
personnel d’analyse du projet.
ronnement ». C’est une sorte de chantier din, paysage, forêt » accompagnés d’un
éducatif permanent car il y a toujours à enseignant de math/physique, et d’une Il y avait trois types d’activités à
faire. En revanche, il ne s’agit pas de faire enseignante de travaux paysagers. réaliser : une remise en état d’une sta-
de « l’occupationnel », les 3 volets d’acti- tion météo, un jardin médiéval, un four
Au fil des échanges, je me suis rendu
vités que nous avons identifiés avec les trappeur.
compte que ce qui était demandé dans
deux enseignants de Pixérécourt, lors
le cadre de cette expérimentation, c’est Ces trois activités avaient une utilité
de ce projet, avaient une réelle utilité
ce que nous faisions depuis très long- sociale immédiate car nous avions be-
sociale.
temps dans le cadre des formations soin que l’ensemble soit remis en état
d’animation, comme le BAFA par exem- pour accueillir des jeunes durant les
ple ; c’est-à-dire être capable de repérer séjours d’été.
Champs Culturels : Quels sont-ils et com-
et d’évaluer les compétences mises en
ment avez-vous abordé la question de C’est d’ailleurs ce qui a renforcé la mo-
œuvre et/ou construites par des jeunes
la construction des compétences dans le tivation des élèves pour ce projet.
dans le cadre d’activités collectives.
cadre de ce chantier éducatif ?
54 exPériences en lycées agricoles : témoignages
nous avons également utilisé un Champs Culturels : Qu’avez-vous tiré Champs Culturels : Selon vous, quel par-
autre outil qui est le photo langage et comme bilan de cette expérience d’édu- tenariat les associations d’éducation
qui a permis aux jeunes de relater leur cation non formelle ? populaire et les lycées agricoles peu-
expérience lors d’une soirée collective vent-ils (re-)construire ?
jérôme Léger : Que les jeunes ont
en se saisissant d’images qu’eux-mêmes
de nombreuses compétences déjà jérôme Léger : Ce partenariat a existé
avaient réalisées.
construites ! par le passé, mais le retrait du ministère
Cet outil a plusieurs vertus, notam- de l’agriculture des FonJEP a fragilisé
nous nous sommes rendu compte
ment celle de favoriser l’explicitation du les associations d’éducation populaire
que lors du séjour certains ont mis en
point de vue des jeunes sur le projet : ce notamment celles qui développaient une
œuvre, en situation, des savoirs et des
qu’ils ont appris, ce qu’ils ont apprécié et activité en milieu rural.
savoir-faire qu’ils avaient déjà acquis.
pourquoi etc..
Ceci étant, il est très important de
Finalement, ce projet d’éducation
La question des compétences vient tisser des liens avec ces associations, ces
non formelle a permis à bon nombre
après selon moi, il y a d’abord l’enthou- foyers ruraux car c’est une manière pour
de jeunes de révéler des compétences,
siasme autour du projet, le ressenti, les les jeunes de mieux connaître les terri-
de les faire émerger, de les repérer. Ils
premières impressions, et c’est seule- toires, pour certains d’y trouver une acti-
s’apercevaient qu’ils savaient faire plein
ment après, avec le carnet de bord no- vité, pour d’autres d’ouvrir de nouvelles
de choses. Indéniablement, ils en ont tiré
tamment, qu’ils ont réfléchi en termes perspectives d’engagement.
un grand bénéfice, ne serait-ce que sur le
de « compétences », et puis c’est une
plan de l’estime de soi. Les jeunes des lycées agricoles sont
trace de leur travail. Je sais qu’ils l’ont
pour certains engagés dans ces asso-
gardé encore aujourd’hui, pour beau-
ciations, mais pas tous, et le monde
coup d’entre eux.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 55
Dans cet entretien, Michel Dardenne relate l’expérience d’un chantier participatif
conduit avec les élèves d’une classe de seconde professionnelle Gestion des milieux
naturels et de la forêt (GMNF) dans le cadre de l’expérimentation sur le livret de
compétences. Quelle relation a été construite avec le partenaire associatif ? Comment
les élèves se sont engagés ? Quels outils ont été mis en place pour avoir une démarche
réflexive sur l’expérience ?
Champs Culturels : Vous êtes enseignant s’engager dans une réflexion sur le livret Champs Culturels : Comment avez-vous
de mathématiques au Legta de nancy- expérimental de compétences qui pour transformé cette proposition d’expéri-
Pixérécourt, qu’est-ce qui a motivé vo- nous, est très lié à notre mission d’inser- mentation en projet collectif avec les
tre engagement dans cette expérimen- tion des jeunes. jeunes ?
tation sur le livret de compétences ?
Dans mon établissement, j’ai donc Michel dardenne : Il faut d’abord
Michel dardenne : C’est sans doute accepté d’avoir une décharge d’1/2 heure rappeler que nous avons eu des réunions
mon histoire dans l’établissement, par semaine pour m’occuper de cette communes avec les quatre autres éta-
notamment sur le site de Toul où j’ai question d’insertion. blissements de Lorraine, pilotés par le
enseigné en CLIPA (classe d’initiation SRFD, en présence d’intervenants exté-
pré-professionnelle en alternance), en rieurs venus nous éclairer sur la notion
DIMA (Dispositif d’initiation aux métiers Champs Culturels : Quelle relation avez- de compétences, complexe à appréhen-
par l’alternance) donc au contact d’un vous établie avec la fédération des der pour nous qui travaillons dans le
public scolaire qui a besoin d’apprendre foyers ruraux de la Moselle ? monde scolaire…
autrement, qui a besoin de retrouver
Michel dardenne : Effectivement la Suite à cela j’ai travaillé avec le parte-
confiance en lui. Je me suis intéressé aux
question du partenaire est importante. naire associatif pour réfléchir à un projet
questions de remédiation, d’insertion
adapté, et pour construire une grille
de ces jeunes parfois en rupture avec le Pour moi c’est une question de
d’analyse de ce que pourrait être les
monde scolaire. réseau, j’ai un vécu associatif, et par
compétences des jeunes à faire émerger
ailleurs je connaissais Jérôme Léger,
J’adaptais mes cours, pour ces élèves durant ce projet : ce que je sais faire seul,
animateur professionnel à la Fédération
présents une semaine sur deux, en m’ap- ce que je sais faire en étant aidé, ce que
Départementale des Foyers ruraux de
puyant sur leur stage en entreprise pour je sais faire
Moselle, car nous avions déjà travaillé
faire des maths. en partie, etc. Car ce qui nous posait
ensemble avec des élèves en DIMA ainsi
Et puis nous avions une interroga- qu’avec des adultes en CAPA Services en
Les foyers problème dans ce travail
tion sur ces élèves en première année milieu rural (SMR), c’est donc naturel-
ruraux ont sur les compétences,
apporté leur c’était de tomber dans la
de BEPA (à l’époque, aujourd’hui nous lement que j’ai fait appel à lui pour ce
savoir-faire, ils
dirions en seconde professionnelle) qui nouveau projet. facilité de la compilation
construisent
lâchaient, qui décrochaient. d’expériences.
