Vous êtes sur la page 1sur 5

FAUT-IL PUNIR NOS ÉLÈVES ?

(et si oui comment ?)


Estéban continue de bavarder malgré vos avertissements, Léonie oublie ses affaires
pour la 3ème fois cette semaine, Mathis envoie une boulette de papier sur son camarade…Ces
situations ont-elles un air de déjà vu pour vous ? Très certainement !
Elles représentent probablement une partie non négligeable de votre quotidien. Réagir
quand un élève ne suit pas les instructions ou a un comportement inapproprié est la facette de
notre métier qui nous pèse souvent le plus. C’est en général dans ces situations que l’on
ressent tension, fatigue et énervement particulièrement lorsque ces situations se multiplient
et s’accumulent au cours d’une journée.
Comme beaucoup d’enseignants vous avez déjà dû vous questionner sur l’efficacité et
l’utilité de punir un élève. En effet le fait de punir peut certaines fois aggraver la situation au
lieu de l’apaiser : on passe pour “le méchant prof”, l’élève tient tête, cela dégrade la relation…
En même temps, ne pas réagir si un élève n’écoute pas risque de vous décrédibiliser
en envoyant le message à la classe que ne pas suivre vos instructions est toléré. À moyen
terme, cela aggraverait également la situation et compliquerait la gestion de la classe.
On est face à deux choix :
• Punir avec toutes les conséquences que cela implique.
• Laisser passer au risque de perdre en crédibilité.
C’est un véritable dilemme auquel beaucoup d’enseignants sont confrontés. Chacun
tente alors de trouver un semblant d’équilibre entre ces deux approches qui comportent, l’une
comme l’autre, avantages et inconvénients. Comment réagir quand un élève ne suit pas les
instructions malgré nos avertissements : punir, ignorer, s’énerver… ?
C’est ce que vous allez découvrir dans cet article.

ET SI ON PARLAIT DE LA PUNITION….
Essayons quelque chose…
• Mettez-vous dans votre peau lorsque vous étiez enfant ?
• Qu’est-ce que le mot “punition” représentait pour vous ?
• Quelles sont les émotions qu’il éveillait en vous ?
Eh bien, vos réponses ne doivent pas être éloignées de ce que ce mot incarne pour
nos élèves.
En règle générale pour les élèves, la punition est quelque chose qui peut tomber de
manière aléatoire dont l’objectif est de leur faire payer leurs erreurs. Ils ont dérangé l’adulte qui
en retour les mettra dans une situation d’inconfort, c’est donc quelque part un moyen pour
l’adulte de se venger de l’attitude d’un élève.
La punition a donc trait à quelque chose d’arbitraire qui dépend de l’humeur de
l’enseignant. Cette vision de la punition en fait une sorte de règlement de compte

1
personnel qui n’aura en règle générale que des effets négatifs étant donné qu’elle vous fait
rentrer dans un rapport de force.
D’ailleurs, cette vision n’est pas complètement éloignée de la réalité. En y regardant de
plus près, parents et enseignants ont souvent tendance à punir lorsqu’ils sont excédés et
dépassés par une situation.
Les punitions données dans ce cadre de débordement émotionnel sont en général
contre-productives. Le seul avantage est que cela a un effet dissuasif à court terme sur l’élève
et sur la classe. En revanche, les effets à long terme sont négatifs. Pour couronner le tout,
utilisées de manière excessive, les punitions n’auront même plus l’effet escompté.
La punition n’est donc pas synonyme de justice pour les élèves et éveille des émotions
négatives qui selon le profil de l’élève varient de la peur à la rancœur, la colère, la
dévalorisation de soi ou encore le dépit.
VOICI LES CONSÉQUENCES POTENTIELLES DE PUNITIONS DONNÉES DANS
CE CADRE-LÀ (À COURT TERME):
• L’élève se renferme et se recroqueville sur sa table.
• L’élève rétorque ou vous tient tête “Je n’étais pas le seul à parler” ou “C’est lui qui a
commencé » avec un risque d’escalade qui quel que soit l’issue n’est jamais à l’avantage
de l’enseignant.
• L’élève tentera de se dissimuler davantage la prochaine fois, il n’y aura donc pas de
remise en question de sa part.
• L’élève se sent humilié et cela touche à son estime de lui-même.
Tout ceci génère une dégradation de la qualité de la relation avec les élèves et vous
semblez injuste à leurs yeux (que cela soit vrai ou pas) ce qui constitue de toute manière
un frein dans la bonne gestion d’une classe. Les effets négatifs d’un environnement répressif
et punitif sont extrêmement nombreux.

