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La peur de l’Autre
Surmonter l’anxiété sociale
Également dans la collection « Comprendre et agir » :
Juliette Allais, Décrypter ses rêves
Juliette Allais, La psychogénéalogie
Juliette Allais, Au coeur des secrets de famille
Dr Martin M. Antony, Dr Richard P. Swinson, Timide ?
Ne laissez plus la peur des autres vous gâcher la vie
Valérie Bergère, Moi ? Susceptible ? Jamais !
Jean-Charles Bouchoux, Les pervers narcissiques
Sophie Cadalen, Inventer son couple
Christophe Carré, La manipulation au quotidien
Marie-Joseph Chalvin, L’estime de soi
Cécile Chavel, Les secrets de la joie
Michèle Declerck, Le malade malgré lui
Ann Demarais, Valerie White, C’est la première impression qui
compte
Sandrine Dury, Filles de nos mères, mères de nos filles...
Jacques Hillion, Ifan Elix, Passer à l’action
Lorne Ladner, Le bonheur passe par les autres
Lubomir Lamy, L’amour ne doit rien au hasard
Lubomir Lamy, Pourquoi les hommes ne comprennent rien aux
femmes...
Virginie Megglé, Couper le cordon
Virginie Megglé, Face à l’anorexie
Virginie Megglé, Entre mère et fils
Bénédicte Nadaud, Karine Zagaroli, Surmonter ses complexes
Ron et Pat Potter-Efron, Que dit votre colère ?
Patrick Ange Raoult, Guérir de ses blessures adolescentes
Daniel Ravon, Apprivoiser ses émotions
Alain Samson, La chance tu provoqueras
Alain Samson, Développer sa résilience
Saverio Tomasella, Le sentiment d’abandon
PARTIE I
Peur de qui ? Peur de quoi ?
PARTIE II
L’anxiété, d’où vient-elle ?
PARTIE III
Quelles solutions ?
Mais beaucoup d’entre nous avons peur bien plus souvent que nous
ne le voudrions. Et plus fort, aussi. Comment nous débarrasser des
angoisses qui nous paralysent, nous empêchent d’oser, de nous
lancer ?... Nous aimerions quitter notre personnage de « timide »
pour devenir un de ces baroudeurs sans peur, bravant avec une
facilité déconcertante des obstacles pour nous infranchissables :
gravir l’Everest ou prendre la parole en public, dire un désaccord ou
courtiser quelqu’un...
Ce livre ne traite pas de toutes les peurs (de gravir l’Everest, d’être
malade, d’avoir le vertige, des araignées, de l’avion...), mais d’une
peur paradoxale : la peur des autres. Paradoxale, car dans l’enfance
c’est en principe la solitude qui effraie, et la présence des autres qui
rassure. En cas de difficulté, l’enfant court chercher du réconfort
auprès de ses parents. Pour certains d’entre nous, cependant,
l’Autre représente un danger – est en tout cas perçu comme tel. Il
devient alors difficile de communiquer de façon naturelle, spontanée
et joyeuse.
Peur de qui ?
Peur de quoi ?
Certaines personnes n’ont absolument pas peur des autres.
Lorsqu’elles rencontrent des inconnus, par exemple en arrivant à
une fête, elles se mêlent au groupe avec aisance. Elles se sentent
parmi leurs semblables comme des poissons dans l’eau. Non
seulement elles vont vers autrui avec un véritable plaisir, mais en
cas de problème, c’est également l’Autre qui leur semble la
ressource la plus évidente : se confier, chercher conseil, demander
son chemin, quoi de plus naturel ? Elles sont ouvertes et
spontanées, n’éprouvent pas de difficultés à se sociabiliser.
1. Carducci, B.J. et Zimbardo, P. G., (1997) « Are you shy ? « in M.H. Davis (sous la
direction de), Annual editions : Social psychology (p. 35-41), Dushkin/Brown&
Benchmark, 1997/98.
Chapitre 1
Êtes-vous concerné ?
Nous parlons ici de la peur de l’Autre. Celle qui nous pousse à fuir
les contacts humains au lieu de les rechercher, parce que nous nous
en sentons incapables. Les mains moites, le cœur battant, la peur
au ventre : la panique nous envahit, impossible à maîtriser, nous
privant de tout esprit de réjouissance ou capacité à communiquer
(une idée, une émotion...). Parfois, la peur s’insinue et se déploie en
un état anxieux moins massif mais persistant, une peur désagréable
qui gâche le plaisir de la rencontre, la transforme en épreuve. Le
trac, manifestation tellement courante que de nombreux comédiens
la jugent normale, peut prendre des proportions suffisamment fortes
pour dissuader de toute prestation publique.
Pourquoi l’Autre, au lieu de représenter la sécurité, devient-il
synonyme de risque ? Nous craignons qu’il nous critique, nous
regarde de haut, nous envahisse, nous agresse, nous trouve
ridicules – par dessus tout, nous redoutons d’être ridicules,
maladroits, ineptes... Au fond, c’est bien souvent l’idée de perdre la
face qui nous paralyse ainsi.
Dans le meilleur des cas, nous choisissons la solitude et nous nous
y trouvons assez bien. Mais la plupart du temps, cet isolement est
subi, nous préfèrerions parvenir à nous mêler aux groupes comme,
nous semble-t-il, « tout le monde » le fait (bien plus de gens qu’il n’y
paraît sont en réalité confrontés à ces difficultés).
AUTO-ÉVALUATION
Vous avez le sentiment que vos rapports avec les autres sont difficiles et
stressants ? Vous vous demandez si vous souffrez d’anxiété sociale ? Prenez
le temps de répondre aux questions qui suivent, basées sur l’exemple d’une
relation amoureuse, pour déterminer quel est le degré de votre peur des
autres.
1. Vous êtes invité à une fête chez des amis, que vous n’avez pas vus
depuis longtemps. Les échanges de courriels vous montrent au fil des
jours que vous n’allez connaître personne à part vos hôtes, car tous vos
amis communs ont un empêchement. Avez-vous plutôt :
2. Vous arrivez en retard au dîner, tous les convives sont installés à table,
la maîtresse de maison vous accueille avec de grandes exclamations et
vous accompagne à votre place. Tout le monde vous regarde vous
installer. Vousêtes :
5. Vous avez un premier rendez-vous avec cette personne qui vous plaît
décidément beaucoup. Votre cœur bat fort, ce moment pourrait être
important. À l’heure du rendez-vous :
7. Vous avez revu plusieurs fois cette personne, vous en êtes au stade où
vous envisagez tous les deux, tacitement ou explicitement, de faire
l’amour.
8. Depuis des mois, ou des années, vous vous fréquentez, vous partagez
vos activités et vous vous présentez comme un couple à vos amis
respectifs. L’autre personne suggère un beau jour que vous pourriez à
présent emménager quelque part avec elle.
a. Vous butez sur les mots, vous rougissez mais bon gré mal gré la
visite se passe bien, premier contact établi ! □
b. Vous êtes ravi(e), depuis le temps que vous espériez les
rencontrer, c’est chose faite... □
c. Vous êtes mortifié(e) : ni vous ni l’appartement n’étiez □
présentables, quelle opinion vont-ils se faire de vous ?
d. Vous perdez tous vos moyens et ils sont repartis avant que vous
ayez pu vous ressaisir pour entamer une conversation digne de ce
nom. □
Pour mesurer quel est votre degré d’anxiété sociale, reportez vos réponses
dans le tableau de correspondance qui suit et comptabilisez les symboles
obtenus.
Si vous êtes un , vos réponses indiquent un gros problème d’anxiété
face aux autres. Si tous vos choix sont dans cette catégorie, il est vraiment
important de prendre des mesures pour vous faire aider. Dans certains cas,
la peur vous tétanise au point d’être incapable de la politesse de base, ce qui
aggrave vos difficultés relationnelles, car certains vous en tiennent rigueur.
Si vous êtes du type , vous ressentez souvent une peur forte des autres,
qui ne vous empêche pas cependant d’avoir des relations à peu près
normales : vous êtes angoissé mais vous assurez le minimum syndical dans
les rapports humains ; les gens vous trouvent donc souvent timide ou
maladroit mais vous le pardonnent très probablement.
Si vous êtes plutôt , vos réponses montrent une anxiété sociale qui vous
gâche le plaisir dans de nombreuses circonstances et vous complique
largement la vie. Dans une certaine mesure, vous avez malgré tout
apprivoisé vos angoisses et parvenez à dépasser vos craintes dans certaines
situations. Une fois la confiance installée, l’Autre, devenu intime, se
transforme en pôle de sécurité.
a b c d
1
10
*
***
Manon est une jolie jeune fille de quinze ans, sa beauté classique fait l’admiration des
adultes de son entourage. La mode n’est pas sa priorité, elle n’est « branchée » ni par
les vêtements, ni par les émissions télévisées, ni par les bavardages des filles de son
âge, qu’elle trouve « niais ». Elle a un petit groupe d’amis qui comptent sur elle pour
les écouter, les conseiller et parlent d’autre chose que de « fringues » et de petits
copains. Elle est amoureuse d’un garçon d’un autre lycée, rencontré aux compétitions
d’escrime du département ; ils se retrouvent tous les week-ends pour sortir et discuter.
Un vrai modèle, direz-vous ? Pourtant, Manon souffre. Elle éprouve une difficulté à
aller vers les autres, se trouve inhibée, mal à l’aise. Elle rêve de « guérir », de devenir
« normale ». Par moments son malaise est si fort qu’elle voudrait bien manquer les
cours au lycée. Ses parents l’aident à apprivoiser ce monde qui l’impressionne et ne
lui plaît pas toujours. Lors de son anniversaire, ils l’ont encouragée et aidée à
organiser une grande fête pour recevoir une quarantaine d’amis. Ce fut un pas
important, pour elle.
L’anxiété sociale est plus fréquente chez les filles et les femmes,
peut-être parce qu’on tolère mieux chez elles un manque de
hardiesse, tandis que les garçons sont supposés affronter avec
courage n’importe quelle situation. Il arrive cependant que des
hommes souffrent de difficulté forte ou d’incapacité dans leurs
relations sociales. La peur est peut-être plus difficile encore à
assumer pour eux.
Florian le solitaire
Florian, un musicien d’une trentaine d’années reconnu dans son domaine, a vécu une
seule relation amoureuse importante. Pas facile pour lui de rencontrer l’âme sœur.
Pourtant, il plait beaucoup aux filles, surtout quand il joue ; elles s’attroupent autour
de lui, après le concert, lorsqu’il prend un verre dans les clubs de jazz où se produit
son groupe. Tant qu’il y a du monde, pas de problème : Florian est certes plutôt
réservé, mais les femmes trouvent cela mystérieux, romantique. En revanche, les
choses se corsent dès le premier rendez-vous. Le jeune homme est si démuni en
matière de communication qu’il n’arrive pas à tenir une conversation naturelle.
Oubliant toute sa culture et son intelligence, il laisse invariablement le silence
s’installer lorsque son invitée se tait. Gêné, Florian se replie sur lui-même, regarde sa
compagne sans la voir, les yeux vides ; les efforts de la jeune femme pour relancer la
conversation sont vains. En général, il n’y a pas de second rendez-vous.
Un sympathique inconnu
Jacques est marié depuis une quinzaine d’années, il a deux fils qu’il adore. Ses
collègues le trouvent agréable... mais avouent ne pas vraiment le connaître. C’est un
homme intelligent, pourtant il ne progresse guère dans son travail, car il ne s’affirme
pas suffisamment dans les réunions, ne montre pas tout son savoir-faire. Prendre la
parole devant tous ces gens (comme les appelle aussi Patrick) lui donne des sueurs
froides. Il a même tendance à déjeuner seul, pour éviter les conversations auxquelles il
peine à participer. Les amis qu’il fréquente en couple sont plutôt proches de sa femme.
Tous jugent Jacques sympathique, mais il ne se confie jamais à eux, ce qui empêche
une véritable intimité de se développer. Il le regrette, car il aspire à une amitié solide
et chaleureuse, une relation de confiance dans laquelle il se laisserait aller sans crainte.
Mister Mystère
Ivan a une trentaine d’années. Il est célibataire, cultivé, sportif, beau brun volontiers
qualifié de « ténébreux » – autant pour ses yeux noirs que pour l’aura de mystère qui
règne autour de lui. Extrêmement sensible, Ivan s’est discipliné consciemment pour
n’en rien montrer, si bien qu’aujourd’hui son entourage le juge plutôt froid et détaché.
Cette façade construite patiemment, il en est fier, bien qu’elle contribue aujourd’hui à
l’isoler car peu de gens osent l’aborder. Et lorsque son corps le trahit, qu’une situation
de rencontre intimidante le fait transpirer, il est furieux de cette brèche dans sa
cuirasse presque parfaite. Trop parfaite, car cet homme impressionnant ne trouve pas
l’âme sœur, peut-être à cause de son attitude en apparence distante.
Moins habitués à écouter leur peur que les émotifs, ils recherchent
parfois l’enchaînement de brèves rencontres car elles leur
permettent de rester au stade de contacts superficiels et d’éviter
l’intimité. D’autres préfèrent au contraire la familiarité rassurante de
personnes bien connues.
Sur le plan de l’estime de soi, cette catégorie d’anxieux constitue un
groupe hétérogène. Certains construisent une bonne estime
d’euxmêmes en s’appuyant sur l’idée de leur capacité à dissimiler
leur « faiblesse ». De l’extérieur, ils peuvent même paraître hautains,
avec leur air calme et détaché. Inconscients de leur propre peur, ils
ne considèrent pas qu’ils sont timides mais qu’ils évitent leurs
congénères par simple goût. En revanche, d’autres souffrent de leur
isolement, de leur incapacité à communiquer et partager leurs
émotions.
Les hommes décrits dans les exemples précédents appartiennent au
type d’anxieux « froids » avec des nuances. Bien que tous ces
exemples soient masculins, soulignons qu’il existe également des
femmes qui cachent leur malaise sous un masque impassible.
Exercice : et vous ?
« On va me trouver pitoyable »
Magali, vingt-six ans, est une très jolie blonde aux grands yeux bleus, qui occupe un
poste de scientifique. Mais loin d’être fière de sa réussite précoce, elle s’angoisse
régulièrement : « Quand j’entre dans une pièce où il y a du monde, je ne sais pas
quelle attitude avoir, comment me tenir, comment mettre mes bras... Si au moins je
fumais, je pourrais m’occuper de ma cigarette pour me donner une contenance. Mais
là, juste moi, de quoi je vais avoir l’air ? En plus j’arrive seule, je vais paraître
pitoyable, on va penser que personne ne veut de moi, que je suis une vieille fille
inintéressante. »
Muriel sait faire illusion : habillée avec goût, fine et droite avec sa longue pratique de
la danse, cette commerciale semble bien dans sa peau et même un peu hautaine. Elle
aime « se faire belle » pour aller au bureau. Les hommes l’admirent et lui expriment
leur intérêt, qu’elle reçoit avec plaisir... Avant de prendre la fuite. Elle est tellement
convaincue que, s’ils devaient se mettre à discuter, ils la découvriraient dénuée
d’intérêt, intellectuellement et culturellement, qu’elle préfère rester mystérieuse,
désirée de loin – et seule !
Mireille, cadre dans l’industrie pharmaceutique, fait bien son travail. Pourtant, de
temps à autre, son patron lui adresse des reproches : « il faudrait que vous soyez plus
sociable, que vous vous liiez avec les autres ». Cette demande paraît insurmontable à
la jeune femme. Sa terreur, au bureau, c’est la pause-café. Les autres se retrouvent
devant le distributeur et bavardent. « Je ne peux pas les rejoindre, ils finissent toujours
par me poser une question, sur ce que j’ai fait le week-end par exemple. Or pour moi,
c’est terrible. J’ai envie de raconter des choses, mais sitôt qu’on me regarde je suis
abominablement gênée, j’ai envie de disparaître sous terre. » Son idéal serait de
pouvoir parler sans qu’on la regarde, sans la questionner.
Un autre regard craint est celui qui – réel ou imaginaire – évalue nos
actes, notre performance.
Caroline a toujours eu le souci de bien faire. Déjà, enfant, elle s’inquiétait de ne pas
travailler suffisamment bien ; et si jamais l’institutrice la regardait dessiner, elle
n’arrivait plus à rien. Les récitations au tableau relevaient du cauchemar. Aujourd’hui,
ses enfants sont bien élevés, sa maison tenue impeccablement, même s’il lui faut pour
cela se lever aux aurores afin de tout nettoyer avant de partir au bureau. Sur son lieu
de travail, cette femme compétente et expérimentée se transforme en petite fille
intimidée si un témoin assiste à ses rendez-vous de clientèle. Comme l’écolière
d’autrefois devant le tableau noir, elle se met à hésiter, perd ses moyens ; plus on
l’observe, plus elle craint de faire des bêtises, et plus elle se critique intérieurement,
convaincue d’être en train d’échouer lamentablement.