nous partageons la même philoso- des outils de
Et puis il y a eu une réflexion régiona- phie, les valeurs de l’éducation popu- valorisation
le sur cet appel à projet autour du livret laire, travailler à rendre autonomes ces pour les jeunes, nous avons donc élaboré
expérimental de compétences, et la Lor- jeunes, chercher à valoriser leur savoirs, un carnet de bord comme outil de suivi,
raine, par l’intermédiaire de Marie-Fran- savoir-faire car ils en ont, se donner la de traces et de repérage de certaines
ce Rubiello chargée des moyens au SRFD, peine d’aller à leur rencontre différem- compétences.
a proposé à tous les établissements de ment, donner sans attendre en retour.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 57
Car ce qui nous posait problème dans d’éducation à l’environnement et d’ac- Mais nous aurions pu aller beaucoup
ce travail sur les compétences, c’était de tivités sportives de plein air gérée par la plus loin car le site de la structure est
tomber dans la facilité de la compilation fédération des foyers ruraux de Moselle. situé dans un village qui a une grande
d’expériences. Je ne voyais pas l’intérêt charge historique. Annexé par les alle-
L’animateur, responsable du site et
de compiler et de stratifier les expérien- mands en 1870 le village représentait
partenaire du projet a proposé trois ni-
ces des jeunes qui en ont tous plus ou la frontière franco-allemande, il a éga-
veaux d’interventions :
moins. Ce qui me préoc- lement abrité une ancienne gare impé-
• une préparation du
cupe davantage c’est : des riale. nous aurions pu conduire le projet
compétences pour quoi
En revanche j’avais la terrain pour recevoir les
sur d’autres pistes ou rajouter ces volets
faire ? certitude qu’il fallait séjours de jeunes de l’été historiques et culturels.
d’abord vivre quel- (débroussaillage.) et un
En revanche j’avais que chose ensemble travail sur une parcelle
la certitude qu’il fallait
avec ces jeunes avant destiné à accueillir des Champs Culturels : La vie collective
d’abord vivre quelque plantations d’essences
chose ensemble avec ces
d’entrer dans cette rares dans le secteur.
semble avoir été un moment fort sur
jeunes avant d’entrer question des compé- • la remise en état d’un seulement deux jours de chantiers,
dans cette question des tences. jardin médiéval avec repi-
peut-on parler de nouvelles compéten-
ces pour les jeunes ?
compétences. quage de plantes aroma-
tiques qui servent à agrémenter la Michel dardenne : Cet aspect du sujet
cuisine durant les séjours d’été a été l’objet de désaccords en région
Champs Culturels : Quels étaient vos • la réfection d’une station météo lorsque nous avons débattu autour des
objectifs lors de ce projet ? « compétences ». Certains disaient que
finalement les compétences devenaient
Michel dardenne : L’objectif n’était Champs Culturels : Avez-vous pu associer
un grand fourre-tout, intégrant des as-
donc pas de compiler des compétences d’autres enseignants à ce projet ?
pects comme « être capable de se lever
« potentielles », mais plutôt de s’interro-
Michel dardenne : Comme je vous l’ai le matin » ou « être capable de ranger sa
ger sur ce que l’on met en place pour les
dit je suis prof de maths et non ensei- chambre »…
faire émerger, et le cas échéant aider à
gnant « technique ».
en construire. Personnellement je défends le fait
De ce fait, et vu la nature des chan- qu’un gamin qui est parfois le seul de
Je dirai, en exagérant à peine, que
tiers, j’avais à cœur de mobiliser les en- sa famille à se lever le matin afin de se
nous ne pouvions pas savoir à l’avance
seignants techniques de la filière. rendre en cours, développe une forme de
quel serait le résultat final, comment
compétence qu’il faut faire émerger, ne
cela allait se passer exactement. Est-ce Il a donc fallu convaincre que ce projet
serait-ce qu’à ses yeux.
que les jeunes en retireraient quelque avait un sens pour nous, pour les élèves,
chose ? que les compétences que nous souhai- Cela a d’ailleurs été notre principal
tions valoriser chez les jeunes, n’étaient objectif avec Jérôme Léger, l’animateur
Une chose était sûre et c’était ma
pas seulement techniques (car, cela, professionnel : rendre visible, faire émer-
conviction : tous ces jeunes ont des
ils le font déjà) mais aussi d’ordre plus ger des compétences que les jeunes
compétences, certaines bien maîtrisées,
« sociales », que l’on se situait volontai- détiennent mais qu’ils n’identifient pas
d’autres en cours, mais notre volonté,
rement dans un cadre moins formel que comme telles.
c’est de proposer un projet qui ait du
le contexte « cours » ou même travaux
sens pour nous, enseignants, élèves et nous avons dû collectivement organi-
pratiques (TP), etc…
partenaires, de le vivre, et ensuite d’uti- ser notre groupe durant ces deux jours.
liser nos outils réflexifs pour se donner C’est travail explicatif que je trouve
Par exemple, j’avais demandé à la
le temps de la prise de recul, le temps de nécessaire et qui a porté ses fruits
restauration scolaire de nous fournir les
l’analyse avec les jeunes. puisqu’une enseignante technique, as-
matières premières, mais pas de plats
sez dubitative au départ, a accepté de
préparés.
se déplacer et de venir voir le site. Elle
Champs Culturels : Quel a été ce projet ? en a fait une analyse très positive et a nous avons dû confectionner la cui-
constaté qu’il y avait beaucoup d’oppor- sine, faire quelques courses pour tout le
Michel dardenne : C’est un projet de
tunités techniques, qu’il était possible, groupe, se poser des questions de quan-
chantier collectif sur deux jours, au mois
par exemple, d’ouvrir des milieux, bref tité, de budget.
de juin 2011, réalisé à Chambrey sur le
que le travail serait adapté et intéressant
site d’une structure d’accueil de séjours Pour certains, faire la cuisine, monter
pour les jeunes.
58 exPériences en lycées agricoles : témoignages
une tente était complètement nouveau. sa relation amicale. C’est un travail assez lourd à entre-
prendre car cela demande de passer du
Finalement, l’école c’est une figure Cet exercice réalisé à partir des pho-
temps avec chacun des élèves pour l’ac-
imposée, quand on amène les élèves à tos du groupe faites par lui-même a été
compagner dans sa démarche person-
des savoir-faire, comme déterminer une un outil réflexif très précieux.
nelle de transcription de ses expériences.