CHANGEONS D’OBJECTIF : ENSEIGNER


PLUTÔT QUE PUNIR
À lire la première partie de cet article, vous devez vous dire que ce que je partage est
bien beau mais éliminer la punition est complètement utopique quand on a 30 élèves à
gérer dans une salle de 50m² et je partage complètement votre avis. Mon conseil est simple
: Continuez de rester ferme sur vos attentes mais en orientant votre objectif !
La façon dont vous abordez la punition est celle que vous transmettez à vos
élèves. Si vous l’envisagez de la même manière que ce qui a été décrit précédemment, c’est à
dire comme un moyen de décompenser ou de faire payer à l’élève son comportement alors elle
aura aussi les effets décrits. Comme le disait ce célèbre psychologue et penseur américain sur
l’enseignement qui découle d’une punition : La punition n’apprend qu’une chose : à
éviter la punition. (B. F. Skinner)
Je le dis souvent, on ne peut s’engager dans le métier d’enseignant sans garder à l’esprit
que le rôle d’éducateur sera au moins aussi important que le rôle d’enseignant. Accepter ce rôle
est la première étape afin de se fixer ce nouvel objectif :

2
ENSEIGNER ET RESPONSABILISER AVANT DE
PUNIR ET SANCTIONNER
Cela consiste donc à considérer les comportements inappropriés des élèves et toutes ces
situations « gênantes » comme des opportunités d’apprentissage. Ce ne sont que des
occasions qui vont vous permettre de leur transmettre quelque chose. Envisager la situation
de cette manière vous permettra d’y réagir de manière plus adaptée plutôt que de la subir comme
si elle était le fruit de l’irrespect des élèves ou d’un échec personnel.
Gardez comme objectif d’enseigner à l’élève plutôt que de le mettre dans une situation
inconfortable et vous réagirez naturellement de manière plus proactive. Les élèves verront
qu’au travers de votre autorité il y a une volonté de leur apporter et une implication de votre
part même s’il vous faut sanctionner pour cela.
C’est pourquoi je préfère utiliser le mot conséquence plutôt que punition qui accentue
l’idée de lien entre le comportement de l’élève et la conséquence qui s’appliquera.
Je ne dis pas que lorsque vous appliquerez une conséquence votre élève sautera de joie
mais un élève sent rapidement quand un enseignant fait quelque chose qui est dans son
intérêt ou pas. Cette petite nuance fait toute la différence. Soit dit en passant, les enseignants
préférés des élèves ne sont pas forcément les plus “souples” mais souvent ceux qui allient
exigence et bonne relation avec leurs élèves.
Pour appuyer cela, je citerai une thèse développée par Stéphanie Leloup sur
les représentations du professeur idéal dans son rapport avec ses élèves. Deux
caractéristiques y étaient citées par une majorité d’élèves :
• Son bon contact avec les élèves (relation positive)
• Le fait qu’il sache tenir sa classe (exigence et fermeté)
Eh oui, malgré les apparences nos élèves sentent souvent intuitivement ce qui est
bon pour eux.
La conséquence est un terme déjà utilisé en anglais dans ce cadre-là. À quoi ce mot fait-il
référence ? C’est ce que vous allez découvrir tout de suite …

LA CONSÉQUENCE : UNE SANCTION EN


LIEN AVEC L’ACTION
Il existe 2 sortes de conséquences :

Les conséquences naturelles


C’est simple, ce sont les conséquences qui ne demandent pas l’intervention de
l’adulte, nous les expérimentons tous au quotidien.
Par exemple : si on ne met pas de manteau l’hiver, la conséquence naturelle est d’avoir
froid ou de tomber malade. Parfois en tant qu’adulte on intervient alors que laisser l’enfant
expérimenter la conséquence de son action peut être plus formateur pour lui.
Mon conseil : Avant d’intervenir face à une situation, demandez-vous si cette
intervention est véritablement utile ou pas.