Médaille d’or
Aurélia n’est pas seulement une professionnelle de haut vol, qui travaille au moins
soixante heures par semaine. Lorsqu’elle reçoit, elle se doit d’être aussi une parfaite
maîtresse de maison. Il faut tous ses talents d’organisatrice pour rendre l’exploit
possible, car elle veut les meilleurs produits, un appartement parfaitement propre et
rangé, une table élégante, des mets préparés avec art. Pendant la soirée, elle assume la
responsabilité d’assurer une conversation animée et intéressante sur des sujets variés.
Le tout est terriblement stressant, mais cette perfectionniste arrive tout de même à
prendre plaisir à l’événement, peut-être à cause du tour de force que cela représente.
Hélas, une fois les invités partis, loin de se détendre, elle entame la dernière phase de
l’épreuve : passer en revue les moindres détails, depuis l’arrivée de la première
personne jusqu’au départ de la dernière. Y a-t-il eu des moments de flottement ou de
tension ? N’a-t-elle pas omis de s’occuper de quelqu’un, ou émis un propos
désagréable pour un autre ? Parfois elle y passe toute la nuit, examinant
impitoyablement tous les échanges, tous les regards, le moindre geste. Elle trouve
rarement grâce à ses propres yeux : il y a presque toujours quelque détail à se
reprocher, qui, dans l’obscurité, devient un manquement terrible. Pas étonnant
qu’Aurélia n’organise pas souvent de fêtes !
Helga a grandi auprès d’un père autoritaire qui, sans avoir jamais levé la main sur elle,
l’effrayait au point qu’elle obéissait aveuglément à tous ses ordres. Adulte, elle
redoute terriblement ses supérieurs hiérarchiques. Être appelée dans le bureau du
patron déclenche chez elle des maux d’estomac à peine supportables, et les périodes
de surcharge professionnelle lui causent de telles angoisses qu’elle en perd le
sommeil. Helga a beau travailler avec conscience et efficacité, elle craint à tout
moment d’être licenciée. Quand elle s’est mariée, le même problème est apparu vis-à-
vis de son mari : impossible de lui parler des choses qui risqueraient de le
mécontenter. Bien qu’il soit seulement autoritaire et non violent, elle est terrifiée à
l’idée de lui déplaire. Ses proches ont beau arguer que ni son chef, ni son mari ne
voudraient se séparer d’elle, elle reste pétrifiée face à toute personne investie d’un
pouvoir.
Nora est une mère de famille de quarante-huit ans, qui vit recluse. Au début, c’est
l’idée de travailler qui la terrorisait. Heureusement pour elle (ou malheureusement ?),
elle était fort jolie et a vite conquis un gentil jeune homme. Sitôt mariée, elle a
démissionné pour se réfugier à la maison. Pendant quelques années, elle a pu mener
une existence normale de femme au foyer, faisant le ménage et les courses, puis
s’occupant des enfants au fur et à mesure de leur arrivée. Mais au fil du temps la peur
est devenue de plus en plus envahissante. Nora a cessé de sortir et charge désormais
son mari et ses enfants de rapporter les provisions. Peu à peu elle a abandonné toute
activité hors de la maison, et s’est renfermée encore davantage, jusqu’à dépendre de sa
famille pour tout.
Rachel, l’étudiante-vendeuse qui a si peur des gens, redoute par-dessus tout qu’on la
trouve dépendante. Elle craint tellement de trop peser sur les autres qu’elle évite tout
contact prolongé. Invitée pour le week-end par des amis ou même sa famille, elle
s’attarde rarement au-delà de vingt-quatre heures, convaincue de devenir gênante si
elle s’éternise. Même dans une simple conversation, sitôt qu’elle a dit une ou deux
phrases sur elle-même, elle se sent nerveuse, inquiète, et renverse vite la tendance en
questionnant son interlocuteur. Cela rend difficiles les relations amicales profondes,
car elle semble toujours sur le point de fuir, comme un oiseau sur la branche.
À trente-deux ans, Josiane s’inquiète d’être célibataire depuis déjà cinq années. Sa
dernière histoire l’a échaudée, car son compagnon exerçait sur elle une véritable
emprise, qu’elle met en rapport avec ce que lui a fait subir sa mère. Après le divorce
de ses parents, la petite Josiane s’est retrouvée seule avec sa mère, qui a vite considéré
l’enfant comme sa confidente. Elle lui racontait tous ses soucis, ses déboires
amoureux. Elle pensait que sa fille était exactement comme elle. Si jamais Josiane
faisait un choix qui déplaisait à sa mère, celle-ci affirmait « mais non, ce n’est pas ce
qu’il te faut, tu ne sais décidément pas ce qui est bon pour toi ! ». Aujourd’hui Josiane
change d’orientation professionnelle, elle quitte un poste lucratif dans le secteur
bancaire pour se lancer dans la vente d’objets d’artisanat. Ce changement est source
d’angoisse mais aussi de bonheur, et Josiane aimerait être soutenue. Mais chaque fois
qu’elle rend visite à sa mère, cette dernière tente de la convaincre qu’elle se trompe.
« Tu étais bien plus heureuse avant », lui assure-t-elle.
*
***
Tony, à trente ans, aimerait fonder une famille. Mais chaque jeune femme qu’il
rencontre lui semble d’emblée imparfaite, il se focalise sur tous ses défauts et n’arrive
pas à tomber amoureux. La seule chose qui le passionne, qui le transporte, est son
univers de jeux de guerre. Là, son personnage de guerrier affronte tous les dangers,
déjoue tous les pièges. Il a atteint un rang élevé dans la hiérarchie de « son » armée
virtuelle et, pour s’y maintenir, il est capable de jouer des nuits entières, retournant au
bureau après seulement une ou deux heures de sommeil. Il lui arrive de ne pas sortir
du week-end, scotché à son ordinateur jusqu’à douze heures d’affilée, oubliant de
manger et de boire. La vie réelle, avec ses êtres humains ordinaires, l’intéresse de
moins en moins. Au bureau, ce grand guerrier imaginaire est paralysé à l’idée de tenir
tête à son chef et préfère éviter le conflit, quitte à voir son travail dévalorisé. Quelle
importance, puisqu’il a son univers virtuel ?
Avant la généralisation d’Internet, qui a permis la création de
véritables univers, irréels, un film montrait déjà à quel point les
moyens de communication modernes peuvent inciter à l’évitement
des contacts réels. Dans Denise au téléphone, en 1995, on suit un
groupe d’amis qui n’arrivent jamais à se rencontrer en personne. Ils
ont toujours un bon prétexte pour esquiver l’invitation. Dans la
première scène, une des jeunes femmes attend ses invités, qui
s’excusent au téléphone les uns après les autres. Elle reste seule
avec le buffet qu’elle a préparé. Cette vision glaçante augure déjà
d’un monde dans lequel les contacts directs s’étiolent au profit
d’outils de communication jouant les intermédiaires.
Fabrice est un jeune homme séduisant, mais qui doute constamment de lui, sous ses
airs de Don Juan. Son estime de lui-même, déjà fragile à l’adolescence, s’est effritée
au fil de ses échecs universitaires puis professionnels. Après avoir arrêté la fac pour
devenir chanteur, il n’a jamais réussi à « percer ». De galère en petit boulot, il se sent
aujourd’hui mal dans sa peau. Mais sur Internet, quand il « chatte » avec des jeunes
femmes, aucune ne lui résiste : sa photo est belle, il sait tourner joliment ses phrases et
sa sensibilité l’aide à deviner ce que ses interlocutrices ont besoin d’entendre. En
général il a au moins deux amoureuses, voire trois ou quatre, qui le supplient,
chacune, de la rencontrer pour démarrer une relation. Mais ce bourreau des cœurs fuit
sitôt qu’on le presse, et reste à l’abri derrière son écran. Il ne sait séduire que
virtuellement.
Charles, artisan comme son père, craint le contact avec les clients : ils sont si souvent
mécontents, critiques, agressifs ! Pour oser leur tenir tête, il a commencé par
demander à son médecin « quelque chose » qui le calmerait. Puis les prescriptions se
sont enchaînées, obtenues de plusieurs praticiens ignorant chacun l’existence des
autres. À quarante ans, Charles absorbait ainsi jusqu’à huit comprimés quotidiens de
son médicament anxiolytique, soit plus de dix fois la dose maximale envisageable
dans une journée en cas de crise grave. Quand il révèle finalement sa situation à son
généraliste, un séjour en désintoxication s’impose, car son organisme ne peut plus se
passer de cette drogue officielle.
Josiane sait faire bonne figure, elle a appris dès l’enfance à cacher ses moments
difficiles. Sa mère supportait mal de la voir abattue et lui reprochait de ne pas se
prendre en main, « tu n’as qu’à faire du sport, ça te donnera la pêche ! ». Son père, lui,
trouvait terriblement ennuyeux les états d’âme de sa fille. Comme nombre de jeunes
filles, elle a vite compris que l’on pouvait se réconforter avec la nourriture. Seule dans
sa chambre, la petite Josiane se consolait d’un paquet de gâteaux, d’une tablette de
chocolat. À vingthuit ans, elle vit la nourriture-amie comme son ennemie. Au moindre
stress, Josiane « craque sur la bouffe » et passe ensuite vingt-quatre heures à se
remettre de la crise. Son stress se cristallise dans ses rapports aux autres : si Josiane
doit voir quelqu’un qui l’impressionne, elle pense à manger avant, pendant – et cède
après. Parfois la crise de boulimie l’empêche d’aller au rendez-vous. La béquille qui
l’aidait à atténuer son angoisse a envahi toute sa vie, tout son espace mental.
L’existence de Josiane est centrée sur ce qu’elle a mangé, ce qu’elle devrait manger,
ce qu’elle n’aurait pas dû manger, ce qu’elle va faire pour ne pas manger... La peur de
l’Autre est passée au second plan – piètre consolation, car le nouveau problème est
encore plus douloureux.
Stéphanie est une jeune femme responsable : toute la journée, dans son travail
d’infirmière, elle s’occupe d’autrui avec sérieux et compétence, sans pour autant
oublier l’humour. Ses collègues l’apprécient, parce qu’elles peuvent à la fois compter
sur elle professionnellement et lui confier leurs préoccupations personnelles, assurées
que Stéphanie gardera leurs secrets tout en les invitant à rire un peu des petites
misères. Le problème est que Stéphanie s’est peu à peu sentie enfermée dans ce rôle,
tenue de maintenir en permanence cette apparence joyeuse et optimiste, surtout
lorsqu’elle est invitée : « si je ne suis pas amusante, on ne m’invitera plus. C’est ma
contribution. ». Pour parvenir à rester « une bonne fêtarde », elle s’est habituée à boire
des quantités impressionnantes. Cela facilitait énormément les contacts, surtout avec
les hommes. Après quelques années à ce rythme, elle s’est rendue compte qu’elle
perdait tout discernement en matière amoureuse, passant parfois la nuit avec des
hommes qui ne lui correspondaient pas du tout. Mais comment arrêter ? L’idée de
passer une soirée sans alcool lui semble irréalisable. Quant à faire l’amour sans cet
agréable brouillard... Impensable.
Pour Mireille, que nous avons déjà vue, pas question de renoncer à une vie sociale.
Mais comment sortir, et surtout, comment s’amuser en soirée, si elle se fige sitôt
qu’on la regarde ? La solution lui est venue « naturellement », lui semble-t-il. Elle a
adopté les habitudes de son entourage (famille et amis), qui boivent volontiers en toute
occasion, parfois généreusement. Ces derniers n’hésitent pas à prendre aussi un peu de
cocaïne, lorsqu’elle est disponible en soirée.
Avec ces aides artificielles, Mireille, libérée de ses angoisses, est transfigurée : à
l’aise, drôle, légère, joyeuse, elle rit énormément et fait rire les autres, un vrai boute-
en-train.
Le piège est évident : comment ne pas vouloir revivre ce sentiment
de liberté ? Comme bien d’autres, Mireille risque de devenir
« accro » à la version enjouée d’elle-même, et s’enfermer dans une
addiction à l’alcool et à la cocaïne.
Caroline travaille plus de douze heures par jour au bureau et sur la route, et rouvre
souvent son ordinateur chez elle jusqu’après minuit, ainsi que le week-end. Son chef
sait qu’il peut compter sur elle, qu’elle prépare ses rendez-vous de clientèle dans les
moindres détails et décroche ainsi bien des contrats. Aussi lui confie-t-il de plus en
plus de dossiers. Mais après des années de ce régime épuisant, elle n’a jamais réclamé
de promotion, car elle se croit indigne d’une pareille reconnaissance.
« Chef, moi ? »
Entrée tôt dans la vie professionnelle, Chloé n’a jamais renoncé à faire une bonne
carrière. Une dizaine d’années durant, elle a suivi les cours du CNAM parallèlement à
son travail. Cette « bosseuse » a passé tous ses examens avec succès et accède
maintenant à des postes de cadre – mais elle en perd le sommeil. L’idée de diriger
d’autres personnes, dont certaines sont plus âgées qu’elle, la terrifie ; elle se demande
parfois si elle n’a pas eu tort d’étudier autant.
Souvent la personne réussit en fait très bien. Mais les bons résultats
ne suffisent jamais à la rassurer, tant elle craint d’être démasquée.
Carl est très estimé de son patron. Pourtant, il redoute de lui déplaire et se crée ainsi
des périodes de grand stress, car pour certaines choses, il se met vraiment en retard.
Tant qu’il peut faire son travail seul, tout va bien. Mais il suffit d’un coup de fil à
passer pour gripper la machine.
Comme pour les problèmes d’addiction, la procrastination ne
découle pas forcément d’une anxiété sociale. L’enjeu peut être tout
autre, par exemple une rébellion contre des parents trop directifs ou
exigeants. Mais il importe de distinguer les cas liés à la peur du
contact de ceux provoqués par d’autres causes, car ils ne se
résolvent pas de la même manière.
Traversée du désert
Dorothée ne sait même plus si elle a envie d’avoir quelqu’un dans sa vie. À cinquante-
deux ans, elle n’a pas eu d’ami depuis une bonne dizaine d’années. Elle s’est enfermée
peu à peu dans des limites étroites, affirmant qu’elle n’aime pas être touchée, n’a pas
envie d’être vue nue, d’avoir un homme chez elle. Sa vie se résume à son travail et à
de rares sorties amicales.
Le fardeau de la dépression
La dépression est une des conséquences les plus fréquentes et
évidentes de l’anxiété sociale. Elle est le résultat direct de
l’isolement que s’infligent les personnes anxieuses par peur des
autres. Plusieurs facteurs concourent à l’état dépressif d’une
personne.
D’un point de vue biologique, la privation de « signes de
reconnaissance »1 peut nous faire dépérir à plus ou moins brève
échéance. La pratique de mise au « mitard », en cellule d’isolement,
comme punition sévère dans les prisons, illustre à quel point la
fréquentation de nos pairs nous est primordiale. Tout être vivant a
besoin de stimulations, et nous savons que les mammifères
recherchent particulièrement celles provenant de leurs congénères.
En plus de redouter les sorties, vous semble-t-il que l’effort qu’elles vous
coûtent n’en vaut pas la peine ?
Perdez-vous l’intérêt pour ce qui vous procure normalement du plaisir ?
Éprouvez-vous des difficultés pour vous concentrer ?
Avez-vous plus de mal que d’habitude à vous occuper des tâches
quotidiennes – par exemple ranger, faire le ménage, régler les
factures... ?
Avez-vous des accès de tristesse sans déclencheur identifiable, voire des
crises de larmes ?
Votre opinion de vous-même est-elle particulièrement dévalorisée en ce
moment ?
Avez-vous des problèmes de sommeil, dans un sens ou dans l’autre :
réveil très prématuré sans pouvoir vous rendormir, endormissement
irrésistible tôt dans la soirée, difficulté pour vous endormir ?...
Votre appétit est-il perturbé (vous n’avez plus envie de manger, ou faim à
des moments inhabituels) ?
Si vous présentez plusieurs de ces signes, n’hésitez pas à consulter votre
médecin. Il n’est pas toujours facile de diagnostiquer une dépression, car
plusieurs de ces signes peuvent avoir d’autres causes. La réponse médicale
consiste surtout en un traitement médicamenteux (antidépresseur), qui est
parfois indispensable. Lorsque la dépression résulte de l’anxiété sociale, le
mieux est de soigner cette anxiété en recherchant ses causes, avec l’aide
d’un professionnel de la psychothérapie si besoin.
