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CHAPITRE 1. LE DROIT POSITIF DE LA NATIONALITE

Les conditions de l’appartenance d’une personne à une nation ou, plus


objectivement, la question de son lien de dépendance vis-à-vis d’un Etat constituent
toute la matière et l’enjeu de la nationalité1.

Le mot nationalité désigne à la fois une notion de droit et une notion de


fait : il a deux sens, l’un sociologique et l’autre juridique. Au sens sociologique, la
nationalité « exprime un lien d’un individu avec une nation, c’est-à-dire une
communauté de personnes unies par des traditions, des aspirations, des sentiments ou
des intérêts communs »2. C’est donc la volonté, fondée sur un ou plusieurs éléments
communs, de vivre avec un groupe d’individus.

Au sens juridique, la nationalité peut se définir comme ‘l’appartenance


juridique d’une personne à la population constitutive d’un Etat. Autrement dit la
nationalité est le lien d'allégeance juridique qui rattache une personne à un État. C’est
la qualité d’une personne en raison des liens politique et juridique qui l’unissent à un
Etat dont elle est un des éléments constitutifs. Cette appartenance soumet le national à
la compétence dite personnelle, opposable aux autres Etats, de l’Etat dont il relève.
Cette compétence personnelle permet à l’Etat d’exercer sa protection diplomatique.

La protection diplomatique est un des aspects de lacompétence personnelle


de l'Etat, c'est-à-dire de la compétence quel'Etat possède à l'égard de ses nationaux ou
ressortissants quise trouvent à l'étranger. Cette expression désigne parfois la
protectiondes nationaux à l'étranger entendue sous ses diverses formes,c'est-à-dire
l'action de l'Etat tendant à obtenir le respect du droitinternational par un autre Etat, la
réparation des dommagescausés en violation de ce droit mais aussi certains avantages
àleur profit. D'une façon plus précise, on réservel'expression de protection
diplomatique à l'action de l'Etat tendantà obtenir le respect du droit international dans
la personne de ses ressortissants3.

1
I. VENDRYES., « L’administration de la nationalité » in : Pouvoirs (n° 160), 2017/1, pp.125-136
2
J. DERRUPPE, Droit International Privé, Paris, Dalloz 8ème éd. 1988 p.10
3
M. DIEZ DE VELASCO. La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires, RCADI, 1974, t. 141
pp.87-186.
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Selon Madame BASTID, la protection diplomatique peut prendre deux


formes : tout d'abord celle de l'action diplomatique, qu'elle se déroule suivant les
techniques traditionnelles, comme la négociation et autres, ou suivant des techniques
plus élaborées comme la conciliation et, d'autre part, la forme de l'action judiciaire
internationale ce qui comprend tout à la fois le recours au juge et le recours à l'arbitre 4.

Sur le plan juridique sont en cause les critères constitutionnels ou législatifs


à la base de son attribution, de son acquisition ou de sa perte. Par ailleurs, en
droitpositif contemporain, la nationalité est attribuée non seulement aux personnes
physiquesmais également aux personnes morales et même auxengins, cette dernière
question est développée à travers l'étude des espaces maritime,aérien et spatial 5.

Dans le cadre de cette étude, il sied de relever que la nationalité congolaise


voulue actuellement une et exclusive par le législateur a connu une succession d’au
moins six textes légaux sans compter les prévisions constitutionnelles y relatives.
Historiquement, elle tire sa source du Décret du 27 décembre 1892 qui constitue le
premier texte relatif à la nationalité de l’Etat Indépendant du Congo. Viennent
successivement, après l’indépendance, le Décret-loi du 18 septembre 1965 relatif à la
nationalité congolaise, la loi n°72-002 du 05 janvier 1972, la loi n°81-002 du 29 juin
1981 et le Décret-loi n°197 du 29 juin 1999 sur la nationalité. C’est ce dernier texte
qui sera remplacé par la loi du 24 novembre 2004 sur la nationalité.

Ainsi dans l’étude de ce chapitre inaugural, nous allons parcourir les


fondements politiques et juridiques de la nationalité congolaise (Section 1) avant
d’examiner les caractéristiques de la nationalité congolaise (section 2).

SECTION 1. LES FONDEMENTS POLITIQUES ET JURIDIQUES DE LA


NATIONALITE CONGOLAISE
Dans cette section les fondements politiques font références aux accords
entre congolais ayant abordé la question de la nationalité congolaise et les fondements
juridiques renvoient aux textes ayant régi les conditions d’appartenances à la RDC.

4
S. BASTID, « La nationalité des sociétés et la protection diplomatique », Travaux du Comité français de droit
international privé. 1970. pp. 247-265.
5
R. RANJEVA et C. CADOUX, Droit international public, Paris, EDICEF, 1992, p.120.
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§1. Les fondements politiques


Sous ce paragraphe, il sera ici question d’examiner la question de la
nationalité dans les Accords de Lusaka (A) et à travers le Dialogue Inter-Congolais de
Sun City (B). Ces deux forums politiques, il faut le souligner, ont servi de béquilles
indispensables aux options prises par le législateur de la loi sur la nationalité
actuellement en vigueur.

A. La nationalité dans les Accords de Lusaka

La question de la nationalité congolaise s’était invitée dans les négociations


politiques de Lusaka. En effet, l’Accord de Lusaka signée en juillet 1999 avait pour
objectif primordial le cessez-le-feu en RDC 6. De manière explicite, cet accord avait
pour but de mettre un terme à la guerre déclenchée le 08 août par le RCD et le MLC
contre le régime du Mzée Laurent Désiré Kabila issu de la libération du 17 mai 1997.

Pour la petite histoire, le MLC rassemblait, pour l’essentiel, des


compatriotes qui avaient perdu le pouvoir avec Mobutu et ceux qui pensaient qu’ils
n’auraient pas de place dans l’atmosphère politique d’un kabilisme qui, selon eux,
venait remettre en cause les avancées de l’ouverture politique annoncée le 24 avril
1990 par Mobutu, et à reconstruire le pays sur de bases idéologiques éloignées de leurs
points de vue7.

