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Isis Devoilee
Isis Devoilee
VOLUME I – SCIENCE
PREMIERE PARTIE
H.P. BLAVATSKY
MONTAIGNE
NOTE DU TRADUCTEUR
[7]
PREFACE
Dans nos études, nous avons appris que ce que l'on nomme mystères
ne sont pas des mystères. Les noms et les lieux, qui, [9] pour les esprits de
l'Occident, n'ont d'autre signification que celle tirée des fables de l'Orient
nous ont été montrés comme des réalités, nous sommes entrés en esprit
avec révérence, dans le temple d'Isis ; il nous a été permis de soulever à
Saïs, le voile de "Celle qui est, qui a été et qui sera" ; nous avons regardé
par la déchirure du rideau du Saint des Saints à Jérusalem, et même
interrogé la mystérieuse Bath-Kol dans les cryptes qui existaient jadis sous
l'édifice sacré. La Filia Vocis – la fille de la voix divine – nous a répondu
du haut de son trône de clémence, derrière le voile, et la science, la
théologie, toutes les hypothèses et les conceptions humaines, nées d'une
connaissance imparfaite des choses ont perdu pour toujours à nos yeux
leur caractère d'autorité 1. La seule Divinité vivante a parlé par son
oracle, l'homme, et nous nous tenons pour satisfait. Une pareille
connaissance est inestimable ; et elle n'est cachée qu'à ceux qui la
dédaignent, la tournent en ridicule ou en nient l'existence.
1
Lightfoot assure que cette voix qui a été employée dans les temps anciens comme un témoignage
venant du ciel, "était réellement produite à l'aide de l'art magique" (vol. II, p. 128). Ce dernier terme
a toujours été pris dans un sens dédaigneux, précisément parce qu'il a été et qu'il est encore mal
compris. L'objet de cet ouvrage est de corriger l'opinion erronée au sujet de "l'art magique".
conscience publique. Lorsque le Pape peut en arriver à lancer l'anathème
contre tous ceux qui soutiennent la liberté de la presse et de la parole 2,
contre ceux qui prétendent que, dans un conflit entre les lois civiles et les
lois ecclésiastiques, la loi civile doit l'emporter, ou bien encore qu'une
méthode d'enseignement laïc puisse être approuvée 3 ; Ou encore lorsque
M. Tyndall porte-voix de la science du XIXème siècle, déclare que "la
position inexpugnable de la science peut être définie en ces quelques
mots 4 : Nous exigeons de la théologie tout le domaine de la théorie
cosmologique et nous le lui arracherons" le résultat n'est point difficile à
prévoir. [10]
Les chrétiens qui verront que nous mettons en question les preuves de
l'authenticité de leur foi.
2
Encyclique de 1864.
3
Le Pape Pie IX.
4
Fragments of science.
Les gens d'Eglise libéraux, et les libres penseurs s'apercevront que
nous n'acceptons pas ce qu'ils font mais que nous réclamons la
reconnaissance de la vérité totale.
H.P. BLAVATSKY.
DEVANT LE VOILE
J.-R. BUCHANAN M. D.
C'est ce qu'on affirme ; quels sont les faits ? D'une part un clergé
dogmatique, dépourvu de spiritualité, et trop souvent, débauché ; un
nombre infini de sectes, et trois grandes religions qui se combattent ; la
discorde au lieu de l'union ; des dogmes sans preuves ; des prédicateurs
cherchant l'effet, et des paroissiens avides de richesses et de plaisirs ;
l'hypocrisie et la bigoterie enfantées par les exigences tyranniques de la
respectabilité ; tout cela est aujourd'hui la règle, la sincérité et la véritable
piété sont des exceptions. D'autre part des hypothèses scientifiques bâties
sur le sable ; absence d'accord sur une seule question ; la jalousie et les
querelles haineuses ; une tendance générale vers le matérialisme. [14] La
lutte à mort entre la science et la théologie pour l'infaillibilité – "la bataille
des âges".
5
Voir les dernières pages du chapitre XV.
6
Recollections of a Busy life, p. 147.
Parmi les nombreuses productions phénoménales de notre siècle,
l'étrange croyance des Spirites a surgi des ruines branlantes des religions
se disant révélées et des philosophies matérialistes ; cependant, cette
croyance est peut-être un dernier refuge transactionnel entre les deux. Il
n'est pas étonnant que ce fantôme inattendu des temps pré-chrétiens n'ait
guère trouvé faveur auprès de notre siècle positif et sérieux. Les temps ont
bien changé ; il n'y a pas longtemps qu'un prédicateur bien connu à
Brooklyn, disait du haut de la chaire, que si Jésus revenait et se comportait
[15] dans les rues de New-York, comme il l'avait fait à Jérusalem, il ne
tarderait pas à se retrouver en prison 7. A quel accueil le Spiritisme
pouvait-il donc s'attendre ? A première vue, il n'est ni engageant ni
rassurant. Informe et contrefait, tel un enfant aux mains de sept nourrices,
il sort maintenant de l'adolescence bancale et mutilée. Ses ennemis sont
légion ; ses amis et protecteurs une poignée. Mais qu'importe ! Quand la
vérité a-t-elle jamais été acceptée à priori ? Parce que les défenseurs du
Spiritisme ont exagéré ses qualités dans leur fanatisme, et sont restés
aveugles à ses imperfections, ce n'est pas une raison pour mettre en doute
sa réalité ? Il est impossible de contrefaire un modèle si ce modèle n'existe
pas. Le fanatisme des Spirites est lui-même la preuve de l'authenticité et de
la possibilité de leurs phénomènes. Ils nous fournissent des faits à étudier,
et non des affirmations à admettre sans preuves. Il n'est pas admissible que
des millions d'hommes et de femmes raisonnables soient le fait d'une
hallucination collective. Aussi tandis que le clergé, s'en tenant à son
interprétation de la Bible, et la science aux possibilités qu'elle reconnaît à
la nature, refusent de l'écouter avec impartialité, la vraie science et la vraie
religion gardent le silence et attendent patiemment les développements
ultérieurs.
7
Henry Ward Beecher.
Secrètes" de l'ancienne religion universelle. Il nous sera peut-être alors
possible de trouver un terrain neutre où nous pourrions les atteindre toutes
deux et en tirer profit.
8
Cocker : Christianity and Greek Philosophy, IX, p. 377.
9
Evangile selon saint Mathieu, XIII, 11, 13.
10
Les accusations d'athéisme, celle d'introduire des dieux étrangers, et de corrompre la jeunesse
athénienne, portées contre Socrate, fournissaient une ample justification à Platon, pour cacher le
secret de ses doctrines. Sans doute, le langage particulier, ou jargon des alchimistes, avait un même
but. Les chrétiens de toute nuance, et tout spécialement l'Eglise de Rome, ont employé sans
scrupule, la prison, la roue et le bûcher, contre tous ceux qui enseignaient même la science
naturelle, contraire aux doctrines de l'Eglise. Le Pape Grégoire le Grand, condamna même l'usage
grammatical du Latin comme une hérésie. Le crime de Socrate consistait à révéler à ses disciples la
doctrine secrète au sujet des dieux, enseignée dans les Mystères, ce qui était un crime capital.
Aristophane l'accusa même d'introduire dans la république le nouveau dieu Dinos, comme démiurge
ou créateur, et le seigneur de l'univers solaire. Le système hélio-centrique faisait également partie
des Mystères ; par conséquent lorsque Aristarque, le Pythagoricien l'enseigna ouvertement,
Cléanthe déclara que les Grecs devaient lui demander raison et le condamner comme blasphémateur
contre les dieux (Plutarque). Mais Socrate n'avait jamais été initié et, par conséquent, n'a rien
divulgué de ce qui lui avait été révélé.
Quant aux Mythes, Platon déclare dans le Gorgias et le Phédon, qu'ils
étaient les véhicules de grandes vérités qui valaient d'être cherchées.
Toutefois, les commentateurs sont si peu en rapport avec le grand
philosophe, qu'ils se voient obligés de reconnaître qu'ils ignorent "où le
mythe commence et où la doctrine prend fin". Platon dissipa la superstition
populaire au sujet de la magie et des démons, il transforma les idées
exagérées de son époque, en théories rationnelles et en conceptions
métaphysiques. Peut-être ne pourraient-elles résister à la méthode
inductive de raisonnement établie par Aristote ; elles sont, néanmoins,
satisfaisantes au plus haut degré, pour ceux qui admettent l'existence d'une
faculté plus haute de connaissance ou d'intuition, pour servir de critérium
de la vérité.
Cela peut nous faire comprendre pourquoi les plus sublimes scènes
des Mystères étaient toujours de nuit. La vie de l'esprit [19] intérieur est la
mort de la nature externe ; et la nuit du monde physique annonce le jour du
monde spirituel. Par conséquent, on adorait plutôt Dionysius, le soleil-
nocturne, qu'Hélios, l'astre du jour. Dans les Mystères on symbolisait la
condition préexistante de l'esprit et de l'âme, la chute de celle-ci dans la vie
terrestre et dans Hadès, les misères de cette vie, la purification de l'âme et
son retour à la félicité divine, ou la réunion avec l'esprit. Theon, de
Smyrne, compare avec raison la discipline philosophique aux rites
mystiques : "On pourrait, dit-il, appeler la Philosophie l'initiation aux
véritables arcanes, et l'instruction aux mystères authentiques. Cette
initiation est divisée en cinq parties : I, la purification préalable ; II,
l'admission à participer aux rites secrets ; III, la révélation époptique ; IV,
l'investiture ou intronisation ; V, la cinquième est le résultat de toutes les
précédentes, l'amitié et la communion intime avec Dieu, et la jouissance de
cette béatitude qui découle de la relation intime avec des êtres divins.
Platon appelle epopteia, ou vue personnelle, la contemplation parfaite des
choses qu'on saisit intuitivement, les idées et les vérités absolues. Il
considère également l'acte de ceindre le front, et le couronnement, comme
analogue à l'autorité qu'on reçoit de ses instructeurs et pour entraîner les
autres dans la même contemplation. Le cinquième degré est la félicité la
plus parfaite qui en découle, et, suivant Platon, c'est une assimilation à la
divinité aussi parfaite que la chose est possible pour des êtres humains 11."
Tel est le Platonisme. Ralph Waldo Emerson dit que "Platon est la
source de tout ce qui est encore écrit et discuté par des hommes de
pensée". Il absorba le savoir de son temps, celui de la Grèce de Philœus à
Socrate ; puis celui de Pythagore en Italie ; et aussi tout ce qu'il put
apprendre de l'Egypte et de l'Orient. Il était si complet, qu'il embrassait
dans sa doctrine toutes les philosophies de l'Europe et de l'Asie ; et à la
culture et à la contemplation, il joignait la nature et les qualités du poète.
11
Voyez Thomas Taylor : Eleusinian and Bacchic Mysteries, p. 47, New-York : J.-W. Bouton,
1875.
cœur humain se nourrit des mêmes sentiments au cours des ages."
Pythagore éveilla sans doute la plus profonde sympathie intellectuelle de
son temps, et ses doctrines exercèrent une influence considérable sur
l'esprit de Platon. Son idée maîtresse était qu'il existait un principe
permanent d'unité sous les formes, changements et autres phénomènes de
l'univers. Aristote affirmait qu'il enseignait "le nombre était le principe de
toute entité". Ritter pense que la formule de Pythagore doit être prise
symboliquement, ce qui est sans doute exact. Aristote associe ces nombres
" formes"et aux "idées" de Platon. Il va jusqu'à déclarer que Platon a dit
que "les formes sont des nombres" et que "les idées sont des existences
substantielles – des êtres réels". Platon n'a toutefois rien enseigné de
semblable. Il déclarait que la cause finale était la Bonté Suprême – το
αγαθόν. "Les idées sont des objets de pure conception pour la raison
humaine, et elles sont des attributs de la Raison Divine 12" Et il n'a jamais
dit que "les formes sont des nombres". Ce qu'il a dit, nous le trouvons dans
le Timée" : Dieu forma les choses comme elles apparurent dans le
principe, suivant les formes et les nombres."
12
Cousin. Histoire de la Philosophie, I, IX.
"Lorsque la dissolution – Pralaya – est parvenue à son terme, le Grand
Etre – Para-Atma ou Para-Pourousha – le Seigneur existant par lui-même,
duquel et par lequel toutes choses ont été, sont et seront. décida d'émaner
les diverses créatures de sa propre substance." (Manava-Dharma-Sastra,
Livre 1, slokas 6 et 7.)
13
Thomas Taylor. Theoritic Arithinetic, Londres, 1816, "sur les Nombres Pythagoriciens".
14
Platon. Parmenid, 141.E
mais ce n'est que la réflexion de la Divinité – l'Ame Mondiale 15. Dans
cette doctrine, nous trouvons l'esprit du Bouddhisme ésotérique.
Une Idée humaine de Dieu est la lumière aveuglante que l'homme voit
reflétée dans le miroir concave de son âme, et cependant ce n'est pas
véritablement Dieu, mais seulement son reflet. Sa [23] gloire est là, mais
c'est la lumière de son propre Esprit que l'homme voit, et c'est tout ce qu'il
supporte de regarder. Plus le miroir est clair, plus l'image divine
resplendira. Toutefois, le monde extérieur ne peut s'y montrer en même
temps. Chez le Yogi extatique, chez le Voyant illuminé, l'esprit brillera
comme le soleil de midi ; mais l'éclat disparaît pour la victime avilie par
l'attraction terrestre, car le miroir a été terni par les taches de matière. De
tels hommes renient leur Dieu, et priveraient aussi, en même temps,
volontiers, l'humanité de son âme.
15
Voyez Stobens, Eclogues, I, 862.
16
Sextus Empiricus. Adv. Math., VII, 145.
Xénocrate a commenté beaucoup de théories et enseignements oraux
de son maître. Lui aussi tenait en très haute estime la doctrine de
Pythagore, son système de nombres et sa mathématique. Ne reconnaissant
que trois degrés de la reconnaissance, la Pensée, la Perception et
l'Envisagement (ou connaissance par l'Intuition), il enseignait que la
première avait affaire à tout ce qui est au-delà du ciel ; la Perception aux
choses du ciel ; et l'Intuition au Ciel lui-même.
17
Metaph, 407, a, 3.
18
Appendice au Timée.
19
Stob : Ecl., 1, 62.
plus spirituelles de la Monade et de la Duade, possédant les principes les
plus élevés des deux. Si, comme Platon et Prodicus, il parle des Eléments
comme de Puissances Divines, en les appelant des dieux, ni lui, ni les
autres n'y mettaient la moindre idée anthropomorphe. Krische prétend qu'il
ne leur donne le nom de dieux que pour éviter de confondre ces pouvoirs
élémentaires avec les dœmons du monde inférieur 20 (les Esprits
Elémentaires). Puisque l'Ame du Monde interpénètre le Cosmos tout
entier, les animaux eux-mêmes doivent aussi avoir quelque chose de
divin 21. Cette doctrine est aussi celle des Bouddhistes et des Hermétistes,
et Manou concède même aux plantes et au plus petit brin d'herbe, une âme
vivante.
Suivant cette théorie, les dæmons sont des êtres intermédiaires entre la
perfection divine et la corruption humaine 22 ; il les divise en deux classes,
qui, elles-mêmes, se subdivisent en beaucoup d'autres. Mais il dit
expressément que l'âme individuelle, [25] ou personnelle, est le principal
dæmon gardien de chaque homme et qu'aucun dæmon n'a plus de
puissance sur nous que le nôtre propre. Ainsi le Dæmon de Socrate est le
dieu ou l'Entité Divine qui l'inspira pendant toute sa vie. Il dépend de
l'homme lui-même d'ouvrir ou de fermer ses perceptions à la voix Divine.
De même que Speusippe, il attribuait l'immortalité au ψuγη, le corps
psychique, ou âme irrationnelle. Toutefois quelques philosophes
Hermétistes ont enseigné que l'âme n'a une existence continue, séparée,
qu'autant qu'elle conserve des particules terrestres ou matérielles, dans son
passage à travers les sphères ; et qu'après purification absolue, celles-ci
sont annihilées, et seule la quintessence de l'âme se fond dans l'esprit divin
(le Rationnel) ; les deux ne font dès lors plus qu'un.
20
Krische : Forsch, p. 322, etc.
21
Clem. Alex Stro, v. 590.
22
Plutarque. De Isid, chap. 25, p. 360.
23
"Plato und die Alt. Akademie".
maîtres et pour modèles les sages hindous. Cicéron nous montre Xénocrate
méprisant tout, sauf la vertu la plus élevée 24 ; et il décrit la sévère austérité
sans tache de son caractère 25. "Notre but est de nous libérer de la sujétion
de l'existence sensorielle, de vaincre les éléments Titanesques de notre
nature terrestre, au moyen de la nature Divine." Zeller lui fait dire 26 :
"Même dans les aspirations secrètes de nos cœurs, la pureté est le devoir le
plus grand, et, seules, la philosophie et l'initiation aux Mystères nous
aident à atteindre ce but."
24
Turc, v. 18, 51.
25
Idem. Cf., p. 559.
26
Platon et l'Anc. Académie.
27
Ed. Zeller. Philos. der Griech.
28
Plato und die Alt. Akademie.
approfondie de la nature occulte de la création ; seule, elle nous assure une
existence de félicité après la mort. Cet ouvrage spécule grandement sur
l'immortalité de l'âme, mais son auteur ajoute que nous ne pouvons arriver
à cette connaissance que par une compréhension parfaite des nombres ; car
celui qui ne peut distinguer une ligne droite d'une courbe, n'aura jamais
assez de sagesse pour entreprendre la démonstration mathématique de
l'invisible, c'est-à-dire que nous devons nous assurer de l'existence
objective de notre âme (le corps astral) avant d'apprendre que nous
possédons un esprit divin et immortel. Jamblique dit la même chose,
ajoutant, toutefois, que c'est un secret appartenant à la plus haute initiation.
Le Pouvoir Divin, dit-il, éprouve de la répugnance pour ceux qui "rendent
manifeste la nature de l'icostagonus", c'est-à-dire ceux qui enseignent le
moyen d'inscrire le dodécaèdre dans la sphère 29.
29
Un des cinq solides en géométrie.
En outre, lorsque l'auteur de l'Epinomis place entre ces dieux les plus
hauts et les plus bas (les âmes incarnées) trois classes de dæmons peuplant
l'univers d'êtres invisibles, il est plus rationnel que nos savants modernes,
qui ouvrent entre ces deux extrêmes un vaste hiatus, terrain de jeu de
forces aveugles. De ces trois classes, les deux premières sont invisibles ;
leurs corps sont éther pur et feu (esprits planétaires) ; les daimons de la
troisième classe ont des corps vaporeux ; ils sont généralement invisibles,
mais se rendent parfois concrets et deviennent visibles pendant quelques
instants. Ce sont les esprits terrestres ou nos âmes astrales.
30
The Sun and the Earth. Conférence de Manchester, 13 nov. 1872.
31
(Histoire des Sorcières de Salem).
habitués à considérer la gravitation comme quelque chose d'absolu et
d'immuable, que l'idée d'un soulèvement complet ou partiel, en opposition
avec cette loi, paraît inadmissible ; néanmoins, il y a des phénomènes où la
gravitation est surmontée au moyen de forces matérielles. Dans plusieurs
maladies, comme, par exemple, la [30] fièvre nerveuse, le poids du corps
humain semble augmenter, tandis que, dans tous les cas des extatiques, il
paraît être diminué. Il peut y avoir, de même, d'autres forces que
matérielles pour contrecarrer cette puissance.
"Comme le feu traverse les parois d'un poêle en fonte, les étoiles
passent à travers l'homme avec toutes leurs propriétés et pénètrent en lui,
comme la pluie dans la terre qui, grâce à elle, produit des fruits. Or,
remarquez-le, les étoiles entourent la terre comme la coquille l'œuf ; l'air
passe et pénètre à travers la coquille jusqu'au centre du monde." Le corps
humain est soumis à une double loi, comme la terre, les planètes et les
étoiles ; il attire et repousse, car il est saturé d'un double magnétisme,
l'influx de la lumière astrale. Toute chose est double dans la nature. Le
magnétisme est positif et négatif, actif et passif, mâle et femelle. Pour
l'humanité, la nuit constitue un repos après l'activité du jour ; elle rétablit
ainsi l'équilibre dans la nature humaine aussi bien que cosmique. Lorsque
le mesmériseur aura appris le grand secret qui consiste à polariser l'action
et à douer son fluide d'une force bisexuelle, il sera devenu le plus grand
magicien vivant. La lumière astrale est donc androgyne, car l'équilibre est
la résultante de deux forces opposées, réagissant éternellement l'une sur
l'autre. Le résultat de cette réaction c'est la VIE. Lorsque les deux forces
sont étendues et restent inactives assez longtemps pour s'égaler et aboutir
à un repos complet c'est la MORT. Un être humain peut souffler le chaud
ou le froid et il peut absorber de l'air chaud ou froid. Un enfant sait
comment régler la température de son souffle ; mais aucun physiologiste
n'a encore appris d'une manière certaine à se préserver de l'air chaud ou
froid. La lumière astrale seule, principal facteur en magie, peut nous
dévoiler tous les secrets de la nature. La lumière astrale est identique à
l'Akasa des Hindous, terme que nous allons maintenant expliquer.
32
De Ente Spirituali, lib. IV ; de Ente astrorum, lib. I ; et opera omnia, vol. I, pp. 634 et 699.
AKASA. – Littéralement, ce mot, en sanscrit, signifie firmament ;
mais, dans son sens mystique, il a la signification de ciel invisible ; ou,
comme les Brahmanes l'appellent dans le sacrifice du Soma (le
Gyotishtoma Agnishtoma) c'est le dieu Akasa ou le dieu Firmament. La
langue des Vedas montre que les Indous d'il y a cinquante siècles lui
attribuaient les mêmes propriétés que les lamas Tibétains d'aujourd'hui, et
qu'ils le regardaient comme la source de vie, le réservoir de toute énergie
et le moteur de toutes les transformations de la matière. Dans son état
latent, il répond exactement à l'idée que nous avons de l'éther universel ; à
l'état actif, il devient l'Akasa, le dieu tout-puissant, dirigeant tout. Dans les
mystères et sacrifices Brahmaniques, il joue le rôle de Sadasya, présidant
aux effets magiques des cérémonies religieuses ; de plus, il a son prêtre
spécial, ou Hotar, qui prit son nom. Dans l'Inde, [33] comme en d'autres
contrées de l'antiquité, les prêtres sont sur la terre les représentants de
différents dieux ; chacun d'eux prend le nom de la divinité au nom de
laquelle il agit.
33
Plus communément nommé : charak-poûjâ.
ESPRIT. – Le défaut d'un accord mutuel des écrivains dans l'emploi
de ce mot a eu pour résultat une confusion complète. On en fait
communément un synonyme d'âme, et les auteurs de dictionnaires
renforcent cet usage. C'est la conséquence naturelle de notre ignorance de
l'autre mot, et de notre rejet de la classification des anciens. Nous
essayons, ailleurs, de rendre claire la distinction qui existe entre ces deux
termes "esprit" et "âme". II n'y a pas, dans cet ouvrage, de passage plus
important. En attendant, nous nous contenterons de dire que l' "esprit" est
le voũς nous de Platon, le septième principe immortel, immatériel, et
purement divin de l'homme, la couronne de la Triade humaine, tandis que :
34
Les personnes qui croient au pouvoir de clairvoyance mais qui sont disposées à douter de
l'existence, dans la nature, d'autres esprits que des esprits humains désincarnés, seront intéressées
par la lecture du compte rendu d'observations de clairvoyance paru dans le London Spiritualist du
29 juin 1877. Au moment où un orage allait éclater, la voyante aperçut un "esprit lumineux
émergeant d'un nuage sombre et traversant l'espace avec la rapidité de l'éclair. Quelques minutes
après, elle vit une ligne diagonale d'esprits sombres dans les nuages". Ce sont les Marouts des
Vedas. (Voir Rig-Veda-Sanhita de Max Muller).
Mrs Emma Hardinge Britten, conférencière bien connue et estimée, écrivain et clairvoyante, a
publié des récits de ses fréquentes expériences avec les esprits élémentaires.
dames blanches, etc. Ils ont été vus, redoutés, bénis, chassés et invoqués
dans toutes les parties du globe et dans tous les temps. Devons-nous donc
admettre que tous ceux qui en ont rencontré étaient des hallucinés ?
35
Traduit par Max Müller, Prof. de Philologie Comparée à Oxford.
(Mandala, 1 soukta 166 et suiv.)
(Table d'Emeraude) 36
36
Comme nous traiterons plus loin de la parfaite identité des doctrines philosophiques et religieuses
de l'antiquité, nous ne nous étendrons pas sur ce sujet, pour le moment.
37
Rig-Veda-Anhita, p. 234.
cabalistes et adeptes de la philosophie mystique y trouveront un système
parfaitement défini de l'évolution dans la Cosmogonie d'un peuple qui
vivait des milliers d'années avant notre ère. Ils y trouveront en outre une
parfaite identité de pensée, et même de doctrine, avec la philosophie
Hermétique et celle aussi de Pythagore et de Platon.
38
Il s'agit ici de l'une de ces végétations cristallines obtenues, en chimie, par des précipités de sels
déterminés (N. de l'E.).
39
Philostrate assure que, de son temps, les Brahmines pouvaient opérer les cures les plus
merveilleuses en prononçant simplement certaines paroles magiques. "Les Brahmines Indiens
portent un bâton et un anneau au moyen desquels ils peuvent faire presque tout ce qu'ils veulent".
Origène, dans son livre Contra Celsum, déclare la même chose. Mais si on ne joint pas un fort
fluide magnétique, par le regard, par exemple, et sans autre contact, aucun mot magique ne sera
efficace.
musulman de l'Inde et que l'on appelle aussi fakir dans certaines parties du
territoire britannique.
40
Akiba, ami d'Aher, qu'on dit avoir été l'apôtre Paul de l'histoire chrétienne. Tous deux sont censés
avoir visité le Paradis. Aher rapporta des branches de l'Arbre de la Connaissance, et se détacha ainsi
de la vraie religion (juive). Akiba revint en paix. Voyez deuxième Epître aux Corinthiens, chap.
XII.
41
Taley signifie : Océan ou Mer.
dans la personne de leur Pape, quoiqu'ils aient pitoyablement rabaissé la
majesté et la dignité de cette fonction sacrée.
Mais il est encore une autre étymologie possible pour le mot mantis, et
nous doutons fort que les philologues y ait jamais pensé. Il est peut-être
possible, en effet, que la folie mantique ait une origine beaucoup plus
ancienne encore. Les deux coupes du sacrifice du mystère de Soma,
employées pendant les rites religieux, et généralement connus sous le nom
de Grahâs, sont respectivement nommées Soukra et Manti 42.
C'est dans cette dernière coupe : manti ou manthi que, dit-on, Brahma
est "réveillé". Pendant que l'initié boit (si peu que ce soit) de cette liqueur
sacrée, Soma, le Brahma, ou plutôt son "esprit" personnifié dans le dieu-
Soma, entre dans l'homme et prend possession de lui. De là, vision
extatique, clairvoyance et don de prophétie. Les deux genres de divination,
naturelle et artificielle sont provoqués par le Soma. La coupe Soukra
réveille tout ce que la nature a donné à l'homme. Elle unit l'esprit et l'âme,
et ceux-ci, par leurs propres nature et essence, qui sont divines, ont la
prescience des choses futures, comme le démontrent des rêves, des visions
inattendues et des pressentiments. Le contenu de l'autre coupe, la manti qui
"réveille le Brahma" met l'âme en communication, non seulement avec les
dieux mineurs, les esprits bien informés mais non pas omniscients – mais
encore avec l'essence divine la plus élevée. L'âme reçoit une illumination
directe de la présence de son "dieu" ; cependant, comme il ne lui est pas
donné de se rappeler certaines choses, qui ne sont bien connues que dans le
ciel, la personne initiée est généralement saisie d'une sorte de frénésie
sacrée, et, lorsqu'elle en revient, elle ne se souvient que de ce qui lui est
permis de se rappeler. [43]
42
Voyez Aptarepa Brahmanan, 3, 1.
mantra qui, littéralement, signifie les parties des livres sacrées qui sont
considérées comme les Srouti ou révélation divine directe.
Bien des Sanscritistes reconnaissent que cette croyance est une des
plus anciennes parmi les Hindous. Les fakirs modernes, aussi bien que les
anciens gymnosophistes s'unissent à leur Atman, et à la Divinité, en restant
immobiles, en concentrant toute leur pensée sur leur nombril. Comme dans
les phénomènes somnambuliques modernes, le nombril était regardé
comme le "cercle du [47] soleil", le siège de la lumière divine interne 44. Le
fait que de nombreux somnambules modernes sont capables de lire des
lettres, d'entendre, de sentir et de voir par cette partie du corps, doit-il être
43
V. Panthéon : Myths, p. 31 ; et Aristophane dans Vœstas, 1er, reg. 28.
44
L'oracle d'Apollon se trouvait à Delphes, la ville du δεбΦuς, matrice ou abdomen ; la place du
temple était nommée l'omphalos ou nombril. Les symboles sont féminins et lunaires ; nous
rappelant que les Arcadiens étaient appelés Proselemis, pré-Hellenes ou antérieurs à la période dans
laquelle le culte lunaire Ionien et Olympien fut introduit.
considéré comme une simple coïncidence, ou devons-nous en fin de
compte admettre que les sages de l'antiquité en savaient un peu plus que
nos modernes Académiciens sur les mystères physiologiques et
psychologiques ? Dans la Perse moderne, lorsqu'un "magicien" (souvent
tout simplement un magnétiseur), est consulté à propos de vols ou d'autres
circonstances embarrassantes, il se fait des manipulations sur le creux de
l'estomac et se met ainsi en état de clairvoyance. Des Parsis modernes,
remarque un traducteur des Rig vedas, croient encore que leurs adeptes ont
dans le nombril, une flamme qui dissipe pour eux toutes ténèbres et leur
fait découvrir le monde spirituel aussi bien que les choses invisibles ou
éloignées. Ils l'appellent la lampe du Deshtour ou grand-prêtre, la lumière
du Dikshita (l'initié) qu'ils désignent encore par une foule de noms.
45
D'après les récits de Strabon et de Megasthenes qui visitèrent Palipothras, il paraîtrait que les
sectaires appelés par eux Samanéens, ou prêtres brachmanes étaient tout simplement des
bouddhistes. "Les réponses singulièrement subtiles des Samanéens ou philosophes brahmanes, dans
leur entre-vue avec le conquérant, sont évidemment empreintes de l'esprit de la doctrine
bouddhique", nous dit Upham. Voir "History and Doctrine of Buddhism" et "Chronologie" par Hale
(vol. III, p. 238).
mais un substitut ; seuls les prêtres initiés peuvent goûter au Soma
véritable, et les rois et les rajahs eux-mêmes, lorsqu'ils font les sacrifices
reçoivent le substitut. Haug avoue dans son Aytareya Brahmanan, que ce
n'est point le Soma qu'il a goûté et qu'il a trouvé mauvais, mais bien le jus
de la racine du Nyagradha, plante qui croît sur les collines de Pouna. Nous
savons positivement que la majorité des prêtres sacrificateurs du Dekkan
ont perdu le secret de la composition du véritable Soma. Il ne se trouve ni
dans les livres de rituel ni dans la tradition orale. Les vrais sectateurs de la
religion Védique primitive sont fort peu nombreux ; ils sont considérés
comme les descendants des Rishis, les vrais Agnihôtris, les initiés aux
grands Mystères. Le Soma est aussi vénéré dans le Panthéon Hindou, car il
est appelé le Soma-Roi. Celui qui en boit est admis à participer au roi
céleste, car il en est imprégné, comme les Apôtres Chrétiens et leurs
disciples étaient imprégnés du Saint-Esprit et purifiés de leurs péchés. Le
Soma fait de l'initié un homme nouveau ; il renaît à une vie nouvelle, il est
transformé, et sa nature spirituelle l'emporte sur la nature physique ; il
reçoit le pouvoir divin de l'inspiration, et, chez lui, la faculté de
clairvoyance est développée désormais au plus haut degré. D'après
l'explication exotérique, le soma est une plante, mais c'est aussi un ange. Il
met forcément l'esprit intérieur, supérieur, de l'homme, qui est angélique,
comme le soma mystique, en relation intime avec son "âme irrationnelle"
ou corps astral et, ainsi unis tous les deux par la puissance du breuvage
magique, ils s'élèvent au-dessus de la nature physique et participent durant
leur vie à la béatitude et aux gloires ineffables du Ciel.
Le Soma des Hindous est ainsi tant au point de vue mystique qu'à
d'autres, la même chose que la cène eucharistique pour les Chrétiens.
L'idée est la même. Au moyen des prières du sacrifice – les mantras – cette
liqueur est censée se transformer, sur-le-champ, en Soma réel, ou en ange,
ou même en Brahma lui-même. Quelques missionnaires se sont fort
indignés de cette cérémonie, d'autant plus que, généralement parlant, les
Brahmanes emploient en remplacement une sorte de liqueur spiritueuse.
Mais les Chrétiens croient-ils moins fermement à la transubtantiation du
vin banal de la Communion, en sang de Jésus-Christ, parce que ce vin est
plus ou moins chargé d'alcool ? L'idée symbolique qui s'y rattache n'est-
elle pas la même ? Cela n'empêche point les Missionnaires [49] de dire que
l'heure de l'absorption du Soma est le moment propice pour Satan qui se
cache alors au fond de la coupe du sacrifice Hindou 46.
46
De leur côté, les païens pourraient bien demander aux missionnaires quelle sorte d'esprit se cache
au fond de leur bouteille de bière du sacrifice. Le journal évangélique de New-York l'Indépendant
nous informe que, dernièrement, un voyageur Anglais a trouvé en Birmanie une église de la mission
Baptiste où l'on employait pour le service de communion, sans doute avec la bénédiction de Dieu,
de la bière de Bass à la place de vin. Les circonstances modifieraient, paraît-il, les conditions du
culte !
correspondants influents. II y aura sans doute aussi beaucoup à dire, sur la
conduite des missionnaires, à ceux qui les aident de leur bourse. [50]
Après avoir préparé une lampe, du santal, de l'encens, etc., après avoir
tracé les cercles magiques que lui a enseignés le gourou supérieur, afin de
tenir à l'écart les mauvais esprits, "il cesse de respirer, et appelle le feu à
son aide pour disperser son corps". Il prononce un certain nombre de fois
le mot sacré et "son âme s'échappe de son corps, et son corps disparaît, et
l'âme de l'esprit évoqué descend dans le double corps et l'anime". Alors,
"son âme (Grihasta) rentre dans son corps dont les particules subtiles se
sont de nouveau agrégées après avoir formé de leurs émanations un corps
aérien pour l'esprit qu'il a évoqué".
Maintenant qu'il a formé pour les Pitris un corps avec les particules les
plus essentielles et les plus pures de son propre corps, le grihasta, une fois
les cérémonies du sacrifice accomplies, peut "converser avec les âmes des
ancêtres et les Pitris, et leur poser des questions sur les mystères de l'Etre
et les transformations de l'impérissable".
"Ensuite, après avoir éteint sa lampe, il doit la rallumer, mettre en
liberté les mauvais esprits exclus de ce lieu par les cercles magiques, et
quitter le sanctuaire des Pitris" 47. [51]
L'idée populaire qui a prévalu était que les théurgistes, aussi bien que
les magiciens, opéraient des prodiges tels qu'évoquer les âmes ou ombres
des héros et des dieux, et faisaient d'autres actes de thaumaturgie, grâce à
des pouvoirs surnaturels.
47
Book of Brahmanical Evocations, part. III.
48
Bulwer-Lytton. Derniers jours de Pompéi, p. 147.
49
Select Works, p. 159.
50
Idem, p. 92.
chose invisible, de tout temps ; il est comme la force latente de l'électricité
dans la machine électrique, n'exigeant que le concours de certaines
opérations de l'appareil approprié pour se manifester. On suppose qu'il
s'étend de l'Ahavaniga ou feu du Sacrifice au ciel, formant un pont ou une
échelle, grâce auxquels le sacrificateur peut communiquer avec le monde
des dieux et des esprits et même monter vivant jusqu'à leurs demeures 51.
[52]
Ce Yajna est encore une des formes de l'Akasa, et le mot mystique qui
l'appelle à l'existence, prononcé mentalement par le Prêtre, est le Mot
Perdu recevant l'impulsion par la FORCE DE LA VOLONTÉ.
*
* *
51
Aytareya Brahmana. Introduction.
thèse générale ces rares fidèles n'ont jamais rien écrit pour le public, mais
seulement pour ceux de leur époque et des temps postérieurs qui
possédaient la clé de leur langage. La multitude qui ne comprend ni eux ni
leur doctrine, s'est habituée à les considérer en masse comme des
charlatans ou des rêveurs. De là le mépris si peu mérité dans lequel est
graduellement tombée l'étude de la plus noble des sciences, celle de
l'homme spirituel.
PREMIÈRE PARTIE
—
SCIENCE
—
"L'INFAILLIBILITE" DE LA SCIENCE MODERNE
[57]
CHAPITRE PREMIER
—
DE VIEILLES CHOSES SOUS DES NOMS NOUVEAUX
BULWER-LYTTON, Zanoni.
52
Adam est ici employé dans le sens du mot grec Anthropos
D'après les philosophes hermétistes de tous les temps (et leur
conviction serait basée sur une expérience de soixante-dix mille ans) 53, la
matière, en raison du péché, devient, au cours des temps, plus grossière et
plus dense que lors de la formation de l'homme ; au commencement, le
corps humain était d'une [58] nature semi-éthérée et, avant la chute,
l'homme communiquait librement avec les univers maintenant invisibles.
Mais, depuis, la matière est devenue la formidable barrière entre nous et le
monde des esprits. Les plus vieilles traditions ésotériques enseignent aussi
qu'avant l'Adam mystique, de nombreuses races d'êtres humains ont vécu
et sont mortes, chacune faisant place à une autre. Ces types antérieurs
étaient-ils plus parfaits ? L'un d'eux appartenait-il à cette race ailée
d'hommes mentionnée par Platon dans Le Phèdre ? La solution de ce
problème est du domaine de la science. Les cavernes de France et les
reliques de l'âge de pierre fournissent un point de départ.
53
Les traditions des Cabalistes orientaux prétendent que leur science est plus ancienne encore. Les
savants modernes peuvent en douter et rejeter cette prétention. Mais ils ne peuvent point démontrer
qu'elle est fausse.
Dieux ?"s'écrie le Maître. Platon décrit admirablement dans Le Phèdre,
l'état antérieur de l'homme et ce qu'il redeviendra : avant et après la "perte
de ses ailes "" quand "il vivait parmi les dieux et qu'il était lui-même un
dieu dans le monde aérien". Depuis les temps les plus reculés, les
philosophies religieuses ont envisagé que l'Univers entier était rempli
d'êtres divins et spirituels de diverses races. De l'une d'elles, dans le cours
des âges, sortit Adam, l'homme primitif.
L'éditeur dit en outre : "Au temps de Jamblique, en 363 après J.-C., les
prêtres Egyptiens montraient quarante-deux livres qu'ils attribuaient à
Hermès (Thuti). Parmi ces livres, au dire de cet auteur, trente-six
contenaient l'histoire de toutes les connaissances humaines : les six
derniers traitaient de l'anatomie, de la pathologie, des affections des yeux,
des instruments de chirurgie, et des médicaments 54. Le papyrus d'Ebers
est, incontestablement, l'un de ces anciens ouvrages hermétiques."
De plus, des outils fossiles ont été retrouvés en même temps que des
restes humains qui prouvent que l'homme chassait à ces époques reculées
et savait faire du feu. Mais le dernier pas dans cette recherche de l'origine
de la race n'a point encore été fait. La science s'arrête court en attendant de
nouvelles preuves. Malheureusement, l'anthropologie et la psychologie ne
possèdent pas de Cuvier ; les géologues et les archéologues sont
incapables de reconstruire, d'après les fragments découverts, jusqu'à
présent, le squelette complet de l'homme triple physique, intellectuel et
spirituel. Les outils fossiles de l'homme qu'on a découverts, sont d'autant
plus mal dégrossis et plus grossiers que la géologie pénètre plus avant dans
les entrailles de la terre : d'où la science conclut que plus on approche de
l'origine des hommes, plus ils ont dû être sauvages et proches de la brute.
Etrange logique ? Les restes trouvés dans les grottes de Devon prouvent-ils
qu'il n'existait point de races contemporaines qui fussent éminemment
civilisées ? Lorsque la population actuelle de la terre aura disparu, si
quelque archéologue de la "race future" creuse le sol et y découvre des
instruments ayant appartenu à l'une de nos tribus de l'Inde ou de l'île
54
Clément d'Alexandrie assure que, de son temps, les prêtres Egyptiens possédaient quarante-deux
livres canoniques.
d'Andaman, pourra-t-il légitimement conclure que les hommes du XIXème
siècle "sortaient à peine de l'âge de pierre"
55
Chips from a german Work Shop. Vol.II, p.7, Comparative Mythology.
"philosophe de nos jours" d'accepter sans discussion une description
géographique du côté obscur de la lune, nous n'avons pas davantage le
pouvoir de le contraindre à cet égard. Mais si, par suite de quelque
cataclysme lunaire, un sélénite était transporté dans la sphère d'attraction
de notre atmosphère, et s'il débarquait sain et sauf à la porte du Dr
Carpenter, ce dernier pourrait être justement accusé de manquer à son
devoir professionnel s'il laissait échapper cette occasion de résoudre un
problème physique.
Tout vrai savant admet qu'à bien des égards le savoir humain est
encore dans l'enfance. Est-ce parce que notre Cycle a commencé à une
époque relativement récente ? Ces Cycles, suivant la philosophie
chaldéenne, n'embrassent pas tout le genre humain en même temps. Le
professeur Draper confirme partiellement cette [63] théorie : il dit que les
périodes que la géologie "a trouvées commodes pour diviser la marche de
l'homme dans la civilisation, ne sont pas des époques infranchissables,
qu'elles ne valent pas simultanément pour toute la race humaine". Il donne
comme exemples les Indiens nomades de l'Amérique qui, en ce moment,
sortent à peine de l'âge de pierre. Ainsi, plus d'une fois, par mégarde, les
savants ont confirmé le témoignage des anciens.
56
Conflit entre la Religion et la Science, ch. I.
Mochus le Sidonien, physiologiste qui professait la science de
l'anatomie, florissait longtemps avant le Sage de Samos et ce dernier reçut
les instructions sacrées des disciples et des descendants de Mochus.
Pythagore, le pur philosophe profondément versé dans les phénomènes les
plus élevés de la nature, noble héritier de la science antique, eut l'ambition
grandiose de délivrer l'âme de l'entrave des sens et de la contraindre à se
rendre compte de sa puissance : aussi doit-il vivre éternellement dans la
mémoire des hommes.
57
Dans un autre passage, nous expliquons avec quelque minutie la philosophie Hermétique de
l'évolution des sphères et de leurs diverses races.
58
Burges. Œuvres de Platon, p. 207, note.
connaissance des sciences exactes dont notre siècle se vante tant. On va
même jusqu'à mettre en doute qu'ils aient compris le principe scientifique
fondamental : Ex nihilo nihil fit. S'ils ont soupçonné l'indestructibilité de la
matière – disent ces commentateurs – c'est moins en vertu d'une formulé
solidement établie que d'un raisonnement intuitif et par analogie.
59
Texte sanscrit de l'Aitareya Brahmana, Rig-Véda, V, ch. II, vers 23.
Cette description de la terre sous la forme d'une tête ronde et chauve,
molle au début, durcissant ensuite après avoir reçu le souffle du dieu
Vâyou, le seigneur de l'air, suggère forcément l'idée que les auteurs des
livres sacrés Védiques savaient que la terre était ronde ou sphérique,
qu'elle avait été en outre une masse [67] gélatineuse au début, qu'elle se
refroidit peu à peu, sous l'influence de l'air et du temps. Voilà pour leur
connaissance de la sphéricité de notre globe. Nous allons maintenant offrir
le témoignage sur lequel nous basons notre assertion que les Hindous
étaient parfaitement au courant du système Héliocentrique, deux mille ans,
au moins, avant J.-C.
60
Aitareya Brahmana, livre III, c. v., 44.
61
Aitareya Brahm., vol. II, p. 242.
62
Ait. Brahm., livre IV.
en astronomie. Les Sattras duraient un an "et n'étaient pas autre chose
qu'une imitation de la course annuelle du soleil. Ils étaient divisés en deux
parties distinctes, dit Haug, et chacune d'elles était composée de six mois
de trente jours l'un. Entre les deux, se trouvait le Vishouvan (équateur ou
jour central) coupant le Sattras entier en deux moitiés 63. Ce savant,
quoiqu'il assigne la composition de l'ensemble des Brahmanas à la période
qui va de 1400 à 1200 avant J.-C., est d'avis que le plus ancien de ces
hymnes peut être placé tout au commencement de la littérature védique,
[68] entre 2400 et 2000 avant J.-C. Il ne voit point de raison pour
considérer les Védas comme moins anciens que les livres sacrés des
Chinois. Or, comme le Shu King, ou Livre d'Histoire et les chants de
sacrifice du Shi King, ou Livre des Odes, ont une antiquité démontrée
remontant à 2200 avant J.-C. nos philologues pourraient encore être
obligés, avant longtemps, d'avouer qu'en matière de connaissances
astronomiques les Hindous antédiluviens étaient leurs maîtres.
63
Septenary Institutions ; Stone him to Death, p. 20.
Spitama (Zoroastre) est d'une antiquité inimaginable. Les Brahmanas,
auxquels Haug attribue une existence de 4.000 ans, racontent les guerres
religieuses entre les anciens Hindous qui vivaient dans les temps
prévédiques et les Iraniens. Les combats entre les Devas et les Asouras, les
premiers représentant les Hindous et les seconds les Iraniens, sont narrés
tout au long dans les livres sacrés. Comme le prophète Iranien fut le
premier à s'insurger contre ce qu'il appelait "l'idolâtrie" des Brahmanes, le
premier qui les qualifia de devas (diables), à quelle époque remontait donc
cette crise religieuse ?
"Cette lutte, répond le Dr Haug, doit avoir paru aux auteurs des
Brahmanas remonter aussi loin que les exploits du roi Arthur aux écrivains
anglais du XIXème siècle".
64
Voir Gibbon. "Decline and Fall of the Roman Empire".
Pour des raisons politiques à lui personnelles, Aristote gardait un
silence prudent sur certaines doctrines ésotériques, cependant il exprimait
très clairement son opinion à ce sujet. Pour lui, les âmes humaines étaient
des émanations de Dieu finalement résorbées dans la Divinité. Zénon,
fondateur des Stoïciens, enseignait qu'il y a dans la nature deux qualités
éternelles : l'une active ou masculine, l'autre passive ou féminine. La
première est de l'éther pur, subtil, c'est l'Esprit Divin, l'autre est
absolument inerte par elle-même jusqu'à son union avec le principe actif.
L'Esprit Divin, agissant sur la matière, produit le feu, l'eau, la terre et l'air :
il est le seul principe efficient moteur de toute la nature.
65
Voir Turner et aussi les Anacalypsis de G. Higgins
66
Genèse, 1, 30.
67
Voir William Drummond : Œdipus judicus, p. 250.
68
Les premiers Pères de l'Eglise et les théologiens qui les ont suivis se sont trouvés dans l'absolue
nécessité de commettre ces pieuses fraudes. C'est évidemment parce que, s'ils avaient laissé
subsister le mot al tel que le donne l'original, il devenait trop clair, sauf pour les initiés, que le
Faute d'avoir compris ce grand principe philosophique, les méthodes
de la science moderne, quoique exactes, n'aboutiront qu'au néant. Il n'est
point une de ses branches qui puisse démontrer l'origine et la fin des
choses. Au lieu de chercher la trace des effets en partant de la source
première, la science procède inversement. Les types les plus élevés, dit-
elle, résultent tous de l'évolution de types inférieurs. Elle part du bas du
cycle, n'ayant pour se guider dans le grand labyrinthe de la nature, qu'un fil
de matière. Aussitôt ce fil rompu et la direction perdue, elle recule,
effrayée, devant l'Incompréhensible et s'avoue impuissante. Ce n'est point
ainsi que procédaient Platon et ses disciples. D'après lui, les types
inférieurs sont simplement les images concrètes des types abstraits les plus
élevés. L'âme qui est immortelle a un commencement arithmétique, de
même que le corps en a un géométrique. Ce commencement, en sa qualité
de reflet du grand ARCHÆUS universel, est doué d'un mouvement propre
et, du centre se diffuse sur tout le corps du microcosme.
Jéhovah de Moïse et le Soleil étaient identiques. Les multitudes ignorant que les anciens
hiérophantes ne considéraient le soleil visible que comme un emblème du soleil central invisible et
spirituel, auraient alors accusé Moïse, comme l'ont fait d'ailleurs beaucoup de commentateurs,
d'adorer les corps planétaires et, en un mot, de s'être rendu coupable de Sabianisme.
69
Exode, XXV, 40.
maîtriser, il n'y a nul besoin d'exercer l'imagination. Il n'y a pas de
microscope terrestre qui puisse être comparé à la perception spirituelle.
Le temps prédit par le grand Hermès dans son dialogue avec Esculape
était arrivé, le moment était venu où des étrangers impies allaient accuser
l'Egypte d'adorer des monstres, où rien n'allait survivre que les inscriptions
gravées sur ses monuments, énigmes incroyables pour la postérité. Ses
scribes sacrés et ses hiérophantes erraient maintenant sur la surface du
globe, obligés par la crainte de voir profaner les mystères saints à se
réfugier au sein des confréries hermétiques connues plus tard sous le nom
d'Esséniens : leur savoir ésotérique fut alors plus que jamais, enseveli. La
torche victorieuse de l'élève d'Aristote avait écarté de sa voie [73]
conquérante tout vestige d'une religion pure autrefois. Aristote lui-même,
fils de ce siècle dont il est le type, quoique instruit dans la science secrète
70
Huxley. Physical Basis of life.
des Egyptiens, ne savait que peu de chose du résultat qui couronnait des
milliers d'années d'études ésotériques.
71
Prof. J. W. Draper. Conflit entre la Religion et la Science.
Très peu de Chrétiens comprennent la Théologie judaïque, si tant est
qu'ils en sachent quelque chose. Le Talmud est une énigme des plus
obscures, même pour la plupart des juifs, et leurs [74] savants qui en
comprennent le sens ne font point étalage de leurs connaissances. Les
livres cabalistiques des Juifs sont encore moins compris par eux car, de
nos jours, il y a plus de Chrétiens que de Juifs cherchant à dégager les
grandes vérités contenues dans ces livres. Combien moins encore est
connue la Cabale d'Orient, la Cabale universelle ! Les adeptes sont peu
nombreux. Héritiers choisis des Sages qui découvrirent "les premiers les
vérités astrales brillant sur le grand Shemaia de la science chaldéenne 72,
ces adeptes ont résolu l'absolu" et se reposent maintenant de leurs
gigantesques labeurs. Ils ne peuvent aller au-delà de ce qu'il est permis aux
mortels de savoir sur cette terre et nul, pas même ces élus ne peut franchir
la ligne tracée par le doigt de la Divinité même. Des voyageurs ont
rencontré ces adeptes sur les bords sacrés du Gange, ils les ont frôlés dans
les ruines muettes de Thèbes et dans les mystérieuses chambres désertes de
Louxor. Dans ces salles, où sur les voûtes d'or et d'azur des signes bizarres
attirent l'attention sans que jamais leur sens secret ait été pénétré par les
visiteurs désœuvrés, dans ces salles on a vu les adeptes, mais on les a
rarement reconnus ! Des mémoires historiques ont constaté leur présence
dans les salons brillamment illuminés de l'aristocratie européenne. On en a
rencontré encore dans les plaines arides et désolées du grand Sahara
comme dans les cavernes d'Elephanta. On peut en trouver partout, mais ils
ne se font connaître qu'à ceux qui ont consacré leur existence à l'étude
désintéressée de la vérité, à ceux qui ne retourneront probablement pas en
arrière.
72
Zanoni de Bulwer-Litton.
adeptes, instruits dans les sanctuaires mystérieux de temple, pouvaient
opérer des merveilles qui, même de nos jours, paraîtraient surnaturelles ?
C'est une insulte à la nature humaine que de flétrir la magie et les sciences
occultes du nom d'impostures. Croire que pendant tant de milliers d'années
une moitié du genre humain a pratiqué le mensonge et la fraude sur l'autre
moitié [75] équivaut à dire que la race humaine est presque exclusivement
composée de filous et d'idiots incurables. Or, quel est le pays où la magie
n'ait pas été pratiquée ? A quelle époque fut-elle entièrement oubliée ?
Dans les documents les plus anciens que nous possédons aujourd'hui,
les Védas, et les lois de Manou plus anciennes encore, nous trouvons
beaucoup de rites magiques pratiqués et autorisés par les Brahmanes 73. Le
Tibet, le Japon et la Chine enseignent aujourd'hui ce qu'enseignaient les
Chaldéens dès la plus haute antiquité. Le clergé de ces contrées donne en
outre la preuve de ce qu'il enseigne, c'est-à-dire que la pratique de la pureté
morale et physique, celle de certaines austérités développent la puissance
vitale de l'âme pour sa propre illumination. En permettant à l'homme de se
rendre maître de son esprit immortel, cela lui donne les vrais pouvoirs
magiques sur les esprits élémentaires qui lui sont inférieurs. En Occident,
nous voyons que la magie remonte à une antiquité aussi reculée qu'en
Orient. Les Druides de la Grande-Bretagne la pratiquaient dans les cryptes
silencieuses de leurs grottes profondes : Pline consacre plusieurs chapitres
à la "sagesse" des chefs Celtes" 74. Les Druides des Gaules exposaient les
sciences spirituelles comme les sciences physiques. Ils enseignaient les
secrets de l'univers, la marche harmonieuse des corps célestes, la formation
de la terre et, surtout, l'immortalité de l'âme 75. Dans leurs retraites sacrées,
académies naturelles, construites par la main de l'Architecte Invisible, les
initiés s'assemblaient, à l'heure tranquille de minuit, pour apprendre ce que
l'homme fut et ce qu'il deviendra 76. Ils n'avaient nul besoin d'illumination
artificielle, de gaz malsain, pour éclairer leurs temples, car la chaste déesse
de la nuit projetait ses rayons les plus argentés sur leurs têtes couronnées
de feuilles de chêne et les bardes, vêtus de blanc, savaient comment
converser avec la reine solitaire de la voûte étoilée 77.
73
Voyez le Code publié par Sir William Jones, chap. IX, p. 11.
74
Pline. Histoire naturelle, XXX, : Id. XVI, 14 ; XXV, 9, etc…
75
Pomponius leur attribue la connaissance des sciences les plus élevées.
76
Jules César, III, 14.
77
Pline, XXX.
Sur le sol déshérité de ce long passé évanoui, leurs chênes sacrés
aujourd'hui desséchés, dépouillés de leur signification par le souffle
empoisonné du matérialisme. Mais, pour le chercheur des sciences
occultes, leur végétation peut encore être aussi verdoyante, aussi
luxuriante, aussi pleine de vérités profondes et sacrées qu'au temps où
l'archi-druide opérait des cures magiques et, saisissant la branche du gui
symbolique, la séparait du chêne, avec sa faucille d'or. La Magie est aussi
ancienne que l'homme. [76]
78
Munter, sur la plus ancienne religion des nations septentrionales avant l'époque d'Odin. Mémoire
de la société des antiquaires de France, tome II, p. 230.
79
Ammien Marcellin, XXVI, 6.
catéchisme ésotérique. Sa visite à l'empire des sages, son entrevue avec le
roi Hiarchas, l'oracle d'Amphyaraüs, expliquent d'une manière symbolique
beaucoup des dogmes secrets d'Hermès. Bien compris, ils nous ouvriraient,
quelques-uns des secrets les plus importants de la nature. Epiphas Levi
signale la grande ressemblance existant entre le roi Hiarchas et le fabuleux
Hiram de qui Salomon obtint les cèdres du Liban et l'or d'Ophir. Nous
voudrions bien savoir si les francs-maçons modernes, même "les Grands
Conférenciers" et les plus intelligents artisans des loges importantes,
comprennent qui était cet Hiram dont ils complotent entre eux de venger la
mort ?
80
A certains égards, nos philosophes modernes qui croient avoir fait de nouvelles découvertes
peuvent être comparées au citoyen très adroit, très instruit et très poli qu'Hippocrate, un jour,
rencontra dans Samos et dont il parle assez gaiement.
"Il m'informa, dit le Père de la Médecine, qu'il avait, tout récemment, découvert une plante
jusqu'alors inconnue en Europe comme en Asie ; pas une maladie, si maligne ou si chronique fût-
elle, ne pouvait résister à ses merveilleuses propriétés curatives. Désirant me montrer courtois à
mon tour, je me laissai décider à l'accompagner jusqu'au lieu discret où il avait transplanté ce
spécifique merveilleux. J'y vis une des plantes les plus communes en Grèce, l'ail, qui, de toutes les
plantes, a le moins de prétentions aux vertus curatives". Hippocrate : De optima prœdicaudi ratione
item judicii operum magni, I.
Aristote. Ptolémée, le roi-astronome d'Egypte, avait en sa possession un
ouvrage babylonien sur les éclipses, ouvrage datant de 747 ans avant notre
ère. Comme le fait raisonnablement observer M. Draper, "il a fallu des
observations longues et minutieuses avant qu'on ait pu vérifier quelques-
uns de ces calculs astronomiques qui sont parvenus jusqu'à nous. Ainsi, les
Babyloniens avaient déterminé, à vingt-cinq secondes prés, l'année
tropicale et leur estimation de l'année sidérale accuse à peine deux minutes
de trop. Ils avaient trouvé la précession des équinoxes ; ils connaissaient
les causes des éclipses et, à l'aide de leur cycle appelé Saros, ils pouvaient
les prédire. Leur estimation de la valeur de ce cycle comprenant plus de
6.585 jours ne s'éloignait de la vérité que dix-neuf minutes et demie".
En dépit de leur apparent polythéisme, les anciens, et, dans tous les
cas, ceux des classes éclairées, étaient complètement monothéistes ; et
cela, des siècles et des siècles avant l'époque de Moïse. Dans le papyrus
d'Ebers, ce fait est démontré positivement. Voici un texte traduit des
quatre premières lignes de la planche I : "Je vins d'Héliopolis avec les
81
Introduction to the Mythology through Natural History
82
Ennemoser. History of Magie, I, 3.
grands Etres de Het-aat, les seigneurs de Protection, les maîtres de
l'éternité et du salut. Je vins de Sais avec les mères-déesses qui me
protégeaient. Le Seigneur de l'Univers m'apprit comment on délivre les
dieux de toutes les maladies meurtrières". Les hommes éminents étaient
appelés dieux par les anciens. La déification des hommes mortels et les
dieux imaginés n'est pas plus un argument contre le monothéisme que
l'érection, par les chrétiens modernes, de monuments et de statues à leurs
héros n'est une preuve de leur polythéisme. Les Américains de notre siècle
trouveraient absurde leur postérité si, dans trois mille ans, elle les classait
parmi les idolâtres pour avoir dressé des statues à leur dieu Washington.
La Philosophie Hermétique était si entourée de mystère, que Volney
affirme que les anciens adoraient leurs grossiers symboles matériels,
comme divins eux-mêmes, tandis qu'ils étaient simplement considérés
comme une représentation de principes ésotériques. Dupuis également,
après avoir consacré plusieurs années à l'étude du problème, s'est mépris
sur le cercle symbolique et il attribua leur religion à la seule astronomie.
Eberhart et plusieurs autres écrivains allemands du dernier siècle et du
nôtre traitent fort irrévérencieusement la magie et la croient issue du mythe
Platonicien du Timée. (Berliner monatschrift.) Mais comment, sans la
connaissance des mystères, aurait-il été possible à ces hommes ou à toute
autre personne de découvrir la moitié ésotérique de ce qui se cache derrière
le voile d'Isis et n'est visible qu'aux seuls adeptes ? Il leur aurait fallu le
don subtil d'intuition d'un Champollion.
83
Hist. of Magie, vol. I, p. 9.
84
Philo Jud. De specialibus legibus.
85
Zend avesta, vol. II, p. 506.
86
Cassian. Conférence, I, 21.
87
Actes des Apôtres, VII, 22.
88
Justin, XXXVI, 2.
89
De vita e morte Mosis, p. 199.
Les anciens en savaient davantage sur certaines sciences que n'en ont
encore découvert nos savants modernes. Si beaucoup de ces derniers
répugnent à le reconnaître, plus d'un, du moins, en a fait l'aveu. "Le niveau
des connaissances scientifiques existant à une époque de la société
primitive était beaucoup plus élevé que les modernes ne sont disposés à
l'admettre", a dit le Dr Todd Thomson, éditeur des Sciences occultes de
Salverte ; "mais", ajoute-t-il, "cette science était confinée dans les temples,
soigneusement cachée aux yeux du peuple et communiquée seulement au
clergé". Parlant de la Cabale, l'érudit Franz Von Baader fait observer que
"non seulement notre salut et notre sagesse, mais encore notre science elle-
même nous viennent des Juifs". Mais pourquoi l'auteur ne complète-t-il
pas la phrase en nous disant de qui les Juifs eux-mêmes tenaient leur
sagesse ?
Dans les trois plus importantes églises chrétiennes, les clergés Grec,
Catholique Romain et Protestant désapprouvent tous les phénomènes
manifestés par l'entremise des "médiums". Et, de fait, il y a fort peu de
temps encore, les Catholiques et les Protestants brûlaient, pendaient et
assassinaient de mille autres manières toutes les impuissantes victimes
dont l'organisme servait à la manifestation des esprits et, quelquefois, des
forces aveugles encore inexpliquées de la nature.
En tête de ces trois Eglises, Rome est au premier plan. Ses mains sont
rouges du sang innocent de victimes innombrables, sang versé au nom de
cette divinité qu'elle fit à l'image de Moloch et dont elle couronna sa
croyance. Elle est prête à recommencer et le désire.
Si ses pieds et ses mains sont liés aujourd'hui, c'est grâce à l'esprit de
progrès et de liberté religieuse professée par le XIXème siècle, à cet esprit
que, sans cesse, l'Eglise condamne et maudit. L'Eglise Gréco-Russe est la
plus douce et la plus chrétienne dans sa foi primitive et simple quoique
aveugle. Il n'y a jamais eu d'union pratique entre les Eglises latine et
grecque qui se sont séparées il y a bien des siècles, mais les Pontifes
Romains ont toujours affecté de l'ignorer. Ils se sont impudemment arrogé
une juridiction, non seulement sur les contrées de communion grecque,
mais encore sur tous les Prostestants. "L'Eglise persiste dans sa
prétention", dit le professeur Draper, "que l'Etat n'aurait aucun droit sur ce
qu'elle déclare être de son domaine ; Comme le Protestantisme, d'après
elle, n'est qu'une rébellion, il n'a pas le moindre droit ; que, même dans les
communautés protestantes, l'évêque catholique est le seul pasteur spirituel
légitime 91". Ses décrets auxquels nul ne prend garde, ses lettres
90
Molitor. Philosophie de l'Histoire et des Traditions.
91
Conflit entre la Religion et la Science, p. 329.
encycliques que l'on dédaigne, ses invitations qu'on néglige pour les
conciles œcuméniques, ses excommunications dont on se rit, rien ne
semble troubler Rome dont la persistance égale l'effronterie. En 1864, le
Pape Pie IX atteignit le comble de l'absurdité. Il excommunia et foudroya
de son anathème l'Empereur de Russie en tant que [85] "schismatique
retranché du sein de Sainte mère l'Eglise 92". L'Empereur, ni ses ancêtres,
ni la Russie depuis qu'elle fut christianisée, il y a un millier d'années, n'ont
jamais consenti à se joindre aux Catholiques Romains. Pourquoi ne pas
réclamer aussi la juridiction sur les Bouddhistes du Tibet et sur les ombres
des anciens Hyksos ?
92
Voir Gazette du Midi et Le Monde, du 3 mai 1864.
clergé et la populace russe attribuaient à la possession démoniaque. Ils
encombrent l'entrée des cathédrales sans oser pénétrer à l'intérieur, de peur
que les démons qui s'emparent d'eux ne les jettent violemment à terre.
Voroneg, Kiev, Kazan et toutes les villes qui possèdent les reliques
thaumaturgiques de saints canonisés sont pleines de ces sortes de médiums
inconscients. On peut toujours les voir réunis en groupes hideux,
désœuvrés autour des portiques et des vestibules des églises.
93
Mais ce n'est pas toujours le cas, car quelques-uns de ces mendiants en font un trafic profitable et
régulier.
infidèles qu'ils ont eux-mêmes inventés, et les condamner aux feux
éternels de l'enfer ?
94
Webster déclare, à tort, que les Chaldéens nommaient Saros, le cycle des éclipses, période
d'environ 6.586 ans, "le temps de révolution du nœud de la lune". Bérose, astrologue Chaldéen lui-
même, dans le Temple de Bélus, à Babylone, fixe la durée du Sar, ou Sarus, à 3.600 ans ; un neros
durait 600 et un sossus, 60 ans. (Voyez Bérose, d'après Abydenus. Des Rois Chaldéens et du
Déluge. Voyez encore Eusèbe et le manuscrit Cary. Ex. Cod. reg. Gall. gr., n° 2360, fol. 154).
végétation exubérante et son débordement de vie animale) prend la place
des déserts glacés des pôles. Ce changement de climat est nécessairement
accompagné de cataclysmes, de tremblements de terre et d'autres
convulsions cosmiques 95, à la suite du déplacement des océans à la fin de
chaque décamillenium plus un neros environ, un déluge semi-universel a
lieu comme le déluge légendaire de Noé. Les Grecs donnaient le nom
d'Héliocale à cette année, mais personne, hors du sanctuaire, n'avait une
idée exacte de sa durée et de ses détails. L'hiver de cette année était
nommé le cataclysme ou le déluge, l'été s'appelait l'Ecpyrosis. Les
traditions populaires enseignaient, que pendant ces saisons, le monde était
alternativement brûlé puis inondé. C'est, du moins ce que nous apprennent
les Fragments d'astronomie de Censorinus et de Sénèque. L'incertitude
[89] des commentateurs au sujet de la durée de cette année était telle
qu'aucun d'eux ne s'approche de la vérité. Sauf Hérodote et Linus qui lui
attribuent, le premier 10.800 ans, et l'autre 13.984 ans 96. Suivant les dires
des prêtres Babyloniens, corroborés par Eupolemus 97 la "cité de Babylone
fut fondée par ceux qui furent sauvés de la catastrophe du déluge : c'étaient
des géants, ils érigèrent la tour dont il est parlé dans l'histoire" 98. Ces
géants, grands astrologues, qui, de plus, avaient reçu de leurs ancêtres, "les
fils de Dieu", une instruction complète des choses secrètes, instruisirent les
prêtres à leur tour et laissèrent dans les temples tous les récits du
cataclysme périodique dont ils avaient été témoins. C'est ainsi que les
grands prêtres eurent connaissance des grandes années. Si nous
réfléchissons, en outre, que Platon dans le Timœus parle d'un vieux prête
Egyptien qui tança Solon parce qu'il ignorait qu'il y eût eu déjà plusieurs
déluges, comme le grand déluge d'Ogygès, nous pouvons aisément
comprendre que cette croyance en le Héliakos était doctrine admise par les
prêtres initiés du monde entier.
95
Avant de rejeter cette théorie, si traditionnelle soit-elle, les savants devraient expliquer pourquoi,
à la fin de chaque période tertiaire, l'hémisphère nord a subi une réduction de température telle que
la zone torride s'est transformée en climat sibérien. Ne perdons pas que vue que le système
Héliocentrique nous vient de la haute Inde et que tous les germes des connaissances astronomiques
nous en furent apportés par Pythagore. Une hypothèse en vaut une autre tant que nous n'avons pas
de preuves mathématiques absolues.
96
Censorinus. De Natal die. Seneca. Nat. quœst., III, 29.
97
Eusèbe. Prœp. Evan. De la Tour de Babel et d'Abraham.
98
Cela est en contradiction flagrante avec le récit de la Bible qui nous déclare que le déluge a été
envoyé spécialement pour la destruction de ces géants. Les prêtres babyloniens n'avaient aucune
raison pour inventer des mensonges.
Les Neros, les Vrihaspati ou les périodes nommées Yougas ou Kalpas,
sont des problèmes vitaux à résoudre. Le Satyayoug et les cycles
bouddhistes de la chronologie se traduisent par des chiffres qui couperaient
le souffle à un mathématicien. Le Maha-Kalpa embrasse un nombre infini
de périodes remontant bien loin dans les époques antédiluviennes. Leur
système comprend un Kalpa ou grande période de 4.320.000.000 d'années
qu'ils divisent en quatre yougas plus courts qui se suivent ainsi :
1. Satya-youg 1.728.000 années
2. Trêtya-youg 1.296.000 –
3. Dvâpa-youg 864.000 –
4. Kali-youg 432.000 –
Total 4.320.000 –
Ces chiffres ne sont pas fantaisistes, mais fondés sur des calculs
astronomiques, ainsi que l'a démontré S. Davis 100. Beaucoup de savants,
Higgins entre autres, malgré leurs investigations, ont été perplexes pour
décider lequel de tous ceux-ci était le cycle secret. Bunsen a établi la
preuve que les prêtres Egyptiens qui firent des annotations cycliques, les
99
Coleman, qui a établi ce calcul, laissa échapper une erreur sérieuse à son correcteur d'épreuves.
La longueur du Manvantara est donnée comme étant de 368.448.000 années. C'est, juste,
60.000.000 d'années en trop.
100
S. Davis. Essay on the Asiatic Researches et Anacalypsis de Higgins. Voir encore : Mythology of
the Hindus de Coleman, Préface, p. XIII.
tenaient toujours cachées dans le plus profond mystère 101. Qui sait ? La
difficulté que les savants ont rencontrée venait probablement du fait que
les calculs des anciens s'appliquent également au progrès spirituel et au
progrès physique de l'humanité. On comprendra sans difficulté l'étroite
correspondance établie par les anciens entre les cycles de la nature et ceux
de l'humanité, si nous ne perdons pas de vue leur foi dans les influences
constantes et toutes puissantes des planètes sur les destins de l'humanité.
Higgins pense avec raison que le cycle du système Hindou de 432.000 ans
est la clé du cycle secret. Mais son insuccès à le déchiffrer est évident :
comme il appartient au mystère de la création, ce cycle est le plus
inviolable de tous. Il fut reproduit en chiffres symboliques seulement dans
le Livre Chaldéen des Nombres dont l'original, s'il existe aujourd'hui, ne se
trouve certainement pas dans les bibliothèques. Il faisait, en effet, partie
d'un des plus anciens livres d'Hermès, dont la désignation ordinale n'a pas
été déterminée jusqu'ici 102. [91]
101
Bunsen. Egypte, vol. I.
102
Les quarante-deux livres sacrés des Egyptiens que Clément d'Alexandrie affirma avoir existé de
son temps n'étaient qu'une partie des livres d'Hermès. Jamblique sur l'autorité du prêtre Egyptien
Abammon attribue 1.200 de ces livres à Hermès et 36.000 à Manetho. Mais l'affirmation de
Jamblique, Théurge et Néo-Platonicien, est naturellement récusée par les critiques modernes.
Manetho (que Bunsen eut en très grande estime en tant que "personnage purement historique"
auquel "aucun des historiens indigènes ultérieurs ne peut être comparé")... (voir Egypte, 1, p. 97) ;
devient subitement un pseudo Manetho dès que les idées émises par lui heurtent les préjugés
scientifiques contre la magie et la science occulte dont se réclamaient les anciens prêtres. Toutefois,
aucun archéologue ne doute un seul instant de l'antiquité presque incroyable des livres Hermétiques.
Champollion a la plus grande estime pour leur authenticité et leur véracité puisqu'elles sont
corroborées par beaucoup des plus anciens monuments. Bunsen donne également des preuves
irréfutables de leur antiquité. Nous voyons, par exemple, grâce à ses recherches, qu'il y eut une
lignée de soixante et un Rois avant l'époque de Moïse. La période Mosaïque fut précédée par une
civilisation dont la trace se suit aisément au cours de plusieurs milliers d'années. Nous sommes, par
conséquent, autorisés à croire que les ouvrages d'Hermès Trismégiste, existaient des siècles avant la
naissance du législateur juif. "On voit des styles et des encriers représentés sur des monuments de la
quatrième dynastie, la plus ancienne du monde", selon Bunsen. Si l'éminent égyptologue rejette la
période 48.863 ans avant Alexandre, à laquelle Diogène Laertius ramène les récits des prêtres, il est
certainement plus embarrassé des 10.000 années de leurs observations astronomiques. Il dit d'elles
que, "a si ce sont vraiment des observations, elles doivent s'étendre sur une période de plus de
10.000 années" (p. 14). Il ajoute encore : "Nous apprenons, toutefois, dans un de leurs plus anciens
ouvrages chronologiques…, que les traditions Egyptiennes authentiques, concernant la période
mythologique, se rapportaient à des myriades d'années". (Egypte, I, p. 15).
qu'ils supposaient que la dernière période de 6.000 années s'appliquait
seulement au renouvellement de notre globe. Higgins donne cette raison :
on supposait autrefois que la précession des équinoxes ne se faisait que
tous les 2.000 ans, au lieu de 2.160 ans dans un signe. Ce qui donnerait
pour la durée de la grande année, quatre fois 6.000, soit 24.000 ans en tout.
"Par conséquent", dit-il, cela expliquerait la longueur prolongée de leurs
cycles ; car, avec cette grande année, se produirait le même fait qu'avec
l'année commune, jusqu'au moment où, ayant tourné autour d'un cercle
immense, elle reviendrait à son point de départ". Aussi, explique-t-il le
chiffre de 24.000 ans de la manière suivante : "Si l'angle que le plan de
l'écliptique fait avec celui de l'équateur diminuait graduellement et
régulièrement comme on supposait que c'était le cas, jusqu'à une époque
toute récente, les deux plans auraient coïncidé au bout d'environ dix âges
(6.000 ans). Dix âges, 6.000 ans plus tard, le soleil aurait été placé, par
rapport à l'hémisphère sud, comme il l'est aujourd'hui par rapport à
l'hémisphère nord. Dix âges plus tard, il serait placé comme il l'est
aujourd'hui après une période de vingt-quatre à vingt-cinq mille ans,
environ. Lorsque le soleil serait parvenu à l'équateur, les dix âges (ou
6.000 ans) seraient résolus et le monde détruit par le feu. Arrivé au point
sud, il serait détruit par l'eau. C'est ainsi qu'il serait détruit tous les 6.000
ans ou tous les dix neros" 103.
Cette méthode de calculer par neros, sans tenir compte du secret dans
lequel les anciens philosophes qui appartenaient tous à l'ordre sacerdotal,
tenaient leur savoir, a donné lieu aux plus graves erreurs. Elle fit que les
Juifs, ainsi que certains Platoniciens [92] chrétiens, affirmèrent la
destruction inévitable du monde à la fin de 6.000 ans. Gale prouve à quel
point cette croyance était enracinée chez les Juifs. Elle a conduit les
savants modernes à rejeter entièrement les hypothèses des anciens. De
cette croyance naquirent plusieurs sectes religieuses qui, comme les
Adventistes contemporains, vivent dans l'attente de la destruction
prochaine du monde.
Comme notre planète tourne tous les ans une fois autour du soleil et,
aussi, une fois par vingt-quatre heures sur elle-même, traversant ainsi des
cycles mineurs à l'intérieur de cycles plus grands, l'œuvre des périodes
103
Higgins. Anacalypsis.
cycliques mineures est accomplie et recommencée dans les limites du
Grand Saros.
C'est ainsi que tous les grands Etres, ces géants qui dominent l'histoire
de l'humanité, le Bouddha-Siddârtha et Jésus, dans le domaine spirituel ;
Alexandre de Macédoine et Napoléon le Grand dans celui des conquêtes
physiques, sont uniquement des images reflétées de types humains ayant
existé déjà dix milliers d'années auparavant, dans le déca-millénium
antérieur et qui sont reproduits par les pouvoirs mystérieux qui président à
la destinée de notre monde. Aucun personnage saillant n'existe dans les
annales de l'histoire profane ou sacrée dont le prototype ne puisse être
retrouvé dans les traditions semi-fictives et semi-réelles des religions et
des mythologies d'autrefois. Comme l'étoile qui brille à une distance
incommensurable au-dessus de nos têtes se reflète dans les eaux limpides
d'un lac, de même l'imagerie des hommes antédiluviens se réfléchit dans
les périodes dont nous pouvons embrasser l'histoire en rétrospective. [93]
C'est donc en vérité à l'antiquité seule que nous devons nous adresser
pour connaître l'origine de toutes choses. Combien est juste l'opinion de
Hargrave Jennings quand il parle des Pyramides et combien vraies sont ses
paroles quand il demande : "Est-il seulement raisonnable de conclure qu'à
l'époque où les connaissances les plus étendues, où les pouvoirs humains
étaient surprenants, comparés à ceux que nous possédons aujourd'hui, que
tous ces effets physiques insurpassables et à peine croyables – que des
ouvrages comme ceux des Egyptiens –– étaient consacrés à une erreur ?
Est-il raisonnable de croire que ces myriades d'hommes des bords du Nil
étaient des fous travaillant dans les ténèbres, que toute la magie de leurs
grands hommes était une tromperie et, enfin, que nous, en méprisant ce
que nous appelons leur superstition et leur puissance gaspillée, nous seuls
soyons sages ? Non, il y a probablement bien plus dans ces vieilles
religions que – dans l'audace de nos dénégations modernes, dans la
confiance de notre époque vaine de sa science spirituelle, et dans la
raillerie de nos jours sans foi – il y a plus, beaucoup plus qu'on ne le
suppose. Nous ne comprenons pas l'antiquité. Ainsi nous voyons comment
se concilient la pratique classique et les enseignements du paganisme,
comment même le Gentil et le Juif, la doctrine mythologique et la doctrine
chrétienne tombent d'accord dans la foi générale basée sur la Magie.
Certes, la magie est possible : telle est la morale de ce livre" 105. [94]
104
De vit. Pythog.
105
The Rosicrucians, etc., par Hargrave Jennings.
lorsque la petite averse de coups frappés devint graduellement un torrent
qui inonda tout le globe, les spirites n'eurent à lutter que contre deux
puissances : la Théologie et la Science. Mais les Théosophes ont en face
d'eux, outre ces deux ennemies, le monde en général et les spirites tout les
premiers.
Faute d'avoir connu ces preuves ou, pour avoir refusé de les connaître,
des hommes comme Hare et Wallace, avec d'autres penseurs de talent, ont
été acculés dans l'impasse du spiritisme moderne. Les mêmes raisons ont
réduit d'autres esprits, entièrement dépourvus d'intuition spirituelle, à se
plonger dans un matérialisme grossier décoré de noms divers.
Mais nous ne voyons pas l'utilité de pousser plus loin cette étude.
Selon la plupart de nos contemporains, il n'y eut qu'un jour de savoir ; à
son aurore assistaient les philosophes anciens, et son midi radieux est à
nous. Le témoignage de centaines de penseurs antiques et médiévaux est
aussi inutile à nos expérimentateurs modernes que si le monde datait
seulement de la première année de notre ère, que tout savoir était de date
récente. Cependant, nous ne perdons ni espoir ni courage. Le moment est
plus opportun que jamais pour passer en revue les philosophies antiques.
Les archéologues, les philologues, les astronomes, les chimistes et les
physiciens s'approchent de plus en plus de ce point où ils seront forcés de
s'en occuper. La science physique a déjà atteint ses limites d'exploration, la
théologie dogmatique voit tarir les sources de son inspiration. A moins que
les signes précurseurs ne nous trompent, le jour est proche où le monde
accueillera les preuves que les religions anciennes seules étaient en
harmonie avec la nature et que la science antique embrassait tout ce qui
peut être connu. Des secrets longtemps gardés pourraient être révélés, des
livres longtemps oubliés, et des arts depuis longtemps perdus, pourraient
être remis en lumière ; des papyrus et des parchemins d'une importance
inestimable se retrouveront entre les mains d'hommes qui déclareront les
avoir déroulés autour des momies [97] ou trouvés dans les ténèbres des
cryptes : Tablettes et piliers pourraient être exhumés, interprétés et leurs
révélations sculptées surprendre les théologiens et confondre les savants.
Qui connaît les possibilités de l'avenir ? Une ère de désillusion et de
reconstruction va commencer. Que dis-je ? Elle est commencée déjà. Le
cycle a presque accompli sa course. Un cycle nouveau est sur le point de
naître. Les pages futures de l'histoire mettront en pleine évidence et
prouveront absolument que :
S'il faut en croire nos ancêtres,
Des esprits sont descendus converser avec l'homme
Et lui ont révélé les secrets du monde inconnu.
[99]
CHAPITRE II
—
PHENOMENES ET FORCES
POPE.
BULWER-LYTTON.
Est-ce assez pour l'homme de savoir qu'il existe ? Suffit-il qu'un être
humain soit formé pour qu'il mérite le nom d'HOMME ? Voici notre
opinion bien arrêtée et notre conviction : pour devenir une véritable entité
spirituelle digne de ce titre, l'homme doit commencer pour ainsi dire par se
recréer : c'est-à-dire éliminer complètement de son mental et de son âme,
non seulement toute influence dominante d'égoïsme et d'autre impureté,
mais aussi toute infection de la superstition et du préjugé. J'entends par-là
toute autre chose que l'antipathie et la sympathie prises dans l'acception
commune. L'énergique courant magnétique qui se dégage des idées aussi
bien que des corps physiques, génère une influence particulière, un sombre
tourbillon qui, tout d'abord, nous entraîne irrésistiblement. Il nous
enveloppe et nous finissons par n'en plus pouvoir sortir. C'est que nous
n'en avons point le courage, arrêtés que nous sommes par une honteuse
lâcheté morale : la crainte de l'opinion publique. Il est rare que les hommes
envisagent une chose sous son jour, faux ou vrai, par libre exercice de leur
jugement personnel. Bien au contraire. Ordinairement, la conclusion
procède d'une aveugle adoption des opinions courantes parmi ceux avec
lesquels nous frayons. Un paroissien ne croira jamais payer trop cher, si
absurde qu'en soit le prix, sa place au banc d'œuvre. De même un
matérialiste n'ira pas deux fois entendre M. Huxley traiter de l'évolution
parce qu'il croit bon de le faire, mais parce que Monsieur un Tel et
Madame une Telle, personnages considérés comme donnant le ton, le font.
[100]
106
Il s'agit des fonds marins où reposent les câbles télégraphiques (N.d.T)
aux sens, et, qu'ainsi, aucune théorie n'est justiciable des preuves
scientifiques, il porte un coup sévère à ses collègues, dans ces lignes : "Le
témoignage dans un cas de ce genre, dit-il, dans les conditions de la vie
présente, doit forcément rester pour toujours inaccessible. Les preuves sont
entièrement hors du domaine de l'expérience. Si abondantes qu'elles soient,
nous ne pouvons espérer les rencontrer. Et, par conséquent, l'impossibilité
où nous sommes de les produire ne peut susciter la moindre présomption
contre notre théorie. Quand on l'envisage ainsi, la croyance à la vie future
n'a pas d'appui scientifique, mais, en même temps, elle est au-delà du
besoin d'une base scientifique et elle échappe à la critique scientifique.
C'est une croyance que ne pourront combattre, en quoi que ce soit, tous les
progrès futurs et imaginables des découvertes physiques. C'est une
croyance qui n'est en aucune façon irrationnelle et qu'on peut avoir
logiquement sans affecter notre tournure scientifique d'esprit et sans que
nos conclusions scientifiques en soient influencées". "Si, [103] maintenant,
ajoute-t-il, les hommes de science veulent accepter ce point de vue que
l'esprit n'est pas la matière, qu'il n'est pas régi par les lois de la matière ;
s'ils s'abstiennent, dans les spéculations sur l'esprit, de le restreindre par
leur connaissance des choses matérielles, ils auront supprimé ce qui, de
nos jours, est, pour les hommes religieux, la principale cause d'irritation".
Mais, ils ne le feront pas. Ils s'exaltent quand des hommes aussi
supérieurs que Wallace ont le courage, la loyauté, le mérite de s'incliner, et
refusent d'accepter la manière de voir, si prudente et si restrictive soit-elle,
de M. Crookes.
107
W. Crookes, F.R.S. Recherches sur les Phénomènes du Spiritisme
beaucoup plus facilement dans une tête vide que dans une autre si remplie
de savoir que maint rayon d'argent est laissé dehors, faute de place... C'est
ce qui arrive pour notre trop sage Cadi".
108
W. Crookes. Experiments on psychie Force, p. 25
malgré tous leurs efforts, rien en tirer. Ça n'avait "ni queue ni tête" selon
l'expression du Comte de Gabalis.
Après avoir dépensé leur énergie sur des théories aussi enfantines que
"la cérébration inconsciente", la contraction musculaire involontaire" et
celle parfaitement ridicule "du muscle craqueur" ; après avoir subi de
honteux échecs grâce à l'obstination que la nouvelle force mettait à
survivre, et, finalement, après tous les efforts les plus désespérés pour
supprimer cette force en l'oblitérant, ces fils de la défiance – comme saint
Paul appelle les hommes de cette catégorie – crurent que le mieux était
d'abandonner le tout. Sacrifiant ceux de leurs frères qui avaient le courage
de persévérer sur l'autel de l'opinion publique ils se retirèrent dans un
silence compassé. Laissant l'arène de l'investigation à des champions
moins timorés, ces expérimentateurs malheureux ne sont,
vraisemblablement pas disposés à y rentrer 110. Nier la réalité de telles
manifestations quand on s'en tient prudemment éloigné, est beaucoup plus
facile que de trouver la place qui leur convient dans les classes qui se
répartissent les phénomènes acceptés par la science exacte. Comment le
pourraient-ils puisque tous ces phénomènes sont du domaine de la
psychologie et que celle-ci, avec ses pouvoirs occultes et mystérieux, est
une terre inconnue pour la science moderne ? Ainsi, impuissants à
expliquer ce qui procède directement de la nature même de l'âme humaine
– dont la plupart d'entre eux nient l'existence – peu désireux, en même
temps, d'avouer leur ignorance, les savants se vengent bien injustement sur
ceux qui croient au témoignage de leurs sens et n'ont aucune prétention à
la science.
"Un coup de pied de toi est doux, ô Jupiter !" Dit le poète
Tretiakowsky, dans une vieille tragédie russe. Si grossiers que ces Jupiters
de la science soient, à l'occasion, susceptibles d'être envers [107] nous,
mortels crédules, leur immense savoir – dans des questions moins obtuses,
s'entend – leur donnerait, à défaut de bonnes manières, des titres au respect
public. Mais, malheureusement, les dieux ne sont pas ceux qui crient le
plus fort.
109
W. Crookes. Spiritualism Viewed by the Light of Modern Science. Voir Quarterly Journal of
Science.
110
A. Aksakof. Phenomena of Mediumnism. Voir Quarterly Journal of Science.
L'éloquent Tertullien, parlant de Satan et de ses suppôts qu'il accuse
sans cesse de contrefaire les œuvres du Créateur, les appelle "les singes de
Dieu". Il est heureux pour nos philosophicules que nous n'ayons pas un
Tertullien moderne pour leur assurer l'immortalité du mépris, en tant que
"singes de la science".
111
A. Aksakof. Phenomena of Mediumnism.
"Première Théorie. – Tous les phénomènes résultent de tours de
mains, d'habiles dispositions mécaniques ou de trucs de [108]
prestidigitation ; les médiums sont des imposteurs et les autres
assistants des imbéciles.
"Seconde Théorie. – Ceux qui assistent à la séance sont victimes d'une
sorte de manie, d'illusion ; ils imaginent des phénomènes qui n'ont
aucune véritable existence objective.
"Troisième Théorie. – Le tout est le résultat d'une action cérébrale
consciente ou inconsciente.
"Quatrième Théorie. – Le tout provient de l'esprit du médium, associé
peut-être avec les esprits d'une partie ou de la totalité des personnes
présentes.
"Cinquième Théorie. – C'est l'action des mauvais esprits, ou des
diables, personnifiant qui ils veulent ou ce qu'ils veulent afin de saper
le christianisme et de perdre les, âmes humaines (c'est la théorie de
nos théologiens).
"Sixième Théorie. – L'action d'êtres habitant la terre, immatériels,
invisibles pour nous, appartenant à une catégorie distincte, capables
cependant, à l'occasion, de manifester leur présence connus dans
presque tous les pays et à toutes les époques comme des démons (pas
nécessairement mauvais), sous les noms de gnomes, fées, kobolds,
elfes, lutins, puck, etc…(c'est une des opinions des cabalistes).
"Septième Théorie. – L'action d'êtres humains désincarnés (c'est la
théorie spirite par excellence).
"Huitième Théorie. – (La force psychique)… c'est un appoint aux
quatrième, cinquième, sixième et septième théories".
La première de ces théories n'ayant été reconnue juste que dans des
cas exceptionnels, mais malheureusement encore trop fréquents, doit être
rejetée parce qu'elle n'a pas de portée matérielle sur les phénomènes eux-
mêmes. Les seconde et troisième théories sont les retranchements
croulants des sceptiques et des matérialistes, elles restent, comme disent
les juristes : "Ad huc sub judice lis est". Dans cet ouvrage nous n'avons,
donc, à nous occuper que des quatre théories qui restent. La huitième et
dernière, de l'avis même de M. Crookes, est tout simplement "un appoint
nécessaire" aux autres.
Il nous est facile de voir combien une opinion scientifique est elle-
même sujette à l'erreur : en comparant les divers articles sur les
phénomènes spirites, articles dus à la plume de ce savant qui parurent de
1870 à 1875. Dans l'un des premiers nous lisons : …"l'emploi plus
fréquent des méthodes scientifiques donnera lieu à des observations plus
exactes, à un plus grand respect de la vérité de la part des chercheurs : il
suscitera une race d'observateurs grâce auxquels le résidu sans valeur du
spiritisme sera évacué [109] d'ici pour retomber dans les limbes ignorés
de la magie et de la nécromancie". Et cependant, en 1875, sous la même
signature, nous trouvons la description la plus intéressante et la plus
détaillée concernant un esprit matérialisé : Katie King 112 !
Certes, Katie King a dû être une fée, une Titania, car, seule, une fée
justifierait le poétique hommage cité par M. Crookes en décrivant cet
esprit merveilleux :
"Round her she made an atmosphere of life ;
The very air seemed lighter from her eyes ;
They were so soft and beautiful and rife
112
The Last of Katie King, pamphlet IV, p. 119.
113
Ibid., par. I, p. 7.
With all we can imagine of the skies ;
Her overpowering presence makes you feel
It would not be idolatry to kneel !" 114
114
"Autour d'elle, elle crée une atmosphère de vie ; Dans ses yeux, l'air semble plus limpide, Tant
ils sont doux et beaux et pleins De ce que nous connaissons des cieux Sa présence triomphale nous
fait sentir, Que ce ne serait point de l'idolâtrie de s'agenouiller."
(The Last of Katie King, pamphlet IV, p. 112)
115
Ibid., p. 112.
116
Recherches sur les phénomènes du Spiritisme, p. 45.
du phénomène. La vérité est que les professeurs n'ont pas encore découvert
les conditions nécessaires pour les produire. Ils devront étudier aussi
profondément la triple nature de l'homme, physiologique, psychologique
ou divine – que l'ont fait leurs prédécesseurs : les magiciens, les théurgistes
et les thaumaturges de jadis... Jusqu'à ce jour, tous ceux qui ont étudié les
phénomènes avec la même conscience et la même impartialité que M.
Crookes ont abandonné le problème parce que, d'après eux, la solution
n'est pas susceptible d'être trouvée présentement, si elle doit l'être. Ils ne
s'en soucient pas davantage que de la cause première des phénomènes
cosmiques de la corrélation des forces à propos desquelles ils se donnent
tant de peine pour en observer et classer les effets infinis.
En agissant de la sorte, ils sont aussi mal avisés que celui qui, pour
essayer de découvrir les sources d'une rivière, se dirigerait vers
l'embouchure. Leurs notions sur les possibilités de la loi naturelle sont si
limitées qu'ils se sont vus obligés de nier la possibilité de phénomènes
occultes même les plus simples, à moins de miracles. Or, comme c'est
scientifiquement absurde, il en résulte, pour la science physique, la perte
récente d'une partie de son prestige. Si les savants avaient étudié les
prétendus "miracles", au lieu de les nier, bien des lois secrètes de la nature,
que les anciens comprenaient, auraient été découvertes de nouveau. "La
conviction, dit Bacon, ne vient pas par l'argumentation mais par
l'expérimentation". [111]
Une coupe de verre, sous le règne de Tibère, fut apportée à Rome par
un exilé. "Il la jeta sur les dalles de marbre sans qu'elle fût brisée ni fêlée
par sa chute". Mais comme elle était "un peu bosselée", quelques coups de
marteau la remirent en forme. C'est un fait historique. S'il est mis en doute,
aujourd'hui, c'est simplement parce que les modernes sont incapables d'en
faire autant. Cependant, à Samarcande et dans quelques monastères du
Tibet on trouve encore de nos jours des coupes et des verreries de ce
genre. Bien plus, certaines personnes prétendent pouvoir produire ce verre
grâce à leur connaissance de l'Alkahest, le fameux solvant universel dont
on s'est tant moqué et dont on a tant douté. Selon Paracelse et Van
Helmont, cet agent serait dans la nature un certain fluide "capable de
réduire tous les corps sublunaires, homogènes ou mixtes, à leur ens
primum, c'est-à-dire de les ramener à la matière d'origine dont ils sont
composés ; ou encore les convertir en une liqueur uniforme, pondérable et
potable qui, sans perdre ses propres vertus radicales, se mélangera à l'eau
et aux sucs de tous les corps ; remélangée à elle-même, cette liqueur sera
convertie en eau pure élémentaire". Quelles impossibilités nous
empêcheraient de croire à cette assertion ? Pourquoi cet agent n'existerait-
il pas et pourquoi cette idée serait-elle considérée comme une utopie ? Est-
ce encore parce que nos chimistes modernes sont incapables de la
produire" ? Mais on peut assurément concevoir, sans faire de grands
efforts d'imagination, que tous les [112] corps, à l'origine, doivent avoir été
formés d'une matière première et que cette matière, si nous nous en
rapportons aux leçons de l'astronomie, de la géologie et de la physique doit
avoir été fluide. Pourquoi donc l'or, dont nos savants connaissent si peu la
genèse, n'aurait pas été, originairement, une primitive ou basique matière
d'or, un fluide pondérable qui, comme dit Van Helmont, "en raison de sa
nature propre ou d'une forte cohésion entre ses molécules, aurait acquis
plus tard une forme solide ?" Il n'est pas si absurde de croire à l'existence
d'un "ens universel qui résout tous les corps en leur ens genitale". Van
Helmont l'appelle "le plus grand et le plus efficace de tous les sels.
Parvenu au suprême degré de simplicité, de pureté, de subtilité, ce sel jouit
seul de la propriété de rester inaltérable, inchangé par les substances sur
lesquelles il agit. Aussi peut-il dissoudre les corps les plus réfractaires et
les plus durs tels que les pierres, les pierreries, le verre, la terre, les
métaux, le soufre, etc. Il les transforme en un sel rouge d'un poids égal à la
matière dissoute et cela tout aussi facilement que l'eau bouillante fait
fondre la neige".
117
Astrology de Pfaff. Berlin.
118
Medico Surgical Essays.
119
La Philosophie de la Tradition.
120
On Theosoph. Paracelsus. Magic.
121
Kemshead, dans sa "chimie inorganique" dit que "l'élément hydrogène fut, pour la première fois,
mentionné par Paracelse au XVIème siècle, mais, de toutes manières, on savait fort peu de chose à
son sujet" (p. 66). Pourquoi ne pas être sincère et confesser d'emblée que Paracelse redécouvrit
l'hydrogène de même qu'il avait redécouvert les propriétés cachées de l'aimant et du magnétisme
humain ? En vertu des serments rigoureux qui les astreignaient au secret, serments qui liaient tous
les Rose-Croix et qu'ils tenaient loyalement, surtout les alchimistes, il est aisé d'établir qu'il garda
son savoir secret. Un chimiste au courant des travaux de Paracelse n'aurait peut-être pas grand peine
à démontrer que l'oxygène, dont la découverte est attribuée à Priestley, était connue des Rose-Croix,
tout comme l'hydrogène.
Nous concédons aux sceptiques que la moitié et même plus des
prétendus phénomènes provient de fraudes plus ou moins habiles. Ce n'est
que trop bien prouvé par de récents scandales, surtout en ce qui concerne
les médiums "à matérialisations". On nous en réserve encore d'autres, c'est
certain : il en sera de même jusqu'au jour où les preuves seront devenues
assez parfaites et les spirites assez raisonnables pour ne pas fournir
d'occasions aux médiums ni d'armes à leurs adversaires.
Il faut avouer que la situation nous semble très grave. Chaque jour
davantage, les médiums tombent au pouvoir d'esprits sans principes et
mensongers, les effets pernicieux d'un diabolisme apparent se multiplient
sans cesse. Quelques-uns des meilleurs médiums délaissent l'estrade
publique, se soustraient à son influence et le mouvement tend à se porter
du côté de l'église. Nous nous hasardons à prédire que si les spirites ne se
mettent pas à l'étude de la philosophie antique afin d'apprendre à distinguer
les esprits les uns des autres pour se protéger contre les esprits inférieurs,
avant un quart de siècle, ils se réfugieront dans le sein de l'Eglise Romaine,
espérant échapper à ces "guides", à ces "contrôles" qui leur furent si
longtemps chers. Les signes précurseurs de cette catastrophe sont déjà
visibles. Dans une convention, tenue récemment à Philadelphie, fut agitée
la question d'organiser une secte de Spirites chrétiens ! La raison c'est que
s'étant séparés de l'église, ces spirites n'ont rien appris touchant la
philosophie des phénomènes, ni la nature de leurs esprits : ils sont donc
ballottés sur la mer de l'incertitude comme un vaisseau sans compas et sans
gouvernail. Ils n'échapperont pas au dilemme ;Ils auront à choisir entre
Porphyre et Pie IX.
Webster 122, sceptique d'alors, ayant attaqué ceux qui croyaient aux
phénomènes spirituels et magiques, Henry More, le Platonicien anglais
révéré lui répondit : "Au sujet de l'opinion selon laquelle la majeure partie
des théologiens réformés soutiendrait que le diable serait apparu sous la
forme de Samuel, cette opinion ne vaut pas une réponse. Certes, j'en suis
convaincu, dans beaucoup de ces apparitions nécromanciennes, ce sont des
esprits trompeurs et non les âmes des défunts qui apparaissent. Cependant,
je suis certain que l'âme de Samuel apparut. Tout aussi certain que dans
d'autres cas de nécromancie, il s'agit de ce genre d'esprits qui, selon
Porphyre, prennent mille formes et apparences diverses, jouent tantôt le
rôle de démons, tantôt celui d'anges ou de dieux, tantôt, enfin, celui d'âmes
des défunts. Je reconnais qu'un de ces esprits a fort bien pu personnifier
Samuel, ce que Webster, quoi qu'il en dise, ne réussit point à établir. Car
ses arguments sont étonnamment faibles et creux."
122
Lettre à J. Glanvil, chapelain du roi et membre de la Société Royale. Glanvil est l'auteur d'un
ouvrage célèbre sur les Apparitions et la Démonologie, intitulé : Sadducismus Triumphatus ou
Traité complet et raisonné sur les sorcières et les apparitions. Ouvrage, en deux parties,
"démontrant, soit à l'aide des Ecritures, soit par une collection choisie de récits modernes,
l'existence réelle des apparitions, des esprits et des sorcières, 1700.
en physique" mais apparemment novice en psychologie se prononce
dédaigneusement pour une "action musculaire [117] inconsciente", une
"cérébration inconsciente". Est-ce tout ? Pour Sir William Hamilton, c'est
une "pensée latente" ; pour le Dr Carpenter, c'est "le principe idéo-
moteur"…, etc... Autant de savants, autant de noms.
Les lois de la nature sont les relations établies de cette idée avec les
formes de ses manifestations ; "ces formes", dit Schopenhauer, "sont le
temps, l'espace et la causalité. A travers le temps et l'espace, l'idée varie
dans ses innombrables manifestations".
Ces idées sont loin d'être nouvelles, et n'étaient pas originales même
chez Platon. Voici ce que nous lisons dans les Oracles Chaldéens 125 :
"L'œuvre de la nature est coexistante avec la Lumière intellectuelle
spirituelle du Père (νοέρψ). C'est en effet l'âme (οuхŕ) qui embellissait le
grand ciel et qui l'embellit d'après le Père".
"Le monde incorporel était déjà terminé, son siège étant dans la
Raison Divine", dit Philon 126 qu'on accuse à tort d'avoir déduit sa
philosophie de celle de Platon.
123
Platon. Timœus sœrius, 97.
124
Voir Movers. Esplanations, 268.
125
Cory. Chaldean Oracles, 243.
126
Philon le Juif. On the Creation, X.
Dans la Théogonie de Mochus, nous avons en premier lieu l'Æter, puis
l'air, les deux principes desquels naît Ulom, l'intelligible (voητος) Dieu,
l'univers matériel visible 127.
"Les Egyptiens", dit Dunlap 130, distinguaient les deux Horus, l'aîné et
le cadet : l'aîné, frère d'Osiris ; le cadet, fils d'Osiris et d'Isis. Le premier
correspond à l'Idée du monde confinée dans l'Esprit du Démiurge, "né
dans les ténèbres avant la création du monde". Le second Horus est cette
"Idée", sortant du Logos, se revêtant de matière et prenant une existence
réelle 131.
C'est "le Dieu du monde, éternel, infini, vieux et jeune, d'une forme
sinueuse", selon les Oracles Chaldéens 132.
127
Movers. Phoinizer, 282.
128
Weber. Akad. Vorles, 213, 214, etc.
129
Plutarque. Isis et Osiris, 1, VI.
130
Spirit History of man, p. 88.
131
Movers. Phoinizer, 268.
132
Cory. Fragments, 240.
pénétrant l'univers, ou la Volonté qui devient Force pour créer ou organiser
la matière.
"La volonté, dit Van Helmont, est la première des puissances. C'est
par la volonté du Créateur que toutes choses ont été créées et mises en
mouvement… La volonté est la propriété de tous les êtres spirituels et elle
s'exerce en eux d'autant plus activement qu'ils sont plus dégagés de la
matière". Et Paracelse "le divin", comme on l'a appelé, renchérit sur le
même sujet : "La foi doit fortifier l'imagination car la foi engendre la
volonté... Une volonté ferme est le commencement de toutes les opérations
magiques… C'est parce que les hommes ne conçoivent pas et ne croient
point parfaitement aux résultats, que les arts sont incertains alors qu'ils
pourraient avoir une certitude parfaite".
Ces opinions confirment ce que nous avons dit au sujet des noms
différents donnés à une même chose. Les adversaires se battent pour des
mots. Appelez les phénomènes force, énergie, électricité, ou magnétisme,
volonté ou puissance de l'esprit, il s'agira toujours d'une manifestation
partielle de l'âme désincorporée ou encore emprisonnée pour un temps
dans son corps, d'une portion de cette VOLONTE intelligente, toute
puissante et individuelle, pénétrant la nature entière, connue sous le nom
de DIEU parce que le langage humain est insuffisant pour exprimer
correctement les images psychologiques.
133
Parerga, II, p. 111-112.
134
Voir Huxley. Physical Basis of Life.
l'influence de son action immédiate, le temps et l'espace n'ont plus le
pouvoir de séparer les individus. La séparation des formes n'est plus une
barrière infranchissable pour échanger leurs pensées, ou faire agir
directement leur volonté. D'où la possibilité de changements par un
procédé tout à fait différent de la causalité physique. La manifestation de
la volonté exercée d'une façon particulière va agir – en dehors même de
l'individu. Par conséquent, les caractères propres de toutes ces
manifestations sont la visio in distante et actio in distante (vision et action
à distance) dans leurs relations avec le temps aussi bien qu'avec l'espace.
Une telle action à distance est justement ce qui constitue le caractère
fondamental de ce qu'on appelle magique. Telle est, en effet, l'action
immédiate de notre volonté, une action libérée des conditions causales de
l'action physique, c'est-à-dire du contact".
135
Schopenhauer. Parerga, article sur la Volonté dans la Nature.
claire la théorie trop compliquée émise par Chevreul pour expliquer les
tables tournantes ; il était membre de la commission d'enquête.
Et, cependant, toute claire qu'elle puisse paraître, elle manque d'une
qualité essentielle : le sens commun. Nous sommes dans l'impossibilité de
décider si, oui ou non, M. Babinet, en désespoir de cause, accepte cette
proposition de Hartmann : "les effets visibles de la matière ne sont que les
effets d'une force et que, pour se former une idée claire de la matière, on
doive d'abord s'en former une de la force ? La philosophie de l'école à
laquelle appartient Hartmann, acceptée en partie par plusieurs des plus
grands savants allemands, veut que le problème de la matière ne puisse
être résolu que par cette Force invisible, dont Schopenhauer appelle la
connaissance "le savoir magique" et aussi "l'effet magique ou action de la
Volonté". Ainsi, il faut d'abord nous assurer si "les vibrations involontaires
du système musculaire de l'expérimentateur" – qui sont simplement des
"actes de la matière" – sont influencées par une volonté intérieure ou
extérieure à l'expérimentateur. Dans le premier cas, M. Babinet en fait un
épileptique inconscient. Le second cas, nous [123] verrons, plus loin, qu'il
le rejette absolument pour attribuer à une "ventriloquie inconsciente"
toutes les réponses intelligentes que traduisent les mouvements des tables
et les coups frappés par elles.
136
Revue des Deux Mondes, 15 janv. 1855, p. 108.
Nous savons que chaque acte de la volonté se traduit par de la force.
D'après l'école allemande déjà citée, les manifestations des forces
atomiques est un acte individuel de la volonté d'où l'agglomération
inconsciente des atomes en une image concrète subjectivement créée déjà
par la volonté. Démocrite enseigne, d'après son maître Leucippe, que les
premiers principes de toutes choses dans l'univers furent des atomes et un
vacuum. Dans son sens cabalistique, ce vacuum veut dire ici la Divinité
latente ou la force latente qui, à sa première manifestation, devint la
VOLONTÉ et, ainsi, communiqua la première impulsion à ces atomes
dont l'agglomération est la matière. Ce vacuum n'est qu'un synonyme, très
peu satisfaisant, de chaos puisque, d'après les Péripatéticiens, "la nature a
horreur du vide."
L'homme peut créer comme Dieu. Etant donnée une certaine intensité
de Volonté, les formes imaginées par le mental deviennent subjectives. On
les appelle hallucinations quoiqu'elles soient aussi réelles pour leur auteur
que n'importe quel objet visible pour tout autre. Augmentez l'intensité et
l'intelligente concentration de cette même volonté, la forme deviendra
concrète, visible, objective ; l'homme a appris le secret des secrets ; c'est
un MAGICIEN.
137
Marquis de Mirville. Question des Esprits (1863), p. 24.
138
Bulwer-Lytton. Zanoni.
fois que dans leurs recherches physiologiques, ils se trouvent en présence
d'un auteur persuadé que ces aspirations mystérieuses vers une science
spirituelle sont inhérentes à la nature humaine et ne peuvent nous avoir été
donnés en vain, ils considèrent cet auteur avec une pitié méprisante.
Un proverbe Persan dit : "Plus le ciel est sombre, plus les étoiles
brillent." Aussi, les Frères mystérieux de la Rose-Croix commencèrent à
apparaître sur le sombre firmament du Moyen [127] Age. Ils ne formèrent
point d'associations, ils ne bâtirent pas de collèges car, pourchassés de
toutes parts comme des fauves, quand ils étaient pris par l'Eglise
Chrétienne, ils étaient brûlés sans façon. "Comme la religion défend", dit
Bayle, "de répandre le sang, il fallait éluder la maxime : Ecclesia non novit
sanguinem. Aussi brûlait-on les êtres humains, parce que brûler un homme
ne fait pas couler son sang".
Dans l'histoire légendaire du moine Bacon "et aussi dans une pièce de
théâtre écrite par Robert Green, auteur dramatique du temps d'Elisabeth,
on raconte que, mandé par le Roi, le moine fut invité à montrer son
habileté devant Sa Majesté la Reine. Il agita la main en l'air (le texte dit : il
agita sa baguette) et, aussitôt, on entendit une musique si agréable que tous
les assistants déclarèrent n'en avoir jamais entendu de pareille". On
entendit ensuite une musique plus accentuée, quatre apparitions se
montrèrent soudain et se mirent à danser jusqu'au moment où elles
s'évanouirent dans l'air. Puis le moine agita de nouveau sa baguette et
l'atmosphère de la salle fut imprégnée de parfums, "comme si tous les
parfums de la terre eussent été préparés là avec tout l'art possible". Roger
Bacon ayant promis à l'un des courtisans de lui montrer son amoureuse,
souleva une des portières de l'appartement royal : "une fille de cuisine,
tenant à la main une cuillère à pot", apparut aux yeux des assistants.
L'orgueilleux gentilhomme, quoiqu'il eût reconnu cette fille dont l'image
s'évanouit aussi vite qu'elle s'était produite, fut fort irrité de cet humiliant
spectacle et menaça le moine de sa vengeance. Que fit le magicien ? Il se
contenta de répondre très simplement : "Ne me menacez point, craignez
que je ne vous humilie davantage, à l'avenir gardez-vous de démentir
encore des gens instruits." [128]
139
T. Wright. Narratives of Sorcery and Magic.
expériences avaient été faites en présence des personnes de la maison. Un
autre décrit ce qu'il appelle un "coup frappé musical". Les forces qui sont,
maintenant, susceptibles de produire ces phénomènes, doivent avoir existé
et avoir été tout aussi efficaces du temps de Roger Bacon. Quant aux
apparitions, il suffit de dire qu'elles sont maintenant évoquées dans les
cercles spirites et garanties par des savants. Donc les évocations par Roger
Bacon semblent plus probables que jamais.
Baptiste Porta, dans son traité sur la Magie Naturelle, cite tout un
catalogue de formules secrètes pour produire des effets extraordinaires au
moyen des forces occultes de la nature. Les magiciens croyaient aussi
fermement que nos spirites, au monde des esprits invisibles ; cependant,
aucun d'eux n'a jamais prétendu produire ses phénomènes sous leur
contrôle et avec leur seul concours. Ils savaient trop combien il est difficile
de tenir à [129] l'écart les êtres élémentaires lorsqu'ils ont une fois trouvé
la porte ouverte. Même la magie des anciens Chaldéens se résumait en la
connaissance des plantes et des minéraux. Lorsque les théurgistes avaient
besoin de l'aide divine dans les choses spirituelles et terrestres, c'est alors
seulement qu'ils cherchaient la communication directe au moyen des rites
religieux, avec de purs êtres spirituels. Pour eux aussi, les esprits qui
restent invisibles et communiquent avec les mortels au moyen de leurs
sens internes réveillés – comme dans la clairvoyance, la clair audience et
la transe – ne pouvaient être évoqués subjectivement et par la pureté de la
vie et la prière. Mais tous les phénomènes physiques étaient produits
simplement en usant de la connaissance des forces naturelles : rien de
commun, certainement, avec les tours de passe-passe des escamoteurs
d'aujourd'hui.
Nous sommes loin de croire que tous les esprits qui font des
communications dans les cercles appartiennent aux classes dites
Elémentaux et des Elémentaires. Beaucoup d'entre eux, et spécialement
ceux qui font parler subjectivement le médium, qui le font écrire et agir de
différentes manières, sont des esprits humains désincarnés 140. Ces esprits
sont-ils bons ou mauvais, en majorité ? La réponse dépend beaucoup de la
moralité privée du médium, de celle des membres du cercle, et de
l'intensité de leurs aspirations et du but qu'ils poursuivent. Si ce but est
140
Ajoutons cependant – c'est de grande importance – que les véritables esprits humains, c'est-à-
dire les personnalités des décédés ne descendent jamais vers le médium. C'est le médium au
contraire, ou plutôt son esprit qui est attiré vers l'esprit communiquant et la sphère qu'il habite.
(Note de la main de H.P.B. sur le manuscrit).
simplement de satisfaire la curiosité et passer le temps, il est inutile
d'espérer rien de sérieux. Quoi qu'il en soit, les esprits humains ne peuvent
jamais se matérialiser in propriâ personâ. Ils ne peuvent jamais apparaître
revêtus de chair solide et chaude, les mains et le visage en sueur, dans les
corps matériels grossiers. Le plus qu'ils puissent faire c'est projeter leur
reflet éthéré sur les ondes atmosphériques et si l'attouchement de leurs
mains et de leurs vêtements peut, dans certaines occasions, devenir objectif
pour les sens d'un mortel vivant, cette sensation sera comme une brise qui
passe en caressant l'endroit touché, et non comme une main humaine ni un
corps matériel. Il est inutile de l'affirmer : les "esprits matérialisés" avec
des cœurs dont on sentait les battements et des voix fortes (avec ou sans
trompette) sont des esprits humains. Si les sons émis par eux peuvent être
appelés des voix, les voix d'une apparition, une fois perçues, ne peuvent
guère être oubliées. Celle d'un pur esprit est comme le murmure d'une
harpe Eolienne entendue à distance ; la voix d'un esprit souffrant, et par
conséquent impur sinon tout à faits mauvais, peut être comparée à celle
d'un homme parlant dans un tonneau vide.
141
Voyez Des Mousseaux. Dodone et Dieu et les dieux, p. 326.
142
Apparitions, traductions Crowe, pp. 388, 391, 399.
Nous donnerons plus loin d'abondantes preuves, tirées des auteurs
anciens, à l'appui de cette vérité négligée. Pour le moment, nous répéterons
que pas un esprit, parmi ceux que les spirites croient être des esprits
humains désincarnés, n'a jamais été prouvé tel, par des témoignages
suffisants. L'influence désincarnée peut être ressentie et communiquée
subjectivement par eux à des sensitifs. Ils peuvent produire des
manifestations objectives, mais ils ne peuvent se manifester eux-mêmes
que de la manière indiquée plus haut. Ils peuvent contrôler le corps du
médium, exprimer leurs désirs et leurs idées de diverses façons bien
connues des spirites, mais ils ne peuvent point matérialiser ce qui est
immatériel et purement spirituel, leur essence divine. Ainsi, toutes les
prétendues "matérialisations", lorsqu'elles sont authentiques, sont produites
(peut-être), soit par la volonté de "l'esprit", que l'apparition prétend être,
mais qu'elle peut tout au plus personnifier, soit par un Gobelin élémentaire
trop stupide, généralement, pour mériter le nom de démon. Dans de rares
occasions, les esprits ont le pouvoir de se faire obéir par ces êtres sans
âme, toujours prêts à prendre des noms pompeux si l'on n'y met bon ordre,
de telle façon que le malicieux "esprit de l'air" formé par l'image réelle
d'un esprit humain peut être mu par ce dernier comme une marionnette
incapable de faire un acte ou de dire un mot autres que ceux qui leur sont
imposés par "l'âme immortelle". Mais cela exige certaines conditions
généralement ignorées des cercles ou des spirites, même des plus assidus
aux séances. N'attire pas qui veut les esprits humains. Une des attractions
les plus puissantes [132] sur nos défunts est leur profonde affection pour
ceux qu'ils ont laissés sur la terre. Elle les attire irrésistiblement, peu à peu,
dans le courant de la Lumière Astrale qui vibre entre la personne qui leur
est sympathique et l'Ame Universelle.
143
De abstinentia, etc…
leurs victimes, les animaux timides fuient-ils devant l'homme ? Ou bien,
au contraire, ces spectres font-ils preuve d'une malveillance, d'une
disposition à tourmenter tout à fait étrangère à leur nature ? Nombreuses
sont les victimes de leurs obsessions : rappelons les persécutés de Salem et
d'autres cas de sorcellerie historiques. On affirme y avoir vu des chiens,
des chats, des pourceaux et d'autres animaux, envahir la chambre de leurs
victimes qu'ils mordaient, dont ils piétinaient les corps endormis. Ils leur
parlaient aussi et, souvent, les incitaient au suicide ou à d'autres crimes.
Dans le cas avéré d'Elisabeth Erlinger, mentionné par le Dr Kerner,
l'apparition de l'ancien prêtre de Wimmenthal 144 était accompagnée par un
gros chien noir qu'il appelait son père. Ce chien, en présence de nombreux
témoins, bondissait sur les lits de tous les prisonniers. Une autre fois, le
prêtre apparut avec un agneau, quelquefois aussi avec deux. Presque tous
les accusés de Salem l'étaient par les voyantes de tramer et comploter de
mauvaises actions avec des oiseaux jaunes qui venaient se percher sur leur
épaule ou sur les solives au-dessus de leurs têtes 145. Et, à moins de
révoquer en doute le témoignage de milliers de spectateurs, dans toutes les
parties du monde, et à toutes les époques, et d'accorder le monopole de la
voyance aux médiums modernes, il faut admettre que les spectres
d'animaux apparaissent vraiment et manifestent tous les traits les plus
dépravés de la nature humaine sans appartenir eux-mêmes à la race
humaine. Que peuvent-ils donc être sinon des élémentaux ?
Descartes fut un des rares qui crût et osât dire que nous sommes
redevables à la médecine occulte de découvertes "destinées à étendre le
domaine de la philosophie". Brierre de Boismont non seulement partagea
ces espérances, mais il avoua ouvertement sa sympathie pour le
"surnaturalisme" qu'il considère comme "la grande croyance" universelle.
"... Nous pensons, avec Guizot, dit-il, que l'existence de la société est
intimement liée à cette croyance. C'est en vain que la raison moderne
rejette le [135] surnaturel : malgré son positivisme, elle ne peut expliquer
les causes intimes des phénomènes. Le surnaturel est universellement
répandu et il se trouve au fond de tous les cœurs 146. Les esprits les plus
élevés en sont, fréquemment, les plus fervents disciples."
144
C. Crowne. On Apparitions, p. 398.
145
Upham. Salem Witchraft.
146
Brierre de Boismont. On Hallucinations, p. 60.
Christophe Colomb découvrit l'Amérique et Amérigo Vespuce récolta
la gloire et usurpa ce qui lui était dû. Théophraste Paracelse redécouvrit les
propriétés occultes de l'aimant, "l'os d'Horus" qui, douze siècles avant son
temps, avait joué un rôle si important dans les mystères théurgiques : il
devint, tout naturellement, le fondateur de l'école de magnétisme et de
magicothéurgie médiévale. Mesmer qui vécut près de trois cents ans après
lui et qui, disciple de son école, rendit publiques les étonnantes merveilles
du magnétisme, récolta la gloire qui revenait au philosophe du feu ; le
grand maître était mort à l'hôpital.
CHAPITRE III
—
L'AVEUGLE CONDUISANT L'AVEUGLE
ZANONI.
147
Voir de Mireille. Des Esprits, et les ouvrages sur les "Phénomènes spirites", par de Gosparin.
148
Secrétaire honoraire de l'Association des Spirites de Londres.
manifestations qu'on obtenait habituellement a l'aide des médiums, à
moins qu'on ne le laisse sans liens et libre des mains du comité de contrôle,
ce fait seul dément catégoriquement son exposé des phénomènes occultes.
Si adroit qu'il puisse [138] être, nous le défions de reproduire, dans les
mêmes conditions, les "tours" exécutés par un simple jongleur Indien. Ce
dernier, par exemple, opère dans les conditions suivantes : l'endroit choisi
par les investigateurs n'est connu du jongleur qu'au moment de la
présentation, l'expérience doit être faite au grand jour et sans la moindre
préparation, ni aide ni compère mais un jeune garçon absolument nu, le
jongleur lui-même étant à demi-nu. Ces conditions observées, le
prestidigitateur devrait exécuter trois tours des plus ordinaires, choisis
parmi ceux si nombreux et si variés qui furent récemment exécutés devant
quelques gentlemen appartenant à la suite du Prince de Galles.
149
Livre de Job.
phénomènes, nous ne trouverons pas chez tous ces gens-là un seul
argument irréfutable contre la réalité des phénomènes spirites. "Ma
théorie, dit, dans sa prétendue dénonciation, l'individu mentionné, c'est que
M. Williams lui-même s'est déguisé pour personnifier John King et Peter.
Personne ne peut prouver qu'il n'en fut pas ainsi". Malgré l'assurance de
cette assertion, ce n'est, après tout, qu'une théorie pure et simple : les
spirites pourraient lui répondre en lui demandant de prouver ce qu'il
avance.
150
Voir Dr F.R. Marwin. Lectures on Insanity and Mediomania
dans la raisonnable Angleterre, il fut considéré, pendant un certain temps,
comme le Newton du XIXème siècle.
151
Vapereau. Biographie Contemporaine, art. Littré ; et Des Mousseaux. Les hauts phénomènes de
la magie, ch. 6.
découvre dans les doctrines transcendantes de quelques-uns de ses
propagateurs. Exploitant son impopularité, déployant un courage aussi
excessif et hors de propos que le chevalier errant de la Manche, ils
prétendent être reconnus comme des philanthropes et des bienfaiteurs,
destructeurs d'une monstrueuse superstition 152.
Voyons donc jusqu'à quel point cette religion de l'avenir tant vantée de
Comte, est supérieure au Spiritisme et si ses défenseurs n'ont pas autant
besoin d'être enfermés dans ces asiles d'aliénés qu'ils réservent aux
médiums, avec une touchante sollicitude. Appelons, avant tout, l'attention
sur ce fait : les trois quarts des fâcheuses impressions, laissées par le
Spiritisme moderne, proviennent des aventuriers matérialistes qui se sont
déclarés spirites. Comte a dépeint avec des couleurs obscènes la femme
"artificiellement fécondée" de l'avenir. Elle n'est d'ailleurs que la sœur
aînée de la débauchée idéale des amoureux libres 153. L'immunité contre
l'avenir, offerte par les enseignements de ses disciples insensés, a si bien
impressionné quelques pseudo-spirites qu'elle les a portés à se constituer
en associations communistes. Mais [142] aucune ne fut de longue durée.
Comme leur principal caractère était un animalisme matérialiste grossier,
voilé d'une mince feuille philosophique en clinquant, affublé d'un
amalgame de noms grecs… la communauté ne pouvait aboutir qu'à un
échec.
152
Ce chapitre fut écrit, il y a bien des années, en réponse aux attaques furieuses des Positivistes du
soi-disant "Libéral Club" contre les Théosophes et les Spirites. (Note n'existant pas dans l'édition
originale de l'ouvrage).
153
"Free-loyers" : secte immorale, née en Amérique, qui prit, quelque temps, des proportions
gigantesques. H.P.B. (Note n'existant pas dans l'édition originale de l'ouvrage).
Le lecteur ne doit point perdre de vue que nous n'attaquons pas Comte
comme philosophe, mais comme réformateur avoué. Dans l'irrémédiable
obscurité de ses idées, politiques, philosophiques et religieuse, nous
trouvons, souvent, des observations isolées et des remarques où la
grandeur de sa logique et sa pensée judicieuse rivalisent avec l'éclat de leur
interprétation. Mais ces lueurs brillantes, après vous avoir éblouis comme
des éclairs dans la nuit noire, vous laissent ensuite plongés dans une nuit
plus sombre que jamais. Si on les condensait, si on les refondait, ses divers
ouvrages pourraient produire un volume d'aphorismes très originaux,
donnant une définition très claire et très ingénieuse de la plupart de nos
plaies sociales. Par contre, soit à travers les fatigantes circonlocutions des
six volumes de son Cours de Philosophie Positive, soit dans cette parodie
sur le clergé en forme de dialogue, le Catéchisme de la Religion Positive,
on chercherait en vain une seule idée susceptible de suggérer à ces maux
un remède, même relatif. Ses disciples insinuent que les sublimes doctrines
de leur prophète ne sont point destinées au vulgaire. Mais si l'on compare
les dogmes du Positivisme à leur application pratique par ses apôtres, nous
devons admettre qu'il se peut qu'une doctrine incolore soit à la base du
système. Le "grand prêtre" prêche que "la femme doit cesser d'être la
femelle de l'homme" 154, la théorie des législateurs de cette école sur le
mariage et la famille consiste surtout à faire de la femme la " simple
compagne de l'homme", en la débarrassant de toute fonction maternelle 155.
Ils s'apprêtent pour l'avenir à substituer à cette fonction, "chez la femme
chaste", une force latente 156, mais, en même temps, quelques-uns de leurs
prêtres laïques prêchent ouvertement la polygamie, [143] et d'autres
affirment que leurs doctrines sont la quintessence de la philosophie
spirituelle !
154
A. Comte. Système de Politique Positive, vol. I, p. 203.
155
Ibidem.
156
Ibidem.
157
Voir Des Mousseaux. Hauts Phénomènes de la Magie, chap. VI.
acceptant l'apostolat de cette merveilleuse religion. Voici ce qu'il écrivait
en 1859 :
"M. Comte a pensé qu'il avait non seulement trouvé les
principes, tracé les contours et fourni la méthode, mais
encore qu'il avait déduit les conséquences et construit
l'édifice social et religieux de l'avenir. C'est à propos de
cette seconde partie de l'œuvre que nous faisons nos
réserves. En ce qui concerne la première partie, nous
l'acceptons comme un héritage, dans son ensemble
complet." 158
Plus loin, il dit : "M. Comte, dans un grand ouvrage intitulé Système
de la Philosophie Positive, établit les bases d'une philosophie (?) qui doit
finalement supplanter toutes les théologies et l'ensemble des doctrines
métaphysiques. Un tel ouvrage contient nécessairement une application
directe au gouvernement des sociétés. Comme il ne renferme rien
d'arbitraire (?) et comme nous y trouvons une science réelle (?) mon
adhésion aux principes implique mon adhésion aux conséquences
essentielles."
M. Littré se montre donc sous l'aspect d'un vrai fils de son prophète.
En vérité, le système de Comte nous parait être bâti sur un jeu de mots.
Lorsqu'ils disent Positivisme, il faut lire Nihilisme ; quand vous entendrez
prononcer le mot chasteté, sachez que cela veut dire impudicité et ainsi de
suite. Comme c'est une religion fondée sur une théorie négative, ses
adhérents ne peuvent la pratiquer sans dire blanc lorsqu'ils veulent dire
noir.
158
Littré. Paroles de Philosophie Positive.
159
Littré. Paroles de Philosophie Positive, VII, 57.
Ce serait, en vérité, perdre son temps que de pousser plus loin les
citations de ces dissertations paradoxales. Comte arriva à l'apogée de
l'absurdité et de l'inconséquence lorsque, après avoir inventé un système de
philosophie, il le nomma une "Religion". Et, [144] comme cela arrive
habituellement, les disciples ont dépassé en absurdité le réformateur. Les
pseudo-philosophes qui brillent dans les Académies Comtistes
d'Amérique, comme brille une lampyris noctiluca à côté d'une planète, ne
nous laissent pas le moindre doute sur leur croyance. Ils opposent "ce
système de pensée et de vie" élaboré par l'apôtre Français à "l'idiotie" du
Spiritisme, et naturellement, donnent l'avantage au premier. "Pour détruire
il faut remplacer", dit l'auteur du Catéchisme de la Religion Positive, citant
ainsi Cassaudière sans lui payer tribut pour son idée, et les Comtistes
cherchent à montrer par quelle sorte d'odieux système ils voudraient
remplacer le Christianisme, le Spiritisme et même la Science.
"Le Positivisme", dit l'un d'eux, "est une doctrine intégrale. Il rejette
complètement toutes les formes de croyances théologiques et
métaphysiques, toutes les formes de surnaturalisme et, par conséquent, le
Spiritisme. Le véritable esprit positiviste consiste à substituer l'étude des
lois invariables des phénomènes à celles de leurs prétendues causes, soit
immédiates, soit primaires. Sur ce terrain, il repousse également
l'athéisme, car l'athée, au fond, est un théologien". Et il ajoute en copiant
Littré : "L'athée ne rejette pas les problèmes de la théologie mais
seulement leur solution. En cela, il se montre illogique. Nous, Positivistes,
de notre côté nous rejetons le problème parce qu'il est inaccessible à
l'intellect. Nous ne ferions que gaspiller notre force en cherchant en vain
les causes premières et finales. Comme vous le voyez, le Positivisme
donne une explication complète (?) du monde, de l'homme, de ses devoirs
et de sa destinée… !" 160.
C'est fort beau tout cela. Maintenant, par voie de contraste, nous allons
citer ce qu'un véritable grand savant, le professeur Hare, pense de ce
système. "La philosophie positive de Comte, dit-il, après tout, est
purement négative. Comte admet ne rien savoir des sources et des causes
des lois de la nature. Leur origine est, selon lui, si parfaitement inscrutable
qu'il est inutile de perdre son temps à des recherches dans cette direction.
Comme de juste, sa doctrine fait de lui un ignorant complet des causes des
160
Spiritualism and Charlatanism.
lois, des moyens par lesquels elles furent établies. Cette doctrine ne peut
donc avoir pour base que l'argument négatif précité lorsqu'il vise des faits
reconnus, ou rapports avec la création spirituelle. Ainsi, tout en laissant à
l'athée son domaine matériel, le Spiritisme dans le même espace et au-
dessus de lui érige un domaine qui le dépasse autant que l'éternité
l'emporte sur la moyenne de la durée de la vie humaine et que les régions
illimitées [145] des étoiles fixes dépassent en étendue l'aire habitable de ce
globe." 161.
161
Prof. Hare. On Positivism, p. 29.
D'où résultent la faiblesse de leur situation et la ruine finale de leurs idées,
dispersées bientôt aux quatre vents du Ciel." 162.
162
Journal des Débats, 1864. Voir aussi : Des Mousseaux. Hauts phénomènes de la Magie.
sera fondée sur une origine vraiment supérieure qui ne reculerait pas
devant les enquêtes." 163
163
Philosophie positive, vol. IV, p. 279.
164
Dr F.R. Marvin. Lecture on Isanity and Mediomania.
165
Voir Howit. History of the Supernatural, vol. II.
et la juste réputation ne sauraient être égalés par le prétentieux
conférencier sur les médiums et la folie 166.
166
Expériences du Dr Charcot. Hypnotisme Charcotisme ? Soit. Mais ce sera toujours le
mesmérisme et le magnétisme animal. Les faux nez n'y font rien. H.P.B. (Note manuscrite ne
figurant pas dans la première édition.)
167
Pr Huxley. Physical Basis of Life.
trio réuni en désespoir de cause : "une triade anomalistique qui, au milieu
de ses labeurs ardus, ne trouve pas le temps de se familiariser avec les
principes et les lois de sa langue." 168
Alors que le Positivisme proclame bien haut qu'il est une religion, le
Spiritisme, nous sommes heureux de le faire remarquer, n'a jamais
prétendu être rien de plus qu'une science, une philosophie en voie de
développement, ou plutôt une étude des forces cachées et encore
inexpliquées de la nature. L'objectivité de ses divers phénomènes a été
démontrée par plus d'un des vrais représentants de la science et niée, sans
résultat, par ceux qui sont les "singes" de la Science. [149]
Enfin, constatons-le, nos Positivistes qui traitent avec un tel sans façon
tous les phénomènes psychologiques, ressemblent au rhétoricien de
Samuel Butler : "... Il ne pouvait ouvrir la bouche sans qu'il en sortît un
trope."
Nous voudrions qu'il n'y eût pas lieu de jeter nos regards de critiques
au-delà de ces pédants qui usurpent le titre de savants. Mais il est
indéniable que les sommités du monde scientifique traitent les questions
nouvelles d'une manière qu'on ne relève pas assez alors qu'elle mérite
d'être critiquée. La circonspection née de l'habitude des recherches
expérimentales, le passage prudent d'une opinion à une autre, la
168
Allusion à une annonce parue dans un journal de New-York et signée par trois personnes qui
s'attribuaient elles-mêmes ce sobriquet. Elles se donnaient comme formant un comité élu, deux
années antérieurement, pour procéder à une enquête sur les phénomènes spirites. Les critiques dont
la "triade" fut l'objet ont été publiées par une Revue : The New Era.
169
Dr Marvin. Lectures on Insanily and Mediomania, N.Y., 1875.
considération dont jouissent les autorités reconnues, tout contribue à
produire un conservatisme de la pensée qui aboutit, naturellement, au
dogmatisme. Le prix du progrès scientifique est trop souvent le martyre ou
l'ostracisme de l'innovateur. C'est à la pointe de la baïonnette, pour ainsi
dire, que le réformateur doit enlever la citadelle de la routine et du
préjugé : il est rare qu'une main amie lui ait entre-bâillé la moindre
poterne. Il peut bien, à la rigueur, se permettre de ne pas tenir compte des
protestations tapageuses et des critiques impertinentes dont est coutumier
le petit personnel des antichambres de la science ; mais l'hostilité de l'autre
clause constitue le danger réel que l'innovateur doit combattre et vaincre.
Le savoir augmente rapidement mais ce n'est point au grand corps des
savants qu'il en faut savoir gré. Ils ont toujours fait tout leur possible pour
ruiner une découverte nouvelle et, du même coup, l'inventeur. La palme
revient à qui triomphe de ces obstacles par son courage personnel, son
intuition et sa persévérance. Il est bien peu de forces de la nature dont on
ne se soit moqué au moment où leur découverte était annoncée, et qui
n'aient été dédaignées comme absurdes et antiscientifiques. Elles blessent
l'orgueil de ceux qui n'ont rien découvert, les justes prétentions de ceux
que l'on a refusé d'entendre, jusqu'au moment où il devient imprudent de
les rejeter. Mais alors, ô pauvre humanité égoïste ! Les inventeurs se
vengent : ils deviennent, à leur tour, les adversaires et les oppresseurs, de
ceux qui viennent, après eux, dans la voie de l'exploration des lois
naturelles ! Ainsi, pas à pas, l'humanité se meut dans le cercle borné des
connaissances : la science corrige constamment ses erreurs et rajuste, le
lendemain, ses théories fausses de la veille. Tel fut le cas, non seulement
pour les questions relevant de la psychologie comme le mesmérisme dans
son double sens de phénomène à la fois physique et spirituel, mais encore
pour les découvertes directement apparentées aux sciences exactes et
faciles à démontrer.
Un des écrits les plus habiles que nous devions au professeur Tyndall
est son mordant essai sur : Martineau et le Matérialisme. C'est en même
temps une œuvre que, dans quelques années, l'auteur sans aucun doute ne
sera que trop prêt à expurger de certaines grossièretés impardonnables de
style. Pour l'instant, néanmoins, nous laisserons ces dernières de côté pour
examiner ce qu'il trouve à dire sur le phénomène de la conscience. Il cite
cette question de M. Martineau : "Un homme peut dire : Je sens, je pense,
j'aime ; mais comment la conscience vient-elle s'immiscer dans le
problème ?" Il répond : "Le passage de la physique du cerveau aux faits
correspondants de la conscience est impensable. Etant donné qu'une
pensée définie et une action moléculaire naissent simultanément dans le
cerveau, nous ne possédons ni organe [152] intellectuel ni, apparemment,
aucun des rudiments de cet organe qui nous permettrait de passer par un
procédé de raisonnement, de l'une à l'autre. Elles se produisent en même
temps, mais nous ne savons pas pourquoi. Si nos sens et notre mental
étaient assez étendus, fortifiés, éclairés pour que nous puissions voir et
sentir les molécules mêmes du cerveau, suivre tous leurs mouvements,
leurs groupements, leurs décharges électriques, s'il y en a, et si nous étions
intimement au fait des états correspondants de la pensée et du sentiment,
nous serions encore aussi loin que jamais de la solution du problème.
Comment ces processus physiques sont-ils liés aux faits de conscience ?
L'abîme entre les deux classes de phénomènes resterait encore
intellectuellement infranchissable." 170
170
Tyndall. Fragments of Science.
connaissances scientifiques, [153] mais détenteurs puissants d'un pouvoir
spirituel parmi les ignorants, ils encouragent et imposent des pratiques
telles que le rouge de la honte monte aux joues des plus intelligents d'entre
eux" 171. L'occultiste tend ce miroir à la science pour qu'elle soit à même de
se reconnaître.
171
Tyndall. Preface to Fragments of Science.
172
Deutéronome, chap. XVII, 6.
173
Montesquieu. Esprit des Lois, I, XII, chap. 3.
la poursuite de la connaissance pure". Si la définition est correcte, alors, en
majorité, nos modernes érudits se sont montrés infidèles à leur déesse. "La
vérité pour elle-même" ; Mais où faut-il chercher les clefs de chacune des
vérités dans la nature, si ce n'est dans le mystère encore inexploré de la
psychologie ? Pourquoi faut-il qu'en [154] étudiant la nature, tant de
savants fassent un choix parmi les faits et n'étudient que ceux qui cadrent
le mieux avec leurs préjugés ?
174
C.B. Warring.
l'Eglise a montré plus de sagacité que la Science. A la requête du Cardinal
de Lugo, Innocent X lui donna son puissant patronage.
Dans un livre ancien, intitulé Demonologia, l'auteur cite bien des cas
où des remèdes importants, négligés d'abord, ont été ensuite mis en
lumière par des circonstances fortuites. Il montre encore que, pour la
plupart, les découvertes de la médecine ne sont, en définitive, que "la
résurrection et la réadoption de pratiques très anciennes". Au XVIIIème
siècle, la racine de fougère mâle était vendue et vantée comme remède
souverain contre le ver solitaire, par une dame Nouffleur, charlatan en
jupons. Le secret fut livré [155] à Louis XV, moyennant une somme
élevée, après quoi, les médecins découvrirent que Gallien recommandait et
administrait ce remède pour cette maladie. La fameuse poudre
antigoutteuse du duc de Portland était le diacentaureon de Gœlius
Aurelianus. Plus tard, on établit que les plus anciens écrivains sur la
médecine s'en servaient et qu'eux-mêmes l'avaient trouvé dans les
ouvrages des philosophes grecs de l'antiquité. Il en est de même pour l'eau
médicinale qui porte le nom du Dr Husson. Ce fameux remède contre la
goutte fut reconnu, sous son nouveau masque, comme le Colchicum
autumnale (safran des prairies), identifié à une plante appelée
Hermodactylus dont les mérites, comme sûr antidote de la goutte, furent
reconnus et défendus par Oribase, grand médecin du IV° siècle, aussi bien
que par Ætius Amidenus, autre éminent médecin d'Alexandrie au V°
siècle. Postérieurement, ce remède avait été abandonné : il lui suffisait
d'être trop vieux pour que les membres des facultés médicales qui
florissaient vers la fin du siècle dernier le rejettent !
175
Ammien Marcellin, XXIII, 6.
176
Les Rishis étaient au nombre de sept. Ils vivaient à l'époque précédant l'ère védique. On les
connaissait sous le nom de sages et on les révérait comme des demi-dieux. Haugh montre qu'ils
occupaient dans la religion Brahmanique une position analogue à celle des douze fils de Jacob dans
la Bible Juive. Les Brahmanes prétendent descendre directement de ces Rishis.
perdaient pas leur dignité sous la loi des princes les plus puissants, qu'ils
n'auraient pas condescendu à visiter, qu'ils n'auraient pas dérangés pour
obtenir la plus mince faveur. Si ces puissants désiraient l'avis ou les prières
de ces hommes saints, ils étaient obligés d'aller eux-mêmes les trouver ou
de leur envoyer des messagers. Les vertus des plantes et des minéraux
n'avaient plus de secrets pour ces hommes. Ils avaient sondé la nature
jusque dans ses profondeurs, la psychologie et la physiologie étaient pour
eux livres ouverts et ils avaient de la sorte conquis cette science ou
machagiotia que l'on nomme aujourd'hui, si dédaigneusement, la Magie.
Les miracles rapportés dans la Bible sont devenus des faits acceptés
par les Chrétiens. En douter est regardé comme un manque de foi ; mais
les récits, les merveilles et prodiges rapportés dans l'Atharva-Veda 177
tantôt [157] provoquent le mépris, tantôt sont tenus pour des preuves de
diabolisme. Et cependant, sous plus d'un rapport – et malgré la répugnance
de certains érudits sanscritistes – nous pouvons prouver leur identité. En
outre, comme les savants ont établi la grande antériorité des Védas sur la
Bible juive, il est facile d'inférer que, si l'un des deux livres a fait des
emprunts à l'autre, ce n'est pas les livres Sacrés Hindous qui peuvent être
accusés de plagiat.
177
Le quatrième Veda.
178
Orthographe adoptée dans le Archaïc Dictionary.
l'Eternel qui demeurait seul dans le chaos. Comme dans les Ecritures
Juives, l'histoire de la création commence avec l'esprit de Dieu et son
émanation créatrice qui constitue une autre Divinité 179. En percevant un
état de choses aussi lugubre, Brahma, consterné, monologue ainsi : "Qui
suis-je ? D'où suis-je venu ?" Il entend alors une voix qui lui répond :
"Adresse ta prière à Blagavat – l'Eternel, connu, aussi, comme
Parabrahma." Brahma, cessant de nager, s'assied sur le lotus dans une
attitude de contemplation et médite sur l'Eternel qui, satisfait de cette
preuve de pitié, disperse les ténèbres primordiales et ouvre son
entendement. "Après cela, Brahma sort de l'œuf universel (le chaos infini)
sous forme de lumière, car son entendement est maintenant ouvert, et il se
met à l'œuvre. Il se meut sur les eaux éternelles, l'esprit de Dieu étant en
lui ; il est Narayana, en sa qualité d'être qui meut les eaux."
Le lotus, fleur sacrée des Egyptiens, comme elle est celle des Hindous,
est le symbole d'Horus comme de Brahma. On trouve le lotus dans tous les
temples du Tibet ou du Népal et la signification [158] de ce symbole est
fort suggestive. La branche de lys que l'archange offre à la Vierge Marie
dans les tableaux de "l'Annonciation", a, dans son symbolisme ésotérique,
précisément la même signification. Nous renvoyons le lecteur à l'ouvrage
de Sir William Jones 180. Chez les Hindous, le lotus est l'emblème de la
puissance productive de la nature, par l'action du feu et de l'eau (l'esprit et
la matière). "Eternel, dit un des versets de la Bhagavad Gita, Je vois
Brahma, le créateur intronisé en toi sur le lotus !"Et Sir W. Jones montre
que les graines de lotus contiennent, même avant de germer, des feuilles
parfaitement formées, miniatures des formes de la plante qu'elles
deviendront un jour. Ou, comme le dit l'auteur de The Heathen Religion :
"la nature nous donne ainsi un spécimen de la préformation de ses
productions". Plus loin, il ajoute : "la semence de toutes les plantes
phanérogames qui portent de véritables fleurs contient un embryon de
plante déjà formé" 181.
179
Nous ne voulons pas parler de la Bible courante, mais de la véritable Bible Juive expliquée selon
la Cabale.
180
Dissertations Relating to Asia.
181
Dr Gross, p. 195.
pied de sa couche tenant un lotus à la main. C'est ainsi qu'Osiris et Horus
sont également représentés toujours avec la fleur du lotus comme attribut.
Ces faits tendent à prouver, tous, que cette idée possède une origine
identique dans les trois systèmes religieux Hindou, Egyptien et Judaïco-
Chrétien. Partout où le nénuphar mystique (le lotus) est représenté, il
signifie l'émanation de l'objectif hors du caché ou subjectif – la pensée
éternelle de la Divinité toujours invisible, passant de la forme abstraite
dans la forme concrète ou visible. Car, aussitôt que les ténèbres furent
dissipées et que "la lumière fut", l'entendement de Brahma fut ouvert et il
vit dans le monde idéal (jusqu'alors éternellement caché dans la pensée
Divine) les formes archétypes de toutes les choses futures et infinies qui
seraient appelées à l'existence et, ainsi, rendues visibles. A ce premier
stade de l'action, Brahma n'est pas encore l'architecte, le constructeur de
l'univers. Car il va lui falloir, comme un architecte, prendre d'abord
connaissance du plan et comprendre les formes idéales qui reposaient dans
le sein de l'Eternel, comme les feuilles futures du lotus cachées dans la
graine. C'est à cette idée que nous devons recourir pour trouver l'origine et
l'explication du verset de la cosmogonie juive dans lequel on lit : "Et Dieu
dit, que la terre produise. l'arbre à fruit donnant son fruit selon son espèce,
dont la semence est en elle-même." Dans [159] toutes les religions
primitives, le "Fils du Père" est le Dieu Créateur. C'est-à-dire qu'il est Sa
pensée rendue visible. Avant l'ère chrétienne, depuis la Trimourti des
Hindous, jusqu'aux trois têtes cabalistiques des Ecritures Juives
expliquées, le triple dieu de chaque nation a été complètement défini et
substantialisé dans les allégories usitées par chacune. Dans la religion
chrétienne, nous voyons seulement la greffe artificielle d'une nouvelle
branche sur l'ancien tronc. Le lys que tient l'archange, au moment de
l'annonciation, symbole adopté par les Eglises grecque et romaine, établit
l'identité de l'interprétation métaphysique.
182
Brahma ne crée pas la terre, mirtlok, pas plus que le reste de l'univers. Evolué lui-même de l'âme
du monde, après séparation de la Cause Première, il émane à son tour la nature entière hors de lui-
même. Il ne plane pas au-dessus d'elle, mais il se confond avec elle. Ainsi Brahma et l'Univers
forment un seul Etre dont chaque particule est dans son Essence, Brahma lui-même qui procéda de
lui-même. (Burnouf. Introduction, p. 118).
Papiste, il remarque : "Le passage de cette vie à la vie qui suit, bien que
l'épreuve fût dure, était pour les victimes le passage d'un trouble transitoire
à l'éternelle félicité. En route à travers la sombre vallée, le martyr croyait
qu'il serait conduit par une main invisible. Bruno n'eut pas un point d'appui
de ce genre. Les opinions philosophiques auxquelles il sacrifia sa vie ne
pouvaient lui procurer aucune consolation" 183.
183
Religion et Science.
je dénonce à votre très révérende paternité, pour obéir à ma conscience et
sur l'ordre de mon confesseur, les propos tenus par Giordano Bruno. Je les
ai entendus plusieurs fois quand il conversait avec moi dans ma maison. Il
a dit que les catholiques blasphèment grandement quand ils affirment la
transsubstantiation du pain en chair ; qu'il est opposé à la messe ;
qu'aucune religion ne le satisfait ; que le Christ est un mécréant (un tristo)
et que s'il accomplit des œuvres mauvaises afin de séduire le peuple, il
pouvait bien prédire qu'il devrait être empalé ; qu'en Dieu il n'y a point de
personnes distinctes, qu'autrement Dieu serait imparfait ; que le monde est
éternel, qu'il y a des mondes infinis et que Dieu les fait continuellement
parce que, dit-il, Il désire tout ce qu'Il peut ; que le Christ fit des miracles
apparents, qu'il était un magicien, comme les apôtres, que lui, Bruno, avait
l'intention de faire autant et plus qu'eux ; que le Christ répugnait à mourir,
qu'il évita la mort tant qu'il put ; qu'il n'y a pas de châtiment du péché et
que les âmes créées par l'opération de la nature passent d'un animal à
l'autre, que les brutes animales sont nées de la corruption et qu'il en est de
même pour les hommes quand ils renaissent après la dissolution de leur
corps."
Si perfides qu'ils soient, les mots cités plus haut, indiquent absolument
que Bruno croyait à la métempsychose de Pythagore qui, si mal comprise
soit-elle, prouve encore une croyance dans la survie de l'homme, sous une
forme ou une autre. Plus loin, l'accusateur dit :
"Il a laissé comprendre son désir de fonder une nouvelle secte sous le
nom de "Nouvelle Philosophie". Il a dit que la Vierge n'avait pu enfanter et
que notre foi catholique est pleine de blasphèmes contre la majesté de
Dieu ; que les moines devraient être privés du droit de dispute et de leurs
revenus parce qu'ils [162] souillent le monde ; Qu'ils étaient tous des ânes
et que nos opinions sont des doctrines d'ânes ; Que nous n'avons aucune
preuve que notre foi ait un mérite quelconque devant Dieu ; Que ne pas
faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fît à nous-mêmes
suffit pour vivre bien, et qu'il se rit de tous les autres péchés et qu'il
s'étonne que Dieu puisse tolérer tant d'hérésies parmi les catholiques. Il dit
qu'il veut se vouer à l'art de la divination et faire que tout le monde coure
après lui ; que saint Thomas et tous les docteurs ne savaient rien
comparativement à lui et qu'il pourrait poser des questions à tous les
premiers théologiens du monde sans qu'ils fussent capables d'y répondre."
A cette accusation, le philosophe répondit par la profession de foi
suivante commune à tous les disciples des anciens maîtres :
"Je crois, en somme, à un univers infini c'est-à-dire à un
effet du pouvoir divin infini parce que j'ai estimé qu'il
serait indigne de la bonté et de la puissance divines
qu'elles eussent produit un monde fini alors qu'elles sont
capables, outre ce monde, d'en produire un autre ou une
infinité d'autres. C'est pourquoi j'ai déclaré qu'il y a des
mondes particuliers infinis semblables à celui de la terre.
Avec Pythagore, je crois que la terre est un astre de
même nature que la lune et les autres planètes, les autres
astres qui sont infinis. Je crois que tous ces corps sont
des mondes, qu'ils sont innombrables : ainsi est
constituée l'infinie universalité dans un espace infini et
c'est ce qu'on appelle l'univers infini dans lequel sont des
mondes sans nombre de sorte qu'il y a une double sorte
de grandeur infinie dans l'univers, et une multitude des
mondes. D'une façon indirecte, on peut considérer cette
manière de voir comme une contradiction avec la vérité
selon la véritable foi.
En outre, je place dans cet univers une Providence
universelle en vertu de laquelle tout vit, croît, se meut et
atteint sa perfection. Je comprends cela de deux
manières. La première est relative au mode d'après lequel
l'âme entière est présente dans tout le corps et dans
chacune de ses parties : je l'appelle nature, l'ombre et
l'empreinte de la divinité. La seconde, c'est le mode
ineffable dans lequel Dieu, par essence, présence et
puissance, est dans tout et au-dessus de tout, non comme
une partie de ce tout, non comme une âme, mais d'une
manière inexplicable.
Je crois, aussi, que tous les attributs dans la divinité sont
une seule et même chose. D'accord avec les théologiens
et les grands philosophes, je saisis trois attributs :
puissance, sagesse et bonté, ou plutôt, mental, intellect,
amour, qui acquièrent l'être dans le mental : ils
acquièrent ensuite une nature ordonnée et distincte par
l'intellect, ils arrivent enfin à la concorde et à la symétrie
par l'amour. Aussi je conçois l'être dans tout et au-dessus
[163] de tout, parce qu'il n'y a rien qui ne participe pas à
l'être et qu'il n'y a pas d'être sans essence, de même qu'il
n'y a rien de beau sans que la beauté soit présente. Aussi,
rien n'est exempt de la présence divine. C'est donc par la
raison et non par le moyen d'une vérité substantielle que
je conçois la distinction dans la divinité.
Admettant, donc, que le monde a été produit et formé, je
comprends que, en tenant compte de son être total, il
dépend de la cause première et qu'ainsi il n'est pas en
contradiction avec ce qu'on nomme création. C'est aussi
ce qu'exprime Aristote quand il dit : "Dieu est ce dont
dépend le monde et toute la nature." Par conséquent,
suivant la définition de saint Thomas, qu'il soit éternel ou
dans le temps, il est, de par tout son être, dépendant de la
cause première et rien en lui n'est indépendant.
J'arrive aux questions qui relèvent de la vraie foi. Je ne
m'expliquerai pas en philosophe pour aborder
l'individualité des personnes divines, la sagesse et le fils
du mental appelé par les philosophes : l'intellect et par
les théologiens le verbe qui, d'après ces derniers, a
assumé de chair humaine. Mais moi, m'en tenant aux
termes de la philosophie, je ne l'ai pas compris ainsi : j'ai
douté et je n'ai pas, à cet égard, été constant dans ma foi.
Non que je me souvienne de l'avoir laissé paraître dans
mes écrits et mes paroles, si ce n'est indirectement et par
déduction, à propos d'autres questions. On peut réunir
quelques indications comme il est toujours possible de le
faire pour un esprit inventif, pour un professionnel,
quand il s'agit de ce qui est susceptible d'être prouvé par
le raisonnement, conclu d'après nos lumières naturelles.
Ainsi, pour ce qui regarde le Saint-Esprit en tant que
troisième personne, je n'ai pas été capable de comprendre
ainsi qu'on doit croire. Mais à la manière
Pythagoricienne, en conformité avec l'interprétation de
Salomon, j'ai compris le Saint-Esprit comme l'âme de
l'Univers ou comme adjoint à l'Univers. C'est être
d'accord avec la Sagesse de Salomon qui a dit : "L'esprit
de Dieu remplit toute la terre et ce qui contient toutes
choses." C'est également conforme à la doctrine
Pythagoricienne expliquée par Virgile dans l'Enéide :
Principio cœleum ac terras camposque
liquentes,
Lucentemque globum Lunœ, Titaniaque Astra
Spiritus intus alit, totamque, infusa per artus,
Mens agitat molem… 184
et les vers qui suivent.
Donc, de cet esprit qu'on appelle la vie de l'univers tel
que ma philosophie le comprend, procède la vie et l'âme
pour tout ce qui possède une vie et une âme. Je crois
l'âme immortelle. Les corps sont immortels aussi, quant à
leur substance, car il n'y a pas d'autre mort que la
division de la congrégation : cette doctrine semble
exprimée dans l'Ecclésiaste qui dit : "Il n'y a rien de
nouveau sous le soleil, ce qui est c'est ce qui fut."
184
Dès l'origine, un souffle intérieur entretient le ciel, la terre, les plaines liquides, le globe brillant
de la Lune et les astres des Titans ; l'esprit pénétrant les membres des corps, fait mouvoir la masse
entière. (N.d.T.)
héros d'un jour, n'est ni athée, ni matérialiste, ni positiviste ; c'est
seulement un Pythagoricien qui enseigna la philosophie de la Haute-Asie
et se vanta de posséder les pouvoirs de ces magiciens si méprisés par
l'école de Draper ! Rien de plus amusant que ce contretemps n'est survenu
depuis qu'il a été découvert par d'irrévérencieux archéologues que la
prétendue statue de Saint Pierre n'est rien d'autre que le Jupiter du Capitole
et que l'identité de Bouddha avec le catholique Saint Josaphat a été
prouvée de façon satisfaisante.
CHAPITRE IV
—
THEORIES CONCERNANT LES PHENOMENES PSYCHIQUES
Tyndall.
*
* *
185
Des Tables, vol. I, p. 213.
186
Ibid., p. 216.
187
Des Tables, vol. 1, p. 48.
précédée à la distance convenue 188… "Il est certain,
remarque de Mirville, qu'un homme blasé sur de tels
phénomènes ne pouvait accepter la belle analyse du
physicien anglais" 189.
Les deux partis étant d'accord sur les faits, laissant les sceptiques hors
de cause, le public ne pouvait se partager qu'en deux camps : ceux qui
croient à l'action directe du diable et ceux qui croient aux esprits
désincarnés ou autres. Le fait que la théologie redoutait les révélations
susceptibles de se produire par cette entremise mystérieuse bien davantage
que tous les menaçants "conflits" avec la Science et les dénégations
catégoriques de celle-ci aurait dû suffire pour ouvrir les yeux des plus
sceptiques. L'Eglise de Rome n'a jamais été ni crédule ni lâche : le
Machiavélisme [167] qui caractérise sa politique en fait foi largement.
D'ailleurs, elle ne s'est jamais inquiétée beaucoup au sujet des adroits
prestidigitateurs qu'elle savait être tout bonnement des adeptes ès-
jonglerie. Robert-Houdin, Comte, Hamilton et Bosco ont pu dormir
tranquilles dans leurs lits alors qu'elle a persécuté des hommes tels que
Paracelse, Cagliostro et Mesmer, les philosophes et mystiques
Hermétiques, et qu'elle a efficacement fait cesser toute manifestation vraie,
de nature occulte, en tuant les médiums.
188
Ibid., p. 24.
189
De Mirville. Des Esprits, p. 26.
Mais le meilleur témoignage de la réalité de cette force a été fourni
par Robert-Houdin lui-même. Ce roi des prestidigitateurs, appelé comme
expert par l'Académie pour être témoin de pouvoirs merveilleux de
clairvoyance et erreurs occasionnelles d'une table, déclara : "Nous autres
faiseurs de tours, nous ne commettons jamais d'erreurs et ma seconde vue
ne m'a jamais trompé."
Plus loin, il formule une opinion décisive. Il y est arrivé, vaincu par
diverses manifestations : "Le nombre des faits qui réclament leur place au
grand jour de la vérité a tellement augmenté, depuis quelque temps, que
l'une des deux conséquences suivantes est désormais inévitable : ou le
domaine des sciences naturelles doit accepter de s'élargir, ou le domaine
du surnaturel s'étendra tellement qu'il n'aura plus de limites." 191 [168]
190
Avant-propos, p. 12 et 16.
191
Vo1. I, p. 244.
du diable et de ses suppôts qui, depuis le moyen âge, ait paru pour la plus
grande joie des catholiques.
D'après ces auteurs, celui qui fut "un menteur et un meurtrier, depuis
le commencement", fut aussi le promoteur principal des phénomènes
spirites. Il fut pendant des milliers d'années à la tête de la théurgie païenne,
et c'est lui encore qui, encouragé par l'hérésie croissante, l'infidélité et
l'athéisme, a fait sa réapparition dans le siècle actuel. L'Académie poussa
un cri d'indignation et M. de Gasparin y vit même une insulte personnelle.
"C'est une déclaration de guerre, une levée de boucliers, écrivit-il dans son
volumineux ouvrage de réfutation. Le livre de M. de Mirville est un
véritable manifeste... Je serais heureux de le considérer comme
l'expression d'une opinion strictement personnelle, mais, en vérité, c'est
impossible. Le succès de l'ouvrage, tant d'adhésions solennelles, leur
reproduction fidèle par les journaux et les écrivains du parti, la solidarité
prouvée entre eux et le corps catholique entier… tout tend à prouver qu'il
s'agit d'un travail qui est essentiellement un acte possédant la valeur d'une
œuvre collective. Cela étant, j'ai senti que j'avais un devoir à remplir. J'ai
senti que j'étais obligé de relever le gant... de porter haut et ferme le
drapeau du Protestantisme contre la bannière Ultramontaine." 192
Certes, c'était une insulte mordante pour les Académiciens mais plus
d'une fois depuis 1850 ils semblent avoir été contraints de souffrir dans
leur orgueil plus que beaucoup d'entre eux ne peuvent supporter. Quelle
192
Vol. II, p. 524.
193
Annales médico-psychologiques, 1er janvier 1854.
idée que celle d'appeler l'attention des quarante "Immortels" sur les faits et
gestes du Diable ! Ils firent vœu de se venger et se liguant entre eux,
formulèrent une théorie qui surpassait en absurdité, même la démonolâtrie
de de Mirville ! Le Dr Royer et Joubert de Lamballe, tous deux célèbres en
leur genre, firent alliance et présentèrent à l'Institut un Allemand dont
l'adresse, s'il fallait l'en croire, donnait la clé de tous les bruits et coups
produits ou frappés par les tables, dans les deux hémisphères. "Nous
rougissons", remarque le marquis de Mirville, "d'ajouter qu'il s'agissait
simplement cette fois du déplacement réitéré de l'un des tendons
musculaires de la jambe, appelé le long péronier. Aussitôt, et séance
tenante, démonstration du système en plein Institut, expression de la
reconnaissance académique pour cette intéressante communication et, peu
de jours après, assurance donnée par un professeur agrégé de la Faculté de
médecine, que, les savants ayant prononcé, le mystère était, enfin,
éclairci." 194.
Niant que l'Eglise eût rien de commun avec ses livres, des Mousseaux,
comme suite à son Mémoire, gratifia gravement l'Académie de pensées
intéressantes et profondément philosophiques concernant Satan :
194
De Mirville. Des Esprits, p. 4.
195
Chevalier des Mousseaux. Mœurs et Pratiques des Démons, p.4
Mais le marquis de Mirville pousse encore plus loin cette idée d'après
laquelle Dieu serait le partenaire du Diable. D'après lui, c'est une affaire
commerciale régulière : l'associé principal, l'aîné, [170] "partenaire muet",
tolère que le commerce actif de la raison sociale soit conduit au gré de son
jeune associé dont l'audace et l'activité lui sont profitables. Quelle autre
opinion pourrait se faire celui qui lit les lignes suivantes ?
"Au moment de cette invasion spirite de 1853, si
légèrement étudiée, nous avons osé prononcer ces mots :
"catastrophe menaçante". Le monde ne daigna pas s'en
préoccuper, mais comme l'histoire nous montre les
mêmes symptômes à toutes les époques de désastres,
nous avions un pressentiment des tristes effets d'une loi
que Goërres a formulée ainsi (vol. V, p. 356) : Ces
mystérieuses apparitions ont invariablement annoncé que
la main de Dieu s'apprêtait à châtier la terre" 196.
196
De Mirville. Des Esprits, p. 4.
qu'il ait carrément refusé d'avoir rien à faire avec une telle aiguille. Que
serait-il arrivé ? L'électro-magnétisme ne serait peut-être pas encore
découvert et nos expérimentateurs en auraient été les principales victimes.
Il trouve cela fort simple car "tous les mouvements musculaires sont
déterminés dans les corps par des leviers de troisième ordre pour lesquels
le point d'appui est très rapproché du point sur lequel agit la force. D'où,
par conséquent, la grande vitesse communiquée aux mobiles ; elle est
proportionnelle à la très petite distance que la force doit parcourir...
Quelques personnes sont étonnées de voir une table, soumise à l'action de
plusieurs individus bien disposés et agissant avec ensemble, surmonter de
puissants obstacles et même briser ses pieds lorsqu'on l'arrête court. Mais
197
Ibid. Revue des Deux-Mondes, 15 janvier 1854, p. 108.
198
C'est une répétition avec une variante de la théorie de Faraday.
cela est fort simple si nous tenons compte de la puissance des petites
actions concordantes... Encore une fois, l'explication physique n'offre pas
de difficultés." 199
199
Revue des Deux-Mondes, p. 140.
200
Revue des Deux-Mondes, janvier 1854, p. 414.
201
Revue des Deux-Mondes, 1er mai 1854, p. 531.
produisent les mêmes coups devant des millions de
témoins ?" "Ventriloquie, assurément", répond Babinet :
"Mais comment pouvez-vous expliquer une telle
impossibilité ?" Le plus simplement du monde ; écoutez
bien : "Il n'a fallu pour la première maison qu'un gamin
frappant à la porte d'un bourgeois mystifié, peut-être au
moyen d'une balle de plomb, attachée à une ficelle, et si
M. Weekman (le premier croyant américain) 202, qui se
tenait en embuscade pour la troisième fois, n'entendit pas
les éclats de rire, dans la rue, cela tient à l'essentielle
différence qui existe entre le gamin français et le gamin
anglais transatlantique, toujours largement pourvu de cet
humour… ou gaieté triste" 203.
202
Nous traduisons mot à mot. Nous doutons que M. Weekman ait été le premier chercheur.
203
Babinet. Revue des Deux-Mondes, 1er mai 1854, p. 511.
204
De Mirville. Des Esprits, p. 33.
205
Ibid.
démonologue recula, lui-même, devant la responsabilité de leur
publication.
Ces faits sont les suivants : "Au moment précis prédit par un sorcier
(il s'agissait d'une vengeance), un violent coup de tonnerre se fit entendre
au-dessus de l'une des cheminées du presbytère. Le fluide descendit le long
de la maison avec un fracas formidable, passa par la cheminée et jeta par
terre ceux qui croyaient et ceux qui ne croyaient pas (au pouvoir du
sorcier). Ils se chauffaient près de la cheminée. Le fluide, après avoir empli
la pièce d'une foule d'animaux fantastiques, revint à la cheminée par
laquelle il remonta puis disparut au milieu du bruit épouvantable qui avait
signalé son arrivée." De Mirville ajoute : "Nous n'étions déjà que trop
riches de faits, nous reculâmes devant cette nouvelle énormité qui
s'ajoutait à tant d'autres." 206
Mais Babinet qui, de concert avec ses collègues, s'était tant moqué des
deux auteurs démonologues, Babinet, très décidé d'ailleurs à prouver
l'absurdité de toutes les histoires de ce genre, crut devoir enlever tout
crédit aux phénomènes de Cideville que nous avons rapportés plus haut, en
faisant un récit plus incroyable encore. Laissons parler M. Babinet, lui-
même.
206
Notes, Des Esprits, p. 38.
plutôt brillant et lumineux que chaud et enflammé : le
tailleur n'éprouva aucune sensation de chaleur. Ce globe
s'approcha de ses pieds, comme un jeune chat qui
voudrait jouer et se frotter contre ses jambes, ainsi que
font souvent ces animaux ; mais l'ouvrier retira ses pieds
à son approche et, se levant avec beaucoup de
précautions, il évita le contact du météore. Ce dernier
resta quelques secondes à tourner autour de ses jambes
tandis que le tailleur l'examinait avec curiosité en se
penchant au-dessus de lui. Après avoir fait divers tours
dans des directions opposées, mais sans quitter le centre
de la chambre, le globe de feu s'éleva verticalement
jusqu'au niveau de la tête de l'homme qui, pour éviter
d'être touché au visage, se jeta en arrière sur son siège.
Arrivé à environ un mètre du sol, le globe de feu
s'allongea légèrement, prit une direction oblique vers une
ouverture pratiquée dans le mur, au-dessus de la
cheminée, à un mètre à peu près plus haut que le dessus
de la cheminée. Ce trou avait été percé pour le passage
d'un tuyau de poêle pendant l'hiver ; mais, suivant
l'expression du tailleur, le tonnerre ne pouvait pas le voir
car il était recouvert par le papier qui tapissait toute la
pièce. Le globe alla directement vers cette ouverture,
décolla le papier sans l'endommager et remonta dans la
cheminée… lorsqu'il arriva au faîte, ce qu'il fit assez
lentement... il fit explosion avec un bruit effrayant… à
environ vingt mètres du sol, et détruisit en partie la
cheminée…", etc...
"Il semble, remarque de Mirville dans sa revue, que nous
pourrions appliquer à M. Babinet l'observation suivante
faite par une femme très spirituelle à Raynal : "Si vous
n'êtes pas Chrétien ce n'est pas que la foi vous
manque." 207
207
De Mirville. Faits et Théories Physiques, p. 46.
la foudre qu'il était en train de publier. "Si ces détails sont exacts comme
ils paraissent l'être, dit le docteur, puisqu'ils sont admis par MM. Babinet
et Arago, il semble très difficile de conserver à ce phénomène la
qualification de foudre sphérique. Cependant nous laissons à d'autres le
soin d'expliquer, s'ils le peuvent, la nature de ce globe de feu ne
produisant [175] aucune sensation de chaleur, ayant l'aspect d'un chat, se
promenant lentement dans une chambre, qui trouve le moyen de
s'échapper en remontant dans la cheminée par une ouverture dans le mur,
ouverture recouverte de papier qu'il décolle sans l'endommager." 208.
"Nous sommes du même avis que le savant docteur,
ajoute le marquis ; il est difficile de, donner un nom
exact à ce fait et nous ne voyons pas pourquoi nous
n'aurions pas, à l'avenir, la foudre sous la forme d'un
chien, d'un singe, etc…, etc. On frémit à la simple idée
de toute une ménagerie météorologique qui, grâce au
tonnerre, viendrait ainsi se promener à volonté dans nos
appartements."
208
Voir la Monographie : De la foudre considérée au point de vue de l'histoire de la médecine
légale et de l'hygiène publique, par M. Boudin, chirurgien en chef de l'hôpital de Boule.
209
De Gasparin, vol. I, p. 288.
M. Crookes, dans son premier article (Quarterly Journal of Science,
1er octobre 1871), parle de Gasparin et de son livre : La Science contre le
Spiritisme. Il remarque que "l'auteur finit par conclure que tous ces
phénomènes s'expliquent par l'action de causes naturelles sans imaginer de
miracles ; il n'y aurait lieu de croire ni à l'intervention des esprits, ni à
l'influence du diable. Gasparin considère comme un fait pleinement établi
par ses expériences, que la volonté dans certains états de l'organisme peut
agir à distance sur la matière inerte, et la plus grande partie de son
ouvrage est consacrée à vérifier les lois et les conditions sans lesquelles
cette action se manifeste 210. [176]
La Vérité est une, les sectes religieuses sont légion et chacune prétend
avoir trouvé l'inaltérable vérité ; de même que "le Diable est le soutien
principal de l'Eglise (catholique)", de même le surnaturel et les miracles
ont cessé "avec les apôtres", d'après Gasparin.
210
Crookes. Physical Force, p. 26.
211
De Gasparin. La Science contre tes Esprits, vol. 1, p. 313.
pendant vingt-quatre heures consécutives sans obtenir le moindre
mouvement." 212
L'opinion de Thury, ainsi que nous l'avons dit, est tout à fait en
désaccord avec les théories de Gasparin sur le pouvoir de la volonté. Il le
dit clairement dans une lettre en réponse au comte qui l'invitait à modifier
le dernier article de son mémoire. Nous n'avons pas sous les yeux le livre
de Thury, nous citons donc sa lettre telle qu'elle a paru dans le résumé de
la DÉFENSE de Mirville. L'article de Thury qui avait si fort choqué son
pieux ami, avait trait à la possibilité de l'existence et de l'intervention dans
ces manifestations "de volontés autres que celles des hommes et des
animaux". Voici le texte de sa lettre :
"Je sens parfaitement, monsieur, la justesse de vos
observations relatives à l'influence fâcheuse pour moi
qu'auront, sur l'esprit des savants en général, les
dernières pages de ce mémoire. Je souffre surtout de
sentir que ma détermination vous cause quelque peine ;
cependant je persiste dans ma résolution, parée que je
crois que c'est un devoir auquel je ne saurais me
soustraire sans une sorte d'infidélité.
212
Ibid., vol. 1, p. 313.
Si, contre toute attente, il y avait quelque chose de vrai
dans le spiritualisme, en m'abstenant de dire, de la part
de la science, telle que je la conçois, que l'absurdité de la
croyance à l'intervention des Esprits n'est pas démontrée
scientifiquement (car c'est là le résumé et la thèse des
dernières pages du mémoire), en m'abstenant de dire cela
à ceux qui, après avoir lu mon travail, seront portés à
s'occuper expérimentalement de ces choses, je risquerais
de les engager dans une voie dont plusieurs issues sont
équivoques.
Sans sortir du domaine scientifique, comme je l'estime,
j'irai donc jusqu'au bout, sans aucune réticence au profit
de ma propre gloire et, pour me servir de vos paroles,
"comme c'est là le grand scandale", je ne veux pas en
avoir honte. Je soutiens d'ailleurs que "ceci est tout aussi
scientifique qu'autre chose." Si je voulais soutenir
maintenant la théorie de l'intervention des esprits, je
n'aurais pour cela aucune force, parce que les faits
connus ne sont pas suffisants pour la démonstration de
cette théorie. Mais, dans la position que j'ai prise, je me
sens fort contre tous. Bon gré, mal gré, il faudra bien que
tous les savants apprennent, par l'expérience de leurs
erreurs, à suspendre leur jugement sur les choses qu'ils
n'ont point suffisamment examinées. La leçon que vous
venez de leur donner à cet égard ne doit pas être perdue."
Très certainement non. Mais les savants peuvent-ils affirmer que les
clefs de cette loi sont entre leurs mains. M. de Gasparin pense qu'il les
tient. Voyons.
"Je ne me risque pas personnellement à expliquer quoi
que ce soit : Ce n'est pas mon affaire (?). Constater
l'authenticité de simples faits et soutenir une vérité que la
213
De Mirville plaide, ici, pour la théorie des démons. – Naturellement.
214
Des Tables, vol. I, p. 213.
215
Des Tables, vol. I, p. 217.
science veut étouffer, c'est tout ce que je prétends faire.
Cependant je ne puis résister à [179] la tentation de
montrer (à ceux qui nous traiteraient volontiers comme
autant d'illuminés et de sorciers), que la manifestation
dont il s'agit comporte une interprétation cadrant avec les
lois ordinaires de la science.
Supposez un fluide émanant des assistants et, surtout, de
quelques-uns d'entre eux ; supposez que la volonté
détermine la direction prise par ce fluide ; alors vous
comprendrez aisément le mouvement de rotation et de
lévitation de celui des pieds de la table du côté duquel est
émis un excès de fluide, à chaque acte de volition.
Supposez que le verre puisse permettre au fluide de
s'échapper et vous comprendrez comment un gobelet
placé sur une table peut interrompre la rotation, vous
comprendrez que le gobelet, étant placé d'un côté,
produit une accumulation de fluide sur l'autre côté
lequel, en conséquence, est soulevé !"
216
Crookes. Psychic Force, part I, p. 26-27.
M. Crookes fait observer en outre "que la force ecténique du
professeur Thury et sa propre force psychique sont évidemment des termes
équivalents."
Nous pourrions, certes, aisément démontrer que les deux forces sont
identiques et, de plus, qu'en somme, sous ces deux noms, il s'agit de la
lumière astrale ou sidérale telle que la définissent les alchimistes et
Eliphas Lévi, dans son Dogme et Rituel de Haute Magie ; que sous le nom
d'AKASA, ou principe de vie, cette force qui pénètre tout était connue des
gymnosophes, des magiciens Hindous, des adeptes de tous les pays, depuis
des milliers d'années. Ils la connaissent encore ; les lamas du Tibet, les
fakirs, les thaumaturges de toutes les nationalités, et même les jongleurs de
l'Inde, s'en servent encore aujourd'hui.
"Que produit la mort ?" demandait Socrate à Cébès. "La vie", fut la
réponse... 217. L'âme, puisqu'elle est immortelle, peut-elle ne pas être
impérissable ? 218 "La semence ne peut se développer que si elle est en
partie consommée", dit le professeur Lecomte ; "pour être vivifiée, il faut
qu'elle meure", dit saint Paul. [182]
Une fleur éclot, se fane et meurt. Elle laisse, derrière elle, un parfum
qui embaume l'air, longtemps après que ses pétales délicats ne sont plus
qu'un peu de poussière. Nos sens matériels peuvent ne pas le percevoir
depuis longtemps et, néanmoins, il subsiste. Qu'une note vibre sur un
instrument et le son le plus faible produit un écho éternel. Une perturbation
se produit dans les vagues invisibles de l'océan sans bornes de l'espace, et
les vibrations ne s'éteignent plus ; elles passent du monde de la matière
dans le monde immatériel où elles vivront éternellement. Et l'on veut nous
faire croire que l'homme, l'entité vivante, pensante, raisonnable, la divinité
incarnée, chef-d'œuvre de notre nature, ne serait plus dès qu'il a dépouillé
son enveloppe ! Le principe de continuité qui existe même dans ce qu'on
nomme la matière inorganique, dans un atome flottant, serait refusée à
l'esprit dont les attributs sont la conscience, la mémoire, le mental et
l'AMOUR ? C'est vraiment absurde. Plus nous pensons, plus nous
apprenons, moins nous comprenons l'athéisme du savant. Nous
comprendrions aisément qu'un homme ignorant des lois de la nature, ne
connaissant rien de la chimie ni de la physique, pût être fatalement
217
Platon. Phédon, § 44.
218
Ibid., § 128.
entraîné au matérialisme par son ignorance même, son incapacité de
comprendre la philosophie des sciences exactes, de tirer une induction
quelconque, par analogie, du visible à l'invisible. Un métaphysicien né, un
rêveur ignorant, peut se réveiller soudain et se dire : "Je l'ai rêvé ; je n'ai
point de preuve palpable de ce que j'ai imaginé : c'est une illusion", etc...
Mais, pour un homme de science, au courant de tout ce qui caractérise
l'énergie universelle, soutenir que la vie est purement un phénomène de
matière, une espèce d'énergie, c'est tout simplement confesser qu'il est
incapable d'analyser et de comprendre convenablement l'alpha et l'oméga,
même de cette matière.
219
Des sciences occultes. Essai sur la Magie.
Des centaines de voyageurs racontent avoir vu des fakirs produire les
mêmes phénomènes et on les a tous tenus pour des menteurs ou des
hallucinés. Mais c'est hier seulement qu'un savant bien connu a vu et
constaté le même phénomène dans des conditions permettant le contrôle ;
déclaré authentique par M. Crookes, il est impossible de l'attribuer à une
illusion ou à un truc. Il s'est souvent ainsi produit auparavant et a été
attesté par de nombreux témoins, quoique invariablement, maintenant, on
ne croit pas ces derniers.
Tandis que des savants bien connus donnent libre cours à ces théories
fantastiques, quelques neurologues moins connus trouvent une explication
des phénomènes occultes de tout genre dans l'émission anormale d'effluves
résultant de l'épilepsie. 221 Un autre traiterait volontiers les médiums (et les
poètes, aussi, probablement) par Passa fœtida et l'ammoniaque 222 : Il veut
que tous ceux qui croient aux manifestations spirites soient des fous et des
hallucinés mystiques.
En présence de tels faits, nous sommes bien forcés d'être étonnés par
l'outrecuidante présomption de ces hommes qui voudraient, en raison de
leurs connaissances, être considérés comme [185] les grands prêtres de la
science et classer des phénomènes dont ils ne savent rien. Des millions de
leurs concitoyens, hommes ou femmes, fussent-ils dans l'erreur, devraient,
220
De Mirville. Des Esprits, p. 159.
221
Voir : Ten years with spiritual mediums, par F. Gerry Fairfield's, New-York, 1875.
222
Marwin. Lecture ou Monomania.
évidemment, avoir droit à autant d'attention, au moins, que des doryphores
ou des sauterelles ! Mais que voyons-nous ? Le Congrès des Etats-Unis, à
la requête de la Société Américaine pour l'Avancement des Sciences,
rédige des statuts pour l'organisation de Commissions Nationales des
Insectes. Des chimistes passent leur temps à faire bouillir des grenouilles
et des punaises, des géologues occupent leurs loisirs à des mesures
ostéologiques des ganoïdes cuirassés et à discuter le système
odontologique des diverses espèces de dinichtys ; les entomologistes
poussent l'enthousiasme jusqu'à manger des sauterelles bouillies, frites et
en potage. 223 En attendant, des millions d'Américains s'égarent dans un
labyrinthe "de grossières illusions", selon l'opinion de quelques-uns de ces
très savants encyclopédistes, ou bien meurent physiquement de "désordres
nerveux", apportés ou révélés par la diathèse médiumnique.
223
Scientific American. N.Y., 1875.
Conseiller d'Etat dans la même ville, qui avaient été invités à assister aux
séances du Comité, furent tellement choqués [186] qu'ils se retirèrent.
Leurs protestations indignées dans les journaux russes furent appuyées par
la plus grande partie de la presse et les sarcasmes ne furent ménagés ni à
M. Mendeleyeff ni à son Comité officieux. Le public agit loyalement, en
cette circonstance. Cent trente personnes, les plus influentes de la
meilleure Société de Saint-Pétersbourg, dont beaucoup n'étant pas Spirites
cherchaient simplement à s'instruire, ajoutèrent leurs signatures au bas de
cette protestation bien justifiée.
224
Paraphrase de l'inscription apposée sur les murs du cimetière au temps des miracles jansénistes
et de leur prohibition par la police de France :
"De par le roi, défense à Dieu
De faire miracle en ce lieu."
Les récents "miracles" de Lourdes ont été défavorablement appréciés
par les journaux de Londres. Aussi Mgr Capel a communiqué au Times les
idées de l'Eglise Romaine à ce sujet : "Pour les cures miraculeuses, je
renverrai vos lecteurs à l'ouvrage si calme et si judicieux du docteur
Dozous : La grotte de Lourdes. L'auteur est un éminent praticien, résidant
dans le pays, inspecteur des épidémies pour son arrondissement, médecin
légiste du Tribunal. Il décrit avec force détails un grand nombre de cures
miraculeuses qu'il déclare avoir étudiées avec une minutieuse [188]
persévérance. Son récit est précédé des réflexions suivantes : "J'affirme
que ces cures opérées au sanctuaire de Lourdes, au moyen de l'eau de la
fontaine, ont un caractère surnaturel bien établi pour les hommes de bonne
foi. Sans ces cures, je l'avoue, mon esprit, peu enclin à accepter les
miracles d'aucune sorte, n'aurait accepté qu'à grande peine même ce fait
(celui de l'apparition) si remarquable soit-il à bien des égards. Mais les
cures, dont si souvent je fus l'un des témoins oculaires, ont éclairé mon
esprit. Je ne puis méconnaître l'importance des visites de Bernadette à la
grotte ni la réalité des apparitions dont elle a été favorisée". Le témoignage
d'un docteur distingué qui, dès le début, a soigneusement observé
Bernadette qui, même, a contrôlé les cures miraculeuses opérées à la
grotte, est digne d'être, pour le moins, pris en sérieuse considération. Je
puis ajouter que les innombrables personnes qui viennent à la grotte ont
des mobiles divers : faire acte de contrition pour leurs péchés, croître en
piété, prier pour la régénération de leur patrie, affirmer publiquement leur
foi dans le Fils de Dieu et dans sa Mère Immaculée. Beaucoup viennent
aussi pour guérir leurs maladies corporelles et d'après la déclaration de
témoins oculaires, plusieurs retournent chez eux affranchis de leurs
souffrances. Accuser d'incrédulité, comme le fait votre article, ceux qui
font également usage des eaux thermales des Pyrénées n'est guère
raisonnable. C'est comme si vous accusiez d'incrédulité le magistrat
condamnant certains individus pour avoir négligé de recourir à l'assistance
d'un médecin. Je fut obligé, pour raison de santé, de passer à Pau les hivers
de 1860 à 1867. J'eus ainsi l'occasion de faire une enquête minutieuse sur
l'apparition de Lourdes. J'interrogeai souvent et longtemps Bernadette, je
fis de quelques-uns des miracles un examen très approfondi. Voici ma
conviction : s'il est des faits qui doivent être admis sur des témoignages
humains, l'apparition de Lourdes a tous les droits imaginables pour être
admise comme un fait incontestable. Néanmoins, elle ne constitue pas un
article de foi catholique. Par conséquent, tout fidèle peut l'accepter ou la
rejeter sans encourir ni louange ni blâme à cet égard."
Que le lecteur veuille bien ne pas perdre de vue la phrase imprimée
par nous en italiques. Cette phrase établit clairement que l'Eglise
Catholique malgré son infaillibilité, malgré la franchise postale dont elle
jouit avec le Ciel, accepte volontiers le témoignage humain de validité des
miracles divins. Revenons, maintenant, aux opinions émises par M.
Huxley dans ses récentes conférences sur l'évolution, faites à New-York. Il
nous dit : C'est sur le "témoignage historique des hommes que repose la
plus grande partie de nos connaissances en ce qui concerne les faits du
passé." Dans une conférence sur la biologie, il a dit : "...Tout [189] homme
aimant la vérité doit désirer ardemment que soit formulée toute critique
juste et bien fondée. Mais il est essentiel que le critique connaisse le sujet
qu'il traite." Cet auteur devrait toujours se répéter cet aphorisme lorsqu'il
entreprend de se prononcer sur des sujets psychologiques. Ajoutons-le à
ses idées précédemment exprimées. Quel meilleur terrain pour nous
mesurer avec lui pourrait-on demander ?
C'est encore la même vérité historique qui se cache dans les fables
grecques relatives aux Titans. On peut la trouver dans la légende des
Mexicains – les quatre races successives de Popol-Vuh. Elle constitue un
des bouts si nombreux de l'écheveau emmêlé et, en apparence, inextricable
auquel on peut comparer l'humanité en tant que phénomène
psychologique. Autrement, la croyance au surnaturel serait inexplicable.
Prétendre qu'elle est née, qu'elle a grandi et qu'elle s'est développée, à
travers des siècles innombrables, sans qu'il y eût une cause, une base solide
sur laquelle elle reposait, qu'elle n'est qu'une simple fantaisie, c'est une
monstrueuse absurdité, allant de pair avec la doctrine théologique que
l'Univers a été créé de rien.
225
Polier. Mythologie des Indous.
226
Dans la Quaterly Review, 1859, Graham fait une étrange description de certaines clés de l'Orient,
maintenant désertes. Les portes de pierre sont de dimensions énormes et, souvent, en apparence,
tout à fait hors de proportion avec les édifices eux-mêmes. Il fait remarquer que ces constructions et
ces portes portent, toutes, la marque d'une ancienne race de géants.
227
Mallet. Northern Antiquities. Edition de Bohn, p. 401-405.
plus avancés, commencent à protester unanimement contre le dogmatisme
ou les préjugés étroits des demi-savants. Le Christian World, journal
religieux, joint sa voix à celle de la Presse incrédule de Londres. Voici un
excellent spécimen de son bon sens :
"Si on peut démontrer, dit-il 228, même de la façon la plus
évidente, qu'un médium est un imposteur, nous n'en
protesterons pas moins contre les tendances manifestées
par certaines personnes, faisant autorité en matière de
science. Ces personnes sont prêtes à faire fi et à hausser
les épaules quand on leur parle d'examiner
soigneusement les questions traitées par M. Barrett dans
son mémoire présenté à la British Association. De ce que
les spirites se sont livrés à bien des absurdités, il ne
s'ensuit pas qu'on doive dédaigner, comme indignes
d'examen, les phénomènes sur lesquels ils s'appuient. Ils
sont, peut-être, magnétiques, ou clairvoyants ou autre
chose. Que nos savants nous disent ce qu'ils sont, qu'ils
ne nous rabrouent pas à la manière des ignorants qui,
trop souvent, réprimandent la jeunesse curieuse, en usant
de [192] l'apophtegme aussi peu satisfaisant que
commode : "Les petits enfants ne doivent pas poser de
questions."
Ainsi le moment est venu où les savants ont perdu tout droit à se voir
appliquer le vers de Milton : "O toi qui, pour rendre témoignage à la vérité,
as encouru le blâme universel !" Triste dégénérescence ! Elle rappelle
l'exclamation citée, il y a cent quatre-vingts ans, par le Dr Henry More. Il
s'agit d'un "docteur ès sciences physiques" qui, entendant raconter
l'histoire du tambour de Tedworth et d'Anne Walker, s'écria tout à coup :
"Si c'est vrai, je me suis trompé jusqu'à présent, il me faut recommencer
mon exposé." 229.