*
***
1. « Compulsif » se rapporte à un acte qu’on accomplit malgré soi, on y cède parfois après
une lutte interne, ou bien par automatisme inconscient. Par exemple le geste de se
ronger les ongles, de s’arracher les boutons.
1. Lowenstein, W., Ces dépendances qui nous gouvernent, Calmann Lévy, 2005. Lumineux
pour comprendre les addictions.
1. Beidel, D.C. et Turner, S.M., « The natural course of shyness and related syndromes », in
Extreme Fear, Shyness and Social Phobia, Schmidt, L.A. et Schulkin, J. (sous la direction
de), Oxford University Press, 1999.
1. Ce terme, emprunté à l’analyse transactionnelle, désigne tout geste, mot, mimique nous
signalant que nous sommes vus, pris en compte, appréciés (signes « positifs ») ou
réprouvés (signes « négatifs »).
Chapitre 5
Petite théorie de l’anxiété
sociale
Dans les cas d’anxiété, c’est très souvent la peur familiale qui
envahit la personne concernée. Le sentiment parasite naît de cette
peur. Quand certains se réjouiraient de la perspective d’un voyage,
l’anxieux est inquiet, préoccupé. Au lieu de se projeter, par
anticipation, dans le plaisir à venir : « je vais voir le Vésuve et
manger des panini ! », il est obnubilé par les risques d’échecs et de
catastrophes : « pourvu que je ne me trompe pas en allant à
l’aéroport, que l’avion ne s’écrase pas, pourvu que le volcan ne se
réveille pas pendant mon séjour, pourvu que je n’aie pas une
intoxication alimentaire, pourvu qu’il n’y ait pas de gens méchants
dans le groupe... ».
Imaginer le pire
Noémie refuse souvent les invitations. Heureusement, cette jeune femme généreuse a
un petit groupe d’amies fidèles, qui ne se découragent pas. Mais à chaque proposition
de sortie, Noémie se focalise sur les difficultés potentielles : manquer de conversation,
être ennuyeuse, mal habillée, ou, comble d’horreur, blesser quelqu’un par un propos
maladroit. Avec ses amies proches les peurs de Noémie sont moins grandes, mais la
présence d’une seule « étrangère » au groupe la paralyse et suffit à la dissuader de
sortir.
L’anxiété sociale ne se résume pas au phénomène de sentiment
parasite. Comme toutes les formes d’angoisse, c’est un mal qui doit
être identifié et compris par celui qui en souffre pour être surmonté.
La solution n’est donc pas de nier ou de négliger le sentiment
d’anxiété, car occulter notre peur ne nous aide pas à la combattre.
Cependant, plus nous braquons un projecteur sur notre mal-être, en
lui donnant de l’importance, plus le phénomène s’amplifie et devient
problématique. La bonne démarche consiste à changer notre façon
de traiter notre propre anxiété, pas à pas, comme nous
l’expliquerons en troisième partie.
Bien sûr, l’anxiété sociale ne fait pas exception. Notre peur des
autres nous incite à ériger des croyances inexactes en vérités
générales :
Imaginez qu’un lundi soir en rentrant chez vous, un avis est placardé dans
l’entrée de l’immeuble : « Nous organisons une fête pour tous les voisins à
la pizzeria d’à côté, ce samedi 23 mars à partir de 19h. Chacun paie sa part,
l’intérêt est de faire connaissance. Venez nombreux ! » C’est signé Aurélien
et Jacqueline Dupont, le jeune couple qui a emménagé au troisième étage le
mois dernier. Ils ont l’air sympathique, d’ailleurs, mais vous ne les
connaissez pas. Comment réagissez-vous ?
Avez-vous peur (un peu, beaucoup) ? Êtes-vous en même temps tenté (un
peu, beaucoup, pas du tout) ? Que vous dites-vous en votre for intérieur ? :
à votre propos : « oh, non, je suis trop... je ne suis pas assez... je ne serai
pas capable de... je n’oserai jamais... je vais y aller mais je ne
m’amuserai pas... pourvu que je n’aie pas de crise de... » ;
à propos des autres personnes : « ce n’est pas la peine de me donner le
mal d’y aller, les gens sont trop méchants/inintéressants/égoïstes... » ;
« ils vont me juger » ; « on va me poser des questions indiscrètes... » ;
à propos des rencontres possibles : « de toute façon, les relations entre
voisins ça tourne toujours mal », « les histoires d’amour finissent mal en
général alors pas la peine d’essayer de faire connaissance avec le/la
beau/belle célibataire du cinquième », « l’amour, c’est pour les autres,
pas pour moi », « si jamais je rencontre quelqu’un il finira sûrement par
me rejeter comme d’habitude », « je n’intéresse jamais personne ».
Mathilde n’arrive pas à nouer de relation amoureuse. C’est pourtant une très jolie
jeune femme, intelligente, vive, drôle, généreuse. Mais les rencontres l’intimident
énormément, aussi renonce-t-elle à chercher et trouver un compagnon. Pour se
justifier, elle dit d’un air triste, « de toute façon, ce n’est pas pour moi, cette vie-là ».
Elle ne peut pas expliquer d’où lui vient cette certitude, mais elle est convaincue
qu’elle n’est « pas faite pour le bonheur » répète-t-elle.
« Je ne suis pas comme il faudrait, les gens sont méchants, le monde est sans
pitié »
Patrick, informaticien âgé d’une trentaine d’années, vit secrètement un enfer. Bien que
sa vie présente toutes les apparences de la normalité, dans la maison de banlieue où il
vit avec sa femme et ses enfants, il a l’impression d’être un paria. Il trouve à son
physique, pourtant plutôt avantageux, une litanie de défauts. Patrick se persuade
aisément qu’on rit de lui à cause de son allure. Si ses collègues omettent de le convier
à déjeuner, il se sent rejeté et suppose que c’est à cause de sa bizarrerie. Peu à peu il
s’est isolé, préférant changer d’emploi régulièrement pour côtoyer le moins possible
des gens qu’il croit hostiles. Sa vision de lui-même est très négative – à l’écouter, il
serait moche et inintéressant. Sa vision du monde, très défiante, présuppose non
seulement des individus enclins à juger et à rejeter, mais également la solitude de
chacun face au groupe.
*
***
1. Pour ceux qui voudraient creuser : Hawkes, L., Le cours de notre vie, l’analyse
transactionnelle aujourd’hui, La Méridienne – Desclée de Brouwer, 2007.
Brécard D, F. et Hawkes, L., Le grand livre de l’analyse transactionnelle, Eyrolles, 2008.
1. Il s’agit de mots du langage courant, on leur met donc des majuscules dans cette
acception particulière afin de distinguer un véritable enfant d’un état du moi Enfant.
L’anxiété,
d’où vient-elle ?
Pourquoi sommes-nous effrayés par les autres ? Pourquoi cette
crainte du contact avec autrui, qu’il semblerait naturel d’envisager
comme un plaisir ? Et pourquoi seules certaines personnes sont
affectées par cette peur ? Autant qu’on le comprenne à l’heure
actuelle, l’anxiété sociale est le fruit d’une combinaison entre
tempérament inné et expériences vécues. Nous naissons plus ou
moins prédisposés à une forte sensibilité aux stimuli (extérieurs ou
intérieurs), notamment ceux provenant de personnes. Sur ce
« terrain » se greffent par la suite les expériences relationnelles de la
vie, qui accentuent cette fragilité ou au contraire l’atténuent.
Dans cette partie nous décortiquerons en premier lieu le
tempérament (chapitre six) et les expériences qui ont contribué à
forger notre personnalité (chapitre sept). Ensuite nous passerons en
revue les habitudes qui peuvent renforcer notre prédisposition à
l’angoisse (chapitre huit). Enfin, la notion de scénario de vie, déjà
ébauchée au chapitre cinq, permettra de rassembler et récapituler
ces différents aspects dans une analyse cohérente (chapitre neuf).
Chapitre 6
Le tempérament : nous n’avons
pas tous la même nature
Kagan et Snidman1
Les enfants naissent avec des tendances, des goûts, des dons
divers. Les parents le savent bien, surtout quand ils ont donné le jour
à une fratrie dans laquelle ils ont pu observer des contrastes : l’un
est d’un naturel tranquille, pacifique et calme dans son sommeil ;
l’autre est plus nerveux, se réfugie souvent auprès de ses parents ;
peut-être un troisième enfant aura-t-il tendance à éviter le contact,
préférant dès son plus jeune âge s’occuper seul. Les parents ne
choisissent pas cette inclination, pas plus que le sexe de l’enfant ou
la couleur de ses cheveux. Ce dernier arrive doté d’une certaine
« couleur » psychologique, qu’il convient de respecter.
Parmi ces anxieux, toutefois, une bonne moitié affecte une attitude
d’aisance face aux autres. Sous cette apparence beaucoup
ressentent en fait une grande tension intérieure à la perspective de
rencontrer des inconnus ou de se lancer dans une activité nouvelle.
Ils ont par ailleurs une propension plus forte à se préoccuper de
leurs responsabilités, soucieux de bien les assumer. Conscients
d’être différents de leurs camarades plus à l’aise, ils rêvent de
relations plus simples et plus apaisées avec les autres, de ne plus
s’inquiéter ou souffrir du jugement d’autrui.
« L’autre jour je regardais une photo de moi, enfant, où j’étais assise par terre, à
feuilleter un livre. J’ai éprouvé un élan de tendresse, un sentiment très fort, je me
disais « oui, c’est moi, je la reconnais cette petite fille, c’est comme ça que j’étais, que
j’ai toujours été ». Je me suis souvenue de tous mes efforts pour me changer et devenir
quelqu’un de sociable. Mais en fait je suis une personne secrète, indépendante. J’ai
toujours adoré découvrir les choses par moi-même, en étudiant toute seule. »
Issue d’une famille nombreuse, Amélie se sent désapprouvée par ses frères et sœurs,
plus extravertis. Ils aiment se retrouver régulièrement, alors qu’Amélie et son mari
préfèrent éviter ces grands rassemblements, ou les limiter, en s’éclipsant tôt. Ils
refusent toute invitation en semaine, surtout dans les périodes chargées
professionnellement, car ils n’auront pas le loisir, ensuite, de se ressourcer par
quelques heures solitaires.
Exercice : et vous ?
Vous pouvez estimer une zone d’aisance pour vous-même : êtes-vous tout
près du pôle introverti, vers le milieu, ou près de l’extraversion ?
À fleur de peau
Retrouvons Rachel, qui n’hésite pas à se décrire comme une « écorchée vive ». D’une
part elle est très sensible, susceptible, même, d’autre part elle souffre facilement par
procuration. Un clochard qui trébuche et tombe, un film où l’on échange des coups, un
documentaire animalier montrant une bête attaquée déclenchent chez elle un frisson
douloureux lui parcourant l’échine. L’image de l’être endolori la tourmente des heures
durant. Sa sensibilité s’exprime en permanence : impossible de dormir s’il y a du
bruit, un rien la réveille ; les fêtes trop animées l’agressent et la fatiguent ; la fumée,
les gaz d’échappement lui donnent l’impression d’étouffer.
Ivan le sensible
Ivan a tellement peur de causer de la peine à autrui qu’il hésite à nouer une relation
amoureuse. Comme il lui est impossible de s’assurer d’avance de la réussite d’une
relation débutant, il imagine l’instant de la rupture éventuelle, le chagrin de la jeune
femme... et préfère souvent s’abstenir. L’enjeu est si fort qu’il est totalement
bouleversé au moment d’une rencontre. Si la personne semble susceptible de devenir
importante dans sa vie, il a le ventre tellement noué qu’il en perd l’appétit et maigrit
de plusieurs kilos en début de relation. Il dort très mal et ne cesse de se tourmenter.
Sont-ils suffisamment compatibles ? Telle infime discordance ne rend-elle pas tout
avenir impossible ? En contrepartie, Ivan est particulièrement sensible dans d’autres
domaines : il se rend à des expositions et y vit souvent des émotions merveilleuses,
écoute de la musique avec concentration et cuisine délicieusement. Il met d’ailleurs à
profit sa sensibilité pour cultiver ses amitiés : lorsqu’il reçoit, ses invités sont toujours
comblés par les plats créatifs qu’il leur concocte.
La plupart des hommes politiques arrivent à tolérer des situations que la majorité des
gens jugeraient insupportables : calomnies, attaques, caricatures, le tout sur fond de
stress énorme (campagnes harassantes, manque de sommeil, meetings conflictuels...).
On peut être particulièrement frappé par Barack Obama, dont la capacité de calme et
d’ouverture reste quasiment imperturbable. Mais pas de complexes, ce n’est pas la
norme ! Les « anormaux » sont ces super-solides, au contraire. Une anomalie certes
bénéfique, mais tout de même hors normes.
1. Kagan, J., Snidman, N., The long shadow of temperament, Belknap Press of Harvard
University Press, 2004.
2. Allport, G., Pattern and Growth in Personality, Holt, Rinehart & Winston, 1962.
1. Des fluides naturellement présents dans le corps : le sang, la lymphe, la bile jaune et
l’atrabile (bile noire), qui doivent, pense-t-on alors, être en équilibre pour assurer une
bonne santé physique et mentale.
2. Dans les années 1960, les célèbres mère et fille Isabel Briggs-Myers et Katherine Cook-
Briggs en ont fait la base de leur test de personnalité « MBTI », le Myers-Briggs Type
Indicator, cf. Joyce, D., The Essentials of Temperament Assessment, John Wiley & Sons,
2010.
1. Kagan relate les péripéties de ces recherches dans son ouvrage autobiographique : An
argument for mind, Yale University Press, 2006.
1. Kagan, J., Snidman, N., The long shadow of temperament, Belknap Press of Harvard
University Press, 2004. En français, se référer à l’ouvrage à peine plus ancien de Kagan,
Kagan, J., La part de l’inné, Bayard, 1999.
2. Se dit d’une étude constituée de mesures s’étalant dans le temps à partir d’un point
donné, mais sur une population identique.
1. www.phobiesociale.org.
2. Aron, E., The Highly Sensitive Child, Broadway Books, 2002. En français, Ces gens qui
ont peur d’avoir peur, Éditions de l’Homme, 1999. La notion est proposée par Elaine Aron
dans cet ouvrage, qui est devenu un best-seller aux États-Unis. Le terme adopté en
français, « hypersensibles », est moins positif que l’anglais, « hautement sensible », qui a
plus facilement valeur de qualité, comme pour un instrument de mesure particulièrement
sensible, donc très précis, fin.
2. Olsen Laney, Marti, Introverti et heureux, Paris, Les Éditions de l’Homme, 2005.
1. Aron, E., The Highly Sensitive Child, Broadway Books, 2002 ou Aron E., Psychotherapy
and the Highly Sensitive Person : Improving Outcomes for That Minority of People Who
Are the Majority of Clients, Routledge, 2010.
2. Les chats et les chiens, en plus des humains. Kagan affirme qu’un chaton sur sept
naîtrait timide, avec un caractère évitant.
1. Aron E., Psychotherapy and the Highly Sensitive Person : Improving Outcomes for That
Minority of People Who Are the Majority of Clients, Routledge, 2010.
Au commencement de la vie
Avant la naissance
Selon que la mère vit une grossesse tranquille ou non, le milieu
intrautérin n’est pas le même pour le fœtus. Or ce dernier est en
train de commencer à constituer son système nerveux. Si une partie
de ce système dépend de ses gènes, une autre partie de la
construction est liée à l’ambiance dans laquelle baigne le fœtus.
Soumis à un stress fort et répété, il développera davantage de
réactions d’alerte nerveuse.
Sous les bombes
Le choc de la naissance
Dès 1924, Otto Rank2 parlait du « traumatisme de la naissance ». Il
y voyait la véritable origine de l’angoisse, s’éloignant ainsi de Freud
qui la rattachait alors essentiellement au conflit œdipien. La
naissance, nous la traversons tous ; peut-être n’est-elle pas
systématiquement traumatisante, quoique l’on puisse aisément
imaginer en être marqué à vie. Ces longues heures de pression
intense, le passage par l’étroit canal de naissance, l’expulsion
brutale du ventre protecteur – clos, sombre et à température
constante – vers une étendue sans limites, éclairée de lumières
violentes, remplie de bruits que le liquide amniotique n’étouffe plus...
Cela ne peut qu’être très éprouvant. C’est pourquoi certains
médecins, tel le Dr. Leboyer1, proposèrent dans les années 1970
toute une série de mesures facilitant cette douloureuse transition.
