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MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT

Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION


Service de la coordination des politiques culturelles et de l’innovation

JANVIER 2013
DiRECtRiCE DE la puBliCation :
Mireille RIOU-CANALS
Directrice générale de l’enseignement et de la
recherche
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire,
et de la Forêt

MinistèRE DE l’aGRiCultuRE,
DE l’aGRoaliMEntaiRE Et DE la FoRÊt
Direction Générale de l’Enseignement et de la
Recherche (DGER)
Sous direction des Politiques de Formation et
d’Éducation
Bureau de la vie scolaire, étudiante et de
l’insertion
Réseau Animation et Développement Culturel
1, ter avenue de Lowendal 75007 PARIS
École Nationale de Formation Agronomique
(ENFA)
BP 87 - 31326 CASTANET CEDEX
Responsable de la rédaction :
Claire Latil, réseau Animation et Développe-
ment Culturel

MinistèRE DE la CultuRE
Et DE la CoMMuniCation

secrétariat Général
Service de la coordination des politiques cultu-
relles et de l’innovation
Département de l’éducation et du développe-
ment artistique et culturel
182, rue Saint-Honoré - 75033 PARIS CEDEX 01

Conception graphique et illustrations :


(25) parCours Culturels
Pauline Redoulès/Fresco François Cadeau
Toulouse
impression
Midi Pyrénées Impression - Toulouse
des jeunes et CompétenCes
quels parCours ? quelles CompétenCes ?
ChaMpaGnE-aRDEnnE
Bureau de la vie scolaire, étu-
Martine HAUTHIER

Correspondants r
diante et de l’insertion Marie-Luce CLERC BassE-noRManDiE

Co
EPL agro-environnemental du CRARC – DRAAF/SRFD LEGTA d’Avize
Tarn Legta de Bergerac 51190 AVIZE Stéphane BILLARD

Contact
Site d’Albi Domaine de la Brie Tel : 03 26 57 50 42 LEGTA de Sées
Route de Toulouse 24240 MONBAZILLAC marie-luce.clerc@educagri.fr Rue du 11 novembre 1918
81000 ALBI Tel : 05.53.24.69.37 61500 SEES
Tel : 05 63 49 43 75 martine.hauthier@educagri.fr Tel : 02.33.8.74.00
claire.latil@educagri.fr FRanChE-CoMté stephane.billard@educagri.fr

(25)
auvERGnE
Coordination alsaCE CoRsE
Dominique DEON noRD pas DE Calais
Haute-normandie
ContaCt DGER DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon
Claire LATIL Sabine DUCASTEL Cécile CLAUS DRAAF-SRFD

Correspondants régionaux
Eve LE QUANG Catherine HERITIER 2DRAAF-SRFD
rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Chargée de mission réseau Legtpa de Rouffach Francis
Lycée duBOURBIER
Bois
S/D des Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE
« animation et développement 8 aux remparts Le Solférino Chargé
Rue de la formation
du Général et des
de Gaulle
et d’Éducation 63370 LEMPDES Tel : 03 81 58 61 41
culturel » 68250 ROUFFACH 8 cours Napoléon missions
76630 ENVERMEU
Bureau dede
la vie scolaire, étudi- Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr
Ministère l’Agriculture, de Tel : 03 89 78 73 00 20176 AJACCIO Cité Adm
Tel : 02 32 BP
06505
30 40
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr
l’Agroalimentaire et de la Forêt sabine.ducastel@educagri.fr Tel : 04 95 51 86 77 59022
marion. LILLE Cédex
girat-quibel@educagri.fr
1DGER
ter, avenue de Politiques
Lowendal de ÎlE DE FRanCE

parCours Culturels
- S/D des Tel : 03 20 96 42 20
75700
FormationPARISet07 SP
d’Éducation BouRGoGnE francis.bourbier@educagri.fr
eve.lequang@educagri.fr aquitainE DRIAAF/SRFD
ChaMpaGnE-aRDEnnE pays DE la loiRE
Bureau de la vie scolaire, étu- Raphaël MORETTO 18 avenue Carnot
diante et de l’insertion Martine HAUTHIER Marie-Luce CLERC
DRAAF/SRFD Bourgogne 94234 CACHAN cédex BassE-noRManDiE
Emmanuel DEVINEAU
ContaCt EnFa
EPL agro-environnemental du CRARC – DRAAF/SRFD LEGTA d’Avize

des jeunes
22D Bld Churchill LEGTA La Roche sur Yon
Tarn Legta de Bergerac 51190 AVIZE Stéphane BILLARD
85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
Joël N. TOREAU BP 87865 lanGuEDoC-Roussillon
Site d’Albi Domaine de la Brie Tel : 03 26 57 50 42 LEGTA de Sées
Tel : 02 51 09 82 82
ENFA – BP 22687 21078 DIJON CEDEX
Route de Toulouse 24240 MONBAZILLAC marie-luce.clerc@educagri.fr
James CHAIGNEAUD Rue du 11 novembre 1918
emmanuel.devineau@educagri.fr
31326 CASTANET CEDEX Tel : 03.80.39.30.56
81000 ALBI Tel : 05.53.24.69.37 DRAAF/SRFD Montpellier 61500 SEES
raphael.moretto@educagri.fr

et CompétenCes :
Tel : 05 61 75 32 75 martine.hauthier@educagri.fr Tel : 02.33.8.74.00
Tel : 05 63 49 43 75 Place A. Chaptal
joel.toreau@educagri.fr
claire.latil@educagri.fr
piCaRDiE
stephane.billard@educagri.fr
FRanChE-CoMté

(25) ?
BREtaGnE CS 70039
auvERGnE 34060 MONTPELLIER cx 02 Odile DERAEVE
MinistèRE DE la CultuRE Et Bernard MOLINS Dominique DEON Haute-normandie
LPA de la Baie de Somme
ContaCt DGER Tel : 04 67 10 18 15

quels parCours
DE la CoMMuniCation DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon 10 rue du Quinconce
LEGTA St Jean Brévelay- james.chaigneau@educagri.fr
Eve LE QUANG Catherine HERITIER 2 rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Hennebont 80220 PERONNE cedex
Isabelle
S/D des DUFOUR-FERRY
Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE Lycée du Bois
Le Talhouët Tel : 03.22.84.73.20
Chargée de mission tourisme et
et d’Éducation 63370 LEMPDES liMousin
Tel : 03 81 58 61 41 Rue du Général de Gaulle
BP14 odile.deraeve@educagri.fr
monde
Bureau rural Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr 76630 ENVERMEU

quelles CompétenCes ?
de la vie scolaire, étudi- 56701 HENNEBONT DRAAF-SRFD
Secrétariat général
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr Tel : 02 32 06 30 40
Tel : 02.97.36.23.40 Agnès NARDOT poitou-ChaREntEs
Service de la de
1 ter, avenue coordination
Lowendal des marion. girat-quibel@educagri.fr
ÎlE DE FRanCE
Immeuble Le Pastel

parCours Culturels
bernard.molins@educagri.fr
politiques
75700 PARIS culturelles
07 SP et de BouRGoGnE Arnaud STINES
22 rue des Pénitents Blancs
l’innovation - département de
eve.lequang@educagri.fr DRIAAF/SRFD pays
LEGTADE de la loiRE
Venours
CEntRE
Raphaël MORETTO BP 39 16
l’éducation et du développe- 18 avenue Carnot RURART D150
DRAAF/SRFD Bourgogne 87039 LIMOGES cédex Emmanuel DEVINEAU
ment artistique et culturel Marie-Laure BOUTTIER 94234 CACHAN cédex 86480 ROUILLE
ContaCt EnFa Tel : 05 55 12 92 60

des jeunes
182, rue Saint-Honoré 22D Bld Churchill LEGTA La Roche sur Yon
EPL Tours Fondettes Tel : 05 49 43 62 59
75001
Joël N.PARIS
TOREAU BP 87865 85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
La Plaine lanGuEDoC-Roussillon arnaud.stines@educagri.fr
Tel
ENFA: 01– 40
BP 15 78 58
22687 21078 DIJON CEDEX loRRainE Tel : 02 51 09 82 82
37230 FONDETTES James CHAIGNEAUD
isabelle. dufour-ferry@culture.
31326 CASTANET CEDEX Tel : 03.80.39.30.56 emmanuel.devineau@educagri.fr
Tel : 02.47.42.01.06 Sophie CABANAC pRovEnCE alpEs
raphael.moretto@educagri.fr DRAAF/SRFD Montpellier

et CompétenCes :
Tel : 05 61 75 32 75
gouv.fr marie-laure.bouttier@educagri.fr Franck DUPONT
joel.toreau@educagri.fr Place A. Chaptal
Legta de Courcelles-Chaussy CôtEs D’azuR
piCaRDiE
BREtaGnE CS 70039
1, avenue d’Urville Agnès DECHY
Odile DERAEVE
34060 MONTPELLIER cx 02
MinistèRE DE la CultuRE Et Bernard MOLINS 57530 COURCELLES CHAUSSY DRAAF/SRFD
LPA de la Baie de Somme
Tel : 04 67 10 18 15

quels parCours ?
DE la CoMMuniCation LEGTA St Jean Brévelay- Tel : 03 87 64 00 17 Les bureaux
10 rue de Marveyre
du Quinconce
james.chaigneau@educagri.fr
Hennebont sophie.cabanac@educagri.fr 10 Bld Ralli
80220 PERONNE cedex
Isabelle DUFOUR-FERRY franck.dupont@educagri.fr 13008 MARSEILLE
Le Talhouët Tel : 03.22.84.73.20
Chargée de mission tourisme et liMousin Tel : 04 91 23 08 77
BP14 odile.deraeve@educagri.fr
monde rural agnès.dechy@educagri.fr

quelles CompétenCes ?
56701 HENNEBONT MiDi-pyRénéEs
DRAAF-SRFD
Secrétariat général
Tel : 02.97.36.23.40 Agnès NARDOT poitou-ChaREntEs
Service de la coordination des Géraldine JANER
politiques culturelles et de
bernard.molins@educagri.fr Immeuble Le Pastel
EPL agro-environnemental du RhônE-alpEs
22 rue des Pénitents Blancs Arnaud STINES
l’innovation - département de Tarn Denise
LEGTA de MENU
Venours
CEntRE BP 39 16
l’éducation et du développe- Site d’Albi DRAAF
RURARTCité administrative
D150
87039 LIMOGES cédex
ment artistique et culturel Marie-Laure BOUTTIER Route de Toulouse de la Part-Dieu
86480 ROUILLE
Tel : 05 55 12 92 60
182, rue Saint-Honoré EPL Tours Fondettes 81000 ALBI 165
Tel :rue Garibaldi
05 49 BP 3202
43 62 59
75001 PARIS La Plaine Tel : 05.63.49.43.70 69401 LYON CEDEX 03
arnaud.stines@educagri.fr
Tel : 01 40 15 78 58 loRRainE
geraldine.janer@educagri.fr Tel : 04 78 63 34 43
La revue Champs culturels est distribuée dans tous 37230 lesFONDETTES
établissements. Elle
isabelle. dufour-ferry@culture. Tel : 02.47.42.01.06 Sophie CABANAC denise.menu@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics. pRovEnCE alpEs
gouv.fr
Elle marie-laure.bouttier@educagri.fr
est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJSCS, les mis- Franck DUPONT
Legta de Courcelles-Chaussy CôtEs D’azuR
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement. 1, avenue d’Urville Agnès DECHY
57530 COURCELLES CHAUSSY DRAAF/SRFD
http://escales.enfa.fr Tel : 03 87 64 00 17 Les bureaux de Marveyre
le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels sophie.cabanac@educagri.fr 10 Bld Ralli
est aussi disponible en ligne. franck.dupont@educagri.fr 13008 MARSEILLE
Tel : 04 91 23 08 77
MiDi-pyRénéEs agnès.dechy@educagri.fr
Géraldine JANER
EPL agro-environnemental du RhônE-alpEs
BAT-CC25-couverture.indd 2 7/01/13 16:10:54
Tarn Denise MENU
Site d’Albi DRAAF Cité administrative
Route de Toulouse de la Part-Dieu
81000 ALBI 165 rue Garibaldi BP 3202
Tel : 05.63.49.43.70 69401 LYON CEDEX 03
geraldine.janer@educagri.fr Tel : 04 78 63 34 43
La revue Champs culturels est distribuée dans tous les établissements. Elle
denise.menu@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics.
Elle est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJSCS, les mis-
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement.

http://escales.enfa.fr
le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels
est aussi disponible en ligne.
sommaire
p.03 Editorial

comPétences : regards croisés


p.05 Questions de compétences et autres réflexions sur l’école
Alain BOLLON
p.09 La compétence professionnelle dans les dispositifs
de formation agricole : une histoire qui se raconte
par la situation de travail
Éric GILLY

comPétences et Parcours culturels ?


p.15 Le quatrième métier de l’enfance : le métier de consommateur culturel
Sylvie OCTOBRE
p.20 Le support vidéo en lycée professionnel
Gérard MARQUIE et Cécile DELESALLE
p.25 Expérimentation multimédia : mettre en œuvre
des compétences construites hors cadre formel
Benjamin VOLFF
p.27 Valériane est une artiste…
ou l’est-elle devenue par et malgré l’école ?
Philippe SAHUC
p.30 Le sens du vivre sous chapiteau
Corinne COVEZ
p.33 Contribution pour une didactique artistique
autour de la question de l’appartenir
Didier CHRISTOPHE
p.39 « Ton âme est un paysage choisi »
Arnaud PEUCH
p.41 Parcours culturels des jeunes :
quelles situations pour quelles compétences ?
Texte collectif, stage de formation continue
p.46 Propositions pour une démarche d’accompagnement
Texte collectif co-écrit avec le réseau éducation
au développement durable, stage de formation continue

exPériences en lycées agricoles : témoignages


p.49 Le livret expérimental de compétences : une occasion
de mettre en valeur l’expérience de formation des jeunes
Marie-France RUBIELLO
p.51 Un projet d’éducation non formelle
avec les foyers ruraux de Moselle
Jérôme LEGER
p.56 « Savoir vivre ensemble, c’est une compétence Monsieur ? »
Michel DARDENNE
p.60 Valoriser les parcours sans créer d’inégalités
Corinne KOCEVAR
p.63 Une proposition d’outil informatique pour valoriser
les expériences socioculturelles des jeunes
Patrick LAGNEAU
p.67 Cheminer vers l’autonomie et la culture d’établissement
Lou COUPELON-DUMONS, Marielle LACHETEAU, Arnaud PEUCH
/////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
3

éditorial
///////////////////////////////////////////////////////////// Suite à la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation pro-
fessionnelle tout au long de la vie, un appel à projet a été lancé par le Haut Commis-
sariat à la jeunesse dans le cadre du fonds d’expérimentation pour la jeunesse, en
direction des établissements volontaires du premier et second degré.
Cet appel à projet proposait d’expérimenter, pour les établissements engagés,
une démarche éducative visant à valoriser les compétences des jeunes qu’elles
soient acquises dans le cadre de l’éducation formelle, au-delà des acquis disciplinai-
res, ou hors de ce cadre lors d’activités et/ou d’engagements dans le milieu associa-
tif, privé ou dans le milieu professionnel.
Le cahier des charges de l’expérimentation précisait que les parcours de tous les
jeunes devaient être valorisés, y compris ceux de jeunes qui ne développent pas, ou
Directrice de la publication : très peu, d’activités hors du cadre de l’école.

Mireille Riou-Canals Par ailleurs, cette expérimentation avait également pour objet de travailler les
Directrice générale de l’enseignement liens qu’entretiennent les établissements scolaires avec les différents acteurs de
et de la recherche leur territoire, notamment les associations de jeunesse et d’éducation populaire
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire, impliquées dans le soutien à l’engagement et aux initiatives des jeunes.
et de la Forêt
Commencée le 1er septembre 2010, l’expérimentation s’est achevée le 30 juin
2012 dans les 166 établissements expérimentateurs dont 26 relevant du ministère
Ministère de l’Agriculture,
chargé de l’agriculture.
de l’Agroalimentaire et de la Forêt
Ce 25ème numéro de Champs Culturels ne vise pas le compte-rendu exhaustif
DIRECTIon GénéRALE DE L’EnSEIGnEMEnT
des expérimentations conduites. Il propose d’apporter quelques éléments de ré-
ET DE LA RECHERCHE (DGER)
flexion indiquant combien cette question des compétences des jeunes réinterroge,
Sous direction des Politiques de Formation
pour partie, le système éducatif et son organisation.
et d’éducation
Bureau de la vie scolaire, étudiante et de l’insertion Dans un deuxième temps, il fait part de témoignages croisés de différents ac-
Réseau Animation et Développement Culturel teurs, enseignants, animateurs, responsables d’établissement, chargés d’études etc.
1, ter avenue de Lowendal 75007 PARIS engagés dans des projets à visée socioculturelle, dans le cadre ou hors du cadre des
établissements expérimentateurs.
école nationale de Formation Agronomique (EnFA)
Au-delà de la complexité de la notion de compétence appliquée au champ so-
BP 87 - 31326 Castanet Cedex
cioculturel, ces témoignages évoquent l’articulation de cette démarche avec celle
d’un parcours culturel, proposent des outils, et mentionnent plus généralement, la
Responsable de la rédaction
nécessaire vigilance de chaque acteur aux conditions de valorisation réelle des par-
Claire Latil cours des jeunes.
Réseau Animation et Développement Culturel

Ministère de la Culture
Pour le comité de rédaction,
et de la Communication
Claire LATIL,
SECRéTARIAT GénéRAL
Animatrice du réseau national « Animation & développement culturel »
Service de la coordination des politiques culturelles
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
et de l’innovation Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche
Département de l’éducation et du développement Bureau de la vie scolaire, étudiante et de l’insertion
artistique et culturel
182, rue Saint-Honoré 75033 PARIS Cedex 01

Conception graphique et illustrations :


Fresco François Cadeau/Pauline Redoulès
Toulouse.

Impression :
Midi Pyrénées Impression - Toulouse
Tirage : 4500 exemplaires
n°ISSn : 1253-0352
Compétences :
regards
croisés
p.05 Questions de compétences et autres
réflexions sur l’école
Alain BOLLON
p.09 La compétence professionnelle dans les
dispositifs de formation agricole : une
histoire qui se raconte par la situation
de travail
Éric GILLY
comPétences : regards croisés 5

Questions de compétences
et autres réflexions sur
l’école
Alain Bollon
Expert en évaluation des systèmes éducatifs auprès de l’UNESCO. Ancien enseignant à l’université P. Mendès-France, Grenoble, en
Master 2 Sciences de l’éducation spécialité Ingénierie de la Formation.

Dans cet entretien Alain Bollon propose quelques éléments de compréhension de la


crise des systèmes éducatifs aujourd’hui, notamment du système éducatif français. Il
aborde la question des compétences comme l’un des outils permettant de construire des
apprentissages durables et valables dans et hors de l’école, sachant que l’école a pour
mission de faciliter les apprentissages et pour objectif final l’émancipation des jeunes.

Champs Culturels : Comment définir une compétence. systèmes éducatifs, nous rencontrons
compétence quand on travaille en mi- des organisations scolaires très différen-
Comment ? En mobilisant les grandes
lieu scolaire ? tes de par le monde : Syrie, Libye, Liban,
capacités (structuration cognitive) qui,
Pérou etc.
Alain Bollon : En premier lieu il faut elles, perdurent et permettent de re-
indiquer que travailler sur les compé- construire des compétences en fonction Le système occidental de l’école,
tences à l’école c’est aborder un espace d’une nouvelle situation. particulièrement le système français,
de réflexion nouveau, c’est questionner ne permet pas de comprendre l’organi-
Le vrai enjeu éducatif devrait être cen-
l’espace traditionnel de l’école. sation d’une éducation informelle (1) , par
tré sur le développement des capacités.
exemple chez les Touaregs.
La question de la définition d’une
Le terme de compétence vient du la-
compétence est problématique, mais Au regard de nos or-
tin cum petere qui signifie
travaillant pour l’UnESCo sur l’évalua- ganisations scolaires, il
tion des systèmes éducatifs nous avons
porter en soi les ressour- On pourrait dire n’y pas d’école chez les
ces qui permettent de se que la compétence
été obligés d’aboutir à un compromis Touaregs, pourtant ils dé-
comprendre soi-même et c’est la forme provi-
car il n’était pas envisageable d’avoir 195 tiennent de nombreuses
d’agir dans le monde.
définitions correspondant aux 195 états soire actuelle de la compétences : vivre dans
membres. on pourrait dire que maîtrise de certains un milieu difficile, trouver
on peut donc dire qu’une compétence
la compétence c’est la apprentissages. les ressources en eau, se
forme provisoire actuelle nourrir, se déplacer etc.
est la mobilisation d’une ou plusieurs ca-
de la maîtrise de certains
pacités (sélectionner des informations, De la même manière, pour le Minis-
apprentissages.
structurer sa pensée…) pour agir dans tère du travail cette fois, l’approche par
une situation qui présente un enjeu. La bataille autour du terme est sans compétences est très utile pour travailler
fin ; le débat s’oriente notamment avec les personnes en très grande diffi-
Être compétent, c’est mobiliser ses
autour de l’origine mana- culté. Faire émerger leurs compétences
ressources (savoir, savoir-
gériale supposée du ter- – car toutes en ont – c’est la première
faire, savoir social) pour Être compétent,
me de compétence. C’est étape de la (re-) construction d’un projet
agir dans une situation c’est mobiliser ses personnel de développement.
une vision largement
qui fait sens pour soi. La ressources (savoir, réductrice et dépassée :
connaissance reste la pier- savoir-faire, savoir Tout l’enjeu de l’accompagnement
pourquoi cette approche
re angulaire de la compé- social) pour agir dans serait-elle réservée à une de ces personnes en grande difficulté
tence. Mais la connaissan- une situation qui fait est précisément de les aider à expliciter
sphère économique ?
ce seule n’amène rien. Elle leurs compétences.
sens pour soi.
doit s’exercer en situation Cette acception existe
pour devenir une compo- dans le monde de l’entre-
sante de compétence. prise, mais ce n’est pas cette approche
(1) L’éducation formelle se fait dans l’école, l’édu-
qui nous occupe.
C’est bien pour cela que toute com- cation non formelle, hors école dans des contex-
tes organisés pour apprendre, et l’éducation
pétence est « mortelle » : si je change la nous utilisons la notion de compé- informelle, partout ailleurs sans l’infrastructure
situation, alors je dois reconstruire ma tence car dans notre travail d’expert en de l’école.
6 comPétences : regards croisés

De manière plus générale, toute per- attendu et à un état initial c’est casser le sens.
sonne qui traverse un dispositif d’éduca- • analyser les adéquations, les inadé-
Champs Culturels : L’évaluation telle
tion, de formation, d’accompagnement quations pour fonder un jugement
que vous la définissez s’entend comme
devrait en sortir avec trois outils : de valeur
un processus qui s’exerce tout un long
• un portefeuille de compétences (ce • prendre une décision pédagogique
d’un parcours d’apprentissage avec un
que je sais faire)
Ce qui compte réellement dans l’ac- jeune. Se pose alors la question de l’ac-
• un portfolio de ses grandes capa-
compagnement d’un jeune (et d’un adul- compagnement et de l’accompagnant.
cités : ce sont les
te aussi) ce n’est pas Comment accompagner correctement
structurations cogni-
tives, ce qu’il y a der-
Les connaissances se tant la maîtrise finale un jeune dans une explicitation de ses
rière une compétence contrôlent. (…). Effec- du processus mais bien compétences (en cours ou acquises) ?
tivement ce sont des la trajectoire : l’ensei-
(comment je sais Alain Bollon : La question de l’ac-
objets contrôlables (…). gnant aide le jeune à
faire ce que fais) compagnement est intéressante car
lire sa trajectoire et
• un projet personnel On dit bien « contrôle elle interroge la posture de l’accompa-
pour cela, à partir de
de développement de connaissances ». l’hypothèse de réussite
gnant et plus généralement la relation
(qu’est ce que je veux Une compétence ne (objectif), il faut expli-
accompagnant-accompagné.
faire de ce que je sais se contrôle pas, elle citer l’état de départ Il y a toute une littérature sur cette
faire, comment je me s’évalue (positionnement, dia- question. Plusieurs dispositifs existent,
projette).
gnostic…) et regarder ils sont variables selon les systèmes édu-
les traces successives. catifs à l’œuvre.
Champs Culturels : Les enseignants qui
C’est ainsi que se construit l’auto- Pour aller vite, nous pouvons dire que
travaillent sur la question des com-
nomie. La fonction du contrôle c’est l’accompagnateur est celui « qui aide
pétences à l’école s’interrogent sur
la référence à une norme, la fonction l’autre à faire », le tuteur est davantage
l’évaluation. Comment évaluer une
de l’évaluation c’est la référence à une « celui qui redresse », le moniteur ou le
compétence ?
valeur. Donc évaluer les compétences : guide (assez fréquent dans le système
Alain Bollon : La question de l’évalua- c’est faire sortir la valeur, la plus value Belge) est « celui qui montre », le parrai-
tion est primordiale, elle est assez dés- apportée par l’acte éducatif. nage implique davantage la conformité,
tabilisante parfois car elle ré-interroge le compagnonnage suggère la filiation,
Sans évaluation pédagogique en dé-
tout notre système éducatif. le coaching s’inscrit davantage dans un
but de parcours et en fin de parcours,
système néo-libéral et vise l’excellence.
Ce dernier est construit sur la on fait du contrôle pas de
conformité à la norme, sur le contrôle, l’évaluation. De tous ces dis-
De tous ces dispositifs,
sur la note. on dit bien « contrôle de positifs, l’accompa-
connaissances ».
L’évaluation s’exerce l’accompagnement re- gnement requiert la
sur des objets dynami- quiert la posture la plus posture la plus intéres-
Les connaissances se contrôlent. ques, en construction, intéressante : la pa- sante : la parité, l’éga-
Effectivement ce sont des objets complexes (projet d’éta- rité, l’égalité provisoire lité provisoire entre
contrôlables à condition qu’il n’y ait pas blissement, compéten-
entre les deux parties les deux parties pre-
méprise entre l’élève et le maître sur le ces…), le contrôle sur des
objets « mesurables » (ex :
prenantes. L’objectif est nantes. L’objectif est la
« contrôle ». Malheureusement très sou-
vent on observe que l’enseignant ne fait les connaissances). la réussite de l’accom- réussite de l’accompa-
pas un contrôle de connaissances mais pagné, la finalité est gné, la finalité est son
Enfin, pour évaluer son émancipation. émancipation.
un contrôle de compréhension. Pour y
une compétence on doit
répondre avec succès il faudrait avoir on peut penser ici
définir des critères (des
vécu des situations de compréhension à toutes les pédagogies par le projet, de
qualités construites à partir des valeurs)
dans la classe et pas seulement une Piaget(2) à Freinet en passant par Maria
qui sont abstraits qui s’incarnent dans
transmission de connaissances. C’est un Montessori qui écrit « Apprends-moi à
des informations qui s’appellent des
des leviers qui peut expliquer certains faire tout seul », au fronton de son école.
indicateurs.
échecs d’élèves, ceux qui n’ont pas la
Ce que l’on vise dans un processus
chance d’avoir appris le métier d’élève Attention quand même aux dérives, il
d’accompagnement c’est aider le jeune
(voir les travaux de F. Dubet). faut garder du contrôle qui a sa justifica-
ou l’adulte à comprendre pourquoi il
tion, mais pas exagérément sinon le sys-
Une compétence ne se contrôle pas, réussit ou échoue, c’est-à-dire à lire une
tème implose : de l’extérieur, il semble
elle s’évalue. trajectoire et à gagner de l’autonomie.
fonctionner mais il est immobile à l’in-
évaluer, en pédagogie, c’est : térieur. De même qu’il faut être vigilant
• comparer un état terminal à un état sur l’excès d’évaluation : trop évaluer (2) Réussir et comprendre, Jean Piaget, PUF, 1974
comPétences : regards croisés 7

C’est tout l’enjeu d’une biographie Bourdieu (4) a montré les limites de la vi- Dans notre système cartésien, le
cognitive : comment je sais ce que je sée émancipatrice de l’école telle qu’elle fonctionnement même du système a
sais ? C’est également l’enjeu des entre- fonctionne. dévoré le sens. on ne se rappelle plus
tiens d’explicitations, voire de l’auto- que l’école est faite pour que les enfants
notre civilisation gréco-latine fait de
accompagnement. (3) se passent de l’école.
notre système éducatif une machine à
Un autre point important de l’accom- reproduire (le savoir disciplinaire est le Il faut revenir à Socrate, Montaigne,
pagnement réside dans l’implication sésame absolu, il fonde la mission de Rousseau, et aujourd’hui à P. Meirieu, M.
de l’accompagnant. Ce dernier doit être l’école). Serres, E. Morin l’analyseur de la pensée
engagé dans la réussite de celui ou celle complexe, pour retrouver
notre école est fon-
qu’il accompagne. un sens à l’école et par là
dée sur la re-produc- On ne se rappelle plus même une organisation
Finalement, la question à se poser tion et le contrôle : je que l’école est faite scolaire et pédagogique
est : « Comment permet-on à un jeune reproduis ce qui a été pour que les enfants se pertinente.
ou à un adulte d’expliciter ce dont il produit avant. passent de l’école.
est porteur ou ce qu’il est en train de
nous sommes dans
construire pour pouvoir transformer
une culture cartésienne qui considère le Champs Culturels : quelle crise vit l’école
ses acquis en compétences dans un
savoir comme quelque chose de compli- selon vous ?
contexte précis, quand il en aura besoin
qué et donc appréhendable à condition
ailleurs ». Alain Bollon : L’école d’aujourd’hui
d’être découpé par morceaux : cela
doit gérer au moins trois apories, (c’est-
s’appelle un programme (pro-gramme :
à-dire deux réalités contradictoires et
ce qui est écrit d’avance), et l’élève va
Champs Culturels : Ce travail implique insolubles )
devoir maîtriser tous les morceaux de ce
tant chez les jeunes que chez les adultes
savoir jusqu’à la fin de son parcours. Première aPorie : réussite-
de nouvelles manières d’envisager la
relation à l’apprentissage. L’école doit- La difficulté survient lorsque l’on ne échec
elle se transformer ? maîtrise pas un des morceaux : il faut
Faite pour réussir, l’école fait aussi
alors tout recommencer, cela peut aller
Alain Bollon : oui l’école doit se trans- échouer. on peut annoncer 80 % de
jusqu’au redoublement.
former, je dirai même se refonder, et non réussite au baccalauréat mais ce chiffre
se réformer, car re-former c’est changer Le redoublement est catastrophique ; est un taux de rendement et non un
la forme. or changer la forme c’est ce nous le savons depuis de nombreuses indicateur de réussite des élèves. Arrivés
que nous faisons en empilant les dispo- années. Il ne sert qu’à une personne sur en université, 1/3 d’entre eux ne passe-
sitifs depuis des années. Ces dispositifs 19. Pour les 18 autres il est inefficace et ront pas en deuxième année.
tuent l’école. Pour nous, spécialistes, le nocif car il dégrade l’estime d’eux-mê-
surcroît de dispositifs est même le signe mes des apprenants.
d’un système éducatif en souffrance. Deuxième aPorie : l’esPace et
Tous les pays nordiques (par exem- temPs
notre système aujourd’hui est en ple) ont supprimé le redoublement et
tension, il est au cœur d’un paradoxe ont concentré les moyens (y compris L’école est un lieu d’apprentissages.
majeur : l’école est faite pour émanciper, économiques car le redoublement coûte mais elle n’est pas le seul espace.
elle passe son temps à conformer. P. cher) sur la formation aux pédagogies
on ne se construit pas qu’à l’école,
différenciées.
on n’apprend pas qu’à l’école, le livret
expérimental de compétences nous le
confirme. Les jeunes arrivent à l’école
avec des compétences et des capacités.
(4) La Reproduction. éléments pour une théorie du
(3) L’entretien d’explicitation, Pierre Vermersch, ESF système d’enseignement Pierre Bourdieu, Jean-
Comment se fait-il que l’école ne prend
éditeur, septembre 2011 Claude Passeron Editions de Minuit, 1970. pas cela en compte ?
8 comPétences : regards croisés

120 000 jeunes quittent le système modèle cartésien qui vise les contenus,
Pour un DéveloPPement
éducatif sans qualification tous les ans. sans se préoccuper suffisamment du
Que deviennent ces jeunes ? Pour la sens de ces contenus hors de l’école.
Plus comPlet Du sujet :
plupart ils vont réintégrer des dispositifs Voir les trois conférences don-
nous savons qu’une compétence
de formation continue ou autres dans nées par Alain Bollon en Lorraine
n’existe pas sans les
lesquels ils vont se en décembre 2011, février 2012 et
Nous savons qu’une connaissances, pourquoi
reconstruire des com- avril 2012 à l’invitation de la Direc-
avons-nous séparé les
pétences, en dehors de compétence n’existe tion régionale de la jeunesse, des
deux ?
l’école. pas sans les connais- sports et de la cohésion sociale
Un jeune doit 40 %
sances, pourquoi Si je sors de l’école dans le cadre de l’expérimen-
de la totalité de ses avons-nous séparé les avec des connaissances tation portant sur le livret de
acquis à l’école quand deux ? pures, j’aurai beaucoup compétences.
de difficultés à m’intégrer http://www.lorraine.drjscs.gouv.
il en sort.
aujourd’hui ; si je sors de fr/Cycle-de-conferences-debats.
La question du temps est un enjeu l’école avec des techniques maîtrisées, html
majeur au sein de l’école. Aujourd’hui, le jour où les techniques évoluent je suis
elle est en partie figée : les heures de exclu ; si je quitte l’école convaincu par
cours sont découpées dans des emplois de grandes idées, sans avoir éprouvé le
du temps et calées sur 60 minutes, les réel, ça ne me suffira pas non plus. BiBliograPhie
apprentissages doivent être validés en
J’ai donc besoin, a minima, d’articuler comPlémentaire :
un temps record.
ces composantes-clés pour les actualiser
Question : combien de temps néces- provisoirement dans une situation signi- • CHARLIER, E. (2012). Accompa-
site réellement tel ou tel apprentissage ? ficative, pour être compétent. gner : un agir professionnel. De
nous savons que l’heure de cours n’est Boeck
Le modèle éducatif est en tension : • DE VECCHI, G. (2011). évaluer sans
pas une unité opérante : sur une heure,
pendant que le modèle cartésien dévaluer. Hachette éducation
sept minutes seule-
perdure, d’autres, plus • HADJI, C. (2012). Faut-il avoir peur
ment sont efficaces. Comment organiser complexes, comme les de l’évaluation ? De Boeck
Comment organiser l’école pour sortir de ce pilotages partagés des • PERRAUDEAU, M. (2006). Les
l’école pour sortir de ce schéma quasi taylorien changements, émergent stratégies d’apprentissage - Com-
schéma quasi taylorien qui découpe le temps dans les démarches ment accompagner les élèves.
qui découpe le temps et les tâches, pour inté- de projets, d’évalua- Armand Colin
et les tâches, pour in- grer un espace qui a du tions, de compétences, • PIAGET, J. (1974). Réussir et com-
tégrer un espace qui a de différenciations, prendre. PUF
sens pour le jeune ?
du sens pour le jeune ? d’accompagnement… • PIAGET, J. (1974). La prise de
conscience. PUF
Cette tension se répercute dans le
• RAYnAL, F., RIEUnIER, A. (2007).
corps enseignant qui vit une crise de son
Pédagogie : dictionnaire des
troisième aPorie : le collectif identité professionnelle très importante
concepts clés. ESF éditeur
et l’inDiviDuel avec des difficultés et des souffrances
• ZAKHARTCHoUK, J-M., HATEM, R.
graves.
Accompagner un jeune ou un adulte (2009). Travail par compétences
dans un parcours de formation, c’est le Il faut avoir le courage de s’y prendre et socle commun. CRDP de l’Aca-
faire naître à lui-même, c’est lui donner autrement. démie d’Amiens
les moyens d’apprendre tout seul, c’est le • VERMESCH P.(2011) L’entretien
rendre autonome. Et en même temps cet d’explicitation. ESF éditeur
accompagnement doit être socialisé car • BoURDIEU. P, PASSERon JC
il vise l’intégration dans un collectif. (1970). La Reproduction. élé-
ments pour une théorie du sys-
L’école doit aujourd’hui trouver tème d’enseignement. Editions
d’autres solutions pour remplir la mis- de Minuit.
sion fondamentale qui est la sienne, • MEIRIEU, P (2010). Apprendre…
c’est-à-dire émanciper les jeunes qu’on oui, mais comment. ESF éditeur
lui confie. notre modèle éducatif est en • SERRES, M (1991). Le Tiers-Ins-
tension mais nous ne sommes pas les truit. Paris, Gallimard, collection
seuls. Dans beaucoup de pays l’école est Folio.
en crise. • MoRIn, E (1990) Introduction à la
En France nous avons adopté le pensée complexe, le Seuil.
comPétences : regards croisés 9

La compétence
professionnelle dans
les dispositifs de formation
agricole : Une « histoire »
qui se raconte par
la situation de travail
Éric Gilly
Ingénieur d’étude, Institut Eduter, Agrosup Dijon – Éducation et développement professionnel - Animateur du groupe « Unités
Capitalisables »

Quelles transformations engendre l’introduction de la notion de compétence en


formation professionnelle continue, dans l’approche jusque-là prégnante, de la
pédagogie par objectifs ? En quoi la compétence interroge la notion « d’emploi » pour
intégrer celle de « travail », questionne la notion de « contrôle », pour intégrer celle
« d’évaluation » ? Quels bouleversements surviennent dans la construction des
diplômes, dans la construction des apprentissages et plus encore, dans la construction
de l’identité professionnelle des personnels en formation ?

