Vous êtes sur la page 1sur 76

Sagesses francophones

Poésie
(Jamal Otmani)

Captivité mentale
Oiseau de lumière,
Qui brille, luit et scintille
As-tu compris ?
Tu es pris,
Dans ce filet sans fil,
Tu es pris
Tu y es compris.
Las, lassé
Dans le lacet
Dans le lasso
Tu es pris
Hélas ! C’est le sort !
Et chaque erreur a son prix.

Tel un rat criant dans la ratière


Cloué, collé, dans le collet
Malgré
Tes cris plaintifs
Et tes plumes dorés …
Nasse sans trame, Rets sans tresse,
Lacs sans résistance,
Lacet sans consistance,
Sans puissance
Hormis ton
Labyrinthe sans existence,
Tu te débats, sans cesse,
Dans le trébuchet
Tu trébuches
En vain, en vain…
* * *
Dans ce flot,
Coulant sans eau,
Courant sans air,
Le poisson doré s’en va,
Tourne en rond,
Emporté,
A vau l’eau,
A vau l’eau.
Parcours,
Chemin sans retour,
Chemin sans contour,
Détours, détours, détours
* * *
Etincelle, brin de lumière
Conscience émergée dans l’inconscience
Perdue dans l’insouciance
Sans forme ni substance
Dans le tourbillon
De la tornade
Fait la boucle, tourne en rond
Le rond est creux
Illusion, délusion
* * *
Jeu de miroirs
Qu’est-ce qui est dedans ? Qu’est-ce qui est dehors ?
Le noir dans le blanc, et le blanc dans le noir
Qui tire vers le haut est tiré vers le bas
Tu t’envoles un moment
Puis, désespéré, tu te laisses choir
Tu te laisses choir.
* * *
Dans une goute tu te noies
Dans un point tu t’égares
Dans un trait tu te perds
Dans cette prison sans mur
Collé, moulé, foulé !
Ô prisonnier, tu es le geôlier !
Et ton crime est ta propre peine
Petit homme,
La petitesse va à l’infini
Comme la grandeur
La hauteur est sans borne
Telle la profondeur.
Ouezzane 2020

Survenance
Je ne suis jamais venu ici
Mais me voici déjà ici
Je n’ai jamais cru au miracle
Jusqu’à ce qu’il m’ait bouleversé
A ce moment seulement j’ai réalisé
Comment ça se fait
Que le savoir sort de l’insu
Et la conscience de l’inaperçu
Et le pouvoir vient de l’impuissance multipliée
Que l’existence sort du néant replié puis déplié
Que le futur nait du passé dépassé et repassé
Et que la sagesse frôle la folie pour finir par la surpasser.
* * * *
Je n’ai pas cru pouvoir oser
Jusqu’au moment où j’ai osé
Ce qu’on ne peut imaginer
Bientôt, on saura bien que c’est le vrai.
Je n’ai jamais cru y arriver
Et le voilà qui est déjà fait
Je n’ai jamais voulu venir ici
Et me voici qui suis ici.
Je ne l’ai jamais cru
Je l’ai vu
J’avais peur de le toucher
Je ne veux point y renoncer.

Ouezzane, septembre 2019


Sacrées couleurs
« L’homme est la mesure de toutes choses.» (Protagoras)

Quand le corps humain laisse tomber sa robe sacrée,


Plus rien ne sera vu comme sacré.
Quand l’éclat sacré de la couleur du sang humain s’éteint et
devient pâle et délavé,
Rien au monde ne saura continuer d’être sacré
Et la lumière secrète ne circulera plus en aucun objet.
Aucune cloche ne sonnera plus que faux
Et les joyaux deviendront cailloux.
Quand le cœur cesse de voir partout le sacré
Rien n’est plus sacré
Car tout, en fait, est trempé dans l’unique sacré
Et si tu en retires un,
Il n’y aura plus rien.
* * *
Quand l’âme humaine perd sa valeur
Rien n’aura plus de valeur
Et ceux qui n’ont aucune valeur
Commence à dicter que la vie humaine n’a aucune valeur
Que l’âme humaine n’a aucune valeur,
Qu’il n’y a pas d’âme, qu’il n’y a pas de valeur.
Ouezzane, juillet 2019

Plante monocarpique
Drôle de floraison annonçant la mort

Plante à floraison unique,

Pourquoi ne donnes-tu qu’une seule fleur

Durant tout le périple de ton existence ?

Plante monocarpique,

Pourquoi ne fleuris-tu que juste avant de mourir

En laissant dans ma mémoire volatile ce dernier beau souvenir

Ta fleur, tel un sourire, d’une belle agonisant

En accouchant d’un bel enfant

Heureuse d’avoir transmis

Le secret, le souffle et la flamme de la vie

Tu laisses tes successeurs et, mission accomplie,

Tu t’en vas te reposer

Telle une athlète dans une course de relais

Ayant réussi

A transmettre le témoin

Epuisée, elle se laisse tomber,

Par une joie, par ce trophée

Tu clôtures ton cycle de vie.

Plante monocarpique,

ne fleuris qu'une fois avant de mourir

avant de disparaître par épuisement complet de ses ressources, mais en


ayant fait mûrir des milliers de graines.
être gardées en vie après la floraison si les fleurs sont enlevés aussitôt
après l'éclosion, avant que la formation des graines ne commence.

Ouezzane 2021

La foi
Il faut que tu fasses cela pour être croyant !

Et il faut que tu sois croyant pour faire cela !

Le moyen est la fin et la fin n’est rien d’autre que le moyen :

Agir est une fin en soi,

Car la foi est une fin en soi.

Oui, c’est drôle mais c’est bien cela !

Et il faut être croyant pour croire cela !

Car il faut croire pour comprendre cela

Et on ne peut comprendre cela

Qu’en vivant cela,

Qu’en étant cela,

Il est impossible de le voir

Si ce n’est en commençant par le croire.

Il faut chercher pour trouver, dit-on

Mais, ici, il faut trouver pour savoir quoi chercher, comment chercher et où
chercher

* * * *

Il faut le faire pour croire

Et il faut croire pour le faire

D’où la transcendance

D’où le courage

D’où la constance

D’où la clairvoyance
D’où le passage.

Ouezzane, juillet 2019

Perdre la foi

Perdre la foi

Et tout s’écroule

Beau, Bon, Juste et Vrai

Sens dessous-dessus

Tout s’évapore

Tel un rêve d’éther

S’installe l’absurde

Au visage vide et moche

Spleen et dégoût,

Désespoir et mélancolie.

Qui n’a pas de foi n’a pas de loi

Ouezzane 2022
Des gens heureux
J’ai rencontré des gens,
Sans nom, sans renom
Sans enfants, sans femme, sans compagnon
Dans une chaumière ou dans un cabanon
Sans biens, sans argent
Sans amour et sans passion
Tout fait dire qu’ils ont du guignon
Ni remords ni sentiments
Ni engouement ni ambition
Pas d’idée, pas d’opinion
Impécunieux, laborieux, besogneux
Ils ont tous pour être malheureux
Pourtant, cependant, néanmoins et nonobstant
Ils sont bel et bien heureux, bienheureux.
Inglorieux mais radieux
Ni prestigieux, ni précieux
Mais oublieux et insoucieux
Et surtout, ils ne sont point anxieux, ni haineux ni rancuneux
Ni capricieux, ni acrimonieux, non plus.
Car le bonheur est une question d’humeur, surtout et avant tout.
Heureux est qui est harmonieux
Pondéré et mesuré
Ni envieux, ni furieux
Sobre, simple et tempérant
Savourant tout ce qui est bon
Appréciant tout et reconnaissant
Voulant le bon et non le mieux
Ne cherchant jamais le plus coûteux, le plus curieux.
Ne portant pas trop loin leurs yeux.
Et j’ai vu des gens encore plus heureux
Mille fois plus heureux
Sans moyen, sans truchement
Mais seulement
Leur conscience était sans cesse et tout le temps
Avec Dieu,
Jouissant de la présence de l’Omniscient, le Tout Clément.

Kénitra, Juillet 2022

La Joie
Pas besoin de chercher le pourquoi

C’est une fin en soi

Faites-vous-en une fois

Les semblables viendront en convois

Refusez-en les plus petites, les plus banales

Et voilà en plein désarroi,

Vous voilà aux abois

Et le monde autour de toi

Est aussitôt rempli d’effroi.


* * * *

La joie est un choix

Professez cette foi

Car même la foi est une joie

Une joie qui pousse, croît et verdoie.

Au-delà du moi et du non-moi,

Il y a le soi

Or, le Soi est Joie

Au-delà du quoi et du pourquoi

Sereinement, brille la joie dans la foi

Et les lumières de la béatitude dansent en émoi

Et mille sublimes voix

Chantent l’hymne sacré de celui qui croit

A la sainte loi de la foi

Qui est au fond une joie

Supérieure à toute autre joie.

* * * *

Que le règne de la joie soit

Que la joie soit

Ton devoir et ton droit

En ce que tu dis, en ce que tu conçois

Dans ce que tu donnes ou tu reçois

Dans ce que tu entends ou ce que tu vois

Dans ce que tu manges ou bois.

En ce qui choit, en ce qui échoit

Que la joie soit

Ton don et ton exploit

Ton lit et ton toit.


Vois le Beau dans chaque recoin, à chaque endroit

Vis la joie

Qu’elle vous accompagne, qu’elle vous couvre, qu’elle vous côtoie

Tout ce qui n’est pas joie est inadéquat

Tout ce qui n’est pas joie est discourtois

Tout ce qui n’est pas joie est un surpoids

Une vie sans joie est de mauvais aloi

Serait-ce celle des grands rois.

La joie nettoie

Par elle, avec elle tout chatoie

Il n’y a pas de bien sans joie

C’est le feu d’artifice, c’est le ressort, c’est la Bonne Voie

Quand la vraie joie parle le Mal se tient coi.

Vivre selon la loi de la joie,

Cherchez-la partout

Trouvez-la partout

Allez vers elle, ne tournez pas, c’est tout droit.

