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MESURE ET INTÉGRATION

Notes de cours

André Giroux
Département de Mathématiques et Statistique
Université de Montréal
Décembre 2009
Table des matières
1 INTRODUCTION 3
1.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2 PARTIES MESURABLES DE R 6
2.1 Mesure extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.2 Ensembles mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.3 Mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.4 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

3 FONCTIONS MESURABLES DE R VERS R 19


3.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

4 INTÉGRATION SUR R 25
4.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

5 MESURE ET INTÉGRATION ABSTRAITES 41


5.1 Ensembles mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
5.2 Fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
5.3 Mesures positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
5.4 Intégration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
5.5 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

6 CONSTRUCTION DE MESURES 67
6.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

7 CONVERGENCE EN MESURE 79
7.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

8 ESPACES DE LEBESGUE 88
8.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

9 DÉRIVATION 98
9.1 Fonctions à variation bornée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
9.2 Fonctions absolument continues . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
9.3 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

10 MESURES SIGNÉES 115


10.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

1
11 MESURES PRODUITS 130
11.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

12 APPLICATIONS 146
12.1 Série de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
12.2 Transformée de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
12.3 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

Table des figures


1 Image inverse des générateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
2 Une fonction de test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

2
1 INTRODUCTION
L’aire d’un rectangle R de côtés a et b est ab, par définition. Lorsque
a et b sont des entiers, cette aire est égale au nombre de carrés de côté
unité nécessaires pour recouvrir R. L’aire du triangle rectangle de base a et
de hauteur b est bien évidemment ab/2. On en déduit l’aire d’un triangle
quelconque puis, par triangulation, celle d’un polygone arbitraire.
Le calcul de l’aire d’un domaine D délimité par des courbes plus com-
plexes, par exemple des arcs de cercle ou des segments de parabole, nécessite
un passage à la limite. Dans le cas où D est déterminé par le graphe d’une
fonction f continue et positive sur un intervalle compact [a, b] 1 ,

D = {(x, y) | a ≤ x ≤ b , 0 ≤ y ≤ f (x)},

considérons avec Riemann une partition P de l’intervalle [a, b] :

P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } où a = x0 < x1 < x2 < · · · < xn = b.

Alors la somme supérieure


n
X
S(f, P) = sup{f (x) | xk−1 ≤ x ≤ xk }(xk − xk−1 )
k=1

fournit une borne supérieure pour l’aire requise et la somme inférieure


n
X
s(f, P) = inf{f (x) | xk−1 ≤ x ≤ xk }(xk − xk−1 )
k=1

en fournit une borne inférieure. En utilisant les propriétés des fonctions


continues sur les intervalles compacts, on montre que

inf{S(f, P) | P} = sup{s(f, P) | P}

et c’est cette valeur commune que l’on prend pour mesure de l’aire du do-
maine D. On exprime ceci en disant que la fonction f est intégrable au sens
de Riemann sur l’intervalle [a, b], d’intégrale
Z b
f (x) dx = inf{S(f, P) | P} = sup{s(f, P) | P}.
a
1
[a, b] désigne un intervalle contenant ses extrémités, ]a, b[ désigne un intervalle ne
contenant pas ses extrémités et (a, b) désigne un intervalle contenant peut-être ses
extrémités.

3
Lorsque la fonction f n’est pas continue, il n’est plus certain qu’elle soit
intégrable au sens de Riemann, même si elle est positive et bornée. Un
exemple d’une telle fonction est fourni par la fonction indicatrice des nombres
rationnels f = IQ , introduite par Dirichlet et définie par

1 si x ∈ Q
IQ (x) =
0 sinon,
qui n’est intégrable sur aucun intervalle [a, b] puisque l’on a toujours
S(IQ , P) = b − a , s(IQ , P) = 0.
On peut essayer d’élargir la classe des fonctions intégrables, et ceci
est l’objet de notre cours, en considérant avec Lebesgue des partitions de
l’axe des ordonnées plutôt que des partitions de l’axe des abscisses. Nous
étendrons d’abord la notion de longueur d’un intervalle,
λ([a, b]) = b − a,
à une classe plus vaste d’ensembles (nous les nommerons : ensembles me-
surables et la longueur généralisée : mesure). Nous considérerons alors la
somme
m
X k
σm (f ) = λ(Ek )
m
k=0
où  
k k+1
Ek = x| ≤ f (x) <
m m
et λ(Ek ) est la mesure de Ek . ( Pour alléger l’exposé, nous avons supposé ici
que 0 ≤ f (x) ≤ 1. ) Cette somme d’aires de rectangles généralisés constitue
une bonne approximation de l’aire du domaine D cherchée : lorsque m est
grand en effet, f est presque constante sur Ek . La complexité de la fonction se
traduit par la complexité des ensembles Ek . Si f est monotone par exemple,
les ensembles Ek sont des intervalles et la somme σm (f ) se réduit à la somme
s(f, P) correspondante. Pour une classe très vaste de fonctions (nous les
appellerons : fonctions mesurables), nous verrons que
lim σm (f )
m→+∞

existe et généralise effectivement la notion d’aire précédemment obtenue.


Une telle fonction sera dite intégrable au sens de Lebesgue, d’intégrale
Z 1
f = lim σm (f ).
0 m→+∞

4
La propriété de la mesure qui permettra
P ces développements est la pro-
priété d’additivité : désignant par n En la réunion d’une suite finie ou
infinie d’ensembles mesurables deux à deux disjoints2 , nous aurons
!
X X
λ En = λ(En )
n n

et c’est sur cette propriété fondamentale que reposera toute la théorie.

1.1 Exercices
1. Vérifier que la fonction
x 7→ IQ (x)
est partout discontinue.
2. Déterminer l’ensemble des points de continuité de la fonction

x 7→ x IQ (x).

3. Déterminer les ensembles Ek associés à la fonction IQ .


4. Montrer que
 
n
IQ (x) = lim lim (cos m!πx) .
m→+∞ n→+∞

5. Calculer Z 1
(cos m!πx)n dx
0
puis  Z 1 
n
lim lim (cos m!πx) dx .
m→+∞ n→+∞ 0

2
et par E1 + E2 la réunion de deux ensembles disjoints.

5
2 PARTIES MESURABLES DE R
Dans ce chapitre, nous allons généraliser la notion de longueur en deux
étapes. Nous associerons d’abord à tout ensemble E ⊆ R un élément λ∗ (E)
de [0, +∞]3 appelé mesure extérieure de E qui, lorsque E est un intervalle, se
réduit à sa longueur. Nous restreindrons ensuite la fonction E 7→ λ∗ (E) ainsi
définie sur l’ensemble P(R) de toutes les parties de R à une famille LR appro-
priée d’ensembles de façon à avoir la propriété d’additivité. Ces ensembles
seront les ensembles mesurables et la fonction restreinte sera la mesure. Nous
verrons ensuite des exemples d’ensembles mesurables et étudierons des pro-
priétés supplémentaires de la mesure.

2.1 Mesure extérieure


La mesure extérieure λ∗ (E) d’un ensemble E ⊆ R est définie par
l’équation ( )
X [

λ (E) = inf (bk − ak ) | E ⊆ ]ak , bk [ ,
k k

la borne inférieure étant calculée sur la famille des suites finies ou infinies
d’intervalles ouverts { ]ak , bk [ }k recouvrant E. Pour étudier ses propriétés,
nous nous appuierons sur le théorème suivant.

Théorème 1 (Borel-Lebesgue) Tout recouvrement d’un intervalle com-


pact [a, b] par des intervalles ouverts { ]aα , bα [ }α∈A contient un sous-recouvrement
fini.

Démonstration.
Supposons le contraire. Alors au moins l’un des deux intervalles
a+b a+b
[a, ], [ , b]
2 2
ne pourrait être recouvert par un nombre fini des intervalles ]aα , bα [. Donc
au moins l’un des quatre intervalles
3a + b 3a + b a + b a + b a + 3b a + 3b
[a, ], [ , ], [ , ], [ , b]
4 4 2 2 4 4
3
On convient que si a ∈ [ 0, +∞], a + (+∞) = +∞, que si a ∈] 0, +∞], a × (+∞) = +∞
et enfin que 0 × (+∞) = 0.

6
ne pourrait l’être. Ainsi de suite. On obtiendrait de cette façon une suite
d’intervalles emboı̂tés,
I1 ⊇ I2 ⊇ I3 ⊇ · · · ,
dont le nième aurait pour longueur (b − a)/2n . L’intersection de tous ces
intervalles se réduirait à un point x de [a, b]. Il existerait donc un intervalle
]aα , bα [ contenant ce point et, par suite, tous les intervalles In à partir d’un
certain rang, contredisant leur définition. C.Q.F.D.

Dans le théorème suivant, E + x0 désigne le translaté de E par x0 :

E + x0 = {y | y = x + x0 , x ∈ E}.

(Ne pas confondre E + x0 avec E + {x0 }.)

Théorème 2 La mesure extérieure λ∗ : P(R) → [0, +∞] possède les pro-


priétés suivantes :
1. E ⊆ F implique que λ∗ (E) ≤ λ∗ (F ) ;
2. quel que soit x0 , λ∗ (E + x0 ) = λ∗ (E) ;
3. pour tout intervalle (a, b), λ∗ ((a, b)) = b − a ;
4. pour toute suite finie ou infinie d’ensembles {Ek }k ,
!
[ X
λ∗ Ek ≤ λ∗ (Ek ).
k k

Démonstration.
La première propriété (monotonie) suit de ce que tout recouvrement de F
est aussi un recouvrement de E et la deuxième (invariance sous translation)
découle de ce que la longueur d’un intervalle est invariante sous translation.
Pour démontrer la troisième, considérons d’abord le cas d’un intervalle
compact [a, b]. Soit  > 0 arbitraire. La relation

[a, b] ⊆ ]a − , b + [

montre que
λ∗ ([a, b]) ≤ b − a + 2
donc,  > 0 étant arbitraire, que

λ∗ ([a, b]) ≤ b − a.

7
Pour obtenir l’inégalité opposée, il suffit, en vertu du théorème de Borel-
Lebesgue, de montrer que, si
N
[
[a, b] ⊆ ]ak , bk [,
k=1

on a
N
X
b−a≤ (bk − ak ).
k=1
Pour ce faire, on peut supposer que les intervalles du recouvrement fini sont
énumérés de telle sorte que

a1 < a < a2 < b1 < a3 < b2 < · · · < aN −1 < bN −2 < aN < bN −1 < b < bN .

Alors

(bN − aN ) + (bN −1 − aN −1 ) + · · · + (b2 − a2 ) + (b1 − a1 )


= bN + (bN −1 − aN ) + (bN −2 − aN −1 ) + · · · + (b1 − a2 ) − a1
> bN − a1 > b − a.

Si l’intervalle (a, b) est borné, les inclusions

[a + , b − ] ⊆ (a, b) ⊆ [a, b]

entraı̂nent
b − a − 2 ≤ λ∗ ((a, b)) ≤ b − a.
Enfin, si l’intervalle (a, b) n’est pas borné, il contient des intervalles bornés
de mesure extérieure arbitrairement grande et, par monotonie,

λ∗ ((a, b)) = +∞ = b − a.

Pour démontrer la quatrième propriété (sous-additivité), considérons


pour chaque k une suite d’intervalles ouverts { ]akj , bkj [ }j tels que
[ X 
Ek ⊆ ]akj , bkj [ , (bkj − akj ) ≤ λ∗ (Ek ) + .
2k
j j

Alors les intervalles { ]akj , bkj [ }j,k forment une famille au plus dénombrable
(c’est-à-dire peuvent être rangés en une suite finie ou infinie) telle que
[ [[
Ek ⊆ ]akj , bkj [,
k k j

8
d’où !
[ XX X
λ∗ Ek ≤ (bkj − akj ) ≤ λ∗ (Ek ) + .
k k j k

C.Q.F.D.

2.2 Ensembles mesurables


La fonction λ∗ que l’on vient d’introduire ne devient additive que si on
la restreint à la classe des ensembles mesurables. Un ensemble E ⊆ R est un
ensemble mesurable si

quel que soit A ⊆ R , λ∗ (A) = λ∗ (AE) + λ∗ (AE c ).

Puisque, par sous-additivité, on a toujours

quel que soit A ⊆ R , λ∗ (A) ≤ λ∗ (AE) + λ∗ (AE c ),

il suffit, pour démontrer qu’un ensemble E est mesurable, de vérifier l’inégalité

quel que soit A ⊆ R , λ∗ (A) ≥ λ∗ (AE) + λ∗ (AE c )

et, pour ce faire, on peut bien sûr supposer que

λ∗ (A) < +∞.

Théorème 3 Pour toute suite finie ou infinie d’ensembles mesurables {Ek }k


deux à deux disjoints, on a
!
X X
λ∗ Ek = λ∗ (Ek ).
k k

Démonstration.
Considérons un ensemble A ⊆ R quelconque et vérifions d’abord, par
récurrence sur N , que
N N
!
X X

λ AEk = λ∗ (AEk ). (1)
k=1 k=1

9
Cet énoncé est en effet trivial pour N = 1 et, s’il est vrai pour N ,
N +1 N +1 N +1
! ! ! ! !
X X X
∗ ∗ ∗ c
λ AEk = λ AEk EN +1 + λ AEk EN +1
k=1 k=1 k=1
N N +1
!
X X
= λ∗ (AEN +1 ) + λ∗ AEk = λ∗ (AEk ).
k=1 k=1

Dans le cas d’une suite finie, {Ek }1≤k≤N , on a donc bien, en prenant A = R,
que
N N
!
X X

λ Ek = λ∗ (Ek ).
k=1 k=1

Dans le cas d’une suite infinie, {Ek }1≤k≤+∞ , on a, pour chaque N , que
N N +∞
! !
X X X
λ∗ (Ek ) = λ∗ Ek ≤ λ∗ Ek
k=1 k=1 k=1

donc que
+∞ +∞
!
X X
∗ ∗
λ (Ek ) ≤ λ Ek .
k=1 k=1

La sous-additivité de la mesure extérieure implique l’inégalité opposée. C.Q.F.D.

Nous dénoterons par LR la famille des ensembles mesurables. Le théorème


suivant peut s’énoncer en disant que cette famille forme ce que l’on appelle
une tribu.

Théorème 4 La famille LR ⊆ P(R) des ensembles mesurables possède les


propriétés suivantes :
1. R est mesurable ;
2. le complémentaire E c d’un ensemble mesurable E est mesurable ;
3. la réunion d’une suite finie ou infinie d’ensembles mesurables {Ek }k
est mesurable ;
4. l’intersection d’une suite finie ou infinie d’ensembles mesurables {Ek }k
est mesurable.

10
Démonstration.
Les deux premières propriétés sont évidentes de la définition et la qua-
trième découle, par complémentarité, de la deuxième et de la troisième.
Pour démontrer cette dernière, considérons d’abord le cas de deux en-
sembles mesurables E1 et E2 . Alors, quel que soit A ⊆ R,
λ∗ (A(E1 ∪ E2 )) + λ∗ (A(E1 ∪ E2 )c ) = λ∗ (AE1 ∪ AE2 ) + λ∗ (AE1c E2c )
= λ∗ (AE1 E2c + AE2 ) + λ∗ (AE1c E2c ) ≤ λ∗ (AE1 E2c ) + λ∗ (AE2 ) + λ∗ (AE1c E2c )
= λ∗ (AE2c ) + λ∗ (AE2 ) = λ∗ (A).
Par récurrence sur N , la réunion de toute suite finie d’ensembles mesurables
{Ek }1≤k≤N est donc mesurable et, par complémentarité, ainsi en est-il de
leur intersection.
Considérons maintenant une suite infinie d’ensembles mesurables deux
à deux disjoints {Ek }k . En vertu de l’équation (1) page (9), on a, quel que
soit A ⊆ R et quel que soit N ,
N
! N
!c !
X X
∗ ∗ ∗
λ (A) = λ A Ek + λ A Ek
k=1 k=1
N N
!c !
X X
= λ∗ (AEk ) + λ∗ A Ek
k=1 k=1
N +∞
!c !
X X
∗ ∗
≥ λ (AEk ) + λ A Ek
k=1 k=1

de telle sorte que


+∞ +∞
!c !
X X
∗ ∗ ∗
λ (A) ≥ λ (AEk ) + λ A Ek
k=1 k=1
+∞
! +∞
!c !
X X
≥ λ∗ A Ek + λ∗ A Ek
k=1 k=1
P S
ce qui montre que k Ek = k Ek est mesurable.
Envisageons enfin le cas d’une suite infinie quelconque {Ek }k . Posons
F1 = E1 , F2 = E2 E1c , F3 = E3 E1c E2c , . . . , Fn = En E1c E2c · · · En−1
c
,...
Ces ensembles Fk sont mesurables et deux à deux disjoints de telle sorte que
leur réunion est mesurable. Or
X [
Fk = Ek
k k

11
S
puisque, si x ∈ k Ek , il existe un premier indice kx tel que x ∈ Ekx et alors
x ∈ Fkx . C.Q.F.D.

Théorème 5 Tout intervalle I est mesurable.

Démonstration.
Considérons d’abord le cas où I =]a, +∞[. Soit A ⊆ R un ensemble
quelconque et soient ]ak , bk [ des intervalles tels que
[ X
A⊆ ]ak , bk [ , (bk − ak ) ≤ λ∗ (A) + .
k k

Considérons les intervalles

Ik0 = ]ak , bk [ ∩ I , Ik00 = ]ak , bk [ ∩ I c .

On a !
[ X
λ∗ (AI) ≤ λ∗ Ik0 ≤ λ∗ (Ik0 )
k k
et !
[ X
∗ ∗
λ (AI ) ≤ λ c
Ik00 ≤ λ∗ (Ik00 )
k k

donc
X X
λ∗ (AI) + λ∗ (AI c ) ≤ (λ∗ (Ik0 ) + λ∗ (Ik00 )) = (bk − ak ) ≤ λ∗ (A) + .
k k

Les autres cas se ramènent à celui qui vient d’être étudié. Par exemple,
+∞ +∞
[ 1 [ 1
]a, b[ = ]a, b − ]= ( ]a, +∞[ ∩ ]b − , +∞[ c ).
k k
k=1 k=1

C.Q.F.D.

Théorème 6 Tout ensemble ouvert O est mesurable.

Démonstration.
Si x ∈ O, soient

ax = inf{a | ]a, x[ ⊆ O} ≥ −∞ , bx = sup{b | ]x, b[ ⊆ O} ≤ +∞

12
et Ix =]ax , bx [. Alors, ou bien Ix = Iy ou bien Ix Iy = ∅. Les intervalles Ix
distincts sont donc au plus dénombrables (chacun d’eux contient un nombre P
rationnel différent). Dénotant ces intervalles par J1 , J2 , J3 , . . . , O = n Jn
peut s’écrire comme réunion d’une suite finie ou infinie d’intervalles ouverts
deux à deux disjoints (appelés composantes connexes de O). C.Q.F.D.

Théorème 7 Tout translaté E + x0 d’un ensemble mesurable E est mesu-


rable.

Démonstration.
Observons d’abord les identités :

ST + x0 = (S + x0 )(T + x0 ) , (S + x0 )c = S c + x0 .

Soit A ⊆ R un ensemble quelconque. Alors, en vertu des identités précédentes,

A(E + x0 ) = (A − x0 )E + x0 , A(E + x0 )c = (A − x0 )E c + x0 .

Par suite, la mesure extérieure étant invariante sous translation,

λ∗ (A(E + x0 )) + λ∗ (A(E + x0 )c ) = λ∗ ((A − x0 )E) + λ∗ ((A − x0 )E c )


= λ∗ (A − x0 ) = λ∗ (A).

C.Q.F.D.

Théorème 8 Tout ensemble N de mesure extérieure nulle est mesurable.

Démonstration.
Soit A ⊆ R un ensemble quelconque. On a

λ∗ (AN ) + λ∗ (AN c ) = λ∗ (AN c ) ≤ λ∗ (A).

C.Q.F.D.

L’exercice 10, page 17, fournit une description des ensembles qui sont
mesurables en utilisant cette notion d’ensemble de mesure nulle.

13
2.3 Mesure
La mesure λ est la restriction de la mesure extérieure λ∗ à la tribu des
ensembles mesurables LR :
λ = λ∗ /LR .

Théorème 9 La mesure λ : LR → [0, +∞] possède les propriétés suivantes :


1. λ(E + x0 ) = λ(E) ;
2. λ((a, b)) = b − a ;
P P
3. pour toute suite disjointe {Ek }k , λ( k Ek ) = k λ(Ek ) ;
4. pour toute suite croissante E1 ⊆ E2 ⊆ E3 ⊆ · · ·,
+∞
!
[
lim λ(En ) = λ Ek .
n→+∞
k=1

Démonstration.
Seule la quatrième propriété (continuité) n’a pas encore été démontrée.
Considérons à nouveau les ensembles

F1 = E1 , F2 = E2 E1c , F3 = E3 E2c , . . . , Fn = En En−1


c
, ...

Ils sont disjoints et tels que, pour chaque n,


n
X
En = Fk .
k=1

Par suite,
n
X
λ(En ) = λ(Fk )
k=1
et
+∞ +∞ +∞
! !
X X [
lim λ(En ) = λ(Fk ) = λ Fk =λ Ek .
n→+∞
k=1 k=1 k=1
C.Q.F.D.

Une propriété vraie partout sauf aux points d’un ensemble de mesure
nulle est dite vraie presque partout. Par exemple, la fonction IQ est égale
à 0 presque partout. Un ensemble dénombrable est toujours de mesure nulle

14
mais un ensemble peut être de mesure nulle sans être dénombrable. Ainsi
en est-il de l’ensemble de Cantor K.

Exemple. Soit K l’ensemble des points x de [0, 1] dont le développement


triadique,
+∞
X ak
x= , ak ∈ {0, 1, 2},
3k
k=1
ne contient que des 0 ou des 2. Lorsque deux développements sont possibles,
il y en a un qui est fini et c’est lui que l’on retient s’il se termine par un 2 :
1 2 2 2
n
= n+1 + n+2 + n+3 + · · ·
3 3 3 3
Par exemple,
0, 1a2 a3 a4 . . . ∈
/ K mais 0, 1 = 0, 0222 . . . ∈ K et 0, 2 = 0, 1222 . . . ∈ K.
Contenant 2N points, l’ensemble K n’est pas dénombrable. D’autre part, il
est clair que
1 2 1 2 7 8 1 2
[0, 1]K c = ] , [ + ] , [ + ] , [ + ] , [ + · · ·
3 3 9 9 9 9 27 27
Par suite,
1 2 4
λ([0, 1]K c ) = + + + ··· = 1
3 9 27
et λ(K) = 0.
Q
L’axiome du choix affirme que le produit cartésien α∈A Bα d’une famille
d’ensembles non vides Bα est non vide, c’est-à-dire qu’il est possible de
choisir un élément xα de chaque ensemble de la famille : xα ∈ Bα pour tout
α ∈ A. En l’utilisant, on peut obtenir un ensemble non mesurable.

Exemple. Introduisons une relation d’équivalence sur l’intervalle [0, 1] en


posant, pour x, y ∈ [0, 1], x ≡ y si x − y ∈ Q. Choisissons, en vertu de
l’axiome du choix, un nombre x dans chaque classe d’équivalence [x]. Alors,
l’ensemble E des nombres ainsi obtenus n’est pas mesurable. Supposons en
effet le contraire. Soit
Q ∩ [−1, +1] = {r1 , r2 , r3 , . . .}
et considérons les ensembles translatés Ek = E + rk . Ils sont disjoints car si
x ∈ Ek Ej , x = a + rk = b + rj avec a, b ∈ E. Comme
a = b + (rj − rk ) ≡ b,

15
il faut que a = b, donc que rk = rj , c’est-à-dire que k = j. Les relations
+∞
X
[0, 1] ⊆ Ek ⊆ [−1, 2]
k=1

(chaque x ∈ [0, 1] appartient à [x0 ] pour un x0 ∈ E approprié, donc à Ek


pour un k approprié) entraı̂nent donc
+∞
X
1≤ λ(Ek ) ≤ 3
k=1

ce qui est absurde puisque λ(Ek ) = λ(E) pour tout k.

L’axiome du choix a une place à part dans la théorie des ensembles à


cause, entre autres, de certaines de ses conséquences pour le moins curieuses
(voir [7]).

2.4 Exercices
1. Montrer que tout recouvrement d’un ensemble K ⊆ R compact (fermé
et borné) par des ensembles ouverts contient un sous-recouvrement
fini.
2. Si E ⊆ R et k ∈ R,

kE = {y | y = kx , x ∈ E}.

Montrer que λ∗ (kE) = |k|λ∗ (E).


3. Soit µ∗ : P(R) → [0, +∞] la fonction définie par

µ∗ (E) = sup{(b − a) | ]a, b[ ⊆ E}.

Cette fonction est-elle monotone ? invariante sous translation ? Préserve-


t-elle la longueur des intervalles ? Est-elle sous-additive ?
4. Répondre aux mêmes questions si la fonction µ∗ est définie par

µ∗ (E) = card(EZ).

5. Montrer que, si E ⊆ R est mesurable et k ∈ R, l’ensemble kE est


mesurable.
6. Montrer que tout ensemble mesurable borné est de mesure finie. La
réciproque est-elle vraie ?

16
7. Un ensemble de mesure nulle peut-il être ouvert ? Doit-il être fermé ?
8. Soit  > 0 donné. Construire un ensemble ouvert E de mesure λ(E) < 
qui soit dense dans R (c’est-à-dire tel que tout nombre réel puisse
s’écrire comme la limite d’une suite de nombres appartenant à E).
9. Montrer qu’un ensemble E ⊆ R est mesurable si et seulement si à
chaque  > 0 correspond un ensemble ouvert O ⊆ R tel que E ⊆ O
et que λ∗ (O E c ) < .
Suggestion : considérer d’abord le cas où λ∗ (E) < +∞ puis les en-
sembles Em = E ] − m, +m[ .
10. Montrer qu’un ensemble E ⊆ R est mesurable si et seulement si on
peut l’écrire comme la réunion disjointe d’un ensemble de mesure nulle
N et d’un ensemble qui est une réunion au plus dénombrable d’en-
sembles fermés Fk : [
E = N + Fk .
k

11. Soit µ : LR → [0, +∞] une fonction additive. Montrer qu’elle est
nécessairement croissante et sous-additive.
12. Soit µ : LR → [0, +∞] la fonction définie par

+∞ si E est infini
µ(E) =
card(E) si E est fini.

Montrer que µ est additive et invariante sous translation.


13. Soit {Ek }k une suite décroissante,

E1 ⊇ E2 ⊇ E3 ⊇ · · · ,

d’ensembles de mesure finie. Montrer que


+∞
!
\
lim λ(En ) = λ Ek .
n→+∞
k=1

L’hypothèse « de mesure finie » est-elle essentielle ?


14. Une fonction µ : LR → [0, +∞] possède la propriété d’additivité finie
si, pour toute suite disjointe finie {Ek }1≤k≤N ,
N N
!
X X
µ Ek = µ(Ek ).
k=1 k=1

17
Montrer qu’une fonction

µ : LR → [0, +∞]

est additive si et seulement si elle continue et possède la propriété


d’additivité finie.

18
3 FONCTIONS MESURABLES DE R VERS R
Dans ce chapitre, nous allons introduire la classe des fonctions mesu-
rables, étudier ses principales propriétés et considérer quelques exemples.

Une fonction f : E → R est une fonction mesurable si, quel que soit
α ∈ R, l’ensemble

f −1 ( ]α, +∞[ ) = {x | f (x) > α}

est mesurable. En particulier, le domaine de définition E de f doit lui-même


être un ensemble mesurable puisque
[
E= {x | f (x) > −n}.
n∈N

En vertu des identités


+∞
[ 1
{x | f (x) < α} = {x | f (x) > α − }c
k
k=1

et
+∞
[ 1
{x | f (x) > α} = {x | f (x) < α + }c ,
k
k=1

il revient au même de vérifier que les ensembles de type

{x | f (x) < α} , {x | f (x) ≤ α} ou {x | f (x) ≥ α}

sont tous mesurables. L’image inverse d’un intervalle quelconque (c, d) par
une fonction mesurable,
f −1 ((c, d)),
est donc toujours un ensemble mesurable.

Exemple. Une fonction indicatrice f = IE , définie par



1 si x ∈ E
IE (x) =
0 sinon,

est mesurable si et seulement si l’ensemble E l’est.

Théorème 10 Toute fonction continue f : (a, b) → R est mesurable.

19
Démonstration.
En vertu de la continuité de f , l’ensemble

{x | f (x) > α}

est relativement ouvert dans (a, b) (c’est-à-dire de la forme O ∩ (a, b) avec


O ouvert) donc mesurable. C.Q.F.D.

Théorème 11 Soient f, g : E → R des fonctions mesurables et h : (a, b) → R


une fonction continue. Alors la fonction composée h ◦ f (si elle est définie)
et les fonctions f + g et f g sont mesurables.
Démonstration.
L’ensemble

{x | h(f (x)) > α} = f −1 (h−1 ( ]α, +∞[ ))

est mesurable parce que l’ensemble h−1 ( ]α, +∞[ ) est relativement ouvert
dans (a, b), donc de la forme
X
h−1 ( ]α, +∞[ ) = ]ak , bk [ ∩ (a, b),
k

ce qui entraı̂ne que


X
f −1 (h−1 ( ]α, +∞[ )) = f −1 ( ]ak , bk [ ∩ (a, b) ).
k

La fonction f + g est mesurable en vertu de la relation


[
{x | f (x) + g(x) > α} = ({x | f (x) > r} ∩ {x | g(x) > α − r}).
r∈Q

Finalement, la relation
(f + g)2 − f 2 − g 2
fg =
2
et la continuité des fonctions u 7→ u2 et u 7→ cu, c ∈ R, entraı̂nent la mesu-
rablité de la fonction f g. C.Q.F.D.

Exemple. Une fonction étagée est une fonction f : R → R dont l’en-


semble des valeurs est fini. Si

{a1 , a2 , a3 , . . . , aN }

20
est l’ensemble de ses valeurs non nulles et
Ek = f −1 ({ak }) = {x | f (x) = ak },
on a
N
X
f= ak IEk
k=1
(représentation canonique). La fonction f est donc mesurable si et seulement
si chacun des ensembles Ek l’est.

Exemple. Si une fonction mesurable f : E → R ne s’annule pas, la


fonction 1/f est mesurable.

Exemple. Si f : E → R est mesurable, sa valeur absolue |f |, sa partie


positive
|f | + f
f+ = = sup{f, 0}
2
et sa partie négative
|f | − f
f− = = sup{−f, 0}
2
le sont aussi et l’on a
f = f + − f − , |f | = f + + f − .

Exemple. Si f, g : E → R sont mesurables, les fonctions


(f + g) + |f − g|
sup{f, g} =
2
et
(f + g) − |f − g|
inf{f, g} =
2
le sont aussi.

Théorème 12 Soient fn : E → R des fonctions mesurables. Alors, sur leur


domaine de définition respectif, les fonctions
sup fn , inf fn , lim sup fn , lim inf fn
n∈N n∈N n→+∞ n→+∞

et
lim fn
n→+∞
sont mesurables.

21
Démonstration.
Considérons par exemple l’enveloppe supérieure supn∈N fn . Son domaine
de définition est l’ensemble

{x | sup fn (x) < +∞}.


n∈N

Pour tout α ∈ R, l’ensemble


[
{x | sup fn (x) > α} = {x | fn (x) > α}
n∈N n∈N

est mesurable. Le raisonnement est symétrique pour l’enveloppe inférieure


inf n∈N fn . Le théorème découle alors des relations

lim sup fn = lim sup fn = inf sup fn


n→+∞ k→+∞ n≥k k∈N n≥k

et
lim inf fn = lim inf fn = sup inf fn
n→+∞ k→+∞ n≥k k∈N n≥k

sur les domaines de définition appropriés et des équations

lim fn = lim sup fn = lim inf fn


n→+∞ n→+∞ n→+∞

sur l’ensemble
{x | lim sup fn = lim inf fn }.
n→+∞ n→+∞

C.Q.F.D.

Théorème 13 Soient f : E → R une fonction mesurable et g : E → R une


fonction coı̈ncidant presque partout avec f . Alors g est mesurable.

Démonstration.
L’ensemble
N = {x | g(x) 6= f (x)}
est de mesure nulle et

{x | g(x) > α} = ({x | g(x) > α} ∩ N ) + ({x | f (x) > α} ∩ N c ).

Le premier ensemble est mesurable parce que de mesure nulle et le second


est mesurable parce que f l’est. C.Q.F.D.

22
Théorème 14 Soit f : E → R une fonction mesurable positive. Il existe
une suite de fonctions mesurables positives étagées ϕn : E → R qui croı̂t
vers f .

Démonstration.
Considérons les ensembles
k−1 k
En,k = {x | n
≤ f (x) < n }
2 2
et
Fn = {x | n ≤ f (x)}.
Alors la fonction étagée
n2 n
X k−1
ϕn = IEn,k + n IFn
2n
k=1

est mesurable. Puisque

En,k = En+1,2k−1 + En+1,2k

et que
(n+1)2n+1
X
Fn = En+1,k + Fn+1 ,
k=n2n+1 +1
on a
ϕn ≤ ϕn+1 .
D’autre part, en chaque point x ∈ E, on a, pour n assez grand, que
1
f (x) − ≤ ϕn (x) ≤ f (x).
2n
C.Q.F.D.

3.1 Exercices
1. Soit f : E → R une fonction. Montrer qu’elle est mesurable si et
seulement si les ensembles

{x | f (x) > r}

le sont pour tout r ∈ Q.

23
2. Vérifier les relations suivantes :

IEF = IE IF , IE+F = IE +IF , IE∪F = IE +IF −IEF , ISn En = sup IEn .

3. Soit f : (a, b) → R une fonction monotone. Montrer qu’elle est mesu-


rable.
4. Soient f : R → R une fonction mesurable et x0 ∈ R. Montrer que la
fonction x 7→ f (x + x0 ) est mesurable.
5. Soient f : R → R une fonction mesurable et k ∈ R. Montrer que la
fonction x 7→ f (kx) est mesurable.
6. Soit f : (a, b) → R une fonction admettant une primitive (c’est-à-dire
telle qu’il existe une fonction F : (a, b) → R dont elle est la dérivée :
f = F 0 ). Montrer qu’elle est mesurable.
7. Soient E ⊆ R un ensemble de mesure finie et f : E → R une fonction
mesurable. Montrer qu’à chaque  > 0 correspond N ∈ N tel que

λ{x | |f (x)| > N } < .

8. Montrer que toute fonction mesurable est limite simple d’une suite de
fonctions mesurables étagées.
9. Montrer que toute fonction mesurable bornée est limite uniforme d’une
suite de fonctions mesurables étagées.

24
4 INTÉGRATION SUR R
Dans ce chapitre, nous allons définir l’intégrale d’une fonction mesurable
f sur un ensemble mesurable E,
Z
f,
E

et établir ses trois propriétés fondamentales qui sont la linéarité, la positivité


et l’additivité. Pour ce faire, nous utiliserons beaucoup le fait que l’équation
Z Z
lim fn = lim fn
n→+∞ E E n→+∞

est valable sous des hypothèses très générales dans la théorie de Lebesgue
(théorème de la convergence monotone, théorème de la convergence do-
minée et lemme de Fatou). Nous terminerons par un théorème justifiant
la dérivation sous le signe intégral.

Soit E ⊆ R un ensemble mesurable. L’intégrale sur E d’une fonction


mesurable est définie en trois étapes.
Soit d’abord
XN
ϕ= ak IEk
k=1
une fonction mesurable positive étagée représentée sous sa forme canonique
(c’est-à-dire que les ak sont les valeurs distinctes non nulles de ϕ). L’intégrale
de ϕ sur E est définie par l’équation
Z XN
ϕ= ak λ(EEk ).
E k=1

On a donc à priori que Z


0≤ ϕ ≤ +∞.
E
Un moment de réflexion montre que l’équation
Z N 0
X
ϕ= a0k λ(EEk0 )
E k=1

est vraie dès que, dans une représentation


N0
X
ϕ= a0k IEk0 ,
k=1

25
les ensembles mesurables Ek0 sont deux à deux disjoints, même si les a0k as-
sociés ne sont pas tous distincts. En effet, chaque valeur non nulle a0k est
alors nécessairement égale à l’une des valeurs aj , les ensembles Ek0 corres-
pondant à l’une de ces valeurs non nulle forment une partition de l’ensemble
Ej correspondant et la mesure est additive.
Les trois propriétés suivantes sont des conséquences immédiates de la
définition : Z
λ(E) = 0 implique ϕ = 0,
E
Z Z
F ⊆ E implique ϕIF = ϕ,
E F
et Z Z
0 ≤ ϕ ≤ ψ sur E implique ϕ≤ ψ.
E E
Pour vérifier la troisième, on s’aide de la remarque qui vient d’être faite : si
N 0 M 0
X X
ϕ= a0k IEk0 et ψ = b0j IFj0 ,
k=1 j=1

avec 0 0
N
X M
X
Ek0 = Fj0 = R,
k=1 j=1

il faut utiliser les représentations


0
N X
M 0 N X
M 0 0
X X
ϕ= a0k IEk0 Fj0 et ψ = b0j IEk0 Fj0 .
k=1 j=1 k=1 j=1

Si ensuite f : E → R est une fonction mesurable positive, son intégrale


sur E est définie par
Z Z 
f = sup ϕ | 0 ≤ ϕ ≤ f sur E .
E E

Encore ici, on a à priori Z


0≤ f ≤ +∞.
E
Les trois propriétés suivantes :
Z
λ(E) = 0 implique f = 0,
E

26
Z Z
F ⊆ E implique f IF = f,
E F
et Z Z
0 ≤ f ≤ g sur E implique f≤ g
E E
découlent directement de cette définition et des propriétés correspondantes
pour les fonctions étagées.
Si enfin f : E → R est une fonction mesurable quelconque, nous dirons
qu’elle est une fonction intégrable (ou sommable) sur E si
Z
|f | < +∞
E

et nous poserons alors


Z Z Z
f= +
f − f −.
E E E

Cette définition a un sens puisqu’alors, nécessairement,


Z Z
f + < +∞ et f − < +∞.
E E

Nous dénoterons par L1 (E) la classe des fonctions intégrables sur E.

Remarque. Lorsque E est un intervalle [a, b] avec a ≤ b, on conserve


la notation usuelle pour l’intégrale, en indiquant si nécessaire la variable
d’intégration : on écrit ainsi
Z Z b Z b
f= f= f (x) dx
[a,b] a a

et Z Z +∞ Z +∞
f= f= f (x) dx.
R −∞ −∞

Exemple. La fonction IQ est intégrable sur tout intervalle (a, b) et


Z b
IQ = 0.
a

Exemple. Une fonction mesurable bornée est intégrable sur tout ensemble
de mesure finie. En particulier, une fonction continue est intégrable sur tout
intervalle compact.

27
Théorème 15 (convergence monotone) Soient E ⊆ R un ensemble me-
surable et fn : E → R des fonctions mesurables positives qui croissent vers
une fonction f : E → R. Alors
Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E

Démonstration.
Il est clair que f est une fonction mesurable positive et que
Z Z
lim fn ≤ f.
n→+∞ E E

Pour démontrer l’inégalité réciproque, soient  > 0 et ϕ une fonction mesu-


rable positive étagée telle que ϕ ≤ f et considérons les ensembles

An = {x | fn (x) ≥ (1 − )ϕ(x)}.

Ils sont mesurables et, par hypothèse, croissent vers E. Si


N
X
ϕ= ak IEk
k=1

est la représentation canonique de ϕ, on a


Z Z N
X N
X
fn ≥ (1 − )ϕIAn = (1 − )ak λ(An Ek ) = (1 − ) ak λ(An Ek ).
E E k=1 k=1

Utilisant la continuité de la mesure, on en déduit


Z N
X Z
lim fn ≥ (1 − ) ak λ(EEk ) = (1 − ) ϕ.
n→+∞ E E
k=1

Le nombre  et la fonction ϕ étant arbitraires, ceci entraı̂ne le résultat.


C.Q.F.D.

Remarque. Soient E ⊆ R un ensemble mesurable et fn : E → R des


fonctions mesurables positives qui croissent vers +∞ sur E. Si λ(E) > 0,
Z
lim fn = +∞.
n→+∞ E

En effet, posant
An = {x | fn (x) > K},

28
on a, quel que soit K > 0,
Z Z
fn ≥ fn ≥ Kλ(An )
E An
donc, par continuité, Z
lim fn ≥ Kλ(E).
n→+∞ E
Le nombre K > 0 étant arbitraire, la remarque se trouve justifiée.
Exemple. Soit f : (a, b) → R une fonction mesurable positive bornée.
Alors
Z b n2n  
X k−1 k−1 k
f = lim λ x| ≤ f (x) < n .
a n→+∞ 2n 2n 2
k=1

Théorème 16 Soient E ⊆ R un ensemble mesurable, f, g : E → R des


fonctions intégrables sur E et α, β ∈ R. Alors αf + βg est intégrable sur E
et Z Z Z
αf + βg = α f +β g.
E E E
Démonstration.
La démonstration se fait en plusieurs étapes. Soient d’abord ϕ et ψ deux
fonctions mesurables positives étagées. Représentons-les sous la forme
N 0 M 0
X X
ϕ= a0k IEk0 , ψ= b0j IFj0
k=1 j=1

les ensembles mesurables Ek0 et Fj0 étant tels que


N 0 M 0
X X
Ek0 = Fj0 = R.
k=1 j=1

Alors
Z Z N 0 M 0
X X
ϕ+ ψ= a0k λ(EEk0 ) + b0j λ(EFj0 )
E E k=1 j=1
N0 X
X M0 N0 X
X M0
= a0k λ(EEk0 Fj0 ) + b0j λ(EEk0 Fj0 )
k=1 j=1 k=1 j=1
N0 X
X M0 Z
= (a0k + b0j )λ(EEk0 Fj0 ) = (ϕ + ψ).
k=1 j=1 E

29
Soient ensuite f et g deux fonctions mesurables positives. Il existe deux
suites de fonctions mesurables positives étagées {ϕn }n∈N et {ψn }n∈N qui
croissent vers f et g respectivement. On a donc
Z Z Z Z Z Z
f+ g = lim ϕn + lim ψn = lim ( ϕn + ψn )
E E n→+∞ E n→+∞ E n→+∞ E E
Z Z
= lim (ϕn + ψn ) = (f + g)
n→+∞ E E

(en vertu du théorème de la convergence monotone).


Soient enfin f et g deux fonctions intégrables. Alors h = f + g est
intégrable puisque
Z Z Z Z
|h| ≤ (|f | + |g|) = |f | + |g| < +∞.
E E E E

De plus, on a
h + + f − + g − = f + + g + + h−
donc Z Z Z Z Z Z
− −
h + +
f + g = f + + +
g + h−
E E E E E E
c’est-à-dire Z Z Z
h= f+ g.
E E E
D’autre part, si α ≥ 0, il est clair que
Z Z
αϕ=α ϕ
E E

pour toute fonction mesurable positive étagée ϕ, donc que, pour toute fonc-
tion mesurable positive f ,
Z Z
αf = α f.
E E

Pour une fonction intégrable f quelconque, αf est intégrable (en appliquant


ce qui précède à α |f |) et
Z Z Z Z Z Z Z Z
+ − + − + −
αf = (αf ) − (αf ) = αf − αf = α( f − f ) = α f.
E E E E E E E E

30
Si, enfin, α < 0, αf = (−α)(−f ) est intégrable et
Z Z Z Z Z

αf = (−α)(−f ) = (−α) (−f ) = (−α)( f − f +)
E E
Z ZE Z E E
+ −
= α( f − f )=α f.
E E E

C.Q.F.D.

Remarque. Si E = A + B est une partition mesurable de E et f est


intégrable sur E, on a Z Z Z
f= f+ f
E A B
(additivité finie de l’intégrale) en appliquant le théorème précédent aux fonc-
tions f IA et f IB .

Théorème 17 Soient E ⊆ R un ensemble mesurable, f, g : E → R des


fonctions intégrables sur E telles que f ≤ g sur E. Alors
Z Z
f≤ g
E E

avec égalité si et seulement si f = g presque partout sur E.

Démonstration.
On a Z Z Z
0≤ (g − f ) = g− f.
E E E
L’égalité a lieu dès que f = g presque partout sur E puisque, posant

A = {x | f (x) = g(x)} , B = {x | f (x) 6= g(x)},

on a Z Z Z
(g − f ) = (g − f ) + (g − f ) = 0.
E A B
Réciproquement, observons
R que si h : E → R est une fonction mesurable
positive telle que E h = 0, on doit avoir h = 0 presque partout sur E (on
prendra ici h = g − f ). Posant en effet
1
Ak = {x | h(x) > },
k

31
on a Z Z
1
0= h≥ hIAk ≥ λ(Ak )
E E k
de telle sorte que
λ(Ak ) = 0
pour tout k > 0 et donc que

λ ({x | h(x) > 0}) = lim λ(Ak ) = 0.


k→+∞

C.Q.F.D.

Remarque. L’inégalité du triangle,


Z Z

g ≤ |g|,

E E

s’obtient du théorème précédent en y choisissant f = ±g.

On résume les deux théorèmes précédents en disant que L1 (E) est un


espace vectoriel réel sur lequel
Z
f 7→ f
E

est une forme linéaire positive. L’espace L1 ([a, b]) contient l’espace C([a, b])
des fonctions continues.

Théorème 18 Soient f : [a, b] → R une fonction continue et F : [a, b] → R


la fonction définie par Z x
F (x) = f (t) dt.
a
Alors, pour tout x ∈]a, b[,
F 0 (x) = f (x).

Démonstration.
Les propriétés de linéarité, de positivité et d’additivité finie de l’intégrale
entraı̂nent que

1 x+h

F (x + h) − F (x)
Z
− f (x) ≤
|f (t) − f (x)| dt
h h x

32
si h > 0 et
Z x
F (x + h) − F (x) 1
− f (x) ≤
|f (t) − f (x)| dt
h |h| x+h

si h < 0. Dans les deux cas,



F (x + h) − F (x)
− f (x) ≤ sup |f (t) − f (x)|
h
|t−x|≤|h|

ce qui permet de conclure. C.Q.F.D.

Remarque. Le théorème précédent montre que, pour une fonction f conti-


nue sur un intervalle compact [a, b], l’intégrale de Lebesgue coı̈ncide avec
l’intégrale de Riemann et peut être évaluée au moyen du théorème fonda-
mental du calcul : si F est une primitive quelconque de f (c’est-à-dire une
fonction F telle que F 0 = f ),
Z b
f = F (b) − F (a).
a

Il faut cependant noter qu’il existe des fonctions continues telles que
Z b
lim f existe
b→+∞ a

bien que Z +∞
|f | = +∞.
a

Une fonction à valeurs dans [0, +∞] apparaı̂t dans le théorème suivant.
La mesurabilité et l’intégrale d’une telle fonction sont définies exactement
comme pour les fonctions positives (à valeur dans [0, +∞[ ). Si l’ensemble
E∞ des points où elle est infinie est de mesure strictement positive, son
intégrale est aussi infinie alors que si cet ensemble est de mesure nulle,
l’intégrale peut être finie ou infinie. On peut alors redéfinir la fonction
sur l’ensemble E∞ (en la posant égale à 0 par exemple) sans modifica-
tion substantielle de ses autres propriétés. Comme nous l’avons remarqué,
le théorème de la convergence monotone reste valable si la fonction limite
est à valeurs dans [0, +∞].

33
Théorème 19 (Fatou) Soient E ⊆ R un ensemble mesurable et fn : E → R
des fonctions mesurables positives. Alors
Z Z
lim inf fn ≤ lim inf fn .
E n→+∞ n→+∞ E

Démonstration.
Les fonctions gn : E → R définies par les relations

gn = inf fk
k≥n

forment une suite croissante de fonctions mesurables positives telle que

gn ≤ fn .

D’où Z Z
lim gn ≤ lim inf fn .
n→+∞ E n→+∞ E
En vertu du théorème de la convergence monotone,
Z Z Z
lim gn = lim gn = lim inf fn
n→+∞ E E n→+∞ E n→+∞

ce qui termine la démonstration. C.Q.F.D.

Remarque. En vertu du lemme de Fatou, pour montrer que

lim inf fn < +∞


n→+∞

presque partout sur E, il suffit de montrer que


Z
lim inf fn < +∞.
n→+∞ E

Théorème 20 (convergence dominée) Soient E ⊆ R un ensemble me-


surable et fn : E → R des fonctions intégrables qui convergent vers une fonc-
tion f : E → R. Supposons qu’il existe une fonction intégrable g : E → R
telle que |fn (x)| ≤ g(x) pour n ∈ N et pour tout x ∈ E. Alors
Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E

34
Démonstration.
On a |f | ≤ g et la fonction f est intégrable. Appliquons le lemme de
Fatou aux fonctions 2g − |f − fn |. On obtient
Z Z Z
2g = lim inf (2g − |f − fn |) ≤ lim inf (2g − |f − fn |)
E EZ n→+∞ Z Z
n→+∞ E
Z
= lim inf ( 2g − |f − fn |) = 2g − lim sup |f − fn |.
n→+∞ E E E n→+∞ E

Ceci implique Z
lim |f − fn | = 0
n→+∞ E

et, à fortiori, Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E
C.Q.F.D.

P+∞ 21 Soient fk : E → R des fonctions mesurables telles que la


Théorème
série k=1 fk converge sur E. Alors
Z X+∞ +∞ Z
X
fk = fk
E k=1 k=1 E

pourvu
P+∞ que les fonctions fk soient positives sur E ou pourvu que la série
k=1 |fk | converge et que sa somme soit intégrable sur E.

Démonstration.
On a
+∞
Z X Z n
X n
Z X
fk = lim fk = lim fk
E k=1 E n→+∞ k=1 n→+∞ E
k=1
Xn Z +∞ Z
X
= lim fk = fk ,
n→+∞ E E
k=1 k=1

la permutation de la limite et de l’intégrale étant justifiée par le théorème


de la convergence monotone lorsque les fonctions fk sont positivesP et par le
théorème de la convergence dominée de Lebesgue lorsque la série +∞ k=1 |fk |
converge vers une fonction intégrable : le rôlePdes fonctions fn dans ce
théorème est ici joué par les sommes partielles nk=1 fk ,
n
X
fn −→ fk ,
k=1

35
P+∞
et celui de la fonction g par la somme k=1 |fk | :
+∞
X
g −→ |fk |.
k=1

C.Q.F.D.

Remarque. Soient Ak ⊆ R des ensembles mesurables deux à deux dis-


joints et f : R → R une fonction mesurable. Alors
Z +∞ Z
X
P+∞ f= f
k=1 Ak k=1 Ak

P+∞
pourvu
P+∞ que f soit positive sur k=1 Ak ou pourvu que f soit intégrable sur
k=1 A k (additivité de l’intégrale). Ceci suit en effet du théorème précédent
en l’appliquant à l’ensemble E = R et aux fonctions fk = f IAk .

Théorème 22 Soit f : [a, b] × (α, β) → R une fonction admettant une


dérivée partielle par rapport à son deuxième argument. Supposons que les
fonctions
∂f
x 7→ f (x, t) et x 7→ (x, t)
∂t
soient intégrables pour chaque t ∈ (α, β), que la fonction
∂f
t 7→ (x, t)
∂t
soit continue pour chaque x ∈ [a, b] et supposons enfin que la fonction
∂f
(x, t)
∂t
soit bornée sur [a, b] × (α, β). Alors

d b
Z Z b
∂f
f (x, t) dx = (x, t) dx.
dt a a ∂t

Démonstration.
En vertu du théorème des accroissements finis, il existe pour chaque
x ∈ [a, b] un nombre θx (t) ∈ [0, 1] tel que
Z b Z b
f (x, t + h) − f (x, t) ∂f
dx = (x, t + θx (t)h) dx.
a h a ∂t

36
Puisque
∂f ∂f
lim
(x, t + θx (t)h) = (x, t)
h→0 ∂t ∂t
et puisqu’il existe une constante K > 0 telle que

∂f
(x, t + θx (t)h) ≤ K,
∂t

le théorème de la convergence dominée (qui reste valable même si h approche


0 de façon continue) implique
b b
f (x, t + h) − f (x, t)
Z Z
d
f (x, t) dx = lim dx
dt a h→0 a h
Z b Z b Z b
∂f ∂f ∂f
= lim (x, t + θx (t)h) dx = lim (x, t + θx (t)h) dx = (x, t) dx.
h→0 a ∂t a h→0 ∂t a ∂t

C.Q.F.D.

4.1 Exercices
1. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que, pour tout x0 ∈ R, la fonction x 7→
f (x + x0 ) est intégrable et
Z +∞ Z +∞
f (x + x0 ) dx = f (x) dx.
−∞ −∞

2. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que, pour tout k ∈ R, k 6= 0, la fonction


x 7→ f (kx) est intégrable et
Z +∞ Z +∞
1
f (kx) dx = f (x) dx.
−∞ |k| −∞

3. Soit f ∈ L1 (E). Montrer que, quel que soit  > 0, on peut trouver une
fonction mesurable étagée ϕ telle que
Z
|f − ϕ| < .
E

4. Soient f ∈ L1 (E) et g : E → R une fonction R coı̈ncidant presque


partout avec f . Montrer que g ∈ L1 (E) et que E g = E f .
R

5. Obtenir la propriété de continuité de la mesure à partir du théorème


de la convergence monotone.

37
6. Déduire le théorème de la convergence monotone du lemme de Fatou.
7. Montrer que l’on peut avoir inégalité stricte dans le lemme de Fatou.
8. Le lemme de Fatou reste-t-il vrai si on y remplace lim inf par lim sup ?
9. Soit
fn (x) = ne−n|x| .
Vérifier que, pour tout x 6= 0,

lim fn (x) = 0.
n→+∞

Calculer ensuite Z +∞
lim fn (x) dx.
n→+∞ −∞

10. Vérifier que les fonctions


1
fn = I 2
n [0,n ]
convergent vers 0 uniformément sur l’axe réel. Calculer ensuite
Z +∞
lim fn .
n→+∞ −∞

11. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que


Z
lim f = 0.
n→+∞ |x|>n

12. Soit f ∈ L1 (R). Est-il nécessairement vrai que

lim f (x) = 0?
|x|→+∞

13. Soit f ∈ L1 (R). Déterminer


Z +∞
lim f (x) sinn x dx.
n→+∞ −∞

14. Calculer Z n
x n −2x
lim 1+ e dx.
n→+∞ 0 n

38
15. Montrer que
Z b
sin x
lim dx existe
b→+∞ 0 x
puis vérifier que
+∞
Z
sin x dx = +∞.

x
0

Suggestion. Pour la première partie de la question, intégrer par parties.


16. Soient fn : E → R des fonctions mesurables positives qui décroissent
vers une fonction f : E → R. Montrer que
Z Z
lim fn = f
n→+∞ E E

pourvu que f1 soit intégrable. Cette dernière condition est-elle indis-


pensable ?
17. Soient fn : E → R des fonctions intégrables qui croissent vers une
fonction f : E → R. Montrer que
Z Z
lim fn = f
n→+∞ E E

pourvu qu’il existe K ∈ R tel que


Z
fn ≤ K
E

pour tout n ∈ N.
18. Soient fn : E → R des fonctions mesurables positives qui convergent
vers une fonction f : E → R de telle sorte que fn ≤ f pour tout n ∈ N.
Montrer que Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E

19. Soient fn : E → R des fonctions intégrables telles que |fn | ≤ g pour


tout n ∈ N où la fonction g : E → R est intégrable. Montrer qu’alors
Z Z Z Z
lim inf fn ≤ lim inf fn ≤ lim sup fn ≤ lim sup fn .
E n→+∞ n→+∞ E n→+∞ E E n→+∞

20. Soient fn : E → R des fonctions mesurables qui convergent vers


une fonction f : E → R, gn : E → R des fonctions intégrables qui

39
convergent vers une fonction intégrable g : E → R et supposons que
|fn | ≤ gn pour tout n ∈ N. Montrer que dans ce cas
Z Z Z Z
lim fn = f pourvu que lim gn = g.
n→+∞ E E n→+∞ E E

Suggestion : considérer les fonctions g + gn − |f − fn |.


21. Montrer que
Z +∞ +∞
x X 1
dx = .
0 ex − 1 k2
k=1

22. Montrer que, quel que soit t > 0, la fonction x 7→ e−x xt−1 est intégrable
sur [0, +∞[.
23. Justifier la dérivation sous le signe intégral :

d +∞ −x t−1
Z Z +∞
e x dx = e−x xt−1 log x dx.
dt 0 0

40
5 MESURE ET INTÉGRATION ABSTRAITES
Dans ce chapitre, nous allons généraliser les notions d’ensemble mesu-
rable, de fonction mesurable, de mesure et d’intégrale rencontrées précédemment.

5.1 Ensembles mesurables


Soit X un ensemble. Une tribu T sur X est une famille de parties de
X, T ⊆ P(X), telle que :
T1 X ∈ T ;
T2 E ∈ T implique E c = X \ E ∈ T ;
S
T3 En ∈ T pour tout n ∈ N implique n∈N En ∈ T.
Les parties de X appartenant à T sont les parties mesurables de X et
la paire (X, T) forme un espace mesurable.

Une algèbre de Boole (ou un clan) A sur X est une famille de parties
de X telle que :
A1 X ∈ A ;
A2 E ∈ A implique E c = X \ E ∈ A ;
A3 E1 , E2 ∈ A implique E1 ∪ E2 ∈ A.
Toute tribu est une algèbre de Boole.

Soit G une famille quelconque de parties de X. La tribu engendrée par


G, T(G), est l’intersection de toutes les tribus contenant G – il y a toujours
au moins une telle tribu, nommément P(X) et l’intersection d’une famille
de tribus est encore une tribu. C’est donc la plus petite tribu contenant G.
On a de même la notion d’algèbre de Boole engendrée par G, A(G).

Une topologie O sur X est une famille de parties de X telle que :


O1 ∅, X ∈ O ;
S
O2 Oα ∈ O pour tout α ∈ A implique α∈A Oα ∈ O;
O3 O1 , O2 ∈ O implique O1 O2 ∈ O.
Les parties de X appartenant à O sont les parties ouvertes de X et la
paire (X, O) forme un espace topologique. Les compléments des parties
ouvertes sont les parties fermées.

41
Exemple. La tribu borélienne sur un espace topologique X, BX , est
la tribu engendrée par les ouverts O de X : BX = T(O). On a donc

BR ⊆ LR .

Puisque toute partie ouverte de R peut s’écrire comme la réunion d’une


suite finie ou infinie d’intervalles ouverts, BR est aussi engendrée par les
intervalles ouverts ]a, b[ — mais aussi par les seuls intervalles de la forme
] − ∞, b].

Exemple. Soient (X1 , T1 ) et (X2 , T2 ) deux espaces mesurables. La tribu


produit, T1 × T2 , est la tribu sur l’ensemble produit X1 × X2 engendrée
par la famille R des rectangles mesurables, c’est-à-dire par les ensembles
R de la forme

R = E1 × E2 avec E1 ∈ T1 et E2 ∈ T2 .

Soient X1 un ensemble, (X2 , T2 ) un espace mesurable et f : X1 → X2


une application. L’image réciproque de T2 par f ,

f −1 (T2 ) = {f −1 (E2 ) | E2 ∈ T2 }

est une tribu sur X1 .

Exemple. Soient (X, T) un espace mesurable et X 0 ∈ T. La trace T0 de


T sur X 0 est l’image réciproque de T par l’injection canonique i : X 0 →
X, i(x) = x. En d’autres mots,

T0 = {E 0 ⊆ X 0 | E 0 = EX 0 , E ∈ T}.

Théorème 23 Soient X1 un ensemble, (X2 , T2 ) un espace mesurable et f :


X1 → X2 une application. Si T2 est engendrée par G2 , alors T1 = f −1 (T2 )
est engendrée par G1 = f −1 (G2 ). Symboliquement,

T ◦ f −1 = f −1 ◦ T.

Démonstration.
Soit S1 la tribu engendrée par G1 . Puisque T1 contient G1 , T1 contient
S1 . Considérons alors

S2 = {E2 ⊆ X2 | f −1 (E2 ) ∈ S1 }.

42
S2

S1

T1 G2 T2
G1 f

Fig. 1 – Image inverse des générateurs

C’est une tribu sur X2 qui contient G2 donc qui contient T2 . D’où

T1 = f −1 (T2 ) ⊆ f −1 (S2 ) ⊆ S1 .

C.Q.F.D.

Si (X1 , T1 ) est un espace mesurable, X2 est un ensemble et f : X1 → X2


est une application, l’image directe de T1 par f est la tribu f∗ (T1 ) sur X2
définie par
f∗ (T1 ) = {E2 ⊆ X2 | f −1 (E2 ) ∈ T1 }.

5.2 Fonctions mesurables


Soient (X1 , T1 ) et (X2 , T2 ) deux espaces mesurables. Une application
f : X1 → X2 est une application mesurable si

f −1 (T2 ) ⊆ T1 .

Si G2 est un ensemble de générateurs pour T2 , alors, en vertu du théorème


(23) page (42), f est mesurable si et seulement si

f −1 (G2 ) ⊆ T1 .

M((X1 , T1 ), (X2 , T2 )) désigne l’espace des applications mesurables et, en


particulier, L0 (X, T) = M((X, T), (R, BR )) est l’espace des fonctions mesu-
rables sur X. Ainsi,
f ∈ L0 (X, T)
si et seulement si
{x | f (x) ≤ b} ∈ T
pour tout b ∈ R.

43
Exemple. Soient (X1 , O1 ), (X2 , O2 ) deux espaces topologiques. Une ap-
plication f : X1 → X2 est continue si
f −1 (O2 ) ⊆ O1 .
C((X1 , O1 ), (X2 , O2 )) désigne l’espace des applications continues et, en par-
ticulier, C(X, O) = C((X, O), (R, OR )) est l’espace des fonctions continues
sur X. On a donc
C((X1 , O1 ), (X2 , O2 )) ⊆ M((X1 , BX1 ), (X2 , BX2 ))
et
C(X, O) ⊆ L0 (X, BX ).

Exemple. Soient (X, T) un espace mesurable, X 0 ∈ T et f ∈ L0 (X, T).


Alors la restriction f 0 = f /X 0 de f à X 0 est mesurable relativement à la
trace T0 de T sur X 0 . Réciproquement, toute fonction
f 0 ∈ L0 (X 0 , T0 )
peut être prolongée à une fonction
f ∈ L0 (X, T)
en posant (par exemple)
/ X 0.
f (x) = 0 si x ∈

Soient (X1 , T1 ), (X2 , T2 ) et (X3 , T3 ) trois espaces mesurables et f ∈


M((X1 , T1 ), (X2 , T2 )), g ∈ M((X2 , T2 ), (X3 , T3 )) deux applications mesu-
rables. Alors la fonction composée
g ◦ f : X1 → X3
est mesurable puisque
(g ◦ f )−1 (T3 ) = f −1 (g −1 (T3 )).
Théorème 24 Soient (X, T), (X1 , T1 ) et (X2 , T2 ) trois espaces mesurables,
f : X → X1 × X2 une application et f1 : X → X1 , f2 : X → X2 ses
composantes. Alors
f ∈ M((X, T), (X1 × X2 , T1 × T2 ))
si et seulement si
f1 ∈ M((X, T), (X1 , T1 )) et f2 ∈ M((X, T), (X2 , T2 )).

44
Démonstration.
Les projections π1 : X1 × X2 → X1 et π2 : X1 × X2 → X2 , π1 ((x1 , x2 )) =
x1 , π2 ((x1 , x2 )) = x2 , sont mesurables. Si f est mesurable, ses composantes
f1 = π1 ◦ f et f2 = π2 ◦ f le seront aussi. Réciproquement, f est mesurable
dès que f1 et f2 le sont puisque qu’alors f −1 (R) ⊆ T :

f −1 (E1 × E2 ) = f1−1 (E1 )f2−1 (E2 ).

C.Q.F.D.

Une base ouverte pour la topologie O de l’espace (X, O) est une famille
O0 de parties ouvertes de X telle que toute partie ouverte de X puisse s’écrire
comme réunion d’éléments de O0 . L’espace est séparable s’il possède une
base dénombrable. Si (X1 , O1 ) et(X2 , O2 ) sont deux espaces topologiques, la
topologie produit O1 ×O2 est la topologie sur l’ensemble produit X1 ×X2
engendrée par les rectangles ouverts

O1 × O2 avec O1 ∈ O1 et O2 ∈ O2 .

Elle est constituée par l’ensemble des réunions quelconques de tels rectangles
ouverts. Elle est donc séparable si O1 et O2 le sont.

Théorème 25 Soient (X1 , O1 ) et (X2 , O2 ) deux espaces topologiques séparables.


Alors
BX1 ×X2 = BX1 × BX2 .

Démonstration.
On a toujours BX1 × BX2 ⊆ BX1 ×X2 . En effet, la fonction identité
I : X1 × X2 → X1 × X2 , I(x1 , x2 ) = (x1 , x2 ), appartient à l’espace

M((X1 × X2 , BX1 ×X2 ), (X1 × X2 , BX1 × BX2 ))

puisque ses composantes sont mesurables (théorème (24) page (44)) :

(π1 ◦ I)−1 (O1 ) = O1 × X2 et (π2 ◦ I)−1 (O2 ) = X1 × O2 .

Réciproquement, BX1 ×BX2 contient tous les rectangles ouverts donc toutes
les réunions dénombrables de rectangles ouverts c’est-à-dire, sous l’hypothèse,
tous les ouverts. C.Q.F.D.

Exemple. On a donc
BR 2 = BR × BR .

45
En particulier, une fonction complexe f sur un espace mesurable (X, T),
f : X → C, est mesurable si et seulement si sa partie réelle <f et sa partie
imaginaire =f le sont.

Un espace métrique (X, d) est un ensemble X muni d’une distance


d : X × X → [0, +∞[ telle que
D1 d(x, y) = 0 si et seulement si x = y ;
D2 d(x, y) = d(y, x) ;
D3 d(x, y) ≤ d(x, z) + d(z, y).
Dans un espace métrique X, la boule ouverte de centre x et de rayon
r > 0 est
B(x, r) = {y | d(x, y) < r}.
Par définition, une partie O ⊆ X est ouverte si à chaque x ∈ O correspond
rx > 0 tel que
B(x, rx ) ⊆ O.
Un espace métrique est donc séparable s’il contient une partie dénombrable
dense, c’est-à-dire une suite {xn }n∈N telle que tout point x ∈ X en est la
limite d’une suite partielle {xnk }k∈N :
lim d(x, xnk ) = 0
k→+∞

— les boules {B(xn , r)}n∈N, r∈Q forment alors une base ouverte de sa topo-
logie.
Si (X1 , d1 ) et (X2 , d2 ) sont deux espaces métriques, une application f :
X1 → X2 est continue si et seulement elle est continue en chaque point
x ∈ X1 , c’est-à-dire si et seulement si pour tout x ∈ X1 et pour toute suite
{xn }n∈N telle que
lim d1 (xn , x) = 0,
n→+∞
on a
lim d2 (f (xn ), f (x)) = 0.
n→+∞
La relation
q
D((x1 , x2 ), (y1 , y2 )) = d21 (x1 , y1 ) + d22 (x2 , y2 )
définit une distance sur l’espace produit X1 × X2 qui engendre la topologie
produit.
Si E ⊆ X et x ∈ X, la distance de x à E est
d(x, E) = inf{d(x, e) | e ∈ E}.

46
Théorème 26 Soient (X, T) un espace mesurable, (Y, d) un espace métrique
et fn ∈ M((X, T), (Y, BY )) des applications admettant une limite f : X →
Y . Alors f ∈ M((X, T), (Y, BY )).

Démonstration.
Soit O ⊆ Y un ensemble ouvert. Les ensembles
1
Ok = {y | d(y, Oc ) > }
k
sont ouverts (exercice (9) page (64)). Les ensembles fn−1 (Ok ) sont donc me-
surables et les ensembles \
fn−1 (Ok )
n≥N

le sont aussi. Les ensembles


[ [ \
f −1 (O) = fn−1 (Ok )
k∈N N ∈N n≥N

(exercice (10) page (64)) enfin sont également mesurables. C.Q.F.D.

Théorème 27 Si f, g ∈ L0 (X, T), alors

f + g, f g, sup{f, g} et inf{f, g} ∈ L0 (X, T).

Si X 0 = {x | g(x) 6= 0}, alors f /g ∈ L0 (X 0 , T0 ).

Démonstration.
L’application X → R2 , x 7→ (f (x), g(x)), est mesurable et les fonctions
2
R → R définies par (u, v) 7→ u + v, (u, v) 7→ uv, (u, v) 7→ sup{u, v} et
(u, v) 7→ inf{u, v} sont continues.
L’ensemble X 0 est mesurable, l’application X 0 → R × R \ {0}, x 7→
(f (x), g(x)), est mesurable et la fonction R × R \ {0} → R, (u, v) 7→ u/v, est
continue. C.Q.F.D.

La droite achevée est

R = [−∞, +∞].

C’est un espace topologique : les intervalles de type [−∞, b[, ]a, b[ et ]a, +∞]
en forment une base ouverte. Cet espace est séparable et métrisable (il est
homéomorphe à l’intervalle [−π/2, π/2] via la fonction arctan par exemple).

47
Si a, b ∈ R, a ± b, ab et a/b sont définis « naturellement » : on convient
que 0 × ±∞ = 0 mais ∞ − ∞, ±∞/ ± ∞ et a/0 ne sont pas définis.
Dans R, tout ensemble E admet une borne supérieure sup E et une borne
inférieure inf E.
0
On désignera par L (X, T) = M((X, T), (R, BR )) l’espace des fonctions
numériques mesurables.

0
Théorème 28 Si fn ∈ L (X, T) pour tout n ∈ N, alors
0
sup fn , inf fn , lim sup fn et lim inf fn ∈ L (X, T).
n n n n

0
Si X 0 = {x | limn fn (x) existe }, alors limn fn ∈ L (X 0 , T0 ).

Démonstration.
La première partie suit des relations :
[
(sup fn )−1 (]a, +∞]) = fn−1 (]a, +∞]),
n
n∈N

[ \ 1
(sup fn )−1 ([−∞, b[) = fn−1 ([−∞, b − ]),
n m
m∈N n∈N

(sup fn )−1 (]a, b[) = (sup fn )−1 (]a, +∞])(sup fn )−1 ([−∞, b[),
n n n

inf fn = − sup −fn , lim sup fn = inf sup fk , lim inf fn = sup inf fk .
n n n n k≥n n n k≥n

D’autre part, l’ensemble X 0 est mesurable car

X 0 = {x | lim inf fn = lim sup fn }


n n

et sur X 0 , on a
lim fn = lim inf fn .
n n

C.Q.F.D.

Exemple. Soit (X, O) un espace topologique. Toute fonction f : X → R


qui est semi-continue inférieurement (telle que les ensembles f −1 (]a, +∞])
sont ouverts) ou qui est semi-continue supérieurement (telle que les en-
0
sembles f −1 ([−∞, b[) sont ouverts) appartient à L (X, BX ).

48
5.3 Mesures positives
Soit (X, T) un espace mesurable. Une mesure positive sur X est une
fonction µ : T → [0, +∞] telle que
MP1 µ(∅) = 0 ;
MP2 En ∈ T pour tout n ∈ N et Em En = ∅ si n 6= m impliquent
!
X X
µ En = µ(En )
n∈N n∈N

(additivité de la mesure).
Le triplet (X, T, µ) est un espace mesuré. M+ (X, T) désigne l’espace
des mesures positives sur X, définies sur T et Mf (X, T) ⊆ M+ (X, T) désigne
celles qui sont finies : une mesure positive est une mesure finie si µ(X) <
+∞. Une mesure positive est une mesure σ-finie s’il existe une suite
{Dn }n∈N de parties mesurables de X qui sont de mesure finie et qui épuisent
X :
– pour Stout n ∈ N, µ(Dn ) < +∞ ;
– X = n∈N Dn .

Exemple. Une mesure finie de masse totale unité est une mesure de
probabilité. On désigne alors habituellement par Ω l’espace sous-jacent,
par P la mesure et le triplet (Ω, T, P ) est appelé espace probabilisé. Les
parties mesurables de Ω se nomment événements E ∈ T et les fonctions
mesurables, X ∈ L0 (Ω, T), variables aléatoires.

Exemple. Soit X un ensemble. La fonction µcard définie sur P(X) par


(
card(E) si E est fini,
µcard (E) =
+∞ sinon

est une mesure positive sur X (la mesure du cardinal).

Exemple. Soit X un espace topologique. Un élément de M+ (X, T) est


une mesure borélienne positive sur X si T ⊇ BX .

Exemple. Soient (X, T, µ) un espace mesuré et X 0 ∈ T. La trace de µ


sur X 0 est la mesure µ0 sur X 0 définie sur T0 par la relation µ0 (E 0 ) = µ(E 0 ).

49
Exemple. Soient (X1 , T1 , µ1 ) un espace mesuré, X2 un ensemble et f :
X1 → X2 une application. L’image directe de la mesure µ1 par f est la
mesure f∗ µ1 sur X2 définie sur la tribu f∗ (T1 ) par

f∗ µ1 (E2 ) = µ1 (f −1 (E2 )).

Remarque. La mesure de Lebesgue λ sur R est une mesure borélienne po-


sitive σ-finie. Dans la suite de ce cours, lorsqu’aucune mesure n’est spécifiée,
c’est d’elle qu’il s’agit.

Théorème 29 Soit (X, T, µ) un espace mesuré.


1. E1 , E2 ∈ T et E1 ⊆ E2 impliquent µ(E1 ) ≤ µ(E2 )
(monotonie de la mesure) ;
2. En ∈ T pour tout n ∈ N implique
!
[ X
µ En ≤ µ(En )
n∈N n∈N

(sous-additivité de la mesure) ;
3. En ∈ T et En ⊆ En+1 pour tout n ∈ N impliquent
!
[
µ En = lim µ(En );
n→+∞
n∈N

4. En ∈ T et En ⊇ En+1 pour tout n ∈ N et µ(E1 ) < +∞ impliquent


!
\
µ En = lim µ(En )
n→+∞
n∈N

(continuité de la mesure).

Démonstration.
En vertu de l’additivité, E2 = E1 + E2 E1c entraı̂ne

µ(E2 ) = µ(E1 ) + µ(E2 E1c ) ≥ µ(E1 ).

Ensuite, posons
c
F1 = E1 et, pour n ≥ 2, Fn = En En−1 . . . E1c .

50
Alors ! !
[ X X X
µ En =µ Fn = µ(Fn ) ≤ µ(En ).
n∈N n∈N n∈N n∈N

Pour la continuité sur les suites croissantes, posons


c
G1 = E1 et, pour n ≥ 2, Gn = En En−1 .

Alors
! !
[ X X
µ En =µ Gn = µ(Gn )
n∈N n∈N n∈N
n n
!
X X
= lim µ(Gk ) = lim µ Gk = lim µ(En ).
n→+∞ n→+∞ n→+∞
k=1 k=1

Pour la continuité sur les suites décroissantes, enfin, soient

Hn = E1 \ En = E1 Enc .

Alors, en vertu du cas précédent et puisque µ(En ) < +∞,


!
[
lim (µ(E1 ) − µ(En )) = lim µ(Hn ) = µ Hn
n→+∞ n→+∞
n∈N
! !c ! !
[ \ \
= µ E1 Enc = µ E1 En = µ(E1 ) − µ En .
n∈N n∈N n∈N

C.Q.F.D.

Théorème 30 (Borel-Cantelli) Soit (X, T, µ) un espace mesuré. Si les


ensembles En ∈ T sont tels que
X
µ(En ) < +∞,
n∈N

alors  
\ [
µ En  = 0.
N ∈N n≥N

51
Démonstration.
En utilisant le théorème (29) page (50), on obtient
   
\ [ [ X
µ En  = lim µ  En  ≤ lim µ(En ) = 0.
N →+∞ N →+∞
N ∈N n≥N n≥N n≥N

C.Q.F.D.

Soit (X, T, µ) un espace mesuré. Une partie N ⊆ X est dite négligeable


s’il existe A ∈ T tel que

N ⊆ A et µ(A) = 0.

L’espace (X, T, µ) est dit complet si toute partie négligeable y est mesu-
rable. (On dit aussi que la tribu T est µ-complète). Une propriété P des
points de X est dite vraie presque partout si l’ensemble des points de X
où elle n’est pas vérifiée est négligeable — on dit presque sûrement dans
le cas d’une mesure de probabilité.

Soit Tµ la famille des parties E de X ayant la propriété suivante : il


existe A, B ∈ T tels que

B ⊆ E ⊆ A et µ(AB c ) = 0.

Alors T ⊆ Tµ . On prolonge µ à Tµ en posant

µ(E) = µ(A).

Cette définition est justifiée, c’est-à-dire indépendante du choix de A. Si l’on


a aussi B 0 ⊆ E ⊆ A0 avec A0 , B 0 ∈ T et µ(A0 B 0c ) = 0, alors

µ(B 0 ) ≤ µ(A) = µ(B) ≤ µ(A0 ) = µ(B 0 ).

Théorème 31 Le triplet (X, Tµ , µ) est un espace mesuré complet et pour


tout espace mesuré complet (X, S, ν) tel que T ⊆ S et que la restriction de
ν à T, ν/T, coı̈ncide avec µ, on a nécessairement Tµ ⊆ S et ν/Tµ = µ.

Démonstration.
Il est clair que Tµ est une tribu sur X et que µ prolongée à Tµ est une
mesure sur X. L’espace mesuré (X, Tµ , µ) est évidemment complet. Soit

52
alors (X, S, ν) un espace mesuré complet tel que T ⊆ S et que ν/T = µ.
Pour tout E ∈ Tµ , on peut écrire

E = B + EB c avec B ∈ T et EB c ∈ S

puisque EB c ⊆ AB c avec A ∈ T, que ν(AB c ) = µ(AB c ) = 0 et que S est


ν-complète. D’où E ∈ S et

ν(E) = ν(B) = µ(B) = µ(E).

C.Q.F.D.

La tribu Tµ est la complétion de la tribu T relativement à la mesure


µ.
Exemple. La tribu de Lebesgue LR est la complétion de la tribu de Borel
BR relativement à la mesure de Lebesgue λ (exercice (10) page (17)).

5.4 Intégration
Soit (X, T, µ) un espace mesuré. Une fonction étagée (ou élémentaire)
est une fonction φ : X → R dont l’ensemble φ(X) des valeurs est fini.
E 0 (X, T) ⊆ L0 (X, T) désigne l’espace des fonctions étagées mesurables.

Théorème 32 Soit f ∈ L0 (X, T).


1. Il existe une suite de fonctions φn ∈ E 0 (X, T) qui converge vers f .
2. Si f est positive, il existe une suite de fonctions φn ∈ E 0 (X, T) positives
qui croı̂t vers f .
3. Si f est bornée, il existe une suite de fonctions φn ∈ E 0 (X, T) qui croı̂t
vers f , uniformément sur X.

Démonstration.
Supposons d’abord f positive. Soient

En,1 = f −1 ([0, 2−n ]), Fn = f −1 (]n, +∞[),

En,k = f −1 (](k − 1)2−n , k2−n ]) pour 2 ≤ k ≤ n2n


et posons
n
n2
X k−1
φn = IEn,k + nIFn .
2n
k=1

53
Alors 0 ≤ φn ≤ φn+1 ≤ f et à chaque x ∈ X correspond un indice nx à
partir duquel f (x) − 2−n ≤ φn (x). Ceci démontre la deuxième assertion du
théorème.
La première s’en déduit en considérant les fonction positives f + et f − .
La troisième découle aussi de la première parce que les ensembles Fn
sont vides à partir d’un certain rang. On obtient alors une suite de fonctions
φn ∈ E 0 (X, T) qui croı̂t (on peut supposer la fonction positive) vers f de
telle façon que l’on a f − 2−n ≤ φn ≤ f pour tout n assez grand. C.Q.F.D.

Une fonction φ ∈ E 0 (X, T) est intégrable (ou sommable) si

µ({x | φ(x) 6= 0}) < +∞.

E 1 (X, T, µ) ⊆ E 0 (X, T) désigne l’espace des fonctions étagées intégrables.

Si φ ∈ E 1 (X, T, µ), soient φ(X) = {y1 , y2 , . . . , yN } et Hk = φ−1 (yk ) pour


1 ≤ k ≤ N . L’intégrale de φ par rapport à µ sur X est
Z Z N
X
φ dµ = φ(x) dµ(x) = yk µ(Hk )
X X k=1

et, si E ∈ T, Z Z
φ dµ = φIE dµ.
E X

Lemme 1 Soient φ, φ0 ∈ E 1 (X, T, µ). Alors


Z Z Z
(φ + φ0 ) dµ = φ dµ + φ0 dµ
X X X

et, si φ ≤ φ0 , Z Z
φ dµ ≤ φ0 dµ.
X X

Démonstration.
Ce lemme repose sur le fait que si X = M
P
j=1 Fj est une partition mesu-
rable quelconque de X, on a
Z N
X M X
X N
φ dµ = yk µ(Hk ) = yk µ(Hk Fj ).
X k=1 j=1 k=1

54
Les ensembles Hk Hk0 0 formant une partition mesurable de X qui est plus
fine que celle déterminée par la fonction étagée (φ + φ0 ), on a donc
Z Z N X
N 0 Z
X
0
φ dµ + φ dµ = (yk + yk0 0 ) µ(Hk Hk0 0 ) = (φ + φ0 ) dµ.
X X k=1 k0 =1 X

Si φ ≤ φ0 , on a aussi
Z N X
N 0 N X
N 0 Z
X X
φ dµ = yk µ(Hk Hk0 0 ) ≤ yk0 0 µ(Hk Hk0 0 ) = φ0 dµ.
X k=1 k0 =1 k=1 k0 =1 X

C.Q.F.D.