Le Ministère de l’Agriculture, de actuel des dispositifs « UC », nous exa- des éléments essentiels de la compéten-
l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF) minerons notre représentation de la ce professionnelle et de son expression.
a engagé depuis quelques années une notion de compétence pour préciser en
rénovation de ses diplômes. Elle a dé- quoi l’introduction de cette nouvelle no-
buté par les diplômes de la formation tion dans la construction des diplômes,
professionnelle continue et plus particu- engendre une difficulté, voire un para- Les objectifs,
lièrement par les diplômes délivrés par le doxe pour peu que l’on veuille préserver
dispositif des Unités Capitalisables (UC). le modèle de la Pédagogie Par objectifs. ces miettes
Cette rénovation a provoqué une mise
en dialectique de deux approches para-
De nouveaux choix sont faits et mis capacitaires
en œuvre dans l’ingénierie des disposi-
doxales que sont la Pédagogie Par ob-
jectifs (PPo) et la notion de compétence.
tifs qui visent l’articulation du « travail » et mesurables
et de « l’évaluation » au service d’une
Cette mise en dialectique engage pro-
conception nouvelle de la certification et
gressivement les acteurs des dispositifs Dans les années quatre-vingts, s’est
de la formation. Enfin, nous pourrons, en
des formations diplômantes du MAAF mise en place au MAAF une nouvelle
guise de conclusion, développer en quoi
vers un changement de paradigme, vers approche de l’ingénierie de la certifica-
et pourquoi nos conceptions et les dis-
un regard nouveau, vers de nouveaux tion. Cette dernière s’est principalement
positifs que nous préconisons peuvent
possibles. appuyée sur la pédagogie par objectifs
et/ou doivent, en plaçant l’apprenant
Afin de mieux comprendre ce « bou- comme auteur de sa propre aventure, in- (notamment sur les travaux de D. Ha-
leversement » à l’œuvre, et après avoir tégrer les approches culturelles, non pas meline, 1979). La PPo rappelons-le, re-
explicité rapidement le fonctionnement comme compétence, mais comme un jette la conscience et se focalise sur les
10 comPétences : regards croisés

comportements observables et mesura- d’opérationnalité portés par la PPo, à la de diplômes, engageant ainsi une nou-
bles. Elle vise à planifier et rationnaliser suite d’une analyse des emplois (tâches velle réflexion depuis le milieu des an-
la formation. Elle développe le principe confiées aux titulaires de l’emploi). nées 2000.
que le meilleur moyen d’apprendre est
Si l’absence de programme de forma-
de découper l’objet complexe d’appren-
tion était une avancée de la PPo, cette
tissage en éléments plus fins. Ralph
Tyler (1935), son initiateur, précise que la
dernière fut de courte durée puisque
très rapidement, les formateurs ont
La compétence,
formation est d’autant
plus efficace que des
trouvé dans le réfé- ce tout, invisible
Si l’absence de pro- rentiel d’évaluation
objectifs sont fixés et
que l’apprenant sait gramme de formation une nouvelle forme et personnel
était une avancée de la de programme (dé-
ce qu’il doit atteindre.
Les objectifs ainsi dé- PPO, cette dernière fut de clinaison d’objectifs
finis, extérieurement courte durée puisque très visant le contrôle, la La notion de compétence est une no-
certification). tion polysémique. De nombreux auteurs
au sujet, en fonction rapidement, les forma- ont largement produit sur le sujet (Per-
des besoins de la so- teurs ont trouvé dans le Cette confusion
renoud, Le Boterf,…) et même si la notion
ciété, permettent un référentiel d’évaluation par la capitalisation
n’est pas très stabilisée aujourd’hui,
contrôle de la forma- une nouvelle forme de que le dispositif UC
nous pouvons retenir quelques caracté-
tion. Cette approche engendre, a permis le
programme (déclinai- ristiques propres à la compétence que
était présentée comme développement de ce
son d’objectifs visant le nous posons comme postulat : nous
une voie innovante, que certains nomment
comme une approche
contrôle, la certification). encore « individualisa-
considérons que la compétence ne peut
être indépendante ni de l’action ni du
moins béhavioriste en tion de la formation »
sujet. La compétence ne s’exprime ainsi
se recentrant sur l’apprenant, en privilé- mais qui est en fait, un agencement
qu’individuellement et dans l’activité.
giant l’objectif comme visée des appren- individuel de modalités de certification
Elle est donc directement liée à la situa-
tissages et l’évaluation certificative (le et qui par conséquent tend à limiter les
tion et qui plus
contrôle) des comportements attendus apprentissages à la réussite des épreu-
comme structuration des dispositifs de ves certificatives.
est, à la situation La compétence ne
réelle (notion s’exprime ainsi qu’in-
formation. Elle a ainsi permis de s’éloi-
nous savons aujourd’hui que la capi- d’enjeu). La
gner des programmes d’enseignement dividuellement et
talisation de capacités éparses ne peut compétence est
sanctionnés par un examen terminal. dans l’activité. Elle est
constituer un tout. Edgard Morin (1990) située. Cette no-
La notion de référentiel (qui sert de dans son travail sur la complexité nous tion de situation
donc directement liée
référence) a fait son apparition, accom- le décrit très bien lorsqu’il précise que nous renvoie au à la situation et qui
pagnée de celle du contrôle en cours de « le tout est supérieur à la somme des particularisme, plus est, à la situation
formation. C’est ainsi que se sont mis en parties », que l’on ne peut comprendre à la singularité, réelle (notion d’enjeu).
place sur ce principe, au dé- les parties sans à l’approche uni- La compétence est
but des années quatre-vingt- comprendre le que et plurielle située.
dix, les dispositifs en UC pour Nous savons aujourd’hui tout et inverse- de la situation.
les diplômes de la formation que la capitalisation de ment. Il semble Unique parce que
continue et les dispositifs capacités éparses ne peut donc difficile que la complexité, le nombre de paramètres
modulaires pour ceux de la constituer un tout. la seule maîtrise en jeu la rendent unique, complexe et
formation initiale. Si ces der- de connaissan- éphémère ; plurielle parce que le nombre
niers conservent une partie de l’examen ces et mêmes de capacités acquises de situations permettant l’expression
sous forme traditionnelle (terminal), les séparément permettent la réalisation de d’une même capacité est infini.
dispositifs en UC permettent une certifi- tâches complexes.
Enfin, nous savons que réaliser une
cation du diplôme par capitalisation des
Pourtant, c’est bien sur ces disposi- action, dans une situation donnée, avec
unités tout au long de la formation.
tifs encore à l’œuvre aujourd’hui que compétence c’est mobiliser des connais-
La certification dont la mise en œuvre s’appuie une nouvelle rénovation des sances, des capacités déjà acquises, mais
est confiée aux équipes de formation, diplômes et c’est dans ce contexte que le c’est aussi en construire des nouvelles.
s’appuie sur un référentiel d’évalua- Ministère chargé de l’Agriculture a sou- Plus exactement c’est ré-agencer ses
tion (de certification ?) construit à haité introduire la notion de compétence savoirs, en découvrir et en chercher de
partir des principes d’intégration et dans la construction de ses référentiels nouveaux pour développer ses capacités
comPétences : regards croisés 11

et gagner en compétence vers une iden- l’Agroalimentaire et de la Forêt. L’évaluation tient ici une fonction
tité professionnelle, vers une identité particulière. À la charnière entre for-
L’introduction de la notion de com-
sociale. mation et certification, elle est l’une
pétence, nous l’avons vu, modifie
et l’autre, elle permet la définition des
Pour nous la compétence c’est ce radicalement nos modèles, revisitant
critères du « genre » par la prescription
« quelque chose » de volatil qui apparaît notre conception même de la formation
mais elle permet aussi l’expression de
et disparaît au gré des situations ren- professionnelle. Si jusqu’à présent la
l’imaginaire, du « style » personnel, de sa
contrées et qui d’une part, laisse comme conception des dispositifs en UC s’ap-
régulation, de sa confrontation au réel et
trace l’accroissement des connaissances puyait sur l’analyse des emplois et sur un
ainsi de sa confrontation aux critères du
et des capacités et d’autre part permet contrôle sommatif (certification), l’in-
« genre », articulant profession et profes-
une acculturation infinie, une culture des troduction de la notion de compétence
sionnalité et permettant la certification.
situations, une culture du métier. oblige à intégrer dans cette articulation
les notions de « travail » et « d’évalua- L’articulation emploi/travail et
tion ». C’est donc vers une double articu- contrôle certificatif/évaluation, dans la
lation que s’oriente la construction des construction pragmatique des disposi-
De nouveaux dispositifs aujourd’hui : Une articulation tifs, s’appuie sur la didactique profes-
entre « emploi » et « travail » d’une part sionnelle, et en particulier sur les travaux
dispositifs sur et entre « contrôle certificatif » et « éva- menés sur les situations de travail,
la base des luation progrès » d’autre part. l’activité et leur analyse (Pastré, Mayen,
Savoyant).
Générer cette articulation, c’est s’in-
situations téresser au « style » de chacun, à son Autrement dit pour élaborer un dis-
travail pour vérifier positif de formation, nous
singulières et son appartenance au avons besoin d’analyser le
Générer cette articula- travail. En premier lieu dans
significatives, « genre » (Clot, 1999-
2000), au métier, à la tion, c’est s’intéresser la conception des situations
articulant travail profession. C’est s’ap- au « style » de chacun, d’évaluation qui repose sur
puyer donc sur l’écart à son travail pour l’identification des situa-
et évaluation entre la prescription vérifier son apparte- tions de travail significati-
de la tâche relative nance au « genre » ves de la compétence (qui
au métier et les par- (Clot, 1999- 2000), au donnera par extension les
Partant de ces postulats notre appro- ticularités de la réali- métier, à la profession. fondements du dispositif
che des dispositifs de certification ne sation individuelle de C’est s’appuyer donc de formation), en deuxième
peut s’orienter sur l’évaluation des com- cette tâche, l’activité lieu, dans l’évaluation in-
sur l’écart entre la
pétences. L’idée que nous développons du sujet. C’est géné- dividuelle des réalisations
rer non seulement
prescription de la tâ- singulières des candidats
est que la seule évaluation possible est
l’évaluation par la compétence. Autre- des apprentissages, che relative au métier (émanation des situations
ment dit, évaluer des capacités, mais la construction de et les particularités de significatives).
dans des situations où la compétence connaissances, mais la réalisation indivi-
duelle de cette tâche, L’analyse du travail est
s’exprime. Si la compétence est située c’est aussi les situer
donc l’outil essentiel de la
alors l’évaluation doit l’être aussi. dans une culture, l’activité du sujet.
conception des nouveaux
leur donner du sens.
on comprend alors la difficulté que dispositifs permettant à la
Mettre l’apprenant au
nous pouvons rencontrer dès lors que fois de fournir le matériau de prescrip-
travail pour qu’il crée, pour qu’il produise
l’on veut élaborer des dispositifs de cer- tion mais aussi de comprendre l’activité
du sens c’est aussi lui fournir la possibi-
tification et de formation qui s’appuient individuelle mise en œuvre.
lité d’exprimer son « style », la possibilité
sur les deux paradigmes qu’illustrent la d’avoir des besoins, c’est lui fournir dès nous avons compris que le boulever-
PPo et la notion de compétence. Pour- l’entrée en formation l’ensemble des sement est ici de taille, il n’est plus ques-
tant c’est bien de la mise en dialogue caractéristiques de la situation réelle de tion dans l’évaluation d’attendre une
des antagonismes que naît la créativité, travail qui permettra l’évaluation puis la réponse unique à la prescription, une
qu’émerge la solution nouvelle (Morin certification. C’est lui fournir le support réponse déjà proposée en formation,
1990). C’est autour de cette articulation de la construction de sa formation et de mais de susciter l’élaboration d’une ré-
que se construisent aujourd’hui les la construction de son identité (profes- ponse originale faisant intervenir l’ima-
dispositifs diplômant en unités capitali- sionnelle entre autres). ginaire, le rêve, en l’articulant aux savoirs
sables du Ministère de l’Agriculture, de
12 comPétences : regards croisés

Nous avons compris que le boule-


versement est ici de taille, il n’est
pour démontrer
plus question dans l’évaluation à voir le travail compétence ? Ce quelque chose d’essen-
ses capacités et en d’attendre une réponse unique à réalisé. C’est tiel à la construction mentale indispen-
construire de nou- la prescription, une réponse déjà par le récit que sable à l’élaboration de l’histoire dans la
velles. Bref pour proposée en formation, mais de les évènements mise en vie des savoirs ?
créer. susciter l’élaboration d’une réponse liés à cette réa-
« Le passage de
originale faisant intervenir l’ima- lisation seront
la prescription à la ginaire, le rêve, en l’articulant aux mis en ordre.
BiBliograPhie
réalisation (appro- savoirs pour démontrer ses capa- Pour J. Bruner
cités et en construire de nouvelles. (1986) le récit • Alter n., 2000, « l’innovation or-
priation de la tâ-
est «… par ex-
che) est une forme Bref pour créer. dinaire », PUF, Paris
cellence l’outil • Bruner J., 1986, « Culture et mode
de créativité. Il
de construction de pensée – L’esprit Humain dans
faut toujours introduire de petites inno-
de la culture ». Selon lui, il existe deux ses œuvres », Retz 2000, Paris
vations aux règles présentes pour que le
modes de pensée indispensables l’un à • Clot Y., 1999, « La fonction psy-
système fonctionne » (Alter, 2000).
l’autre pour exprimer la réalité, celui qui chologique du travail », PUF, Paris
relève de « l’argumentation », qui s’inté- • Clot Y., Faïta D., 2000, « Genre
resse à la formalisation, à la vérification et style en analyse du travail,
Raconter sa des procédures formelles et celui qui
relève de « l’histoire » qui lui ne s’inté-
Concept et Méthode », revue
Travailler
réalisation, resse pas à la vérité, mais plus largement
au vraisemblable. Ce qui est important
• Hameline D., 1979, « Les objectifs
pédagogiques en formation ini-
le récit comme pour juger de « l’argumentation » c’est tiale et continue », ESF éditeur,
de savoir dans quelle « histoire » cette Paris
moyen dernière s’inscrit. Le récit doit pour cela • Morin E., 1990, « Introduction à la
articuler deux modes d’expression (que pensée complexe », ESF éditeur,
Bruner nomme paysages), celui de l’ac- Paris
Dans ce contexte, il est clair que l’ex- tion permettant l’argumentation (dé- • Pastré P., Mayen P., Vergnaud G.,
plicitation par le sujet de sa réalisation, crivant les agents, les buts, la situation, 2006, « La didactique profes-
de son « œuvre » est indispensable à les outils…) et celui de la conscience (dé- sionnelle », La revue française de
la compréhension de cette réalisation. crivant les personnages, les pensées, les pédagogie », n° 154
L’explicitation devient le moyen essentiel ressentis, les représentations…) • Rey B., 2012, « Le défi de l’évalua-
de communiquer sur cette « œuvre » tion des compétences », Dossier
singulière, relatant ainsi ses choix, ses on comprend bien, en s’appuyant
sur la thèse de J. Bruner que l’entrée d’actualité et d’analyse, n° 76,
décisions, son évaluation réflexive, parce Institut français de l’éducation
que la création est opportuniste dans des dispositifs par la compétence et les
particularités des situations, introduit un • Vial M., 2006, « La relation entre
la réalité, parce que l’enjeu réel de la si- formation et évaluation : Pers-
tuation mobilise la problématisation et questionnement nouveau qui est celui
de la place de la culture dans de tels dis- pectives de recherche », Mesure
l’imaginaire vers des solutions. et évaluation en éducation, Vol
positifs. Il est clair que la formation pro-
on entrevoit ainsi l’entrée dans la fessionnelle demande de démontrer ses 29, n°1
complexité que suscite une telle appro- connaissances, ses capacités techniques
che et la place que vont prendre, chez le mais pour que ces dernières aient un
sujet, tous les éléments permettant d’ar- sens, encore faut-il qu’elles s’inscrivent
ticuler connaissances professionnelles et dans une pensée, dans une « histoire »
caractéristiques de la situation. La mobi- où le vrai et le vraisemblable se produi-
lisation de l’imaginaire nous démontre, sent l’un l’autre.
s’il le fallait, que les savoirs profession-
nels ne sont pas suffisant à l’expression En ce sens nous pouvons nous poser
de son propre style. la question de la place de la culture
dans les dispositifs de formation profes-
notre approche s’inscrit dans une dé- sionnelle. La culture est-elle une com-
marche socio-constructiviste. Elle place pétence ou de manière plus complexe
l’explicitation par le sujet, de son travail, est-elle ce quelque chose d’essentiel à
de sa réalisation, comme la mise en for- la construction et à l’expression de la
me de sa pensée, cette pensée qui donne
comPétences : regards croisés 13
14

Compétences
et parcours
culturels
p.15 Le quatrième métier de l’enfance :
le métier de consommateur culturel
Sylvie OCTOBRE
p.20 Le support vidéo en lycée professionnel
Gérard MARQUIE et Cécile DELESALLE
p.25 Expérimentation multimédia : mettre en
œuvre des compétences construites hors
cadre formel
Benjamin VOLFF
p.27 Valériane est une artiste… ou l’est-elle
devenue par et malgré l’école ?
Philippe SAHUC
p.30 Le sens du vivre sous chapiteau
Corinne COVEZ
p.33 Contribution pour une didactique
artistique autour de la question de
l’appartenir
Didier CHRISTOPHE
p.39 « Ton âme est un paysage choisi »
Arnaud PEUCH
p.41 Parcours culturels des jeunes
Texte collectif, stage de formation
continue
p.46 Propositions pour une démarche
d’accompagnement
Texte collectif co-écrit avec le réseau
éducation au développement durable,
stage de formation continue
comPétences et Parcours culturels ? 15

Le quatrième métier de
l’enfance(1) : le métier de
consommateur culturel
Sylvie Octobre
Département des études, de la prospective et des statistiques, Ministère de la culture et de la communication

Dans ce texte, l’auteur propose une réflexion autour du métier de consommateur


culturel, impliquant pour le jeune, des savoir-faire, des savoir-être et des faire-savoir
(mise en scène de soi) construits de manière différenciée selon le genre, le niveau de
maturité et la catégorie sociale. Le rapport à la culture numérique – « la chambre
digitale »- semble toutefois aplanir ces différences et faire converger les compétences
culturelles des deux sexes.

(1) on utilise ici ce terme au sens large, c.a.d. de mineur, en tant qu’englobant un processus de « grandissement » qui peut comporter plusieurs « âges » dont les
délimitations sont sujettes à débat. Cette acception a été validée par l’Agence nationale de la Recherche dans le lancement de son appel à projet Enfance en
2009, et sous-tend la prise ne compte de l’enfance comme catégorie sociale (cf les travaux du Groupe de sociologie de l’enfance de l’Association internationale
des sociologues de langue française, w3.aislf. univ-tlse2.fr).

Les enfants occupent diverses scènes Les liens entre ces trois métiers s’incarnent de manière croissante à
sociales, face à des systèmes d’injonc- se tissent largement dans le registre partir de l’entrée au collège, notamment
tions et d’attentes variables. Premier à culturel, qui agit également sur eux : on dans la dimension expressive et interac-
avoir été analysé, le métier d’enfant (2) peut alors parler de métier de consom- tive de la musique, de l’internet, mais
se définit dans la sphère familiale : il mateur culturel (5) avec ses contraintes, aussi des comportements liés à la mode,
enjoint aux enfants de connaître les ses compétences, ses modes de fonc- au look, à l’affirmation d’une identité
attentes parentales, l’économie morale tionnement, ses temporalités (6) . Les visible.
des ménages et de s’inscrire dans une articulations entre métier d’enfant et
La « culturalisation » des trois pre-
filiation. Le métier d’élève (3) est défini métier d’élève peuvent être traduites
miers métiers est patente, et s’accélère
dans la sphère scolaire : il leur enjoint de en « contrats » tacites ou explicites,
depuis les premières observations de
répondre aux attentes et aux critères qui impliquent le quatrième métier :
Jean-Claude Chamboredon et Jean
de régulation d’une institution et de de bons résultats scolaires sont ainsi
Prévot (7) .
son programme de formation, faisant « monnayés » dans la famille contre des
émerger de manière cruciale la question autorisations plus larges de consomma-
de la performance. De la même manière, tions ou de sorties, ou encore, l’octroi
le métier de copain, apparu plus récem- d’argent de poche (qui sert souvent aux
ment dans les travaux de recherche (4) , achats de produits culturels et aux sor-
leur enjoint de maîtriser les codes de ties culturelles).
définition des âges et des groupes, pour
De leur côté, les injonctions juvéniles
être à la fois intégré et reconnu.
sont – et c’est une de leurs caracté-
ristiques – en prise très forte avec des
codes culturels, dans lesquelles elles

(2) Jean Claude Chamboredon, Jean Prévot, Le


« métier d’enfant ». Définition sociale de la
prime enfance et fonctions différentielles de (5) La notion de consommation est à prendre au (7) « notre objet est précisément d’étudier la trans-
l’école maternelle, Revue française de sociolo- sens large et englobe toutes les formes de parti- formation de la définition sociale de la prime
gie, 1973, 14-3 ; François de Singly, Les adonaiis- cipation culturelle (pratiques, sorties, etc.). enfance et de montrer comment la limite entre
sants, Paris, Armand Colin, 2006
(6) Sylvie octobre, Christine Detrez, Pierre Mercklé, âge appelant des soins principalement psycho-
(3) Régine Sirota, « Le métier d’élève », Revue fran- nathalie Berthomier, L’enfance des loisirs. Tra- logiques et affectifs et des âges appelant des
çaise de pédagogie, n°104, 1993 jectoires communes et parcours individuels de soins culturels a reculé avec la prime enfance ».
(4) Dominique Pasquier, Cultures lycéennes. La la fin de l’enfance à la grande adolescence, Paris, (Jean-Claude Chamboredon, Jean Prévot, op cit,
tyrannie de la majorité, Paris, Autrement, 2005 DEPS/MCC, 2010 p295).
16 comPétences et Parcours culturels ?

de passage (9) se sont raréfiés, privatisés attachements moindres. Ce moment,


Le calendrier et ont été remplacés par des rituels plus qui est également celui des sorties enca-
du métier de mobiles, rites de première fois (10) , à por-
tée plus localisée et à forme moins ins-
drées, voit l’émergence d’une autonomie
cantonnée aux consommables culturels,
consommateur titutionnalisée (11) - le premier ordinateur,
le premier portable, le premier blog ou
autonomie alors toute relative tant les
consommations restent ancrées dans
culturel la première page Facebook, la première des interactions où la filiation familiale
sortie au cinéma entre copains, etc. - ou se joue à de multiples niveaux : consom-
stades chronologiques - entrées au col- mations partagées, accompagnements,
Dans ce métier de consommateur lège ou au lycée, etc. discussion, régulation d’accès, etc. Cette
culturel, des moments (8) se distinguent absence de réelle autonomie culturelle
La multiplication et la diversifica-
qu’il est possible désormais de mieux fait écho à l’imbrication forte des mé-
tion des registres de premières fois
cerner, entre consommations et atta- tiers d’enfant et d’élève et à la faiblesse
« étale[nt] et fragmente[nt] l’acquisition
chements, jeux et enjeux des métiers du métier de copains : la logique de la
des attributs de la maturité, alors iden-
d’enfant, d’élève et de jeune. filiation prédomine. Dans ce cadre, les
tifiée à une accumulation d’expériences
objets culturels sont encore relativement
Le métier de consommateur culturel ponctuelles » (12) . Des travaux qualitatifs
peu investis.
se fait alors le révélateur des dynami- ont montré combien ces calendriers de
ques qui prennent leur origine dans l’avancée en âge sont très présents dans L’oUVERTURE DU CHAMP DES PoSSI-
les autres registres, les projections des en- BLES ET LA CHUTE DE LA LECTURE.
et engendrent dans Les loisirs ne sont plus fants, qui savent ce qui La mutation des conditions de sco-
le même temps des seulement des supports, est de « tel » ou « tel » larisation qui intervient avec l’entrée
effets propres, liés à mais peuvent devenir des âge et expriment la au collège s’accompagne d’une modi-
la place prise par les ressources symboliques volonté de ne pas fication du métier d’élève, mais égale-
autonomies culturelle permettant à l’enfant « brûler les étapes » et ment du métier d’enfant et de copain.
de franchir les stades
et relationnelle, et les d’affirmer son âge Si la pression scolaire augmente sans
mutations d’accès aux un à un (13) . conteste, elle est contrebalancée par
produits culturels, de Ainsi, on peut distinguer plusieurs la reconnaissance d’une autonomie de
même qu’à la culturalisation de la défi- moments (voir schéma) : goûts culturels plus grande qui ne se
nition des âges. traduit pas encore par une indépendance
LE MoMEnT LUDIQUE, LECTEUR ET matérielle (de déplacement, de dépense,
Les loisirs ne sont plus seulement
SPoRTIF. etc.) mais s’appuie sur la matérialité de
des supports, mais peuvent devenir des
ressources symboliques permettant La fin de l’enfance est le moment la culture de la chambre où les objets
à l’enfant d’affirmer son âge : leur ac- de la domination du sport et du pôle culturels prennent une place croissante.
quisition et leur développement sont ludique, qui font passer au second rang Ainsi, le métier d’enfant est-il traversé
caractéristiques des moments de tran- les consommations culturelles certes par des dynamiques contraires du mé-
sition biographique, alors que les rites fortement présentes (notamment les tier de copain : d’une part, la taille du
médias traditionnels), mais suscitant des réseau social des collégiens augmente,
de l’autre, le contrôle parental est recon-
figuré, sous l’effet de la modification des
(8) Le terme de moment, qui indique une position agendas scolaires, mais également de la
dans un processus temporel, est préféré à ce- (9) Martine Ségalen, Rites et rituels contemporains,
lui d’âge, qui risquerait de réifier le processus nathan, Paris, 1998. mutation des demandes de sorties (les
dans lequel ces moments prennent place. Ce (10) Michel Bozon, « Des rites de passage aux « pre- anniversaires cèdent la place aux boums,
processus se rapproche de ce que psychologues, mières fois », une expérimentation sans fin », le réseau de copains se recompose, en
pédiatres, chercheurs et cliniciens appellent le Agora/débats jeunesse, n° 28, 2002
« rythme de développement » (qui n’a rien à voir général sur un territoire géographique
(11) « on peut citer pêle-mêle des moments d’im-
avec la croissance), « scénario au fil de l’âge des
portance inégale, comme la première cigarette, plus vaste que celui de l’école primaire).
différentes émergences qui caractérisent l’en-
le premier baiser, le premier compte bancaire, la La première moitié du collège apparaît
fant ». Certaines étapes peuvent être inversées,
majorité civile (…) qui sont autant de moments ainsi comme une période de redéfinition
manquer, s’encastrer, d’autres peuvent être
qui « comptent et que l’ on raconte » ». Michel
retardées ou au contraire précoces, les scénarios
Bozon, op. cit., p 29 des équilibres qui présidaient au primai-
individuels étant marqués par la personnalité et
par les influences de l’environnement et non par (12) Céline Metton Gayon, Les adolescents, leur re entre les quatre registres – famille/
l’existence de canevas prédéterminés. Hubert téléphone et Internet, op. cit., p 22 école/groupe des pairs/loisirs – même
Montagnier, « Les rythmes majeurs de l’enfant », (13) Sara Bragg, David Buckingham, « I think I’m too si les choix restent encore faiblement
in Informations sociales, « Temps sociaux : young to understand », in Isabelle Charpentier
concordances et discordances, temps et cycle de (sous la dir de), Comment sont reçues les œu- individués.
vie », n° 153, mai-juin 2009. vres, Paris, Creaphis, 2006.
comPétences et Parcours culturels ? 17

Source : DEPS ministère de la Culture et de la Communication 2010

LE ToURnAnT CULTUREL. l’indépendance culturelle, prolonge et


La culturalisation des identités, qui
structure l’autonomie des goûts amor- Un métier
articule extimité (14) et intimité, pour
cée dans les âges précédents. Les acti-
vités les plus aptes à être les supports
socialement situé
autrui et pour soi, s’opère ensuite avec le
de cette recherche d’expressivité sont
passage en seconde moitié de collège et
privilégiées et constituent l’épicentre
l’entrée dans la pré-adolescence, notam- Si les variations liées à l’origine sociale
des univers de goûts : l’écoute musicale,
ment avec la place de plus en plus im- sont réelles dans l’accès à ce métier de
individualisable à l’envi, tant en termes
portante des technologies numériques consommateur culturel, elles semblent,
de moyens d’écoute que de choix de
et le désencadrement progressif des à cet âge moins prégnantes que les va-
contenus, mais collectivement valorisée,
sorties. La logique statutaire qui assigne riations liées au genre (fille/garçon) avec
de même que l’usage de l’ordinateur et
à un rôle (enfant, élève) existe toujours, lesquelles elle s’imbriquent.
de l’internet, qui permet la même po-
mais cède le pas à la logique identitaire,
rosité entre présence et distance, entre
ce qui favorise le passage à une logique
individuel et collectif.
de l’affiliation plus que de la filiation. Les les filles en avance
équilibres entre les quatre registres sont À chaque âge, le métier de consom-
donc modifiés, au profit du groupe des mateur culturel comporte des injonc- Les filles bénéficient dans l’entrée
pairs et au détriment de l’école, et font tions – connaître certains pans de la dans le métier de consommateur cultu-
une place de choix au registre culturel production médiatiques, et savoir se rel d’un double effet temporel : d’une
qui doit à la fois exprimer ces mutations mettre en scène en en parlant avec ses part elles conservent plus longtemps
et en même temps agir comme le révéla- copains/copines – qui font à la fois bar- que les garçons des loisirs de l’enfance ;
teur d’équilibres nouveaux. rière et niveau : il s’agit de faire son âge de l’autre, elles s’inscrivent plus préco-
en se distinguant des âges plus jeunes cement dans les consommations, prati-
L’ExPRESSIVITé DES GoûTS ET DES
mais également des âges plus vieux, ne ques et usages qui composent la « cultu-
SEnTIMEnTS.
pas « faire bébé » ni « jouer au grand », re de la chambre » (15) , ainsi que dans les
Le passage à l’expressivité suc- c’est-à-dire tenir sa place dans la société sorties caractéristiques de l’adolescence.
cède à la culturalisation des identités, des pairs, mais également dans la famille Alors que la part des garçons lecteurs
dans un contexte d’accroissement de et à l’école.