Ouezzane, 1er janvier 2020

Fruitages
J’aime les fruits trop mûrs,
Non qu’ils soient plus tendres ou plus sucrés,
Ni à cause de leur goût prononcé
Bien qu’ils soient raidis, mélancoliques et asséchés,
Mais parce qu’ils me rappellent mon propre sort
Ils sont à bout de leur mission
Et vont bientôt quitter ce monde tragique et enivrant.
* * * * *
Ces fruits chétifs, je les aime
Même rabougris et aigrelets
Déformé ou mal conformé
Par compassion, par pitié
Mon cœur s’est toujours penché
Vers le côté où se trouvent les faibles,
Les petits et les mal lotis.
* * * *
Fruits aigres, fruits amers, fruits sucrés
Chacun a son goût et ses petits secrets
Ils sont tous sacrés pour un regard sacré
Porteurs de vie, tout est fruit
La fleur est fruit en devenir
Le fruit est une forêt en miniature
Tous les bons actes sont de bons fruits
L’amour est fruit
Qui propage la vie est fruit
Protéger la vie est fruit
Nourrir la vie est fruit

* * * *
Fruits piqués
Je vous ai toujours estimés
Comme moi, vous avez porté votre mal et su résister
Au nom de ceux que vous nourrissez et avez nourris
Je vous bénis !
Des goûts, j’aime les amers
Des couleurs, je préfère les éteintes : les fanées, les passées.
* * * *
Et les fruits, décomposés, corrompus, pourris ?
Fruits déprimés, fruits périmés ?
Tombés par terre, foulés des pieds
Jetés, maltraités, malmenés
Je vous aime tant, Je vous aime aussi
Non à cause de l’alcool,
Non à cause des bactéries
Ils me sont préférables
Rien n’est stable
Tout est pourris ou pourrissable
Et je suis toujours fidèle aux parias, aux Intouchables, aux opprimés.

Ouezzane, juillet 2019


Pessimisme ?
Ou je suis trop pessimiste ou ce bas monde va trop mal ?

Malheureusement les deux propositions sont vraies.

* * * * *

Suis-je colérique, furieux, fulminant ?

Ou cet ici-bas déborde et pullule de frustrations et d’Injustices ?

Malheureusement les deux propositions sont vraies.

* * * * *

L’Horizon est sombre, ou suis-je complètement myope ?

Le fardeau est-il trop lourd, ou mes épaules sont-elles trop faibles ?

Le breuvage est amer, ou souffrirais-je d’une altération du goût ?

* * * * *

Est-ce que je suis trop anxieux

ou que cette vie terrestre serait une ombre perdue dans les ténèbres et que
vivre serait trop risqué ?

* * * * *

Après avoir mûrement réfléchi,

Je ne vois que trop clair que les deux points de vue ne sont vraiment que
très vrais

Et que le mieux est de s’abstenir de réfléchir sur les vérités troublantes.

Ouezzane, juillet 2019


Hymne aux ratés
Avec les ratés, tous les ratés

Les bons à rien, les foutus, les losers

Les perdants, les défectueux, les mauvais

Les parias, les perdus, les recalés, les bons à jeter

Ceux qui n’ont rien pigé

Ceux qui n’ont rien gagné

Ceux qu’on regarde du coin de l’œil

Et on lave les mains après les avoir regardés.

Ceux qui fouillent dans les poubelles pour chercher quoi manger

Ceux qui font pitié,

Ceux qui demandent ou méritent la charité

Ceux dont l’odeur fait éternuer

S’ils passent à côté ou de l’autre côté

Ceux qui ont perdu leur fortune,

Ceux qui n’ont pas saisi l’occasion ni par la queue ni par les cheveux,

Ceux qui n’ont pas fait d’effort ou refusé les règles du jeu

* * *
Vous les ratés,
Recalés, repoussés, refoulés
Qui ont failli surmonter
Qui ont beau essayer
Ou ceux que, au dernier instant,
la chance aurait abandonnés
Ceux qui après avoir tant résisté
Ont craqué, ont lâché
Ceux que les tentations, telles des sirènes,
Ont fait, dans les gouffres de détresse, sombrer
Ceux qui étaient sur le point de franchir
Puis, soudain, sont tombés.

Hymne à tous les ratés


Sans nom, sans renom
Qui sans classe, qui sans race
Qui sont passés sans laisser de traces
Qui ont vécu en silence, qui ont quitté en silence
Qui sont arrivés un quart d’heure plus tard
Ou qui sont partis un quart d’heure plus tôt
Qui sans chance et sans éloquence
Sont venus en silence et sans partis en silence
Sans fanfare, sans honneur,
Sans conférences, sans éloquence.
Honneur à qui ne cherche point l’honneur
Honneur à ceux qui n’aspirent point au bonheur
Honneur à qui s’en fichent du bonheur
Qui méprisent la grandeur
Qui embrassent le malheur
Honneur à qui pour qui le plus grand plaisir est de ne
souffrir guère d’intense douleur.
Célébrons ceux qui n’ont jamais été célébrés
Ceux qui ne veulent point être célébrés
Ceux que n’excite
ni richesse trompeuse ni vaine réussite.
Célébrons les âmes simples, les esprits simples,
Cela mérite
Toute condition humaine, n’est-elle pas - à bien regarder -
si petite ?
Et toute vie, qui tourne en rond, sans transcendance, sans
ultime but
Sans fin au-dessus d’elle-même, en dehors d’elle-même
n’est-elle pas ratée, mesquine et piètre ?

Ouezzane, juin 2020


Avoir ou ne pas avoir ?
Nous avons tout sauf le bonheur

La main dans la main, mais sans amour

Rapprochés, serrés, mais nulle chaleur

Nous n’avons rien, D’où vient cette douleur ?

Emotions
D’abord ? Commence d’abord par pardonner à tous
Oui, à tout le monde
Afin que tu puisses te pardonner
Une seule petite exception, et te voilà incapable de te pardonner
Et sans te pardonner, comment oseras-tu demander pardon,
Ni au Seigneur du Pardon ni au commun des pécheurs ?
* * * * *
La peur ? Que vaut l’Homme sans la peur ?
Que vaut la vie sans la peur ? La Grande Peur ?
Que veut le plaisir sans la peur ?
Que vaut la douleur même sans la peur ?
Que vaut la Mort, la Puissante Mort, sans la peur ?
Que vaut la peur elle-même sans la peur ?
Rien ne vaut rien sans la peur (si ce n’est par l’Amour).
Seulement je dis ce qui a été bien dit :
- La peur inutile est inutile, la peur excessive est inutile,
- Freinez-la de peur qu’elle ne vous freine,
Paralysez-la de peur qu’elle ne vous paralyse.
* * * * *
Tu m’as parlé des neuf rongeurs qui corrompent corps et âme,
Et tu les as nommés, Ô mon âme !
Colère, Peur, Haine, Envie,
Remords, Orgueil, Désir, Avidité, Jalousie
Je les porte en moi, ils me portent
Ils rendent si lourd que je me porte.
Ils ne sont pas seulement inutiles et vaines,
Ils sont aussi méprisables, insupportables et faux.
Seule la sérénité vaut ce qu’elle vaut.
Ouezzane, juillet 2019

Mystère

Le mystère ? Quel mystère ? Il n’y a pas de mystère


Car tout est mystère
Vu de près, tout est mystère
Bien vu, tout est mystère
Autre que la réalité, il n’y a pas de mystère
Outre la réalité, nul mystère !

Etre est un grand mystère


Etre vivant est un mystère
Etre dans le temps est un grand mystère
Etre conscient est un plus grand mystère
Etre soi-même est le mystère des mystères.
La réalité et mystère, la vie est un plus grand mystère
Et l’être humain est le mystère de tous les mystères.
Ouezzane 2020

Regards
Regarder trop court
Ça donne le vertige
Regardez l’éternité pour ne pas vous noyer dans l’instant
Cherchez les limites de l’espace
Pour ne pas vous perdre en un seul point
Un oiseau qui vit en cage
Son esprit peut aller au-delà de la cage
A moins qu’il ne s’identifie à la cage.
Chiralité
Etrange chiralité !

Réalité vue à travers un prisme n’est que spectre de la réalité

Vérité vue en partie n’est pas la vérité

Partialité de l’étourdi dans le tourbillon cherchant le stable dans l’Instabilité

Dans l’éphémère peut-on trouver l’éternité

Qu’est-ce que la réception sans la prédisposition et la disponibilité ?

Qu’est-ce que la douleur sans aperceptivité ?

Rien n’est beau sans notre admiration et affinité

Il n’y a pas de belle œuvre sans notre complicité

Et que peut-être le plaisir sans appétibilité ?

C’est le règne de la précarité et de l’altérabilité

Ce qui est bientôt ne sera plus

et ce qui n’est pas viendra comme du néant

Les états tournent à leurs contraires

Mirage vertigineux de l’historicité

Ni assurance ni sécurité

Frustration permanente, profonde chétivité

Un peu de paradis Saupoudrant l’Enfer

Fragilité, altérabilité, temporalité,

Changement perpétuel, séparation et destructibilité

Tiraillement entre spiritualité et animalité

Ces concurrences vaines et ces folles animosités

Tant et partout, et quand on se regarde dans un miroir clair

On voit sa propre futilité,

Son creux que ne remplit que la vanité

Et son étrangeté pour soi-même, voire sa propre altérité.


Chemins semés de difficultés, platitude et banalité

Et –de notre part- tant de bêtises, d’atrocités et de contrariétés

L’esprit éveillé sent sa liberté en même temps que sa captivité

Il déplore sa charnalité et pleure sa carnalité

Les priorités, mais quels sont effectivement les priorités

Tout ce que mort peut éteindre n’a de sens,

sinon dans un laps de temps limité

Ou par rapport à nos semblables dans notre société.

Que tout soit question de sensibilité et d’affectivité

L’âme sait que -malgré le Mal- l’existence est l’ultime Bonté

Et que la vie terrestre est son expansion autant que sa coercibilité

Et que s’élever vers le ciel est préférable à la descente vers la bestialité

Le cœur adhère à la Vie, par instinct et par sens de responsabilité

Nos malheurs – en tant qu’êtres humains- sont adoucis par l’adelphité

Quelles sont les valeurs les plus sûres à la disposition de l’humanité ?

Solidarité, charité, moralité et aménité

Et quelles sont pour elle les plus grandes calamités ?

Avidité, brutalité et cruauté

Extrême simplicité à la surface de l’extrême complexité

Et cet habituel inhabituel vu à travers notre cécité

Ouezzane – avril 2022

Nihilisme
- Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que tu cherches ?
Qu’est-ce que tu préfères ? Qu’est-ce que tu espères ?
- J’aurais bien aimé ne pas être ainsi
Ne pas être moi-même
Ou ne pas être, tout court
Sinon ne pas être conscient
Ou, du moins ne pas être un être sensible
C’est-à-dire être sans souffrir
Telle une roche ou une rivière
Ne pas voir, ne pas savoir
Sans souffrir et sans mourir.
Que cette existence soit inférieure ou supérieure
Elle ne saurait être la pire n’aspirant pas au meilleur !