primitive en maths par exemple, cela
Le carnet de bord a permis d’asseoir
ne laisse pas, à mon sens, beaucoup Un autre souhait est de bâtir un blog
plus précisément les apports du projet
l’occasion de développer son potentiel qui consignerait les activités culturelles,
pour les jeunes, en
personnel… sportives que chacun vit dans sa ville ou
termes de compé-
Ils ont compris là-aussi tences « simples » : son village et qu’il veut faire partager à
Là, nous avons vécu une
la force d’un collec- ses camarades, une sorte de plateforme
aventure qui laisse s’expri- ce que je sais
d’échanges d’informations sportives,
mer le potentiel de chacun, tif qui s’entraide car faire, seul, aidé par
culturelles et de loisirs…
où chacun a sa place parce certaines compétences d’autres, ce que je
qu’on la lui fait, où le collectif n’ont pu être acqui- sais faire en partie, Mais tout cela demande du temps
l’emporte sur l’individuel. ses que grâce à l’aide le pas qu’il me reste que je n’ai pas nécessairement, comme
d’autres camarades. encore à faire, etc. je n’avais pas toujours le temps de réali-
on parle beaucoup d’in-
ser le projet à Chambrey d’ailleurs ! Mais
dividualisation aujourd’hui, Ils ont com-
si on attend d’avoir toujours les heures
à l’école comme ailleurs, « individualisa- pris là-aussi la force d’un collectif qui
pour faire quelque chose…
tion des parcours, des formations. ». s’entraide car certaines compétences
n’ont pu être acquises que grâce à l’aide J’ai dû parfois déplacer des cours,
nous avons plutôt travaillé sur le
d’autres camarades. m’arranger avec les collègues pour rat-
collectif et démontré la force du groupe
traper mes cours.
quand il est solidaire et organisé. Un
élève a dit en séance de photo-lan- Mais je m’investis car cela a du sens
Champs Culturels : Et maintenant, la
gage, « l’union fait vraiment la force pour moi, quand vous voyez que certains
suite ?
finalement ». jeunes aujourd’hui préfèrent qu’on leur
Michel dardenne : Effectivement il y mette tout de suite « o/20 » plutôt que
Je défends le fait que des compéten-
aura une suite, plus formelle celle-là. de rendre le travail car ils sont persuadés
ces ont émergé à travers la vie collective,
qu’ils sont nuls…
l’organisation quotidienne. D’ailleurs La région Lorraine
nous avons construit deux outils pour s’est doté d’un outil
travailler sur la réflexivité : le photo-lan-
J’ai un jeune qui m’a dit
appelé le Lorfolio qui
gage et le carnet de bord. est en ligne à la dispo-
dernièrement « J’ai peur Champs Culturels :
sition de chacun. de ne pas avoir de tra- donc valoriser des
vail ». compétences construi-
Je l’ai testé et ce À 15 ans ! Vous vous ren- tes dans le cadre d’une
Champs Culturels : Pouvez-vous nous en
travail m’a conduit à éducation non-for-
dire davantage sur ces outils ? dez compte, il a déjà peur
une réflexivité que je melle, devrait pouvoir
à 15 ans… C’est dramati- être possible selon
Michel dardenne : Le photo-langage ne prends pas le temps
s’est construit petit à petit par les pho- d’avoir sur mon par-
que. Il a peur car il ne sait vous dans le cursus
tos que tout le groupe a faites. cours professionnel, pas ce qu’il est capable scolaire ?
or comme les jeunes, de faire. En explicitant ses
nous avons imprimé ces photos le capacités, il va commen- Michel dardenne :
nous avons aussi, nous
jour du bilan, et demandé à chaque élève oui ça a un sens, au
adultes, des compé- cer à reprendre confiance.
d’en choisir deux et de commenter ce moins du point de vue
tences qui restent à
choix. de la confiance en soi,
construire, d’autres que nous maîtrisons
voire de la connaissance de soi. Il y a des
Des éléments passionnant sont res- etc. c’est bien d’avoir fait ce travail ré-
jeunes aujourd’hui qui ne savent pas
sortis de cette aventure collective. flexif sur son parcours quand on le mène
qu’ils savent faire ! Si on ne va pas les
avec des jeunes.
Par exemple, une élève a retenu une « chercher », ils ne font pas ce travail sur
chose qui lui paraît la plus importante, Mon objectif dans le courant de l’an- eux-mêmes.
elle sait désormais que sa copine sait née est d’amener les élèves à s’en empa-
J’ai été formé à l’entretien d’explici-
jouer de la guitare. Elle la voit différem- rer, à l’adapter à leur situation afin qu’ils
tation, il vise précisément à faire émer-
ment, et surtout elle se rend compte puissent s’en servir de manière durable
ger chez l’autre ses savoir- faire, ses
qu’elle était passée à côté de cela dans et y consigner leurs expériences.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 59
Extrait du bilan intermédiaire 2010-2011 réalisé par Corinne BoRnET - Cabinet Résonance psychologie du travail et des organisations - Sur l’expérimentation
conduite dans 5 lycées agricoles de Lorraine.
60 exPériences en lycées agricoles : témoignages
Champs Culturels : Pourquoi vous êtes– tant que les garde-fous ne sont pas mis un problème d’égalité de traitement des
vous lancée dans l’expérimentation re- en place. Mais nous n’en sommes qu’à la jeunes.
lative au livret de compétences ? phase d’analyse des expérimentations.
Enfin il y a l’utilisation professionnelle
Corinne Kocevar : Je suis correspon- de ce livret qui peut également poser
dante régionale pour la mission « inser- problème si les jeunes ne sont pas cor-
Champs Culturels : de quelles réserves
tion » et c’est à ce titre que j’ai vu un rectement accompagnés.
s’agit-il pour vous ?
intérêt à cette expérimentation. Dans le
cadre de cette mission d’insertion, nous Corinne Kocevar : Les réserves sont
questionnons le parcours des jeunes, de plusieurs ordres, et dans un premier Champs Culturels : Comment s’est faite
leur orientation et leur insertion. Expéri- temps il y a le danger d’un dispositif qui la présentation de ce livret expérimen-
menter un dispositif qui propose de va- aurait un caractère obligatoire. En effet, tal aux élèves ?
loriser, dans le cadre scolaire, des compé- que faire si des jeunes ne veulent pas,
Corinne Kocevar : nous n’avons pas
tences acquises par les jeunes hors cadre ou n’ont rien à proposer en termes d’ex-
souhaité faire une présentation a priori
scolaire me semblait intéressant. périences ? Par exemple dans le cas de
de ce livret, ni de la notion de compéten-
notre expérimentation, nous avons des
Intéressant mais non dénué de ces. nous avons préféré entrer dans le
élèves qui n’ont pas souhaité faire cette
risques. dispositif par le projet.
démarche réflexive.
En effet, sous Ce projet a pris la forme d’un EIE
Deuxième réserve :
l’impulsion de Marie- (enseignement à l’initiative de l’établis-
France Rubiello à l’épo-
Des réserves sont appa- même si ce livret ve-
sement) en seconde professionnelle Tra-
que en poste au SRFD rues lors de ces échanges, nait à être facultatif vaux paysagers et Agroéquipement, soit
réserves qui à mon sens et construit avec les
Lorraine, un groupe de environ 55 élèves.
