Vous êtes sur la page 1sur 10

LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

LA DRM : VEILLE STRATÉGIQUE ET APPUI AUX OPÉRATIONS


Des hommes très compétents qui mettent en
oeuvre des hautes technologies

La direction du renseignement
militaire (DRM), organisme in-
terarmées, relève directement
du chef d’état-major des ar-
mées (CEMA). Le directeur du
renseignement militaire assiste
et conseille le ministre de la Défense en matière de renseignement d’intérêt militaire
(RIM).
La DRM a pour mission de satisfaire les besoins du CEMA en renseignement d’intérêt
militaire (RIM), c’est-à-dire le renseignement qui s’intéresse à tout ce qui a ou peut
avoir des conséquences sur nos forces en opérations et nos intérêts nationaux.
Son action s’exerce tant dans le domaine de la veille stratégique permanente que dans
celui de l’appui à la planification et à la conduite des opérations.
ÉTÉ 2014 39
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

L’origine de la direction du renseigne- de la République par le CEMA. Si un en-


ment militaire (DRM) gagement est décidé, il s’agit d’accompa-
La DRM a été créée en 1992, à l’issue de gner les forces sur le terrain, en fournissant
la première guerre du Golfe, à l’occasion à temps et au bon destinataire un rensei-
de laquelle il avait été constaté un gnement adapté.
manque dans le domaine du renseigne-
ment. En effet, dans le contexte de la La DRM coordonne l’action des « moyens
Guerre froide, la menace principale ve- renseignement » de chacune des armées,
nait de l’Union soviétique, et le rensei- pour que, du niveau stratégique au niveau
gnement militaire était donc centré sur la tactique, ou dit d’une autre manière, du
connaissance des matériels et de l’orga- président de la République et du CEMA
nisation militaire de l’adversaire. Surtout, jusqu’au grenadier-voltigeur, l’ensemble
la carence en renseignement d’imagerie des moyens de renseignement agissent de
spatiale ne permettait pas à la France de façon cohérente et complémentaire.
bénéficier d’une appréciation autonome
de situation. Par ailleurs, la connaissance Le renseignement d’intérêt militaire re-
de l’environnement, du contexte politico- couvre deux grands domaines d’action :
militaire et politico-économique (notam-
ment l’industrie d’armement) était jugée -la veille stratégique : il s’agit d’anticiper
insuffisamment prise en compte pour les événements pour mieux les prévenir,
faire face aux nouvelles formes d’engage- d’attirer l’attention ou de donner un si-
ment auxquelles étaient confrontées les gnal d’alerte aux autorités, en indiquant
armées françaises. qu’à tel ou tel endroit du globe peut se
produire une crise. Il s’agit aussi d’anti-
Le domaine d’action de la DRM ciper les mesures de précaution ou qui
Comme l’indique son décret de création, la pourraient conduire au règlement de
DRM a pour vocation d’être un organisme cette crise avant qu’elle ne se déclare.
interarmées de renseignement d’intérêt mi-
litaire à la fois pour informer les plus -l’appui aux opérations : une fois que
hautes autorités de l’État et bien sûr le haut l’engagement est décidé, il faut l’accom-
commandement militaire du contexte pagner, et donc fournir un appui rensei-
politico-militaire de l’engagement, et de gnement aux états-majors et aux forces
participer directement à l’appui aux opé- concernés en planification puis en
rations dans lesquelles les forces armées conduite.
françaises sont engagées. Il s’agit de contri- Dans ces deux domaines, la complémen-
buer en amont à la capacité d’anticipation tarité avec les autres services de rensei-
et à l’autonomie d’appréciation stratégique gnement de l’Etat, soit la direction
de situation de nos autorités, et, le cas générale de la sécurité intérieure (DGSI)
échéant, de participer à la définition d’op- et la direction générale de la sécurité ex-
tions stratégiques à proposer au président térieure (DGSE) prend toute sa place.
40 ÉTÉ 2014
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

Diffuser les renseignements Orienter la recherche


- Aux décideurs - Quels capteurs
- Aux forces armées - Quelles cibles
- Aux services français - Quels délais

DIFFUSION
ORIENTATION
ANIMATION
EXPLOITATION
RECHERCHE

Exploiter Rechercher
- Analyse et validation des informations - Avec les capteurs de la DRM
- Identification des renseignements pertinents - Avec ceux des forces armées
- Enrichissement des bases de données - Autres (alliés, services,…)

Awacs

PC permanent de guerre électronique

Radar de surveillance de l’espace Cabine de pilotage de drone

ÉTÉ 2014 41
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

RENSEIGNEMENT STRATÉGIQUE

Bâtiment Dupuy de Lôme

Satellite Hélios

Le renseignement permet l’autonomie d’ap-


préciation de situation et de prise de décision.

