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Coma

Michaël Dargery

Œuvre publiée sous licence Creative Commons by-nc-nd 3.0

Image de couverture : Michaël Dargery libre de droits

En lecture libre sur Atramenta.net

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Coma

Ici, tout est noir, noir comme un espace privé d’étoiles, comme
une nuit d’hiver sans lune. Il fait froid, si froid.

A présent, je vole, oui je vole, même si je ne vois rien autour de


moi pour m’en convaincre, je suis certain de voler dans cette nuit
d’encre et de froid. Je n’éprouve curieusement aucune crainte.
J’évolue lentement dans un univers stérile, vers une direction que je
ne connais pas et ne connaîtrais sans doute jamais. J’ai l’impression
d’être là depuis une éternité tout en ayant le vague souvenir d’avoir
vécu autre chose dans un passé lointain. Cet « autre chose » était un
élément supplémentaire qui, précédemment, intervenait dans ma
funeste condition. C’était je crois une force colossale mais je ne
saurais la définir exactement, car ma mémoire me fait défaut. Pour le
moment, je reste un point mobile dans le néant et j’attends
patiemment la suite des événements. Je sais que je ne resterai pas
indéfiniment dans cette situation, quelque chose doit arriver et
changer radicalement mon état présent. Mais quand ?

Alors, comme un vœu exhaussé, j’entends venir dans le lointain


espace un bourdonnement qu’il me semble plus ou moins avoir déjà
perçu. C’est le vent. Oui, le vent se lève. Je l’entends très
distinctement à présent. Il souffle, d’abord légèrement, puis de plus
en plus fort et je sens une première rafale glaciale qui vient me

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frapper le visage. Bientôt, c’est un véritable tourbillon d’air qui se
forme et m’entraîne irrémédiablement vers des hauteurs inconnues,
du moins, je pense que ce sont des hauteurs, car rien ne me permet de
le prouver, puisque je ne vois ni sol ni cieux. Et d’ailleurs, cela m’est
égal, j’ai maintenant acquis la certitude que mon périple insensé se
déroule dans un rêve.

Oui, un rêve ! Je rêve tout simplement que je vole dans l’obscurité


totale d’une nuit fantastique et dans quelques instants je vais me
réveiller.

Le tourbillon disparaît d’un seul coup et bizarrement je ne ressens


aucun mouvement. Le vent s’est également arrêté de souffler. Il se
fait un profond silence…

Je suis à présent allongé sur le ventre (où est-ce sur le dos ?) et je


plane dans l’immensité stérile de ce cauchemar sans fin. Car c’est
bien d’un cauchemar qu’il s’agit, que serait-ce d’autre ?

Depuis combien de temps dure ce voyage nocturne et lassant, je


ne saurais le dire. Tout ce que je puis affirmer, c’est qu’il me paraît
évident qu’à chaque fois, un tourbillon m’emporte vers des régions
plus hautes et me laisse en suspens dans le …

Tiens ! J’ai l’impression de redescendre. Oui, c’est bien cela, pour


la première fois depuis le début de rêve absurde je redescends.
Mais ! C’est trop rapide ! Je descends trop vite ! Trop…

Il y eut un choc brutal.

****

Monsieur Sylvain Thorn ouvrit les yeux.

Sa première réaction fut d’être soulagé. Soulagé d’avoir pu


s’extraire de ce rêve lancinant qui n’avait aucune signification. Du

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moins, le pensait-il. Il n’avait éprouvé aucune crainte lors de cet
étrange voyage de son subconscient, mais il était tout de même
heureux de se retrouver dans son lit, bien vivant. La perspective
d’une nouvelle intrusion dans ce monde stupidement stérile lui
glaçait le corps. Le cauchemar est terminé, songea-t-il. Mais, en
ayant pris conscience de l’obscurité complète et du froid qui régnait
dans la pièce, il en devint beaucoup moins sûr. « Car, ici, tout est
noir, pensa-t-il, noir comme un espace privé d’étoiles, comme une
nuit d’hiver sans lune. Et puis, il fait froid, si froid ».

Thorn, pris d’une crainte soudaine, voulut tendre la main vers sa


lampe de chevet. Mais, par l’élan de son bras, avant qu’il n’est pu
parcourir quelques centimètres, son poignet se heurta violemment
contre une paroi dure et lisse. Très vite, il s’aperçut que cette paroi
était en bois massif et qu’elle l’entourait de toute part, de haut en bas,
de gauche à droite. Pris d’une indescriptible frayeur il se mit à
frapper de toute la force de ses poings sur la surface solide qui n’émit
en retour qu’un son étouffé. Il frappa longtemps, longtemps, jusqu’à
ce que ses forces l’eurent abandonné et que l’air lui manqua.

****

Le temps était gris et la pluie qui tombait en fines gouttelettes


formait de petites flaques d’eau dans les allées du cimetière. Près du
caveau de la famille Lambre, derrière le monument aux morts de la
dernière guerre, deux hommes tenaient entre leurs mains de lourdes
pelles de métal et recouvraient petit à petit une tombe récemment
creusée. A aucun moment ils n’avaient entendu les coups frappés au-
dessous d’eux, car le bruit que faisait la terre et les graviers déversés
sur le cercueil surpassait celui des maigres poings contre le bois dur
et lisse. Une fois le trou comblé, les deux hommes déposèrent, sur le
monticule supplémentaire qui se dressait à présent dans le cimetière,
une lourde plaque de marbre au nom de Sylvain Thorn.

5
****

6
FIN

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