228
Genèse, VI, 4.
229
Dr More. Letter to Glanvil, author of "Saducismus Triumphatus".
enthousiaste et un visionnaire : Ces deux épithètes infligées à une même
personne en font un déplorable fou". 230
230
J.S.Y. Demonologia, or Natural Knowledge Revealed, 1827, p. 219.
[193]
CHAPITRE V
—
L'AETHER OU LA "LUMIERE ASTRALE"
MILTON.
W. HOWITT.
Sir Bulwer Lytton, dans son roman The Coming Race la décrit comme
le VRIL 232 dont se servent les populations souterraines, et qu'il laisse ses
lecteurs considérer comme une fiction. "Ces peuples, dit-il, sont persuadés
qu'avec le vril ils sont arrivés à posséder l'unité des agents naturels de
l'énergie." Il continue en montrant que Faraday a fait connaître ces agents
"sous le nom plus prudent de corrélation", quand il a dit :
"C'est depuis longtemps pour moi une opinion, presque
une conviction, partagée, je crois, par bien d'autres
fervents des connaissances naturelles que les diverses
formes sous lesquelles les forces de la nature se
manifestent ont UNE ORIGINE COMMUNE. En
d'autres termes, elles ont une corrélation si directe, elles
dépendent si naturellement les unes des autres qu'elles
sont pour ainsi dire convertibles entre elles et possèdent,
dans leur action, des équivalents de puissance."
231
Pausanias. Eliœ, liv. I, ch. XIV.
232
Nous craignons que le noble auteur n'ait inventé ses noms si curieux en contractant des mots
appartenant aux langues classiques. Gy viendrait ainsi de gune et vril de virile.
écrit le début de cette partie du présent ouvrage, plusieurs journaux ont
annoncé que M. Edison, l'électricien de Newark, N.J., avait découvert une
nouvelle force. Elle semblerait différer beaucoup de l'électricité et du
galvanisme sauf dans ses propriétés de conductibilité. Si la chose est
démontrée, cette force restera, peut-être, longtemps cachée sous un
pseudonyme scientifique. Cependant elle appartiendra tout simplement à la
famille nombreuse enfantée, depuis le commencement des âges, par notre
cabalistique mère, la Vierge Astrale. En fait, l'inventeur prétend que cette
force "est aussi distincte, et a des formes aussi précises que la chaleur, le
magnétisme ou l'électricité". Le journal, qui publie le premier compte
rendu de l'invention, ajoute que "M. Edison estime qu'elle a une certaine
relation avec la chaleur mais qu'elle peut aussi être générée par des moyens
inconnus, encore ignorés." [195]
233
P.B. Randolph. Pre-Adamite Man, p. 48.
Elles prennent la forme de vases, de fioles, de cônes par
faisceaux de six ou plus, de coquilles, de tulipes, de
roses, de tournesols, de feuilles et de rosaces. "Une fois,
nous dit Tyndall, le bourgeon de nuages prit rapidement
la forme d'une tête de serpent. Une gueule se dessina et
un filet nuageux se forma, figurant la langue." Enfin,
pour clore la liste des merveilles, "il prit la forme d'un
poisson, avec ses yeux, ses branchies et ses nageoires.
Symétrie complète, la ressemblance était parfaite ! Pas
une écaille, pas une marque, pas un signe n'existait sur
une des faces de son corps qui ne fût exactement
reproduite sur l'autre."
Ceux qui n'ont point étudié cette question seront surpris de voir
combien on en savait déjà, dans les temps anciens, sur ce principe subtil
qui pénètre tout et qu'on a baptisé récemment L'ÉTHER UNIVERSEL.
Avant d'aller plus loin, nous voudrions, encore une fois, formuler en
deux propositions catégoriques, ce que nous avons seulement indiqué
jusqu'à présent. Pour les anciens théurgistes ces propositions étaient des
lois démontrées.
I. Les prétendus miracles, à commencer par ceux de Moïse pour
finir par ceux de Cagliostro, quand ils sont authentiques, sont,
comme l'insinue fort justement de Gasparin dans son ouvrage sur
les phénomènes, parfaitement conformes à la loi naturelle, donc
pas des miracles. L'électricité et le magnétisme ont été,
incontestablement, mis en œuvre pour la production de quelques-
uns de ces prodiges. Aujourd'hui, comme autrefois, tout être
sensitif les emploie ; il se sert inconsciemment de ces forces, en
vertu de la nature spéciale de son organisme qui sert de
conducteur à certains de ces fluides impondérables encore si
imparfaitement connus de la science. Cette force est la mère
féconde d'innombrables attributs et de propriétés dont beaucoup,
la plupart même, sont encore inconnus de la physique moderne.
II. Les phénomènes de la magie naturelle, tels qu'on les voit au Siam,
en Inde, en Egypte et dans d'autres contrées d'Orient, n'ont aucun
rapport avec la prestidigitation. La première est un effet
absolument physique dû à l'action de forces naturelles occultes ;
la seconde est simplement un résultat trompeur produit par
d'adroites manifestations et avec l'aide de compères 234.
Les thaumaturges de tous les temps, de toutes les écoles, de tous les
pays, opéraient leurs merveilles parce qu'ils connaissaient parfaitement les
ondes impondérables – dans leurs effets – mais parfaitement tangibles de
la lumière astrale. Ils en dirigeaient les courants et les guidaient par leur
force de volonté. Les prodiges étaient de nature à la fois physique et
psychologique ; ceux-là étant des effets sur des objets matériels, ceux-ci
étant les phénomènes mentaux de Mesurer et ses successeurs. Cette
dernière classe est, de nos jours, représentée par deux hommes illustres :
[198] Du Potet et Regazzoni dont les pouvoirs merveilleux ont été attestés
en France et ailleurs. Le magnétisme est la branche la plus importante de la
magie. Ses phénomènes sont les effets de l'agent universel sous-jacent à
toute magie et qui, à toutes les époques, a produit les prétendus miracles.
234
Ici, du moins, nous sommes en terre ferme. Le témoignage de M. Crookes confirme nos
assertions. Il dit, page 84 de sa brochure Phenomenal Spiritualism : "Les centaines de faits que je
suis prêt à attester, ont été produits dans ma maison, à des heures que j'avais moi-même fixées, dans
des conditions qui excluaient l'emploi de l'instrument même le plus rudimentaire. Malgré leur
habileté, les Robert-Houdin, les Bosco, les Anderson seraient incapables de les imiter même avec
les moyens mécaniques ou physiques, toutes les ressources d'un appareillage compliqué et des
années de pratique."
Puissant", nous trouvons ceux de "feu vivant" 235 que lui attribuent les
théurgistes, "Esprit de lumière"et de Magnès. Ce dernier mot indique ses
propriétés magnétiques et montre sa nature magique. Car, ainsi que le dit,
avec raison, un de ses détracteurs µάγος et µάγνης, sont deux branches
issues du même tronc et produisant les mêmes effets.
235
Dans cette appellation nous pouvons découvrir le sens de certaine phrase embarrassante du
Zend-Avesta : "le feu donne la connaissance de l'avenir, la science et l'aisance de parole" car il
développe une éloquence extraordinaire chez certains sensitifs.
236
Dunlap. Musah, His mysteries, p. III.
237
"Hercule était connu comme le roi des Musiens", dit Schwab, II, 44 ; et Musien était la fête "de
l'Esprit et de la matière", Adonis et Vénus, Bacchus et Cérès. (Voir Dunlap. Mystery of Adonis, p.
95.) Dunlap montre, sur l'autorité de Julien et d'Anthon (67) qu'Esculape "le Sauveur de tout" est
identique à Phta (l'Intelligent Créateur, la Sagesse Divine) et avec Apollon, Baal, Adonis et Hercule
(ibid., p. 93) Phta est l' "Anima Mundi", l'Ame Universelle de Platon, le Saint-Esprit des Egyptiens
et la Lumière astrale des Cabalistes. Cependant, Michelet considère l'Hercule grec comme un autre
personnage, l'adversaire des orgies bachiques et des sacrifices humains qui les accompagnaient.
238
Platon. Ion (Burgess), vol. IV, p. 294.
cérémonie. Les anciens historiens païens avaient soin de garder le silence
sur certains Mystères des "sages" (Magi) et Pausanias dit qu'il fut averti
dans un songe de ne pas révéler les rites sacrés du temple de Déméter et
Perséphone à Athènes 239.
239
Platon. Attic., I, XIV.
240
Platon. Théagès. Cicéron rend le mot δαιµονίον par quiddam diuinum, quelque chose de divin,
non quelque chose de personnel.
cette force psychique. Nous pouvons glaner des renseignements aux
sources antiques. Pythagore enseignait à ses disciples que Dieu est le
Mental universel répandu en toutes choses, que ce mental, par la seule
vertu de son identité universelle, pouvait être communiqué d'un objet à un
autre et qu'on pouvait lui faire créer toutes choses par la seule puissance de
la volonté humaine. Chez les anciens Grecs Kurios était le Mental Dieu
(Nοùς). "Or Koros (Kurios) signifie la nature pure et sans mélange de
l'Intellect Sagesse", dit Platon 241. Kurios, c'est Mercure, la Sagesse Divine
et "Mercure c'est Sol" (Soleil) 242 de qui Thaut-Hermès reçut cette divine
sagesse qu'à son tour il transmit au monde dans ses livres.
241
Cratyle, p. 79.
242
Arnobius, VI, XII.
243
Ainsi que nous le ferons voir dans les chapitres suivants le soleil n'était pas considéré par les
anciens comme la cause directe de la lumière et de la chaleur, mais seulement comme un agent de
cette cause, au travers duquel la lumière passait pour se diriger vers notre sphère. Aussi était-il
toujours nommé par les Egyptiens l' Œil d'Osiris qui lui-même était le Logos, le Premier-Né, ou la
lumière manifestée au monde, lumière "qui est le mental et le divin intellect du Caché". C'est
seulement la lumière que nous connaissons qui est le Demiurge, le Créateur de notre planète et de
tout ce qui s'y rapporte. Les dieux solaires n'ont rien à faire avec les univers visibles ou invisibles
semés dans 1'espace. L'idée est très clairement exprimée dans les "Livres d'Hermès".
244
Orphic Hymn XII ; Hermann ; Dunlap. Musah His Mysteries, p. 91.
245
Movers, 525. Dunlap. Mysteries of Adonis, 94.
246
Preller, II 153. Origine évidente du dogme chrétien : descente du Christ dans l'enfer et défaite de
Satan.
SOLEIL Caché, Central, Spirituel, et de son Demiurge le Mental Divin de
Platon et la Divine Sagesse d'Hermès Trismégiste 247, la sagesse émanant
d'Oulom ou Kronos.
"Après la distribution du Feu pur, dans les Mystères de
Samothrace, une vie nouvelle commençait 248". C'est à
cette "nouvelle naissance" que Jésus fait allusion dans sa
conversation nocturne avec Nicodème. "Initiés dans les
plus sacrés de tous les Mystères, étant nous-mêmes
purs..., nous devenons justes et saints avec sagesse 249".
"Il souffla sur eux et leur dit : "Recevez le Saint-
Pneuma 250". Et ce simple acte de puissance de la volonté
suffisait pour communiquer le don de prophétie dans sa
forme la plus noble et la plus parfaite si l'initiateur et
l'initié en étaient dignes". Railler ce don même sous son
aspect actuel, dit le Rév. J.-B. Gross, l'assimiler au
rejeton corrompu, aux traces attardées d'un siècle
d'ignorance et de superstition, le condamner d'emblée,
comme indigne de tout examen sérieux, serait aussi
injuste qu'antiphilosophique. Ecarter le voile qui dérobe
l'avenir à nos yeux, on l'a tenté à tous les âges du monde.
Aussi cette tendance à fouiller dans les arcanes du temps,
considérée comme une des facultés du mental humain,
nous arrive avec encouragement sous la sanction de
Dieu... Zwingli, le réformateur suisse, montrait la largeur
de sa foi en la providence de l'Etre Suprême par sa
doctrine sans exclusivité d'après laquelle le Saint-Esprit
n'était pas complètement exclu de la partie la plus
méritante du monde païen. Admettant qu'il en soit ainsi,
il nous serait difficile d'imaginer une raison plausible
247
Ce fait important explique admirablement le polythéisme grossier des masses et la conception du
Dieu Un, conception raffinée et hautement philosophique, enseignée seulement dans les sanctuaires
des temples "païens".
248
Anthon. Cabeiria.
249
Platon. Phœdre, traduction Gary.
250
Saint Jean, XX, 22.
pour contester à un païen, favorisé de la sorte, l'aptitude à
la vraie prophétie 251".
251
Heathen Religion, 104.
252
Alkahest, mot que Paracelse employa le premier pour désigner le menstruum ou dissolvant
universel, celui qui est capable de réduire toutes choses.
dite contenir l'essence de tout ce qui contribue à former l'homme. Elle n'a
pas seulement tous les éléments de son être physique, mais même "le
souffle de vie" à l'état latent et tout prêt à s'éveiller. Cela lui vient de
"l'incubation" de l'Esprit de Dieu sur la surface des eaux, le chaos ; de fait,
cette substance est le chaos lui-même. De là Paracelse se disait capable de
faire ses "homunculi" ; et voilà pourquoi Thalès, le grand philosophe
naturel, soutenait que l'eau était le principe de toutes choses dans la nature.
Qu'est-ce que le Chaos primordial sinon l'Æther ? L'éther moderne, non
pas tel qu'il est admis par nos savants modernes, mais tel qu'il était défini
par les anciens philosophes, longtemps avant Moïse, l'Ether avec toutes ses
propriétés mystérieuses et occultes, contenant en lui-même le germe de la
création universelle, [203] l'Ether, la vierge céleste, la mère spirituelle de
toute forme et de tout être, du sein de laquelle, aussitôt qu'elle est couvée
par l'Esprit Divin, sont appelées à l'existence la Matière et la Vie, la Force
et l'Action. L'électricité, le magnétisme, la chaleur, la lumière et l'affinité
chimique sont si peu compris encore que des faits nouveaux élargissent
constamment le cercle de notre savoir. Qui peut dire où finit la puissance
de ce géant protéen, l'Ether ; ou nous faire connaître sa mystérieuse
origine ? En posant cette question, nous avons en vue ceux qui nient
l'esprit qui travaille dans l'Ether et en fait évoluer toutes les formes
visibles ?
253
Josèphe. Antiquités vol. VIII, c. 2, 5.
254
The Land of Charity, p. 210.
255
Certains "adeptes" ne sont point d'accord avec les disciples de la pure Cabale Juive. Ils disent
que la "doctrine secrète" est originaire de l'Inde d'où elle fut apportée en Chaldée et d'où elle passa
postérieurement aux mains des "Tanaïm" Hébreux. Ces prétentions sont singulièrement corroborées
par les recherches des missionnaires chrétiens. Sans l'avoir voulu, ces pieux et savants voyageurs
sont venus à notre aide. Le Dr Caldwell dans sa Grammaire comparée des langues dravidiennes, p.
66 et le Dr Mateer, dans sa Land of Charity, p. 83, confirment pleinement nos assertions à savoir
que le "sage" roi Salomon avait puisé toutes ses connaissances cabalistiques dans l'Inde comme le
montre bien la figure magique ci-dessus reproduite. Le baobab, n'est pas, semble-t-il, un arbre
originaire de l'Inde mais appartient au sol d'Afrique. On le trouve seulement dans plusieurs anciens
centres de commerce étranger (à Travancore). Or le Dr Caldwell, missionnaire, se propose de
prouver que des spécimens très anciens de cet arbre énorme pourraient bien "pour autant que nous
sachions, ajoute-t-il, avoir été introduits dans l'Inde et plantés par des serviteurs du roi Salomon".
La seconde preuve est plus concluante encore. Le Dr Mateer, dans son chapitre sur l'histoire
naturelle de Travancore, dit : "Il y a un fait curieux relatif au nom de cet oiseau (le paon), fait qui
jette un certain jour sur l'histoire des Ecritures. Le roi Salomon envoya sa flotte à Tharsis d'où elle
revint trois ans après, rapportant de l'or, de l'argent, de l'ivoire, des singes et des paons (Les Rois, X,
22). Le mot employé par la Bible pour désigner le paon et le mot tukki. Comme naturellement, les
Juifs n'avaient point de mot pour désigner le paon, avant qu'il eût été importé en Judée par le roi
Salomon, il n'est pas douteux que ce mot tukki est simplement le vieux mot Tamil toki, qui désigne
le paon. Le singe est également appelé, en hébreu, Koph : le mot indien est Kaphi : Nous avons vu
que l'ivoire est abondant dans l'Inde méridionale. L'or est très commun dans les rivières de la Côte
Mais laissons cette discussion oiseuse pour continuer notre étude plus
intéressante, sur la lumière astrale et ses propriétés inconnues. [206]
Occidentale. Par conséquent, le pays de Tharsis dont il s'agit était, indubitablement, la Côte
Occidentale de l'Inde et les navires de Salomon étaient des navires qui faisaient le voyage des
Indes". Nous pouvons de ces faits tirer encore une conclusion ; outre "l'or, l'argent, les singes et les
paons", le roi Salomon et son ami Hiram, si célèbres en la Franc-Maçonnerie, obtinrent leur
"magie" et leur "sagesse" de l'Inde.
différemment modifiés mais dont les principes fondamentaux sont encore
inconnus.
256
Cooke. New Chemistry, p. 22.
son pied et sous son glaive. Le grand agent magique, le
double courant de lumière, le feu vivant et astral de la
terre a été représenté, dans les anciennes théogonies, par
le serpent à tête de taureau, de bélier ou de chien. C'est le
double serpent du Caducée, c'est le vieux serpent de la
Genèse, mais c'est aussi le Serpent d'airain de Moïse,
enroulé autour du tau, c'est-à-dire le lingha générateur.
C'est aussi le bouc des sorcières du Sabbat et le
Baphomet des Templiers, c'est le Hylé des gnostiques,
c'est la double queue du serpent qui forme les pattes du
coq solaire de l'abraxas et, enfin, c'est le Diable de M.
Eudes de Mirville. Mais c'est réellement la force aveugle
que les âmes doivent conquérir pour se libérer elles-
mêmes des liens de la terre car si leur volonté ne les
délivre pas "de cette fatale attraction, elles seront
entraînées dans le courant par la force qui les a produites
et elles retourneront au feu central et éternel."
"Toutes les opérations magiques, continue Lévi, ont pour but de nous
libérer des étreintes de l'Ancien Serpent ; nous visons ensuite à lui mettre
le pied sur la tête et à le faire agir selon la volonté de l'opérateur. Dans le
mythe évangélique, le Serpent dit : "Je te donnerai tous les royaumes de la
terre si tu veux te prosterner et m'adorer." L'initié devra lui répondre : "Je
ne m'agenouillerai point mais, toi, tu te prosterneras à mes pieds ; tu ne me
donneras rien mais je me servirai de toi et je prendrai ce que je voudrai.
Car je suis ton maître et ton Seigneur !" Tel [208] est le vrai sens de la
réponse ambiguë faite par Jésus au tentateur... Le Diable n'est donc pas
une Entité, c'est une force vagabonde, comme son nom l'indique. Un
courant odique ou magnétique, formé par une chaîne (un cercle) de
volontés pernicieuses, doit créer ce mauvais esprit que l'évangile nomme
Légion et qui force un troupeau de pourceaux à se jeter dans la mer.
Encore une allégorie évangélique montrant combien les natures basses et
viles peuvent être entraînées par les forces aveugles que l'erreur et le péché
mettent en mouvement." 257
257
Eliphas Lévi. Dogme et Rituel de la Haute Magie.
258
Platon fait allusion à une cérémonie pratiquée dans les Mystères au cours de cette cérémonie, on
enseignait aux néophytes que les hommes sont dans cette vie, dans une sorte de prison et enseignait
comment s'en évader temporairement. Comme d'habitude, les traducteurs trop érudits ont défiguré
ce passage : en partie, parce qu'ils ne pouvaient pas le comprendre, en partie parce qu'ils ne le
voulaient pas. Voyez Phédon, § 16, avec les commentaires d'Henry More, le philosophe mystique et
platonicien bien connu.
vue d'œil, sous les regards des spectateurs ébahis et bouleversa toutes les
formules acceptées en Botanique. Est-ce un miracle ? En aucune façon.
S'en est un, peut-être à la rigueur, si nous acceptons cette définition de
Webster : un miracle est "tout événement contraire à la constitution et à la
marche établies des choses – une déviation des lois connues de la nature".
Mais nos naturalistes sont-ils prêts à démontrer que ce qu'ils ont une fois
établi, d'après l'observation, est infaillible ? Ou bien peuvent-ils prouver
que toutes les lois de la nature leur sont connues ? Dans le cas présent, le
"miracle" est à peine plus marqué que les expériences bien connues du
général Pleasanton de Philadelphie. Tandis que la végétation et la maturité
de ses vignes étaient activées d'une manière incroyable par la lumière
violette artificielle, le fluide magnétique émané des mains du fakir
produisait des changements encore plus rapides et plus intenses dans les
fonctions vitales des plantes Indiennes. Il ne faisait qu'attirer et condenser
l'Akasa ou principe vital sur le germe. 259 Son magnétisme, obéissant à sa
volonté attirait l'Akasa, en un courant concentré qui traversait la plante
dans la direction de ses mains. Ainsi s'établissait un courant ininterrompu
pendant le temps nécessaire. Son action contraignait le principe vital de la
plante à construire cellule après cellule, couche après couche, avec une
rapidité de maturation extraordinaire, jusqu'à ce que l'œuvre soit terminée.
Le principe vital n'est qu'une force aveugle qui obéit à une influence qui la
domine. Dans le cours ordinaire de la nature, le [210] protoplasme de la
plante l'eût concentrée et guidée, mais à une vitesse normale. Cette vitesse
est réglée par les conditions atmosphériques : elle s'accroît ou se ralentit
proportionnellement au degré de lumière, de chaleur et d'humidité de la
saison. Mais, le fakir, venant en aide à la nature, avec sa puissante volonté
259
Akasa est un mot sanscrit qui veut dire firmament, mais qui désigne aussi le principe
impondérable et intangible de vie : ces lumières astrale et céleste qui combinées forment toutes
deux, l'anima mundi. Elles constituent l'âme et l'esprit de l'homme, la lumière céleste formant son
Nοuς, πνεuµα, ou esprit divin tandis que la lumière astrale forme sa Φuχη, âme ou esprit astral. Les
particules les plus grossières de cette dernière entrent dans la composition de sa forme extérieure,
son corps. Akasa est le mystérieux fluide nommé par la science scholastique : "l'éther qui pénètre
tout". Il agit dans toutes les opérations magiques de la nature, produit les phénomènes mesmériques,
magnétiques et spirituels. As, en Syrie, en Palestine et dans l'Inde signifie en même temps, le ciel, la
vie et le soleil qui était considéré par les anciens sages comme le grand réservoir magnétique de
notre univers. La prononciation adoucie de ce mot était Ah, dit Dunlap, "car l's se transforme
continuellement en h de la Grèce à Calcutta". Ah c'est Iah, Ao et lao. Dieu dit à Moïse que son nom
est Je suis (Ahiah), c'est un simple doublement de Ah ou Jah. Le mot As, Ah ou lah signifie : Vie,
existence : c'est, évidemment, la racine du mot Akasa prononcé Ahasa en Indoustan : Le principe de
vie ou le fluide divin donnant la vie. C'est le mot hébreu zuah qui veut dire le "vent", le "souffle",
l'air en mouvement ou "l'esprit mouvant", suivant le Lexicon de Parkhurst. C'est bien ce même
"Esprit de Dieu qui se mouvait à la surface des eaux."
et son esprit purifié du contact de la matière 260, condense, pour ainsi dire,
l'essence de la vie de la plante dans son germe et la force à mûrir
longtemps avant son heure. Cette force aveugle, entièrement subjuguée et
soumise à sa volonté, lui obéit. S'il lui plaît que cette plante soit un
monstre, elle le deviendra aussi sûrement qu'elle croît d'une façon normale
en temps ordinaire. En effet, l'image concrète, esclave du modèle subjectif
esquissé dans l'imagination du fakir est forcée de suivre l'original jusque
dans ses moindres détails : De même la main et la brosse du peintre
suivent fidèlement l'image qu'ils copient dans son mental. La volonté du
fakir magicien donne à la plante une matrice invisible mais parfaitement
objective dans laquelle la matière végétale est amenée à se déposer et à
prendre la forme voulue. La volonté crée ; car la volonté en mouvement est
une force et la force produit la matière.
260
Kavindasami, il faut se le rappeler, avait fait jurer à Jacolliot de ne pas s'approcher de lui, de ne
pas le toucher aussi longtemps que durerait sa transe. Le moindre contact avec la matière aurait
paralysé l'action de l'esprit libéré qui, s'il est permis d'employer une comparaison aussi prosaïque,
serait rentré chez lui, comme un limaçon effarouché rentre les cornes à l'approche de toute
substance étrangère. Dans certains cas, quand survient une brusque interruption de cette nature,
l'infiltration en retour de l'esprit a lieu, parfois, si soudainement qu'elle brise complètement le fil
délicat qui l'unit au corps. Le sujet en transe pourrait succomber. Voir, sur cette question, les
nombreux ouvrages du Baron du Potet et de Puységur.
par les étrangers soit par leurs concitoyens. D'ordinaire les indigènes les
CRAIGNENT et les méprisent car ce sont des sorciers, des hommes
pratiquant l'art noir. Alors qu'un saint homme comme Kavindasami n'a
pour l'aider que son âme divine, étroitement unie avec l'esprit astral, et
quelques pitris familiers (être purs, éthérés, qui se groupent autour de leur
frère d'élection incarné), le sorcier ne peut appeler à son aide que cette
classe d'esprits que nous appelons des élémentals. Les semblables
s'attirent : l'appât de l'argent, des desseins impurs, les vues égoïstes ne
peuvent attirer d'autres esprits que ceux bien connus des Cabalistes
Hébreux sous le nom de Klippoth, habitants d'Asiah, le quatrième monde.
Les magiciens d'Orient les appellent afrits, ou esprits élémentaires de
l'erreur, ou deus.
261
La magie dévoilée, p. 147.
Au cours d'une série d'expériences remarquables faites par Regazzoni
à Paris, en présence de certains médecins français bien connus, le 18 mai
1856, une réunion eut lieu le soir. Regazzoni, avec son doigt, traça une
ligne cabalistique imaginaire sur le parquet sur laquelle il fit quelques
passes rapides. Il avait été convenu que des sujets magnétiques, choisis par
les investigateurs et le comité formé pour ces expériences, sujets étrangers,
tous, à Regazzoni, seraient amenés les yeux bandés dans la pièce ; ils
seraient conduits vers cette ligne, sans qu'un mot soit prononcé qui puisse
leur indiquer ce qu'on attendait d'eux. Les sujets avancèrent sans se douter
de rien, jusqu'à la barrière invisible et là, "comme si leurs pieds eussent été
subitement paralysés et rivés au sol, ils restèrent immobiles sur le parquet,
tandis que leur [213] corps, entraîné par l'élan de la marche, tombait en
avant. La rigidité instantanée de leurs jambes était celle d'un cadavre et
leurs talons étaient cloués, avec une précision mathématique, sur la ligne
fatale !" 262
Dans une autre expérience, on convint qu'au signal donné par un des
médecins, un simple regard, la jeune fille servant de sujet, dont les yeux
étaient bandés, serait jetée à terre et comme frappée par la foudre en raison
du fluide magnétique émis par la volonté de Regazzoni. Elle fut placée à
une certaine distance du magnétiseur, le signal fut donné et,
instantanément, le sujet fut précipité à terre, sans qu'un mot eût été
prononcé ni un geste ébauché. Involontairement, un des spectateurs avança
la main pour la retenir dans sa chute. Mais Regazzoni, d'une voix de
stentor lui cria : "Ne la touchez pas, laissez-la tomber ; jamais un sujet
magnétisé ne se blesse en tombant." Des Mousseaux qui raconte le fait dit
que "le marbre n'est pas plus rigide que ne l'était le corps du sujet. Sa tête
ne porta pas sur le parquet, un de ses bras resta levé en l'air, une de ses,
jambes était redressée tandis que l'autre était horizontale. Elle resta dans
cette position incommode pendant un temps indéfini. Moins rigide est une
statue de bronze." 263
262
Magie au XIXème siècle, p. 268.
263
Ibid.
système physique de personnes qui lui étaient totalement inconnues. Des
indications murmurées à son oreille par des membres du comité d'enquête
étaient immédiatement exécutées par les sujets dont les oreilles étaient
bouchées avec du coton et les yeux bandés. Bien plus, dans certains cas, il
n'était pas nécessaire d'exprimer ce qu'on désirait au magnétiseur, car les
injonctions mentales étaient exécutées avec une parfaite fidélité.
264
Brierre de Boismont. Des Hallucinations ou Histoire raisonnée des apparitions, des songes, des
visions, de l'extase, du magnétisme, 1845, p. 301 (Edition française). – Voir aussi Fairfield. Ten
years among the Mediums.
faisait usage, en cette circonstance, de ses yeux spirituels ? Est-ce une
coïncidence ?
265
Cabanis. Septième mémoire : De l'Influence des maladies sur la Formation des Idées, etc... Un
respectable sénateur de l'Etat de New-York possède cette faculté.
Nos lecteurs demanderont certainement ce qu'est alors cet invisible
tout ? Comment se fait-il que nos méthodes scientifiques, quelque
perfectionnées qu'elles soient, n'aient jamais découvert une des propriétés
magiques qu'il possède ? A cela nous répondrons que ce n'est pas une
raison, parce que nos savants modernes les ignorent, pour qu'il ne possède
point toutes les propriétés dont les anciens philosophes l'avaient doté. La
science rejette, aujourd'hui, ce que, demain, elle se verra obligée
d'accepter. Il y a un peu moins d'un siècle, l'Académie niait l'électricité de
Franklin et, aujourd'hui, c'est à peine si on trouve un édifice sans
paratonnerre. Tout en chassant sur la lisière du champ, l'Académie ne voit
pas le champ lui-même. C'est ce que font souvent nos savants modernes
par scepticisme volontaire et par docte ignorance.
266
Irénée : livre III, chap. II, sect. 8.
267
La vache est le symbole de la génération prolifique et de la nature intellectuelle. Elle était
consacrée à Isis, en Egypte, à Christna en Inde et à une infinité d'autres dieux et déesses,
personnifications des diverses forces productrices de la nature. La vache était considérée, en un
mot, comme l'emblème de la Grande Mère de tous les êtres, tant mortels que dieux, et de la
génération physique et spirituelle des choses.
268
Dans la Genèse, la rivière de l'Eden fut divisée et "devint quadruple", elle eut quatre têtes
(Genèse, II, 5).
Or, si nous réfléchissons que ce minerai était universellement
considéré par les anciens philosophes comme un des principes essentiels
dans la création organique ; que les alchimistes voyaient en lui le
dissolvant universel qui, disaient-ils, devait être tiré de l'eau et que tout le
monde (la science moderne et les croyances populaires) le considèrent
comme un ingrédient indispensable pour l'homme et les animaux, nous
nous rendons aisément compte de la sagesse cachée dans cette allégorie de
la création de l'homme. Paracelse appelle le sel "le centre de l'eau où les
métaux doivent mourir"... etc., et Van Helmont appelle l'Alkahest :
"Summum et felicissimum omnium salium", le plus réussi de tous les sels.
Dans l'Evangile selon Mathieu, Jésus dit : "Vous êtes le sel de la terre,
mais si le sel a perdu sa saveur, avec quoi faudra-il le saler ?" Poursuivant
la parabole, il ajoute : "Vous êtes la lumière du monde, etc..." (V. 14).
C'est plus qu'une allégorie. Ces paroles indiquent une signification directe
et sans équivoque relativement aux organismes spirituel et physique de
l'homme dans sa double nature. Elles montrent en outre sa connaissance de
la "doctrine secrète", dont nous trouvons des traces directes dans les plus
anciennes parmi les traditions populaires courantes, dans l'Ancien et le
Nouveau Testament, et dans les ouvrages des mystiques et des philosophes
de l'antiquité et du moyen âge.
269
Patals. Les enfers et, en même temps, les antipodes. H.-P. B. (Note ne figurant pas dans la 1er
édition).
Brahmane qui devient ainsi le progéniteur de notre race. De son bras droit,
Brahma crée Raettris, le guerrier, et, du gauche, Shaterany, la femme de
Raettris. Puis, leur fils Bais sort du pied droit du créateur et sa femme,
Bassany, du gauche. Tandis que, dans la légende scandinave, Bur (le fils
de la Vache Audhumla), un être supérieur, épouse Besla, fille de la race
dépravée des géants – dans la tradition Hindoue, le premier Brahmane
épouse Daintary, fille aussi de la race des géants. Dans la Genèse, nous
voyons les fils de Dieu prenant pour femmes les filles des hommes et
produisant même les hommes puissants d'autrefois. Sans aucun doute, ces
rapprochements de textes établissent une identité d'origine entre le Livre
inspiré des Chrétiens et les "fables" païennes de Scandinavie et de
l'Hindoustan. Les traditions de presque toutes les autres nations, si on les
étudie, donneront un résultat analogue.
Il est un autre emblème important, qui, sauf erreur de notre part, n'a
jamais attiré, jusqu'ici, l'attention de nos symbolistes ; il a trait à la mue du
serpent. Le reptile, ainsi délivré d'une enveloppe grossière qui gênait son
corps devenu trop volumineux pour elle, se reprend à vivre avec une
activité nouvelle : de même l'homme, en rejetant son corps de matière
grossière, entre dans une phase nouvelle de son existence avec des forces
accrues et une vitalité plus intense. Par contre, les Cabalistes Chaldéens
nous disent que l'homme primitif, en opposition à la théorie darwinienne,
était plus pur, plus sage, beaucoup plus spirituel, en un mot d'une nature
très supérieure à celle de l'homme actuel de la race adamique. C'est
indiqué par les mythes du Bur scandinave, des Déjotas Hindous et des
mosaïques "fils de Dieu". L'homme primitif perdit sa spiritualité et se
teinta de matière : C'est alors que, pour la première fois, il reçut un corps
charnel. La Genèse a fixé le fait dans ce verset d'une signification
profonde : "Pour Adam et pour sa femme le Seigneur Dieu fit des
vêtements de peau et les en revêtit 270." A moins que les commentateurs ne
veuillent [220] transformer la Cause Première en un tailleur céleste, ces
mots absurdes en apparence, peuvent-ils vouloir dire autre chose ?
L'homme spirituel a atteint, par le progrès de l'involution, le point où la
matière l'emportant sur l'esprit qu'elle domine, l'a transformé en un homme
physique, c'est-à-dire en le deuxième Adam du troisième chapitre de la
Genèse.
270
Genèse. Chap. III, vers. 21.
271
Ce livre passe pour être un de ceux qui manquent dans les recueils canoniques des Juifs. Il en est
fait mention dans Josué et dans le IIème, livre de Samuel. Il avait été découvert par Sidras, un des
officiers de Titus pendant le pillage de Jérusalem. Il fut publié à Venise au XVIIème siècle comme le
déclare la préface du consistoire des Rabbins. Cependant l'édition américaine et l'édition anglaise
passent aux yeux des Rabbins modernes pour un faux du XIIèmesiècle.
272
Voyez Godfrey Higgins. Anacalypsis, citation empruntée à Faber.
matière, est transmis à Nemrod le plus puissant et le plus fort des hommes
physiques postérieurs au déluge, le dernier des géants antédiluviens 273.
Dans la légende scandinave, Ymir, le géant est tué par les fils de Bur
et les flots de sang coulant de ses blessures sont tellement abondants que
l'inondation noie tous les individus appartenant [221] à la race des géants
de brume et de glace. Seuls de cette race, Bergelmir et sa femme se
sauvent en montant dans une barque ; il peut, ainsi, perpétuer les géants
par une branche nouvelle provenant de l'antique souche. Mais aucun des
fils de Bur ne fut englouti par le déluge. 274
273
Cory. Ancients Fragments, Bérose.
274
Nous renvoyons le lecteur pour de plus amples renseignements à la "Prose Edda" dans les
Northern Antiquities de Mallett.
On peut, grâce à cette même légende Scandinave de la création du
genre humain, se faire une idée du degré de certitude auquel les anciens
étaient parvenus au sujet de la nature trinitaire de l'homme. D'après le
Vôluspa, Odin, Hönir et Lodur, qui sont les progéniteurs de notre race,
trouvèrent dans une de leurs courses, sur les bords de l'Océan, deux bâtons
qui flottaient sur les vagues, "impuissants, au gré des flots". Odin leur
insuffla la vie, Hönir les doua d'une âme et du mouvement, Lodur leur
accorda la beauté, la parole, la vue et l'ouïe. Ils donnèrent à [222] l'homme
le nom d'Askr, le frêne 275 ; la femme fut appelée Embla, l'aulne. Ces
premiers êtres sont placés dans Midgard (Jardin du milieu ou Eden) et ils
héritent ainsi de leurs créateurs, la matière ou la vie inorganique ; le mental
ou âme ; et l'esprit pur. La première correspond à la partie de leur
organisme qui émane des restes d'Ymir, le géant-matière ; le second à la
partie émanant des Æsirs ou dieux, les descendants de Bur ; le troisième
procède de Vanr, le représentant de l'esprit pur.
Une autre version de l'Edda fait sortir notre univers visible des
rameaux luxuriants de l'arbre mondial, l'Yggdrasil, l'arbre aux trois
racines. Sous la première racine coule la fontaine de vie, Urdar ; sous la
seconde se trouve le puits célèbre de Mimer, dans lequel sont
profondément enfouis la Vivacité d'Esprit et la Sagesse. Odin, l'Alfadir,
demande une gorgée de cette eau : il l'obtient au prix d'un de ses yeux mis
en gage. Dans ce cas, l'œil est le symbole de la Divinité se révélant elle-
même dans la sagesse de sa création, car Odin le laisse au fond du puit
profond. Le soin de l'arbre du monde est confié à trois vierges (les Normes
ou Parques), Urdhr, Verdandi et Skuld, c'est-à-dire le Présent, le Passé, et
le Futur. Chaque matin, tout en fixant le terme de la vie humaine, elles
puisent de l'eau à la fontaine Urdar et en arrosent les racines de l'arbre du
monde afin qu'il puisse vivre. Les exhalaisons d'yggdrasil (le frêne) se
condensent, et, tombant sur la terre, elles appellent à l'existence et aux
changements de forme chaque partie de la matière inanimée. Cet arbre est
le symbole de la Vie universelle, organique aussi bien qu'inorganique ; ses
émanations représentent l'esprit qui vivifie chaque forme de la création ; de
ses trois racines l'une s'étend vers le ciel, la seconde est le séjour des
magiciens – géants habitant de hautes montagnes – ; la troisième, sous
laquelle coule la source Hvergelmir, est rongée par le monstre Nidhügg qui
cherche constamment à induire au mal le genre humain. Les Tibétains ont
275
Il est à remarquer, fait digne d'attention, que, dans le Popul-Vuh mexicain la race humaine est
créée d'un roseau, et, dans Hésiode, d'un frêne, comme dans la légende Scandinave.
aussi leur arbre du monde et sa légende remonte à une antiquité
immémoriale. Chez eux, il se nomme Zampun. La première de ses trois
racines s'étend aussi vers les cieux, jusqu'au sommet des montagnes les
plus élevées ; la seconde traverse la région inférieure ; la troisième reste à
mi-chemin et atteint l'Orient. L'arbre mondial des Hindous est
l'Aswatha 276. Ses branches sont les éléments qui composent le monde
visible et ses feuilles sont les Mantras des Védas, symboles de l'univers,
dans son caractère intellectuel ou moral. [223]
276
Voir Kann. Pantheum der Æltesten Philosophie.
future. Les ancêtres antédiluviens de l'éléphant et du lézard actuels étaient,
peut-être, le mammouth et le plésiosaure. Pourquoi les dieux de notre race
humaine n'auraient-ils pas été "les géants" des Védas, du Völuspa et du
livre de la Genèse ? S'il est positivement absurde de croire que "la
transformation des espèces" ait eu lieu dans le sens adopté par les
évolutionnistes les plus matérialistes, il est fort naturel de penser que
chaque espèce (en commençant par les mollusques pour finir avec
l'homme-singe), a changé depuis sa forme primordiale propre. Supposons
comme admis que tous "les animaux descendent simplement de quatre ou
cinq couples progéniteurs 277", à la rigueur même "tous les êtres organisés
qui ont vécu sur cette terre [224] sont issus d'une forme primordiale
unique 278". Malgré cela, un matérialiste aveugle, entièrement dépourvu
d'intuition peut seul compter sérieusement voir "dans un avenir éloigné…,
la psychologie établie sur une base nouvelle, celle de l'acquisition
nécessaire et par degrés de chacun des pouvoirs, de chacune des facultés
de l'intellect 279."
277
Origin of Species, p. 484.
278
Ibid. Nous ne pouvons accepter cette expression si ce n'est dans le sens que cette "forme
primordiale" est la forme primitive concrète que l'esprit a revêtue en tant que Divinité révélée.
279
Ibid., p. 488.
280
Conférence par T.H.Huxley, F.R.S. : Darwing and Hæckel.
divinité. L'énergie créatrice ayant tiré son origine de ce point primordial,
les symboles religieux de chaque peuple sont autant d'exemples de cette
hypothèse métaphysique exposée par Pythagore, Platon et d'autres
philosophes. D'après Philon 281, "ces Chaldéens voyaient, parmi les choses
qui existent, le Cosmos comme un simple point. Ce point lui-même était
soit Dieu (Théos) soit ce qui, dans le Cosmos, est Dieu et comprend l'âme
de toutes chose."
281
Migration of Abraham, 32.
282
Cory. Anciens Fragments.
vérification impossible". Car, ainsi qu'il le dit, il considère tous les êtres
"comme les descendants directs de quelques rares individus qui vivaient
longtemps avant que fût déposée la première couche silurienne". 283 Il
n'essaie pas de nous montrer ce qu'étaient ces "rares individus". Mais ce
mutisme remplit notre but tout aussi bien car, en admettant leur existence,
le recours aux anciens, pour confirmer et développer son idée, lui mérite
l'estampille de l'approbation scientifique. Songez à tous les changements
subis par notre globe au point de vue de la température, du climat, du sol
et, qu'on nous pardonne d'ajouter, en tenant compte de progrès récents, au
point de vue de ses conditions électromagnétiques, il faudrait être vraiment
téméraire pour oser affirmer que la science moderne contredit l'hypothèse
ancienne de l'homme pré-silurien. Les haches de silex trouvées les
premières par Boucher de Perthes, dans la vallée de la Somme, prouvent
que des hommes doivent avoir existé à une époque dont l'ancienneté défie
le calcul. Si nous en croyons Büchner, l'homme doit avoir vécu durant, et
même avant la période glaciaire, subdivision de la période quaternaire ou
diluviale qui s'étend, probablement, bien [226] au-delà de celle-ci. Mais
qui peut dire ce que nous réserve encore la prochaine découverte ?
283
Origin of Species, p. 448, 489, première édition.
284
Huxley. Darwin and Hæckel.
dont l'immense antiquité est reconnue tant par les philologues que par les
archéologues, tandis que leurs adversaires n'ont rien de pareil, à moins
qu'ils n'utilisent une partie des inscriptions murales et en suppriment le
reste.
Mais il est des mythes qui parlent d'eux-mêmes. Dans cette catégorie
nous pouvons ranger les premiers créateurs androgynes de chaque
cosmogonie. Le Zeus-Zên grec (æther), et Chthonia (la terre chaotique) et
Métis (l'eau), ses femmes ; Osiris et Isis-Latone – le premier dieu
représentant aussi l'æther, la première émanation de la Divinité Suprême,
Amun, la source primordiale de la lumière ; la déesse figurant encore la
terre et l'eau ; Mithras 285, le dieu né du rocher, symbole du feu mâle
mondial ou la lumière primordiale personnifiée, et Mithra, la déesse du
285
Mithras était considéré, chez les Perses, comme le Theos ek petros, le dieu du roc.
feu, à la fois sa mère et son épouse ; le pur élément du feu (le principe actif
ou mâle) envisagé comme lumière et chaleur, en conjonction avec la terre
et l'eau, ou la matière (éléments passifs ou féminins de la génération
cosmique). Mithras est le fils de Bordj, la montagne mondiale de la
Perse 286, de laquelle il jaillit, comme un étincelant rayon de lumière.
Brahma, le dieu du feu et sa prolifique conjointe ; et l'Unghi hindou, la
divinité brillante du corps de laquelle sortent mille torrents de gloire et sept
langues de flamme et en l'honneur de laquelle les Brahmanes de Sagnikou
conservent jusqu'aujourd'hui un feu perpétuel ; Siva, personnifié par la
montagne mondiale des Hindous – le Mérou (Himalaya). Ce terrible dieu
du feu que, d'après la légende, on dit être descendu du ciel, comme le
Jehovah des Juifs, dans une colonne de feu, et une douzaine d'autres
divinités archaïques bisexuées proclament bien haut leur signification
cachée. Que peuvent en effet vouloir dire ces doubles mythes sinon le
principe physico-chimique de la création primordiale ? La première
révélation de la Cause Suprême, dans sa triple manifestation d'esprit, de
force, et de matière : la corrélation divine à son point de départ évolutif,
rendue allégoriquement comme le mariage du feu et de l'eau, produits de
l'esprit électrisant, union du principe actif-mâle avec l'élément passif-
femelle qui deviennent les géniteurs de leur enfant [228] tellurique, la
matière cosmique, la prima materia dont l'esprit est l'éther, la LUMIÈRE
ASTRALE !
286
Bordj est appelé une montagne de feu, un volcan. C'est pourquoi il contient feu, rochers, terre et
eau, les éléments mâles et actifs et les éléments femelles ou passifs. Le Mythe est suggestif.
parties les plus grossières étaient employées pour le monde physique
embryonnaire, son essence plus divine pénétrait l'univers, pénétrait
invisiblement le nouveau-né et l'enfermait dans ses vagues éthérées,
développait et stimulait son activité, au fur et à mesure que, lentement, il
sortait de l'éternel chaos.
Les êtres, auxquels il est fait allusion ci-dessus, sont les esprits
élémentals des Cabalistes 288, que le clergé chrétien dénonce comme des "
diables ", ennemis du genre humain.
287
Virgile. Géorgiques, liv. II.
288
Porphyre et d'autres philosophes expliquent la nature de ces gardiens. Ils sont malfaisants et
trompeurs ; toutefois, il en est de parfaitement inoffensifs et aimables, mais si faibles qu'ils ont la
plus grande difficulté à communiquer avec les mortels dont ils recherchent incessamment la société.
Les premiers ne sont pas doués d'une malice intelligente. La loi d'évolution spirituelle n'ayant pas
encore permis le développement de leur instinct en intelligence, dont les clartés supérieures
n'appartiennent qu'aux esprits immortels, leur faculté de raisonnement est encore à l'état latent et
c'est pourquoi ces êtres sont eux-mêmes irresponsables.
Mais l'Eglise Latine contredit les Cabalistes. Saint Augustin a même une discussion à ce sujet avec
Porphyre, le néo-Platonicien. "Ces esprits, dit-il, sont trompeurs, non en raison de leur nature,
comme l'affirme Porphyre, le théurgiste mais par malice. Ils se donnent pour des dieux et pour les
Des Mousseaux remarque gravement : "Déjà Tertullien formellement
découvert le secret de leurs ruses" (Chapitre sur les démons).
âmes des défunts." (Civit. Déc, liv. X, ch. 2). Jusque-là Porphyre est d'accord mais, " ces êtres ne
prétendent pas être des démons [lisez : des diables], car en réalité, ils en sont !" ajoute l'évêque
d'Hippone. Mais alors dans quelle catégorie placerons-nous les hommes sans tête que saint
Augustin veut nous persuader avoir vus lui-même ? Ou les satyres de saint Jérôme qui, d'après son
assertion furent exhibés à Alexandrie pendant longtemps ? C'étaient, nous dit-il, "des hommes avec
des jambes et des queues de boucs". S'il faut l'en croire, un de ces satyres fut, à cette époque, mis en
conserve dans un baril et expédié à l'Empereur Constantin !
elles ne le seront toutes grandes pour l'âme du somnambule entransé, que
le jour où s'étant unie avec son essence supérieure immortelle, elle aura
quitté pour toujours son enveloppe mortelle. Jusqu'à ce moment, le voyant
ou la voyante ne peut regarder que par une fente. Ce qu'on en verra
dépendra de l'acuité de vue spirituelle du sujet.
La trinité dans l'unité est une idée commune à toutes les nations : les
trois Dejotas, la Trimourti hindoue, les Trois Têtes de la Cabale Juive 289.
"Trois têtes sont sculptées l'une dans l'autre et l'une sur l'autre." La trinité
des Egyptiens et celle de la mythologie grecque étaient des images
semblables de la première émanation triple avec ses deux principes mâles
et un principe femelle. C'est l'union du mâle Logos ou sagesse, la Divinité
révélée, avec la femelle Aura ou Anima Mundi (le saint Pneuma qui est la
Sephira des Cabalistes et la Sophia des Gnostiques raffinés) qui a produit
toutes choses visibles et invisibles. Tandis que la véritable interprétation
métaphysique de ce dogme universel restait confinée dans les sanctuaires,
les Grecs avec leurs instincts poétiques la personnifiaient dans une foule
de mythes charmants. Dans les Dionysiaques de Nonnus, le dieu Bacchus,
entre autres allégories, est représenté comme amoureux d'une brise suave
et douce (le saint Pneuma), sous le nom d' "Aura Placida" 290. Et,
maintenant, laissons la parole à Godfrey Higgins : "Lorsque les Pères
ignorants constituèrent leur calendrier, ils firent de cette "douce brise",
deux saintes Catholiques Romaines ! !". Sainte Aura et sainte Placida
naquirent ainsi. Mais ils ont fait mieux ; ils ont été jusqu'à transformer le
joyeux et galant dieu en saint Bacchus. En fait, on montre à Rome son
cercueil et ses reliques. La fête des bienheureuses saintes Aure et Placide
tombe le 5 octobre et n'est pas éloignée de celle de saint Bacchus 291. [232]
Combien plus poétique et plus large est l'esprit religieux que l'on
trouve dans les légendes "païennes" du Nord relatives à la création. Le
vent du dégel souffle soudain dans l'abîme sans fond du puits mondial, le
Ginnunga-gap, où luttent avec rage et fureur aveugle la matière cosmique
et les forces primordiales. C'est "le Dieu non révélé" qui envoie son souffle
bienfaisant du haut de Muspellheim, la sphère de feu empyréen dans les
rayons étincelants duquel réside ce Grand Etre, bien au-delà du monde de
289
"Tria capita exsculpta sunt, unum intra alterum et alterum supra alterum". – Sohar, "Idra Suta",
sect. VII.
290
Littéralement : douce bise.
291
Higgins. Anacalypsis ; aussi Dupruis.
la matière ; l'animus de l'Invisible, l'Esprit qui plane sur les Sombres eaux
de l'abîme met de l'ordre dans le Chaos, et une fois la première impulsion
donnée à toute la création, la CAUSE PREMIÈRE se retire et reste pour
toujours in statu abscondito 292.
292
Mallett. Northern Antiquities, p. 401-406, et The Songs of a völuspa, Edda.
l'un poussant et l'autre retenant, tandis que tous deux sont soumis au
principe électrique qui pénètre le monde et qui leur donne l'impulsion.
Avec l'électricité donnant l'impulsion, et les principes mâle et femelle se
combinant et recombinant sans cesse en corrélations permanentes, on
obtient l'évolution constante de la nature visible, dont le couronnement est
le système planétaire, symbolisé chez le mythique Thor par le diadème
d'astres radieux, qui entoure son front. Lorsqu'il est en activité, sa foudre
terrible détruit tout, même les autres forces Titanesques plus faibles. Mais
il passe à pied l'arc-en-ciel Bifrost, parce que, pour frayer avec des dieux
moins puissants que lui, il faut qu'il reste à l'état latent, ce qui lui serait
impossible dans son char ; sans cela, il incendierait et anéantirait tout. La
signification de la fontaine Urdar, que Thor redoute de faire bouillir, et qui
cause sa réticence, ne sera comprise par nos physiciens que lorsque les
relations électromagnétiques réciproques des innombrables éléments du
système planétaire, maintenant à peine soupçonnées, seront complètement
déterminées. Les récents essais scientifiques de MM. Mayer et Sterry Hunt
nous permettent d'entrevoir quelques fragments de la vérité. Les anciens
philosophes croyaient que, non seulement les volcans, mais les sources
thermales, étaient produits par des concentrations de courants électriques
souterrains, et que cette même cause donnait lieu aux dépôts minéraux de
diverses natures qui forment des sources médicinales. Si l'on objectait à
cela que le fait n'est point distinctement indiqué par les auteurs anciens,
qui, dans l'opinion de notre siècle, connaissaient à peine l'électricité, nous
pouvons tout simplement répondre que tous les ouvrages qui traitent de la
Sagesse antique ne sont point connus de nos savants. Les eaux claires et
fraîches d'Urdar étaient nécessaires pour arroser journellement l'arbre
mystique mondial ; et si elles étaient troublées par Thor, ou l'électricité
active, elles pourraient être converties en eaux minérales impropres à
l'objet en vue. Les exemples ci-dessus corroborent l'ancienne prétention
des philosophes qu'il y a un logos dans chaque mythe et un fondement de
vérité dans toute fiction.
[234]
CHAPITRE VI
—
PHENOMENES PSYCHO-PHYSIQUES
Odyssée V.
LUCRECE.
Une des plus grandes vérités qu'ait jamais émises un savant est la
remarque faite par le Prof. Cooke, dans sa New Chemistry. "L'histoire de la
Science montre, dit-il, que le siècle doit être préparé avant que les vérités
scientifiques puissent y prendre racine et croître. Les avertissements
stériles de la science ont été stériles, parce que cette semence de la vérité
était tombée sur une terre aride ; et aussitôt que la plénitude des temps est
venue, le grain a pris racine, et le fruit a mûri… Chaque étudiant est
surpris de voir combien est faible la part de vérité nouvelle, que même les
plus grands génies ont ajoutée à l'acquis antérieur".
La révolution par laquelle la chimie vient de passer est bien faite pour
attirer l'attention des chimistes sur ce fait ; et il ne faudrait pas s'étonner si,
dans un espace de temps moins long que celui qu'il a fallu pour l'effectuer,
on se mettait à étudier avec impartialité les prétentions des alchimistes à un
point de vue rationnel. La distance de l'étroit chenal à franchir et qui sépare
la chimie nouvelle de l'alchimie ancienne est à peine plus grande (si elle
l'est) que celle qui sépare le dualisme de la loi d'Avogadro.
293
D'un journal spirite de Londres.
294
Hemmann. Medico-Surgical Essays, Berlin, 1778.
il n'existerait pas de professeurs de médecine dans ce monde, comment
ferai-je pour apprendre cet art. Il faudrait l'étudier dans le livre grand
ouvert de la nature, écrit par la main de Dieu…. On m'accuse de n'être
point entré par la vraie porte. Mais quelle est la véritable porte ? Est-ce
celle de Galien, celle d'Avicenne, de Mesne, de Rhasis, ou bien celle de
l'honnête nature ? Pour moi, je crois que c'est cette dernière. C'est par cette
porte-là que je suis entré ; c'est la lumière de la nature et aucune lampe
d'apothicaire qui m'a montré le chemin".
295
Robert Fludd. Treatise 111.
avoir repoussé tour à tour toutes les découvertes faites depuis Galilée, les
Immortels mirent le comble à leur aveuglement en tournant le dos au
magnétisme et au mésmérisme. Ils fermèrent volontairement devant eux
les portes qui donnent accès aux grands mystères de la nature qui sont
cachés dans les sombres régions du monde psychique comme du monde
physique. Le grand dissolvant universel, l'Alkahest était là, tout près
d'eux ; ils l'ont laissé passer inaperçu ; et maintenant que près de cent
années se sont écoulées, nous lisons l'aveu suivant :
"Il est vrai néanmoins qu'au delà des limites de
l'observation directe, notre science (la chimie) n'est point
infaillible, et que nos théories et nos systèmes, bien qu'ils
puissent tous renfermer quelque noyau de vérité,
subissent de fréquents changements, et, souvent, sont
révolutionnés de fond en comble" 296. [237]
296
Prof. J.-P. Cooke. New Chemistry.
Malgré la récente condamnation de Leymarie 297, les railleries des
sceptiques et d'une grande majorité des médecins et des savants,
l'impopularité du sujet, et, par-dessus tout, les persécutions infatigables du
clergé catholique qui combat dans le Mesmérisme l'ennemi traditionnel de
la femme, la vérité de ses phénomènes est si évidente et incontestable, que
même la magistrature française a été forcée, bien qu'à contrecœur de le
reconnaître tacitement. La célèbre clairvoyante, Mme Roger fut accusée
d'extorsion d'argent en même temps que son magnétiseur le Dr Fortin. Le
18 mai 1876, elle fut assignée devant le tribunal correctionnel de la Seine.
Son témoin était le baron du Potet, le grand maître du Mesmérisme en
France depuis cinquante ans ; son avocat, le non moins célèbre Jules
Favre. Pour une fois la vérité triompha, et l'accusation fut abandonnée.
Cette victoire fut-elle due à l'éloquence extraordinaire du défenseur, ou à la
vérité incontestable et absolument irréprochable des faits ? Mais Leymarie,
le directeur de la Revue Spirite, avait aussi les faits en sa faveur ; et de
plus, le témoignage de plus d'une centaine de personnes respectables,
parmi lesquelles figuraient les premiers noms d'Europe. A cela il n'y a
qu'une réponse, les magistrats n'ont point osé contester les faits du
mesmérisme. Mais la photographie des esprits, les coups frappés,
l'écriture, les mouvements, les conversations, [237] et même les
matérialisations d'esprits peuvent être simulés ; A peine existe-t-il
aujourd'hui un phénomène physique en Europe ou en Amérique, qui ne
puisse être imité (avec des appareils) par un habile prestidigitateur. Les
merveilles du mesmérisme et les phénomènes subjectifs seuls défient les
trompeurs, les sceptiques, la science austère et les médiums malhonnêtes.
L'état cataleptique est impossible à feindre. Les spirites qui tiennent à
proclamer leurs vérités et à les faire admettre de force par la science
cultivent les phénomènes magnétiques. Magnétisez, sur la scène de
"l'Egyptian Hall" une bonne somnambule plongée dans le sommeil
mesmérique profond ; que son magnétiseur envoie son esprit libéré partout
où il plaira au public ; Qu'on éprouve ainsi sa clairvoyance, et sa clair
audience ; que l'on plante des épingles dans toutes les parties de son corps,
sur lesquelles le magnétiseur a fait des passes ; qu'on lui enfonce des
aiguilles dans la peau, au-dessous des paupières ; qu'on la brûle et la lacère
avec un instrument pointu. "Ne craignez rien !" disent Regazzoni, du Potet,
Teste, Pierrard, Puységur et Dolgorouky, "un sujet magnétisé ou endormi
n'est jamais blessé !" Et lorsque vous l'aurez fait, que l'on invite quelqu'un
297
Directeur de la Revue Spirite (Note ne figurant pas dans la 1er édition)
de ces magiciens populaires modernes qui ont soif de réclame, et qui
prétendent être assez habiles pour imiter tous les phénomènes spirites à se
soumettre aux mêmes épreuves 298.
298
Dans le Bulletin de l'Académie de Médecine, Paris, 1837, vol. I, p. 343 et seq., on trouve le
rapport du Dr Oudet qui pour s'assurer de l'état d'insensibilité d'une dame plongée dans le sommeil
magnétique, la piqua avec des épingles, introduisit même une longue épingle jusqu'à la tête dans la
chair, et lui tint un des doigts au-dessus de la flamme d'une bougie pendant plusieurs secondes. Un
cancer fut extrait du sein droit d'une Mme Plaintain. L'opération dura douze minutes ; pendant tout
le temps la patiente conversa très tranquillement avec son magnétiseur et n'éprouva jamais la
moindre sensation de douleur. (Bulletin de l'Académie de Médecine, tome II, p. 370).
299
Prophecy, Ancient and Modern, par A. Wilder. Journal Phrénologique.
séance tenante, la somnambule, il ne les forçât, non seulement à croire au
phénomène, mais encore à le reconnaître, ce qui eût été bien pis.
II démontre plus loin que, dans l'homme, réside une "force sidérale",
qui est une émanation des astres et des corps célestes, dont est composée la
forme spirituelle de l'homme, l'esprit astral. Cette identité d'essence, que
nous pourrions nommer l'esprit de la matière cométaire, est toujours en
rapport direct avec les astres dont elle est tirée, et il existe ainsi une
attraction mutuelle entre les deux car tous deux sont des aimants. La
composition identique de la terre et des autres corps planétaires, et du
corps terrestre de l'homme était une des idées fondamentales de sa
philosophie. "Le corps vient des éléments, l'esprit (astral) vient des
astres…L'homme mange et boit ce qu'il tire des éléments pour soutenir
[240] son sang et sa chair ; mais c'est des astres que sont tirés l'intellect et
les pensées qui alimentent l'esprit". Le spectroscope a démontré la vérité
de cette théorie relative à la composition identique de l'homme et des
astres ; les physiciens font maintenant des cours sur les attractions
magnétiques du soleil et des planètes 300.
300
La théorie d'après laquelle le soleil est un globe incandescent est, pour se servir de l'expression
d'un rédacteur de revue, "en train de passer de mode". Il a été calculé que si le soleil dont nous
connaissons parfaitement la masse et le diamètre, était un bloc solide de charbon et, si on lui
donnait une quantité suffisante d'oxygène pour produire tous les effets dont nous sommes témoins,
il serait complètement consumé en moins de cinq mille années. Et cependant, il y a quelques
Parmi les substances qu'on sait exister dans la composition du corps
de l'homme, on a déjà découvert, dans les étoiles, l'hydrogène, le sodium,
le calcium, le magnésium, et le fer. Dans toutes les étoiles observées, qui
se comptent par centaines, on a trouvé de l'hydrogène, sauf dans deux.
Maintenant, si nous nous rappelons combien on a décrié Paracelse et sa
théorie de l'homme et des astres composés de substances semblables,
combien les astronomes et les physiciens ont tourné en ridicule ses idées
sur l'affinité chimique et l'attraction existant entre eux ; et ensuite, si nous
constatons que le spectroscope est venu donner raison au moins à l'une de
ses assertions, est-il si absurde de prédire qu'un temps viendra où toutes
ses théories seront confirmées ?
semaines encore, on a soutenu, que dis-je ? l'on soutient encore que le soleil est un réservoir de
métaux vaporisés !
seulement la santé des éléments lorsqu'ils sont en équilibre, mais encore la
maladie, lorsque leur équilibre vient à être rompu. Les corps vivants sont
sujets aux lois de l'attraction et de l'affinité chimique, ainsi que l'admet la
science ; la propriété physique la plus remarquable des tissus organiques,
d'après les physiologistes, est la propriété d'imbibition. Quoi de plus
naturel, dès lors, que cette théorie de Paracelse, que notre corps absorbant,
attractif, et chimique rassemble en lui les influences astrales ou sidérales ?
"Le soleil et les étoiles nous attirent à eux et nous, de notre côté nous les
attirons". Quelle objection la science peut-elle faire à cela ? Ce que nous
exhalons est indiqué dans la découverte faite par le Baron Reichenbach des
émanations odiques de l'homme, qui sont identiques aux effluves de
l'aimant, des cristaux, et, en fait, de tous les organismes végétaux.
L'unité de l'univers fut affirmée par Paracelse, qui dit que "le corps
humain possède l'étoffe primitive (ou matière cosmique)" ; le spectroscope
a démontré cette assertion, en faisant voir que les mêmes éléments
chimiques qui existent sur la terre et dans le soleil se retrouvent aussi dans
tous les astres. Le spectroscope fait encore davantage ; il montre que toutes
les étoiles sont des soleils, pareils au nôtre, au point de vue de la
constitution 301 ; Et que, comme le dit le professeur Mayer 302, la condition
magnétique de la terre change avec chaque variation qui se produit à la
surface du soleil, au point de dire qu'elle est soumise aux émanations du
soleil. Les étoiles étant des soleils doivent aussi avoir des émanations qui
nous affectent à un degré proportionnel.
"Pendant nos rêves", dit Paracelse, "nous sommes comme les plantes
qui ont aussi un corps élémentaire et vital, mais qui ne possèdent pas
d'esprit. Dans notre sommeil, notre corps astral est libre, et peut, grâce à
l'élasticité de sa nature, soit tourner autour de son véhicule endormi, soit
s'élever plus haut, et aller converser avec ses parents étoilés, soit même
communiquer avec ses frères, à grande distance. Les rêves d'un caractère
prophétique, la prescience, et les besoins actuels sont les facultés de l'esprit
[242] astral. A notre corps élémentaire plus grossier, ces dons n'ont point
été accordés, car, à la mort, il descend dans le sein de la terre, et se réunit
aux éléments physiques, tandis que les divers esprits retournent aux
301
Voir Youmans. "Chemistry on the Basis of the New System. Spectrum Analysis".
302
Professeur de Physique au Stevens Institut of Technology. The Earth a Great Magnet.
Conférence faite au Club scientifique de Yale, 1872. Voyez aussi professeur Balfour Stewart.
Conférence sur le soleil et les étoiles.
étoiles." Les animaux, ajoute-t-il, "ont aussi leurs pressentiments, parce
qu'ils ont eux aussi un corps astral".
303
De Magnetica Vulner Curatione, p. 772, 1. c.
Dans toutes choses, un pouvoir secret est caché, et c'est de là que viennent
les pouvoirs miraculeux de la magie". [243]
304
Cf. "On the influence of the Blue Ray".
305
Ennemoser. History of Magie.
était destiné à donner le coup de grâce à la nouvelle science. Il fut
ostensiblement répandu dans les écoles et dans tous les rangs de la société,
éveillant des sentiments d'une profonde amertume chez une grande partie
de l'aristocratie et de la classe commerciale riche qui avaient patronné
Mesmer, et avaient été témoins oculaires de ses cures. Ant. de Jussieu,
Académicien [244] du plus haut rang, qui avait étudié à fond la question,
avec l'éminent médecin de la Cour, d'Eslon, publia un contre-rapport
rédigé avec la plus minutieuse exactitude, dans lequel il préconisait de
faire observer soigneusement, par la Faculté de médecine, les effets
thérapeutiques du fluide magnétique, et insistait sur la publication
immédiate de leurs découvertes et observations. Sa demande fut appuyée
par un grand nombre de mémoires, d'ouvrages de polémique, et de livres
dogmatiques, développant des faits nouveaux. Les œuvres de Thouret
intitulées : Recherches et doutes sur le Magnétisme Animal, dans
lesquelles était déployée une vaste érudition, stimulèrent les recherches
dans les archives du passé ; et les phénomènes magnétiques chez les
nations qui se sont succédé depuis l'antiquité la plus reculée furent placés
sous les yeux du public.
306
Du magnétisme animal en France, Paris, 1826.
307
The Conservation of Energy, N.V., 1875.
propager et de communiquer foutes les impressions de
mouvement, est le médium de cette influence.
Il paraîtrait, d'après cela, que la théorie n'est pas si nouvelle après tout.
Le professeur Stewart dit : "Nous pouvons considérer l'univers comme une
vaste machine physique" et Mesmer dit :
3. Cette action réciproque est assujettie à des lois mécaniques
inconnues jusqu'à ce jour.
Ce qu'ils ont dit du magnétisme en tant que remède secret, a été dit
bien des fois par les auteurs les plus respectés sur le spiritisme moderne et
notamment : "Il est du devoir de l'Académie de l'étudier, de le soumettre à
des épreuves, enfin d'en enlever l'usage et la pratique à des personnes tout
à fait étrangères à l'art qui abusent des moyens qu'il fournit et en font un
objet de lucre et de spéculation".
Mais nous avons tort : il fit une seule tentative, et cela lui suffit. Il
nous dit, dans ses Fragments, qu'il se plaça une fois sous une table pour
voir comment les coups étaient frappés, et qu'il en sortit avec une
indignation telle contre l'humanité qu'il n'en avait jamais éprouvé de
pareille ! Israel Putnam, se traînant à quatre pattes pour surprendre et tuer
la louve dans son repaire, nous fournit en partie un parallèle pour faire
apprécier le courage du [249] chimiste tâtonnant dans le noir pour savoir
l'horrible vérité ; mais Putnam tua sa louve, tandis que Tyndall fut dévoré
par la sienne. "Sub mensâ desperado" devrait être la devise de ses
armoiries.
308
Fundamental Principes of Nattiral Philosophy.
choses qui n'en ont point y prennent une forme", dit un ancien fragment
des Oracles Chaldéens de Zoroastre 309.
309
Simpl. in Phys., 143 ; "The Chaldean Oracles", Cory.
310
Draper. Conflict between Religion and Science.
antérieure. Mais les hommes de l'antiquité ainsi que les philosophes du
moyen âge soutiennent énergiquement une opinion contraire.
Ces seuls faits, une fois démontrés, se posent comme une preuve
indiscutable de la continuité de la vie individuelle, au moins pendant une
certaine période, après que le corps a été abandonné par nous, par usure ou
par accident. Mais quoique durant son court séjour sur la terre, notre âme
puisse être comparée à une lumière cachée sous un boisseau, elle brille
pourtant, avec plus ou moins d'éclat, et attire à elle les influences des
esprits apparentés ; et lorsqu'une pensée, bonne ou mauvaise, est
engendrée dans notre cerveau, elle lui attire des impulsions semblables
aussi irrésistiblement que l'aimant attire la limaille de fer. Cette attraction
est proportionnée aussi à l'intensité avec laquelle l'impulsion de pensée se
fait sentir dans l'éther ; et ainsi, l'on peut comprendre comment un homme
s'impose à son époque avec tant de force, que l'influence est transmise –
par les courants d'énergie sans cesse échangés entre les deux mondes,
visible, et invisible – d'âge en âge, jusqu'à ce qu'elle affecte une grande
partie du genre humain.
Une des plus intéressantes découvertes des temps modernes est celle
de la faculté, qui permet à une certaine catégorie de personnes sensitives
de recevoir, d'un objet quelconque placé dans leurs mains ou appliqué sur
leur front, des impressions sur le [255] caractère ou l'aspect de l'individu
ou de l'objet, avec lequel il a été antérieurement en contact. Ainsi, un
manuscrit, un tableau, un vêtement, un bijou – quelle qu'en soit l'antiquité,
montre au sujet une image vivace de l'écrivain, du peintre ou de la
personne qui en a été porteur, même quand il aurait vécu du temps de
Ptolémée ou d'Enoch. Bien plus, un fragment d'un édifice ancien
rappellera son histoire, et même les scènes qui se sont passées dans son
enceinte, ou dans son voisinage. Un morceau de minerai provoquera la
vision d'âme de l'époque où il était en voie de formation. Cette faculté est
appelée par celui qui l'a découverte – M. Buchanan de Louisville,
Kentucky – psychométrie. C'est à lui que le monde est redevable de cette
importante addition aux sciences psychologiques ; et c'est à lui, peut-être,
quand le scepticisme aura été terrassé par une telle accumulation de faits,
que la postérité devra élever une statue. En annonçant au public sa grande
découverte, le professeur Buchanan, s'en tenant au pouvoir que présente la
psychométrie de dessiner le caractère de l'homme, dit : "L'influence
mentale et physiologique accordée à l'écriture paraît être indestructible, car
les plus anciens spécimens que nous avons examinés donnaient leurs
impressions avec une force et une netteté peu affaiblies par le temps.
D'anciens manuscrits, exigeant un antiquaire pour en déchiffrer les
étranges caractères, étaient facilement interprétés par la puissance
psychométrique... La faculté de conserver l'empreinte du mental n'est point
limitée à l'écriture. Les dessins, les tableaux, tout ce sur quoi la pensée, la
volonté ou le contact d'un homme s'est fixé vient s'enchaîner intimement à
cette pensée, à cette vie, de façon à les rappeler au mental d'un autre,
lorsqu'il y a contact."
Dans son charmant livre intitulé The soul of Things (L'âme des
choses) le professeur Denton (géologue) 312 entre, avec grands détails, dans
la discussion de cette question. Il donne une multitude d'exemples du
pouvoir psychométrique, que Mrs. Denton possède à un degré très marqué.
Un fragment de la maison de Cicéron à Tusculum, lui permit de décrire,
sans avoir la moindre connaissance de la nature de l'objet qu'on plaçait sur
son front, non seulement l'emplacement du grand orateur romain, mais
encore ce qui se rapportait au précédent propriétaire de la maison,
Cornélius Sulla Felix, habituellement connu comme Sulla le dictateur. Un
fragment de marbre de l'ancienne Eglise Chrétienne de Smyrne fit
apparaître devant elle l'assemblée des fidèles et les prêtres officiant. Des
fragments apportés de Ninive, de Chine, de Jérusalem, de Grèce, du mont
Ararat et d'autres endroits, lui représentèrent des scènes de la vie de
personnages divers dont les cendres ont disparu depuis des milliers
d'années. Dans bien des cas, M. Denton vérifia ces renseignements,
annales historiques en main. Mieux que cela, un morceau de squelette ou
de dent de quelque animal antédiluvien permit à la voyante d'apercevoir la
créature, telle qu'elle était de son vivant, et même de vivre pendant
quelques instants, de sa vie, et d'éprouver ses sensations. Devant l'enquête
du psychomètre, les replis les plus cachés du domaine de la nature
dévoilent leurs secrets ; et les événements des époques les plus reculées
rivalisent d'éclat, d'impression avec les circonstances passagères d'hier.
L'auteur dit dans le même ouvrage : "Pas une feuille ne tremble, pas
un insecte ne rampe, pas une vague ne se meut, sans que chacun de ces
311
J.R. Buchanan M.D. Outlines of Lectures on the Neurological System of Anthropology.
312
W. et Elisabeth M.F. Denton. The soul of Things or Psychometric Researches and Discoveries.
Boston, 1873.
mouvements ne soit enregistré par mille scribes fidèles, dans des écrits
infaillibles et indélébiles. Et cela est vrai de tous temps. Dès l'aurore de ce
globe naissant, lorsqu'un rideau de vapeurs flottait encore autour de son
berceau, jusqu'à ce jour, la nature n'a cessé de photographier toute chose.
Quelle galerie de tableaux que la sienne !
Il nous semble impossible d'imaginer que les scènes qui ont eu lieu
dans l'ancienne Thèbes ou dans quelque temple des temps préhistoriques
ne soient photographiées que sur la substance de certains atomes. Les
images des événements sont incrustées dans ce milieu universel, pénétrant
tout, et conservant tout, que les philosophes nomment "l'Ame du Monde",
et que M. Denton qualifie "d'Ame des Choses". Le psychomètre, en
appliquant un fragment d'une substance à son front, met son soi intérieur
en relation avec l'âme intime de l'objet qu'il manie. Il est maintenant [257]
admis que l'Æther universel interpénètre toutes choses dans la nature,
même les plus denses. On commence à admettre aussi qu'il conserve les
images de toutes les choses qui surviennent. Lorsque le psychomètre
examine son spécimen, il est mis en contact avec le courant de lumière
astrale qui est en relation avec ce spécimen, et qui conserve les tableaux
des scènes associées à son histoire. Ces scènes, d'après Denton, défilent
devant ses yeux avec la vitesse de la lumière ; l'une après l'autre elles
s'amoncellent l'une sur l'autre si rapidement, que c'est seulement par un
acte énergique de la volonté qu'il en retient une dans le champ de sa vision,
assez longtemps pour pouvoir la décrire.
Le psychomètre est clairvoyant ; cela veut dire qu'il voit avec l'œil
intérieur. A moins que sa force de volonté ne soit très puissante, à moins
qu'il ne se soit pleinement entraîné à ce genre particulier de phénomène, et
que sa connaissance des aptitudes de sa vue ne soit profonde, ses
perceptions des lieux, des personnes et des événements doivent être
nécessairement très confuses. Mais dans le cas de magnétisation, dans
lequel cette même faculté de clairvoyance est développée, l'opérateur, dont
la volonté domine le sujet, peut forcer celui-ci à concentrer son attention
sur un tableau spécial, assez longtemps pour en observer tous les plus
minutieux détails. De plus, sous la direction d'un magnétiseur expérimenté,
le voyant dépasse le psychomètre naturel, dans la prévision des
événements futurs qui se présentent à lui plus distincts et plus clairs. Si
l'on objecte l'impossibilité de percevoir "ce qui n'existe pas", nous
poserons cette question : Pourquoi est-il plus impossible de voir ce qui sera
que de rappeler la vue de ce qui est passé et n'est plus ? D'après la doctrine
des Cabalistes, l'avenir existe dans la lumière astrale à l'état d'embryon,
comme le présent existait dans le même état dans le passé. Tandis que
l'homme est libre d'agir comme il lui plaît, la façon dont il usera de sa
liberté était connue d'avance, et de tout temps ; non point, sur le terrain du
fatalisme ou de la destinée, mais simplement en vertu du principe de
l'harmonie universelle immuable ; de la même façon qu'on peut savoir à
l'avance que, lorsqu'une note musicale est frappée, ses vibrations ne se
changeront pas en celles d'une autre note. De plus, l'éternité ne peut avoir
ni passé, ni futur, mais seulement le présent ; de même que l'espace
illimité, dans le sens strict du mot, ne peut avoir d'endroits rapprochés ou
éloignés. Nos conceptions limitées au champ étroit de notre expérience
cherchent à déterminer, sinon une fin, du moins un commencement au
temps et à l'espace ; mais rien de tout cela n'existe en réalité ; car s'il en
était autrement, le temps ne serait pas éternel ni l'espace illimité. Le passé
n'existe pas plus que l'avenir, ainsi que nous l'avons dit ; ce qui survit, c'est
notre [258] mémoire : et nos souvenirs ne sont que les aperçus que nous
saisissons de ce passé dans les courants de la lumière astrale, de même que
le psychomètre les saisit dans les émanations astrales de l'objet qu'il tient.
313
Religion of Geology.
perçants que les nôtres sont nécessaires pour voir ces tableaux sur sa toile
cosmique supposée et soutiendront qu'il aurait dû borner ses restrictions
aux sens externes du corps. L'esprit humain, faisant partie de l'Esprit
immortel Divin, n'apprécie ni passé, ni avenir, mais voit toutes choses
comme dans le présent. Les daguerréotypes dont il est parlé ci-dessus sont
imprimés sur la lumière astrale où, nous l'avons déjà dit – et d'accord avec
les enseignements hermétiques dont la première partie est déjà acceptée et
démontrée par la science – est enregistré tout ce qui a été, ce qui est et ce
qui sera.
314
Principes of Science, vol. II, p. 455.
315
Principes of Science, vol. II, p. 455.
Draper démontre le fait très poétiquement. "Une ombre", dit-il, "ne tombe
jamais sur un mur sans y laisser une trace permanente, trace qu'on pourrait
rendre visible en recourant à des procédés convenables. Les portraits de
nos amis ou les paysages restent invisibles sur la plaque sensible, mais ils
y apparaissent aussitôt qu'on la met dans un révélateur. Un spectre est
invisible sur une surface métallique ou polie jusqu'à ce que notre
nécromancie le fasse venir dans le monde visible. Sur les murs de nos
appartements les plus privés, là où nous croyons que tout regard indiscret
est exclu et que notre retraite ne peut être profanée, existe le vestige de
toutes nos actions, des silhouettes de tout ce que nous avons fait". 316
316
J -W. Draper. Conflict between Religion and Science, p. 132-133.
317
Unseen Universe, p. 159.
loin. Plusieurs hommes de science ont plus ou moins médité sur cette
essence protéenne et, incapables de la mesurer avec leurs photomètres, ils
l'ont dénommée "un intermédiaire hypothétique d'une grande élasticité et
d'une extrême ténuité qui est supposé remplir tout l'espace, sans en
excepter l'intérieur des corps solides" et "être le moyen de transmission de
la lumière et de la chaleur" (Dictionnaire). D'autres, que nous nommerons
les "feux follets" de la science – ses pseudo-rejetons – l'ont examinée
également et ils ont même pris la peine, nous disent-ils, de la regarder avec
de "puissants microscopes". Mais n'y apercevant ni esprit ni fantôme, et
n'ayant non plus rien découvert dans ses vagues traîtresses qui eût un
caractère plus scientifique, ils lui ont tourné le dos en traitant tous ceux qui
croient à l'immortalité, en général, et les spirites, en particulier, de "fous
insensés", de "visionnaires lunatiques" 318, sur un ton plaintif parfaitement
adapté à leur piteux échec.
318
F -R. Marvin. Lecture on Mediomania.
319
Unseen Universe, p. 84 et suivantes.
320
Unseen Universe, p. 89.
que, "si cet univers visible est tout ce qui existe, dans ce cas, sa première
brusque manifestation est aussi bien une solution de continuité que sa
destruction finale". (Art. 85) Par conséquent, comme cette rupture est en
conflit avec la loi admise de la continuité, les auteurs arrivent à la
conclusion suivante :
"N'est-il pas naturel d'imaginer qu'un univers de cette
nature, que nous avons toute raison de croire exister et
qui est uni par des liens d'énergie avec l'univers visible,
est aussi capable d'en recevoir de l'énergie ?… Ne
pouvons-nous considérer l'Ether ou le médium, comme
n'étant pas simplement un pont 321 entre un ordre de
choses et un autre, mais plutôt comme formant une
espèce de ciment, grâce auquel les divers ordres de
l'univers sont liés entre eux et ne font plus qu'un seul ?
En somme, ce que nous nommons Ether peut n'être point
un simple milieu, mais un milieu avec, en plus, l'invisible
ordre de choses, de sorte que, lorsque les mouvements de
l'univers visible sont transmis dans l'Ether, une partie en
est portée comme sur un pont dans l'univers invisible où
l'on s'en sert et où on les met en réserve. Mais quoi ! Est-
il même nécessaire de retenir cette figure d'un pont ?
Pourquoi ne pas dire tout de suite que lorsque l'énergie
est transférée de la matière dans l'Ether elle l'est du
visible à l'invisible ; Et que lorsqu'elle passe de l'Ether
dans la matière c'est de l'invisible qu'elle entre dans le
visible ?" (Unseen Universe, art. 198)
321
Que dites-vous de cela ! Des savants éminents du XIXème siècle confirment la sagesse de la fable
scandinave citée dans le chapitre précédent. Il y a plusieurs milliers d'années l'idée d'un pont entre
les univers visible et invisible a été exprimée allégoriquement par les "païens" ignorants dans "le
chant de Völuspa des Eddas" et la "vision de Vala, la prophétesse". Qu'est-ce en effet que le pont de
Bifrost, le radieux arc-en-ciel qui conduit les dieux à leur rendez-vous près de la fontaine Urdar,
sinon la même idée que celle offerte à l'examen du penseur par les auteurs de Unseen Universe ?
Déjà, en 1856, un homme considéré alors comme un savant, le Dr
Jobard de Paris, avait certainement les mêmes idées que les auteurs de
Unseen Universe au sujet de l'éther, lorsqu'il étonna la Presse et le monde
scientifique par la déclaration suivante : "J'ai fait une découverte qui
m'effraye : Il y a deux sortes d'électricités ; l'une brutale et aveugle, est
produite par les métaux et les acides ;" (La purgation grossière). "l'autre est
intelligente et CLAIRVOYANTE !… L'électricité s'est dédoublée dans les
mains de Galvani, Nobili et Matteuci. La force brutale du courant a suivi
Jacobi, Bonelli et Moncal, tandis que la force intelligente s'est rangée du
côté de Bois-Robert, Thilorier et du chevalier Duplanty. La boule
électrique ou électricité globulaire contient une pensée qui n'obéit point à
Newton ni à Mariotte, et ne suit que ses propres impulsions. Nous avons,
dans les Annales de l'Académie, des milliers de preuves de
L'INTELLIGENCE de l'étincelle électrique. Mais je m'aperçois que je
deviens indiscret. Un pas de plus et j'allais vous dévoiler la clé qui nous
permettra de contempler l'esprit universel." 322
322
L'Ami des sciences, mars 2, 1856, p. 67.
Combien timides paraîtraient à certains Cabalistes ces vains efforts
pour résoudre le GRAND MYSTÈRE de l'éther universel ; Quoique bien
en avance sur tout ce que les philosophes contemporains ont proposé, les
théories mises en avant par les intelligents [263] observateurs de l'Unseen
Universe étaient déjà une science familière pour les maîtres de la
philosophie hermétique. Pour eux l'éther n'était pas un simple pont reliant
les côtés visibles de l'univers, mais en traversant son arche, leur pied hardi
suivait la route qui conduit aux portes mystérieuses, que nos penseurs
modernes ne veulent ou ne peuvent pas ouvrir.
Aussi, quand Van Helmont nous dit que "bien qu'il soit possible de
convertir artificiellement en eau une portion homogène de la terre
élémentaire – tout en niant que la nature seule puisse le faire car nul agent
naturel n'a le pouvoir de transformer un élément en un autre" ; Lorsqu'il
donne pour raison que les éléments restent toujours les mêmes, nous
devons croire qu'il est, sinon un ignorant, tout au moins un disciple attardé
de la "philosophie surannée de l'ancienne Grèce". Ayant vécu et étant
morts dans la bienheureuse ignorance simples futurs, qu'auraient bien pu
faire des soixante-trois corps lui ou son maître Paracelse ? Rien,
naturellement, que des spéculations métaphysiques folles, présentées dans
l'inintelligible jargon commun à tous les alchimistes de l'antiquité et du
moyen âge. Néanmoins, en comparant les notes, nous trouvons ce qui suit
dans le plus récent ouvrage sur la chimie moderne : "L'étude de la chimie a
révélé une classe extraordinaire de substances, d'aucune desquelles on n'a
pu extraire par un procédé chimique quelconque une deuxième substance
pesant moins qu'elle. Il n'est point de processus chimique par lequel nous
puisions tirer du fer, une substance pesant moins que le métal qui a servi à
la produire. En un mot, du fer nous ne pouvons extraire que du fer 324." Il
apparaît en outre, suivant le professeur Cooke, qu' "il y a soixante-quinze
ans, on ne savait pas qu'il y eût une différence" entre les substances
élémentaires et les substances composées, car dans l'antiquité les
alchimistes n'avaient jamais conçu que "le poids est la mesure de la
323
Cooke. New Chemistry, p, 113.
324
Cooke. New Chemistry, p. 110-111.
matière, et que, mesuré de la sorte, aucune matière ne se perd, mais au
contraire, ils croyaient que dans des expériences 325 de ce genre, les
substances employées subissaient une transformation mystérieuse... En un
mot "on a gaspillé des siècles en vaines tentatives, pour transformer en or
les métaux plus vils".
Plus loin, nous constatons que Van Helmont, l'ancien, affirme que ce
sel dissout les corps les plus réfractaires, en substances ayant les mêmes
vertus séminales, "d'un même poids que la matière dissoute" ; et il ajoute :
"Ce sel, lorsqu'il a été distillé plusieurs fois (ce que Paracelse indique par
l'expression : sal circulatum), perd toute sa fixité, et finit à la longue par
devenir une eau insipide, égale en quantité au sel duquel elle a été
formée." 326
325
Ibid., p. 106.
326
De Secretis Adeptorum. Werdenfelt ; Philalète ; Van Helmont ; Paracelse.
L'objection que pourrait faire le professeur Cooke, aux expressions
hermétiques, en faveur de la science moderne, pourraient également
s'appliquer aux écritures hiératiques égyptiennes, à savoir qu'elles
masquent ce qu'elles veulent cacher. S'il voulait profiter des travaux du
passé, il devrait s'adresser à un cryptographe, et non à un satirique.
Paracelse, comme tous les autres, a épuisé son génie à des transpositions
de lettres et à des abréviations de mots et de phrases. Par exemple lorsqu'il
écrit sutratur il veut dire tartre et par mutrin il veut dire nitrum, et ainsi de
suite. Les prétendues explications de la signification de l'alkahest sont sans
fin. Quelques-uns s'imaginaient que c'était un sel alcalin de tartre ; d'autres
qu'il désignait l'Algeist, mot allemand, qui veut dire tout esprit ou
spiritueux. Paracelse appelait habituellement sel "le centre de l'eau, dans
laquelle les métaux doivent périr". Cela a suscité les plus absurdes
suppositions et quelques personnes, comme Glauber, ont pensé que
l'alkahest était l'esprit du sel. C'est être bien téméraire que d'affirmer que
Paracelse et ses collègues ignoraient la nature des corps élémentaires et
des corps composés ; [266] ils n'étaient peut-être pas désignés les mêmes
noms qui sont de mode aujourd'hui, mais qu'ils les ont connus c'est un fait
démontré par les résultats obtenus. Qu'importe le nom sous lequel
Paracelse a désigné le gaz qui se dégage lorsque le fer est dissous dans
l'acide sulfurique, puisqu'il est reconnu, même par nos princes de la
science, comme l'inventeur de l'hydrogène ? 327 Son mérite est le même ; et
quoique Van Helmont ait dissimulé sous le nom de "vertus séminales", sa
connaissance du fait que des substances élémentaires ont leurs propriétés
originales, que leur combinaison avec d'autres ne modifie que
temporairement – et ne détruit jamais – il n'en est pas moins le plus grand
chimiste de son temps, pouvant marcher de pair avec les savants
modernes. Il affirmait que l'aurum potabile pouvait être obtenu avec
l'alkahest, en convertissant la substance entière de l'or en sel, qui conserve
ses vertus séminales et est soluble dans l'eau. Lorsque les chimistes
apprendront ce qu'il entendait par aurum potabile, alkahest, sel et vertus
séminales – ce qu'il entendait réellement, et non point ce qu'il prétendait
vouloir dire ; ni ce que l'on a pensé qu'il entendait – alors, mais alors
seulement, ils pourront avec sécurité, prendre ces airs dédaigneux qu'ils
ont pour les philosophes du feu, et les anciens maîtres, dont ils écoutaient
respectueusement les enseignements mystiques. Une chose est claire, en
tout cas. Dans sa forme simplement exotérique, le langage de Van
327
Chemistry, par Youmans, p. 169 ; et Inorganic Chemistry, de W.-B. Kemshead, F.R.A.S.
Helmont montre qu'il comprend la solubilité des substances métalliques
dans l'eau, dont Sterry Hunt fait la base de sa théorie, des dépôts
métallifères. Quels termes inventeraient nos savants contemporains pour
dissimuler, tout en la révélant à moitié, leur audacieuse proposition, que le
"seul Dieu de l'humanité est la matière périssable de son cerveau", si dans
les caves de la Cour d'appel ou de la cathédrale, il y avait une chambre de
torture, où le premier juge ou cardinal venu pourrait les envoyer à son gré.
Le professeur Sterry Hunt dit, dans une de ses conférences 328 : "Les
alchimistes cherchaient en vain un dissolvant universel ; mais nous savons
aujourd'hui que l'eau aidée en certains cas, par la chaleur, la pression, ou
l'addition de certaines substances largement répandues, telles que l'acide
carbonique, les carbonates et les sulfures alcalins, dissout les corps les plus
insolubles ; de sorte qu'elle, pourrait, après tout, être considérée comme
l'alkahest, ou le dissolvant universel tant cherché".
328
Origin of Metalliferous Deposits.
choses ; et que de là proviennent les règnes animal,
végétal et minéral 329."
329
John Bumpus. Alchemy and the Alkahest, 85, J.S.F., édition de 1820.
330
Voir les ouvrages de Boyle.
pouvons nous fier à eux, au sujet des choses physiques, nous devons aussi
le faire pour les choses spirituelles ; car suivant le professeur Huxley la
nature humaine était la même dans les temps anciens qu'elle l'est de nos
jours. Les hommes d'intellect et de conscience d'alors ne mentaient pas
pour le plaisir de tromper ou de mystifier la postérité.
La probabilité que de tels hommes aient dénaturé les faits étant ainsi
nettement écartés par un homme de science, nous ne voyons pas la
nécessité de discuter ce point quant à Van Helmont et son illustre, mais
malheureux maître, le tant décrié Paracelse. Deleuze tout en signalant dans
les œuvres de Van Helmont beaucoup d'idées mythiques et illusoires –
peut-être uniquement parce qu'il ne les comprenait pas – lui reconnaît
néanmoins une vaste science, un "jugement pénétrant", et il dit en même
temps qu'il a donné au monde de "grandes vérités". "Il fut le premier,
ajoute-t-il, à donner le nom de gaz aux fluides éthérés. Sans lui, il est
probable que l'acier n'eut pas donné une nouvelle impulsion à la
science. 331" Quelle doctrine des probabilités faut-il appliquer pour nous
rendre compte que des expérimentateurs capables de résoudre et de
recombiner des substances chimiques, ainsi qu'on admet qu'ils ont fait,
aient ignoré la nature des corps élémentaires, leurs énergies de
combinaison, et le ou les dissolvants qui les désagrègent quand on le veut ?
331
Deleuze. De l'opinion de Van Helmont sur la cause, la nature et les effets du magnétisme.
Anim., vol. I, p. 45 et vol. II, p. 198.
"Les faits sont têtus", remarque M. A.-R. Wallace, dans sa préface de
Miracles and Modern Spiritualism. 332 C'est pour cela que, comme les faits
doivent être nos plus puissants alliés, nous apporterons tous ceux que les
"miracles" de l'antiquité et des temps modernes nous fourniront. Les
auteurs de Unseen Universe ont démontré scientifiquement la possibilité de
certains prétendus phénomènes psychologiques, au moyen de l'éther
universel. Wallace a prouvé que le catalogue entier des allégations
contraires, y compris les sophismes de Hume, sont indéfendables en face
de la stricte logique. M. Crookes a offert au monde des sceptiques ses
propres expériences qui durèrent plus de trois ans avant qu'il ne fût
convaincu par la preuve la plus indiscutable, celle de ses propres sens. On
pourrait dresser une liste de savants, qui ont témoigné dans ce sens. Et
Camille Flammarion, le réputé astronome français, auteur de beaucoup
d'ouvrages qui, aux yeux des sceptiques, le feront classer parmi les
"dupes", avec Wallace, Crookes et Hare, confirme nos paroles dans le
passage suivant :
"Je n'hésite pas à affirmer ma conviction basée sur un
examen personnel de la question, que tout savant qui
déclare impossibles les phénomènes dénommés
magnétiques, somnambuliques, médiumniques et autres
inexpliqués par la science, parle sans savoir ce dont il
parle ; tout homme habitué aux observations
scientifiques, s'il n'est pas prévenu par une opinion
préconçue, et si sa lucidité mentale n'est pas obscurcie
par une illusion contraire, malheureusement trop
commune dans le monde de la science, qui consiste à
imaginer que toutes les lois de la nature nous sont déjà
connues, et que tout ce qui dépasse les limites de nos
formules actuelles est impossible, un tel homme est en
droit d'exiger une certitude radicale et absolue de la
réalité des faits auxquels il est fait allusion."
332
A -R. Wallace. An Answer to the Arguments of Hume, Lecky, etc., against miracles.
constitue l'être individuel que nous appelons "l'homme", on est de même
en droit de conclure que la force qui est la cause des mouvements, en
dehors des limites du corps, est la même que celle qui produit le
mouvement en dedans de ces mêmes limites. Et comme la force extérieure
est souvent dirigée par l'intelligence, c'est une conclusion également
raisonnable que l'intelligence directrice de cette force extérieure est la
même que celle qui dirige la force intérieurement".
Quant au second point, nous nions que "la preuve soit insuffisante"
que la force qui produit les phénomènes est quelquefois dirigée par
d'autres intelligences que le mental du "psychique". Au contraire, il y a une
telle abondance de témoignages pour [272] montrer que l'intelligence du
médium, dans la majorité des cas, n'a rien à voir avec les phénomènes, que
nous ne pouvons laisser l'assertion de M. Cox sans la relever.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, la force psychique moderne, et les
fluides oraculaires de l'antiquité, terrestres ou sidéraux, sont identiques, en
essence – simplement une force aveugle. Tel est l'air. Et tandis que, dans
un dialogue, les ondes sonores produites par la conversation des
interlocuteurs affectent le même air, cela n'implique aucun doute sur la
présence de deux personnes qui conversent. Est-il raisonnable de dire que,
lorsqu'un agent commun est employé par un médium et un "esprit", pour
communiquer, il ne doit y avoir qu'une seule intelligence à manifester.
Comme l'air est nécessaire pour l'échange mutuel des sons, de même
333
Crookes. Researches, p. 96.
certains courants de lumière astrale, ou éther, dirigés par une Intelligence,
sont nécessaires pour la production des phénomènes dits spirites. Mettez
deux interlocuteurs dans une machine pneumatique vide d'air, et, s'ils
pouvaient y vivre, leurs paroles resteraient des pensées inarticulées, car il
n'y aurait point d'air en vibration, et, par conséquent, pas d'ondes pour
arriver à leurs oreilles. Mettez le médium le plus doué dans une
atmosphère isolante, comme celle qu'un puissant magnétiseur familiarisé
avec les propriétés de l'agent magique peut créer autour de lui, et aucune
manifestation n'aura lieu, jusqu'à ce qu'une intelligence opposée, plus
puissante que la volonté du magnétiseur, domine cette dernière, et mette
fin à l'inertie astrale.
334
De Divinatio livre I chap. 3.
vapeur humide s'exhalant de la terre. C'est cette matière astrale qui sert
d'enveloppe temporaire aux âmes qui se forment dans cette lumière.
Cornélius Agrippa exprime les mêmes idées quant à la nature de ces
fantômes en disant qu'elle est humide. "In spirito turbido
HUMIDOQUE 335".
Dans la suite de son argumentation, M. Cox dit : "Les spirites les plus
ardents admettent, en pratique, l'existence de la force psychique, sous le
nom très peu approprié de magnétisme (avec [276] lequel, elle n'a pas le
moindre rapport), car ils affirment que les esprits des morts ne sont
capables de faire ce qu'on leur attribue, qu'en utilisant le magnétisme
(c'est-à-dire la force psychique) des médiums 337.
335
De Occulta Philosoph, p. 355.
336
Platon. Timée, vol. II, p. 563.
337
Crookes. Researches, etc., p. 101.
certaine façon près de cette barre, pourquoi ne pas accepter, à titre de
théorie provisoire, qu'un médium puisse être aussi un conducteur, et rien
de plus, pendant une séance ? Est-il antiscientifique de dire que
l'intelligence de la "force psychique" qui attire des courants d'électricité
des vagues de l'éther, et employant le médium comme conducteur,
développe et fait agir le magnétisme latent, dont l'atmosphère de la
chambre de séance est saturée, pour produire les effets désirés ? Le mot
magnétisme en vaut un autre, tant que la science ne nous aura pas fourni
quelque chose de plus qu'un agent purement hypothétique, doué de
propriétés conjecturales.
338
Crookes. Researches, etc., p. 101.
339
Ibidem, p. 83.
340
En 1854, M. Foucault, éminent médecin et membre de l'Institut de France, un des adversaires de
de Gasparin, repoussant même la possibilité de pareilles manifestations, écrivait les mémorables
paroles qui suivent : "Le jour où j'arriverai à faire mouvoir un fétu de paille, par la seule et unique
action de ma volonté, ce jour-là, j'en serai terrifié". Voilà une parole significative. A peu près la
même année, M. Babinet, l'astronome, répétait à satiété dans la Revue des Deux-Mondes, la phrase
suivante : "L'élévation d'un corps en l'air, sans contact, est aussi impossible que le mouvement
perpétuel, parce que le jour où cela pourrait se faire, le monde s'écroulerait". Heureusement que
Apparitions lumineuses. M. Crookes dit : "Dans les conditions les plus
strictes, j'ai vu un solide lumineux de la grosseur, et à peu près de la forme
d'un œuf de dinde, flotter sans bruit dans la chambre, parfois à une hauteur
à laquelle aucun des assistants n'aurait pu atteindre sur la pointe des pieds,
et puis descendant doucement jusqu'à terre. Il fut visible pendant dix
minutes et avant de s'évanouir il frappa trois coups sur la table avec un
bruit que fait un corps solide et dur". 341 Peut-être l'œuf était-il de même
nature que le chat météorique de Babinet, classé dans les ouvrages d'Arago
avec d'autres phénomènes naturels) ; 8° Apparition de mains, soit
lumineuses par elles-mêmes, soit visibles à la lumière ordinaire ; 9°
"Ecriture directe" par ces mêmes mains lumineuses, détachées, et
évidemment douées d'intelligence (force psychique ?) ; 10° "Des formes et
des visages de fantômes". Dans cet exemple, la force psychique vient d'un
"coin de la salle", sous la "forme d'un fantôme", elle prend dans sa main un
accordéon, et se met alors à parcourir la pièce, comme en glissant, et en
jouant de l'instrument, Home, le médium, étant tout le temps en vue de
tous. 342 Tout ce qui précède, M. Crookes l'a vu et expérimenté dans sa
propre maison, en s'assurant scientifiquement de l'authenticité du
phénomène, et il en a fait un rapport à la Royal Society de Londres. Quel
accueil lui fit-on, pour avoir ainsi découvert des phénomènes d'un
caractère nouveau et important ? Que le lecteur consulte son livre pour
avoir la réponse.
nous ne voyons pas encore le moindre indice de ce prétendu écroulement, et pourtant des corps sont
lévités.
341
Ibidem, p. 91.
342
Ibidem, p. 86-97.
main ; je répétais les lettres de l'alphabet, et le morceau de bois touchait
ma main, lorsque j'énonçais la bonne lettre… Nous étions éloignés des
mains de M. Home". La même latte, à la demande de M. Crookes, lui
transmit un message télégraphique, à l'aide de l'alphabet Morse, de la
même façon (avec cette particularité que l'alphabet Morse était tout à fait
inconnu des assistants, et mal connu de M. Crookes lui-même), et, ajoute-
t-il, je fus convaincu qu'un excellent opérateur Morse se trouvait à l'autre
bout de la ligne, OU QU'IL FUT". 343 Serait-il impertinent de suggérer à M.
Cox de rechercher l'opérateur dans son domaine privé : "la Région
psychique ?" Mais cette même planchette fit encore plus et mieux. En
pleine lumière du salon de M. Crookes, on lui demande message… "un
crayon et quelques feuilles de papier avaient été posés au centre de la
table ; Un instant après, le crayon se dresse droit sur sa pointe, et, après
avoir avancé par saccades vers le papier, il tombe ; Il se relève et retombe
encore... Après trois tentatives infructueuses, une petite latte de bois"
(l'opérateur Morse) "qui se trouvait sur la table glisse vers le crayon et
s'élève de quelques pouces au-dessus de la table ; le crayon se relève de
nouveau, et s'appuyant sur la latte, ils font tous deux un effort pour écrire
sur le papier. Il échoue et ils font un nouvel effort conjugué. A la troisième
tentative, la latte renonce et ; le crayon reste comme il était tombé sur le
papier, et un message alphabétique nous dit : "Nous avons essayé de faire
ce que vous nous avez demandé, mais notre pouvoir est épuisé. 344" Le mot
notre indiquant les efforts intelligents de la latte et de son ami le crayon,
donne à entendre qu'il y avait là deux forces psychiques à l'œuvre.
Dans tout cela y a-t-il une preuve que l'agent dirigeant était
"l'intelligence du médium" ? N'y avait-il pas au contraire toute indication
que les mouvements de ces objets étaient guidés par des esprits "des
morts", ou tout au moins par d'autres entités [279] intelligentes invisibles ?
Certes, le mot magnétisme est aussi peu explicatif dans le cas présent que
celui de force psychique ; néanmoins le premier a plus de raison d'être que
le second, ne fût-ce que parce que le magnétisme transcendant ou
mesmérisme produit des phénomènes identiques, quant aux effets, à ceux
du spiritisme. Le phénomène du cercle enchanté du baron Du Potet et de
Regazzoni est aussi contraire aux lois admises de la physiologie, que la
lévitation d'une table, sans contact, l'est aux lois de la philosophie
343
Crookes. Researches, p. 94.
344
Ibidem, p. 94.
naturelle. De même que les hommes forts ont souvent été incapables de
soulever une petite table, ne pesant que quelques kilos, et l'ont brisée dans
leurs efforts, de même une douzaine d'expérimentateurs, parmi lesquels,
parfois, figuraient des académiciens, ont été absolument incapables de
franchir la ligne tracée à la craie sur le sol, par Du Potet. Dans un cas, un
général russe, bien connu pour son scepticisme, persista jusqu'à tomber sur
le sol, en proie à de violentes convulsions. Dans ce cas, le fluide qui
opposait une pareille résistance était-il la force psychique de M. Cox, qui
dote les tables d'un poids extraordinaire et surnaturel ? S'ils provoquent les
mêmes effets physiologiques et psychologiques, il y a de bonnes raisons de
croire qu'ils sont plus ou moins identiques. Nous ne croyons pas que notre
déduction puisse être rejetée raisonnablement. D'ailleurs, le fait, fût-il nié,
cela ne l'empêcherait pas d'exister. Il fut un temps où toutes les Académies
de la Chrétienté s'étaient mises d'accord pour nier l'existence de montagnes
dans la Lune et où, si quelqu'un avait eu la témérité d'avancer que la vie
existait dans les régions supérieures de l'atmosphère, aussi bien que dans
les profondeurs insondables de l'océan, il aurait été traité de fou ou
d'ignorant.
CHAPITRE VII
—
LES ELEMENTS, LES ELEMENTALS ET LES ELEMENTAIRES
POPE.
ADDISON.
KOTZEBUE. L'Etranger.
345
Antidote, lib. I, cap. 4.
à la tentation, attaché à ses intérêts terrestres, et par conséquent pas tout à
fait pur ; Ce n'est que lorsqu'il quitte ce vêtement des premières sphères, et
qu'il devient éthéré, qu'il est assuré de son immortalité. "Car quelle ombre
ce corps peut-il jeter, lui qui est une lumière pure et transparente, comme
l'est le véhicule éthéré ? Et c'est ainsi que s'accomplit l'oracle, lorsque
l'âme est montée dans cet état déjà décrit où seulement elle est hors des
atteintes du destin et de la mortalité". Il termine son ouvrage en déclarant
que cette condition transcendante et divinement pure était le but unique
des Pythagoriciens.
346
Letter to Glanvil, auteur du Sadducismus Triumphatus, mai 25, 1678.
347
History of Magic, vol. II, p 272.
Le philosophe, Pierre Poiret-Naudé, était le plus ardent défenseur des
doctrines du magnétisme occulte, et l'un de ses premiers propagateurs 348 en
1679. La philosophie magico-théosophique est amplement défendue dans
ses ouvrages.
348
Apologie pour tous les grands personnages faussement accusés de magie.
349
Berlin, 1817.
350
Nova Medicina Spirituum, 1675.
insensée d'une mère très sage", l'Astronomie, partage la croyance
cabalistique que les esprits des étoiles sont autant d'intelligences. Il croit
fermement que chaque planète est le siège d'un principe intelligent et
qu'elles sont habitées par des êtres spirituels, qui exercent une influence
sur les autres êtres habitant des sphères plus grossières et matérielles que
les leurs, et spécialement notre terre 351. Comme les influences spirituelles,
stellaires de Kepler ont été remplacées par les tourbillons de Descartes,
plus matérialiste, que ses tendances athées n'ont pas empêché de croire
qu'il avait trouvé un régime qui prolongerait sa vie de cinq cents ans et
plus, de même les tourbillons de ce dernier et ses théories astronomiques
pourront bien, un jour ou l'autre, faire place aux courants magnétiques
intelligents, dirigés par l'Amina Mundi.
351
Il serait vain et trop long de prendre ici la défense de la théorie de Kepler au sujet de la relation
entre les cinq solides réguliers de la géométrie et les magnitudes des orbites des cinq planètes
principales, théorie qui fut assez raillée par le professeur Draper dans son Conflict. Nombreuses
sont les théories des anciens auxquelles les découvertes modernes ont rendu justice. Quant aux
autres, il faudra attendre le moment propice.
352
Magia Naturalis, Lugduni, 1569.
353
Athanase Kischer. Magnes sive de arte magnetici, opus tripartitum, Coloniae, 1654.
terre est un gigantesque aimant. Il affirme que, quoique chaque parcelle de
matière, et même les "forces" invisibles et intangibles soient magnétiques,
elles ne constituent par elles-mêmes un aimant. Il n'y a qu'un AIMANT
dans l'Univers et de lui procède la magnétisation de tout ce qui existe. Cet
aimant, comme de juste, est ce que les Cabalistes nomment le Soleil
central Spirituel, ou Dieu. Le soleil, la lune, les planètes et les étoiles sont,
dit-il, éminemment magnétiques ; mais ils le sont devenus par induction,
en vivant dans le fluide magnétique universel – la lumière Spirituelle. Il
démontre la mystérieuse sympathie qui existe entre les corps des trois
règnes principaux de la nature, et il appuie sa démonstration d'un étonnant
catalogue d'exemples. Un grand nombre de ces derniers ont été vérifiés,
par les naturalistes, mais il y en a d'autres, bien plus nombreux, dont
l'authenticité n'a pas été reconnue ; Aussi, nos savants, fidèles à leur
politique traditionnelle et à leur logique équivoque, les nient. Il montre, par
exemple, la différence qui existe entre le magnétisme minéral et le
zoomagnétisme ou magnétisme animal. Il le démontre par le fait que, hors
le cas du minerai magnétique de fer, tous les minéraux sont magnétisés par
la puissance plus élevée du magnétisme animal, tandis que celui-ci le
possède sous la forme d'émanation directe de la cause première, le
Créateur. On peut aimanter une aiguille en la faisant simplement tenir par
un homme doué d'une volonté puissante, et l'ambre développe sa propriété
magnétique, plus par le frottement de la main de l'homme que par celui de
tout autre objet ; ce qui prouve que l'homme peut communiquer sa propre
vie, et, jusqu'à un certain point, animer les objets inorganiques. Cette
faculté, "aux yeux des insensés est de la sorcellerie". "Le Soleil est le plus
magnétique de tous les corps", dit-il, devançant ainsi de plus de deux
siècles, la théorie moderne du général Pleasonton. "Les anciens
philosophes n'ont jamais contesté ce fait", ajoute-t-il, "mais ils ont de tout
temps compris que les émanations du soleil reliaient toutes choses à lui, et
qu'il exerce cette puissance de lien sur tout ce qui se trouve directement
placé sous ses rayons."
354
Lib. III, p. 643.
lorsque le brouillard le rend invisible. L'acacia ouvre ses pétales à son
lever, et les ferme à son coucher. De même, le lotus égyptien et le
tournesol commun. La belladone témoigne la même prédilection pour la
lune.
C'est tout particulièrement dans les pays qui ne jouissent pas des
bienfaits de la civilisation, que nous devons chercher des explications de la
nature, et observer les effets de cette subtile puissance, que les anciens
philosophes nommaient "l'âme du monde". C'est uniquement dans l'Orient,
et dans les immenses déserts inexplorés d'Afrique, que l'étudiant de la
psychologie trouve une nourriture abondante pour son âme affamée de
vérité. La raison en est manifeste. L'atmosphère des centres populeux est
physiquement viciée par la fumée et les émanations des usines, des
machines à vapeur, des chemins de fer, et des bateaux à vapeur ; et
spécialement par les mauvaises émanations des vivants et des morts. La
nature est aussi bien soumise que l'être humain, à certaines conditions pour
pouvoir agir, et sa puissante respiration, pour ainsi dire, est aussi
facilement gênée, arrêtée et empêchée, et la corrélation de ses forces
détruite sur un point donné, que si elle était un homme. Non seulement le
climat, mais aussi les influences occultes subies journellement modifient la
nature physio-psychologique [287] de l'homme et même altèrent la
constitution de la matière prétendue inorganique, à un degré que la science
européenne est incapable de concevoir. C'est ainsi, que le London Medical
and Surgical Journal engage les chirurgiens à ne pas emporter de lancettes
à Calcutta, parce que l'expérience a démontré que l'acier anglais ne peut
355
Notes d'une nouvelle Relation Historique du Royaume de Siam, par de La Loubère ambassadeur
de France au Siam dans les années 1687-1688. Edition de 1692.
supporter l'atmosphère de l'Inde ; de même qu'un trousseau de clés
anglaises ou américaines se couvre de rouille, vingt-quatre heures après
avoir été apporté en Egypte ; tandis que des objets en acier du pays y
restent inoxydés.
356
Batiste d'an Helmont. Opera omnia, 1682, p. 720 et autres.
357
De la Loubère. Notes, etc. (voir ante), p. 115.
âme" 358 ! Mais ce qui est tout à fait erroné" ajoute l'ambassadeur "dans
cette absurde opinion c'est que les Orientaux attribuent à l'âme la forme
humaine plutôt que toute autre". Sans faire connaître aux lecteurs la forme
particulière que ces enténébrés Orientaux devraient adopter pour leurs
âmes désincarnées, de la Loubère continue à exhaler sa bile contre ces
"sauvages". Il attaque finalement la mémoire du vieux roi de Siam, le père
de celui à la cour duquel il avait été envoyé, en l'accusant d'avoir follement
dépensé plus de deux millions de livres à la recherche de la pierre
philosophale. "Les Chinois, dit-il, réputés si sages, ont eu pendant trois ou
quatre mille ans la folie de croire à l'existence d'un remède universel et de
rechercher ce remède au moyen duquel ils espèrent s'affranchir de la
nécessité de mourir. Ils se basent sur une tradition insensée, concernant
quelques rares personnes qu'on dit avoir fabriqué de l'or, et avoir vécu
pendant plusieurs siècles ; il y a quelques exemples enracinés chez les
Chinois, les Siamois et autres Orientaux, relativement à ceux qui se
seraient rendus immortels, soit d'une façon absolue, [291] soit de manière
à ne mourir que de mort violente 359. Par conséquent ils donnent les noms
de quelques individus qui se sont soustraits à la vue des hommes, pour
jouir d'une vie libre et paisible. Ils racontent des merveilles, au sujet des
connaissances de ces prétendus immortels."
Dès les temps les plus reculés, les philosophes ont affirmé la
singulière puissance de la musique, sur certaines maladies, spécialement
sur celles de nature nerveuse. Kircher la recommande en ayant
expérimenté les bons effets sur lui-même, et il donne une description
détaillée de l'instrument dont il se servait. C'était un harmonica composé
de cinq verres minces, placés en rang. Deux d'entre eux contenaient deux
358
Ibidem, p. 120.
359
Ibidem, p. 63.
sortes de vin ; le troisième de l'eau-de-vie ; le quatrième de l'huile et le
cinquième de l'eau. Il en tirait cinq sons mélodieux de la façon ordinaire,
en frottant simplement ses doigts sur les bords des gobelets. Le son a une
propriété d'attraction ; il chasse le mal qui accourt se mêler aux ondes
sonores, et tous les deux réunis disparaissent dans l'espace. Asclepiades
employait la musique dans le même but, il y a environ vingt siècles ; il
sonnait une trompette pour guérir la sciatique, et ses sons prolongés faisant
palpiter les fibres des nerfs, la souffrance cédait invariablement. Démocrite
affirmait, de la même manière, que bien des maladies pouvaient être
guéries par les sons harmonieux d'une flûte. Mesmer faisait usage du
même harmonica que Kircher pour ses cures magnétiques. Le célèbre
Ecossais Maxwell offrait de prouver aux diverses facultés de médecine
qu'au moyen de certains procédés magnétiques à sa disposition il guérirait
n'importe quelle maladie qu'elles auraient déclarée incurable telle que
l'épilepsie, l'impuissance, l'aliénation mentale, la claudication, l'hydropisie
et les fièvres les plus rebelles 360.
360
Voir ses Conf., XIII, 1. c. in præfatione.
361
I Samuel, XVI, 14-23.
Cet esprit est le lien commun de toutes les parties de la
terre ; il vit en toutes et par toutes. Adest in mundo quid
commune omnibus mextis, in quo ipsa permanent.
Celui qui connaît cet esprit de vie universel et ses
applications évitera tous les maux 362.
Si tu sais utiliser cet esprit et le fixer sur un corps
particulier, tu accompliras les mystères de la magie.
Celui qui sait agir sur les hommes, au moyen de cet
esprit universel, peut guérir tous les maux, et cela à
n'importe quelle distance. 363
Celui qui parviendrait à fortifier l'esprit particulier par
l'esprit universel, pourrait continuer à vivre jusqu'à
l'éternité. 364
II y a un mélange des esprits ou des émanations, même
lorsqu'ils sont séparés et loin les uns des autres. Et quel
est ce mélange ? C'est un épanchement éternel et
incessant des rayons d'un corps dans un autre.
En attendant", ajoute Maxwell, "il n'est pas sans danger
de parler de ces choses. Cela peut donner lieu à de
nombreux et abominables abus."
362
Aphorisme, 22.
363
Ibidem, p. 69.
364
Ibidem, p. 70.
impressionnante, n'importe quoi fera l'affaire. C'est affaire de
tempérament, d'imagination, d'autosuggestion. Dans des milliers de cas,
les guérisons portées au crédit du docteur, du prêtre ou de la relique, sont
simplement le résultat de la volonté inconsciente du malade. La femme
affligée d'une perte de sang, qui se glissait dans la foule, pour toucher la
robe de Jésus, fut assurée que sa "foi" l'avait guérie.
Dans tous ces exemples, la cure est radicale et réelle, sans fâcheux
effets secondaires. Mais lorsqu'on est soi-même malade, et qu'on essaye de
guérir les autres, non seulement on n'y réussit pas, mais encore il peut
arriver que l'on communique au patient son propre mal, et qu'on lui enlève
le peu de forces qu'il peut avoir. Le roi David, parvenu à la décrépitude,
renforçait sa vigueur défaillante par le magnétisme vigoureux de la jeune
Abischag 366 ; et les ouvrages de médecine nous parlent d'une dame âgée,
de Bath en Angleterre, qui ruina successivement la constitution robuste de
deux servantes, de la même façon. Les anciens sages, et Paracelse
également, enlevaient le mal en appliquant un organisme sain sur la partie
365
Philosophie des Sciences Occultes.
366
1 Rois, I, 1-4, 15.
malade, et dans les ouvrages de ce philosophe du feu, leur théorie est
nettement et catégoriquement exposée. Si une personne malade – médium
ou non – tente de guérir, sa force peut être assez intense pour déplacer le
mal, pour le chasser [294] de son siège actuel, et le transférer ailleurs, où il
ne tardera pas à se montrer ; en attendant le malade se croit guéri.
367
Josèphe. Antiquités, VIII, 2.
existence privée. Tout dernièrement, l'un d'eux disait à une dame médium,
en signant Swedenborg : Tout ce qui a été, est, sera ou pourra être, tout
cela JE LE SUIS. La vie particulière d'un être n'est pas autre chose que les
fantômes agrégés d'atomes pensants, s'élevant dans leur course jusqu'au
cœur central de la mort éternelle." 368 et 369
368
"Les Diakkas et leurs victimes terrestres ; une explication du faux et du repoussant dans le
spiritisme", New-York, 1873, p. 10-11.
369
Voir le chapitre sur les esprits humains devenant habitants de la huitième sphère, et dont la fin
est généralement l'annihilation de l'individualité personnelle.
370
Porphyre. Au sujet des bons et des mauvais démons ?
371
De mysteriis Egyptorum, lib. III, c. 5.
Chaque chose, en ce monde, en son temps, et la vérité, quoique fondée
sur des preuves irréfutables, ne prendra pas racine, ni ne poussera, si, de
même que la plante, elle n'est pas semée à l'heure convenable. "Le siècle
doit être préparé", dit le professeur Cooke ; et il y a une trentaine d'années,
cet humble ouvrage lui-même aurait été voué à la destruction à cause de
son contenu. Mais le phénomène moderne, malgré les scandales
quotidiens, le ridicule dont l'accablent tous les matérialistes, et ses
nombreuses erreurs, grandit et s'enrichit de faits, sinon de sagesse et
d'esprit. Ce qui, il y a vingt ans, aurait paru tout simplement absurde, est
écouté aujourd'hui que les phénomènes sont défendus par d'illustres
savants. Malheureusement, si les manifestations augmentent chaque jour
de puissance, il n'y a pas d'amélioration correspondante dans le domaine
de la philosophie. Le discernement des esprits laisse autant à désirer que
jamais.
Parmi tous les auteurs spirites d'aujourd'hui, il n'en est peut-être pas un
qui soit tenu en plus haute estime, pour le caractère, l'éducation, la
sincérité et le talent, que Epes Sargent, de [297] Boston (Massachusetts).
Sa monographie intitulée La preuve palpable de l'Immortalité, occupe, à
juste titre, un haut rang parmi les ouvrages publiés sur cette question.
Quoique tout à fait disposé à être charitable et indulgent envers les
médiums et leurs phénomènes, M. Sargent se voit forcé de leur tenir ce
langage : "Le pouvoir des esprits de reproduire les formes des personnes
qui ont quitté la vie terrestre, suggère cette question ; jusqu'à quel point
pouvons-nous être assuré de l'identité d'un esprit quelconque, quelles que
soient les preuves données ? Nous ne sommes pas encore arrivés à ce
degré de connaissance qui nous permette de répondre avec confiance à
cette question… Le langage et les actes de cette sorte d'esprits matérialisés
est encore une énigme pour nous." Quant à la portée intellectuelle de la
plupart des esprits qui se cachent derrière les phénomènes physiques, M.
Sargent est, sans aucun doute, considéré comme un juge très compétent et
voici ce qu'il dit : "la grande majorité de ces esprits, de même que dans ce
monde, sont d'une nature inintelligente". Nous serait-il permis de
demander, si la question n'est pas indiscrète, pourquoi ils manquent ainsi
d'intelligence, si ce sont des esprits humains ? Ou bien les esprits humains
intelligents ne peuvent pas se matérialiser, ou alors les esprits qui se
matérialisent n'ont pas d'intelligence humaine et par conséquent, suivant
l'assertion même de M. Sargent, ils peuvent tout aussi bien être des esprits
"élémentaires" qui ont entièrement cessé d'être humains ; ou ce sont les
démons qui, suivant les Mages de la Perse et Platon, tiennent un rang
intermédiaire entre les dieux et les hommes désincarnés.
372
Epes Sargent. Proof Palpable of Immortality p. 45.
profondes et d'une grande élévation. L'histoire psychologie abonde en
exemples à l'appui de cette thèse, et, dans le nombre, on remarque ceux de
Jacob Boehme, le cordonnier ignorant mais inspiré, et de notre Davis. En
fait d'inintelligence, point n'est besoin de chercher d'exemples plus
frappants que ceux des enfants prophètes des Cévennes, poètes et voyants,
comme ceux que nous avons cités dans les chapitres précédents. Lorsque
des esprits se sont emparés d'organes vocaux, qui leur permettent de parler,
il ne devait certainement pas leur être plus difficile de s'exprimer d'une
façon conforme à leur éducation, à leur intelligence, et à leur rang social,
que de tomber invariablement dans ce monotone niveau de lieux communs
et, trop souvent même, de platitudes. Quant à l'espoir exprimé par M.
Sargent, que "la Science du Spiritisme étant encore dans l'enfance, nous
pouvons espérer voir un jour plus de lumière sur elle", nous craignons bien
d'être dans le vrai, en répondant que ce n'est pas des "cabinets noirs", que
cette lumière jaillira jamais. 373
373
Voir saint Mathieu, XXIV, 26.
récit des expériences personnelles de Jacolliot fakirs de l'Inde, et les
explications psychologiques du professeur Perty de Genève ? Dans quelle
mesure, le cri poussé par le genre humain, réclamant des preuves palpables
et démontrées d'un Dieu, de l'âme individuelle et de l'éternité, les a-t-il
émus, et quelle a été leur réponse ? Ils renversent et détruisent tout vestige
des choses spirituelles, mais, ne savent rien édifier. "Nos creusets et les
cornues de nos laboratoires ne nous donnent aucun de ces résultats",
disent-ils "par conséquent, tout cela n'est qu'illusion". Dans ce siècle de
froide raison et de préjugés, l'Eglise elle-même est tenue de demander
l'aide de la Science. Des croyances bâties sur le sable, des dogmes
orgueilleux, mais sans racines, croulent sous le souffle glacial de l'examen,
entraînant dans leur chute la véritable religion. Mais le besoin de quelque
signe extérieur, d'un Dieu et d'une vie future, reste aussi tenace que jamais,
dans le cœur de l'homme. Tous les sophismes de la science sont vains ; elle
ne fera jamais taire la voix de la nature. Seulement ses représentants ont
empoisonné les eaux limpides de la foi candide, et aujourd'hui l'humanité
se mire dans les eaux troublées par la vase remuée au fond de cette source,
jadis pure. Le Dieu anthropomorphe de nos pères est remplacé par des
monstres anthropomorphes ; et, ce qui est pire encore, par le reflet de
l'humanité elle-même dans ces eaux dont les vagues lui renvoient des
images déformées de la vérité et des faits que fait surgir l'imagination
égarée. Ce n'est point de miracle dont nous avons besoin", dit le révérent
Brooke Herfort, mais bien des preuves palpables du spirituel et du divin.
Ce n'est point aux prophètes que l'homme demande des "signes", mais
plutôt aux savants. Les hommes sentent qu'en tâtonnant au bord, ou dans
les retraites les plus [300] cachées de la création le chercheur doit à la fin
atteindre les faits profonds sous-jacents à toutes choses, et quelques signes
non équivoques de Dieu." Les signes sont là, et les savants aussi ; que
pouvons-nous attendre encore de ces derniers, maintenant qu'ils ont si bien
fait leur devoir ? Ces Titans de la pensée n'ont-ils pas fait tomber Dieu
hors de Son sanctuaire Mystérieux, pour nous donner à sa place un
protoplasme ?
374
Voir Miracles and Modem Spiritualism de Wallace et History of the supernatural de Howit vol.
II.
375
Voir la conférence de Wallace faite devant la Société de Dialectique en 1871 : Réponse à Hume,
etc.
ironie a été pour les savants un sujet de confusion en 1865, quand suivant
Wallace, "tous les rapports précédents, depuis quarante ans, furent
complètement confirmés, et où l'ont acquit la certitude que tout ce qui
avait été dit était encore moins surprenant que la réalité". Qui donc serait
désormais assez crédule pour admettre un seul instant l'infaillibilité de
notre science moderne
Ainsi, les faits ont été discrédités les uns après les autres. De tous
côtés on ne cesse de se plaindre. "On ne sait que peu de chose en
psychologie !" soupire un F.R.S. 376 "Nous devons confesser que nous
savons bien peu de chose, peut-être rien en physiologie", dit un autre ; et
un troisième remarque que, "de toutes les sciences, il n'y en a pas une qui
soit assise sur une base aussi incertaine que la médecine". "Que savons-
nous, dit un quatrième, sur les fluides nerveux supposés… ? Rien encore" ;
et ainsi de suite pour toutes les sciences sans exception. Et, en attendant,
des phénomènes surpassant en intérêt tous les autres phénomènes naturels,
et qui ne peuvent être expliqués qu'à l'aide de la physiologie, de la
psychologie, et des fluides "encore inconnus" sont rejetés comme des
illusions, ou même s'ils sont réels, ils "n'intéressent pas" les savants. Ou
bien et c'est bien pire : Si un sujet dont l'organisme présente les
particularités les plus essentielles des pouvoirs occultes, bien que naturels,
s'offre spontanément pour être étudié, au lieu d'expérimenter sur lui d'une
façon loyale et honnête, les savants (?) lui tendent un piège et on le
récompense par une peine de trois mois de prison. Cela promet en vérité.
376
Fellow Royal Society, membre de la Société Royale. (N.d.T.).
377
Φιλοζογος, Seconde édition de Bailey.
philosophes de l'antiquité et du moyen âge. L'enterrement d'un fakir
vivant, et sa résurrection après trente jours d'inhumation pourra leur
paraître suspecte. Il en sera de même des blessures mortelles que s'infligent
certains lamas, qui présentent leurs entrailles aux assistants et guérissent,
presque instantanément, ces horribles blessures.
Pour ceux qui nient jusqu'au premier témoignage de leurs propres sens
au sujet de phénomènes qui ont lieu dans leur pays même, et devant de
nombreux témoins, les récits répandus dans les livres classiques et les
récits de voyages, doivent naturellement paraître absurdes. Mais ce que
nous ne parvenons pas à comprendre, c'est l'entêtement collectif des
Académies, en présence des amères leçons du passé infligées à ces
institutions qui ont si souvent "obscurci les choses par des discours sans
intelligence". Comme le Seigneur répondant à Job "dans le tourbillon", la
magie peut dire à la science moderne : "Où étais-tu quand j'ai posé les
fondations de la terre ? Dis-le si tu as de l'entendement." Et qui es-tu pour
oser dire à la Nature : "Tu n'iras pas au-delà ; ici s'arrêtera l'orgueil de tes
flots ?"
378
Psaume CV, 23. Le Pays de Cham ou chem, en Grec Ζδµι d'où viennent les termes alchimie et
chimie.
379
Œdipi Ægyptiaci theatrum Hieroglyphicum, p. 544.
380
Lib. De defecta Oraculorum.
Olybius Maximus de Padoue est de beaucoup la plus extraordinaire. Elle
fut trouvée dans les environs d'Atteste, et Scardonius 381 en donne une
brillante description. "Une grande urne de terre cuite en contenait une autre
de dimension plus petite, et dans celle-ci une lampe allumée brûlait sans
discontinuer depuis [305] 1.500 ans, au moyen d'une liqueur des plus
pures, contenue dans deux flacons, l'un en or, et l'autre en argent. Ces
flacons étaient confiés à la garde de Franciscus Maturantius, qui les
estimait un prix énorme."
381
Lib. 1, class. 3, Cap ult.
inhumé depuis plus de quinze cents ans, et l'on supposa que ce devait être
celui de Tulliola ou Tullia, fille de Cicéron. 382
382
Tous les détails de cette histoire se trouvent dans l'ouvrage d'Erasmus Franciscus qui cite
Pflaumerus, Pancirollus et beaucoup d'autres.
Licetus conteste de même que ces lampes aient été faites de métal,
mais à la page 44 de son ouvrage, il fait mention d'une préparation de
mercure filtré sept fois par le feu à travers du sable blanc, avec laquelle,
dit-il, on pouvait fabriquer des lampes qui brûleraient toujours.
Maturantius et Citesius croient fermement, tous deux, que ce résultat peut
être obtenu par un procédé purement chimique. Cette liqueur de mercure
était connue des alchimistes sous les noms de Aqua mercuriales, Materia
metallorum, Perpetua Dispositio, et Materia prima Artis, et aussi d'Oleum
Vitre. Tritenheim et Bartolomo Korndof ont fait tous deux des préparations
pour le feu inextinguible, et ils en ont laissé la recette. 383 [307]
383
"Sulphur. Alum ust. a 3 iv. ; sublimez-les en fleur à 3 ij auxquels ajoutez 3 j de borax de Venise
cristallin (en poudre) ; versez là-dessus de l'esprit de vin fortement rectifié et laissez-le digérer, puis
réduisez-le et versez-le de nouveau dessus ; répétez cette opération jusqu'à ce que le soufre fonde
comme de la cire sans produire de fumée, sur une plaque de laiton chaude : Ceci est pour le
pabulum, mais la mèche doit être préparée de la façon suivante : prenez des fils ou des bouts de
Lapis Asbestos, environ de l'épaisseur de votre doigt médian et de la longueur de votre petit doigt, et
mettez-les dans un verre de Venise et couvrez-les avec le soufre épuré ou aliment ci-dessus décrit,
mettez le verre pendant vingt-quatre heures dans du sable si chaud que le soufre reste tout le temps
en ébullition. La mèche ainsi imprégnée et enduite sera placée dans un verre de la forme d'une
coquille, de telle manière qu'une partie dépasse la masse de soufre préparé ; mettez alors ce verre
sur du sable chaud, et faites fondre le soufre de façon à saisir la mèche et lorsque celle-ci sera
enflammée elle brûlera d'une flamme perpétuelle et vous pourrez placer cette lampe où vous
voudrez."
Et voici l'autre :
"R. Salis tosti, lb j. ; versez dessus du vinaigre de vin très fort, et réduisez-le jusqu'à consistance
d'huile ; ajoutez-y de nouveau du vinaigre, macérez et distillez-le comme auparavant. Répétez cette
opération quatre fois de suite, et mettez ensuite dans ce vinaigre une livre de vitr. antimonii subtilis
lœvigat lb. j. ; placez-le sur des cendres dans un récipient fermé pendant l'espace de six heures, afin
d'en extraire la teinture, décantez la liqueur, remettez-en de nouveau et extrayez-la de nouveau ;
répétez cette opération jusqu'à ce que vous en ayez fait sortir toute la teinte rouge. Faites coaguler
tous vos extraits à la consistance de l'huile et rectifiez-les dans le bain-marie. Prenez ensuite
l'antimoine, dont la teinture a été extraite et réduisez-le en poudre très fine, et mettez-le ainsi dans
un récipient de verre ; versez dessus l'huile rectifiée que vous réduirez et distillerez sept fois jusqu'à
ce que la poudre ait absorbé toute l'huile et qu'elle soit tout à fait sèche. Faites extraire avec de
l'esprit de vin jusqu'à ce que toute l'essence en ait été extraite et mettez celle-ci dans un filtre avec
du papier plié cinq fois et distillez-le alors, de façon que l'esprit en ait été retiré et qu'il ne reste au
fond qu'une huile qui ne se consume pas, à utiliser avec une mèche de la même manière qu'avec le
soufre décrit ci-dessus."
"Ce sont les lumières éternelles de Tritenheimus", dit son commentateur Libavius, "qu'en vérité,
bien qu'elles ne s'accordent pas avec la constance de la naphte ces choses peuvent cependant
illustrer mutuellement. La naphte n'est pas durable au point de ne pas brûler, car elle se volatilise et
s'enflamme, mais si on la fixe en y ajoutant le suc du Lapis asbestinos, elle est capable de fournir un
combustible perpétuel", dit ce savant.
L'asbestos, qui était connu des Grecs sous le nom d'Aσδεστος ; ou
inextinguible, est une sorte de pierre qui, une fois allumée, ne peut plus
s'éteindre, comme nous l'apprennent Pline et Solinus. Albert le Grand le
décrit comme une pierre couleur de fer, qui se trouve le plus souvent en
Arabie. On le trouve généralement couvert d'une humidité presque
imperceptible de matière oléagineuse, qui s'enflamme aussitôt qu'on
l'approche de la flamme d'une bougie. Les chimistes ont fait des
expériences sans nombre pour en extraire son huile insoluble, mais tous
ont échoué, dit-on. Toutefois, nos chimistes sont-ils en mesure de dire que
cette opération est absolument impraticable ? Si on parvenait à extraire
cette huile, il ne peut y avoir de doute qu'elle constituerait un [308]
combustible perpétuel. Les anciens pouvaient donc bien se vanter d'en
posséder le secret, car, nous le répétons, certains expérimentateurs encore
vivants ont réussi à le faire. Les chimistes qui l'ont vainement essayé
affirment que le fluide ou liqueur extrait chimiquement de cette pierre
avait plutôt la nature de l'eau que celle de l'huile, et qu'elle était tellement
impure et épaisse qu'elle était incapable de brûler ; d'autres assurent, au
contraire, que cette huile, aussitôt qu'on l'expose à l'air, devient si épaisse
et si solide que c'est à peine si elle coule et qu'une fois allumée elle ne
produit pas de flamme, mais une fumée épaisse ; tandis que les lampes des
anciens brillaient dit-on avec une flamme des plus pures et des plus
brillantes, sans la moindre fumée. Kircher, qui montre qu'on peut l'épurer,
pense néanmoins qui c'est si difficile que ce n'est accessible qu'aux plus
hauts adeptes de l'alchimie.
Saint Augustin, qui attribue tous ces arts au bouc émissaire des
Chrétiens, le diable, est carrément contredit par Ludovic Vives 384, qui
prouve que toutes ces prétendues opérations magiques sont tout
simplement le fruit de l'industrie de l'homme et d'une profonde étude des
mystérieux secrets de la nature, tout merveilleux et tout miraculeux qu'ils
paraissent. Podocattarus, chevalier Cypriote 385, possédait du lin et de
Nous ajouterons que nous avons vu, de nos propres yeux, une lampe préparée de cette manière, et
on nous a affirmé que depuis qu'elle a été allumée, le 2 mai 1871, elle ne s'est pas éteinte. Comme
nous savons que la personne qui fait cette expérience est tout à fait incapable de tromper qui que ce
soit, étant elle-même un expérimentateur zélé des secrets hermétiques, nous n'avons aucune raison
de mettre en doute ses affirmations.
384
Commentaires sur le Traité de la Cité de Dieu de saint Augustin.
385
Auteur de De Rebus Cypriis, 1566 AD.
l'étoffe fabriqués avec un autre asbestos, que Porcacchius dit 386 avoir vus
chez ce chevalier. Pline appelle ce lin linum vinum et lin indien, et il dit
qu'il est fabriqué avec l'asbeston sive asbestinum, espèce de lin dont on fait
une étoffe qu'on nettoie en la mettant dans le feu. Il ajoute que ce lin était
aussi précieux que les perles et les diamants, car non seulement on n'en
trouvait que très rarement, mais encore il était extrêmement difficile à
tisser, en raison du peu de longueur des fils. Battu et aplati au marteau, et
plongé ensuite dans de l'eau chaude, ce lin, une fois sec, peut facilement
être divisé en fils comme de la filasse, et être tissé. Pline déclare avoir vu
des serviettes faites de cette matière, et avoir assisté à leur nettoyage par le
feu. Baptista Porta dit également avoir vu la même chose à Venise chez
une dame de Chypre ; il appelle cette découverte de l'alchimie un secretum
optimum.
386
Book of Ancient Funerals.
incombustibles et des coffres-forts à l'épreuve du feu. Un dépôt très
important, établi à Staten Island, dans la baie de New-York, livre le
minéral en paquets, comme du bois sec, avec des fibres de plusieurs pieds
de long, La variété d'asbestos la plus fine, nommée χµιχντος (sans tache)
par les anciens, tirait son nom de son lustre blanc satiné.
Non pas tout à fait ; le temps le prouvera, bien que tout ce que nous
écrivons soit condamné d'avance, comme tant d'autres vérités.
387
Comment. on the 77th. Epigram of the IXth. book of Martial.
388
De Defectu Oraculorum.
389
Vulgar errors p. 124.
On nous dit, en faveur de la science, qu'elle n'accepte aucun autre
mode d'investigation que l'observation et l'expérience. D'accord ; mais
n'avons-nous pas les archives d'au moins trois mille années d'observation
de faits qui démontrent les pouvoirs occultes de l'homme ? Quant à
l'expérience, quelle meilleure occasion que celle fournie par les prétendus
phénomènes modernes ? En 1869, divers savants Anglais furent invités,
par la London Dialectical Society, à assister à l'examen de ces
phénomènes. Voyons quelle fut la réponse de nos philosophes. Le
professeur Huxley écrivit : "Je n'ai pas de temps à consacrer à cette
enquête qui occasionnerait beaucoup de tracas et d'ennuis (à moins qu'elle
ne soit bien différente de toutes les enquêtes de ce genre à ma
connaissance)… Je ne m'intéresse pas à la question… et même en
admettant que les phénomènes soient authentiques, ils ne m'intéressent
pas. 390 " M. George Lewes écrit sagement : "Lorsqu'un homme dit que les
phénomènes ne sont produits par aucune loi physique connue, il déclare
qu'il connaît les lois en vertu desquelles ils sont produits. 391" Le professeur
Tyndall exprime des doutes sur la possibilité d'obtenir de bons résultats
dans une séance à laquelle il assisterait. Sa présence, de l'avis de M.
Varley, jette partout la confusion. 392 Quant au professeur Carpenter, il
écrit : "Je me suis assuré, par des recherches personnelles, que, tandis
qu'une bonne partie de ce qui se passe pour des manifestations spirites est
le résultat de fraudes intentionnelles, l'autre partie n'est qu'illusion. Il y a
cependant certains phénomènes qui sont tout à fait authentiques, et doivent
être considérés comme des sujets légitimes d'étude scientifique… mais la
source de ces phénomènes ne réside pas dans une communication ab extra,
mais dans la conditions subjective de l'individu qui opère, selon certaines
lois physiologiques bien connues… Je donne à ce procédé le nom de [311]
cérébration inconsciente…, et suivant moi, c'est à celle-ci qu'il faut
attribuer une grande partie de la production des phénomènes dits
spirites" 393
C'est ainsi que le monde est instruit par l'organe de la science exacte,
que la cérébration inconsciente a la faculté de faire voler des guitares en
l'air et de forcer les meubles à exécuter toutes sortes d'acrobaties !
390
Rapport sur le Spiritisme de la London Dialectical Society, p. 229.
391
Ibidem, p. 230
392
Ibidem, p 265.
393
Ibidem, p. 266.
Voilà pour ce qui concerne les opinions des savants anglais. Les
savants américains n'ont pas fait mieux. En 1857, un comité de l'Université
de Havard prémunit le public contre l'étude de la question car elle
"corrompt le sens moral et dégrade l'intelligence." On la taxait en outre
"d'influence contagieuse, qui tend sûrement à affranchir la franchise chez
l'homme et la pureté chez la femme." Plus tard, le professeur Hare,
l'éminent chimiste, bravant l'opinion de ses contemporains, étudia le
spiritisme et devint un croyant ; il fut aussitôt, non compos mentis ; et en
1874, lorsqu'un des journaux de New-York adressa une circulaire aux
principaux savants de ce pays, leur demandant de faire des recherches et
offrant de payer les frais, comme les invités de la parabole évangélique,
"ils s'excusèrent d'un commun accord."
394
Draper. Conflict between Religion and Science, p. 121.
395
"Oh honte à l'homme ! Le diable est constamment d'accord avec un autre diable ; les hommes
seuls – de toutes les créatures rationnelles – ne s'entendent pas…" (Milton.Paradise Lost)
Comment expliquer ces divergences de vues entre des hommes qui
furent instruits par les mêmes manuels et qui tirent leur savoir de la même
source ? C'est sans doute une nouvelle preuve de l'aphorisme, qu'il n'y a
pas deux hommes pour voir une même chose de la même façon. Cette idée
est admirablement formulée par le Dr J.-J. Garth Wilkinson, dans une
lettre adressée à la Dialectical Society.
"Je suis depuis longtemps convaincu", dit-il, "par
l'expérience de ma vie de pionnier dans plusieurs
hétérodoxies, qui se sont rapidement transformées en
orthodoxies, que presque toute vérité est affaire de
tempérament, ou qu'elle nous vient d'affections ou
d'intuitions, et que la discussion et l'examen ne font
guère qu'alimenter le tempérament."
396
Voir Ennemoser. Histoire de la Magie, vol. II, et Schweigger. Introduction à la Mythologie par
l'Histoire Naturelle.
397
Histoire de la Magie, vol. 2.
Nos physiciens s'enorgueillissent des découvertes de notre siècle, et
chantent réciproquement leurs louanges. L'éloquence de leurs cours, leur
phraséologie fleurie n'a besoin que de légères modifications pour se
transformer en mélodieux sonnets. Nos modernes Plutarque, nos Dante,
nos Tasse, rivalisent avec les troubadours de jadis, en poétiques effusions.
Dans leur glorification sans bornes de la matière, ils chantent l'amoureux
accouplement [314] des atomes errants, et les voluptueux enlacements des
protoplasmes, en déplorant l'inconstance coquette des "forces", qui jouent
d'une façon si provocante à cache cache, avec nos graves professeurs, dans
le grand drame de la vie, qu'ils ont baptisé la "corrélation des forces".
Proclamant la matière, seule et autocratique souveraine de l'Univers sans
Limite, ils la font divorcer de force d'avec son conjoint, et ils placent leur
reine devenue veuve, sur le grand trône de la nature, rendu vacant par l'exil
de l'esprit. Et maintenant, ils cherchent à la faire paraître aussi attrayante
que possible, en l'encensant et en se prosternant devant le sanctuaire élevé
de leurs propres mains. Oublient-ils, ou ignorent-ils entièrement le fait,
qu'en l'absence du souverain légitime, ce trône n'est plus qu'un sépulcre
blanchi, au-dedans duquel tout n'est que pourriture et corruption ! Que la
matière, sans l'esprit qui la vivifie, et dont elle n'est que la "grossière
scorie", pour employer l'expression des hermétistes, n'est qu'un corps sans
âme, un cadavre, dont les membres, pour se mouvoir dans une direction
déterminée, exige un opérateur intelligent pour actionner la grande batterie
galvanique, qu'on nomme LA VIE !
398
B. Jowett, MA. The dialogues of Plato, vol. 11, p. 508.
relations mutuelles et montrait une plus grande connaissance et un plus
grand contrôle des forces occultes qui sont derrière ces lois, que le plus
savant professeur de n'importe quelle Académie moderne.
II faut un certain courage moral à celui qui occupe une position élevée
dans le monde savant, pour rendre justice aux anciens, en présence d'un
sentiment public qui n'est satisfait que lorsqu'on les dénigre. Aussi, lorsque
nous nous trouvons en présence d'un homme de cette catégorie, nous
cueillons volontiers des lauriers, pour en faire hommage à ce savant
courageux et loyal. Un tel homme est le professeur Jowett, maître au
Collège de Baliol, et professeur de grec à l'Université d'Oxford, qui, dans
sa traduction de Platon, parlant de la philosophie physique des anciens, en
général, lui reconnaît les mérites suivants : 1° "Les physiciens des temps
primitifs admettaient la théorie des nébuleuses". Elle ne date donc pas des
découvertes télescopiques de Herschel ainsi que l'affirme Draper. 399 2°
"Que les animaux proviennent des grenouilles qui vinrent sur terre, et
l'homme des mammifères était déjà enseigné par Anaximène au VIème
siècle avant Jésus-Christ". Le professeur aurait pu ajouter que cette théorie
était antérieure de plusieurs milliers d'années peut-être, à Anaximène" ;
c'était la doctrine des Chaldéens, et l'évolution des espèces de Darwin et sa
399
Conflict between Religion and Science, p. 240.
théorie du singe sont d'origine antédiluvienne. 3° "Philoléus et les premiers
Pythagoriciens affirmaient que la terre était un corps comme les autres
planètes, évoluant dans l'espace." 400 Ainsi, Galilée, en étudiant quelques
fragments de Pythagore – qui, affirme Reuchlin, existaient encore du
temps du mathématicien Florentin – familier d'ailleurs avec les
enseignements des anciens philosophes, n'a fait que remettre en lumière
une doctrine astronomique, qui prévalait dans l'Inde depuis l'antiquité la
plus reculée. 401 [317] 4° Les anciens "supposaient que les plantes avaient
un sexe tout comme les animaux". Il est donc prouvé que nos naturalistes
modernes n'avaient qu'à emboîter le pas de leurs prédécesseurs. 5° "Les
notes de musique dépendaient de la longueur relative, ou de la tension des
cordes qui les produisaient, et elles se mesuraient par des rapports de
nombres". 6° "Le monde est régi par des lois mathématiques, et même les
différences qualitatives ont leur origine dans les nombres". 7° Enfin, "ils
niaient énergiquement l'anéantissement de la matière, et en réalité ce n'était
qu'une transformation." 402 "Bien qu'une de ces découvertes puisse être
considérée comme un heureux hasard", ajoute M. Jowett, "on ne peut pas
toutes les attribuer à de simples coincidences." 403
400
Plutarque, traduit par Langhorne.
401
Quelques érudits cabalistes affirment que l'original Grec des sentences Pythagoriciennes de
Sextus, qui passe aujourd'hui pour perdu, existait encore à cette époque dans un couvent de
Florence et que Galilée en avait eu connaissance. Ils ajoutent, en outre, qu'un traité d'astronomie,
manuscrit d'Archytas, disciple direct de Pythagore, dans lequel étaient consignées les plus
importantes doctrines de leur école était en la possession de Galilée. Si quelque Rufinas s'en était
emparé, nul doute qu'il ne l'eût dénaturé, comme le prêtre Ruffinas dénatura les sentences de Sextus
ci-dessus mentionnées, les remplaçant par un texte frauduleux, dont il chercha à attribuer la
paternité à un certain évêque Sextus. (Voir Introduction à la vie de Pythagore de Jamblique,
traduite par Taylor.)
402
Jowett. Introduction du Timée, vol. II, p. 508.
403
Ibidem. Vie de Pythagore, p. 17.
vie demeurent-elles sans réponse ? Si le laboratoire moderne est, comme
on le dit, tellement plus riche en résultats de recherches expérimentales
que ceux de l'antiquité, comment se fait-il que nous ne marchions que dans
des sentiers déjà battus longtemps avant l'ère chrétienne ? Comment se
fait-il que le sommet le plus élevé que nous ayons atteint aujourd'hui, ne
nous permette de voir, dans le lointain mystérieux des cimes inaccessibles
de la connaissance que les preuves monumentales laissées par les
explorateurs antérieurs pour jalonner les sites qu'ils avaient atteints et
occupés avant nous ? [318]
404
Conflict between Religion and Science, p. 14.320
d'environ vingt pouces de long et dix de large, contenant
un traité complet de mathématiques, qui serait
absolument illisible sans lentille... Au muséum du Dr
Abbott, il y a un anneau de Cheops, que Bunsen déclare
dater de 500 ans avant Jésus-Christ. Le sceau de l'anneau
est de la grandeur d'une pièce d'un franc, et la gravure
qui y est exécutée serait invisible sans le secours d'une
loupe. On montre à Parme un bijou jadis porté par
Michel-Ange, dont la gravure remonte à 2.000 années, et
représente sept femmes. Il faut une loupe puissante pour
en distinguer les formes... Par conséquent", ajoute le
savant conférencier, "le microscope, au lieu de dater de
nos jours, avait déjà des frères dans les livres de Moïse,
des frères en bas âge."
Les faits qui précèdent ne paraissent donc pas indiquer une simple
notion d'optique. C'est pourquoi, tout en différant complètement d'avis
avec le professeur Fiske, dans la critique qu'il fait, dans son Unseen World,
de l'ouvrage du professeur Draper, Conflict between Religion and Science,
le seul reproche que nous adressions au livre admirable de Draper, c'est
que, comme critique historique, il emploie parfois ses instruments
d'optique à contre-sens. Ainsi, pour grossir le prétendu athéisme du
Pythagoricien Bruno, il le regarde à travers la lentille convexe ; et lorsqu'il
veut parler des connaissances des anciens, c'est de la lentille concave qu'il
fait évidemment usage. [320]
405
Conflict between Religion and Science, p. 311.
406
Bunsen. La place de l'Egypte dans l'histoire universelle, vol. V, p. 88.
chacune de ces forces chaleur, électricité, magnétisme et lumière... le
caractère de convertibilité ; les reconnaissant capables d'être tantôt cause et
tantôt effet. 407 Mais d'où viennent ces forces, et où vont-elles, lorsqu'elles
nous échappent ? Sur ce point, la science est muette.
407
W.R. Grove. Preface to the correlation of Physical Forces.
408
Timée, p. 22.
409
A commencer par Godfrey Higgins et jusqu'à Max Müller, chaque archéologue et philologue,
qui a honnêtement et sérieusement étudié les religions anciennes, a compris que prises à la lettre,
elles ne pouvaient conduire que sur une fausse piste. Le Dr Lardner a défiguré et dénaturé les
doctrines anciennes, volontairement ou involontairement. La pravritti, ou l'existence de la nature
vivante en activité, et la nirvritti ou repos, l'état de l'absence de vie, est la doctrine ésotérique
Bouddhique. Le "pur néant" ou la non-existence, dans son sens ésotérique signifie "l'esprit pur", le
SANS NOM, ou quelque chose que notre intellect est incapable de saisir, et donc, rien. Mais nous
en parlerons plus loin.
La Science nous dit que la chaleur développe de l'électricité, et que
l'électricité produit de la chaleur ; que le magnétisme produit de
l'électricité et vice-versa. Elle nous dit que le mouvement résulte du
mouvement même, et ainsi de suite, à l'infini. C'est l'A. B. C. de
l'occultisme des premiers alchimistes. L'indestructibilité de la matière et de
l'énergie étant découverte et prouvée par nos savants modernes, le grand
problème de l'éternité est résolu. Qu'avons-nous besoin désormais de
l'esprit ? Son inutilité n'est-elle point scientifiquement démontrée ?
410
C'est exactement l'opposé de la théorie moderne de l'évolution.
411
Ficinus. Voir Excerpta et "Dissertation on Magie" ; Taylor. Platon Vol. 1, p. 63.
leurs attractions et leurs répulsions mutuelles ; la cause de ces dernières,
remontant jusqu'au principe spirituel qui pénètre et anime toutes choses ;
l'aptitude à donner à ce principe les meilleures conditions de manifestation,
en d'autres termes, la connaissance profonde et étendue des lois de la
nature – telle était et telle est la base de la magie.
Et il ajoute : "Tout cela est une raison excellente pour que les
convertis ne soient pas tournés en ridicule à cause de leur foi ; mais il s'agit
de mettre en avant quelque chose de plus probant pour que les philosophes
consacrent de leur temps à étudier la question. Il faudrait montrer que le
bien-être de l'humanité est largement en jeu dans cette affaire, tandis que
la nature triviale de la conduite des revenants est admise même par ceux
qui y croient !"
Max Müller cite un grand nombre de ces cas dans son essai On
Manners and customs. Il montre que cette tradition populaire existe dans
l'Amérique Centrale, dans l'Inde et en Allemagne. Il en suit la trace
presque dans toute l'Europe, la constate chez les guerriers Maoris, en
Guyane Britannique et en Asie. Passant en revue les Researches into the
Early History of Mankind, de Tyler, ouvrage dans lequel sont réunies
beaucoup de ces traditions, le grand philologue fait les observations très
412
Modern American Spiritualism, p. 119.
413
Le nom exact et complet de cette savante Société est The American Association for the
Advancement of Science. On l'appelle toutefois pour simplifier The American Scientific Association.
justes que voici : "Si on ne les trouvait que dans les récits hindous et
allemands, nous pourrions les considérer comme appartenant aux anciens
Aryens ; [326] mais lorsque nous les rencontrons encore en Amérique
Centrale, il ne nous reste qu'à admettre une communication entre les
colons européens et les conteurs américains indigènes... ou bien à chercher
s'il n'y a pas d'élément intelligible et véritablement humain, dans cette
prétendue sympathie entre la vie des fleurs et celle de l'homme."
Toute phrase de Pythagore, ainsi que c'est le cas pour la plupart des
anciennes maximes, a une double signification ; et tandis qu'elle a un secs
physique occulte, exprimé littéralement dans ses mots, elle renferme un
précepte de morale qui est expliqué par Jamblique dans sa Vie de
Pythagore. Ce "Ne creuse pas le feu avec un glaive" est le neuvième
symbole, dans le Protreptique de ce Néo-platonicien. "Ce symbole, dit-il,
exhorte à la prudence." II fait voir "qu'il ne faut pas opposer des mots
tranchants à un homme plein du feu de la colère et ne pas discuter avec lui.
Car, par des paroles impolies, vous troublerez et irriterez un ignorant, et
vous-même vous en souffrirez. Héraclite atteste aussi la vérité de ce
symbole. Car il dit : "II est difficile de lutter avec colère, car tout ce qu'on
doit faire rachète l'âme." Et c'est très juste. En effet, en cédant à la colère,
beaucoup changent les conditions de leur âme et rendent la mort préférable
à la vie. Mais en gouvernant votre langue et en restant calme, l'amitié naît
du conflit, le feu de la colère étant éteint et vous-même ne paraîtrez pas
dépourvu d'intelligence." 414 [328]
414
Jamblique. De Vita Pythag., notes additionnelles (Taylor).
ne faisons que rééditer des histoires aussi vieilles que le monde." Cela eût
été conforme à la vérité ; "Mais les savants et les philosophes eux-mêmes,
ajoute l'auteur, ne sont pas toujours à l'épreuve de la faiblesse d'encourager
toute opinion qui leur assurerait une place parmi les immortels. 415" [329]
Huxley, Tyndall et les autres sont devenus depuis peu les grands
oracles, les "papes infaillibles" des dogmes du protoplasme, des molécules,
des formes primordiales, et des atomes. Ils ont cueilli plus de lauriers et de
palmes, pour leurs grandes découvertes, que Lucrèce, Cicéron, Plutarque
et Sénèque n'avaient de cheveux sur la tête. Et pourtant, les œuvres de ces
derniers fourmillent d'idées sur le protoplasme, les formes primordiales,
sans parler des atomes, qui ont fait donner à Démocrite, le nom de
philosophe atomiste. Dans la même Revue, nous trouvons cette
dénonciation suivante surprenante :
"Qui, parmi les gogos, n'a été surpris dans le courant de
l'année dernière, des merveilleux résultats obtenus avec
l'oxygène ! Quel étonnement Tyndall et Huxley n'ont-ils
pas déchaîné en proclamant de leur manière doctorale et
ingénieuse exactement les mêmes doctrines que nous
avions citées d'après Liebig ; et cependant, en 1840 le
professeur Lyon Playfair avait traduit en Anglais œuvres
les plus avancées du baron Liebig 416 !"
415
The National Quarterly Review ; déc. 1875.
416
Ibidem, p. 94.
417
Force and matter, p. 151.
Ainsi, dans les sensationnelles conférences de Tyndall, nous pouvons
suivre, page par page, les notions de Liebig, entremêlées de temps en
temps de pensées encore plus anciennes, empruntées à Démocrite et autres
philosophes Païens. Tout son bagage scientifique consiste en un pot pourri
d'anciennes hypothèses, élevées par la grande autorité du jour au rang de
formules quasi démontrées, et, présentées avec cette phraséologie
pathétique, pittoresque, mielleuse et hautement éloquente qui lui est
propre.
Dans un autre passage, l'auteur que nous citons, craignant d'être mal
compris et accusé de déprécier les travaux de nos savants, termine son
étude en disant : "Nous voulons simplement prouver que tout au moins la
partie du public qui se considère comme intelligente et instruite, devrait
cultiver ses souvenirs, [331] et se rappeler, mieux qu'elle ne le fait, les
penseurs"de pointe" du passé. Ce sont surtout ceux qui, soit à la tribune,
soit dans la chaire, entreprennent d'instruire ceux qui acceptent leur
enseignement, qui devraient ne pas oublier aussi facilement les anciens. Il
y aurait ainsi moins de conceptions mal fondées, moins de charlatanisme,
et surtout moins de plagiats qu'il n'y en a 419."
418
Burnouf. Introduction, p. 118.
419
The National Quarterly Reniew, déc. 1875, p. 96.
sur cette foi que la magie de Babylone et de la Perse fondait sa doctrine de
machagistia. Les Oracles Chaldéens, que Plettho et Psellus ont tant
commentés, exposaient et amplifiaient constamment leurs témoignages
dans ce sens. Zoroastre, Pythagore, Epicharme, Empédocle, Kebes,
Euripide, Platon, Euclide, Philon, Boëthe, Virgile, Cicéron, Plotin,
Jamblique, Proclus, Psellus, Synesius, Origène, et enfin Aristote lui-même,
loin de nier notre immortalité, l'affirment très formellement. Comme
Cardon et Pompanatius, "qui n'étaient point partisans de l'immortalité de
l'âme, dit Henry More, Aristote conclut expressément que l'âme rationnelle
est un être distinct de l'âme du monde, quoique d'une même essence, et
qu'elle préexiste avant de venir dans le corps. 420"
420
De Anima, lib. I, cap. 3.
421
De Maistre. Soirées de Saint-Pétersbourg.
[332]
CHAPITRE VIII
—
QUELQUES MYSTERES DE LA NATURE
Or, reportons-nous aux plus anciennes écritures que nous ont léguées
les Chaldéens, le Livre hermétique des Nombres 423, et voyons ce que nous
422
Nous n'avons pas besoin de remonter bien loin pour nous assurer que beaucoup de grands
hommes croyaient la même chose. Kepler, l'éminent astronome, admettait pleinement l'idée que les
astres et tous les corps célestes et même notre terre, étaient doués d'âmes vivantes et pensantes.
423
Nous n'avons pas connaissance qu'un exemplaire de cet antique ouvrage figure dans le catalogue
d'aucune bibliothèque d'Europe ; mais il fait partie des livres d'Hermès", et un grand nombre
d'auteurs philosophiques de l'antiquité et du moyen âge y font allusion et en citent des passages.
Parmi ces autorités figurent le Rosarium philosophia d'Arnaud de Villeneuve, le Lucensis opus de
lapide de Francesco Arnolphius, le Tractatus de transmutatione Metallorum d'Hermès Trismegiste
trouverons dans le langage allégorique d'Hermès, Kadmus ou Thuti, le
trois fois grand Trismegiste. "Au commencement des temps, le Grand
invisible avait les mains pleines de matière céleste, qu'il répandit à travers
l'infini ; ô prodige ! Voilà qu'elle devint des boules de feu et des boules de
limon ; et elle s'éparpilla, comme le métal mouvant (le mercure), en une
foule de petites boules et elles commencèrent à tourner sans cesse.
Quelques-unes, qui étaient des boules de feu, se transformèrent en boules
de terre ; et les boules de terre se transformèrent en boules de feu ;les
boules de feu attendaient le moment de devenir des boules de terre ; et les
autres leur portaient envie, en attendant de devenir des globes de pur feu
divin.".
et sa Table d'Emeraude, et surtout le traité de Raymond Lulle intitulé : Ab angelis opus diainum de
quintâ essentiâ.
combinaisons différentes. Son esprit vivifiant, perfectionné, obéit de son
côté à l'attraction éternelle, qui l'entraîne vers le soleil spirituel central,
d'où il est originairement sorti, et que nous connaissons vaguement sous le
nom de DIEU.
"Et le ciel était visible en sept cercles, et les planètes
apparurent avec tous les signes, sous forme d'étoiles, et
les étoiles furent divisées et comptées avec leurs régents,
et leur cours rotatoire fut limité par l'air, et entraîné dans
une orbite circulaire par l'action de l'ESPRIT divin. 424"
424
Esprit dans ce passage signifie la Divinité... Pneuma ό θέος. Hermès, IV, 6.
425
Magia Adamica, p. 11.
excellente figure pour connaître Dieu lui-même, et comment il est visible,
et comment il est invisible. 426" [336]
426
L'ignorance des anciens de la sphéricité de la terre est afirmée sans preuve. Quelle preuve avons-
nous de ce fait ? Ce n'étaient pas les illettrés qui manifestaient cette ignorance. Même du temps de
Pythagore, les païens l'enseignaient ; Plutarque l'attesta et Socrate est mort à cause d'elle. D'ailleurs,
ainsi que nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, tout le savoir était confiné dans les sanctuaires
des temples, d'où il se répandait fort rarement parmi les non-initiés. Si les sages et les prêtres de
l'antiquité la plus reculée n'avaient été au courant de cette vérité astronomique, comment se fait-il
qu'ils représentaient Kneph, l'esprit de la première heure, avec un œuf placé sur ses lèvres, l'œuf
symbolisant notre globe, auquel il communique la vie au moyen de son souffle ? De plus, si, vu la
difficulté de consulter le Livre des Nombres Chaldéen, nos critiques nous demandaient la citation
des autres autorités, nous pourrions les renvoyer à Diogène Laërce, qui attribue à Manetho d'avoir
enseigné que la terre avait la forme d'une boule. Le même auteur, citant très probablement le
"Compendium de Philosophie Naturelle" fait l'exposé suivant de la doctrine des Egyptiens. "Le
commencement est de la matière ΑρΧχην ρεū έιναι ūλην, de laquelle sont sortis les quatre
éléments... La véritable forme de Dieu est inconnue ; mais le monde a eu un commencement et il est
par conséquent périssable... La lune est éclipsée lorsqu'elle croise l'ombre de la terre." (Diog.
Laerce. Proain, 10, 11). D'ailleurs Pythagore est reconnu comme ayant enseigné que la terre était
ronde, qu'elle tournait autour de son axe et qu'elle n'était qu'une planète comme n'importe quel autre
corps céleste. (Voy. Fénelon : Vie des grands Philosophes) Dans la plus récente des traductions de
Platon (Les dialogues de Platon, par Jowett), l'auteur. dans son introduction au Timée, nonobstant
"un doute malheureux", né du mot ίίλεσθαι, qui peut se traduire par tournant ou par condensé,
semble porté à croire que Platon était familier avec la notion de la rotation de la terre. La doctrine
de Platon est exposée dans la phrase suivante : "La terre qui est notre nourrice (condensée ou)
tournant autour du pôle qui s'étend à tout l'univers". Si nous en croyons Proclus et Simplicius,
Aristote avait compris ce mot dans le Timée, dans le sens de tournant ou faisant une révolution (De
Cœlo) et M. Jowett lui-même admet plus loin, qu' "Aristote attribuait à Platon la doctrine de la
rotation de la terre". Il eût été extraordinaire, pour ne pas dire plus, que Platon, grand admirateur de
Pythagore, et qui, comme initié devait connaître les doctrines les plus secrètes du grand sage de
Samos, ait pu ignorer cette vérité astronomique élémentaire.
427
Sagesse de Salomon, XI, 17.
en tant qu'opposée à la théorie de création spéciale, comment M. Proctor
appellera-t-il le langage d'Hermès dans le passage suivant, s'il n'y voit pas
une anticipation de la théorie moderne de l'évolution des espèces ?
"Lorsque Dieu eut rempli ses puissantes mains de toutes les choses qui
sont dans la nature, et dans ce qui l'entoure, les fermant de nouveau, il dit :
Reçois de moi, ô terre sacrée, qui est destinée à être la mère de tout, afin
que tu n'aies besoin de rien. Et alors ouvrant ces mains, telles qu'il
convient à un Dieu d'en avoir, il répandit sur elle tout ce qu'il était
nécessaire pour la constitution des choses." Nous y voyons la matière
primitive investie "de la promesse et de la puissance de produire toute
forme future de vie", et la terre déclarée prédestinée à être la mère de tout
ce qui jaillira désormais de son sein.
428
Eugenius Philalèthes. Magia Adamica.
nature se complaît dans une autre ; une nature en maîtrise une autre, une
nature en dirige une autre ; et, ensemble, elles n'en font toutes qu'une
seule."
M. Proetor dit : "Tout ce qui est sur et dans la terre, toutes les formes
végétales et toutes les formes animales, nos corps, nos cerveaux, sont
formés de matériaux, qui ont été tirés de ces profondeurs de l'espace qui
nous environne de toutes parts." Les Hermétiques et les Rose-croix
soutenaient que toutes choses visibles et invisibles, étaient produites par la
lutte de la lumière avec les ténèbres, et que chaque parcelle de matière
contient en elle une étincelle de la divine essence – ou lumière, esprit – qui
par sa tendance à s'affranchir de ses liens et à retourner à la source
centrale, produisit le mouvement dans les parcelles, et de ce mouvement
naquirent les formes. Hargrave Jennings, citant Robert Fludd, dit : "Ainsi,
tous les minéraux, dans cette étincelle de vie, ont la possibilité
rudimentaire des plantes et des organismes qui grandissent ; ainsi, toutes
les plantes ont des sensations rudimentaires qui leur permettraient (au
cours des siècles) de se perfectionner et de se transformer en créatures
nouvelles et mobiles d'un degré plus ou moins élevé ou de fonctions plus
ou moins nobles ; ainsi toutes les plantes et toute la végétation pourraient
(en empruntant des voies détournées) passer dans des voies plus élevées,
de progrès plus indépendant et plus complet, en laissant leur divine
étincelle originelle de lumière se développer et briller d'un éclat plus vif, et
pousser plus avant avec un but plus assuré, tout tracé par l'influence
planétaire dirigée par les esprits (ou travailleurs) invisibles du grand
architecte originel. 429" [338]
429
Hargrave Jennings. The Rosicrucians.
choses. La lumière est le grand magicien Protée, et, sous l'action de la
Volonté Divine de l'architecte, ses vagues multiples et toutes-puissantes
donnent naissance à toutes les formes, ainsi qu'à tout être vivant. De son
sein gonflé d'électricité, sortent la matière et l'esprit. Dans ses rayons, se
cache le commencement de toute action physique et chimique, et de tout
phénomène spirituel et cosmique ; elle vivifie et désorganise ; elle donne la
vie et produit la mort, et de son point primordial émergent graduellement à
l'existence les myriades de mondes, corps célestes visibles et invisibles. Ce
fut au rayon de cette Première mère, une en trois, que Dieu, suivant
Platon, "alluma un feu, que nous nommons maintenant le soleil 430", et qui
n'est la cause ni de la lumière ni de la chaleur, mais seulement le foyer, ou,
si l'on peut s'exprimer ainsi, la lentille, par laquelle les rayons de la lumière
primordiale se matérialisent, sont concentrés sur notre système solaire, et
produisent toutes les corrélations des forces.
L'ouvrage dont nous parlons comprend une série de douze essais, dont
le dernier est intitulé : Thoughts on Astrology (Pensées sur l'Astrologie).
L'auteur traite le sujet avec plus de considération que ce n'est l'habitude
chez les hommes de sa classe, si bien qu'il est évident qu'il y a apporté
toute son attention. Il va même jusqu'à dire : " Si nous envisageons la
question sous son véritable aspect, nous devons reconnaître que, de toutes
les erreurs dans lesquelles les hommes sont tombés, par suite de leur désir
de pénétrer l'avenir, l'astrologie est la plus respectable, nous pourrions
même dire la plus raisonnable. 431"
Il admet que "Les corps célestes règlent les destinées des hommes et
des nations, de la façon la moins équivoque, vu que, sans l'influence
souveraine et bienfaisante du principal de ces globes, le Soleil, toute
créature vivante sur la terre périrait." 432 Il admet aussi l'influence de la
lune, et ne voit rien d'étrange à ce que les anciens, raisonnant par analogie,
prétendissent que si deux [339] de ces corps célestes étaient si puissants en
influences terrestres, il était "naturel de penser que les autres globes en
mouvement, connus des anciens, devaient aussi posséder leurs pouvoirs
430
Timée.
431
Our Place among Infinites, p. 313.
432
Ibidem.
spéciaux. 433" En vérité, le professeur ne voit rien de déraisonnable dans la
supposition que les influences exercées par les planètes aux mouvements
plus lents "pussent être même plus puissantes que celles du soleil." M.
Proctor pense que le système de l'astrologie "fut formé graduellement, et
peut-être expérimentalement." On a pu déduire des faits observés,
certaines influences, la destinée de tel ou tel chef ou roi, par exemple,
ayant servi de guide aux astrologues dans la détermination des influences
particulières à tels ou tels aspects planétaires, qui s'étaient présentés au
moment de sa nativité. D'autres ont pu être inventées et avoir été ensuite
généralement acceptées, parce qu'elles étaient confirmées par quelques
coïncidences curieuses.
Un trait d'esprit peut toujours être placé à propos, même dans un traité
scientifique, et le mot "coïncidence" est aisément applicable à tout ce que
l'on ne veut pas accepter. Mais un sophisme n'est point un truisme ; encore
moins une démonstration mathématique, qui seule devrait servir de phare,
au moins aux astronomes. L'astrologie est une science aussi infaillible que
l'astronomie elle-même, à la condition, toutefois, que ses interprètes soient
également infaillibles ; et c'est cette condition, sine qua non, d'une
réalisation si difficile, qui a toujours été la pierre d'achoppement pour les
deux. L'astrologie est à l'astronomie exacte ce que la psychologie est à la
physiologie exacte. Dans l'astrologie et dans la psychologie, on fait un pas
en dehors du monde visible de la matière, pour entrer dans le domaine de
l'esprit transcendant. C'est la vieille lutte entre les écoles Platonicienne et
Aristotélienne, et ce n'est pas dans notre siècle de scepticisme Sadducéen,
que la première l'emportera sur son adversaire, M. Proctor, dans son rôle
professionnel, est comme la personne peu charitable du sermon de la
Montagne, qui, toujours prête à attirer l'attention sur la paille qui se trouve
dans l'œil de son voisin dédaigné, ne sait pas s'apercevoir qu'elle a une
poutre dans le sien. Si nous devions rappeler tous les échecs et les bévues
ridicules des astronomes, nous craignons fort que la liste n'en soit de
beaucoup plus longue que celle des erreurs des astrologues. Les
événements actuels donnent pleinement raison à Nostradamus, que nos
sceptiques ont tant tourné en ridicule. Dans un vieux livre de prophéties
433
Ibidem, p. 314.
publié [340] au XVème siècle (l'édition est de 1453), nous lisons, parmi
d'autres prédictions astrologiques, la prédiction suivante 434 :
Dans deux fois deux cents ans, l'Ours attaquera le
Croissant ; Mais si le coq et le taureau s'unissent, l'Ours
ne vaincra pas. En deux fois dix ans ensuite, que l'Islam
le sache et tremble, La Croix se lèvera, et le croissant à
son déclin se dissoudra et disparaîtra.
Et juste deux fois deux cents ans après la date de la prophétie, nous
avons eu la guerre de Crimée, durant laquelle l'alliance du Coq Gaulois
avec le Taureau Anglais, vint mettre obstacle aux projets politiques de
l'Ours Russe. En 1856, la guerre fut terminée, et la Turquie ou le Croissant
fut sauvée de la destruction. Dans l'année 1876, les événements les plus
inattendus d'un caractère politique se sont produits, juste encore au
moment où deux fois dix ans avaient passé depuis la conclusion de la paix.
Tout semble annoncer l'accomplissement de la vieille prophétie ; l'avenir
nous apprendra si le Croissant Musulman, qui semble en vérité décliner,
"déclinera irrévocablement, s'il se dissoudra, et s'il disparaîtra."
434
La bibliothèque d'un parent de l'auteur du présent livre possède une copie de l'édition française
de cet ouvrage unique. Les prophéties sont écrites en vieux français, et sont fort difficiles à
déchiffrer pour ceux qui étudient le français moderne. Nous en donnons par conséquent la
traduction d'après une version anglaise qu'on dit avoir été prise d'après un livre dans la possession
d'un propriétaire dans le Comté de Sommerset en Angleterre.
En somme, la théorie des coïncidences de M. Proctor suggère, en
définitive, davantage l'idée du miracle, que les faits eux-mêmes. Nos amis
les sceptiques paraissent très friands de coïncidences. Nous avons, dans le
chapitre précédent, donné assez de témoignages pour montrer que les
anciens doivent avoir eu des instruments d'optique aussi bons que les
nôtres. Les instruments que possédait Nabuchodonosor étaient-ils donc
d'une si faible puissance, [341] et le savoir de ses astronomes tellement à
dédaigner, lorsque, suivant l'interprétation de Rawlinson des briques
assyriennes, on voit que le Birs-Nemrod, ou temple de Borsippa, avait sept
étages, symbolisant les cercles concentriques des sept sphères, chacun
construit de briques et de métaux, correspondant à la couleur de la planète
régente de la sphère qu'il représentait ? Est-ce encore une coïncidence que
ce fait d'avoir appliqué, à chaque planète, la couleur que nos dernières
découvertes télescopiques ont démontré être la vraie 435 ? Est-ce également
une coïncidence qui fait indiquer par Platon, dans le Timée, sa
connaissance de l'indestructibilité de la matière, de la conservation de
l'énergie, et de la corrélation des forces ? "Le dernier mot de la philosophie
moderne, dit Jowett, est la continuité et le développement, mais pour
Platon, c'est le commencement et la base de la science. 436"
435
Rawlinson, vol. XVII, p. 30-32.
436
Jowett. Introduction au Timée, Dial. de Platon, vol. I, p. 509.
électrique, toujours dans la stricte proportion de l'accroissement des
distances de la terre ; les armes d'Hercule et de Thor n'étaient jamais plus
terribles et plus mortelles que lorsque les dieux s'élevaient dans les nuages.
Nous ne devons pas perdre de vue qu'avant l'époque où le Jupiter
Olympien fut anthropomorphisé par le génie de Phidias en Dieu Tout-
Puissant, le Maximus, le Dieu des dieux, et abandonné ainsi à l'adoration
des multitudes, dans la primitive et abstraite science des symboles, il était
avec ses attributs la personnification de l'ensemble des forces cosmiques.
Le Mythe était moins métaphysique [342] et moins compliqué, mais plus
véritablement éloquent, comme expression de la philosophie naturelle.
Zeus, l'élément masculin de la création, avec Chthonia ou Vesta (la terre),
et Métis (l'eau) la première des Océanides (les principes féminins), était
considéré, suivant Porphyre et Proclus, comme le zoon ek zoon, le
principal des êtres vivants. Dans la théologie Orphique, la plus ancienne de
toutes, il représentait, métaphysiquement parlant, à la fois la potentia et
l'actus, la cause non révélée, et le Démiurge, ou le créateur actif, considéré
comme émanation de l'invisible puissance. Dans cette dernière fonction
démiurgique, conjointement avec ses consorts, nous trouvons en lui tous
les agents les plus puissants de l'évolution cosmique – l'affinité chimique,
l'électricité atmosphérique, l'attraction et la répulsion.
437
Stobœus. Eclogues.
couvertes de cette plante, et ses racines étaient administrées, comme les
plus propres à calmer les douleurs aiguës, et à tempérer l'irritabilité si
dangereuse dans cette période. Elles étaient placées en outre dans
l'enceinte du temple consacré à la déesse, et si possible, sous les rayons
directs de la resplendissante fille de Jupiter, la brillante et chaude lune
orientale.
438
Kieser. Archiv., vol. IV, p. 62. En fait, beaucoup des anciens symboles étaient de simples jeux de
mots sur les noms.
le premier péché. 439. Témoins de cette profanation, les dieux furent
tellement épouvantés, que prenant, d'un commun accord, leur corps le plus
effrayant (chaque dieu possédant autant de corps qu'il le désire), ils
produisirent Boûthavan (l'esprit du mal) qui fut créé par eux dans le but de
détruire cette incarnation du premier péché commis par le Brahma lui-
même. Ce que voyant, Brahma-Hiranyagarbha 440 se repentit amèrement et
commença à répéter les Mantras ou prières de la purification ; et, dans sa
douleur, il versa sur la terre une larme, la plus chaude qui fût jamais
tombée d'un œil ; Et c'est de cette larme que fut formé le premier saphir.
Cette légende moitié sacrée, moitié populaire, montre que les Hindous
connaissaient quelle était la plus électrique des couleurs prismatiques ;
bien plus, l'influence particulière du saphir était aussi bien définie que celle
des autres minéraux. Orphée enseigne comment il est possible
d'impressionner toute une assistance avec la pierre d'aimant ; Pythagore
accorde une attention particulière à la couleur et à la nature des pierres
précieuses ; tandis qu'Apollonius de Tyane apprend à ses disciples les
vertus secrètes de chacune d'elles, et change chaque jour ses bagues,
faisant usage d'une pierre particulière pour chaque jour du mois, selon les
lois de l'astrologie judiciaire. Les Bouddhistes affirment que le saphir
produit la paix du mental, l'équanimité, qu'il chasse toutes les mauvaises
pensées, en établissant une circulation saine dans l'homme. Une batterie
électrique agit de même si son fluide est bien dirigé, disent nos
électriciens. "Le saphir", disent les Bouddhistes, "ouvre les portes closes et
les demeures pour l'esprit de [346] l'homme ; il inspire le désir de la prière,
apporte avec lui plus de paix que toute autre gemme ; mais celui qui le
porte doit mener une vie pure et sainte." 441
439
Voir Rig Vedas, le Aitareya-Brahmanes.
440
Brahma est aussi appelé par les Brahmanes hindous, Hiranyagarbha, ou l'âme unité, tandis
qu'Amrita est l'âme suprême, la cause première qui émana d'elle-même le Brahma créateur.
441
Marbod. Liber lapid. ed Beekmann.
Junon est rendue à sa première forme. L'idée est exprimée aux 9° et 10°
versets du premier chapitre de la Genèse. Dans les fréquentes querelles
conjugales entre Jupiter et Junon, Diane est toujours représentée comme
tournant le dos à sa mère, et souriant à son père, quoiqu'elle le réprimande
souvent pour ses nombreuses fredaines. Les magiciens de Thessalie, dit-
on, étaient obligés, pendant ces éclipses, d'attirer son attention sur la terre,
par la puissance de leurs charmes et de leurs incantations, et les
astrologues Babyloniens et les mages ne cessaient leurs charmes qu'après
avoir ramené entre le couple irrité une réconciliation, à la suite de laquelle
Junon "souriait radieuse à la brillante déesse" Diane, qui, ceignant son
front du croissant, retournait à ses lieux de chasse dans les montagnes.
442
The Sun and the Earth. Conférence par le Professeur Balfour Stewart.
spectroscope, les anciens avaient acquis ces mêmes connaissances. A
moins que l'on ne veuille encore envisager ce fait comme une
"coïncidence", nous pouvons apprendre, jusqu'à un certain point, le degré
de la chaleur solaire, la lumière et la nature des planètes, en étudiant tout
simplement leurs représentations symboliques dans les dieux de l'Olympe
et les douze signes du Zodiaque, à chacun desquels on attribue, en
Astrologie, une propriété particulière. Si les déesses de notre propre
planète ne diffèrent pas des autres dieux et déesses, ayant tous une nature
physique analogue, cela n'indique-t-il pas que les guetteurs, qui jour et nuit
veillaient au haut de la tour de Bel, en communion avec les divinités
évhémérisées, avaient remarqué, avant nous, l'unité physique de l'Univers
et le fait que les planètes qui brillent au-dessus de nos têtes sont
composées précisément des mêmes éléments chimiques que la nôtre. Le
Soleil dans le Bélier, Jupiter, est en Astrologie un signe masculin, diurne,
cardinal, équinoxial, oriental, chaud et sec, et répond parfaitement au
caractère attribué au volage "Père des dieux". Lorsque le coléreux Zeus-
Akrios arrache de son ardente ceinture la foudre qu'il lance du haut des
cieux, il déchire les nuages et descend en Jupiter Pluvius, en torrents de
pluie. Il est le plus grand et le plus élevé des dieux, et ses mouvements
sont aussi rapides que ceux de la foudre elle-même. Or, la planète Jupiter,
on le sait, tourne si rapidement sur son axe, que chaque point de son
équateur parcourt une distance de 450 milles par minute ; un excès
immense de développement de force centrifuge à l'équateur, résultat de
cette vitesse, a, croit-on, extrêmement aplati cette planète aux pôles ; et en
Crète, sa personnification, le dieu Jupiter, était représentée sans oreilles.
Le disque de la planète est zébré de raies sombres ; variant en largeur,
celles-ci paraissent être en relation avec sa rotation sur son axe et sont
produites par des perturbations dans son atmosphère. La face du Père
Zeus, dit Hésiode, devint mouchetée de fureur, lorsqu'il vit les Titans prêts
à se révolter.
443
Volney. La Loi Naturelle.
444
Diction. philosophique, art. Philosophie.
445
"Boston Lecture", déc. 1875.
Il est fort difficile de déterminer, lorsqu'on n'est pas au courant de
l'explication ésotérique de leurs doctrines, comment les [350] anciens
envisageaient les corps célestes. Lorsque la philologie et la théologie
comparée ont abordé la tâche ardue de l'analyse, elles n'ont, jusqu'à
présent, donné que de maigres résultats. La forme allégorique du discours
a souvent égaré nos commentateurs, jusqu'à leur faire plus d'une fois
confondre les causes et les effets, et vice versa. Dans le phénomène
embarrassant de la corrélation des forces, nos plus grands savants eux-
mêmes trouveront beaucoup de difficultés pour expliquer laquelle de ces
forces est la cause, et laquelle est l'effet, puisque chacune peut être, tour à
tour, l'une et l'autre, et qu'elles sont toutes également convertibles. Ainsi, si
nous demandons aux physiciens : "Est-ce la chaleur qui engendre la
lumière, ou bien est-ce la lumière qui produit la chaleur ?" Ils nous
répondraient probablement que c'est certainement la lumière qui crée la
chaleur. Fort bien ; mais comment ? Le grand Artisan a-t-il d'abord produit
la lumière, ou bien a-t-Il construit en premier lieu le soleil, que l'on dit être
l'unique dispensateur de la lumière et conséquemment de la chaleur ? Ces
questions peuvent paraître au premier abord un indice d'ignorance ; mais,
peut-être, en les scrutant avec soin, prendront-elles un autre aspect. Dans la
Genèse, le "Seigneur" crée d'abord la lumière, et l'on prétend que trois
jours et trois nuits s'écoulent avant qu'Il crée le soleil, la lune et les étoiles.
Cette grossière bévue contre la science exacte a fait beaucoup rire les
matérialistes. Ils seraient parfaitement en droit d'en rire si leur doctrine que
la lumière et la chaleur dérivent du soleil était inattaquable. Jusqu'à une
époque très récente, rien n'est survenu pour ébranler cette théorie qui, à
défaut d'une meilleure, règne, suivant l'expression d'un prédicateur, "en
souveraine dans l'Empire de l'Hypothèse." Les anciens adorateurs du soleil
regardaient le Grand Esprit comme un dieu de la nature, identique à elle, et
le soleil comme la divinité dans laquelle "réside le Seigneur de vie".
D'après la théologie hindoue, Gama est le soleil, et "le soleil est la source
des âmes et de toute vie." 446 Agni, le "Feu Divin", la divinité des hindous,
est le soleil 447 aussi, car le feu et le soleil sont la même chose. Ormazd est
la lumière, le Dieu-Solaire, ou le Vivificateur. Dans la philosophie
hindoue, "les âmes proviennent de l'âme du monde et retournent à elle,
446
Weber. Ind. Stud, I, 290.
447
Wilson. Rig Veda Sanhita, 11, 143.
comme les étincelles au feu." 448 Mais, dans un autre endroit, il est dit que
"le Soleil est l'âme de toutes choses ; que tout est sorti de lui, et doit
retourner à lui" 449 ; ce qui montre bien que dans ces [351] passages le
soleil est pris dans un sens allégorique, et représente le soleil central,
invisible, DIEU, dont la première manifestation fut Sephira, l'émanation
d'En-Soph – bref la Lumière.
448
"Duncker", II, 162.
449
"Wultke", II, 262.
450
Daniel, VII, 9 et 10.
451
Livre d'Enoch, XIV, 7, ff.
plutôt un galvanisme, et que le soleil n'est qu'un des myriades d'aimants
disséminés dans l'espace, un réflecteur, selon le général Pleasonton. Ils
trouveront que le soleil n'a pas, en lui, plus de chaleur que la lune, ou que
l'innombrable essaim d'étoiles étincelantes qui fourmillent dans l'espace.