Portrait du néant
- Maître révéré, savant et éloquent
Je vous prie de bien vouloir me décrire le néant !
- Cher disciple, mais vous demandez l’impossible !
Qui saurait exprimer l’indicible ou décrire l’indescriptible ?
Les mots sont créés pour indiquer ce qui est là
Et non pour prétendre à cerner ce qui est au-delà !
Le néant est sans comment car sans substance
Il est sans forme, sans consistance
Et seule l’existence peut révéler, à l’esprit, sa non-existence.
- Mais, maître vénéré, qui, à part vous-même, pourrait m’en parler
Me dire ce qu’il est ou à quoi il pourrait sembler.
- Mais vous aurait tort de croire que cela est ou peut sembler
C’est une négation absolue
C’est une obscurité sans clarté
C’est un froid sans chaleur
C’est une pure inconscience couverte d’ignorance
C’est un vide avide
C’est un mal absolu où il n’y a aucun bien, pas le moindre bien
- Révérend maître, voulez-vous dire que le néant ne soit pas neutre
Au-delà du bien et du mal
- Mais le néant n’a rien de neutre, il est loin d’être passif
Tout ce qui le touche directement est englouti par ses gouffres infinis
Sans fond et sans bornes
Le prisonnier solitaire et le passage du ver luisant
C’était le noir absolu,

A l’intérieur comme à l’extérieur

C’était le vide,

Vide extrême,

C’était le silence le plus complet, dur et ferme

C’était l’ennui sans fond et sans terme,

Soudain, apparut un ver luisant !

C’était une merveille,

C’était une grande joie,

Et la conscience prisonnière, arrachée à elle-même,

Comme libérée de son triste sort,

Célébra une fête, éphémère mais immense,

Ephémère, mais intense,

Tout le chagrin se dissipa, pour un instant

Et la béatitude, se fraya un long chemin indélébile

Dans le cœur enseveli et l’âme débile

Car, comparé au néant, le moindre être est un joyau

La moindre étincelle est une fontaine de lumière

Le moindre frémissement est une symphonie

Le moindre mouvement est une énigme

La moindre vie est un mystère.

De la lueur au soleil, il n’y a que différence de degré

Mais entre le néant et l’être

Il y a un infranchissable fossé.

Ouezzane 2022
Voies de l’émancipation ou arbre du paradis
Telles nommées par le Sant Prophète
Elles sont au nombre de sept :
- Voie de vérité : savoir, sincérité et loyauté
- Voie de charité : donner, aider, prêter
- Voie de résistance, voie de l’action : se corriger, se
perfectionner, lutter contre le Mal et la malignité
- Voie de l’amour
- Voie de foi
- Voie de culte
Chaque voie conduit à une porte
Chaque porte conduit au paradis
Et à chacun son rang
Dans le paradis, il y a plusieurs paradis
Les voies du paradis sont comparables aux branches d’un arbres
Ces branches descendent jusqu’au sol
Jusqu’au niveau de l’enfant et de l’impotent
En s’accrochant à une branche et en y grimpant
Le pratiquant fidèle ne manquera pas d’atteindre l’affut
Avec l’aide de Dieu et la force de sa foi
Ces dites branches sont bien définies
Leurs noms ne sont bel et bien connus
En ces quelques mots on peut facilement les rappeler :
- Croire
- Aimer Dieu plus que toute autre personne ou chose
- Faire le bien (bien agir -bien penser – bien sentir)
- lutter contre le mal en soi comme autour de soi
- Chercher à savoir
- Renoncer à son amour propre
- Être patient et se résigner à la volonté de Dieu.

Lâche prise
Laisser-aller
Laisser-faire ou laisser tomber,
Je ne crains plus de savoir
Je ne suis qu’une porte battante
Que toute vérité entre (ou sorte)
Le moi semi-conscient n’est plus gardien
Ce n’est qu’un spectateur sans avis.
* * *
Mortel ! Jusqu’à quand craindras-tu de mourir ?
Jusqu’au moment de mourir ou jusqu’à ce que tu sois mort ?
C’est comparable au vivant ayant peur de vivre !
Laisser aller, laisser faire
Inutile de résister à l’irrésistible.
Craindre la souffrance ne dispense point de souffrir
Autant ou plus qu’un être puisse supporter.

Pêle-mêle
La vie ici-bas est et a toujours été
Un étrange mélange de bien et de mal
Ni le mal disparaîtra, ni le Bien sera écarté
Et il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps
A moins que la volonté Suprême en décide autrement.
Dans cet étrange carnaval
Que les paysages macabres ne vous empêchent pas de
savourer les délices des beaux spectacles
La beauté est partout, pourvu que vous y soyez sensibles
Le mal est partout, fermez les yeux sur lui, n’entendez pas ces
cris, n’en parlez pas, la pensées le nourrit, la parole le grossit
Laisse la laideur traîner loin de ton esprit, comme des
mouches qui bourdonnent, comme des loups affamés qui
hurlent au loin,
Retenez vos deux langues extérieure et intérieure
Comme en retient son souffle quand on passe devant une
décharge nauséabonde, sans rouspéter et sans maudire
et on ouvre son nez et ses poumons devant le champs de
fleurs aux parfums agréables
Apprécier le Bien sans se soucier du Mal
Voici une vieille recette d’une vie heureuse.
Kénitra, août 2022

Francophonie
Langage du Colon, vieux corbeau !

Il s’est infiltré dans mon cœur,

Le courant maudit !

Tu étouffes mon âme,

Tel un vieux haillon,

Tel un vieux chiffon,

Ruisseau ensorcelé, il s’est frayé un chemin, dans mes vaisseaux,


A travers les broussailles de mon âme.

Dure corbeille, lourd fardeau,

Dos courbé, je le colporte,

Vieux manteau

Sal et mouillé, il colle à ma peau.

Je le porte tel un vieil esclave porterait les hardes de son ancien maître
avare, étriquées et usées.

Venin enivrant coulant doucement dans mes veines, parmi sang et


humeurs, tu colores mes pensées, hallucines mes regards,

Voici mille scintillants, voilà mille mirages !

Il adhère à ma peau, masque de Lorenzaccio

Étant porté juste pour ressembler aux mauvais visages !

Visage du tyran, tu sèmes en moi l’aristocrate

visage de la passion ;

Tunique envoûtée qui te hante, te possède au moment où tu crois en avoir


possession.

Paradoxe : pour t’insulter comme pour t’accommoder – amour ambivalent -,

Je ne peux le faire…

Qu’en empruntant ton propre langage.

Ouezzane, juillet 2019


Petits Palestiniens
Qui sont ces enfants qui courent, effarés, les yeux noyés de larmes ?

Réfugiés fils de réfugiés, végétant dans camps sans terre, sans mer, le feu
dans l’âme ?

Combattant fils de combattants, sans armée et sans armes ?

Errants fils d’errants, petits héros du grand drame ?

Ces sans-patrie, n’ayant ni lieu ni feu, dont le regard jette des flammes ?

Grands témoins du monde sans cœur, sans valeurs, sans justice

D’un monde sans âme ?

Partout courus, partout pourchassé, la mort aux trousses, le Mal les traque,
le faux les condamne ?

* * * * *

Qui sont ces petits lanceurs de cailloux

Qui font trembler tous les Goliaths de notre temps ?

Oiseaux D’Ababel écrasant Abraha et ses éléphants ?

Qui sont ces drôles de Chérubins

Qui parent les balles par leur chair

Qui opposent des cailloutis aux obus

Et aux Fantômes, des cerfs-volants ?

Qui sont ces héros tragiques

Qui défient toutes les artilleries par un sourire chargé de moquerie

Qui défont toutes les coalitions de la scélératesse d’un seul regard plein de
mépris ?

Dont les cris et les feux d’artifice rendent confus toutes les milices du mal et
de l’injustice ?

* * * * *

Ce sont des Palestiniens, petits-fils des Philistins, qui peuplaient ces terres
depuis la nuit des temps,
Là-bas leurs grands-parents cultivaient des vergers d’olives et d’orangers,
élevaient des troupeaux et construisaient de belles mosquées à coté des
cathédrales majestueuses et de paisibles synagogues,

Jusqu’au jour où des gens avides et haineux sont venus de loin, de


différents coins, pour leur dire :

« Le sol où vous avez poussé, les maisons où vous vous abritez, l’eau qui
vous a irrigués, le blé et le poisson dont s’est formé votre chair, l’air que
vous respirez…tout cela, tout cela nous appartient. Car il a un jour
appartenu aux arrière-arrière- aïeux des ancêtres des ancêtres des ancêtres
de nos arrière-grands-pères. Ils ont régné sur ces territoires en maîtres
absolus et il nous est promis de faire de même,

Et c’est écrit dans l’ancien livre de nos arrière-grands-pères ! »

Ils ont dit cela à coups de feu et de sang et non par les mots du langage

Ils ont semé la terreur, seul argument du tyran,…

Dans la terreur, les pauvres ont fui

En portant leurs enfants et peut-être ce qui est tombé par hasard sous leur
main au moment de la fuite comme le pain de leur jour ou autre chose qui
vaille …

Ils ont fui par peur de la mort, par peur du déshonneur, par peur de la peur,
ils se sont réfugiés

Au moment où d’autres ont su résister, ont supporté, ont résisté, ont


encaissé…

ils sont restés, réfugiés dans leur propre pays,

Et ne voient le monde qu’à travers de petits trous percés dans les murailles
de béton armé…

C’est ainsi que les choses se sont passées

Mais qui ose défier la propagande organisée

Et les médias sponsorisés qui ne cessent de ressasser :

« N’écoutez pas ces mal appris, ces bédouins mal éduqués,

Ces sémitiques antisémites rancuneux

Ce sont des intrus qui sont venus du désert pour envahir notre royaume
bénit

Ne voyez pas ces terroristes, antidémocratiques, peu civilisés


Oser jeter des pierres sur nos chars blindés ?

Ne voyez-vous pas ces enfants mal éduqués utiliser leurs lance-pierres


contre nos soldats bien armés, bien équipés et bien entraînés ?

Ne les voyez pas cracher sur nos avions de chasse et leurs hauts pilotes
fort instruits ?

Ce sont des fous, ne les entendez pas parler trop des droits qu’ils n’ont pas,
d’une patrie qu’ils n’ont pas et de vouloir vivre sans avoir où vivre ? »

* * * * *

L’Histoire vainc les histoires

Les bruits de la propagande sont trop forts

Mais la voix de la vérité est plus claire.

La vie m’a appris que la vérité se range du côté du plus honnête s’il est - de
surcroît - le plus faible !

Petits Palestiniens, votre étendard est l’étendard de tous les gens honnêtes
Votre voix est la voix de toutes les valeurs humaines
Votre combat est celui de tout Homme libre.
Crachons ensemble sur leurs chars
Jetons sur leurs armées un regard de mépris
Et contre tous leurs missiles et avions, préparons des cerfs-volants !