ne sont pas levées sur élèves volontaires, il y a
travail s’est constitué
le risque de l’utilisation Des enseignants «techniques», mais
autour de cette expéri- un tel dispositif tant que
en conseil de classe par aussi de français/histoire-géographie,
mentation. nous avons les garde-fous ne sont
exemple. éducation physique et sportive, éduca-
pu creuser la notion pas mis en place. Mais tion socioculturelle ont participé à l’ac-
de compétences avec nous n’en sommes qu’à Partant d’un bon
compagnement de cette action intitulée
l’appui d’intervenants la phase d’analyse des sentiment, celui de
« nature, sculpture, soudure » avec l’ob-
extérieurs et réfléchir valoriser le parcours
expérimentations. jectif de faire des réalisations plastiques
à ce qu’elle signifiait de l’élève, nous pour-
et végétales qui seraient valorisées lors
pour les jeunes que rions déboucher sur
du printemps d’Urville, grande mani-
nous accueillons en lycée agricole. une pénalisation d’un jeune qui n’a pas
festation d’horticulteurs de Lorraine et
souhaité remplir son livret, ou qui a un
Des réserves sont apparues lors de d’autres régions. Les réalisations étaient
livret vide, au profit de celui qui prati-
ces échanges, réserves qui à mon sens variées et de grande qualité : mur vé-
que de multiples activités et qui peut le
ne sont pas levées sur un tel dispositif gétal, cabane, traces de pneus, fourmis
remplir aisément. nous nous heurtons à
exPériences en lycées agricoles : témoignages 61
géantes. Elles ont été présentées par les Corinne Kocevar : oui et non, car dès Une partie des élèves est très motivée
jeunes au public lors de cet événement. le début du projet certains jeunes se par cette deuxième étape que je vais as-
sont beaucoup investis et d’autres beau- surer après les vacances de Toussaint car
C’est à l’issue de ce projet que nous
coup moins. beaucoup de nos jeunes ont fait appa-
avons présenté aux jeunes le travail
raître leurs compétences dans différents
d’identification des compétences que Par exemple, ils ne sont pas tous ve-
domaines (BAFA, pompiers, responsabi-
nous allions faire ensemble. nus au Printemps d’Urville qui se dérou-
lités dans l’ALESA.) et voudraient mettre
lait un week-end.
en forme tout cela dans un parcours.
Mais ceux qui sont venus en ont retiré
Champs Culturels : de quels outils dispo- D’autres nous ont fait part de leur
une grande satisfaction et ont pu repé-
siez-vous pour ce travail, et plus généra- souhait d’être mis en contact avec des
rer quelles compétences ils avaient dé-
lement quel type d’outil est requis dans associations, voire de s’engager bénévo-
veloppé lors de cet événement, notam-
une approche par compétences ? lement (associations environnementa-
ment la capacité à expliciter leur travail.
les, caritatives, animation.).
Corinne Kocevar : nous avons
En revanche, les entretiens conduits
construit un référentiel de compétences J’essaie de voir actuellement com-
en groupe sont toujours ambivalents
en adaptant le référentiel professionnel ment concrétiser ces envies qui sont
car ils rassurent les jeunes d’une cer-
des compétences qui nous avait été pré- nées de ce travail d’expérimentation et
taine manière mais mettent en avant
senté en session de formation régionale. qui me semblent très bénéfiques pour
ceux qui ont le plus de facilités à l’oral
ces jeunes.
Au regard du projet « nature, Sculp- au détriment des autres. nous avons
ture, Soudure », nous avons simplifié ce quand même constaté qu’à l’issue des
référentiel et retenu les pôles de com- entretiens qui avaient pour support une
Champs Culturels : Au regard des pre-
pétences qui nous semblaient être en grille d’identification des compétences,
miers entretiens conduits, quel bilan ti-
jeu dans ce projet artistique au regard certains élèves avaient vraiment adhéré
rez-vous de cette expérimentation pour
des situations que les élèves allaient à cette approche et souhaitent poursui-
vous, enseignants, et pour les jeunes ?
rencontrer. vre aujourd’hui.
Corinne Kocevar : Pour les ensei-
Trois pôles de compétences se dé-
gnants le travail de réflexion autour des
gageaient : Initiative, réalisation et
Champs Culturels : Précisément, où en compétences a permis de nous interro-
interaction, chacun relié à des capacités
êtes-vous de l’expérimentation ? ger sur plusieurs éléments : la notion de
à mettre en œuvre (faire des choix com-
compétence bien sûr, quelle définition
patibles avec le respect de l’environne- Corinne Kocevar : nous la poursui-
en donner dans le cadre de l’école ? En
ment, se situer dans l’environnement vons sur l’année 2012.
quoi cette approche par compétences
local.).
Des entretiens individuels vont être pouvait nous apporter une autre ma-
A l’issue de l’événement, nous avons conduits avec l’objectif d’accompagner nière de travailler avec les jeunes ?
conduit des entretiens en groupe avec le les jeunes dans l’utilisation du Lorfo-
Pour nous enseignants,
référentiel simplifié. lio, un livret numérique
c’est une posture nou-
de compétences créé à (…) beaucoup de
Mais la question de l’outil est très velle qui n’est pas sans
l’initiative de la Région nos jeunes ont fait
importante en effet, car ce travail peut poser questions à certains
Lorraine. nous avons eu
s’avérer très contre-productif si l’on uti- apparaître leurs collègues. Par exemple
une formation autour de
lise des outils « au rabais » du type ques-
cet outil pour le présenter
compétences dans certains s’interrogent sur
tionnaire « ce que je sais faire, ce que je
aux jeunes et les aider à différents domaines notre capacité à valider
ne sais pas faire, ce que j’ai déjà fait »
le renseigner. Il a l’avan- (BAFA, pompiers, des compétences.
sans accompagnement, sans projet. responsabilités dans
tage d’avoir plusieurs Pour ma part, je pense
Certains de nos élèves seront imman- niveaux d’entrées selon l’ALESA.) et vou- que l’enjeu ne se situe
quablement dans le discours « encore un l’utilisation que l’on veut draient mettre en pas là, il est bien plus
truc où je suis nul ». en faire : consigner des forme tout cela dans modeste mais très impor-
expériences, les traduire un parcours. tant cependant : du côté
en compétences, sortir un des enseignants, cette
Champs Culturels : Comment se sont curriculum vitae papier expérimentation nous a
passés ces entretiens, les élèves ont-ils adapté à la demande d’emploi que l’on amené à considérer les jeunes au-delà
été réceptifs à ce travail ? veut faire etc. de leur parcours scolaire stricto sensu,
et au-delà de notre discipline. D’où les
62 exPériences en lycées agricoles : témoignages
réticences de certains collègues, car cela nombreuses, ou peu lisibles, ou encore Il faut respecter le choix de certains
nous oblige à nous décentrer. en construction, sans être accompagné. qui n’auraient pas envie de se lancer
dans ce travail, nous devons faire en
Pour les jeunes, il me semble que l’ap- Le deuxième apport est la valorisation
sorte que chaque élève y voit un béné-
port se situe en premier lieu autour du du jeune à travers ce travail, l’émergence
fice, mais chacun doit être libre d’établir
travail d’explicitation de leur parcours, de ses capacités à ses propres yeux. Pour
ce livret ou pas.
sans être « jugé ». Le travail d’explicita- les élèves en difficultés scolaires, cela
tion du parcours en lui-même est d’une peut être très positif. Enfin, aider les jeunes à valoriser leurs
très grande richesse pour nos élèves. parcours sur des compétences construi-
D’ailleurs c’est eux qu’il faut « aller
Cela me semble bien plus important tes dans le cadre de projets, dans le ca-
chercher » car ils ne sont pas deman-
que le débat sur « valider ou pas les dre de loisirs c’est une très bonne chose,
deurs d’un tel dispositif, en revanche
compétences ». utiliser cela dans le parcours scolaire
s’il est bien réfléchi en amont, ce travail
c’est autre chose. Pour ma part, tant que
Mais ce travail nécessite des moyens sur les compétences peut être un grand
des garde-fous ne sont pas posés à ce
en terme de temps et d’accompagne- atout, spécifiquement pour ceux qui ont
sujet, il me semble que cela constitue un
ment, car on ne peut pas aborder un besoin de reconquérir une estime de soi
frein à la généralisation.