Quant au RCD, il était perçu comme un instrument politique de la minorité


rwandophone tutsi à la recherche, par les armes, d’une place au sein de la nation
congolaise et pire encore comme l’émanation directe du Rwanda. Les liens que ce
parti politique maintiendra avec Kigali, ne feront que le marginaliser davantage sur
l’échiquier politique national. D’ailleurs, le fait que le docteur ONUSUMBA
YEMBA ait été débarqué de la présidence du parti, afin de laisser la place à
RUBERWA AZARIAS en prévision de la participation aux institutions de la
République dans sa version 1+4, viendra corroborer cette thèse8..

6
T. NGOY, L’accord de Lusaka et la paix en RDC : Une autre lecture, 2e édition, Kinshasa, CERBIPAD, 2002,
p. 85-86.
7
J-P. KAMBILA KANKWENDE WA MPUNGA, op.cit. ,p.83-84.
8
Ibidem.
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Les accords de Lusaka avaient essentiellement deux volets : le volet


politique et le volet militaire ou sécuritaire. Il s’agissait de l’engagement pour la
cessation des hostilités : les parties avaient convenu d’un cessez-le-feu entre leurs
forces en RDC, le retrait des troupes étrangères du territoire congolais et la
détermination des conditions d’un dialogue inter-congolais9.

Comme le remarque bien Théodore NGOY l’accord de Lusaka est un


document qui déborde le cadre strict des accords internationaux. Il va au-delà de son
objet, à savoir, le cessez-le-feu10. C’est ainsi que les questions relatives à la forme de
l’Etat, au régime politique et institutionnel, au régime électoral, à la nationalité et au
droit de disposer des ressources naturelles seront examinées.

Toutefois, dans ce paragraphe, nous nous limiterons à l’examen de la question


de la nationalité aux fins de mieux cerner les contours de la problématique en cause. En
effet, l’accord de Lusaka ne donne pas une définition particulière à la notion de la
nation, ni à celle de la nationalité. Cependant, en considérant à son article 5 que le
RCD était un parti politique congolais comme les autres, il était devenu difficile voire
contradictoire de refuser la nationalité congolaise à ses cadres et membres.

Dans son article 3.16, l’accord de Lusaka traite de la naturalisation des


étrangers, du fait qu’aux termes des dispositions de l’article susdit : « Les parties
réaffirment que tous les groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le
territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la RDC) à
l’indépendance doivent bénéficier de l’égalité des droits et protection aux termes de la
loi en tant que citoyens11».

Cette question qui, d’évidence semble préoccuper les parties a également


été traitée dans le Préambule de cet accord, tout comme elle fait l’objet des
préoccupations des parties prenantes au chapitre 10 de l’annexe A de l’Accord de
Lusaka. Et comme l’opine Théodore NGOYI Il s’agissait concrètement de trouver une

9
O. LANOTE , Les guerres sans frontières en République démocratique du Congo. De Joseph-Désiré Mobutu à
Joseph Kabila, Bruxelles, Ed. Grip, 2003, pp.130-136.
10
T. NGOY T. op.cit., pp.85-86.
11
Idem., p.96
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solution aux prétentions à la nationalité des groupes ethniques et nationalités affirmant


leurs droits acquis et héréditaires à la terre et à la nationalité congolaise 12.

Bien qu’ayant cherché à régler la question de la nationalité des tribus


marginalisées et qui avaient décidé de prendre les armes, la composante rwandophone
rebelle, l’accord de Lusaka a le mérite d’avoir internationalisé la question de la
nationalité au Congo13. A en croire MWAMBA TSHIBANGU,l’accord de Lusaka
cherchait à résoudre les prétextes de sécurités que les rwandais et les ougandais
présentaient à la face du monde pour justifier non seulement leur agression mais aussi
pour éluder les motivations profondes d’hégémonie politique et d’exploitation
économique14.

Soutenu par les forces de l’opposition à Laurent-Désiré Kabila, l’Accord de


Lusaka fut considéré comme une base incontournable pour la sortie de la crise, surtout à
cause du DIC qui y était préconisé 15.L’article 19 de cet accord déterminant les conditions
de convocation et de la tenue d’un dialogue inter-congolais, il importe de l’examiner au
point qui suit.

B. La nationalité dans le Dialogue Inter-Congolais de Sun City

Le préambule de l’accord de Lusaka affirme que le conflit en RDC a une


dimension à la fois interne et externe. Le DIC a pour fondement la recherche des solutions
à ce conflit dans sa double dimension. L’accord révèle tant dans son préambule que dans
son corps, des préoccupations extraterritoriales qui concernent la sécurité des pays
agresseurs, et des prétentions à la nationalité des groupes ethniques et nationalités
affirmant leurs droits acquis et héréditaires à la terre et à la nationalité congolaise.

L’accord global et inclusif signé à Pretoria le 17 décembre 2002 à trois heures


du matin et qui sera mieux connu comme « accord de Sun city », découle directement de
l’accord de Lusaka pour le cessez-le-feu en RDC signé à Lusaka.

12
T. NGOY T. op.cit., p.105.
13
C. NDILA MALENGANA., Frontières et voisinage en RDC, Kinshasa, CEDI, 2006, p.82.
14
T. MWAMBA TSHIBANGU, Congo-Kinshasa ou la dictature en série, Paris, l’Harmattan, 2007, p.173.
15
E. LIBATU LA MBONGA., Espoirs déçus en République démocratique du Congo, Paris, l’Harmattan, 2011,
p.93-94.
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La signature de cet accord, déterminant pour l’avenir du pays, sera précédée de


nombreuses rencontres : Gaborone en août 2001, une première fois à Sun City en avril
2002, à Gbadolite en décembre 200216.

En effet, tenu à Sun city, le dialogue inter-congolais était pressenti comme une
tribune où la classe politique dirigeante devait s’assumer pour réaliser la réconciliation
nationale. Et comme l’écrit KABAMBA MBWEBWE, les composantes étaient appelées à
une issue politique à la crise congolaise responsable d’environ trois millions de morts
suite au conflit armé et au danger de la balkanisation du pays. Mais le dialogue s’est
clôturé par un procès de carence qu’on a imputé au déficit de la culture politique des
délégués congolais à Sun City incarné par le manque de patriotisme, la soif du pouvoir,
l’égoïsme et la ruse comme mode de négociation17.