Ouezzane, septembre 2019

Ces deux là-bas qui se battent

- Mon père, mon père, tu vois, mon père ?


Ces deux là-bas se battent, pourquoi se battent-ils ?
Ils semblent être grands, ils semblent être sages et ils sont bien habillés.
Pourquoi, alors, se flagellent-ils ?

- Non, non, mon fils, ils ne se battent pas. Ne les regarde pas. Lève tes
yeux, le ciel est clair et les oiseaux chantent !

- Non, mon père, ne me raconte pas de mensonges. Tu me dis toujours qu’il


n’est pas bon de mentir.

- Enfin ! Ils se battent mais ce n’est pas pour de vrai. Ce sont des humains,
ce sont des voisins, civilisés et bien élevés …

- Ne dis pas ça ! Comment se fait-il que je flaire le sang dans l’air,


Que j’entende le fracassement des os, le déchirement de la chair, mêlés aux
cris de haine et de douleur ?
Je vois déjà planer les vautours…

- N’en parlons pas, fiston, ne les regarde pas, n’y pense pas.
C’est naturel, c’est normal. Il en a toujours été ainsi.
Depuis la nuit des temps, les gens se sont toujours battus, entretués,
égorgés.
Ils se sont toujours battus, se battent et se battront.
Hier comme demain, c’est du déjà-vu
On se bat pour le breuvage et le pâturage,
On se bat par fatuité, on se bat par avidité

Cela dit, les enfants ne doivent pas regarder cela


et ne doivent surtout pas en parler.

- Mais ces deux-là, je les ai déjà vu se battre, j’y ai pensé, j’en ai parlé !
Leur énigme reste entièrement irrésolue !
- Eh bien ! ces deux-là sont des fermiers voisins,
A chacun son verger.
Un jour, l’un a voulu cueillir les fruits de l’autre, ce dernier a voulu l’en
empêcher et le combat s’est déclenché.

- Pourquoi le premier a-t-il voulu s’approprier le fruit de son ami ?


N’en avait-il pas assez pour lui ?
- Il s’est seulement trompé !
- Pas du tout ! Ne connaissent-ils pas bien leur domaine, leurs récoltes sont
visiblement distinctes et les champs bel et bien clôturés !
C’est seulement qu’à cœur avide rien ne suffit.
Peut-être se croit-il plus fort que son voisin ou plus malin que lui
Ou peut-être pense-t-il en avoir plus besoin ou en savoir en faire meilleur
usage ou être plus élevé.
- Qui sait ?
- Nul ne sait !

Ouezzane, juillet 2019


Fragments dans un vieux livret de sagesse
Dans un vieux livret de sagesse déchiré,

J’ai repêché :

Est déjà saint celui qui aspire à la sainteté

Et déjà assez sage qui cherche la sagesse

Car on n’est pas vraiment ce qu’on est mais ce qu’on veut être

Il juge ce que vous voulez faire

Non ce qui vous en a empêché.

* * * *

Dans le vieux livret de sagesse, il était écrit :

Pour que l’Homme soit bon,

Il faut – au préalable – qu’il aille à travers la souffrance, au-delà de


l’angoisse et au-dessus du plaisir.

Le bon n’est pas celui qui n’a pas de défaut,

C’est celui qui a cultivé des qualités.

* * * *

Dans le vieux livret de sagesse, il est écrit :

Vaut mieux une vérité qui désespère qu’une illusion qui apaise

* * * *

Dans l’absolu et de manière absolue,

Il ne me satisfait que ce qui est absolu !

* * * * * *

Réalisé : banalisé, non réalisé : idéalisé.

Le possible est plus vaste, plus riche que le réel,

Les plaisirs intellectuels sont mille fois plus variés, plus étendus, plus
profond que les plaisirs réels,

Le réel étant unique, la pensée est multiple,

Certes, rien n’égale le concret, qui remplit les sens et fait vibrer la chair,

L’esprit est flou et subtile,


Forme sans contenu ou contenu sans forme

En la matière, l’idée même devient tangible.

Satisfaire par l’imaginaire ?

Le réel est limité parce qu’il est unique

L’imaginaire est multiple parce qu’il ne dépend de rien,

Parce que non conditionné.

* * *

Que vaut la vie sans aimer ?

Mais quelle folie d’aimer ce qui ne le mérite pas !

Bienheureux qui voit la beauté en toute chose

Bienheureux qui cherche la beauté partout et la retrouve partout

Bienheureux qui baigne dans l’amour pour tout être

Qui respire l’amour en tout être et de tout être

Qui vit de l’amour d’être et de l’amour de l’Etre

Ou, faute de quoi, il n’éprouve que de la pitié

Envers lui-même et pour tout être.

* * *

Que vaut la vie sans bonheur ?

Mais le chemin de sa recherche est rude, rocailleux et plein d’embûches !

Sinon par la recette simple et insoutenable :

La légère que rares peuvent colporter

S’accepter, accepter le naturel et l’inchangeable

Et savoir supporter.

* * *

Les grandes Lois, les voici, au nombre de trois

La vérité que tu as tant cherchée est en toi

Le trésor dont tu as toujours rêvé est en toi

Le bonheur auquel tu as désespérément aspiré est au fond de toi


Tout n’est que sensation et représentation, il suffit que tu y croies.

* * *

Celui qui s’offre du plaisir sans causer de peine ni à lui-même ni à personne


d’autre, ni dans l’immédiat ni dans le futur

Que sa jouissance sorte indemne de toute réprimande !

Qui insensible à la souffrance des autres

N’est pas condamnable s’il est aussi insensible à sa propre souffrance

Qui est indifférent au sort d’autrui serait-il répréhensible s’il est, à un degré
égal, insoucieux du salut de son âme ?

Ouezzane, août, 2019


Drôles d’alliances

Voir le fort écraser le faible,

Sucer son sang, ronger ses os

Cela agace, cela dégoûte,

Mais on peut le comprendre,

Sans toutefois l’accepter.

* * *

Voir un faible mépriser un plus faible que lui,

Le maltraiter, doubler ses souffrances et se moquer de lui,

Cela m’indigne,

Agite en moi mille sentiments et me donne à penser.

* * *

Voir un puissant aider un autre puissant

Pour dominer les pauvres gens

Cela ne fait que renforcer mon idée fixe et enracinée

Concernant le loup-garou et l’existence dans ce bas monde ténébreux et


maudit.

* * *

Mais rien ne m’irrite autant

Que de voir des faibles mesquins

Aidant un robuste assassin

Pour égorger leurs frères et cousins.

Rien n’est plus agaçant

Rien n’est plus révoltant.

Ouezzane, juillet 2019


Le pamphlet du concret

Arrogant et têtu

Vous m’êtes étranger

Seigneur Concret

Je refuse tes chantages

Et ton muselage

Tourner en rond

En mettant le doigt dans tes engrenages

Comme Baudelaire aimant les nuages

Comme l’albatros, risée de l’équipage

Mes longues ailes m’empêchent de marcher

A travers tes marécages

Prince de l’azur, s’adapterait-il à l’esclavage ?

Apparence du réel

Au lieu de tes sombres ombrages

Je préfère - plutôt- mes propres mirages

Me faudrait-il un dur servage

Et comme Candide résistant au dressage

Refusant me mettre dans ton moulage,

Tes feuillages, tes coquillages

Ton maquillage, tes enfantillages

Remplissage !

Multicolores et

En lévitation, en décollage, en décalage

Défiant la gravité et le cordage

Bateau ivre

Ivre sans breuvage

Et sans mât, et sans équipage


Flottant sans m’enfoncer, sans me noyer

Courant vers tes rivages

Aspirant à l’Idéal

Ame éternelle, inconditionnelles,

Sans âge et sans image.

Ouezzane, Mars 2021


Attachement pervers

Cette boîte a six cotés

Qui en voit une cesse d’en percevoir les autres

Et pourquoi mon œil s’accroche-t-il à obstinément à cette face,

la plus laide ?

Et pourquoi « mes » pensées tournent autour de la plaie affreuse, tel un


essaim de mouches avides ?

Et cette attention, d’ordinaire fugitive et furtive, ne s’arrête-t-elle pas plus


longtemps sur les dorures de son couvercle sculpté et orné haut en
couleur ?

Mes yeux blasés ne s’amuse-t-elle guère

Du côté émaillé de joyaux et de fascinants trompe-l’œil.

Pourquoi ma mémoire, telle une vache affamée, ne cesse de ruminer

Les débris du fond rouillé et sombre ?

Pourquoi mon esprit, bien qu’intelligent et instruit

Ne s’intéresse-t-il plus aux Trésors enfermé dans cet écrin

Plutôt qu’à la façade de ce coffret

Ayant subi le dommage du Temps et des Effets ?

Ouezzane - 2021
Paradisiaques
Qui ont le Paradis à la porte
Qui ont le Paradis dans l’enclos ou la cour
Qui ont le Paradis en poche
Qui ont le Paradis en main
Qui ont le Paradis dans les Cieux
Qui ont le Paradis en tout lieu
Qui ont le Paradis au fond du cœur
Qui ont le Paradis au coin de l’œil

Qui dans le paradis git


Et qui vers le paradis court
Qui voit le paradis

PITIÉ
Je ne ressens plus que de la pitié
Pour moi-même comme pour tous les autres
Pour toutes les créatures, pour tous les êtres
Sans exception, sans exclusion
Sans illusion de supériorité
Sans orgueil de bienveillance
Comme une simple triste réaction
Envers une simple triste réalité.
Même envers ceux qui sont obligés de tuer pour vivre
Obligés de remplir et vider sans cesse leur pitoyable petit ventre
Obligés d’apaiser répétitivement leurs piètres impétuosités
Envers tous, je n’éprouve qu’une profonde pitié
Sauf qu’elle est mêlée d’une profonde estime à l’égard des uns
Et aigri de mépris et de regret vis-à-vis des autres.

Ouezzane - 2022

Mes humanités
Humanité, Humanité !
Pourquoi votre fruit est-il triste
Et votre couleur diaprée ?
L’hypocentre du moi

Au fond de l’égo, à l’hypocentre de ses tremblements,


Il n’y a ni magma ni volcan,
Il y a petit un trou noir infini
Petit mais infini
Par ses désirs infinis
Par ses prétentions infinies
Par ses caprices infinis
Par ses malices infinies.
Il veut tout posséder
Il veut tout subjuguer
Il veut tout détruire
Il veut tout refaire.
Il ne se contente même pas de l’infini
Il veut plus que plus l’infini.
Désert chaud, désert froid

Le Sahara est cruel, cruel est le glacier,


C’est de leur mariage qu’Osiris voulait procréer les nymphes.
Désert avide, affamé et assoiffé veux-tu de tout vivant faire festin ?
Glacier avare, quelle chaleur te faut pour que tu ouvre tes écrins ?
Neige et sable mouvant, vos tempêtes se ressemblent bien !