travail d’explicitation sur ses compé- et une confiance scolaire.
tences, a fortiori quand elles sont peu
Extrait du bilan intermédiaire 2010-2011 réalisé par Corinne BoRnET – cabinet Résonance psychologie du travail et des organisations - sur l’expérimentation
conduite dans 5 lycées agricoles de Lorraine.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 63
Dans cet entretien, Patrick Lagneau propose l’utilisation d’un outil informatique
créé récemment au sein de son établissement avec d’autres collègues pour aider les
jeunes à repérer et analyser leurs expériences socioculturelles. Cette démarche vise à
faciliter la formalisation et la valorisation du parcours de ces jeunes.
Champs Culturels : Qu’est ce qui vous a pratique du jeune pour lui proposer des Champs Culturels : En quoi est-ce per-
amené à vous interroger sur les parcours pistes soit dans le cadre de l’ALESA(2), tinent de valoriser les expériences so-
culturels des jeunes et les compétences soit dans le cadre de l’offre culturelle et cioculturelles des jeunes dans le cadre
potentiellement construites dans le socioculturelle de nos territoires. scolaire ?
cadre de ce parcours ?
Patrick Lagneau : Je me suis aperçu,
Patrick Lagneau : J’ai participé à un
au cours de ma carrière d’enseignant en
stage de formation à Paris en mars 2011 Champs Culturels : Et pour ceux qui
éducation socioculturelle, que j’appre-
intitulé « Parcours culturel des jeunes et n’auraient rien comme expériences ?
nais parfois par hasard, en fin d’année,
livret expérimental de compétences »
Patrick Lagneau : L’outil que nous la pratique artistique de tel ou tel élève
et cette notion de parcours culturel m’a
avons construit permet de valoriser à l’extérieur, l’engagement associatif de
interpelé, mais plus encore, c’est l’idée
toutes les expériences y compris celles tel autre…
du diagnostic qui m’a intéressé. Car il
que les élèves n’identifient pas comme
s’agit d’aider nos élèves à repérer leurs J’aurai pu travailler autrement avec
des expériences. Prenons l’exemple du
pratiques, leurs expériences, leurs com- ces jeunes si j’avais eu connaissance de
domaine intitulé « Cinéma ». Dans ce
pétences en matière socioculturelle. ces éléments avant.
domaine il y a l’onglet « je suis specta-
teur », ce n’est pas une compétence en Par exemple encore dernièrement
soi. Mais cela peut donner des indices j’apprends d’un jeune qu’il est président
Champs Culturels : Quel est l’intérêt d’un
au tuteur pour conseiller au jeune des de son club de moto-cross, et qu’à ce
tel diagnostic pour les jeunes ?
pistes à exploiter, car au-delà de l’as- titre il est très engagé dans le fonction-
Patrick Lagneau : C’est d’abord per- pect ludique évident, sa démarche n’est nement de son club, il est impliqué dans
mettre au jeune d’avoir une trace tan- pas anodine en termes de curiosité l’organisation des compétitions, super-
gible de son parcours qui peut ensuite artistique. vise le budget, anime les conseils, donc
servir de base – s’il le souhaite - pour baigne dans la communication.
nous avons imaginé cet outil comme
entamer un dialogue avec un tuteur sur
un moyen de valoriser les parcours des or l’ALESA ne propose pas d’activités
tel ou tel aspect.
jeunes, quels qu’ils soient. on ne peut autour des sports mécaniques. Donc
Concrètement, il matérialise son pro- pas se permettre de construire des outils ce jeune n’avait, a priori, aucune raison
pre parcours. dans le champ des compétences non d’évoquer cet engagement associatif, à
formelles qui soient au détriment des la nuance près qu’en tant que telle, cette
Le deuxième intérêt pour nous, ensei-
jeunes. Ce serait catastrophique. Et pour activité fait entièrement partie du dia-
gnants d’ESC(1), et à condition que les
eux, et pour nous. gnostic des pratiques de nos jeunes, car
jeunes soient d’accord pour échanger,
l’activité associative quel que soit son
c’est mieux connaître la situation de
domaine (culturel, sportif, citoyen.) exige
des compétences communes.
(2) Association de Lycéens, Etudiants, Stagiaires et
(1) éducation Socioculturelle Apprentis Le diagnostic des pratiques
64 exPériences en lycées agricoles : témoignages
Tableau 1
socioculturelles des jeunes est décon- Champs Culturels : Pouvez-vous nous technique… etc.
necté dans un premier temps de ce que présenter cet outil ?
Chaque « domaine » est décliné en
le lycée propose, il s’intéresse d’abord à
Patrick Lagneau : Il se présente d’une « sous-domaines » puis en « compéten-
ce que le jeune fait. Ce qu’il est, à travers
manière très simple pour permettre un ces » : ce que je sais faire ou suis capable
son vécu.
accès facilité à tous. nous l’avons conçu de faire dans cette activité (Cf. tableau
C’est seulement ensuite qu’il nous en totale collaboration avec le responsa- 2). L’arborescence est volontairement
faut imaginer les liens avec les associa- ble informatique du lycée qui a apporté très simple.
tions du territoire par exemple, ou dans son aide et son savoir-faire.
En termes de parcours culturel et de
le cadre de notre offre
Concrètement une compétences il était très difficile d’être
au lycée, pour proposer Le diagnostic des prati-
vingtaine de domai- exhaustif, car les jeunes ont des activités
des pistes aux jeunes
ques socioculturelles des nes (Cf. tableau 1) très variées. Un élève pompier volontaire
qui le souhaitent.
jeunes est déconnecté composent le site, et par exemple, doit pouvoir valoriser son
Selon moi, il ne doit dans un premier temps je peux dire qu’avec activité en utilisant cet outil (en l’occur-
pas y avoir d’interfé- de ce que le lycée pro- mon collègue Lionel rence dans l’onglet « communication »
rences avec la scolarité pose, il s’intéresse d’abord Faivre, également en- qui décline des activités « en associa-
et encore moins de à ce que le jeune fait. Ce seignant en éducation tions », en « milieu professionnel » etc.)
caractère obligatoire. socioculturelle, nous
qu’il est, à travers son Afin d’écarter tout risque d’échec du
nous aidons ces jeunes avons essayé d’être
à formaliser un par-
vécu. exhaustifs pour couvrir
jeune face à son diagnostic, nous offrons
dans chaque menu déroulant, que ce
cours, à enrichir un CV, le plus grand nombre
soit pour les domaines, sous domaines
mais c’est dans son seul intérêt (trouver d’activités socioculturelles pratiquées
ou compétences, la possibilité de cocher
un job plus facilement l’été ou plus par les jeunes en ouvrant systématique-
une case « AUTRE ». Cette réponse est
tard) et seulement s’il le souhaite. nous ment la possibilité à différents niveaux
un angle d’attaque évident pour le tu-
avons (et là je pense à toute la commu- de pratique.