L’organisation de la DRM
Écoutes à partir de sous-marins
La direction du renseignement militaire
est constituée de deux ensembles dis-
tincts.
1/ Un organisme d’administration cen-
tral (OAC). Localisé à Paris et à Creil, il
est structuré autour d’un échelon de di-
rection, d’un bureau renseignement « J2 »
et de trois sous-directions :

- la sous-direction des opérations (SDO)


qui est chargée d’organiser, d’orienter et
de coordonner la recherche du rensei-
gnement. Elle est également responsable
42 ÉTÉ 2014
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

de l’expression et du suivi du besoin opé- - le centre de formation et d’interpréta-


rationnel des capacités renseignement. tion interarmées de l’imagerie (CFIII) :
implanté aussi sur la base aérienne 110
- la sous-direction de l’exploitation (SDE) de Creil, le CFIII (appelé plus couram-
qui est l’organisme chargé de centraliser ment le CF3I) a pour principales missions
et d’analyser les informations ou les ren- le renseignement d’origine image (ROIM),
seignements recueillis et d’élaborer le la formation des interprètes d’images du
renseignement d’intérêt militaire. ministère de la Défense, l’expertise et la
préparation de l’avenir dans le domaine
- la sous-direction personnel, finances, de l’exploitation technique des images.
capacités (SDPFC) a en charge la gestion
des finances et des ressources humaines - le centre interarmées de recherche et de
de la direction, mais également des pro- recueil du renseignement humain
jets et de la préparation de l’avenir. (CI3RH) : a pour mission le recueil et
l’analyse du renseignement d’origine hu-
- le bureau renseignement « J2 » du cen- maine (ROHUM), ainsi que la préparation
tre de planification et de conduite des des capteurs avant mission.
opérations (CPCO) de l’état-major des ar-
mées (EMA) est armé en personnel de la - le centre de formation interarmées au
DRM. Activé 24 heures sur 24, il assure renseignement (CFIAR) : implanté à
la veille stratégique, l’appui aux travaux Strasbourg, ce centre est chargé de la for-
de planification opérationnelle et l’orien- mation au renseignement d’intérêt mili-
tation de la recherche du renseignement taire, dans un cadre national ou
sur les théâtres d’opération. Pour ce faire, multinational, et de l’apprentissage des
il s’appui sur les expertises de la SDO et langues nécessaires au renseignement.
de la SDE.
Un nouveau domaine vient compléter les
2/ Des centres spécialisés comprenant : ROEM, ROIM et ROHUM, il s’agit de la
- le centre de formation et d’emploi rela- recherche du renseignement d’origine in-
tif aux émissions électromagnétiques formatique (ROINF) qui consiste au trai-
(CFEEE) : implanté sur la base aérienne 110 tement des supports numériques (clés
de Creil, le CFEEE (appelé plus couram- USB, cartes SIM, disques durs, télé-
ment le CF3E) a pour mission d’animer la phones portables,etc.).
chaîne militaire du renseignement d’ori-
gine électromagnétique (ROEM) en orien- La manœuvre du renseignement
tant les capteurs d’écoute, en exploitant La complémentarité des moyens est ren-
leur production et en mettant à jour le ré- due nécessaire par la grande complexité
férentiel technique national militaire des environnements dans lesquels nos
dans le domaine des radars et des télé- forces opèrent, ainsi que par la diversité
communications. des sources de renseignement. Cela néces-
ÉTÉ 2014 43
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

site donc de mettre au point « une manœu- et exponentielle de la quantité d’informa-


vre du renseignement », une manœuvre tions à traiter implique de pouvoir comp-
des capteurs du renseignement, depuis le ter sur une ressource humaine fiable, et
satellite jusqu’à l’unité qui va rechercher parfois rare (linguistes, interprétateurs
un renseignement tactique immédiat. Et image, analystes). Dans ce domaine, la
entre les deux se déploie tout le panel des DRM travaille en interservices, sous
capteurs dans chacun des domaines du l’égide du coordonnateur national du ren-
renseignement, chacun de ces capteurs ap- seignement, pour améliorer le recrute-
portant un élément supplémentaire à la ment, la formation et la mobilité entre tous
manœuvre d’ensemble. les métiers du renseignement.
Dans le domaine du renseignement d’ori-
gine image, au-delà du satellite déjà évo- Le personnel de la DRM
qué, on mentionnera les drones et les Pour faire face à ses besoins, la DRM re-
avions de reconnaissance. Le renseigne- crute au sein des armées des officiers, des
ment d’origine électromagnétique est sous-officiers et des militaires du rang
quant à lui fourni par les moyens d’écoute mais également des fonctionnaires ou
des télécommunications, ainsi que de dé- contractuels civils. Elle propose un panel
tection et d’identification des signaux ra- très étendu de métiers adaptés à chaque
dars. Enfin, le domaine essentiel du niveau d’études et de formation, soit dans
renseignement d’origine humaine permet le métier du renseignement, soit au sein
non seulement de compléter, mais égale- des bureaux chargés de la conception ca-
ment de confirmer, recouper ou valider un pacitaire, soit encore dans des fonctions
renseignement acquis par d’autres moyens. plus techniques ou de soutien.

