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Poésie
(Jamal Otmani)
Captivité mentale
Oiseau de lumière,
Qui brille, luit et scintille
As-tu compris ?
Tu es pris,
Dans ce filet sans fil,
Tu es pris
Tu y es compris.
Las, lassé
Dans le lacet
Dans le lasso
Tu es pris
Hélas ! C’est le sort !
Et chaque erreur a son prix.
Survenance
Je ne suis jamais venu ici
Mais me voici déjà ici
Je n’ai jamais cru au miracle
Jusqu’à ce qu’il m’ait bouleversé
A ce moment seulement j’ai réalisé
Comment ça se fait
Que le savoir sort de l’insu
Et la conscience de l’inaperçu
Et le pouvoir vient de l’impuissance multipliée
Que l’existence sort du néant replié puis déplié
Que le futur nait du passé dépassé et repassé
Et que la sagesse frôle la folie pour finir par la surpasser.
* * * *
Je n’ai pas cru pouvoir oser
Jusqu’au moment où j’ai osé
Ce qu’on ne peut imaginer
Bientôt, on saura bien que c’est le vrai.
Je n’ai jamais cru y arriver
Et le voilà qui est déjà fait
Je n’ai jamais voulu venir ici
Et me voici qui suis ici.
Je ne l’ai jamais cru
Je l’ai vu
J’avais peur de le toucher
Je ne veux point y renoncer.
Plante monocarpique
Drôle de floraison annonçant la mort
Plante monocarpique,
Ayant réussi
A transmettre le témoin
Plante monocarpique,
Ouezzane 2021
La foi
Il faut que tu fasses cela pour être croyant !
Mais, ici, il faut trouver pour savoir quoi chercher, comment chercher et où
chercher
* * * *
D’où la transcendance
D’où le courage
D’où la constance
D’où la clairvoyance
D’où le passage.
Perdre la foi
Perdre la foi
Et tout s’écroule
Sens dessous-dessus
Tout s’évapore
S’installe l’absurde
Spleen et dégoût,
Désespoir et mélancolie.
Ouezzane 2022
Des gens heureux
J’ai rencontré des gens,
Sans nom, sans renom
Sans enfants, sans femme, sans compagnon
Dans une chaumière ou dans un cabanon
Sans biens, sans argent
Sans amour et sans passion
Tout fait dire qu’ils ont du guignon
Ni remords ni sentiments
Ni engouement ni ambition
Pas d’idée, pas d’opinion
Impécunieux, laborieux, besogneux
Ils ont tous pour être malheureux
Pourtant, cependant, néanmoins et nonobstant
Ils sont bel et bien heureux, bienheureux.
Inglorieux mais radieux
Ni prestigieux, ni précieux
Mais oublieux et insoucieux
Et surtout, ils ne sont point anxieux, ni haineux ni rancuneux
Ni capricieux, ni acrimonieux, non plus.
Car le bonheur est une question d’humeur, surtout et avant tout.
Heureux est qui est harmonieux
Pondéré et mesuré
Ni envieux, ni furieux
Sobre, simple et tempérant
Savourant tout ce qui est bon
Appréciant tout et reconnaissant
Voulant le bon et non le mieux
Ne cherchant jamais le plus coûteux, le plus curieux.
Ne portant pas trop loin leurs yeux.
Et j’ai vu des gens encore plus heureux
Mille fois plus heureux
Sans moyen, sans truchement
Mais seulement
Leur conscience était sans cesse et tout le temps
Avec Dieu,
Jouissant de la présence de l’Omniscient, le Tout Clément.
La Joie
Pas besoin de chercher le pourquoi
Il y a le soi
* * * *
Vis la joie
La joie nettoie
Cherchez-la partout
Trouvez-la partout
Fruitages
J’aime les fruits trop mûrs,
Non qu’ils soient plus tendres ou plus sucrés,
Ni à cause de leur goût prononcé
Bien qu’ils soient raidis, mélancoliques et asséchés,
Mais parce qu’ils me rappellent mon propre sort
Ils sont à bout de leur mission
Et vont bientôt quitter ce monde tragique et enivrant.