(15) Hervé Glévarec, La culture de la chambre,


(14) Serge Tisseron, Virtuel mon amour, Albin Mi- Préadolescence et culture contemporaine dans
chel, Paris, 2008 l’espace familial, Paris, DEPS/MCC, 2009
18 comPétences et Parcours culturels ?

de livres chute de manière rapide dès Des systèmes D’oPPosition. Des lieux De convergence : la
l’entrée au collège, elles sont encore 12 % chamBre Digitale.
à en lire tous les jours au lycée (soit deux L ’accès aux pratiques ne suffit pas à
fois plus nombreuses que les garçons expliquer les positions à l’égard du genre Alors que l’ordinateur reste encore
du même âge) et leur attachement à et les distinctions se déplacent vers chez les adultes un objet clivé sur le plan
la pratique reste supérieur. De plus, les les univers de goûts, même dans des du genre (16) , l’observation des compor-
filles conservent plus longtemps les pratiques a priori largement partagées. tements des enfants indique que les
sorties liées à l’enfance : à chaque âge, Ainsi, en matière d’écoute de musique, niveaux de pratique quotidienne sont
au moins la moitié d’entre elles fréquen- les filles, à 11 ans, écoutent plutôt de la similaires pour les garçons et les filles,
tent les musées et les monuments et chanson française, qu’il s’agisse d’Indo- de même que leurs niveaux d’attache-
elles sont toujours plus nombreuses que chine ou de Renaud (pour les filles de ment à la pratique dès 13 ans. Les com-
les garçons à fréquenter les parcs d’at- cadres) ou de Johnny Hallyday, Garou, portements des filles et des garçons à
traction, de même que les zoos et parcs Jennifer (pour les filles d’ouvriers), tandis l’égard de l’ordinateur et de l’Internet se
animaliers, ou encore les bibliothèques. qu’au même âge, les garçons d’origine ressemblent donc de plus en plus avec
Parallèlement, elles abordent les rivages populaire plébiscitent la dance et le R’n’B l’avancée en âge, notamment chez les
culturels de l’adolescence plus tôt que et que leurs homologues issus des caté- enfants de catégories supérieures.
les garçons et elles sont durablement gories favorisées écoutent de surcroît du
rock et du rap. Chez les enfants de cadres, l’avantage
plus attachées à ces consommations
initial des garçons ne dure pas puisque
que les garçons qui s’y adonnent. Elles Six ans plus tard, à 17 ans, ces oppo- ces derniers sont rattrapés par leurs
entrent par ailleurs également plus tôt sitions n’ont pas disparu mais se sont homologues filles en seconde moitié de
dans la culture de sortie adolescente, déplacées sous l’effet de l’importance collège et au lycée. Ce rattrapage n’a en
notamment celle qui est en lien avec prise, dans les deux sexes, par l’écoute revanche pas lieu dans les milieux popu-
leurs intérêts musicaux (les concerts et de musique et la construction de com- laires, où les garçons sont à tout âge plus
les salles de spectacles). pétences musicales, qui modifient les investis dans l’usage de l’ordinateur que
Ce double mouvement – persistance périmètres du féminin et du masculin et les filles, les enfants de cadres ayant par
de sorties ou consommations de l’en- re-différencie les partitions socialement ailleurs toujours un niveau de pratique
fance et entrée plus précoce dans les situées des unes et des autres : un goût supérieur aux enfants d’ouvriers.
univers culturels de l’adolescence - fait populaire masculin se constitue autour
du rap (auparavant caractéristique des Il y a donc, avec l’avancée en âge, un
que les univers des filles sont plus
goûts des fils de cadres) et du R’n’B, un mouvement de convergence globale des
précocement et durablement variés
goût populaire féminin autour de la comportements des filles et des garçons
que ceux des garçons, ces derniers les
dance (auparavant prisée des garçons de à l’égard de l’accès à l’ordinateur et de
« rattrapant » dans certains domaines
même milieu), tandis que les fils et filles l’Internet, avec néanmoins un effet
deux années plus tard. Ces différences
de cadres se rejoignent autour du rock, retard des catégories populaires. L’inter-
de genre sont socialement situées et
auquel les premiers ajoutent le hard, le net rassemble filles et garçons autour
varient en fonction des pratiques ou
punk et le métal et les secondes le rock d’usages communs, qui redéfinissent les
activités considérées. Dans certains
français (ce qui ré-interprète leur goût périmètres du féminin et du masculin,
cas, les facteurs se compensent ; dans
initial pour la chanson française). on ob- cette redéfinition semblant plus difficile
d’autres, les décalages perdurent. Ainsi,
serve donc un double mouvement : des dans les milieux populaires. Pour tous,
une origine sociale favorisée ne suffit
filles vers les goûts des garçons et des filles et garçons, enfants d’ouvriers et de
pas à « combler » le retard des garçons
catégories populaires vers les goûts des cadres, MSn est l’usage le plus fréquent :
en matière d’audience radiophonique :
catégories supérieures, qui maintient l’ordinateur propose ainsi aux garçons
à 11 ans, les plus auditrices de radio sont
des systèmes d’oppositions où chacun une entrée dans la culture de chambre
les filles de cadres (39,5 % l’écoutent
dit son genre, son âge et son origine so- jusque-là fortement connotée par le
chaque jour), tandis que filles d’ouvriers
ciale. Les oppositions de genre sont donc féminin.
et garçons de cadres ont des niveaux
d’écoute quotidienne similaire (35 % et de deux sortes : certaines semblent in- La « chambre digitale » (17) dote ainsi
34,5 %), équilibre qui ne varie pas avec variables dans le temps et dans l’espace les garçons de compétences et appéten-
l’avancée en âge. Le moment radiopho- social, d’autres semblent mobiles et défi- ces à l’égard de cette culture de chambre
nique pré-adolescent est ainsi de plus nir de manière socialement et temporel-
grande ampleur chez les filles que chez lement situées des stéréotypes où puiser
les garçons, et les oppositions d’origine des références, des ressources, tant en (16) olivier Donnat, Les pratiques culturelles des
sociale y sont moins marquées, même si terme d’appartenance que d’exclusion. Français à l’ère du numérique. Enquête 2008,
Paris, MCC, DEPS/La Découverte, 2009
les enfants d’ouvriers y restent plus du-
(17) David Buckingham, La mort de l’enfance. Gran-
rablement attachés. dir à l’âge des médias, Paris, Armand Colin, 2010
féminine, qu’objective par ailleurs la cool, faire partie de la bande) qui valent
pratique du téléphone : internet permet comme mode de désignation autant que
aux garçons un usage conversationnel comme mode d’exclusion.
parfois impossible dans les autres scènes
Dans chacun de ces métiers, des sa-
- les adolescents peuvent ainsi discuter
voirs « minuscules » (18) , des savoir-faire
sur MSn avec des membres du sexe
(trouver les informations, les sites, les
opposé avec lesquels ils ne parlent pas
images, les musiques, etc.), des savoir-
dans la cour de récréation du collège.
être (la bonne démarche, le bon look,
La participation des garçons aux fo- etc.) et des faire-savoir (savoir mettre
rums et aux chats est un autre signe de en scène ce soi auprès des différentes
cette mutation des stéréotypes : si les scènes, sociales auxquelles l’enfant
pratiques « traditionnelles » d’écriture est confronté) sont à l’œuvre, en per-
(journaux intimes, poèmes,…) sont ma- manence, associant compétences et
joritairement féminines, l’usage des ré- négociations.
seaux et des blogs les ouvre aux garçons.
La convergence des univers culturels des
filles et des garçons se fait donc par un
double mouvement d’accès des filles à
des outils « masculins », parce que tech-
nologiques, et d’inscription des garçons
dans des usages des outils technologi-
ques qui renouvellent des pratiques « fé-
minines » (écriture, conversation, etc.).
De l’enfance à la grande adolescence,
décalages, oppositions et convergences
mais également temporalités différen-
tes alimentent la construction de ce
métier de consommateur culturel, qui se
trouve placé à l’intersection des autres.
D’abord avec celui de « fils ou fille de »
à travers les transmissions culturelles
ascendantes et descendantes, qui sont
nombreuses, mais aussi les négocia-
tions d’autonomie liées aux sorties ou
consommations culturelles avec l’avan-
cée en âge.
Ensuite avec celui d’élève, puisque
l’école propose un modèle culturel avec
lequel les élèves doivent négocier et que
l’école – sous l’angle des résultats scolai-
res – est souvent une monnaie d’échan-
ge pour obtenir de l’autonomie en ma-
tière de consommations culturelles.
Enfin, le métier de copains, puisque
l’identité enfantine et adolescente s’y
constitue dans l’entre-soi de manière
importante, que ce soit pour l’acquisi-
tion de compétences culturelles (connaî-
tre les « bons » chanteurs, les « bons »
(18) Dominique Pasquier, « « Les savoirs minus-
jeux, les « bons » sites ) mais également cules », Le rôle des médias dans l’exploration
pour la validation des identités (être des identités de sexe », éducation et sociétés,
2002/2, n°10
20 comPétences et Parcours culturels ?

Le support vidéo
en lycée professionnel
Cécile Delesalle
est psychosociologue, Vérès Consultants

Gérard Marquié
est chargé d’études et de recherche à l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire

Dans cet article les deux auteurs relatent et analysent le contenu d’une expérimen-
tation relative à l’observation des pratiques d’Internet des jeunes dans la recherche
d’information.
Ce travail publié dans le numéro 36 de la revue Les Cahiers de l’Action(1), met notamment
en évidence l’existence chez les jeunes concernés de compétences en matière de
recherche numérique d’information, avec parallèlement, une hésitation à mobiliser ces
compétences, perçues de prime abord comme non légitimes car construites au cours
d’apprentissages informels.

(1) C. Delesalle et G. Marquié (dir. de), L’information des jeunes sur Internet : observer, accompagner. Expérimentation d’outils avec les professionnels de jeunesse.
InJEP, coll. Les Cahiers de l’action n°36, Paris 2012.

Cette expérimentation a pour objet, eux-mêmes. À partir de leurs parcours de


comme toutes celles présentées dans L’origine du projet recherche d’information filmés par eux
-ce numéro, d’observer les pratiques
d’Internet, avec une collaboration entre
et du partenariat et des analyses participatives des repor-
tages, les jeunes formulent des sugges-
des professionnels, des jeunes et l’équi- tions et des pistes pour l’innovation en
pe de la recherche-formation-action matière de recherche de l’information
C’est au Centre d’information et de
Défi Internet (2) . Il s’agit de tester et de
documentation jeunesse (CIDJ), lors L’établissement scolaire réserve un
développer des outils et des méthodes
d’une journée Kulture(s) Web que les accueil très favorable à ce projet co-
susceptibles de fournir un suivi régulier
chercheurs de Défi Internet rencon- construit avec l’enseignant. Il est d’abord
et de faciliter l’adaptation des offres
trent une classe de seconde de bac pro présenté au chef d’établissement, qui
de services, des pédagogies et de l’ac-
électrotechnique et son professeur de donne son accord, et une fiche de prépa-
compagnement aux usages d’Internet,
français. Cette première rencontre avec ration de l’expérimentation est diffusée,
devenue aujourd’hui incontournable,
l’enseignant révèle que celui-ci souhaite présentant les objectifs, le dispositif en
que ce soit en éducation, en animation,
approfondir l’éducation à l’information détail et les raisons du choix de tester
en action culturelle ou en politique de
et l’utilisation d’Internet et du multimé- le support vidéo : « Pour témoigner de
jeunesse en général (3)
dia dans le cadre de son enseignement. façon vivante, éviter l’obstacle de l’écrit
Ces objectifs rejoignent ceux de la re- et avoir des éléments diffusables et
cherche-formation-action Défi Internet, partageables. »
qui vise à concevoir des outils d’obser-
Il s’agit ici d’une classe de seconde
vation et d’analyse facilement appro-
de bac pro électrotechnique composée
priables par les jeunes usagers et par les
uniquement de garçons, dont la moitié
professionnels.
est entrée dans la filière par défaut. La
(2) Défi Internet est un groupe constitué de profes- L’expérimentation ici porte sur la réa- vie de classe est marquée par un taux
sionnels de l’InJEP, du Centre d’information et
lisation et l’analyse en groupe de mini- d’absentéisme important. Pour la majo-
de documentation jeunesse (CIDJ) et de Vérès
Consultants reportages filmés par les élèves accom- rité des élèves, l’environnement social
(3) on pourra consulter le rapport d’expérimenta- pagnés par l’enseignant et l’équipe de est difficile. Ce contexte rend d’autant
tion détaillé, Utilisation du support vidéo pour Défi Internet. L’approche vise donc une plus pertinente l’approche participative
l’analyse participative des pratiques d’informa-
tion sur Internet, 65 pages, disponible au centre prise en main des outils par les acteurs et le choix de l’outil vidéo, facilement
de ressources de l’InJEP maniable par les élèves. Sur une période
comPétences et Parcours culturels ? 21

de deux mois, deux chercheurs de Défi musique, ce n’est jamais la même chose,
Internet se rendent dans le lycée pro- il y a toujours des nouveautés donc…
fessionnel pour expérimenter cette J’aime bien être à la page, on va dire. »
observation participative des pratiques
D’autre part, ces thèmes sont moins
d’information des jeunes qui utilise la
anxiogènes que ceux du scolaire ou de
vidéo avec les vingt-cinq élèves de cette
l’orientation et la créativité de la recher-
classe et leur professeur.
che y est plus grande.
Ensuite, plusieurs savent utiliser
des fonctions avancées du moteur de
Des compétences recherche (utilisation de guillemets
pour cerner la recherche, entrée par les
révélées, mais pas sous-rubriques dans les listes de sites…).
d’homogénéité Tous connaissent les principaux sites
d’information et les sites des médias.
Ils savent distinguer entre l’information
commerciale et l’information institu-
une meilleure maÎtrise De tionnelle : « Moi, je cherche le site exact,
l’accès à l’information sur en regardant l’adresse verte. »
internet Qu’on ne le Pense
Ils sont en capacité de corriger le tir si
haBituellement.
la recherche mène sur un site erroné ou
on constate tout d’abord une rapi- si l’information n’est pas trouvée. Ils ont
dité et une aisance dans la recherche, conscience des limites de la fiabilité de
du moins sur les sujets qu’ils ont choi- l’information sur Internet et ils ont une
sis (par exemple, les bonne connaissance
mangas, le sport, la des risques inhérents
musique, les forums
Toutes ces compétences à Internet. Toutes ces
de rencontres ou de sont d’autant plus à sou- compétences sont
hackers, les armes…). ligner que la plupart les d’autant plus à sou-
Plusieurs jeunes de ont acquises seuls ou par ligner que la plupart
cette classe savent se des amis. les ont acquises seuls
servir d’Internet pour ou par des amis. Leur
développer leurs connaissances dans les enseignant est surpris :
domaines qui les intéressent ou les pas- « Là, vraiment on voit qu’il y a un chemi-
sionnent. D’une part, l’intérêt pour un nement. Je suis épaté par la façon dont
sujet motive pour faire la démarche et la ils rebondissent sur les icônes, sur les si-
faire régulièrement ; la passion, le plaisir tes. Des sites dont je n’ai jamais entendu
engendrent une curiosité plus grande : parler. Là, j’ai trouvé que vos pratiques
« J’aime bien m’informer sur les nou- libres étaient très intéressantes. »
veautés parce que dans le sport, dans la
22 comPétences et Parcours culturels ?

éTAPE 2 : L’AnALYSE PARTICIPATIVE DES éTAPE 3 : LES InTERVIEWS FLASH


Le support vidéo PRISES DE VUE DES éCRAnS DES PAR- Un moment est dédié à la réalisa-
en lycée CoURS D’InFoRMATIon tion par les élèves d’interviews flash
Les séquences enregistrées lors de filmées, d’une durée de cinq minutes
professionnel la session précédente sont projetées environ, toujours avec la caméra à tour
sur tous les postes informatiques en de rôle : un élève filme, un deuxième
même temps. Après chaque projection pose cinq questions au troisième sur
d’une séquence, l’analyse en est faite ses pratiques de recherche d’informa-
séQuence viDéo : DescriPtif
en groupe, animée conjointement tion, ses apprentissages, son accès à
Des Différents volets par l’enseignant et l’équipe de Défi Internet, et il est libre de le relancer à
La classe est divisée en deux sous- Internet. partir de ses réponses.
groupes de douze à quatorze élèves Trois questions sont écrites au tableau 1. « La dernière fois que tu as cherché
avant la projection des films : une information, tu as fait comment ?
et les sessions se déroulent dans une
1. « En revoyant ces films, qu’est-ce qui Sur un métier, sur le sport, sur la
salle informatique où chaque élève
vous frappe le plus dans la recherche musique… »
dispose d’un poste, tous les postes
d’information ? Pourquoi ? » 2. « Quelle est la personne qui t’a ap-
étant reliés à celui de l’enseignant.
2. « Parmi tous les sites que l’on voit pris le plus pour t’informer sur Inter-
Chaque groupe participe à deux dans les films, quels sont ceux où l’in- net ? Ami, parent, prof, animateur ou
sessions coanimées par l’enseignant formation est la mieux présentée ? La autre… »
et les chercheurs, à deux semaines plus claire ? La plus facile à trouver ? » 3. « Est-ce que tu partages des infor-
d’intervalle. 3. « À partir de ces films, quelles sont mations avec tes amis sur Facebook
les informations auxquelles on peut ou MSn ou d’autres réseaux sociaux ?
éTAPE 1 : LES REPoRTAGES SUR LES
faire confiance ? » Quel genre d’info ? Un exemple. »
PARCoURS DE RECHERCHE D’InFoR-
4. « Quand tu as cherché l’information,
MATIon SUR InTERnET L’enseignant et les chercheurs
est-ce qu’il y avait des choses difficiles
Un élève mène une recherche d’in- relancent le débat à partir de ce que à trouver ? Par exemple… »
formation sur Internet, un deuxième disent les élèves et à partir de leurs 5. « As-tu tous les jours un accès à In-
lui pose des questions sur sa recher- propres observations sur les films. Plu- ternet à la maison ? »
che et recueille ses commentaires sieurs thématiques d’éducation à l’in-
(avec le son enregistré au micro-crava- formation sont approfondies au cours
te) et un troisième est à la caméra (sur de ces débats : repérage des sources,
pied). La seule consigne donnée au critères de fiabilité de l’information,
cameraman est de filmer les écrans de relation contexte/contenu…
la recherche d’information, avec toute
liberté de mouvements de caméra et
de zoom.

De granDes Différences au d’Internet pour s’informer est inégale. sociaux, ce n’est pas Internet. » Il leur
sein D’un grouPe a Priori Enfin, leur niveau diffère dans la maî- est difficile de différencier la nature des
homogène trise des recherches d’information, des sites, ne serait-ce que par l’adresse, et la
fonctions du Web et la capacité à mener distinction entre les types de noms de
Dans un groupe socialement et scolai- une recherche sur un thème imposé. Un domaines n’est pas opératoire chez eux.
rement relativement homogène, compo- élève analyse : « Il galère, il a du mal à Ils n’ont pas pour habitude de comparer
sé entièrement de garçons, on constate chercher ce qu’il veut. Parce qu’il n’a pas les contenus de deux sites sur un même
d’importantes différences, ce qui ten- l’habitude de rechercher sur Internet sujet. La notion de « site officiel » reste
drait à évoquer une diversité des usages, là-dessus donc il ne peut pas savoir for- pour eux très large. Ils ne savent pas
voire une fragmentation. Tout d’abord, cément comment il faut faire. » toujours sur quel site ils se trouvent et
l’accès à Internet n’est pas le même pour ce n’est pas leur préoccupation première,
tous, certains en sont privés à la maison, même si le souci de la source peut appa-
parfois pour des longues périodes (cou- les zones De flou et les Points raître chez certains (lors des sessions de
pure du téléphone, équipement en pan- à améliorer prises de vue, ceux qui observent leurs
ne…). Ensuite, les représentations qu’ils camarades sont souvent plus critiques
ont d’Internet varient, or on sait que les La notion d’information demeure que ceux qui naviguent). Enfin, ils sem-
pratiques et le rapport à l’information un concept flou chez ces élèves. Pour blent plutôt démunis sur les méthodes
sont aussi fonction des représentations beaucoup, les réseaux sociaux d’un de vérification de l’information, et la
générales qu’ont ces jeunes de ce qu’est côté, et Internet de l’autre, relèvent de définition de ce qu’est un site légal est
Internet. Leur motivation à se servir représentations disjointes : « Les réseaux peu partagée.
comPétences et Parcours culturels ? 23

Des élèves Peu convaincus de Google, succession de pages et de l’aPProche ParticiPative : une
De la Pertinence De leurs clics, traitement de l’information… Ces nécessaire mise en confiance
PratiQues enregistrements vidéo fournissent éga- PréalaBle Des élèves
lement une mémoire des commentai-
La mise en œuvre de cette expérimen- res formulés oralement par les jeunes Ce dispositif met en évidence le sens
tation révèle que les jeunes n’ont pas durant les navigations et des échanges. que peut prendre une position d’acteurs
d’emblée le sentiment d’une légitimité Enfin, la ressource audiovisuelle per- des élèves dans l’observation et a claire-
de leurs pratiques d’information sur In- met de disposer d’éléments partagea- ment une dimension valorisante pour les
ternet. C’est visible dans la façon dont la bles et diffusables (avec l’accord des jeunes participants.
proposition est re- participants).
Ils prennent progressivement
çue au démarrage, Ils n’ont pas le sentiment
Ce matériau a d’ailleurs conscience de leurs compétences et
ils mettent beau- de disposer de compé- été réutilisé dans d’autres de l’intérêt de rendre lisibles leurs pra-
coup de temps à tences aisément transpo- expérimentations présen- tiques. Mais, dans un premier temps,
réaliser que leurs sables et n’osent pas se tées dans ce numéro des il leur est très difficile de s’extraire du
pratiques intéres- servir de ce qu’ils savent Cahiers de l’action. cadre scolaire, surtout lorsque les consi-
sent réellement
faire. gnes viennent des adultes. Ils donnent
leur enseignant
l’impression de jouer un rôle et s’effor-
et les chercheurs,
un outil accessiBle aux aDo- cent de présenter « la meilleure façon de
et à accepter de montrer leurs modes
lescents et Qui les motive s’informer sur Internet ».
de recherche d’information « de façon
un peu reconnue ». Ils n’ont pas le sen- Il est donc nécessaire de mener un
L’outil vidéo numérique léger(4) se
timent de disposer de compétences travail de mise en confiance afin qu’ils
révèle abordable, très attractif pour un
aisément transposables et n’osent pas se puissent pratiquer l’auto-observation
public d’adolescents et facilement ma-
servir de ce qu’ils savent faire. sans se juger, ce qui ne vient pas naturel-
niable par les élèves participant à l’expé-
lement aux élèves dans un cadre scolai-
rience. La manipulation de la caméra et
re. Une fois l’élève rassuré et encouragé,
la prise de vue sont très motivantes pour
rechercher sur Internet, commenter sa
Réutiliser cet les jeunes de cet âge et de ce profil, qui
sont à l’aise avec l’image et apprécient
navigation ou interroger son camarade
sur ses choix de sites se fait de manière
outil avec des une situation où l’expression orale est
privilégiée.
plus naturelle et plus fluide. Ici, la pré-
jeunes Le principe du trinôme d’élèves (un
sence d’un camarade à côté du jeune
(le plus souvent amicale et bon enfant)
cameraman, un discutant et un témoin- libère son expression. Ceci s’avère beau-
acteur de sa recherche d’information) coup plus favorable que l’intervention
un outil riche De fonctionne bien. Le rôle du discutant est d’un adulte, toujours perçu comme éva-
Potentialités essentiel pour éviter que le « témoin » luant, et à qui on répond ce qu’on pense
n’aille que sur des sites qu’il connaît bien qu’il attend.
Le mode du reportage vidéo permet
et aussi pour que les processus devien-
aux jeunes de témoigner de leurs pra- De la même façon, au moment des vi-
nent conscients et soient commentés.
tiques de façon vivante (oralement et sionnages, lors de l’analyse rétrospective
Les enseignants présents soulignent la
avec le support de l’écran internet) et en groupe, les jugements des élèves sur
grande concentration dont les élèves
très interactive. L’enregistrement par leurs propres pratiques sont sévères. La
font preuve, le calme et l’application
une caméra garde une trace exacte question formulée pour lancer le débat
sont de mise tout au long des sessions,
des cheminements sur Internet lors de est en principe neutre : « En revoyant ces
quels que soient les profils d’élèves.
recherches d’information sur différents films, qu’est-ce qui vous frappe le plus
thèmes et dans des buts variés, donnant dans la recherche d’information ? » Les
à voir les hésitations, les mouvements élèves pensent alors qu’il faut trouver
du curseur, bref les parcours de recher- des lacunes, des erreurs et ils cherchent
che d’information en temps réel. d’abord ce qui ne va pas. Il faut réajuster
et préciser :
Ceci permet d’analyser d’autres di-
« Ce qui vous frappe aussi en positif »,
mensions que celles habituellement
phrase qui provoque des rires presque
décrites dans un discours rétrospectif (4) nous avons utilisé un « pocket video » mais il
gênés. Les jeunes de ce profil ont ten-
est aussi possible d’utiliser la fonction vidéo
ou un questionnaire : modes de déci- dance à minimiser leurs compétences
d’un appareil photo numérique ou d’un télé-
sion, interactions entre pairs autour phone portable. présentes dans les captures vidéo des
d’une recherche d’information, usages
24 comPétences et Parcours culturels ?

écrans et ils attribuent leurs succès à la sur le thème De la vérifica- qu’ils apprennent comme par accident,
facilité de navigation offerte par les sites tion Des informations de façon non intentionnelle : « on dé-
qu’ils fréquentent le plus (achats, musi- couvre surtout au hasard », dira l’un.
que, fédérations sportives, visionnage ou on constate que le regard des jeunes n’ayant pas le sentiment de disposer de
lecture en ligne…). Ici, l’accent est donc devient plus critique lorsqu’ils sont en cette compétence, ils seront d’autant
à mettre sur la dimension neutre des situation d’observer la recherche d’infor- moins enclins à la mobiliser, ou à trans-
constats que l’on fait au cours de l’ana- mation (la leur ou celle de leurs camara- poser ces pratiques sur des sujets moins
lyse du matériau, et sur l’intérêt que leur des) ou de l’analyser dans les enregistre- familiers. Cette expérience semble donc
regard présente pour cette analyse et ments. À partir de la question posée au indiquer qu’il serait souhaitable de tra-
pour l’amélioration de l’information. groupe : « À partir de ces films, quelles vailler, à l’aide d’outils comme celui-ci, à
sont les informations auxquelles on peut une relégitimation de pratiques consi-
une exPérience transPosaBle faire confiance ? », l’enseignant dévelop- dérées comme informelles alors qu’elles
pe une séquence sur peuvent être d’un très
à certaines conDitions
cette question. Parmi bon niveau.
les thèmes abordés :
N’ayant pas le sentiment
Tout d’abord, au démarrage, il est
crucial d’en faire une présentation qui la légalité de certains de disposer de cette L’expérience sem-
« dédramatise » et opère, le cas échéant, sites, la nécessité de compétence, ils seront ble indiquer aussi la
d’autant moins enclins à pertinence d’intégrer
un décentrage par rapport au contexte bien identifier un site
scolaire. Ensuite, au niveau du plan de et sa localisation géo- la mobiliser, ou à transpo- davantage l’appren-
tissage en faisant,
tournage, il est impératif de prendre graphique, les risques ser ces pratiques sur des
comme on peut le voir
des options simples et de donner aux liés au paiement sur sujets moins familiers. dans les situations
jeunes des indications précises. égale- Internet, les sites trai-
filmées et également
ment, il faut leur laisser une marge de tant de la législation…
dans l’aspiration forte exprimée par les
manœuvre : dans le choix des thèmes, les méthodes de recherche et le rôle des
élèves à participer à la réalisation du site
des relances, de l’interactivité et de la moteurs.
de leur lycée.
prise de vue. À chaque étape (prépara- Cet apport par l’enseignant débouche
tion, prise de vue, analyse participative), Plus généralement, elle encourage à
sur une mise en pratique : il leur fait faire
il faut formuler des consignes claires et privilégier une éducation à l’information
une recherche en groupe et leur montre
acceptables par les jeunes et surtout qui s’appuie davantage sur les pratiques
l’importance de choisir le bon mot-clé
facilitantes pour un public adolescent des jeunes, à condition de les rendre lisi-
pour aboutir sur des sites fiables. Il fait
qui se juge. bles et de les analyser, de prendre com-
un développement sur le fait que Google
me base le socle des compétences qu’ils
n’est pas la seule façon de rechercher
maîtrisent déjà pour aller plus loin. Il
une information et sur les contraintes
serait intéressant également de faciliter
Une éducation à liées à ce moteur de recherche. « C’est
intéressant que tu aies posé à ton cama-
la mutualisation des compétences déte-
nues par les uns au profit des autres.
l’information qui rade la question : “quand on va sur Goo-
gle est-ce qu’on arrive forcément sur le Enfin, ces analyses mettent en évi-
s’appuie sur les sujet qu’on a choisi ?” Parce qu’il y a aussi dence, à nouveau, les cloisonnements
des choses qui sont intéressantes à dire préjudiciables, dans le domaine du
pratiques des sur le rôle de Google dans la recherche numérique, existant entre les appren-
d’information et comment ça conduit ou tissages non scolaires et scolaires, et la
jeunes pas vers ce qu’on recherche vraiment. » nécessité d’une meilleure interpénétra-
tion entre les sphères sociale, scolaire et
culturelle sur la question des pratiques
Ce support vidéo permet de construi-
sur la nécessité De relégi- numériques des jeunes.
re des sessions d’éducation à l’informa-
timer les PratiQues et De
tion, d’une part, à partir des mises en
situation lors des enregistrements et, moBiliser les comPétences
« Dormantes » ////////////////////////////////////////
d’autre part, grâce au matériau filmé qui
peut être projeté à tout moment pour Article condensé publié
on observe que ces jeunes ne pensent avec l’autorisation des auteurs.
être analysé avec la classe. Les discus-
pas avoir de méthode pour rechercher
sions entre les prises de vue fournissent
sur Internet, ils minimisent leurs prati-
également à l’enseignant l’occasion de
ques, n’ont pas conscience de faire des
parler d’éducation à l’information avec
recherches systématiques et pensent
ses élèves.
comPétences et Parcours culturels ? 25

Expérimentation multimédia :
mettre en œuvre des
compétences construites
hors cadre formel
Benjamin Volff
est enseignant en français/histoire-géographie au lycée professionnel Clément Ader d’Athis-Mons.

Dans cet entretien Benjamin Volff évoque l’expérimentation conduite avec Gérard
Marquié et Cécile Delesalle auprès de ses élèves de seconde professionnelle « Electro-
technique » en matière de recherche d’informations sur internet. Outre les résultats
sur différents volets observés, cette expérimentation a favorisé chez les jeunes une
prise de conscience de compétences jusqu’ici non valorisées.

Champs Culturels : Pouvez-vous nous attention continue. Bref, ils ont besoin sur sa navigation, et un qui filme cette
décrire l’origine du projet ? de faire un lien entre leurs apprentissa- navigation.
ges et le monde d’aujourd’hui, celui dans
Benjamin Volff : J’avais emmené mes Les vidéos ont ensuite été projetées
lequel ils vivent. Il faut leur prouver que
élèves de seconde professionnelle « Elec- à tous et ont fait l’objet de débats, com-
l’école fait partie de ce monde, que ce
trotechnique » à une conférence sur le mentaires et d’apports en termes de
qu’ils savent faire en dehors de l’école a
multimédia à laquelle Gérard Marquié contenus.
de la valeur dans l’école.
de l’InJEP (1) , participait.
C’est lui qui a pris Le multimédia est
Il faut leur prouver que
contact avec moi en un excellent outil pour Champs Culturels : Précisément,
l’école fait partie de ce
me voyant avec mes aborder des contenus qu’est-ce-que vous avez appris sur les
élèves. Il m’a proposé
monde, que ce qu’ils avec ces jeunes, l’ex- savoir-faire de vos jeunes par cette
de faire un travail por- savent faire en dehors de périmentation nous l’a expérimentation ?
tant sur les pratiques l’école a de la valeur dans clairement démontré.
l’école. Benjamin Volff : Qu’ils sont très à
de recherche d’infor-
l’aise avec le multimédia, avec le support
mations sur le net de
numérique et totalement en échec avec
mes élèves. Champs Culturels : Quel était l’objectif
le support papier.
de cette expérimentation ?
Je trouve que cela pose des questions
Benjamin Volff : L’objectif était d’ob-
Champs Culturels : Qu’est-ce qui a à l’institution scolaire et à nous, les
server les pratiques de ces jeunes en ma-
motivé votre engagement dans cette enseignants.
tière de recherches d’informations sur le
expérimentation ?
net, en questionnant plusieurs aspects : J’ai moi-même une utilisation
Benjamin Volff : Il me semble indis- • La qualité de cette recherche : en en cours de ce support. Je pense
pensable que l’école s’ouvre sur l’exté- quoi cette recherche est métho- qu’aujourd’hui il est trop peu présent à
rieur. Elle fait preuve d’une grande opa- dologique, rigoureuse, ou bien au l’école ou maladroitement introduit.
cité sur son fonctionnement vis-à-vis de contraire hasardeuse, confuse ?
on voit par exemple des tableaux
l’extérieur, des familles. • Les jeunes ont-ils des sites d’infor-
numériques interactifs extrêmement
mations privilégiés ? Quels sont-ils ?
Les jeunes qui constituent ma classe performants mais d’une utilisation telle-
• Quelle est leur connaissance de la
sont souvent orientés en seconde pro- ment complexe qu’ils sont peu partagés.
réglementation sur le net ? etc..
fessionnelle « Electrotechnique » par Dans mes cours, j’ai une utilisation sim-
défaut, ils ont entre 15 et 17 ans, ils sont Pour cela le protocole de l’expé- ple du support informatique ; je donne
remuant, ont du mal à soutenir une rimentation prévoyait des binômes très souvent les commandes de l’ordina-
de trois élèves, un qui effectue une teur à un élève qui projette les éléments
recherche (thème imposé, puis thème du cours sur un écran, mais je pense
(1) Institut national jeunesse et de l’éducation au choix), un qui questionne cet élève que l’on pourrait gagner en interactivité
populaire
26 comPétences et Parcours culturels ?