teur avec qui le jeune souhaite parler de
nauté éducative) un rôle d’information
Par exemple pour le Théâtre : son diagnostic.
et d’accompagnement sur ce type de
Théâtre-lecture/ Théâtre-Ecriture/Théâ-
démarche. Il faut dire à ce sujet que les activi-
tre-pratique/Théâtre-spectacle/Théâtre-
tés réalisées « en cours » autour de ces
exPériences en lycées agricoles : témoignages 65
EXEMPLES DE DOMAINES,
SOUS DOMAINES ETCOMPETENCES
DOMAINES SOUS-DOMAINES COMPETENCES
J'écris des scénarios
ECRITURE Je rédige des fiches sur le cinéma
Autre
J'ai déjà participé à un film professionnel
en tant que figurant
J'ai déjà participé à un film professionnel
REALISATION en tant qu'acteur
J'ai déjà participé à un film professionnel
sur le plan technique
CINEMA Autre
Je vais voir des films
Je sais analyser un film que j'ai vu au
EN SPECTATEUR
cinéma et en faire une critique argumentée
Autre
Je me documente sur le cinéma avec des
ouvrages spécialisés
CINEMA-PASSION Je sais animer un débat sur un film avec
un public
Autre
J'ai animé un conseil d'administration
J'ai animé une assemblée générale
EN ASSOCIATION J’ai été membre du CA
J’ai été responsable de club
Autre
J'ai été délégué de classe
COMMUNICATION J'ai participé à un conseil d'administration
AU LYCEE du lycée
J’ai participé au conseil intérieur
Autre
J'ai participé à une réunion au cours d'un
EN MILIEU
stage
PROFESSIONNEL
Autre
AUTRES DOMAINES
ARTS PLASTIQUES RADIO-ANIMATION THEATRE-SPECTACLE
Tableau 2
66 exPériences en lycées agricoles : témoignages
Diagnostic Culturel
Jean DUPONT BAC PRO 2 BIT
Objectif
Domaines Sous-domaines Compétences Niveau
Communication
Au lycée
J'ai été délégué de classe Débutant
Musique
Pratique d'un instrume
Je joue dans un groupe Débutant
Théâtre
Pratique
Je sais créer des décors Débutant
Vidéo
Pratique
Je sais numériser des rushes (dérushage et Débutant
numérisation)
Je sais utiliser une caméra vidéo (cadreur) Confirmé
Tableau 3
domaines peuvent également être men- amphithéâtre pour présenter l’outil de Champs Culturels : Comment imaginez-
tionnées : il ne s’agit pas de s’intéresser manière active et surtout faire émerger vous l’accompagnement des jeunes car
qu’aux activités extrascolaires mais à l’intérêt qu’il peut représenter pour eux. l’outil est d’une utilisation volontaire-
toutes les activités que les jeunes entre- ment très simplifiée ?
L’idée est de leur permettre de « re-
prennent dans ces champs d’expression.
garder » leur parcours, voire de le lire, Patrick Lagneau : L’accompagnement
Le parcours d’un jeune est riche de tou-
puisque nous avons prévu que le jeune est un gros enjeu car certains jeunes ne
tes les expériences, celles vécues dans
puisse imprimer un document qui for- tiennent pas spécialement à dévoiler
un cadre formel et celles relevant d’une
malise tout ce qu’il a leur parcours extrasco-
éducation non formelle.
indiqué (Cf. tableau 3). Et laire, d’autres au contraire
L’accompagnement
selon ce que nous avons prennent plaisir à en dis-
imaginé, il pourra tou-
est un gros enjeu car cuter. Bref il faut trouver
Champs Culturels :où en êtes-vous de
jours visualiser une chose certains jeunes ne la bonne distance dans
ou une autre. L’objectif est tiennent pas spécia-
l’utilisation de cet outil ?
cet accompagnement
Patrick Lagneau : Il est finalisé après qu’il ne se retrouve pas lement à dévoiler et ça peut-être « casse-
de nombreuses heures de travail chacun devant une feuille blan- leur parcours extras- gueule » parfois. Ce qui
dans nos compétences ! che. D’un autre côté, si un colaire, d’autres au suppose de se former à
nous allonsjeudi
maintenant réfléchir à sa
élève se lance dans cette contraire prennent l’accompagnement, à l’en-
18 octobre 2012
présentation et aux modalités de son
démarche de diagnostic, plaisir à en discuter. tretien d’explicitation
Page 1 sur 1 si
puisqu’elle est volontaire, besoin etc.
utilisation car il faut un accès facilité aux
c’est qu’il a de la matière
ordinateurs et des adultes volontaires Pour ma part, ce travail d’explicita-
à valoriser. Et il le sait. D’où l’importance
pour accompagner les jeunes dans sa tion avec les jeunes concernant leurs
de faire passer le message de la valorisa-
prise en main, même si je pense qu’elle activités socioculturelles, leurs expé-
tion de parcours lors de la phase « pro-
va être très rapide de leur part. riences, leurs compétences, me paraît
motionnelle » à l’amphithéâtre.
totalement partie-prenante de notre
Pour le reste, l’équipe de direction est
C’est une opportunité qu’on leur of- métier d’enseignant en éducation
très favorable à mes initiatives et me
fre, ils la saisissent ou pas, c’est à eux de socioculturelle.
soutient dans cette démarche.
décider mais s’ils la saisissent, c’est qu’ils
Quoiqu’il en soit, cela va passer sont aussi favorables à l’accompagne-
par une réunion de tous les élèves en ment d’un tuteur.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 67
Marielle Lacheteau,
enseignante en mathématiques, au lycée Kyoto de Poitiers.
Arnaud Peuch,
enseignant en éducation socioculturelle, au lycée Kyoto de Poitiers.
Au lycée Kyoto à Poitiers, l’expéri- et savoir-faire à travers une pratique Au terme de la période, chaque
mentation sur le livret de compétences tranvsersale. groupe d’élèves devait faire un bilan col-
bénéficie depuis le départ d’une double lectif de l’atelier indiquant par exemple
Ainsi, pour la quatrième année
culture émanant de la double tutelle du quels types d’apprentissages avaient été
consécutive, tous les primo-arrivants de
lycée : éducation nationale et Enseigne- construits collectivement.
l’établissement bénéficient d’un module
ment Agricole.
hebdomadaire d’une heure et demi à tra- Puis chaque élève faisait un bilan indi-
Deux enseignantes pilotent le disposi- vers lequel ils expérimentent différentes viduel avec son tuteur (un des adultes du
tif, Lou Coupelon-Dumons, enseignante activités dans le cadre d’ateliers pluridis- dispositif qui n’était pas forcément celui
en Lettres-Histoire, et Marielle Lache- ciplinaires animés par deux adultes de qui avait animé l’atelier, mais un adulte
teau, enseignante en Mathématiques. l’établissement. référent pour l’élève).