* * * * *
Ces fruits chétifs, je les aime
Même rabougris et aigrelets
Déformé ou mal conformé
Par compassion, par pitié
Mon cœur s’est toujours penché
Vers le côté où se trouvent les faibles,
Les petits et les mal lotis.
* * * *
Fruits aigres, fruits amers, fruits sucrés
Chacun a son goût et ses petits secrets
Ils sont tous sacrés pour un regard sacré
Porteurs de vie, tout est fruit
La fleur est fruit en devenir
Le fruit est une forêt en miniature
Tous les bons actes sont de bons fruits
L’amour est fruit
Qui propage la vie est fruit
Protéger la vie est fruit
Nourrir la vie est fruit
* * * *
Fruits piqués
Je vous ai toujours estimés
Comme moi, vous avez porté votre mal et su résister
Au nom de ceux que vous nourrissez et avez nourris
Je vous bénis !
Des goûts, j’aime les amers
Des couleurs, je préfère les éteintes : les fanées, les passées.
* * * *
Et les fruits, décomposés, corrompus, pourris ?
Fruits déprimés, fruits périmés ?
Tombés par terre, foulés des pieds
Jetés, maltraités, malmenés
Je vous aime tant, Je vous aime aussi
Non à cause de l’alcool,
Non à cause des bactéries
Ils me sont préférables
Rien n’est stable
Tout est pourris ou pourrissable
Et je suis toujours fidèle aux parias, aux Intouchables, aux opprimés.
* * * * *
* * * * *
* * * * *
ou que cette vie terrestre serait une ombre perdue dans les ténèbres et que
vivre serait trop risqué ?
* * * * *
Je ne vois que trop clair que les deux points de vue ne sont vraiment que
très vrais
Ceux qui fouillent dans les poubelles pour chercher quoi manger
Ceux qui n’ont pas saisi l’occasion ni par la queue ni par les cheveux,
Ceux qui n’ont pas fait d’effort ou refusé les règles du jeu
* * *
Vous les ratés,
Recalés, repoussés, refoulés
Qui ont failli surmonter
Qui ont beau essayer
Ou ceux que, au dernier instant,
la chance aurait abandonnés
Ceux qui après avoir tant résisté
Ont craqué, ont lâché
Ceux que les tentations, telles des sirènes,
Ont fait, dans les gouffres de détresse, sombrer
Ceux qui étaient sur le point de franchir
Puis, soudain, sont tombés.
Emotions
D’abord ? Commence d’abord par pardonner à tous
Oui, à tout le monde
Afin que tu puisses te pardonner
Une seule petite exception, et te voilà incapable de te pardonner
Et sans te pardonner, comment oseras-tu demander pardon,
Ni au Seigneur du Pardon ni au commun des pécheurs ?
* * * * *
La peur ? Que vaut l’Homme sans la peur ?
Que vaut la vie sans la peur ? La Grande Peur ?
Que veut le plaisir sans la peur ?
Que vaut la douleur même sans la peur ?
Que vaut la Mort, la Puissante Mort, sans la peur ?
Que vaut la peur elle-même sans la peur ?
Rien ne vaut rien sans la peur (si ce n’est par l’Amour).
Seulement je dis ce qui a été bien dit :
- La peur inutile est inutile, la peur excessive est inutile,
- Freinez-la de peur qu’elle ne vous freine,
Paralysez-la de peur qu’elle ne vous paralyse.
* * * * *
Tu m’as parlé des neuf rongeurs qui corrompent corps et âme,
Et tu les as nommés, Ô mon âme !
Colère, Peur, Haine, Envie,
Remords, Orgueil, Désir, Avidité, Jalousie
Je les porte en moi, ils me portent
Ils rendent si lourd que je me porte.
Ils ne sont pas seulement inutiles et vaines,
Ils sont aussi méprisables, insupportables et faux.
Seule la sérénité vaut ce qu’elle vaut.
Ouezzane, juillet 2019
Mystère
Regards
Regarder trop court
Ça donne le vertige
Regardez l’éternité pour ne pas vous noyer dans l’instant
Cherchez les limites de l’espace
Pour ne pas vous perdre en un seul point
Un oiseau qui vit en cage
Son esprit peut aller au-delà de la cage
A moins qu’il ne s’identifie à la cage.