A Sun City, les belligérants avaient des agendas divergents. Pour les uns, on
s’était retrouvé en Afrique du Sud pour se partager le pouvoir et le patrimoine de la
nation, personne n’ayant gagné la guerre. Pour les autres, Sun City était une occasion
de balkaniser le pays et de le mettre sous gestion de l’ONU18.

Le dialogue inter-congolais a abouti à la signature d’un accord global et


inclusif sur la transition en RDC, lequel accord portait sur trois principaux points
notamment : la cessation des hostilités, les objectifs et principes de transition. On peut
citer, la réunification, la pacification, la reconstruction du pays, la restauration de
l’intégrité territoriale et le rétablissement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du
territoire national ; la réconciliation nationale ; la formation d’une armée nationale
structurée et intégrée ; l’organisation des élections libres permettant la mise en place
d’un régime constitutionnel démocratique ; la mise en place des structures devant
aboutir à un nouvel ordre politique. Ces structures étaient le Gouvernement de
transition,( pouvoir exécutif), le Parlement( pouvoir législatif), les Cours et Tribunaux(
pouvoir judiciaire) et les institutions d’appui à la démocratie19.

16
B-G. TABEZI PENE-MANGU., La lutte d’un pouvoir dictatorial contre le courant de la démocratisation au
Congo-Kinshasa, op.cit., pp.157-158.
17
K. KABAMBA MBWEBWE, La politique de la chaise vide en République démocratique du Congo, Kinshasa,
Editions Mabiki, SD, pp.58-59
18
O. LANOTE op.cit. p.155-156.
19
T. NGOY, op.cit. pp.104-107.
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Toutefois, en ce qui concerne la question de la nationalité, le texte de


l’accord global et inclusif ne donne aucune définition de la nation, ni de la nationalité
congolaise, mais nous pouvons déduire que du fait de l’incorporation des responsables
politiques dans les institutions et l’intégration des soldats de ces groupes dans les
forces armées de la RDC que tout le monde était d’accord quant à la nationalité
congolaise des Tutsis venant de ces groupes.

Le dialogue inter-congolais laissera la responsabilité d’édicter une loi


organique sur la nationalité aux institutions de la transition. D’ailleurs, la Constitution
de la Transitionqui découle du DIC précise que : « Tous les groupes ethniques et
nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo
à l’indépendance, doivent bénéficier de l’égalité des droits et de la protection aux
termes de la loi en tant que citoyens ».20

Dans le cadre de la recherche des solutions à ce problème de nationalité, il y a


lieu de rappeler que depuis l’Accord de Lusaka en 1999 jusqu’à ce jour, la question de
nationalité a suffisamment évolué juridiquement, en ce que la loi sur la nationalité qui a
été promulguée en novembre 2004, à l’issue d’un vote très serré au Parlement, confère à
son article 6 la nationalité d’origine à toute personne appartenant aux groupes ethniques et
nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo
(présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance. Cette
formulation est presqu’identique à celle consacrée par l’actuelle Constitution en son
article 10 qui stipule qu’est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes
ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo
(présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance. Cette
formulation paraît plus permissive que celle arrêtée par l’article 6 de la Constitution du
1er août 1964, dite de Luluabourg. Aux termes de cet article, «la nationalité congolaise est
attribuée, à la date du 30 juin 1960, à toute personne dont un des ascendants est ou a été
membre d’une tribu ou d’une partie de tribu établie sur le territoire du Congo avant le 18
octobre 1908 21».

Article 14 de la Constitution de la Transition, JORDC du 5 avril 2003, 44ème Année, Numéro Spécial.
20

T. NGOY, op.cit., pp.112


21
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Plus fondamentalement, la loi de 2004 relative à la nationalité reflète dans son


préambule le DIC pendant lequel il fallait s’interdire ce préalable diviseur de l’identité
deses participants. Celle-ci, en plus d’être l’œuvre des belligérants, avait pour intention
première de reconnaitre la nationalité congolaise à une catégorie des personnes exclues et
qui avaient décidés de prendre les armes.

§2. Les fondements juridiques

Sous ce paragraphe traiter desfondements juridiques renvoie à s’interroger


sur les sources légales qui encadrent la nationalité des personnes sur le territoire de la
République Démocratique du Congo. A ces propos, deux sources en constituent le
fondement. La première source est constituée de la constitution du 18 février 2006
telle que modifié à ce jour. La seconde est la loi du 12 novembre 2004 relative à la
nationalité congolaise.

A. La nationalité congolaise dans la Constitution du 18 février 2006

C’est dans la Constitution de 2006 que la question de la nationalité congolaise


sera plus explicitement exposée. En effet, soumise au referendum populaire du 18 au 19
décembre 2005, la Constitution congolaise sera promulguée le 18 février 2006. Une des
particularités de ce texte est dû au fait qu’il donne la définition de la nationalité.

Selon les dispositions pertinentes de l’article 10 de la Constitution, « la


nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec
une autre. La nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition individuelle. Est
congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes
et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République
démocratique du Congo) à l’indépendance. Une loi organique détermine les conditions de
reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise »22.

De la ratio legis de cette disposition constitutionnelle, il ressort que la


nationalité congolaise est reconnue à toute personne appartenant aux groupes ethniques
dont les personnes et le territoire constituaient ce qu’est devenu le Congo à

22
Article 10 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que modifiée par la Loi n° 11/002 du 20
janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution, JORDC, numéro spécial du 5 février 2011.
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l’indépendance. Cela leur permettra de bénéficier de l’égalité des droits et de la protection


aux termes de la loi en tant que citoyens.

Puisque l’article 10 in fine de la Constitution fait obligation à la loi organique


de déterminer les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement
de la nationalité congolaise, il convient dès lors d’examiner ladite loi.

B. La nationalité congolaise dans la loi du 12 novembre 2004

La loi 12 novembre a pour but de répondre aux critiques pertinentes formulées


par les délégués aux assises du Dialogue Inter-Congolais contre la législation congolaise
en matière de nationalité, spécialement l’Ordonnance-Loi n° 71-002 du 28 mars 1971, la
Loi n° 72-002 du 05 janvier 1972 dans son article 15 et le Décret-Loi n° 197 du 29 janvier
1999 modifiant et complétant la Loi n° 81-002 du 29 juin 1981.