Ils reconnaîtront qu'il n'y a point de gravitation dans le sens Newtonien,
mais seulement une attraction [352] et une répulsion magnétiques 452 ; et
que c'est en vertu de leur magnétisme que les mouvements des planètes du
système solaire sont réglés, dans leurs orbites respectives, par le
magnétisme encore plus puissant du soleil, et non point par leur poids ou
gravitation. Ils apprendront cela et bien d'autres choses encore ; mais
jusque-là, nous nous contenterons d'être raillés, au lieu d'être brûlés vifs
pour impiété, ou enfermés dans un asile d'aliénés.
452
Cette proposition, qui sera flétrie de l'épithète d'absurde, mais que nous sommes prêts à soutenir,
et à montrer, sur l'autorité de Platon (cf. Jowett : Introduction au Timée, dernière page), comme une
doctrine de Pythagore, de même que cette autre qui affirme que le soleil n'est que la lentille à
travers laquelle passe la lumière, est singulièrement confirmée aujourd'hui par les observations du
général Pleasonton de Philadelphie. Cet expérimentateur s'avance résolument pour révolutionner la
science moderne, et il ne craint pas de dire que les forces centripète et centrifuge, et la loi de
gravitation de Newton sont autant d' "erreurs". Il soutient sa thèse avec beaucoup d'énergie, contre
les Tyndalls et Huxleys du jour. Nous sommes heureux de trouver un défenseur aussi instruit des
plus anciennes hallucinations hermétiques (jusqu'à présent qualifiées d'absurdes) (voir le livre du
général Pleasonton : L'Influence du rayon bleu de la lumière solaire et de la couleur bleue du ciel
sur le développement de la vie animale et végétale, adressé à la Société pour l'avancement de
l'agriculture de Philadelphie).
453
Dans aucun pays, les véritables doctrines ésotériques ne furent consignées par écrit. Le Brahma
Maia hindou a passé de génération en génération par tradition orale. La Cabale n'a jamais été
écrite ; et Moïse n'en confia les enseignements, toujours oralement, qu'à ceux qu'il avait choisis. Le
pur gnosticisme primitif de l'Orient a été complètement dégradé et corrompu par les diverses sectes
qui suivirent. Philon, dans le livre De Sacrificiis Abeli et Caini, déclare qu'il y a là un mystère, qui
ne doit pas être révélé aux non initiés. Platon garde le silence sur une foule de points, et ses
disciples font constamment allusion à ce fait. Tout homme qui a étudié ces philosophes, ne fût-ce
que superficiellement, en lisant les Lois de Manou, apercevra clairement que toutes ces doctrines
ont été puisées à la même source. "Cet univers, dit Manou, existait seulement dans l'idée divine
primitive, encore non déployé, comme enveloppé de ténèbres, imperceptible, indéfinissable,
Les hérésies cabalistiques reçoivent un appui inespéré des théories
hétérodoxes modernes du Général Pleasonton. D'après ses dires (fondés
sur des faits bien plus incontestables que ceux des savants orthodoxes),
l'espace entre le soleil et la terre doit être rempli par un agent matériel, qui,
autant que nous en pouvons juger par ses descriptions, répond à la lumière
astrale cabalistique. Le passage de la lumière à travers ce milieu doit
produire un frottement énorme. Le frottement développe de l'électricité, et
c'est cette électricité et les forces magnétiques corrélatives qui forment ces
forces effrayantes de la nature, qui déterminent sur, dans et autour de notre
planète les divers changements que l'on y remarque partout. Il démontre
que la chaleur terrestre ne peut pas dériver directement du soleil, car la
chaleur monte. La force par laquelle la chaleur est produite est une force
répulsive, dit-il, et comme elle est associée à l'électricité positive, elle est
attirée vers la haute atmosphère par son électricité négative, toujours
associée avec le froid, qui est l'opposé de l'électricité positive. Il affermit
sa position en montrant que la terre qui, lorsqu'elle est couverte de neige,
ne peut être affectée par les rayons du soleil, est plus chaude là où la neige
est plus épaisse. Il explique ce fait par la théorie que le rayonnement de la
chaleur de l'intérieur de la terre électrisée positivement, rencontrant à la
surface de la terre la neige électrisée négativement en contact avec cette
surface, produit la chaleur.
impossible à découvrir par le raisonnement, et non dévoilé par la révélation, comme s'il était
entièrement plongé dans le sommeil ; alors la seule Puissance existant par Elle-même, inconnue,
apparaissait avec une gloire non amoindrie et, développant son idée et dissipant l'obscurité." Ainsi
s'exprime le premier Code du Bouddhisme. L'idée de Platon c'est la Volonté, ou le Logos, la
divinité, qui se manifeste elle-même. C'est l'Eternelle Lumière, dont procède, comme une
émanation, la lumière visible et matérielle.
doit avoir créé une grande quantité d'électricité et de magnétisme.
L'électricité, par l'union de ses polarités opposées, émet de la chaleur, et
transmet du magnétisme à toutes les substances capables de le recevoir. Le
soleil, les planètes, les étoiles, et les nébuleuses sont tous des aimants, etc.
454
Il parait qu'en descendant du Mont Blanc, Tyndall souffrit beaucoup de la chaleur quoi qu'il eut
de la neige jusqu'aux genoux. Le professeur attribue cela aux rayons ardents du soleil, mais,
Pleasonton soutient que si les rayons du soleil avaient été aussi intenses que le prétend le voyageur,
ils auraient fait fondre la neige, ce qui n'avait pas lieu ; il en conclut que la chaleur dont souffrait
Tyndall provenait de son propre corps et était due à l'action électrique du soleil sur ses vêtements de
laine sombre qui étaient électrisés positivement par la chaleur de son corps. L'éther froid et sec de
l'espace planétaire et la haute atmosphère terrestre devinrent électrisés négativement et en tombant
sur son corps et ses vêtements chauffés et électrisés positivement, ils produisirent un surcroît de
chaleur (voir l'ouvrage précité, pp. 39, 40, 41, etc.)
cachée par les nuages. Les Hindous de Travancore ont un proverbe
populaire extrêmement significatif, qui dit : "Douces paroles valent mieux
que criailleries ; la mer est attirée par la froide lune, et non par le soleil
ardent." Peut-être que celui ou ceux qui lancèrent ce proverbe dans le
monde en savaient davantage sur la cause de cette attraction des eaux par
la lune, que nous n'en savons. Ainsi, si la science ne peut expliquer la
cause de cette influence physique, que pourrait-elle savoir des influences
morales et occultes exercées par les corps célestes, sur les hommes et sur
leurs destinées ? Et pourquoi contredire toujours ce dont elle ne peut
démontrer la [355] fausseté ? Si certains aspects de la lune produisent des
effets tangibles, si courants de tous temps dans l'expérience des hommes,
quelle violence fait-on à la logique, en admettant la possibilité qu'une
certaine combinaison d'influences sidérales puisse aussi avoir une
influence plus ou moins puissante ?
455
A notre avis, la plus curieuse de toutes ces "curieuses coïncidences", est que nos savants écartent
des faits assez frappants, pour leur faire employer cette expression, au lieu de se mettre à l'œuvre
pour en donner une explication philosophique.
époque, "l'esprit de controverse religieuse réveille les plus farouches
passions dont la nature humaine soit susceptible, provoquant la persécution
mutuelle, l'effusion de sang, les guerres ; à un autre, une épidémie de
résistance à l'autorité constituée, se répand sur la moitié du monde (comme
en 1848), rapide et simultanée comme la contagion corporelle la plus
virulente."
L'auteur auquel nous empruntons ces lignes dit que "la semence des
vices et du crime paraît être répandue sous la surface de la société, et
germer et porter ses fruits avec une rapidité déconcertante et une
succession qui paralyse."
456
Voyez Charles Elam M.D. A Physician's Problems. Londres, 1869, p159.
dimension, en distance et en activité, de même diffèrent aussi leurs
impulsions sur l'éther ou la lumière astrale, et les forces magnétiques et
autres forces subtiles qu'elles font rayonner sur certaines parties du ciel. La
musique est la combinaison et la modulation des sons, et le son est l'effet
produit par les vibrations de l'éther. Si l'impulsion donnée à l'éther par les
différentes planètes est comparée aux notes d'un instrument de musique, il
n'est pas difficile de comprendre que "la musique des sphères" de
Pythagore est quelque chose de mieux qu'une lubie, et que certains aspects
planétaires peuvent produire des perturbations dans l'éther de notre
planète, et certains autres au contraire du calme et de l'harmonie. Certains
genres de musique nous inspirent de la frénésie ; d'autres exaltent dans
l'âme les aspirations religieuses. Enfin, il n'est guère de créature humaine
qui ne réponde à certaines vibrations de l'atmosphère. Il en est de même
des couleurs ; quelques-unes nous [357] surexcitent ; d'autres nous calment
et nous font plaisir. La religieuse s'habille de noir, pour indiquer la tristesse
d'une foi écrasée par le péché originel ; la mariée prend des vêtements
blancs, le rouge excite la colère chez certains animaux. Si l'homme et les
animaux sont ainsi affectés par des vibrations opérant sur une petite
échelle, pourquoi ne serions-nous pas affectés en masse par des vibrations
produites sur une vaste échelle, par les influences combinées des astres ?
"Nous savons", dit le Dr Elam, "que certaines conditions
pathologiques ont une tendance à devenir épidémique
sous l'influence de causes non encore étudiées... Nous
voyons combien est forte la tendance de l'opinion, une
fois promulguée, à prendre une forme épidémique – et il
n'est pas d'opinion ou d'illusion, trop absurde pour
prendre ce caractère collectif. Nous observons aussi de
quelle façon remarquable les mêmes idées se
reproduisent et reparaissent à des époques successives…
nul crime n'est trop horrible pour devenir populaire :
l'homicide, l'infanticide, le suicide, l'empoisonnement,
toutes les conceptions diaboliques de l'humanité… En
fait d'épidémies, la cause de leur rapide propagation à
une époque particulière est et demeure un mystère."
Qui n'a pas rencontré, dans les colonnes de journaux, des cas
analogues ? Ils frappent constamment l'œil. Dans des cas de meurtre de
toute nature, et d'autres crimes d'un caractère diabolique, l'acte est attribué
dans neuf cas sur dix, par les coupables eux-mêmes, à des obsessions
irrésistibles. "Quelque chose me répétait sans cesse à l'oreille… Quelqu'un
me poussait constamment et m'engageait à agir". Telles sont les trop
fréquentes confessions des criminels. Les médecins les attribuent à des
hallucinations de cerveaux mal équilibrés, et ils nomment ces impulsions
homicides une folie temporaire. Mais la folie elle-même est-elle bien
comprise par les psychologues ? Sa cause a-t-elle jamais été formulée dans
une hypothèse capable de soutenir l'examen d'un chercheur intransigeant ?
Que les ouvrages de controverse de nos aliénistes répondent à cette
question. [358]
457
Jowett. Timœus.
458
Ibidem.
459
Suivant la théorie du général Pleasonton de l'électricité positive et négative qui forme la base de
tous les phénomènes psychologiques, physiologiques et cosmiques, l'abus des stimulants
alcooliques transforme un homme en femme et vice-versa en transformant leurs électricités.
"Lorsque ce changement dans la condition de leur électricité s'est opérée, les attributs (de l'ivrogne)
deviennent féminins ; il est irritable, déraisonnable, excitable… ; devient violent, et s'il rencontre sa
femme dont la condition électrique est la même que la sienne, ils se repoussent, s'insultent et se
battent, et les journaux du lendemain enregistrent un nouveau cas de mort violente. Qui s'attendrait
à trouver la découverte de la cause de tous ces crimes terribles dans la nature de la transpiration du
criminel ? Et pourtant, la science a démontré que les métamorphoses de l'homme en femme en
changeant la condition négative de son électricité en électricité positive de la femme avec tous ses
attributs sont indiquées par la nature de la transpiration augmentée par l'usage des stimulants
alcooliques." (The Influence of the Blue Ray, p. 119).
460
Platon. Timée.
n'y a rien de mystérieux", quoique l'épidémie soit fortement développée.
Etrange contradiction ! De Quincey, dans son pamphlet intitulé : Murder
Considered as one of the fine arts, parle d'une épidémie d'assassinat, entre
1588 et 1635, au cours de laquelle sept des hommes les plus distingués de
cette époque périrent par la main des assassins, et ni lui, ni aucun autre
commentateur n'a pu expliquer la cause de cette manie homicide.
461
Littré. Revue des Deux-Mondes.
462
Voyez Des Mousseaux. Œuvres des Démons.
modernes procède d'autre façon ; elle nie catégoriquement, sans la moindre
investigation préliminaire, ou bien elle s'asseoit dans l'intervalle, entre la
négation et la conviction et, dictionnaire en main, elle invente de nouveaux
termes gréco-latins pour désigner des genres d'hystérie inexistants.
463
Du Potet. Magie dévoilée, p. 51-147.
464
Ibidem, p. 201.
465
Baron du Potet. Cours de Magnétisme, p. 17-108.
formule enseignée par la science, ces objets reçoivent le don de nous
communiquer leur vertu. Il suffit de les porter, pour les sentir aussitôt
opérer sur l'âme, aussi bien que sur le corps... L'âme humaine possède, par
le seul fait d'être de même essence que toute la création, un pouvoir
merveilleux. Celui qui en possède le secret, peut s'élever dans la science et
les connaissances humaines aussi haut que son imagination peut atteindre ;
mais il ne le peut qu'à la condition de devenir intimement uni à cette force
universelle… La vérité, voire même l'avenir, peuvent être rendus présents
aux yeux de l'âme ; et ce fait a été bien des fois démontré par des
événements qui se sont accomplis, tels qu'ils avaient été vus et décrits
d'avance… le [362] temps et l'espace disparaissent devant le regard d'aigle
de l'âme immortelle… son pouvoir est sans limites… elle frappe à travers
l'espace, et enveloppe de sa présence un homme, quelle que soit la
distance, elle peut plonger en lui, et le pénétrer entièrement, et lui faire
entendre la voix de la personne à qui elle appartient comme si cette
personne était dans la chambre. 466"
466
De Occulto Philosophiâ, p. 332-358.
467
Cicéron. De Natura Deorum, lib. I, cap. XVIII.
"Lorsqu'un initié", dit à son tour Eliphas Lévi, "est devenu tout à fait
lucide, il communique et dirige à volonté les vibrations magnétiques dans
la masse de la lumière astrale… Transformée en lumière humaine au
moment de la conception, elle (la lumière) devient la première enveloppe
de l'âme ; par combinaison avec les fluides les plus subtils, elle forme un
corps éthéré ou le fantôme sidéral, qui n'est entièrement dégagé qu'au
moment de la mort." 468 Projeter ce corps éthéré à n'importe quelle
distance ; le rendre plus objectif et tangible en condensant, sur sa forme
fluidique, les ondes de son essence mère, voilà le grand secret de l'adepte-
magicien.
468
Eliphas Lévi.
mutuellement. 469" Cela ne veut pas dire que la répulsion a lieu
nécessairement entre des corps de propriétés dissemblables, mais que,
lorsque des corps naturellement en antagonisme sont mis en contact, ils se
repoussent réciproquement. Les recherches de Bart et de Schweigger ne
laissent que peu ou point de doutes sur le fait que les anciens étaient bien
au courant des attractions mutuelles du fer et de l'aimant, aussi bien due
des propriétés positives et négatives de l'électricité, quels que soient les
noms qu'ils lui donnaient. Les relations magnétiques réciproques des
globes planétaires, qui sont tous des aimants, étaient pour eux un fait
démontré, et les aérolithes, non seulement étaient nommés par eux pierres
magnétiques, mais encore étaient employés dans les Mystères, pour les
usages auxquels maintenant nous employons les aimants. Par conséquent,
lorsque le professeur Mayer de l'Institut de Technologie de Stevens disait
en 1872, au Club Scientifique de Yale, que la terre est un grand aimant, et
qu' "à la moindre agitation, survenant soudainement à la surface du soleil,
le magnétisme de la terre éprouve une perturbation profonde d'équilibre,
imprimant des [364] secousses aux aimants de nos observatoires, et
produisant ces grands jaillissements de lumière polaire dont les flammes
brillantes dansent au même rythme que l'aiguille instable 470", il ne faisait
que redire, en bon anglais, ce qui avait été dit en bon dialecte Dorique,
nombre de siècles avant que le premier philosophe chrétien n'ai vu le jour.
469
Timée. Ces expressions font dire à M. Jowett, dans son Introduction, que Platon enseignait
l'attraction des corps similaires par leurs semblables. Mais cela équivaudrait à refuser au grand
philosophe une connaissance rudimentaire des lois des pôles magnétiques.
470
Alfred Marshall, Mayer, Dr Phil. "The Earth a great Magnet", conférence faite devant le Club
scientific de Yale, 14 fév. 1872.
"Les erreurs que nous commettons dans une science que
nous avons cultivée tout spécialement", dit Bulwer-
Lytton, "ne peuvent, le plus souvent, être aperçues qu'à la
lumière d'une science différente, tout autant spécialement
cultivée par un autre. 471"
Rien n'est plus aisé à expliquer que les possibilités les plus élevées de
la magie. A la lumière radieuse de l'océan magnétique universel, dont les
ondes électriques relient le cosmos et pénètrent chaque atome dans leur
mouvement incessant, les disciples de Mesmer, malgré l'insuffisance de
leurs expériences, perçoivent, par intuition, l'alpha et l'oméga du grand
mystère. Seule, l'étude de cet agent, qui est le souffle divin, peut ouvrir les
portes du secret de la psychologie et de la physiologie, des phénomènes
cosmiques et spirituels.
"La Magie", dit Psellus, "formait la dernière partie de la
science sacerdotale. Elle scrutait la nature, les pouvoirs
et les qualités de toutes les choses sublunaires ; les
éléments et leurs parties ; les animaux, toutes les variétés
de plantes et leurs fruits ; les pierres et les herbes. Bref,
elle étudiait l'essence et le pouvoir de chaque chose. C'est
donc ainsi qu'elle arrivait à produire ses effets. Elle
formait des statues (magnétisées), qui procuraient la
santé ; elle faisait diverses figures ou objets (nommés
talismans), qui pouvaient également devenir des
instruments de maladie aussi bien que de santé. Souvent
aussi, au moyen de la magie, on fait [365] apparaître le
feu céleste, et alors les statues rient, et les lampes
s'allument spontanément. 472"
471
"Strange Story".
472
Voyez Pausanias de Taylor, M.S. Treatise on Dœmons, par Psellus et le Treatise on the
Eleusinian and Bacchic Mysteries.
encore de faire transpirer et rire leurs statues de marbre et de métal. Le pur
feu céleste des autels païens était de l'électricité, tirée de la lumière astrale.
C'est pourquoi les statues, convenablement préparées pour cela, pouvaient,
sans aucune accusation de superstition, être douées de la propriété de
donner santé et maladie par contact, aussi bien qu'une ceinture galvanique
moderne, ou qu'une batterie surchargée.
473
Jamblique."De vita Pythag".
toutes leurs défaillances, avaient trop de bon sens pour admettre autrement
que comme une allégorie, je suis tenté de douter de la réalité du progrès du
mental humain. 474"
474
Anacalypsis, vol. 1, page 807.
475
Jamblique. Life of Pythagoras, p. 297.
éthérées, et y occasionner des courants plus prononcés, dans une direction
donnée, que d'autres. Nous pouvons aussi dans ce cas nous expliquer
pourquoi du fait de ces diverses positions des astres, des multitudes
d'esprits élémentals, ami ou ennemis, peuvent être déversés dans notre
atmosphère, ou dans quelque partie de celle-ci, et rendre le fait sensible par
les effets qui s'ensuivent.
Aucun auteur n'a donné une description plus vraie et plus poétique de
ces êtres que Sir Bulwer Lytton, l'auteur de Zanoni. Lui-même, non une
chose de matière, mais une idée de joie et [368] de lumière", ces paroles
semblent un écho fidèle du souvenir, plutôt qu'une exubérante saillie de
l'imagination.
"L'homme est arrogant en proportion de son ignorance",
fait-il dire par le sage Mejnour à Glyndon. "Pendant
plusieurs siècles, il n'a vu dans les mondes innombrables
qui resplendissent dans l'espace comme les bulles d'un
océan sans rivages que de minuscules chandelles..., que
la Providence a bien voulu allumer sans autre but que de
rendre la nuit plus agréable à l'homme... L'astronomie a
dissipé cette illusion de la vanité humaine ; et l'homme
reconnaît maintenant, à contrecœur, que les astres sont
des mondes plus grands et plus glorieux que le sien…
Ainsi, partout, dans cet immense ensemble, la Science
donne une nouvelle vie à la lumière… Raisonnant donc
par analogie évidente, si ni une feuille d'arbre, ni une
goutte d'eau, n'existe qui ne soit, aussi bien que l'étoile la
plus éloignée, un monde habitable et vivant ; si l'homme
lui-même est un monde pour d'autres vies et si des
millions et des milliards d'êtres peuplent les rivières de
son sang, et habitent son corps, comme les hommes
peuplent la terre, le sens commun (si nos savants en
avaient) devrait suffire pour nous apprendre que
l'ambiance infinie que vous nommez l'espace,
l'impalpable, sans bornes, qui sépare la terre de la lune et
des étoiles, est rempli aussi de sa vie correspondante et
appropriée. N'est-il pas absurde de supposer que des
êtres pullulent sur une feuille et qu'ils sont absents des
immensités de l'espace ? La loi de la grande doctrine
n'admet pas même la perte d'un atome ; elle ne reconnaît
pas d'endroit où ne vive quelque être... Peut-on donc
admettre que l'espace, qui est lui-même l'infini, soit seul
désert, seul sans vie, seul plus inutile, dans le plan
universel…, que la moindre feuille peuplée et que le
globule habité ? Le microscope nous fait voir les
créatures sur la feuille ; mais aucune lunette n'a encore
été inventée pour découvrir les êtres plus nobles et mieux
doués qui planent dans l'air illimité. Et pourtant entre eux
et l'homme il existe une mystérieuse et terrible affinité...
Mais, d'abord, pour franchir cette barrière, l'âme, avec
laquelle nous écoutons, doit être épurée par un ardent
enthousiasme, qui la purifie de tous les désirs terrestres...
Ainsi préparée, elle peut appeler la science à son aide ; la
vue peut être rendue plus subtile, les nerfs plus sensibles,
l'esprit plus vif et plus libre, et l'élément lui-même, l'air,
l'espace peut être rendu, par certains secrets de haute
chimie, plus palpable et plus clair. Et cela n'est pas de la
magie comme disent les gens crédules ; Car, ainsi que je
l'ai déjà dit, la magie (science qui viole la nature) n'existe
pas ; c'est une science, grâce à laquelle la nature peut
être contrôlée. Or, dans l'espace, il y a des millions
d'êtres, non pas spirituels au sens littéral du mot, car ils
ont tous, comme les animalcules invisibles à l'œil nu,
certaines [369] formes de matière, mais d'une matière si
délicate, si aérienne, si subtile, qu'elle est comme une
pellicule qui enveloppe l'esprit... Cependant, en vérité,
ces races diffèrent beaucoup entre elles... quelques-unes
se distinguent par une sagesse remarquable ; D'autres par
une affreuse malignité ; Ceux-ci sont hostiles à l'homme
comme les démons ; ceux-là lui sont dévoués comme des
messagers entre la terre et le ciel... Parmi les habitants du
seuil, il en est un qui surpasse en malice et en haine tous
ceux de sa tribu ; un, dont l'œil a paralysé les plus braves,
et dont la puissance en impose à l'esprit, précisément en
proportion de la peur qu'il inspire. 476"
476
Zanoni, de Bulwer Lytton.
religieuse. Tandis que leur sens littéral était abandonné en pâture au
fanatisme des classes inférieures, qui ne raisonnent pas, les plus élevées,
dont la majorité était composée d'Initiés, poursuivaient leurs études dans le
silence solennel des temples, et leur culte du Dieu unique du Ciel.
477
Cette assertion est clairement confirmée par Platon lui-mène qui dit : "Vous dites que, dans un
discours antérieur, je ne vous ai point suffisamment expliqué la nature du Premier. J'ai parlé avec
intention énigmatiquement, de sorte que, dans le cas où la tablette aurait éprouvé un accident, soit
par terre, soit par mer, une personne, sans une certaine connaissance préalable du sujet, n'aurait pu
en comprendre le contenu." (Platon ; Epitre II, p. 312 ; Cory. Ancient Fragments).
d'admettre aucun des autres poètes dans "la communauté", et il écarte
doucement Homère, après l'avoir couronné et l'avoir oint de baume, afin
qu'il ne vînt point détruire, par ses mythes, la croyance orthodoxe au sujet
du Dieu unique."
478
Voyez chap. IX.
479
"Illusion ; La matière dans sa triple manifestation dans l'âme terrestre, astrale ou primitive, ou le
corps, et la double âme de Platon, la rationnelle et l'irrationnelle." (Voir chap. suivant).
ce que Fo (Bouddha) entend, est que "la substance primitive est éternelle et
immuable". Sa plus haute révélation est l'éther pur, lumineux, l'espace
infini, sans limites, non pas un vide résultant de l'absence de formes, mais,
au contraire, la source de toutes formes et antérieure à elles. "Mais la
présence même de ces formes dénote que c'est la création de Maya, et
toutes ses œuvres sont comme le néant, devant l'être incréé, l'ESPRIT,
dans le profond repos sacré duquel tout mouvement doit pour toujours
cesser."
C'est sur cette doctrine Bouddhique que les Pythagoriciens ont basé
les principaux dogmes de leur philosophie. "Cet esprit qui donne la vie et
le mouvement, et tient de la nature de la lumière, disent-ils, peut-il être
réduit à une non-entité ?" "Cet esprit sensible, qui, dans les bêtes, exerce la
mémoire, une des facultés rationnelles, peut-il périr et être réduit à néant ?"
Et Whitelock Bulstrode, dans sa remarquable défense de Pythagore,
explique cette doctrine en ajoutant : "Si vous dites que les animaux
exhalent leur esprit dans l'air, et qu'ils y disparaissent, c'est précisément ce
que je prétends. L'air, en vérité, est l'endroit le plus convenable pour les
recevoir, étant, d'après Laërce, rempli d'âmes, et, suivant Epicure, plein
d'atomes, les principes de toutes choses ; car même cet espace, dans lequel
nous marchons, et dans lequel les oiseaux volent, a une nature d'autant plus
spirituelle qu'il est invisible, et c'est pour cela qu'il peut bien recevoir des
formes, puisque les formes de tous les corps le sont aussi, et nous ne
voyons ni n'entendons que leurs effets ; l'air lui-même est trop subtil, et au-
dessus de la capacité du temps. Qu'est donc l'éther dans la région
supérieure, et quelles sont les influences ou les formes qui en
descendent ?" Les esprits des créatures, disent les Pythagoriciens, qui sont
les émanations des parties les plus sublimées de l'éther, des émanations,
des SOUFFLES, mais non point des formes. L'éther est incorruptible, tous
les philosophes s'accordent à ce propos ; et ce qui est incorruptible loin
d'être annihilé, lorsqu'il se débarrasse de la forme, a de bons droits à
l'IMMORTALITE. "Mais quelle est cette chose, disent les Bouddhistes,
qui n'a point de corps, point de forme ; qui est impondérable, invisible, et
indivisible ; qui existe et qui n'est point ? C'est Nirvana."Ce n'est RIEN, ce
n'est pas une région, c'est plutôt un état. Dès qu'il a atteint le Nirvana,
l'homme est exempt des effets des "quatre vérités" ; car un effet ne peut
être produit que par une cause ; et toute cause est annihilée dans cet état.
480
Porphyre attribue à Plotin, son maître, le privilège d'avoir été uni à "Dieu" six fois durant sa vie,
et il se plaint de n'y être parvenu lui-même que deux fois.
ISIS DÉVOILÉE
VOLUME I – SCIENCE
DEUXIEME PARTIE
par
H.P. BLAVATSKY
CHAPITRE IX
—
LES PHENOMENES CYCLIQUES
TERTULIEN.
Apologie. Ch. I.
SOPHOCLE.
GUIZOT.
JOSEPHE.
1
On dit qu'Orphée a fixé au grand cycle une durée de 120.000 années et Cassandre 136.000 années.
Voir Censorinus, De Natal. Die
Tels sont les aperçus que l'anthropologie nous fournit, des hommes
arrivés au point le plus bas d'un cycle ou commençant leur ascension d'un
cycle nouveau. Voyons jusqu'à quel point ils sont confirmés par la
psychométrie clairvoyante. Le professeur Denton soumit un jour à
l'examen de sa femme, sans lui donner la plus légère indication sur ce que
cela pouvait être, un fragment d'os fossile. Aussitôt se présentèrent des
tableaux d'un peuple et de scènes, que le professeur croit avoir appartenu à
l'âge de pierre. Elle vit des hommes, ressemblant fort à des singes, ayant le
corps très velu, et "comme si le poil naturel devait leur tenir lieu de
vêtements". "Je doute, ajoutait-elle, qu'ils puissent se tenir parfaitement
droits ; les articulations de la hanche semblent indiquer que non. Je vois
parfois une partie du corps d'un de ces êtres, qui parait comparativement
lisse et unie ; j'en distingue la peau, qui est de couleur claire, mais je ne
sais s'il appartient à la même période... A une certaine distance, la face
semble plate ; la partie inférieure en est lourde ; ils ont ce qu'on est
convenu d'appeler la mâchoire prognathe. La région frontale est basse avec
la partie inférieure très proéminente, faisant sillon sur le front, juste au-
dessus [8] des sourcils... Maintenant je vois une figure qui ressemble à un
être humain, bien qu'elle ait encore une apparence simiesque... Tous ces
êtres paraissent appartenir à la même espèce, ayant de longs bras, et un
corps velu.. 2".
2
W. et E. Denton, The soul of things, Vol. 1, pp. 204-11.
époque ? Naturellement les parties spirituelles de ces membres des temps
primitifs de la famille humaine devaient être aussi barbares et aussi peu
développées que leur corps physique. Bien qu'ils n'aient pas cherché à
calculer la durée du "grand cycle", les philosophes hermétiques
soutenaient cependant que, suivant la loi des cycles, la race humaine doit
inévitablement et collectivement retourner un jour à ce point de départ
même, où l'homme fut revêtu de "tuniques de peau" ou, pour être plus
clair, la race humaine doit finalement, suivant la loi d'évolution, être
physiquement spiritualisée. A moins que MM. Darwin et Huxley ne soient
en mesure de prouver que les hommes de notre époque ont, en tant
qu'animal physique et moral, atteint le sommet de la perfection, et que
l'évolution étant parvenue à son apogée, doit arrêter tout progrès ultérieur
et s'en tenir au type moderne, l'HOMO, nous ne voyons pas comment ils
pourraient réfuter une déduction aussi logique.
3
[Hérodote, Histoire, II, § 123.]
étant considéré comme une unité, malgré les nombreux rayons de ce grand
soleil spirituel, l'homme tirait son origine, comme toutes les autres choses
organiques ou non de cette Fontaine unique de Lumière Eternelle.
Dussions-nous rejeter même l'hypothèse d'un homme androgyne, en ce qui
concerne l'évolution physique, le sens de l'allégorie au point de vue
spirituel resterait encore entier. Tant que le premier dieu-homme,
symbolisant les deux disciples primitifs de la création, le double élément
masculin et féminin, n'avait pas la notion du bien et du mal, il ne pouvait
faire l'hypostase de la "femme", parce qu'elle était en lui comme il était en
elle. Ce ne fut qu'à la suite des mauvais conseils du serpent, la matière,
lorsque celle-ci se fut condensée et refroidie dans l'homme spirituel, dans
son contact avec les éléments, que les fruits de l'arbre-homme, qui est lui-
même l'arbre de la connaissance, se montrèrent à ses yeux. A dater de ce
moment, l'union androgyne cessa, l'homme faisant évoluer de sa propre
substance la femme, comme entité séparée. Ils ont rompu le fil qui unissait
le pur esprit et la matière pure. Il s'ensuit qu'ils ne créeront plus
spirituellement et par la seule puissance de leur volonté ; l'homme est
devenu un créateur physique, et le royaume de l'esprit ne peut plus être
conquis que par un long emprisonnement dans la matière. La signification
de Gogard, l'Arbre de vie Mazdéen, le chêne sacré dans les branches
duquel habite un serpent, qui n'en peut être délogé 4, devient ainsi fort
claire. Sorti en rampant de l'ilus primordial, le serpent du monde devient
de plus en plus matériel en se développant, et il croît en force et en
puissance, à chaque évolution nouvelle.
4
Voir la Cosmogonie de Pherecydes. Cf. F. Lenormant, Les premières civilisations, 1874, App. 3.
Nazarœus 5 nous voyons Bahak Ziwa désertant le ciel de son père en
confessant que bien qu'il soit le père des génies, il est incapable de "former
des créatures", car il connaît aussi peu Orcus, que dans le "feu qui
consume et qui manque de lumière". Et Pthahil, une des "puissances",
s'assied dans la "boue" (la matière), et s'étonne de ce que "le feu vivant"
soit si changé.
5
Voir quelques pages plus loin la citation du Codex Nazarœus.
personne de la trinité hindoue, les précipite tous du céleste séjour dans
Andhera, la région des ténèbres éternelles. Mais ici, les Anges déchus se
repentent de leur mauvaise action, et, dans la doctrine hindoue, ils
obtiennent tous l'occasion de progresser. Dans la fiction grecque, Hercule,
le dieu-solaire, descend aux enfers pour y délivrer les victimes de leurs
tortures ; et l'Eglise chrétienne fait aussi descendre son dieu incarné dans
les sombres régions plutoniennes pour y vaincre l'ex-archange rebelle. A
leur tour, les cabalistes expliquent l'allégorie d'une manière semi-
scientifique. Le second Adam, ou la première race créée que Platon appelle
dieux, et la Bible, les Elohim, n'était pas triple dans sa nature, comme
l'homme terrestre, c'est-à-dire il n'était pas composé d'une âme, d'un esprit
et d'un corps, mais était constitué d'éléments sublimés de nature astrale,
dans lesquels "le Père", le principe universel, avait insufflé un esprit divin
et immortel. Celui-ci, en raison de son essence divine, luttait toujours pour
se débarrasser des liens même de cette prison subtile ; par conséquent, les
"fils de Dieu", dans leurs imprudents efforts, furent les premiers à tracer un
modèle futur pour la loi des cycles. Mais l'homme ne doit pas être "comme
l'un de nous", dit la Divinité Créatrice, un des Elohim, "chargé de
construire l'animal inférieur" 6. Et c'est ainsi que lorsque les hommes de la
première race furent parvenus au sommet du premier cycle, ils perdirent
leur équilibre, et leur seconde enveloppe, le vêtement grossier (le corps
astral), les entraîna sur la pente de l'arc opposé.
C'est alors que sur la scène de la création apparaît l'Esprit 8 (que l'on
devrait traduire plus justement par "l'âme", car il est l'anima mundi, qui,
chez les Nazaréens et les Gnostiques, était [13] féminin) ; lequel,
6
Voir Platon, Témée, 41-42-69
7
Codex Nazarœus, I, p. 177.
8
Sur l'autorité d'Irénée, de Justin Martyr, et du Codex lui-même, Dunlap montre que les Nazaréens
traitent leur Esprit, ou plutôt l'âme, comme une puissance femelle et sinistre. Irénée accusant les
Gnostiques d'hérésie, appelle Christ et le Saint-Esprit, le couple Gnostique qui produit les Acous
(voir Dunlap : Sod, the son of man, note, page 52).
s'apercevant qu'en Phtahil 9 l'homme le plus nouveau (le dernier), la
splendeur était "modifiée", et que dans cette splendeur il y avait
"décroissance et dommage", réveille Karabtanos, 10, "qui était frénétique et
dénué de sens et de jugement" et lui dit : "Lève-toi ; vois, la Splendeur (la
lumière) de l'HOMME nouveau (Phtahil), et sa décroissance est visible.
Viens, étends-toi avec ta MERE et rejette les entraves qui te retiennent, et
qui sont plus vastes que le monde entier". A ce moment a lieu l'union de la
matière désordonnée et aveugle, guidée par les insinuations de l'esprit (non
point le souffle Divin, mais l'esprit Astral, celui qui, par sa double essence,
est déjà souillé de matière), et l'offre de la MERE étant acceptée, l'Esprit
conçoit les "Sept Formes" – qu'Irénée 11 semble disposé à prendre pour les
sept stellares (planètes), mais qui représentent les sept péchés capitaux, la
progéniture d'une âme astrale, séparée de sa source divine (Esprit), et de la
matière, l'aveugle démon de la concupiscence. En voyant cela, Phtahil
étend sa main sur l'abîme de la matière et dit : "Que la terre existe comme
le séjour des Puissances existe..." Et trempant sa main dans le chaos qu'il
condense, il crée notre planète 12.
9
Phtahil était chez les Nazaréens le roi de lumière, et le Créateur ; mais dans le cas actuel, il est
l'infortuné Prométhée qui ne réussit pas à attirer le feu vivant nécessaire à la formation de l'âme
divine, parce qu'il ignore le nom secret (l'ineffable et incommunicable nom des Cabalistes). Tout
cela a référence aux mystères du Temple.
10
L'esprit de la matière et de la concupiscence.
11
[Adv. Haer, I, XXX, 9.]
12
Voyez le Codex Nazarœus de Norberg, I, 178-79, et Sod, the Son of the Man de Dunlap, pp. 51-
52.
13
Codex Nazarœus, II, 233.
14
Ce Mano des Nazaréens ressemble étrangement au Manou hindou, l'homme céleste du Rig Veda.
15
"Je suis le VRAI CEP et mon père est le vigneron" (Jean XV, I)
16
Chez les Gnostiques, le Christ, ainsi que Michel, qui, à bien des points de vue, est identique avec
lui était le chef des Æons.
17
Codex Nazaræus, I, 135
Créons le monde, et appelons les puissances à la vie. Les génies sont les
Principes, "les fils de la lumière, mais tu es le Messager de la Vie" 18.
18
Ibidem.
19
Codex Nazaræus, III, 61.
20
La Lumière Astrale, ou anima mundi est double et bisexuée. La portion mâle en est purement
spirituelle et divine ; c'est la Sagesse ;tandis que la portion femelle (le Spiritus des Nazaréens) est
souillée dans un sens par la matière, et par conséquent est déjà mauvaise. C'est le principe de vie de
toute créature vivante, et elle fournit à l'Ame astrale, le périsprit fluidique, aux hommes, aux
animaux, aux oiseaux des airs, à tout ce qui vit. Les animaux ont seulement le germe de l'âme
immortelle ou spirituelle, comme troisième principe.
Ce germe ne se développera que dans une série d'évolutions innombrables, dont la doctrine est
contenue dans l'axiome cabalistique : "Une pierre devient une plante ; une plante devient un
animal ; un animal devient un homme ; un homme un esprit et l'esprit, dieu."
21
Voyez les commentaires du Idra Suta par le Rabbin Eleashar.
C'est ainsi que le premier cycle fut mis en mouvement, lequel, dans sa
rotation descendante, amena une partie infinitésimale des êtres créés. à
notre planète de boue. Arrivé au point le plus bas de l'arc du cycle, qui
précéda directement la vie sur la terre, la pure étincelle divine qui restait
encore dans Adam, fit un effort pour se détacher de l'esprit astral, car
"l'homme tombait graduellement dans la génération" et (enveloppe de
chair se condensait de plus en plus à chaque action. [15]
22
Sod signifie un mystère religieux. Cicéron mentionne le Sod, comme faisant partie des Mystères
du mont Ida. Les membres du Collège de Prêtres étaient nommés Sodales, dit Dunlap, en citant le
Latin Lexicon IV, 448 de Freund.
23
Voir abbé Huc, missionnaire apostolique, Voyage en Tartarie, au Tibet, etc.. II, 2.
24
Le Sohar III, 288 ; Idra Suta.
Lorsque l'Invisible Central (le Seigneur Ferho) vit les efforts de
l'Étincelle divine qui ne voulait pas se laisser entraîner encore plus bas
dans la dégradation de la matière, pour s'affranchir elle-même de ses liens,
il lui permit de tirer d'elle-même une monade, sur laquelle, attachée à elle
comme par le fil le plus fin, l'étincelle divine, (l'âme), devait veiller durant
ses incessantes pérégrinations d'une forme à une autre. Ainsi la monade fut
jetée dans la première forme de la matière, et fut enfermée dans une
pierre ; puis, au cours du temps, par les efforts combinés du feu et de l'eau
vivants, qui, tous deux agissaient par réflexion sur la pierre, la monade
sortit de sa prison et apparut à la lumière du soleil sous forme d'un lichen.
De métamorphose en métamorphose, la monade s'élève toujours plus haut,
empruntant à chaque transformation nouvelle [16] un peu plus de l'éclat de
sa mère, l'Etincelle, dont elle s'approche ainsi progressivement à chaque
transmigration. La "Cause Première avait voulu qu'elle procédât de la
sorte" ; elle la destinait à monter plus haut encore, jusqu'à ce que sa forme
physique fût redevenue de nouveau l'Adam de poussière, formé à l'image
de l'Adam Kadmon. Avant de subir sa dernière métamorphose terrestre,
l'enveloppe extérieure de la monade, à partir du moment de sa conception
comme embryon, passe, elle aussi, de nouveau par les diverses phases des
différents règnes. Dans sa prison fluidique elle prend aux diverses époques
de la gestation une vague ressemblance avec la plante, le reptile, l'oiseau,
le mammifère, jusqu'à ce qu'elle devienne un embryon humain 25.
25
Everard, Mystères Physiologiques, p. 132.
26
Voyez le Timée de Platon.
son progrès ascendant, il gravit le sentier brillant qui se termine à son point
de départ autour du GRAND CYCLE.
Une chose au moins a été bien indiquée dans le texte hébreu, savoir :
qu'il y a eu une race de créatures purement physiques, et une autre de
créatures purement spirituelles. L'évolution et la "transformation des
espèces nécessaires pour combler le vide entre les deux races a été laissée
à des anthropologistes plus habiles. [19] Nous ne pouvons que répéter la
philosophie des anciens, qui dit que l'union de ces deux races en produisit
une troisième – la race Adamique. Participant de la nature de ses deux
parents, celle-ci est apte à vivre également dans l'un ou l'autre des deux
27
Supernatural Religion and inquiry into the reality of Divine Revelation, 5ème éd., Londres 1875,
vol. I, ch. IV, pp. 103 et sq.
28
[Ch. VI-XI.]
mondes matériel et spirituel. La raison, qui met l'homme à même de
maintenir sa suprématie sur les animaux inférieurs, et de soumettre la
nature à ses besoins, est chez lui alliée à la partie physique de son être ; et
c'est à sa partie spirituelle qu'est alliée la conscience, qui lui sert de guide
infaillible au milieu des entraînements des sens ; car la conscience est cette
perception instantanée, qui permet de discerner le mal du bien, et qui ne
peut être exercée que par l'esprit, lequel étant partie de la Sagesse et de la
Pureté Divines, est absolument sage et pur lui-même. Ses injonctions sont
indépendantes de la raison, et ne peuvent se traduire en manifestations
claires et nettes, que lorsqu'il n'est pas empêché par les attractions
inférieures de sa double nature.
29
Voyez Arcana cælestia.
Parole de Dieu" ne peut être enlevé à la seule volonté du maître ; il faut
[21] encore que les auditeurs enlèvent le voile qui se trouve "sur leur
cœur". Saint Paul le dit clairement ; et ses paroles adressées aux
Corinthiens peuvent être appliquées à tout homme ou femme à toute
époque de l'histoire du monde. Si "leurs esprits sont aveuglés" par
l'éblouissante enveloppe de la vérité divine, que le voile hermétique soit
levé ou non du visage du maître, il ne peut pas être enlevé de leurs cœurs,
à moins qu'ils ne tournent celui-ci vers le Seigneur. Mais cette dernière
appellation ne doit pas être appliquée à l'un ou à l'autre des personnages
anthropomorphes de la Trinité, mais au "Seigneur", tel que l'entendent
Swedenborg et les philosophes hermétiques : le Seigneur qui est VIE et
HOMME.
30
Voyez Burges, Préface.
31
Septième Lettre, 341 C.
et parce que son Protagoras insiste trop sur les "voiles". Nous remplirions
tout un volume avec les noms des sages méconnus dont les écrits passent
généralement pour absurdes, uniquement parce que les critiques
matérialistes se sentent incapables de lever les "voiles" qui les couvrent.
Le trait le plus important de ce mystère, en apparence [22]
incompréhensible, réside peut-être dans l'habitude invétérée de la majorité
des lecteurs, de juger une œuvre sur ses mots et sur les idées
insuffisamment exprimées, en laissant son esprit hors de question. Des
philosophes appartenant à des écoles diamétralement opposées emploient
souvent une multitude d'expressions différentes, dont certaines paraissent
obscures et métaphoriques, mais qui sont toutes figuratives et traitent
pourtant du même sujet. De même que les innombrables rayons divergents
d'un globe de feu, aboutissent tous au même point central, chaque
philosophe mystique, qu'il soit un pieux enthousiaste comme Henry More,
ou un alchimiste irascible au langage quelque peu trivial, comme son
adversaire Eugène Philalèthes, ou un "athée" ( !) comme Spinoza, tous ont
un seul et même objet en vue... l'HOMME. C'est Spinoza toutefois qui
nous fournit peut-être la clé la plus sûre pour éclaircir une partie de ce
secret non écrit. Tandis que Moïse prohibe les "images gravées ou
sculptées" de Celui dont le nom ne doit pas être pris en vain, Spinoza va
plus loin. Il déclare nettement que l'on ne doit même pas essayer de décrire
Dieu. Le langage humain est tout à fait impropre à donner une idée de cet
"Etre ?" absolument unique. Que ce soit Spinoza ou la théologie chrétienne
qui approche le plus de la vérité, nous laissons au lecteur le soin de juger
leurs prémisses et les conclusions qu'ils en tirent. Toute tentative de
définition de Dieu aboutit à entraîner une nation à anthropormorphiser la
divinité à laquelle elle croit, et le résultat est celui qu'indique Swedenborg.
Au lieu d'établir que Dieu a fait l'homme à son image, nous devrions
véritablement dire que l'homme "imagine Dieu à sa ressemblance" 32, en
oubliant que c'est à son propre reflet qu'il voue un culte.
Où se trouve donc le vrai, le réel secret dont il est tant parlé chez les
Hermétiques ? Qu'il y eût et qu'il y ait un secret, aucun doute n'est possible
à cet égard, même pour le plus naïf étudiant de la littérature ésotérique.
Des hommes de génie, comme le furent incontestablement beaucoup de
philosophes hermétiques, ne se seraient pas abusés en cherchant à tromper
les autres de la sorte, pendant plusieurs milliers d'années. Que ce grand
32
The true Christian Religion.
secret communément appelé "la pierre philosophale" ait eu une portée
spirituelle, aussi bien que physique, c'est chose qui a été soupçonnée de
tout temps. L'auteur de Remarks on Alchemy and the Alchemists fait
remarquer, avec beaucoup de raison, que l'art hermétique, c'est l'HOMME,
et que le but de cet art n'est autre que la perfection de l'homme 33, mais
nous ne sommes pas d'accord avec lui, lorsqu'il dit qu'il n'y a que ceux
qu'il appelle des "imbéciles [23] avides d'argent", qui aient jamais cherché
à transporter un dessein purement moral (celui des alchimistes), dans le
domaine de la science physique. Le fait seul que l'homme, à leurs yeux, est
une trinité qu'ils divisent en sol, eau de mercure, et soufre, qui est le feu
secret, ou, pour parler plus clairement, en corps, âme et esprit, ce fait
démontre qu'il y a dans cette question un côté physique. Au point de vue
spirituel, l'homme est la pierre philosophale, "une trinité dans l'unité",
suivant l'expression de Philalèthes, mais il est aussi cette pierre au point de
vue physique. Cette dernière n'est que l'effet d'une cause, laquelle est elle-
même le dissolvant de toutes choses, l'esprit divin. L'homme est une
corrélation des forces physiques et chimiques, aussi bien qu'une corrélation
des pouvoirs spirituels. Ces derniers réagissent sur les puissances
physiques de l'être, en proportion du degré de développement de l'homme
terrestre. "L'œuvre est amenée à la perfection, suivant la vertu d'un corps,
d'une âme et d'un esprit, dit un alchimiste, car le corps ne serait jamais
pénétrable, si ce n'était à cause de l'esprit, et l'esprit ne serait pas
permanent dans sa teinture ultra-parfaite, si ce n'était à cause du corps ; et
tous les deux ne pourraient agir l'un sur l'autre sans l'âme, car l'esprit est
une chose invisible, et il ne fait jamais son apparition sans un autre
VETEMENT, qui est L'AME 34."
33
E. A. Hitchcock, Remarks upon Alchemy and the Alchemists.
34
Ripley Revived, 1678. Eirenæus Philalethes.
certain, dit Robert Fludd (Robertus di Fluctibus), que s'il y a une variété
infinie de créatures, de natures diverses, dans la machine universelle,
chacune d'elles a été d'abord créée diversement, puis fut générée et
maintenue après la génération... Quant au nom mystérieux de Dieu, que
Moïse était si désireux d'apprendre et de connaître, il reçut cette réponse :
Jehova est mon nom éternel. Ce nom est si pur et si simple, qu'il ne peut
point être articulé ou composé, ou véritablement exprimé par la voix
humaine... tous les autres noms sont compris dans celui-là, car il contient
la propriété du vouloir aussi bien que du non-vouloir, de la privation aussi
bien que de la jouissance, de la mort aussi bien [24] que de la vie, de la
malédiction aussi bien que de la bénédiction, du mal à l'égard des créatures
comme du bien (quoique idéalement rien ne soit mauvais en lui), de la
haine et de la discorde, et par conséquent de la sympathie comme de
l'antipathie... 35".
Les plus inférieurs dans l'échelle des êtres sont ces créatures invisibles
appelées par les Cabalistes les élémentaires. Il y en a trois classes
distinctes. La plus élevée en intelligence et en ruse est celle des esprits dits
terrestres dont nous parlerons avec plus de détails dans d'autres parties de
cet ouvrage. Qu'il suffise de dire pour le moment, que ce sont les larves,
les ombres de ceux qui ont vécu sur la terre, repoussant toute lumière
spirituelle, et toujours restés jusqu'à la mort, profondément plongés dans le
cloaque de la matière ; ceux dont l'esprit immortel s'est peu à peu détaché
de leur âme pécheresse. La seconde classe est composée des anté-types
invisibles des hommes à naître. Aucune forme ne prend une existence
objective, depuis les plus élevées jusqu'aux plus basses, avant que l'idéal
abstrait de cette forme ou, comme le dit Aristote, la privation de cette
forme 36 n'ait été évoquée. Avant qu'un artiste ait peint un tableau, chaque
trait en existe déjà dans son imagination ; et pour qu'il nous soit donné de
voir une montre, il faut que la forme abstraite de cette montre ait d'abord
existé dans l'esprit de l'horloger. I1 en est de même des hommes futurs.
35
Mosaïcall. Philosophy, p. 173, 1659.
36
[Métaphysique, V-22 et VII-7, etc...]
pas considérée, dans la philosophie d'Aristote, comme un principe dans la
composition des corps, mais comme une propriété extérieure dans leur
production ; car la production est un changement par lequel la matière
passe de la forme qu'elle n'a pas à celle qu'elle prend. Quoique la privation
de l'enfant qui n'est pas encore né, aussi bien que la forme future de la
montre, non encore fabriquée, ne soit ni substance, ni extension, ni qualité,
ni même existence proprement dite, cependant c'est quelque chose qui est,
bien que, pour exister, ses contours doivent prendre une forme objective,
en un mot, que l'abstrait devienne concret. Ainsi, aussitôt que cet idéal de
la matière est transmis par l'énergie à l'éther universel, il devient une forme
matérielle, quoique sublimée. Si la science moderne nous enseigne que la
pensée humaine "affecte la matière d'un autre univers simultanément avec
son action sur celui-ci", comment [25] celui qui croit en une Cause
Première Intelligente pourrait-il nier que la pensée divine soit transmise de
même, par la même loi d'énergie, à notre médiateur commun, l'éther
universel, l'âme du monde ? Or, s'il en est ainsi, il s'ensuit nécessairement
qu'une fois là, la pensée divine se manifeste objectivement, l'énergie
reproduisant fidèlement les contours de ce dont la privation est née d'abord
dans l'esprit divin. Seulement, il ne faut pas prendre cela dans le sens que
cette pensée crée la matière. Non, elle ne crée que le plan de la forme
future ; la matière qui sert à faire ce modèle ayant toujours existé, et ayant
été préparée pour former un corps humain par une série de transformations
progressives, comme le résultat d'une évolution. Les formes passent ; les
idées qui les ont créées, et la matière qui leur donne l'objectivité
demeurent. Ces modèles, encore dépourvus d'esprits immortels, sont les
"élémentals" proprement dits des embryons psychiques qui, lorsque vient
leur tour, meurent dans le monde invisible, et naissent dans ce monde
visible, sous forme d'enfants humains en recevant au passage ce souffle
divin nommé esprit, qui complète l'homme parfait. Cette classe ne peut
communiquer objectivement avec les hommes.
37
Corrélation de la Force vitale avec les forces chimiques et physiques, par J. Le Conte.
38
Archives des sciences, vol. XLV, p. 345. Décembre 1872.
d'appliquer cette connaissance des changements qui se succèdent dans les
corps célestes, pour être en mesure de suivre avec une exactitude
approchée, les destinées variables du personnage dont il établit
l'horoscope, et même de prédire l'avenir. L'exactitude de l'horoscope
dépend naturellement, non moins de la connaissance par l'astrologue des
forces et des races occultes de la nature, que de son érudition
astronomique.
Eliphas Lévi expose avec une grande clarté, dans son Dogme et Rituel
de Haute Magie, la loi des influences réciproques entre les planètes, et
leurs effets combinés sur les règnes minéral, végétal et animal, aussi bien
que sur nous-mêmes. Il déclare que l'atmosphère astrale change aussi
constamment d'un jour à l'autre, et d'une heure à l'autre, que l'air que nous
respirons. Il cite, en l'approuvant, la doctrine de Paracelse que chaque
homme, chaque animal et chaque plante portent des signes évidents
intérieurs et extérieurs des influences qui dominaient au moment du
développement de leur germe. Il répète l'antique doctrine cabalistique que
rien n'est sans importance dans la nature, et que, même une aussi petite
chose que la naissance d'un enfant sur notre insignifiante planète, a son
effet dans l'univers, de même que l'univers entier exerce son influence
réactive sur lui.
"Les astres, dit-il, sont liés l'un à l'autre par des attractions qui les
maintiennent en équilibre, et les font mouvoir avec régularité dans
l'espace. Ce filet de lumière s'étend sur toutes les sphères qu'il enveloppe,
et il n'est pas de point, sur une planète [29] quelconque, auquel ne soit
attaché un de ces fils indestructibles. L'endroit précis, aussi bien que
l'heure de la naissance devraient par conséquent être soigneusement
enregistrés par le véritable adepte en astrologie ; puis, lorsqu'il aura fait le
calcul exact des influences astrales, il lui restera à compter les chances de
sa position dans la vie, les concours sur lesquels il peut compter, les
obstacles qu'il aura à surmonter... et enfin ses impulsions naturelles pour
l'accomplissement de sa destinée" 39. Il affirme aussi que la force
individuelle d'une personne, comme indication de son aptitude à vaincre
les difficultés et les circonstances défavorables, et ainsi façonner sa
destinée, ou ses tendances à attendre passivement ce que le destin aveugle
lui réserve, doit aussi entrer en ligne de compte.
39
[E. Levi, I, 27.]
L'examen de cette question, au point de vue des anciens, nous donne,
comme on le voit, une idée bien différente de celle exprimée par Tyndall
dans son célèbre discours de Belfast. "C'est aux êtres Supersensoriels, dit-
il, qui, tout-puissants et invisibles qu'ils paraissent, ne sont néanmoins
qu'une sorte de créatures humaines élevées peut-être au-dessus de
l'humanité, et conservant toutes les passions et tous les appétits humains,
qu'ont été confiés l'empire et le gouvernement des phénomènes naturels."
Tyndall, pour affirmer son dire, cite à propos le passage bien connu
d'Euripide, que l'on trouve dans Hume : "Les dieux lancent tout au hasard
et en désordre, mélangent ensemble les choses les plus opposées, afin que
tous, par ignorance et par indécision, nous leur rendions un culte d'autant
plus respectueux" 40. Mais. tout en énonçant, dans Chrysippus, plusieurs
doctrines pythagorisiennes, Euripide est considéré par tous les auteurs
anciens comme hétérodoxe, et par conséquent la citation tirée de ce
philosophe ne corrobore nullement l'argumentation de Tyndall.
40
["Belfast Address" dans Fragments of Science.]
se brise, la goutte devient une partie de l'océan, et son existence
individuelle cesse. Il en est de même de l'esprit. Tant qu'il est enfermé dans
son intermédiaire plastique, l'âme, il a une existence individuelle, mais que
la capsule soit détruite, ce qui peut avoir pour cause l'agonie d'une
conscience flétrie, le crime, un mal moral quelconque, alors l'esprit s'en
retourne à son lieu d'origine. Son individualité est partie".
41
Aristote, De Part. an. lib. i. c. 1.
42
Serment pythagoricien. Les Pythagoriciens prêtaient serment par le nom de leur maître.
43
Voyez Lemprière, Dictionnaire Classique.
ses théories matérialistes. Nous leur conseillons de rassembler les faits
aussi soigneusement qu'il l'a fait, au lieu de nier ceux auxquels ils ne
connaissent rien. [36]
De crainte d'être mal compris, nous ferons remarquer que, tandis qu'en
règle générale, les phénomènes physiques sont produits par les esprits de la
nature, agissant de leur propre mouvement, et pour satisfaire leur propre
fantaisie, il y a néanmoins de bons esprits humains désincarnés qui
peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, telles que l'aspiration d'un
cœur pur et des conditions très favorables, manifester leur présence par
quelques phénomènes, sauf celui d'une matérialisation personnelle. Mais
il faut un attrait bien puissant en vérité, pour pousser un pur esprit
désincarné à quitter son radieux séjour afin de venir se plonger dans
l'atmosphère viciée d'où il s'est évadé en abandonnant son corps terrestre !
44
"Oracles Chaldéens", 3. Cf. Cory, Anc. Fragm., 270. Ed. 1832.
avant que votre corps ne soit initié, car, par des leurres incessants, elles
séduisent les âmes des non-initiés" 45.
45
Produs ; cf. Cory, op. cit., p. 270.
peuvent s'y trouver, car tout cela dépend de notre propre
volonté et de notre imagination. Ce MENSABULISME 46
est un phénomène ancien... mal compris des modernes,
mais naturel au demeurant et appartenant au domaine de
la physique et de la psychologie ; malheureusement, il
devait demeurer incompréhensible jusqu'à ce que l'on ait
découvert l'électricité et l'héliographie, car pour
expliquer un fait de nature spirituelle, nous sommes
obligés de nous baser sur un fait correspondant d'ordre
matériel...
Comme nous le savons tous, la plaque daguerréotype
peut être impressionnée non seulement par les objets
eux-mêmes, mais encore par leurs réflexions. Eh bien ! le
phénomène en question, qui devrait être appelé
photographie mentale met au jour, outre des réalités, les
rêves de notre imagination, avec une fidélité telle, que
très souvent, nous sommes incapables de distinguer une
épreuve [38] tirée d'après une personne présente, d'avec
un négatif obtenu par une simple image...
La magnétisation d'une table ou d'une personne est
absolument identique dans ses résultats ; c'est la
saturation d'un corps étranger soit par l'électricité vitale
intelligente, soit par la pensée du magnétiseur et des
personnes présentes".
Rien ne peut en donner une meilleure et plus juste idée que la batterie
électrique accumulant le fluide sur son conducteur, pour obtenir ainsi une
force aveugle qui se manifeste par des étincelles lumineuses, etc... Ainsi,
l'électricité condensée sur un corps isolé acquiert une puissance de réaction
égale à l'action, soit pour charger, magnétiser, décomposer, enflammer,
soit pour décharger ses vibrations à une grande distance. Ce sont les effets
visibles d'une électricité aveugle, ou à l'état brut produite par d'aveugles
éléments – le mot aveugle étant employé par la table elle-même, par
opposition à l'électricité intelligente. Mais il existe évidemment une
électricité correspondante produite par la pile cérébrale de l'homme ; cette
46
Du mot latin mensa, table. Cette curieuse lettre est reproduite in extenso dans la Science des
Esprits, d'Eliphas Lévi, t. III, chap. 1.
électricité psychique, cet éther spirituel et universel qui est la nature
ambiante, intermédiaire de l'univers métaphysique, ou plutôt incorporel, a
besoin d'être étudiée, avant d'être admise par la science qui, n'en ayant
point la moindre idée, ne saura jamais rien de ce grand phénomène de la
vie tant qu'elle ne l'aura pas étudié.
"Il semble que pour se manifester, l'électricité cérébrale
exige le concours de l'électricité statique ordinaire ;
lorsque cette dernière fait défaut dans l'atmosphère,
lorsque l'air est très humide, par exemple, on n'obtient
que peu ou même rien, soit des tables, soit des
médiums...
Il n'est pas nécessaire que les idées soient formulées avec
grande précision dans le cerveau des personnes
présentes ; la table découvre et formule ces idées elle-
même, tant en prose qu'en vers, mais toujours
correctement ; la table a besoin d'un certain temps pour
composer un vers ; elle commence, puis elle rature un
mot, le corrige, et quelquefois elle envoie une
épigramme à notre adresse... Si les personnes présentes
sont parfaitement en sympathie entre elles, elle plaisante
et rit avec elles, comme une personne vivante pourrait le
faire. Quant aux choses du monde extérieur, il faut que,
comme nous, elle se contente de suppositions ; la table
compose de petits systèmes philosophiques, elle les
discute et les soutient comme le ferait le plus habile
rhétoricien. En un mot, elle se crée une conscience et une
raison qui lui appartiennent en propre, mais avec les
matériaux qu'elle trouve en nous...
Les Américains sont persuadés qu'ils conversent avec
leurs morts ; quelques-uns pensent (avec plus de raison)
que ce sont des esprits ; d'autres les prennent pour des
anges, et d'autres encore [39] pour des diables,
[l'intelligence] prenant la forme qui correspond à la
conviction et à l'opinion préconçue de chacun. Ainsi
faisaient les initiés des temples de Sérapis, de Delphes, et
autres établissements théurgico-magiques du même
genre. Ils étaient convaincus d'avance qu'ils allaient se
mettre en communication avec leurs dieux ; et ils y
réussissaient toujours.
Nous, qui connaissons bien la valeur du phénomène...
nous sommes parfaitement sûrs, qu'après avoir chargé la
table de nos effluves magnétiques, nous avons appelé à
la vie ou créé une intelligence analogue à la nôtre qui,
comme nous-mêmes, est douée d'une volonté libre ; qui
peut causer et discuter avec nous, avec une lucidité
supérieure, attendu que la résultante est plus forte que
l'individu, ou plutôt que le tout est plus grand qu'une de
ses parties... N'accusons pas Hérodote de nous citer des
mensonges, lorsqu'il rapporte les faits les plus
extraordinaires, car nous devons les tenir pour aussi
véritables et aussi exacts que les autres faits historiques,
que l'on trouve chez tous les auteurs païens de
l'antiquité...
Le phénomène est aussi ancien que le monde... Les
prêtres de l'Inde et de la Chine le pratiquaient avant les
Egyptiens et les Grecs. Les sauvages et les Esquimaux le
connaissent bien. C'est le phénomène de la Foi, seule
source de tout prodige, et il vous sera fait selon votre foi.
Celui qui énonçait cette profonde doctrine était,
sûrement, le Verbe incarné de la Vérité ; il ne se trompait
pas, et il ne cherchait pas à tromper les autres ; il posait
un axiome que nous répétons aujourd'hui, sans beaucoup
d'espoir de le voir accepter.
L'homme est un microcosme ou un monde en miniature ;
il porte en lui un fragment du grand Tout, dans un état
chaotique. La tâche de nos demi-dieux est de dégager de
cet ensemble la part qui leur revient, par un travail
mental et matériel incessant. Ils ont leur mission à
remplir, l'invention perpétuelle de nouveaux produits, de
moralités nouvelles, et l'arrangement convenable des
matériaux grossiers et informes que leur fournit le
Créateur, qui les a créés à Son image, pour qu'ils puissent
créer à leur tour, et compléter de la sorte, ici-bas, l'œuvre
de la Création ; labeur immense qui ne sera achevé que
lorsque l'ensemble sera devenu si parfait, qu'il sera
comme Dieu lui-même, et capable ainsi de se survivre à
lui-même. Nous sommes bien loin encore de ce moment
final, car on peut dire que tout est à faire, à défaire, et à
améliorer encore sur notre globe, les institutions,
l'outillage et les produits.
"Mens non soluni agitat sed creat molem."
Nous vivons dans cette existence, dans un centre
intellectuel ambiant, qui entretient entre les êtres
humains et les choses, une [40] solidarité nécessaire et
perpétuelle ; chaque cerveau est un ganglion, une station
d'un télégraphe neurologique universel, en rapport
constant avec la station centrale et les autres, au moyen
de vibrations de la pensée.
Le soleil spirituel brille pour les âmes, comme le soleil
matériel brille pour les corps, car l'univers est double et
suit la loi des couples. L'opérateur ignorant interprète
d'une manière erronée les dépêches divines, et souvent il
les transmet sous une forme ridicule et fausse. Ainsi,
seules l'étude et la véritable science peuvent détruire les
superstitions et les sottises répandues par les interprètes
ignorants placés aux stations d'enseignement, parmi tous
les peuples de ce monde. Ces aveugles interprètes du
VERBE ont toujours pris à tâche d'imposer à leurs
disciples, l'obligation de jurer pour toutes choses, sans
examen, in verba magistri.
Hélas, nous ne désirerions rien de mieux que de les voir
interpréter correctement les voix intérieures, voix qui ne
trompent jamais personne, sauf ceux qui ont de faux
esprits en eux. "Notre devoir, disent-ils, est d'interpréter
les oracles ; c'est nous qui en avons reçu la mission
exclusive du ciel, spiritus flat ubi volt, et c'est sur nous
seuls qu'il a soufflé..."
Il souffle sur chacun, et les rayons de la lumière
spirituelle illuminent toutes les consciences... et lorsque
tous les corps et tous les esprits refléteront également
cette double lumière, on verra beaucoup plus clair qu'on
ne le fait aujourd'hui."
Nous avons cité les fragments qui précèdent, à cause de leur grande
originalité et de leur vérité. Nous en connaissons l'auteur ; la renommée le
proclame un grand Cabaliste, et les quelques amis qui le connaissent le
tiennent pour un sincère et honnête homme.
La lettre montre d'ailleurs que celui qui l'a écrite a étudié très
soigneusement la nature de caméléon des intelligences qui président aux
séances des cercles spirites. Qu'elles soient de même genre et de même
race que celles dont il est si fréquemment question dans l'antiquité, ne fait
pas plus de doute que le fait que la génération actuelle d'hommes est de la
même nature que les êtres humains du temps de Moïse. Les manifestations
subjectives procèdent, sous des conditions harmonieuses, de ces êtres que
l'on connaissait dans l'antiquité sous la dénomination de "bons daemons".
Elles sont produites quelquefois, mais rarement, par les esprits planétaires
– êtres d'une autre race que la nôtre ; quelquefois par les esprits de nos
amis et de nos bien-aimés désincarnés ; quelquefois par des esprits de la
nature de l'une ou de l'autre de leurs innombrables catégories ; mais le plus
fréquemment par les esprits élémentaires terrestres, hommes méchants
désincarnés, les Diakka de A. Jackson Davis. [41]
Nous n'oublions pas ce que nous avons écrit ailleurs au sujet des
phénomènes médiumniques subjectifs et objectifs. Nous avons toujours
cette distinction présente à la mémoire. Dans les deux classes, il y en a de
bons et de mauvais. Un médium impur attire vers son être intime impur les
influences vicieuses, dépravées et malignes, aussi inévitablement qu'un
médium pur attire uniquement celles qui sont bienfaisantes et pures. Peut-
on trouver un plus noble exemple de ce genre de médiums purs que la
charmante baronne autrichienne Adelma de Vay (née comtesse
Wurmbrandt), qu'on nous dépeint comme "la Providence de son
entourage" ? Elle emploie son pouvoir médiumnique à guérir les malades
et à consoler les affligés. Pour les riches, elle est un phénomène, mais pour
les pauvres, un ange bienfaisant. Pendant bien des années, elle a vu et
reconnu les esprits de la nature, ou élémentaires cosmiques, et elle les a
toujours trouvés amicaux. Mais c'est parce qu'elle est pure, douce et bonne.
D'autres correspondants de la Société Théosophique n'ont pas été aussi
bien partagés dans leurs rapports avec ces êtres frivoles et espiègles. Le cas
de la Havane, raconté ailleurs, en est un exemple.
Bien que les spirites les discréditent tellement, ces esprits de la nature
sont néanmoins des réalités. Si les gnomes, les sylphes, les salamandres et
les ondines des Rosecroix existaient de leur temps, ils doivent encore
exister aujourd'hui. Le Dweller of the Threshold (Le Gardien du seuil) de
Bulwer Lytton, est une conception moderne, modelée sur l'ancien type de
la Sulanuth qui est mentionnée dans le Livre de Jasher, des Hébreux et des
Egyptiens 47.
47
"Et lorsque les Egyptiens se cachèrent pour échapper à l'invasion des mouches (une des
prétendues plaies infligées par Moïse)... ils fermèrent leurs portes et les verrouillèrent avec soin
derrière eux ; mais Dieu donna ordre à Sulanuth (que le traducteur rend naïvement, dans une note,
par monstre marin), qui se trouvait dans la mer, d'en sortir et de se rendre en Egypte... Elle avait de
longs bras de dix coudées de long... et elle se rendit sur le haut des maisons, dont elle enleva la
toiture, et plongeant ses bras à l'intérieur, elle tira les verrous, et ouvrit les portes des maisons
égyptiennes, et les essaims de moucherons et autres animaux exterminèrent les Egyptiens, en les
faisant souffrir extrêmement." Livre de Jasher, LXXX, 19-22.
48
Strom, VI, 17, § 159.
49
Ibidem, VI, 3, § 30.
Imaginons, pour un instant, un orang-outang intelligent, ou bien un
singe anthropoïde africain désincarné, c'est-à-dire privé de son corps
physique, mais en possession d'un corps astral, sinon immortel. Nous
avons lu dans les journaux spirites de nombreux récits d'apparitions de
chiens favoris, ou d'autres animaux. C'est pourquoi, sur le témoignage
même des spirites, nous pensons que les "esprits" de ces sortes d'animaux
apparaissent, tout en nous réservant le droit de nous ranger à l'avis des
anciens qui affirment que ces apparitions sont des tours joués par les
élémentals. Une fois la porte ouverte aux communications entre le monde
spirituel et le monde terrestre, qui empêche le singe de produire des
phénomènes physiques analogues à ceux qu'il voit produire par les esprits
humains ? Et pourquoi ne dépasseraient-ils pas en habileté et en
ingéniosité bon nombre de ceux dont on a été témoin dans les cercles
spirites ? Que les spirites nous répondent. L'orang-outang de Bornéo est
bien peu inférieur en intelligence à l'homme sauvage, si tant est qu'il le
soit. M. Wallace et d'autres grands naturalistes citent des exemples de son
étonnante acuité d'esprit, quoique son cerveau soit inférieur comme
volume à celui du moins développé parmi les sauvages. Il ne manque à ces
quadrumanes que la parole pour être des hommes d'un degré inférieur. Les
sentinelles placées par les singes ; les dortoirs choisis et bâtis par les
orangs-outangs ; leur prévision du danger et les calculs qui dénotent plus
que de l'instinct ; leur choix de chefs auxquels ils obéissent ; et l'exercice
d'une foule de leurs facultés, leur donnent droit à une place sur le même
niveau que beaucoup d'aborigènes australiens au crâne aplati. "Les
aptitudes mentales des sauvages. dit M. Wallace, et les facultés qu'ils
exercent actuellement sont fort peu supérieures à celles des animaux." [43]
Or, bien des gens prétendent qu'il ne peut pas y avoir de singes dans
l'autre monde, parce qu'ils n'ont pas "d'âme". Mais les singes ont autant
d'intelligence, parait-il, que certains hommes ; pourquoi donc ces hommes,
qui ne leur sont aucunement supérieurs, seraient-ils doués d'un esprit
immortel, et les singes pas ? Les matérialistes répondront que ni les uns ni
les autres n'ont d'esprit, mais que l'anéantissement est leur sort commun
après la mort physique. Mais les philosophes spiritualistes de toutes les
époques s'accordent à dire que l'homme occupe une place d'un degré plus
élevé que celle de l'animal, et possède ce quelque chose qui fait défaut à ce
dernier, et cela, qu'il soit le plus primitif des sauvages ou le plus sage des
philosophes. Les anciens, nous l'avons vu, enseignaient que, tandis que
l'homme est une trinité formée du corps, de l'âme astrale et de l'esprit
immortel, l'animal n'est qu'une dualité, un être pourvu d'un corps physique
et d'un esprit astral qui l'anime. Les savants ne reconnaissent aucune
différence entre les éléments qui composent le corps des hommes et celui
des animaux, et les cabalistes sont d'accord avec eux du moment où ils
soutiennent que le corps astral (ou, comme le nomment les physiciens, le
"principe de vie") des animaux et des hommes est identique en essence.
L'homme physique n'est que le plus haut développement de la vie animale.
Si, comme le disent les savants, la pensée même est de la matière, et si
chaque sensation de douleur ou de plaisir, chaque désir transitoire est
accompagné d'une perturbation de l'éther – et les hardis spéculateurs qui
ont écrit l'Unseen Universe croient que la pensée est conçue de façon à
"agir sur la matière d'un autre univers, simultanément avec celui-ci" – alors
pourquoi la pensée grossière et animale d'un orang-outang ou d'un chien,
faisant son empreinte sur les vagues éthérées de la lumière astrale, aussi
bien que celle de l'homme, n'assurerait-elle pas à l'animal une continuité
d'existence ou un état futur après la mort ?
50
Gorgias.
limites de la loi de continuité spirituelle ; tant que la divine étincelle, pour
si faible qu'elle soit, s'attarde en lui, il est sur la voie de l'immortalité dans
un état futur. Mais ceux qui se laissent aller à une vie matérialiste, qui
mettent obstacle au rayonnement divin de leur esprit, dès le début de leur
pèlerinage terrestre ; ceux qui étouffent la voix de cette sentinelle
vigilante, la conscience, qui sert de foyer à la lumière dans l'âme, de tels
êtres ayant laissé de côté l'esprit et le sens moral, et ayant franchi les
limites de la matière, seront nécessairement tenus d'en subir les lois.
51
Timée.
52
Phédon, 70 C.
53
Ibidem, 114 BC.
54
Phèdre, 249 B.
de l'Univers 55. Cette géhenne, que les occultistes nomment la huitième
sphère (en comptant à rebours), est tout simplement une planète comme la
nôtre, attachée à celle-ci, et la suivant dans sa pénombre ; une sorte de
dépotoir où "toutes les immondices de la terre sont déversées et
consumées", suivant l'expression des dits auteurs et où toutes les scories de
matière cosmique de notre globe sont dans un état perpétuel de
remaniement.
55
The Unseen Universe, p. 205-206.
56
Voir Bulwer-Lytton. Strange Story, p. 76. Nous ne savons où trouver, dans le domaine de la
littérature, une description plus vivante et plus belle de cette différence entre le principe de vie de
l'homme et celui des animaux, que dans le passage auquel nous faisons rapidement allusion.
de la sorte, [46] pourquoi pas les animaux et les plantes, qui ont tous un
principe de vie, et dont les formes grossières se décomposent comme la
sienne, lorsque ce principe de vie les abandonne ? Si son corps astral
devient plus éthéré en arrivant dans une autre sphère, pourquoi n'en serait-
il pas de même des leurs ? Eux, aussi bien que lui, ont évolué de la matière
cosmique condensée, et nos physiciens ne voient pas la moindre différence
entre les molécules des quatre règnes de la nature, qui sont énumérés,
comme suit, par le professeur Le Conte :
4 Règne animal.
3 Règne végétal.
2 Règne minéral.
1 Eléments.
La progression de la matière de chacun de ces plans à celui au-dessus,
est continue ; et, suivant Le Conte, il n'y a pas de force dans la nature
capable d'élever la matière d'un seul coup du n° 1 au n° 3, ou dit n° 2 au n°
4, sans s'arrêter et sans recevoir un supplément de force d'un genre
différent, dans le plan intermédiaire 57.
57
[Op. cit., p. 188.]
même esprit subtil pénètre toute la nature, et qu'il est inséparable des
substances organiques ou inorganiques. Si [47] les anthropologistes, les
physiologistes et les psychologues sont également perplexes au sujet de
l'indication des causes premières et finales, et s'ils sont aussi embarrassés
les uns que les autres, en constatant dans la matière tant de similitudes
dans les formes, et de si profonds abîmes de différences dans l'esprit, cela
tient, peut-être, à ce que leurs recherches ont été limitées à notre globe
visible, et qu'ils ne peuvent ou n'osent aller au delà. L'esprit d'un minéral,
d'une plante, d'un animal peut commencer à se former ici, et n'atteindre
son développement définitif que des millions de siècles plus tard, sur
d'autres planètes connues ou inconnues, visibles ou invisibles pour nos
astronomes. Qui, en effet, est en mesure de détruire la théorie ci-dessus
suggérée, que la terre elle-même, de même que les créatures vivantes
auxquelles elle a donné naissance deviendra par la suite, après avoir passé
elle aussi par les diverses phases de l'existence, de la mort et de la
dissolution, une planète astrale éthérisée ? "En haut comme en bas"
l'harmonie est la grande loi de la nature.
58
A.R. Wallace, Contributions to the Theory of Natural Selection.
59
W. Denton, The soul of things, p. 273.
60
Hérodote, b. i. c. 181.
quelque part que la profonde connaissance que possédaient, d'après
Draper, les anciens astrologues de la Chaldée, des planètes et de leurs
relations, avait été acquise par la divination à l'aide du betylos, ou pierre
météorique, plus que par les instruments astronomiques. Strabon, Pline,
Hélancius, parlent tous du pouvoir électrique ou électromagnétique des
betyli. Ils étaient révérés dès la plus haute antiquité en Egypte et en
Samothrace, comme des pierres magnétiques "renfermant des âmes
tombées du ciel", et les prêtres de Cybèle portaient un petit betylos sur eux.
Quelle curieuse coïncidence entre ces pratiques des prêtres de Bélus et les
expériences du professeur Denton ! [49]
61
Anthropology, p 125.
62
De abstinentia, II, § 37.
63
Odyssée, livre VII.
formes et de figures sujettes à de nombreuses variations, qui peuvent être
expliquées par le fait que leur nature a beaucoup d'éléments corporels.
Leur séjour est dans le voisinage de la terre... et lorsqu'ils peuvent
s'échapper à la surveillance des bons démons, il n'est pas de méfait qu'ils
ne soient prêts à commettre. Un jour, ils emploieront la force brutale ; un
autre jour ils auront recours à la ruse 64". Plus loin, il dit : "C'est un jeu
d'enfant pour eux que d'exciter en nous de viles passions, d'inculquer aux
nations et aux sociétés des doctrines turbulentes, de provoquer des guerres,
des séditions, et d'autres calamités publiques, et de nous dire ensuite que
tout cela est l'œuvre des dieux... Ces esprits passent leur temps à tromper et
à décevoir les mortels, à produire autour d'eux des illusions et des
prodiges ; leur plus grande ambition est de passer pour des dieux et des
âmes (des esprits désincarnés) 65". [50]
64
Porphyre, op cit., VII, 199-206.
65
Ibidem, II, 40-42.
66
Jamblique, De Mysteriis Egyptorum, II, 4-10.
67
Jamblique, II, 10.
Il y a une vingtaine d'années, le baron Du Potet, dégoûté de
l'indifférence des savants qui persistaient à voir dans les plus grands
phénomènes psychologiques le résultat d'adroites prestidigitations, donnait
libre cours à son indignation en ces termes :
"Me voici, je puis le dire en vérité, en route pour la terre
des merveilles ! Je me prépare à blesser toutes les
opinions, et à provoquer le rire chez nos plus illustres
savants... car, je suis convaincu que les agents d'une
puissance immense existent en dehors de nous ; qu'ils
peuvent entrer en nous, faire mouvoir nos membres et
nos organes ; et en user à leur fantaisie. C'était, après
tout, la croyance de nos père et de tout l'antiquité.
Chaque religion a admis la réalité d'agents spirituels...
Rappelant les innombrables phénomènes que j'ai produits
sous les yeux de milliers de personnes, voyant la stupide
indifférence de la Science officielle en présence d'une
découverte qui transporte l'esprit dans les régions de
l'inconnu ; vieillard, au moment où je devrais naître, pour
ainsi dire... je ne suis pas certain qu'il n'eût pas mieux
valu pour moi avoir partagé l'ignorance commune.
J'ai supporté que l'on me calomniât par écrit, sans réfuter
les calomnies... Dans un cas, c'est la simple ignorance
qui fait parler, et je garde le silence ; dans un autre
encore c'est un esprit superficiel qui, élevant la voix,
commet une bévue, et j'hésite, ne [51] sachant si je dois
parler ou me taire. Est-ce indifférence ou apathie ? La
crainte a-t-elle le pouvoir de paralyser mon esprit ? Non ;
aucune de ces choses ne me touche ; je sais, tout
simplement, qu'il faut prouver ce que l'on avance, et c'est
ce qui me retient. Car, en justifiant mes assertions, en
montrant le FAIT vivant, qui démontre ma sincérité et la
vérité, je transporte hors de L'ENCEINTE DU TEMPLE
l'inscription sacrée, QU'AUCUN ŒIL PROFANE NE
DOIT JAMAIS LIRE.
Vous doutez de la sorcellerie et de la magie ? O vérité !
ta possession est un lourd fardeau 68 !"
Les récits du passé n'existent pas pour les spirites, ou s'ils sont
familiers avec ses trésors accumulés, ils les considèrent comme n'ayant
aucun rapport avec leurs propres expériences. Et cependant, les problèmes
qui les embarrassent tant étaient résolus, il y a des milliers d'années, par les
théurgistes, qui en ont laissé les clés à ceux qui les cherchent dans des
dispositions convenables, et avec discernement. Est-il possible que la
nature ait changé son œuvre, et que nous ayons affaire à des esprits et à des
lois différents de ceux de l'antiquité ? Ou bien un spirite quelconque
s'imagine-t-il qu'il en sait davantage ou même autant, au sujet des
phénomènes médiumniques et de la nature des divers esprits, que cette
caste sacerdotale, qui passa sa vie dans la pratique de la théurgie, connue et
étudiée depuis des siècles sans nombre ? Si les récits d'Owen, de Hare,
d'Edmonds, de Crookes et de Wallace sont dignes de foi, pourquoi ceux
d'Hérodote, le "Père de l'Histoire", de Jamblique et de Porphyre, et de
centaines d'autres auteurs anciens ne le seraient-ils pas ? Si les
phénomènes des spirites se présentent dans des conditions de contrôle
absolu, il en [52] était de même de ceux des anciens théurgistes, dont les
relations, d'ailleurs, prouvent qu'ils pouvaient provoquer et varier les
manifestations à volonté. Le jour où ce fait sera reconnu, et où les
spéculations sans profit des chercheurs modernes feront place à l'étude
68
Du Potet, La Magie dévoilée.
patiente des œuvres des théurgistes, ce jour-là marquera l'aurore de
nouvelles et importantes découvertes dans le champ de la psychologie.
[53]
CHAPITRE X
—
L'HOMME INTERIEUR ET EXTERIEUR
JOANNES LYDUS,
PROCLUS,
M. FICINO,
Il est toujours dangereux d'engager un duel avec les savants sur des
questions qui sont bien élucidées par les recherches expérimentales. Dans
les choses qu'ils connaissent, ils sont inattaquables, et tant qu'ils n'auront
pas détruit eux-mêmes la vieille formule en la remplaçant par une autre
plus récente, il est inutile de lutter contre Achille, à moins toutefois que
l'on ne soit assez heureux pour atteindre le demi-dieu au pied léger, à son
vulnérable talon. Or ce talon, c'est ce qu'ils avouent ne pas savoir.
C'est à une telle astuce qu'eut recours certain prédicateur bien connu,
pour atteindre la partie mortelle en question. Avant de faire le récit des
faits extraordinaires, mais parfaitement authentiques, que nous allons
présenter dans ce chapitre, il sera utile de montrer une fois de plus
combien la science moderne est sujette à se tromper en ce qui concerne
tous les faits qui ne peuvent être démontrés à l'aide du creuset ou de la
cornue. Voici quelques fragments d'une série de sermons prêchés par le
Père Félix à Notre-dame, sous le titre de : "Les mystères et la Science". Ils
méritent d'être cités dans un ouvrage qui est écrit précisément dans le
même esprit que celui dont parait animé le prédicateur. Pour une fois,
l'Eglise a réduit temporairement au silence l'arrogance de son ennemie
traditionnelle, en présence des savants académiciens.
69
Nous serions curieux de savoir si le père Félix range dans cette catégorie saint Augustin,
Lactance, et le vénérable Bède ?
70
Par exemple, Copernic, Bruno et Galilée, sans doute ? Pour de plus amples détails voir l'Index
expurgatoire, certes c'est le cas d'ajouter le fameux proverbe : Audaces fortuna juvat.
partout les efforts de la [56] science? Vous nous
demandez de vous prouver que la science exacte ne peut
pas admettre le mystère, je vous réponds en parfaite
assurance qu'elle ne peut pas s'y soustraire. Le mystère,
c'est la FATALITE de la science.
Avons-nous besoin de choisir nos preuves ? En premier
lieu, jetons donc, autour de nous, un regard sur le monde
matériel depuis l'atome le plus microscopique jusqu'au
soleil le plus majestueux. Eh bien là, si vous essayez
d'embrasser dans l'unité d'une simple loi tous ces corps et
leurs mouvements, si vous cherchez le mot qui explique,
dans ce vaste panorama de l'univers, cette harmonie
prodigieuse, où tout semble obéir à l'empire d'une force
unique, vous prononcez une parole pour l'exprimer, et
vous dites : attraction !... Oui, attraction, tel est le
sublime épitome de la science des corps célestes. Vous
dites qu'à travers l'espace ces corps se reconnaissent et
s'attirent mutuellement ; vous dites qu'ils s'attirent
proportionnellement à leur masse, et en raison inverse du
carré de leurs distances. Et de fait jusqu'à présent, rien
n'est venu contredire cette assertion, mais tout, au
contraire, a confirmé une formule qui règne maintenant
en souveraine dans l'EMPIRE DE L'HYPOTHÈSE, et
c'est pourquoi elle doit dorénavant jouir des honneurs
d'un truisme incontestable.
Messieurs, je rends de tout mon cœur hommage
scientifique à la souveraineté de l'attraction. Ce n'est pas
moi qui voudrais obscurcir la lumière dans le monde
matériel qui se reflète dans le monde des esprits.
L'empire de l'attraction est donc palpable ; il est donc
souverain ; il nous éblouit.
Mais qu'est-ce que cette attraction ? Qui l'a vue ? Qui l'a
rencontrée ? Qui l'a touchée, cette attraction ? Comment
ces corps muets, inintelligents, insensibles, exercent-ils
inconsciemment, l'un sur l'autre, cette réciprocité d'action
et de réaction, qui les maintient dans un équilibre
commun, et dans une unanime harmonie ! Cette force qui
entraîne un soleil vers un autre et un atome vers un autre
atome est-elle un médiateur invisible qui va de l'un à
l'autre ? Et dans ce cas, quel est ce médiateur ? D'où lui
vient la force dont il se sert, la puissance qu'il possède, et
à laquelle le soleil ne peut pas plus échapper que
l'atome ? Mais cette force est-elle quelque chose qui
diffère des éléments eux-mêmes, qui s'attirent entre eux ?
Mystère ! Mystère !
Oui, messieurs, cette attraction qui resplendit d'une
lumière si éclatante dans le monde matériel, reste pour
vous, en somme, un mystère impénétrable... Cela vous
fait-il nier sa réalité qui vous saisit, ou son empire qui
vous subjugue ?... Et encore, remarquez, s'il vous plaît,
que le mystère se trouve si bien à la base de toute
science, que si vous désiriez l'en exclure, vous seriez
contraint de [57] supprimer la science elle-même.
Imaginez telle science que vous voudrez, suivez le
magnifique enchaînement de ses déductions... et lorsque
vous arrivez à sa source, vous vous trouvez face à face
avec l'inconnu 71
Qui donc a pénétré le secret de la formation d'un corps,
la génération d'un simple atome ? Qu'y a-t-il, je ne dirai
pas, au centre d'un soleil, mais au centre même d'un
atome ? Qui a sondé dans ses profondeurs l'abîme qui se
trouve dans un grain de sable ? Le grain de sable,
messieurs, a été étudié par la science pendant quatre
mille ans ; elle l'a tourné et retourné ; elle l'a divisé et
subdivisé ; elle l'a tourmenté par toutes sortes
d'expériences ; elle l'a accablé de questions pour en tirer
le mot final quant à sa secrète constitution ; elle lui
demande avec une curiosité ardente : Dois-je te diviser à
l'infini ? Et suspendue alors sur cet abîme, la science
hésite, elle se trouble, elle est éblouie, elle est prise de
vertige, et, découragée, elle s'écrie : "JE NE SAIS PAS".
71
Ni Herbert Spencer ni Huxley ne sont prêts à réfuter cette assertion. Mais le père Félix paraît
ignorer ce qu'il doit à la science ; s'il avait dit cela en l'an 1600, peut-être eût-il partagé le sort du
pauvre Giordano Bruno.
Mais si vous êtes fatalement ignorants de la genèse et de
la nature cachée d'un grain de sable, comment pouvez-
vous avoir l'intuition, quant à la génération d'un seul être
vivant ? D'où vient la vie dans cet être vivant ? Où
commence-t-elle ? Quel est le principe de la vie 72 ?"
72
Le mystère et la science, conférences du père Félix de Notre-Dame ; des Mousseaux, Hauts Phén.
magie.
une masse de témoignages confirmant l'immortalité de l'âme, si nous en
jugeons par des analogies. Mais nous avons encore mieux que cela, nous
avons la preuve irrécusable fournie par des milliers et des milliers de
penseurs, qu'il y a une science de l'âme qui, quoi qu'on lui refuse encore
aujourd'hui une place parmi les autres sciences, n'en est pas moins une
science. Cette science, en pénétrant les arcanes de la nature bien plus
profondément que notre philosophie moderne ne l'a jamais cru possible,
nous enseigne comment on peut forcer l'invisible à devenir visible ; elle
nous apprend l'existence des esprits élémentaires ; la nature et les
propriétés magiques de la lumière astrale ; le pouvoir qu'a l'homme vivant
de se mettre en communication avec ceux-là au moyen de celle-ci. Qu'elles
examinent avec le flambeau de l'expérience les preuves qui leur en sont
fournies, et ni l'Académie, ni l'Eglise, en faveur de laquelle le père Félix a
si éloquemment parlé, ne pourront le nier.
73
Damascius, dans la Théogonie l'appelle Dis, le dispensateur de toutes choses. Cory, Ancient
Fragments, pp. 295-514, éd. 1832.
74
Platon, Timée.
voulu mettre douze mille ans à sa création". Ce dernier nombre est indiqué
dans la Cosmogonie Tyrrhénienne 75, qui montre l'homme créé dans la six
millième année. Cela peut concorder avec la théorie égyptienne de 6.000
années 76, et avec le comput Hébraïque. Sanchoniathon 77, dans sa
Cosmogonie, déclare que lorsque le vent (esprit) devint amoureux de ses
propres principes (le chaos), une union intime s'opéra, dont la réalisation
fut appelée Pothos, et de cette union sortit la semence de toutes choses. Et
le chaos ne connut point sa propre production, car il était dénué de sens ;
mais de son étreinte avec l'esprit fut engendré Môt ou l'Ilus (la boue) 78.
C'est de là que sont issus les éléments de la création et la génération de
l'Univers.
75
Suidas : V. Tyrrhenia.
76
Le lecteur comprendra que par "années" on veut dire des "âges" et non simplement des périodes
de treize mois lunaires chacune.
77
Voir la traduction grecque, par Phélon Byblius, conservée dans Praep. evang d'Eusèbe.
78
Cory, Ancient Fragments.
naturelle, tu provoqueras le courroux des natures humides 79, qui se
heurteront contre le feu central, et le feu central contre elles, et il y aura
une division terrible dans le chaos 80." L'esprit d'harmonie et d'union se
séparera des éléments, troublés par une main imprudente ; et les courants
des forces aveugles seront immédiatement infestés par les innombrables
créatures de matière et d'instinct, les mauvais démons des théurgistes, les
diables de la théologie ; les gnomes, les salamandres, les sylphes et les
ondines assailliront le téméraire opérateur, sous les formes aériennes les
plus variées. Incapables d'inventer quoi que ce soit, ils fouilleront sa
mémoire jusqu'au plus profond ; c'est de là que proviennent l'épuisement
nerveux et l'oppression mentale de certaines natures impressionnables dans
les cercles spirites. Les élémentals remettront en lumière des souvenirs du
passé depuis longtemps oubliés ; les formes, les images, les doux
souvenirs, les phrases familières depuis longtemps effacées, mais
conservés vivants dans les profondeurs insondables de notre mémoire,
ainsi que sur les tablettes astrales de l'immortel LIVRE DE LA VIE."
79
Nous reproduisons le texte de ce Cabaliste qui vivait et publia ses ouvrages au XVIIème siècle. Il
est généralement considéré comme un des plus célèbres alchimistes parmi les philosophes
Hermétiques.
80
Les plus positifs parmi les philosophes matérialistes sont d'accord pour admettre que tout ce qui
existe a été tiré de l'éther ; par conséquent, l'air, l'eau, la terre et le feu, les quatre éléments
primordiaux doivent aussi procéder de l'éther et du chaos la première Duade ; tous les
impondérables connus ou inconnus viennent de la même source. Si donc il y a dans la matière une
essence spirituelle et que cette essence la contraigne à prendre des millions de formes individuelles,
pourquoi serait-il illogique d'affirmer que chacun de ces règnes spirituels dans la nature est peuplé
d'êtres issus de cette même substance ? La chimie nous apprend que dans le corps de l'homme il y a
de l'air, de l'eau, de la terre et de la chaleur ou feu ; l'air est présent par ses composés ; l'eau se
trouve dans les sécrétions ; la terre dans ses constituants inorganiques ; et le feu dans la chaleur
animale. Le cabaliste sait par expérience que l'esprit élémental n'en possède qu'un, et que chacun
des quatre règnes a ses esprits élémentaux particuliers ; l'homme étant au-dessus d'eux, la loi
d'évolution trouve son application dans la réunion des quatre éléments en lui.
universelle, mais aussi que pour chaque chose ayant vie, des conditions
[62] spéciales sont fournies, et sont nécessaires dès qu'elles existent. Ainsi,
en admettant qu'il y ait un côté invisible dans l'univers, les conditions fixes
dans lesquelles agit la nature autorisent à en déduire que cette partie est
occupée exactement comme l'autre, et que chaque groupe de ses habitants
est pourvu de tous les éléments indispensables d'existence. Il est aussi
illogique d'imaginer que des conditions identiques sont fournies à tous
indistinctement dans cette moitié de l'univers, que de soutenir cette théorie
relativement aux habitants de la partie visible de la nature. Le fait qu'il y a
des esprits implique qu'il doit y en avoir une variété ; car les hommes
différent, et les esprits ne sont que des êtres humains désincorporés.
Dire que tous les esprits sont pareils ou faits pour vivre dans la même
atmosphère, ou investis des mêmes pouvoirs, ou enfin régis par les mêmes
attractions, électriques, magnétiques, odiques, astrales ou autres, serait
aussi absurde que de prétendre que toutes les planètes sont de même
nature, que tous les animaux sont amphibies, ou que tous les hommes
peuvent s'accommoder de la même nourriture. Il est, au contraire,
parfaitement conforme à la raison que les natures les plus grossières parmi
les esprits descendent davantage dans les bas-fonds de l'atmosphère
spirituelle, ou en d'autres termes, dans les régions plus voisines de la terre.
Par contre les plus pures monteront bien plus haut. Dans ce que nous
appellerions la Psychomatique de l'occultisme (si nous avions à créer un
mot pour exprimer la chose) il est aussi peu fondé de prétendre que l'une
de ces catégories d'esprits peut prendre la place de l'autre ou subsister dans
les mêmes conditions que lui, que de s'attendre, en matière d'hydraulique,
à ce que deux liquides de densité différente puissent échanger leur marque
sur l'échelle de l'hydromètre de Beaumé.
Görres, dans la description qu'il fait d'un entretien qu'il eut avec
quelques Hindous de la côte de Malabar, raconte que leur ayant demandé
s'il y avait des fantômes parmi eux, ils répondirent : "Oui mais nous savons
que ce sont de mauvais esprits... il est rare que les bons se fassent voir. Ce
sont surtout les esprits des suicidés et des meurtriers, ou de ceux qui sont
morts de mort violente. Ils errent constamment autour de l'humanité, et lui
apparaissent sous la forme de fantômes. La nuit leur est favorable, ils
séduisent les faibles d'esprit, et tentent les autres, de mille manières
différentes 81."
Que les spirites qui doutent des assertions des théurgistes essayent
l'effet que produira à leur prochaine séance de matérialisation un demi-litre
de sang fraîchement versé.
"Les dieux et les anges, dit Jamblique, nous apparaissent
dans la paix et l'harmonie ; les mauvais démons au
milieu du désordre et de la confusion... Quant aux âmes
ordinaires, nous ne les apercevons que plus rarement 84.
L'âme humaine (le corps astral) est un daemon que notre
langage peut nommer génie, dit Apulée 85. C'est un dieu
immortel, quoique, dans un sens, elle soit née en même
temps que l'homme dans lequel elle se trouve. Par
conséquent, on peut dire qu'elle meurt de la même façon
qu'elle est née."
L'âme naît dans ce monde, en quittant un autre monde
(anima mundi) dans lequel son existence avait précédé
celle que nous connaissons tous (celle de la terre). Ainsi
les dieux qui examinent sa conduite sous toutes les
81
Görres, Mystique, lib. III, p. 63.
82
Les anciens appelaient âmes les mauvais esprits des hommes ; l'âme était la larve et les lémures.
Les bons esprits humains devenaient des dieux
83
Porphyre, Des sacrifices, chap. du Vrai culte.
84
Mystères des Egyptiens.
85
Deuxième siècle. Du Dieu de Socrate. Apul. class., p. 143-145.
phases de ses diverses existences et dans son ensemble,
la punissent quelquefois ici des fautes commises dans
une vie antérieure. Elle meurt lorsqu'elle se sépare d'un
corps dans lequel elle a fait la traversée de la vie, comme
dans un frêle esquif. Et tel est, si je ne me trompe, le sens
secret de l'inscription tumulaire : Aux dieux mânes qui
ont vécu, si aisée à comprendre pour l'initié. Mais ce
genre de mort n'anéantit point l'âme, elle ne fait que la
transformer en lémure. Les lémures sont les mânes ou
fantômes que nous connaissons sous le nom de larves.
Lorsqu'ils se tiennent éloignés, et qu'ils nous accordent
une protection bienfaisante, nous honorons en eux les
divinités protectrices du foyer domestique ; mais si leurs
crimes les condamnent à une existence errante, nous les
désignons sous le nom de larves. Ils deviennent une plaie
pour les méchants, et causent aux bons une terreur
vaine."
Ainsi comme dans les révolutions d'une roue, les morts et les
naissances se succèdent en succession régulière, dont la cause morale est
l'attachement aux choses existantes, tandis que la cause instrumentale est
le Karma (la puissance qui régit l'univers en lui imprimant l'activité, le
mérite et le démérite). L'ardent désir de tous les êtres qui voudraient être
débarrassés du souci des naissances successives est donc de trouver le
moyen de détruire la cause morale... cet attachement funeste aux choses
existantes ou les mauvaises aspirations... Ceux qui ont détruit en eux tous
mauvais penchants, sont nommés les rahats. L'affranchissement des
mauvais désirs assure la possession d'un pouvoir miraculeux. A sa mort, le
rahat ne se réincarne jamais ; il arrive invariablement au Nirvana,
expression entre parenthèse mal comprise et faussement interprétée par les
chrétiens, aussi bien que par les commentateurs sceptiques. Nirvana est le
monde des causes, dans lequel tous les effets trompeurs ou les illusions de
nos sens disparaissent. Le Nirvana est la sphère la plus élevée qu'on puisse
86
[Voir ci-dessous (page 70) la note du traducteur.]
atteindre. Les pitris (esprits pré-adamiques), sont considérés comme
réincarnés par le philosophe Bouddhiste, bien que dans une condition de
beaucoup supérieure à celle de l'homme terrestre. Ne meurent-ils pas à leur
tour ? Leur corps astral ne souffre-t-il ou ne se réjouit-il pas, et n'éprouve-
t-il la même malédiction des sentiments illusoires, que pendant
l'incarnation ? 87
87
Eastern monachism, p. 6.
88
The Decline and Fall of the Roman Empire, n. 385.
89
Hardy, Manual of Buddhism ; Dunlap, Vestiges of the Spirit-History of man, p. 306.
90
Voir ci-dessous (page 70) la note du traducteur.
l'œuf du monde, et en sort transformé en Brahma, de la même manière que
la Duade de Pythagore émane de la plus haute et solitaire Monas 91. La
Monade du philosophe de Samos est la Monade hindoue (mental), "qui n'a
pas de cause première (apourva) ou cause matérielle et qui n'est pas sujette
à périr 92. Brahma, en qualité de Prajâpati, se manifeste tout d'abord sous la
forme de "douze corps" ou attributs, qui sont représentés par les douze
dieux symbolisant : 1° Le feu ; 2° Le soleil ; 3° Le soma qui donne
l'omniscience ; 4° Les être vivants ; 5° Vayou ou l'Ether matériel ; 6° La
mort ou le souffle de destruction, Siva ; 7° La terre ; 8° Le ciel ; 9" Agni,
le feu immatériel ; 10° Aditya, le soleil immatériel femelle et invisible ;
11° Le Mental ; 12° Le grand cycle infini qui ne peut être arrêté" 93. Après
cela, Brahma se dissout dans l'Univers Visible, dont chaque atome est sa
substance. Cela fait, la Monade, [67] non manifestée, indivisible et
indéfinie se retire dans la majestueuse solitude de son Unité, que rien ne
vient troubler. La divinité manifestée, d'abord une duade, devient
maintenant une triade ; sa qualité trine donne sans cesse naissance à des
puissances spirituelles, qui deviennent des dieux immortels (des âmes).
Chacune de ces âmes doit à son tour s'unir à un être humain, et du moment
où sa conscience apparaît, elle commence une série de naissances et de
morts. Un artiste oriental a essayé de rendre par la peinture cette doctrine
91
Lemprière, dans son Dictionnaire classique, à l'article "Pythagore", dit qu'il y a de grandes
raisons pour suspecter la vérité de tout le récit du voyage de Pythagore dans l'Inde, et il en conclut
que ce philosophe n'a jamais vu ni les Gymnosophes ni leur pays. S'il en était ainsi, comment
expliquer ce fait que la doctrine de la métempsycose de Pythagore ressemble bien davantage à celle
des Hindous qu'à celle des Egyptiens ? Mais, surtout, quelle explication fournir du fait que le nom
de MONADE donné par lui à la Cause Première est identique à la désignation en sanscrit de cet
Etre suprême. En 1788 lorsque Lemprière fit paraître son dictionnaire, le sanscrit était, dirait-on,
complètement inconnu et ignoré ; la traduction de l'Aitareya Brahmana (RigVedas) par le Dr Haug,
dans laquelle se trouve ce mot, a été publiée il y a une quinzaine d'années environ, et, jusqu'à ce que
cette précieuse addition au trésor de la littérature des âges archaïques fut complète, et que l'âge
précis de l'Aitareya, fixé maintenant par Haug à 200 ou 400 ans avant Jésus-Christ, cessât d'être un
mystère, on a pu supposer comme pour les symboles chrétiens, que les hindous l'avaient emprunté à
Pythagore. Mais aujourd'hui, à moins que la philologie ne puisse trouver que c'est une coïncidence,
et que le mot monade n'est pas le même dans ses définitions les plus minutieuses, nous avons le
droit d'affirmer que Pythagore a été dans l'Inde, et que c'est auprès des Gymnosophes qu'il fut
instruit dans sa théologie métaphysique. Le fait seul que "le sanscrit comparé au grec et au latin est
considéré comme la sœur aînée de ces langues, ainsi que le démontre Max Müller, n'est pas
suffisant pour expliquer l'identité du mot monade dans le sanscrit et le grec, [MANAS et] MONAS
dans son sens le plus métaphysique et le plus abstrait. Le mot sanscrit Deva est devenu le mot latin
Deus et indique une source commune, mais nous voyons le même mot prendre dans le Zend Avesta
un sens opposé, daeva, esprit mauvais, d'où vient le mot anglais devil [diable].
92
Haug, Aitareya Brahmanam.
93
Ibidem.
cabalistique des cycles. Le tableau couvre tout un mur intérieur d'un
temple souterrain, dans une grande pagode Bouddique, et il est vraiment
suggestif. Essayons d'en donner un aperçu, tel que nous l'avons vu.
Cette peinture est, ou bien une copie d'un tableau, dont la description a
été transmise, à la postérité par Berose, le prêtre du temple de Belus à
Babylone, ou bien alors l'original. Nous laissons à la pénétration des
archéologues modernes le soin d'élucider cette question. Mais la muraille
est précisément couverte de créatures analogues décrites par le semi-
démon ou demi-dieu Oannes, l'homme poisson 94des Chaldéens..., être
hideux produits par un double principe, la lumière astrale, et la matière la
plus grossière. [68]
94
Bérose : Fragment conservé par Alex. Polyhistor ; Cory, Anc. Fragm., 1852, p. 24.
écroulés et les curieux tombeaux gisent dans ces solitudes désolées depuis
bien des siècles, n'ont attiré l'attention que depuis fort peu de temps.
Souvenirs d'une antique civilisation depuis longtemps disparue, ils étaient
devenus l'abri des bêtes féroces, des siècles avant qu'on les ait jugés dignes
d'une exploration scientifique, et ce n'est que tout récemment que The
Observer donnait une description enthousiaste de ces ancêtres archaïques
d'Herculanum et de Pompéi.
Après avoir blâmé avec raison le gouvernement local, qui a fourni tout
simplement un bungalow où le voyageur trouve un abri, mais rien de plus,
il raconte dans le passage suivant les merveilles que l'on peut voir dans cet
endroit retiré.
"Dans une gorge profonde tout en haut dans la montagne
se trouve un groupe de temples souterrains, qui sont les
cavernes les plus curieuses qu'il y ait sur la terre. On ne
sait pas encore aujourd'hui combien de ces cavernes
existent dans les profonds replis de ces montagnes ; mais
on en a exploré, mesuré et, dans une certaine mesure,
déblayé et nettoyé vingt-sept. Il y en a, sans doute,
beaucoup d'autres. Il serait difficile de se faire une idée
du travail infatigable qu'il a fallu pour creuser ces
cavernes dans le solide roc amygdaloïde. On assure qu'à
l'origine elles étaient toutes bouddhiques et qu'elles
étaient destinées aux pratiques de culte et d'ascétisme.
On les considère comme des œuvres d'art de haute
valeur. Elles s'étendent à plus de cinq cents pieds dans
l'intérieur d'une falaise élevée, et les parois en sont
sculptées de la façon la plus curieuse, faisant honneur au
talent, au bon goût et à la persévérance des sculptures
hindous.
Ces temples souterrains sont admirablement ornés de
sculptures à l'extérieur ; niais intérieurement le travail est
plus fini, plus soigné, et décoré avec une profusion de
peintures et de sculptures. Ces sanctuaires longtemps
désertés ont souffert de l'humidité et de l'abandon et les
peintures et les fresques ne sont plus ce qu'elles étaient il
y a quelques centaines d'années, mais les couleurs sont
encore vives et éclatantes, et les scènes représentées,
gaies et animées, se distinguent sur les murs. On croit
que quelques-unes des figures sculptées sur les murs
représentent un cortège nuptial, et d'autres scènes de la
vie domestique de nature joyeuse. Les femmes sont
belles, délicates et blondes comme les Européennes.
Toutes ces reproductions sont éminemment artistiques, et
l'on n'y voit nulle part les grossières obscénités si
communes dans les œuvres Brahmaniques du même
genre. [69]
Ces cavernes ont été visitées par un grand nombre
d'antiquaires, qui ont cherché à déchiffrer les
hiéroglyphes inscrits sur les murailles, et à déterminer
l'âge exact de ces étranges temples.
Les ruines de l'ancienne cité d'Aurengabad n'en sont pas
très éloignées. C'était une ville fortifiée de grand renom,
mais elle est maintenant entièrement déserte. Non
seulement ses murailles sont écroulées mais ses palais le
sont aussi. Les constructions étaient pourtant d'une
solidité extrême et les murs paraissaient aussi solides que
les éternelles collines.
On trouve dans les environs beaucoup de vestiges
hindous, consistant principalement en grottes profondes
et en temples taillés dans le roc. Un grand nombre de ces
sanctuaires sont entourés d'un mur circulaire souvent
orné de statues et de colonnes. L'image de l'éléphant y
est très commune, placée devant ou près de l'entrée du
temple, comme une sentinelle. Des centaines et des
milliers de niches sont admirablement taillées à même
dans le roc, et lorsque ces lieux sacrés étaient remplis de
fidèles, chaque niche avait sa statue, dans le style fleuri
des sculptures orientales. Il est triste de constater que
presque toutes les statues que l'on y voit encore ont été
honteusement défigurées et mutilées. On a prétendu que
les Hindous ne s'inclinent pas devant une image
imparfaite, et que les Musulmans, sachant cela, ont
volontairement mutilé toutes ces images, afin d'empêcher
les Hindous de les adorer. Les Hindous considèrent ce
procédé comme sacrilège et impie et il réveille en eux la
haine la plus ardente qu'ils héritent de leurs pères et que
les siècles n'ont pas encore réussi à effacer.
On voit aussi ici les restes de villes ensevelies, ruines
mélancoliques, sans un seul habitant. Dans les grands
palais où la royauté autrefois tenait sa cour et donnait ses
fêtes, habitent maintenant les bêtes féroces. La voie du
chemin de fer a en maints endroits été construite à
travers ces ruines, et leurs matériaux ont servi au
ballast... Des blocs énormes de pierre sont restés en place
depuis des milliers d'années et y seront probablement
encore pendant des siècles à venir. Ces temples, taillés
dans le roc, et ces statues mutilées prouvent une habileté
artisanale et un talent que les Hindous d'aujourd'hui ne
peuvent égaler 95. Il est évident qu'il y a quelques siècles
ces collines étaient animées par la présence de
multitudes, qui se pressaient là où règne aujourd'hui la
désolation, sans culture et sans habitants, domaine
exclusif des bêtes féroces. [70]
Ce sont aujourd'hui des terrains giboyeux, et comme les
Anglais sont de fervents chasseurs, ils préfèrent sans
doute laisser ces montagnes et ces ruines dans leur état
actuel sans y rien changer".
95
Un écrivain, en parlant de la majesté des monuments archaïques hindous, et du travail exquis de
leurs sculptures, s'est servi d'une expression fort heureuse : "Ils construisent, dit-il, comme des
géants et fignolent comme des orfèvres."
comme le phénomène tératologique d'un enfant à deux têtes. Elle est
précédée d'une violation des lois de l'harmonie de la nature, et elle n'arrive
que lorsque celle-ci, cherchant à rétablir son équilibre rompu, rejette
violemment dans la vie terrestre la monade astrale, qui a été lancée hors du
cercle de nécessité, par un crime ou un accident. Ainsi, en cas
d'avortement et d'enfants morts avant un certain âge, et dans ceux
d'idiotisme constitutionnel et incurable, le dessein originaire de la nature
de produire un être humain parfait a été interrompu. C'est pourquoi tandis
que la matière grossière de chacune de ces diverses entités se désagrège
dans la mort, et se perd dans le vaste domaine de l'être, l'esprit immortel et
la monade astrale de l'individu, cette dernière mise en réserve pour animer
un autre corps, et l'esprit pour projeter sa divine lumière sur l'organisation
corporelle, devront essayer une seconde fois de réaliser le but de
l'intelligence créatrice.
96
Note du Traducteur :
Dans une longue note ajoutée à un article de J.H. Mitalmier "Chant funèbre pour les morts" publié
dans Lucifer, février 1889, H.P. Blavatsky commente les deux paragraphes précédant cette note en
ces termes :
"Depuis 1882, quand l'erreur fut découverte dans Isis Dévoilée, on a dit et redit dans le Theosophist,
que le mot "planète" était une faute et qu'il fallait lire "cycle", c'est-à-dire le cycle de "repos
dévachanique". Cette faute, due à l'un des éditeurs littéraires – l'auteur étant il y a 12 ans très
malhabile en anglais, et les éditeurs étant encore plus ignorants du Bouddhisme et de l'Hindouisme
– a créé une grande confusion et suscité des accusations sans nombre de contradictions entre les
déclarations d'Isis et les enseignements théosophiques plus tardifs. Le paragraphe en question
voulait écarter la théorie des réiacarnationnistes français qui enseignait la réincarnation de la même
personnalité, souvent quelques jours après la mort, si bien qu'un grand-père pouvait renaître comme
sa petite fille. C'est pourquoi l'idée était combattue et l'on disait que ni Bouddha ni aucun
philosophe Hindou n'avait enseigné la réincarnation dans le même cycle ou de la même
personnalité, mais de l' "homme tri-un", qui lorsqu'il était convenablement uni pouvait "faire la
course" jusqu'à l'état de perfection. Une erreur identique et plus grave se trouve aux pages (64-65,
notes 86 et 90). Car dans la première on dit que les Hindous redoutent la réincarnation seulement
sur les planètes autres et inférieures "au lieu de – ce qui est le cas –" dans des corps autres et
inférieurs d'animaux, ou transmigration, alors que page (65) l'erreur de mettre "planète" au lieu de
"cycle" et "personnalité", montre que l'auteur (bouddhiste déclarée) parle comme si Bouddha n'avait
jamais enseigné la doctrine de la réincarnation !. On devrait lire la phrase ainsi : "La vie précédente
autrement, [71] les âmes mortelle ou astrale, et immortelle ou divine ne
pourraient pas progresser à l'unisson, et s'élever à une sphère supérieure.
L'esprit suit une ligne parallèle à celle de la matière ; et l'évolution
spirituelle s'opère conjointement et simultanément avec l'évolution
physique. Comme l'indique l'exemple cité par le professeur Le Conte
(chap. IX), "il n'y a pas de force dans la nature qui puisse élever d'un seul
coup [l'esprit ou] la matière"(car la règle s'applique à l'évolution spirituelle
aussi bien qu'à la physique), du numéro 1 au numéro 3 ou du numéro 2 au
numéro 4, sans s'arrêter, et recevoir un surcroît de force d'une nature
différente dans le plan intermédiaire 97". Cela revient à dire que la monade
qui a été emprisonnée dans un être élémentaire – la forme astrale
rudimentaire la plus inférieure de l'homme futur –après avoir passé par la
forme physique la plus élevée d'un animal muet, comme l'orang-outang, ou
l'éléphant, les animaux les plus intelligents, par exemple – cette monade,
dis-je, ne peut franchir d'un bond la sphère physique et intellectuelle de
l'homme terrestre, et être immédiatement introduite dans la sphère
spirituelle supérieure. Quelle récompense ou quel châtiment pourrait-il y
avoir, dans ce domaine des entités humaines désincarnées, pour un fœtus
[72] ou un embryon humain qui n'a pas même eu le temps de respirer sur
la terre, et encore moins d'exercer les facultés divines de l'esprit ? Ou bien,
quel traitement pourrait-on y réserver à un enfant irresponsable, dont la
monade insensible est restée dormante dans l'enveloppe astrale et
physique, à un degré tel, qu'elle ne l'aurait pas même empêché de périr ou
de faire périr une autre personne dans les flammes. Ou bien encore quelle
serait la destinée d'un idiot de naissance, dont le nombre de
circonvolutions cérébrales n'est guère que de trente pour cent de celui des
à laquelle croient les bouddhistes n'est pas une vie dans le même cycle et la même personnalité", car
nul n'apprécie plus qu'eux "la grande doctrine des cycles". Cependant, telle qu'elle est, c'est-à-dire
que "cette vie antérieure à laquelle croient les bouddhistes n'est pas une vie sur cette planète", cette
phrase étant précédée par cette autre : "Ainsi, comme les révolutions d'une roue, il y a une
succession régulière de la mort et de la naissance", etc. – l'ensemble apparaît comme les
divagations d'un fou et un ramassis de propos contradictoires. Si on demande pourquoi on a laissé
l'erreur au cours de dix éditions, nous répondrons que "(a) l'attention de l'auteur n'a été attirée sur
elle qu'en 1882 et (b) que la soussignée n'avait pas le pouvoir de la modifier sur les planches
stéréotypées, qui étaient non sa propriété mais celle de l'éditeur américain. L'ouvrage a été écrit
dans des circonstances exceptionnelles, et sans aucun doute on peut découvrir plus d'une grosse
erreur dans Isis Dévoilée".
H.-P. B. précise aussi, comme elle l'avait fait ailleurs, que le mot "immédiate" devait être ajouté et
que la phrase de la page (70) d'Isis était"...il n'y a pas de réincarnation immédiate sur cette terre..."
97
["Corrélation of Vital, etc.", p. 158.]
personnes saines d'esprit 98, et qui, par conséquent, n'est pas responsable de
ses dispositions, de ses actes, et des imperfections de son intellect à demi
développé et vagabond ?
98
Mich. V.G. Malacarne, Anatomia Cerebrale, Milan.
99
Psellus, 6, Pletho, 2 ; Cory, Anc. Fragm., 1832, p. 270.
Witches Hammer 100 ; et, suivant leurs propres aveux de clairvoyants
sensitifs. Ce sont les démons de sang de Porphyre, les larves et les lémures
des anciens ; les diaboliques instruments qui ont envoyé tant d'infortunées
et faibles victimes à l'échafaud et au bûcher. Origène affirme que tous les
daemons, dont étaient possédés les démoniaques, mentionnés dans le
Nouveau Testament, étaient des "esprits" humains. C'est parce que Moïse
savait si bien ce qu'ils étaient, et combien terribles les conséquences pour
les personnes faibles soumises à leur influence qu'il avait édicté cette loi
cruelle et sanguinaire contre les prétendues "sorcières" ; mais jésus, plein
de justice et d'amour divin pour l'humanité, les guérissait au lieu de les
faire périr. Plus tard, notre clergé, prétendant être les modèles des
principes chrétiens, suivit la loi de Moïse, et méconnut sans scrupules la
loi de Celui qu'il nomme "le Dieu Vivant", en faisant brûler des douzaines
de milliers de ces prétendues "sorcières".
100
[Malleus maleficarum, Jacob Sprenger, 1487, etc.]
Apparitions 101 publié en 1820, car il paraît que le document lui-même est
épuisé depuis fort longtemps.
101
[A. Calmet, Dissertations sur les apparitions, etc. Paris, 1746, 1759.]
102
[Sadducismas triumphatus, p 20 (lettre de More à Glanvill).]
103
Chips from a German Workshop, I, 8.
particularité n'impliquait aucune idée d'illégalité. Plus
tard on y mit une autre restriction... ce qui fait
qu'aujourd'hui... on donne aux termes witch sorcière, et
wizard, magicien, cette unique interprétation et qu'on
l'emploie pour désigner ceux qui font ou disent les
choses d'une manière extraordinaire par suite de leur
association ou d'un pacte exprès ou supposé avec
mauvais esprits 104". Dans la clause de la loi sévère de
Moise, il est donné tant de noms divers pour désigner
une witch (ou sorcière), qu'il serait aussi difficile
qu'inutile d'en donner la définition, telle qu'on la trouve
dans le remarquable [75] traité du Dr More. "On ne devra
point trouver parmi vous des gens... qui se livrent à la
divination, qui observent les astres, ni enchanteur, ni
sorcier, ni charmeur, ni homme consultant les esprits
familiers, ni nécromanciens", dit le texte 105. Nous ferons
voir plus loin le but réel de cette sévérité. Pour le
moment, nous nous contenterons de constater que le Dr
More, après avoir donné une très docte définition de
chacune de ces dénominations, et fait ressortir leur
signification réelle du temps de Moïse, prouve qu'il y a
une très grande différence entre les charmeurs, les gens
qui consultent les astres, et les sorciers. "Cette loi
prohibitive de Moïse donne tant de termes pour ce délit,
à seule fin, comme c'est le cas pour notre propre code de
lois, de rendre le sens plus clair, et ne donner lieu à
aucune équivoque. [Ce nom de witch (sorcière)] ne doit
pas s'appliquer aux escamoteurs et ceux qui font des
tours sur la place publique, mais il doit être réservé à
ceux qui évoquent (les spectres par la magie afin de
tromper les hommes ; ceux-là sont bien les sorciers,
hommes et femmes possédés d'un mauvais esprit ! Cela
ressort d'Exode XXII, 18. "Tu ne souffriras point que
vive מכשפהmecassephah, c'est-à-dire une sorcière. Cette
loi serait d'une sévérité extrême, voire même cruelle,
104
[Glanvill, op. cit., p. 21.]
105
[Deut., XVIII, 10-11.]
envers les pauvres diables de prestidigitateurs, qui
exécutent des tours de passe-passe". 106
Ainsi ce ne sont que ceux de la sixième classe, ceux qui consultent les
esprits familiers ou sorciers qui s'exposent aux pires peines de la loi de
Moise, car seuls les sorciers devaient être mis à mort, tandis que tous les
autres ne sont mentionnés qu'afin que les enfants d'Israël n'aient aucune
communication avec eux, à cause, principalement, de leur idolâtrie ou
plutôt de leurs convictions religieuses et de leur savoir. Cette sixième
catégorie est le שאל אובShoel Aub, qu'on traduit par "celui qui consulte les
esprits familiers" ; mais la septuaginte le traduit par Εγγαστριµυθος, celui
qui a un esprit familier en lui, celui qui est possédé de l'esprit de
divination, que les Grecs nommaient Python, et les Hébreux obh, l'antique
serpent ; sa signification ésotérique est l'esprit de concupiscence et de la
matière ; ce qui, suivant les cabalistes, est toujours un esprit élémental
humain de la huitième sphère.
"Je crois, dit Henry More, que Shoel obh doit se dire de la sorcière qui
demande conseil à son esprit familier... La raison du terme obh... vient de
ce que l'esprit était dans le corps de la personne, et l'enflait au point d'y
créer une protubérance, "la voix paraissant toujours sortir d'une bouteille,
raison pour laquelle on leur donnait le nom de ventriloques. Ob signifie la
même chose [76] que Pytho, qui reçut son nom de pythii vates, l'esprit qui
dit les choses cachées, ou qui prédit l'avenir. Dans les Actes, XVI, 16,
πνευµα πὺδωνος, lorsque saint Paul en étant fatigué se retourna et dit à
l'esprit : "Je te commande, au nom de Jésus, de sortir de cette fille" et il
sortit à l'heure même". Par conséquent les mots obsédés et possédés sont
synonymes du mot witch, sorcière ; car cet esprit de Python de la huitième
sphère n'aurait pas pu sortir d'elle, s'il n'avait été un esprit distinct d'elle-
même. C'est ainsi que nous lisons dans la Levitique, XX, 27 : "Si un
homme ou une femme évoque les esprits ou se livre à la divination [un
yiddeoni irresponsable] ils seront punis de mort ; on les lapidera ; leur sang
retombera sur eux.
106
[Sadduc.triumph., pp. 25-26.]
sorciers 107 de l'Ancien Testament, mais que les mots : "vous ne souffrirez
pas qu'une sorcière vive au milieu de vous", signifiaient que l'on ne devait
pas souffrir qu'elle vécut de sa médiumnité, qu'elle en fût un moyen de
gagner sa vie. Cette interprétation n'est pas moins ingénieuse que nouvelle.
Sans cette inspiration, nous n'aurions, certes, pas atteint une si grande
profondeur philologique ! 108
107
[Ibid., pp. 27-29.]
108
Afin d'éviter d'être contredit par les spirites, nous donnons textuellement cette version, comme
un spécimen du peu de foi qu'il faut ajouter aux oracles formulés de la sorte par certains "esprits".
Qu'ils soient humains ou élémentals, les esprits capables de pareilles impertinences ne doivent être
considérés par les occultistes comme rien moins que des guides sûrs en philosophie, en sciences
exactes, ou en morale. "Rappelons-nous, dit Mme Cora V. Tappan dans un discours public sur
"l'Histoire de l'Occultisme et ses relations avec le Spiritisme" (voir Banner of Light, 26 août 1876),
que l'ancien mot : sorcellerie ou l'exercice de cet art était interdit chez les Hébreux. La traduction dit
que l'on ne doit pas permettre aux sorciers de vivre. Cette interprétation que l'on a crue littérale a été
cause de ce que nos très pieux et très dévots ancêtres ont mis à mort, sans preuves suffisantes, une
infinité de personnes très intelligentes, sages et sincères, sous l'inculpation de sorcellerie. Or il est
maintenant prouvé que l'interprétation ou la traduction de ce texte doit être qu'il ne faut permettre à
aucune sorcière de faire de la pratique de leur art un moyen d'existence, c'est-à-dire d'en faire une
profession." Nous serait-il permis maintenant de demander au fameux orateur par qui et sur quelle
autorité une pareille chose a-t-elle été prouvée ?
109
M. Cromwell F. Varley, l'électricien bien connu de la Compagnie du Câble Transatlantique,
communique le résultat de ses observations au cours d'une discussion à la Société psychologique de
Grande-Bretagne rapportée dans le Spiritualist de Londres du 14 avril 1876. Il pense que l'effet de
l'acide nitrique libre dans l'atmosphère était d'éloigner ce qu'il nomme les "esprits déplaisants". Il
croit que ceux qui sont inquiétés chez eux par les esprits de cette nature, se trouveront bien de
verser dans une soucoupe une once de vitriol sur deux onces de sel de nitre pulvérisé et de placer ce
mélange sous leur lit. Voilà un savant dont la réputation est bien connue dans les deux continents,
qui donne une recette pour éloigner les mauvais esprits. Et pourtant le public en général se moque,
tenir à distance quelques phénomènes physiques nocturnes désagréables,
confirme cette grande vérité. Les esprits humains purs ou simplement
inoffensifs ne redoutent rien, car s'étant débarrassés de la matière terrestre,
les composés matériels ne les affectent pas ; de tels esprits sont comme un
souffle. Mais ce n'est pas le cas pour les âmes attachées à la terre et les
esprits de la nature.
Ainsi que nous l'avons dit, fort peu de cabalistes croient à cette
doctrine enseignée à l'origine par certains astrologues. En recherchant les
horoscopes de certains personnages historiques renommés pour quelques
dispositions spéciales, ils trouvèrent que la conjonction des planètes
correspondait parfaitement avec les oracles et les prophéties remarquables
au sujet de personnes nées plusieurs siècles plus tard. L'observation et ce
que l'on pourrait nommer de "singulières coïncidences", ajoutées à la
révélation [78] obtenue durant le "sommeil sacré" du néophyte, firent
découvrir la redoutable vérité. La pensée en est si horrible que même ceux
qui auraient dû être convaincus, préfèrent l'ignorer, ou tout au moins ils
évitent soigneusement d'aborder ce sujet.
Cette façon d'obtenir des oracles était pratiquée dès la plus haute
antiquité. Dans l'Inde, cette sublime léthargie est appelée "le sommeil
sacré de***". C'est un état d'oubli dans lequel le sujet est plongé par
certains procédés magiques, secondés par le breuvage du suc du soma. Le
comme d'une "superstition", des herbes et encens employés par les Hindous, les Chinois, les
Africains et autres races pour arriver au même résultat.
corps du dormeur reste pendant plusieurs jours dans un état pareil à la
mort, et, par la puissance de l'adepte, il est purifié de ses souillures
terrestres ; il est ainsi préparé pour devenir le réceptacle temporaire de la
splendeur de l'Augoeides immortel. Dans cet état, le corps engourdi reflète
la gloire des sphères supérieures, comme un miroir poli reflète les rayons
du soleil. Le dormeur n'a pas conscience du temps qui s'écoule, et, à son
réveil, après quatre ou cinq jours de transe, il s'imagine n'avoir dormi que
quelques instants. Ce que ses lèvres ont proféré, il ne le saura jamais ; mais
comme c'est l'esprit qui les meut, elles n'ont pu prononcer que la vérité
divine. Pendant un laps de temps cette pauvre enveloppe charnelle
impuissante, sera devenue le tabernacle de la présence sacrée, et il est
transformé en oracle mille fois plus infaillible que la pythonisse asphyxiée
de Delphes ; son sommeil sacré, qui n'est pas comparable à l'espèce de
folie que celles-ci exhibaient en présence de la foule, n'a pour témoins,
dans l'enceinte du sanctuaire, que quelques adeptes, dignes eux-mêmes de
se tenir en présence de l'ADONAI.
110
[Livre IV, ch. IX.]
obtenue que dans certaines confréries d'Orient, sa transcription ne serait
d'aucune valeur pour le lecteur ordinaire 111. Tout cela a été tourné en
ridicule par les voyageurs de commerce qui parcourent l'Inde à la
recherche de "commandes", et qui écrivent dans le Times leurs récits de
voyages ; d'autres jongleurs habiles, prétendent faire croire aux foules
ébahies que leurs tours de passe-passe sont les véritables exploits des
magiciens orientaux !
Malgré la mauvaise foi dont fit preuve dans l'affaire d'Alger Robert
Houdin, autorité dans l'art de la prestidigitation, ainsi que Moreau Cinti, ils
ont loyalement témoigné en faveur des médiums Français. Ils ont attesté
tous deux, lorsqu'ils furent interrogés par les Académiciens, que seuls des
"médiums" pouvaient produire les phénomènes de coups frappés dans les
tables, et de lévitation sans préparatifs, ou sans mobilier truqué à cette fin.
Ils reconnurent également que les "lévitations sans contact" étaient des
faits tout à fait en dehors du pouvoir des jongleurs de profession ; que pour
eux, la lévitation était tout à fait impossible à moins d'être présentée dans
une chambre pourvue de machinerie secrète et de miroirs concaves. Ils
ajoutèrent que la simple apparition d'une main diaphane dans un endroit ou
il serait impossible de se faire aider par des compères, le médium ayant été
préalablement fouillé, constituerait la preuve que cette apparition serait
l'œuvre d'une agence étrangère à l'homme quelle que cette agence puisse
être en réalité. Le Siècle et deux autres journaux de Paris s'empressèrent de
publier leurs soupçons que ces deux habiles professionnels étaient devenus
les comparses des spirites.
111
Art-Magic, p. 97.
intact quelques pas plus loin [80] au grand étonnement du public.
L'appareil fonctionnait merveilleusement, et chaque soir ce spectacle
attirait la foule. Mais naturellement l'exhibition de ces fantômes exigeait
des appareils et plus d'un compère. Cela n'empêcha pas des reporters d'en
faire un prétexte pour ridiculiser les spirites, comme si les deux genres de
phénomènes avaient eu le moindre rapport !
112
Ce fantôme est appelé Scin-laece. Voyez "Une étrange histoire" de Bulwer-Lytton, ch. XI.
113
[Les hauts phénomènes de la Magie, pp. 144-145.]
Dans l'édition de ses œuvres publiées à Strasbourg en 1809, Paracelse écrit au sujet de la
merveilleuse puissance magique de l'esprit de l'homme : "Il est possible". dit-il, "que mon esprit,
L'histoire des sorcelleries de Salem, telle que nous la trouvons
consignée dans les œuvres de Cotton Mather, Calef, Upham, et autres,
fournit une curieuse confirmation du fait de ce dédoublement, comme elle
confirme aussi les inconvénients de laisser les esprits élémentaires agir à
leur guise. Ce chapitre tragique de l'histoire américaine n'a jamais été écrit
d'une façon conforme à la vérité. Quatre ou cinq jeunes filles avaient
"développé" la [82] médiumnité en fréquentant une négresse des Antilles
qui pratiquait l'Obeah. Elles commencèrent à souffrir toutes sortes de
tortures physiques, telles que des pincements, des piqûres d'épingles, des
coups et des morsures par tout le corps. Elles déclarèrent qu'elles avaient
été frappées par les spectres de différentes personnes, et nous apprenons
par la célèbre Narrative of Demat Lamson (publiée à Londres en 1704),
que "quelques-unes de ces personnes avouèrent avoir frappé les jeunes
filles, ainsi que ces dernières les en accusaient. Interrogées sur la façon
dont elles avaient agi, quelques-unes déclarèrent avoir planté des épingles
dans des poupées faites de chiffons, ou de cire ou d'autres matières. Une
d'elles confessa, après que l'on eut signé sa sentence de mort, qu'elle avait
pris l'habitude de tourmenter ces jeunes filles, en leur prenant les mains,
les pinçant et en indiquant par la pensée la partie du corps où elle désirait
qu'elles fussent atteintes, et cela se passait ainsi qu'elle l'avait voulu" 114.
sans le secours du corps, par la seule force d'une volonté puissante, et sans avoir besoin d'une arme,
poignarde et blesse d'autres personnes. Il est possible aussi de faire venir l'esprit de mon ennemi
dans une image quelconque, de le terrasser et de l'estropier... L'exercice de la volonté est un grand
point en médecine... Chez tous les hommes, l'imagination agit par le cœur, car il est le soleil du
microcosme, et du microcosme l'imagination se dirige vers le grand univers (l'éther universel)...
L'imagination de l'homme est une semence qui est matérielle. (Nos atomistes modernes l'ont
démontré. Voyez Babbage et le profess. Jevons). "Une idée fixe est aussi un moyen d'atteindre un
but. La magie est la grande sagesse cachée, et la raison est une grande folie publique. Aucune
armure ne protège contre la magie, car elle atteint l'esprit intime de la vie."
114
Salem Witcheraft, par C : W. Upham, Boston, 1867, vol. II, pp. 527-534.
115
[Ibid., II, pp. 129-130.]
Paracelse ! Il est fort étrange qu'un savant tel que M. Upham ait accumulé,
dans les 1.000 pages de ses deux volumes, une masse pareille de preuves
légales démontrant jusqu'à l'évidence l'action d'âmes attachées à la terre et
de malins esprits de la nature ayant participé à ces tragédies sans avoir
soupçonné la vérité.
Dans le cas présent, comme dans tous les cas semblables, les savants,
impuissants à expliquer le fait, affirment qu'il n'a pas pu exister.
"Hélas, hélas, mon fils !" s'écrie le sage Muphti d'Alep, en parlant à
son fils Ibrahim qui s'étranglait avec la tête d'un gros poisson, "quand donc
te rendras-tu compte que ton estomac est plus petit que l'océan ?" Ou
comme le remarque Mrs Catherine Crowe, dans son livre Night-side of
Nature, quand est-ce que nos savants reconnaîtront que "leurs intellects
sont incapables de mesurer les desseins de Dieu Tout-Puissant" ?
Vous voulez savoir", dit le magicien, "si les corps des esprits peuvent
être blessés par l'épée ou par toute autre arme 120 ? Oui, ils peuvent l'être.
Toute substance dure qui les frappe leur cause une douleur sensible ; et
quoique leurs corps ne soient faits d'aucune substance solide et dure, ils
ressentent néanmoins ces sensations, parce que dans les êtres doués de
sensibilité, ce ne sont pas seulement les nerfs qui possèdent cette faculté de
sentir, mais aussi l'esprit qui réside en eux... le corps d'un esprit est
sensible dans son ensemble, aussi bien que dans chacune de ses parties.
L'esprit voit et entend sans le secours d'aucun organe physique, et, si on le
touche, il sent le contact. Si vous le coupez en deux, il éprouvera la même
douleur que ressentirait un homme vivant, car c'est encore de la matière,
116
Odyssée, V, 82.
117
Enéide, livre VI, 260.
118
[Sadduc. Triumph., II, pp. 97 et seq.]
119
De Dœmon, cap. Quomodo dæm. occupant.
120
Numquid dœmonum corpora pulsari possunt? Possunt sane, at que dolere solido quodam
percussa corpore.
bien qu'elle soit si raffinée qu'elle est généralement invisible à nos yeux...
Une chose cependant le distingue de l'homme vivant : c'est qu'une fois que
les membres de ce dernier sont coupés, leurs parties ne peuvent pas
aisément être réunies. Mais coupez un démon en deux, et les deux tronçons
se rejoignent immédiatement. De même que l'eau ou l'air se referment sur
un corps solide, qui a passé à travers ces éléments 121, sans en garder de
trace, de même le corps d'un démon se condense de nouveau, lorsque
l'arme tranchante est retirée de la blessure. Mais chaque entaille qui lui est
faite ne lui occasionne pas moins de la douleur. Voilà pourquoi les démons
craignent la pointe d'une épée ou d'un instrument aigu. Que ceux qui
veulent les voir fuir en fassent l'expérience" 122.
121
Ubi secatur, mox in se iterum recreatur et coalescit... dictu velocius dœmonicus spiritus in se
revertitur
122
[Cf. des Mousseaux, Les hauts phénomènes, etc., pp. 151-153.]
123
Un magistrat du district.
conseiller de la Présidence, vint me chercher pour voir
ce mystère. Lorsque j'entrai, quelqu'un conseilla au
maître de la maison de prier Dieu avec ferveur, et de
faire tournoyer une épée dans l'air par toute la chambre.
Il le fit ; et le lendemain, la femme du cordonnier nous
apprit qu'à partir de ce moment, on n'avait plus entendu
le moindre bruit dans la maison, tandis que pendant les
sept jours que ce phénomène avait duré, il leur avait été
impossible d'avoir un moment de repos".
Proclus dit : "Bien d'autres auteurs anciens ont recueilli les récits de
ceux qui sont morts, en apparence, et ont revécu ensuite. Parmi eux se
trouve le philosophe Démocrite. Dans ses écrits sur l'Hadès et le
prodigieux Conotes familier de Platon, il affirme que la mort n'est pas,
dans le cas en question, comme elle le parait, une désertion complète de la
vie totale du corps, mais une suspension causée par un coup, ou peut-être
une blessure ; mais les liens de l'âme demeurent attachés à la moelle et le
cœur conserve encore dans sa profondeur l'empyreume de vie ; celui-ci
étant conservé, la vie suspendue peut reprendre, en s'adaptant à
l'animation".
Il dit encore : "Il est possible à l'âme de quitter le corps et d'y rentrer ;
cela est rendu évident par l'homme qui, suivant Cléarque, se servait d'une
baguette qui attirait au dehors l'âme d'un garçon endormi. Il convainquit
Aristote, dit Cléarque dans son Traité du sommeil, que l'âme peut être
séparée du corps, et y rentrer, et s'en servir comme d'un logement. En effet,
en frappant le garçon avec sa baguette, il en fit sortir l'âme qu'il fit aller et
venir, afin de démontrer que le corps restait immobile lorsque l'âme [le
corps astral] était loin de lui, et qu'il ne lui était fait [87] aucun mal ; l'âme
ramenée dans le corps, au moyen de la baguette, rendait compte alors de
tout ce qui s'était passé. C'est à la suite de ce fait qu'Aristote aussi bien que
les autres spectateurs furent convaincus que l'âme est distincte et séparée
du corps" 125.
124
Ce fait étonnant a été certifié par le Préfet de la Cité, et le Proconsul de la Province en fit l'objet
d'un rapport à l'empereur. L'histoire est modestement racontée par Mr. Catherine Crowe (Night side
of Nature, p. 335-37). (Cf. Thos. Taylor, The works of Plato, vol. I, pp. 467-68, note.]
125
Proclus, Manusc. Comm. on Pluto's Republic. [Cf. Thos. Taylor, The works of Plato, I, pp. 468-
69, note.]
Il parait absurde de rappeler aussi souvent les faits de sorcellerie, en
pleine lumière du XIXème siècle. Mais le siècle lui-même se fait vieux ; et
comme il approche petit à petit de sa fin fatale, il a l'air de tomber en
enfance ; non seulement il refuse de reconnaître que les faits de sorcellerie
sont démontrés, mais il ne veut même pas admettre ce qui s'est fait depuis
une trentaine d'années, dans le monde entier. Nous pourrions douter, à la
rigueur, du pouvoir magique des prêtres de la Thessalie et de leurs
"sortilèges "mentionnés par Pline 126 après un laps de plusieurs milliers
d'années ; nous pourrions ne pas ajouter foi aux renseignements fournis par
Suidas, qui raconte le voyage de Médée par les airs, et oublier ainsi que la
magie est la connaissance la plus haute de la philosophie naturelle ; mais
comment expliquerons-nous la reproduction fréquente de ces mêmes
voyages "dans les airs" précisément lorsqu'ils s'accomplissent sous nos
yeux, et qu'ils sont attestés et confirmés par le témoignage de centaines de
personnes ayant toutes les apparences de gens sains d'esprit ? Si
l'universalité d'une croyance est une preuve de sa vérité, peu de faits ont
été mieux établis que celui de la sorcellerie.
126
Pline, XXX, I.
étaient dans l'impossibilité de désobéir 127". Cette séparation établie et
connue depuis le temps de Moise, l'auteur la donne comme tirée des
"sources les plus authentiques".
127
Narratives of Sorcery and Magic, I, pp. 1-2
128
Art Magic, p. 159-160.
médiums qui ont été développés pour un genre de phénomènes, changent
rarement pour un autre, mais ils répètent à l'infini la même manifestation.
[89]
Dans Art Magic, un des plus délicieux tableaux qui nous aient été
présentés, est celui d'un innocent petit médium en présence duquel,
pendant les trois dernières années, quatre volumes de manuscrits en ancien
sanscrit ont été rédigés par les esprits, sans plumes, ni encre ni crayons. "Il
suffit, dit l'auteur, de placer des feuilles de papier blanc sur un trépied,
soigneusement tenu à l'écart des rayons directs de lumière, mais dans un
endroit où ils soient encore visibles aux yeux des assistants. L'enfant
s'assied à terre auprès du trépied, sur lequel elle appuie la tête en tenant le
pied embrassé dans ses petits bras. Dans cette attitude elle dort souvent
une heure, pendant laquelle les feuilles posées sur le trépied se remplissent
de caractères sanscrits anciens, admirablement exécutés" 129. Voilà un
exemple remarquable de médiumnité psychographique, et qui donne une
idée complète du principe posé plus haut, que nous ne pouvons résister au
désir de citer quelques passages de ces écrits sanscrits, d'autant plus qu'ils
renferment un exposé de cette partie de la philosophie hermétique, qui se
rapporte au précédent état de l'homme, que nous avons décrit ailleurs d'une
façon bien moins satisfaisante.
"L'homme vit sur beaucoup de globes avant d'atteindre
celui-ci. Des myriades de mondes nagent dans l'espace et
servent de lieux de pèlerinage à l'âme, à l'état
rudimentaire, avant de gagner la grande et brillante
planète nommée la Terre, dont la glorieuse fonction est
129
Art Magic, etc ,p. 26.
de lui donner la soi-conscience. Ce n'est que lorsque ce
degré est atteint que cet être devient un homme ; à
chaque autre étape de sa vaste et sauvage carrière, il n'est
qu'une entité embryonnaire, une forme matérielle
flottante et temporaire, une créature dans laquelle une
partie, mais seulement une partie, de l'âme élevée brille
emprisonnée ; une forme rudimentaire ayant des
fonctions rudimentaires, toujours vivant, mourant,
soutenant une existence spirituelle passagère, aussi
rudimentaire que la forme matérielle d'où elle émane ; un
papillon s'élançant de sa chrysalide, [90] mais toujours
au fur et à mesure qu'il avance, passant de nouvelles
naissances à de nouvelles morts, subissant de nouvelles
incarnations, pour mourir et renaître de nouveau ; mais
toujours faisant un pas en avant, cherchant à gagner du
terrain, jusqu'à ce qu'il atteigne le sentier vertigineux et
pénible, raboteux et rude où il se réveille une fois encore,
mais pour vivre et devenir une forme matérielle, une
chose de boue, une créature de chair et d'os, mais
désormais un homme 130".
Nous avons, nous-même, été témoin une fois dans l'Inde d'un essai de
puissance psychique, dans un assaut entre un saint gossain 131 et un
sorcier 132, lequel a quelque rapport avec notre sujet. Nous venions de
discuter sur le pouvoir relatif des Pitris du fakir, esprits pré-adamiques, et
des alliés invisibles du jongleur. On convint d'en faire une épreuve
comparative, et l'auteur de ces lignes fut choisi pour arbitre. Nous faisions
la sieste dans une tente près d'un petit lac, dans l'Inde septentrionale. Sur la
surface des eaux cristallines flottaient d'innombrables fleurs aquatiques,
aux feuilles larges et luisantes. Chacun des champions prit une de ces
feuilles. Le fakir, appuyant la sienne contre sa poitrine, croisa ses mains
sur elle et tomba momentanément en transe. Il plaça alors la feuille sur
l'eau, la surface supérieure tournée en bas. Le Jongleur se vantait de
dominer le "maître des eaux", l'esprit qui y habite et de le faire obéir. Il
prétendit qu'il forcerait la puissance d'empêcher les Pitris de manifester le
130
Art Magic, p. 28.
131
Un fakir mendiant.
132
Un prétendu jongleur.
moindre phénomène dans son élément sur la feuille choisie par le fakir. Il
prit donc sa propre feuille, et après avoir pratiqué sur elle une sorte
d'incantation barbare, il la posa à son tour sur l'eau. La feuille commença
aussitôt à éprouver un mouvement d'agitation violente, tandis que l'autre
feuille était parfaitement immobile. Au bout de quelques secondes, les
deux feuilles furent retirées. Sur celle du fakir nous vîmes, à la grande
indignation du jongleur, quelque chose comme un dessin symétrique formé
de traits d'un blanc de lait, comme si les sucs de la plante avaient été
transformés en fluide corrosif. Lorsqu'elle fut sèche, nous examinâmes les
lignes plus attentivement et nous y reconnûmes une série de caractères
sanscrits parfaitement formés, et composant une phrase qui renfermait un
précepte de haute morale. Hâtons-nous d'ajouter que le fakir ne savait ni
lire ni écrire. Sur la feuille du jongleur, au lieu d'écriture, nous trouvâmes
une figure hideuse, démoniaque. Chaque feuille portait par conséquent la
marque, reflet allégorique du caractère de son maître, et indiquait la qualité
des esprits qui [91] l'entouraient. Mais nous devons, à regret, quitter une
fois encore l'Inde, son ciel d'azur et son passé mystérieux, ses dévots
religieux et ses sorciers magiques, et revenir à l'atmosphère moisie de
l'Académie Française.
133
La Magie au XIXème siècle, pp. 427-433.
de l'âme des Cévennols. Il ajoute qu'il leur a posé les mains sur des
charbons ardents, et qu'ils n'en ont pas même été brûlés ; qu'il a enveloppé
leur corps entièrement dans de la ouate trempée dans l'huile, et qu'il y a
mis le feu, sans avoir trouvé, dans bien des cas, la moindre phlyctène sur
leur peau ; qu'on leur a tiré des coups de feu, et que l'on a retrouvé les
balles aplaties entre leurs vêtements et leurs corps, sans que ceux-ci en
eussent souffert la plus légère atteinte, etc., etc. 134.
Acceptant toutes ces choses comme un terrain solide pour ses savants
arguments, voici ce que dit le Dr Figuier : "Vers la fin du XVIIème siècle,
une vieille fille importa dans les Cévennes l'esprit de prophétie. Elle le
communiqua (?) à de jeunes garçons et à des jeunes filles, qui l'exercèrent
à leur tour, et le répandirent dans l'atmosphère ambiante. Les femmes et les
enfants furent les plus sensibles à l'infection" 135. Des hommes, des femmes,
des enfants au berceau parlaient sous l'influence de l'inspiration, non pas
en patois ordinaire du pays, mais dans le français le plus pur, langue à cette
époque entièrement inconnue dans la contrée. Des enfants de douze mois
et même moins, ainsi que nous l'apprennent les procès-verbaux, des
enfants qui jusqu'alors avaient à peine prononcé un petit nombre de
syllabes courtes, parlaient couramment et prophétisaient. "Huit mille
prophètes étaient répandus par tout le pays ; des docteurs et des médecins
éminents furent appelés". La moitié des écoles de médecine de France, y
compris la Faculté [93] de Montpellier, accoururent sur les lieux. Des
consultations furent tenues, et les médecins se déclarèrent "complètement
déroutés et perdus d'étonnement et d'admiration, en entendant de jeunes
fillettes et de jeunes garçons, ignorants et illettrés, prononcer des discours
sur des sujets qu'ils n'avaient jamais étudié" 136. La sentence portée par
Figuier contre ces confrères traîtres à leur profession, pour avoir été
charmés à ce point par les jeunes prophètes, consiste à dire "qu'ils n'ont pas
compris eux-mêmes ce qu'ils voyaient" 137. Beaucoup de ces prophètes
communiquaient par force leur esprit à ceux qui essayaient de rompre le
charme 138. Parmi ceux-ci un grand nombre étaient âgés de trois à douze
ans ; d'autres étaient encore à la mamelle et parlaient distinctement et
134
[Howlitt, Hist. of the Supernatural II, chap. XVII.]
135
Histoire du Merveilleux dans les temps modernes, vol. II, p. 261.
136
Ibidem, p. 262.
137
Ibidem.
138
Ibidem, p. 263.
correctement le français 139. Ces discours, qui souvent duraient plusieurs
heures, auraient été impossibles pour ces petits orateurs, s'ils avaient été
dans leur état normal 140.
"Or, quelle était la signification de cette série de prodiges
franchement reconnus et admis par Figuier dans son
livre ? Pas de signification du tout ! "Ce n'était pas autre
chose, dit-il, que l'effet d'une exaltation momentanée des
facultés intellectuelles 141". "Ces phénomènes, ajoute-t-il,
peuvent être observés dans beaucoup de cas d'affections
cérébrales.
Une exaltation momentanée, qui dure pendant plusieurs
heures dans les cerveaux de petits enfants au-dessous
d'un an, non encore sevrés, et parlant en bon français,
avant d'avoir appris un mot dans leur propre patois ! O
miracle de la physiologie ! Prodige devrait être ton
nom !" s'écrie des Mousseaux.
Le Dr Calmeil, dans son ouvrage sur l'insanité, remarque
Figuier, lorsqu'il parle de la théomanie extatique des
Calvinistes, conclut que la maladie doit être attribuée,
dans les cas les plus simples, à l'HYSTÉRIE, et dans les
autres d'un caractère plus grave, à l'ÉPILEPSIE... Nous
inclinons plutôt, dit Figuier, vers l'opinion qui en fait une
affection sui generis, et pour donner un nom approprié à
cette maladie, nous nous contenterions de celui de
Convulsionnaires trembleurs des Cévennes" 142.
139
Ibidem, p. 267, 401 402.
140
Ibidem, p. 266 et seq. 399-402.
141
Ibidem, p. 403.
142
Histoire du Merveilleux, vol. II, p. 397.
"Telle était la fureur d'exorcismes et de bûchers,
continue Figuier, que les moines virent des possessions
de démons, partout oh ils avaient besoin de miracles, soit
pour jeter plus de jour sur la toute-puissance du Diable,
soit pour faire bouillir leur marmite au couvent" 143.
143
Ibidem, p. 26-27.
144
Ibidem, p. 238.
145
Des Mousseaux, Magie au XIXème siècle, p. 428.
toute l'opposition qu'on leur faisait, les prodiges continuèrent et durèrent
encore pendant plus de vingt années. Mgr Douglas, qui vint à Paris en
1749 dans ce seul but, visita les lieux, et il raconte que les miracles
continuaient parmi les convulsionnaires. Lorsqu'il vit que tous les efforts
tentés pour les arrêter échouaient, le clergé catholique fut bien forcé
d'admettre leur réalité : mais il s'abrita, suivant la coutume, derrière [95]
l'intervention du Diable. Hume, dans ses Philosophical Essays, dit : "Il n'y
eut, certes, jamais un aussi grand nombre de miracles attribués à une
personne, que ceux qu'on dit avoir été opérés, en France, sur le tombeau de
l'abbé Pâris... Guérir les malades, rendre l'ouïe aux sourds et la vue aux
aveugles, sont choses qu'on attribuait communément à ce tombeau sacré.
Mais, ce qui est plus extraordinaire encore, beaucoup de ces miracles
furent opérés sur le champ, devant des Juges d'une intégrité incontestable,
et cela dans un siècle d'érudition, et sur le théâtre le plus éminent du
monde... et ce ne sont pas les Jésuites, tout instruits qu'ils soient, appuyés
par des magistrats civils et ennemis acharnés des opinions en faveur
desquelles on prétend que ces miracles furent opérés, qui les aient jamais
réfutés ou expliqués" 146. Telle est la preuve historique. Le Dr Middleton,
dans son A Free Enquiry, livre qu'il écrivit à une époque où les
manifestations étaient en décroissance, c'est-à-dire environ dix-neuf ans
après leur début, déclare que l'évidence de ces miracles est tout à fait aussi
complète que celle des merveilles attribuées aux apôtres.
146
Hume, Philosophical Works, "of Miracles", Part. II. Londres, 1874, 75.
Voyons, maintenant, ce que le Dr Figuier a à dire au sujet de ces
phénomènes incontestablement historiques ; le savant auteur cite des
passages des procès-verbaux, dont voici quelques extraits : "Une
convulsionnaire se courbe en arrière comme un arc, ses reins étant
soutenus sur la pointe d'un pieu très aigu. Elle demande qu'on la frappe
avec une pierre pesant cinquante livres, suspendue par une corde passant
dans une poulie fixée au plafond. La pierre, élevée jusqu'à sa plus grande
hauteur, retombe de tout son poids sur le ventre de la patiente, dont le dos
porte toujours sur la pointe du pieu. Montgeron et d'autres nombreux
témoins attestent que ni la chair ni la peau des reins n'en laissaient voir la
moindre trace, [96] et que la jeune fille, afin de prouver qu'elle n'éprouvait
aucune douleur, ne cessait de crier : Plus fort ! plus fort ! 147.
"Jeanne Maulet, âgée de vingt ans, le dos appuyé contre
un mur, recevait sur l'estomac une centaine de coups d'un
marteau de forge, pesant trente livres ; les coups,
administrés par un homme très fort, étaient si violents,
qu'ils ébranlaient la muraille. Pour éprouver la force des
coups, Montgeron en fit lui-même l'essai sur le mur en
pierre auquel la jeune fille était adossée... Il prit un de
ces instruments des guérisons Jansénistes, appelés le
"GRAND SECOURS". "Au vingt-cinquième coup, dit-il,
la pierre sur laquelle je frappais, ébranlée par les coups
précédents, se détacha et tomba de l'autre côté de la
muraille, en laissant une ouverture d'environ un demi-
pied de diamètre". Lorsque les coups étaient frappés avec
violence sur une plaque de fer placée en guise de
plastron sur l'estomac d'un Convulsionnaire (qui est
souvent une femme frêle et délicate), on aurait dit que le
corps allait être aplati, l'épine dorsale brisée, et les
intestins entièrement broyés par la force des coups (vol.
1, p. 380). Mais loin de là ; la Convulsionnaire criait,
avec une expression de parfait ravissement sur le visage :
"Oh que c'est délicieux ! Que cela me fait du bien ! Du
courage, frère ; frappez le double plus fort, si vous le
pouvez !" 148. Il nous reste maintenant, continue le Dr
147
[Hist. du Merveilleux, I, p. 380.]
148
Figuier, op cit., I, 383.
Figuier, à essayer d'expliquer les étranges phénomènes
que nous venons de décrire" 149.
"Nous avons dit, dans l'Introduction de cet ouvrage,
qu'au milieu du XIXème siècle, une des plus célèbres
épidémies de possession éclata en Allemagne. C'est celle
des Nonnains, qui opéraient tous les miracles les plus
admirés depuis les temps de saint Médard, et même de
plus grands encore ; par exemple, faire des sauts
périlleux, gravir un mur vertical, parler des LANGUES
ÉTRANGÈRES" 150.
Le rapport officiel de ces merveilles, qui est encore plus complet que
le récit de Figuier, ajoute quelques détails, tels que les faits "de personnes
affectées se tenant pendant des heures sur la tête ; qui racontaient avec
exactitude les événements qui s'accomplissaient au moment même dans la
maison des membres du comité, ce qui fut vérifié par la suite. Des hommes
et des femmes étaient maintenus suspendus en l'air par une force invisible,
et les efforts combinés des membres de la commission d'enquête furent
insuffisants pour les faire redescendre. De vieilles femmes montaient le
long des murs perpendiculaires de trente pieds de haut, avec l'agilité de
chats sauvages, etc., etc. [97]
Ici, pour une fois, des Mousseaux eut beau jeu contre son adversaire.
"Le mariage ! Est-ce cela que vous voulez dire ?", dit-il. Le mariage guérit
les gens de la faculté de monter le long des hautes murailles, comme autant
149
Ibidem, p. 397.
150
Ibidem, p. 401.
151
Ibidem, p. 401.
de mouches et de parler les langues étrangères ! Oh ! curieuses propriétés
du mariage, dans ces temps extraordinaires !
"Il faut ajouter, continue Figuier, qu'avec les fanatiques
de Saint Médard, les coups n'étaient jamais frappés que
pendant les crises de convulsions, et que, par conséquent,
ainsi que le fait remarquer le Dr Calmeil, le météorisme
de l'abdomen, l'état spasmodique de l'utérus chez les
femmes et du canal alimentaire, dans tous les cas l'état de
contraction, d'éréthisme de turgescence des enveloppes
charnues des muscles qui recouvrent et protègent
l'abdomen, la poitrine, et les masses vasculaires
principales et les surfaces osseuses peuvent avoir
singulièrement contribué à réduire et même à détruire la
force des coups !
L'étonnante résistance que la peau, le tissu aréolaire, la
surface du corps et des membres des convulsionnaires
offraient aux choses qui paraissaient devoir les écraser
est de nature à exciter une surprise plus grande.
Néanmoins, elle peut encore être expliquée. Cette force
de résistance, cette insensibilité parait tenir à des
modifications extrêmes de la sensibilité, qui peuvent
survenir dans l'économie animale, pendant une période
de grande exaltation. La colère, la peur, et en un mot
toutes les passions, pourvu qu'elles soient poussées au
paroxysme, peuvent produire cette insensibilité 152.
Remarquons en outre, ajoute le Dr Calmel cité par
Figuier, que pour frapper sur le corps des
convulsionnaires, l'on faisait usage d'objets massifs à
surfaces plates ou rondes, ou de formes cylindriques et
mousses. L'action de ces agents physiques n'est pas
comparable, au point de vue du danger qu'elle offre, à
celle de cordes, d'instruments souples et flexibles, ou
ayant des bords [98] tranchants ou aigus. Enfin, le
contact et le choc des coups produisaient sur les
152
Ibidem, vol II, pp. 410, 411.
convulsionnaires l'effet d'une douche salutaire, et
diminuaient la violence des tortures de L'HYSTÉRIE" 153.
Que le lecteur veuille bien ne pas oublier que ceci n'est pas une
plaisanterie, mais bien une théorie sérieusement émise par un des plus
éminents docteurs en médecine de France, chargé d'années et d'expérience,
Directeur et médecin en chef de l'Asile d'aliénés de Charenton. Certes,
cette explication serait capable d'induire le lecteur en erreur. On serait
tenté de croire que le Dr Calmeil a fréquenté ses pensionnaires plus
longtemps qu'il ne convenait à sa santé et au bon fonctionnement de son
cerveau.
153
Ibidem, p. 413.
154
[Ibidem, I, 409 ; II, 407.]
Devant un public nombreux, qui ne saura rien de nos
conventions, mais à qui vous devrez prouver vos
assertions, nous vous insulterons grossièrement... Nous
vous dirons que vos écrits sont un piège tendu à la vérité,
une injure au sens commun, une honte que le papier seul
peut porter ; mais que le public doit flétrir. Nous
ajouterons que vous mentez à la science, que vous
mentez à la face des ignorants et des stupides insensés
qui se pressent autour de vous, bouche bée, comme une
foule autour [99] d'un charlatan courant les foires... Et
lorsque, transporté de colère, hors de vous, le visage
cramoisi, tuméfié par la fureur vous aurez bien déplacé
vos fluides, lorsque votre irritation sera à son comble,
nous frapperons des coups violents et terribles sur vos
muscles turgescents ; vos amis nous indiqueront les
endroits les plus insensibles ; et nous y laisserons tomber
une bonne averse, une avalanche de pierres... car c'est
ainsi qu'était traitée la chair de ces femmes convulsées,
dont la soif de ces coups n'était jamais satisfaite. Mais,
afin de vous procurer la satisfaction d'une douche
salutaire, comme vous le dites si gracieusement, vos
membres ne seront frappés qu'avec des objets ayant des
surfaces mousses et des formes cylindriques, avec des
gourdins et des bâtons arrondis au tour" 155.
155
[La Magie, etc., pp. 430-431.]
[101]
CHAPITRE XI
—
MERVEILLES PSYCHOLOGIQUES ET PHYSIQUES
MAGENDIE.
Baron du POTET.
Herbert SPENCER.
C'est autre chose que le tour habile auquel Robert-Houdin eut recours
en Algérie. Il prépara lui-même des balles de suif noircies avec de la suie,
et, par un tour de prestidigitation, il les substitua aux balles véritables que
les cheiks arabes croyaient mettre dans leurs pistolets. Les naïfs Arabes, ne
connaissant que la magie réelle dont ils avaient hérité de leurs ancêtres, et
qui consiste, dans la plupart des cas, en certains actes à accomplir, sans en
connaître le comment ni le pourquoi, en voyant Robert-Houdin obtenir ce
qu'ils croyaient être les mêmes résultats par des moyens plus
impressionnants, ils s'imaginèrent qu'il était un plus grand magicien
qu'eux. Bien des voyageurs, y compris l'auteur de ce livre, ont été témoins
de faits d'invulnérabilité de ce genre, mais dans lesquels toute tromperie
était impossible. Il y a quelques années, vivait dans un village d'Afrique,
un Abyssin qui passait pour un sorcier. Une fois, quelques Européens se
rendant au Soudan s'amusèrent, pendant une heure ou deux, à tirer sur lui
des coups de pistolet et de fusil, chose à laquelle il avait consenti
moyennant une faible rétribution. Un Français nommé Langlois tira jusqu'à
cinq coups simultanément, et les canons des armes n'étaient pas à plus de
deux mètres de la poitrine du sorcier. A chaque coup, en même temps que
la flamme de la détonation, on voyait la balle apparaître au bout du canon,
trembler en l'air, décrire une courte parabole, et tomber, inoffensive, sur le
sol. Un Allemand de la troupe, qui voyageait pour acheter des plumes
d'autruche, lui offrit cinq francs, pour avoir l'autorisation de tirer, le canon
du fusil touchant le corps du sorcier. L'homme refusa d'abord ; mais à la
fin, après avoir eu une sorte de colloque avec un être invisible sous [103]
terre, il y consentit. L'expérimentateur chargea soigneusement son arme, et
appuyant la bouche du canon sur le corps du sorcier, après un moment
d'hésitation, tira... le canon éclata en morceaux jusqu'à la crosse, et
l'homme ne fut pas blessé.
156
Villecroze, Le Dr d'Alger, 19 mars 1861. Pierrart, vol. IV, p. 254-257.
Le trait le plus curieux du cas en question, c'est que Jacques exerçait
un pouvoir complet seulement sur les passereaux, les moineaux, les
rouges-gorges, les chardonnerets et les mauviettes ; il magnétisait parfois
les alouettes, mais "elles m'échappent souvent", disait-il.
Ce même pouvoir est exercé avec une force plus grande encore par les
individus connus sous la dénomination de dompteurs. Sur les bords du Nil,
certains indigènes peuvent attirer hors de l'eau les crocodiles, au moyen
d'un sifflement très doux, particulièrement mélodieux et les manier
impunément ; d'autres exercent ce même empire sur les serpents les plus
venimeux. Les voyageurs racontent qu'ils ont vu de ces charmeurs
entourés de quantités de ces reptiles, qu'ils éloignent à volonté.
157
Bruce, Travels to Discover the Source of the Nile, vol. x, p. 402-447. Voyages and Travels in the
Levant, vol. I, p. 63-65. Lemprière, Voyage dans l'Empire du Maroc, etc., en 1801, p.42-43.
158
Salverte, La Philosophie de la Magie. De l'influence sur les animaux, vol. I.
Mettons sur le compte du charlatanisme si l'on veut, dit
le sceptique invétéré qu'était Salverte lui-même, la fureur
et les hurlements ; il n'en est pas moins vrai que cet
instinct qui avertissait les Psylles de la présence des
serpents a quelque chose de plus réel". Aux Antilles, les
nègres découvrent par son odeur le serpent qu'ils ne
peuvent apercevoir 159". Ce don est encore possédé en
Egypte par des hommes qui ont été dressés à l'acquérir
depuis leur enfance et qui naissent avec le don supposé
héréditaire de découvrir les serpents même à distance où
les effluves de ces animaux sont absolument
imperceptibles aux sens plus émoussés d'un Européen.
Le fait principal qui domine tous les autres, la faculté de
réduire à l'impuissance les animaux dangereux,
simplement en les touchant, est parfaitement démontré,
et il est probable que nous n'en saurons jamais plus long
au sujet de la nature de ce secret célèbre dans l'antiquité
et conservé jusqu'à notre époque par quelques-uns des
hommes les plus ignorants" 160.
159
Thibaut de Chanvallon, Voyage à la Martinique, etc.
160
Salverte, La Philosophie de la Magie.
lentement et comme inconsciemment, en faisant doucement onduler son
corps et en suivant chacun de ses mouvements. A ce moment apparut un
second serpent, puis un autre et un quatrième bientôt suivi de plusieurs
autres, si bien qu'au bout de quelques instants nous en avions toute une
bande autour de nous. Plusieurs des voyageurs se réfugièrent sur le dos de
leurs chameaux, tandis que d'autres se sauvaient dans la tente de la cantine.
Mais ce n'était qu'une fausse alarme. Les charmeurs, au nombre de trois,
commencèrent leurs chants et leurs incantations et, attirant les reptiles, ils
en furent bientôt couverts de la tête aux pieds. Aussitôt que les serpents
approchaient des hommes, ils donnaient des signes de torpeur et ils ne
tardaient pas à être plongés dans un profond sommeil cataleptique. Leurs
yeux étaient à demi clos et vitreux et leurs têtes retombaient. Il ne restait
plus qu'un seul récalcitrant, un grand serpent noir luisant, à la peau
tachetée. Ce mélomane du désert s'avançait gracieusement en sautillant,
comme s'il eût dansé sur sa queue toute sa vie, et il suivait la mesure des
notes de la flûte. Ce serpent ne paraissait pas disposé à se laisser entraîner
par les charmes des Arabes, mais il marchait toujours dans la direction du
joueur de flûte qui finit par prendre la fuite. Le moderne Psyllie prit alors
dans son sac une plante à demi desséchée qu'il agita un moment du côté du
serpent. Elle avait une forte odeur de menthe, et dès que le reptile en eut
senti le parfum, il suivit l'Arabe, toujours dressé sur sa queue et
s'approchant de plus en plus de la plante. Encore quelques secondes, et
"l'ennemi traditionnel" de l'homme était enroulé, autour du bras du
charmeur, devenait à son tour insensible, et toute la troupe des reptiles était
jetée dans une mare, après qu'on leur eut coupé la tête.
Bien des gens croient que ces serpents sont dressés et qu'ils sont ou
privés de leurs crochets ou que leurs bouche a été préalablement cousue.
Sans doute, les supercheries de quelques jongleurs de bas étage ont donné
lieu à cette croyance. Mais les authentiques charmeurs de serpents ont trop
bien fait leurs preuves en Orient, pour avoir besoin de recourir à une
fraude de cette nature. Ils ont [107] le témoignage incontestable de trop de
voyageurs dignes de foi, y compris des savants, pour qu'on les accuse de
semblable charlatanisme. Que les serpents ainsi charmés et amenés à
danser et à devenir inoffensifs sont encore venimeux a été démontré par
Forbes. "La musique s'étant arrêtée trop subitement, dit-il, ou pour toute
autre cause, le serpent qui dansait au milieu d'un cercle s'élança sur les
assistants, et infligea une morsure au cou d'une jeune femme, qui mourut
dans de cruelles souffrances au bout d'une demi-heure 161".
161
Forbes, Oriental Memoirs, vol. I, p. 44 ; vol. II, p. 387.
162
Stedman, Narrative of... Expedition... in Surinam, vol. III, p. 64-65.
163
Voyez Edinburgh Review, vol. LXXX, p. 428, etc.
164
[Nihang ou ghariyat en Hindoustani.]
infime existant dans la nature est mû par l'esprit qui est un dans son
essence, car la plus petite parcelle représente le tout ; et que la matière
n'est, après tout, que la copie concrète d'une idée abstraite. A ce propos,
citons quelques exemples de la puissance souveraine de la volonté, même
inconsciente, pour créer conformément aux plans dressés par l'imagination,
ou plutôt par la faculté de discerner les images dans la lumière astrale.
165
[Journal de Médecine, etc., vol. XXXII, janv. 1770 : "Lettre sur une production monstrueuse.]
166
C. Elam, A Physician's Problems, p. 25.
167
The Immortality of the Soule, par Henry More, Membre du Christ's College, Cambridge.
le fœtus comme une substance [109] plastique, qui peut être façonnée par
la mère, de manière à lui donner une forme agréable ou repoussante, à
ressembler à une seule personne ou à plusieurs dans différentes parties du
corps, à être empreinte de certaines marques, ou pour employer un terme
plus approprié, d'astrographies de quelque objet qui a plus vivement
frappé son imagination. La mère peut produire ces effets volontairement
ou involontairement, consciemment ou inconsciemment, faiblement ou
énergiquement, suivant les cas. Cela dépend de son ignorance ou de sa
science des profonds mystères de la nature. En prenant les femmes en
masse, on doit considérer les marques de l'embryon plutôt comme
accidentelles que comme le résultat d'un calcul ; et, comme l'atmosphère
de chaque personne dans la lumière astrale est peuplée d'images de
personnes de sa famille, la surface sensible du fœtus, qu'on peut comparer
à l'émulsion du photographe, peut fort bien prendre l'empreinte de l'image
d'un ancêtre immédiat ou non, que la mère peut n'avoir jamais vu, mais
qui, dans un moment critique, est venue se présenter pour ainsi dire au
foyer de la chambre noire de la nature. Le Dr Elam dit : "Près de moi est
assise une visiteuse venue d'un continent éloigné où elle était née et ou elle
avait été élevée. Le portrait d'une meule, qui vivait au commencement du
siècle dernier, est accroché au mur. Or, dans chaque trait, dans chaque
détail de la physionomie, la visiteuse offrait une ressemblance complète et
frappante avec le portrait, quoique l'une d'elles n'eût jamais quitté
l'Angleterre, tandis que l'outre était Américaine de naissance et par une des
branches de sa famille" 168.
168
[C. Elam, op. cit., p. 27.]
porc, d'un chien, etc... Marc Damascène parle d'une jeune fille qui était
couverte de poils, et portait de la barbe, comme notre moderne Julia
Pastrana ; Guillaume [110] Paradin parle d'un enfant dont la peau et les
ongles étaient ceux d'un ours ; Balduin Ronsceus en cite un, né avec des
barbes de dindon ; Paré dit en avoir vu un avec une tête de grenouille, et
Avicenne fait mention de poulets ayant des têtes d'épervier 169. Dans ce
dernier cas, qui prouve péremptoirement l'influence de l'imagination chez
les animaux, l'embryon a dû être ainsi formé au moment de la conception,
l'imagination de la poule ayant été frappée par la vue réelle ou imaginaire
d'un épervier. Cela est évident, car le Dr More, qui cite ce cas, sur l'autorité
d'Avicenne, observe très justement que comme l'œuf en question aurait pu
être couvé et éclore à des centaines de milles de distance de la poule qui
l'avait pondu, l'image microscopique du faucon empreinte sur l'embryon a
dû croître avec le poulet et, par conséquent, indépendamment de toute
influence ultérieure de la poule.
169
[Cf. Licetus, De monstris, Amsterdami, 1668.]
que, dans ces divers cas, il fut impossible de retrouver la main, le bras et
la tête de ces enfants" 170.
S'il était possible de concevoir un miracle dans la nature, les cas ci-
dessus cités de disparition soudaine de parties de corps non encore nés
pourraient être donnés comme tels. Nous avons vainement cherché dans
les plus récentes autorités qui ont écrit sur la [111] physiologie de
l'homme, pour y trouver une théorie satisfaisante qui explique les moins
remarquables de ces empreintes ou signatures fœtales. Tout ce que ces
auteurs ont pu faire a été de rappeler les exemples de ce qu'ils nomment
des "variétés spontanées de types", et de se rejeter ensuite sur les
"curieuses coïncidences"de M. Proctor, ou sur les naïfs aveux d'ignorance
que l'on rencontre chez les auteurs, qui ne sont pas complètement satisfaits
de la somme actuelle des connaissances humaines. Magendie reconnaît
que, malgré les recherches scientifiques, on ne sait que relativement fort
peu de chose au sujet de la vie fœtale. A la page 518 de l'édition
américaine de son Précis Elémentaire de Physiologie, il rapporte "un cas
où le cordon ombilical était rompu et parfaitement cicatrisé", et il demande
"comment la circulation du sang avait pu avoir lieu" ? A la page suivante,
il dit : "Pour le moment, on ne sait rien relativement à l'utilité de la
digestion chez le fœtus". En ce qui concerne sa nutrition, il pose la
question suivante : "Que pouvons-nous donc dire de la nutrition du fœtus ?
Les ouvrages de physiologie ne contiennent que de vagues conjectures à
ce sujet". A la page 520, il tient le langage suivant : "Par suite d'une cause
ignorée, les différentes parties du fœtus se développent quelquefois d'une
façon anormale". Mais avec une inconséquence singulière, après avoir
admis l'ignorance des savants sur tous ces points, il ajoute : "Il n'y a pas de
raison pour croire que l'imagination de ta mère ait une influence
quelconque dans la formation de ces monstres ; d'ailleurs, des productions
de ce genre sont journellement observées chez les autres animaux et même
dans les rejetons des plantes". Quel parfait exemple il nous donne de la
manière de procéder des savants ! Dès qu'ils dépassent la limite des faits
observés, leur jugement paraît entièrement perverti. Les déductions qu'ils
tirent de leurs propres recherches sont souvent très inférieures à celles
tirées par d'autres, qui ne tiennent les faits que de seconde main.
170
Dr H. More, Immortalitg of the Soule, vol. III, ch. VI, p. 392-94.
La littérature de la science fournit à chaque pas des preuves de cette
vérité ; et lorsque nous examinons les raisonnements des observateurs
matérialistes de phénomènes psychologiques, la règle devient manifeste.
Ceux qui souffrent de cécité de l'âme sont aussi incapables de discerner les
causes psychologiques des effets matériels que les daltoniens sont inaptes
à distinguer le rouge du noir.
Elam, sans être le moins du monde spirite, bien mieux, étant ennemi
déclaré du spiritisme, exprime l'opinion des savants honnêtes dans les
termes suivants : "Il est certainement impossible d'expliquer comment la
matière et l'esprit agissent et réagissent l'un sur l'autre ; il est reconnu par
tous que ce mystère est insondable, et qu'il restera probablement à jamais
insoluble" 171. [112]
171
[Ch. Elam, op. cit., p. 238.]
une malformation originaire du germe ? Ou bien sont-ils le résultat de
déformations ultérieures de l'embryon par des causes qui agissent sur son
développement ? Pour ce qui est de la première question, on pense que le
germe a été mal formé à l'origine, ou défectueux à la suite d'une influence
soit de la femelle, soit du mâle, comme dans les cas où le même vice de
conformation se reproduit par les mêmes parents, qui le transmettent en
héritage aux enfants".
172
[Magendie, op. cit., 6ème éd., Londres 1872, pp. 225-26.]
sur cette terre. Nous ajouterons maintenant quelques mots, afin de rendre
l'idée plus claire.
173
[Pope, Essay on Man, I, 267.]
174
Ils sont tous les parties d'un tout prodigieux dont le corps est la nature, et dont Dieu est l'âme,
Des Mondes sans nombre Reposent dans ce sein comme des enfants.
Bichat, qui, en 1802, a été reconnu comme le fondateur de l'anatomie
analytique et philosophique. Une des plus importantes contributions à la
littérature tératologique est la monographie de G.-J. Fisher de Sing-Sing
(New-York), intitulée Diptoteratology ; an Essay on Compound Human
Monsters. Cet auteur classe les croissances fœtales monstrueuses en genres
et espèces, en faisant suivre chaque cas de réflexions suggérées par ses
particularités. Comme Saint-Hilaire, il divise l'histoire du sujet en périodes
fabuleuse, positive et scientifique.
Il est suffisant pour l'objet que nous avons en vue de dire, que dans
l'état actuel de la science, deux points sont considérés comme établis,
savoir : 1° que la condition mentale de la mère n'a aucune influence sur la
production des monstruosités ; 2° que la plupart des variétés de
monstruosités peuvent être attribuées à la théorie d'un arrêt ou retard de
développement. Fisher dit : "Par une soigneuse étude des lois du
développement, et de l'ordre dans lequel les divers organes évoluent et se
forment dans l'embryon, on a observé que les monstres par défaut ou arrêt
de développement sont, jusqu'à un certain point, des embryons
permanents. Les organes anormaux ne représentent que la condition
primitive de la formation, telle qu'elle existait pendant la première phase
de la vie embryonnaire ou fœtale 175.
175
Transactions ot the Medical Society of N Y., 1865, p. 249.
espèces ; mais les faits sont des faits, et en dehors de son champ
d'observation, il paraît, même si nous n'en jugeons que par notre
expérience personnelle, dans diverses contrées, qu'on peut obtenir
d'abondantes preuves que de violentes émotions maternelles sont souvent
reflétées dans des déformations tangibles, visibles et permanentes chez
l'enfant. Et les cas en question semblent. en outre, contredire l'assertion du
Dr Fisher que les développements monstrueux sont dus à des causes que
l'on peut retrouver "dans les premières phases de la vie embryonnaire ou
fœtale". Un cas à citer est celui d'un Juge de la Cour Impériale à Saratow
en Russie, qui portait toujours un bandeau pour cacher une tache en forme
de souris sur la joue gauche. C'était une souris parfaitement conformée,
dont le corps était représenté en relief sur la joue, et dont la queue,
remontant par la tempe, allait se perdre dans la chevelure. Le corps
paraissait luisant, grisâtre et tout à fait naturel. De son propre aveu, sa
mère avait une invincible répugnance pour les souris, et elle avait
accouché avant terme à la vue d'une d'entre elles bondissant tout à coup de
sa boîte à ouvrage.
Dans un autre cas qu'a vu l'auteur de ces lignes, une dame enceinte,
deux ou trois semaines avant ses couches vit un plat de framboises, et elle
fut prise d'une violente envie d'en avoir, ce qu'on lui refusa. Elle porta
vivement sa main droite à son cou par un geste quelque peu théâtral en
s'écriant qu'il lui en fallait absolument. L'enfant, né sous nos yeux, trois
semaines plus tard, portait une framboise parfaitement reproduite sur le
côté droit du cou ; et jusqu'à ce jour, à l'époque de la maturité du fruit, la
marque de naissance devient d'un rouge profond, tandis que durant l'hiver
elle est très pâle.
De tels exemples, très familiers aux mères de famille, soit par leur
propre expérience ou celle de leurs amies, produisent une conviction
réelle, en dépit des théories de tous les tératologistes d'Europe et
d'Amérique. De ce que l'on observe des malformations de l'espèce chez les
animaux et chez les plantes, aussi bien que chez les êtres humains,
Magendie et son école concluent que les malformations humaines d'un
caractère identique ne sont en aucune façon dues à l'imagination
maternelle, puisque celles-là ne [117] le sont pas. Si les causes physiques
produisent des effets physiques dans les règnes inférieurs de la nature, la
déduction est que la même règle doit s'appliquer à nous.
Mais une théorie tout à fait originale a été émise par le professeur
Armor, du collège médical de Long Island, au cours de la discussion qui
eut lieu à l'Académie de Médecine de Détroit. En opposition avec la
doctrine orthodoxe représentée par le Dr Fisher, le professeur Armor dit
que les malformations proviennent de l'une ou l'autre de deux causes,
savoir : 1° une insuffisance ou une condition anormale dans la matière
générative dans laquelle le fœtus est développé, ou 2° des influences
morbides agissant sur le fœtus dans l'utérus. Il soutient que la matière
générative représente dans sa composition chaque tissu, chaque structure,
chaque forme, et qu'il peut y avoir telles transmissions de singularités
structurales acquises, qui rendent la matière générative incapable de
produire un rejeton sain et d'un développement équilibré. D'autre part, la
matière générative peut être parfaite en elle-même, mais se trouver
soumise à des influences morbides durant la gestation, et l'enfant en
deviendra nécessairement monstrueux.
176
Dublin, Quarterly Journal of Medical Science, vol. XV, p. 263, 1853.
Un autre exemple est celui de Marie-Thérèse Parodi 177. Cette femme,
qui avait précédemment mis au monde huit enfants bien formés, accoucha
d'une fille dont la partie supérieure du corps était double. Les cas, où avant
et après la production d'un monstre les enfants étaient parfaitement
conformés, sont nombreux, et si, d'autre part, le fait que les monstruosités
sont aussi communes chez les animaux que chez les hommes est un
argument généralement accepté contre la théorie populaire que ces
malformations sont dues à l'imagination de la mère ; et si on admet cet
autre fait qu'il n'y a aucune différence entre les cellules ovariennes d'un
mammifère et ceux d'une femme, que devient dès lors la théorie du
professeur Armor ?. Dans ce cas, le fait d'une malformation animale est
aussi concluant que celui d'un monstre humain, et c'est ce que nous lisons
dans l'article du Dr Samuel Mitchel : On two-headed Serpents. Un serpent
femelle fut tué avec toute sa portée, au nombre de 120 petits, parmi
lesquels il y avait trois monstres. L'un avait deux têtes bien distinctes ; un
autre avait deux têtes, mais seulement trois yeux ; et un troisième avait un
double crâne, muni également de trois yeux, mais avec une seule
mandibule. Ce dernier avait deux corps 178. Certes, la matière générative qui
avait produit ces trois monstres était identique à celle qui avait formé les
117 autres ! Ainsi donc, la théorie du Dr Armor est aussi imparfaite que
toutes les autres.
177
A.E. Serres, Recherches d'Anatomie Transcendante et Pathologique, etc., Paris, 1832.
178
Silliman's Journal of Science and Art, vol. x, p. 48.
179
[Dans H. Mandsley, Body and Mind.]
Pour un homme qui étudie la philosophie occulte et qui, à son tour,
rejette la méthode d'induction, en raison précisément de ces limitations
perpétuelles, mais qui adopte pleinement la division Platonicienne, c'est-à-
dire en causes Efficientes, Formelles, Matérielles, et Finales, aussi bien
que la méthode Eléatique consistant [119] à examiner toute proposition
émise, il paraît tout naturel de raisonner en partant du principe suivant de
l'école Néo-Platonicienne : 1° Le sujet est ou n'est pas tel qu'on le suppose.
Par conséquent, nous demanderons : L'Ether universel, connu des
cabalistes sous le nom de "lumière astrale", contient-il de l'électricité et du
magnétisme, ou non ? La réponse doit être affirmative, car la "science
exacte" nous apprend qu'il y a entre ces deux agents convertibles, saturant
tous deux la terre et l'air, un échange constant d'électricité et de
magnétisme. La question n°1 étant réglée, nous avons maintenant à
examiner ce qui a lieu : 1° Pour lui par rapport à lui-même ; 2° Pour lui
relativement aux autres choses ; 3° dans les autres choses par rapport à
lui ; 4° enfin, dans les autres choses par rapport à elles-mêmes.
2° Relativement aux autres choses. Il est attiré par tous les corps pour
lesquels il a de l'affinité, et repoussé par les autres ;
3° Dans les autres choses par rapport à lui. Il arrive que toutes les fois
qu'elles se trouvent en contact avec l'électricité, elles en reçoivent une
impression, en proportion de leur conductibilité ;
180
Précis Elémentaire de Physiologie, p. 520.
fœtus, d'après la formule même de la physiologie, qui montre comment
chaque sentiment maternel réagit sur l'enfant. Est-ce que cette théorie
cabalistique est plus hypothétique ou incompréhensible que la doctrine
tératologique enseignée par les disciples de Geoffroy Saint-Hilaire ? C'est
cette doctrine, dont Magendfe dit, avec tant de raison, "qu'elle a été
trouvée commode et facile à cause de son obscurité et du vague de ses
enseignements, et "qu'elle ne Vise à rien moins qu'à la création d'une
science nouvelle, dont la théorie repose sur certaines lois pas très
intelligibles, telles que celles de l'arrêt, du retard, de la position similaire
ou excentrique, et spécialement de ce qu'on appelle la grande loi du soi
pour soi" 181. [121]
Eliphas Lévi, qui est certainement une des meilleures autorités sur
certains points, parmi les cabalistes, dit : "Les femmes enceintes sont, plus
que les autres, sous l'influence de la lumière astrale qui concourt à la
formation de leur enfant, et leur présente constamment des réminiscences
de formes dont elle est remplie. C'est ainsi que de très vertueuses femmes
trompent la malignité des observateurs par des ressemblances équivoques.
Souvent elles impriment sur le fruit du mariage une image qui les a
frappées durant un rêve, et de la sorte les mêmes physionomies se
perpétuent d'âge en âge."
"L'usage cabalistique du pentagramme peut déterminer,
par conséquent, les traits de l'enfant encore à naître, et
une femme initiée pourrait donner à son enfant les traits
de Nérée ou d'Achille, aussi bien que ceux de Louis XV
ou de Napoléon" 182.
Si cette théorie devait en confirmer une autre que celle du Dr. Fischer,
il devrait être le dernier à se plaindre, car, ainsi qu'il le confesse lui-même,
confession d'ailleurs que son exemple confirme, "un des obstacles les plus
redoutables à l'avancement de la science... a toujours été l'aveugle
soumission envers l'autorité... Dégager l'esprit de l'influence de l'autorité,
afin qu'il ait les coudées franches dans la recherche des lois et des faits qui
181
Ibidem, p. 521.