Née dans un village reculé d’un pays pauvre, la petite Clémence a connu une arrivée
particulièrement difficile. Sa mère a failli mourir pendant l’accouchement et, des
heures durant, tout le monde s’est occupé d’elle avec les moyens du bord, laissant
pour morte l’enfant qui ne réagissait pas. Sa mère finalement sauvée, on s’est aperçu
que Clémence respirait encore. Restée une bonne semaine entre la vie et la mort, on
avait prévenu ses parents qu’elle risquait de conserver des séquelles importantes.
Clémence en a gardé l’impression d’être difforme, « anormale », indigne d’amour. En
amitié, elle s’attend perpétuellement à être rejetée, et devance souvent cette
éventualité en s’effaçant. Dans ses relations amoureuses, elle se retrouve à rendre des
services innombrables à son compagnon, à cause de son sentiment d’avoir toujours à
se rendre utile pour mériter qu’on la garde.
Une mère qui sait entrer en contact avec son bébé va favoriser chez
lui un développement équilibré du système nerveux. Certes, nous
n’arrivons pas tous avec les mêmes cartes en main, mais même
dotés d’un tempérament plus nerveux, si nous avons reçu un
maternage apaisant, nous saurons mieux devenir, à notre tour,
apaisants pour nous-mêmes. Peu à peu, l’adulte, par sa façon de
réagir aux états du nourrisson, lui apprend à comprendre ses
émotions, à les vivre sans se laisser déborder par elles.
Cet accordage est encore plus important dans le cas d’un enfant
hypersensible, sujet à des émotions plus intenses, donc plus
facilement bouleversé. Il aura spécialement besoin d’un parent qui
reçoit tranquillement ses états affectifs, alors qu’un bébé né moins
réactif sera moins altéré par une carence de son environnement.
Si le même bébé arrive dans une famille très active, avec une mère
en constante ébullition, un père ambitieux et hyperactif, il risque de
décevoir. « Il est tellement lent, parfois j’ai envie de le secouer ! »,
s’exclame la mère, exaspérée. Le père risque de moins s’y
intéresser : il rêvait d’un fils vigoureux et volontaire.
On imagine sans peine à quel point ces deux bébés connaîtront des
vies différentes ! Dans la première famille, le bébé calme a de fortes
chances de se construire une bonne image de lui-même, de prendre
confiance en lui. Sans exubérance excessive, il sera sans doute bien
dans sa peau et à l’aise dans les relations. En revanche, dans la
seconde famille, ce même enfant risque de se sentir très souvent en
porte-à-faux ; il se jugera probablement peu intéressant, lourd et
ennuyeux. Au moment de commencer sa vie scolaire, l’entrée en
contact avec les enseignants et les camarades sera peut-être
difficile.
« Ma mère m’a toujours reproché de ne pas l’aimer, de ne pas aimer les gens. Mais ce
n’était pas vrai. J’aimais bien les gens, mais j’aimais vraiment faire les choses seule,
c’est tout. Si elle m’apportait un livre, je l’ouvrais aussitôt et me mettais à l’explorer.
Elle en était déçue, elle aurait voulu me le lire, que je l’attende et l’écoute. Alors elle
se levait, le visage fermé, et s’en allait ; je ne comprenais pas ce que j’avais fait,
pourquoi elle était fâchée. Il a fallu que nous parlions des années plus tard, quand elle
m’a vue avec mon fils David, pour que je comprenne enfin ce qui nous avait séparées.
Elle nous a regardés ensemble souvent, longtemps, avant de me confier un jour :
« C’est comme ça que j’aurais dû faire avec toi, alors ? Moi, je croyais que tu voulais
faire les choses seule parce que tu me repoussais... ». Quel dommage ! Nous avons
vécu une trentaine d’années mal à l’aise l’une avec l’autre, moi extrêmement
culpabilisée, elle blessée de se sentir rejetée, avant de savoir enfin d’où venait le
problème. »
Katryn, bébé vigoureux et curieux de tout, s’est rapidement avérée une fillette hardie
qui explore, expérimente, se relève de toutes ses chutes et repart pour de nouvelles
aventures. Son frère aîné, au contraire, est d’un tempérament sensible ; vite démonté,
il évite les situations difficiles et préfère les activités de type lecture, réflexion,
musique. Dans leur famille, c’est le modèle introverti qui est valorisé. Le garçon
délicat est donc traité avec douceur et approbation, tandis que la fille très tonique est
considérée comme une sorte de grosse brute. Contrairement à ce qui se produit dans
beaucoup d’autres milieux, c’est elle qui souffre et s’est forgé une mauvaise image
d’elle-même. Son frère Philippe connaît les difficultés classiques des enfants
sensibles, mais elles sont tempérées positivement par un bon accueil de la part de ses
parents.
Patrick est un garçon sensible. Ce qui l’intéressait, adolescent, c’étaient les arts : la
danse, la musique, la peinture, la littérature. Il aurait fait le ravissement de la famille
précédente ! Mais dans la sienne, ses goûts sont considérés comme « efféminés ». Son
père regardait son fils comme un chaton dans une portée de chiots, sans dissimuler un
certain mépris. Au lieu de profiter de ses dons artistiques, Patrick s’en est détourné
jusqu’à presque les détester, et a appris à arborer des airs machos pour se faire
accepter. Mais comme ce n’est pas sa vraie nature, il reste mal à l’aise en société,
redoutant d’être jugé et rejeté.
Clara dirige un service informatique dans une grande entreprise, mais elle donne
également des cours de danse et sert même, parfois, de guide à des groupes voyageant
en Russie, car un de ses loisirs fut d’apprendre le russe ! Pourtant, enfant, Clara était
timide, elle n’osait pas aller parler à ses camarades d’école et s’isolait dans la cour de
récréation. Sa mère s’est d’abord contentée, pendant quelques années, d’observer sa
fille, afin de mesurer comment évoluerait cette tendance. Finalement, son intuition l’a
incitée à prendre les choses en main ; elle a longuement discuté avec Clara, lui a
expliqué qu’elle devait absolument surmonter sa réticence et apprendre à
communiquer avec ses camarades de classe. Clara, d’abord paniquée, a craint de
perdre le soutien de sa mère, la personne en qui elle avait vraiment confiance ; mais
cette dernière a su insister avec douceur. Chaque fois que Clara vivait une situation
difficile, elle la lui faisait raconter et lui suggérait des façons possibles de se
comporter une prochaine fois. Peu à peu la fillette a étendu sa gamme de
comportements et a gagné en assurance. Aujourd’hui adulte, Clara dit se sentir encore
intimidée en son for intérieur, mais à la voir faire, nul ne s’en douterait.
« Les enfants qui ont des parents sensibles et réactifs peuvent se développer dans la voie de la
santé. Tandis que ceux dont les parents sont insensibles, aréactifs, négligents ou rejetants
risquent de suivre des voies de développement plus ou moins incompatibles avec la santé
mentale, les laissant vulnérables à l’effondrement face à l’adversité ».
À côté des pulsions sexuelles dont la psychanalyse postule
l’existence depuis longtemps, on a démontré l’existence de pulsions
d’attachement : l’enfant a besoin de sentir des liens avec une
personne fiable, qui devient sa « base de sécurité ».
Zoé et Annie ont grandi comme elles ont pu, souvent laissées à elles-mêmes. Leur
mère était « accro » aux médicaments et passait une bonne partie du temps droguée
aux barbituriques, plus ou moins endormie. Leur père, quant à lui, travaillait beaucoup
et ne rentrait que le soir, nourrir son petit monde. Il leur a fourni une certaine base de
sécurité, mais intermittente, tandis que leur mère ne s’est pas montrée sécurisante du
tout. Aujourd’hui, toutes les deux souffrent de troubles anxieux, quoique de façons
différentes : Zoé, craintive, a peur du monde extérieur, hésite à sortir la nuit et ne se
sent vraiment tranquille que seule dans son appartement. Annie, au contraire,
vadrouille à toute heure sans la moindre peur, fait du cheval, de la moto, du saut en
parachute ; c’est à la maison qu’apparaissent des peurs, la nuit. Le moindre
craquement déclenche chez elle des insomnies, elle ne se sent en sécurité que lorsque
son compagnon est présent.
Martine a eu des parents très peu affectueux. Ils travaillaient énormément, rentraient
tard, ne s’intéressaient pas à ce que ressentaient leurs enfants. Parfois, Martine a
encore des flashs de sa chambre d’enfant – elle ne voit que du blanc. La fillette a
manqué de stimulations colorées, de contact, de câlins tendres. Aujourd’hui la jeune
femme a besoin de la présence de son compagnon dans la maison pour pouvoir vaquer
à ses occupations. Sans lui, elle est comme débranchée et n’arrive pas à se concentrer.
Paradoxalement, quand il rentre, elle ne souhaite pas se rapprocher de lui, n’a pas
envie qu’il la touche. Il lui suffit qu’il soit là, de préférence pas trop proche. De même
avec ses rares amies, Martine n’a guère d’échanges intimes. Ses conversations sont
plutôt factuelles, elle a du mal à se révéler ou à questionner l’autre sur son ressenti.
Dernier d’une grande fratrie, le petit Jacquou a été beaucoup laissé à luimême. Sa
mère déprimait alors qu’il était enfant et n’a jamais regagné toute sa joie de vivre. Les
plus grands de ses frères et sœurs avaient déjà leur propre vie. Jacques garde de son
enfance des souvenirs heureux : il battait la campagne, toujours à jouer avec les
animaux. À la maison, en revanche, il s’occupait souvent de sa mère, en vrai petit
homme. L’école lui a vite posé un problème : il avait l’impression de ne pas
comprendre comment cela fonctionnait, ni ce qu’on attendait de lui. Adulte, Jacques
est un comptable très compétent, mais paralysé lors des réunions d’équipe. L’idée de
prendre la parole devant les autres lui donne presque des malaises, il devient incapable
de réfléchir. Le pire, ce sont les soirées professionnelles, au cours desquelles il doit
circuler, discuter avec de nombreuses personnes de façon à mettre en valeur son
entreprise et ce qu’il y fait. « Comment fait-on ? », se demande toujours Jacques. Il lui
semble que les autres disposent d’un mode d’emploi qui lui échappe.
C’est d’abord avec nos parents que nous acquérons cette capacité.
Le bébé qui pleure, qui hurle même, en proie à un maelström
d’inconfort, est par exemple pris dans les bras. La mère (ou le père)
lui parle doucement, réussit à « contenir » cet état qui devient alors
supportable (tout ceci est très lié à l’attachement, décrit
précédamment). Au fil des mois, les mots prononcés par les parents
donnent du sens à ce que vit l’enfant : par exemple, « Oh, oui, tu as
mal au ventre, je sais, c’est parce que tu as très faim, oui, tu es
fâché que maman ne t’ait pas encore donné à manger, je sais, je
sais, mais tu vas voir, je suis en train de préparer ton biberon, bientôt
ça ira mieux ». Plus tard les explications portent davantage sur le
terrain affectif, comme « oui, tu as eu très peur de ce grand bruit,
mais ne t’inquiète pas, c’est fini, papa est là, tu es en sécurité ». Ce
type d’interaction apaise l’enfant, lui explique son état de
bouleversement et lui donne peu à peu les moyens de moduler lui-
même les ressentis qu’il éprouvera à l’avenir.
Or, les familles ne savent pas toutes enseigner cela à leurs enfants.
Certaines mères ont du mal à communiquer avec leurs bébés ;
d’autres se débrouillent à ce stade-là – mais plus tard, quand il s’agit
de donner sens aux émotions des plus grands, elles sont perdues.
Elles minimisent, banalisent, balaient le stress de l’enfant d’un
« mais non ! » péremptoire, ou traduisent le malaise en besoin
physique : « tu dois avoir faim, mange donc quelque chose ».
Quand Mathilde est arrivée en psychothérapie, elle avait beaucoup de mal à décrire ce
qu’elle ressentait. Son vocabulaire affectif se limitait à « je ne suis pas bien », elle ne
comprenait pas vraiment ce qui la perturbait, ni comment, ou pourquoi. Très vite elle
raconte : « quand j’étais jeune fille, j’ai commencé à me sentir mal dans ma peau. J’en
ai parlé à ma mère, mais elle me répondait invariablement “mais non, ma fille, tu es
formidable, tu es magnifique, tu n’as pas de problème”. J’ai appris à ne pas chercher à
comprendre, à essayer d’oublier mon malaise ». Petite, elle ne se rappelle pas avoir
demandé du soutien ou de l’aide. Et pour cause : le plus important, aux yeux de ses
parents, était qu’elle fût sage. Du moment que leur fille se tenait tranquille, sans bruit,
sans déranger, tout allait bien. Sa mère, « une femme adorable » selon les mots de
Mathilde, ne sait résoudre que les problèmes matériels. Au téléphone avec sa fille, elle
la questionne sur ses repas, son travail, mais lui demander directement si elle est
heureuse ne l’effleure même pas. Ce qui compte, c’est la réalité concrète.
Mathilde décrit ainsi le milieu dans lequel elle a grandi : « On est une famille de
peureux. Mon père a peur, ma mère a peur, ma sœur a peur, et moi j’ai peur tout le
temps, de tout. Le monde nous semble effrayant. Du coup on ne fait rien, et comme on
ne fait rien, tout nous est inconnu, et l’inconnu nous fait peur. Pas seulement les
inconnus, d’ailleurs, mais presque tous les gens : que vont-ils penser ? comment vont-
ils réagir ? »
La famille de Mathilde vit en circuit fermé. Certes, les parents ont quelques copains de
jeunesse, mais ils les voient plutôt à l’extérieur. Après la naissance de leurs enfants,
les réunions d’amis se sont d’ailleurs espacées, au point que la jeune Mathilde a
grandi sans savoir vraiment comment fonctionnent les relations amicales. Elle n’a
pratiquement jamais vu à la maison de gens extérieurs à sa famille immédiate, dont le
modèle est celui d’un noyau resserré sur lui-même, soudé et sans conflit. Un modèle
qui suppose de rester entre soi sans jamais se disputer, ni compter sur le monde
extérieur.
À vingt-trois ans, lorsqu’il revient dans le giron familial après une tentative de vie
indépendante, Donald est devenu un vrai « sauvage ». Il semble de plus en plus
démuni face aux autres, incapable de se faire des amis. La famille s’en désole. Un soir,
lors d’une fête familiale, le jeune homme surprend une tante en train de déplorer :
« Mais qu’est-ce qui a bien pu arriver à Donald ? Il était si mignon, petit. Tu te
rappelles ? On les voyait arriver ensemble, sa mère et lui, et ils semblaient ne faire
qu’un, ils se comprenaient sans même avoir besoin de se parler. ». Très secoué par ce
qu’il venait d’entendre, Donald a démarré peu après une psychothérapie pour
comprendre ce qu’il vivait. Peu à peu il a pris conscience que sa mère l’avait toujours
surprotégé, aplanissant les difficultés devant lui, le consolant, lui expliquant que les
autres n’étaient pas assez bien pour lui. En cas de conflit, elle l’emmenait d’ailleurs
faire une activité avec elle plutôt qu’avec ses camarades, « trop méchants », disait-
elle.
Enfant, Donald n’a pas appris à endurer les conflits avec ses pairs. Un de ses
problèmes est qu’il ne supporte pas de passer inaperçu : sa mère l’a tant porté aux
nues qu’il a besoin d’occuper le centre de la scène : lorsque cela n’arrive pas, à table,
en famille, le petit garçon interrompt tout le monde pour se faire écouter. Le problème
est que ce comportement, à l’école, lui a valu d’être souvent agressé. Ne supportant
pas ces attaques, il a de plus en plus préféré la compagnie de sa mère, et est devenu
véritablement incompétent socialement face aux jeunes de son âge : il ne sait pas
comment interagir avec eux parce qu’il ignore leurs codes de conduite et de
communication.
Clémence a du mal à garder ses amis. Son père lui a tellement dit, petite, qu’elle était
pleine de défauts, qu’elle s’en est convaincue. Elle est pourtant une jeune femme aussi
touchante que douée, et beaucoup sont attirés par sa personnalité chaleureuse.
Malheureusement, à la première difficulté relationnelle, Clémence, persuadée qu’on
ne veut plus d’elle, coupe tout contact pour se protéger de la souffrance du rejet. Elle
évite la personne, ne la rappelle plus et ainsi perd la relation.
Rappelez-vous Chloé, qui redoute tant d’avoir à diriger des collaborateurs. Sa peur
n’est pas difficile à comprendre : enfant, cette fille aînée devait souvent garder ses
petites sœurs, les faire dîner, surveiller leurs devoirs. Or les petites ne l’entendaient
pas de cette oreille et la faisaient tourner en bourrique. Chloé finissait alors par crier et
menacer. Ses sœurs se plaignaient ensuite à leur mère, qui tançait sévèrement son
aînée : « Pour qui te prendstu ? Tu n’as aucun droit de gronder quiconque, ici ! ». La
situation était impossible pour l’enfant, à la fois chargée de responsabilités et privée
de toute autorité. Ce blocage reste actif dans sa vie d’adulte, l’empêchant de s’affirmer
à bon escient dans son poste.