Une fonction f ∈ L0 (X, T) est intégrable (ou sommable) si


Z 
1
sup φ dµ | φ ∈ E (X, T, µ), φ ≤ |f | < +∞.
X

L1 (X, T, µ) ⊆ L0 (X, T) désigne l’espace des fonctions intégrables.

Si f ∈ L1 (X, T, µ), on pose


Z Z 
1
|f | dµ = sup φ dµ | φ ∈ E (X, T, µ), φ ≤ |f | ,
X X
Z Z Z
f dµ = f +
dµ − f − dµ
X X X
et, si E ∈ T, Z Z
f dµ = f IE dµ.
E X

Soient f, g ∈ L0 (X, T) des fonctions qui coı̈ncident µ-presque partout


sur X. Alors |f | et |g| coı̈ncident aussi µ-presque partout sur X et f ∈
L1 (X, T, µ) si et seulement si g ∈ L1 (X, T, µ), auquel cas
Z Z
f dµ = g dµ.
X X

0
Si f ∈ L (X, T), soit

E∞ (f ) = {x | |f (x)| = +∞}.

55
R
Si µ(E∞ (f )) > 0, on pose X |f | dµ = +∞ et si µ(E∞ (f )) = 0, soit
1
f0 = f IE∞ 0
c . Alors, par définition, f ∈ L (X, T , µ) si et seulement si f ∈
1
L (X, T , µ) auquel cas Z Z
f dµ = f 0 dµ.
X X

Exemple. Si (Ω, T, P ) est un espace probabilisé, les éléments de L1 (Ω, T, P )


sont les variables aléatoires admettant une espérance mathématique E(X),
Z
E(X) = X dP.

Exemple. Si µcard est la mesure du cardinal sur X, alors f : X → R


et seulement si l’ensemble Ef = {x | f (x) 6= 0} est fini ou
est intégrable si P
dénombrable et x∈Ef |f (x)| < +∞, auquel cas
Z X
f dµcard = f (x).
X x∈Ef

Théorème 33 (Convergence monotone) Soit {fn }n∈N une suite crois-


sante de fonctions fn ∈ L1 (X, T, µ) positives. Alors (dans [0, +∞]),
Z Z
lim fn dµ = lim fn dµ.
X n→+∞ n→+∞ X

Démonstration.
0
Soit f = limn→+∞ fn . Alors f ∈ L (X, T).
Si Z Z 
lim fn dµ = sup fn dµ | n ∈ N = +∞
n→+∞ X X
et si µ(E∞ (f )) > 0, on a
Z Z
f dµ = lim fn dµ = +∞
X n→+∞ X

alors que si µ(E∞ (f )) = 0, les inégalités


Z Z
fn dµ ≤ f dµ
X X

56
entraı̂nent aussi Z Z
f dµ = lim fn dµ = +∞.
X n→+∞ X

Si Z Z 
α = lim fn dµ = sup fn dµ | n ∈ N < +∞,
n→+∞ X X
alors, nécessairement, µ(E∞ (f )) = 0. En effet, les ensembles En,K = {x |
fn (x) > K} croissent vers les ensembles FK = {x | f (x) > K} et ces derniers
décroissent vers E∞ (f ). Comme
Z Z
1 1 α
µ(En,K ) ≤ fn dµ ≤ fn dµ ≤ ,
K En,K K X K
on a
α
µ(FK ) = lim µ(En,K ) ≤
n→+∞ K
et
µ(E∞ (f )) = lim µ(FK ) = 0.
K→+∞

On peut donc supposer que f < +∞ partout sur X. Soient δ > 0 et


φ ∈ E 1 (X, T) telle que φ ≤ |f | et considérons

Gn,δ = {x | fn (x) ≥ (1 − δ)f (x)}.

Par hypothèse, ces ensembles croissent vers X lorsque n tend vers +∞. D’où
Z N
X N
X
φ dµ = yk µ(Hk ) = lim yk µ(Hk Gn,δ )
X n→+∞
k=1 k=1
Z Z
1
= lim φ dµ ≤ lim fn dµ
n→+∞ G n→+∞ 1 − δ G
n,δ n,δ
Z
1 α
≤ lim fn dµ = .
n→+∞ 1 − δ X 1−δ
δ étant arbitraire,
Z Z 
f dµ = sup φ dµ | φ ∈ E 1 (X, T, µ), φ ≤ f ≤ α.
X X

Ainsi Z Z
f dµ = lim fn dµ.
X n→+∞ X

C.Q.F.D.

57
Exemple.
Lorsque la fonction f ∈ L1 (X, T, µ) est positive, son intégrale peut être
calculée au moyen des sommes de Lebesgue :
n2n  
k−1 k−1
Z X k
f dµ = lim µ x| < f (x) ≤ n +nµ({x | n < f (x)}).
X n→+∞ 2n 2n 2
k=2

Théorème 34 (Linéarité de l’intégrale) Si f, g ∈ L1 (X, T, µ) et si a, b ∈


R, alors af + bg ∈ L1 (X, T, µ) et
Z Z Z
(af + bg) dµ = a f dµ + b g dµ.
X X X
Démonstration.
Si a 6= 0,
Z Z 
|af | dµ = sup φ dµ | φ ∈ E 1 (X, T, µ), φ ≤ |af |
X Z X
 Z
φ φ 1 φ
= sup |a| dµ | ∈ E (X, T, µ), ≤ |f | = |a| |f | dµ.
X |a| |a| |a| X
Si a > 0,
Z Z Z Z Z
af dµ = (af )+ dµ − (af )− dµ = af + dµ − af − dµ
X X X X
Z Z Z Z  X Z
=a f + dµ − a f − dµ = a f + dµ − f − dµ = a f dµ.
X X X X X
Si a < 0,
Z Z Z Z
− +
af dµ = (−a)f dµ − (−a)f dµ = a f dµ.
X X X X
Si f et g sont positives, alors le théorème de la convergence monotone et
les représentations f = limn→+∞ φn et g = limn→+∞ ψn par des fonctions
étagées mesurables positives (théorème (32) page(53)) ainsi que le lemme
(1) page(54) entraı̂nent
Z Z Z Z
f dµ + g dµ = lim φn dµ + lim ψn dµ
X X n→+∞ X n→+∞ X
Z Z 
= lim φn dµ + ψn dµ
n→+∞ X X
Z Z
= lim (φn + ψn ) dµ = (f + g) dµ.
n→+∞ X X

58
Dans le cas général, l’inégalité |f + g| ≤ |f | + |g| implique que f + g ∈
L1 (X, T, µ) et la relation

(f + g)+ + f − + g − = (f + g)− + f + + g +

entraı̂ne
Z Z Z Z Z Z
(f +g)+ dµ+ f − dµ+ g − dµ = (f +g)− dµ+ f + dµ+ g + dµ
X X X X X X

c’est-à-dire Z Z Z
(f + g) dµ = f dµ + g dµ.
X X X
C.Q.F.D.

Théorème 35 (Positivité de l’intégrale) Si f ∈ L1 (X, T, µ) est posi-


tive, Z
f dµ ≥ 0
X
avec égalité si et seulement si f = 0 µ-presque partout.

Démonstration.
L’inégalité au sens large est triviale. En supposant que
Z
f dµ = 0,
X

soient
En = {x | f (x) > 1/n} et E = {x | f (x) > 0}.
Alors Z
1
0≥ f dµ ≥ µ(En )
En n
pour tout n, donc µ(En ) = 0 pour tout n et, par continuité (théorème (29)
page (50)), on a aussi µ(E) = 0. C.Q.F.D.

Une fonction complexe mesurable f : X → C est, par définition, intégrable


si et seulement si sa partie réelle <f et sa partie imaginaire =f le sont, auquel
cas on pose Z Z Z
f dµ = <f dµ + i =f dµ.
X X X

59
Théorème 36 Une fonction complexe mesurable f : X → C est intégrable
si et seulement son module |f | l’est auquel cas
Z Z

f dµ ≤ |f | dµ

X X

avec égalité si et seulement si il existe θ ∈ R tel que f eiθ ≥ 0 µ-presque


partout.

Démonstration.
On a
sup{|<f |, |=f |} ≤ |f | ≤ |<f | + |=f |.
Si l’on écrit Z Z
f dµ = f dµ e−iθ ,

X X
on aura
Z Z Z Z   Z
f dµ = eiθ iθ iθ

f dµ = e f dµ = < e f dµ ≤ |f | dµ
X X X X X

avec égalité si et seulement si |f | = <(f eiθ ) µ-presque partout. C.Q.F.D.

Théorème 37 (Additivité de l’intégrale) Si f ∈ L1 (X, T, µ) est posi-


tive, la relation Z
ν(E) = f dµ, E ∈ T,
E
définit une mesure positive finie sur X, ν ∈ Mf (X, T).

Démonstration.
Soient Ek des parties mesurables de X deux à deux disjointes. Les fonc-
tions intégrables positives
Xn
gn = f IEk
k=1
croissent vers la fonction
+∞
X
g= f IEk
k=1
donc (convergence monotone)
+∞ +∞
! Z Z
X X
ν Ek = g dµ = lim gn dµ = ν(Ek ).
X n→+∞ X
k=1 k=1

60
C.Q.F.D.

Remarque. Si f ∈ L0 (X, T, µ) est positive et


Z
ν(E) = f dµ, E ∈ T,
E

alors ν ∈ M+ (X, T).

Théorème 38 (Lemme de Fatou) Soit {fn }n∈N une suite de fonctions


fn ∈ L1 (X, T, µ) positives. Alors (dans [0, +∞]),
Z Z
lim inf fn dµ ≤ lim inf fn dµ.
X n→+∞ n→+∞ X

Démonstration.
Les fonctions
gn = inf{fk | k ≥ n}
forment une suite croissante de fonctions intégrables positives donc (conver-
gence monotone)
Z Z Z
lim inf fn dµ = lim gn dµ = lim gn dµ
X n→+∞ Z X n→+∞ n→+∞ X
Z
= lim inf inf{fk | k ≥ n} dµ ≤ lim inf fn dµ.
n→+∞ X n→+∞ X

C.Q.F.D.

Théorème 39 (Convergence dominée) Soit {fn }n∈N une suite de fonc-


tions fn ∈ L1 (X, T, µ) admettant une limite f . S’il existe une fonction
g ∈ L1 (X, T, µ) telle que |fn | ≤ g pour tout n, alors f ∈ L1 (X, T, µ) et
Z
lim |fn − f | dµ = 0.
n→+∞ X

Démonstration.
L’intégrabilité de f découle de |f | ≤ g. Appliquant le lemme de Fatou
aux fonctions intégrables positives hn = 2g − |fn − f |, on a
Z Z Z
2g dµ = lim inf hn dµ ≤ lim inf hn dµ
X X n→+∞ n→+∞ X
Z Z
= 2g dµ − lim sup |fn − f | dµ.
X n→+∞ X

61
C.Q.F.D.

Exemple. Soit f ∈ L1 (X, T, µ). En approchant f + et f − par des suites


croissantes de fonctions étagées positives intégrables φ+ −
n et φn respective-
ment et en vertu de la relation |φ+ −
n − φn | ≤ |f |, on peut écrire que
n
n2
k−1
Z X
f dµ = lim
X n→+∞ 2n
k=2
    
k−1 k k k−1
µ x| < f (x) ≤ − µ x | − ≤ f (x) < −
2n 2n 2n 2n
+n(µ({x | n < f (x)}) − µ({x | f (x) < −n}))

P
Exemple. Soit n fn une série convergente de fonctions intégrables.
Alors on peut affirmer que
Z X XZ
fn dµ = fn dµ
X n n X

pourvu que les fonctions fn soient positives (convergence monotone) ou


pourvu que
XZ
|fn | dµ < +∞
n X

(convergence dominée). En particulier, considérant la mesure du cardinal


µcard sur N, on a toujours
XX XX
an,m = an,m
n m m n

lorsque les nombres an,m sont positifs.

Exemple. Supposant µ σ-finie, soit {Dn }n∈N une suite croissante de par-
ties mesurables de mesure finie épuisant X. L’opérateur de troncature associé
Tn est défini par

Tn f (x) = IDn (x) inf{n, sup{f (x), −n}}.

On a limn→+∞ Tn f = f et |Tn f | ≤ |f |. Donc si f ∈ L1 (X, T, µ), on a


Z Z
f dµ = lim Tn f dµ.
X n→+∞ X

62
5.5 Exercices
1. – Soient X1 un ensemble, (X2 , T2 ) un espace mesurable et f : X1 →
X2 une application. Vérifier la relation
[ [
f −1 ( Eα ) = f −1 (Eα ).
α∈A α∈A

En déduire que l’image réciproque de la tribu T2 par f est bien une


tribu.
– Soient (X1 , T1 ) un espace mesurable, X2 un ensemble et f : X1 →
X2 une application. Montrer par un exemple approprié que la famille

f (T1 ) = {f (E1 ) | E1 ∈ T1 }

n’est pas nécessairement une tribu sur X2 .


2. Soient T1 et T2 deux tribus sur X.
– Montrer par un exemple approprié que T1 ∪T2 n’est pas nécessairement
une tribu sur X.
– Montrer que

T(T1 ∪ T2 ) = T({E1 ∪ E2 | E1 ∈ T1 , E2 ∈ T2 }).


3. Soit G = {A, B}. Déterminer A(G).
4. – Soit G = {A1 , A2 , . . . , An } où A1 , A2 , . . . , An forment une partition
de X – les Ak sont non vides, deux à deux disjoints et leur réunion
est X :
X n
X= Ak .
k=1
Déterminer T(G).
– Soit G = {A1 , A2 , . . . , An } où A1 , A2 , . . . , An sont des parties quel-
conques de X. Déterminer T(G). Quelle est la cardinalité maximale
de T(G) ?
5. Soient X un ensemble, J un ensemble infini dénombrable et D =
{Dj }j∈J une partition de X. Montrer que T(D) est isomorphe à P(J).
6. Montrer que toute tribu infinie T sur X est non dénombrable.
(Suggestion : supposant le contraire, les ensembles
\
E(x) = E
x∈E∈T

formeraient une partition infinie dénombrable de X).

63
7. – Soient (X1 , T1 ) un espace mesurable, X2 un ensemble et f : X1 →
X2 une application. Quelle est la plus grande tribu T2 sur X2 rela-
tivement à laquelle f reste mesurable ?
– Soient X1 un ensemble, (X2 , T2 ) un espace mesurable et f : X1 →
X2 une application. Quelle est la plus petite tribu T1 sur X1 qui
rende f mesurable ?
8. – Vérifier que les parties symétriques relativement à l’origine de R,
(E = −E), forment une tribu S sur R.
– Déterminer M((R, S), (R, S)).
– Déterminer L0 (R, S).
9. Soient (X, d) un espace métrique et E ⊆ X. Montrer que

|d(x, E) − d(y, E)| ≤ d(x, y).

En déduire que l’ensemble

{x | d(x, E) > }

est ouvert.
10. Vérifier l’équation
[ [ \
f −1 (O) = fn−1 (Ok )
k∈N N ∈N n≥N

du cours.
11. Soient f, g ∈ L0 (R, BR ). Montrer que la fonction (x, y) 7→ f (x) + g(y)
est mesurable.
12. Soit f ∈ L0 (R, BR ). Montrer que son graphe,

Gf = {(x, y) | y = f (x)},

est mesurable.
13. Soient (X, T) un espace mesurable et f ∈ M((X, T), (C, BC )). Montrer
qu’il existe une fonction θ ∈ M((X, T), (R, BR )) telle que

f = |f | eiθ .

14. Soient X un ensemble infini non dénombrable et T la tribu engendrée


par les singletons {x} ⊆ X.
– Vérifier que T consiste des parties finies ou dénombrables ou cofinies
(de complémentaire fini) ou codénombrables (de complémentaire
dénombrable) de X.

64
Si E ∈ T, on pose
(
0 si E est fini ou dénombrable,
µ(E) =
1 sinon.

– Vérifier que µ est une mesure de probabilité sur X.


15. Soit (X, T, µ) un espace mesuré. Une partie E ⊆ X est dite localement
mesurable si :

F ∈ T et µ(F ) < +∞ impliquent EF ∈ T.

– Montrer que la famille Tloc des parties localement mesurables de X


est une tribu sur X, plus fine que T.
– Montrer que Tloc = T lorsque µ est σ-finie.
Si E ∈ Tloc , on pose
(
µ(E) si E ∈ T,
µloc (E) =
+∞ sinon.

– Montrer que µloc est une mesure positive sur X.


16. Soit (X,
S T, µ) un espace mesuré σ-fini. Montrer que dans la représentation
X = n∈N Dn , on peut prendre les ensembles Dn croissants ou deux
à deux disjoints.
17. Soit (X, T, µ) un espace mesuré. On pose
[ \
lim inf En = En
n→+∞
k≥1 n≥k

et \ [
lim sup En = En .
n→+∞
k≥1 n≥k

Supposons les ensembles En mesurables.


– Montrer que  
µ lim inf En ≤ lim inf µ(En ).
n→+∞ n→+∞

– Montrer que  
µ lim sup En ≥ lim sup µ(En )
n→+∞ n→+∞
S
pourvu que µ( n En ) < +∞.

65
18. Soient (X, T, µ) un espace mesuré complet et f ∈ L0 (X, T). Si g : X →
R coı̈ncide presque partout avec f , alors g ∈ L0 (X, T).
19. Soient (X, T, µ) un espace mesuré complet et f : X → R. Montrer que
(R, f∗ (T), f∗ µ) est un espace mesuré complet.
20. Soient E ⊆ R et f : E → R une fonction mesurable relativement
à la tribu de Lebesgue. Montrer qu’il existe une fonction g : E → R
mesurable relativement à la tribu de Borel qui coı̈ncide presque partout
avec f .
21. Soient (X, T) un espace mesurable et µ, ν ∈ M+ (X, T). Montrer que

Tµ Tν = Tµ+ν .

22. La différence symétrique de deux ensembles E ⊆ X et F ⊆ X est


l’ensemble
E∆F = EF c + E c F.
Soit (X, T, µ) un espace mesuré complet. Montrer que si E ∈ T et
E∆F est négligeable, F ∈ T et µ(F ) = µ(E).
23. Soient (X, T, µ) un espace mesuré et f ∈ L0 (X, T) une fonction posi-
tive bornée.
– Montrer qu’il existe une suite de fonctions φn ∈ E 0 (X, T) positives
qui décroı̂t vers f .
– En déduire que si E ∈ T est de mesure finie,
Z Z
f dµ = inf{ φ dµ | φ ∈ E 1 (X, T, µ), f ≤ φ}.
E E

– Les hypothèses « bornée » et « de mesure finie » sont-elles nécessaires ?

66
6 CONSTRUCTION DE MESURES
Dans ce chapitre, nous allons présenter une façon d’obtenir des mesures
positives qui est une généralisation de la méthode employée pour la mesure
de Lebesgue sur R.

Soit X un ensemble.
Une mesure extérieure sur X est une fonction µ∗ : P(X) → [0, +∞]
telle que
ME1 µ∗ (∅) = 0 ;
ME2 E1 ⊆ E2 implique µ∗ (E1 ) ≤ µ∗ (E2 ) ;
ME3 !
[ X
µ∗ En ≤ µ∗ (En ).
n∈N n∈N

Une façon commune d’obtenir une mesure extérieure est de prolonger à


P(X) une fonction µ définie sur une algèbre de Boole A appropriées.

Soit A une algèbre de Boole de parties de X et µ : A → [0, +∞] une


fonction telle que
– µ(∅) = 0 ; P
– En ∈ A pour tout n ∈ N, En Em = ∅ si n 6= m et n∈N En ∈ A
impliquent !
X X
µ En = µ(En )
n∈N n∈N

(µ est « additive » sur A).

Soit µ∗ : P(X) → [0, +∞] la fonction définie par


X [
µ∗ (E) = inf{ µ(En ) | E ⊆ En , En ∈ A}.
n∈N n∈N

Lemme 2 La fonction µ∗ est une mesure extérieure sur X telle que

µ∗ /A = µ.

67
Démonstration.
Les propriétés (ME1) et (ME2) sont évidemment satisfaites. Pour la
sous-additivité, donné  > 0, soient Fn,m ∈ A tels que
[ X 
En ⊆ Fn,m , µ(Fn,m ) ≤ µ∗ (En ) + .
2n
m∈N m∈N

Alors [ [ [
En ⊆ Fn,m
n∈N n∈N m∈N

donc !
[ X X
µ∗ En ≤ µ(Fn,m ) ≤ µ∗ (En ) + 
n∈N m∈N,n∈N n∈N

et,  étant arbitraire, la propriété (ME3) est démontrée.


Il est clair que, si E ∈ A, µ∗ (E) ≤ µ(E). Réciproquement, soient En ∈ A
tels que [ X
E⊆ En , µ(En ) ≤ µ∗ (E) + .
n∈N n∈N

Posons
c
F1 = EE1 et, pour n ≥ 2, Fn = EEn En−1 · · · E1c .
Alors
µ(En ) = µ(Fn ) + µ(En \ Fn ) ≥ µ(Fn )
et !
X X
µ(E) = µ Fn = µ(Fn ) ≤ µ∗ (E) + .
n∈N n∈N

C.Q.F.D.

Donnée une mesure extérieure µ∗ , on obtient une mesure positive sur X


en restreignant µ∗ à une tribu appropriée.

Soit

T(µ∗ ) = {E ⊆ X | µ∗ (A) = µ∗ (AE) + µ∗ (AE c ) quelque soit A ⊆ X}.

Pour vérifier que E ∈ T(µ∗ ), il suffit en fait de vérifier que

µ∗ (A) ≥ µ∗ (AE) + µ∗ (AE c ) quelque soit A ⊆ X.

68
En particulier,
µ∗ (E) = 0 implique E ∈ T(µ∗ ).
De plus, si µ∗ est obtenue en prolongeant à P(X) une fonction additive µ
définie sur une algèbre de Boole A, on a aussi

E ∈ A implique E ∈ T(µ∗ ).

En effet, soient En ∈ A tels que


[ X
A⊆ En , µ(En ) ≤ µ∗ (A) + .
n∈N n∈N

Alors
X X X
µ∗ (A) ≥ µ(En ) −  = µ(En E) + µ(En E c ) − 
n∈N n∈N n∈N
X X

= µ (En E) + µ (En E ) −  ≥ µ (AE) + µ∗ (AE c ) − .
∗ c ∗

n∈N n∈N

On pose
µ = µ∗ /T(µ∗ ).

Théorème 40 (Carathéodory) Le triplet (X, T(µ∗ ), µ) est un espace me-


suré complet.

Démonstration.
• T(µ∗ ) est une tribu. On a X ∈ T(µ∗ ) et E ∈ T(µ∗ ) si et seule-
ment si E c ∈ T(µ∗ ). Pour vérifier que T(µ∗ ) est fermée sous les réunions
dénombrables, nous procédons en trois étapes.
Soient d’abord E1 et E2 ∈ T(µ∗ ). Alors E1 ∪ E2 ∈ T(µ∗ ). En effet,
quelque soit A ⊆ X,

µ∗ (AE1 ∪ AE2 ) + µ∗ (AE1c E2c ) = µ∗ (AE1 + AE2 E1c ) + µ∗ (AE1c E2c )


≤ µ∗ (AE1 ) + µ∗ (AE1c E2 ) + µ∗ (AE1c E2c ) = µ∗ (AE1 ) + µ∗ (AE1c ) = µ∗ (A).

Si ensuite les ensembles En ∈ T(µ∗ ) (n ∈ N) sont disjoints deux à deux,


on a d’abord
N N
!
X X

µ A En = µ∗ (AEn ).
n=1 n=1

69
En effet, par récurrence sur N :
N +1 N +1 N +1
! ! ! ! !
X X X
∗ ∗
µ A En = µ A En EN +1 + µ∗ A En c
EN +1
n=1 n=1 n=1
N N +1
!
X X
∗ ∗
= µ (AEN +1 ) + µ A En = µ∗ (AEn ).
n=1 n=1

En vertu du cas finis et de la relation précédente,


N
!! N
!c !
X X
µ∗ (A) = µ∗ A En + µ∗ A En
n=1 n=1
N N
!c ! N
!c !
X X X X
∗ ∗ ∗ ∗
= µ (AEn ) + µ A En ≥ µ (AEn ) + µ A En
n=1 n=1 n=1 n∈N

quelque soit N , donc


!c ! ! !c !
X X X X
∗ ∗ ∗ ∗ ∗
µ (A) ≥ µ (AEn )+µ A En ≥µ A En +µ A En .
n∈N n∈N n∈N n∈N

Le cas général où les ensembles En ∈ T(µ∗ ) (n ∈ N) sont quelconques,


enfin, se déduit du cas disjoints en considérant les ensembles
c
F1 = E1 et, pour n ≥ 2, Fn = En En−1 . . . E1c .

En vertu du cas finis, ces ensembles sont dans T(µ∗ ) et


X [
Fn = En .
n∈N n∈N

• µ est additive. D’abord, si E1 et E2 ∈ T(µ∗ ) sont disjoints,

µ(E1 + E2 ) = µ∗ (E1 + E2 ) = µ∗ ((E1 + E2 )E1 ) + µ∗ ((E1 + E2 )E1c )


= µ∗ (E1 ) + µ∗ (E2 ) = µ(E1 ) + µ(E2 ).

Ensuite, si les ensembles En ∈ T(µ∗ ) (n ∈ N) sont disjoints deux à deux, on


a, d’une part
! !
X X X X

µ En = µ En ≤ µ∗ (En ) = µ(En )
n∈N n∈N n∈N n∈N

70
et, d’autre part,
N N N
! ! ! !
X X X X X
µ(En ) = µ En = µ∗ En ≤ µ∗ En =µ En
n=1 n=1 n=1 n∈N n∈N

quelque soit N , donc finalement


!
X X
µ(En ) ≤ µ En .
n∈N n∈N

• T(µ∗ ) est µ-complète. En effet, si N ⊆ E où E ∈ T(µ∗ ) et µ(E) = 0,


µ∗ (N )
= 0 donc N ∈ T(µ∗ ). C.Q.F.D.

Considérons le cas usuel où µ∗ est obtenue par prolongement d’une


fonction additive sur une algèbre de Boole A sur X. Si F ⊆ P(X), nous
désignerons par Fσ les ensembles qui sont des réunions finies ou dénombrables
d’ensembles de F et par Fδ les ensembles qui sont des intersections finies ou
dénombrables d’ensembles de F. Observons qu’à chaque E ⊆ X et à chaque
 > 0 correspond A ∈ Aσ tel que

E ⊆ A et µ(A ) ≤ µ∗ (E) + .
S
Il suffit en effet de prendre A  = n∈N En où les ensembles En ∈ A sont
tels que E ⊆ n∈N En et n∈N µ(En ) ≤ µ∗ (E) + . De même, il existe un
S P
ensemble A ∈ Aσδ tel que

E ⊆ A et µ(A) = µ∗ (E).
T
Il suffit en effet de prendre A = n∈N A1/n .

Théorème 41 Si µ/A est σ-finie, E ∈ T(µ∗ ) si et seulement si E = AB c


avec A ∈ Aσδ et µ∗ (B) = 0. En particulier,

T(µ∗ ) = T(A)µ .

Démonstration.
Si E = AB c avec A ∈ Aσδ et µ∗ (B) = 0, alors E ∈ T(µ∗ ).
Réciproquement, soit E ∈ T(µ∗ ). Soit, par hypothèse, X = n∈N Dn
P
une partition de X par des ensembles de A de mesure finie. Pour chaque
n ∈ N, soit An,m ∈ Aσ tel que
1
EDn ⊆ An,m , et µ(An,m ) ≤ µ(EDn ) + .
m 2n

71
S
Soit Am = n∈N An,m . Alors
[
Am ∈ Aσ , E ⊆ Am et Am E c ⊆ An,m (EDn )c
n∈N

donc, puisque µ(Dn ) < +∞,


X X 1
µ(Am E c ) ≤ µ(An,m (EDn )c ) = (µ(An,m ) − µ(EDn )) ≤ .
m
n∈N n∈N

Si A = m∈N Am , E ⊆ A. Posant B = AE c , on aura E = AB c avec A ∈ Aσδ


T
et µ(B) = 0.
La tribu T(µ∗ ) étant µ-complète, (T(A))µ ⊆ T(µ∗ ) (théorème (31) page
(52)).
Réciproquement, si µ∗ (B) = 0, il existe C ∈ Aσδ ⊆ T(A) tel que B ⊆ C
et que µ(C) = 0. Alors B ∈ (T(A))µ et, quelque soit A ∈ Aσδ , AB c ∈
(T(A))µ : T(µ∗ ) ⊆ (T(A))µ . C.Q.F.D.

Théorème 42 Si µ/A est σ-finie, il n’y a qu’un prolongement possible de


µ à T(A).

Démonstration.
Soit ν une mesure positive sur X définie sur T(A) et coı̈ncidant avec
µ sur A. Alors ν et µ coı̈ncident aussi sur Aσ puisque tout ensemble de
Aσ peut s’écrire comme une réunion disjointe (une somme) d’ensembles de
A. De même, tout ensemble de T(A) pouvant s’écrire comme une somme
d’ensembles de T(A) de µ-mesure finie, il suffit de voir que ν(B) = µ(B)
pour tout B ∈ T(A) tel que µ(B) < +∞. Soit A ∈ Aσ tel que B ⊆ A et
µ(A) ≤ µ(B) + . Alors

ν(B) ≤ ν(A) = µ(A) ≤ µ(B) + .

 étant arbitraire, ν(B) ≤ µ(B). D’autre part, on a µ(A) = µ(B) + µ(AB c ),


donc µ(AB c ) ≤  (parce que µ(B) < +∞) et ν(AB c ) ≤ µ(AB c ) (parce que
µ(AB c ) < +∞). D’où

µ(B) ≤ µ(A) = ν(A) = ν(B) + ν(AB c ) ≤ ν(B) + .

 étant arbitraire, µ(B) ≤ ν(B). C.Q.F.D.

72
Soit F : R → R une fonction croissante, continue à droite en chaque
point x : F (x) = limy↓x F (y). Prolongeons F à R en posant

F (−∞) = lim F (y) et F (+∞) = lim F (y).


y↓−∞ y↑+∞

La mesure de Lebesgue-Stieltjes associée à F est la mesure µF sur R


définie de la façon suivante.

Soit I la famille des intervalles de R qui sont de la forme ]a, b] ou de la


forme ]a, +∞[ avec −∞ ≤ a ≤ b < +∞. L’algèbre de Boole engendrée par
I est (N )
X
A(I) = (ak , bk ) | N ∈ N, (ak , bk ) ∈ I .
k=1

Considérons la fonction µF : A(I) → [0, +∞] définie par la relation


N N
!
X X
µF (ak , bk ) = (F (bk ) − F (ak )).
k=1 k=1

Il est clair que cette fonction est monotone croissante et qu’elle jouit de la
propriété d’additivité finie :

µF (E1 + E2 ) = µF (E1 ) + µF (E2 ) si E1 , E2 ∈ A(I).

Lemme 3 µF est une fonction additive sur A(I).

Démonstration.
Soit d’abord a > −∞ et
X
]a, b] ⊆ ]an , bn ].
n∈N

Donné  > 0, soient δ > 0 tel que F (a + δ) − F (a) < /2 et δn > 0 tels
que F (bn + δn ) − F (bn ) < /2n+1 . En vertu du théorème de Borel-Lebesgue,
on peut recouvrir l’intervalle compact [a + δ, b] par un nombre fini N des
intervalles ouverts ]an , bn +δn [. En renumérotant si nécessaire ces intervalles,
on peut supposer que l’on a :

a1 < a + δ < a2 < b1 + δ1 < . . . < aN < bN −1 + δN −1 < b < bN + δN .

73
Alors

F (b) − F (a + δ) ≤ F (bN + δN ) − F (a1 )


N
X N
X
≤ (F (bk + δk ) − F (ak )) ≤ (F (bk ) − F (ak )) + /2
k=1 k=1

d’où
N
X
F (b) − F (a) ≤ (F (bk ) − F (ak )) + 
k=1
et X
F (b) − F (a) ≤ (F (bn ) − F (an )).
n∈N

Si X
] − ∞, b] ⊆ ]an , bn ],
n∈N
on a X
F (b) − F (a0 ) ≤ (F (bn ) − F (an ))
n∈N

quelque soit a0 > −∞ donc


X
F (b) − F (−∞) ≤ (F (bn ) − F (an )).
n∈N

De même, en utilisant la continuité de F à ±∞, l’inclusion


X
]a, b] ⊆ ]an , bn ]+]A, +∞[
n∈N

entraı̂ne la relation
X
F (b) − F (a) ≤ (F (bn ) − F (an )) + (F (+∞) − F (A))
n∈N

et X
] − ∞, b] ⊆ ]an , bn ]+]A, +∞[
n∈N

entraı̂ne
X
F (b) − F (−∞) ≤ (F (bn ) − F (an )) + (F (+∞) − F (A)).
n∈N

74
En procédant de façon semblable pour majorer (F (+∞) − F (a)), on voit
que quels que soient les intervalles I, In ∈ I, la relation
X
I= In
n∈N

implique X
µF (I) ≤ µF (In ).
n∈N
En vertu des propriétésP
des séries à termes
PNnpositifs, on en tire que, quelque
soit les ensembles E = N I
k=1 k , E n = k=1 In,k ∈ A(I), la représentation
X
E= En
n∈N

entraı̂ne l’inégalité X
µF (E) ≤ µF (En ).
n∈N
L’inégalité réciproque découle du fait que la fonction µF est monotone crois-
sante et possède la propriété de l’additivité finie :

X N
X
µF (En ) = lim µF (En )
N →+∞
n∈N n=1
N
! !
X X
= lim µF En ≤ µF En = µF (E).
N →+∞
k=1 n∈N

C.Q.F.D.

Puisque T(A(I)) = T(I) = BR , le théorème (41) page (71) implique que


la tribu T(µ∗F ) à laquelle µF est prolongée par la méthode précédente est la
complétion de la tribu borélienne BR relativement à µF .

L’intégrale associée à une mesure de Lebesgue-Stieltjes µF engendré par


une fonction croissante F sur R est une intégrale de Lebesgue-Stieltjes,
souvent dénotée Z Z +∞
f dµF = f (x) dF (x).
R −∞

La fonction F est continue au point x si et seulement si

µF ({x}) = F (x) − lim F (y) = F (x) − F (x−) = 0.


y↑x

75
La mesure µF est finie si et seulement si la fonction F est bornée.
Réciproquement, soit µ une mesure finie sur R, définie sur BR . Sa fonc-
tion de répartition est la fonction F : R → [0, +∞[ définie par

F (x) = µ(] − ∞, x]).

Elle est croissante, continue à droite, telle que F (−∞) = 0 et que F (+∞) <
+∞ et la mesure µ dont elle est issue est la restriction de la mesure µF
qu’elle engendre à BR .

Exemple. Soient (Ω, T, P ) un espace probabilisé et X ∈ L0 (Ω, T) une


variable aléatoire sur Ω. L’image directe PX = X∗ P de la mesure de proba-
bilité par la variable aléatoire (la loi de probabilité de X) est définie sur
la tribu X∗ (T) par la relation

PX (E) = P (X −1 (E)).

C’est une mesure borélienne finie sur R dont la fonction de répartition est

FX (x) = P ({ω ∈ Ω | X(ω) ≤ x}).

Exemple. Si (Ω, T, P ) est un espace probabilisé et si X ∈ L1 (Ω, T, P ),


on a Z +∞
E(X) = x dFX (x),
−∞
FX désignant la fonction de répartition de X.
En effet, posant

An,k = X −1 ( ](k − 1)2−n , k2−n ] ) pour 1 ≤ k ≤ n2n ,

An = X −1 ( ]n, +∞[ ),
Bn,k = X −1 ( ] − k2−n , −(k − 1)2−n ] ) pour 1 ≤ k ≤ n2n ,
Bn = X −1 ( ] − ∞, −n] )
et n
n2
X k−1 
Xn = IAn,k − IBn,k + n (IAn − IBn ) ,
2n
k=1
on a
X = lim Xn , |Xn | ≤ |X|.
n→+∞

76
D’où (convergence dominée)
Z Z
X dP = lim Xn dP
Ω n→+∞ Ω
n2n
Xk−1
= lim (P (An,k ) − P (Bn,k )) + n (P (An ) − P (Bn ))
n→+∞ 2n
k=1
n2n    
X k−1 k−1 k k k−1
= lim (PX ] n , n ] − PX ] − n , − n ] )
n→+∞ 2n 2 2 2 2
k=1
Z +∞
+n(PX ( ]n, +∞[ ) − PX ( ] − ∞, −n] ) = x dFX .
−∞

6.1 Exercices
1. Le diamètre δ(E) d’une partie E d’un espace métrique (X, d) est

δ(E) = sup {d(x, y) | x, y ∈ E}.

Soient p > 0 et δ > 0. On pose


X [
µ∗p,δ (E) = inf { δ(En )p | E ⊆ En , δ(En ) < δ}.
n∈N n∈N

– Montrer que µ∗p,δ est une mesure extérieure sur X.


– Montrer que µ∗p,δ (E) est une fonction décroissante de δ.
– En déduire que

µ∗p (E) = lim µ∗p,δ (E) = sup{µ∗p,δ (E) | δ > 0}


δ→0

est une mesure extérieure sur X (la mesure extérieure de Hausdorff).

– Montrer que si p < P , on a

µ∗p,δ (E) ≥ δ p−P µ∗P,δ (E).

– En déduire qu’à chaque E est associé un nombre H(E) (la dimension


de Hausdorff) tel que µ∗p (E) = +∞ si p < H(E) et que µ∗p (E) = 0
si p > H(E).

77
2. Une mesure extérieure µ∗ est régulière si à chaque A ⊆ X correspond
un ensemble mesurable E tel que A ⊆ E et µ(E) = µ∗ (A). Montrer
que si µ∗ est régulière, pour tout suite croissante A1 ⊆ A2 ⊆ · · ·, on a
!
[
lim µ∗ (An ) = µ∗ An .
n→+∞
n

3. Décrire l’espace de probabilité correspondant au cas d’une expérience


aléatoire admettant un nombre fini d’issues équiprobables et déterminer
la loi de probabilité associée à une variable aléatoire sur cet espace.
Sur quelle tribu est-elle définie et quelle est sa fonction de répartition ?
4. Calculer µF (]n, n + 1]), µF ([n, n + 1]), µF (]n + 1/2, n + 3/2]) et µF ([n +
1/2, n + 3/2]) (n ∈ N) lorsque F (x) est la partie entière de x.
5. Soient X ∈ L0 (Ω, T), t ∈ R et supposons que etX ∈ L1 (Ω, T, P ).
Montrer que Z Z +∞
tX
e dP = etx dFX (x).
Ω −∞

78
7 CONVERGENCE EN MESURE
Dans ce chapitre, nous allons introduire trois types de convergence pour
des fonctions mesurables : la convergence simple presque partout, la conver-
gence en mesure et, pour celles qui sont bornées, la convergence presqu’uni-
forme.

Soient (X, T, µ) un espace mesuré et (Y, d) un espace métrique séparable.


Si f, g ∈ M((X, T), (Y, BY )) et δ ≥ 0, posons

Aδ (f, g) = {x | d(f (x), g(x)) > δ}.

Ces ensembles sont mesurables car l’application x 7→ (f (x), g(x)) est mesu-
rable et la fonction (u, v) 7→ d(u, v) est continue :

|d(u1 , v1 ) − d(u2 , v2 )| ≤ d(u1 , u2 ) + d(v1 , v2 ) ≤ 2 D((u1 , v1 ), (u2 , v2 )).

La relation
f ≡µ g si µ(A0 (f, g)) = 0
est une relation d’équivalence sur M((X, T), (Y, BY )). Mµ ((X, T), (Y, BY ))
désigne l’espace des classes d’équivalences f = [f ] pour cette relation et, en
particulier, L0µ (X, T) est l’espace des classes d’équivalences des fonctions
mesurables.

Si les applications fn ∈ M((X, T), (Y, BY )) convergent µ-presque par-


tout sur X, il existe X 0 ∈ T tel que µ(X 0 ) = µ(X) et que limn→+∞ fn (x)
existe en tout point x ∈ X 0 . L’application f : X → Y définie par
(
limn→+∞ fn (x) si x ∈ X 0 ,
f (x) =
y0 ∈ Y sinon

appartient à M((X, T), (Y, BY )). Si gn ≡µ fn pour tout n ∈ N, soient


\
En = {x | fn (x) 6= gn (x)}, et X 00 = X 0 Enc .
n∈N

Alors l’application g : X → Y définie par


(
limn→+∞ gn (x) si x ∈ X 00 ,
g(x) =
y1 ∈ Y sinon

79
appartient à M((X, T), (Y, BY )) et g ≡µ f . On dit que les classes fn ∈
Mµ ((X, T), (Y, BY )) convergent presque partout si les fn ∈ fn convergent
µ-presque partout sur X, auquel cas on pose

lim fn = [ lim fn ].
n→+∞ n→+∞

Théorème 43 (Egorov) Soient (X, T, µ) un espace mesuré et (Y, d) un es-


pace métrique séparable. Supposons que µ est finie. Soient fn ∈ M((X, T), (Y, BY ))
des applications qui convergent µ-presque partout sur X. Alors, à chaque
 > 0 correspond A ∈ T tel que µ(A ) <  et que les applications fn
convergent uniformément sur Ac .

Démonstration.
On peut supposer que les fonctions fn convergent partout sur X. Soit
f = limn→+∞ fn . Posons
\
BN,m = Ac1/m (f, fn ).
n≥N

Alors \ [
X= BN,m .
m∈N N ∈N

Par continuité, pour chaque m, µ(X) = limN →+∞ µ(BN,m ) donc, la mesure
c
étant finie, 0 = limN →+∞ µ(BN,m ). Choisissons alors les indices N1 < N2 <
N3 < · · · de telle sorte que
c 
µ(BN m ,m
)<
2m
et soit [
c
A = BN m ,m
.
m∈N

On aura bien µ(A ) <  et si


\ \
x ∈ Ac = Ac1/m (f, fn ),
m∈N n≥Nm

pour tout m > 0,

n ≥ Nm implique d(f (x), fn (x)) ≤ 1/m.

80
C.Q.F.D.

Les applications fn ∈ M((X, T), (Y, BY )) convergent en mesure vers


l’application f ∈ M((X, T), (Y, BY )) si, pour tout δ > 0,

lim µ(Aδ (fn , f )) = 0.


n→+∞

Puisque les ensembles Aδ (f, fn ) décroissent lorsque δ croı̂t, cela revient à


dire qu’à chaque δ > 0 correspond nδ tel que

µ(Aδ (fn , f )) < δ

dès que n ≥ nδ . Si les fn convergent en mesure vers f , gn ≡µ fn pour tout


n ∈ N et g ≡µ f , alors les gn convergent en mesure vers g. En effet,

Aδ (gn , g) ⊆ Aδ/3 (gn , fn ) ∪ Aδ/3 (fn , f ) ∪ Aδ/3 (f, g).

On dit que les classes fn ∈ Mµ ((X, T), (Y, BY )) convergent en mesure vers
f ∈ Mµ ((X, T), (Y, BY )) si les fn ∈ fn convergent en mesure vers f ∈ f .

Théorème 44 Soient (X, T, µ) un espace mesuré et (Y, d) un espace métrique


séparable.
1. Si la mesure µ est finie, la convergence presque partout de
fn ∈ Mµ ((X, T), (Y, BY )) vers f ∈ Mµ ((X, T), (Y, BY )) entraı̂ne la
convergence en mesure de fn vers f .
2. Réciproquement, la convergence en mesure de fn ∈ Mµ ((X, T), (Y, BY ))
vers f ∈ Mµ ((X, T), (Y, BY )) entraı̂ne toujours l’existence d’une suite
partielle fnk qui converge presque partout vers f .

Démonstration.
Supposons d’abord que µ est finie. Soit  > 0. En vertu du théorème
d’Egorov (théorème(43) page (80)), il existe A ∈ T tel que µ(A ) <  et que
les applications fn ∈ fn convergent uniformément sur Ac vers f ∈ f . Alors,
dès que n est assez grand,

µ(A (fn , f )) = µ({x ∈ A | d(fn (x), f (x)) > }) < .

La suite fn converge donc en mesure vers f .


Réciproquement, soit, pour chaque k ∈ N, nk tel que

µ(A2−k (fnk , f )) < 2−k .

81
On a X
µ(A2−k (fnk , f )) < +∞.
k∈N

En vertu du lemme de Borel-Cantelli (théorème (30) page (51)), il existe


X 0 ∈ T tel que µ(X 0 ) = µ(X) dont chaque point n’appartient qu’à un
nombre fini des ensembles A2−k (fnk , f ), ce qui revient à dire qu’à chaque
x ∈ X 0 correspond un indice k(x) tel que

k ≥ k(x) implique d(fnk (x), f (x)) ≤ 2−k .

La suite partielle fnk converge donc presque partout vers f . C.Q.F.D.

Exemple. Si les moyennes arithmétiques n1 nk=1 Xk des variables aléatoires


P
Xk ∈ L0 (Ω, T, P ) convergent presque sûrement vers la valeur moyenne
µ, elles convergent en probabilité vers µ. (La loi forte des grands nombres
entraı̂ne la loi faible des grands nombres).

Si f, g ∈ M((X, T), (Y, BY )), soient


(
+∞ si µ(Aδ (f, g)) ≥ δ pour tout δ > 0,
eµ (f, g) =
inf{δ | µ(Aδ (f, g)) < δ} sinon.

et 
1 si eµ (f, g) = +∞,
dµ (f, g) = e (f, g)
 µ sinon.
1 + eµ (f, g)
On a alors les propriétés suivantes :

• f ≡µ g si et seulement si eµ (f, g) = 0.
En effet, la nécessité est triviale ; pour la suffisance, il suffit de remarquer
que, quel que soit  > 0, on a
[
A0 (f, g) = A 2−n (f, g)
n∈N

de telle sorte que X


µ(A0 (f, g)) ≤  2−n = .
n∈N

• Quelle que soit h ∈ M((X, T), (Y, BY )), eµ (f, g) ≤ eµ (f, h) + eµ (h, g).
En effet,
Aδ+η (f, g) ⊆ Aδ (f, h) ∪ Aη (h, g)

82
de telle sorte que, quels que soient δ > eµ (f, h) et η > eµ (h, g),

µ(Aδ+η (f, g)) ≤ µ(Aδ (f, h)) + µ(Aη (h, g)) < δ + η.

• Si f ≡µ f0 et g ≡µ g0 , eµ (f, g) = eµ (f0 , g0 ).
En effet,

eµ (f, g) ≤ eµ (f, g0 ) + eµ (g0 , g)


= eµ (f, g0 ) ≤ eµ (f, f0 ) + eµ (f0 , g0 ) = eµ (f0 , g0 ).

• Quelle que soit h ∈ M((X, T), (Y, BY )), dµ (f, g) ≤ dµ (f, h) + dµ (h, g).
En effet, la fonction t 7→ t/(1 + t) étant croissante sur [0, +∞[, les
inégalités 0 ≤ u ≤ v + w impliquent
u v+w v w
≤ ≤ + .
1+u 1+v+w 1+v 1+w

Si f , g ∈ Mµ ((X, T), (Y, BY )), posons

dµ (f , g) = dµ (f, g).

On peut résumer les propriétés précédentes en disant que dµ est une distance
sur Mµ ((X, T), (Y, BY )).

Un espace métrique (Y, d) est complet si toute suite de Cauchy {yn }n∈N ,
c’est-à-dire telle que
lim d(yn , ym ) = 0,
n,m→+∞

y est convergente.

Théorème 45 Soient (X, T, µ) un espace mesuré et (Y, d) un espace métrique


séparable. Les fn convergent en mesure vers f si et seulement si

lim dµ (fn , f ) = 0
n→+∞

et (Mµ ((X, T), (Y, BY )), dµ ) est un espace métrique, qui est complet si (Y, d)
est complet.

Démonstration.
Si les fn convergent en mesure vers f , limn→+∞ µ(Aδ (fn , f )) = 0 pour
tout δ > 0 donc il existe un indice nδ à partir duquel µ(Aδ (fn , f )) < δ,
c’est-à-dire à partir duquel dµ (fn , f ) ≤ eµ (fn , f ) < δ.

83
Réciproquement, pour tout δ > 0, il existe un indice nδ à partir duquel
eµ (fn , f ) < δ et, par suite, à partir duquel µ(Aδ (fn , f )) < δ.
Supposons que les fn ∈ (Mµ ((X, T), (Y, BY )), dµ ) satisfont la condition
de Cauchy et montrons l’existence d’une suite partielle {fnk }k∈N convergente.
(La condition de Cauchy nous assure alors que la suite toute entière est
convergente.) Soit nk tel que

µ(A2−k (fnk , fm )) < 2−k

pour tout m ≥ nk et posons


[ \
X0 = Ac2−k (fnk , fnk+1 )
N ∈N k≥N

de telle sorte que


 
[
µ(X 0c ) = lim µ  A2−k (fnk , fnk+1 )
N →+∞
k≥N
X
≤ lim µ(A2−k (fnk , fnk+1 )) = 0.
N →+∞
k≥N

À chaque x ∈ X 0 correspond Nx tel que

k ≥ Nx implique d(fnk (x), fnk+1 (x)) ≤ 2−k

donc que
k+p−1
X
d(fnk (x), fnk+p (x)) ≤ d(fnj (x), fnj+1 (x)) ≤ 2−k+1 .
j=k

L’espace Y étant complet, la suite {fnk (x)}k∈N y est convergente et l’appli-


cation f : X → Y définie par
(
limk→+∞ fnk (x) si x ∈ X 0 ,
f (x) =
y0 ∈ Y sinon.

appartient à l’espace M((X, T), (Y, BY )). Reste à vérifier que les applica-
tions fnk convergent vers f en mesure. Or
[ \
A2−k (fnk , f ) = A2−k (fnk , fnk+p )
N ∈N p≥N

84
donc
 
\
µ(A2−k (fnk , f )) = lim µ  A2−k (fnk , fnk+p ) ≤ 2−k .
N →+∞
p≥N

C.Q.F.D.

Si f, f0 , g, g0 ∈ L0 (X, T) sont telles que f ≡µ f0 et g ≡µ g0 , alors


f + g ≡µ f0 + g0 et f g ≡µ f0 g0 car

{x | f (x) + g(x) 6= f0 (x) + g0 (x)} ∪ {x | f (x) g(x) 6= f0 (x) g0 (x)}


⊆ {x | f (x) 6= f0 (x)} ∪ {x | g(x) 6= g0 (x)}.

Si f , g ∈ L0µ (X, T), posons

f + g = [f + g], f g = [f g].

Soit L∞ (X, T, µ) ⊆ L0 (X, T) l’espace des fonctions f bornées à l’extérieur


d’un ensemble Ef négligeable pour µ (les fonctions essentiellement bornées
pour µ). Elles forment un sous-espace vectoriel de L0 (X, T). Si f ∈ L∞ (X, T, µ),
soit
kf k∞ = inf{K > 0 | µ({x | |f (x)| > K}) = 0}
son supremum essentiel. On a donc

|f (x)| ≤ kf k∞ presque partout

et kf k∞ est le plus petit nombre jouissant de cette propriété. Si f ∈ L∞


µ (X, T, µ),
posons
kf k∞ = kf k∞ .

Un espace vectoriel normé (X, kk) est un espace vectoriel sur lequel
est définie une norme kk : X → [0, +∞[ telle que
N1 kxk = 0 implique x = 0 ;
N2 kcxk = |c|kxk pour tout scalaire c ;
N3 kx1 + x2 k ≤ kx1 k + kx2 k.

85
La norme induit une distance sur X :

d(x, y) = kx − yk.

Un espace de Banach est un espace vectoriel normé complet. Une algèbre


de Banach est un espace de Banach sur laquelle est défini un produit
compatible avec les opérations d’addition et de multiplication scalaire et tel
que
N4 kx yk ≤ kxkkyk.
Ce produit est alors continu :

kfn gn − f gk ≤ kfn kkgn − gk + kgkkfn − f k.

Théorème 46 L’espace (L∞


µ (X, T), kk∞ ) est une algèbre de Banach et la
convergence essentiellement uniforme entraı̂ne la convergence en me-
sure.

Démonstration.
On a
|f (x) + g(x)| ≤ |f (x)| + |g(x)| ≤ kf k∞ + kgk∞
et
|f (x)g(x)| ≤ kf k∞ kgk∞
presque partout sur X, donc

kf + gk∞ ≤ kf k∞ + kgk∞ et kf gk∞ ≤ kf k∞ kgk∞ .

De plus, kc f k∞ = |c|kf k∞ .

Soit maintenant{fn }n∈N une suite de Cauchy dans (L∞


µ (X, T), kk∞ ). Il
existe X 0 ∈ T tel que µ(X 0 ) = µ(X) et que

lim kfn − fm k∞ = lim sup{|fn (x) − fm (x)| | x ∈ X 0 } = 0.


n,m→+∞ n,m→+∞

Soit f (x) = limn→+∞ fn (x) pour x ∈ X 0 , prolongée à X de la façon habi-


tuelle. Sur X 0 ,

|fm (x) − f (x)| ≤ lim sup{|fm (x) − fn (x)| | x ∈ X 0 } < 


n→+∞

86
dès que m ≥ m . Donc f ∈ L∞ (X, T) et limm→+∞ kfm − f k∞ = 0. Enfin,
la relation

µ({x | |f (x) − g(x)| > kf − gk∞ }) ≤ kf − gk∞

entraı̂ne
dµ (f , g) ≤ kf − gk∞ .
C.Q.F.D.

7.1 Exercices
1. Soient (X, T, µ) un espace mesuré et f, g ∈ L0 (X, T). Alors f ≡µ g si
et seulement si f + ≡µ g + et f − ≡µ g − .
2. À quelle condition deux fonctions continues f, g : R → R sont-elles
équivalentes modulo λ ?
3. Montrer par un exemple approprié que le théorème d’Egorov n’est pas
nécessairement vrai si la mesure n’est pas finie.
4. Soient fn : [0, 1] → R la fonction indicatrice de l’intervalle

]k 2−m , (k + 1) 2−m ]

lorsque n = 2m + k avec m ≥ 0, 0 ≤ k < 2m .


– Montrer que les fonction fn convergent en mesure.
– Montrer qu’elles divergent en chaque point x ∈]0, 1].
– Montrer que la suite partielle f2m converge en tout point x ∈ [0, 1].
5. Dans L∞ 2 2
λ ([0, 1]), calculer dλ (x , x) et kx − xk∞ .
6. Soit (X, T, µ) un espace mesuré de mesure finie. Montrer que la relation

|f − g|
Z
δµ (f , g) = dµ
X 1 + |f − g|

définit sur L0µ (X, T) une distance qui est équivalente à celle de la
convergence en mesure dµ (f , g).
7. Montrer par un exemple approprié que la convergence en mesure de
fn vers f et la convergence en mesure de gn vers g n’entraı̂ne pas
nécessairement celle de fn gn vers f g.

87
8 ESPACES DE LEBESGUE
Dans ce chapitre, nous allons obtenir des propriétés supplémentaires des
fonctions intégrables considérées dans leur ensemble, en tant qu’espaces vec-
toriels. Nous démontrerons les inégalités de Hölder et de Minkowski, intro-
duirons la notion de convergence en moyenne et étudierons un théorème
d’approximation.

Soient (X, T, µ) un espace mesuré. Si f ∈ L1µ (X, T), soit


Z
kf k1 = kf k1 = |f | dµ.
X

Théorème 47 L’espace (L1µ (X, T), kk1 ) est un espace de Banach et la conver-
gence en moyenne entraı̂ne la convergence en mesure.

Démonstration.
Il est clair que kk1 est une norme sur L1µ (X, T) et que, pour tout δ > 0,
on a Z
|f − g| dµ ≥ δ µ({x | |f (x) − g(x)| > δ})
X
(inégalité de Tchebychev). Ainsi
1/2
inf{δ | µ(Aδ (f, g)) < δ} ≤ inf{δ | kf − gk1 < δ 2 } = kf − gk1 ,

d’où l’inégalité
1/2
dµ (f , g) ≤ kf − gk1 .
Soit {fn }n∈N une suite de Cauchy dans L1µ (X, T). Il suffit de voir qu’elle
contient une suite partielle convergente dans L1µ (X, T). Puisque la suite sa-
tisfait la condition de Cauchy dans l’espace (L0µ (X, T), dµ ), il existe f ∈
L0µ (X, T) telle que limn→+∞ dµ (fn , f ) = 0. On peut donc en extraire une
suite partielle fnk qui converge presque partout vers f (théorème (44) page
(81)). En vertu du lemme de Fatou, on a alors
Z Z
|fnk − f | dµ ≤ lim inf |fnk − fnj | dµ < 
X j→+∞ X

dès que nk est assez grand, c’est-à-dire que la suite partielle fnk converge
également vers f en moyenne. C.Q.F.D.

88
Soit p > 0. Alors Lp (X, T, µ) ⊆ L0 (X, T) désigne l’espace des fonc-
tions de p-ième puissance intégrable par rapport à µ sur X et si f = [f ] ∈
Lpµ (X, T), on pose
Z 1/p
kf kp = kf kp = |f |p dµ .
X

Si p ∈]1, +∞[, soit q = p/(p − 1) de telle sorte que


1 1
+ = 1;
p q
p et q sont appelés exposants conjugués — on convient que 1 et +∞ sont
aussi des exposants conjugués.

Théorème 48 (Hölder) Soit 1 ≤ p ≤ +∞. Si f ∈ Lp (X, T, µ) et g ∈


Lq (X, T, µ), alors f g ∈ L1 (X, T, µ) et

kf gk1 ≤ kf kp kgkq

avec égalité lorsque 1 < p < +∞ si et seulement si, µ-presque partout sur
X, on a
kgkqq |f (x)|p = kf kpp |g(x)|q .

Démonstration.
Cas p = 1. On a évidemment

|f (x)g(x)| ≤ |f (x)|kgk∞ µ − presque partout surX

donc
kf gk1 ≤ kf k1 kgk∞ .
Cas 1 < p < +∞. On peut supposer que 0 < kf kp kgkq . La fonction
t 7→ log t étant concave sur ]0, +∞[, on a

p−1 log u + q −1 log v ≤ log(p−1 u + q −1 v)

c’est-à-dire
u1/p v 1/q ≤ p−1 u + q −1 v
quels que soient u, v > 0. Choisissant
|f (x)|p |g(x)|q
u= p , v = ,
kf kp kgkqq

89
on obtient
|f (x)g(x)| |f (x)|p −1 |g(x)|
q
≤ p−1 p +q q .
kf kp kgkq kf kp kgkq
En intégrant cette inégalité, on trouve

kf gk1
≤ p−1 + q −1 = 1.
kf kp kgkq

La concavité du logarithme étant stricte, on ne peut avoir égalité que si


kgkqq |f (x)|p = kf kpp |g(x)|q µ-presque partout sur X. C.Q.F.D.

Théorème 49 (Minkowski) Soit 1 ≤ p ≤ +∞. Si f, g ∈ Lp (X, T, µ),


alors f + g ∈ Lp (X, T, µ) et

kf + gkp ≤ kf kp + kgkp

avec égalité lorsque 1 < p < +∞ si et seulement si, µ-presque partout sur
X, on a
kgkp f (x) = kf kp g(x).

Démonstration.
On peut supposer 1 < p < +∞. L’inégalité |f + g|p ≤ 2p (|f |p + |g|p )
entraı̂ne f + g ∈ Lp (X, T, µ). On peut supposer que 0 < kf + gkp . En vertu
de l’inégalité de Hölder,
Z Z
p p
kf + gkp = |f + g| dµ = |f + g|p−1 |f + g| dµ
X
Z ZX
p−1
≤ |f + g| |f | dµ + |f + g|p−1 |g| dµ
X X
≤ kf + gkp−1 p−1
p kf kp + kf + gkp kgkp

d’où, en multipliant par kf + gk1−p


p ,

kf + gkp ≤ kf kp + kgkp .

La seconde inégalité sera stricte à moins que l’on ait kgkp |f (x)| = kf kp |g(x)|
µ-presque partout sur X et la première implique que sgn f = sgn g µ-presque
partout sur X. C.Q.F.D.

90
Théorème 50 (Riesz-Fischer) Soit 1 ≤ p ≤ +∞. L’espace (Lpµ (X, T), kkp )
est un espace de Banach et la convergence en moyenne d’ordre p en-
traı̂ne la convergence en mesure.

Démonstration.
On peut supposer 1 < p < +∞. L’inégalité
Z
|f − g|p dµ ≥ δ p µ({x | |f (x) − g(x)| > δ})
X

implique l’inégalité
dµ (f , g) ≤ kf − gkp/(p+1)
p .
Cette dernière et l’inégalité de Minkowski impliquent le résultat (comme
pour le théorème (47) page (88)). C.Q.F.D.

Un espace préhilbertien (réel) (X, h i) est un espace vectoriel (réel) X


sur lequel est défini un produit scalaire h i : X × X → R tel que
PS1 hx, xi > 0 si x 6= 0 ;
PS2 hx, yi = hy, xi ;
PS3 hc1 x1 + c2 x2 , yi = c1 hx1 , yi + c2 hx2 , yi pour tous c1 , c2 ∈ R.
Ces propriétés ont pour conséquence immédiate l’inégalité de Cauchy-Schwarz :
|hx, yi| ≤ hx, xi1/2 hy, yi1/2
et le produit scalaire induit une norme sur X :
kxk = hx, xi1/2 .
Un espace de Hilbert est un espace préhilbertien complet.

Si f , g ∈ L2µ (X, T), on pose


Z
hf , gi = hf, gi = f g dµ.
X
2/3
L’inégalité dµ (f , g) ≤ kf − gk2 entraı̂ne que L2µ (X, T) est un espace de
Hilbert.

Théorème 51 Si µ est finie, 1 ≤ p ≤ r ≤ +∞ implique Lrµ (X, T) ⊆


Lpµ (X, T) et la convergence en moyenne d’ordre r entraı̂ne la convergence
en moyenne d’ordre p. De plus, si f ∈ L∞
µ (X, T),

kf k∞ = lim kf kp .
p→+∞

91
Démonstration.
Si 1 ≤ p < r < +∞, on a
Z Z p/r
p r
|f | dµ ≤ |f | dµ µ(X)1−p/r
X X

d’où
kf kp ≤ kf kr µ(X)1/p−1/r .
Si r = +∞, directement,

kf kp ≤ kf k∞ µ(X)1/p .

Donc, si f ∈ L∞
µ (X, T),

lim sup kf kp ≤ kf k∞ .
p→+∞

D’autre part, quel que soit δ ∈ ]0, kf k∞ [ , on a

kf kp ≥ δ µ({x | |f (x)| > δ})1/p

de telle sorte que


lim inf kf kp ≥ kf k∞ .
p→+∞

C.Q.F.D.

Exemple. Soit X ∈ L2 (Ω, T, P ) une variable aléatoire de carré intégrable.


Alors X ∈ L1 (Ω, T, P ) admet aussi une espérance mathématique E(X) et
sa variance V(X) est

V(X) = E((X − E(X))2 ) = E(X 2 ) − E(X)2 .

Comme pour l’espérance mathématique, on peut utiliser la formule


Z Z +∞
2
X dP = x2 dFX (x)
Ω −∞

pour la calculer.

Théorème 52 Eµ0 (X, T) est dense dans L∞


µ (X, T) et pour tout p ∈ [1, +∞[,
Eµ1 (X, T) est dense dans Lpµ (X, T).

92
Démonstration.
Le cas p = +∞ découle de ce que toute fonction mesurable bornée est
une limite uniforme de fonctions mesurables étagées (théorème (32) page
(53)). Si 1 ≤ p < +∞ et f ∈ Lp (X, T, µ) est positive, il existe une suite
croissante de fonctions mesurables positives étagées φn qui croı̂t vers f .
Puisque (f −φn )p ≤ f p , on a limn→+∞ kf −φn kp = 0 (convergence dominée).
Le cas général découle de l’inégalité

kf − (φ − ψ)kp ≤ kf + − φkp + kf − − ψkp .

C.Q.F.D.

Dans le théorème suivant, le support supp(f ) d’une fonction f désigne le


plus petit ensemble fermé à l’extérieur duquel elle s’annule. Cc∞ (R) désigne
l’espace vectoriel des fonctions R → R indéfiniment dérivables à support
compact (dites souvent fonctions de test).

Théorème 53 Soit 1 ≤ p < +∞. Alors la classe Cc∞ (R) des fonctions
R → R indéfiniment dérivables à support compact est dense dans Lp (R).

Démonstration.
Il s’agit de montrer qu’à chaque fonction f ∈ Lp (R) et à chaque  > 0
correspond une fonction gf, ∈ Cc∞ (R) telle que

kf − gf, kp < .

La démonstration se fait en plusieurs étapes.


Observons d’abord que f ∈ Lp (R) si et seulement si f + , f − ∈ Lp (R). La
relation

kf − (gf + , − gf − , )kp ≤ kf + − gf + , kp + kf − − gf − , kp

montre qu’il suffit de d’établir l’énoncé pour une fonction de f ∈ Lp (R)


positive.
Il existe alors une suite de fonctions mesurables positives étagées ϕn qui
croissent vers f et, en vertu des relations

|f − ϕn |p = (f − ϕn )p ≤ f p

et du théorème de Lebesgue sur la convergence dominée,

lim kf − ϕn kp = 0.
n→+∞

93
0.35
0.3
0.25
0.2 hx
0.15
0.1
0.05

-1.5 -1 -0.5 0.5 1 1.5

Fig. 2 – Une fonction de test

Il suffit donc de démontrer l’énoncé pour une fonction de Lp (R) positive


étagée. PN
Une telle fonction admettant une représentation du type k=1 ak IEk
où λ(Ek ) < +∞ pour 1 ≤ k ≤ N , il suffit de démontrer l’énoncé pour la
fonction indicatrice d’un ensemble mesurable de mesure finie.
A un tel ensemble E et à chaque  > 0 correspond un ensemble ouvert
O qui contient E et qui est tel que

λ(E) < λ(O) < λ(E) + 

de telle sorte que


kIE − IO kpp = λ(OE c ) < .
Il suffit donc de démontrer l’énoncé pour la fonction indicatrice d’un en-
semble ouvert de mesure finie. P
Puisqu’un tel ensemble O admet une représentation O = k Ik où les
intervalles ouverts Ik sont de mesure finie et puisqu’alors
N
X +∞
X
kIO − IIk kpp = λ(Ik ) < 
k=1 k=N +1

dès que N est assez grand, il suffit de démontrer l’énoncé pour la fonction
indicatrice d’un intervalle ouvert de mesure finie ]a, b[.
Pour ce faire, introduisons la fonction h : R → R définie par
2)
h(x) = e−1/(1−x I]−1,+1[ (x).

94
(Figure 2). On vérifie par récurrence sur n que
pn (x)
h(n) (x) = h(x)
(1 − x2 )2n
où pn (x) est un polynôme en x, ce qui montre que h ∈ Cc∞ (R) et que
supp(h)= [−1, +1]. Soit
Z +∞
H= h(x) dx.
−∞

Considérons le produit de convolution


Z +∞   Z +∞
1 x − y dy 1
gδ (x) = I]a,b[ (y) h = I]a,b[ (x − zδ) h(z) dz.
−∞ H δ δ −∞ H
Dans la première expression, la dérivation sous le signe intégral est aisément
justifiée et montre que gδ ∈ Cc∞ (R) avec supp(gδ )= [a − δ, b + δ]. Dans
la deuxième expression, le théorème de la convergence dominée permet de
passer la limite sous le signe intégral et entraı̂ne que

lim gδ (x) = I]a,b[ (x).


δ→0

Enfin, la relation

|gδ (x) − I]a,b[ (x)| ≤ 2 I[a−1,b+1] (x)

(qui est valable dès que δ < 1) implique, toujours par convergence dominée,
que
lim kgδ − I]a,b[ kp = 0.
δ→0
C.Q.F.D.

8.1 Exercices
1. Soient X ∈ L1 (Ω, T, P ) une variable aléatoire admettant une espérance
mathématique et φ : R → R une fonction convexe dérivable telle que
φ ◦ X ∈ L1 (Ω, T, P ). Montrer que
Z  Z
φ X dP ≤ φ(X) dP
Ω Ω

(inégalité de Jensen).
(Suggestion : utiliser l’inégalité de convexité φ0 (t0 )(t − t0 ) + φ(t0 ) ≤
φ(t)).

95
2. Soient X ∈ L1 (Ω, T, P ) une variable aléatoire admettant une espérance
mathématique. Montrer que
q Z p
1 + kXk1 ≤2 1 + X 2 dP ≤ 1 + kXk1 .

3. Soient 0 < p < r < s < +∞. Montrer que

Lp (X, T, µ)Ls (X, T, µ) ⊆ Lr (X, T, µ).

4. Soient 1 ≤ p ≤ r ≤ +∞. Montrer que

Lp (X, T, µ)L∞ (X, T, µ) ⊆ Lr (X, T, µ)L∞ (X, T, µ).

5. Soient 1 < p, q, r < +∞ des nombres tels que


1 1 1
+ + =1
p q r
et
f ∈ Lp (R), g ∈ Lq (R), h ∈ Lr (R).
Montrer que f gh ∈ L1 (R) et que

kf ghk1 ≤ kf kp kgkq khkr .

6. Soient f ∈ Lp ([0, +∞[ ) et g ∈ Lq ([0, +∞[ ) où 1 ≤ p, q ≤ +∞ sont


conjugués. Calculer

1 T
Z
lim f (s)g(s) ds.
T →+∞ T 0

7. Soit f : [0, A] → R une fonction s’annulant à l’origine et admettant


une dérivée continue. Montrer que, quel que soit p ≥ 1, on a
A
kf kp ≤ kf 0 kp .
p1/p
L’égalité est-elle possible ?
8. Montrer que L2 (R) * L1 (R) et que L1 ([0, 1]) * L2 ([0, 1]).
9. Soient f, g ∈ L2 (E). Montrer que
1
kf k22 + kgk22 = (kf + gk22 + kf − gk22 )
2
(identité du parallélogramme).

96
10. Soit 0 < p < 1. Montrer que si f, g ∈ Lp (E), alors f + g ∈ Lp (E) mais
que l’inégalité
kf + gkp ≤ kf kp + kgkp
n’est plus nécessairement satisfaite.
11. On considère les fonctions fn : [0, 1] → R définies par
 2nα+β x si 0 ≤ x ≤ 1/(2nα )

fn (x) = 2n (1 − n x) si 1/(2nα ) ≤ x ≤ 1/nα


β α

0 si 1/nα ≤ x ≤ 1.

Montrer qu’elles convergent vers 0 en chaque point x ∈ [0, 1]puis


déterminer les valeurs de p pour lesquelles elles convergent au sens
de Lp ([0, 1]).
12. Soient 1 ≤ p, q ≤ +∞ des exposants conjugués, fn ∈ Lp (E) des fonc-
tions qui convergent au sens de Lp (E) vers une fonction f ∈ Lp (E) et
gn ∈ Lq (E) des fonctions qui convergent au sens de Lq (E) vers une
fonction g ∈ Lq (E). Montrer que
Z Z
lim fn gn = f g.
n→+∞ E E

13. Montrer que les fonctions fn (x) = sin nx forment dans l’espace de Hil-
bert L2 ([−π, π]) une suite bornée (kfn k2 restent bornées) qui n’admet
aucune suite partielle convergente (au sens de L2 ([−π, π])).
14. Soient fn ∈ Lp (E) des fonctions qui convergent simplement (ponctuel-
lement) vers une fonction f ∈ Lp (E). Montrer qu’elles convergent au
sens de Lp (E) (1 ≤ p < +∞) si et seulement si
lim kfn kp = kf kp .
n→+∞

15. Soit f ∈ Lp (R) (1 ≤ p < +∞). Montrer que


Z +∞ 1/p
p
lim |f (x + h) − f (x)| dx = 0.
h→0 −∞

Suggestion : considérer d’abord une fonction dans Cc∞ (R).


16. Soient 1 ≤ p, q ≤ +∞ des exposants conjugués, f ∈ Lp (R), g ∈ Lq (R)
et Z +∞ Z +∞
h(x) = f (x − t)g(t) dt = f (t)g(x − t) dt
−∞ −∞
leur produit de convolution. Montrer que h est une fonction continue
et bornée sur R.

97
9 DÉRIVATION
Dans ce chapitre, pour étudier jusqu’à quel point les opérations d’intégration
et de dérivation sont les inverses l’une de l’autre, c’est-à-dire sous quelles hy-
pothèses les relations Z x
d
f (t) dt = f (x)
dx a
et Z b
f 0 (t) dt = f (b) − f (a)
a
sont valables, nous allons introduire la classe des fonctions à variation bornée
puis celle des fonctions absolument continues. Nous verrons notamment com-
ment les formules d’intégration par parties et de changement de variables
s’étendent à l’intégrale de Lebesgue.

9.1 Fonctions à variation bornée


Soit f ∈ L1 ([a, b]) et considérons son intégrale définie, la fonction F : [a, b] → R
déterminée par Z x
F (x) = f (t) dt.
a
Une première propriété de cette fonction est sa continuité. Si h > 0,
Z b
F (x + h) − F (x) = I(x,x+h) (t)f (t) dt
a

alors que si h < 0,


Z b
F (x + h) − F (x) = − I(x+h,x) (t)f (t) dt
a

de telle sorte que, en vertu du théorème de la convergence dominée de Le-


besgue,
lim (F (x + h) − F (x)) = 0.
h→0

Une seconde propriété de la fonction F découle de sa représentation


comme la différence de deux fonctions croissantes,
Z x Z x
F = +
f − f −.
a a

En vertu du théorème qui suit, la fonction F est à variation bornée.

98
Une fonction φ : [a, b] → R est une fonction à variation bornée sur
[a, b] si les sommes
n
X
s(φ, P) = |φ(xk ) − φ(xk−1 )|
k=1

restent bornées quelle que soit la partition

P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } , a = x0 < x1 < x2 < · · · < xn = b,

de l’intervalle [a, b]. Sa variation sur l’intervalle [a, b] est alors

var(φ, [a, b]) = sup{s(φ, P) | P}.

Théorème 54 (Jordan) Une fonction φ : [a, b] → R est à variation bornée


sur [a, b] si et seulement si elle peut s’écrire comme la différence de deux
fonctions croissantes sur [a, b].
Démonstration.
La condition est suffisante. Si φ = g−h est la différence de deux fonctions
croissantes, on a
n
X n
X
s(φ, P) ≤ |g(xk ) − g(xk−1 )| + |h(xk ) − h(xk−1 )|
k=1 k=1
n
X n
X
= (g(xk ) − g(xk−1 )) + (h(xk ) − h(xk−1 ))
k=1 k=1
= g(b) − g(a) + h(b) − h(a)

pour toute partition P de [a, b].


La condition est nécessaire. On a en effet, quelque soit c ∈]a, b[, que

var(φ, [a, b]) = var(φ, [a, c]) + var(φ, [c, b])

ce qui montre que la fonction

V (x) = var(φ, [a, x])

est croissante. Il en est de même pour la fonction

j(x) = V (x) − φ(x)

99
puisque, si x1 < x2 ,
j(x2 ) − j(x1 ) = var(φ, [x1 , x2 ]) − (φ(x2 ) − φ(x1 )) ≥ 0.
C.Q.F.D.

Il y a bien sûr plus d’une façon de représenter une fonction à variation


bornée comme la différence de deux fonctions croissantes. La représentation
précédente est, d’une certaine façon, optimale (exercices 2 et 3 page 112).
Il suit de ce théorème que les discontinuités d’une fonction à variation
bornée φ forment un ensemble au plus dénombrable. Ce sont les points x où
φ fait un saut :
φ(x−) = lim φ(x − h) 6= lim φ(x + h) = φ(x+).
h↓0 h↓0

L’étude des fonctions à variations bornées s’appuie sur le théorème suivant.

Théorème 55 (Vitali) Soit E ⊆ R un ensemble de mesure extérieure fi-


nie. Supposons que {Iα }α∈A est une famille (pas nécessairement dénombrable)
d’intervalles d’intérieur non vide ayant la propriété suivante : pour tout
x ∈ E et pour  > 0 arbitrairement petit, on peut trouver α ∈ A tel que
x ∈ Iα et λ(Iα ) < . Alors à chaque  > 0 correspond un ensemble fini
d’intervalles deux à deux disjoints {Iα1 , Iα2 , . . . , IαN } tels que
N
!c !
X
λ∗ E ∩ Iαk < .
k=1

Démonstration.
En considérant si nécessaire leur adhérence, on peut supposer que les
intervalles Iα sont fermés. Soit O ⊆ R un ensemble ouvert de mesure finie
contenant E. En ne considérant si nécessaire que ceux qui le sont, on peut
supposer que tous les intervalles Iα sont contenus dans O.
Formons alors une suite d’intervalles disjoints {Iαk }k de la façon suivante.
Iα1 est choisi arbitrairement. Si les intervalles disjoints Iα1 , Iα2 , . . . , Iαn ont
déjà été choisis, posons
Λn = sup {λ(Iα ) | Iα Iαk = ∅ pour 1 ≤ k ≤ n}
α∈A

et choisissons un intervalle Iαn+1 tel que


Λn
Iαn+1 Iαk = ∅ pour 1 ≤ k ≤ n et λ(Iαn+1 ) > .
2

100
Si ce processus s’arrête après N étapes (faute d’intervalles Iα remplissant la
condition), on a nécessairement
N
X
E⊆ Iαk
k=1

car si !c
N
X
x∈E∩ Iαk ,
k=1

il existe, par hypothèse, un intervalle Iα contenant x et tel que Iα Iαk = ∅


pour 1 ≤ k ≤ N . S’il ne s’arrête jamais, la relation
+∞
X
λ(Iαk ) ≤ λ(O) < +∞
k=1

implique que
lim λ(Iαk ) = 0
k→+∞

et aussi que l’on peut trouver N tel que


X
λ(Iαk ) < /5.
k>N

Montrons que dans ce cas,


N
!c !
X

λ E∩ Iαk < .
k=1

Soit en effet !c
N
X
x∈E∩ Iαk .
k=1

Il existe, par hypothèse, un intervalle Iα0 contenant x et tel que Iα0 Iαk = ∅
pour 1 ≤ k ≤ N . D’autre part, il doit aussi exister des intervalles de la suite
{Iαk }k∈N tels que Iα0 Iαk 6= ∅. Autrement on aurait λ(Iα0 ) ≤ Λk < 2 λ(Iαk+1 )
pour tout k ∈ N, ce qui impliquerait λ(Iα0 ) = 0. Soit donc Iαn le premier
des intervalles de la suite {Iαk }k∈N tel que Iα0 Iαn 6= ∅. Alors n > N et

λ(Iα0 ) ≤ Λn−1 < 2 λ(Iαn ).

101
Ainsi la distance de x au centre xn de l’intervalle Iαn est au plus
1 5
λ(Iα0 ) + λ(Iαn ) < λ(Iαn )
2 2
et
5 5
x ∈ [xn − λ(Iαn ), xn + λ(Iαn )].
2 2
Donc !c !
N
X X
λ∗ E∩ Iαk ≤ 5 λ(Iαn ) < .
k=1 n>N
C.Q.F.D.

Théorème 56 (Lebesgue) Une fonction à variation bornée φ : [a, b] → R


est dérivable presque partout.
Démonstration.
On peut supposer que φ est croissante et, en posant φ(x) = φ(a) si x < a
et φ(x) = φ(b) si x > b, que l’intervalle [a, b] est symétrique par rapport à
l’origine. Considérons les dérivées de Dini de φ en un point x ∈]a, b[ :
φ(x − h) − φ(x)
D− φ(x) = lim inf
h↓0 −h
φ(x − h) − φ(x)
D− φ(x) = lim sup
h↓0 −h
φ(x + h) − φ(x)
D+ φ(x) = lim inf
h↓0 h
φ(x + h) − φ(x)
D+ φ(x) = lim sup .
h↓0 h
Il s’agit de montrer que l’on a

D− φ(x) = D− φ(x) = D+ φ(x) = D+ φ(x) < +∞

presque partout sur ]a, b[. Il suffit en fait de montrer que

D+ φ(x) ≤ D− φ(x) < +∞

presque partout sur ]a, b[. En considérant la fonction croissante ψ(x) =


−φ(−x) pour laquelle D− ψ(−x) = D+ φ(x) et D+ ψ(−x) = D− φ(x), cette
relation entraı̂nera en effet d’abord que D− φ(x) ≤ D+ φ(x) puis que

D− φ(x) ≤ D− φ(x) ≤ D+ φ(x) ≤ D+ φ(x) ≤ D− φ(x) < +∞

102
presque partout sur ]a, b[. On a
[
{x | D+ φ(x) > D− φ(x)} = {x | D+ φ(x) > s > t > D− φ(x)}
s,t∈Q

et il s’agit de voir que, quels que soient s, t ∈ Q,

λ∗ ({x | D+ φ(x) > s > t > D− φ(x)}) = 0.