182
Dogme et Rituel de la Haute magie, Vol. I, ch. V.
existent dans la nature, est la première condition indispensable aux
découvertes scientifiques et au progrès permanent" 183.
183
Transactions of Medical Society of New-York, 1865, etc., p. 246.
admirable. Si l'âme de l'homme est réellement le produit de l'essence de
cette âme universelle, une fraction infinitésimale de ce premier principe
créateur, il doit nécessairement participer, dans une certaine mesure, à tous
les attributs de la puissance démiurgique. De même que le créateur, en
brisant la masse chaotique de matière morte et inactive, lui donna la forme,
de même l'homme, s'il connaissait sa puissance, agirait aussi, jusqu'à un
certain point, de la sorte. Ainsi que Phidias, en réunissant les parcelles
éparses de l'argile et en les humectant d'eau, a pu donner une forme
plastique à la sublime idée évoquée par sa faculté créatrice, ainsi la mère
qui a la conscience de son pouvoir est capable de façonner à son gré
l'enfant qui va naître. Ignorant sa force, le sculpteur avec sa matière inerte
ne produit qu'une figure ravissante, mais inanimée ; tandis que l'âme de la
mère, violemment affectée par l'imagination, projette aveuglément dans la
lumière astrale l'image d'un objet qui l'a vivement impressionnée, et, par
voie de répercussion, cette image vient s'imprimer sur le fœtus. La science
nous apprend que la loi de la gravitation nous assure que tout déplacement
s'opérant au centre même de la terre est ressenti dans tout l'univers, "et
nous pouvons imaginer que la même chose est vraie des mouvements
moléculaires qui accompagnent la pensée" 184. Parlant de la transmission de
l'énergie à travers l'éther universel ou lumière astrale, le même auteur dit :
"Des photographies continuelles de tous les faits sont de la sorte [123]
obtenues et conservées. Une grande partie des énergies de l'univers peut
être ainsi employée dans ces images."
184
Fournié, Physiologie du système nerveux, cérébro-spinal. Paris, 1872.
185
Ibidem.
Félix, comme il aurait répondu Amen ! à l'exclamation du prêtre :
MYSTERE ! MYSTERE !
186
Night-Side of Nature, par Catherine Crowe, p. 434 et suivantes.
complètement. Deux jeunes dames, en Pologne, se tenaient pendant un
orage devant une croisée ouverte ; un coup de foudre éclata tout près
d'elles, et le collier en or de l'une d'elles fut fondu du coup, en laissant sur
la peau une empreinte qui dura toute sa vie. L'autre, effrayée de l'accident
survenu à sa compagne, fut saisie d'horreur pendant quelques minutes et
s'évanouit. Petit à petit, la même marque d'un collier, qui s'était
instantanément produite sur le cou de son amie, apparut aussi sur le sien, et
subsista pendant plusieurs années, au bout desquelles il finit par
disparaître.
187
[Ibid., p. 435.]
l'être avec lequel la femme est en relation la plus immédiate, et elle
imprime en lui l'image qui l'a le plus agitée elle-même" 188.
188
[Van Helmont, Ort. medic., p. 287 ; éd. 1652.]
189
[Résumé de Bibliothèque du magnétisme animal. Paris 1817-18, Vol. I, pp. 67-68.]
190
Cap. XVIII, col. 453-55, Basileae, 1583.]
avait éprouvée, en voyant des Indiens exécuter leurs danses grotesques" 191.
Le Dr Fisher rejette tous ces exemples comme dénués d'authenticité et
comme fabuleux.
Mais nous ne voulons pas fatiguer davantage le lecteur par le récit des
nombreux cas de tératologie que l'on trouve rapportés dans les œuvres des
auteurs qui ont écrit sur la matière ; ceux qui précèdent suffisent pour
prouver qu'il y a de fortes raisons pour attribuer ces aberrations du type
physiologique à la réaction mutuelle de l'esprit maternel et de l'éther
universel. Dans le cas où l'on révoquerait en doute l'autorité de Van
Helmont, comme homme de science, nous en référerions à l'ouvrage de
Fournié, le célèbre physiologiste, dans lequel (à la page 717) on trouve
l'appréciation suivante de son caractère : "Van Helmont était un chimiste
extrêmement distingué ; il avait tout particulièrement étudié les fluides
aériformes, auxquels il avait donné le nom de gaz ; en même temps il
poussait la piété jusqu'au mysticisme, s'abandonnant exclusivement à une
contemplation constante de la divinité... Van Helmont s'est distingué au-
dessus de tous ses prédécesseurs en reliant le principe de la vie directement
et en quelque sorte expérimentalement, ainsi qu'il le dit lui-même, aux plus
infimes mouvements du corps. C'est l'action incessante de cette entité, qu'il
n'associe nullement avec les éléments matériels, mais qui forme une
individualité distincte, que nous ne pouvons comprendre. Néanmoins, c'est
sur cette entité qu'une célèbre école a établi sa base principale" 192.
191
Henry More, The Immortality of the Souls, III, ch. VII, p. 399.
192
Fournié, Physiologie, p. 717.
Avant de quitter ce sujet, nous voudrions encore dire quelques mots
relativement aux cas dans lesquels la tête, le bras et la main furent
instantanément dissous, bien qu'il soit évident que, dans chacun de ces cas,
le corps entier de l'enfant avait été parfaitement formé. Quelle est la
composition du corps de l'enfant à sa naissance ? Les chimistes nous diront
qu'il comprend une douzaine de livres de gaz solidifiées, quelques onces
d'un résidu cendreux, de l'eau, de l'oxygène, de l'hydrogène, de l'azote, de
l'acide carbonique, un peu de chaux, de magnésie, de phosphore et
quelques autres substances minérales ; et c'est tout ! D'où viennent ces
substances ? Comment ont-elles été rassemblées de la sorte ? Comment
ces parcelles que M. Proctor nous dit "être attirées des profondeurs de
l'espace qui nous environne de toutes parts", pour être façonnées sous la
forme d'êtres humains ? Nous avons vu qu'il était inutile de le demander à
l'école dominante dont Magendie est l'illustre représentant ; car il avoue
qu'elle ne sait rien de la nutrition, de la digestion ou de la circulation du
fœtus ; et la physiologie nous apprend que tandis que l'ovule est enfermé
dans le follicule de Graaf, il participe à la structure générale de la mère,
dont il forme partie intégrante. Mais à la rupture de la vésicule, il devient
presque aussi indépendant d'elle pour ce qui doit constituer le corps de
l'être futur, que le germe dans un œuf d'oiseau, après que la mère l'a
déposé dans le nid. Certes peu de chose, dans les faits démontrés de la
science, viennent contredire l'idée que la relation de l'enfant embryonnaire
avec la mère est fort différente de celle du locataire envers la maison, l'abri
dont il dépend pour sa santé, sa chaleur et son confort.
193
Par le mot âme, ni Démocrite ni les autres philosophes n'entendaient ni le Nous ni le Pneuma,
l'âme divine immatérielle, mais bien la psyché ou corps astral ; ce que Platon a toujours désigné
sous le nom de seconde âme mortelle.
194
Plutarque, Contre Colotes, § 8.
Stewart dit que cette doctrine, dans les mains de John Dalton, "a permis au
mental humain de [128] saisir les lois qui règlent les changements
chimiques, aussi bien que de se représenter les phénomènes qui y ont lieu".
Après avoir cité, en l'approuvant, l'idée de Bacon que l'homme cherche
perpétuellement les limites extrêmes de la nature, il formule un étalon
d'après lequel, lui et ses collègues en philosophie devraient bien régler leur
conduite : "Nous devrions assurément être très prudents avant
d'abandonner une branche quelconque de connaissance ou une direction de
pensée, comme essentiellement inutile" 195.
195
Balfour Stewart, L. L. D., F. R. S. : The Conservation of Energy.
à mesure que nous avançons dans notre exposition, nous sommes obligés
de reconnaître que c'est là pour nous le terrain défendu" 196. [129]
Telle est la conviction que nous avons cherché à faire naître chez nos
logiciens et nos physiciens. Comme le dit M. Mill lui-même, "nous ne
pouvons admettre une proposition comme une loi de la nature, et croire, en
même temps, un fait qui est en contradiction manifeste avec elle. Il faut de
toute nécessité ou repousser la croyance à un pareil fait, ou admettre que
nous avons fait erreur en admettant la loi en question" 198. M. Hume
invoque "la ferme et inaltérable expérience" du genre humain, comme
établissant les lois dont l'action rend ipso facto les miracles impossibles.
La difficulté que présente cette théorie réside principalement dans l'adjectif
souligné (inaltérable), qui suppose que notre expérience ne change jamais,
196
Fournié, Physiologie du système nerveux, p. 16.
197
A. System of Logic, 8• édit. 1872. Vol. II, p. 165.
198
[Op. cit., ch. XXV.]
et que, par conséquent, les mêmes expériences et observations serviront de
base à notre jugement. Cette opinion suppose également que tous les
philosophes auront toujours les mêmes faits à examiner, et elle semble
ignorer entièrement les rapports d'expériences philosophiques et de
découvertes scientifiques dont nous avons été temporairement privés.
Ainsi l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, et la destruction de [130]
Ninive ont privé le monde, pendant plusieurs siècles, des données
nécessaires pour se former une opinion de la valeur de la véritable
connaissance ésotérique et exotérique des anciens. Mais, dans ces
dernières années, la découverte de la pierre de Rosette, des manuscrits
d'Ebers, d'Aubigné, d'Anastasi et autres papyrus, et l'exhumation des
bibliothèques sur tablette d'argile ont ouvert un vaste champ aux
recherches archéologiques qui, très probablement, aboutiront à des
modifications radicales dans cette "expérience fertile et inaltérable".
L'auteur de Supernatural Religion fait remarquer, avec raison, "qu'une
personne qui croit à quelque chose qui est en contradiction avec la logique,
et cela uniquement sur la foi d'une affirmation sans preuve, est tout
simplement crédule ; mais cette affirmation ne porte aucune atteinte à
l'évidence même de la chose 199.
199
[5ème éd. ; Londres 1875, p. 88.]
intellectuelle, contre le despotisme religieux et
ecclésiastique, de même, dans notre XIXème siècle, les
intérêts spirituels et éternels de l'homme exigent qu'une
protestation soit formulée contre le despotisme
scientifique qui va se développant rapidement, afin que
les Savants, non seulement restent dans leurs domaine
légitime du phénoménal et du conditionné, mais encore
aient à "examiner de nouveau tout leur bagage, de façon
à s'assurer positivement jusqu'à quel point la masse de
numéraire qu'ils ont dans leurs caves, et sur la foi de
l'existence duquel on a fait circuler tant de papier-
monnaie, est bien réellement l'or pur de la Vérité".
"Si ce n'est pas fait pour la science, comme on le fait
pour les affaires ordinaires, les savants sont capables
d'évaluer trop haut leur capital et d'entreprendre, par
conséquent, des opérations [131] dangereuses d'inflation.
Depuis même que le professeur Tyndall a prononcé son
discours de Belfast, il a été démontré par les nombreuses
répliques qu'il a provoquées que le capital de l'école de la
Philosophie d'Evolution, à laquelle il appartient, n'est
pas, à beaucoup près, aussi considérable qu'on l'avait
vaguement supposé auparavant, dans les milieux
intelligents mais non scientifiques. Pour une personne
étrangère au monde de la science, il est fort surprenant de
voir combien la science officielle s'entoure d'un domaine
de pures hypothèses, dont se vantent souvent les savants
en les présentant comme leurs propres conquêtes".
200
Draper, Conflit entre la Religion et la Science, p. 22.
201
Edward L. Youmans, M.D., A Class-Book of Chemisiry, préface p. 2.
Depuis l'avènement du spiritisme, les médecins et les pathologistes
sont plus disposés que jamais à traiter de superstitieux empiriques et de
charlatans de grands philosophes comme Paracelse et Van Helmont, et à
tourner en ridicule leurs notions au sujet de l'Archæus ou anima mundi,
aussi bien que l'importance qu'ils accordent à la connaissance de la
structure des astres. Et cependant combien de progrès substantiels la
médecine a-t-elle faits depuis l'époque ou lord Bacon la rangeait parmi les
sciences conjecturales
202
[Suidas, Greek Lexicon, I 595. Diocletianos et III 669 Xemeia.]
203
[Manetho. dans Jul. Afric. et Eusèbe.]
204
[Ad Antolycum, II, ch. VI.]
205
[XXII, XIV, 7.]
calcul cyclique 206. Que sont devenus ces livres ? Qui connaît les trésors
d'érudition et de science qu'ils peuvent avoir contenus ? Nous ne savons
avec certitude qu'une chose : c'est que les vandales Païens et Chrétiens ont
détruit ces trésors littéraires partout où ils les trouvaient ; que l'Empereur
Alexandre Sévère parcourut l'Egypte entière, pour rassembler tous les
livres sacrés sur le mysticisme et la mythologie, pillant tous les temples ;
que les Ethiopiens, malgré l'antiquité bien démontrée des connaissances
des Egyptiens dans les arts et les sciences, prétendaient avoir priorité sur
eux ; et du reste, ils le pouvaient puisque ce savoir existait dans l'Inde, dès
la première aurore de l'histoire. Nous savons aussi, que Platon apprit plus
de secrets en Egypte qu'il ne lui fut permis d'en révéler ; que, suivant
Champollion, tout ce qui est réellement bon et scientifique dans l'œuvre
d'Aristote, si vanté de nos jours par nos modernes intructionnistes, est dû à
son divin Maître 207, et que, comme conséquence logique, Platon ayant
enseigné oralement à ses disciples initiés les profonds secrets qu'il avait
appris des prêtres de l'Egypte, ces secrets se transmirent ainsi de
génération en génération parmi les adeptes, dont les derniers en savent plus
sur les pouvoirs occultes de la nature que nos philosophes d'aujourd'hui.
206
[Champollion-Figéac, Egypte Ancienne, p. 138.]
207
[Ibid., p. 139.]
208
Sprengel, dans son Histoire de la Médecine, fait voir Van Helmont comme outré du
charlatanisme et de la présomption ignorante de Paracelse. "Les ouvrages de ce dernier, dit
Sprengel, qu'il (Van Helmont) avait lus avec attention, réveillèrent en lui l'esprit de la réforme ;
mais ils ne lui suffirent pas à eux seuls, car son érudition et son jugement étaient infiniment
supérieurs à ceux de cet auteur, et il méprisait cet égoiste, ce vagabond ignorant et ridicule qui
semble parfois être atteint de folie." Cette affirmation est parfaitement fausse. Nous avons devant
nous les ouvrages de Van Helmont lui-même qui viennent le contredire. Dans la célèbre dispute
entre les deux écrivains, Goclenius, un professeur de Marburg, qui préconisa l'efficacité du baume
sympathique découvert par Paracelse pour guérir toutes les plaies, et le Père Robert, un Jésuite, qui
condamna toutes ces guérisons, les ayant attribuées au Diable, Van Helmont entreprit d'arranger le
De tous les manuscrits qui sont parvenus jusqu'à nous, la plupart ne
sont que des retraductions latines des textes traduits en grec,
principalement par les Néoplatoniciens, d'après les ouvrages originaux
conservés par quelques adeptes. Marcile Ficin, qui fut le premier à les
publier à Trévise, en 1471, ne nous en a donné que de simples extraits et
les plus importantes parties paraissent en avoir été négligées ou
volontairement omises, comme trop dangereuses à publier dans ces temps
d'auto da fé. Aussi, il arrive maintenant que lorsqu'un cabaliste, qui a
consacré sa vie entière à étudier l'occultisme et a acquis ainsi le grand
secret, se hasarde à faire remarquer que la Cabale seule conduit à la
connaissance de l'Absolu dans l'Infini, et de l'Infini dans le Fini, il est
tourné en dérision par ceux qui, sous prétexte qu'ils connaissent
l'impossibilité de la quadrature du cercle, en tant que problème physique,
en contestent la possibilité dans le sens métaphysique.
différend. La raison qu'il donna pour son intervention était que toutes ces chicaneries "affectaient
Paracelse comme inventeur, et, lui-même, comme son élève". (Voyez Ortus médicinae, sect "De
Magnetica vulnerum curatione", p. 594 ; éd. 1652).
personnes émergeant par divers chemins d'un abîme sans fond. Chacun de
leurs sentiers aboutit au bord de ce gouffre qu'ils ne peuvent explorer.
D'une part, le moyen de descendre dans ses mystérieuses profondeurs leur
fait défaut, et de l'autre ils sont repoussés par des sentinelles jalouses, qui
leur en interdisent l'accès, à chaque tentative qu'ils font pour y pénétrer.
C'est ainsi qu'ils continuent à étudier les forces inférieures de la nature, en
initiant de temps à autre le public à leurs grandes découvertes. Ne
viennent-ils pas de se lancer dans l'étude de la force vitale, et de définir
son rôle dans le jeu des corrélations avec les forces physiques et les forces
chimiques ? Certes, ils l'ont fait ; mais si nous leur demandons d'où
provient cette force vitale, et comment il se fait que ceux qui, naguère
encore, croyaient si fermement que la matière était destructible et sortait de
l'existence, ont maintenant appris à croire qu'elle est indestructible, sans
pouvoir rien nous dire de plus à ce sujet, ils sont forcés, dans ce cas
comme dans bien d'autres, de revenir à une doctrine enseignée par
Démocrite il y a vingt-quatre siècles 209. A cette question, en effet, ils
répondent : "La création ou la destruction de la matière, son augmentation
ou sa diminution sont au-delà du domaine de la science ; son domaine est
purement et simplement limité à ce qui concerne les changements de la
matière... c'est dans les limites de ces changements qu'est enfermé le
domaine de la science, en dehors duquel se trouvent sa création et son
anéantissement 210". Oh non ! ils ne se trouvent qu'en dehors des atteintes
des savants matérialistes. Pourquoi confondre ainsi les savants avec la
science ? S'ils disent que "la force ne peut être détruite que par la
puissance même qui l'a créée", n'est-ce point admettre tacitement
l'existence d'une telle puissance, et n'est-ce pas, par conséquent, déclarer
que l'on n'a pas le droit de mettre les obstacles sur la route de ceux qui,
plus audacieux qu'eux, essayent de pénétrer plus avant, et qui constatent
qu'on ne peut le faire qu'en soulevant le Voile d'Isis ? [136]
209
Démocrite a dit que comme rien ne pouvait être produit de rien, de mëme il n'y a rien qui puisse
jamais être réduit à néant.
210
J. Le Conte, Correlation of Vital with Chemical and Physical Forces, dans Pop. Sc. Vlonthly,
IV, déc. 1873, p. 157.
nous y trouvons l'aveu, "que, strictement parlant, il est vrai que l'examen
chimique ne peut nous apprendre directement, que fort peu de chose ou
rien du tout, sur la composition de la matière vivante, et... qu'il n'est pas
moins exact que nous ne savons rien de la composition d'un corps
quelconque tel qu'il est" 211.
211
[On the Physical Basis of Life.]
212
[Champollion-Figeac, Egypte Ancienne, p. 139.]
l'aveuglement intellectuel de leurs sceptiques parents, auront honte du
matérialisme avilissant et de l'étroitesse d'esprit de leurs pères. Pour
employer une expression du véritable William Howitt : "Ils détestent les
vérités nouvelles, comme les voleurs et les hiboux ont horreur du soleil...
L'instruction purement intellectuelle ne veut pas reconnaître celle qui est
spirituelle. De même que le soleil éclipse le feu, de même l'esprit éblouit
les yeux du seul intellect".
213
[Hist. of European Morals, Vol. 1, pp. 369-70 ; éd. 1869.]
214
Howitt, op. cit., 11, p. 240. La date est inexacte ; ce doit être en 1784
215
Ecclésiaste, I, 10.
ancien" ; de sorte que cette assertion peut, expliquer toutes les négations
nouvelles. M. Meldrum peut tirer vanité de ses observations
météorologiques des cyclones à [138] Maurice ; M. Baxendell, de
Manchester, parler savamment des courants de convection terrestres ; le Dr
Carpenter et le commandant Maury tracer le plan du courant équatorial, et
le professeur Henry nous montrer comment les vents chargés d'humidité
déposent leur fardeau, pour former les ruisseaux et les rivières, uniquement
pour être tirés depuis l'Océan et ramenés aux collines d'où ils sortent ; cela
n'empêche pas que Koheleth ait dit : "Le vent se dirige vers le midi, tourne
vers le nord, puis il tourne encore et reprend les mêmes circuits" 216.
"Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n'est point
remplie ; ils continuent à aller vers le lieu d'où ils
viennent" 217.
216
Ibidem, I, 6.
217
Ibidem, I, 7.
flamme de vie, et la dispersion, dans l'espace sans bornes, des fragments
de la lampe. Berzélius, le grand chimiste, à sa dernière heure, s'écriait, les
larmes aux yeux : "Ne soyez pas surpris de me voir pleurer ; ne pensez pas
que je sois un homme faible, ni que je sois alarmé de ce que m'a annoncé
le docteur ; je suis prêt à tout. Mais il faut que je dise adieu à la Science, et
ne doutez pas que cela ne soit un grand sacrifice pour moi" 218. [139]
Que les réflexions d'un aussi grand étudiant de la nature doivent être
amères, lorsqu'il se voit contraint d'interrompre à moitié chemin ses
laborieuses études, l'édification d'un système grandiose, la découverte d'un
mystère qui avait déjoué les efforts de l'humanité pendant des siècles, et
que le philosophe mourant avait osé espérer résoudre ! Regardez le monde
savant d'aujourd'hui, et vous verrez ces théoriciens des atomes rapiécer de
leur mieux leurs robes en haillons, qui laissent voir partout les
imperfections de leurs spécialités séparées ! Voyez-les, raccommodant les
piédestaux sur lesquels ils replaceront leurs idoles, tombées de l'endroit où
elles avaient été exposées au culte, avant que cette théorie révolutionnaire
eût été exhumée par John Dalton du tombeau de Démocrite ! Dans l'océan
de la science matérialiste, ils jettent leurs filets dont les mailles se rompent
inévitablement, lorsqu'ils rencontrent quelque problème monstrueux et
inattendu. Ses eaux sont amères comme celles de la Mer Morte ; elles sont
si denses, qu'à peine peuvent-ils s'y plonger et encore moins en atteindre le
fond ; elles n'ont ni issue, ni vie dans leur sein, ni sur leurs rives. C'est une
immensité sombre, interdite, sans issue ; c'est un désert qui ne produit rien
qui vaille, car ce qu'il produit n'a ni vie, ni âme.
218
P.A. Siljeström, Minnefert öfver J.J. Berzelius, p. 79.
important. La merveille est donc confirmée ! Les Pyrrhoniens matérialistes
du XIXème siècle se vengent des Platoniciens superstitieux et des gobe-
mouches antédiluviens. Or, avant M. Huxley, Geoffroy Saint-Hilaire avait
cité le cas d'un cheval qui avait positivement des doigts séparés par des
membranes 219.
Hérodote fut tenu pour fou pour avoir parlé d'un peuple dont on disait
qu'il dormait pendant une nuit de six mois de durée. Si l'on explique le mot
dormir en faisant sentir l'équivoque à laquelle il prête, il sera très facile de
comprendre qu'il est fait ici allusion à la nuit des régions polaires 222. Pline,
dans ses œuvres, présente une abondance de faits, qui ont été rejetés
comme des fables jusqu'à une époque toute récente. Entre autres, il
mentionne une race de petits animaux dont les mâles allaitent leurs petits.
Cette assertion provoqua naturellement une grande hilarité parmi nos
savants. Dans son Rapport de l'exploration géologique des territoires pour
1872, M. C.-H. Merriam décrit une curieuse et rare espèce de lapins (lepus
Bairdi) habitant les régions de pins vers les sources des rivières Wind et
Yellowstone, dans le Wyoming 223. M. Merriam se procura cinq spécimens
de cette race, qui sont les premiers individus de l'espèce qui aient été
présentés au monde scientifique. Un fait extrêmement remarquable est que
219
Séance de l'Académie de Paris, août 1807.
220
Mollien, Voyage dans l'intérieur de l'Afrique, tome II, p. 210.
221
The Popular Science Monthly mai 1876, p. 110.
222
Malte-Brun, Géogr. Math., p 372-373 ; Hérodote, Histoire, IV, p. 25.
223
The Popular Science Monthly, déc. 1874, p. 252.
tous les mâles ont des mamelles, et prennent part à l'allaitement de leurs
petits... Les mâles adultes avaient des mamelles pleines de lait, et le poil
autour du bout de l'une d'elles était mouillé et collé, indiquant qu'au
moment où celui-là fut pris, il était en train de donner à téter à son petit".
Dans le récit carthaginois des premiers voyages de Hanno, on trouve une
longue description d'un "peuple sauvage... dont le corps était tout velu, et
que les interprètes appelaient gorillæ", νθροποι ά̉ργιοι, suivant le texte, ce
qui implique assez clairement que ces sauvages étaient des singes.
Jusqu'au siècle actuel, ce récit a été considéré comme un conte, et Dodwell
rejeta complètement l'authenticité du manuscrit et des récits qu'il
contient 224. [141]
224
L'original en était exposé dans le temple de Saturne à Carthage. Falconer a publié deux
dissertations sur ce document, et il est d'accord avec Bougainville pour l'attribuer au VI" siècle
avant l'ère chrétienne (Voir Cory, Ancient Fragments, "Periple de Hannon", p. 207.
225
Professeur Jowett, Dialogues of Plats, 2° éd. 1875, Vol. III, p. 684.
226
Produs, On the Timaeus, cf. Cory, op. cit., p. 233, éd. 1832.
227
New Platonism and Alchemy Albany, 1869 ; Alchemy, or the Hermetic Philosophy, p. 29.
Les anciens parlent d'eaux changées en sang, de pluies de sang, de
tempêtes de neige pendant lesquelles la terre était couverte sur une étendue
de plusieurs milles comme d'une couche de neige sanguinolente. Cette
chute de molécules écarlates a été démontrée, comme tout le reste, n'être
qu'un phénomène naturel. Elle s'est produite à diverses époques, mais sa
cause demeure un mystère jusqu'à ce jour.
228
Voyez Revue Encyclopédique, vol. XXXIII, p. 676.
229
Bulletin de la Soc. Géograph., vol. VI, p. 209-219.
admettre la possibilité d'un seul cas où le "miracle" ait été accompli, en
contravention aux lois de la nature. Prenons, par exemple, parmi les
"miracles", celui "des eaux du fleuve changées en sang". Le texte dit :
"Prends ta verge, et étends tes mains sur les eaux... les cours d'eau, etc.,
afin qu'elles deviennent du sang" 230.
230
[Exode, VII, 19.]
231
Voyez Revue Encyclopédique, vol. XXXIII, p. 676 ; XXXIV, p. 395.
enchantements y ? Il est beaucoup plus aisé d'imaginer que Moise, qui,
d'après le dire de Manethon, avait été un prêtre Egyptien et avait appris les
secrets de la terre de Khem, produisait des "miracles" conformes aux lois
naturelles, que d'admettre que Dieu lui-même violait l'ordre établi par lui
dans Son univers. Et nous répétons que nous avons vu nous même cette
transformation de l'eau en sang, opérée par des adeptes de l'Orient. Cela
peut se faire de deux manières : dans l'un des deux cas, l'expérimentateur
se servait d'une baguette magnétique fortement électrisée, qu'il passait sur
l'eau contenue dans un bassin métallique, suivant un procédé que nous
n'avons pas le droit de décrire plus en détail, pour le moment ; l'eau, au
bout d'une dizaine d'heures, se couvrit d'une sorte d'écume rougeâtre qui,
deux heures plus tard, était devenue un lichen semblable à la Lepraria
kermasina du baron Wrangel. Elle se transforma alors en une gelée d'un
rouge de sang, dont l'eau de couleur rouge se peuplait, vingt-quatre heures
plus tard, d'une masse innombrable d'organismes vivants. La seconde
expérience consista à saupoudrer abondamment la surface d'un ruisseau
vaseux à très faible courant, de la poudre d'une plante préalablement
séchée au soleil et pulvérisée. Quoique cette poudre, en apparence, eût été
entraînée par le courant, une partie sans doute atteignit le fond, car le
lendemain matin l'eau s'épaissit à la surface, se couvrit de ce que de
Candolle décrit comme l'Oscittatoria rubescens, d'une couleur cramoisi, et
qu'il croit être le chaînon entre la vie végétale et la vie animale. [144]
232
[Cf. Thos. Taylor, lamblichus on the Mysteries, etc., pp. 1-16 ; Londres, 1821 • Eusèbe, Praep.
evang. lib. V, cap. X (198).]
233
Porphyre, dit le Dictionnaire classique de Lemprière, était un homme de savoir universel. et,
suivant le témoignage des anciens, il dépassait ses contemporains dans la connaissance de l'histoire,
des mathématiques, de la musique et de la philosophie.
[145]
CHAPITRE XII
—
"L'ABIME INFRANCHISSABLE"
TYNDALL.
234
Mais d'abord envoyé sur terre comme Vampire
Ton cadavre sera arraché à sa tombe
Nous approchons maintenant de l'enceinte sacrée de ce dieu Janus – le
moléculaire Tyndall. Entrons-y pieds nus. En franchissant le portique
sacro-saint du temple du savoir, nous approchons de l'éblouissant soleil du
système Huxleyocentrique. Baissons les yeux, si nous ne voulons être
aveuglés.
Nous avons discuté les diverses matières contenues dans ce livre avec
toute la modération possible, en présence de l'attitude gardée pendant des
siècles par le monde scientifique et théologique, vis-à-vis de ceux qui lui
ont légué les notions sur lesquelles reposent toutes les connaissances qu'il
possède actuellement. Lorsque nous nous tenons à l'écart, et que, simples
spectateurs, nous [146] constatons combien les anciens savaient, et
combien les modernes croient savoir, nous sommes stupéfaits que la
déloyauté de nos savants contemporains puisse passer inaperçue.
Il semblerait donc que les opinions des savants sont loin d'être
unanimes, même en ce qui concerne les phénomènes naturels les plus
ordinaires. Il n'y a pas d'expérimentateur ou de théologien qui, traitant des
relations subtiles entre l'esprit et la matière, de leur genèse et de leur fin, ne
trace un cercle magique, sur la surface duquel il inscrit : terrain interdit.
Là où la foi permet à un prêtre d'aller, il va ; car, comme le dit Tyndall,
"l'élément positif, c'est-à-dire l'amour de la vérité ne lui fait pas défaut ;
mais l'élément négatif, la crainte de l'erreur l'emporte". Le malheur est que
leur foi dogmatique alourdit le pied léger de leur intellect, comme la
chaîne et le boulet alourdissent les jambes du forçat. [147]
236
Fragments of Science, "On the Scientific use of the Imagination".
de la théorie cosmologique" 237. Voyant ensuite cette opinion accueillie
défavorablement par le public, il publia une édition revue de son discours,
dans laquelle il modifie son expression, en substituant aux mots : "toute
forme et toute qualité de vie", ceux-ci : "toute vie terrestre". C'est agir plus
qu'en poltron, car c'est abjurer ignominieusement les principes qu'il a
professés. A l'époque de la réunion de Belfast, M. Tyndall avait deux
violentes aversions, la Théologie et le Spiritisme. Sa manière de voir sur la
première a déjà été indiquée ; quant au second il l'appelle "une croyance
dégradante". Lorsqu'il est pris à partie par l'Eglise pour son prétendu
athéisme, il s'empresse de repousser l'imputation, et d'implorer son
pardon ; mais comme ses "centres nerveux" agités et ses "molécules
cérébrales" ont besoin de reprendre leur équilibre en employant leur force
dans un autre sens, il se retourne contre les spirites impuissants, parce que
pusillanimes, et, dans ses Fragments of Science, il insulte leur croyance en
ces termes : "Le monde veut avoir une religion quelconque, même s'il faut,
pour cela, recourir à la prostitution intellectuelle du spiritisme". Quelle
monstrueuse anomalie que des millions de personnes intelligentes se
laissent ainsi rabaisser par un prince de la science, qui, lui-même nous dit
que "ce qu'il faut combattre, dans la science et en dehors d'elle, c'est le
dogmatisme" !
237
[Populart ScienceeMonthly, Vol. V, oct. 1874.]
238
Epes Sargent, voir sa brochure, Materialism's Last Assault. La matière fait-elle tout ?
importants de la vie, et comment Fournié se trouve d'accord avec lui.
Tyndall reconnaît lui-même que l'hypothèse de l'évolution ne résout pas et
n'a pas la prétention de résoudre le mystère final.
Nous avons aussi porté toute l'attention dont nous sommes capables à
la fameuse conférence du professeur Huxley, On the Physical Basis of
Life, de sorte que ce que nous dirons dans ce volume sur les tendances de
la pensée scientifique moderne ne donnera lieu à aucune équivoque. En
serrant sa théorie le plus près possible, elle peut se formuler comme suit :
Toutes choses ont été créées à partir de la matière cosmique ; les formes
dissemblables résultent des différentes permutations et combinaisons de
cette matière ; la matière "a dévoré l'esprit", et, par conséquent l'esprit
n'existe pas ; la pensée est une propriété de la matière ; les formes
existantes meurent pour faire place à d'autres ; la dissimilitude dans
l'organisme est due uniquement à la variété d'action chimique sur la même
voie vitale, tout protoplasme étant identique.
"Je connais les Faits, dit M. Huxley, et je connais la Loi". Mais par
quels moyens est-il arrivé à connaître les Faits et la Loi ? A l'aide de ses
propres sens, sans doute ; et ces serviteurs vigilants lui ont permis de
découvrir assez de ce qu'il considère comme la vérité, pour édifier là-
dessus un système qui, de son propre aveu, "paraît presque choquer le sens
commun". Si l'on doit accepter son témoignage, comme base pour une
239
Dans son Essay on Classification (sect. XVII, p. 99), Louis Agassiz, le grand zoologiste,
remarque que : "La plupart des arguments en faveur de l'immortalité de l'homme s'appliquent
également à la permanence de ce principe chez tous les autres êtres vivants. Ne pourrai-je ajouter
qu'une vie future dans laquelle l'homme serait privé de cette grande source de jouissances et de
progrès intellectuel et moral qui se trouve dans la contemplation des harmonies d'un monde
organique, entraînerait une perte lamentable? Et ne pouvons-nous pas envisager un concert spirituel
des mondes combinés et de tous leurs habitants en présence de leur Créateur, comme la plus haute
conception du paradis ?"
240
[On the Physical Basis of Life.]
reconstruction générale de la croyance religieuse, alors qu'en définitive il
n'a produit qu'une théorie, pourquoi donc les témoignages accumulés de
millions de personnes sur les phénomènes qui sapent les bases de ce
système ne seraient-ils pas dignes de la même respectueuse considération ?
M. Huxley n'est nullement intéressé dans ces phénomènes, mais ces
millions de témoins le sont ; et tandis qu'il digérait ses "protoplasmes de
pain et de mouton", afin de récupérer des forces pour des envolées encore
plus hardiment métaphysiques, ils ont reconnu l'écriture familière de ceux
qu'ils avaient le plus aimés, tracée par des mains spirituelles, et ils ont
discerné les simulacres vaporeux de ceux qui, ayant vécu sur la terre et
étant passés par le changement de la mort, venaient donner un démenti à sa
théorie favorite.
Tant que la science confessera que son domaine est restreint aux
limites de ces changements de la matière, et que la chimie certifiera que la
matière, en changeant sa forme "de l'état solide ou liquide à l'état gazeux",
ne fait que passer de la condition visible à l'invisible ; et enfin qu'à travers
toutes ces transformations, la même quantité de matière subsiste, elle n'a
pas le droit de dogmatiser. Elle est incompétente pour dire oui ou non, et
elle doit abandonner le terrain aux personnes douées de plus d'intuition que
ses représentants.
M. Huxley inscrit très haut au-dessus de tous les autres, dans son
Panthéon du Nihilisme, le nom de David Hume. Il estime que le grand
service rendu par ce philosophe à l'humanité consiste dans sa
démonstration irréfragable des "limites de l'enquête philosophique", en
dehors desquelles se trouvent les doctrines fondamentales "du spiritisme"
et autres "ismes". Il est vrai que le dixième chapitre de Enquiry concerning
Human Understanding de Hume était si prisé par son auteur, qu'il
considérait "avec les sages et les érudits", que c'était là "un coup mortel
définitif porté à tous les genres d'illusions superstitieuses", ainsi qu'il
qualifiait la croyance à des phénomènes qui ne lui étaient pas familiers, et
qu'il classait arbitrairement au rang des miracles. Mais, comme le
remarque très à propos M. Wallace, l'apophtegme de Hume qu' "un miracle
est une violation des lois de la nature"est imparfait, car, en premier lieu, il
suppose que nous connaissons toutes les lois de la nature ; et en second
lieu qu'un phénomène peu fréquent est un miracle. M. Wallace propose de
définir [151] le miracle : "tout acte ou événement impliquant
nécessairement l'existence et l'opération d'intelligences surhumaines" 241.
Or, Hume lui-même dit qu' "une expérience uniforme a la valeur d'une
preuve", et Huxley, dans son fameux Essai, admet que tout ce que nous
pouvons savoir de l'existence de la loi de gravitation est que, si, dans
toutes les expériences humaines, les pierres non soutenues sont tombées à
terre, il n'y a pas de raison de croire que la même chose ne se reproduira
pas, dans les mêmes circonstances, mais qu'au contraire, il y a tout lieu de
croire qu'elle se reproduira.
241
[A.R. Wallace, On Miracles and Modern Spiritualism, pp. 4-5.]
Le professeur Balfour Stewart est plus juste. Il rend un hommage
éclatant à l'intuition philosophique d'Héraclite d'Ephèse, qui vivait cinq
siècles avant notre ère, du philosophe "chagrin" qui déclarait que "le feu
était la grande cause, et que toutes choses se mouvaient dans un flux et
reflux perpétuel". "Il est évident, [152] dit le professeur qu'Héraclite doit
avoir eu une vive conception de l'incessante mobilité et de l'énergie de
l'univers, conception de même nature et seulement moins précise que celle
des philosophes modernes, qui considèrent la matière comme
essentiellement dynamique" 242. Il est d'avis que l'expression le feu est fort
vague ; et tout naturellement, les preuves manquent pour faire apprécier si,
soit le professeur Balfour Stewart (qui paraît moins porté vers le
matérialisme que quelques-uns de ses collègues) soit tout autre de ses
contemporains comprennent dans quel sens le mot était employé.
L'opinion d'Héraclite sur l'origine des choses est la même que celle
d'Hippocrate. Tous deux professent les mêmes idées sur une puissance
suprême 243, et, par conséquent, si leurs notions du feu primordial, regardé
comme une force matérielle, ou, en un mot, comme ayant une certaine
analogie avec le dynamisme de Leibnitz, étaient "moins précises" que
celles des philosophes modernes, question qui reste encore à résoudre, d'un
autre côté, leurs idées métaphysiques étaient bien plus philosophiques et
plus rationnelles sur ce point que les théories unilatérales de nos savants
d'aujourd'hui. Leurs notions sur le feu étaient précisément celles des
"derniers philosophes hermétiques" : les Rose-Croix et les premiers
disciples de Zoroastre. Ils affirmaient que le monde avait été créé de feu,
dont l'esprit divin était un DIEU omniscient et tout puissant. La science a
bien voulu condescendre à confirmer leur assertion, quant à la question
physique.
242
[The conservation of Energy, p 133.]
243
Diog. in Vita, "Héraclite", VI.
lumière, la force chimique, et l'électricité, les forces moléculaires ; 3°
l'Esprit. On appliquait la même règle à chacun des éléments ; et on
considérait que toutes les choses produites par leurs combinaisons et leurs
corrélations, l'homme compris, étaient triples. Le feu, de l'avis des Rose-
Croix, qui n'étaient que les successeurs des théurgistes, était la source, non
seulement des atomes matériels, mais encore des forces qui les animent.
Lorsqu'une flamme visible est éteinte, elle est disparue, à jamais non
seulement de notre vue, mais encore de la conception du matérialiste. Mais
le philosophe [153] Hermétique la suit au delà "de la frontière du monde
connu, à travers le monde invisible et au delà, dans l'inconnaissable",
comme il suit la trace de l'esprit humain désincorporé, "étincelle vitale de
la flamme céleste", dans les espaces éthérés au delà du tombeau 244.
Ce point est trop important pour que nous le laissions passer sans
quelques mots de commentaires. L'attitude de la science physique
officielle vis-à-vis de la moitié spirituelle du cosmos est parfaitement
dessinée dans sa grossière manière de concevoir le feu. Là, comme dans
toutes les autres branches de la science, sa philosophie n'a pas un seul
point d'appui solide ; tous ceux sur lesquels elle s'étaye sont faibles et
inconsistants. Les ouvrages de ses propres leaders fourmillent d'aveux
humiliants, qui nous donnent le droit de dire que le sol sur lequel ils se
tiennent est mouvant, au point qu'à chaque instant, quelque nouvelle
découverte, faite par l'un d'eux peut renverser les étais, et les précipiter
dans l'abîme. Ils ont un tel souci d'écarter l'esprit de leurs conceptions et de
leurs doctrines que, comme le dit Balfour Stewart, "il y a une tendance à se
rejeter dans l'extrême opposé, et à pousser à l'excès les conceptions
purement physiques". Il formule un avertissement très utile en ajoutant :
"prenons bien garde, en voulant éviter Scylla, de ne pas nous précipiter tête
baissée dans Charybde, car l'univers offre plus d'un point de vue, et il peut
y avoir des régions qui ne livrent pas leurs trésors aux physiciens, même
les plus déterminés, armés seulement de kilogrammes, de mètres et de
chronomètres". Plus loin, il fait l'aveu suivant : "Nous ne savons rien ou
presque rien de la structure ultime et des propriétés de la matière organique
ou inorganique" 245.
244
Voyez les ouvrages de Robert Fludd ; et Les Rosecroix, par Hargrave
245
[Ibid., p. 2.]
En ce qui concerne l'autre grande question, nous trouvons dans
Macaulay une déclaration encore plus nette :"... Quant à ce que l'homme
devient après la mort, nous ne voyons point qu'un Européen, doué d'une
instruction supérieure, puisse résoudre cette question mieux qu'un Indien
de la tribu des Blackfoot (pieds noirs). Pas une des sciences dans
lesquelles nous surpassons ces Blackfoot ne jette la moindre lumière sur
l'état de l'âme, après que la vie animale s'est éteinte. En vérité, tous les
philosophes, anciens et modernes, qui ont essayé, sans le secours de la
révélation, de prouver l'immortalité de l'homme, depuis Platon jusqu'à
Franklin, nous paraissent avoir échoué d'une façon déplorable" 246. [154]
246
[Essays : Essay on Rauke's History of the Popes, p. 402 ; éd. 1852.]
duquel notre connaissance de certain art ou de certaine science, nous
révèle la vérité avec une telle clarté que le doute devient impossible" 247.
247
P.J.G. Cabanis, Histoire de la médecine.
perfectionnée dans l'évolution physique ne fait qu'offrir plus de prise à
l'intelligence dirigeante, pour agir dans le système nerveux amélioré.
L'artiste tirera mieux des flots d'harmonie d'un Erard, qu'il ne le ferait
d'une épinette du XVIème siècle. Donc, que cette impulsion instinctive soit
directement imprimée au système nerveux du premier insecte, ou que
chaque espèce l'ait vue se développer graduellement en elle, par l'imitation
des actes qu'elle verra accomplir par ses pareils, ainsi que le prétend la
doctrine plus parfaite de Herbert Spencer, cela implique peu pour le sujet
que nous traitons. La question ne concerne que l'évolution spirituelle. Si
nous rejetons l'hypothèse comme non scientifique ou non démontrée,
l'aspect physique de l'évolution s'écroulera également avec elle, puisque
l'un est aussi peu prouvé que l'autre, et que l'intuition spirituelle de
l'homme n'est pas autorisée à les emboîter, sous prétexte qu'elle "n'est pas
philosophique". Ainsi, bon gré mal gré, nous retombons dans la vieille
querelle du Symposiaque de Plutarque 248, pour savoir lequel de l'oiseau ou
de l'œuf fit le premier son apparition. [156]
248
[Livre II, Question III.]
d'Hippocrate que nous avons donnée plus haut, nous y trouvons
exactement le même esprit et la même pensée.
249
[Essay on Man, I, III.]
sans bornes. L'esprit engendra la force, et la force engendra la matière ;
c'est ainsi que la divinité latente se manifesta comme une énergie créatrice.
250
[Politique, 271.]
visible à l'univers invisible, il se trouverait probablement sur la bonne voie.
Mais alors, il suivrait la trace des Hermétistes.
251
[Parva naturalia, § V De Somno, I, 458, ab.]
M. Draper, en citant dans la théologie Védique le verset qui dit : "Il
n'y a, en vérité, qu'une seule Divinité. l'Esprit Suprême ; elle est de la
même nature que l'âme humaine", veut prouver que la Doctrine
Bouddhique fut importée en Europe orientale par Aristote 252. Nous croyons
que cette assertion n'est pas fondée car Pythagore et, après, lui, Platon
l'avaient enseignée bien avant Aristote. Si, par la suite, les Platoniciens
subséquents acceptèrent dans leur dialectique les arguments d'Aristote au
sujet de l'émanation, ce ne fut que parce que leurs points de vue
coïncidaient, sous quelque rapport, avec ceux des philosophes orientaux.
Le nombre harmonieux de Pythagore, et la doctrine ésotérique de Platon,
sur la création, sont inséparables de la doctrine bouddhique de
l'émanation ; et le grand but de la philosophie Pythagoricienne, savoir,
celui de libérer l'âme astrale des liens de la matière et des sens, et de la
rendre, par cela même, apte à la contemplation éternelle des choses
spirituelles, est une théorie identique à celle de la doctrine Bouddhique de
l'absorption finale. C'est le Nirvana interprété dans son véritable sens ;
c'est une doctrine métaphysique que commencent à peine à entrevoir nos
érudits sanscritistes modernes.
252
[Hist. of the Conflict, etc., pp. 121-122.]
253
Problemata, XXX, 1-19.
tort à ces philosophes. Nirvana n'est pas, ainsi que le dit M. Draper, "la
réabsorption dans la Force Universelle, le repos éternel et la béatitude
suprême" ; mais pris au pied de la lettre par ces savants, il veut dire
l'extinction, l'annihilation totale, et non l'absorption 254. Autant que nous le
sachions, personne n'a pris la peine de se rendre compte de la véritable
signification métaphysique de ce mot, qu'on ne trouve même pas dans la
Lankâvafâra 255, qui donne les différentes interprétations du Nirvana par les
Brahmanes-Tirthikas. Par conséquent, pour celui qui lit ce passage dans
l'ouvrage de M. Draper, et ne tient compte que de la signification
généralement acceptée de Nirvana, Plotin et Porphyre ne seront que des
nihilistes. Ce passage dans le Conflict nous donne le droit de supposer : 1°
que l'auteur désirait placer Plotin et Porphyre sur le même niveau que
Giordano Bruno dont il fait, bien à tort, un athée ; ou 2° qu'il ne prit jamais
la peine d'étudier les vies de ces philosophes ou leurs doctrines.
254
Voir Max Müller, Chips etc. Vol. 1, ch. XI, "La signification du Nirvana"
255
Le Lankâvatâra, traduction de Burnouf, p. 54.
256
Dictionnaire classique, 1788.
merveilles de savoir, de moralité et de mérite ; comme des hommes
remarquables par leur dignité personnelle, la pureté de leurs vies et
l'abnégation dans la poursuite des vertus divines, il n'hésite pas à qualifier
d'imposteur "ce célèbre philosophe" (Pythagore) ; quant à Porphyre il
prétend qu'il est "crédule, malhonnête et qu'il manque de jugement".
Lorsqu'il se voit obligé par les faits de l'histoire à leur rendre justice au
cours de son récit, il laisse percer sa prévention fanatique dans les
commentaires entre parenthèses qu'il y ajoute. Nous apprenons de cet
auteur suranné du siècle dernier, qu'un homme peut être honnête tout en
étant un imposteur ; qu'il peut être pur, vertueux et un grand philosophe, et
cependant être malhonnête menteur et stupide !
Nous avons fait voir, d'autre part, que la "doctrine secrète" ne concède
pas à tous les hommes l'immortalité au même degré. "L'œil ne verrait
jamais le soleil s'il n'était pas de même nature que le soleil", dit Plotin. Ce
n'est "qu'au moyen de la plus sublime pureté et chasteté que nous pouvons
nous rapprocher de Dieu, et recevoir, dans Sa contemplation, les véritables
sagesse et pénétration", écrit Porphyre. Si l'âme humaine a négligé pendant
sa vie de recevoir l'illumination de son Esprit Divin, notre Dieu personnel,
il est fort difficile pour l'homme grossier et sensuel de survivre longtemps
à sa mort physique. De même qu'un monstre difforme ne peut vivre
longtemps après sa naissance physique, de même l'âme, une fois qu'elle
s'est trop matérialisée, est incapable d'exister après sa naissance dans le
monde spirituel. La viabilité de la forme astrale est si faible que ses
particules n'adhèrent pas fermement les unes aux autres lorsqu'elles
s'échappent de la capsule rigide du corps externe. Ses particules obéissant
graduellement à l'attraction désorganisatrice de l'espace universel,
s'échappent finalement hors de toute possibilité de se ré-agréger.
Lorsqu'une catastrophe de cette nature a lieu, la personnalité cesse
d'exister ; son glorieux Augoeides l'a abandonnée. Pendant la période
intermédiaire entre sa mort physique et la désintégration de sa forme
astrale, celle-ci, attachée par l'attraction magnétique à son hideux cadavre,
erre à l'entour de celui-ci et puise de la vitalité chez des victimes possibles.
L'homme, qui s'est fermé à tous les rayons de la lumière divine, se perd
dans l'obscurité et, par conséquent, s'attache à la terre et à ce qui est
terrestre. [163]
Aucune âme astrale, pas même celle des purs, des bons et des
vertueux, n'est immortelle au sens strict du mot ; "elle a été formée
d'éléments – et aux éléments elle doit retourner p. Mais, tandis que l'âme
du méchant disparaît, et est absorbée sans rédemption, celle de tous les
autres, même modérément purs, ne fait que changer ses particules éthérées
contre d'autres plus éthérées encore : et tandis qu'il reste en elle une
étincelle du Divin, l'homme individuel, ou plutôt l'essence de son égo
personnel, ne mourra pas. "Après la mort", dit Proclus, "l'âme [l'esprit]
continue à séjourner dans la forme aérienne [forme astrale] jusqu'à sa
complète purification de toutes ses passions irritables et voluptueuses...
elle se débarrasse alors du corps aérien par une seconde mort, ainsi qu'elle
l'avait déjà fait pour son corps terrestre. C'est ainsi que les anciens
prétendent qu'un corps céleste est toujours uni à l'âme, laquelle est
immortelle, lumineuse et de la nature des étoiles".
Qui donc, sinon les cabalistes, serait capable d'expliquer cet acte en
apparence si injuste ? Comment devons-nous comprendre cette
malédiction de toutes les choses créées innocentes de tout crime ?
L'allégorie est évidente. La malédiction est inhérente à la matière elle-
même. Il s'ensuit qu'elle est condamnée à lutter contre sa propre
grossièreté, pour sa purification ; l'étincelle latente de l'esprit divin, bien
qu'étouffée, est encore là ; et son invincible [164] attraction ascensionnelle
la contraint à combattre dans la douleur et le travail afin de se libérer. La
logique nous montre que comme toute matière a eu une origine commune,
elle doit avoir des attributs communs, et que, comme l'étincelle vitale et
divine se trouve dans le corps matériel de l'homme, elle doit se retrouver
aussi dans toutes les espèces qui lui sont inférieures. La mentalité latente
que, dans les règnes inférieurs, l'on considère comme une semi conscience
et instinct est grandement adoucie chez l'homme. La raison, produit du
cerveau physique, développe aux dépens de l'instinct la vague
réminiscence d'une omniscience autrefois divine – l'esprit. La raison
insigne de la souveraineté de l'homme physique sur tous les autres
organismes physiques, est souvent bafouée par l'instinct d'un animal.
Comme son cerveau est plus parfait que celui de toute autre créature, ses
émanations doivent naturellement produire les résultats les plus élevés de
l'action mentale ; mais la raison ne sert uniquement que pour l'étude des
choses matérielles ; elle est incapable d'aider son possesseur dans la
connaissance des choses de l'esprit. En perdant l'instinct, l'homme perd sa
force d'intuition, qui est le couronnement et le point culminant de l'instinct.
La raison est l'arme grossière des savants, l'intuition est le guide infaillible
du voyant. L'instinct enseigne à la plante et à l'animal leurs saisons pour la
procréation de leurs espèces, et il guide l'animal muet dans la recherche du
remède convenable à l'heure de la maladie. La raison – orgueil de l'homme
– est impuissante à battre en brèche les penchants de la matière, et ne
tolère aucun obstacle à la satisfaction illimitée de ses sens. Loin de le
porter à être son propre médecin, ses subtils sophismes le mènent trop
souvent à sa propre destruction.
257
[über die Grenzen der Naturerkennens, 1872.]
Comme tout ce qui tire son origine des mystères psychologiques,
l'instinct a été trop longtemps négligé dans le domaine de la science. "Nous
voyons ce qui a indiqué à l'homme la route pour [165] trouver un
soulagement à toutes ses souffrances physiques", dit Hippocrate. "C'est
l'instinct des races primitives, alors que la froide raison n'avait pas encore
obscurci la vision interne de l'homme... Son indication ne doit jamais être
dédaignée, car c'est à l'instinct seul que nous devons nos premiers
remèdes 258. Connaissance instantanée et infaillible d'un mental omniscient,
l'instinct est en tout différent de la raison finie et limitée ; et dans le
progrès expérimental de celle-ci, la nature divine de l'homme est souvent
complètement engloutie, lorsqu'il renonce de lui-même à la lumière divine
de l'intuition. L'une rampe, l'autre vole ; la raison est la puissance de
l'homme, l'intuition est la prescience de la femme !
258
Voir Cabanis, Histoire de la Médecine.
entrez dans votre cabinet, et en ayant fermé la porte, priez votre Père, en
secret" 259, dit le Nazaréen, disciple des Esséniens.
259
[Mathieu, VI, 6.]
260
[Vie de Pythagore et XXIX, etc.]
beau faire le clergé et les savants. Mû par cette pensée de l'infinité et de
l'impersonnalité de la Divinité, Gautama Bouddha, le Christ hindou,
s'écrie : "De même que les quatre rivières qui se jettent dans le Gange
perdent leur nom aussitôt qu'elles mêlent leurs eaux avec celles du fleuve
sacré, de même tous ceux qui croient au Bouddha 261 cessent d'être
Brahmanes, Kshatriyas, Vaisyas et Soudras !"
Cette confession que ce qui se trouve dans les Ecritures sacrées n'est
qu'une allégorie a été faite par d'autres autorités juives, en dehors de
Maimonides ; car nous voyons Josèphe 262 déclarer que Moise a philosophé
(a parlé par énigmes dans des figures allégoriques) lorsqu'il a écrit le livre
de la Genèse. C'est pourquoi la science moderne en négligeant de
déchiffrer le vrai sens de la Bible, et en laissant la Chrétienté tout entière
croire à la lettre morte de la théologie Judaïque, s'est faite tacitement la
complice du clergé fanatique. Elle n'a pas le droit de tourner en ridicule les
récits d'un peuple qui ne les a jamais écrits dans la pensée qu'ils dussent
recevoir une aussi étrange interprétation, de la part d'une religion ennemie.
L'un des caractères les plus tristes du Christianisme est que ses textes les
plus saints ont été tournés contre lui, et les os des morts ont étouffé l'esprit
de vérité.
"Les dieux existent, dit Epicure, mais ils ne sont pas ce que le peuple,
οὶ πολλοι suppose qu'ils sont" 263. Et cependant Epicure, jugé comme
261
Ce n'est pas à lui-même – "Gautama Bouddha" – que ce dernier faisait allusion en disant cela,
mais bien au Bouddha impersonnel, à l'AdiBouddha ou Bouddhi, la Sagesse divine et Eternelle.
262
[Préface des Antiquités, § 4.]
263
[Diog. Laert., Vies, LX, 123, "Epicure".]
d'habitude par les critiques superficiels, passe pour un matérialiste et est
présenté comme tel.
Quant aux sceptiques, voici les remarques que fait à leur sujet et au
sujet de leurs disciples le professeur Alexandre Wilder, dans ses esquisses
sur le Néo-platonisme et l'Alchimie : "Un siècle s'est écoulé depuis que les
compilateurs de l'Encyclopédie Française ont infusé le scepticisme dans le
sang du monde civilisé, et fait envisager comme déshonorant de croire à
quelque chose qu'on ne peut éprouver dans les creusets, ni démontrer par
un raisonnement critique. Même de nos jours, il faut une certaine dose de
candeur et de courage pour se risquer à traiter un sujet qui a été pendant
bien des années écarté et dédaigné, parce qu'il n'a pas été bien compris ou
correctement interprété. Celui-là doit être audacieux, qui soutient que la
philosophie Hermétique est autre chose qu'une apparence de science, et
qui, dans cette conviction, réclame pour ses enseignements un auditoire
patient. Et pourtant ses professeurs furent jadis les princes de l'examen
savant et des héros parmi les hommes ordinaires. En outre, il n'y a rien à
dédaigner dans ce qui a provoqué la vénération des hommes et, mépriser
les convictions ardentes d'autrui, c'est faire preuve d'ignorance et manquer
de générosité" 264.
264
["Alchemy or the Hermetic Philosophy", op. cit., p. 21.]
observateur dont le mérite était reconnu, conclurent que le Florentin avait
été soit sous l'influence d'une attaque d'insolation, soit trompé par un
adroit truc acoustique.
Une chose digne de remarque, c'est que des Mousseaux, qui s'étend
assez longuement sur ce phénomène, en l'attribuant, comme de raison, au
Diable, observe en parlant du pauvre abbé que le fait d'avoir été défroqué
"est un accident qui, il faut l'avouer, n'est pas de nature à fortifier notre
confiance". A notre humble avis, cette petite circonstance ne fait au
contraire que l'augmenter.
L'ouvrage de l'abbé Hue a été mis à l'Index, parce qu'il disait la vérité
sur la similitude des rites Bouddhiques avec des rites Catholiques. Il fut en
outre rappelé de sa mission, pour avoir été trop sincère.
265
Le Lotus de la Bonne Loi, traduit du Sanscrit par E. Burnouf.
266
[Voyages en Tartarie, au Tibet et en Chine, VIII.]
avons des exemples dans les temps modernes, d'un caractère tout aussi
remarquable. Le Lloyd's Weekly Newspaper de mars 1875 contient la
relation du phénomène suivant : "A Saar-Louis, en France, un enfant
venait de naître. La mère venait d'accoucher, la sage femme s'extasiait sur
la beauté de "la petite créature", et les amis félicitaient le père de l'heureux
événement, lorsque quelqu'un demanda l'heure. Qu'on juge de la surprise
de tous les assistants, en entendant le nouveau-né répondre distinctement :
Deux heures ! Mais ce n'était encore rien en comparaison de ce qui suivit.
La compagnie regardait l'enfant avec une muette surprise et presque avec
épouvante, lorsqu'il ouvrit les yeux et dit : "J'ai été envoyé dans ce monde
pour vous dire que l'année 1875 sera une bonne année, mais que l'année
1876 sera une année de sang. Après avoir fait cette prophétie, il se retourna
sur le côté et expira, à peine âgé d'une demi-heure".
L'enfant sacré du Tibet étant si loin, ils avaient beau jeu pour nier le
fait en le mettant sur le compte de l'insolation et de l'illusion acoustique.
Mais en ce qui concerne le nourrisson de Londres, l'affaire est encore plus
simple ; que l'enfant grandisse et apprenne à écrire, et alors ils nieront le
fait tout net.
Ainsi que l'ont fait d'autres voyageurs, l'abbé Hue nous donne une
description de ce merveilleux arbre du Tibet, nommé le Koumboum ; c'est-
à-dire l'arbre aux 10.000 images et caractères. Il ne pousse pas sous une
autre latitude, malgré les essais répétés qui en ont été faits ; et il ne peut
même pas se reproduire par boutures. La tradition rapporte qu'il naquit de
la chevelure d'un des Avatars (le Lama Tson-ka-pa) une des incarnations
de Bouddha. Mais nous laisserons l'abbé Hue raconter lui-même le reste de
l'histoire : "Chacune de ses feuilles, lorsqu'on l'ouvre, porte soit une lettre
soit une phrase religieuse écrite en caractères sacrés, et ces lettres sont,
dans leur genre, d'une telle perfection, que les fonderies de caractères de
Didot ne présentent rien qui les surpasse. Ouvrez les feuilles que la
végétation est sur le point de dérouler, [172] et vous y découvrirez, prêts à
se montrer, les lettres ou les mots distincts qui sont la merveille de cet
arbre unique ! Détournez votre attention des feuilles, et reportez-la sur
l'écorce des branches, et de nouveaux caractères s'offriront à vos yeux ! Ne
laissez point se refroidir votre curiosité : levez les couches de cette écorce,
et d'AUTRES CARACTERES encore, dont la beauté vous surprendra, se
montreront au-dessous des premiers. Et ne vous imaginez point que ces
couches superposées répètent la même IMPRESSION. C'est tout le
contraire ; chaque lame que vous enlevez vous offre un type différent.
Comment donc y soupçonner de la supercherie ? J'ai fait tout mon possible
pour y découvrir le plus légère trace de l'adresse de l'homme, et mon esprit
abasourdi n'a pas pu conserver le moindre doute à cet égard" 267.
267
[Abbé Hue, op. cit., II, II.]
268
[Ancient and Modern Egypte, etc. Londres, 1866.]
d'une évolution, et son progrès, comme devant s'accomplir dans des cycles
immensément longs. Mais revenons aux merveilles du Tibet.
En fait de peintures, celle décrite par Hue, et placée dans une certaine
lamaserie, peut être envisagée comme la plus surprenante qui existe. C'est
une simple toile sans le moindre appareil mécanique, comme le visiteur
peut s'en convaincre en l'examinant à loisir. Elle représente un paysage au
clair de lune, mais la lune n'y est pas immobile et morte ; tout au contraire,
car, d'après l'abbé, on dirait que notre lune elle-même, ou du moins son
image vivante éclaire le tableau. Chaque phase, chaque aspect, chaque
mouvement de notre satellite, s'y trouve reproduit en fac-similé, dans le
mouvement et la marche de la lune dans la peinture sacrée. "Vous voyez
cette planète dans le tableau marcher avec la forme d'un croissant, devenir
pleine, briller avec éclat, passer derrière des nuages, se montrer ou
disparaître d'une manière correspondant de la façon la plus extraordinaire
aux allures de l'astre réel. C'est en un mot une reproduction très servile et
resplendissante de la pâle reine des nuits, qui était l'objet de l'adoration de
tant de fidèles dans l'antiquité" 269.
269
M. des Mousseaux certifie le fait, disant qu'il l'a eu de la bouche même de l'abbé.
270
Cosmos, vol. III, part. 1, p. 168.
personnes du peuple avaient averti les savants à plusieurs
reprises qu'une grande apparition se voyait dans le ciel ;
ce fait fournit à la presse et au public une nouvelle
occasion de se livrer aux railleries habituelles contre les
hommes de science qui, dans les cas d'apparition de
plusieurs comètes antérieures, n'avaient pas prédit leur
venue".
Depuis les temps les plus reculés, les Brahmanes étaient réputés
comme possédant de merveilleuses connaissances dans toutes les branches
de l'art magique. Depuis Pythagore, le premier philosophe qui ait étudié la
sagesse chez les Gymnosophes, et Plotin qui était initié au mystère de
l'union avec la Divinité par la contemplation abstraite, jusqu'aux adeptes
modernes, tous savaient parfaitement que c'est dans la contrée des
Brahmanes et de Gautama Bouddha qu'il fallait aller chercher les sources
de la sagesse "cachée". Il appartiendra aux siècles futurs de découvrir cette
grande vérité, et de l'accepter comme telle, puisque aujourd'hui elle est
ravalée et méprisée comme une basse superstition. Que savaient même les
plus éminents hommes de science sur l'Inde, le Tibet et la Chine, jusqu'au
dernier quart de siècle actuel ? Le plus infatigable des savants, Max
Müller, nous apprend que jusqu'à cette époque, pas un seul document
original de la religion Bouddhique n'avait été accessible aux philologues
Européens ; qu'il y a cinquante ans, "il n'existait pas un lettré, qui eût pu
traduire une ligne du Veda, une ligne du Zend-Avesta, ou une ligne du
Tripitâka Bouddhique", sans parler des autres dialectes ou langages 271.
271
[Chips et I, p. 24.]
l'appliquer aux sauvages élucubrations des Yoguis hindous, et aux purs
blasphèmes des Bouddhistes chinois. Mais à mesure que, lentement et
patiemment, on poursuit sa [175] route à travers ces cachots redoutables,
nos yeux semblent se désiller, et nous apercevons un rayon de lumière, là
où auparavant tout n'était d'abord que ténèbres" 272.
272
Ibid., I, p. 183.
273
Classical Journal, Vol. IV, p. 107, 348.
originale chez l'évêque d'Hippone, cette sentence est empruntée par lui aux
ouvrages d'Ammonius Saccas, le grand maître de l'école d'Alexandrie.
274
Mosbeim, An Eccles. Hist. Cent. II, Par. II, Ch. I, §§ 8-9.
275
New Platonism and Alchemy, Albany, 1869, p. 6.
Ils ne le sont pas ; mais il est certain que tous deux sont basés sur la
même doctrine ésotérique. Une chose est certainement connue, et c'est
qu'avant que le mot philosophe fût prononcé pour la première fois par
Pythagore à la Cour du roi des Phliasiens, la "doctrine secrète" ou sagesse
était identique dans tous les pays. C'est par conséquent dans les textes les
plus anciens, les moins souillés par des falsifications ultérieures, que nous
devons rechercher la vérité. Maintenant que la philologie a été mise en
possession des textes sanscrits, que l'on peut hardiment déclarer ces
documents de beaucoup antérieurs à la Bible Mosaïque, le devoir des
lettrés est de présenter au monde la vérité, et rien que la vérité. Sans égard
pour leurs préjugés sceptiques ou théologiques, ils sont tenus d'examiner
impartialement les deux documents, les Vedas les plus anciens et l'Ancien
Testament, et de décider ensuite lequel [177] des deux est le Srouti ou
Révélation originale, et lequel n'est que le Smriti, qui, comme l'indique
correctement Max Müller, signifie seulement souvenir ou tradition.
Origène a écrit que les Brahmanes furent toujours renommés pour les
merveilleuses cures qu'ils opéraient avec certains mots 276 et dans notre
siècle actuel nous avons Orioli, savant correspondant de l'Institut de
France 277, qui confirme la déclaration faite au IIIème siècle par Origène, et
celle de Léonard de Vair au XVIème, dans laquelle ce dernier écrit : "Il y a
aussi des personnes, qui en prononçant certaines formules, au moyen de
certains charmes, marchent nu-pieds sur des charbons ardents et sur des
pointes de couteaux affilés, plantés dans la terre ; et qui, une fois en
équilibre sur un orteil sur ces pointes, peuvent soulever en l'air un homme
lourd, ou tout autre fardeau d'un poids considérable. Ils domptent de même
des chevaux sauvages et les taureaux les plus furieux avec une simple
parole 278. [177]
Selon quelques adeptes, il faut chercher ce mot dans les Mantras des
Védas Sanscrits. C'est aux philologues à décider s'il existe un mot de ce
genre dans les Védas. Autant que le permet le témoignage des hommes, il
semblerait prouvé que ces mots magiques existent.
Il paraît que les révérends pères de l'Ordre des Jésuites ont appris
beaucoup de ces tours dans leurs voyages de mission. Baldinger leur rend
276
Origène. Contra Celsum, L. I, ch. XXIV.
277
Fatti relativi al Mesmerismo, p. 88, 93, 1842.
278
Léonard de Vair, Trois livres des charmes, liv. II, chap. 2. Paris, 1583.
pleinement justice à cet égard. Le châmpnâ, mot Hindi d'oïl est dérivé le
mot moderne shampooing est une manipulation magique bien connue dans
les Indes Orientales. Les sorciers indigènes l'emploient avec succès jusqu'à
ce jour, et c'est d'eux que les pères Jésuites tirent leur sagesse.
279
[Philippe Camerarins, The Watking Library or Meditations, etc., ch. X, p. 262, éd. 1621. ]
n'a pas besoin de préparation, ni de se mettre dans un état anormal pour
pouvoir tenir du feu dans la main, des morceaux de fer rougi, ou du plomb
fondu. Nous avons vu, en Inde Méridionale, ces jongleurs tenir leurs mains
dans des charbons ardents jusqu'à ce que ceux-ci fussent réduits en
cendres. Pendant la cérémonie religieuse de Siva-Râtri, ou la veillée de
Siva, lorsque le peuple passe des nuits entières à veiller et à prier, quelques
Sivaïtes firent venir un jongleur Tamil, qui produisit les phénomènes les
plus merveilleux en appelant simplement à son aide un esprit qu'on nomme
Koutti-Shâttan, le petit démon. Mais, loin de laisser croire qu'il est guidé
ou "contrôlé"par ce gnome, car ce n'est qu'un gnome, s'il est quelque
chose, l'homme, pendant sa redoutable opération, riposta fièrement à un
missionnaire catholique, qui profitait de l'occasion pour informer les
spectateurs que ce misérable pécheur "s'était vendu au diable". Sans ôter
ses mains et ses bras de la fournaise dans laquelle il les rafraîchissait, le
Tamil se contenta de tourner la tête ; regardant avec mépris et arrogance le
missionnaire qui rougit, il lui dit : "Mon père et le père de mon père ont eu
ce petit démon à leurs ordres. Depuis deux siècles, le Koutti est un
serviteur fidèle dans notre maison, et maintenant, Monsieur, vous voudriez
faire [179] croire au peuple qu'il est mon maître ! Ils savent bien que c'est
faux". Après cela, il retira tranquillement ses mains du feu et passa à
d'autres exercices.
280
Voir le journal The Theosophist, rédigé et publié à Madras, il est plein de confessions venant des
indigènes. Les Indous regardent comme un malheur la présence d'un médium dans leurs maisons, et
cherchent tous les moyens possibles pour délivrer la malheureuse personne des Esprits qui
l'obsèdent (note de H-P.B.).
281
The Tinnevelly Shanars, p. 43.
croyance que de cette façon l'âme désincarnée se trouverait dans
l'impossibilité d'errer et de commettre d'autres mauvaises actions. Plus
tard, cette pratique fut interdite par la police.
Une autre excellente raison pour laquelle les Hindous n'adorent pas le
"Diable", c'est qu'ils n'ont aucun mot dans leur langue pour exprimer l'idée
d'un tel être. Ils appellent ces esprits "bhoutam" mot qui correspond à notre
"goule" ; une autre expression est pey et en sanscrit pisacha, qui, tous deux
signifient fantômes ou "revenants", peut-être farfadet dans quelques cas.
Les bhoutam sont les plus terribles, car ils sont littéralement des "goules",
qui reviennent sur la terre pour tourmenter les vivants. On croit qu'ils
visitent généralement l'endroit où leur corps a été brûlé. Les "Esprits de
Siva" ou du "feu" sont identiques aux gnomes et aux salamandres des
Rose-croix ; car on les peint sous la forme de nains d'un aspect féroce,
vivant sur la terre et dans le feu. Le démon de Ceylan nominé Dewal est
une forte et souriante femelle, ayant une collerette blanche autour du cou.
Ainsi que le fait remarquer très justement le Dr Warton : "Il n'est pas
de notion plus strictement orientale que celle des dragons du roman et de
la fiction ; on les trouve mêlés à toutes les traditions d'une date antique, et
leur présence est pour ainsi dire une preuve évidente de l'origine de la
tradition". Il n'y a pas [181] d'écrits Où ces figures soient plus marquées
que dans les récits du Bouddhisme exotérique ; ils rapportent une infinité
de détails sur les Nagas ou serpents royaux, qui habitent les cavités
souterraines, correspondant aux habitations de Tiresias et des voyants
grecs, une région de mystère et d'obscurité, dans laquelle se pratique le
système de la divination par les oracles, grâce à une sorte de possession
par l'esprit de Python, le dragon tué par Apollon. Mais les Bouddhistes ne
croient pas plus que les hindous au diable du système chrétien, c'est-à-dire
à une entité aussi distincte de l'humanité que la divinité elle-même. Les
Bouddhistes enseignent qu'il existe des dieux inférieurs, qui ont été des
hommes sur cette planète ou sur une autre, mais qui n'en ont pas moins été
des hommes. Ils croient aux Nagas, qui ont été des sorciers sur la terre,
gens méchants, et qui donnent à d'autres méchants encore vivants le
pouvoir de flétrir tous les fruits qu'ils fixent, et même les vies humaines.
Lorsqu'un Cingalais a la réputation de faire faner et périr un arbre, ou une
personne, en le fixant du regard, on dit qu'il a en lui un Naga-Rajan ou
Roi-Serpent. L'interminable catalogue des mauvais esprits n'en comprend
pas un qui soit un diable dans le sens que le clergé chrétien veut nous faire
accepter, mais tout simplement des péchés, des crimes, et des pensées
humaines spirituellement incarnés, si nous pouvons nous exprimer ainsi.
Les dieux-démons bleus, verts, jaunes et pourpres, comme les dieux
inférieurs de Yougamdhara appartiennent plutôt aux génies, et beaucoup
d'entre eux sont aussi bons et bienfaisants que les divinités de Nat elles-
mêmes : quoique les Nats comptent parmi eux des géants, de mauvais
génies et autres esprits analogues, qui habitent les déserts du Mont
Yougamdhara.
Les Hindous croient aux vampires aussi fermement que les Serbes et
les Hongrois. Bien plus, leur doctrine est celle de Pierart, le fameux spirite
et magnétiseur français, dont l'école florissait il y a une douzaine d'années.
"Le fait d'un spectre revenant sucer le sang humain", dit ce docteur 282,
"n'est pas aussi inexplicable qu'il le paraît, et ici nous en appelons aux
spirites, qui admettent le phénomène de la bicorporéité ou dédoublement
de l'âme. Les mains que nous avons pressées... ces membres
"matérialisés"rendus si palpables... prouvent clairement ce que peuvent
[les spectres astraux] dans les conditions favorables".
282
Pierart, Revue spiritualiste, vol. IV, chapitre sur le "vampirisme", p. 64
creusaient un trou, et l'on y faisait couler du sang frais, puis on plaçait au-
dessus une table, et après cela les "esprits" venaient et répondaient à toutes
les questions 283.
283
Maimonides, Mishna Torah : sect. "Abodah Zarah", XI.
284
Pierart, op. cit., p. 313.
285
[Des Hallucinations, pp 338-39, etc.]
nous dire qu'il n'en existe plus, et qu'ils étaient dénués de fondement ?
Rien ne sort de rien. Chaque croyance, chaque coutume prend sa source
dans des faits et des causes qui lui ont donné naissance. Si l'on n'avait
jamais vu apparaître, dans le sein des familles de certaines contrées, des
êtres ayant pris la forme de morts familiers, venant ainsi sucer le sang
d'une ou de plusieurs personnes, et si la mort, par affaiblissement des
victimes ne s'en était pas suivie, on n'aurait jamais été déterrer les corps
dans les cimetières ; nous n'aurions jamais vu attester le fait incroyable de
personnes inhumées depuis plusieurs années, retrouvées avec le corps
souple, les membres flexibles, les yeux ouverts, le teint frais et rosé, la
bouche et le nez pleins de sang, et leur sang coulant à flots des blessures
infligées, ou lorsqu'on leur coupe la tête 286.
Un des exemples les plus frappants de vampirisme est relaté dans les
lettres particulières du philosophe, marquis d'Argens ; et dans la Revue
Britannique de mars 1837, le voyageur anglais Pashley en décrit quelques-
uns parvenus à sa connaissance dans l'île de Candie. Le Dr Jobard, le
savant anticatholique et antispirite Belge, atteste de semblables
expériences 287.
"Je n'examinerai pas", écrivait l'évêque d'Avranches Huet, "si les faits
de vampirisme, qui sont constamment rapportés, sont vrais ou s'ils sont le
résultat d'une erreur populaire ; mais il est certain qu'ils sont attestés par
bon nombre d'auteurs capables et dignes de foi, et par tant de témoins
oculaires que personne ne devrait trancher cette question sans beaucoup de
circonspection 288".
286
Pierart, Revue spiritualiste, vol. IV, p. 104.
287
Voyez Hauts Phén., p. 199.
288
Huetiana, Paris, 1722, p. 83.
Diable lui-même, dans ses plus mauvais jours. C'est assez de croire à ce
que nous voyons, et savons être des faits réels, sans ajouter à notre
Panthéon de fantômes le Diable, que personne n'a jamais vu.
289
Dom Calmit, Dissertations sur les Apparitions, etc. Hauts Phén. de la Magie, 193.
déterrèrent le cadavre et le clouèrent au sol avec un long pieu. La même
nuit il reparut plongeant les gens dans l'épouvante, et en étouffant
plusieurs. Alors les autorités du village livrèrent le corps aux mains du
bourreau, qui le traîna dans un champ voisin et l'y brûla. "Le cadavre", dit
des Mousseaux citant dom Calmit, "hurlait comme un fou, ruant et
pleurant comme s'il eût été vivant. Lorsqu'on le perça de nouveau avec des
pieux très pointus, il poussa des cris perçants, et vomit des masses de sang
vermeil. Les apparitions de ce spectre ne cessèrent que lorsque le corps eût
été réduit en cendres" 290.
Des officiers de Justice visitèrent les endroits que l'on disait ainsi
hantés ; les corps furent exhumés, et dans presque tous les cas, on
remarqua que le cadavre soupçonné de vampirisme paraissait frais et rose,
et que sa chair n'était nullement décomposée. On constata que les objets
qui avaient appartenu à ces fantômes se mouvaient dans la maison, sans
que personne les touchât. Mais les autorités légales, en général, refusèrent
d'avoir recours à la crémation et à la décapitation, avant d'avoir strictement
observé toutes les règles de la procédure légale. Des témoins furent
assignés à comparaître, et leurs dépositions furent entendues et
soigneusement pesées. Après cela les corps exhumés furent examinés ; et
s'ils offraient des signes caractéristiques et non équivoques de vampirisme,
ils étaient livrés à l'exécuteur.
290
Hauts Phénom., p. 196-7.
291
Ibid. Voir le même témoignage sous serment dans les documents officiels. De l'Inspir. des
Camisards, H. Blanc, 1859. Plon, Paris.
qu'une fois brûlés, ils ne reparaissent plus ? et que ces cas se reproduisent
si souvent dans ce pays, qu'il semble impossible de guérir le peuple de ce
préjugé ; car, au lieu de le détruire, l'expérience de chaque jour ne fait que
fortifier la croyance superstitieuse du peuple et accroître sa foi dans ces
faits 292.
Pierart essaye de démontrer que, dans tous les cas, il est dangereux
d'inhumer trop tôt les gens, même lorsque le corps présenterait des signes
indubitables de putréfaction. "Pauvres morts cataleptiques", dit le docteur,
"enterrés comme étant tout à fait morts, dans des endroits froids et secs, où
les causes morbides sont incapables de produire la destruction de leur
corps, leur esprit [astral] s'enveloppant d'un corps fluidique [éthéré], est
poussé à quitter le séjour de la tombe, pour exercer sur des êtres vivants
des actes particuliers à la vie physique et celui de la nutrition en
particulier ; il en résulte par un mystérieux lien entre l'âme et le corps que
la science spiritualiste expliquera un jour, que la nourriture est fournie au
corps matériel encore gisant dans le tombeau, et ce dernier est ainsi aidé à
perpétuer son existence vitale. Ces esprits, dans leurs corps éphémères, ont
souvent été vus sortant du cimetière ; on a constaté qu'ils se sont attachés à
des voisins vivants et qu'ils en ont sucé le sang" 293. L'enquête judiciaire a
établi qu'il en est résulté, pour les victimes, un état d'affaiblissement, qui
s'est souvent terminé par la mort.
292
Dom Calmet, Apparitions, vol. II, pp. 36, 212.
293
Pierart, Revue spiritualiste, Vol. IV, p. 104.
Ainsi, en suivant le pieux avis de dom Calmet, nous devons soit
continuer à nier, soit, si les témoignages humains et légaux sont bons à
quelque chose et ont quelque valeur, accepter la seule explication
possible : "Que les âmes des morts sont incorporées dans des véhicules
aériens ou éthérés ; cela est pleinement et clairement [187] démontré par
ces excellents hommes le Dr C. et le Dr More, dit Glanvil, et ils ont
pleinement démontré que telle était la doctrine des plus grands philosophes
et des pères des temps les plus reculés" 294.
294
Sadducismus triumphatus, vol. II, p. 70.
295
J.J. von Görres, Gesammelte Schriften, III, ch. VII, p. 132. Munich, 1854.
autorité despotique, il l'exerçait sans mesure, suivant ses instincts brutaux.
Il devint amoureux de la jolie fille d'un petit fonctionnaire. Quoique la
demoiselle fût fiancée à un jeune homme qu'elle aimait, le tyran
contraignit le père à consentir à son mariage avec elle ; et la pauvre
victime, malgré son désespoir, devint sa femme. Sa jalousie ne tarda pas à
se manifester. Il la battait, la séquestrait des semaines entières dans sa
chambre, et l'empêchait de voir qui que ce soit, si ce n'est en sa présence.
Finalement il tomba malade et mourut. Voyant sa dernière heure
approcher, il lui fit jurer qu'elle ne se remarierait [188] jamais ; et la
menaça avec des serments effroyables, dans le cas où elle contracterait une
nouvelle union, de sortir de sa tombe et de la tuer. Il fut enterré dans le
cimetière de l'autre côté du fleuve et la jeune veuve n'eut plus de
tourments, jusqu'à ce que, la nature reprenant le dessus, et dominant ses
frayeurs, elle prêta l'oreille aux importunités de son premier amoureux, et
de nouvelles fiançailles eurent lieu.
Le gouverneur fut enfin amené à prendre les mesures les plus sévères
pour mettre un terme à la panique, toujours croissante, dans la ville. Il
plaça cinquante cosaques en station le long du [189] pont, avec ordre
d'arrêter à tout prix la voiture fantôme. A l'heure habituelle, on l'entendit et
on la vit approcher, venant de la direction du cimetière. L'officier de garde
et un prêtre portant un crucifix se plantèrent devant la barrière, et crièrent
ensemble : "Au nom de Dieu et du Tsar, qui va là ?" De la portière de la
voiture émergea une tête bien connue, et une voix familière répondit : "Le
Conseiller privé d'Etat, et gouverneur C..." Au même moment, prêtre,
officiers et soldats furent jetés de côté par un choc électrique, l'équipage
fantôme passa outre avant qu'ils eussent repris leurs sens.
Jusqu'à quel point les faits de ce drame ont-ils été exagérés par la
tradition, c'est ce que nous ne pouvons dire. Mais nous les tenons, il y a de
longues années, d'un témoin oculaire ; et il existe aujourd'hui en Russie des
familles, dont les membres les plus âgés se rappellent parfaitement cette
terrible histoire.
Après cela, il mentionne les cas suivants qui ont eu lieu récemment.
"A Bergerac (Dordogne), en 1842, le malade prit un
narcotique, mais ne se réveilla pas... On le saigna, et il ne
s'éveilla pas... Enfin on déclara qu'il était mort, et on
l'enterra. Après quelques jours, au souvenir du narcotique
qu'il avait pris, on ouvrit la tombe et le cercueil. Le corps
s'était retourné et débattu.
Le Sunday Times du 30 décembre 1838 raconte qu'à
Tonneins, dans le Lot-et-Garonne un homme était
inhumé, lorsqu'on entendit du bruit venant du cercueil ;
pris de peur le fossoyeur indifférent se sauva... La bière
fut remontée et ouverte. Un visage pétrifié de terreur et
de désespoir, le linceul déchiré, les membres retournés,
disaient la navrante vérité... trop tard.
[Le Times de mai 1874 raconte] qu'en août 1873, une
jeune dame mourut peu de temps après son mariage... Au
bout d'une année, son mari se remaria, et la mère de sa
296
Ashes to Ashes. London : Daldy, Isbister et C°, 1875.
première femme résolut de transporter le corps de sa fille
à... Marseille. On ouvrit le caveau, et l'on trouva le corps
de la pauvre fille, la face contre terre, la chevelure
flottante, et son suaire mis en lambeaux" 297.
Mais la majorité de ces esprits n'ont rien à voir avec les phénomènes
produits consciemment et de propos délibéré par les magiciens de l'Orient.
Ces derniers repoussent une telle accusation, et ils laissent aux sorciers
même le concours des esprits élémentaux et des élémentaires. L'adepte
possède un pouvoir illimité sur ces deux catégories d'esprits, mais il en fait
rarement usage. Pour la production des phénomènes physiques, il appelle
les esprits de la nature, dont il se sert comme de forces obéissantes, mais
non comme des intelligences.
297
L'auteur renvoie ce4x qui douteraient des faits qu'il rapporte à l'ouvrage. Gatherings from
Graveyards, par G : A. Walker, pp. 84, 193-94, etc.
298
Horst, Zauber Bibliothek, vol. V, p. 52.
Comme nous aimons toujours à renforcer nos arguments par des
témoignages d'autres personnes que nous-même, peut-être ferons-nous
bien de citer l'opinion d'un journal, le Boston Herald, en ce qui concerne
les phénomènes en général et les médiums en particulier. Ayant éprouvé
de tristes déceptions avec des personnes malhonnêtes, qui peuvent être ou
ne pas être des médiums, l'auteur de l'article prit la peine de vérifier
certains prodiges, que l'on dit se produire dans l'Inde, et il les compare à
ceux des thaumaturges modernes.
"Le médium d'aujourd'hui, dit-il, offre une ressemblance
plus intime, quant aux méthodes et aux manipulations,
avec le sorcier bien connu de l'histoire, qu'avec tout autre
représentant de l'art magique. Ce qui va suivre démontre
combien il est encore loin des performances de ses
prototypes. En 1614, une délégation de personnages
distingués et d'une haute éducation, appartenant à la
Compagnie des Indes, vint rendre visite à l'empereur
Jehangire. Au cours de leur mission, ils assistèrent à une
foule d'exercices merveilleux, au point de leur faire
douter du témoignage de leurs propres sens, et défiant
toute explication. Un groupe de sorciers et de jongleurs
du Bengale faisant exhibition de leur art devant
l'empereur fut sollicité de produire dix mûriers séance
tenante, au moyen de semences. Ils plantèrent
immédiatement des graines qui, en quelques minutes
produisirent autant d'arbres. La terre où la semence avait
été jetée s'ouvrit pour livrer passage à quelques feuilles
légères, bientôt suivies de jeunes pousses, qui s'élevèrent
rapidement, en développant des bourgeons, des branches
et des feuilles, à mesure qu'elles montaient, et finalement
donnèrent en plein air des fleurs et des fruits, qui
mûrirent sur place, et qui furent trouvés excellents. Tout
cela sans que les assistants aient détourné les yeux. Des
figues, des amandes, des mangues, des noisettes furent
obtenues de la même manière, dans des conditions
analogues. Les merveilles succédaient aux merveilles.
Les branches se garnissaient d'oiseaux au riche plumage,
voletant entre les feuilles, et semant dans les airs leurs
notes pleines de douceur. Les feuilles jaunirent et
tombèrent, les branches et les tiges se desséchèrent, et
enfin les arbres rentrèrent dans le sol, d'où ils avaient
poussé à peine une heure auparavant. [192]
Un autre avait un arc et une cinquantaine de flèches à
pointe d'acier. Il lança en l'air une de ses flèches, qui
resta fixée dans l'espace à une hauteur considérable. Une
autre fut tirée, puis une autre, et ainsi de suite, chacune
venant se planter dans l'empennage de la précédente, de
façon à former une chaîne de flèches dans l'espace,
jusqu'à la dernière, qui, frappant en plein dans la chaîne,
la rompit et la fit tomber à terre par tronçons."Ils
installèrent deux tentes en face l'une de l'autre, à la
distance d'environ une portée d'arc. Ces tentes furent
consciencieusement examinées par les spectateurs,
comme le sont les cabinets des médiums, et l'on reconnut
qu'elles étaient vides. Elles étaient fermement attachées
au sol. Les assistants furent alors invités à désigner les
sortes d'animaux ou d'oiseaux qu'ils voulaient voir sortir
des tentes, et se livrer bataille. Khaun-e-Jahaun demanda,
avec un accent très marqué d'incrédulité, à voir un
combat d'autruches. Quelques minutes après, une
autruche sortit de chacune des tentes, et se lança au
combat avec une énergie mortelle ; bientôt le sang
commença à couler, mais elles étaient tellement de force
égale, qu'aucune ne put triompher de son adversaire, et
qu'elles furent enfin séparées par les jongleurs, qui les
ramenèrent dans leurs tentes. Après cela, toutes les
demandes d'animaux et d'oiseaux faites par les assistants
furent satisfaites, toujours avec les mêmes résultats.
Un grand chaudron fut installé, dans lequel on mit une
grande quantité de riz. Sans la moindre trace de feu, ce
riz commença bientôt à bouillir, et l'on tira du récipient
plus de cent assiettes de riz cuit, avec un poulet sur
chacune d'elles. Ce tour est exécuté aujourd'hui sur une
plus petite échelle par les fakirs les plus vulgaires.
Mais l'espace manque pour illustrer, par des exemples du
passé, combien en comparaison les exercices
misérablement incolores, des médiums de nos jours, sont
pâles et éclipsés par ceux des autres époques et de gens
plus adroits. Il n'y a pas un exploit merveilleux, dans un
phénomène ou manifestation quelconque qui ne fut, que
dis-je, qui ne soit aujourd'hui beaucoup mieux présenté
par d'autres habiles exécutants, dont les relations avec la
terre et avec la terre seule, sont trop évidentes pour
pouvoir être révoquées en doute, même lorsque le fait ne
serait pas appuyé par leur propre aveu".
C'est une erreur de prétendre que les fakirs ou les jongleurs se disent
toujours aidés par des esprits. Dans les évocations semi religieuses du
genre de celle que le Govinda Svami de Jacolliot fit devant cet auteur
français, qui en fait la description, lorsque les spectateurs désiraient voir
des manifestations réellement spirituelles, ils avaient recours aux prières
adressées à leurs pitris, [193] ancêtres défunts et autres purs esprits. Ils ne
peuvent évoquer ces derniers qu'au moyen de la prière. Quant à tous les
autres phénomènes, ils sont produits par le magicien et le fakir à volonté.
Malgré l'état apparent d'abjection dans lequel le dernier paraît vivre, il est
souvent un initié des temples, et il est aussi versé dans l'occultisme que ses
frères plus riches.
Les Chaldéens, que Cicéron compte parmi les plus anciens magiciens,
plaçaient le fondement de toute la magie dans les pouvoirs internes de
l'âme de l'homme, et dans la connaissance des propriétés magiques existant
dans les plantes, les minéraux et les animaux. Avec leur aide, ils
accomplissaient les plus étonnants "miracles". Magie, chez eux, était
synonyme de religion et de science. Ce n'est que plus tard que les mythes
religieux du dualisme Mazdéen, défigurés par la théologie chrétienne, et
parés par certaines pères de l'Eglise, prirent la déplaisante forme sous
laquelle nous les voyons exposés par les écrivains catholiques, tels que des
Mousseaux. La réalité objective de l'incube et du succube médiévaux, cette
superstition abominable du moyen âge, qui coûta tant de vies humaines,
soutenue par cet auteur dans un volume tout entier, est le monstrueux
produit du fanatisme religieux et de l'épilepsie. Elle n'a pas de forme
objective ; et en attribuer les effets au diable c'est proférer un blasphème :
c'est supposer que "Dieu, après avoir créé Satan" lui a permis d'agir de la
sorte. Si nous sommes forcés de croire au vampirisme, c'est en nous
appuyant sur la force de deux propositions irréfragables de la science
psychologique occulte, savoir : 1° L'âme astrale est une entité distincte,
pouvant se séparer de notre ego, et pouvant courir et vagabonder loin du
corps, sans rompre le fil de vie ; 2° le corps n'est pas entièrement mort, et
tant que son locataire peut y rentrer, celui-ci peut en tirer une somme
d'émanations matérielles, suffisante pour lui permettre de se montrer sous
une forme quasi terrestre. Mais, soutenir avec des Mousseaux et de
Mirville, que le Diable, que les catholiques douent d'une puissance en
antagonisme égale à celle de la Divinité Suprême, se transforme en loup,
en serpent, en chien, pour satisfaire ses convoitises, et procréer des
monstres, c'est une idée dans laquelle se trouvent en germe la
démonolâtrie, la démence et le sacrilège. L'Eglise catholique qui non
seulement nous enseigne à croire à cette monstrueuse erreur, mais force
ses missionnaires à prêcher ce dogme, n'a pas beau jeu à s'indigner contre
le culte du démon de certaines sectes Parsis et de l'Inde méridionale. Au
contraire, car lorsque nous entendons les Yézidis répéter le proverbe bien
connu : "Restez amis avec les démons ; donnez-leur votre bien, votre sang,
vos services, et vous n'aurez pas besoin de vous préoccuper de Dieu – Il ne
vous fera aucun mal", nous trouvons qu'ils sont logiques et conséquents
[194] avec leur foi et leur respect pour l'Etre Suprême. Leur logique est
saine et rationnelle ; ils révèrent trop profondément leur Dieu, pour
s'imaginer que Celui qui selon eux, a créé l'univers et ses lois, soit capable
de leur faire du mal à eux, pauvres atomes ; mais les démons sont là ; ils
sont imparfaits, et, par conséquent, les humains ont de bonnes raisons pour
les redouter.
Que celui qui étudie les sciences occultes cherche à rendre sa nature
aussi pure, et ses pensées aussi élevées que celles de ces voyants de l'Inde,
et il pourra dormir sans être molesté par le vampire, l'incube ou le succube.
299
History of Magic, I, pp 223-24.]
L'esprit immortel rayonne autour de la forme insensible de ce dormeur,
comme un bouclier, un pouvoir divin qui le protège contre les atteintes du
mal, comme s'il était un mur de cristal.
"Hæc murus æreus esto ; nil conscire sibi, nulla
pallescere culpa." 300
300
[Horace, Epitres, I, I : "Que ceci soit notre mur de bronze, de n'avoir aucune faute au cœur,
aucun méfait pour nous faire pâlir."].
[197]
CHAPITRE XIII
—
REALITES ET ILLUSIONS
SANDIVOGIUS,
New Light of Alchymie.
BULWER-LYTTON,
Zanoni.
Lorsque nous constatons de notre côté qu'un pentacle est une figure
synthétique qui exprime dans une forme concrète une profonde vérité
naturelle, nous ne voyons rien de plus ridicule dans cette figure que dans
celles d'Euclide, ni rien qui soit aussi comique que les symboles employés
dans un ouvrage de chimie moderne. Qu'est-ce qui, pour un lecteur non
301
Ah, guerrier maintenant la croix rouge
Indique la tombe du puissant mort ;
Dans ce sépulchre brûle une lumière merveilleuse
Qui chasse les esprits amis des ténèbres.
Cette lampe brûlera sans s'éteindre
Jusqu'au jugement éternel.
……………………………………………….
Jamais flamme terrestre n'eut un pareil éclat...
initié, paraîtrait plus absurde que la donnée, que le symbole Na2CO3 veut
dire du carbonate de soude ? et que C2H60 n'est autre chose qu'une manière
différente d'écrire le mot alcool ? Qu'y a-t-il donc de si risible à ce que les
alchimistes exprimassent leur azoth, ou principe créateur de la nature (la
lumière astrale) par le symbole :
O A
Si le lecteur non inspiré peut être excusable d'ouvrir des yeux effarés
devant cet abracadabra de la science chimique, pourquoi ses professeurs ne
modéreraient-ils pas leur hilarité jusqu'à ce qu'ils aient appris la valeur
philosophique du symbolisme des [199] anciens ? Du moins s'éviteraient-
ils d'être aussi ridicule que M. de Mirville qui, confondant l'Azoth des
philosophes hermétiques avec l'azote des chimistes, affirme que les
premiers adoraient le gaz nitrogène 302.
302
Voir Eliphas Levi, La Science des Esprits, Préface.
d'étoffe quelconque, a néanmoins été imprégné de l'influence du plus
grand de tous les aimants, la volonté de l'homme, avec une puissance pour
le bien ou le mal, aussi reconnaissable par ses effets que la propriété
subtile que le fer acquiert par son contact avec l'aimant physique. Que l'on
fasse sentir à un limier une pièce du vêtement qu'a porté un fugitif, et il
suivra sa trace à travers marécages et forêts jusqu'à l'endroit où il se cache.
Qu'on donne à un des "psychomètres" du professeur Buchanan un
manuscrit, quelle que soit son antiquité, et il décrira le caractère de
l'écrivain, et peut-être même son aspect physique. Que l'on remette à un
clairvoyant une mèche de cheveux ou un objet quelconque qui ait été en
contact avec une personne dont on désire savoir quelque chose, et il entrera
en sympathie si intime avec elle, qu'il pourra la suivre pas à pas dans toute
sa vie.
Les éleveurs nous apprennent que les jeunes animaux ne doivent pas
être mis en troupeau avec les vieux ; et les médecins intelligents défendent
aux parents de prendre leurs jeunes enfants dans leurs lits. Lorsque David
devint vieux et affaibli, ses forces vitales furent rétablies en mettant une
jeune personne en contact avec lui de manière qu'il absorbât de sa force.
Feue l'impératrice de Russie, sœur de l'empereur d'Allemagne actuel 303,
était si faible dans les dernières années de sa vie que les médecins lui
conseillèrent sérieusement de faire coucher avec elle une jeune et robuste
paysanne. Quiconque a lu la description faite par le Dr Kerner de la
Voyante de Prévorst, M- Hauffee, se rappellera, sans doute, ses paroles 304.
Elle déclara à plusieurs reprises qu'elle entretenait sa vie uniquement par
l'atmosphère des personnes qui l'entouraient et par leurs émanations
magnétiques, qui étaient vivifiées d'une façon extraordinaire par sa
présence. La voyante était très simplement un vampire magnétique, qui
absorbait, en [200] l'attirant à elle, la vie de ceux qui étaient assez robustes
pour lui communiquer de leur vitalité, sous la forme de sang volatilisé. Le
Dr Kerner observa que ces personnes étaient toutes plus ou moins
affectées par cette perte forcée.
303
Guillaume Ier , cet ouvrage fut écrit en 1877 (Note du Traducteur).
304
[J.A.C. Kerner, Die Seherin von Prevorst, etc., 1829.]
déterminée de la volonté, un objet, d'ailleurs inerte, puisse être imprégné
d'un pouvoir protecteur ou destructeur, suivant le but qu'on a en vue.
305
Dans le Sikkim, près de Darjeeling. Ce pays qui, quoique tout à côté de la province du Bengale
du Nord, permet rarement à un voyageur Européen de traverser ses frontières, est visité fort souvent
par des Lamas Tibétains. Le Tibet n'étant qu'à un pas du Sikkim (Note de H.-P. B.).
306
Henry Maudsley, Body and Mind, Part. II, Essay on Swedenborg.
Swedenborg, récits qui ne diffèrent guère de centaines de guérisons
obtenues par d'autres "fanatiques", suivant sa propre expression, magiciens
et guérisseurs naturels, et cela sans essayer d'expliquer leurs actes, mais
retenant le rire devant l'intensité de leur foi, sans se demander même si le
secret de ce pouvoir de guérir ne se trouve pas précisément dans l'empire
que cette foi donne sur les forces occultes, nous déplorons qu'il y ait tant
de savoir et si peu de philosophie en notre temps.
307
Josiah Cooke, Jr, The New Chemistry p. 101.
308
Henry Maudsley, Body and Mind, The limits of Philosophical Inquiry.
Les prétentions des amis de la science ésotérique qui affirment que
Paracelse produisait chimiquement de certaines combinaisons encore
inconnues de la science officielle les Homunculi, sont comme de raison
reléguées parmi les mystifications démasquées. Mais pourquoi donc ? Si
Paracelse n'a pas fabriqué d'homunculi, d'autres adeptes en ont développé
et cela il n'y a pas mille ans. Ils ont été produits, de fait, d'après exactement
le même principe, en vertu duquel le chimiste et le physicien donnent vie à
leurs animalcules. Il y a quelques années, un gentleman anglais, Andrew
Crosse du Sommersetshire, produisit des acares par le procédé suivant :
"Du silex noir ayant été chauffé au rouge et réduit en poudre fut mêlé à du
carbonate de potasse et exposé à une grande chaleur pendant quinze
minutes ; le mélange fut ensuite versé dans un creuset de mine de plomb,
dans un fourneau à air. Il fut réduit en poudre encore chaud et mêlé avec
de l'eau bouillante que l'on laissa bouillir pendant quelques minutes, et l'on
y ajouta ensuite de l'acide chlorhydrique jusqu'à sursaturation. Après
l'avoir exposé à l'action voltaique pendant vingt-six jours, un insecte
parfait de la tribu des acares apparut, et dans l'espace de quelques jours on
en obtint une centaine d'autres. L'expérience fut renouvelée avec d'autres
liquides chimiques et avec des résultats analogues. Un M. Weeks de
Sandwich en produisit aussi avec du ferrocyanure de potasse... Cette
découverte produisit une sensation profonde... M. Crosse fut accusé
d'impiété et de viser au rôle de -créateur". Il répliqua, en niant l'imputation,
qu'il considérait que "créer c'était former quelque chose de rien" 309.
309
Scientific American, 12 août 1868.
310
[Exotérique ? Signification douteuse.]
l'arrache elle crie avec la voix humaine n'est pas complètement dénuée de
fondement. Elle produit une espèce de son qui ressemble à un cri aigu, qui
est dû à la nature résineuse de la substance dont [203] sont formées ses
racines, ce qui les rend difficiles à arracher ; elle possède plus d'une
propriété secrète, absolument ignorée du botaniste.
311
Le Conte, Corrélation de la Force Vitale avec les Forces Chimiques et Physiques dans Pop.
Science Monthly, IV, déc. 1878, p. 170.
Chaque animal est plus ou moins doué de la faculté de percevoir,
sinon les esprits, du moins quelque chose qui demeure pour le moment
invisible à l'homme ordinaire et ne peut être discerné que par un
clairvoyant. Nous avons fait des centaines d'expériences dans ce sens, avec
des chats, des chiens, des singes de divers genres, et une fois, avec un tigre
apprivoisé. Un miroir rond et noir, connu sous le nom du "cristal
magique", fut fortement magnétisé par un hindou, résidant antérieurement
à Dindigal et domicilié maintenant dans un endroit plus retiré, dans les
montagnes connues sous le nom de Western Ghàts. Il avait apprivoisé
[205] un jeune tigre, qui lui avait été apporté de la côte du Malabar, partie
de l'Inde ou les tigres sont d'une férocité proverbiale ; c'est avec cet
intéressant animal que nous fîmes nos expériences.
Pendant que le "saint béni" représenté par un fakir très sale, mais
néanmoins véritablement fort saint, restait plongé dans la contemplation, et
que quelques prodiges spirituels s'accomplissaient sous l'influence de sa
volonté, le singe et l'oiseau ne donnaient que de rares signes d'inquiétude.
Le tigre seul tremblait visiblement par intervalles, et regardait fixement par
toute la pièce, comme si ses phosphorescentes prunelles vertes suivaient
quelque chose d'invisible flottant dans tous les sens. Cette chose encore
imperceptible pour le regard humain devait donc être devenue objective
pour lui ; quant au wanderoo, toute sa gentillesse avait disparu ; il
paraissait assoupi, et reposait accroupi sans mouvement. L'oiseau ne
manifestait que peu ou pas d'indices de malaise. On entendait un son
comme un bruit d'ailes battant doucement l'air ; les fleurs allaient et
venaient dans la chambre, comme déplacées par d'invisibles mains ; et une
fleur admirablement teintée d'azur étant tombée sur les pattes croisées du
singe, il eut un soubresaut nerveux, et courut chercher un refuge sous la
blanche tunique de son maître. Ces manifestations durèrent environ une
heure, et il serait trop long de les narrer toutes. La plus curieuse fut
précisément celle qui clôtura la série de ces merveilles. Quelqu'un s'étant
plaint de la chaleur, nous eûmes le spectacle d'une rosée délicieusement
parfumée. Les gouttes tombaient larges et serrées, et procuraient une
sensation de fraîcheur inexprimable, en séchant aussitôt qu'elles avaient
touché nos personnes.
312
(Traduit par singe) ce qui n'est pas correct ; le mot hindou pour singe est rûkh-charhâ. Il est fort
probable qu'on a voulu dire chokra, un jeune domestique indigène.
mouvoir les meubles, y compris les divans sur lesquels
nous étions assis, s'ouvrir et se fermer les portes.
Apercevant un Hindou qui puisait de l'eau dans un puits
au jardin, il fit une passe dans sa direction, et la corde
s'arrêta soudain dans son mouvement de descente,
résistant à tous les efforts du jardinier abasourdi. Avec
une autre passe, la corde recommença à descendre.
Je demandai à Chibh-Chundor : "Employez-vous pour
agir sur les objets inanimés le même procédé que sur les
créatures vivantes" ?
Il répondit : "Je n'ai qu'un seul et unique procédé".
"Quel est-il ?
"LA VOLONTÉ. L'homme, qui est la fin de toutes les
forces intellectuelles et matérielles, doit les dominer
toutes. Les Brahmanes ne connaissent rien autre que
cela".
"Sanang Setzen", dit le Colonel Yule (Ser Marco Polo
John. I, p. 306-307) "énumère toute une série d'actes
merveilleux qui sont accomplis au moyen du Dharani
[charmes mystiques des hindous], tels que planter une
cheville dans une roche dure ; rappeler les morts à la
vie ; changer un cadavre en or ; pénétrer partout, comme
le fait l'air [sous sa forme astrale] ; voler ; saisir avec la
main les animaux sauvages ; lire la pensée ;faire
remonter le courant à de l'eau ; manger des tuiles ;
s'asseoir en l'air sur ses jambes repliées, etc...". Les
légendes anciennes attribuent à Simon le Magicien
précisément les mêmes pouvoirs. "Il faisait marcher les
statues ; il sautait dans le feu sans s'y brûler ; il volait
dans les airs ; il transformait les pierres en pain ; il
pouvait modifier sa propre forme ; il présentait deux
figures à la fois ; il se métamorphosait en pilier ; il faisait
s'ouvrir spontanément les portes closes ; il faisait se
mouvoir d'eux-mêmes les ustensiles de la maison, etc...".
Le Jésuite Delrio déplore que des princes crédules, et
jouissant d'ailleurs d'une réputation de piété, permettent
que fou exécute en leur présence des tours diaboliques,
tels par exemple, que faire bondir d'un bout de la table à
l'autre des objets en fer, des gobelets en argent et autres
articles pesants sans employer aucun aimant, ni aucun
autre procédé" 313. Nous croyons que la FORCE DE LA
VOLONTE est le plus puissant des aimants. L'existence
d'une pareille puissance magique chez certaines [210]
personnes est démontrée, mais l'existence du Diable est
une fiction, qu'aucune théologie ne saurait démontrer.
"Il y a certains hommes que les Tartares honorent
pardessus tout dans le monde", dit le moine Ricold, "ce
sont les Baxita, une sorte de prêtres des idoles. Ces
hommes sont originaires de l'Inde, et ils ont une profonde
sagesse et une morale des plus graves à laquelle ils
conforment leur conduite. Ils sont familiers avec les arts
magiques... exécutent nombre d'illusions, et prédisent des
événements futurs. Par exemple, on dit qu'un des plus
éminents parmi eux vole dans les airs ; mais la vérité,
telle qu'elle a été démontrée, c'est qu'il ne volait pas,
mais qu'il marchait près de la surface du sol, sans la
toucher et il paraissait être assis sans avoir aucun
support pour le soutenir. Ce dernier phénomène fut vu
par Ibn Batoutha à Delhi, ajoute le colonel Yule, qui cite
le moine dans le Livre de Ser Marco Polo, en présence
du Sultan Mahomet Tughlak ; et il fut exhibé
formellement à Madras, dans le siècle actuel, par un
Brahmane descendant, sans doute, de ces Brahmanes
qu'Apollonius vit marcher à deux coudées du sol. Il est
décrit aussi par l'honorable Francis Valentyn, comme une
chose bien connue et pratiquée de son temps dans l'Inde.
On raconte, dit-il, qu'un homme commence par s'asseoir
sur trois perches placées ensemble, de manière à former
un trépied ; ensuite, l'on retire de dessous lui une des
perches, puis une deuxième, et enfin la troisième, et
l'homme ne tombe pas et reste encore assis en l'air ! J'en
ai parlé même avec deux amis, qui avaient été témoins
313
Delrio, Disquis-Magica, p. 34, 100. Lyon, 1608. Cf. Yule, op. cit., Vol. I, p. 306
d'un fait de cette nature ; l'un d'eux n'en croyant pas ses
yeux, avait pris la peine de s'assurer avec un long bâton
s'il n'existait pas quelque soutien invisible sur lequel
l'homme aurait été posé ; mais, comme me le dit ce
gentleman, il ne put rien sentir ni voir de pareil" 314. Nous
avons rapporté ailleurs que la même chose avait eu lieu,
l'année dernière, devant le Prince de Galles et sa suite.
314
Colonel Yule, Le livre de Marco Polo, vol. 1, p. 308.
des palpitations comme lorsque le Sultan de l'Inde me fit voir quelque
chose du même genre. Mais l'on me donna un cordial qui me guérit et fit
cesser l'attaque. Le Kaji Afkharuddin qui se trouvait auprès de moi me dit
à voix basse : "Allah, je crois qu'il n'y a eu ni ascension, ni descente, ni
mutilation, ni reboutage ! Tout cela, c'est un tour de passe-passe !" 315.
Ce que Ibn Batoutha le Maure vit en Chine vers l'an 1348, le colonel
Yule nous apprend qu'Edouard Melton, voyageur anglohollandais en fut
témoin à Batavia vers l'année 1670. "Un individu de la même bande (de
sorciers), dit Melton 316, prit une petite pelote de corde, et en gardant le bout
dans sa main, il lança la pelote avec une telle force en l'air, que l'autre
extrémité fut bientôt hors de vue. Il grimpa alors le long de la corde avec
une indescriptible rapidité... J'étais plein de surprise, ne concevant pas ce
qui allait se produire lorsque voilà une jambe qui tombe d'en haut... Un
moment après c'est le tour d'une main, etc... En résumé, tous les membres
du corps tombèrent successivement et furent mis ensemble dans un panier.
Le dernier fragment qui parut... fut la tête, et à peine avait-elle touché la
terre, que l'homme qui le servait et qui avait ramassé les membres, les
retourna sens dessus dessous, en renversant le panier. Aussitôt, nous vîmes
de nos propres yeux ces membres ramper l'un vers l'autre, se rejoindre et,
315
Edward Melton, Engelsh Edelmans Zeldraame en Geden Hwaardige Zee en Land Reizen, etc., p.
468. Amsterdam, 1702.
316
Ibid., vol. I, pp. 308-09. [Voyage d'Ibn Batoutha, IV, pp. 39-290, Paris 1853]
en un mot, reconstruire un homme complet, qui peut dès lors se redresser
et agir comme auparavant, sans paraître sentir le moindre mal. Jamais,
dans le cours de ma vie, je n'ai été aussi étonné... et je ne doutais plus que
ces hommes égarés ne fissent ces choses avec le secours du Diable".
317
Mémoires de l'empereur Jehangire, p. 99-102.
apparence mort, en rappelant l'âme envolée qui n'a pas encore rompu le fil
qui les unissait l'un à l'autre par la vie. Des douzaines de fakirs comme
celui-là se sont laissés enterrer vivants devant des milliers de témoins, et
ont été ressuscités des semaines après. Si les fakirs ont le secret de ce
processus artificiel, identique ou analogue à l'hibernation, pourquoi ne pas
admettre que leurs ancêtres, les gymnosophes et Apollonius de Tyane, qui
avait étudié chez eux dans l'Inde, et Jésus et d'autres prophètes et voyants
qui tous en savaient bien plus long sur les mystères de la vie et de la mort
que n'importe lequel de nos savants modernes, aient pu ressusciter des
hommes et des femmes morts ? Etant tout à fait familiers avec cette
puissance, ce mystérieux quelque chose "que la science ne peut pas encore
comprendre" ainsi que le confesse le professeur Le Conte, sachant en outre
"d'où elle vient et où elle va", Elie, Jésus, Paul et Apollonius, ascètes
enthousiastes et initiés instruits, ont pu aisément rappeler à la vie tout
homme qui "n'était pas mort, mais endormi", et cela sans aucune espèce de
miracle.
318
J. Hugues Bennet, Text Book of Physiology, etc. Edimbourg, 1870, p. 37-50.
déraisonnables en 1650 319, ont été plus tard corroborées par la science. Il
soutenait que chaque objet existant dans la nature – pourvu qu'il ne soit pas
artificiel – lorsqu'il était brûlé, conservait néanmoins sa forme dans les
cendres dans lesquelles il restait ainsi, jusqu'à sa résurrection. J. Duchesny,
chimiste éminent, s'assura du fait. Les cendres des plantes brûlées,
renfermées dans les flacons, lorsqu'on les chauffe, présentent de nouveau
leurs diverses formes. "Un petit nuage obscur s'éleva graduellement dans
le flacon, prit une forme définie et offrit à nos yeux la fleur ou la plante qui
avaient donné les cendres". Kircher, Digby et Vallemont ont démontré que
les formes des plantes pouvaient être ressuscitées de leurs cendres. Dans
une réunion de naturalistes en 1834, à Stuttgart, une recette pour produire
ces expériences fut trouvée dans un ouvrage d'Oetinger 320. "L'enveloppe
terrestre", écrit-il, "reste dans la cornue, tandis que l'essence volatile monte
comme un esprit, parfaite de forme, mais dépourvue de substance 321".
Or, si la forme astrale, même d'une plante, survit encore dans les
cendres, lorsque le corps est mort, les sceptiques persisteront-ils à dire que
l'âme de l'homme, l'égo intérieur, est, après la mort de la forme plus
grossière, dissoute en même temps et qu'elle n'existe plus ? "A la mort, dit
le philosophe, un des corps s'échappe de l'autre, par osmose et à travers le
cerveau ; il est maintenu près de son ancienne enveloppe, par une double
attraction, physique et spirituelle, jusqu'à ce que cette dernière se
décompose ; et si les conditions convenables sont remplies, l'âme peut se
réincarner et reprendre la vie suspendue. Elle le fait dans le sommeil ; elle
le fait encore plus complètement dans la léthargie ; [215] et enfin elle le
fait d'une façon plus surprenante encore au commandement, et avec le
concours d'un adepte de l'Hermétisme. Jamblique déclarait qu'une
personne bien douée de ce pouvoir de ressusciter était "remplie de Dieu".
Tous les esprits subordonnés des sphères supérieures sont à ses ordres, car
il n'est plus un mortel, mais bien un dieu lui-même. Dans son Epître aux
Corinthiens, Paul remarque que "les esprits des prophètes sont soumis aux
prophètes" 322.
319
Curiosités inouïes, etc. Paris, 1629-1631.
320
Pensées sur la naissance et la génération des choses.
321
Crowe, Nigh side of Nature, p, 111.
322
[XIV, 32.]
Quelques personnes possèdent naturellement, et d'autres acquièrent le
pouvoir de séparer à volonté le corps intérieur de l'extérieur, de lui faire de
longs trajets, et de se rendre visible à ceux qu'il visite. Nombreux sont les
exemples, attestés par d'irrécusables témoins, de "doubles" de personnes,
qui ont été vues, et qui ont conversé à des centaines de milles de distance
de l'endroit où l'on savait qu'elles étaient. Hermotine, si nous devons en
croire Pline et Plutarque 323 pouvait à volonté tomber en transe, et alors sa
seconde âme se rendait au lieu éloigné qu'il voulait.
323
Pline, Histor. Nat., VII, chap. 52 ; et Plutarque, Discours concernant le démon de Socrate, 22.
324
De varietate rerum, VIII, 43, éd. 1557
325
Nasse, Zeitschrift für Psychische Aerzte, 1820.
que les fakirs peuvent, à la suite d'un long régime de préparation et de
repos, amener leur corps à un état qui leur permet d'être enterrés à six
pieds de profondeur au-dessous du sol, pendant un temps indéfini. Sir
Claude Wade était présent à la cour Randjit Singh, lorsque le fakir dont
parle l'honorable capitaine Osborne, fut enterré vivant pendant six
semaines, dans un cercueil placé dans une cave à trois pieds au-dessous du
niveau du sol 326. Afin d'enlever toute chance de supercherie, une garde
composée de deux compagnies d'infanterie "fut établie dans la maison et
quatre sentinelles relevées toutes les deux heures, et veillant nuit et jour,
furent placées à toutes les issues avec consigne d'empêcher d'y entrer. En
ouvrant le cercueil, dit sir Claude, nous vîmes une forme humaine
enfermée dans un sac d'étoffe blanche, retenue au-dessus de la tête par un
lien... Le serviteur commença alors à répandre de l'eau chaude sur le
corps... Les jambes et les bras étaient racornis et raides, la face pleine, la
tête inclinée sur l'épaule comme celle d'un cadavre. J'appelai alors le
médecin qui m'assistait, et je le priai de venir examiner le corps, ce qu'il
fit, mais il ne put découvrir de pulsations ni au cœur, ni aux tempes, ni au
poignet. Il y avait cependant une certaine chaleur vers la région cérébrale,
que l'on ne retrouvait dans aucune autre partie du corps" 327.
326
Osborne, Court and Camp of Ranjit Singh, pp. 49-52, éd. 1840. J. Braid, Observations on
France.
327
Il y a deux ans à peine, que nous eûmes une entrevue à Lahore avec un des témoins oculaires de
ce phénomène, Brij-Lala, un vieillard respectable dans sa jeunesse au service de Randjit Sing Il
nous donna des détails qui ne se trouvent même pas dans le récit de sir Claude Wade. (Note de
H.P.B.).
seulement les narines et les oreilles avaient été bouchées, mais que la
langue avait été repliée en arrière, de façon à fermer le gosier, et à
empêcher toute introduction de l'air atmosphérique par une ouverture
quelconque. Pendant notre séjour dans l'Inde, un fakir nous dit que l'on
agissait de la sorte, non seulement afin d'empêcher l'action de l'air sur les
tissus organiques, mais encore pour garantir le sujet contre le dépôt de
germes de décomposition, qui dans les cas de suspension de la vie,
amèneraient la décomposition, exactement comme pour toute autre chair
exposée à l'air. Il y a aussi des localités où un fakir refuserait de se laisser
enterrer ; telles, par exemple, que beaucoup d'endroits dans le sud de
l'Inde, infectés de fourmis blanches ; ces termites nuisibles sont considérés
comme les plus dangereux ennemis de l'homme et de ses biens. Ils sont si
voraces, qu'ils dévorent tout ce qu'ils rencontrent, sauf peut-être les
métaux. Quant au bois, il n'y a pas d'espèce à travers laquelle ils ne se
frayent un passage ; les briques même et le mortier n'offrent qu'une faible
résistance à leurs armées formidables. Ils travailleront patiemment sur le
mortier le détruisant petit à petit, et un fakir, quelque saint qu'il soit, et
quelque solide que soit son cercueil temporaire, n'exposerait pas son corps
à être dévoré, au moment où devrait avoir lieu son retour à la vie.
Dans tous les cas, voici un exemple, un entre mille, qui est attesté par
le témoignage de deux nobles Anglais, l'un d'eux officier, et par un prince
hindou, qui était aussi sceptique qu'eux. I1 place la science dans une
alternative embarrassante : il faut révoquer en doute de nombreuses et
irrécusables attestations, ou admettre que, si un fakir peut ressusciter au
bout de six semaines, tout autre fakir le peut également, et si un fakir le
peut, pourquoi pas un Lazare, un enfant de la Sunamite, ou la fille de
Jaire 328 ?
328
Mme Catherine Crowe, dans son livre : Night side of Nature, p 118, nous fournit les détails d'un
cas analogue d'enterrement d'un fakir, en présence du général Ventura, ainsi que du Maharajah et
d'un grand nombre de ses Sardars. L'agent politique à Loodhiana était "présent lorsqu'on le déterra
dix mois après qu'il eût été inhumé." Le cercueil ou caisse contenant le corps du fakir "était enterré
dans un endroit voûté, la terre avait été jetée tout autour et dessus et ensemencée d'orge, et des
factionnaires furent placés pour le garder. Malgré cela, le Maharajah était si incrédule à ce sujet,
qu'en dépit de ces précautions, par deux fois en dix mois, il le fit retirer et examiner, et chaque fois,
il fut trouvé exactement dans le même état, que lorsqu'on l'avait enfermé."
meilleures autorités s'accordent à dire qu'il [218] n'y en a aucune. Le Dr
Todd Thomson de Londres 329 dit, de la façon la plus positive, que
"l'immobilité du corps, et même son aspect cadavérique, le froid de la
surface, l'absence de la respiration et du pouls, le renfoncement de l'œil, ne
sont pas des preuves non équivoques de l'extinction totale de la vie" 330.
Seule la décomposition complète constitue une preuve irréfutable que la
vie s'est enfuie pour toujours, et que le tabernacle est vide. Démocrite
affirmait qu'il n'existait aucun signe certain de la mort réelle 331. Pline
soutenait la même thèse, et affirmait que la certitude était encore plus
difficile dans le cas des femmes que des hommes.
329
In Salverte, The Phil. of Magic, II, p. 111, note.
330
A Cornel-Cels, De Medicina, lib. II, cap. VI.
331
His. Natur., lib. VII, cap. 52.
332
[Treatise on the Plagne, 1. IV.]
333
Morning Herald, 21 juillet 1836.
médecins l'ont examinée, et ont donné l'ordre de veiller le corps jour et
nuit. La pauvre dame est évidemment en léthargie, mais il est impossible
de dire si elle reviendra à la vie".
Cette dispersion doit être la mort, s'il est possible de concevoir une
chose telle que la mort, là où les molécules même du corps mort
manifestent une énergie vitale intense. Si la mort n'est que l'arrêt de la
machine à digérer, à se mouvoir et à moudre des pensées, comment peut-
elle être réelle et non pas relative, avant que cette machine ne soit
complètement brisée, et ses particules totalement dispersées ? Tant que
quelques-unes se maintiennent adhérentes, la force vitale centripète peut
l'emporter sur l'action centrifuge dispersive. Eliphas Levi disait : "Le
changement atteste le mouvement, et le mouvement seul révèle la vie. Le
cadavre ne se décomposerait pas s'il était mort ; toutes les molécules qui le
composent sont vivantes, et luttent pour se séparer. Et vous imaginez-vous
que l'esprit se dégage le premier de tout, pour cesser d'exister ? Que la
pensée et l'amour peuvent mourir, lorsque les plus grossières formes de la
matière ne meurent pas ? Si le changement devait être appelé mort, nous
mourons et nous renaissons tous les jours, car tous les jours nos formes
subissent un changement 334".
Les cabalistes disent qu'un homme n'est pas mort lorsque son corps est
dans la tombe. La mort n'est jamais soudaine ; car, suivant Hermès, rien
dans la nature ne s'opère par transitions violentes. Tout a lieu
graduellement, et de même qu'il faut un développement long et graduel
pour produire un être humain, de même il faut du temps pour enlever toute
vitalité à la charpente. "La mort n'est pas plus une fin absolue, que la
naissance n'est un commencement véritable. La naissance démontre la
préexistence de l'être, comme la mort en prouve l'immortalité", dit le
même cabaliste français.
334
La Science des Esprits.
Tout en ajoutant implicitement foi à la résurrection de la fille de Jaire,
du chef de la Synagogue, et aux miracles de la Bible, des chrétiens
éduqués, qui d'ailleurs seraient indignés de passer pour superstitieux,
accueillent les faits, comme celui d'Apollonius et de la jeune fille qu'il
rappela à la vie, nous dit son biographe, avec une dédaigneuse incrédulité.
Diogène Laërce, qui parle d'une femme rendue à la vie par Empédocle 335,
n'est pas traité avec plus de respect, et pour les chrétiens, le nom d'un
thaumaturge païen n'est qu'un synonyme d'imposteur. Nos savants sont au
moins d'un degré plus rationnels ; ils rangent tous les prophètes et apôtres
de la Bible et les faiseurs de miracles païens en deux catégories d'imbéciles
hallucinés, et d'habiles imposteurs. [220]
Mais tant les chrétiens que les matérialistes pourraient, sans grand
effort, se montrer loyaux et logiques en même temps. Pour opérer un pareil
miracle, il leur suffirait de consentir à comprendre ce qu'ils lisent, et à le
soumettre sans parti pris à la critique de leur jugement. Voyons jusqu'à
quel point cela serait possible. Laissant de côté l'incroyable fiction de
Lazare, choisissons deux cas : celui de la fille du chef de la Synagogue
rappelée à la vie par Jésus, et celui de la mariée de Corinthe, ressuscitée
par Apollonius. Dans le premier cas, sans tenir aucun compte de la parole
significative de Jésus : Elle n'est pas morte, mais elle dort 336, le clergé
force son dieu à violer lui-même ses propres lois, et à accorder injustement
à l'un, ce qu'il refuse à tous les autres, sans autre objet en vue, que d'opérer
un miracle inutile. Dans le second cas, nonobstant les paroles du biographe
d'Apollonius, si claires et si précises, qu'il n'y a pas le plus léger motif pour
les méconnaître, on accuse Philostrate d'imposture préméditée. Or, qui
pourrait être plus honnête et qui moins accessible à l'imputation de
mystification que lui ; car, en donnant le récit de la résurrection de la jeune
fille par le sage de Tyane, en présence d'un immense concours de peuple,
en biographe consciencieux il dit : "elle paraissait morte".
335
[Vies, "Empedocle" § 61]
336
[Math., IX, 24.]
337
Vita Apollon. Tyan., lib. IV, chap XLV.
cela ne démontre pas clairement que Philostrate n'a pas vu de miracle dans
cette ressuscitation ? Cela n'implique-t-il pas plutôt, si cela veut dire
quelque chose, le profond savoir et l'habileté d'Apollonius qui, de même
qu'Asclépiade, avait le mérite de savoir distinguer d'un coup d'œil la mort
apparente de la mort réelle 338 ?
Est-ce, parce que les médecins modernes n'ont pas encore découvert le
secret que les théurgistes possédaient évidemment, que sa possibilité est
niée ?
338
Salverte, Sciences Occultes, vol. II.
339
La Science des Esprits, II, ch. II.
340
Il serait fort utile pour l'humanité que nos médecins modernes possédassent cette inestimable
faculté, car nous aurions alors beaucoup moins de récits de morts horribles survenues après
l'inhumation. Mrs Catherine Crowe, dans le Nighl Side of Nature, rappelle dans le chapitre intitulé
"Cas de léthargie", cinq de ces cas, en Angleterre seulement, et dans le siècle actuel. Parmi eux,
celui du Dr Walker de Dublin, et d'un M. S.., dont la belle-mère fut accusée de l'avoir empoisonné,
et qui, lorsqu'on l'exhuma, fut trouvé couché sur le ventre.
même de ses plus loyaux adeptes, il n'est certainement pas probable que
nos savants soient encore prêts à redécouvrir le savoir perdu des anciens.
Jadis, quand les prophètes n'étaient pas traités en charlatans, ni les
thaumaturges en imposteurs, il y avait des collèges institués pour enseigner
l'art de prophétiser, et les sciences occultes en général. Samuel est
représenté comme le chef d'une institution de ce genre à Ramah ; Elisée de
même à Jéricho. Les écoles de Hazim, prophètes ou voyants, étaient
célèbres dans toute la contrée. Hillel avait une académie régulière, et l'on
sait bien que Socrate envoya plusieurs de ses disciples étudier le
manticisme. L'étude de la magie, ou sagesse, comprenait toutes les
branches de la science métaphysique aussi bien que physique, la
psychologie et la physiologie dans leurs phases communes et occultes, et
l'étude de l'alchimie était universelle, car c'était en même temps une
science physique et spirituelle. Pourquoi donc douter ou s'étonner de ce
que les anciens, qui étudiaient la nature sous son double aspect, aient
réalisé des découvertes qui, pour nos physiciens modernes, qui n'en
étudient que la lettre morte, sont un livre fermé ?
Les exemples ci-dessus cités prouvent que les hommes les plus
instruits dans la profession médicale sont incapables d'avoir une certitude
absolue qu'une personne est morte. Ce qu'ils nomment "suspension de la
vie" est cet état duquel le patient peut sortir spontanément, par un effort de
son propre esprit, et que des causes diverses peuvent provoquer. Dans ces
cas-là le corps astral n'a pas quitté le corps physique ; ses fonctions
extérieures sont tout simplement suspendues ; le sujet est dans un état de
torpeur, et son retour à la vie n'est que la guérison de cet état.
Mais dans le cas que les physiologistes appelleraient "la mort réelle"
et qui ne l'est pas réellement, le corps astral s'est retiré ; peut-être même la
décomposition s'est-elle manifestée. Comment l'homme sera-t-il rappelé à
la vie ? La réponse est : le corps intérieur doit être contraint à rentrer dans
son enveloppe extérieure, et la vitalité réveillée dans celle-ci. L'horloge
s'est arrêtée ; il faut la remonter. Si la mort est absolue ; si les organes
[223] n'ont pas seulement cessé de fonctionner, mais s'ils ont perdu la
possibilité d'un renouvellement d'action, dans ce cas, il faudrait précipiter
l'univers dans le chaos pour ressusciter le corps ; un miracle serait
nécessaire. Mais, ainsi que nous l'avons dit, l'homme n'est pas mort
lorsqu'il est froid, raide, sans pulsation, sans respiration, et manifestant
même des signes de décomposition ; il n'est pas mort lorsqu'on l'enterre, ni
même après cela, jusqu'à ce qu'un certain point ait été atteint. Ce point,
c'est le moment où les organes vitaux sont tellement décomposés que s'ils
étaient réanimés, ils ne pourraient plus reprendre leurs fonctions
accoutumées ; lorsque le grand ressort et les rouages de la machine sont,
pour ainsi dire, tellement rongés par la rouille, qu'ils se casseraient au
premier tour de clé. Tant que ce point n'est pas atteint, on peut, sans
miracle, faire rentrer le corps astral dans son tabernacle, soit par un effort
de sa propre volonté, soit sous l'irrésistible impulsion de la volonté de celui
qui connaît les forces de la nature et sait comment les diriger. L'étincelle
n'est pas éteinte, mais seulement latente, de même que le feu dans le silex,
ou la chaleur dans le fer froid.
341
[Des châtiments divins, § 22.]
342
[Part. II, ch. II.]
A ce propos, le lecteur se rappellera peut-être le cas bien connu du
vieillard qui avait légué, par son testament, quelques généreux dons à ses
nièces orphelines ; au moment de sa mort, il avait confié ce document à
son fils qui était riche, en lui enjoignant d'exécuter ses volontés. Mais il y
avait à peine quelques heures qu'il avait rendu le dernier soupir, que son
fils déchira le testament et le brilla. La vue de cet acte impie rappela,
semble-t-il, l'esprit encore errant, et le vieillard, se dressant sur son lit de
mort, prononça une terrible malédiction contre le misérable saisi d'horreur,
et, retombant sur sa couche, rendit l'âme, cette fois pour toujours. Dion
Boucicaut fait usage d'un incident de ce genre dans son puissant drame
Louis XI ; et Charles Kean fit une profonde impression dans le rôle du
monarque français, lorsque le mort ressuscite pour un instant, et saisit la
couronne, au moment où l'héritier présomptif s'en approche.
Levi dit que la ressuscitation n'est pas impossible tant que l'organisme
vital n'est pas détruit, et que l'esprit astral est encore à portée. "La nature,
dit-il, ne fait rien par soubresauts, par secousses, et la mort éternelle est
toujours précédée d'un état qui tient un peu de la nature de la léthargie.
C'est une torpeur qu'un choc puissant ou le magnétisme d'une volonté
puissante sont capables de surmonter". Il explique de cette façon la
résurrection du mort jeté sur les ossements d'Elisée, en disant qu'à ce
moment l'âme planait près du corps ; les personnes du cortège mortuaire,
d'après la tradition, furent attaquées par des brigands ; et leur frayeur se
communiquant par sympathie à cette âme, elle fut saisie d'horreur à l'idée
de voir ses restes profanés, et "elle rentra violemment dans son corps pour
le relever et le sauver". Ceux qui croient à là survivance de l'âme ne voient
rien dans cet incident qui ait un caractère surnaturel ; ce n'est qu'une
manifestation parfaite de la loi naturelle. Raconter à un matérialiste un fait
pareil, si bien prouvé soit-il, serait un discours inutile ; le théologien [225]
regardant toujours au delà de la nature pour y trouver une providence
spéciale, le considère comme un prodige. Eliphas Lévy dit : "On attribua
cette résurrection au contact des ossements d'Elisée ; et le culte des
reliques date logiquement de cette époque" 343.
Balfour Stewart a raison de dire que les savants "ne savent rien ou
presque rien de la structure ultime et des propriétés de la matière organique
ou inorganique" !
343
[La Science des Esprits, Part. III, ch. II.]
Nous sommes maintenant sur un terrain si solide que nous pouvons
faire un nouveau pas en avant. La même connaissance et le même empire
sur les forces occultes, y compris ta force vitale qui permet au fakir de
quitter temporairement son corps et d'y rentrer, et à Jésus, Apotlonius et
Etisée de rappeler leurs divers sujets à ta vie, rendaient possible aux
anciens hiérophantes d'animer tes statues, et de tes faire agir et parler
comme des créatures vivantes. C'est cette même connaissance et ce même
pouvoir qui rendit possible à Paracelse la création de ses homuncuti ; à
Aaron de changer sa verge en serpent et en branche fleurie ; à Moise de
couvrir l'Egypte de grenouilles et autres fléaux ; et au théurgiste égyptien
de nos jours de vivifier sa mandragore pygmée, qui possède la vie
physique, mais pas d'âme. Ce n'était pas plus étonnant pour Moïse, dans
des conditions convenables, d'appeler à la vie de grands reptiles et des
insectes, que pour nos physiciens modernes d'appeler à la vie, dans les
mêmes conditions favorables, de plus petits auxquels ils donnent le nom de
bactéries.
Nous considérons que ce fait est si bien établi qu'il n'est pas besoin
maintenant d'un grand effort de notre part, pour prouver que les
manifestations inconscientes de la puissance des esprits, de [226] même
que les exploits conscients de haute magie ont eu lieu dans tous les pays,
dans tous les temps, et par des hiérophantes aussi bien que par des
médiums irresponsables. Lorsque la civilisation européenne actuelle était
encore à l'état d'embryon, la philosophie occulte déjà blanchie par l'âge
spéculait sur les attributs de l'homme, par analogie avec ceux de son
Créateur. Plus tard, des individus, dont les noms resteront à jamais
immortels inscrits sur le portique de l'histoire spirituelle de l'humanité, ont
fourni dans leur personne des exemples de l'étendue possible du
développement des pouvoirs divins du microcosme. Le Professeur A.
Wilder décrivant les Doctrines et les principaux maîtres de l'Ecole
d'Alexandrie, dit : "Plotin enseignait qu'il existe dans l'âme une impulsion
de retour, l'amour qui l'attire intérieurement vers son origine et son centre,
le Bien éternel. Tandis que la personne qui ne comprend pas comment
l'âme contient le Beau en elle, cherchera par de laborieux efforts à
reconnaître la beauté au dehors, l'homme sage la reconnaît en lui-même, en
développe l'idée en se retirant en lui-même, en y concentrant son attention,
et en s'élançant ainsi vers la source divine, qui coule au-dedans de lui. Ce
n'est pas par la raison que l'on acquiert la connaissance de l'Infini... mais
au moyen d'une faculté supérieure à la raison, en entrant dans un état où
l'individu cesse, pour ainsi dire, d'être fini, et où la divine essence lui est
transmise. C'est l'état d'EXTASE..." 344.
344
A. Wilder, New-Platonism and Alchemy, pp. 12-13.
345
Ibid., p. 15.
spontanément ; 2° dépendre d'influences étrangères ; ou 3° conservée à
l'état latent pendant toute la vie. Le lecteur doit tenir compte de la
définition du terme, car, à moins de le comprendre clairement, la
confusion sera inévitable. La médiumnité de ce genre peut être active ou
passive, répulsive ou réceptive, positive ou négative. La médiumnité se
mesure par la qualité de l'aura dont chaque individu est entouré. Elle peut
être dense, brumeuse, malfaisante, méphitique, nauséabonde pour l'esprit
pur, et n'attirer que ces êtres incomplets qui s'y plaisent, comme l'anguille
dans les eaux vaseuses, ou bien elle peut être pure, cristalline, limpide et
opaline comme la rose du matin. Tout dépend du caractère moral du
médium.
"On connaît l'arbre à ses fruits". Côte à côte avec les médiums passifs
apparaissent, dans l'histoire du monde, les médiateurs actifs. Faute d'une
meilleure, nous les désignons par cette qualification. Les anciens sorciers
et enchanteurs, et ceux qui avaient un "esprit familier" faisaient
généralement commerce de leur faculté ; et la femme fétiche d'En-d'Or si
bien dépeinte par Henry More, quoiqu'elle puisse avoir tué son veau pour
Saül, n'en accepta pas moins un salaire d'autres visiteurs. En Inde, les
jongleurs qui, soit dit en passant, le sont moins que beaucoup de médiums
modernes, et les Essaoua ou sorciers et charmeurs de serpents d'Asie et
d'Afrique, tous exercent leurs talents pour de l'argent. Il n'en est pas ainsi
des médiateurs ou des hiérophantes. Le Bouddha était mendiant, et refusa
le trône de son père. Le "Fils de l'Homme n'avait pas un lieu où reposer sa
tête" ; les apôtres choisis n'avaient "ni or, ni argent, ni monnaie de billon
dans leurs bourses". Apollonius donna la moitié de sa fortune à ses
proches, et l'autre moitié aux pauvres ; Jamblique et Plotin étaient
renommés pour leur charité et leur abnégation ; les fakirs ou saints
mendiants de l'Inde sont fidèlement dépeints par Jacolliot ; les Esséniens
Pythagoriciens et les Thérapeutes croyaient souiller leurs mains par le
contact de l'argent. Lorsqu'on offrit de l'argent aux apôtres pour qu'ils
communiquassent leurs pouvoirs spirituels, Pierre, bien que la Bible le
représente comme un lâche, trois fois renégat, repoussa néanmoins avec
indignation cette offre en disant : "Que ton argent périsse avec toi, parce
que tu as pensé que les dons de Dieu pouvaient être achetés" 346. Ces
hommes étaient les méditateurs, guidés simplement par leur esprit
personnel, ou âme [229] divine, et se servant du concours des esprits
seulement tant que ceux-ci restaient dans le bon chemin.
346
[Actes, VIII, 20.]
347
[Porphyre, Plotini vita, X ]
348
Jamblique fut le fondateur de la théurgie Néo-platonicienne.
349
New Platonism and Alchemy, Albany, N Y, 1869.
sorte que l'on pouvait ainsi produire les choses les plus grandes et les plus
remarquables". Jésus proclamait l'homme le seigneur du sabbat, et à son
ordre les esprits terrestres et élémentaires fuyaient de leurs séjours
temporaires ; puissance qui était partagée par Apollonius, et par nombre de
membres de la Confrérie des Esséniens de la Judée et du Mont Carmel.
[230]
350
Voir : Medium and Daybreak du 7 juillet 1876, p. 428.
aspirations de son âme. Peut-on les qualifier tous deux indistinctement, du
nom de médiums ?
Quelle différence y avait-il donc entre tous les phénomènes que nous
venons d'énumérer, produits par "les autres nations" et ces mêmes
phénomènes accomplis par les prophètes ? Evidemment on en faisait une,
et elle était basée sur quelque bonne raison ; et nous la trouvons dans la
Première Epître de saint Jean (IV) qui dit : "Ne croyez pas à tous les
esprits, mais éprouvez-les pour savoir s'ils viennent de Dieu, parce que
beaucoup de faux prophètes se sont introduits dans le monde".
351
[Exode, VII, 11, VIII, 19.]
352
Dans un autre volume, nous prouverons clairement que l'Ancien Testament fait mention d'un
culte rendu à plus d'un dieu par les Israélites. L'El Shadi d'Abraham et de Jacob n'était pas le
Jehovah de Moïse, ou le Seigneur Dieu adoré par les Juifs pendant quarante ans dans le désert. Et le
dieu des Armées d'Amos n'est pas, si nous devons en croire ses propres paroles, le Dieu Mosaïque,
la divinité du Sinaï, car voici ce que nous y lisons : "Je hais et je méprise vos solennités... vos
offrandes de viandes, et je ne veux point les accepter... M'avez-vous offert des sacrifices et des
offrandes dans le désert pendant quarante années, ô maison d'Israël ?... Non, mais vous y avez porté
le tabernacle de votre Moloch et Chiun (Saturne), vos images, l'étoile de votre dieu, que vous vous
êtes fait vous-mêmes... C'est pourquoi je vous ferai réduire en captivité... dit le Seigneur dont le
nom est le Dieu des Armées." (Amos, V, 21-27).
discours ; 2° par leur promptitude à se manifester ; et 3° par l'objet en vue,
s'il est digne ou non de l'apparition d'un "esprit désincarné", ou s'il est de
nature à excuser celui, quel qu'il soit, qui vient ainsi déranger les morts.
Saül était sur le point de périr, lui et ses enfants, et cependant Samuel lui
demande : "Pourquoi m'as-tu troublé en me faisant monter ?" 353. Mais les
"intelligences" qui visitent les salles de séances accourent au premier
signal du premier farceur venu, qui cherche à se distraire un moment.
353
Ce mot monter dit par l'esprit d'un prophète, dont le séjour devait certainement être dans le ciel
et qui, par conséquent, aurait dû dire descendre, est très significatif en lui-même, pour un chrétien
qui place le paradis et l'enfer aux deux points opposés.
la légitimité de cette opération, elle est contredite par chaque prophète et
Saül lui-même l'avait interdite avant d'y recourir. Moise punit de mort
ceux qui évoquent les esprits des morts, les "nécromans". Nulle part dans
l'Ancien Testament, ni dans Homère, ni dans Virgile, la communion avec
les morts n'est qualifiée autrement que de nécromancie. Philon le Juif fait
dire à Saül que s'il bannit du territoire tout devin et nécroman, son nom lui
survivra. Le Sama Veda est déclaré impur par le législateur hindou Manou,
seulement parce qu'il y enseigne l'évocation des morts, des bhoutas !
Une des grandes raisons pour cela était la doctrine des anciens,
qu'aucune âme "du séjour des élus" ne revenait sur la terre, sauf dans les
rares occasions dans lesquelles son apparition pouvait être requise pour
accomplir quelque grande œuvre qu'elle avait en vue, et procurer ainsi
quelque grand avantage à l'humanité. Dans ce dernier cas, l'âme n'avait pas
besoin d'être évoquée. Elle transmettait son merveilleux message, soit au
moyen d'un simulacre fugitif d'elle-même, soit par l'intermédiaire de
messagers, qui pouvaient apparaître sous une forme matérielle et [234]
personnifier fidèlement le trépassé. Les âmes qu'on évoquait si facilement
étaient considérées comme d'un commerce inutile et dangereux. Il y avait
des âmes, ou plutôt des larves, venant de la région infernale des limbes, le
Sheol, la région connue des cabalistes juifs comme la huitième sphère,
mais bien différente de l'enfer ou Hades orthodoxe de l'ancienne
mythologie. Horace décrit cette évocation et le cérémonial qui
l'accompagnait, et Maïmonide nous fournit des détails sur le rite juif.
Chaque cérémonie nécromantique était accomplie dans des lieux élevés,
sur -des collines, et l'on employait le sang, dans le but d'apaiser les goules
humaines 354.
354
William Howitt, History of the Supernatural, vol. II, ch. 1.
355
Horace, lib. 1, Sat. 3.
"Les âmes, dit Porphyre, préfèrent à tout le reste du sang fraîchement
répandu, qui semble, pour un temps assez court, leur rendre quelques-unes
des facultés de la vie" 356.
356
Porphyre, De abstinentia, II, §§ 47-42.
de vrais esprits planétaires humains ; et le mieux est que
ces communications ne procurent aux médiums aucun
profit pécuniaire. Le plus grand ami de la cause en
France, Leymarie, languit, au moment où nous écrivons,
dans une cellule de prison, et, comme il le dit dans un
touchant langage, il n'est "plus un homme mais un
numéro" sur le registre d'écrou.
"Par quelle puissance vos fils et vos disciples les chassent-ils ?" 358 Les
spirites affirment, eux aussi, que Jésus était un médium ; qu'il était guidé
par un ou plusieurs esprits ; mais lorsque cette imputation lui fut adressée
directement, il dit qu'il n'en était rien. "N'avons-nous pas raison de dire que
tu es un Samaritain et que tu as un démon ?" [Daimonion, un Obeah, ou
esprit familier, dans le texte Hébreu]. Jésus répondit : "Je n'ai pas de
démon" 359.
357
Samuel, X, 6.
358
Evangile selon saint Jean, VII, 20.
359
Jean, VIII, 48-49.
cette différence. La lévitation peut être produite d'une façon consciente ou
inconsciente pour le sujet. Le jongleur détermine à l'avance qu'il sera élevé
dans les airs, le temps que cela durera, et à quelle hauteur ; et il règle
l'action des forces occultes en conséquence. Le fakir obtient le même
résultat par la puissance de ses aspirations et de sa volonté, et, sauf
lorsqu'il se trouve à l'état d'extase, il conserve la direction de ses
mouvements. Le prêtre de Siam agit de même, lorsque, dans les pagodes
sacrées, il monte à cinquante pieds de hauteur, un cierge à la main, et vole
d'une idole à l'autre, allumant les flambeaux des niches, se supportant lui-
même et s'arrêtant avec autant d'aisance que s'il marchait sur la terre ferme.
Il y a des personnes qui l'ont vu et qui l'ont attesté. Les officiers d'une
escadre russe, qui tout récemment a fait un voyage de circumnavigation, et
qui stationna longtemps dans les eaux du Japon, rapportent, en plus d'un
grand nombre d'autres faits merveilleux, celui de jongleurs, qu'ils ont vus
marcher en l'air, du sommet d'un arbre à un autre, sans le moindre point
d'appui 360. Ils ont aussi vu les exploits de grimper le long des perches ou
des cordages, décrits par le colonel Olcott, dans son livre People from the
other World, et qui ont tant été critiqués par certains spirites et médiums,
dont le zèle est bien supérieur à l'instruction. Les citations du colonel Yule
et d'autres auteurs données à part dans cet ouvrage, semblent mettre hors
de doute la possibilité d'exécuter ces phénomènes.
360
La personne qui nous fournit ce renseignement, qui en fut, elle-même, un témoin oculaire est M.
N...ff de Saint-Pétersbourg qui était attaché au vaisseau amiral "Almaz" si nous ne nous trompons
pas.
Le Shoudâla Mâdan, ou démon des cimetières, correspond à notre
goule. Il se complaît dans les lieux où des crimes et des meurtres ont été
commis, près des sépultures et des places d'exécutions. Il prête son
concours aux jongleurs, dans tous les phénomènes où le feu joue un rôle ;
ainsi que les Koutti Shâttan, les petits farfadets des jongleurs musulmans
dans l'Inde. Le Shouddla, dit-on, est un démon moitié feu, moitié eau, car
il reçut de Siva la permission de choisir et de prendre telle forme qu'il
voudrait, de métamorphoser une chose en une autre ; et lorsqu'il n'est pas
dans le feu, il est dans l'eau. C'est lui qui aveugle les gens pour leur faire
voir des choses qu'ils ne voient pas. Le Shoula Mâdan est un autre mauvais
génie. Il est le démon des fournaises, habile dans l'art du potier et du
boulanger. Si vous vous tenez en bons termes avec lui, il ne vous fera point
de mal ; mais malheur à celui qui encourt sa colère. Le Shoula aime les
compliments et la flatterie, et comme il se tient généralement sous terre,
c'est à lui que le jongleur doit recourir pour l'aider à faire sortir un arbre
d'une semence et en faire mûrir les fruits dans l'espace d'un quart d'heure.
Déjà dès l'année 1600, Gilbert, dans son livre De Magnete, formulait
le principe que le globe lui-même est un vaste aimant, et quelques-uns de
nos électriciens les plus avancés commencent à reconnaître que l'homme
aussi possède cette propriété, et que les attractions et les répulsions
mutuelles des individus peuvent, du moins en partie, trouver leur
explication dans ce fait. L'expérience des assistants dans les cercles spirites
confirme cette opinion. Le professeur Nicholas Wagner de l'Université de
Saint-Pétersbourg dit : "La chaleur ou peut-être le fluide électrique des
investigateurs assis en cercle doit se concentrer sur la table et
graduellement se développer en mouvements. En même temps, ou peu
après, la force psychique vient s'y joindre pour assister les deux autres
pouvoirs. Par force psychique, j'entends cette force qui se dégage de toutes
les autres forces de notre organisme : la combinaison de plusieurs forces
séparées, en quelque chose de général, capable lorsqu'il est ainsi combiné,
de se manifester à un certain degré suivant l'individualité". Il considère que
le progrès des phénomènes est influencé par le froid et la sécheresse de
l'atmosphère. Or, rappelant ce qui a été dit au sujet des formes plus subtiles
d'énergie dont les hermétistes ont démontré l'existence dans la nature, et
acceptant l'hypothèse émise par M. Wagner, que "la puissance qui
provoque ces manifestations est centralisée dans les [239] médiums", est-
ce que le médium ne pourrait pas, en créant en lui-même un foyer aussi
parfait dans son genre que le système des aimants d'acier permanents dans
la batterie de Wilde, produire des courants astraux suffisamment
énergiques, pour enlever dans leur tourbillon un corps même aussi
pondérable que le corps humain ? Point n'est nécessaire que l'objet soulevé
prenne pour cela un mouvement giratoire, car le phénomène que nous
observons, différent de la trombe, est dirigé par une intelligence capable de
maintenir le corps montant ainsi dans le courant ascendant, et empêcher sa
rotation.
Dans une série d'observations sur les tourbillons, faite en 1859, dans le
bassin des Montagnes Rocheuses, un journal fut enlevé... à une hauteur de
quelque deux cents pieds ; là, il oscilla dans un sens et dans un autre,
pendant un temps considérable, tout en suivant le mouvement en avant 361.
361
"Quelles étaient les forces qui agissaient pour occasionner cette oscillation du journal?",
demande M. J W. Phelps qui cite le fait. "Il y avait le mouvement ascensionnel rapide de l'air
échauffé, le mouvement descendant de l'air froid, le mouvement de translation de la brise de surface
et le mouvement circulaire de la trombe. Mais comment ces divers mouvements pouvaient-ils se
Comme de juste, les savants diront qu'on ne peut pas établir de parallèle
entre ce fait et celui d'une lévitation humaine ; qu'un tourbillon assez
puissant ne peut pas être formé dans une chambre, pour pouvoir enlever un
médium ; mais c'est une question de lumière astrale et d'esprit, qui ont
leurs lois dynamiques particulières. Ceux qui comprennent ces lois
affirment qu'un concours de personnes mentalement surexcitées, dont
l'excitation réagit sur le système physique, projette des émanations
électromagnétiques qui, lorsqu'elles ont une intensité suffisante, peuvent
jeter la perturbation dans toute [240] l'atmosphère ambiante. On peut
engendrer ainsi suffisamment de force pour créer un tourbillon électrique
assez puissant pour produire bien des phénomènes étranges. A ce point de
vue le tournoiement des derviches, et les danses sauvages, les
balancements, les gesticulations, les chants et les cris des dévots doivent
être envisagés comme ayant tous en vue un objet commun, c'est-à-dire la
création de ces conditions astrales, propres à favoriser la production de
phénomènes psychologiques et physiques. La raison d'être des revivals
religieux sera aussi mieux comprise, si l'on ne perd pas ce principe de vue.
combiner de façon à produire l'oscillation ?" (Conférence sur Force Electricity Exhibited, 1859, p.
98).
Dès 1836, le public fut informé de certains phénomènes qui étaient
aussi extraordinaires, sinon davantage, que toutes les manifestations qui se
sont produites de nos jours. La fameuse correspondance entre deux
célèbres magnétiseurs, Deleuze et Billot, fut publiée en France, et les
merveilles auxquelles elle faisait allusion furent pendant quelque temps
l'objet de la discussion dans toutes les sociétés. Billot croyait fermement à
l'apparition des esprits, car, ainsi qu'il le dit lui-même, il en avait vu,
entendu et touché. Deleuze était tout aussi convaincu de cette vérité que
lui, et il déclarait que l'immortalité de l'homme et le retour des morts, ou
plutôt de leurs ombres, était, dans son opinion, le fait le mieux démontré.
Des objets matériels lui avaient été apportés d'endroits éloignés par des
mains invisibles, et il communiquait avec d'invisibles intelligences sur les
questions les plus importantes. "A ce sujet, dit-il, je ne puis concevoir
comment des êtres spirituels sont [241] capables de transporter ses objets
matériels" 362. Plus sceptique et moins intuitif que Billot, néanmoins, il était
d'accord avec lui, que "la question du spiritisme était, non pas une question
d'opinion, mais une question de faits".
Le fer n'est aimanté que temporairement, mais l'acier l'est d'une façon
permanente par le contact de l'aimant. Or l'acier n'est que du fer qui a subi
un procédé de carburation, et cette opération pourtant a complètement
362
[G.P. Billot, Recherches psychologiques sur la cause des phénomènes, etc., p. 20.]
modifié la nature du métal, du moins, en ce qui concerne ses relations avec
l'aimant. On peut dire de même que le médium n'est qu'une personne
ordinaire, magnétisée par l'influx de la lumière astrale ; et comme la
permanence de la propriété magnétique dans le métal est proportionnée à
ses qualités plus ou moins proches de l'acier, ne pouvons-nous dire que
l'intensité et la permanence de la faculté médiumnique est en proportion de
la saturation en force magnétique ou astrale du médium ?
Balfour Stewart dit que, tant qu'un savant ne peut affirmer "qu'il est
parfaitement au courant de toutes les forces de la nature, et démontrer que
le mouvement perpétuel est impossible, car, en réalité, il ne sait que fort
peu de chose de ces forces... il pense qu'il a pénétré l'esprit et les desseins
de la nature, et c'est pour cela qu'il nie ex abrupto la possibilité d'une telle
machine" 364. S'il a découvert les desseins de la nature, il n'a certainement
pas pénétré son esprit, car il conteste son existence en un sens ; et en niant
l'esprit, il empêche cette parfaite entente de la loi universelle, qui
délivrerait la philosophie moderne de ses erreurs mortifiantes et de ses
dilemmes. Si la négation de B. Stewart ne repose pas sur une plus solide
analogie que celle de son collègue français Babinet, il court le danger
d'aboutir comme lui à une humiliante catastrophe. L'univers lui-même
démontre la réalité du mouvement perpétuel ; et la théorie atomique, ce
baume [244] salutaire pour les esprits épuisés de nos explorateurs
cosmiques, est basée sur ce mouvement. Le télescope fouillant l'espace, et
le microscope découvrant les mystères du petit monde dans une goutte
d'eau, nous révèlent cette même loi en action ; et comme tout en bas est
comme en haut, qui oserait prétendre que, lorsque l'on comprendra mieux
la conservation de l'énergie et que l'on aura ajouté les deux forces
additionnelles des cabalistes au catalogue de la science orthodoxe, on ne
découvrira pas le moyen de construire une machine marchant sans
frottement, et se fournissant de l'énergie au fur et à mesure de sa
consommation ? "Il y a cinquante ans, dit le vénérable M. de Lara, un
journal de Hambourg, reproduisant le compte rendu donné par un journal
anglais de l'inauguration de la ligne du chemin de fer de Manchester à
Liverpool, déclarait que c'était une grossière imposture ; et il y mettait le
comble en ajoutant : voilà pourtant jusqu'où peut aller la crédulité des
Anglais !" La morale est apparente. La découverte récente par un chimiste
américain du composé dénommé métalline laisse croire à la probabilité
363
Revue des Deux-Mondes, p. 414, 1858.
364
Conservation of Energy, p. 140.
que l'on a réussi à éviter le frottement dans une large mesure. Une chose
est certaine ; c'est que, quand l'homme aura découvert le mouvement
perpétuel, il sera en mesure de comprendre par analogie tous les secrets de
la nature ; le progrès en raison directe de la résistance.
Ce qui nous surprend le plus, c'est que ces mêmes hommes, qui
envisagent le corps humain tout simplement comme "une machine à
digérer", trouvent des objections à l'idée que, si on appliquait une
substance équivalente à la métalline entre ses molécules, elle
fonctionnerait sans frottement. Le corps de l'homme, d'après la Genèse, a
été tiré de la terre ou de la poussière, cette allégorie détruit la prétention de
nos analystes modernes à l'originalité de la découverte de la nature des
constituants inorganiques du corps humain. Si l'auteur de la Genèse en a eu
connaissance, et si Aristote a enseigné l'identité entre les principes vitaux
des plantes, des animaux et des hommes, notre filiation avec la terre notre
mère semble avoir été établie depuis longtemps.
365
[New Platonism and Alchemy, p. 23, note.]
Récemment, Elie de Beaumont a réaffirmé l'ancienne doctrine
d'Hermès, qu'il existe une circulation terrestre comparable à celle du sang
chez l'homme 366. Or puisque c'est une doctrine aussi vieille que le monde ;
que la nature renouvelle continuellement ses énergies épuisées par
l'absorption à la source des énergies vitales, pourquoi l'enfant différerait-il
sur ce point de sa mère ? Pourquoi l'homme ne pourrait-il pas, en
découvrant la source et la nature de cette énergie récupératrice, extraire de
la terre elle-même le suc ou la quintessence, avec lesquels il reconstitue ses
forces ? C'était peut-être là le grand secret des alchimistes. Arrêtez la
circulation des fluides terrestres, et nous avons la stagnation, la
putréfaction, la mort ; que l'on arrête la circulation des fluides chez
l'homme, et la stagnation, l'absorption, la calcification sénile et la mort en
seront la conséquence. Si les alchimistes avaient tout simplement
découvert quelque composé chimique pour conserver toujours libres les
canaux de notre circulation, tout le reste ne s'ensuivrait-il pas facilement ?
Et pourquoi, demanderons-nous, si les eaux de la surface de certaines
sources minérales ont une telle vertu pour la guérison des maladies et le
rétablissement de la vigueur physique, est-il illogique de dire, que si nous
pouvons obtenir les premiers produits de l'alambic de la nature dans les
entrailles de la terre nous pourrons peut-être trouver que la fontaine de
Jouvence n'était peut-être pas un mythe ? Jennings assure que l'élixir était
tiré par quelques adeptes du laboratoire chimique secret de la nature ; et
Robert Boyle, le chimiste, parle d'un vin médicinal ou cordial, que le Dr
Lefèvre essaya sur une vieille femme avec un résultat merveilleux.
366
[Recherches, etc., 1830.]
367
[Lives of the Necromancers, Londres, 1876, pp. 18-19.]
l'alchimie ? L'idée est-elle tellement absurde, qu'elle doive être considérée
comme indigne de l'examen de ce siècle de découvertes chimiques ?
Comment expliquerons-nous ces anecdotes historiques d'hommes qui ont
véritablement fait de l'or, et qui l'ont abandonné, et des attestations de ceux
qui déclarent les avoir vu faire ? Libavius, Geber, Arnold, Thomas
d'Aquin, Bernard Comes, Joannès, Penotus, Quercetan Geber, le père
arabe de l'alchimie en Europe, Eugène Philalèthe, Baptista Porta, Rubeus,
Dornesius, Vogelius, Irénée Philaléthe Cosmopolita, et quantité
d'alchimistes du moyen âge et de philosophes hermétistes affirment le fait.
Devons-nous prendre pour des visionnaires ou des lunatiques tous ces
savants, traités ailleurs de grands génies ? FranÇois Pic, dans son livre de
Auro [Sec 3 c 2] cite dix-huit cas de fabrication de l'or par des procédés
artificiels dont il a été témoin ; et Thomas Vaughan 368 étant allé chez un
orfèvre, pour lui vendre 1.200 marcs d'or, l'homme fit la remarque, d'un air
soupçonneux, que l'or était trop pur pour avoir jamais été extrait d'une
mine, ce qui fit fuir le vendeur en laissant l'argent. Dans un chapitre
précédent nous avons cité les témoignages d'un grand nombre d'auteurs sur
ce sujet.
Marco Polo nous apprend que dans quelques montagnes du Tibet, qu'il
nomme Chingintalas, il existe des filons de la substance dont est faite la
Salamandre : "Car à la vérité dit-il, la salamandre n'est pas un animal,
comme on le prétend dans nos contrées, mais une substance que l'on
trouve dans la terre". Et il ajoute qu'un Turc nommé Zurficar lui dit qu'il
avait été occupé pendant trois ans dans cette région à procurer des
salamandres au grand Khan. "Il lui dit que le moyen employé pour se les
procurer consistait à creuser cette montagne jusqu'à ce qu'ils eussent
découvert une certaine veine. La substance de cette veine était alors
enlevée et écrasée, et après ce traitement elle se divise pour ainsi dire en
filaments, de laine, et que l'on fait sécher. Ces fibres une fois sèches, sont
broyées dans un grand mortier de bronze et lavées de façon à ce qu'il ne
reste plus que les fibres, de laine. On les [247] tisse ensuite... D'abord, ces
étoffes ne sont pas très blanches, mais en les passant au feu un certain
temps, elles deviennent aussi blanches que la neige" 369.
368
Eugène Philalèthe.
369
Livre de Marco Polo, vol. 1, p. 215.
Par conséquent, ainsi que l'attestent plusieurs autorités, cette substance
minérale est le fameux Abestos 370 ou amiante, que le Rév. A. Williamson
dit se trouver au Shantung. Mais ce n'est pas seulement un fil
incombustible que l'on en peut tirer. On en extrait aussi une huile qui
possède plusieurs propriétés extraordinaires et seuls quelques Lamas et
adeptes hindous possèdent le secret de ses vertus. Lorsqu'on en frictionne
le corps, elle ne laisse aucune tache ni marque ; et néanmoins la partie
enduite peut être lavée au savon, et avec de l'eau chaude ou froide, sans
que l'effet de l'onction soit le moins du monde affecté. La personne ainsi
frictionnée peut sans crainte s'avancer dans le feu le plus ardent ; et, à
moins d'être suffoquée, elle n'en éprouvera aucun mal. Une autre propriété
de l'huile, lorsqu'elle est combinée avec une autre substance, que nous ne
sommes pas libres de désigner, et exposée aux rayons de la lune, dans
certaines nuits indiquées par les astrologues indigènes donne naissance à
d'étranges créatures. Nous pourrions, dans un sens, les appeler des
infusoires, n'était que celles-ci croissent et se développent. En parlant du
Cachemire, Marco Polo remarque que les habitants "sont très versés dans
les diableries des enchantements, puisqu'ils en arrivent à faire parler leurs
idoles" 371.
Mais tous nos chimistes modernes ne sont pas aussi dogmatiques dans
leur négation de la possibilité d'une telle transmutation. Le Dr Peisse,
Despretz, et même le négateur de tout, Louis Figuier de Paris sont loin de
rejeter cette idée. Le Dr Wilder dit : "La possibilité de réduire les éléments
à leur forme primitive, tels qu'on les suppose avoir existé dans la masse
ignée, de laquelle on croit que la croûte terrestre a été formée, n'est pas
considérée par les physiciens comme une idée aussi absurde que l'on a
370
Voir Dictionnaire des Tissus, de Sage, vol. II, pp. 1-12.
371
Yule, op cit., vol. I, p. 175.
372
A. Vambery, Travels in Central Asia, p. 9. Cf. Yule, op. cit., vol. I,
voulu [248] le donner à entendre. Il y a comme une sorte de parenté entre
les métaux, et souvent tellement proche, qu'elle semble indiquer une
origine identique. Les personnes que l'on nomme alchimistes pourraient,
par conséquent, avoir consacré toute leur énergie à des recherches dans ces
matières, comme Lavoisier, Davy, Faraday et autres, de nos jours, ont
expliqué les mystères de la chimie 373". Un savant Théosophe, un médecin
praticien, qui a étudié pendant plus de trente ans les sciences occultes de
l'alchimie, a réussi à réduire les éléments à leur forme primitive, et à faire
ce que l'on nomme "de la terre pré-adamique". Elle apparaît sous la forme
d'un précipité terreux dans l'eau pure, qui, si on la trouble, présente les
couleurs les plus vives et les plus opalescentes.
H H H
H O C C C O H
H O H
Glycérine
373
Alchemy or the Hermetic Philosophy, dans New Platonism and Alchemy, pp. 24-25.
"Attache-toi", dit l'alchimiste, "aux quatre lettres du
tétragramme disposé de la manière suivante : les lettres
du nom ineffable s'y trouvent, bien que tu ne puisses tout
d'abord les discerner. L'axiome incommunicable s'y
trouve cabalistiquement renfermé, [249] et c'est ce que les
maîtres nomment l'arcane magique". L'arcane, la
quatrième émanation de l'Akâsha, le principe de VIE, qui
est représenté dans sa troisième transmutation, par le
soleil ardent, l'œil du monde, ou d'Osiris, comme le
nomment les Egyptiens. Un œil veillant tendrement sur sa
plus jeune fille, épouse et sueur, Isis, la terre notre mère.
Voici ce que dit d'elle Hermès, le maître trois fois grand :
"Son père est le soleil, sa mère est la lune 374". Il l'attire et
la caresse, puis il la repousse par une force projectile.
C'est à l'élève Hermétique de guetter ses mouvements, de saisir ses
courants subtils, de les guider et de les diriger avec l'aide de l'athanor, le
levier d'Archimède de l'alchimiste. Qu'est-ce que ce mystérieux Athanor ?
Le physicien peut-il nous le dire, lui qui le voit et l'examine
journellement ? Oui, il le voit, mais comprend-il les caractères secrètement
chiffrés, tracés par le doigt divin sur chaque coquillage dans le fond des
mers ; sur chaque feuille qui tremble au souffle de la brise ; dans la
brillante étoile, dont les lignes radieuses ne sont à ses yeux qu'autant de
raies plus ou moins lumineuses d'hydrogène?
"Dieu géométrise", dit Platon 375. "Les lois de la nature sont les pensées
de Dieu", s'écriait Oërstedt 2.000 ans plus tard. "Ses pensées sont
immuables", répétait l'élève solitaire de la Science Hermétique, "et c'est
pour cela que c'est dans la parfaite harmonie et l'équilibre de toutes choses
que nous devons chercher la vérité". Et ainsi procédant de l'unité
indivisible, il trouva deux forces contraires, émanant d'elle, chacune
agissant par l'autre, et produisant l'équilibre, et les trois n'en faisant qu'une,
374
[Table d'Emeraude.]
375
Voir Plutarque, Symposiaque, VIII, 2. "Diogéniane commence et dit : Admettons Platon à la
conférence, et voyons à quel point de vue il dit, en supposant que ce soit sa formule, que Dieu
remplit toujours le rôle d'un géomètre." Je dis : Cette sentence n'a pas été clairement formulée dans
aucun de ses livres ; mais il y a de bons arguments en faveur de l'opinion qu'elle lui appartient, et
elle ressemble beaucoup à sa manière de s'exprimer". Tyndare ajoute alors : Il exalte la géométrie
comme une science qui élève les hommes au-dessus des objets sensibles, et les porte vers
l'intelligible et Eternelle Nature, dont la contemplation est le but de la philosophie, ainsi qu'un
aperçu des mystères de l'initiation aux rites sacrés".
la Monade Eternelle de Pythagore. Le point primordial est un cercle. Le
cercle [250] réalisant sa propre quadrature, en partant des quatre points
cardinaux, devient le quaternaire, un carré parfait, ayant à chacun de ses
quatre angles une lettre du nom mirifique, le tétragramme sacré. Ce sont
les quatre Bouddhas primitifs qui vinrent et sont passés ; le tétractys de
Pythagore, absorbé et résolu par l'unique éternel NON-ETRE.
376
[Cf. La Doctrine Secrète et Fabricius, Bibl. Graeca, I, X.]
377
Dans les nations anciennes, la divinité était une trinité complétée par une déesse l'Arba-Il ou
Dieu quadruple. [Sepher Yetzirah, 1.]
Même dans le cas où la science arriverait à changer l'immortalité désirée
en annihilation, elle serait toujours un quaternaire ; car Dieu "géométrise".
378
Josiah Cooke, The New Chemistry, XIII, p. 311.
379
La théorie du prof. Sterry Hunt sur les dépôts métallifères contredit cette assertion. Mais cette
théorie est-elle exacte ?
démontré pour l'eau, un des plus respectables éléments
de la physique ancienne. Aujourd'hui nous créons l'eau.
Pourquoi ne ferions-nous pas de l'or? Un éminent
expérimentateur M. Desprez a fait du diamant. Il est vrai
que ce diamant n'est qu'un diamant scientifique, un
diamant philosophique, qui peut n'avoir aucune valeur ;
mais malgré cela, ma thèse tient bon. D'ailleurs, nous
n'en sommes pas réduits à cet égard à de simples
conjectures. Il existe encore un homme qui, dans un
mémoire adressé aux corps savants, en 1853, a souligné
ces mots : "J'ai découvert la méthode pour produire de
l'or artificiel, j'ai fait de l'or". Cet adepte, c'est M.
Théodore Tiffereau, ex-préparateur de chimie à l'École
Professionnelle Supérieure de Nantes 380". Le cardinal de
Rohan, la célèbre victime de l'affaire du collier de la
Reine, attesta qu'il avait vu le Comte de Cagliostro faire
des diamants et de l'or. Nous présumons que ceux qui
sont d'accord avec le professeur T. Sterry Hunt, ne seront
pas satisfaits de la théorie du Dr Peisse, car ils croient
que tous nos dépôts métallifères sont dus à l'action de la
vie organique. Par conséquent jusqu'à ce qu'ils se soient
mis d'accord en nous faisant connaître avec certitude la
nature de l'or, et s'il est le produit d'une alchimie [253]
volcanique intérieure, ou une ségrégation et filtration de
surface, laissons-les régler leur querelle, et faisons crédit
en attendant aux philosophes de l'antiquité.
380
Peisse, La Médecine et les Médecins, vol. I, p. 57 et seq.
381
La Conservation de l'Énergie.
et faisant observer en outre qu'une pareille lumière "n'est certainement pas
de cette terre, où la lumière et toutes les autres formes d'énergie supérieure
sont essentiellement transitoires", ce savant en tire un argument, comme si
les philosophes Hermétiques avaient toujours prétendu que la flamme dont
il s'agit était une flamme terrestre ordinaire, résultant de la combustion de
matières luminifères. Sur ce point-là, les philosophes ont toujours été mal
compris et mal interprétés.
Tout le présent ouvrage n'est qu'une protestation contre une aussi folle
manière de juger les anciens. Pour être tout à fait Compétent pour critiquer
leurs idées, et s'assurer si elles étaient distinctes et "appropriées aux faits",
il faudrait les avoir étudiées à fond. Il est oiseux de répéter ce que nous
avons dit souvent, et ce que tout érudit devrait savoir ; c'est que la
quintessence de leurs connaissances était dans les mains des prêtres, qui
jamais ne les ont consignées par écrit, et dans celles des "initiés" qui,
comme Platon, n'osèrent pas les écrire. C'est pourquoi, les rares
spéculations sur les univers, matériel et spirituel, qu'ils confièrent à
382
La Conservation de l'Énergie, p. 136.
l'écriture, ne peuvent mettre la postérité à même de les juger correctement,
même si les vandales chrétiens des premiers siècles, les croisés venus
après eux, et les fanatiques du moyen âge n'avaient pas détruit la majeure
partie de ce qui restait de la Bibliothèque d'Alexandrie, et de ses écoles
postérieures. Le professeur Draper nous apprend que le Cardinal Ximenes,
à lui seul, "fit livrer aux flammes, sur les places publiques de Grenade,
80.000 manuscrits Arabes, dont un grand nombre étaient des traductions
d'auteurs classiques" 383. Dans les bibliothèques du Vatican, des passages
entiers de traités précieux des anciens ont été trouvés, grattés et effacés,
uniquement dans le but de les remplacer par quelques absurdes
psalmodies !
Qui donc, parmi ceux qui tournent le dos à la "doctrine secrète", parce
qu'elle est "antiphilosophique", et comme telle, indigne d'une pensée
scientifique, a le droit d'affirmer qu'il a étudié les anciens ; qu'il sait tout ce
que ceux-là savent, et que bien plus instruit encore maintenant, il sait que
leur science était peu de chose, ou rien. Cette "doctrine secrète" renferme
l'alpha et l'oméga de la science universelle ; c'est là que se trouvent la
pierre d'angle et la clé de voûte de toutes les connaissances anciennes et
modernes ; et c'est seulement dans cette doctrine "antiphilosophique" que
reste enfoui l'absolu dans la philosophie des obscurs problèmes de la vie et
de la mort.
"Les grandes énergies de la Nature ne nous sont connues
que par leurs effets", dit Paley. Paraphrasant cette phrase,
nous dirons que les grandes découvertes des temps
anciens ne sont connues de la postérité que par leurs
effets. Si l'on prend un livre traitant d'alchimie, et si l'on
y voit les spéculations des frères Rosecroix sur la lumière
et l'or, on sera certainement surpris, par la simple raison
que l'on n'y comprendra rien du tout. On y pourra lire
que "l'or hermétique est le produit des rayons solaires ou
de la lumière répandue invisiblement et magiquement
dans le corps [255] du monde. La lumière est l'or
sublimé, tiré magiquement par une invisible attraction
stellaire des profondeurs de la matière. L'or est ainsi le
dépôt de la lumière qui engendre d'elle-même. La
lumière, dans le monde céleste, est l'or subtil, vaporeux,
383
[The History of the Conflict, etc., p. 104.]
et magiquement exalté, ou l'esprit de la flamme. L'or
entraîne les natures inférieures dans les métaux, et en les
intensifiant et les multipliant, il les convertit en lui-
même" 384.
Néanmoins, les faits sont les faits ; et, comme le dit Billot du
spiritisme, nous remarquerons, au sujet de l'occultisme en général et de
l'alchimie en particulier, que ce n'est pas une affaire d'opinion, mais de
faits ; et que si des savants considèrent une lampe inextinguible comme
une impossibilité, il n'en est pas moins vrai que des personnes, de nos
jours, aussi bien que dans les siècles d'ignorance et de superstition, en ont
trouvé brûlant encore d'une flamme brillante, dans d'anciens caveaux
fermés depuis des siècles ; et que d'autres personnes possèdent le secret
d'entretenir de pareilles flammes pendant plusieurs siècles. Les savants
disent que le spiritisme ancien et moderne, le magnétisme et la magie sont
du charlatanisme et de l'illusion ; mais il y a sur la surface du globe 800
millions d'hommes et de femmes, parfaitement sains d'esprit, qui croient à
toutes ces choses. Qui croirons-nous ?
"Démocrite, dit Lucien 385, ne croyait pas aux [miracles...]
il s'appliqua à découvrir le procédé par lequel les
théurges en opéraient ; en un mot, sa philosophie le
conduisit à la conclusion que la magie était entièrement
confinée à l'application et à l'imitation des lois et des
œuvres de la nature".
384
Extraits de Robert Fludd dans Les Rosecroix.
385
Philopseudes.
386
Diogène Laérce in Democriti Vitæ.
387
Satyricon, LXXXVIII. Cf. M. Vitruve, Architectur., 1B, III.
pouvaient avoir réellement eu lieu ; car tous, même les plus incroyables,
avaient été exécutés conformément aux "lois secrètes de la nature" 388.
[256]
"Le jour où une des propositions d'Euclide sera contestée est encore à
venir", dit le professeur Draper 389 exaltant les disciples d'Aristote aux
dépens de ceux de Pythagore et de Platon. Refuserons-nous, dans ce cas,
de croire aux nombreuses autorités bien informées (Lamprière entre autres)
qui affirment que les quinze livres d'Eléments ne doivent pas tous être
attribués à Euclide ; et que beaucoup des plus précieuses démonstrations et
vérités qu'ils contiennent doivent leur existence à Pythagore, à Thalès et à
Eudoxe ? Qu'Euclide, malgré son génie, fut le premier à mettre de l'ordre
dans ces matières, et qu'il ne fit qu'y intercaler quelques-unes de ses
théories, afin de rendre l'ensemble complet, et en faire un système suivi de
géométrie ? Et si ces autorités sont dans le vrai, c'est donc à ce soleil
central de la science métaphysique, Pythagore et son école, que les
modernes sont directement redevables d'hommes, tels qu'Eratosthéne, le
géomètre et cosmographe, et dont la réputation est universelle, Archimède,
et même Ptolémée, malgré ses erreurs obstinées. Sans la science exacte de
ces hommes et sans les fragments des ouvrages qu'ils nous ont laissés, et
sur lesquels Galilée a basé ses spéculations, les grands prêtres du XIXème
siècle pourraient peut-être encore se trouver, sous la tutelle de l'Eglise,
philosophant en 1876 sur la cosmogonie d'Augustin et de Bède, avec la
rotation de la voûte céleste autour de la terre, et celle-ci encore
souverainement plate.
388
Pline, Hist. Nat.
389
Draper, Conflit entre la Religion et la Science.
mobiles 390. Nous avons vu dans plusieurs lamaseries du Tibet, où il y a des
imprimeries, de ces types conservés comme curiosités. On sait qu'ils
remontent à la plus haute antiquité, puisque les types furent perfectionnés,
et les anciens abandonnés, à une époque contemporaine des premiers
souvenirs du lamaïsme Bouddhique. Par conséquent, ils doivent avoir
existé en Chine avant l'ère chrétienne.
390
Book of Ser Marco Polo, vol. I, p. 133-135, éd. 1875.
voyelles comme un hymne adressé à Serapis 391, et au son de la septième
voyelle, de même qu'au septième rayon du soleil levant, la Statue de
Memnon répondait 392. De récentes découvertes ont démontré les
merveilleuses propriétés de la lumière bleu-violet, le septième rayon du
spectre, le plus puissant de tous, chimiquement parlant, et qui correspond à
la note la plus élevée de la gamme musicale. La théorie des Rose croix que
tout l'univers est un instrument de musique est la doctrine Pythagoricienne
de la musique des sphères. Les sons et les couleurs sont tous des nombres
spirituels de même que les sept rayons du prisme procèdent d'un seul
endroit du ciel, de même les sept forces de la nature, chacune d'elles un
nombre, sont les sept radiations de l'Unité, le SOLEIL spirituel central.
[258]
391
Denis d'Halicarnasse.
392
[Cf. Tacite, Annale, II, LXI ; Philochate, Vie d'Appollonius, VI, IV.]
[259]
CHAPITRE XIV
—
SAGESSE EGYPTIENNE
PLATON, le Timée.
393
[Article anonyme "About What the Old Egyptians knew" dans Blackrvood's Edinburgh
Magazine, août 1870, pp. 220 et seq., dont un certain nombre de passages et de faits sont cités dans
ce chapitre.]
394
Voir volume IV, chap. 8.
395
The Philosophy of Magic, 1, 240.
Aussi loin que nous jetions nos regards dans l'histoire, jusqu'au règne
de Ménès, le plus ancien des rois dont nous ayons connaissance, nous
trouvons la preuve que les Egyptiens étaient beaucoup plus versés en
hydrostatique et en matière de machines hydrauliques que nous-mêmes.
L'œuvre gigantesque du détournement du cours du Nil, ou plutôt de ses
trois principales branches, pour l'amener à Memphis, fut accomplie sous le
règne de ce monarque, qui nous parait aussi éloigné dans la nuit des temps
qu'une étoile lointaine brillant dans la voûte céleste. Wilkinson dit :
"Ménès prit soigneusement la mesure de la force qu'il avait à combattre, et
il construisit une digue dont les puissants remblais et les énormes remparts
firent dévier les eaux vers l'est, et depuis cette époque le fleuve est resté
maintenu dans son nouveau lit" 396. [261] Hérodote nous a laissé une
poétique mais exacte description du lac Mœris, ainsi nommé du Pharaon
qui fit creuser ce réservoir artificiel 397.
396
[Manners and Customs of the Ancient Egyptians, 1837, I, p. 89.]
397
[Histoire, II, § 149.]
qu'ils ont pu leur enseigner de leur art, que de leur côté ils avaient puisé en
Egypte, ont haussé les épaules à l'idée qu'on leur suggérait, qu'ils
pourraient chercher le remède à certaines imperfections de leur travail dans
l'étude des divers musées Egyptiens. Néanmoins, les ingénieurs ont réussi
à donner aux rives de ce "long et vilain fossé", comme l'appelle le
professeur Carpenter, une solidité suffisante, pour en faire une voie d'eau
navigable, au lieu du piège de boue qu'il était d'abord pour les navires.
Les dépôts d'alluvions du Nil, durant les trente derniers siècles, ont
complètement modifié la région du Delta, de sorte qu'il gagne
continuellement sur la mer, en ajoutant sans cesse au territoire du Khédive.
Dans les temps anciens, la principale bouche du fleuve était nommée
Pélusienne ; et le canal creusé par l'un des rois, le canal de Necho,
conduisait de Suez à cette branche 398. Après la défaite d'Antoine et de
Cléopâtre à Actium, on proposa de faire passer une partie de la flotte par le
canal dans la Mer Rouge, ce [262] qui indique la profondeur que ces
ingénieurs des premiers âges avaient su donner à leur canal. Les colons du
Colorado et de l'Arizona ont récemment reconquis de grandes étendues de
terrain aride par un système d'irrigation ; et les journaux ont fait de
pompeux éloges de leur ingéniosité. Mais sur une distance de 500 milles
au-dessus du Caire, s'étend une bande de terre conquise sur le désert et
rendue, suivant le professeur Carpenter, "la plus fertile qui existe sur la
surface du globe". Cet auteur dit : "Pendant des milliers d'années ces
canaux d'embranchement ont apporté l'eau du Nil pour fertiliser le sol de
cette longue et étroite langue de terre, aussi bien que celui du Delta". Il
décrit "le réseau des canaux du Delta qui date de la première époque de la
monarchie égyptienne" 399.
398
[Hérodote, Histoire, II, § 158.]
399
[W.B. Carpenter, Ancient and Modern Egypt, etc., Londres, 1866.]
d'Edrou, et de Karnak le professeur Carpenter remarque que "ces belles et
étonnantes constructions, splendides et stupéfiantes... ces pyramides et ces
temples gigantesques" ont une "ampleur et une beauté encore
impressionnantes, après tant de milliers d'années". Il reste confondu de
"l'admirable caractère du travail, les pierres étant jointes, dans la plupart
des cas, avec une étonnante exactitude, si bien que l'on ne peut pas même
introduire entre les joints la lame d'un couteau". Il signale, au cours de son
pèlerinage archéologique d'amateur, une autre de ces "curieuses
coïncidences" que Sa Sainteté le Pape apprendra peut-être avec quelque
intérêt. Il parle du Livre Egyptien des Morts, sculpté sur les anciens
monuments, et de l'antique croyance à l'immortalité de l'âme. "Or, dit-il, il
est fort étonnant de voir que non seulement cette ancienne croyance, mais
encore le langage dans lequel elle est exprimée dans l'antiquité
Egyptienne, anticipent sur * la Révélation Chrétienne. En effet, dans ce
Livre des Morts, on fait usage des mêmes phrases que nous retrouvons
dans Nouveau Testament, au sujet du jour du Jugement" et l'auteur admet
que ce hiérogramme "a été gravé probablement 2.000 ans avant le Christ".
[263]
D'après Bunsen 400, qui est considéré comme ayant fait les calculs les
plus exacts, la masse de maçonnerie de la grande pyramide de Cheops
mesure 82.111.000 pieds, et pèserait 6.316.000 tonnes. L'immense quantité
de blocs de pierre carrés nous montre l'adresse sans pareille des tailleurs de
pierre Egyptiens. Parlant de la grande pyramide, Kenrick dit : "Les joints
sont à peine perceptibles, car leur épaisseur ne dépasse pas celle d'une
feuille de papier d'argent et le ciment en est si dur, que les fragments des
pierres de revêtement restent encore dans leur position originelle, malgré le
passage de plusieurs siècles, et la violence avec laquelle elles furent
détachées" 401. Lequel de nos architectes modernes et de nos chimistes
redécouvrira le ciment indestructible des plus anciens édifices égyptiens ?
"L'habileté des anciens dans la taille des pierres, dit
Bunsen, se montre le plus manifestement dans
l'extraction des blocs gigantesques dont sont tirés les
obélisques et les statues colossales, obélisques de quatre-
vingt-dix pieds de hauteur, et statues de quarante pieds,
sculptés dans un seul bloc !" Il en existe un grand
400
[Egypt's Place, etc., II, p. 155.]
401
[Ancient Egypt under the Pharaohs I, VI, p. 124.]
nombre. Ils ne faisaient pas sauter les blocs pour ces
monuments ; mais ils avaient adopté la méthode
scientifique suivante : Au lieu d'employer d'énormes
coins en fer, qui auraient fait éclater la pierre, ils
creusaient une petite rigole sur toute la longueur de la
roche, sur une longueur d'une centaine de pieds, et ils
inséraient très près les uns des autres un grand nombre de
petits coins en bois très sec ; ils jetaient ensuite de l'eau
dans la rigole, et les coins gonflés par l'humidité se
détendaient et éclataient simultanément avec une force
terrible, qui fendait l'immense pierre aussi net qu'un
diamant coupe un morceau de verre".
402
[Histoire, II, § 175.]
dynastie la première fut érigée, ni les matériaux dont elles ont été bâties.
Tout est conjecture en ce qui les concerne.
403
[Histoire générale de la Franc-Maçonnerie, Paris, 1861.]
prise de Troie, et non celle que la tradition populaire suppose avoir été
bâtie par Didon (Elissa et Astarté) quatre siècles plus tard.
404
Peebles, Around the World, etc., 1875, p. 305.