L’enfant a besoin d’être reconnu pour ce qu’il fait bien. Si, comme
Chloé, il est critiqué quoi qu’il fasse, il ne construit pas la confiance
qui lui est nécessaire pour prendre sa place dans la société.
Maltraitance et traumatismes
Les situations de maltraitance peuvent aller de la négligence
chronique (un parent déprimé, drogué, indifférent...) à des sévices
répétés, en passant par les énervements – parfois très traumatisants
– d’un parent qui perd patience. Baigner dans une telle insécurité
peut transformer un enfant au tempérament solide en adolescent ou
jeune adulte renfermé. Sur un enfant hypersensible, l’impact est
encore bien plus fort.
Dès les jours suivant son retour de la clinique, la mère de Rachel ne supporte pas ses
pleurs. Elle crie, la menace, claque les portes – augmentant encore la détresse du bébé,
ce qui redouble l’exaspération maternelle. Rachel devient une enfant craintive et
secrète qui fuit sa mère, laquelle lui lance souvent, méprisante : « tu n’es qu’une
pleurnicharde ». De plus en plus renfermée, la fillette reste autant que possible dans sa
chambre ou bien dehors, à regarder les arbres, les fleurs, les oiseaux. Chaque
rencontre semble recéler la menace d’être attaquée. La rentrée des classes la terrorise,
à cause de toutes les nouvelles personnes à découvrir. Souvent, la peur est si forte que
la fillette, pliée en deux par les douleurs abdominales, est envoyée à l’infirmerie – ce
qui lui permet d’éviter les salles de classe, si effrayantes pour elle.
Jonas, danseur de quarante ans, frappe par la beauté de son corps et de son visage très
pur. Marié à une femme qui est aussi son amie et sa complice, il ne peut s’abandonner
vraiment à elle, bien qu’il ait confiance en elle plus qu’en quiconque. Impossible de se
laisser aller dans ses bras, de s’y endormir, de la laisser le réconforter. À l’âge de huit
ans, Jonas a subi des attouchements de la part d’un adulte ami de ses parents, à qui il
avait été confié. Il lui en reste une profonde méfiance vis-à-vis d’autrui, qui s’exprime
par des accès de colère contre des gens qui le regardent ou le bousculent dans le
métro. Il lui a fallu tout un travail pour parvenir à s’affirmer dans la vie de façon
pacifique et commencer à se faire une place. Il est alors devenu chorégraphe et fait
depuis danser les autres, avec un art de la relation tiré de ses propres expériences.
Les questions s’adressent à vous en l’état si vous vivez encore chez vos
parents. Si ce n’est pas le cas, faites appel à vos souvenirs, pour tracer un
portrait juste de l’environnement dans lequel vous vous êtes construit
jusqu’à devenir l’adulte que vous êtes.
OUI NON
Parents timides et anxieux
1. Vos parents pratiquent-ils l’un ou l’autre un sport (en
dehors du jogging solitaire), en club ou à l’extérieur ?
2. Vos parents participent-ils à des activités de loisir en
groupe : travaux manuels, bricolages, groupe de
réflexion... ?
3. Vos parents invitent-ils dans votre maison au moins une
fois par mois des personnes extérieures au cercle
familial strict (barbecue, dîner d’amis, thé entre amies
pour Madame, soirée festive, bridge...) ?
4. À votre connaissance, vos parents ont-ils des relations
amicales – sans être intimes nécessairement – avec
certains de leurs collègues, en dehors de leur cadre
professionnel (pour boire un verre à la fin de la journée,
s’inviter à dîner de temps en temps...) ?
5. Est-il arrivé que vos parents organisent une fête pour votre
anniversaire en conviant vos camarades de classe ?
6. Vos parents vous emmènent-ils régulièrement dans des
fêtes familiales auxquelles ils se rendent ?
Parents surprotecteurs
7. Jeune enfant, aviez-vous le droit d’aller acheter le pain ou
des bonbons seul à la boulangerie la plus proche de chez
vous ?
8. Plus tard, étiez-vous autorisé à sortir seul avec vos
camarades (dans des conditions raisonnables de sécurité) ?
9. Êtes-vous déjà allé en camp ou colonie de vacances ?
10. Un de vos parents, ou les deux vous répètent-ils que vous
valez mieux que vos camarades quand une situation vous
contrarie ?
11. Vos parents vous incitent-ils à pratiquer un sport, vous
ont-ils inscrit dans un club ?
12. Vos parents refusent-ils que vous pratiquiez un sport parce
qu’il est « dangereux » (arts martiaux, boxe, rugby...) ?
OUI NON
13. Vous coupent-ils la parole, ou prennent-ils les devants en
parlant pour vous, lorsque vous avez à vous présenter
devant un (ou des) inconnu(s) ?
14. Vos parents sont-ils intrusifs dans votre vie (choix d’étude
ou professionnel, choix de votre partenaire, mode de vie)
par peur que vous vous trompiez ou échouiez ?
Parents sévères et punitifs
15. Êtes-vous encouragé, ou même autorisé à exprimer votre
sentiment (enthousiasme ou désaccord) devant vos
parents ?
16. Subissez-vous des punitions corporelles répétées pour ne
pas avoir respecté les règles que vous fixent vos parents :
fessées, puis gifles ; mise
au piquet, enfermement dans votre chambre, travail de
punition pénible, etc. ?
17. Êtes-vous privé de sorties – activités de loisir et sportives,
ou rencontres amicales – si vous ne répondez pas aux
attentes de vos parents (mauvais bulletin scolaire...) ?
18. Recevez-vous presque quotidiennement des remarques
désobligeantes ou méprisantes de la part de l’un ou l’autre
de vos parents ?
19. L’un ou l’autre de vos parents est-il parfois déprimé,
colérique ou indifférent à votre égard ?
20. Vos parents partagent-ils certaines de vos activités sur leur
temps libre (vélo dans un parc, promenade en forêt, visite
d’un musée...) ?
21. Si vous appartenez à une fratrie, vos parents vous font-ils
parfois comprendre qu’ils n’apprécient guère votre
caractère en comparaison de celui de vos frères et sœurs ?
Décomptez, à partir des cases que vous avez cochées, votre total de et
celui de . Si vous avez au moins sept sur l’ensemble des questions, ou
au moins quatre sur un seul profil de parent nocif, vous pouvez
considérer que l’un ou vos deux parents (c’est selon) a eu un effet
destructeur sur votre développement personnel et votre confiance en vous,
qui se répercute probablement aujourd’hui dans votre personnalité.
Agathe, le bouc-émissaire
La famille d’Agathe n’a rien remarqué, pendant longtemps. Son père étant gravement
malade, la fillette ne voulait pas ajouter un fardeau, ni à lui ni à sa mère, en leur
racontant ses déboires ; aussi a-t-elle subi sans une plainte deux années de
persécutions. Cette fille unique, venue d’une famille aisée et particulièrement calme,
n’était pas préparée à se défendre d’une meneuse rude, méprisante, cruelle même. Dès
le premier jour dans sa nouvelle école, à neuf ans, Agathe fut prise pour cible par celle
qui régnait sur la classe. Pendant tout le reste de l’année ainsi que celle qui suivit,
chaque jour a apporté son lot de brimades. Heureusement, la famille d’Agathe a
ensuite déménagé, mais le mal était fait. Profondément affectée, elle avait changé de
caractère, au point que sa mère s’en inquiétait quelquefois. Jadis spontanée et joyeuse,
la fillette était devenue timide et renfermée, se dévalorisait constamment et subissait
passivement les événements au lieu de réagir.
Un nouveau départ
L’adolescence est une période particulière, difficile parfois,
potentiellement si riche. Tous les repères changent, toutes les
relations sont remises en jeu : en famille, à l’école, dans les
nouveaux cercles, le jeune et ses parents bénéficient d’une seconde
chance. Lui peut faire de nouvelles expériences, ouvrir des portes
qui s’étaient fermées. Eux peuvent réparer certaines de leurs
erreurs, offrir ce qu’ils n’avaient pas su donner dans les stades
antérieurs du développement. Par exemple, si les parents ont
entamé une psychothérapie, ou simplement mûri, ils peuvent cesser
de surprotéger leur enfant devenu adolescent, ou ne plus le
dévaloriser, apprendre à reconnaître ses qualités... À l’adolescence,
ces changements auront plus de chances d’être mis à profit par le
jeune.
L’opportunité vient en partie de l’importance accrue des pairs. En
effet, s’investir à temps plein dans un groupe de jeunes de son âge
donne à l’adolescent accès à d’autres milieux, avec leurs règles,
différentes de celles de la famille. Si le jeune se réfugie dans sa
famille, au contraire, son problème de timidité s’enkystera
probablement.
Les parents redoutent souvent que les nouvelles fréquentations de
leur enfant lui soient néfastes. Ils craignent que les précieux copains
se montrent trop délurés, que leurs valeurs soient trop différentes de
celles de la famille. Quand les expériences scolaires ont été
difficiles, l’adolescence peut constituer le point de départ d’une
confiance nouvelle, si le soutien des pairs est bénéfique ; mais le
risque existe effectivement que les plaies ouvertes chez l’écolier se
rouvrent, s’aggravent.1
C’est au lycée que Patrick s’est vraiment renfermé. Jusque-là, il arrivait assez bien à
vivre, malgré le manque de liens avec ses camarades et la froideur distante de ses
parents. Mais l’année de ses quinze ans, une rumeur a circulé dans son collège au sujet
de son homosexualité supposée. Il a été stigmatisé, insulté, cruellement moqué par les
autres élèves. Un jour, en rentrant chez lui, il a même été poursuivi par un petit groupe
de jeunes impitoyables, qui lui criaient des insultes et des menaces. Traumatisé,
Patrick a eu toutes les peines du monde à retourner au lycée, à terminer sa scolarité,
s’isolant de plus en plus. Bien que la vague d’hostilité se soit éteinte d’elle-même
après quelques semaines, la blessure était là et la confiance de Patrick détruite.
Yvon a conscience de ce qu’il doit à quelques bienfaiteurs qui ont jalonné sa vie. Non
qu’il estime avoir eu des parents épouvantables : son père était terriblement immature
et timide lorsqu’il eut ce premier fils, et sa mère, dépressive chronique, n’osait guère
affronter le monde et restait à la maison autant que possible. Les deux étaient très
jeunes lorsqu’ Yvon est né. Le garçon a grandi laissé à lui-même, à courir la campagne
en observant les oiseaux et la nature. « Si je ne suis pas un sauvage, c’est grâce à mon
instituteur, qui m’a trouvé intelligent et m’a emmené toutes les semaines à la
bibliothèque municipale. Il me choisissait des livres à lire et m’encourageait à en
discuter avec lui, ça m’a donné le goût des études ».
Malgré cela, à dix-neuf ans, Yvon consomme et vend de la drogue, tout en suivant
sans conviction des études universitaires. Un soir, arrêté en possession de quelques
grammes de haschisch, il rencontre Max, un homme d’une soixantaine d’années venu
au poste chercher un de ses protégés. Max l’invite à venir chez lui avec l’autre garçon,
et Yvon, sans vraiment savoir pourquoi, le suit. Il est accueilli dans « la maison du bon
Dieu », selon ses propres mots : Flora, la femme de Max, est une femme joyeuse et
autoritaire, un cordon bleu qui a toujours une casserole sur le feu pour les jeunes logés
là et les amis de passage. Le couple de retraités a entrepris de récupérer quelques
gamins en perdition, et leur foyer chaleureux, vivant, en a sauvé plus d’un. C’est le
cas d’Yvon, qui s’est alors investi dans ses études de psychologie et les a brillamment
réussies, logeant deux années pleines chez ce couple peu ordinaire. Il y a appris aussi
la cuisine et une façon d’aimer vivante et joyeuse, qui imprègne depuis toute son
existence.
Tania a suivi une scolarité satisfaisante dans sa banlieue. Dotée d’un goût artistique
certain, elle est devenue styliste et a souvent été employée par des théâtres. Son début
de renommée la mène à Broadway où elle connaît une réussite appréciable. Sans être
une célébrité, elle gagne confortablement sa vie, travaille régulièrement et jouit d’une
grande estime dans le milieu théâtral new-yorkais. Mais un jour elle doit rentrer en
France, pour aider ses frères à s’occuper de leur mère, atteinte de la maladie de
Parkinson. Sur place, à son grand désarroi, son travail ne semble pas très apprécié. Au
début elle ne se laisse pas démonter, et envoie courageusement cv sur cv, téléphone
régulièrement à de nouveaux contacts. Au fil des mois il lui devient de plus en plus
difficile de trouver en elle suffisamment d’optimisme pour se présenter positivement
aux personnes à qui elle téléphone. Après deux années de galères, de petits boulots
mal ou non payés, la jeune femme a perdu presque tout sentiment de valeur
personnelle. Elle se sent « nulle », n’ose plus présenter ses idées aux nouveaux
acheteurs potentiels. Lorsque, de loin en loin, un ami tente encore de la mettre en
contact avec quelqu’un susceptible de l’aider, la seule idée de téléphoner la rend
malade.
Le harcèlement moral
Depuis la publication de l’ouvrage fondateur de Marie-France
Hirigoyen1, le harcèlement moral est un phénomène reconnu et
mieux connu. Dans la majorité des cas, il se produit dans un
environnement professionnel. Un persécuteur plus ou moins
pervers1 tourmente une personne de son équipe, s’acharnant à
détruire son estime, son image professionnelle, son plaisir à
travailler.
Crime de lèse-autorité
À quarante-cinq ans, Lorena se sentait prête à occuper un rôle plus actif dans la vie de
l’entreprise dans laquelle elle travaillait depuis une vingtaine d’années. Comme le
délégué du personnel prenait sa retraite, elle s’est présentée pour le remplacer, et a été
élue, ce qui a fortement déplu à son supérieur hiérarchique, qui n’a pas supporté de
voir une femme occuper cette fonction. Il s’est mis en devoir de la décourager en
répandant à son sujet des rumeurs diverses. Peu à peu, Lorena a croisé des regards
gênés sur son passage, ses collègues ont commencé à éviter de déjeuner avec elle. Son
supérieur entrait en conflit avec elle à la moindre occasion, critiquant son travail qu’il
avait naguère jugé bon, lui reprochant chaque jour quelque erreur qu’il exagérait
systématiquement. Au bout de deux ans, après trois arrêts de travail pour dépression,
Lorena a démissionné de son poste de déléguée. La pression s’est apaisée peu à peu,
mais Lorena n’a jamais retrouvé son ancien enthousiasme : ses collègues l’avaient
trop déçue. Elle n’a plus cherché à discuter avec eux, à se joindre à eux à la cafétéria.
Travailler est devenu une corvée pesante au lieu d’être une activité satisfaisante.
Au moment de sa rencontre avec Marc, Clémence est très peu sûre d’elle, assez
déprimée, doutant de son avenir professionnel et de ses chances en amour. Marc lui
semble alors un envoyé du ciel : jeune cadre prometteur, protecteur, il la prend sous
son aile et elle s’y réfugie avec gratitude. Malheureusement, après une dizaine
d’années de mariage, le côté paternel de Marc s’exprime surtout par une attitude
autoritaire, accusatrice même, lorsqu’il estime le ménage mal fait. En entendant sa
clef tourner dans la serrure, le soir, Clémence se contracte de peur, redoutant les
reproches et les cris. Les enfants aussi craignent les éclats d’humeur de leur père.
Les critiques de Marc rappellent à Clémence celles émises par son père, réveillant jour
après jour les mêmes blessures. De plus en plus dévalorisée, elle a eu énormément de
mal à quitter son mari. Mais lorsqu’elle a osé reprendre sa liberté, elle s’est sentie
immensément soulagée et allégée d’un grand poids, malgré la peine inévitable due à la
séparation.
*
***
1. Leboyer, F., Pour une naissance sans violence, Le Seuil, 2006 (orig. 1975).
2. Fonagy, P., Gergely G., Jurist E., Target M., Affect Regulation, Mentalization, and the
Development of the Self, Other Press, 2002.
1. « Fit » est un terme anglais qui se réfère en général à la taille. « Does it fit ? », « estce la
bonne taille ? », ou « cela vous va ? ». On l’utilise souvent pour les relations, pour
exprimer que les gens vont bien ensemble, se conviennent, s’harmonisent ou se
complètent. On dit alors « it’s a good fit », ou au contraire, « they are a bad fit ».
1. Bowlby, J., A Secure Base : Parent-Child Attachment and Healthy Human Development,
Routledge, 1988.