Posons
E = {x | D+ φ(x) > s > t > D− φ(x)}.
Soit O ⊆ R un ensemble ouvert contenant E et tel que λ(O) < λ∗ (E) + .
Si x ∈ E,
φ(x − h) − φ(x)
D− φ(x) = lim inf < t.
h↓0 −h
Donc pour chaque x ∈ E et pour h > 0 arbitrairement petit, il existe un
intervalle [x − h, x] ⊆ O tel que

φ(x) − φ(x − h) < th.

En vertu du théorème de Vitali, on peut trouver

{[x1 − h1 , x1 ], [x2 − h2 , x2 ], . . . , [xN − hN , xN ]}

disjoints tels que, si


N
X
D= ]xk − hk , xk [ ,
k=1
on ait
λ∗ (ED) > λ∗ (E) − .
De plus,
N
X N
X
(φ(xk ) − φ(xk − hk )) < t hk < tλ(O) < t(λ∗ (E) + ).
k=1 k=1

Si y ∈ ED,
φ(y + h) − φ(y)
D+ φ(y) = lim sup > s.
h↓0 h
Donc pour chaque y ∈ ED et pour H > 0 arbitrairement petit, il existe un
intervalle [y, y + H] ⊆ D tel que

φ(y + H) − φ(y) > sH.

103
En vertu du théorème de Vitali, on peut trouver
{[y1 , y1 + H1 ], [y2 , y2 + H2 ], . . . , [yM , yM + HM ]}
disjoints tels que, si
M
X
G= ]yj , yj + Hj [ ,
j=1
on ait
λ∗ (EG) > λ∗ (ED) −  > λ∗ (E) − 2.
De plus,
M
X M
X
(φ(yj + Hj ) − φ(yj )) > s Hj > s(λ∗ (E) − 2).
j=1 j=1

Maintenant remarquons que chaque intervalle ]yj , yj + Hj [ doit être contenu


dans l’un des intervalles ]xk − hk , xk [. En regroupant les termes de la somme
M
X
(φ(yj + Hj ) − φ(yj ))
j=1

suivant les intervalles ]xk − hk , xk [ auxquels ils correspondent et en utilisant


le fait que la fonction φ est croissante, on obtient
M
X N
X
(φ(yj + Hj ) − φ(yj )) ≤ (φ(xk ) − φ(xk − hk )).
j=1 k=1

Ceci entraı̂ne s(λ∗ (E)


− 2) ≤ t(λ∗ (E) + ) donc sλ∗ (E) ≤ tλ∗ (E) et enfin

λ (E) = 0. Pour voir que l’on a
φ(x + h) − φ(x)
lim < +∞
h↓0 h
presque partout sur [a, b], nous utilisons le lemme de Fatou :
Z b Z b+1/n Z b !
φ(x + 1/n) − φ(x)
lim inf dx = lim inf n φ(x) dx − φ(x) dx
n→+∞ a 1/n n→+∞ a+1/n a
Z b+1/n Z a+1/n !
= lim inf n φ(x) dx − φ(x) dx
n→+∞ b a
!
Z a+1/n
= lim inf φ(b) − n φ(x) dx ≤ φ(b) − φ(a).
n→+∞ a

104
C.Q.F.D.

Remarque. Si φ est croissante sur l’intervalle [a, b], la fonction φ0 n’est


définie que presque partout sur [a, b]. On la prolonge à l’intervalle [a, b] tout
entier en la posant égale à 0 aux points où la limite du quotient différentiel
n’existe pas ou est infinie. On obtient ainsi une fonction mesurable positive
encore dénotée φ0 et telle que
Z b
φ0 ≤ φ(b) − φ(a).
a

Cette inégalité peut être stricte, par exemple, pour une fonction constante
entre ses sauts.

Théorème 57 Soient f : [a, b] → R une fonction intégrable et F : [a, b] → R


la fonction définie par Z x
F (x) = f (t) dt.
a
Alors, presque partout sur [a, b],

F 0 (x) = f (x).

Démonstration.
On peut supposer que f est positive. Le cas général se ramène à celui où
f est bornée en considérant la suite croissant vers f des fonctions bornées
fn = inf{f, n}. On a en effet

F (x) = Gn (x) + Fn (x)

où Z x Z x
Gn (x) = (f (t) − fn (t)) dt et Fn (x) = fn (t) dt.
a a
Comme Gn est croissante, elle est dérivable et G0n (x) ≥ 0 presque partout
sur [a, b] et, par hypothèse, Fn0 (x) = fn (x) presque partout sur le même
intervalle. Par suite

F 0 (x) = G0n (x) + Fn0 (x) ≥ fn (x)

donc
F 0 (x) ≥ f (x)

105
presque partout sur l’intervalle [a, b], ce qui entraı̂ne
Z b Z b
0
F (b) ≥ F (t) dt ≥ f (t) = F (b)
a a

et enfin
F 0 (x) = f (x)
presque partout sur l’intervalle [a, b]. Supposant donc f positive et bornée,
soit x un point quelconque de l’intervalle ]a, b[ et montrons que
Z x Z x
F 0 (t) dt = f (t) dt.
a a

En vertu du théorème de la convergence dominée

1 t+h
 
F (t + h) − F (t)
Z
= f (s) ds ≤ kf k∞
h h t

et du théorème fondamental du calcul (F est continue), on a en effet


Z x Z x Z x
0 F (t + h) − F (t) F (t + h) − F (t)
F (t) dt = lim dt = lim dt
a a h↓0 h h↓0 a h
 Z x+h
1 a+h
Z 
1
= lim F (t) dt − F (t) dt = F (x) − F (a) = F (x).
h↓0 h x h a

Observons finalement que si g ∈ L1 ([a, b]) est telle que


Z x
g=0
a

pour tout x ∈]a, b[, alors


R g = 0 presque partout sur [a, b] (on prendra ici
0
R
g = F − f ). En effet, I g = 0 pour tout intervalle ouvert I donc O g = 0
pour tout ensemble ouvert O. Soit

E = {x | g(x) > 0}.

Si l’on avait λ(E) > 0, on pourrait trouver un ensemble ouvert O tel que

]a, b[ E c ⊆ O ⊆ ]a, b[

et
λ(O) < b − a

106
donc
λ( ]a, b[ Oc ) > 0.
Comme ce dernier ensemble est entièrement contenu dans E, on obtiendrait
une contradiction : Z Z
− g= g > 0.
O ]a,b[ Oc

C.Q.F.D.

9.2 Fonctions absolument continues


Une troisième propriété de l’intégrale définie F découle de la propriété
suivante des fonctions intégrables.
Soit f ∈ L1 ([a, b]). Alors à chaque  > 0 correspond δ > 0 tel que
Z
λ(E) < δ implique |f | < . (2)
E

Cela est évident si |f | est bornée. Pour y ramener le cas général, intro-
duisons la suite croissant vers |f | des fonctions bornées fn = inf{|f |, n}. En
vertu du théorème de la convergence monotone, on peut trouver n tel que
Z b
(|f | − fn ) < /2.
a

Si

λ(E) < ,
2n
on aura
Z Z Z Z b
|f | = (|f | − fn ) + fn ≤ (|f | − fn ) + nλ(E) < .
E E E a

La relation (2) implique que F est absolument continue.

Une fonction φ : [a, b] → R est une fonction absolument continue


sur [a, b] si à chaque  > 0 correspond δ > 0 tel que pour toute suite finie de
sous-intervalles ouverts deux à deux disjoints

{ ]s1 , t1 [, ]s2 , t2 [, . . . , ]sn , tn [ }

de [a, b] on ait
n
X n
X
(tk − sk ) < δ implique |φ(tk ) − φ(sk )| < .
k=1 k=1

107
Une fonction absolument continue sur un intervalle [a, b] est uniformément
continue sur cet intervalle. Elle y est aussi à variation bornée. Soit en effet
∆ > 0 le nombre associé à  = 1. Donnée une partition P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn }
de l’intervalle [a, b], considérons la partition P 0 = {x00 , x01 , x02 , . . . , x0m } obte-
nue de P en lui adjoignant les points
b−a b−a b−a
a+k , 0 ≤ k ≤ N , où ≤N < + 1.
N ∆ ∆
Alors, regroupant les termes de la seconde somme en N paquets,
n m
X X b−a
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| ≤ |φ(x0k ) − φ(x0k−1 )| ≤ N < + 1.

k=1 k=1

Théorème 58 Une fonction φ : [a, b] → R est absolument continue sur


[a, b] si et seulement si elle admet presque partout une dérivée φ0 intégrable
et telle que Z x
φ0 = φ(x) − φ(a)
a
pour tout x ∈ [a, b].

Démonstration.
La condition est suffisante. Nous avons déjà démontré que l’intégrale
définie d’une fonction intégrable est absolument continue.
La condition est nécessaire. On sait déjà que φ, étant à variation bornée,
admet presque partout une dérivée intégrable φ0 . On sait aussi que la fonc-
tion Z x
φ1 (x) = φ0 (t) dt + φ(a)
a
est absolument continue et que φ01 (x) = φ0 (x) presque partout sur l’inter-
valle [a, b]. Observons pour terminer que si une fonction g : [a, b] → R est
absolument continue sur [a, b], telle que g(a) = 0 et que g 0 = 0 presque par-
tout, alors g = 0 partout sur l’intervalle [a, b] (on prendra ici g = φ − φ1 ).
Soit en effet x ∈]a, b[ et considérons l’ensemble

E = {t ∈ ]a, x[ | g 0 (t) = 0}.

Si t ∈ E,
g(t + h) − g(t)
lim = 0.
h↓0 h

108
Donc pour chaque t ∈ E et pour tout h > 0 assez petit, il existe un intervalle
[t, t + h] ⊆]a, x[ tel que
h
g(t + h) − g(t) < .
2(b − a)
Soit δ > 0 le nombre associé à /2 dans la définition de continuité absolue de
g sur [a, b]. En vertu du théorème de Vitali, on peut trouver des intervalles
deux à deux disjoints

{[t1 , t1 + h1 ], [t2 , t2 + h2 ], . . . , [tN , tN + hN ]}

tels que !c !
N
X
λ E [tk , tk + hk ] <δ
k=1
donc que !c !
N
X
λ ]a, x[ [tk , tk + hk ] < δ.
k=1
Alors

|g(x)| = |g(x) − g(tN + hN ) + g(t1 )


N
X −1 N
X
+ (g(tk+1 ) − g(tk + hk )) + (g(tk + hk ) − g(tk ))|
k=1 k=1
≤ |g(x) − g(tN + hN )| + |g(t1 )|
N
X −1 N
X
+ |g(tk+1 ) − g(tk + hk )| + |g(tk + hk ) − g(tk )|
k=1 k=1
N
  X
< + hk ≤ .
2 2(b − a)
k=1

Le point x ∈]a, b[ et le nombre  > 0 étant arbitraires, le résultat est établi.


C.Q.F.D.

Théorème 59 Soient φ, ψ : [a, b] → R des fonctions absolument continues


sur [a, b]. Alors la fonction φψ est absolument continue sur [a, b] et
Z b Z b
φψ 0 = φ(b)ψ(b) − φ(a)ψ(a) − φ0 ψ.
a a

109
Démonstration.
La première assertion découle de l’inégalité
n
X
|φ(tk )ψ(tk ) − φ(sk )ψ(sk )|
k=1
n
X
= |(φ(tk ) − φ(sk ))ψ(tk ) + φ(sk )(ψ(tk ) − ψ(sk ))|
k=1
n
X n
X
≤ |φ(tk ) − φ(sk )|kψk∞ + kφk∞ |ψ(tk ) − ψ(sk )|.
k=1 k=1

Comme
(φψ)0 = φ0 ψ + φψ 0
presque partout et comme
Z b
(φψ)0 = φ(b)ψ(b) − φ(a)ψ(a),
a

la formule d’intégration par parties est démontrée. C.Q.F.D.

Théorème 60 Soit φ : [c, d] → [a, b] une fonction absolument continue


et strictement croissante, appliquant [c, d] sur [a, b]. Pour toute fonction
f ∈ L1 ([a, b]), la fonction y 7→ f (φ(y))φ0 (y) est intégrable sur [c, d] et l’on a
Z b Z d
f (x) dx = f (φ(y))φ0 (y) dy.
a c

Démonstration.
La démonstration se fait en plusieurs étapes.
Si f = I(u,v) est la fonction indicatrice d’un intervalle, f ◦φ = I(φ−1 (u), φ−1 (v))
et la formule est vraie puisqu’elle s’écrit
Z φ−1 (v)
v−u= φ0 (y) dy.
φ−1 (u)
P
Si f = IO = P k I(uk ,vk ) est la fonction indicatrice d’un ensemble ouvert,
f ◦ φ = Iφ−1 (O) = k I(φ−1 (uk ), φ−1 (vk )) et

X XZ φ−1 (vk ) Z
0
λ(O) = (vk − uk ) = φ (y) dy = φ0 (y) dy
k k φ−1 (u k) φ−1 (O)

110
en vertu de l’additivité de l’intégrale.
Pour étudier le cas où f = IE est la fonction indicatrice d’un ensemble
mesurable quelconque, introduisons l’ensemble

H = {y | φ0 (y) > 0}.

Si N ⊆ [a, b] est un ensemble de mesure nulle, on peut trouver une suite


décroissante d’ensembles ouverts Ok ⊇ N tels que limk→+∞ λ(Ok ) = 0.
Alors
Z
0 = lim λ(Ok ) = lim φ0 (y) dy
k→+∞ k→+∞ φ−1 (Ok )
Z Z
0
= lim φ (y) dy = T φ0 (y) dy
k→+∞ φ−1 (Ok )H φ−1 (Ok )H
k

ce qui montre que l’ensemble k φ−1 (Ok )H est de mesure nulle, donc que
T
l’ensemble φ−1 (N )H l’est aussi. Si donc f = IE , on peut trouver une suite
décroissante d’ensembles ouverts Ok tels que
\
Ok = E + N
k

où N est un ensemble de mesure nulle. La relation


\
φ−1 (Ok )H = φ−1 (E)H + φ−1 (N )H
k

permet alors d’écrire


!
\
λ(E) = λ Ok = lim λ(Ok )
k→+∞
k
Z Z Z
0 0
= lim φ (y) dy = φ (y) dy = φ0 (y) dy
k→+∞ φ−1 (Ok ) T
φ−1 (O k)
T
φ−1 (O k )H
k k
Z Z d
= φ0 (y) dy = IE (φ(y))φ0 (y) dy.
φ−1 (E)H c

Le théorème est donc vrai, par linéarité, pour une fonction f mesurable
positive étagée, puis pour une fonction f mesurable positive quelconque par
convergence monotone et finalement pour une fonction f intégrable arbi-
traire encore une fois par linéarité.
C.Q.F.D.

111
9.3 Exercices
1. Vérifier qu’une fonction φ : [a, b] → R est à variation bornée si et
seulement si son graphe est rectifiable, c’est-à-dire si et seulement si
les sommes
n p
X
σ(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
k=1

restent bornées quelle que soit la partition P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } de


l’intervalle [a, b].
2. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Si P = {x0 , x1 , . . . , xn }
est une partition de l’intervalle [a, b], soient
n
X
p(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))+ ,
k=1
Xn
n(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))−
k=1

et posons

pos(φ, [a, b]) = sup{p(φ, P)} ,


P
neg(φ, [a, b]) = sup{n(φ, P)}.
P

Montrer que

pos(φ, [a, b]) − neg(φ, [a, b]) = φ(b) − φ(a),

et que
pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b]) = var(φ, [a, b]).

3. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Supposons que


φ = g − h en soit une représentation comme la différence de deux
fonctions croissantes sur [a, b] et posons

P (x) = pos(φ, [a, x]) , N (x) = neg(φ, [a, x]).

Vérifier que P et N sont croissantes sur [a, b] et que

var(P, [a, b]) ≤ var(g,[a,b]) , var(N, [a, b]) ≤ var(h, [a, b]).

112
4. Vérifier que la fonction
(
x−1/3 si x 6= 0,
f (x) =
0 si x = 0.

est intégrable sur [−1, 1] et déterminer la variation de son intégrale


définie Z x
F (x) = f (t) dt
−1
sur cet intervalle.
5. Montrer que la fonction continue φ(x) qui coı̈ncide avec x sin 1/x
lorsque x 6= 0 n’est à variation bornée sur aucun intervalle contenant
0.
6. Représenter sur l’intervalle [0, 2π] la fonction sin x comme la différence
de deux fonctions croissantes.
7. Soit Q = {q1 , q2 , q3 , . . .} une énumération des nombres rationnels.
Montrer que la fonction
X 1
φ(x) =
q <x
2n
n

est strictement croissante sur R et discontinue sur Q.


8. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Montrer que |φ| est
aussi à variation bornée sur [a, b] et que

var(|φ|, [a, b]) ≤ var(φ, [a, b]).

En déduire l’inégalité
Z b
1
|φ| ≤ |φ(a)| + var(|φ|, [a, b]).
b−a a

9. Soit φ : [a, b] → R la limite d’une suite de fonctions φn : [a, b] → R à


variation bornée. Montrer que

var(φ, [a, b]) ≤ lim inf var(φn , [a, b]).


n→+∞

10. Calculer les nombres de Dini D+ φ(0), D+ φ(0), D− φ(0) et D− φ(0) pour
la fonction

φ = (IQc ]−∞,0] + 2 IQc ]0,+∞[ ) − (IQ ]−∞,0] + 2 IQ ]0,+∞[ ).

113
11. Montrer qu’une fonction est absolument continue sur tout intervalle
dans lequel elle admet une dérivée bornée.
12. Montrer que la fonction continue φ(x) qui coı̈ncide avec x2 sin 1/x
lorsque x 6= 0 est absolument continue.
13. Soit φ : [a, b] → R une fonction croissante. Montrer qu’elle peut s’écrire
sous la forme φ = φac + φs où φac est croissante absolument continue
et φs est croissante singulière, c’est-à-dire telle que φ0s = 0 presque
partout sur [a, b].
14. Montrer qu’une fonction convexe φ : R → R est absolument continue
sur tout intervalle compact [a, b].
15. Soit φ : [a, b] → R une fonction absolument continue. Montrer que
Z b
var(φ, [a, b]) = |φ0 (x)| dx.
a

Suggestion : considérer d’abord le cas où φ0 est continue.


16. Soient φ : [a, b] → R une fonction absolument continue et

`φ = sup{σ(φ, P) | P}

la longueur de son graphe. Montrer que


Z bq
`φ = 1 + φ0 (x)2 dx.
a

Suggestion : considérer d’abord le cas où φ0 est continue.


17. À partir de la formule d’intégration par parties, montrer que si la fonc-
tion F : [a, b] → R est absolument continue, positive et décroissante et
si la fonction g : [a, b] → R est intégrable, il existe c ∈ [a, b] tel que
Z b Z c
F (x)g(x) dx = F (a) g(x) dx.
a a

(« Deuxième théorème de la moyenne » . Quel est le premier ?)

114
10 MESURES SIGNÉES
Dans ce chapitre, nous allons introduire les notions de mesures signée,
étrangère ou absolument continue, démontrer le théorème de Radon-Nikodym
sur la dérivée d’une mesure et l’appliquer à l’étude de la dualité entre les
espaces de Lebesgue.

Soit (X, T) un espace mesurable. Une mesure signée sur X est une
fonction ν : T → R telle que
MS1 ν(∅) = 0 ;
MS2 En ∈ T pour tout n ∈ N et Em En = ∅ si n 6= m impliquent
!
X X
ν En = ν(En ).
n∈N n∈N

M(X, T) désigne l’espace des mesures signées sur X, définies sur T. Ainsi

Mf (X, T) = M(X, T)M+ (X, T).

Exemple. Si µ ∈ M+ (X, T) et f ∈ L1 (X, T, µ), la relation


Z
νf (E) = f dµ, E ∈ T,
E

définit une mesure signée sur X (théorème (37) page (60)).

Une mesure signée possède les propriétés de continuité d’une mesure


positive mais elle n’est ni croissante ni sous-additive (théorème (29) page
(50)).

Soient Ek ∈ T des ensembles disjoints deux à deux. Puisque, pour toute


énumération n1 , n2 , n3 , . . . de N, on a
+∞ +∞
!
X X
ν(Enk ) = ν Ek ,
k=1 k=1

on doit avoir convergence absolue de la série des mesures des ensembles Ek :


+∞
X
|ν(Ek )| < +∞.
k=1

115
La variation |ν| de la mesure ν est la fonction |ν| : T → [0, +∞] définie
par
X+∞ +∞
X
|ν|(E) = sup { |ν(Fk )| | Fk ∈ T, E = Fk }.
k=1 k=1

Théorème 61 Soit ν ∈ M(X, T). Alors |ν| ∈ M+ (X, T). On a |ν(E)| ≤


|ν|(E) pour tout E ∈ T et si ρ ∈ M+ (X, T) est telle que |ν(E)| ≤ ρ(E) pour
tout E ∈ T, alors |ν| ≤ ρ.

Démonstration. P+∞
Soient EPn ∈ T des ensembles disjoints deux à deux. Posons E = n=1 En
+∞
et soit E = k=1 Fk une partition mesurable quelconque de E. Alors
! +∞
X+∞ X X +∞
|ν(Fk )| = ν Fk E n = ν(Fk En ) ≤ |ν(Fk En )|


n=1 n=1 n=1

donc
+∞
X +∞ X
X +∞ +∞ X
X +∞ +∞
X
|ν(Fk )| ≤ |ν(Fk En )| = |ν(Fk En )| ≤ |ν|(En )
k=1 k=1 n=1 n=1 k=1 n=1

et
+∞
X
|ν|(E) ≤ |ν|(En ).
n=1

Pour établir l’inégalité réciproque, distinguons suivantPque |ν|(En ) < +∞


pour tout n ou non. Dans le premier cas, soient En = +∞ k=1 Fk,n des parti-
tions mesurables des ensembles En telles que
+∞
X 
|ν|(En ) ≤ |ν(Fk,n )| + .
2n
k=1
P+∞ P+∞
Alors E = n=1 k=1 Fk,n est une partition mesurable de E et
+∞
X +∞ X
X +∞
|ν|(En ) −  ≤ |ν(Fk,n )| ≤ |ν|(E).
n=1 n=1 k=1

116
Supposant, dans l’autre P+∞éventualité, que |ν|(Em ) = +∞, soit K > 0 ar-
bitraire.
P+∞ Soit E m = k=1 Fk,m une partition mesurable de Em telle que
k=1 |ν(F k,m )| > K. Alors

X +∞
X
|ν|(E) ≥ |ν(En )| + |ν(Fk,m )| > K.
n6=m k=1

Ainsi |ν| ∈ M+ (X, T) et, évidemment, |ν(E)| ≤ |ν|(E) pour tout E ∈ T.


Supposons que ρ ∈ MP + (X, T) a la même propriété. Alors, pour toute parti-
tion mesurable E = +∞ k=1 Fk de E, on aura

+∞
X +∞
X
|ν(Fk )| ≤ ρ(Fk ) = ρ(E)
k=1 k=1

donc |ν|(E) ≤ ρ(E). C.Q.F.D.

Soient ρ1 , ρ2 ∈ M(X, T) ∪ M+ (X, T) deux mesures sur X. Elles sont


étrangères l’une à l’autre (ce que l’on note quelquefois ρ1 ⊥ρ2 ) s’il existe
D1 , D2 ∈ T disjoints tels que ρ1 soit concentrée sur (portée par) D1 et que
ρ2 soit concentrée sur D2 , c’est-à-dire que pour tout E ∈ T,

ρ1 (E) = ρ1 (ED1 ) et ρ2 (E) = ρ2 (ED2 ).

Cette décomposition de l’espace n’est pas nécessairement unique. Par exemple,


si ρ1 et ρ2 sont positives et s’il existe N ∈ T tel que ρ1 (N ) = ρ2 (N ) = 0, ρ1
sera aussi portée par D1 N c et ρ2 par D2 N c .

Exemple. Soient µ ∈ M+ (X, T) et f ∈ L1 (X, T, µ). Les mesures νf + , νf − ∈


Mf (X, T) sont étrangères l’une à l’autre ; la première est concentrée sur

D+ = {x | f (x) = f + (x) > 0}

et la seconde, sur

D− = {x | f (x) = −f − (x) < 0}.

On a les représentations

νf = νf + − νf − et ν|f | = νf + + νf − .

117
Théorème 62 (Hahn-Jordan) Soit ν ∈ M(X, T). Alors il existe une et
une seule paire de mesures ν + , ν − ∈ Mf (X, T) étrangères l’une à l’autre
telles que ν = ν + − ν − . On a alors aussi |ν| = ν + + ν − et, en particulier,
|ν| ∈ Mf (X, T).

Démonstration.
Considérons les ensembles « positifs » pour ν :

P = {E ∈ T | A ∈ T et A ⊆ E impliquent ν(A) ≥ 0}.

Si En ∈ P pour Stout n ∈ P c
N, F1 = E1 et Fn = En En−1 · · · E1c si n ≥ 2 sont
aussi dans P et n En = n Fn ∈ P.
Soient α = sup{ν(E) | E ∈ P} et En ∈ P des ensembles croissants tels
que limn→+∞ ν(En ) = α. Si
[
D= En ,
n

D ∈ P et
n
!
X X X
ν(D) = ν Fn = ν(Fn ) = lim ν(Fk ) = lim ν(En ) = α.
n→+∞ n→+∞
n n k=1

La relation
ν + (E) = ν(ED), E ∈ T,
définit une mesure positive finie sur X, concentrée sur D. La relation

ν − (E) = −ν(EDc ), E ∈ T,

définit une mesure signée sur X, concentrée sur Dc et l’on a

ν = ν + − ν −.

Vérifions que ν − est positive.


Supposons au contraire qu’il existe E ∈ T tel que ν(EDc ) > 0. Posons
B0 = EDc . Alors B0 ∈ / P. Ainsi

β1 = inf{ν(B) | B ∈ T, B ⊆ B0 } < 0.

Choisissons B1 ∈ T tel que B1 ⊆ B0 et que

β1 ≤ ν(B1 ) ≤ inf{0, β1 + 1}.

118
On a ν(B0 B1c ) = ν(B0 ) − ν(B1 ) > 0 et donc B0 B1c ∈
/ P. Ainsi

β2 = inf{ν(B) | B ∈ T, B ⊆ B0 B1c } < 0.

Choisissons B2 ∈ T tel que B2 ⊆ B0 B1c et que

β2 ≤ ν(B2 ) ≤ inf{0, β2 + 1/2}.

On a ν(B0 B1c B2c ) = ν(B0 ) − ν(B1 ) − ν(B2 ) > 0 et donc B0 B1c B2c ∈
/ P. Ainsi
de suite. On obtient de cette façon une suite d’ensembles mesurables deux
à deux disjoints Bn tels que

βn ≤ ν(Bn ) ≤ inf{0, βn + 1/n}

avec
β1 ≤ β2 ≤ · · · ≤ 0.
On a \ X
ν(B0 Bnc ) = ν(B0 ) − ν(Bn ) > 0
n n
c
T P
et donc B0 n Bn ∈
/ P. La série n ν(Bn ) étant convergente,

lim ν(Bn ) = lim βn = 0.


n→+∞ n→+∞

Mais si A ∈ T et A ⊆ B0 n Bnc , on a ν(A) ≥ βn pour tout n et donc


T
nécessairement ν(A) ≥ 0. Cette contradiction montre que la mesure ν − doit
être positive.
Puisque |ν(E)| ≤ ν + (E) + ν − (E) pour tout E ∈ T, |ν| ≤ ν + + ν − .
D’autre part, E = ED + EDc étant une partition mesurable de E, on doit
avoir ν + (E) + ν − (E) = |ν(ED)| + |ν(EDc )| ≤ |ν|(E). Ainsi |ν| = ν + + ν − .
En particulier, la variation d’une mesure signée est finie. L’unicité de la
décomposition découle des relations

|ν| + ν |ν| − ν
ν+ = , ν− = .
2 2
C.Q.F.D.

Si µ1 , µ2 ∈ M+ (X, T), f ∈ L1 (X, T, µ1 + µ2 ) si et seulement si f ∈


L1 (X, T, µ1 )L1 (X, T, µ2 ) auquel
cas
Z Z Z
f d(µ1 + µ2 ) = f dµ1 + f dµ2 .
X X X

119
En effet, la validité de cet énoncé est évidente pour les fonctions mesurables
étagées et s’étend par convergence monotone aux fonctions intégrables po-
sitives puis, par linéarité, aux fonctions intégrables arbitraires.

Soit ν ∈ M(X, T). Si f ∈ L1 (X, T, ν) = L1 (X, T, ν + )L1 (X, T, ν − ) — par


définition, on pose
Z Z Z
f dν = +
f dν − f dν − .
X X X
On a alors
Z Z Z Z Z Z
+ − + −
f dν = f dν − f dν ≤ |f | dν + |f | dν = |f | d|ν|
X X X X X X
donc l’inégalité suivante :
Z Z

f dν ≤ |f | d|ν|.

X X

Exemple. Soient µ ∈ M+ (X, T) et f ∈ L1 (X, T, µ). Alors g ∈ L1 (X, T, νf )


si et seulement si gf ∈ L1 (X, T, µ) auquel cas
Z Z
g dνf = gf dµ.
X X
Il suffit en effet de vérifier cet énoncé lorsque f est positive. Il est alors
évident si g est une fonction mesurable étagée puis, par convergence mono-
tone, si g est positive et enfin, par linéarité, si g est une fonction intégrable ar-
bitraire. On écrit quelquefois la relation intégrale précédente sous la « forme
différentielle » :
dνf = f dµ.

Soient ρ1 , ρ2 ∈ M+ (X, T) deux mesures positives sur X. La mesure ρ2


est absolument continue par rapport à ρ1 (ce que l’on note quelquefois
ρ2 << ρ1 ) si
pour tout E ∈ T, ρ1 (E) = 0 implique ρ2 (E) = 0.
Une mesure signée ν ∈ M(X, T) est absolument continue par rapport à une
mesure positive µ ∈ M+ (X, T) si sa variation |ν| est absolument continue
par rapport à µ.

Exemple. Si µ ∈ M+ (X, T) et f ∈ L1 (X, T, µ), νf est absolument conti-


nue par rapport à µ.

120
Théorème 63 (Radon-Nikodym) Soient µ ∈ M+ (X, T) une mesure σ-
finie et ν ∈ M(X, T). Si ν est absolument continue par rapport à µ, il existe
un et un seul élément f ∈ L1µ (X, T) (la dérivée de Radon-Nikodym de ν
par rapport à µ) tel que
ν = νf ,
en d’autres termes,
dν = f dµ.

Démonstration.
L’unicité est évidente. Pour montrer l’existence, on peut supposer que ν
est positive.
Considérons d’abord le cas où µ est finie. Soit
Z
P = {g ∈ L1 (X, T, µ) | 0 ≤ g dµ ≤ ν(E) pour tout E ∈ T}.
E

Si gn ∈ P pour tout n ∈ N, fN = sup{g1 , g2 , . . . , gN } ∈ P pour tout N ∈ N.


En effet, si E ∈ T, soient E1 = {x ∈ E | fN (x) = g1 (x)} et, si 2 ≤ k ≤ N ,
Ek = {x ∈ EE1c E2c · · · Ek−1
c | fN (x) = gk (x)}. Alors
Z N Z
X N
X
fN dµ = gk dµ ≤ ν(Ek ) = ν(E).
E k=1 Ek k=1

Par convergence monotone, f = sup{g1 , g2 , . . .} ∈ P. Soient


Z
α = sup{ g dµ | g ∈ P}
X

et gn ∈ P des fonctions telles que


Z Z Z
α = lim gn dµ = lim fN dµ = f dµ.
n→+∞ X N →+∞ X X

La relation Z
ρ(E) = ν(E) − f dµ, E ∈ T.
E
définit une mesure positive finie sur X. Vérifions que ρ est identiquement
nulle.

121
Supposons au contraire que ρ(X) > 0. Soit X = Dn +Dnc une décomposition
de Hahn-Jordan de X relativement à la mesure signée ρn = ρ − µ/n, c’est
à-dire que ρ+ − c
n est concentrée sur Dn et que ρn est concentrée sur Dn . Posons
[
D= Dn .
n∈N

Pour tout n ∈ N, on a 0 ≥ ρn (Dc ) = ρ(Dc ) − µ(Dc )/n donc ρ(Dc ) = 0,


ρ(D) > 0 et, puisque ν est absolument continue par rapport à µ, µ(D) > 0.
Choisissons n tel que µ(Dn ) > 0. Alors, quel que soit E ∈ T,
Z   Z Z
1 1
f + IDn dµ = f dµ + µ(EDn ) ≤ f dµ + ρ(EDn )
E n E n E
Z
= f dµ + ν(EDn ) ≤ ν(EDnc ) + ν(EDn ) = ν(E)
c
EDn

de telle sorte que f + IDn /n ∈ P ce qui est absurde étant donné que
Z  
1
f + IDn dµ > α.
X n
S
Dans le cas où µ n’est que σ-finie, soient X = n Dn une exhaustion
de l’espace par des une suite croissante d’ensembles mesurables de µ-mesure
finie, Tn la trace de T sur Dn et fn ∈ L1µn (Dn , Tn ) la dérivée de Radon-
Nikodym de la trace νn de ν par rapport à la trace µn de µ sur Dn , prolongée
à X en posant fn (x) = 0 sur Dnc . On a 0 ≤ fn ≤ fn+1 puisque fn = fn+1 µ-
presque partout sur Dn . Soit f = limn→+∞ fn . Par convergence monotone,
pour tout E ∈ T,

ν(E) = lim ν(EDn ) = lim νn (EDn )


n→+∞ n→+∞
Z Z Z
= lim fn dµn = lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ ED n→+∞ E E
n

C.Q.F.D.

Remarque. Le théorème précédent est vrai en particulier si ν ∈ Mf (X, T).


Il reste valable si l’on suppose seulement que ν ∈ M+ (X, T) est σ-finie comme
on le voit en épuisant X par une suite croissante d’ensembles mesurables Dn
tels que µ(Dn ) < +∞ et que ν(Dn ) < +∞. La dérivée de Radon-Nikodym
f est encore unique, positive µ-presque partout sur X et l’on a
Z
f dµ < +∞ pour tout n ∈ N.
Dn

122
Remarque. On dénote souvent la dérivée de Radon-Nikodym de ν par
rapport à µ à l’aide du symbole
 

.

Exemple.
Lorsque la fonction croissante F : R → R est absolument continue, le
théorème (42) page (72) entraı̂ne que
Z
µF (E) = F 0 (x) dx
E

pour tout ensemble mesurable E :

dF = F 0 (x) dx.

Exemple. Soit X ∈ L1 (Ω, T, P ) une variable aléatoire admettant une


espérance mathématique E(X). Si sa loi de probabilité PX est absolument
continue par rapport à la mesure de Lebesgue λ, la dérivée de Radon-
Nikodym de PX par rapport à λ est la densité de probabilité fX de
X et l’on a Z +∞
E(X) = xfX (x) dx.
−∞

Théorème 64 (Lebesgue) Soient µ ∈ M+ (X, T) une mesure σ-finie et


ν ∈ M(X, T). Alors il existe une et une seule paire de mesures νa , νe ∈
M(X, T), νa étant absolument continue par rapport à µ et νe étant étrangère
à µ telles que
ν = νa + νe .

Démonstration.
Si ρ1 , ρ2 ∈ M(X, T) sont absolument continue relativement à µ, ρ1 + ρ2
l’est aussi (en vertu de l’inégalité |ρ1 + ρ2 | ≤ |ρ1 | + |ρ2 |) et si elles sont
toutes les deux étrangères à µ, ρ1 + ρ2 l’est aussi (si ρ1 est portée par D1
et ρ2 est portée par D2 , ρ1 + ρ2 est portée par D1 D2 + D1 D2c + D1c D2 et µ

123
est concentrée sur D1c D2c ). On en déduit l’unicité de la décomposition de
Lebesgue. Si
ν = νa + νe = ρa + ρe ,
sont deux telles décompositions, la mesure νa − ρa = ρe − νe sera à la
fois absolument continue par rapport µ et étrangère à µ, donc nulle. Pour
montrer l’existence d’une décomposition de Lebesgue, on peut supposer que
ν est positive.
Soit f la dérivée de Radon-Nikodym de ν par rapport à µ + ν. Donc,
pour tout E ∈ T,
Z Z Z
ν(E) = f d(µ + ν) = f dµ + f dν.
E E E

Alors f est positive (µ + ν)-presque partout sur X donc µ-presque partout


sur X et ν-presque partout sur X et, pour tout E ∈ T,
Z Z
(1 − f ) dν = f dµ ≥ 0
E E

ce qui entraı̂ne que 0 ≤ f ≤ 1 ν-presque partout sur X. Soit

D = {x | f (x) = 1}

et posons
νe (E) = ν(ED), νa (E) = ν(EDc ), E ∈ T
définissant ainsi deux mesures positives finies sur X étrangères l’une à l’autre
et telles que ν = νa + νe . Comme
Z Z
ν(D) = f dµ + f dν = µ(D) + ν(D),
D D

µ(D) = 0 : νe et µ sont étrangères l’une à l’autre. Si µ(E) = 0, on aura


Z Z Z
ν(EDc ) = f dµ + f dν = f dν
EDc EDc EDc

c’est-à-dire Z
(1 − f ) dν = 0
EDc
et puisque 1 − f > 0 ν-presque partout sur EDc , il faudra que

ν(EDc ) = νa (E) = 0.

124
C.Q.F.D.

Remarque. Le théorème précédent est vrai en particulier si ν ∈ Mf (X, T).


Il reste valablePsi l’on suppose seulement que ν ∈ M+ (X, T) est σ-finie. Soient
en effet X = n Dn une partition mesurable de l’espace par des ensembles
de ν-mesure finie, νn = νn,a + νn,e la décomposition de Lebesgue de la trace
νn de ν par rapport à la trace µn de µ sur Dn et, pour E ∈ T,
X X
νa (E) = νn,a (EDn ), νe (E) = νn,e (EDn ).
n n

Alors, νa , νe ∈ Mf (X, T), νa est absolument continue par rapport à µ, νe est


étrangère à µ et l’on a bien ν = νa + νe .

Le dual X ∗ d’un espace vectoriel normé (réel) X est l’espace des formes
linéaires continues ` sur X, c’est-à-dire l’espace des fonctions ` : X → R
telles que
FL1 `(c1 x1 + c2 x2 ) = c1 `(x1 ) + c2 `(x2 ) pour tous c1 , c2 ∈ R ;
 
|`(x)|
FL2 k`k = sup | kxk = 6 0 < +∞.
kxk
En présence de FL1, FL2 signifie que ` est continue. R étant complet, X ∗
est un espace de Banach.

Si p et q sont des exposants conjugués et si f ∈ Lp (X, T, µ) et g ∈


Lq (X, T, µ),
la relation Z
`g (f ) = f g dµ
X
définit une forme linéaire continue sur Lpµ (X, T).

Théorème 65 Soit 1 ≤ p ≤ +∞. Si µ ∈ M+ (X, T) est σ-finie, l’application



g 7→ `g est une injection linéaire isométrique de Lqµ (X, T) dans (Lpµ (X, T)) .

Démonstration.
Lorsque 1 < q < +∞, on a |`g (f )| = kf kp kgkq pour f = sgn (g)|g|q/p et,
lorsque q = 1, pour f = sgn (g) . Donc, dans ces deux cas, sans hypothèse
supplémentaire, k`g k = kgkq . Lorsque q = +∞, soit {Dn }n∈N une suite
croissante de parties mesurables de mesure finie épuisant X. Considérons,
pour chaque m, l’ensemble

Am = {x | |g(x)| > kgk∞ − 1/m}

125
et soit nm tel que µ(Am Dnm ) > 0. Si

IAm Dnm
fm = sgn (g) ,
µ(Am Dnm )
on a
Z Z
1 1
`g (fm ) = fm g dµ = |g| dµ ≥ kgk∞ −
X µ(Am Dnm ) Am Dnm m

ce qui implique que

k`g k = sup{|`g (f )| | kf k1 = 1} = kgk∞ .

C.Q.F.D.

Théorème 66 Soit 1 ≤ p < +∞. Si µ ∈ M+ (X, T) est σ-finie, l’application



g 7→ `g est une bijection linéaire isométrique de Lqµ (X, T)sur (Lpµ (X, T)) .

Démonstration.
Il s’agit de voir que l’application g 7→ `g est surjective.

Considérons d’abord le cas où µ est finie. Soit ` ∈ (Lpµ (X, T)) . Posons

ν(E) = `(IE ), E ∈ T.

Comme p < +∞, ν est bien une mesure signée sur X, évidemment abso-
lument continue par rapport à µ. Soit g ∈ L1µ (X, T) la dérivée de Radon-
Nikodym de ν par rapport à µ. On a
Z
`(IE ) = IE g dµ
X

donc, par linéarité, Z


`([φ]) = φg dµ
X

pour toute fonction φ ∈ E 0 (X, T) donc aussi, par continuité,


Z
`(f ) = f g dµ
X

pour toute fonction f ∈ L∞ (X, T, µ). Cela suffit pour en déduire que g ∈
Lq (X, T, µ) :

126
Si p = 1, l’inégalité
Z

g dµ ≤ k`kµ(E), E ∈ T,

E

implique que
kgk∞ ≤ k`k.
Si 1 < p < +∞, soient En = {x | |g(x)| ≤ n} et

0 si g(x) = 0,
fn (x) = |g(x)|q
IEn (x) sinon.
g(x)

Alors kfn k∞ ≤ nq−1 et


Z 1/p
q
kfn kp = |g| dµ .
En

Donc Z Z 1/p
q q
`(fn ) = |g| dµ ≤ k`k |g| dµ
En En
et Z 1/q
q
|g| dµ ≤ k`k
En

pour tout n ∈ N ce qui implique (convergence monotone)

kgkq ≤ k`k.

Si f ∈ Lp (X, T, µ), soient φn ∈ E 0 (X, T) des fonctions telles que

lim kf − φn kp = 0.
n→+∞

Alors Z Z
`(f ) = lim `([φn ]) = lim φn g dµ = f g dµ.
n→+∞ n→+∞ X X
P
Dans le cas où µ n’est que σ-finie, soient X = n Dn une partition
mesurable de l’espace par des ensembles de mesure finie et `n la restriction
de ` à Lpµn (Dn , Tn ), les fonctions définissant cet espace ayant été prolongées
à X tout entier en les posant égales à zéro à l’extérieur de Dn . Soit, pour
n ∈ N,
gn ∈ Lqµn (Dn , Tn )

127
telle que Z
`n (f ) = f gn dµn , f ∈ Lp (Dn , Tn , µn ),
Dn

prolongée à X de la même façon. La fonction


X
g= gn
n

appartient à l’espace Lq (X, T, µ) :


Si q = +∞,

kgk∞ = sup{kgn k∞ } = sup{k`n k} ≤ k`k.


n n

Si 1 < q < +∞,


q
XN
kgkqq ≤ lim inf gn ≤ k`kq

N →+∞
n=1 q

parce que N
P PN
n=1 gn représente ` sur n=1 Dn .
Soit f ∈ Lp (X, T, µ). On a
!
X X XZ
`(f ) = ` f IDn = `(f IDn ) = f gn dµn
n n n Dn
XZ XZ Z
= f gn dµ = f gn dµ = f g dµ
n Dn n X X

puisque
Z
N
!1/p
X XZ Z
|f | g − gn dµ = |f ||gn | dµ ≤ |f |p dµ k`k.

P
X
n=1
Dn n>N n>N Dn

C.Q.F.D.

10.1 Exercices
1. Soient ν1 et ν2 deux mesures signées sur (X, T). Montrer que, quelques
soient les nombres a1 , a2 ∈ R,

|a1 ν1 + a2 ν2 | ≤ |a1 ||ν1 | + |a2 ||ν2 |.

128
2. Soit (X, T) un espace mesurable. Une mesure complexe ν sur X est
une fonction ν : T → C additive et s’annulant sur l’ensemble vide.
– Définir la variation |ν| de ν et vérifier que |ν| est une mesure positive
finie telle que
|ν| ≤ |<ν| + |=ν|.
– Définir l’espace L1 (X, T, ν) et X f dν puis montrer que
R

Z Z

f dν ≤ |f | d|ν|.

X X

3. Soit ν ∈ M(X, T). Montrer qu’il existe f ∈ L0 (X, T) telle que |f | ≤ 1


|ν|-presque partout et que
Z
ν(E) = f d|ν|, E ∈ T.
E

4. Soit (X, T) un espace mesurable tel que {x} ∈ T pour tout x ∈ X.


Une mesure ρ ∈ M(X, T) ∪ M+ (X, T) est diffuse si ρ({x}) = 0 pour
tout x ∈ X et atomique si elle est portée par un ensemble fini ou
dénombrable.
– Montrer qu’une mesure diffuse et une mesure atomique sont toujours
étrangères l’une à l’autre.
– Montrer que toute mesure µ ∈ M+ (X, T) σ-finie admet une décomposition
unique sous la forme µ = ρ1 +ρ2 où ρ1 est diffuse et ρ2 est atomique.

129
11 MESURES PRODUITS
Dans ce chapitre, nous allons définir les intégrales multiples et apprendre
à les calculer au moyen d’intégrales simples itérées et de changements de
variables appropriés.

Soit X un ensemble. Une classe monotone M sur X est une famille de


parties de X telle que :
S
MO1 En ∈ M et En ⊆ En+1 pour tout n ∈ N impliquent n∈N En ∈ M ;
T
MO2 En ∈ M et En ⊇ En+1 pour tout n ∈ N impliquent n∈N En ∈ M.
Toute tribu est une classe monotone.
Soit G une famille quelconque de parties de X. La classe monotone
engendrée par G, M(G), est l’intersection des classes monotones contenant
G.

Soient (X1 , T1 ) et (X2 , T2 ) deux espaces mesurables. La tribu produit,


T1 × T2 , est la tribu sur l’ensemble produit X1 × X2 engendrée par la famille
R des rectangles mesurables, c’est-à-dire par les ensembles R de la forme

R = E1 × E2 avec E1 ∈ T1 et E2 ∈ T2 :

T1 × T2 = T(R).
L’algèbre de Boole engendrée par ces rectangles mesurables est constituée
de leurs réunions disjointes finies, les ensembles élémentaires,
( n )
X
A(R) = Rk | n ∈ N, Rk ∈ R .
k=1

On a
T1 × T2 = T(A(R)).

Théorème 67 La tribu T(A) et la classe monotone M(A) engendrées par


une algèbre de Boole A sur un ensemble X coı̈ncident.

Démonstration.
Il suffit de voir que T(A) ⊆ M(A) et, pour cela, il suffit de voir que M(A)
est une tribu sur X. À chaque A ⊆ X, associons

MA = {B | A ∪ B, AB c , Ac B ∈ M(A)}.

130
MA est une classe monotone. Si A ∈ A, MA contient A donc MA contient
M(A). Si B ∈ M(A), MB contient A (puisque A ∈ MB si et seulement si
B ∈ MA ) donc MB contient M(A).
Puisque X ∈ A, X ∈ M(A). Si E ∈ M(A), X ∈ ME donc E c ∈ M(A).
Si E, F ∈ M(A), E ∈ MF donc E ∪ F ∈ M(A). Si, enfin, En ∈ M(A) pour
tout n ∈ N,
N
[
En ∈ M(A) pour tout N ∈ N
n=1

donc, par monotonie,


+∞
[
En ∈ M(A).
n=1

C.Q.F.D.
On a donc une troisième expression pour la tribu produit :

T1 × T2 = M(A(R)).

Lemme 4 Si E ∈ T1 × T2 , ses sections Ex1 = {x2 | (x1 , x2 ) ∈ E} et


E x2 = {x1 | (x1 , x2 ) ∈ E} sont mesurables (sont dans T2 et dans T1 respec-
tivement).
Si f ∈ L0 (X1 × X2 , T1 × T2 ), les fonctions partielles fx1 et f x2 définies
par fx1 (x2 ) = f (x1 , x2 ) = f x2 (x1 ) sont mesurables (sont dans L0 (X2 , T2 ) et
dans L0 (X1 , T1 ) respectivement).

Démonstration.
Pour x1 ∈ X1 fixé, considérons

Tx1 = {E ∈ T1 × T2 | Ex1 ∈ T2 }.

En vertu des relations


!
[ [
(E c )x1 = (Ex1 )c et En = (En )x1 ,
n x1 n

Tx1 est une tribu sur X1 × X2 qui contient les rectangles mesurables donc
qui coı̈ncide avec T1 × T2 .
Le deuxième énoncé suit de ce que (fx1 )−1 (E) = (f −1 (E))x1 . C.Q.F.D.

131
Théorème 68 Soient (X1 , T1 , µ1 ) et (X2 , T2 , µ2 ) deux espaces mesurés σ-
finis. Il existe une et une seule mesure positive µ1 × µ2 sur X1 × X2 (définie
sur T1 × T2 ), la mesure produit de µ1 par µ2 , telle que pour tout rectangle
mesurable E1 × E2 on ait

µ1 × µ2 (E1 × E2 ) = µ1 (E1 )µ2 (E2 ).

Démonstration.
Soient {Dn }n∈N et {Cn }n∈N des suites croissantes d’ensembles mesu-
rables de mesure finie qui épuisent X1 et X2 respectivement et posons

Rn = Dn × Cn .

• Unicité.
Soient µ et ν deux mesures positives sur X1 × X2 (définies sur T1 × T2 )
telles que pour tout rectangle mesurable E1 × E2 on ait

µ(E1 × E2 ) = µ1 (E1 )µ2 (E2 ) = ν(E1 × E2 ).

Considérons

M1 = {E ∈ T1 × T2 | µ(ERn ) = ν(ERn ) pour tout n ∈ N}.

M1 est une classe monotone qui contient les ensembles élémentaires de X1 ×


X2 donc M1 = T1 × T2 . On a ainsi pour tout E ∈ T1 × T2

µ(E) = lim µ(ERn ) = lim ν(ERn ) = ν(E).


n→+∞ n→+∞

• Existence.
Si E ∈ T1 × T2 , l’application X1 → [0, +∞] définie par
Z
x1 7→ IE (x1 , x2 ) dµ2 (x2 )
X2

est mesurable. En effet, considérons


Z
M2 = {E ∈ T1 ×T2 | IERn (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ) ∈ L0 (X1 , T1 ) pour tout n ∈ N}.
X2

M2 est une classe monotone (convergence monotone pour les suites crois-
santes, convergence dominée pour les suites décroissantes) qui contient les
ensembles élémentaires de X1 × X2 donc M2 = T1 × T2 . On a ainsi pour
tout E ∈ T1 × T2 que
Z Z
IE (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ) = lim IERn (x1 , x2 ) dµ2 (x2 )
X2 n→+∞ X
2

132
est mesurable.
On peut donc poser
Z Z
µ1 × µ2 (E) = dµ1 (x1 ) IE (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ).
X1 X2

Alors µ1 × µ2 ∈ M+ (X1 × X2 , T1 × T2 ) et

µ1 × µ2 (E1 × E2 ) = µ1 (E1 )µ2 (E2 )

pour tout rectangle mesurable E1 × E2 . C.Q.F.D.

Théorème 69 (Fubini-Tonelli) Soient (X1 , T1 , µ1 ) et (X2 , T2 , µ2 ) deux


espaces mesurés σ-finis.
1. Soit f ∈ L0 (X1 × X2 , T1 × T2 ) une fonction positive. Alors la fonction
X1 → [0, +∞] définie par
Z
x1 7→ f (x1 , x2 ) dµ2 (x2 )
X2

est mesurable et (dans [0, +∞]) on a


Z Z Z
f dµ1 × µ2 = dµ1 (x1 ) f (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ).
X1 ×X2 X1 X2

2. Soit f ∈ L1 (X1 × X2 , T1 × T2 , µ1 × µ2 ). Alors pour µ1 -presque tout


x1 ∈ X1 , la fonction partielle x2 7→ f (x1 , x2 ) est intégrable, la fonction
X1 → R définie µ1 -presque partout sur X1 par
Z
x1 7→ f (x1 , x2 ) dµ2 (x2 )
X2

est intégrable et
Z Z Z
f dµ1 × µ2 = dµ1 (x1 ) f (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ).
X1 ×X2 X1 X2

Démonstration.
Le théorème de Tonelli (l’énoncé pour les fonctions positives) est vrai
pour les fonctions indicatrices des ensembles mesurables donc, par linéarité,
pour les fonctions mesurables positives étagées donc, par convergence mo-
notone, pour les fonctions mesurables positives quelconques.

133
Le théorème de Fubini (l’énoncé pour les fonctions intégrables) s’en
déduit en l’appliquant aux fonctions f + et f − et en remarquant que
Z Z Z
+
f dµ1 × µ2 = dµ1 (x1 ) f + (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ) < +∞
X1 ×X2 X1 X2

et que
Z Z Z

f dµ1 × µ2 = dµ1 (x1 ) f − (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ) < +∞.
X1 ×X2 X1 X2

C.Q.F.D.

La tribu produit T1 × T2 n’est en général pas complète relativement à la


mesure produit µ1 × µ2 . Si en effet E1 ⊆ X1 n’est pas mesurable et N2 ⊆ X2
est de mesure nulle, l’ensemble produit E1 ×N2 sera négligeable pour µ1 ×µ2
sans être mesurable.

Soit (X, Tµ , µ) la complétion de l’espace (X, T, µ). Tout ensemble E ∈ Tµ


peut s’écrire sous la forme

E = E1 + E2 avec E1 ∈ T et µ(E2 ) = 0.

Toute fonction f ∈ L0 (X, Tµ ) peut s’écrire sous la forme

f = f1 + f2 avec f1 ∈ L0 (X, T) et f2 = 0 µ − presque partout sur X

(cela est vrai pour une fonction indicatrice donc, par linéarité, pour une
fonction étagée donc, par passage à la limite, pour une fonction mesurable
quelconque). La fonction f ∈ L1 (X, Tµ , µ) si et seulement si la fonction
f1 ∈ L1 (X, T, µ) auquel cas
Z Z
f dµ = f1 dµ.
X X

Lemme 5 Soient (X1 , T1 , µ1 ) et (X2 , T2 , µ2 ) deux espaces mesurés σ-finis


et complets. Si la fonction f2 ∈ L0 (X1 ×X2 , (T1 ×T2 )µ1 ×µ2 ) est nulle µ1 ×µ2 -
presque partout sur X1 × X2 , pour µ1 -presque tout x1 ∈ X1 , la fonction par-
tielle x2 7→ f2 (x1 , x2 ) est nulle µ2 -presque partout sur X2 et, en particulier,
elle est mesurable et
Z Z Z
f2 dµ1 × µ2 = dµ1 (x1 ) f2 (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ) = 0.
X1 ×X2 X1 X2

134
Démonstration.
Soit E = {(x1 , x2 ) | f2 (x1 , x2 ) 6= 0}. Il existe F ∈ T1 × T2 tel que E ⊆ F
et que µ1 × µ2 (F ) = 0. Donc
Z Z
dµ1 (x1 ) IF (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ) = 0
X1 X2

et Z
µ2 (Fx1 ) = IF (x1 , x2 ) dµ2 (x2 ) = 0
X2

pour µ1 -presque tout x1 ∈ X1 . Puisque Ex1 ⊆ Fx1 et que (X2 , T2 , µ2 ) est


complet, Ex1 ∈ T2 et µ2 (Ex1 ) = 0 pour µ1 -presque tout x1 ∈ X1 . Mais alors
la fonction x2 7→ f2 (x1 , x2 ) est nulle µ2 -presque partout sur X2 . C.Q.F.D.

Il suit de ce lemme que, lorsque les espaces (X1 , T1 , µ1 ) et (X2 , T2 , µ2 )


sont complets, le théorème de Fubini-Tonelli reste valable si l’on y suppose
seulement que la fonction f est mesurable relativement à la tribu complétée
(T1 × T2 )µ1 ×µ2 .

Remarque. Le théorème de Fubini-Tonelli est souvent appliqué de la


façon suivante. Soit f ∈ L0 (X1 × X2 , (T1 × T2 )µ1 ×µ2 ). Alors
Z Z Z Z
dµ1 f dµ2 = dµ2 f dµ1
X1 X2 X2 X1

pourvu que Z Z
dµ1 |f | dµ2 < +∞.
X1 X2

La tribu de Lebesgue sur R2 , LR2 , est la complétion de la tribu produit


BR × BR = BR2 relativement à la mesure produit λ2 = λ × λ . Remarquons
que LR2 est aussi la complétion de LR ×LR par rapport à la mesure λ2 . Si, en
effet, E1 = B1 +N1 et E2 = B2 +N2 avec B1 , B2 ∈ BR et λ(N1 ) = λ(N2 ) = 0,
on peut écrire que E1 × E2 = B1 × B2 + N où N est négligeable pour λ2 .
On en tire
BR2 ⊆ LR × LR ⊆ LR2
puis
LR2 = (LR × LR )λ2 .
Pour tout rectangle (a1 , b1 ) × (a2 , b2 ), on a

λ2 ((a1 , b1 ) × (a2 , b2 )) = (b1 − a1 )(b2 − a2 ).

135
De plus, pour tout (x1 , x2 ) ∈ R2 et pour tout E ∈ LR2 , E + (x1 , x2 ) ∈ LR2
et
λ2 (E + (x1 , x2 )) = λ2 (E).
En effet,
T(x1 ,x2 ) = {E ∈ LR2 | E + (x1 , x2 ) ∈ LR2 }
est une tribu contenant les rectangles mesurables donc BR ×BR ⊆ T(x1 ,x2 ) ⊆
LR2 . Si E ∈ T(x1 ,x2 ) ,
Z +∞ Z +∞
λ2 (E + (x1 , x2 )) = dx IE+(x1 ,x2 ) dy
−∞ −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞
= λ((E + (x1 , x2 ))x ) dx = λ(Ex−x1 + x2 ) dx = λ(Ex−x1 ) dx
−∞ −∞ −∞
Z +∞ Z +∞
= dx IE+(x1 ,0) dy = λ2 (E).
−∞ −∞

On en tire que T(x1 ,x2 ) est complète relativement à λ2 donc que T(x1 ,x2 ) =
LR2 .

La tribu de Lebesgue sur Rn est définie par récurrence sur n. Comme R


est séparable et λ est σ-finie, pour toute décomposition n = p + q, on a que

BRn = BRp × BRq et λn = λp × λq

(en identifiant (x1 , x2 , . . . , xn ) avec ((x1 , x2 , . . . , xp ), (xp+1 , xp+2 , . . . , xn )) en


vertu des théorèmes (25) page (45) et (68) page (132). Par définition, la
tribu LRn est la complétion de BRn relativement à λn . Elle est invariante
sous translation,
λn (E + (x1 , x2 , . . . , xn )) = λn (E)
et, pour tout pavé P = nj=1 (aj , bj ),
Q

n
Y
λn (P ) = (bj − aj ).
j=1

En particulier, le diamètre δ(C) et la mesure λn (C) d’un hypercube C =



(a, b)n sont liés par la relation δ(C) = n λn (C)1/n .
Il est possible de construire « directement » comme au chapitre (6) page
(67) la mesure λn à partir de la famille In des pavés P de Rn qui sont de la
forme
n
Y
P = (aj , bj ) , (aj , bj ) ∈ I
j=1

136
(page (73)) en posant
N N Y
n
!
X X
λn Pk = (bk,j − ak,j ).
k=1 k=1 j=1

Le théorème (42) page (72) nous assure que les deux approches conduisent
au même résultat.

Lemme 6 Soit E ⊆ Rn un ensemble mesurable. Alors E est négligeable si


et seulement si à chaque  > 0 correspond une suite d’hypercubes {Ck }k∈N
tels que [ X
E⊆ Ck et λn (Ck ) < .
k k

Démonstration.
Il suffit de voir que la condition est nécessaire. Puisque
( )
X [
λn (E) = inf λn (Pk ) | E ⊆ Pk , Pk ∈ In ,
k k

il existe Pk ∈ In tels que


[ X 
E⊆ Pk et λn (Pk ) < .
2
k k

Il suffit donc de voir qu’à tout pavé borné Pk = nj=1 ]ak,j , bk,j ] correspond
Q
une suite finie d’hypercubes C1 , C2 , . . . , CNk tels que
Nk Nk
[ X 
Pk ⊆ Cp et λn (Cp ) < λn (Pk ) + .
2k
p=1 p=1

Soient rk > 0 et  
bk,j − ak,j
dk,j = , 1≤j≤n
rk
(dxe désigne le plus petit entier plus grand que x). Alors le pavé
n
Y
Qk = ]ak,j , ak,j + rk dk,j ]
j=1

137
contient Pk et est la réunion de dk,1 dk,2 · · · dk,n hypercubes. On a
n n
Y Y 
λn (Qk ) − λn (Pk ) ≤ (bk,j − ak,j + rk ) − (bk,j − ak,j ) <
2k
j=1 j=1

si rk > 0 est convenablement choisi. C.Q.F.D.

Lemme 7 Soit E ⊆ Rn un ensemble mesurable. Alors

λn (E) = inf {λn (O) | E ⊆ O , O ouvert } .

Démonstration.
On peut supposer que λn (E) < +∞. Puisque
( )
X [
λn (E) = inf λn (Pk ) | E ⊆ Pk , Pk ∈ In ,
k k

il existe Pk ∈ In tels que


[ X 
E⊆ Pk et λn (Pk ) < λn (E) + .
2
k k
Qn
Il suffit donc de voir qu’à tout pavé borné Pk = j=1 ]ak,j , bk,j ] correspond
un pavé ouvert Qk tel que

Pk ⊆ Qk et λn (Qk ) < λn (Pk ) + .
2k
On peut choisir
n
Y
Qk = ]ak,j , bk,j + rk [
j=1

où rk > 0 est tel que


n n
Y Y 
(bk,j − ak,j + rk ) − (bk,j − ak,j ) < .
2k
j=1 j=1

C.Q.F.D.

Lemme 8 Soit E ⊆ Rn un ensemble mesurable. Alors

λn (E) = sup {λn (K) | E ⊇ K , K compact } .

138
Démonstration.
Lorsque E est borné, soit P un pavé compact tel que E ⊆ P . Soit O un
ouvert tel que P E c ⊆ O et que λn (O) < λn (P E c ) + . Alors P Oc ⊆ E est
compact et λn (E) < λn (P Oc ) + . Le cas où E n’est pas borné suit de la
relation λn (E) = supk λn (E [−k, k]n ) . C.Q.F.D.

Soient O, U ⊆ Rn des ensembles ouverts. Un difféomorphisme de


classe C (1) entre O et U est une application bijective Φ : O → U , y = Φ(x),
telle que les composantes Φi et Φ−1 j de Φ et Φ
−1 admettent des dérivées par-

tielles continues. Le jacobien JΦ de Φ est le déterminant de la matrice Φ0


des dérivées partielles des fonctions Φi (la matrice de Jacobi de la transfor-
mation) :  
∂Φi
JΦ (x) = dét (x) .
∂xj

Théorème 70 Soient O, U ⊆ Rn des ensembles ouverts et Φ : O → U un


difféomorphisme de classe C (1) entre O et U . Si f : U → R est mesurable
et positive ou si elle est intégrable sur U , on a
Z Z
f (y) dλn (y) = f (Φ(x))|JΦ (x)| dλn (x).
U O

Démonstration.
Observons d’abord que le résultat suit du théorème de Fubini-Tonelli
lorsque O est un pavé et que Φ est une permutation des coordonnées et
ensuite qu’il suffit de considérer le cas où f est une fonction mesurable
positive.
• La relation
µ(E) = λn (Φ(E))
définit une mesure borélienne positive sur O. Montrons que cette mesure est
absolument continue par rapport à λn .
Si C est un hypercube tel que C ⊆ O, le théorème des accroissements
finis entraı̂ne que

kΦ(x) − Φ(y)k2 ≤ n1/2 sup{kΦ0 (z)k2 | z ∈ C}kx − yk2

pour tout x, y ∈ C donc

λn (Φ(C)) ≤ δ(Φ(C))n ≤ (n1/2 sup{kΦ0 (z)k2 | z ∈ C}δ(C))n


≤ (n sup{kΦ0 (z)k2 | z ∈ C})n λn (C).

139
Donné un ensemble compact K ⊆ O négligeable pour λn , soit

Kd = {x | d(x, K) < d}.

Choisissons d > 0 pour que

K ⊆ Kd ⊆ Kd ⊆ O

et recouvrons K par des hypercubes Ck tels que Ck ⊆ Kd et


X
λn (Ck ) < .
k

Alors
λn (Φ(Ck )) ≤ (n sup{kΦ0 (z)k2 | z ∈ Kd })n λn (Ck )
et
X X
λn (Φ(K)) ≤ λn (Φ(Ck )) ≤ (n sup{kΦ0 (z)k2 | z ∈ Kd })n λn (Ck )
k k
≤ (n sup{kΦ0 (z)k2 | z ∈ Kd })n .

Ainsi K est aussi négligeable pour µ et µ est absolument continue par rap-
port à λn .
• Soit g la dérivée de Radon-Nikodym de µ par rapport à λn . La fonc-
tion g : O → R est une fonction mesurable, positive et intégrable sur tout
compact et pour tout ensemble mesurable E ⊆ O, on a
Z Z
µ(E) = dλn = g dλn ,
Φ(E) E
Z Z
IΦ(E) dλn = IE g dλn
Rn Rn
c’est-à-dire que pour tout ensemble mesurable F ⊆ U ,
Z Z Z
IF (y) dλn (y) = IΦ−1 (F ) (x) g(x) dλn (x) = IF (Φ(x)) g(x) dλn (x),
Rn Rn Rn
ou encore Z Z
IF (y) dλn (y) = IF (Φ(x)) g(x) dλn (x).
U O
Par linéarité, pour toute fonction mesurable positive étagée φ : U → R,
X
φ= ak IFk ,
k

140
Z Z
φ(y) dλn (y) = φ(Φ(x)) g(x) dλn (x)
U O
et, par convergence monotone, pour toute fonction mesurable positive f :
U → R, Z Z
f (y) dλn (y) = f (Φ(x)) g(x) dλn (x).
U O
• Il reste à voir que

g(x) = |JΦ (x)| λn − presque partout

autrement dit que Z


λn (Φ(E)) = |JΦ | dλn
E
pour tout ensemble mesurable E ⊆ O. Il suffit pour cela de voir que chaque
point x ∈ O est contenu dans un pavé ouvert Px ⊆ O tel que
Z
λn (Φ(P )) = |JΦ | dλn (3)
P

pour tout pavé P ⊆ Px . La relation à démontrer s’ensuivra alors, d’abord


pour tout pavé compact (exercice (1) page (16)), ensuite pour tout pavé
borné, pour tout ouvert et enfin pour E mesurable quelconque. Nous démontrons
l’équation (3) par récurrence sur la dimension n car lorsque n = 1, elle
découle du théorème fondamental du calcul :
Z b
|Φ(b) − Φ(a)| = |Φ0 (x)| dx.
a

Supposons donc l’équation (3) vérifiée pour n − 1.


La relation (3) est vraie si Φ laisse une coordonnée invariante. Supposons
pour simplifier l’écriture que Φ ne change pas la dernière coordonnée. Alors

|JΦ | = |JΦ̃ |

en désignant par JΦ̃ le jacobien des fonctions Φ̃ = (Φ1 , Φ2 , . . . , Φn−1 ) par


rapport aux variables x̃ = (x1 , x2 , . . . , xn−1 ) et

IP = IP̃ I(an ,bn )

en écrivant

P = (a1 , b1 ) × (a2 , b2 ) × · · · (an−1 , bn−1 ) × (an , bn ) = P̃ × (an , bn ).

141
Ainsi
Z Z Z
IP (x) |JΦ (x)| dλn (x) = dλ(xn )I(an ,bn ) (xn ) IP̃ (x̃) |JΦ̃ (x̃)| dλn−1 (x̃)
n
RZ R R n−1
Z
= I(an ,bn ) (xn )λn−1 (Φ̃(P̃ )) dλ(xn ) = λn−1 (Φ(P )xn ) dλ(xn ) = λn (Φ(P )).
R R

Finalement, tout difféomorphisme de classe C (1) peut localement s’écrire


comme la composition de difféomorphismes de classe C (1) qui laissent au
moins une coordonnée invariante. En effet, en effectuant si nécessaire une
permutation des coordonnées, on peut supposer que
∂Φn
(x0 ) 6= 0.
∂xn
En posant
Ψ(x) = (x1 , . . . , xn−1 , Φn (x1 , x2 , . . . , xn ))
le théorème des fonctions inverses garantit l’existence d’une fonction inverse
Ψ−1 dans un voisinage de x0 ce qui permet d’écrire

Φ = (Φ ◦ Ψ−1 ) ◦ Ψ

où Ψ et Φ ◦ Ψ−1 laissent toutes deux une coordonnée invariante, d’où, par
hypothèse de récurrence,
Z Z
|JΦ | dλn = |JΦ◦Ψ−1 | dλn = λn (Φ(P )).
P Ψ(P )

C.Q.F.D.

Exemple. Si Φ : Rn → Rn est une transformation affine,

Φ(x) = Ax + b,

on a
λn (Φ(E)) = dét(A) λn (E).
En particulier, la mesure de Lebesgue est invariante sous les transformations
orthogonales et la mesure d’un hyperplan {x | a · (x − x0 ) = 0} est nulle.

Exemple. L’intégrale
Z
1
2
dλ2
kxk2 >1 (x1 + x22 )p/2

142
est convergente si et seulement si p > 2. En effet, les coordonnées polaires

x1 = r cos θ1 , x2 = r sin θ1

établissent un difféomorphisme de classe C ∞ entre ]0, +∞[ × ] − π, π[ et


le plan privé du demi-axe {(x1 , x2 ) | x2 = 0, x1 ≤ 0}. Comme ce dernier
ensemble est de mesure nulle et que le jacobien vaut r,
Z Z π Z +∞
1 dr 2π
2 2 p/2
dλ2 = dθ1 p−1
=
kxk2 >1 (x1 + x2 ) −π 1 r p−2

lorsque p > 2 (et +∞ dans le cas contraire).

11.1 Exercices
1. Donner un exemple
– d’une classe monotone sur X contenant l’espace X et l’ensemble
vide mais qui n’est pas une tribu,
– d’une mesure qui n’est pas σ-finie.
2. Soient µcard la mesure du cardinal sur N et

−n
2 − 2
 si m = n,
f (n, m) = −2 + 2−n si m = n + 1

0 autrement .

Calculer Z Z
dµcard (m) f (m, n) dµcard (n)
N N
et Z Z
dµcard (n) f (m, n) dµcard (m).
N N

3. Soient (X, T, µ) un espace mesuré σ-fini complet, f, g ∈ L2 (X, T, µ) et

h(x1 , x2 ) = (f (x1 )g(x2 ) − f (x2 )g(x1 ))2 .

Montrer que h ∈ L1 (X × X, T × T, µ × µ) et en déduire l’inégalité de


Cauchy-Schwarz :
kf gk1 ≤ kf k2 kgk2 .
4. Soient (X1 , T1 , µ1 ) et (X2 , T2 , µ2 ) deux espaces mesurés σ-finis com-
plets, K ∈ L2 (X1 ×X2 , T1 ×T2 , µ1 ×µ2 ) et f ∈ L2 (X1 , T1 , µ1 ). Montrer
que

143
– Pour µ2 -presque tout x2 ∈ X2 , la fonction x1 7→ f (x1 )K(x1 , x2 ) est
intégrable.
– La fonction Z
g(x2 ) = f (x1 )K(x1 , x2 ) dµ1
X1

est mesurable.
– g ∈ L2 (X2 , T2 , µ2 ) et

kgk2 ≤ kf k2 kKk2 .

5. Montrer que LR × LR 6= LR2 .


6. Soit f : [a, b] → R une fonction mesurable positive. Montrer que l’en-
semble
E = {(x, y) | a ≤ x ≤ b , 0 ≤ y ≤ f (x)}
est mesurable (relativement à la tribu produit) et calculer sa mesure.
7. À E ⊆ R associons l’ensemble E e ⊆ R2 défini par

e = {(x, y) | x − y ∈ E}
E

et considérons la famille
e ∈ BR2 }.
T = {E ∈ BR | E

Montrer que T = BR .
8. Déduire du théorème de Tonelli et de la relation
Z +∞ Z +∞
2 2 2
e−z dz = xe−x y dy si x > 0
0 0

que Z +∞
2 /2 √
e−x dx = 2π.
−∞

9. Calculer
Z 1 Z 1 Z 1 Z 1 Z 1Z 1
dx f (x, y) dy , dy f (x, y) dx et |f (x, y)| dxdy
0 0 0 0 0 0

pour la fonction
x2 − y 2
f (x, y) = .
(x2 + y 2 )2

144
10. Utiliser le théorème de Tonelli pour calculer de deux manières l’intégrale
Z b Z 1
dx y x dy , 0 < a < b
a 0

et en déduire la valeur de
1
yb − ya
Z
dy.
0 log y

11. Utiliser le théorème de Fubini pour calculer de deux manières l’intégrale


Z AZ A
e−xy sin x dxdy
0 0

et en déduire que Z A
sin x π
lim dx = .
A→+∞ 0 x 2
12. Déterminer les valeurs de p pour lesquelles l’intégrale
Z
1
2 2 2 p/2
dλ3
kxk2 >1 (x1 + x2 + x3 )

est convergente.

145
12 APPLICATIONS
La représentation d’une fonction par une série trigonométrique
+∞
X
f (x) = ck (f ) eikπx/L
−∞

sur un intervalle fini (−L, +L) ou par une intégrale trigonométrique


Z +∞
1
f (x) = √ fˆ(ξ) eiξx dξ
2π −∞
sur l’axe réel tout entier sont des outils essentiels des mathématiques ap-
pliquées, à la base du génie électrique, par exemple. Historiquement, elles
furent l’une des principales motivations du développement de la théorie de
l’intégration. Nous allons illustrer cette théorie en présentant les démontrations
de quelques résultats de base de « l’analyse harmonique », la branche des
mathématiques qui traite de la représentation des fonctions par des séries
ou par des intégrales trigonométriques et de ses diverses conséquences.

12.1 Série de Fourier


Soit E ⊆ R. Une fonction à valeurs complexes f : E → C est mesurable si
sa partie réelle <f et sa partie imaginaire =f le sont. Une
p fonction mesurable
f : E → C est dite intégrable si son module |f | = (<f )2 + (=f )2 l’est.
Il revient au même de supposer que <f et =f sont intégrables. Si f est
intégrable, on pose Z Z Z
f= <f + i =f.
E E E

L’espace L1C (E) des fonctions complexes


R intégrables sur E forme un espace
vectoriel complexe sur lequel f 7→ E f est une forme linéaire. L’inégalité de
triangle Z Z

f ≤ |f |

E E
reste valable pour les fonctions à valeurs complexes. Il suit de ces définitions
que le théorème de la convergence dominée de Lebesgue, les inégalités de
Hölder et Minkowski, le théorème de Riesz-Fischer sur la complétude des
espaces LpC (E)et le théorème de Fubini sur les intégrales itérées restent va-
lables pour les fonctions à valeurs complexes.

146
Les définitions et les calculs qui suivent sont tous basées sur l’orthogo-
nalité des exponentielles complexes :
Z +π
1
eikt e−ijt dt = I{k} (j).
2π −π

On dénotera par Lp2π l’espace des fonctions f : R → C périodiques de


période 2π et appartenant à l’espace LpC ([−π, π[ ) et par C2π l’espace des
fonctions f : R → C périodiques de période 2π et continues (pour appartenir
à C2π une fonction f continue sur [−π, π] doit donc satisfaire la relation
f (−π) = f (π)).

Soit f ∈ L12π . Les coefficients de Fourier de f sont les nombres ck (f )


définis par les équations
Z +π
1
ck (f ) = f (t) e−ikt dt
2π −π

et sa série de Fourier est la série trigonométrique


+∞
X
ck (f ) eikx .
−∞

Les sommes partielles de cette série seront dénotées par Sn (f ),


n
X
Sn (f )(x) = ck (f ) eikx ,
k=−n

et il s’agit étudier la question de leur convergence vers la fonction f qui les


a engendrées.

Théorème 71 Deux fonctions f, g ∈ L12π ayant les mêmes coefficients de


Fourier coı̈ncident presque partout.

Démonstration.
Il revient au même de montrer qu’une fonction f ∈ L12π ayant tous ses
coefficients de Fourier nuls doit s’annuler presque partout. En utilisant la
formule d’Euler, on voit que ck (f ) = 0 pour tout k ∈ Z si et seulement si
ck (<f ) = 0 et ck (=f ) = 0 pour tout k ∈ Z. On peut donc supposer f réelle.

147
Considérons d’abord une fonction f ∈ C2π (à valeurs réelles). Si ses
coefficients de Fourier sont tous nuls, on aura
Z a+π
1
f (t)Tn (t) dt = 0 (4)
2π a−π
quelque soit a ∈ R et quel que soit le polynôme trigonométrique
n
X
Tn (x) = ck eikx .
k=−n

Supposons qu’elle est strictement positive en un point a. Si δ > 0 est assez


petit, on a
f (a)
f (x) ≥ > 0 pour tout x ∈ [a − δ, a + δ].
2
Considérons le polynôme trigonométrique
1 + cos(x − a) n
 
Tn (x) = .
1 + cos δ

Alors, en contradiction avec l’équation (4), on a


Z a+π Z +π
1 1
f (t)Tn (t) dt = f (s + a)Tn (s + a) ds
2π a−π 2π −π
Z Z
1 1
= f (s + a)Tn (s + a) ds + f (s + a)Tn (s + a) ds > 0
2π |s|<δ 2π δ<|s|<π

dès que n est assez grand puisque la première intégrale tend vers +∞ et que
la seconde tend vers 0 lorsque n → +∞.
Pour traiter le cas général, introduisons la fonction
Z x
F (x) = f (t) dt.
−π

Elle est absolument continue et F (−π) = F (π) = 0 (car c0 (f ) = 0). Si k 6= 0,


une intégration par parties montre que
ck (f )
ck (F ) = = 0.
ik
En vertu du cas continu, la fonction

F (x) − c0 (F )

148
est identiquement nulle et la fonction f qui en est la dérivée presque partout
est nulle presque partout. C.Q.F.D.

Remarque. Il suit de ce théorème que si


+∞
X
|ck (f )| < +∞,
−∞

on a
+∞
X
f (x) = ck (f ) eikx
−∞

presque partout. La somme g de la série trigonométrique précédente est en


effet un fonction dans C2π admettant les nombres ck (f ) pour coefficients de
Fourier comme on le voit en intégrant la série terme à terme (convergence
dominée) :
+∞
Z +π X !
1
cj (g) = ck (f )eikx e−ijx dx
2π −π −∞
+∞ Z +π
X 1
= ck (f ) eikx e−ijx dx = cj (f ).
−∞
2π −π

On ne peut donc avoir


+∞
X
|ck (f )| < +∞
−∞

que si la fonction f coı̈ncide presque partout avec une fonction dans C2π . Le
théorème suivant, chronologiquement l’un des premiers de l’analyse harmo-
nique, est d’applicabilité plus générale puisqu’il couvre effectivement tous
les cas rencontrés en pratique.

Théorème 72 (Dirichlet) Soit f ∈ L12π une fonction à variation bornée


sur [−π, π]. Alors
+∞
X f (x−) + f (x+)
ck (f ) eikx = .
−∞
2

Démonstration.