En effet, soucieux de l’émergence d’un Etat moderne en République


Démocratique du Congo où la collectivité des citoyens demeure un facteur d’inclusion
à l’intérieur du pays et animés de la ferme volonté de trouver un règlement politique
aux crises multiformes qui frappent de plein fouet l’Etat congolais, les délégués aux
assises du Dialogue Inter-Congolais ont adopté la résolution n° DIC/CPR/03, l’Accord
Global et Inclusif ainsi que la Constitution de la transition, aux termes desquels ils ont
décidé de mettre fin à la fracture sociale créée par la question de la nationalité, afin
d’établir la coexistence pacifique de toutes les couches sociales sur l’ensemble du
territoire national23.

C’est dans cette perspective que l’actuelle loi sur la nationalité entend
intégrer dans ses différentes articulations des normes modernes du droit de la
nationalité et des conventions internationales, plus particulièrement la convention sur
la réduction des cas d’apatridie, en vue d’éviter le retour de certaines situations qui se
sont développées à la faveur des textes légaux dénoncés lors des assises du Dialogue
Inter- Congolais24.

L’exposé des motifs de la loi sur loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative a la nationalité congolaise
23
24
H-F. MUPILA NDJIKE KAWENDE et C. WASENDA N’SONGO, Code la famille modifié, complété et
annoté. Kinshasa, Pax Congo Editions universitaires, 2017, p.44
10 | P a g e

SECTION 2. LE REGIME DE LA NATIONALITE CONGOLAISE

En théorie du droit, l’expression régime désigne l’ensemble desrègles


applicables à une notion25. Dans le cadre de ce mémoire, cette expression renvoie à un
enun ensemble des règles organisant la nationalité congolaise telle que voulue par la
législation en vigueur.

La loi du 12 novembre 2004 détermine les caractéristiques de la nationalité


congolaise. Autrement dit cette loi donne des conditions de reconnaissance,
d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise.

§1. L’attribution d’origine et d’acquisition de la nationalité congolaise

La reconnaissance du lien de nationalité au Congo répond à trois critères, à


savoir les besoins de l’Etat donneur de nationalité, les aspirations individuelles et les
nécessités internationales.

Le droit congolais de la nationalité est donc avant tout une législation


d’intérêt général dominée par des besoins politiques, démographiques et économiques.
La reconnaissance collective de la nationalité congolaise à quelques catégories de
personnes a créé une certaine confusion qui a amené l’autorité du pays à chercher à
déterminer qui était finalement Congolais et qui ne l’était pas26.

De plus, le législateur congolais n’a pas voulu méconnaître les aspirations


propres de l’individu ; on ne peut pas forcer quelqu’un à devenir national d’un Etat ;
un individu peut chercher à acquérir la nationalité congolaise et un congolais peut
renoncer à sa nationalité congolaise. Il faut enfin tenir compte des nécessités
internationales en prenant en considération la solidarité qui existe entre les divers Etats
et en harmonisant leurs législations nationales. C’est ainsi que l’on pourra éviter les
cumuls de nationalité et les cas d’apatridie.

L’examen de cette loi renseigne que la nationalité congolaise est soit


d’origine, soit d’acquisition individuelle.

G. CORNU, Vocabulaire juridique, 12e éd., Paris, PUF., 2018, p. 933.


25

H-F MUPILA NDJIKE KAWENDE et C. WASENDA N’SONGO., op.cit. p.46


26
11 | P a g e

A. La nationalité congolaise d’origine


La nationalité congolaise d’origine est reconnue dès la naissance à l’enfant
en considération des éléments de rattachement de l’individu à la Republique
Démocratique du Congo. On est congolais d’origine soit d’appartenance, soit de
filiation ou encore par présomption de la loi. S’agissant de la nationalité d’origine par
appartenance, elle est reconnue à toute personne appartenant aux groupes ethniques
dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (la RDC
actuellement) à l’indépendance27.

Comme l’écrit Jean ONAOTSHO KAWENDE28, la citoyenneté congolaise


post-coloniale s’acquiert par la naissance et est héréditaire. Elle confère la qualité de
citoyen à tous les descendants des parents originaires de l’une des tribus établies
depuis belle lurette sur le territoire congolais. De la sorte, l’hérédité s’impose comme
critère indéniable d’appartenance à l’Etat congolais et donne la nationalité. De par
cette appartenance, tout citoyen est doté de la faculté d’exercice de la souveraineté. En
ce sens, cette citoyenneté transforme les autochtones, affranchis de toute autorité et de
domination étrangères, en sujets congolais libres, souverains et législateurs, sources
des lois auxquelles ils consentent d’obéir.

De la lecture combinée des dispositions pertinentes de la loi sur la


nationalité et de l’article 10 de la Constitution, il ressort que la nationalité congolaise
d’origine résulte de la filiation de l’individu à ses ascendants et à son attachement à
l’Etat. L’individu se définit ainsi par rapport à une communauté de base appelée ethnie
ou tribu sur le territoire national congolais, dans les limites du 1 er aout 1885, telles que
modifiées par les conventions internationales subséquentes. La combinaison de deux
éléments s’avère indispensable dans la définition de la nationalité d’origine à savoir le
ius sanguinis et le ius soli29.

27
Art.10 de la Constitution congolaise de 2006 ; Art.6 de la loi sur la nationalité.
28
J. ONAOTSHO KAWENDE, « Citoyenneté, méritocratie et développement de la RDC » in : Les originaires et
les non originaires en RDC, p. 142.
29
J. BIAYA MUKENDI, « La nationalité et la protection diplomatique. Relecture de l’Arrêt du 06 avril 1955 de
la CIJ à la lumière des réalités africaines »in : les défis récurrents de décolonisation, de l’Etat de droit et du
développement social, Kinshasa, Ed. CEDESURK, 2012, pp.181-206.
12 | P a g e

La nationalité congolaise par affiliation est reconnue à l’enfant dont l’un


des parents, le père ou la mère est congolais. Toutefois, il importe de souligner que la
filiation de l’enfant n’a d’effets sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie
durant sa minorité conformément à la législation congolaise30.