Au début ils ne croyaient


pas qu’on allait s’intéres-
entre élèves avec ce ser à leurs pratiques de soutenu, avec une logi- Benjamin Volff : Sur l’outil en tant
type de support. Il faut recherches sur internet, que de l’intrigue etc. que tel, elle a confirmé mon sentiment
bien se dire que le ma- ça ne leur semblait pas qu’il faut travailler autrement.
L’outil informatique
tériel que nous avons constituer un sujet.
a eu un effet désin- nous sommes sur un modèle très
à disposition – ou pas
hibant sur ces jeunes sclérosé de l’école et notre pédagogie
d’ailleurs – oriente notre pédagogie.
d’une manière assez spectaculaire. en souffre. Il faut interroger un modèle
Sur les compétences des jeunes, il scolaire qui n’a que très peu évolué de-
Autant je constate qu’à l’écrit, sur
faut indiquer qu’il y a un niveau de maî- puis le xIxe siècle dans ses modalités
format papier, ces jeunes sont dans la
trise quand même hétérogène (certains pédagogiques : les cours sont cloisonnés,
souffrance et dans la honte, autant par
ne disposent pas d’un matériel chez les emplois du temps sont des contrain-
l’intermédiaire de l’outil informatique ils
eux), mais il est évident qu’ils ont tous tes pédagogiques tant pour les élèves
se libèrent et n’ont plus de blocage.
une grande aisance avec la prise en main que pour les enseignants, nous alignons
de l’outil et la navigation. Pourtant ils font autant de fautes les heures de cours en fractionnant les
d’orthographe qu’avec un stylo et un matières. Pour les jeunes, cela a un effet
Ils sont aussi très avertis concernant
papier, leur écran est couvert de rouge ! désastreux sur le sens de leurs appren-
les chausse-trappes, les « hameçons »
Mais le click droit auto-corrigeant leur tissages, et pour les enseignants c’est
sur le net ; nous sommes très loin de
confère une liberté d’écriture sans com- sclérosant : nous n’avons pas le temps de
l’image de l’adolescent complètement
mune mesure avec le support papier et faire autre chose que d’être en cours.
naïf qui se ferait piéger à la moindre
surtout leur permet de s’exprimer sans
navigation. Ils connaissent par exemple Pour ma part ce projet a fait naître la
être humiliés par l’institution.
les éventuels risques de l’achat en ligne, nécessité de ne plus passer une année
ils connaissent les problématiques du scolaire sans faire un projet culturel avec
téléchargement. ce support. Cette année je fais un projet
Champs Culturels : Vous évoquiez pré-
autour de la photo et la venue d’interve-
Ils ont un savoir et un savoir-faire cédemment l’hétérogénéité dans la
nants extérieurs est déjà pour eux une
indéniable. maîtrise de l’outil, précisément est-ce
valorisation de leur travail.
que ces compétences acquises dans un
Il y a une forme de faculté naturelle à
cadre non formel ne créent pas de l’iné- Ces jeunes sont vraiment en attente
naviguer sur le net, ils sont nés avec, et
galité avec des jeunes qui n’ont pu les de projet, cela modifie leur rapport à
ils manifestent de surcroît une certaine
construire ? l’école mais aussi à l’enseignant. Tout le
assurance à évoluer dans un monde
monde y gagne.
virtuel. Benjamin Volff : Justement non, ou
peut-être en apparence.
Il m’arrive d’avoir des jeunes qui vien- Champs Culturels : Avez-vous donné une
Champs Culturels : Est-ce que ces com-
nent tout juste d’arriver en France et qui suite à cette expérimentation ?
pétences acquises dans un cadre non
n’ont pas eu cette proximité avec l’outil
formel et qui ont émergé au cours de Benjamin Volff : Avec Gérard Marquié
informatique. Ils ont besoin d’un peu de
l’expérimentation ont modifié leur rela- et Cécile Delesalle nous allons démarrer
temps pour être familiers – assez peu
tion à l’école ? une autre expérimentation.
d’ailleurs - mais surtout leurs camara-
Benjamin Volff : J’ai constaté que oui. des, après le temps incontournable de Au vu des compétences développées
En premier lieu, ils ont été valorisés par la moquerie, vont chercher à les aider, par les jeunes lors du travail sur la re-
cette expérimentation. Au début ils ne vont leur donner les quelques consignes cherche d’informations, et de l’influence
croyaient pas qu’on allait s’intéresser à suffisantes pour les sortir des impasses. constatée du support informatique sur
leurs pratiques de recherches sur inter- J’ai constaté qu’une solidarité se mettait leurs apprentissages, nous travaillons sur
net, ça ne leur semblait pas constituer en place très rapidement. C’est d’ailleurs un projet d’appropriation des contenus
un sujet. Puis petit à petit avec le pro- une caractéristique de ces classes à en Histoire-Géographie et en Education
tocole proposé par Gérard Marquié et orientation par défaut, avec des élèves civique à travers l’outil informatique.
Cécile Delesalle, ils se sont pris au jeu, et en difficulté scolaire : ils sont très soli-
Cette expérimentation commencera
ont très sérieusement joué leur rôle d’in- daires, si l’on a un conflit avec un élève,
fin novembre et sera davantage orientée
tervieweur, de filmeur, de « navigateur ». c’est toute la classe qui s’y met !
sur les contenus disciplinaires avec des
J’ai fait un autre projet depuis avec un questionnements sur l’acte pédagogique
auteur. Ils ont écrit un roman en ligne. et sur le rôle des élèves comme acteurs
Champs Culturels : Cette expérimen-
de leurs apprentissages.
Ils ont été capables de produire tation a-t-elle eu un effet sur votre
un texte ensemble, dans un langage pédagogie ?
comPétences et Parcours culturels ? 27

Valériane est une artiste…


ou l’est-elle devenue
par et malgré l’école ?
Philippe Sahuc
est maître de conférences en sociologie de l’éducation, École Nationale de Formation
Agronomique, Toulouse.

Ce texte constitue le contenu d’une intervention réalisée


par Philippe Sahuc au cours de la première session de
stage intitulée « parcours culturel et livret expérimental
de compétences » organisée par l’ENFA, en mars 2011 à
Paris.

En introduction à quelques tracés de parcours, pourrait-on y introduire


parcours, dont « Valériane est une artis- des images ? des sons ? du texte ? Valériane est une
te… », Philippe Sahuc avait stimulé notre
réflexion autour de quelques notions, et
• Les parcours culturels des jeunes :
que dit-on des parcours incor-
artiste… ou l’est-
de quelques questions, les voici : porés, de ceux qui se verbalisent
difficilement ?
elle devenue par
Valoriser chez les jeunes des compé-
tences construites dans un cadre non
• Dans le monde du travail, le pas- et malgré l’école ?
sage de la notion de qualification
formel, revient à s’interroger sur :
à celle de compétence date des
• l’itinéraire ou le curriculum prescrit,
années quatre-vingt-dix lorsque Valériane est aujourd’hui une artiste.
c’est-à-dire la somme des activités
le Mouvement des entreprises de Désormais proche de la trentaine d’an-
prévues durant le temps scolaire,
France (MEDEF) inféode la notion de nées. Elle fait partie d’un groupe de tren-
itinéraire prescrit pour tous, mais
compétence à celle de performance. te-six jeunes femmes et hommes que
le « parcours » est-il pour autant le
Avant cette période, il est davantage j’ai connus enfants alors que je travaillais
même pour tous ?
question de qualification et lorsque comme facteur et jouais le rôle d’une
• le curriculum réel : l’ensemble struc-
l’on parle de compétence c’est pour sorte d’animateur culturel d’un ensem-
turant des expériences formatrices
reconnaître les sans-diplômes, les ble de vallées de haute montagne dans
de l’élève dans le sens de ce que
non-qualifiés par l’école. Actuel- les Pyrénées centrales.
l’école a prévu ; ce qui est réalisé de
lement, certains craignent que la
ce qui avait été prévu. Pouvais-je deviner que Valériane se-
compétence reconnue dans un cer-
• le curriculum caché : l’ensemble rait une artiste quand je l’ai connue alors
tain contexte professionnel inféode
des expériences inobservables ou qu’elle avait une dizaine d’années et que
la personne à ce contexte.
non observées, et a fortiori non j’étais l’un des animateurs de « l’école de
• Aujourd’hui, une compétence par-
valorisées. Elles peuvent prolonger folklore » où elle venait régulièrement ?
tagée par tous ne serait-elle pas
l’orientation de formation de l’école Il s’agissait pour moi d’initier les enfants
devenue une monnaie de singe
ou partir dans une autre direction aux pratiques narratives traditionnelles,
pour que l’on cherche absolument
de construction de la personne. leur faire entendre des récits ou frag-
à faire émerger une compétence
Valériane en fournit un bon exem- ments de récit en occitan (précisément
singulière ?
ple. A ce titre, parfois n’a-t-on pas en gascon) mais aussi stimuler leurs
intérêt à cacher certaines expérien- capacités imaginatives à partir de récits
ces du regard de l’école, lesquelles, collectés auprès des habitants les plus
pourquoi ? anciens d’un ensemble de vallées pyré-
• Le livret expérimental de compé- néennes ayant depuis constitué un pays.
tences et son entrée culturelle :
quel protocole pédagogique ? Pour «[Valériane] se lance, part sur une
rendre compte plus largement du histoire de retour de veillée par la forêt.
Elle insiste sur les bruits dans la forêt,
28 comPétences et Parcours culturels ?

Dessin exécuté bien des


années après, à la lecture
des lignes inscrites à
chaud sur un journal de
facteur-animateur
au 6 décembre 1994…

les lucioles qui font peur… Tiens, tiens, genre de jeune participant qui fait plaisir l’habillement. Les autres collégiens et
Anne Ch. m’a parlé de lucioles hier… Je lui par son attention quasi-permanente, collégiennes ne lui ont alors pas épargné
fais remarquer que son histoire se passe donnant à croire à l’animateur que son les moqueries, voire les brimades. Elle
plutôt en automne qu’en hiver (bruits animation est de qualité… Elle était peut- se souvient avoir ainsi été déchaus-
de feuilles mortes). être alors tout simple- sée de force sur les graviers de la cour
A un moment, elle se Elle était aussi ce genre ment ce que l’ordre parce qu’elle portait des ballerines, qui
bloque et puis pour de jeune participant qui scolaire nomme une n’étaient pas à la mode à l’époque (et
fuir le loup, l’homme fait plaisir par son atten- bonne élève. le sont devenues ensuite, dit-elle). on
court, s’enferme chez tion quasi-permanente, comprend que le monde du collège de
Cela s’est confirmé
lui et se met au lit (fait donnant à croire à l’ani- cette petite ville lui soit devenu insup-
lorsque j’ai retrouvé
le mort, comme Pelet portable. or, dans ce genre de pays rural,
mateur que son anima- Valériane, quinze ans
de la légende locale ?)» toute la jeunesse passe normalement
Philippe Saüc, journal
tion est de qualité… Elle après. Elle se souve-
par cohorte entière du collège au lycée
d’acteur culturel en était peut-être alors tout nait d’avoir été une
du bourg centre.
Couserans simplement ce que l’ordre élève intéressée par les
scolaire nomme une apprentissages et les Valériane ne veut surtout pas ça. Elle
À ce jeu-là, Valé- bonne élève. découvertes, au point cherche donc un plan d’évasion, qu’elle
riane avait l’une des qu’au collège, elle avait trouve sous la forme du choix d’option
participations les plus souvent un livre en rare. Cela aurait pu être telle ou telle lan-
gratifiantes, s’élançant sensoriellement mains et était par ailleurs moins pré- gue, ou encore le théâtre ou la musique
sur des canevas de contes ou de légen- occupée que d’autres préadolescentes et, dans son cas, c’est l’option arts plasti-
des à peine suggérés. Elle était aussi ce par la présentation de soi, en particulier ques qui la conduit au lycée du chef-lieu
comPétences et Parcours culturels ? 29

de département. Là, des amitiés peuvent forme de création artistique.


naître, sans que le contexte scolaire n’y
En tout cas, Valériane est désormais
fasse obstacle. La première qu’évoque
artiste, férue d’art conceptuel, assistante
Valériane est l’amitié avec une « prof
d’une artiste plus confirmée, à l’occa-
d’art pla ». S’affirme alors un intérêt, un
sion. Vachement dans l’art. Vachement
désir et peut-être encore autre chose qui
bien là.
la conduisent ensuite aux études des
beaux-arts. « Vachement » n’ aime-t-elle Le dessin ci-dessus a imaginé Va-
à dire souvent et peut-être depuis. lériane faisant découvrir Grume, une
« pièce » (l’artiste en question préfère ce
Elle arrive alors dans la métropole ré-
terme à celui d’œuvre) de l’artiste dont
gionale et découvre qu’arrivent comme
elle est parfois l’assistante, pièce acquise
elle, de divers pays ruraux, des jeunes
par le Centre d’études et de réalisations
femmes et des jeunes hommes qui ont
informatiques de Toulouse, service du
souvent connu comme elle des brimades
ministère chargé de l’agriculture, dans le
au collège, chacun pour avoir été diffé-
cadre du « un pourcent culturel».
rent des autres ou simplement perçu
comme différent des autres.
on peut même se demander, à l’écou-
ter, si l’expérience commune de la mise
à l’écart n’a pas davantage joué dans
son orientation que ce que l’on appelle
BiBliograPhie exPress
parfois vocation artistique. ou alors, on Voir, entre autres, les travaux de
peut se demander si l’expérience pré- Ph. Perrenoud, JY Rochex et des
coce du genre de souffrance que cela ethnographes anglais de l’école
représente n’est pas une sorte de pré-re- sur ces questions
quis à la création artistique, voire à une
30 comPétences et Parcours culturels ?

Le sens du vivre sous


chapiteau
Corinne Covez
est professeure d’éducation socioculturelle au Legta de Douai, EPL du Nord.
Elle est docteur en arts : esthétique, pratique artistique et théorie - thèse codirigée en Arts et en Sciences de l’éducation, intitulée
« Pratique artistique, un rapport à soi, aux autres et au monde : l’éducation par le cirque, l’école du vivre ».

Dans ce texte, Corinne Covez développe le contenu d’une action culturelle et artis-
tique franco-anglaise conduite durant trois années consécutives avec plusieurs
jeunes en grande souffrance, dont quelques-uns scolarisés au lycée horticole de
Lomme. Au-delà du repérage de telles ou telles compétences, artistiques par exemple,
c’est bien la question de la pratique artistique – de cirque, avec son rapport au
risque - comme catalyseur puis révélateur de capacités à vivre qui est évoquée ici, ou
comment l’appétence est un préalable à toute compétence.

Durant la période 2004-2007, plus recueillir des données plus nombreuses


d’une soixantaine de jeunes français et Une histoire, grâce à des entretiens en amont et en
anglais ont partagé l’expérience d’un
atelier de cirque. Cette activité était pro-
un cadre et aval de la pratique, et davantage d’in-
formations grâce au journal de terrain,
posée dans le cadre d’un projet Interreg
IIIa lié à l’insertion. Elle avait pour but de
un contexte réceptacle d’une vie quotidienne dans ce
lycée, sans oublier des observations me-
faire découvrir cette pratique à des jeu- nées dans les ateliers de cirque.
nes traversant de grandes difficultés. Le Avant toute chose, il s’agit de bien fai- Une année de pourparlers, pour met-
but affiché et revendiqué ensuite n’était re comprendre que l’histoire spécifique tre au point ce projet et le faire valider
nullement de leur faire acquérir des de ce projet, son cadre et son contexte grâce au PADC(3) , avec l’engagement de
compétences artistiques ou culturelles. vont constituer le terreau, non envisagé débuter les actions lors de l’année sco-
Il consistait en « la mise en pratique » de à l’avance, d’un angle de vue renouvelé laire 2005-2006 et de les terminer avant
ces adolescents si déçus et si battus par sur la question de la pratique artistique la fin juin 2007 (et clôturer les comptes
la vie. Faire vivre cette expérience était avec des jeunes. pour le FEDER (4) pour décembre 07).
donc la véritable finalité. C’est à ce voya-
ge, à dimension initiatique tant pour les Je suis professeure d’ESC(1) à l’époque Ce projet n’avait été accepté par le
jeunes que pour leur professeure-anima- depuis 6 ans au lycée horticole de Lom- Conseil Régional de Haute-normandie
trice qu’il s’agit ici d’oser vous convier. me et après un DEA (2) sur le thème de qu’à la condition qu’il fasse référence
Plus qu’une thèse tracée sur un chemin la pratique circassienne (art de l’éphé- à l’insertion et non à l’éducation, ce
de papier, une découverte et un appri- mère) et du développement durable, je qui était un point important de mon
voisement réciproque au-delà d’une souhaite enchaîner immédiatement sur argumentation, puisqu’il s’agissait de
vue restrictive de socialisation, une une thèse me permettant de fouiller comprendre dans cette recherche-action
expérience vécue et à vivre qui ne pose plus avant ce qui se passe dans et par la les bienfaits éventuels d’une pratique de
pas les mots ou concepts avant l’action, pratique de cirque. Ce travail avait jus- cirque à travers trois structures partici-
mais théorise dans et par l’ancrage dans tement abouti à l’idée que cette activité pantes dans un même quartier, celui de
le terrain. Une approche ethnographique permettait l’apprentissage de capacités la Mitterie à Lomme.
en recherche-action qui aboutit notam- culturelles, créatives et émotionnelles,
notamment grâce à la prise de risque Ainsi un centre social, le centre régio-
ment à s’interroger sur ce que cultiver
inhérente au jeu du cirque. or, il me sem- nal des Arts du Cirque et le lycée hortico-
veut dire. Et si se cultiver ensemble, ce
blait important d’aller plus loin en terme le se trouvaient conviés à faire pratiquer
n’était pas d’abord et avant tout oser se
de réflexion et méthodologie afin de aux jeunes cet art, chacun suivant ses
poser sur un fil ?

(3) Projet d’Animation et de Développement


(1) éducation socioculturelle Culturel
(2) Diplôme d’Etudes Approfondies (4) Fonds européen de développement régional
comPétences et Parcours culturels ? 31

possibilités. Très vite, il s’est avéré que le des jeunes en CAPA (5) dans la métropole
centre social, aux moyens restreints ne Compétence ou lilloise, il y en a. Mais avec autant de dif-
pouvait remplir de manière satisfaisante
son cahier des charges dans ce domaine,
appétit de vivre ? ficultés de vie, je ne le soupçonnais pas.

aussi, l’occasion – belle - de pouvoir faire


travailler ensemble des jeunes anglais
et des jeunes français a rapidement été
À ce point de cette courte présen-
tation du projet, les dés se mettent en
S’entretenir
saisie.
place, la vie se passe avant tout, et il est
Car le cadre de recherche était vaste. peu question de recherche universitaire, Le premier entretien, avant la première
Intitulé « Partenariat inter-institutionnel car c’est l’action la priorité. activité, m’a laissée désemparée.
pour l’amélioration de l’insertion des
or, la priorité des priorités c’est d’es- Au point de m’arrêter et prétexter
jeunes en difficulté », ce projet était
sayer d’être avec ces jeunes, les décou- avoir froid pour proposer un café à boire
constitué de différents réseaux indé-
vrir et les faire avancer. Je n’ai donc pas ensemble. Le jeune a mal. Il ne sait pas
pendants (école de commerce, centre
de lexique de compétences sous la main, parler, faire des phrases. Il bafouille. Il a
social du Boulonnais, La Mitterie…) mais
mais tant soit peu le cœur à la bataille, la trouille.
pilotés par les universités de Lille 3, en
pour qu’enfin ils touchent le sol anglais
sciences de l’éducation et Canterbury
ou prennent un bateau ou simplement Il a la balafre du « jeune en difficulté »
Christ Church, dans le Kent en Angle-
osent sortir de chez eux. En gros, qu’ils à travers la figure. Il n’y arrive pas lui, à
terre. Il était d’ailleurs d’une complexité
osent se mettre en danger sur le fil et s’entretenir. Et moi non plus. Alors, com-
telle, qu’il a eu beaucoup de mal à être
dans la vie, souffrir un peu mais pour la me on apprend le métier de chercheur,
géré par l’établissement scolaire, qui à
bonne et noble cause : celle de grandir. tout doucement, je me reprends et
l’époque, n’était pas encore sous le giron
j’essaie. Je le laisse parler. Il se reprend,
du Conseil Régional, mais de la Commu- Alors des compétences dans tout cela, la confiance arrive. Et petit à petit le
nauté Urbaine de Lille, ce qui provoqua j’en vois, j’en observe qui vont : d’oser chemin qu’il suivra sera celui de la prise
bien des tracas ! parler à son voisin, à : atténuer le harcè- de parole comme autant d’exploits. Lui
lement, voire dire trois mots en anglais et les autres. Car ce qui va se jouer petit
Le contexte n’était donc pas facili-
(alors qu’on y touche mot !) et se battre à petit chez ces jeunes que je ne côtoie
tant, mais ce fut l’une des vertus de ce
pour tenir sur un fil, un trapèze, avec son pas en classe, c’est que l’autre, l’adulte
projet de vouloir avancer, là où
diabolo, face que je suis, va être digne de confiance,
il eut été si facile de reculer ! Et
Alors des compétences aux autres (au on va lui dire sa vie, sa vraie vie « celle
comment faire autrement ? La
réalité commandait. Et la sim-
dans tout cela, j’en vois, risque de mou- que le lycée saura jamais, comme l’admi-
ple et première réalité de ces
j’en observe qui vont : rir de honte) et nistration sait pas ma vraie adresse, ni
jeunes en souffrance dépas- d’oser parler à son voisin, pour finir avec mon numéro de téléphone ». Parce que
sait tous les dénis d’impuis- à : atténuer le harcèle- les autres. c’est comme ça, la survie.
sance. Le projet fut donc tenu ment, voire dire trois Quelles com- Alors, autoroute de compétences, ou
et plus de trente français ont mots en anglais (alors pétences alors chemin de co-éducation ?
pu bénéficier d’un accompa- qu’on y touche mot !) et que celles-là ?
gnateur de groupe, d’un séjour se battre pour tenir sur un En DEA, j’avais Je croyais les connaître un peu. Il me
dans le Kent et d’une activité fil, un trapèze, avec son préféré à l’épo- révèle le monde de la honte, de la peur,
de cirque. L’un des groupes de diabolo, face aux autres que utiliser le de l’agression sans cesse, pour ne pas
jeunes a d’ailleurs pu bénéfi- terme de capa- lâcher ce qui reste à sauvegarder. Ils
(au risque de mourir de
cier - grâce à un micro-projet cités, il me sem- m’appellent, m’interpellent sur mon rôle
créé en sus du projet Mitterie
honte) et pour finir avec qui me tient à cœur d’éducatrice. Parfois
blait plus com-
- d’une journée de pratique
les autres. patible avec même, je prends peur car les rencontres
avec les anglais dans une école l’idée d’aller de avec les jeunes anglais aux difficultés
de cirque anglaise. l’avant simplement et fermement, mais similaires arrivent… mais rien, ou en tout
sans enfermer le jeune à l’avance dans cas, la parole a pu, à chaque fois, désar-
Bref, pour ces jeunes vivant, ou plutôt
ce qu’il doit apprendre. Dans mon travail mer, car la situation était trop belle !
subissant, un quotidien d’humiliations,
de thèse, les compétences disparaissent
de harcèlement, de souffrances multi- Vous n’imaginez pas, quand la vie
(pour un temps en tout cas) afin d’obser-
ples et de dévalorisation invisible face n’est que défaite… pour une fois faire
ver et faire vivre ce qui peut naître. Car
au reste du monde « nanti », ce projet a la fête ! Alors l’esprit et le corps rebelle
été l’occasion d’une révélation : « Faire
quelque chose de quoi on peut être fier
et leur montrer ». (5) Certificat d’Aptitude Professionnelle Agricole
32 comPétences et Parcours culturels ?

se détendent un peu, se surprennent et tomber la tête de turc de passage, à Les « transformeurs » quant à eux, se
s’acceptent un peu mieux. Toute l’épreu- mieux parler avec sa mère ou son copain, sont focalisés sur leur objet, cerceaux,
ve du cirque a consisté dans ce terrible ou à retrouver la motivation pour les diabolo, bâton du diable et autre jeu de
et pourtant si simple et si émouvant études ou le travail physique… etc. Mais balle. Le risque c’est l’objet qui devient
combat. Faire face, traverser l’épreuve par-dessus tout l’expression qui revient à comme un prolongement du corps.
tête haute, « pour pas qu’on dise ». Et la bouche et brille dans leurs yeux, c’est Souvent, ils se font silence. Discrets, ils
là, surprise sur le gâteau, la pratique « avoir été heureux ». Je n’ai pas la com- chercheraient à se dissimuler derrière
de cirque, si décriée avant l’action, est pétence à formuler le domaine d’applica- l’objet fétiche qui sert de point de mire.
apparue petit à petit et grand à grand, tion de cette expression. J’y vois un plus Ils sont heureux des figures renouvelées
surprenante, risquée mais vivifiante. grand dénuement de soi, une meilleure qu’ils dessinent et parfois se servent de
prise sur la réalité, une espèce de ré-en- leur capacité pour créer dans la rue de
chantement du monde et de ses propres nouvelles amitiés…
possibilités. J’y entrevois une vérité à
Se mettre en route laquelle on aurait bien voulu échapper,
À chacun son histoire à créer, à
chacun en fonction de ses forces et
mais qui a assez turlupiné pour essayer !
potentialités. Cette aventure humaine
J’y sens aussi un retour vers la vie, le
Et c’est ainsi que d’atelier en atelier leur a appris à savourer, s’entraider,
monde des autres et des adultes. Chacun
(trois au total), les jeunes se sont révé- s’étonner, s’amuser, décoller de la réalité
à sa façon s’est lancé.
lés à eux-mêmes, aux autres et à moi- pour mieux s’y retrouver. Il n’a pas été
même. La théorisation ancrée dans le question de culture dans leur propos. Il
terrain afin de justement respecter au s’agissait de refuser, de s’opposer, de se
mieux le sens de leur propos et l’analyse Clowns, sensibiliser, d’essayer… il s’agissait de la
difficulté et du bonheur d’apprendre en-
du contexte, ont permis de mettre à
jour, à travers diverses analyses com- Mal-fêteurs et semble et de s’y reconnaître à l’intérieur
parées avant/après ou français/anglais comme à l’extérieur. Ils parlent davanta-
et en croisant le regard et l’observation
Transformeurs ge d’eux-mêmes, des artistes, du métier
particulière des artistes, ce qui a finale- difficile du cirque, des jeunes de l’autre
ment fini par représenter la force de cet- côté de la Mer du nord si différents et si
te pratique de cirque à l’intérieur de ce Il ressort que des types de stratégies pareils à eux-mêmes ou de ce qu’ils ont
projet : A savoir que c’est en traversant se sont mises en œuvre. pu réaliser, que de compétences artisti-
trois grands types d’épreuve que sont la ques ou culturelles.
À chacun suivant ses appétits : les
mise en danger du corps grâce à la pra- plus courageux, peut-être, se sont lan- Les premières, ils les ont développées,
tique circassienne, l’apprentissage d’une cés dans l’aventure de faire le clown. mais c’est du travail corporel rapproché
socialisation au corps à corps (par pro- Faire rire de soi, alors que le feu brûle à qu’ils ont été le plus émus et remués.
tection, accompagnement…) et enfin la l’intérieur de soi. À quelle personne ne
création et la réalisation d’un spectacle, Des secondes, il ne fut pas question.
viendrait-il pas l’idée d’éviter cela? Mais
que l’on apprend à se connaître, connaî- En revanche, ce fut l’occasion de s’ex-
trois d’entre eux l’ont fait et ont osé
tre les autres et se faire reconnaître. primer sur ce que signifie éduquer. « tu
prendre le risque du ridicule de soi de-
vois, le prof il est là pour ça, pour essayer
Est-il besoin de spécifier une com- vant les autres. Lesquels n’ont pas bron-
que les neurones comme une graine, ils
pétence à la reconnaissance de l’autre ? ché. Parce qu’il fallait oser. Les clowns
poussent à l’intérieur ».
ou est-il simplement question, dans ont porté le monde et ses hauteurs ridi-
cette histoire, de se reposer les bonnes cules pour ne pas tomber sans jamais se éduquer alors, ce serait accorder as-
interrogations ? départir de l’envie de rire. sez de soin pour qu’une graine naisse !
Qui a parlé de cultiver, sans utiliser le
Pour ces jeunes, la vie du lycée - la Les mal-fêteurs ont fait la fête au fil
mot ? Qui a ressenti le sens plus que la
vie tout court - n’est qu’un fardeau dont de vie. Plus d’une fois, ils ont tenté trop
définition ? Ainsi apprendre le goût du
on ne peut s’échapper. Là, les uns et loin, se sont brûlés les mains, sont tom-
vivre, serait le sens de l’éducation par le
les autres ont appris à oser, risquer le bés, mais sont remontés « semblant que
cirque. Un sens peut-être d’appétence
vertige, risquer de tomber, risquer de c’était du chiqué ».
autant que de compétences.
« se taper la honte »…Et l’acceptation du Le cœur en accro-branche, ils veulent
risque devient alors un danger assumé être vus par-dessus tout et par leur ex-
dont la personne sort plus forte et plus ploit surtout.
rassemblée.
Ils sont vite éreintés, à cloche-pied
Bien sûr il est question d’apprendre à mais comme dit l’un d’eux « pour moi
se dire bonjour, à se concentrer, à laisser mon nid, c’est là-haut. »
comPétences et Parcours culturels ? 33

Contribution pour une


didactique artistique autour
de la question
de l’appartenir
Didier CHRISTOPHE
professeur d’éducation socioculturelle au Legtpa Edgard Pisani de Tulle-Naves, plasticien et docteur en arts, chercheur associé à
l’Université Montaigne Bordeaux 3.

Quelles compétences sont construites au cours d’une action artistique qui entremêle
apports théoriques et activités pratiques ? Sont-elles spécifiques ? Transversales ? En
Corrèze, l’intérêt d’élèves de terminale Bac Professionnel pour leur territoire rencontre
le thème de recherche de leur enseignant orienté vers « l’appartenir », expression
désignant une identité culturelle centrée sur un terroir. A travers une approche
socio-culturelle décalée – grâce aux apports des sciences de l’art marqués par l’Inde
contemporaine -, la réflexion est « globalisée » et la pratique artistique nourrie.
Quelles compétences devraient développer, à ce jeu-là, les lycéens ?

Fruit d’un double positionnement, adhèrent à cette double appartenance, mise en œuvre didactique. Les élèves
comme enseignant d’éducation socio- choix ou non choix, mais ce serait orien- n’ont en effet qu’à construire une appro-
culturelle en lycée agricole et comme ter les démarches des élèves porteurs, et che opérationnelle leur permettant de
plasticien et chercheur transdisciplinaire, en contradiction avec la liberté intrinsè- percevoir les enjeux culturels et sociaux
nous nous lançons, avec des élèves de que à la pédagogie de projet : c’est à eux du sujet abordé, et de les exprimer es-
Bac Pro, dans un projet transversal de de canaliser leurs approches avec l’appui thétiquement ; leur approche concep-
création artistique ayant pour but de méthodologique de l’enseignant. Il reste tuelle est restreinte. Il en résulte que
comprendre et documenter ce qui nous que leur acception d’un appartenir col- l’enseignant encadrant cette démarche
fait appartenir à un territoire. Trois clas- lectif est bousculée par cette ouverture s’engage dans un questionnement large
ses sont concernées, encadrées par ma vers l’international : vivre au pays ou afin de nourrir (et orienter, si besoin) la
collègue Delphine Soldermann ou moi- tenter l’exode rural. problématique partagée.
même, par cette action intitulée « Art et
« L’homme, en constant déplacement,
territoire : documenter ce qui nous fait
en délocalisation forcée, ne trouve-t-
exister ».
Cette recherche se situe dans un
il pas des racines, essentielles à son
équilibre, à travers une géographie
Narrativité et
cadre pédagogique codifié dans la for- intérieure ? » territoire(s).
mation générale des futurs bacheliers
C’est l’hypothèse que font, à l’Uni-
agricoles, « Analyser et pratiquer diffé-
versité de Bordeaux 3, Gérard Peylet
rentes formes d’expression et de com- Quelle narrativité (2) proposer en arts
et Hélène Sorbé (1) , et c’est un visage de
munication pour enrichir sa relation à plastiques pour documenter la réalité et
cette géographie mentale que les élèves
l’environnement social et culturel ». la diversité de l’appartenir dans un terri-
peuvent contribuer à tracer.
Appartenir à un territoire rural dé- toire ? C’est la question nodale à laquelle
Envisageons maintenant de poser une réponse collective devra être appor-
favorisé (le Limousin) tout en ayant
quelques fondations nécessaires à la tée au fil du projet.
conscience d’appartenir à l’Europe, c’est
conceptualisation de ce projet collectif,
ce qu’il est possible de mettre en rela- Mais par où débuter ? Faut-il s’orien-
tout en sachant que la structure théo-
tion avec ces élèves qui ont tous béné- ter, initialement, vers une approche
rique doit rester sous-jacente lors de la
ficié d’une bourse de stage Leonardo da
Vinci dans une entreprise européenne
(en Belgique, Hongrie, Luxembourg).
(1) Ces deux directeurs de recherches en ont fait (2) En sémiotique, ensemble des traits caractéristi-
on pourrait donc étudier auprès de ru- la question première qui sous-tend le projet de ques de la narration (d’après le Trésor Interactif
raux corréziens dans quelle mesure ils recherche L’appartenir de la Langue Française).
34 comPétences et Parcours culturels ?