149
Une fonction complexe est à variation bornée si et seulement si sa partie
réelle et sa partie imaginaire le sont. On peut donc supposer f réelle. On a

f (x−) + f (x+)
f (x) =
2
partout sauf peut-être aux points d’un ensemble fini ou dénombrable N . Mo-
difions la fonction sur cet ensemble N de telle sorte que l’équation précédente
soit valable partout et montrons que

lim Sn (f )(x) = f (x)


n→+∞

en un point x arbitraire. On a
Z +π n
1 X
Sn (f )(x) = f (t) eik(x−t) dt
2π −π k=−n

sin(2n + 1)(x − t)/2
Z
1
= f (t) dt
2π −π sin(x − t)/2
Z +π
1 sin(2n + 1)t/2
= f (x − t) dt
2π −π sin t/2
1 π f (x − t) + f (x + t) sin(2n + 1)t/2
Z  
= dt.
π 0 2 sin t/2

Comme, en particulier,
Z π
1 sin(2n + 1)t/2
Sn (1)(x) = 1 = dt,
π 0 sin t/2

on peut écrire
π  
f (x − t) + f (x + t)
Z
1 sin(2n + 1)t/2
Sn (f )(x) − f (x) = − f (x) dt.
π 0 2 sin t/2

Introduisons la fonction de L12π définie sur l’intervalle [−π, π[ par la relation


 
f (x − t) + f (x + t)
ϕx (t) = − f (x) I[0,π[ (t).
2

Elle est à variation bornée sur [−π, π], continue à l’origine et il s’agit de
montrer que
1 π
Z
sin(2n + 1)t/2
lim ϕx (t) dt = 0.
n→+∞ π 0 sin t/2

150
Puisque, en vertu de l’exercice (1) page (165), les coefficients de Fourier
d’une fonction intégrable tendent vers 0, on a

1 π
Z
lim ϕx (t) cos nt dt = 0,
n→+∞ π 0

et il faut en fait voir que


Z π
1 t
lim ϕx (t) cot sin nt dt = 0. (5)
n→+∞ π 0 2

Le raisonnement qui nous le permettra repose sur l’observation que ϕx étant


à variation bornée sur [−π, π], var(ϕx , [ψ, η]) tend vers 0 lorsque η tend vers
0 et ce, quel que soit ψ tel que 0 < ψ < η. Si cela était faux en effet,
on pourrait trouver un nombre δ > 0 et une suite d’intervalles disjoints
[ψk , ηk ] (k = 1, 2, 3, . . .) tels que var(ϕx , [ψk , ηk ]) > δ. On en déduirait que
var(ϕx , [ψK , η1 ]) > Kδ quel que soit K ∈ N contredisant ainsi l’hypothèse
que ϕx est à variation bornée sur [−π, π].
Soit donc  > 0 arbitraire. Choisissons η > 0 tel que var(ϕx , [ψ, η]) < /3
quel que soit ψ tel que 0 < ψ < η. Les calculs suivants utilisent les inégalités
2 π
x ≤ sin x ≤ x si 0 ≤ x ≤
π 2
qui traduisent la concavité du sinus sur [0, π/2]. On obtient d’abord
Z π
1 t 

π ϕx (t) cot sin nt dt <
η 2 3

dès que n ≥ n1 en vertu de l’exercice (1) page (165) appliqué à la fonction


t
t 7→ ϕx (t) cot I[η,π] (t)
2
puis
Z Z
1 η t π 1 ψ
ϕx (t) cot sin nt dt = cot ϕx (t) sin nt dt

π π/n 2 2n π π/n


1 
≤n var(ϕx , [π/n, ψ]) <
4n 3
en vertu des exercices (17) page (114) (le deuxième théorème de la moyenne)
et (2) page (166) (les coefficients d’une fonction à variation bornée sont

151
majorés par la variation de la fonction divisée par l’indice du coefficient) et
enfin, utilisant la continuité de la fonction ϕx à l’origine,
Z
1 π/n t 1 Z π/n 
ϕ (t) cot sin nt dt ≤ sup{ |ϕx (t)| | 0 ≤ t ≤ π/n} πn dt <

x
π 0 2 π 0 3

dès que n ≥ n2 . On aura donc


Z π
1 t

π ϕx (t) cot sin nt dt < 
0 2

dès que n est assez grand. C.Q.F.D.


Les sommes partielles Sn (f ) peuvent converger vers la fonction f de plus
d’une manière.

Théorème 73 Soit f ∈ L22π . Alors

lim kSn (f ) − f k2 = 0.
n→+∞

De plus,
+∞ Z +π
X
2 1
|ck (f )| = |f (t)|2 dt.
−∞
2π −π

Réciproquement, si
+∞
X
|ck |2 < +∞,
−∞

il existe f ∈ L22π telle que


ck (f ) = ck .

Démonstration.
Les sommes partielles Sn (f ) d’une fonction f ∈ L22π possèdent une pro-
priété de meilleure approximation. Soit
n
X
Tn (x) = ck eikx
k=−n

152
un polynôme trigonométrique arbitraire de degré n. Alors
Z +π
1
|f (t) − Tn (t)|2 dt
2π −π
Z +π Z +π Z +π Z +π
1 2 1 1 1
= |f (t)| dt − f (t)Tn (t)dt − f (t)Tn (t)dt + |Tn (t)|2 dt
2π −π 2π −π 2π −π 2π −π
Z +π n n n
1 X X X
= |f (t)|2 dt − ck (f )ck − ck (f )ck + |ck |2
2π −π
k=−n k=−n k=−n
Z +π n n
1 X X
= |f (t)|2 dt − |ck (f )|2 + |ck (f ) − ck |2
2π −π
k=−n k=−n
Z +π n
1 X
≥ |f (t)|2 dt − |ck (f )|2 .
2π −π
k=−n

On a égalité si et seulement si ck = ck (f ) pour tout −n ≤ k ≤ n. Ceci


montre que, de tous les polynômes trigonométriques d’ordre n possibles,
Sn (f ) est celui qui approche le mieux la fonction f en moyenne quadratique
et entraı̂ne
Z +π Z +π n
1 2 1 2
X
|f (t) − Sn (f )(t)| dt = |f (t)| dt − |ck (f )|2 (6)
2π −π 2π −π
k=−n

donc Z +π n
1 X
0≤ |f (t)|2 dt − |ck (f )|2 .
2π −π k=−n

L’entier n étant arbitraire, on en déduit l’inégalité de Bessel


+∞ Z +π
X 1 2
|ck (f )| ≤ |f (t)|2 dt
−∞
2π −π

P+∞ 2
et, en particulier, la convergence de la série −∞ |ck (f )| . Alors
2

Z
X X
kSn (f ) − Sm (f )k22 = ikt
|ck (f )|2


ck (f ) e dt = 2π
−π n<|k|≤m n<|k|≤m

et
lim kSn (f ) − Sm (f )k2 = 0.
n,m→+∞

153
Le théorème de Riesz-Fischer implique qu’il existe une fonction g ∈ L22π telle
que
lim kSn (f ) − gk2 = 0.
n→+∞

Cette fonction g a les mêmes coefficients de Fourier que la fonction f . En


effet,
Z +π Z +π
1 1
ck (g) = g(t) e−ikt dt = lim Sn (f )(t) e−ikt dt = ck (f ),
2π −π n→+∞ 2π −π

la permutation de la limite et de l’intégrale étant justifiée par la convergence


en moyenne quadratique de Sn (f ) vers g et l’inégalité de Cauchy-Schwarz :
Z +π Z +π
1 −ikt 1 −ikt
1

2π Sn (f )(t) e dt − g(t) e dt ≤ √ kSn (f ) − gk2 .
−π 2π −π 2π
On a donc f = g presque partout et

lim kSn (f ) − f k2 = 0.
n→+∞

En vertu de l’équation (6), l’identité de Parseval


Z +π +∞
1 2
X
0= |f (t)| dt − |ck (f )|2
2π −π −∞

est équivalente à la convergence en moyenne quadratique des sommes Sn (f )


vers la fonction f .
Enfin, si les nombres ck sont tels que
+∞
X
|ck |2 < +∞,
−∞

le raisonnement précédent montre que les sommes partielles de la série


+∞
X
ck eikx
−∞

satisfont le critère de Cauchy et donc convergent en moyenne quadratique


vers une fonction f ∈ L22π qui admet pour coefficients de Fourier les nombres
ck donnés. C.Q.F.D.

154
12.2 Transformée de Fourier
Soit f ∈ L1C (R). Sa transformée de Fourier est la fonction fˆ : R → C
définie par Z +∞
1
ˆ
f (ξ) = √ f (t) e−iξt dt.
2π −∞
En vertu du théorème de Lebesgue sur la convergence dominée, fˆ est une
fonction continue, bornée et
1
kfˆk∞ ≤ √ kf k1 .

Exemple. Soit
2 /2
n(x) = e−x .
Alors, la dérivation sous le signe intégral et l’intégration par parties sur
un intervalle de longueur infinie étant toutes les deux justifiées à l’aide du
théorème de la convergence dominée, on a
 Z +∞ 
0 d 1 −t2 /2 −iξt
n̂ (ξ) = √ e e dt
dξ 2π −∞
 Z +∞  Z +∞
d 1 −t2 /2 1 2
= √ e cos ξt dt = √ −t e−t /2 sin ξt dt
dξ 2π −∞ 2π −∞
Z +∞
1 2
= −√ e−t /2 ξ cos ξt dt = −ξ n̂(ξ).
2π −∞

Cette équation différentielle, jointe à la condition initiale n̂(0) = 1, entraı̂ne


2 /2
n̂(ξ) = e−ξ .

La fonction n est donc sa propre transformée de Fourier.

Considérons la fonction
x 2 2
nσ (x) = n( ) = e−x /2σ .
σ
Sa transformée de Fourier est
2 ξ 2 /2
n̂σ (ξ) = σn̂(σξ) = σ e−σ .

Ces deux fonctions jouissent des propriétés suivantes :

155
1. la fonction nσ est positive et croı̂t vers 1 lorsque σ tend vers +∞ ;
2. la fonction n̂σ est positive et
Z +∞
1
√ n̂σ (ξ) dξ = 1;
2π −∞

3. si ϕ ∈ L∞
C (R) est continue à l’origine,
Z +∞
1
lim √ n̂σ (ξ) ϕ(ξ) dξ = ϕ(0); (7)
σ→+∞ 2π −∞
les calculs suivants et le théorème de la convergence dominée justifient
en effet cette relation :
Z +∞ Z +∞
1 1
√ n̂σ (ξ) ϕ(ξ) dξ − ϕ(0) = √
n̂σ (ξ) (ϕ(ξ) − ϕ(0)) dξ
2π 2π −∞
−∞
Z +∞ Z +∞
1 1 2
≤√ n̂σ (ξ) |ϕ(ξ) − ϕ(0)| dξ = √ e−η /2 |ϕ(η/σ) − ϕ(0)| dη;
2π −∞ 2π −∞

4. pour toute fonction f ∈ L1C (R), on a :


Z +∞ Z +∞
1 1
√ f (x − ξ)n̂σ (ξ) dξ = √ fˆ(t) nσ (t) eixt dt; (8)
2π −∞ 2π −∞
le théorème de Fubini justifie en effet les calculs suivants :
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1 1 1
√ fˆ(t) nσ (t) eixt dt = √ nσ (t) eixt dt √ f (y) e−ity dy
2π −∞ 2π −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1 1 1
=√ f (y) dy √ nσ (t) ei(x−y)t dt = √ f (y)n̂σ (y − x) dy
2π −∞ 2π −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞
1 1
=√ f (x − z)n̂σ (−z) dz = √ f (x − z)n̂σ (z) dz.
2π −∞ 2π −∞

Théorème 74 (formule d’inversion de Fourier) Soit f ∈ L1C (R). Sup-


posons que fˆ ∈ L1C (R). Alors
Z +∞
1
f (x) = √ fˆ(ξ) eixξ dξ.
2π −∞
presque partout sur R.

156
Démonstration.
Introduisons le produit de convolution
Z +∞
1
fσ (x) = √ f (x − ξ)n̂σ (ξ) dξ.
2π −∞
On a Z +∞
1
|fσ (x) − f (x)| ≤ √ n̂σ (ξ)|f (x − ξ) − f (x)| dξ
2π −∞
et le théorème de Tonelli implique
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1
|fσ (x) − f (x)| dx ≤ dx √ n̂σ (ξ)|f (x − ξ) − f (x)| dξ
−∞ −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞
1
=√ n̂σ (ξ) dξ |f (x − ξ) − f (x)| dx
2π −∞ −∞

de telle sorte que


lim kfσ − f k1 = 0
σ→+∞
(en choisissant Z +∞
ϕ(ξ) = |f (x − ξ) − f (x)| dx
−∞
dans l’équation (7) et en utilisant le résultat de l’exercice (15) page (97)).
D’autre part, en vertu de l’équation (8), on a aussi
Z +∞
1
fσ (x) = √ fˆ(t) nσ (t) eixt dt.
2π −∞
Cette deuxième représentation, les propriétés de la fonction nσ et le théorème
de la convergence dominée (fˆ est intégrable par hypothèse) entraı̂nent
Z +∞
1
lim fσ (x) = √ fˆ(t) eixt dt.
σ→+∞ 2π −∞
On doit donc avoir
Z +∞
1
f (x) = √ fˆ(t) eixt dt
2π −∞

pour presque tout x ∈ R. C.Q.F.D.

Remarque. Il suit de ce théorème qu’une fonction intégrable est unique-


ment déterminée par sa transformée de Fourier. Si deux fonctions f, g ∈ L1C (R)
ont la même transformée de Fourier, le théorème s’appliquera en effet à la
fonction f − g.

157
Théorème 75 Soit f ∈ L1C (R) une fonction à variation bornée sur tout
intervalle compact. Alors
Z A
1 f (x−) + f (x+)
lim √ fˆ(ξ)eixξ dξ = .
A→+∞ 2π −A 2

Démonstration.
Comme dans le théorème de Dirichlet, on peut supposer que f est réelle
et que
f (x−) + f (x+)
f (x) =
2
partout. Puisque, en vertu de l’exercice (6) page (166), la transformée de
Fourier d’une fonction intégrable tend vers 0,

lim fˆ(ξ) = 0,
|ξ|→+∞

on a
Z A Z bAc
1 1
lim √ fˆ(ξ)eixξ dξ = lim √ fˆ(ξ)eixξ dξ
A→+∞ 2π −A A→+∞ 2π −bAc

( bAc est la partie entière de A) et il suffit de voir que


Z n
1
lim √ fˆ(ξ)eixξ dξ = f (x)
n→+∞ 2π −n
en un point x arbitraire. En vertu du théorème de Fubini, on a
Z n Z n Z +∞ 
1 ˆ ixξ 1 −iξt
√ f (ξ)e dξ = f (t)e dt eixξ dξ
2π −n 2π −n −∞
1 +∞ sin n(x − t) 1 +∞
Z Z
sin nt
= f (t) dt = f (x − t) dt
π −∞ x−t π −∞ t
2 +∞ f (x − t) + f (x + t) sin nt
Z
= dt.
π 0 2 t

Comme d’autre part (exercice (11) page (145)) on a


Z 1
2 sin nt
lim dt = 1,
n→+∞ π 0 t

158
on peut écrire que
Z n
1
√ fˆ(ξ)eixξ dξ − f (x)
2π −n
2 1 f (x − t) + f (x + t)
Z  
sin nt
= − f (x) dt
π 0 2 t
2 +∞ f (x − t) + f (x + t) sin nt
Z  Z 1 
2 sin nt
+ dt + dt − 1 f (x)
π 1 2 t π 0 t

et il suffit de s’assurer que

2 1 f (x − t) + f (x + t)
Z  
sin nt
lim − f (x) dt = 0
n→+∞ π 0 2 t
et que
+∞
f (x − t) + f (x + t) sin nt
Z
2
lim dt = 0.
n→+∞ π 1 2 t
Cette dernière équation est valable en vertu de l’exercice (6) page (166) et
on démontre celle qui la précède de la même manière que l’on a démontré
l’équation (5). C.Q.F.D.

Théorème 76 (produit de convolution) Soient f, g ∈ L1C (R). Alors, pour


presque tout x ∈ R, on a
Z +∞
|f (x − y)g(y)| dy < +∞,
−∞

la fonction h : R → C définie presque partout par l’équation


Z +∞
1
h(x) = √ f (x − y)g(y) dy
2π −∞
est intégrable sur R et
ĥ(ξ) = fˆ(ξ) ĝ(ξ).

Démonstration.
En vertu de l’exercice (20) page (66), on peut supposer que les fonctions
f et g sont boréliennes. Alors la fonction

(x, y) 7→ f (x − y)

159
est aussi borélienne (en vertu de l’exercice (7) page (144) pour la fonction
indicatrice d’un ensemble borélien, par linéarité et par passage à la limite
pour une fonction borélienne arbitraire). La fonction

(x, y) 7→ f (x − y)g(y)

est donc mesurable et on peut lui appliquer le théorème de Fubini-Tonelli.


On obtient ainsi
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
dx |f (x − y)g(y)| dy = dy |f (x − y)g(y)| dx
−∞ −∞ −∞ −∞
Z +∞ Z +∞ Z+∞ Z +∞
= |g(y)| dy |f (x − y)| dx = |g(y)| dy |f (z)| dz < +∞.
−∞ −∞ −∞ −∞

Par suite, Z +∞
|f (x − y)g(y)| dy < +∞
−∞
pour presque tout x ∈ R et la fonction définie pour ces valeurs de x par la
relation Z +∞
1
h(x) = √ f (x − y)g(y) dy
2π −∞
(et par 0 ailleurs) est intégrable sur R et
Z +∞
1
ĥ(ξ) = √ h(x)e−iξx dx
2π −∞
Z +∞ Z +∞
1 −iξx
= e dx f (x − y)g(y) dy
2π −∞ −∞
Z +∞ Z +∞
1 −iξy 1
=√ g(y)e dy √ f (x − y)e−iξ(x−y) dx
2π −∞ 2π −∞
= fˆ(ξ) ĝ(ξ).

C.Q.F.D.
Remarque. On dénote généralement le produit de convolution de f avec
g par f ∗ g.

L’objet du dernier théorème de ce cours est d’obtenir l’analogue de l’iden-


tité de Parseval pour la transformée de Fourier. La situation est un peu com-
pliquée ici du fait que l’espace L2C (R) n’est pas un sous-espace de l’espace
L1C (R).

160
Théorème 77 (Plancherel) Soit f ∈ L2C (R). Il existe fˆ ∈ L2C (R) telle que
Z +∞ Z A 2

ˆ 1 −ixξ

lim f (ξ) − √ f (x)e dx dξ = 0
A→+∞ −∞ 2π −A

et que
Z +∞
Z A 2
f (x) − √1 ˆ ixξ

lim f (ξ)e dξ dx = 0.
A→+∞ −∞ 2π −A
On a
kfˆk2 = kf k2 .
Si f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), on a
Z +∞
1
fˆ(ξ) = √ f (t) e−iξt dt.
2π −∞

pour presque tout x.


Démonstration.
Supposons d’abord que f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), posons f1 (x) = f (−x) et
introduisons la fonction h définie presque partout par
Z +∞
1
h(x) = √ f (x + y)f (y) dy.
2π −∞
Cette fonction h appartient à l’espace L1C (R), est continue :
sZ sZ
+∞ +∞
1
|h(x2 )−h(x1 )| ≤ √ |f (x2 + y) − f (x1 + y)|2 dy |f (y)|2 dy
2π −∞ −∞

et bornée : Z +∞
1
|h(x)| ≤ √ |f (y)|2 dy.
2π −∞
On a de plus
ĥ(ξ) = |fˆ(ξ)|2 .
En vertu de l’équation (8), on peut écrire que
Z +∞ Z +∞
1 1
√ h(x − t)n̂σ (t) dt = √ ĥ(t)nσ (t)eixt dt,
2π −∞ 2π −∞
donc, en faisant x = 0, que
Z +∞ Z +∞
1 1
√ h(−t)n̂σ (t) dt = √ ĥ(t)nσ (t) dt.
2π −∞ 2π −∞

161
En laissant σ tendre vers +∞ dans cette dernière relation, on obtient
Z +∞
1
h(0) = √ ĥ(t) dt.
2π −∞

(Pour le membre de gauche, en vertu de l’équation (7) et pour le membre


de droite en vertu du théorème de la convergence monotone). Mais ceci
implique que fˆ appartient à l’espace L2C (R) et que
Z +∞ Z +∞
2
|f (x)| dx = |fˆ(ξ)|2 dξ.
−∞ −∞

Dans le cas général où f ∈ L2C (R), les fonctions fA (x) = f (x)I(−A,A) (x)
appartiennent à L1C (R) ∩ L2C (R) et

lim kfA − f k2 = 0.
A→+∞

Pour les transformées de Fourier


Z A
1
fˆA (ξ) = √ f (x)e−iξx dx,
2π −A

on a
kfˆA k2 = kfA k2 .
Il s’ensuit que les fonctions fˆA satisfont la condition de Cauchy et, l’espace
L2C (R) étant complet, il existe fˆ ∈ L2C (R) telle que

lim kfˆA − fˆk2 = 0.


A→+∞

Puisque, si f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), les fonctions fˆA convergent presque partout
vers Z +∞
1
√ f (x)e−iξx dx,
2π −∞
on retrouve Z +∞
1
ˆ
f (ξ) = √ f (x)e−iξx dx
2π −∞
(presque partout) dans ce cas. Dans tous les cas,

kfˆk2 = lim kfˆA k2 = lim kfA k2 = kf k2 .


A→+∞ A→+∞

162
Associons ensuite à g ∈ L2C (R) les fonctions gA (x) = g(−x)I(−A,A) (x) et
leurs transformées de Fourier
Z A
1
ĝA (ξ) = √ g(x)eiξx dx.
2π −A

Comme précédemment, on voit qu’il existe ğ ∈ L2C (R) telle que

lim kĝA − ğk2 = 0.


A→+∞

La démonstration sera complétée lorsque nous aurons vérifiée la formule d’in-


version dans L2C (R). Introduisant les opérateurs linéaires sur L2C (R) définis
par F(f ) = fˆ et F1 (g) = ğ, il s’agit de voir que

F1 ◦ F (f ) = f.

Lorsque
f, fˆ ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), (9)
cette relation est certainement satisfaite, en vertu de la formule d’inversion
de Fourier. Reste à supprimer les hypothèses supplémentaires (9). Or, si
f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), la fonction fσ ,
Z +∞
1
fσ (x) = √ f (x − ξ)n̂σ (ξ) dξ,
2π −∞

satisfait les conditions (9). En effet, il est clair que fσ ∈ L1C (R) et que
fˆσ = fˆnσ ∈ L1C (R) ∩ L2C (R). On a aussi fσ ∈ L2C (R) ; en effet,
 Z +∞ 2
2 1
|fσ (x)| ≤ √ |f (x − ξ)|n̂σ (ξ) dξ
2π −∞
Z +∞ Z +∞
1 1
=√ |f (x − ξ)|n̂σ (ξ)dξ √ |f (x − η)|n̂σ (η)dη
2π −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞
1 1 |f (x − ξ)|2 + |f (x − η)|2
≤ √ √ n̂σ (ξ) dξ n̂σ (η) dη
2π −∞ 2π −∞ 2
Z +∞
1
=√ |f (x − ξ)|2 n̂σ (ξ) dξ,
2π −∞
en vertu du théorème de Tonelli et de l’inégalité élémentaire

a2 + b2
ab ≤ ,
2

163
de telle sorte que
Z +∞ Z +∞
|fσ (x)|2 dx ≤ |f (x)|2 dx.
−∞ −∞

De façon similaire,
Z +∞
2 1
|fσ (x) − f (x)| ≤ √ |f (x − ξ) − f (x)|2 n̂σ (ξ) dξ
2π −∞

et
Z +∞ Z +∞ Z +∞
2 1
|fσ (x) − f (x)| dx ≤ √ n̂σ (ξ)dξ |f (x − ξ) − f (x)|2 dx,
−∞ 2π −∞ −∞

ce qui entraı̂ne, comme précédemment, que

lim kfσ − f k2 = 0.
σ→+∞

On en déduit que si f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), on a

kF1 ◦ F (f ) − f k2 ≤ kF1 ◦ F (fσ ) − F1 ◦ F (f )k2 + kfσ − f k2 = 2kfσ − f k2 < 

si σ est assez grand, donc que

F1 ◦ F (f ) = f

dans ce cas également. Finalement, l’espace L1C (R)∩L2C (R) étant dense dans
l’espace L2C (R) (grâce aux fonctions de test), soit f1 ∈ L1C (R) ∩ L2C (R) telle
que

kf1 − f k2 < .
2
Alors

kF1 ◦ F (f ) − f k2 ≤ kF1 ◦ F (f ) − F1 ◦ F (f1 )k2 + kf1 − f k2 < 

ce qui entraı̂ne
F1 ◦ F (f ) = f
pour toute fonction f ∈ L2C (R). C.Q.F.D.
Remarque. On trouve d’autres notations pour les notions précédentes.
Si Z +∞ √
f˜(ξ) = f (t)e−iξt dt = 2π fˆ(ξ),
−∞

164
la formule d’inversion de Fourier s’écrit
Z +∞
1
f (x) = f˜(ξ)eixξ dξ
2π −∞

et l’identité de Parseval devient


Z +∞ Z +∞
1
|f (x)|2 dx = |f˜(ξ)|2 dξ.
−∞ 2π −∞

De même, si
Z +∞ √
f ˜∗g (x) = f (x − y)g(y) dy = 2π f ∗ g (x),
−∞

on a encore
^
(f ˜∗g) = f˜ g̃.
Ou encore, si

˜
Z +∞ √
f˜(ξ) = f (t)e−i2πξt dt = 2π fˆ(2πξ),
−∞

la formule d’inversion est


Z +∞
˜
f (x) = f˜(ξ)ei2πxξ dξ,
−∞

celle de Parseval demeure


Z +∞ Z +∞
˜
|f (x)|2 dx = |f˜(ξ)|2 dξ
−∞ −∞

et
^ ˜˜
^
(f ∗˜g) = f˜ g̃.

12.3 Exercices
1. Soit f ∈ L12π . Montrer que

lim ck (f ) = 0.
|k|→+∞

Suggestion : considérer d’abord le cas d’une fonction continue.

165
2. Soit f ∈ L12π une fonction à variation bornée sur [−π, π]. Montrer que

var(f, [−π, π])


|ck (f )| ≤ .
4k
Suggestion : remarquer que
Z +π
1 π −iks
ck (f ) = − f (s − )e ds.
2π −π k

3. Développer la fonction f (x) = π 2 − x2 en une série trigonométrique


sur l’intervalle (−π, π). En déduire la valeur des sommes
+∞ +∞ +∞
X (−1)k+1 X 1 X 1
, et .
k2 k2 k4
k=1 k=1 k=1

4. Développer la fonction f (x) = x en une série trigonométrique sur


l’intervalle (−π, π). En déduire la valeur des sommes
+∞ +∞
X (−1)k X sin kx
et .
2k + 1 k
k=0 k=1

5. Soient f ∈ L12π une fonction réelle et


+∞
1 X
S(f )(x) = a0 (f ) + (ak (f ) cos kx + bk (f ) sin kx)
2
k=1

sa série de Fourier écrite sous « forme réelle ». Quelle est l’expression


intégrale des coefficients ? Que devient l’identité de Parseval ?
6. Soit f ∈ Cc∞ (R) une fonction indéfiniment dérivable à support com-
pact. Montrer que, quel que soit N ∈ N,

lim ξ N fˆ(ξ) = 0.
|ξ|→+∞

En déduire que, si f ∈ L1C (R),

lim fˆ(ξ) = 0.
|ξ|→+∞

166
7. Calculer la transformée de Fourier de la fonction

f (x) = e−|x| .

En déduire la valeur de
Z +∞
cos ξx
dξ.
0 1 + ξ2
8. Calculer la transformée de Fourier de la fonction

f (x) = I[−1,1] (x).

En déduire la valeur de
+∞
sin2 x
Z
dx.
0 x2

∗ g = fˆĝ
9. Calculer la convolution I[−1,1] ∗ I[−1,1] et vérifier l’équation f[
dans ce cas.
10. Montrer que si f, g ∈ L2C (R) on a
Z +∞ Z +∞
f (x)ĝ(x) dx = fˆ(x)g(x) dx.
−∞ −∞

Suggestion : considérer d’abord le cas où f, g ∈ L2C (R) ∩ L1C (R).


11. Soit f ∈ L1C (R) une fonction telle que
+∞
X
|f (k)| < +∞.
−∞

Supposons que supp(fˆ)=[π, π]. Montrer que


1
ck (fˆ) = √ f (−k).

En déduire que la formule d’interpolation suivante
+∞
X sin π(x − k)
f (x) = f (k)
−∞
π(x − k)

est vraie presque partout sur R. Que donne cette formule lorsque

fˆ(ξ) = (π − |ξ|)I[−π,π] (ξ)?

167
Références
[1] Nicolas Bourbaki. Topologie générale. Éléments de mathématique. Her-
mann, Paris, 1940-1953.
La section du traité de Bourbaki consacrée à la topologie.
Math-Info QA 3 B682.
[2] Nicolas Bourbaki. Éléments d’histoire des mathématiques. Collection
Histoire de la pensée. Hermann, Paris, 1969.
Le traité de Bourbaki est parsemé de notes historiques qui ont été
colligées en un volume.
Math-Info QA 21 B68 1974.
[3] Marc Briane et Gilles Pagès. Théorie de l’intégration. Vuibert, Paris,
2000.
Cours de deuxième cycle avec exercices et solutions.
Math-Info QA 308 B75 2000.
[4] Paul Malliavin et H. Airault. Intégration, analyse de Fourier, probabi-
lités, analyse gaussienne. Masson, Paris, 1993.
Cours de deuxième cycle, pas d’exercices.
Math-Info QA 403.5 M35 94.
[5] Bernard R. Gelbaum et John M.H. Olmsted. Counterexamples in Ana-
lysis. Holden-Day, San Francisco, 1964.
Recueil de contre-exemples, niveau deuxième cycle.
Math-Info QA 300 G44.
[6] André Gramain. Intégration. Collection Méthodes. Hermann, Paris,
1988.
Manuel de niveau premier cycle, approche abstraite, exercices.
Math-Info QA 312 G73 1988.
[7] M. Guinot. Le paradoxe de Banach-Tarski. Aléas, Paris, 1991.
Sur une conséquence curieuse de l’axiome du choix.
Math-Info QA 248 G84 1991.
[8] Bertrand Hauchecorne. Les contre-exemples en mathématiques. El-
lipses, Paris, 1988.
Un recueil de contre-exemples tirés de toutes les branches des
mathématiques.
Math-Info QA 43 H38 1988.
[9] Thomas W. Korner. Fourier Analysis. Cambridge University Press,
Cambridge, 1988.
Présentation originale de sujet, niveau premier cycle.
Math-Info QA 403.5 K675 1989.

168
[10] Henri Lebesgue. Oeuvres scientifiques. L’enseignement mathématique,
Genève, 1972.
Les oeuvres complètes de Lebesgue en cinq volumes.
Math-Info QA 3 L42.
[11] Michel Métivier. Probabilités : dix leçons d’introduction. Ellipses, Paris,
1987.
Survol des probabilités et de la théorie de la mesure. Bonne bibliogra-
phie.
Math-Info QA M463 1987.
[12] Walter Rudin. Analyse réelle et complexe. Masson, Paris, 1975.
Manuel complet d’analyse mathématique, incluant l’essentiel de la
théorie de la mesure. Nombreux exercices.
Math-Info QA 300 R8312.
[13] Walter Rudin. Principes d’analyse mathématique. Ediscience, Paris,
1995.
Manuel de premier cycle très complet, nombreux exercices.
Math-Info QA 300 R 8212 1995.
[14] Murray R. Spiegel. Lebesgue Measure and Integration. Schaum’s outline
series. Mc Graw-Hill, New-York, 1969.
Manuel de niveau premier cycle, beaucoup d’exercices.
Math-Info QA 331.5 S64.
[15] George Temple. 100 Years of Mathematics. Duckworth, Londres, 1981.
Panorama de l’histoire des mathématiques au XXe siècle.
Math-Info QA 26 T46.

169
Index
additivité de l’intégrale, 36, 60 dérivée de Radon-Nikodym, 121
additivité de la mesure, 5, 49 dérivation sous le signe intégral, 36
additivité finie de l’intégrale, 31 densité de probabilité, 123
additivité finie de la mesure, 18 difféomorphisme, 139
algèbre de Banach, 86 Dini, nombres dérivés de, 102
algèbre de Boole, 41 Dirichlet, théorème de, 149
application continue, 44 droite achevée, 47
application mesurable, 43
approximation par fonctions étagées, Egorov, théorème d’, 80
23 ensemble élémentaire, 130
approximation par fonctions dérivables,ensemble F-δ, 71
93 ensemble F-σ, 71
approximation trigonométrique, 152 ensemble fermé, 41
axiome du choix, 15 ensemble mesurable, 9, 41
ensemble négligeable, 52
base ouverte, 45 ensemble ouvert, 41
Bessel, inégalité de, 153 equivalence modulo une mesure, 79
Borel-Cantelli, lemme de, 51 espérance mathématique, 56, 76
Borel-Lebesgue, théorème de, 6 espace de Banach, 86
espace de Hilbert, 91
Cantor, ensemble de, 15
espace de Lebesgue, 27, 55, 85, 88,
Carathéodory, construction de, 69
89, 146, 147
changement de variables, 110, 139
espace des fonctions continues, 44
classe monotone, 130
espace des classes d’équivalence, 79
complétion d’une tribu, 53
espace des fonctions mesurables, 43,
continuité de la mesure, 14, 50
48
convergence dominée, 34, 61
espace dual, 125
convergence en mesure, 81
espace métrique, 46
convergence en moyenne, 88, 91, 152
espace métrique complet, 83
convergence en probabilité, 82
espace mesuré, 49
convergence essentiellement uniforme,
espace mesuré complet, 52
86
espace mesurable, 41
convergence monotone, 28, 56
espace préhilbertien, 91
convergence presque partout, 80
espace probabilisé, 49
convergence presque sûre, 82
espace séparable, 45
convolution, 95, 97, 157, 159
espace topologique, 41
coordonnées polaires, 143
espace vectoriel normé, 85
courbe rectifiable, 112

170
evenement, 49 Lebesgue, décomposition de, 123
exposants conjugués, 89 Lebesgue, théorème sur la dérivation
de, 102
Fatou, lemme de, 34, 61 linéarité de l’intégrale, 29, 58
fonction étagée, 20, 53 loi de probabilité, 76
fonction à variation bornée, 99
fonction absolument continue, 107 mesure σ-finie, 49
fonction de répartition, 76 mesure absolument continue, 120
fonction de test, 93 mesure atomique, 129
fonction essentiellement bornée, 85 mesure borélienne positive, 49
fonction indicatrice, 4, 19 mesure complexe, 129
fonction intégrable, 27, 33, 55, 60, 146 mesure de Lebesgue, 14, 135, 136
fonction mesurable, 19, 33, 46, 146 mesure de Lebesgue-Stieltjes, 73
fonction singulière, 114 mesure de probabilité, 49
forme linéaire continue, 125 mesure diffuse, 129
forme linéaire positive, 32 mesure du cardinal, 49
Fourier, coefficients de, 147 mesure extérieure, 67
Fourier, formule d’inversion de, 156 mesure extérieure de Hausdorff, 77
Fourier, série de, 147 mesure extérieure de Lebesgue, 6
Fourier, transformée de, 155 mesure finie, 49
Fubini-Tonelli, théorème de, 133 mesure positive, 49
mesure produit, 132
Hölder, inégalité de, 89 mesure signée, 115
Hahn-Jordan, décomposition de, 118 mesures étrangères, 117
hypercube, 136 Minkowski, inégalité de, 90
monotonie de la mesure, 50
image directe d’une mesure, 50
monotonie de la mesure extérieure, 7
image directe d’une tribu, 43
image réciproque d’une tribu, 42 orthogonalité, 147
inégalité du triangle, 32
intégrale, 27, 55 parallélogramme, identité du, 96
intégration par parties, 109 Parseval, identité de, 154
intégration terme à terme d’une série, partie négative d’une fonction, 21
35 partie positive d’une fonction, 21
invariance sous translation de la me- partition d’un intervalle, 3
sure extérieure, 7 pavé, 136
Plancherel, théorème de, 161
Jacobi, déterminant de, 139 polynôme trigonométrique, 148
Jensen, inégalité de, 95 positivité de l’intégrale, 31, 59
Jordan, théorème de, 99 presque partout, 14, 52
presque sûrement, 52

171
Radon-Nikodym, théorème de, 121
rectangle mesurable, 42
rectangles ouverts, 45
Riesz-Fischer, théorème de, 91

sommes de Lebesgue, 4, 29, 58


sommes de Riemann, 3
sous-additivité de la mesure, 50
sous-additivité de la mesure extérieure,
8
support d’une fonction, 93
supremum essentiel, 85

Tchebychev, inégalité de, 88


théorème fondamental du calcul, 32,
105, 108
topologie, 41
topologie produit, 45
trace d’une mesure, 49
trace d’une tribu, 42
tribu, 41
tribu borélienne, 42
tribu de Lebesgue, 10, 135, 136
tribu engendrée, 41
tribu produit, 42

variable aléatoire, 49
variance, 92
variation d’une fonction, 99
variation d’une mesure, 116
Vitali, théorème de, 100

172
MESURE ET INTÉGRATION
EN UNE DIMENSION

Notes de cours

André Giroux
Département de Mathématiques et Statistique
Université de Montréal
Mai 2004
Table des matières
1 INTRODUCTION 2
1.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

2 ENSEMBLES MESURABLES 5
2.1 Mesure extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
2.2 Ensembles mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.3 Mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.4 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

3 FONCTIONS MESURABLES 17
3.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

4 INTÉGRATION 23
4.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

5 ESPACES DE LEBESGUE 39
5.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

6 DÉRIVATION 53
6.1 Fonctions à variation bornée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
6.2 Fonctions absolument continues . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
6.3 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

7 INTÉGRATION ABSTRAITE 70
7.0.1 Le modèle probabiliste . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
7.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

8 INTÉGRALES ITÉRÉES 81
8.1 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

9 APPLICATIONS 91
9.1 Série de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
9.2 Transformée de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
9.3 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

1
1 INTRODUCTION
L’aire d’un rectangle R de côtés a et b est ab, par définition. Lorsque
a et b sont des entiers, cette aire est égale au nombre de carrés de côté
unité nécessaires pour recouvrir R. L’aire du triangle rectangle de base a et
de hauteur b est bien évidemment ab/2. On en déduit l’aire d’un triangle
quelconque puis, par triangulation, celle d’un polygone arbitraire.
Le calcul de l’aire d’un domaine D délimité par des courbes plus com-
plexes, par exemple des arcs de cercle ou des segments de parabole, nécessite
un passage à la limite. Dans le cas où D est déterminé par le graphe d’une
fonction f continue et positive sur un intervalle compact [a, b] 1 ,

D = {(x, y) | a ≤ x ≤ b , 0 ≤ y ≤ f (x)},

considérons avec Riemann une partition P de l’intervalle [a, b] :

P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } où a = x0 < x1 < x2 < · · · < xn = b.

Alors la somme supérieure


n
X
S(f, P) = sup{f (x) | xk−1 ≤ x ≤ xk }(xk − xk−1 )
k=1

fournit une borne supérieure pour l’aire requise et la somme inférieure


n
X
s(f, P) = inf{f (x) | xk−1 ≤ x ≤ xk }(xk − xk−1 )
k=1

en fournit une borne inférieure. En utilisant les propriétés des fonctions


continues sur les intervalles compacts, on montre que

inf{S(f, P) | P} = sup{s(f, P) | P}

et c’est cette valeur commune que l’on prend pour mesure de l’aire du do-
maine D. On exprime ceci en disant que la fonction f est intégrable au sens
de Riemann sur l’intervalle [a, b], d’intégrale
Z b
f (x) dx = inf{S(f, P) | P} = sup{s(f, P) | P}.
a
1
[a, b] désigne un intervalle contenant ses extrémités, ]a, b[ désigne un intervalle ne
contenant pas ses extrémités et (a, b) désigne un intervalle contenant peut-être ses
extrémités.

2
Lorsque la fonction f n’est pas continue, il n’est plus certain qu’elle soit
intégrable au sens de Riemann, même si elle est positive et bornée. Un
exemple d’une telle fonction est fourni par la fonction indicatrice des nombres
rationnels f = IQ , définie par

1 si x ∈ Q
IQ (x) =
0 sinon,
qui n’est intégrable sur aucun intervalle [a, b] puisque l’on a toujours
S(IQ , P) = b − a , s(IQ , P) = 0.
On peut essayer d’élargir la classe des fonctions intégrables, et ceci
est l’objet de notre cours, en considérant avec Lebesgue des partitions de
l’axe des ordonnées plutôt que des partitions de l’axe des abscisses. Nous
étendrons d’abord la notion de longueur d’un intervalle,
λ([a, b]) = b − a,
à une classe plus vaste d’ensembles (nous les nommerons : ensembles me-
surables et la longueur généralisée : mesure). Nous considérerons alors la
somme
m
X k
σm (f ) = λ(Ek )
m
k=0
où  
k k+1
Ek = x| ≤ f (x) <
m m
et λ(Ek ) est la mesure de Ek . ( Pour alléger l’exposé, nous avons supposé ici
que 0 ≤ f (x) ≤ 1. ) Cette somme d’aires de rectangles généralisés constitue
une bonne approximation de l’aire du domaine D cherchée : lorsque m est
grand en effet, f est presque constante sur Ek . La complexité de la fonction se
traduit par la complexité des ensembles Ek . Si f est monotone par exemple,
les ensembles Ek sont des intervalles et la somme σm (f ) se réduit à la somme
s(f, P) correspondante. Pour une classe très vaste de fonctions (nous les
appellerons : fonctions mesurables), nous verrons que
lim σm (f )
m→+∞

existe et généralise effectivement la notion d’aire précédemment obtenue.


Une telle fonction sera dite intégrable au sens de Lebesgue, d’intégrale
Z 1
f = lim σm (f ).
0 m→+∞

3
La propriété de la mesure qui permettra
P ces développements est la pro-
priété d’additivité : désignant par n E n la réunion d’une suite finie ou
infinie d’ensembles mesurables deux à deux disjoints2 , nous aurons
!
X X
λ En = λ(En )
n n

et c’est sur cette propriété fondamentale que reposera toute la théorie.

1.1 Exercices
1. Vérifier que la fonction
x 7→ IQ (x)
est partout discontinue.
2. Déterminer l’ensemble des points de continuité de la fonction

x 7→ x IQ (x).

3. Déterminer les ensembles Ek associés à la fonction IQ .

2
et par E1 + E2 la réunion de deux ensembles disjoints.

4
2 ENSEMBLES MESURABLES
Nous allons généraliser la notion de longueur en deux étapes. Nous asso-
cierons d’abord à tout ensemble E ⊆ R un élément λ∗ (E) de [0, +∞]3 appelé
mesure extérieure de E qui, lorsque E est un intervalle, se réduit à sa lon-
gueur. Nous restreindrons ensuite la fonction E 7→ λ∗ (E) ainsi définie sur
l’ensemble P(R) de toutes les parties de R à une famille L appropriée d’en-
sembles de façon à avoir la propriété d’additivité. Ces ensembles seront les
ensembles mesurables et la fonction restreinte sera la mesure. Nous verrons
ensuite des exemples d’ensembles mesurables et étudierons des propriétés
supplémentaires de la mesure.

2.1 Mesure extérieure


La mesure extérieure λ∗ (E) d’un ensemble E ⊆ R est définie par
l’équation
( )
X [
λ∗ (E) = inf (bk − ak ) | E ⊆ ]ak , bk [ , (1)
k k

la borne inférieure étant calculée sur la famille des suites finies ou infinies
d’intervalles ouverts { ]ak , bk [ }k recouvrant E. Pour étudier ses propriétés,
nous nous appuierons sur le théorème suivant.

Théorème 1 (Borel-Lebesgue) Tout recouvrement d’un intervalle com-


pact [a, b] par des intervalles ouverts { ]aα , bα [ }α∈A contient un sous-recouvrement
fini.

Démonstration.
Supposons le contraire. Alors au moins l’un des deux intervalles
a+b a+b
[a, ], [ , b]
2 2
ne pourrait être recouvert par un nombre fini des intervalles ]aα , bα [. Donc
au moins l’un des quatre intervalles
3a + b 3a + b a + b a + b a + 3b a + 3b
[a, ], [ , ], [ , ], [ , b]
4 4 2 2 4 4
3
On convient que si a ∈ [ 0, +∞], a + (+∞) = +∞, que si a ∈] 0, +∞], a × (+∞) = +∞
et enfin que 0 × (+∞) = 0.

5
ne pourrait l’être. Ainsi de suite. On obtiendrait de cette façon une suite
d’intervalles emboı̂tés,
I1 ⊇ I2 ⊇ I3 ⊇ · · · ,
dont le nième aurait pour longueur (b − a)/2n . L’intersection de tous ces
intervalles se réduirait à un point x de [a, b]. Il existerait donc un intervalle
]aα , bα [ contenant ce point et, par suite, tous les intervalles In à partir d’un
certain rang, contredisant leur définition. C.Q.F.D.

Dans le théorème suivant, E + x0 désigne le translaté de E par x0 :

E + x0 = {y | y = x + x0 , x ∈ E}.

(Ne pas confondre E + x0 avec E + {x0 }.)

Théorème 2 La mesure extérieure λ∗ : P(R) → [0, +∞] possède les pro-


priétés suivantes :
1. E ⊆ F implique que λ∗ (E) ≤ λ∗ (F ) ;
2. quel que soit x0 , λ∗ (E + x0 ) = λ∗ (E) ;
3. pour tout intervalle (a, b), λ∗ ((a, b)) = b − a ;
4. pour toute suite finie ou infinie d’ensembles {Ek }k ,
!
[ X
λ∗ Ek ≤ λ∗ (Ek ).
k k

Démonstration.
La première propriété (monotonie) suit de ce que tout recouvrement de F
est aussi un recouvrement de E et la deuxième (invariance sous translation)
découle de ce que la longueur d’un intervalle est invariante sous translation.
Pour démontrer la troisième, considérons d’abord le cas d’un intervalle
compact [a, b]. Soit  > 0. La relation

[a, b] ⊆ ]a − , b + [

montre que
λ∗ ([a, b]) ≤ λ∗ ( ]a − , b + [ ) ≤ b − a + 2
donc,  > 0 étant arbitraire, que

λ∗ ([a, b]) ≤ b − a.

6
Pour obtenir l’inégalité opposée, il suffit, en vertu du théorème de Borel-
Lebesgue, de montrer que, si
N
[
[a, b] ⊆ ]ak , bk [,
k=1

on a
N
X
b−a≤ (bk − ak ).
k=1
Pour ce faire, on peut supposer que les intervalles du recouvrement fini sont
énumérés de telle sorte que

a1 < a < a2 < b1 < a3 < b2 < · · · < aN −1 < bN −2 < aN < bN −1 < b < bN .

Alors

(bN − aN ) + (bN −1 − aN −1 ) + · · · + (b2 − a2 ) + (b1 − a1 )


= bN + (bN −1 − aN ) + (bN −2 − aN −1 ) + · · · + (b1 − a2 ) − a1
> bN − a1 > b − a.

Si l’intervalle (a, b) est borné, les inclusions

[a + , b − ] ⊆ (a, b) ⊆ [a, b]

entraı̂nent
b − a − 2 ≤ λ∗ ((a, b)) ≤ b − a.
Enfin, si l’intervalle (a, b) n’est pas borné, il contient des intervalles bornés
de mesure extérieure arbitrairement grande et, par monotonie,

λ∗ ((a, b)) = +∞ = b − a.

Pour démontrer la quatrième propriété (sous-additivité), considérons


pour chaque k une suite d’intervalles ouverts { ]akj , bkj [ }j tels que
[ X 
Ek ⊆ ]akj , bkj [ , (bkj − akj ) ≤ λ∗ (Ek ) + .
2k
j j

Alors les intervalles { ]akj , bkj [ }j,k forment une famille au plus dénombrable
(c’est-à-dire peuvent être rangés en une suite finie ou infinie) telle que
[ [[
Ek ⊆ ]akj , bkj [,
k k j

7
d’où !
[ XX X
λ∗ Ek ≤ (bkj − akj ) ≤ λ∗ (Ek ) + .
k k j k

C.Q.F.D.

2.2 Ensembles mesurables


La fonction λ∗ que l’on vient d’introduire ne devient additive que si on
la restreint à la classe des ensembles mesurables. Un ensemble E ⊆ R est un
ensemble mesurable si

quel que soit A ⊆ R , λ∗ (A) = λ∗ (AE) + λ∗ (AE c ).

Puisque, par sous-additivité, on a toujours

quel que soit A ⊆ R , λ∗ (A) ≤ λ∗ (AE) + λ∗ (AE c ),

il suffit, pour démontrer qu’un ensemble E est mesurable, de vérifier l’inégalité

quel que soit A ⊆ R , λ∗ (A) ≥ λ∗ (AE) + λ∗ (AE c )

et, pour ce faire, on peut bien sûr supposer que

λ∗ (A) < +∞.

Théorème 3 Pour toute suite finie ou infinie d’ensembles mesurables {Ek }k


deux à deux disjoints, on a
!
X X
λ∗ Ek = λ∗ (Ek ).
k k

Démonstration.
Considérons un ensemble A ⊆ R quelconque et vérifions d’abord, par
récurrence sur N , que
N N
!
X X

λ AEk = λ∗ (AEk ). (2)
k=1 k=1

8
Cet énoncé est en effet trivial pour N = 1 et, s’il est vrai pour N ,
N +1 N +1 N +1
! ! ! ! !
X X X
∗ ∗ ∗ c
λ AEk = λ AEk EN +1 + λ AEk EN +1
k=1 k=1 k=1
N N +1
!
X X
= λ∗ (AEN +1 ) + λ∗ AEk = λ∗ (AEk ).
k=1 k=1

Dans le cas d’une suite finie, {Ek }1≤k≤N , on a donc bien, en prenant A = R,
que
N N
!
X X

λ Ek = λ∗ (Ek ).
k=1 k=1

Dans le cas d’une suite infinie, {Ek }1≤k≤+∞ , on a, pour chaque N , que
N N +∞
! !
X X X
λ∗ (Ek ) = λ∗ Ek ≤ λ∗ Ek
k=1 k=1 k=1

donc que
+∞ +∞
!
X X
∗ ∗
λ (Ek ) ≤ λ Ek .
k=1 k=1

La sous-additivité de la mesure extérieure implique l’inégalité opposée. C.Q.F.D.

Nous dénoterons par L la famille des ensembles mesurables. Le théorème


suivant peut s’énoncer en disant que cette famille forme ce que l’on appelle
une tribu.

Théorème 4 La famille L ⊆ P(R) des ensembles mesurables possède les


propriétés suivantes :
1. R est mesurable ;
2. le complémentaire E c d’un ensemble mesurable E est mesurable ;
3. la réunion d’une suite finie ou infinie d’ensembles mesurables {Ek }k
est mesurable ;
4. l’intersection d’une suite finie ou infinie d’ensembles mesurables {Ek }k
est mesurable.

9
Démonstration.
Les deux premières propriétés sont évidentes de la définition et la qua-
trième découle, par complémentarité, de la deuxième et de la troisième.
Pour démontrer cette dernière, considérons d’abord le cas de deux en-
sembles mesurables E1 et E2 . Alors, quel que soit A ⊆ R,
λ∗ (A(E1 ∪ E2 )) + λ∗ (A(E1 ∪ E2 )c ) = λ∗ (AE1 ∪ AE2 ) + λ∗ (AE1c E2c )
= λ∗ (AE1 E2c + AE2 ) + λ∗ (AE1c E2c ) ≤ λ∗ (AE1 E2c ) + λ∗ (AE2 ) + λ∗ (AE1c E2c )
= λ∗ (AE2c ) + λ∗ (AE2 ) = λ∗ (A).
Par récurrence sur N , la réunion de toute suite finie d’ensembles mesurables
{Ek }1≤k≤N est donc mesurable et, par complémentarité, ainsi en est-il de
leur intersection.
Considérons maintenant une suite infinie d’ensembles mesurables deux à
deux disjoints {Ek }k . En vertu de l’équation (2), on a, quel que soit A ⊆ R
et quel que soit N ,
N
! N
!c !
X X
∗ ∗ ∗
λ (A) = λ A Ek + λ A Ek
k=1 k=1
N N
!c !
X X
= λ∗ (AEk ) + λ∗ A Ek
k=1 k=1
N +∞
!c !
X X
∗ ∗
≥ λ (AEk ) + λ A Ek
k=1 k=1

de telle sorte que


+∞ +∞
!c !
X X
∗ ∗ ∗
λ (A) ≥ λ (AEk ) + λ A Ek
k=1 k=1
+∞
! +∞
!c !
X X
≥ λ∗ A Ek + λ∗ A Ek
k=1 k=1
P S
ce qui montre que k Ek = k Ek est mesurable.
Envisageons enfin le cas d’une suite infinie quelconque {Ek }k . Posons
F1 = E1 , F2 = E2 E1c , F3 = E3 E1c E2c , . . . , Fn = En E1c E2c · · · En−1
c
,...
Ces ensembles Fk sont mesurables et deux à deux disjoints de telle sorte que
leur réunion est mesurable. Or
X [
Fk = Ek
k k

10
S
puisque, si x ∈ k Ek , il existe un premier indice kx tel que x ∈ Ekx et alors
x ∈ Fkx . C.Q.F.D.

Théorème 5 Tout intervalle I est mesurable.

Démonstration.
Considérons d’abord le cas où I =]a, +∞[. Soit A ⊆ R un ensemble
quelconque et soient ]ak , bk [ des intervalles tels que
[ X
A⊆ ]ak , bk [ , (bk − ak ) ≤ λ∗ (A) + .
k k

Considérons les intervalles

Ik0 = ]ak , bk [ ∩ I , Ik00 = ]ak , bk [ ∩ I c .

On a !
[ X
λ∗ (AI) ≤ λ∗ Ik0 ≤ λ∗ (Ik0 )
k k
et !
[ X
∗ ∗
λ (AI ) ≤ λ c
Ik00 ≤ λ∗ (Ik00 )
k k

donc
X X
λ∗ (AI) + λ∗ (AI c ) ≤ (λ∗ (Ik0 ) + λ∗ (Ik00 )) = (bk − ak ) ≤ λ∗ (A) + .
k k

Les autres cas se ramènent à celui qui vient d’être étudié. Par exemple,
+∞ +∞
[ 1 [ 1
]a, b[ = ]a, b − ]= ( ]a, +∞[ ∩ ]b − , +∞[ c ).
k k
k=1 k=1

C.Q.F.D.

Théorème 6 Tout ensemble ouvert O est mesurable.

Démonstration.
Si x ∈ O, soient

ax = inf{a | ]a, x[ ⊆ O} ≥ −∞ , bx = sup{b | ]x, b[ ⊆ O} ≤ +∞

11
et Ix =]ax , bx [. Alors, ou bien Ix = Iy ou bien Ix Iy = ∅. Les intervalles Ix
distincts sont donc au plus dénombrables (chacun d’eux contient un nombre P
rationnel différent). Dénotant ces intervalles par J1 , J2 , J3 , . . . , O = n Jn
peut s’écrire comme réunion d’une suite finie ou infinie d’intervalles ouverts
deux à deux disjoints (appelés composantes connexes de O). C.Q.F.D.

Théorème 7 Tout translaté E + x0 d’un ensemble mesurable E est mesu-


rable.

Démonstration.
Observons d’abord les identités :

ST + x0 = (S + x0 )(T + x0 ) , (S + x0 )c = S c + x0 .

Soit A ⊆ R un ensemble quelconque. Alors, en vertu des identités précédentes,

A(E + x0 ) = (A − x0 )E + x0 , A(E + x0 )c = (A − x0 )E c + x0 .

Par suite, la mesure extérieure étant invariante sous translation,

λ∗ (A(E + x0 )) + λ∗ (A(E + x0 )c ) = λ∗ ((A − x0 )E) + λ∗ ((A − x0 )E c )


= λ∗ (A − x0 ) = λ∗ (A).

C.Q.F.D.

Théorème 8 Tout ensemble N de mesure extérieure nulle est mesurable.

Démonstration.
Soit A ⊆ R un ensemble quelconque. On a

λ∗ (AN ) + λ∗ (AN c ) = λ∗ (AN c ) ≤ λ∗ (A).

C.Q.F.D.

2.3 Mesure
La mesure λ est la restriction de la mesure extérieure λ∗ à la tribu des
ensembles mesurables L.

Théorème 9 La mesure λ : L → [0, +∞] possède les propriétés suivantes :


1. λ(E + x0 ) = λ(E) ;

12
2. λ((a, b)) = b − a ;
P P
3. pour toute suite disjointe {Ek }k , λ( k Ek ) = k λ(Ek ) ;
4. pour toute suite croissante E1 ⊆ E2 ⊆ E3 ⊆ · · ·,
+∞
!
[
lim λ(En ) = λ Ek .
n→+∞
k=1

Démonstration.
Seule la quatrième propriété (continuité) n’a pas encore été démontrée.
Considérons à nouveau les ensembles
F1 = E1 , F2 = E2 E1c , F3 = E3 E2c , . . . , Fn = En En−1
c
, ...
Ils sont disjoints et tels que, pour chaque n,
n
X
En = Fk .
k=1

Par suite,
n
X
λ(En ) = λ(Fk )
k=1
et
+∞ +∞ +∞
! !
X X [
lim λ(En ) = λ(Fk ) = λ Fk =λ Ek .
n→+∞
k=1 k=1 k=1
C.Q.F.D.

Une propriété vraie partout sauf aux points d’un ensemble de mesure
nulle est dite vraie presque partout. Par exemple, la fonction IQ est égale
à 0 presque partout. Un ensemble dénombrable est toujours de mesure nulle
mais un ensemble peut être de mesure nulle sans être dénombrable. Ainsi
en est-il de l’ensemble de Cantor.

Exemple. Soit K l’ensemble des points x de [0, 1] dont le développement


triadique,
+∞
X ak
x= , ak ∈ {0, 1, 2},
3k
k=1
ne contient que des 0 ou des 2. Lorsque deux développements sont possibles,
on convient d’utiliser celui qui contient un nombre infini de 2 :
1 2 2 2
n
= n+1 + n+2 + n+3 + · · ·
3 3 3 3

13
Contenant 2N points, l’ensemble K n’est pas dénombrable. D’autre part, il
est clair que
1 2 1 2 7 8 1 2
[0, 1]K c = ] , [ + ] , [ + ] , [ + ] , [ + · · ·
3 3 9 9 9 9 27 27
Par suite,
1 2 4
λ([0, 1]K c ) = + + + ··· = 1
3 9 27
et λ(K) = 0.
Q
L’axiome du choix affirme que le produit cartésien α∈A Bα d’une famille
d’ensembles non vides Bα est non vide, c’est-à-dire qu’il est possible de
choisir un élément xα de chaque ensemble de la famille : xα ∈ Bα pour tout
α ∈ A. En l’utilisant, on peut obtenir un ensemble non mesurable.

Exemple. Introduisons une relation d’équivalence sur l’intervalle [0, 1] en


posant, pour x, y ∈ [0, 1], x ≡ y si x − y ∈ Q. Choisissons, en vertu de
l’axiome du choix, un nombre x dans chaque classe d’équivalence [x]. Alors,
l’ensemble E des nombres ainsi obtenus n’est pas mesurable. Supposons en
effet le contraire. Soit

Q ∩ [−1, +1] = {r1 , r2 , r3 , . . .}

et considérons les ensembles translatés Ek = E + rk . Ils sont disjoints car si


x ∈ Ek Ej , x = a + rk = b + rj avec a, b ∈ E. Comme

a = b + (rj − rk ) ≡ b,

il faut que a = b, donc que rk = rj , c’est-à-dire que k = j. Les relations


+∞
X
[0, 1] ⊆ Ek ⊆ [−1, 2]
k=1

(chaque x ∈ [0, 1] appartient à [x0 ] pour un x0 ∈ E approprié, donc à Ek


pour un k approprié) entraı̂nent donc
+∞
X
1≤ λ(Ek ) ≤ 3
k=1

ce qui est absurde puisque λ(Ek ) = λ(E) pour tout k.

14
2.4 Exercices
1. Montrer que tout recouvrement d’un ensemble K ⊆ R compact (fermé
et borné) par des ensembles ouverts contient un sous-recouvrement
fini.
2. Si E ⊆ R et k ∈ R,

kE = {y | y = kx , x ∈ E}.

Montrer que λ∗ (kE) = |k|λ∗ (E).


3. Soit µ∗ : P(R) → [0, +∞] la fonction définie par

µ∗ (E) = sup{(b − a) | ]a, b[ ⊆ E}.

Cette fonction est-elle monotone ? invariante sous translation ? Préserve-


t-elle la longueur des intervalles ? Est-elle sous-additive ?
4. Répondre aux mêmes questions si la fonction µ∗ est définie par

µ∗ (E) = card(EZ).

5. Montrer que, si E ⊆ R est mesurable et k ∈ R, l’ensemble kE est


mesurable.
6. Montrer que tout ensemble mesurable borné est de mesure finie. La
réciproque est-elle vraie ?
7. Un ensemble de mesure nulle peut-il être ouvert ? Doit-il être fermé ?
8. Soit  > 0 donné. Construire un ensemble ouvert E de mesure λ(E) < 
qui soit dense dans R (c’est-à-dire tel que tout nombre réel puisse
s’écrire comme la limite d’une suite de nombres appartenant à E).
9. Montrer qu’un ensemble E ⊆ R est mesurable si et seulement si à
chaque  > 0 correspond un ensemble ouvert O ⊆ R tel que E ⊆ O
et que λ∗ (O E c ) < .
Suggestion : considérer d’abord le cas où λ∗ (E) < +∞ puis les en-
sembles Em = E ] − m, +m[ .
10. Montrer qu’un ensemble E ⊆ R est mesurable si et seulement si on
peut l’écrire comme la réunion disjointe d’un ensemble de mesure nulle
N et d’un ensemble qui est une réunion au plus dénombrable d’en-
sembles fermés Fk : [
E = N + Fk .
k

15
11. Soit µ : L → [0, +∞] une fonction additive. Montrer qu’elle est nécessairement
croissante et sous-additive.
12. Soit µ : L → [0, +∞] la fonction définie par

+∞ si E est infini
µ(E) =
card(E) si E est fini.

Montrer que µ est additive et invariante sous translation.


13. Soit {Ek }k une suite décroissante,

E1 ⊇ E2 ⊇ E3 ⊇ · · · ,

d’ensembles de mesure finie. Montrer que


+∞
!
\
lim λ(En ) = λ Ek .
n→+∞
k=1

L’hypothèse « de mesure finie » est-elle essentielle ?


14. Une fonction µ : L → [0, +∞] possède la propriété d’additivité finie si,
pour toute suite disjointe finie {Ek }1≤k≤N ,
N N
!
X X
µ Ek = µ(Ek ).
k=1 k=1

Montrer qu’une fonction

µ : L → [0, +∞]

est additive si et seulement si elle continue et possède la propriété


d’additivité finie.

16
3 FONCTIONS MESURABLES
Nous allons maintenant introduire la classe des fonctions mesurables,
étudier ses principales propriétés et considérer quelques exemples.

Une fonction f : E → R est une fonction mesurable si, quel que soit
α ∈ R, l’ensemble

f −1 ( ]α, +∞[ ) = {x | f (x) > α}

est mesurable. En particulier, le domaine de définition E de f doit lui-même


être un ensemble mesurable puisque
[
E= {x | f (x) > −n}.
n∈N

En vertu des identités


+∞
[ 1
{x | f (x) < α} = {x | f (x) > α − }c
k
k=1

et
+∞
[ 1
{x | f (x) > α} = {x | f (x) < α + }c ,
k
k=1

il revient au même de vérifier que les ensembles de type

{x | f (x) < α} , {x | f (x) ≤ α} ou {x | f (x) ≥ α}

sont tous mesurables. L’image inverse d’un intervalle quelconque (c, d) par
une fonction mesurable,
f −1 ((c, d)),
est donc toujours un ensemble mesurable.

Exemple. Une fonction indicatrice f = IE , définie par



1 si x ∈ E
IE (x) =
0 sinon,

est mesurable si et seulement si l’ensemble E l’est.

Théorème 10 Toute fonction continue f : (a, b) → R est mesurable.

17
Démonstration.
En vertu de la continuité de f , l’ensemble

{x | f (x) > α}

est relativement ouvert dans (a, b) (c’est-à-dire de la forme O ∩ (a, b) avec


O ouvert) donc mesurable. C.Q.F.D.

Théorème 11 Soient f, g : E → R des fonctions mesurables et h : (a, b) → R


une fonction continue. Alors la fonction composée h ◦ f (si elle est définie)
et les fonctions f + g et f g sont mesurables.
Démonstration.
L’ensemble

{x | h(f (x)) > α} = f −1 (h−1 ( ]α, +∞[ ))

est mesurable parce que l’ensemble h−1 ( ]α, +∞[ ) est relativement ouvert
dans (a, b), donc de la forme
X
h−1 ( ]α, +∞[ ) = ]ak , bk [ ∩ (a, b),
k

ce qui entraı̂ne que


X
f −1 (h−1 ( ]α, +∞[ )) = f −1 ( ]ak , bk [ ∩ (a, b) ).
k

La fonction f + g est mesurable en vertu de la relation


[
{x | f (x) + g(x) > α} = ({x | f (x) > r} ∩ {x | g(x) > α − r}).
r∈Q

Finalement, la relation
(f + g)2 − f 2 − g 2
fg =
2
et la continuité des fonctions u 7→ u2 et u 7→ cu, c ∈ R, entraı̂nent la mesu-
rablité de la fonction f g. C.Q.F.D.

Exemple. Une fonction étagée est une fonction f : R → R dont l’en-


semble des valeurs est fini. Si

{a1 , a2 , a3 , . . . , aN }

18
est l’ensemble de ses valeurs non nulles et
Ek = f −1 ({ak }) = {x | f (x) = ak },
on a
N
X
f= ak IEk
k=1
(représentation canonique). La fonction f est donc mesurable si et seulement
si chacun des ensembles Ek l’est.

Exemple. Si une fonction mesurable f : E → R ne s’annule pas, la


fonction 1/f est mesurable.

Exemple. Si f : E → R est mesurable, sa valeur absolue |f |, sa partie


positive
|f | + f
f+ = = sup{f, 0}
2
et sa partie négative
|f | − f
f− = = sup{−f, 0}
2
le sont aussi et l’on a
f = f+ − f− , |f | = f+ + f− .

Exemple. Si f, g : E → R sont mesurables, les fonctions


(f + g) + |f − g|
sup{f, g} =
2
et
(f + g) − |f − g|
inf{f, g} =
2
le sont aussi.

Théorème 12 Soient fn : E → R des fonctions mesurables. Alors, sur leur


domaine de définition respectif, les fonctions
sup fn , inf fn , lim sup fn , lim inf fn
n∈N n∈N n→+∞ n→+∞

et
lim fn
n→+∞
sont mesurables.

19
Démonstration.
Considérons par exemple l’enveloppe supérieure supn∈N fn . Son domaine
de définition est l’ensemble

{x | sup fn (x) < +∞}.


n∈N

Pour tout α ∈ R, l’ensemble


[
{x | sup fn (x) > α} = {x | fn (x) > α}
n∈N n∈N

est mesurable. Le raisonnement est symétrique pour l’enveloppe inférieure


inf n∈N fn . Le théorème découle alors des relations

lim sup fn = lim sup fn = inf sup fn


n→+∞ k→+∞ n≥k k∈N n≥k

et
lim inf fn = lim inf fn = sup inf fn
n→+∞ k→+∞ n≥k k∈N n≥k

sur les domaines de définition appropriés et des équations

lim fn = lim sup fn = lim inf fn


n→+∞ n→+∞ n→+∞

sur l’ensemble
{x | lim sup fn = lim inf fn }.
n→+∞ n→+∞

C.Q.F.D.

Théorème 13 Soient f : E → R une fonction mesurable et g : E → R une


fonction coı̈ncidant presque partout avec f . Alors g est mesurable.

Démonstration.
L’ensemble
N = {x | g(x) 6= f (x)}
est de mesure nulle et

{x | g(x) > α} = ({x | g(x) > α} ∩ N ) + ({x | f (x) > α} ∩ N c ).

Le premier ensemble est mesurable parce que de mesure nulle et le second


est mesurable parce que f l’est. C.Q.F.D.

20
Théorème 14 Soit f : E → R une fonction mesurable positive. Il existe
une suite de fonctions mesurables positives étagées ϕn : E → R qui croı̂t
vers f .

Démonstration.
Considérons les ensembles
k−1 k
En,k = {x | n
≤ f (x) < n }
2 2
et
Fn = {x | n ≤ f (x)}.
Alors la fonction étagée
n2 n
X k−1
ϕn = IEn,k + n IFn
2n
k=1

est mesurable. Puisque

En,k = En+1,2k−1 + En+1,2k

et que
(n+1)2n+1
X
Fn = En+1,k + Fn+1 ,
k=n2n+1 +1
on a
ϕn ≤ ϕn+1 .
D’autre part, en chaque point x ∈ E, on a, pour n assez grand, que
1
f (x) − ≤ ϕn (x) ≤ f (x).
2n
C.Q.F.D.

3.1 Exercices
1. Soit f : E → R une fonction. Montrer qu’elle est mesurable si et
seulement si les ensembles

{x | f (x) > r}

le sont pour tout r ∈ Q.

21
2. Vérifier les relations suivantes :

IEF = IE IF , IE+F = IE +IF , IE∪F = IE +IF −IEF , ISn En = sup IEn .

3. Soit f : (a, b) → R une fonction monotone. Montrer qu’elle est mesu-


rable.
4. Soient f : R → R une fonction mesurable et x0 ∈ R. Montrer que la
fonction x 7→ f (x + x0 ) est mesurable.
5. Soient f : R → R une fonction mesurable et k ∈ R. Montrer que la
fonction x 7→ f (kx) est mesurable.
6. Soit f : (a, b) → R une fonction admettant une primitive (c’est-à-dire
telle qu’il existe une fonction F : (a, b) → R dont elle est la dérivée :
f = F 0 ). Montrer qu’elle est mesurable.
7. Soient E ⊆ R un ensemble de mesure finie et f : E → R une fonction
mesurable. Montrer qu’à chaque  > 0 correspond N ∈ N tel que

λ{x | |f (x)| > N } < .

8. Montrer que toute fonction mesurable est limite simple d’une suite de
fonctions mesurables étagées.
9. Montrer que toute fonction mesurable bornée est limite uniforme d’une
suite de fonctions mesurables étagées.

22
4 INTÉGRATION
Ce chapitre constitue le coeur du cours. Nous allons y définir l’intégrale
d’une fonction mesurable f sur un ensemble mesurable E,
Z
f,
E

et établir ses trois propriétés fondamentales qui sont la linéarité, la positivité


et l’additivité. Pour ce faire, nous utiliserons beaucoup le fait que l’équation
Z Z
lim fn = lim fn
n→+∞ E E n→+∞

est valable sous des hypothèses très générales dans la théorie de Lebesgue
(théorème de la convergence monotone, théorème de la convergence do-
minée et lemme de Fatou). Nous terminerons par un théorème justifiant
la dérivation sous le signe intégral.

Soit E ⊆ R un ensemble mesurable. L’intégrale sur E d’une fonction


mesurable est définie en trois étapes.
Soit d’abord
XN
ϕ= ak IEk
k=1
une fonction mesurable positive étagée représentée sous sa forme canonique
(c’est-à-dire que les ak sont les valeurs distinctes non nulles de ϕ). L’intégrale
de ϕ sur E est définie par l’équation
Z XN
ϕ= ak λ(EEk ).
E k=1

On a donc à priori que Z


0≤ ϕ ≤ +∞.
E
Un moment de réflexion montre que l’équation
Z N 0
X
ϕ= a0k λ(EEk0 )
E k=1

est vraie dès que, dans une représentation


N0
X
ϕ= a0k IEk0 ,
k=1

23
les ensembles mesurables Ek0 sont deux à deux disjoints, même si les a0k as-
sociés ne sont pas tous distincts. En effet, chaque valeur non nulle a0k est
alors nécessairement égale à l’une des valeurs aj , les ensembles Ek0 corres-
pondant à l’une de ces valeurs non nulle forment une partition de l’ensemble
Ej correspondant et la mesure est additive.
Les trois propriétés suivantes sont des conséquences immédiates de la
définition : Z
λ(E) = 0 implique ϕ = 0,
E
Z Z
F ⊆ E implique ϕIF = ϕ,
E F
et Z Z
0 ≤ ϕ ≤ ψ sur E implique ϕ≤ ψ.
E E
Pour vérifier la troisième, on s’aide de la remarque qui vient d’être faite : si
N 0 M 0
X X
ϕ= a0k IEk0 et ψ = b0j IFj0 ,
k=1 j=1

avec 0 0
N
X M
X
Ek0 = Fj0 = R,
k=1 j=1

il faut utiliser les représentations


0
N X
M 0 N X
M 0 0
X X
ϕ= a0k IEk0 Fj0 et ψ = b0j IEk0 Fj0 .
k=1 j=1 k=1 j=1

Si ensuite f : E → R est une fonction mesurable positive, son intégrale


sur E est définie par
Z Z 
f = sup ϕ | 0 ≤ ϕ ≤ f sur E .
E E

Encore ici, on a à priori Z


0≤ f ≤ +∞.
E
Les trois propriétés suivantes :
Z
λ(E) = 0 implique f = 0,
E

24
Z Z
F ⊆ E implique f IF = f,
E F
et Z Z
0 ≤ f ≤ g sur E implique f≤ g
E E
découlent directement de cette définition et des propriétés correspondantes
pour les fonctions étagées.
Si enfin f : E → R est une fonction mesurable quelconque, nous dirons
qu’elle est une fonction intégrable (ou sommable) sur E si
Z
|f | < +∞
E

et nous poserons alors


Z Z Z
f= f+ − f− .
E E E

Cette définition a un sens puisque qu’alors, nécessairement,


Z Z
f+ < +∞ et f− < +∞.
E E

Nous dénoterons par L1 (E) la classe des fonctions intégrables sur E.

Remarque. Lorsque E est un intervalle [a, b] avec a ≤ b, on conserve


la notation usuelle pour l’intégrale, en indiquant si nécessaire la variable
d’intégration : on écrit ainsi
Z Z b Z b
f= f= f (x) dx
[a,b] a a

et Z Z +∞ Z +∞
f= f= f (x) dx.
R −∞ −∞

Exemple. La fonction IQ est intégrable sur tout intervalle (a, b) et


Z b
IQ = 0.
a

Exemple. Une fonction mesurable bornée est intégrable sur tout ensemble
de mesure finie. En particulier, une fonction continue est intégrable sur tout
intervalle compact.

25
Théorème 15 (convergence monotone) Soient E ⊆ R un ensemble me-
surable et fn : E → R des fonctions mesurables positives qui croissent vers
une fonction f : E → R. Alors
Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E

Démonstration.
Il est clair que f est une fonction mesurable positive et que
Z Z
lim fn ≤ f.
n→+∞ E E

Pour démontrer l’inégalité réciproque, soient  > 0 et ϕ une fonction mesu-


rable positive étagée telle que ϕ ≤ f et considérons les ensembles

An = {x | fn (x) ≥ (1 − )ϕ(x)}.

Ils sont mesurables et, par hypothèse, croissent vers E. Si


N
X
ϕ= ak IEk
k=1

est la représentation canonique de ϕ, on a


Z Z N
X N
X
fn ≥ (1 − )ϕIAn = (1 − )ak λ(An Ek ) = (1 − ) ak λ(An Ek ).
E E k=1 k=1

Utilisant la continuité de la mesure, on en déduit


Z N
X Z
lim fn ≥ (1 − ) ak λ(EEk ) = (1 − ) ϕ.
n→+∞ E E
k=1

Le nombre  et la fonction ϕ étant arbitraires, ceci entraı̂ne le résultat.


C.Q.F.D.

Remarque. Soient E ⊆ R un ensemble mesurable et fn : E → R des


fonctions mesurables positives qui croissent vers +∞ sur E. Si λ(E) > 0,
Z
lim fn = +∞.
n→+∞ E

En effet, posant
An = {x | fn (x) > K},

26
on a, quel que soit K > 0,
Z Z
fn ≥ fn ≥ Kλ(An )
E An
donc, par continuité, Z
lim fn ≥ Kλ(E).
n→+∞ E
Le nombre K > 0 étant arbitraire, la remarque se trouve justifiée.
Exemple. Soit f : (a, b) → R une fonction mesurable positive bornée.
Alors
Z b n2n  
X k−1 k−1 k
f = lim λ x| ≤ f (x) < n .
a n→+∞ 2n 2n 2
k=1

Théorème 16 Soient E ⊆ R un ensemble mesurable, f, g : E → R des


fonctions intégrables sur E et α, β ∈ R. Alors αf + βg est intégrable sur E
et Z Z Z
αf + βg = α f +β g.
E E E
Démonstration.
La démonstration se fait en plusieurs étapes. Soient d’abord ϕ et ψ deux
fonctions mesurables positives étagées. Représentons-les sous la forme
N 0 M 0
X X
ϕ= a0k IEk0 , ψ= b0j IFj0
k=1 j=1

les ensembles mesurables Ek0 et Fj0 étant tels que


N 0 M 0
X X
Ek0 = Fj0 = R.
k=1 j=1

Alors
Z Z N 0 M 0
X X
ϕ+ ψ= a0k λ(Ek0 ) + b0j λ(Fj0 )
E E k=1 j=1
N0 X
X M0 N0 X
X M0
= a0k λ(Ek0 Fj0 ) + b0j λ(Ek0 Fj0 )
k=1 j=1 k=1 j=1
N0 X
X M0 Z
= (a0k + b0j )λ(Ek0 Fj0 ) = (ϕ + ψ).
k=1 j=1 E

27
Soient ensuite f et g deux fonctions mesurables positives. Il existe deux
suites de fonctions mesurables positives étagées {ϕn }n∈N et {ψn }n∈N qui
croissent vers f et g respectivement. On a donc
Z Z Z Z Z Z
f+ g = lim ϕn + lim ψn = lim ( ϕn + ψn )
E E n→+∞ E n→+∞ E n→+∞ E E
Z Z
= lim (ϕn + ψn ) = (f + g)
n→+∞ E E

(en vertu du théorème de la convergence monotone).


Soient enfin f et g deux fonctions intégrables. Alors h = f + g est
intégrable puisque
Z Z Z Z
|h| ≤ (|f | + |g|) = |f | + |g| < +∞.
E E E E

De plus, on a
h+ + f− + g− = f+ + g+ + h−
donc Z Z Z Z Z Z
h+ + f− + g− = f+ + g+ + h−
E E E E E E
c’est-à-dire Z Z Z
h= f+ g.
E E E
D’autre part, si α ≥ 0, il est clair que
Z Z
αϕ=α ϕ
E E

pour toute fonction mesurable positive étagée ϕ, donc que, pour toute fonc-
tion mesurable positive f ,
Z Z
αf = α f.
E E

Pour une fonction intégrable f quelconque, αf est intégrable (en appliquant


ce qui précède à α |f |) et
Z Z Z Z Z Z Z Z
αf = (αf )+ − (αf )− = αf+ − αf− = α( f+ − f− ) = α f.
E E E E E E E E

28
Si, enfin, α < 0, αf = (−α)(−f ) est intégrable et
Z Z Z Z Z
αf = (−α)(−f ) = (−α) (−f ) = (−α)( f− − f+ )
E E E E E
Z Z Z
= α( f+ − f− ) = α f.
E E E

C.Q.F.D.

Remarque. Si E = A + B est une partition mesurable de E et f est


intégrable sur E, on a Z Z Z
f= f+ f
E A B
(additivité finie de l’intégrale) en appliquant le théorème précédent aux fonc-
tions f IA et f IB .

Théorème 17 Soient E ⊆ R un ensemble mesurable, f, g : E → R des


fonctions intégrables sur E telles que f ≤ g sur E. Alors
Z Z
f≤ g
E E

avec égalité si et seulement si f = g presque partout sur E.

Démonstration.
On a Z Z Z
0≤ (g − f ) = g− f.
E E E
L’égalité a lieu dès que f = g presque partout sur E puisque, posant

A = {x | f (x) = g(x)} , B = {x | f (x) 6= g(x)},

on a Z Z Z
(g − f ) = (g − f ) + (g − f ) = 0.
E A B
Réciproquement, observons
R que si h : E → R est une fonction mesurable
positive telle que E h = 0, on doit avoir h = 0 presque partout sur E (on
prendra ici h = g − f ). Posant en effet
1
Ak = {x | h(x) > },
k

29
on a Z Z
1
0= h≥ hIAk ≥ λ(Ak )
E E k
de telle sorte que
λ(Ak ) = 0
pour tout k > 0 et donc que

λ ({x | h(x) > 0}) = lim λ(Ak ) = 0.


k→+∞

C.Q.F.D.

Remarque. L’inégalité du triangle,


Z Z

g ≤ |g|,

E E

s’obtient du théorème précédent en y choisissant f = ±g.

On résume les deux théorèmes précédents en disant que L1 (E) est un


espace vectoriel réel sur lequel
Z
f 7→ f
E

est une forme linéaire positive. L’espace L1 ([a, b]) contient l’espace C([a, b])
des fonctions continues.

Théorème 18 Soient f : [a, b] → R une fonction continue et F : [a, b] → R


la fonction définie par Z x
F (x) = f (t) dt.
a
Alors, pour tout x ∈]a, b[,
F 0 (x) = f (x).

Démonstration.
Les propriétés de linéarité, de positivité et d’additivité finie de l’intégrale
entraı̂nent que

1 x+h

F (x + h) − F (x)
Z
− f (x) ≤
|f (t) − f (x)| dt
h h x

30
si h > 0 et
Z x
F (x + h) − F (x) 1
− f (x) ≤
|f (t) − f (x)| dt
h |h| x+h

si h < 0. Dans les deux cas,



F (x + h) − F (x)
− f (x) ≤ sup |f (t) − f (x)|
h
|t−x|≤|h|

ce qui permet de conclure. C.Q.F.D.