* * * *
S’enliser dans les sables mouvant ou glisser sur les glaces
Scintillement éblouissant ou illusion trompe-l’œil
Tous deux brulent et font sécher
Le glacier sans cœur charmeur de fées
Absorbe les rayons et éblouit de mille reflets
Le désert, scène éternelle des errances, des sécheresses, des pillages
Tu enfouis les eaux pour faire danser les mirages.

* * * *
Retour de l’esclave marron

Je suis revenu, moi le fugitif, le fuyard


Haletant et le jour pour moi comme le soir, sombre, noir
Je suis revenu
Certes, avec beaucoup trop de retard
Dos creusé, cœur brisé, âme usée, ressources épuisées
Fuyant des fantômes enragés, les vagues de ténèbres et le tombeau vide
qu’aucun rayon ne réchauffe, qu’aucun rayon n’illumine.
Je suis revenu, Ö Seigneur, par faiblesse non par courage
A défaut de trouver un sentier qui conduit quelque part
J’étais contraint d’emprunter le chemin qui conduit à ton fief
Intimidé par les armées noires je viens trouver protection dans ton camp
Ancien Maître, Maître nouveau,
Par Destin, non par libre arbitre,
Je cours, haletant et le pas gauche, sous mon fardeau
Je titube et je tombe le long de ce chemin rocailleux
Je m’égare, je m’enlise et j’erre dans les sables mouvant s de ces vastes et
étendus déserts
Epuisé
Et je suis encore très loin d’arriver
Las de mon sort, accablé par ma liberté
Dont je viens te prier de me libérer, de m’en affranchir, de m’en émanciper.
Hors de mon domaine seigneur je n’ai trouvé que la perte
Hors de ton toit, je n’ai goutté que la soif et la faim,
La peur, le malheur et le froid.

Terrorisée par l’image cauchemardesque d’une liberté absolue,


J’ai couru trouver refuge, sous ta houlette,
Liberté infinie tu me terrifie par ta responsabilité infinie,
Liberté fausse,
Car il ne peut jouir d’une liberté infinie, qui n’a pas le Pouvoir infini et le
Savoir infini.

Ouezzane, 2019
Réminiscences

Je me rappelle, d’une souvenance obscure


Sous les rayons du soleil couchant
Ces chaumières
Qui semblaient porter une sacrée dorure.
Je me rappelle, d’un souvenir obscur
Ces aller et venir
Scènes anodines mais remplies de mystères
L’instant semblait long
Semblait durer un siècle
Et les ruelles semblaient vastes

Voilà l’océan est étriqué


Et le temps court tel
Les couleurs semblent délavés

Sans goût et sans manière


Ne pas construire en dur

Sur ce terrain précaire


Plus sage de préférer une hutte ou une chaumière
Pour ce séjour éphémère
Il suffit –peut-être - d’une tanière

La vie est une petite rivière


Pour la traverser un batelet ferait l’affaire
Pas besoin d’une baleinière
Ça s’appelle revient
Il revient
La sensation est le pôle d’attraction
Elle est l’aimant des penchants, c’est le moteur de l’action

Erreurs et amours

Maître !
Toujours les mêmes erreurs
Toujours les mêmes moteurs
Orgueil, désirs, colère et peurs
Appui sur le précaire, attachement à l’éphémère.

Ô, maître
Que vaut la vie sans amour ?
Mais c’est folie que d’aimer qui ne le mérite guère
Aimer vraiment, c’est inconditionnel
Aimer vraiment, c’est aimer l’absolu, l’inconditionnel.

Ouezzane, juillet 2020

Ode à la survie
Accroche-toi à l’herbe sèche !
Le premier devoir n’est-il pas d’y rester
Et d’aller de l’avant
Aller à merveille, aller à vau-l’eau, aller à la dérive, aller à la débandade,
Aller bien ou aller mal …, peu importe,
L’essentiel est d’y aller,
De continuer jusqu’à la fin du parcours,
Jusqu’à l’issue du tunnel
Courir ou ramper, peu importe,
L’essentiel est de bouger
Et de rester vivant jusqu’au moment de mourir.

Chasse aux idées noires


Idées noires !
De peur, de colère, de chagrin, de désespoir ou de gloire
Je vous chasserai bien loin de moi,
Au-delà des frontières de mon humble territoire
Telles des méchantes sorcières
Vous chasser est mon devoir
Je vous chasserai de mes yeux, de ma conscience et de
ma mémoire
Je vous chasserai même de mon miroir
Même si vous persistez
A prétendre représenter
La pure réalité
Et que vous soyez obligatoires,
Je m’efforcerai de vous regarder directement dans les yeux
Pour mieux vous voir
Comme fantômes illusoires
Come cauchemars hallucinatoires…
Et l’état qui vous enfante
N’est qu’une sombre passoire.
Je ferai fi de votre style déclamatoire
De vos procédés oratoires

Et s’il faut choisir entre deux mensonges


Il vaudrait mieux choisir celui qui donne plus d’énergie et
qui donne plus d’espoir.

Je resterai aux aguets


à vous surveiller du matin jusqu’au soir
Et dès que vos ombres funestes pointent leurs hideuses
mâchoires
Je les chasserai par leur antidote,
A coups de balai, par des chants -qu’importe-
ou par des rites incantatoires
Je vous éliminerez avant que vous m’éliminerez
N’est-ce pas là un éliminatoire ?

Ouezzane, décembre 2020


Binarité des deux côtés
Le côté droit est d’argent
Le côté gauche est fait d’or
Pourtant
L’argent est doré et l’or est argenté
Et au milieu, tout est confondu
Tout est mêlé
Indistinct et mélangé
Ce n’est ni or ni argent
Ni mi-or mi-argent
Ni chair ni poisson.

* * *

Prismes

Avec l’ignorance, tout devient étrange


Avec le savoir, tout devient familier

Avec la haine et la peur, tout devient effrayant


Avec l’amour tout devient accueillant et bienveillant

Du seuil de la félicité tu verras le monde entier bien merveilleux


Du sommet du mont de la sagesse, toute la vallée semble joyeuse

Qui vit dans l’enfer voit l’existence à travers le prisme des feux
Le Paradis a des filtres qui ne laissent passer que les rayons bienheureux
Cours

Cours ton cours


Le parcours est court
La ligne d’arrivée
Depuis la ligne de départ
On peut la prévoir
Sinon la voir.

Tu ne vois pas de mystère


Mais, tout est mystère
Être est mystère
Le mystère est partout
Dans la partie comme dans le tout
Tout est mystérieux
La vie est le plus grand mystère
Et le mystère des mystères est bien l’homme.

Tu ne vois plus le mystère


Tu ne vois plus le bonheur.

Je marche et j’observe
Ne regardant pas les êtres comme des être
Mais comme objets de ma pensée
Ne voyant plus les choses comme choses
Mais en tant qu’images mentales
Ou plutôt comme éléments d’Esprit
Qui reviennent à l’esprit
Ou qui sortent de l’esprit
L’esprit pourrait-il embrasser ce qui n’est pas de sa propre nature ?
Ne peut être perçu par l’esprit que ce qui est esprit
La matière ? La matière même est esprit
Matière de l’esprit
Que serait-elle sans l’empreinte de l’esprit
Sans le souffle de l’esprit
Sans la présence de l’esprit
Qu’est-ce qu’il y a d’autre que le savoir et le pouvoir
Savoir divin
Pouvoir divin
Qui lui donne ordre et énergie
lui donne sens et beauté
Qui la guide vers un but
Qui y insuffle la vie
La vie qui traverse les innombrables formes
La raison qui se manifeste partout
Avec mille et mille visages
Qui la fait soumettre au canon universel
Qui la fait tendre vers la régularité
Vers la clarté et la bonté
Et qui maintient en cohésion
En dépit des collisions.
Ouezzane, 2020

Accroche à la vie

O vieillard, épuisé et souffrant


Pourquoi t’accroches-tu tant à la vie
N’y a-t-il que la peine et de la fatigue pour toi ?
Qu’est-ce que tu en attends autre que ce tu as déjà vu et vécu
Autre que la désillusion que tu as maintes et maintes fois essuyée ?
* * *
O jeune homme dont le langage a l’apparence d’être bien sage
Sache que ce qui me fait accrocher à la vie n’est
Ni le plaisir ni le désir de rester là pour l’éternité

Ce qui me fait tenir à la survie de ma pauvre carcasse


C’est que j’ai des petits enfants à élever
Un champ à planter et à cultiver
Quelques livres à achever
Des péchés que j’espère pouvoir expier
Des défauts à corriger
Des dettes à rembourser
Et des questions auxquelles j’espère trouver réponse probante
Avant que ma conscience trébuchante et malvoyante
ne s’éteigne, se fermant, à jamais,
à cette succédanée de vie, pénible et indécente.

Ouezzane, 2020

Relique

Muse ensorcelée,
Somnolant au fond de la caverne de l’Ogre des ténèbres magiques,
Comment obtenir la lueur magnétique
Ou le parfum extatique
Pour dissiper cette léthargie toxique ?

* * *
J’irai, errant, à travers les labyrinthes des terres exotiques
Je fouillerai coins et recoins des vallées glaciales
Et des ergs désertiques
Je quetterai le secret de ton Mal
A tous les moines, ascètes, alchimistes, fakirs et chamanes
A tous les Imams
Aux philosophes et aux médecins-mages
Pour obtenir une lueur
Au fil des enchevêtrements
De la broussaille énigmatique.

* * *
Je parcourrai
Montagnes et marécages

Que ta recherche soit ma seule trouvaille !

Sur la voie
Ô celui qui marche
Sur la voie de la sainteté
Qui est la voie de la vérité
Qui est la voie de félicité
De l’amour et de l’unité,
Marche, marche
Et ne te retourne point
Avant d’atteindre l’ultime but
La Finalité.