Comme on peut le remarquer, la filiation qui produit effet en matière


d’attribution de nationalité n’est pas le propre de la RDC uniquement. Beaucoup
d’Etats dans le monde s’y réfèrent dans leurs codes de nationalité. Le code de
nationalité au Camerounen adoptant le même principe, précise que la filiation peut
également être établie suivant les coutumes locales camerounaises. La conception
africaine apporte ainsi une dimension supplémentaire au droit de la nationalité.On
retrouve la même règle de la transmission de la nationalité par le père ou par la mère
au Maroc. Tenant compte de la multiplicité d’appartenances communautaires qu’un
individu peut avoir et de contraintes qui en résultent, le code de nationalité reconnait
aux marocains de confession juive, la jouissance d’un statut personnel et successoral
propre ; le statut personnel des musulmans, lui, s’applique à tous les autres nationaux
quelle que soit leur religion. Cette distinction est faite parce que la filiation de l’enfant
d’où découle la nationalité doit être établie conformément aux prescriptions du statut
personnel de son ascendant.31.

Par ailleurs, la nationalité congolaise d’origine par présomption est


reconnue à l’enfant nouveau-né trouvé en RDC dont les parents sont inconnus 32.
Cependant, le nouveau-né trouvé en RDC dont les parents sont soit inconnus - sera
réputé n’avoir jamais été congolais si au cours de sa minorité, sa filiation est établie à
l’égard d’un étranger et si, conformément à la loi nationale de ses parents, la
nationalité de celui-ci -, soit apatrides ou soit étrangers, mais dont la nationalité ne se
transmet pas à l’enfant du fait de la législation de l’Etat d’origine qui ne reconnait que
le ius soli ou ne reconnait pas des faits sur la nationalité à la filiation naturelle 33.

30
Art.7 loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, JORDC , 2004
31
B. MANBY, Les lois sur la nationalité en Afrique : Une étude comparée. Pretoria, Open society Institute.
2009, p.31
32
Art.8 loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, JORDC , 2004
33
Lire dans ce sens E. MUKENDI WAFWANA., Contentieux électoral dans la pratique de la Cour Suprême de
justice (faisant office de la cour constitutionnelle), Kinshasa, Juricongo, 2011, p.47.
13 | P a g e

B. La nationalité congolaise par acquisition


L’expression recommandée ici est la nationalité dérivée, c’est-à-dire celle
acquise postérieurement à la naissance. La loi congolaise sur la nationalité distingue
les conditions communes d’acquisition de la nationalité à celles relatives à la
nationalité d’origine.La nationalité congolaise par acquisition s’acquiert par le fait de
la naturalisation, de l’option, de l’adoption, du mariage ou de la naissance et de la
résidence en RDC34.

La nationalité par naturalisation est conférée après avis conforme de


l’Assemblée Nationale, à tout étranger qui a rendu d’éminents services à la RDC ou à
celui dont la naturalisation pour la RDC présente un intérêt réel à impact visible 35. Elle
est accordée par décret du Premier ministre 36 délibéré en conseil des ministres sur
proposition du ministre de la justice et garde des sceaux.Le congolais par
naturalisation jouit de la qualité du citoyen congolais à partir du moment de sa
prestation de serment devant la Cour d’Appel de sa résidence. Il faut dire que le
serment de congolais par naturalisation consiste à être fidèle à la RDC, à respecter ses
lois, à n’invoquer dans les territoires de la RDC la protection d’un autre Etat et à ne
jamais porter les armes contre la RDC, ses concitoyens, en faveur d’une autre
puissance, ainsi que de ne jamais contrecarrer ses intérêts 37.

En outre, l’abrogation de toutes les dispositions antérieures relatives à la


nationalité notamment le décret n°197 du 29 janvier 1999 modifiant et complétant la
loi n°81-002 du 29 juin 1981 sur la nationalitéconstituant le livre 1 er du code de la
famille, implique que tout congolais par naturalisation, jouissant de la qualité du
citoyen congolais à dater de son serment, est donc éligible à faire sa déclaration de
candidature non seulement aux élections législatives mais aussi présidentielles.

34
Art.10 loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, JORDC , 2004. Il faut noter que
les articles 22 et 23 de la même loi déterminent les conditions et procédures communes relatives à la nationalité
congolaise d’acquisition.
35
Arts.11 et 12 ibidem..
36
Conformément aux articles 90 et 92 de la Constitution qui reconnaissent au Premier ministre, chef du
gouvernement, le pouvoir réglementaire. Dès lors, les prérogatives dévolues au Président de la République dans
la loi sous examen sont aujourd’hui de la compétence du Premier ministre. Le pouvoir réglementaire du
Président est clairement limité dans la Constitution spécialement en ses articles 78-88.
37
Art.12 al.3 loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, JORDC, 2004
14 | P a g e

L’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet de l’option est


organisée en faveur des personnes suivantes : l’enfant né en RDC ou un étranger des
parents dont l’un a eu la nationalité congolaise, l’enfant légalement adopté par un
congolais ou celui dont l’un des parents adoptif a acquis ou recouvré volontairement la
nationalité congolaise. Il en est de même de l’enfant mineur non émancipé dont le père
ou la mère a obtenu la nationalité congolaise par l’effet de l’option qui acquiert de
plein droit la nationalité congolaise en même temps que son parent. Sauf opposition
par le Gouvernement à l’acquisition par un étranger de la nationalité congolaise pour
indignité, l’impétrant qui fait la déclaration de l’option dans les 6 mois qui suivent sa
majorité civile, doit résider en RDC, parler une des langues nationales et déposer une
déclaration d’engagement à la renonciation à toute autre nationalité. L’acquisition de
la nationalité congolaise par l’effet de l’option prend donc effet au jour de
l’enregistrement38.