Chiralité
Etrange chiralité !
Ni assurance ni sécurité
Nihilisme
- Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que tu cherches ?
Qu’est-ce que tu préfères ? Qu’est-ce que tu espères ?
- J’aurais bien aimé ne pas être ainsi
Ne pas être moi-même
Ou ne pas être, tout court
Sinon ne pas être conscient
Ou, du moins ne pas être un être sensible
C’est-à-dire être sans souffrir
Telle une roche ou une rivière
Ne pas voir, ne pas savoir
Sans souffrir et sans mourir.
Que cette existence soit inférieure ou supérieure
Elle ne saurait être la pire n’aspirant pas au meilleur !
Portrait du néant
- Maître révéré, savant et éloquent
Je vous prie de bien vouloir me décrire le néant !
- Cher disciple, mais vous demandez l’impossible !
Qui saurait exprimer l’indicible ou décrire l’indescriptible ?
Les mots sont créés pour indiquer ce qui est là
Et non pour prétendre à cerner ce qui est au-delà !
Le néant est sans comment car sans substance
Il est sans forme, sans consistance
Et seule l’existence peut révéler, à l’esprit, sa non-existence.
- Mais, maître vénéré, qui, à part vous-même, pourrait m’en parler
Me dire ce qu’il est ou à quoi il pourrait sembler.
- Mais vous aurait tort de croire que cela est ou peut sembler
C’est une négation absolue
C’est une obscurité sans clarté
C’est un froid sans chaleur
C’est une pure inconscience couverte d’ignorance
C’est un vide avide
C’est un mal absolu où il n’y a aucun bien, pas le moindre bien
- Révérend maître, voulez-vous dire que le néant ne soit pas neutre
Au-delà du bien et du mal
- Mais le néant n’a rien de neutre, il est loin d’être passif
Tout ce qui le touche directement est englouti par ses gouffres infinis
Sans fond et sans bornes
Le prisonnier solitaire et le passage du ver luisant
C’était le noir absolu,
C’était le vide,
Vide extrême,
Il y a un infranchissable fossé.
Ouezzane 2022
Voies de l’émancipation ou arbre du paradis
Telles nommées par le Sant Prophète
Elles sont au nombre de sept :
- Voie de vérité : savoir, sincérité et loyauté
- Voie de charité : donner, aider, prêter
- Voie de résistance, voie de l’action : se corriger, se
perfectionner, lutter contre le Mal et la malignité
- Voie de l’amour
- Voie de foi
- Voie de culte
Chaque voie conduit à une porte
Chaque porte conduit au paradis
Et à chacun son rang
Dans le paradis, il y a plusieurs paradis
Les voies du paradis sont comparables aux branches d’un arbres
Ces branches descendent jusqu’au sol
Jusqu’au niveau de l’enfant et de l’impotent
En s’accrochant à une branche et en y grimpant
Le pratiquant fidèle ne manquera pas d’atteindre l’affut
Avec l’aide de Dieu et la force de sa foi
Ces dites branches sont bien définies
Leurs noms ne sont bel et bien connus
En ces quelques mots on peut facilement les rappeler :
- Croire
- Aimer Dieu plus que toute autre personne ou chose
- Faire le bien (bien agir -bien penser – bien sentir)
- lutter contre le mal en soi comme autour de soi
- Chercher à savoir
- Renoncer à son amour propre
- Être patient et se résigner à la volonté de Dieu.
Lâche prise
Laisser-aller
Laisser-faire ou laisser tomber,
Je ne crains plus de savoir
Je ne suis qu’une porte battante
Que toute vérité entre (ou sorte)
Le moi semi-conscient n’est plus gardien
Ce n’est qu’un spectateur sans avis.
* * *
Mortel ! Jusqu’à quand craindras-tu de mourir ?
Jusqu’au moment de mourir ou jusqu’à ce que tu sois mort ?
C’est comparable au vivant ayant peur de vivre !
Laisser aller, laisser faire
Inutile de résister à l’irrésistible.
Craindre la souffrance ne dispense point de souffrir
Autant ou plus qu’un être puisse supporter.