Le comité de pilotage, composé d’une Ce sont les adultes (enseignants, in- Enfin le tuteur pouvait proposer à
douzaine d’enseignants, a choisi d’inté- firmière, conseillers principaux d’éduca- l’élève un suivi plus personnalisé, en de-
grer dans le cadre de l’Accompagnement tion, informaticiens…) qui proposent ces hors des séances balisées, sous la forme
Personnalisé, deux dispositifs complé- ateliers ; les élèves s’y inscrivent libre- d’un tutorat, à la demande de l’élève.
mentaires : le tutorat et l’approche par ment pour une période donnée (2, 3 ou 4
Si les ateliers constituaient un sup-
compétences avec son semaines consécutives).
port permettant de réinvestir l’approche
outil numérique. Jusqu’à l’année Jusqu’à l’année der- par compétences, des entretiens indivi-
Le tutorat est envisagé dernière, ces ateliers nière, ces ateliers étaient dualisés réalisés en début d’année sco-
comme cadre et support étaient l’occasion de l’occasion de travailler les laire permettaient d’aider chaque jeune
d’accompagnement du travailler les compé- compétences dans une à comprendre le sens de cette démarche
jeune dans la valorisation tences dans une ap- approche non scolaire et et offraient la possibilité de travailler
de ses compétences. proche non scolaire transversale : par exemple avec eux sur le champ de leurs activités
L’approche par com- et transversale (…) un groupe d’élèves a tra- extra ou péri-scolaires.
vaillé sur le suivi de pro-
pétences consiste pour L’objectif consistait à s’appuyer sur ce
duits allant du producteur
l’équipe à proposer aux jeunes des type d’ activités (extra ou péri-scolaires)
au restaurant dans un atelier intitulé
ateliers (vidéo/philo, bande-dessinée/ pour permettre à chaque jeune de faire
“de la terre à l’assiette”, d’autres élèves
histoire, math/cuisine…) dans lesquels ils émerger ses propres expériences sa-
ont suivi un atelier “stop motion” dans
vont pouvoir découvrir, par petits grou- chant que les adultes avaient été formés
lequel il était question de travailler sur la
pes, une nouvelle approche des savoirs à l’entretien d’explicitation.
conceptualisation et le travail en groupe.
68 exPériences en lycées agricoles : témoignages
Correspondants r
diante et de l’insertion Marie-Luce CLERC BassE-noRManDiE
Co
EPL agro-environnemental du CRARC – DRAAF/SRFD LEGTA d’Avize
Tarn Legta de Bergerac 51190 AVIZE Stéphane BILLARD
Contact
Site d’Albi Domaine de la Brie Tel : 03 26 57 50 42 LEGTA de Sées
Route de Toulouse 24240 MONBAZILLAC marie-luce.clerc@educagri.fr Rue du 11 novembre 1918
81000 ALBI Tel : 05.53.24.69.37 61500 SEES
Tel : 05 63 49 43 75 martine.hauthier@educagri.fr Tel : 02.33.8.74.00
claire.latil@educagri.fr FRanChE-CoMté stephane.billard@educagri.fr
(25)
auvERGnE
Coordination alsaCE CoRsE
Dominique DEON noRD pas DE Calais
Haute-normandie
ContaCt DGER DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon
Claire LATIL Sabine DUCASTEL Cécile CLAUS DRAAF-SRFD
Correspondants régionaux
Eve LE QUANG Catherine HERITIER 2DRAAF-SRFD
rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Chargée de mission réseau Legtpa de Rouffach Francis
Lycée duBOURBIER
Bois
S/D des Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE
« animation et développement 8 aux remparts Le Solférino Chargé
Rue de la formation
du Général et des
de Gaulle
et d’Éducation 63370 LEMPDES Tel : 03 81 58 61 41
culturel » 68250 ROUFFACH 8 cours Napoléon missions
76630 ENVERMEU
Bureau dede
la vie scolaire, étudi- Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr
Ministère l’Agriculture, de Tel : 03 89 78 73 00 20176 AJACCIO Cité Adm
Tel : 02 32 BP
06505
30 40
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr
l’Agroalimentaire et de la Forêt sabine.ducastel@educagri.fr Tel : 04 95 51 86 77 59022
marion. LILLE Cédex
girat-quibel@educagri.fr
1DGER
ter, avenue de Politiques
Lowendal de ÎlE DE FRanCE
parCours Culturels
- S/D des Tel : 03 20 96 42 20
75700
FormationPARISet07 SP
d’Éducation BouRGoGnE francis.bourbier@educagri.fr
eve.lequang@educagri.fr aquitainE DRIAAF/SRFD
ChaMpaGnE-aRDEnnE pays DE la loiRE
Bureau de la vie scolaire, étu- Raphaël MORETTO 18 avenue Carnot
diante et de l’insertion Martine HAUTHIER Marie-Luce CLERC
DRAAF/SRFD Bourgogne 94234 CACHAN cédex BassE-noRManDiE
Emmanuel DEVINEAU
ContaCt EnFa
EPL agro-environnemental du CRARC – DRAAF/SRFD LEGTA d’Avize
des jeunes
22D Bld Churchill LEGTA La Roche sur Yon
Tarn Legta de Bergerac 51190 AVIZE Stéphane BILLARD
85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
Joël N. TOREAU BP 87865 lanGuEDoC-Roussillon
Site d’Albi Domaine de la Brie Tel : 03 26 57 50 42 LEGTA de Sées
Tel : 02 51 09 82 82
ENFA – BP 22687 21078 DIJON CEDEX
Route de Toulouse 24240 MONBAZILLAC marie-luce.clerc@educagri.fr
James CHAIGNEAUD Rue du 11 novembre 1918
emmanuel.devineau@educagri.fr
31326 CASTANET CEDEX Tel : 03.80.39.30.56
81000 ALBI Tel : 05.53.24.69.37 DRAAF/SRFD Montpellier 61500 SEES
raphael.moretto@educagri.fr
et CompétenCes :
Tel : 05 61 75 32 75 martine.hauthier@educagri.fr Tel : 02.33.8.74.00
Tel : 05 63 49 43 75 Place A. Chaptal
joel.toreau@educagri.fr
claire.latil@educagri.fr
piCaRDiE
stephane.billard@educagri.fr
FRanChE-CoMté
(25) ?