L’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet de l’adoption est


ouverte à tout enfant mineure légalement adopté par un congolais ou celui dont le
parent adoptif a recouvré sa nationalité congolaise. Un tel enfant légalement adopté
pourra, pendant les 6 mois qui suivent sa majorité, renoncer à sa nationalité congolaise
conformément à la loi et à condition d’établir qu’il a acquis une nationalité étrangère.
La déclaration prend effet au jour de l’enregistrement39.

L’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet du mariage avec un


conjoint de nationalité congolaise prend corps après un délai de 7 ans à compter du
mariage. Elle s’acquiert par décret du 1 er ministre délibéré en conseil des ministres sur
proposition du ministre de la justice et garde des sceaux, après avis conforme de
l’Assemblée nationale, à condition qu’à la date du dépôt de la demande, la
communauté de vie n’ait pas cessé entre les époux et que le conjoint congolais ait
conservé sa nationalité. Le décret en cause mentionne, le cas échéant, les noms des
enfants mineurs concernés par l’effet collectif de la nationalité et prend effet à la date
de sa signature. Il est publié au Journal Officiel et notifié à l’intéressé40.

38
Arts.13-16 loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, JORDC , 2004
39
Art.17, Idem.
40
Art.19, Ibidem.
15 | P a g e

Au total pour bénéficier de la nationalité congolaise dérivée, l’impétrant


doit satisfaire aux 8 conditions prévues à l’article 22 de la loi sur la nationalité
congolaise, c’est-à-dire : on ne peut être naturalisé congolais que si l’on est majeur,
soit à partir de 18 ans révolus ; déposer une déclaration d’engagement par écrit de
renonciation à toute autre nationalité; savoir parler une des langues congolaises. La loi
parle d’une des langues congolaise et non d’une des quatrelangues nationales ; être de
bonnes vie et mœurs ; avoir à la date de la demande une résidence permanente en
République Démocratique du Congo depuis 7 ans41 ;

Enfin, ne pas être indésirable. Ici, il faut distinguer deux hypothèses. D’une
part ne s’être jamais livré au profit d’un Etat étranger, à des actes incompatibles avec
la qualité de congolais, ou préjudiciables aux intérêts de la République Démocratique
du Congo. D’autre part, n’avoir pas fait l’objet d’une condamnation définitive par les
juridictions nationales ou étrangères pour l’une des infractions ci-après : haute trahison
; atteinte à la sûreté de l’Etat ; crimes de guerre, crimes de génocide, crimes contre
l’humanité, crimes d’agression ; crimes de terrorisme, assassinat, meurtre, viol, viol de
mineurs et pédophilie ; crimes économiques, blanchiment de capitaux, contrefaçon,
fraude fiscale, fraude douanière, corruption, trafic d’armes, trafic de drogue42.

§2. La perte, le recouvrement et la preuve de la nationalité congolaise


Tous les codes de nationalité consacrent une série d'articles à lanationalité
d'origine, c'est-à-dire à la nationalité conférée à un individu au moment de sa
naissance. Le problème est de savoir quel est le critère adopté pour déterminer cette
nationalité d'origine. Les techniques sont en nombre limité : ou bien le législateur tient
compte de la filiation (jus sanguinis) ; ou bien il se base sur le lieu de naissance (jus
soli); ou bien encore deuxsolutions en appelant une troisième il combine ces deux
critères43.

41
Article 22 loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, JORDC , 2004
42
C. MUTAMBA TUNGUNGA, La nationalité multiple : un impératif pour la reconstruction et le
developpement de l’Afrique, Bruxelles, ARNO, 2016, p.160
43
P-F. GONIDEC, « La nationalité dans les Etats de la Communauté et dans les Etats marginaux » Annuaire
français de droit international, 1961. Volume 7, pp. 814-835;
16 | P a g e

L’un des aspects les plus importants de notre loi sur la nationalité est
l’unicité et l’exclusivité de la nationalité congolaise. La nationalité congolaise dispose
d’un caractère exclusif. Selon le législateur, la nationalité congolaise est une et
exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec une autre nationalité. Ce
double principe évoqué par la Constitution du 18 février 2006 avait déjà été affirmé
par le Constituant de Luluabourg le 1er août 1964, ainsi que par toutes les autres
Constitutions ultérieures44.

Ce principe constitutionnel est repris à l’article 1er de la loi actuelle relative


à la nationalité congolaise. L'unicité de la nationalité congolaise découle de l'unité et
de l'indivisibilité de l'État congolais affirmées à l'article 1er de la Constitution. La
RDC n'étant pas une mosaïque d'États, on n'y connaît qu'une seule nationalité
congolaise et non une nationalité plurielle. En d'autres termes, il n'existe pas plusieurs
nationalités congolaises. On pourrait trouver dans cette règle une prévention contre les
velléités sécessionnistes. L'exclusivité interdit au congolais la détention d'une autre
nationalité. Et sous ce paragraphe nous allons analyser d’une part les circonstances
conduisant à la perte et la déchéance de la nationalité congolaise et de l’autre le
recouvrement et la preuve de la nationalité congolaise.

A. La perte de la nationalité congolaise

Le législateur est souverain pour décider à quelles conditions on acquiert


la nationalité congolaise, il a donc la même la souveraineté pour décider à quelles
conditions on peut la perdre. La perte de la nationalité est liée au comportement des
individus qui sont dans une situation telle que le lien de nationalité n'a plus aucun
intérêt45.

La législation congolaise en la matière prévoit ainsi un certain nombre de


cas où un congolais perd sa nationalité, c’est-à-dire que le législateur peut juger
opportun, dans certains cas, de libérer un congolais de son allégeance, soit parce qu’il
lui en a fait demande et qu’il n’estime pas nécessaire de le conserver, soit pour mettre
un terme à des situations vraiment gênantes dans la vie internationale, et c’est le but le

C. MUTAMBA TUNGUNGA, op.cit. p. 112


44

P-F GONIDEC, op.cit. p.821


45
17 | P a g e

plus pratique pour des individus qui possèdent deux nationalités et qui, en fait, peuvent
les exercer activement l’une et l’autre.

En RDC, les procédés techniques employés par le législateur pour relever


un congolais de sa nationalité en dehors de toute forme de faute peuvent se ramener à
deux : tantôt il suffit de la volonté de l’intéressé lui-même à perdre sa nationalité
congolaise, tantot c’est l’Etat qui décide si l’individu perdra ou non la nationalité
congolaise46.