Pêle-mêle
La vie ici-bas est et a toujours été
Un étrange mélange de bien et de mal
Ni le mal disparaîtra, ni le Bien sera écarté
Et il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps
A moins que la volonté Suprême en décide autrement.
Dans cet étrange carnaval
Que les paysages macabres ne vous empêchent pas de
savourer les délices des beaux spectacles
La beauté est partout, pourvu que vous y soyez sensibles
Le mal est partout, fermez les yeux sur lui, n’entendez pas ces
cris, n’en parlez pas, la pensées le nourrit, la parole le grossit
Laisse la laideur traîner loin de ton esprit, comme des
mouches qui bourdonnent, comme des loups affamés qui
hurlent au loin,
Retenez vos deux langues extérieure et intérieure
Comme en retient son souffle quand on passe devant une
décharge nauséabonde, sans rouspéter et sans maudire
et on ouvre son nez et ses poumons devant le champs de
fleurs aux parfums agréables
Apprécier le Bien sans se soucier du Mal
Voici une vieille recette d’une vie heureuse.
Kénitra, août 2022
Francophonie
Langage du Colon, vieux corbeau !
Le courant maudit !
Vieux manteau
Je le porte tel un vieil esclave porterait les hardes de son ancien maître
avare, étriquées et usées.
visage de la passion ;
Je ne peux le faire…
Réfugiés fils de réfugiés, végétant dans camps sans terre, sans mer, le feu
dans l’âme ?
Ces sans-patrie, n’ayant ni lieu ni feu, dont le regard jette des flammes ?
Partout courus, partout pourchassé, la mort aux trousses, le Mal les traque,
le faux les condamne ?
* * * * *
Qui défont toutes les coalitions de la scélératesse d’un seul regard plein de
mépris ?
Dont les cris et les feux d’artifice rendent confus toutes les milices du mal et
de l’injustice ?
* * * * *
Ce sont des Palestiniens, petits-fils des Philistins, qui peuplaient ces terres
depuis la nuit des temps,
Là-bas leurs grands-parents cultivaient des vergers d’olives et d’orangers,
élevaient des troupeaux et construisaient de belles mosquées à coté des
cathédrales majestueuses et de paisibles synagogues,
« Le sol où vous avez poussé, les maisons où vous vous abritez, l’eau qui
vous a irrigués, le blé et le poisson dont s’est formé votre chair, l’air que
vous respirez…tout cela, tout cela nous appartient. Car il a un jour
appartenu aux arrière-arrière- aïeux des ancêtres des ancêtres des ancêtres
de nos arrière-grands-pères. Ils ont régné sur ces territoires en maîtres
absolus et il nous est promis de faire de même,
Ils ont dit cela à coups de feu et de sang et non par les mots du langage
En portant leurs enfants et peut-être ce qui est tombé par hasard sous leur
main au moment de la fuite comme le pain de leur jour ou autre chose qui
vaille …
Ils ont fui par peur de la mort, par peur du déshonneur, par peur de la peur,
ils se sont réfugiés
Et ne voient le monde qu’à travers de petits trous percés dans les murailles
de béton armé…
Ce sont des intrus qui sont venus du désert pour envahir notre royaume
bénit
Ne les voyez pas cracher sur nos avions de chasse et leurs hauts pilotes
fort instruits ?
Ce sont des fous, ne les entendez pas parler trop des droits qu’ils n’ont pas,
d’une patrie qu’ils n’ont pas et de vouloir vivre sans avoir où vivre ? »
* * * * *
La vie m’a appris que la vérité se range du côté du plus honnête s’il est - de
surcroît - le plus faible !
Petits Palestiniens, votre étendard est l’étendard de tous les gens honnêtes
Votre voix est la voix de toutes les valeurs humaines
Votre combat est celui de tout Homme libre.
Crachons ensemble sur leurs chars
Jetons sur leurs armées un regard de mépris
Et contre tous leurs missiles et avions, préparons des cerfs-volants !
- Non, non, mon fils, ils ne se battent pas. Ne les regarde pas. Lève tes
yeux, le ciel est clair et les oiseaux chantent !
- Enfin ! Ils se battent mais ce n’est pas pour de vrai. Ce sont des humains,
ce sont des voisins, civilisés et bien élevés …
- N’en parlons pas, fiston, ne les regarde pas, n’y pense pas.