Réalisations d’élèves de terminale Bac Pro Conduite et Gestion d’une Exploitation Agricole. Accom-
pagnement pédagogique Delphine Soldermann, enseignante en éducation socioculturelle. Accompa-
gnement artistique David Molteau.
Lycée agricole de Tulle-Naves, Limousin
comPétences et Parcours culturels ? 35

sociologique ? Développer des outils Bombay » du printemps 2011 au Centre Ce questionnement réactive la com-
d’enquête directifs aux côtés d’expres- Pompidou, et à l’exposition « Horn binaison souhaitable entre l’appartenir
sions libres recueillies de manière semi- please » du musée de Bâle en 2007, on et l’émancipation de tout individu. Une
directive ? Les données collectables sont peut être tenté de lier nos question- question de démocratie sous-tend cette
légions, mot-clés liés au champ enquêté, nements aux approches des penseurs dialectique. Le monde indien en a tout à
origine géographique (personnelle et indiens, familiers de l’étude du concept fait conscience, quand son récit national
parentale), ancienneté sur le territoire, d’identité territoriale. Dès lors, la ques- est impuissant à gommer les nombreux
catégorie socio-professionnelle, âge, tion des outils de représentation passe particularismes régionaux, sociaux
niveau de formation, appartenances au second plan, et l’on gagne un éclai- et religieux, autant que son passé de
socio-idéologiques. rage extérieur, délocalisé au sens propre. colonisé.
Par ailleurs, comment intégrer les L’appartenir permet-il d’échapper à
personnes ressources disponibles dans l’impérialisme, à l’esprit de colonisation
ce terroir, dont l’association Peuple et
Culture Corrèze, qui a invité le groupe de
Délocaliser la du micro-territoire de vie par la nation
ou par une philosophie collective de pos-
plasticiens Rado à travailler la question construction session de ce territoire ?
des réseaux techniques locaux ?
nous pouvons compter sur Peuple et
théorique. En ce sens, est-il un concept post-
colonial, corolaire d’un forum alter-
Culture, qui est relai départemental de mondialiste de Porto-Alegre (janvier
l’artothèque régionale, et sur l’artiste 2003) perçu, notamment par les Indiens,
Quid du rapport de la diversité à
intervenant attaché à cette structure, comme promoteur de nouvelles histoires
l’appartenir et au terroir ? Le concept
David Molteau, pour aborder les for- des terres et des peuples ?
d’appartenir à un terroir relevant de l’ad-
mes narratives et documentaires. Mais
hésion individuelle à une représentation Loin d’être un code parmi d’autres
travaillerons-nous « à la manière de »,
mentale plus ou moins partagée, nous que la culture peut utiliser pour fonder
ou faudra-t-il envisager une narrativité
ne travaillerons pas les concepts de Peu- sensément son aventure, la narration est
adaptable, dépendant de la part collec-
ple ou de nation, car c’est un territoire un méta-code, un ‘universel’ humain sur
tive de la mémoire qui sera glanée ?
restreint que nous abordons en tant que la base duquel des messages transcul-
Quel médium, quels formats, quelle lieu de reconnaissance socio-culturelle, turels sur la nature des réalités acquises
pluralité technique ? hors de tout ancrage nationaliste et le peuvent être transmis », comme le dit le
plus loin possible de tout « esprit de clo- spécialiste américain de littérature com-
Ces orientations pratiques qui sont le
cher », en une quête complexe. parée Hayden White (4) .
fondement de notre didactique ont été
cadrées avec D. Molteau : photographie, Concernant les divergences dans la Chacun, dès lors, participe à une
reprise d’éléments des photos au dessin construction d’une identité, on peut se narration partagée, en partie collective,
sur calque, recomposition intégrant référer à l’angle privilégié par l’Indien semi-consciente et épisodique, « nos
des messages écrits sont parmi nos Homi K. Bhabah : « ce que j’espère for- vies [étant] jumelées de manière ciselées
propositions de départ, que les élèves muler […], ce sont les stratégies comple- avec des narrations rêvées, imaginées,
devront adapter à leurs envies, à leur xes de l’identification culturelle et de la racontées ou entendues », pour repren-
mesure. Mais il n’y a pas que l’approche capacité discursive qui fonctionnent au dre la pensée de Peter Brooks (5) .
technique. nom du peuple ou de la nation et font
Comme on le voit, il n’est pas aisé
d’eux des sujets et objets immanents
Dans une démarche pédagogique pour des jeunes de Bac Professionnel de
d’une part des récits sociaux et littérai-
visant à travailler la question de l’appar- se projeter dans des outils de collecte
res » (3) .
tenir par des élèves de bac professionnel d’information qui soient efficients sur de
dans un enseignement professionnel, un telles terres d’expression.
certain outillage conceptuel est souhai- (3) H. K. Bhabah, « Dissemi-nation : time, narrative Dans quelle mesure peut-on repérer
table pour éveiller et enrichir l’approche and margins of a modern nation », in nation and
de la problématique commune de la part narration, Bhabha ed., Londres, 1990. Bhabah,
né à Bombay, enseigne à Harvard et travaille
des enseignants. à l’articulation de plusieurs disciplines des
sciences sociales et humaines. Cette traduction, (4) In Hayden White, Content of the form : narra-
Mais où fixer les limites acceptables comme les suivantes, est établie par mes soins. tive, Discourse and Historical Representation,
Baltimore, 1987.
de cette complexité, et où prendre des Une telle approche peut nous renvoyer à la mo-
numentale publication dirigée par Pierre nora, (5) Cité par B. Fibicher, « The Multiples Predi-
références ? Les Lieux de mémoire ; cf. notamment Thierry camlents of the narrative », in Horn Please,
Gasnier, “Le local ”, in Les Lieux de Mémoire, catalogue d’exposition au musée de Bâle, Hatje
Suite à l’exposition « Paris-Delhi- tome III.2, Paris, Gallimard, 1992 Cantz éd., ostfildern, 2007
36 comPétences et Parcours culturels ?

des invariants, des éléments com- « Ce qui rendait le cadre narratif si « Ce module aide à la formation d’opi-
muns a priori dans l’énonciation ou la attrayant est le télescopage du person- nions raisonnées, et favorise l’ouverture
narration de l’appartenir ? Au niveau nel avec le public, de l’autobiographique au monde et à la culture ».
individuel comme collectif, on ne peut avec le social et de l’individuel avec le
Poursuivons la délocalisation de notre
qu’admettre, avec le sociologue anglo- collectif. De plus, la présentation de
regard, afin de percevoir comme l’appar-
saxon Stuart Hall, que « l’identité est multiples points de vue, qui supposaient
tenance à un espace de vie est diverse-
une narration de soi ; c’est l’histoire que un spectateur mobile, transportait dans
ment traduite par les artistes.
nous nous racontons à nous-mêmes sur un large choix de possibilités formelles
nous-mêmes dans le but d’apprendre qui […]. En un sens, l’hybridité syntaxique Figure de l’art contemporain indien
nous sommes » (6) . Plus qu’un héritage ou affectait le contenu des histoires, où exposée au Centre Pompidou l’été 2011,
qu’un acquis, c’est un construit que nous l’allégorique et l’historique pouvaient Anita Dube assimile l’image de l’Inde
abordons. s’entremêler, les styles historiques an- aux violences faites aux femmes, et les
ciens pouvaient converser avec ce qui, de sublime cruellement en un emmaillo-
Cependant, l’ouverture culturelle
la culture populaire et du local, n’était tement très chic, très endimanché, de
grandissante mais encore très inégale
soumis à aucun grand universalisme » (8) . morceaux de squelettes.
dans nos sociétés, notamment rurales,
fait qu’on peut s’attendre à un change- Lors de leur résidence de création au
ment constant du « cadre de représen- lycée agricole de naves en 1995, Cyprien
tation » des narrations produites dans
une démarche artistique, de par la multi-
Démarche Tokoudagba et Romuald Hazoumé, deux
stars de l’art contemporain béninois,
plication et la généralisation d’un usage artistique et identifient différemment les pratiques
conscient des ressources narratives et les usages du culte vaudou constitutif
structurantes (au sens de narrativités diversité des de l’identité du peuple fon, ce qui donne
modélisées aussi bien par les grands mé- lieu à deux séries de peintures différen-
dias que par les mangas, par exemple). enjeux citoyens. tes, l’une littérale et didactique, l’autre
plus conceptuelle.
Dans ces conditions, les productions
risquent fort de traduire la diversité des Quelles compétences devraient déve- Rado, collectif de photographes-plas-
témoignages collectables, et l’on peut se lopper, à ce jeu-là, nos lycéens ? ticiens essentiellement franciliens, docu-
demander avec le commissaire d’exposi- mente actuellement l’impact du réseau
tion suisse Bernard Fibicher : « est-ce que Une capacité à concevoir et mener d’eau sur le vivre-ensemble à Tulle.
le mode narratif peut enregistrer une une enquête : documentation, entre-
tiens ; un savoir-faire propre au travail Ce tour d’horizon rapide atteste de
quelconque mémoire culturelle collec-
collectif : négociation, la diversité des appro-
tive acquise ? Est-ce que la compulsion
ajustement, prise de ches, lorsque des ar-
à engendrer une analogie visuelle à la Quelles compétences
responsabilité ; une tistes tentent de faire
mémoire collective empiète sur un autre devraient développer, à ce
compréhension des image autour d’une
mode de représentation ? » (7)
implications sociales jeu-là, nos lycéens ? appartenance. Leurs
Effectivement, et quels que soient les du fait artistique : dé- rhétoriques narratives
auteurs étrangers auxquels on se réfère, marches, enjeux. sont très diverses et supportent des
la rhétorique de l’appartenir ne peut réductions, des occultations ou masqua-
qu’être hybride. C’est ce qu’a parfaite- Souvenons-nous des compétences ges de certaines parts de la réalité, pour
ment synthétisé la doyenne de l’école proposées à l’élève par le référentiel de en grossir d’autres, en intégrant parfois
d’art et d’esthétique de l’Université ne- formation : une intention parodique provocatrice
hru (new-Delhi), Parul Dave Mukherji, en • exprimer un jugement respectueux (chez Anita Dube) ou distanciée (chez
exprimant ce qui fit le succès de l’école d’autrui, l’Indien Jitist Kallat). Pourtant, les réfé-
d’art de Baroda qui prône la figuration • réfléchir sur le monde d’aujourd’hui, rences sont à chaque fois sérieuses et les
narrative depuis les années soixante- • se confronter avec la production points de vue, humanistes.
dix : artistique d’hier et d’aujourd’hui,
d’ici et d’ailleurs. Peut-on peindre et témoigner du
vivre-ensemble, photographier et docu-
menter l’appartenir, tout en assumant
un regard de créateur à la fois citoyen et
(6) Differenz », cité par B. Fibicher, ibid. Cf. S. Hall,
Identités et cultures. Politiques des Cultural (8) Cette citation de Parul Dave Mukherji, comme
autonome ?
Studies, éd. Amsterdam, Paris, 2007 les suivantes, est extraite de son article « Horn
(7) B. Fibicher, ibid. Please », ibid. Parul Dave Mukherji en appelle à
comPétences et Parcours culturels ? 37

« notre hypothèse commune à propos de de notre époque, nous croyons qu’une par les élèves des trois classes concernées
la liberté de créer, le droit d’interpréter philosophie des pratiques, autre que avec l’appui de l’artiste intervenant, David
son passé et la sphère publique. Au cœur celle d’une recherche artistique isolée, Molteau, tentons un premier regard sur
de la controverse, est en fait la question est demandée aux artistes pour empê- les parcours et les compétences.
de la narration, et le droit des artistes cher l’inévitable pétrification de la vie et
Les parcours culturels des jeunes dans
à raconter et à inventer des histoires ». de l’art sous la compétition capitaliste
le projet ont-ils
En se souvenant des affrontements po- et l’exercice des ambi-
permis la construc-
litico-religieux survenus à la faculté des tions individuelles. nos Les parcours culturels des
tion de nouvelles
beaux-arts de Baroda suite à la création engagements vers une jeunes dans le projet ont-ils compétences ? Les
d’un étudiant graphiste questionnant pédagogie politique permis la construction de options, tant tech-
la place de l’hindouisme, elle déplore de l’art place sur nous nouvelles compétences ? niques qu’artisti-
que le débat « soit resté polarisé entre une lourde responsabi-
ques, prises par les
ceux qui s’enrouent à crier en défen- lité. […] L’identique, la
jeunes ont contribué in fine à construire
dant l’autonomie de l’art et ceux qui mondanité, la banalité nous donnent la
savoirs et capacités, dont certains dépas-
exaltent le résultat de la responsabilité nausée. La bataille, autant qu’elle est au
sent peut-être le cadre du référentiel. Le
sociale de l’artiste ». Elle observe que dehors, est en nous. Dans un tel grand
fait de réorienter un projet de composi-
« dans l’imbroglio général, ce qui a été groupe d’artistes acquérant une histoire,
tion, de l’amender au plan des idées ou
oublié est qu’il y a une infinité de voies une sensibilité et une vision précises,
de l’artistique, a favorisé la construction
pour lire notre passé, notre histoire, qui il est assez remarquable qu’ils fassent
de compétences pratiques, par l’usage
peuvent ne pas résonner chez quelqu’un émerger des directions distinctes d’en-
de cet esprit critique dont nous savons
d’autre ». Par-delà l’adversité socio-poli- quête individuelle. Le vieil égo monadi-
qu’il soutient la démarche modulaire.
tique (et malgré l’ambiguïté de certains que n’est pas mort » . (9)

travaux artistiques), elle conclut que la écoutons un élève : « Mettre en valeur


Dans l’approche des modalités de
diversité des voies narratives « doit de- des photos en créant quelque chose, je
l’appartenir par un collectif d’artistes
meurer, pour inévitablement devenir une pensais pas qu’on pouvait faire ça ». Un
professionnels, on retrouve donc toute
part de la sphère publique et un champ autre : « Au départ, cette feuille blanche
l’ambivalence de nos questionnements
de vérification toujours plus large pour et grande [format raisin, 50x65 cm], je
précédents, où appropriation collective
notre démocratie culturelle ».
et déclinaisons
on voit que bien plus que la question menées indivi- Du point de vue de l’enseignant, un projet pédago-
des outils, de la fiabilité des enquêtes et duellement ou gique collectif comme celui-ci est-il l’occasion de
des collectes d’informations nécessaires en sous-groupe construire des compétences collectives, un savoir-
à ceux qui documentent l’appartenir, ont partie liée. faire collectif, une sorte de boîte à outils acquise dans
c’est la place de l’artiste dans la société l’action collective et transférable individuellement ?
Aussi, en
qui est débattue. Certains auteurs ont
accompagnant
pu craindre que les artistes se situent
dans une telle recherche un groupe com- me disais : qu’est-ce que je peux mettre
comme intellectuels supérieurs détermi-
posé d’apprenants pré-professionnels du dessus ? Puis on se rend compte qu’on
nant unilatéralement des règles de clas-
milieu rural, peut-on espérer participer est libre de faire ce qu’on veut ». ou
se et des modes de penser dominants.
à leur formation de citoyens à la fois hu- encore : « ça nous a amélioré la capa-
Dans une vision néo-marxiste, Anita manistes et démocrates. cité à comprendre le dessin. […] J’avais
Dube table pour sa part sur la capacité parfaitement conscience de découvrir
des collectifs d’artistes à s’affranchir de une technique, après d’apprendre et de
cette tentation. Elle écrivait dès 1987, voir qu’avec plusieurs images on peut en
dans son manifeste « Questions and À l’heure du faire quelque chose d’intéressant et de
Dialogue » : bien. Si c’était à refaire, je ferais mieux
Bilan. avec ce que j’ai appris ».
« En organisant des activités radi-
cales en dehors de l’itinéraire culturel Du point de vue de l’enseignant, un
dominant, nous croyons que nous Après la phase d’évaluation des tra- projet pédagogique collectif comme
pouvons nous ériger quelque part en- vaux effectués de décembre à mars 2012, celui-ci est-il l’occasion de construire
tre la conscience de masse et les purs des compétences collectives, un sa-
intellectuels, en menant les deux partis voir-faire collectif, une sorte de boîte à
vers un engagement plus signifiant et outils acquise dans l’action collective et
(9) Anita Dube, « Questions and Dialogue » (1987),
véritable dans la réalité. […] Dans la crise repris in Horn Please (2007).
transférable individuellement ? oui, on
38 comPétences et Parcours culturels ?

peut répondre positivement sur ces trois l’appartenir, s’il est pour une minorité saisons». Une autre témoigne de son mi-
enjeux. des élèves l’occasion d’une révélation lieu, «nous vivons principalement sur un
de compétences non formulées mais territoire rural, et c’est cela que j’ai voulu
déjà existantes, est pour la majorité faire ressortir au premier plan ; cette
une expérience nouvelle, qui permet à vache, au milieu du pré, nous fixe droit
Qu’en retiennent travers des techniques jamais encore dans les yeux». Une kanak insiste sur le
abordées, de questionner non seulement partage et l’échange, ajoutant «ce dessin
les élèves ? leur rapport à une existence territoriale fait cohabiter deux cultures, la culture
mais aussi l’héritage des cours d’arts occidentales et la culture mélanésienne
plastiques du collège (deux ou trois ans dont je suis issue ; c’est en quelque sorte
« Découvrir la technique du dessin auparavant), et de « savoir comment mon parcours, celui que j’ai fait quand
sur calque, j’ai découvert ça, en faisant travaillent les artistes », comme le dit un j’ai quitté les miens pour venir continuer
un mélange des différents milieux ex- élève. Par cette offre faite à tous, chacun les études en France, […] je veux montrer
térieurs pour en faire un tableau final, a pu échafauder ses propres réponses, que deux cultures bien distinctes peu-
prendre des photos de l’extérieur, un peu en intégrant de nombreuses données vent cohabiter», elle parle de ses acquis
de tout, décalquer pour faire un assem- partagées et en approfondissant le cas concernant savoir-être et savoir-vivre, en
blage, que ça ait un sens quand même, échéant des formules personnelles. reconnaissant que cela lui a été difficile
avec le thème qu’on voulait. […] J’ai pas «par le changement d’environnement,
beaucoup d’acquis, je suis qu’un ama- Car en passant par toutes les phases
de paysage, de saison», et elle l’exprime
teur », atteste l’un. de définition, négociation, collecte,
dans un dessin sur calque.
conception, restitution, et par-delà le
« Faire travailler notre imagination à dosage à trouver entre : données socia-
partir de notre environnement, et par les, informatives et artistiques, ainsi que
rapport à notre imaginaire, réussir à L’éveil d’une conscience artistique
dans le respect de la parole entendue
construire quelque chose », dit un jeune participe à celui d’une conscience so-
et transmise, ce qui est central, c’est de
qui a dessiné un univers de roman noir ciale situant l’individu face aux valeurs
reconnaître la nécessité de cohabitation
à partir des photos prises lors d’une ba- communes : depuis l’origine de l’ensei-
de ce qui est mis en commun avec ce
lade dans la nature corrézienne. gnement agricole, c’est l’une des raisons
qui est une appropriation individuelle :
d’être de l’éducation socioculturelle
Un autre : « J’ai dessiné une maison admettre sa propre liberté de créer et
que de susciter des questionnements
du rugby au milieu des champs, avec les en même temps celle de l’autre, c’est la
nouveaux.
logos de Toulouse et du CABC, parce que reconnaissance du divers au sens où en
j’aime bien la nature, être dans un cadre parlait édouard Glissant. Anita Dube nous y incite par une for-
naturel, même pour faire la fête après le mule toute indienne :
Quand l’un explique qu’il a pu «re-
match. Et c’est un nouveau mode de des- présenter le territoire, les différents « A sleepless wind is raising a slee-
sin. Techniquement, ça permet de chan- types de réseaux, les voies de commu- pless song in sleepless heads in sleepless
ger de mode de dessiner, d’inventer des nication», un autre préfère retenir qu’il nights » (10) .
choses, de montrer ce qui nous passe par a pu «découvrir des territoires» et qu’en
la tête, d’inventer ». travaillant à deux sur ses compositions, il
L’effet de groupe a évidemment joué, a pu exprimer «ce qui [lui] correspondait
dans les réticences initiales comme dans le plus».
l’investissement général lors des phases En section « Services », l’une veut (10) Un vent sans sommeil fait se lever un chant sans
de création. Ce projet pédagogique sur «évoquer la nature par les quatre sommeil dans des têtes sans sommeil en des
nuits sans sommeil.
comPétences et Parcours culturels ? 39

« Ton âme
est un paysage choisi. »
Paul Verlaine
Arnaud Peuch
enseignant en éducation socioculturelle, lycée Kyoto, Poitiers.

Dans cet article, l’auteur nous propose une réflexion sur l’art comme moyen d’exercer
sa capacité à se libérer des contraintes de la réalité pour la questionner et faire
naître en soi d’autres points de vue sur le monde. Compétences à se décentrer ? Cette
capacité artistique(1) dans son volet sensible – et non pratique - serait-elle un des
moyens pour trouver, en situation, des solutions inédites quand les solutions ordi-
naires sont épuisées ?

(1) nous utilisons ici capacité artistique au sens de : faire preuve de créativité, la compétence étant la capacité dans une situation donnée.

Dans notre réflexion sur le livret de


compétences et plus particulièrement
sur le parcours culturel de l’élève, nous
avons été amenés à nous poser cette
question : existe-t-il des capacités1 spé-
cifiquement culturelles et sont-elles
transférables ?
A vrai dire le terme « culturelles » me
gène un peu ici car il recouvre un do-
maine beaucoup trop vaste et souvent
mal défini et je préfère parler de capa-
cités artistiques, non dans le sens d’une
maîtrise ou d’une virtuosité, ni même
d’une maturité dans la démarche mais
d’une simple approche artistique du réel
par l’individu.
Je crois qu’il faut écarter d’emblée
deux écueils tant dans la définition des
capacités artisti-
ques que dans les Je crois qu’il faut
pratiques qui les écarter d’emblée
mettent en œuvre. deux écueils pour développer autre du vivre ensemble, etc. De fait ces capa-
D’une part il tant dans la définition des chose ; le théâtre pour cités sont bel et bien développées par le
existe ce risque capacités artistiques que la maîtrise de la lan- biais d’un atelier artistique mais cela ne
récurrent d’instru- dans les pratiques qui les gue quand ce n’est pas correspond qu’aux effets secondaires et
mentalisation des mettent en œuvre. pour vaincre la timidi- le coeur, l’essence même de la démarche,
connaissances et de té, les arts plastiques est souvent laissé de côté.
la pratique artisti- pour apprendre à être soigneux et orga-
ques. Cela consiste à proposer une pra- L’autre écueil consiste à surestimer le
nisés, la musique pour l’attention, sans
tique ou une sensibilisation artistique caractère opératoire de la rencontre avec
parler du lien social, de la citoyenneté,
l’art. Comme s’il suffisait d’un contact
40 comPétences et Parcours culturels ?

des jeunes avec l’œuvre pour que, par bien le processus de “dé-fonctionnalisa- changer son point de vue dans le sens
une sorte de magie, la capacité artisti- tion” de l’objet qui nous fait entrer dans d’une approche non fonctionnelle du
que éclose et se développe de manière une approche artistique. Ce processus réel est à mon avis une compétence à
instantanée. Cette approche repose me semble bien une spécificité de l’art. développer pour elle-même. Cela va dans
sur des croyances qui sur-investissent le sens d’un développement de la per-
Maintenant nous pouvons nous oc-
l’art dans sa dimension sacrée, tout en sonne qui ne se réduit pas à la formation
cuper des questions : à quoi sert cette
oubliant de définir cette dimension et de techniciens.
capacité et est-elle transférable ?
en occultant tout le travail de médiation
Enfin, le caractère transférable de la
qui amène pas à pas le “spectateur” au Je réfléchissais à cette question dans
capacité artistique et sa transformation
coeur de la dynamique artistique et de le métro parisien quand en levant les
en compétence peuvent se concevoir
sa genèse. yeux je tombai sur un petit encart de la
aisément dans toutes les situations pro-
RATP à l’occasion du printemps des poè-
De mon point de vue, ces deux écueils fessionnelles, où la relation est au coeur
tes : « Ton âme est un paysage choisi. »
ont en commun une posture d’évite- du métier, relation aux enfants, aux
Paul Verlaine.
ment de la nature et donc de la spéci- personnes âgées, relation à la maladie,
ficité de l’art. Le premier par une sorte À lui seul, ce fragment de poésie nous au handicap, à la mort. Plus nous aurons
de pragmatisme paresseux, le second met en contact avec ce que je tente développé cette capacité à l’adoption
par un idéalisme imprécis et non moins d’expliquer ici. Il nous lance une invita- d’un point de vue original et inédit, plus
paresseux. tion vers notre intériorité, il est à la fois nous serons capables de proposer un
l’itinéraire et le moyen de transport. Il riche éventail de réponses face à une
Ce qui manque dans les deux cas,
nous propose une transformation radi- situation donnée impliquant la relation
c’est donc une définition simple et claire
cale et pleine de vie, de notre rapport à à l’autre.
de ce qui fonde l’approche artistique.
nous mêmes et au monde (“le monde”
Et cette capacité voisine de la fluidité
nous pouvons nous appuyer sur un n’étant que l’impression que “nous” en
idéationnelle peut encore être transférée
exemple grossier mais qui a le mérite avons). Approche qui n’est pas fonc-
à des situations où les solutions habi-
d’être très accessible. tionnelle et n’en est pas moins vitale et
tuelles ne fonctionnent plus. Il devient
essentielle.
Je suis en train de cuisiner chez moi et alors nécessaire de trouver une alterna-
je veux faire cuire un aliment à la poêle L’art participe ici à la connaissance de tive qui requiert davantage de créativité
avec un peu d’huile. Lorsque je verse soi (dans le sens psychologique et philo- et cette capacité particulière à adopter
l’huile dans la poêle un schéma aléatoire sophique). Il ne s’adresse pas seulement une approche “non fonctionnelle” mais
se dessine sur la surface du récipient. A à notre intellect mais utilise d’autres porteuse de solutions inédites.
ce moment là, je peux très bien stopper canaux et notamment ceux de la sensi-
l’action de cuisiner et décider que ce bilité ou de l’intelligence du coeur. Par la
petit dessin a un intérêt d’ordre artisti- puissance évocatrice de la poésie il ouvre
que. Je peux ensuite le conserver par le un accès original et fécond vers un do-
procédé qui me semble le plus adapté, maine qui peut jouer un grand rôle dans
une photographie par exemple. J’adopte notre existence et produire une multi-
alors une approche artistique car j’ai tude d’autres effets bénéfiques dans
détourné l’objet (la tache d’huile) de sa d’autres champs de capacités.
fonction première (aider à la cuisson)
Mais nous atteignons là un écueil
pour en faire un objet esthétique. Je
que je dénonçais plus haut, à savoir l’art
peux très bien par la suite reproduire
pour développer autre chose. Alors que
l’expérience et développer d’autres tech-
la compétence de se décentrer ou de
niques pour améliorer l’objet. C’est donc
comPétences et Parcours culturels ? 41

Parcours culturels
des jeunes :
Quelles situations pour
quelles compétences ?
Contribution collective
proposée à l’issue de deux sessions de stages organisées par l’ENFA et le réseau ADC, dans le cadre du programme national des forma-
tions en mars 2011 (Paris) et en avril 2012 (Legtpa de Mirecourt)

L’objectif de ces deux sessions de stages auxquelles une dizaine de professeurs d’édu-
cation socioculturelle et une conseillère principale d’éducation ont participé était
double : d’une part interroger la notion de parcours culturels des jeunes au sein de
l’enseignement agricole – est-il formalisé ? si oui de quelle manière ? que recouvre-
t-il ?- et d’autre part s’interroger sur la réalité de compétences socioculturelles
potentiellement construites dans un parcours formel ou non formel et envisager les
modalités de leur valorisation par le jeune.

Pour l’enseignement agricole, cette quels acteurs ?) un jeune construit-il • Le champ des pratiques sociales : il
expérimentation a été l’occasion d’iden- un parcours culturel dans son éta- est lié aux engagements sociaux.
tifier cinq objets à propos desquels une blissement au cours de sa scolarité ? L’élève est engagé dans des inte-
réflexion sur les notions de parcours, • Ce parcours est-il formalisé ? Forma- ractions sociales, qu’il soit organi-
de construction et d’identification de lisable ? Si oui, à travers quel type sateur, participant ou animateur
compétences des jeunes a été proposée d’outil ? de projets culturels. Il participe à
aux établissements expérimentateurs : • Ce parcours, s’il existe, est-il des formes variées d’organisations
les parcours sportifs, les parcours cultu- construit avec les jeunes ? Si oui, sociales.
rels, les parcours liés à la mobilité, les dans quel cadre et selon quelles • Le champ des pratiques d’expres-
parcours liés à l’éducation au dévelop- modalités ? sion : ces pratiques engagent la sen-
pement durable, les parcours liés aux • Ce parcours est-il enrichi de prati- sibilité, la créativité, et sont relatives
pratiques professionnelles. ques culturelles construites hors à toutes les pratiques amateurs
l’école ? (arts & artisanats) et aux rapports
• Comment sont-elles prises en aux œuvres.
compte ? • Le champ des pratiques culturelles :
La question du • Ce parcours, s’il est construit, est-il il est lié aux environnements cultu-
valorisé ? Valorisable ? rels, médiatiques et aux environne-
parcours culturel ments numériques.

1 - Quelle est la nature D’un


L’école construit pour les jeunes un
Parcours culturel Pour un
parcours scolaire balisé que tous les
élève De l’enseignement agri-
élèves d’une même filière suivent ; pour
autant chaque élève effectue son propre cole ? De Quoi est-il fait, Quel-
cheminement, construit ses propres ap- les sont les PratiQues en jeu
prentissages dans ce parcours scolaire, Dans ce tyPe De Parcours ?
et en l’espèce, en est-il de même pour
Dans le cadre du dispositif d’éduca-
son parcours culturel ?
tion socioculturelle, nous avons identifié
• À quelles conditions (dans quels
plusieurs champs de nature à constituer
espaces ? par quelles actions ? avec
ce parcours :
42 comPétences et Parcours culturels ?