En effet, de la ratio legis du double principe de l’unicité et de l’exclusivité


de la nationalité congolaise proclamé par l’article 10 de la Constitution de la
République Démocratique du Congo du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour et
dans la loi relative à la nationalité, il en découle que l’acquisition volontaire par un
Congolais d’une nationalité étrangère entraîne ipso facto la perte de la nationalité
congolaise. De même, l’acquisition par l’étranger de la nationalité congolaise entraîne
de par ce fait même la perte de la nationalité étrangère.

Soulignons qu’en l’espèce la loi retire la nationalité, non pas à titre de


peine, mais parce qu’elle estime qu’en présence de certains fiats il n’est pas opportun
de maintenir l’intéressée à la nationalité congolais. La perte de la nationalité est alors
automatique. Il s’agit là d’un moyen préventif pour éviter la double nationalité47.

En effet, bien que nous n’ayons pas de travaux préparatoires sur la


Constitution de 2006, nous croyons qu’il s’agit du même esprit qui a animé le
Législateur lors de l’élaboration de la loi de 2004 sur la nationalité. Ainsi donc, ce
double principe constitutionnel est rappelé au paragraphe 2 de l’exposé des motifs de
la loi n°004/024 du 12 novembre 2004 sur la nationalité congolaise, adoptée en
exécution de la résolution n°DIC/CPR/03 du Dialogue inter-congolais, de l’Accord
global inclusif et de la Constitution de la Transition.

C. MUTAMBA TUNGUNGA, op.cit. p. 174.


46

Idem. p.175
47
18 | P a g e

Par ailleurs, certains individus, congolais de naissance, ont la faculté de


répudier librement la nationalité congolaise dans les six mois qui suivent leur
majorité48.

Les délégués au Dialogue inter-congolais avaient, en effet, décidé de mettre


fin à la fracture sociale résultant de querelles relatives à la question de la nationalité
d’origine, pour rétablir la paix sociale entre toutes les couches de la population se
trouvant sur le territoire national. La règle de la nationalité une et exclusive est, à son
origine, destinée à pacifier les relations entre les habitants surtout de l'Est de la RDC
qui comprennent les Burundais et les Rwandais49.

Comme on peut le remarquer, depuis l’accession de la République


Démocratique du Congo à l’indépendance, la question de la nationalité se pose avec
acuité, tant il est vrai que les populations étrangères qui ont immigré au Congo Belge
lors de la colonisation n’étaient toujours pas considérées par les autochtones comme
des populations nationales. La question de la nationalité d’origine ayant été souvent
reléguée à la loi, la loi n°1972-002 du 05 janvier 1972 relative à la nationalité Zaïroise
avait réglé le problème dans le même sens que la Constitution de 1964, avant d’être
abrogée par celle n°81/002 du 29 juin 1981 qui rendait plus restrictif l’accès à la
nationalité Zaïroise d’origine, mais tout en maintenant la règle de la nationalité une et
exclusive en RDC.

En droit congolais, la déchéance est essentiellement un moyen d'éliminer de


la communauté nationale des éléments indésirables dont la conduite a prouvé que la
nationalité congolaise leur avait été octroyée prématurément.

La déchéance est encourue par l’étranger qui a bénéficié de la nationalité


congolaise par acquisition s’il a toutefois conservé sa nationalité d’origine, s’il a été
condamné pour une infraction contre la sûreté intérieure de l’Etat ou s’il a été établi,
au vu des résultats du recensement que le concerné avait obtenu la nationalité
congolaise par fraude ou par tout autre procédé illicite.

Article 16 loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, JORDC, 2004
48

Ibidem.
49
19 | P a g e

Dans ce cas, le gouvernement prononce dans le délai d’un an, à compter de


la découverte de la faute, la déchéance de la nationalité si l’impétrant l’a obtenu en
violation des dispositions de la loi.

B. Le recouvrement et la preuve de la nationalité congolaise


Le recouvrement de la nationalité congolaise par des personnes qui
établissent avoir possédé la qualité de congolais, il résulte d’un décret du Président ou
d’une déclaration suivant les distinctions fixées par la loi. Le recouvrement de la
nationalité congolaise par décret ou par déclaration produit effet à l’égard des enfants
ou du bénéficiaire. Il concerne les personnes qui ont eu la nationalité congolaise par
acquisition. Il peut être obtenu à tout âge de la majorité. Il est soumis aux conditions et
procédures d’acquisition de la nationalité congolaise50.

Bien plus, tout congolais d’origine qui a perdu sa nationalité peut la


recouvrer par déclaration faite conformément aux dispositions de la loi. Seulement, il
doit avoir conservé ou acquis avec la RDC des liens manifestes, notamment d’ordre
culturel, professionnel, économique, sentimental ou familial. La déclaration n’a d’effet
qu’à compter du jour de son enregistrement. Le Gouvernement peut s’opposer au
recouvrement de la nationalité congolaise d’acquisition de l’impétrant pour indignité.

La nationalité congolaise étant déterminée par une loi, l’objet de la preuve


consistera à établir que l’intéressé se trouve dans l’un des cas définis par la loi. Quant
aux modes de preuve, ils varieront suivant qu’il s’agit d’établir une nationalité ou de
prouver une déclaration d’acquisition, de renonciation ou de recouvrement ; ou encore
de prouver une déchéance.

En matière de nationalité, le passeport et la carte d’électeur ainsi que tous


autres documents officiels ne sont que de simples écrits, qui présument simplement de
la nationalité du titulaire et sont susceptibles de preuve contraire. Ils ne constituent, le
cas échéant qu’un commencement de preuve. Le seul bénéfice que ces documents
produisent à l’égard de leurs détenteurs est de les décharger du fardeau de la preuve.

C. MUTAMBA TUNGUNGA, op.cit. p. 175.


50
20 | P a g e

En effet, aux termes de l’article 42 de la loi organique sur la nationalité


congolaise, la preuve de la nationalité congolaise s’établit en produisant un certificat
de nationalité délivré par le Ministère de la Justice et Garde des Sceaux. Ce certificat
fait foi jusqu’à preuve du contraire. Tout titulaire du certificat de la nationalité
congolaise est investi de la qualité de congolais et il appartient à celui qui conteste
cette qualité d’apporter la preuve contraire.