405
John Fiske, The North American Review, art. "The Laws of History", juillet 1869, p. 205.
monuments, et sa nombreuse population, avec l'Egypte d'aujourd'hui,
peuplée d'étrangers ; ses ruines devenues l'asile des chauves-souris et des
serpents, et quelques rares Coptes, les seuls héritiers survivants de toutes
ces grandeurs, et que l'on dise si la théorie cyclique est un vain mot.
Gliddon, qui est contredit par Fiske dit : "Les philologues, les astronomes,
les chimistes, les peintres, les architectes, les médecins, doivent revenir à
l'Egypte, pour y apprendre l'origine du langage et de l'écriture ; du
calendrier et du mouvement solaire, de l'art de tailler le granit avec un
ciseau de cuivre, et de donner de l'élasticité à une épée de cuivre ; de
fabriquer du verre avec la diversité de nuances de l'arc-en-ciel ; de
mouvoir des blocs de syénite polie, de neuf cents tonnes, et de les
transporter à n'importe quelle distance, par terre ou par eau ; de construire
des arches de plein cintre ou en ogive, avec une précision maçonnique qui
n'a pas été surpassée jusqu'à nos jours, et cela 2.000 années avant la
Cloaca Magna de Rome ; de sculpter une colonne Dorique mille ans avant
que les Doriens aient été connus dans l'histoire ; de peindre à fresque avec
des couleurs inaltérables ; de la connaissance pratique de l'anatomie.
"Tout artisan peut se rendre compte du progrès de son art
il y a 4.000 ans, dans les monuments de l'Egypte ; et,
qu'il soit charron construisant des chars ; cordonnier
cousant sa chaussure ; corroyeur employant la même
forme de couteau que les anciens, parce qu'elle est
considérée aujourd'hui comme la meilleure ; tisserand
faisant usage de la même navette ; ferblantier se servant
d'un soufflet de forge de forme identique à la leur,
reconnue tout récemment la plus efficace ; le graveur sur
pierre taillant en hiéroglyphes des noms comme ceux de
Schoupho i1 y a plus de 4.300 ans ; toutes ces preuves, et
bien d'autres plus surprenantes encore de la priorité des
Egyptiens ne demandent, pour être obtenues, qu'un
simple coup d'œil jeté sur les gravures de Rossellini" 406.
"En vérité", s'écrie Peebles, "ces temples et ces tombeaux
des Rhamsés étaient d'incontestables merveilles pour
Hérodote autant que pour nous-mêmes 407".
406
[G.R. Gliddon, Ancient Egypt, III, p. 31 ; 10ème édit. 1847.]
407
Peebles, ibid., p. 286.
Malgré cela, l'impitoyable main du temps a laissé les traces de son
passage sur leurs constructions, et quelques-unes d'entre elles, dont le
souvenir aurait été perdu sans les Livres d'Hermès, ont été plongées pour
jamais dans l'oubli des âges. Roi après roi, et dynastie après dynastie ont
passé dans leur pompe brillante sous [268] les yeux des générations
successives, et leur renommée a rempli le monde habitable. Le même voile
d'oubli était tombé sur eux ainsi que sur leurs monuments, avant que la
première de nos autorités historiques, Hérodote, ait conservé pour la
postérité le souvenir de cette merveille du monde, le grand Labyrinthe. La
chronologie Biblique longtemps acceptée a tellement rétréci les esprits,
non seulement du clergé, mais encore de nos savants à peine affranchis de
leurs chaînes, qu'en traitant les vestiges préhistoriques, dans les différentes
parties du monde, ils manifestent toujours une crainte constante d'aller au-
delà de la période de 6.000 années, jusqu'à présent accordée par la
théologie comme étant l'âge du monde.
408
[G. Rawlinson, The History of Herodotus, II, p. 228.]
409
J.P. Champollion, Lettres... d'Egypte, etc., pp. 98, 303-304.]
410
[Blackwood's Edinburgh Magazine.]
s'exprime en ces termes : "Les cours, les salles, les portes, les piliers, les
obélisques, les statues monolithes, les sculptures, les rangées de sphinx se
trouvent en si grande profusion [à Karnak] que ce spectacle en impose à la
compréhension moderne".
Denon, voyageur français, dit de son côté : "Il est à peine possible de
croire, après l'avoir vu, à la réalité de l'existence de tant de constructions
rassemblées sur un même point, à leurs dimensions, à la ferme
persévérance que leur édification a exigé, et aux dépenses incalculables
d'une si grande magnificence ! Il [270] faut que le lecteur s'imagine que ce
qu'il a sous les yeux est un rêve, puisque celui qui voit les objets mêmes,
se prend parfois à douter qu'il soit parfaitement éveillé... Il y a des lacs et
des montagnes dans la périphérie du Sanctuaire. Ces deux édifices sont
choisis pour exemples, dans une liste presque inépuisable. Toute la vallée
et le delta du Nil, des cataractes à la mer, étaient couverts de temples, de
palais, de tombeaux, de pyramides, d'obélisques et de piliers. L'exécution
des sculptures est au-dessus de tout éloge. De l'avis de tous les experts la
perfection mécanique avec laquelle les artistes travaillaient le granit,
l'ophite, la brèche et le basalte est merveilleuse... Les animaux et les
plantes sont aussi bien exécutés que s'ils étaient naturels, et les objets
artificiels sont admirablement sculptés ; des batailles sur terre ou sur mer
et des scènes de la vie domestique se retrouvent partout dans les bas-
reliefs" 411.
"Les monuments ", dit un auteur français, "qui frappent
l'esprit du voyageur, le remplissent d'idées grandioses.
On ne peut s'empêcher de s'écrier, à l'aspect des colosses
et des magnifiques obélisques qui semblent dépasser les
limites de la nature humaine : "Voilà l'ouvrage de
l'homme ", et ce sentiment paraît ennoblir son
existence 412".
411
[Voyage dans la Basse et la Haute Egypte, etc. Paris, 1862, vol. 1, pp. 258 et seq.]
412
C.E. Savary, Lettres sur l'Egypte, pp 143-144, 2• éd. 1786.
parole ; elles ont une douceur de physionomie et d'expression qui n'a
jamais été surpassée 413".
413
[R. Richardson, Travels along the Mediterranean, etc., vol. I, p. 187.]
414
John Fiske, North American Review, art. "The Laws of History ", juillet 1869. 209.
415
Sir G C. Lewis, An Historical Survey of the Astronome of the Ancients, Londres, 1862.
416
John Fiske, ibid., p. 210.
ferait bien de réduire ses édifices à un seul étage ; sans quoi, selon la
théorie du professeur Fiske, les archéologues de l'année 3877 appliqueront
à "l'ancienne Amérique" de 1877 la règle de Lewis, et diront que les
anciens Etats-Unis "doivent être considérés comme un grand latifundium
ou plantation, cultivée par la population tout entière, esclave du roi (c'est-
à-dire du président)". Est-ce parce que les races Aryennes à peau blanche
n'étaient pas nées "constructeurs ", comme les Ethiopiens Orientaux, ou les
Caucasiens bronzés 417, et, par conséquent, étaient incapables de faire
concurrence à ces derniers pour ces colossales constructions, que nous
devons tirer la conclusion que ces temples grandioses et ces pyramides
n'auraient jamais été bâtis si ce n'est sous le fouet d'un despote
impitoyable ? Etrange logique ! Il semblerait, certes, plus prudent de s'en
tenir aux "rigoureuses règles de la critique" posées par Lewis et Grote et de
confesser loyalement, une fois pour toutes, que nous ne savons que fort
peu de chose au sujet des nations de l'antiquité, et que sauf ce qui concerne
les spéculations purement hypothétiques, nous avons tout aussi peu de
chance à l'avenir, à moins que nous ne dirigions nos études dans le même
sens que les prêtres anciens. Nous ne savons que ce qu'ils permettaient aux
non initiés de savoir, mais le peu [272] que nous avons pu en apprendre
par déduction devrait suffire à nous donner la certitude que, même au
XIXème siècle, avec toutes nos prétentions à la suprématie dans les arts et
les sciences, nous sommes tout à fait incapables, non seulement de bâtir
quelque chose de pareil aux monuments d'Egypte, d'Indoustan ou
d'Assyrie, mais même de redécouvrir le moindre de leurs "arts perdus".
D'ailleurs, Sir Gardner Wilkinson corrobore cette appréciation des trésors
exhumés de l'antiquité, en ajoutant "qu'il ne peut reconnaître aucun mode
primitif de vie, aucune coutume barbare, mais bien une sorte de civilisation
stationnaire dès les époques les plus reculées". Ainsi l'archéologie à cet
égard est en désaccord avec la géologie, qui affirme que plus loin nous
remontons dans le passé de l'humanité, plus nous la trouvons barbare. Il est
douteux que la géologie ait déjà épuisé le champ de recherches que lui ont
fourni les cavernes, et l'opinion des géologues basée sur l'expérience
présente, pourrait être radicalement modifiée, lorsqu'on aura découvert les
restes des ancêtres du peuple qu'ils désignent, maintenant, sous le nom de
troglodytes.
417
Nous essaierons de démontrer dans le vol. IV, chap. 2, que les anciens Ethiopiens
n'appartenaient pas à la race Chamitique.
Qu'est-ce qui illustre mieux la théorie des cycles que le fait suivant ?
Près de 700 ans avant Jésus-Christ, dans les écoles de Thalès et de
Pythagore, l'on enseignait la doctrine du véritable mouvement de la terre,
de sa forme réelle ; et tout le système héliocentrique. Et en l'an 317 après
Jésus-Christ, nous trouvons Lactance, précepteur de Crispus César, fils de
Constantin le grand, enseignant à son disciple que la terre était une surface
plane entourée de ciel, composée de feu et d'eau, et le prémunissant contre
la doctrine hérétique de la forme sphérique de la terre 418 !
Toutes les fois que, dans l'orgueil d'une découverte nouvelle, nous
jetons un regard sur le passé, nous sommes fort étonnés de constater que la
prétendue découverte n'était peut-être pas entièrement inconnue des
anciens.
Si, après avoir médité ces paroles, nous ne voulons encore y voir que
la vaine phraséologie des fables mythologiques, nous pourrions nous
reporter au temps de Numa, le roi philosophe, si renommé pour ses
connaissances ésotériques, et nous nous trouverions embarrassés pour faire
concorder notre opinion avec son cas. Nous ne pouvons l'accuser
d'ignorance, de superstition ni de crédulité ; car si l'on doit en croire
l'histoire, il était fermement, décidé à détruire le polythéisme et l'idolâtrie.
Il avait si bien dissuadé les Romains de l'idolâtrie que, pendant près de
deux siècles on ne vit dans leurs temples ni statues, ni images. D'autre part,
418
[Lactance, Divine Institutes, III, 24.]
419
Servius, Commentaires sur Virgile, Enéïde, XII, 200.
420
Ibid, Eglogues, VI, 42.
les anciens historiens nous apprennent que les connaissances que possédait
Numa dans la physique naturelle étaient remarquables. La tradition
rapporte qu'il avait été initié par les prêtres des divinités Etrusques, et
qu'ils lui avaient enseigné à contraindre Jupiter, le maître du tonnerre, à
descendre sur la terre 421. Ovide nous montre que c'est de cette époque que
date le culte des Romains à Jupiter Elicius. Salverte est d'avis, qu'avant
que Franklin eût découvert son électricité perfectionnée, Numa l'avait
expérimentée avec le plus grand succès et que Tullus Hostilius fut la
première victime du dangereux "hôte céleste" dont l'histoire ait fait
mention. Tite Live et Pline racontent que ce prince, ayant trouvé dans les
Livres de Numa des instructions sur les sacrifices secrets offerts à Jupiter
Elicius, commit une erreur, et, par suite, "il fut frappé de la foudre et tué
dans son propre palais 422.
421
Ovide, Fast., livre III, v. 285, 346.
422
Tite Live, Livre 1èmer, Cap. XXXI.
423
Pline, Histoire naturelle, liv. II, cap. LIII. Cf. Salverte, Phil. of Magic, II, p 156.
424
Pline, op. cit., lib. XXVIII, cap. IV.
425
Columella, De re rustica, liv., 346 et seq.
426
Voir Notice sur les travaux de l'Académie du Gard, part. I, pp. 304-314, par La Boissière.
Si nous n'avons que peu de preuves que les anciens avaient des
notions claires sur tous les effets de l'électricité, dans tous les cas, les
preuves sont concluantes qu'ils étaient parfaitement au courant de
l'électricité elle-même. "Ben David, dit l'auteur de The Philosophy of
Magic affirmait que Moise connaissait les phénomènes de l'électricité". Le
professeur Hirt de Berlin est aussi de cet avis. Michaelis remarque : 1°
"qu'il n'y a rien qui indique que la foudre ait jamais frappé le temple de
Jérusalem dans l'espace d'un millier d'années. 2° Que, d'après Josèphe 427,
une forêts de pointes... d'or très aiguës couvrait le toit du temple... 3° Que
ce toit communiquait avec les souterrains de la montagne sur laquelle il
était situé, par le moyen de tuyaux reliés à la dorure qui couvrait toute la
partie extérieure de l'édifice ; par conséquent les pointes agissaient comme
des conducteurs 428".
427
Bell. Jud. adv. Romain, lib. V, cap XIV.
428
Magasin scientifique de Göttingen, 3ème année, 5ème cahier, 1783.
429
Amm. Marcell, Histoire, lib. XXIII, cap. VI.
430
A.H. Anquetil-Duperron, Oupnek-hat, Brahman, XI. [Cf. Chandogyo-panishad IV, VII, 3-4.]
431
Ktésias, Indica apud Photium Bibl., Cod. LXXII.
existé, comme je le crois fermement, dit-il, c'est aux anciens qu'appartient
l'honneur d'avoir inventé le télescope 432".
J.L. Stevens dans son ouvrage sur l'Orient affirme avoir trouvé des
chemins de rails dans la Haute-Egypte, dont les rainures étaient revêtues
de fer 433. Canova, Powers, et d'autres sculpteurs célèbres des temps
modernes, étaient honorés d'être comparés à Phidias dans l'antiquité, mais
à la vérité ils n'auraient probablement pas accepté une flatterie de cette
nature.
432
Buffon, Histoire Naturelle des Minéraux, 6ème Mém., art. II, p. 450.
433
[Incidents of Travel in Egypt. Arabia petraca and the Holy Land, New York, 1837.]
434
Bunsen, La Place de l'Egypte dans l'Histoire Universelle, vol. IV, p. 468.
435
Archeologia, vol. XV, p. 920. "Remarks on the Fortresses of Ancient Greece" par W. Hamilton.
436
[Manners and Customs of the Ancient Egyptians.]
modernes, même parmi ceux qui se font de la réclame comme "spécialistes
des maladies nerveuses", consulteraient avec profit les Livres de Médecine
d'Hermès, qui contiennent des prescriptions d'une réelle valeur
thérapeutique.
Les Egyptiens, ainsi que nous l'avons vu, excellaient dans tous les arts.
Ils faisaient un si excellent papier, qu'il était à l'épreuve du temps. "Ils
prenaient la moelle du papyrus, dit notre auteur [276] anonyme déjà cité,
ils la disséquaient et en ouvraient les fibres, et, les aplatissant par un
procédé à eux, ils les faisaient aussi minces que notre papier à écrire, mais
infiniment plus durable... Quelquefois ils le coupaient en lanières qu'ils
collaient ensemble. Beaucoup de ces manuscrits existent encore
aujourd'hui. "Le papyrus trouvé dans le tombeau de la momie de la Reine,
et un autre dans le sarcophage de la "Chambre de la Reine", à Ghizeh,
offrent l'apparence de la plus belle mousseline blanche tout en étant aussi
résistant que le meilleur parchemin. Pendant longtemps les savants ont cru
que le papyrus avait été introduit par Alexandre le Grand, comme ils ont
imaginé à tort bien d'autres choses", mais Lepsius a trouvé le caractère
hiéroglyphique des rouleaux de papyrus sur des monuments de la
douzième dynastie ; on a découvert plus tard le même caractère sur des
monuments de la quatrième dynastie, et il est maintenant démontré que
l'art de l'écriture était connu et en usage du temps de Menés, le
protomonarque ; et l'on s'est ainsi rendu compte que l'art de l'écriture et
leur système de lettres étaient parfaits et complets depuis le début.
437
[Y. Kenrik, Ancient Egypt, etc., I, XIII, p. 228.]
438
[Journal de Pharmacie.]
Les Egyptiens faisaient usages d'arcs, d'épées à deux tranchants et de
dagues, de javelots, d'épieux et de piques. Les troupes légères étaient
armées de dards et de frondes ; les conducteurs de chars se servaient de
massues et de haches. Ils étaient parfaits dans les opérations de siège. "Les
assaillants, dit l'auteur anonyme, avançaient formés en ligne droite et
longue, dont la tête était protégée par une machine impénétrable
triangulaire, qu'une escouade invisible poussait devant elle, sur une espèce
de rouleau. Ils avaient des passages souterrains couverts, des trappes et des
échelles, et ils pratiquaient l'art de l'escalade et de la stratégie militaire à la
perfection... Le bélier leur était connu comme les autres engins ; et, experts
comme ils l'étaient dans l'art d'extraire les pierres des carrières, ils savaient
creuser une mine au pied des murailles, pour les effondrer. Le même
auteur remarque qu'il est de beaucoup plus aisé pour nous d'énumérer ce
que les Egyptiens [278] savaient, que ce qu'ils ne savaient pas, car chaque
jour apporte un témoignage nouveau au sujet de leurs étonnantes
connaissances et il ajoute, "si on nous disait qu'ils faisaient usage du canon
Armstrong, cela ne nous étonnerait pas plus que bien d'autres faits déjà mis
en lumière".
439
Lib. II, cap. 50.
raison pourquoi leurs principaux temples étaient consacrés à des divinités
Egyptiennes. Melampe, le célèbre guérisseur et devin d'Argos, employait
ses médicaments "à la façon des Egyptiens", desquels il avait acquis ses
connaissances, toutes les fois qu'il voulait rendre ses guérisons complètes
et effectives. Il guérit Iphiclés de son impuissance et de sa débilité, au
moyen de la rouille de fer, d'après les conseils de Mantus, son sujet
magnétique, ou oracle 440. Spengel cite un grand nombre d'exemples de ces
sortes de guérisons magiques dans son Histoire de la Médecine (voir Tome
I).
Diodore, dans son ouvrage sur les Egyptiens (livre 1er, 25), dit qu'Isis
avait bien mérité l'immortalité ; car toutes les nations de la terre attestent la
puissance de cette déesse pour guérir les maladies par son influence. "Cela
est démontré, dit-il, non point par la fable, comme chez les Grecs, mais par
des faits authentiques". Galien rapporte plusieurs procédés curatifs
soigneusement conservés dans la partie des temples consacrée au
traitement des [279] maladies. Il fait aussi mention d'un remède universel,
qui de son temps était dénommé Isis 441.
440
[Apollodore, Bibliotheca, I, IX, § 12.]
441
Galien, De composit. Medec., lib. V.
442
Cory, Ancient fragments. Voir chapitre sur les premiers rois d'Egypte.
443
Pline, lib. VII, 41, 193.
444
Jablonski, Le Panthéon d'Egypte, II prolég. 10.
antipodes, puisqu'elle était habitée partout. Le grand mathématicien fut le
premier qui découvrit que l'étoile du matin était la même que celle du soir.
Si nous considérons maintenant que Pythagore vivait du temps de la
seizième Olympiade à peu près 700 ans avant Jésus-Christ, et qu'il
enseignait ce fait à une époque aussi reculée, nous devons supposer qu'il
était connu d'autres avant lui. Les œuvres d'Aristote, de Laërce et de
plusieurs autres, dans lesquelles Pythagore est cité, démontrent qu'il avait
appris des Egyptiens les notions sur l'obliquité de l'écliptique, la
composition stellaire de la voie lactée, et la lumière réfléchie de la lune.
Wilkinson, confirmé plus tard par d'autres auteurs, dit que les
Egyptiens divisaient le temps, et connaissaient la véritable longueur de
l'année, et la précession des équinoxes 445. En tenant compte du lever et du
coucher des étoiles, ils avaient compris les influences particulières
exercées par les positions et les conjonctions de tous les corps célestes, et
c'est pourquoi leurs prêtres, tout en prédisant aussi exactement que nos
astronomes modernes les changements météorologiques, pouvaient en
outre faire de l'astrologie avec les mouvements des astres. Bien que le
sobre et éloquent Cicéron ait raison jusqu'à un certain point lorsqu'il
s'indigne contre les exagérations des prêtres de Babylone, qui "affirmaient
[280] avoir conservé sur leurs monuments des observations remontant
jusqu'à une période de 470.000 années 446, malgré cela, l'époque à laquelle
l'astronomie était arrivée à la perfection chez les anciens remonte bien au
delà des calculs modernes.
445
[Manners and Customs, etc., 1837, vol. I, pp. 268-269 ; vol. IV, pp. 153-154.]
446
Cicéron, De Divnatione, II, 46
prédisaient les éclipses, que les derniers le fissent à l'aide du cycle de Saros
ou par d'autres moyens, la chose importe peu, le fait est là. Ils étaient
parvenus au plus élevé et au dernier degré de la science astronomique – ils
prophétisaient. Si, 1722 ans avant l'ère Chrétienne, ils ont pu tracer le
Zodiaque avec les positions exactes des planètes au moment de l'équinoxe
d'automne, et cela d'une manière si exacte, que le professeur d'Astronomie
Mitchell n'a pas eu de peine à le démontrer, il est certain qu'ils
connaissaient parfaitement les lois qui règlent "les faits soigneusement
vérifiés", et qu'ils les appliquaient avec autant de certitude que nos
astronomes modernes. De plus, on prétend que l'astronomie est,
aujourd'hui, "la seule science qui ait entièrement atteint la dernière phase...
les autres sciences en sont encore aux diverses phases de leur
développement, l'électricité dans quelques-unes de ses branches en est
arrivée à la dernière période, mais dans beaucoup d'autres elle en est
encore à l'enfance 447. Nous savons cela par les aveux exaspérants des
savants eux-mêmes, et nous n'avons pas de doute au sujet de cette triste
réalité, dans le XIXème siècle, puisque nous lui appartenons. Il n'en est pas
de même des hommes qui vivaient du temps de la gloire de Chaldée,
d'Assyrie et de Babylone. Nous ne savons rien du degré qu'ils avaient
atteint dans les autres sciences, mais dans l'astronomie ils étaient nos
égaux, car ils étaient aussi parvenus à la troisième et dernière période.
Dans sa conférence sur The Lost Arts, Wendell Philips décrit la situation
fort artistiquement. "Nous voulons bien croire, dit-il, que, soit que la
Science meure avec nous ou nous survive, [281] elle a certainement
commencé avec nous. Nous avons une bien faible estime et nous
éprouvons une tendre pitié pour l'ignorance, l'obscurité et l'étroitesse
d'esprit des âges passés" [p. 5]. Afin de rendre plus claire notre propre
idée, à l'aide de la phrase finale du conférencier favori, nous avouons que
nous avons entrepris ce chapitre qui, dans un sens interrompt notre récit
pour demander à nos savants s'ils sont persuadés "d'être dans le vrai" en se
vantant de ce qu'ils savent ?
Ainsi nous lisons au sujet d'un peuple qui, suivant quelques savants
auteurs venait de sortir de l'âge de bronze pour entrer dans l'âge de fer 448 :
447
Telegraphic Journal, art. "Scientitic Prophecy".
448
Le professeur Albrecht Müller, dans Die ältesten Spuren des Menschen in Europa, § 4, p. 46,
dit : "Cet âge de bronze s'étend jusqu'au commencement de la période historique et la dépasse dans
certaines contrées ; il comprend ainsi les grandes époques des Empires Assyrien et Egyptien, 1.500
ans avant J C. et les premiers temps de l'âge de fer qui vinrent immédiatement après".
"Si la Chaldée, l'Assyrie et Babylone nous présentent des antiquités
vénérables et étonnantes remontant bien loin dans la nuit des temps, la
Perse n'est pas sans ses merveilles d'une date plus récente. Les salles à
colonnades de Persépolis sont remplies de prodiges d'art, ciselures,
sculptures, émaux, bibliothèques d'albâtre, obélisques, sphinx, taureaux
gigantesques. Ecbatane, [en Médie], la fraîche retraite d'été des rois Perses,
était défendue par sept murailles de circonvallation, construites avec des
blocs taillés et polis, de plus en plus hauts vers l'intérieur et de couleurs
variées en concordance astrologique avec les sept planètes. Le palais était
couvert de tuiles d'argent, les solives étaient plaquées d'or. L'éclairage,
dans ses salles à minuit, fourni par de nombreuses lampes à l'huile de
naphte, rivalisait avec le soleil. Un paradis, le luxe des monarques
d'Orient, était planté au milieu de la ville. L'empire de Perse... était
vraiment le jardin du monde... Il reste encore à Babylone les murailles qui
avaient autrefois un développement de plus de soixante milles, et qui après
les ravages de trois siècles, et de trois conquérants ont encore plus de
quatre-vingts pieds de haut ; il y a encore les ruines du temple de Bel dont
le sommet se perdait dans les nuages. Là était établi l'observatoire dans
lequel les astronomes Chaldéens s'entretenaient la nuit avec les astres ; il
s'y trouvait encore des vestiges de deux palais avec leurs jardins
suspendus, où les arbres fleurissaient sur des terrasses élevées, et les débris
d'un système de machines hydrauliques qui leur amenait l'eau du fleuve.
Dans le lac artificiel, avec ses vastes réseaux d'aqueducs et de vannes, les
neiges fondues des montagnes d'Arménie trouvaient un débouché, et
étaient arrêtées dans leur cours à travers la ville, par les quais de
l'Euphrate. [282] Le plus merveilleux de tout, peut-être, c'était le tunnel
creusé sous le lit du fleuve 449".
Dans son livre Die ältesten Spuren des Menschen in Europa, Albrecht
Müller propose pour le siècle où nous vivons un nom caractéristique, et
suggère "l'âge du papier", peut-être aussi bon que tous ceux que l'on
pourrait offrir. Là-dessus nous ne sommes pas d'accord avec le savant
professeur. Notre ferme conviction est que les générations à venir
surnommeront notre époque tout au plus "l'âge du laiton", et, au pis aller
l'âge de l'oroïde.
449
Draper, Conflit entre la Religion et la Science, chap. 1.
L'opinion du commentateur et critique d'aujourd'hui, au sujet de la
science des anciens est limitée à l'exotérisme des temples, et ne va pas au
delà. Il ne veut ou ne peut pénétrer dans le mystérieux sanctuaire de
l'antiquité, où l'hiérophante apprenait au néophyte à considérer le culte
public sous son véritable jour. Aucun sage de l'antiquité n'eût enseigné que
l'homme est le roi de la création, et que la voûte étoilée et notre mère la
terre avaient été créées pour lui. Celui qui en douterait n'a qu'à consulter
les Oracles Chaldéens de Zoroastre pour y trouver la confirmation dans les
maximes suivantes :
Ne porte point ton esprit vers les vastes étendues de terre,
Car l'arbre de la vérité ne pousse point sur son sol.
Ne mesure point la surface du soleil, en rassemblant des
règles,
Car il est soutenu par l'éternelle volonté du Père mais
non pas pour ta convenance.
Laisse s'accomplir la course impétueuse de la lune,
Car elle se meut toujours par la force de la nécessité.
La progression des astres n'a pas été faite pour toi seul. 450
450
Psellus, Oracles Chaldéens, 4, CXLIV.
Qui servent de base à des fraudes mercenaires ;
éloignez-vous-en,
Si vous voulez avoir accès au paradis sacré de la piété,
Où se rassemblent la vertu, la sagesse et l'équité 451.
Que peut-on nommer dont ils étaient ignorants ? C'est un fait bien
démontré que le véritable méridien était correctement tracé avant que la
première pyramide fût construite. Ils avaient des horloges et des cadrans
solaires pour mesurer le temps ; leur coudée était l'unité établie de mesure
linéaire, équivalant à 1,707 pieds anglais ; suivant Hérodote ils
connaissaient aussi l'unité de poids ; quant à la monnaie, ils avaient des
anneaux d'or et d'argent évalués suivant leur poids ; ils employaient pour
leurs calculs le système décimal et le système duodécimal depuis les temps
primitifs, et ils étaient au courant de l'algèbre. Comment auraient-ils pu
autrement mettre en œuvre des forces mécaniques aussi colossales, s'ils
n'avaient pas entièrement compris la philosophie de ce que nous appelons
les forces mécaniques ?
451
Psellus, Oracles de Zoroastre, 4.
452
[Hist. nat., XIX, II, 12.]
453
[Histoire, II, § 37.]
beauté et de "l'admirable souplesse de l'étoffe de lin portée par les prêtres".
Ces derniers portaient des chaussures faites de papyrus, et des vêtements
de fine toile parce que cette déesse enseigna la première son usage ; et
ainsi, outre leur domination d'Isiaques, ou prêtres d'Isis, ils étaient aussi
connus sous celle de Linigères ou "porteurs de lin". Ce lin était filé et teint
de ces brillantes et riches couleurs, dont le secret est aujourd'hui un art
perdu. Nous trouvons souvent sur les momies les plus belles broderies
[284] et dentelles ornant leurs chemises ; plusieurs d'entre elles peuvent
être vues au musée de Boulak (au Caire), et elles sont incomparables
comme beauté ; les dessins en sont exquis, et le travail fort beau. Les
tapisseries si travaillées et si vantées des Gobelins ne sont qu'une
production grossière, comparées avec certaines broderies des anciens
Egyptiens. Nous n'avons qu'à nous reporter à l'Exode, pour voir quelle était
l'habileté de main-d'œuvre des élèves Israélites des Egyptiens, dans
l'exécution du tabernacle et de l'arche sainte. Les habits sacerdotaux, avec
leurs ornements de "grenades et de clochettes d'or", et le thummim ou
pectoral en orfèvrerie du grand-prêtre sont décrits par Josèphe comme
étant d'une incomparable beauté et d'un travail merveilleux 454, et cependant
il n'est pas douteux que les Juifs avaient emprunté aux Egyptiens les rites
et les cérémonies, et même le costume spécial des Lévites. Clément
d'Alexandrie le reconnaît à contre-cœur, et il en est de même d'Origène et
des autres Pères de l'Eglise, dont quelques-uns, comme de juste, attribuent
cette coïncidence à une farce de Satan, en anticipation sur les événements.
L'astronome Proctor dit dans un de ses livres : "Le célèbre pectoral porté
par le grand-prêtre Juif venait directement des Egyptiens". Le mot
thummim lui-même est évidemment d'origine Egyptienne, emprunté par
Moïse comme le reste ; car, plus bas, sur la même page, M. Proctor dit que
"dans le tableau souvent reproduit du Jugement, l'on voit le mort égyptien,
conduit par le dieu Horus [?], tandis qu'Anubis place sur un des plateaux
un vase que l'on suppose contenir ses bonnes actions, et que dans l'autre
plateau est l'emblème de la vérité, une représentation de Thmèi, la déesse
de la Vérité, qui figure aussi dans le pectoral judiciaire". Wilkinson dans
son livre : Manners and Customs of the ancient Egyptians, montre que le
thummim Hébreu est la forme plurielle du mot Thmèi" 455.
454
[Guerres juives, V, V, 7.]
455
Proctor, Saturn and the Sabbath of the jews, p. 309.
Les Egyptiens paraissent avoir connu tous les arts décoratifs. Leur
joaillerie et orfèvrerie d'or, d'argent et de pierres précieuses étaient
admirablement façonnées ; il en était de même de la taille, du polissage et
de la monture exécutés par leurs lapidaires, dans le plus beau style.
L'anneau d'une momie Egyptienne, si nos souvenirs sont fidèles, a été jugé
la pièce de bijouterie la plus artistique de l'Exposition de Londres en 1851.
Leur imitation en verre des pierres précieuses est bien au-dessus de tout ce
qui se fait aujourd'hui ; l'émeraude, surtout, était imitée à la perfection.
456
[The Lost Arts, pp. 12-14.]
457
[Ibid., p. 14.]
Parlant ensuite de l'habileté des anciens à travailler les métaux, le
même conférencier raconte que "lorsque les Anglais pillèrent le Palais
d'Eté de l'Empereur de Chine, les artistes Européens furent surpris de voir
les vases de métal de toute sorte si curieusement travaillés et finis, qu'ils
surpassaient de beaucoup l'habileté, tant vantée des ouvriers européens".
Des tribus de l'intérieur de l'Afrique ont offert aux voyageurs de meilleurs
rasoirs que les leurs. "George Thompson m'a dit, ajoute-t-il, qu'il avait vu à
Calcutta un homme lancer en l'air une poignée de soie floche, et un hindou
la couper en morceaux avec un sabre d'acier indigène". Il termine par cette
judicieuse remarque que "l'acier est le plus grand triomphe de la
métallurgie, et que la métallurgie est la gloire de la chimie". Il en a été
ainsi des anciens Egyptiens et des races sémitiques. Ils extrayaient l'or et le
séparaient de ses alliages avec une parfaite habileté. On trouvait le cuivre,
le plomb et le fer en abondance près de la Mer Rouge. [286]
458
[Conférence à Malvern, 28 janv. 1870, p. 16.)
459
[Operations... at the Pyramid of Gizeh in 1887, Londres, 1840, 42.]
une alternative à laquelle les archéologues ne peuvent se soustraire. Sans
cela comment auraient-ils pu produire des ciselures aussi artistiques et
travailler les sculptures comme ils le faisaient ? Que les critiques
choisissent de deux choses l'une ; ou bien des outils d'acier d'une trempe
parfaite, ou alors un autre moyen de tailler la syénite, le granit et le
basalte ; dans ce dernier cas, ce procédé serait à ajouter encore au long
catalogue des arts perdus.
460
[Die ältesten Spuren, etc., pp 46-47 ]
461
[Histoire, II, 86 ]
bandelettes enveloppant les momies égyptiennes. Les bandes de toile n'ont
pas une seule couture, bien qu'elles aient une longueur de mille mètres".
Rossellini, cité dans Ancient Egypt de Kenrick, atteste de même la
merveilleuse variété et l'adresse avec laquelle les bandelettes étaient
placées et entrelacées. Il n'y a pas de fracture dans le corps humain qui
n'aurait été réduite avec succès par le prêtre-médecin de ces temps reculés.
Ce n'est pas ainsi que les choses se passent si la cérémonie sacrée est
accomplie strictement suivant les rites prescrits. Les veuves ne sont jamais
droguées dans le sens général de ce mot. Seulement, des mesures de
précaution sont prises contre un martyre physique inutile, l'atroce agonie
de la mort par le feu. L'esprit de la victime est aussi libre, aussi dégagé que
jamais, et même davantage. Croyant fermement aux promesses d'une vie
future, son âme est tout entière absorbée dans la contemplation du bonheur
qui approche, de la béatitude de "la liberté", qu'elle est près d'atteindre.
Elle meurt généralement le sourire de l'extase céleste sur les lèvres, et si
quelqu'un doit en souffrir à l'heure de la rétribution, ce n'est pas la sincère
victime de sa foi, mais les astucieux brahmanes qui savent fort bien qu'un
rite aussi barbare n'a jamais été prescrit 466. Quant à la victime elle-même,
462
Dioscoride, Περι Υαπς Ιατρικη̃ς, lib. V, ch. CXV.
463
Pline, Histoire naturelle, lib. XXXVI, ch. XI, 56.
464
[Beurre clarifié.]
465
Le P. Paulin de Saint-Barthélemy, Voyage aux Indes Orientales, vol. 1, p. 358.
466
Max Müller, le professeur Wilson et H.-J. Bushby, ainsi que plusieurs autres savants
Sanscritistes, prouvent que "les savants Orientaux, aussi bien indigènes qu'Européens ont démontré
que le rite [de la crémation des veuves] était non seulement injustifié, mais encore, par voie de
une fois consumée, elle devient une sati, pureté transcendante, et elle est
canonisée après sa mort.
déduction, interdit par les autorités les plus anciennes et les plus puissantes des Ecritures sacrées
indoues" (Bushley, Crémation des veuves, p. 21). Voir Max Müller, Mythologie Comparative. "Le
professeur Wilson, dit Max Müller, fut le premier à signaler la falsification de texte, et le
changement du terme yonim agre en celui de yonim agne [la matrice de feu]... D'après les hymnes
du Rig Veda et le cérémonial Védique contenu dans les Grihya Soutras, l'épouse accompagne le
corps de l'époux au bûcher funéraire, mais là, on lui récite un verset du Rig Veda, et on lui ordonne
de quitter son mari et de retourner dans le monde des vivants." (Mythologie Comparative, p 35.)
467
[Ancient Egypt, etc., vol. I, ch. XII, p. 215.]
longtemps avant la construction de la première pyramide qui, selon
Bunsen, date de plus de 20.000 ans. La preuve en est demeurée cachée
pendant plusieurs milliers d'années dans la pyramide de Cheops, jusqu'au
jour où le colonel Howard Wyse la découvrit, sous la forme d'un morceau
de fer enfoncé dans un des joints, où il avait été évidemment Placé à
l'époque de la construction de cette pyramide. Les Egyptologues apportent
la preuve que les anciens, dans les temps préhistoriques, étaient
parfaitement au courant de la métallurgie. "On trouve aujourd'hui encore,
au Mont Sinaï, de grands dépôts de scories produits par la fonte" 468. La
métallurgie et la chimie, telles qu'elles étaient pratiquées alors, étaient
connues sous la dénomination d'alchimie, et formaient la base de la magie
préhistorique. De plus, Moise donne la preuve de son savoir dans la chimie
alchimique en pulvérisant le veau d'or et en en jetant la poudre dans l'eau.
468
Voilà d'où vient le récit que Moise fabriqua le serpent ou Seraph d'airain que les israélites
adorèrent jusqu'au règne d'Hezekias.
469
[Histoire, IV, § 42.]
L'Egypte, vieillie dans la sagesse, était si sûre de ses progrès et de ses
découvertes, qu'elle n'invita personne à l'admirer, et elle se souciait aussi
peu de l'opinion des Grecs bavards que nous le faisons aujourd'hui de celle
des habitants des îles Fidji".
"O Solon, Solon, disait le plus ancien des prêtres
Egyptiens à ce sage, vous autres Grecs vous êtes toujours
comme des enfants, sans expérience et sans la discipline
que crée une longue carrière !" Et le grand Solon fut fort
surpris en vérité lorsque les prêtres d'Egypte lui apprirent
que tant de dieux et de déesses du Panthéon Grec
n'étaient que les dieux déguisés de l'Egypte. Zonaras
disait avec raison : "Toutes ces choses sont venues de la
Chaldée en Egypte, et de là elles furent transmises aux
Grecs".
470
Aulu Gelle, Noet. Attic., lib. X, cap. XII
des scènes de soufflage de verre et de bouteilles ; parfois dans les
recherches archéologiques on trouve des verres et de la verrerie qui
semblent avoir été fort beaux. Sir Gardner Wilkinson dit que les Egyptiens
taillaient, meulaient et gravaient le verre, et qu'ils possédaient l'art
d'introduire de l'or entre les deux surfaces de la substance. Ils imitaient
avec le verre les perles, les émeraudes et toutes les pierres précieuses à la
perfection 471.
471
[Manners and Customs, etc., 1837, ch. IX, pp. 88-91.]
instruments de musique en Orient ; et qu'en définitive, au point de vue de
la forme, des ornements et de [293] la portée, elles sont une preuve
incontestable, plus forte que mille citations Grecques, que la géométrie, le
dessin, la mécanique et la musique avaient atteint le plus haut degré de
perfection lorsque ces instruments furent construits ; et que la période à
laquelle nous faisons remonter l'invention de ces arts n'était que le
commencement de l'ère de leur restauration" 472.
Mais les Egyptiens n'étaient pas le seul peuple de ces époques reculées
que leurs entreprises aient placés dans une position aussi en vue, aux yeux
de la postérité. A part d'autres nations dont l'histoire est à présent voilée
par les brumes de l'antiquité, telles que les races préhistoriques des deux
Amériques, de Crète, de Troade, des Lacustres, du continent submergé de
la fabuleuse Atlantide aujourd'hui classée parmi les mythes, les exploits
des Phéniciens leur impriment presque le sceau de demi-dieux.
472
[Travels to Disconer the Source of the Nile, etc., 2ème édit., 1873, p. 132.]
473
[Cf. Papyrus Ebers, etc., Leipzig, 1873.]
travers toutes les autres régions habitées. Ils ont visité les régions
Arctiques d'où ils rapportaient la notion de jours éternels sans nuit,
qu'Homère mentionne dans l'Odyssée 474. Des Iles Britanniques, ils
importèrent de l'étain en Afrique, et l'Espagne fut un lieu favori pour
l'établissement [294] de leurs colonies. La description de Charybde répond
si parfaitement au maëlstrom, "qu'il est difficile d'imaginer, dit l'auteur
cité, qu'il ait eu un autre prototype". Leurs explorations paraissent s'être
étendues dans toutes les directions, leurs voiles blanchissant l'Océan Indien
aussi bien que les fjords de Norvège. Différents auteurs reconnaissent
qu'ils ont créé des établissements dans les endroits les plus reculés ; tandis
que toute la côte méridionale de la Méditerranée était couverte de leurs
villes. Une grande partie du territoire Africain fut, assure-t-on, peuplé par
des races chassées par Josué et les enfants d'Israël. A l'époque où écrivait
Procope, il y avait encore debout, dans la Mauritanie Tingitane, des
colonnes qui portaient en caractères Phéniciens l'inscription : "Nous
sommes ceux qui s'enfuirent devant le brigand Josué, fils de Nun ou
Navé" 475.
474
[LX, 86 et seq.]
475
[Procope, De Bello Vandalico, II, p. 7.]
476
Telle n'est pas notre opinion. Ils furent probablement construits par les Atlantéens.
même nous fait un récit de cette entrevue, dans son Histoire des Merveilles
de l'Univers, le chef Votan y figurant sous l'allégorie du Serpent
Navigateur. Stephens, comptant d'avance sur la découverte "d'une clé plus
sûre que la pierre de Rosette", pour déchiffrer les hiéroglyphes
américains 477, dit que les descendants des Caciques et les Aztèques sont
supposés avoir survécu, et exister encore dans les solitudes inaccessibles
des Cordillères, "déserts dans lesquels [295] aucun homme blanc n'a
encore pénétré... et qu'ils y vivent comme vécurent leurs pères,
construisant les mêmes édifices", avec les mêmes ornements de sculpture
et de moulage" ; "de grandes et vastes cours", des "tours élevées avec de
hautes séries de marches", et gravant encore sur des tables de pierre les
mêmes hiéroglyphes mystérieux". Il ajoute : "Je me tourne vers cette vaste
région inconnue, que pas une route ne traverse, et où l'imagination nous
dépeint cette mystérieuse cité, aperçue du sommet des Cordillères, peuplée
d'aborigènes insoumis, et que nul n'a visités ni n'a vus".
Outre que cette mystérieuse cité a été vue d'une grande distance par de
hardis voyageurs, son existence n'est pas absolument improbable, car qui
peut dire ce que devint le peuple primitif qui fuyait devant les brigands
rapaces de Cortes et de Pizarre ? Le Dr Tschudi, dans son ouvrage sur le
Pérou 478, nous parle d'une légende Indienne, qui rapporte qu'un convoi de
10.000 lamas, chargés d'or pour compléter la rançon de l'infortuné Inca, fut
arrêté dans les Andes par la nouvelle de sa mort, et que l'énorme trésor fut
si efficacement caché, que pas la moindre trace n'en a jamais été trouvée.
Ainsi que Prescott et d'autres auteurs, il nous apprend que les Indiens ont
conservé jusqu'à ce jour leurs traditions et leur caste sacerdotale et qu'ils
obéissent fidèlement aux ordres de chefs choisis parmi eux, tout en
professant de nom la religion catholique, et obéissant en apparence, aux
autorités Péruviennes. Les cérémonies magiques pratiquées par leurs
ancêtres sont encore en honneur parmi eux, et les phénomènes magiques se
produisent. Ils persévèrent à un tel point dans leur fidélité au passé, qu'il
paraît impossible qu'ils ne soient pas soutenus par quelque autorité occulte
qui encourage et fortifie leur foi, et la maintient toujours vive. N'est-il pas
possible que cette source de foi immortelle réside dans cette ville
mystérieuse avec laquelle ils sont en communication secrète ? Ou bien
477
Incidents d'un voyage dans le Centre-Amérique, à Chiapas et dans le Yucatan, vol. II, p. 457,
12ème édit., 1846.
478
[J.J. von Tschudi et M.E. de Rivero, Antiguedades Peruanas, 1831.]
devons-nous encore croire que tout ce que nous venons de signaler ne sont
que de "curieuses coïncidences" ?
479
[Stephens, op. cit., II, pp. 195-196 ; 12ème éd., 1846.]
pays Bouddhiques viennent parfois les visiter ; mais leurs villes ne sont
pas indiquées sur les cartes européennes ou asiatiques ; et, soit par crainte
des trop zélés et trop entreprenants missionnaires chrétiens, soit pour
d'autres raisons plus mystérieuses qui leur sont propres, les rares indigènes
des autres pays qui connaissent ces deux villes n'en font jamais mention.
La nature a ménagé d'étranges retraites et des recoins mystérieux pour ses
favoris ; et malheureusement ce n'est que loin des contrées, soi-disant
civilisées, que l'homme est libre d'adorer la Divinité comme le faisaient ses
pères.
Il n'y a pas jusqu'au savant et sobre Max Müller qui ne soit, jusqu'à un
certain point, incapable à se débarrasser des coïncidences. Elles viennent
vers lui sous la forme des découvertes les plus inattendues. Ces Mexicains,
par exemple, dont l'origine obscure n'a suivant toutes les lois de
probabilité, aucun rapport avec [297] les Aryens de l'Inde, représentent
néanmoins, tout comme les Hindous, une éclipse de lune, comme "la lune
dévorée par un dragon" 480. Et quoique le professeur Müller admette que
Humbolt soupçonnait l'existence de relations historiques entre ces deux
peuples, et qu'il les considère lui-même comme possibles, il ajoute
néanmoins que la concordance de ce fait "n'est pas nécessairement le
résultat de relations historiques quelconques". Ainsi que nous l'avons
déclaré plus haut, l'origine des aborigènes de l'Amérique est une question
fort embarrassante pour ceux qui sont intéressés à suivre les traces de la
filiation et des migrations des peuples. En dépit des travaux de Brasseur de
Bourbourg et de son excellente traduction du célèbre Popol-Vuh, que l'on
attribue à Ixtlilxochitl, après en avoir bien pesé le contenu, l'antiquaire
reste comme avant plongé dans l'obscurité. Nous avons lu le Popol-Vuh
dans sa traduction originale 481, et l'analyse qu'en a faite Max Müller, et
nous trouvons qu'elles jettent une si vive lumière, qu'il n'est pas étonnant
que les savants sceptiques et terre-à-terre en aient été aveuglés. Mais s'il
faut juger un auteur par ses écrits, le professeur Max Müller n'est pas un
incrédule déloyal ; et de plus, peu de choses importantes lui échappent.
Comment se fait-il donc qu'un homme d'une érudition aussi vaste et aussi
rare, accoutumé comme il l'est à embrasser d'un coup d'œil d'aigle les
traditions, les coutumes religieuses et les superstitions d'un peuple, en y
480
Max Müller, "Popol-Vuh" dans Chips from a German Workshop, vol. I, p 331.
481
[Brasseur de Bourgbourg, Popol-Vuh, Le livre sacré et les mythes de l'Antiquité américaine,
Paris, 1861.]
découvrant la moindre similitude, et en en saisissant les plus petits détails,
n'ait point compris l'importance, ni même soupçonné l'existence de ce que
l'humble auteur du présent volume, qui n'a, beaucoup s'en faut, ni son
éducation scientifique ni son érudition, a saisi à première vue ? Quelque
fallacieuse et dénuée de garantie que puisse paraître à bien des gens cette
remarque, il nous semble que la science perd plus qu'elle ne gagne à
négliger la littérature ésotérique ancienne et même médiévale, ou plutôt ce
qu'il en reste. Pour quelqu'un qui se consacre à cette étude, bien des
coïncidences se transforment en résultats naturels de causes antérieures
aisées à démontrer. Nous pensons pouvoir comprendre comment il se fait
que le professeur Müller avoue "que de temps à autre... on s'imagine voir
clair dans certaines époques et à certains indices, tandis qu'à la page
suivante tout redevient chaos" 482. N'est-ce pas tout simplement que ce
chaos soit rendu aussi intense par le fait que la plupart des savants, portant
toute leur attention sur l'histoire, passent par-dessus tout ce qu'ils traitent
de "vague, contradictoire, [298] miraculeux, absurde". Malgré le sentiment
qu'il y a "une base de nobles conceptions qui a été dénaturée et masquée
par une végétation de fantastiques sottises, le professeur Müller ne peut
s'empêcher de comparer ces sottises aux contes des Mille et une Nuits.
482
Max Müller, Popol-Vuh, dans Chips, etc., vol. I, p. 331.
483
Pourquoi pas les sacrifices humains dans les anciens cultes ?
démontrée par les ossements humains d'une dimension extraordinaires
trouvés dans les cavernes situées près de cette région, et que les géologues
supposent avoir appartenu à une race éteinte longtemps avant
l'immigration Aryenne. Charybde, ainsi que nous l'avons vu, a été reconnu
dans le Maëlstrom ; et les Roches errantes 484 dans les énormes glaçons des
mers Arctiques.
484
Odyssée, XII, 71 et seq.
485
Chips from a German Workshop, p. 268.
Both-Al d'Irlande indique clairement son origine, le Betylos des Grecs et le
Beth-el de Chanaan. "L'histoire, dit M. de la Villemarqué, qui n'a pas pris
de notes à ces époques lointaines, peut plaider l'ignorance, mais la science
des langues affirme. La Philologie, avec une probabilité sans cesse
croissante, renoue la chaîne à peine rompue entre l'Orient et l'Occident" 486.
486
Villemarqué, membre de l'Institut : vol. LX ; Collection et Nouvelle Série, 24, p. 570, 1863 ;
Poésie des cloîtres Celtiques.
487
Archéol., vol. XXV, p. 220. Londres, "Observations on Dracontia", par le Rev. John Bathursti
Deane.
l'origine du culte Ophique et héliolâtre, la forme des monuments coniques
et des obélisques, doit remonter à l'Hermès Trismégiste Egyptien 488. Où
donc devons-nous chercher ce renseignement si ce n'est dans les livres
Hermétiques ? Est-il vraisemblable que les auteurs modernes en sachent
davantage ou même autant, au sujet des anciens mythes et des cultes de
l'antiquité, que ceux qui les enseignaient à leurs contemporains ?
Evidemment, deux choses sont nécessaires : la première, c'est de retrouver
les Livres d'Hermès qui manquent ; et la seconde d'avoir la clé pour les
comprendre, car il ne suffit pas de les lire. A défaut de cela, nos savants en
sont réduits à des spéculations stériles, de même que, pour une raison
analogue, les géographes perdent leur temps en vaines recherches des
sources du Nil. En vérité l'Egypte est l'asile du mystère.
488
Archéol., vol. XXV, p. 92. Londres.
489
[Les Hauts Phénomènes, etc., p. 58.]
490
[Procope, De Bello Vandalico.]
491
[Eusèbe, Chronica, ch. I, cap XIII]
Il est possible que ce soit une simple coïncidence ; car l'identification
de l'un avec l'autre repose sur un assez pauvre argument. "Mais on sait,
ajoute de Bourbourg, que ce prince et, selon d'autres, son père Bel ou Baal
reçut, comme le Nin des Tzendales, les hommages de ses sujets sous la
forme d'un serpent". Cette dernière assertion, outre qu'elle est fantastique,
ne se trouve confirmée nulle part dans les traditions babyloniennes. Il est
vrai que les Phéniciens représentaient le soleil sous l'image d'un dragon ;
mais tous les autres peuples qui symbolisaient leurs dieux solaires ont fait
de même. D'après Castor et Eusèbe qui le cite, Bélus, le premier roi de la
dynastie Assyrienne, fut déifié, c'est-à-dire classé parmi les dieux, "mais
seulement après sa mort" 492. Ainsi, ni lui ni son fils Ninus ou Nin ne
pouvaient avoir reçu leurs sujets sous la forme d'un serpent, quoi qu'aient
fait les Tzendales. Bel, d'après les Chrétiens, c'est Baal ; et Baal, c'est le
diable, depuis que les prophètes de la Bible ont désigné de la sorte toutes
les divinités de leur voisins ; c'est pourquoi Bélus, Ninus et le Nin
Mexicain sont des serpents et des diables ; et comme le diable ou père du
mal, est un, sous une foule de formes, il s'ensuit que, sous quelque nom
que le serpent apparaisse, c'est le Diable. Etrange logique ! Pourquoi ne
pas dire que Ninus l'Assyrien, représenté comme le mari et la victime de
l'ambitieuse Sémiramis, était grand prêtre aussi bien que roi de son pays ?
Que c'est en cette qualité qu'il portait sur sa tiare les emblèmes sacrés du
dragon et du soleil ? De plus, comme le prêtre prenait généralement le nom
de son Dieu, Ninus est représenté recevant ses sujets, comme représentant
de ce dieu-serpent. L'idée est éminemment Catholique Romaine, et elle n'a
d'ailleurs guère de portée, comme toutes leurs inventions. Si Nuisez de la
Vega était si désireux d'établir une filiation entre les Mexicains et les
adorateurs du soleil Biblique et du serpent, pourquoi n'a-t-il pas montré
une autre et meilleure ressemblance entre eux, sans aller chercher chez les
Ninivites et les Tzendales les sabots et les cornes du diable chrétien ?
[302]
492
Brasseur de Bourbourg, Cartas, p. 52.
dans l'idolâtrie. Après leur séparation d'avec leurs compagnons, guidés par
un chef nommé Tanub, ils avaient erré d'un continent à l'autre, et étaient
arrivés à un endroit nommé les Sept Cavernes dans le royaume du
Mexique, où ils fondèrent la célèbre ville de Tula, etc. 493.
493
Voir Stephem, Travels in Central America, etc., II, p. 172.
494
[Cronica de la Provincia... de Guatemala, 1714.]
495
[Voir F.A. de Fuentes y Guzman, Historia de Guatemala, etc., vol. II, p. 170.]
496
[The antiquities of Mexico, Londres, 1848.]
anagkés, "l'Inévitable Cycle ", plus généralement connu sous la
désignation de "cycle de nécessité" ; inexorable sentence imposée à chaque
âme après la mort corporelle, et après avoir été jugée dans la région
Amenthienne.
497
Cartas, etc., IV, P. 56 ; Popol-Vuh, Intr. p. 89.
498
Die Phönizer, vol. I, p. 70.
499
Archeologia, vol. XXV, 220.
500
Cory, Anc. Fragm., p.9 ; Eusèbe, Praep. evang., lib. I, cap. X (36). aussi Génèse, XIV.
de Chanaan. "Je suis Hivim, disent-ils. Étant un Hivim, je suis de la grande
race du Dragon (serpent). Je suis un [304] serpent moi-même, car je suis
un Hivim" 501. Et Des Mousseaux exultant parce qu'il s'imagine être sur la
trace du serpent ou plutôt du Diable, s'empresse de s'écrier : "Selon les
plus savants commentateurs de nos livres sacrés, les Chivim ou Hivim ou
Hévites étaient les descendants de Seth, fils de Chanaan, fils de Cham, le
maudit" 502.
501
Cartas, 51.
502
Hauts Phénomènes de la Magie, 51.
femmes. Comme de juste, tout chrétien protestera, mais on peut en trouver
la preuve dans la traduction de la Bible elle-même, toute revue et expurgée
qu'elle soit aujourd'hui. Jacob mourant dépeint ainsi ses enfants : "Dan, dit-
il, sera un serpent sur le chemin, [305] et une vipère sur le sentier, mordant
les talons du cheval, pour que le cavalier tombe à la renverse. J'ai espéré
ton secours, ô Eternel". De Siméon à Lévi, le patriarche dit qu'ils "sont
frères, des instruments de cruauté sont en leur demeure. Que mon âme
n'entre point dans leur conciliabule, que mon esprit ne s'unisse point à leur
assemblée" 503. Or, dans le texte original, les mots "leur conciliabule" sont
remplacés par leur SOD 504. Et Sod était le nom pour les grands Mystères de
Baal, Adonis et Bacchus, qui, tous, étaient des dieux-solaires, et avaient
des serpents pour symboles. Les cabalistes expliquent l'allégorie des
serpents de feu en disant que c'était le nom donné à la tribu de Lévi, à tous
les Lévites, en un mot, et que Moïse était le chef des Sodales 505. Voici le
moment de prouver ce que nous avançons.
503
Genèse, ch. XLIX.
504
Dunlap, dans son introduction au Sod, les mystères d'Adonis, explique le mot Sod comme
équivalent d'Arcane ; mystère religieux, et cela sur l'autorité du "Penteglott" de Shindler (1201). "Le
secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent, dit le Psaume 25, 41, grâce à une fausse
traduction des chrétiens, car le texte porte : "Sod Ihoh (les mystères d'Ihoh), sont pour ceux qui le
craignent." (Dunlap, Mystères d'Adonis, XI). "A1 [El] est terrible dans le grand Sod (Assemblée,
Mystères) des Kedeshim" (les prêtres, les sacrés, les Initiés). Psaume LXXXIX.
505
"Les membres des collèges des prêtres étaient appelés Sodales", dit le Lexique Latin de Freund
(IV, 448). "Les Sodalités étaient constituées dans les Mystères Idéens de la Puissante Mère", dit
Cicéron. (De Sénectute, 13) ; Dunlap, Mystères d'Adonis.
et que les Egyptiens mangeaient avec lui (Joseph). Cela prouve deux
choses : 1° Quelle que fût sa pensée intime, Joseph avait, du moins en
apparence, changé de religion, épousé la fille d'un prêtre de la nation
"idolâtre", et était devenu lui-même Egyptien ; autrement les Egyptiens
n'auraient jamais mangé le pain avec lui. Et 2° que plus [306] tard Moïse,
quoique n'étant pas Egyptien de naissance, le devint par son admission
dans le clergé, et qu'il fut ainsi compris au nombre des SODALES. Par
voie d'induction, le récit du "serpent d'airain" (le Caducée de Mercure ou
Asclepios, le fils du dieusolaire Apollon-Python) devient logique et
naturel. Ne perdons pas de vue que la fille de Pharaon qui sauva Moïse et
l'adopta est nommée Thermutis par Josèphe ; et ce nom, d'après Wilkinson,
est celui de l'aspic consacré à Isis 506, de plus, Moïse descendait de la tribu
de Lévi. Nous expliquerons d'une manière plus complète dans le quatrième
volume les idées cabalistiques concernant les livres de Moïse et le grand
prophète lui-même.
506
Voir Wilkinson, Manners and Customs, etc., 1837, vol. V, pp. 64, 66, 239.
507
Brasseur de Bourbourg, Nations civilisées du Mexique, vol. I, p. 382 ; vol. II, pp. 137, 564. [Cf.
Fuentès, Hist. de Guatém., II, pp. 44-45.]
Montezuma. Il dit : "Le Nagualisme et le culte Woudou", ainsi qu'il
nomme ces deux étranges sectes, "sont ni plus ni moins le culte du diable".
Un rapport adressé aux Cortès en 1812 par don Pedro Baptista Pino dit :
"Tous les pueblos ont leurs artufas, c'est ainsi que les natifs appellent des
chambres souterraines n'ayant qu'une seule porte, où ils se rassemblent
pour célébrer leurs fêtes et tenir leurs réunions. Ce sont des temples
impénétrables... et les portes en sont toujours fermées aux Espagnols."
[307]
"Tous ces pueblos, malgré l'autorité que la religion
exerce sur eux, ne peuvent oublier une partie des
croyances qui leur ont été transmises, et qu'ils ont bien
soin de transmettre à leurs descendants. De là vient le
culte qu'ils rendent au soleil et à la lune et aux autres
corps célestes, et le respect qu'ils professent pour le feu,
etc.
Les chefs du pueblo paraissent en même temps en être
les prêtres ; ils accomplissent divers rites simples, par
lesquels on reconnaît la puissance du soleil et de
Montezuma, aussi bien que celle du Grand Serpent,
auquel (suivant certaines narrations), ils sont redevables
de la vie par ordre de Montezuma. Ils officient aussi dans
certaines cérémonies dans le but d'obtenir la pluie.
Certaines peintures représentent le grand serpent avec un
homme contrefait aux cheveux rouges, et qui est, dit-on,
la représentation de Montezuma. Il y avait aussi en 1845,
dans le pueblo de Laguna, une grossière effigie ou idole
de ce dernier, destinée en apparence à reproduire
uniquement la tête de la divinité" 508.
508
Catholic World, N.Y., janvier 1877. Article "Nagualisme, Woudouisme, etc."
disséminés de par le monde, une poignée d'étudiants penseurs et solitaires
qui passent leur vie dans l'obscurité, loin des bruits du monde, à étudier les
grands problèmes des univers physiques et spirituels. Ils ont leurs archives
secrètes dans lesquelles sont conservés les fruits des travaux scolastiques
de la longue série de reclus dont ils sont les successeurs. La science de
leurs premiers ancêtres, les sages de l'Inde, de Babylone, de Ninive et de
l'impériale Thèbes ; les légendes et les traditions commentées par les
maîtres de Solon, de Pythagore et de Platon, dans les salles de marbre
d'Héliopolis et de Saïs ; traditions qui, de leur temps déjà, brillaient
faiblement en se dégageant des épaisses brumes du passé ; tout cela, et
bien d'autres choses encore sont consignées sur des parchemins
indestructibles, et transmises avec un soin jaloux d'un adepte à un autre.
Ces hommes croient que l'histoire de l'Atlantide n'est pas une fable, et ils
soutiennent qu'à différentes époques du passé, là où aujourd'hui il n'y a que
le désert de l'Océan, existaient des [308] îles immenses et même des
continents. L'archéologue trouverait s'il pouvait les explorer, dans ces
temples et ces bibliothèques engloutis, des matériaux pour combler toutes
les lacunes qui existent dans ce que nous nous imaginons être l'histoire. Ils
disent qu'à une époque éloignée, un voyageur pouvait traverser ce qui est
aujourd'hui l'Océan Atlantique, dans presque toute son étendue par terre,
n'ayant à franchir en bateau que l'espace d'une île à une autre, séparées
entre elles par de petits détroits.
La parenté que nous supposons avoir existé entre les races cis-
atlantiques et trans-atlantiques est confirmée par la lecture de merveilles
accomplies par Quetzal-Cohuatl, le magicien Mexicain. On peut assimiler
sa baguette à la verge traditionnelle de Moise, verge qui florissait dans le
jardin de Raguel-Jethro son beau-père, et sur laquelle était gravé le nom
ineffable 509. Les "quatre hommes" décrits comme les quatre ancêtres réels
de la race humaine, "qui ne furent ni engendrés par les dieux, ni nés d'une
femme", mais dont la "création fut une merveille accomplie par le
Créateur" et qui furent formés après trois tentatives infructueuses,
présentant également des points de ressemblance frappants avec les
explications ésotériques des Hermétistes 510 ; ils rappellent
509
[Nombres, XVII, 8.]
510
Dans Hésiode [Les Travaux et les Jours, 190-2], Zeus crée sa troisième race d'hommes du
fresne. Dans le Popol-Vuh [I, III, pp 25-26], on nous dit que la troisième race d'hommes fut créée de
l'arbre tzite et que les femmes sont tirées de la mœlle d'un roseau que l'on nonune "zibac". Voilà
encore une étrange coïncidence.
incontestablement les quatre fils de Dieu de la théogonie égyptienne. De
plus, ainsi que chacun peut s'en rendre compte, la ressemblance de ce
mythe avec la narration consignée dans la Genèse est manifeste même
pour un observateur superficiel. Ces quatre ancêtres "raisonnaient et
parlaient, leur vue n'avait pas de limites, et ils savaient toutes choses
d'emblée. Lorsqu'ils eurent rendu grâces à leur Créateur de leur existence,
les dieux furent effrayés, et ils soufflèrent un nuage sur les yeux des
hommes, afin qu'ils ne pussent voir au delà d'une certaine distance et qu'ils
ne soient pas semblables aux dieux eux-mêmes" 511. Cela a un rapport direct
avec la phrase de la Genèse : "Voici, l'homme est devenu comme l'un de
nous, connaissant le bien et le mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa
main, de prendre de l'arbre de vie", etc. Et ailleurs : "Et pendant qu'ils
dormaient, Dieu leur donna des femmes", etc.
511
Popol-Vuh, III, II, pp 199-205 ; voir aussi la revue par Max Müller, in Chips, etc., conf. XIV, pp.
813 et seq.
512
[Chips, etc, I, p. 340.]
est bi-sexuel – "il les créa mâle et femelle" – ce qui correspond aux
divinités hermaphrodites des mythologies subséquentes ; le second, Adam,
fait de "la poussière de la terre" est uni-sexuel, correspond aux "enfants de
Dieu" du chapitre VI ; le troisième, les géants ou nephilim, auxquels il
n'est fait qu'une allusion dans la Bible, mais qui sont pleinement décrits
ailleurs ; le quatrième est l'ancêtre des hommes dont les filles étaient
belles".
513
[Actuellement appelé Angkor-Vat.]
le désespoir des archéologues Européens qui s'aventurent au Siam. Et
lorsque nous disons ruines, c'est à peine si l'expression est correcte ; car
nulle part on ne trouverait des constructions d'une antiquité aussi colossale,
dans un meilleur état de conservation que celles de Nagkon-Wat, et du
grand temple d'Angkorthôm.
514
Frank Vincent Jr., The Land of the White Elephant, p. 209.
"Nous entrâmes dans une immense chaussée, dont les
degrés étaient flanqués de six gigantesques griffons,
taillés chacun dans un seul bloc de pierre. La chaussée...
a 725 pieds de long, et elle est pavée de dalles mesurant
chacune quatre pieds de longueur, sur deux de large. De
chaque côté se trouvent des lacs artificiels alimentés par
des sources, et couvrant chacun une superficie de cinq
acres... Le mur extérieur de Nagkon-Wat [la cité des
monastères], est d'un demi-mille carré..., avec des
portes..., qui sont admirablement sculptées de figures de
dieux et de dragons... Les fondations ont dix pieds de
profondeur... L'édifice entier..., y compris le toit, est en
pierre, mais sans ciment et les joints en sont si
exactement rassemblés, que même aujourd'hui ils sont à
peine perceptibles... La forme de l'édifice est
rectangulaire, de 796 pieds de long, et 588 de large. La
pagode centrale, la plus haute, s'élève à 250 et quelques
pieds au-dessus du sol, et quatre autres, aux angles de la
cour, ont environ 150 pieds de haut" 515.
515
Op. cit., pp. 210-213.
des dalles de grès de six pieds de large, et représentant
des scènes tirées de la mythologie hindoue, du [314]
Ramayana, le poème épique sanscrit de l'Inde avec ses
25.000 vers décrivant les exploits du Dieu Rama et du
fils du roi d'Oudh. Les démêlés du roi de Ceylan et
d'Hanouman 516, le Dieu-singe, y sont graphiquement
représentés. Il n'y a pas de clé de voûte dans le cintre de
ce corridor…. Les murs sont couverts de sculptures de
100.000 figures séparées…. Une scène [du Ramayana]
occupe 240 pieds du mur…. L'on a compté dans le
Nagkon-Wat jusqu'à 1.532 colonnes massives, et dans
toutes les ruines d'Angkor…. le nombre de 6.000,
presque toutes taillées dans un seul bloc et artistement
fouillées…
Mais quia bâti Nagkon-Wat ? Et quand a-t-il été
construit ? Les savants…. ont essayé de se former une
opinion par l'étude de son mode de construction et
spécialement de son ornementation, "mais ils n'ont pas
réussi". Les historiens indigènes du Cambodge, ajoute
Vincent, comptent 2.400 ans depuis l'édification du
temple…. Je demandai à l'un d'eux depuis combien de
temps Nagkon-Wat avait été construit…. Nul ne peut dire
l'époque…. Je ne le sais pas…. I1 doit avoir surgi du sol,
516
L'Hanouman est haut de plus de trois pieds et noir comme du charbon. Le Ramayana, qui donne
la biographie de ce singe sacré, raconte que Hanouman était primitivement un chef puissant qui,
étant le meilleur ami de Rama,l'aida à retrouver sa femme Sita, qui avait été emmenée à Ceylan par
Ravana, le puissant roi des géants. Après de nombreuses aventures Hanouman fut fait prisonnier par
ce dernier, pendant qu'il visitait la ville des géants, en espion de Rama. Pour ce crime, Ravana
oignit d'huile la queue du pauvre Hanouman et y mit le feu, et c'est en cherchant à l'éteindre, que le
singe devint tellement noir que ni lui ni sa postérité ne purent jamais de débarrasser de cette
couleur. Si nous devons en croire les légendes hindoues, ce même Hanouman fut le père des
Européens ; tradition qui, bien que strictement Darwinienne, et par conséquent scientifique, n'est
aucunement flatteuse pour nous. La légende rapporte qu'en retour des services rendus, Rama, le
héros et demi-dieu, donna en mariage aux singes guerriers de son armée les filles des géants de
Ceylan – les Rakshasas – en leur garantissant en outre comme douaire toutes les parties
occidentales du globe. S'y étant rendus, les singes et leurs femmes géantes vécurent heureux, et
eurent un grand nombre de descendants. Ces derniers sont les Européens actuels. On trouve de
nombreuses inscriptions Dravidiennes en Europe Occidentale, et elles indiquent qu'il existe une
origine unique de race et de langage entre ces populations. Cela ne pourrait-il pas être un indice de
la parenté des traditions de races d'elfes et des lutins en Europe, et des singes leurs alliés dans
l'Hindoustan ?
ou avoir été bâti par des géants ou peut-être même par
des anges, furent les réponses que j'obtins".
517
Incidents of Travels in Central America, vol. I, p. 105, 1846.
518
Ils n'y sont plus, car l'obélisque seul a été transporté à Paris.
519
[Voyage en Indo-Chine etc Paris, 1872.]
même source d'inspiration". "Nagkon-Wat, conclut
Vincent, doit être attribué à d'autres qu'aux anciens
habitants du Cambodge. Mais qui ?…. Il n'existe là-
dessus aucune tradition digne de foi. Tout n'est que fable
ou légende" 520.
Cette dernière phrase est devenue depuis peu une phrase à la mode
dans la bouche des voyageurs et des archéologues. Lorsqu'ils ont trouvé
qu'aucun indice n'est possible ailleurs que dans les légendes populaires, ils
tournent le dos découragés et diffèrent un verdict définitif. Vincent cite en
même temps un auteur qui fait remarquer que ces ruines "sont aussi
imposantes que celles de Thèbes, ou de Memphis, mais plus
mystérieuses". Mouhot 521 pense qu'elles ont été bâties par quelque Michel-
Ange de l'antiquité", et il ajoute que Nagkon-Wat "est plus grandiose que
tout ce que nous ont laissé la Grèce et Rome". De plus, Mouhot attribue
encore cet édifice à une des tribus perdues d'Israël, et il est confirmé dans
cette opinion par Miche, l'Evêque Français du Cambodge, [316] qui
confesse avoir été frappé "du caractère Hébraïque des visages de beaucoup
de sauvages Stiens". Henri Mouhot croit que, "sans exagération, on peut
accorder aux parties les plus anciennes des ruines d'Angkor plus de deux
mille années d'existence". Cet âge, comparé à celui des Pyramides, les
rendrait presque modernes ; mais la date est d'autant plus incroyable, que
les peintures des murailles appartiennent évidemment à ces siècles
archaïques, où Poseidon et les Kabires étaient adorés sur tout le continent.
Si Nagkon-Wat avait été construit, comme le prétend le Dr Adolf
Bastian 522, "pour la réception du savant patriarche Bouddhagosha qui
apporta de Ceylan les livres sacrés du Trai-Pidok", ou, comme le dit
l'évêque Pallegois, qui place la construction de cet édifice pendant le règne
du Phra Pathum Suriving, au moment où les livres sacrés du Bouddhisme
furent apportés de Ceylan, et où le Bouddhisme devint la religion des
Cambodgiens", comment expliquer ce qui suit ?
"Nous voyons sculptées dans le même temple des images
de Bouddha ayant quatre et trente-deux bras, des dieux à
deux et à seize têtes, le Vishnou hindou, des dieux avec
520
Voir The Land of the White Elephant pp. 221-222.
521
[Voyages dans les royaumes de Siam, de Laos, de Cambodge, etc., 1864.]
522
Président de la Société Royale de Géographie de Berlin.
des ailes, des têtes Birmanes, des figures hindoues, et la
mythologie Cingalaise... On y voit des guerriers montés
sur des éléphants ou dans des chariots, des soldats à pied
avec des lances et des boucliers, des bateaux..., des
tigres, des griffons..., des serpents, des poissons, des
crocodiles, des bœufs... des soldats d'un développement
physique immense, portant des casques, et des gens à
grandes barbes, probablement des Maures. Les figures,
ajoute M. Vincent, sont placées à peu près comme celles
que l'on voit sur les grands monuments de l'Egypte, le
côté presque tourné de front..., et j'ai remarqué en outre
cinq cavaliers armés d'éperons et de sabres, marchant en
ligne, comme ceux que l'on voit sur les tablettes
assyriennes au British Museum 523".
Pour notre part, nous pourrions ajouter qu'il y a sur les murs plusieurs
images de Dagon, l'homme-poisson des Babyloniens, et des dieux Kabires
de Samothrace. Cela peut avoir échappé à l'attention des rares
archéologues qui ont examiné le monument ; mais en l'inspectant de plus
près, on les y trouvera, aussi bien que le fameux père des Kabires, Vulcain,
avec ses foudres et ses outils, ayant auprès de lui un roi, sceptre en main,
contre-partie de celui de Chéronée, dit "sceptre d'Agamemnon", qui lui
avait été donné par le dieu boiteux de Lemnos. Dans un autre endroit, nous
trouvons Vulcain, reconnaissable à son marteau et à ses tenailles, mais
[317] sous la forme d'un singe, tel qu'il était habituellement représenté par
les Egyptiens.
523
The Land of the White Elephant, pp. 215, 219-220 [Cf. J.B. Pallegois, Description du royaume
Thai ou Siam, 1854.]
quelques années ? Le beau Pâris enlevant Hélène ressemble beaucoup à
Ravana, roi des géants, s'enfuyant avec Sita, femme de Rama. La guerre de
Troie est la contre-partie de la guerre du Ramayana ; de plus Hérodote
nous assure que les héros et les dieux Troyens datent en Grèce seulement
du temps de l'Iliade. Dans ce cas, Hanouman lui-même, le dieu-singe, ne
serait que Vulcain déguisé ; d'autant plus que la tradition du Cambodge fait
venir de Roma le fondateur d'Angkor, qu'ils placent à l'extrémité
occidentale du monde, et que le Rama hindou attribue également
l'Occident aux descendants d'Hanouman.
524
[Vincent, op. cit., p. 224.]
Indiens 525. D'autres auteurs aussi soupçonnaient les Juifs colons ou établis
en Judée d'être des Yadous d'Afghanistan, l'Inde ancienne 526. Eusèbe nous
apprend que "les Ethiopiens venaient des rives de l'Indus, et s'établirent
près de l'Egypte". De plus amples recherches pourraient démontrer que les
hindous Tamil, que les missionnaires accusent d'adorer le Diable, Kutti
Shattan, honorent seulement, après tout, Seth ou Satan qu'adoraient les
Hittites de la Bible.
Or il est aisé de voir que les excavateurs d'Ellora, les constructeurs des
anciennes pagodes, les architectes de Copan et des ruines de l'Amérique
Centrale, ceux de Nagkon-Wat, et ceux des restes Egyptiens étaient, sinon
de la même race, du moins de la [319] même religion, celle que l'on
enseignait dans les plus anciens mystères. De plus, les figures sur les
murailles d'Angkor sont purement archaïques, et n'ont rien de commun
avec les images et les idoles de Bouddha, qui sont probablement d'une
origine beaucoup plus récente. "Ce qui donne un intérêt particulier à cette
525
[Dans Indica. Cf. Clément d'Alex, Stromata, I, 305.]
526
La Didon phénicienne est le féminin du nom de David. Sous le nom d'Astarté, elle conduisit les
colonies phéniciennes, et son image était à la proue de leurs navires. Mais David et Saül sont des
noms appartenant aussi à l'Afghanistan.
527
(Le professeur Wilder). Cet archéologue dit : "Je considère les races Ethiopiennes, Cushites et
Chamitiques comme la race artistique et de constructeurs qui adorait Baal (Siva) ou Bel qui bâtirent
des temples, des grottes, des pyramides, et parlaient un langage d'un type particulier. Rawlinson fait
dériver ce langage de celui des Touraniens dans l'Hindoustan."
528
[Livre IX, 187-192.]
529
[Théogonie, 198-201.]
section, dit le docteur Bastian, c'est le fait que l'artiste a représenté les
différentes nationalités dans tous leurs traits caractéristiques distinctifs,
depuis le sauvage au nez plat, dans le vêtement orné de glands du Pnom et
du Lao à cheveux ras, jusqu'au Rajapoute au nez droit avec l'épée et le
bouclier, et le Maure barbu, formant un catalogue de nationalités, comme
une autre colonne de Trajan, avec la conformation physique prédominante
de chaque race. En résumé, il y a une telle prépondérance du type Grec
dans les profils et les traits, de même que dans l'élégante attitude des
cavaliers, que l'on pourrait supposer que, dans l'antiquité, Xénocrate, après
avoir terminé ses travaux à Bombay, avait fait une excursion dans l'est" 530.
C'est pourquoi si nous acceptons que les tribus d'Israël aient mis la
main à l'édification de Nagkon-Wat, ce ne peut être celles qui furent
dénombrées et envoyées à la recherche de la terre de Chanaan, dans le
désert de Paran, mais bien leurs ancêtres, ce qui équivaut au rejet de ces
tribus, comme conséquence de la révélation mosaïque. Mais où est la
preuve historique que l'on ait entendu parler de ces tribus, avant la
compilation de l'Ancien Testament, par Esdras ? Certains archéologues
sont fermement convaincus que les douze tribus ne sont qu'un mythe 531, car
il n'y a jamais eu de tribu de Siméon, et celle de Lévi était une caste. Le
même problème reste encore à résoudre, à savoir si les Juifs ont jamais été
en Palestine avant Cyrus. Depuis les fils de Jacob, qui avaient tous épousé
des Chananéennes, excepté Joseph, dont la femme était la fille d'un prêtre
Egyptien du Soleil, jusqu'au légendaire Livre des Juges, on reconnaît que
les unions furent ouvertement pratiquées entre les dites tribus et les races
idolâtres. "Et les enfants d'Israël habitèrent au milieu des Cananéens, des
Hittites, des Amoréens, des Phéréziens, des Héviens et des Jébusiens ; ils
prirent leurs filles pour femmes et ils donnèrent à leurs fils leurs propres
filles, et ils servirent leurs dieux ", dit le troisième chapitre des Juges... "et
les enfants d'Israël... oublièrent le Seigneur leur Dieu et ils servirent Baal
et les idoles". Ce Baal était Moloch, M'Ich Karta ou Hercule. Il était adoré
partout où allaient les Phéniciens. Comment les Israélites auraient-ils pu se
maintenir en tribus puisque, sur l'autorité même de la Bible, nous voyons
[320] que des populations entières étaient d'année en année violemment
enlevées par les Assyriens et autres conquérants ? "Et Israël a été emmené
captif loin de son pays en Assyrie, où il est resté jusqu'à ce jour. Le Roi
530
[Vincent, op. cit., p 216.]
531
Le professeur A. Wilder entre autres.
d'Assyrie fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d'Awa, de Hameth et
de Sépharvaim ; et les établit dans les villes de Samarie à la place des
enfants d'Israël" (2 Rois, XVII, 23, 24) 532.
532
2 Rois XVII, 23-24.
533
Voir la traduction de l'Aytareya Brahmanam, par Martin Haug.
534
[Scholia in Apollonium Rhodium, I, 917.]
chercher [321] son origine bien avant l'époque de Moïse. Le nom de
Phénicien apporte avec lui sa propre preuve. Ils sont appelés Φυινικες par
Manetho, ou Ph'Anakes, ce qui prouve que les Anakes, ou Anakim de
Chanaan, par lesquels le peuple d'Israël s'il n'était pas de race identique,
avait fini par être absorbé, à la suite de mariages, étaient les Phéniciens ou
les problématiques Hyk-sos, comme le dit Manetho, et que Josèphe déclare
avoir été les ancêtres directs des Israélites. Ainsi donc, c'est dans ce pêle-
mêle d'opinions, d'autorités contradictoires, et cette olla podrida historique
que nous devons chercher une solution du mystère. Tant que l'origine des
Hyk-sos n'est pas positivement fixée, nous ne saurons rien de certain au
sujet du peuple Israélite qui, soit volontairement, soit autrement, a
enchevêtré sa chronologie et son origine dans un fouillis inextricable. Mais
si l'on démontre que les Hyk-sos étaient les pasteurs Palis de l'Indus, qui se
transportèrent en partie dans l'Est, et qui descendaient de tribus nomades
Aryennes de l'Inde, on se rendra, alors, plus facilement compte du mélange
existant entre les mythes Bibliques et les Dieux des Mystères des Aryens
et des Asiatiques. Ainsi que le dit Dunlap : "Les Hébreux en sortant
d'Egypte se mélangèrent aux Chananéens ; point n'est besoin de chercher
leur trace au-delà de l'Exode. C'est là leur commencement historique. Il
était très facile de masquer cet événement lointain par le récit de traditions
mythiques, et de préluder par le récit d'une origine dans laquelle les dieux
(patriarches) figuraient comme leurs ancêtres". Mais ce n'est pas leur
commencement historique qui est la question capitale pour les savants et
les théologiens. C'est leur début religieux. Et si nous pouvons suivre la
trace des Hyk-sos (des Phéniciens, des constructeurs Ethiopiens et des
Chaldéens) pour savoir si c'est aux Hindous que ces derniers doivent leurs
connaissances, ou bien si ce sont les Brahmanes qui doivent les leurs aux
Chaldéens, nous aurons le moyen de reconnaître la source et l'origine de
toutes les prétendues révélations d'affirmations dogmatiques de la Bible,
origine qu'il faut rechercher dans la pénombre de l'aurore de l'histoire ; et
cela avant la séparation des familles Aryennes et Sémitiques. Et comment
le faire plus sûrement, sinon à l'aide des moyens fournis par l'archéologie ?
L'écriture peinte peut être détruite, mais si elle survit, elle ne peut mentir ;
et si nous retrouvons les mêmes mythes, les mêmes idées, les mêmes
symboles secrets sur les monuments par tout le globe : et si, de plus, on
peut prouver que ces monuments sont antérieurs aux douze tribus "élues",
nous pourrons alors montrer, sans risque de nous tromper, qu'au lieu d'être
une révélation directe divine elle n'est qu'une réminiscence, incomplète,
une tradition se perpétuant dans une tribu, qui s'est identifiée et mélangée,
des siècles avant l'apparition d'Abraham, avec les trois grandes familles
[322] mondiales ; les nations Aryenne, Sémitique et Touranienne, si c'est
ainsi que nous devons les nommer.
Il est facile d'assigner un âge aux ruines, sur la seule preuve extérieure
des probabilités ; mais il est plus difficile de le prouver. En attendant, les
travaux cyclopéens de Ruad, de Béryte, de Marathos ressemblent même
extérieurement à ceux de Petra, de Baalbeck et d'autres édifices
Ethiopiens. D'autre part les assertions de certains archéologues qui ne
trouvent aucune ressemblance entre les temples de l'Amérique Centrale et
ceux de l'Egypte et de Siam, laissent parfaitement indifférent le
symbologiste versé dans le langage secret de l'écriture peinte. Il voit les
points de repère d'une seule et même doctrine sur tous ces monuments, et il
lit leur histoire et leur filiation dans des signes imperceptibles pour le
savant non-initié. Il y a aussi les traditions ; et une de celles-ci parle du
dernier des rois initiés – (qui n'étaient que rarement admis aux ordres les
plus élevés des confréries de l'Orient) – qui régnait en 1670. Ce roi de
Siam était celui que l'ambassadeur de France, de la Loubère, tournait en
ridicule, en le traitant de fou parce que pendant toute sa vie il avait cherché
la pierre philosophale.
535
Juges XVII-XVIII, etc.
536
L'H Zendique est l'S dans l'Inde. Ainsi Hapta est Sapta ; le mot hindou est Sindhaya (A.
Wilder)... "L'S s'adoucit graduellement en H à mesure qu'on passe de la Grèce à Calcutta, du
Caucase à l'Egypte", dit Dunlap. C'est pour cela que le K, l'H et l'S sont interchangeables.
537
Dunlap, op. cit., p. 269.
Un de ces mystérieux points de repère se trouve dans la structure
particulière de certaines arches des temples. L'auteur du Land of the White
Elephant considère comme curieuse "l'absence de clé de voûte dans les
arches de l'édifice et les inscriptions indéchiffrables" 538. Stephens avait
remarqué, lui [323] aussi, dans les ruines de Santa-Cruz del (Zuiché, un
corridor voûté sans clé de voûte. En décrivant les ruines désolées de
Palenque, et en faisant observer que les arches des galeries étaient toutes
construites sur ce modèle, et les plafonds de cette forme, il suppose que
"les constructeurs étaient évidemment ignorants des principes de l'arche et
qu'ils arrivaient à obtenir le support, en faisant déborder graduellement les
pierres à chaque assise, comme c'est le cas à Ocosingo, et dans les ruines
Cyclopéennes de Grèce et d'Italie 539. Dans d'autres constructions, bien
qu'elles appartiennent au même groupe, on constate la présence de la clé
de voûte, ce qui prouve suffisamment que son omission, ailleurs, était
préméditée.
538
Op. cit., p. 225.
539
Incidents of Travel in Central America, vol. II, pp. 313-314, 12• éd.
Ainsi, parmi les mystérieux secrets, désormais perdus pour leurs
successeurs modernes, on trouve aussi le fait que les clés de voûte n'étaient
employées que dans les arches de certaines parties des temples, consacrées
à des usages spéciaux. Une autre ressemblance que présentent les restes
architecturaux des monuments religieux de toutes les contrées se reconnaît
dans l'identité de parties, de mesures et d'exposition. Tous ces édifices
appartiennent au siècle d'Hermès Trismégiste, et quelque modernes ou
comparativement anciens que les temples paraissent, leurs proportions
mathématiques correspondent avec celles des édifices religieux de
l'Egypte. Il y a une disposition analogue dans les cours, [324] les réduits,
les passages et les escaliers ; par conséquent, en dépit de quelques
dissemblance dans le style d'architecture, on est en droit de conclure que
des rites religieux analogues étaient célébrés dans tous ces édifices. Le Dr
Stukeley dit au sujet de Stonehenge : "Cette construction n'a pas été érigée
d'après les mesures romaines, et cela est démontré par le grand nombre de
fractions que donne la mesure de chaque partie, d'après l'échelle de
mesures européennes. Au contraire, les figures sont justes, si on les mesure
suivant l'ancienne coudée, qui était commune aux enfants Hébreux de
Sem, ainsi qu'aux Phéniciens et aux Egyptiens fils de Cham [?] et
imitateurs des monuments de pierres brutes et servant à rendre des
oracles" 540.
540
[Stonehenge, a temple restor'd to the British Druids, Londres, 1740.]
sculpté sur une inscription hiéroglyphique, au-dessous d'un personnage
assis. Le personnage debout qui s'appuie sur le premier est en train de se
couvrir la tête de sa main gauche avec le voile de l'initiation, tandis qu'il
étend sa main droite, l'index et le médium levés vers le ciel. La posture est
précisément celle d'un évêque chrétien donnant la bénédiction, ou celle
dans laquelle Jésus est souvent représenté dans la Sainte Cène. On retrouve
même le dieu hindou à tête d'éléphant, le dieu de la Sagesse (ou de la
science magique), Ganesha, dans les figures en stuc des ruines mexicaines.
CHAPITRE XV
—
L'INDE BERCEAU DE LA RACE
Dr Henry MORE,
Immortalité de l'âme, 1659.
E. HARDINGE-BRITTEN,
Pays des Fantômes.
541
[Esaïe, LIII, 2-3.]
Point n'est nécessaire d'entamer une controverse pour savoir si cette
doctrine est ou non, d'accord avec les tendances iconoclastes des
sceptiques modernes. Elle est d'accord avec la vérité, et cela suffit. Il serait
oiseux d'espérer que ses détracteurs et ses calomniateurs y ajoutent foi.
Mais la tenace vitalité qu'elle manifeste dans le monde entier, partout où il
y a un groupe d'hommes pour la discuter, est la meilleure preuve que la
semence, jetée par nos pères "d'au-delà du déluge" était celle d'un chêne
robuste, et non le germe d'une théologie fongoïde. Aucun éclair lancé par
le ridicule, et jamais foudre forgée par les Vulcains [328] de la science
n'ont été assez puissants pour renverser ou éclater le tronc, ou même
imprimer un stigmate sur les branches de l'arbre universel de la
CONNAISSANCE.
Nous n'avons qu'à ignorer la lettre qui tue, et à saisir l'esprit subtil de
la sagesse cachée, pour trouver dissimulées dans les Livres d'Hermès
(qu'ils soient l'original ou la copie de tous les autres) les preuves d'une
vérité et d'une philosophie que nous avons l'intuition d'être basées sur les
lois éternelles. Nous comprenons instinctivement que, quelque bornés que
soient les pouvoirs de l'homme, durant son incarnation, ils doivent être en
relation étroite avec les attributs d'une Divinité infinie ; et nous devenons
capables de mieux apprécier le sens caché du don octroyé par l'Elohim à
Adam. "Voici, je t'ai donné tout ce qui se trouve sur la surface de la terre...
Soumets-le et exerce ton empire sur TOUT..." 542.
542
[Condensé de la Génèse, I, 28-29.]
543
Voir Galates, IV, 24 et Mathieu, XIII, 10-15.
personnalité particulière de l'homme, qui a besoin de "la fraîcheur du jour"
pour se délasser ; qui se repose de ses fatigues ; et qui est susceptible de
colère, de désir de vengeance et même de prendre des précautions contre
l'homme, "de peur qu'il n'avance la main, et ne prenne aussi de l'arbre de
vie". (Ce qui, soit dit en passant, indique de la part de Dieu la pensée que
l'homme pouvait le faire, s'il n'en avait été empêché par la force). Mais en
reconnaissant la nuance allégorique de la description de ce que l'on peut
appeler des faits historiques, nous nous trouvons aussitôt sur un terrain
solide.
544
A. Wilder dit que "Gan-dunias" est un des noms de la Babylonie.
Bien qu'elle renferme le même substratum de vérité ésotérique que
toutes les autres cosmogonies primitives, l'Ecriture Hébraïque porte en elle
les marques de sa double origine. Sa genèse est tout simplement une
réminiscence de la captivité de Babylone. Les noms de lieux, des hommes
et même des objets se retrouvent dans le texte original des Chaldéens et
des Akkadiens leurs ancêtres et leurs maîtres Aryens. On conteste
énergiquement que les tribus Akkadiennes de Chaldée, de Babylonie et
d'Assyrie aient eu le moindre lien de parenté avec les Brahmanes de
l'Hindoustan ; mais il y a plus de preuves en faveur de cette opinion que de
l'autre. On aurait peut-être dû nommer les Sémites ou Assyriens des
Touraniens et on a appelé les Mongols des Scythes. Mais, si les Akkadiens
ont jamais existé, ailleurs que dans l'imagination de quelques philologues
et ethnologues, ils n'ont certainement jamais été une tribu Touranienne,
comme quelques Assyriologues ont cherché à nous le faire croire. C'étaient
de simples émigrants allant de l'Inde, le berceau de l'humanité, [330] vers
l'Asie Mineure, où leurs adeptes sacerdotaux s'étaient arrêtés pour civiliser
et initier un peuple barbare. Halevy 545 a démontré l'erreur de la manie
Touranienne, en ce qui concerne le peuple Akkadien, dont le nom, lui-
même, a déjà changé une douzaine de fois ; et d'autres savants ont prouvé
que la civilisation Babylonienne n'était pas née dans cette contrée et ne s'y
était pas développée. Elle y fut importée de l'Inde, et les importateurs
furent des Hindous Brahmaniques.
545
[Mélanges d'épigraphie et d'archéologie sémitique, Paris, 1874.]
546
La définition exacte du nom de Touranien comprend toute famille ethnique au sujet de laquelle
les ethnologues ne savent absolument rien.
Assyriens, entre les envahisseurs Aryens de l'Europe et les populations
Ibériques (probablement Ethiopiennes) d'Europe". Dans ce cas, il doit
admettre la possibilité de ce que nous disons : que les Akkadiens étaient
une tribu des Hindous primitifs. Or, qu'ils fussent Brahmanes du
planisphère Brahmanique proprement dit (40 degrés de latitude Nord) ou
de l'Inde (Hindoustan), ou, encore, de l'Inde de l'Asie Centrale, c'est ce que
nous laisserons aux philologues des siècles futurs le soin d'élucider.
Une opinion qui, pour nous, est une certitude démontrée par la
méthode d'induction qui nous est propre, et que nous craignons de voir
médiocrement appréciée par les méthodes orthodoxes de la science
moderne, est fondée sur ce qui semblera, à cette dernière, une preuve
purement de circonstance. Pendant des années nous avons, à bien des
reprises, constaté que les mêmes vérités ésotériques étaient exprimées par
des symboles identiques et des allégories analogues, dans des contrées
entre lesquelles on n'a jamais pu trouver la moindre trace de parenté
historique. Nous avons trouvé la Cabale Juive et la Bible reproduisant les
"mythes" [331] Babyloniens 547 et les allégories Orientales et Chaldéennes,
telles qu'elles sont présentées en forme et en substance dans les plus
anciens manuscrits des Talapoins (Moines) Siamois, et dans les plus
antiques traditions populaires de Ceylan.
Dans cette Ile, nous avons un ancien et très digne ami, que nous avons
rencontré aussi dans d'autres parties du globe, un érudit Pali et Cingalais
de naissance, qui a en sa possession une curieuse feuille de palmier, à
laquelle on a donné une solidité à l'épreuve du temps, par des procédés
chimiques, et une énorme conque, ou plutôt une moitié de conque, car elle
a éclatée en deux morceaux. Sur la feuille nous avons vu la représentation
d'un géant renommé de l'antiquité Cingalaise, aveugle et démolissant avec
ses bras, qui embrassent les quatre piliers du centre, une pagode dont il fait
retomber les débris sur une foule armée d'ennemis. Sa chevelure est longue
et s'étend presque jusqu'à terre. Le possesseur de cette curieuse relique
nous apprit que le géant aveugle était "Somona le Petit" ; ainsi nommé par
opposition à Somona-Kadom le Sauveur Siamois. De plus, la légende Pali,
dans ses détails importants correspond à celle du Samson biblique.
547
Voir Bérose et Sanchoniathon ; Cory, Ancient Fragments ; Movers et autres.
et exécution, que celui des crucifix et autres objets religieux exécutés avec
la même matière à Jaffa et à Jérusalem. Dans le premier panneau est
représenté Siva avec tous ses attributs hindous, sacrifiant son fils, "unique"
ou non, c'est ce que nous ne nous sommes pas arrêtés à savoir. La victime
est placée sur un bûcher funéraire, et le père plane au-dessus d'elle avec un
glaive dégainé, prêt à frapper ; mais la face du Dieu est tournée vers une
jungle, où un rhinocéros a profondément enfoncé sa corne dans le tronc
d'un arbre gigantesque, et ne peut plus la retirer. Le panneau suivant
représente le même rhinocéros sur le bûcher, l'arme plongée dans le côté,
et la victime visée, le fils de Siva, libre et aidant le Dieu à allumer le feu
sur le bûcher du sacrifice.
C'est pour cette raison que nous ne craignons pas de maintenir notre
assertion contre l'opinion de bien des gens instruits, que, néanmoins, nous
considérons comme plus savants que nous. L'induction scientifique est une
chose, et la connaissance des faits, quelque antiscientifique qu'elle puisse
paraître au premier abord, en est une autre. Mais la science en a assez
découvert pour nous apprendre que les originaux sanscrits du Nepal ont été
traduits par les missionnaires Bouddhistes dans presque toutes les langues
Asiatiques. De même les manuscrits Palis furent traduits en siamois, et
apportés en Birmanie et au Siam ; il est donc aisé de rendre compte du fait
que les mêmes légendes religieuses et les mêmes mythes circulent dans
548
Movers, Die Phönizier, I, 86.
549
Ibidem, pp. 86-132.
550
Sanchoniathon : dans Fragments de Cory, p. 14, éd. 1832.
tous ces pays. Mais Manetho nous parle aussi de bergers Palis qui
émigrèrent en Occident ; et lorsque nous trouvons quelques-unes des plus
anciennes traditions de Ceylan dans la Cabale Chaldéenne et la Bible
Juive, nous devons penser, ou que les Chaldéens ou Babyloniens ont été à
Ceylan ou dans l'Inde, ou bien que les anciens Palis avaient les mêmes
traditions que les Akkadiens dont l'origine est si incertaine. En supposant
même que Rawlinson soit dans le vrai, et que les Akkadiens soient venus
d'Arménie, il ne suit pas leurs traces au delà. Mais comme le champ est
maintenant ouvert à toute espèce d'hypothèses, nous suggérons que cette
tribu pourrait tout aussi bien être venue en Arménie d'au delà de l'Indus, en
suivant sa route dans la direction de la Mer Caspienne, territoire qui fit
aussi partie de l'Inde d'autrefois, et de là au Pont Engin. Ou bien elle est
venue originairement de Ceylan par la même voie. Il a été impossible de
suivre, avec quelque degré de certitude, les pérégrinations de ces tribus
nomades Aryennes ; et nous en sommes réduits à juger, par induction, et
par la comparaison de leurs mythes ésotériques. Abraham lui-même, ainsi
que tous les savants le savent, pourrait bien être un de ces bergers Palis qui
émigrèrent vers l'Ouest. On dit qu'il partit d' "Ur en Chaldée" avec son
père Tharé ; et Sir Rawlinson a trouvé la ville [333] Phénicienne de Martu
ou Marathus, mentionnée dans une inscription à Ur, et il fait voir qu'elle
veut dire l'OUEST.
Si, dans un sens, leur langage semble s'opposer à leur identité avec les
Brahmanes de l'Hindoustan, il y a néanmoins d'autres raisons qui militent
en faveur de notre opinion, que les allégories bibliques de la Genèse sont
entièrement dues à ces tribus nomades. Leur nom Ak-ad est de la même
classe qu'Ad-Am, Ha-va 551, ou Ed-En "peut-être, dit le Dr Wilder, signifie-
t-il fils de Ad, comme les fils de Ad dans l'ancienne Arabie. En langue
Assyrienne Ak c'est le créateur et Ad-ad c'est AD, le père". En Araméen,
Ad signifie aussi un, et Ad-ad l'unique ; et dans la Cabale Ad-am est le
seul engendré, la première émanation du Créateur invisible. Adon c'était le
"Seigneur" dieu de Syrie, et l'époux d'Adar-gat ou Aster-'t la déesse
551
Dans un ancien livre Brahmanique intitulé : Prophéties, par Ramat-sariar, aussi bien que dans le
Manuscrit du Sud dans la légende de Krishna, ce dernier donne presque mot à mot les deux
premiers chapitres de la Genèse.Il raconte la création de l'homme, qu'il appelle Adima, en sanscrit le
"premier homme" et la première femme est nommée Heva, ce qui complète la vie. D'après Louis
Jacolliot (La Bible dans l'Inde), Krishna existait et sa légende fut écrite plus de 3.000 ans avant
Jésus-Christ.
Syrienne, qui n'était autre que Vénus Isis, Istar, ou Mylitta, etc. ; et
chacune d'elles était "la mère de tout être vivant", la Magna Mater.
552
[Genèse, IV, 20-22.]
553
Adah en Hébreu c'est עדה, et Eden עדן. Le premier est un nom de femme, le second une
désignation de lieu. Ils ont une étroite relation entre eux. Mais ils n'en ont guère avec Adam et
Akkad qui s'écrivent avec l'aleph.
secret sur Moukta et Baddha 554, attribué par les cabalistes Bouddhistes à
Kapila, le fondateur du système Sankhya ; les Brahmanas 555 ; le Stan-
gyour des Tibétains 556 ; tous ces livres ont la même base. Variant quant aux
allégories, ils enseignent la même doctrine secrète qui, lorsqu'elle sera une
fois complètement élucidée, se montrera comme l'ultima Thule de la vraie
philosophie, et découvrira ce qu'est le MOT PERDU.
N'attendons pas des savants qu'ils trouvent dans ces ouvrages quoi que
ce soit d'intéressant en dehors de ce qui a une relation directe avec la
philologie ou la mythologie comparée. Max Müller lui-même, aussitôt
qu'il parle de mysticisme et de philosophie métaphysique répandus dans
l'ancienne littérature sanscrite, n'y voit rien que des "absurdités
théologiques" et de "fantastiques sottises".
554
Ces deux mots correspondent aux termes Macroprosopos, ou macrocosme, l'absolu sans limites,
et le Microprosopos de la Cabale, la "petite face"ou microcosme, le fini et le conditionné. Ils n'ont
pas été traduits et ne le seront probablement pas non plus. Les moines Tibétains disent que ce sont
les véritables Soutras. Quelques Bouddhistes croient que le Bouddha était dans une existence
antérieure, Kapila lui-même. Nous ne voyons pas comment plusieurs érudits sanscritistes peuvent
s'imaginer que Rapila était un athée, alors que toutes les légendes nous le montrent comme l'ascète
le plus mystique, fondateur de la secte des Yoguis.
555
Certaines Brahmanas ont été traduites par le Dr Haug ; voir son "Aitareya Brahmanam".
556
Le Stan-gyour [Bstan-hgyur – prononcer Tanjour] est rempli de règles de magie, de l'étude des
puissances occultes, de leur acquisition, des charmes, des incantations, etc. ; et il est mal compris de
ses interprètes profanes, de même que la Bible Juive l'est par notre clergé, ou la Cabale par les
Rabins d'Europe.
557
L' "Aitareya Brahmanam", conférence par Max Müller, Chips, etc.
ou nationale. Elle devait être défendue contre les étrangers. Les noms les
plus sacrés des dieux, les prières à l'aide desquelles on obtenait leur faveur,
étaient gardées secrètes. Et aucune religion n'était plus exclusive que celle
des Brahmanes 558."
C'est pourquoi, lorsque nous trouvons des savants qui, parce qu'ils ont
appris d'un Srotriya – prêtre Brahmane initié aux mystères des sacrifices –
la signification de quelques rares rites exotériques, se croient capables
d'interpréter tous les symboles et avoir appris à déchiffrer les religions
hindoues, nous ne pouvons nous empêcher d'admirer l'étendue de leurs
illusions scientifiques. Nous le faisons d'autant plus, lorsque nous voyons
Max Müller lui-même affirmer que, puisqu'on naît Brahmane, que dis-je –
c'est un deux fois né – et qu'on ne peut pas le devenir, même les rangs de la
classe la plus basse, celle des Sudras, ne s'ouvriront devant un étranger".
Combien est-il encore moins probable qu'il permettrait à un étranger de
révéler au monde ses Mystères religieux les plus sacrés, dont le secret a été
si jalousement gardé de toute profanation pendant un nombre de siècles
incalculable.
558
Max Müller, Les Pèlerins Bouddhistes, in Chips, etc., I, 225.
Bardesanes, ou les Ecritures juives, à cause de leur immodestie, et de leur
défaut apparent de ce qu'un lecteur non initié se plaît à appeler "le sens
commun". Mais si nous ne pouvons les blâmer pour ce sentiment, surtout
dans le cas des livres Hébreux, et même de la littérature Grecque et Latine,
et si nous sommes tout à fait disposés à admettre avec le professeur Fiske
"que c'est un signe de sagesse de ne pas être satisfait de preuves
imparfaites", nous avons le droit, d'autre part, de nous attendre à ce qu'ils
reconnaissent que ce n'est pas une moindre preuve d'honnêteté, de
confesser sa propre ignorance, dans les cas où il y a deux côtés à la
question, pour la solution de laquelle le savant peut se tromper aussi bien
que le premier ignorant venu. Lorsque nous voyons le professeur Draper,
dans sa définition des périodes, dans The Intellectual Development of
Europe 559, établir la classification du temps comme suit : De l'époque de
Socrate, le précurseur et le maître de Platon, à Carneade, "l'âge de la foi" ;
et de Philon le juif à la destruction des Ecoles Néo-Platoniciennes par
Justinien, "l'âge de la décrépitude", nous devons en conclure que le savant
professeur connaît aussi peu les tendances réelles de la philosophie
Grecque et des écoles de l'Attique qu'il ne connaissait le véritable caractère
de Giordano Bruno. Aussi, lorsque nous voyons un des meilleurs
sanscritistes déclarer, de sa propre autorité, sans autre preuve à l'appui, que
la plus "grande partie des Brahmanas n'est qu'un tissu de divagations
théologiques", nous regrettons profondément que le professeur Max
Müller soit beaucoup plus au courant des verbes et des noms de l'ancien
Sanscrit, que de la pensée Sanscrite elle-même ; et qu'un savant, aussi
généralement disposé à rendre justice aux religions et aux hommes de
l'antiquité, fasse si effectivement le jeu des théologiens Chrétiens. "Quelle
est l'utilité du Sanscrit ?"demande Jacquemont qui, à lui seul, a commis
plus d'erreurs dans ses affirmations au sujet de l'Orient que tous les
Orientalistes réunis. A ce compte-là, il n'y en aurait aucune, en vérité. Si
nous devions échanger un cadavre contre un autre, autant vaudrait
disséquer la lettre morte de la Bible juive que celle des Vedas. [337]
Quiconque n'est pas vivifié par l'intuition, par l'esprit religieux de
l'antiquité, ne verra jamais au-delà du "radotage" exotérique.
559
[Table des Matières.]
encore que "le nez de "l'ancien des jours" est la Vie dans toutes ses
parties", nous sommes portés à le considérer comme l'incohérente
divagation d'un fou. Et lorsqu'en outre, le Codex Nazareus 560 nous apprend
qu'elle (Spiritus) invite son fils Karabtanos, "qui est fou et sans jugement"
à un crime contre nature avec sa propre mère, nous sommes assez disposés
à mettre le livre de côté avec dégoût. Mais n'est-ce que cette bêtise sans
nom qui est exprimée dans ce langage rude, voire même obscène ? On ne
peut pas plus le juger par les apparences extérieures, que les symboles
sexuels des religions égyptienne et hindoue, ou la grossière franchise
d'expression de la Sainte Bible elle-même. Pas plus, également, que
l'allégorie d'Eve et du serpent tentateur d'Eden. L'esprit inquiet, toujours
mobile et insinuant, dans sa "descente dans la matière", tente Eve ou Hava,
qui représente la matière chaotique, "folle et sans jugement". Car la
matière, Karabtanos, est le fils de l'Esprit, ou le spiritus des Nazaréens, la
Sophia-Achamofh, et celle-ci est la fille de l'esprit intellectuel pur, le
souffle divin. Lorsque la science aura effectivement démontré l'origine de
la matière, et prouvé l'erreur des occultistes et des anciens philosophes qui
soutiennent (comme le font aujourd'hui leurs descendants), que la matière
n'est qu'une des corrélations de l'esprit, alors le monde des sceptiques aura
le droit de rejeter l'antique Sagesse ou de jeter l'accusation d'obscénité à la
face des religions anciennes.
"De temps immémorial, dit Mrs Lydia Maria Child, un
emblème a été honoré d'un culte dans l'Hindoustan,
comme le type de la création, ou la source de la vie. C'est
le symbole commun de Siva [Bala, ou Maha-Deva], et il
est universellement lié à son culte... Siva n'était pas
seulement le reproducteur des formes humaines ; il
représentait le Principe Fructificateur, le Pouvoir
Générateur qui pénètre tout l'univers... De petites images
de cet emblème, sculptées en ivoire, en or ou en cristal
sont portées autour du cou comme ornement...
L'emblème maternel est également un type religieux ; et
les adorateurs de Vishnou le représentent sur leur front,
au moyen d'une marque horizontale... Faut-il s'étonner
qu'ils envisagent avec vénération le grand mystère de la
naissance de l'homme ? Sont-ils impurs parce qu'ils
560
[I, pp. 178-179.]
l'envisagent ainsi ? Ou est-ce nous qui sommes impurs de
ne pas le considérer [338] de la sorte ? Nous avons
voyagé au loin, et les routes ont été souillées, depuis que
les anciens anachorètes ont pour la première fois parlé de
Dieu et de l'âme, dans les profondeurs solennelles de
leurs sanctuaires primitifs. Ne nous moquons pas de leur
manière de rechercher la Cause Infinie et
Incompréhensible, à travers tous les mystères de la
Nature, de peur qu'en agissant ainsi nous ne jetions
l'ombre de notre propre grossièreté sur leur simplicité
patriarcale" 561.
Nombreux sont les savants qui ont essayé de leur mieux de rendre
justice à l'Inde antique. Colebrooke, Sir William Jones, Barthelémy Saint-
Hilaire, Lassen, Weber, Strange, Burnouf, Hardy, et finalement Jacolliot,
ont tous apporté leur témoignage en faveur de ses belles couvres en
matière de législation, d'éthique, de philosophie et de religion. Aucun
peuple n'est parvenu à une aussi remarquable grandeur de pensée, dans les
conceptions idéales de la Divinité et de son produit, l'HOMME, que les
métaphysiciens et les théologiens Sanscrits. "Mes reproches contre
beaucoup de traducteurs et d'Orientalistes, dit Jacolliot, sont, tout en
admirant leur profond savoir, que n'ayant pas vécu dans l'Inde, ils
manquent d'exactitude dans l'expression et la compréhension du sens
symbolique des chants poétiques, des prières, et des cérémonies, et
tombent ainsi trop souvent dans des erreurs matérielles, soit de traduction
soit d'appréciation 562". Plus loin, cet auteur qui, par suite d'un long séjour
dans l'Inde et de l'étude de sa littérature, est plus à même de l'apprécier et a
mieux qualité pour en témoigner que ceux qui n'y ont jamais été, nous dit
que "l'existence de plusieurs générations suffirait à peine pour lire les
œuvres que l'Inde ancienne nous a laissées sur l'histoire, la morale, la
poésie, la philosophie, la religion, différentes sciences et la médecine". Et
cependant Louis Jacolliot n'a pu en juger que par les quelques fragments
qu'il a pu examiner grâce à la complaisance et à l'amitié de quelques
Brahmanes avec lesquels il s'était lié. Lui montrèrent-ils tous leurs
trésors ? Lui ont-ils expliqué tout ce qu'il aurait désiré apprendre ? Nous en
doutons, car sans cela il n'aurait pas jugé leurs cérémonies religieuses avec
561
The Progress of Religious Ideas through Successive Ages, vol. I, p. 17.
562
La Bible dans l'Inde, I, ch. I.
autant de précipitation qu'il l'a souvent fait, simplement, sur des preuves
accessoires.
563
La Bible dans l'Inde
chrétienne 564". Quoi que puissent penser les autres Orientalistes visés par
ce lettré Pensylvanien, Sir William Jones est d'un avis différent. "Il est
clair, dit-il dans la Préface à ses Ordonances of Manu, que puisque ces lois
ne comportent que 2.685 vers, elles ne peuvent pas être la totalité de
l'œuvre attribuée à Soumati, laquelle est probablement celle désignée sous
le nom de Vriddha Manava, ou Ancien Code du Manou, qui n'a pas encore
été entièrement reconstruite, quoique beaucoup de passages du livre aient
été conservés par tradition, et soient souvent cités par les commentateurs".
"Nous lisons dans la préface d'un traité sur la législation
par Narada, dit Jacolliot, préface écrite par un de ses
adeptes, un des complaisants du pouvoir Brahmanique :
Manou ayant écrit les lois de Brahma en cent mille
slocas ou distiques, qui comprenaient vingt-quatre livres
et mille chapitres, donna l'ouvrage à Narada, le sage
parmi les sages, qui l'abrégea pour l'usage du genre
humain en douze mille vers, qu'il donna à un fils de
Brighou nommé Soumati, lequel, pour la plus grande
facilité de la race humaine, les réduisit à quatre mille" 565.
[341]
Nous avons ici l'opinion de Sir William Jones qui, en 1794, affirmait
que les fragments en la possession des Européens ne pouvaient pas être
l'Ancien Code de Manou, et celle de Louis Jacolliot qui, en 1868, après
avoir consulté toutes les autorités, auxquelles il ajoutait le résultat de ses
propres, longues et patientes recherches, écrivait ce qui suit : "Les lois
hindoues furent codifiées par Manou, plus de 3.000 ans avant l'ère
chrétienne, copiées par toute l'antiquité, et surtout par Rome, qui seule
nous a laissé des lois écrites, le Code de Justinien ; lequel a été adopté
comme base par toutes les législations modernes 566".
564
Presbyterian Banner, 20 décembre 1876.
565
La Bile dans l'Inde, p. 76.
566
Ibid., p. 33.
se perd dans la nuit de la période anté-historique de l'Inde ; et que pas un
Indianiste n'a osé lui contester le titre du plus ancien législateur du monde"
(p. 350).
567
[The works of Sir William Jones, vol. III, p. 446.]
Orientalistes qui ait jamais vécu (et de plus Chrétien non pas Théosophe),
estimait que Manou est de plusieurs milliers d'années antérieur à Moïse.
Evidemment de deux choses l'une : Ou il faut refaire l'histoire de l'Inde
pour la Presbyterian Banner, ou bien les écrivains de cette famille devront
étudier la littérature hindoue, avant de critiquer, de nouveau les
Théosophes.
568
Voir Max Müller, "Lecture on the Vedas", Chips, etc., I, p. 11.
569
[La Bible dans l'Inde, pp. 33-47.]
D'après Varron, Rome fut bâtie en l'an 3961 de la période Julienne
(754 av. J : C.). La loi romaine telle qu'elle fut compilée par ordre de
Justinien, et connue sous le nom de Corpus Juris Civilis, n'était pas un
code, nous apprend-on, mais bien un digeste des coutumes de la législation
de plusieurs siècles. Quoique en fait l'on ne connaisse rien des autorités
originelles, la principale source de laquelle fut tiré le Jus scriptum ou droit
écrit, était le Jus non scriptum, ou la loi coutumière. Or c'est précisément
sur cette loi coutumière que nous voulons baser notre argumentation. La
loi des douze tables, d'ailleurs, fut compilée environ 300 ans A. U. C. 570 et
même, en ce qui concerne la loi privée, elle avait été compilée de sources
encore plus anciennes. C'est pourquoi, si ces sources antérieures se
trouvent concorder aussi bien avec les Lois de Manou, que les Brahmanes
affirment avoir été codifiées dans le Krita-Youga, époque antérieure au
Kali-Youga, nous devons supposer que cette source des "Douze Tables" en
tant que lois de coutume et de tradition, sont au moins de plusieurs
centaines d'années plus anciennes que leurs copistes. Cela seul nous
reporte à plus de 1.000 ans avant Jésus-Christ.
570
[Anno Urbis Conditae – "Année de la fondation de la Ville", c'est à-dire Rome.]
un grand nombre de lois actuelles, telles qu'elles figurent dans le Code de
Manou, pour favoriser leurs projets ambitieux. Par conséquent, ils doivent
l'avoir fait à un moment où la crémation des veuves (soutti) n'était ni
pratiquée ni envisagée, et elle l'a été pendant près de 2.500 ans. Le Code
de Manou pas plus que les Védas ne font mention d'une loi aussi barbare !
Qui ne sait, à moins d'être complètement ignorant de l'histoire de l'Inde,
que ce pays a été sur le point de se lancer dans une révolte religieuse,
occasionnée par la prohibition des Souttis par le Gouvernement Anglais ?
Les Brahmanes invoquaient un verset du Rig-Veda, qui les prescrivait.
Mais il a été démontré récemment que ce verset avait été falsifié 571. Si les
Brahmanes avaient été les seuls auteurs du Code de Manou, ou s'ils
l'avaient codifié entièrement à l'époque d'Alexandre au lieu d'y pratiquer,
simplement, des interpolations pour atteindre leur but, comment se ferait-il
qu'ils auraient négligé le point le plus important, et mis ainsi en danger leur
autorité ? Ce fait seul démontre que le Code doit être rangé parmi les plus
anciens de leurs livres.
571
Voir Roth, The burial in India ; Max Müller, Mythologie comparée (conférence) ; l'article
Wilson : "The supposed vaidic authority for the burning, of Hindu Widows", etc.
572
Bunsen indique comme première année de Menés 3645 ; Manetho 3892 avant Jésus-Christ,
Egypts'Place, vol. V, v. 34.
573
Louis Jacolliot dans La Bible dans l'Inde affirme la même chose, I, ch. VI.
légende relative à ces lieux, que la science reconnaît aujourd'hui comme le
berceau de l'humanité.
Il n'existait aucune communication avec cette belle île par mer, mais
des passages souterrains, connus uniquement des chefs, communiquaient
avec elle dans toutes les directions. La tradition parle de beaucoup de
majestueuses ruines de l'Inde, Ellora, Elephanta, et les cavernes d'Ajunta
(chaîne de Chandor), qui appartenaient autrefois à ces collèges, et avec
lesquels ces voies souterraines étaient reliées 575. Qui pourra affirmer que
l'Atlantide disparue, mentionnée aussi dans le Livre Secret, mais encore
sous un autre nom prononcé dans le langage sacré, n'existait pas encore à
cette époque ? Le grand continent disparu pourrait peut-être avoir été situé
au Sud de l'Asie s'étendant de l'Inde à la Tasmanie 576. Si l'hypothèse si
contestée aujourd'hui et même niée par quelques éminents auteurs qui la
considèrent comme une plaisanterie de Platon, se trouve jamais vérifiée,
peut-être alors les savants croiront-ils que la description du continent
habité par les dieux n'était pas tout à fait une fable. Et ils comprendront
alors que les insinuations voilées de Platon, et le fait d'en attribuer la
relation à Solon et aux prêtres Egyptiens, n'était qu'une façon prudente de
communiquer le fait au monde en combinant adroitement la vérité avec la
fiction ; il se libérait ainsi de la responsabilité d'une histoire que les
obligations imposées par son initiation lui interdisaient de divulguer.
574
Pourana signifie l'histoire ou tradition ancienne et sacrée. Voire Loiseleur Des Longchamps,
traduction de Manou et aussi L. Jacolliot, La Genèse dans l'Humanité, p. 328.
575
Il y a des archéologues qui, comme M. James Ferguson, contestent la grande antiquité voire
même d'un seul monument de l'Inde. Dans son ouvrage : Illustrations of the Rock-Cut Temples of
India, l'auteur ne craint pas d'exprimer la très extraordinaire opinion que "l'Egypte avait cessé d'être
une nation avant que le plus ancien des temples souterrains [de l'Inde] eût été creusé". En un mot, il
n'admet pas l'existence de cavernes avant le règne d'Asoka, et parait disposé à prouver que la plus
grande partie de ces temples taillés dans le roc furent exécutés à partir de l'époque de ce pieux roi
Bouddhiste jusqu'à la destruction de la dynastie Andhra de Maghada au commencement du Ve
siècle. Nous croyons cette prétention parfaitement arbitraire. Des découvertes postérieures doivent
sûrement en démontrer l'erreur et le peu de fondement.
576
C'est une étrange coïncidence que, lorsqu'on la découvrit pour la première fois, l'Amérique
portait parmi certaines tribus aborigènes le nom d'Atlanta.
Et comment le nom d'Atlanta lui-même aurait-il été inventé par
Platon ? Atlanta n'est pas un nom grec, et sa construction n'a rien en elle-
même d'hellénique. Brasseur de Bourbourg a essayé de le démontrer il y a
des années, et Baldwin, dans son livre : Prehistoric Nations and Ancient
America cite cet auteur, qui déclare que les mots Atlas et Atlantique n'ont
pas d'étymologie satisfaisante dans un langage européen quelconque. Ils ne
sont pas Grecs, et ne peuvent être rattachés à aucune langue connue de
[347] l'ancien monde. Mais dans le langage Nahualt [ou Toltec] nous
trouvons immédiatement le radical a, atl, qui signifie eau, guerre, et le
sommet de la tête... De là dérivent une foule de mots, tels que Atlan, sur le
rivage de, ou parmi l'eau ; d'où naturellement nous avons l'adjectif
Atlantique. Nous trouvons aussi Atlaca, combattre... Une cité nommée
Atlan existait lorsque le continent fut découvert par Colomb, à l'entrée du
golfe d'Uraba, dans le Darien, avec une bonne rade. Elle est maintenant
réduite à un pueblo [village] peu important, nommé Acla 577.
577
Baldwin, Prehistoric Nations, p 179, éd. 1872.
578
[Jules Marcou, Atlantic Monthly, mars 1873. Voir Thomas Belt, The Naturalist in Nicaragua,
Londres, 1873.]
sorciers ou hommes de médecine ; et c'était la région de la chaîne
Améric, haute de 3.000 pieds.
Toutefois il omet d'en mentionner le nom.
Le nom America Provincia parut pour la première fois sur une
carte publiée à St-Dié en 1507. Jusqu'à cette date, on avait cru que
cette région faisait partie de l'Inde. Cette année-là, le Nircaragua
fut conquis par Gil Gonzales de Avila.
2. "Les northmen qui visitèrent le continent au Xème siècle 579,
trouvèrent une côte, plate et basse, couverte d'épaisses forêts,
qu'ils nommèrent Markland de Mark forêt. La lettre r devait être
roulée comme dans marrick. On trouve un nom analogue dans la
région de l'Himalaya, et le nom de Montagne du Monde. Merou,
est [348] prononcé Meruah dans certains dialectes avec la lettre h
fortement aspirée. L'idée qui se présente naturellement à l'esprit
est de rechercher comment deux peuples peuvent avoir accepté un
mot d'une consonance semblable, en l'employant chacun dans leur
propre sens, et en l'appliquant au même territoire.
"Il est fort plausible, dit le professeur Wilder,
que l'Etat de l'Amérique Centrale où nous
trouvons le nom Americ "qui signifie [de même
que le mot hindou Merou] grande montagne, ait
donné son nom à ce continent. Vespucci lui
aurait donné son nom de famille s'il avait eu
l'intention de donner un titre à un continent. Si
la théorie de l'abbé de Bourbourg, donnant Atlan
comme la racine d'Atlas et d'Atlantique, était
reconnue exacte, les deux hypothèses pourraient
parfaitement s'accorder. Comme Platon n'a pas
été le seul écrivain qui ait parlé du monde au-
delà des colonnes d'Hercule et comme l'Océan
est encore peu profond et porte des plantes
marines sur toute la partie tropicale de
l'Atlantique, il n'est nullement étrange
d'imaginer que ce continent s'élevait là, ou qu'il
y avait un monde insulaire sur cette côte. Le
579
Torfœus, Historia Vinlandiæ antiques, XII, p. 60, éd. 1705.
Pacifique aussi offre des indices qui font penser
qu'il a été le populeux empire insulaire des
Malais ou des Javanais sinon un continent entre
le Nord et le Sud. Nous savons que la Lémurie
dans l'Océan Indien est un rêve des savants ; et
que le Sahara et le désert qui coupe l'Asie au
milieu furent probablement une fois le fond de
mers".
Pour continuer la tradition, nous devons ajouter que la classe des
hiérophantes était divisée en deux catégories distinctes : celle qui avait été
instruite par "les fils de Dieu" de l'Ile et initiée dans la doctrine divine de la
révélation pure, et celle qui habitait l'Atlantide disparue, si tel doit être son
nom ;celle-ci, étant d'une autre race, était née avec une vue qui embrassait
toutes les choses cachées, et était indépendante des lois de la distance aussi
bien que des obstacles matériels. En un mot, ceux-ci appartenaient à la
quatrième race d'hommes, mentionnée dans le Popul Vuh, dont la vue était
illimitée et qui savaient toutes choses aussitôt. C'était, peut-être, ce que
nous appellerions maintenant des médiums naturels de naissance, qui
n'avaient ni à lutter ni à souffrir pour obtenir leurs connaissances, qu'ils
acquéraient sans aucun sacrifice. C'est pourquoi, tandis que les premiers
marchaient sur les traces de leurs divins instructeurs, et, acquérant par
degrés leur science, apprenaient en même temps à discerner le mal du bien,
les adeptes de naissance de l'Atlantide suivaient aveuglément les
insinuations du grand et invisible "Dragon", le roi Thevetat (le serpent de
la Genèse ?). Thevetat n'avait ni appris ni acquis ses connaissances, mais,
pour emprunter une expression du Dr Wilder relativement au Serpent
tentateur, il était "une sorte de Socrate qui savait sans avoir été initié".
Ainsi, sous les mauvaises inspirations [349] de leur démon, Thevetat, la
race de l'Atlantide devint une nation de magiciens mauvais. Par suite de
cela, une guerre fut déclarée, dont l'histoire serait trop longue à raconter ;
la substance de ce récit se trouve dans les allégories dénaturées de la race
de Caïn, les géants, et de celle de Noé, et de sa famille juste. Le conflit- se
termina par la submersion de l'Atlantide ; celle-ci a été imitée par les récits
des déluges Babylonien et Mosaïque : les géants et les magiciens
moururent "ainsi que toute chair, et tout homme". Tous, sauf Xisuthrus et
Noé, qui, en substance, étaient identiques au grand Père des Thlinkitiens
dans le Popul Vuh, ou livre sacré des Guatemaliens, qui raconte aussi qu'il
se sauva dans une grande barque, comme le Noé hindou, Vaivasvata.
Si nous devons en croire la tradition, il faut ajouter foi à l'histoire qui
suit, d'après laquelle des alliances entre les descendants des hiérophantes
de l'île et ceux du Noé Atlante est issue une race mixte d'hommes justes et
de méchants. D'une part, le monde eut ses Enochs, ses Moises, ses
Gautama-Boudhas, ses nombreux "Sauveurs", et ses grands hiérophantes ;
d'autre part, il eut ses "magiciens naturels" qui, n'étant pas retenus par le
pouvoir de lumières spirituelles, et à cause de la faiblesse des organisations
physiques et mentales, profanèrent involontairement leurs précieux dons
en de mauvais usages. Moise n'eut pas une parole de blâme pour ces
adeptes de la prophétie et autres facultés qui avaient été instruits dans les
collèges de la sagesse ésotérique, mentionnés dans la Bible 580. Ses
anathèmes étaient réservés pour ceux qui, sciemment ou non, dégradaient
le pouvoir qu'ils avaient hérité de leurs ancêtres Atlantes, en le mettant au
service de mauvais esprits, pour nuire à l'humanité. Sa colère s'enflammait
contre l'esprit de Ob et non pas contre celui de OD 581. [350]
580
Livre des Rois, XXII, 14, 2° juges, XXXIV, 22.
581
Au moment de mettre sous presse, nous recevons de Paris, grâce à l'obligeance de M. John L.
O'Sullivan, les œuvres complètes de Louis Jacolliot en vingt et un volumes. Elles roulent
principalement sur l'Inde et ses antiques traditions, religion et philosophie. Cet infatigable auteur a
recueilli un monde de renseignements à différentes sources, la plupart authentiques. Tout en
n'acceptant pas ses idées personnelles sur beaucoup de points, nous reconnaissons volontiers
toutefois l'extrême valeur de ses abondantes traductions des livres sacrés de l'Inde, d'autant plus
qu'elles confirment à tous points de vue nos propres affirmations. Entre autres exemples se trouve la
question de la submersion de continents dans les temps préhistoriques.
Dans son Histoire des Vierges : Les peuples et les continents disparus, il dit : "Une des plus
anciennes légendes de l'Inde conservée dans les temples par la tradition orale et écrite, raconte qu'il
y a plusieurs centaines de mille ans, il existait dans l'Océan Pacifique un immense continent qui fut
détruit par un soulèvement géologique et dont il faut chercher les fragments à Madagascar, Ceylan,
Sumatra, Java, Bornéo et les files principales de la Polynésie.
"Suivant cette hypothèse, les hauts plateaux de l'Hindoustan et de l'Asie n'auraient été représentés à
ces époques éloignées que par de grandes iles contiguës au continent central... D'après les
Brahmanes cette contrée avait atteint un haut degré de civilisation, et la péninsule de l'Hindoustan,
agrandie par le déplacement des eaux, à l'époque du grand cataclysme, n'a fait que continuer la
chaîne des traditions primitives nées en cet endroit. Ces traditions donnent le nom de Rutas aux
populations qui habitaient cet immense continent équinoxial, et c'est de leur langue qu'est dérivé le
sanscrit. [Nous aurons quelque chose à dire au sujet de ce langage dans un autre volume.]
"La tradition Indo-Hellénique, conservée par la population la plus intelligente qui ait émigré des
plaines de l'Inde, rapporte également l'existence d'un continent et d'un peuple auxquels elle donne le
nom d'Atlantis et d'Atlantide, et qu'elle place dans l'Atlantique, dans le Nord des tropiques.
"Outre que le fait de la supposition d'un ancien continent dans ces latitudes, continent dont les traces
se retrouvent dans les îles volcaniques et les surfaces montagneuses des Açores, des Canaries et du
Cap Vert, n'est pas dépourvue de probabilité au point de vue géographique, les Grecs, qui d'ailleurs
Les ruines qui couvrent les deux Amériques, et que l'on trouve dans
beaucoup d'îles des Indes Occidentales sont toutes attribuées aux
Atlantéens submergés. Comme le faisaient les hiérophantes de l'ancien
monde, lequel, au temps de l'Atlantide, était relié [351] au nouveau par une
langue de terre, les magiciens de la contrée aujourd'hui engloutie, avaient
n'avaient jamais osé aller au delà des colonnes d'Hercule, à cause de leur frayeur du mystérieux
Océan, sont apparus trop tard dans l'antiquité, pour que les récits conservés par Platon fussent autre
chose qu'un écho de la légende hindoue. De plus, lorsque nous jetons un coup d'œil sur un
planisphère, à l'aspect des îles et îlots répandus de l'Archipel Malais à la Polynésie, et des détroits
de la Sonde à l'île de Pâques, il est impossible, dans l'hypothèse de continents ayant précédé celui
que nous habitons, de ne pas placer là le plus important de tous.
"Une croyance religieuse commune à Malacca et à la Polynésie, c'est-à-dire aux deux extrêmes
opposés du monde océanien, affirme que toutes ces îles formaient autrefois deux immenses
contrées, habitées par des hommes jaunes et noirs toujours en guerre ; que les dieux, fatigués de
leurs querelles, ayant chargé l'Océan de les pacifier, ce dernier engloutit les deux continents, et que
depuis il a été impossible de lui faire rendre sa proie. Seuls les pics montagneux et les hauts
plateaux ont échappé à l'inondation par la puissance des dieux, qui s'aperçurent trop tard de l'erreur
qu'ils avaient commise.
"Quoi qu'il en soit de l'exactitude de ces traditions, et quel que soit l'endroit où s'est développée une
civilisation plus ancienne que celle de Rome, de la Grèce, de l'Egypte et de l'Inde, il est certain que
cette civilisation a existé, et il est extrêmement important pour la science de découvrir ses traces,
quelque faibles et fugitives qu'elles puissent être" (pp. 13-15).
Cette dernière tradition traduite des manuscrits sanscrits par Louis Jacolliot confirme celle donnée
d'après les Souvenirs de la doctrine secrète. La guerre mentionnée entre les hommes jaunes et les
noirs se rapporte à la lutte entre "les fils de Dieu" et "les fils des Géants" ou les habitants et les
magiciens de l'Atlantide.
La conclusion finale de Jacolliot qui a visité personnellement les îles de la Polynésie et consacré des
années à l'étude de la religion, du langage et des traditions de presque tous les peuples est la
suivante :
"Quant au continent Polynésien qui disparut à l'époque des cataclysmes géologiques définitifs, son
existence repose sur tant de preuves que, logiquement nous ne pouvons plus en douter.
"Les trois sommets de ce continent, les îles Sandwich, la Nouvelle-Zélande, l'île de Pâques sont
distants l'un de l'autre de quinze à dix-huit cents lieues, et les groupes d'îles intermédiaires, Viti,
Samoa, Tonga, Fontouna, Ouvea, les Marquises, Tahiti, Poumouton, Gambiers sont elles-mêmes
distantes de ces points extrêmes de sept à huit cents ou mille lieues.
"Tous les navigateurs s'accordent à dire que les groupes extrêmes et du centre n'auraient jamais pu
communiquer, vu leur position géographique actuelle, et l'insuffisance des moyens qu'ils
possédaient. Il est physiquement impossible de franchir de pareilles distances en pirogue..., sans
boussole, et de voyager pendant des mois sans provisions.
"D'un autre côté, les aborigènes des îles Sandwich, Viti, Nouvelle-Zélande, et des groupes centraux
de Samoa, Tahiti, etc., ne s'étaient jamais connus et n'avaient jamais entendu parler les uns des
autres, avant l'arrivée des Européens. Et pourtant, chacun de ces peuples soutenait que son île
avait, à une époque, fait partie d'une immense étendue de terre qui allait vers l'Ouest du côte de
l'Asie. Et tous parlent la même langue, ont les mêmes usages, les mêmes coutumes, les mêmes
croyances religieuses. Et tous, à cette question Où est le berceau de votre race ? pour unique
réponse tendaient la main vers le couchant (Ibid., p. 308)."
un réseau de passages souterrains courant dans toutes les directions.
Parlant de ces mystérieuses catacombes nous donnons ci-après une
curieuse histoire, qui nous a été racontée par un Péruvien, mort depuis
longtemps, au cours d'un voyage fait ensemble à l'intérieur de son pays. Il
doit y avoir du vrai dans ce récit, car il nous a été confirmé plus tard par un
Italien qui avait vu les lieux, et qui, s'il n'en avait été empêché faute de
moyens et de temps, aurait vérifié lui-même le fait, du moins en partie. Cet
Italien tenait la chose d'un vieux prêtre, auquel le secret avait été divulgué
en confession par un Indien du Pérou. Nous pourrions ajouter, que le prêtre
fut forcé d'en faire la révélation, parce qu'il se trouvait à ce moment
complètement sous l'influence magnétique du voyageur.
582
Ces "miroirs magiques" généralement noirs sont une nouvelle preuve de l'universalité d'une
croyance identique. Dans l'Inde ces miroirs sont préparés dans la province d'Agra et on les fabrique
aussi au Tibet et en Chine. Et nous les retrouvons dans l'ancienne Egypte, d'où, suivant un historien
indigène, cité par Brasseur de Bourbourg, les ancêtres des Quichés les apportèrent au Mexique. Les
adorateurs Péruviens du Soleil en faisaient également usage. Lorsque les Espagnols débarquèrent,
dit l'historien, le roi des Quichés ordonna à ses prêtres de consulter le miroir afin d'apprendre le
destin de son royaume. Le démon, ajoute de Bourbourg, y faisait refléter le présent et le futur
comme dans une glace. (Mexique, p. 184.)
avec d'immenses quartiers de roc, et la surface [352] recouverte de façon à
ne laisser aucune trace du travail. L'Inca fut assassiné par les Espagnols, et
l'infortunée reine se suicida. La cupidité des Espagnols fut déçue par sa
propre exagération, et le secret des trésors enterrés resta enseveli à jamais
dans les cœurs de quelques Péruviens fidèles.
Non loin de cet endroit, se trouvent trois sommets séparés, qui forment
un singulier triangle ; ils sont compris dans la chaîne des Andes. Suivant la
tradition, la seule entrée praticable du tunnel qui conduit au nord, se trouve
dans l'une de ces cimes ; mais sans connaître le secret de ses points de
repère, un régiment de Titans chercherait vainement à remuer les rochers
pour la découvrir. Mais, même dans le cas où quelqu'un parviendrait à
découvrir l'entrée et à trouver le chemin jusqu'à la dalle tournante du mur
du sépulcre, afin de la faire sauter, les rochers qui surplombent sont
disposés de façon à ensevelir le tombeau, ses trésors, et, suivant
l'expression du mystérieux Péruvien, "toute une armée de guerriers", dans
une ruine commune. Il n'existe pas d'autre accès à la chambre d'Arica que
par la porte dans la montagne près de Pay'quina. Tout le long du
souterrain, depuis la Bolivie jusqu'à Cuzco et à Lima, se trouvent d'autres
cachettes, plus petites, remplies d'or et de pierres précieuses d'une valeur
incalculable accumulées là par des nombreuses générations d'Incas.
583
Pay'quina ou Payaquina, ainsi nommé parce que ses eaux charrient des parcelles d'or depuis le
Brésil. Nous avons trouvé quelques fragments de métal authentique dans une poignée de sable que
nous avons rapportée en Europe.
déjà de sérieuses difficultés. C'est là pourtant que gît le trésor, et la
tradition dit qu'il y restera jusqu'à ce que le dernier vestige de la
domination espagnole ait disparu de toute l'Amérique du Nord et du Sud.
584
Les régions situées du côté d'Udyana ou du Cachemire, suivant l'opinion du colonel Yule,
traducteur et éditeur de Marco Polo, vol. I, pp. 172-173.
585
Voyage des Pèlerins Bouddhistes, vol. I ; Histoire de la vie de HiouenThsang, etc, traduit du
chinois par Stanislas Julien.
disciples en leur disant : "Allez, ô saints, et accomplissez au moyen de vos
pouvoirs surnaturels, devant les yeux des Brahmanes et des notables, des
miracles plus grands qu'aucun homme n'en peut faire". En leur enseignant
la loi, je leur dis : "Allez, ô saints, cachant vos bonnes œuvres et laissant
voir vos faiblesses".
586
Le Livre de Ser Marco Polo, vol. I, p. 138. Voir aussi à ce sujet les expériences de M. Crookes
décrites au chap. VI de son livre.
éclatant se dressa majestueusement sur le mur, comme lorsque les nuages
s'entr'ouvrent soudain et découvrent tout à coup la merveilleuse image de
"la Montagne de Lumière". Une radieuse splendeur illuminait les traits de
la divine physionomie, Hiouen-Thsang était perdu dans la contemplation et
l'émerveillement, et ne voulut point détacher ses yeux de ce sublime et
incomparable spectacle". Hiouen-Thsang ajoute dans son propre journal,
Si-yu-Ki, que ce n'est que lorsque l'homme "prie avec une foi sincère, et
qu'il a reçu d'en haut une impression secrète, qu'il voit clairement l'ombre,
mais il ne peut jouir longtemps de sa vue" 587.
Ceux qui sont si portés à accuser les Chinois d'irreligion feraient bien
de lire les Essays on Buddhism in China and Upper Asia de Schott 588. "Au
cours des années Yuan-yeu, des Sung (1086-1093 après J.-C.) vivait une
pieuse matrone avec ses deux servantes, fortement attirées vers le Pays de
la Connaissance. Une des servantes dit un jour à sa compagne : "Cette nuit
je passerai dans le Royaume d'Amita [Bouddha]". La même nuit, une
odeur balsamique remplit la maison, et la jeune servante mourut, sans
[357] maladie préalable. Le lendemain la survivante des domestiques dit à
sa maîtresse : "Hier ma défunte compagne m'est apparue en songe, et m'a
dit : Grâce aux persévérantes exhortations de notre maîtresse, je suis
devenue une habitante du Paradis, et ma béatitude dépasse toute
expression". La matrone répondit : "Si elle m'apparaît à moi aussi, je
croirai tout ce que vous me dites". La nuit suivant la défunte lui apparut
réellement... La dame lui demanda : "Pourrai-je une fois visiter le Pays de
la Connaissance" ? "Oui, répondit l'âme bienheureuse, tu n'as qu'à suivre ta
servante". La dame la suivit (en songe), et bientôt elle aperçut un lac d'une
étendue incommensurable, tout parsemé d'innombrables fleurs de lotus
rouges et blanches, de différentes grandeurs, les unes épanouies et les
autres se flétrissant. Elle demanda ce que pouvaient signifier ces fleurs ?
La jeune fille répondit : "Ce sont les êtres humains vivant sur la terre dont
les pensées sont tournées vers le Pays de la Connaissance". Le premier
ardent désir d'entrer au Paradis d'Amita donne naissance à une fleur dans le
Céleste Lac, et cette fleur devient chaque jour plus grande et plus
glorieuse, à mesure que grandit le progrès de la personne qu'elle
587
Max Müller, Buddhist Pilgrims (Chips, etc., 1, pp. 272-273).
588
Berlin Academy of Sciences, année 1846.
représente ; dans le cas contraire, elle perd son éclat, et se fane 589. La
matrone voulut connaître le nom d'un bienheureux qui reposait sur une des
fleurs, couvert d'un vêtement flottant d'un merveilleux éclat. Sa
complaisante fille répondit : "C'est Yang-Kie". Elle demanda ensuite le
nom d'un autre, et il lui fut répondu : "C'est Mahou". La dame dit alors :
"En quel lieu serai-je après mon entrée dans la nouvelle existence?" L'âme
bienheureuse la conduisit alors un peu plus loin, et lui montra une colline
qui resplendissait d'azur et d'or. "Voici, lui dit-elle, votre futur séjour.
Vous appartiendrez au premier ordre des bienheureux". Lorsque la
matrone se réveilla, elle envoya demander des nouvelles de Yang-Ki et de
Mahou. Le premier était déjà décédé ; l'autre était encore vivant et en
bonne santé. C'est ainsi que la dame apprit que l'âme de celui qui progresse
en sainteté et ne retourne jamais en arrière, peut déjà habiter le Pays de la
Connaissance, même lorsque le corps séjourne encore dans ce monde
transitoire". [358]
589
Le colonel Yule fait au sujet du mysticisme chinois une remarque que nous citons volontiers
pour sa noble franchise : "En 1871, dit-il, je vis dans Bond Street une exposition de dessins de
prétendus esprits, c'est-à-dire de dessins censés avoir été exécutés par un médium sous une
influence étrangère et invisible. Un grand nombre de ces productions extraordinaires (car elles
étaient incontestablement extraordinaires), avaient la prétention de représenter les "Fleurs
Spirituelles" de telles ou telles personnes ; et l'explication qui en était donnée dans le catalogue était
en substance exactement la même que celle qui était indiquée dans le texte du livre de Schott. Or, il
est extrêmement peu probable que l'artiste ait eu connaissance des Essays de Schott, et par
conséquent la coïncidence était certainement frappante". (Le Livre de Marco Polo, vol. I, p. 442 et
note, éd. 1878).
charme spirituel, et ferait honneur à n'importe quel livre religieux Chrétien.
La seconde est aussi digne d'éloges, et nous n'aurions qu'à remplacer
Amita par Jésus, pour avoir un récit parfaitement orthodoxe, au point de
vue des sentiments religieux et du code de moralité philosophique.
L'exemple suivant est encore plus frappant, et nous le citons pour que les
chrétiens partisans des missions de réveil de la foi, en profitent :
"Hoang-ta-tie, de T'ancheu, qui vivait sous les Sung,
exerçait la profession de forgeron. Il invoquait sans cesse
pendant son travail le nom d'Amita Bouddha. Un jour il
remit à un voisin les vers suivants de sa composition,
pour être diffusés :
Ding, Dong ! Les coups de marteau tombent
drus et serrés.
Jusqu'à ce que le fer se soit transformé en acier.
Le long, long jour du repos va poindre,
Et la Terre de l'Eternel Bonheur m'appelle.
Puis il mourut. Mais ses vers circulèrent partout dans
Honan, et bien des gens apprirent à invoquer le
Bouddha 590.
Contester aux Chinois ou à tout autre peuple de l'Asie,
Centrale, Haute ou Basse, la possession de connaissances
ou même de perceptions des choses spirituelles, est
parfaitement ridicule. D'un bout à l'autre, cette contrée
est remplie de mystiques, de philosophes religieux, de
saints Bouddhistes et de magiciens. La croyance en un
monde spirituel, rempli d'êtres invisibles, qui, dans
certaines circonstances, apparaissent objectivement aux
mortels, y est universelle. "Conformément à la croyance
des nations de l'Asie Centrale, fait observer I. J. Schmidt,
la terre et son intérieur, aussi bien que l'atmosphère qui
l'environne, sont remplis d'êtres spirituels, [359] qui
exercent une influence, en partie bienfaisante et en partie
mauvaise, sur tout l'ensemble de la nature organique et
590
Schott, Essay on Buddhism, p. 105.
inorganique... Les déserts et autres étendues de terrains
sauvages et inhabités ou les régions dans lesquelles la
nature déploie ses influences sur une échelle gigantesque
et terrifiante sont spécialement considérés comme les
principaux lieux de séjour et de rendez-vous des mauvais
esprits... C'est pour cela que les steppes de Turan, et, tout
particulièrement le grand Désert de Sable de Gobi, ont
toujours passé pour le séjour d'êtres malfaisants, depuis
les temps de l'antiquité la plus reculée" 591.
Marco Polo, comme de raison, fait plus d'une fois mention dans son
curieux livre de Voyages, de ces esprits espiègles de la nature dans les
déserts. Pendant des siècles, et surtout au siècle dernier on n'a ajouté
aucune foi à ses histoires étranges. Personne ne voulait le croire, lorsqu'il
affirmait avoir vu de ses propres yeux, et à plusieurs reprises, les faits les
plus étonnants accomplis par des sujets de Kublai-Khan et des adeptes des
autres pays. A son lit de mort, Marco fut vivement pressé de rétracter ses
prétendus "mensonges ", mais il jura solennellement que ce qu'il avait dit
était la vérité, en ajoutant qu'il n'avait même pas raconté la moitié des
choses qu'il avait vues. Nul aujourd'hui ne doute qu'il n'ait dit la vérité,
depuis qu'ont paru l'édition de Marsden et celle du colonel Yule. Le public
est spécialement redevable à ce dernier d'avoir mis en lumière les autorités
qui confirment le témoignage de Marco, et d'avoir expliqué quelques-uns
des phénomènes de la façon habituelle, car il montre, de manière à rendre
la chose incontestable, que le grand voyageur était non seulement un
écrivain véridique, mais encore un éminent observateur. Prenant
chaudement la défense de son auteur, le consciencieux éditeur, après avoir
énuméré plus d'un point jusqu'à présent discuté et même rejeté dans les
Voyages du Vénitien, conclut en disant : "Bien plus encore, les deux
dernières années ont apporté une promesse de lumière même sur ce qui
paraissait la plus étrange des histoires de Marco Polo, et le squelette d'un
véritable ROUC de la Nouvelle-Zélande est exposé sur la table du
laboratoire du professeur Owen " 592.
591
[Sanang-Setzen, Chungtaidschi, Geschichte der Ost-Mongolen, p. 352, St-Petersb., 1829.]
592
Le Livra de Ser Marco Polo, vol. I, préface de la deuxième édition, p. VIII, 1873.
identifié ; il reste maintenant, dans l'ordre des faits, à découvrir et à
reconnaître que la lampe magique d'Aladin a aussi certains titres à la
réalité. [360]
593
Ibid., vol. I, p. 203, éd. 1875.
594
Visdelou : Suppl. à la Bibliothèque Orientale de B. d'Herbelot, p. 139, Paris, 1780.
595
Col. Yule, op cit., I, p. 205.
596
Pline, VII, 2
montrant incrédule à leur égard, d'histoires disant que l'on entendait des
voix de chanteurs et de gais convives dans le désert ; et "al-Mas'udi parle
de goules qui, dans les déserts, apparaissent aux voyageurs la nuit aux
heures solitaires", et aussi "d'Apollonius de Tyane et de ses compagnons
qui, dans un désert près de l'Indus, au clair de lune, virent une empuse ou
goule, revêtant diverses formes... Ils l'injurièrent, et elle s'enfuit en
poussant des cris aigus" 597. Ibn Batuta rapporte une légende semblable du
Sahara Occidental : "Si le messager est seul, les démons courent [361]
avec lui et le fascinent, de telle sorte qu'il s'égare et périt" 598. Or, si toutes
ces choses sont susceptibles d'une "explication rationnelle", et nous n'en
doutons pas pour ce qui est du plus grand nombre des cas, les diables de la
Bible dans les solitudes, ne méritent pas plus de considération et doivent
être soumis aux mêmes règles. Ils sont, eux aussi, des créatures de la
terreur, de l'imagination et de la superstition ; par conséquent les récits de
la Bible doivent être faux ; et si un seul verset est faux, un doute est jeté
sur les prétentions de tout le reste à être tenu pour une révélation divine.
Une fois cela admis, cette collection de documents canoniques est au
moins aussi accessible à la critique que tout autre livre d'histoires 599.
597
Philostrate, livre II, chap. IV.
598
Ibid., livre IV, p. 382. Livre de Ser Marco Polo, vol. I, p 206.
599
Il y a de pieux critiques qui refusent au monde le même droit de juger la Bible d'après les
déductions de la logique que "tout autre livre". La science exacte elle-même doit s'incliner devant
cet arrêt. Dans le paragraphe final d'un article consacré à démolir entièrement la "Chronologie" du
baron Bunsen qui ne concorde pas tout à fait avec celle de la "Bible", un écrivain s'écrie "Le but
que nous nous sommes proposé est complètement atteint... Nous avons tâché de repousser les
accusations du chevalier Bunsen contre l'inspiration de la "Bible", en nous plaçant sur son propre
terrain... Un livre inspiré... ne peut jamais dans l'expression de ses propres enseignements, ou par
l'énonciation de ses récits, attester un fait faux ou l'interpréter par ignorance soit en matière
d'histoire ou de doctrine. S'il était capable d'attester un seul fait erroné, qui ajouterait foi à
l'évidence des autres." (Journal of Sacred Litterature, oct. 1869, p. 70.)
récit saisissant d'un phénomène de ce genre, considéré comme surnaturel,
est donné par le frère Odoric, dont j'ai vérifié l'expérience dans le Reg
Ruwan, ou "sable mouvant"au Nord de Caboul 600. Outre cet exemple
célèbre... j'ai remarqué celui bien connu de Jibal Nakia ou "Colline de la
Cloche", dans le désert du Sinaï... et celui de Gibal-ul-Thabul ou "Colline
des Tambours"... Un récit chinois du Xème siècle mentionne ce phénomène
comme ayant été observé près de Kwachau, sur la lisière orientale du
désert de Lop, sous le nom de "sables chantants" 601." [362]
Quelle gaieté incrédule doivent avoir provoqué pendant des siècles les
récits superstitieux et absurdes de Marco Polo, touchant les dons
"surnaturels" de certains charmeurs de requins et de bêtes féroces de l'Inde,
qu'il appelle Abraiaman ! En faisant la description de la pêche des perles à
Ceylan, telle qu'on la pratiquait en ce temps-là, il dit que les marchands
600
[Yule, Cathay and the Way Thither, pp. CCXLIV, 156, 398.]
601
Remusat, Histoire du Khotan, p. 74. Marco Polo, vol. I, p. 206.
étaient obligés de donner aussi aux hommes qui charment les grands
poissons, la vingtième partie de tout ce qu'ils prenaient afin de les
empêcher de faire du mal aux plongeurs, pendant qu'ils sont sous l'eau à
chercher les perles. Ces charmeurs de poissons sont nommés Abraiaman
[Brahman ?], et leur charme n'avait d'effet que pendant un seul jour, car à
la nuit ils défaisaient leur charme, de sorte que les poissons pouvaient faire
du mal à leur gré. Ces Abraiaman connaissent aussi le moyen de charmer
les bêtes et les oiseaux, et tout être vivant 602.
602
Livre de Ser Marco Polo, II, p. 314, éd. 1875.
603
Comme les Psylli ou charmeurs de serpents de Libye, dont la faculté est héréditaire.
604
Ser Marco Polo, vol. II, p. 321.
Ceylan savent que les eaux des côtes des pêcheries de perles abondent en
requins de l'espèce la plus vorace, et qu'il est même dangereux de s'y
baigner, et à plus forte raison d'y plonger pour chercher des huîtres. Nous
pourrions aller plus loin encore, et donner les noms des fonctionnaires
Anglais du plus haut rang, au service de l'Inde, qui ont eu recours aux
"magiciens" et aux "sorciers" indigènes pour retrouver des objets perdus,
ou pour démêler des mystères vexatoires de différente nature ; leurs efforts
ayant été couronnés de succès, ils en ont exprimé secrètement leur
gratitude, mais une fois partis, ils ont fait preuve d'une insigne lâcheté en
niant publiquement devant l'Aréopage du monde la vérité de l'art magique,
et en tournant en ridicule la "superstition" hindoue.
"J.-L. O'SULLIVAN".
Des sphères inconnues sous nos pieds, des sphères encore plus
inconnues et plus inexplorées encore au-dessus de nous, entre les deux,
une poignée de taupes aveugles à la grande lumière Divine et sourdes aux
murmures du monde invisible, mais se vantant de guider l'humanité. Où ?
En avant à ce qu'elles prétendent mais nous avons le droit d'en douter. Le
plus grand de nos physiologistes, si on le place à côté d'un fakir hindou,
qui ne sait ni lire ni écrire, sera forcé d'admettre qu'il est aussi ignorant
qu'un écolier qui a négligé d'apprendre sa leçon. Ce n'est pas en vivisectant
des animaux vivants, qu'un physiologiste s'assurera de l'existence de l'âme
humaine et ce n'est pas à la pointe du scalpel qu'il la retirera du corps
humain. "Comment l'homme sain d'esprit, demande M. Sergeant Cox,
Président de la Société psychologique de Londres, ne connaissant rien du
magnétisme ou de la physiologie, n'ayant jamais assisté à une expérience
ou étudié ses principes, voudrait-il passer pour un imbécile, en niant les
faits et en condamnant la théorie ?" La réponse sincère à cette question
devrait être : "Les deux tiers de nos savants modernes sont dans ce cas".
L'impertinence, si la vérité est jamais impertinente, doit être laissée à la
responsabilité de celui qui l'a énoncée, un savant du petit nombre de ceux
qui ont assez de courage et d'honnêteté pour dire de salutaires vérités
quelque désagréables qu'elles puissent être. Et il n'y a pas à se méprendre
sur la portée réelle de l'imputation, car immédiatement après
l'irrévérencieuse question, le savant conférencier remarque avec la même
pertinence : "Le chimiste prend à l'électricien son électricité, le
physiologiste se tourne du côté du géologue pour ce qui a trait à la
géologie, et chacun d'eux considérerait comme une impertinence si l'autre
prononçait un jugement dans la branche de connaissances qui n'est pas la
sienne. Il est donc étrange, mais aussi vrai qu'étrange, que l'on mette
entièrement de côté cette règle rationnelle de conduite, lorsqu'il s'agit de la
psychologie. Les savants physiciens se croient compétents pour prononcer
un jugement dogmatique sur la psychologie et tout ce qui la concerne sans
avoir vu un seul de ses phénomènes, et dans l'ignorance complète de ses
principes et de sa pratique 605.
Pour qu'une croyance soit devenue universelle, il faut qu'elle ait été
fondée sur une immense accumulation de faits, tendant à la confirmer et à
la fortifier, d'une génération à l'autre. En tête de [370] ces sortes de
croyances, figure la magie, ou si on le préfère, la psychologie occulte.
Quel est celui parmi ceux qui reconnaissent son incroyable puissance
même si on en juge par ses effets faibles et à moitié paralysés dans nos
pays civilisés, qui refusera de croire aux assertions de Porphyre et de
Proclus, que même des objets inanimés tels que des statues de dieux,
peuvent être amenées à se mouvoir et à manifester pendant quelques
instants des symptômes d'une vie factice ? Qui se fait fort de le démentir ?
Sont-ce ceux qui journellement attestent par leur signature qu'ils ont vu des
tables et des sièges se mouvoir et marcher, des crayons écrire, sans
contact ? Diogène Laërce nous parle d'un certain philosophe, Stilpo, qui
fut exilé d'Athènes par l'Aréopage, pour avoir osé nier publiquement que la
605
The Spirituatist, Londres, 10 nov. 1876.
Minerve de Phidias était autre chose qu'un bloc de marbre 606. Mais notre
siècle actuel, après avoir mimé les anciens dans toutes choses et jusque
dans leurs dénominations, telles que "Sénats", "préfets" et "consuls", etc. ;
après avoir admis que Napoléon le Grand a conquis les trois quarts de
l'Europe en appliquant les principes de l'art de la guerre enseignés par les
Césars et les Alexandres, ce siècle, disons-nous, se croit tellement
supérieur à ses précepteurs pour ce qui a trait à la psychologie, qu'il serait
capable d'envoyer à Charenton tous ceux qui croient aux "tables animées".
606
[Vies, "Stilpo", § 116.]
produit son "miracle" du sang, le prêtre hindou plonge une flèche dans la
poitrine du dieu et produit son "miracle" ; car le sang coule à flots et l'eau
est changée en sang. Les chrétiens et les hindous s'extasient, l'un comme
l'autre, à la vue d'un pareil miracle. Jusqu'ici nous ne voyons pas grande
différence entre les deux. Mais alors, est-ce le païen qui a appris le truc de
saint Janvier ?
"Sache ô Asclepius, dit Hermès, que comme le Très-
Haut est le père des dieux célestes, de même l'homme est
l'artisan des dieux qui résident dans les temples, et qui se
plaisent dans la société des mortels. Fidèle à son origine
et sa nature, l'humanité persévère dans cette imitation de
la puissance divine ; et si le Père Créateur a fait à son
image les dieux éternels, le genre humain, à son tour,
façonne ses dieux à sa propre image !" "Et parles-tu des
statues des dieux, ô Trismégiste ?" "Véritablement, oui,
Asclepius et quelque grande que soit ta méfiance, ne
perçois-tu pas que ces statues sont douées de raison,
qu'elles sont animées par une âme, et qu'elles peuvent
opérer les plus grands prodiges ? Comment pouvons-
nous repousser l'évidence, lorsque nous voyons ces dieux
posséder le don de prédire l'avenir, qu'ils sont obligés de
révéler, lorsqu'on les y force par des charmes magiques,
comme ils le font par l'organe de leurs prêtres et par les
visions ?... C'est la merveille des merveilles que l'homme
puisse avoir inventé et créé des dieux... En vérité, la foi
de nos ancêtres s'est trompée, et, dans leur orgueil, ils
sont tombés dans l'erreur sur l'essence précise dans ces
dieux... Mais ils ont néanmoins découvert cet art par eux-
mêmes. Impuissants à créer l'âme et l'esprit, ils évoquent
les âmes des anges et des démons, pour les introduire
dans les statues consacrées ; et ils les font présider de la
sorte à leurs mystères en communiquant à des idoles leur
propre faculté de faire le bien de même que le mal" 607.
Ce n'est pas seulement l'antiquité qui est remplie de preuves que les
statues et les idoles des dieux manifestaient de l'intelligence et le pouvoir
de la locomotion. En plein XIXème siècle, nous [372] voyons des journaux
607
[Cf. L. Ménard, Hermès Trismegiste, Paris, 1867, pp. 146, 167-168.]
qui racontent les escapades de la statue de Notre-Dame de Lourdes. Cette
gracieuse dame, la Notre-Dame Française, s'enfuit souvent dans les bois
qui entourent sa résidence habituelle, l'église paroissiale. Le sacristain a été
obligé plus d'une fois de courir après la fugitive, et de la ramener à son
domicile 608. Après cela, commence une série de "miracles", guérisons,
prophéties, lettres tombées du ciel, que sais-je ? Ces "miracles" sont
implicitement admis par des millions et des millions de catholiques, et bon
nombre de ceux-ci appartiennent aux classes les plus intelligentes et les
plus instruites. Pourquoi alors refuserions nous d'ajouter foi aux
témoignages de même nature, qui ont rapport à des phénomènes
contemporains de même genre racontés par les historiens les plus
accrédités et les plus estimés, par Tite-Live, par exemple ? "Junon, vous
plairait-il d'abandonner les murs de Veiès, et de changer ce séjour pour
celui de Rome ?" demanda à la déesse un soldat Romain, après la conquête
de cette ville. Junon consent et secouant la tête en signe d'acquiescement,
sa statue répond : "Oui, je le veux bien". De plus, lorsqu'on se met en
devoir de transporter son image, elle paraît instantanément "avoir perdu
son grand poids", ajoute l'historien, et la statue semble plutôt suivre ses
porteurs qu'être portée par eux 609.
Avec une naïveté et une foi qui touche au sublime, des Mousseaux se
lance à corps perdu dans de dangereux parallèles et fournit une quantité
d'exemples de miracles de ce genre, chrétiens aussi bien que "païens". Il
donne une liste de ces statues ambulantes de saints ou de madones qui
perdent leurs poids et qui se meuvent comme autant d'êtres vivants,
hommes ou femmes ; il offre des preuves irréfutables de ces faits, tirées
des auteurs classiques qui ont décrit leurs miracles 610. Il n'a qu'une pensée,
qu'un désir violent qui domine tout, c'est de prouver à ses lecteurs que la
magie existe, et que le christianisme en triomphe complètement ; non pas
que les miracles de ce dernier soient plus nombreux ou plus
extraordinaires, plus concluants que ceux des païens ; nullement, car c'est
un historien honnête, quant aux faits et aux preuves. Mais ce sont ses
arguments et ses réflexions qui sont impayables ; ainsi, un genre de
miracles est produit par Dieu, et l'autre par le diable ; il rabaisse la divinité
pour la placer face à face avec Satan, et il met ainsi l'ennemi à même de
608
Lire à ce sujet n'importe quel journal de l'été et l'automne de 1876.
609
Tite-Live, V, déc. 1. Valère Maxime, 1 cap. VII.
610
Voir Les Hauts Phénomènes de la Magie. La Magie au XIXème siècle, Dieu et les Dieux, etc.
battre le Créateur avec avantage. Il n'a pas un mot de preuves solides et
concluantes, pour démontrer la différence substantielle entre les deux
genres de prodiges. [373]
Si nous lui demandons la raison pour laquelle il reconnaît dans les uns
la main de Dieu, et dans les autres les cornes et la griffe du diable...,
écoutons sa réponse : "La Sainte Eglise catholique apostolique et romaine
déclare que les miracles opérés par ses fidèles enfants le sont par la volonté
de Dieu ; et que tous les autres sont l'œuvre des esprits infernaux". Très
bien, mais sur quoi se base-t-on ? On nous exhibe alors une liste qui n'en
finit pas, d'auteurs sacrés ; de saints, qui toute leur vie ont lutté contre les
démons ; et de pères dont la parole et l'autorité sont acceptées comme la
"parole de Dieu", par cette même église. "Vos idoles, vos statues
consacrées sont la demeure des démons, s'écrie saint Cyprien. Oui, ce sont
ces esprits qui inspirent vos prêtres, qui animent les entrailles de vos
victimes, qui règlent le vol de vos oiseaux, et qui, mêlant sans cesse le
mensonge avec la vérité, rendent des oracles, et... opèrent des prodiges ;
leur but étant de vous amener invinciblement à leur culte 611".
Nous savons que depuis les temps les plus reculés il a existé une
mystérieuse et redoutable science connue sous la dénomination de
611
De Idolorum Vanitate, Lib. 1, p. 452.
theopoiia. Cette science enseignait l'art de doter d'intelligence et d'une
existence temporaire les divers symboles des dieux. Des statues et des
blocs de matière inerte s'animaient, sous la volonté toute puissante du
hiérophante. Le feu dérobé par Prométhée, dans la lutte, était tombé sur la
terre ; il remplissait les régions inférieures du ciel, et, fixé dans les vagues
de l'éther universel, comme le puissant Akasha des rites hindous. Nous le
respirons, et notre système [374] organique s'en imprègne avec chaque
bouffée d'air frais. Notre organisme en est rempli depuis l'instant de notre
naissance. Mais sa puissance ne s'exerce que sous l'influence de la
VOLONTE et de l'ESPRIT.
612
Ceux-ci après leur mort corporelle, incapables de s'élever plus haut, retenus dans les régions
terrestres, se complaisent dans la société d'une catégorie d'élémentaux vers lesquels leur
attachement au vice les attire le plus. Ils s'identifient avec eux à tel point, que bientôt ils en viennent
à perdre de vue leur propre identité, et finissent par faire partie de ces élémentaux, dont le concours
leur est nécessaire pour communiquer avec les mortels. Mais comme les esprits de la nature ne sont
pas immortels, de même les élémentaires humains qui ont perdu leur guide divin, l'esprit, peuvent
n'avoir point d'autre durée que l'assemblage d'essence des éléments qui composent leur corps astral.
Quel est celui qui, ayant été témoin des exercices des fakirs dans
l'Inde méridionale, pourrait douter de l'existence de la theopoiia dans
l'antiquité ? Un sceptique invétéré, tout désireux qu'il soit d'attribuer tous
les phénomènes à la jonglerie, se voit contraint de proclamer les faits ; et
ces faits peuvent être vus journellement si on le veut. "Je n'ose décrire, dit-
il en parlant de Chibh-Chondor, fakir de Jaffna-patnam, tous les exercices
auxquels il s'est livré. Il est des choses qu'on n'ose pas rapporter, même
[375] lorsqu'on les a parfaitement vues, de peur qu'on ne vous accuse
d'avoir été sous l'influence d'une hallucination inexplicable ! Et pourtant,
dix fois, que dis-je, vingt fois, j'ai vu et revu le fakir obtenir les mêmes
résultats sur la matière inerte... C'était un jeu d'enfant pour notre
"charmeur", que de faire pâlir et s'éteindre la flamme des bougies, placées,
sur ses indications, dans les coins les plus éloignés de la chambre ; de faire
mouvoir les meubles sans en excepter les sophas sur lesquels nous étions
assis, de faire ouvrir les portes et se refermer à plusieurs reprises, et tout
cela, sans quitter la natte sur laquelle il était assis...
"Peut-être me dira-t-on que j'ai vu imparfaitement... C'est
possible... mais je répondrai que des centaines et des
milliers de personnes ont vu et voient ce que j'ai vu, et
des choses encore plus merveilleuses ; y en a-t-il une
seule qui ait découvert le secret, et qui ait été capable, de
son côté, de reproduire ces phénomènes ? Et je ne saurai
trop répéter que tout cela n'a pas lieu sur une scène
pourvue de mécanisme et machinée pour l'usage de
l'opérateur. Non ; c'est un mendiant nu, accroupi par terre
qui se joue ainsi de votre intelligence, de vos sens, et de
tout ce que nous sommes convenus d'appeler les lois
immuables de la nature, et qu'il semble modifier à son
gré !
Change-t-il le cours naturel des choses ? Non ; mais il les
fait agir, en se servant de forces qui nous sont encore
inconnues, disent les croyants. Quoi qu'il en soit, j'ai
assisté vingt fois à de pareilles exhibitions, en compagnie
des hommes les plus distingués de l'Inde anglaise,
professeurs, médecins et officiers. Or, il n'en est pas un,
parmi eux, qui n'ait résumé ses impressions en quittant le
salon où elles avaient eu lieu, en disant : C'est
véritablement assombrissant pour l'intelligence
humaine ! Chaque fois que j'ai vu reproduire par un fakir
l'expérience de mettre les serpents en état de catalepsie,
situation dans laquelle ces animaux ont la rigidité d'une
branche d'arbre, mes pensées se reportaient vers la fable
biblique [?] qui attribue à Moise et aux prêtres de
Pharaon un pouvoir analogue 613".
613
L. Jacolliot, Voyage au pays des Perles, Paris, 1874, pp. 95-97.
Bien qu'on puisse croire que nous avons déjà donné assez de preuves
que la science moderne n'a que très peu ou pas de raisons de se vanter
d'originalité, nous en donnerons encore quelques-unes avant de terminer ce
volume, afin de ne laisser aucun doute à cet égard. Nous n'avons pour cela
qu'à récapituler, aussi rapidement que possible, les diverses prétentions à
de nouveaux systèmes de philosophie, et à des découvertes dont l'annonce
a fait ouvrir grand les yeux au monde pendant les deux derniers siècles.
Nous avons signalé les découvertes des anciens Egyptiens, Grecs,
Chaldéens et Assyriens dans les arts, les sciences et la philosophie ; nous
citerons maintenant un auteur quia passé de longues années dans l'Inde à
étudier sa philosophie. Dans le célèbre et récent ouvrage Christna et le
Christ, nous trouvons la nomenclature suivante 614.
"Philosophie : Les anciens Hindous ont créé depuis la
fondation, les deux systèmes du spiritualisme et du
matérialisme, de la philosophie métaphysique et de la
philosophie positive. La première était enseignée dans
l'école Védantine fondée par Vyasa ; [377] la seconde
était professée dans l'école de Sankhya, dont le fondateur
fut Kapila.
Science Astronomique : Ils établirent le calendrier,
inventèrent le Zodiaque, calculèrent la précession des
équinoxes, découvrirent les lois générales des
mouvements des astres et observèrent et prédirent les
éclipses.
Mathématiques : Ils inventèrent le système décimal,
l'algèbre et les calculs différentiel, intégral et
infinitésimal. Ils découvrirent aussi la géométrie et la
trigonométrie, et, dans ces deux sciences, ils
construisirent et démontrèrent des théorèmes qui n'ont
été découverts en Europe qu'au XVIIème et au XVIIIème
siècles. Ce furent les Brahmanes qui, de fait, établirent
les premiers la mesure de la surface d'un triangle d'après
le calcul de ses trois côtés, et calculèrent la relation de la
circonférence au diamètre. De plus, nous devons leur
restituer le carré de l'hypoténuse et la table si
614
[Pages 372-375.]
improprement dite de Pythagore, que nous trouvons
gravée dans les gopouras de la plupart des grandes
pagodes.
Physique : Ils établirent le principe en vigueur encore
aujourd'hui, que l'univers est un tout harmonique, sujet à
des lois qui peuvent être déterminées par l'observation et
l'expérience. Ils découvrirent l'hydrostatique ; et la
fameuse proposition que tout corps plongé dans l'eau
perd de son poids une quantité égale au poids du volume
d'eau qu'il déplace, n'est qu'un emprunt fait aux
Brahmanes par le célèbre architecte grec Archimède. Les
physiciens des pagodes avaient calculé la vitesse de la
lumière, fixé d'une façon définitive les lois de la
réflexion, et enfin, il est hors de doute, d'après les calculs
de Sourya-Sidhanta, qu'ils connaissaient et avaient
mesuré la force de la vapeur.
Chimie : Ils connaissaient la composition de l'eau, et ils
avaient formulé, en ce qui concerne les gaz, la fameuse
loi que nous ne connaissons que d'hier, que le volume
des gaz est en raison inverse de la pression à laquelle ils
sont soumis. Ils connaissaient la manière de préparer les
acides sulfurique, azotique et muriatique ; les oxydes de
cuivre, de fer, de plomb, d'étain et de zinc ; les sulfures
de fer, de cuivre, de mercure, d'antimoine et d'arsenic ;
les sulfates de zinc et de fer ; les carbonates de fer, de
plomb et de soude ; le nitrate d'argent ; et la poudre.
Médecine : Leurs connaissances étaient véritablement
surprenantes. Dans Tchakara et Sousrouta, les deux
princes de la médecine hindoue, se trouve posé le
système que plus tard s'est approprié Hippocrate.
Sousrouta principalement énonce les principes de la
médecine préventive ou hygiène, qu'il place bien au-
dessus [378] de la médecine curative, trop souvent
empirique, suivant lui. Sommes-nous aujourd'hui plus
avancés ? Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que
les médecins arabes, qui jouissaient au moyen âge d'une
célébrité méritée, et Averroes entre autres, parlaient
constamment des médecins hindous et les considéraient
comme les initiateurs des Grecs eux-mêmes.
Pharmacologie : Ils connaissaient tous les simples, leurs
propriétés, leur emploi ; et sur ce point ils n'ont pas
encore cessé de donner des leçons à l'Europe. Tout
récemment nous avons reçu d'eux le mode de traitement
de l'asthme, par le datura.
Chirurgie : Dans cette branche, ils n'étaient pas moins
remarquables. Ils faisaient l'opération de la pierre,
réussissaient admirablement dans celle de la cataracte,
dans l'extraction du fœtus, dont tous les cas
exceptionnels et dangereux sont décrits par Tchakara
avec une extraordinaire exactitude scientifique.
Grammaire : Ils ont créé la langue la plus merveilleuse
qu'il y ait dans le monde – le Sanscrit – qui a donné
naissance à la plus grande partie des idiomes de l'Orient
et des contrées Indo-Européennes.
Poésie : Ils ont traité tous les genres et se sont montrés
maîtres suprêmes dans tous, Sakountala, Avrita la Phèdre
Indoue, Saranga et un millier d'autres drames n'ont pas
été surpassés par Sophocle, Euripide, Corneille ou
Shakespeare. Leur poésie descriptive n'a jamais été
égalée. Il faut lire, dans Megadouta, la "Plainte d'un
Exilé" qui implore un nuage qui passe et le prie de porter
ses souvenirs à sa maison, à ses parents et à ses amis qu'il
ne reverra plus, pour se faire une idée de la splendeur à
laquelle ce style atteint dans l'Inde. Leurs fables ont été
copiées par tous les peuples anciens et modernes, qui ne
se sont pas même donné la peine de donner des couleurs
différentes aux sujets de ces petits drames.
Musique : Ils ont inventé la gamme avec ses différences
de tons et de demi-tons, longtemps avant Gui d'Arezzo.
Voici la gamme hindoue : SA – RI – GA – MA – PA –
DA – NI – SA.
Architecture : Ils paraissent avoir épuisé tout ce que le
génie de l'homme est capable de concevoir. Des dômes
d'une hardiesse inexprimable ; des coupoles élancées, des
minarets à dentelle de marbre, des tours gothiques, des
hémicycles grecs, le style polychrome, tous les genres et
toutes les époques s'y trouvent, indiquant clairement
l'origine et la date des différentes colonies qui, en
émigrant, apportaient avec elles les souvenirs de leur art
indigène". [379]
615
[L. Jacolliot, Voyage au pays des Perles, pp. 38-39.]
des faits, et on reconnaîtra que les "faits et lois" de la science moderne
appartiennent aux limbes des mythes surannés. Lorsque, des siècles avant
notre ère, l'hindou Brahmagoupta affirmait que la sphère étoilée était
immobile, et que le lever et le coucher quotidien des astres confirme le
mouvement de la terre sur son axe ; et lorsque Aristarque de Samos, né 27
ans avant Jésus-Christ, et le philosophe Pythagoricien Niceta de Syracuse
soutenaient la même chose, quel crédit a-t-on accordé à leurs théories,
jusqu'à l'époque de Copernic et de Galilée ? Et combien de temps le
système de ces deux princes de la Science, système qui a révolutionné le
monde entier, restera-t-il un tout complet et ininterrompu ? N'avons-nous
pas à l'heure présente en Allemagne, un savant, un professeur Shoëpfer,
qui essaie de démontrer dans des conférences publiques à Berlin : 1° que la
terre est immobile ; 2° que le soleil n'est qu'un peu plus grand qu'il ne
paraît ; et 3° que Tycho-Brahe avait parfaitement raison, et Galilée tout à
fait tort ? 616. Or, quelle était la théorie de Tycho-Brahe ? Que la terre se
tient immobile au centre de l'univers, et qu'autour d'elle, comme autour de
son centre, toute la voûte céleste gravite toutes les vingt-quatre heures ; et
finalement, que le soleil et la lune, outre ce mouvement, procèdent sur des
lignes courbes qui leur sont spéciales, tandis que Mercure, avec le reste des
planètes, décrit une épicycloide.
Ce n'est que tout dernièrement, par les choses que nous avons
observées, confirmées par le témoignage d'une multitude de témoins, que
nous avons timidement risqué l'assertion que des tables, des médiums et
des fakirs hindous étaient parfois lévités. Et lorsque nous ajoutions que, si
de pareils phénomènes ne se produisaient même qu'une fois dans le
courant d'un siècle, "sans cause mécanique visible, cette élévation est la
616
Dernières déductions de la Science ; la Terre immobile. Conférence démontrant que notre globe
ne tourne ni sur son axe ni autour du soleil ; faite à Berlin par le Dr Shoëpfer. Septième édition.
manifestation d'une loi naturelle, que nos savants ignorent encore", on
nous traita "d'iconoclaste" et on nous accusa, à notre tour, dans les
journaux, d'ignorer les lois de la gravitation. Iconoclastes ou non, nous
n'avons jamais pensé à accuser la science de nier la rotation de la terre sur
son axe, ni sa révolution autour du soleil, nous pensions au moins voir ces
deux flambeaux installés et entretenus jusqu'à la fin des temps dans le
phare académique. Mais, hélas ! voici qu'un professeur de Berlin arrive et
détruit notre dernier espoir de voir la Science prouver son exactitude au
moins sur un point. Le cycle, certes, est parvenu à son point le plus bas, et
une nouvelle ère commence. La terre est immobile, et Josué est justifié !
"La vérité seule, dit Pimandre, est éternelle et immuable ; la vérité est
le premier des bonheurs ; mais la vérité n'existe pas et ne peut pas exister
sur la terre ; il est possible que Dieu favorise parfois un petit nombre
d'hommes, en leur accordant la faculté [384] de comprendre les choses
divines et d'entendre, comme il faut, la vérité ; mais rien n'est vrai sur
terre, parce que tout y renferme de la matière, tout y est revêtu d'une forme
corporelle, sujette au changement, à l'altération, à la corruption et à de
nouvelles combinaisons. L'homme n'est pas la vérité, parce qu'il n'y a de
vrai que ce qui a tiré son essence de lui-même, qui reste lui-même
immuable. Comment ce qui change au point de n'être plus reconnaissable,
pourrait-il jamais être vrai ? Donc la vérité est seulement ce qui est
immatériel et n'est pas enfermé dans une enveloppe corporelle, ce qui est
incolore et sans forme, exempt de changement et d'altération ; ce qui est
ÉTERNEL. Tout ce qui périt est mensonge ; la terre n'est que dissolution
et génération ; chaque génération procède d'une dissolution ; les choses de
la terre ne sont que des apparences et des imitations de vérité ; elles sont
ce que la peinture est à la réalité. Les choses terrestres ne sont point la
VERITE !… La mort, pour certaines personnes, est un mal qui les frappe
d'une terreur profonde. C'est l'effet de l'ignorance… La mort est la
destruction du corps ; l'être qu'il renferme ne meurt pas… Le corps
matériel perd sa forme, qui se désagrège au cours du temps : les sens qui
l'animaient retournent à leur source, et reprennent leurs fonctions ; mais ils
perdent graduellement leurs passions et leurs désirs, et l'esprit monte au
ciel pour devenir une HARMONIE. Dans la première zone, il laisse
derrière lui la faculté de croître ou de décroître ; dans la seconde, le
pouvoir de faire le mal et les fraudes de l'oisiveté ; dans la troisième, les
tromperies et la concupiscence ; dans la quatrième, l'ambition insatiable ;
dans la cinquième, l'arrogance, l'audace et la témérité ; dans la sixième,
tout désir pour les acquisitions malhonnêtes ; et dans la septième le
mensonge. L'esprit ainsi purifié, par l'effet que produisent sur lui les
harmonies célestes, retourne une fois de plus à son état primitif, fort d'un
mérite et d'une puissance qu'il s'est acquis par lui-même, et qui lui
appartiennent en propre ; et c'est seulement alors qu'il commence à habiter
avec ceux qui chantent éternellement les louanges du PERE. A ce point-là,
il est placé parmi les puissances, et comme tel, il arrive au suprême
bienfait de la connaissance. Il est devenu un DIEU !… Non, les choses de
la terre ne sont point la vérité, 617.
617
Champollion-Figeac, Egypte, pp. 141-143 ; éd. 1847.
renseignés, que les Livres d'Hermès [385] "contiennent certainement une
masse de traditions Egyptiennes, que viennent confirmer tous les jours les
documents les plus authentiques et les monuments de l'Egypte de
l'antiquité la plus reculée" 618.
618
Ibid., p. 139.
619
Champollion-Figeac, Egypte, p. 143.
car "quoique les origines de l'ancienne Egypte soient inconnues, on trouve
qu'elle a été, aux époques les plus anciennes que la recherche historique
peut atteindre, pourvue de ses lois merveilleuses, de ses coutumes bien
établies, de ses cités, de ses rois et de ses dieux ", et au-delà, bien [386] au-
delà de ces époques, nous trouvons des ruines appartenant à d'autres
périodes de civilisation encore plus éloignées et plus élevées. "A Thèbes,
des parties d'édifices ruinés nous permettent de reconnaître des vestiges de
constructions encore antérieures, dont les matériaux ont servi à l'érection
de ces mêmes monuments, qui comptent maintenant une existence de
trente-six siècles 620". "Tout ce que nous disent Hérodote et les prêtres
Egyptiens a été reconnu exact, et confirmé par les savants modernes",
ajoute Champollion 621.
Arya c'est Eran, (la Perse) ; Barria, c'est l'Arabie, et Masra était le nom
du Caire, qui encore aujourd'hui est appelé Masr, Musr et Misro. L'histoire
phénicienne désigne Maser comme un des ancêtres d'Hermès.
620
Champollion-Figeac, Egypte, p. 2.
621
Champollion-Figeac Egypte, pp. 11-12.
622
[Cf. Jacolliot, Les Fils de Dieu, pp. 215, 223, 323.]
dans la même balance que la théologie chrétienne. Un conflit imminent
sinon déjà commencé, se déroule entre la science et la théologie d'une part,
l'esprit et sa science vénérable et la magie de l'autre. Quelques-unes des
possibilités de cette dernière ont déjà été étalées, mais il en reste encore à
venir. Le monde mesquin et insignifiant, dont les savants et les magistrats,
les prêtres et les chrétiens, recherchent à l'envi l'approbation, a commencé
sa croisade de la dernière heure, en condamnant dans la même année deux
innocents, l'un en France et l'autre à Londres, au mépris de toute loi et de
toute justice. Comme [387] l'apôtre de la circoncision, ils sont toujours
prêts à renier trois fois tout bien impopulaire, par crainte de l'ostracisme de
leurs contemporains. Les Psychomantiques et les Psychophobes se
livreront bientôt un rude combat. Chez les premiers, l'ardent désir de voir
leurs phénomènes étudiés et appuyés par les savants et les autorités
scientifiques, a fait place à une indifférence glaciale. Résultat naturel des
préjugés et de la déloyauté qu'on a déployés envers eux, leur respect pour
les savants disparaît, et les épithètes réciproquement échangées entre les
deux partis, sont loin d'être flatteuses de part et d'autre. Lequel a raison et
lequel a tort, le temps le dira bientôt et le fera comprendre aux générations
futures. On peut du moins prédire avec assurance qu'il faudra chercher
l'Ultima Thule des mystères divins, et leur clé ailleurs que dans le
tourbillon des molécules d'Avogadro.
Les gens qui, soit par légèreté de jugement, soit par suite de leur
impatience naturelle, voudraient fixer le soleil éblouissant avant que leurs
yeux soient capables de soutenir l'éclat de la lumière d'une lampe, sont
fondés à se plaindre de l'obscurité exaspérante du langage qui caractérise
les ouvrages des anciens Hermétistes et de leurs successeurs. Ils déclarent
incompréhensibles leurs traités philosophiques sur la magie. Nous refusons
de perdre notre temps avec la première catégorie ; à la seconde, nous
demanderons de modérer leur impatience, en se souvenant de ces paroles
d'Espagnet : "La vérité se cache dans l'obscurité ", et "les philosophes
n'écrivent jamais d'une façon plus trompeuse que lorsqu'ils le font
clairement, ni plus sincèrement que lorsqu'ils sont obscurs". Il existe en
outre une troisième catégorie, à laquelle ce serait faire trop d'honneur de
dire qu'elle apprécie la question. Elle se borne à la dénoncer purement et
simplement ex-cathedra. Ceux-là traitent les anciens de rêveurs imbéciles,
et bien qu'ils ne soient que des physiciens et des positivistes
thaumatophobes, ils prétendent souvent au monopole de la sagesse
spirituelle.
C'est Irénée Philalèthe qui répondra à cette dernière catégorie... "Dans
le monde, nos écrits seront comme un outil curieusement tranchant ; pour
quelques-uns, il servira à sculpter des pièces délicates, mais à d'autres il ne
servira qu'à se couper les doigts. Et pourtant, nous ne sommes pas
blâmables, car nous avons soin d'avertir sérieusement tous ceux qui tentent
cette œuvre, qu'ils entreprennent l'ouvrage le plus élevé de la philosophie
dans la nature ; et, quoique nous écrivions en anglais, notre traité sera aussi
difficile à déchiffrer que du Grec, pour quelques-uns, qui croiront
néanmoins nous bien comprendre, alors précisément qu'ils interprètent mal
le sens et le pervertissent ; car faut-il supposer, que les gens qui dans la
nature, manquent de sagesse, en possèdent [388] dans l'étude de nos livres,
qui sont des témoignages dans la nature ?" 623 624.
FIN DU VOLUME I
623
[Cf. Jacolliot, Les Fils de Dieu, pp. 215, 223, 323.]
624
[Ripley Reviv'd, etc., pp. 159-169 ; éd. 1678.]
ISIS DÉVOILÉE
VOLUME II – THÉOLOGIE
PREMIERE PARTIE
par
H.-P. BLAVATSKY
MONTAIGNE
TABLES
PHRASES OCCULTES
La PENSEE..................................................................................................................................................................... 146
Le principal de tous les devoirs... ................................................................................................................................... 147
Celui qui connaît l'Ame suprême... ................................................................................................................................. 147
Les dix vertus qui constituent le devoir........................................................................................................................... 205
DIAGRAMMES
Diagramme de la cosmogonie Hindoue.......................................................................................................................... 333
Diagramme de la cosmogonie Chaldéo-Juive ................................................................................................................ 334
TABLEAUX
Tableau des 2 Cosmogonies Hindoue et Chaldéo-juive ................................................................................................. 335
Tableau des cosmogonies nazaraéenne et gnostique-ophite .......................................................................................... 375
Tableau des sept grands commandements...................................................................................................................... 395
Tableau de comparaisons des maximes Pythogoriciennes et du Nouveau Testament.................................................... 430
REGLES
Les 7 commandements des Druses.................................................................................................................................. 400
LIVRE
[5]
PREFACE DU LIVRE II
PREMIÈRE PARTIE
—
"L'INFAILLIBILITE" DE LA RELIGION
[9]
CHAPITRE I
—
L'EGLISE : OU EST-ELLE ?
1
Ces chiffres ont été copiés dans le Religious Statistics of the United States for the year 1871.