2 - Dans un étaBlissement, Quels sont les acteurs, les actions 3- Quel lien Peut-on faire en-
et les esPaces Qui offrent Des oPPortunités De construction tre le Parcours culturel (le
De ce Parcours Pour le jeune ? livret exPérimental De comPé-
tences étant Potentiellement
un outil témoignant De ce
acteurs actions esPaces Parcours ) - et le Projet D’ani-
mation et De DéveloPPement
• Enseignants, • Projets pédagogiques • Institutionnels (classes) culturel (PaDc) ?
animateurs (EIE, EATDD, PIC, stage • Formels (foyer, ateliers,
• Vie scolaire Santé intégrant une clubs) Le livret expérimental de compé-
• Partenaires dimension culturelle…) • Informels (couloirs, tences permettrait de témoigner d’un
• Collectivités • Projets et actions escaliers, tous les parcours culturel construit dans l’éta-
territoriales ALESA lieux investis par les blissement, et à ce titre, il serait un élé-
• Structures culturelles • Autres projets pouvant jeunes…) ment d’évaluation du PADC : comment le
• Pairs intégrer une dimension • Virtuels/numériques projet d’animation et de développement
culturelle (formation (espaces explorés par culturel d’un établissement, au-delà des
de délégués…) le biais des ordina- objectifs affichés, constitue véritable-
• Dispositifs nationaux teurs et téléphones ment une plus value éducative pour les
• offres des partenaires portables) jeunes ? Est-ce que le PADC a permis de
• Initiatives en propre construire un parcours évolutif pour les
(pairs) jeunes dont ceux-ci pourraient témoi-
gner à travers leur livret expérimental ?
Ceci étant, il est nécessaire d’être vigi-
Parallèlement à cette démarche motivation à investir une pratique lant au fait que le livret expérimental ne
d’identification des conditions d’un culturelle constitue pas une sorte « d’évaluation
parcours culturel du côté de l’établisse- institutionnelle » des pratiques cultu-
Dans le premier cas il est possible de
ment, s’ajoute celui du diagnostic des relles (et in fine de celles de l’établisse-
construire une offre en interne – avec les
pratiques des jeunes. Pour construire ment), pouvant à terme devenir un indi-
jeunes eux-mêmes - en s’appuyant sur le
avec les jeunes un parcours culturel, il cateur de promotion d’un établissement
réseau de partenaires extérieurs.
faut au préalable s’interroger sur l’exis- au détriment d’un autre.
tant de leurs pratiques, de leurs engage- Dans le deuxième cas, on formule
ments voire de leurs compétences déjà une proposition libre ; l’élève n’est en Enfin, est-ce que le livret expérimen-
construites. Comment ? La réalisation rien contraint à s’impliquer, mais il est tal de compétences, par le travail de dia-
d’une enquête en début de rentrée pour informé qu’une offre existe, qu’il peut la gnostic puis de construction de parcours
identifier les pratiques mais aussi les découvrir de lui-même s’il le souhaite. culturels pour les jeunes, peut aider à
besoins, les envies, peut être une piste développer une politique partenariale
Quoiqu’il en soit, le travail d’enquête plus dense, en particulier sur les territoi-
intéressante à condition de garder à l’es-
préalable (ou de diagnostic) amène à res d’habitation des jeunes (différents
prit plusieurs points de vigilance :
construire une offre en interne et/ou en des territoires de l’établissement) ? Et à
• l’enquête est à adapter au niveau externe, pour répondre aux attentes et quelles conditions pourrait-on co-cons-
de la classe, en particulier les aux besoins. truire la valorisation des parcours des
primo- arrivants jeunes avec ces partenaires ?
Mais comment éviter une politique
• selon la forme que prend l’enquête,
de « guichet » ? Par ailleurs, ces moda-
il peut y avoir un effet groupe
lités impliquent une charge de travail
• partir de ce que les jeunes veulent
conséquente qui questionne le rôle de
bien exprimer sur leurs pratiques
l’accompagnateur et plus encore celui
culturelles, artistiques, associatives.
de l’enseignant-animateur en édu-
• être attentif aux jeunes déclarant
cation socioculturelle : le diagnostic,
n’avoir aucune pratique de ce type
l’accompagnement, l’ingénierie (réseau
Ce dernier point peut être interprété de partenaires et conventionnements,
de différentes manières : construction de l’offre), laissent-ils en-
core suffisamment de place à la fonction
• soit un élève n’est pas investi dans
d’animation ou en font-ils partie ?
le champ des pratiques culturelles
parce qu’il se heurte à des obs-
tacles (résistance de la famille,
difficulté géographique, difficulté
financière…),
• soit l’élève n’a strictement aucune
comPétences et Parcours culturels ? 43

réflexion proposées par A. Bollon. par un verbe (ex : communiquer,


Comment l’intérêt s’informer, analyser, gérer, traiter,
Après avoir défini des groupes de
porté par les jeu- capacités, au regard des champs d’ex-
décider, préparer, mettre en œuvre,
maintenir en état, diagnostiquer…).
pression et de pratiques (indiqués plus
nes à des objets haut), nous avons réfléchi aux situations
Une capacité n’est ni observable
ni évaluable. C’est un potentiel
concrètes dans lesquelles se trouvent les
culturels peut-il jeunes et aux compétences potentiel-
ou un axe de formation, elle n’est
pas propre à une situation, elle est
construire des lement construites dans ces situations.
notre approche s’est inspirée des propos
transversale (1) .

compétences dans développés par Alain Bollon (voir article


dans ce même numéro) sur les notions 2- une ProPosition De 7
un parcours ? de capacités, compétences et situations. « grouPes De caPacités »,
Il reste à expérimenter ces proposi- communs à l’ensemBle Du
tions avec les jeunes, en situation, pour chamP éDucatif, Déclinés ci-
1- caPacités, situations, com- évaluer si cet outil d’analyse des prati- Dessous Dans le Parcours
Pétences Dans un Parcours ques a une pertinence à leurs yeux et si socioculturel.
culturel : QuelQues éléments son appropriation est possible.
De réflexion Rappel : ce tableau, produit au cours
QUELQUES PoInTS DE DéFInITIon d’un atelier, n’a qu’une valeur indicative.
Lors de la dernière session de stage • Compétence (capacité + situation) : Il mériterait d’être développé, éprouvé et
d’avril 2012 au Legtpa de Mirecourt, nous c’est un savoir-agir en situation, validé. néanmoins, il permet d’illustrer
avons souhaité clarifier collectivement les mobilisant des ressources variées : une démarche d’accompagnement des
notions de capacités, situations, compé- savoirs, savoir-faire, postures. La parcours dans le cadre du Livret expé-
tences etc., et nous avons essayé de com- compétence s’évalue. rimental, qui pourrait être étendue à
prendre en quoi elles pouvaient consti- • Capacité (compétence – situation) : d’autres champs.
tuer des outils pertinents d’analyse des ce sont des aptitudes que l’individu
parcours culturels de jeunes; outils qui ne met en œuvre dans différentes si-
valent que pour ce travail, sur les bases de tuations. Une capacité est exprimée (1) Dans les référentiels d’enseignement agricole,
les capacités sont évaluées.

exemPles
De situations
grouPe à intégrer Dans le comPétence(s) critères inDicateurs
De caPacités Parcours culturel PossiBle(s) PossiBles PossiBles

IdEnTIfIER, La personne orga- Concevoir une affi- Pertinence des infor- Présence des
SéLECTIonnER dES nise un concert rock che du concert mations et de leur éléments indis-
InfoRMATIonS, de musique dans le hiérarchisation pensables à la
LES METTRE En cadre d’une activité Lisibilité compréhension du
RELATIon, LES extrascolaire. Affirmation d’une message.
RESITUER En ligne esthétique Informations
ConTExTE. hiérarchisées…

La personne vient Repérer les possibi- Exhaustivité Réalisation d’une


d’arriver au lycée, elle lités offertes dans Pertinence des liste des clubs mu-
est interne et sou- le territoire autour contacts sique, école de mu-
haiterait continuer la du lycée ou dans le Prise en compte sique, animateurs…
pratique de son ins- lycée. des contraintes nombre de contacts
trument de musique. organisationnelles et informations
sur la nature des
activités

La personne réalise Composer un pan- Pertinence des choix Variété des sources
une revue de presse neau d’information Clarté de la ligne Mise en relation des
affichée au foyer, du type « ce qu’il éditoriale sources
dans le cadre du club faut retenir de la
médias. semaine », à partir
d’extraits de presse.
exemPles
44 De situations
grouPe à intégrer Dans le comPétence(s) critères inDicateurs
De caPacités Parcours culturel PossiBle(s) PossiBles PossiBles

déVELoPPER La personne Faire évoluer sa pra- Posture de mise en Temps passé sur un
UnE déMARChE participe comme tique instrumentale question de la pra- morceau
RéfLExIVE, instrumentiste à un par une pratique tique, recherche de nombre de modi-
Un jUgEMEnT groupe de musique collective pistes d’amélioration fications pour un
CRITIQUE, ChAngER amateur, elle se Qualité des échanges morceau.
dE PERSPECTIVE, produit en public avec les autres mem- Prise en compte
PREndRE dU RECUL. bres du groupe des suggestions du
groupe

La personne est Mettre en place Pertinence de la nombre de per-


présidente de l’ALESA un diagnostic du démarche sonnes présentes
et l’association ren- fonctionnement de Efficacité de la lors d’une première
contre des difficultés l’association démarche réunion
autour de la par- nombre de per-
ticipation des élèves sonnes présentes à
(trop faible) la dernière réunion

fAIRE dES ChoIx La personne S’engager avec Assiduité Présence à chaque


PoUR S’EngAgER/ s’entraîne dans constance dans des répétition.
S’oRIEnTER dAnS une équipe actions collectives,
L’ACTIon. d’improvisation respecter le
théâtrale en vue « contrat ».
d’une rencontre avec
d’autres jeunes

La personne pratique Mettre en place une Mobiliser et donner nombre de per-


la danse et souhaite activité collective l’envie à d’autres sonnes participant
mettre en place un jeunes d’y participer. régulièrement
Club danse dans Prendre en compte Club fonctionnant
l’enceinte du lycée leurs centres régulièrement et
d’intérêt musicaux sans problèmes ma-
tériels (réservation
d’une salle, liste des
participants…)

EnTRER En RELA- La personne chante Construire une rela- Qualité de l’écoute, Appréciation par le
TIon AVEC L’AUTRE, dans une fanfare tion d’écoute ouverture, respect jeune de la qualité de
dAnS UnE ATTI- intergénérationnelle ses relations avec les
TUdE dE RESPECT et partage sa culture anciens
ET d’éCoUTE, dE musicale avec les Prise en compte des
CoMPRéhEnSIon, aînés. univers musicaux,
d’éChAngE Travail effectif
sur de nouveaux
répertoires…

Participation à un Construire une atti- Qualité des Prise en compte des


spectacle de théâtre tude de collaboration interactions contraintes et indica-
au sein d’une troupe tions des comédiens
amateur en tant que et du metteur en
régisseur. scène

La personne par- Accompagner le Régularité nombre de rendez-


ticipe à une action tutoré pendant sa Efficacité vous dans l’année
de tutorat d’un élève scolarité. Convivialité, écriture dans le car-
plus jeune pour établir un planning Interactivité net de bord
l’accompagnement de travail avec le Appréciation de la
du soutien scolaire tutoré relation par le tu-
toré (qui arrête ou
poursuit).

La personne partici- Communiquer dans échange Bonnes relations en-


pe au travail du bu- le but de prendre des écoute tre les membres.
reau de l’Alesa qui se décisions Respect Décisions non remi-
réunit pour mettre ses en question au
en place le planning cours du trimestre
des sorties du pre-
mier trimestre.
comPétences et Parcours culturels ? 45

exemPles
De situations
grouPe à intégrer Dans le comPétence(s) critères inDicateurs
De caPacités Parcours culturel PossiBle(s) PossiBles PossiBles

fAIRE PREUVE La personne crée des Exprimer une sensi- Créativité, fluidité Jeux de mots,
dE CRéATIVITé, textes à déclamer bilité personnelle à idéationnelle détournements
d’InVEnTIVITé, en public (slam) travers une création Respect des codes du de sens, jeux sur
en s’inspirant de la originale. genre artistique les sons, le débit,
toponymie d’une l’intonation, absence
région de stéréotypes…

La personne par- Participer à un Faisabilité (les pos- Pas de difficulté lors


ticipe à un projet travail de création sibilités et capacités de la représentation.
mené par un groupe chorégraphique. de chacun prises en Réelles inventions
de jeunes : concep- Mobiliser son imag- compte) chorégraphiques
tion et présentation inaire pour créer du
d’une chorégraphie mouvement et lui
pour le spectacle de donner du sens.
noël.

METTRE En œU- La personne met en Être capable de mo- Appréciation de ses nombre de
VRE/PARTICIPER à place une collecte biliser des énergies propres capacités à participants
dES PRojETS, AgIR de vieux vêtements au bénéfice d’une mobiliser nombre de vête-
SUR Un ModE pour une action action caritative. Implication des ments collectés et
CooPéRATIf caritative collaborateurs acheminés à destina-
Efficacité de l’action tion des bénéficiaires

La personne parti- S’inscrire dans un Anticipation Durée des travaux


cipe à un projet de projet de groupe en Implication nombre de participa-
rénovation de l’es- s’impliquant dans les Engagement tions aux tâches
pace socioculturel et travaux collectifs Persévère dans la
fait appel aux bon- durée
nes volontés

La personne parti- Savoir s’inscrire dans Habileté dans la Présence d’outils de


cipe à l’organisation un projet artistique négociation gestion du projet
d’un spectacle artis- et négocier les condi- Sens de (agenda, carnet de
tique dans le cadre tions logistiques l’organisation bord…)
d’une animation d’organisation. Ressources techni-
communale (partici- ques mobilisées
pation d’un groupe
au sein de la pro-
grammation globale)

MAîTRISER dES La personne rencon- Savoir mobiliser sa Pertinence du nombre de réponses


oUTILS ET dES TECh- tre un anglophone connaissance de vocabulaire pertinentes aux
nIQUES APPRoPRIéS qui ne parle pas fran- la langue anglaise Compréhension questions du
(y CoMPRIS L’Ex- çais et demande son pour répondre à la mutuelle demandeur
PRESSIon oRALE) chemin demande

La personne partici- Maîtriser un instru- Engagement dans Mesure de la pro-


pe à un concert com- ment de musique en les apprentissages gression accomplie
me instrumentiste. vue d’une représen- nécessaires Retours du public
tation publique Qualité de la
prestation

La personne réalise organiser et ex- Méthode dans le re- Explicitation


un reportage publié ploiter un recueil de cueil et le traitement des choix méthodo-
dans le journal (ou témoignages pour (échantillonnage, logiques
blog) du lycée, sur écrire un article questionnaire…) nombre et qualité
les goûts culturels Pertinence de la des personnes
des jeunes, à partir synthèse interrogées
d’interviewes. Conformité
de l’article à la
commande
46 comPétences et Parcours culturels ?

Propositions
pour une démarche
d’accompagnement
Ces propositions sont issues d’un travail collectif établi lors de la deuxième session
de stage en avril 2012 entre les participants et le réseau Éducation au Développement
Durable (animateurs : C. Peltier, S. Aublin). Elles font partie de la synthèse finale de
l’expérimentation conduite par l’enseignement agricole.

Même s’il est fort probable que les les plus en difficulté et nous le moDalités et conDitions fa-
équipes des établissements en expéri- concevons ainsi comme un outil voraBles au fonctionnement
mentation ont toutes réfléchi à l’utili- d’aide à la valorisation de la person-
sation du livret expérimental de com- ne et comme une contribution à la • Inscrire cette démarche dans le
pétences, nous souhaitons malgré tout construction d’un parcours de vie. projet éducatif de l’établissement
poser un certain nombre de préventions (exemples : EIE, tutorat, MAP, ac-
relatives au livret, à son utilisation et compagnement personnalisé, éco-
aux conditions de son accompagnement. Posture éthiQue De délégués, vie associative, projets
l’accomPagnement culturels…)
• Pour le jeune, liberté d’adhérer à
• Le fort risque d’intrusion dans la
la démarche une fois les finalités
Préventions vie privée des jeunes, via le livret de
compétences, impose des règles de
exposées
• Pour l’accompagnant, proposer au
relatives au livret respect de la vie privée et de confi-
dentialité des échanges.
jeune des rendez-vous réguliers
• Envisager dans le dispositif un
pour une • on veillera tout particulièrement à
temps de co-évaluation de la dé-
l’accueil que ces jeunes, notamment
utilisation les plus en difficulté avec l’institu-
marche (entre l’accompagnant et le
jeune)
tion, pourraient lui réserver. Il nous
éthique semble donc important d’instaurer
un véritable climat d’écoute, de
confiance, et non de jugement. Situations,
fonctions et oBjectifs • Le travail d’accompagnement ne
Du livret peut s’envisager sans des temps capacités,
• nous concevons le livret de compé-
de partages d’expériences entre
pairs voire le recours à un regard
compétences
tences comme un outil au service de extérieur.
l’apprenant, de son orientation et de • le travail d’accompagnement repose
son insertion. Une situation est caractérisée par des
sur des valeurs de coopération entre
• nous concevons ce livret comme un éléments de contexte, elle doit compor-
l’accompagnateur et l’accompagné
levier d’émancipation du jeune ins- ter un enjeu, un espace et des acteurs,
voire dans le cas d’un accompagne-
crit dans le temps de formation : elle est objective.
ment de groupe entre tous les ac-
- pour le repérage de ses teurs impliqués Une capacité est une qualité abstraite
compétences • le travail d’accompagnement sup- transversale, elle peut être relationnelle
- pour sa capacité à se projeter, à se pose un détachement des préoccu- (exemple : pratiquer une écoute com-
mettre en projet pations strictement scolaires ; il est préhensive) ou technique (exemple :
- pour la construction progressive suggéré aux enseignants de ne pas sélectionner des informations). Elle ne
de son autonomie accompagner leurs élèves. dépend pas du contexte.
• Il nous semble par ailleurs que ce
livret a vocation à aider les élèves Une compétence est au croisement
comPétences et Parcours culturels ? 47

Le réseau
d’une situation et d’une capacité, elle national EDD
est toujours contextualisée et liée à un Pour des outils
et le livret
domaine spécifique d’actions (exemple :
évolutifs
mener un entretien dans le cadre du
livret de compétences, en respectant - Quels que soient les outils proposés
expérimental
des règles de confidentialité). Elle est au terme de l’expérimentation, ils ne de compétences
acquise/non acquise et s’évalue par des sont pas finalisés, ils nécessitent d’être
critères (abstraits : pertinence, etc.) et amendés par les retours des équipes en
des indicateurs (concrets : nombre de établissement. Ce sont les interactions
Mobilisé sur ce projet, le réseau
participants, etc.) (via des formations, des rencontres,
national EDD y a contribué de
une mise en réseau,…) entre le système
deux façons :
national d’appui et les équipes en éta-
• la proposition, pour les ac-
blissement qui permettront à ces outils
Des entretiens d’évoluer et de mieux répondre aux
compagnateurs, d’un outil
pour lire les actions en lien
besoins.
différents en avec le développement dura-
ble menées par les jeunes, et
fonction des de boussoles pour mettre en
perspective le sens ;
publics, des BiBliograPhie • un regard critique sur les
manières de considérer le
niveaux et des PAUL M., 2004, L’accompagne-
ment : une posture professionnelle
livret de compétences lui-
domaines spécifique, L’Harmattan. même – selon des logiques
applicationniste / adaptative /
La diversité des publics et de leur par- problématique – pour la DGER,
cours scolaire nécessite des entretiens les établissements et les jeu-
adaptés. nes. Les objectifs, les finalités
n’étant pas les mêmes selon
L’accompagnement dans le diagnostic
ces logiques, l’accompagne-
comme dans l’identification des compé-
ment diffère.
tences est une étape clé. Cet accompa-
gnement passe essentiellement par des Le réseau vise un accompagne-
entretiens, individuels, collectifs, entre ment à visée émancipatrice per-
pairs. Il pose la question de la formation mettant au jeune, à partir d’un
des adultes (entretien d’explicitation ou travail sur ses représentations,
autres) mais également du contenu (vers d’en construire de nouvelles plus
quoi s’oriente-t-on : expliciter des expé- efficaces face aux situations, sco-
riences, identifier des savoir-faire, faire laires et hors scolaires, auxquelles
émerger des compétences ?) il a à faire face.
Expériences
en lycées
agricoles :
témoignages
p.49 Le livret expérimental de compétences :
une occasion de mettre en valeur
l’expérience de formation des jeunes
Marie-France RUBIELLO
p.51 Un projet d’éducation non formelle avec
les foyers ruraux de Moselle
Jérôme LEGER
p.56 « Savoir vivre ensemble, c’est une
compétence Monsieur ? »
Michel DARDENNE
p.60 Valoriser les parcours sans créer
d’inégalités
Corinne KOCEVAR
p.63 Une propostion d’outil informatique
pour valoriser les expériences
socioculturelles des jeunes
Patrick L AGNEAU
p.67 Cheminer vers l’autonomie et la culture
d’établissement
Lou COUPELON-DUMONS, Marielle
L ACHETEAU, Arnaud PEUCH
exPériences en lycées agricoles : témoignages 49

Le livret expérimental de
compétences : une occasion
de mettre en valeur
l’expérience de formation des
jeunes
Marie-France Rubiello
est actuellement directrice-adjointe de l’EPL des Vosges, Legtpa de Mirecourt.

A l’époque du lancement de l’expérimentation, Marie-France Rubiello est en charge


de la gestion des moyens et de l’animation des missions à la Direction régionale de
l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, service régional de la formation et du
développement de Lorraine. Elle voit dans cet appel à projet lancé par la Direction
générale de l’enseignement et de la recherche, l’occasion de mobiliser les équipes
pédagogiques et les communautés éducatives des lycées agricoles publics de
Lorraine, sur les questions d’expérience de formation des jeunes.

Champs Culturels : En quoi cet appel à dans le quotidien, pour réfléchir ensem- « insertion » (un ou deux animateurs par
projet visant l’expérimentation d’un ble, pour se mettre d’accord sur des établissement). Les membres régionaux
livret de compétences vous a paru choix, pour hiérarchiser des priorités de ce réseau et les directeurs adjoints
pertinent ? éducatives, pour discuter « métier ». décident de s’engager dans ce travail
d’expérimentation, estimant que tra-
Marie-france Rubiello : Il m’est ap- En troisième lieu j’y vois pour l’éduca-
vailler sur les compétences des jeunes et
paru pertinent à plusieurs titres. En tion Socioculturelle l’occasion de renouer
leur explicitation, c’est faciliter à moyen
premier lieu, il peut être l’occasion de avec les partenaires de l’éducation po-
terme leur insertion scolaire, sociale et
mettre en valeur les expériences de for- pulaire. D’ailleurs, je rencontre assez vite
professionnelle.
mation des jeunes. la Direction régionale de la jeunesse, des
sports et de la cohésion sociale (DRJSCS). Un comité de pilotage se met en
Les élèves de nos établissements de
nous mettons en place un comité de place, constitué de ce réseau et d’acteurs
formation lorrains sont souvent peu en-
pilotage de l’expérimentation auquel associés : CRAJEP/DRJSCS/Foyers ruraux/
clins, et peu habiles, à identifier ce qu’ils
sont conviés, le CRAJEP, (dont les foyers éducation nationale.
ont appris, ce qu’ils savent faire, à valo-
ruraux), et l’éducation nationale.
riser leurs compétences ; leur curriculum
vitae, par exemple, est souvent pauvre En quatrième lieu il y a un enjeu fi-
Champs Culturels : Précisément quels
et retrace rarement tous les chemins nancier non négligeable, avec une aide
bénéfices peut-on voir à ce livret expéri-
parcourus, tant à l’école que dans leurs proposée sans cofinancement et versée
mental pour les jeunes ?
familles ou dans leurs activités. en début d’action.
Marie-france Rubiello : Ce livret fait
Je me dis alors que cette expérimen-
apparaître de nombreuses pistes possi-
tation est une occasion de réfléchir à ces
Champs Culturels : Quels axes de tra- bles de valorisation de parcours :
questions, de formuler les éléments du
vail retenez-vous autour de cette • la mise en lumière de compétences
parcours des jeunes, de mettre des mots
expérimentation ? • la construction de nouvelles compé-
sur ces parcours et d’apprendre à garder
tences y compris en dehors du cadre
des traces. Marie-france Rubiello : Stratégique-
formel et qui trouvent place dans
ment, au plan de l’organisation régio-
En deuxième lieu, j’y vois la nécessité ce livret
nale et des services déconcentrés, nous
pour les futures équipes engagées de • la réalisation de CV mieux
mettons en débat cette proposition
« se poser », de « faire un pas de côté » construits, plus riches, plus proches
d’expérimentation au sein du réseau
50 exPériences en lycées agricoles : témoignages

des parcours réels des jeunes Ce qui est positif selon moi, c’est « le une évolution des pratiques et des
• une insertion sociale facilitée avec labour et les semis ». conceptions.
des jeunes qui savent mettre en
Maintenant il faut travailler ce sujet Il faut ajouter qu’une expérimenta-
avant des qualifications acquises
dans le temps, entretenir les questionne- tion, par définition, ne donne pas de
hors cadre scolaire dans le domaine
ments, mettre en relation cette question réponse, elle ne pose que des questions,
de l’animation rurale, du BAFA etc.
des compétences avec nos référentiels, c’est à nous (adultes référents, jeunes,
je pense au bac profes- experts) de construire
Champs Culturels : Comment l’expéri- sionnel notamment où les réponses, c’est
mentation se met en place dans les ly- la question des capacités (…) une expérimenta- assez inhabituel dans
cées de l’enseignement agricole ? est au cœur des enseigne- tion, par définition, ne un fonctionnement
ments, avec la notion de donne pas de réponse, administratif. D’ailleurs
Marie-france Rubiello : Cette expé-
capacités exercées en si- elle ne pose que des cela implique une
rimentation est l’occasion de donner de
l’autonomie de réflexion dans les établis-
tuation donc de construc- questions, c’est à nous appropriation des équi-
sements mais nous (le Comité de pilota-
tion de compétences. (adultes référents, pes de direction pour
jeunes, experts) de organiser le débat et
ge) pensons qu’il faut travailler sur une Mais au-delà de l’outil,
base commune. nous proposons donc la démarche du livret construire les réponses la réflexion au sein de
l’établissement.
un accompagnement des lycées expéri- expérimental de compé- (…)
mentateurs par un cabinet conseil que tences doit être perçue
nous avons retenu parqu’il vient de faire comme un moyen de visualiser son
Champs Culturels : où en êtes-vous
un travail similaire pour le compte de la parcours, de trier, de hiérarchiser, et non
aujourd’hui dans votre établissement à
PJJ (protection juridique de la jeunesse). comme « un truc de plus ». Les jeunes
Mirecourt ?
ne doivent pas avoir le sentiment d’une
Cet accompagnement s’organise dans
charge supplémentaire mais d’un travail Marie-france Rubiello : nous avons
le respect de la géométrie de chaque ex-
qui les prépare pour demain. poursuivi le partenariat avec la DRJSCS
périmentation propre aux lycées et nous
et le Conseil Régional de Lorraine et choi-
mettons en place une nous avons nombre de
si de proposer un prolongement de la
formation commune jeunes ici qui n’ont pas
préalable autour du ré-
Ce travail a permis pour ce réflexe de valorisation
formation commune sur les compéten-
férentiel professionnel les jeunes concernés de leur parcours et qui ne
ces, par un cycle de conférences sur no-
de s’arrêter sur leur tre système éducatif animées par Alain
de compétences (Ré- sont pas dans des contex-
parcours, d’initier une Bollon, à l’attention d’un public large,
férentiel Compétences tes familiaux favorisant
salariés du secteur social, enseignants de
Clés). L’appropriation démarche de réflexivité. cette démarche.
l’enseignement agricole etc.
intégrale de ce référen-
Ce travail a permis
tiel apparaît trop complexe pour les éta- nous allons maintenant explorer le
pour les jeunes concernés de s’arrêter
blissements, en revanche certaines équi- Lorfolio avec les élèves de bac profes-
sur leur parcours, d’initier une démarche
pes décident de l’adapter à leur projet. sionnel « Forêt » avec un objectif de
de réflexivité.
recherche-action visant à construire des
Par ailleurs, au bout d’une année, il
Pour les adultes engagés cela a modalités d’accompagnement adap-
est décidé de choisir le LoRFoLIo (port-
conduit à faire des choix, tel axe à pri- tées et cohérentes. L’équipe éducative
folio numérique proposé par le Conseil
vilégier et pas tel autre etc. Il a fallu ar- va bénéficier d’un appui pour travailler
Régional de Lorraine, plutôt que le web
rêter l’éparpillement dans les établisse- correctement cette question de l’accom-
classeur), pour devenir le support de for-
ments et garder un peu d’obstination sur pagnement : quels apports on propose
malisation du livret expérimental.
un sujet pour essayer de le mener à bien. aux jeunes pour bien se situer sur cet
outil ? Comment les amène-t-on à tra-
Cela a demandé beaucoup d’engage-
vailler leur cursus, à mettre en valeur des
Champs Culturels : Qu’est-ce-qui a bien ment pour les enseignants volontaires
compétences.
fonctionné dans cette expérimenta- et cela a ébranlé quelques certitudes
tion selon vous, et sur quoi faut-il être et quelques pratiques, mais de manière Et puis, chose que nous faisons rare-
vigilant ? positive. ment, comment évalue-t-on l’accom-
pagnement ? Qu’a-t-il amené au jeune,
Marie-france Rubiello : Chaque expé- A ce titre il m’a semblé que des ap-
et ce dernier qu’en- a-t-il retiré ? À quel
rimentation s’est traduite par un projet, ports en sciences de l’éducation (initiés
signe mesure-t-on la plus-value de ce
des actions qui ont abouti de façon va- dans le cadre de la formation commune)
travail ? Ce sera le dernier volet de cette
riable selon les établissements. étaient très importants pour penser
expérimentation commencée en 2010.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 51

Un projet d’éducation
non formelle avec
les foyers ruraux de Moselle
Jérôme Léger
est animateur socioculturel au sein de la Fédération Départementale des Foyers Ruraux de Moselle. Il est responsable du secteur
« enfance et jeunesse » et intervient sur les formations professionnelles de directeurs de structures, (DEJEPS) et sur les formations
non professionnelles (BAFA, BAFD).

Dans cet entretien Jérôme Léger présente le chantier éducatif conduit avec le lycée
agricole de Pixérécourt en Juin 2011 à Chambrey dans le cadre de l’expérimenta-
tion sur le livret de compétences. Il précise en quoi ce travail sur les compétences
acquises dans un cadre d’éducation non formelle, rejoint les préoccupations des
foyers ruraux attachés à donner à la jeunesse par l’action et la confrontation des
idées, les outils pour agir et créer des perspectives de progrès.

Je m’investis dans la réalisation d’un photo-langage


individuellement et collectivement.

?
CHANTIER PARTICIPATIF
Un photo-langage,
15 & 16 juin 2011
c’est quoi ?
Réalisation et impression : les Foyers Ruraux de Moselle 57420 GOIN.

L’idée est de prendre en photo tout au long de ton séjour ce que tu


vas vivre afin de mettre en image le vécu individuel et collectif.

MON RESSENTI : j’ai aimé le séjour ou pas ?

« Ce carnet de bord t’est proposé afin de t’aider


à mieux te comprendre le temps d’un projet »
52 exPériences en lycées agricoles : témoignages

Chantier participatif, Chambrey, juin 2011

Champs Culturels : Pouvez-vous nous


rappeler, en quelques mots, les missions
de la fédération départementale des
foyers Ruraux de Moselle ?
jérôme Léger : Il s’agit pour nous d’ac-
compagner les associations qui adhè-
rent à la fédération départementale. La
fédération des foyers ruraux de Moselle
regroupe une centaine d’associations.
Quelles sont ces associations ? Il
s’agit d’associations locales, de villages,
composées pour leur majeure partie de
bénévoles et qui ont pour objectif l’ani-
mation de leur localité à destination des
habitants. Cela peut prendre la forme
d’un repas festif, mais aussi d’activités
régulières en théâtre, musique, ou sport,
et d’accueil plus structuré en séjours
vacances ou centre de loisirs.
Le rôle de la fédération c’est d’accom-
pagner ces initiatives sur le plan des
valeurs de l’éducation populaire : mettre
l’accent sur le fait que ces activités, en
permettant la rencontre, créent du lien
social, de la solidarité, de la créativité.
Favoriser l’engagement de tous dans ces
activités, accompagner les pratiques
artistiques amateurs par exemple.
Le rôle de la fédération c’est aussi
d’accompagner les associations sur un Champs Culturels : Quels liens avez-vous organisés par les foyers ruraux.
plan technique : aider à mettre en place fait entre le livret expérimental de com-
un accueil de loisirs, structurer une ac- nous aidons les jeunes à acquérir des
pétences et votre action en direction de
tivité de pratique artistique entre des compétences puis, dans la mesure du
la jeunesse ?
amateurs et des compagnies profes- possible, nous leur donnons la possibilité
sionnelles, aider une structure à bâtir jérôme Léger : Le lien est naturel pour de les exercer.
son projet pédagogique pour dépasser nous, structures d’éducation populaire.
Champs Culturels : Comment avez-vous
« l’activité pour l’activité », participer à nous cherchons toujours à valoriser les
abordé le partenariat avec le lycée agri-
la mise en place d’une activité sportive expériences socioculturelles des jeunes,
cole de Pixérécourt ?
(qui ne s’inscrit pas dans une pratique en voire nous créons les conditions pour
compétition) etc. qu’elles aient lieu. jérôme Léger : Je
connais bien les lycées
Par ailleurs nous développons aussi Par exemple, nous Nous aidons les jeunes
agricoles, nous avons tra-
un volet formation, avec des formations travaillons en parte- à acquérir des compé- vaillé avec plusieurs ly-
professionnelles nariat avec le lycée tences puis, dans la me- cées agricoles de Lorraine,
agricole de Château sure du possible, nous
nous sommes dans une dynamique notamment dans le cadre
Salins sur les forma- leur donnons la possi-
de transformation sociale, très concrète- des formations « services
tions BAFA organisées
ment cela signifie qu’il faut donner des bilité de les exercer. en milieu rural » et « ges-
dans leurs locaux,
outils aux gens pour qu’ils transforment tion et protection de la
puis les jeunes ont la
leur quotidien vers plus de solidarité, nature », donc cela facilite les relations.
possibilité d’exercer ces nouvelles com-
d’égalité, de respect, mais aussi de pétences dans le cadre des séjours loisirs Cette expérimentation entrait
créativité.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 53

pleinement dans le cadre de nos actions jérôme Léger : En premier lieu cela a nous avons élaboré deux outils : une
d’éducation non formelle, nous l’avons nécessité un travail important d’échan- grille d’observation pour aider les adul-
intitulé « Projet d’éducation non for- ges et de discussion autour de l’objectif tes à observer ce que les jeunes mettent
melle à Chambrey ». de ce projet, de ses modalités, du rôle de en œuvre – ou pas – en terme d’initia-
chacun, de la place des jeunes. tives, d’interaction avec les autres, de
Chambrey est une ancienne gare,
réalisation ; et un carnet de bord à desti-
transformée en lieu d’accueil de séjours Il s’agissait d’une classe d’élèves de
nation des jeunes qui constitue leur outil
loisirs, particulièrement orientés « envi- seconde professionnelle « nature, jar-
personnel d’analyse du projet.
ronnement ». C’est une sorte de chantier din, paysage, forêt » accompagnés d’un
éducatif permanent car il y a toujours à enseignant de math/physique, et d’une Il y avait trois types d’activités à
faire. En revanche, il ne s’agit pas de faire enseignante de travaux paysagers. réaliser : une remise en état d’une sta-
de « l’occupationnel », les 3 volets d’acti- tion météo, un jardin médiéval, un four
Au fil des échanges, je me suis rendu
vités que nous avons identifiés avec les trappeur.
compte que ce qui était demandé dans
deux enseignants de Pixérécourt, lors
le cadre de cette expérimentation, c’est Ces trois activités avaient une utilité
de ce projet, avaient une réelle utilité
ce que nous faisions depuis très long- sociale immédiate car nous avions be-
sociale.
temps dans le cadre des formations soin que l’ensemble soit remis en état
d’animation, comme le BAFA par exem- pour accueillir des jeunes durant les
ple ; c’est-à-dire être capable de repérer séjours d’été.
Champs Culturels : Quels sont-ils et com-
et d’évaluer les compétences mises en
ment avez-vous abordé la question de C’est d’ailleurs ce qui a renforcé la mo-
œuvre et/ou construites par des jeunes
la construction des compétences dans le tivation des élèves pour ce projet.
dans le cadre d’activités collectives.
cadre de ce chantier éducatif ?
54 exPériences en lycées agricoles : témoignages

nous avons également utilisé un Champs Culturels : Qu’avez-vous tiré Champs Culturels : Selon vous, quel par-
autre outil qui est le photo langage et comme bilan de cette expérience d’édu- tenariat les associations d’éducation
qui a permis aux jeunes de relater leur cation non formelle ? populaire et les lycées agricoles peu-
expérience lors d’une soirée collective vent-ils (re-)construire ?
jérôme Léger : Que les jeunes ont
en se saisissant d’images qu’eux-mêmes
de nombreuses compétences déjà jérôme Léger : Ce partenariat a existé
avaient réalisées.
construites ! par le passé, mais le retrait du ministère
Cet outil a plusieurs vertus, notam- de l’agriculture des FonJEP a fragilisé
nous nous sommes rendu compte
ment celle de favoriser l’explicitation du les associations d’éducation populaire
que lors du séjour certains ont mis en
point de vue des jeunes sur le projet : ce notamment celles qui développaient une
œuvre, en situation, des savoirs et des
qu’ils ont appris, ce qu’ils ont apprécié et activité en milieu rural.
savoir-faire qu’ils avaient déjà acquis.
pourquoi etc..
Ceci étant, il est très important de
Finalement, ce projet d’éducation
La question des compétences vient tisser des liens avec ces associations, ces
non formelle a permis à bon nombre
après selon moi, il y a d’abord l’enthou- foyers ruraux car c’est une manière pour
de jeunes de révéler des compétences,
siasme autour du projet, le ressenti, les les jeunes de mieux connaître les terri-
de les faire émerger, de les repérer. Ils
premières impressions, et c’est seule- toires, pour certains d’y trouver une acti-
s’apercevaient qu’ils savaient faire plein
ment après, avec le carnet de bord no- vité, pour d’autres d’ouvrir de nouvelles
de choses. Indéniablement, ils en ont tiré
tamment, qu’ils ont réfléchi en termes perspectives d’engagement.
un grand bénéfice, ne serait-ce que sur le
de « compétences », et puis c’est une
plan de l’estime de soi. Les jeunes des lycées agricoles sont
trace de leur travail. Je sais qu’ils l’ont
pour certains engagés dans ces asso-
gardé encore aujourd’hui, pour beau-
ciations, mais pas tous, et le monde
coup d’entre eux.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 55

Aujourd’hui les lieux d’appren-


tissages pour les jeunes sont
très cloisonnés : il y a l’école et
« tout le reste ». Il faut mieux
rural a beaucoup travailler ensemble, les associa- Aujourd’hui les De nouveaux dialogues doivent être
évolué ces derniè- tions d’élèves des lycées agrico- lieux d’appren- construits avec les associations d’édu-
res années dans sa les pourraient être adhérentes tissages pour les cation populaire car nous sommes, nous
sociologie. aux foyers ruraux, ce fut le cas jeunes sont très aussi, en partenariat avec les conseils
par le passé. cloisonnés : il y a régionaux, les collectivités locales, l’édu-
S’engager dans la
l’école et « tout cation nationale. Les associations font
vie associative pour
le reste ». Il faut ce lien en milieu rural, et les élèves des
ces jeunes est complémentaire d’un par-
mieux travailler ensemble, les associa- lycées agricoles font partie intégrante de
cours scolaire, et notre travail d’éduca-
tions d’élèves des lycées agricoles pour- cette jeunesse qui participe pour partie
teur est aussi de les aider à valoriser cet
raient être adhérentes aux foyers ruraux, au renouveau du mouvement rural.
engagement.
ce fut le cas par le passé.

que nous constatons et refusons les réalitésde la vie rurale.