* * *
Honneur et bonheur à ceux qui suive le but
Lointain et fugitif

* * *

Idées fugitives
Maintes belles idées m’ont fui
Sans retour, et pour jamais
Du fait que, par l’écriture, je ne les ai pas ligotées.
Oiseaux rares de la beauté,
Féériques, paradisiaques, mystiques ou oniriques
Par étourderie
Je vous ai perdus, Je vous ai ratés
par maladresse,
je vous ai gâtées.
J’aurais pu m’en faire une parade d’oiseau,
un bouquet de fleurs
un symphonie de sirènes
ou un poème éclatant
Pour mes bien-aimés
A la gloire de l’intangible
De l’illimité
du sacré invisible
de l’impensable et l’intenté…

Ce que j’ai tant regretté


Ce qui m’a si bien inquiété
C’est l’éventualité que personne d’autre que moi n’y aurais songé
Ou n’aurait pas l’audace d’aller jusqu’aux sources
Ou suffisamment d’entêtement
Pour lutter
En vue d’exprimer l’inexprimable, l’ineffable, l’indicible
En s’efforçant de ne pas être tenté
Par les mirages de l’enchantement de la fatuité et la vanité
De ne pas assombrir leurs splendeurs
Par les fumées nuageuses
De la fierté.
Ouezzane, juin 2021

Intempéries

Quand il fait chaud, j’aime le froid


Quand il fait froid, j’aime le chaud
Quand soufflent deux vents opposés et s’affrontent
Souvent je les aime tous les deux et je les applaudis
Car le moment du choix fait ressortir
Les avantages des deux côtés
(mais aussi défauts et inconvénients)
Le choix entraîne l’embarras et fait naître les doutes
Ce qui fait que je les aime tous les deux
Par alliance des contraires et la loi de l’effet contraire.
Mais Parfois, par dédain de toute bagarre futile et inutile,
Je n’aime ni l’un ni l’autre
Je renonce à l’amour de tout vent.
Ouezzane 2021

Joie de vivre

- Pourquoi dépenses-tu tant d’argent


Pourquoi perds-tu tout ce temps
Pourquoi prends-tu tant de peine
Pourquoi consommes-tu toutes ces choses
Pour satisfaire des caprices inutiles, voire nuisibles ?
- Mais, c’est pour la joie de vivre !
La joie de vivre n’est pas vivre
La joie de vivre est un état de conscience
Différent de l’état routinier, ordinaire
Pour l’atteindre on peut tout faire
Pour l’atteindre on peut s’abstenir
De boire, de manger et de dormir
De voir, de penser et de même de vivre.

Ouezzane 2021

Pardon
A cet instant précis,
Et à cet instant seulement,
J’ose prétendre, j’ose affirmer
Pouvoir penser, pouvoir croire et sentir
Que je peux pardonner
A tout le monde sans excepter
Même à ceux qui m’ont offensé
Traité avec injustice, cruauté et méchanceté
Ceux que la haine ou la concupiscence ont aveuglés
Même à ceux qui m’ont laissé dans l’âme
Des plaies béantes, saignantes ou fumantes…
A cet instant, je ne veux plus
que personne ne souffre à cause de moi
A cet instant, je méprise toute vaine vengeance
je méprise toute vaine souffrance
A cet instant, je ne ressens plus
Rien que de la pitié
Envers toute créature
Comme envers moi-même
De la pitié envers tous ces faibles
Condamnés à vivre et à souffrir
A se tromper, à faiblir et à mourir
A cet instant, j’ose pardonner
J’ose oublier
Parce que je vois d’un autre angle
Parce que je baigne dans le calme
Un calme anormal
Un calme inhabituel et insoupçonné
Qui n’est -peut-être – qu’une autre forme
De la fatigue, mêlée à l’indifférence.

Ouezzane, Juin 2021

Le mythe de l’éternel éclat


Fraicheur permanente, éclat éternel,
Formes géométriques régulières,
Beauté immortelle,
Êtres chimériques
Fantasmes fantasmagoriques
Fantômes oniriques
Ombres fictives
Mirages irréels

Le voyant

Regardant les belles


Il voyait à travers elles
Cadavres et squelettes
Voyant
Comme par rayon X
Comme
Comme s’il voyait à travers le temps
Au-delà du moment
Il voyait les ruines à travers les somptueuses demeures
Il voyait l’absence dans la présence
Et dans le tumulte,
Il entendait l’absolu silence.
Il lisait, entre les lignes la force terrible, les signes de la faiblesse
Et comparait toujours au néant toute existence.
Les plus riches étaient considérés par lui comme démunis
Et les puissants étant jugés sans ressources
Hommage à Madame Prost
A toi cet hymne
Qui n’en as point besoin
Bien à toi, qui as toujours vécu dans le besoin
Le besoin de tout,
Excepté – bien entendu – celui d’honneur et de dignité.
Paroles creuses, sans réalité, car sans matérialité
Ici-bas, où rien ne compte que la dureté.

A toi cet hymne


De qui personne ne prend soin
Toi qui sus prendre soin
De la trébuchante virilité
De la cuirasse de rigidité
Recouvrant l’ultime fragilité
Toi qui sus enflammer
Les givres de la frigidité
Toi qui sus feindre l’intimité dans l’étrangeté
Qui sus jouer l’hymne à la joie
Dans le fond de la morosité
Et avec un feu d’artifice
Tu sus simuler
L’ombre du bonheur
Aux recoins du désespoir et de la pauvreté.
Telle un cracheur de feu
Tu flamboyais les chambres froides
Pour un moment, joies éphémères, tel un mirage,
Telle est la loi
De ce bas monde
de précarité
Illusionniste,
Tu la fée de la fausseté,
Dans ce monde magique où
Procureuse du succédanée de l’euphorie,
Ersatz de délice,
Nectar de l’extase
Ambroisie de la gaieté
Promesse de bonheur
A qui sans bonheur
Désespérés, brisés, privés d’amours
Rêve de chaleur à qui sans chaleur
Comme le vin, élixir des âmes envahies par la douleur
Et la cruauté.
Panacée des crève-cœurs
Venus de loin
Allant au loin
Aux sans feu ni lieu
Aux sans loi ni dieu
Aux sans famille
Aux sans patrie
Ceux dont l’instinct est le seul frein et le seul moteur
Telle la veuve noire,
Bateau ivre, de qui le gouvernail
N’est tenu que par les vents noirs
Poussant à se mouvoir
Sous la poussée
Dans l’aveuglement et le tremblement

Princesse enchantée
Dans le château féérique
Dans la galerie des miroirs
Où tout est éblouis
Par les éclairs chatoyants
Hommage à la chair
Périssable et frêle
Fleur de coquelicot
Fugitive
Limité
Mais laissant entrevoir
Toute l’éternité
Hommage à la beauté
Donnant naissance
A tant de souffrance et de volupté.
Paradisiaque et infernale
Angélique ou satanique
Telle est la nature
De notre monde de la dualité.

Ouezzane, juillet 2021

Le Rire Satanique
Du fond du puits maudit, infecté et tari, vent Infect, exhalaison infame
Puanteur cadavéreuse, Rire Satanique, infestant les fonds de l’âme

Pourquoi veux-tu transformer tout verbe en échos, et toute émotion en sarcasme ?


en mirage, en peste en ruine
* * *
Pour le rire, pour le plaisir de nuire, pour flatter ton fol amour-propre
En t’éclatant hautement et hautainement
Veux-tu te montrer supérieur à ta condition d’esclave, à ton destin de
* * *
Par ce rire dédaigneux et malsain tu exprimes agressivement
Ton opposition au dessein du Démiurge
Tu te moques de toutes les valeurs
Et tu dresses ton petit moi et ses misérables petits caprices
Comme étant la seule valeur, comme étant la seule loi !
* * *

Quel élan ravageur te fait mouvoir si promptement,


Par quel tonus, par quel ressort tends-tu à tout détruire, si obstinément
Gâtant tout ce qui est sublime, bouffées de délire, crois-tu vraiment
Ainsi, rien que par ton ricanement pouvoir faire écrouler le firmament ?
* * *
Sans retenue et sans merci, toute bonne graine
Semant le doute, semant la haine
Que je m’évertue à semer, non sans grand’ peine ?
Ma folie est plus grande que la tienne,
Comment m’adressé-je par la raison à la non-raison espérant la convaincre ?
Et la folie se moque de toute raison
Armes fatales recours ultime
Comme la colère, comme le dédain, comme le blasphème
* * *

Je veux me faire sortir de ce ravin rocailleux en escaladant le mur abrupt


Tu souffles ce rire dans mon cœur, comme un ouragan glacial
Qui amollit mon courage et raidit mes membres
Et ma détermination ébranlée, je me laisse choir.
* * *

Je décide de bâtir un château de rêve


A peine que je commence à jeter les fondements,
Tu lances sur mon âme
Les dards de ton rire moqueur
Comme un essaim de guêpes vénéneux et atroces
Me faisant détourner de mon projet
* * *

Ton haleine, arme fatale, valant ta mélancolie et ton désespoir


Funestes instruments
Malin, tu t’en sers avec brio, dextérité exercée, sur ton terrain de jeu,
Notre champ de bataille, laissant tant de victimes
Aveulis, avilis, vaincus, sans énergie et sans espoir.
* * *
Je te connais, oui, je te connais
Toi qui préfères le désordre à l’ordre, et au sens le non-sens
Les ténèbres à la lueur, et le froid à la chaleur
Et les débris aux édifices, Triste ambassadeur du néant, Maussade ambassadeur.

Ouezzane 2022

Vivre pour l’autre


S’habiller pour le goût de l’autre, se maquiller pour le regard de l’autre

Sourire pour l’autre, pleurnicher (ou faire semblant) pour le chagrin de l’autre

Soigner le paraître, pour bien plaire aux yeux des autres


Etre pour l’autre, est-ce bien le bien-être ?

Se déguiser pour l’autre, changer ses idées

Pour qu’elles se conforment à celles des autres

Tuer son moi pour le Moi de l’autre, étouffer sa voix pour réjouir l’oreille de
l’autre

C’est bien l’enfer que de dépendre de l’autre

C’est bien l’enfer de se comparer sans cesse à l’autre

C’est bien l’enfer de se mesurer par la mesure de l’autre

C’est bien l’enfer de ne vivre que pour l’autre.