C’est naturel, c’est normal. Il en a toujours été ainsi.
Depuis la nuit des temps, les gens se sont toujours battus, entretués,
égorgés.
Ils se sont toujours battus, se battent et se battront.
Hier comme demain, c’est du déjà-vu
On se bat pour le breuvage et le pâturage,
On se bat par fatuité, on se bat par avidité
- Mais ces deux-là, je les ai déjà vu se battre, j’y ai pensé, j’en ai parlé !
Leur énigme reste entièrement irrésolue !
- Eh bien ! ces deux-là sont des fermiers voisins,
A chacun son verger.
Un jour, l’un a voulu cueillir les fruits de l’autre, ce dernier a voulu l’en
empêcher et le combat s’est déclenché.
J’ai repêché :
Car on n’est pas vraiment ce qu’on est mais ce qu’on veut être
* * * *
* * * *
Vaut mieux une vérité qui désespère qu’une illusion qui apaise
* * * *
* * * * * *
Les plaisirs intellectuels sont mille fois plus variés, plus étendus, plus
profond que les plaisirs réels,
Certes, rien n’égale le concret, qui remplit les sens et fait vibrer la chair,
* * *
* * *
Et savoir supporter.
* * *
* * *
Qui est indifférent au sort d’autrui serait-il répréhensible s’il est, à un degré
égal, insoucieux du salut de son âme ?
* * *
Cela m’indigne,
* * *
* * *
Arrogant et têtu
Seigneur Concret
Et ton muselage
Tourner en rond
Apparence du réel
Remplissage !
Multicolores et
Bateau ivre
Aspirant à l’Idéal
la plus laide ?
Ouezzane - 2021
Paradisiaques
Qui ont le Paradis à la porte
Qui ont le Paradis dans l’enclos ou la cour
Qui ont le Paradis en poche
Qui ont le Paradis en main
Qui ont le Paradis dans les Cieux
Qui ont le Paradis en tout lieu
Qui ont le Paradis au fond du cœur
Qui ont le Paradis au coin de l’œil
PITIÉ
Je ne ressens plus que de la pitié
Pour moi-même comme pour tous les autres
Pour toutes les créatures, pour tous les êtres
Sans exception, sans exclusion
Sans illusion de supériorité
Sans orgueil de bienveillance
Comme une simple triste réaction
Envers une simple triste réalité.
Même envers ceux qui sont obligés de tuer pour vivre
Obligés de remplir et vider sans cesse leur pitoyable petit ventre
Obligés d’apaiser répétitivement leurs piètres impétuosités
Envers tous, je n’éprouve qu’une profonde pitié
Sauf qu’elle est mêlée d’une profonde estime à l’égard des uns
Et aigri de mépris et de regret vis-à-vis des autres.
Ouezzane - 2022
Mes humanités
Humanité, Humanité !
Pourquoi votre fruit est-il triste
Et votre couleur diaprée ?
L’hypocentre du moi
* * * *
S’enliser dans les sables mouvant ou glisser sur les glaces
Scintillement éblouissant ou illusion trompe-l’œil
Tous deux brulent et font sécher
Le glacier sans cœur charmeur de fées
Absorbe les rayons et éblouit de mille reflets
Le désert, scène éternelle des errances, des sécheresses, des pillages
Tu enfouis les eaux pour faire danser les mirages.
* * * *
Retour de l’esclave marron
Ouezzane, 2019
Réminiscences
Erreurs et amours
Maître !
Toujours les mêmes erreurs
Toujours les mêmes moteurs
Orgueil, désirs, colère et peurs
Appui sur le précaire, attachement à l’éphémère.
Ô, maître
Que vaut la vie sans amour ?
Mais c’est folie que d’aimer qui ne le mérite guère
Aimer vraiment, c’est inconditionnel
Aimer vraiment, c’est aimer l’absolu, l’inconditionnel.
Ode à la survie
Accroche-toi à l’herbe sèche !