Projet associatif mêmes injustices. À chaque instant,
Bien entendu, le contexte socio-
des Foyers nous vérifions à quel point les attentes
et les révoltes, même si elles revêtent
économique a changé, l’idéologie do-
minante s’est propagée de façon ten-
Ruraux d’autres formes - pouvant dériver vers
des comportements individualistes ou
taculaire –mondialisation des profits,
uniformisation de la « Culture », indivi-
extrémistes -, n’ont rien perdu de leur
dualisme à tout va, réduisant la notion
intensité et de leur gravité.
notre lecture De la situa- de ruralité à son espace géographique,
C’est pourquoi nous tenons plus plutôt qu’à un ensemble d’expériences
tion Des mouvements D’éDu-
que jamais à faire partager nos convic- et de spécificités sociales, politiques,
cation PoPulaire tions, nos actions et à croiser nos culturelles, riches d’une mémoire col-
Au cours de la première moitié du regards et nos actes avec ceux qui, lective qui, comme ailleurs, est mena-
xx° siècle, des rêves, des espoirs, des au-delà du seul mouvement associatif, cée de disparition.
convictions et des luttes ont donné défendent les mêmes aspirations et Toutefois, cet espace géographique
naissance à des formes de citoyenneté, mènent des luttes semblables. détermine des particularités qui amè-
à des manières de vivre ensemble qui Par la diffusion de ce projet associatif, nent les Foyers Ruraux à envisager des
semblent « s’épuiser », au moment nous souhaitons pérenniser un dialo- actions distinctes quant à la forme,
où l’on en ressent pourtant toute la gue ouvert sur le monde, une recher- mais évidemment non différentes sur
nécessité. che qui interroge le monde extérieur le fond (idéologique, social, culturel
de manière plus confiante, avec épa- et pédagogique) de celles qu’ils mè-
L’éducation populaire demeure un nouissement et espoir. neraient s’ils étaient situés en milieu
projet indispensable à la démocratie. urbain.
C’est pourquoi nous avons rappelé de
façon solennelle, au moment de notre Les longues distances, la profusion
notre esPace D’action : le de petites collectivités et les aspects
premier congrès départemental (le 27
rural organisationnels et économiques qui
avril 2002), notre engagement dans
l’action, pour une société démocrati- en découlent, les difficultés du milieu
Héritiers des foyers Paysans nés en
que, pour une culture partagée, pour agricole, les emplois lointains, le mor-
1936, les Foyers Ruraux ont été conçus
les valeurs de la laïcité. cellement géographique du parcours
autour de la Confédération Générale
La raison d’exister de nos mouvements scolaire des enfants, l’isolement de la
de l’Agriculture dans la clandestinité.
d’éducation populaire est, plus que Jeunesse et, bien évidemment, la puis-
À la Libération, les Foyers Ruraux nais-
jamais, d’ouvrir l’accès pour tous à sance et l’arrogance des offres accro-
saient, vitalisés par une équipe de mili-
une réflexion et à des comportements cheuses et infantilisantes d’un certain
tants issus de la Résistance.
responsables, conscients, critiques, environnement culturel motivent et
Parce que nés dans une période
solidaires et citoyens, bref d’aider à la rendent plus urgente encore l’action
d’enthousiasme, de bouillonnement
compréhension et à l’exercice concret des Foyers Ruraux et la nécessité de
créateur, d’euphorie peut-être un peu
des droits et des devoirs. son développement.
naïve pour les vues d’avenir, les Foyers
nous agissons pour la défense des Ruraux portaient en eux une richesse
valeurs républicaines de liberté, d’éga- incomparable de possibilités et de
Source :
lité et de fraternité. nous continuons virtualités qui devront subir l’épreuve
http://foyers-ruraux-moselle.org
à nourrir les mêmes espérances parce de la confrontation avec les rudes
56 exPériences en lycées agricoles : témoignages

« Savoir vivre ensemble,


c’est une compétence
Monsieur ? »
Michel Dardenne,
enseignant de mathématiques/sciences physiques/informatique, Legta de Nancy-Pixérécourt, Lorraine

Dans cet entretien, Michel Dardenne relate l’expérience d’un chantier participatif
conduit avec les élèves d’une classe de seconde professionnelle Gestion des milieux
naturels et de la forêt (GMNF) dans le cadre de l’expérimentation sur le livret de
compétences. Quelle relation a été construite avec le partenaire associatif ? Comment
les élèves se sont engagés ? Quels outils ont été mis en place pour avoir une démarche
réflexive sur l’expérience ?

Champs Culturels : Vous êtes enseignant s’engager dans une réflexion sur le livret Champs Culturels : Comment avez-vous
de mathématiques au Legta de nancy- expérimental de compétences qui pour transformé cette proposition d’expéri-
Pixérécourt, qu’est-ce qui a motivé vo- nous, est très lié à notre mission d’inser- mentation en projet collectif avec les
tre engagement dans cette expérimen- tion des jeunes. jeunes ?
tation sur le livret de compétences ?
Dans mon établissement, j’ai donc Michel dardenne : Il faut d’abord
Michel dardenne : C’est sans doute accepté d’avoir une décharge d’1/2 heure rappeler que nous avons eu des réunions
mon histoire dans l’établissement, par semaine pour m’occuper de cette communes avec les quatre autres éta-
notamment sur le site de Toul où j’ai question d’insertion. blissements de Lorraine, pilotés par le
enseigné en CLIPA (classe d’initiation SRFD, en présence d’intervenants exté-
pré-professionnelle en alternance), en rieurs venus nous éclairer sur la notion
DIMA (Dispositif d’initiation aux métiers Champs Culturels : Quelle relation avez- de compétences, complexe à appréhen-
par l’alternance) donc au contact d’un vous établie avec la fédération des der pour nous qui travaillons dans le
public scolaire qui a besoin d’apprendre foyers ruraux de la Moselle ? monde scolaire…
autrement, qui a besoin de retrouver
Michel dardenne : Effectivement la Suite à cela j’ai travaillé avec le parte-
confiance en lui. Je me suis intéressé aux
question du partenaire est importante. naire associatif pour réfléchir à un projet
questions de remédiation, d’insertion
adapté, et pour construire une grille
de ces jeunes parfois en rupture avec le Pour moi c’est une question de
d’analyse de ce que pourrait être les
monde scolaire. réseau, j’ai un vécu associatif, et par
compétences des jeunes à faire émerger
ailleurs je connaissais Jérôme Léger,
J’adaptais mes cours, pour ces élèves durant ce projet : ce que je sais faire seul,
animateur professionnel à la Fédération
présents une semaine sur deux, en m’ap- ce que je sais faire en étant aidé, ce que
Départementale des Foyers ruraux de
puyant sur leur stage en entreprise pour je sais faire
Moselle, car nous avions déjà travaillé
faire des maths. en partie, etc. Car ce qui nous posait
ensemble avec des élèves en DIMA ainsi
Et puis nous avions une interroga- qu’avec des adultes en CAPA Services en
Les foyers problème dans ce travail
tion sur ces élèves en première année milieu rural (SMR), c’est donc naturel-
ruraux ont sur les compétences,
apporté leur c’était de tomber dans la
de BEPA (à l’époque, aujourd’hui nous lement que j’ai fait appel à lui pour ce
savoir-faire, ils
dirions en seconde professionnelle) qui nouveau projet. facilité de la compilation
construisent
lâchaient, qui décrochaient. d’expériences.
nous partageons la même philoso- des outils de
Et puis il y a eu une réflexion régiona- phie, les valeurs de l’éducation popu- valorisation
le sur cet appel à projet autour du livret laire, travailler à rendre autonomes ces pour les jeunes, nous avons donc élaboré
expérimental de compétences, et la Lor- jeunes, chercher à valoriser leur savoirs, un carnet de bord comme outil de suivi,
raine, par l’intermédiaire de Marie-Fran- savoir-faire car ils en ont, se donner la de traces et de repérage de certaines
ce Rubiello chargée des moyens au SRFD, peine d’aller à leur rencontre différem- compétences.
a proposé à tous les établissements de ment, donner sans attendre en retour.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 57

Car ce qui nous posait problème dans d’éducation à l’environnement et d’ac- Mais nous aurions pu aller beaucoup
ce travail sur les compétences, c’était de tivités sportives de plein air gérée par la plus loin car le site de la structure est
tomber dans la facilité de la compilation fédération des foyers ruraux de Moselle. situé dans un village qui a une grande
d’expériences. Je ne voyais pas l’intérêt charge historique. Annexé par les alle-
L’animateur, responsable du site et
de compiler et de stratifier les expérien- mands en 1870 le village représentait
partenaire du projet a proposé trois ni-
ces des jeunes qui en ont tous plus ou la frontière franco-allemande, il a éga-
veaux d’interventions :
moins. Ce qui me préoc- lement abrité une ancienne gare impé-
• une préparation du
cupe davantage c’est : des riale. nous aurions pu conduire le projet
compétences pour quoi
En revanche j’avais la terrain pour recevoir les
sur d’autres pistes ou rajouter ces volets
faire ? certitude qu’il fallait séjours de jeunes de l’été historiques et culturels.
d’abord vivre quel- (débroussaillage.) et un
En revanche j’avais que chose ensemble travail sur une parcelle
la certitude qu’il fallait
avec ces jeunes avant destiné à accueillir des Champs Culturels : La vie collective
d’abord vivre quelque plantations d’essences
chose ensemble avec ces
d’entrer dans cette rares dans le secteur.
semble avoir été un moment fort sur
jeunes avant d’entrer question des compé- • la remise en état d’un seulement deux jours de chantiers,
dans cette question des tences. jardin médiéval avec repi-
peut-on parler de nouvelles compéten-
ces pour les jeunes ?
compétences. quage de plantes aroma-
tiques qui servent à agrémenter la Michel dardenne : Cet aspect du sujet
cuisine durant les séjours d’été a été l’objet de désaccords en région
Champs Culturels : Quels étaient vos • la réfection d’une station météo lorsque nous avons débattu autour des
objectifs lors de ce projet ? « compétences ». Certains disaient que
finalement les compétences devenaient
Michel dardenne : L’objectif n’était Champs Culturels : Avez-vous pu associer
un grand fourre-tout, intégrant des as-
donc pas de compiler des compétences d’autres enseignants à ce projet ?
pects comme « être capable de se lever
« potentielles », mais plutôt de s’interro-
Michel dardenne : Comme je vous l’ai le matin » ou « être capable de ranger sa
ger sur ce que l’on met en place pour les
dit je suis prof de maths et non ensei- chambre »…
faire émerger, et le cas échéant aider à
gnant « technique ».
en construire. Personnellement je défends le fait
De ce fait, et vu la nature des chan- qu’un gamin qui est parfois le seul de
Je dirai, en exagérant à peine, que
tiers, j’avais à cœur de mobiliser les en- sa famille à se lever le matin afin de se
nous ne pouvions pas savoir à l’avance
seignants techniques de la filière. rendre en cours, développe une forme de
quel serait le résultat final, comment
compétence qu’il faut faire émerger, ne
cela allait se passer exactement. Est-ce Il a donc fallu convaincre que ce projet
serait-ce qu’à ses yeux.
que les jeunes en retireraient quelque avait un sens pour nous, pour les élèves,
chose ? que les compétences que nous souhai- Cela a d’ailleurs été notre principal
tions valoriser chez les jeunes, n’étaient objectif avec Jérôme Léger, l’animateur
Une chose était sûre et c’était ma
pas seulement techniques (car, cela, professionnel : rendre visible, faire émer-
conviction : tous ces jeunes ont des
ils le font déjà) mais aussi d’ordre plus ger des compétences que les jeunes
compétences, certaines bien maîtrisées,
« sociales », que l’on se situait volontai- détiennent mais qu’ils n’identifient pas
d’autres en cours, mais notre volonté,
rement dans un cadre moins formel que comme telles.
c’est de proposer un projet qui ait du
le contexte « cours » ou même travaux
sens pour nous, enseignants, élèves et nous avons dû collectivement organi-
pratiques (TP), etc…
partenaires, de le vivre, et ensuite d’uti- ser notre groupe durant ces deux jours.
liser nos outils réflexifs pour se donner C’est travail explicatif que je trouve
Par exemple, j’avais demandé à la
le temps de la prise de recul, le temps de nécessaire et qui a porté ses fruits
restauration scolaire de nous fournir les
l’analyse avec les jeunes. puisqu’une enseignante technique, as-
matières premières, mais pas de plats
sez dubitative au départ, a accepté de
préparés.
se déplacer et de venir voir le site. Elle
Champs Culturels : Quel a été ce projet ? en a fait une analyse très positive et a nous avons dû confectionner la cui-
constaté qu’il y avait beaucoup d’oppor- sine, faire quelques courses pour tout le
Michel dardenne : C’est un projet de
tunités techniques, qu’il était possible, groupe, se poser des questions de quan-
chantier collectif sur deux jours, au mois
par exemple, d’ouvrir des milieux, bref tité, de budget.
de juin 2011, réalisé à Chambrey sur le
que le travail serait adapté et intéressant
site d’une structure d’accueil de séjours Pour certains, faire la cuisine, monter
pour les jeunes.
58 exPériences en lycées agricoles : témoignages

une tente était complètement nouveau. sa relation amicale. C’est un travail assez lourd à entre-
prendre car cela demande de passer du
Finalement, l’école c’est une figure Cet exercice réalisé à partir des pho-
temps avec chacun des élèves pour l’ac-
imposée, quand on amène les élèves à tos du groupe faites par lui-même a été
compagner dans sa démarche person-
des savoir-faire, comme déterminer une un outil réflexif très précieux.
nelle de transcription de ses expériences.
primitive en maths par exemple, cela
Le carnet de bord a permis d’asseoir
ne laisse pas, à mon sens, beaucoup Un autre souhait est de bâtir un blog
plus précisément les apports du projet
l’occasion de développer son potentiel qui consignerait les activités culturelles,
pour les jeunes, en
personnel… sportives que chacun vit dans sa ville ou
termes de compé-
Ils ont compris là-aussi tences « simples » : son village et qu’il veut faire partager à
Là, nous avons vécu une
la force d’un collec- ses camarades, une sorte de plateforme
aventure qui laisse s’expri- ce que je sais
d’échanges d’informations sportives,
mer le potentiel de chacun, tif qui s’entraide car faire, seul, aidé par
culturelles et de loisirs…
où chacun a sa place parce certaines compétences d’autres, ce que je
qu’on la lui fait, où le collectif n’ont pu être acqui- sais faire en partie, Mais tout cela demande du temps
l’emporte sur l’individuel. ses que grâce à l’aide le pas qu’il me reste que je n’ai pas nécessairement, comme
d’autres camarades. encore à faire, etc. je n’avais pas toujours le temps de réali-
on parle beaucoup d’in-
ser le projet à Chambrey d’ailleurs ! Mais
dividualisation aujourd’hui, Ils ont com-
si on attend d’avoir toujours les heures
à l’école comme ailleurs, « individualisa- pris là-aussi la force d’un collectif qui
pour faire quelque chose…
tion des parcours, des formations. ». s’entraide car certaines compétences
n’ont pu être acquises que grâce à l’aide J’ai dû parfois déplacer des cours,
nous avons plutôt travaillé sur le
d’autres camarades. m’arranger avec les collègues pour rat-
collectif et démontré la force du groupe
traper mes cours.
quand il est solidaire et organisé. Un
élève a dit en séance de photo-lan- Mais je m’investis car cela a du sens
Champs Culturels : Et maintenant, la
gage, « l’union fait vraiment la force pour moi, quand vous voyez que certains
suite ?
finalement ». jeunes aujourd’hui préfèrent qu’on leur
Michel dardenne : Effectivement il y mette tout de suite « o/20 » plutôt que
Je défends le fait que des compéten-
aura une suite, plus formelle celle-là. de rendre le travail car ils sont persuadés
ces ont émergé à travers la vie collective,
qu’ils sont nuls…
l’organisation quotidienne. D’ailleurs La région Lorraine
nous avons construit deux outils pour s’est doté d’un outil
travailler sur la réflexivité : le photo-lan-
J’ai un jeune qui m’a dit
appelé le Lorfolio qui
gage et le carnet de bord. est en ligne à la dispo-
dernièrement « J’ai peur Champs Culturels :
sition de chacun. de ne pas avoir de tra- donc valoriser des
vail ». compétences construi-
Je l’ai testé et ce À 15 ans ! Vous vous ren- tes dans le cadre d’une
Champs Culturels : Pouvez-vous nous en
travail m’a conduit à éducation non-for-
dire davantage sur ces outils ? dez compte, il a déjà peur
une réflexivité que je melle, devrait pouvoir
à 15 ans… C’est dramati- être possible selon
Michel dardenne : Le photo-langage ne prends pas le temps
s’est construit petit à petit par les pho- d’avoir sur mon par-
que. Il a peur car il ne sait vous dans le cursus
tos que tout le groupe a faites. cours professionnel, pas ce qu’il est capable scolaire ?
or comme les jeunes, de faire. En explicitant ses
nous avons imprimé ces photos le capacités, il va commen- Michel dardenne :
nous avons aussi, nous
jour du bilan, et demandé à chaque élève oui ça a un sens, au
adultes, des compé- cer à reprendre confiance.
d’en choisir deux et de commenter ce moins du point de vue
tences qui restent à
choix. de la confiance en soi,
construire, d’autres que nous maîtrisons
voire de la connaissance de soi. Il y a des
Des éléments passionnant sont res- etc. c’est bien d’avoir fait ce travail ré-
jeunes aujourd’hui qui ne savent pas
sortis de cette aventure collective. flexif sur son parcours quand on le mène
qu’ils savent faire ! Si on ne va pas les
avec des jeunes.
Par exemple, une élève a retenu une « chercher », ils ne font pas ce travail sur
chose qui lui paraît la plus importante, Mon objectif dans le courant de l’an- eux-mêmes.
elle sait désormais que sa copine sait née est d’amener les élèves à s’en empa-
J’ai été formé à l’entretien d’explici-
jouer de la guitare. Elle la voit différem- rer, à l’adapter à leur situation afin qu’ils
tation, il vise précisément à faire émer-
ment, et surtout elle se rend compte puissent s’en servir de manière durable
ger chez l’autre ses savoir- faire, ses
qu’elle était passée à côté de cela dans et y consigner leurs expériences.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 59

capacités. Et pour cela nous n’avons pas capacités, il va commencer à reprendre


besoin de connaître le milieu profession- confiance.
nel ou scolaire dans lequel il évolue. Il
Personnellement, c’est seulement
suffit d’être à l’écoute de ce qui est dit
aujourd’hui à 45 ans que je réalise qu’il
et de savoir reformuler.
y a des choses que je sais faire, qu’on
J’ai un jeune qui m’a dit dernièrement ne pourra pas m’enlever. Mais je sais les
« J’ai peur de ne pas avoir de travail ». faire depuis longtemps !
À 15 ans ! Vous vous rendez compte, il Je n’ai pas envie qu’ils attendent tout
a déjà peur à 15 ans… C’est dramatique. ce temps. nous avons une mission d’in-
sertion sociale et professionnelle, à nous
Il a peur car il ne sait pas ce qu’il
de la remplir.
est capable de faire. En explicitant ses

etaBlissement : legtPa De nancy Pixérecourt


ConTEnU DU LIVRET
Domaines concernés :
• Vie civique et citoyenne
• Environnement/Développement durable
Champs :
• Cadre scolaire au-delà des disciplines

MéTHoDE DE REConnAISSAnCE, D’éVALUATIon ET DE VALIDATIon DES CoMPéTEnCES


• Transmission d’un « Carnet de bord » aux élèves, destiné à être rempli au cours d’un séjour de 2 jours ;
• Par les enseignants et un intervenant, pendant les 2 jours : observation des compétences mises en œuvre,
sur base d’un guide d’observation.

MoDALITéS D’ACCoMPAGnEMEnT DES JEUnES


• A partir d’activités concrètes, sensibilisation à la notion de compétence ;
• Présentation du Carnet de bord à l’ensemble du groupe ;
• Suite au séjour : Restitution collective sur ce que les élèves ont indiqué dans le Carnet de bord, leur ressenti…

ConDITIonS DE L’APPRoPRIATIon DU LIVRET PAR LES JEUnES


• Accueil positif, Carnet rempli par la majorité des élèves, de par les principes adoptés :
• Se baser sur une activité concrète ;
• Adopter un support sous un format attractif ;
• S’appuyer sur un partenariat extérieur.

ConDITIonS FAVoRABLES À L’IMPLICATIon DES PAREnTS


Parents non impliqués à ce stade de l’expérimentation

Extrait du bilan intermédiaire 2010-2011 réalisé par Corinne BoRnET - Cabinet Résonance psychologie du travail et des organisations - Sur l’expérimentation
conduite dans 5 lycées agricoles de Lorraine.
60 exPériences en lycées agricoles : témoignages

Valoriser les parcours


sans créer d’inégalités
Corinne Kocevar
enseignante de français/histoire-géographie, lycée agricole de Courcelles-Chaussy, Lorraine.

Dans cet entretien, Corinne Kocevar développe le contenu de l’expérimentation autour


du livret de compétences qui s’est déroulée dans son établissement à partir d’un
projet d’EIE (Enseignement à l’initiative de l’Etablissement) de nature artistique.
Elle évoque les bénéfices indéniables que les jeunes retirent de cette approche par
compétences sans oublier toutefois de mettre à jour quelques limites au dispositif qui
doit s’accompagner de garde-fous solides pour ne pas créer d’inégalités supplémen-
taires entre les parcours de jeunes.

Champs Culturels : Pourquoi vous êtes– tant que les garde-fous ne sont pas mis un problème d’égalité de traitement des
vous lancée dans l’expérimentation re- en place. Mais nous n’en sommes qu’à la jeunes.
lative au livret de compétences ? phase d’analyse des expérimentations.
Enfin il y a l’utilisation professionnelle
Corinne Kocevar : Je suis correspon- de ce livret qui peut également poser
dante régionale pour la mission « inser- problème si les jeunes ne sont pas cor-
Champs Culturels : de quelles réserves
tion » et c’est à ce titre que j’ai vu un rectement accompagnés.
s’agit-il pour vous ?
intérêt à cette expérimentation. Dans le
cadre de cette mission d’insertion, nous Corinne Kocevar : Les réserves sont
questionnons le parcours des jeunes, de plusieurs ordres, et dans un premier Champs Culturels : Comment s’est faite
leur orientation et leur insertion. Expéri- temps il y a le danger d’un dispositif qui la présentation de ce livret expérimen-
menter un dispositif qui propose de va- aurait un caractère obligatoire. En effet, tal aux élèves ?
loriser, dans le cadre scolaire, des compé- que faire si des jeunes ne veulent pas,
Corinne Kocevar : nous n’avons pas
tences acquises par les jeunes hors cadre ou n’ont rien à proposer en termes d’ex-
souhaité faire une présentation a priori
scolaire me semblait intéressant. périences ? Par exemple dans le cas de
de ce livret, ni de la notion de compéten-
notre expérimentation, nous avons des
Intéressant mais non dénué de ces. nous avons préféré entrer dans le
élèves qui n’ont pas souhaité faire cette
risques. dispositif par le projet.
démarche réflexive.
En effet, sous Ce projet a pris la forme d’un EIE
Deuxième réserve :
l’impulsion de Marie- (enseignement à l’initiative de l’établis-
France Rubiello à l’épo-
Des réserves sont appa- même si ce livret ve-
sement) en seconde professionnelle Tra-
que en poste au SRFD rues lors de ces échanges, nait à être facultatif vaux paysagers et Agroéquipement, soit
réserves qui à mon sens et construit avec les
Lorraine, un groupe de environ 55 élèves.
ne sont pas levées sur élèves volontaires, il y a
travail s’est constitué
le risque de l’utilisation Des enseignants «techniques», mais
autour de cette expéri- un tel dispositif tant que
en conseil de classe par aussi de français/histoire-géographie,
mentation. nous avons les garde-fous ne sont
exemple. éducation physique et sportive, éduca-
pu creuser la notion pas mis en place. Mais tion socioculturelle ont participé à l’ac-
de compétences avec nous n’en sommes qu’à Partant d’un bon
compagnement de cette action intitulée
l’appui d’intervenants la phase d’analyse des sentiment, celui de
« nature, sculpture, soudure » avec l’ob-
extérieurs et réfléchir valoriser le parcours
expérimentations. jectif de faire des réalisations plastiques
à ce qu’elle signifiait de l’élève, nous pour-
et végétales qui seraient valorisées lors
pour les jeunes que rions déboucher sur
du printemps d’Urville, grande mani-
nous accueillons en lycée agricole. une pénalisation d’un jeune qui n’a pas
festation d’horticulteurs de Lorraine et
souhaité remplir son livret, ou qui a un
Des réserves sont apparues lors de d’autres régions. Les réalisations étaient
livret vide, au profit de celui qui prati-
ces échanges, réserves qui à mon sens variées et de grande qualité : mur vé-
que de multiples activités et qui peut le
ne sont pas levées sur un tel dispositif gétal, cabane, traces de pneus, fourmis
remplir aisément. nous nous heurtons à
exPériences en lycées agricoles : témoignages 61

géantes. Elles ont été présentées par les Corinne Kocevar : oui et non, car dès Une partie des élèves est très motivée
jeunes au public lors de cet événement. le début du projet certains jeunes se par cette deuxième étape que je vais as-
sont beaucoup investis et d’autres beau- surer après les vacances de Toussaint car
C’est à l’issue de ce projet que nous
coup moins. beaucoup de nos jeunes ont fait appa-
avons présenté aux jeunes le travail
raître leurs compétences dans différents
d’identification des compétences que Par exemple, ils ne sont pas tous ve-
domaines (BAFA, pompiers, responsabi-
nous allions faire ensemble. nus au Printemps d’Urville qui se dérou-
lités dans l’ALESA.) et voudraient mettre
lait un week-end.
en forme tout cela dans un parcours.
Mais ceux qui sont venus en ont retiré
Champs Culturels : de quels outils dispo- D’autres nous ont fait part de leur
une grande satisfaction et ont pu repé-
siez-vous pour ce travail, et plus généra- souhait d’être mis en contact avec des
rer quelles compétences ils avaient dé-
lement quel type d’outil est requis dans associations, voire de s’engager bénévo-
veloppé lors de cet événement, notam-
une approche par compétences ? lement (associations environnementa-
ment la capacité à expliciter leur travail.
les, caritatives, animation.).
Corinne Kocevar : nous avons
En revanche, les entretiens conduits
construit un référentiel de compétences J’essaie de voir actuellement com-
en groupe sont toujours ambivalents
en adaptant le référentiel professionnel ment concrétiser ces envies qui sont
car ils rassurent les jeunes d’une cer-
des compétences qui nous avait été pré- nées de ce travail d’expérimentation et
taine manière mais mettent en avant
senté en session de formation régionale. qui me semblent très bénéfiques pour
ceux qui ont le plus de facilités à l’oral
ces jeunes.
Au regard du projet « nature, Sculp- au détriment des autres. nous avons
ture, Soudure », nous avons simplifié ce quand même constaté qu’à l’issue des
référentiel et retenu les pôles de com- entretiens qui avaient pour support une
Champs Culturels : Au regard des pre-
pétences qui nous semblaient être en grille d’identification des compétences,
miers entretiens conduits, quel bilan ti-
jeu dans ce projet artistique au regard certains élèves avaient vraiment adhéré
rez-vous de cette expérimentation pour
des situations que les élèves allaient à cette approche et souhaitent poursui-
vous, enseignants, et pour les jeunes ?
rencontrer. vre aujourd’hui.
Corinne Kocevar : Pour les ensei-
Trois pôles de compétences se dé-
gnants le travail de réflexion autour des
gageaient : Initiative, réalisation et
Champs Culturels : Précisément, où en compétences a permis de nous interro-
interaction, chacun relié à des capacités
êtes-vous de l’expérimentation ? ger sur plusieurs éléments : la notion de
à mettre en œuvre (faire des choix com-
compétence bien sûr, quelle définition
patibles avec le respect de l’environne- Corinne Kocevar : nous la poursui-
en donner dans le cadre de l’école ? En
ment, se situer dans l’environnement vons sur l’année 2012.
quoi cette approche par compétences
local.).
Des entretiens individuels vont être pouvait nous apporter une autre ma-
A l’issue de l’événement, nous avons conduits avec l’objectif d’accompagner nière de travailler avec les jeunes ?
conduit des entretiens en groupe avec le les jeunes dans l’utilisation du Lorfo-
Pour nous enseignants,
référentiel simplifié. lio, un livret numérique
c’est une posture nou-
de compétences créé à (…) beaucoup de
Mais la question de l’outil est très velle qui n’est pas sans
l’initiative de la Région nos jeunes ont fait
importante en effet, car ce travail peut poser questions à certains
Lorraine. nous avons eu
s’avérer très contre-productif si l’on uti- apparaître leurs collègues. Par exemple
une formation autour de
lise des outils « au rabais » du type ques-
cet outil pour le présenter
compétences dans certains s’interrogent sur
tionnaire « ce que je sais faire, ce que je
aux jeunes et les aider à différents domaines notre capacité à valider
ne sais pas faire, ce que j’ai déjà fait »
le renseigner. Il a l’avan- (BAFA, pompiers, des compétences.
sans accompagnement, sans projet. responsabilités dans
tage d’avoir plusieurs Pour ma part, je pense
Certains de nos élèves seront imman- niveaux d’entrées selon l’ALESA.) et vou- que l’enjeu ne se situe
quablement dans le discours « encore un l’utilisation que l’on veut draient mettre en pas là, il est bien plus
truc où je suis nul ». en faire : consigner des forme tout cela dans modeste mais très impor-
expériences, les traduire un parcours. tant cependant : du côté
en compétences, sortir un des enseignants, cette
Champs Culturels : Comment se sont curriculum vitae papier expérimentation nous a
passés ces entretiens, les élèves ont-ils adapté à la demande d’emploi que l’on amené à considérer les jeunes au-delà
été réceptifs à ce travail ? veut faire etc. de leur parcours scolaire stricto sensu,
et au-delà de notre discipline. D’où les
62 exPériences en lycées agricoles : témoignages

réticences de certains collègues, car cela nombreuses, ou peu lisibles, ou encore Il faut respecter le choix de certains
nous oblige à nous décentrer. en construction, sans être accompagné. qui n’auraient pas envie de se lancer
dans ce travail, nous devons faire en
Pour les jeunes, il me semble que l’ap- Le deuxième apport est la valorisation
sorte que chaque élève y voit un béné-
port se situe en premier lieu autour du du jeune à travers ce travail, l’émergence
fice, mais chacun doit être libre d’établir
travail d’explicitation de leur parcours, de ses capacités à ses propres yeux. Pour
ce livret ou pas.
sans être « jugé ». Le travail d’explicita- les élèves en difficultés scolaires, cela
tion du parcours en lui-même est d’une peut être très positif. Enfin, aider les jeunes à valoriser leurs
très grande richesse pour nos élèves. parcours sur des compétences construi-
D’ailleurs c’est eux qu’il faut « aller
Cela me semble bien plus important tes dans le cadre de projets, dans le ca-
chercher » car ils ne sont pas deman-
que le débat sur « valider ou pas les dre de loisirs c’est une très bonne chose,
deurs d’un tel dispositif, en revanche
compétences ». utiliser cela dans le parcours scolaire
s’il est bien réfléchi en amont, ce travail
c’est autre chose. Pour ma part, tant que
Mais ce travail nécessite des moyens sur les compétences peut être un grand
des garde-fous ne sont pas posés à ce
en terme de temps et d’accompagne- atout, spécifiquement pour ceux qui ont
sujet, il me semble que cela constitue un
ment, car on ne peut pas aborder un besoin de reconquérir une estime de soi
frein à la généralisation.
travail d’explicitation sur ses compé- et une confiance scolaire.
tences, a fortiori quand elles sont peu

etaBlissement : legtPa De courcelles - chaussy


ConTEnU DU LIVRET

Domaine concerné : Action et développement culturel

Champ : Cadre d’éducation formelle hors les situations évaluées scolairement

MéTHoDE DE REConnAISSAnCE, D’éVALUATIon ET DE VALIDATIon DES CoMPéTEnCES


En amont du projet EIE « Soudure, nature, Sculpture » :
Sur base des objectifs pédagogiques du projet et du Référentiel CCSP, identification des compétences susceptibles d’être
mobilisées/développées dans le cadre du projet.
Suite au Printemps d’Urville, au cours de laquelle les élèves ont présenté leurs œuvres au public :
• Entretiens en sous-groupes sur les compétences développées à l’occasion du projet ;
• Transmission aux élèves d’un document recensant, par objectif pédagogique, les compétences associées au projet, à
remplir individuellement.