Ouezzane 2022

Qui vit par…Qui vit pour


Toi qui ne vis que pour le devoir
Ton chemin est ardu, fil du rasoir
Ton champ est austère
A moins que tu n’y sèmes des graines d’espoir
Ton jour restera sombre, et ton matin est comme le soir.
* * *
Qui vit pour le plaisir est serf du désir, antiroi
Pauvre cerf rendu aux abois
Qui nage dans cet océan s’y noie
L’ivresse se fait bientôt loi.
Qui vit par le désir, ne vit pour soi, enfermé dans son petit moi.
* * *
Qui vit par la beauté, par l’art, pour les belles émotions
Ta vie est une continuelle et profonde délectation
Béatitude continue, inépuisable satisfaction
Tu jouiras même du mirage et des ondes de l’illusion.
* * *
Qui plonge dans l’amour

Qui va, sans cesse, en quête, de beauté en beauté


Qui, telle une abeille, de fleur en fleur,
En toute chose, ne cherchant que goût spécial
Jouissance rare ou spécial volupté

* * *

Dans l’imaginaire

Routine et la platitude

Ouezzane 2022
Chevalier sans cheval
Ô chevalier sans cheval,
Sans armure et sans arme
Sans écu, sans écuyer, sans gloire
Tu parcours les terres arides
Sans clan ni étendard
Où vas-tu, que cherches-tu, qui combats-tu ?
Sans ordre, sans titre, sans domaine
Pauvre chevalier des Temps Modernes
Eres sans mythes, sans héros, sans légendes.
Crois-tu encore au Révolu
Le mythe est démythifié, démystifié
Dans cette ère de glace
L’héroïsme n’a plus de place
Car l’héroïsme est dans le cœur
La chevalerie est dans l’âme
Ici le vent glacial blesse
Ni blason ni armoiries,
Ni vieille noblesse.
Chevalier servant sans élégante maîtresse.
Rien que l’ironie pour arme et pour dogme
Que peut la hardiesse,
Et cette illusion de maîtrise
D’arme, de cheval et de soi
dans cette forêt de traitrise ?
Je n’ai besoin ni de javelot ni d’épée
Partout je mène bataille
Contre le mal, le vice, l’imperfection et le défaut
Contre l’injustice sous toutes ses formes
A coups de poings, griffes et dents,
Avec le verbe, le regard, la mine, l’émotion et la pensée
Je lutte, à défaut de tout, par le simple refus
Par le crachat, par un simple « non »
Mes ennemis ne sont pas des êtres palpables
En chair et en os
Ce sont des actions, des idées, des émotions
Et Des images mentales
Je lutte contre l’absurde, contre le non-sens,
Je lutte contre l’inutile souffrance des êtres
Contre le vain et la vanité
Contre l’insatiable avidité
Contre l’inassouvissable, contre l’inapaisable
Contre l’abominable, contre l’ignoble et l’inéquitable
Je lutte au fond de moi-même
Contre ce qui fait de nous des marionnettes
Des fantoches, des hommes-de-paille

Dans ce monde et les autres mondes


Dans le tangible et l’intangible
Malgré la peur et le désir
Malgré le doute et le désespoir
Je conquerrai le beau et l’admirable
L’inaliénable
Je conquerrai l’Adorable-Agréable.
Qui est en vue
Qui est en vue.

Mythe démythifié, démystifié


Même le réel tangible n’est plus fiable
Tout est faux, falsifié ou falsifiable
Mondes des faibles,
Serfs incapables
Sort pitoyable
Quand le rêve n’est plus possible

Sans illusion rien n’est formidable


Sans illusion ce vide est irremplissable
Sans illusion la vie n’est plus maîtrisable
Arme à double tranchant, redoutable

Quand on cesse d’être chevalier


D’aspirer vers les Grandeurs
De viser les hauteurs
Idéalisme déraisonnable
Tu cherches à réaliser l’irréalisable
Monde sans mythes, sans légende, sans fable
Platitude inéluctable
Il faut changer de vue quand le monde parait inchangeable
Monde sans rêve, monde effroyable

Chevalier en détresse
Sans Maître ni maîtresse
Sans témoins
Sans spectateurs
Sans admirateurs
Je ne vois que tes larmes
Eclats de ton arme
Eclats de ton drame
Je n’entends que tes soupirs
Des ahans

La peur de mourir

Peur de la mort ?
En a-t-elle jamais sauvé personne ?

Peur de mourir !
J’ai aussi peur de vivre.

Peur de mourir,
Qui vous a mis là
Au cœur de mon cœur, au fond de mon âme ?

Peur de mourir,
Peut-on aimer, accepter ou pouvoir vivre
Ne serait-ce qu’un seul instant
Sans toi, Ô peur de mourir ?

Ouezzane 2021

J’ai vu tellement d’atrocités


Pour trouver prétexte à être triste
Pourtant j’ai opté pour la gaité
Disait le vieil ermite.

* **
J’ai vu mourir parents et frères
Plusieurs chagrins m’ont brisé le cœur
J’ai vu et vécu tant de misères
J’ai raté mille occasions et j’ai commis autant d’erreurs
* **
Face au mal, face à la cruauté
Face à la mauvaise fortune et aux mauvaises saisons
J’ai compris que le bon remède est la sérénité
Et que seul un esprit vaste et égal peut vaincre la déraison.

* **
Utile et inconditionnelle, telle est la joie
Par le renoncement et la frugalité
le pauvre devient plus heureux que tous les rois

- Pourquoi suis-je né ?
- Sûrement parce que tu l’as choisi,
Peut-être même à ton insu
Par cette autre forme de pensée
Sans mots, sans image, sans « je ».
- Non, non ! ce sont des jeux oratoires
Comment peut-on choisir sans être et sans avoir
Serait-il un choix sans pouvoir, sans savoir

Le martyr
Je n’ai peut-être pas choisi ma vie
Alors je crois pouvoir choisir ma mort
Ma façon de mourir
Ma raison de mourir
Et le camp où je dois mourir
Si ma vie n’avait pas de sens
J’espère que ma manière dont je mourais m’en donnera un
Si ma vie n’avait pas de valeur
Je crois que ma mort en donnera
En évitant de mourir en vain
En évitant de mourir tel un lâche
En préférant l’idéal à la matière
En refusant la vie de vassal
En refusant de rendre mon âme vénale
La souffrance purifie l’âme
Tel le feu purifie l’or
Elle relève
Elle brule les péchés
Elle rompt les dernières attaches qui relient au joug
A la boue et aux puanteurs de la chair corrompue et aux airs insalubres
Je n’ai peut-être pas choisi ma naissance

Corps voilés

Beau visage, belle forme,


Crois-tu, comme eux, que tu n’as qu’un seul corps ?
Où logeraient alors les sentiments
Où circuleraient les invisibles subtiles
Où se stockeraient les souvenirs
Et d’où jailliraient les pensées ?

Beau visage belle forme,


As-tu oublié ton corps de lumière dorée?
Rayonnant sans chaleur
Les ténèbres l’ont occulté
Par des voiles de mirages et d’erreurs

Est-ce tragique ou non tragique?


-C’est tragique, ça finit toujours par la mort, le héros est un anti-
héros, le seul vrai héros y est le destin qui nous écrase, le mortel y
est condamné à l’aveuglement, à la passion et à la souffrance …
Ne me dites pas que ce n’est pas une tragédie
- Histoire tragique, vue de ce côté !
Aventure de l’intellect ou devoir de l’âme,
Vue d’un autre côté !
Béatitude sacrée ou course épicurienne effrénée ?
Purgatoire, tourbillon illusoire ou monde condamné ?
- Grand Projet de Sagesse quand notre volonté se confond avec
Sa Volonté.
Pour un tête-à-tête avec soi-même
Cherchant mille prétextes pour éviter ta rencontre ou l’abréger
Pensant à tout sauf à toi
Fuyant ce dur face-à-face
Se regardant dans les yeux me donne froid aux yeux
Cherchant le repos partout, ne le trouvant nulle part
Epée du guerrier tu es ta propre gaine
Colporteur épuisé tu es ton propre fardeau
Tu veux t’oublier pour te reposer, or l’oubli de soi est ton mal suprême

Tu es le monarque d’un peuple révolté


Au lieu de t’exiler dans des iles inhabités, ou de t’enfermer dans les luxueux
palais déserts
Descends dans les rues, sois à l’écoute de ce peuple qui souffre qui s’écrie
Prends conscience des maux de toutes sortes
Du corps, du cœur, de l’âme et de l’esprit
Demande pardon à tes muscles, à tes organes, à ton souffle, à tes
émotions, à tes idées,
Réconcilie-toi avec toi-même,
Avant de vous endormir, avant de vous réveiller
A chaque tournant et devant chaque revirement
Ecoute les conseils de tes os, les suggestions de tes souffles et les
soupçons de tes viscères

Vie à double visage


Vie terrestre, oh ! comme tu es laide !
Pourtant, toute la beauté, nous l’avons connue qu’en toi, par toi, et à travers toi !

Oh, vie terrestre, comme tu es cruelle, impitoyable et méchante !


Mais ce n’est que par ton biais que nous avons connu l’amour, la bonté, la pitié et la miséricorde !

Vie imparfaite ! Pourrais-tu être la seule voie possible vers le parfait ?


Etrange mélange du Paradis et de l’Enfer,
En toi, bassesse et sublime, le Divin et le Satanique, vont côte à côte, vont en pair

Tu parais absurde, toi de quoi nous avons acquis tous les sens et tout le bon sens
Tu parais sans finalité, toi où chaque détail a une claire finalité

Trompeuse, comme d’habitude, avec ta fausse simplicité, ta fausse naïveté, ta fausse absurdité
Derrière ta simplicité, mille tunnels, mille labyrinthes de complexité
Derrière le chaos apparent, tout n’est qu’ordre et beauté

Et ces douleurs vraisemblablement inutiles, ces anomalies et handicaps, ces monstruosités


Fruits d’actes démoniaques, épreuves sélectives ou purgatoire incontournable ?

Ouezzane – 2022
Fleuve agonisant dans le désert
Fleuve qui étais tout à l’heure grandiose, majestueux et abasourdissant
Eclatant par tes flots argentés énormes et par tes remous assourdissant
Après tant d’efforts pour atteindre le vaste océan
Tu finis là dans là, dans le reg, séchant, tarissant.

* * *
Etrange parcours, tout à l’heure, tu irriguais les champs,
tu abreuvais les fleurs
Et, à tes bords, verdi et

Mais là nourrissant
Le sable aride et ses pauvres occupants
Semant la vie là où il est difficile de vivre et allumant
Une étincelle de joie et luttant
Contre les forces ténébreuses de la sécheresse et du néant.

Ouezzane – 2022

L’étourneau en traîne et la figue tardive

Un étourneau malade et fatigué par une longue et grande migration,


N’ayant pu poursuivre le périple, fut abandonné par les compagnons

Les figuiers et les oliviers désormais dépouillés de leurs fruits


La fatigue, le froid et la faim se font de redoutables alliés

Solitaire, au bout de ses trois ans d’existence sur terre


Après avoir toujours été parmi les milliers de semblable se déplaçant tel un seul être

Sa femelle
insectes
L’étourneau sansonnet, regard éteint et robe mate
Ailes chétives et voix gémissante

répertoire très vaste de chants et de cris


imitations d’autres espèces

sautillant à peine
Naguère rapide et énergique, vols planés et manœuvres acrobatiques

Soudain, au sommet d’un figuier aux haillons jaunes et marron


il aperçut une figue bien charnue

Que des sensations !