Cette position a été confirmée par le Conseil d’Etat qui a jugé qu’en matière
de nationalité congolaise, seul le certificat de nationalité, délivré par une autorité
compétente de la République, constitue la preuve légale de nationalité 51. Le certificat
de nationalité fait foi jusqu’à preuve du contraire.

Concrètement, cela signifie que la loi organique réserve au titulaire du


certificat de nationalité la position de défendeur en cas de contestation au sujet de sa
nationalité, et le fardeau de la preuve revient à son adversaire. En dehors de
l’hypothèse où la qualité de congolais est contestée à celui qui possède un certificat de
nationalité, la charge de la preuve incombe à l’individu dont la nationalité est mise en
cause, car il est mieux placé pour réunir les éléments de preuve.

Ici, il est fait application de la règle de droit commun « Actori incumbit


probatio» chaque fois que l’intéressé lui-même, agissant comme demandeur dans un
procès, argue de sa qualité de congolais ou la conteste. Mais lorsqu’une autre personne
prétend que le défendeur est congolais ou ne l’est pas, on applique la maxime « Reus
in excipiendo fit actor» qui veut que celui qui réclame quelque chose doit le prouver.
Par ailleurs, concernant la preuve d’une déclaration en vue d’acquérir la nationalité
congolaise, d’y renoncer ou de la recouvrer, elle se fait par la production d’une
attestation délivrée par le Ministre de la Justice, à la demande de tout requérant et
constatant que la déclaration a été établie et enregistrée52.

51
Conseil d’Etat, arrêt REA 002 du 27 mars 2019, opposant Monsieur MUKUMADI Joseph Stéphane l’appelant
contre l’Alliance politique CCU et Alliés, Alliance en sigle, Regroupement politique, l’intimée ; en présence de
la Commission Electorale Nationale, CENI en sigle, pp.14-16, inédit.
52
C. KWAMBAMBA BALA, Cours de droit international privé, note des cours, 2e licence, Faculté de droit,
UCC, 2018-2019, inedit.
21 | P a g e

Aussi la preuve de la déchéance de la nationalité congolaise résulte de la


production d’une copie authentique du décret-loi de déchéance, ou à défaut de cette
pièce, d’une attestation constatant l’existence et l’enregistrement de cet acte de
déchéance délivré par le Ministère de la Justice et Garde des Sceaux.

La preuve de la nationalité étrangère d’un individu, c'est-à-dire la preuve de


ce que cette personne ne possède pas la nationalité congolaise, se fait différemment
selon que cette preuve est liée ou non à la perte de la nationalité congolaise. La preuve
de la qualité d’étranger doit uniquement être faite par des documents probants.

Concrètement, en dehors du cas de déchéance, la preuve de l’extranéité est


faite en établissant l’existence des faits et actes qui ont provoqué la perte de la
nationalité : soit une déclaration soit un décret du premier ministre. Dans le premier
cas, il suffira de produire un exemplaire enregistré de la déclaration ; dans le second
cas, une ampliation ou un exemplaire du Journal Officiel où le décret a été publié. Si
cet exemplaire ne peut être produit, il peut y être suppléé par une attestation du
Ministre de la Justice constatant l’existence de l’enregistrement du décret. La
nationalité ne peut exister que si elle est admise par l’Etat qui la concède 53.

Dès lors tous les indices de détention d’une nationalité étrangère,


notamment la photocopie certifiée conforme à l’original du passeport, les fiches de
passagers de quelque aéronef qui aurait indiqué que l’intéressé détiendrait une
nationalité étrangère, le visa d’établissement permanent lui délivré par la RDC délivré
par la Direction générale de migrations… ne peuvent prévaloir sur un certificat de
nationalité congolaise délivré en bonne et due forme par le ministère de la justice et ce,
conformément à l’article 42 de la loi sur la nationalité.

Au regard des développements précédents, il s’observe que la nationalité


congolaise voulue une et exclusive par le législateur, n’a pour unique moyen de preuve
que le certificat de nationalité.

Cependant, dans la vie quotidienne, le principe de l’unicité et de


l’exclusivité attaché à la nationalité congolaise ainsi que son mode de preuve semble
T. TSHILOMBO SEND., Education à la citoyenneté, Kinshasa, Océan, 2013, p.78.
53
22 | P a g e

souffrir d’effectivité car d’une part, plusieurs personnes continueraient à détenir plus
d’une nationalité en plus de la nationalité congolaise ; d’autre part, l’on constate non
sans émerveillement que plusieurs personnes ne disposent pas des documents attestant
leur qualité de congolais. Et de cet état des choses sont né une vive polémique, celle de
savoir qui est congolais et qui ne l’est pas.
23 | P a g e

PLAN DU PREMIER CHAPITRE

CHAPITRE 1. LE DROIT POSITIF DE LA NATIONALITE...........................................1


SECTION 1. LES FONDEMENTS POLITIQUES ET JURIDIQUES DE LA NATIONALITE
CONGOLAISE........................................................................................................................2
§1. Les fondements politiques................................................................................................3
A. La nationalité dans les Accords de Lusaka............................................................3
B. La nationalité dans le Dialogue Inter-Congolais de Sun City...............................5
§2. Les fondements juridiques...............................................................................................8
A. La nationalité congolaise dans la Constitution du 18 février 2006.......................8
B. La nationalité congolaise dans la loi du 12 novembre 2004..................................9
SECTION 2. LE REGIME DE LA NATIONALITE CONGOLAISE.....................................10
§1. L’attribution d’origine et d’acquisition de la nationalité congolaise..............................10
A. La nationalité congolaise d’origine......................................................................11
B. La nationalité congolaise par acquisition.............................................................13
§2. La perte, le recouvrement et la preuve de la nationalité congolaise..............................15
A. La perte de la nationalité congolaise....................................................................16
B. Le recouvrement et la preuve de la nationalité congolaise..................................19
PLAN DU PREMIER CHAPITRE......................................................................................23

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