1. Fonagy, P., Gergely, Y. G., Jurist E., Target M.,Affect Regulation, Mentalization, and the
Development of the Self, Other Press, 2002.
Jouvent, R., Le cerveau magicien, Odile Jacob, collection Sciences, 2009.
2. Une explication claire de cet apprentissage est proposée par Claude Steiner dans son
livre L’ABC des émotions : un guide pour développer son intelligence émotionnelle, Inter-
Éditions, 2005. Les processus fins sont montrés par P. Fonagy et coll. dans Affect
Regulation, Mentalization, and the Development of the Self, Other Press, 2002.
1. Boris Cyrulnik a énormément étudié le cas de ces enfants « qui tiennent le coup » malgré
des circonstances de vie peu favorables. On peut aussi dire que Rebecca était une enfant
« non-inhibée », selon les termes de Kagan.
1. Winnicott, D.W., La mère suffisamment bonne, Petite Bibliothèque Payot, 2006. Pédiatre,
psychiatre et psychanalyste anglais de réputation internationale, Donald W. Winnicott est
à l’origine de nombreuses conceptions importantes sur le développement des enfants et
les soins à leur apporter. Par exemple, la mère « suffisamment bonne » ou « l’objet
transitionnel », le fameux « doudou » souvent nécessaire à l’enfant pour apprendre à se
passer de sa mère.
1. Dans un article du Nouvel Observateur de février 2010, Caroline Brizard décrit une
explosion des cas de phobie scolaire ou « refus scolaire anxieux ». Dans un tiers des cas,
le phénomène serait dû à une mauvaise orientation, entraînant un échec scolaire. Pour
les autres, la pression des résultats se combine au besoin d’être accepté par le groupe.
Les forums sociaux comme Facebook constituent une source nouvelle de blessures qui
provoquent ou aggravent ce type de phobie.
2. Le terme de résilience désignait à l’origine des matières capables de retrouver leur forme
après avoir été déformées. Il est employé en psychologie depuis quelques décennies
pour décrire la capacité de certains individus à surmonter un traumatisme sans en être
affecté, du moins en apparence.
4. Anthony, E.J., Cohler, B.J.,The Invulnerable Child, The Guilford Press, 1987.
5. Cyrulnik, B., Les vilains petits canards, Odile Jacob, 2001et Cyrulnik, B., (sous la
direction de) Ces enfants qui tiennent le coup, (ouvrage collectif), Hommes et
Perspectives, 2002.
1. La perversité morale signifie d’une part que le tourmenteur ne voit pas l’autre comme un
sujet doté d’un monde à lui, mais plutôt comme un objet ; d’autre part qu’il a besoin de lui
infliger des souffrances, parce que cela le soulage et même lui procure un certain plaisir.
Le tout, en général de façon inconsciente : le « pervers narcissique » décrit par Hirigoyen
nierait farouchement toute intention de nuire, selon lui c’est l’autre qui l’oblige à agir ainsi :
la femme battue qui le provoque, l’enfant abusé qui le séduit, le collaborateur malmené
qui ne cesse de commettre des erreurs.
Chapitre 8
Aggraver son cas : les
habitudes qui entretiennent
l’anxiété
Rachel refuse le plus souvent les rares invitations qui lui sont adressées. Elle imagine
toujours un déroulement négatif de la soirée : on va la laisser seule dans son coin, ou
encore, certains se montreront peut-être gentils, mais probablement pour mieux se
moquer d’elle après son départ. En partant de la soirée, au lieu de se réjouir d’avoir
passé un bon moment, elle commence rapidement à s’inquiéter de ce qu’on a pu
penser d’elle. N’a-t-elle pas été maladroite avec celui-ci ? Trop familière avec celle-
là ? Quelle idiote d’avoir essayé de danser ! Elle les imagine bien, tous, riant derrière
elle de sa timidité, de sa gaucherie...
Trop ouverte
Clémence a tendance à être meurtrie dans ses amitiés. Elle ouvre grand son cœur dès
qu’une personne lui plaît, offrant toute sa confiance sans aucune précaution, proposant
des dîners, des sorties... Cela présente un double inconvénient : d’une part, elle est
inévitablement déçue parce que les autres ne se livrent pas autant, d’autre part certains
la trouvent trop enthousiaste et prennent du recul. Peu à peu elle s’est persuadée
qu’elle n’était vraiment pas intéressante et a renoncé à se faire des amis, s’isolant de
plus en plus.
Trop fermé
Patrick a énormément souffert, au collège, des attaques de ses camarades de classe qui
le jugeaient efféminé à cause de son goût pour la danse ; comme ses parents ne
l’approuvaient pas non plus et ne l’ont jamais soutenu, il a appris à dissimuler sa
véritable personnalité, ses goûts et ses désirs. Non seulement il s’est fabriqué une
carapace ultra-masculine très dure, mais il ne raconte rien de sa vie, de ses aspirations,
à quiconque. En conséquence, personne ne le connaît, et certains, mal à l’aise à cause
de son caractère renfermé, ont un jugement négatif à son égard. Le croyant méprisant,
ils se défendent de cette impression en le critiquant et en le traitant avec hostilité. Cela
augmente sa méfiance, sa conviction d’être détesté, ce qui l’incite à se renfermer
encore davantage. Le cercle vicieux est sans fin.
Caroline est tellement exigeante avec elle-même que rien de ce qu’elle entreprend ne
trouve grâce à ses yeux. Après un rendez-vous en clientèle, au mieux, elle est trop
occupée pour se critiquer et se lance simplement dans la préparation du prochain
entretien. Si quelqu’un veut la féliciter de la façon dont elle a géré la rencontre, elle se
trouble et tente d’éluder le sujet, par modestie. C’est frustrant pour son interlocuteur,
qui n’arrive pas à établir une vraie communication avec elle à propos de ses qualités.
Surtout, Caroline ne peut pas s’appuyer sur les critiques positives d’autrui pour
construire sa confiance en elle et ainsi, moins redouter les rendez-vous à venir.
Être son plus impitoyable juge
Comme nous l’expliquions au chapitre cinq, chez l’anxieux social, le
Parent interne n’est pas assez rassurant, il n’offre pas une aide
suffisante à l’Enfant effrayé. Dans de nombreux cas, c’est même
encore pire : le Parent aggrave le niveau d’angoisse par son regard
très critique sur nous-mêmes. On l’appelle alors le Parent Critique
interne, et il peut être redoutable. C’est lui qui est à l’origine de
l’exigence de perfectionnisme, et il peut devenir très destructeur
quand il suscite une auto-dévalorisation chronique. Il fonctionne
comme un petit juge impitoyable perché en permanence sur notre
épaule, qui étudierait nos moindres gestes et les condamnerait
presque tous, sous un prétexte quelconque.
Clémence supporte bien que sa maison ne soit pas impeccable. Dans la vie
quotidienne, son aimable désordre ne la dérange guère. Mais l’idée d’inviter du monde
chez elle la tétanise de peur, convaincue qu’ils seront dégoûtés par son « bazar » et la
trouveront souillon. Comme elle ne trouve jamais qu’elle a suffisamment rangé,
briqué, décoré son intérieur, elle préfère n’inviter personne. C’est un vrai handicap
pour sa vie sociale, car, pour ne pas se mettre en porte-à-faux, elle refuse toute
invitation, sachant qu’elle ne pourra pas recevoir à son tour. Ce cercle vicieux l’isole
de plus en plus, elle qui a tant besoin d’être entourée d’amis. Pour en sortir, elle doit
absolument cesser de croire qu’on va juger son intérieur.
Caroline, Josiane, Rachel sont des femmes plutôt jolies, aux cuisses un peu lourdes
assez typiques de la silhouette féminine. Malheureusement pour elles, l’allure de leurs
jambes ne correspond pas au stéréotype actuel de jeunes femmes filiformes. Le
sentiment que cela engendre chez elles va bien au-delà de la comparaison défavorable.
La perspective d’être vues en maillot de bain par les autres leur est difficilement
supportable, parfois au point d’éviter les piscines et la plage. Renoncer à ces situations
d’exposition peut paraître anodin, mais la souffrance morale que ces jeunes femmes
éprouvent si elles y sont confrontées est impressionnante : tout plutôt que de se
montrer avec sa honte !
*
***
Beaucoup de gestes ou d’attitudes quotidiens ne constituent pas à
proprement parler une cause d’anxiété, mais contribuent à aggraver
nos difficultés relationnelles. Imaginer des événements négatifs,
oublier de se protéger, se cacher excessivement des autres, être
trop exigeant vis-à-vis de soi-même, se juger et se croire jugé,
accepter les diktats de la société narcissique – tous ces mécanismes
participent de notre malaise face aux autres. Sans un terrain
favorable, ils ne suffiraient pas à créer un problème d’anxiété
sociale, mais sur un terrain fragilisé, ils entretiennent et souvent
majorent l’état de peur.
1. Ehrenberg, A., La société du malaise, Odile Jacob, 2010 et La fatigue d’être soi,
Dépression et société, Dunod, 2000.
Chapitre 9
Résumons-nous...
Exercice : et vous ?
1. Cette invitation vous surprend tellement que vous faites mine de ne pas
l’avoir entendue – d’ailleurs, elle s’adressait peut-être à quelqu’un
d’autre...
2. Vous êtes étonné(e) qu’on vous sollicite, et tellement mal à l’aise que
vous marmonnez à peine quelques mots avant de partir aussi vite que
possible.
3. Vous ouvrez de grands yeux et rougissez. D’autres peuvent faire cela,
mais sûrement pas vous ! Si encore c’était un tout petit bureau de vote
et si vous connaissiez tout le monde...
4. Ce serait sûrement intéressant, mais passer quelques heures avec tout ce
monde, ces gens un peu agités... Non, c’est trop difficile.
5. Vous hésitez, mal à l’aise... Oui, ce n’est pas impossible... Mais ça dure
combien de temps ?
6. Ah, vous êtes tenté(e)... C’est bien de participer à la vie de la
communauté, ce doit être intéressant. Mais pourvu que les gens ne
soient pas trop bruyants...
7. Ah oui, pourquoi pas ?... Sauf que vous aviez déjà prévu une sortie avec
des amis. Vous allez voir si vous pouvez les rejoindre un peu plus tard.
Ce sera sûrement sympathique de faire connaissance avec d’autres gens
– et avec un peu de chance vous arriverez même à les faire rire !
Pendant l’adolescence de Rachel, sa mère, prise d’une crise dépressive aigüe, s’est
suicidée. La maison, qui n’avait pas connu beaucoup d’animation auparavant, est
devenue plus déserte encore. Son père, en deuil, rentrait tard, sa sœur aînée s’attardait
au gymnase pour ses entraînements de judo, tandis que Rachel s’attelait seule à ses
devoirs dans le silence meublé par la radio. Quand son père s’est remarié, la jeune
belle-mère de Rachel a eu hâte que ses belles-filles terminent le lycée et quittent la
maison. Un bébé est né, puis Rachel et sa sœur ont obtenu leur Bac à une année
d’écart et se sont installées à Paris pour leurs études. Rachel a cherché un travail pour
subvenir à ses besoins, et son calvaire s’est intensifié : se présenter à des entretiens
d’embauche, même pour de petits boulots, la rendait malade de peur. À plusieurs
reprises elle a changé d’avis à la dernière minute et fait faux bond au recruteur.
Chaque fois qu’elle échouait ainsi elle se méprisait davantage. Un jour, trop effrayée
pour faire face mais trop dégoûtée d’elle-même pour le supporter, elle a avalé une
boîte de somnifères pour en finir.
Heureusement pour elle, une voisine a alerté les pompiers et Rachel a été ranimée puis
hospitalisée quelques jours. Ses parents l’ont accueillie pour quelques semaines et
l’ont encouragée à entamer une psychothérapie, qu’ils lui ont proposé de financer.
Rachel a ainsi débuté un long travail qui lui a permis d’abord de supporter son premier
emploi de vendeuse, puis de finir ses études et, peu à peu, de prendre place dans la
vie.
Jour après jour :Au quotidien, Rachel tend à se mettre dans des
situations qui aggravent son problème et l’enfoncent dans son
marasme, comme on le voit dans son circuit de scénario1 (cf.
tableau n° 3).
« Preuves »
d’incapacité,
Croyances Manifestations
entretenant
l’anxiété
« Preuves »
d’incapacité,
Croyances Manifestations
entretenant
l’anxiété
À propos d’elle-même Conduites Souvenirs anciens
observables
– Je suis incapable – J’avais
de faire face aux – Je ne dis pas tellement peur
gens. ce que je pense d’aller à l’école
– Je n’arriverai de peur de que j’étais
jamais à rien dans m’exposer. souvent malade
le vrai monde. – Quand on et restais à la
m’invite, maison.
– Je suis fragile
j’accepte – Ma mère me
psychologiquement.
l’invitation même reprochait d’être
– Je suis le genre si je n’ai pas froussarde et pas
qu’on n’aime pas. envie d’y aller, franche.
– Je ne vaux rien. puis si j’ai trop
– Au lycée, je n’ai
peur, je n’y vais
jamais été invitée
pas.
à une soirée par
– Je n’arrive pas les garçons.
à me rendre aux
entretiens
d’embauche.
– Je ne demande
jamais rien pour
ne pas avoir l’air
de quémander.
– J’ai fait une
tentative de
suicide.
« Preuves »
d’incapacité,
Croyances Manifestations
entretenant
l’anxiété
À propos des autres Vécu corporel Événements
actuels
– Ils sont plus – J’ai souvent le
courageux que moi. ventre – Tout le monde
– Ils me méprisent. douloureux, avec me donne des
des coliques. conseils comme
– Personne ne si j’étais trop bête
– Mon cœur bat à
perdra son temps à pour penser toute
tout rompre
m’aider. seule.
quand je dois
prendre la parole, – Des gens qui
mes mains m’avaient invitée
deviennent ne me parlent
moites. plus.
– L’autre jour en
cours, pour faire
mon exposé,
j’arrivais à peine
à parler, tout le
monde me
regardait en
rigolant.
– Les recruteurs
ne me
choisissent pas.
– Les voisins sont
froids avec moi.
« Preuves »
d’incapacité,
Croyances Manifestations
entretenant
l’anxiété
À propos du monde, Rêves et fantasmes
de la vie
– Dans mes
– On est toujours rêves je suis
tout seul au monde. souvent
agressée, parfois
– La vie est une
violemment.
suite de défis
terrifiants. – J’imagine
souvent des
situations où je
me ridiculise, où
on me rejette, ou
bien je reste
isolée.
– J’imagine que
je ne manquerais
à personne si je
meurs.
Dans toute cette deuxième partie, nous avons considéré que la peur
des autres provenait d’une combinaison de facteurs :
1. Pour bien comprendre cet outil, voir l’article originel d’Erskine et Zalcman : « Le circuit du
sentiment parasite : un modèle d’analyse »,Actualités en Analyse Transactionnelle, 12,
1979, p. 148-156, ou Classiques de l’AT, 1, p. 185-193 ; ou les ouvrages de Hawkes :
2003, « The tango of therapy : a dancing group »,Transactional Analysis Journal, octobre
2003, Vol. 33, n° 4, p. 288-301, Le cours de notre vie, l’analyse transactionnelle
aujourd’hui, La Méridienne – Desclée de Brouwer, 2007, 50 exercices pour l’estime de
soi, Eyrolles, 2009, « La mentalisation, une pensée qui contient »,Actualités en Analyse
Transactionnelle, Avril 2010, p. 24-41 ou Brécard et Hawkes : Le grand livre de l’analyse
transactionnelle, Eyrolles, 2008.
PARTIE III
Quelles solutions ?
« L’objectif du thérapeute est de permettre à son patient de reconstruire ses représentations
de lui-même et de ses figures d’attachement, afin d’échapper à la malédiction causée par les
malheurs d’antan et de reconnaître tout le potentiel de ses compagnons d’aujourd’hui »
John Bowlby1
La psychothérapie
Nous ferons une bonne place à la psychothérapie tout au long de
cette partie. Certes, de nombreuses personnes réussissent à bien
progresser seules, ou grâce à leurs amis. Malgré tout, on a souvent
besoin d’une aide professionnelle pour démêler les causes de notre
mal-être et trouver des issues, en élargissant le champ des
possibles.
1. Bowlby, J., A Secure Base : Parent-Child Attachment and Healthy Human Development,
Routledge, 1988.
« Mon Dieu, Donne-moi le courage de changer ce que je peux, La sérénité d’accepter ce que
je ne peux pas changer, Et la sagesse de distinguer entre les deux ».