Remarque. Le théorème précédent montre que, pour une fonction f conti-


nue sur un intervalle compact [a, b], l’intégrale de Lebesgue coı̈ncide avec
l’intégrale de Riemann et peut être évaluée au moyen du théorème fonda-
mental du calcul : si F est une primitive quelconque de f (c’est-à-dire une
fonction F telle que F 0 = f ),
Z b
f = F (b) − F (a).
a

Il faut cependant noter qu’il existe des fonctions continues telles que
Z b
lim f existe
b→+∞ a

bien que Z +∞
|f | = +∞.
a

Une fonction à valeurs dans [0, +∞] apparaı̂t dans le théorème suivant.
La mesurabilité et l’intégrale d’une telle fonction sont définies exactement
comme pour les fonctions positives (à valeur dans [0, +∞[ ). Si l’ensemble
E∞ des points où elle est infinie est de mesure strictement positive, son
intégrale est aussi infinie alors que si cet ensemble est de mesure nulle,
l’intégrale peut être finie ou infinie. On peut alors redéfinir la fonction
sur l’ensemble E∞ (en la posant égale à 0 par exemple) sans modifica-
tion substantielle de ses autres propriétés. Comme nous l’avons remarqué,
le théorème de la convergence monotone reste valable si la fonction limite
est à valeurs dans [0, +∞].

31
Théorème 19 (Fatou) Soient E ⊆ R un ensemble mesurable et fn : E → R
des fonctions mesurables positives. Alors
Z Z
lim inf fn ≤ lim inf fn .
E n→+∞ n→+∞ E

Démonstration.
Les fonctions gn : E → R définies par les relations

gn = inf fk
k≥n

forment une suite croissante de fonctions mesurables positives telle que

gn ≤ fn .

D’où Z Z
lim gn ≤ lim inf fn .
n→+∞ E n→+∞ E
En vertu du théorème de la convergence monotone,
Z Z Z
lim gn = lim gn = lim inf fn
n→+∞ E E n→+∞ E n→+∞

ce qui termine la démonstration. C.Q.F.D.

Remarque. En vertu du lemme de Fatou, pour montrer que

lim inf fn < +∞


n→+∞

presque partout sur E, il suffit de montrer que


Z
lim inf fn < +∞.
n→+∞ E

Théorème 20 (convergence dominée) Soient E ⊆ R un ensemble me-


surable et fn : E → R des fonctions intégrables qui convergent vers une fonc-
tion f : E → R. Supposons qu’il existe une fonction intégrable g : E → R
telle que |fn (x)| ≤ g(x) pour n ∈ N et pour tout x ∈ E. Alors
Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E

32
Démonstration.
On a |f | ≤ g et la fonction f est intégrable. Appliquons le lemme de
Fatou aux fonctions 2g − |f − fn |. On obtient
Z Z Z
2g = lim inf (2g − |f − fn |) ≤ lim inf (2g − |f − fn |)
E EZ n→+∞ Z Z
n→+∞ E
Z
= lim inf ( 2g − |f − fn |) = 2g − lim sup |f − fn |.
n→+∞ E E E n→+∞ E

Ceci implique Z
lim |f − fn | = 0
n→+∞ E

et, à fortiori, Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E
C.Q.F.D.

P+∞ 21 Soient fk : E → R des fonctions mesurables telles que la


Théorème
série k=1 fk converge sur E. Alors
Z X+∞ +∞ Z
X
fk = fk
E k=1 k=1 E

pourvu
P+∞ que les fonctions fk soient positives sur E ou pourvu que la série
k=1 |fk | converge et que sa somme soit intégrable sur E.

Démonstration.
On a
+∞
Z X Z n
X n
Z X
fk = lim fk = lim fk
E k=1 E n→+∞ k=1 n→+∞ E
k=1
Xn Z +∞ Z
X
= lim fk = fk ,
n→+∞ E E
k=1 k=1

la permutation de la limite et de l’intégrale étant justifiée par le théorème


de la convergence monotone lorsque les fonctions fk sont positivesP et par le
théorème de la convergence dominée de Lebesgue lorsque la série +∞ k=1 |fk |
converge vers une fonction intégrable : le rôlePdes fonctions fn dans ce
théorème est ici joué par les sommes partielles nk=1 fk ,
n
X
fn −→ fk ,
k=1

33
P+∞
et celui de la fonction g par la somme k=1 |fk | :
+∞
X
g −→ |fk |.
k=1

C.Q.F.D.

Remarque. Soient Ak ⊆ R des ensembles mesurables deux à deux dis-


joints et f : R → R une fonction mesurable. Alors
Z +∞ Z
X
P+∞ f= f
k=1 Ak k=1 Ak

P+∞
pourvu
P+∞ que f soit positive sur k=1 Ak ou pourvu que f soit intégrable sur
k=1 A k (additivité de l’intégrale). Ceci suit en effet du théorème précédent
en l’appliquant à l’ensemble E = R et aux fonctions fk = f IAk .

Théorème 22 Soit f : [a, b] × (α, β) → R une fonction admettant une


dérivée partielle par rapport à son deuxième argument. Supposons que les
fonctions
∂f
x 7→ f (x, t) et x 7→ (x, t)
∂t
soient intégrables pour chaque t ∈ (α, β), que la fonction
∂f
t 7→ (x, t)
∂t
soit continue pour chaque x ∈ [a, b] et supposons enfin que la fonction
∂f
(x, t)
∂t
soit bornée sur [a, b] × (α, β). Alors

d b
Z Z b
∂f
f (x, t) dx = (x, t) dx.
dt a a ∂t

Démonstration.
En vertu du théorème des accroissements finis, il existe pour chaque
x ∈ [a, b] un nombre θx (t) ∈ [0, 1] tel que
Z b Z b
f (x, t + h) − f (x, t) ∂f
dx = (x, t + θx (t)h) dx.
a h a ∂t

34
Puisque
∂f ∂f
(x, t + θx (t)h) =
lim (x, t)
h→0 ∂t ∂t
et puisque qu’il existe une constante K > 0 telle que

∂f
(x, t + θx (t)h) ≤ K,
∂t

le théorème de la convergence dominée (qui reste valable même si h approche


0 de façon continue) implique
b b
f (x, t + h) − f (x, t)
Z Z
d
f (x, t) dx = lim dx
dt a h→0 a h
Z b Z b Z b
∂f ∂f ∂f
= lim (x, t + θx (t)h) dx = lim (x, t + θx (t)h) dx = (x, t) dx.
h→0 a ∂t a h→0 ∂t a ∂t

C.Q.F.D.

4.1 Exercices
1. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que, pour tout x0 ∈ R, la fonction x 7→
f (x + x0 ) est intégrable et
Z +∞ Z +∞
f (x + x0 ) dx = f (x) dx.
−∞ −∞

2. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que, pour tout k ∈ R, k 6= 0, la fonction


x 7→ f (kx) est intégrable et
Z +∞ Z +∞
1
f (kx) dx = f (x) dx.
−∞ |k| −∞

3. Soit f ∈ L1 (E). Montrer que, quel que soit  > 0, on peut trouver une
fonction mesurable étagée ϕ telle que
Z
|f − ϕ| < .
E

4. Soient f ∈ L1 (E) et g : E → R une fonction R coı̈ncidant presque


partout avec f . Montrer que g ∈ L1 (E) et que E g = E f .
R

5. Obtenir la propriété de continuité de la mesure à partir du théorème


de la convergence monotone.

35
6. Déduire le théorème de la convergence monotone du lemme de Fatou.
7. Montrer que l’on peut avoir inégalité stricte dans le lemme de Fatou.
8. Le lemme de Fatou reste-t-il vrai si on y remplace lim inf par lim sup ?
9. Soit
fn (x) = ne−n|x| .
Vérifier que, pour tout x 6= 0,

lim fn (x) = 0.
n→+∞

Calculer ensuite Z +∞
lim fn (x) dx.
n→+∞ −∞

10. Vérifier que les fonctions


1
fn = I 2
n [0,n ]
convergent vers 0 uniformément sur l’axe réel. Calculer ensuite
Z +∞
lim fn .
n→+∞ −∞

11. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que


Z
lim f = 0.
n→+∞ |x|>n

12. Soit f ∈ L1 (R). Est-il nécessairement vrai que

lim f (x) = 0?
|x|→+∞

13. Soit f ∈ L1 (R). Déterminer


Z +∞
lim f (x) sinn x dx.
n→+∞ −∞

14. Calculer Z n
x n −2x
lim 1+ e dx.
n→+∞ 0 n

36
15. Montrer que
Z b
sin x
lim dx existe
b→+∞ 0 x
puis vérifier que
+∞
Z
sin x dx = +∞.

x
0

Suggestion. Pour la première partie de la question, intégrer par parties.


16. Soient fn : E → R des fonctions mesurables positives qui décroissent
vers une fonction f : E → R. Montrer que
Z Z
lim fn = f
n→+∞ E E

pourvu que f1 soit intégrable. Cette dernière condition est-elle indis-


pensable ?
17. Soient fn : E → R des fonctions intégrables qui croissent vers une
fonction f : E → R. Montrer que
Z Z
lim fn = f
n→+∞ E E

pourvu qu’il existe K ∈ R tel que


Z
fn ≤ K
E

pour tout n ∈ N.
18. Soient fn : E → R des fonctions mesurables positives qui convergent
vers une fonction f : E → R de telle sorte que fn ≤ f pour tout n ∈ N.
Montrer que Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E

19. Soient fn : E → R des fonctions intégrables telles que |fn | ≤ g pour


tout n ∈ N où la fonction g : E → R est intégrable. Montrer qu’alors
Z Z Z Z
lim inf fn ≤ lim inf fn ≤ lim sup fn ≤ lim sup fn .
E n→+∞ n→+∞ E n→+∞ E E n→+∞

20. Soient fn : E → R des fonctions mesurables qui convergent vers


une fonction f : E → R, gn : E → R des fonctions intégrables qui

37
convergent vers une fonction intégrable g : E → R et supposons que
|fn | ≤ gn pour tout n ∈ N. Montrer que dans ce cas
Z Z Z Z
lim fn = f pourvu que lim gn = g.
n→+∞ E E n→+∞ E E

Suggestion : considérer les fonctions g + gn − |f − fn |.


21. Montrer que
Z +∞ +∞
x X 1
dx = .
0 ex − 1 k2
k=1

22. Montrer que, quel que soit t > 0, la fonction x 7→ e−x xt−1 est intégrable
sur [0, +∞[.
23. Justifier la dérivation sous le signe intégral :

d +∞ −x t−1
Z Z +∞
e x dx = e−x xt−1 log x dx.
dt 0 0

38
5 ESPACES DE LEBESGUE
Nous allons maintenant obtenir des propriétés supplémentaires des fonc-
tions intégrables considérées dans leur ensemble, en tant qu’espaces vecto-
riels. Nous démontrerons les inégalités de Hölder et de Minkowski, intro-
duirons la notion de convergence en moyenne et étudierons un théorème
d’approximation.

Soient E ⊆ R un ensemble mesurable. Les espaces de Lebesgue Lp (E)


sont définis de la façon suivante. Si f : E → R est une fonction mesurable
et 0 < p < +∞, on pose
Z 1/p
p
kf kp = |f |
E
et
Lp (E) = {f | kf kp < +∞}
désigne la classe des fonctions mesurables de pième puissance intégrable sur
E. L’espace L∞ (E) quant à lui désigne la classe des fonctions mesurables
essentiellement bornées sur E, c’est-à-dire qui sont bornées presque partout
sur E. Si f ∈ L∞ (E), il existe un ensemble F ⊆ E tel que λ(EF c ) = 0 et
kf kF = sup |f (x)| < +∞.
x∈F

Ces nombres kf kF majorant f presque partout sur E forment un intervalle


( kf k∞ , +∞[. Cet intervalle est fermé à gauche. En effet, pour tout n ∈ N,
on a
1
|f (x)| < kf k∞ + sur Fn avec λ(EFnc ) = 0.
n
Donc
!c !
\ \
|f (x)| ≤ kf k∞ sur Fn avec λ E Fn = 0.
n∈N n∈N

Le nombre kf k∞ est la borne supérieure essentielle de f sur E.

Exemple. L’espace C([a, b]) des fonctions continues est un sous-espace de


Lp ([a, b]) pour tout 0 < p ≤ +∞ et si f ∈ C([a, b]), kf k∞ = supa≤x≤b |f (x)|.

L’étude des espaces de Lebesgue s’appuie sur la notion de convexité.


Une fonction φ : (a, b) → R est une fonction convexe si, quels que soient
x1 , x2 ∈ (a, b) et quel que soit α ∈ ]0, 1[ , on a
φ(αx1 + (1 − α)x2 ) ≤ αφ(x1 ) + (1 − α)φ(x2 ).

39
Lorsque l’inégalité est renversée, la fonction est dite concave.

Théorème 23 Soit φ : (a, b) → R une fonction dérivable. Elle est convexe


si et seulement si sa dérivée est croissante.

Démonstration.
La condition est nécessaire. Soient x1 < x2 . Si x1 < x < x2 , on peut
écrire
x2 − x x − x1
x= x1 + x2
x2 − x1 x2 − x1
de telle sorte que
x2 − x x − x1
φ(x) ≤ φ(x1 ) + φ(x2 ).
x2 − x1 x2 − x1
Donc
φ(x) − φ(x1 ) φ(x2 ) − φ(x1 ) φ(x2 ) − φ(x)
≤ ≤
x − x1 x2 − x1 x2 − x
et, en passant à la limite,

φ(x2 ) − φ(x1 )
φ0 (x1 ) ≤ ≤ φ0 (x2 ).
x2 − x1
La condition est suffisante. Soient x1 < x < x2 . L’inégalité à vérifier,
x2 − x x − x1
φ(x) ≤ φ(x1 ) + φ(x2 ),
x2 − x1 x2 − x1
est équivalente à l’inégalité
x2 − x x − x1
(φ(x) − φ(x1 )) ≤ (φ(x2 ) − φ(x)).
x2 − x1 x2 − x1
Or, en vertu du théorème des accroissements finis, il existe t1 ∈ ]x1 , x[ et
t2 ∈ ]x, x2 [ tels que

φ(x) − φ(x1 ) = φ0 (t1 )(x − x1 ) , φ(x2 ) − φ(x) = φ0 (t2 )(x2 − x).

Puisque t1 < x < t2 , on a φ0 (t1 ) ≤ φ0 (t2 ). C.Q.F.D.

40
Théorème 24 (Hölder) Si f ∈ Lp (E) et g ∈ Lq (E) où p, q ∈ [1, +∞] sont
conjugués, c’est-à-dire tels que
1 1
+ = 1,
p q

alors f g ∈ L1 (E) et
kf gk1 ≤ kf kp kgkq
avec égalité lorsque 1 < p < +∞ si et seulement si le rapport |f |p /|g|q est
constant presque partout sur E.
Démonstration.
Si p = 1, l’inégalité

|f (x)g(x)| ≤ |f (x)|kgk∞

est valable presque partout sur E donc la fonction f g est intégrable et

kf gk1 ≤ kf k1 kgk∞ .

Si 1 < p < +∞, nous pouvons supposer que kf kp > 0 et que kgkq > 0
puisqu’autrement f g = 0 presque partout sur E. Choisissons
|f (x)| p |g(x)| q
   
1
x1 = , x2 = , α=
kf kp kgkq p

dans l’inégalité suivante (qui résulte de la concavité du logarithme) :

xα1 x1−α
2 ≤ αx1 + (1 − α)x2

puis intégrons. Nous obtenons d’abord


1 |f (x)| p 1 |g(x)| q
   
|f (x)g(x)|
≤ +
kf kp kgkq p kf kp q kgkq
puis
kf gk1 1 1
≤ + = 1.
kf kp kgkq p q
La discussion du cas d’égalité est laissée en exercice (exercice 4, page 50).
C.Q.F.D.

Lorsque λ(E) < +∞,

p < q implique Lq (E) ⊆ Lp (E)

41
puisqu’alors
kf kp ≤ kf kq (λ(E))1/p−1/q .
En particulier, on a

C([a, b]) ⊆ L∞ ([a, b]) ⊆ L2 ([a, b]) ⊆ L1 ([a, b]).

Si p = 2, q = 2 lui aussi et si l’on pose


Z
< f, g > = f g,
E

l’inégalité de Hölder s’écrit

| < f, g > | ≤ kf k2 kgk2

(c’est l’inégalité de Cauchy-Schwarz pour les intégrales).

Théorème 25 (Minkowski) Soit 1 ≤ p ≤ +∞. Si f, g ∈ Lp (E), alors


f + g ∈ Lp (E) et
kf + gkp ≤ kf kp + kgkp
avec égalité lorsque 1 < p < +∞ si et seulement si le rapport f /g est égal à
une constante positive presque partout sur E.
Démonstration.
Si p = 1, l’inégalité |f (x)+g(x)| ≤ |f (x)|+|g(x)| entraı̂ne, par intégration,

kf + gk1 ≤ kf k1 + kgk1 .

Si p = +∞, l’inégalité |f (x) + g(x)| ≤ kf k∞ + kgk∞ qui est vraie presque


partout sur E entraı̂ne l’inégalité

kf + gk∞ ≤ kf k∞ + kgk∞ .

Si, enfin, 1 < p < +∞, l’inégalité

|f (x) + g(x)|p ≤ 2p (|f (x)|p + |g(x)|p )

montre que f + g ∈ Lp (E). De plus, en vertu de l’inégalité de Hölder,


Z Z Z
p p−1
|f + g| ≤ |f + g| |f | + |f + g|p−1 |g|
E E E
Z 1−1/p
≤ |f + g|p (kf kp + kgkp )
E

42
de telle sorte que
kf + gkp ≤ kf kp + kgkp .
La discussion du cas d’égalité est laissée en exercice (exercice 10, page 50).
C.Q.F.D.

On dit que les fonctions fn ∈ Lp (E) convergent au sens de Lp (E) vers


une fonction f ∈ Lp (E) si

lim kfn − f kp = 0.
n→+∞

(Lorsque 1 ≤ p < +∞, on parle souvent de convergence en moyenne d’ordre


p et lorsque p = +∞ de convergence presqu’uniforme.)

Théorème 26 (Riesz-Fischer) Soit 1 ≤ p ≤ +∞. Une condition nécessaire


et suffisante pour que les fonctions fn ∈ Lp (E) admettent une limite au sens
de Lp (E) est que
lim kfm − fn kp = 0.
m,n→+∞

Démonstration.
La condition est nécessaire. Si en effet les fonctions fn convergent vers
une fonction f ∈ Lp (E) au sens de Lp (E), à chaque  > 0 correspond un
indice n tel que

kfm − fn kp ≤ kfm − f kp + kf − fn kp < 2

dès que m, n ≥ n .
La condition est suffisante.
Considérons d’abord le cas où p = +∞. Il existe des ensembles Fm,n ⊆ E
tels que
c
kfm − fn k∞ = sup |fm (x) − fn (x)| et λ(EFm,n ) = 0.
x∈Fm,n

Posons \
F = Fm,n .
m,n∈N

Alors λ(EF c ) = 0 et, quels que soient m, n ∈ N,

|fm (x) − fn (x)| ≤ kfm − fn k∞ si x ∈ F

43
de telle sorte que, en vertu du critère de Cauchy,

lim fn (x) existe si x ∈ F.


n→+∞

La fonction f : E → R définie par



limn→+∞ fn (x) si x ∈ F
f (x) =
0 si x ∈ EF c

est mesurable. De plus, si x ∈ F ,

|f (x) − fn (x)| = lim |fm (x) − fn (x)| ≤ lim kfm − fn k∞ ≤ 


m→+∞ m→+∞

dès que n ≥ n . Ceci montre que f ∈ L∞ (E) et que

lim kf − fn k∞ = 0.
n→+∞

Envisageons maintenant le cas où 1 ≤ p < +∞. Pour chaque k ∈ N, il


existe un indice nk tel que
1
kfm − fn kpp ≤ dès que m, n ≥ nk .
3k
En particulier, les indices n1 < n2 < n3 < · · · sont tels que
1
kfnk − fnk+1 kpp ≤ .
3k
Considérons la suite partielle {fnk }k∈N de la suite {fn }n∈N et vérifions qu’elle
converge presque partout sur E ou, ce qui revient au même, que la série
+∞
X
fn1 + (fnk+1 − fnk )
k=1

converge presque partout sur E. Cette série converge même absolument


presque partout sur E. Soit en effet
1
Ak = {x | |fnk+1 (x) − fnk (x)|p ≥ }.
2k
Alors
2k
Z
λ(Ak ) ≤ |fnk+1 − fnk |p 2k ≤ kfnk − fnk+1 kpp 2k ≤
Ak 3k

44
de telle sorte que
 
[ X 2k 2N
λ Ak  ≤ = 3 .
3k 3N
k≥N k≥N
S
Si x ∈
/ k≥N Ak ,
1
|fnk+1 (x) − fnk (x)| <
2k/p
pour tout k ≥ N et
+∞
X
|fnk+1 (x) − fnk (x)| < +∞.
k=1

La série est donc absolument convergente sur le complémentaire d’un en-


semble de mesure arbitrairement petite. Elle converge presque partout. Désignons
par F l’ensemble où la suite partielle converge et considérons la fonction
f : E → R définie par

limk→+∞ fnk (x) si x ∈ F
f (x) =
0 si x ∈ EF c .
Elle est mesurable et, en vertu du lemme de Fatou,
Z Z
|f − fnk |p ≤ lim inf |fnj − fnk |p
E j→+∞ E

ce qui montre que f ∈ Lp (E)


et que les fonctions fnk convergent en moyenne
d’ordre p vers f . Finalement, l’inégalité
kf − fn kp ≤ kf − fnk kp + kfnk − fn ||p
implique que la suite {fn }n∈N toute entière converge en moyenne d’ordre p
vers f . C.Q.F.D.

Remarque. Le raisonnement précédent a de plus montré que toute suite


de fonctions fn ∈ Lp (E) qui converge au sens de Lp (E) vers une fonction
f ∈ Lp (E) contient une suite partielle qui converge aussi presque partout
vers f .

Dans le théorème suivant, le support supp(f ) d’une fonction f désigne le


plus petit ensemble fermé à l’extérieur duquel elle s’annule. Cc∞ (R) désigne
l’espace vectoriel des fonctions R → R indéfiniment dérivables à support
compact (dites souvent fonctions de test).

45
Théorème 27 Soit 1 ≤ p < +∞. Alors la classe Cc∞ (R) des fonctions
R → R indéfiniment dérivables à support compact est dense dans Lp (R).

Démonstration.
Il s’agit de montrer qu’à chaque fonction f ∈ Lp (R) et à chaque  > 0
correspond une fonction gf, ∈ Cc∞ (R) telle que

kf − gf, kp < .

La démonstration se fait en plusieurs étapes.


Observons d’abord que f ∈ Lp (R) si et seulement si f+ , f− ∈ Lp (R). La
relation

kf − (gf+ , − gf− , )kp ≤ kf+ − gf+ , kp + kf− − gf− , kp

montre qu’il suffit de d’établir l’énoncé pour une fonction de f ∈ Lp (R)


positive.
Il existe alors une suite de fonctions mesurables positives étagées ϕn qui
croissent vers f et, en vertu des relations

|f − ϕn |p = (f − ϕn )p ≤ f p

et du théorème de Lebesgue sur la convergence dominée,

lim kf − ϕn kp = 0.
n→+∞

Il suffit donc de démontrer l’énoncé pour une fonction de Lp (R) positive


étagée. PN
Une telle fonction admettant une représentation du type k=1 ak IEk
où λ(Ek ) < +∞ pour 1 ≤ k ≤ N , il suffit de démontrer l’énoncé pour la
fonction indicatrice d’un ensemble mesurable de mesure finie.
A un tel ensemble E et à chaque  > 0 correspond un ensemble ouvert
O qui contient E et qui est tel que

λ(E) < λ(O) < λ(E) + 

de telle sorte que


kIE − IO kpp = λ(OE c ) < .
Il suffit donc de démontrer l’énoncé pour la fonction indicatrice d’un en-
semble ouvert de mesure finie.

46
0.35
0.3
0.25
0.2 hx
0.15
0.1
0.05

-1.5 -1 -0.5 0.5 1 1.5

Fig. 1 – Une fonction de test

P
Puisqu’un tel ensemble O admet une représentation O = k Ik où les
intervalles ouverts Ik sont de mesure finie et puisqu’alors
N
X +∞
X
kIO − IIk kpp = λ(Ik ) < 
k=1 k=N +1

dès que N est assez grand, il suffit de démontrer l’énoncé pour la fonction
indicatrice d’un intervalle ouvert de mesure finie ]a, b[.
Pour ce faire, introduisons la fonction h : R → R définie par
2)
h(x) = e−1/(1−x I]−1,+1[ (x).

(Figure 1). On vérifie par récurrence sur n que

pn (x)
h(n) (x) = h(x)
(1 − x2 )2n

où pn (x) est un polynôme en x, ce qui montre que h ∈ Cc∞ (R) et que
supp(h)= [−1, +1]. Soit
Z +∞
H= h(x) dx.
−∞

Considérons le produit de convolution


Z +∞   Z +∞
1 x − y dy 1
gδ (x) = I]a,b[ (y) h = I]a,b[ (x − zδ) h(z) dz.
−∞ H δ δ −∞ H

47
Dans la première expression, la dérivation sous le signe intégral est aisément
justifiée et montre que gδ ∈ Cc∞ (R) avec supp(gδ )= [a − δ, b + δ]. Dans
la deuxième expression, le théorème de la convergence dominée permet de
passer la limite sous le signe intégral et entraı̂ne que

lim gδ (x) = I]a,b[ (x).


δ→0

Enfin, la relation

|gδ (x) − I]a,b[ (x)| ≤ 2 I[a−1,b+1] (x)

(qui est valable dès que δ < 1) implique, toujours par convergence dominée,
que
lim kgδ − I]a,b[ kp = 0.
δ→0

C.Q.F.D.

Introduisons sur l’espace Lp (E) une relation d’équivalence en posant

f ≡ g si f = g presque partout sur E

et désignons par Lp (E) l’espace des classes d’équivalence [f ]. On en fait un


espace vectoriel réel en posant

[f ] + [g] = [f + g] , α[f ] = [αf ].

Ces définitions sont justifiées car si f ≡ f1 et g ≡ g1 , alors f + g ≡ f1 + g1


puisque

{x | f1 (x) + g1 (x) 6= f (x) + g(x)} ⊆ {x | f1 (x) 6= f (x)} ∪ {x | g1 (x) 6= g(x)}.

L’espace Lp (E) devient un espace vectoriel normé si l’on pose

k [f ] kp = kf kp .

La fonction [f ] 7→ k [f ] kp satisfait en effet les trois conditions que doit


remplir une norme sur un espace vectoriel réel, à savoir
1. k [f ] kp = 0 si et seulement si [f ] = 0,
2. k α[f ] kp = |α| k [f ] kp pour tout α ∈ R,
3. k [f ] + [g] kp ≤ k [f ] kp + k [g] kp .

48
(Le passage aux classes d’équivalence a pour but d’avoir k [f ] kp = 0 si et
seulement si [f ] = 0).
Le théorème de Riesz-Fischer affirme alors que l’espace Lp (E) est com-
plet : le critère de Cauchy y est une condition nécessaire et suffisant pour la
convergence. (Un espace vectoriel normé complet est généralement appelé
espace de Banach.) Si p = 2, nous avons affaire à un espace de Hilbert
car la norme provient d’un produit scalaire

< [f ], [g] >=< f, g > .

La fonction ([f ], [g]) 7→< [f ], [g] > a effectivement toutes les propriétés re-
quises d’un produit scalaire sur un espace vectoriel réel :
1. < [f ], [f ] > ≥ 0 avec égalité si et seulement si [f ] = 0,
2. < [f ], [g] >=< [g], [f ] >,
3. < α1 [f1 ] + α2 [f2 ], [g] >= α1 < [f1 ], [g] > +α2 < [f2 ], [g] > .
Pour 1 ≤ p < +∞, le théorème d’approximation exprime que les espaces
Lp ([a, b]) constituent la complétion métrique de l’espace C([a, b]) relative-
ment à la distance kf − gkp : en particulier, les fonctions continues sont
denses dans l’espace des fonctions intégrables. (Une fonction f ∈ Lp ([a, b])
peut toujours être considérée comme une fonction dans Lp (R) en la prolon-
geant par 0 à l’extérieur de l’intervalle [a, b].)

5.1 Exercices
1. Soit φ : (a, b) → R une fonction convexe. Montrer par récurrence sur
n que, quels que soient x1 , x2 , . . . , xn ∈ (a, b) et α1 , α2 , . . . , αn ∈]0, 1[
tels que α1 + α2 + · · · + αn = 1, on a
n n
!
X X
φ αk xk ≤ αk φ(xk )
k=1 k=1

(Inégalité de Jensen).
2. Obtenir l’inégalité entre la moyenne arithmétique et la moyenne géométrique
de n nombres positifs a1 , a2 , . . . , an ,

n
!1/n n
Y 1X
ak ≤ ak ,
n
k=1 k=1

en y précisant les conditions d’égalité.

49
3. Soit φ : (a, b) → R une fonction convexe dérivable. Montrer que son
graphe y = φ(x) est entièrement situé au-dessus de n’importe laquelle
de ses tangentes y = φ(x0 ) + φ0 (x0 )(x − x0 ).
4. Discuter le cas d’égalité dans l’inégalité de Hölder (lorsque 1 < p < +∞).
5. Soient 1 < p, q, r < +∞ des nombres tels que
1 1 1
+ + =1
p q r
et
f ∈ Lp (R), g ∈ Lq (R), h ∈ Lr (R).
Montrer que f gh ∈ L1 (R) et que

kf ghk1 ≤ kf kp kgkq khkr .

6. Montrer que, si f ∈ L∞ ([a, b]),

kf k∞ = lim kf kp .
p→+∞

7. Soient f ∈ Lp ([0, +∞[ ) et g ∈ Lq ([0, +∞[ ) où 1 ≤ p, q ≤ +∞ sont


conjugués. Calculer
Z T
1
lim f (s)g(s) ds.
T →+∞ T 0

8. Soit f : [0, A] → R une fonction s’annulant à l’origine et admettant


une dérivée continue. Montrer que, quel que soit p ≥ 1, on a
A
kf kp ≤ kf 0 kp .
p1/p
L’égalité est-elle possible ?
9. Montrer que L2 (R) * L1 (R) et que L1 ([0, 1]) * L2 ([0, 1]).
10. Discuter le cas d’égalité dans l’inégalité de Minkowski (lorsque 1 < p < +∞).
11. Soient f, g ∈ L2 (E). Montrer que
1
kf k22 + kgk22 = (kf + gk22 + kf − gk22 )
2
(identité du parallélogramme).

50
12. Soit 0 < p < 1. Montrer que si f, g ∈ Lp (E), alors f + g ∈ Lp (E) mais
que l’inégalité
kf + gkp ≤ kf kp + kgkp
n’est plus nécessairement satisfaite.
13. On considère les fonctions fn : [0, 1] → R définies par

 2nα+β x si 0 ≤ x ≤ 1/(2nα )

fn (x) = 2n (1 − n x) si 1/(2nα ) ≤ x ≤ 1/nα


β α

0 si 1/nα ≤ x ≤ 1.

Montrer qu’elles convergent vers 0 en chaque point x ∈ [0, 1]. Déterminer


les valeurs de p pour lesquelles elles convergent au sens de Lp ([0, 1]).
14. On dit d’une suite de fonctions mesurables fn : E → R qu’elles
convergent en mesure sur E vers une fonction mesurable f : E → R
si, quel que soit δ > 0,

lim λ{x | |fn (x) − f (x)| > δ} = 0.


n→+∞

Montrer que la convergence au sens de Lp (E) (1 ≤ p ≤ +∞) entraı̂ne


la convergence en mesure.
15. Soient 1 ≤ p, q ≤ +∞ des exposants conjugués, fn ∈ Lp (E) des fonc-
tions qui convergent au sens de Lp (E) vers une fonction f ∈ Lp (E) et
gn ∈ Lq (E) des fonctions qui convergent au sens de Lq (E) vers une
fonction g ∈ Lq (E). Montrer que
Z Z
lim fn gn = f g.
n→+∞ E E

16. Montrer que les fonctions fn (x) = sin nx forment dans l’espace L2 ([−π, π])
une suite bornée (kfn k2 restent bornées) qui n’admet aucune suite par-
tielle convergente (au sens de L2 ([−π, π])).
17. Soient fn ∈ Lp (E) des fonctions qui convergent simplement (ponctuel-
lement) vers une fonction f ∈ Lp (E). Montrer qu’elles convergent au
sens de Lp (E) (1 ≤ p < +∞) si et seulement si

lim kfn kp = kf kp .
n→+∞

Suggestion : utiliser le résultat de l’exercice 20, page 37.

51
18. Soit f ∈ Lp (R) (1 ≤ p < +∞). Montrer que
Z +∞ 1/p
p
lim |f (x + h) − f (x)| dx = 0.
h→0 −∞

Suggestion : considérer d’abord une fonction dans Cc∞ (R).


19. Soient 1 ≤ p, q ≤ +∞ des exposants conjugués, f ∈ Lp (R), g ∈ Lq (R)
et Z +∞ Z +∞
h(x) = f (x − t)g(t) dt = f (t)g(x − t) dt
−∞ −∞
leur produit de convolution. Montrer que h est une fonction continue
et bornée sur R.

52
6 DÉRIVATION
Pour étudier jusqu’à quel point les opérations d’intégration et de dérivation
sont les inverses l’une de l’autre, c’est-à-dire sous quelles hypothèses les re-
lations Z x
d
f (t) dt = f (x)
dx a
et Z b
f 0 (t) dt = f (b) − f (a)
a
sont valables, nous allons introduire la classe des fonctions à variation bornée
puis celle des fonctions absolument continues. Nous verrons notamment com-
ment les formules d’intégration par parties et de changement de variables
s’étendent à l’intégrale de Lebesgue.

6.1 Fonctions à variation bornée


Soit f ∈ L1 ([a, b]) et considérons son intégrale définie, la fonction F : [a, b] → R
déterminée par Z x
F (x) = f (t) dt.
a
Une première propriété de cette fonction est sa continuité. Si h > 0,
Z b
F (x + h) − F (x) = I(x,x+h) (t)f (t) dt
a

alors que si h < 0,


Z b
F (x + h) − F (x) = − I(x+h,x) (t)f (t) dt
a

de telle sorte que, en vertu du théorème de la convergence dominée de Le-


besgue,
lim (F (x + h) − F (x)) = 0.
h→0

Une seconde propriété de la fonction F découle de sa représentation


comme la différence de deux fonctions croissantes,
Z x Z x
F = f+ − f− .
a a

En vertu du théorème qui suit, la fonction F est à variation bornée.

53
Une fonction φ : [a, b] → R est une fonction à variation bornée sur
[a, b] si les sommes
n
X
s(φ, P) = |φ(xk ) − φ(xk−1 )|
k=1

restent bornées quelle que soit la partition

P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } , a = x0 < x1 < x2 < · · · < xn = b,

de l’intervalle [a, b]. Sa variation sur l’intervalle [a, b] est alors

var(φ, [a, b]) = sup{s(φ, P) | P}.

Théorème 28 (Jordan) Une fonction φ : [a, b] → R est à variation bornée


sur [a, b] si et seulement si elle peut s’écrire comme la différence de deux
fonctions croissantes sur [a, b].
Démonstration.
La condition est suffisante. Si φ = g−h est la différence de deux fonctions
croissantes, on a
n
X n
X
s(φ, P) ≤ |g(xk ) − g(xk−1 )| + |h(xk ) − h(xk−1 )|
k=1 k=1
n
X n
X
= (g(xk ) − g(xk−1 )) + (h(xk ) − h(xk−1 ))
k=1 k=1
= g(b) − g(a) + h(b) − h(a)

pour toute partition P de [a, b].


La condition est nécessaire. On a en effet, quelque soit c ∈]a, b[, que

var(φ, [a, b]) = var(φ, [a, c]) + var(φ, [c, b])

ce qui montre que la fonction

V (x) = var(φ, [a, x])

est croissante. Il en est de même pour la fonction

j(x) = V (x) − φ(x)

54
puisque, si x1 < x2 ,
j(x2 ) − j(x1 ) = var(φ, [x1 , x2 ]) − (φ(x2 ) − φ(x1 )) ≥ 0.
C.Q.F.D.

Il y a bien sûr plus d’une façon de représenter une fonction à variation


bornée comme la différence de deux fonctions croissantes. La représentation
précédente est, d’une certaine façon, optimale (exercices 2 et 3, page 67).
Il suit de ce théorème que les discontinuités d’une fonction à variation
bornée φ forment un ensemble au plus dénombrable. Ce sont les points x où
φ fait un saut :
φ(x−) = lim φ(x − h) 6= lim φ(x + h) = φ(x+).
h↓0 h↓0

L’étude des fonctions à variations bornées s’appuie sur le théorème suivant.

Théorème 29 (Vitali) Soit E ⊆ R un ensemble de mesure extérieure fi-


nie. Supposons que {Iα }α∈A est une famille (pas nécessairement dénombrable)
d’intervalles d’intérieur non vide ayant la propriété suivante : pour tout
x ∈ E et pour  > 0 arbitrairement petit, on peut trouver α ∈ A tel que
x ∈ Iα et λ(Iα ) < . Alors à chaque  > 0 correspond un ensemble fini
d’intervalles deux à deux disjoints {Iα1 , Iα2 , . . . , IαN } tels que
N
!c !
X
λ∗ E ∩ Iαk < .
k=1

Démonstration.
En considérant si nécessaire leur adhérence, on peut supposer que les
intervalles Iα sont fermés. Soit O ⊆ R un ensemble ouvert de mesure finie
contenant E. En ne considérant si nécessaire que ceux qui le sont, on peut
supposer que tous les intervalles Iα sont contenus dans O.
Formons alors une suite d’intervalles disjoints {Iαk }k de la façon suivante.
Iα1 est choisi arbitrairement. Si les intervalles disjoints Iα1 , Iα2 , . . . , Iαn ont
déjà été choisis, posons
Λn = sup {λ(Iα ) | Iα Iαk = ∅ pour 1 ≤ k ≤ n}
α∈A

et choisissons un intervalle Iαn+1 tel que


Λn
Iαn+1 Iαk = ∅ pour 1 ≤ k ≤ n et λ(Iαn+1 ) > .
2

55
Si ce processus s’arrête après N étapes (faute d’intervalles Iα remplissant la
condition), on a nécessairement
N
X
E⊆ Iαk
k=1

car si !c
N
X
x∈E∩ Iαk ,
k=1

il existe, par hypothèse, un intervalle Iα contenant x et tel que Iα Iαk = ∅


pour 1 ≤ k ≤ N . S’il ne s’arrête jamais, la relation
+∞
X
λ(Iαk ) ≤ λ(O) < +∞
k=1

implique que
lim λ(Iαk ) = 0
k→+∞

et aussi que l’on peut trouver N tel que


X
λ(Iαk ) < /5.
k>N

Montrons que dans ce cas,


N
!c !
X

λ E∩ Iαk < .
k=1

Soit en effet !c
N
X
x∈E∩ Iαk .
k=1

Il existe, par hypothèse, un intervalle Iα0 contenant x et tel que Iα0 Iαk = ∅
pour 1 ≤ k ≤ N . D’autre part, il doit aussi exister des intervalles de la suite
{Iαk }k∈N tels que Iα0 Iαk 6= ∅. Autrement on aurait λ(Iα0 ) ≤ Λk < 2 λ(Iαk+1 )
pour tout k ∈ N, ce qui impliquerait λ(Iα0 ) = 0. Soit donc Iαn le premier
des intervalles de la suite {Iαk }k∈N tel que Iα0 Iαn 6= ∅. Alors n > N et

λ(Iα0 ) ≤ Λn−1 < 2 λ(Iαn ).

56
Ainsi la distance de x au centre xn de l’intervalle Iαn est au plus
1 5
λ(Iα0 ) + λ(Iαn ) < λ(Iαn )
2 2
et
5 5
x ∈ [xn − λ(Iαn ), xn + λ(Iαn )].
2 2
Donc !c !
N
X X
λ∗ E∩ Iαk ≤ 5 λ(Iαn ) < .
k=1 n>N
C.Q.F.D.

Théorème 30 (Lebesgue) Une fonction à variation bornée φ : [a, b] → R


est dérivable presque partout.
Démonstration.
On peut supposer que φ est croissante et, en posant φ(x) = φ(a) si x < a
et φ(x) = φ(b) si x > b, que l’intervalle [a, b] est symétrique par rapport à
l’origine. Considérons les dérivées de Dini de φ en un point x ∈]a, b[ :
φ(x − h) − φ(x)
D− φ(x) = lim inf
h↓0 −h
φ(x − h) − φ(x)
D− φ(x) = lim sup
h↓0 −h
φ(x + h) − φ(x)
D+ φ(x) = lim inf
h↓0 h
φ(x + h) − φ(x)
D+ φ(x) = lim sup .
h↓0 h
Il s’agit de montrer que l’on a

D− φ(x) = D− φ(x) = D+ φ(x) = D+ φ(x) < +∞

presque partout sur ]a, b[. Il suffit en fait de montrer que

D+ φ(x) ≤ D− φ(x) < +∞

presque partout sur ]a, b[. En considérant la fonction croissante ψ(x) =


−φ(−x) pour laquelle D− ψ(−x) = D+ φ(x) et D+ ψ(−x) = D− φ(x), cette
relation entraı̂nera en effet d’abord que D− φ(x) ≤ D+ φ(x) puis que

D− φ(x) ≤ D− φ(x) ≤ D+ φ(x) ≤ D+ φ(x) ≤ D− φ(x) < +∞

57
presque partout sur ]a, b[. On a
[
{x | D+ φ(x) > D− φ(x)} = {x | D+ φ(x) > s > t > D− φ(x)}
s,t∈Q

et il s’agit de voir que, quels que soient s, t ∈ Q,

λ∗ ({x | D+ φ(x) > s > t > D− φ(x)}) = 0.

Posons
E = {x | D+ φ(x) > s > t > D− φ(x)}.
Soit O ⊆ R un ensemble ouvert contenant E et tel que λ(O) < λ∗ (E) + .
Si x ∈ E,
φ(x − h) − φ(x)
D− φ(x) = lim inf < t.
h↓0 −h
Donc pour chaque x ∈ E et pour h > 0 arbitrairement petit, il existe un
intervalle [x − h, x] ⊆ O tel que

φ(x) − φ(x − h) < th.

En vertu du théorème de Vitali, on peut trouver

{[x1 − h1 , x1 ], [x2 − h2 , x2 ], . . . , [xN − hN , xN ]}

disjoints tels que, si


N
X
D= ]xk − hk , xk [ ,
k=1
on ait
λ∗ (ED) > λ∗ (E) − .
De plus,
N
X N
X
(φ(xk ) − φ(xk − hk )) < t hk < tλ(O) < t(λ∗ (E) + ).
k=1 k=1

Si y ∈ ED,
φ(y + h) − φ(y)
D+ φ(y) = lim sup > s.
h↓0 h
Donc pour chaque y ∈ ED et pour H > 0 arbitrairement petit, il existe un
intervalle [y, y + H] ⊆ D tel que

φ(y + H) − φ(y) > sH.

58
En vertu du théorème de Vitali, on peut trouver
{[y1 , y1 + H1 ], [y2 , y2 + H2 ], . . . , [yM , yM + HM ]}
disjoints tels que, si
M
X
G= ]yj , yj + Hj [ ,
j=1
on ait
λ∗ (EG) > λ∗ (ED) −  > λ∗ (E) − 2.
De plus,
M
X M
X
(φ(yj + Hj ) − φ(yj )) > s Hj > s(λ∗ (E) − 2).
j=1 j=1

Maintenant remarquons que chaque intervalle ]yj , yj + Hj [ doit être contenu


dans l’un des intervalles ]xk − hk , xk [. En regroupant les termes de la somme
M
X
(φ(yj + Hj ) − φ(yj ))
j=1

suivant les intervalles ]xk − hk , xk [ auxquels ils correspondent et en utilisant


le fait que la fonction φ est croissante, on obtient
M
X N
X
(φ(yj + Hj ) − φ(yj )) ≤ (φ(xk ) − φ(xk − hk )).
j=1 k=1

Ceci entraı̂ne s(λ∗ (E)


− 2) ≤ t(λ∗ (E) + ) donc sλ∗ (E) ≤ tλ∗ (E) et enfin

λ (E) = 0. Pour voir que l’on a
φ(x + h) − φ(x)
lim < +∞
h↓0 h
presque partout sur [a, b], nous utilisons le lemme de Fatou :
Z b Z b+1/n Z b !
φ(x + 1/n) − φ(x)
lim inf dx = lim inf n φ(x) dx − φ(x) dx
n→+∞ a 1/n n→+∞ a+1/n a
Z b+1/n Z a+1/n !
= lim inf n φ(x) dx − φ(x) dx
n→+∞ b a
!
Z a+1/n
= lim inf φ(b) − n φ(x) dx ≤ φ(b) − φ(a).
n→+∞ a

59
C.Q.F.D.

Remarque. Si φ est croissante sur l’intervalle [a, b], la fonction φ0 n’est


définie que presque partout sur [a, b]. On la prolonge à l’intervalle [a, b] tout
entier en la posant égale à 0 aux points où la limite du quotient différentiel
n’existe pas ou est infinie. On obtient ainsi une fonction mesurable positive
encore dénotée φ0 et telle que
Z b
φ0 ≤ φ(b) − φ(a).
a

Cette inégalité peut être stricte, par exemple, pour une fonction constante
entre ses sauts.

Théorème 31 Soient f : [a, b] → R une fonction intégrable et F : [a, b] → R


la fonction définie par Z x
F (x) = f (t) dt.
a
Alors, presque partout sur [a, b],

F 0 (x) = f (x).

Démonstration.
On peut supposer que f est positive. Le cas général se ramène à celui où
f est bornée en considérant la suite croissant vers f des fonctions bornées
fn = inf{f, n}. On a en effet

F (x) = Gn (x) + Fn (x)

où Z x Z x
Gn (x) = (f (t) − fn (t)) dt et Fn (x) = fn (t) dt.
a a
Comme Gn est croissante, elle est dérivable et G0n (x) ≥ 0 presque partout
sur [a, b] et, par hypothèse, Fn0 (x) = fn (x) presque partout sur le même
intervalle. Par suite

F 0 (x) = G0n (x) + Fn0 (x) ≥ fn (x)

donc
F 0 (x) ≥ f (x)

60
presque partout sur l’intervalle [a, b], ce qui entraı̂ne
Z b Z b
0
F (b) ≥ F (t) dt ≥ f (t) = F (b)
a a

et enfin
F 0 (x) = f (x)
presque partout sur l’intervalle [a, b]. Supposant donc f positive et bornée,
soit x un point quelconque de l’intervalle ]a, b[ et montrons que
Z x Z x
F 0 (t) dt = f (t) dt.
a a

En vertu du théorème de la convergence dominée

1 t+h
 
F (t + h) − F (t)
Z
= f (s) ds ≤ kf k∞
h h t

et du théorème fondamental du calcul (F est continue), on a en effet


Z x Z x Z x
0 F (t + h) − F (t) F (t + h) − F (t)
F (t) dt = lim dt = lim dt
a a h↓0 h h↓0 a h
 Z x+h
1 a+h
Z 
1
= lim F (t) dt − F (t) dt = F (x) − F (a) = F (x).
h↓0 h x h a

Observons finalement que si g ∈ L1 ([a, b]) est telle que


Z x
g=0
a

pour tout x ∈]a, b[, alors


R g = 0 presque partout sur [a, b] (on prendra ici
0
R
g = F − f ). En effet, I g = 0 pour tout intervalle ouvert I donc O g = 0
pour tout ensemble ouvert O. Soit

E = {x | g(x) > 0}.

Si l’on avait λ(E) > 0, on pourrait trouver un ensemble ouvert O tel que

]a, b[ E c ⊆ O ⊆ ]a, b[

et
λ(O) < b − a

61
donc
λ( ]a, b[ Oc ) > 0.
Comme ce dernier ensemble est entièrement contenu dans E, on obtiendrait
une contradiction : Z Z
− g= g > 0.
O ]a,b[ Oc

C.Q.F.D.

6.2 Fonctions absolument continues


Une troisième propriété de l’intégrale définie F découle de la propriété
suivante des fonctions intégrables.
Soit f ∈ L1 ([a, b]). Alors à chaque  > 0 correspond δ > 0 tel que
Z
λ(E) < δ implique |f | < . (3)
E

Cela est évident si |f | est bornée. Pour y ramener le cas général, intro-
duisons la suite croissant vers |f | des fonctions bornées fn = inf{|f |, n}. En
vertu du théorème de la convergence monotone, on peut trouver n tel que
Z b
(|f | − fn ) < /2.
a

Si

λ(E) < ,
2n
on aura
Z Z Z Z b
|f | = (|f | − fn ) + fn ≤ (|f | − fn ) + nλ(E) < .
E E E a

La relation (3) implique que F est absolument continue.

Une fonction φ : [a, b] → R est une fonction absolument continue


sur [a, b] si à chaque  > 0 correspond δ > 0 tel que pour toute suite finie de
sous-intervalles ouverts deux à deux disjoints

{ ]s1 , t1 [, ]s2 , t2 [, . . . , ]sn , tn [ }

de [a, b] on ait
n
X n
X
(tk − sk ) < δ implique |φ(tk ) − φ(sk )| < .
k=1 k=1

62
Une fonction absolument continue sur un intervalle [a, b] est uniformément
continue sur cet intervalle. Elle y est aussi à variation bornée. Soit en effet
∆ > 0 le nombre associé à  = 1. Donnée une partition P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn }
de l’intervalle [a, b], considérons la partition P 0 = {x00 , x01 , x02 , . . . , x0m } obte-
nue de P en lui adjoignant les points
b−a b−a b−a
a+k , 0 ≤ k ≤ N , où ≤N < + 1.
N ∆ ∆
Alors, regroupant les termes de la seconde somme en N paquets,
n m
X X b−a
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| ≤ |φ(x0k ) − φ(x0k−1 )| ≤ N < + 1.

k=1 k=1

Théorème 32 Une fonction φ : [a, b] → R est absolument continue sur


[a, b] si et seulement si elle admet presque partout une dérivée φ0 intégrable
et telle que Z x
φ0 = φ(x) − φ(a)
a
pour tout x ∈ [a, b].

Démonstration.
La condition est suffisante. Nous avons déjà démontré que l’intégrale
définie d’une fonction intégrable est absolument continue.
La condition est nécessaire. On sait déjà que φ, étant à variation bornée,
admet presque partout une dérivée intégrable φ0 . On sait aussi que la fonc-
tion Z x
φ1 (x) = φ0 (t) dt + φ(a)
a
est absolument continue et que φ01 (x) = φ0 (x) presque partout sur l’inter-
valle [a, b]. Observons pour terminer que si une fonction g : [a, b] → R est
absolument continue sur [a, b], telle que g(a) = 0 et que g 0 = 0 presque par-
tout, alors g = 0 partout sur l’intervalle [a, b] (on prendra ici g = φ − φ1 ).
Soit en effet x ∈]a, b[ et considérons l’ensemble

E = {t ∈ ]a, x[ | g 0 (t) = 0}.

Si t ∈ E,
g(t + h) − g(t)
lim = 0.
h↓0 h

63
Donc pour chaque t ∈ E et pour tout h > 0 assez petit, il existe un intervalle
[t, t + h] ⊆]a, x[ tel que
h
g(t + h) − g(t) < .
2(b − a)
Soit δ > 0 le nombre associé à /2 dans la définition de continuité absolue de
g sur [a, b]. En vertu du théorème de Vitali, on peut trouver des intervalles
deux à deux disjoints

{[t1 , t1 + h1 ], [t2 , t2 + h2 ], . . . , [tN , tN + hN ]}

tels que !c !
N
X
λ E [tk , tk + hk ] <δ
k=1
donc que !c !
N
X
λ ]a, x[ [tk , tk + hk ] < δ.
k=1
Alors

|g(x)| = |g(x) − g(tN + hN ) + g(t1 )


N
X −1 N
X
+ (g(tk+1 ) − g(tk + hk )) + (g(tk + hk ) − g(tk ))|
k=1 k=1
≤ |g(x) − g(tN + hN )| + |g(t1 )|
N
X −1 N
X
+ |g(tk+1 ) − g(tk + hk )| + |g(tk + hk ) − g(tk )|
k=1 k=1
N
  X
< + hk ≤ .
2 2(b − a)
k=1

Le point x ∈]a, b[ et le nombre  > 0 étant arbitraires, le résultat est établi.


C.Q.F.D.

Théorème 33 Soient φ, ψ : [a, b] → R des fonctions absolument continues


sur [a, b]. Alors la fonction φψ est absolument continue sur [a, b] et
Z b Z b
φψ 0 = φ(b)ψ(b) − φ(a)ψ(a) − φ0 ψ.
a a

64
Démonstration.
La première assertion découle de l’inégalité
n
X
|φ(tk )ψ(tk ) − φ(sk )ψ(sk )|
k=1
n
X
= |(φ(tk ) − φ(sk ))ψ(tk ) + φ(sk )(ψ(tk ) − ψ(sk ))|
k=1
n
X n
X
≤ |φ(tk ) − φ(sk )|kψk∞ + kφk∞ |ψ(tk ) − ψ(sk )|.
k=1 k=1

Comme
(φψ)0 = φ0 ψ + φψ 0
presque partout et comme
Z b
(φψ)0 = φ(b)ψ(b) − φ(a)ψ(a),
a

la formule d’intégration par parties est démontrée. C.Q.F.D.

Théorème 34 Soit φ : [c, d] → [a, b] une fonction absolument continue


et strictement croissante, appliquant [c, d] sur [a, b]. Pour toute fonction
f ∈ L1 ([a, b]), la fonction y 7→ f (φ(y))φ0 (y) est intégrable sur [c, d] et l’on a
Z b Z d
f (x) dx = f (φ(y))φ0 (y) dy.
a c

Démonstration.
La démonstration se fait en plusieurs étapes.
Si f = I(u,v) est la fonction indicatrice d’un intervalle, f ◦φ = I(φ−1 (u), φ−1 (v))
et la formule est vraie puisqu’elle s’écrit
Z φ−1 (v)
v−u= φ0 (y) dy.
φ−1 (u)
P
Si f = IO = P k I(uk ,vk ) est la fonction indicatrice d’un ensemble ouvert,
f ◦ φ = Iφ−1 (O) = k I(φ−1 (uk ), φ−1 (vk )) et

X XZ φ−1 (vk ) Z
0
λ(O) = (vk − uk ) = φ (y) dy = φ0 (y) dy
k k φ−1 (u k) φ−1 (O)

65
en vertu de l’additivité de l’intégrale.
Pour étudier le cas où f = IE est la fonction indicatrice d’un ensemble
mesurable quelconque, introduisons l’ensemble

H = {x | φ0 (x) > 0}.

Si N ⊆ [a, b] est un ensemble de mesure nulle, on peut trouver une suite


décroissante d’ensembles ouverts Ok ⊇ N tels que limk→+∞ λ(Ok ) = 0.
Alors
Z
0 = lim λ(Ok ) = lim φ0 (y) dy
k→+∞ k→+∞ φ−1 (Ok )
Z Z
0
= lim φ (y) dy = T φ0 (y) dy
k→+∞ φ−1 (Ok )H φ−1 (Ok )H
k

ce qui montre que l’ensemble k φ−1 (Ok )H est de mesure nulle, donc que
T
l’ensemble φ−1 (N )H l’est aussi. Si donc f = IE , on peut trouver une suite
décroissante d’ensembles ouverts Ok tels que
\
Ok = E + N
k

où N est un ensemble de mesure nulle. La relation


\
φ−1 (Ok )H = φ−1 (E)H + φ−1 (N )H
k

montre alors que l’ensemble φ−1 (E)H est mesurable et l’on peut écrire
!
\
λ(E) = λ Ok = lim λ(Ok )
k→+∞
k
Z Z Z
0 0
= lim φ (y) dy = φ (y) dy = φ0 (y) dy
k→+∞ φ−1 (Ok ) T −1 (O )
T −1 (O )H
kφ k kφ k
Z Z d
0
= φ (y) dy = IE (φ(y))φ0 (y) dy.
φ−1 (E)H c

Le théorème est donc vrai, par linéarité, pour une fonction f mesurable
positive étagée, puis pour une fonction f mesurable positive quelconque par
convergence monotone et finalement pour une fonction f intégrable arbi-
traire encore une fois par linéarité.
C.Q.F.D.

66
6.3 Exercices
1. Vérifier qu’une fonction φ : [a, b] → R est à variation bornée si et
seulement si son graphe est rectifiable, c’est-à-dire si et seulement si
les sommes
n p
X
σ(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
k=1

restent bornées quelle que soit la partition P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } de


l’intervalle [a, b].
2. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Si P = {x0 , x1 , . . . , xn }
est une partition de l’intervalle [a, b], soient
n
X
p(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))+ ,
k=1
Xn
n(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))−
k=1

et posons

pos(φ, [a, b]) = sup{p(φ, P)} ,


P
neg(φ, [a, b]) = sup{n(φ, P)}.
P

Montrer que

pos(φ, [a, b]) − neg(φ, [a, b]) = φ(b) − φ(a),

et que
pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b]) = var(φ, [a, b]).

3. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Supposons que


φ = g − h en soit une représentation comme la différence de deux
fonctions croissantes sur [a, b] et posons

P (x) = pos(φ, [a, x]) , N (x) = neg(φ, [a, x]).

Vérifier que P et N sont croissantes sur [a, b] et que

var(P, [a, b]) ≤ var(g,[a,b]) , var(N, [a, b]) ≤ var(h, [a, b]).

67
4. Vérifier que la fonction
(
x−1/3 si x 6= 0,
f (x) =
0 si x = 0.

est intégrable sur [−1, 1] et déterminer la variation de son intégrale


définie Z x
F (x) = f (t) dt
−1
sur cet intervalle.
5. Montrer que la fonction continue φ(x) qui coı̈ncide avec x sin 1/x
lorsque x 6= 0 n’est à variation bornée sur aucun intervalle contenant
0.
6. Représenter sur l’intervalle [0, 2π] la fonction sin x comme la différence
de deux fonctions croissantes.
7. Soit Q = {q1 , q2 , q3 , . . .} une énumération des nombres rationnels.
Montrer que la fonction
X 1
φ(x) =
q <x
2n
n

est strictement croissante sur R et discontinue sur Q.


8. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Montrer que |φ| est
aussi à variation bornée sur [a, b] et que

var(|φ|, [a, b]) ≤ var(φ, [a, b]).

En déduire l’inégalité
Z b
1
|φ| ≤ |φ(a)| + var(|φ|, [a, b]).
b−a a

9. Soit φ : [a, b] → R la limite d’une suite de fonctions φn : [a, b] → R à


variation bornée. Montrer que

var(φ, [a, b]) ≤ lim inf var(φn , [a, b]).


n→+∞

10. Calculer les nombres de Dini D+ φ(0), D+ φ(0), D− φ(0) et D− φ(0) pour
la fonction

φ = (IQc ]−∞,0] + 2 IQc ]0,+∞[ ) − (IQ ]−∞,0] + 2 IQ ]0,+∞[ ).

68
11. Montrer qu’une fonction est absolument continue sur tout intervalle
dans lequel elle admet une dérivée bornée.
12. Montrer que la fonction continue φ(x) qui coı̈ncide avec x2 sin 1/x
lorsque x 6= 0 est absolument continue.
13. Soit φ : [a, b] → R une fonction croissante. Montrer qu’elle peut s’écrire
sous la forme φ = φac + φs où φac est croissante absolument continue
et φs est croissante singulière, c’est-à-dire telle que φ0s = 0 presque
partout sur [a, b].
14. Montrer qu’une fonction convexe φ : R → R est absolument continue
sur tout intervalle compact [a, b].
15. Soit φ : [a, b] → R une fonction absolument continue. Montrer que
Z b
var(φ, [a, b]) = |φ0 (x)| dx.
a

Suggestion : considérer d’abord le cas où φ0 est continue.


16. Soient φ : [a, b] → R une fonction absolument continue et

`φ = sup{σ(φ, P) | P}

la longueur de son graphe. Montrer que


Z bq
`φ = 1 + φ0 (x)2 dx.
a

Suggestion : considérer d’abord le cas où φ0 est continue.


17. À partir de la formule d’intégration par parties, montrer que si la fonc-
tion F : [a, b] → R est absolument continue, positive et décroissante et
si la fonction g : [a, b] → R est intégrable, il existe c ∈ [a, b] tel que
Z b Z c
F (x)g(x) dx = F (a) g(x) dx.
a a

(« Deuxième théorème de la moyenne ». Quel est le premier ?)

69
7 INTÉGRATION ABSTRAITE
La méthode de Lebesgue s’étend aux espaces euclidiens. On peut en
exposer la théorie suivant essentiellement les mêmes étapes que celles em-
ployées sur la droite mais nous allons utiliser une autre approche, basée sur
l’abstraction des idées présentées jusqu’à maintenant et qui nous conduira
plus directement au théorème de Tonelli-Fubini sur le changement de l’ordre
d’intégration dans les intégrales itérées. Cette approche présente un avan-
tage pédagogique évident et a d’autres applications, notamment en calcul
des probabilités. (Les démonstrations des résultats qui suivent et qui sont
absentes ont été omises parce qu’identiques à celles des résultats correspon-
dants déjà étudiés).

Soit X un ensemble. Une tribu sur X est une famille T ⊆ P(X) de


parties de X telle que
– (T1 ) X ∈ T ;
– (T2 ) E ∈ T implique E c ∈ T ; S
– (T3 ) Ek ∈ T pour tout k ∈ N implique k∈N Ek ∈ T.
Si T est une tribu sur X, on dit que le couple (X, T) forme un espace
mesurable. Les ensembles de T sont les ensembles mesurables de X. Par
complémentarité, l’intersection d’une suite finie ou infinie d’ensembles me-
surables est mesurable. La famille réduite à {∅, X} est la plus petite tribu sur
X et la famille P(X) de toutes les parties de X est la plus grande. L’inter-
section d’une famille de tribus étant encore une tribu, il existe, donnée une
famille quelconque F de parties de X, une plus petite tribu T(F) contenant
F. C’est la tribu engendrée par F.

Exemple. Si X est un espace métrique, la tribu T(O) engendrée par la


famille O des ensembles ouverts de X est la tribu de Borel sur X. Lorsque
X = R, la tribu borélienne B = T(O) est aussi engendrée par les intervalles
ouverts ]a, b[ de R (ou même par les seuls intervalles de type ]a, +∞[). On
a donc B ⊆ L (où L est la tribu de Lebesgue).

Soient (X, T) un espace mesurable et E ⊆ X. Une fonction f : E → R


est mesurable si, quel que soit α ∈ R, l’ensemble

{x | f (x) > α}

est mesurable.
Lorsque X est un espace métrique et que T contient la tribu de Borel,
toute fonction continue f est mesurable ; de plus, si f est mesurable et si

70
h : (a, b) → R est une fonction continue telle que h ◦ f est définie, h ◦ f
est mesurable. En général, la somme et le produit de deux fonctions me-
surables sont mesurables. De même, l’enveloppe supérieure et l’enveloppe
inférieure d’une suite finie ou infinie de fonctions mesurables sont mesu-
rables sur leur domaine de définition respectif. Par suite, ainsi en est-il de
leur limite supérieure, de leur limite inférieure et de leur limite.

Toute fonction mesurable positive f : E → R est la limite d’une suite


croissante de fonctions mesurables positives étagées ϕn ,
n2 n
X k−1
ϕn = IEn,k + nIFn
2n
k=1

où
k−1 k
En,k = {x | n
≤ f (x) < n }
2 2
et
Fn = {x | n ≤ f (x)}.

Une mesure sur X est une fonction µ : T → [0, +∞] telle que
– (M1 ) µ(∅) = 0 ;
– (M2 ) pour toute suite finie ou infinie d’ensembles mesurables deux à
deux disjoints Ek ,
!
X X
µ Ek = µ(Ek ).
k k

Si µ est une mesure sur X, le triplet (X, T, µ) forme un espace mesuré.


Si E et F sont mesurables et E ⊆ F ,

µ(E) ≤ µ(F ).

Pour toute suite d’ensembles mesurables En ,


!
[ X
µ En ≤ µ(En ).
n n

Pour toute suite croissante d’ensembles mesurables En ,


!
[
lim µ(En ) = µ En .
n→+∞
n

71
Pour toute suite décroissante d’ensembles mesurables de mesure finie En ,
!
\
lim µ(En ) = µ En .
n→+∞
n

Une propriété vraie partout sauf aux points d’un ensemble de µ−mesure
nulle est dite vraie µ−presque partout.

L’intégrale sur un ensemble mesurable E d’une fonction mesurable f


relativement à uneP mesure µ est définie en trois étapes.
N
Si f = ϕ = k=1 ak IEk est une fonction mesurable positive étagée
représentée sous sa forme canonique,
Z N
X
ϕ dµ = ak µ(EEk ).
E k=1

Si f est mesurable positive,


Z Z 
f dµ = sup ϕ dµ | 0 ≤ ϕ ≤ f sur E .
E E

Enfin,
R une fonction mesurable f est dite intégrable par rapport à µ sur
E si E |f | dµ < +∞ auquel cas
Z Z Z
f dµ = f+ dµ − f− dµ.
E E E

L1µ (E) désignera l’espace des fonctions intégrables par rapport à µ sur E.
Si la suite des fonctions mesurables positives fn croı̂t vers la fonction f ,
alors Z Z
lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ E E

On en déduit que L1µ (E) est un espace vectoriel réel sur lequel
Z
f 7→ f dµ
E

est une forme linéaire positive. De plus, si f est positive, l’égalité dans
l’inégalité Z
f dµ ≥ 0
E
n’est possible que si f = 0 µ−presque partout sur E.

72
Si la suite des fonctions mesurables positives fn décroı̂t vers la fonction
f et si f1 est intégrable, alors
Z Z
lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ E E

En général, si les fonctions mesurables fn sont positives, on a toujours que


Z Z
lim inf fn dµ ≤ lim inf fn dµ
E n→+∞ n→+∞ E

(en prolongeant naturellement les définitions précédentes aux fonctions à


valeurs dans [0, +∞]) et, en conséquence, le théorème de la convergence
dominée est toujours valable : si les fonctions µ−intégrables fn convergent
vers une fonction f en restant toutes majorées en valeur absolue par une
même fonction µ−intégrable g, alors
Z Z
lim fn dµ = f dµ.
n→+∞ E E

Les espaces Lpµ (E) regroupent les fonctions mesurables de pième puissance
µ−intégrable sur E lorsque 1 ≤ p < +∞ et L∞ µ (E) est l’espace des fonc-
tions bornées µ−presque partout sur E. kf k∞ désigne la borne supérieure
p
µ−essentielle de f ∈ L∞ µ (E) et, si f ∈ Lµ (E),

Z 1/p
p
kf kp = |f | dµ .
E

Avec ces notations, l’inégalité de Hölder

kf gk1 ≤ kf kp kgkq

où p et q sont des exposants conjugués (1 ≤ p, q ≤ +∞) reste valable et


entraı̂ne les inclusions

L∞ 2 1
µ (E) ⊆ Lµ (E) ⊆ Lµ (E)

lorsque µ(E) < +∞ et l’inégalité de Minkowski

kf + gkp ≤ kf kp + kgkp

où 1 ≤ p ≤ +∞ implique que les espaces Lpµ (E) sont des espaces vectoriels
réels.

73
A priori, il n’y a aucune raison pour qu’un sous-ensemble d’un ensemble
de µ−mesure nulle soit mesurable. La tribu T est dite µ−complète si toute
partie d’un ensemble de µ−mesure nulle est mesurable. Il est toujours pos-
sible de compléter une tribu qui ne l’est pas.

Théorème 35 La famille Tµ des parties E de X ayant la propriété qu’il


existe A, B ∈ T tels que A ⊆ E ⊆ B et µ(BAc ) = 0 est une tribu contenant
T. Si µ est prolongée à Tµ en posant µ(E) = µ(A), Tµ est µ−complète.

Démonstration.
Si E ∈ T, alors E ∈ Tµ en prenant A = E = B. En particulier, X ∈ Tµ .
Si E ∈ Tµ , alors B c ⊆ E c ⊆ Ac avec µ(Ac (B c )c ) = 0 donc E c ∈ Tµ .
Si Ek ∈ Tµ , Ak ⊆ Ek ⊆ Bk avec µ(Bk Ack ) = 0, alors
[ [ [
Ak ⊆ Ek ⊆ Bk
k k k

avec
  c  !
[ [ [ X
µ  Bk  Aj   ≤ µ Bk Ack ≤ µ(Bk Ack ) = 0
k j k k
S
donc k Ek ∈ Tµ .
La définition µ(E) = µ(A)(= µ(B)) est justifiée car si l’on a aussi A1 ⊆
E ⊆ B1 avec µ(B1 Ac1 ) = 0,

µ(A1 ) ≤ µ(B) = µ(A) ≤ µ(B1 ) = µ(A1 ).

Ainsi prolongée, µ reste une mesure. Si les ensembles Ek ∈ Tµ sont deux à


deux disjoints et Ak ⊆ Ek ⊆ Bk , les ensembles Ak sont aussi deux à deux
disjoints et
! !
X X X X
µ Ek = µ Ak = µ(Ak ) = µ(Ek ).
k k k k

Enfin, Tµ est µ−complète. Si N ∈ Tµ est de µ−mesure nulle et E ⊆ N ,


soient A, B ∈ T tels que A ⊆ N ⊆ B et µ(A) = µ(B) = 0 ; alors ∅ ⊆ E ⊆ B
avec µ(B) = 0 donc E ∈ Tµ . C.Q.F.D.

Lorsque la tribu T est µ−complète, une fonction qui coı̈ncide µ−presque


partout avec une fonction mesurable est elle-même mesurable. En conséquence,

74
le critère de Cauchy pour la convergence au sens de Lpµ (E) (1 ≤ p ≤ +∞)
reste valable dans les espaces mesuré complets.

Le théorème suivant sera utile pour l’étude des intégrales doubles. Son
énoncé fait appel aux notions de clan et de classe monotone. Un clan sur
X est une famille C ⊆ P(X) de parties de X telle que
– (C1 ) X ∈ C ;
– (C2 ) E ∈ C implique E c ∈ C ; S
– (C3 ) Ek ∈ C pour tout 1 ≤ k ≤ n implique 1≤k≤n Ek ∈ C.
En particulier, une tribu forme un clan. Par complémentarité, un clan est
aussi fermé sous l’intersection finie.

Une classe monotone sur X est une famille M ⊆ P(X) de parties de


X telle que S
– (CM1 ) Pour toute suite croissante d’ensembles Ek ∈ M, Tk Ek ∈ M ;
– (CM2 ) Pour toute suite décroissante d’ensembles Ek ∈ M, k Ek ∈ M.
En particulier, une tribu forme une classe monotone. L’intersection de classes
monotones étant encore une classe monotone, la notion de classe monotone
engendrée M(F) par une famille quelconque F de parties de X a un sens.

Théorème 36 La classe monotone M(C) engendrée par un clan C est aussi


la tribu T(C) engendrée par ce clan.
Démonstration.
Toute tribu étant une classe monotone, M(C) ⊆ T(C).
Pour démontrer l’inclusion réciproque, observons d’abord que si M est
une classe monotone quelconque sur X et A ⊆ X, la famille

MA = {B ⊆ X | AB c , Ac B et A ∪ B ∈ M}

est une classe monotone sur X. Par exemple, si les ensembles Bk ∈ MA


croissent, les ensembles ABkc ∈ M décroissent c ∈ M), les
S
(vers A( B
k k )
ensembles Ac Bk ∈ M croissent c
S
S (vers A k B k ∈ M) et lesSensembles
A ∪ Bk ∈ M croissent (vers A ∪ k Bk ∈ M) ce qui implique que k Bk ∈ MA .
Prenons M = M(C). Alors si A ∈ C, C ⊆ MA donc M(C) ⊆ MA . Si
ensuite B ∈ M(C), B ∈ MA quel que soit A ∈ C donc A ∈ MB quel que soit
A ∈ C. Alors C ⊆ MB donc M(C) ⊆ MB .
On en déduit que M(C) est une tribu. En effet, X ∈ C ⊆ M(C). Si
E ∈ M(C), alors E ∈ MX donc E c ∈ M(C). Si E, F ∈ M(C), E ∈ MF
et E ∪ F ∈ M(C). Enfin, si Ek ∈ M(C) pour tout k ∈ N, les ensembles
∪1≤k≤n Ek ∈ M(C) croissent vers ∪k∈N Ek ∈ M(C).

75
Finalement, la définition de tribu engendrée implique T(C) ⊆ M(C).
C.Q.F.D.

7.0.1 Le modèle probabiliste


Le modèle probabiliste de base utilise les concepts présentés dans cette
section, avec une notation et une terminologie différentes.
Une variable aléatoire X est une grandeur associée à une expérience
dont le résultat est imprévisible. Elle prend ses valeurs avec certaines pro-
babilités. Sa fonction de répartition FX : R → [0, 1], supposée donnée,
spécifie la distribution de ces valeurs, FX (x) donnant la probabilité que X
n’excède pas x. F est donc une fonction qui croı̂t de 0 à 1 lorsque x croı̂t de
−∞ à +∞ et qui est continue à droite : FX (x) = FX (x+) en chaque point
x ∈ R. On peut montrer qu’il existe une mesure borélienne µX : BX → [0, 1]
(où BX ⊇ B) telle que

µX (] − ∞, x]) = FX (x).

Une façon d’obtenir µX consiste à reprendre la construction du chapitre 1


en remplaçant les longueurs (b − a) des intervalles ouverts par les nombres
(FX (b−) − FX (a)) dans l’équation (1) (exercice 9, page 79). La mesure d’un
intervalle ]a, b] est maintenant (FX (b) − FX (a)) et celle d’un point x est
FX (x) − FX (x−). La mesure µX n’est bien sûr pas invariante sous trans-
lation. La probabilité que X prenne une valeur dans l’ensemble E ∈ BX
est Z
µX (E) = dFX .
E
R
(Cette notation est utilisée de préférence à E dµX pour désigner une intégrale
de Lebesgue-Stieltjes). Si Ω désigne l’ensemble des résultats possibles de
l’expérience aléatoire à laquelle X est associée (X : Ω → R), la tribu des
événements pour X est la tribu TX = X −1 (BX ) sur Ω et l’équation

PX X −1 (E) = µX (E)


définit une mesure de probabilité sur Ω (c’est-à-dire une mesure telle que
PX (Ω) = 1).
La variable X est dite continue si sa fonction de répartition FX est abso-
lument continue ; la dérivée fX = FX0 s’appelle alors fonction de densité
de probabilité de X et l’on a
Z
µX (E) = fX (x) dx. (4)
E

76
En effet, on a alors
Z b
µX ((a, b)) = FX (b) − FX (a) = fX (x) dx
a

pour tout intervalle (a, b) et l’équation (4) est valable pour tout ensemble
ouvert d’abord, pour tout ensemble mesurable ensuite. À l’autre extrême,
X est dite discrète si FX est constante sauf pour des sauts pk = FX (k) −
FX (k−) ≥ 0 aux entiers ; on a alors
X
µX (E) = pk .
k∈E

On dit que X admet une espérance mathématique si X ∈ L1PX (Ω)


et que X admet une variance si X ∈ L2PX (Ω). Puisque PX (Ω) = 1, toute
variable admettant une variance admet aussi une espérance mathématique.
L’espérance mathématique E(X) de X est le nombre défini par
Z
E(X) = X dPX

et la variance V(X) est donnée par la relation


Z Z
V(X) = (X − E(X))2 dPX = X 2 dPX − E(X)2 .
Ω Ω

L’inégalité de Tchebychev pour une variable aléatoire admettant une va-


riance,
V(X)
PX {ω | |X(ω) − E(X)| ≥ σ} ≤ ,
σ2
est facilement vérifiée. Considérant l’ensemble

Ωσ = {ω | |X(ω) − E(X)| ≥ σ},

on a
Z
PX {ω | |X(ω) − E(X)| ≥ σ} = dPX
Ωσ
(X(ω) − E(X))2
Z
≤ dPX
Ωσ σ2
(X(ω) − E(X))2
Z
V(X)
≤ 2
dPX =
Ω σ σ2

77
Lorsque X est continue et admet une espérance, celle-ci peut être calculée
au moyen de la formule
Z +∞
E(X) = xfX (x) dx.
−∞
En effet, en vertu du théorème de la convergence dominée, on peut écrire
que
Z
E(X) = X dPX

X n2n  
k−1 k−1 k
= lim P X ω | ≤ X(ω) < + n PX {ω | n ≤ X(ω)}
n→+∞ 2n 2n 2n
k=1
n2n   
X −k + 1 −k −k + 1
+ PX ω | n ≤ X(ω) < − n PX {ω | X(ω) < −n}
2n 2 2n
k=1
X n2n  
k−1 k−1 k
= lim µX , + n µX ((n, +∞[ )
n→+∞ 2n 2n 2n
k=1
n2n   
X −k + 1 −k −k + 1
+ µX , − n µX ( ] − ∞, n))
2n 2n 2n
k=1
n2n n
k − 1 k/2
X Z Z +∞
= lim fX (x) dx + n fX (x) dx
n→+∞ 2n (k−1)/2n n
k=1
n2n n Z −n
−k + 1 (−k+1)/2
X Z 
fX (x) dx − n fX (x) dx
2n −k/2n −∞
k=1
Z +∞
= xfX (x) dx.
−∞
Le cas échéant, on montre de la même façon que
Z +∞
V(X) = x2 fX (x) dx − E(X)2 .
−∞
Si X est discrète, les formules correspondantes sont
+∞
X
E(X) = kpk
−∞
et
+∞
X
V(X) = k 2 pk − E(X)2 .
−∞

78
7.1 Exercices
{A1 , A2 , . . . , An } où A1 , A2 , . . . , An forment une partition de
1. Soit F = P
X (X = nk=1 Ak ). Déterminer T(F).
2. Soit F = {A1 , A2 , . . . , An } où A1 , A2 , . . . , An sont des parties quel-
conques de X. Déterminer T(F). Quelle est la cardinalité maximale de
T(F) ?
3. Soit F = {A, B}. Déterminer M(F) et T(F).
4. Soient E ⊆ R et f : E → R une fonction mesurable (relativement à
la tribu de Lebesgue). Montrer qu’il existe une fonction g : E → R
borélienne (mesurable relativement à la tribu de Borel) qui coı̈ncide
presque partout (relativement à la mesure de Lebesgue) avec f .
Suggestion : utiliser l’exercice 10 page 15.
5. Soient (X, T) un espace mesurable et E ⊆ X. Montrer que si f : E → R
est mesurable, c ∈ R et p > 0, les fonctions cf et |f |p sont mesurables.
6. Soient {x1 , x2 , x3 , . . .} une suite de nombres réels et {p1 , p2 , p3 , . . .} une
suite de nombres positifs. On considère la fonction µ : P(R) → [0, +∞]
définie par X
µ(E) = pk .
xk ∈E

Vérifier que µ est une mesure sur R. Déterminer l’espace L1µ (R). Ex-
pliciter l’inégalité de Hölder.
7. Répondre aux mêmes questions si µ : L → [0, +∞] est définie par
Z
µ(E) = |g(x)| dx
E

avec g ∈ L1 (R). La tribu de Lebesgue est-elle complète relativement à


cette mesure ?
8. Soit (X, T, µ) un espace mesuré. Supposons que S soit une autre tribu
sur X et que ν : S → [0, +∞] soit une mesure sur X telles que T ⊆ S,
que la restriction de ν à T coı̈ncide avec µ et que S soit ν−complète.
Montrer que Tµ ⊆ S et que la restriction de ν à Tµ coı̈ncide avec µ.
9. La fonction F : R → [0, 1] croissant de 0 à 1 lorsque x croı̂t de −∞ à
+∞ et étant supposée continue à droite, on pose, pour E ⊆ R,
( )
X [

µF (E) = inf (F (bk −) − F (ak )) | E ⊆ ]ak , bk [ ,
k k

79
la borne inférieure étant calculée sur la famille des suites finies ou
infinies d’intervalles ouverts { ]ak , bk [ }k recouvrant E. Montrer que
– µ∗F ([a, b]) = F (b) − F (a−);
– µ∗F (]a, b]) = F (b) − F (a);
– µ∗F (]a, b[) = F (b−) − F (a);
– pour tout A ⊆ R et pour tout a ∈ R, on a

µ∗F (A ]a, +∞[ ) + µ∗F (A ]a, +∞[c ) ≤ µ∗F (A).

80
8 INTÉGRALES ITÉRÉES
Pour bien étudier les conditions sous lesquelles l’équation
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
dx f (x, y) dy = dy f (x, y) dx,
−∞ −∞ −∞ −∞

est valable il est nécessaire d’introduire la notion d’intégrale double,


Z +∞ Z +∞
f (x, y) dxdy,
−∞ −∞

qui est une intégrale relativement à une mesure dans le plan. Et pour étendre
la théorie de Lebesgue au plan, nous allons d’abord définir une mesure sur
la tribu produit engendrée par les rectangles mesurables de la forme A × B
puis nous compléterons cette tribu relativement à la mesure construite, ob-
tenant ainsi la tribu de Lebesgue L2 et la mesure de Lebesgue λ2 sur R2 .
La propriété cruciale sera ici celle de la σ-finitude de la mesure de Lebesgue
λ : l’espace R peut s’écrire comme une réunion dénombrable d’ensembles de
mesure finie. Nous verrons ensuite comment le calcul d’une intégrale double
se ramène au calcul itéré de deux intégrales simples.