Le premier devoir n’est-il pas d’y rester
Et d’aller de l’avant
Aller à merveille, aller à vau-l’eau, aller à la dérive, aller à la débandade,
Aller bien ou aller mal …, peu importe,
L’essentiel est d’y aller,
De continuer jusqu’à la fin du parcours,
Jusqu’à l’issue du tunnel
Courir ou ramper, peu importe,
L’essentiel est de bouger
Et de rester vivant jusqu’au moment de mourir.
* * *
Prismes
Qui vit dans l’enfer voit l’existence à travers le prisme des feux
Le Paradis a des filtres qui ne laissent passer que les rayons bienheureux
Cours
Je marche et j’observe
Ne regardant pas les êtres comme des être
Mais comme objets de ma pensée
Ne voyant plus les choses comme choses
Mais en tant qu’images mentales
Ou plutôt comme éléments d’Esprit
Qui reviennent à l’esprit
Ou qui sortent de l’esprit
L’esprit pourrait-il embrasser ce qui n’est pas de sa propre nature ?
Ne peut être perçu par l’esprit que ce qui est esprit
La matière ? La matière même est esprit
Matière de l’esprit
Que serait-elle sans l’empreinte de l’esprit
Sans le souffle de l’esprit
Sans la présence de l’esprit
Qu’est-ce qu’il y a d’autre que le savoir et le pouvoir
Savoir divin
Pouvoir divin
Qui lui donne ordre et énergie
lui donne sens et beauté
Qui la guide vers un but
Qui y insuffle la vie
La vie qui traverse les innombrables formes
La raison qui se manifeste partout
Avec mille et mille visages
Qui la fait soumettre au canon universel
Qui la fait tendre vers la régularité
Vers la clarté et la bonté
Et qui maintient en cohésion
En dépit des collisions.
Ouezzane, 2020
Accroche à la vie
Ouezzane, 2020
Relique
Muse ensorcelée,
Somnolant au fond de la caverne de l’Ogre des ténèbres magiques,
Comment obtenir la lueur magnétique
Ou le parfum extatique
Pour dissiper cette léthargie toxique ?
* * *
J’irai, errant, à travers les labyrinthes des terres exotiques
Je fouillerai coins et recoins des vallées glaciales
Et des ergs désertiques
Je quetterai le secret de ton Mal
A tous les moines, ascètes, alchimistes, fakirs et chamanes
A tous les Imams
Aux philosophes et aux médecins-mages
Pour obtenir une lueur
Au fil des enchevêtrements
De la broussaille énigmatique.
* * *
Je parcourrai
Montagnes et marécages
Sur la voie
Ô celui qui marche
Sur la voie de la sainteté
Qui est la voie de la vérité
Qui est la voie de félicité
De l’amour et de l’unité,
Marche, marche
Et ne te retourne point
Avant d’atteindre l’ultime but
La Finalité.
* * *
Honneur et bonheur à ceux qui suive le but
Lointain et fugitif
* * *
Idées fugitives
Maintes belles idées m’ont fui
Sans retour, et pour jamais
Du fait que, par l’écriture, je ne les ai pas ligotées.
Oiseaux rares de la beauté,
Féériques, paradisiaques, mystiques ou oniriques
Par étourderie
Je vous ai perdus, Je vous ai ratés
par maladresse,
je vous ai gâtées.
J’aurais pu m’en faire une parade d’oiseau,
un bouquet de fleurs
un symphonie de sirènes
ou un poème éclatant
Pour mes bien-aimés
A la gloire de l’intangible
De l’illimité
du sacré invisible
de l’impensable et l’intenté…
Intempéries
Joie de vivre
Ouezzane 2021
Pardon
A cet instant précis,
Et à cet instant seulement,
J’ose prétendre, j’ose affirmer
Pouvoir penser, pouvoir croire et sentir
Que je peux pardonner
A tout le monde sans excepter
Même à ceux qui m’ont offensé
Traité avec injustice, cruauté et méchanceté
Ceux que la haine ou la concupiscence ont aveuglés
Même à ceux qui m’ont laissé dans l’âme
Des plaies béantes, saignantes ou fumantes…
A cet instant, je ne veux plus
que personne ne souffre à cause de moi
A cet instant, je méprise toute vaine vengeance
je méprise toute vaine souffrance
A cet instant, je ne ressens plus
Rien que de la pitié
Envers toute créature
Comme envers moi-même
De la pitié envers tous ces faibles
Condamnés à vivre et à souffrir
A se tromper, à faiblir et à mourir
A cet instant, j’ose pardonner
J’ose oublier
Parce que je vois d’un autre angle
Parce que je baigne dans le calme
Un calme anormal
Un calme inhabituel et insoupçonné
Qui n’est -peut-être – qu’une autre forme
De la fatigue, mêlée à l’indifférence.