La problématique des moyens de la DRM La DRM est couverte par les dispositions
Les moyens de la DRM sont techniques et de l’arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect
humains. de l’anonymat des militaires et du person-
Dans le domaine technique, l’enjeu est de nel civil du ministère de la Défense. En
se situer au niveau technologique optimal : conséquence, l’appartenance à la DRM
mais la course au « tout technologique » s’entoure de la plus stricte confidentialité.
n’est pas une fin en soi, il faut que les sys-
tèmes soient cohérents avec les missions Exemple de métiers proposés à la DRM
et les capacités de traitement et d’analyse. - traitants / exploitants des domaines
Pour autant, il importe d’anticiper sur les géostratégiques : ils évaluent les inten-
besoins futurs, compte tenu de la durée de tions, à l’étranger, des États et des groupes
développement des programmes, en défi- armés non-étatiques et les risques d’éclo-
nissant les besoins capacitaires avec pré- sion de crise, par la connaissance des ac-
cision. teurs, de leur environnement et par la
Enfin, la question de la ressource humaine détection des signaux les plus faibles.
est essentielle. La croissance permanente D’autres, en charge d’évaluer les capacités
44 ÉTÉ 2014
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

RECHERCHE DU RENSEIGNEMENT OPÉRATIONNEL


La DRM dispose d’un personnel d’un
haut niveau de compétence dans des
métiers variés.

Imageries drone

Exploitation photos aériennes Station d’écoute

Renseignement humain

ÉTÉ 2014 45
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

Drone Harfang Atlantique 2

Le tout technologique n’est


pas une fin en soi et le ren-
seignement d’origine hu-
maine reste irremplaçable.

46 ÉTÉ 2014
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

Avion de recueil
de renseignement
d’origine
électromagnétique
« Gabriel »

Transmettre dans les meilleurs délais


toutes les informations recueillies par
les différents capteurs et les acheminer
pour les exploiter puis les diffuser aux
utilisateurs.

Station de transmission tactique

militaires, suivent les équipements en tégration des nouveaux outils d’exploita-


nombre et en performance, les activités et tion au profit de la DRM.
l’emploi des forces, les doctrines ainsi que
les organisations. Enfin, certains sont spé- - spécialistes du renseignement électro-
cialisés dans la prolifération des armes de magnétique : la production du renseigne-
destruction massive, dans les systèmes ment d’origine électromagnétique est le
énergétiques et de télécommunications, fruit du travail d’un ensemble de spécia-
dans les activités spatiales, les industries listes (opérateurs d’écoute, analystes de
de défense et la dissémination des armes. réseaux ou de signaux, linguistes spécia-
lisés). Ce personnel est chargé de trans-
- spécialistes du renseignement image : au crire, en termes clairs, des interceptions
sein du monde de l’imagerie, la DRM as- réalisées sur toute la largeur du spectre
sure la cohérence opérationnelle des électromagnétique.
moyens des armées et recherche donc des
personnels civils et militaires ayant une On trouve aussi à la DRM de nombreux
forte expérience opérationnelle et tech- autres métiers comme informaticiens,
nique qui soient capables de maîtriser les développeurs, conseillers juridiques,
possibilités offertes par les satellites d’ob- webmestres, chargés de prévention, pho-
servation. Des officiers, des ingénieurs et tographes, traducteurs, gestionnaires en
des techniciens assurent, notamment, l’in- ressources humaines, spécialistes en for-
ÉTÉ 2014 47
LE RENSEIGNEMENT D’INTÉRÊT MILITAIRE

mation renseignement ou technique, trai- Par ailleurs, la DRM recrute et emploie un


tants administratif, etc. Ces nombreux volume important de réservistes. Elle ac-
métiers demandent des aptitudes allant cueille également des stagiaires issus du
de la remise en question quasi-perma- milieu universitaire, ce qui leur permet
nente de ses savoirs et de la curiosité à la de découvrir le monde du renseignement
conception, voire l’innovation. Le monde tout en faisant bénéficier la DRM d’une
bouge et sa compréhension demande une expertise spécifique dans ses
adaptation continue. domaines d’intérêt.

Pour les forces armées, le décloisonnement du renseignement d’in-


térêt militaire nécessite de développer un ensemble de capteurs com-
plémentaires, tout à la fois techniques et humains, et de permettre
ainsi de valider les informations dont le but ultime consiste à distinguer
le plus tôt possible les signaux annonciateurs d’une crise.

Détenir des moyens de renseignement militaire complets et couvrant la totalité des


sources possibles est indissociable du choix stratégique de disposer d’une autonomie
d’appréciation de situation et de décision. Cette aptitude conditionne ainsi le rôle que
peut légitimement ambitionner la France au sein d’une coalition ou d’une alliance,
éventuellement en mettant en œuvre des cellules nationales dédiées, et garantit la co-
hérence de l’action militaire, quelle que soit la situation d’engagement.

Satellite Pleiades

Cahier spécial réalisé par Gilbert Robinet pour le numéro 103 de


48 ÉTÉ 2014
la revue ENGAGEMENT de l’ASAF - (www.asafrance.fr), en liason
avec l’EMA, la DRM, l’ECPAD et les Sirpas Terre, Marine et Air.

Vous aimerez peut-être aussi