La tribu produit L ⊗ L sur R2 est la tribu engendrée par la famille R


des rectangles mesurables, c’est-à-dire des ensembles R de la forme

R = A × B avec A, B ∈ L.

Cette tribu est aussi la tribu engendrée par la famille E des ensembles
élémentaires S, réunions finies de rectangles mesurables disjoints,
n
X
S= Rk avec Rk ∈ R,
k=1

puisque R ⊆ E ⊆ T(R). Observons que E est un clan. En effet, on a


évidemment R2 ∈ R, RR0 ∈ R et Rc ∈ E. Les relations
n n0 n X
n 0
X X X
Rk Rj0 = Rk Rj0
k=1 j=1 k=1 j=1

et !c
n
X n
\
Rk = Rkc
k=1 k=1

81
montrent que E est fermée sous les intersections finies et le passage au
complémentaire. La tribu L ⊗ L est donc également la classe monotone en-
gendrée par E :
L ⊗ L = T(R) = T(E) = M(E).

Théorème 37 La tribu L ⊗ L ⊆ P(R2 ) possède les propriétés suivantes :


1. Tout ensemble ouvert O appartient à L ⊗ L.
2. Les sections

Ex = {y | (x, y) ∈ E} et E y = {x | (x, y) ∈ E}

d’un ensemble E ∈ L ⊗ L sont dans L.


3. Tout translaté E + (x0 , y0 ) d’un ensemble E ∈ L ⊗ L est dans L ⊗ L.

Démonstration.
Si (x, y) ∈ O, il existe deux intervalles ouverts d’extrémités ration-
nelles Ix et Iy tels que (x, y) ∈ Ix × Iy ⊆ O. Ces rectangles Ix × Iy étant
dénombrables, [
O= Ix × Iy
(x,y)∈O

appartient à L ⊗ L.
Soit A la famille des ensembles mesurables E ∈ L ⊗ L tels que Ex ap-
partienne à L ⊗ L pour tout x ∈ R. Observons les identités

B si x ∈ A
(A × B)x =
∅ si x ∈/ A,

(E c )x = (Ex )c
et [ [
( Ek )x = (Ek )x .
k k

Elles impliquent que A est une tribu contenant la famille R des rectangles
mesurables donc que A = L ⊗ L.
Pour (x0 , y0 ) arbitrairement fixé, considérons la famille A1 des ensembles
E ∈ L ⊗ L tels que le translaté E + (x0 , y0 ) ∈ L ⊗ L. En vertu des relations

A × B + (x0 , y0 ) = (A + x0 ) × (B + y0 ),

82
(E + (x0 , y0 ))c = E c + (x0 , y0 )
et !
[ [
Ek + (x0 , y0 ) = (Ek + (x0 , y0 )),
k k

A1 est une tribu contenant R donc A1 = L ⊗ L. C.Q.F.D.

Il suit de ce théorème que L ⊗ L contient la tribu borélienne B2 du plan


et que, si E ∈ L ⊗ L, toute fonction continue f : E → R est mesurable.
De plus, si f : E → R est mesurable, les fonctions partielles y 7→ fx (y)
et x 7→ f y (x) définies par

fx (y) = f (x, y) = f y (x)

sont mesurables. On a en effet que

{y | fx (y) > α} = {(x, y) | f (x, y) > α}x

et que
{x | f y (x) > α} = {(x, y) | f (x, y) > α}y .

Théorème 38 Il existe une et une seule mesure λ2 : L ⊗ L → [0, +∞] telle


que
λ2 (A × B) = λ(A)λ(B)
pour tout rectangle mesurable A × B. Cette mesure produit λ2 est inva-
riante sous translation.

Démonstration.
Unicité. Supposons que µ, ν : L ⊗ L → [0, +∞] sont deux mesures telles
que, pour tout A, B ∈ L,

µ(A × B) = ν(A × B) = λ(A)λ(B).

Alors, pour tout S ∈ E,


µ(S) = ν(S).
Soit Qn = [−n, n] × [−n, n] et considérons la famille

M = {E ∈ L ⊗ L | µ(EQn ) = ν(EQn ) pour tout n ∈ N}.

83
Les propriétés de continuité des mesures montrent que M est une classe
monotone. Comme elle contient E, elle contient aussi L ⊗ L. Pour tout
E ∈ L ⊗ L, on a donc, toujours par continuité,

µ(E) = lim µ(EQn ) = lim ν(EQn ) = ν(E).


n→+∞ n→+∞

Existence. Observons d’abord que


Z +∞ Z +∞
λ(A)λ(B) = IA (x) dx IB (y) dy
−∞ −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
= dx IA×B (x, y) dy = dy IA×B (x, y) dx.
−∞ −∞ −∞ −∞

Considérons alors la famille M1 des ensembles E ∈ L ⊗ L pour lesquels les


fonctions
Z +∞ Z +∞
x 7→ IEQn (x, y) dy et y 7→ IEQn (x, y) dx
−∞ −∞

sont mesurables et satisfont l’équation


Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
dx IEQn (x, y) dy = dy IEQn (x, y) dx
−∞ −∞ −∞ −∞

pour tout n ∈ N. Le théorème de la convergence monotone montre que M1


est une classe monotone. Comme elle contient E, elle contient L ⊗ L. Pour
tout E ∈ L ⊗ L, on a donc, toujours par convergence monotone,
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
dx IE (x, y) dy = lim dx IEQn (x, y) dy
−∞ −∞ n→+∞ −∞ −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
= lim dy IEQn (x, y) dx = dy IE (x, y) dx.
n→+∞ −∞ −∞ −∞ −∞

Posons alors
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
λ2 (E) = dx IE (x, y) dy = dy IE (x, y) dx
−∞ −∞ −∞ −∞

et vérifions que λ2 est une mesure invariante sous translation sur L ⊗ L. On


a bien λ2 (∅) = 0. Ensuite, si les ensembles mesurables Ek sont deux à deux

84
disjoints,
!
X Z +∞ Z +∞
λ2 Ek = dx IPk Ek (x, y) dy
k −∞ −∞
Z +∞ Z +∞ X
= dx IEk (x, y) dy
−∞ −∞ k
XZ +∞ Z +∞ X
= dx IEk (x, y) dy = λ2 (Ek ).
k −∞ −∞ k

Finalement, la mesure λ2 est invariante sous translation parce que λ l’est :


Z +∞ Z +∞
λ2 (E + (x0 , y0 )) = dx IE+(x0 ,y0 ) (x, y) dy
−∞ −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
= dx IE (x − x0 , y − y0 ) dy = dx IE (x − x0 , y) dy
−∞ −∞ −∞ −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
= dy IE (x − x0 , y) dx = dy IE (x, y) dx = λ2 (E).
−∞ −∞ −∞ −∞

C.Q.F.D.

Une intégrale double est une intégrale par rapport à la mesure λ2 ; on


retient l’écriture usuelle :
Z Z +∞ Z +∞
f dλ2 = f (x, y) dxdy
R2 −∞ −∞

et Z ZZ
f dλ2 = f (x, y) dxdy.
E E
Une telle intégrale s’évalue habituellement au moyen d’intégrales itérées,
généralisant ainsi la relation qui nous a servi à définir λ2 :
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
IE dxdy = dx IE (x, y) dy = dy IE (x, y) dx.
−∞ −∞ −∞ −∞ −∞ −∞

C’est l’objet du théorème suivant.

Théorème 39 (Tonelli-Fubini) Soit f : R2 → R une fonction mesurable.


Alors

85
1. Si f est positive, les fonctions
Z +∞ Z +∞
x 7→ f (x, y) dy et y 7→ f (x, y) dx
−∞ −∞

sont mesurables et
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
f dxdy = dx f (x, y) dy = dy f (x, y) dx.
−∞ −∞ −∞ −∞ −∞ −∞

2. Si f est intégrable, les fonctions

x 7→ f (x, y) et y 7→ f (x, y)

sont intégrables pour presque tout y et presque tout x respectivement,


les fonctions définies presque partout par
Z +∞ Z +∞
y 7→ f (x, y) dx et x 7→ f (x, y) dy
−∞ −∞

(et égales à 0 ailleurs) sont intégrables et


Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
f dxdy = dy f (x, y) dx = dx f (x, y) dy.
−∞ −∞ −∞ −∞ −∞ −∞

Démonstration.
Supposons f positive. Le résultat est vrai si f est la fonction indicatrice
d’un ensemble mesurable. Par linéarité, il est vrai pour une fonction étagée.
Et par convergence monotone, il est vrai pour une fonction quelconque.
Supposons f intégrable. Le résultat suit de la première partie en l’appli-
quant aux fonctions |f |, f+ et f− . C.Q.F.D.

Exemple. Soit à calculer le volume V du solide compris entre la surface


z = xy et le plan z = 0 au dessus du triangle E : x ≥ 0, y ≥ 0 et x + y ≤ 1.
En vertu du théorème de Tonelli, on a
Z Z Z Z
V = xy dxdy = IE (x, y) xy dxdy
E R2
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
= dx IE (x, y) xy dy = x dx IEx (y) y dy
−∞ −∞ −∞ −∞
Z +∞ Z Z 1 Z 1−x
1
= x dx y dy = x dx y dy = .
−∞ Ex 0 0 24

86
Exemple. Désignant maintenant par E le triangle de sommets (0, 0), (1, 0) et (1, 1),
on a, en vertu du théorème de Fubini et puisque
Z Z
IE (x, y) sin 2πx dxdy < +∞,

R2
x
que
Z 1 Z 1 Z Z
sin 2πx sin 2πx
dy dx = IE (x, y) dxdy
0 y x R 2 x
Z 1 Z x
sin 2πx
= dx dy = 0.
0 0 x

Exemple. L’hypothèse d’intégrabilité de f est essentielle dans le théorème


de Fubini. On a ainsi
Z 1 Z 1 Z 1
x−y dx 1
dx 3
dy = 2
=
0 0 (x + y) 0 (1 + x) 2

alors que
1 1 1
x−y −dy
Z Z Z
1
dy dx = =− .
0 0 (x + y)3 0 (1 + y)2 2
Évidemment,
Z 1 Z 1 Z 1 Z x Z 1 
|x − y| x−y y−x
dx 3
dy = dx 3
dy + 3
dy
0 0 (x + y) 0 0 (x + y) x (x + y)
Z 1 
1 1
= − dx = +∞.
0 2x (1 + x)2

La tribu produit L ⊗ L n’est pas complète relativement à la mesure λ2 .


Si en effet E ⊆ R n’est pas mesurable, E × Q ⊆ R2 n’est pas mesurable
bien que contenu dans l’ensemble de λ2 −mesure nulle R × Q. La tribu de
Lebesgue L2 est la tribu obtenue en complétant L ⊗ L par rapport à λ2 :

L2 = (L ⊗ L)λ2

et la mesure de Lebesgue est le prolongement de λ2 à L2 .

87
Un ensemble E ⊆ R2 appartient à L2 si et seulement si il est de la forme
E = E0 + N
où E 0 appartient à L ⊗ L et λ2 (N ) = 0. De même, une fonction f est
mesurable relativement à L2 si et seulement si elle peut se mettre sous la
forme
f = f 0 + fN
où f 0 est mesurable relativement à L ⊗ L et fN = 0 λ2 −presque partout,
comme on le voit facilement en considérant d’abord des fonctions indica-
trices d’ensembles mesurables puis des fonctions étagées puis des fonctions
positives ...

1. La propriété d’invariance sous translation est conservée. Si E ∈ L2 et


(x0 , y0 ) ∈ R2 , alors E + (x0 , y0 ) ∈ L2 et λ2 (E + (x0 , y0 )) = λ2 (E).
2. Le théorème de Tonelli-Fubini reste vrai si la fonction f y est seulement
mesurable par rapport à la tribu de Lebesgue. Il suffit en effet de voir
que si fN est une fonction positive qui s’annule si (x, y) ∈ / N avec
λ2 (N ) = 0, les fonctions
x 7→ fN (x, y)
sont mesurables pour presque tout y parce que nulles presque partout
pour presque tout y. En prolongeant ces fonctions à R par 0, la fonction
définie pour presque tout y par
Z +∞
y 7→ fN (x, y) dx
−∞
et prolongée à R par 0 sera mesurable parce que nulle. Et l’on obtiendra
Z +∞ Z +∞
dy fN (x, y) dx = 0.
−∞ −∞

Soit donc B ∈ L ⊗ L tel que N ⊆ B et λ2 (B) = 0. Alors B y est


mesurable et Z +∞
y
λ(B ) = IB (x, y) dx = 0
−∞
pour presque tout y puisque
Z +∞ Z +∞
dy IB (x, y) dx = 0.
−∞ −∞

En excluant les valeurs de y pour lesquelles λ(B y ) > 0, les fonctions


/ B y , fN (x, y) = 0.
x 7→ fN (x, y) ont la propriété requise : si x ∈

88
8.1 Exercices
1. Soient f, g : R → R des fonctions mesurables. Montrer que la fonction
(x, y) 7→ f (x) + g(y) est mesurable (relativement à la tribu produit).
2. Soit f : [a, b] → R une fonction mesurable positive. Montrer que l’en-
semble
E = {(x, y) | a ≤ x ≤ b , 0 ≤ y ≤ f (x)}
est mesurable ( relativement à la tribu produit) et calculer sa mesure.
3. À E ⊆ R associons l’ensemble E e ⊆ R2 défini par

e = {(x, y) | x − y ∈ E}
E

et considérons la famille

T = {E ∈ B | E
e ∈ B2 }.

Montrer que T = B.
4. Déduire du théorème de Tonelli et de la relation
Z +∞ Z +∞
2 2 2
e−z dz = xe−x y dy si x > 0
0 0

que Z +∞
2 /2 √
e−x dx = 2π.
−∞

5. Calculer
Z 1 Z 1 Z 1 Z 1 Z 1Z 1
dx f (x, y) dy , dy f (x, y) dx et |f (x, y)| dxdy
0 0 0 0 0 0

pour la fonction
x2 − y 2
f (x, y) = .
(x2 + y 2 )2
6. Utiliser le théorème de Tonelli pour calculer de deux manières l’intégrale
Z b Z 1
dx y x dy , 0 < a < b
a 0

et en déduire la valeur de
1
yb − ya
Z
dy.
0 log y

89
7. Utiliser le théorème de Fubini pour calculer de deux manières l’intégrale
Z AZ A
e−xy sin x dxdy
0 0

et en déduire que Z A
sin x π
lim dx = .
A→+∞ 0 x 2

90
9 APPLICATIONS
La représentation d’une fonction par une série trigonométrique
+∞
X
f (x) = ck (f ) eikπx/L
−∞

sur un intervalle fini (−L, +L) ou par une intégrale trigonométrique


Z +∞
1
f (x) = √ fˆ(ξ) eiξx dξ
2π −∞
sur l’axe réel tout entier sont des outils essentiels des mathématiques ap-
pliquées, à la base du génie électrique, par exemple. Historiquement, elles
furent l’une des principales motivations du développement de la théorie de
l’intégration. Nous allons illustrer cette théorie en présentant les démontrations
de quelques résultats de base de « l’analyse harmonique », la branche des
mathématiques qui traite de la représentation des fonctions par des séries
ou par des intégrales trigonométriques et de ses diverses conséquences.

9.1 Série de Fourier


Des fonctions complexes apparaissent dans les expressions précédentes
nécessitant une petite extension de nos définitions.
Soit E ⊆ R. Une fonction à valeurs complexes f : E → C est mesurable
si sa partie réelle <f et sa partie imaginaire =f le sont, par définition.
Une fonction
p mesurable f : E → C est dite intégrable si son module
|f | = (<f )2 + (=f )2 l’est. Il revient au même de supposer que <f et
=f sont intégrables. Si f est intégrable, on pose
Z Z Z
f= <f + i =f.
E E E

L’espace L1C (E) des fonctions complexes


R intégrables sur E forme un espace
vectoriel complexe sur lequel f 7→ E f est une forme linéaire. L’inégalité de
triangle Z Z

f ≤ |f |

E E
reste valable pour les fonctions à valeurs complexes. Si le membre de gauche

91
n’est pas nul, en effet, on peut écrire, pour un nombre α ∈ R approprié, que
Z Z  Z
−iα
f e−iα

f = f e =

E E E
Z  Z Z
−iα −iα
=< f e = <(f e ) ≤ |f |.
E E E

Il suit aussi de ces définitions que le théorème de la convergence dominée


de Lebesgue, les inégalités de Hölder et Minkowski, le théorème de Riesz-
Fischer sur la complétude des espaces LpC (E)et le théorème de Fubini sur les
intégrales itérées restent valables pour les fonctions à valeurs complexes.
Les définitions et les calculs qui suivent sont tous basées sur l’orthogo-
nalité des exponentielles complexes :
Z +π
1
eikt e−ijt dt = I{k} (j).
2π −π

On dénotera par Lp2π l’espace des fonctions f : R → C périodiques de


période 2π et appartenant à l’espace LpC ([−π, π[ ) et par C2π l’espace des
fonctions f : R → C périodiques de période 2π et continues (pour appartenir
à C2π une fonction f continue sur [−π, π] doit donc satisfaire la relation
f (−π) = f (π)).
Soit f ∈ L12π . Les coefficients de Fourier de f sont les nombres ck (f )
définis par les équations
Z +π
1
ck (f ) = f (t) e−ikt dt
2π −π

et sa série de Fourier est la série trigonométrique


+∞
X
ck (f ) eikx .
−∞

Les sommes partielles de cette série seront dénotées par Sn (f ),


n
X
Sn (f )(x) = ck (f ) eikx ,
k=−n

et il s’agit étudier la question de leur convergence vers la fonction f qui les


a engendrées.

92
Théorème 40 Deux fonctions f, g ∈ L12π ayant les mêmes coefficients de
Fourier coı̈ncident presque partout.

Démonstration.
Il revient au même de montrer qu’une fonction f ∈ L12π ayant tous ses
coefficients de Fourier nuls doit s’annuler presque partout. En utilisant la
formule d’Euler, on voit que ck (f ) = 0 pour tout k ∈ Z si et seulement si
ck (<f ) = 0 et ck (=f ) = 0 pour tout k ∈ Z. On peut donc supposer f réelle.
Considérons d’abord une fonction f ∈ C2π (à valeurs réelles). Si ses
coefficients de Fourier sont tous nuls, on aura
Z a+π
1
f (t)Tn (t) dt = 0 (5)
2π a−π

quelque soit a ∈ R et quel que soit le polynôme trigonométrique


n
X
Tn (x) = ck eikx .
k=−n

Supposons qu’elle est strictement positive en un point a. Si δ > 0 est assez


petit, on a

f (a)
f (x) ≥ > 0 pour tout x ∈ [a − δ, a + δ].
2
Considérons le polynôme trigonométrique

1 + cos(x − a) n
 
Tn (x) = .
1 + cos δ

Alors, en contradiction avec l’équation (5), on a


Z a+π Z +π
1 1
f (t)Tn (t) dt = f (s + a)Tn (s + a) ds
2π a−π 2π −π
Z Z
1 1
= f (s + a)Tn (s + a) ds + f (s + a)Tn (s + a) ds > 0
2π |s|<δ 2π δ<|s|<π

dès que n est assez grand puisque la première intégrale tend vers +∞ et que
la seconde tend vers 0 lorsque n → +∞.
Pour traiter le cas général, introduisons la fonction
Z x
F (x) = f (t) dt.
−π

93
Elle est absolument continue et F (−π) = F (π) = 0 (car c0 (f ) = 0). Si k 6= 0,
une intégration par parties montre que

ck (f )
ck (F ) = = 0.
ik
En vertu du cas continu, la fonction

F (x) − c0 (F )

est identiquement nulle et la fonction f qui en est la dérivée presque partout


est nulle presque partout. C.Q.F.D.

Remarque. Il suit de ce théorème que si


+∞
X
|ck (f )| < +∞,
−∞

on a
+∞
X
f (x) = ck (f ) eikx
−∞

presque partout. La somme g de la série trigonométrique précédente est en


effet un fonction dans C2π admettant les nombres ck (f ) pour coefficients de
Fourier comme on le voit en intégrant la série terme à terme (convergence
dominée) :
+∞
Z +π X !
1
cj (g) = ck (f )eikx e−ijx dx
2π −π −∞
+∞ Z +π
X 1
= ck (f ) eikx e−ijx dx = cj (f ).
−∞
2π −π

On ne peut donc avoir


+∞
X
|ck (f )| < +∞
−∞

que si la fonction f coı̈ncide presque partout avec une fonction dans C2π . Le
théorème suivant, chronologiquement l’un des premiers de l’analyse harmo-
nique, est d’applicabilité plus générale puisqu’il couvre effectivement tous
les cas rencontrés en pratique.

94
Théorème 41 (Dirichlet) Soit f ∈ L12π une fonction à variation bornée
sur [−π, π]. Alors
+∞
X f (x−) + f (x+)
ck (f ) eikx = .
−∞
2

Démonstration.
Une fonction complexe est à variation bornée si et seulement si sa partie
réelle et sa partie imaginaire le sont. On peut donc supposer f réelle. On a
f (x−) + f (x+)
f (x) =
2
partout sauf peut-être aux points d’un ensemble fini ou dénombrable N . Mo-
difions la fonction sur cet ensemble N de telle sorte que l’équation précédente
soit valable partout et montrons que

lim Sn (f )(x) = f (x)


n→+∞

en un point x arbitraire. On a
Z +π n
1 X
Sn (f )(x) = f (t) eik(x−t) dt
2π −π
k=−n
Z +π
1 sin(2n + 1)(x − t)/2
= f (t) dt
2π −π sin(x − t)/2
Z +π
1 sin(2n + 1)t/2
= f (x − t) dt
2π −π sin t/2
1 π f (x − t) + f (x + t) sin(2n + 1)t/2
Z  
= dt.
π 0 2 sin t/2
Comme, en particulier,
Z π
1 sin(2n + 1)t/2
Sn (1)(x) = 1 = dt,
π 0 sin t/2
on peut écrire
π  
f (x − t) + f (x + t)
Z
1 sin(2n + 1)t/2
Sn (f )(x) − f (x) = − f (x) dt.
π 0 2 sin t/2
Introduisons la fonction de L12π définie sur l’intervalle [−π, π[ par la relation
 
f (x − t) + f (x + t)
ϕx (t) = − f (x) I[0,π[ (t).
2

95
Elle est à variation bornée sur [−π, π], continue à l’origine et il s’agit de
montrer que
1 π
Z
sin(2n + 1)t/2
lim ϕx (t) dt = 0.
n→+∞ π 0 sin t/2
Puisque, en vertu de l’exercice 1 page 110, les coefficients de Fourier d’une
fonction intégrable tendent vers 0, on a
1 π
Z
lim ϕx (t) cos nt dt = 0,
n→+∞ π 0

et il faut en fait voir que


Z π
1 t
lim ϕx (t) cot sin nt dt = 0. (6)
n→+∞ π 0 2
Le raisonnement qui nous le permettra repose sur l’observation que ϕx étant
à variation bornée sur [−π, π], var(ϕx , [ψ, η]) tend vers 0 lorsque η tend vers
0 et ce, quel que soit ψ tel que 0 < ψ < η. Si cela était faux en effet,
on pourrait trouver un nombre δ > 0 et une suite d’intervalles disjoints
[ψk , ηk ] (k = 1, 2, 3, . . .) tels que var(ϕx , [ψk , ηk ]) > δ. On en déduirait que
var(ϕx , [ψK , η1 ]) > Kδ quel que soit K ∈ N contredisant ainsi l’hypothèse
que ϕx est à variation bornée sur [−π, π].
Soit donc  > 0 arbitraire. Choisissons η > 0 tel que var(ϕx , [ψ, η]) < /3
quel que soit ψ tel que 0 < ψ < η. Les calculs suivants utilisent les inégalités
2 π
x ≤ sin x ≤ x si 0 ≤ x ≤
π 2
qui traduisent la concavité du sinus sur [0, π/2]. On obtient d’abord
Z π
1 t 

π ϕx (t) cot sin nt dt <
η 2 3

dès que n ≥ n1 en vertu de l’exercice 1 page 110 appliqué à la fonction


t
t 7→ ϕx (t) cot I[η,π] (t)
2
puis
Z Z
1 η t π 1 η
ϕx (t) cot sin nt dt = cot ϕx (t) sin nt dt

π π/n 2 2n π π/n


1 
≤n var(ϕx , [π/n, η]) <
4n 3

96
en vertu des exercices 17 page 69 (le deuxième théorème de la moyenne) et
2 page 111 (les coefficients d’une fonction à variation bornée sont majorés
par la variation de la fonction divisée par l’indice du coefficient) et enfin,
utilisant la continuité de la fonction ϕx à l’origine,
Z
1 π/n t 1 Z π/n 
ϕx (t) cot sin nt dt ≤ sup{ |ϕx (t)| | 0 ≤ t ≤ π/n} πn dt <

π 0 2 π 0 3

dès que n ≥ n2 . On aura donc


Z π
1 t

π ϕx (t) cot sin nt dt < 
0 2

dès que n est assez grand. C.Q.F.D.


Les sommes partielles Sn (f ) peuvent converger vers la fonction f de plus
d’une manière.

Théorème 42 Soit f ∈ L22π . Alors

lim kSn (f ) − f k2 = 0.
n→+∞

De plus,
+∞ Z +π
X
21
|ck (f )| = |f (t)|2 dt.
−∞
2π −π

Réciproquement, si
+∞
X
|ck |2 < +∞,
−∞

il existe f ∈ L22π telle que


ck (f ) = ck .

Démonstration.
Les sommes partielles Sn (f ) d’une fonction f ∈ L22π possèdent une pro-
priété de meilleure approximation. Soit
n
X
Tn (x) = ck eikx
k=−n

97
un polynôme trigonométrique arbitraire de degré n. Alors
Z +π
1
|f (t) − Tn (t)|2 dt
2π −π
Z +π Z +π Z +π Z +π
1 2 1 1 1
= |f (t)| dt − f (t)Tn (t)dt − f (t)Tn (t)dt + |Tn (t)|2 dt
2π −π 2π −π 2π −π 2π −π
Z +π n n n
1 X X X
= |f (t)|2 dt − ck (f )ck − ck (f )ck + |ck |2
2π −π
k=−n k=−n k=−n
Z +π n n
1 X X
= |f (t)|2 dt − |ck (f )|2 + |ck (f ) − ck |2
2π −π
k=−n k=−n
Z +π n
1 X
≥ |f (t)|2 dt − |ck (f )|2 .
2π −π
k=−n

On a égalité si et seulement si ck = ck (f ) pour tout −n ≤ k ≤ n. Ceci


montre que, de tous les polynômes trigonométriques d’ordre n possibles,
Sn (f ) est celui qui approche le mieux la fonction f en moyenne quadratique
et entraı̂ne
Z +π Z +π n
1 2 1 2
X
|f (t) − Sn (f )(t)| dt = |f (t)| dt − |ck (f )|2 (7)
2π −π 2π −π
k=−n

donc Z +π n
1 X
0≤ |f (t)|2 dt − |ck (f )|2 .
2π −π k=−n

L’entier n étant arbitraire, on en déduit l’inégalité de Bessel


+∞ Z +π
X 1 2
|ck (f )| ≤ |f (t)|2 dt
−∞
2π −π

P+∞ 2
et, en particulier, la convergence de la série −∞ |ck (f )| . Alors
2

Z
X X
kSn (f ) − Sm (f )k22 = ikt
|ck (f )|2


ck (f ) e dt = 2π
−π n<|k|≤m n<|k|≤m

et
lim kSn (f ) − Sm (f )k2 = 0.
n,m→+∞

98
Le théorème de Riesz-Fischer implique qu’il existe une fonction g ∈ L22π telle
que
lim kSn (f ) − gk2 = 0.
n→+∞

Cette fonction g a les mêmes coefficients de Fourier que la fonction f . En


effet,
Z +π Z +π
1 1
ck (g) = g(t) e−ikt dt = lim Sn (f )(t) e−ikt dt = ck (f ),
2π −π n→+∞ 2π −π

la permutation de la limite et de l’intégrale étant justifiée par la convergence


en moyenne quadratique de Sn (f ) vers g et l’inégalité de Cauchy-Schwarz :
Z +π Z +π
1 −ikt 1 −ikt
1

2π Sn (f )(t) e dt − g(t) e dt ≤ √ kSn (f ) − gk2 .
−π 2π −π 2π
On a donc f = g presque partout et

lim kSn (f ) − f k2 = 0.
n→+∞

En vertu de l’équation (7), l’identité de Parseval


Z +π +∞
1 2
X
0= |f (t)| dt − |ck (f )|2
2π −π −∞

est équivalente à la convergence en moyenne quadratique des sommes Sn (f )


vers la fonction f .
Enfin, si les nombres ck sont tels que
+∞
X
|ck |2 < +∞,
−∞

le raisonnement précédent montre que les sommes partielles de la série


+∞
X
ck eikx
−∞

satisfont le critère de Cauchy et donc convergent en moyenne quadratique


vers une fonction f ∈ L22π qui admet pour coefficients de Fourier les nombres
ck donnés. C.Q.F.D.

99
9.2 Transformée de Fourier
Soit f ∈ L1C (R). Sa transformée de Fourier est la fonction fˆ : R → C
définie par Z +∞
1
ˆ
f (ξ) = √ f (t) e−iξt dt.
2π −∞
En vertu du théorème de Lebesgue sur la convergence dominée, fˆ est une
fonction continue, bornée et

kfˆk∞ ≤ kf k1 .

Exemple. Soit
2 /2
n(x) = e−x .
Alors, la dérivation sous le signe intégral et l’intégration par parties sur
un intervalle de longueur infinie étant toutes les deux justifiées à l’aide du
théorème de la convergence dominée, on a
 Z +∞ 
0 d 1 −t2 /2 −iξt
n̂ (ξ) = √ e e dt
dξ 2π −∞
 Z +∞  Z +∞
d 1 −t2 /2 1 2
= √ e cos ξt dt = √ −t e−t /2 sin ξt dt
dξ 2π −∞ 2π −∞
Z +∞
1 2
= −√ e−t /2 ξ cos ξt dt = −ξ n̂(ξ).
2π −∞
Cette équation différentielle, jointe à la condition initiale n̂(0) = 1, entraı̂ne
2 /2
n̂(ξ) = e−ξ .

La fonction n est donc sa propre transformée de Fourier.

Considérons la fonction
x 2 2
nσ (x) = n( ) = e−x /2σ .
σ
Sa transformée de Fourier est
2 ξ 2 /2
n̂σ (ξ) = σn̂(σξ) = σ e−σ .

Ces deux fonctions jouissent des propriétés suivantes :


1. la fonction nσ est positive et croı̂t vers 1 lorsque σ tend vers +∞ ;

100
2. la fonction n̂σ est positive et
Z +∞
1
√ n̂σ (ξ) dξ = 1;
2π −∞

3. si ϕ ∈ L∞
C (R) est continue à l’origine,
Z +∞
1
lim √ n̂σ (ξ) ϕ(ξ) dξ = ϕ(0); (8)
σ→+∞ 2π −∞

les calculs suivants et le théorème de la convergence dominée justifient


en effet cette relation :
Z +∞ Z +∞
1 1
√ n̂σ (ξ) ϕ(ξ) dξ − ϕ(0) =
√ n̂σ (ξ) (ϕ(ξ) − ϕ(0)) dξ
2π 2π −∞
−∞
Z +∞ Z +∞
1 1 2
≤√ n̂σ (ξ) |ϕ(ξ) − ϕ(0)| dξ = √ e−η /2 |ϕ(η/σ) − ϕ(0)| dη;
2π −∞ 2π −∞

4. pour toute fonction f ∈ L1C (R), on a :


Z +∞ Z +∞
1 1
√ f (x − ξ)n̂σ (ξ) dξ = √ fˆ(t) nσ (t) eixt dt; (9)
2π −∞ 2π −∞

le théorème de Fubini justifie en effet les calculs suivants :


Z +∞ Z +∞ Z +∞
1 1 1
√ ˆ ixt
f (t) nσ (t) e dt = √ ixt
nσ (t) e dt √ f (y) e−ity dy
2π −∞ 2π −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1 1 i(x−y)t 1
=√ f (y) dy √ nσ (t) e dt = √ f (y)n̂σ (y − x) dy
2π −∞ 2π −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞
1 1
=√ f (x − z)n̂σ (−z) dz = √ f (x − z)n̂σ (z) dz.
2π −∞ 2π −∞

Théorème 43 (formule d’inversion de Fourier) Soit f ∈ L1C (R). Sup-


posons que fˆ ∈ L1C (R). Alors
Z +∞
1
f (x) = √ fˆ(ξ) eixξ dξ.
2π −∞

presque partout sur R.

101
Démonstration.
Introduisons le produit de convolution
Z +∞
1
fσ (x) = √ f (x − ξ)n̂σ (ξ) dξ.
2π −∞
On a Z +∞
1
|fσ (x) − f (x)| ≤ √ n̂σ (ξ)|f (x − ξ) − f (x)| dξ
2π −∞
et le théorème de Tonelli implique
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1
|fσ (x) − f (x)| dx ≤ dx √ n̂σ (ξ)|f (x − ξ) − f (x)| dξ
−∞ −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞
1
=√ n̂σ (ξ) dξ |f (x − ξ) − f (x)| dx
2π −∞ −∞

de telle sorte que


lim kfσ − f k1 = 0
σ→+∞
(en choisissant Z +∞
ϕ(ξ) = |f (x − ξ) − f (x)| dx
−∞
dans l’équation (8) et en utilisant le résultat de l’exercice 18 page 52).
D’autre part, en vertu de l’équation (9), on a aussi
Z +∞
1
fσ (x) = √ fˆ(t) nσ (t) eixt dt.
2π −∞
Cette deuxième représentation, les propriétés de la fonction nσ et le théorème
de la convergence dominée (fˆ est intégrable par hypothèse) entraı̂nent
Z +∞
1
lim fσ (x) = √ fˆ(t) eixt dt.
σ→+∞ 2π −∞
On doit donc avoir
Z +∞
1
f (x) = √ fˆ(t) eixt dt
2π −∞

pour presque tout x ∈ R. C.Q.F.D.

Remarque. Il suit de ce théorème qu’une fonction intégrable est unique-


ment déterminée par sa transformée de Fourier. Si deux fonctions f, g ∈ L1C (R)
ont la même transformée de Fourier, le théorème s’appliquera en effet à la
fonction f − g.

102
Théorème 44 Soit f ∈ L1C (R) une fonction à variation bornée sur tout
intervalle compact. Alors
Z A
1 f (x−) + f (x+)
lim √ fˆ(ξ)eixξ dξ = .
A→+∞ 2π −A 2

Démonstration.
Comme dans le théorème de Dirichlet, on peut supposer que f est réelle
et que
f (x−) + f (x+)
f (x) =
2
partout. Puisque, en vertu de l’exercice 6 page 111, la transformée de Fourier
d’une fonction intégrable tend vers 0,

lim fˆ(ξ) = 0,
|ξ|→+∞

on a
Z A Z [A]
1 1
lim √ fˆ(ξ)eixξ dξ = lim √ fˆ(ξ)eixξ dξ
A→+∞ 2π −A A→+∞ 2π −[A]

( [A] est la partie entière de A) et il suffit de voir que


Z n
1
lim √ fˆ(ξ)eixξ dξ = f (x)
n→+∞ 2π −n
en un point x arbitraire. En vertu du théorème de Fubini, on a
Z n Z n Z +∞ 
1 ˆ ixξ 1 −iξt
√ f (ξ)e dξ = f (t)e dt eixξ dξ
2π −n 2π −n −∞
1 +∞ sin n(x − t) 1 +∞
Z Z
sin nt
= f (t) dt = f (x − t) dt
π −∞ x−t π −∞ t
2 +∞ f (x − t) + f (x + t) sin nt
Z
= dt.
π 0 2 t

Comme d’autre part (exercice 7 page 90) on a


Z 1
2 sin nt
lim dt = 1,
n→+∞ π 0 t

103
on peut écrire que
Z n
1
√ fˆ(ξ)eixξ dξ − f (x)
2π −n
2 1 f (x − t) + f (x + t)
Z  
sin nt
= − f (x) dt
π 0 2 t
2 +∞ f (x − t) + f (x + t) sin nt
Z  Z 1 
2 sin nt
+ dt + dt − 1 f (x)
π 1 2 t π 0 t

et il suffit de s’assurer que

2 1 f (x − t) + f (x + t)
Z  
sin nt
lim − f (x) dt = 0
n→+∞ π 0 2 t
et que
+∞
f (x − t) + f (x + t) sin nt
Z
2
lim dt = 0.
n→+∞ π 1 2 t
Cette dernière équation est valable en vertu de l’exercice 6 page 111 et
on démontre celle qui la précède de la même manière que l’on a démontré
l’équation (6). C.Q.F.D.

Théorème 45 (produit de convolution) Soient f, g ∈ L1C (R). Alors, pour


presque tout x ∈ R, on a
Z +∞
|f (x − y)g(y)| dy < +∞,
−∞

la fonction h : R → C définie presque partout par l’équation


Z +∞
1
h(x) = √ f (x − y)g(y) dy
2π −∞
est intégrable sur R et
ĥ(ξ) = fˆ(ξ) ĝ(ξ).

Démonstration.
En vertu de l’exercice 4 page 79, on peut supposer que les fonctions f et
g sont boréliennes. Alors la fonction

(x, y) 7→ f (x − y)

104
est aussi borélienne (en vertu de l’exercice 3 page 89 pour la fonction indi-
catrice d’un ensemble borélien, par linéarité et par passage à la limite pour
une fonction borélienne arbitraire). La fonction

(x, y) 7→ f (x − y)g(y)

est donc mesurable et on peut lui appliquer le théorème de Fubini-Tonelli.


On obtient ainsi
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
dx |f (x − y)g(y)| dy = dy |f (x − y)g(y)| dx
−∞ −∞ −∞ −∞
Z +∞ Z +∞ Z+∞ Z +∞
= |g(y)| dy |f (x − y)| dx = |g(y)| dy |f (z)| dz < +∞.
−∞ −∞ −∞ −∞

Par suite, Z +∞
|f (x − y)g(y)| dy < +∞
−∞
pour presque tout x ∈ R et la fonction définie pour ces valeurs de x par la
relation Z +∞
1
h(x) = √ f (x − y)g(y) dy
2π −∞
(et par 0 ailleurs) est intégrable sur R et
Z +∞
1
ĥ(ξ) = √ h(x)e−iξx dx
2π −∞
Z +∞ Z +∞
1 −iξx
= e dx f (x − y)g(y) dy
2π −∞ −∞
Z +∞ Z +∞
1 −iξy 1
=√ g(y)e dy √ f (x − y)e−iξ(x−y) dx
2π −∞ 2π −∞
= fˆ(ξ) ĝ(ξ).

C.Q.F.D.
Remarque. On dénote généralement le produit de convolution de f avec
g par f ∗ g.

L’objet du dernier théorème de ce cours est d’obtenir l’analogue de l’iden-


tité de Parseval pour la transformée de Fourier. La situation est un peu com-
pliquée ici du fait que l’espace L2C (R) n’est pas un sous-espace de l’espace
L1C (R).

105
Théorème 46 (Plancherel) Soit f ∈ L2C (R). Il existe fˆ ∈ L2C (R) telle que
Z +∞ Z A 2

ˆ 1 −ixξ

lim f (ξ) − √ f (x)e dx dξ = 0
A→+∞ −∞ 2π −A

et que
Z +∞
Z A 2
f (x) − √1 ˆ ixξ

lim f (ξ)e dξ dx = 0.
A→+∞ −∞ 2π −A
On a
kfˆk2 = kf k2 .
Si f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), on a
Z +∞
1
fˆ(ξ) = √ f (t) e−iξt dt.
2π −∞

pour presque tout x.


Démonstration.
Supposons d’abord que f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), posons f1 (x) = f (−x) et
introduisons la fonction h définie presque partout par
Z +∞
1
h(x) = √ f (x + y)f (y) dy.
2π −∞
Cette fonction h appartient à l’espace L1C (R), est continue :
sZ sZ
+∞ +∞
1
|h(x2 )−h(x1 )| ≤ √ |f (x2 + y) − f (x1 + y)|2 dy |f (y)|2 dy
2π −∞ −∞

et bornée : Z +∞
1
|h(x)| ≤ √ |f (y)|2 dy.
2π −∞
On a de plus
ĥ(ξ) = |fˆ(ξ)|2 .
En vertu de l’équation (9), on peut écrire que
Z +∞ Z +∞
1 1
√ h(x − t)n̂σ (t) dt = √ ĥ(t)nσ (t)eixt dt,
2π −∞ 2π −∞
donc, en faisant x = 0, que
Z +∞ Z +∞
1 1
√ h(−t)n̂σ (t) dt = √ ĥ(t)nσ (t) dt.
2π −∞ 2π −∞

106
En laissant σ tendre vers +∞ dans cette dernière relation, on obtient
Z +∞
1
h(0) = √ ĥ(t) dt.
2π −∞

(Pour le membre de gauche, en vertu de l’équation (8) et pour le membre


de droite en vertu du théorème de la convergence monotone). Mais ceci
implique que fˆ appartient à l’espace L2C (R) et que
Z +∞ Z +∞
2
|f (x)| dx = |fˆ(ξ)|2 dξ.
−∞ −∞

Dans le cas général où f ∈ L2C (R), les fonctions fA (x) = f (x)I(−A,A) (x)
appartiennent à L1C (R) ∩ L2C (R) et

lim kfA − f k2 = 0.
A→+∞

Pour les transformées de Fourier


Z A
1
fˆA (ξ) = √ f (x)e−iξx dx,
2π −A

on a
kfˆA k2 = kfA k2 .
Il s’ensuit que les fonctions fˆA satisfont la condition de Cauchy et, l’espace
L2C (R) étant complet, il existe fˆ ∈ L2C (R) telle que

lim kfˆA − fˆk2 = 0.


A→+∞

Puisque, si f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), les fonctions fˆA convergent presque partout
vers Z +∞
1
√ f (x)e−iξx dx,
2π −∞
on retrouve Z +∞
1
ˆ
f (ξ) = √ f (x)e−iξx dx
2π −∞
(presque partout) dans ce cas. Dans tous les cas,

kfˆk2 = lim kfˆA k2 = lim kfA k2 = kf k2 .


A→+∞ A→+∞

107
Associons ensuite à g ∈ L2C (R) les fonctions gA (x) = g(−x)I(−A,A) (x) et
leurs transformées de Fourier
Z A
1
ĝA (ξ) = √ g(x)eiξx dx.
2π −A

Comme précédemment, on voit qu’il existe ğ ∈ L2C (R) telle que

lim kĝA − ğk2 = 0.


A→+∞

La démonstration sera complétée lorsque nous aurons vérifiée la formule d’in-


version dans L2C (R). Introduisant les opérateurs linéaires sur L2C (R) définis
par F(f ) = fˆ et F1 (g) = ğ, il s’agit de voir que

F1 ◦ F (f ) = f.

Lorsque
f, fˆ ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), (10)
cette relation est certainement satisfaite, en vertu de la formule d’inversion
de Fourier. Reste à supprimer les hypothèses supplémentaires (10). Or, si
f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), la fonction fσ ,
Z +∞
1
fσ (x) = √ f (x − ξ)n̂σ (ξ) dξ,
2π −∞

satisfait les conditions (10). En effet, il est clair que fσ ∈ L1C (R) et que
fˆσ = fˆnσ ∈ L1C (R) ∩ L2C (R). On a aussi fσ ∈ L2C (R) ; en effet,
 Z +∞ 2
2 1
|fσ (x)| ≤ √ |f (x − ξ)|n̂σ (ξ) dξ
2π −∞
Z +∞ Z +∞
1 1
=√ |f (x − ξ)|n̂σ (ξ)dξ √ |f (x − η)|n̂σ (η)dη
2π −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞
1 1 |f (x − ξ)|2 + |f (x − η)|2
≤ √ √ n̂σ (ξ) dξ n̂σ (η) dη
2π −∞ 2π −∞ 2
Z +∞
1
=√ |f (x − ξ)|2 n̂σ (ξ) dξ,
2π −∞
en vertu du théorème de Tonelli et de l’inégalité élémentaire

a2 + b2
ab ≤ ,
2

108
de telle sorte que
Z +∞ Z +∞
|fσ (x)|2 dx ≤ |f (x)|2 dx.
−∞ −∞

De façon similaire,
Z +∞
2 1
|fσ (x) − f (x)| ≤ √ |f (x − ξ) − f (x)|2 n̂σ (ξ) dξ
2π −∞

et
Z +∞ Z +∞ Z +∞
2 1
|fσ (x) − f (x)| dx ≤ √ n̂σ (ξ)dξ |f (x − ξ) − f (x)|2 dx,
−∞ 2π −∞ −∞

ce qui entraı̂ne, comme précédemment, que

lim kfσ − f k2 = 0.
σ→+∞

On en déduit que si f ∈ L1C (R) ∩ L2C (R), on a

kF1 ◦ F (f ) − f k2 ≤ kF1 ◦ F (fσ ) − F1 ◦ F (f )k2 + kfσ − f k2 = 2kfσ − f k2 < 

si σ est assez grand, donc que

F1 ◦ F (f ) = f

dans ce cas également. Finalement, l’espace L1C (R) ∩ L2C (R) étant dense dans
l’espace L2C (R) (grâce aux fonctions de test), soit f1 ∈ L1C (R) ∩ L2C (R) telle
que

kf1 − f k2 < .
2
Alors

kF1 ◦ F (f ) − f k2 ≤ kF1 ◦ F (f ) − F1 ◦ F (f1 )k2 + kf1 − f k2 < 

ce qui entraı̂ne
F1 ◦ F (f ) = f
pour toute fonction f ∈ L2C (R). C.Q.F.D.
Remarque. On trouve d’autres notations pour les notions précédentes.
Si Z +∞ √
f˜(ξ) = f (t)e−iξt dt = 2π fˆ(ξ),
−∞

109
la formule d’inversion de Fourier s’écrit
Z +∞
1
f (x) = f˜(ξ)eixξ dξ
2π −∞

et l’identité de Parseval devient


Z +∞ Z +∞
1
|f (x)|2 dx = |f˜(ξ)|2 dξ.
−∞ 2π −∞

De même, si
Z +∞ √
f ˜∗g (x) = f (x − y)g(y) dy = 2π f ∗ g (x),
−∞

on a encore
^
(f ˜∗g) = f˜ g̃.
Ou encore, si

˜
Z +∞ √
f˜(ξ) = f (t)e−i2πξt dt = 2π fˆ(2πξ),
−∞

la formule d’inversion est


Z +∞
˜
f (x) = f˜(ξ)ei2πxξ dξ,
−∞

celle de Parseval demeure


Z +∞ Z +∞
˜
|f (x)|2 dx = |f˜(ξ)|2 dξ
−∞ −∞

et
^ ˜˜
^
(f ∗˜g) = f˜ g̃.

9.3 Exercices
1. Soit f ∈ L12π . Montrer que

lim ck (f ) = 0.
|k|→+∞

Suggestion : considérer d’abord le cas d’une fonction continue.

110
2. Soit f ∈ L12π une fonction à variation bornée sur [−π, π]. Montrer que

var(f, [−π, π])


|ck (f )| ≤ .
4k
Suggestion : remarquer que
Z +π
1 π −iks
ck (f ) = − f (s − )e ds.
2π −π k

3. Développer la fonction f (x) = π 2 − x2 en une série trigonométrique


sur l’intervalle (−π, π). En déduire la valeur des sommes
+∞ +∞ +∞
X (−1)k+1 X 1 X 1
, et .
k2 k2 k4
k=1 k=1 k=1

4. Développer la fonction f (x) = x en une série trigonométrique sur


l’intervalle (−π, π). En déduire la valeur des sommes
+∞ +∞
X (−1)k X sin kx
et .
2k + 1 k
k=0 k=1

5. Soient f ∈ L12π une fonction réelle et


+∞
1 X
S(f )(x) = a0 (f ) + (ak (f ) cos kx + bk (f ) sin kx)
2
k=1

sa série de Fourier écrite sous « forme réelle ». Quelle est l’expression


intégrale des coefficients ? Que devient l’identité de Parseval ?
6. Soit f ∈ Cc∞ (R) une fonction indéfiniment dérivable à support com-
pact. Montrer que, quel que soit N ∈ N,

lim ξ N fˆ(ξ) = 0.
|ξ|→+∞

En déduire que, si f ∈ L1C (R),

lim fˆ(ξ) = 0.
|ξ|→+∞

111
7. Calculer la transformée de Fourier de la fonction

f (x) = e−|x| .

En déduire la valeur de
Z +∞
cos ξx
dξ.
0 1 + ξ2
8. Calculer la transformée de Fourier de la fonction

f (x) = I[−1,1] (x).

En déduire la valeur de
+∞
sin2 x
Z
dx.
0 x2

∗ g = fˆĝ
9. Calculer la convolution I[−1,1] ∗ I[−1,1] et vérifier l’équation f[
dans ce cas.
10. Montrer que si f, g ∈ L2C (R) on a
Z +∞ Z +∞
f (x)ĝ(x) dx = fˆ(x)g(x) dx.
−∞ −∞

Suggestion : considérer d’abord le cas où f, g ∈ L2C (R) ∩ L1C (R).


11. Soit f ∈ L1C (R) une fonction telle que
+∞
X
|f (k)| < +∞.
−∞

Supposons que supp(fˆ)=[π, π]. Montrer que


1
ck (fˆ) = √ f (−k).

En déduire que la formule d’interpolation suivante
+∞
X sin π(x − k)
f (x) = f (k)
−∞
π(x − k)

est vraie presque partout sur R. Que donne cette formule lorsque

fˆ(ξ) = (π − |ξ|)I[−π,π] (ξ)?

112
Références
[1] Nicolas Bourbaki. Éléments d’histoire des mathématiques. Collection
Histoire de la pensée. Hermann, Paris, 1969.
Le traité de Bourbaki est parsemé de notes historiques qui ont été col-
ligées en un volume.
Math-Info QA 21 B68 1974.
[2] André Gramain. Intégration. Collection Méthodes. Hermann, Paris,
1988.
Manuel de niveau premier cycle, approche abstraite.
Math-Info QA 312 G73 1988.
[3] Bertrand Hauchecorne. Les contre-exemples en mathématiques. Ellipses,
Paris, 1988.
Un recueil de contre-exemples tirés de toutes les branches des
mathématiques.
Math-Info QA 43 H38 1988.
[4] Thomas W. Korner. Fourier Analysis. Cambridge University Press,
Cambridge, 1988.
Présentation originale de sujet, niveau premier cycle.
Math-Info QA 403.5 K675 1989.
[5] Henri Lebesgue. Oeuvres scientifiques. L’enseignement mathématique,
Genève, 1972.
Les oeuvres complètes de Lebesgue en cinq volumes.
Math-Info QA 3 L42.
[6] Michel Métivier. Probabilités : dix leçons d’introduction. Ellipses, Paris,
1987.
Survol des probabilités et de la théorie de la mesure. Bonne bibliographie.
Math-Info QA M463 1987.
[7] Murray R. Spiegel. Lebesgue Measure and Integration. Schaum’s outline
series. Mc Graw-Hill, New-York, 1969.
Manuel de niveau premier cycle, beaucoup d’exercices.
Math-Info QA 331.5 S64.
[8] George Temple. 100 Years of Mathematics. Duckworth, Londres, 1981.
Panorama de l’histoire des mathématiques au XXe siècle.
Math-Info QA 26 T46.

113
Index
additivité de l’intégrale, 34 ensemble mesurable, 8, 70
additivité de la mesure, 4 ensembles élémentaires E, 81
additivité finie de l’intégrale, 29 espérance mathématique, 77
additivité finie de la mesure, 16 espace Lp2π , 92
approximation par fonctions étagées, espace C2π , 92
21 espace de Banach, 49
approximation par fonctions dérivables, espace de Hilbert, 49
46 espace de Lebesgue L1 (E), 25
approximation trigonométrique, 97 espace de Lebesgue L1C (E), 91
axiome du choix, 14 espace de Lebesgue Lp (E), 39
espace de Lebesgue LpC (E), 92
Bessel, inégalité de, 98 espace de Lebesgue L1µ (E), 72
Borel-Lebesgue, théorème de, 5 espace de Lebesgue Lpµ (E), 73
espace mesuré, 71
Cantor, ensemble de, 13
espace mesurable, 70
Cauchy-Schwarz, inégalité de, 42
exposants conjugués, 41
changement de variable, 65
clan C, 75 Fatou, lemme de, 32
classe monotone M, 75 fonction étagée, 18
classe monotone engendrée M(F), fonction à variation bornée, 54
75 fonction absolument continue, 62
complétion d’une tribu, 74 fonction borélienne, 79
complétion métrique, 49 fonction concave, 40
continuité de la mesure, 13 fonction convexe, 39
convergence dans Lp (E), 43 fonction de densité, 76
convergence dominée, théorème de fonction de répartition, 76
la, 32 fonction essentiellement bornée, 39
convergence en mesure, 51 fonction indicatrice, 3, 17
convergence en moyenne, 43 fonction intégrable, 25, 31, 72, 91
convergence monotone, théorème fonction mesurable, 17, 31, 70, 91
de la, 26 fonction singulière, 69
convergence presqu’uniforme, 43 fonctions de test Cc∞ (R), 45
convolution, 47, 52, 102, 104 forme linéaire positive, 30
Fourier, coefficients de, 92
dérivation sous le signe intégral, 34
Fourier, formule d’inversion de, 101
Dini, nombres dérivés de, 57
Fourier, série de, 92
Dirichlet, théorème de, 95
Fourier, transformée de, 100

114
Hölder, inégalité de, 41 presque partout, 13

inégalité du
R triangle, 30 rectangles mesurables R, 81
intégrale RE f , 23 rectifiable, 67
intégrale E f dµ, 72 Riesz-Fischer, théorème de, 43
intégrale double, 85
intégration par parties, 64 sommes de Lebesgue, 3, 27
intégration terme à terme, 33 sommes de Riemann, 2
invariance sous translation de la sous-additivité de la mesure extérieure,
mesure extérieure, 6 7
Stieltjes, intégrale de Lebesgue-Stieltjes,
Jensen, inégalité de, 49 76
Jordan, théorème de, 54 support supp(f ), 45

Lebesgue, théorème sur la dérivation Tchebychev, inégalité de, 77


de, 57 théorème fondamental du calcul,
linéarité de l’intégrale, 27 30, 60, 63
Tonelli-Fubini, théorème de, 85
mesure µ, 71 tribu T, 70
mesure σ−finie, 81 tribu µ-complète, 74
mesure borélienne, 76 tribu de Borel B, 70
mesure de Lebesgue λ, 12 tribu de Borel B2 , 83
mesure de Lebesgue λ2 , 87 tribu de Lebesgue L, 9, 70
mesure de probabilité, 76 tribu de Lebesgue L2 , 87
mesure extérieure de Lebesgue λ∗ , tribu engendrée T(F), 70
5 tribu produit L ⊗ L, 81
mesure produit, 83
Minkowski, inégalité de, 42 variable aléatoire, 76
monotonie de la mesure extérieure, variance, 77
6 variation var(φ), 54
Vitali, théorème de, 55
orthogonalité, 92

parallélogramme, identité du, 50


Parseval, identité de, 99
partie négative f− , 19
partie positive f+ , 19
partition d’un intervalle P, 2
Plancherel, théorème de, 106
polynôme trigonométrique, 93
positivité de l’intégrale, 29

115
MESURE ET INTÉGRATION

Solutions des exercices

André Giroux
Département de Mathématiques et Statistique
Université de Montréal
Décembre 2009
1 Introduction
1. Vérifier que la fonction
x 7→ IQ (x)
est partout discontinue.
Solution. Quel que soit x0 , on a

lim inf IQ (x) = 0 , lim sup IQ (x) = 1


x→x0 x→x0

en s’approchant de x0 suivant des points irrationnels ou des points


rationnels respectivement.
2. Déterminer l’ensemble des points de continuité de la fonction

x 7→ x IQ (x).

Solution. La fonction x IQ (x) est continue en x0 si et seulement si


x0 = 0. En effet, la continuité en x0 = 0 découle de l’inégalité

|x IQ (x)| ≤ |x|.

D’autre part, si x0 > 0, on a

lim inf x IQ (x) = 0 , lim sup x IQ (x) = x0


x→x0 x→x0

alors que, si x0 < 0, on a

lim inf x IQ (x) = x0 , lim sup x IQ (x) = 0.


x→x0 x→x0

3. Déterminer les ensembles Ek associés à la fonction IQ .


Solution. Pour chaque m ∈ N = {1, 2, 3, . . .}, on a

E0 = Qc , Em = Q et Ek = ∅ si 0 < k < m.

4. Montrer que
 
n
IQ (x) = lim lim (cos m!πx) .
m→+∞ n→+∞

Solution.

1
Si x ∈
/ Q, pour tout m, quel que soit k ∈ Z,

m!πx 6= kπ

et | cos m!πx| < 1 donc

lim (cos m!πx)n = 0.


n→+∞

Si x ∈ Q, pour tout m ≥ mx , il existe km tel que

m!πx = 2km π

et cos m!πx = 1 donc

lim (cos m!πx)n = 1.


n→+∞

5. Calculer Z 1
(cos m!πx)n dx
0
puis  Z 1 
n
lim lim (cos m!πx) dx .
m→+∞ n→+∞ 0

Solution.
Si n est pair, on a
Z 1 Z m!π Z π
n dy
n 1
(cos m!πx) dx = (cos y) = (cos y)n dy
0 0 m!π π 0
Z π n    
1 1 X n 1 n
= cos(n − 2k)y dy = n
π 0 2n k 2 n/2
k=0

et, si n est impair, Z 1


(cos m!πx)n dx = 0.
0

2πN (N/e)N , on trouve
En utilisant la formule de Stirling N ! ∼
 Z 1  r
n 2
lim lim (cos m!πx) dx = lim = 0.
m→+∞ n→+∞ 0 n→+∞ πn

2
2 Parties mesurables de R
1. Montrer que tout recouvrement d’un ensemble K ⊆ R compact (fermé
et borné) par des ensembles ouverts contient un sous-recouvrement
fini.
Solution. Soit {Oα }α∈A un recouvrement ouvert de K. Si K ⊆ [a, b],
les intervalles ouverts dont se composent les ensembles ouverts K c et
Oα forment un recouvrement de [a, b]. Si {I1 , I2 , . . . , In } constitue un
recouvrement fini de [a, b] par certains de ces intervalles, au plus n des
ensembles Oα pourront être choisis de façon à recouvrir K.
2. Si E ⊆ R et k ∈ R,

kE = {y | y = kx , x ∈ E}.

Montrer que λ∗ (kE) = |k|λ∗ (E).


Solution. Si k = 0, on a bien, avec la convention faite, que

λ∗ ({0}) = 0 λ∗ (E).

Si k > 0,
( )
X [
λ∗ (kE) = inf

(bn − an ) kE ⊆ ]an , bn [
n n
(  )
X1 1 [ 1 1
] an , bn [ = k λ∗ (E).

= k inf bn − an E ⊆

n
k k n
k k

Si enfin k < 0,
( )
X [
λ∗ (kE) = inf

(bn − an ) kE ⊆ ]an , bn [
n n
(  )
X1 1 [ 1 1
] bn , an [ = |k| λ∗ (E).

= −k inf an − bn E ⊆
n
k k n
k k

3. Soit µ∗ : P(R) → [0, +∞] la fonction définie par

µ∗ (E) = sup{(b − a) | ]a, b[ ⊆ E}.

Cette fonction est-elle monotone ? invariante sous translation ? Préserve-


t-elle la longueur des intervalles ? Est-elle sous-additive ?

3
Solution. Il est évident que la fonction µ∗ est monotone, invariante
sous translation et qu’elle préserve la longueur des intervalles. Elle
n’est cependant pas sous-additive comme le montrent les relations
[0, 1] = ([0, 1/4] + [3/4, 1]) + [1/4, 3/4]
et
µ∗ ([0, 1]) = 1 > 1/4 + 1/2 = µ∗ ([0, 1/4] + [3/4, 1]) + µ∗ ([1/4, 3/4]).

4. Répondre aux mêmes questions si la fonction µ∗ est définie par


µ∗ (E) = card(EZ).

Solution. Les propriétés de la fonction A 7→ card(A) montrent que µ∗


est monotone et sous-additive mais elle n’est évidemment pas inva-
riante sous translation et elle ne préserve pas la longueur des inter-
valles.
5. Montrer que, si E ⊆ R est mesurable et k ∈ R, l’ensemble kE est
mesurable.
Solution. Si k = 0, kE = {0} est mesurable. Si k 6= 0,
λ∗ (A kE) + λ∗ (A (kE)c ) = λ∗ (A kE) + λ∗ (A kE c )
   
∗ 1 ∗ 1 c
=λ k A E +λ k A E
k k
    
∗ 1 ∗ 1 c
= |k| λ A E +λ AE
k k
 
1
= |k| λ∗ A = λ∗ (A).
k
6. Montrer que tout ensemble mesurable borné est de mesure finie. La
réciproque est-elle vraie ?
Solution. Si E ⊆ [−K, +K], alors λ(E) ≤ 2K. La réciproque est fausse,
comme le montre l’exemple de l’ensemble non borné
+∞
X 1
E= ]k, k + [
2k
k=1

de mesure finie
+∞
X 1
λ(E) = = 1.
2k
k=1

4
7. Un ensemble de mesure nulle peut-il être ouvert ? Doit-il être fermé ?
Solution. Puisque
!
X X
λ ]ak , bk [ = (bk − ak ),
k k

le seul ensemble ouvert de mesure nulle est l’ensemble vide. Un en-


semble de mesure nulle n’est d’autre part pas nécessairement fermé,
comme le montre l’exemple de l’ensemble Q.
8. Soit  > 0 donné. Construire un ensemble ouvert E de mesure λ(E) < 
qui soit dense dans R (c’est-à-dire tel que tout nombre réel puisse
s’écrire comme la limite d’une suite de nombres appartenant à E).
Solution. Soit Q = {r1 , r2 , r3 , . . .} une énumération des nombres ra-
tionnels ( par exemple, {0, 1, −1, 1/2, −1/2, 1/3, −1/3, 2/3, ...} ). L’en-
semble [  
E= ] rk − k+2 , rk + k+2 [
2 2
k≥1

possède les propriétés requises puisque qu’il contient Q et que

λ(E) < .

9. Montrer qu’un ensemble E ⊆ R est mesurable si et seulement si à


chaque  > 0 correspond un ensemble ouvert O ⊆ R tel que E ⊆ O
et que λ∗ (O E c ) < .
Solution.
Cas où λ∗ (E) < +∞.
Soit O un ensemble ouvert tel que E ⊆ O et que

λ(O ) < λ∗ (E) + .

Si E est mesurable, on a

λ(O ) = λ∗ (E) + λ∗ (O E c ) > λ(O ) −  + λ∗ (O E c )

et donc
λ∗ (O E c ) < .
Réciproquement, considérons l’ensemble mesurable
\
G= O1/n .
n∈N

5
Alors G = E + N où λ∗ (N ) = λ∗ (GE c ) = 0. Donc E = GN c est
mesurable.
Cas où λ∗ (E) = +∞.
Posons In = ] − n, n[ , En = EIn . Alors λ∗ (En ) < +∞. Si O est un
ensemble ouvert tel que E ⊆ O et λ∗ (OE c ) < , on a

λ∗ (OIn Enc ) = λ∗ (OIn E c ) < 

et En est mesurable, donc


[
E= En
n∈N

l’est aussi. Réciproquement, si E est mesurable, chaque ensemble En


l’est. Si donc Om est un ouvert tel que

λ∗ (Om Em
c
)< ,
2m+1
on aura, en posant [
O= Om ,
m∈N
que
!
[ \ X
∗ ∗
c
λ (OE ) = λ Om Enc ≤ λ∗ (Om Em
c
) < .
m∈N n∈N m∈N

10. Montrer qu’un ensemble E ⊆ R est mesurable si et seulement si on


peut l’écrire comme la réunion disjointe d’un ensemble de mesure nulle
N et d’un ensemble qui est une réunion au plus dénombrable d’en-
sembles fermés Fk : [
E = N + Fk .
k

Solution. La condition est évidemment suffisante. Elle est aussi nécessaire


car si On est un ouvert tel que E c ⊆ On et
1
λ(On E) < ,
n
en considérant l’ensemble fermé Fn = Onc , on aura Fn ⊆ E et
1
λ(Fnc E) < .
n

6
On aura donc [
E= Fn + N
n∈N

où !c ! !
[ \
λ(N ) = λ E Fn =λ Fnc E = 0.
n∈N n∈N

11. Soit µ : LR → [0, +∞] une fonction additive. Montrer qu’elle est
nécessairement croissante et sous-additive.
Solution. Si E ⊆ F , on a F = E + F E c et donc, par additivité,

µ(F ) = µ(E) + µ(F E c ) ≥ µ(E).

(Si µ(∅) 6= 0, µ ≡ +∞ et l’énoncé est trivial). Donnée une suite


quelconque d’ensembles mesurables E1 , E2 , E3 , . . . , considérons les en-
sembles F1 = E1 , F2 = E2 E1c , F3 = E3 E2c E1c , . . . Ils sont mesurables et
disjoints donc, par additivité,
! !
[ X X X
µ En = µ Fn = µ(Fn ) ≤ µ(En ).
n n n n

12. Soit µ : LR → [0, +∞] la fonction définie par



+∞ si E est infini
µ(E) =
card(E) si E est fini.

Montrer que µ est additive et invariante sous translation.


Solution. Que la fonction µ soit invariante sous translation est clair.
Soient E1 , E2 , E3 , . . . des ensembles mesurables non vides deux à deux
disjoints. Si l’un d’eux est infini, ainsi en est-il de leur réunion et donc
on a bien !
X X
µ En = µ(En ) = +∞
n n

dans ce cas. Si tous les ensembles En sont finis, leur réunion est finie
s’ils sont en nombre fini et elle est infinie sinon. Dans le premier cas,
!
X X
µ En = µ(En ) < +∞
n n

7
et dans le deuxième
!
X X
µ En = µ(En ) = +∞.
n n

13. Soit {Ek }k une suite décroissante,

E1 ⊇ E2 ⊇ E3 ⊇ · · · ,

d’ensembles de mesure finie. Montrer que


+∞
!
\
lim λ(En ) = λ Ek .
n→+∞
k=1

L’hypothèse « de mesure finie » est-elle essentielle ?


Solution. Si n ≥ 2, considérons les ensembles croissants Fn = E1 Enc .
Alors !  
[ \
lim λ(Fn ) = λ Fn = λ E1 ( En )c  .
n→+∞
n n≥2

Toutes les quantités impliquées étant finies,

λ(E1 ) = λ(En ) + λ(Fn )

entraı̂ne
λ(Fn ) = λ(E1 ) − λ(En )
et    
\ \
λ(E1 ) = λ  En  + λ E1 ( En )c 
n≥2 n≥2

entraı̂ne    
\ \
λ E1 ( En )c  = λ(E1 ) − λ  En  .
n≥2 n≥2

Par suite,  
\
lim λ(En ) = λ  En  .
n→+∞
n≥1

L’hypothèse λ(E1 ) < +∞ est essentielle comme le montre l’exemple


des ensembles En = [n, +∞[ de mesure infinie et d’intersection totale
vide.

8
14. Une fonction µ : LR → [0, +∞] possède la propriété d’additivité finie
si, pour toute suite disjointe finie {Ek }1≤k≤N ,
N N
!
X X
µ Ek = µ(Ek ).
k=1 k=1

Montrer qu’une fonction

µ : LR → [0, +∞]

est additive si et seulement si elle continue et possède la propriété


d’additivité finie.
Solution. Il suffit de voir que les propriétés d’additivité finie et de
continuité conjuguées impliquent la propriété d’additivité. Cela suit
des égalités suivantes, la première découlant de la continuité et la
deuxième de l’additivité finie :
+∞ n n +∞
! !
X X X X
µ Ek = lim µ Ek = lim µ(Ek ) = µ(Ek ).
n→+∞ n→+∞
k=1 k=1 k=1 k=1

3 Fonctions mesurables de R vers R


1. Soit f : E → R une fonction. Montrer qu’elle est mesurable si et
seulement si les ensembles

{x | f (x) > r}

le sont pour tout r ∈ Q.


Solution. Cette condition est évidemment nécessaire et elle est aussi
suffisante parce que tout nombre réel α peut s’écrire comme la limite
d’une suite décroissante de nombres rationnels rn . On a
[
{x | f (x) > α} = {x | f (x) > rn }.
n

2. Vérifier les relations suivantes :

IEF = IE IF , IE+F = IE +IF , IE∪F = IE +IF −IEF , ISn En = sup IEn .

Solution. On a par exemple que ISn En (x) = 1 si et seulement s’il existe


n ∈ N tel que x ∈ En ce qui est vrai si et seulement si sup IEn (x) = 1.

9
3. Soit f : (a, b) → R une fonction monotone. Montrer qu’elle est mesu-
rable.
Solution. L’ensemble {x | f (x) > α} est un intervalle.
4. Soient f : R → R une fonction mesurable et x0 ∈ R. Montrer que la
fonction x 7→ f (x + x0 ) est mesurable.
Solution. On a

{x | f (x + x0 ) > α} = {y | f (y) > α} − x0 .

5. Soient f : R → R une fonction mesurable et k ∈ R. Montrer que la


fonction x 7→ f (kx) est mesurable.
Solution. Si k = 0, la fonction résultante est constante donc mesurable.
Sinon,
1
{x | f (kx) > α} = {y | f (y) > α}.
k
6. Soit f : (a, b) → R une fonction admettant une primitive (c’est-à-dire
telle qu’il existe une fonction F : (a, b) → R dont elle est la dérivée :
f = F 0 ). Montrer qu’elle est mesurable.
Solution. Soit f (x) = F 0 (x). La fonction dérivable F est mesurable et
   
1
f (x) = lim n F x + − F (x)
n→+∞ n

est mesurable comme limite de fonctions mesurables.


7. Soient E ⊆ R un ensemble de mesure finie et f : E → R une fonction
mesurable. Montrer qu’à chaque  > 0 correspond N ∈ N tel que

λ{x | |f (x)| > N } < .

Solution. On peut écrire que


+∞
X
E= {x | (k − 1) ≤ |f (x)| < k}.
k=1

La série
+∞
X
λ({x | (k − 1) ≤ |f (x)| < k})
k=1

10
étant convergente, il existe N ∈ N tel que
X
λ({x | (k − 1) ≤ |f (x)| < k}) < 
k≥N

c’est-à-dire tel que

λ({x | N − 1 ≤ |f (x)|}) < .

8. Montrer que toute fonction mesurable est limite simple d’une suite de
fonctions mesurables étagées.
Solution. Décomposons la fonction suivant ses parties positives et négatives :

f = f + − f −.

Si les fonctions mesurables positives étagées ϕn croissent vers f + et les


fonctions mesurables positives étagées ψn croissent vers f − , la fonction
mesurable étagée ϕn − ψn converge simplement vers f .
9. Montrer que toute fonction mesurable bornée est limite uniforme d’une
suite de fonctions mesurables étagées.
Solution. On a
f = lim ϕn
n→+∞

où n
n2
X k−1
ϕn = IEn,k − c IE
2n
k=1
avec
c = − inf{f (x) | x ∈ E}
et
k−1 k
En,k = {x ∈ E | n
− c ≤ f (x) < n − c}.
2 2
La convergence est uniforme en vertu des inégalités :
1
0 ≤ f − ϕn ≤ .
2n

11
4 Intégration sur R
1. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que, pour tout x0 ∈ R, la fonction x 7→
f (x + x0 ) est intégrable et
Z +∞ Z +∞
f (x + x0 ) dx = f (x) dx.
−∞ −∞

Solution. La mesure étant invariante sous translation, la relation


IE (x + x0 ) = IE−x0 (x)
montre que l’énoncé est vrai si f = IE est la fonction indicatrice d’un
ensemble mesurable, donc, par linéarité, si f = ϕ est une fonction me-
surable positive étagée, donc, par convergence monotone, si f est po-
sitive, donc enfin, encore par linéarité, si f est une fonction intégrable
quelconque.
2. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que, pour tout k ∈ R, k 6= 0, la fonction
x 7→ f (kx) est intégrable et
Z +∞ Z +∞
1
f (kx) dx = f (x) dx.
−∞ |k| −∞

Solution. Les relations


 
1 1
IE (kx) = I1/k E (x) et λ E = λ(E)
k |k|
montrent que la relation est vraie successivement pour une fonction in-
dicatrice, pour une fonction positive étagée, pour une fonction positive
et pour une fonction intégrable.
3. Soit f ∈ L1 (E). Montrer que, quel que soit  > 0, on peut trouver une
fonction mesurable étagée ϕ telle que
Z
|f − ϕ| < .
E

Solution. Toute fonction mesurable positive est la limite d’une suite


croissante de fonctions mesurables positives étagées. En vertu du théorème
de la convergence monotone, il existe deux fonctions mesurables posi-
tives étagées φ et ψ telles que l’on ait
Z Z
 
+
(f − φ) < et (f − − ψ) < .
E 2 E 2

12
Alors Z Z
|f − (φ − ψ)| = |(f + − φ) − (f − − ψ)| < .
E E

4. Soient f ∈ L1 (E) et g : E → R une fonction R coı̈ncidant presque


partout avec f . Montrer que g ∈ L1 (E) et que E g = E f .
R

Solution. Soit N ⊆ E un ensemble de mesure nulle à l’extérieur duquel


f et g coı̈ncident. Alors
Z Z Z Z
|g| = |g| + |g| = |f | < +∞
E N EN c EN c

et Z Z Z Z
f− g= (f − g) = (f − g) = 0.
E E E EN c

5. Obtenir la propriété de continuité de la mesure à partir du théorème


de la convergence monotone.
Solution.
S Soient En des ensembles mesurables qui croissent vers E =
n E n . En appliquant le théorème de la convergence monotone aux
fonctions fn = IEn qui croissent vers f = IE , Ron obtient la propriété
+∞
de continuité de la mesure : la mesure de En ( −∞ fn ) croit vers celle
R +∞
de E ( −∞ f ).
6. Déduire le théorème de la convergence monotone du lemme de Fatou.
Solution. Si les fonctions mesurables positives fn croissent vers la fonc-
tion f sur E, le lemme de Fatou entraı̂ne
Z Z Z Z
f= lim inf fn ≤ lim inf fn ≤ f.
E E n→+∞ n→+∞ E E

7. Montrer que l’on peut avoir inégalité stricte dans le lemme de Fatou.
Solution. Soit E ⊆ [0, 1] un ensemble mesurable tel que 0 < λ(E) < 1.
Soit 
IE si n est pair
fn (x) =
I[0,1]E c si n est impair .
Alors
Z 1 Z 1
lim inf fn = 0 , lim inf fn = inf {λ(E), 1 − λ(E)} > 0.
0 n→+∞ n→+∞ 0

13
8. Le lemme de Fatou reste-t-il vrai si on y remplace lim inf par lim sup ?
Solution. Non. Pour les fonctions de l’exercice précédent,
Z 1 Z 1
lim sup fn = 1 , lim sup fn = sup {λ(E), 1 − λ(E)} < 1.
0 n→+∞ n→+∞ 0

9. Soit
fn (x) = ne−n|x| .
Vérifier que, pour tout x 6= 0,
lim fn (x) = 0.
n→+∞

Calculer ensuite Z +∞
lim fn (x) dx.
n→+∞ −∞

Solution. La fonction exponentielle croissant plus vite que toute puis-


sance de son argument,
lim ne−n|x| = 0 si x 6= 0.
n→+∞

Cependant l’intégrale
Z +∞ Z +∞
−n|x|
ne dx = 2 e−nx ndx = 2
−∞ 0

ne tend pas vers 0.


10. Vérifier que les fonctions
1
fn = I 2
n [0,n ]
convergent vers 0 uniformément sur l’axe réel. Calculer ensuite
Z +∞
lim fn .
n→+∞ −∞

Solution. On a
1
sup{fn (x) | x ∈ R} = .
n
Cependant l’intégrale Z +∞
fn = n
−∞
tend vers +∞.

14
11. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que
Z
lim f = 0.
n→+∞ |x|>n

Solution. En vertu du théorème de la convergence dominée,


Z Z +∞
lim f = lim I[−n,n]c f = 0.
n→+∞ |x|>n n→+∞ −∞

(La fonction majorante est |f |.)


12. Soit f ∈ L1 (R). Est-il nécessairement vrai que

lim f (x) = 0?
|x|→+∞

Solution. Non. Voici un exemple d’une fonction continue dont le graphe


est constitué de segments de droite (en nombre infini). Soit
+∞
X
f= fn
n=2

où   
4 1 1
n x−n+ 3 si n − ≤x≤n




 n  n3

fn (x) = 4 1 1
 n n + n3 − x


si n ≤ x ≤ n + n3

0 autrement.

Alors
Z +∞ +∞
X 1
f= < +∞ , lim sup f (x) = +∞.
−∞ n2 x→+∞
n=2

Remarque : on a bien entendu

lim inf |f (x)| = 0.


x→+∞

13. Soit f ∈ L1 (R). Déterminer


Z +∞
lim f (x) sinn x dx.
n→+∞ −∞

15
Solution. En vertu du théorème de la convergence dominée (fonction
majorante : |f |), on a
Z +∞
lim f (x) sinn x dx = 0
n→+∞ −∞

car
lim sinn x = 0 presque partout sur R.
n→+∞

14. Calculer Z n
x n −2x
lim 1+ e dx.
n→+∞ 0 n

Solution. Les fonctions


x n 
1+
n
x
croissent vers la fonction e donc les fonctions
 x n −2x
I[0,n] 1 + e
n
croissent vers la fonction e−x . En vertu du théorème de la convergence
monotone ou en vertu du théorème de la convergence majorée,
Z n Z +∞
x n −2x
lim 1+ e dx = e−x dx = 1.
n→+∞ 0 n 0

15. Montrer que


Z b
sin x
lim dx existe
b→+∞ 0 x
puis vérifier que
+∞
Z
sin x dx = +∞.

x
0

Solution. En intégrant par parties,


Z b Z b
sin x cos b cos x
dx = − − dx
π/2 x b π/2 x2

de telle sorte
Z b Z π/2 Z +∞
sin x sin x cos x
lim dx = dx − dx.
b→+∞ 0 x 0 x π/2 x2

16
D’autre part, si l’on avait
Z +∞
sin x
x dx < +∞,

0

on en déduirait que
+∞
sin2 x
Z
dx < +∞
π x

donc que
+∞
cos2 y
Z
dy < +∞
π/2 (y + π/2)
ce qui entraı̂nerait
+∞
cos2 y
Z
dy < +∞
π/2 y
et
+∞ +∞ +∞
cos2 x sin2 x
Z Z Z
dx
= dx + dx < +∞
π/2 x π/2 x π/2 x
ce qui est absurde.
16. Soient fn : E → R des fonctions mesurables positives qui décroissent
vers une fonction f : E → R. Montrer que
Z Z
lim fn = f
n→+∞ E E

pourvu que f1 soit intégrable. Cette dernière condition est-elle indis-


pensable ?
Solution. On applique le théorème de la convergence monotone aux
fonctions gn = f1 − fn . On obtient
Z Z
lim (f1 − fn ) = (f1 − f )
n→+∞ E E

donc Z Z Z Z
f1 − lim fn = f1 − f
E n→+∞ E E E
ce qui permet de conclure. L’hypothèse que f1 soit intégrable est es-
sentielle comme le montre l’exemple des fonctions fn = I[n,+∞[ .

17
17. Soient fn : E → R des fonctions intégrables qui croissent vers une
fonction f : E → R. Montrer que
Z Z
lim fn = f
n→+∞ E E

pourvu qu’il existe K ∈ R tel que


Z
fn ≤ K
E

pour tout n ∈ N.
Solution. En vertu du théorème de la convergence monotone, on a
Z Z
lim (fn − f1 ) = (f − f1 )
n→+∞ E E

donc Z Z Z
lim fn − f1 = (f − f1 ).
n→+∞ e E E
On en déduit que Z Z
(f − f1 ) ≤ K − f1 .
E E
Ainsi les fonctions f − f1 et f = (f − f1 ) + f1 sont intégrables et
Z Z Z
(f − f1 ) = f− f1
E E E

ce qui permet de conclure.