Le voyant
Princesse enchantée
Dans le château féérique
Dans la galerie des miroirs
Où tout est éblouis
Par les éclairs chatoyants
Hommage à la chair
Périssable et frêle
Fleur de coquelicot
Fugitive
Limité
Mais laissant entrevoir
Toute l’éternité
Hommage à la beauté
Donnant naissance
A tant de souffrance et de volupté.
Paradisiaque et infernale
Angélique ou satanique
Telle est la nature
De notre monde de la dualité.
Le Rire Satanique
Du fond du puits maudit, infecté et tari, vent Infect, exhalaison infame
Puanteur cadavéreuse, Rire Satanique, infestant les fonds de l’âme
Ouezzane 2022
Sourire pour l’autre, pleurnicher (ou faire semblant) pour le chagrin de l’autre
Tuer son moi pour le Moi de l’autre, étouffer sa voix pour réjouir l’oreille de
l’autre
* * *
Dans l’imaginaire
Routine et la platitude
Ouezzane 2022
Chevalier sans cheval
Ô chevalier sans cheval,
Sans armure et sans arme
Sans écu, sans écuyer, sans gloire
Tu parcours les terres arides
Sans clan ni étendard
Où vas-tu, que cherches-tu, qui combats-tu ?
Sans ordre, sans titre, sans domaine
Pauvre chevalier des Temps Modernes
Eres sans mythes, sans héros, sans légendes.
Crois-tu encore au Révolu
Le mythe est démythifié, démystifié
Dans cette ère de glace
L’héroïsme n’a plus de place
Car l’héroïsme est dans le cœur
La chevalerie est dans l’âme
Ici le vent glacial blesse
Ni blason ni armoiries,
Ni vieille noblesse.
Chevalier servant sans élégante maîtresse.
Rien que l’ironie pour arme et pour dogme
Que peut la hardiesse,
Et cette illusion de maîtrise
D’arme, de cheval et de soi
dans cette forêt de traitrise ?
Je n’ai besoin ni de javelot ni d’épée
Partout je mène bataille
Contre le mal, le vice, l’imperfection et le défaut
Contre l’injustice sous toutes ses formes
A coups de poings, griffes et dents,
Avec le verbe, le regard, la mine, l’émotion et la pensée
Je lutte, à défaut de tout, par le simple refus
Par le crachat, par un simple « non »
Mes ennemis ne sont pas des êtres palpables
En chair et en os
Ce sont des actions, des idées, des émotions
Et Des images mentales
Je lutte contre l’absurde, contre le non-sens,
Je lutte contre l’inutile souffrance des êtres
Contre le vain et la vanité
Contre l’insatiable avidité
Contre l’inassouvissable, contre l’inapaisable
Contre l’abominable, contre l’ignoble et l’inéquitable
Je lutte au fond de moi-même
Contre ce qui fait de nous des marionnettes
Des fantoches, des hommes-de-paille
Chevalier en détresse
Sans Maître ni maîtresse
Sans témoins
Sans spectateurs
Sans admirateurs
Je ne vois que tes larmes
Eclats de ton arme
Eclats de ton drame
Je n’entends que tes soupirs
Des ahans
La peur de mourir
Peur de la mort ?
En a-t-elle jamais sauvé personne ?
Peur de mourir !
J’ai aussi peur de vivre.
Peur de mourir,
Qui vous a mis là
Au cœur de mon cœur, au fond de mon âme ?
Peur de mourir,
Peut-on aimer, accepter ou pouvoir vivre
Ne serait-ce qu’un seul instant
Sans toi, Ô peur de mourir ?