Carl a toujours été quelqu’un de discret. Chaque fois qu’il lui coûte d’avoir à présenter
son travail lors d’une réunion, à appeler un client, il se répète : « j’aimerais avoir le
bagou d’un camelot sur les grands boulevards ». Or, rien n’est plus éloigné de lui ! Il a
besoin d’autres modèles, de trouver des exemples d’introvertis qu’il trouverait
estimables.
Faire la paix avec son tempérament est donc une étape-clef pour
vivre mieux et atténuer son anxiété. C’est tout l’esprit du livre
Introverti et heureux1, qui détaille comment transformer en atout une
nature souvent dévalorisée. De même, concernant les personnes à
haute sensibilité, Elaine Aron2 met en avant leur apport précieux à la
société. S’accepter signifie non seulement tenir compte de ses
points faibles pour les étayer, mais aussi reconnaître ses qualités,
s’appuyer dessus et les mettre en valeur.
Minna est une artiste représentée dans des galeries de trois capitales mondiales. À
vingt ans, pourtant, elle maudissait sa sensibilité, qui la faisait souffrir dans ses
relations : se sentant facilement blessée depuis l’enfance par les taquineries de ses
frères, elle s’était installée dans une timidité à fleur de peau, fuyant le contact avec ses
semblables, qu’elle trouvait trop brutaux. Longtemps elle s’est cantonnée à travailler
avec les bêtes – promener des chiens, nourrir des chats ou autres animaux domestiques
à domicile, etc. Durant cette période, son fort ressenti de toutes les émotions trouvait
un exutoire dans la peinture, à laquelle elle s’adonnait dans la solitude de son petit
studio. Jusqu’au jour où une amie lui a emprunté plusieurs tableaux qu’elle montra à
une galeriste ; ce fut le coup de foudre. Peu à peu Minna s’est laissée persuader de
peindre pour des expositions.
Sauvage, elle refusait au début d’apparaître aux vernissages. À présent elle s’y rend,
brièvement, et laisse son agent se charger de la plupart des contacts.
Carl reconnaît sa nature introvertie, mais ne se résigne pas à devenir un ermite. Avec
beaucoup de courage et d’entêtement, il a mis au point un programme progressif de
prise de contact avec ses amis. Refusant d’écouter ses réticences, il se force une fois
par semaine à téléphoner à une personne qu’il a envie de voir. Au début il lui a fallu
préparer la conversation au préalable, trouver des sujets à aborder car il craignait de ne
rien trouver à dire. Peu à peu cela est devenu plus naturel. Aujourd’hui, téléphoner ne
lui est toujours pas aussi simple qu’à un extraverti, mais il y parvient sans trop
d’efforts et ses amis apprécient ces contacts plus fréquents.
Après quelques années de thérapie, Rachel s’est choisi une vie professionnelle qui
respecte son tempérament introverti : traductrice littéraire, elle travaille seule la
majeure partie du temps. Parallèlement, pour conserver des contacts humains
réguliers, elle sort au moins une fois par jour faire une course, échanger quelques mots
avec les voisins qu’elle croise, les commerçants. Elle a aussi accepté d’assurer
occasionnellement des journées de formation pour une association, journées qu’elle
trouve à la fois stressantes et stimulantes. Cette difficulté contribue à sa qualité de vie,
non seulement parce que, ensuite, elle goûte davantage encore sa solitude, mais aussi
parce que ces contacts la sortent de sa coquille.
Des situations confortables pour vous : par exemple jardinage, lecture, dîner avec un
ami...
Les situations les plus difficiles pour vous (et que vous souhaiteriez vivre
relativement plus facilement) : par exemple faire un discours devant un grand
groupe, organiser une fête pour trente personnes, demander votre chemin à un
inconnu...
Des situations moyennement stressantes pour vous : par exemple prendre la parole
en réunion avec l’équipe habituelle, inviter vos trois amis préférés avec leurs
conjoints, téléphoner à une administration...
–
–
1. Commencez par multiplier les situations moyennes, pour vous donner des défis
possibles à relever.
3. Vous pourrez viser les situations difficiles une fois que les moyennes seront
devenues assez faciles. Mais ne tentez qu’une seule mise en situation difficile à la
fois !
Gardez toujours du temps pour récupérer dans une de vos situations confortables
(solitude, méditation, jardinage, jogging...).
L’apport de la psychothérapie
Le travail de psychothérapie présente au moins deux avantages :
d’abord, le point de vue du psychothérapeute, plus objectif que le
nôtre ou celui d’un proche ; ensuite, la relation d’accompagnement,
qui, en nous faisant nous sentir acceptés, nous aide à explorer des
pistes différentes de solutions à nos peurs. Le professionnel nous
aide à nous juger moins négativement et à tempérer nos ambitions
parfois irréalistes. Mieux vaut en effet ne pas accumuler les défis, ou
pas trop vite. Quand on dépasse un certain seuil, on risque en effet
de s’imposer un état de stress chronique qui réactive les tensions
internes et ne nous met pas dans de bonnes conditions pour oser
des expériences nouvelles.
*
***
1. OLSEN LANEY, Marti, Introverti et heureux, Paris, Les Éditions de l’Homme, 2005. En
anglais, le livre s’appelle « The introvert advantage », l’avantage des introvertis, ce qui est
un programme sympathique !
2. Aron E., Psychotherapy and the Highly Sensitive Person : Improving Outcomes for That
Minority of People Who Are the Majority of Clients, Routledge, 2010. Voir aussi le chapitre
six du présent ouvrage.
1. Terme proposé par Éric Berne dans son ouvrage Des jeux et des hommes, Stock, 1984.
1. Aron, E. N., Ces gens qui ont peur d’avoir peur, Éditions de l’Homme, 1999 (traduction de
The Highly Sensitive Person, Broadway Books, 1997), chapitre trois. Cette idée a aussi
été proposée en analyse transactionnelle dès les années 1980 par Muriel James dans
son article sur l’autoparentage : « L’autoparentage : théorie et processus », Actualités en
Analyse Transactionnelle, 29, 1984, p. 5-11, ou Classiques de l’AT, vol.4, p. 122-128.
Pierre affirme avoir vécu une enfance sans problèmes, malgré son entrée au
pensionnat dès l’âge de dix ans. À cinquante ans il vit seul, sans relations intimes,
sans amis proches auxquels se confier. Depuis plusieurs années une femme a pris de
l’importance dans sa vie, mais il est incapable de lui parler de lui, de ce qu’il ressent,
de ses espoirs et de ses peines. Ils se voient un ou deux week-ends par mois et leurs
conversations restent à un niveau assez impersonnel. Pourtant, il ne voit aucun rapport
avec ses expériences passées et estime n’avoir besoin d’aucune aide psychologique.
D’ailleurs, il ne se plaint de rien, à personne.
Un ancien stoïque
Rachel a longtemps vécu dans l’idée que sa mère l’avait méprisée. En effet, cette
dernière manifestait une préférence marquée pour Jackie, sa fille aînée, l’intrépide.
Bien sûr, même enfant, Rachel s’occupait de sa mère dépressive plus que cette
dernière ne prenait soin d’elle. Malgré cela, Rachel, avec ses craintes, se sentait un
peu minable. Il a fallu un long travail de psychothérapie pour qu’elle porte un autre
regard sur sa mère, enfermée dans ses propres peurs. Rachel a fini par comprendre que
c’est probablement leur ressemblance qui conduisait sa mère à se détourner d’elle,
tandis que sa sœur aînée avait son admiration. Cette nouvelle façon d’appréhender
leur relation a énormément apaisé Rachel. Au lieu d’avoir honte d’être ce qu’elle est,
elle se regarde désormais avec une affectueuse tolérance. Certes, elle aimerait être
aussi à l’aise et décontractée que sa sœur, mais sa nature introvertie et douce n’a rien
de honteux, comprend-elle maintenant.
Pour favoriser la prise de conscience de ce qui a pu vous marquer, vous aurez besoin
d’étudier les circonstances de votre enfance, éventuellement en vous aidant de photos
anciennes.
Quelles furent vos expériences favorables d’interaction avec les autres ? (famille
recevant de nombreux amis, parents vous apprenant à communiquer avec les
autres, enseignants qui vous comprenaient bien, frère ou sœur vous introduisant
dans un cercle de copains, rencontres importantes, accompagnement...)
Si vous avez conclu à des déficits importants chez vous, pouvez-vous à présent y lire un
autre sens ? (lié aux besoins de vos parents, à leurs exigences culturelles, à une
incompatibilité de tempéraments...)
L’apport de la psychothérapie
La psychothérapie ne peut évidemment changer le passé, mais elle
est le moyen le plus sûr de modifier la façon dont nous en sommes
affectés. Accompagnés par un professionnel qui nous accepte tels
que nous sommes, nous réussissons mieux à retrouver les
souvenirs éventuellement enfouis, ou minimisés. C’est là un des
aspects fondamentaux du processus de progression : souvent, en
effet, nous avons au contraire appris à banaliser ce que nous avons
vécu, à trouver le comportement des autres légitime et à imputer
tous nos problèmes à notre propre (mauvais) comportement.
Modifier l’interprétation que nous détenons de nos souvenirs nous
aide à réécrire notre histoire de vie.
*
***
C’est sur cette base que se fonde la « politique des petits pas » :
pour progresser (mais aussi pour ne pas s’enfermer dans une
répétition source d’ennui), nous avons besoin d’expérimenter des
choses nouvelles. Pour que celles-ci n’effraient pas trop l’Enfant en
nous, il vaut mieux avancer lentement. Nous devons trouver une
dose de stress juste, qui nous stimule sans nous déborder.
Par exemple, si l’on a peur de prendre la parole en public, il serait
cruel (envers l’Enfant en soi) et futile de s’imposer d’emblée une
conférence publique. Pour commencer, on peut faire un court
discours, préparé à l’avance, à ses deux meilleurs amis autour d’un
dîner à la maison. Ce qui implique :
Par exemple, si vous considérez que pour inviter des gens chez
vous, votre maison doit être absolument impeccable, vous devez
vraiment renoncer à cet idéal ! Sans basculer dans le contraire et
recevoir des invités dans un capharnaüm monstre, recherchez un
juste milieu, car si jamais vos invités étaient en effet effarouchés par
l’état de votre salon, vous utiliseriez cette réaction comme preuve
que vous êtes bien indigne d’attention.
Jacques a développé peu à peu sa capacité à dire son désaccord. Au début, il ne voyait
même pas en quoi certaines situations pouvaient être injustes envers lui, tant il lui
semblait normal que les autres occupent toute la place. Peu à peu, avec l’aide de son
thérapeute, il a pris conscience de ses propres droits ; avec son épouse, d’abord, puis
face à son chef, il a trouvé des moyens d’exprimer ce qui ne lui convenait pas lorsqu’il
s’estimait traité injustement. Aujourd’hui, il supporte même que l’autre le renvoie
dans ses buts, voire hausse le ton : il tient bon et continue d’affirmer son point de
vue !
Apprivoiser sa peur
Rachel, qui équilibre travail en solitaire et journées avec des groupes, continue d’avoir
peur à chaque veille de formation. Elle dort mal, persuadée de ne pas encore être
suffisamment au point pour intéresser son public. Cependant, sa crainte s’est déjà
atténuée, au bout d’un an. Les premières fois elle avait l’impression d’être au bord du
malaise, il lui semblait que la terre allait s’ouvrir sous ses pieds. À présent son stress
est moins fort et commence moins longtemps à l’avance. D’ici quelques années, elle
devrait donc ne plus trop s’inquiéter !
L’harmonie du corps
Les introvertis et les hypersensibles présentent la plupart du temps
une hypersensibilité corporelle, qui leur rend les sensations internes
et externes plus rapidement et plus fortement perceptibles qu’aux
autres. Cela entraîne souvent une hypervigilance aux signes de
modification, qui deviennent vite inquiétants. Certains
hypersensibles s’inquiètent d’être malades (jusqu’à l’hypocondrie,
parfois), dans d’autres cas, la sensation ainsi guettée peut
s’amplifier au point d’entraîner une crise de panique.
Pour se libérer de l’hypocondrie, les anxieux doivent apprendre à
atténuer l’interprétation négative inquiétante des signes, mais aussi
développer leurs ressentis de détente. Pour cela, il existe des
activités solitaires ou collectives, comme le yoga, le tai-chi, la
sophrologie, la méditation, la relaxation. On peut aussi,
individuellement, se faire masser, prendre des bains chauds, écouter
de la musique douce, aller se promener en contemplant les arbres...
Il est utile pendant ces moments de se dire que l’on s’entraîne à la
détente, de visualiser notre cœur, notre système nerveux qui
s’apaisent et deviennent de plus en plus calmes.
La tranquillité du samouraï
Ivan a compris dès l’adolescence l’intérêt de pratiquer le karaté. D’une part son corps
a acquis de la force, ce qui renforce sa confiance en lui dans ses rapports à autrui (non
qu’il veuille se battre avec les gens, mais il se sent fort, capable de se protéger) ;
d’autre part cette pratique, qui nécessite une grande concentration, lui permet de
calmer ses moments d’anxiété.
Manon, la jolie adolescente qui se sent mal à l’aise, aurait besoin de progresser dans
l’exercice de la conversation banale. Comme elle trouve futiles les bavardages de ses
camarades, elle s’isole et se sent à part. Si elle arrive à prendre du plaisir à discuter
avec les autres filles, elle s’intègrera plus facilement aux groupes de son âge.
Exercice : à essayer...
quels sont les sujets qui vous intéressent ? (politique, mode, domaine
social, éducation, people, cuisine, culture, etc.) ;
quelles occasions avez-vous de développer ces sujets ? (lectures, films,
conférences, etc.), – en pensant aux informations que vous avez retenues
et que vous aimeriez partager ;
avec qui aimez-vous discuter ? (votre voisine, votre collègue de bureau,
la maîtresse de votre fils, un commerçant de votre quartier...) ;
enfin, pour vous habituer, visualisez des discussions (que pourriez-vous
dire, comment développeriez-vous vos arguments, etc.).
Oser se dévoiler
Les personnes discrètes pensent ne pas être intéressantes,
imaginent qu’il serait très prétentieux de parler d’elles, ou encore
craignent de trop s’exposer en se dévoilant. Il est nécessaire
pourtant de surmonter ces réserves, d’une part parce que si nous ne
nous montrons pas, nous ne pouvons pas nous faire connaître, ni
nous faire de nouvelles relations ; d’autre part parce que les autres
se méfient parfois de ceux qui ne se révèlent pas du tout. Leur
méfiance les rend moins bienveillants à notre égard, ce qui
augmente ensuite notre peur (et le risque) qu’ils portent sur nous un
regard négatif.
Patrick se révèle
Après des années à se replier toujours plus sur lui-même, Patrick avait bien du chemin
à faire pour arriver à se laisser connaître. Il lui a fallu une longue psychothérapie pour
accepter cette idée et commencer à la mettre en œuvre. Il a commencé par choisir,
parmi ses collègues, la personne en qui il avait le plus confiance. C’est elle qui a reçu
ses premières confidences : elle a ainsi appris d’abord qu’il aimait la musique et
chantait dans une chorale ; la semaine suivante, que sa femme et lui cultivaient leur
jardin avec passion. Rassuré par sa réaction positive, Patrick a pu bientôt raconter les
mêmes choses, et quelques autres, à deux autres collègues. Peu à peu l’attitude de
l’équipe envers lui s’est modifiée, ses collègues ont commencé à l’accueillir plus
chaleureusement le matin, lui demandant des nouvelles de sa famille. Un an après le
début de ces révélations, Patrick se demande pourquoi il n’a pas commencé à se
dévoiler plus tôt !
Pour autant, on n’est pas obligé d’être transparent ! Chacun a droit à
son jardin secret, et l’honnêteté dans les relations n’est pas une loi à
appliquer sans discernement.
« Ridicule »
Magali s’est inscrite à un cours de théâtre d’improvisation pendant deux ans, et s’est
énormément épanouie, libérée. À présent, il lui est infiniment plus facile d’entrer dans
des salles pleines de monde. Souvent, elle n’y pense même pas. Et si elle commence à
s’interroger, elle peut se remémorer les règles d’un rôle à tenir en improvisation.
Grâce à ce cours, elle a par ailleurs pris conscience du fait que beaucoup d’autres sont
eux aussi mal à l’aise.