18. Soient fn : E → R des fonctions mesurables positives qui convergent
vers une fonction f : E → R de telle sorte que fn ≤ f pour tout n ∈ N.
Montrer que Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E

Solution. En vertu du lemme de Fatou,


Z Z Z Z Z
f= lim inf fn ≤ lim inf fn ≤ lim sup fn ≤ f.
E E n→+∞ n→+∞ E n→+∞ E E

18
19. Soient fn : E → R des fonctions intégrables telles que |fn | ≤ g pour
tout n ∈ N où la fonction g : E → R est intégrable. Montrer qu’alors
Z Z Z Z
lim inf fn ≤ lim inf fn ≤ lim sup fn ≤ lim sup fn .
E n→+∞ n→+∞ E n→+∞ E E n→+∞

Solution. En vertu du lemme de Fatou,


Z Z Z Z
g+ lim inf fn = (g + lim inf fn ) = lim inf (g + fn )
E E n→+∞ E n→+∞ E n→+∞
Z Z Z Z Z
≤ lim inf (g + fn ) = lim inf ( g + fn ) = g + lim inf fn
n→+∞ E n→+∞ E E E n→+∞ E

ce qui montre que


Z Z
lim inf fn ≤ lim inf fn .
E n→+∞ n→+∞ E

En remplaçant fn par −fn dans ce raisonnement, on obtient


Z Z
lim inf (−fn ) ≤ lim inf (−fn )
E n→+∞ n→+∞ E

c’est-à-dire Z Z
lim sup fn ≤ lim sup fn .
n→+∞ E E n→+∞

20. Soient fn : E → R des fonctions mesurables qui convergent vers


une fonction f : E → R, gn : E → R des fonctions intégrables qui
convergent vers une fonction intégrable g : E → R et supposons que
|fn | ≤ gn pour tout n ∈ N. Montrer que dans ce cas
Z Z Z Z
lim fn = f pourvu que lim gn = g.
n→+∞ E E n→+∞ E E

Solution. En vertu du lemme de Fatou,


Z Z
lim inf (g + gn − |f − fn |) ≤ lim inf (g + gn − |f − fn |)
E n→+∞ n→+∞ E

donc Z Z Z Z
2g ≤ lim inf ( g + gn − |f − fn |)
E n→+∞ E E E

19
c’est-à-dire
Z Z Z Z
2g ≤ g + lim gn − lim sup |f − fn |
E E n→+∞ E n→+∞ E

et Z
lim sup |f − fn | ≤ 0
n→+∞ E
ce qui permet de conclure.
21. Montrer que
Z +∞ +∞
x X 1
x
dx = .
0 e −1 k2
k=1

Solution. En intégrant terme à terme une série de fonctions positives,


+∞
+∞ +∞
xe−x +∞
Z Z Z
x −x
X
dx = dx = xe e−kx dx
0
x
e −1 0 1 − e−x 0 k=0
+∞ Z +∞ +∞ Z +∞ +∞
X X 1 X 1
= xe−(k+1)x dx = ye−y dy = .
0 (k + 1)2 0 k2
k=0 k=0 k=1

22. Montrer que, quel que soit t > 0, la fonction x 7→ e−x xt−1 est intégrable
sur [0, +∞[.
Solution. Puisque la fonction exponentielle croı̂t plus vite que toute
puissance de son argument, à chaque t ∈ R correspond At > 0 tel que
At
e−x xt ≤ si x ≥ 1
x2
de telle sorte que
Z +∞ Z +∞
At−1
e−x xt−1 dt ≤ dx < +∞.
1 1 x2

D’autre part,
Z 1 Z 1
−x t−1 1
e x dx ≤ dx < +∞
0 0 x1−t
puisque t > 0.

20
23. Justifier la dérivation sous le signe intégral :
d +∞ −x t−1
Z Z +∞
e x dx = e−x xt−1 log x dx.
dt 0 0

Solution. On a, en vertu du théorème des accroissements finis,


−x t+h−1
− e−x xt−1
h
−x t−1 x − 1
e x −x t+θx (t)h−1
= e x h =e x | log x|
h

où θx (t) ∈ [0, 1]. Puisque le logarithme croı̂t plus lentement que toute
puissance de son argument, à chaque ρ > 0 correspond Bρ > 0 tel que

log y ≤ Bρ y ρ si y ≥ 1

donc que
| log y| ≤ Bρ y −ρ si y ≤ 1.
On en déduit que
−x t+h+1
− e−x xt−1 B1 e−x x3t/2

e x si x ≥ 1

h Bt/4 e−x xt/4−1 si x ≤ 1

dès que |h| ≤ t/2. Cette dernière fonction étant intégrable sur [0, +∞[,
le théorème de la convergence dominée est applicable.

5 Mesure et intégration abstraites


1. – Soient X1 un ensemble, (X2 , T2 ) un espace mesurable et f : X1 →
X2 une application. Vérifier la relation
[ [
f −1 ( Eα ) = f −1 (Eα ).
α∈A α∈A

En déduire que l’image réciproque de la tribu T2 par f est bien une


tribu.
Solution.
On a
[ [
x ∈ f −1 ( Eα ) ⇔ il existe β tel que f (x) ∈ Eβ ⇔ x ∈ f −1 (Eα ).
α∈A α∈A

On en déduit les relations

X1 = f −1 (X2 ),

21
c
f −1 (E2 ) = f −1 (E2c )
et !
[ [
f −1 Ek = f −1 (Ek )
k∈N k∈N
et donc la véracité de l’énoncé.
– Soient (X1 , T1 ) un espace mesurable, X2 un ensemble et f : X1 →
X2 une application. Montrer par un exemple approprié que la famille
f (T1 ) = {f (E1 ) | E1 ∈ T1 }
n’est pas nécessairement une tribu sur X2 .
Solution.
Puisque X2 doit être dans la tribu, l’application f : X1 → X2 doit
être surjective.
2. Soient T1 et T2 deux tribus sur X.
– Montrer par un exemple approprié que T1 ∪T2 n’est pas nécessairement
une tribu sur X.
Solution.
Considérer deux tribus distinctes
Ti = {∅, Ei , Eic , X}
avec ∅ =
6 Ei 6= X.
– Montrer que
T(T1 ∪ T2 ) = T({E1 ∪ E2 | E1 ∈ T1 , E2 ∈ T2 }).
Solution.
Soit
G = {E1 ∪ E2 | E1 ∈ T1 , E2 ∈ T2 }.
Alors
T1 ∪ T2 ⊆ G ⊆ T(T1 ∪ T2 )
d’où le résultat.
3. Soit G = {A, B}. Déterminer A(G).
Solution.
Dans le cas générique où A B,B A et AB 6= ∅, A(G) compte 16
éléments :
∅, X, A, B, Ac , B c , AB, Ac B, AB c , Ac B c ,
A ∪ B, A ∪ B c , Ac ∪ B, AB + Ac B c , Ac B + AB c ,
AB + Ac B + AB c + Ac B c .

22
4. – Soit G = {A1 , A2 , . . . , An } où A1 , A2 , . . . , An forment une partition
de X – les Ak sont non vides, deux à deux disjoints et leur réunion
est X :
X n
X= Ak .
k=1

Déterminer T(G).
Solution.
La tribu engendrée est isomorphe à P({1, 2, . . . , n}) via l’application
X
I ∈ P({1, 2, . . . , n}) 7→ Ai ∈ T(G)
i∈I

(et ∅ 7→ ∅). Elle est finie et compte 2n éléments.


– Soit G = {A1 , A2 , . . . , An } où A1 , A2 , . . . , An sont des parties quel-
conques de X. Déterminer T(G). Quelle est la cardinalité maximale
de T(G) ?
Solution.
Soit

F = {B1 B2 · · · Bn | Bi = Ai ou Bi = Aci } = {C1 , C2 , . . . , CN }


PN
(donc N ≤ 2n ). Alors X = i=1 Ci et, vertu du cas précédent,

T(G) = T(F) = P({1, 2, . . . , N }).


n
On a card(T(G))= 2N ≤ 22 .
5. Soient X un ensemble, J un ensemble infini dénombrable et D =
{Dj }j∈J une partition de X. Montrer que T(D) est isomorphe à P(J).
Solution.
L’isomorphisme est
X
I ∈ P(J) 7→ Di ∈ T(D)
i∈I

(et ∅ 7→ ∅). En particulier, T(D) n’est pas dénombrable.


6. Montrer que toute tribu infinie T sur X est non dénombrable.
(Suggestion : supposant le contraire, les ensembles
\
E(x) = E
x∈E∈T

23
formeraient une partition infinie dénombrable de X).
Solution.
Supposons donc que T est une tribu infinie et dénombrable et considérons
pour chaque x ∈ X l’ensemble :
\
E(x) = E.
E∈T, x∈E

Puisque T est supposée dénombrable, ces ensembles E(x) sont dans T.


Si E(x) 6= E(y), E(x)E(y) = ∅ (car il existe un ensemble E ∈ T tel que
E(x) ⊆ E et que E(y) ⊆ E c ). Les ensembles E(x) qui sont distincts
forment donc une partition finie ou dénombrable de X : E1 , E2 , E3 , . . .
On a
T({E1 , E2 , E3 , . . .}) = T
P
car, pour chaque E ∈ T, E = x∈E E(x). Mais, en vertu d’exercices
précédents, cette tribu engendrée est soit finie soit non dénombrable,
contredisant l’hypothèse faite sur T.
7. – Soient (X1 , T1 ) un espace mesurable, X2 un ensemble et f : X1 →
X2 une application. Quelle est la plus grande tribu T2 sur X2 rela-
tivement à laquelle f reste mesurable ?
Solution.
L’image directe f∗ (T1 ) de T1 par f .
– Soient X1 un ensemble, (X2 , T2 ) un espace mesurable et f : X1 →
X2 une application. Quelle est la plus petite tribu T1 sur X1 qui
rende f mesurable ?
Solution.
L’image réciproque f −1 (T2 ) de T2 par f .
8. – Vérifier que les parties symétriques relativement à l’origine de R,
(E = −E), forment une tribu S sur R.
Solution.
Cela suit des relations
[ [
R = −R , (−E)c = −E c et − En = −En .
n n

– Déterminer M((R, S), (R, S)).


Solution.
Les fonctions qui sont paires et celles qui sont impaires.
– Déterminer L0 (R, S).
Solution.
Les fonctions paires.

24
9. Soient (X, d) un espace métrique et E ⊆ X. Montrer que

|d(x, E) − d(y, E)| ≤ d(x, y).

En déduire que l’ensemble

{x | d(x, E) > }

est ouvert.
Solution.
On a pour tout e ∈ E

d(x, E) ≤ d(x, e) ≤ d(x, y) + d(y, e)

donc
d(x, E) − d(x, y) ≤ d(y, E)
et en permutant x et y,

d(y, E) ≤ d(x, y) + d(x, E).

Si δ = d(x, E) >  et rx = δ − , on a

B(x, rx ) ⊆ {x | d(x, E) > }.

10. Vérifier l’équation


[ [ \
f −1 (O) = fn−1 (Ok )
k∈N N ∈N n≥N

du cours.
Solution.
Puisque O est ouvert, on a
[
O= Ok
k∈N

et donc [
f −1 (O) = f −1 (Ok ).
k∈N

Si x ∈ f −1 (Ok ), d(f (x), Oc ) > 1/k donc il existe N tel que n ≥ N


implique d(fn (x), Oc ) > 1/k et
[ \
x∈ fn−1 (Ok ).
N ∈N n≥N

25
Réciproquement, si [ \
x∈ fn−1 (Ok ),
N ∈N n≥N

on a d(f (x), Oc )≥ 1/k et x ∈ f −1 (Ok+1 ).


11. Soient f, g ∈ L0 (R, BR ). Montrer que la fonction (x, y) 7→ f (x) + g(y)
est mesurable.
Solution.
L’application (x, y) 7→ (f (x), g(y)) est mesurable et la fonction (u, v) 7→
u + v est continue.
12. Soit f ∈ L0 (R, BR ). Montrer que son graphe,
Gf = {(x, y) | y = f (x)},
est mesurable.
Solution.
La fonction g : (x, y) 7→ f (x) − y est mesurable et Gf = g −1 ({0}).
13. Soient (X, T) un espace mesurable et f ∈ M((X, T), (C, BC )). Montrer
qu’il existe une fonction θ ∈ M((X, T), (R, BR )) telle que
f = |f | eiθ .
Solution.
Il suffit de définir θ sur
X 0 = {x | f (x) 6= 0}.
Sur cet ensemble,
f (x)
x 7→
|f (x)|
est mesurable et
1
u 7→ log u
i
est continue.
14. Soient X un ensemble infini non dénombrable et T la tribu engendrée
par les singletons {x} ⊆ X.
– Vérifier que T consiste des parties finies ou dénombrables ou cofinies
(de complémentaire fini) ou codénombrables (de complémentaire
dénombrable) de X.
Solution.
Ces parties forment bien une tribu S et comme T doit contenir les
ensembles finis ou dénombrables ainsi que leur complément, il faut
que S = T.

26
Si E ∈ T, on pose
(
0 si E est fini ou dénombrable,
µ(E) =
1 sinon.
– Vérifier que µ est une mesure de probabilité sur X.
Solution.
On a bien µ(∅) = 0. Si tous les ensembles En sont finis ou dénombrables,
leur somme l’est aussi et
!
X X
µ En = 0 = µ(En ).
n n

Si l’un des ensembles En est cofini ou codénombrable, leur somme


l’est aussi et tous les autres ensembles sont finis ou dénombrables
de telle sorte que
!
X X
µ En = 1 = µ(En ).
n n
15. Soit (X, T, µ) un espace mesuré. Une partie E ⊆ X est dite localement
mesurable si :
F ∈ T et µ(F ) < +∞ impliquent EF ∈ T.
– Montrer que la famille Tloc des parties localement mesurables de X
est une tribu sur X, plus fine que T.
Solution.
Il est clair que T ⊆ Tloc . Si E ∈ Tloc et F ∈ T est tel que µ(F ) < +∞,
E c F = (E ∪ F c )c = (EF + F c )c ∈ T
donc E c ∈ Tloc . De même, la relation
!
[ [
En F = En F
n n
S
montre que, si En ∈ Tloc pour tout n ∈ N, n En ∈ Tloc .
– Montrer que Tloc = T lorsque µ est σ-finie.
Solution.
S
Si X = n D est une exhaustion de X par des ensembles mesurables
de mesure finie et si E ∈ Tloc ,
[
E= Dn E ∈ T.
n

27
Si E ∈ Tloc , on pose
(
µ(E) si E ∈ T,
µloc (E) =
+∞ sinon.
– Montrer que µloc est une mesure positive sur X.
Solution.
On a bien µloc (∅) = µ(∅) = 0. Si tous les ensembles En appartiennent
à T,
! !
X X X X
µloc En = µ En = µ(En ) = µloc (En ).
n n n n
P P
Em ∈
Si P / T, alors ou bien n En ∈
/ T ou bien n En ∈ T mais
µ ( n En ) = +∞. Dans les deux cas,
!
X X
µloc En = +∞ = µloc (En ).
n n

16. Soit (X,


S T, µ) un espace mesuré σ-fini. Montrer que dans la représentation
X = n∈N Dn , on peut prendre les ensembles Dn croissants ou deux
à deux disjoints.
Solution.
Si [
X= Dn ,
n
soient
EN = D1 ∪ D2 ∪ · · · ∪ DN
et
c c
F1 = D1 , FN = DN DN −1 · · · D1 , N ≥ 2.

Ces ensembles sont tous mesurables et de mesure finie et ils épuisent


X, de façon croissante ou disjointe.
17. Soit (X, T, µ) un espace mesuré. On pose
[ \
lim inf En = En
n→+∞
k≥1 n≥k

et \ [
lim sup En = En .
n→+∞
k≥1 n≥k

Supposons les ensembles En mesurables.

28
– Montrer que  
µ lim inf En ≤ lim inf µ(En ).
n→+∞ n→+∞

Solution. T
Les ensembles n≥k En formant une suite croissante, on a
 
  \
µ lim inf En = lim µ  En  ≤ lim inf µ(En ).
n→+∞ k→+∞ n→+∞
n≥k

– Montrer que  
µ lim sup En ≥ lim sup µ(En )
n→+∞ n→+∞
S
pourvu que µ( n En ) < +∞.
Solution. S S
Puisque les ensembles n≥k En décroissent et puisque µ( n En ) <
+∞, on a
 
  [
µ lim sup En = lim µ  En  ≥ lim sup µ(En ).
n→+∞ n→+∞ n→+∞
n≥k

18. Soient (X, T, µ) un espace mesuré complet et f ∈ L0 (X, T). Si g : X →


R coı̈ncide presque partout avec f , alors g ∈ L0 (X, T).
Solution.
On a

{x | g(x) ≤ b} = {x | g(x) = f (x) ≤ b}+{x | g(x) 6= f (x) et g(x) ≤ b}.

Le second ensemble est mesurable parce qu’il est négligeable pour µ.


Le premier ensemble peut s’écrire sous la forme

{x | f (x) ≤ b}{x | f (x) = g(x)}

et est de ce fait mesurable.


19. Soient (X, T, µ) un espace mesuré complet et f : X → R. Montrer que
(R, f∗ (T), f∗ µ) est un espace mesuré complet.
Solution.
Soit N ⊆ R un ensemble négligeable pour f∗ µ. Il existe A ⊆ R tel que
N ⊆ A, que f −1 (A) ∈ T et que µ(f −1 (A)) = 0. Comme f −1 (N ) ⊆
f −1 (A) et comme T est µ-complète, on a f −1 (N ) ∈ T, c’est-à-dire
N ∈ f∗ (T).

29
20. Soient E ⊆ R et f : E → R une fonction mesurable relativement
à la tribu de Lebesgue. Montrer qu’il existe une fonction g : E → R
mesurable relativement à la tribu de Borel qui coı̈ncide presque partout
avec f .
Solution.
Si f = IA est la fonction indicatrice d’un ensemble mesurable, la
représentation de A comme somme d’un ensemble borélien B et d’un
ensemble de mesure nulle N permet de conclure avec g = IB . Le
résultat est donc vrai pour une fonction f étagée par linéarité puis
mesurable quelconque par passage à la limite.
21. Soient (X, T) un espace mesurable et µ, ν ∈ M+ (X, T). Montrer que

Tµ Tν = Tµ+ν .

Solution.
Si (µ + ν)(AB c ) = 0, nécessairement, µ(AB c ) = ν(AB c ) = 0 et donc

Tµ Tν ⊇ Tµ+ν .

Si d’autre part B1 ⊆ E ⊆ A1 avec µ(A1 B1c ) = 0 et B2 ⊆ E ⊆ A2 avec


µ(A2 B2c ) = 0, on a B1 ∪ B2 ⊆ E ⊆ A1 A2 et µ(A1 A2 (B1 ∪ B2 )c ) =
ν(A1 A2 (B1 ∪ B2 )c ) = 0 donc (µ + ν)(A1 A2 (B1 ∪ B2 )c ) = 0 ce qui
montre que
Tµ Tν ⊆ Tµ+ν .

22. La différence symétrique de deux ensembles E ⊆ X et F ⊆ X est


l’ensemble
E∆F = EF c + E c F.
Soit (X, T, µ) un espace mesuré complet. Montrer que si E ∈ T et
E∆F est négligeable, F ∈ T et µ(F ) = µ(E).
Solution.
On a successivement

E ∪ (E∆F ) = E ∪ F ∈ T,

(E ∪ F )E c = E c F ∈ T,
(E∆F )(E c F )c = EF c ∈ T,
(E ∪ F )(E c F )c (EF c )c = EF ∈ T

30
et
F = F E + F E c ∈ T.
Ensuite,
µ(F ) = µ(F E) + µ(F E c ) = µ(F E)
alors que
µ(E) = µ(EF ) + µ(EF c ) = µ(EF ).
23. Soient (X, T, µ) un espace mesuré et f ∈ L0 (X, T) une fonction posi-
tive bornée.
– Montrer qu’il existe une suite de fonctions φn ∈ E 0 (X, T) positives
qui décroı̂t vers f .
Solution.
Soit M > 0 tel que |f (x)| ≤ M pour tout x ∈ X. La fonction
mesurable positive M − f est la limite d’une suite croissante de
fonctions mesurables positives étagées.
– En déduire que si E ∈ T est de mesure finie,
Z Z
f dµ = inf{ φ dµ | φ ∈ E 1 (X, T, µ), f ≤ φ}.
E E
Solution.
Choisissant une suite de fonctions φn ∈ E 1 (X, T, µ) qui décroı̂t vers
f , le théorème de la convergence dominée implique que
Z Z
f dµ = lim φn dµ
E n→+∞ E

ce qui permet de conclure.


– Les hypothèses « bornée » et « de mesure finie » sont-elles nécessaires ?
Solution.

Oui, toutes les deux.
√ Considérer 1/ x sur l’intervalle ]0, 1[ pour
la première et 1/ x3 sur l’intervalle [1, +∞[ pour la seconde (par
exemple).

6 Construction de mesures
1. Le diamètre δ(E) d’une partie E d’un espace métrique (X, d) est
δ(E) = sup {d(x, y) | x, y ∈ E}.
Soient p > 0 et δ > 0. On pose
X [
µ∗p,δ (E) = inf { δ(En )p | E ⊆ En , δ(En ) < δ}.
n∈N n∈N

31
– Montrer que µ∗p,δ est une mesure extérieure sur X.
Solution.
On a évidemment µ∗p,δ (∅) = 0 et puisque tout recouvrement de F
est aussi un recouvrement de E lorsque E ⊆ F , µ∗p,δ (E) ≤ µ∗p,δ (F )
dans ce cas. Choisissant les ensembles En,k de telle sorte que
[ X 
En ⊆ En,k , (δ(En,k ))p ≤ µ∗p,δ (En ) + n ,
2
k∈N k∈N
on a [ [ [
En ⊆ En,k
n∈N n∈N k∈N
et !
[ XX X
µ∗p,δ En ≤ (δ(En,k ))p ≤ µ∗p,δ (En ) + 
n∈N n∈N k∈N n∈N
ce qui montre que µ∗p,δ
est sous-additive.
– Montrer que µ∗p,δ (E) est une fonction décroissante de δ.
Solution.
Si δ < ∆, tout recouvrement de E par des ensembles de diamètre au
plus δ est aussi un recouvrement de E par des ensembles de diamètre
au plus ∆.
– En déduire que
µ∗p (E) = lim µ∗p,δ (E) = sup{µ∗p,δ (E) | δ > 0}
δ→0

est une mesure extérieure sur X (la mesure extérieure de Hausdorff).


Solution.
Pour montrer que
X X
lim µ∗p,δ (En ) = lim µ∗p,δ (En ),
δ→0 δ→0
n n

utiliser le théorème de la convergence monotone.


– Montrer que si p < P , on a
µ∗p,δ (E) ≥ δ p−P µ∗P,δ (E).
Solution.
On a
X [
µ∗p,δ (E) = inf{ δ(En )p | E ⊆ En , δ(En ) < δ}
n∈N n∈N
X [
= inf{ P
δ(En ) δ(En ) p−P
|E⊆ En , δ(En ) < δ} ≥ δ p−P µ∗P,δ (E).
n∈N n∈N

32
– En déduire qu’à chaque E est associé un nombre H(E) (la dimension
de Hausdorff) tel que µ∗p (E) = +∞ si p < H(E) et que µ∗p (E) = 0
si p > H(E).
Solution.
L’inégalité
δ P −p µ∗p,δ (E) ≥ µ∗P,δ (E)
pour tout p < P entraı̂ne que

µ∗P (E) > 0 ⇒ µ∗p (E) = +∞

pour tout p < P .


2. Une mesure extérieure µ∗ est régulière si à chaque A ⊆ X correspond
un ensemble mesurable E tel que A ⊆ E et µ(E) = µ∗ (A). Montrer
que si µ∗ est régulière, pour tout suite croissante A1 ⊆ A2 ⊆ · · ·, on a
!
[
∗ ∗
lim µ (An ) = µ An .
n→+∞
n

Solution.
Soient En des ensembles mesurables tels que An ⊆ En et que µ(En ) =
µ∗ (An ). On a
!
[
µ∗ An = µ∗ (lim inf An ) ≤ µ∗ (lim inf En )
n→+∞ n→+∞
n
!
[
= µ(lim inf En ) ≤ lim inf µ(En ) = lim µ∗ (An ) ≤ µ∗ An .
n→+∞ n→+∞ n→+∞
n

3. Décrire l’espace de probabilité correspondant au cas d’une expérience


aléatoire admettant un nombre fini d’issues équiprobables et déterminer
la loi de probabilité associée à une variable aléatoire sur cet espace.
Sur quelle tribu est-elle définie et quelle est sa fonction de répartition ?
Solution.
On a
Ω = {ω1 , ω2 , . . . , ωN },
T = P(Ω),
card(E)
P (E) = .
N

33
Toute fonction X : Ω → R appartient à L0 (Ω, T) et

X∗ T = P(R),

nombre de cas favorables à A


X∗ P (A) = .
N
Si x1 < x2 < · · · < xN sont les valeurs de X, on peut écrire
N
1 X
FX = I[xk ,+∞[ .
N
k=1

Le cas où X admet moins de N valeurs distinctes s’en déduit aisément.


4. Calculer µF (]n, n + 1]), µF ([n, n + 1]), µF (]n + 1/2, n + 3/2]) et µF ([n +
1/2, n + 3/2]) (n ∈ N) lorsque F (x) est la partie entière de x.
Solution.
On a
µF (]n, n + 1]) = F (n + 1) − F (n) = 1,
µF ([n, n + 1]) = F (n + 1) − F (n−) = n + 1 − (n − 1) = 2,
µF (]n + 1/2, n + 3/2]) = F (n + 3/2) − F (n + 1/2) = n + 1 − n = 1
et

µF ([n + 1/2, n + 3/2]) = F (n + 3/2) − F ((n + 1/2)−) = n + 1 − n = 1.

5. Soient X ∈ L0 (Ω, T), t ∈ R et supposons que etX ∈ L1 (Ω, T, P ).


Montrer que Z Z +∞
tX
e dP = etx dFX (x).
Ω −∞

Solution.
Considérons le cas où t > 0. Posons
 
k−1 tX(ω) k
An,k = ω | <e ≤ n
2n 2
et
An = {ω | n < etX(ω) }.
Si n
n2
X k−1
Xn = IAn,k + nIAn ,
2n
k=1

34
on aura
n2n
k−1
Z Z X
tX
e dP = lim Xn dP = lim P (An,k ) + nP (An )
Ω n→+∞ Ω n→+∞ 2n
k=2
n2n     
X k−1 1 k−1 1 k
= lim n
PX log n
, log
n→+∞ 2 t 2 t 2n
k=2
 
1
+nPX log n, +∞
t
n2n     
X
t( 1t log( k−1 )) 1 k−1 1 k
= lim e 2 n
PX log n
, log
n→+∞ t 2 t 2n
k=2
 
1 1
+et( t log n) PX log n, +∞
t
Z +∞
= etx dFX (x).
−∞

7 Convergence en mesure
1. Soient (X, T, µ) un espace mesuré et f, g ∈ L0 (X, T). Alors f ≡µ g si
et seulement si f + ≡µ g + et f − ≡µ g − .
Solution.
On a simplement

{x | d(f (x), g(x)) > 0}


= {x | d(f (x), g + (x)) > 0} ∪ {x | d(f − (x), g − (x)) > 0}.
+

2. À quelle condition deux fonctions continues f, g : R → R sont-elles


équivalentes modulo λ ?
Solution.
Tout point x ∈ R est la limite de points xn ∈ R tels que f (xn ) = g(xn )
puisque la mesure de Lebesgue attribue une valeur strictement positive
à tout intervalle ouvert. Donc f = g.
3. Montrer par un exemple approprié que le théorème d’Egorov n’est pas
nécessairement vrai si la mesure n’est pas finie.
Solution.
Si fn : R → R est définie par
x
fn (x) = ,
n

35
alors f = limn→+∞ fn = 0 mais

λ({x | |fn (x) − f (x)| > }) = +∞.

4. Soient fn : [0, 1] → R la fonction indicatrice de l’intervalle

]k 2−m , (k + 1) 2−m ]

lorsque n = 2m + k avec m ≥ 0, 0 ≤ k < 2m .


– Montrer que les fonction fn convergent en mesure.
Solution.
Ces fonctions convergent en mesure vers 0 puisque

λ({x | fn (x) > 0}) = 2−m .

– Montrer qu’elles divergent en chaque point x ∈]0, 1].


Solution.
En chaque point x ∈]0, 1], on a fn (x) = 0 pour un nombre infini
des indices n mais aussi fn (x) = 1 pour un nombre infini d’autres
indices n.
– Montrer que la suite partielle f2m converge en tout point x ∈ [0, 1].
Solution.
On a
f2m = I]0,2−m ] .
5. Dans L∞ 2 2
λ ([0, 1]), calculer dλ (x , x) et kx − xk∞ .
Solution.
On a évidemment kx2 − xk∞ = 1/4. D’autre part
(√
1 − 4δ si δ < 1/4,
λ(Aδ ) =
0 sinon.

Ainsi λ(Aδ ) < δ si et seulement si δ > 5 − 2 et

2 5−2
dλ (x , x) = √ = 0, 190...
5−1

6. Soit (X, T, µ) un espace mesuré de mesure finie. Montrer que la relation

|f − g|
Z
δµ (f , g) = dµ
X 1 + |f − g|

36
définit sur L0µ (X, T) une distance qui est équivalente à celle de la
convergence en mesure dµ (f , g).
Solution.
La fonction
|f (x) − g(x)|
x 7→
1 + |f (x) − g(x)|
est intégrable parce que mesurable et bornée. L’inégalité
|f − g| |f − h| |h − g|
≤ +
1 + |f − g| 1 + |f − h| 1 + |h − g|
entraı̂ne l’inégalité

δµ (f , g) ≤ δµ (f , h) + δµ (h, g)

et δµ (fn , f ) tend vers 0 si et seulement si dµ (fn , f ) tend vers 0 µ-presque


partout sur X en vertu des relations :
|fn − f |
Z
δ
dµ ≥ µ(Aδ (fn , f ))
X 1 + |fn − f | 1+δ
et
|fn − f |
Z
δ
dµ ≤ µ(Aδ (fn , f )) + µ(X).
X 1 + |fn − f | 1+δ
7. Montrer par un exemple approprié que la convergence en mesure de
fn vers f et la convergence en mesure de gn vers g n’entraı̂ne pas
nécessairement celle de fn gn vers f g.
Solution.
Les fonctions x 7→ x + 1/n et x 7→ x2 + 1/n convergent en mesure vers
x 7→ x et x 7→ x2 respectivement mais x 7→ x3 + x2 /n + x/n + 1/n2 ne
converge pas en mesure vers x 7→ x3 .

8 Espaces de Lebesgue
1. Soient X ∈ L1 (Ω, T, P ) une variable aléatoire admettant une espérance
mathématique et φ : R → R une fonction convexe dérivable telle que
φ ◦ X ∈ L1 (Ω, T, P ). Montrer que
Z  Z
φ X dP ≤ φ(X) dP
Ω Ω

(inégalité de Jensen).

37
(Suggestion : utiliser l’inégalité de convexité φ0 (t0 )(t − t0 ) + φ(t0 ) ≤
φ(t)).
Solution. Dans l’inégalité de convexité

φ0 (t0 )(t − t0 ) + φ(t0 ) ≤ φ(t),


R
soient t = X(ω) et t0 = Ω X dP . Alors
Z  Z  Z 
0
φ X dP + φ X dP X(ω) − X dP ≤ φ(X(ω))
Ω Ω Ω

donc, en intégrant et en tenant compte de ce que P (Ω) = 1,


Z  Z
φ X dP ≤ φ(X) dP.
Ω Ω

2. Soient X ∈ L1 (Ω, T, P ) une variable aléatoire admettant une espérance


mathématique. Montrer que
q Z p
1 + kXk1 ≤2 1 + X 2 dP ≤ 1 + kXk1 .


Solution. La fonction φ(t) = 1 + t2 est convexe donc
Z  Z
φ |X| dP ≤ φ(|X|) dP.
Ω Ω

d’où
q Z p Z
1+ kXk21 ≤ 1+ X2 dP ≤ (1 + |X|) dP = 1 + kXk1 .
Ω Ω

3. Soient 0 < p < r < s < +∞. Montrer que

Lp (X, T, µ)Ls (X, T, µ) ⊆ Lr (X, T, µ).

Solution. On a
s−r r−p
Z Z p +s
r
|f | dµ = |f | s − p s − p dµ
X X
Z  s − r Z r − p
≤ |f |p dµ s − p |f |s dµ s − p .
X X

38
4. Soient 1 ≤ p ≤ r ≤ +∞. Montrer que

Lp (X, T, µ)L∞ (X, T, µ) ⊆ Lr (X, T, µ)L∞ (X, T, µ).

Solution. On a
|f | r |f | p
Z Z   Z  
|f |r dµ = kf kr∞ dµ ≤ kf kr∞ dµ.
X X kf k∞ X kf k∞

5. Soient 1 < p, q, r < +∞ des nombres tels que


1 1 1
+ + =1
p q r
et
f ∈ Lp (R), g ∈ Lq (R), h ∈ Lr (R).
Montrer que f gh ∈ L1 (R) et que

kf ghk1 ≤ kf kp kgkq khkr .

Solution. Appliquant l’inégalité de Jensen, on obtient

xα1 1 xα2 2 xα3 3 ≤ α1 x1 + α2 x2 + α3 x3 .

Le choix
|f |p 1 |g|q 1 |h|r 1
x1 = p , α1 = , x2 = q , α2 = , x3 = , α3 =
kf kp p kgkq q khkrr r
puis une intégration sur R conduisent au résultat.
6. Soient f ∈ Lp ([0, +∞[ ) et g ∈ Lq ([0, +∞[ ) où 1 ≤ p, q ≤ +∞ sont
conjugués. Calculer

1 T
Z
lim f (s)g(s) ds.
T →+∞ T 0

Solution. Puisque
Z T
Z T 1/p Z T 1/q
|f |p |g|q


f g ≤ ≤ kf kp kgkq ,
0 0 0
on a Z T
1
lim f (s)g(s) ds = 0.
T →+∞ T 0

39
7. Soit f : [0, A] → R une fonction s’annulant à l’origine et admettant
une dérivée continue. Montrer que, quel que soit p ≥ 1, on a
A
kf kp ≤ kf 0 kp .
p1/p
L’égalité est-elle possible ?
Solution. On a
Z x
Z x 1/p
0 0 p
x1/q

|f (x)| = f (t) dt ≤ |f (t)| dt
0 0

de telle sorte que


Z A Z A Z A
p 0 p
|f (x)| dx ≤ |f (t)| dt xp/q dx
0 0 0

et
A
kf kp ≤ kf 0 kp .
p1/p
L’égalité aura lieu si et seulement si f (x) = cx et p = +∞.
8. Montrer que L2 (R) * L1 (R) et que L1 ([0, 1]) * L2 ([0, 1]).
Solution. Par exemple,
1
∈ L2 (R) \ L1 (R)
1 + |x|
et
1
√ ∈ L1 ([0, 1]) \ L2 ([0, 1]).
x
9. Soient f, g ∈ L2 (E). Montrer que
1
kf k22 + kgk22 = (kf + gk22 + kf − gk22 )
2
(identité du parallélogramme).
Solution. On a

kf + gk22 + kf − gk22 =< f + g, f + g > + < f − g, f − g >


= kf k22 + 2 < f, g > +kgk22 + kf k22 − 2 < f, g > +kgk22 .

40
10. Soit 0 < p < 1. Montrer que si f, g ∈ Lp (E), alors f + g ∈ Lp (E) mais
que l’inégalité
kf + gkp ≤ kf kp + kgkp
n’est plus nécessairement satisfaite.
Solution. On a

|f + g|p ≤ (|f | + |g|)p ≤ (2 sup{|f |, |g|})p ≤ 2p (|f |p + |g|p )

de telle sorte que

kf + gkpp ≤ 2p (kf kpp + kgkpp ).

L’inégalité de Minkowski peut être fausse, par exemple, dans l’espace


L1/2 ([0, 1]), pour les fonctions

f = I(0,1/2) et g = I(1/2,1) .

11. On considère les fonctions fn : [0, 1] → R définies par

 2nα+β x si 0 ≤ x ≤ 1/(2nα )

fn (x) = 2nβ (1 − nα x) si 1/(2nα ) ≤ x ≤ 1/nα


0 si 1/nα ≤ x ≤ 1.

Montrer qu’elles convergent vers 0 en chaque point x ∈ [0, 1] puis


déterminer les valeurs de p pour lesquelles elles convergent au sens de
Lp ([0, 1]).
Solution. Quel que soit x ∈]0, 1[, on a
1
fn (x) = 0 dès que n > .
x1/α
D’autre part,
1
np β−α
Z
fnp =
0 p+1
ce qui tend vers 0 si et seulement si p < α/β.
12. Soient 1 ≤ p, q ≤ +∞ des exposants conjugués, fn ∈ Lp (E) des fonc-
tions qui convergent au sens de Lp (E) vers une fonction f ∈ Lp (E) et
gn ∈ Lq (E) des fonctions qui convergent au sens de Lq (E) vers une
fonction g ∈ Lq (E). Montrer que
Z Z
lim fn gn = f g.
n→+∞ E E

41
Solution. Le résultat suit des inégalités suivantes :
Z Z Z
|fn gn − f g| ≤ |fn − f ||gn | + |f ||gn − g|
E E E
≤ kfn − f kp kgn kq + kf kp kgn − gkq

et du fait que
lim kgn kq = kgkq .
n→+∞

13. Montrer que les fonctions fn (x) = sin nx forment dans l’espace de Hil-
bert L2 ([−π, π]) une suite bornée (kfn k2 restent bornées) qui n’admet
aucune suite partielle convergente (au sens de L2 ([−π, π])).
Solution. D’une part
Z +π
sin2 nx dx = π.
−π

D’autre part, Z +π
(sin nx − sin mx)2 dx = 2π.
−π

14. Soient fn ∈ Lp (E)des fonctions qui convergent simplement (ponctuel-


lement) vers une fonction f ∈ Lp (E). Montrer qu’elles convergent au
sens de Lp (E) (1 ≤ p < +∞) si et seulement si

lim kfn kp = kf kp .
n→+∞

Solution. La condition est évidemment nécessaire puisque

|kfn kp − kf kp | ≤ kfn − f kp .

Pour démontrer l’implication réciproque, on utilise le fait que les fonc-


tions |fn − f |p tendent vers 0 en restant majorées par les fonctions
2p (|fn |p + |f |p ) qui tendent, elles, vers 2p+1 |f |p . Comme
Z Z
p p p
lim 2 (|fn | + |f | ) = 2p+1 |f |p
n→+∞ E E

par hypothèse, on a
Z Z
lim |fn − f |p = 0 = 0.
n→+∞ E E

42
15. Soit f ∈ Lp (R) (1 ≤ p < +∞). Montrer que
Z +∞ 1/p
p
lim |f (x + h) − f (x)| dx = 0.
h→0 −∞

Solution. On sait que, quel que soit h ∈ R, la fonction x → |f (x + h)|p


est intégrable et que
Z +∞ 1/p Z +∞ 1/p
p p
|f (x + h)| dx = |f (x)| dx .
−∞ −∞

Si f ∈ Cc∞ (R), on aura


Z +∞ 1/p
p
lim |f (x + h) − f (x)| dx =0
h→0 −∞

en vertu du théorème de la convergence dominée. Dans le cas général,


soit g ∈ Cc∞ (R) une fonction telle que

kf − gkp < .
3
Alors
Z +∞ 1/p
p
|f (x + h) − f (x)| dx
−∞
Z +∞ 1/p Z +∞ 1/p
≤ |f (x + h) − g(x + h)|p dx + |g(x + h) − g(x)|p dx
−∞ −∞
Z +∞ 1/p
+ |g(x) − f (x)|p dx
−∞
Z +∞ 1/p
 
< + |g(x + h) − g(x)|p dx + <
3 −∞ 3

dès que |h| est assez petit.


16. Soient 1 ≤ p, q ≤ +∞ des exposants conjugués, f ∈ Lp (R), g ∈ Lq (R)
et Z +∞ Z +∞
h(x) = f (x − t)g(t) dt = f (t)g(x − t) dt
−∞ −∞
leur produit de convolution. Montrer que h est une fonction continue
et bornée sur R.

43
Solution. On peut supposer que p < +∞ (autrement, on intervertit
les rôles des fonctions f et g). On sait que, quel que soit x ∈ R, la
fonction t → |f (x − t)|p est intégrable et que
Z +∞ 1/p Z +∞ 1/p
p p
|f (x − t)| dt = |f (t)| dt .
−∞ −∞

En vertu de l’inégalité de Hölder, la fonction h est bien définie et

khk∞ ≤ kf kp kgkq .

De plus, elle est (uniformément) continue sur R car


Z +∞
|h(x) − h(y)| ≤ |f (x − t) − f (y − t)||g(t)| dt
−∞
Z +∞ 1/p Z +∞ 1/q
p q
≤ |f (x − t) − f (y − t)| dt |g(t)| dt
−∞ −∞

ce qui tend vers 0 lorsque x tend vers y en vertu de l’exercice précédent.

9 Dérivation
1. Vérifier qu’une fonction φ : [a, b] → R est à variation bornée si et
seulement si son graphe est rectifiable, c’est-à-dire si et seulement si
les sommes
n p
X
σ(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
k=1

restent bornées quelle que soit la partition P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } de


l’intervalle [a, b].
Solution. On a
p
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| ≤ (φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
≤ |φ(xk ) − φ(xk−1 )| + (xk − xk−1 )

donc
s(φ, P) ≤ σ(φ, P) ≤ s(φ, P) + (b − a).

44
2. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Si P = {x0 , x1 , . . . , xn }
est une partition de l’intervalle [a, b], soient
n
X
p(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))+ ,
k=1
Xn
n(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))−
k=1

et posons

pos(φ, [a, b]) = sup{p(φ, P)} ,


P
neg(φ, [a, b]) = sup{n(φ, P)}.
P

Montrer que

pos(φ, [a, b]) − neg(φ, [a, b]) = φ(b) − φ(a),

et que
pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b]) = var(φ, [a, b]).

Solution. On a
n
X
φ(b) − φ(a) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))
k=1
n
X n
X
= (φ(xk ) − φ(xk−1 ))+ − (φ(xk ) − φ(xk−1 ))−
k=1 k=1
= p(φ, P) − n(φ, P).

La relation
p(φ, P) = n(φ, P) + (φ(b) − φ(a))
implique
pos(φ, [a, b]) ≤ neg(φ, [a, b]) + (φ(b) − φ(a))
et la relation
n(φ, P) = p(φ, P) − (φ(b) − φ(a))
implique
neg(φ, [a, b]) ≤ pos(φ, [a, b]) − (φ(b) − φ(a))
ce qui démontre la première équation.

45
Pour démontrer la seconde, observons d’abord que
s(φ, P) = p(φ, P) + n(φ, P) ≤ pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b])
donc que
var(φ, [a, b]) ≤ pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b]).
D’autre part, en vertu de ce qui précède,
var(φ, [a, b]) ≥ s(φ, P) = p(φ, P) + n(φ, P)
= 2 p(φ, P) − (φ(b) − φ(a))
= 2 p(φ, P) − (pos(φ, [a, b]) − neg(φ, [a, b]))
ce qui implique
var(φ, [a, b]) ≥ 2 pos(φ, [a, b]) − (pos(φ, [a, b]) − neg(φ, [a, b]))
= pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b]).

3. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Supposons que


φ = g − h en soit une représentation comme la différence de deux
fonctions croissantes sur [a, b] et posons
P (x) = pos(φ, [a, x]) , N (x) = neg(φ, [a, x]).
Vérifier que P et N sont croissantes sur [a, b] et que
var(P, [a, b]) ≤ var(g, [a, b]) , var(N, [a, b]) ≤ var(h, [a, b]).

Solution. En vertu de l’exercice précédent,


1 1
P (x) = (V (x) + φ(x) − φ(a)) et N (x) = (V (x) − φ(x) + φ(a))
2 2
ce qui montre que P et N sont croissantes. Puisque
V (b) ≤ (g(b) − g(a)) + (h(b) − h(a)),
on a
1
(V (b) + g(b) − h(b) − g(a) + h(a)) ≤ g(b) − g(a)
2
c’est-à-dire
var(P, [a, b]) = P (b) ≤ g(b) − g(a) = var(g, [a, b]).
L’inégalité
var(N, [a, b]) ≤ var(h, [a, b])
s’établit de façon semblable.

46
4. Vérifier que la fonction
(
x−1/3 si x 6= 0,
f (x) =
0 si x = 0.
est intégrable sur [−1, 1] et déterminer la variation de son intégrale
définie Z x
F (x) = f (t) dt
−1
sur cet intervalle.
Solution. La fonction f étant impaire,
Z 1 Z 1
|f (x)| dx = 2 x−1/3 dx = 3.
−1 0

La fonction
3
F (x) = (x2/3 − 1)
2
étant paire, décroissante sur [−1, 0] et croissante sur [0, 1] et la varia-
tion étant une fonction additive de l’intervalle,
var(F, [−1, 1]) = var(F, [−1, 0]) + var(F, [0, 1])
= 2 var(F, [0, 1]) = 2(F (1) − F (0)) = 3.

5. Montrer que la fonction continue φ(x) qui coı̈ncide avec x sin 1/x
lorsque x 6= 0 n’est à variation bornée sur aucun intervalle contenant
0.
Solution. En vertu de l’additivité finie de la variation et du fait que la
fonction considérée est paire, il suffit de voir que la variation de φ sur
l’intervalle [0, 2/π] (par exemple) est infinie. Considérons la partition
particulière Pn
2 2 2 2
Pn = {0, , , . . . , , }.
(2n + 1)π (2n − 1)π 3π π
Pour la somme correspondante, on a
n
X 2 (2k + 1)π 2 (2k − 1)π
(2k + 1)π sin
− sin
2 (2k − 1)π 2
k=1
X n
2 (2n + 1)π
≥ 2 4k
+ sin
(2n + 1)π 2 π (2k + 1)(2k − 1)
k=1

ce qui tend vers +∞ avec n.

47
6. Représenter sur l’intervalle [0, 2π] la fonction sin x comme la différence
de deux fonctions croissantes.
Solution. En utilisant l’additivité finie de la variation, on obtient pour
la variation V (x) associée à la fonction sin x l’expression

sin x
 si 0 ≤ x ≤ π2
V (x) = 2 − sin x si π2 ≤ x ≤ 3π 2

4 + sin x si 3π ≤ x ≤ 2π

2

et
sin x = V (x) − (V (x) − sin x)
est une représentation possible.
7. Soit Q = {q1 , q2 , q3 , . . .} une énumération des nombres rationnels.
Montrer que la fonction
X 1
φ(x) =
q <x
2n
n

est strictement croissante sur R et discontinue sur Q.


Solution. La série
+∞
X 1
=1
2k
k=1

étant convergente, la fonction est bien définie. Si x1 < x2 , il existe un


nombre rationnel qm entre x1 et x2 . Donc

φ(x1 ) < φ(x2 ).

D’autre part, en chaque point rationnel qm , on a


X 1 1 X 1 1
lim φ(qm +h) = lim n
≥ m
+ n
≥ m +lim φ(qm −h)
h↓0 h↓0 2 2 q <q
2 2 h↓0
qn <qm +h n m

de telle sorte que φ fait un saut de 2−m en qm ( la somme des sauts


doit être égale à 1).
8. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Montrer que |φ| est
aussi à variation bornée sur [a, b] et que

var(|φ|, [a, b]) ≤ var(φ, [a, b]).

48
En déduire l’inégalité
Z b
1
|φ| ≤ |φ(a)| + var(|φ|, [a, b]).
b−a a

Solution. La première inégalité découle de la relation :


| |u| − |v| | ≤ |u − v|.
Pour démontrer la seconde, écrivons
|φ|(x) = W (x) − k(x)
où W (x) est la variation de |φ| sur l’intervalle [a, x] et k est une fonction
croissante. On en tire
Z b Z b
|φ| ≤ (W (b) − k(a)) dx = (var(|φ|, [a, b]) + |φ(a)|)(b − a).
a a

9. Soit φ : [a, b] → R la limite d’une suite de fonctions φn : [a, b] → R à


variation bornée. Montrer que
var(φ, [a, b]) ≤ lim inf var(φn , [a, b]).
n→+∞

Solution. Pour toute partition P de l’intervalle [a, b],


s(φ, P) = lim s(φn , P)
n→+∞

donc
s(φ, P) ≤ lim inf var(φn , [a, b])
n→+∞
et
var(φ, [a, b]) ≤ lim inf var(φn , [a, b]).
n→+∞

10. Calculer les nombres de Dini D+ φ(0), D+ φ(0), D− φ(0) et D− φ(0) pour
la fonction
φ = (IQc ]−∞,0] + 2 IQc ]0,+∞[ ) − (IQ ]−∞,0] + 2 IQ ]0,+∞[ ).

Solution. On a
φ(h) − φ(0) φ(h) + 1
D+ φ(0) = lim sup = lim sup = +∞,
h↓0 h h↓0 h
et de façon semblable
D+ φ(0) = −∞ , D− φ(0) = +∞ , D− φ(0) = 0.

49
11. Montrer qu’une fonction est absolument continue sur tout intervalle
dans lequel elle admet une dérivée bornée.
Solution. En vertu du théorème des accroissements finis, quels que
soient u, w dans l’intervalle [a, b] où la fonction φ admet une dérivée
bornée, il existe v ∈]u, w[ tel que
φ(w) − φ(u) = φ0 (v)(w − u).
Par suite,
n
X n
X
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| ≤ kφ0 k∞ (xk − xk−1 ).
k=1 k=1

12. Montrer que la fonction continue φ(x) qui coı̈ncide avec x2 sin 1/x
lorsque x 6= 0 est absolument continue.
Solution. Application de l’exercice précédent. Si x 6= 0,
1 1
φ0 (x) = 2 x sin − cos
x x
alors que
x2 sin 1/x
φ0 (0) = lim = 0.
x→0 x
13. Soit φ : [a, b] → R une fonction croissante. Montrer qu’elle peut s’écrire
sous la forme φ = φac + φs où φac est croissante absolument continue
et φs est croissante singulière, c’est-à-dire telle que φ0s = 0 presque
partout sur [a, b].
Solution. La fonction
Z x
φac (x) = φ0 (t) dt
a
est croissante, absolument continue et
φ0ac (x) = φ0 (x)
presque partout sur l’intervalle [a, b]. La relation
Z x2
φ0 (t) dt ≤ φ(x2 ) − φ(x1 )
x1

montre d’autre part que la fonction


φs (x) = φ(x) − φac (x)
est croissante.

50
14. Montrer qu’une fonction convexe φ : R → R est absolument continue
sur tout intervalle compact [a, b].
Solution. On sait que si x1 < x2 < x3 < x4 ,
φ(x2 ) − φ(x1 ) φ(x3 ) − φ(x2 ) φ(x4 ) − φ(x3 )
≤ ≤
x2 − x1 x3 − x2 x4 − x3
de telle sorte que si a ≤ x < y ≤ b,
φ(y) − φ(x)
φ(a − 1) − φ(a − 2) ≤ ≤ φ(b + 2) − φ(b + 1).
y−x
On en déduit que
|φ(y) − φ(x)|
≤ sup{|φ(a − 1) − φ(a − 2)|, |φ(b + 2) − φ(b + 1)|} = K.
|y − x|
Ainsi
n
X n
X
|φ(tk ) − φ(sk )| ≤ K |tk − sk |.
k=1 k=1

15. Soit φ : [a, b] → R une fonction absolument continue. Montrer que


Z b
var(φ, [a, b]) = |φ0 (x)| dx.
a

Solution. Supposons d’abord que φ0 soit continue. Soit P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn }


une partition quelconque de l’intervalle [a, b]. Alors, en vertu du théorème
des accroissements finis, il existe des points y1 , y2 , . . . , yn tels que
n
X n
X
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| = |φ0 (yk )|(xk − xk−1 )
k=1 k=1

de telle sorte que


n
X
inf |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 )


k=1
n
X
≤ |φ(xk ) − φ(xk−1 )|
k=1
n
X
sup |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 ).


k=1

51
Puisque
Z b n
X 
0
 0
|φ | = sup inf |φ (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 )} | P
a k=1
n
X 
sup |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 )} | P

= inf
k=1
on peut choisir une partition P telle que
Xn
sup |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 )


k=1
n
X
inf |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 ) < ,


k=1
ce qui implique que
Z b
0

var(φ, [a, b]) − |φ |
≤
a
donc que
Z b
var(φ, [a, b]) = |φ0 |
a
dans ce cas.
Dans le cas général, introduisons une fonction g ∈ C([a, b]) telle que
Z b

|φ0 − g| < .
a 2
Pour la fonction Z x
G(x) = φ(a) + g(t) dt,
a
on a Z b
var(G, [a, b]) = |g|.
a
Maintenant,

X n n
X
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| − |G(xk ) − G(xk−1 )|



k=1 k=1
Xn
≤ |(φ(xk ) − φ(xk−1 )) − (G(xk ) − G(xk−1 ))|
k=1

n Z xk n Z xk
X
0
X 
= (φ − g) ≤ |φ0 − g| < .

2

xk−1 xk−1
k=1 k=1

52
On en déduit que

|var(φ, [a, b]) − var(G, [a, b])| ≤
2
puis que
Z b
0

var(φ, [a, b]) − |φ | ≤ |var(φ, [a, b]) − var(G, [a, b])|

a
Z b Z b Z b
0

+ var(G, [a, b]) −
|g| +
|g| − |φ |
a a a
Z b

≤ +0+ |φ0 − g| < 
2 a

ce qui entraı̂ne
Z b
var(φ, [a, b]) = |φ0 |.
a

16. Soient φ : [a, b] → R une fonction absolument continue et

`φ = sup{σ(φ, P) | P}

la longueur de son graphe. Montrer que


Z bq
`φ = 1 + φ0 (x)2 dx.
a

Solution. Supposons d’abord que φ0 soit continue. Soit P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn }


une partition quelconque de l’intervalle [a, b]. Alors, en vertu du théorème
des accroissements finis, il existe des points y1 , y2 , . . . , yn tels que
Xn p X n q
2
(φ(xk ) − φ(xk−1 )) + (xk − xk−1 ) =2 1 + φ0 (yk )2 (xk −xk−1 )
k=1 k=1

donc
n
X q 
0 2
inf 1 + φ (x) | xk−1 | ≤ x ≤ xk
k=1
Xn p
≤ (φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
k=1
Xn q 
≤ sup 1+ φ0 (x)2 | xk−1 | ≤ x ≤ xk .
k=1

53
La partition P étant arbitraire, on en déduit comme dans l’exercice
précédent que
Z bq
`φ = 1 + φ0 2
a
dans ce cas.
Dans le cas général, introduisons une fonction g ∈ C([a, b]) telle que
Z b

|φ0 − g| < .
a 2

Pour la fonction Z x
G(x) = φ(a) + g(t) dt,
a
on a Z bp
`G = 1 + g2.
a
Maintenant, en utilisant la relation
√ √ |u − v|
| u − v| = √ √ ,
u+ v

on voit que
n
Xp

(φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
k=1
n p
X


− 2 2
(G(xk ) − G(xk−1 )) + (xk − xk−1 )
k=1
n
X |(φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 − (G(xk ) − G(xk−1 ))2 |
≤ p p
k=1
(φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2 + (G(xk ) − G(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
n
X |(φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 − (G(xk ) − G(xk−1 ))2 |

|φ(xk ) − φ(xk−1 )| + |G(xk ) − G(xk−1 )|
k=1
n Z b
X 
≤ |(φ(xk ) − φ(xk−1 )) − (G(xk ) − G(xk−1 ))| ≤ |φ0 − g| < .
a 2
k=1

On en déduit que

|`φ − `G | ≤
2

54
puis, comme précédemment, que
Z bq Z b q
2  2
p
|`φ − 1 + φ0 | ≤ + 0 + ( 1 + φ0 − 1 + g 2 )
a 2 a
Z b

≤ + |φ0 − g| < .
2 a

17. À partir de la formule d’intégration par parties, montrer que si la fonc-


tion F : [a, b] → R est absolument continue, positive et décroissante et
si la fonction g : [a, b] → R est intégrable, il existe c ∈ [a, b] tel que
Z b Z c
F (x)g(x) dx = F (a) g(x) dx.
a a
(« Deuxième théorème de la moyenne ». Quel est le premier ?)
Solution. Posons Z x
G(x) = g(t) dt.
a
Alors Z b Z b
F g = F (b)G(b) − F 0 G.
a a
Puisque F 0 est négative,
Z b
F (b)G(b) + inf{G(x) | x ∈ [a, b]}(F (a) − F (b) ≤ Fg
a
≤ F (b)G(b) + sup{G(x) | x ∈ [a, b]}(F (a) − F (b))
et, puisque F est positive,
Z b
inf{G(x) | x ∈ [a, b]}F (a) ≤ F g ≤ sup{G(x) | x ∈ [a, b]}F (a).
a
En vertu du théorème de la valeur intermédiaire, il doit exister c ∈ [a, b]
tel que
Z b
F g = F (a)G(c).
a
Le premier théorème de la moyenne dit qu’il existe c ∈ [a, b] tel que
Z b
f (x) dx = f (c)(b − a).
a
Il s’applique dès que f : [a, b] → R est continue et peut être déduit
du théorème des accroissements finis ou du théorème de la valeur in-
termédiaire.

55
10 Mesures signées
1. Soient ν1 et ν2 deux mesures signées sur (X, T). Montrer que, quelques
soient les nombres a1 , a2 ∈ R,

|a1 ν1 + a2 ν2 | ≤ |a1 ||ν1 | + |a2 ||ν2 |.

Solution.
L’inégalité
|ν1 + ν2 | ≤ |ν1 | + |ν2 |
suit de l’inégalité |ν1 + ν2 (E)| ≤ |ν1 (E)| + |ν2 (E)| quel que soit E ∈ T
et l’équation
|a1 ν1 | = |a1 ||ν1 |
suit directement de la définition de |a1 ν1 |.
2. Soit (X, T) un espace mesurable. Une mesure complexe ν sur X est
une fonction ν : T → C additive et s’annulant sur l’ensemble vide.
– Définir la variation |ν| de ν et vérifier que |ν| est une mesure positive
finie telle que
|ν| ≤ |<ν| + |=ν|.
Solution.
La définition est la même que pour une mesure signée et la démonstration
du théorème selon laquelle une mesure signée est bien additive s’ap-
plique mot pour mot. L’inégalité

|ν| ≤ |<ν| + |=ν|

découle de ce que

|ν(E)| ≤ |<ν(E)| + |=ν(E)|

pour tout E ∈ T.
– Définir l’espace L1 (X, T, ν) et X f dν puis montrer que
R

Z Z

f dν ≤ |f | d|ν|.

X X

Solution.
L’espace L1 (X, T, ν) est défini par

L1 (X, T, ν) = L1 (X, T, <ν)L1 (X, T, =ν)

56
et Z Z Z
f dν = f d<ν + i f d=ν.
X X X
On a
Z Z Z
f dν = eiθ f d(eiθ ν)

f dν =
X X X
Z Z Z
iθ iθ
= f d(<(e ν)) ≤ |f | d|e ν| = |f | d|ν|.
X X X

3. Soit ν ∈ M(X, T). Montrer qu’il existe f ∈ L0 (X, T) telle que |f | ≤ 1


|ν|-presque partout et que
Z
ν(E) = f d|ν|, E ∈ T.
E

Solution.
La mesure ν étant absolument continue relativement à la mesure |ν|,
il existe une fonction

f ∈ L1 (X, T, |ν|) = L1 (X, T, ν + )L1 (X, T, ν − )

telle que Z
ν(E) = f d|ν| pour tout E ∈ T.
E
L’inégalité du triangle pour les intégrales entraı̂ne que l’on a

|ν|(E1 ) = |ν|(E2 ) = 0

pour les ensembles


E1 = {x | f (x) > 1}
et
E2 = {x | f (x) < −1}.

4. Soit (X, T) un espace mesurable tel que {x} ∈ T pour tout x ∈ X.


Une mesure ρ ∈ M(X, T) ∪ M+ (X, T) est diffuse si ρ({x}) = 0 pour
tout x ∈ X et atomique si elle est portée par un ensemble fini ou
dénombrable.
– Montrer qu’une mesure diffuse et une mesure atomique sont toujours
étrangères l’une à l’autre.
Solution.

57
Soient ρ1 une mesure diffuse et ρ2 une mesure atomique, portée par
les point {xn }n . Soit [
D2 = {xn }.
n

Alors
ρ2 (E) = ρ2 (ED2 )
et
ρ1 (E) = ρ1 (ED2 + ED2c ) = ρ1 (ED2c ).
– Montrer que toute mesure µ ∈ M+ (X, T) σ-finie admet une décomposition
unique sous la forme µ = ρ1 +ρ2 où ρ1 est diffuse et ρ2 est atomique.
Solution.
Puisque µ est σ-finie, l’ensemble

D = {x | µ({x}) > 0}

est fini ou dénombrable. La mesure

ρ2 (E) = µ(ED)

est atomique et la mesure

ρ1 (E) = µ(EDc )

est diffuse. Cette décomposition est unique. Si l’on a

µ = ρ1 + ρ2 = τ 1 + τ 2

avec ρ1 , τ1 diffuses et ρ2 , τ2 atomiques, on aura

(ρ2 − τ2 )({x}) = (ρ1 − τ1 )({x}) = 0

pour tout x ∈ X.

11 Mesures produits
1. Donner un exemple
– d’une classe monotone sur X contenant l’espace X et l’ensemble
vide mais qui n’est pas une tribu,
Solution. {∅, A, X} avec ∅ $ A $ X.

58
– d’une mesure qui n’est pas σ-finie.
Solution. La mesure du cardinal sur R.
2. Soient µcard la mesure du cardinal sur N et

−n
2 − 2
 si m = n,
f (n, m) = −2 + 2−n si m = n + 1

0 autrement .

Calculer Z Z
dµcard (m) f (n, m) dµcard (n)
N N
et Z Z
dµcard (n) f (n, m) dµcard (m).
N N

Solution.
Z Z Z
dµcard (m) f (n, m) dµcard (n) = (2−2−m −2+2−m+1 )dµcard (m) = 1
N N N

et
Z Z Z
dµcard (n) f (n, m) dµcard (m) = (−2+2−n +2−2−n )dµcard (n) = 0.
N N N

On a Z
|f |dµcard × µcard = +∞.
N2

3. Soient (X, T, µ) un espace mesuré σ-fini complet, f, g ∈ L2 (X, T, µ) et

h(x1 , x2 ) = (f (x1 )g(x2 ) − f (x2 )g(x1 ))2 .

Montrer que h ∈ L1 (X × X, T × T, µ × µ) et en déduire l’inégalité de


Cauchy-Schwarz :
kf gk1 ≤ kf k2 kgk2 .

Solution. L’intégrabilité de h et l’inégalité de Cauchy-Schwarz suivent


toutes les deux de la relation
Z
|f (x1 )g(x2 )f (x2 )g(x1 )|dµ × µ
X 2
Z Z
= |f (x1 )g(x1 )| dµ(x1 ) |f (x2 )g(x2 )| dµ(x2 ) ≤ kf k22 kgk22 .
X X

59
4. Soient (X1 , T1 , µ1 ) et (X2 , T2 , µ2 ) deux espaces mesurés σ-finis com-
plets, K ∈ L2 (X1 ×X2 , T1 ×T2 , µ1 ×µ2 ) et f ∈ L2 (X1 , T1 , µ1 ). Montrer
que
– Pour µ2 -presque tout x2 ∈ X2 , la fonction x1 7→ f (x1 )K(x1 , x2 ) est
intégrable.
Solution. On a Z
|K(x1 , x2 )|2 dµ1 < +∞
X1

µ2 -presque partout donc


Z
|f (x1 )K(x1 , x2 )| dµ1
X1
Z 1/2 Z 1/2
2 2
≤ |f (x1 )| dµ1 |K(x1 , x2 )| dµ1 < +∞
X1 X1

µ2 -presque partout.
– La fonction Z
g(x2 ) = f (x1 )K(x1 , x2 ) dµ1
X1

est mesurable.
Solution. La fonction g est mesurable lorsque la fonction (x1 , x2 ) 7→
f (x1 )K(x1 , x2 ) est la fonction indicatrice d’un ensemble mesurable
donc lorsqu’elle est une fonction étagée donc finalement lorsqu’elle
est simplement intégrable.
– g ∈ L2 (X2 , T2 , µ2 ) et

kgk2 ≤ kf k2 kKk2 .

Solution. On a
Z Z Z 2
2

|g(x2 )| dµ2 = dµ2
f (x1 )K(x1 , x2 ) dµ1
X2 X2 X1
Z Z  Z 
2
≤ dµ2 |f (x1 )| dµ1 |K(x1 , x2 )| dµ1 = kf k22 kKk22 .
2
X2 X1 X1

5. Montrer que LR × LR 6= LR2 .


Solution. Si E n’est pas dans LR et N est de mesure nulle, E ×N ∈ LR2
mais E × N ∈ / LR × LR .

60
6. Soit f : [a, b] → R une fonction mesurable positive. Montrer que l’en-
semble
E = {(x, y) | a ≤ x ≤ b , 0 ≤ y ≤ f (x)}
est mesurable (relativement à la tribu produit) et calculer sa mesure.
Solution. On a

E = {(x, y) | f (x) − y ≥ 0} ∩ [a, b] × [0, +∞[.

et la fonction (x, y) 7→ f (x) − y est mesurable. De plus


Z +∞ Z +∞ Z b Z f (x) Z b
λ2 (E) = IE dxdy = dx dy = f (x) dx.
−∞ −∞ a 0 a

e ⊆ R2 défini par
7. À E ⊆ R associons l’ensemble E
e = {(x, y) | x − y ∈ E}
E

et considérons la famille
e ∈ BR2 }.
T = {E ∈ BR | E

Montrer que T = BR .
Solution. Les relations
 c
c) = E ^ [f
[
(E
g e et Ek = Ek ,
k k

qui sont aisément vérifiées, entraı̂nent que T est une tribu. Puisque
la fonction (x, y) 7→ x − y est continue, O e est ouvert quel que soit
l’ensemble ouvert O. Cela assure que BR ⊆ T donc que BR = T.
8. Déduire du théorème de Tonelli et de la relation
Z +∞ Z +∞
−z 2 2 2
e dz = xe−x y dy si x > 0
0 0

que Z +∞
2 /2 √
e−x dx = 2π.
−∞

61
Solution. En vertu du théorème de Tonelli, on a
Z +∞ 2 Z +∞ Z +∞
−x2 −x2 2
e dx = e dx e−z dz
0 0 0
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
2 2 y2 2 2
= e−x dx xe−x dy xe−x (1+y ) dx
dy =
0 0 0 0
Z +∞
+∞
dy 1 π
= 2
= arctan y = .
0 2(1 + y ) 2 0 4

9. Calculer
Z 1 Z 1 Z 1 Z 1 Z 1Z 1
dx f (x, y) dy , dy f (x, y) dx et |f (x, y)| dxdy
0 0 0 0 0 0

pour la fonction
x2 − y 2
f (x, y) = .
(x2 + y 2 )2

Solution. Puisque

x2 − y 2
   
d y d −x
= = ,
dy x2 + y 2 (x2 + y 2 )2 dx x2 + y 2
on a Z 1 Z 1 Z 1
dx π
dx f (x, y) dy = 2
= ,
0 0 0 1+x 4
Z 1 Z 1 Z 1
dy π
dy f (x, y) dx = − 2
=−
0 0 0 1+y 4
et
Z 1Z 1
|f (x, y)| dxdy
0 0
Z 1 Z y 2 Z 1 2
y − x2 x − y2

= dy 2 2 2
dx + 2 2 2
dx
0 0 (x + y ) y (x + y )
Z 1 
1 1
= − dy = +∞.
0 y 1 + y2

10. Utiliser le théorème de Tonelli pour calculer de deux manières l’intégrale


Z b Z 1
dx y x dy , 0 < a < b
a 0

62
et en déduire la valeur de
1
yb − ya
Z
dy.
0 log y

Solution. L’intégrand étant positif, on a


Z b Z 1 Z b
x dx b+1
dx y dy = = log
a 0 a 1+x a+1
et
1 b 1
yb − ya
Z Z Z
x
dy y dx = dy
0 a 0 log y
de telle sorte que
1
yb − ya
Z
b+1
dy = log .
0 log y a+1
11. Utiliser le théorème de Fubini pour calculer de deux manières l’intégrale
Z AZ A
e−xy sin x dxdy
0 0

et en déduire que Z A
sin x π
lim dx = .
A→+∞ 0 x 2

Solution. On a d’une part


Z A Z A Z A
sin x
e−xy sin x dy = 1 − e−Ax dx

dx
0 0 0 x
Z +∞
sin x
−→ dx
0 x
lorsque A −→ +∞ puisque, par convergence dominée,
Z A
sin x −Ax
e dx −→ 0.
0 x
D’autre part, en intégrant par parties par rapport à x,
1 − e−Ay (cos A − y sin A)
Z A Z A Z A
−xy
dy e sin x dx = dy
0 0 0 1 + y2
Z +∞
dy π
−→ 2
=
0 1+y 2

63
puisque, encore par convergence dominée,
Z A
cos A − y sin A −Ay
e dy −→ 0
0 1 + y2
lorsque A −→ +∞.
12. Déterminer les valeurs de p pour lesquelles l’intégrale
Z
1
2 2 2 p/2
dλ3
kxk2 >1 (x1 + x2 + x3 )

est convergente.
Solution. En passant aux coordonnées sphériques

x1 = r cos θ1 sin θ2 , x2 = r sin θ1 sin θ2 , x3 = r cos θ2

qui effectuent un difféomorphisme de classe C ∞ entre

]0, +∞[ × ] − π, π[ × ]0, π[

et l’espace privé du demi-plan

{(x1 , x2 , x3 ) | x2 = x3 = 0, x1 ≤ 0}

et dont le jacobien vaut r2 sin θ2 , on obtient


Z Z π Z π Z +∞
1 dr 4π
2 2 2 p/2
dλ3 = dθ1 sin θ2 dθ2 p−2
=
kxk2 >1 (x1 + x2 + x3 ) −π 0 1 r p−3

si p > 3 (et +∞ autrement).

12 Applications
1. Soit f ∈ L12π . Montrer que

lim ck (f ) = 0.
|k|→+∞

Solution. Si f estPcontinue sur [−π, π[, elle est de carré intégrable sur
[−π, π[. La série +∞ 2
−∞ |ck (f )| est donc convergente. En particulier,

lim ck (f ) = 0.
|k|→+∞

64
Dans le cas général, soient  > 0 arbitraire et g une fonction continue
sur [−π, π[ telle que
Z +π
1 
|f − g| < .
2π −π 2

Alors

Z
1 −ikt

|ck (f )| = f (t)e dt
2π −π

Z Z +π
1 1
(f (t) − g(t))e−ikt −ikt

≤ dt +
g(t)e dt
2π −π 2π −π
Z +π
1
≤ |f − g| + |ck (g)| < 
2π −π

dès que |k| est assez grand.


2. Soit f ∈ L12π une fonction à variation bornée sur [−π, π]. Montrer que

var(f, [−π, π])


|ck (f )| ≤ .
4k

Solution. On a
Z +π
1   π  −ikt
2ck (f ) = f (t) − f t − e dt,
2π −π k
Z +π
1   π  π  −ikt
2ck (f ) = − f t− −f t−2 e dt,
2π−π k k
...,
Z +π  
1 π  π  −ikt
2ck (f ) = − f t − (2k − 1) − f t − (2k) e dt.
2π −π k k
Donc
Z +π 2k−1
1 X   π  π  −ikt
4kck (f ) = (−1)j f t − j − f t − (j + 1) e dt
2π −π k k
j=0

et
Z +π 2k−1
1 X  π  π 
|4kck (f )| ≤ f t − j − f t − (j + 1) dt ≤ var(f, [−π, π]).

2π −π k k
j=0

65
3. Développer la fonction f (x) = π 2 − x2 en une série trigonométrique
sur l’intervalle [−π, π]. En déduire la valeur des sommes
+∞ +∞ +∞
X (−1)k+1 X 1 X 1
2
, 2
et .
k k k4
k=1 k=1 k=1

Solution. On a

2π 2
Z
1
c0 (f ) = (π 2 − x2 ) dx =
2π −π 3
et, si k 6= 0,
Z +π
1 2
ck (f ) = (π 2 − x2 )e−ikx dx = (−1)k+1
2π −π k2
en intégrant par parties deux fois. La série de Fourier obtenue,
2π 2 X 2
+ (−1)k+1 2 eikx ,
3 k
k6=0

étant absolument convergente, sa somme est la fonction continue qui


l’a engendrée :
+∞
2 2π 2 X
2 4
π −x = + (−1)k+1 2 cos kx si − π ≤ x ≤ π.
3 k
k=1

En particulier, faisant x = 0 puis x = π, on obtient


+∞ +∞
X (−1)k+1 π2 X 1 π2
= et = .
k2 12 k2 6
k=1 k=1

L’identité de Parseval implique d’autre part


+∞
X 1 π4
= .
k4 90
k=1

4. Développer la fonction f (x) = x en une série trigonométrique sur


l’intervalle (−π, π). En déduire la valeur des sommes
+∞ +∞
X (−1)k X sin kx
et .
2k + 1 k
k=0 k=1

66
Solution. On a
i(−1)k+1
c0 (f ) = 0 et ck (f ) = si k 6= 0.
k
Le théorème de Dirichlet étant applicable,
+∞
X 2
x= (−1)k+1 sin kx si − π < x < π.
k
k=1

Choisissant x = π/2, on obtient


+∞
X (−1)k π
= .
2k + 1 4
k=0

Remplaçant x par π − x, on obtient


+∞
X sin kx π−x
= si 0 < x < 2π.
k 2
k=1

5. Soient f ∈ L12π une fonction réelle et


+∞
1 X
S(f )(x) = a0 (f ) + (ak (f ) cos kx + bk (f ) sin kx)
2
k=1

sa série de Fourier écrite sous « forme réelle ». Quelle est l’expression


intégrale des coefficients ? Que devient l’identité de Parseval ?
Solution. En utilisant l’identité d’Euler

eiθ = cos θ + i sin θ,

on trouve
Z +π Z +π
1 1
ak (f ) = f (t) cos kt dt, bk (f ) = f (t) sin kt dt
π −π π −π

(y compris pour a0 (f )) et
+∞ Z +π
1 X 1
a0 (f )2 + (ak (f )2 + bk (f )2 ) = |f |2 .
2 π −π
k=1

67
6. Soit f ∈ Cc∞ (R) une fonction indéfiniment dérivable à support com-
pact. Montrer que, quel que soit N ∈ N,

lim ξ N fˆ(ξ) = 0.
|ξ|→+∞

En déduire que, si f ∈ L1C (R),

lim fˆ(ξ) = 0.
|ξ|→+∞

Solution. En intégrant par parties sur un intervalle compact plus grand


que le support de f , on obtient

e−iξt
Z +∞ Z +∞
1 1
fˆ(ξ) = √ f (t)e−iξt dt = √ f 0 (t) dt
2π −∞ 2π −∞ −iξ
e−iξt
Z +∞
1
= ··· = √ f (N +1) (t) dt
2π −∞ (−iξ)(N +1)
de telle sorte que
Z +∞


1 1 (N +1)

ξ f (ξ) ≤ √ f (t) dt.
|ξ| 2π −∞

Dans le cas général, on peut supposer f réelle. Soient fn ∈ Cc∞ (R) des
fonctions telles que
lim kfn − f k1 = 0.
n→+∞

Alors
fˆ(ξ) = lim fˆn (ξ).
n→+∞

Donc, on aura

|fˆ(ξ)| ≤ |fˆ(ξ) − fˆn (ξ)| + |fˆn (ξ)| < 

en choisissant d’abord n puis, n fixé, |ξ| suffisamment grands.


7. Calculer la transformée de Fourier de la fonction

f (x) = e−|x| .

En déduire la valeur de
Z +∞
cos ξx
dξ.
0 1 + ξ2

68
Solution. On a, si ξ 6= 0,
Z +∞
1
fˆ(ξ) = √ e−|t| e−iξt dt

−∞
r Z +∞ r
2 1 +∞ −t
Z
2 −t
= e cos ξt dt = e sin ξt dt
π 0 π ξ 0
r  Z +∞ 
2 1 −t
= 1 − e cos ξt dt .
π ξ2 0

en intégrant par parties deux fois. On en déduit que


r
ˆ 2 1
f (ξ) = .
π 1 + ξ2
Cette tranformée de Fourier étant intégrable, la formule d’inversion de
Fourier s’applique et donne
Z +∞
cos ξx π
2
dξ = e−|x| .
0 1+ξ 2

8. Calculer la transformée de Fourier de la fonction

f (x) = I[−1,1] (x).

En déduire la valeur de
+∞
sin2 x
Z
dx.
0 x2

Solution. Un calcul simple donne


Z 1
r
1 −iξx 2 sin ξ
fˆ(ξ) = √ e dx =
2π −1 π ξ

et la relation de Parseval conduit à


Z +∞
sin2 x π
2
dx = .
0 x 2

∗ g = fˆĝ
9. Calculer la convolution I[−1,1] ∗ I[−1,1] et vérifier l’équation f[
dans ce cas.

69
Solution. En distinguant suivant les valeurs de x, on obtient
Z 1
1 1
I[−1,1] ∗ I[−1,1] (x) = √ I[x−1,x+1] (t) dt = √ (2 − |x|) I[−2,2] (x).
2π −1 2π

∗ g = fˆĝ s’écrit ici


La relation f[

1 − cos 2ξ 2 sin2 ξ
= .
πξ 2 πξ 2

10. Montrer que si f, g ∈ L2C (R) on a


Z +∞ Z +∞
f (x)ĝ(x) dx = fˆ(x)g(x) dx.
−∞ −∞

Solution. Lorsque f, g ∈ L2C (R) ∩ L1C (R), le théorème de Fubini est


applicable et donne
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1
f (x)ĝ(x) dx = f (x) dx √ g(y)e−ixy dy
−∞ −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1
= g(y) dy √ f (x)e−iyx dx = fˆ(y)g(y) dy.
−∞ 2π −∞ −∞

Dans le cas général, soient fA = f I[−A,A] et gA = gI[−A,A] . Alors


Z +∞ Z +∞
f (x)ĝ(x) dx = lim fA (x)ĝA (x) dx
−∞ A→+∞ −∞
Z +∞ Z +∞
= lim fˆA (x)gA (x) dx = fˆ(x)g(x) dx.
A→+∞ −∞ −∞

11. Soit f ∈ L1 (R) une fonction continue telle que


+∞
X
|f (k)| < +∞.
−∞

Supposons que supp(fˆ)=[π, π]. Montrer que


1
ck (fˆ) = √ f (−k).

70
En déduire la formule d’interpolation suivante
+∞
X sin π(x − k)
f (x) = f (k) .
−∞
π(x − k)

(le « théorème d’échantillonage »). Que donne cette formule lorsque

fˆ(ξ) = (π − |ξ|)I[−π,π] (ξ)?

Solution. On a
Z +π
1
ck (fˆ) = fˆ(t)e−ikt dt
2π −π
Z +∞
1 1 1
=√ √ fˆ(t)e−ikt dt = √ f (−k).
2π 2π −∞ 2π
Par conséquent, en tout point de l’intervalle [−π, π],
+∞ +∞
X X 1
fˆ(ξ) = ck (fˆ)eikξ = √ f (k)e−ikξ
−∞ −∞ 2π

et, en tout point de R,


Z +∞
1
f (x) = √ fˆ(ξ)eiξx dξ
2π −∞
+∞
Z +π X +∞
1 −ikξ iξx
X sin π(x − k)
= f (k)e e dξ = f (k)
2π −π −∞ −∞
π(x − k)

en vertu du théorème de la convergence dominée. Si

fˆ(ξ) = (π − |ξ|)I[−π,π] (ξ),

on a r

2 1 − cos πx
Z
1
f (x) = √ (π − |ξ|)eiξx dξ =
2π −π π x2
de telle sorte que la formule est applicable et donne

1 − cos πx π2 X 1 − (−1)k sin π(x − k)


= √ + .
x2 2π k6=0 k2 π(x − k)

71
MESURE ET INTÉGRATION
EN UNE DIMENSION

Solutions des exercices

André Giroux
Département de Mathématiques et Statistique
Université de Montréal
Juin 2005
1 INTRODUCTION
1. Vérifier que la fonction
x 7→ IQ (x)
est partout discontinue.
Solution. Quel que soit x0 , on a

lim inf IQ (x) = 0 , lim sup IQ (x) = 1


x→x0 x→x0

en s’approchant de x0 suivant des points irrationnels ou des points


rationnels respectivement.
2. Déterminer l’ensemble des points de continuité de la fonction

x 7→ x IQ (x).

Solution. La fonction x IQ (x) est continue en x0 si et seulement si


x0 = 0. En effet, la continuité en x0 = 0 découle de l’inégalité

|x IQ (x)| ≤ |x|.

D’autre part, si x0 > 0, on a

lim inf x IQ (x) = 0 , lim sup x IQ (x) = x0


x→x0 x→x0

alors que, si x0 < 0, on a

lim inf x IQ (x) = x0 , lim sup x IQ (x) = 0.


x→x0 x→x0

3. Déterminer les ensembles Ek associés à la fonction IQ .


Solution. Pour chaque m ∈ N = {1, 2, 3, . . .}, on a

E0 = Qc , Em = Q et Ek = ∅ si 0 < k < m.

2 ENSEMBLES MESURABLES
1. Montrer que tout recouvrement d’un ensemble K ⊆ R compact (fermé
et borné) par des ensembles ouverts contient un sous-recouvrement
fini.

1
Solution. Soit {Oα }α∈A un recouvrement ouvert de K. Si K ⊆ [a, b],
les intervalles ouverts dont se composent les ensembles ouverts K c et
Oα forment un recouvrement de [a, b]. Si {I1 , I2 , . . . , In } constitue un
recouvrement fini de [a, b] par certains de ces intervalles, au plus n des
ensembles Oα pourront être choisis de façon à recouvrir K.
2. Si E ⊆ R et k ∈ R,
kE = {y | y = kx , x ∈ E}.
Montrer que λ∗ (kE) = |k|λ∗ (E).
Solution. Si k = 0, on a bien, avec la convention faite, que
λ∗ ({0}) = 0 λ∗ (E).
Si k > 0,
( )
X [
λ∗ (kE) = inf

(bn − an ) kE ⊆ ]an , bn [
n n
(  )
X1 1 [ 1 1
] an , bn [ = k λ∗ (E).