- Dites-moi, Arbre de sagesse, Fleuve d’euphorie :
« Qu’est-ce qui importe le plus dans cette piètre vie ? »
- Surtout pas les choses et leur possession
Mais leurs effets sur l’âme : les sensations
Ce n’est pas la nourriture
C’est la satisfaction qu’elle procure
Et au-delà, la fonction qu’elle assure
Ce n’est pas la chair en tant que telle
Ni les caresses et débats corporels

Celui qui croit que l’euphorie dépend de telle sensation


Ou que les sensations dépendent de telle possession
Celui-ci est dans l’erreur
Celui-ci est dans le malheur
Ce qu’on ne trouve pas ici peut-être compensé ailleurs
Ce qu’on ne peut trouver à l’extérieur
Peut être remplacé par ce qui est dans le vaste intérieur

Les sensations agréables sont infinies


Et la majorité en est inconditionnées
Mais les plus hautes sont dans l’attachement au Sublime
Et dans le dévouement au Bien Ultime.

Le repenti

- Regrets et remords me rongent le cœur


Comment effacer les anciennes erreurs ?
Nuisance, torts, injustices et préjudices
Des causes mortes comment anéantir les conséquences ?

L’irréparable, l’irréversible, l’incontournable, l’impossible

Et le Mal qu’on a commis


Est tel que de mauvaises graines qu’on a semées
Se multiplient, prolifèrent
Réaction en chaîne, boule de neige

Quand on ne peut rien changer


Il faut alors changer ses pensées.
Blanc et pointillés
A l’occasion de ce morne anniversaire,
J’ai reçu un cadeau-mystère,

Sans nom, informe, multiforme, incolore,


Insaisissable, insipide et inodore

Indéfini et aux contours imprécis


Dont nature, but, mode d’usage, bref, tout était indécis.

Était-ce un jeu dont je devais inventer les règlements ?


Était-ce un poème creux à remplir de sens et de sentiments ?

C’était le seul présent mais je ne savais quoi en faire


Je ne savais ce que c’était, ni à quoi ça peut servir

Tant je me suis demandé, et j’ai beau réfléchir

J’ai entendu une voix dire :


Tu n’y trouveras rien que ce que tu y mettras

Le sens vient de toi


Inaccessible est cet objet en soi

Mets-y, donc, le meilleur que tu puisses imaginer


Et les plus beaux joyaux auxquels tu oses aspirer.

Ouezzane, 1er janvier 2023


Saisons
Comme les saisons changent
Au rythme de nos chansons
Et les rayons irisent leurs teintes
A mesure que nous dansons

Le val qui est si étroit


Était, hier, vaste et étendu
La neige était plus blanche
L’hiver faisait chanter
Les frêles et agiles gouttes de pluie

L’araignée filait son temps


Les fleurs étaient plus gaies
L’hirondelle faisait son printemps

Le soleil riait aux éclats


Au bord des plages du jovial été
Le terrain maintenant plat
Ondulait et se déridait sous le jeu de nos pieds

L’automne était de miel


Mélange de mélancolie et mille douceurs
Chaque feuille qu’il faisait tomber
Avait un arrière-goût de profond bonheur

Au passé, le présent était plus tendre


Le futur ne donnait pas froid aux yeux

Ouezzane, 1er janvier 2023


C’était pendant que les plantes et les insectes parlaient
Je suis allé dans la forêt
Non pour me balader
Mais pour demander conseil.
En effet, la forêt – plus que la nuit- portait conseil !
A mon arrivée, les arbres chuchotèrent d’une seule voix :
Heureux est celui qui voit
La Vie toute entière comme un seul flot
Où les gouttes se confondent
Et l’éphémère fait le continu
Et qui voit le Bien comme essentiel et le mal comme superflu
La forêt survie aux parasites qui vivent à ses dépens
Et cache les prédateurs verseurs de sang
L’abeille me confie : Qui aime ce qu’il fait a la vie sucrée.
La fourmi sourit et dit : la passion rend le lourd léger
Et , à la masse de boue, donne des ailes cristallines.
Le papillon, rien que par la danse
Discourut longuement sur la force de la non-résistance
Et le chardonneret me chanta une romance
Qui dit qu’il ne faut voir que la beauté et ne parler qu’en poésie
Le moustique –qui s’est longtemps enfuie- me confia, enfin
Tout est bon qui est fait par instinct
Ce qui fait le mal c’est l’outrance
La réflexion égoïste et la satanique déviance
Les arbres me chuchotèrent :
le Mal qui ne dépend pas de toi doit faire objet d’une totale
indifférence
Le mal qui est en toi ou vient de toi, lutte contre lui avec patience
et persévérance
Inutile de chercher, la cause première du Mal est comme celle de
l’existence
Comme la cause des causes et la finalité de toutes les
conséquences

Inaccessibles à la raison restreinte, supérieures à notre


intelligence
Au secours
Ayant égaré mon âme dans les marécages, enlisée
Dans ce chemin périlleux inexorablement, je me suis engagé
Aux rouages d’une machine inflexible me voilà, à l’infini, enchaîné
Par ce fleuve noir au cours effréné, je resterais, pour l’éternité, entraîné

Je ne saurais être sauvé, impossible, sinon par Providence


Mes erreurs ne seront corrigées que par la Sainte Clémence
Qui ligoté par mille chaînes d’impuissance face à la jouissance et la
souffrance
Comment osera-t-il déchirer mille couches de Couverture d’ignorance,
rideau sombre de l’inconscience ma faiblesse et nonchalance

On ne pourrait sortir du Mal par le mal, ni de l’Illusion par l’illusion


Peut-on sortir des Ténèbres par les ténèbres ? Absurde contradiction !

Aux Dires
Ces emballages en carton, peuvent-ils me servir de bateau
Pour atteindre l’autre rive, le pays des merveilles
L’impossible est impossible
Convertir ces rocs reluisants, ces rus ruisselants en étiquettes ?
Contenir, transmettre, ou me contenir me transmettre
Jusqu’aux bords de l’ineffable, jusqu’aux confins de l’indicible

La Vie, valeur en soi, son langage est intraduisible


Ce n’est pas une phrase pour avoir un sens
Ni un fruit pour avoir un goût
C’est au-delà du sens et du goût
Le sens et le goût n’en sont que d’infimes parties

Tes vains discours ne sauraient en percer les Secrets


Tes vains discours sont une voile supplémentaire
Veux-tu transformer les faits en mots creux ?
Tu y échoueras, ça c’est sûr.
Tu ne découvriras que ton absurdité en fin de parcours.
Quelle est cette ombre
Qui va là-bas
Dans le tunnel sombre ?
Jetant ses pas au hasard
Sans aucune idée
Ni de l’issue, ni du départ
Ce n’est que toi-même

Par sagesse ou par folie


Personnel comme impersonnel
Ego semi-éteint
Idées émoussées, délabrées
Comme des haillons, déchirées,
Dans tout sens, et non-sens, étirées
Sentiments usés, oblitérés, estompés
Indifférent, insensible, blasé,
J’irai

Vieux loup solitaire


Patte blessée, regard troublé, conscience égarée
Visé par le chasseur, chassé par le berger
Crié, hué, poursuivi,
Péril aux trousses détraqué
Trainant ses vieux membres
Carcasse calcifiée
Avec grand’ peine, cherchant une proie facile
Avidité
Du sang au goût chaud et salé
Cruauté
Commandée par les lois même de la Vie
Bien qu’il ne lui reste à vivre
Qu’à peine quelques jours,
Bien que vivre soit pour lui
Un fardeau, un douloureux calvaire
Pourquoi y tient-il si fort ?
Quel sens a sa vie ?
Quel devoir tient-il à accomplir ?
Quelle mission s’efforce-t-il de remplir ?
Il sait par instinct, ce que toi, docte philosophe, ignores,
Par, ou malgré, ta science et ta raison
Que tout vivant fait partie
De l’immense et splendide projet
Luttant contre le néant
Faisant guerre au néant
Et que vivre ici est un front.

Dédoublement
Il est lisse de ce côté
Rêche de l’autre côté
Aspect brillant aspect terne

Ce que je regrette tant


Ce n’est pas le temps

Qui s’écoule ou s’est écoulé

Ce ne sont point les années

Ce ne sont nullement les occasions ratées

Ni aucunement les plaisirs dont je n’ai pas profité

Je ne regrette pas non plus

Ce que je n’ai pas pu posséder

Ni ce que je n’ai pas vu ou entendu

Non, ce que je regrette surtout

Ce sont les maux que j’ai causé

Non à moi-même, mais pour autrui.


Désillusion

Autrefois, à chaque chose, à chaque détail

s’accrochait une toile de sentiments

Une sensation innommable et un arrière-goût indescriptible

Autour de chaque chose voltigeait un essaim d’affects imprécis

Et de préconcepts indécis

Voir, entendre, toucher, goûter, connaitre ou découvrir

étaient des expériences, à chaque fois, inouïes,

des aventures de sens et d’esprit

Tout était chargé de sens, de goûts, de sensations

Chaque chose avait des ombres oniriques

des éclats féérique et des auras chimériques…

Et je m’étonnais comment

Pour nommer et décrire les sentiments

Le langage ne met en ma disposition

Que trop peu de mots

Maintenant, tout est éteint

Plat, inodore, incolore

Gris et insipide

Un seul sentiment noie et domine

En fait, c’est un cocktail, un drôle de cocktail

Un amalgame d’amertume, de mélancolie, d’angoisse et d’ennuis

De mécontentement et de mépris

Surtout de mépris

Pour le percevant et le perçu


Pour le concevant et le conçu

Et pour en parler, un seul mot suffit.

Les Paradis
Qui ont le paradis à la porte
Qui ont le paradis dans l’enclos ou la cour
Qui ont le paradis en poche
Qui ont le paradis en main
Qui ont le paradis clefs en main
Qui ont le paradis dans les cieux lointains
Sublimes et élevés
Qui ont le paradis au fond du cœur
Qui dans le paradis vit pour toujours et depuis toujours
Qui vers le paradis court
Qui vers lui le paradis court

Je suis l’inlassable, l’incassable, l’incasable, l’ineffaçable


Est en moi l’incommensurable
Le durable, l’inépuisable
De l’avant, toujours de l’avant
Mon ambition ?
Concevoir l’inconcevable
Contrôler l’incontrôlable
Courir vers l’idéal
Sans l’atteindre
Seule cette course
m’est indispensable
Mon exemple ?
L’inimitable
Allant au-delà du louable et non louable
Je ne veux pas de louanges
Seul un équilibre libre et stable
Je défendrai tout paria indéfendable
J’étreindrai cet intouchable
J’exprimerai l’ineffable
J’expliquerais l’inexplicable
L’énigmatique inextricable
Je sonderais l’insondable
Je tenterai de faire l’infaisable

Vous aimerez peut-être aussi