Patrick a commencé par s’inscrire au karaté, mais décidément, cette ambiance ne lui
convenait pas trop. Le côté « dur » le confortait, certes, dans son identité masculine, et
cette année de travail lui a fait du bien, mais ce qui a vraiment débloqué son côté
timide, c’est le handball. Patrick a fini par se rappeler qu’il avait adoré ce sport au
lycée. Il a déniché une équipe amateur près de chez lui, et en quelques mois, s’est
trouvé parfaitement intégré au groupe. On l’a invité à boire un verre au café après les
entraînements et il a accepté, quoiqu’un peu intimidé au début. Assez rapidement, il
s’est fait quelques amis au club et s’est senti bien plus détendu en compagnie des
autres. L’impression qu’on se moquait de lui s’est faite de plus en plus rare, et il a pris
l’habitude d’interagir avec spontanéité avec ses coéquipiers, de plaisanter même. Sa
femme lui en a d’ailleurs fait la remarque un soir, au retour d’un dîner chez un couple
d’amis : « Tu deviens un vrai boute-en-train, je ne te reconnais plus ! ».
*
***
1. Selye, Hans, Stress sans détresse, La Presse, 1974. Le stress est la réaction de
l’organisme à un événement ou à une situation difficile, qui entraîne une cascade de
réactions physiques (production de cortisol et d’adrénaline, accélération du rythme
cardiaque, contraction des muscles, etc.).
1. Brécard, F., 50 exercices pour dire non, Eyrolles, 2009 et Le Guernic, A., Sortir des
conflits grâce à l’AT, InterÉditions, 2003 (pour se rassurer sur la possibilité de s’opposer
sans nécessairement provoquer de grands conflits).
1. Pour ceux qui lisent l’anglais, une explication de ses avantages dans un groupe
thérapeutique est proposée dans l’article de L. Hawkes, « The tango of therapy : a
dancing group », Transactional Analysis Journal, octobre 2003,Vol. 33, n° 4, p.288-301.
On trouvera aussi une présentation intéressante de cette danse chez Christophe Aprill :
Tango, le couple, le bal et la scène, Autrement, 2008.
Vous savez à présent à quel point il est important, quand on est anxieux
social, de travailler sa confiance afin de surmonter ses peurs. Le but de cet
exercice est de vous y aider, en renforçant votre Adulte et votre Parent
nourricier, comme le conseille l’analyse transactionnelle. Vous pourrez
alors poser un regard bienveillant et rassurant sur vos propres peurs, et ainsi
apprendre à mieux gérer votre anxiété dans les situations vous confrontant à
un éventuel jugement d’autrui.
Prenons l’exemple d’une présentation écrite que vous devriez rendre à votre
supérieur hiérarchique. Il vous a confié un travail important : face à l’enjeu
vous êtes rattrapé(e) par vos angoisses, paralysé(e) devant la tâche à
accomplir, convaincu(e) d’être condamné(e) à l’échec. Pas à pas,
réconfortez-vous en mobilisant votre Adulte et votre Parent nourricier.
1. Rassurez-vous sur vos compétences. Faites un planning des tâches à
effectuer. Prenez conscience qu’avec une bonne organisation, c’est un
travail réalisable dans les temps et que vous êtes capable de le mener à
bien : si votre supérieur vous a confié ce projet, c’est qu’il vous
considère apte à l’assumer. En faisant appel à l’Adulte pour faire cette
évaluation rationnelle, endiguez les craintes galopantes de l’Enfant,
facilement angoissé de ne pas être à la hauteur.
2. Observez votre entourage (ici professionnel), et sélectionnez parmi vos
collègues une personne qui vous semble bien gérer son stress dans le
cadre de son travail. Comment se comporte-t-elle ? Quelle est son
attitude vis-à-vis d’elle-même ?
Vous constaterez probablement que cette personne adopte un
comportement apaisé et porte un regard indulgent sur elle-même : elle
ne s’invective pas, ne se blâme pas – de « ne rien faire » par exemple ;
ne se prive pas de « pause café » ou de week-end pour travailler plus ;
elle garde à son bureau une posture sereine, qui lui permet de se
concentrer. Prenez modèle sur elle et essayez de reproduire ses attitudes
à votre propre égard. L’objectif est de renforcer votre Parent
Nourricier : parlez-vous avec patience et bienveillance plutôt que de
vous abreuver de reproches et de condamnations. Vous n’arriverez pas à
tout appliquer en même temps, alors choisissez deux ou trois points qui
vous paraissent importants et apaisants, puis mettez-les en œuvre.
3. Si vous sentez l’affolement vous envahir et vous ôter vos moyens, vous
empêchant de travailler, prenez le temps d’un exercice de relaxation.
– Fermez les yeux afin de mieux vous concentrer. Avant l’exercice,
prenez soin d’expirer à fond plusieurs fois en poussant quelques
soupirs pour chasser les derniers restes d’air.
– Fermez la bouche, inspirez de l’air par le nez, sans contracter les
épaules, qui doivent rester bien basses. Vous ne devez gonfler que le
ventre. Expirez ensuite lentement et profondément, en rentrant
progressivement le ventre...
– Inspirez à nouveau en gonflant bien le ventre... Enfin, soufflez une
dernière fois par la bouche toujours lentement, en rentrant bien le
ventre.
Renouvelez l’exercice deux ou trois fois, jusqu’à ce que l’angoisse
reflue. En respirant ainsi, vous augmentez l’oxygénation de votre corps
et vous régularisez votre rythme cardiaque, ce qui diminue votre niveau
de stress. Vous pouvez pratiquer la respiration abdominale chaque fois
que vous le souhaitez : en voiture, en vous promenant, dans une file
d’attente.
4. Pratiquez la visualisation positive. Prenez un moment au calme – par
exemple quand vos collègues s’absentent pour déjeuner – installez-vous
confortablement et veillez à ne pas être dérangé(e), puis répétez-vous
un discours intérieur de Parent apaisant : « Tu es capable de... », « Tu
vas réussir à... », « Tu es sur la bonne voie, continue... ».
Au besoin, vous pouvez dire votre « mantra » à haute voix pour lui
donner plus de force.
Vous pouvez faire le même exercice chez vous, devant la glace, et/ou
compléter votre discours intérieur par un pense-bête, sur lequel vous
notez votre phrase, que vous gardez à portée des yeux pendant la
journée.
5. Donnez-vous le droit à l’erreur ! Si votre présentation n’est pas parfaite
du premier coup, votre chef formulera des commentaires critiques : ne
vous braquez pas, ce sont des remarques constructives, elles ne
signifient pas que vous avez échoué... Reprenez votre copie, et corrigez-
la d’après les conseils reçus. Mission réussie, vous avez mené votre
projet à bien !
Vous pouvez adapter cet exercice à toutes les situations qui vous
angoissent : affronter une discussion personnelle stressante, affirmer votre
opinion en réunion de travail, vous présenter à un entretien d’embauche...
Dans ces cas-là, votre première étape consiste à établir la liste de vos
arguments ou de ce que vous souhaitez exprimer : cela vous permet d’être
au clair avec vous-même et de structurer votre pensée. En cinquième point,
donnezvous du temps : si vous n’avez pas réussi à faire passer toutes vos
idées ou vos sentiments, dites-vous qu’une autre discussion viendra
compléter la première, ce que vous venez de faire n’a pas été inutile ! Les
autres étapes s’adaptent directement à un environnement familial ou amical.
*
***
« On peut parler de “bon fit” lorsque les exigences et les attentes des parents et de
l’entourage proche sont compatibles avec le tempérament de l’enfant, avec ses capacités et
autres caractéristiques. Dans ce cas, l’enfant aura probablement un développement sain. »
S. Chess et A. Thomas1
Une recherche citée par Beidel et Turner1 suggère que les garçons
élevés par des parents durs deviennent ensuite moins timides que
ceux élevés par des parents sensibles à leurs besoins. Endurcir
l’enfant constitue certes une voie possible... mais à quel prix ? Les
schémas des « soldats » et de la « cité », en début d’ouvrage,
donnent à penser qu’un garçon traité ainsi risque grandement de
développer des murs psychologiques épais derrière lesquels il
cachera son ressenti inquiet, parce que jamais suffisamment rassuré
ou même accepté par ses parents. Combien de femmes, plus tard,
s’arracheront les cheveux, à tenter de faire s’exprimer leur conjoint,
qui aura enterré tous ses soldats au quatrième sous-sol de son
château-fort, savamment protégé ! Ces hommes sont en général à
leur tour des pères incapables de douceur et de compréhension
envers leurs enfants, et le cycle se perpétue.
Quand des parents ont honte d’eux-mêmes (de leur culture, de leur
situation sociale...), leurs enfants risquent d’éprouver également ce
sentiment, qui entraîne à son tour une anxiété sociale. Il arrive
également que des parents incitent, plus que fermement, leur
progéniture à étudier pour réussir et prouver leur valeur : cela peut
aider l’enfant, mais aussi lui donner l’impression qu’il ne vaut rien s’il
n’est pas le meilleur. Quel que soit votre milieu, laissez-lui toujours
une marge de liberté pour décider de ses propres objectifs de vie
(études, métier...).
Donald
La mère de Donald ne supportait pas l’idée que son fils se heurte à la méchanceté de
ses camarades de classe. Pour l’en protéger, elle l’a changé plusieurs fois d’école, l’a
encouragé à se réfugier à la maison, dans les livres ou auprès d’elle, qui l’écoutait
toujours patiemment. Son père, n’osant contredire sa femme, ne s’est pas interposé
pour inciter Donald à affronter les autres enfants, à leur tenir tête. Donald s’est replié,
assez naturellement, dans le confort de la famille, ce cercle où il était si bien compris
et accepté. N’ayant jamais appris à supporter les aléas des relations humaines ni à
tisser des liens, Donald s’est trouvé très isolé à l’âge adulte. À trente ans, il n’a
toujours pas de cercle de copains, ni de petite amie. Ses parents composent
l’intégralité de son univers.
Cet exemple est extrême, et il est bien rare que les enfants ne se
débrouillent pas pour faire quand même leurs expériences, au moins
à l’école. Ils arrivent souvent à trouver au moins un gentil camarade,
qui devient leur confident et leur meilleur ami. Attention, cependant,
aux sirènes de la famille trop protectrice, au cocon si rassurant qu’il
ne semble pas nécessaire de se risquer au dehors !
En tant que parent, votre rôle est d’encourager les talents de votre
enfant, quels qu’ils soient et en dépit des stéréotypes, notamment
sexués. Gardez en tête que ce qui importe, pour son
développement, est sa réussite dans un domaine, afin qu’il se
prouve sa valeur. Peu importe le domaine, pourvu qu’il s’y
épanouisse...
*
***
1. Kagan, J., Galen’s Prophecy :Temperament in Human Nature, Westview Press, 1997.
1. Beidel, D.C. et Turner, S.M., « The natural course of shyness and related syndromes », in
Extreme Fear, Shyness and Social Phobia, Schmidt, L.A. et Schulkin, J. (sous la direction
de), Oxford University Press, 1999.
1. Beidel, D.C. et Turner, S.M., 1999, p. 211. D’après eux, les parents hautement sensibles,
adaptant totalement leurs propres comportements aux besoins de l’enfant, ont tendance à
favoriser chez leurs fils un comportement inhibé.
1. Arcus et coll., 1992, cités par Park, S.Y., Belsky, J., Putnam, S. ET Crnic, K., « Infant
emotionality, parenting and 3-year inhibition : exploring stability and lawful discontinuity in
a male sample », Developmental Psychology, 1997, 33, p. 218-227.
Dans un club de sport, j’assiste à la rediffusion d’un épisode de la célèbre série « Ally
McBeal ». Il y est question d’une femme souffrant d’un trouble dissociatif de la
personnalité, communément appelé « dédoublement de personnalité ». Cette femme
est partagée entre Helen, sa personnalité d’épouse douce et aimante, qui peint, écrit
des poèmes, et souffre de phobie sociale ; et Helena, sa personnalité de femme
d’affaires redoutable, qui veut divorcer parce qu’elle s’ennuie avec le mari qu’aime
tant Helen. Helen aurait créé Helena pour se donner des forces et parvenir à affronter
le monde. Cette double personnalité a tourné au cauchemar : quand elle est Helen, elle
craint Helena ; quand elle est Helena, elle méprise Helen. Chaque facette veut
éliminer l’autre. Dans un vibrant plaidoyer, l’avocat défendant la partie Helen affirme
que, si cet aspect-là est moins productif qu’Helena la « gagnante », moins dans l’idéal
américain, il est tout aussi précieux, avec sa contribution artistique et aimante.
*
***
1. Ledoux, J., Neurobiologie de la personnalité, Odile Jacob, 2003 et Goleman, D., Social
Intelligence, the New Science of Human Relationships, Random House, 2006.
Annexe 1
Les psychothérapies
La psychothérapie est un travail sur soi accompagné d’une personne
dûment formée1, qui vous aide à comprendre ce que vous vivez et à
desserrer l’étau de votre mal-être, parfois à changer de façon
drastique, pour augmenter votre degré de liberté. Il existe différents
types de thérapie2, qui conviennent plus ou moins bien à chacun.
Voici quelques informations pour vous aider dans votre choix.
La psychothérapie de groupe
Comme nous l’avons vu au chapitre treize, cette modalité est
spécialement intéressante pour traiter les problèmes de relation.
Quand la peur des autres est grande, toutefois, il peut être
nécessaire de commencer par des séances individuelles, au moins
jusqu’à ce que la relation avec le thérapeute constitue une base de
sécurité. Ensuite, le fait de se retrouver régulièrement avec des
personnes à la fois honnêtes et bienveillantes permet généralement
de bien apprivoiser ses nouvelles relations avec les autres.
1. Les formations peuvent inclure des études de psychologie ou une spécialisation médicale
de psychiatrie, mais d’une façon ou d’une autre, il est nécessaire d’avoir appris à identifier
les problématiques et travailler avec les patients, d’avoir suivi une thérapie personnelle
approfondie, et de faire superviser régulièrement son travail par un collègue expérimenté
(même si on est soi-même chevronné).
2. Voir l’excellent ouvrage d’Edmond Marc : Guide pratique des nouvelles psychothérapies,
Retz, 1982.
1. On pourra consulter par exemple les sites de la FF2P, de l’AFFOP, du SNP Psy, dont les
adresses url figurent à la fin de la bibliographie.
Tempérament : hypersensible.
Tempérament : normo-sensible.
Tempérament : introverti.
Tempérament : hypersensible.
Tempérament : introvertie.
Rachel (p. 18, 23, 37, 54, 89, 121, 142, 149, 154, 172, 182,
193, 216)
Vingt-deux ans (environ trente en fin de thérapie), célibataire.
Problème actuel : Elle craint tellement de trop peser sur les autres
qu’elle évite tout contact prolongé. Invitée pour le week-end par des
amis ou même sa famille, elle s’attarde rarement plus de vingtquatre
heures, convaincue de devenir gênante si elle s’éternise. Même
dans une simple conversation, sitôt qu’elle a dit une ou deux
phrases sur elle-même, elle se sent nerveuse, inquiète, et renverse
vite la tendance en questionnant son interlocuteur. Elle n’aime pas
son physique et ne parvient pas à rencontrer un partenaire.
Ouvrages
AINSWORTH, M., « Social development in the first year of life :
maternal influences on infant-mother attachment », in J.M.Tanner
(sous la direction de) Developments in Psychiatric Research,
Tavistock, 1977.
ALLAIS, J., Au cœur des secrets de famille, Eyrolles, 2008.
ALLPORT, G., Pattern and Growth in Personality, Holt, Rinehart &
Winston, 1962.
Ces gens qui ont peur d’avoir peur, Éditions de l’Homme, 1999
(traduction de The Highly Sensitive Person, Broadway Books,
1997).
The Highly Sensitive Child, Broadway Books, 2002.
Psychotherapy and the Highly Sensitive Person : Improving
Outcomes for That Minority of People Who Are the Majority of
Clients, Routledge,2010.
CYRULNIK, B.,
EHRENBERG, A.,
GOLEMAN, D.,
HAWKES, L.,
2003, « The tango of therapy : a dancing group », Transactional
Analysis Journal, octobre 2003,Vol. 33, n° 4, p. 288-301.
Le cours de notre vie, l’analyse transactionnelle aujourd’hui, La
Méridienne – Desclée de Brouwer, 2007.
50 exercices pour l’estime de soi, Eyrolles, 2009.
« La mentalisation, une pensée qui contient », Actualités en
Analyse Transactionnelle, Avril 2010, p. 24-41.
KAGAN, J.,
Film
Denise au téléphone, 1995, de Hal Salwen.
Sites Internet
www.phobiesociale.org : une mine de renseignements utiles sur le
sujet.
L’analyse transactionnelle
www.editionsat.fr : pour les articles des Actualités en Analyse
Transactionnelle (on peut désormais acheter en ligne, non
seulement les numéros passés, mais s’ils sont épuisés, les articles
sélectionnés en format PDF) et les Classiques de l’Analyse
Transactionnelle, qui sont des recueils d’anciens articles.
www.ifat : le site de l’association française d’analyse
transactionnelle, notamment pour trouver un praticien certifié.
www.tipi.fr