= k inf bn − an E ⊆
n
k k n
k k

Si enfin k < 0,
( )
X [
λ∗ (kE) = inf

(bn − an ) kE ⊆ ]an , bn [
n n
(  )
X1 1 [ 1 1
] bn , an [ = |k| λ∗ (E).

= −k inf an − bn E ⊆
n
k k n
k k

3. Soit µ∗ : P(R) → [0, +∞] la fonction définie par


µ∗ (E) = sup{(b − a) | ]a, b[ ⊆ E}.
Cette fonction est-elle monotone ? invariante sous translation ? Préserve-
t-elle la longueur des intervalles ? Est-elle sous-additive ?
Solution. Il est évident que la fonction µ∗ est monotone, invariante
sous translation et qu’elle préserve la longueur des intervalles. Elle
n’est cependant pas sous-additive comme le montrent les relations
[0, 1] = ([0, 1/4] + [3/4, 1]) + [1/4, 3/4]
et
µ∗ ([0, 1]) = 1 > 1/4 + 1/2 = µ∗ ([0, 1/4] + [3/4, 1]) + µ∗ ([1/4, 3/4]).

2
4. Répondre aux mêmes questions si la fonction µ∗ est définie par

µ∗ (E) = card(EZ).

Solution. Les propriétés de la fonction A 7→ card(A) montrent que µ∗


est monotone et sous-additive mais elle n’est évidemment pas inva-
riante sous translation et elle ne préserve pas la longueur des inter-
valles.

5. Montrer que, si E ⊆ R est mesurable et k ∈ R, l’ensemble kE est


mesurable.
Solution. Si k = 0, kE = {0} est mesurable. Si k 6= 0,

λ∗ (A kE) + λ∗ (A (kE)c ) = λ∗ (A kE) + λ∗ (A kE c )


   
∗ 1 ∗ 1 c
=λ k A E +λ k A E
k k
    
∗ 1 ∗ 1 c
= |k| λ A E +λ AE
k k
 
1
= |k| λ∗ A = λ∗ (A).
k

6. Montrer que tout ensemble mesurable borné est de mesure finie. La


réciproque est-elle vraie ?
Solution. Si E ⊆ [−K, +K], alors λ(E) ≤ 2K. La réciproque est fausse,
comme le montre l’exemple de l’ensemble non borné
+∞
X 1
E= ]k, k + [
2k
k=1

de mesure finie
+∞
X 1
λ(E) = = 1.
2k
k=1

7. Un ensemble de mesure nulle peut-il être ouvert ? Doit-il être fermé ?


Solution. Puisque
!
X X
λ ]ak , bk [ = (bk − ak ),
k k

3
le seul ensemble ouvert de mesure nulle est l’ensemble vide. Un en-
semble de mesure nulle n’est d’autre part pas nécessairement fermé,
comme le montre l’exemple de l’ensemble Q.
8. Soit  > 0 donné. Construire un ensemble ouvert E de mesure λ(E) < 
qui soit dense dans R (c’est-à-dire tel que tout nombre réel puisse
s’écrire comme la limite d’une suite de nombres appartenant à E).
Solution. Soit Q = {r1 , r2 , r3 , . . .} une énumération des nombres ra-
tionnels ( par exemple, {0, 1, −1, 1/2, −1/2, 1/3, −1/3, 2/3, ...} ). L’en-
semble [  
E= ] rk − k+2 , rk + k+2 [
2 2
k≥1

possède les propriétés requises puisque qu’il contient Q et que

λ(E) < .

9. Montrer qu’un ensemble E ⊆ R est mesurable si et seulement si à


chaque  > 0 correspond un ensemble ouvert O ⊆ R tel que E ⊆ O
et que λ∗ (O E c ) < .
Solution.
Cas où λ∗ (E) < +∞.
Soit O un ensemble ouvert tel que E ⊆ O et que

λ(O ) < λ∗ (E) + .

Si E est mesurable, on a

λ(O ) = λ∗ (E) + λ∗ (O E c ) > λ(O ) −  + λ∗ (O E c )

et donc
λ∗ (O E c ) < .
Réciproquement, considérons l’ensemble mesurable
\
G= O1/n .
n∈N

Alors G = E + N où λ∗ (N ) = λ∗ (GE c ) = 0. Donc E = GN c est


mesurable.
Cas où λ∗ (E) = +∞.

4
Posons In = ] − n, n[ , En = EIn . Alors λ∗ (En ) < +∞. Si O est un
ensemble ouvert tel que E ⊆ O et λ∗ (OE c ) < , on a

λ∗ (OIn Enc ) = λ∗ (OIn E c ) < 

et En est mesurable, donc


[
E= En
n∈N

l’est aussi. Réciproquement, si E est mesurable, chaque ensemble En


l’est. Si donc Om est un ouvert tel que

λ∗ (Om Em
c
)< ,
2m+1
on aura, en posant [
O= Om ,
m∈N
que
!
[ \ X
λ∗ (OE c ) = λ∗ Om Enc ≤ λ∗ (Om Em
c
) < .
m∈N n∈N m∈N

10. Montrer qu’un ensemble E ⊆ R est mesurable si et seulement si on


peut l’écrire comme la réunion disjointe d’un ensemble de mesure nulle
N et d’un ensemble qui est une réunion au plus dénombrable d’en-
sembles fermés Fk : [
E = N + Fk .
k

Solution. La condition est évidemment suffisante. Elle est aussi nécessaire


car si On est un ouvert tel que E c ⊆ On et
1
λ(On E) < ,
n
en considérant l’ensemble fermé Fn = Onc , on aura Fn ⊆ E et
1
λ(Fnc E) < .
n
On aura donc [
E= Fn + N
n∈N

5
où !c ! !
[ \
λ(N ) = λ E Fn =λ Fnc E = 0.
n∈N n∈N

11. Soit µ : L → [0, +∞] une fonction additive. Montrer qu’ elle est
nécessairement croissante et sous-additive.
Solution. Si E ⊆ F , on a F = E + F E c et donc, par additivité,

µ(F ) = µ(E) + µ(F E c ) ≥ µ(E).

(Si µ(∅) 6= 0, µ ≡ +∞ et l’énoncé est trivial). Donnée une suite


quelconque d’ensembles mesurables E1 , E2 , E3 , . . . , considérons les en-
sembles F1 = E1 , F2 = E2 E1c , F3 = E3 E2c E1c , . . . Ils sont mesurables et
disjoints donc, par additivité,
! !
[ X X X
µ En = µ Fn = µ(Fn ) ≤ µ(En ).
n n n n

12. Soit µ : L → [0, +∞] la fonction définie par



+∞ si E est infini
µ(E) =
card(E) si E est fini.
Montrer que µ est additive et invariante sous translation.
Solution. Que la fonction µ soit invariante sous translation est clair.
Soient E1 , E2 , E3 , . . . des ensembles mesurables non vides deux à deux
disjoints. Si l’un d’eux est infini, ainsi en est-il de leur réunion et donc
on a bien !
X X
µ En = µ(En ) = +∞
n n
dans ce cas. Si tous les ensembles En sont finis, leur réunion est finie
s’ils sont en nombre fini et elle est infinie sinon. Dans le premier cas,
!
X X
µ En = µ(En ) < +∞
n n

et dans le deuxième
!
X X
µ En = µ(En ) = +∞.
n n

6
13. Soit {Ek }k une suite décroissante,

E1 ⊇ E2 ⊇ E3 ⊇ · · · ,

d’ensembles de mesure finie. Montrer que


+∞
!
\
lim λ(En ) = λ Ek .
n→+∞
k=1

L’hypothèse « de mesure finie »est-elle essentielle ?


Solution. Si n ≥ 2, considérons les ensembles croissant Fn = E1 Enc .
Alors !  
[ \
lim λ(Fn ) = λ Fn = λ E1 ( En )c  .
n→+∞
n n≥2

Toutes le quantités impliquées étant finies,

λ(E1 ) = λ(En ) + λ(Fn )

entraı̂ne
λ(Fn ) = λ(E1 ) − λ(En )
et    
\ \
λ(E1 ) = λ  En  + λ E1 ( En )c 
n≥2 n≥2

entraı̂ne    
\ \
λ E1 ( En )c  = λ(E1 ) − λ  En  .
n≥2 n≥2

Par suite,  
\
lim λ(En ) = λ  En  .
n→+∞
n≥1

L’hypothèse λ(E1 ) < +∞ est essentielle comme le montre l’exemple


des ensembles En = [n, +∞[ de mesure infinie et d’intersection totale
vide.

7
14. Une fonction µ : L → [0, +∞] possède la propriété d’additivité finie si,
pour toute suite disjointe finie {Ek }1≤k≤N ,
N N
!
X X
µ Ek = µ(Ek ).
k=1 k=1

Montrer qu’une fonction

µ : L → [0, +∞]

est additive si et seulement si elle continue et possède la propriété


d’additivité finie.
Solution. Il suffit de voir que les propriétés d’additivité finie et de
continuité conjuguées impliquent la propriété d’additivité. Cela suit
des égalités suivantes, la première découlant de la continuité et la
deuxième de l’additivité finie :
+∞ n n +∞
! !
X X X X
µ Ek = lim µ Ek = lim µ(Ek ) = µ(Ek ).
n→+∞ n→+∞
k=1 k=1 k=1 k=1

3 FONCTIONS MESURABLES
1. Soit f : E → R une fonction. Montrer qu’elle est mesurable si et
seulement si les ensembles

{x | f (x) > r}

le sont pour tout r ∈ Q.


Solution. Cette condition est évidemment nécessaire et elle est aussi
suffisante parce que tout nombre réel α peut s’écrire comme la limite
d’une suite décroissante de nombres rationnels rn . On a
[
{x | f (x) > α} = {x | f (x) > rn }.
n

2. Vérifier les relations suivantes :

IEF = IE IF , IE+F = IE +IF , IE∪F = IE +IF −IEF , I S n En = sup IEn .

S
Solution. On a par exemple que I n En (x) = 1 si et seulement s’il existe
n ∈ N tel que x ∈ En ce qui est vrai si et seulement si sup IEn (x) = 1.

8
3. Soit f : (a, b) → R une fonction monotone. Montrer qu’elle est mesu-
rable.
Solution. L’ensemble {x | f (x) > α} est un intervalle.
4. Soient f : R → R une fonction mesurable et x0 ∈ R. Montrer que la
fonction x 7→ f (x + x0 ) est mesurable.
Solution. On a

{x | f (x + x0 ) > α} = {y | f (y) > α} − x0 .

5. Soient f : R → R une fonction mesurable et k ∈ R. Montrer que la


fonction x 7→ f (kx) est mesurable.
Solution. Si k = 0, la fonction résultante est constante donc mesurable.
Sinon,
1
{x | f (kx) > α} = {y | f (y) > α}.
k
6. Soit f : (a, b) → R une fonction admettant une primitive (c’est-à-dire
telle qu’il existe une fonction F : (a, b) → R dont elle est la dérivée :
f = F 0 ). Montrer qu’elle est mesurable.
Solution. Soit f (x) = F 0 (x). La fonction dérivable F est mesurable et
   
1
f (x) = lim n F x + − F (x)
n→+∞ n

est mesurable comme limite de fonctions mesurables.


7. Soient E ⊆ R un ensemble de mesure finie et f : E → R une fonction
mesurable. Montrer qu’à chaque  > 0 correspond N ∈ N tel que

λ{x | |f (x)| > N } < .

Solution. On peut écrire que


+∞
X
E= {x | (n − 1) ≤ |f (x)| < n}.
k=1

La série
+∞
X
λ({x | (n − 1) ≤ |f (x)| < n})
k=1

9
étant convergente, il existe N ∈ N tel que
X
λ({x | (n − 1) ≤ |f (x)| < n}) < 
k≥N

c’est-à-dire tel que

λ({x | N − 1 ≤ |f (x)|}) < .

8. Montrer que toute fonction mesurable est limite simple d’une suite de
fonctions mesurables étagées.
Solution. Décomposons la fonction suivant ses parties positives et négatives :

f = f+ − f− .

Si les fonctions mesurables positives étagées ϕn croissent vers f+ et les


fonctions mesurables positives étagées ψn croissent vers f− , la fonction
mesurable étagée ϕn − ψn converge simplement vers f .
9. Montrer que toute fonction mesurable bornée est limite uniforme d’une
suite de fonctions mesurables étagées.
Solution. On a
f = lim ϕn
n→+∞
où n
n2
X k−1
ϕn = IEn,k
2n
k=1
et la convergence est uniforme en vertu des inégalités :
1
0 ≤ f − ϕn ≤ .
2n

4 INTÉGRATION
1. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que, pour tout x0 ∈ R, la fonction x 7→
f (x + x0 ) est intégrable et
Z +∞ Z +∞
f (x + x0 ) dx = f (x) dx.
−∞ −∞

Solution. La mesure étant invariante sous translation, la relation

IE (x + x0 ) = IE−x0 (x)

10
montre que l’énoncé est vrai si f = IE est la fonction indicatrice d’un
ensemble mesurable, donc, par linéarité, si f = ϕ est une fonction me-
surable positive étagée, donc, par convergence monotone, si f est po-
sitive, donc enfin, encore par linéarité, si f est une fonction intégrable
quelconque.
2. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que, pour tout k ∈ R, k 6= 0, la fonction
x 7→ f (kx) est intégrable et
Z +∞ Z +∞
1
f (kx) dx = f (x) dx.
−∞ |k| −∞

Solution. Les relations


 
1 1
IE (kx) = I1/k E (x) et λ E = λ(E)
k |k|
montrent que la relation est vraie successivement pour une fonction in-
dicatrice, pour une fonction positive étagée, pour une fonction positive
et pour une fonction intégrable.
3. Soit f ∈ L1 (E). Montrer que, quel que soit  > 0, on peut trouver une
fonction mesurable étagée ϕ telle que
Z
|f − ϕ| < .
E

Solution. Toute fonction mesurable positive est la limite d’une suite


croissante de fonctions mesurables positives étagées. En vertu du théorème
de la convergence monotone, il existe deux fonctions mesurables posi-
tives étagées ϕ et ψ telles que l’on ait
Z Z
 
(f+ − ϕ) < et (f− − ψ) < .
E 2 E 2
Alors Z Z
|f − (ϕ − ψ)| = |(f+ − ϕ) − (f− − ψ)| < .
E E

4. Soient f ∈ L1 (E) et g : E → R une fonction R coı̈ncidant presque


1
R
partout avec f . Montrer que g ∈ L (E) et que E g = E f .
Solution. Soit N ⊆ E un ensemble de mesure nulle à l’extérieur duquel
f et g coı̈ncident. Alors
Z Z Z Z
|g| = |g| + |g| = |f | < +∞
E N EN c EN c

11
et Z Z Z Z
f− g= (f − g) = (f − g) = 0.
E E E EN c

5. Obtenir la propriété de continuité de la mesure à partir du théorème


de la convergence monotone.
S
Solution. Soient En des ensembles mesurables qui croissent vers E = n En .
En appliquant le théorème de la convergence monotone aux fonctions
fn = IEn qui croissent vers f = IE , on obtient
R +∞ la propriété de conti-
nuité de la mesure : la mesure de En ( −∞ fn ) croit vers celle de
R +∞
E ( −∞ f ).
6. Déduire le théorème de la convergence monotone du lemme de Fatou.
Solution. Si les fonctions mesurables positives fn croissent vers la fonc-
tion f sur E, le lemme de Fatou entraı̂ne
Z Z Z Z
f= lim inf fn ≤ lim inf fn ≤ f.
E E n→+∞ n→+∞ E E

7. Montrer que l’on peut avoir inégalité stricte dans le lemme de Fatou.
Solution. Soit E ⊆ [0, 1] un ensemble mesurable tel que 0 < λ(E) < 1.
Soit 
IE si n est pair
fn (x) =
I[0,1]E c si n est impair .
Alors
Z 1 Z 1
lim inf fn = 0 , lim inf fn = inf {λ(E), 1 − λ(E)} > 0.
0 n→+∞ n→+∞ 0

8. Le lemme de Fatou reste-t-il vrai si on y remplace lim inf par lim sup ?
Solution. Non. Pour les fonctions de l’exercice précédent,
Z 1 Z 1
lim sup fn = 1 , lim sup fn = sup {λ(E), 1 − λ(E)} < 1.
0 n→+∞ n→+∞ 0

9. Soit
fn (x) = ne−n|x| .
Vérifier que, pour tout x 6= 0,

lim fn (x) = 0.
n→+∞

12
Calculer ensuite Z +∞
lim fn (x) dx.
n→+∞ −∞

Solution. La fonction exponentielle croissant plus vite que toute puis-


sance de son argument,

lim ne−n|x| = 0 si x 6= 0.
n→+∞

Cependant l’intégrale
Z +∞ Z +∞
−n|x|
ne dx = 2 e−nx ndx = 2
−∞ 0

ne tend pas vers 0.


10. Vérifier que les fonctions
1
fn = I 2
n [0,n ]
convergent vers 0 uniformément sur l’axe réel. Calculer ensuite
Z +∞
lim fn .
n→+∞ −∞

Solution. On a
1
sup{fn (x) | x ∈ R} = .
n
Cependant l’intégrale Z +∞
fn = n
−∞
tend vers +∞.
11. Soit f ∈ L1 (R). Montrer que
Z
lim f = 0.
n→+∞ |x|>n

Solution. En vertu du théorème de la convergence dominée,


Z Z +∞
lim f = lim I[−n,n] c f = 0.
n→+∞ |x|>n n→+∞ −∞

(La fonction majorante est |f |.)

13
12. Soit f ∈ L1 (R). Est-il nécessairement vrai que

lim f (x) = 0?
|x|→+∞

Solution. Non. Voici un exemple d’une fonction continue dont le graphe


est constitué de segments de droite (en nombre infini). Soit
+∞
X
f= fn
n=2

où   
4 1 1
n x−n+ 3 si n − ≤x≤n




 n  n3

fn (x) = 4 1 1
 n n+ 3 −x si n ≤ x ≤ n + n3


 n
0 autrement.

Alors
Z +∞ +∞
X 1
f= < +∞ , lim sup f (x) = +∞.
−∞ n2 x→+∞
n=2

Remarque : on a bien entendu

lim inf |f (x)| = 0.


x→+∞

13. Soit f ∈ L1 (R). Déterminer


Z +∞
lim f (x) sinn x dx.
n→+∞ −∞

Solution. En vertu du théorème de la convergence dominée (fonction


majorante : |f |), on a
Z +∞
lim f (x) sinn x dx = 0
n→+∞ −∞

car
lim sinn x = 0 presque partout sur R.
n→+∞

14
14. Calculer Z n
x n −2x
lim 1+ e dx.
n→+∞ 0 n

Solution. Les fonctions


x n 
1+
n
x
croissent vers la fonction e donc les fonctions
 x n −2x
I[0,n] 1 + e
n
croissent vers la fonction e−x . En vertu du théorème de la convergence
monotone ou en vertu du théorème de la convergence majorée,
Z n Z +∞
x n −2x
lim 1+ e dx = e−x dx = 1.
n→+∞ 0 n 0

15. Montrer que


Z b
sin x
lim dx existe
b→+∞ 0 x
puis vérifier que
+∞
Z
sin x dx = +∞.

x
0

Solution. En intégrant par parties,


Z b Z b
sin x cos b cos x
dx = − − 2
dx
π/2 x b π/2 x

de telle sorte
Z b Z π/2 Z +∞
sin x sin x cos x
lim dx = dx − dx.
b→+∞ 0 x 0 x π/2 x2

D’autre part, si l’on avait


Z +∞
sin x
x dx < +∞,

0

on en déduirait que
+∞
sin2 x
Z
dx < +∞
π x

15
donc que
+∞
cos2 y
Z
dy < +∞
π/2 (y + π/2)
ce qui entraı̂nerait
+∞
cos2 y
Z
dy < +∞
π/2 y
et
+∞ +∞ +∞
cos2 x sin2 x
Z Z Z
dx
= dx + dx < +∞
π/2 x π/2 x π/2 x
ce qui est absurde.
16. Soient fn : E → R des fonctions mesurables positives qui décroissent
vers une fonction f : E → R. Montrer que
Z Z
lim fn = f
n→+∞ E E

pourvu que f1 soit intégrable. Cette dernière condition est-elle indis-


pensable ?
Solution. On applique le théorème de la convergence monotone aux
fonctions gn = f1 − fn . On obtient
Z Z
lim (f1 − fn ) = (f1 − f )
n→+∞ E E

donc Z Z Z Z
f1 − lim fn = f1 − f
E n→+∞ E E E
ce qui permet de conclure. L’hypothèse que f1 soit intégrable est es-
sentielle comme le montre l’exemple des fonctions fn = I[n,+∞[ .
17. Soient fn : E → R des fonctions intégrables qui croissent vers une
fonction f : E → R. Montrer que
Z Z
lim fn = f
n→+∞ E E

pourvu qu’il existe K ∈ R tel que


Z
fn ≤ K
E

pour tout n ∈ N.

16
Solution. En vertu du théorème de la convergence monotone, on a
Z Z
lim (fn − f1 ) = (f − f1 )
n→+∞ E E

donc Z Z Z
lim fn − f1 = (f − f1 ).
n→+∞ e E E
On en déduit que Z Z
(f − f1 ) ≤ K − f1 .
E E
Ainsi les fonctions f − f1 et f = (f − f1 ) + f1 sont intégrables et
Z Z Z
(f − f1 ) = f− f1
E E E

ce qui permet de conclure.


18. Soient fn : E → R des fonctions mesurables positives qui convergent
vers une fonction f : E → R de telle sorte que fn ≤ f pour tout n ∈ N.
Montrer que Z Z
lim fn = f.
n→+∞ E E

Solution. En vertu du lemme de Fatou,


Z Z Z Z Z
f= lim inf fn ≤ lim inf fn ≤ lim sup fn ≤ f.
E E n→+∞ n→+∞ E n→+∞ E E

19. Soient fn : E → R des fonctions intégrables telles que |fn | ≤ g pour


tout n ∈ N où la fonction g : E → R est intégrable. Montrer qu’alors
Z Z Z Z
lim inf fn ≤ lim inf fn ≤ lim sup fn ≤ lim sup fn .
E n→+∞ n→+∞ E n→+∞ E E n→+∞

Solution. En vertu du lemme de Fatou,


Z Z Z Z
g+ lim inf fn = (g + lim inf fn ) = lim inf (g + fn )
E E n→+∞ E n→+∞ E n→+∞
Z Z Z Z Z
≤ lim inf (g + fn ) = lim inf ( g + fn ) = g + lim inf fn
n→+∞ E n→+∞ E E E n→+∞ E

ce qui montre que


Z Z
lim inf fn ≤ lim inf fn .
E n→+∞ n→+∞ E

17
En remplaçant fn par −fn dans ce raisonnement, on obtient
Z Z
lim inf (−fn ) ≤ lim inf (−fn )
E n→+∞ n→+∞ E

c’est-à-dire Z Z
lim sup fn ≤ lim sup fn .
n→+∞ E E n→+∞
20. Soient fn : E → R des fonctions mesurables qui convergent vers
une fonction f : E → R, gn : E → R des fonctions intégrables qui
convergent vers une fonction intégrable g : E → R et supposons que
|fn | ≤ gn pour tout n ∈ N. Montrer que dans ce cas
Z Z Z Z
lim fn = f pourvu que lim gn = g.
n→+∞ E E n→+∞ E E

Solution. En vertu du lemme de Fatou,


Z Z
lim inf (g + gn − |f − fn |) ≤ lim inf (g + gn − |f − fn |)
E n→+∞ n→+∞ E

donc Z Z Z Z
2g ≤ lim inf ( g + gn − |f − fn |)
E n→+∞ E E E
c’est-à-dire
Z Z Z Z
2g ≤ g + lim gn − lim sup |f − fn |
E E n→+∞ E n→+∞ E

et Z
lim sup |f − fn | ≤ 0
n→+∞ E
ce qui permet de conclure.
21. Montrer que
Z +∞ +∞
x X 1
dx = .
0 ex − 1 k2
k=1

Solution. En intégrant terme à terme une série de fonctions positives,


+∞
xe−x
Z +∞ Z +∞ Z +∞
x −x
X
dx = dx = xe e−kx dx
0 ex − 1 0 1 − e−x 0 k=0
+∞ Z +∞ +∞ Z +∞ +∞
X X 1 X 1
= xe−(k+1)x dx = 2
ye −y
dy = .
0 (k + 1) 0 k2
k=0 k=0 k=1

18
22. Montrer que, quel que soit t > 0, la fonction x 7→ e−x xt−1 est intégrable
sur [0, +∞[.
Solution. Puisque la fonction exponentielle croı̂t plus vite que toute
puissance de son argument, à chaque t ∈ R correspond At > 0 tel que
At
e−x xt ≤ si x ≥ 1
x2
de telle sorte que
Z +∞ Z +∞
−x t−1 At−1
e x dt ≤ dx < +∞.
1 1 x2
D’autre part,
Z 1 Z 1
−x t−1 1
e x dx ≤ dx < +∞
0 0 x1−t
puisque t > 0.
23. Justifier la dérivation sous le signe intégral :

d +∞ −x t−1
Z Z +∞
e x dx = e−x xt−1 log x dx.
dt 0 0

Solution. On a, en vertu du théorème des accroissements finis,


−x t+h+1
− e−x xt−1
h
−x t−1 x − 1
e x
= e−x xt+θx (t)h−1 | log x|

=e x
h h

où θx (t) ∈ [0, 1]. Puisque le logarithme croı̂t plus lentement que toute
puissance de son argument, à chaque ρ > 0 correspond Bρ > 0 tel que

log y ≤ Bρ y ρ si y ≥ 1

donc que
| log y| ≤ Bρ y −ρ si y ≤ 1.
On en déduit que
−x t+h+1 −x xt−1
 −x 3t/2
e x
− e ≤ B1 e x si x ≥ 1
h Bt/4 e−x xt/4−1 si x ≤ 1

dès que |h| ≤ t/2. Cette dernière fonction étant intégrable sur [0, +∞[,
le théorème de la convergence dominée est applicable.

19
5 ESPACES DE LEBESGUE
1. Soit φ : (a, b) → R une fonction convexe. Montrer par récurrence sur
n que, quels que soient x1 , x2 , . . . , xn ∈ (a, b) et α1 , α2 , . . . , αn ∈]0, 1[
tels que α1 + α2 + · · · + αn = 1, on a
n n
!
X X
φ αk xk ≤ αk φ(xk )
k=1 k=1

(Inégalité de Jensen).
Solution. Le cas où n = 2 est exactement la définition de convexité.
Supposant la formule pour n termes, on aura
n+1 n
! !
X X αk
φ αk xk = φ (1 − αn+1 ) xk + αn+1 xn+1
1 − αn+1
k=1 k=1
n
!
X αk
≤ (1 − αn+1 )φ xk + αn+1 φ(xn+1 )
1 − αn+1
k=1
n n+1
!
X X
≤φ αk xk + αn+1 φ(xn+1 ) = αk φ(xk )
k=1 k=1

2. Obtenir l’inégalité entre la moyenne arithmétique et la moyenne géométrique


de n nombres positifs a1 , a2 , . . . , an ,

n
!1/n n
Y 1X
ak ≤ ak ,
n
k=1 k=1

en y précisant les conditions d’égalité.


Solution. L’inégalié à vérifier équivaut à
n n
!
1X 1X
log ak ≤ log ak
n n
k=1 k=1

et suit donc de la concavité du logarithme et de l’inégalité de Jensen.


Comme le logarithme est une fonction strictement concave , c’est-à-
dire que

log(αx1 + (1 − α)x2 ) > α log x1 + (1 − α) log x2

20
si x1 < αx1 + (1 − α)x2 < x2 (parce que sa dérivée est strictement
croissante), on ne peut avoir égalité dans l’inégalité précédente que si

a1 = a2 = · · · = an .

3. Soit φ : (a, b) → R une fonction convexe dérivable. Montrer que son


graphe y = φ(x) est entièrement situé au-dessus de n’importe laquelle
de ses tangentes y = φ(x0 ) + φ0 (x0 )(x − x0 ).
Solution. On a vu que si x1 < x2 ,
φ(x2 ) − φ(x1 )
φ0 (x1 ) ≤ ≤ φ0 (x2 ).
x2 − x1
Si x > x0 , l’inégalité

φ(x) ≥ φ(x0 ) + φ0 (x0 )(x − x0 )

en découle en choisissant x1 = x0 et x2 = x dans l’inégalité de gauche


alors que si x < x0 , elle suit de l’inégalité de droite en y faisant x1 = x
et x2 = x0 .
4. Discuter le cas d’égalité dans l’inégalité de Hölder (lorsque 1 < p < +∞).
Solution. Si kf gk1 = kf kp kgkq , il faut nécessairement que

1 |f (x)| p 1 |g(x)| q
   
|f (x)g(x)|
= +
kf kp kgkq p kf kp q kgkq

presque partout sur E donc, étant donnée la concavité stricte du lo-


garithme, que
|f (x)| p |g(x)| q
   
=
kf kp kgkq
presque partout sur E. Cette condition est évidemment suffisante.
5. Soient 1 < p, q, r < +∞ des nombres tels que
1 1 1
+ + =1
p q r
et
f ∈ Lp (R), g ∈ Lq (R), h ∈ Lr (R).
Montrer que f gh ∈ L1 (R) et que

kf ghk1 ≤ kf kp kgkq khkr .

21
Solution. Appliquant l’inégalité de Jensen avec n = 3 au logarithme
puis passant aux exponentielles, on obtient

xα1 1 xα2 2 xα3 3 ≤ α1 x1 + α2 x2 + α3 x3 .

Le choix
|f |p 1 |g|q 1 |h|r 1
x1 = p , α 1 = , x2 = q , α 2 = , x3 = r
, α3 =
kf kp p kgkq q khkr r

puis une intégration sur E conduisent au résultat.


6. Montrer que, si f ∈ L∞ ([a, b]),

kf k∞ = lim kf kp .
p→+∞

Solution. On a évidemment
Z b 1/p
p
|f | ≤ kf k∞ (b − a)1/p
a

donc
lim sup kf kp ≤ kf k∞ .
p→+∞

D’autre part, soit

E = {x | |f (x)| > (kf k∞ − )}.

Alors λ(E) > 0 et


Z b 1/p Z 1/p
p p
|f | ≥ |f | ≥ (kf k∞ − )λ(E)1/p .
a E

Par suite,
lim inf kf kp ≥ kf k∞ .
p→+∞

7. Soient f ∈ Lp ([0, +∞[ ) et g ∈ Lq ([0, +∞[ ) où 1 ≤ p, q ≤ +∞ sont


conjugués. Calculer
Z T
1
lim f (s)g(s) ds.
T →+∞ T 0

22
Solution. Puisque
Z T
Z T 1/p Z T 1/q
p q


f g ≤ |f | |g| ≤ kf kp kgkq ,
0 0 0

on a Z T
1
lim f (s)g(s) ds = 0.
T →+∞ T 0

8. Soit f : [0, A] → R une fonction s’annulant à l’origine et admettant


une dérivée continue. Montrer que, quel que soit p ≥ 1, on a
A
kf kp ≤ kf 0 kp .
p1/p
L’égalité est-elle possible ?
Solution. On a
Z x
Z x 1/p
0
|f 0 (t)|p dt x1/q

|f (x)| = f (t) dt ≤
0 0

de telle sorte que


Z A Z A Z A
p 0 p
|f (x)| dx ≤ |f (t)| dt xp/q dx
0 0 0

et
A
kf kp ≤ kf 0 kp .
p1/p
L’égalité aura lieu si et seulement si f (x) = cx et p = +∞.
9. Montrer que L2 (R) * L1 (R) et que L1 ([0, 1]) * L2 ([0, 1]).
Solution. Par exemple,
1
∈ L2 (R) \ L1 (R)
1 + |x|
et
1
√ ∈ L1 ([0, 1]) \ L2 ([0, 1]).
x

23
10. Discuter le cas d’égalité dans l’inégalité de Minkowski (lorsque 1 < p < +∞).
Solution. Si kf + gkp = kf kp + kgkp , il faut que |f + g| = |f | + |g|
presque partout sur E et que

|f | |g|
et
|f + g| |f + g|

soient constantes presque partout sur E. La première condition en-


traı̂ne que f /g > 0 presque partout sur E et la seconde, que |f /g| est
constante presque partout sur E. Ainsi il faut (et il suffit, bien sûr)
que f /g = c > 0 presque partout sur E.
11. Soient f, g ∈ L2 (E). Montrer que
1
kf k22 + kgk22 = (kf + gk22 + kf − gk22 )
2
(identité du parallélogramme).
Solution. On a

kf + gk22 + kf − gk22 =< f + g, f + g > + < f − g, f − g >


= kf k22 + 2 < f, g > +kgk22 + kf k22 − 2 < f, g > +kgk22 .

12. Soit 0 < p < 1. Montrer que si f, g ∈ Lp (E), alors f + g ∈ Lp (E) mais
que l’inégalité
kf + gkp ≤ kf kp + kgkp
n’est plus nécessairement satisfaite.
Solution. On a

|f + g|p ≤ (|f | + |g|)p ≤ (2 sup{|f |, |g|})p ≤ 2p (|f |p + |g|p )

de telle sorte que

kf + gkpp ≤ 2p (kf kpp + kgkpp ).

Cette inégalité peut devenir une égalité, par exemple, dans l’espace
L1/2 ([0, 1]), pour les fonctions

f = I(0,1/2) et g = I(1/2,1) .

24
13. On considère les fonctions fn : [0, 1] → R définies par

 2nα+β x si 0 ≤ x ≤ 1/(2nα )

fn (x) = 2n (1 − n x) si 1/(2nα ) ≤ x ≤ 1/nα


β α

0 si 1/nα ≤ x ≤ 1.

Montrer qu’elles convergent vers 0 en chaque point x ∈ [0, 1]. Déterminer


les valeurs de p pour lesquelles elles convergent au sens de Lp ([0, 1]).
Solution. Quel que soit x ∈]0, 1[, on a
1
fn (x) = 0 dès que n > .
x1/α
D’autre part,
1
np β−α
Z
fnp =
0 p+1
ce qui tend vers 0 si et seulement si p < α/β.
14. On dit d’une suite de fonctions mesurables fn : E → R qu’elles
convergent en mesure sur E vers une fonction mesurable f : E → R
si, quel que soit δ > 0,

lim λ{x | |fn (x) − f (x)| > δ} = 0.


n→+∞

Montrer que la convergence au sens de Lp (E) (1 ≤ p ≤ +∞) entraı̂ne


la convergence en mesure.
Solution. Soit Eδ,n = {x | |fn (x) − f (x)| > δ}.
Si 1 ≤ p < +∞,
Z 1/p Z !1/p
|fn − f |p ≥ |fn − f |p ≥ δλ(Eδ,n ).
E Eδ,n

(Inégalité de Tchebychev).
Si p = +∞, λ(Eδ,n ) = 0 dès que kfn − f kp < δ.
15. Soient 1 ≤ p, q ≤ +∞ des exposants conjugués, fn ∈ Lp (E) des fonc-
tions qui convergent au sens de Lp (E) vers une fonction f ∈ Lp (E) et
gn ∈ Lq (E) des fonctions qui convergent au sens de Lq (E) vers une
fonction g ∈ Lq (E). Montrer que
Z Z
lim fn gn = f g.
n→+∞ E E

25
Solution. Le résultat suit des inégalités suivantes :
Z Z Z
|fn gn − f g| ≤ |fn − f ||gn | + |f ||gn − g|
E E E
≤ kfn − f kp kgn kq + kf kp kgn − gkq

et du fait que
lim kgn kq = kgkq .
n→+∞

16. Montrer que les fonctions fn (x) = sin nx forment dans l’espace L2 ([−π, π])
une suite bornée (kfn k2 restent bornées) qui n’admet aucune suite par-
tielle convergente (au sens de L2 ([−π, π])).
Solution. D’une part
Z +π
sin2 nx dx = π.
−π

D’autre part, Z +π
(sin nx − sin mx)2 dx = 2π.
−π

17. Soient fn ∈ Lp (E) des fonctions qui convergent simplement (ponctuel-


lement) vers une fonction f ∈ Lp (E). Montrer qu’elles convergent au
sens de Lp (E) (1 ≤ p < +∞) si et seulement si

lim kfn kp = kf kp .
n→+∞

Solution. La condition est évidemment nécessaire puisque

|kfn kp − kf kp | ≤ kfn − f kp .

Pour démontrer l’implication réciproque, on utilise le fait que les fonc-


tions |fn − f |p tendent vers 0 en restant majorées par les fonctions
2p (|fn |p + |f |p ) qui tendent, elles, vers 2p+1 |f |p . Comme
Z Z
p p p
lim 2 (|fn | + |f | ) = 2p+1 |f |p
n→+∞ E E

par hypothèse, le résultat d’un exercice précédent implique


Z Z
lim |fn − f |p = 0 = 0.
n→+∞ E E

26
18. Soit f ∈ Lp (R) (1 ≤ p < +∞). Montrer que
Z +∞ 1/p
p
lim |f (x + h) − f (x)| dx = 0.
h→0 −∞

Solution. On sait que, quel que soit h ∈ R, la fonction x → |f (x + h)|p


est intégrable et que
Z +∞ 1/p Z +∞ 1/p
p p
|f (x + h)| dx = |f (x)| dx .
−∞ −∞

Si f ∈ Cc∞ (R), on aura


Z +∞ 1/p
p
lim |f (x + h) − f (x)| dx =0
h→0 −∞

en vertu du théorème de la convergence dominée. Dans le cas général,


soit g ∈ Cc∞ (R) une fonction telle que

kf − gkp < .
3
Alors
Z +∞ 1/p
p
|f (x + h) − f (x)| dx
−∞
Z +∞ 1/p Z +∞ 1/p
≤ |f (x + h) − g(x + h)|p dx + |g(x + h) − g(x)|p dx
−∞ −∞
Z +∞ 1/p
+ |g(x) − f (x)|p dx
−∞
Z +∞ 1/p
 
< + |g(x + h) − g(x)|p dx + <
3 −∞ 3

dès que |h| est assez petit.


19. Soient 1 ≤ p, q ≤ +∞ des exposants conjugués, f ∈ Lp (R), g ∈ Lq (R)
et Z +∞ Z +∞
h(x) = f (x − t)g(t) dt = f (t)g(x − t) dt
−∞ −∞
leur produit de convolution. Montrer que h est une fonction continue
et bornée sur R.

27
Solution. On peut supposer que p < +∞ (autrement, on intervertit
les rôles des fonctions f et g). On sait que, quel que soit x ∈ R, la
fonction t → |f (x − t)|p est intégrable et que
Z +∞ 1/p Z +∞ 1/p
p p
|f (x − t)| dt = |f (t)| dt .
−∞ −∞

En vertu de l’inégalité de Hölder, la fonction h est bien définie et

khk∞ ≤ kf kp kgkq .

De plus, elle est (uniformément) continue sur R car


Z +∞
|h(x) − h(y)| ≤ |f (x − t) − f (y − t)||g(t)| dt
−∞
Z +∞ 1/p Z +∞ 1/q
p q
≤ |f (x − t) − f (y − t)| dt |g(t)| dt
−∞ −∞

ce qui tend vers 0 lorsque x tend vers y en vertu de l’exercice précédent.

6 DÉRIVATION
1. Vérifier qu’une fonction φ : [a, b] → R est à variation bornée si et
seulement si son graphe est rectifiable, c’est-à-dire si et seulement si
les sommes
n p
X
σ(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
k=1

restent bornées quelle que soit la partition P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } de


l’intervalle [a, b].
Solution. On a
p
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| ≤ (φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
≤ |φ(xk ) − φ(xk−1 )| + (xk − xk−1 )

donc
s(φ, P) ≤ σ(φ, P) ≤ s(φ, P) + (b − a).

28
2. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Si P = {x0 , x1 , . . . , xn }
est une partition de l’intervalle [a, b], soient
n
X
p(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))+ ,
k=1
Xn
n(φ, P) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))−
k=1

et posons

pos(φ, [a, b]) = sup{p(φ, P)} ,


P
neg(φ, [a, b]) = sup{n(φ, P)}.
P

Montrer que

pos(φ, [a, b]) − neg(φ, [a, b]) = φ(b) − φ(a),

et que
pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b]) = var(φ, [a, b]).

Solution. On a
n
X
φ(b) − φ(a) = (φ(xk ) − φ(xk−1 ))
k=1
n
X n
X
= (φ(xk ) − φ(xk−1 ))+ − (φ(xk ) − φ(xk−1 ))−
k=1 k=1
= p(φ, P) − n(φ, P).

La relation
p(φ, P) = n(φ, P) + (φ(b) − φ(a))
implique
pos(φ, [a, b]) ≤ neg(φ, [a, b]) + (φ(b) − φ(a))
et la relation
n(φ, P) = p(φ, P) − (φ(b) − φ(a))
implique
neg(φ, [a, b]) ≤ pos(φ, [a, b]) − (φ(b) − φ(a))
ce qui démontre la première équation.

29
Pour démontrer la seconde, observons d’abord que
s(φ, P) = p(φ, P) + n(φ, P) ≤ pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b])
donc que
var(φ, [a, b]) ≤ pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b]).
D’autre part, en vertu de ce qui précède,
var(φ, [a, b]) ≥ s(φ, P) = p(φ, P) + n(φ, P)
= 2 p(φ, P) − (φ(b) − φ(a))
= 2 p(φ, P) − (pos(φ, [a, b]) − neg(φ, [a, b]))
ce qui implique
var(φ, [a, b]) ≥ 2 pos(φ, [a, b]) − (pos(φ, [a, b]) − neg(φ, [a, b]))
= pos(φ, [a, b]) + neg(φ, [a, b]).

3. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Supposons que


φ = g − h en soit une représentation comme la différence de deux
fonctions croissantes sur [a, b] et posons
P (x) = pos(φ, [a, x]) , N (x) = neg(φ, [a, x]).
Vérifier que P et N sont croissantes sur [a, b] et que
var(P, [a, b]) ≤ var(g, [a, b]) , var(N, [a, b]) ≤ var(h, [a, b]).

Solution. En vertu de l’exercice précédent,


1 1
P (x) = (V (x) + φ(x) − φ(a)) et N (x) = (V (x) − φ(x) + φ(a))
2 2
ce qui montre que P et N sont croissantes. Puisque
V (b) ≤ (g(b) − g(a)) + (h(b) − h(a)),
on a
1
(V (b) + g(b) − h(b) − g(a) + h(a)) ≤ g(b) − g(a)
2
c’est-à-dire
var(P, [a, b]) = P (b) ≤ g(b) − g(a) = var(g, [a, b]).
L’inégalité
var(N, [a, b]) ≤ var(h, [a, b])
s’établit de façon semblable.

30
4. Vérifier que la fonction
(
x−1/3 si x 6= 0,
f (x) =
0 si x = 0.
est intégrable sur [−1, 1] et déterminer la variation de son intégrale
définie Z x
F (x) = f (t) dt
−1
sur cet intervalle.
Solution. La fonction f étant impaire,
Z 1 Z 1
|f (x)| dx = 2 x−1/3 dx = 3.
−1 0

La fonction
3
F (x) = (x2/3 − 1)
2
étant paire, décroissante sur [−1, 0] et croissante sur [0, 1] et la varia-
tion étant une fonction additive de l’intervalle,
var(F, [−1, 1]) = var(F, [−1, 0]) + var(F, [0, 1])
= 2 var(F, [0, 1]) = 2(F (1) − F (0)) = 3.

5. Montrer que la fonction continue φ(x) qui coı̈ncide avec x sin 1/x
lorsque x 6= 0 n’est à variation bornée sur aucun intervalle contenant
0.
Solution. En vertu de l’additivité finie de la variation et du fait que la
fonction considérée est paire, il suffit de voir que la variation de φ sur
l’intervalle [0, 2/π] (par exemple) est infinie. Considérons la partition
particulière Pn
2 2 2 2
Pn = {0, , , . . . , , }.
(2n + 1)π (2n − 1)π 3π π
Pour la somme correspondante, on a
n
X 2 (2k + 1)π 2 (2k − 1)π
(2k + 1)π sin
− sin
2 (2k − 1)π 2
k=1
X n
2 (2n + 1)π
≥ 2 4k
+ sin
(2n + 1)π 2 π (2k + 1)(2k − 1)
k=1

ce qui tend vers +∞ avec n.

31
6. Représenter sur l’intervalle [0, 2π] la fonction sin x comme la différence
de deux fonctions croissantes.
Solution. En utilisant l’additivité finie de la variation, on obtient pour
la variation V (x) associée à la fonction sin x l’expression

sin x
 si 0 ≤ x ≤ π2
V (x) = 2 − sin x si π2 ≤ x ≤ 3π 2

4 + sin x si 3π ≤ x ≤ 2π

2

et
sin x = V (x) − (V (x) − sin x)
est une représentation possible.
7. Soit Q = {q1 , q2 , q3 , . . .} une énumération des nombres rationnels.
Montrer que la fonction
X 1
φ(x) =
q <x
2n
n

est strictement croissante sur R et discontinue sur Q.


Solution. La série
+∞
X 1
=1
2k
k=1

étant convergente, la fonction est bien définie. Si x1 < x2 , il existe un


nombre rationnel qm entre x1 et x2 . Donc

φ(x1 ) < φ(x2 ).

D’autre part, en chaque point rationnel qm , on a


X 1 1 X 1 1
lim φ(qm +h) = lim n
≥ m
+ n
≥ m +lim φ(qm −h)
h↓0 h↓0 2 2 q <q
2 2 h↓0
qn <qm +h n m

de telle sorte que φ fait un saut de 2−m en qm ( la somme des sauts


doit être égale à 1).
8. Soit φ : [a, b] → R une fonction à variation bornée. Montrer que |φ| est
aussi à variation bornée sur [a, b] et que

var(|φ|, [a, b]) ≤ var(φ, [a, b]).

32
En déduire l’inégalité
Z b
1
|φ| ≤ |φ(a)| + var(|φ|, [a, b]).
b−a a

Solution. La première inégalité découle de la relation :


| |u| − |v| | ≤ |u − v|.
Pour démontrer la seconde, écrivons
|φ|(x) = W (x) − k(x)
où W (x) est la variation de |φ| sur l’intervalle [a, x] et k est une fonction
croissante. On en tire
Z b Z b
|φ| ≤ (W (b) − k(a)) dx = (var(|φ|, [a, b]) + |φ(a)|)(b − a).
a a

9. Soit φ : [a, b] → R la limite d’une suite de fonctions φn : [a, b] → R à


variation bornée. Montrer que
var(φ, [a, b]) ≤ lim inf var(φn , [a, b]).
n→+∞

Solution. Pour toute partition P de l’intervalle [a, b],


s(φ, P) = lim s(φn , P)
n→+∞

donc
s(φ, P) ≤ lim inf var(φn , [a, b])
n→+∞
et
var(φ, [a, b]) ≤ lim inf var(φn , [a, b]).
n→+∞

10. Calculer les nombres de Dini D+ φ(0), D+ φ(0), D− φ(0) et D− φ(0) pour
la fonction
φ = (IQc ]−∞,0] + 2 IQc ]0,+∞[ ) − (IQ ]−∞,0] + 2 IQ ]0,+∞[ ).

Solution. On a
φ(h) − φ(0) φ(h) + 1
D+ φ(0) = lim sup = lim sup = +∞,
h↓0 h h↓0 h
et de façon semblable
D+ φ(0) = −∞ , D− φ(0) = +∞ , D− φ(0) = 0.

33
11. Montrer qu’une fonction est absolument continue sur tout intervalle
dans lequel elle admet une dérivée bornée.
Solution. En vertu du théorème des accroissements finis, quels que
soient u, w dans l’intervalle [a, b] où la fonction φ admet une dérivée
bornée, il existe v ∈]u, w[ tel que
φ(w) − φ(u) = φ0 (v)(w − u).
Par suite,
n
X n
X
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| ≤ kφ0 k∞ (xk − xk−1 ).
k=1 k=1

12. Montrer que la fonction continue φ(x) qui coı̈ncide avec x2 sin 1/x
lorsque x 6= 0 est absolument continue.
Solution. Application de l’exercice précédent. Si x 6= 0,
1 1
φ0 (x) = 2 x sin − cos
x x
alors que
x2 sin 1/x
φ0 (0) = lim = 0.
x→0 x
13. Soit φ : [a, b] → R une fonction croissante. Montrer qu’elle peut s’écrire
sous la forme φ = φac + φs où φac est croissante absolument continue
et φs est croissante singulière, c’est-à-dire telle que φ0s = 0 presque
partout sur [a, b].
Solution. La fonction
Z x
φac (x) = φ0 (t) dt
a
est croissante, absolument continue et
φ0ac (x) = φ0 (x)
presque partout sur l’intervalle [a, b]. La relation
Z x2
φ0 (t) dt ≤ φ(x2 ) − φ(x1 )
x1

montre d’autre part que la fonction


φs (x) = φ(x) − φac (x)
est croissante.

34
14. Montrer qu’une fonction convexe φ : R → R est absolument continue
sur tout intervalle compact [a, b].
Solution. On sait que si x1 < x2 < x3 < x4 ,
φ(x2 ) − φ(x1 ) φ(x3 ) − φ(x2 ) φ(x4 ) − φ(x3 )
≤ ≤
x2 − x1 x3 − x2 x4 − x3
de telle sorte que si a ≤ x < y ≤ b,
φ(y) − φ(x)
φ(a − 1) − φ(a − 2) ≤ ≤ φ(b + 2) − φ(b + 1).
y−x
On en déduit que
|φ(y) − φ(x)|
≤ sup{|φ(a − 1) − φ(a − 2)|, |φ(b + 2) − φ(b + 1)|} = K.
|y − x|
Ainsi, quelle que soit la partition P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn } de l’inter-
valle [a, b],
Xn
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| ≤ K(b − a).
k=1

15. Soit φ : [a, b] → R une fonction absolument continue. Montrer que


Z b
var(φ, [a, b]) = |φ0 (x)| dx.
a

Solution. Supposons d’abord que φ0 soit continue. Soit P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn }


une partition quelconque de l’intervalle [a, b]. Alors, en vertu du théorème
des accroissements finis, il existe des points y1 , y2 , . . . , yn tels que
n
X n
X
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| = |φ0 (yk )|(xk − xk−1 )
k=1 k=1

de telle sorte que


n
X
inf |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 )


k=1
n
X
≤ |φ(xk ) − φ(xk−1 )|
k=1
n
X
sup |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 ).


k=1

35
Puisque
Z b n
X 
0
 0
|φ | = sup inf |φ (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 )} | P
a k=1
n
X 
sup |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 )} | P

= inf
k=1
on peut choisir une partition P telle que
Xn
sup |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 )


k=1
n
X
inf |φ0 (x)| | xk−1 ≤ x ≤ xk (xk − xk−1 ) < ,


k=1
ce qui implique que
Z b
0

var(φ, [a, b]) − |φ |
≤
a
donc que
Z b
var(φ, [a, b]) = |φ0 |
a
dans ce cas.
Dans le cas général, introduisons une fonction g ∈ C([a, b]) telle que
Z b

|φ0 − g| < .
a 2
Pour la fonction Z x
G(x) = φ(a) + g(t) dt,
a
on a Z b
var(G, [a, b]) = |g|.
a
Maintenant,

X n n
X
|φ(xk ) − φ(xk−1 )| − |G(xk ) − G(xk−1 )|



k=1 k=1
Xn
≤ |(φ(xk ) − φ(xk−1 )) − (G(xk ) − G(xk−1 ))|
k=1

n Z xk n Z xk
X
0
X 
= (φ − g) ≤ |φ0 − g| < .

2

xk−1 xk−1
k=1 k=1

36
On en déduit que

|var(φ, [a, b]) − var(G, [a, b])| ≤
2
puis que
Z b
0

var(φ, [a, b]) − |φ | ≤ |var(φ, [a, b]) − var(G, [a, b])|

a
Z b Z b Z b
0

+ var(G, [a, b]) −
|g| +
|g| − |φ |
a a a
Z b

≤ +0+ |φ0 − g| < 
2 a

ce qui entraı̂ne
Z b
var(φ, [a, b]) = |φ0 |.
a

16. Soient φ : [a, b] → R une fonction absolument continue et

`φ = sup{σ(φ, P) | P}

la longueur de son graphe. Montrer que


Z bq
`φ = 1 + φ0 (x)2 dx.
a

Solution. Supposons d’abord que φ0 soit continue. Soit P = {x0 , x1 , x2 , . . . , xn }


une partition quelconque de l’intervalle [a, b]. Alors, en vertu du théorème
des accroissements finis, il existe des points y1 , y2 , . . . , yn tels que
Xn p X n q
2
(φ(xk ) − φ(xk−1 )) + (xk − xk−1 ) =2 1 + φ0 (yk )2 (xk −xk−1 )
k=1 k=1

donc
n
X q 
0 2
inf 1 + φ (x) | xk−1 | ≤ x ≤ xk
k=1
Xn p
≤ (φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
k=1
Xn q 
≤ sup 1+ φ0 (x)2 | xk−1 | ≤ x ≤ xk .
k=1

37
La partition P étant arbitraire, on en déduit comme dans l’exercice
précédent que
Z bq
`φ = 1 + φ0 2
a
dans ce cas.
Dans le cas général, introduisons une fonction g ∈ C([a, b]) telle que
Z b

|φ0 − g| < .
a 2

Pour la fonction Z x
G(x) = φ(a) + g(t) dt,
a
on a Z bp
`G = 1 + g2.
a
Maintenant, en utilisant la relation
√ √ |u − v|
| u − v| = √ √ ,
u+ v

on voit que
n
Xp

(φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
k=1
n p
X


− 2 2
(G(xk ) − G(xk−1 )) + (xk − xk−1 )
k=1
n
X |(φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 − (G(xk ) − G(xk−1 ))2 |
≤ p p
k=1
(φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2 + (G(xk ) − G(xk−1 ))2 + (xk − xk−1 )2
n
X |(φ(xk ) − φ(xk−1 ))2 − (G(xk ) − G(xk−1 ))2 |

|φ(xk ) − φ(xk−1 )| + |G(xk ) − G(xk−1 )|
k=1
n Z b
X 
≤ |(φ(xk ) − φ(xk−1 )) − (G(xk ) − G(xk−1 ))| ≤ |φ0 − g| < .
a 2
k=1

On en déduit que

|`φ − `G | ≤
2

38
puis, comme précédemment, que
Z bq Z b q
2  2
p
|`φ − 1 + φ0 | ≤ + 0 + ( 1 + φ0 − 1 + g 2 )
a 2 a
Z b

≤ + |φ0 − g| < .
2 a

17. À partir de la formule d’intégration par parties, montrer que si la fonc-


tion F : [a, b] → R est absolument continue, positive et décroissante et
si la fonction g : [a, b] → R est intégrable, il existe c ∈ [a, b] tel que
Z b Z c
F (x)g(x) dx = F (a) g(x) dx.
a a
(« Deuxième théorème de la moyenne ». Quel est le premier ?)
Solution. Posons Z x
G(x) = g(t) dt.
a
Alors Z b Z b
F g = F (b)G(b) − F 0 G.
a a
Puisque F 0 est négative,
Z b
F (b)G(b) + inf{G(x) | x ∈ [a, b]}(F (a) − F (b) ≤ Fg
a
≤ F (b)G(b) + sup{G(x) | x ∈ [a, b]}(F (a) − F (b))
et, puisque F est positive,
Z b
inf{G(x) | x ∈ [a, b]}F (a) ≤ F g ≤ sup{G(x) | x ∈ [a, b]}F (a).
a
En vertu du théorème de la valeur intermédiaire, il doit exister c ∈ [a, b]
tel que
Z b
F g = F (a)G(c).
a
Le premier théorème de la moyenne dit qu’il existe c ∈ [a, b] tel que
Z b
f (x) dx = f (c)(b − a).
a
Il s’applique dès que f : [a, b] → R est continue et peut être déduit
du théorème des accroissements finis ou du théorème de la valeur in-
termédiaire.

39
7 INTÉGRATION ABSTRAITE
{A1 , A2 , . . . , An } où A1 , A2 , . . . , An forment une partition de
1. Soit F = P
X (X = nk=1 Ak ). Déterminer T(F).
Solution. On a
 
X 
T(F) = Aj | J ⊆ {1, 2, . . . , n}
 
j∈J
P
en convenant que j∈∅ Aj = ∅. En effet, T(F) doit contenir tous ces
ensembles et la bijection
X
J ←→ Aj
j∈J

entre la tribu des parties de {1, 2, . . . , n} et cette famille montre qu’elle


forme bien une tribu.
2. Soit F = {A1 , A2 , . . . , An } où A1 , A2 , . . . , An sont des parties quel-
conques de X. Déterminer T(F). Quelle est la cardinalité maximale de
T(F) ?
Solution. Soit
G = {B1 B2 · · · Bn | où Bk = Ak ou Bk = Ack } .
(Par exemple, Ac1 A2 · · · An ∈ G). La famille H des ensembles Cj de la
famille G qui sont non vides forme une partition de X. Si m est sa
cardinalité, on aura donc
 
X 
T(F) = Cj | J ⊆ {1, 2, . . . , m} .
 
j∈J

Évidemment,
n
card (T(F)) ≤ 22 .
3. Soit F = {A, B}. Déterminer M(F) et T(F).
Solution. M(F) = F et, si AB 6= ∅, A B et B A, une application
de l’exercice précédent donne
T(F) = {AB, AB c , Ac B, Ac B c , A, B, Ac , B c , A + Ac B, A + Ac B c ,
Ac + AB, AB + Ac B c , AB c + Ac B, AB c + Ac B + Ac B c , ∅, X},
une tribu finie (= un clan) à 16 éléments.

40
4. Soient E ⊆ R et f : E → R une fonction mesurable (relativement à
la tribu de Lebesgue). Montrer qu’il existe une fonction g : E → R
borélienne (mesurable relativement à la tribu de Borel) qui coı̈ncide
presque partout (relativement à la mesure de Lebesgue) avec f .
Solution. Si f = IA est la fonction indicatrice d’un ensemble mesu-
rable,Tla représentation de A comme somme d’un ensemble borélien
B = k Fk et d’un ensemble de mesure nulle N permet de conclure
avec g = IB . Le résultat est donc vrai successivement pour une fonc-
tion f étagée, positive et mesurable quelconque.
5. Soient (X, T) un espace mesurable et E ⊆ X. Montrer que si f : E → R
est mesurable, c ∈ R et p > 0, les fonctions cf et |f |p sont mesurables.
Solution. Si c = 0,
(
X si α < 0,
{x | cf (x) > α} =
∅ sinon

alors que
α
{x | cf (x) > α} = {x | f (x) > }
c
si c > 0 et que
α
{x | cf (x) > α} = {x | f (x) < }
c
si c < 0.
Si α < 0,
{x | |f (x)|p > α} = X,
si α = 0,
{x | |f (x)|p > α} = {x | f (x) = 0}c
et si α > 0,

{x | |f (x)|p > α} = {x | f (x) > α1/p } + {x | f (x) < − α1/p }.

6. Soient {x1 , x2 , x3 , . . .} une suite de nombres réels et {p1 , p2 , p3 , . . .} une


suite de nombres positifs. On considère la fonction µ : P(R) → [0, +∞]
définie par X
µ(E) = pk .
xk ∈E

Vérifier que µ est une mesure sur R. Déterminer l’espace L1µ (R). Ex-
pliciter l’inégalité de Hölder.

41
Solution. On a X
µ(∅) = pk = 0.
xk ∈∅

Puisque tous les nombres pk sont positifs, on a aussi


!  
X X X X X
µ Ek =
P
pj = pj  = µ(Ek ).

k xj ∈ k Ek k xj ∈Ek k

Toutes les fonctions sont mesurables. Si f est positive,


N N
(Z )
+∞ X

X
sup ak IEk dµ 0 ≤ ak IEk ≤ f
−∞ k=1 k=1
 
X N X

XN 

= sup ak pj 0 ≤ ak IEk ≤ f
 
k=1 xj ∈Ek k=1
 
X N X

XN 

= sup inf{f (x) | x ∈ Ek } pj 0 ≤ inf{f (x) | x ∈ Ek }IEk ≤ f
 
k=1 xj ∈Ek k=1
X
= f (xk )pk .
k

Ainsi f ∈ L1µ (R) si et seulement si


X
|f (xk )|pk < +∞.
k

L’inégalité de Hölder s’écrit ici


!1/p !1/q
X X X
|f (xk )g(xk )|pk ≤ |f (xk )|p pk |g(xk )|q pk .
k k k

7. Répondre aux mêmes questions si µ : L → [0, +∞] est définie par


Z
µ(E) = |g(x)| dx
E

avec g ∈ L1 (R). La tribu de Lebesgue est-elle complète relativement à


cette mesure ?
Solution. On a Z
µ(∅) = |g| = 0.

42
En vertu du théorème sur la convergence monotone ou de celui sur la
convergence majorée, on a aussi
! Z
XZ
P
X X
µ Ek = |g| = |g| = µ(Ek ).
k k Ek k Ek k

La mesurabilité est la mesurabilité au sens de Lebesgue. Si f est posi-


tive,
N N
(Z )
+∞ X

X
sup ak IEk dµ 0 ≤ ak IEk ≤ f
−∞ k=1 k=1
N N
(Z )
+∞ X

X
= sup ak IEk |g| 0 ≤ ak IEk ≤ f
−∞ k=1 k=1
Z +∞
= f |g|.
−∞

Ainsi f ∈ L1µ (R) si et seulement si


Z +∞
|f (x)||g(x)| dx < +∞.
−∞

L’inégalité de Hölder s’écrit ici


Z +∞ Z +∞ 1/p Z +∞ 1/q
p q
|f1 f2 g| ≤ |f1 | |g| |f2 | |g| .
−∞ −∞ −∞

La tribu de Lebesgue n’est pas complète relativement à cette mesure.


Par exemple, on peut avoir E ⊆ [0, 1] non mesurable et g ≡ 0 sur [0, 1].
8. Soit (X, T, µ) un espace mesuré. Supposons que S soit une autre tribu
sur X et que ν : S → [0, +∞] soit une mesure sur X telles que T ⊆ S,
que la restriction de ν à T coı̈ncide avec µ et que S soit ν−complète.
Montrer que Tµ ⊆ S et que la restriction de ν à Tµ coı̈ncide avec µ.
Solution. Soit E ∈ Tµ . On a A ⊆ E ⊆ B avec A, B ∈ T et µ(BAc ) = 0.
A ∈ S. Puisque ν(BAc ) = 0, que EAc ⊆ BAc et que S est ν−complète,
EAc ∈ S donc E = A + EAc ∈ S. Finalement, si E ∈ Tµ ,

ν(E) = ν(A) = µ(A) = µ(E).

43
9. La fonction F : R → [0, 1] croissant de 0 à 1 lorsque x croı̂t de −∞ à
+∞ et étant supposée continue à droite, on pose, pour E ⊆ R,
( )
X [

µF (E) = inf (F (bk −) − F (ak )) | E ⊆ ]ak , bk [ ,
k k

la borne inférieure étant calculée sur la famille des suites finies ou


infinies d’intervalles ouverts { ]ak , bk [ }k recouvrant E. Montrer que
– µ∗F ([a, b]) = F (b) − F (a−);
– µ∗F (]a, b]) = F (b) − F (a);
– µ∗F (]a, b[) = F (b−) − F (a);
– pour tout A ⊆ R et pour tout a ∈ R, on a

µ∗F (A ]a, +∞[ ) + µ∗F (A ]a, +∞[c ) ≤ µ∗F (A).

Solution. Remarquons d’abord que l’on a F (x1 ) ≤ F (x2 −) ≤ F (x2 )


dès que x1 < x2 . De plus, la fonction E 7→ µ∗F (E) est croissante et
sous-additive.
– Puisque [a, b] ⊆ ]a − , b + [, on a

µ∗F ([a, b]) ≤ F ((b + )−) − F (a − )

quelque soit  > 0 de telle sorte que

µ∗F ([a, b]) ≤ F (b) − F (a−).

Réciproquement, il suffit, en vertu du théorème de Borel-Lebesgue,


de voir que la relation
N
[
[a, b] ⊆ ]ak , bk [
k=1

entraı̂ne la relation
N
X
F (b) − F (a−) ≤ (F (bk −) − F (ak )).
k=1

On peut supposer que

a1 < a < a2 < b1 < a3 < b2 < · · · < aN −1 < bN −2 < aN < bN −1 < b < bN .

44
Alors

F (bN −) − F (aN ) + F (bN −1 −) − F (aN −1 )


+ · · · + F (b2 −) − F (a2 ) + F (b1 −) − F (a1 )
= F (bN −) + (F (bN −1 −) − F (aN )) + (F (bN −2 −) − F (aN −1 ))
+ · · · + (F (b1 −) − F (a2 )) − F (a1 )
≥ F (bN −) − F (a1 ) ≥ F (b) − F (a−).

– La relation
]a, b] ⊆ ]a, b + [
entraı̂ne
µ∗F ( ]a, b]) ≤ F (b) − F (a)
et la relation
]a, b] ⊇ [a + , b]
entraı̂ne
µ∗F ( ]a, b]) ≥ F (b) − F (a).
– On a évidemment

µ∗F ( ]a, b[ ) ≤ F (b−) − F (a)

et la relation
]a, b[ ⊇ ]a, b − ]
entraı̂ne
µ∗F ( ]a, b[ ) ≥ F (b−) − F (a).
– Soit [
A⊆ ]ak , bk [
k
avec X
(F (bk −) − F (ak )) ≤ µ∗F (A) + 
k
et posons

Ik0 = ]a, +∞[ ∩ ]ak , bk [ , Ik00 = ]a, +∞[c ∩ ]ak , bk [.

On vérifie aisément que

µ∗F (Ik0 ) + µ∗F (Ik00 ) = (F (bk −) − F (ak )).

45
Alors
X X
µ∗F (A ]a, +∞[ ) + µ∗F (A ]a, +∞[c ) ≤ µ∗F (Ik0 ) + µ∗F (Ik00 )
k k
X
= (F (bk −) − F (ak )) ≤ µ∗F (A) + .
k

8 INTÉGRALES ITÉRÉES
1. Soient f, g : R → R des fonctions mesurables. Montrer que la fonction
(x, y) 7→ f (x) + g(y) est mesurable (relativement à la tribu produit).
Solution. La fonction (x, y) 7→ f (x) est mesurable puisque

{(x, y) | f (x) > α} = {x | f (x) > α} × R.

De même pour la fonction (x, y) 7→ g(y) et la somme de deux fonctions


mesurables est mesurable.
2. Soit f : [a, b] → R une fonction mesurable positive. Montrer que l’en-
semble
E = {(x, y) | a ≤ x ≤ b , 0 ≤ y ≤ f (x)}
est mesurable (relativement à la tribu produit) et calculer sa mesure.
Solution. On a

E = {(x, y) | f (x) − y ≥ 0} ∩ [a, b] × [0, +∞[.

et la fonction (x, y) 7→ f (x) − y est mesurable. De plus


Z +∞ Z +∞ Z b Z f (x) Z b
λ2 (E) = IE dxdy = dx dy = f (x) dx.
−∞ −∞ a 0 a

e ⊆ R2 défini par
3. À E ⊆ R associons l’ensemble E
e = {(x, y) | x − y ∈ E}
E

et considérons la famille

T = {E ∈ B | E
e ∈ B2 }.

Montrer que T = B.

46
Solution. Les relations
 c
c) = E ^ [f
[
(E
g e et Ek = Ek ,
k k

qui sont aisément vérifiées, entraı̂nent que T est une tribu. Puisque
la fonction (x, y) 7→ x − y est continue, O e est ouvert quel que soit
l’ensemble ouvert O. Cela assure que B ⊆ T donc que B = T.
4. Déduire du théorème de Tonelli et de la relation
Z +∞ Z +∞
−z 2 2 2
e dz = xe−x y dy si x > 0
0 0

que Z +∞
2 /2 √
e−x dx = 2π.
−∞

Solution. En vertu du théorème de Tonelli, on a


Z +∞ 2 Z +∞ Z +∞
−x2 −x2 2
e dx = e dx e−z dz
0 0 0
Z +∞ Z +∞ Z +∞ Z +∞
−x2 −x2 y 2 2 (1+y 2 )
= e dx xe dy =
dy xe−x dx
0 0 0 0
Z +∞
+∞
dy 1 = π.

= = arctan y
0 2(1 + y 2 ) 2
0 4

5. Calculer
Z 1 Z 1 Z 1 Z 1 Z 1Z 1
dx f (x, y) dy , dy f (x, y) dx et |f (x, y)| dxdy
0 0 0 0 0 0

pour la fonction
x2 − y 2
f (x, y) = .
(x2 + y 2 )2

Solution. Puisque

x2 − y 2
   
d y d −x
= 2 = ,
dy x2 + y 2 (x + y 2 )2 dx x2 + y 2
on a Z 1 Z 1 Z 1
dx π
dx f (x, y) dy = 2
= ,
0 0 0 1+x 4

47
Z 1 Z 1 Z 1
dy π
dy f (x, y) dx = − 2
=−
0 0 0 1+y 4
et
Z 1Z 1
|f (x, y)| dxdy
0 0
Z 1 Z y 2 Z 1 2
y − x2 x − y2

= dy 2 2 2
dx + 2 2 2
dx
0 0 (x + y ) y (x + y )
Z 1 
1 1
= − dy = +∞.
0 y 1 + y2

6. Utiliser le théorème de Tonelli pour calculer de deux manières l’intégrale


Z b Z 1
dx y x dy , 0 < a < b
a 0

et en déduire la valeur de
1
yb − ya
Z
dy.
0 log y

Solution. L’intégrand étant positif, on a


Z b Z 1 Z b
dx b+1
dx y x dy = = log
a 0 a 1+x a+1
et
1 b 1
yb − ya
Z Z Z
x
dy y dx = dy
0 a 0 log y
de telle sorte que
1
yb − ya
Z
b+1
dy = log .
0 log y a+1

7. Utiliser le théorème de Fubini pour calculer de deux manières l’intégrale


Z AZ A
e−xy sin x dxdy
0 0

et en déduire que Z A
sin x π
lim dx = .
A→+∞ 0 x 2

48
Solution. On a d’une part
Z A Z A Z A
−xy sin x
1 − e−Ax dx

dx e sin x dy =
0 0 0 x
Z +∞
sin x
−→ dx
0 x
lorsque A −→ +∞ puisque, par convergence dominée,
Z A
sin x −Ax
e dx −→ 0.
0 x
D’autre part, en intégrant par parties par rapport à x,

1 − e−Ay (cos A − y sin A)


Z A Z A Z A
−xy
dy e sin x dx = dy
0 0 0 1 + y2
Z +∞
dy π
−→ 2
=
0 1 + y 2
puisque, encore par convergence dominée,
Z A
cos A − y sin A −Ay
e dy −→ 0
0 1 + y2
lorsque A −→ +∞.

9 APPLICATIONS
1. Soit f ∈ L12π . Montrer que

lim ck (f ) = 0.
|k|→+∞

Solution. Si f estPcontinue sur [−π, π[, elle est de carré intégrable sur
[−π, π[. La série +∞ 2
−∞ |ck (f )| est donc convergente. En particulier,

lim ck (f ) = 0.
|k|→+∞

Dans le cas général, soient  > 0 arbitraire et g une fonction continue


sur [−π, π[ telle que
Z +π
1 
|f − g| < .
2π −π 2

49
Alors

Z
1 −ikt

|ck (f )| = f (t)e dt
2π −π

Z Z +π
1 1
(f (t) − g(t))e−ikt −ikt

≤ dt + g(t)e dt
2π −π 2π −π
Z +π
1
≤ |f − g| + |ck (g)| < 
2π −π

dès que |k| est assez grand.


2. Soit f ∈ L12π une fonction à variation bornée sur [−π, π]. Montrer que

var(f, [−π, π])


|ck (f )| ≤ .
4k

Solution. On a
Z +π 
1  π  −ikt
2ck (f ) = f (t) − f t − e dt,
2π −π k
Z +π  
1 π  π  −ikt
2ck (f ) = − f t− −f t−2 e dt,
2π −π k k
...,
Z +π  
1 π  π  −ikt
2ck (f ) = − f t − (2k − 1) − f t − (2k) e dt.
2π −π k k
Donc
Z +π 2k−1
1 X   π  π  −ikt
4kck (f ) = (−1)j f t − j − f t − (j + 1) e dt
2π −π k k
j=0

et
Z +π 2k−1
1 X  π  π 
|4kck (f )| ≤ f t − j − f t − (j + 1) dt ≤ var(f, [−π, π]).

2π −π k k
j=0

3. Développer la fonction f (x) = π 2 − x2 en une série trigonométrique


sur l’intervalle [−π, π]. En déduire la valeur des sommes
+∞ +∞ +∞
X (−1)k+1 X 1 X 1
, et .
k2 k2 k4
k=1 k=1 k=1

50
Solution. On a

2π 2
Z
1
c0 (f ) = (π 2 − x2 ) dx =
2π −π 3

et, si k 6= 0,
Z +π
1 2
ck (f ) = (π 2 − x2 )e−ikx dx = (−1)k+1
2π −π k2

en intégrant par parties deux fois. La série de Fourier obtenue,

2π 2 X 2
+ (−1)k+1 2 eikx ,
3 k
k6=0

étant absolument convergente, sa somme est la fonction continue qui


l’a engendrée :
+∞
2 2π 2 X
2 4
π −x = + (−1)k+1 2 cos kx si − π ≤ x ≤ π.
3 k
k=1

En particulier, faisant x = 0 puis x = π, on obtient


+∞ +∞
X (−1)k+1 π2 X 1 π2
= et = .
k2 12 k2 6
k=1 k=1

L’identité de Parseval implique d’autre part


+∞
X 1 π4
= .
k4 90
k=1

4. Développer la fonction f (x) = x en une série trigonométrique sur


l’intervalle (−π, π). En déduire la valeur des sommes
+∞ +∞
X (−1)k X sin kx
et .
2k + 1 k
k=0 k=1

Solution. On a
i(−1)k+1
c0 (f ) = 0 et ck (f ) = si k 6= 0.
k

51
Le théorème de Dirichlet étant applicable,
+∞
X 2
x= (−1)k+1 sin kx si − π < x < π.
k
k=1

Choisissant x = π/2, on obtient


+∞
X (−1)k π
= .
2k + 1 4
k=0

Remplaçant x par π − x, on obtient


+∞
X sin kx π−x
= si 0 < x < 2π.
k 2
k=1

5. Soient f ∈ L12π une fonction réelle et


+∞
1 X
S(f )(x) = a0 (f ) + (ak (f ) cos kx + bk (f ) sin kx)
2
k=1

sa série de Fourier écrite sous « forme réelle ». Quelle est l’expression


intégrale des coefficients ? Que devient l’identité de Parseval ?
Solution. En utilisant l’identité d’Euler

eiθ = cos θ + i sin θ,

on trouve
Z +π Z +π
1 1
ak (f ) = f (t) cos kt dt, bk (f ) = f (t) sin kt dt
π −π π −π

(y compris pour a0 (f )) et
+∞ Z +π
1 X 1
a0 (f )2 + (ak (f )2 + bk (f )2 ) = |f |2 .
2 π −π
k=1

6. Soit f ∈ Cc∞ (R) une fonction indéfiniment dérivable à support com-


pact. Montrer que, quel que soit N ∈ N,

lim ξ N fˆ(ξ) = 0.
|ξ|→+∞

52
En déduire que, si f ∈ L1C (R),
lim fˆ(ξ) = 0.
|ξ|→+∞

Solution. En intégrant par parties sur un intervalle compact plus grand


que le support de f , on obtient
e−iξt
Z +∞ Z +∞
1 1
fˆ(ξ) = √ f (t)e−iξt dt = √ f 0 (t) dt
2π −∞ 2π −∞ −iξ
e−iξt
Z +∞
1
= ··· = √ f (N +1) (t) dt
2π −∞ (−iξ)(N +1)
de telle sorte que
Z +∞


1 1 (N +1)

ξ f (ξ) ≤ √ f (t) dt.
|ξ| 2π −∞
Dans le cas général, on peut supposer f réelle. Soient fn ∈ Cc∞ (R) des
fonctions telles que
lim kfn − f k1 = 0.
n→+∞
Alors
fˆ(ξ) = lim fˆn (ξ).
n→+∞
Donc, on aura
|fˆ(ξ)| ≤ |fˆ(ξ) − fˆn (ξ)| + |fˆn (ξ)| < 
en choisissant d’abord n puis, n fixé, |ξ| suffisamment grands.
7. Calculer la transformée de Fourier de la fonction
f (x) = e−|x| .
En déduire la valeur de
Z +∞
cos ξx
dξ.
0 1 + ξ2

Solution. On a, si ξ 6= 0,
Z +∞
1
fˆ(ξ) = √ e−|t| e−iξt dt
−∞2π
r Z +∞ r
2 1 +∞ −t
Z
2 −t
= e cos ξt dt = e sin ξt dt
π 0 π ξ 0
r  Z +∞ 
2 1 −t
= 1− e cos ξt dt .
π ξ2 0

53
en intégrant par parties deux fois. On en déduit que
r
2 1
fˆ(ξ) = .
π 1 + ξ2
Cette tranformée de Fourier étant intégrable, la formule d’inversion de
Fourier s’applique et donne
Z +∞
cos ξx π
2
dξ = e−|x| .
0 1+ξ 2

8. Calculer la transformée de Fourier de la fonction

f (x) = I[−1,1] (x).

En déduire la valeur de
+∞
sin2 x
Z
dx.
0 x2

Solution. Un calcul simple donne


Z 1
r
1 −iξx 2 sin ξ
fˆ(ξ) = √ e dx =
2π −1 π ξ

et la relation de Parseval conduit à


Z +∞
sin2 x π
2
dx = .
0 x 2

∗ g = fˆĝ
9. Calculer la convolution I[−1,1] ∗ I[−1,1] et vérifier l’équation f[
dans ce cas.
Solution. En distinguant suivant les valeurs de x, on obtient
Z 1
1 1
I[−1,1] ∗ I[−1,1] (x) = √ I[x−1,x+1] (t) dt = √ (2 − |x|) I[−2,2] (x).
2π −1 2π

∗ g = fˆĝ s’écrit ici


La relation f[

1 − cos 2ξ 2 sin2 ξ
= .
πξ 2 πξ 2

54
10. Montrer que si f, g ∈ L2C (R) on a
Z +∞ Z +∞
f (x)ĝ(x) dx = fˆ(x)g(x) dx.
−∞ −∞

Solution. Lorsque f, g ∈ L2C (R) ∩ L1C (R), le théorème de Fubini est


applicable et donne
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1
f (x)ĝ(x) dx = f (x) dx √ g(y)e−ixy dy
−∞ −∞ 2π −∞
Z +∞ Z +∞ Z +∞
1
= g(y) dy √ f (x)e−iyx dx = fˆ(y)g(y) dy.
−∞ 2π −∞ −∞

Dans le cas général, soient fA = f I[−A,A] et gA = gI[−A,A] . Alors


Z +∞ Z +∞
f (x)ĝ(x) dx = lim fA (x)ĝA (x) dx
−∞ A→+∞ −∞
Z +∞ Z +∞
= lim fˆA (x)gA (x) dx = fˆ(x)g(x) dx.
A→+∞ −∞ −∞

11. Soit f ∈ L1 (R) une fonction continue telle que


+∞
X
|f (k)| < +∞.
−∞

Supposons que supp(fˆ)=[π, π]. Montrer que


1
ck (fˆ) = √ f (−k).

En déduire la formule d’interpolation suivante
+∞
X sin π(x − k)
f (x) = f (k) .
−∞
π(x − k)

(le « théorème d’échantillonage »). Que donne cette formule lorsque

fˆ(ξ) = (π − |ξ|)I[−π,π] (ξ)?

55
Solution. On a
Z +π
1
ˆ
ck (f ) = fˆ(t)e−ikt dt
2π −π
Z +∞
1 1 1
=√ √ fˆ(t)e−ikt dt = √ f (−k).
2π 2π −∞ 2π

Par conséquent, en tout point de l’intervalle [−π, π],


+∞ +∞
X X 1
fˆ(ξ) = ck (fˆ)eikξ = √ f (k)e−ikξ
−∞ −∞ 2π

et, en tout point de R,


Z +∞
1
f (x) = √ fˆ(ξ)eiξx dξ
2π −∞
+∞
Z +π X +∞
1 −ikξ iξx
X sin π(x − k)
= f (k)e e dξ = f (k)
2π −π −∞ −∞
π(x − k)

en vertu du théorème de la convergence dominée. Si

fˆ(ξ) = (π − |ξ|)I[−π,π] (ξ),

on a r

2 1 − cos πx
Z
1 iξx
f (x) = √ (π − |ξ|)e dξ =
2π −π π x2
de telle sorte que la formule est applicable et donne

1 − cos πx π2 X 1 − (−1)k sin π(x − k)


= √ + .
x2 2π k6=0 k2 π(x − k)

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