2
Ce sont : Les Baptistes, Congrégationnistes, Episcopaliens, Méthodistes du Nord, Méthodistes du
Sud, Méthodistes divers, Presbytériens du Nord, Presbytériens du Sud, Presbytériens Unis, Frères
Unis, Frères en Christ, Hollandais réformés, Allemands réformés, Presbytériens réformés,
Presbytériens du Cumberland.
d'entre eux enseignent suivant les canons de la branche cis-atlantique d'une
église établie qui reconnaît la fille de feu le duc de Kent pour son chef
spirituel. Il y a quelques centaines de mille Juifs ; quelques milliers
d'Orientaux de toutes sortes ; et quelques rares individus qui appartiennent
à l'Eglise grecque. Un homme à Salt Lake City, qui a dix-neuf femmes et
plus d'une centaine d'enfants et petits-enfants, est le chef spirituel [10] de
quatre-vingt-dix mille âmes, qui croient qu'il est en rapport fréquent avec
les dieux – car les Mormons sont Polythéistes de même que Polygames, et
leur dieu principal est représenté comme habitant une planète à laquelle ils
ont donné le nom de Colob.
Mordant le frein qui la retient, et faisant des vœux pour le retour des
âges obscurs, l'Eglise Romaine regarde d'un mauvais œil les
3
H. Maudsley, Body and Mind.
manifestations diaboliques ; elle laisse entendre ce qu'elle réserverait à
leurs défenseurs si elle avait encore son pouvoir de jadis. S'il n'était
évident que la science la tient elle-même sur la sellette et qu'elle a les
mains liées, elle serait prête, sans préavis, à renouveler dans ce XIXème
siècle les scènes révoltantes des siècles passés. Quant au clergé protestant,
sa haine contre le spiritisme est si intense, qu'un journal fait la judicieuse
remarque suivante : "Ils sont d'accord pour détruire la foi publique en tous
les phénomènes spirites du passé, tels qu'ils sont relatés dans la Bible, afin
de voir la pestilentielle hérésie moderne frappée au cœur." 4
4
Boston Sunday Herald, 5 novembre 1876.
5
Voyez l'auto-glorification du Pape actuel dans l'ouvrage intitulé Discours du pape Pie IX, par Don
Pascale de Francisis ; et le fameux pamphlet de Gladstone qui porte le même nom. Ce dernier cite
dans l'ouvrage sus-nommé la phrase suivante prononcée par le Pape : "Mon désir est que tous les
gouvernements sachent que je parle de cette façon... Et j'ai le droit de parler, plus même que le
prophète Nathan au roi David, et encore plus que saint Ambroise à Theodosius." [p. 148].
6
Voyez les Gnostics de King et autres ouvrages.
Certes, les écrivains catholiques ont tort de déverser leur bile dans des
phrases comme celle-ci : "Dans beaucoup de pagodes, la pierre phallique
revêt constamment, ainsi que le babylos grec, la forme brutale et indécente
du lingham... le Maha Deva 7." Avant de souiller un symbole, dont la haute
signification métaphysique est trop profonde pour les champions modernes
de cette religion sensualiste par excellence, le catholicisme romain, ils
devraient détruire leurs temples les plus anciens et en changer la forme des
coupoles. Le Mahadéva d'Elephanta, la Tour Ronde de Bhangulpore, les
minarets de l'Islam, qu'ils soient arrondis ou pointus, sont les modèles
originaux du Campanile de saint Marc à Venise, de la cathédrale de
Rochester et du Dôme plus moderne de Milan. Tous ces clochers,
tourelles, dômes, ainsi que les temples chrétiens, sont des reproductions de
l'idée primitive du lithos ou phallus érigé. "La tour occidentale de la
cathédrale de Saint-Paul à Londres, dit l'auteur de The Rosicrucians, est un
des doubles lithoï érigés devant chaque temple, tant chrétien que païen."
De plus, dans toutes les églises chrétiennes, a et surtout dans les temples
protestants, où elles occupent une place très apparente, les deux tables de
pierre de la Loi de Moise se trouvent côte à côte au-dessus de l'autel,
réunies en une seule et dont la partie supérieure est arrondie... La pierre de
droite est mâle, celle de gauche est femelle" 8. Par conséquent ni les
Catholiques, ni les Protestants ne devraient parler des "formes indécentes"
des monuments païens, tant qu'ils ornent leurs propres temples avec les
symboles du Lingham et du Yoni, et même qu'ils gravent sur ceux-ci les
lois de leur Dieu. [14]
7
Des Mousseaux, La magie au XIXème siècle, chap I.
8
Hargrave Jennings, The Rosicrucians, p. 228-241.
pratiquée par le clergé et par les moines, pas plus tard que le siècle dernier,
et elle l'est encore occasionnellement de nos jours.
9
Don Pasquale di Franciseis, Discorsi del sommo Pontifice Pio IX, part 1, p. 341.
10
W.E. Gladstone, Rome and the newest Fashions in Religion. (Discours de Pie IX, p. 14. Edition
Amer.)
Etats-Unis a été la cause de la sixième partie de cas de suicides et de folie".
Il prétend qu'il n'est pas possible que les esprits "enseignent une science
exacte, par la raison que ce sont des démons menteurs ; ou même une
science utile, parce que le caractère de l'œuvre de Satan de même que
Satan lui-même, est stérile". Il avertit ses chers collaborateurs que "les
livres en faveur du Spiritisme sont mis à l'Index" ; et il leur enjoint de faire
savoir que "le fait de fréquenter les cercles spirites avec l'intention
d'accepter la doctrine, constitue une apostasie de la Sainte Eglise, et un
risque d'excommunication". Enfin, dit-il : "Publiez le fait que
l'enseignement d'aucun esprit ne devrait prévaloir contre celui de la chaire
de saint Pierre, qui est l'enseignement de l'Esprit de Dieu lui-même" !!!
11
[L.S. le Nain de Tillemont, Mémoires, 1693, etc...]
12
[De Loco Purgatorii, in De Controversiis christianae Fidei, cf. Opera Roan 1619.]
13
[1ère apologie.]
ciel de la théologie orthodoxe comme une [17] aurore boréale – précurseur
de la colère Divine, selon les enseignements de quelques théologiens du
moyen âge.
14
Voyez Discours du Pape Pie IX par Don Pasquale di Francisis ; le pamphlet de Gladstone sur ce
livre : le Conflit entre la Religion et la Science de Draper, et autres.
avec un certain succès d'habiller l'enfant Jésus ; on lui avait enfilé sur les
jambes une paire de pantalons d'une propreté douteuse et festonnés sur les
bords. Un voyageur anglais ayant fait cadeau à la "Médiatrice" d'un
parasol en soie verte, la population reconnaissante des contadini, avec le
curé du village en tête, organisèrent une procession [18] sur les lieux. Ils
parvinrent à figer le parasol ouvert, entre le dos de l'enfant et le bras de la
Vierge qui le tenait. La scène et la cérémonie étaient aussi solennelles
qu'imposantes pour nos sentiments religieux, car nous avions devant nous
l'image de la déesse dans sa niche, entourée d'un cordon de lampions dont
les flammes remuées par la brise, empestaient l'air pur du Bon Dieu de
relents d'huile d'olive. La Mère et le Fils sont certainement les
représentants des deux plus fameuses idoles de la Chrétienté Monothéiste !
Il n'est que juste de dire que le dernier véritable chrétien, disparut avec
le dernier des apôtres directs. Max Muller pose la question embarrassante :
"Comment un missionnaire peut-il, dans des circonstances analogues, faire
face à la surprise et répondre aux questions de ses élèves, si ce n'est en
montrant la semence 16, et en leur disant ce qui devait être le christianisme,
s'il ne leur fait voir également que, de même que toutes les autres religions,
le Christianisme a eu son histoire. Que le Christianisme du XIXème siècle
n'est pas le Christianisme du moyen âge, et que celui du moyen âge n'est
pas non plus le Christianisme des premiers Conciles ; que celui des
Conciles n'est pas le Christianisme des Apôtres, et que seul ce que le
Christ a dit a été véritablement bien dit 17."
15
Ce récit a été fait par un témoin Oculaire, qui a visité l'église à plusieurs reprises ; c'est un
catholique qui en a été horrifié ainsi qu'il l'a avoué.
16
Semée par Jésus et ses Apôtres.
17
Chips, vol. I, p. 26. Préface.
18
Op. cit., II, p. 235.
Il en est de même de l'enfer. Le Hadès était un lieu bien différent de
notre région de damnation éternelle ; on pourrait l'appeler plutôt un état
intermédiaire de purification. Le Hel ou Hela des scandinaves ne donne
pas non plus l'impression d'un lieu de punition, car, lorsque Frigga, la mère
éplorée de Bal-dur, le dieu blanc, qui mourut et se trouva dans la sombre
région des ténèbres (Hades), envoya Hermod, fils de Thor, à la recherche
de son fils bien aimé, le messager le trouva, certes, dans la région
inexorable ! mais cependant, confortablement assis sur un roc et lisant un
livre 19. De plus, le royaume de la mort norvégien est situé dans les hautes
latitudes polaires ; c'est un lieu froid et désolé, et ni les salles glacées de
Hela, ni l'occupation de Bal-dur, n'ont une ressemblance quelconque avec
l'enfer de flammes éternelles et les pauvres pécheurs damnés dont l'Eglise
l'a si généreusement peuplé. Ce n'est [20] pas non plus l'Amenthés des
Egyptiens, le lieu de jugement et de purification ; pas plus que le Anderâh,
l'abîme des ténèbres hindou ; car même les anges déchus, qui y furent
précipités par Shiva, sont autorisés par Para-brahm, à considérer ce lieu
comme un état intermédiaire, où l'occasion leur est offerte de se préparer
pour des degrés de purification plus haute, et se libérer de leur triste
condition. La Géhenne du Nouveau Testament était une localité située en
dehors des murs de Jérusalem, et en la mentionnant, Jésus n'a fait
qu'employer une métaphore banale. D'où donc est venu ce terrible dogme
de l'enfer, ce levier d'Archimède de la théologie chrétienne, au moyen
duquel on a réussi à subjuguer des millions de chrétiens depuis plus de
dix-neufs siècles ? Certes on ne le trouve pas dans les Ecritures juives, ce
dont peut faire foi tout lettré hébreu.
19
Mallet, Northern Antiquities, p. 448.
Où donc, les ecclésiastiques ont-ils si bien appris les conditions qui
existent en enfer, au point de diviser ses tourments en deux catégories, le
pœna damni et le pœna sensus, l'une étant la privation de la vision
béatifique et l'autre les tourments éternels dans un étang de soufre et de
feu ? S'ils prétendent que c'est dans l'Apocalypse (XX, 10) nous sommes
tout prêts à leur prouver d'où le théologien Jean a tiré cette idée. "Et le
diable qui les séduisait fut jeté dans l'étang de feu et de soufre où sont la
bête et le faux prophète, et ils seront tourmentés... aux siècles des siècles",
dit-il. Laissant de côté l'interprétation ésotérique que le "diable" ou démon
tentateur, signifie notre propre corps terrestre, qui après la mort est dissous
dans les éléments ignés ou éthériques 20 le mot "éternel" par lequel nos
théologiens ont traduit les mots "aux siècles des siècles", n'existe pas dans
la langue hébraïque, ni comme mot, ni comme signification. Il n'y a en
hébreu aucun mot qui rende exactement le sens d'éternité ; עולםoulam,
suivant Le Clerc, ne veut dire qu'un espace de temps dont on ignore le [21]
commencement et la fin 21. Tout en démontrant que ce mot n'a en aucune
façon la signification d'une durée infinie, et que dans l'Ancien Testament le
mot pour toujours ne veut dire que pendant un long espace de temps,
l'Archevêque Tillotson a complètement dénaturé sa signification en ce qui
concerne les tourments de l'enfer. Selon lui, lorsqu'on dit que Sodome et
Gomorrhe subissent les "flammes éternelles", il ne faut le comprendre que
dans le sens que le feu ne fut éteint qu'une fois que les deux cités furent
entièrement consumées ; mais pour feu de l'enfer, ces mots doivent être
pris dans le sens absolu d'une durée infinie. Telle est la décision du savant
ecclésiastique. Car la durée de la punition des méchants doit être
proportionnée à la béatitude des justes. Il dit, par conséquent, "Ils (parlant
des méchants) s'en iront εις πόλαοιν αιω̃νιον à la punition éternelle ; mais
les justes iront ευςζωην αιωνιον, dans la vie éternelle." 22.
20
L'Ether est aussi bien un feu pur qu'un feu impur. La composition de ce dernier comprend toutes
ses formes visibles, telles que la "corrélation des forces", la chaleur, la flamine, l'électricité, etc. Le
premier est l'Esprit du feu. La différence est purement alchimique.
21
[Cf. Gesenino, A Hebrew and English Lexicon, S.V. Olam.]
22
[Tillotson, Works, 3ème édit., pp. 410 ss.]
23
Voyez Inquiry into the nature and plan of Hell, par le Rév. T. Swinden.
lui aura procuré des cauchemars. Il y a deux versets dans l'Apocalypse de
saint Jean qui disent : "Le quatrième ange versa sa coupe sur le soleil. Et il
lui fut donné de brûler les hommes par le feu ; et les hommes furent brûlés
par une grande chaleur, et ils blasphémèrent le nom de Dieu" 24. Ce n'est
qu'une allégorie pythagoricienne et cabalistique, et ni Pythagore ni saint
Jean n'eurent la primeur de cette idée. Pythagore plaçait la "sphère de
purification dans le soleil" ; de plus il place ce soleil et sa sphère au centre
de l'univers 25. Cette allégorie a une double signification : 1°
Symboliquement, le soleil central, spirituel, la Divinité suprême. L'âme
ayant atteint cette région se purifie de ses péchés, et s'unit à son esprit à
tout jamais, ayant souffert, auparavant, en passant à travers toutes les
autres sphères ; 2° En plaçant la sphère de feu visible dans le centre de
l'univers, il ne fait qu'enseigner le système héliocentrique, qui était du
ressort des mystères, et ne se donnait que dans une initiation plus élevée.
Saint Jean attribue à son Verbe une signification purement cabalistique,
qu'aucun des "Pères", sauf ceux qui avaient appartenu à l'école néo-
platonicienne, n'était capable de comprendre. Origène le comprenait bien,
lui, ayant été un disciple d'Ammonius Saccas ; [22] c'est pour cette raison
que nous le voyons courageusement nier l'éternité des tourments de l'enfer.
II soutient que non seulement les hommes, mais les diables eux-mêmes (et
par ce terme il voulait désigner les pêcheurs humains désincarnés) après
une punition d'une certaine durée, seront pardonnés et reprendront leur
place au ciel 26. A la suite de cela et d'autres hérésies analogues, Origène
naturellement fut exilé.
24
Apocalypse XVI, 8-9.
25
Aristote parle de disciples de Pythagore qui plaçaient la sphère de feu dans le soleil, en lui
donnant le nom de Prison de Jupiter. Voyez De cælo, liv. II.
26
Origène, De princ I, VI. Cf – De Civit-Dei, I, XXI, c. 17.
que les particules nitreuses de l'air y font défaut pour la combustion. "Et
comment, s'écrie-t-il, un tel feu peut-il être éternel, lorsque, de cette
manière, toute la substance terrestre aura graduellement été consumée 27 ?"
Ce sceptique ignorait probablement, qu'il y a déjà plusieurs siècles, saint
Augustin avait résolu le problème. N'avons-nous pas la déclaration de ce
savant théologien que, malgré tout, l'enfer est bien situé au centre de la
terre, car "Dieu fournit l'air au feu central au moyen d'un miracle" ?
L'argument est irréfutable, de sorte que nous ne voulons pas chercher à le
contredire 28.
27
Demonologia and Hell, Londres 1827, p. 289.
28
[Swinden, op. cit., p. 75.]
notre siècle, nous en voyons des preuves indéniables. Ainsi, entre autres
certificats d'approbation ecclésiastique, chaque volume est agrémenté du
texte d'une certaine lettre adressée de Rome à ce pieux auteur, par le Père
Ventura de Raulica, universellement connu. Qui n'a pas entendu parler de
ce prêtre fameux ? C'est un des principaux piliers de l'Eglise romaine, Ex-
Général de l'Ordre des Théatins, Consulteur de la Sacrée Congrégation des
Rites, Examinateur des Evêques, et du clergé romain, etc., etc. Ce
document éminemment caractéristique restera afin d'étonner les
générations futures par son pur esprit de démonolatrie et sa sincérité à
toute épreuve. Nous en traduisons un passage mot à mot, et en contribuant
à sa propagation nous espérons mériter la bénédiction de notre Mère
l'Eglise 29.
"Cher Monsieur et excellent ami :
... Satan remporta sa plus grande victoire le jour où il
réussit â faire nier son existence. Démontrer l'existence
de Satan est rétablir un des dogmes fondamentaux de
l'Eglise, qui servent de base au Christianisme, et sans
lesquels Satan ne serait qu'un vain mot... La Magie, le
mesmérisme, le magnétisme, le somnambulisme, le
spiritualisme, le spiritisme, l'hypnotisme... ne sont que
d'autres noms pour le SATANISME.
Dévoiler une pareille vérité et la montrer sous son jour
véritable, c'est démasquer l'ennemi ; c'est dévoiler le
danger immense de certaines pratiques, réputées
innocentes ; c'est bien mériter de l'humanité et de la
religion...
A-MEN ! [24]
29
Les Hauts Phénomènes de la Magie, p. IV. Préface. Cf. La Magie au XIXème siècle, p. I.
Sans soupçonner le moins du monde qu'elle travaillait pour le bien-
être futur de ses ennemis, les spirites, l'Eglise en admettant, il y a quelques
vingt ans, des Mousseaux et de Mireille comme biographes du Diable, et
en leur donnant son approbation, a tacitement confessé sa collaboration
littéraire.
Il prouve l'existence des "esprits", que ceux-ci soient des anges ou des
démons, avec une telle clarté d'argumentation et de logique, et par de telles
preuves historiques irréfutables et authentifiées, qu'il ne reste plus grand
chose à faire pour les auteurs spirites [25] qui viendraient après lui. Il est
fort regrettable que les savants, qui ne croient ni au diable ni aux esprits
soient enclins à tourner en ridicule les ouvrages de M. des Mousseaux sans
les lire, car ils contiennent beaucoup de faits du plus haut intérêt
scientifique !
Nous ne devons pas nous attendre à autre chose dans notre siècle
d'incrédulité, puisque Platon, il y a vingt-deux siècles, se plaignait déjà de
la même chose. "Moi aussi, s'écrie-t-il dans son Euthyphron, lorsque je
disserte en assemblée publique sur les choses divines, et que je leur prédis
ce qui va arriver, ils me taxent de fou ; et quoique tout ce que je leur ai
prédit se soit réalisé, ils envient tous les hommes comme moi. Cependant
il ne faut pas y faire attention, mais poursuivre notre route."
Il est évident que ces auteurs modernes ont largement puisé dans les
ressources littéraires du Vatican et celles d'autres dépôts du savoir de la
catholicité. Lorsqu'on a sous la main de tels trésors – manuscrits originaux,
papyrus, et livres dérobés aux plus riches bibliothèques païennes ; vieux
traités sur la magie et l'alchimie ; annales des procès de sorcellerie et les
jugements qui ont condamné les accusés à la question, à la torture et au
bûcher, il est aisé de remplir des volumes avec des accusations contre le
Diable. Nous sommes bien fondés pour affirmer que des centaines
d'ouvrages les plus précieux sur les sciences occultes, qui sont condamnés
à être pour toujours cachés aux yeux du public ont été attentivement lus et
étudiés par les privilégiés ayant accès à la Bibliothèque du Vatican. Les
lois de la nature sont les mêmes pour le sorcier païen que pour le saint
catholique ; et l'un peut produire un "miracle" aussi aisément que l'autre,
sans intervention quelconque de Dieu ou du diable.
30
Dr Stanley, Lectures on the Eastern church, p. 407.
Ce miracle qu'on prétend avoir eu lieu en 1812, pendant l'invasion de la
Grande Armée, fut le dernier à être enregistré 31. [27]
Mais depuis lors, et bien que les trois empereurs successifs aient été
des hommes très pieux, leur volonté a été respectée, et les images des
saints se sont tenues coites, et on n'en parle guère si ce n'est en relation
avec le culte religieux. En Pologne, cette terre archi-ultramontaine, il y eut,
à diverses reprises, des tentatives désespérées de production de miracles.
Elles furent étouffées dès le début, la police ayant l'œil ouvert pour les
réprimer, car les miracles catholiques en Pologne, mis en avant par les
prêtres, étaient généralement suivis d'une révolution politique, de massacre
et de guerre.
Nous pouvons donc inférer que si, dans un pays, les miracles divins
peuvent être arrêtés par les lois civiles et militaires, et que dans un autre,
ils n'ont jamais lieu, il faut chercher l'explication de ces faits dans une
cause naturelle, au lieu de les attribuer à Dieu ou au diable. A notre avis –
s'il a une valeur quelconque – tout le secret réside en ceci : le clergé russe
ne se soucie pas d'impressionner ses ouailles, dont la piété sincère et forte
n'a pas besoin de miracles ; il est persuadé que rien n'est mieux calculé
pour semer dans les masses le doute et le scepticisme qui finit par
dégénérer en athéisme. De plus, le climat s'y prête moins et le magnétisme
de l'ensemble de la population est trop positif, trop sain, pour engendrer
des phénomènes indépendants ; par conséquent la fraude ne prendrait pas.
D'un autre côté, ni le clergé protestant d'Allemagne, ni celui d'Angleterre,
ni même celui d'Amérique, n'ont eu accès aux Bibliothèques secrètes du
31
Un cas curieux eut lieu dans la famille d'un riche propriétaire foncier du Gouvernement de
Tambov pendant la campagne de Hongrie en 1848. N'ayant pas d'enfants, il avait adopté un neveu
qu'il aimait beaucoup ; ce neveu combattait dans l'armée Russe. Le vieux couple plaçait un portrait
à l'aquarelle du neveu, sur la table à la place qu'il aurait occupée. Un soir, tandis que la famille
prenait le thé avec quelques amis, le verre qui couvrait le portrait se brisa en mille morceaux avec
un bruit d'explosion, sans qu'il eût été touché. Lorsque la tante prit le portrait dans ses mains elle vit
que le front et la tête étaient couverts de sang. Les amis, afin de la tranquilliser, la persuadèrent que
le sang provenait d'une coupure qu'elle avait dû se faire avec le verre cassé. Mais après examen on
ne lui trouva aucune blessure aux mains et personne d'autre n'avait touché le portrait. Inquiet de la
voir si frappée, le mari, sous prétexte d'examiner le portrait de plus près, se coupa volontairement et
essaya de la persuader que c'était son sang et qu'il avait pris le cadre au moment de la première
surprise sans que personne s'en soit aperçu. Tout fut en vain, et la vieille dame était certaine que
leur neveu Dimitri avait été tué. Elle fit dire des messes quotidiennes pour le repos de son âme dans
l'église du village, et fit porter le deuil à toute la maisonnée. Quelques semaines plus tard une
communication officielle parvint du colonel de son régiment les informant que leur neveu avait été
tué par un éclat d'obus qui lui avait enlevé toute la partie supérieure de la tête.
Vatican, depuis l'époque de la Réformation. Par conséquent ce ne sont tous
que de piètres acteurs pour la magie d'Albertus Magnus.
32
Des exécutions pour sorcellerie eurent lieu pas plus tard que le siècle dernier dans d'autres
provinces de l'Amérique. Une surtout, où des nègres furent brûlés vifs à New-Jersey ; ce supplice
fut répudié dans plusieurs Etats. Même dans la Caroline du Sud, en 1865, lorsque le gouvernement
fut "reconstruit" après la guerre civile, les lois condamnant à mort pour cause de sorcellerie
n'avaient pas été rapportées. Il n'y a pas un siècle qu'elles ont été remises en vigueur suivant la lettre
meurtrière de leur texte.
phénomènes spirites, qui y croient tout en ayant une crainte instinctive de
leurs conséquences, essaient de tout attribuer à l'action du diable.
Grégoire de Tours nous fait savoir que lorsque le clergé avait recours
aux sortes, ils avaient l'habitude de placer la Bible sur l'autel, en priant le
Seigneur de leur faire connaître Sa volonté et de leur dévoiler l'avenir dans
un des versets du livre. Guibert de Nogent, dit que de son temps (vers le
XIIème siècle), la coutume était, lorsqu'on consacrait un évêque, de
consulter le sortes sanctorum, afin de connaître de cette manière le succès
et le sort de l'épiscopat. D'un autre côté, on nous dit que les sortes
sanctorum furent interdits par le Concile d'Agde en 506. Cela nous
autorise à demander de quel côté l'infaillibilité de l'Eglise est-elle mise en
question ? Est-ce lorsqu'elle interdit ce qui fut pratiqué par son plus grand
patron saint Augustin, ou lorsque les Sortes furent ouvertement employés
au XIIème siècle, par le clergé de l'Eglise dans les élections épiscopales ?
33
Voyez le titre de la traduction anglaise du Reuchlin und seine Zeit, Berlin 1830, par Mayerhof.
The Life and Times of John Reuchlin or Capnion The Father of the German Reformation, par F.
Barham, Londres, 1843.
34
Lord Coke : 3 Institutes, fol. 44.
35
Voyez La Vie de saint Grégoire de Tours.
Ou bien, devons-nous croire que dans ces deux cas contradictoires, le
Vatican a agi sous l'inspiration directe de l'Esprit de Dieu ? S'il existe un
doute que ces pratiques qui prévalent encore plus ou moins aujourd'hui
chez de strictes Protestants, avaient l'approbation de Grégoire de Tours,
qu'ils lisent le passage suivant : "Lendastus, comte de Tours, qui voulait
me nuire auprès de la reine Frédégonde, vint à Tours rempli de mauvaises
intentions à mon égard ; je me réfugiai plein d'inquiétude dans mon
oratoire où je pris le livre des Psaumes... Mon cœur bondit au-dedans de
moi lorsque mes yeux tombèrent sur ce verset du Psaume soixante-dix-
septième : "Il leur permit de continuer leur chemin en paix pendant que la
mer engloutit leurs ennemis." Par conséquent, le comte ne dit pas un mot
contre moi ; et en quittant Tours le jour même, le bateau sur lequel il était
monté chavira dans une tempête ; mais le comte étant bon nageur, en
échappa."
Pourquoi, alors, brûler les magiciens laïques, et ceux qui consultent les
livres, si l'on canonise les ecclésiastiques ? Parce que les phénomènes du
moyen âge de même que ceux d'aujourd'hui manifestés par des laïques,
qu'ils soient le résultat de la science occulte ou se produisant
spontanément, viennent renverser les prétentions des Eglises Catholiques
et Protestantes aux miracles divins. A la suite de preuves réitérées et
incontestables, il devint impossible à ces Eglises, de maintenir avec
quelque chance de succès l'affirmation que les manifestations semblant
miraculeuses, avec l'intervention directe de Dieu et de ses "bons anges", ne
pouvaient être produites uniquement par ses ministres élus et ses saints. II
était également impossible pour les Protestants, se plaçant sur le même
terrain, d'affirmer que les miracles avaient pris fin avec l'époque
apostolique. Car, qu'ils obéissent, aux mêmes lois naturelles ou non, les
phénomènes modernes ont une parenté étroite avec ceux de la Bible. Les
magnétiseurs et les guérisseurs de notre époque, entraient en concurrence
directe et ouverte avec les apôtres. Le Zouave français Jacob rivalisait avec
le Prophète Elie, en rappelant à la vie des personnes qui paraissaient
mortes ; et Alexis Didier, le somnambule, dont M. Wallace fait mention
dans son ouvrage 37, par sa lucidité, faisait honte aux apôtres, aux
prophètes et aux Sybilles de jadis. Depuis que la dernière sorcière périt sur
le bûcher, la grande Révolution Française, préparée avec tant de soins par
la ligue des sociétés secrètes et leurs habiles émissaires, avait envoyé son
souffle [32]à travers toute l'Europe, en jetant la terreur au sein de l'Eglise
et de ses prêtres. Comme un ouragan dévastateur, elle balaya dans sa
course les meilleurs alliés de l'Eglise, l'aristocratie Catholique Romaine.
Dès ce moment le droit de l'opinion individuelle se trouva établi sur une
base solide. Le monde fut délivré de la tyrannie ecclésiastique en frayant
un chemin pour l'entrée du Grand Napoléon, qui infligea le coup mortel à
36
Traduit d'un document original aux Archives d'Orléans, France ; Voyez aussi Sortes et
Sortilèges ; et Lettres de Pierre de Blois, Paris, 1667.
37
Miracles and Modern Spiritualism.
l'Inquisition. Ce grand abattoir de l'Eglise Chrétienne – où elle immola, au
nom de l'Agneau, toutes les brebis qu'arbitrairement elle déclarait galeuses
– tomba en ruines et elle se vit laissée à ses propres responsabilités et
ressources.
Mais ce n'était pas le pire. Une calamité bien plus sérieuse s'abattit sur
l'Eglise dans l'évocation d'une multitude "d'esprits"des mondes supérieurs
et inférieurs, et leur conversation, de même que leur attitude, vinrent
donner le démenti le plus formel aux [33] dogmes de l'Eglise les plus
sacrés et les plus profitables. Ces "esprits" prétendaient être les mêmes
entités, à l'état désincarné, des pères, mères, fils et filles, amis et
connaissances de ceux qui assistaient à ces étranges phénomènes. Le
Diable semblait avoir perdu son existence objective, et ce coup sapa les
fondations mêmes sur lesquelles reposait le siège de Saint-Pierre 38. Pas un
38
Il existait deux sièges de l'apôtre titulaire de Rome. Le clergé effrayé des preuves ininterrompues
fournies par les recherches scientifiques, décida enfin de faire front à l'ennemi, et nous remarquons
que la Chronique des arts donne l'explication la plus habile, en même temps que la plus jésuite du
fait. D'après leur version, "l'augmentation du nombre des fidèles, décida Saint-Pierre à faire de
Rome le centre de son activité. Le cimetière d'Ostrianum était trop éloigné et ne suffisait plus aux
réunions des chrétiens. Le motif qui avait décidé 1 apôtre de conférer successivement à Linus et à
Clétus la dignité épiscopale, afin de leur permettre de partager les charges d'une église qui devait
être illimitée, conduisit à multiplier le nombre des lieux de réunion. Par conséquent, Pierre fixa sa
résidence particulière sur le Viminal ; et ce fut là que s'établit ce siège mystérieux, symbole du
pouvoir et de la vérité. L'auguste siège qu'on vénérait dans les catacombes d'Ostrian ne fut pourtant
pas enlevé. Pierre continua à visiter ce berceau de l'Eglise Romaine et, sans doute y exerça souvent
ses saintes fonctions. Un second siège, exprimant le même mystère que le premier, fut placé à
Cornélia et c'est celui-là qui nous a été légué des siècles passés."
Or, loin qu'il y ait la possibilité de l'existence de deux sièges authentiques de cette sorte, la majorité
des critiques est d'accord pour déclarer que Pierre n'a jamais été à Rome du tout ; les raisons sont
nombreuses et irréfutables. Peut-être ferions-nous bien de commencer en citant les ouvrages de
Justin Martyr. Ce grand champion du Christianisme, écrivant dans la première partie du second
siècle, à Rome, où il s'était fixé, désireux de réunir jusqu'aux plus infimes preuves de la vérité pour
laquelle il devait souffrir par la suite, parait être tout à fait ignorant de l'existence de saint Pierre !!
Aucun écrivain d'une certaine notoriété n'en fait non plus mention en relation avec l'Eglise de Rome
avant l'époque d'Irénée, lorsque celui-ci se mit à inventer une nouvelle religion, tirée des
profondeurs de sa propre imagination. Le lecteur qui désirerait se documenter à ce sujet, ferait bien
de lire l'intéressant ouvrage de M. George Reber, The Christ of Paul. Les arguments de cet auteur
sont concluants. L'article cité ci-dessus de la Chronique des Arts, parle de l'augmentation des
fidèles, au point que le cimetière d'Ostrianum ne pouvait plus contenir la foule des chrétiens. Or, si
saint Pierre a jamais été à Rome – suivant l'argument de M. Reber – cela a dû être entre les années
64 et 69 de notre ère ; car en 64 il était à Babylone, d'où il écrivit les épîtres et les lettres à Rome, et
alors à une époque entre 64 et 68 (durée du règne de Néron) il a dû mourir en martyr, ou dans son
lit, car Irénée lui fait transmettre l'Eglise de Rome, d'accord avec saint Paul (!?) (qu'il persécuta et
avec lequel il se disputa pendant toute sa vie) entre les mains de Linus qui prit l'épiscopat en 69.
(Voyez le Christ of Paul, par Reber, p. 122). Nous y reviendrons plus longuement au chapitre III.
Comment se fait-il alors, et ceci nous le demandons au nom du sens commun, que les fidèles de
l'Eglise de Saint-Pierre aient augmenté à ce point, si Néron, pendant tout son règne, les a fait
emprisonner et mourir comme des souris ? L'histoire nous dit que les quelques chrétiens qui étaient
à Rome se sauvaient de la ville où et comment ils pouvaient, afin d'échapper aux persécutions de
l'Empereur, et la Chronique des Arts au contraire, les fait augmenter et se multiplier ! L'article en
question continue en disant : "Le Christ avait voulu que le signe visible de l'autorité doctrinale de
son vicaire eût également sa part d'immortalité ; on en suit la trace, siècle après siècle, dans les
documents de l'Eglise Romaine." Tertullien en atteste formellement l'existence dans son livre De
Præscriptionibus XXXVI. Désireux de nous renseigner sur un sujet de cette importance, nous
serions heureux si l'on voulait bien nous faire savoir quand le Christ a-t-il voulu une chose pareille ?
Quoi qu'il en soit, "on a fait incruster des ornements d'ivoire sur le devant et le dos de la chaise,
mais seulement sur les parties qui avaient été restaurées avec du bois d'acacia. Les ornements qui
couvrent le panneau du devant sont divisés en trois rayons superposés, chacun composé de six
plaques d'ivoire, sur lesquelles sont gravés différents sujets, entre autres les Travaux d'Hercule.
seul esprit, [34] à part les entités espiègles de la Planchette, ne voulut
reconnaître une parenté, même éloignée avec sa majesté satanique, ou lui
faire crédit d'un seul pouce de royauté. Le clergé sentait son prestige
diminuer de jour en jour, puisque le peuple secouait impatiemment au
grand jour de la vérité, les sombres voiles qui lui avaient obscurci la vue
pendant tant de siècles. Puis, finalement, la fortune qui les avait assistés
jusqu'alors, dans leur longue lutte entre la théologie et la science, passa au
camp adverse. L'aide que celui-ci apporta à l'étude du côté occulte de la
nature fut aussi précieuse que bienvenue, et la science inconsciemment
élargit le sentier jadis si étroit des phénomènes, en une spacieuse avenue.
Si ce conflit ne s'était terminé juste à temps, il est probable que nous
aurions vu se renouveler sur une échelle réduite les scènes scandaleuses de
la sorcellerie de Salem et des nonnes de Loudun. De toutes façons, le
clergé était désormais maté.
Quelques-unes des plaques avaient été mal placées, et paraissent avoir été ajoutées à la chaise au
moment où les fragments antiques étaient employés comme ornements, sans se préoccuper s'ils
étaient bien à leur place." Voilà la question. L'article en question est tout simplement une habile
réponse à diverses questions publiées pendant le siècle actuel. Bower dans son History of the Popes
(vol. I p. 7) raconte qu'en 1662, lorsqu'on nettoya un des sièges, "on s'aperçut qu'on y avait gravé
malheureusement les douze travaux d'Hercule", après quoi le siège fut enlevé et remplacé par un
autre. Mais en 1795, lorsque Rome fut occupée par les soldats de Bonaparte, on examina de
nouveau le siège. Cette fois on y trouva gravée en lettres arabes, la confession de foi de Mahomet :
"Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah et Mahomet est son prophète." (Voyez appendice d'Ancient
Symbol Worship, par H.-M. Westropp et C. Staniland Wake.) Le Prof. Alexander Wilder fait
observer avec raison dans l'appendice : "Nous voulons supposer que l'apôtre de la Circoncision,
ainsi que Paul, son grand rival, l'appelle, n'a jamais été, du tout, dans la cité impériale, et qu'il n'y a
jamais eu, non plus, de successeur, même dans le ghetto. Par conséquent, "Le Siège de Saint-Pierre"
est plutôt sacré qu'apostolique. Sa sainteté, toutefois, provient de la religion ésotérique des anciens
temps romains : Il fut probablement occupé par le hiérophante des Mystères, les jours d'initiation,
lors de la présentation aux candidats du petrona [tablette de pierre où étaient inscrites les dernières
révélations du hiérophante au néophyte pour son initiation."]
de vivre en dehors d'un élément religieux, que le poisson hors de l'eau. La
voix de la vérité cette voix plus puissante que [35] "celle du tonnerre"
parle à l'homme intérieur dans le XIXème siècle de l'ère chrétienne, de la
même manière qu'elle lui parlait dans le siècle correspondant avant Jésus-
Christ. C'est une tâche inutile et ingrate que celle de proposer à l'humanité
le choix entre une vie future et l'annihilation. L'unique chance qui resterait
aux amis du progrès de l'humanité désireux de fonder une foi pour son
bien, entièrement dépourvue de superstition et de liens dogmatiques, serait
de leur parler ainsi que l'avait fait Josué : "Choisissez aujourd'hui qui vous
voulez servir, ou les dieux que servaient vos pères au-delà du fleuve, ou
les dieux des Amorrhéens, dans le pays que vous habitez 39."
39
Josué, XXIV, 15.
40
Un des faits les plus curieux qui se soit présenté à notre observation, c'est que les chercheurs
profonds n'aient pas associé la répétition de ces trouvailles "inattendues et presque miraculeuses a
d'importants documents au moment le plus opportun, avec un dessein prémédité. Il paraît étrange,
que les gardiennes de la sagesse "païenne", voyant l'heure venue fassent que justement l'ouvrage, le
document, ou la relique dont on avait besoin, se trouvât, comme par accident, sur le chemin de la
personne qui pouvait l'utiliser ? Les géologues et les explorateurs, aussi compétents que Humboldt
et Tschudi n'ont pas réussi à découvrir les mines secrètes d'où les Incas péruviens tiraient leurs
trésors, bien que ceux-ci aient avoué que les indigènes dégénérés actuels en aient conservé le secret.
L'archéologue Perring, en 1839, offrit deux bourses d'or au cheick d'un village Arabe, s'il voulait
l'aider à découvrir le passage secret, conduisant aux chambres sépulcrales dans la pyramide Nord de
Dashour. Mais, quoique ses hommes fussent sans travail et à moitié morts de faim, le cheick refusa
de "vendre le secret des morts" en promettant toutefois de le divulguer pour rien, lorsque l'heure
serait venue. Est-il, par conséquent, impossible que d'autres contrées du globe recèlent encore des
restes de la glorieuse littérature du passé, fruit de sa merveilleuse civilisation ? Qu'y aurait-il de si
surprenant à cela ? Qui sait, si, puisque l'Eglise Chrétienne a, sans le vouloir engendré la libre
pensée par la réaction contre sa propre cruauté, sa rapacité et son dogmatisme, l'esprit public suivra,
avec joie les Orientalistes qui l'éloignèrent de Jérusalem, pour la conduire vers Ellora ; et qu'alors
sera révélé beaucoup de ce qui est caché aujourd'hui !
41
Chips from a German Workshop, vol. 1, p. 377-78. Monothéisme sémite.
Dans leur désir insatiable d'étendre le domaine de la foi aveugle, les
premiers architectes de la théologie chrétienne se sont vus forcés autant
que possible d'en cacher la véritable source. A cet effet, on dit qu'ils ont
brûlé ou autrement détruit tous les manuscrits originaux de la Cabale, de la
magie et d'autres sciences occultes qui leur sont tombés sous la main. Ils
supposaient, dans leur [36] ignorance, que les ouvrages les plus dangereux
de cette catégorie avaient péri avec le dernier Gnostique ; ils reconnaîtront
peut être un jour leur erreur. D'autres documents, importants et
authentiques, apparaîtront, peut-être, de nouveau, de la manière "la plus
inattendue et presque miraculeuse".
42
En y réfléchissant, nous croyons comprendre la signification des phrases suivantes du Moses of
Choren : "Les anciens asiatiques, cinq siècles avant notre ère, et particulièrement les hindous, les
perses et les chaldéens, gardaient, en leur possession, une quantité d'ouvrages historiques et
scientifiques. Partie de ces ouvrages furent empruntés à la langue grecque ou traduits dans cette
langue, surtout depuis que les Ptolémées avaient fondé la bibliothèque d'Alexandrie, encourageant
les auteurs par leurs libéralités, de sorte que la langue grecque devint la langue pour toutes les
sciences." (History of Armenia.) Par conséquent, la plus grande partie de la littérature de 700.000
volumes de la Bibliothèque d'Alexandrie, provenait de l'Inde et des pays voisins.
d'Alexandrie, de payer les esclaves du Sérapéion pour voler les livres, qu'il
vendait ensuite fort cher à des étrangers. L'histoire nous dit que Théophilus
possédait les meilleurs ouvrages des philosophes en l'an 389 de notre ère ;
et comment son successeur et neveu, le non moins infâme Cyrile, fit
massacrer Hypatie. Suidas nous a transmis quelques détails au sujet
d'Antoninus, qu'il nomme Antonins, et de son éloquent ami Olympus,
défenseur du Sérapéion. Mais l'histoire est loin d'être complète dans les
restes insignifiants des ouvrages qui, à travers tant de siècles, se sont
conservés jusqu'à notre époque de connaissances ; elle ne nous dit rien au
sujet des cinq siècles de Christianisme, dont les nombreuses traditions ont
été conservées en Orient. Malgré le défaut d'authenticité par lequel elles
pèchent, elles contiennent [38] néanmoins beaucoup de bon grain sous un
monceau de rebut. Il ne faut pas s'étonner si ces traditions ne sont pas plus
souvent communiquées aux Européens, car nos voyageurs ont souvent le
tort de se rendre odieux aux yeux des indigènes par leur attitude sceptique
et souvent dogmatiquement intolérante. Quand des hommes exceptionnels
comme certains archéologues qui ont su capter la confiance et même
l'amitié d'Arabes, sont favorisés par l'acquisition de documents précieux,
on prétend simplement que ce n'est là qu'une "coïncidence". Et cependant
il ne manque pas de traditions fort répandues de l'existence de certaines
immenses galeries souterraines dans les environs de Ishmonia – la "cité
pétrifiée" – dans lesquelles sont conservés d'innombrables manuscrits et
rouleaux. Aucun Arabe ne voudrait s'en approcher pour tout l'or du monde.
A la nuit tombée, disent-ils, par les crevasses des ruines désolées, au plus
profond des sables desséchés du désert, on voit des lumières courant d'une
galerie à l'autre, portées par des mains qui n'ont rien d'humain. Les Afrites
étudient la littérature des âges antédiluviens, suivant leurs croyances, et les
Djins apprennent dans leurs rouleaux magiques les leçons du jour suivant.
43
Bonamy dit, dans Dissertation historique sur la Bibliothèque d'Alexandrie, en citant, croyons-
nous, le Père Orosius, qui avait été un témoin oculaire, "vingt ans plus tard".
livres dans un Sérapéion moderne, et d'y mettre le feu 44. La raison de cette
haine est fort naturelle. Les recherches modernes ont contribué de plus en
plus à dévoiler le secret. "Le culte des saints et des anges", disait l'évêque
Newton 45 il y a déjà plusieurs années, "n'est-il pas partout le même que le
culte des démons dans l'ancien temps ? Le nom en a été changé, mais la
chose est restée identique... les mêmes temples, les mêmes images,
consacrés jadis à Jupiter et à d'autres démons, sont consacrés aujourd'hui à
la Vierge Marie et à d'autres saints... le paganisme tout entier s'est converti
et a été adapté au Papisme". [39]
Pourquoi ne pas être franc et ajouter qu'une "bonne partie a aussi été
adoptée par les religions protestantes ?"
44
Depuis que ceci a été écrit, l'état d'esprit ci-dessus décrit a été parfaitement illustré à Barcelone,
en Espagne, où l'évêque Fray Joachim invita les spirites de l'endroit à assister à un autodafé officiel
de livres spirites. Nous trouvons la relation dans un journal intitulé La Revelacian publié à Alicante,
qui ajoute avec raison, que le spectacle n'était qu'une "caricature de l'époque mémorable de
l'Inquisition".
45
[Anglican. N.d.T.] E. Pococke donne les variantes du nom de Bouddha comme suit : Bud'ha ;
Buddha ; Booddha ; Butta ; Pont, Pote ; Pto ; Pte ; Phte ; Phtha ; Phut, etc., etc... Voyez India in
Greece. Note appendice, 397.
46
La tiare du pape est aussi une copie exacte de celle du Dalaï Lama du Tibet.
Philologie. Lorsque des ecclésiastiques aussi éminents que le Rev. James
Freeman Clarke se donnent la peine de prouver à leurs lecteurs que la
"théologie critique depuis l'époque d'Origène et de Saint-Jérôme... que la
Théologie controversielle, pendant quinze siècles n'ont pas eu pour but
unique l'adoption forcée des opinions d'autrui", mais qu'au contraire, elles
ont fait preuve "d'arguments clairs et subtils" nous ne pouvons que
regretter que tant d'érudition ait été gaspillée en cherchant à prouver ce
qu'un coup d'œil sur l'histoire de la théologie vient renverser d'un seul
coup. On trouve, certes, bon nombre "d'arguments subtils" dans ces
"controverses" et ces critiques des doctrines de l'Eglise, mais on y
rencontre surtout une bien plus forte dose de subtils sophismes.
47
[Voir son Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, Liv. X, ch. 6. ]
vingts ans 48 ; que celui-ci était l'unique gardien de la formule mystique, le
résumé de toute science, contenue dans les trois lettres mystérieuses.
A
U M
"Enfin, pour couronner cet habile système", dit Jacolliot, "il existait un
mot encore plus important que le mystérieux monosyllabe-AUM ; qui
faisait de celui qui était en possession de sa clé, presque l'égal de Brahma
lui-même. Le Brahmâtma, seul, était en possession de cette clé, et la
transmettait à son successeur dans un coffret scellé.
48
La coutume traditionnelle du collège des cardinaux est de choisir, autant que possible, le nouveau
Pape parmi les plus âgés. Le hiérophante d'Eleusis était également un prêtre fort âgé et célibataire.
49
C'est une erreur.
50
Le spiritisme dans le Monde, p. 28.
et les vêtements des Pontifes Romains ? Nous n'en serions pas autrement
surpris.
51
Confessions, 1. XII, ch. XIV. Cité par le professeur Draper dans Conflict between Religion and
Science, etc., ch. II, p. 60-61.
modification de la Cause Première, la raison, ou le Logos, et l'âme ou
l'esprit de l'univers. "Les trois principes originels ou archaïques" dit
Gibbon 52, "étaient représentés dans le système Platonicien, par trois dieux,
unis entre eux par une génération mystérieuse et ineffable". Fondant cette
idée transcendante avec la figure plus hypostatique du Logos de Philon le
Juif, dont la doctrine reposait sur l'ancienne Cabale, et qui considérait le
Messie Roi, comme le Métatron, ou "ange du Seigneur", le Legatus
descendu dans la chair, mais non pas l'Ancien des Jours Lui-même 53 ; les
Chrétiens affublèrent Jésus, le fils de Marie, de cette représentation
mythique du Médiateur pour la race déchue d'Adam. Sous cet
accoutrement inattendu il faillit perdre sa personnalité. Nous retrouvons
dans le Jésus moderne de l'Eglise Chrétienne, l'idéal de l'imaginatif Irénée,
non l'adepte des Esséniens, l'obscur réformateur de Galilée. Nous le
voyons sous le masque déformant Plato-Philonéen, et non comme les
disciples l'entendirent sur la montagne.
52
Decline and Fall of the Roman Empire, ch. XXI.
53
Zohar, Comment, Genèse, XL, 10 ; Kabbal Denud, I, 528.
La doctrine universelle des émanations, adoptée depuis un temps
immémorial par les plus célèbres écoles où enseignèrent les philosophes
cabalistes, Alexandrins et Orientaux, donne la clé de [47] la panique qui
éclata parmi les pères de l'Eglise chrétienne. L'esprit de Jésuitisme et
d'astuce cléricale qui fit que Pankhurst, plusieurs siècles plus tard,
supprima dans son Dictionnaire Hébreu, la véritable signification du
premier mot de la Genèse, prit naissance dans ces jours de guerre contre
les écoles moribondes néo-platonicienne et éclectique. Les pères
décidèrent de fausser la signification du mot "daïmon" 54, et par-dessus tout
ils craignaient de voir la véritable signification ésotérique du mot Rasit
dévoilée au peuple ; car, du moment que la signification véritable de cette
phrase, ainsi que celle du mot hébreu asdt (traduit par "anges" dans la
version des Septante, quand il veut dire, émanations) 55 étaient bien
comprises, le mystère de la trinité chrétienne s'écroulait, emportant dans sa
chute la nouvelle religion, parmi les décombres des anciens mystères. C'est
là la raison pour laquelle les dialecticiens ainsi qu'Aristote, lui-même, "le
philosophe chercheur" ont toujours été si déplaisants pour la théologie
chrétienne. Luther, lui-même, lorsqu'il préparait sa réforme, sentant le
terrain se dérober sous lui, bien que les dogmes aient été réduits à leur plus
simple expression, donna libre cours à la crainte et à la haine qu'il portait à
Aristote. Les invectives qu'il accumula sur la mémoire du grand logicien
ne peuvent être qu'égalées, jamais surpassées, par les anathèmes et les
malédictions papales contre les libéraux du gouvernement italien. En les
réunissant on formerait facilement une encyclopédie nouvelle de modèles
de diatribes monacales.
54
Les êtres que les philosophes d'autres peuples distinguent sous l'appellation de "Daemons", Moïse
les nomme "Anges", dit Philon le Juif, De Gigant, I, 253.
55
Deutéronome XXXIII, 2, est traduit par "le feu de la loi" dans la version française de la Bible.
métaphysique était un proche parent des émanations, puisqu'elle était la
première manifestation – Sephira, la Lumière Divine. Quand donc, aurait-
elle pu inspirer une plus grande crainte, sinon à ce moment critique ? [45]
56
[Respectivement, De princi, III, V ; Strom, VI, VII ; Comm. in Timæum ; Fragm. Things
Created ; Moreb Nebî-Khim, II, ch. XXX-]
57
Voyez Cyclopaedia de Rees. Art. Cabala.
58
Histor Manich, Liv. V, ch. I, p. 291.
avant cela ; mais que Dieu fit toute chose par Sa Sagesse qui est Son
Verbum, ce que la Bible chrétienne appelle le Commencement", adoptant
ainsi la signification exotérique du mot, qu'on avait laissée à la masse du
peuple. La Cabale, aussi bien l'orientale que la juive, indique que plusieurs
émanations (les Séphiroth Juives) sortirent du Premier Principe dont la
principale était la Sagesse. Cette sagesse est le Logos de Philon le Juif, et
Michel, le chef des Æons Gnostiques ; il est l'Ormazd des Persans ; [46] la
Minerve, déesse de la sagesse des Grecs, qui sortit de la tête de Jupiter ;
c'est la seconde Personne de la Trinité Chrétienne. Les pères primitifs de
l'Eglise n'eurent pas beaucoup à se creuser la tête ; ils trouvèrent une
doctrine toute faite qui avait existé dans toutes les théogonies depuis des
milliers d'années avant l'ère chrétienne. Leur Trinité n'est que le trio de
Séphiroth, les trois premières lumières cabalistiques, dont Moïse
Nachmanides dit qu'elles "n'ont jamais été vues par qui que ce soit ; il n'y
a en elles ni défaut, ni désunion." Le premier nombre éternel est le Père, ou
le chaos chaldéen primitif, invisible et incompréhensible, duquel procéda
l'Intelligible. Le Phtah égyptien, ou "le Principe de Lumière, mais non la
lumière elle-même, et le Principe de Vie, qui n'est pas, lui-même, la vie."
La Sagesse, au moyen de laquelle le Père créa les cieux, est le Fils, ou
l'Adam Kadmon androgyne de la Cabale. Le Fils est en même temps le
mâle Ra, ou la Lumière de Sagesse, et la Prudence ou Intelligence,
Séphira, la partie femelle de Lui-même ; tandis que de cet être double
procède la troisième émanation la Binah, ou Raison, la seconde
Intelligence – le Saint-Esprit des Chrétiens. Par conséquent, strictement
parlant, il y a une TETRAKTIS, ou un quaternaire, constitué par la
Première Monade Inintelligible, et sa triple émanation, qui proprement
parlant constitue notre Trinité.
59
[Jean I, 1.]
60
"Le coloris mystique du christianisme s'harmonisait bien avec les règlements et les opinions des
Esséniens, et il est fort probable que Jésus et saint Jean-Baptiste furent initiés aux Mystères des
Esséniens ; le Christianisme est redevable à ceux-ci de différentes formes d'expression ; de même
que la communauté des Thérapeutes, qui était un rejeton de l'ordre des Esséniens, fit peu de temps
après, partie du Christianisme" (I.M. Jost, I, 411. Cité par Dunlap dans Sod the Son of Man).
"Chacun sait, écrivait Fauste, le grand Manichéen du quatrième siècle,
que les Evangiles ne furent écrits ni par Jésus-Christ, ni par ses apôtres,
mais longtemps après eux, par quelques inconnus qui, comprenant
parfaitement qu'ils n'obtiendraient pas créance en parlant d'événements
auxquels ils n'avaient pas assisté, mirent comme en-tête à leurs récits les
noms des apôtres ou des disciples contemporains. 61.
De son côté Jacolliot nous dit : "Qu'est-ce donc que cette philosophie
religieuse de l'orient qui a pénétré dans le symbolisme mystique du
Christianisme ? Nous répondrons : Cette philosophie, dont nous trouvons
les traces chez les Mages, les Chaldéens, les Egyptiens, les Cabalistes
hébreux et le Christianisme, n'est rien d'autre que celle des Brahmanes
hindous, les sectaires des pitris ou esprits des mondes invisibles qui nous
environnent 63."
61
[Faustus, apud August. Cf. Beausobre, Hist. crit. du Manich, I, p. 297.]
62
A. Franck, Die Kabbala.
63
Le Spiritisme dans le Monde, p. 215.
l'histoire juive dans Zoroastre, Abraham et Terah, et plus tard dans Enoch,
Ezéchiel et Daniel.
64
Asiat. Trans., I, p. 579.
65
[Note dans Cudworth, True Intellectual System, II, p. 324, Londres 1845.]
le fait observer avec raison l'auteur si souvent maltraité, Jacolliot : "Ce
n'est pas dans les ouvrages religieux de l'antiquité, tels que les Védas, le
Zend-Avesta et la Bible que nous devons chercher l'expression exacte des
croyances nobles et sublimes de ces époques 66.
"La syllabe primitive sacrée, composée des trois lettres [A-U-M], dans
laquelle est contenue la Trimourti [trinité] Védique, doit être tenue secrète
comme un autre Véda triple" dit Manou dans le livre XI, sloka 266.
66
Louis Jacolliot, Le Spiritisme, etc., p. 13.
pour cela qu'on leur donne le nom de vertus, ou du
monde sensible.
Enfin, nous voyons, par les trois derniers Séphiroth, que
la Providence Universelle, l'artiste Suprême est aussi la
Force absolue, la cause toute-puissante, et que, en même
temps, cette cause est l'élément générateur de tout ce qui
existe. Ce sont ces derniers Séphiroth qui forment le
monde naturel, ou la nature dans son essence et son
principe actif ? Natura Naturans 67."
(Agrouchada-Parikshai).
67
Franck, La Kabbale, Paris 1843, pt. II, drap. III, pp, 197-98.
mystique de l'ancienne Egypte avec la philosophie raffinée des Grecs, se
rapprochant plus des anciens mystères de Thèbes et de Memphis, qu'ils ne
l'avaient fait pendant des siècles ; aussi bien versés dans la science de la
prophétie et de la divination, que dans l'art des thérapeutes ; liés d'amitié
avec les hommes les plus perspicaces de la nation juive, qui étaient
profondément imbus des notions de Zoroastre, les Néo-Platoniciens
tendaient à amalgamer l'antique sagesse de la Cabale orientale avec les
conceptions plus raffinées de la théosophie occidentale. Malgré la trahison
des Chrétiens qui, pour des raisons politiques après la mort de Constantin,
crurent bien faire de répudier leurs instructeurs, l'influence de la nouvelle
philosophie platonicienne est évidente dans l'adoption subséquente de
dogmes dont l'origine peut aisément être attribuée à cette école
remarquable. Tout mutilés et défigurés qu'ils soient, ils ont conservé cet air
de famille que rien ne peut effacer.
68
[Cf. A. Kircher, Sphinx Mystagoga, Amsteldolami, 1676, Pt III, ch. III, p. 52.]
n'aurons aucune difficulté à lui trouver une origine païenne. Cette pierre
angulaire d'une Eglise qui s'enorgueillissait d'être édifiée sur le roc pour de
longs siècles a été maintenant mise au jour par la science, et on a montré
son origine Gnostique. Le [52] professeur Draper démontre que ce dogme
était à peine connu du temps de Tertullien, et qu'il avait "pris naissance
chez les hérétiques gnostiques" 69. Nous ne nous permettrions pas de
contredire une si haute autorité, si ce n'est pour suggérer que ce dogme n'a
pas plus pris naissance chez eux, que leur notion du Christos, l'oint du
Seigneur, et leur Sophia. Le premier fut copié d'après le "Messie Roi"
originel, le principe mâle de la sagesse, et l'autre d'après la 3ème Séphiroth
de la Cabale 70 Chaldéenne, voire même d'après le Brahmâ hindou et
Sarasvati 71 et les Dionysius et Déméter païens. Ici nous sommes sur terre
ferme, puisqu'il a été maintenant prouvé que le Nouveau Testament n'avait
pas paru, dans sa forme complète, telle que nous le possédons aujourd'hui,
sinon trois cents ans après l'époque des apôtres 72, et que le Zohar et
d'autres ouvrages cabalistiques datent du premier siècle avant notre ère,
s'ils ne sont pas encore bien plus âgés.
69
Voyez Conflict between Religion and Science, p. 224.
70
Voyez Zohar, Kab. Den, le plus ancien livre des Cabalistes ; et Milman, History of Christianity,
140, pp. 212-15).
71
Milman, History of Christianity, p. 280. Saint Justin martyr mentionne à plusieurs reprises les
Kurios et Kora, 1ère Apologie, etc...
72
Voyez Olshausen, Biblischen Commentar liber sœmmtliche Schriftten des Neuen Testaments, p.
11.
expiation pour les péchés du passé, du présent et de l'avenir, de l'humanité
ignorante, mais corrompue. L'hiérophante avait le choix entre offrir aux
dieux, qu'il espérait rejoindre, sa vie pure et sans tache en sacrifice pour sa
race, ou une victime animale. Cela ne dépendait que de sa propre volonté.
Au dernier moment de la solennelle "nouvelle naissance", l'initiateur
transmettait le "mot" à l'initié, et immédiatement après avoir [53] placé une
arme dans sa main droite, il lui ordonnait de frapper 73. Voilà la véritable
origine du dogme Chrétien de la rédemption.
73
Il existe surtout chez les Slavons et les Russes, une superstition fort répandue qu'un magicien ou
un sorcier ne peut mourir avant d'avoir transmis le "mot" à son successeur. Cette croyance est si
fermement enracinée dans le peuple, que nous ne croyons pas qu'il existe une seule personne en
Russie qui n'en ait entendu parler. Il n'est pas difficile de suivre la trace de cette superstition dans
les anciens Mystères qui, pendant des siècles, avaient été répandus dans le monde entier. L'ancien
Variago-Rouss avait ses Mystères dans le Nord aussi bien que dans le Sud de la Russie ; et nous
retrouvons des reliques de l'ancienne croyance disséminées dans les contrées baignées par le
Dnieper sacré, le Jourdain baptismal de la Russie. En effet aucun Znâchar (celui qui sait) ou
Koldoun (sorcier) mâle ou femelle, ne peut mourir avant d'avoir transmis la parole mystérieuse à
quelqu'un. La croyance populaire est que s'il ne le fait pas, il languit et souffre pendant des semaines
et des mois, et s'il parvient finalement à se libérer, ce n'est que pour errer sur la terre, incapable de
quitter sa demeure jusqu'à ce qu'il ait trouvé un successeur, même après sa mort. Nous ignorons
jusqu'à quel point cette croyance peut être vérifiée, mais nous avons vu un cas, qui mérite d'être
raconté pour illustrer le sujet à cause de son dénouement tragique. Un vieillard de plus de cent ans,
serf-paysan dans le Gouvernement de S..., qui avait la réputation fort répandue d'être un sorcier et
un guérisseur, était moribond déjà depuis quelques jours, et ne parvenait cependant pas à mourir. La
nouvelle se répandit comme un éclair, et le pauvre homme était abandonné même par les membres
de sa famille, car ils craignaient de recevoir l'héritage redouté. La rumeur courut enfin dans le
village, qu'il avait envoyé un message à un collègue moins versé que lui dans son art, et qui, bien
que demeurant dans une contrée éloignée, devait accourir à son appel et serait là le lendemain
matin. Il y avait, à ce moment, en visite chez le propriétaire du village, un jeune docteur appartenant
à la célèbre école Nihiliste, et qui s'amusa beaucoup de cette idée. Le maître de la maison qui était
très pieux, ne pouvant se résoudre à faire si bon marché de la superstition, sourit comme on dit là-
bas, d'un seul coin de la bouche. Pendant ce temps, le jeune sceptique, afin de gratifier sa curiosité,
alla visiter le moribond et s'assura qu'il ne pouvait vivre vingt-quatre heures de plus ; il décida alors,
pour prouver l'absurdité de la superstition, de faire en sorte de retarder l'arrivée du "successeur"
dans un village voisin.
Le lendemain matin, de bonne heure, une réunion de quatre personnes, composée du docteur, le
propriétaire du village et sa fille, et de l'auteur de ces lignes, se rendit à la hutte où le triomphe du
scepticisme devait se produire. Le moribond attendait son libérateur à chaque instant, et son
tourment s'accrut en ne le voyant pas venir. Nous essayâmes de persuader le docteur de satisfaire le
malade, par amour de l'humanité, mais il ne fit qu'en rire. Tenant le pouls du sorcier dans une de ses
mains, il sortit sa montre de l'autre, et tout en nous disant, en français, que ce serait fini dans
quelques instants, il demeura absorbé par l'expérience professionnelle. La scène était solennelle et
terrifiante. Tout d'un coup la porte s'ouvrit et un jeune garçon entra informant le docteur que le
Koum était ivre-mort dans un village voisin, et que par conséquent, suivant ses ordres, il ne pourrait
venir que le lendemain auprès du Grand'père. Le jeune docteur se troubla et allait s'adresser au
vieillard, lorsque prompt comme l'éclair, le Znachâr retira sa main de la sienne et se dressa sur son
séant. Ses yeux enfoncés dans leurs orbites lancèrent des éclairs, sa barbe et ses cheveux d'un blanc-
Certes, nombreux furent les "Christs" dans les âges préchrétiens. Mais
ils moururent ignorés du monde et disparurent aussi silencieusement et
mystérieusement de la vue des hommes que Moise du sommet de Pisgah,
la montagne de Nebo (sagesse oraculaire) après avoir imposé les mains à
Josué, qui de ce moment fut "rempli de l'esprit de sagesse" (c'est-à-dire
qu'il fut initié). [54]
jaune encadrant sa face livide, lui donnèrent une expression effrayante... Puis, soudain, ses longs
bras décharnés entourèrent le cou du docteur, et l'attirant à lui par une force surnaturelle, inclina la
tête du docteur jusqu'à toucher la sienne, où il la tint comme dans un étau : il lui murmura alors
quelques paroles inaudibles pour nous, à l'oreille. Le sceptique fit des efforts pour se libérer, mais
avant qu'il n'eût le temps de faire un seul mouvement, l'œuvre fut accomplie. Les bras se dénouèrent
et le vieux sorcier retomba sur sa couche, un cadavre ! Un étrange et satanique sourire resta figé sur
ses lèvres blêmes, un sourire de triomphe démoniaque et de vengeance satisfaite ; mais le docteur
était encore plus pâle et plus livide que le mort. Il regarda autour de lui avec une expression de
terreur indicible, et, sans répondre à nos questions il s'élança au dehors dans la direction de la forêt.
On envoya des hommes à sa recherche mais il resta introuvable. Vers le coucher du soleil on
entendit un coup de feu dans la forêt. Une heure plus tard on ramenait le cadavre du docteur la tête
traversée par une balle ; le sceptique s'était fait sauter la cervelle !
Qui le poussa au suicide ? Quelle incantation magique ou sortilège, la "parole" du sorcier moribond,
avait-elle produit sur son esprit ? Qui pourra le dire ?
74
Anacalypsis ; voyez également Tertullien.
75
[Cicéron, De natura deorum, III, 16.]
plus du fruit de la vigne jusqu'au jour où je le boirai de nouveau dans le
royaume de Dieu." [Marc XIV, 25].
Plutarque estime que la fête des loges était un rite Bachique, et non
pas Eleusinien. Donc "on évoquait directement Bacchus", dit-il. Le culte
Sabazien était sabbatique ; les noms de Evius ou Hévius, et Luaïos sont
identiques à ceux de Hivite et Lévite. Le nom français Louis, est le Lévi
hébreu ; de même que Iacchus est le Iao ou Jéhovah ; Baal ou Adon
comme Bacchus était un dieu phallique. "Qui pourra monter à la montagne
de l'Eternel ? (l'endroit élevé)" s'écrie le saint roi David, "qui s'élèvera
jusqu'à la place de son Kadoushou ( "? ושדקPsaumes, XXIV, 3). Kadesh
peut avoir dans un sens la signification de consacrer, vénérer, sanctifier, et
même d'initier, de mettre à part ; mais il veut aussi dire l'usage de rites
lascifs (culte de Vénus) et la véritable interprétation du mot Kadesh est
donnée au Deutéronome, XXIII, 17 ; Osée, IV, 14 ; et Genèse, XXXVIII
du verset 15 au 22. Les "saintes" Kadeshuth de la Bible étaient identiques,
quant à leur profession, aux Femmes-Nautch, à une époque plus récente
dans les pagodes hindoues. Les Kadeshim hébreux ou galli, vivaient "dans
la maison de l'Eternel et où les femmes tissaient des tentures pour le
bosquet", ou pour le buste de Vénus Astarté, dit le septième verset du
23ème chapitre du 9ème Livre des Rois.
76
Anthon, art. Eleusinia.
77
Sod, the mysteries of Adoni, p. 71.
78
Rois, VIII, 2.
XVIII, 26). Cette danse était caractéristique du culte sabbéen, car elle
représentait le mouvement des planètes autour du soleil. Il n'y a pas de
doute que cette danse était une folie bachique. A cette occasion on se
servait de sistres, et le reproche de Mical ainsi que la réponse du roi sont
tout à fait expressifs. "Le roi d'Israël se découvrit devant ses servantes,
ainsi que se découvrent sans honte les vains compères [débauchés]". Et il
ajoute : "Je jouerai [j'agirai lubriquement] devant יהוה, et je serai plus vil
encore, et je me rabaisserai à mes propres yeux" 79. Si nous nous rappelons
que David avait séjourné parmi les Tyriens et les Philistins, où ces rites
étaient communs, et qu'il avait arraché cette contrée à la maison de Saül, à
l'aide de mercenaires de leurs pays, l'acceptation et peut-être aussi
l'introduction d'un culte païen de cette nature par le faible "psalmiste" n'a
rien qui doive nous surprendre. David ne savait rien de Moise, à ce qu'il
paraît, et s'il introduisit le culte de Jéhovah, ce ne fut pas dans son
caractère monothéiste, mais simplement comme l'un des nombreux dieux
des nations avoisinantes – divinité tutélaire à laquelle il avait donné la
préférence, et qu'il avait choisie entre "tous les autres dieux". [56]
79
[2 Sam, VI, 20-22.]
le Kasdo-Scythique et ainsi de suite. La seule tradition à laquelle on puisse
ajouter foi, est celle que ces Akkadiens instruisirent les Babyloniens dans
les Mystères, en leur enseignant le langage sacerdotal ou langage des
Mystères. Ces Akkadiens n'étaient, alors, qu'une tribu de Brahmanes
hindous appelés aujourd'hui Aryens, dont le langage vernaculaire était le
sanscrit 80 des Védas ; et le langage sacré ou des Mystères, est celui dont,
de nos jours, se servent les fakirs hindous et les brahmanes initiés dans
leurs évocations magiques 81. Ce langage a été employé depuis un temps
immémorial, et l'est encore par les initiés de tous les pays, et les Lamas
Tibétains prétendent que c'est dans cette langue qu'apparaissent les
caractères mystérieux, sur les feuilles et l'écorce du Koumboum sacré.
Jacolliot qui fit tant d'efforts pour pénétrer les mystères de l'initiation
Brahmanique, en traduisant et en commentant l'Agrouchada-Parikshai, fait
la confession suivante : [57]
"On prétend aussi, sans que nous ayons pu vérifier la
chose, que les évocations magiques étaient prononcées
dans un langage particulier, et qu'il était défendu, sous
peine de mort, de les traduire en langage vulgaire. Les
rares expressions que nous avons pu saisir, comme –
L'rhom, h'hom, sh'hrum, sho'rhim, sont, en effet fort
curieuses, et ne paraissent appartenir à aucun langage
connu" 82.
80
Rappelons-nous, à cette occasion, que le Col. Vans Kennedy a déclaré il y a déjà longtemps, que
Babylone fut à une époque le siège du Sanscrit et de l'influence Brahmanique.
81
"L'Agrouchada-Parikshai qui révèle, jusqu'à un certain point, l'ordre de l'initiation, ne donne pas
la formule de l'évocation", dit Jacolliot, et il ajoute que suivant certains Brahmanes "ces formules
n'ont jamais été écrites, mais qu'elles étaient, et sont encore transmises à voix basse à l'oreille des
adeptes". (Les Maçons disent : "de la bouche à l'oreille et â voix basse".)
82
Le Spiritisme dans le Monde, p. 108.
Il est rare que deux philologues sanscristes même des plus érudits
soient d'accord sur l'interprétation des mots védiques. Qu'un auteur publie
un essai, une conférence, un traité, une traduction, un dictionnaire, et tous
les autres commencent à se quereller entre eux et avec lui, en lui
reprochant ses péchés d'omission et de commission. Le Professeur
Whitney, le plus célèbre orientaliste américain, dit que les notes du
Professeur Müller sur le Rig Véda Sâmhitâ "sont loin de faire preuve d'un
jugement sain et profond, de cette modération et cette économie qui
devraient être les qualités les plus précieuses d'un exégète" 83. Le
Professeur Müller répond avec aigreur à son critique que "non seulement
la satisfaction, qui est la récompense inhérente de toute œuvre loyale, est
empoisonnée, mais l'égoïsme, la méchanceté, voire même l'inexactitude
prennent le dessus, et arrêtent ainsi la saine croissance de la science". Il
n'est pas d'accord, "dans beaucoup de cas, avec les explications de mots
Védiques, mises en avant par le professeur R. Roth" dans son Dictionnaire
Sanscrit, et le professeur Whitney leur lave la tête à tous les deux, en
disant qu'il y a sans contredit des mots et des expressions entières, "pour
lesquels tous les deux auront à accepter une correction, par la suite".
83
[Oriental and Linguistic studies, p. 138.]
84
[Ibid., p. 147.]
absorbant... un ouvrage savant traitant de faits connus, avec des arguments
familiers" 85.
85
[L. Jacolliot, Christna et le Christ, p. 339.]
86
W.-D. Withney, Oriental and Linguistic Studies, The Veda, etc.
87
Il semblerait que Jacolliot ait démontré fort logiquement les contradictions absurdes de quelques
philologues, anthropologues et orientalistes au sujet de leur manie Akkado-Sémite : "Leurs
négations ne pèchent, certes pas par la bonne foi" écrit-il. "Les savants qui ont inventé les peuples
Touraniens savent fort bien que seulement dans le "Manou, il y a plus de science et de philosophie
véritable que dans tout ce que ce prétendu sémitisme nous a fait voir ; mais ils sont esclaves d'une
voie que plusieurs d'entre eux ont suivie depuis quinze, vingt ou même trente ans... Par conséquent,
nous n'avons rien à attendre du présent. L'Inde devra sa reconstitution aux savants de la prochaine
génération". (La Genèse de l'Humanité, p. 60-61.)
88
[Cory, op. cit., p. 6.]
"Car toutes choses sont gouvernées depuis le sein de cette Triade" dit
un oracle chaldéen. Les Phos, Pur et Phlox de Sanchoniathon, sont la
Lumière, le Feu et la Flamme, trois manifestations du Soleil qui est un.
Bel-Saturne, Jupiter-Bel et Bel ou Baal-Chom constituaient la trinité
chaldéenne 89 ; "Le Bel babylonien était considéré sous le triple aspect de
Belitan, Zeus-Belus (le médiateur) et Baal-Chom, qui est lui-même
l'Apollon Chomœus. Celui-ci était le Triple aspect du "Très Haut" 90 qui,
suivant Bérose, est : soit El [Hébreu] Bel, Belitan, Mithra, soit Zervana et
porte le nom de πχτήρ, "Le Père" 91. Les Brahmâ, Vichnou et Shiva 92, qui
correspondent à la Puissance, la Sagesse et la Justice, qui de leur côté,
répondent à l'Esprit, la Matière, le Temps, ainsi qu'au Passé, Présent et
Futur, se trouvent dans le temple de Gharapouri ; des milliers de
Brahmanes dogmatiques adorent ces attributs de la Divinité Védique,
tandis que les austères moines et nonnes du Tibet bouddhique ne
reconnaissent que la trinité sacrée des trois vertus cardinales : Pauvreté,
chasteté et obéissance, professées par les chrétiens, mais pratiquées par les
Bouddhistes et quelques rares hindous."
89
Cory, Anc. Frag.
90
Movers, Phainizer, 263.
91
Dunlap, Sp. Hist. of Man, p. 281.
92
Shiva n'est pas strictement parlant, un dieu des Védas. Lorsque les Védas furent écrits, il tenait le
rang de Maha-Deva, ou Bel, parmi les dieux de l'Inde aborigène.
93
De Antro Nympharum.
94
Navarette, livre II, c. X.
95
On the Origin of Heathen idolatry, vol. I, p. 269, éd. 1816.
De tous les dogmes de l'Eglise, ce dernier est celui qui a eu le plus à
souffrir dernièrement, à la suite des attaques des Orientalistes. La
réputation de chacun des trois personnages de la divinité anthropomorphe,
prise au point de vue de la révélation aux Chrétiens, par la volonté Divine,
a été sérieusement compromise à la [60] suite de l'enquête faite sur son
origine et ses antécédents. Les Orientalistes ont publié plus de choses au
sujet de la ressemblance entre le Brahmanisme, le Bouddhisme et le
Christianisme qu'il n'a été agréable au Vatican. L'affirmation de Draper,
que "le Paganisme a été modifié par le Christianisme, et le Christianisme
par le Paganisme" 96... se vérifie chaque jour. "L'Olympe a été restauré,
mais les divinités ont pris d'autres noms", nous dit Draper en parlant de la
période de Constantin. "Les provinces les plus puissantes insistèrent pour
qu'on adoptât leurs conceptions consacrées par le temps. On établit des
notions de la trinité d'accord avec les anciennes traditions égyptiennes. On
restaura non seulement l'adoration d'Isis sous un autre nom, mais on
rétablit son image elle-même, debout sur le croissant. L'effigie bien connue
de cette déesse, tenant son enfant Horus dans les bras, s'est perpétuée
jusqu'à nos jours, dans les ravissantes créations artistiques de la Madone et
son enfant.
Tout le dogme trinitaire, accepté par les Chrétiens, est développé dans
des phrases claires et ne donnant lieu à aucune équivoque dans le Livre
96
D'après les livres sacrés des Egyptiens Isis et Osiris seraient apparus (c'est-à-dire furent adorés)
sur la terre après Thot, le premier Hermès, nommé le Trismégiste, qui écrivit tous leurs livres sacrés
d'après le commandement de Dieu, ou par "révélation divine". Le compagnon et l'instructeur d'Isis
et d'Osiris fut Thoth ou Hermès II, qui était une incarnation de l'Hermès céleste.
97
[Champollion-Figeac, Egypte ancienne, p 104.]
d'Hermès "Pimandre". "La Lumière c'est moi" dit Pimandre, la PENSEE
DIVINE, "Je suis le nous ou l'intelligence et je suis ton dieu, et je suis plus
âgé que le principe humain qui s'échappe de l'ombre. Je suis le germe de la
pensée, la PAROLE resplendissante, le FILS DE DIEU. Réfléchis que ce
qui pense et entend en toi est le Verbe du Maître, c'est la Pensée qui est
Dieu le Père... L'océan céleste, l'ÆTHER, qui coule de l'est à l'ouest, est le
Souffle du Père, le Principe qui donne la vie, le SAINT ESPRIT !" "Car ils
ne sont pas du tout séparés et leur union c'est la VIE." 98. [61]
98
[L. Ménard, Hermès Trismégiste, Paris 1867, I, 1.]......
99
[Genèse III, 15.]
100
Lord Kingsborough, Ant. Mex., p. 165.
plus d'un critique a identifié avec Nemrod "le puissant chasseur". Manetho
fait réprimander le roi par l'oracle, lorsqu'il lui demande : "Dis-moi, oh toi,
puissant dans le feu, qui, avant moi, a pu subjuguer toutes choses ? et qui
le fera après moi ?" Et l'oracle lui répond ainsi : "Premièrement Dieu, puis
le Verbe, et après eux l'Esprit 101."
101
Ap. Malal, lib. I, chap. IV.
102
Payne Knight, Phallic Worship, Londres 1865, pp. 171 et seq.
la requête pressante de son ami saint Ambroise, fut le premier à la prendre
en main, car, ayant appartenu à la même école platonicienne d'Ammonius,
on le considérait comme la personne la plus compétente pour réfuter des
accusations si bien fondées. Mais son éloquence lui fit défaut et le seul
remède qu'on apporta fut la destruction de tous les ouvrages de Celse 103.
Cela n'eut guère lieu que dans le cinquième siècle, après que de
nombreuses copies eussent été prises de ces ouvrages et qu'ils eurent été
lus et étudiés par de nombreuses personnes. Si aucune copie n'est parvenue
jusqu'aux savants de notre génération, ce n'est pas parce qu'il n'en existe
pas aujourd'hui, mais pour la simple raison que les moines d'une certaine
église Orientale du Mont Athos, ne veulent ni les laisser voir, ni
reconnaître qu'ils en possèdent un exemplaire 104. Peut-être ignorent-ils
103
Le Celse mentionné plus haut, qui vécut entre le second et le troisième siècle, n'est pas Celse
l'Epicurien. Ce dernier écrivit plusieurs ouvrages condamnant la magie, et vécut avant l'autre
pendant le règne d'Adrien.
104
Nous avons ces détails d'un témoin digne de foi, qui n'a aucun intérêt à inventer une pareille
histoire. S'étant blessé à la jambe en sautant du vapeur dans le canot qui devait le conduire au Mont,
il fut soigné par les moines, et pendant sa convalescence, à la suite de cadeaux d'argent et d'autres
présents, il gagna leur amitié et bientôt après leur entière confiance. Ayant demandé qu'on lui prêtât
quelques livres, il fut conduit par le supérieur dans une vaste cave dans laquelle ils gardaient les
vases sacrés et autres choses précieuses. Ouvrant une grande malle, pleine de manuscrits et de
rouleaux vermoulus, le supérieur lui dit de s'amuser. Ce monsieur était un lettré et versé dans les
langues grecque et latine. "Je fus émerveillé", écrivit-il dans une lettre particulière, "au point d'en
perdre le souffle, en rencontrant, parmi ces anciens parchemins, traités avec si peu de cérémonie,
quelques-unes des plus précieuses reliques des premiers siècles, que jusqu'à maintenant on croyait
perdues". Entre autres, il trouva un manuscrit à moitié détruit, qu'il est absolument certain d'être une
copie de la "Véritable Doctrine" le Αόγος άλὴθὴς de Celse, dont Origène a cité des pages entières.
Le voyageur prit autant de notes qu'il put ce jour-là mais lorsqu'il offrit au supérieur de lui acheter
quelques-uns des manuscrits qu'il avait parcourus, il fut surpris de constater qu' "aucune somme
d'argent ne pourrait tenter les moines". Ils ne savaient pas ce que contenaient les manuscrits, et cela
leur était bien égal", dirent-ils. Mais tout le lot de manuscrits leur avait été transmis d'une
génération à une autre, et il existait parmi eux, une tradition, que ces papiers leur procureraient, un
jour, le moyen d'écraser la "Grande bête de l'Apocalypse", leur ennemi héréditaire, l'Eglise de
Rome. Ils étaient en querelles constantes et en bataille ouverte avec les moines catholiques, et dans
tout "le tas" ils savaient qu'il y avait une relique "sacrée" qui les protégeait. Ils ne savaient pas
laquelle, et par conséquent, dans le doute ils s'abstenaient. Il paraît que le supérieur, qui était un
Grec rusé, comprit la bévue qu'il avait faite, et se repentit de son amabilité, car en premier lieu il fit
promettre au voyageur sur sa parole d'honneur, appuyée par un serment sur l'image de la Sainte
Patronne du Pays, de ne jamais dévoiler leur secret, et surtout de ne jamais mentionner le nom de
leur couvent. Et enfin, lorsque le voyageur qui avait passé quinze jours à lire toutes sortes de
grimoires anciens sans valeur, était tombé par hasard sur un manuscrit précieux, voulut avoir la clé
pour "s'amuser un peu" avec les parchemins, on lui dit très naïvement que la clé "avait été perdue"
et qu'on ne savait pas où la chercher. Il dut, par conséquent, se contenter des quelques notes qu'il
avait prises.
eux-mêmes la valeur du contenu de ces manuscrits, par suite de leur
profonde ignorance. [63]
105
Voyez le roman historique du Chanoine Kingsley Hypatia où l'on trouvera un récit pittoresque
du sort tragique de cette jeune martyre.
106
[Epistolæ, X et XVI.]
connaissait si bien, ce Cyrille qui plus tard fut CANONISE comme
saint !! 107.
107
Nous prions le lecteur de ne pas oublier que ce même Cyrille fut accusé et reconnu coupable
d'avoir vendu les ornements d'or et d'argent de son église, après avoir dilapidé l'argent. Il reconnut
qu'il était coupable et essaya de s'excuser en disant qu'il avait donné l'argent aux pauvres, mais il
n'en put faire la preuve. Sa duplicité avec Arius et son parti est bien connue. Ainsi, un des premiers
saints chrétiens, le fondateur de la Trinité, apparaît dans les annales de l'histoire comme un assassin
et un voleur.
108
[Cela fut écrit en 1877.]
Nous présenterons, dans le chapitre suivant, quelques exemples de
sorcellerie, tels qu'ils furent pratiqués sous le patronage de l'Eglise
Romaine.
[67]
CHAPITRE II
—
CRIMES CHRETIENS ET VERTUS PAIENNES
Bodin, dans son célèbre ouvrage sur la sorcellerie 109 raconte une
histoire effrayante au sujet de Catherine de Médicis. L'auteur était un
savant publiciste, qui pendant vingt années de sa vie, collectionna des
documents authentiques dans les archives de presque toutes les plus
109
La Démonomanie, ou Traité des Sorciers, Paris, 1587.
importantes villes de France, afin d'écrire un ouvrage très complet sur la
sorcellerie, la magie et le pouvoir de divers "démons". D'après une
expression d'Eliphas Lévi, son livre présente une collection surprenante de
"faits sanglants et hideux ; des actes de superstition la plus révoltante,
d'arrestations et d'exécutions commises avec une férocité stupide. Brûlez
tout le monde, semblait dire l'Inquisition – Dieu retrouvera facilement les
siens ! Pauvres diables, femmes hystériques et malheureux idiots, tous
furent brûlés vifs sans merci, sous l'accusation de "Magie". Mais en même
temps, combien de misérables coupables échappèrent à cette Justice
injuste et sanguinaire. Voilà ce que Bodin nous fait apprécier dans son
livre." 110 [68]
110
[Dogme et rituel, etc., II, ch. XV.]
lampes mystérieuses. A ce moment commença l'exorcisme, et le démon fut
sommé de prononcer un oracle et de répondre par la bouche de cette tête
d'enfant, à une question secrète que le roi n'osait pas faire à haute voix, et
qui n'avait été confiée à âme qui vive. Alors, une faible et étrange voix, qui
n'avait rien d'humain, se fit entendre dans la bouche du pauvre petit
martyr." La sorcellerie ne servit à rien ; le roi mourut, et – Catherine
demeura néanmoins la pieuse et fidèle servante de l'Eglise de Rome !
Il est étrange que des Mousseaux, qui fit de copieux emprunts dans les
matériaux de Bodin pour échafauder sa formidable accusation contre les
spirites et autres sorciers, ait laissé passer inaperçu cet intéressant épisode.
111
[Hist of the Supernatural, vol. I, p. 483.]
pouvoirs biologiques analogues, mais sans se prévaloir de l'aide de dieu ou
du diable. Les "miracles" de cette nature sont tous le produit de la même
force humaine, inhérente en chaque individu, si seulement il apprend à la
développer.
112
Thos. Wright, Narr. of Sorcery and Magie, vol. I, pp. 203-4.]
113
Ibid., I, pp. 219 et seq.]
pour son usage personnel, n'envoyant au bûcher que les praticiens qui
"braconnaient" sur ses terres gardées de la Scientia Scientiarum, et dont les
péchés ne pouvaient être cachés sous le froc monacal. Nous en avons la
preuve dans l'histoire. "Au cours de seulement quinze années, entre 1580
et 1595, et dans la seule province de Lorraine, le Président Rémigius fit
brûler 900 sorcières", dit Thomas Wright, dans son Sorcery and Magic 114.
Ce fut à cette époque fertile en meurtres ecclésiastiques, d'une cruauté et
d'une férocité inouïes, que Jean Bodin écrivit ses mémoires.
114
[Vol. I p. 300.]
115
[The Proceeding and Sentences of the... Inquisition... against G. Matagrida, etc., Londres
1762.].
116
[Tischreden, ch. XXXIII, Leipzig 1700.]
sec par ordre du Pape Grégoire, mit à jour dans le fond, plus de six mille
crânes d'enfants ; un couvent de nonnes à Neinburg, Autriche, cachait dans
ses fondations, lorsque celles-ci furent mises à nu, les mêmes reliques du
célibat et de la chasteté !
117
[Demonologia, p. 302.]
brûlé, lui aussi, pour sorcellerie et maléfice. Granger nous raconte l'histoire
comme ayant eu lieu de son temps. Le pauvre animal "avait appris à
indiquer le nombre de points sur des cartes à jouer, et l'heure à une montre.
Le cheval et son propriétaire furent accusés, tous deux, par le Saint Office,
d'avoir fait un pacte avec le Diable, et ils furent brûlés comme sorciers en
grande pompe d'autodafé à Lisbonne, en 1601 118).
118
[James Granges, Biogr. Hist. of England, 1769.]
119
[Demonologia, pp. 304-306.]
lointain pays, y prendre connaissance d'événements politiques et autres, et
de revenir ensuite chez lui pour en prédire l'accomplissement dans son
pays. Il avait un démon familier, qui le servit fidèlement pendant de
longues années, raconte le Chronicle, mais le curé, pris d'ingratitude, le
trompa. Son démon lui ayant révélé un complot contre la vie du Pape, en
conséquence d'une intrigue galante de celui-ci avec une gentille dame, le
curé se transporta à Rome (son double naturellement) et parvint ainsi à
sauver la vie de Sa Sainteté. Peu après, il se repentit, confessa ses péchés
au Pape galant, et reçu l'absolution. "A son retour il fut emprisonné pour la
forme, par les inquisiteurs de Logrono, mais on l'acquitta et peu de temps
après il fut remis en liberté." 120.
120
[Thos. Wright, Narr. of Sorcery, etc., II, pp. XX-XVIII.]
121
[Plutôt de 1528 à 1530. Cf. Thos. Wright, op. cit., II, p. XVIII.]
122
Dr W.-G. Soldan, Geschichte der Hexen Processe, aus den Quellen dargestellt, Stuttgart, 1843.
véritable origine des accusations journalières et des condamnations à mort
pour le délit de sorcellerie est fort habilement ramenée à des inimitiés
personnelles et politiques, et surtout à la haine des catholiques contre les
protestants. L'œuvre astucieuse des Jésuites se reconnaît à chaque page de
ces sanglantes tragédies ; et ce fut à Bamberg et à Würzburg, où ces dignes
fils de Loyola étaient à ce moment tout puissants, que les cas de sorcellerie
furent les plus nombreux. Dans les pages suivantes, nous donnons une liste
curieuse de quelques-unes de ces victimes, parmi lesquelles figurent de
nombreux enfants entre sept et huit ans, et beaucoup de protestants. "Parmi
la quantité de personnes qui périrent en Allemagne sur le bûcher, pendant
la première moitié du XVIIème siècle sous l'accusation de sorcellerie, le
seul crime de beaucoup d'entre eux, nous dit T. Wright, fut leur
attachement à la religion de Luther,... et les petits princes ne dédaignèrent
pas de saisir cette occasion pour remplir leurs coffres... les personnes les
plus persécutées ayant été celles dont les propriétés étaient le plus
considérables... Tant à Bamberg qu'à Wûrzburg, l'évêque était un prince
souverain, maître de ses domaines. Le prince-évêque, Jean Georges II, qui
régnait à Bamberg... après plusieurs essais infructueux pour déraciner la
foi luthérienne... distingua son règne par une série de sanglants procès de
sorcières, qui sont une honte pour l'histoire de cette ville... On peut se faire
une idée des procédés de son digne agent 123, d'après le récit des historiens
les plus autorisés... qu'entre 1625 et 1630, non moins de 900 procès furent
jugés dans les deux tribunaux de Bamberg et de Zeil : une brochure,
publiée par l'autorité de Bamberg en 1659, fixe à 600 le nombre des
personnes que l'évêque Jean Georges fit brûler pour sorcellerie". 124.
123
Frédéric Forner, suffragant à Bamberg, auteur d'un traité contre les hérétiques et les sorciers,
sous le titre de Panoplia Armaturæ Dei, etc...
124
Sorcery and Magic, par T. Wright, M. A., F. S. A., etc. Membre correspondant de l'Institut
national de France, vol. II, pp. 183-185.
125
[Cf. T. Wright, op. cit., II, pp. 187-94.]
avait quatorze ans, [75] et le plus jeune, un enfant en bas âge du Dr Schütz.
Afin d'abréger le catalogue, nous ne donnerons que les plus saillantes des
vingt-neuf exécutions par le feu 126.
126
Outre ces exécutions en Allemagne, qui se chiffrèrent par plusieurs milliers, nous trouvons
quelques renseignements intéressants dans le Conflict between Religion and Science du Prof.
Draper. Il dit à la page 146 : "Les familles des condamnés furent ruinées de fond en comble.
Llorente, l'historien de l'Inquisition, calcule que Torquemada et ses collaborateurs, au cours de dix-
huit années, ont fait brûler sur le bûcher 10.220 personnes, 6.860 en effigie, et qu'ils en ont puni de
diverses manières, 97.321 autres !... Nous apprenons avec une inexprimable indignation que le
Gouvernement papal reçut de fortes sommes d'argent en vendant aux personnes aisées des dispenses
pour les garantir contre l'Inquisition."
La femme du gros tailleur.
Un homme étranger.
Une femme étrangère. [76]
Récapitulation
TOTAL
"Il y avait, dit Wright, parmi les sorcières de petites filles de sept à dix
ans, dont vingt-sept furent condamnées et brûlées", à quelques autres
Brænde ou exécutions par le feu. "Le nombre d'accusés amenés pour être
jugés pendant ces horribles procès était si grand, et ils étaient traités avec
si peu d'égards, qu'on ne prenait pas même leurs noms, et qu'ils étaient
simplement classés n° 1, n° 2, n° 3, et ainsi de suite 127. Les jésuites les
confessaient en particulier."[79]
127
Sorcery and Magic ; The Burnings at Würzburg, p, 186.
occasion de chute pour un seul de ces petits qui croient en moi, il vaudrait
mieux pour lui qu'on lui suspendit au cou une grosse meule et qu'on le
précipitât au plus profond de la mer." 128.
Nous faisons des vœux pour que les paroles ci-dessus n'aient pas été
une vaine menace pour ces brûleurs de petits enfants.
128
[Mathieu XIX, 14 ; XVIII, 14, 6.]
le sang d'une colombe blanche. Ce que les exorciseurs recherchaient le
plus, était de délivrer les misérables esprits, qui hantent les lieux où gisent
des trésors enfouis. L'exorciseur arrosait le cercle avec le sang d'un agneau
noir et d'un pigeon blanc. Le prêtre conjurait alors les mauvais esprits de
l'enfer, Acheront, Magoth, Asmodei, Beelzébub, Belial et toutes les âmes
damnées, aux noms puissants de Jéhovah, Adonaï, Elohah, et Sabaïoth, ce
dernier étant le dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui demeure dans
l'Urim et le Thummin. Lorsque les âmes damnées ripostaient à l'exorciseur
qu'il n'était qu'un pécheur et qu'il ne leur arracherait pas le trésor, le prêtre
sorcier devait répondre que "tous les péchés étaient lavés dans le sang du
Christ 129 et qu'il leur ordonnait de se retirer en esprits maudits et mouches
damnées qu'elles étaient". Lorsque enfin l'exorciseur les avait délogés, la
pauvre âme était "réconfortée au nom du Sauveur, et confiée aux soins des
bons anges", qui devaient être moins puissants, croyons-nous, que les
dignes exorciseurs catholiques, "et le trésor reconquis restait naturellement
acquis à l'Eglise".
Nous avons déjà constaté l'aveu d'un éminent prélat que l'élimination
de Satan de la théologie serait fatal à l'existence de l'Eglise. Cela n'est vrai
qu'à moitié. Le Prince du Péché n'existerait plus, sans doute, mais le Péché
lui-même survivrait. Avec la destruction du Diable, les Articles de foi et la
Bible resteraient. En somme, il y aurait encore une prétendue révélation
divine, et un besoin d'interprètes inspirés qui s'arrogent eux-mêmes ce
titre. Par conséquent nous devons avant tout considérer l'authenticité de la
Bible elle-même. Etudions-la page par page, et voyons si, vraiment, elle
contient les commandements de la Divinité, ou si elle n'est qu'un ramassis
129
Et retrempés dans le sang des millions d'êtres assassinés en son nom – et dans le sang non moins
innocent que le sien, des petits enfants-sorciers.
130
[Howitt, op. cit., vol. II, pp. 13-16.]
d'anciennes traditions et de mythes démodés. Interprétons-les, si possible,
nous-mêmes. Quant à ses prétendus interprètes [81] la seule ressemblance
que nous leur trouvons dans la Bible, est celle de l'homme décrit par le
sage roi Salomon, dans ses Proverbes ; celui qui commet les "six choses
que hait l'Eternel, et même sept qu'il a en horreur ; les yeux hautains, la
langue menteuse, les mains qui répandent le sang innocent, le cœur qui
médite des projets iniques, les pieds qui se hâtent de courir au mal, le faux
témoin qui dit des mensonges, et celui qui excite des querelles entre
frères" (Proverbes, VI, 16, 17, 18, 19).
"Lorsque les démons, dit saint Augustin, s'insinuent dans une créature,
ils commencent par se conformer à la volonté de chacun... Pour attirer les
hommes, ils commencent par les séduire en simulant l'obéissance...
Comment pourrait-on connaître, sans en avoir été instruit par les démons
eux-mêmes, ce qu'ils aiment et ce qu'ils haïssent ; le nom qui les attire, ou
celui qui les force à obéir ; tout cet art de la magie qui est le résumé de la
science des magiciens 131 ?
131
Saint Augustin, La Cité de Dieu, I, XXI, ch. VI ; des Mousseaux, Murs et pratiques des Démons,
p. 181.
apôtres par le feu de la Pentecôte", et qui est censé adombrer aujourd'hui
chaque prêtre auquel il prend la fantaisie d'exorciser pour la gloire ou pour
son profit. Devons-nous croire alors, que le récent scandale d'exorcisme
public, pratiqué vers le 14 octobre 1876 par le Curé de l'Eglise du Saint-
Esprit à Barcelone, Espagne, a aussi été exécuté sous la direction toute
Spéciale [82] du Saint-Esprit 132 ?" On prétend que "l'évêque n'était pas au
132
Un correspondant du Times de Londres donne, comme suit, une description de 1 exorciseur
catalan.
"On annonça secrètement, aux environs du 14 octobre, qu'une jeune femme de dix-sept ou dix-huit
ans, de basse extraction, qui souffrait depuis longtemps d'un dégoût pour les choses saintes, serait
guérie de sa maladie par le Curé de l'église du Saint-Esprit". La représentation devait avoir lieu dans
une église fréquentée par le meilleur monde de la communauté. "L'église était dans l'obscurité, mais
quelques cierges jetaient une faible lumière sur les formes vêtues de noir de quatre-vingts ou cent
personnes qui se groupaient autour du Presbiterio, ou sanctuaire en face de l'autel. A l'intérieur de la
petite enceinte ou sanctuaire, et séparée de la foule par une légère barrière, une jeune fille,
pauvrement vêtue et appartenant, selon toute apparence, à la classe des paysans ou artisans, était
étendue sur un banc ordinaire sa tête reposant sur un coussin : son frère ou son mari était debout à
ses pieds pour arrêter les coups de pieds effrénés qu'elle donnait de temps à autre, en la maintenant
par les jambes. La porte de la Sacristie s'ouvrit et le démonstrateur, c'est-à-dire le prêtre, fit son
entrée. La pauvre fille, non sans raison, avait une aversion pour les choses sacrées, ou, du moins, les
quatre cents démons qui torturaient son corps avaient cette aversion, et dans la confusion du
moment, croyant que le prêtre était une chose sacrée, elle ramena ses jambes, et poussa des cris la
bouche tordue, le corps tout entier contorsionné, elle faillit se jeter à bas du banc. L'homme qui la
surveillait la saisit par les jambes, les femmes lui relevèrent la tête et écartèrent ses cheveux en
désordre. Le prêtre s'avança et circulant familièrement au milieu de la foule terrorisée, dit en
montrant la jeune fille souffrante qui pleurait maintenant et se tordait sur son banc : "Promettez-moi
mes enfants, que vous serez sages (prudentes) et, en vérité mes fils et mes filles, vous verrez
s'accomplir des miracles !" La promesse fut donnée. L'Exhibiteur alla, alors, se vêtir du surplis et de
l'estole (estola y roquete) et revint, un moment après, se placer à côté de la fille "possédée des
démons", faisant face au public. L'ordre du jour comprenait un sermon pour les assistants et
l'opération d'exorciser les démons. "Vous savez, [dit le prêtre], que l'aversion de cette fille pour les
choses saintes est si grande, moi-même inclus, qu'elle entre en convulsion, donne des coups de
pieds, crie et se tortille aussitôt qu'elle arrive au coin de la rue, et que ses luttes convulsives
atteignent leur point culminant lorsqu'elle met les pieds dans la sainte maison du Très-Haut"... Puis,
se tournant vers la forme prostrée et l'objet infortuné de son attaque, le prêtre commença en ces
termes : "Au nom de Dieu, de ses Saints, de la Sainte Hostie, et de tous les Saints Sacrements de
notre Eglise, je t'adjure, Rusbel, sors de cette femme" (N.B. Rusbel est le nom d'un diable, celui-ci
ayant 257 noms en Catalogne.) Ainsi adjurée, la jeune fille se jeta dans une agonie de convulsions,
la face tordue, l'écume aux lèvres, les membres presque rigides – de tout son long par terre, et en
langage moitié obscène, moitié violent elle s'écria : "Non je ne sortirai pas, voleurs, canailles,
bandits"... Enfin les lèvres palpitantes de la jeune fille murmurèrent : "Oui je sortirai ; mais le
démon ajouta avec sa perversité traditionnelle : je rejetterai les cent, mais par la bouche de cette
fille". Le prêtre objecte, que la sortie des cent démons par la bouche de la femme la suffoquerait. La
folle enfant prétendit qu'il fallait qu'elle se déshabillât pour laisser échapper les démons. Le prêtre
refusa d'y consentir. Je sortirai alors par le pied droit, mais auparavant – la fille portait des
espadrilles de chanvre étant évidemment de la classe la plus pauvre – il faut que vous lui enleviez sa
chaussure". Une fois celle-ci détachée, le pied fit des mouvements convulsifs ; le démon et ses
acolytes (dit le prêtre en regardant triomphalement autour de lui) étaient partis pour leur demeure
courant de cette fantaisie de son clergé" ; mais même s'il l'avait été,
comment aurait-il pu protester contre un rite, qui depuis l'époque des
apôtres, était considéré comme une des prérogatives les plus sacrées de
l'Eglise de Rome ? Sans aller plus loin que 1852, [83] c'est-à-dire il y a
seulement vingt-cinq ans, ces rites furent publiquement et solennellement
sanctionnés par le Vatican, et un nouveau Rituel des Exorcismes fut publié
à Rome, à Paris et dans d'autres capitales de l'Europe catholique.
habituelle. Et, certaine de ce que le prêtre avait dit l'infortunée dupe se tranquillisa. L'évêque...
n'était pas au courant... de cette fantaisie du clergé... mais lorsque l'événement parvint aux oreilles
des autorités civiles, on prit des mesures sévères pour que le scandale qui avait soulevé de dégoût la
ville de Barcelone ne se renouvelât pas" [The Times, Londres 2 nov. 1878.]
133
La magie au XIXème siècle, pp. 138 et sq.
134
[Mœurs et pratiques des Démons, p 175.]
Citons maintenant, à ce sujet, la remarque judicieuse d'un écrivain qui
vécut pendant plusieurs années en Inde, étudiant l'origine de ces
superstitions : "La Magie vulgaire aux Indes, telle une infiltration
corrompue, va de concert avec les plus nobles croyances des sectateurs des
Pitris. Elle était l'œuvre du plus bas clergé, et son but était de tenir le
peuple dans un perpétuel état de terreur. C'est ainsi qu'à toutes les époques
et sous chaque latitude, côte à côte avec les notions philosophiques les plus
élevées, on trouve toujours la religion de la canaille 135." En Inde, ce fut
l'œuvre du plus bas clergé ; à Rome, c'est celle des Souverains Pontifes.
[84] Mais, n'ont-ils pas pour cela l'autorité de leur plus grand saint,
Augustin, qui déclare que "celui qui ne croit pas aux mauvais esprits,
refuse aussi de croire aux Saintes Ecritures" 136 ?
C'est pour cette raison que, dans la seconde moitié du XIXème siècle,
nous voyons le conseiller de la Sacrée Congrégation des Rites (exorcisme
de démons y compris) le Père Ventura de Raulica, écrire ce qui suit, dans
une lettre publiée par des Mousseaux en 1865 :
"Nous sommes en pleine magie ! et sous un faux nom ;
l'esprit de mensonge et d'impudicité continue à perpétrer
ses horribles déprécations... Le plus grave de tout cela
c'est que les personnes les plus sérieuses n'attachent pas
aux étranges phénomènes l'importance qu'ils méritent,
ces manifestations auxquelles nous assistons et qui
deviennent de jour en jour plus étranges, surprenantes, et
disons-le, fatales.
A ce point de vue, je ne puis assez louer et admirer le
zèle et le courage que vous déployez dans votre œuvre.
Les faits que vous avez recueillis sont calculés pour jeter
la lumière et la conviction dans l'âme des plus
sceptiques ; après la lecture de cet ouvrage remarquable,
écrit avec une conscience et une érudition si grandes,
l'aveuglement n'est plus possible.
Si quoi que ce soit pouvait me surprendre, ce serait
l'indifférence avec laquelle la fausse Science a traité ces
135
Louis Jacolliot, Le Spiritisme dans le Monde, p. 162.
136
Saint Augustin, La Cité de Dieu, XXI-VI.
phénomènes, en cherchant, ainsi qu'elle le fait, à tourner
en ridicule un sujet aussi grave ; la simplicité puérile
dont elle fait preuve, en voulant expliquer les faits au
moyen d'hypothèses absurdes et contradictoires...
137
Mœurs et Pratiques des Démons, p. 11.
138
Des Mousseaux, Mœurs, etc., p. 431 etc. et XV etc.
qui croyaient posséder le nombril et les autres parties plus intimes du corps
du Christ" 139.
139
Demonologia, Londres, 1827, p. 432.
140
Traité préparatif à l'Apologie pour Hérodote, c. 39.
141
[Demonologia, p. 436.]
sortant de la boîte des reliques et adombrant le prince. Un possédé du
démon amené, tout exprès, par le clergé, fut exorcisé en grande pompe, et
aussitôt qu'il eut été touché par la boîte, il guérit instantanément, rendant
sur-le-champ grâces au Pape et au Saint Esprit. La cérémonie terminée, le
gardien du trésor où les reliques étaient enfermées, se jeta aux pieds du
prince et confessa que pendant le voyage de Rome, il avait égaré la boîte
des reliques, mais que craignant la colère de son maître, il s'était procuré
une boîte pareille "qu'il remplit de petits ossements de chiens et de chats" ;
voyant, toutefois, comment le prince avait été trompé, il préférait confesser
son crime et sa participation dans ces supercheries impies. Le prince ne dit
mot, mais continua à observer pendant quelque temps – non les reliques,
mais son confesseur et les visionnaires. Leur faux enthousiasme lui fit
découvrir toute la supercherie des moines et des nonnes, et outré de leurs
procédés, il embrassa la foi Réformée 142.
142
[Dictionnaire historique et critique, 1697.]
s'écartent de la philosophie et de la vérité scientifique, c'est quand elles se
rapprochent le plus des données théologiques. Ces visions ne sont pas plus
inutiles à la science ou à l'humanité que celles des grands saints
orthodoxes. On raconte, dans la vie de saint Bernard, qu'étant à l'église,
une veille de Noël, il pria que l'heure exacte de la naissance du Christ lui
fût révélée ; et lorsque vint "l'heure exacte et véritable, il vit le divin enfant
apparaître dans sa crèche". Quel dommage que le divin enfant n'ait pas
saisi une occasion aussi favorable pour fixer en même temps le jour et
l'année exacte de sa mort, afin de mettre ainsi d'accord les controverses de
ses historiens putatifs. Les Tischendorf, les Lardner, les Colenso, et
combien d'autres théologiens catholiques qui se sont, en vain, creusé la
cervelle pour extraire la quintessence des annales de l'histoire, dans cette
recherche inutile, auraient au moins eu l'occasion de témoigner au saint
leur reconnaissance.
Quoi qu'il en soit, il ne nous reste plus qu'à supposer que la plupart des
visions béatifiques et divines de la Légende Dorée et celles qu'on trouve
dans les biographies plus complètes des "saints" les plus en renom, de
même que celles de nos voyants et voyantes persécutés, sont produites par
des "esprits" ignorants et non développés qui ont passionnément le goût de
se faire passer pour des grands personnages historiques. Nous sommes
d'accord avec le chevalier des Mousseaux et les autres persécuteurs
infatigables de la magie et du spiritisme au nom de l'Eglise, que les esprits
modernes sont, dans beaucoup de cas, des "esprits mensongers" ; qu'ils
sont toujours prêts à flatter les manies de ceux qui communiquent avec eux
aux séances ; qu'ils les bernent et que, par conséquent, ce ne sont pas
toujours de bons "esprits".
Mais, puisque nous avons fait cette concession ; qu'il nous soit permis
de poser la question suivante à toute personne impartiale : est-il possible
de croire en même temps que le pouvoir concédé au prêtre exorciseur, ce
pouvoir suprême et divin dont il se vante, lui a été donné par Dieu, dans le
seul but de berner le monde ? Que la prière qu'il prononce au nom du
Christ et qui en forçant le démon à se soumettre, et à se révéler, soit
calculée en même temps pour faire confesser au diable, non la vérité, mais
seulement ce qui, dans l'intérêt de l'église à laquelle appartient
l'exorciseur, [88] doit passer pour la vérité ? C'est ce qui a lieu
invariablement. Comparez, par exemple, les réponses du démon à Luther,
avec celles des diables à saint Dominique. L'un argue contre la messe
privée et reproche à Luther de mettre la Vierge Marie et les saints avant le
Christ, déshonorant ainsi le Fils de Dieu 143 ; tandis que les démons
exorcisés par saint Dominique, en voyant la Vierge que le saint père avait
appelé à son secours, s'écrient : "Oh ! notre ennemie ! Oh ! notre
damnatrice !... pourquoi descends-tu du ciel pour nous torturer ? Pourquoi
intercèdes-tu si puissamment pour les pécheurs ! Oh ! toi le chemin le plus
sûr pour atteindre le ciel... tu nous commandes et nous sommes obligés de
confesser que personne n'est damné s'il persévère dans ton saint culte, etc.,
etc. 144". Le "saint Satan" de Luther l'assure que tout en croyant à la
transsubstantiation du corps et du sang du Christ, il n'avait adoré que du
pain et du vin ; et les diables de tous les saints catholiques promettent la
damnation éternelle à tous ceux qui ne croient pas au dogme ou qui
seulement le mettent en doute !
Saint Dominique, fondateur de l'ordre célèbre qui porte son nom, est
un des plus puissants saints du calendrier. Son ordre est le premier qui fut
solennellement confirmé par le Pape et il est bien connu dans l'histoire
comme l'associé et le conseiller de l'infâme Simon de Montfort, le général
papal, qu'il aida à massacrer les malheureux Albigeois dans Toulouse et
aux environs. On raconte que ce saint, et l'Eglise après lui, prétendent
avoir reçu de la Vierge, in propia persona, un rosaire dont les vertus
143
De Missa Privata et Unctione Sacerdotum.
144
Voyez la Vie de saint Dominique et l'histoire du Rosaire miraculeux, ainsi que la Légende
Dorée.
145
Jacques de Varasse, connu sous son nom latin de Jacobus de Voragine, était vicaire général des
Dominicains et évêque de Gênes en l'an 1292.
produisaient [89] de si étonnants miracles, que ceux des apôtres, et de
Jésus lui-même, étaient relégués dans l'ombre. Un homme, dit son
biographe, un pécheur invétéré, fut assez téméraire pour douter de la vertu
du rosaire dominicain ; pour ce blasphème impie, il fut puni, incontinent,
en permettant à 15 000 démons de prendre possession de lui. En voyant les
souffrances intenses du démoniaque torturé, saint Dominique oublia
l'insulte et appela les démons à rendre compte.
Devons-nous croire qu'il ne l'a dit qu'à ceux qui portent l'uniforme noir
ou pourpre de Rome ? Faut-il faire crédit, au récit, que ce pouvoir fut
conféré par le Christ à Siméon Stylite, ce saint qu'on canonisa parce qu'il
demeura perché sur une colonne (stylos) de soixante pieds de haut, pendant
trente-six ans, sans jamais en descendre, à seule fin que, entre autres
miracles, relatés dans la Légende Dorée, il put guérir l'œil malade d'un
146
Rituale Romanum, p. 475-478, Paris, 1851-52.
147
Mœurs et Pratiques des Démons, p. 177.
dragon ? "Près de la colonne où vivait Siméon se trouvait l'habitation d'un
dragon si venimeux, que l'air était empesté sur un espace de plusieurs
milles autour de sa caverne." Cet hermite ophidien eut un accident ; une
épine pénétra dans son œil, et se sentant devenir aveugle, il rampa jusqu'à
la colonne du saint et y pressa son œil pendant trois jours sans faire de mal
à personne. C'est alors que le bienheureux saint, du haut de sa demeure
aérienne, "de trois pieds de diamètre", ordonna qu'on mît de la terre et de
l'eau sur l'œil du dragon, duquel émergea incontinent une épine (ou pieu)
de la longueur d'une coudée ; en voyant ce "miracle", le peuple glorifia le
Créateur. Quant au dragon reconnaissant, il se leva "et ayant adoré Dieu
pendant deux heures, il rentra dans sa caverne" 148 – en tant que saurien à
demi converti, peut-on supposer.
Que devons-nous encore penser de cet autre récit dont le rejet nous
fait courir le risque de compromettre notre salut, comme nous l'affirme un
des missionnaires du Pape, de l'ordre des Franciscains ? Lorsque saint
François d'Assise prêchait dans le désert, les oiseaux se rassemblèrent
autour de lui, venus des quatre points cardinaux. Ils gazouillaient et
applaudissaient à chaque phrase ; ils chantèrent une messe en chœur ; et
enfin ils se séparèrent, pour porter la bienheureuse nouvelle aux confins du
monde. Profitant de l'absence de la Sainte Vierge, qui tenait généralement
compagnie [92] au saint, une sauterelle demeura perchée pendant une
semaine entière sur la tête du "bienheureux". Attaqué par un loup féroce, le
saint, qui n'avait d'autre arme que le signe de la croix avec lequel il se
signa, au lieu de fuir son ennemi, se mit à lui faire un discours. Lui ayant
révélé tout le bénéfice que pouvait lui apporter notre sainte religion, saint
François ne cessa de parler jusqu'à ce que le loup fût devenu aussi doux
qu'un agneau, et même qu'il versât des larmes de repentir pour ses péchés
passés. Enfin, "il mit ses pattes dans les mains du saint, le suivit comme un
chien dans toutes les villes où il prêcha, et devint un demi-chrétien" 149.
Que de merveilles zoologiques ne voyons-nous pas ! un cheval devenir
sorcier, et un loup et un dragon convertis au Christianisme !
Ces deux anecdotes prises, au hasard, parmi des centaines d'autres, ont
pu être égalées mais pas surpassées par les extravagances les plus folles
des thaumaturges païens, des magiciens et des spirites ! Et cependant,
148
Voyez le récit tiré de la Légende Dorée, par Alban Butler.
149
Voyez la Légende Dorée ; Life of saint Francis ; Demonologia.
lorsqu'on prétend que Pythagore domptait les animaux, et même les
fauves, par le seul pouvoir de l'influence mesmérique, la bonne moitié des
catholiques le taxe d'imposteur éhonté, et l'autre le traite de sorcier,
pratiquant la magie et complice du Diable ! Ni l'ours, ni l'aigle, ni même le
taureau que, dit-on, Pythagore persuada de ne plus se nourrir de haricots,
n'ont répondu avec la voix humaine ; tandis que le "corbeau noir" de saint
Benoît, auquel il donnait le nom de "frère" discute avec lui et croasse ses
réponses en casuiste né. Lorsque le saint lui offre la moitié d'un pain
empoisonné, le corbeau s'indigne et lui fait des reproches en latin comme
s'il avait pris ses grades à la Propagande !
Presque tous les rapports envoyés par les missionnaires des Indes, du
Tibet et de Chine, se plaignent de "l'obscénité" diabolique et de la fâcheuse
150
The Mythology of the Hindus, par Chase Coleman, p. 331.
impudicité des rites païens, "qui suggèrent tous, le culte du diable", suivant
l'expression de des Mousseaux. Nous doutons fort que la moralité des
païens gagnerait beaucoup à une enquête sur la vie du Roi psalmiste, par
exemple, l'auteur des délicieux Psaumes que les Chrétiens répètent avec
tant de ferveur. La différence entre David exécutant une danse phallique
devant l'arche sacrée (emblème du principe féminin) et un Vishnavite
hindou, portant ce même emblème sur la tête, ne favorise celui-là qu'aux
yeux de ceux qui n'ont étudié ni les croyances anciennes ni la leur.
Lorsqu'une religion qui exigea de David qu'il coupât et délivrât au roi les
prépuces de cent ennemis avant de devenir son gendre (I, Samuel 25-27)
est acceptée comme modèle par les Chrétiens, ils ne devraient pas jeter à la
figure des païens les impudicités de leurs religions. Se rappelant la
suggestive parabole de Jésus ils devraient ôter la poutre de leur œil avant
de retirer la paille dans celui de leur voisin. L'élément sexuel est aussi
apparent dans le Christianisme que dans n'importe quelle autre "religion
païenne" ; mais en tous cas on ne rencontre nulle part dans les Védas, les
crudités et l'indécence de langage que les hébraïsants découvrent
aujourd'hui dans la Bible Mosaïque.
151
Supernatural Religion : An Inquiry into the Reality of Divine Revelation, Londres, 1874 [Publié
anonymement par W.R. Cassels.]
artificiel de la théologie. Laissons-le expliquer sa thèse par sa propre
bouche en citant sa préface :
"Lorsque la perspicacité d'un observateur faisait
découvrir un vampire, celui-ci était, nous dit-on,
ignominieusement mis à mort en lui passant un pieu à
travers le corps ; mais l'expérience démontra qu'ils
avaient la vie si tenace qu'ils ressuscitaient mainte et
mainte fois malgré l'empalement répété, et qu'on ne s'en
débarrassait qu'en les brûlant. De même le paganisme
régénéré, qui prédomine chez les partisans de Jésus de
Nazareth, a été ressuscité nombre de fois, après avoir été
détruit. Favorisé par la masse il est dénoncé par la
minorité. Entre autres accusateurs, j'élève la voix contre
le paganisme qui existe d'une manière si étendue dans le
Christianisme ecclésiastique, et je ferai mon possible
pour dévoiler l'imposture. "Dans une histoire de vampire
racontée par Southey dans Thalaba, l'être ressuscité
prend la forme d'une vierge bien-aimée, et le héros est
obligé de la tuer de sa propre main. Il la tue ; mais en
frappant la forme de sa bien-aimée il est certain de
n'avoir tué qu'un démon. De même, en cherchant à
détruire le flot du paganisme déguisé en Christianisme, je
ne m'attaque nullement à la vraie religion 152. Qui est
celui qui accuserait un ouvrier de malignité pour avoir
enlevé la saleté qui recouvrait une belle statue. Il n'en
manquera pas qui seront trop délicats pour s'attaquer à un
sujet aussi répugnant, mais ils verront avec plaisir qu'un
autre le fasse pour eux. C'est d'un éboueur de cette sorte
que le besoin se fait sentir 153."
Mais n'y a-t-il que les païens et les infidèles qui soient persécutés par
les catholiques, lesquels s'adressent à la Divinité ainsi que le faisait saint
152
Ni nous non plus, si par la véritable religion on comprendra enfin l'adoration par les œuvres et
les actes, d'une Divinité suprême, Invisible et Inconnue, et non pas la profession de vains dogmes
humains. Mais nous ne voulons pas en dire plus. Nous cherchons à démontrer que si nous excluons
le cérémonial et le culte des fétiches comme faisant partie essentielle de la religion, les principes
vraiment chrétiens n'ont été manifestés et le véritable Christianisme n'a été pratiqué que par les
Bouddhistes et les païens, depuis l'époque des Apôtres.
153
Ancient Pagan and Modern Symbolism, p. XVI, Introd.
Augustin, "Oh ! mon Dieu ! c'est ainsi que je voudrais voir périr tous tes
ennemis" ? Pas le moins du monde ! leurs désirs sont plus mosaïques et
plus à l'imitation de Caïn que cela. C'est contre leurs propres frères dans la
foi, leurs frères [96] schismatiques qu'ils complotent sous les murs qui
abritèrent les meurtriers Borgia. Les larvae des Papes infanticides,
parricides et fratricides se sont révélées d'aptes conseillers pour les Caïns
de Castelfidardo et de Mentana. C'est maintenant le tour des Chrétiens
slavons, des schismatiques orientaux – les philistins de l'église Grecque !
154
"Discourses of Miracles wrought in the Roman Catholic Church, or a full Refutation of D'
Stillingfleet's unjust Exceptions against Miracles", Octavo 1676, p. 64.
l'enjoint de respecter ses vœux et ajoute sous forme d'encouragement : Moi
et Jean nous viendrons ensemble vous rendre visite 155.
155
Après cela, pourquoi les Catholiques Romains objecteraient-ils aux prétentions des Spirites ? Si,
sans preuve à l'appui, ils croient à la "matérialisation" de la Vierge Marie et de saint Jean vis-à-vis
de saint Ignace, comment peuvent-ils logiquement nier la matérialisation de Katie et de John
(King), lorsque celle-ci est certifiée par les expériences de M. Crookes le chimiste anglais, et les
témoignages de nombreux autres témoins ?
156
La "Mère de Dieu" a, par conséquent, la préséance sur Dieu ?
ma bienveillance envers vous. Les prières et les fêtes
instituées en mon nom me sont particulièrement
agréables (véhémenter), et si vous persévérez dans ces
choses, et que vous vous opposiez, dans la mesure de vos
forces, aux hérétiques qui se répandent aujourd'hui sur
tout le monde, ce qui cause un grand danger à mon culte
et à celui des autres saints et saintes, vous jouirez de ma
protection éternelle.
Comme gage de ce pacte, je vous envoie du ciel, cette
image de moi-même, coulée par des mains célestes et si
vous l'honorez comme elle le mérite, ce me sera une
preuve de votre obéissance et de votre foi. Adieu. Daté
au Ciel, assise près du trône de mon fils, le mois de
décembre de l'an 1534 de son incarnation."
"MARIE VIERGE"
Il faut qu'une Eglise soit tombée dans la plus basse dégradation pour
que son clergé ait recours à de telles supercheries sacrilèges et que celles-
ci soient acceptées par le peuple avec ou sans murmures.
Non ! une religion de cette sorte est bien loin de l'homme qui sent en
lui l'action d'un esprit immortel. Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de
philosophe véritable, qu'il soit païen, infidèle, juif ou chrétien, qui ait suivi
cette ligne de pensée. Le Bouddha [99] Gautama est reflété dans les
préceptes du Christ ; saint Paul et Philon le juif sont les fidèles échos de
Platon ; et Ammonius Saccas et Plotin se couvrirent de gloire immortelle
157
Voyez New Era de juillet 1875, N. Y.
en combinant les enseignements de tous ces grands maîtres de la véritable
philosophie. "Mettez tout à l'épreuve ; et attachez-vous à ce qui est bien",
voilà quelle devrait être la devise de tous les frères de par le monde. Il n'en
est pas ainsi avec les interprètes de la Bible. La graine de la Réformation
fut semée le jour où le second chapitre de l'Epître catholique de saint
Jacques entra en conflit avec le onzième chapitre de l'Epître aux Hébreux,
dans le même Nouveau Testament. Celui qui croit en saint Paul ne peut
croire en saint Jacques, saint Pierre ou saint Jean. Pour être chrétiens avec
leur apôtre, il faut que les partisans de saint Paul combattent saint Pierre,
"face à face", et si saint Pierre "doit être blâmé" et qu'il avait tort, il n'était
pas infaillible. Comment, alors, son successeur (?) peut-il se vanter de son
infaillibilité ? Tout royaume divisé contre lui-même est sûr de sa perte ; et
toute maison divisée contre elle-même tombera. La pluralité de maîtres
s'est montré aussi fatale en religion qu'en politique. Ce que prêcha saint
Paul fut enseigné par tous les autres philosophes mystiques. "Tenez-vous
donc fermes dans la liberté dans laquelle le Christ nous a mis, et ne vous
remettez pas de nouveau sous le joug de la servitude" ; s'écrie le sincère
philosophe apôtre ; puis il ajoute sous une inspiration prophétique : "Mais
si vous vous mordez et vous mangez les uns les autres, prenez garde que
vous ne soyez détruits les uns par les autres 158."
158
Galates, V, 1 et 15.
doctrines intimes promulguées par le célèbre instructeur de l'Académie 159."
[100]
159
"Paul and Plato".
160
Voyez La Magie au XIXème siècle, p. 139.
CABALISTIQUE (juif et païen) CATHOLIQUE ROMAIN
161
Rituel Romain, édit. 1851, p. 291-296, etc., etc.
162
Créature du sel, de l'air, de l'eau ou de tout objet capable d'être enchanté ou béni ; terme
technique en Magie adopté par le clergé chrétien.
Exorcisme d'un Esprit Elémental Exorcisme du Diable
163
Rom. Rit., pp. 428-33. Cf. Des Mousseaux, La Magie, etc., p. 139-43.
164
Voir Art Magic, Pt III, sect. XIX, art. sur Peter d'Albano.
d'aussi fantastique dans n'importe quel rituel de Magie. Apostrophant le
"Démon" il dit : "Cède le pas à Jésus-Christ... bête puante, dégoûtante et
féroce... Tu te révoltes ? Ecoute et tremble, Satan ; ennemi de la foi,
ennemi de la race humaine, introducteur de la mort... racine de tout mal,
promoteur du vice, âme de l'envie, origine de l'avarice, cause de discorde,
prince de l'homicide, maudit de Dieu, auteur de l'inceste et du sacrilège,
inventeur de toute obscénité, professeur des actes les plus détestables, et
Grand Maître des Hérétiques [!! ] (Doctos Hœreticorum). Quoi !... tu
résistes encore ? Oses-tu résister, sachant que le Christ, notre Seigneur, va
venir ?... Fais place à Jésus-Christ, fais place au Saint Esprit, qui, par son
Apôtre bienheureux, saint Pierre, t'a renversé devant le monde dans la
personne de Simon le Magicien" (le manifeste stravit in Simone Mago) 165.
Après une telle pluie d'injures, quel est le diable ayant la plus petite
parcelle de point d'honneur, qui consentirait à rester en pareille
compagnie ; à moins d'être un Libéral Italien ou le Roi Victor Emmanuel
en personne, lesquels, grâce à Pie IX, sont à l'épreuve de l'anathème.
165
Rituel, p. 429-433 ; voyez La Magie au XIXème siècle, p. 142-43.
l'Eglise militante et officielle l'a laissé complètement perdre, à la suite de
la profanation du Gnosticisme 166." [103]
166
Dogme et Rituel de la Haute Magie, vol. II, p. 88
167
Conférences par le Père Ventura, vol. II, part. I, p. LVI. Préface.
transcendants et glorieux du Muséum d'Alexandrie furent cachés sous un
voile d'ignorance, de mysticisme et de jargon inintelligible, d'où partaient
trop souvent, hélas, les éclairs destructeurs de la vengeance
ecclésiastique 168." [104]
Saint Augustin 169 et saint Cyprien 170 admettent, tous deux, qu'Hermès
et Hostanés croyaient en un vrai dieu ; ils reconnaissent, avec les deux
païens, qu'il est invisible et incompréhensible, sauf pour l'esprit. De plus,
nous défions n'importe quelle personne intelligente, qui ne soit pas
aveuglée par le fanatisme religieux, après lecture de fragments pris au
hasard dans les ouvrages d'Hermès et de saint Augustin sur la Divinité, de
nous dire lequel des deux donne une définition plus philosophique du
"Père invisible". Nous connaissons au moins un auteur de marque qui est
de notre opinion. Draper traite les productions de saint Augustin de
"rhapsodies conversationnelles" avec Dieu ; de "rêveries incohérentes" 171.
168
Conflict between Religion and Science, p. 62.
169
[De baptismo contra Donatistas, 1. VI, c. XLIV.]
170
[Sancti C. Cypriani opera, 5 V, "De Idolorum vanitate", Traité VI, sect. VI, p. 14.]
171
Conflict, etc., p. 60.
172
Conflict, etc.
de point de vue religieux, quelque grande qu'elle soit, n'est pas suffisante
en elle-même, pour envoyer un des adversaires au ciel et l'autre en enfer.
Ces doctrines autoritaires et peu charitables ont pu être enseignées au
moyen âge ; mais il est trop tard aujourd'hui, même pour l'Eglise, de mettre
en avant ce traditionnel épouvantail. Les recherches commencent à nous
faire entrevoir ce qui, si l'on parvient à en établir la preuve, jettera un
blâme éternel sur l'Eglise de l'apôtre Pierre ; et l'attribution de celle-ci à ce
disciple doit être considérée comme une des assertions les moins vérifiées
et les moins vérifiables du clergé catholique. [105]
173
Ibid., p. 66.
174
Paul and Plato, par A. Wilder, éditeur de The Eleusinian and Bacchic Mystéries par Thomas
Taylor.
175
Corinthiens II, 6, 7, 8.
Que prétend l'apôtre donner à entendre par ces paroles claires et non
équivoques, sinon que, lui-même, faisant partie des mystœ (initiés)
discourait de choses exposées, et expliquées seulement dans les Mystères ?
La "sagesse divine dans un mystère qu'aucun des Archontes de ce monde
n'a connue" se réfère, sans aucun doute, au basileus de l'initiation
éleusinienne qui, lui, savait. Le basileus faisait partie de la suite du grand
hiérophante, et était Archonte d'Athènes ; en cette qualité il était un des
principaux mystœ, appartenant aux Mystères intérieurs auxquels un
nombre fort restreint et choisi était seul admis 176. Les magistrats qui
dirigeaient les Eleusinies étaient appelés Archontes.
Nous voyons une nouvelle preuve que Paul faisait partie du cercle des
"Initiés", dans le fait suivant. L'apôtre se fit tondre la tête à Chenchrea (où
fut initié Lucius Apuleius) parce qu'il "avait fait un vœu". Les nazars – ou
les mis à part – ainsi que nous le lisons dans les Ecritures juives, devaient
se faire couper les [106] cheveux, qu'on portait longs, et qu' "aucun rasoir
ne devait toucher" à un autre moment, et les sacrifier sur l'autel de
l'initiation. Les nazars étaient une classe des théurgistes chaldéens. Nous
donnerons plus loin la preuve que Jésus en faisait partie.
Saint Paul déclare que : "Selon la grâce de Dieu qui m'a été donnée,
j'ai posé les fondations comme un sage architecte 177."
Cette expression, architecte, qui n'est employée qu'une seule fois dans
toute la Bible, et cela par Paul, doit être considérée comme une véritable
révélation. La troisième partie des rites sacrés dans les Mystères se
nommait Epopteia, ou révélation, la réception aux secrets. En substance,
elle fait allusion à ce degré de clairvoyance divine, quand tout ce qui
touche à ce monde disparaît, la vue terrestre étant paralysée, et l'âme pure
et libre, s'unit à son Esprit, ou Dieu. Mais la véritable signification de ce
mot est "surveillant", de οπτοµαι, je me vois. En sanscrit le mot avâpta a la
même signification, et aussi celle d'obtenir 178. Le mot epopteia est un mot
176
Voyez le Eleusinian and Bacchic Mysteries de Taylor.
177
I. Epître aux Corinthiens, III, 10.
178
Dans son sens le plus étendu, le mot sanscrit a la même signification littérale que le terme grec ;
tous deux impliquent une "révélation" par un agent non humain mais déterminée par "la boisson
sacrée". Aux Indes, les initiés recevaient la boisson sacrée du "Soma" qui les aidait à libérer leur
âme de leur corps ; et dans les Mystères d'Eleusis c'était la boisson sacrée offerte à l'Epopteia. Les
mystères grecs dérivaient en entier des rites védiques Brahmaniques, et ceux-ci des Mystères
religieux ante-védiques, la philosophie Bouddhiste primitive.
composé de Επὶ, sur et ὸπτοµαι, voir, surveiller, employé aussi dans le
sens d'architecte. Le titre de Maître-Maçon dans la Franc-Maçonnerie, en
dérive, dans le sens qu'il avait dans les Mystères. Par conséquent, lorsque
Paul dit qu'il est un "architecte", il se sert d'une expression éminemment
cabalistique, théurgique et maçonnique, qu'aucun des autres apôtres n'eût
employée. Il avoue, par cela, qu'il est un adepte, ayant le droit d'initier les
autres.
179
Inutile de dire que l'Evangile selon saint Jean n'a jamais été écrit par Jean, mais par un
Platonicien ou un Gnostique appartenant à l'école néoplatonicienne.
180
Le fait que Pierre persécuta "l'Apôtre des Gentils" sous ce nom ne veut pas dire qu'il était Simon
le Magicien en personne, personnage distinct de saint Paul ; cela pouvait avoir été un terme
générique de mépris. Theodoret et saint Chrysostome, les premiers et les plus prolifiques
commentateurs du Gnosticisme de cette époque paraissent faire de Simon un rival de Paul et vont
jusqu'à prétendre qu'ils échangèrent plus d'un message. Theodoret en fervent propagandiste de ce
que saint Paul nomme "l'Antithèse de la Gnose" (1er Epître à Thimothée) paraît avoir été une
douloureuse épine dans le côté de l'apôtre. Les preuves ne manquent pas de l'existence réelle de
Simon le Magicien.
tout le secret des prétentions du Vatican. Ainsi que le remarque fort à
propos le professeur Wilder : "Dans les pays orientaux, la désignation רתפ
Peter [en phénicien et en chaldéen, un interprète] paraît avoir été le titre de
ce personnage [le hiérophante]... Il y a dans ces faits une réminiscence des
circonstances particulières de la Loi Mosaïque... ainsi que la prétention du
Pape d'être le successeur de Pierre, le hiérophante ou interprète de la
Religion chrétienne 181."
Le Baron Bunsen nous fait voir cette formule sacrée mélangée à toute
une série de commentaires et d'interprétation diverses, sur un monument
âgé de quarante siècle. "Cela équivaut à dire que la mention (la véritable
interprétation) n'était déjà plus intelligible à cette époque... Nous voulons
par cela faire entendre au lecteur, ajoute-t-il, qu'un texte sacré, un hymne,
reproduisant les paroles d'un esprit désincarné, existait en cet état il y a
181
Thos. Taylor, op cit., pp. 17-18 (4ème éd.). Si nous n'avions pas la tradition cabalistique, digne de
foi, à laquelle nous fier, nous nous verrions peut-être forcés de nous demander si l'Apocalypse doit
être attribuée à l'apôtre de ce nom. Il paraît avoir été connu sous le nom de Jean le Théologien.
environ 4.000 ans... au point d'être à peu prés inintelligible pour les scribes
royaux 182."
Qu'elle fût inintelligible pour les non initiés parmi ceux-ci, est aussi
certain, en lisant les commentaires confus et contradictoires, qu'elle était
une "parole mystérieuse" connue seulement des hiérophantes du
sanctuaire, et de plus, un mot choisi par Jésus, pour désigner l'office qu'il
attribue à un de ses apôtres. Ce mot PTR n'a été interprété qu'en partie, à la
suite d'un autre mot écrit dans un autre groupe d'hiéroglyphes, sur une
stèle, le signe qui le représente étant un œil ouvert 183. Bunsen donne
encore une autre signification à PTR, qui serait "Montrer". "Il me semble,
ajoute-t-il, que le PTR est littéralement l'ancien mot Aramique et Hébreu,
"Patar" qui figure dans l'histoire de Joseph comme le mot spécifique pour
interprète ; de là, par conséquent, Pitrun doit être l'interprétation d'un
texte, d'un songe 184." Dans un manuscrit du Ier siècle, combinaison de
textes grec et démotique 185, et probablement un des rares ouvrages qui
échappèrent aux vandales chrétiens des IIème et IIIème siècles, lorsque tous
ces précieux manuscrits furent brûlés sous l'inculpation de magie, nous
trouvons répétée, à plusieurs reprises, une expression qui, peut-être, va
jeter un peu de lumière sur le sujet. Un des principaux héros du manuscrit,
qu'on nomme toujours "l'Illuminateur Juif", ou Initié, Τελειωτὴς, n'est
censé communiquer qu'avec son Patar ; ce dernier mot étant écrit en
caractères chaldéens. Ce mot est associé, une fois, avec le nom de
Shimeon. [109]
182
Bunsen, Egypt's place in Universal History, vol. V, p. 90.
183
Voyez de Rougé, Stèle, p. 44 ; PTAR (videns) est interprété par "apparaître" suivi d'un point
d'interrogation – le signe usuel de la perplexité scientifique. Dans le cinquième volume de l'Egypte
de Bunsen, l'interprétation est "Illuminateur", ce qui est plus correct.
184
Egypte, de Bunsen. Vol. V, p. 90.
185
Ce manuscrit est la propriété d'un mystique que nous avons rencontré en Syrie.
savons, ne permettait pas aux néophytes de le voir pendant les années de
probation, mais il les instruisait depuis derrière un rideau qui fermait
l'entrée de sa caverne.
"Immaculée est Notre Dame Isis", est la légende qui entoure une
gravure de Sérapis et d'Isis, décrite par King, dans The Gnostics and their
Remains, Ή ΚΥΡΙΑ ΙСΙС ΑΓΝΗ... "Ce sont les termes identiques qui
furent, par la suite, appliqués au personnage (la Vierge Marie) qui lui
succéda et prit ses titres, ses symboles, ses rites et ses cérémonies... Ainsi,
ses adhérents reportèrent sur les nouveaux prêtres les anciens signes de
leur profession, le célibat, la tonsure et le surplis, en omettant,
malheureusement, les fréquentes ablutions prescrites par l'ancien culte".
"Les "Vierges Noires" si vénérées dans quelques cathédrales françaises
durant la longue nuit du moyen âge ont été reconnues, après examen
critique, n'être que des statues d'Isis sculptées dans du basalte 188 !"
186
Les prêtres d'Isis étaient tonsurés.
187
Voyez Ancient Pagans etc., pp. 51-52 'Voir aussi son Ancient Faillis Embodied in Ancient
Names, vol. II, pp. 915-918.]
188
The Gnostics and their Remains, p. 71.
robe", tel était le résultat chez les Juifs du temps de Moïse. Chez les
Bouddhistes, on invoque toujours pendant les services religieux, les dieux
du Deva Loka, en les invitant à descendre sur l'autel en sonnant les cloches
suspendues dans [111] les pagodes. La cloche de la table sacrée de Shiva à
Kuhama est décrite dans Kailâsa, et tout vihâra ou lamaserie bouddhiste a
ses cloches.
Nous constatons, par conséquent, que les cloches dont se servent les
Chrétiens leur viennent en droite ligne des bouddhistes tibétains et chinois.
Les rosaires ont la même origine et ont été en usage chez les moines
bouddhistes il y a plus de 2.300 ans. Les lingham dans les temples hindous
sont décorés, à certaines dates, de grosses baies provenant de l'arbre
consacré au Mahadeva, enfilées en forme de rosaire. Le titre de "nonne"
est un terme égyptien, et avait chez eux exactement la même signification ;
les Chrétiens ne se sont même pas donné la peine de traduire le mot
Nonna. L'auréole des saints était déjà employée par les artistes
antédiluviens de Babylone, lorsqu'ils voulaient déifier ou honorer la tête
d'un mortel. Dans la célèbre gravure du Hindoo Panthéon de Moore,
intitulée "Krishna allaité par Dévaki, d'après une peinture admirablement
exécutée, la Vierge hindoue est représentée assise sur un divan et allaitant
Krishna. Les cheveux ramenés en arrière, le long voile et l'auréole dorée
autour de la tête de la Vierge, ainsi qu'autour de celle du Sauveur hindou,
sont frappants de ressemblance. Aucun Catholique, si versé soit-il dans le
mystérieux symbolisme de l'iconologie, n'hésiterait un seul instant à
adorer, devant cette image, la Vierge Marie, la mère de son Dieu" 189. On
voit encore aujourd'hui, à Indra Subbâ, à l'entrée sud des grottes d'Ellora,
la représentation de l'épouse d'Indra, Indrânî, assise avec son enfant-dieu,
montrant le ciel avec le doigt dans le même geste que la Madona et le
Bambino italiens 190. Dans Pagan and Christian Symbolism, l'auteur nous
donne une reproduction copiée sur une gravure sur bois du Moyen Age,
telle qu'on les voit par douzaines dans les anciens psautiers, où la Vierge
Marie, avec son fils, est représentée comme la Reine du Ciel, debout sur le
croissant de lune, emblème de la virginité. "Etant placée devant le soleil,
elle en éclipse en partie la lumière. Rien n'est mieux calculé pour identifier
la Mère Chrétienne et son enfant avec Isis et Horus, Ishtar, Vénus, Junon,
et une légion d'autres déesses païennes, qui portaient également les titres
189
Voyez l'illustration dans l'Ancient Pagan and Modern Christian Symbolism de Inman, p. 27.
190
[Inman, op. cit., p. 29.]
de Reine du Ciel, Reine de l'Univers, Mère de Dieu, Epouse de Dieu,
Vierge Céleste, Pacificatrice Céleste, etc, 191."
191
Ibid., p. 76.
192
Initiés et voyants.
193
La crosse pastorale de l'augure, et aujourd'hui celle de l'évêque.
194
The Heathen Religion, Introd.
science, c'est la même crainte de se voir dans l'obligation de modifier
quelques-unes de ses théories basées sur des données fausses. "Seul, le
misérable parti pris", dit Gross, "est capable de dénaturer à ce point la
théologie païenne, et d'avoir faussé, que dis-je, caricaturé les formes de son
culte religieux. II est temps que la postérité élève la voix pour revendiquer
la vérité violée, et que le siècle actuel fasse preuve d'un peu de ce bon sens
dont il s'enorgueillit avec autant de satisfaction intérieure que si le
privilège de la raison était le droit d'aînesse des temps modernes
seulement".
Tout cela nous met sur la voie de la véritable cause de la haine que les
Chrétiens primitifs et ceux du Moyen Age avaient pour leurs frères païens
et dangereux rivaux. On ne hait que ce que l'on craint. Une fois que les
thaumaturges chrétiens eurent rompu tout [113] contact avec les Mystères
des temples, et avec "ces écoles si renommées pour la magie", décrites par
saint Hilaire 195, ils ne pouvaient guère s'attendre à rivaliser avec les
faiseurs de miracles païens. Aucun apôtre n'est arrivé à la hauteur
d'Apollonius de Tyane, sauf, peut-être, en ce qui concerne le pouvoir
mesmérique de guérir, et le scandale déchaîné parmi les apôtres par le
faiseur de miracles, Simon le Magicien, est trop connu pour être répété ici.
"Comment se fait-il", dit saint Justin martyr, évidemment intimidé,
"comment se fait-il que les talismans d'Apollonius (τελεσµατα) ont un
pouvoir sur certains objets de la création, car comme nous le constatons, ils
calment la fureur des vagues et la violence du vent, ainsi que les attaques
des bêtes sauvages ; et tandis que les miracles de Notre Seigneur ne nous
ont été conservés que par la tradition, ceux d'Apollonius sont plus
nombreux et se manifestent vraiment par des faits capables de désorienter
tous les spectateurs" 196 ? Ce martyre embarrassé résout le problème en
attribuant, avec raison, l'efficacité et le pouvoir des charmes employés par
Apollonius, à sa connaissance profonde des sympathies et des antipathies
(ou répugnances) de la nature.
195
Pères du Désert d'Orient, vol. II, p. 283, Avignon 1761.
196
Justin martyr, Quoest., XXIV.
"Tu as un Démon" lui dirent les Anciens de la Synagogue juive. "Tu as le
Diable", répétèrent les Pères astucieux, avec la même dose de vérité en
s'adressant au thaumaturgiste païen ; et c'est ainsi que l'accusation criée
par-dessus les toits, érigée par la suite en un article de foi, l'emporta.
197
Voyez Eleusinian and Bacchic Mysteries, par Taylor ; Porphyre et autres.
de sa pagode, le Sannyâsi passe le reste de sa vie dans le temple, en
pratiquant les quatre-vingt-quatre règles et les dix vertus assignées aux
Yoguis.
"Quiconque n'a pratiqué, pendant toute sa vie, les dix vertus que le
divin Manou exige comme un devoir, ne peut être initié aux Mystères du
Concile", dit le livre hindou de l'initiation.
Ces vertus sont : "la Résignation ; l'acte de rendre le bien pour le mal ;
la tempérance ; la probité ; la pureté ; la chasteté ; la répression des sens
physiques ; la connaissance des Saintes Ecritures ; celle de l'âme [esprit]
Supérieure ; le culte de la vertu ; et l'abstinence de la colère 198." Ces vertus
seules doivent diriger la vie d'un véritable Yogui. "Aucun adepte indigne
ne devrait souiller par sa présence les rangs des saints initiés pendant
vingt-quatre heures." L'adepte est tenu pour coupable s'il viole, une seule
fois, un de ces vœux. Certes, la pratique de telles vertus est incompatible
avec la notion d'un culte du diable ou d'une vie de débauches !
198
[Manou, VI, Shlokes, 92-93.]
des puissantes paroles mystiques, et dans les manifestations publiques du
contrôle sur les forces naturelles, preuve évidente d'un rapport avec les
êtres surhumains. Toute approche aux Mystères de toutes nations était
gardée avec un soin jaloux, et toutes les disciplines condamnaient
impitoyablement à mort l'initié de n'importe quel degré qui divulguait les
secrets qui lui avaient été confiés. Nous avons vu que tel était le cas dans
les Mystères Eleusiniens et Bachiques, chez les Mages Chaldéens, et chez
les Hiérophantes égyptiens ; la même loi prévaut depuis un temps
immémorial chez les Hindous, de chez qui tous ces Mystères sont dérivés.
Il n'y a pas de doute à ce sujet, car la Agroushada Parikshai dit
explicitement : "Tout initié, à quelque degré qu'il appartienne, qui aura
révélé la grande formule sacrée, sera mis à mort.
Il s'en suit tout naturellement que ce châtiment extrême fut adopté par
toutes les nombreuses sectes et confraternités qui naquirent de l'ancienne
souche, à différentes époques. Nous le constatons chez les Esséniens
primitifs, les Gnostiques, les Néo-Platoniciens et les Philosophes du
Moyen Age ; et de nos jours encore, les Francs-Maçons ont perpétué le
souvenir des anciennes obligations dans les menaces de trancher la gorge,
de démembrer et d'arracher les entrailles, du candidat en cas de trahison.
De même que le "mot de Maître" maçonnique est communiqué à "voix
basse", de même aussi cette précaution est exigée, dans le Livre des
Nombres chaldéen et la Mercaba juive. Après avoir reçu l'initiation, le
Néophyte était mené par un des Anciens dans un endroit retiré, et là [116]
on lui murmurait à l'oreille le grand secret 199. Le Franc-Maçon prête
serment, sous les peines les plus sévères, de ne communiquer les secrets de
quelque degré que ce soit "à un frère d'un degré inférieur" ; et
l'Agroushada Parikshai dit : "L'initié du troisième degré qui révélerait,
avant le temps voulu, les vérités supérieures aux initiés du second degré,
sera mis à mort." L'apprenti Maçon consent, de même, à ce qu'on lui
"arrache la langue", s'il divulgue quoi que ce soit à un profane ; et dans les
ouvrages hindous de l'initiation, le même Agroushada Parikshai, nous
lisons que tout initié du premier degré (le plus bas) qui trahirait les secrets
de son initiation à des membres d'autres castes, pour qui la science doit
être un livre fermé, aurait "la langue coupée" et subirait d'autres
mutilations.
199
Franck, La Kabbale, ch. I.
Nous mettrons en relief, par la suite, les preuves de l'identité des
vœux, des formules, des rites et des doctrines entre les anciennes
croyances. Nous démontrerons aussi que non seulement leur souvenir a été
perpétué en Inde, mais que l'Association Secrète est aussi vivante et aussi
active que jamais. Après avoir lu ce que nous avons à dire, on reconnaîtra
que le suprême pontife et hiérophante, le Brahmâtma, est encore accessible
à "ceux qui savent", bien qu'il soit probablement connu sous un autre nom
et que les ramifications de son influence s'étendent par tout le monde. Mais
revenons maintenant à la période chrétienne primitive.
Il est de tous points absurde de juger les anciens à notre point de vue
de la bienséance et de la vertu, et certes, ce n'est pas à l'Eglise – que tous
les symbologistes modernes accusent d'avoir adopté ces mêmes emblèmes
sous leur forme la plus grossière, et qui se sent impuissante à réfuter ces
accusations – de jeter la [117] pierre à ceux qu'elle a copiés. Lorsque des
hommes comme Pythagore, Platon et Jamblique, connus pour leur sévère
moralité, prenaient part aux Mystères et en parlaient avec vénération, il
sied mal à nos critiques modernes de les juger si légèrement en se basant
seulement sur leur aspect extérieur. Jamblique donne la description des
plus hardis, et son explication, devrait paraître tout à fait plausible à un
esprit sans parti pris. "Les exhibitions de cette sorte, dit-il, dans les
Mystères, étalent calculées pour nous délivrer des passions licencieuses, en
assouvissant la vue et, en même temps, faisant disparaître toute mauvaise
pensée, par suite de la terrible sainteté qui accompagnait tous ces rites" 200.
"Les hommes les plus sages et les meilleurs du monde païen, ajoute M.
Warburton, sont tous d'accord sur ce point, que les Mystères furent
institués purs, et qu'ils n'enseignaient que les fins les plus nobles et par des
moyens les plus louables" 201.
Bien que des sujets des deux sexes et de toutes classes pussent prendre
part dans ces rites célèbres, et que même une certaine participation fût
obligatoire, peu nombreux étaient ceux qui atteignaient l'initiation finale et
la plus élevée. La hiérarchie des Mystères nous a été donnée par Proclus
dans le quatrième livre de sa Théologie de Platon 202. "Le rite perfectif
[télésé], précède l'ordre de l'initiation – Muesis – et l'initiation "Epopteïa",
ou Apocalypse finale." Théon de Smyrne, dans Mathematica, divise aussi
en cinq parties les rites des Mystères : la première consiste en une
purification préalable, car les Mystères ne sont pas transmis à tous ceux
qui veulent bien les recevoir ;... certaines personnes en sont empêchées par
la voix du crieur (χηρυξ)... puisqu'il est nécessaire que ceux qui ne sont pas
exclus des Mystères soient auparavant, épurés par certaines purifications
auxquelles succèdent la réception des rites sacrés. La troisième partie est
appelée Epopteïa ou Réception. Et la quatrième, qui est la fin et le but de
la Révélation, consiste à bander la fête et ceindre les couronnes 203... soit
que, par la suite, il (la personne initiée) deviennent porte-flambeau„, un
hiérophante des Mystères ou qu'il remplisse un autre rôle dans le rite
sacerdotal. Mais la cinquième, qui est le résultat de toutes celles-ci, est
l'amitié et la communion intime avec Dieu... " Celui-ci était le dernier et le
plus solennel des Mystères. [118]
200
Mystères des Egyptiens, des Chaldéens et des Assyriens, I, ch. XI.
201
Divine Legation of Moses ; the Eleusinian Mysteries, cités par Thos. Taylor.
202
On the Theology of Platon, L. IV, p. 220, Londres 1816.
203
Il ne faut pas prendre cette expression au sens littéral ; car, ainsi que dans l'initiation de quelques
Fraternités, elle a une signification secrète mentionnée par Pythagore, lorsqu'il dépeint ses
sensations après l'initiation, en nous disant qu'il avait été couronné par les Dieux en présence
desquels il avait bu "les sources de la vie", en hindoustani â-bi-havât, la fontaine de la vie.
Après de longs siècles de matérialisme religieux et de stagnation
spirituelle, il est devenu fort difficile, sinon impossible, d'établir les
prétentions de chacun. Les anciens Grecs, qui accouraient autrefois en
foule à l'Agora d'Athènes avec son autel au "Dieu Inconnu", ne sont plus,
et leurs descendants sont convaincus qu'ils ont trouvé l' "Inconnu"dans le
Jehovah des Juifs. Les extases divines des Chrétiens Primitifs ont fait place
à des visions d'un caractère plus moderne en rapport avec le progrès et la
civilisation. Le "Fils de l'Homme" apparaissant dans les extases ravies des
premiers Chrétiens, venant du septième ciel, dans une nuée de gloire,
entouré d'anges et de séraphins ailés, a cédé la place à un Jésus plus
prosaïque et en même temps plus commercial. On nous fait voir celui-ci
faisant une visite matinale à Marie et à Marthe à Béthanie ; il prend place
sur l'ottomane avec la sœur cadette qui était éprise d'éthique, tandis que
Marthe passe son temps à la cuisine à confectionner le repas. Et voici que
l'imagination fiévreuse d'un prédicateur et saltimbanque blasphémateur de
Brooklyn, le Révérend Dr Talmage, nous la représente accourant "la sueur
au front, un broc dans une main et les pincettes dans l'autre... en présence
du Christ" et le tançant vertement de ne pas faire attention que sa sœur la
laisse "faire seule tout l'ouvrage" 204 205.
204
[Cf. Taylor, Eleusin. and Bacchic Myst., édit. Wilder, pp. 82-83, 41 édit.]
205
Ce sermon original et très long fut prononcé dans une église de Brooklyn N.Y., le 15 avril 1877.
Le jour suivant, le révérend orateur fut invectivé dans le "Sun" sous le qualificatif de charlatan
baragouineur ; mais cette épithète bien méritée n'empêchera pas d'autres révérends bouffons de faire
de même et peut-être pis. Voilà ce qu'est la religion du Christ ! Il vaudrait mille fois mieux ne pas
croire en Lui que de caricaturer son Dieu de cette manière. Nous applaudissons de tout cœur au
"Sun" pour sa façon de penser, telle que nous la voyons dans ce qui suit – "Et lorsque Talmage fait
dire par le Christ à Marthe dans sa fureur : "Ne t'agite pas, mais assieds-toi sur ce sofa", il met le
comble à une scène au sujet de laquelle les auteurs inspirés n'eurent rien à dire. La bouffonnerie de
Talmage va un peu trop loin. S'il était l'hérétique le plus infâme du pays, au lieu d'être, comme il
l'est pétri d'orthodoxie, il ne ferait pas autant de mal à la religion, que celui qu'il lui cause par ses
blasphèmes familiers."
d'athéisme que beaucoup de révérends et de paroissiens des églises. Mais
si les Epoptes de la Grèce n'existent plus, nous avons, aujourd'hui, un
peuple autrement plus ancien que les plus anciens Hellènes, qui pratique
les dons prétendus "surhumains" au même degré que leurs ancêtres d'avant
le siège de Troie. C'est sur ce peuple que nous appelons l'attention des
psychologues et des philosophes.
206
Le Spiritisme dans le monde, p. 68.
l'Inde pour contempler ces demi-dieux, se prosternent la face dans la
poussière en invoquant les mânes de leurs ancêtres" 207.
207
Ibid., p. 78-79.
Bien que les Fakirs ne puissent pas aller au-delà du premier degré de
l'initiation, ils sont, néanmoins, les seuls agents entre le monde visible et
les "frères silencieux", ou ces initiés qui ne franchissent jamais le seuil de
leurs demeures sacrées. Les Fukarâ-yoguis [121] appartiennent aux
temples, et qui sait si ces cénobites des sanctuaires n'ont pas plus à faire
avec les phénomènes psychologiques des Fakirs, et que Jacolliot a si
magistralement décrits, que les Pitris eux-mêmes ? Qui nous dira si le
spectre fluidique du vieux Brahmane vu par Jacolliot était le scîn-lêcca, le
double spirituel d'un de ces mystérieux sannyâsis ?
(Agroushada Parikshai.)
Lorsqu'ils font partie d'un temple, les Fakirs n'agissent jamais que
d'après des ordres. Aucun d'eux, à moins qu'il n'ait atteint un degré
extraordinaire de sainteté, n'est libéré de l'influence et de la direction de
son gourou, son maître, qui le premier l'initia et l'instruisit dans les
mystères des sciences occultes. De même que le sujet d'un magnétiseur
européen, le Fakir, en général, ne peut se soustraire entièrement à
l'influence psychologique exercée sur lui par son gourou. Après avoir
passé deux ou trois heures en prière et en méditation, dans le silence et la
solitude du temple intérieur, le Fakir en sort mesmériquement fortifié et
préparé ; il produit des miracles bien plus variés et plus puissants qu'avant
son entrée dans le temple. Le "maître" lui a imposé les mains, et le Fakir se
sent fort.
208
Louis Jacolliot, Le spiritisme dans le monde, pp. 319-20, 65.
Sans doute, le Fakir parle toujours des Pitris, ce qui est naturel, car ce sont
ses divinités protectrices ; mais les Pitris sont-ils des êtres désincarnés de
notre race humaine ? Voilà la question, et nous la discuterons tout à
l'heure.
Nous avons dit qu'à un certain point de vue le Fakir peut être
considéré comme un médium ; car il est – ce qui n'est pas généralement
connu – sous l'influence mesmérique directe d'un adepte vivant, son
Sannyâsi ou Gourou. Lorsque celui-ci meurt, la puissance du Fakir, s'il n'a
pas reçu le dernier transfert de forces spirituelles, décline et, dans
beaucoup de cas, disparaît. S'il en était autrement, pourquoi les Fakirs
auraient-ils été exclus du droit de passer du second au troisième degré ?
Les vies de beaucoup d'entre eux font preuve d'une grande sainteté et d'une
abnégation inconnue et incompréhensible pour des Européens, qui
frémissent à la seule pensée de pareilles tortures volontairement imposées.
Mais, bien que garanti de tomber au pouvoir d'esprits terrestres et
vulgaires, quelque grand que soit l'abîme entre une influence avilissante et
leurs âmes puissantes ; bien qu'il soit protégé par la baguette magique en
bambou à sept nœuds qu'il reçoit de son maître, le fakir vit, néanmoins,
dans le monde extérieur du péché et de la matière, [123] et il est possible
que son âme soit teintée, qui sait, par les émanations magnétiques des
objets et des personnes profanes, donnant ainsi accès aux esprits et aux
dieux étrangers. Admettre dans cet état quelqu'un, qui ne serait pas sûr de
conserver la maîtrise de lui-même dans toute circonstance, à la
connaissance des terribles mystères et des secrets inestimables de
l'initiation, serait impossible. Non seulement ce serait mettre en danger la
sécurité de ce qui doit, en toute circonstance, être garanti contre la
profanation, mais ce serait consentir à admettre derrière le voile un être
dont l'irresponsabilité médiumnique risquerait à chaque instant de lui faire
perdre la vie à la suite d'une indiscrétion involontaire. La même loi en
vigueur dans les Mystères Eleusiniens avant notre ère est encore observée
aujourd'hui dans l'Inde.
Si l'on objecte que les adeptes Brahmanes et les fakirs admettent qu'ils
ne peuvent rien par eux-mêmes, et n'agissent qu'aidés par les esprits
désincarnés, c'est vouloir dire que les Hindous ignorent les lois de leurs
livres sacrés, et même la signification du mot Pitris. Les Lois de Manou,
l'Atharva-Véda, et autres livres, sont la preuve de ce que nous avançons.
"Tout ce qui existe, dit l'Atharva-Véda, est au pouvoir des dieux. Les dieux
sont soumis aux conjurations magiques, les conjurations magiques sont
sous le contrôle des Brahmanes. Par conséquent, les dieux sont au pouvoir
des Brahmanes". C'est logique, bien que paradoxal, et cependant c'est un
fait. Et ce fait explique à ceux qui, jusqu'ici, n'ont pas trouvé le mot de
l'énigme (parmi lesquels il faut compter Jacolliot, ainsi que nous le
constatons dans ses ouvrages) en vertu duquel le fakir doit être maintenu
dans le premier ou le plus bas degré de l'initiation, dont les adeptes les plus
élevés ou hiérophantes sont les sannyâsis, ou membres de l'ancien Concile
Suprême des Soixante-dix.
209
Pishachas, démons de la race des gnomes, des géants et des vampires.
210
Gandharvas, bons démons, séraphins célestes, chanteurs.
211
Les Asouras et les Nagas sont les esprits titanesques et les esprits â tète de serpent ou de dragon.
212
[Plus tard aussi en Manou, III, 201.]
daïmons, qui contrôlent les pouvoirs de la nature, les élémentals
subordonnés au pouvoir de celui "qui sait". Un fakir appellerait une
apparition ou un fantôme humain palit, ou bhoûtnâ, et celui d'un esprit
féminin humain picalpâi, mais il ne les appellerait pas des Pitris. Il est vrai
que pitarâi (au pluriel) veut dire pères, ancêtres ; et pitarâî est un parent ;
mais ces termes sont employés dans un sens bien différent de celui des
Pitris invoqués dans les mantras.
Dans ce cas, les Pitris, au lieu des génies, sont les esprits, ou plutôt les
âmes des êtres désincarnés ; mais ils ne communiquent librement qu'avec
ceux dont l'atmosphère est aussi pure que la leur, et à la pieuse Kalâsha
(invocation) desquels ils peuvent répondre sans risquer de mettre en
danger leur pureté céleste. Lorsque l'âme de l'évocateur a atteint le sâyoud
jya, ou identité parfaite d'essence avec l'Ame Universelle, la matière étant
complètement subjuguée, l'Adepte peut alors entrer librement en
communion journalière et de tous les instants avec ceux qui, bien que
débarrassés du fardeau de leurs corps terrestre, progressent encore par des
séries de transformations infinies, y compris l'approche graduelle vers le
Paramâtma, ou la sublime Ame Universelle. [125]
Si nous tenons compte que les Pères chrétiens ont toujours prétendu au
nom d' "amis de Dieu" pour eux ou pour les saints et sachant qu'ils ont
emprunté cette expression ainsi que beaucoup d'autres, à la terminologie
des temples païens, il n'est que naturel qu'ils voient d'un mauvais œil toute
allusion à ces rites. Etant, en règle générale, fort ignorants, et leurs
biographes ayant été aussi ignorants qu'eux, nous ne devons pas nous
213
[L. Jacolliot, Christna et le Christ, p. 139.]
attendre à trouver dans leurs visions béatifiques la beauté descriptive que
nous constatons chez les classiques païens. Si nous devons discréditer les
visions et les phénomènes objectifs attribués aux Pères du désert et aux
Hiérophantes des sanctuaires, ou les accepter comme des faits accomplis,
la beauté des descriptions de Proclus et d'Apulée, en narrant la minime
partie de l'initiation finale qu'ils se crurent permis de révéler, rejette
complètement dans l'ombre les récits plagiaires des ascètes chrétiens,
quelque fidèles qu'aient voulu être ces copies. L'histoire de la tentation de
saint Antoine, dans le désert, par un démon féminin, n'est que la parodie
des épreuves préliminaires du néophyte pendant les Mikra, ou Mystères
mineurs, d'Agrae, rites au souvenir desquels saint Clément se déchaîne si
amèrement, et qui représentent Déméter dépouillée, à la recherche de son
enfant et de sa bonne hôtesse Baubo 214.
214
Voyez Arnobe, op. cit., p. 249-250.
215
Voyez Inman, Ancient and modern Christian Symbolism, 1874, p. 66.
216
Introduction aux Eleusinian and Bacchic Mysteries de Taylor, publiés par J.-W. Bouton, 4ème
éd., p. 27.
rites obscurs des Mystères, par des écrivains qui avaient été eux-mêmes
initiés. C'est d'accord avec les affirmations d'auteurs très classiques que
nous prétendons que si l'ancien culte peut paraître ridicule et qui sait,
licencieux, pour les critiques modernes, il n'aurait pas dû apparaître ainsi
pour les Chrétiens. Au Moyen Age, et même plus tard, ils acceptaient à
peu prés le même culte, sans comprendre la portée cachée de ses rites, et
ils se contentaient de l'interprétation obscure et tant soit peu fantastique du
clergé, qui adoptait la forme extérieure en dénaturant sa signification
intime. Pour être justes, nous sommes prêts à reconnaître que des siècles se
sont écoulés depuis que la majeure partie du clergé chrétien, qui n'a pas le
droit d'approfondir les Mystères Divins ou de chercher à expliquer ce que
l'Eglise avait une fois pour toutes accepté et établi, ait eu la moindre idée
de leur symbolisme, que ce soit dans sa signification exotérique ou
ésotérique. Il n'en est pas ainsi pour le chef de l'Eglise et ses hauts
dignitaires. Et si nous sommes pleinement d'accord avec Inman qu'il est
"difficile de croire que les ecclésiastiques qui ont sanctionné la publication
de pareilles gravures 217 étaient aussi ignorants que les ritualistes
modernes", nous n'admettons pas, avec le même auteur, que "si ces
derniers avaient connu la véritable signification des symboles employés
par l'Eglise Romaine, ils ne les auraient pas adoptés".
217
Gravures d'un ancien Rosaire de la Sainte Vierge Marie, imprimé à Venise en 1524, avec la
permission de l'Inquisition. Dans les illustrations données par le Dr Inman, la Vierge est représentée
dans un "bosquet" assyrien, une abomination aux yeux du Seigneur, suivant les prophètes de la
Bible. "Le livre en question", dit l'auteur, "contient beaucoup de gravures, ressemblant toutes d'une
manière frappante à l'emblème mésopotamien d'Ishtar. La présence de la femme, ici, identifie les
deux comme symbolisant Isis, ou la Nature ; et l'homme, qui s'incline en l'adorant, représente la
même idée que celle des sculptures assyriennes, où les mâles offrent à la déesse des symboles deux-
mêmes" (Voyez Ancient Pagan and modern christian symbolism, p. 91, seconde édition, New-
York, p. 91).
[127] lui "conférant un pareil honneur 218, comme le dit naïvement Don
Pascale de Franciscis, il a fait une déesse de la Vierge Marie, une Divinité
Olympienne, qui, par sa nature même, a été mise dans l'impossibilité de
commettre le péché ; elle ne peut prétendre à aucune vertu, à aucun mérite
personnel pour sa pureté justement pour laquelle on nous laissait croire,
dans notre jeune âge, qu'elle avait été choisie entre toutes les femmes. Si sa
Sainteté l'a privée de cette vertu, peut-être pense-t-il, d'autre part, l'avoir
douée d'au moins un attribut physique qu'elle ne partage pas avec les
autres déesses-vierges. Mais même ce nouveau dogme, associé à la
nouvelle prétention à l'infaillibilité qui a presque mis en révolution le
monde chrétien, n'est pas nouvelle dans l'Eglise de Rome. Ce n'est qu'un
retour à une hérésie presque oubliée des temps du Christianisme primitif,
celle des Collyridiens, ainsi nommés parce qu'ils offraient des gâteaux en
sacrifice à la Vierge, qu'ils prétendaient être elle-même née d'une
Vierge 219. La nouvelle formule "O Vierge Marie, conçue sans péché", n'est
qu'une réminiscence tardive de ce que les Pères orthodoxes qualifiaient au
début "d'hérésie impie".
Penser un seul instant que les papes, les cardinaux et autres dignitaires
n'ont pas su à quoi s'en tenir, du commencement à la fin, au sujet de la
signification extérieure de leurs symboles, serait faire tort à leur grand
savoir et à leur esprit machiavélique. C'est ignorer que les émissaires de
Rome ne sont arrêtés par aucune difficulté qui puisse être contournée par
l'emploi d'artifices jésuitiques. La politique d'acquiescement complaisant
n'a jamais été mise plus en pratique que par les missionnaires de Ceylan,
lesquels, suivant les dires de l'abbé Dubois – certes une autorité savante et
compétente – "transportaient les images de la Vierge et du Sauveur sur un
char triomphal, reproduit d'après les orgies de Jaggernath, en introduisant
les danseurs des rites Brahmaniques dans le cérémonial de l'Eglise" 220.
Rendons grâces à ces politiciens en soutane de la continuité dont ils ont
fait preuve en se servant du char de Jaggernath sur lequel les "païens
impies" paradent le lingha de Shiva. Se servir de ce char pour transporter à
son tour l'emblème Romain du principe féminin de la Nature, c'est faire
preuve de discernement et d'une connaissance profonde des plus anciennes
218
[Diseorsi del Sommo Pontifice Pio IX, part. II, p. 26. Cf. W.E. Gladstone Rome, etc., p. 140.]
219
Voyez Gnostics de King pp 91-92 ; The genealogy of the Blessed Virgin Mary, par Faustus,
évêque de Riez.
220
Edinburg Review, vol. XCIII, avril 1851, p. 415. Cité par Pococke, India in Greece, Londres
1852, pp. 318-19.]
conceptions mythologiques. Ils ont réuni deux divinités et ont représenté
ainsi, dans une procession chrétienne, le Brahmâ "païen", ou Nara (le
père), Nâri (la mère) et Virâj (le fils) 221. [128]
Manou s'exprime ainsi : "Le Souverain Maître, qui existe par lui-
même, divise son corps en deux moitiés, mâle et femelle, et de l'union de
ces deux principes naît Virâj, le Fils" 222.
Aucun des Pères chrétiens n'eût ignoré ces symboles dans leur
signification physique, car c'est sous cet aspect qu'ils étaient abandonnés à
la plèbe ignorante. Ils avaient tous, en outre, d'excellentes raisons pour
soupçonner le symbolisme occulte de ces images mais, comme aucun
d'entre eux – à l'exception, peut-être, de saint Paul – n'avait été initié, ils ne
pouvaient connaître quoi que ce soit au sujet des derniers rites. Quiconque
révélait ces Mystères était mis à mort, quels que fussent son sexe, sa
nationalité ou sa foi. Un Père chrétien n'était pas plus à l'abri d'un accident
qu'un Μυστης païen.
221
Princeps Dubois, cité par Edinburgh Review, avril 1851, p. 411.
222
Manou, livre 1, shloka 32 : Sir W. Jones traduisant de Manou du Nord interprète ce shloka
comme suit : "Ayant séparé sa propre substance, le Pouvoir puissant devint moitié mâle, moitié
femelle, ou la nature active et passive ; et de cette femelle il produisit Virâj."
223
[Clem. Alex, Strom III-IV, citant Pindare, Dirges, 137.]
plus d'un initié, que les représentations dramatiques des Mystères Mineurs
étaient destinées par les anciens théologiens à représenter d'une manière
occulte la condition de l'âme non encore purifiée, attachée à un corps
terrestre et enveloppée dans une nature non effacée... qu'en vérité, l'âme,
jusqu'au moment où elle a été purifiée par la philosophie, subit la mort par
suite de son union avec le corps... 224.
224
[Taylor, Eleus. and Bacchic Myst., pp. 34-35, 4ème éd.]
225
Ennéades, I-VIII.
l'enfance, recommence de nouveau pour elle. L'âme astrale est placée entre
la matière (le corps) et l'intelligence supérieure (son esprit immortel ou
Nous). Lequel des deux remportera la victoire ? Le résultat de la lutte de la
vie réside dans la triade. C'est une question de quelques années de
jouissance physique ici-bas, et – si celle-ci a engendré des abus – de la
dissolution du corps terrestre, suivie de la mort du corps astral ; ainsi
empêché de s'unir à l'esprit le plus élevé de la triade, lequel seul nous
confère l'immortalité individuelle ; ou alors, de devenir des mystes
immortels, des initiés, avant la mort, aux vérités divines de la vie future ;
des demi-dieux ici-bas et des DIEUX là-haut.
C'est ainsi que, dans l'Inde antique, la doctrine des Pitris planétaires et
terrestres n'était entièrement révélée, ainsi que c'est encore le cas de nos
jours, qu'au dernier moment de l'initiation et seulement aux adeptes des
226
T. Taylor, op. cit., p. 107, 4ème éd.
227
Commentaires sur la République de Platon, p. 380.
228
The Book of Shet the Prophet Zirtorîsht, Bombay 1818, versets 35-38.
229
Phèdre, p. 64.
degrés supérieurs. Nombreux sont les fakirs qui, bien que purs, loyaux et
dévoués, n'ont jamais encore vu la forme astrale d'un pur pitar humain (un
ancêtre ou père) autrement qu'au moment solennel de leur première et
dernière initiation. C'est en présence de son instructeur, Son Gourou, et
juste avant que le Vatou-Fakir soit envoyé dans le monde des vivants avec
sa baguette de bambou à sept nœuds pour toute protection, qu'il est mis,
soudain, face à face avec la PRESENCE inconnue. Il la voit, et se
prosterne aux pieds de la forme qui s'évanouit devant lui ; mais on ne lui
confie point le grand secret de son évocation ; car c'est le mystère suprême
de la syllabe sainte. Le AUM renferme l'évocation de la triade Védique, la
Trimoûrti de Brahma, Vichnou, Shiva, suivant les Orientalistes 230 ; elle
renferme, à notre avis, l'évocation de quelque chose de plus réel et de plus
objectif que cette trinité abstraite – contredisant en cela, avec tout le
respect qui leur est dû, nos éminents hommes de science. C'est la trinité de
l'homme, lui-même, en voie de devenir immortel par l'union [132]
solennelle de son triple SOI intime – le corps grossier, extérieur,
l'enveloppe n'étant même pas prise en considération dans cette trinité 231.
C'est lorsque cette trinité, anticipant sur la réunion triomphante au-delà des
portes de la mort corporelle, devient pendant quelques secondes une
UNITE, que le candidat est autorisé, au moment de l'initiation, à
contempler son soi futur. C'est ainsi que nous devons l'interpréter dans le
230
Le Bouddha suprême est invoqué avec deux de ses acolytes de la triade théiste, Dharma et
Sangha. On s'adresse à cette triade en sanscrit dans les termes suivants
Namo Bouddhdya Namo Dharmâya
Namo Sanghdga
Aum !
tandis que les Bouddhistes tibétains prononcent leur invocation comme suit :
Nan-wou Fo-tho-ge,
Nan-wou Tha-ma-ye,
Nan-wou Seng-Kia-ge,
Aum !
Voir également, Nouveau Journal Astatique, tome VII, mars 1831, p. 265.
231
Le corps humain, son vêtement de peau est, par lui-même une masse inerte de matière ; seul, le
corps vivant et sensible, au-dedans de l'homme doit être considéré comme son véritable corps, et
c'est celui-là qui, avec l'âme-source ou corps astral pur, en contact direct avec l'esprit immortel,
constitue la trinité humaine.
Desatir persan, en parlant du "Resplendissant" ; chez les philosophes-
initiés grecs avec l'Augoeides – la "divine vision dont le siège est la
lumière pure" lumineuse par elle-même ; et dans Porphyre 232 lorsqu'il dit
que Plotin fut réuni à son "dieu" six fois durant sa vie ; et ainsi de suite.
232
[Plotini vita, corp. XXIII, in J.A. Fabricius, Bibl. Græc., 1705-28.]
Le troisième degré est celui où le fakir, ou un candidat quelconque,
ressent, entend et voit ; il peut encore reproduire, à volonté, la réflexion
des Pitris sur le miroir de la lumière astrale. Tout dépend de ses pouvoirs
psychologiques et magnétiques, qui sont toujours proportionnés à
l'intensité de sa volonté. Mais le fakir ne réussira jamais à contrôler
l'Akâsha, le principe vital spirituel, l'agent omnipotent de tout phénomène,
au même degré qu'un adepte de la troisième et plus haute initiation. Les
phénomènes produits par la volonté de ces derniers ne courent
généralement pas les rues pour la satisfaction des investigateurs bouche-
bée.
[134]
233
Il nous semble que le terme "sorcellerie" devrait, une fois pour toutes, être compris dans son sens
véritable. La sorcellerie est consciente ou inconsciente. On obtient certains résultats funestes et
dangereux au moyen des pouvoirs mesmériques des prétendus sorciers, qui font un mauvaise usage
de leur fluide potentiel ; d'autre part, on y arrive par l'accès facile des "esprits"malicieux et
trompeurs (d'autant plus pernicieux si ceux-ci sont humains), dans l'atmosphère qui entoure le
médium. Combien de milliers de pauvres innocentes et irresponsables victimes ont trouvé une mort
infamante, à la suite des tours joués par ces êtres élémentaires.
234
[Enneades, I, VI ; IX, IX.]
235
[Eleus, and Bacchic Myst., pp. 108-11, 4ème éd.]
La pratique de cette science comporte le désir de réintégrer notre seule
et véritable patrie – la vie future, et de s'unir plus étroitement avec notre
esprit d'origine ; par contre, son abus traduit par la sorcellerie, les
sortilèges et la magie noire. Entre, les deux se trouve placée la
"médiumnité" naturelle, âme revêtue de matière imparfaite, agent
approprié à l'une ou à l'autre et dépendant entièrement de son entourage, de
l'hérédité constitutionnelle – physique aussi bien que mentale – et à la
merci des "esprits" qu'elle attire autour d'elle – une bénédiction ou une
malédiction suivant le destin, à moins que le médium ne se soit purifié des
scories terrestres.
236
[Mishnah Hagigab, 14 b.]
Acher commit des déprédations dans la plantation"
[embrouilla le tout et échoua]. Mais Akiba, qui était entré
en paix, en sortit en paix, car le saint, (que son nom soit
béni), avait dit ce vieillard mérite de nous servir avec
gloire."
237
[Partie II, ch. I, pp. 57-58, éd. Paris 1843.]
Mysteries, lorsqu'on dit : "C'est l'ignorance qui est cause de profanation.
Les hommes ridiculisent ce qu'ils ne comprenne pas bien... le courant de ce
monde se précipite vers un but ; et dans la crédulité humaine – appelez-la
faiblesse humaine, si vous voulez – il y a un pouvoir quasi-infini, une foi
vibrante, capable de s'assimiler les suprêmes vérités de l'Existence." [pp.
11-12]
"La pire malédiction pour une nation, dit le Dr Inman, pas une
mauvaise religion, mais la forme de croyance qui met un frein aux
questions viriles. Aucune nation de l'antiquité, que je sache, soumise à
l'autorité des prêtres, qui ne soit tombée sous le glaive de ceux qui étaient
opposés aux hiérarques... Le plus grand danger vient des prêtres qui
ferment l'œil au vice et l'encourage comme un moyen d'augmenter leur
pouvoir sur leurs ouailles. Tant que chacun ne fera aux autres que ce qu'il
voudrait qu'on lui fit, et ne permettra à personne de s'entremettre entre lui
et son Créateur, tout ira bien dans ce bas monde 238."
238
Ancient Pagan and Modern Christian Symbolism, préface p. 34.
[141]
CHAPITRE III
—
DIVISIONS PARMI LES PREMIERS CHRETIENS
"Or, la foi est une ferme attente des choses... C'est par la
foi que Rahab la prostituée ne périt pas avec les rebelles,
parce qu'elle avait reçu les espions avec bienveillance."
239
[Cf. Justin Martyr, Cohortatio ed Græcos, XV ; Gesnerus, Orpheos apantæ ; T. Taylor, Eleus.
and Bacchic Myst., 4ème éd., p. 238.]
240
[T. Taylor, op. cit., p. 226.]
Hébreux, XI, 1 et 31.
Nous pourrions ajouter que sur ces trois principes reposent les bases
universelles de toute foi religieuse : Dieu, et l'immortalité individuelle
pour chaque homme, s'il est capable de la conquérir. Malgré
l'enchevêtrement des dogmes théologiques postérieurs ; malgré
l'incompréhensibilité apparente des abstractions métaphysiques qui ont
convulsionné la théologie de toutes les grandes religions de l'humanité dès
le moment qu'elles ont été établies sur des bases solides, on verra que ce
qui précède est l'essence de toute philosophie religieuse, exception faite du
Christianisme moderne. Ce fut celle de Zoroastre, de Pythagore, de Platon,
de Jésus, et même de Moise, bien que l'enseignement du législateur juif ait
subi tant de pieux travestissements.
Qui sait si l'Eglise de Rome n'a pas été d'accord avec ses principes en
choisissant comme son fondateur titulaire l'apôtre qui renia son maître par
trois fois, au moment du danger ; et fut le seul, excepté Juda, qui appela
sur lui, de la part du Christ, l'épithète de "l'ennemi". "Retire toi SATAN !"
s'écrie Jésus en réprimandant l'apôtre railleur 242.
Il existe une tradition dans l'Eglise Grecque, qui n'a jamais trouvé
faveur auprès du Vatican. L'Eglise Grecque attribue son origine à un des
chefs Gnostiques – Basilides qui sait ! – qui vivait sous Trajan et Adrien à
la fin du premier siècle et au commencement du second. Quant à cette
tradition elle-même, si le Gnostique est Basilides en personne, il faut
admettre que son autorité est suffisante, puisqu'il prétend avoir été un
disciple de l'apôtre Matthieu, et avoir eu pour instructeur Glaucias, un
disciple de Saint Pierre lui-même. Si le récit qu'on lui attribue est
authentique, le Comité de Londres pour la révision de la Bible ferait [144]
bien d'ajouter un nouveau verset aux Evangiles de Matthieu, Marc et Jean,
qui racontent l'histoire du reniement du Christ par saint Pierre.
241
The Christ of Paul, p. 123.
242
Marc VIII, 33.
La tradition dont il est question arme que, lorsque, effrayé par
l'accusation du serviteur du grand-prêtre, l'apôtre renia par trois fois son
maître, et que le coq chanta, Jésus, qui traversait la galerie sous la garde
des soldats, se retourna et, regardant Pierre, lui dit : " – En vérité, Pierre, je
te dis que tu me renieras à travers les âges à venir, et que tu ne t'arrêteras
pas jusqu'à ce que tu sois devenu vieux, et que tu tendras les mains, et
qu'un autre te ceindra les reins et t'emportera là où tu ne voudras pas." 243
Grecs maintiennent que la dernière partie de cette phrase a rapport à
l'Eglise de Rome, et prophétise son apostasie constante du Christ, sous le
masque de fausse religion. Elle fut introduite, plus tard, dans le vingt et
unième chapitre de l'Evangile selon saint Jean ; mais le chapitre tout entier
fut condamné comme l'œuvre d'un faussaire, même avant qu'on n'eût
reconnu que cet Evangile n'avait jamais été écrit par l'apôtre Jean 244.
243
Jean XXI, 18.
244
[Walter R. Cassels.]
245
Evangile selon saint Marc, VIII, 33.
nous nous élevons à de plus hautes conceptions, celles
d'un Etre infiniment sage et bon, caché à notre esprit
borné, il est vrai, dans la gloire impénétrable de la
Divinité, mais dont il nous est donné de contempler sans
cesse, autour de nous, l'opération des lois d'une
universalité, [145] et d'une perfection merveilleuses...
L'argument si souvent mis en avant par les théologiens
que la Révélation Divine est nécessaire à l'homme, et que
certaines notions contenues dans cette Révélation sont
indispensables à notre conscience morale, est purement
imaginaire et dérive de la Révélation elle-même qu'on
veut maintenir à tout prix. La seule chose indispensable
pour l'homme est la VERITE, et c'est à elle seule que
doit s'adapter notre conscience morale 246."
246
Supernatural Religion, vol. II, p. 489.
247
Ancient Pagan and modern christian Symbolism, p. 28, Intr.
commençant par Jacques sans en excepter Judas, étaient, tous, des Juifs
circoncis 248.
Nous serions d'autant plus poussés à faire crédit de cette amitié entre
Pierre et ses anciens co-religionnaires, que nous trouvons dans Theodoret
l'affirmation suivante : "Les Nazaréens sont des Juifs, qui vénèrent l'OINT
[Jésus] comme un homme juste et se servent de l'Evangile selon Pierre 250."
Pierre était Nazaréen, suivant le Talmud. Il appartenait à la secte des
Nazaréens de date plus récente, qui étaient en désaccord avec les partisans
de Jean-Baptiste, et qui devint, par la suite, une secte rivale ; cette secte –
suivant la tradition – fut instituée par Jésus lui-même.
248
Eusèbe, Ex. H., livre IV, ch. V ; Sulpice-Sévère, Chronica, vol. II, p. 26.
249
Il parait que les Juifs attribuent une très haute antiquité au Sepher Toldos Jeshu. Mention en est
faite pour la première fois par Martin, vers le commencement du XIIIème siècle, car les Talmudistes
eurent grand soin de le cacher aux yeux des Chrétiens. Lévi prétend que Porchetus Salvaticus
[Victoria Porcheti adversus impios Hebræos, Paris 1520 en publia une partie, qui fut utilisée par
Luther (voir vol. III, 109-110, Jena éd., 1583, et aussi Wittenberg éd., 1556, vol. V, pp. 509-35). Le
texte hébreu, qui manquait fut enfin retrouvé par Münster et Buxtorf, et publié en 1681 par
Christophe Wagenseilius, dans une collection intitulée : Tela Ignea Satanae, ou Flèches
enflammées de Satan [Altdorf, 2 vols ; et par Jah. Jac. Huldrich, comm. Historia Jeshuæ Nazareni,
Leyden 1705.] (Voir La Science des Esprits de Eliphas Lévi, pp. 37-38).
250
Theodoret, Hereretic. Fab., lib. II, 11.
L'histoire veut que les premières sectes chrétiennes aient été ou des
Nazaréens, comme Jean-Baptiste ; ou des Ebionites, parmi lesquels se
trouvaient de nombreux parents de Jésus ; ou alors des Esséniens
(Iaessens) les Thérapeutes, guérisseurs, dont les Nazaréens formaient une
branche. Ces sectes, qu'on ne commença à traiter d'hérétiques que depuis
l'époque d'Irénée, étaient toutes, plus ou moins, cabalistiques. Elles
croyaient à l'expulsion des démons au moyen d'incantations magiques, et
mettaient cette méthode en pratique. Jervis applique aux Nabathéens et
autres sectes similaires l'appellation de "exorciseurs errants Juifs" 251, le
mot arabe Nabæ signifiant errer, et l'hébreu אבנnaba, prophétiser. Le
Talmud appelle tous les chrétiens, sans distinction des Nozari 252. Toutes
les sectes Gnostiques croyaient également à la magie. Irénée, en décrivant
les partisans de Basilides, dit "qu'ils faisaient usage d'images, d'invocations
et d'incantations, et toutes autres choses du domaine de la magie." 253 Sur
l'autorité de Lightfoot, [147] Dunlap démontre que Jésus était appelé
Nazaraïos, à cause de son extérieur humble et pauvre ; "car nazaraïos
signifie séparation, aliénation des autres hommes" 254...
251
John Jervis White Jervis, Genesis, Elneidated, Londres 1852, p. 324.
252
Lightfoot, Horæ Hebr. et Talm., p. 501.
253
[Adv. Hær, I, XXIV, 5.]
254
Dunlap, Sod the son of the man, p. 10.
255
Jérémie, VII, 29. "Coupe ta chevelure, et jette-la au loin ; monte sur les hauteurs, et prononce
une complainte."
256
Genèse, XLIX, 26.
257
Nazareth ? [Cf. Clément Alex, Strom, 1, XV ; Apulée, Floridora, II, 15.]
Les Ecritures Juives mentionnent deux cultes ou religions distinctes
parmi les Israélites : celui de Bacchus, sous le masque de Jéhovah, et celui
des initiés chaldéens auquel appartenaient quelques nazars, les théurgistes
et quelques-uns des prophètes. Le quartier général de ces derniers était
toujours à Babylone et en Chaldée, où l'on reconnaît distinctement deux
écoles rivales de Mages. Ceux qui en doutent feraient bien de donner
l'explication de la différence entre ce que dit l'histoire et ce que dit Platon,
qui, de tous les hommes de son temps, était certainement un des mieux
informés. En parlant des Mages, il nous les montre instruisant les Rois
persans sur Zoroastre, comme fils ou prêtre d'Oromazd ; 258 et cependant
Darius, dans l'inscription de Behistun, se vante d'avoir restauré le culte
d'Ormazd, et d'avoir renversé les rites des Mages. Il y avait évidemment
deux écoles de Mages, rivales et distinctes. La plus ancienne et la plus
ésotérique des deux était celle qui, satisfaite de ses connaissances
invulnérables et de son pouvoir secret, consentit volontiers à se défaire de
sa popularité exotique, en abandonnant sa suprématie aux mains du
réformateur Darius. Les Gnostiques, plus tard, firent preuve de la même
politique prudente en s'adaptant, dans chaque pays, aux formes de la
religion prévalente, tout en restant secrètement fidèles à leurs doctrines
essentielles.