3
Les conséquences naturelles sont très efficaces pour enseigner. C’est d’ailleurs grâce à
celles-ci que se forgent bon nombre de nos connaissances et compétences. Accepter les
conséquences de ses actes, c’est devenir responsable. (Éveil Oriental)
Les conséquences formatives
À l’inverse, celles-ci demandent une intervention de l’adulte. Elles s’appliqueront
dans les situations où vous estimez qu’il est vraiment nécessaire d’intervenir.
Maintenant, la question que l’on peut se poser est la suivante :

Quand faut-il appliquer une conséquence formative ?


C’est simple et assez intuitif, l’application d’une conséquence formative ainsi que sa
nature dépendent de 3 paramètres :
• Paramètre n°1 : Selon la persistance et la répétition du comportement inapproprié.
• Paramètre n°2 : Selon le degré de dérangement, vous ne réagirez pas de la même
manière face à un élève qui bavarde discrètement que face à un élève qui monte sur la
table pour danser en plein cours (même si ce cas a dû rarement vous arriver…)
• Paramètre n°3 : Selon les motivations de l’élève, le comportement de l’élève peut être
dû à un manque d’information, de compétence ou il peut-être volontaire. L’intervention
ne sera pas la même selon chaque situation.
Bien sûr, les conséquences formatives peuvent aller du simple rappel à l’ordre jusqu’à
un appel téléphonique ou un mot pour les parents. On parle alors de conséquences graduées.

Comment savoir si une conséquence est efficace ?


Une conséquence est efficace lorsque l’élève comprend que vous dissociez sa
personne de son comportement répréhensible. Ce qui implique que ce n’est pas lui mais
l’acte que vous condamnez, ce qui est primordial.
L’idée est d’envoyer le message que votre réaction est le témoignage de votre
exigence et du fait que vous savez qu’il peut faire mieux que ça.
Je pense qu’on le sait tous intuitivement, une conséquence porte ses fruits
lorsqu’elle donne l’occasion à l’élève d’assumer la responsabilité de ce qu’il a fait et en tire
un enseignement.
Rien à voir avec la punition au sens commun du terme que l’on donne lorsqu’on est
en colère ou que c’est le chaos dans la classe. On l’utilise alors davantage comme moyen de
répression, ce qui a pour conséquence de pousser l’élève à se rebeller ou à se renfermer.
Appliquer une conséquence permettant de responsabiliser et d’enseigner est à mon
sens ce qu’il y a de plus délicat et de plus difficile dans la gestion d’une classe mais quand
on y parvient, quelle satisfaction !
Dans la formation que j’ai développée, 5 vidéos sont dédiées à L’art de la conséquence.
C’est une formation qui vous accompagne de A à Z pour gérer une classe efficacement en vous
transmettant des outils et méthodes concrets et efficaces.

4
POUR CONCLURE…
Vous me rejoindrez sûrement sur le fait qu’il est indispensable de réagir dans certaines
situations mais apprendre à réagir de la bonne manière et au bon moment le sont tout
autant. Il faut dans la mesure du possible que l’élève puisse tirer un enseignement de cette
réaction même si celle-ci lui est désagréable dans un premier temps.
Appliquer une conséquence efficacement est accessible à chacun avec l’expérience,
les outils et une approche adaptée. On peut toujours évoluer et s’améliorer, c’est d’ailleurs la
magie de notre métier.
N’oublions pas de souligner que nous, enseignants, sommes humains et que nous
n’aurons pas toujours la réaction adéquate. Il y a en effet d’autres facteurs entrent en jeu : notre
degré de fatigue, nos problèmes personnels, les profils d’élèves qui nous font face.
Améliorons notre approche sans chercher à être infaillible car comme pour nos
élèves… nos erreurs sont aussi des opportunités d’apprentissage. L’échec n’est qu’une
opportunité pour recommencer la même chose plus intelligemment. (Henry
Ford).

FATIMA, PROFESSEURE DE MATHÉMATIQUES,


Créatrice du site Les Secrets de la Gestion de Classe et
accompagnatrice d’enseignant souhaitant faire évoluer leur pratique
en gestion de classe.
(RÉSUMÉ PAR J A KAMÉ KEUSOM)

Vous aimerez peut-être aussi