Ouezzane 2021
* **
J’ai vu mourir parents et frères
Plusieurs chagrins m’ont brisé le cœur
J’ai vu et vécu tant de misères
J’ai raté mille occasions et j’ai commis autant d’erreurs
* **
Face au mal, face à la cruauté
Face à la mauvaise fortune et aux mauvaises saisons
J’ai compris que le bon remède est la sérénité
Et que seul un esprit vaste et égal peut vaincre la déraison.
* **
Utile et inconditionnelle, telle est la joie
Par le renoncement et la frugalité
le pauvre devient plus heureux que tous les rois
- Pourquoi suis-je né ?
- Sûrement parce que tu l’as choisi,
Peut-être même à ton insu
Par cette autre forme de pensée
Sans mots, sans image, sans « je ».
- Non, non ! ce sont des jeux oratoires
Comment peut-on choisir sans être et sans avoir
Serait-il un choix sans pouvoir, sans savoir
Le martyr
Je n’ai peut-être pas choisi ma vie
Alors je crois pouvoir choisir ma mort
Ma façon de mourir
Ma raison de mourir
Et le camp où je dois mourir
Si ma vie n’avait pas de sens
J’espère que ma manière dont je mourais m’en donnera un
Si ma vie n’avait pas de valeur
Je crois que ma mort en donnera
En évitant de mourir en vain
En évitant de mourir tel un lâche
En préférant l’idéal à la matière
En refusant la vie de vassal
En refusant de rendre mon âme vénale
La souffrance purifie l’âme
Tel le feu purifie l’or
Elle relève
Elle brule les péchés
Elle rompt les dernières attaches qui relient au joug
A la boue et aux puanteurs de la chair corrompue et aux airs insalubres
Je n’ai peut-être pas choisi ma naissance
Corps voilés
Tu parais absurde, toi de quoi nous avons acquis tous les sens et tout le bon sens
Tu parais sans finalité, toi où chaque détail a une claire finalité
Trompeuse, comme d’habitude, avec ta fausse simplicité, ta fausse naïveté, ta fausse absurdité
Derrière ta simplicité, mille tunnels, mille labyrinthes de complexité
Derrière le chaos apparent, tout n’est qu’ordre et beauté
Ouezzane – 2022
Fleuve agonisant dans le désert
Fleuve qui étais tout à l’heure grandiose, majestueux et abasourdissant
Eclatant par tes flots argentés énormes et par tes remous assourdissant
Après tant d’efforts pour atteindre le vaste océan
Tu finis là dans là, dans le reg, séchant, tarissant.
* * *
Etrange parcours, tout à l’heure, tu irriguais les champs,
tu abreuvais les fleurs
Et, à tes bords, verdi et
Mais là nourrissant
Le sable aride et ses pauvres occupants
Semant la vie là où il est difficile de vivre et allumant
Une étincelle de joie et luttant
Contre les forces ténébreuses de la sécheresse et du néant.
Ouezzane – 2022
Sa femelle
insectes
L’étourneau sansonnet, regard éteint et robe mate
Ailes chétives et voix gémissante
sautillant à peine
Naguère rapide et énergique, vols planés et manœuvres acrobatiques
Le repenti
Aux Dires
Ces emballages en carton, peuvent-ils me servir de bateau
Pour atteindre l’autre rive, le pays des merveilles
L’impossible est impossible
Convertir ces rocs reluisants, ces rus ruisselants en étiquettes ?
Contenir, transmettre, ou me contenir me transmettre
Jusqu’aux bords de l’ineffable, jusqu’aux confins de l’indicible
Dédoublement
Il est lisse de ce côté
Rêche de l’autre côté
Aspect brillant aspect terne
Et de préconcepts indécis
Et je m’étonnais comment
Gris et insipide
De mécontentement et de mépris
Surtout de mépris
Les Paradis
Qui ont le paradis à la porte
Qui ont le paradis dans l’enclos ou la cour
Qui ont le paradis en poche
Qui ont le paradis en main
Qui ont le paradis clefs en main
Qui ont le paradis dans les cieux lointains
Sublimes et élevés
Qui ont le paradis au fond du cœur
Qui dans le paradis vit pour toujours et depuis toujours
Qui vers le paradis court
Qui vers lui le paradis court