MoDALITéS D’ACCoMPAGnEMEnT DES JEUnES


• En cours de projet, présentation aux élèves des objectifs du livret, avec mise en avant de la fonction de valorisation ;
• Prévu pour la rentrée scolaire : échanges sur les compétences développées, sur base des documents remplis par les élèves
et des notes prises par les enseignants au cours des entretiens collectifs.

ConDITIonS DE L’APPRoPRIATIon DU LIVRET PAR LES JEUnES


• Réactions plutôt positives à la transmission du livret ;
• À observer à la rentrée : l’enrichissement effectif du livret et le nombre de livrets toujours en possession des élèves.

ConDITIonS FAVoRABLES À L’IMPLICATIon DES PAREnTS


• Parents invités à se rendre au Printemps d’Urville pour prendre connaissance des œuvres réalisées ;
• Pas d’implication directe sur le livret à ce stade de l’expérimentation.

Extrait du bilan intermédiaire 2010-2011 réalisé par Corinne BoRnET – cabinet Résonance psychologie du travail et des organisations - sur l’expérimentation
conduite dans 5 lycées agricoles de Lorraine.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 63

Une proposition d’outil


informatique pour valoriser
les expériences
socioculturelles des jeunes
Patrick Lagneau
est enseignant en éducation socioculturelle au Legta de Bar-le-Duc, EPL Agro de la Meuse.

Dans cet entretien, Patrick Lagneau propose l’utilisation d’un outil informatique
créé récemment au sein de son établissement avec d’autres collègues pour aider les
jeunes à repérer et analyser leurs expériences socioculturelles. Cette démarche vise à
faciliter la formalisation et la valorisation du parcours de ces jeunes.

Champs Culturels : Qu’est ce qui vous a pratique du jeune pour lui proposer des Champs Culturels : En quoi est-ce per-
amené à vous interroger sur les parcours pistes soit dans le cadre de l’ALESA(2), tinent de valoriser les expériences so-
culturels des jeunes et les compétences soit dans le cadre de l’offre culturelle et cioculturelles des jeunes dans le cadre
potentiellement construites dans le socioculturelle de nos territoires. scolaire ?
cadre de ce parcours ?
Patrick Lagneau : Je me suis aperçu,
Patrick Lagneau : J’ai participé à un
au cours de ma carrière d’enseignant en
stage de formation à Paris en mars 2011 Champs Culturels : Et pour ceux qui
éducation socioculturelle, que j’appre-
intitulé « Parcours culturel des jeunes et n’auraient rien comme expériences ?
nais parfois par hasard, en fin d’année,
livret expérimental de compétences »
Patrick Lagneau : L’outil que nous la pratique artistique de tel ou tel élève
et cette notion de parcours culturel m’a
avons construit permet de valoriser à l’extérieur, l’engagement associatif de
interpelé, mais plus encore, c’est l’idée
toutes les expériences y compris celles tel autre…
du diagnostic qui m’a intéressé. Car il
que les élèves n’identifient pas comme
s’agit d’aider nos élèves à repérer leurs J’aurai pu travailler autrement avec
des expériences. Prenons l’exemple du
pratiques, leurs expériences, leurs com- ces jeunes si j’avais eu connaissance de
domaine intitulé « Cinéma ». Dans ce
pétences en matière socioculturelle. ces éléments avant.
domaine il y a l’onglet « je suis specta-
teur », ce n’est pas une compétence en Par exemple encore dernièrement
soi. Mais cela peut donner des indices j’apprends d’un jeune qu’il est président
Champs Culturels : Quel est l’intérêt d’un
au tuteur pour conseiller au jeune des de son club de moto-cross, et qu’à ce
tel diagnostic pour les jeunes ?
pistes à exploiter, car au-delà de l’as- titre il est très engagé dans le fonction-
Patrick Lagneau : C’est d’abord per- pect ludique évident, sa démarche n’est nement de son club, il est impliqué dans
mettre au jeune d’avoir une trace tan- pas anodine en termes de curiosité l’organisation des compétitions, super-
gible de son parcours qui peut ensuite artistique. vise le budget, anime les conseils, donc
servir de base – s’il le souhaite - pour baigne dans la communication.
nous avons imaginé cet outil comme
entamer un dialogue avec un tuteur sur
un moyen de valoriser les parcours des or l’ALESA ne propose pas d’activités
tel ou tel aspect.
jeunes, quels qu’ils soient. on ne peut autour des sports mécaniques. Donc
Concrètement, il matérialise son pro- pas se permettre de construire des outils ce jeune n’avait, a priori, aucune raison
pre parcours. dans le champ des compétences non d’évoquer cet engagement associatif, à
formelles qui soient au détriment des la nuance près qu’en tant que telle, cette
Le deuxième intérêt pour nous, ensei-
jeunes. Ce serait catastrophique. Et pour activité fait entièrement partie du dia-
gnants d’ESC(1), et à condition que les
eux, et pour nous. gnostic des pratiques de nos jeunes, car
jeunes soient d’accord pour échanger,
l’activité associative quel que soit son
c’est mieux connaître la situation de
domaine (culturel, sportif, citoyen.) exige
des compétences communes.
(2) Association de Lycéens, Etudiants, Stagiaires et
(1) éducation Socioculturelle Apprentis Le diagnostic des pratiques
64 exPériences en lycées agricoles : témoignages

ECRAN DE LA PAGE UTILISEE PAR L’ELEVE


POUR ETABLIR SON DIAGNOSTIC

Tableau 1

socioculturelles des jeunes est décon- Champs Culturels : Pouvez-vous nous technique… etc.
necté dans un premier temps de ce que présenter cet outil ?
Chaque « domaine » est décliné en
le lycée propose, il s’intéresse d’abord à
Patrick Lagneau : Il se présente d’une « sous-domaines » puis en « compéten-
ce que le jeune fait. Ce qu’il est, à travers
manière très simple pour permettre un ces » : ce que je sais faire ou suis capable
son vécu.
accès facilité à tous. nous l’avons conçu de faire dans cette activité (Cf. tableau
C’est seulement ensuite qu’il nous en totale collaboration avec le responsa- 2). L’arborescence est volontairement
faut imaginer les liens avec les associa- ble informatique du lycée qui a apporté très simple.
tions du territoire par exemple, ou dans son aide et son savoir-faire.
En termes de parcours culturel et de
le cadre de notre offre
Concrètement une compétences il était très difficile d’être
au lycée, pour proposer Le diagnostic des prati-
vingtaine de domai- exhaustif, car les jeunes ont des activités
des pistes aux jeunes
ques socioculturelles des nes (Cf. tableau 1) très variées. Un élève pompier volontaire
qui le souhaitent.
jeunes est déconnecté composent le site, et par exemple, doit pouvoir valoriser son
Selon moi, il ne doit dans un premier temps je peux dire qu’avec activité en utilisant cet outil (en l’occur-
pas y avoir d’interfé- de ce que le lycée pro- mon collègue Lionel rence dans l’onglet « communication »
rences avec la scolarité pose, il s’intéresse d’abord Faivre, également en- qui décline des activités « en associa-
et encore moins de à ce que le jeune fait. Ce seignant en éducation tions », en « milieu professionnel » etc.)
caractère obligatoire. socioculturelle, nous
qu’il est, à travers son Afin d’écarter tout risque d’échec du
nous aidons ces jeunes avons essayé d’être
à formaliser un par-
vécu. exhaustifs pour couvrir
jeune face à son diagnostic, nous offrons
dans chaque menu déroulant, que ce
cours, à enrichir un CV, le plus grand nombre
soit pour les domaines, sous domaines
mais c’est dans son seul intérêt (trouver d’activités socioculturelles pratiquées
ou compétences, la possibilité de cocher
un job plus facilement l’été ou plus par les jeunes en ouvrant systématique-
une case « AUTRE ». Cette réponse est
tard) et seulement s’il le souhaite. nous ment la possibilité à différents niveaux
un angle d’attaque évident pour le tu-
avons (et là je pense à toute la commu- de pratique.
teur avec qui le jeune souhaite parler de
nauté éducative) un rôle d’information
Par exemple pour le Théâtre : son diagnostic.
et d’accompagnement sur ce type de
Théâtre-lecture/ Théâtre-Ecriture/Théâ-
démarche. Il faut dire à ce sujet que les activi-
tre-pratique/Théâtre-spectacle/Théâtre-
tés réalisées « en cours » autour de ces
exPériences en lycées agricoles : témoignages 65

EXEMPLES DE DOMAINES,
SOUS DOMAINES ETCOMPETENCES
DOMAINES SOUS-DOMAINES COMPETENCES
J'écris des scénarios
ECRITURE Je rédige des fiches sur le cinéma
Autre
J'ai déjà participé à un film professionnel
en tant que figurant
J'ai déjà participé à un film professionnel
REALISATION en tant qu'acteur
J'ai déjà participé à un film professionnel
sur le plan technique
CINEMA Autre
Je vais voir des films
Je sais analyser un film que j'ai vu au
EN SPECTATEUR
cinéma et en faire une critique argumentée
Autre
Je me documente sur le cinéma avec des
ouvrages spécialisés
CINEMA-PASSION Je sais animer un débat sur un film avec
un public
Autre
J'ai animé un conseil d'administration
J'ai animé une assemblée générale
EN ASSOCIATION J’ai été membre du CA
J’ai été responsable de club
Autre
J'ai été délégué de classe
COMMUNICATION J'ai participé à un conseil d'administration
AU LYCEE du lycée
J’ai participé au conseil intérieur
Autre
J'ai participé à une réunion au cours d'un
EN MILIEU
stage
PROFESSIONNEL
Autre

AUTRES DOMAINES
ARTS PLASTIQUES RADIO-ANIMATION THEATRE-SPECTACLE

DANSE RADIO-TECHNIQUE THEATRE-TECHNIQUE


LITTERATURE-
SON-ACTIVITES DIVERSES VIDEO-ECRITURE
ECRITURE
LITTERATURE- SONS ET LUMIERES-
VIDEO-PRATIQUE
LECTURE SPECTACLES
SONS ET LUMIERES-
MUSIQUE VISITES CULTURELLES
TECHNIQUE
POESIE-ECRITURE THEATRE-ECRITURE
POESIE-LECTURE THEATRE-LECTURE AUTRES
PHOTOGRAPHIE THEATRE-PRATIQUE

Tableau 2
66 exPériences en lycées agricoles : témoignages

Diagnostic Culturel
Jean DUPONT BAC PRO 2 BIT
Objectif
Domaines Sous-domaines Compétences Niveau
Communication
Au lycée
J'ai été délégué de classe Débutant

J'ai participé à un conseil d'administration du Débutant


lycée
Littérature
Lecture
Je lis des BD Confirmé

Musique
Pratique d'un instrume
Je joue dans un groupe Débutant

Théâtre
Pratique
Je sais créer des décors Débutant

Vidéo
Pratique
Je sais numériser des rushes (dérushage et Débutant
numérisation)
Je sais utiliser une caméra vidéo (cadreur) Confirmé

Tableau 3

domaines peuvent également être men- amphithéâtre pour présenter l’outil de Champs Culturels : Comment imaginez-
tionnées : il ne s’agit pas de s’intéresser manière active et surtout faire émerger vous l’accompagnement des jeunes car
qu’aux activités extrascolaires mais à l’intérêt qu’il peut représenter pour eux. l’outil est d’une utilisation volontaire-
toutes les activités que les jeunes entre- ment très simplifiée ?
L’idée est de leur permettre de « re-
prennent dans ces champs d’expression.
garder » leur parcours, voire de le lire, Patrick Lagneau : L’accompagnement
Le parcours d’un jeune est riche de tou-
puisque nous avons prévu que le jeune est un gros enjeu car certains jeunes ne
tes les expériences, celles vécues dans
puisse imprimer un document qui for- tiennent pas spécialement à dévoiler
un cadre formel et celles relevant d’une
malise tout ce qu’il a leur parcours extrasco-
éducation non formelle.
indiqué (Cf. tableau 3). Et laire, d’autres au contraire
L’accompagnement
selon ce que nous avons prennent plaisir à en dis-
imaginé, il pourra tou-
est un gros enjeu car cuter. Bref il faut trouver
Champs Culturels :où en êtes-vous de
jours visualiser une chose certains jeunes ne la bonne distance dans
ou une autre. L’objectif est tiennent pas spécia-
l’utilisation de cet outil ?
cet accompagnement
Patrick Lagneau : Il est finalisé après qu’il ne se retrouve pas lement à dévoiler et ça peut-être « casse-
de nombreuses heures de travail chacun devant une feuille blan- leur parcours extras- gueule » parfois. Ce qui
dans nos compétences ! che. D’un autre côté, si un colaire, d’autres au suppose de se former à
nous allonsjeudi
maintenant réfléchir à sa
élève se lance dans cette contraire prennent l’accompagnement, à l’en-
18 octobre 2012
présentation et aux modalités de son
démarche de diagnostic, plaisir à en discuter. tretien d’explicitation
Page 1 sur 1 si
puisqu’elle est volontaire, besoin etc.
utilisation car il faut un accès facilité aux
c’est qu’il a de la matière
ordinateurs et des adultes volontaires Pour ma part, ce travail d’explicita-
à valoriser. Et il le sait. D’où l’importance
pour accompagner les jeunes dans sa tion avec les jeunes concernant leurs
de faire passer le message de la valorisa-
prise en main, même si je pense qu’elle activités socioculturelles, leurs expé-
tion de parcours lors de la phase « pro-
va être très rapide de leur part. riences, leurs compétences, me paraît
motionnelle » à l’amphithéâtre.
totalement partie-prenante de notre
Pour le reste, l’équipe de direction est
C’est une opportunité qu’on leur of- métier d’enseignant en éducation
très favorable à mes initiatives et me
fre, ils la saisissent ou pas, c’est à eux de socioculturelle.
soutient dans cette démarche.
décider mais s’ils la saisissent, c’est qu’ils
Quoiqu’il en soit, cela va passer sont aussi favorables à l’accompagne-
par une réunion de tous les élèves en ment d’un tuteur.
exPériences en lycées agricoles : témoignages 67

Cheminer vers l’autonomie et


la culture d’établissement
Lou Coupelon-Dumons
enseignante en lettres-histoire, au lycée Kyoto de Poitiers.

Marielle Lacheteau,
enseignante en mathématiques, au lycée Kyoto de Poitiers.

Arnaud Peuch,
enseignant en éducation socioculturelle, au lycée Kyoto de Poitiers.

Ce texte retrace l’expérimentation conduite au lycée Kyoto de Poitiers sur le livret de


compétences. Outre la spécificité de l’établissement sous la double tutelle des minis-
tères chargés de l’éducation nationale et de l’agriculture, le choix des équipes s’est
porté dans un premier temps sur une articulation de dispositifs existants (aide person-
nalisée, tutorat.) pour travailler l’ensemble des aspects de l’insertion des jeunes. Un
premier bilan a montré les pertinences mais aussi les limites d’un dispositif global.

Au lycée Kyoto à Poitiers, l’expéri- et savoir-faire à travers une pratique Au terme de la période, chaque
mentation sur le livret de compétences tranvsersale. groupe d’élèves devait faire un bilan col-
bénéficie depuis le départ d’une double lectif de l’atelier indiquant par exemple
Ainsi, pour la quatrième année
culture émanant de la double tutelle du quels types d’apprentissages avaient été
consécutive, tous les primo-arrivants de
lycée : éducation nationale et Enseigne- construits collectivement.
l’établissement bénéficient d’un module
ment Agricole.
hebdomadaire d’une heure et demi à tra- Puis chaque élève faisait un bilan indi-
Deux enseignantes pilotent le disposi- vers lequel ils expérimentent différentes viduel avec son tuteur (un des adultes du
tif, Lou Coupelon-Dumons, enseignante activités dans le cadre d’ateliers pluridis- dispositif qui n’était pas forcément celui
en Lettres-Histoire, et Marielle Lache- ciplinaires animés par deux adultes de qui avait animé l’atelier, mais un adulte
teau, enseignante en Mathématiques. l’établissement. référent pour l’élève).
Le comité de pilotage, composé d’une Ce sont les adultes (enseignants, in- Enfin le tuteur pouvait proposer à
douzaine d’enseignants, a choisi d’inté- firmière, conseillers principaux d’éduca- l’élève un suivi plus personnalisé, en de-
grer dans le cadre de l’Accompagnement tion, informaticiens…) qui proposent ces hors des séances balisées, sous la forme
Personnalisé, deux dispositifs complé- ateliers ; les élèves s’y inscrivent libre- d’un tutorat, à la demande de l’élève.
mentaires : le tutorat et l’approche par ment pour une période donnée (2, 3 ou 4
Si les ateliers constituaient un sup-
compétences avec son semaines consécutives).
port permettant de réinvestir l’approche
outil numérique. Jusqu’à l’année Jusqu’à l’année der- par compétences, des entretiens indivi-
Le tutorat est envisagé dernière, ces ateliers nière, ces ateliers étaient dualisés réalisés en début d’année sco-
comme cadre et support étaient l’occasion de l’occasion de travailler les laire permettaient d’aider chaque jeune
d’accompagnement du travailler les compé- compétences dans une à comprendre le sens de cette démarche
jeune dans la valorisation tences dans une ap- approche non scolaire et et offraient la possibilité de travailler
de ses compétences. proche non scolaire transversale : par exemple avec eux sur le champ de leurs activités
L’approche par com- et transversale (…) un groupe d’élèves a tra- extra ou péri-scolaires.
vaillé sur le suivi de pro-
pétences consiste pour L’objectif consistait à s’appuyer sur ce
duits allant du producteur
l’équipe à proposer aux jeunes des type d’ activités (extra ou péri-scolaires)
au restaurant dans un atelier intitulé
ateliers (vidéo/philo, bande-dessinée/ pour permettre à chaque jeune de faire
“de la terre à l’assiette”, d’autres élèves
histoire, math/cuisine…) dans lesquels ils émerger ses propres expériences sa-
ont suivi un atelier “stop motion” dans
vont pouvoir découvrir, par petits grou- chant que les adultes avaient été formés
lequel il était question de travailler sur la
pes, une nouvelle approche des savoirs à l’entretien d’explicitation.
conceptualisation et le travail en groupe.
68 exPériences en lycées agricoles : témoignages

A partir de l’identification et de l’ex- qu’ils comprennent de quoi il retourne et


plicitation par le jeune des compétences qu’ils aient le même niveau d’informa-
activées dans différentes situations, il tion sur cette démarche. C’est seulement
lui était proposé de présenter l’expé- ensuite qu’ils choisissent de suivre ou
rimentation aux partenaires référents non un atelier.
(associatifs, péri-scolaires…) et ainsi faire
Les durées des séquences d’ateliers
attester l’acquisition des compétences :
ont également été modifiées avec des
ce fut le cas par exemple pour des jeu-
périodes plus courtes et par conséquent
nes qui avaient une pratique sportive
davantage de diversité dans l’offre pour
conséquente et prenait des initiatives
les élèves (Ainsi ont été proposés des
au sein de leur club ou un jeune particu-
ateliers « kayak », «jeux en anglais», etc.)
lièrement actif au sein de l’Alesa ou de
l’UnSS. Les entretiens individuels réguliers
ont été conservés. Un nouvel outil a été
proposé aux élèves sous la forme d’un
Ces supports variés (entretiens, ate- Espace numérique de Travail.
liers…) devaient permettre à chaque jeu-
Ce repositionnement a permis de re-
ne de comprendre, intégrer puis s’appro-
mobiliser l’ensemble de l’équipe autour
prier l’approche par compétences pour
du projet tout en conservant l’approche
devenir autonome dans l’identification
par compétences mais de manière plus
puis la valorisation de ses compétences.
ciblée.
Au terme de la troisième année de
Le point de visée de ce travail est
fonctionnement, il est ressorti du bilan
d’aider les élèves à devenir réellement
d’équipe que la plupart des collègues
autonomes au terme du cycle, dans
avaient du mal à concilier l’animation de
le repérage et la valorisation de leurs
leur atelier dans le cadre de l’Accompa-
compétences, avec la possibilité s’ils le
gnement Individuel Personnalisé (AIP) et
souhaitent, d’en stocker les traces pour
l’approche par compétences.
eux-mêmes sur l’espace numérique de
Par ailleurs un collègue d’éducation travail.
socioculturelle (ESC) indique à cette
L’autre point de visée est que cette
occasion que la plupart des démarches
démarche à la fois éducative, scolaire et
de projets en ESC intègrent déjà des
professionnelle devienne à terme, une
outils de suivi et de bilan pour les élèves
vraie culture d’établissement.
et que cette approche par compétences
pouvait être travaillée directement dans
le cadre du cours ou même sur le temps
d’animation sans qu’il soit nécessaire
de proposer un atelier hebdomadaire
supplémentaire.
Pour l’année scolaire 2012/2013,
l’équipe a donc décidé de distinguer les
ateliers dans le cadre de l’AIP et l’appro-
che par compétences qui fait, elle, l’objet
d’un atelier spécifique intitulé « Valoriser
les compétences ». Cet atelier est des-
tiné à tous les élèves de seconde afin
ChaMpaGnE-aRDEnnE
Bureau de la vie scolaire, étu-
Martine HAUTHIER

Correspondants r
diante et de l’insertion Marie-Luce CLERC BassE-noRManDiE

Co
EPL agro-environnemental du CRARC – DRAAF/SRFD LEGTA d’Avize
Tarn Legta de Bergerac 51190 AVIZE Stéphane BILLARD

Contact
Site d’Albi Domaine de la Brie Tel : 03 26 57 50 42 LEGTA de Sées
Route de Toulouse 24240 MONBAZILLAC marie-luce.clerc@educagri.fr Rue du 11 novembre 1918
81000 ALBI Tel : 05.53.24.69.37 61500 SEES
Tel : 05 63 49 43 75 martine.hauthier@educagri.fr Tel : 02.33.8.74.00
claire.latil@educagri.fr FRanChE-CoMté stephane.billard@educagri.fr

(25)
auvERGnE
Coordination alsaCE CoRsE
Dominique DEON noRD pas DE Calais
Haute-normandie
ContaCt DGER DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon
Claire LATIL Sabine DUCASTEL Cécile CLAUS DRAAF-SRFD

Correspondants régionaux
Eve LE QUANG Catherine HERITIER 2DRAAF-SRFD
rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Chargée de mission réseau Legtpa de Rouffach Francis
Lycée duBOURBIER
Bois
S/D des Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE
« animation et développement 8 aux remparts Le Solférino Chargé
Rue de la formation
du Général et des
de Gaulle
et d’Éducation 63370 LEMPDES Tel : 03 81 58 61 41
culturel » 68250 ROUFFACH 8 cours Napoléon missions
76630 ENVERMEU
Bureau dede
la vie scolaire, étudi- Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr
Ministère l’Agriculture, de Tel : 03 89 78 73 00 20176 AJACCIO Cité Adm
Tel : 02 32 BP
06505
30 40
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr
l’Agroalimentaire et de la Forêt sabine.ducastel@educagri.fr Tel : 04 95 51 86 77 59022
marion. LILLE Cédex
girat-quibel@educagri.fr
1DGER
ter, avenue de Politiques
Lowendal de ÎlE DE FRanCE

parCours Culturels
- S/D des Tel : 03 20 96 42 20
75700
FormationPARISet07 SP
d’Éducation BouRGoGnE francis.bourbier@educagri.fr
eve.lequang@educagri.fr aquitainE DRIAAF/SRFD
ChaMpaGnE-aRDEnnE pays DE la loiRE
Bureau de la vie scolaire, étu- Raphaël MORETTO 18 avenue Carnot
diante et de l’insertion Martine HAUTHIER Marie-Luce CLERC
DRAAF/SRFD Bourgogne 94234 CACHAN cédex BassE-noRManDiE
Emmanuel DEVINEAU
ContaCt EnFa
EPL agro-environnemental du CRARC – DRAAF/SRFD LEGTA d’Avize

des jeunes
22D Bld Churchill LEGTA La Roche sur Yon
Tarn Legta de Bergerac 51190 AVIZE Stéphane BILLARD
85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
Joël N. TOREAU BP 87865 lanGuEDoC-Roussillon
Site d’Albi Domaine de la Brie Tel : 03 26 57 50 42 LEGTA de Sées
Tel : 02 51 09 82 82
ENFA – BP 22687 21078 DIJON CEDEX
Route de Toulouse 24240 MONBAZILLAC marie-luce.clerc@educagri.fr
James CHAIGNEAUD Rue du 11 novembre 1918
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et CompétenCes :
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claire.latil@educagri.fr
piCaRDiE
stephane.billard@educagri.fr
FRanChE-CoMté

(25) ?
BREtaGnE CS 70039
auvERGnE 34060 MONTPELLIER cx 02 Odile DERAEVE
MinistèRE DE la CultuRE Et Bernard MOLINS Dominique DEON Haute-normandie
LPA de la Baie de Somme
ContaCt DGER Tel : 04 67 10 18 15

quels parCours
DE la CoMMuniCation DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon 10 rue du Quinconce
LEGTA St Jean Brévelay- james.chaigneau@educagri.fr
Eve LE QUANG Catherine HERITIER 2 rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Hennebont 80220 PERONNE cedex
Isabelle
S/D des DUFOUR-FERRY
Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE Lycée du Bois
Le Talhouët Tel : 03.22.84.73.20
Chargée de mission tourisme et
et d’Éducation 63370 LEMPDES liMousin
Tel : 03 81 58 61 41 Rue du Général de Gaulle
BP14 odile.deraeve@educagri.fr
monde
Bureau rural Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr 76630 ENVERMEU

quelles CompétenCes ?
de la vie scolaire, étudi- 56701 HENNEBONT DRAAF-SRFD
Secrétariat général
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr Tel : 02 32 06 30 40
Tel : 02.97.36.23.40 Agnès NARDOT poitou-ChaREntEs
Service de la de
1 ter, avenue coordination
Lowendal des marion. girat-quibel@educagri.fr
ÎlE DE FRanCE
Immeuble Le Pastel

parCours Culturels
bernard.molins@educagri.fr
politiques
75700 PARIS culturelles
07 SP et de BouRGoGnE Arnaud STINES
22 rue des Pénitents Blancs
l’innovation - département de
eve.lequang@educagri.fr DRIAAF/SRFD pays
LEGTADE de la loiRE
Venours
CEntRE
Raphaël MORETTO BP 39 16
l’éducation et du développe- 18 avenue Carnot RURART D150
DRAAF/SRFD Bourgogne 87039 LIMOGES cédex Emmanuel DEVINEAU
ment artistique et culturel Marie-Laure BOUTTIER 94234 CACHAN cédex 86480 ROUILLE
ContaCt EnFa Tel : 05 55 12 92 60

des jeunes
182, rue Saint-Honoré 22D Bld Churchill LEGTA La Roche sur Yon
EPL Tours Fondettes Tel : 05 49 43 62 59
75001
Joël N.PARIS
TOREAU BP 87865 85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
La Plaine lanGuEDoC-Roussillon arnaud.stines@educagri.fr
Tel
ENFA: 01– 40
BP 15 78 58
22687 21078 DIJON CEDEX loRRainE Tel : 02 51 09 82 82
37230 FONDETTES James CHAIGNEAUD
isabelle. dufour-ferry@culture.
31326 CASTANET CEDEX Tel : 03.80.39.30.56 emmanuel.devineau@educagri.fr
Tel : 02.47.42.01.06 Sophie CABANAC pRovEnCE alpEs
raphael.moretto@educagri.fr DRAAF/SRFD Montpellier

et CompétenCes :
Tel : 05 61 75 32 75
gouv.fr marie-laure.bouttier@educagri.fr Franck DUPONT
joel.toreau@educagri.fr Place A. Chaptal
Legta de Courcelles-Chaussy CôtEs D’azuR
piCaRDiE
BREtaGnE CS 70039
1, avenue d’Urville Agnès DECHY
Odile DERAEVE
34060 MONTPELLIER cx 02
MinistèRE DE la CultuRE Et Bernard MOLINS 57530 COURCELLES CHAUSSY DRAAF/SRFD
LPA de la Baie de Somme
Tel : 04 67 10 18 15

quels parCours ?
DE la CoMMuniCation LEGTA St Jean Brévelay- Tel : 03 87 64 00 17 Les bureaux
10 rue de Marveyre
du Quinconce
james.chaigneau@educagri.fr
Hennebont sophie.cabanac@educagri.fr 10 Bld Ralli
80220 PERONNE cedex
Isabelle DUFOUR-FERRY franck.dupont@educagri.fr 13008 MARSEILLE
Le Talhouët Tel : 03.22.84.73.20
Chargée de mission tourisme et liMousin Tel : 04 91 23 08 77
BP14 odile.deraeve@educagri.fr
monde rural agnès.dechy@educagri.fr

quelles CompétenCes ?
56701 HENNEBONT MiDi-pyRénéEs
DRAAF-SRFD
Secrétariat général
Tel : 02.97.36.23.40 Agnès NARDOT poitou-ChaREntEs
Service de la coordination des Géraldine JANER
politiques culturelles et de
bernard.molins@educagri.fr Immeuble Le Pastel
EPL agro-environnemental du RhônE-alpEs
22 rue des Pénitents Blancs Arnaud STINES
l’innovation - département de Tarn Denise
LEGTA de MENU
Venours
CEntRE BP 39 16
l’éducation et du développe- Site d’Albi DRAAF
RURARTCité administrative
D150
87039 LIMOGES cédex
ment artistique et culturel Marie-Laure BOUTTIER Route de Toulouse de la Part-Dieu
86480 ROUILLE
Tel : 05 55 12 92 60
182, rue Saint-Honoré EPL Tours Fondettes 81000 ALBI 165
Tel :rue Garibaldi
05 49 BP 3202
43 62 59
75001 PARIS La Plaine Tel : 05.63.49.43.70 69401 LYON CEDEX 03
arnaud.stines@educagri.fr
Tel : 01 40 15 78 58 loRRainE
geraldine.janer@educagri.fr Tel : 04 78 63 34 43
La revue Champs culturels est distribuée dans tous 37230 lesFONDETTES
établissements. Elle
isabelle. dufour-ferry@culture. Tel : 02.47.42.01.06 Sophie CABANAC denise.menu@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics. pRovEnCE alpEs
gouv.fr
Elle marie-laure.bouttier@educagri.fr
est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJSCS, les mis- Franck DUPONT
Legta de Courcelles-Chaussy CôtEs D’azuR
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement. 1, avenue d’Urville Agnès DECHY
57530 COURCELLES CHAUSSY DRAAF/SRFD
http://escales.enfa.fr Tel : 03 87 64 00 17 Les bureaux de Marveyre
le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels sophie.cabanac@educagri.fr 10 Bld Ralli
est aussi disponible en ligne. franck.dupont@educagri.fr 13008 MARSEILLE
Tel : 04 91 23 08 77
MiDi-pyRénéEs agnès.dechy@educagri.fr
Géraldine JANER
EPL agro-environnemental du RhônE-alpEs
BAT-CC25-couverture.indd 2 7/01/13 16:10:54
Tarn Denise MENU
Site d’Albi DRAAF Cité administrative
Route de Toulouse de la Part-Dieu
81000 ALBI 165 rue Garibaldi BP 3202
Tel : 05.63.49.43.70 69401 LYON CEDEX 03
geraldine.janer@educagri.fr Tel : 04 78 63 34 43
La revue Champs culturels est distribuée dans tous les établissements. Elle
denise.menu@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics.
Elle est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJSCS, les mis-
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement.

http://escales.enfa.fr
le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels
est aussi disponible en ligne.
MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT
Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION


Service de la coordination des politiques culturelles et de l’innovation

JANVIER 2013
DiRECtRiCE DE la puBliCation :
Mireille RIOU-CANALS
Directrice générale de l’enseignement et de la
recherche
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire,
et de la Forêt

MinistèRE DE l’aGRiCultuRE,
DE l’aGRoaliMEntaiRE Et DE la FoRÊt
Direction Générale de l’Enseignement et de la
Recherche (DGER)
Sous direction des Politiques de Formation et
d’Éducation
Bureau de la vie scolaire, étudiante et de
l’insertion
Réseau Animation et Développement Culturel
1, ter avenue de Lowendal 75007 PARIS
École Nationale de Formation Agronomique
(ENFA)
BP 87 - 31326 CASTANET CEDEX
Responsable de la rédaction :
Claire Latil, réseau Animation et Développe-
ment Culturel

MinistèRE DE la CultuRE
Et DE la CoMMuniCation

secrétariat Général
Service de la coordination des politiques cultu-
relles et de l’innovation
Département de l’éducation et du développe-
ment artistique et culturel
182, rue Saint-Honoré - 75033 PARIS CEDEX 01

Conception graphique et illustrations :


(25) parCours Culturels
Pauline Redoulès/Fresco François Cadeau
Toulouse
impression
Midi Pyrénées Impression - Toulouse
des jeunes et CompétenCes
quels parCours ? quelles CompétenCes ?

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