BREtaGnE CS 70039
auvERGnE 34060 MONTPELLIER cx 02 Odile DERAEVE
MinistèRE DE la CultuRE Et Bernard MOLINS Dominique DEON Haute-normandie
LPA de la Baie de Somme
ContaCt DGER Tel : 04 67 10 18 15
quels parCours
DE la CoMMuniCation DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon 10 rue du Quinconce
LEGTA St Jean Brévelay- james.chaigneau@educagri.fr
Eve LE QUANG Catherine HERITIER 2 rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Hennebont 80220 PERONNE cedex
Isabelle
S/D des DUFOUR-FERRY
Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE Lycée du Bois
Le Talhouët Tel : 03.22.84.73.20
Chargée de mission tourisme et
et d’Éducation 63370 LEMPDES liMousin
Tel : 03 81 58 61 41 Rue du Général de Gaulle
BP14 odile.deraeve@educagri.fr
monde
Bureau rural Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr 76630 ENVERMEU
quelles CompétenCes ?
de la vie scolaire, étudi- 56701 HENNEBONT DRAAF-SRFD
Secrétariat général
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr Tel : 02 32 06 30 40
Tel : 02.97.36.23.40 Agnès NARDOT poitou-ChaREntEs
Service de la de
1 ter, avenue coordination
Lowendal des marion. girat-quibel@educagri.fr
ÎlE DE FRanCE
Immeuble Le Pastel
parCours Culturels
bernard.molins@educagri.fr
politiques
75700 PARIS culturelles
07 SP et de BouRGoGnE Arnaud STINES
22 rue des Pénitents Blancs
l’innovation - département de
eve.lequang@educagri.fr DRIAAF/SRFD pays
LEGTADE de la loiRE
Venours
CEntRE
Raphaël MORETTO BP 39 16
l’éducation et du développe- 18 avenue Carnot RURART D150
DRAAF/SRFD Bourgogne 87039 LIMOGES cédex Emmanuel DEVINEAU
ment artistique et culturel Marie-Laure BOUTTIER 94234 CACHAN cédex 86480 ROUILLE
ContaCt EnFa Tel : 05 55 12 92 60
des jeunes
182, rue Saint-Honoré 22D Bld Churchill LEGTA La Roche sur Yon
EPL Tours Fondettes Tel : 05 49 43 62 59
75001
Joël N.PARIS
TOREAU BP 87865 85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
La Plaine lanGuEDoC-Roussillon arnaud.stines@educagri.fr
Tel
ENFA: 01– 40
BP 15 78 58
22687 21078 DIJON CEDEX loRRainE Tel : 02 51 09 82 82
37230 FONDETTES James CHAIGNEAUD
isabelle. dufour-ferry@culture.
31326 CASTANET CEDEX Tel : 03.80.39.30.56 emmanuel.devineau@educagri.fr
Tel : 02.47.42.01.06 Sophie CABANAC pRovEnCE alpEs
raphael.moretto@educagri.fr DRAAF/SRFD Montpellier
et CompétenCes :
Tel : 05 61 75 32 75
gouv.fr marie-laure.bouttier@educagri.fr Franck DUPONT
joel.toreau@educagri.fr Place A. Chaptal
Legta de Courcelles-Chaussy CôtEs D’azuR
piCaRDiE
BREtaGnE CS 70039
1, avenue d’Urville Agnès DECHY
Odile DERAEVE
34060 MONTPELLIER cx 02
MinistèRE DE la CultuRE Et Bernard MOLINS 57530 COURCELLES CHAUSSY DRAAF/SRFD
LPA de la Baie de Somme
Tel : 04 67 10 18 15
quels parCours ?
DE la CoMMuniCation LEGTA St Jean Brévelay- Tel : 03 87 64 00 17 Les bureaux
10 rue de Marveyre
du Quinconce
james.chaigneau@educagri.fr
Hennebont sophie.cabanac@educagri.fr 10 Bld Ralli
80220 PERONNE cedex
Isabelle DUFOUR-FERRY franck.dupont@educagri.fr 13008 MARSEILLE
Le Talhouët Tel : 03.22.84.73.20
Chargée de mission tourisme et liMousin Tel : 04 91 23 08 77
BP14 odile.deraeve@educagri.fr
monde rural agnès.dechy@educagri.fr
quelles CompétenCes ?
56701 HENNEBONT MiDi-pyRénéEs
DRAAF-SRFD
Secrétariat général
Tel : 02.97.36.23.40 Agnès NARDOT poitou-ChaREntEs
Service de la coordination des Géraldine JANER
politiques culturelles et de
bernard.molins@educagri.fr Immeuble Le Pastel
EPL agro-environnemental du RhônE-alpEs
22 rue des Pénitents Blancs Arnaud STINES
l’innovation - département de Tarn Denise
LEGTA de MENU
Venours
CEntRE BP 39 16
l’éducation et du développe- Site d’Albi DRAAF
RURARTCité administrative
D150
87039 LIMOGES cédex
ment artistique et culturel Marie-Laure BOUTTIER Route de Toulouse de la Part-Dieu
86480 ROUILLE
Tel : 05 55 12 92 60
182, rue Saint-Honoré EPL Tours Fondettes 81000 ALBI 165
Tel :rue Garibaldi
05 49 BP 3202
43 62 59
75001 PARIS La Plaine Tel : 05.63.49.43.70 69401 LYON CEDEX 03
arnaud.stines@educagri.fr
Tel : 01 40 15 78 58 loRRainE
geraldine.janer@educagri.fr Tel : 04 78 63 34 43
La revue Champs culturels est distribuée dans tous 37230 lesFONDETTES
établissements. Elle
isabelle. dufour-ferry@culture. Tel : 02.47.42.01.06 Sophie CABANAC denise.menu@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics. pRovEnCE alpEs
gouv.fr
Elle marie-laure.bouttier@educagri.fr
est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJSCS, les mis- Franck DUPONT
Legta de Courcelles-Chaussy CôtEs D’azuR
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement. 1, avenue d’Urville Agnès DECHY
57530 COURCELLES CHAUSSY DRAAF/SRFD
http://escales.enfa.fr Tel : 03 87 64 00 17 Les bureaux de Marveyre
le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels sophie.cabanac@educagri.fr 10 Bld Ralli
est aussi disponible en ligne. franck.dupont@educagri.fr 13008 MARSEILLE
Tel : 04 91 23 08 77
MiDi-pyRénéEs agnès.dechy@educagri.fr
Géraldine JANER
EPL agro-environnemental du RhônE-alpEs
BAT-CC25-couverture.indd 2 7/01/13 16:10:54
Tarn Denise MENU
Site d’Albi DRAAF Cité administrative
Route de Toulouse de la Part-Dieu
81000 ALBI 165 rue Garibaldi BP 3202
Tel : 05.63.49.43.70 69401 LYON CEDEX 03
geraldine.janer@educagri.fr Tel : 04 78 63 34 43
La revue Champs culturels est distribuée dans tous les établissements. Elle
denise.menu@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics.
Elle est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJSCS, les mis-
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement.
http://escales.enfa.fr
le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels
est aussi disponible en ligne.
MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT
Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche
JANVIER 2013
DiRECtRiCE DE la puBliCation :
Mireille RIOU-CANALS
Directrice générale de l’enseignement et de la
recherche
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire,
et de la Forêt
MinistèRE DE l’aGRiCultuRE,
DE l’aGRoaliMEntaiRE Et DE la FoRÊt
Direction Générale de l’Enseignement et de la
Recherche (DGER)
Sous direction des Politiques de Formation et
d’Éducation
Bureau de la vie scolaire, étudiante et de
l’insertion
Réseau Animation et Développement Culturel
1, ter avenue de Lowendal 75007 PARIS
École Nationale de Formation Agronomique
(ENFA)
BP 87 - 31326 CASTANET CEDEX
Responsable de la rédaction :
Claire Latil, réseau Animation et Développe-
ment Culturel
MinistèRE DE la CultuRE
Et DE la CoMMuniCation
secrétariat Général
Service de la coordination des politiques cultu-
relles et de l’innovation
Département de l’éducation et du développe-
ment artistique et culturel
182, rue Saint-Honoré - 75033 PARIS CEDEX 01