Il y aurait une autre hypothèse possible, qui serait que Zero-Ishtar était
le grand prêtre du culte chaldéen ou Mage hiérophante. [148] Lorsque les
Ariens perses, sous Darius Hystaspes, renversèrent le mage Gomates, et
rétablirent le culte Mazdéen, il s'ensuivit un amalgame à la suite duquel le
Mage Zoro-astar devint le Zara-thoushtra de la Vendidâd. Cela n'était pas
du goût des autres Aryens qui avaient adopté la religion Védique, distincte
de celle d'Avesta. Mais ce n'est qu'une simple hypothèse.
Or, qu'on croie ce que l'on voudra à l'égard de Moise, nous allons
démontrer que c'était un initié. La religion Mosaïque ne fut, somme toute,
qu'un culte du Soleil et du Serpent, peut-être mélangé de quelques notions
monothéistes jusqu'au moment où celles-ci furent introduites par la force
dans les prétendues "Ecritures inspirées" par Ezra, lorsqu'il ré-écrivit les
livres mosaïques. De toute façon, le Livre des Nombres fut écrit plus tard ;
et on y suit la trace du culte solaire et du serpent aussi nettement que dans
n'importe quel récit païen. Dans plus d'un sens, le récit des serpents de feu
258
[Aleib, 122 A. Cf. Cicéron, De Divinatione, I, 1.]
est allégorique. "Les "Serpents" étaient les Lévites ou Ophites qui
formaient la garde du corps de Moise (Voir Exode XXXII, 26) ; et le
commandement du "Seigneur" à Moise de faire plier le cou du peuple
"devant le Seigneur contre le Soleil" qui est l'emblème de ce Seigneur, ne
prête à aucune équivoque.
259
Ottfried Müller, A History of the Literature of Ancient Greece, p. 230-240.
260
[Virgile, Georgiques, VI, 282 et seq.]
religion était celle des plus anciens Mages par conséquent celle à laquelle
appartenaient les initiés de toutes les nations, en commençant par Moise,
les "Fils des Prophètes" et les Nazars ascétiques (qu'il ne faut pas
confondre avec ceux contre lesquels se sont élevés Osée et d'autres
prophètes) et en finissant par les Esséniens. Cette dernière secte était
composée de Pythagoriciens, avant que leur système n'ait dégénéré plutôt
que progressé par leur rapprochement avec les missionnaires Bouddhistes,
lesquels, d'après ce que nous raconte Pline, s'étaient établis sur les rivages
de la Mer Morte, des siècles avant son temps, per saeculorum millia 261.
Mais si, d'une part, ces moines Bouddhistes furent les premiers à fonder
des communautés monastiques et à introduire la stricte observation d'une
régie conventuelle dogmatique ; d'autre part, ils furent aussi les premiers à
préconiser et à populariser les vertus sévères dont Sâkyamouni donna
l'exemple, et qui, avant lui, n'avaient été pratiquées qu'en des cas isolés par
des philosophes bien connus et leurs partisans ; ces vertus furent prêchées
quelques siècles plus tard par Jésus, mises en pratique par quelques ascètes
chrétiens, et graduellement abandonnées et même complètement oubliées
par l'Eglise chrétienne.
Les nazars initiés avaient toujours obéi à cette règle, qu'avaient suivie
les adeptes de tous les siècles avant eux ; et les disciples de Jean ne furent
qu'une branche dissidente des Esséniens. C'est pourquoi il ne faut pas les
confondre avec tous les nazars dont parle l'Ancien Testament et que Osée
accusa de s'être séparés ou de s'être consacrés à Bosheth תשב, et qui
impliquait la plus grande de toutes les abominations 262. Prétendre, comme
le font certains critiques et théologiens, que cela veut dire, se séparer de la
chasteté et de la continence, c'est ou vouloir pervertir sa véritable
signification, ou être absolument ignorant de la [150] langue hébraïque. Le
onzième verset du premier chapitre de Michée explique le terme à moitié,
sous une forme voilée : "Passe, habitante de Schaphir, etc." ; mais, dans le
texte original, ce terme est Bosheth. Certes, ni Baal, ni Iahoh-Kadosh, avec
ses Kadeshim, ne fut un dieu pratiquant les vertus ascétiques, bien que la
Bible des Septante les représente, de même que les Galli – les prêtres
parfaits – τετελεοµένοὶ, comme les initiés et les consacrés 263. Le grand
Sod du Kadeshim, traduit dans le Psaume LXXXIX, 7, par "assemblée des
261
[Pline, Hist. Nat., V, XV]
262
[Osée, IX. 10.]
263
Voir Movers, Die Phönizier, vol. I, p. 683.
saints", est loin d'être un mystère des sanctifiés dans le sens que Webster
prête à ce terme.
La secte des Naziréates existait longtemps avant les lois de Moïse 264,
et prit naissance chez un peuple en guerre ouverte avec les "élus" d'Israël,
c'est-à-dire les habitants de la Galilée, l'ancienne olla podrida de nations
idolâtres où s'élevait Nazara, le Nadra d'aujourd'hui. Ce fut à Nazara que
les anciens Nazaria ou Naziréates tenaient leurs "Mystères de Vie" ou
"assemblées", (comme le terme apparaît dans la traduction) 265, qui n'étaient
autres que les Mystères secrets de l'initiation 266, tout à fait distincts, dans
leur forme pratique, des Mystères populaires qui se célébraient à Byblos en
l'honneur d'Adonis. Tandis que les véritables initiés de la Galilée
ostracisée adoraient le vrai Dieu, et jouissaient de visions transcendantes,
que faisaient les "élus" pendant ce temps ? Ezéchiel nous le dit (au chapitre
VIII), lorsqu'en décrivant ce qu'il avait vu, il dit que la forme d'une main le
saisit par une boucle de cheveux et le transporta de Chaldée à Jérusalem.
"Et il y avait là soixante-dix hommes des anciens de la maison d'Israël...
Fils de l'homme, vois-tu ce que font dans les ténèbres les anciens de la
maison d'Israël... A la porte de la maison de l'Eternel ?... Et voici, il y avait
là des femmes, assises, qui pleuraient Thammuz." (Adonis) demande le
Seigneur. On ne peut vraiment pas supposer que les païens aient surpassé
le peuple "élu" dans certaines honteuses abominations dont leurs prophètes
les accusent si souvent. Nul n'est besoin d'être versé dans la langue
hébraïque pour admettre cette vérité ; il n'y a qu'à lire la Bible dans la
traduction et réfléchir sur le langage des "saints" prophètes.
Telle fut la raison de la haine des Nazaréens ultérieurs pour les Juifs
orthodoxes, les partisans de la Loi Mosaïque exotérique – que cette secte a
toujours accusés d'être des adorateurs de Iurbo-Adunaï, ou du Seigneur
Bacchus. Sous le déguisement de Adoni-Iachoh (texte original de Esaïe
LXI, 1). Iahoh et le Seigneur Sabaoth, [151] le Baal-Adonis, ou Bacchus,
adoré dans les bosquets et les gazons publics ou Mystères, se transforme
enfin, sous l'action adoucissante d'Ezra, en l'Adonaï de la Massorah – le
Dieu Unique et suprême des Chrétiens !
264
[Cf. Namal, VI, 2 ; Munk, Palestine, p. 169.]
265
Norberg, Codex Nazarœus, II, 305.
266
Voir Lucien, De Syria Dea.
"Tu n'adoreras point le Soleil dont le nom est Adunai, dit le Codex des
Nazaréens ; dont le nom est aussi Kadush 267 et El-El. Cet Adunaï élira une
nation qui se réunira en foules [son culte sera exotérique]... Jérusalem
deviendra le refuge et la cité des Avortons, qui se perfectionneront [se
circonciront] par le glaive... et ils adoreront Adunaï 268."
267
Voir Psaume LXXXIX, 7.
268
Codex Nazaræus, I, 47.
269
I, p. 55.
de la doctrine Bouddhiste. En hébreu, le [152] mot naba אבנsignifie parler
d'inspiration ; et ובנnebo est un dieu de la sagesse. Mais Nebo est encore
Mercure, et Mercure est Bouddha dans le monogramme hindou des
planètes. De plus, nous voyons que les Talmudistes reconnaissent que
Jésus était inspiré par le génie de Mercure 270.
270
Alph. de Spire, Fortalitium Fidei, II, 2.
271
Osée, IX, 10.
Le but de Jésus, comme ce fut évidemment celui du Bouddha-
Gautama, était de faire bénéficier l'humanité entière d'une réforme
religieuse qui aboutirait à une religion d'éthique pure ; jusqu'alors, la
véritable connaissance de Dieu et de la nature était restée entre [153] les
mains des seules sectes ésotériques et de leurs adeptes. Comme jésus fit
usage d'huile et que les Esséniens n'employaient que de l'eau pure 272, on ne
peut pas dire qu'il fût un Essénien strict. D'autre part, les Esséniens étaient
aussi "mis à part" ; c'étaient des guérisseurs (assaya) et habitaient dans le
désert, de même que tous les ascètes.
272
Josèphe dit que "Les Esséniens considéraient l'huile comme une souillure", Guerres, II, p. 7.
273
[Luc, II, 33-34.]
274
Luc, XIII, 32.
275
Matthieu, II, 23. Rappelons-nous que l'Evangile selon saint Matthieu, dans le Nouveau
Testament, n'est pas l'Evangile original de l'apôtre de ce nom. L'Evangile authentique demeura
pendant des siècles en possession des Nazaréens et des Ebionites, ainsi que nous le ferons voir plus
loin, ainsi que le reconnaît saint Jérôme lui-même, qui confesse qu'il dut obtenir la permission des
Nazaréens pour le traduire.
276
Dunlap, Sod, the Son of the Man.
Nazareth, dans le seul but d'accomplir la prophétie, non seulement diminue
la portée de son argument, mais le renverse au contraire complètement ;
car les deux premiers chapitres ont depuis longtemps été reconnus comme
des falsifications ultérieures.
Le baptême est un rite des plus anciens, et était pratiqué dans les
Mystères de toutes les nations sous forme d'ablutions sacrées. Dunlap
ferait dériver le terme nazars de nazah, asperger ; Bahâk-Tzivo est le
Génie qui appela le monde à l'existence 277 en le tirant [154] de "l'eau
obscure", disent les Nazaréens ; et le Persian, Arabic and English Lexicon
de Richardson affirme que le mot Bahak signifie "pleuvoir". Mais le
Bahak-Tzivo des Nazaréens ne peut pas aisément être confondu avec
Bacchus, le "dieu de la pluie", car les nazars étaient les plus grands
ennemis du culte de Bacchus. "Bacchus est élevé par les Hyades, les
nymphes de la pluie", dit Preller 278 ; il prouve, en outre 279, qu'à la fin des
Mystères religieux, les prêtres baptisaient (lavaient) leurs monuments et
les enduisaient d'huile. Mais tout cela ne forme que des preuves très
indirectes. Nul n'est besoin de prouver que le baptême du Jourdain n'était
qu'une substitution des rites exotériques de Bacchus, et les libations en
honneur d'Adonis ou d'Adoni – que les Nazaréens avaient en horreur –
pour prouver que c'était une secte née des "Mystères" de la "Doctrine
Secrète". Il ne faut pas, non plus, confondre leurs rites avec ceux de la
populace païenne, qui n'avait fait que tomber dans la foi idolâtre et
irraisonnée de toutes les multitudes plébéiennes. Saint Jean était le
prophète de ces Nazaréens, et, en Galilée, on l'appelait "le Sauveur" ; mais
il n'était pas le fondateur de la secte dont les traditions remontaient à la
plus haute antiquité des théurges Chaldéo-Akkadiens.
277
Codex Nazaræus, vol. II, p. 233.
278
Preller, vol. I, p. 415.
279
Dunlap, op. cit., pp. 46 et seq.
Les prêtres-rois Asmonéens promulguèrent le canon de l'Ancien Testament
par opposition à l'Apocrypha, ou Livres Secrets des Juifs d'Alexandrie, les
cabalistes 280 Jusqu'à l'époque de Jean Hyrcan, c'étaient des Assidiens
(Chasidim) et des Pharisiens (Pârsîs) ; mais ils devinrent des Sadducéens
ou Zadokites – partisans du gouvernement sacerdotal en opposition avec
celui des rabbins. Les Pharisiens étaient doux et intellectuels ; les
Sadducéens, intolérants et cruels.
280
Le terme Apocrypha fut adopté à tort comme voulant signifier doute et faux. Sa véritable
signification est : caché, secret ; mais ce qui est secret souvent plus exact que ce qui est révélé.
281
Si nous pouvons nous y fier, cette affirmation prouverait que Jésus avait entre cinquante et
soixante ans quand il fut baptisé, car les Evangiles disent qu'il était seulement de quelques mois plus
jeune que Jean-Baptiste. Les Cabalistes disent que Jésus avait plus de quarante ans lorsqu'il apparut
pour la première fois devant les portes de Jérusalem. La copie actuelle du Codex Nazaraeus date de
l'année 1042, mais Dunlap emprunte à Irénée (2ème siècle) des citations et d'amples informations de
ce livre : "La base des matériaux communs à Irénée et au Codex Nazaraeus doit provenir au moins
du 1er siècle", dit l'auteur de Sôd, the Son of the Man, dans sa préface p. 3.
282
Codex Nazaraeus, vol. I, p. 109 ; Dunlap, Ibidem, XXIV.
Or cette phrase présente une particularité très étrange. Elle est
nettement contredite dans les Actes des Apôtres (XIX 2-5). Apollos, juif
d'Alexandrie, appartenait à la secte de saint Jean ; il avait été baptisé, et
instruisait les autres dans la doctrine du Baptiste. Et cependant lorsque
saint Paul, mettant à profit son absence de Corinthe, rencontre quelques
disciples d'Apollos à Ephèse, il leur demande s'ils ont reçu le Saint-Esprit,
et ils lui répondent naïvement : " – Nous n'avons même pas entendu dire
qu'il y ait un Saint-Esprit". " – De quel baptême avez-vous donc été
baptisés ?" leur demande-t-il. " – Du baptême de Jean" est la réponse. On
fait alors répéter à Paul les paroles attribuées à saint Jean-Baptiste dans les
Synoptiques ; et ces hommes "furent alors baptisés au nom du Seigneur
Jésus" ; et instantanément "ils parlèrent en langues et prophétisèrent", don
qui accompagne la descente du Saint-Esprit.
Inutile d'objecter que le Codex actuel fut écrit des siècles après que les
disciples directs de Jean-Baptiste eurent cessé de prêcher. II en est de
même pour les Evangiles. Lorsque cette étonnante entrevue entre Paul et
les "Baptistes" eut lieu, Bardesane n'avait pas encore fait son apparition
parmi eux et la secte n'était pas encore accusée "d'hérésie". De plus, nous
voyons combien peu la promesse de Jean-Baptiste au sujet du "Saint-
Esprit" et l'apparition de "l'Esprit" lui-même avait affecté ses disciples, par
le mécontentement dont ils firent preuve envers les disciples de Jésus et la
rivalité qu'ils leur manifestèrent dès le début. Bien plus, Jean est lui-même
si peu convaincu de l'identité de Jésus avec le Messie attendu, qu'après la
célèbre scène du baptême dans le Jourdain, et la confirmation orale du
Saint-Esprit lui-même que "Celui-ci est mon Fils bien aimé" (Matthieu,
III, 17), nous voyons que le "Précurseur (Matthieu, IX) envoie, de sa
prison, deux disciples à Jésus pour lui demander : "Es-tu celui qui doit
venir, ou devons-nous en attendre un autre ?" !!
Cet expédient d'Irénée fut fort malavisé, car depuis les temps
immémoriaux les prophètes de l'ancien temps avaient tonné contre le
baptême du feu, tel qu'il était pratiqué chez leurs voisins, lequel
communiquait à ceux qui le recevaient "l'esprit de prophétie", [157]
autrement dit le Saint-Esprit. Mais le cas était désespéré ; les Chrétiens
étaient partout connus sous le nom de Nazaréens et d'Esséniens (suivant
Epiphane), et le Christ prenait simplement rang parmi les prophètes et les
guérisseurs juifs – c'est ainsi qu'ils se nommaient eux-mêmes ; il était ainsi
reconnu par ses disciples, et considéré sous cet aspect par leurs partisans.
Cette conception ne se prêtait à aucune hiérarchie nouvelle, ni à aucune
nouvelle Divinité ; et, du moment qu'Irénée avait entrepris la tâche de les
fabriquer de toutes pièces, il était obligé de réunir les matériaux qu'il avait
sous la main, en remplissant les lacunes avec ses propres inventions
fertiles.
283
Actes, XXIV, 5.
284
Actes, XXIV, 14.
285
"Hérodote", II, p 170.
néophyte, représentant le Grand Maître Hiram Abif est étendu, mort, et est
relevé par la puissante prise de la griffe du lion.
Il a été reconnu que la secte des Nazaréens avait existé quelque 150
ans avant Jésus-Christ, et que, suivant Pline et Josèphe, elle s'était fixée sur
les bords du Jourdain et sur la rive occidentale de [159] la mer Morte 287.
Mais, dans les Gnostics de King, nous voyons que Josèphe donne une
autre version d'après le verset 19, "où il dit que les Esséniens avaient été
286
Le Grand Pontife hindou – le chef des Nampontiris qui réside dans le pays de Cochin – est
généralement présent pendant ces fêtes de l'immersion dans "l'Eau sacrée". Il voyage souvent fort
loin pour présider â une de ces cérémonies.
287
Pline, Nat. Hist., V, XV, 73 ; Josèphe, Antiq., XIII, V. 9 ; XV, X, 4-5 ; XVIII, 1, 5.
établis sur les rives de la Mer Morte "des milliers de siècles" avant
l'époque de Pline 288.
Munk prétend que "l'institution des Nazaréates avait été établie avant
les lois de Mûsah" 290. II n'y a pas lieu d'en douter, car nous voyons que
cette secte est déjà minutieusement décrite dans le Livre des Nombres
(chap. VI). Dans le commandement donné par le "Seigneur" à Moïse, dans
ce chapitre, il est aisé de reconnaître les rites et les lois des Prêtres
d'Adonis 291. L'abstinence et la pureté prescrites dans les deux sectes est
identique. Les fidèles de toutes deux laissaient croître leurs cheveux
288
King estime que c'est exagéré et croit que ces Esséniens, qui étaient sans aucun doute des moines
Bouddhistes, n'étaient "que la continuation des associations connues sous le nom de Fils des
Prophètes". The Gnostics and their Remains, p. 22, note [p. 52 de la 2ème éd.]
289
Saint Jérôme, Epitres, p. 49 (ad Paulinum) ; voir Dunlap, Vestiges, p. 218.
290
Munk, p. 169.
291
Bacchus et Cérès ou le Vin et le Pain mystiques employés dans ces Mystères, deviennent, dans
l' "Adonia", Adonis et Vénus. Movers nous montre que Iaô est Bacchus, p. 550, et il tient son
autorité de Joannes Lydus Demensibus (IV, 38-74) ; Spir. Hist., p. 195. Iaô est un dieu solaire, et le
Jéhovah juif, le Soleil intellectuel ou Central des Cabalistes (Voir Julien dans Proclus). Mais ce Iaô
n'est pas le dieu des Mystères.
longs 292 comme le font les cénobites et les fakirs hindous encore de nos
jours, tandis que d'autres castes se rasent la tête et s'abstiennent de boire du
vin à de certaines dates. Le prophète Elisée, un [160] Nazaréen, est décrit,
dans le IIème Livre des Rois et par Josèphe, comme un homme "velu et
ayant une ceinture de cuir autour des reins" 293. Et Jean-Baptiste et Jésus
sont représentés tous deux portant les cheveux longs 294. Jean est "vêtu de
poil de chameau" et porte une ceinture de cuir, et Jésus un vêtement long
et "sans couture"... "et blanc comme la neige", dit Marc ; ce sont les
mêmes vêtements portés par les prêtres Nazaréens, ainsi que par les
Esséniens Pythagoriciens et Bouddhistes, tels que les a décrits Josèphe.
292
Josèphe, Ant. Jud., IV, p. 4.
293
Ibidem, IX, 2ème Livre des Rois, I, 8.
294
Par rapport au fait bien connu que Jésus portait ses cheveux longs, et qu'il a toujours été
représenté ainsi, il est étonnant de constater combien le rédacteur inconnu des Actes des Apôtres
était peu au courant des habitudes de saint Paul, lorsqu'il lui fait dire dans l'Epître aux Corinthiens,
XI, V. 14 : "La nature elle-même ne nous enseigne-t-elle pas que c'est une honte pour l'homme de
porter de longs cheveux ?" Il est bien certain que Paul n'a jamais dit une chose semblable ! Par
conséquent, si le passage est authentique, Paul ne savait rien du prophète dont il avait embrassé les
doctrines et pour lesquelles il mourut ; et s'il est apocryphe, combien alors ce qui en reste est-il plus
digne de foi ?
295
[Clem. Alex, Strom, I, 15.]
296
[Vies, "Pythagore", § 3.]
297
[Florida, II, XV ; cf. Hyde, Hist. Rel. Nat. Persarum, p. 308, 1700.]
nous attirerions sur nous les foudres de la colère chrétienne ! Et, malgré
tout, le cas est fort probable.
298
[Hist. Rom., XXIII, VI, 33.]
299
Max Muller l'a abondamment prouvé dans sa conférence sur le "Zend-Avesta". Il appelle
Gushtasp "le discile mytique de Zoroastre" [Chips, etc., I, p. 88.] Mythique, qui sait ? seulement
parce que la période pendant laquelle il vécut et étudia avec Zoroastre est trop éloignée pour
permettre à la science moderne d'en parler avec certitude.
impossible que, par un changement naturel du langage, dû au grand
nombre des nations différentes qui se convertirent au culte solaire, le mot
gourû-astara, instructeur spirituel du culte du Soleil, ressemblant à un tel
point au nom du fondateur de cette religion, n'ait été graduellement
transformé dans sa forme primitive de Zuryastara ou Zoroastre ? Suivant
l'opinion des cabalistes, il n'y eut qu'un seul Zarathoustra et plusieurs
guruastars, ou instructeurs spirituels, et qu'un de ces gourous, ou plutôt
huruaster, ainsi qu'on le nomme dans les anciens manuscrits, fut
l'instructeur de Pythagore. Nous donnons pour ce qu'elle vaut cette
explication aux philologues et à nos lecteurs. Personnellement, nous la
tenons pour vraie, ajoutant bien plus foi à la tradition cabalistique qu'à
l'explication des savants, qui jusqu'à ce jour n'ont jamais pu se mettre
d'accord. [162]
Aristote dit que Zoroastre vécut 6 000 ans avant Platon ; Hermippe
d'Alexandrie, qui était censé avoir lu tous les livres authentiques des
Zoroastriens, bien qu'Alexandre le Grand ai été accusé de les avoir
détruits, représente Zoroastre comme un élève d'Azonak (Azon-ach, ou le
Dieu Azon) et qu'il vécut 5.000 ans avant la chute de Troie 300. Er ou Eros,
dont Platon relate la vision dans sa République 301 censé, d'après saint
Clément, avoir été Zordosht 302. Tandis que le Mage qui détrôna Cambyse
était un Mède, et que Darius proclame avoir aboli les rites des Mages pour
établir ceux d'Ormazd. Xanthus de Lydie déclare que Zoroastre avait été le
chef des Mages ! 303.
300
[Pline, loc. cit.]
301
[Republic, X, 614 et seq.]
302
[Strom, V, XIV.]
303
[Diog. Lært, Vies, Prœmium, § 2.]
appelé princeps des Mages, et que nazar signifie mis à part ou consacré,
n'est-ce pas une traduction du mag hébreu ? C'est l'opinion de Volney. Le
mot perse Na-zaruan veut dire des millions d'années, et se réfère à "
l'Ancien des Jours" chaldéen ; de là vient le nom de Nazars ou Nazaréens,
qui étaient consacrés au service du Dieu Suprême Unique, le Aïn-Soph
cabalistique, ou "Ancien des Jours", "l'ancien des Anciens".
304
Max Muller, "Zend Avesta", in "Chips", etc., I, p. 86.
305
[Page 55, 2ème éd.]
difficile de montrer, à la satisfaction de la science exacte, que les
adorateurs "païens" d'Adonis, leurs voisins les Nazaréens, les Esséniens
Pythagoriciens, les Thérapeutes guérisseurs 306, les Ebionites et autres
sectes, étaient tous, à de rares exceptions près, des adhérents aux anciens
Mystères théurgiques. Malgré cela, nous établissons leur parenté, soit par
analogie, soit en étudiant avec soin le sens caché de leurs rites et de leurs
coutumes.
Que les Thérapeutes de Philon étaient une branche des Esséniens, cela
ne fait aucun doute : leur nom l'indique, Ε̉σσαι̃οί, Essaioi, médecins. Voilà
la raison des contradictions, des fraudes et de toutes les ruses désespérées
pour faire cadrer le canon juif avec la nativité galiléenne et sa divinité.
Luc, qui était médecin, est désigné dans les textes syriaques sous le
nom de Asaïa, l'Essaien, ou l'Essénien. Josèphe et Philon le Juif ont
suffisamment décrit cette secte, pour ne laisser aucun doute dans notre
esprit que le Réformateur Nazaréen, après avoir reçu son éducation dans
leurs demeures situées dans le désert, et dûment initié aux Mystères,
préféra l'existence libre et indépendante d'un Nazaria errant, et se sépara
d'eux pour devenir un Thérapeute voyageur, un Nazaria, un guérisseur.
Tout thérapeute, [165] avant de quitter sa communauté, devait faire de
même. Tant Jésus que saint Jean-Baptiste prêchèrent la fin de l'Age 307 ;
cela prouve leur connaissance des computs secrets des prêtres et des
cabalistes qui, avec les chefs des communautés esséniennes, possédaient
seuls le secret de la durée des cycles. Ceux-ci étaient des cabalistes et des
306
Philon le juif, De vita Contemp.
307
La véritable signification de la division en Ages est ésotérique et Bouddhiste. Ce fut si peu
compris par les Chrétiens non initiés, qu'ils acceptèrent les paroles de Jésus au pied de la lettre et
crurent fermement qu'il parlait de la fin du monde. Nombreuses avaient été les prophéties au sujet
de l'Age à venir. Virgile, dans la quatrième Eglogue fait mention du Métatron, un nouveau rejeton
avec qui prendra fin l'Age de Fer et un Age d'Or naîtra.
théurgistes ; "ils avaient leurs livres mystiques, et prédisaient l'avenir",
nous dit Munk 308.
308
Palestine, p. 517 et suivantes.
309
Sôd, vol. II, préface p. XI.
310
Vit Pythag. Munk fait dériver le nom de Iessaïns, ou Esséniens, du syriaque Asaya, guérisseurs
ou médecins, prouvant ainsi leur identité avec les Thérapeutes égyptiens. Palestine, p. 515.
311
Saint Mathieu, XIII, 10-13.
Et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux ;
De peur qu'ils ne les foulent aux pieds,
Et ne se retournent et ne vous déchirent."
312
P. 47 de la 4ème éd.
313
Cette descente dans le Hadès représentait le sort inévitable de toute âme qui allait s'unir pour un
temps à un corps terrestre. Cette union, ou sombre perspective pour l'âme de se voir emprisonnée
dans la sombre limite d'un corps, était considérée par tous les philosophes anciens, ainsi que par les
Bouddhistes modernes, comme un châtiment.
314
T. Taylor, op. cit., pp. 87-88 de la 4ème éd.
Proclus, Jamblique, Hérodote et d'autres classiques. "Nous [ne] prêchons
la SAGESSE [que] parmi les PARFAITS", dit Paul 315, l'interprétation
claire et non équivoque de cette phrase est : "Nous prêchons les doctrines
ésotériques, profondes [ou finales], des Mystères (qu'on appelle la
Sagesse) seulement parmi ceux qui sont initiés 316. [167] Par conséquent, en
ce qui concerne l'homme qui fut "enlevé dans le paradis", et qui n'était
autre que Paul lui-même 317, le mot chrétien Paradis est venu remplacer
celui d'Elyseum. Rappelons, pour rendre la preuve plus évidente, les
paroles de Platon, déjà citées, qui nous dit qu'avant qu'un initié voie les
Dieux dans leur lumière purifiée, il devait se libérer de son corps : c'est-à-
dire en séparer son âme astrale 318. Apulée décrit également son initiation
aux Mystères de la même manière : "Je m'approchai des limites de la mort
et, ayant foulé le seuil de Proserpine, je revins en arrière après avoir été
transporté à travers tous les éléments. Dans la profondeur de la nuit, je vis
briller le soleil d'une lumière resplendissante, avec les dieux infernaux et
surnaturels, et m'approchant de ces divinités, je leur payai le tribut de mon
adoration profonde 319."
315
[1er Corinth., II, 6.]
316
Les doctrines profondes, ou ésotériques, des anciens étaient appelées Sagesse, puis Philosophie,
ainsi que Gnose ou Connaissance. Elles se rapportaient à l'âme humaine, à sa parenté divine, à son
avilissement supposé de son état élevé par suite de sa descente dans la "génération" ou monde
physique, et son progrès ultérieur et son retour à Dieu au moyen de régénération ou...
transmigrations. Mystères Eleusiniens, p. 2, note.
317
Saint Cyrille de Jérusalem l'affirme. Voir Catéchèses, 1838, XIV, 26.
318
Phædre, 64, 250 B, C.
319
L'Ane d'Or, XI.
320
[Guerres, II, ch. 8, 5.]
"sept voyelles" ont un rapport étroit avec les "sept sceaux" ; et le titre
mystique d'Abraxas participe autant de la composition du Schem
Hamphorash, "la parole divine", ou nom ineffable, que le nom qu'on
appelle : "la Parole de Dieu, que "personne ne connaît si ce n'est lui-
même" 321, ainsi que le dit saint Jean.
321
Apocalypse, XIX, 12.
322
Suétone, Vie des 12 Césars, "Domitien". 3, 12, 14. Ce n'est pas la cruauté, et le fait de s'y
complaire, qui nous fait voir cet empereur de l'histoire passant son temps à transpercer les mouches
qu'il attrapait avec une épingle d'or, mais bien la superstition religieuse. Les Astrologues juifs lui
prédirent qu'il avait encouru la colère de Belzebub, le "Seigneur des Mouches" ; qu'il périrait
misérablement par la vengeance du sombre dieu d'Ekron, et qu'il mourrait comme le roi Ahaz, parce
qu'il persécutait les juifs.
323
Nous croyons que ce furent les Sadducéens, et non les Pharisiens, qui firent crucifier Jésus.
C'étaient des Zadokites, partisans de la maison de Zadok, ou famille sacerdotale. Dans les Actes, les
apôtres étaient, dit-on, persécutés par les Sadducéens, mais jamais par les Pharisiens. Et, de fait,
les prophètes qui dénonçaient leur mauvaise vie, et ce n'est pas sur ce fait
que nous basons notre affirmation. Ils l'accusèrent de sorcellerie, et de
chasser les démons par Belzébub, leur prince, avec autant de raison que le
clergé Catholique, en usa plus tard, pour accuser de la même faute plus
d'un innocent martyr. Mais Justin Martyr, affirme, en se basant sur de
meilleures autorités, que ceux de son temps qui n'étaient pas juifs
prétendaient que les miracles de Jésus étaient dus à l'art magique – –
exactement la même expression dont se servaient les sceptiques d'alors
pour désigner les exploits thaumaturgiques accomplis dans les temples
païens. "Ils allèrent jusqu'à l'appeler un magicien et un trompeur du
peuple", se récrie le martyr 324. Dans l'Evangile de Nicodème, (les Actes de
Pilate), les juifs formulent la même accusation devant Pilate. "Ne t'avons-
nous pas dit qu'il est un magicien ?" 325 [169] Celse admet la même
accusation et en bon Néoplatonicien qu'il est, il y croit 326. La 1ittérature
des Talmudistes est remplie de ces menus détails, et leur plus grande
accusation contre Jésus est "qu'il pouvait voler aussi facilement que
d'autres marchaient" 327. Saint Augustin affirme que l'opinion générale était
qu'il avait été initié en Egypte et qu'il écrivit des livres traitant de la Magie,
qu'il transmit à saint Jean. Il y avait un ouvrage intitulé Magia Jesu
Christi, qui était attribué à Jésus lui-même 328. Dans les Clementini
Recognitiones, Jésus est accusé de ne pas avoir accompli ses miracles
comme prophète juif, mais comme magicien, c'est-à-dire comme initié des
temples "païens" 329.
ceux-ci n'ont jamais persécuté personne. Ils avaient parmi eux les Scribes, les Rabbins et les gens
lettrés, et n'étaient pas, comme les Sadducéens, jaloux de leur ordre.
324
Dial. avec Trypho.
325
Fabric, Cod. Apoc. NT. 1.243 ; Tischendorf, Evang. Ap., p. 214.
326
Origène, Cont. Cels. 11.
327
Talmud : Yohanan.
328
Cf. Angnst de Consans. Evang. 1.95, Fabric : Cod. Ap, NT. I, p. 305. ff.
329
Bacog 5.58 ; cf. p. 40.
aussi, de sorcellerie et de porter sur lui l'image d'un squelette, lequel
possédait, dit-on, un grand pouvoir dans les opérations de l'art noir. Une
des preuves les plus indiscutables de ce que nous avançons se trouve dans
le prétendu Museo Gregoriano. On voit, sur le sarcophage dont les
panneaux sont sculptés en bas-relief représentant les miracles du Christ 330,
la figure en pied de Jésus, à la résurrection de Lazare, sans barbe et portant
à la main une baguette dans l'attitude classique des nécromanciens, [?]
tandis que le corps de Lazare est entouré de bandelettes, exactement
comme une momie Egyptienne.
330
Gnostics de King, p. 145. L'auteur attribue ce sarcophage aux premières productions de cet art
qui inonda plus tard le monde de mosaïques et de gravures représentant les scènes et les
personnages du Nouveau Testament.
331
De Pudicita. Voir The Gnostics and their Remains, p. 144.
332
Ibidem, figure 1, p. 200.
chacal, tandis que sa ceinture prend la forme d'un serpent levant en l'air sa
tête couronnée. "Cette figure, ajoute l'auteur de Gnostics, etc., comportait
deux significations : l'une évidente pour le vulgaire, l'autre apparente pour
les seuls initiés. C'était probablement le sceau d'un grand instructeur ou
d'un apôtre 333." Cela nous fournit une nouvelle preuve que les Gnostiques
et les Chrétiens orthodoxes (?) primitifs ne différaient pas sensiblement en
ce qui concerne leur doctrine secrète. King, d'après une citation
d'Epiphane, maintient que, déjà, en l'an 400 de notre ère, on considérait
comme un péché atroce de chercher à représenter l'apparence corporelle du
Christ. Epiphane 334 en fait une accusation d'idolâtrie contre les
Carpocratiens, parce qu'ils "avaient des portraits peints et même des
images d'or et d'argent, et d'autres matériaux, qu'ils prétendaient être des
portraits de Jésus exécutés par Pilate, à la ressemblance du Christ... Ils
gardent ceux-ci en secret, avec ceux de Pythagore, Platon et Aristote, et les
mettant tous ensemble, ils les adorent et leur offrent des sacrifices à la
manière des Gentils."
Cela tend à prouver qu'à part quelques rares soi-disant Chrétiens, qui,
par la suite, remportèrent la victoire, tous les Païens civilisés, qui avaient
entendu parler de Jésus, l'honoraient comme un philosophe, un adepte ;
qu'ils le vénéraient à l'égal de Pythagore et d'Apollonius. D'où venait ce
respect pour un homme que les Synoptiques représentent comme un
pauvre charpentier juif de Nazareth ? En tant que Dieu incarné, tout ce
qu'on dit de lui est incapable d'affronter l'examen critique de la science ;
comme un des plus grands réformateurs, ennemi invétéré de tout
dogmatisme théologique, en guerre ouverte avec le fanatisme, enseignant
333
Ce bijou est dans la possession de l'auteur de The Gnostics and their Remains. Voir p. 201 (1ère
édition), Planche I, fig. 8.
334
Hærésies, XXVII, 6.
335
[The Gnostics, etc. (p. 227 de la 2ème éd., 1887).]
le plus sublime code d'éthique, Jésus apparaît comme une des figures les
plus grandioses et les plus en évidence sur le panorama de l'histoire
humaine. Son époque se perd, graduellement, dans les brouillards du
passé ; sa théologie, basée sur la fantaisie des hommes et supportée par des
dogmes intenables, peut perdre, que dis-je, doit perdre chaque jour un peu
plus de son prestige immérité. Seule, la sublime figure du philosophe et du
réformateur moral, loin de pâlir, devient, avec chaque siècle, plus
prononcée et mieux définie. Elle ne régnera, toutefois, suprême et
universelle, que le jour où l'humanité entière ne reconnaîtra qu'un seul
père, l'UNIQUE INCONNU, en haut, et qu'un seul frère, l'humanité
entière, ici-bas.
336
[Grinaens, Monumenta S. Patrum Orthodoxographa, vol. I, p. 2 ; Basileæ, 1569. Cf. King,
Gnostics, etc., p. 69 (1ère édit. 1864).]
337
Corinthiens, XI, 14.
raison de plus pour affirmer que Jésus devait appartenir à la secte
des Nazaréens, et que pour cette raison on lui donna le nom de
NAZARIA, et non pas parce qu'il était un habitant de Nazareth,
car ceux-ci ne portaient jamais les cheveux longs.
338
Voir le Israelite Indeed, vol. 11, p. 238. Talmud, Mishnah Nazir.
339
Epiph. ed Petar, vol. I, p. 117.
Nous lisons dans la Kabbala 340: "Mais l'auteur de cette restitution fut
Mosah, notre maître, paix soit avec lui ! Qui fut [173] le revolutio
[transmigration] de Seth et de Hebel, afin qui'il puisse couvrir la nudité de
son Père Adam-Primus."
340
Kabbala Denudata, vol. II, p. 155. Vallis Begin, édition de Paris.
341
[Zohar, II, p. 99 b ; éd. d'Amst.]
Moïse, de même que d'autres hommes-dieux, était censé avoir atteint l'état
le plus élevé sur cette terre - le plus rare de tous les phénomènes
psychologiques, l'union parfaite de l'esprit immortel avec la duade
terrestre. La trinité était complète. Un dieu s'était incarné. Mais combien
rares ces incarnations !
342
Psaumes, VIII, 6.
343
Cette contradiction attribuée à Paul dans son Epître aux Hébreux, en lui faisant dire de Jésus aux
chap. 1, 4 : "Qu'il est devenu d'autant supérieur aux anges", pour affirmer ensuite au chap. II, 9 :
"Mais celui qui a été abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges" démontre le peu de
scrupules avec lesquels les écrits des apôtres ont été traités, si toutefois ils en sont vraiment les
auteurs.
autrement dit, leurs corps physiques purifiés. Les esprits désincarnés des
héros et des sages portaient, chez les anciens, l'appellation de dieux. Voilà
d'où vient l'accusation de polythéisme et d'idolâtrie de la part de ceux qui
furent les premiers à anthropomorphiser les plus pures et les plus saintes
abstractions de leurs ancêtres.
344
Codex Nazaraeus, I, 23.
Divine est éternelle, dit le Codex 345, elle est la lumière pure, et irradie à
travers l'espace immense et splendide (plerome). Elle est la Génératrice de
Æons. Mais un de ceux-ci se transforma en matière [chaos] suscitant un
mouvement confus (turbulentos) ; et au moyen d'une partie de la lumière
céleste, il la façonna en une apparence bien constituée pour l'usage, mais
qui était le commencement de tout mal. Le Démiurge [de la matière]
réclama les honneurs divins 346. Par conséquent le Christ, "l'Oint", le prince
des Æons [pouvoirs], fut envoyé (expeditus) et prenant la forme d'un juif
très pieux, (Jésus), devait le conquérir ; mais l'ayant mis de côté (le corps)
il s'envola au ciel" 347. Nous donnerons plus loin l'explication complète du
nom de Christos et de sa signification mystique.
345
Codex Nazaraeus, préface, p. V, traduite de Nordberg.
346
Ibid., Préface de Norberg, pp. IV-V.
347
"Suivant les Nazaréens et les Gnostiques, le Démiurge, le créateur du monde matériel, n'est pas
le Dieu suprême." (Voir Dunlap, Sôd the Son of the Man.).
de sorte qu'il ne faut pas s'étonner que les instructeurs s'y soient
développés, pour essayer de combiner la religion récemment prêchée par
l'apôtre, avec les idées qui, depuis fort longtemps, y étaient établies." 348.
348
[King, The Gnostics, etc. (p 7 de la 7ème éd.) ]
349
Clemens Alex, Strom, VII, 7, § 106. [Cf. Hippolyte, Philosophumeno, VII, § 20.]
350
Hist. Eccles., IV, 7.
351
Les Evangiles interprétés par Basilides n'étaient pas nos Evangiles actuels, lesquels, ainsi que
l'ont prouvé les autorités les plus compétentes, n'existaient pas à son époque. Voir Supernaturel
Religion, vol. II, chap. 6, "Basilides".
352
[Irénée, Adv. Hær., I, XXIV, 3.]
l'Adi Bouddha 353. Cette Monade, éternelle, infinie, possède, comme
essence propre, cinq actes de la sagesse. De ceux-ci, par cinq actes séparés
de Dhyâna la Monade émana cinq Dhyani-Bouddhas ; ceux-ci, comme
Adi-Bouddha, sont passifs dans leur système. Ni Adi, ni l'un quelconque
des cinq Dhyani-Bouddhas, [178] n'ont jamais été incarnés ; mais sept de
leurs émanations devinrent des Avatârs c'est-à-dire s'incarnèrent sur cette
terre.
353
Les cinq constituent mystiquement dix. Ils sont androgynes. "Ayant divisé son corps en deux
parties, la Sagesse Suprême devint mâle et femelle"(Manou, livre I, shloka 32). On trouve beaucoup
d'idées Bouddhiques primitives dans le Brahmanisme.
La notion prévalente que le dernier des Bouddhas, Gautama, est la neuvième incarnation de
Vichnou, ou le neuvième Avatâr, est partiellement contredite par les Brahmanes, et complètement
rejetée par les savants théologiens Bouddhistes. Ceux-ci insistent pour dire que le culte de Bouddha
prétend à une bien plus haute antiquité que n'importe quelle divinité Brahmanique des Védas, qu'ils
traitent de littérature profane. Ils démontrent que les Brahmanes vinrent d'autres contrées, et
implantèrent leur hérésie à propos de divinités populaires déjà acceptées. Ils conquirent le pays par
le glaive et réussirent à étouffer la vérité en échafaudant une théologie propre, sur les ruines de celle
plus ancienne de Bouddha, qui avait prévalu pendant des siècles. Ils admettent la divinité et
l'existence spirituelle de quelques-uns des Dieux védantiques ; mais, de même que dans le cas de la
hiérarchie angélique des Chrétiens, ils prétendent que toutes ces divinités sont fort inférieures,
même aux Bouddhas incarnés. Ils n'admettent pas même la création de l'univers physique ; celui-ci
a existé de toute éternité en esprit et invisiblement, et seulement ainsi il a été rendu visible pour les
sens des hommes. Lorsqu'il apparut en premier lieu, il avait été appelé du royaume de l'invisible et
rendu visible par l'impulsion d'Adi Bouddha – "l'Essence". Ils calculent qu'il y eut vingt-deux de ces
apparitions visibles de l'univers gouvernés par des Bouddhas, et autant de destructions du même par
le feu et par l'eau, en succession régulière. Après la dernière destruction par le déluge, à la fin du
cycle précédent – (le calcul exact comprenant plusieurs millions d'années, est un cycle secret), le
monde, pendant le présent âge du KaliYug – Mahâ Bhadra Kalpa – a été gouverné successivement
par quatre Bouddhas, le dernier desquels fut Gautama, le "Saint". Le cinquième, le Maïtreya-
Bouddha, est encore à venir. Ce dernier serait le Roi Messie cabalistique, le Messager de Lumière,
et Sosiosh, le Sauveur perse, qui viendra monté sur un cheval blanc. C'est également le Second
Avent des Chrétiens. Voir l'Apocalypse de saint Jean.
lui prêta sa forme corporelle ; car la Puissance Divine, le
Nous du Père Eternel, n'est pas corporel et ne peut pas
mourir. Par conséquent, quiconque affirme que le Christ
est mort, est encore sous le joug de l'ignorance ; celui qui
le nie est libre, et a compris le but du Père" 354.
Jusque-là, et pris dans son sens abstrait, nous ne voyons pas grand
chose d'impie dans cette théorie. Il est possible qu'elle constitue une
hérésie contre la théologie d'Irénée et de Tertullien 355 ; mais n'a en elle-
même rien de sacrilège contre l'idée religieuse, et paraîtra, sans doute, à
tout esprit impartial, bien plus en accord avec la vénération due à la
divinité, que l'anthropomorphisme du Christianisme actuel. Les orthodoxes
Chrétiens appelaient les Gnostiques des Docetes, ou Illusionnistes, parce
qu'ils croyaient que le Christ n'était pas mort, ou ne pouvait pas réellement
mourir, dans son corps physique. Les ouvrages Brahmaniques plus récents
contiennent, de même, beaucoup de choses qui répugnent au sentiment de
vénération qu'on doit à la notion de la Divinité ; et de même que les
Gnostiques, les Brahmanes expliquent les légendes qui pourraient froisser
la dignité des êtres Spirituels, qu'on nomme des dieux, en les attribuant à
Mâyâ, l'Illusion.
354
Irénée, I, 24, 4.
355
Tertullien renversa les tables en désavouant, plus tard, les doctrines pour lesquelles il lutta avec
tant d'ardeur, et devint un Montaniste.
fantaisie. Seuls les originaux, sublimes et invisibles, émanés de la pensée
de l'Inconnu, sont réels et permanents en tant qu'êtres, formes et idées ; ici-
bas, nous ne voyons que leurs reflets plus ou moins corrects et dépendants
toujours de l'organisation physique et mentale de celui qui les contemple.
Pour les Chrétiens, le Christ n'est qu'un autre nom pour Jésus. La
philosophie des Gnostiques, des Initiés et des Hiérophantes le comprenait
de toute autre façon. La signification du mot Christos, χριστος, comme
celle de tous les mots grecs, doit se chercher dans le Sanscrit, son origine
philologique. Dans cette langue, Kris veut dire sacré 356, et c'est de là que
356
Dans son débat avec Jacolliot sur l'orthographe exacte du Kristna hindou, M. Textor de Ravisi,
catholique ultramontain, cherche à prouver que Christna devrait s'écrire Krishna ; car, comme celui-
ci veut dire noir et que les statues de ce dieu sont généralement noires, le mot tire sa signification de
la couleur. Nous renvoyons le lecteur à la réponse de Jacolliot dans son livre récent Christna et le
Christ, où il est prouvé avec évidence que ce nom ne vient en aucune manière de la couleur.
vient le nom de la divinité [180] hindoue Krishna (le pur ou le sacré).
D'autre part, le Christos grec a plusieurs significations, comme l'oint
(l'huile pure, chrism) et d'autres. Dans toutes les langues, bien que le
synonyme du mot veuille dire essence pure ou sacrée, il représente la
première émanation de la Divinité invisible, se manifestant tangiblement
dans l'esprit. Le Logos grec, le Messie hébreu, le Verbe latin et la Virâdj,
(le fils) hindou, sont identiquement les mêmes : ils représentent l'idée
d'entités collectives – ou flammes détachées de l'unique et éternel centre de
lumière.
"L'homme qui accomplit des actions pieuses, mais
intéressées [dans le seul but de sauver son âme] peut
atteindre le rang des dévas [saints] 357 ; mais celui qui
accomplit ces mêmes actions pieuses d'une manière
désintéressée, se libère pour toujours des cinq éléments"
(de la matière). "Percevant l'Ame Suprême dans tous les
êtres, et tous les êtres dans l'Ame Suprême, en offrant sa
propre âme en sacrifice, il s'identifie avec l'être qui
rayonne dans sa propre splendeur."
Ainsi, le Christos, pris comme une unité, n'est qu'une abstraction : une
idée générale représentant la réunion collective d'innombrables entités
spirituelles, qui sont l'émanation directe de la CAUSE PREMIERE infinie,
invisible et incompréhensible – les esprits individuels humains, qu'on
nomme, à tort, les âmes. Ce sont les fils divins de Dieu, dont quelques-uns
seulement adombrent les hommes mortels, mais – et c'est le cas de la
majorité, ils restent éternellement des esprits planétaires, et quelques-uns –
la faible et rare minorité – s'unissent pendant la vie à quelques êtres
humains. Des êtres Divins tels que le Bouddha-Gautama, Jésus, Lao-Tse,
Krishna, et quelques autres, s'étaient unis en permanence avec leurs
esprits, et par conséquent ils étaient devenus des Dieux sur la terre.
D'autres comme Moise, Pythagore, Apollonius, Plotin, Confucius, Platon,
Jamblique et quelques saints chrétiens, ayant été ainsi réunis par
357
Les Bouddhistes et les Brahmanes ne possèdent pas d'équivalent pour le mot "miracle" dans le
sens que lui attribue le Christianisme. La seule traduction correcte serait meipo, une merveille, une
chose remarquable, mais non point une violation de la loi naturelle. Les "Saints"n'accomplissent
que des meipos.
intervalles, ont pris rang dans l'histoire comme des demi-dieux et des
guides de l'humanité. Une fois débarrassées de leurs tabernacles terrestres,
leurs âmes libérées, dorénavant réunies pour toujours à leurs esprits,
rejoignent l'armée resplendissante, unie en une seule solidarité spirituelle
de pensées et d'actions, et qu'on nomme "l'Oint". Voilà donc la
signification que donnaient les Gnostiques, lesquels en disant que le
"Christos" a souffert spirituellement pour l'Humanité, voulaient impliquer
que ce fut son Esprit Divin qui souffrit le plus. [181]
358
Credner, Beiträge, vol. I, p. 40 ; Schleiermacher, Sämtliche. Werke, VIII ; Einl. N. T., p 64, éd.
1845.
359
Panarion, lib. I, tome III, Hær, XLII, 1.
360
Tertullien, Adv. Marc, II, 5.
361
Vol. II, p. 105.
déborde de pieuses injures. Tertullien était passé maître dans ce style, et la
véhémence des insultes par lesquelles il débute dans son livre et qu'il
continue à travers tout l'ouvrage, contre l'impie et sacrilège Marcion, n'est
certes pas une garantie de la légitimité et de la loyauté de sa critique." 362.
362
Ibidem, p. 89.
363
Ibidem, vol. II, p. 100.
364
Adv. Marc, IV, 9 ; IV, 36 ; Matt., V, 17.
365
Panarron, Hær, XLII.
366
Cet 'auteur, vol. II, p. 103, remarque, avec beaucoup de raison, que l'Hérésiarque Marcion, qui,
par son caractère personnel élevé, exerça une si puissante influence sur son époque, eut le malheur
de vivre dans un siècle où le Christianisme s'était déjà départi de la pure moralité primitive ; lorsque
la foi sincère et le pieux enthousiasme (non encore embarrassés des questions dogmatiques
compliquées) qui constituaient le grand lien de la fraternité chrétienne, entrèrent dans une phase de
développement ecclésiastique où la religion dégénéra bientôt en théologie et où les doctrines
compliquées engendrèrent tant d'amertume, de persécutions et de schismes. A une époque
ultérieure, Marcion aurait pu être honoré comme un réformateur ; mais, dans la sienne, il fut accusé
d'hérésie. Austère et ascétique dans ses opinions, il visait la pureté surhumaine, et bien que ses
adversaires cléricaux tournassent en dérision ses doctrines impraticables sur le mariage et la
subjugation de la chair, elles ont eu leur pendant chez ceux que l'Église a honorés depuis lors, et
donnant les doctrines de Marcion, que Tertullien cherchait à détruire
comme le plus dangereux hérétique de son époque. Si nous devons en
croire Hilgenfels, un des plus célèbres critiques bibliques allemands, alors,
"au point de vue de la critique il faut... considérer les affirmations des
Pères de l'Église seulement comme des expressions de leur opinion
subjective, et partant sujettes à caution".
Nous ne pouvons mieux faire, pour donner un aperçu exact des faits
au sujet de Marcion, que de citer, autant que la place nous le permet,
l'ouvrage Supernatural Religion, où l'auteur fait reposer ses affirmations
sur l'évidence des plus grands critiques, ainsi que sur ses propres
recherches. II fait voir que, du temps de Marcion, il existait "deux grands
partis dans l'Église primitive" ; un qui considérait le Christianisme
"comme une simple continuation de la loi, et le ravalait au niveau d'une
institution israélite, une secte étroite du judaïsme" ; l'autre représentait la
bonne nouvelle "comme l'introduction d'un nouveau système, applicable à
tous et remplaçant la dispensation de la loi mosaïque [183] par une
dispensation universelle de la grâce". Et il ajoute que "ces deux partis
étaient représentés dans l'Église primitive par les deux apôtres, Pierre et
Paul, et leur antagonisme est tout juste effleuré dans l'Épître aux
Galates" 367. [184]
toute sa doctrine, du moins tendait à la vertu. Nous reproduisons ces doctrines des Beitræge de
Credner I, p. 40 ; cf. Neande, Allg. Geschichte, II, pp. 792, 815 et seq. Schleiermacher, Milman,
etc., etc.
367
D'autre part, cet antagonisme est très fortement mis en lumière dans les Homélies de saint
Clément dans lesquelles Pierre nie d'une façon non équivoque que Paul, qu'il nomme Simon le
Magicien, ait jamais eu une vision du Christ, il lui lance l'épithète "d'ennemi". Le chanoine Westcott
dit : "Il n'y a aucun doute que ce soit saint Paul "l'ennemi" dont il est question (On the Canon, p.
252, note 2 ; Supernatural Religion, vol. II, p. 35). Mais cet antagonisme, qui fait encore rage
aujourd'hui, nous le constatons dans les Épîtres de Paul. Quoi de plus explicite que des phrases
comme les suivantes : "Ces hommes-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, déguisés en
apôtres de Christ... Or j'estime que je n'ai été inférieur en rien à ces apôtres par excellence" (II
Corinthiens, 13 et 5). "Paul apôtre non des hommes, ni d'un homme, mais de Jésus-Christ et de
Dieu le Père, qui l'a ressuscité des morts... Il y a des gens qui vous troublent et qui veulent fausser
l'Évangile du Christ... des faux frères... Mais lorsque Pierre vint à Antioche, je lui résistai en face,
parce qu'il était répréhensible. En effet, avant l'arrivée de quelques personnes envoyées par Jacques,
il mangeait avec les Gentils ; et quand elles furent venues, il s'esquiva et se tint à l'écart, par crainte
des Circoncis. Les autres juifs usèrent aussi... de dissimulation, en sorte que Barnabé même fut
entraîné dans leur hypocrisie" (Galates, I et II). D'un autre côté, nous voyons que Pierre se plaint
dans les Homélies, plaintes prétendues adressées à Simon le Magicien, mais qui sont sans contredit
la réponse aux phrases ci-dessus, des Épîtres de Paul, et qui n'ont certainement rien à faire avec
Simon. Saint Pierre dit, par exemple : "Car quelques-uns parmi les Gentils ont rejeté mon
enseignement légitime, et ont accepté celui illégitime et insensé d'un homme hostile (ennemi)
Marcion, qui ne reconnaissait d'autres Evangiles que les quelques
Epîtres de Paul, qui rejetait complètement l'anthropomorphisme de
l'Ancien Testament et qui tirait une ligne de démarcation bien nette entre le
Judaïsme et le Christianisme, ne considérait Jésus ni comme un roi, le
Messie des Juifs, ni comme le fils de David, ayant une relation quelconque
avec la loi et les prophètes, "mais comme un être divin, envoyé pour
révéler à l'Humanité une religion spirituelle, en tous points nouvelle, et un
Dieu de bonté et de grâce, inconnu jusqu'alors". A ses yeux, le "Seigneur
Dieu"des Juifs, le Créateur (Demiorgos) était totalement différent et
distinct de la Divinité qui envoya Jésus pour révéler la vérité divine,
annoncer la bonne nouvelle, et apporter à tous la réconciliation et le salut.
Pour Marcion, la mission de Jésus consistait à abroger le "Seigneur" juif,
qui était aussi opposé à Dieu, le Père de Jésus-Christ, que la matière l'est à
l'esprit, ou l'impureté à la pureté 368.
"Épître de Pierre à Jacques, § 2). Il dit encore : "Simon [Paul] qui vint avant moi auprès des
Gentils... je l'ai suivi comme le jour succède aux ténèbres, comme la connaissance à l'ignorance,
comme la santé à la maladie" (Homélies, II, 17). Un peu plus loin, il l'appelle la Mort et un
trompeur (Ibidem II, 18). Il prévient les Gentils que "Notre Seigneur et Prophète [?] (Jésus) annonça
que le malin enverrait de parmi ses fidèles des apôtres trompeurs. Par conséquent, et par-dessus
tout, rappelez-vous d'éviter tout apôtre, tout instructeur ou prophète, qui ne ferait pas coïncider
exactement son enseignement avec celui de Jacques, surnommé le frère de Notre Seigneur" (Voir la
différence entre Paul et Jacques sur la foi, dans l'Épître aux Hébreux, XI et XII et l'Épître de saint
Jacques, II). "De peur que le malin n'envoie un faux pasteur... ainsi qu'il nous a envoyé Simon [?]
prêchant une vérité contrefaite au nom de Notre Seigneur, et disséminant l'erreur" (Homél., XI, 35 ;
voir la citation ci-dessus dans Galates, I, 5). Il nie ensuite l'affirmation de Paul dans les paroles
suivantes : "Si, donc, notre Jésus est véritablement apparu en vision... ce n'était que sous la forme
d'un adversaire courroucé... Mais comment quelqu'un peut-il devenir sage dans l'enseignement, à la
suite d'une vision ? Et si tu prétends que cela est possible, je demande alors pourquoi l'Instructeur
est-il resté une année entière à discourir auprès de nous qui étions attentifs ? Et comment pouvons-
nous croire ton récit qu'il t'est apparu ? Et de quelle façon t'est-il apparu, toi qui entretiens des
opinions contraires à son enseignement ?... Car maintenant tu te dresses contre moi qui suis ferme
comme un roc, le fondement de l'Église. Si tu n'étais pas un antagoniste, tu ne me calomnierais
point, et tu n'outragerais point mon enseignement... [la circoncision ?] afin qu'en déclarant ce que
j'ai appris moi-même du Seigneur, on ne me prête pas foi, comme si j'étais répréhensible... Mais si
tu dis que je suis répréhensible, tu blâmes Dieu qui m'a révélé le Christ en moi". "Cette dernière
phrase", fait observer l'auteur de Supernatural Religion, "si tu dis que je suis répréhensible", est
évidemment une allusion aux Galates, II : "Je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible"
(Supernatural Religion, p. 37). "Il ne peut y avoir aucun doute, ajoute l'auteur, que c'est l'apôtre
Paul qui est attaqué, comme étant l'ennemi de la vraie foi, sous le nom détesté de Simon le
Magicien, que Pierre poursuit partout pour le démasquer et le confondre" (p. 34). S'il en est ainsi,
nous devons alors supposer que ce fut l'apôtre Paul qui se cassa les jambes à Rome, en volant dans
l'air.
368
[Supernatural Religion, vol. II, ch. VII, p. 104]
Marcion avait-il tort en cela ? Etait-ce blasphème ou intuition de sa
part ? Etait-ce, chez lui, une inspiration divine pour exprimer ce que tout
cœur honnête ressent ou proclame plus ou moins dans un ardent désir de
vérité ? Si, dans son désir sincère d'établir une religion purement
spirituelle, une croyance universelle basée sur la vérité non adultérée, il
jugeait nécessaire de faire du Christianisme un système absolument
nouveau et séparé du Judaïsme, Marcion ne pouvait-il pas se réclamer des
paroles mêmes du Christ ? Personne ne met une pièce de drap neuf à un
vieil habit, car elle emporterait une partie de l'habit et la déchirure serait
pire... On ne met pas non plus du Vin nouveau dans de vieilles outres :
autrement les outres se rompent, le vin se répand et les outres sont
perdues ; mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et le vin et
les outres se conservent (Matthieu, IX, 16, 17). Quel rapport le Dieu
d'Israël, jaloux, courroucé et vengeur ; a-t-il avec la divinité inconnue, le
Dieu de Pardon, prêché par Jésus – son Père qui est dans le ciel et le Père
de l'Humanité entière ? Ce Père, seul, est le Dieu spirituel et de pureté, et
c'est une erreur grave que de le comparer à la Divinité sinaïtique
subordonnée et capricieuse. Jésus a-t-il invoqué, une seule fois, le nom de
Jéhovah ? A-t-il jamais mis en regard son Père avec ce juge cruel et
sévère ; son Dieu de pardon, d'amour et de justice, avec le Génie juif du
talion ? Jamais ! De ce jour mémorable où il prêcha son Sermon sur la
Montagne, un abîme infranchissable se creuse entre son Dieu et cette autre
divinité qui fulmine ses commandements du sommet de l'autre montagne –
le Sinaï. Le langage de Jésus ne prête à aucune équivoque ; non seulement
il s'insurge contre le [185] "Seigneur" mosaïque, mais il le défie. "Vous
avez appris qu'il a été dit : œil pour œil, et dent pour dent ; mais moi, je
vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue
droite, présente-lui aussi l'autre. Vous avez appris qu'il a été dit [par le
même "Seigneur Dieu" sur le Mont Sinaï] : tu aimeras ton prochain et tu
haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez
ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez
pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent." (Matthieu, V, 38).
Si le Manou n'a pas tracé ces mots plusieurs milliers d'années avant
l'ère chrétienne, nul ne se permettra de nier qu'ils lui sont antérieurs de
plusieurs siècles. II en est de même des préceptes du Bouddhisme.
"Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? demande
un homme à Jésus." "Observe les commandements."
369
Prâtimoksha Soûtra. Copie Pâli-Birmane ; voir aussi Le Lotus de la bonne Loi, traduction de
Burnouf, p. 444.
"Que faut-il faire pour obtenir la possession de Bhodi ? [la
connaissance de la Vérité éternelle] demande un disciple à son maître
bouddhiste. Quelle est la voie pour devenir un Upâsaka ?" "Observe les
commandements." "Quels sont-ils ?" "Abstiens-toi toute ta vie du meurtre,
du vol, de l'adultère et du mensonge", lui répond le maître 371.
370
Matthieu, XIX, I6-18.
371
Pitakattayan, livre III, version Pâli.
372
Voyez Juges, XIII 18. Et l'ange de l'Eternel lui répondit : Pourquoi demandes-tu mon nom ? II
est SECRET.
Dionysos est venu de l'Inde en Grèce ; et Diodore 373 vient y ajouter son
témoignage : "Osiris fut élevé â Nysa, [187] dans l'Arabie Heureuse ;
c'était le fils de Zeus et fut nommé d'après son père [nominatif Zeus,
génitif Dios] et l'endroit Dio-Nysos" – le Zeus ou Jove de Nysa. L'identité
du nom ou du titre est des plus significative. En Grèce, Dionysos prenait
rang juste après Zeus, et Pindare dit à ce sujet : "Ainsi le Père Zeus
gouverne toutes choses, et Bacchus gouverne lui aussi."
373
[Diod. Sic., Bibl. hist., I, XV.]
374
[Exode, XVII, 15.]
375
[Egyptian Mythotogy and Egyptian Christianity, 1863, pp. 10-11.]
images, et cependant ordonner à Moïse d'élever le serpent d'airain ?
Comment se fait-il qu'il ordonne : "tu ne déroberas point", et qu'il envoie
les Israélites dépouiller les Egyptiens de leur or et de leur argent ?
Anticipant sur les résultats de la critique moderne, Marcion nie qu'on
puisse attribuer à Jésus les prétendues prophéties messianiques. Et l'auteur
de Supernatural Religion écrit 376 : "L'Emmanuel [188] d'Esaïe [tVII. 14,
VIII. 4] n'est pas le Christ ; la "Vierge" sa mère est simplement une "jeune
femme", [une alma du temple], et les souffrances du serviteur du Dieu
(Esaïe LII, 13, LIII, 3) ne sont nullement des prédictions de la mort de
Jésus 377."
376
Vol. II, p. 106. Cf. Tertullien, Adv. Marc, III, XII.
377
Emmanuel était sans doute le fils du prophète lui-même, ainsi qu'il est représenté au chapitre VI ;
ce qui fut prédit ne peut être interprété que dans ce sens. Le Prophète annonça de même à Achaz
l'extinction de sa lignée : "Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas". Vient ensuite la
prédiction de placer sur le trône un nouveau prince, Zacharie de Bethléem, qu'on dit avoir été le
gendre d'Esaïe, sous le règne duquel tous les captifs devaient revenir depuis les endroits les plus
retirés du monde. L'Assyrie serait humiliée et la paix s'étendrait sur la nation d'Israël (Cf. Esaïe,
VII, 13-16 ; VIII, 3, 4 ; IX, 6,7 ; X, 12, 20, 21 ; Michée, V, 2 7). Le parti populaire, celui des
Prophètes, toujours opposé aux prêtres Zadokites, avait résolu de se défaire d'Achaz et de sa
politique dilatoire, qui avait permis à l'Assyrie d'entrer en Palestine et de mettre Zacharie sur le
trône, un homme de leur pays qui se révolterait contre les Assyriens et renverserait le culte d'Assur
et de Baalim (2, Rois, XVII, 21). Bien que seuls les Prophètes en aient parlé, tout ce qui concerne
cet épisode ayant été retranché des livres historiques, on peut en conclure qu'Achaz sacrifia son
propre fils à Moloch, et qu'il mourut à l'âge de trente-six ans, et que Zacharie monta sur le trône à
vingt-cinq ans, donc en âge adulte.
[189]
CHAPITRE IV
—
COSMOGONIES ORIENTALES ET ANNALES BIBLIQUES
AVENAR 378
378
[Kircher, Œdip. ægypt., vol. II (1653), Part. II, p. 203.]
accepter leur décision. Mais ils devront admettre, ou que Moïse était un
imposteur, ou que ses livres sont des faux, écrits à des époques différentes
et par des personnages différents ; ou, encore, qu'ils fourmillent
d'interpolations frauduleuses. Dans les deux cas, ces livres perdent tout
droit à être traités comme une Révélation divine. Voici le problème, que
nous citons de la Bible elle-même – la parole du Dieu de Vérité : "Je suis
apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob, comme le Dieu Tout Puissant ; mais
je n'ai pas été connu d'eux sous mon nom JEHOVAH" (Exode VI, 3), dit le
Seigneur à Moïse. [190]
Or, si Abraham aussi bien que Moïse n'avaient pas fait partie du même
saint groupement, nous pourrions petit-être venir en aide aux théologiens
en leur suggérant un moyen facile de sortir de cette impasse. Qu'ils
appellent à leur aide les révérends Pères Jésuites, et spécialement ceux qui
ont été missionnaires aux Indes ; ils ne seraient en aucune façon
embarrassés. Ils nous diraient, tout bonnement, que sans doute Abraham
avait entendu le nom de Jéhovah et l'avait emprunté à Moïse. Ne
prétendent-ils pas avoir inventé le Sanscrit, édité Manou et composé la
plus brande partie des Védas ?
379
Tertullien, Adv. Marci, III 8 et seq.
380
Sup Rel., vol. II, p. 107. Tertullien, Adv. Marc., IV, III. Cf. Irénée, adv. Hær, III, 162 ; III, XII,
12.
Ajoutons, enfin, que les Critiques bibliques modernes, qui ne sont
malheureusement devenus vraiment actifs et sérieux que vers la fin du
siècle dernier, admettent généralement que le seul texte que Marcion ait
connu des Evangiles, celui de Luc, est bien supérieur et plus exact que tous
nos synoptiques actuels. Nous lisons dans Supernatural Religion la phrase
suivante, qui ne laissera pas d'étonner tous les Chrétiens : "Nous sommes,
par conséquent, redevables à Marcion de la version correcte même de
l'Oraison Dominicale, la prière du Seigneur" 381.
381
Supern. Relig., II, p. 126.
contenait pas une seule phrase de leur Sophia, la Sagesse Divine. Quant au
Nouveau Testament, il avait perdu sa pureté lorsque les compilateurs se
rendirent coupables d'interpolations, et qu'ils sacrifièrent la vérité divine à
leurs fins égoïstes, et pour entretenir des querelles. Cette accusation ne
manque pas de fondement pour celui qui est au courant de la lutte
constante entre les champions de la circoncision et de la "Loi", et les
apôtres qui avaient abandonné le Judaïsme.
382
Nous reproduisons ces systèmes d'après un ancien diagramme conservé chez quelques Coptes et
les Druses du Liban. Irénée avait, sans doute, de bonnes raisons pour défigurer leurs doctrines.
Lorsque l'Eternel se réveille de son sommeil et désire se manifester, il
se sépare en mâle et femelle. Il devient alors dans chacun des systèmes :
383
Sophia est le prototype le plus élevé de la femme – la Première Eve spirituelle. Le système est
renversé dans la Bible, et l'émanation intermédiaire ayant été omise, Eve est rabaissée à la simple
humanité.
dans le Arba-il, l'abstraction métaphysique ; par conséquent, il est Un avec
tous les autres en tant qu'unité, ceux-ci (tous inclusivement) portant
indifféremment les noms de Ennoïa, Sigé (Silence), Bythos, etc. Sous son
aspect révélé, il est Androgyne, Christos et Sophia (la Sagesse Divine), qui
descend dans l'homme Jésus. Irénée nous montre que le Père, aussi bien
que le Fils aimaient la beauté (formam) chez la femme primitive 384, qui est
Bythos – la Profondeur – aussi bien que Sophia, et qui, à son tour, donna
naissance conjointement à Ophis et Sophia (encore une unité bi-sexuée) la
sagesse mâle et femelle, dont l'un est considéré comme le Saint-Esprit non
révélé, ou ancienne Sophia – le Pneuma – l'intellectuelle "Mère de toutes
choses" ; l'autre, le révélé, ou Ophis, représentant le type de la sagesse
divine tombée dans la matière, ou l'Homme-Dieu, Jésus, que les Ophites
représentaient par le serpent (Ophis).
384
Voir Irénée, livre 1, chap. 31, 33.
385
Dans les Gnostics de King, le système nous semble quelque peu erroné. L'auteur nous dit qu'il se
fonde sur le Drei Programmen über die Abraxas Gernmen de Bellermann.
une "mère", pour le principe mâle trinitaire. Par conséquent, le
Christianisme n'est pas le seul à fournir "l'unique exemple" d'une
semblable exécution de l'œuvre divine – bien que, comme le prouve cet
ouvrage, il contînt plus de philosophie et moins de matérialisme, ou plutôt
d'anthropomorphisme. Mais écoutons le Révérend Docteur exprimer la
pensée "païenne" dans des idées chrétiennes. Il nous dit : "Il (Dieu)
prépara sa pureté virginale et céleste, (celle de Marie), car une mère
souillée ne pouvait devenir la mère du Très-Haut. Même pendant son
enfance, la sainte-vierge était plus aimable que tous les Chérubins et les
Sépharins, et dès son âge le plus tendre jusqu'à sa puberté et son état de
femme, elle devint de plus en plus pure. Sa grande sainteté la fit régner en
maîtresse sur le cœur de Dieu. Lorsque l'heure fut venue, la cour céleste
entière se tint immobile et la trinité attendit en silence la réponse de
Marie, car sans son consentement, la rédemption du monde eut été
impossible."
386
Voir Siphra Dzeniutha.
387
Codex Nazaraeus, part. 1, p. 1 et seq.
388
[Ibid., p 11.]
389
Voir Codex Nazaraeus, 1, pp. 177 et seq. Fétahil, envoyé pour façonner le monde, se trouve
immergé dans l'abîme de fange, et soliloque épouvanté jusqu'à ce que Spiritus (la Sophia-
Achamoth) vienne s'unir complètement à la matière, et crée ainsi le monde matériel.
matériel à elle, elle se hâte, en voltigeant de ci, de là, autour du sombre
abîme, en donnant la vie et le mouvement aux éléments inertes, jusqu'à ce
que, inextricablement embarrassée dans la matière, de même que Fétahil,
on la représente embourbée dans la fange, dans l'impossibilité d'en sortir ;
jusqu'a ce que par le contact de la matière elle-même, elle donne naissance
au Créateur du monde matériel. Celui-ci est le Démiurge, appelé par les
Ophites Ilda-Baoth, et il est, ainsi que nous le ferons voir plus loin, pour
quelques sectes, le progéniteur du Dieu juif, et suivant d'autres le
"Seigneur Dieu" lui-même. C'est à ce moment de la cosmogonie
cabalistico-gnostique, que commence la Bible mosaïque. Il ne faut pas
s'étonner que les Chrétiens ayant accepté l'Ancien Testament juif comme
leur étalon aient été obligés, par la position exceptionnelle dans laquelle ils
furent placés par suite de leur ignorance, de se tirer d'affaire le mieux qu'ils
purent.
390
Irenæus, Adv. Hær., I, XXX, 1 ; Théodoret, Hæreticarum fabularum compendium.
391
Ibidem, I, XXV, 1.
Christos. On peut dire qu'Ennoïa, ainsi que le comprend Philon le Juif, est
le Second Dieu, mais lui seul est "l'Homme Primitif et Premier" et
nullement le Second, ainsi que le prétendent Théodoret et Irénée. Ce n'est
que l'entêtement de celui-ci à vouloir de toutes manières associer Jésus,
même dans ses Contre les Hérésies avec le "Dieu suprême", qui l'entraîna
à commettre tant de falsifications.
392
[Londres, 1779-85, 4 vol.]
393
Voir la préface de l'Apochryphal new Testament, Londres, imprimé pour W. Hone Ludgate Hill,
1820, p. VI.
écrit avant le XVème siècle 394. Ni les écrivains grecs, ni les Pères [201]
latins primitifs, qui cependant acceptaient tout ce qui pouvait leur venir en
aide pour étayer leur trinité, n'en font aucune mention ; et Luther lui-même
n'en parle pas dans sa version allemande. Edward Gibbon 395 en a vite
signalé la nature frauduleuse. L'archevêque Newcome le rejette et l'évêque
de Lincoln est convaincu que c'est un faux 396. II n'est ni cité ni mentionné
par vingt-huit auteurs grecs, y compris Irénée, saint Clément, et Athanase ;
et dix-sept auteurs latins, entre autres saint Augustin, saint Jérôme,
Ambroise, Cyprien et le Pape Eusèbe paraissent l'ignorer complètement.
"Il est évident que si le texte des témoins célestes eût été connu dès le
début du Christianisme, les anciens s'en seraient emparés avec avidité pour
l'insérer dans leurs Confessions de Foi ; ils l'auraient répété à satiété aux
hérétiques, et l'auraient orné des plus brillantes enluminures dans leurs
livres sur la Trinité 397.
394
"Virgilius Tapsensis un auteur latin sans autorité, en fait le premier mention vers la fin du Vème
siècle, et c'est à lui que le faux a été attribué"(op. cit., p. VII).
395
[Decline and Fall, etc., III, ch. 37.]
396
G. Tomline, Elements of Theology, vol. II, p. 90, note.
397
Porson, Letters to Travis, pp. 363-402, Londres 1790.
398
[Home, op. cit., p. IX.]
Et maintenant reprenons la question : Qui furent les premiers
Chrétiens ? Ceux qui furent facilement convertis par l'éloquente simplicité
de Paul qui leur promit, au nom de Jésus, la libération de l'étroit esclavage
ecclésiastique. Ils ne comprenaient qu'une seule chose : ils étaient les
"enfants de la Promesse" (Galates, IV, 28). L' "Allégorie" de la Bible
mosaïque leur avait été dévoilée l'alliance "du Mont Sinaï, enfantant pour
la servitude", c'est Agar (Ibidem, 24), l'ancienne Synagogue juive, et elle
était "dans la servitude avec ses enfants" envers Jérusalem, la nouvelle, la
libre, "notre mère à tous". D'une part, la synagogue et la loi qui [202]
persécutaient tous ceux qui osaient franchir la ligne étroite de la bigoterie
et du dogmatisme ; d'autre part, le "Paganisme" 399 avec ses sublimes
vérités philosophiques cachées ; dévoilées à quelques rares individus, mais
laissant les masses chercher, sans espoir de réussite, à découvrir lequel
était LE dieu, dans ce Panthéon encombré de divinités et de sous-divinités.
Aux autres, l'apôtre de la circoncision, appuyé de tous ses partisans,
promettait, s'ils se conformaient à la "loi", la vie future et une résurrection
dont ils n'avaient jamais eu aucune idée. Avec cela, il ne laissait pas
échapper une seule occasion de contredire Paul, sans toutefois le nommer,
mais en l'indiquant assez clairement pour qu'il ne fût pas possible d'ignorer
à qui Pierre se référait. Bien qu'ils en eussent converti quelques-uns,
partisans de la résurrection mosaïque promise par les Pharisiens, ou qui
étaient tombés dans les doctrines nihilistes des Sadducéens, ou professé les
croyances polythéistes de la plèbe païenne, qui ne reconnaissait aucun état
après la mort, sinon un néant lugubre, il est peu probable que la
contradiction systématique des deux apôtres ait beaucoup contribué à
servir leur œuvre de prosélytisme. Ils n'eurent que fort peu de succès
auprès des classes pensantes et cultivées, ainsi que le démontre clairement
399
Le terme "Paganisme" est, avec raison, employé par beaucoup d'auteurs modernes avec
hésitation. Le professeur Alexander Wilder, dans son édition du Symbolical Language of Ancieret
Art and Mythology de Payne Knight, dit : "Il [le Paganisme] a dégénéré en argot, et on l'emploie
généralement en lui donnant plus ou moins une signification déshonorante. Une expression plus
correcte serait, sans aucun doute, "les anciens cultes ethniques", mais on ne lui donnerait
probablement pas sa véritable signification, et nous avons, par conséquent, adopté le terme tel qu'on
l'emploie populairement, mais sans idée péjorative. Une religion capable de former des hommes tels
que Platon, Epictète et Anaxagore, ne peut être grossière, superficielle, ou totalement incapable
d'attirer 1'attention. De plus, de nombreux rites et doctrines, introduits dans les Cultes Chrétiens et
Juifs, prirent naissance dans les autres systèmes. Le Zoroastrianisme anticipa bien plus qu'on n'est
porté à le croire. La croix, les vêtements sacerdotaux, les symboles, les sacrements, le sabbat les
fêtes et les anniversaires, sont tous antérieurs de milliers d'années à l'ère chrétienne. L'ancien culte,
après avoir été chassé de ses temples primitifs et des cités métropolitaines fut entretenu pendant
longtemps par les habitants des humbles villages. C'est à ce fait qu'il doit sa désignation ultérieure.
Ses fidèles résidant dans les districts ruraux, les Pagi, étaient appelés Pagans, ou provinciaux."
l'histoire ecclésiastique. Où était la vérité ? Lequel des deux prêchait la
parole inspirée de Dieu ? D'une part, ainsi que nous l'avons vu, ils avaient
entendu l'apôtre Paul leur expliquer que des deux alliances, "lesquelles
sont allégoriques", l'ancienne, celle du Mont Sinaï, "enfantant pour la
servitude", c'était Agar, l'esclave ; et le Mont Sinaï, lui-même
correspondait à "Jérusalem", qui est maintenant dans la "servitude" avec
ses enfants circoncis ; la Nouvelle Alliance, c'était Jésus-Christ ; la
"Jérusalem d'en haut qui est libre". D'autre part, il y avait Pierre, qui le
contredisait et allait jusqu'à l'injurier. Paul s'écrie avec force : "Chasse
l'esclave et son fils" (l'ancienne [203] loi et la synagogue). "Le fils de
l'esclave n'héritera pas avec le fils de la femme libre." "Demeurez donc
fermes dans la liberté que nous a donnée le Christ et ne vous laissez pas
mettre de nouveau sous le joug de la servitude... Voici, moi, Paul, je vous
dis que, si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de
rien !"(Galates, V. 2). Qu'écrit Pierre, de son côté ? Que veut-il dire par les
paroles suivantes : "Avec des discours enflés de vanité... ils leur
promettent la liberté, quand ils sont, eux-mêmes, esclaves de la corruption,
car chacun est esclave de ce qui a triomphé de lui". "en effet si, après
s'être retirés des souillures du monde par la connaissance du Seigneur et
Sauveur... ils s'y engagent de nouveau et sont vaincus... leur dernière
condition est pire que la première. Car mieux valait pour eux n'avoir pas
connu la voie de la justice, que de se détourner, après l'avoir connue, du
saint commandement qui leur avait été donné." (II Pierre 18-31).
400
Super. Relig., vol. II, p. 4.
401
Norberg, Préface du Cod. Naz., p. 5.
402
Panarion, 1. I, tome II, § 8 ; Hær., 1, XXX.
l'emplacement du Culte d'Adonis 403. "De l'autre côté du Jourdain, et au-
delà du lac, habitaient les Nazaréens, une secte qu'on dit avoir déjà existé
lors de la naissance de Jésus, et qui le comprit parmi ses membres. Ils
doivent s'être étendus à l'est du Jourdain et au sud-est chez les Arabes
(Galates, I, 17-21 ; II, 11) et les Sabéens, dans la direction de Bosra ; ils
doivent encore s'être répandus par le Liban jusqu'à Antioche et au nord-est
jusqu'à l'établissement Nazaréen de Berœa, où saint Jérôme les trouva. Il
est possible que les Mystères d'Adonis prévalaient encore dans le désert ;
dans les montagnes, le cri de Aiaï Adonaï était commun 404."
S'il en est ainsi, il faut croire qu'ils en savaient plus long au sujet de
leur prophète contemporain, qu'Epiphane qui vécut quatre cents ans plus
tard. Théodoret, ainsi que nous l'avons fait voir d'autre part, décrit les
Nazaréens comme des Juifs qui "vénèrent l'oint comme un homme juste",
et acceptent l'Évangile dit "selon saint Pierre". Saint Jérôme trouve
l'Évangile original, authentique, écrit en langue hébraïque par Matthieu,
l'apôtre publicain, dans la bibliothèque réunie à Césarée par le martyr
Pamphile. "Les Nazaréens de Berœa en Syrie, qui se servent de cet
Évangile, me donnèrent la permission de le traduire", écrit-il vers la fin du
IVème siècle 405. Et saint Jérôme ajoute : "Dans l'Évangile dont se servent
les Nazaréens et les Ebionites, que j'ai traduit dernièrement de l'hébreu en
grec et que la plupart des personnes nomment le véritable Évangile de
saint Matthieu, etc." 406.
403
Voyez la Préface, de la page 1 à 34.
404
Renan, Préface, p. 7.
405
Saint Jérôme, De Viris illust., cap. 3. "II est à noter que tandis que tous les Pères de l'Église
affirment que Matthieu écrivit en langue hébraïque, ils se servent tous du texte grec, comme la
véritable écriture apostolique, sans mentionner la relation qui existait entre le Matthieu hébreu et
notre Matthieu grec ! Il contenait de nombreuses et particulières additions qui manquent dans notre
Évangile" (Olshausen, Nachweiss der Echtheit der sæmmflichen Sehriften des Neuen test., p. 35).
406
Saint Jérôme : Comment. de Mathieu, liv. II, ch. XII, 13. Saint Jérôme ajoute qu'il était écrit en
langage chaldéen, mais avec des caractères hébreux.
Chromatius et Héliodore, il se plaint, disant : "Je suis chargé d'une tâche
difficile, dès le moment que vos Grâces m'ont commandé cette traduction,
que saint Matthieu lui-même, l'Apôtre et Évangéliste. NE VOULAIT PAS
QU'IL FUT ÉCRIT OUVERTEMENT. Car s'il n'avait pas été SECRET, il
[Matthieu] aurait ajouté à l'Evangile que ce qu'il avançait venait de lui ;
mais il écrivit ce livre sous le couvert des caractères hébreux, de telle
manière que ce livre, écrit en caractères hébreux et de sa propre main, pût
être mis entre les mains des hommes les plus religieux, qui, de leur côté, au
cours des siècles, le recevraient de ceux qui les avaient devancés. Mais ce
livre ne fut jamais donné à qui que ce soit pour être transcrit, et son texte
fut interprété d'une manière par les uns, et d'une autre par les autres" 407.
Puis il ajoute à la même page : "Et il arriva que ce livre, ayant été publié
par un disciple de Manès, nommé Séleucus, qui écrivit encore, de
mauvaise foi, les Actes des Apôtres, dévoila des choses qui n'étaient pas
faites pour édifier, mais bien pour détruire ; et ce livre fut approuvé par un
Synode, que les oreilles de l'Église se refusèrent, avec raison, à écouter" 408.
[206]
Il admet, lui-même, que le livre qu'il affirme avoir été écrit de la main
de Matthieu ; le livre, qui, malgré qu'il l'eût traduit deux fois, était presque
inintelligible pour lui, était un arcane ou un secret. Malgré cela, Jérôme,
très ingénument, taxe d'hérésies tous les commentaires, sauf le sien. Bien
plus, Jérôme savait que cet Évangile originel de Matthieu enseignait la
seule véritable doctrine du Christ, et qu'il était l'œuvre d'un Evangéliste qui
avait été un des amis et compagnons de Jésus. II savait, en outre, que si un
des deux Évangiles, l'hébreu en question ou le grec qui fait partie de nos
Ecritures actuelles, était une falsification, et par cela-même une hérésie, ce
n'était pas celui des Nazaréens ; et cependant, sachant tout cela, Jérôme
s'acharne avec plus de zèle que jamais dans ses persécutions contre les
407
Saint Jérôme, V. 445 ; Sod, the Son of the Man, p. 46.
408
Cela explique le rejet des œuvres de saint Justin Martyr, qui ne fit usage que de cet "Évangile
selon les Hébreux", ce que fit probablement aussi Tite, son disciple. On se rend compte de la date
tardive à laquelle la divinité du Christ fut pleinement établie, par le seul fait que, même au IVème
siècle, Eusèbe ne dénonça pas ce livre comme apocryphe, mais le classa seulement au même rang
que l'Apocalypse de saint Jean ; et Credner (Zur Gesch, des Kan., p. 120) montre Nicéphore
l'insérant avec l'Apocalypse, dans sa "Stichométrie" dans les Antilegomena. Les Ebionistes, les
véritables Chrétiens primitifs, rejetant tous les autres ouvrages apostoliques, ne faisaient usage que
de cet Évangile (Adv. Haer., 1, 26, 2 ; Eusèbe, Ecel. Hist., III, 27) et les Ebionites, ainsi que le
déclare Epiphane, croyaient fermement, avec les Nazaréens, que Jésus n'était qu'un homme, "né de
la semence d'un homme". [Panarion, Hær, XXX, 3.]
"Hérétiques". Pourquoi ? Parce que l'accepter équivalait à prononcer la
sentence de mort de l'Église établie. L'Evangile selon les Hébreux était
trop connu comme ayant été le seul accepté pendant quatre siècles par les
Chrétiens Juifs, les Nazaréens et les Ebionites. Et aucun de ceux-ci ne
reconnaissait la divinité du Christ.
409
Vouez les Gnostics de King, p. 22 [p 97 dans la 2ème éd.]
410
Ce Iove, Iao ou Jehovah est tout à fait distinct du Dieu des Mystères, IAO, considéré sacré par
toutes les nations de l'Antiquité. Nous ferons voir la différence plus loin.
411
Gnostics, de King, p. 29 [p. 98 2ème éd.]
monde supérieur. Mais Sophia-Achamoth, qui aime et protège l'homme
qu'elle a animé, lui envoie son propre génie, Ophis, sous forme d'un
serpent, pour lui conseiller de transgresser le commandement égoïste et
injuste. L' "homme" devient, de cette manière, capable de comprendre les
mystères de la création.
412
Suivant les Ophites, Iurbo et Adunaï sont les noms de Iao-Jehovah, une des émanations de Ilda-
Baoth : "Iurbo est appelé Adunaï par les Avortons [les Juifs]" (Codex Nazaraeus, vol. III, p. 73).
413
King : The Gnostics and their Remains, p. 31 [p. 100 2ème éd.]
414
Dans "l'Evangile de Nicodème", Ilda-Baoth est surnommé Satan, par le pieux et anonyme
auteur ; c'est sans doute une des dernières flèches qu'il décoche à son ennemi, déjà à moitié terrassé.
"Quant à moi", dit Satan, en s'excusant auprès du prince des Enfers, "je le tentai [Jésus] et excitai
mon ancien peuple, les Juifs, contre lui" (Chap. XV, 9). De tous les exemples d'ingratitude
chrétienne, celui-ci paraît le plus notable. En premier lieu, on dépouille les pauvres Juifs de leurs
livres sacrés ; puis, dans un Evangile falsifié, ils sont insultés par le représentant de Satan, qui
prétend qu'ils sont son "ancien peuple". S'ils étaient son peuple et, en même temps, le "peuple élu de
Dieu", alors le nom de ce Dieu doit être Satan et non Jehovah. C est logique, mais ce n'est guère
flatteur pour le "Seigneur Dieu d'Israël".
"Puis, montant dans l'espace médian, il s'assied à la droite de Ilda-
Baoth, mais invisible pour lui, et de là il ramène à lui toutes les âmes qui
ont été purifiées par la connaissance du Christ. Lorsqu'il aura réuni toute la
lumière spirituelle qui existe dans la matière, dans l'empire d'Ilda-Baoth, la
Rédemption sera accomplie et le monde sera détruit. Telle est la
signification de la réabsorption de toute la lumière spirituelle dans le
Plérome ou la Plénitude, d'où elle descendit à l'origine" 415.
415
[King, op cit., p. 100 2ème éd.]
416
[Champollion-Figeac, Egypte Ancienne, p. 143.]
Baoth, le Dieu des Juifs, qui, à son tour, engendra sept Æons, ou Anges 417
qui créèrent les sept cieux" : [211]
417
C'est la doctrine des Nazaréens : Le Spiritus, après s'être uni à Karabtanos (la matière turbulente
et insensible) donne naissance à sept stellaires mal disposés, dans le Orcus ; "sept Figures", qu'elle
engendre "sans esprit" (Codex Nazaraeus, I, p. 118). Saint Justin Martyr adopte évidemment cette
idée, car il nous parle "des prophètes sacrés qui prétendent qu'un seul et même Esprit se divise en
sept Esprits (pneumata)". Justin ad Graecos ; Sod, vol. II, p. 52. Dans l'Apocalypse, le Saint-Esprit
se subdivise en "sept Esprits devant le trône", d'après la méthode de classification Mithraïque des
Persans.
418
Cela rappelle certainement le "Dieu jaloux" des Juifs.
419
Ce furent les Elohim (pluriel) qui créèrent Adam, et qui ne voulaient point que l'homme devint
"comme un de NOUS".
420
Théodoret, Haeret. fabul, I, XIV ; King, Gnostics, etc., pp. 102-103, 2° éd.
dernier ressort on qualifia d'hétérodoxes, de l'autre, dura jusqu'à l'époque
de Constantin et peut-être plus longtemps. Que les opinions particulières
des Gnostiques au sujet de la généalogie de Jéhovah, et de la place que
devait occuper le Dieu des Juifs dans le Panthéon gnostique chrétien, ne
furent au début, considérées ni comme impies ni comme hétérodoxes, c'est
évident par la différence à ce sujet entre les opinions de Clément
d'Alexandrie, par exemple, et de Tertullien. Le premier, qui paraît avoir
connu Basilide mieux que tout autre, ne voyait rien d'hétérodoxe ou de
blâmable dans les opinions mystiques et transcendantales du nouveau
Réformateur. "A ses yeux, dit l'auteur des [212] Gnostics, en parlant de
saint Clément, Basilide n'était pas un héritique, c'est-à-dire un innovateur à
l'égard des doctrines de l'Eglise chrétienne, mais simplement un
philosophe théosophique qui cherchait à exprimer les anciennes vérités
sous des formes nouvelles, et peut-être à les combiner avec la nouvelle foi
dont il pouvait admettre la vérité sans renoncer forcément à l'ancienne
croyance, exactement comme le font les hindous lettrés de nos jours" 421.
421
Gnostics and their Remains, p. 252 2ème éd.
422
Quelques-uns prétendent qu'il était évêque de Rome ; d'autres, de Carthage.
423
Son ouvrage de polémique dirigé contre la soi-disant Eglise Orthodoxe – la Catholique –
nonobstant son amertume et son style passionné de diffamation, est bien plus sincère, si l'on prend
en considération que le "Grand Africain" fut, dit-on, expulsé de l'Eglise de Rome. Si nous devons
en croire saint Jérôme, ce n'est que la jalousie et les calomnies imméritées du clergé primitif romain
contre Tertullien qui l'obligèrent à se séparer de l'Eglise Catholique et à devenir Montaniste.
Néanmoins, si l'admiration sans bornes de saint Cyprien, qui attribue à Tertullien le titre de
"Maître" et son opinion de lui sont méritées, nous trouverions moins de paganisme dans l'Église de
Rome. L'expression de Vincent de Lérins : "que chaque parole de Tertullien est une phrase et
chaque phrase un triomphe sur l'erreur", ne parait pas si fondée que cela, lorsque nous réfléchissons
au respect que l'Église professait pour Tertullien, malgré son apostasie partielle et les erreurs dans
lesquelles elle persiste encore aujourd'hui et qu'elle a même imposées au monde sous forme de
dogmes infaillibles.
"Après cela, Basilide l'hérétique se sépara 424. II affirmait qu'il y a un Dieu
Suprême dont le nom est Abraxas, qui créa la Pensée et que les Grecs
nomment Nous. De celle-ci émana le Verbe ; du Verbe, la Providence ; de
la Providence, la Vertu et la Sagesse ; puis, de ces deux furent créées les
Principautés 425, les Pouvoirs et les Anges ; puis ensuite une production et
une émission infinie d'anges. Parmi les anges inférieurs et ceux qui
façonnèrent ce monde, il place au dernier rang le dieu des Juifs, qu'il nie
être un Dieu lui-même, mais qu'il affirme n'être qu'un des anges 426". [213]
424
L'Église de Rome ne considérait-elle pas aussi les théories de l'Évêque phrygien Montanus
comme des HERESIES ? Il est étonnant de voir avec quelle facilité le Vatican encourage les
insultes d'un hérétique, Tertullien, contre un autre hérétique, Basilide, lorsque cette insulte favorise
son but.
425
Saint Paul, lui-même, ne parle-t-il pas des "Principautés et des Pouvoirs dans les cieux"
(Ephésiens, III, 10 ; I 21) et ne confesse-t-il pas qu'il y a plusieurs Dieux et plusieurs Seigneurs
(Kurioi) ? De même que des Anges, des Pouvoirs (Dunamets) et des Principautés ? (Voyez I,
Corinthiens, VIII, 5 et Romains, VIII, 38).
426
Tertullien, Praescript.
427
Baur ; Oredner ; Hilgenfeld ; Kirchhofer ; Lechler ; Nicolas ; Reuss ; Ritschl ; Schwegler ;
Westcott et Zeller ; voir Supernatural Religion, vol. II, p. 2.
428
Voyez Epiphane, Contra Ebionitos.
soutenues par saint Pierre dans les Homélies. Les anciens Nazaréens, de
même que les nouveaux, dont les doctrines sont incorporées dans le Codex
Nazaraeus, ne nommaient jamais Jéhovah autrement que Adonaï Iurbo, le
Dieu des Avortons 429 (les Juifs orthodoxes). Ils tenaient leurs croyances et
leurs doctrines religieuses si secrètes, que même Epiphane, qui écrivit déjà
vers la fin du IVème siècle 430, confesse son ignorance au sujet de leur
véritable doctrine. "Abandonnant le nom de Jésus, dit l'Evêque de Salamis,
ils ne s'intitulent ni des Iessæns, ni ne veulent conserver le nom de Juifs ou
celui de Chrétiens, mais seulement celui de Nazaréens... Ils admettent la
résurrection des morts... mais pour ce qui concerne le Christ, je ne puis
dire s'ils croient qu'il n'était qu'un homme, ou suivant la vérité, s'ils
confessent qu'il est né de la Vierge par la vertu du saint Pneuma 431". [214]
429
Les Ophites, par exemple, représentaient Adunaï, le troisième fils de Ilda-Baoth, comme un
Génie malfaisant et, de même que ses cinq autres frères, un ennemi acharné, adversaire de l'homme,
dont l'esprit divin et immortel lui donnait (à l'homme) le moyen de devenir le rival de ces Génies.
430
L'évêque de Salamis mourut en l'an 403 de notre ère.
431
Panarion, I, II ; Hær, XXIX, 7.
432
Les "Clémentines" se composent de trois parties : Les Homélies ; les Reconnaissances et un
Epitôme.
433
Supernatural Religion, vol. II, p. 2.
révélé aux petits", prouvant, fort logiquement, d'après cette phrase, que les
Patriarches n'ont pas pu connaître le "Père". Pierre riposte, à son tour, que
l'expression "que ce qui est caché aux sages", etc..., se référait aux
mystères occultes de la création 434.
434
Homélies, XVIII, 1-15.
435
Homélies de saint Clément ; Supernatural Religion, vol. II, pp. 26-27.
Or, si nous le comprenons bien, nous ne pouvons nous empêcher de
penser que cette doctrine "secrète" de Jésus, dont les expressions
techniques ne sont que des doublets de la phraséologie gnostique et néo-
platonicienne – que cette doctrine, disons-nous, était basée sur la même
philosophie transcendante que la Gnose orientale et que celle de toutes
autres religions d'alors et plus anciennes. Qu'aucune des sectes chrétiennes,
de date plus récente, malgré leurs fanfaronnades, n'en avaient hérité, cela
ressort avec évidence de leurs contradictions, de leurs bévues, et du
replâtrage maladroit des erreurs de chaque siècle passé à la suite des
découvertes du siècle suivant. Dans beaucoup de manuscrits, ces erreurs,
qu'on a la prétention de croire authentiques, sont souvent si ridicules,
qu'elles portent en elles-mêmes le sceau d'une pieuse falsification. Ainsi,
par exemple, l'ignorance absolue qu'avaient quelques-uns des Pères, des
Evangiles dont ils se faisaient les champions. Nous avons mentionné
l'accusation de Tertullien et d'Epiphane contre Marcion, d'avoir mutilé
l'Evangile attribué à saint Luc, et d'en avoir retranché ce qui a été prouvé
n'avoir jamais existé dans cet Evangile. Finalement, la méthode adoptée
par Jésus de parler en paraboles, en quoi il ne faisait que suivre l'exemple
de sa secte, est attribuée, dans les Homélies 436 à une prophétie d'Esaïe ! On
fait dire à Pierre : "Car Esaïe a dit : "j'ouvrirai la bouche dans une parabole
je dirai des choses qui ont été gardées secrètes depuis la fondation du
monde". Cette référence inexacte à Esaïe d'une phrase du Psaume
LXXVIII, 2, se trouve non seulement [216] dans les Homélies apocryphes,
mais aussi dans le Codex sinaïtique. En commentant ce fait, l'auteur du
Supernatural Religion dit que "Porphyre se moquait, au IIIème siècle, des
Chrétiens d'avoir laissé faussement attribuer à Esaïe, par leur évangéliste
inspiré, un passage des Psaumes, et mit ainsi les Pères dans un grand
embarras" 437. Eusèbe et Jérôme voulurent tourner la difficulté en mettant
l'erreur sur le dos d'un scribe ignorant ; et Jérôme alla jusqu'à affirmer que
le nom d'Esaïe n'avait jamais figuré en relation avec la phrase incriminée
dans aucun des anciens Codex, mais qu'à sa place on trouvait celui
d'Asaph, toutefois, "des hommes ignorants l'avaient effacé" 438. A cela
l'auteur fait encore observer "que le fait de lire Asaph pour Esaïe ne se
trouve dans aucun manuscrit ; et bien qu' "Esaïe" ait disparu de tous les
Codex obscurs, sauf de quelques-uns, on ne peut nier que le nom ait existé
436
Clem. Homél., XVIII, 15.
437
Supernatural Religion, p. 11.
438
Saint Jérôme : Op. VII, p. 270 ff.
dans les textes anciens. Dans le Codex sinaïtique, qui est probablement le
plus ancien des manuscrits existants, et qu'on attribue au IVème siècle
ajoute l'auteur, le prophète Esaïe a été inscrit en première main dans le
texte, mais en a été effacé en seconde" 439.
C'est un fait des plus suggestifs que, dans les prétendues saintes
Ecritures, pas un seul mot ne vient à l'appui pour démontrer que Jésus était
considéré comme un Dieu par ses disciples. Ils ne lui rendirent les
honneurs divins ni avant, ni après sa mort. Leurs relations avec lui se
bornaient à celles de Maître à disciples, et c'est ce titre qu'ils lui donnaient
[Kurios] de même que les disciples de Pythagore et de Platon en
s'adressant à leurs maîtres respectifs avant eux. Quelles que soient les
paroles attribuées à Jésus, Pierre, Paul et autres, aucune d'elles n'est un acte
d'adoration de leur part, et Jésus, lui-même, n'a pas une seule fois déclaré
qu'il fût identique avec son Père. Il accusait les Pharisiens de lapider les
Prophètes, mais non de déicide. Il s'intitulait le fils de Dieu, mais il avait
soin d'ajouter, à maintes reprises, que tous étaient des enfants de Dieu, qui
était leur Père Céleste à tous. En prêchant cela il ne faisait que répéter la
doctrine enseignée, des siècles auparavant, par Hermès, Platon et les autres
philosophes. Etrange contradiction ! Jésus, qu'on nous enjoint d'adorer
comme le seul Dieu vivant, dit immédiatement après sa résurrection, à
Marie-Madeleine - "Je ne suis pas encore monté vers mon Père ; mais va
trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre père,
vers mon Dieu et votre Dieu !" (saint Jean, XX, 17).
Cela veut-il dire qu'il s'identifie avec son Père ? "Mon Père et votre
Père, mon Dieu et votre Dieu", donne à entendre une parfaite [217] égalité
entre lui et ses frère, rien de plus. Théodoret écrit : "Les hérétiques sont
d'accord, avec nous au sujet du commencement de toutes chose… Mais ils
disent qu'il n'y a pas un Christ (Dieu), mais qu'il y en a un en haut, et
l'autre ici-bas, et que ce dernier demeurait avant dans beaucoup (d'êtres) ;
mais ils disent à un moment que le Jésus vient de Dieu, et à d'autres ils
disent que c'est un ESPRIT" 440. Cet Esprit est le Christos, le messager de
vie, qu'on nomme quelquefois l'Ange Gabriel (en Hébreu, le Puissant de
Dieu), et qui, chez les Gnostiques, prenait la place du Logos, tandis que le
439
Ibidem.
440
Théodoret. Haeret. Fab., II, VII.
Saint-Esprit était considéré comme la Vie 441 Néanmoins, dans la secte des
Nazaréens, le Spiritus, ou Saint-Esprit, était moins honoré. Tandis que
presque toutes les sectes gnostiques le considéraient comme un Pouvoir
Féminin, auquel elles donnaient le nom de Binah, הניבou de Sophia,
l'Intelligence Divine ; chez les Nazaréens, il était le Spiritus Féminin, la
lumière astrale, la génératrice de toutes les choses de la matière, le chaos
sous son aspect mauvais, rendu trouble (turbido) par le Démiurge. Au
moment de la création de l'homme, "il était la lumière du côté du PERE, et
il était la lumière [lumière matérielle], du côté de la MERE. Et cela, dit le
Zohar 442 est "l'homme double".
"Ce jour-là [le dernier] périront les sept stellaires mal disposés, ainsi
que les fils de l'homme qui ont reconnu le Spiritus, le [faux] Messie, le
Deus et la MERE du SPIRITUS" 443.
441
Voyez Irénée, I, XI, p. 86.
442
Auszüge aus dem Buche Sohar, p. 15. Berlin, 1857.
443
Cod. Naz., vol. II, p. 149.
444
Théodoret. Haeret. Fab., II, VII.
merveilles des guérisons et les thaumaturgies de Jésus, qu'ils transmit à ses
disciples, montrent que ceux-ci apprenaient, par leur communication
journalière avec lui, la théorie et la pratique de l'éthique nouvelle, et cela
jour après jour et dans leurs rapports familiers d'amitié intime. Leur foi
s'accroissait progressivement, comme celle de tout néophyte, au fur et à
mesure de leur avancement dans la connaissance. N'oublions pas que
Josèphe, qui est certainement bien informé sur ce point, considère comme
"une science" l'art de chasser les démons. Cet accroissement de la foi est
particulièrement visible chez Pierre, lequel, manquant de la foi nécessaire
pour marcher sur les vagues et aller au-devant de son Maître, devint, par la
suite, un thaumaturge suffisamment expert pour que Simon le Magicien,
ainsi qu'on le prétend, lui ait offert de l'argent pour qu'il lui enseignât l'art
de guérir et d'accomplir d'autres merveilles. Philippe, lui-même, devint,
dit-on, un Æthrobate aussi fort qu'Abaris, de mémoire pythagoricienne,
mais cependant moins expert que Simon le Magicien.
445
Homélies, XVI, 15 ff. ; II, 12 ; III, 57-59 ; X, 19. Schliemann : Die Clementinen, p. 134 ff.
Supernatural Religion, vol. II, p. 347.
446
Ibidem, II, 16-18 ; III, 20 ff.
447
Ibidem, III, 20 11.
n'a [219] jamais péché, mais en "vrai prophète mû par l'Esprit de Dieu, qui,
plus tard, descendit sur Jésus, il ne pouvait pas commettre de péché" 448.
L'ouvrage entier est, en somme, l'exposé de la croyance de l'auteur de la
doctrine cabalistique de permutation. La Cabale enseigne celle de la
transmigration de l'Esprit 449. "Mosah est le revolution de Seth et de
Hebel" 450.
"Dis-moi qui est celui qui occasionne la renaissance (la revolutio) ?"
demande-t-on au sage Hermès, et la réponse du "païen"est la suivante : "Le
Fils de Dieu, l'Homme unique, par la volonté de Dieu 451".
"Les Anges et les Puissances sont dans le ciel", dit Justin, donnant
ainsi expression à une doctrine purement cabalistique. Les Chrétiens
l'adoptèrent du Zohar et des sectes hérétiques, et si Jésus les mentionne, ce
n'était pas dans les Synagogues officielles qu'il apprit à connaître la
théorie, mais directement par des enseignements cabalistiques. Dans les
448
Schliemann, Die Clementinen, p. 130-176 ; cité aussi dans Supernatural Religion, p. 342.
449
Nous en reparlerons plus loin.
450
Kabbala Denudata, vol. II, p. 155 ; Vallis Regia.
451
[L. Ménard, Herm. Trim. Paris, 1867.]
452
[Kleucker, Natur und Ursprung der Emanationslehre bal. Kabbalisten, pp. 10-11.]
453
Saint Justin Martyr : 1ère Apol., 33.
livres mosaïques on ne les mentionne que rarement, et Moïse, qui est en
communication directe avec le "Seigneur Dieu", n'en fait pas grand cas. La
doctrine était secrète et taxée d'hérétique par la Synagogue orthodoxe.
Josèphe appelle les Esséniens des hérétiques lorsqu'il dit : "Ceux qui sont
admis parmi les Esséniens doivent jurer de ne communiquer leur [220]
doctrine à qui que ce soit, autrement que comme ils l'ont reçue eux-mêmes,
et aussi de mettre à l'abri les livres appartenant à leur secte, et les noms
des anges" 454. Les Sadducéens ne croyaient pas aux anges, et les Gentils
non-initiés non plus, qui limitaient leur Olympe aux dieux et aux demi-
dieux, ou "Esprits". Seuls, les cabalistes et les théurgistes adhéraient à
cette doctrine depuis un temps immémorial, et par conséquent aussi Platon,
et après lui Philon le Juif, suivi premièrement par les Gnostiques puis par
les Chrétiens.
454
Josèphe, Guerres, chap. 8, sec. 7.
455
Voyez Josèphe ; Philon le Juif ; Munk (35). Eusèbe parle de leur semneion où ils accomplissent
les Mystères de la vie retirée (Ecclesiastic Hystory, lib. II, ch. 17).
Epiphane, qui place l' "hérésie" Ebionite au même rang que celle des
Nazaréens, remarque, en outre, que les Nazaraioï prennent rang
immédiatement après les Cérinthiens 456, si malmenés par Irénée 457.
Munk, dans son ouvrage sur la Palestine, affirme que 4.000 Esséniens
habitaient dans le désert ; qu'ils avaient leurs livres mystiques et qu'ils
prédisaient l'avenir 458. A peu de chose près, [221] les Nabathéens avaient
les mêmes croyances que les Nazaréens et les Sabéens, et tous avaient une
plus grande vénération pour Jean-Baptiste que pour Jésus, son successeur.
Les Yezidi persans disent qu'à l'origine ils s'établirent en Syrie, venant de
Basrah. Ils pratiquent le baptême, et croient aux sept archanges, bien qu'en
même temps ils vénèrent Satan. Leur prophète Iezed, qui était en vogue
longtemps avant Mahomet 459, enseignait que Dieu enverrait un messager et
que celui-ci lui révélerait un livre qui est déjà écrit, au ciel, de toute
éternité 460. Les Nabathéens habitaient le Liban, de même que leurs
descendants à ce jour, et dès son origine leur religion fut purement
cabalistique. Maimonide en parle en les identifiant avec les Sabéens. "Je
mentionnerai les écritures..." qui ont rapport à la croyance et aux
institutions des Sabéens, dit-il. Le livre le plus célèbre est le traité
d'Agriculture des Nabathéens, qui fut traduit par Ibn Wahohijah. Ce livre
fourmille de sottises païennes... Il parle de la préparation des
TALISMANS, de l'attraction du pouvoir des ESPRITS, de la MAGIE, des
DEMONS et des fantômes, qui font du désert leur demeure" 461.
Il existe des traditions, parmi les tribus qui vivent éparses de l'autre
côté du Jourdain, de même que parmi les descendants des Samaritains à
Damas, à Gaza et à Naplosa (l'ancien Shéchem). Beaucoup de ces tribus
ont, malgré dix-huit siècles de persécution, conservé dans sa simplicité
primitive la foi de leurs ancêtres. C'est là qu'il nous faut nous adresser pour
456
Panarion, I-II. Hær., XXIX, 1 ; XXX, 1.
457
Cérinthe est ce même gnostique – contemporain de Jean l'Evangéliste – au sujet duquel Irénée
inventa l'anecdote suivante : "Il y en a qui lui [Polycarpe] entendirent affirmer que Jean, le disciple
du Seigneur, allant se baigner à Ephèse, et apercevant Cérinthe dans les bains, s'élança hors de la
maison des bains... en s'écriant : Sauvons-nous, de peur que la maison ne s'effondre, car Cérinthe
l'ennemi de la vérité s'y trouve." (Irénée, Adv. Haer., III, 3 § 4.
458
Munk, Palestine, p. 525 ; Sod, the Son of the Man.
459
Haxthausen, Transcancasia, p 229, éd. 1854.
460
Sharastani, cité par le Dr D. Chwolsohn : Die Sabier und der Sabismus, II, p. 625.
461
Maïmonide, cité par le Dr D. Chwolsohn : Die Sabier und der Sabismus, II, p8458.
les traditions basées sur des vérités historiques, tout défigurées qu'elles
soient par les exagérations et les inexactitudes, afin de les comparer aux
légendes religieuses des Pères, qu'ils veulent nous faire prendre pour des
révélations. Eusèbe dit qu'avant le siège de Jérusalem, la petite
communauté chrétienne – comprenant beaucoup de ceux, sinon tous, qui
connaissaient personnellement Jésus et ses apôtres – se réfugia dans la
petite ville de Pella, sur la rive opposée du Jourdain 462. Certes, ce peuple
ingénu et sincère, séparé depuis des siècles du reste du monde, a dû
conserver ses traditions plus pures que toute autre nation ! C'est en
Palestine qu'il faut chercher les pures eaux du Christianisme, sinon sa
source elle-même. Après la mort de Jésus, tous les premiers Chrétiens se
réunirent pendant un certain temps, qu'ils aient été Ebionistes, Nazaréens
Gnostiques ou autres. Ils n'avaient pas encore, à ce moment-là, de dogmes
chrétiens, et leur Christianisme se bornait à croire que Jésus était un
prophète, croyance qui variait, depuis ceux qui le considéraient
simplement [222] comme un "homme juste" 463 ou un saint prophète
inspiré, jusqu'à ceux qui prétendaient qu'il était le véhicule utilisé par le
Christos et Sophia pour se manifester au monde. Ils se coalisèrent tous
contre la Synagogue et la technique tyrannique des Pharisiens, jusqu'à ce
que le groupe primitif se séparât en deux branches distinctes, que nous
pouvons, avec raison, nommer les Cabalistes chrétiens de l'école juive des
Tanaïm, et les Cabalistes chrétiens de la Gnose platonicienne 464. Ceux-là
étaient représentés par les partisans de Pierre et de Jean, l'auteur de
l'Apocalypse ; ceux-ci comprenaient les Chrétiens de saint Paul, qui se
confondirent, à la fin du second siècle, avec les adeptes de la philosophie
platonicienne, englobant, plus tard encore, les sectes gnostiques, dont les
symboles et le mysticisme incompris submergèrent l'Eglise Romaine.
462
[Eccles. Hist., III, V.]
463
"Vous avez condamné, vous avez tué le Juste" dit saint Jacques, dans son épître aux douze
tribus.
464
Porphyre établit une distinction entre ce qu'il nomme la Philosophie Antique ou Orientale, et le
système grec propre, celui des Néo-Platoniciens. King maintient que toutes ces religions et ces
systèmes sont les branches d'une seule religion commune de l'antiquité, la religion Asiatique ou
Bouddhique (Gnostics and their Remains p. 1).
conduisit au désert" (Ancien syriaque Luc, IV, 1, Tremellius). "La
difficulté, dit Dunlap, consiste en ce que les Evangiles déclarent que Jean-
Baptiste vit l'Esprit (la Puissance de Dieu) descendre sur Jésus, après qu'il
eut atteint l'âge d'homme, et si l'Esprit ne descendit sur lui qu'à ce moment,
les Ebionites et les Nazaréens n'ont pas très tort lorsqu'ils nient son
existence précédente et lui refusent les attributs du LOGOS. D'autre part,
les Gnostiques faisaient objection à la chair, mais admettaient le Logos 465.
"Saint est Dieu, le Père de tous les êtres, Saint est Dieu, dont la
sagesse est mise en exécution par ses propres Puissances !... Sanctifié sois-
tu, qui créas tout par le Verbe ! C'est pourquoi je crois en Toi et je
témoignerai, et j'irai à la VIE et à la LUMIERE 468." Ainsi parle Hermès
Trismégiste le païen. Quel est l'évêque chrétien qui pourrait mieux
manifester sa foi !
Les différences apparentes entre les quatre Evangiles, pris dans leur
ensemble, ne devraient pas empêcher que les narrations données dans le
Nouveau Testament – toutes défigurées qu'elles soient – n'aient un certain
fonds de vérité. On y a ajouté, par la suite, fort habilement, certains détails
pour cadrer avec les exigences de l'Eglise. Etayés de cette manière, en
465
Sod, the Son of the Man, 23.
466
[Hym. III. Cf. H. Druon, Œuvres de Synesius, Paris, 1878.]
467
[Lettre à son frère, 409 Ap. J.C.]
468
[L. Ménard, Hermès Trismégiste, Paris, 1867, pp. 15-16.]
partie par des preuves indirectes, et surtout par la foi aveugle, ils sont
devenus, avec le temps, des articles de foi. Même le massacre fictif des
"Innocents" par le roi Hérode, pris au sens allégorique. Laissant de côté le
fait, aujourd'hui reconnu, que toute cette histoire du massacre des
Innocents a été empruntée tout entière à la Bhagavata Pourana et aux
traditions Brahmaniques, la légende se réfère, en outre, allégoriquement à
un événement historique. Le Roi Hérode est le type de Kansa, le tyran de
Madura, l'oncle maternel de Krishna, auquel les astrologues avaient prédit
qu'un fils de sa nièce Dévaki lui ravirait son trône. II ordonne, par
conséquent, de faire tuer l'enfant mâle auquel elle vient de donner
naissance ; mais Krishna échappe à sa fureur par la protection de
Mahadeva (le grand Dieu), qui fait transporter l'enfant dans une autre ville,
hors de la portée de Kansa. A la suite de cela, pour être certain de tuer
l'enfant en question, qui n'a pu tomber entre ses mains meurtrières, il fait
mettre à mort tous les nouveau-nés mâles, dans son royaume. Krishna est
également adoré par les gopas (les bergers) du pays.
Bien que cette vieille légende indienne ait une ressemblance suspecte
avec la narration biblique plus récente, Gaffarel et d'autres attribuent
l'origine de celle-ci aux persécutions qui eurent lieu du temps d'Hérode
contre les Cabalistes et les sages, qui n'étaient plus restés strictement
orthodoxes. Ceux-ci, de même que les Prophètes, étaient surnommés les
"Innocents", et les "Nouveau-nés" en raison de leur sainteté. Comme c'est
le cas pour certains degrés de la Franc-Maçonnerie moderne, les adeptes
comptent leurs degrés d'initiation au moyen d'un âge symbolique. [224]
Ainsi Saül, lorsqu'il fut élu roi, était "un homme jeune et beau, et
dépassant tous les autres de la tête" ; il est décrit, dans la version
catholique, comme "un enfant d'un an lorsqu'il commença à régner", ce
qui, pris dans le sens littéral, serait parfaitement absurde. Mais au premier
livre de Samuel, chapitre X, on donne une description de son onction et de
son initiation par Samuel, et au verset 6, Samuel prononce les paroles
significatives suivantes : "... l'esprit de l'Eternel te saisira et tu
prophétiseras avec eux, et tu seras changé en un autre homme."
L'expression citée ci-dessus devient par conséquent intelligible : il avait
passé par un des degrés de l'initiation et, symboliquement, il était "un
enfant d'un an". La Bible catholique, à laquelle ce texte est pris, dit avec
une candeur charmante, dans une note au bas de la page : "Il est fort
difficile d'en donner une explication" (voulant dire, par cela, que Saül était
un enfant d'un an). Mais, nullement embarrassé par la difficulté, l'éditeur la
tourne en disant : "Un enfant d'un an, c'est-à-dire qu'il était simple et
innocent comme un enfant." Cette interprétation est aussi ingénieuse
qu'elle est pieuse ; après tout, si elle ne fait aucun bien elle ne peut pas
faire de mal 469.
469
C'est l'interprétation exacte des allégories bibliques qui rend le clergé catholique si furieux
contre les Protestants qui, eux, sondent en toute liberté les passages de la Bible. Nous nous rendons
compte de l'animosité qu'elle a soulevée, en lisant les paroles suivantes du Rév. P. Parker de Hyde-
Park, New York, lequel, prêchant dans l'église catholique de Sainte-Thérèse le 10 décembre 1876,
disait : "A qui 1'Eglise Protestante est-elle redevable de la possession de la Bible, qu'elle prétend
mettre entre les mains de toute personne ignorante et des enfants, sinon aux moines, qui la
transcrivirent laborieusement avant l'invention de l'imprimerie ? Le protestantisme a été la cause de
la discorde dans l'Eglise, des révolutions dans l'Etat, de l'instabilité de la vie sociale, et ne sera
satisfait que lorsqu'il aura aboli la Bible. Les Protestants doivent cependant reconnaître que l'Eglise
Romaine a plus fait pour répandre le Christianisme et pour détruire 1'idolâtrie que toutes leurs
sectes réunies. Les uns prétendent que l'enfer n'existent pas ; tandis que les autres affirment que la
damnation est imminente et sans atténuation. Les uns disent que Jésus-Christ n'était qu'un homme ;
d'autres qu'il faut plonger le corps tout entier dans l'eau pour le baptême ; et il y en a qui refusent ce
sacrement aux petits enfants. La plupart n'ont pas même une forme de culte ordonnée, ni des
vêtements sacerdotaux, et leurs doctrines sont aussi peu définies que le rituel de leur culte. Le
fondateur du Protestantisme, Martin Luther, était l'homme le plus vicieux de toute l'Europe. Le
début de la Réformation fut le signal de la guerre civile et depuis lors, jusqu'à aujourd'hui, le monde
a été dans une condition d'effervescence, d'inquiétude pour les Gouvernements, et devenant de jour
en jour plus sceptique. La tendance finale du Protestantisme n'est rien moins que de détruire tout
respect pour la Bible et la désorganisation du Gouvernement et de la Société." C'est parler clair ;
mais il ne serait pas difficile pour les Protestants de retourner le compliment.
Elhanam, chez lequel il fit de rapides progrès dans les
connaissances, car il était bien doué en esprit et en
compréhension. "Le Rabbi Jehosuah, fils de Perachiah,
continua l'éducation de Jehosuah (Jésus) après Elhanan,
et l'initia à la connaissance occulte" ; mais le roi Jannée,
ayant ordonné de tuer tous les initiés, Jehosuah Ben-
Perachiah s'enfuit à Alexandrie, en Egypte, où il emmena
l'enfant avec lui."
Les véritables griefs contre Jésus sont mentionnés par le savant auteur
du Tela Ignea Satanae (Les flèches de feu de Satan) comme étant au
nombre de deux :
1. qu'il avait découvert les grands Mystères de leur Temple, ayant
été initié en Egypte ; et
2. qu'il les avait profanés en les faisant connaître au vulgaire, qui ne
les comprenait pas et les avait défigurés. Voici ce qu'ils disent 471 :
"Il existe, dans le sanctuaire du Dieu vivant, une
pierre cubique sur laquelle sont sculptés les
caractères sacrés, dont la combinaison donne
l'explication des attributs et des pouvoirs du
nom inconcevable. Cette explication est la clé
secrète de toutes les sciences occultes et des
470
Talmud, Mishnah Sanhedrin de Babylone, ch. XI, fol. 107 b et Mishnah Sotha, ch. IX, fol. 47 a.
Voir aussi Eliphas Levi, La Science des Esprits.
471
Ce fragment est traduit de l'original hébreu par Eliphas Levi, dans La Science des Esprits, pp.
32-33.
forces de la nature. Elle est ce que les hébreux
[226] nomment le Scham hamphorash. Cette
pierre est gardée par deux lions d'or, qui
rugissent aussitôt qu'on en approche 472. Les
portes du temple ne sont jamais perdues de vue
et la porte du sanctuaire ne s'ouvre qu'une fois
par an, pour n'admettre que le Grand Prêtre tout
seul. Mais Jésus, qui avait appris en Egypte les
grands secrets, pendant son initiation, se
fabriqua des clés invisibles, et put, de cette
manière, pénétrer dans le sanctuaire, sans avoir
été vu... Il prit copie des caractères gravés sur la
pierre cubique et les cacha dans sa cuisse 473 ;
après quoi, sortant du temple il s'en fut par les
chemins et jeta l'étonnement dans le peuple par
ses miracles. A son commandement les morts
ressuscitaient, les lépreux et les obsédés par des
démons guérissaient. Il força les pierres, qui
gisaient depuis des siècles au fond de la mer, de
remonter à la surface, jusqu'à ce qu'elles
formassent une montagne, du sommet de
laquelle il prêcha." Le Sepher Toldoth dit
encore, qu'incapable de déplacer la pierre
cubique du sanctuaire, Jésus en fabriqua une en
terre glaise, qu'il montra aux nations et la fit
passer pour la véritable pierre cubique d'Israël.
Cette allégorie, ainsi que toutes les autres dans cette classe de livres,
doit être lue entre les lignes ; elle a sa signification occulte et doit être
interprétée de deux manières différentes. Les livres cabalistiques en
donnent la signification mystique. Le même Talmudiste, plus loin, dit, en
substance, ce qui suit : Jésus fut emprisonné pendant quarante jours ; puis
il fut flagellé pour rébellion séditieuse ; puis lapidé comme blasphémateur
472
Ceux qui sont au courant des rites des Hébreux reconnaîtront dans ces deux lions les formes
gigantesques des chérubins, dont la monstruosité symbolique était bien calculée pour effrayer le
profane et le mettre en fuite.
473
Arnobe raconte la même histoire de Jésus et dit comment il fut accusé d'avoir volé, dans le
sanctuaire, des noms secrets du Très Saint, au moyen desquels il put accomplir tous ses miracles.
(Adv. gent. I, § 43.)
dans un endroit nommé Lud, et enfin on le laissa expirer sur la croix. "Tout
cela, explique Lévi, parce qu'il révéla au peuple les vérités qu'ils [les
Pharisiens] voulaient garder cachées pour leur propre usage. Il avait deviné
la théologie occulte d'Israël, l'avait comparée à celle de la Sagesse
égyptienne, et en avait déduit la raison d'une synthèse religieuse
universelle" 474.
Jacques n'appelle même pas Jésus Messie, dans le sens que lui
attribuent les Chrétiens, mais il fait allusion au "Messie-Roi" cabalistique
qui est le Seigneur des armées 475 (V. 4), répétant plusieurs fois que le
"Seigneur" viendra ; mais il ne l'identifie nulle part avec Jésus. "Soyez
donc patients, jusqu'à l'avènement du Seigneur... Soyez patients, car
l'avènement du Seigneur est proche" (V. 7, 8), et il ajoute : "Prenez, mes
frères, pour modèles de souffrance et de patience le Prophète [Jésus] qui a
474
La Science des Esprits, p. 37.
475
Isrælite Indeed, vol. III, p. 61.
parlé au nom du Seigneur." Bien que dans la version actuelle le mot
"prophètes" soit au pluriel, il s'agit ici d'une falsification délibérée de
l'original, son but étant évident. Après avoir cité les "Prophètes" comme un
exemple, Jacques ajoute immédiatement : "Vous avez entendu parler de la
patience de Job et vous avez vu la fin du Seigneur" – combinant ainsi les
exemples de ces deux admirables personnages, et les mettant sur un pied
de parfaite égalité. Mais nous avons mieux pour étayer notre argument.
Jésus, lui-même, n'a-t-il pas glorifié le prophète du Jourdain ? "Qu'êtes-
vous donc allés voir ? un Prophète ? Oui, vous dis-je, et plus qu'un
Prophète... Je vous le dis en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il
n'en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste." (Luc VII. 26-28).
476
Origène, In Lucam Homie. Hon. XXIV, ch. III.
également GABRIEL Legatus" 477. Paul voulait, sans doute, faire allusion à
la secte des Nazaréens lorsqu'il dit : "Après eux tous, il [Jésus] m'est aussi
apparu à moi, comme à quelqu'un qui n'est pas né à terme" (I Corinth. XV,
8) rappelant ainsi à son auditoire l'expression commune des Nazaréens, qui
traitaient les Juifs "d'avortons ou nés avant terme". Saint Paul se glorifie
d'appartenir à une secte hérétique 478.
477
Codex Nazaraeus, vol. I, p. 23.
478
"Je sers le Dieu de mes pères selon la voie qu'ils appellent une secte" (Actes XXIV, 14).
479
Codex Nazaraeus, vol. II, p. 109.
480
Milman, Hist. of Christian., p. 200.
481
Dunlap dit, dans Sod the Son of the Man : M. Hall, des Indes, nous informe qu'il a vu des traités
philosophiques sanscrits dans lesquels il est continuellement fait mention du Logos, p. 39, note.
telles que "Lumière de Lumière", "Messager de VIE" et de LUMIERE" 482,
et nous retrouvons ces expressions adoptées in toto par les Chrétiens, ainsi
que presque tous les termes gnostiques tels que Pleroma (Plénitude),
Archons, Æons, etc. Quant aux termes "Premier-Né", le Premier et "Fils
Unique", ils sont aussi vieux que le monde. Hippolyte nous dit que le mot
"Logos" existait déjà chez les Brahmanes. "Les Brachmanes disent que le
Dieu est Lumière, non pas telle que nous la voyons, ou telle que le soleil et
le feu ; mais ils ont un Dieu LOGOS, non pas le Logos articulé de la
Gnose, par lequel les plus hauts MYSTERES de la Gnose sont perçus par
les Sages 483. "Les Actes des Apôtres et le Quatrième Evangile fourmillent
d'expressions gnostiques. Le "Premier-né de Dieu" de la Cabale "est
émané du Très Haut" en même temps que ce qui est "l'Esprit de
l'Onction" ; et encore : "on l'appelait l'Oint du Très Haut" 484. Tout cela est
reproduit en Esprit et en substance par l'auteur de l'Evangile selon saint
Jean. "Cette lumière était la véritable lumière" et "la lumière luit dans les
ténèbres". "Et le VERBE a été fait chair." "Et nous avons tous reçu de sa
Plénitude [Pleroma]", etc. (Jean, 1).
482
Voyez Evangile selon saint Jean, I.
483
Philosophumena, XXI.
484
Kleuker, Natur und Ursprung der Emanationlehre bei den Kabalisten, pp. 10-11, Riga, 1786.
Voir Ciphra Azeninthah, etc.
485
"Comme il est naturel pour des brutes animales." "Le chien est revenu manger ses propres
déjections ; et la truie qui lui fut amenée se vautrait dans la boue" (22).
L'autorité est "l'Empire" la dixième sephira des Cabalistes 486. Les
Puissances et les Gloires sont les Génies subordonnés des Archanges et
des Anges du Zohar 487. Ces émanations sont la vie même de la Cabale et
du Zoroastrianisme ; et le Talmud, lui-même, dans son état actuel, est
entièrement emprunté au Zend Avesta. Par conséquent, en adoptant le point
de vue de Pierre, de Jude, et d'autres apôtres Juifs, les Chrétiens ne sont
devenus qu'une secte dissidente des Persans, car ils ne donnent même pas à
toutes ces Puissances la signification que leur donnent les véritables
cabalistes. Paul, en mettant ses prosélytes en garde contre l'adoration des
anges, prouve combien il appréciait, déjà à cette époque, le danger des
emprunts à une doctrine métaphysique dont la philosophie ne pouvait être
correctement interprétée que par ses adhérents érudits, les Mages et les
Tanaïm juifs. "Qu'aucun homme, sous une apparence d'humilité et par un
culte des anges, ne vous ravisse à son gré le prix de la course, tandis qu'il
s'abandonne à ses visions et qu'il est enflé d'un vain orgueil par ses pensées
charnelles" 488, telle est la phrase que Paul adresse directement à Pierre et à
ses défenseurs. Dans le Talmud, Michel est le Prince de l'Eau, qui a sept
esprits inférieurs subordonnés. Il est le patron, l'ange gardien des Juifs,
ainsi que nous en informent Daniel (V. 21) et les Ophites grecs, qui
l'assimilent à leur Ophiomorphos, la création personnifiée de l'envie et de
la malice chez Ilda-Baoth, le Démiurge (Créateur du monde matériel) ; il
prétend également établir la preuve qu'il est Samâel, le prince hébreu des
mauvais Esprits, ou Devs [231] persans, que les Juifs considéraient
naturellement comme des blasphémateurs. Mais Jésus a-t-il jamais
sanctionné cette croyance aux anges, si ce n'est qu'avec leur qualité de
messagers et de serviteurs de Dieu ? Et voilà encore comment les
divergences entre les confessions de foi chrétiennes se rattachent
directement à ces deux points de vue primitifs, contradictoires.
486
Les types de la création, ou les attributs de l'Etre Suprême, sont, par les émanations d'Adam
Kadmon : "La Couronne, la Sagesse, la Prudence, la Magnificence, la Sévérité, la Beauté, la
Victoire, la Gloire, la Fondation, l'Empire. La Sagesse est nommée Jeh ; la Prudence Jéhovah ; la
Sévérité Elohim ; la Magnificence, Elohah ; la Victoire et la Gloire SABAOTH ; l'Empire ou
l'Autorité, ADONAI." Ainsi, lorsque les Nazaréens et les autres Gnostiques de tendances plus
platoniciennes surnommaient les Juifs "avortons qui adorent leur dieu Iurbo Adunaï", nous ne
devons pas nous étonner de la colère de ceux qui avaient accepté la vieille doctrine Mosaïque, mais
bien de celle de Pierre et de Jude qui prétendent être des partisans de Jésus et s'éloignent de
1'opinion de celui-ci qui était également Nazaréen.
487
Suivant la "Cabale", l'Empire ou l'Autorité est "le feu qui consume, et son épouse est le Temple
ou l'Eglise".
488
"Colossiens", II, 18.
Paul, qui croyait à tous ces pouvoirs occultes du monde, "invisibles",
bien que toujours "présents", dit : "Vous marchiez suivant l'Æon de ce
monde, suivant l'Archon [Ilda-Baoth, le Démiurge] qui a la domination de
l'air", et "nous ne luttons pas contre la chair et le sang, mais contre les
dominations et les puissances ; les seigneurs des ténèbres, les mauvais
esprits des régions supérieures" 489. Cette phrase : "Vous étiez morts dans le
péché et dans l'erreur", car "vous marchiez suivant l'Archon", autrement dit
Ilda-Baoth, le Dieu et le Créateur de la matière des Ophites, démontre sans
équivoque aucune :
1. que Paul, malgré quelques dissensions avec les doctrines les plus
importantes des Gnostiques, partageait, plus ou moins, leurs
notions cosmogoniques des émanations ; et
2. qu'il savait pertinemment que ce Démiurge, dont le nom Juif était
Jehovah, n'était pas le Dieu prêché par Jésus. Si nous comparons
maintenant la doctrine de Paul avec les principes religieux de
Pierre et de Jude, nous trouvons que non seulement ces derniers
adoraient l'archange Michel, mais encore qu'ils vénéraient
SATAN, car celui-ci, avant sa chute, était aussi un ange ! Ils le
font ouvertement et insultent les Gnostiques 490, qui en disaient du
"mal".
489
[Cf. Ephés., II, 2 ; VI, 12 ; II, 1.]
490
Il est plus que probable que tous deux invectivaient saint Paul, qui prêchait contre cette
croyance, et que les Gnostiques n'étaient qu'un prétexte. (Voyez la deuxième Epître de Pierre).
Est-ce assez clair ? Sinon, la Cabale se charge de nous faire savoir ce
qu'étaient les Dignités. [232]
La même chose a lieu pour la Vierge Marie. Leur génie inventif leur
fait si bien défaut, qu'ils n'ont fait que copier, dans les religions
Egyptiennes et Hindoue, les prières adressées à leurs Vierges-Mères
respectives. Nous les plaçons en regard les unes des autres, afin de rendre
plus clairement notre pensée : [234]
491
Le vrai nom de Manès – qui était persan, de naissance – était Cubricus (Voyez Epiph. Vie de
Manès, Hærêt. LXV). Il fut écorché vif à la requête des Mages, par ordre du roi persan Varanes I.
Plutarque prétend que Manès ou Manis veut dire Masses, ou OINT. Le vase d'élection, par
conséquent, est le vase rempli de la Lumière de Dieu, qu'il répand sur celui qu'il a choisi pour son
interprète.
492
Voyez The Gnostics, de King, p. 38.
CATHOLIQUE
HINDOUE EGYPTIENNE
ROMAINE
Si la Vierge Marie a ses nonnes, qui lui sont consacrées et qui font
vœu de chasteté, Isis avait les siennes en Egypte, ainsi que Vesta à Rome,
et la Nari hindoue, "la mère du monde". Les vierges consacrées à son culte
– les Devadasis des temples, qui étaient les nonnes d'antan – vivaient dans
la chasteté la plus stricte et étaient l'objet d'une grande vénération, comme
les saintes femmes de la déesse. Les missionnaires et les voyageurs
auraient-ils la prétention de reprocher quoi que ce soit aux Devadasis
modernes, les femmes Nautch ? Pour toute réponse, nous les renvoyons
aux rapports officiels du dernier quart de siècle, mentionnés au chapitre II,
relativement à certaines découvertes faites lors de la démolition de
couvents en Autriche et en Italie. On a exhumé des mares, [235] des
voûtes souterraines et des jardins des couvents des milliers de squelettes de
nouveau-nés. Rien de semblable n'a été révélé dans les pays païens.
493
[Advers Hær., I, II, L]
494
[Ibid., I, I, I]
495
Franck, La Kabbale, II, III, p. 175, éd. Paris 1843.
SAGESSE." 496 Dieu est NEANT, il n'a pas de nom, c'est pourquoi on
l'appelle Aïn-Soph – le mot Aïn signifiant Néant 497. Mais si, d'après les
anciens juifs, Jéhovah est le Dieu et qu'Il s'est manifesté à plusieurs
reprises à Moïse et aux Prophètes, et que l'Eglise Chrétienne a fulminé
l'anathème contre les Gnostiques qui niaient le fait – comment se fait-il
alors que nous lisions dans la quatrième Evangile que "Personne n'a
JAMAIS vu Dieu que le Fils Unique... qui l'a fait connaître" [I. 18] ? Ce
sont, en substance et en esprit, les paroles mêmes des Gnostiques. Cette
phrase de Jean – ou plutôt de celui qui [236] écrivit l'Evangile qui porte
aujourd'hui son nom – renverse sans appel tous les arguments de Pierre
contre Simon le Magicien. Ces paroles sont répétées et accentuées au
chapitre VI : "Ce n'est pas que personne ait vu le Père, sinon celui qui est
de Dieu ; celui-là [Jésus] a vu le Père" (46) – et c'est justement cette
objection-là que Simon le Magicien met en avant dans les Homélies. Ces
paroles prouvent, soit que l'auteur du quatrième Evangile ignorait
totalement l'existence des Homélies, ou alors qu'il n'était pas Jean, l'ami et
le compagnon de Pierre, qu'il contredit de but en blanc par cette
affirmation. Quoi qu'il en soit, cette phrase, ainsi que beaucoup d'autres,
qui pourraient être citées avec profit, tendent à confondre complètement le
Christianisme avec la Gnose de l'Orient, et par conséquent avec la
CABALE.
[237]
496
Philar le Juif, Quæst. et sol. in Gen., L. II, 55-62.
497
Franck, op. cit., II, IV, pp. 160 et seq.
CHAPITRE V
—
MYSTERES DE LA CABALE
Maxime Gnostique.
LUCIEN, Philopseudès.
"LE SPARTIATE. – Est-ce à toi, ou à Dieu que je dois
me confesser ?
"LE PRETRE. – C'est à Dieu.
"LE SPARTIATE. – Alors, homme retire-toi !"
"Les "trois Têtes" superposées ont évidemment été copiées sur les
trois triangles mystiques des hindous qui, eux aussi, sont superposés. "La
"tête" supérieure contient la Trinité en Chaos, de laquelle jaillit la trinité
manifestée. Aïn Soph, l'à-jamais non révélé, qui est illimité et
inconditionné, ne peut pas créer, et par conséquent ce serait une grande
498
Rosenroth, Kabbala Denudata ; préface du Zohar, II, p. 242.
499
Voyez Egypte de Champollion, p. 141.
500
Idrah Rabbah, VI p. 58.
erreur, à notre avis, de lui attribuer une "pensée créatrice" ainsi que le font
généralement les interprètes.
Dans toute cosmogonie, cette Essence suprême est passive ; si elle est
illimitée, infinie et inconditionnée, elle ne peut avoir ni pensée, ni idée.
Elle n'agit pas suivant le résultat de la volition, mais par obéissance à sa
nature propre, et en vertu de la fatalité de la loi dont elle est elle-même
l'incorporation. Ainsi, pour les cabalistes hébreux, Aïn-Soph est non-
existant ןיא, car il est incompréhensible pour notre intelligence limitée, et
ne peut, par conséquent, exister pour notre mental. Sa première émanation
fut Sephira, la couronne רתכ. Lorsque le moment fut venu pour une période
active, une expansion de cette essence Divine se produisit alors du dedans
au dehors, obéissant à la loi éternelle et immuable ; et ce fut de cette
lumière éternelle et infinie (qui, pour nous, est les ténèbres) qu'émana une
substance spirituelle 501. Ce fut la Première Sephira, qui contenait en elle-
même les autres neuf תוריפסSéphiroth, ou intelligences. Dans leur totalité
et leur unité, elles représentent l'Homme Archétype, l'Adam Kadmon, le
πρωτόγονος, lequel est encore double ou bisexuel dans son individualité
ou son unité, le Didymos grec, car il est le prototype de l'humanité entière.
C'est ainsi que nous obtenons trois trinités, contenues chacune dans une
"tête". Dans la première "tête", ou face, (la Trimurti hindoue, à trois faces)
nous trouvons Séphira, le premier androgyne, au sommet du triangle
supérieur, émanant Hokhmah, [239] ou la Sagesse, un pouvoir masculin et
actif – nommé également Iah, – היet Binah, הניב, ou l'Intelligence, un
pouvoir féminin et passif, représenté aussi par le nom de Jéhovah הוהי. Ces
trois constituent la première trinité ou "face" des Sephiroth. Cette triade a
émané Hesed, דסה, ou Pitié, pouvoir actif masculin appelé aussi El, dont a
émané Geburah, הרובג, ou Justice, appelé aussi Eloha, pouvoir passif
féminin ; de l'union de ces deux derniers fut produit Tiphereth תראפת,
Beauté, Clémence, le Soleil Spirituel connu sous le nom divin Elohim ; et
la seconde triade, "face" ou "tête" fut formée. Ces dernières Sephiroth
émanant, à leur tour, le pouvoir masculin Netzah, הצנ, Fermeté ou Jehovah
Sabaoth qui a émis le pouvoir passif féminin Hod, דוהSplendeur, ou
Elohim Sabaoth ; ces deux ont produit Yesod, דוסי, Fondation, qui est le
puissant vivant, El Hay, donnant ainsi naissance à la troisième trinité ou
"tête". La dixième Séphira est plutôt une duade, et on la représente sur les
diagrammes par le cercle inférieur. C'est Malkuth ou le Royaume, תוכלמet
501
Idrah Zutah, II.
Shekinah הניכש, qu'on appelle aussi Adonai et Cherabim parmi les armées
angéliques. La première "Tête" est appelée le Monde Intellectuel ; la
seconde "Tête" est le Monde Sensible, ou des Perceptions, et la troisième
est le Monde Matériel ou Physique.
"De celui qui est 504, de ce Principe immortel qui existe dans notre
esprit, mais que nos sens ne peuvent percevoir est né Purusha, le mâle-
femelle divin, qui devint Narayana, ou l'esprit Divin qui se meut sur les
eaux." 505. [240]
502
Zohar, II, p. 42 b, A. éd., 1714.
503
Ibid., III, p. 288 a. (Idrah Zutah ch. §§ 41-43).
504
Ego surn qui sum (Exode, 111, 14).
505
Works of Win. Jones, III, pp. 66-67, Londres 1799.
Chaos, ou le lieu du mouvement] et est appelé NARAYANA, ou celui qui
se meut sur les eaux" 506. Nous lisons dans l'égyptien Hermès : "Au
commencement du temps il n'existait que le chaos." Mais lorsque le
"Verbum", sortant du néant comme une "fumée incolore", fit son
apparition, alors "ce Verbum se mit à se mouvoir sur le principe
humide" 507. Et nous lisons dans la Genèse [I, 2.] "il y avait des ténèbres à
la surface de l'abîme [chaos] et l'Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des
eaux". Dans la Cabale, l'émanation du principe primordial, passif
(Sephira), en se séparant en deux parties, active et passive, émet Chochma-
Sagesse, et Binah-Jéhovah, et s'unissant avec ces deux acolytes, qui
viennent compléter la trinité, elle devient le Créateur de l'Univers abstrait ;
le monde physique est la production de puissances ultérieures et encore
plus matérielles 508. Dans la Cosmogonie hindoue, Svayambhu produit
506
Voyez Institutes of Manu traduits par Sir William Jones.
507
Champollion, op. cit., p. 141.
508
Nous n'ignorons pas que quelques Cabalistes chrétiens traduisent le terme Aïn-Soph par
"Couronne" et l'identifient avec Séphira : qu'ils appellent Aïn-Soph "une émanation de Dieu"
enfermant "Aïn-Soph" comme une unité dans les dix Séphiroth. Ils renversent aussi, bien à tort,
l'ordre des deux premières émanations de Séphira, Chochma et Binah. Les plus grands Cabalistes
ont toujours considéré Chochma (la Sagesse), comme une intelligence mâle et active, Jah [HB], et
l'ont placé au-dessous du numéro 2 sur le côté droit du triangle, dont le sommet est la Couronne,
tandis que Binah (l'Intelligence) ou [HB], est au-dessous du numéro 3 sur le côté gauche. Mais
celui-ci, étant représenté sous son nom divin, comme Jéhovah [HB], ne présente tout naturellement
le Dieu d'Israël que comme une troisième émanation, c'est-à-dire comme un principe féminin, et
passif. Par conséquent, lorsque vint le moment, pour les Talmudistes, de transformer leurs multiples
divinités en un Dieu vivant, ils eurent recours à leurs points massorétiques et combinèrent la
transformation de Jéhovah en Adonaï, "le Seigneur". Cela, à la suite de la persécution des
Cabalistes du moyen âge par l'Eglise, obligea quelques-uns d'entre eux à changer leur sephira
femelle en mâle et vice versa, afin d'échapper à l'accusation de manquer de respect et de blasphème
envers Jéhovah, dont le nom, par consentement mutuel et secret, fut, de plus, accepté comme un
substitut de Jah, ou du nom mystérieux de IAO. Seuls, les Initiés en eurent connaissance, mais cela
donna lieu, plus tard, à une grande confusion parmi les non-initiés. Il serait avantageux, si nous en
avions le temps, de reproduire quelques-uns des nombreux passages des plus anciennes autorités
juives, tels que Rabbi Akiba, et le Zohar, qui viennent corroborer notre affirmation. Chochma-
Sagesse est partout considéré comme un principe mâle, et Binah-Jehovah un pouvoir féminin. Les
ouvrages d'Irénée, de Théodoret et d'Epiphane, qui fourmillent d'accusations contre les Gnostiques
et les "hérétiques", nous montrent, à maintes reprises, Simon le magicien et Cérinthe présentant
Binah comme l'Esprit divin, féminin, qui inspirait Simon. Binah, c'est Sophia, et la Sophia des
Gnostiques n'est certes pas un pouvoir masculin, mais bien tout simplement la Sagesse féminine ou
l'Intelligence. (Voyez tous les anciens "Arbor Kabbalistica", ou "Arbre des Sephiroth.) Eliphas
Lévi, dans son Dogme et Rituel de la Haute Magie, vol. I, p. 23 et 231, lace Chochma sur le numéro
2, et en qualité de Séphira mâle sur la droite de l'arbre. Dans la Kabala les trois Séphiroth mâles –
Chochma, Chesed, Netsah – sont connus sous le nom du Pilier de la Pitié ; et les trois féminins sur
la gauche, c'est-à-dire : Binah, Geburah, Hod, sont appelées le Pilier du jugement, tandis que les
quatre Séphiroth du centre – Kether, Tiphereth, Yesod, Malkhuth – sont appelés le Pilier du Milieu.
Nara et Nari, son émanation bisexuelle, et les séparant en deux moitiés,
mâle et femelle, celles-ci fécondent l'œuf mondial, [241] dans lequel se
développe Brahmâ, ou plutôt Viraj, le Créateur. "Le point de départ de la
mythologie Egyptienne, dit Champollion, est une trinité... savoir Kneph,
Neith et Phtah ; et Ammon, le mâle, le père ; Muth, femelle, la mère ; et
Khonsu, le fils."
Les dix Séphiroth sont des copies des dix Prâdjapatis créés par Viraj,
et appelés les "Seigneurs de tous les êtres", qui correspondent aux
Patriarches bibliques.
Et, ainsi que le démontre Mackensie, dans le Royal Masonic Cyclopedia, "il existe une analogie
entre ces trois Piliers et les trois Piliers de la Sagesse, la Force et la Beauté, dans une Loge
Maçonnique, tandis que le Aïn-Soph est représenté sous la forme de l'Etoile flamboyante, ou
lumière mystique de l'Orient", p. 407.
509
Justin martyr : Cum Trypho, p 284.
510
[De fuga et inventane, IX, 52.]
511
Division indicatrice du temps.
512
Sanchoniâton appelle le temps le plus âgé des Æons, Protogonos, le "premier né".
513
Philon le juif : Caïn et sa naissance, p. XVII.
comosgonie universelle, traduite en allégories orientales. Un cycle
succédant à un autre, et une nation apparaissant [242] après l'autre sur la
scène du monde, pour jouer son rôle infime dans le drame majestueux de
la vie humaine, chaque peuple nouveau évolue sa propre religion des
traditions ancestrales, en lui imprimant une couleur locale, et la marquant
de sa caractéristique individuelle. Tandis que chacune de ces religions
possède ses traits distinctifs, au moyen desquels, faute d'autres vestiges
archaïques, il est possible d'estimer l'état physique et psychologique de ses
créateurs, elles conservent toutes une ressemblance commune avec le
prototype unique. Ce culte originel n'est rien autre que la "Religion-
Sagesse" primitive. Les Ecritures des Israélites ne constituent nullement
une exception. Leur histoire nationale – si tant est qu'ils puissent
revendiquer une autonomie quelconque, avant leur retour de Babylone, où
ils n'étaient, rien de plus que des tribus errantes de parias hindous, ne peut
remonter un jour plus loin que l'époque de Moise ; et si ce prêtre ex-
égyptien doit, par suite d'une nécessité théologique, se transformer en
Patriarche hébreu, nous insisterons pour que la nation juive ait été retirée
des roseaux du lac Moëris, en même temps que ce souriant enfant. Leur
prétendu père, Abraham, appartient à la mythologie universelle. Il est fort
probable qu'il n'est rien autre qu'un des innombrables prête-noms de
Zeruan (Saturne) le roi de l'Age d'Or, qu'on nomme aussi l'Ancien
(l'emblème du Temps) 514.
Il est maintenant prouvé par les Assyriologues que, dans les anciens
livres chaldéens, Abraham est appelé Zeru-an, ou Zer-ban, ce qui signifie
un homme riche en or et en argent, un prince puissant 515. On l'appelle aussi
Zarouan et Zarman, un homme âgé et diminué 516.
514
Azræl, l'ange de la mort, est aussi Israël. Ab-ram signifie le père de l'élévation, le père haut
placé, car Saturne est la planète la plus haute ou la plus éloignée.
515
Genèse, XIII, 2.
516
Saturne est généralement représenté comme un vieillard tenant à la main une faux.
les "Nephelim", ou hommes déchus, les Giborim, hommes puissants dont
parle la Genèse (VI, 4) venaient de Olam, "hommes de Shem". Il n'est pas
jusqu'à Ophir, qu'il faut évidemment chercher dans l'Inde du temps de
Hiram, qui ne soit représenté comme un descendant de Shem. Les annales
ont [243] été confondues, à dessein, pour les faire cadrer avec la Bible
Mosaïque. Mais la Genèse, du premier verset jusqu'au dernier, n'a rien à
faire avec le "peuple élu", elle appartient à l'histoire mondiale. Son
appropriation par les auteurs juifs à l'époque de la prétendue restauration
des livres sacrés des juifs, par Ezra, ne prouve rien du tout, et jusqu'à
aujourd'hui on a toujours cherché à l'étayer en la prétendant révélation
divine. Ce n'est qu'une collection de légendes universelles de l'humanité
universelle. Bunsen rapporte que, "dans la tribu chaldéenne en relation
immédiate avec Abraham, nous trouvons des réminiscences de dates
dénaturées et mal interprétées, comme s'il s'agissait de généalogies
d'individus ou de l'indication d'une époque. Les souvenirs tribaux
abrahamiques remontent, au moins, à trois mille ans au delà du grand-père
de Jacob" 517.
517
Bunsen, Egypt's Place in Universal History, vol. 5, p. 85.
518
Eusèbe, Præp. evang., IX ; cf. Cory Anc. Frag, p 57, éd. 1832.
519
[Berosi fragm., p. 59, éd. J.W. Richter, Lepzig 1825.]
comme la première mesure de Zoroastre, en fondant sa nouvelle religion,
fut de changer les divinités les plus sacrées du Véda sanscrit, en noms
d'esprits mauvais, dans les Écritures du Zend, et d'en rejeter une partie,
nous ne trouvons pas dans l'Avesta, trace du Chakra – le cercle symbolique
du firmament.
Elam, un autre des fils de Shem, est Olam םלוע, et a rapport avec un
ordre ou un cycle d'événements. Dans l'Ecclésiaste III, 11, on le traduit par
"monde" ; dans Ezéchiel XXVI, 20, par "autrefois" ; dans la Genèse III,
22, on se sert de ce mot comme : éternellement" ; et au chapitre IX, 16,
comme "perpétuelle". [244] Enfin au chapitre VI, 4, de la Genèse, le mot
est bien défini par les paroles suivantes : "Les géants (Nephelim, hommes
déchus ou Titans) étaient sur la terre en ce temps-là." Le mot est synonyme
de Æon, αιων. Aux Proverbes VIII, 23, il est représenté par : "J'ai été
émané d'Olam, de Rosh" (la Sagesse). Dans cette phrase, le sage roi-
cabaliste se réfère à un des Mystères de l'esprit humain – la couronne
immortelle de l'homme trinitaire. Tandis qu'elle devrait se lire comme ci-
dessus et être interprétée cabalistiquement avec la signification que le Je
(c'est-à-dire mon Ego, éternel, immortel) l'entité spirituelle est émanée de
l'éternité illimitée et sans nom, par la sagesse créatrice du Dieu inconnu,
elle devient dans la traduction canonique, ce qui suit : "Le Seigneur m'a
possédé au début de sa voie ; avant ses œuvres de jadis", un non-sens
inintelligible, sans l'interprétation cabalistique. Lorsqu'on fait dire à
Salomon que le JE existait "dès le commencement... lorsqu'il [le Dieu
suprême] n'avait encore fait ni la terre... ni le premier atome de poussière
du monde... j'étais là", et "lorsqu'il posa les fondements de la terre... j'étais
à l'œuvre auprès de lui, jouant sans cesse en sa présence", que peut vouloir
dire le Cabaliste, par ce JE, sinon son propre esprit divin, cette goutte
provenant de l'éternelle fontaine de la Lumière et de la Sagesse – l'esprit
universel de la Divinité ?
Le rayon de gloire émis par Aïn-Soph, de la plus élevée des trois têtes
cabalistiques, par laquelle "toutes choses resplendissent de lumière", le
rayon qui sort par l'Adam-Primus, est l'esprit individuel de chaque créature
humaine. "Je faisais tous les jours ses délices [à Aïn-Soph], jouant sans
cesse en sa présence... et trouvant mon bonheur parmi les fils des
hommes", ajoute Salomon dans le même chapitre des Proverbes. [30-31]
L'esprit immortel trouve son bonheur parmi les fils des hommes lesquels,
sans cet esprit, ne seraient que des dualités (corps physiques et âme astrale,
ou ce principe de vie qui anime même les êtres les plus inférieurs du règne
animal). Nous avons vu, toutefois, que la doctrine enseigne que cet esprit
ne peut pas s'unir à l'homme chez lequel la matière et les penchants
grossiers de son âme animale contribuent à le refouler hors de lui. Par
conséquent Salomon, qui parle ici sous l'inspiration de son propre esprit,
lequel a pris possession de lui pour le moment, prononce les paroles de
sagesse suivantes : "Et maintenant, mon fils, écoute-moi (l'homme double)
heureux ceux qui observent mes voies !... Heureux l'homme qui m'écoute,
qui veille chaque jour à mes portes... Car celui qui me trouve a trouvé la
vie et il obtient la faveur du Seigneur... Mais celui qui pèche contre moi
nuit à son âme... et aime la mort." (Proverbes VIII, 32-36). [245]
C'est à cette source, encore, que les cabalistes ont puisé des [246]
doctrines analogues. Si les Chrétiens ont interprété la Genèse à leur façon,
acceptant son texte au pied de la lettre, ils ont obligé les masses ignorantes
à croire que le monde a été créé de rien ; s'ils lui ont attribué un
commencement, ce n'est certes pas aux Tanaïm, les seuls interprètes de la
signification occulte des textes Bibliques, qu'il faut s'en prendre. Pas plus
que les autres philosophes, ils n'ont cru aux créations spontanées, limitées
ou ex-nihilo. La Cabale a survécu pour faire voir que leur philosophie était
précisément celle des modernes Bouddhistes du Népal, les Swâbhâvikas.
Ils croyaient à l'éternité et à l'indestructibilité de la matière, et par
conséquent à de nombreuses créations et de destructions de mondes bien
antérieurs au nôtre. "Il y eut de vieux mondes qui périrent 520." "Nous
voyons, par-là, que le Très-Saint, béni soit Son nom, avait successivement
créé et détruit plusieurs mondes, avant de créer le monde actuel ; et
lorsqu'il créa ce monde, il dit : "Celui-ci me plaît, les autres ne me
plaisaient point 521."Ils croyaient, en outre, encore comme les Swâbhâvikas,
qu'on taxe aujourd'hui d'athées, que toute chose procède (est créée) de sa
propre nature, et qu'une fois que l'impulsion a été donnée par la Force
Créatrice inhérente à la "Substance auto-créée, ou Sephira, tout évolue de
lui-même, d'après le moule que lui fournit le prototype spirituel qui le
précède dans l'échelle de la création infinie. "Le point indivisible, qui n'a
pas de limite, et ne peut être compris [car il est absolu] se développa du
dedans au dehors, et détermina une clarté qui servit de vêtement (de voile)
520
Zohar III, p 292 b, Quist éd. (Idrah Zutah, X, §§ 21 et sq.).
521
Bereshith Rabba, Partha, IX.
au point indivisible... Celui-là, aussi, se développa du dedans au dehors...
Ainsi toute chose eut son origine par une agitation constante,
ascensionnelle, et c'est ainsi que le monde a finalement été édifié 522."
Dans les livres zoroastriens postérieurs, après que Darius eut restauré
le culte d'Ormazd en y ajoutant le magisme plus pur de la Sagesse Secrète
primitive – נסתרה-[ תומכחHokhmah-Nistharah], dont, il était lui-même un
des hiérophantes, ainsi que nous le dit l'inscription, nous voyons reparaître
le Zeru-ana, ou le temps illimité, représenté chez les Brahmanes par le
chakra, ou le cercle, que nous voyons figurer sur le doigt levé des
principales divinités. Nous ferons voir, plus loin, sa relation avec les
nombres mystiques de Pythagore – le premier et le dernier – qui est un
zéro (O), et avec le plus grand des Dieux-des-Mystères IAO. L'identité de
ce seul symbole, dans toutes les anciennes religions, suffit pour prouver
[247] leur origine commune dans une Croyance primitive 523. Le terme
"temps illimité", qui ne peut s'appliquer qu'à l'UNIQUE qui n'a ni
commencement ni fin, est appelé par les Zoroastriens Zeruana-Akarene,
parce qu'il a existé de tous temps. "Sa Gloire", disent-ils, est trop sublime,
sa lumière est trop brillante pour que l'intelligence humaine ou que des
yeux mortels puissent la saisir et la voir. Son émanation primitive est la
lumière éternelle, laquelle, ayant été cachée jusqu'alors dans les ténèbres,
fut appelée à se manifester, et c'est ainsi que fut formé Ormazd "le Roi de
Vie". Il est le premier-né du temps sans limites, mais de même que son
antitype ou idée spirituelle préexistante, il a vécu dans les ténèbres
primitives de toute éternité. Son Logos fut le créateur du monde purement
intellectuel. Après un délai de trois grands cycles 524 il créa le monde
matériel en six périodes. Les six Amshaspands, ou hommes spirituels
primitifs, qu'Ormazd créa à sa propre image sont les médiateurs entre lui et
ce monde. Mithras est une émanation du Logos et le chef des vingt-huit
Yazatas, qui sont les anges tutélaires de la partie spirituelle de l'humanité,
les âmes des hommes. Le nombre des Ferouers est infini. Ceux-ci sont les
522
Zohar, I, fol. 20 a.
523
"Le S sanscrit", dit Max Muller, "est représenté par h en Zend. C'est ainsi que le nom
géographique "hapta hendu", qu'on rencontre dans l'Avesta, devient intelligible, si nous traduisons
le Zend h en S sanscrit. Car "Sapta Sindhu, ou les sept rivières, est l'ancien nom Védique pour l'Inde
elle-même." (Chips, vol. I, pp. 82-83). "L'Avesta est l'esprit même des Védas", la signification
ésotérique partiellement interprétée.
524
Ce que l'on comprend généralement dans le système de l'Avesta par mille ans, signifie, dans la
doctrine ésotérique, un cycle d'une durée connue seulement des Initiés, et qui aurait un sens
allégorique.
idées, ou plutôt les conceptions idéales des choses qui ont été conçues dans
la pensée d'Ormazd, ou Ahuramazda avant qu'il ne voulût qu'elles prennent
une forme concrète. Ce sont ce qu'Aristote nomme les "privations" des
formes et des substances. La religion de Zarathustra, ainsi qu'il est toujours
dénommé dans l'Avesta, est une de celles auxquelles les Juifs ont fait les
plus larges emprunts. Dans un des Yashts, Ahuramazda, le Suprême,
donne au voyant, comme un de ses noms sacrés, Ahmi, "Je suis" ; dans un
autre il est, ahmi yat ahmi, "Je suis ce que je suis" ; ce que Jéhovah est
censé avoir dit à Moïse.
525
[Contra Celsum, VI, XXIV et seq.]
526
J. Matter, Histoire critique du Gnosticisme, pl. III ; texte vol. II, pp. 406-408, éd. 1843-44.
527
Zohar III, p. 288. A Amst., éd. 1714 (Idrah Zutah II, § 78).
intelligence n'est capable de comprendre cette Sagesse 528, ce Senior
Sanctissimus est entouré des trois têtes. Il est la LUMIERE éternelle de
cette sagesse ; et la sagesse est la source de laquelle toutes les
manifestations ont pris naissance. Ces trois têtes, renfermées dans une
TETE [qui n'en est pas une] ; et ces trois sont inclinées sur [adombrent] la
FACE-COURTE [le Fils] et par elles toutes choses resplendissent de
lumière". 529 "Aïn-Soph émet un rayon de El ou Al [le plus haut Dieu de la
Trinité] et la lumière suit le rayon et entre, et, en passant il sort par Adam
Primus [Kadmon] qui demeure caché jusqu'à ce que le plan des
dispositions [statum dispositionis] soit achevé ; il passe au travers de lui
depuis la tête, jusqu'aux pieds ; et dans lui [dans l'Adam caché] est la
forme d'UN HOMME" 530.
528
Ibidem, sect. II, §§ 59-63.
529
Ibidem, II, § 63 ; VII, § 6, 177-87.
530
Jam vero quoniam hoc in loco recondita est illa plane non utuntur, et tantum de parte lucis ejus
participant quae demittitur et ingreditur intra filium Aïn-Soph protensum e Persona [HB] [Al-Dieu]
deorum : intratque et perrumpit et transit per Adam primum occultum usque in statum dispositionis,
transitque per eum a capite usque ad pedes ejus : et in eo est figura hominis (Kabbala Denudata, II,
p. 246).
531
Zohar, I, p. 51 a.
Telles étaient les anciennes notions de la Trinité dans l'Unité, en tant
qu'abstraction. L'homme qui est le microcosme du macrocosme, ou de
l'homme archétype céleste, l'Adam Kadmon, est, à son tour, une trinité, car
il est : corps, âme et esprit.
"Tout ce qui a été créé par "l'Ancien des Anciens" ne peut vivre et
exister que par un mâle et une femelle", dit le Zohar 532. Seul, Celui auquel
nul ne peut dire, "Tu", car il est l'Esprit de la TETE BLANCHE, dans
laquelle sont réunies les "TROIS TETES, n'est pas créé. Du feu subtil, sur
un des côtés de la Tête Blanche, et de "l'air subtil" sur l'autre côté, émane
Shekinah, son voile, (le Saint-Esprit féminisé). "Cet air", dit Idra Rabba
"est le plus occulte [occultissimus] attribut de l'Ancien des Jours 533. Le
plus Ancien des Plus Anciens est le Caché des Cachés 534. Il est toutes
choses, et Il est Lui-même caché de toutes parts 535. Le cranium de la TETE
BLANCHE n'a pas de commencement, mais sa fin a une réflexion brillante
et une rondeur qui est notre univers." 536.
532
Zohar, livre III, p. 290.
533
Idra Rabba, § 541-542.
534
Ibidem, III, p. 36.
535
Ibidem, p. 171.
536
Idrah Zutah, II, § 51.
537
Nat. und Urspr. d. Emanationslehre b. d. Kabbalisten, p. 2.
Spirituelle), "qu'ils nommèrent le CHRISTUS OINT, ou le Roi Messie" 538.
Ce Christus est l'Adam d'Argile avant la chute, adombré par l'esprit
d'Adonaï, son père, et de Shékinah Adonaï, sa mère ; car l'Adam Primus
est Adon, Adonaï, ou Adonis. L'existence primordiale se manifeste par sa
Sagesse, et donne naissance au LOGOS Intelligible (toute la création
visible) Cette Sagesse était vénérée par les Ophites sous la forme d'un
serpent. Autant que nous puissions en juger, la première et la seconde vie
sont les deux Adams, ou le premier et le second homme. Le premier
contient Eva, ou l'Eve spirituelle non encore née, et celle-ci est contenue
dans l'Adam Primus, car elle fait partie de lui, puisqu'il est androgyne.
L'Eve d'argile qu'on désignera dans la Genèse par "la Mère de tous les
vivants" est contenue dans le Second Adam. Or, dès sa première
manifestation, le SEIGNEUR MANO, la Sagesse Inintelligible, disparaît
de la scène ; elle ne se manifestera que sous la forme de Shékinah, la
GRACE ; car la CORONA est "la Lumière la plus cachée de toutes les
Lumières" et, par conséquent, elle est la substance même des ténèbres 539.
538
Irénée, p. 637.
539
Idrah Ziztah, IX, § 355 ; Kabbala Denudata, II, p. 364 ; cf. Monade de Pythagore.
quelconque ne soit venue à l'existence, le Seigneur Ferho existait déjà" 540.
Celui-ci est la Première Vie, sans formes et invisible, dans laquelle existe
l'Esprit de VIE vivant, la MISERICORDE Suprême. Les deux ne font
qu'UN, de toute éternité, car ce sont la Lumière et la CAUSE de la
Lumière. Ils correspondent par conséquent, à la Sagesse cachée
cabalistique, et à la Shékinah cachée, le Saint-Esprit. "Cette lumière, qui se
manifeste, est le vêtement du Caché Céleste dit l'Idrah Zutah. Et "l'homme
céleste" est l'Adam supérieur. "Nul ne connaît ses voies, sauf
Macroprosopus" (La longue face) – le dieu supérieur actif 541. "Je ne serai
pas lu, comme je suis écrit ; dans ce monde, mon nom sera écrit Jéhovah et
lu Adonaï" 542 disent les rabbins avec parfaite raison. Adonaï est l'Adam
Kadmon ; il est à la fois le PERE et la MERE. Par cette double médiation,
l'Esprit de "l'Ancien des Anciens" descend sur le Microprosopus (la courte
face) ou l'Adam de l'Eden. Et le "Seigneur Dieu lui souffla dans les narines
le souffle de vie".
540
Codex Nazaraeus, I, p. 145.
541
Codex Nazaraeus, I, p. 145.
542
Idrah Rabbah, VIII, p. 107-109. Auszüge aus dem Sohar, p. 11 (Berlin 1857).
ath Yahveh. – J'ai gagné ou obtenu un mari, voire même Yahveh – Ish,
Aish – – l' "homme". "Cum arbore peccati Deus creavit seculum." [252]
543
Il est le germe universel et spirituel de toutes choses.
544
Ad Kabb. Chr., p. 6.
545
Idrah Rabbah, XLIV, § 1122.
"Le Fils Zeus-Belus, ou Sol-Mithra, est l'image du Père, l'émanation
de la Lumière Suprême", dit Movers. "Il passait pour être le Créateur" 546.
546
Die Phönizier, vol. I, pp. 265-550-553.
547
Sabbats Denudata, vol. II, p. 236.
Nara (ou Agni, Brahma, le Père,
ParaPourouha),
Nâri Vayou, Vishnou, la Mère,
(Mahâmâyâ),
Viraj (Brahmâ), Surya, Siva, le Fils.
et que la Trinité égyptienne se présente comme suit :
Kneph (ou Osiris, Râ (Horus), le Père,
Amen),
Maut (ou Mut), Isis, Isis, la Mère,
Khonsu, Horus, Malouli, le Fils 548.
nous trouvons que la théorie des Nazaréens est la suivante :
Ferho (Ish- Mano, Abatur, le Père,
Amon),
Chaos (l'eau Spiritus Netubto, la Mère,
obscure), (féminine),
Fetahil, Lehdoïo, Seigneur le Fils.
Jourdain,
548
Champollion, Egypte ancienne, pp. 245-46.
grâce 549. Il est celui par lequel, seul, nous sommes sauvés ; et c'est ainsi
qu'il correspond à la Shékinah, le vêtement spirituel de Aïn-Soph, ou le
Saint-Esprit. Ces trois constituent la Trinité in abscondito. La seconde
trinité est composée des trois vies. La première est la représentation du
Seigneur Ferho, duquel il a procédé ; et le second Ferho est le roi de
Lumière – MANO (Rex Lucis). Il est la lumière et la vie céleste, et il est
plus âgé que l'Architecte du ciel et de la terre 550. La seconde vie est Ish
Amon (le Plerome) le vase d'élection, qui renferme la pensée visible du
Iordanus Maximus – le type (ou sa réflexion intelligible), le prototype de
l'eau vivifiante, qui est le "Jourdain spirituel" 551. La troisième vie, qui est
le produit des deux autres, est ABATUR (de Ab le Progéniteur, le Père).
Celui-ci est le mystérieux et décrépit "Ancien des Anciens", "l'Ancien
Senem sui obtegentem et grandœvum mundi". Cette dernière troisième Vie,
est le Père du Démiurge Fétahil, le créateur du monde, que les Ophites
nomment Ilda-Baoth 552, bien que Fétahil soit le Fils unique, la réflexion du
Père Abatur, qui l'engendre en se mirant dans "l'eau obscure" 553 ; mais le
Seigneur Mano, "le Seigneur Sublime, le Seigneur de tous les génies", est
plus élevé que le Père, dans ce Codex cabalistique – l'un étant purement
spirituel et l'autre matériel. C'est ainsi, par exemple, que tandis que le "Fils
Unique" d'Abatur est le génie Fétahil, le Créateur du Monde physique, le
Seigneur Mano, le "Seigneur de Celsitude", qui est le fils de Celui qui est
"le Père de tous ceux qui prêchent l'Evangile" enfante aussi un "fils
unique", le Seigneur Lehdaïo, un "Seigneur juste". Il est le Christos, l'Oint
qui répand la "grâce" du Jourdain Invisible, l'Esprit de la Couronne
Suprême.
549
Codex Nazaraeus, vol. II, p. 47-57.
550
Ibid., vol. I, p. 145.
551
Ibid., vol. II, p. 211.
552
Ibid., vol. I, p. 309.
553
Sophia Achamoth engendre aussi son fils Ilda-baoth, le Démiurge, en regardant dans le Chaos,
ou la matière, et en venant en contact avec celle-ci.
par réflexion, Lehdaio, le Seigneur Juste, qui vient de Lehdoio, le Seigneur
Juste, que la vie avait produit par sa parole" 554.
Mano est le chef des sept Æons, qui sont : Mano (Rex Lucis) Ayar-
Ziwa, Ignis Vivus, Lux, Vita, Aqua Viva (l'eau vive du baptême, le génie
du Jourdain), et Ipsa Vita, le chef des six génies, qui [256] constituent avec
lui le sept mystique. Le Mano Nazaréen est, tout bonnement, la copie du
Premier Manou hindou – l'émanation du Manou Swayambhuva – duquel
évoluent à la suite, les six autres Manous, types des races humaines
subséquentes. Nous les retrouvons tous représentés par l'apôtre cabaliste
Jean, dans les "sept lampes ardentes brûlant devant le trône, qui sont les
sept esprits de Dieu" 555, et dans les sept anges portant les sept coupes.
Nous reconnaissons, de plus, dans Fétahil, l'original de la doctrine
chrétienne.
554
Codex. Nazar. II, pp. 107-09. Voir Dunlap, Sod., p. 60
555
Apocalypse, IV, 5.
556
Ezéchiel ; Daniel.
Novissimus (l'homme le plus nouveau), le fils d'Abatur 557, celui-ci étant
"l'homme"ou la troisième vie 558, aujourd'hui la troisième personne de la
trinité. Jean voit "quelqu'un qui ressemblait à un fils d'homme", qui tenait
en sa main sept étoiles, debout, entre "sept chandeliers d'or" (Apocalypse,
I). Fétahil se "tient en haut", suivant la volonté de son père, "le plus élevé
des Æons, qui tient sept sceptres", et sept génies, qui représentent,
astronomiquement parlant, les sept planètes ou étoiles. Il se tient
"resplendissant dans le vêtement du Seigneur, rendu lumineux par l'action
des génies 559", Il est le Fils de son Père, la Vie, et de sa mère, l'Esprit ou la
Lumière 560 [257] . Dans l'Evangile selon saint Jean, le Logos est
représenté comme celui dans lequel "était la vie, et la vie était la lumière
des hommes" (I, 4). Fétahil est le Démiurge, et son père créa, par son
entremise, l'univers visible de la matière 561. Dans l'Epître de Paul aux
Ephésiens (III, 9) il est dit que Dieu "a créé toutes choses par Jésus". Dans
le Codex, la VIE-génératrice dit : "Lève-toi, marche, notre fils premier-né,
ordonné pour toutes les créatures 562." "De même que le Père m'a envoyé",
dit le Christ, "Dieu a envoyé son Fils Unique dans le monde afin que nous
vivions par lui 563." Finalement, ayant terminé son œuvre sur la terre,
Fétahil remonte vers son père Abatur. "Et qui, relicto quem procreaverat
mundo, ad Abatur suum patrem contendit 564. "Mon père m'a envoyé... je
vais vers mon père", dit aussi Jésus.
557
Codex Nazaraeus, vol. II, p. 127.
558
La première duade androgyne, étant considérée comme une unité dans toutes ces computations
secrètes, est, par conséquent, le Saint-Esprit.
559
Codex Nazaraeus, vol. III, p. 59.
560
Ibidem, vol. I, p. 285.
561
Ibidem, vol. I, p. 309.
562
Ibidem, vol. I, p. 287. Voyez Sod the son of the Man, p. 101.
563
Epître de saint Jean, I, 57 ; IV, 9.
564
Codex Nazaraeus, vol. II, p. 123.
par tous les Anciens d'Israël 565. Lorsqu'on fait dire à Jésus, parlant du
Temple de Jérusalem, qu'il était la "Maison de son Père", il n'entend parler
en aucune manière de l'édifice physique, qu'il prétend pouvoir détruire et
reconstruire en trois jours, mais bien du Temple de Salomon le sage
cabaliste, qui dit dans ses Proverbes que chaque homme est le temple de
Dieu, ou de son esprit divin. Cette désignation du "Père qui est dans le
secret", est employée aussi bien dans la Cabale, que dans le Codex
Nazaraeus, et ailleurs. Nul n'a contemplé la sagesse cachée dans le
"Cranium" et nul n'a vu "l'Abîme" (Bythos). Simon le Magicien prêchait
"Un Père inconnu de tous" 566.
Nous ne nous arrêterons pas pour discuter tout au long la sainteté toute
spéciale des Chérubins à quatre faces, bien que nous puissions peut-être
démontrer que leur origine se trouve dans toutes les anciennes pagodes de
l'Inde, dans les vâhans (ou véhicules) de leurs dieux principaux ; nous
pourrions également attribuer le respect qu'on leur doit, à la sagesse
cabalistique, bien que l'Eglise s'en défende de toutes ses forces. Mais nous
ne pouvons résister à la tentation de rappeler à nos lecteurs qu'ils n'auront
aucune difficulté pour connaître la signification attribuée à ces Chérubins
565
"Moïse monta avec Aaron, Nadab et Abihu, et soixante-dix anciens d'Israël. Ils virent le Dieu
d'Israël". Exode, XXIV, 9, 10
566
Irénée, Homélies de saint Clément, I, XXII, p. 118.
567
Adv. Hœrs, III, XI, § 8.
s'ils veulent bien prendre la peine de consulter la Cabale. "Lorsque les
âmes vont quitter leur demeure", dit le Zohar, se tenant à la doctrine de la
pré-existence des âmes dans le monde des émanations, "chaque âme paraît
séparément devant le Saint Roi, vêtue d'une forme sublime, sous les traits
avec lesquels elle paraîtra dans ce monde. C'est de cette forme sublime que
procède l'image." (Zohar, III, p. 104). Il poursuit, alors, en disant que les
types ou formes de ces faces sont au nombre de quatre – celles de l'ange ou
homme, du lion, du taureau et de l'aigle." Nous ne serions nullement
étonnés, si, en outre, Irénée n'eût donné plus de poids à son argument en
faveur des quatre Evangiles, en citant le panthéon tout entier des dieux
hindous à quatre bras.
568
[Fragm., LIII-LIV.]
dix émanations d'Adam Kadmon, nommées les Séphiroth, ont des
emblèmes et des titres qui correspondent à chacun d'eux. Ainsi, par
exemple, les deux derniers sont, la Victoire, ou Jéhovah-Sabaoth, dont le
symbole est la colonne de droite de Salomon, la Colonne Jachim ; tandis
que GLOIRE est la colonne de gauche, ou Boaz, dont le nom est "l'Ancien
Serpent", et aussi "Séraphim et Chérubim" 569.
"Le Fils de l'Homme" est un terme qui ne pourrait être employé que par un
cabaliste. Exception faite, ainsi que nous l'avons dit, il n'est employé dans
l'Ancien Testament que par un seul prophète – Ezéchiel le cabaliste. Dans
leurs relations mutuelles et mystérieuses, les Æons ou Sephiroth, sont
représentés dans la Cabale par un grand nombre de cercles, et quelquefois
par la figure d'un HOMME, qui est formé symboliquement par ces mêmes
cercles. Cet homme est Seir-Anpin, et les 243 nombres dont sa figure est
formée ont rapport aux différents ordres de la hiérarchie céleste. L'idée
originelle de cette figure, ou plutôt le modèle, a probablement été
emprunté au Brahmâ hindou, et les différentes castes représentaient les
différentes parties de son corps ; c'est l'opinion de King dans ses Gnostics.
Dans un des plus beaux et des plus grandioses temples-cavernes à Ellora,
dédié à Visvakarma, fils de Brahmâ, on trouve une représentation de ce
dieu et de ses attributs. Pour celui qui est au courant de la description
d'Ezéchiel "de la ressemblance des quatre animaux" dont chacun avait
quatre faces et des mains d'hommes sous les ailes, etc. 570 cette statue
d'Ellora doit paraître absolument biblique. [260] Brahmâ est surnommé le
père de "l'homme" de même que Jupiter et les autres dieux suprêmes.
569
Voyez les Gnostics de King.
570
Ezéchiel, I, 5-7.
Kadmon et aux dix Séphiroth. Neuf de ces émanations sont contenues dans
la dixième, et on les représente, parfois, par des pagodes, dont chacune
porte un nom qui exprime un des principaux attributs de la Divinité
manifestée. Puis, au-dessous, se placent les sept degrés ou sphères célestes,
chaque sphère étant entourée d'une mer. Celles-ci sont les demeures
célestes des devatas, ou dieux, chacun perdant un peu de sa sainteté et de
sa pureté, à mesure qu'il se rapproche de la terre. Ensuite vient Mérou, lui-
même, constitué par des cercles innombrables contenus dans trois plus
grands, qui représentent la trinité de l'homme ; et pour celui qui connaît la
valeur numérique des lettres dans les noms bibliques comme celui de la
"Grande Bête" ou celui de Mithras µὶθρας αβρξας, et d'autres, il est facile
d'établir l'identité des dieux du Mérou avec les émanations ou Sephiroth
des cabalistes. De même les génies des Nazaréens, avec leurs missions
spéciales, se retrouvent dans ce plus ancien des mythes, comme étant une
représentation parfaite du symbolisme de la "doctrine secrète" ainsi qu'elle
était enseignée dans les temps archaïques.
571
Gnostics and their Remains.
572
"Bien que cette science soit généralement considérée comme étant particulière aux Talmudistes
juifs, il est impossible de douter que l'idée vient d'une source étrangère, et cela des Chaldéens, les
fondateurs de l'art magique" dit King, dans ses Gnostics. Les titres Iao et Abraxas, etc., au lieu
d'être des inventions des Gnostiques étaient sans contredit des noms sacrés, empruntés aux plus
anciennes formules de l'Orient. Pline doit y faire allusion lorsqu'il mentionne les vertus attribuées
par les Mages aux améthystes gravées des noms du soleil et de la lune, noms, qui ne sont exprimés
ni en latin ni en grec. Dans le "Soleil Éternel", l' "Abraxas", l' "Adonaï" de ces joyaux nous
reconnaissons les mêmes amulettes ridiculisées par le Pline philosophique (Gnostics, pp. 79-80),
Virtutes (miracles) termes employés par Irénée.
L'ensemble est entouré de Mahâ-Samudra ou grande mer – la lumière
astrale et l'éther des cabalistes et des savants ; et à l'intérieur des cercles
intérieurs, apparaît "la forme d'un homme". C'est l'Achamoth des
Nazaréens, l'unité double, ou l'homme androgyne ; l'incarnation divine, et
la représentation parfaite de Seir-Anpin (la courte face), le fils de Arikh-
Anpin (la longue face) 573. Cette ressemblance est représentée aujourd'hui
dans beaucoup de lamaseries par Gautama-Bouddha, le dernier des avatars
incarnés. Plus bas encore, au-dessous du Mérou, se trouve la demeure du
grand Nâga, appelé Raja Naga, le roi-serpent – le serpent de la Genèse,
l'Ophis des Gnostiques – et la déesse de la terre, Bhumây Nari, ou Yami,
qui accompagne le grand dragon, car c'est Eve "la mère de tous les
vivants". Plus bas encore se trouve la huitième sphère, les régions
infernales. Les régions supérieures de Brahmâ sont entourées du soleil, de
la lune et des planètes, les sept stellaires des Nazaréens, et tels qu'ils sont
décrits dans le Codex.
573
Ainsi nommées pour distinguer la face courte, qui est extérieure, "de l'Ancien sacré et vénérable"
(Idra Rabba, III, 36 ; v. 54). Seir-Anpin est "l'image du Père". "Celui qui m'a vu, a vu le Père"
(Jean, XIV, 9).
574
Codex Nazaraeus, vol. I, p. 55.
575
Codex Nazaraeus, vol. III, p. 61.
que jamais le Mahâdeva, le dieu suprême, on reconnaît un à un les
attributs et les emblèmes consacrés au "Seigneur Dieu" judaïque, dans
ceux de Siva. La pierre de Binlang 576, consacrée à cette divinité hindoue,
est une pierre brute, comme celle de Bethel, consacrée par le patriarche
Jacob, et qu'il éleva "comme un pilier" ; de même que celle-ci le Binlang
est oint. Nous croyons inutile de rappeler que le linga, l'emblème consacré
à Siva, dont les temples sont construits pour en représenter la forme, est
identique quant à la forme, signification et objet, aux "piliers" élevés par
les divers patriarches, pour signaler leur adoration du Seigneur Dieu. On
pourrait, de fait, promener une de ces pierres patriarcales dans les
processions de Siva à Calcutta, sans que son origine hébraïque soit
suspectée. On représente parfois les quatre bras de Siva munis
d'appendices en forme d'ailes ; il a trois yeux et un quatrième dans le
croissant, qu'il a obtenu en barattant l'océan, de même que Pâncha Mukha
Siva a quatre têtes.
576
Cette pierre, de nature spongieuse se trouve à Narada, et il est rare de la rencontrer ailleurs.
577
Saint Jean a un aigle à ses côtés ; saint Luc un taureau ; saint Marc un lion ; et saint Matthieu un
ange – le quaternaire cabalistique du Tarot Egyptien.
leurs Evangiles respectifs de la Vulgate Romaine et des Bibles Grecques.
[263]
Sanchoniaton nous dit que le grand dieu des Phéniciens, Taautus ayant
fait l'image d'Ouranus, représenta aussi les attitudes des dieux Cronus et
Dagon, et les caractères sacrés des éléments. "Il dessina aussi pour Cronus
l'emblème de son pouvoir royal, ayant quatre yeux par-devant, et par
derrière, deux de ceux-ci fermés comme pendant le sommeil ; et sur les
épaules quatre ailes, deux déployées comme dans le vol, et deux en
position de repos. Et le symbole était que Cronus pendant son sommeil
veillait, et reposait tout en étant éveillé. De la même manière, en ce qui
concerne les ailes qu'il volait en se reposant et pourtant se reposait en vol."
578
[Cf. Cory, Anc. Fragm., p. 13, éd. 1832.] Voyez Matter à ce sujet, Hist. crit. de Gnosticisme.
579
Voir le Livre de Daniel, V, II.
direct de la loi et des prophètes ; un des noms de Saturne était Israël, et
nous ferons voir, par la suite, son identité jusqu'à un certain point avec
Abram, identité à laquelle Movers 580 et d'autres ont déjà fait allusion. Ne
nous étonnons donc pas si Valentinus, Basilide et les Gnostiques Ophites
plaçaient la demeure de leur Ilda-Baoth, destructeur en [264] même temps
que créateur, dans la planète Saturne ; car c'était lui qui dictait la loi dans
le désert et parlait par les prophètes. Si nous désirons de plus amples
preuves, nous les trouvons dans la Bible canonique elle-même. Dans
"Amos" le "Seigneur" répand les flots de sa colère sur le peuple d'Israël. Il
refuse leurs holocaustes et n'écoute point leurs prières, mais il demande à
Amos : "M'avez-vous fait des sacrifices et des offrandes pendant les
quarante années du désert, maison d'Israël ?" Mais vous avez emporté la
tente de votre roi Moloch, et Chiun vos idoles, l'étoile de votre Dieu." (V.
25 – et non – 26.) Et qui sont Moloch et Chiun, sinon Ball, Saturne, Siva,
et Chiun, Kivan, le même Saturne, dont les Israélites avaient façonné
l'étoile ? Il n'y a pas à dire, toutes ces divinités sont les mêmes.
580
[Die Phönizier, vol. I, pp. 396 et seq.]
581
Ahriman, la création de Zoroastre, est ainsi nommée par haine des Arias ou Aryas, les
Brahmanes contre lesquels les Zoroastriens s'étaient révoltés. Zoroastre, bien qu'un Arya lui-même
(un noble, un sage), comme dans le cas des Dévas qu'il rabaissa de dieux à la position de diables,
n'hésita pas de donner à ce type d'esprits du mal, le nom de ses ennemis les Aryas-Brahmanes.
Toute la lutte entre Ahura-Mazda et Ahriman, n'est que l'allégorie de la grande guerre religieuse et
politique entre le Brahmanisme et le Zoroastrianisme.
Sosiosh. Il vient sur un coursier blanc et suivi par une armée de bons
génies, également montés sur des chevaux blancs 582. Et nous voyons cela,
fidèlement reproduit dans l'Apocalypse : "Puis je vis le ciel ouvert, et voici,
parut un cheval blanc. Celui qui le montait s'appelle fidèle et véritable...
Les armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs."
(Apocalypse, XIX, II, 14.). Sosiosh, lui-même, n'est qu'une permutation
ultérieure persane du Vichnou hindou. [265] On voit encore aujourd'hui
dans le temple de Rama l'image de ce Dieu, le représentant comme le
Sauveur, le "Préservateur" (l'esprit préservant de Dieu). L'image le
représente dans sa dixième incarnation – celle de l'Avatar Kalki qui est
encore à venir – sous la forme d'un guerrier armé, monté sur un cheval
blanc. Il brandit au-dessus de sa tête le glaive [de la] destruction, et tient
un disque de l'autre main, fait d'anneaux enroulés les uns dans les autres,
emblème de la révolution des cycles très longs 583, car Vichnou doit
apparaître ainsi à la fin du Kaliyuga qui correspond à la fin du monde de
nos Adventistes. "De sa bouche sortait une épée aiguë... sur sa tête étaient
plusieurs diadèmes." (Apocalypse, XIX, 12-15). On représente souvent
Vichnou avec plusieurs couronnes superposées. "Et je vis un ange qui se
tenait dans le soleil."(id. 17). Le cheval blanc est le cheval du soleil 584.
Sosiosh, le Sauveur Persan est également né d'une vierge, et à la fin des
temps il doit revenir comme un Rédempteur pour sauver le monde, mais il
sera précédé de deux prophètes qui annonceront sa venue 585. Voilà
pourquoi les Juifs qui ont eu Moïse et Elie, attendent maintenant la venue
de leur messie. "Puis vient alors, la résurrection générale, quand les bons
seront immédiatement transférés dans ce séjour bienheureux – la terre
régénérée ; et Ahriman et ses anges (les démons) 586, et les méchants seront
purifiés en se plongeant dans un lac de métal fondu... Tous jouiront alors
de la félicité éternelle, et guidés par Sosiosh, ils chanteront éternellement
les louanges de l'Eternel." 587.
582
Nork, Bibl. Mythol., II, 146.
583
Le Rév. M. Maurice estime que cela se réfère également aux cycles.
584
Dunker, Geschichte der Alterthums, II, p. 368.
585
Voir la traduction du Zend Avesta, dans les Gnostics du King.
586
Les devas ou diables des Iraniens contrastent avec les dévas ou divinités de l'Inde.
587
J.F. Kleucker, Zend. Avesta Bundahish, § XXXI.
demeures infernales, où, après s'être purifiés, ils seront pardonnés – même
les diables qui se révoltèrent contre Brahmâ, et qui furent précipités par
Siva dans le gouffre sans fond, et les "bienheureux" iront séjourner avec
les dieux au-dessus du mont Mérou 588.
Maintenant que nous avons fait voir la ressemblance entre les notions
du Logos, du Métatron et du Médiateur, telles que nous les trouvons dans
la Cabale et le Codex des Nazaréens et des Gnostiques Chrétiens, le
lecteur est préparé à apprécier l'audace [266] des formules Patristiques
pour réduire une simple figure métaphysique à une forme concrète, et la
faire apparaître comme si le doigt de la prophétie avait signalé Jésus
comme le Messie attendu, depuis des siècles innombrables. Un théomythos
qui devait symboliser les temps à venir, vers la fin du grand cycle, où la
"bonne nouvelle" céleste proclamerait la fraternité universelle, et la
religion commune de l'humanité entière le jour de la régénération – fut
complètement dénaturé en le présentant comme un fait accompli.
"Pourquoi dis-tu que je suis bon ? Nul n'est bon sinon Dieu seul", dit
Jésus (Matth. XIX, 17). Est-ce là le langage d'un Dieu ? de la seconde
personne de la Trinité qui est égale à la première ? Et si ce Messie, ou
Saint-Esprit des Trinités Gnostiques et Païennes était venu en personne,
que voulait-il dire en établissant une distinction entre lui, le "Fils de
l'Homme" et le Saint-Esprit ? "Et quiconque parlera contre le Fils de
l'homme, il lui sera pardonné ; mais à celui qui blasphèmera contre le
Saint-Esprit il ne sera point pardonné 589" dit-il. Comment, alors, expliquer
l'étonnante identité de ce langage avec celui des préceptes, énoncés bien
des siècles auparavant par les Cabalistes et les initiés "païens" ? Voici
quelques exemples, pris parmi beaucoup d'autres.
"Aucun des dieux, aucun homme ou seigneur, n'est bon, sinon Dieu
seul", dit Hermès 590.
588
Origène maintenait fermement que la doctrine du châtiment éternel était erronée. Il prétendait
qu'à la seconde venue du Christ même les diables qui figurent au nombre des damnés seraient
pardonnés. La damnation éternelle est une invention chrétienne ultérieure. [De principiis, I, V ; II,
X ; III, VI.]
589
Saint Luc, XII, 10.
590
Hermès Trismégiste, VI, 55.
Six siècles avant le Christ, Confucius, le philosophe chinois, disait que
sa doctrine était simple et aisément compréhensible (Lûn-yû. Chap. 5, §
15). A quoi un de ses disciples ajoutait : "La doctrine de notre Maître
consiste à faire preuve d'une correction de cœur invariable, et en faisant à
autrui ce que nous voudrions qu'ils nous fassent 592."
Ce n'est pas faute d'exemples que nous en restons là, mais simplement
parce que ce que nous venons de dire a été dit et répété bien souvent avant
nous. Mais il n'y a pas de mal plus incurable que le fanatisme aveugle et
irraisonné. Peu d'hommes ont le courage d'écrire, comme le Dr Priestley :
"On ne voit rien de divin attribué au Christ, avant Justin martyr (ap. J. C.
14) qui de philosophe qu'il était, devint chrétien 598."
Mahomet parut près de six cents ans 599 après le soi-disant déicide. Le
monde gréco-romain était encore sous le coup des dissensions religieuses,
591
Platon, Protagoras, § 84.
592
Pauthier, La Chine, 11, 375.
593
Actes, II, 22.
594
Jean, I, 6.
595
Ibidem, 30.
596
Jean, VIII, 40.
597
Ibidem, IX, 11.
598
Priestley, History of Early Christianity, p. 2, Sect. 2.
599
Mahomet naquit en l'an 571 de notre ère.
s'opposant à tous les édits impériaux antérieurs et la christianisation forcée.
Tandis que le Concile de Trente discutait au sujet de la Vulgate, l'unité de
Dieu l'emporta sur la trinité et bientôt les Mahométans furent plus
nombreux que les Chrétiens. Pourquoi ? Parce que leur prophète ne
chercha jamais à se faire passer pour Allah. Autrement, nous le disons sans
crainte, il n'eût pas vécu pour voir triompher sa religion. Le Mahométisme
a fait jusqu'à ce jour, et fait encore plus de prosélytes que le Christianisme.
Le Bouddha Siddhârtha vint comme un simple mortel, des siècles avant le
Christ, son éthique religieuse dépasse encore aujourd'hui en beauté morale,
tout ce qu'avaient rêvé les Tertullien et les Augustin.
600
J.M. Peebles, Jesus-Man, Myth. or God, etc., 1870, note p. 86.
Gentils – et qui consiste à avoir des relations avec la femme de son père" ;
et de se rendre coupables de débauches et d'ivrognerie sous prétexte
d'assister à la "Sainte Cène"(I Corinthiens, V, 1), la profession du nom du
Christ a été plutôt un prétexte que la preuve de sentiments religieux.
Toutefois la véritable interprétation de ce verset est la suivante : "On
entend dire qu'il y a généralement parmi vous de l'impudicité et une telle
impudicité qu'elle ne se rencontre pas même chez les païens ; c'est au point
que l'un de vous a la femme de son père ou l'a épousée." On croirait que
l'influence persane a dicté ce langage. Cette pratique n'existait "nulle part
dans aucune nation", sauf en Perse, où elle passait pour fort méritoire. De
là les récits juifs d'Abraham épousant sa sœur, Nahor, sa nièce, Amram la
sœur de son père et Judah la veuve de son fils, dont les enfants étaient
légitimes. Les tribus aryennes ne voulaient que des mariages endogames,
tandis que les Tartares et toutes les nations barbares voulaient que les
unions fussent exogames.
Quant aux autres apôtres dont les noms figurent à l'entête des
Evangiles – nous ne pouvons certes pas croire à leur véracité, lorsque nous
les voyons attribuer à leur Maître des miracles entourés de circonstances
relatées, sinon dans les plus anciens livres de l'Inde, du moins dans ceux
qui précédèrent l'époque du christianisme, suivant la phraséologie même
des traditions. Lequel d'entre nous, aux jours de son aveugle et simple
crédulité, n'a pas été frappé par le touchant récit, donné dans les Evangiles
selon Marc et Luc, de la résurrection de la fille de Jaire ? Lequel de nous a
douté de son originalité ? Et cependant, cette histoire elle-même est copiée,
d'un bout à l'autre, dans le Hari-vansha, et fait partie des miracles attribués
à Christna 601. Nous la donnons d'après la version française :
601
Le personnage appelé Christna par Mme Blavatsky n'est autre que le Krishma de la Bhaghavad
Gîtâ (N.D.E.).
"Le Roi Angashuna fit célébrer en grande pompe les
fiançailles de sa fille, la belle Kalavatti, avec le jeune fils
de Vamadeva, le puissant Roi d'Antarvédi, nommé
Govinda.
Mais, pendant que Kalavatti jouait sous les bosquets avec
ses compagnes, elle fut mordue par un serpent et mourut.
Antharveda déchira ses vêtements, couvrit sa tête de
cendres, et maudit le jour où il était né !
Tout à coup, une grande rumeur s'éleva dans le palais, et
on entendit les cris, mille fois répétés de : Pashya
pitaram ; pashya gurum ! Le Père, le Maître ! Puis
Christna s'approcha en souriant, s'appuyant sur le bras
d'Arjouna...
... Maître ! s'écria Angashuna, se jetant à ses pieds, et les
mouillant de ses larmes ! Vois, ma pauvre fille ! et il lui
montrait le corps de Kalavatti, étendu sur une natte...
Pourquoi pleures-tu ? répliqua Christna de sa douce voix.
Ne vois-tu point qu'elle dort ? Ecoute le bruit de sa
respiration, tel le soupir de la brise nocturne qui frémit
dans les feuilles des arbres. Vois, ses joues reprennent
leur couleur, ses yeux, dont les paupières tremblent
comme si elles allaient s'ouvrir ; ses lèvres tressaillent
comme si elles allaient parler ; je te dis qu'elle dort ; et
vois, elle remue, Kalavatti ! lève-toi et marche !
A peine Christna avait-il parlé, que la respiration, la
chaleur, le mouvement et la vie revinrent petit à petit,
dans le cadavre, et la jeune fille, obéissant à l'ordre du
demi-dieu, se leva de sa couche et retourna vers ses
compagnes. Mais la foule émerveillée s'écria : Celui-ci
est un dieu, puisque, pour lui, la mort n'est pas plus que
le sommeil 602". [270]
602
Traduit par Jacolliot du Hari-vansha : Christna et le Christ, pp. 300-01.
elles les conceptions les plus abracadabrantes du paganisme. Afin de croire
à un Dieu les Chrétiens ont cru nécessaire de le tuer, afin d'avoir, eux-
mêmes, la vie !
Ecoutez ce que dit Vyasa, le poète panthéiste de l'Inde, qui d'après les
preuves réunies par les savants, a dû vivre, ainsi que le dit Jacolliot, il y a
quelque quinze mille ans, au sujet de la Mâyâ, l'illusion des sens :
"Les dogmes religieux ne servent qu'à obscurcir
l'intelligence de l'homme... Le culte des Divinités, sous
l'allégorie desquelles se cache le respect des lois
naturelles, éloigne la vérité au profit des plus basses
superstitions."
(Vyasa-Maya) 604.
603
Clément, Strom, V, 14, § 110. Traduction publiée dans Supernatural Religion, vol. I,. 76.
Il était donné au Christianisme de nous dépeindre le Dieu Tout-
Puissant d'après le modèle de l'abstraction cabalistique de "l'ancien des
Jours". D'après les vieilles fresques sur les plafonds des cathédrales ;
d'après les Missels catholiques et d'autres icônes et images, nous le voyons
aujourd'hui représenté par le pinceau, artistique de Gustave Doré.
L'imposante majesté de Celui qu'aucun païen n'avait osé portraiturer sous
une forme concrète, figure dans notre siècle, dans la Bible Illustrée de
Gustave Doré. Marchant sur [271] les nuées qui flottent dans l'espace, les
ténèbres et le chaos derrière lui, et le monde sous ses pieds, nous voyons
un majestueux vieillard, ramenant de sa main gauche ses robes qui traînent
autour de lui et la droite levée dans un geste de commandement. Il vient de
prononcer le Verbe et un flot de Lumière – la Shékinah – s'échappe de sa
personne altière. Cette conception poétique, en tant que composition, fait
honneur à l'artiste, mais honore-t-elle Dieu ? Le chaos derrière Lui, vaut
mieux que la figure elle-même, car là, du moins, nous voyons un mystère
solennel. Quant à nous, nous lui préférons le silence des anciens païens.
Avec une telle représentation grossière, anthropomorphe et, à notre avis,
sacrilège de la Cause Première, faut-il s'étonner de l'extravagance
iconographique des représentations du Christ Chrétien, des apôtres et des
saints putatifs ? Pour les catholiques, saint Pierre devient tout
naturellement le concierge du Ciel, assis à la porte du royaume céleste et
faisant office de contrôleur des billets vers la Trinité !
Pendant un conflit religieux qui eut lieu dernièrement dans une des
provinces Hispano-Américaines, on trouva sur les cadavres de quelques
victimes, des passeports signés par l'Evêque du diocèse, et adressés à saint
Pierre, en l'enjoignant "d'admettre le porteur en qualité de véritable fils de
l'Eglise." On reconnut, par la suite, que ces curieux documents avaient été
reçus par ses paroissiens du prélat catholique, juste avant d'aller au combat
à l'instigation de leurs prêtres.
604
[La Genèse de l'humanité, p. 339, Paris 1873.]
frappante avec l'Evangile selon saint Jean" des passages entiers de
l'ouvrage Le Pasteur d'Hermas, qui sont des phrases complètes empruntées
à la littérature cabalistique ? "Le point de vue d'Hermas au sujet de l'œuvre
et de la nature du Christ n'est pas moins en harmonie avec la doctrine
apostolique, et il offre une analogie frappante avec l'Evangile selon saint
Jean... Il [Jésus] est un "Rocher plus haut que les montagnes, capable de
soutenir le monde entier, ancien et cependant avec une porte nouvelle... Il
est plus vieux que la création, de sorte qu'il prit conseil du Père au sujet de
la création qu'il fit... Personne ne peut arriver jusqu'à lui, sinon par son
Fils 605." [272]
"Dieu, dit Hermas 606, planta une vigne, c'est-à-dire qu'Il créa le peuple
et le donna à Son Fils ; et le Fils... lava, lui-même, leurs péchés, etc." ;
c'est-à-dire, que le Fils les lava dans son sang, en commémoration de quoi
les chrétiens boivent du vin dans la communion. Dans la Cabale, nous
voyons que l'Ancien des Anciens, ou la longue Face planta un vignoble
qui représente l'humanité ; et une vigne qui signifie la Vie. Nous voyons,
par conséquent, que l'Esprit du "Messie-Roi" lave ses vêtements dans le
vin d'en haut, dès la création du monde 607. Adam, ou A-Dam, c'est le
"sang". La vie de la chair est dans le sang (nephesh – l'âme), (Lévitique,
XVII). Et Adam-Kadmon est le Fils Unique. Noé, aussi, plante un
vignoble – la serre chaude allégorique de l'humanité future. Nous le
voyons reproduit dans le Codex des Nazaréens, comme la conséquence de
l'adoption de cette même allégorie. Sept vignes sont procréées, qui naissent
605
Cet ouvrage Le Pasteur d'Hermas n'existe plus aujourd'hui, mais paraît seulement dans la
Stichométrie de Nicéphora ; on le considère aujourd'hui comme apocryphe. Mais du temps d'Irénée
on l'accueillait comme une Ecriture Sainte (voir Sup. Religion, vol. I, p. 257) par les Pères qui le
tenaient pour une inspiration divine, et qu'on lisait publiquement dans les églises (Irénée, Adv. Haer.
IV, 20). Lorsque Tertullien devint un montaniste il le rejeta, après avoir affirmé son origine divine
(Tertullien, De Orat., chap XVI).
606
[Hermas, Similitude, V, § 6.]
607
Zohar, comm. sur la Genèse, XI, 10.
de Kabar Ziva, et Ferho (ou Parcha) Raba les arrose 608. Lorsque les
Bienheureux remonteront parmi les créatures de Lumière, ils verront Iavar-
Zivo, Seigneur de la VIE, et la Première VIGNE ! 609. Ces métaphores
cabalistiques se répètent tout naturellement dans l'Evangile de saint Jean
(XV, 1) : "Je suis le vrai cep et mon Père est le vigneron." Dans la Genèse
(XLIX), on fait dire à Jacob mourant : "Le sceptre ne s'éloignera point de
Juda [le jeune lion] ni le bâton souverain d'entre ses pieds, jusqu'à ce que
vienne Shiloh... Il attache à la vigne son âne et au meilleur cep le petit de
son ânesse ; il lave dans le vin son vêtement et dans le sang des raisins son
manteau." Shiloh c'est le "Messie-Roi" de même que dans Ephraïm, Shiloh
devait être la capitale et l'emplacement du sanctuaire. Dans le Targum
d'Onkelos, le Babylonien, les paroles de Jacob se lisent : "Jusqu'à ce que
vienne le Messie Roi". La prophétie n'a été accomplie ni dans le sens
chrétien ni dans le cabalistico-juif. Le sceptre a été retiré [273] à Juda, que
le Messie soit déjà venu ou qu'il doive encore venir, à moins que nous ne
croyions, avec les cabalistes, que Moise était le premier Messie, qui
transféra son âme à Josué-Jésus 610.
608
Codex Nazaraeus, vol. III, p. 60-61.
609
Ibidem, vol. II, p. 281 ; vol. III, p. 59.
610
Rappelons au lecteur, à ce sujet, que Josué et Jésus sont un seul et même nom. Dans les Bibles
slaves on fit Jessus (ou Jesus) Navin, pour Jésus.
611
Idrah Rabbah, vol. III, § 41 ; le Zohar.
612
Khabbala Denudata, vol. II, p. 230 ; Book of the Babylonian Companions, p. 35.
porte du jardin d'Odan (Eden). Il se révèlera dans le pays de Galil 613,
lorsqu'il aura "donné satisfaction pour les péchés d'Israël, il les mènera par
la nouvelle porte jusqu'au siège du jugement" 614. Le trône est préparé pour
le Seigneur de Splendeur, au Portail de la Maison de la Vie 615."
Pendant les mystères des Anthesteria, à Limnœ (les lacs) les Mystœ,
après l'usuel baptême par la purification de l'eau, passaient par une autre
porte, particulièrement employée à cet effet, et qu'on nommait "la porte de
Dionysos" et porte des "purifiés".
613
Zohar Ex., p. 11.
614
Midrash Hashirim, Rabbi Akaba, Midrash Koheleth, vol. II, p. 45.
615
Codex Nazaraeus, vol. III, p. 60.
616
On the Canon, p. 178 et suiv.
617
Ottomasticon de Norberg. vol. II, p. 57 ; Sod the Son of the Man.
618
Preller, vol. 1, p. 484 ; K.-O. Muller, History of Greek Literature, p. 238 ; Movers, p. 553.
619
Zohar, vol. I, fol. 25.
Dans les Védas, Brahma prend conseil de Parabrahman, au sujet de la
meilleure manière pour procéder à la création du monde.
620
Simil, vol. IX, p. 12 ; Supernatural Religion, vol. I, p. 257.
621
Marc, XIII, 32.
Apôtre, car il déclare [interprète] tout ce que nous devrions savoir et il a
été envoyé pour déclarer tout ce qui est révélé" 622.
622
Apolog, vol. I, p. 63.
623
Idrah Rabbah, X, p. 177.
624
Codex Nazaraeus, vol. I, p. 23.
625
Philon le Juif dit que le Logos est l'interprète du plus haut Dieu, et argue, "qu'il doit être le Dieu
de nous autres êtres imparfaits" (Leg. Alleg., III, § 73). Suivant lui, l'homme ne fut pas créé à
l'image du Dieu Suprême, le Père de tous les êtres, mais à celle du second Dieu, qui est son Verbe –
Logos. (Philon le Juif, Fragments ; ex. Euseb, Praepar. Evang., VII, 13.)
626
Codex Nazaraeus, p. 57.
627
Hundert und eine Frage, p. XVII ; Dunlap, Sod the Son of the Man, p. 87. L'auteur qui cite Nork,
dit que certaines parties du Midrashim et du Targum d'Onkelos, sont antérieures au Nouveau
Testament.
de l'Ancien Testament, sans parler des questions plus embarrassantes de la
métaphysique grecque, nous paraît aujourd'hui déplorable. "Ainsi, par
exemple, dans Matthieu XXVIII, 9, et suivants, le passage de Zacharie,
XI, 12, 13 est attribué à Jérémie" dit l'auteur de Supernatural Religion.
"Dans Marc, I, 2, une citation de Malachie, III, 1, est attribuée à Esaïe.
Dans la première aux Corinthiens, II, 9, un passage mentionné comme tiré
des Saintes Ecritures, qui ne se trouve nulle part dans l'Ancien Testament,
mais qui est tiré, ainsi que l'affirment Origène et saint Jérôme, d'un
ouvrage apocryphe, la Révélation d'Elie 628, est aussi mentionné par la
prétendue Epître de Clément aux Corinthiens (XVI, 8). On peut juger, de
la créance qu'il faut accorder aux Pères de l'Eglise dans leurs expositions
des diverses hérésies par le cas d'Epiphane, qui prit la Tétrade sacrée de
Pythagore, nommée Kol-Arbas dans la Gnose valentinienne, pour un chef
hérétique 629. Que devons-nous penser des bévues involontaires, et des
falsifications délibérées des enseignements de ceux dont les doctrines
différaient des leurs ; la canonisation de l'Aura-Placida (douce brise)
mythologique, en une paire de martyres chrétiennes sainte Aura et sainte
Placide 630 ; la déification d'un javelot et d'un manteau sous les noms de
saints Longinus et Amphibolus 631 ; et les citations patristiques des
prophètes, qui ne se trouvent dans aucun des prophètes ; on est en droit de
se demander avec effarement si la prétendue religion du Christ a jamais été
autre chose qu'un rêve incohérent depuis le jour de la mort du Grand
Maître.
628
Apocalypsis Eliæ dans Origène, Comment. in Matthæum, tome X, p. 465.
629
Traitant de Ptolémée et d'Héracléon l'auteur du Supernatural Religion s'exprime comme suit :
"L'inexactitude des Pères va de pair avec leur manque de jugement critique", puis il met en relief la
bévue particulièrement ridicule commise par Epiphane en commun avec Hippolyte, le pseudo
Tertullien et Philostrius. "Confondant un passage d'Irénée (Adv. Haer, I, 14), au sujet de la Tétrade
Sacrée (Kol-Arbas) de la Gnose valentinienne, Hippolyte suppose qu'il veut parler d'un autre chef
hérétique". II traite alors la Tétrade comme un chef nommé Colarbasus et, après avoir discuté les
doctrines de Secundus, de Ptolémée et d'Héracléon, il se fait fort (§ 5) de démontrer quelles étaient
les opinions professées par Marcus et Colarbasus, ces deux, à son avis étant les successeurs de
l'école de Valentin (cf. Bunsen, Hippolytus und seine Zeit, p 54 et suiv., 1852).
630
Voir Godf Higgius, Anacalypsis, 11, p 85.
631
Inman, Ancient Pagan and Modern Christian Symbolism, p. 84.
Nous constatons l'acharnement des saints Pères de l'Eglise dans la
persécution des prétendues "hérésies" 632, au point [277] qu'ils ne se gênent
pas pour dire les plus grossiers mensonges, ou inventer des récits de toutes
pièces, afin de convaincre les ignorants par des arguments qui autrement
auraient manqué de poids. Si la bévue au sujet de la Tétrade n'avait été que
la simple conséquence d'une erreur non préméditée d'Hippolyte, les
explications d'Epiphane et d'autres qui tombèrent dans la même absurde
erreur auraient moins un caractère d'innocence. Lorsque Hippolyte
dénonce sérieusement la grande hérésie de la Tétrade, Kol-Arbas, en disant
que le chef gnostique imaginaire s'appelle "Colarbasus qui prétend
expliquer la religion au moyen de mesures et de nombres" 633, nous ne
pouvons que sourire. Mais lorsque Epiphane, avec grande indignation,
renchérit sur ce thème "qui est l'Hérésie XV" et, prétendant être
parfaitement au courant du sujet ajoute : "Un certain Héracleon suit les pas
de Colarbasus : ce que constitue l'Hérésie XVI 634" il s'expose à ce qu'on
l'accuse de falsification délibérée.
Si ce Chrétien zélé, se glorifie sans rougir d'avoir "fait exiler, par ses
informations, soixante-dix femmes de rang, par les séductions de
quelques-unes desquelles il avait été entraîné à faire partie de leur secte", il
nous fournit un excellent critère pour le juger. C. W. King remarque, fort à
propos, à ce sujet, qu'on peut avec raison soupçonner que ce digne apostat
se sauva, dans ce cas, du sort réservé à ses compagnons en religion, en
dénonçant ses complices, à l'ouverture même de la persécution 635.
C'est ainsi, qu'un à un, périrent les Gnostiques, les seuls qui héritèrent
de quelques bribes de la vérité non adultérée du Christianisme primitif.
Tout était confusion et désordre dans ces premiers siècles, jusqu'à ce que
finalement tous ces dogmes contradictoires furent imposés au monde
chrétien et tout examen prohibé. Pendant de longs siècles ce fut un
sacrilège punissable par des peines les plus sévères, voire même la mort,
que de chercher à comprendre ce que l'Eglise avait, si à propos, élevé au
632
"Cette absurde erreur", ajoute l'auteur de Supernatural Religion, Vol. II, p. 218, "prouve
combien peu ces auteurs connaissaient les Gnostiques au sujet desquels ils écrivaient, et combien
aussi les uns suivaient les autres avec ignorance."
633
Ref. Omn. Haer., IV, § 13.
634
Epiph., Hær, XXXIV, § 1, p 262 (cité dans Supernatural Religion). Voir Die Colarbasus Gnosis
de Volkmar dans le Zeitschr. Hist. Theol. de Niedner.
635
Gnostics and their Remains, p. 182 et suiv., note 3.
rang de mystère divin. Depuis lors les critiques bibliques ont pris sur eux
de "remettre de l'ordre dans la maison" et les rôles ont été renversés. Les
créanciers païens accourent maintenant de toutes parts pour réclamer leur
dû et on commence à soupçonner la théologie chrétienne de banqueroute
totale. Tel est le triste résultat du fanatisme des sectes "orthodoxes"
lesquelles, pour nous servir d'une expression de l'auteur du The Decline
and Fall of the Roman Empire, ne furent jamais comme les Gnostiques
"les plus polies, les plus [278] savantes et qui méritaient le mieux le nom
de Chrétiennes". Et si tous ne "sentaient pas l'ail", ainsi que le dit Renan,
aucun de ces saints Chrétiens n'auraient hésité à verser le sang de ses
voisins, si les opinions de ceux-ci ne s'accordaient pas avec les siennes.
De cette manière tous nos philosophes furent emportés par les masses
ignorantes et superstitieuses. Les Philalèthes, les amants de la vérité, et
leur école éclectique, périrent ; et là où la jeune Hypatie enseigna les plus
sublimes doctrines philosophiques ; là où Ammonius Saccas expliqua que
"tout ce que le Christ avait en vue était de rétablir et de restaurer dans son
intégrité primitive, la sagesse des anciens – de mettre une limite au
domaine grandissant de la superstition... et de détruire les erreurs qui
s'étaient implantées dans les religions populaires 636", là, délirèrent
abondamment les πολλοι du Christianisme. Plus de préceptes de la bouche
du "Philosophe instruit par Dieu", mais, en revanche, d'autres préceptes
exposés par l'incarnation de la plus cruelle et diabolique superstition.
"Si ton père", écrit saint Jérôme, "se couche en travers de ta porte, si ta
mère découvre, à tes yeux, le sein qui t'a nourri, foule aux pieds le corps
inanimé de ton père ; foule aux pieds le sein de ta mère, et, sans une larme
dans les yeux, cours vers le Seigneur qui t'appelle !!" 637.
Cette phrase égale, si elle ne rivalise pas avec cette autre, prononcée
dans le même esprit. Elle émane d'un autre père de l'Eglise primitive,
l'éloquent Tertullien, qui voudrait voir tous les "philosophes", brûlant dans
le feu de l'Enfer. "Combien grandiose sera cette scène ! combien j'en rirai !
combien m'en réjouirai-je ! Quel sera mon triomphe lorsque je verrai tant
de rois illustres, qu'on dit avoir atteint le ciel, gémissant avec Jupiter, leur
dieu, dans les sombres régions de l'Enfer ! C'est alors que les soldats qui
636
Mosheim, An Eccles. Hist., Dublin 1767.
637
[Epistola, XIV ; Ad Heliodorum Monachum, § 2.]
ont persécuté le nom du Christ brûleront dans un feu plus cruel que celui
qu'ils ont allumé pour le supplice des saints" 638.
638
Tertullien, Despectœ, ch. XXX.
[281]
CHAPITRE VI
—
LES DOCTRINES ESOTERIQUES DU BOUDDHISME
PARODIEES DANS LE CHRISTIANISME
639
Socrate Scholasticus. Eccl. Hist., livre I, ch. IX.
640
Ibid., I, VIII.
641
[Fabricius, Bibl. Græca, "Synodus Nicæna".]
le pan de la robe, mais toute décision vient de l'Eternel" 642 ; aujourd'hui
leurs héritiers directs prétendent que "toute décision vient du Diable". Ils
commencent, probablement, à endosser inconsciemment, la doctrine du
Bardesane syriaque que les actions de Dieu, de même que celles des
hommes sont sujettes à la nécessité ?
Ce fut sans doute aussi, la nécessité qui fit que la populace des
chrétiens disposa si sommairement des Néo-platoniciens. On avait oublié,
à cette époque, si jamais elles avaient été connues sinon par quelques rares
philosophes, les doctrines des naturalistes hindous et des Pyrrhonistes
antédiluviens ; et Darwin, et ses découvertes modernes, n'avaient même
pas été mentionnés dans les prophéties. [283] Dans ce cas la loi de
survivance, des plus aptes s'est trouvée renversée ; les Néo-Platoniciens
étaient voués à la destruction, du moment où ils se mirent ouvertement du
côté d'Aristote.
642
Proverbes, chap. XIV, 33. On se servait, dans les temples d'Egypte, de Grèce, et chez les
Israélites, pour ce genre d'oracle, de bâtonnets et de boules qu'on nommait "lots divinatoires sacrés".
Suivant les figures formées par la juxtaposition accidentelle de ces objets, le prêtre interprétait la
volonté du dieu.
643
[d'Alexandrie.]
l'éloquence, et dont l'autorité, basée sur des superstitions mesquines, devait
s'incliner devant celle d'Hypatie qui était édifiée sur le roc immuable de la
loi naturelle. Nous pouvons nous étonner que Cave, l'auteur des Lives of
the Fathers, trouve incroyable que Cyrille ait pu sanctionner le meurtre
d'Hypatie, étant donné son "caractère général". Un saint, capable de vendre
la vaisselle d'or et d'argent de son église, et de mentir comme il le fit,
pendant son procès, après avoir dépensé l'argent, prête le flanc à tout
soupçon 644. En outre, dans le cas présent, l'Eglise avait à lutter pour la vie,
sans parler de sa suprématie future. Seuls, les savants et érudits païens tant
détestés et les non moins érudits gnostiques, tenaient dans leurs doctrines
les fils, jusqu'alors cachés, de tous ces pantins théologiques. Une fois le
rideau levé, la relation entre l'ancienne religion païenne et la nouvelle
religion chrétienne était dévoilée ; et alors, qu'adviendrait-il des mystères
qu'il était péché et blasphème de chercher à pénétrer ? Avec la coïncidence
des allégories astronomiques de divers mythes païens, et des dates
adoptées par le Christianisme pour la nativité, la crucifixion et la
résurrection ; avec l'identité des rites et des cérémonies, quel eût été le sort
de la nouvelle religion, [284] si l'Eglise, sous prétexte de servir le Christ,
ne s'était pas débarrassée des philosophes trop bien informés ? Si le coup
d'état avait échoué alors, il est difficile de dire ce qu'eût été la religion
prévalente dans le siècle actuel. Mais il est fort probable que l'état des
choses qui firent du moyen âge une époque de ténèbres intellectuelles, qui
rabaissa les nations occidentales, et mit l'Europe, d'alors, presque au
niveau des sauvages de Papouasie, n'aurait pu avoir lieu.
Les craintes des Chrétiens n'étaient que trop bien fondées, et leurs
pieux zèle et leur vision prophétique furent récompensés dès le début. A la
démolition du Sérapéum, après que la sanglante lutte entre la populace
chrétienne et les partisans païens, eut pris fin à la suite de l'intervention de
l'empereur, on découvrit une croix latine de parfaite forme chrétienne,
gravée sur les dalles de granit du sanctuaire. Ce fut, sans contredit, une
heureuse découverte ; et les moines ne manquèrent pas d'affirmer que la
croix avait été révérée par les païens dans un "esprit de prophétie". Du
moins, Sozomen, mentionne le fait, d'un air triomphant 645. Mais
644
[Cette description s'applique à Cyrille de Jérusalem et non à Cyrille d'Alexandrie.]
645
C'est encore un de ces auteurs, et historiens ecclésiastiques du VIème siècle, peu dignes de foi,
inexacts et ignorants. Sa prétendue histoire de la lutte entre les païens, néo-platoniciens, et les
Chrétiens d'Alexandrie et de Constantinople, qui s'étend de l'année 324 à 429, dédiée par lui à
l'archéologie et le symbolisme, ces deux ennemis infatigables et
implacables des mensonges du clergé, ont découvert dans les hiéroglyphes
qui entouraient le dessin, l'interprétation, du moins partielle, de sa
signification.
Théodose le jeune, fourmille de falsifications délibérées. Edition de Reading, Cantab., 1720, fol.
Traduction, Plon Frères, Paris.
646
Geins of the Orthodox Christians, vol. I, p. 135.
Vivant" quelques chapitres plus loin 647 "le nom du Père écrit sur leurs
fronts."
647
Apocalypse, VII, 2-3 ; XIV, I.
648
Dagoba est un petit temple de forme ronde, où l'on conserve les reliques de Gautama.
649
Les Prachidas sont des édifices de toutes formes et de toutes dimensions, comme nos mausolées
et sont consacrés aux offrandes votives pour les morts.
650
Les annales Talmudistes prétendent qu'après avoir été pendu, il fut lapidé puis immergé dans
l'eau à la jonction de deux rivières. Mishna Sanhedrin, vol. IV, p. 4 ; Talmud, de Babylone, même
article 43 a, 67 a [cité par E. Renan.]
651
Coptic Legends of the Crucifixion, MMSS. XI.
La célèbre Lady Ellenborough, connue des Arabes de Damas et dans
le désert, après son dernier mariage, sous le nom de Hanourn Med jouyé,
avait en sa possession, un talisman qui lui avait été
offert par un Druze du Mont Liban. On le reconnaissait
à certain signe sur l'angle gauche, comme appartenant
à cette classe de joyaux qu'en Palestine on nomme une
amulette Messianique, du IIème ou IIIème siècle avant
Jésus-Christ. C'est une pierre verte, de forme
pentagonale ; dans le bas est gravé un poisson ; un peu
plus haut, le sceau de Salomon 652 ; et plus haut encore, les quatre lettres
chaldéennes – Iod, He Vau, He, I A H O, qui ensemble forment le nom de
la Divinité. Celles-ci sont disposées d'une manière peu usuelle, allant de
bas en haut, dans l'ordre renversé, formant ainsi le Tau égyptien. Autour de
celles-ci court une légende, que nous ne sommes pas autorisés à publier, le
joyau n'étant pas notre propriété. Le Tau dans son sens mystique, de même
que la crux ansata (la croix ansée) est l'Arbre de Vie.
On sait que les plus anciens emblèmes chrétiens – avant qu'on ait
cherché à représenter l'apparence corporelle de Jésus – furent, l'Agneau, le
Bon Berger et le Poisson. L'origine de ce dernier emblème, qui a si fort
embarrassé les archéologues, devient ainsi compréhensible. Tout le secret
réside dans le fait, dont on peut aisément se rendre compte, que tandis que
dans la Cabale le Messie-Roi est appelé "l'Interprète", ou Révélateur du
mystère, [287] et qu'on y montre qu'il est la Cinquième émanation, dans le
Talmud – pour des raisons que nous allons maintenant expliquer – le
Messie est souvent désigné sous le nom de "DAG", le Poisson. C'est un
héritage des Chaldéens, et a rapport – ainsi que le nom l'indique clairement
– au Dagon babylonien, ou homme-poisson qui fut l'instructeur et
l'interprète du peuple, auquel il apparut. Abarbanel donne l'explication du
nom en disant que le signe de sa venue (celle du Messie) "est la
conjonction de Saturne et de Jupiter dans le signe des Poissons" 653. Par
conséquent, du moment que les Chrétiens voulaient à tout prix identifier
652
La gravure représente le talisman environ deux fois grandeur nature. Nous ne comprenons pas
pourquoi Ring dans ses Gnostics Gems représente le sceau de Salomon sous la forme d'une étoile à
cinq pointes, quand elle en a six et qu'elle est le signe de Vichnou aux Indes. [The Gnostics, etc., pl.
A, 4.]
653
King (Gnostics) donne la figure du symbole chrétien, très commune pendant le moyen âge,
comme celui des trois poissons entrelacés, formant un triangle, avec les CINQ lettres (le nombre
sacré Pythagoricien) Ι.Χ. ΘΥΣ gravé dessus. Le nombre cinq se rapporte à la même computation
cabalistique.
leur Christos avec le Messie de l'Ancien Testament, ils l'adoptèrent
volontiers, au point d'oublier que sa véritable origine datait d'une époque
bien antérieure au Dagon babylonien. Pour nous faire une idée jusqu'à quel
point les Chrétiens primitifs confondaient l'idéal de Jésus avec n'importe
quelle doctrine imaginable, cabalistique ou païenne, nous n'avons qu'à
consulter le langage de Clément d'Alexandrie à ses frères en religion.
654
La Genèse de l'Humanité, pp. 80-81.
abondance des animaux vivants... et Dieu créa les grands poissons... ainsi
il y eut un soir et il y eut [289] un matin ; ce fut le cinquième jour." 655
Jonas est englouti par une baleine, et rejeté trois jours après. Les Chrétiens
considèrent cela comme une prophétie des trois jours de sépulture de
Jésus, avant sa résurrection – bien que le récit de ces trois jours soit aussi
imaginaire que tout le reste, et adopté pour cadrer avec la menace de
détruire le temple et de le rebâtir en trois jours. Entre sa sépulture et la
prétendue résurrection il ne s'écoula, qu'un seul jour – le sabbat juif –
puisqu'il fut enterré le vendredi soir et qu'il ressuscita le dimanche à l'aube.
Quoi qu'il en soit, si toute autre circonstance doit être considérée comme
une prophétie, l'histoire de Jonas ne peut certainement pas compter dans le
nombre.
655
[Genèse, I, 20-23.]
656
[Pline, Hist. Nat. ; Diod. Sic., Bibl. Hist.]
cette oubliette vénitienne des temps bibliques. La tablette, elle-même, avait
été trouvée dans une fouille faite à quelques milles de Jaffa. Etant donné la
tendance des nations orientales pour les jeux de mots et les allégories,
n'est-il pas possible que la "baleine" qui avala Jonas n'ait été autre chose
qu'une cellule dans le ventre de Dagon ? [290]
Nous avons déjà dit que suivant les calculs secrets propres aux adeptes
des sciences occultes, le Messie est la cinquième émanation ou
potentialité. Dans la Cabale juive, suivant laquelle les dix sephiroth
émanent d'Adam Kadmon, (placé au-dessous de la couronne), il vient en
cinquième rang. Il en est de même dans le système Gnostique ; de même
aussi dans le Bouddhique, dans lequel le cinquième Bouddha, Maïtreya,
apparaîtra dans son dernier [291] avènement, pour sauver l'humanité avant
la destruction finale du monde. Si Vichnou est représenté dans sa dernière
apparition à venir comme à son dixième avatar, ou incarnation, ce n'est que
parce que chaque unité, considérée comme androgyne, se manifeste en
double. Les Bouddhistes qui rejettent l'incarnation bisexuelle, n'en
comptent que cinq. Par conséquent, tandis que Vichnou fera sa dernière
apparition dans sa dixième incarnation, le Bouddha est censé faire la
sienne dans la cinquième 657.
Que tous ceux qui sont en désaccord avec nous, lisent attentivement
les livres de Manou, même si ce n'est que dans la traduction incomplète de
Sir William Jones et celle plus ou moins fantaisiste de Jacolliot. Si nous
comparons la Cosmogonie Phénicienne de Sanchoniaton et le récit de
Bérose, avec la Bhâgavata Pourâna et Manou, nous y trouverons énoncées
657
Les Sephiroth cabalistiques sont aussi au nombre de dix, ou cinq paires.
658
Un avatar est la descente d'en haut, sur la terre, d'une divinité sous une forme manifestée
quelconque.
les mêmes théories que celles qui ont été présentées comme les derniers
développements de la science moderne. Nous avons cité, dans notre
premier volume certains passages des récits Chaldéen et Phénicien ; jetons
les yeux maintenant sur les ouvrages hindous.
Et encore : "J'en infère, par analogie, que probablement tous les êtres
organiques qui ont vécu sur cette terre, descendent d'une seule forme
primordiale quelconque 663… Je considère toutes Choses, non pas comme
des créations spéciales, mais comme les descendants linéaires de quelques
êtres qui ont vécu longtemps avant le dépôt de la première couche du
système silurien 664."
659
Bhâgavata Pourâna, L. II, ch. 9 et 10.
660
Manou, livre XII, 42 ; I, 50.
661
Voir Ancient Fragments de Cory.
662
Origin of species, première édition, p. 484.
663
Ibidem, p. 484.
664
Ibidem, pp. 488-489.
Bref, ils vivaient à l'époque du chaos de Sanchoniaton et dans l'ilus de
Manou. Vyasa et Kapila vont plus loin encore que Darwin et le Manou.
"Ils ne voient en Brahmâ que le nom du germe universel ; ils nient
l'existence d'une Cause Première ; et, ils prétendent que tout, dans la
nature, ne s'est développé qu'à la suite de forces matérielles et fatales", dit
Jacolliot 665.
Toute correcte que soit cette citation de Kapila, elle demande quelques
mots d'explication. Jacolliot compare à tout bout de champ Kapila et le
Veda Vyâsa, avec Pyrrhus et Littré. Nous ne voyons pas de mal à ce qu'on
le compare au philosophe grec, mais nous nous opposons catégoriquement
à ce qu'on le fasse avec le Comtiste français ; nous estimons que c'est une
insulte imméritée à la mémoire du grand sage Aryen. Cet auteur prolifique
ne parle nulle part la répudiation de Dieu, l'Esprit universel "inconnu" soit
par les anciens Brahmanes, soit par les modernes. Aucun autre Orientaliste
n'accuse les Hindous de le faire, malgré les raisonnements dénaturés de
nos savants au sujet de l'athéisme des bouddhistes.
Au contraire Jacolliot affirme plus d'une fois que les savants Pandits et
les Brahmanes éduqués n'ont jamais partagé les superstitions populaires ; il
affirme leur croyance inébranlable dans l'unité de Dieu et l'immortalité de
l'âme, bien que, sans aucun doute, ni Kapila, ni les Brahmanes initiés, ni
les partisans de l'école Vedânta, [293] n'admettraient l'existence d'un
créateur anthropomorphe, une "Cause Première" au sens chrétien du mot.
Jacolliot, dans ses Traditions Indo-Européennes et Africaines, est le
premier à attaquer le professeur Müller, pour insinuer que les dieux
hindous étaient des "masques sans acteurs des noms sans êtres et non des
êtres sans noms" 666. Il ajoute en citant, pour étayer son argument, de
nombreux versets tirés des livres sacrés hindous : "Est-il possible de
refuser à l'auteur de ces stances une conception claire et définie de la force
divine de l'Etre Unique, le maître et le Seigneur de l'Univers ? Les autels
étaient-ils alors élevés à une métaphore ? 667"
665
La Genèse de l'Humanité, p. 338.
666
Traditions Indo-Européennes et Africaines, p. 291.
667
Ibidem, pp. 291-293 et seq.
fait le philologue allemand des "niaiseries théologiques" comme celui-ci
traite l'Atharva-Veda. Le professeur Müller et Jacolliot ont beau prétendre
à une vaste érudition, et connaître à fond le sanscrit et d'autres anciennes
langues orientales, il leur manque à tous deux la clé pour déchiffrer les
mille et un mystères de l'ancienne doctrine secrète et sa philosophie.
Seulement là où le philologue allemand ne daigne même pas prendre la
peine d'étudier ces "niaiseries théologiques" et magiques, nous constatons
que l'hindouiste français ne perd pas une occasion de s'instruire. De plus, il
admet loyalement son incompétence pour sonder jamais les profondeurs de
cet océan de connaissances mystiques. Non seulement il croit à son
existence, mais dans tous ses ouvrages il attire l'attention des savants sur
ses traces indéniables qu'on trouve à chaque pas dans l'Inde. Néanmoins,
bien que les savants Pandits et les Brahmanes, ses "maîtres vénérés" des
pagodes de Villianour et de Chédambarom dans le Carnatique 668, aient,
paraît-il, catégoriquement refusé de lui révéler les mystères de la partie
magique de l'Agroushada-Parikshai 669, et du triangle du Brahmâtma 670, il
persiste dans sa loyale déclaration que tout est possible dans la
métaphysique hindoue, y compris que les systèmes de Kapila et de Vyasa
soient demeurés incompris jusqu'à ce jour. [294]
668
Les Fils de Dieu, p. 32.
669
Le Spiritisme dans le monde, p. 78 et autres.
670
Les Fils de Dieu, p. 272. Nous ne sommes nullement surpris que les Brahmanes aient refusé de
satisfaire la curiosité de M. Jacolliot, nous devons néanmoins ajouter que la signification de ce
signe est connue des supérieurs de toutes les lamaseries Bouddhiques, et non seulement des
Brahmanes.
Je veux dire que chaque créature sur la terre, si humble
soit-elle, est une partie immortelle de la matière
immortelle 671."
671
La Genèse de l'Humanité, p. 339.
672
[Gen., II, 7.]
Cause éternelle ? Ni les rationalistes [295] ni les sensualistes qui sont
incapables de comprendre la métaphysique indienne, ne devraient juger
l'ignorance des métaphysiciens hindous d'après la leur.
Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, le grand cycle comprend le
progrès de l'humanité depuis son germe dans l'homme primordial sous la
forme spirituelle, jusqu'à la dégradation la plus profonde à laquelle il
puisse atteindre, chaque étape successive dans la descente étant
caractérisée par une force plus grande et une plus grande grossièreté de la
forme physique, que celle qui l'avait précédée – et se termine au Déluge.
Mais tandis que le grand cycle, ou âge, exécute sa course, sept cycles
mineurs sont parcourus, chacun marquant l'évolution d'une nouvelle race
procédant de la race antérieure, sur un monde nouveau. Et chacune de ces
races ou grands types de l'humanité se subdivise en familles, et celles-ci en
nations ou en tribus, de même que nous voyons aujourd'hui les habitants
de la terre subdivisés en Mongols, Caucasiens, Indiens ?
Nous ne pouvons, par conséquent, échafauder nos théories, que sur les
manifestations visibles de la Divinité, sur ses phénomènes objectifs
naturels. Il serait puéril et absurde de donner le nom de Dieu à ces
principes créateurs. On donnerait en ce cas aussi bien le nom de
Benvenuto Cellini au feu qui fond le métal, ou à l'air qui le refroidit
lorsqu'il est coulé dans le moule. Si l'Essence spirituelle intime toujours
cachée, et pour nous toujours abstraite, qui agit dans ces forces, doit être
rattachée avec la création de l'univers physique, elle ne le sera que dans le
sens que lui donne Platon. On pourrait, au pis aller, L'appeler l'édification
de l'univers abstrait qui s'est développé graduellement dans la Pensée
Divine, dans laquelle il était à l'état latent.
673
Voir Journal of the Royal Asiatic Society, vol. XIII, p. 79.
DIAGRAMME DE LA COSMOGONIE HINDOUE
DIAGRAMME DE LA COSMOGONIE CHALDEO-JUIVE
[299]
674
[Initiales de Hokma nisiharah, sagesse secrète.]
675
Lahgach a presque la même signification que Vâch, la Puissance occulte des Mantras.
676
Dans le Rig-Veda Samhita, la signification que lui donne Max Muller est l'Absolu "car il est
dérivé de diti, lien, et de la particule négative A".
677
Hymnes aux Maruts I, 89, 10.
678
Ibidem, I, 24, 1.
679
Ibidem, X, 63, 2. 42.
680
C'est ainsi que nous constatons que le Saint-Esprit est féminin dans toutes les théogonies
philosophiques. Les nombreuses Sectes Gnostiques avaient Sophia ; les cabalistes et les talmudistes
juifs, Shekinah (le vêtement du Très-Haut) qui descendit sur le Siège de Miséricorde entre les deux
Chérubins ; et nous voyons même qu'on fait dire à Jésus dans un texte ancien : "Ma Mère, le Saint-
Esprit, me prit."
Les Eaux sont nommées Nârâ parce qu'elles sont la production de Nara, l'Esprit de Dieu" (Lois de
Manou I, 10).
681
Narayana ou celui qui se meut à la surface des eaux.
682
Manou sloka 12.
683
Voir l'Aytareya Brahmanam du Rig Veda, de Haug.
684
On trouve les mêmes transformations dans la cosmogonie de chaque nation importante. Ainsi
nous voyons, dans la Cosmogonie égyptienne Isis et Osiris, sœur et frère, mari et femme ; et horus,
le fils des deux, qui devient l'époux de sa mère, Isis, et procréant un fils, Malouti [Champolion,
Egypt Anc., p. 245.]
685
Mandla, I, Sukta 166, Max Müller.
686
Asiatic Researches, vol. VIII, pp 402, 403. Traduction de Colebrooke.
687
Comme dans le système numérique de Pythagore, chaque nombre sur la terre, ou monde des
effets, correspond à son prototype invisible dans le monde des causes.
688
Voir au chapitre initial vol. I, le mot Yajna.
689
[Manou, 1. I-II et seq. ; 33 et seq. ].
690
Lorsque ce monde émergea des ténèbres, les principes élémentaires subtils donnèrent naissance
au germe végétal qui anima en premier lieu les plantes ; des plantes la vie passa par les organismes
fantastiques qui naquirent dans l'ilus (la boue) des eaux ; puis à travers toute une série de formes et
d'animaux différents elle parvint enfin, à l'homme (Manou, livre I ; et Bhagavata Pourana).
Manou est un type transformable qui ne doit, en aucune façon, être pris pour un personnage. Manou
signifie quelquefois l'humanité, quelquefois, aussi, l'homme. Manou qui a émané du Swayambhuva
non créé est, sans contredit, le type d'Adam Kadmon. Le Manou qui est le progéniteur des six autres
Manous, est évidemment identique aux Rishis, ou les sept sages primitifs qui sont les ancêtres des
races post-diluviennes. Il est, ainsi que nous le ferons voir dans le chapitre VIII, Noé, et ses fils, ou
générations subséqentes, sont les originaux des patriarches post-diluviens et mythiques de la Bible.
691
George Smith reproduit les premiers versets de la Genèse akkadienne comme on la trouve dans
les Textes cunéiformes des "Lateres Coctiles". Nous y trouvons également Anu, la divinité passive
ou Aïn-Soph, Bel le Créateur, l'Esprit de Dieu (Séphira) se mouvant à la surface des eaux, par
conséquent l'eau elle-même, et Héa, l'Ame Universelle, ou la Sagesse des trois combinée.
Les huit premiers versets sont les suivants :
Lorsque en haut les Cieux n'étaient pas encore formés ;
Et qu'en bas sur la terre aucune plante n'avait surgi ;
mère ?" 678 C'est en conjonction avec ci que passe Séphira. S'étendant
ce dernier Pouvoir féminin, que la dans tontes les directions, elle
Pensée divine, mais latente donne entoure, finalement le triangle tout
naissance au grand "abîme" l'eau. entier. Dans cette émanation du
"L'eau est née d'une transformation principe actif féminin, depuis le
de la Lumière... et d'une côté gauche du triangle mystique, la
modification de l'eau naît la terre", création d'Eve de la côte gauche
dit Manou (livre I). d'Adam, est préfigurée. Adam, c'est
le Microcosme du Macrocosme et il
[305]
696
[Manou, I, 72-78.]
Pendant toute l'énorme période de création progressive, qui s'étend sur
4.320.000.000 années, l'éther, l'air, l'eau et le feu (la chaleur) produisent
constamment de la matière, sous l'impulsion incessante de l'Esprit, ou du
Dieu non révélé, qui remplit toute la création, car il est dans tout, et tout
est en lui. Ce calcul, qui était secret et auquel même aujourd'hui on ne fait
qu'à peine allusion fit commettre à Higgins l'erreur de diviser chaque dix
âges en 6.000 ans. S'il avait ajouté quelques zéros de plus à ses totaux, il
serait arrivé plus prés de l'explication exacte des néroses ou cycles
secrets 697.
697
Voir vol. I, ch. I du présent ouvrage.
698
Sepher-Jezireh, I, g 8.
699
Ibidem.
700
Zohar, I, 2 a.
701
Sepher-Jezireh, I 10.
702
Il est intéressant de mettre ce que dit saint Paul dans Hébreux, I, 7 en regard de ce passage :
"Celui qui a fait de ses anges des vents, et de ses serviteurs une flamme de feu." La ressemblance
entre les deux ouvrages est trop frappante pour nous laisser douter que l'auteur des Hébreux était
bien au courant de la Cabale, ainsi que le sont généralement tous les Adeptes.
Lorsque le cycle de la création se termine, l'énergie du Verbe
manifesté faiblit. Lui seul, l'Inconnaissable, est inchangeable (toujours
latent), mais la Force Créatrice, bien qu'éternelle, elle aussi, puisqu'elle a
été dans celui-là depuis le "non commencement" doit néanmoins être
sujette aux cycles périodiques d'activité et de repos ; comme elle a eu un
commencement, sous un de ses aspects, lors de sa première émanation, elle
doit, par conséquent, avoir aussi une fin. C'est ainsi que le soir succède au
matin, et la nuit de la divinité s'approche. Brahmâ s'endort peu à peu. Nous
lisons ce qui suit dans un des livres du Zohar :
703
Jacolliot, Les Fils de Dieu, pp. 229-30.
704
Ne devrions-nous pas considérer Hanouman comme le représentant de ces êtres, moitié hommes,
moitié singes, qui d'après les théories de Hovelacque et Schleicher, furent arrêtés dans leur
développement et tombèrent, ainsi qu'on dit, dans une évolution rétrograde ?
Adam-Kadmon 705. Krishna est aussi appelé Kâneya, le Fils de la
Vierge.
9. Gautama Bouddha, Siddhârtha, ou Sakya-Muni. (Les Bouddhistes
rejettent cette doctrine, suivant laquelle leur Bouddha serait une
incarnation de Vichnou). [308]
10. Cet avatâra n'est pas encore accompli. Il est attendu dans l'avenir,
comme l'Avent des Chrétiens, dont la notion a été, sans aucun
doute, copiée des hindous. Lorsque Vichnou apparaîtra pour la
dernière fois, il viendra comme un "Sauveur". Suivant l'opinion
de quelques Brahmanes, il doit apparaître sous la forme du cheval
Kalki. D'autres prétendent qu'il sera monté dessus. Ce cheval est
l'enveloppe de l'esprit du mal, et Vichnou le montera, invisible
pour tous, jusqu'à ce qu'il l'ait terrassé pour la dernière fois. Le
Kalki-Avatâra, ou dernière incarnation, partage le Brahmanisme
en deux sectes. Celle des Vaïshnâva refuse de reconnaître les
incarnations de leur Dieu Vichnou, sous la forme littérale d'un
animal. Ils prétendent qu'on doit le prendre au sens allégorique.
705
L'Essence Primordiale ou Ultime n'a pas de nom dans l'Inde. On l'indique quelquefois par les
termes de "Cela" et de "Ceci". "Ceci [l'univers] n'était rien à l'origine. Il n'y avait ni ciel ni terre, ni
atmosphère. Cela étant, non-existant (asat) résolut d'Etre" (Texte Original sanscrit), Dr Muir, vol.
V, p. 366.
Il n'est pas jusqu'aux quatre âges de la chronologie hindoue qui ne
renferment une idée philosophique bien plus élevée que celle qui apparaît à
la surface. Elle les définit suivant l'état psychologique ou mental et l'état
physique de l'homme pendant chaque période. Krita-Yuga, l'âge d'or, l'âge
de la félicité", ou innocence spirituelle de l'homme ; Tretâ-yuga, l'âge
d'argent, ou celui du feu – la période de la suprématie de l'homme, des
géants et des fils de Dieu ; Dwâpara-yuga, l'âge de bronze – mélange, déjà,
de pureté et d'impureté (esprit et matière), l'âge du doute : et enfin, le
nôtre, le Kali-yuga, ou âge de fer, celui des ténèbres, des souffrances et des
chagrins. Dans cet âge, Vichnou eût à s'incarner en Krishna, afin de sauver
l'humanité de la déesse Kali, l'épouse de Siva, le destructeur – la déesse de
la mort, de la destruction et de la misère humaine. Kâlî est l'emblème le
plus significatif pour représenter la "chute de l'homme" ; la descente de
l'esprit dans la [309] fange de la matière, avec tous ses résultats terrifiants.
Il faut nous débarrasser de Kâlî avant d'atteindre Moksha, ou Nirvana, la
demeure bénie de la Paix et de l'Esprit.
Brahma, Vichnou et Siva sont une Trinité dans l'Unité et, de même
que la Trinité Chrétienne, ils sont mutuellement interchangeables. Dans la
doctrine ésotérique il sont une seule et même manifestation de celui "dont
le nom est trop sacré pour être prononcé, et dont le pouvoir est trop
majestueux et trop infini pour que nous puissions nous en faire une idée".
Par conséquent, en donnant la description des avatârs de l'un d'eux, tous
les autres sont compris dans l'allégorie, en changeant seulement la forme
mais non pas la substance. C'est de manifestations de cette nature que sont
émanés tous les mondes antérieurs, et qu'émanera celui qui doit venir.
706
Hindu mythotogy, par Coleman.
707
La chronologie hindoue se basant sur le zodiaque, place le siège et la reddition de Lanka (l'Ile de
Ceylan) à Rama, à 7.500 ou 8.000 ans avant J.-C. et la huitième incarnation de Vichnou qui survint
après à 4.800 ans avant J.-C. (tiré du Livre du Zodiaque Historique des Brahmanes).
peut-être alors, si toutefois le Brahmane vous juge digne de l'explication,
que les Hindous ne voient dans le singe que ce que le Manou voulait qu'ils
y vissent ; la transformation des espèces en relations directes avec la
famille humaine – une branche bâtarde greffée sur son tronc avant que
celui-ci eut été perfectionné 708. On apprendrait, en outre, que pour les
"païens" instruits, l'homme intime, ou spirituel est une chose, et son
enveloppe physique et terrestre en est une autre ; que la nature physique, la
grande combinaison de la corrélation des forces physiques marchant
toujours de progrès en progrès, est obligée de se servir des matériaux
qu'elle a sous la main ; elle modèle et remodèle tout en allant de l'avant, et
terminant son œuvre dans l'homme, elle le présente, seul, comme le
tabernacle approprié pour être adombré par l'Esprit Divin. Mais cela ne
donne nullement à l'homme le droit de vie et de mort sur les animaux qui
lui sont inférieurs dans l'échelle de la nature, ou le droit de les torturer.
Bien au contraire. Outre qu'il est doué d'une âme – que chaque animal, et
même chaque plante possède plus ou moins aussi – l'homme a une âme
rationnelle immortelle, ou nous, qui devrait le rendre au moins aussi
magnanime que l'éléphant, qui pose ses pieds avec le plus grand soin de
peur d'écraser des êtres plus fragiles que lui-même. [313]
C'est ce sentiment qui fait que les Brahmanes aussi bien que les
Bouddhistes construisent des hôpitaux pour les animaux malades, voire
même pour les insectes, et leur préparent des refuges où on les met pour
finir leurs jours. C'est ce même sentiment, encore, qui fait que le Jaïn passe
la moitié de son temps à débarrasser son chemin des insectes impotents et
rampants, plutôt que priver de la vie, même les plus petits parmi les êtres ;
et c'est encore ce sentiment de la plus haute bonté et de la charité envers
708
Un savant du Hanovre a publié dernièrement un ouvrage intitulé Uber die Auflösung der Arten
durch die Naturliche Zuchtmahl, dans lequel il démontre fort ingénieusement, que Darwin a tout à
fait tort de faire descendre l'homme du singe. Bien au contraire, il affirme que c'est le singe qui
descend de l'homme, qu'au début l'humanité était moralement et physiquement, le type et le
prototype de notre race actuelle et de la dignité humaine, par la beauté de ses formes, la régularité
de son visage, le développement crânien, la noblesse des sentiments, les impulsions héroïques et
l'élévation de ses conceptions idéales. C'est une philosophie purement Brahmanique, Bouddhiste et
Cabalistique. Son livre est copieusement illustré de diagrammes et de tableaux, etc. Il dit que
l'avilissement et la dégradation graduelle de l'homme, moralement et physiquement, se retrace à
travers toutes les transformations ethnologiques jusqu'à nos jours. Et comme une partie a déjà
dégénéré en singes, l'homme civilisé d'aujourd'hui, sous l'action inévitable de la loi de nécessité,
sera suivi de descendants de la même nature. Si nous devons juger l'avenir par le présent, il
paraîtrait fort possible que les corps aussi peu spirituels et aussi matériels que ceux de nos savants
physiciens terminent leur carrière comme des singes plutôt que comme des séraphins.
les faibles, quelque abjects qu'ils soient, qui leur fait honorer une des
modifications de leur double nature, ce qui donna lieu, par la suite, à la
croyance populaire de la métempsychose. On n'en trouve pas trace dans les
Védas ; et la véritable interprétation de la doctrine, discutée tout au long
dans Manou et les livres sacrés des Bouddhistes, ayant été, dès le début,
limitée aux castes instruites sacerdotales, il ne faut pas s'étonner des idées
fausses et absurdes du peuple à ce sujet.
Pour ceux qui, dans les restes de l'antiquité, voient la preuve que les
temps modernes n'ont pas à se vanter d'originalité, il est courant qu'on les
accuse d'exagérer et de fausser les faits. Mais le lecteur avisé reconnaîtra
que ce n'est pas un exemple à suivre. Il y eut des évolutionnistes avant le
jour où la Bible nous dit que le Noé mythique s'embarqua dans son arche ;
et les savants de l'antiquité étaient mieux informés et leurs théories étaient
plus logiquement définies que celles des évolutionnistes modernes.
709
De Bel Jud., vol. II, p 12.
710
De Somniis, I, §, 22 ; De gigantibus, § 2.
711
Zohar, vol. II, p. 96 a.
712
Mishna ; Aboth., vol. IV, p. 29 ; Royal Masonic Cyclopedia, par Mackenzie, p 413.
contraste ; le bien ne serait pas le bien sans le mal, pour faire ressortir la
nature inappréciable du bienfait ; c'est ainsi que la vertu personnelle
n'aurait aucun mérite si elle n'avait pas traversé la fournaise de la tentation.
Rien n'est éternel et immuable excepté la Divinité Cachée. Rien de ce qui
est fini – que ce soit parce qu'il y a eu un commencement, ou doit avoir
une fin – ne peut rester stationnaire. Il faut avancer ou reculer ; et l'âme qui
a soif de se réunir à son esprit, qui seul lui confère l'immortalité, doit se
purifier par des transmigrations cycliques en s'avançant vers le seul Pays
de la Félicité et du Repos Eternel, nommé dans le Zohar "Le Palais de
l'Amour" ; תבהא לביהdans la religion hindoue "Moksha" ; chez les
Gnostiques, le "Pleroma de la Lumière éternelle" ; et chez les Bouddhistes
le Nirvana. Les Chrétiens l'appellent "Le Royaume des Cieux" et ils
prétendent avoir seuls, trouvé la vérité, tandis qu'ils n'ont fait qu'inventer
un nouveau nom pour une doctrine qui est vieille comme l'homme.
Toutes les âmes sont doubles, et tandis que celles-ci sont le principe
féminin, l'esprit est le principe masculin. Tant qu'il est emprisonné dans un
corps, l'homme est une trinité, à moins que sa souillure soit telle qu'elle ait
provoqué son divorce avec l'esprit. "Malheur à l'âme qui préfère l'union
713
Zohar, vol. III, p. 66 b.
714
Ibid., I, pp. 65 b, 66 a.
715
Ibid., 11, p. 97 a ; I, p. 168 a.
terrestre avec son corps terrestre à son époux divin, [l'esprit]", dit un des
textes du Livre des Clés 716. [315]
Dans les ouvrages de saint Paul l'entité humaine est divisée en une
trinité – la chair, l'existence psychique ou âme et l'entité intérieure et
adombrante ou ESPRIT. Sa phraséologie est bien définie quand il enseigne
l'anastasis, ou la continuation de la vie de ceux qui sont morts. Il affirme
qu'il y a un corps psychique qui est semé dans le corps corruptible et un
corps spirituel qui est élevé dans la substance incorruptible. "Le premier
homme est de la terre et le second homme est céleste 717." Il n'y a pas
jusqu'à saint Jacques (Epître de St-Jacques III, 15), qui n'identifie l'âme en
disant que "ce n'est point là la sagesse qui vient d'en haut ; c'est une
sagesse terrestre, psychique, diabolique" (voir le texte grec). Platon,
parlant de l'âme (Psyché) observe que : "lorsqu'elle s'allie au nous [la
substance divine, le dieu, de même que Psyché est la déesse] elle fait tout
716
Ouvrage Hermétique.
717
[1 Cor., XV, 42-47.]
bien et heureusement ; mais c'est tout différent lorsqu'elle s'attache à
Annoïa". Ce que Platon nomme nous, saint Paul lui donne le nom d'Esprit ;
et Jésus fait du cœur, ce que saint Paul dit de la chair. La condition
naturelle de l'humanité c'est ce que les Grecs appelaient αποστασια ; la
nouvelle condition c'est αναστασια ;. Par Adam vint la première (la mort)
par le Christ, la dernière (la résurrection) car ce fut lui qui, le premier,
enseigna à l'humanité la "Noble Voie" vers la vie Eternelle de même [316]
que Gautama enseigna la même Voie pour atteindre Nirvana. Suivant
l'enseignement des deux, il n'y a qu'un seul chemin pour atteindre les deux
buts. "La pauvreté, la chasteté, la contemplation ou la prière intime ; le
dédain des richesses et des joies illusoires de ce monde.
718
Dhammapada, slokas 275-76.
719
[Diog. Laert, Vies : "Anaxergore".]
pouvoirs extérieurs perçoivent les phénomènes ; le nous seul reconnaît les
noumènes ou les choses subjectives. C'est une notion purement
Bouddhique et ésotérique.
Platon vint après lui avec une investigation complète des principes de
l'être. Il y avait un Agathon, un Dieu suprême, qui produisit dans sa propre
pensée un paradigme de toutes choses.
720
Timée, 45-46-47-690.
humaine qui est rationnelle, est éternelle ; car bien qu'elle ne soit pas Dieu,
elle est néanmoins le produit d'une divinité éternelle ; mais la partie de
l'âme qui est dénuée de raison (agnoia) meurt." 721.
"Or des morts que nous subissons, l'une fait de l'homme deux de trois,
et l'autre un de deux. La première est dans la région et [318] la juridiction
de Déméter, d'où vient que le nom donné aux Mystères – τελειν ressemble
à celui donné à la mort τελευταν. Les Athéniens disent encore que les
morts sont consacrés à Déméter. Quant à l'autre mort elle a lieu dans la
lune ou la région de Proserpine. C'est ainsi que ce qui est terrestre demeure
avec l'un et c'est le céleste Hermès qui demeure avec l'autre. Celui-ci
arrache l'âme violemment du corps ; tandis que Proserpine disjoint
doucement et à la longue l'entendement de l'âme. C'est pour cette raison
qu'on l'appelle Monogénès, seul engendré, ou plutôt engendrant un seul ;
car la meilleure partie de l'homme devient isolée lorsqu'elle en est séparée.
Or, suivant la nature, l'un a lieu de cette manière aussi bien que l'autre. Le
Destin ordonne que chaque âme, en possession de l'esprit (νου̃ς) ou non,
une fois sortie du corps, doit errer pendant un certain temps, mais non pas
une même durée pour toutes, dans la région située entre la terre et la lune.
Car ceux qui se sont rendus coupables d'injustice et de débauche y
souffrent la punition de leurs offenses ; mais les bons et les vertueux y sont
retenus jusqu'à ce qu'ils se soient purifiés, et qu'ils aient, par l'expiation,
purgé toutes les souillures qu'ils ont contractées de la contagion du corps,
comme par exemple par la maladie, en vivant dans l'air le plus doux, qu'on
nomme Les Prairies de Pluton, où ils séjournent pendant un laps de temps
déterminé et fixé d'avance. Puis, comme s'ils revenaient d'un pèlerinage ou
721
[Plutarque, De placitio philosophorum, IV, VII.]
d'un long exil dans leur patrie, ils ont un avant-goût de félicité, comme
celle dont jouissent principalement les initiés aux Mystères sacrés,
mélangée de crainte, d'admiration et d'espérance propre à chacun de
nous." 722.
722
[Plutarque, Orbe de la lune, § 28.]
723
[Sur le Daimon de Socrate, § 20-22.]
"La lune est l'élément de ces âmes, car les âmes se résolvent en elle,
comme les corps des morts le font dans la terre. Ceux qui, à la vérité, ont
été vertueux et honnêtes, vivant une existence tranquille et philosophique,
sans se mêler d'affaires fâcheuses, se résolvent rapidement ; parce que,
abandonnés par le nous, l'esprit, et ne faisant plus usage des passions
corporelles, ils disparaissent rapidement." 724.
Platon (dans Les Lois, X) définit l'âme comme "le mouvement qui est
capable de se mouvoir lui-même". "L'âme est la plus ancienne de toutes
choses, et le commencement du mouvement." "L'âme fut générée avant le
corps et le corps est postérieur et secondaire, car il est de par sa nature
724
[Orbe de la lune, § 30.]
725
[Livre VI. Cf. Migne, Patr. Graeca, vol. XIV, col. 1050-57.]
gouverné par l'âme dirigeante." "L'âme qui administre toutes choses qui se
meuvent en tous sens, administre par cela même le firmament."
"Par conséquent l'âme dirige toutes choses dans le ciel, sur la terre et
dans la mer par ses mouvements – dont les noms sont : vouloir, considérer,
prendre soin de, consulter, se faire une opinion, bonne ou mauvaise, être
en état de joie, de chagrin, de confiance, de crainte, de haine, d'amour, de
même que tous les autres mouvements primaires ajoutés à ceux-ci... étant,
elle-même, une déesse elle choisit toujours NOUS pour son allié et dirige
toutes choses correctement et heureusement ; mais lorsqu'elle s'associe
avec Anoïa, – non pas avec nous – toutes choses tournent au contraire."
Ces citations, quelque peu longues, étaient nécessaires pour le but que
nous avons en vue. Mieux que tout, elles font voir l'accord qui existe entre
les plus anciennes philosophies Païennes – non "soutenues par la lumière
de la révélation divine" – pour nous servir de la curieuse expression de
Laboulaye au sujet du Bouddha 726 – et le Christianisme primitif de
quelques-uns des Pères. La philosophie païenne de même que le
Christianisme sont redevables, néanmoins, de leurs notions élevées de
l'âme et de l'esprit [321] de l'homme et de la Divinité Inconnue, au
Bouddhisme et au Manou hindou. Devons-nous nous étonner alors, que les
Manichéens affirmaient que Jésus était une permutation de Gautama ; que
le Bouddha, le Christ et le Mani n'étaient qu'un seul et même
personnage 727, car l'enseignement des deux premiers était identique. C'était
la doctrine de l'Inde ancienne que Jésus professait lorsqu'il prêchait la
renonciation complète au monde et à ses vanités pour mériter le Royaume
des Cieux, le Nirvana, où "on ne se marie point et ne se donne point en
mariage, mais où l'on vit comme les anges".
726
[Journal des débats, 4 avril 1853.]
727
Neander, History of the Church, vol. 1, p. 817.
Ce fut encore la philosophie de Siddhartha-Bouddha que Pythagore
enseignait, lorsqu'il disait que l'égo (νου̃ς) est éternel avec Dieu, et que
l'âme traverse seulement différentes conditions (les Rupa-lokas hindous)
afin d'atteindre la perfection divine ; cependant que le thumos retourne à la
terre, et que même le phrên est éliminé. C'est ainsi que sa métempsychose
n'est qu'une succession de disciplines à travers les refuges célestes (appelés
par les Bouddhistes Zion) 728, pour se débarrasser du mental extérieur, et
délivrer le nous du phrên, ou âme, le "Winyanaskanda" bouddhique, le
principe qui vit du Karma et des Skandas (groupes). C'est ce dernier, la
personnification métaphysique des "actions" de l'homme, bonnes ou
mauvaises, qui, après la mort de son corps, s'incarne, pour ainsi dire, et
façonne ses composés invisibles et immortels en un corps nouveau, ou
plutôt en un être éthéré, le double de ce que l'homme était moralement.
C'est le corps astral des cabalistes et les "actions incarnées" qui forment le
nouvel être conscient car son Ahamkara (l'ego, la soi-conscience) qui lui a
été octroyé par le souverain Maître (le Souffle de Dieu) [qui] ne périt
jamais, étant immortel per se en tant qu'esprit ; de là les souffrances du soi
nouveau-né, jusqu'à ce qu'il se soit libéré de toute pensée terrestre, de tout
désir et de toute passion.
728
C'est du Zion le plus élevé que viendra Maïtreya-Bouddha, le Sauveur à venir, en descendant sur
la terre ; et c'est également de Sion que viendra le Libérateur Chrétien (Voyez l'Epître de saint Paul
aux Romains, XI, 26).
729
1er Epître aux Corinthiens, II, 6, 7, 8.
730
Lotus de la Bonne Loi, p. 806.
atteint l'impassibilité, la plus proche voisine de Nirvana...
toutefois, cette impassibilité absolue n'empêche pas
l'ascète d'acquérir à ce même moment, l'omniscience et
la puissance magique ; contradiction flagrante dont les
Bouddhistes se préoccupent aussi peu que de tout le
reste 731."
Ce fut une voie triste et désolée, noyée dans le sang que celle par
laquelle le monde chrétien se vit forcé d'embrasser le christianisme
d'Irénée et d'Eusèbe. Et pourtant, à moins d'accepter le point de vue païen
731
Le Bouddha et sa religion.
732
Philippiens, III 11, 14.
733
Essays on the Languages Literature and Religion of Nepal and Tibet, etc., p. 20. Londres, 1874.
antique, comment notre génération pourrait-elle prétendre d'avoir résolu le
problème des mystères du "Royaume des [323] Cieux" ? Que sait le pieux
et docte Chrétien de plus au sujet de la destinée future et du progrès de
notre esprit immortel, que le philosophe païen d'antan, ou le "Païen"
moderne d'au-delà de l'Himalaya ? Peut-il même se vanter d'en savoir
autant, bien qu'il soit éclairé par le flambeau éblouissant de la révélation
"divine" ? Nous avons vu des Bouddhistes, fidèles à la religion de leurs
ancêtres, en théorie comme dans la pratique ; et tout aveugle qu'ait été leur
foi, tout absurdes qu'aient été leurs notions au sujet de quelque point de
vue doctrinal, greffes ultérieures d'un clergé ambitieux, malgré cela dans la
pratique, leur Bouddhisme était bien plus à l'image du Christ en action et
en esprit, que ce que nous voyons chez la moyenne de nos prêtres et de nos
ministres chrétiens. Le seul fait que leur religion leur prescrit "d'honorer
leur propre religion et de ne jamais dénigrer celle des autres" 734, suffit pour
la faire respecter. Cela place le lama bouddhiste infiniment plus haut que
n'importe quel prêtre ou quel ministre qui croit qu'il est de son devoir sacré
de maudire publiquement le "païen" en le vouant, lui et sa religion, à la
"damnation éternelle". Le Christianisme devient chaque jour de plus en
plus une religion émotionnelle. La doctrine du Bouddha est basée
entièrement sur des œuvres pratiques. L'amour général envers toutes les
créatures, humaines et animales, est son enseignement fondamental. Celui
qui sait qu'à moins de travailler il mourra de faim ; qui comprend qu'il n'y
a pas de bouc émissaire pour le charger de ses péchés, a bien plus de
chances de devenir un homme. vertueux que celui auquel on enseigne que
le meurtre, le vol et la rapine se lavent blanc comme neige, en un instant, si
l'on veut bien croire en un Dieu, qui, suivant l'expression de Volney, "prit
autrefois nourriture ici-bas, et est devenu depuis, lui-même, la nourriture
de ses fidèles".
734
Les Cinq articles de la Foi.
[325]
CHAPITRE VII
—
HERESIES CHRETIENNES PRIMITIVES ET SOCIETES
SECRETES
Nous passerons en revue dans les deux chapitres suivants, les plus
importantes sectes secrètes chrétiennes, les prétendues "Hérésies" qui
vinrent à l'existence entre le 1er et le IVème siècle de notre ère.
Une par une, les sectes des premiers siècles ont sombré dans l'oubli
des temps, n'en laissant subsister qu'une seule dans son intégrité primitive.
Celle-là existe encore, ayant conservé intact l'enseignement de son
fondateur, et qui prouve sa foi par des actes puissants. Les sables mouvants
qui engloutirent toutes les autres excroissances de l'agitation du temps de
Jésus, avec son histoire, ses reliques et ses traditions ont été pour elle un
terrain ferme. Chassés de leur pays d'origine, ses membres se sont réfugiés
en Perse, et aujourd'hui le voyageur peut s'entretenir avec les descendants
directs des "Disciples de Jean", qui écoutèrent sur les bords du Jourdain
"l'homme envoyé par Dieu", qui crurent en lui et par lui furent baptisés. Ce
peuple étrange, d'environ 30.000 âmes, est appelé à tort les "Chrétiens de
saint Jean", mais on devrait l'appeler par son ancienne dénomination de
Nazaréens, ou suivant la nouvelle, les Mendéens.
735
Non seulement les missionnaires Bouddhistes pénétrèrent en Mésopotamie, mais ils allèrent dans
l'ouest jusqu'en Irlande. Le Révérend Dr Lundy dans son ouvrage Monumental Christianity, en
faisant allusion aux Tours Rondes de l'Irlande, observe que : "Henry O'Brien explique que la
Crucifixion de la Tour Ronde est celle du Bouddha ; que les animaux tels que l'éléphant et le
taureau consacrés à Bouddha étaient ceux dans lesquels son âme passa après la mort ; que les deux
personnages debout à côté de la croix sont la Vierge mère de Bouddha et Râma son disciple favori.
L'image tout entière a une grande ressemblance avec la Crucifixion, dans le cimetière du Pape Jules,
sauf en ce qui concerne les animaux, qui prouvent clairement qu'il ne s'agit pas ici d'une image
chrétienne. Elle vint de l'Extrême-Orient en Irlande avec les colons Phéniciens, qui érigeaient les
Tours Rondes comme des symboles du pouvoir de l'homme et de la nature pour transmettre la Vie
et la préserver, de même que la manière dont la vie universelle est produite par la souffrance et la
mort." [Cf. The Round Towers of Ireland].
Lorsqu'un prêtre protestant se voit ainsi obligé de reconnaître la préexistence du crucifix en Irlande,
son caractère Bouddhique et la pénétration des missionnaires de cette religion jusque dans ces
parages retirés du monde, il ne faut pas nous étonner que pour les Nazaréens contemporains de
Jésus et leurs descendants il n'ait pas été associé à cet emblème universellement connu dans le
caractère d'un Rédempteur.
En faisant allusion à cette admission du Dr Lundy M. Charles Sothoran, dans une conférence
donnée devant la American Philological Society, fait observer que les deux légendes et les restes
archéologiques s'accordent pour reconnaître que "l'Irlande comme toutes les autres nations
écoutèrent autrefois les propagateurs de Siddhârtha Bouddha".
736
La religion des baptêmes multiples, les descendants de la secte encore existante des "Chrétiens
de saint Jean" ou Mendéens, que les Arabes nomment el-Moglasita et Baptistes. Le verbe araméen
Seba, origine du nom Sabréens, est synonyme de βαπτιξω (Renan : Vie de Jésus).
trop de choses au sujet du Christianisme primitif pour qu'on les ignore
complètement ; car ils pourraient témoigner contre lui, par leurs traditions,
sans que le stigmate de l'hérésie et de l'apostasie dont on les qualifierait
vienne détruire la confiance dans ce qu'ils pourraient dire.
Notre recherche nous emporte de-ci, de-là, mais ce n'est jamais sans
un but spécial que nous établissons une comparaison critique entre deux
sectes fort éloignées les unes des autres en ordre chronologique. Il est
important de tenir constamment en vue un [329] des buts de notre ouvrage
– l'analyse des croyances religieuses et la définition de leur transmission
depuis le passé jusqu'à nos jours. La barrière la plus infranchissable a été
celle du Catholicisme Romain ; et ce n'est que lorsque les principes secrets
de cette religion auront été mis a jour, qu'on comprendra quel est le bâton
de fer sur lequel elle s'appuie pour affermir ses pas chancelants.
Dès le début, ainsi que nous l'avons fait voir, la première doctrine,
celle des Ophites, se différencie de la description donnée par les Pères, en
ce qu'elle fait de Bythos, ou la Profondeur, une émanation féminine, et lui
fixe une place qui répond à celle du Pleroma, mais dans une région
beaucoup plus élevée ; tandis que les Pères nous affirment que les
Gnostiques donnaient le nom de Bythos à la Cause Première. Comme dans
la doctrine cabalistique, il représente le néant infini et sans bornes dans
lequel se cache au sein des ténèbres le moteur Primordial Inconnu de
toutes choses. Il L'enveloppe comme un voile ; somme toute, nous y
reconnaissons la "Shekinah" de l'Aïn-Soph. Pris séparément, le nom de
IAΩ, Iao, marque le centre supérieur, ou plutôt le point présumé où
l'Inconnu est supposé séjourner. Autour de Iao, court la légende CEMEC
ΕΙΛΑΜ ΑΒΡΑΣΑΞ. "L'Eternel Soleil Abrasax" (Le Soleil spirituel
Central de tous les Cabalistes, représenté dans quelques-uns de leurs
diagrammes par le cercle de Tiphereth).
737
Foh-tchou veut dire littéralement en chinois, le Seigneur du Bouddha, ou l'instructeur des
doctrines de Bouddha-Foh.
Bouddha, au sommet du Kouin-long-sang 738, la grande montagne, produit
ses plus grands miracles religieux sous un arbre nommé en chinois, Sung-
Ming-Shü, ou Arbre de la Connaissance et Arbre de Vie, car l'ignorance
c'est la mort, et seule la connaissance confère l'immortalité. Ces exploits
merveilleux ont lieu tous les trois ans, lorsqu'un immense concours de
Bouddhistes Chinois se rassemble en pèlerinage dans ce saint lieu.
Telles que nous les donnons, ces sept planètes ou sphères, sont
identiques quant à la description et leurs fonctions avec les Sapta-Loka des
Hindous, les sept régions ou sphères, autrement dit, les mondes supérieurs
et inférieurs ; car ils représentent les sept sphères cabalistiques.
738
Cette montagne est située au sud-ouest de la Chine, à peu près entre la Chine et le Tibet.
739
SOL, étant situé sur le diagramme exactement au centre du système solaire (que les Ophites
paraissent avoir connu) – par conséquent directement sous le rayon vertical du Soleil spirituel plus
élevé – il répand sa lumière sur toutes les autres planètes.
740
Parlant de Vénus, Placide de Tite, l'astrologue, affirme que "sa lumière bleutée dénotait de la
chaleur". Quant à Mercure, c'était une étrange fantaisie des Ophites que de le représenter comme
l'esprit de l'eau, quand astrologiquement parlant, c'est un astre "froid, sec, terrestre et
mélancolique".
741
Le nom que Norberg, dans son Onomasticon au Codex Nazaraeus traduit par Ferho, est porté
dans l'original comme Parcha Rabba. Dans la Vie de Manes donnée par Epiphane dans son
L'auteur de ce diagramme réclame, en outre, pour sa secte, la plus
haute antiquité, en donnant pour preuve, que leurs "ancêtres" bâtirent tous
les temples "Dracontia", même ceux d'au-delà "des grandes eaux". Il
affirment que "Le Juste" qui était le porte-parole de l'Eternel Æon
(Christos) envoya, lui-même, ses disciples de par le monde en les mettant
sous la double protection de Sigé, (le Silence, le Logos) et d'Ophis,
l'Agathodaemon. Sans doute, l'auteur fait allusion à l'expression favorite de
Jésus, "soyez sages comme les serpents et inoffensifs comme les
tourterelles". Dans le diagramme, Ophis est représenté comme le Cnuphis
ou Kneph égyptien, appelé Dracontia. Il apparaît comme un serpent se
dressant sur sa queue, avec une tête de lion, couronnée et auréolée de
rayons, qui portent à chaque extrémité une des sept voyelles grecques, le
symbole des sept sphères célestes. Cette image est familière à tous ceux
qui connaissent les bijoux gnostiques 742; elle est empruntée aux Livres
Hermétiques égyptiens. La description donnée dans l'Apocalypse, de celui
"qui était comme le Fils de l'Homme" avec ses sept étoiles, et qui est le
Logos, est une autre représentation d'Ophis.
Nous voyons, donc, que dans la Cosmogonie Nazaréenne les noms des
puissances et des génies ont les relations suivantes avec ceux des
Gnostiques :
Panarion [lib. III, tome II, Hær. LXVI, III], on mentionne un certain prêtre de Mithras, l'ami du
grand Hérésiarque Manes, du nom de Parchus.
742
On trouve sa description dans un des livres de magie du Roi égyptien Nechepsos, et on prescrit
son usage gravé sur des pierres de jaspe verte, comme une puissante amulette. Galien en fait
mention dans ses ouvrages. De Simpl. Med., c. IX.
NAZAREEN GNOSTIQUE-OPHITE
En outre, les sept génies planétaires des Ophites, qui émanèrent les
uns des autres, se retrouvent dans la religion des Nazaréens, sous le nom
des "sept dæmons imposteurs" ou stellaires, qui "tromperont tous les fils
d'Adam". Ce sont Sol ; Spiritus Venereus (le Saint-Esprit dans son aspect
matériel) 745 la mère des "sept stellaires mal disposés", répondant à
l'Achamoth des Gnostiques ; Nebu, ou Mercure, "un faux Messie, qui
faussera l'ancien culte de Dieu 746" ; SIN (ou Luna, ou Shuril) ; KHIYUN
(Saturne) ; Bel-Jupiter ; et le septième Nerig, Mars (Codex Nazareus, I, p.
39). [333]
Le Christos des Gnostiques est le chef des sept Æons, les sept esprits
de Dieu, de saint Jean ; les Nazaréens ont aussi leur sept génies, ou bons
Æons, dont le chef est Rex Lucis, MANO, leur Christos. Les Sapta Rishis,
les sept sages de l'Inde, habitent dans les Sapta-Poura ou les sept cités
célestes.
743
Comparez ces deux doctrines diamétralement opposées – la Catholique et la Protestante ; une
prêchée par Paul, le Semi-Platonicien, et l'autre par Jacques, le Talmudiste orthodoxe.
744
Comparez ces deux doctrines diamétralement opposées – la Catholique et la Protestante ; une
prêchée par Paul, le Semi-Platonicien, et l'autre par Jacques, le Talmudiste orthodoxe.
745
Le côté matériel, mauvais de Sophia-Achamoth, qui émane d'elle-même Ilda-Baoth et ses six fis.
746
Voyez la traduction de la préface du Codex Nazaræus par Norberg. Cela prouve, une fois de
plus, l'identification de Jésus avec Gautama Bouddha, dans la pensée des Gnostiques Nazaréens, car
Nebu ou Mercure est la planète consacrée aux Bouddhas.
Que trouvons-nous de plus ou de moins dans l'Ecclesia Universelle,
jusqu'à l'époque de la Réforme, et dans l'Eglise Romaine Papale après la
séparation ? Nous avons comparé la valeur relative de la Cosmogonie
hindoue ; de la Cabale Chaldéo-Zoroastrienne-Judaique ; ainsi que celle
des prétendus Hérétiques. Un diagramme exact de la religion Judaïco-
CHRETIENNE fournirait la meilleure preuve de l'identité des deux ; on
dépense annuellement des sommes énormes pour faire adopter cette
religion par les païens qui l'ont fournie à l'origine ; toutefois la place nous
manque pour le faire et nous jugeons inutile de prouver ce qui a déjà été
surabondamment démontré.
Dans les bijoux Ophites des Gnostics de King 747, nous trouvons,
souvent répété, le nom de Iaô, et confondu avec celui de Ievo, tandis que
celui-ci représente simplement un des génies antagonistes d'Abraxas. Nous
donnerons sans plus tarder l'explication de ce nom afin qu'on ne le
confonde pas avec le nom de Jéhovah juif. Il nous semble fort étrange que
tant de savants archéologues aient si peu insisté pour prouver qu'il y a plus
d'un Jéhovah, et qu'il a commencé avec Moise. Iaô est, sans contredit, un
des titres de l'Etre Suprême, et appartient en partie au Nom Ineffable ; mais
son origine ne date pas de la nation juive et elle n'en peut pas non plus
revendiquer la propriété. Même s'il avait plu à Moïse de donner ce nom à
"l'Esprit" tutélaire, le protecteur et la divinité nationale du "peuple élu
d'Israël", il n'y a pas de raison pour que d'autres peuples soient obligés de
Le reconnaître comme le Dieu Suprême et Unique. Mais nous nions
d'emblée cette supposition. En outre, il est un fait que Yaho ou Iaô était
dès le début un "nom des mystères" ; הוהיet היne furent jamais employés
avant l'époque du roi David. Avant son temps, peu ou point de noms
propres ne furent composés avec les syllabes de iah ou yah. Il semblerait
plutôt, que David, ayant séjourné chez les Tyriens et les Philistins (II.
Samuel) en ait apporté ce nom de Jéhovah. Il nomma Zadok grand-prêtre,
et c'est de là que vint le nom de Zadokites ou Saducéens. Il vécut et régna
en premier lieu à Hébron ןורבח, Habir-on, ou cité Habirienne, où l'on
célébrait le rite des quatre (dieux des mystères). Ni David, ni Salomon ne
reconnurent Moise et ils n'acceptèrent pas non plus sa loi. Ils aspiraient à
élever un temple à [334] הוהי, comme les édifices érigés par Hiram à
Hercule et Vénus, Adon et Astarté.
747
Gnostics and their Remains.
Voici ce que dit Fürst : "Le très ancien nom de Dieu, Yâho... en grec
Ιαω, à part son étymologie, paraît avoir été un ancien nom mystique de la
Divinité Suprême des Sémites. [C'est ainsi qu'il fut révélé à Moïse pendant
son initiation à HOR – EB. – la caverne, sous la direction de Jethro, le
Prêtre Caïnite de Midian]. Dans une ancienne religion (les Chaldéens, dont
on trouve les restes chez les Néo-Platoniciens, la divinité suprême
intronisée au-dessus des sept ciels, représentant le Principe Spirituel de la
Lumière [nous] 748 et conçu également, comme le Demiurge 749, était
appelée Ιαω והי750 qui, de même que le Yâho des hébreux, était
mystérieux ; on ne devait pas en faire mention et son nom n'était
communiqué qu'aux initiés... Les Phéniciens avaient un Dieu Suprême
dont le nom était (litera trina) trilitéral et secret, et il était Ιαω, 751."
Mais tandis que Fürst maintient que ce nom est d'origine sémitique, il
y a d'autres savants qui le font remonter plus loin que lui, et le classent
bien au-delà des Caucasiens.
748
Nous désignation donnée par Anaxagore à la Divinité Suprême, était emprunté à l'Égypte où on
la désignait par NOUT.
749
Par un petit nombre, toutefois, car les créateurs de l'univers matériel furent toujours considérés
comme des divinités subordonnées au Dieu Suprême.
750
Lydus, De mensibus ; Ledrenus, Compendium historiarum.
751
[Fürst, A Heb. and Chald. Lexic, Londres, 1871.]
752
"Erân das Land zwischen dem Indus und Tigris". Berlin, 1863. Avesta.
753
Asi veut encore dire en sanscrit "Tu es", et aussi "épée", "Asi"sans l'accent sur la première
voyelle.
réconfort 754." Le professeur Max Müller dit que, quoique Dyaus, le
firmament, ne se trouve pas en langage sanscrit ordinaire, au masculin, on
le trouve néanmoins dans le Véda, "ce qui est la preuve du culte primitif
Aryen de Dyaus, le Zeus des Grecs" (The Veda). [335]
Il faut d'abord que nous ayons recours aux plus anciennes sources
pour élucider la question. Dans un des Livres d'Hermès, par exemple, nous
voyons qu'il est dit que le nombre DIX est la mère de l'âme et que la Vie et
la Lumière s'y trouvent réunies. Car "le nombre 1 (Un) est né de l'esprit, et
le nombre 10 (dix) de la matière 755 ;" "l'unité fait le DIX, et le DIX
l'unité" 756.
754
Professeur A. Wilder.
755
Les anagrammes sacrés étaient appelés "Zeruph".
756
"Le Livre des Nombres, ou Livre des Clés".
757
Le Jésirah ou livre de la création, écrit par Rabbi Akiba ; il fut le maître et l'instructeur de
Siméon Ben Jochai, qu'on appelait le prince des cabalistes et qui écrivit le Zohar. Franck affirme
que Jésirah fut écrit un siècle avant J.-C. (Die Kabbala, 65) mais d'autres juges tout aussi
compétents estiment qu'il est plus ancien encore. De toutes façons, il est aujourd'hui bien démontré
que Siméon Ben Jochai, vécut avant la seconde destruction du temple.
758
Jésirah, p. 8.
Akiba 759. Dans un des autres systèmes de la même branche de la Cabale
symbolique, appelé Albath, qui dispose les lettres de l'alphabet par paires
en trois rangs, tous les couples du premier rang ont la valeur numérique de
dix ; et dans le système de Siméon Ben-Shetah 760 la paire supérieure, la
plus sacrée de toutes, est précédée du nombre pythagoricien, un et zéro,
10.
Une fois que nous aurons reconnu le fait que, chez tous les peuples de
la haute antiquité, la conception la plus naturelle de la Cause Primordiale
se manifestant dans ses créatures (qui ne pouvaient faire autrement que de
lui attribuer la création tout entière), était celle d'une divinité androgyne ;
que le principe mâle [336] étant considéré comme l'esprit vivifiant
invisible, le principe féminin, étant la mère nature ; nous arriverons alors à
comprendre comment cette cause mystérieuse en vint à être représentée
(probablement dans l'écriture peinte) comme la combinaison de l'Alpha et
de l'Oméga des nombres, puis d'un nombre décimal, et enfin par IAO, le
nombre trilatéral, qui contenait, en lui-même, une profonde allégorie.
759
Ibidem. Voyez la constance avec laquelle Ezéchiel s'en tient à sa vision des roues des "créatures
vivantes" (ch. I, passim).
760
C'était un Néo-Platonicien d'Alexandrie sous le règne du Premier des Ptolémées.
761
Chips, vol. I.
762
Voyez Our Figures de Max Müller.
milieu de son nom à lui devient parfaitement claire, en ce qui concerne le
nom mystérieux de la Divinité en question.
763
[De nobilitatae et praecellentia faeminæ sexus. Cologne, 1532.]
764
Ibidem.
765
King, The Gnostics.
766
Vita Pythagor.
aucune preuve certaine que Pythagore qui vécut à la fin de l'époque
archaïque 767, connût la notation décimale nous possédons des preuves
suffisantes pour montrer que les nombres pleins, donnés par Boëthius,
étaient connus des Pythagoriciens même avant la construction
d'Alexandrie 768. Nous en avons la preuve dans Aristote qui dit que :
"certains philosophes prétendent que les idées et les nombres sont de
même nature, et se montent à DIX en tout 769." Nous croyons que ceci
suffira pour démontrer que la notation décimale était connue au moins
quatre siècles avant J.-C., car Aristote ne paraît pas traiter la question
comme une innovation des "Néo-Pythagoriciens".
En outre, ainsi que nous l'avons déjà dit, la représentation des divinités
archaïques sur les murs des temples sont par elles-mêmes suffisamment
suggestives. Ainsi, par exemple, Vichnou est représenté dans le
Kûrmâvatâra (son second avatar) comme une tortue soutenant un pilier
circulaire sur lequel se tient un double de lui-même (Mâyâ, ou illusion)
avec tous ses attributs. Tandis qu'une main tient une fleur, une autre une
massue, la troisième un coquillage, la quatrième, généralement la
supérieure droite, tient sur son index relevé en forme du chiffre 1, le
chakra, ou disque, qui [338] ressemble à un anneau, ou une roue, et qui
pourrait aussi bien être un zéro. Dans son premier avatar, le Matsyavâtara,
émergeant de la bouche du poisson, on le représente dans la même
position 770. Le Durgâ aux dix bras du Bengale ; le géant Ravana aux dix
têtes ; Parvati – sous la forme de Durgâ, Indra et Indrâni sont dépeints avec
cet attribut, qui est une représentation parfaite du mât de cocagne 771.
Les temples les plus sacrés chez les Hindous sont ceux de Jaggernath.
Cette divinité est adorée également par toutes les sectes de l'Inde, et Jagan-
nôtha est appelé "Le Seigneur du Monde". C'est le dieu des mystères, et
ses temples, qui sont fort nombreux dans le Bengale, ont une forme
pyramidale.
767
608 avant J.-C.
768
Cette cité fut bâtie en 322 avant J.-C.
769
Metaph, XII, VIII ; XIII, VII. XIII, VIII.
770
Voyez les dessins dans le Temple de Rama, Mythology of the Hindus, par Coleman, New-York ;
J.-W. Bouton, éditeur.
771
Voyez les Rosicrucians, par Hagrave Jennings, p. 252.
Aucune autre Divinité ne présente une aussi grande variété
d'étymologies que Yaho ; aucun autre nom n'a fourni des prononciations
aussi variées. Ce n'est qu'en l'associant aux points Masorétiques que les
Rabbins des époques postérieures réussirent à transformer Jéhovah en
"Adonaï", ou Seigneur. Philo Byblius l'écrit en lettres grecques ΙΕΥΩ-
ΙΕVO. Théodoret dit que les Samaritains le prononçaient Iabé (Yahya) et
les Juifs Yaho. Diodore dit que "les Juifs racontent que Moïse appelait le
Dieu Iao", ce qui le ferait prononcer I-ah-O comme nous l'avons montré.
Par conséquent, c'est sur l'autorité de la Bible elle-même, que nous
affirmons qu'avant son initiation par Jethro, son beau-père, Moïse n'avait
pas connaissance du nom de Yaho. La future Divinité des Enfants d'Israël
parle dans le buisson ardent en donnant son nom comme "Je suis celui qui
suis" et il spécifie soigneusement qu'Il est "le Seigneur-Dieu des Hébreux"
(Exode III, 18), non pas celui des autres nations. En le jugeant d'après ses
actes, relatés dans l'histoire des Juifs, nous doutons fort, si le Christ en
personne était apparu au temps de l'Exode, qu'il eût été bien accueilli par
l'irascible Divinité du Sinaï. Toutefois "le Seigneur-Dieu, qui suivant Sa
propre confession, ne devient Jéhovah que dans le chapitre 6, verset 3, de
l'Exode, voit sa véracité mise à l'épreuve au livre de la Genèse XXII, 9, 14,
où dans ce passage révélé, Abraham élève un autel à Jéhovah-jireh. 772
772
[Quæst. XV in Exodum.]
des âmes – Dionysios, Iacchos, Jahoh, Iah 773". Aristode [avait donc raison
en disant que : " הוהיétait Oromazd et Ahriman-Pluton, car le Dieu du Ciel,
Ahura-Mazda monte un chariot que suit le Cheval du Soleil 774."
puis il prouve que "les Arabes représentaient Iauk (Iach) par un cheval. Le
Cheval du Soleil (Dionysios)". Iah est un adoucissement de Iach, explique-
t-il. חch et הh sont interchangeables ; de même le s s'adoucit en h. Les
hébreux exprimaient l'idée de la VIE, aussi bien par ch que par h ; ainsi
chiach, être, hitzh, être ; Iach, le Dieu de la Vie, Iah, "Je suis" 775. Nous
pouvons donc répéter ces quelques lignes d'Ausone :
"Ogugia m'appelle Bacchus ; l'Egypte pense que je suis
Osiris ;
Les Musiens me nomment Phanax ; les Indiens disent
que je suis Dionysios ;
Les mystères romains m'appellent Liber ; la race des
Arabes me nomme Adonis !
Les Lucaniens, le Dieu Universel 776."
773
K.O. Müller, History of Greek Litterature, p. 283. Movers, pp. 547, 553. Sod, the Mysteries of
Adoni, p. 21, par Dunlap.
774
Voir : Universal History vol. V, pi, 301.
775
Sod, the Mysteries of Adoni, p. 21.
776
Épigrammes, XLVIII.
de ceux qui savent quelque chose bien entendu – qui ne soit au courant de
la véritable [340] relation entre Baphomet et Azazel, le bouc émissaire du
désert 777, dont le caractère et la signification ont été entièrement faussés
dans les traductions chrétiennes. "Ce terrible et vénérable nom de Dieu",
dit Lanci 778, bibliothécaire du Vatican, "par la plume des glossaires
bibliques, a été un diable, une montagne, un désert, et un bouc." Dans la
"Royal Masonic Cyclopedia" de Mackensie, l'auteur fait observer avec
raison que "ce mot devrait être divisé en Azaz et El", car "il veut dire le
Dieu de la Victoire, mais il est employé ici dans l'acception de l'auteur de
la Mort, en contraste avec Jéhovah l'auteur de la Vie ; on offrait à ce
dernier un bouc mort en sacrifice 779". La Trinité hindoue se compose de
trois personnes, qui peuvent se convertir en une. La Trimurti est une, et
indivisible dans son abstraction, et cependant nous constatons qu'une
division métaphysique a lieu dès l'abord et tandis que Brahmâ, bien que
représentant collectivement tous les trois, reste dans la coulisse, Vichnou
est le dispensateur de Vie, le Créateur et le Préservateur, et Siva est le
Destructeur et la Divinité qui donne la Mort. "Mort au Dispensateur de la
Vie, Vie à celui qui donne la mort. L'antithèse symbolique est grandiose et
belle" dit Gliddon 780. Le Deus est Dæmon inversus des cabalistes devient
alors compréhensible. Ce n'est que le désir intense et cruel d'effacer le
dernier vestige des anciennes philosophies en faussant leur signification,
de peur que ses propres dogmes ne leur soient pas correctement attribués,
qui a poussé l'Eglise catholique à exercer une telle persécution
systématique envers tous les Gnostiques, les Cabalistes et même envers les
comparativement innocents Franc-maçons.
777
Voyez Lévitique, XVI, 8-10 et autres versets ayant trait au bouc biblique dans les textes
originaux.
778
Sagra Scrittura et Paralipromeni, etc.
779
Article "bouc", p. 257.
780
Types of Mankind, p. 600 ; Royal Masonic Cyclopedia.
chemin. Bien au contraire, elle a germé dans un terrain fertile ; un terrain
engraissé jusqu'à la pléthore, par les mensonges et le sang des hommes !
781
Ecclesiostical History, vol. I pp. 381-382. Il faut lire les citations tout entières pour pouvoir
apprécier la doctrine dans son ensemble.
pour découvrir une croix là où il n'y en avait jamais eu. Toutefois nous
devons, ou bien croire au phénomène ou alors le discuter, au risque de
passer pour des infidèles ; et cela, malgré le fait que des calculs
consciencieux constateraient que les fragments de la "vraie croix" se sont
multipliés plus miraculeusement encore que les cinq pains de la
boulangerie invisible et les deux poissons. Dans des cas analogues, les
miracles qui viennent se placer si à propos, ne laissent pas de place pour
les faits brutaux. L'histoire doit céder le pas afin que la fiction puisse entrer
en jeu. [342]
Mais revenons à notre sujet qui est celui de faire connaître les diverses
origines du Christianisme, ainsi que les sources où Jésus puisa ses propres
notions de Dieu et de l'humanité.
782
Adv. Hær., II, XXII, 4 5, 6.
783
Cité dans le Seers of the Ages, par J.-M. Peeble.
784
[Ammien Marcellin, Histoire Romaine, XXIIL]
785
Nous nous en tenons à la notion – qui devient évidente lorsqu'on considère l'imbroglio
Zoroastrien – qu'il y avait, même à l'époque de Darius, deux castes sacerdotales distinctes de
Julien, raconte qu'un jour, lorsque Histaspes pénétrait courageusement
dans les régions inconnues de l'Inde septentrionale, il arriva à un endroit
boisé solitaire, dont les retraites tranquilles étaient "occupées par ces
éminents sages, les Brachmanes (ou Shamans). Instruit par eux dans la
science du mouvement des mondes et des corps célestes, et dans les purs
rites religieux... il les incorpora à la doctrine des Mages. Ceux-ci
rattachèrent cette doctrine à leur science particulière de prédire l'avenir, et
ce furent leurs descendants qui transmirent le tout ensemble à la
postérité 786". C'est de ces descendants, que les Soufis, composés
principalement de Perses et de Syriens, ont acquis leurs connaissances en
astrologie et en médecine, ainsi que la doctrine ésotérique de l'antiquité.
"La doctrine [344] des Soufis", dit C.-W. King, "renfermait l'idée sublime
d'une croyance universelle, qui pouvait être pratiquée secrètement en
professant une religion extérieure quelconque ; et, de fait, cette doctrine
adoptait le même point de vue au sujet des systèmes religieux, que celui
des philosophes de l'antiquité par rapport à ces questions 787." Les
mystérieux Druses du Mont Liban sont les descendants de tous ceux-ci. On
voit quelquefois, bien qu'on ne les rencontre que rarement, des Coptes
solitaires, étudiants sincères, dispersés, ici et là, à travers les déserts
sablonneux de l'Egypte, de l'Arabie Pétrée, de la Palestine et des forêts
impénétrables de l'Abyssinie. Les disciples de cette mystérieuse école
appartiennent à diverses nationalités, et les rejetons du tronc primitif sont
aussi fort, nombreux. Le secret gardé par ces sous-loges, ainsi que par la
grande loge suprême a toujours été en proportion de l'activité de la
persécution religieuse ; et aujourd'hui devant le matérialisme croissant,
leur existence même devient un mystère 788.
Mages ; les initiés et ceux qu'on autorisait à officier dans les rites populaires seulement. Le même
fait se produit dans les Mystères Eleusiniens. Attachés à chaque temple il y avait les "hiérophantes"
du sanctuaire intérieur, et le clergé séculier qui n'était même pas instruit dans les mystères. Ce fut
contre les absurdités et les superstitions de ces derniers que Darius s'éleva, et "les renversa" car
l'inscription sur son tombeau prouve qu'il était, lui-même, un "hiérophante" et un Mage. Ce ne sont
que les rites exotériques de cette classe de Mages qui passèrent à la postérité, car le secret dans
lequel on tenait les "Mystères" des vrais Mages Chaldéens, n'a jamais été violé, quelles que soient
les suppositions qu'on ait faites à leur sujet.
786
[Arum. Marcel., op. cit., XXIII, VI.]
787
The Gnostics and their Rernains, p. 185.
788
Ce sont là des vérités qui ne peuvent manquer de s'imposer à l'esprit de sincères penseurs. Tandis
que les Ebionites, les Nazarites, les Hémerobaptistes les Lampséens, les Sabéens et bien d'autres
sectes primitives qui hésitèrent, plus tard, entre les différents dogmatismes que leur suggéraient les
paraboles ésotériques et mal interprétées de l'instructeur Nazaréen, qu'ils considéraient avec raison
comme un prophète, il y eut des hommes, dont nous chercherions en vain les noms dans l'histoire,
Mais ce n'est pas une raison pour croire que cette fraternité
mystérieuse n'est qu'une fiction qui n'a même pas de nom, bien qu'elle soit
encore ignorée jusqu'à ce jour. Il importe peu que ses affiliés portent un
nom hindou, égyptien ou persan. Des personnes dignes de foi, et bien
connues, outre l'auteur du présent ouvrage (qui relate quelques faits les
concernant, par l'autorisation spéciale de celui qui a le droit de la donner)
ont rencontré certains membres de ces sous-confréries. Dans un ouvrage
récent et fort précieux sur les sociétés secrètes, la Royal Masonic
Cyclopedia, de K. R. H. Mackenzie, nous voyons le savant auteur lui-
même, membre honoraire de la Loge de Canongate Kilwinning N° 2
(Ecosse) et un maçon auquel on n'en fait pas accroître, donner la
description suivante sous le titre, Hermetic Brothers of Egypt (p. 309)
"Une fraternité occulte qui date des temps les plus reculés, ayant une
hiérarchie d'officiers, de signes secrets et de mots de [345] passe, ainsi
qu'une curieuse méthode d'instruction dans les sciences, la religion et la
philosophie... Si nous devons en croire ceux qui aujourd'hui, professent en
faire partie, la pierre philosophale, l'élixir de vie, l'art de se rendre
invisible, et le pouvoir de communiquer directement avec la vie au delà de
la tombe, feraient partie de l'héritage en leur possession. L'auteur n'a
rencontré que trois personnes qui affirment l'existence actuelle de ce
groupe de philosophes religieux, et qui donnèrent à entendre qu'ils
faisaient réellement partie de ce corps. Il n'y a pas de raison pour douter de
la bonne foi de ces personnes, inconnues les unes des autres, de situation
modeste, de vies sans tache, de manières austères et de coutumes presque
ascétiques. Tous avaient l'air d'avoir de quarante à quarante-cinq ans, et
évidemment possédaient une érudition... considérable... leurs
connaissances des langues étrangères ne faisaient aucun doute... Ils ne
qui gardèrent les doctrines secrètes de Jésus, aussi pures et non adultérées qu'ils les avaient reçues.
Et cependant, toutes les sectes ci-dessus mentionnées, en conflit les unes avec les autres, étaient
bien plus orthodoxes dans leur Christianisme, ou plutôt leur Christisme, que les Eglises de
Constantin et de Rome. "Etrange fut le sort de cet infortuné peuple" (les Ebionites), dit Lord
Amburley, "lorsque, débordé par le flux du paganisme qui envahit l'église, on les condamna comme
hérétiques. Cependant, il n'y a pas de preuve qu'ils se soient départis de l'enseignement de Jésus, ou
de ses disciples qui le connurent de son vivant... Jésus, lui-même, était circoncis... il vénérait le
temple de Jérusalem comme un lieu de prière pour toutes les nations... Mais le flot du progrès passa
sur les Ebionites et les laissa abandonnés sur la grève." (An Analysis of Religious Beliefs, par le
Vicomte Amberley, vol. I, p. 446.)
séjournaient jamais longtemps dans un pays, mais partaient sans se faire
remarquer" 789.
Une autre de ces sous-fraternités, est la secte des Pitris dans l'Inde.
Connue par son nom, maintenant que Jacolliot l'a mise en évidence, elle
est encore plus secrète, peut-être, que la confrérie que Mackenzie nomme
les "Frères Hermétiques". Ce que Jacolliot put savoir à son sujet, il le tira
de fragments de manuscrits qui lui furent donnés par les Brahmanes,
lesquels, sans doute, avaient leurs raisons pour cela. La Agrouchada
Parikshai donne certains détails au sujet de cette association, telle qu'elle
existait jadis, et tout en expliquant les rites mystiques et les incantations,
elle ne révèle rien du tout, de sorte que le mystique L'Om, L'Rhum,
Sh'hrum, et le Sho-rim Ramaya Namaha, demeurent pour l'auteur
embarrassé une énigme aussi impénétrable que jamais. Toutefois il faut lui
rendre justice, qu'il admet le fait, et n'entre pas dans de vaines spéculations
à son sujet 790.
Que celui qui voudrait s'assurer qu'il existe aujourd'hui une religion qui,
pendant des siècles, a déjoué l'impudente curiosité des missionnaires, et les
persévérantes recherches de la science, viole, s'il le peut, la retraite des
Druses de Syrie. Il trouvera qu'ils comptent environ 80.000 guerriers,
répartis depuis les plaines à [346] l'est de Damas jusqu'à la côte
occidentale. Ils ne cherchent pas à faire de prosélytes, ils fuient la
notoriété, demeurent en bons termes – tant que faire se peut – aussi bien
avec les Chrétiens qu'avec les Musulmans ; ils respectent la religion de
toute autre secte ou peuple, mais ne divulguent jamais leurs propres
secrets. C'est en vain que les missionnaires les taxent d'infidèles,
d'idolâtres, de brigands et de voleurs. Ni la menace, ni la subordination, ni
une considération quelconque ne décidera un Druse à se convertir au
789
Les lecteurs américains seront, peut-être, encore plus surpris d'apprendre qu'il existe aujourd'hui
aux Etats-Unis une confrérie mystique qui se réclame d'une parenté intime avec la plus puissante
des Fraternités de l'Orient. Elle est connue sous le nom de Fraternité de Luxor, et ses membres
fidèles ont la garde d'importants secrets scientifiques. Ses ramifications s'étendent à travers toute la
grande République Occidentale. Quoique cette fraternité ait été à l'œuvre depuis fort longtemps, le
secret de son existence a été jalousement gardé. Mackenzie la décrit comme ayant "une base
Rosicrucienne et comprenant de nombreux membres" (Royal Masonic Cyctopedia, p 461).
Mais l'auteur a tort en cela ; ils n'ont rien à faire avec les Rose-croix. Le nom de Luxor fut dérivé à
l'origine de l'ancienne cité du Bélouchistan Loukhsur, située entre Bela et Kedje, qui donna
également son nom à l'ancienne cité égyptienne.
790
[Jacolliot, Le spiritisme, p. 78.]
Christianisme dogmatique ; nous avons oui dire de deux qui avaient été
convertis au Christianisme dans l'espace de cinquante ans, et tous deux ont
terminé leur carrière en prison pour ivrognerie et vol. Ils ont prouvé être de
"vrais Druses" 791 dit un de leurs chefs en parlant d'eux. Le cas ne s'est
jamais présenté, qu'un Druse initié se soit converti au Christianisme. Quant
aux non-initiés, on ne leur permet même jamais de voir les écritures
sacrées, et nul parmi eux n'a la moindre idée où on les garde. Certains
missionnaires en Syrie se vantent d'en posséder quelques copies. Les
ouvrages qui sont, disent-ils, l'exposition exacte de ces livres secrets (tels
que la traduction par Pétis de la Croix, en 1701, d'ouvrages présentés par
Nasr-Allah au roi de France) ne sont qu'une compilation de "secrets" plus
ou moins connus de tous les habitants des chaînes méridionales du Liban
et de l'Anti-Liban. C'est l'œuvre d'un Derviche apostat, qui fut chassé de la
secte Hanafi pour conduite répréhensible – il s'était approprié l'argent de
veuves et d'orphelins. L'Exposé de la Religion des Druses, en deux
volumes, par Sylvestre de Sacy (1838) est encore un tissu d'hypothèses.
Une copie de cet ouvrage était placée en 1870, dans l'embrasure de la
fenêtre d'une de leurs principales Khalwehs, ou lieu de réunions
religieuses. A la question impertinente d'un voyageur anglais, au sujet de
leurs rites, l'Okhal 792, un vénérable vieillard, qui parlait l'anglais aussi bien
que le français, ouvrit le volume de De Sacy et le présentant à son
interlocuteur il lui dit avec un bienveillant sourire : "Lisez ce livre
instructif et véridique ; je ne pourrais vous expliquer mieux qu'il ne le fait
ni plus correctement, les secrets de Dieu et de notre bienheureux Hamsa."
Le voyageur se le tint pour dit. [347]
791
Ce peuple n'accepte pas le nom de Druses qu'on leur donne ; bien au contraire ils le considèrent
comme une insulte. Ils se donnent le nom de "disciples de Kamsa" leur Messie, qui vint vers eux au
XIIème siècle du "Pays de la Parole de Dieu", et avec son disciple Mochtana Bohæddin mit cette
Parole par écrit, et la commit à la garde de quelques initiés, en leur enjoignant le plus profond
secret. On leur donne généralement le nom d'Unitariens.
792
Les Okhal (de l'arabe akl, intelligence ou sagesse) sont les initiés, ou les sages de cette secte. Ils
occupent, dans leurs mystères, la même place que les hiérophantes de l'antiquité, dans les Mystères
Eleusiniens et autres.
passe et de signes... Ils font un stage de probation de douze mois avant
l'initiation, à laquelle les deux sexes sont admis." 793.
Nous ne citons le passage ci-dessus que pour faire voir le peu que des
personnes, même aussi dignes de foi que M. Mackensie, savent au sujet de
ces mystiques.
Mosheim qui en sait autant, ou plutôt aussi peu, que tous les autres, a
le mérite d'admettre avec candeur que "leur religion est particulière à eux
seuls et qu'elle est entourée de quelque mystére 794" Nous n'en doutons
pas !
Il est tout naturel que leur religion montre des traces de Magisme et de
Gnosticisme, car c'est la philosophie ésotérique Ophite qui en constitue la
base. Mais le dogme caractéristique des Druses est l'unité absolue de Dieu.
Il est l'essence de la vie, et bien qu'incompréhensible et invisible, on peut
le connaître lorsqu'il se manifeste occasionnellement sous la forme
humaine 795. De même que les Hindous, ils croient qu'il s'est incarné plus
d'une fois sur cette terre. Hamsa fut le précurseur de la dernière
manifestation (le dixième avatar) 796 et non l'héritier de Hakem, qui est
encore à venir. Hamsa était la personnification de la "Sagesse
Universelle". Dans ses ouvrages Boha-eddin l'appelle le Messie. Le
nombre entier de ses disciples, ou ceux qui aux différentes époques
mondiales ont enseigné la sagesse aux hommes, et que ceux-ci ont
invariablement oubliée et rejetée au cours du temps, est de cent soixante
quatre (164 le s, d, k cabalistique). Par conséquent leurs stages ou degrés
de promotion après l'initiation, sont au nombre de cinq ; les trois premiers
degrés sont représentés par "les trois pieds du candélabre du Sanctuaire
intérieur, qui supporte la lumière des cinq éléments" ; les deux derniers les
plus importants et terrifiants dans leur grandeur solennelle, appartiennent
aux ordres les plus élevés ; et les cinq degrés, ensemble, représentent
l'emblème des cinq Eléments mystiques déjà énumérés. Les "trois pieds
sont la sainte Application, l'Ouverture et le Fantôme", dit un de leurs
793
[Royal Masonic Cyclop., p. 163.]
794
[Eccl. Hist.]
795
C'est la doctrine des Gnostiques qui maintenait que le Christos est l'esprit immortel de l'homme
en personne.
796
Les dix Messies ou avatars rappellent encore les cinq Avatars Bouddhistes et les dix
Brahmaniques du Bouddha et de Krishna.
livres, l'âme interne et externe de l'homme, et son corps, un fantôme, une
ombre transitoire. Le corps, ou la matière [348] est aussi appelé le "Rival",
car "il est le ministre du péché, le Diable créant constamment des
dissensions entre l'Intelligence Céleste [l'Esprit] et l'âme, qu'il tente sans
cesse." Leurs notions sur la transmigration sont Pythagoriciennes et
cabalistiques. L'esprit, ou Al-Tamîmi (l'âme divine) était en Elie et saint
Jean-Baptiste ; et l'âme de Jésus était celle de Hamsa ; c'est-à-dire qu'elle
était de la même pureté et sainteté. Jusqu'à leur résurrection, par laquelle
ils comprennent le jour où les corps spirituels des hommes seront absorbés
dans l'essence de Dieu et dans son être (le Nirvana des Hindous), les âmes
des hommes conservent leur forme astrale, sauf quelques élus qui, dès le
moment de la séparation de leur corps commencent leur existence comme
esprits purs. Ils divisent la vie de l'homme en âme, corps et intelligence ou
mental. C'est ce dernier qui transmet et communique à l'âme l'étincelle
divine de son H'amsa (Christos).
III. Tolérance ; le droit donné à tout III (?) "Renoncer à toute autre
homme ou femme d'exprimer religion" 800.
librement son opinion sur les choses
religieuses, et de les soumettre à la
raison. [349]
IV. Le respect pour tout homme ou IV (?) "Se tenir à l'écart des
femme d'après leur caractère et leur infidéles de toute espèce, non pas
797
Voyez plus loin, la lettre d'un "Initié".
798
Dans cette colonne les premiers numéros correspondent à l'article sur les Druses dans la New
American Cgclopœdia de Appleton, vol. VI, p. 631. Les numéros entre parenthèses font voir l'ordre
dans lequel les commandements seraient lacés, s'ils avaient été correctement reproduits.
799
Cette doctrine néfaste appartient à l'ancienne politique de l'Eglise catholique, mais elle est
absolument fausse en ce qui concerne les Druses. Ils maintiennent qu'il est permis de cacher la
vérité au sujet de leur propre doctrine, car nul en dehors de leur secte n'a le droit de fouiller dans
leur religion. Les Okhals n'autorisent en aucun cas un mensonge délibéré bien que les laiques se
soient souvent débarrassés d'espions envoyés par les chrétiens pour découvrir leurs secrets, en les
trompant par de fausses initiations. (Voir la lettre du prof. Rawson à l'auteur).
800
Ce commandement n'existe pas dans l'enseignement de l'école du Liban.
conduite. extérieurement, mais seulement
dans le cœur" 801.
VII. Aide mutuelle dans toutes les VII (V) "Résignation à la volonté
conditions. de Dieu".
Ainsi qu'on peut le constater le seul exposé, ci-dessus, est celui d'une
grande ignorance, sinon de malice de la part d'auteurs qui, comme
Sylvestre de Sacy, ont entrepris de faire connaître au monde des choses
dont ils ne connaissent pas le premier mot.
801
Il n'existe pas de commandement de cette nature, mais la pratique existe par arrangement mutuel,
comme à l'époque de la persécution des Gnostiques.
chrétienne. On ne voit à l'extérieur que les anciennes ruines d'un édifice,
jadis imposant, utilisé, suivant la légende, par les sectes Gnostiques
comme un lieu de culte pendant les persécutions religieuses. Les ruines au-
dessus de terre ne sont toutefois qu'un prétexte ; car la chapelle, les halles
et les cellules couvrent une surface considérablement plus étendue que
l'édifice supérieur ; la richesse de l'ornementation, la beauté des anciennes
sculptures et les vases d'or et d'argent dans cette retraite sacrée, donnent
l'illusion "d'un rêve [350] de gloire", suivant l'expression d'un initié. De
même que les lamaseries de la Mongolie et du Tibet sont visitées aux
grandes occasions par l'ombre sainte du "Seigneur Bouddha", de même ici,
pendant la cérémonie apparaît la forme radieuse et éthérée de Hamsa, le
Bienheureux, qui instruit les fidèles. Les exploits les plus extraordinaires
de ce qu'on pourrait nommer magie ont lieu pendant les quelques nuits que
dure la réunion ; et un des plus grands mystères – fidèle copie du passé –
s'accomplit dans le sein discret de notre mère la terre ; pas un écho, pas un
murmure, pas un rayon de lumière ne trahissent au dehors le grandiose
secret des initiés.
A.-L. RAWSON.
802
Lt-Col. C.H. Churchill, Mount Lebanon, vol. II, Londres, 1853.
fondateur, est bien compensé par la pureté des vies de ceux qu'ils honorent
comme des saints et par l'héroïsme de leurs chefs féodaux."
Malgré cela on est autorisé à dire que de toutes les sociétés secrètes,
celle des Druses est la moins ésotérique. Il y en a d'autres, beaucoup plus
puissantes et plus savantes, dont, en Europe, on ne soupçonne même pas
l'existence. Il y a beaucoup de Branches faisant partie de la "Loge Mère",
qui mélangées à d'autres communautés, pourraient être classées comme
des sectes dans d'autres sectes. Une de celles-ci est la secte connue
généralement sous le nom des Langhana-Sastra. Elle compte plusieurs
milliers d'adeptes, disséminés en petits groupements dans le sud du
Dekkan, en [354] Inde. Suivant la superstition populaire, on craint cette
secte à cause de sa grande réputation de magie et de sorcellerie. Les
Brahmanes accusent ses membres d'athéisme et de sacrilège, car aucun
d'eux ne consent à reconnaître l'autorité des Védas ou de Manou, sauf en ce
qui concerne les versions en leur possession, auxquelles ils se conforment,
et qu'ils prétendent être les seuls textes originaux ; les Langhana-Sastra
n'ont ni temples ni prêtres, mais deux fois par mois, chaque membre de la
communauté est tenu de s'absenter de chez lui pendant trois jours. La
rumeur populaire, qui a pris naissance chez leurs femmes, veut que ces
absences soient dues à un pèlerinage à leurs lieux de réunions bi-
mensuelles. Ils se tiennent alors dans leurs bungalows qui ressemblent à
des forteresses, entourés qu'ils sont de murailles hautes et épaisses, situés
dans quelque endroit retiré dans les montagnes, ignoré et inaccessible pour
les autres sectes, et cachés aux regards par la luxuriante végétation de
l'Inde. Ces murailles, à leur tour, sont entourées d'arbres sacrés nommés
ashvalha, et en Tamil arasha maram. Ce sont les "bosquets sacrés" origine
de ceux de l'Egypte et la Grèce, dont les initiés bâtissaient leurs temples
dans les "bosquets" analogues, "inaccessibles aux profanes 803."
Il ne sera pas sans intérêt de lire ce que John Yarker Jr. a à dire au
sujet de quelques sociétés secrètes modernes chez les Orientaux. "La
ressemblance la plus proche des Mystères Brahmaniques, se voit
probablement dans les forts anciens "Sentiers" des Derviches, qui sont
généralement régis par douze officiers, la plus ancienne "Cour" dirigeant
les autres par droit d'antériorité. Ici, le maître de la "Cour" est appelé Sheik
et il a sous ses ordres ses députés, les "Caliphes", ou successeurs, qui
803
Chaque temple en Inde est entouré d'une ceinture d'arbres sacrés. Et comme le Koum-Boum du
Kansu (Mongolie) personne sauf un initié n'a le droit d'en approcher.
peuvent être fort nombreux (comme, par exemple, dans le degré breveté du
Maître Maçon). L'ordre est divisé en au moins quatre colonnes, piliers ou
degrés. Le premier pas est celui de "l'Humanité", qui présuppose
l'observation de la Loi écrite, et qui est "l'annihilation en le Sheik". Le
second est celui du "Sentier", dans lequel le "Murid", ou disciple acquiert
les pouvoirs spirituels et l' "auto-annihilation dans le Pir" ou fondateur du
"Sentier". Le troisième degré est appelé "La Connaissance" et le "Murid"
est supposé s'inspirer dans ce qu'on nomme "l'annihilation dans le
Prophète". Le quatrième degré le conduit jusqu'à Dieu, et lorsqu'il devient
une partie de la Divinité il La voit en toute chose. Le premier et le second
degré ont été divisés en subdivisions modernes, qui sont "Intégrité" ;
"Vertu" ; "Tempérance" ; "Bienveillance". Après [355] cela le Sheik lui
confère le grade de "Caliphe" ou Maître Honoraire, car, dans leur langage
mystique "l'homme doit mourir avant que le saint puisse naître." On voit
que ce genre de mysticisme est applicable au Christ, comme fondateur d'un
"Sentier".
A cela l'auteur ajoute ce qui suit, au sujet des Derviches Bektash, qui
"souvent initièrent les Janissaires. Ils portent sur eux un petit cube de
marbre tacheté de sang. La cérémonie se passe comme suit : Une année de
probation est exigée avant d'être reçu, pendant laquelle de faux secrets sont
donnés pour éprouver le candidat ; il a deux parrains, et on lui enlève tous
métaux et même ses habillements ; une corde est alors faite avec de la laine
de mouton pour lui mettre autour du cou, et lui ceindre les reins ; il est
conduit au centre d'une chambre carrée, il est présenté comme esclave, et
on l'assoit sur une grande pierre avec douze dentelures ; ses bras sont
croisés sur la poitrine ; son corps est incliné en avant, ses orteils droits
étendus par-dessus le pied gauche ; après diverses prières, on le place
d'une façon particulière, sa main placée d'une manière spéciale dans celle
du Sheik, qui répète un verset du Koran : "Ceux qui en te donnant la main,
te font un serment, le jurent à Dieu, car la main de Dieu est placée dans la
leur ; quiconque violera ce serment, le fera à ses risques et périls, et celui
qui demeure fidèle, recevra de Dieu une magnifique récompense." Leur
signe consiste à placer la main sous le menton, peut-être en souvenir de
leur vœu. Tous font usage du double triangle. Les Brahmanes inscrivent
leur trinité dans leurs angles ; ils ont également le signe de détresse
employée par les Maçons de France" 804.
804
John Yarker Jr., Notes on the Scientific and Religions Mysteries of Antiquity, etc., pp. 78, New-
York.
805
Ce "Soi" que les philosophes grecs nommaient Augoeides, le "Brillant", est décrit d'une manière
impressionnante et vraiment belle dans le Véda de Max Müller. Démontrant que ce Véda est le
premier livre des nations aryennes, le professeur ajoute que "nous y reconnaissons... une période de
la vie intellectuelle de l'homme qui n'a pas son pareil dans aucun autre pays du monde entier. Dans
les hymnes du Véda nous voyons l'homme abandonné à lui-même pour résoudre l'énigme de ce
monde... Il invoque [les dieux autour de lui], il les loue et les adore. Et cependant avec tous ces
dieux... au-dessus et au-dessous de lui le poète primitif parait être inquiet en son for intérieur. Là
aussi, dans le fond de sa poitrine, il découvre une puissance... qui n'est jamais muette lorsqu'il prie,
qui n'est jamais absente lorsqu'il craint et tremble. Elle paraît inspirer ses prières, et cependant les
écouter ; elle semble vivre au-dedans de lui et, pourtant, le supporter et tout ce qui l'entoure. Le seul
nom qu'il puisse trouver pour cette force mystérieuse est "Brâhman" ; car brâhman voulait dire
originellement, force, volonté, désir et le pouvoir propulsif de la création. Mais ce Brâhman
impersonnel, aussitôt qu'il est nommé devient quelque chose de grand et de divin. Il finit par
devenir un des nombreux dieux, un dieu de la grande triade, qu'on adore jusqu'à ce jour. Et, malgré
cela, la pensée au-dedans de lui n'a pas de nom véritable ; ce pouvoir qui n'est rien d'autre que lui-
même, qui supporte les dieux, les cieux et chaque chose vivante, flotte devant lui, conçu mais non
exprimé. Enfin il lui donne le nom "d'Atman", car Atman qui voulait dire à l'origine le souffle ou
l'esprit en vient à signifier le Soi et le Soi seulement ; Le Soi, Divin ou humain ; le Soi, qu'il crée ou
qu'il souffre ; le Soi, le un ou le tout ; mais toujours le Soi indépendant et libre. "Qui a vu le premier
né, demande le poète, lorsque celui qui n'avait pas d'os (c'est-à-dire de forme) donne naissance à
celui qui a des os ? Où était la vie, le sang, le Soi du monde ? Qui le demanda à celui qui le savait"
(Rig-Veda, I, 164, 4). Cette notion du Soi divin, une fois exprimée, tout doit reconnaître sa
suprématie ; le Soi est le seigneur de toutes choses, le Soi est le Roi de tout. Ainsi que tous les
rayons d'une roue sont contenus dans le moyeu et la circonférence, toute chose est contenue dans ce
Soi ; tous les sois sont contenus dans ce Soi" (Brihad âranyaka, IV, 5-15, éd. Rœr, p. 487). Brahma
lui-même n'est autre chose que le Soi (Ibid., p. 478 ; Chândogya-upanishad, VIII, 3, 3-4) ; Chips
from a German Workshop, vol. I, p. 69.
jusqu'aux temps modernes, il n'y a pas eu un seul philosophe digne de ce
nom, qui n'ait porté dans le silencieux sanctuaire de son cœur, la sublime
et mystérieuse vérité. S'il était initié, il l'apprit comme une science sacrée ;
s'il ne l'était pas, alors, de même que Socrate se répétait à lui-même et à
tous ses semblables, la noble injonction : "Homme, connais-toi toi-même",
il réussit à reconnaître le Dieu en lui. "Vous êtes des dieux", s'écrie le Roi-
Psalmiste, et nous voyons que Jésus rappelle aux Scribes que l'expression
"Vous êtes des dieux", s'adressait à d'autres hommes mortels, et qu'il
réclamait pour lui le même privilège sans blasphème 806. Et voici que Paul,
écho fidèle, tout en affirmant que nous sommes tous "le temple du Dieu
vivant 807", ajoute prudemment, qu'après tout ces choses n'intéressent que
les "sages", et qu'il n'est pas "légitime" d'en parler.
806
Jean, X, 34-35.
807
2ème Epître aux Corinthiens, VI, 16.
Bouddhique n'enseigne nullement l'annihilation finale. De même qu'on
prétend que Jésus apparut à ses disciples après sa mort, de même on croit,
à ce jour, que Gautama redescend du Nirvana. Et s'il existe là-haut, cet
état, n'est donc pas synonyme d'annihilation.
De même que tous les autres grands réformateurs, Gautama eût une
doctrine pour ses "élus" et une autre pour la multitude, bien que son but
spécial de réforme était d'initier tout le monde, autant qu'il était possible et
prudent de le faire, sans distinction de caste ou de fortune, aux grandes
vérités, qui, jusqu'alors, avaient été tenues secrètes par la classe égoïste des
Brahmanes. Ce fut Gautama qui, le premier dans l'histoire du monde, mû
par ce sentiment généreux qui réunit l'humanité tout entière dans une seule
étreinte, invita les "humbles", les "boiteux" et les "aveugles" à la table du
festin du Roi, dont il exclut ceux qui, jusqu'alors s'y étaient assis dans leur
éloignement hautain. Ce fut lui, qui d'une main énergique, ouvrit le
premier la porte du sanctuaire au paria dédaigné et à tous ceux "affligés
par les hommes vêtus de pourpre et d'or", mais qui étaient souvent moins
dignes que les proscrits qu'ils montraient dédaigneusement du doigt. Tout
cela Siddhârtha le fit six siècles avant l'autre réformateur, tout aussi noble
et aimant, quoique moins favorisé que lui par le sort, dans une autre
contrée. Si tous deux, connaissant le grand danger de laisser entre les
mains du peuple ignorant l'épée à double tranchant de la connaissance qui
confère le pouvoir, laissèrent dans l'ombre le recoin le plus reculé du
sanctuaire, où est celui qui connaît la nature humaine, qui saurait les en
blâmer. Mais tandis que l'un d'eux agit par prudence, l'autre fut forcé
d'adopter ce moyen. Gautama laissa [358] de côté la partie ésotérique et
dangereuse de la "connaissance secrète", et vécut jusqu'à l'âge avancé de
quatre-vingts ans, certain d'avoir enseigné les vertus essentielles, et d'y
avoir converti un tiers du monde ; Jésus promit à ses disciples la
connaissance qui confère à l'homme le pouvoir de produire de plus grands
miracles que ceux qu'il fit lui-même, et il mourut, ne laissant derrière lui
que quelques fidèles, à mi-chemin de la connaissance, pour lutter contre le
monde auquel ils ne pouvaient enseigner que ce qu'ils ne savaient eux-
mêmes qu'à moitié. Par la suite leurs successeurs défigurèrent encore plus
la vérité qu'ils ne l'avaient fait eux-mêmes.
Il n'est pas exact que Gautama n'ait jamais enseigné quoi que ce soit
concernant une vie future, ou qu'il ait nié l'immortalité de l'âme. Demandez
à un Bouddhiste intelligent ce qu'il pense du Nirvâna, et il répondra
incontestablement comme le fit Wong-Chin-Eou, l'orateur chinois bien
connu voyageant aujourd'hui en Amérique 808, dans une conversation qu'il
eut avec nous sur le sujet de Niepang (Nirvâna). "Cet état", nous dit-il
"nous le comprenons tous comme la réunion avec Dieu, coïncidant avec la
perfection de l'esprit humain, par son dégagement ultime de la matière.
C'est tout l'opposé de l'annihilation personnelle."
808
[Ceci fut écrit en 1875. NA.T.]
"Ce furent les missionnaires en Chine et aux Indes, qui, les premiers
lancèrent ce mensonge au sujet du Niepang ou Niepana (Nirvâna)", nous
dit Wong-Chin-Eou. Qui niera l'exactitude de cette accusation après la
lecture des ouvrages de l'Abbé Dubois, par exemple ? Un missionnaire qui
passe quarante ans de sa vie en Inde et qui écrit, après cela, que les
"Bouddhistes ne reconnaissent pas d'autre Dieu que le corps de l'homme,
et qu'ils n'ont pas d'autre but que la satisfaction de leurs passions", profère
un mensonge qui peut être prouvé sur le témoignage des lois des Talapoins
du Siam et de Birmanie ; ces lois qui ont cours jusqu'à ce jour, condamnent
à la mort par décapitation tout sahân, ou punghi (un savant ; du sanscrit
pundit) aussi bien qu'un simple Talapoin, convaincu d'impudicité. Aucun
étranger n'est admis dans leurs Kyums, ou Vihâras (monastères) ;
néanmoins, certains écrivains français, par ailleurs loyaux et sans parti
pris, qui en parlant de l'excessive sévérité de la règle à laquelle sont soumis
les moines bouddhistes dans ces communautés, et sans aucune preuve à
l'appui pour corroborer leur scepticisme, déclarent que "nonobstant les
louanges que leur adresse [aux Talapoins] certains voyageurs, simplement
en vertu des apparences, je ne crois pas le moins du monde à leur
chasteté 809".
809
Jacolliot, Voltage au Pays des Éléphants.
810
Grands prêtres Bouddhistes à Ceylan.
811
Le Samenaïra est celui qui étudie pour obtenir l'emploi suprême d'un Upasampadâ. Il est
disciple et le grand prêtre le considère comme son fils. Nous soupçonnons que le séminariste
catholique doit envier aux Bouddhistes la parenté de ce titre.
tardif peut acheter à prix d'or ou d'argent dans les confessionnaux, la
remise des offenses plus ou moins grandes envers Dieu et l'homme.
812
Jacolliot déclare dans Les Fils de Dieu qu'il a copié ces dates dans le Livre du Zodiaque
historique conservé dans la padoge de Vilianur.
Il est évident que Gautama-Bouddha, le fils du Roi de Kapilavastu, et
le descendant du premier Sakya, par son père, qui appartenait à la caste des
Kshatriyas ou guerriers, ne fut pas l'inventeur de sa philosophie.
Philanthrope de sa nature, ses idées se développèrent et mûrirent à
l'enseignement de Tir-thamkara, le célèbre gourou de la secte des Jaïns.
Ceux-ci prétendent que le Bouddhisme actuel est une branche divergente
de leur propre philosophie, et qu'eux-mêmes sont les seuls fidèles du
premier Bouddha, auxquels on permit de demeurer dans l'Inde, après
l'expulsion de tous les autres Bouddhistes, et cela probablement parce
qu'ils firent un compromis en admettant quelques-unes des notions
Brahmaniques. C'est pour le moins, assez curieux que trois religions
dissidentes et antagonistes comme le Brahmanisme, le Bouddhisme et le
Jaïnisme, soient aussi parfaitement d'accord dans leurs traditions et leur
chronologie, au sujet du Bouddhisme, et que nos savants n'écoutent que
leurs propres spéculations et leurs hypothèses injustifiées. Si la naissance
de Gautama doit, avec raison, être placée à environ 600 avant J.-C., alors
les Bouddhas antérieurs doivent aussi avoir une place dans la chronologie.
Les Bouddhas ne sont pas des dieux, mais simplement des êtres adombrés
par l'esprit de Bouddha – le rayon divin. Ou bien, est-ce parce qu'ils sont
incapables de tourner la difficulté au moyen de leurs propres recherches
seulement, que nos orientalistes préfèrent effacer et nier le tout, plutôt que
d'accorder aux Hindous le droit de savoir quelque chose au sujet de leur
religion et de leur histoire ? Voilà certes, une étrange manière de découvrir
la vérité.
L'argument général mis en avant contre la prétention des Jaïns d'avoir été
la source de la restauration de l'ancien Bouddhisme, que le dogme
principal de celle-ci est en opposition avec celui des Jaïns, n'a aucune
valeur. Les Bouddhistes, disent nos orientalistes, nient l'existence d'un Etre
suprême ; les Jaïns en admettent un, tout en protestant contre l'idée qu'Il
"puisse jamais intervenir dans le gouvernement de l'univers. Nous avons
démontré dans le chapitre précédent, que les Bouddhistes ne nient rien de
la sorte. Mais si un savant désintéressé voulait étudier avec soin la
littérature des Jaïns, dans les milliers de livres, conservés, ou plutôt, cachés
dans le Rajpoutana, à Jaisalmer, à Pattan et dans d'autres lieux 813 ; et
surtout s'il pouvait avoir accès aux plus anciens de leurs volumes sacrés, il
reconnaîtrait l'identité parfaite de la pensée philosophique, sinon des rites
813
On nous dit qu'il existait environ 20.000 de ces ouvrages.
populaires, entre les Jaïns et les Bouddhistes. L'Adi-Bouddha et l'Adinâtha
(ou Adiswara) sont identiques quant à l'essence et le but. Or, si nous
suivons en arrière la trace des Jaïns, avec leur prétention de posséder les
temples-cavernes les plus anciens [362] (magnifiques specimens de
l'architecture et de la sculpture indienne) et leurs annales d'une antiquité
presque incroyable, nous ne pourrons refuser de les considérer ainsi qu'ils
prétendent le faire eux-mêmes. Nous serons forcés d'admettre, que selon
toute probabilité, ils sont les seuls véritables descendants des habitants
primitifs de l'Inde, dépossédés par les hordes conquérantes et mystérieuses
des Brahmanes à peau blanche, que nous voyons, à l'aurore de l'histoire,
errer tout d'abord dans les vallées de la Jumna et du Gange. Les livres des
Shravakas – les seuls descendants des Arhâts, ou Jaïns primitifs, les
hermites nus de la forêt de l'antiquité, jetteraient probablement un flot de
lumière sur plus d'une énigme embarrassante. Mais tant que nos savants
européens, poursuivront leur propre politique, auront-ils jamais accès aux
volumes qui seraient nécessaires ? Nous nous permettons d'en douter.
Demandez à n'importe quel Hindou digne de foi, comment les
missionnaires ont traité les manuscrits qui malheureusement leur sont
tombés sous la main, et jugez alors, si l'on doit blâmer les indigènes
d'essayer de sauver de la profanation les "dieux de leurs ancêtres ?"
Irénée et son école eurent une dure lutte à soutenir contre les
Gnostiques afin de garder le terrain conquis. Tel fut aussi le sort d'Eusèbe
qui se vit fort embarrassé pour se défaire des Esséniens. Les usages et les
coutumes de Jésus et ses apôtres ressemblaient par trop à ceux de cette
secte pour que cela passât sans explication. Eusèbe fit son possible pour
qu'on crût que les Esséniens étaient les premiers Chrétiens. Ses efforts
furent contrecarrés par Philon le Juif, qui écrivit une relation historique des
Esséniens, les décrivant avec le plus grand soin, longtemps avant
l'apparition du premier Chrétien en Palestine. Mais s'il n'y avait pas de
Chrétiens, il y eut des Chrestiens longtemps avant l'ère chrétienne ; et les
Esséniens faisaient partie de ceux-ci ainsi que de toutes les autres
confréries d'initiés, sans même faire allusion aux Krishnaïtes de l'Inde.
Lepsuis dit que le mot Nofer signifie Chrestos, "bon" et qu'un des titres
d'Osiris, "Onnofre" [Un-nufer] doit se traduire par "la bonté de Dieu
manifestée 814". "Le culte du Christ n'était pas universellement répandu à
814
Lepsius, Künigsbuch b. 11, tal i. dyn. 5 h. p. Dans 1 saint Pierre II, 3, Jésus est appelé "le
Seigneur Chrestos".
cette époque primitive", dit Mackenzie, "et par cela j'entends qu'on n'avait
pas encore la Christolâtrie ; mais le culte de Chrestos – le Principe du Bien
– l'avait précédé depuis plusieurs siècles, et survécut même à l'adoption
générale du Christianisme, ainsi qu'on le constate par les monuments qui
existent encore aujourd'hui... De plus, nous trouvons une inscription pré-
chrétienne sur la tablette d'une épitaphe (Spon. Misc. Erud., Ant., X.-
XVIII, 2) Υαχινθε Λαρισαιων ∆ηµοσιε Ηρως Χρηστε Χαιρε, et, de Rossi
(Roma Solteranea, tome 1, tav. XXI) nous [363] en fournit un autre
exemple pris dans les catacombes – "Ælia Chreste, in Pace" 815. Jacolliot de
son côté nous fait voir que Kris en sanscrit signifie "sacré" 816.
815
Mackenzie, Royal Masonic Cyclopcedia, p. 207.
816
[Christna, etc., p. 357.]
817
[Eccl. Hist., II, XVII.]
818
[Hist. des Juifs, II, ch. 20-25.]
819
[De vita contemplativa.]
820
[Hist. of the Decline, etc., ch. XV, note 163.]
Mais dans les premiers siècles ces faits, si même ils avaient été
connus, étaient ignorés à dessein et, non seulement on les cachait autant
que possible au public, mais on les niait péremptoirement si par hasard la
question venait à être discutée. L'amertume de la dénonciation des Pères
était en proportion de la vérité du sujet qu'ils cherchaient à réfuter.
821
Adv. Hœr., III, 2, g 2.
822
Sprengel, Histoire de la Médecine.
823
[Diog. Rært, Vies, etc., "Platon", § 1 ; Plutarque, Sympos., VIII, 1-2.]
elle allait donner le jour était la progéniture de ce dieu. De même Romulus
était, disait-on, le fils de Mars et de la vierge Reha Sylvia.
Presque tous les écrivains symboliques ont soutenu que les Ophites
étaient accusés de pratiquer les rites les plus licencieux dans leurs réunions
religieuses. La même accusation fut portée contre les Manichéens, les
Carpocrates, les Pauliciens, les Albigeois, en somme contre chaque secte
Gnostique qui se permettait d'avoir une opinion propre. De nos jours, les
160 sectes américaines et les 125 sectes anglaises ne sont pas harcelées à
ce point par de pareilles imputations ; les temps ont changé, et même le
clergé, jadis tout puissant, se voit aujourd'hui contraint de mettre un frein à
sa langue, ou alors d'apporter la preuve de ses accusations calomnieuses.
824
[Irénée, Adv. Hær., III, 3.]
825
Christ of Paul, p. 188, New-York, 1876.
826
Adv. Haer., V, 33, § 4.
827
Eusèbe, Hist. Eccles., III, p. 39.
Le champion suivant pour la propagation de la Succession
Apostolique est Eusèbe en personne. La parole de ce Père arménien vaut-
elle mieux que celle d'Irénée ? Ecoutons ce que les critiques les plus
compétents ont à dire à son sujet. Et avant de consulter les critiques
modernes, nous pourrions rappeler au lecteur les termes injurieux
qu'adresse à Eusèbe, Georges Syncellus, le Vice Patriarche de
Constantinople (VIIIème siècle) pour son audacieuse falsification de la
Chronologie égyptienne. L'opinion de Socrate, historien du Vème siècle,
n'est pas plus flatteuse. Il accuse Eusèbe de pervertir délibérément les dates
historiques, afin de plaire à l'Empereur Constantin 828. Dans son ouvrage
chronographique, avant de fausser lui-même les tableaux synchroniques,
pour donner à la Chronologie des Ecritures une apparence plus plausible,
Syncellus déverse sur Eusèbe tout un choix d'épithètes monacales les plus
grossières. Le Baron Bunsen a reconnu la justesse, sinon la courtoisie
d'une pareille réprimande. Ses patientes recherches pour rectifier la Liste
Egyptienne de la Chronologie, de Manetho, l'amena à reconnaître, qu'à
travers tout cet ouvrage, l'Evêque de Césarée "avait entrepris de mutiler
l'histoire dans un esprit arbitraire et dénué de scrupules." "Eusèbe, dit-il,
est le créateur de cette théorie systématique de synchronismes qui a si
souvent tronqué et mutilé l'histoire dans son lit de Procuste 829." A cela,
l'auteur du Développement Intellectuel de l'Europe ajoute : "Parmi ceux
[367] qui ont été le plus coupables de cette offense il faut mentionner le
nom du célèbre Eusèbe, Evêque de Césarée ! 830"
828
[Socrates Scholasticus, Eccles. Hist., I, I.]
829
Bunsen, Egyp., vol. I, p. 200.
830
Développement Intellectuel de l'Europe, p. 147.
831
Antiquités, liv. XVIII, chap. 3.
Nous faisons toutes nos excuses à l'éminent savant de le contredire à
nouveau. Laissant de côté le "si" qu'il ajoute prudemment, nous voulons
simplement démontrer que quoique le court paragraphe puisse être
authentique, et tout à fait dans le style de Josèphe, ses diverses parenthèses
sont, sans contredit, des falsifications postérieures ; et si Josèphe avait fait
une mention quelconque du Christ, ce n'est pas ainsi qu'il "en aurait parlé".
Le paragraphe tout entier ne comprend que quelques lignes, qui sont les
suivantes : "A ce temps-là vivait Jésous, un HOMME SAGE 832 si,
toutefois, il est juste de (appeler un homme ! (ά̀νὸρα), car il faisait des
choses surprenantes et il était (instructeur des hommes qui prennent plaisir
à recevoir la vérité... Celui-ci était (OINT [!!]. Et, accusé par les hommes
les plus notoires parmi nous, après avoir été condamné par Pilate à périr
sur la croix, ils ne cessèrent d'aimer, celui qui les avait aimés. Car il leur
apparut en vie le troisième jour, et les divins prophètes ont dit cela et
beaucoup d'autres choses merveilleuses à son sujet."
832
Un homme sage, chez les anciens, était toujours un cabaliste. Cela signifie un astrologue et un
magicien. (Un Israélite en vérité, vol. III, p. 206.) Hakim est un médecin.
833
Le Dr Lardner la rejette comme fausse et il donne neuf raisons pour la rejeter. [Cf. The
credibility of Gorpel History.]
souvent notoires. Reuss qualifie son christianisme d' "âpre, insolent,
brutal, ferrailleur. Il est sans onction, sans charité, et même quelquefois
sans loyauté, lorsqu'il se trouve aux prises avec l'opposition. Si, au IIème
siècle, tous les partis, à l'exception de quelques Gnostiques, étaient
intolérants, Tertullien était le plus intolérant de tous !" 834.
834
[Revue de Théologie, XX, 1857.]
835
Un Sophomore est un élève de seconde classe en Amérique. Note du Trad.
836
Apocalypse, I et II, 6.
837
Philippe, le premier martyr, était un des sept, et il fut lapidé vers l'an 34 de notre ère.
les accusations "d'hérésie", que si "les élus" des apôtres n'avaient jamais
été adombrés par eux.
838
1er Corinthiens, VIII, 34.
839
Apocalypse, XIV, 3, 4.
moment donné, [370] fait partie de leur groupe, et il pouvait, par
conséquent, fournir tous les renseignements utiles à leur sujet. Seulement
jusqu'à quel point pouvons-nous ajouter foi aux affirmations de ce digne
Evêque ; ceci est une autre question. Point n'est besoin d'approfondir la
nature humaine pour reconnaître que rares sont les traîtres et les renégats,
qui, ayant dénoncé leurs complices, au moment du danger ne mentent
aussi effrontément qu'ils ont trahi. Les hommes ne pardonnent pas à ceux
auxquels ils ont fait tort ni ne se laissent fléchir par eux. Nous haïssons nos
victimes en proportion du mal que nous leur avons fait. Cette vérité est
vieille comme le monde. D'autre part il est absurde de croire que des
personnes comme les Gnostiques qui, suivant Gibbon 840, étaient les
hommes les plus riches, les plus orgueilleux, les plus courtois, ainsi que les
plus érudits parmi ceux qui "se nommaient Chrétiens" aient pu être
coupables des actes repoussants et libidineux dont se plaît à les accuser
Epiphane. Même s'ils avaient été comme "cette bande de gueux, à moitié
nus et de mauvaise mine" que Lucien décrit comme les partisans de saint
Paul 841, nous nous refuserions à croire à une pareille infamie. Il est certes
improbable que des hommes qui étaient non seulement des Platoniciens,
mais aussi des Chrétiens, aient jamais été coupables de rites aussi contre
nature.
840
[Hist. of the Decline.]
841
Philopatris dans le Diegesis de Taylor, p. 376, Boston 1832.
842
[A Discourse on the Worship of Priapus.]
843
Gnostics and their Remains de King.
détails de la toilette des dames, pour que son "baiser" soit strictement
orthodoxe 844. Il n'y a pas de place pour les détails mondains dans un
sentiment religieux sincère et véritable. [371]
844
Aug Serm. CLIL Voir Mystic Theology of the Ancients de Payne Knight, p. 107.
845
Baronius, Annales Ecclesiastici, t. XXI, p. 89.
846
Chron. de Lanercost. Ed. Stevenson, p. 9.
847
Dulaure, Histoire abrégée des différents cultes, II, p. 285 ; Martezzi, Pagani e cristiani, p. 78.
Ne pouvant plus aujourd'hui suivre leur ancienne tactique de
calomnier les sectes Chrétiennes dont la religion diffère de la leur, c'est
maintenant le tour aux "païens" hindous, chinois et japonais, de partager
l'honneur avec les anciennes religions, et de se voir jeter au nez la
dénonciation de leurs "religions libidineuses". Sans chercher plus loin la
preuve d'une immoralité égale sinon bien supérieure, nous rappellerons
aux écrivains catholiques certains bas-reliefs sur les portes de la
Cathédrale de Saint-Pierre. Ils sont aussi impudiques que la porte elle-
même ; mais ils ne le sont pas plus que les auteurs qui, le sachant, feignent
d'ignorer [372] les faits historiques. Toute une succession de papes ont
laissé reposer leurs regards pontificaux sur ces figures de bronze d'une
obscénité grossière, à travers tant de siècles sans jamais avoir songé à les
faire enlever. Bien au contraire ; nous pourrions nommer maints Papes et
Cardinaux qui ont cherché toute leur vie à copier les suggestions païennes
de ces "dieux de la nature", en pratique aussi bien qu'en théorie.
Toutes les grandes réformes religieuses ont été pures au début. Les
premiers partisans du Bouddha, de même que les disciples de Jésus étaient
tous des hommes de la plus haute moralité. Nous avons la preuve de la
répugnance des réformateurs de toutes les époques pour le vice sous
n'importe quelle forme, dans les cas de Sâkya-muni, de Pythagore, de
Platon, de Jésus, de saint Paul, d'Ammonius Saccas. Les grands chef
Gnostiques, s'ils eurent moins de succès, n'étaient pas moins vertueux en
pratique, ni moins moralement purs. Marcion, Basilide, Valentin 848, étaient
[373] célèbres pour l'ascétisme de leurs vies. Les Nicolaïtes, qui, s'ils ne
faisaient pas partie du grand corps des Ophites, étaient classés parmi les
petites sectes qui furent absorbées par eux au début du IIème siècle, doivent
leur origine, ainsi que nous l'avons dit, à Nicolas d'Antioche, "un homme
de bon renom plein du Saint Esprit et de sagesse". N'est-ce pas absurde de
supposer que de pareils hommes aient institué des "rites libidineux".
Autant accuser Jésus d'avoir encouragé des rites analogues à ceux que
nous voyons pratiqués en grand par les chrétiens orthodoxes du Moyen
Age, sous l'abri sûr des murs monastiques ?
Si, cependant, nous devons faire crédit d'une pareille accusation contre
les Gnostiques, accusation reportée quelques siècles plus tard avec dix fois
plus d'acrimonie contre les malheureux Templiers, pourquoi ne le
croirions-nous pas des Chrétiens orthodoxes ? Minucius Felix dit "qu'on
accusait les premiers Chrétiens de pousser chaque néophyte admis
[pendant la cérémonie de la "Pâque Parfaite"], à plonger un couteau dans
le corps d'un enfant caché sous un tas de farine ; le corps était préparé
ensuite pour le banquet et servi à toute la corporation. Lorsque [les
Chrétiens] eurent le pouvoir, ils transférèrent cette accusation à leurs
propres adversaires 849".
848
Tertullien dit de Basilide qu'il était un Platonicien. [De præsc. hær., VII.]
849
C.-W. King, The Gnostics and their Remains, p. 197, note 1.
Nous concluons, de tout ceci, que le Christianisme dogmatique et
fabriqué de toutes pièces de la période des Constantin, n'est que la
progéniture des nombreuses sectes antagonistes, elles-mêmes des demi-
castes, nées de parents païens. Chacune de celles-ci revendiquait ses
représentants convertis au prétendu corps des Chrétiens orthodoxes. Et
comme il fallait que chaque nouveau dogme soit accepté à la majorité des
votes, chaque secte contribuait à colorer la matière générale avec sa propre
nuance jusqu'au moment où l'empereur imposait au monde comme la
religion du Christ cette macédoine révélée, dont évidemment il ne
comprenait lui-même pas le premier mot. Fatigué de ses vains efforts pour
approfondir le marécage insondable des spéculations internationales ;
incapable d'apprécier une religion basée sur la spiritualité pure d'une
conception idéale, le Christianisme s'abandonna à l'adoration de la force
brutale représentée par l'Eglise soutenue par Constantin. Depuis lors,
parmi les rites sans nombre, les dogmes et les cérémonies copiés du
paganisme, l'Eglise ne peut revendiquer qu'une [374] seule invention,
absolument originale, c'est-à-dire la doctrine de la damnation éternelle, et
une seule coutume, celle de l'anathème. Les païens avaient horreur des
deux. "Une malédiction est une grave et terrible chose", disait Plutarque.
"La Prêtresse d'Athènes fut blâmée pour avoir refusé de maudire Alcibiade
[pour avoir profané les Mystères] lorsque le peuple lui ordonna de le faire ;
car, dit-elle, elle était une prêtresse de prières, mais non de
malédiction." 850.
850
Plutarque, Alcibiade, § 22 ; Questions Romaines, § 44.
eût-on à rompre avec une seule des anciennes traditions. L'art chrétien
primitif n'est que de l'art païen en décadence, ou de nature inférieure. Le
Bon Berger des catacombes de Rome est copié sur l'Aristée, ou sur
l'Apollon Nornius, représentés dans la même position sur les sarcophages
païens, où il joue de la flûte de Pan au milieu des quatre saisons
légèrement vêtues. Sur les tombeaux chrétiens du Cimetière de Saint-
Calixte, Orphée charme les animaux. Ailleurs, le Christ, comme Jupiter-
Pluton, et Marie, comme Proserpine, accueillent les âmes que Mercure,
coiffé d'un chapeau à larges bords et tenant dans la main la baguette du
guide des âmes (psychopompos), leur amène en présence des trois Parques.
Pégase symbolise l'apothéose ; Psyché est le symbole de l'âme immortelle ;
le Ciel est personnifié par un vieillard, le fleuve Jourdain ; et la Victoire
est représentée sur une foule de monuments chrétiens." 851.
Ainsi que nous l'avons fait voir autre part, la communauté chrétienne
primitive était composée de petits groupes disséminés par-ci, par-là, et
organisée en sociétés secrètes, ayant ses mots de passe, ses attouchements
et ses signes. Ils étaient obligés, pour [375] échapper aux persécutions
incessantes de leurs ennemis, de se réfugier et de se réunir dans des
catacombes abandonnées, dans les endroits inaccessibles des montagnes et
autres retraites sûres. Chaque réforme religieuse a souffert, au début, des
mêmes désavantages. Dès leur première apparition, nous voyons Jésus et
ses douze disciples se retirant dans de sûres cachettes du désert, chez des
amis à Béthanie et ailleurs. Si le Christianisme n'avait pas été composé dés
le début de "communautés secrètes", l'histoire aurait plus de faits à révéler
qu'elle n'en a au sujet de son fondateur et de ses disciples.
851
[Renan, "Des religions de l'antiquité", dans Revue des Deux Mondes, 15 mai 1853.]
852
[Introduct. et ch. XXVIII.]
propagandiste, avait fondé de nombreuses Eglises, et que Pierre dit-on,
établit la succession apostolique que la chronologie Irénéo-Eusébienne
prétend avoir déjà compté trois évêques de Rome 853, Josèphe, disons-nous,
le laborieux énumérateur et l'historien consciencieux des actes les moins
importants, ignore complètement l'existence d'une secte chrétienne –
Suétone, le secrétaire d'Adrien, qui écrivit dans le premier quart du second
siècle, sait si peu de chose de Jésus ou de son histoire, qu'il dit que
l'Empereur Claude "bannit tous les Juifs qui causaient continuellement des
troubles à l'instigation d'un nommé Crêsthos", voulant probablement dire
le Christ 854. L'Empereur Adrien, lui-même, écrivant encore plus tard, est si
peu impressionné par les doctrines ou l'importance de la nouvelle secte,
que dans une lettre adressée à Servianus, il montre qu'il croyait les
Chrétiens adorateurs de Sérapis 855.
"Au IIème siècle", dit C.-W. King, "les sectes syncrétistes qui avaient
surgi à Alexandrie, la pépinière du Gnosticisme, découvrirent dans Sérapis
un type prophétique du Christ, comme le Seigneur et le Créateur de toutes
choses, et le Juge des vivants et des morts 856." Ainsi, tandis que les
philosophes "païens" n'avaient jamais considéré Sérapis, ou plutôt l'idée
abstraite incorporée en [376] lui, autrement que comme la représentation
de l'Anima Mundi, les Chrétiens anthropomorphisaient le "Fils de Dieu" et
son "Père", ne trouvant pas de meilleur modèle pour lui que l'idole d'un
mythe païen ! "Nul doute", remarque le même auteur, "que la tête de
Sérapis, marquée comme elle l'est, d'une majesté grave et pensive, ait
suggéré la première idée des portraits conventionnels du Sauveur 857."
853
Linus, Anaclète et Clément.
854
Vie des Césars, "Claude'", g 25.
855
Vespicus, Vita Saturnini, dans Seriptores historia Augustæ, VIII.p. 68.
856
The Gnostics and their Remains, p. 68.
857
Dans le Ancient Art and Mythology de Payne Knight, Sérapis est représenté avec les cheveux
longs "relevés en arrière avec des boucles tombant sur sa poitrine et les épaules comme ceux des
femmes. Toute sa personne est aussi toujours enveloppée dans une draperie qui descend jusqu'aux
pieds (§ CXLV). C'est là le portrait conventionnel du Christ.
dogmatiquement qu'il le fait, que Jésus ignorait jusqu'aux noms de
Bouddha, de Zoroastre et de Platon ; "qu'il n'avait jamais lu un livre grec
ou bouddhique", bien qu'il eût, en lui, plus d'un élément, qui, à son insu,
procédait de la sagesse Bouddhiste, des Parsis et des Grecs 858". En cela, il
ne fait que concéder un demi-miracle, et laisse autant à la chance et aux
coïncidences. C'est un abus de privilège, lorsqu'un auteur, qui prétend
donner des faits historiques, tire des déductions appropriées de prémisses
hypothétiques, et l'intitule ensuite une biographie – une Vie de Jésus.
Renan, pas plus qu'aucun autre compilateur de légendes relatives à
l'histoire problématique du prophète Nazaréen, n'a de terrain ferme sur
lequel se baser ; on ne peut pas non plus affirmer le contraire, sauf par voie
de déduction. Néanmoins, bien que Renan n'ait pas un seul fait à avancer
pour prouver que Jésus n'avait jamais étudié les doctrines métaphysiques
du Bouddhisme et du Parsisme, ou qu'il ait entendu parler de la
philosophie de Platon, ses contradicteurs ont les meilleures raisons pour
supposer tout le contraire. Lorsque nous croyons que :
1. toutes ses maximes portent le cachet pythagoricien, quand elles ne
sont pas des citations ;
2. que son code d'éthique est du pur Bouddhisme ;
3. que son mode de vie et ses actes sont ceux des Esséniens ; et
4. que sa manière mystique de s'exprimer, ses paraboles, et ses
habitudes sont celles d'un initié, soit grec, chaldéen ou mage (car
les "Parfaits" qui discouraient de la sagesse occulte appartenaient
tous à la même école archaïque, dans le monde entier)
858
Vie de Jésus, p. 405.
tous, sont nés de vierges, tous ont été des sauveurs, tous ont été tués ou qui
se sont sacrifiés pour le bien de l'humanité.
859
[Chips, etc., vol. I, p. 55.]
MAXIMES DE SEXTUS, LE VERSETS DU NOUVEAU
PYTHAGORICIEN ET AUTRES TESTAMENT 860.
PAIENS.
1. "Ne possédez pas de trésors sinon 1. "Ne vous amassez pas des
ces choses que nul ne peut vous trésors sur la terre, où la
ravir" 861. gerse et tout ce qui ronge
détruit, et où les voleurs font
effraction et dérobent"
(Matthieu, VI, 19).
2. "Il vaut mieux qu'une partie du 2. "Si ta main est pour toi une
corps qui contient de la matière occasion de chute, coupe-la ;
purulente et menace d'infecter le il te vaut mieux entrer
tout, soit brûlée, que de continuer manchot dans la vie, que
ainsi dans un autre état et il vaut d'avoir deux mains et d'aller
aussi mieux qu'un homme dépravé dans la Géhenne", etc. (Marc
meurt au lieu de vivre" .
862
IX, 43).
3. "Vous avez en vous quelque chose 3. "Ne savez-vous pas que vous
de semblable à Dieu ; par êtes le temple de Dieu, et
conséquent considérez-vous que l'Esprit de Dieu habite
comme le Temple de Dieu" .
863
en vous ?" (I. Corinthiens
III, 16).
4. "Le plus grand honneur que vous 4. "Afin que vous soyez le fils
puissiez faire à Dieu, c'est de de votre Père qui est dans les
860
Voir Pirke Aboth, collection de Proverbes et de Sentences des anciens instructeurs juifs, dans
lesquels on retrouve nombre de maximes du Nouveau Testament.
861
Taylor, Vie de Pythagore par Jamblique.
862
Ibid., Jamblique, Protreptique.
863
Ibid., Sextus.
connaître et d'imiter sa cieux. Soyez, donc, parfaits
perfection" .
864
comme votre Père céleste est
parfait" (Matthieu V, 45-48).
5. "Ce que je ne voudrais pas que les 5. "Faites aux autres ce que
hommes me fassent, je ne désire voudriez qu'on vous fît".
pas le leur faire" (Analects of
Confucius, p 76 ; Voir The Chips,
par Max Müller).
6. "La lune brille même dans la 6. "Car il fait lever son soleil
maison du méchant" (Manou). sur les méchants et sur les
bons, et il répand sa pluie sur
les justes et sur les injustes"
(Matthieu V, 45).
864
Ibid.
théologie comparée nous donnent la réponse mélancolique suivante : "Un
squelette vermoulu composé des plus anciens mythes païens" !
"La réforme du Bouddha, dit Max Müller, avait à l'origine bien plus
un caractère social que religieux... L'élément le plus important de la
réforme bouddhiste a toujours été son code moral et social, et non ses
théories métaphysiques. Son code moral... est un des plus parfaits que le
monde ait jamais connu... et celui dont les méditations cherchaient à
délivrer l'âme humaine de la misère et de la crainte de la mort, délivra le
peuple hindou de la servitude dégradante et de la tyrannie sacerdotale". Il
ajoute, en outre, que s'il en avait été autrement, "le Bouddha aurait pu
enseigner n'importe quelle autre philosophie, nous n'en aurions
probablement jamais entendu parler. Le peuple n'en aurait fait aucun cas,
et sa doctrine serait tombée dans l'océan des spéculations philosophiques,
qui inondèrent l'Inde en tous les temps 865".
865
Buddhism, p. 219-20.
Il en fut de même pour Jésus. Tandis que Philon le Juif, que Renan
appelle le frère aîné de Jésus, Hillel, Shammai, et Gamaliel [380] sont à
peine mentionnés, Jésus est devenu un Dieu ! Et pourtant, pour pur et divin
qu'ait été le code moral enseigné par le Christ, il ne soutiendrait pas de
comparaison avec celui du Bouddha, si la tragédie du Calvaire n'était pas
intervenue. Ce qui aida la déification de Jésus, ce fut sa mort dramatique,
le sacrifice volontaire de sa vie, qu'on prétend avoir été fait pour l'amour
de l'humanité, et le commode dogme ultérieur de l'expiation, inventé par
les chrétiens. En Inde, où la vie n'a pas la valeur qu'elle a chez nous, la
crucifixion n'aurait fait que peu d'effet, si même elle en avait produit. Dans
un pays où – ainsi que le savent tous les orientalistes – les fanatiques
religieux se laissent mourir petit à petit, au cours de pénitences qui durent
des années ; où les fakirs s'infligent volontairement les plus cruelles
macérations ; où de jeunes et délicates veuves, dans un esprit de bravade
contre le gouvernement, autant que par fanatisme religieux, montent le
sourire aux lèvres sur le bûcher funéraire ; où, pour citer les paroles du
grand conférencier : "des hommes dans la force de l'âge se jettent sous le
char de Jaghernath et se font écraser par l'idole qu'ils adorent ; ou le
plaignant qui ne réussit pas à se faire rendre justice, se laisse mourir de
faim à la porte de son juge ; où le philosophe qui croit avoir tout appris de
ce que le monde peut lui enseigner et qui soupire après l'absorption dans la
divinité, se jette tranquillement dans le Gange, afin de se transporter sur
l'autre rive de l'existence 866", dans un pays comme celui-là, une crucifixion
volontaire, aurait passé complètement inaperçue. Dans la Judée, et même
chez d'autres peuples plus braves que les Juifs – les Romains et les Grecs
– où chacun était plus ou moins attaché à la vie, et où la plupart auraient
lutté désespérément pour la conserver, la fin tragique du grand
Réformateur était bien calculée pour produire une profonde impression.
Les noms de héros de moins d'envergure tels que Mutius Scævala,
Horatius Coclès, la mère des Gracques, et d'autres, ont été légués à la
postérité ; et pendant notre temps de classes et même plus tard dans la vie,
leurs récits ont éveillé notre sympathie et commandé notre admiration.
Mais nous n'oublierons jamais le sourire méprisant d'un certain hindou à
Bénarès, lorsqu'une dame anglaise, femme d'un clergyman, essaya de lui
faire comprendre l'immense sacrifice de Jésus, en donnant sa vie pour
nous. C'est alors que pour la première fois nous fûmes frappés du rôle que
le drame pathétique du Calvaire eut à jouer dans les événements
866
Max Muller, Christ and other Masters ; Chips, vol. 1.
subséquents pour la fondation du Christianisme. Il n'est pas jusqu'à
l'imaginatif Renan, qui n'ait été influencé par ce [381] sentiment lorsqu'il
écrivit dans le dernier chapitre de sa Vie de Jésus, quelques pages d'une
singulière et délicate beauté 867.
867
La Vie de Jésus par Strauss, que Renan qualifie d'un "livre commode, exact, spirituel et
consciencieux", tout violent et iconoclaste qu'il soit est néanmoins, sous plusieurs aspects,
préférable à la Vie de Jésus de l'auteur français. Laissant de côté la valeur intrinsèque et historique
des deux ouvrages – avec laquelle nous n'avons que faire – nous ferons simplement remarquer
l'esquisse dénaturée du portrait de Jésus par Renan. Nous ne pouvons comprendre ce qui a pu
amener Renan à donner une description si erronée de ce caractère. Il en est peu, parmi ceux qui tout
en niant la divinité du prophète Nazaréen, croient cependant qu'il n'est pas un mythe, qui liront cet
ouvrage sans un sentiment d'inquiétude et même de colère, envers une pareille mutilation
psychologique. Il fait de Jésus une sorte d'hurluberlu sentimental, un niais théâtral, amoureux de ses
propres harangues et divagations poétiques, qui s'attend à ce que tout le monde l'adore, et qui se
laisse finalement prendre dans les pièges de ses ennemis. Tel n'était pas Jésus, le philanthrope Juif,
l'adepte et le mystique d'une école depuis longtemps oubliée par les Chrétiens et par l'Eglise, si
jamais celle-ci l'a connue ; le éros qui préféra risquer la mort plutôt que de cacher les vérités qu'il
croyait devoir être utiles à l'humanité. Nous préférons le livre de Strauss qui le traite ouvertement
d'imposteur et de prétentieux, et, qui à de certains moments doute même de son existence ; mais qui,
au moins, lui épargne cette teinte ridicule de sentimentalisme dont l'affuble Renan.
868
Voyez Chap. II du présent volume.
Comme le Bouddha et Jésus, Apollonius fut l'ennemi acharné de toute
forme extérieure de piété, de toute hypocrisie et de toute démonstration de
cérémonies religieuses inutiles. Si, comme le sauveur chrétien, le sage de
Tyane avait préféré la société des pauvres et des humbles ; et si, au lieu de
mourir tranquillement à [382] l'âge de cent et quelques années, il avait été
un martyr volontaire, proclamant la Vérité divine du haut de la croix 869 son
sang aurait probablement été aussi efficace que celui du Messie Chrétien
pour répandre ensuite ses doctrines spirituelles.
869
Dans un récent ouvrage intitulé The World's Sixteen Crucified Saviours (par Kernsey Graves)
dont le titre attira notre attention, nous avons été aussi étonnés en lisant sur la préface que nous y
trouverions des preuves historiques qu'on ne rencontre ni dans l'histoire ni dans la tradition.
Apollonius qu'on nous y représente comme un de ces seize "sauveurs", y est montré par l'auteur
comme ayant été finalement crucifié... être ressuscité des morts... apparaissant à ses disciples après
sa résurrection, "et" – encore comme le Christ – "convainquant un Thommy [?] Didymus" en lui
faisant toucher la marque des clous sur ses mains et ses pieds. D'abord, ni Philostrate, le biographe
d'Apollonius, ni l'histoire ne nous racontent rien de pareil. Bien que la date exacte de sa mort ne soit
pas connue, aucun disciple d'Apollonius n'a jamais prétendu qu'il eût été crucifié ou qu'il leur soit
apparu. Voilà en ce qui concerne un des "Sauveurs". Après cela on nous dit que Gautama-Bouddha,
dont la vie et la mort ont été minutieusement décrites par diverses autorités, y compris Barthélemy
Saint-Hiolaire – fut aussi "crucifié par ses ennemis au pied des montagnes du Népal" ; tandis que les
livres Bouddhistes, l'histoire et les recherches scientifiques nous informent, par l'organe de Max
Müller et d'une foule d'autres orientalistes, que "Gautama-Bouddha (Sâkyamuni) mourut près du
Gange... "Il avait presque atteint la ville de Kusinagara, lorsque ses forces vitales le trahirent. Il
s'arrêta dans une forêt, et pendant qu'il était assis sous un arbre sâl il rendit l'âme" (Max Müller,
Chips front a Germait Workshop, vol. 1, p. 213). Les références de Graves à Higgins et Sir W.
Jones, dont quelques-unes de ses théories spéculatives ne prouvent rien du tout. Max Müller nous
dit que quelques autorités surannées s'efforcent... "de prouver que le Bouddha était en réalité le
Thoth des Egyptiens ; qu'il était Mercure, ou Wotan, ou Zoroastre ou Pythagore... Même Sir W.
Jones identifia d'abord le Bouddha avec Odin, puis ensuite avec Shichak". Nous sommes
maintenant au XIXème siècle et non pas au XVIIIème" ; et bien qu'écrire des livres sur l'autorité des
premiers orientalistes puisse, dans un sens, passer pour du respect pour la vieillesse, il n'est pas
toujours prudent d'essayer l'expérience aujourd'hui. Par conséquent, ce volume éminemment
instructif manque d'un trait important qui l'aurait rendu encore plus intéressant. L'auteur aurait dû
ajouter à la liste après Prométhée le dieu "Romain" et Alcide le dieu Égyptien (p. 266), un dix-
septième "Sauveur crucifié", "Vénus le dieu de la guerre" présenté au monde étonné, par M.
Artemus Ward, le maître des spectacles forains !
[Artemus Nard était un auteur satirique américain. Note du Trad.]
philosophie mystique. Tous adoraient un seul Dieu, qu'ils L'aient considéré
comme le "Père" de l'humanité, qui vit dans l'homme comme l'homme en
Lui, ou comme le Principe Créateur Incompréhensible ; tous vécurent des
vies saintes. Ammonius, parlant de sa philosophie, enseignait que leur
école datait du temps d'Hermès, qui tenait sa sagesse de l'Inde. C'était, en
tout, la même contemplation mystique que celle du Yogi ; la communion
du Brahmane avec son Soi lumineux – [383] "l'Atman". Et ce terme
hindou est cabalistique par excellence. Qu'est-ce que le "Soi" ? demande le
Rig Véda ; "Le Soi est le Seigneur de toute chose... toute chose est
contenue en ce Soi ; tous les Soi sont contenus dans ce Soi. Brahmân, lui-
même, n'est autre chose que le Soi" 870, est la réponse. Idrah Rabbah nous
dit : "Toutes choses sont Lui-même, est-il est Lui-même caché de tous
côtés 871." "L'Adam Kadmon des cabalistes contient en lui-même toutes les
âmes des Israélites et il est lui-même dans chaque âme", dit le Zohar 872.
Les principes fondamentaux de l'Ecole Eclectique étaient par conséquent
identiques aux doctrines des Yogis, les mystiques hindous, et du
Bouddhisme primitif des disciples de Gautama. Et lorsque Jésus affirme à
ses disciples que "l'Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir parce
qu'il ne Le voit point et ne Le connaît point", demeure avec eux et en eux,
qui "sont en Lui et Lui en eux" 873, il ne fait qu'enseigner la même doctrine
que nous reconnaissons dans toute philosophie qui mérite ce nom.
"Je n'hésite pas à dire" remarque à son tour Barthélemy Saint Hilaire, "qu'à
l'exception du Christ, il n'y a pas parmi les fondateurs de religions, une
870
Chandogya-Upanishad, VIII, 3, 4 ; Max Müller, Veda.
871
Idrah Rabbah, § 171.
872
Introd. Zohar, pp. 305-312.
873
Jean XIV, 17.
874
Les Hauts Phénomènes de la Magie, p 74.
seule figure plus pure et plus touchante que celle du Bouddha. Sa vie est
sans tache. Son héroïsme constant égale ses convictions... Il est le parfait
modèle de toutes les vertus qu'il prêche ; son abnégation, sa charité, la
douceur inaltérable de son caractère, ne lui font pas défaut un seul instant.
A l'âge de vingt-neuf ans, il quitte la cour de son père pour se faire moine
et devenir un mendiant... et lorsqu'il meurt dans les bras de ses disciples,
c'est avec la sérénité d'un sage qui a pratiqué la vertu toute sa vie et qui
meurt avec la conviction d'avoir trouvé la vérité 875." Ce panégyrique n'est
pas plus vigoureux que celui prononcé par Laboulaye et qui attira les
foudres de des Mousseaux. [384] "On se rend difficilement compte
comment des hommes qui n'ont pas été aidés par la révélation aient pu
s'élever si haut et soient parvenus si prés de la vérité 876." Ce qu'il y a de
curieux, c'est qu'il y ait tant d'âmes élevées "qui n'aient pas été aidées par
la révélation" !
Et pourquoi nous étonner que Gautama soit mort avec une sérénité
philosophique ? Ainsi que le disent fort justement les cabalistes : "La Mort
n'existe pas, et l'homme ne passe jamais au dehors de la vie universelle.
Ceux que nous croyons morts vivent encore au dedans de nous, comme
nous vivons en eux... Plus on vit pour ses semblables, moins on doit
craindre la mort 877." Et nous pourrions ajouter, que celui qui vit pour
l'humanité, fait plus pour elle que celui qui meurt pour elle.
875
Barthélemy Saint-Hilaire, Le Bouddha et sa religion, Paris, 1860.
876
Journal des Débats, avril 1853.
877
Dogme et rituel de la Haute Magie, II, XIII.
878
[Proclus, Sur le Cratyle de Platon.]
Lorsque Apollonius de Tyane voulait entendre la "petite voix", il
s'enveloppait entièrement dans un manteau de fine laine, sur lequel il
mettait ses deux pieds, après avoir fait certaines passes magnétiques en
prononçant non pas le "nom", mais une invocation bien connue de tous les
adeptes. Puis il se couvrait la tête et la face avec son manteau et son esprit
translucide ou astral se trouvait libéré. A l'ordinaire, il ne portait pas de
laine, plus que ne le faisaient les prêtres des temples. La possession de la
combinaison secrète du "nom" donnait à l'hiérophante le pouvoir suprême
sur tout être, humain ou autre, inférieur à lui en force d'âme. Par
conséquent, lorsque Max Müller nous parle de la "Majesté Cachée "des
Quichés", qui ne devait jamais être ouverte par des mains humaines", les
cabalistes comprennent parfaitement ce que l'expression voulait dire, et ils
ne sont pas le moins du monde surpris d'entendre cet érudit philologue
s'écrier : "Nous ignorons ce que c'était !"
Nous ne pouvons assez répéter que ce n'est que par les doctrines des
anciens philosophes qu'on arrive à comprendre la religion prêchée par
Jésus. C'est par Pythagore, Confucius et Platon, que [385] nous pouvons
comprendre l'idée qui est à la base du terme "Père"dans le Nouveau
Testament. L'idéal de Platon pour sa Divinité, qu'il nomme le Dieu unique,
invisible et éternel, le Créateur et le Père de toutes choses 879, est plutôt le
"Père" de Jésus. C'est cet Etre Divin duquel le sage grec disait qu'Il ne peut
être ni envieux ni l'originateur du mal, car Il ne peut produire que ce qui
est bon et juste 880 ; ce n'est, certes, pas le Jéhovah Mosaïque, le "Dieu
jaloux", mais bien le Dieu de Jésus, qui "seul est bon". Il vante Sa
puissance divine, qui embrasse tout 881, et Son omnipotence, mais il intime
en même temps, qu'Il est immuable. Il ne peut jamais désirer changer ses
lois, c'est-à-dire, extirper le mal du monde, au moyen d'un miracle 882. Il est
omniscient, et rien n'échappe à Son œil vigilant 883. Sa justice, que nous
voyons incorporée dans la loi de la compensation et de la rétribution, ne
laisse aucun crime impuni, aucune vertu sans récompense 884 ; il déclare,
par conséquent, que la seule manière d'honorer Dieu est de cultiver la
879
Timée ; Polit., 269, E.
880
Timée, 29 ; Phèdre, 182, 247 ; Repub., II, 379, B.
881
Lois, IV, 715, E ; X, 901, C.
882
Repub., II, 381 ; Thæt., 176, A.
883
Lois, X, 901, D.
884
Lois, IV, 716, A ; Repub., X, 613, A.
pureté morale. Non seulement n'admet-il pas la notion anthropomorphe
que Dieu puisse avoir un corps matériel 885, mais "il rejette avec horreur les
fables qui attribuent aux dieux mineurs les passions, les querelles et les
crimes de toutes sortes 886. Il nie avec indignation que Dieu se laisse
propitier, ou plutôt acheter par des prières et des sacrifices 887."
885
Phèdre, 246, C.
886
E. Zeller, Plato and the Old Academy.
887
Lois, X, 905, D.
888
Max Müller, Bouddhisme, avril 1862.
sommes obligés de considérer la philosophie de Sakyamuni comme
quelque chose de plus qu'une religion de fétichisme et d'athéisme comme
les catholiques voudraient nous le faire croire. Hue était un missionnaire et
son premier devoir était de considérer le Bouddhisme comme un rejeton
du culte de Satan. Le pauvre abbé Hue fut rayé à Rome de la liste des
missionnaires 889, après la publication de ses récits de voyage. Ceci nous
montre le peu de vérité que nous pouvons apprendre des missionnaires au
sujet de la religion des autres peuples, lorsque leurs récits doivent, avant
tout, être revus et corrigés par les autorités ecclésiastiques supérieures, et
qu'on les punit sévèrement pour avoir dit la vérité.
La liste serait curieuse à établir des excuses et des explications fournies par
le clergé pour expliquer les ressemblances journellement trouvées entre la
catholicisme et les religions païennes. Et cependant l'ensemble se réduirait
à une seule et unique conclusion : Les doctrines du christianisme auraient
été plagiées par celles des païens du monde entier ! Platon et son ancienne
889
Max Müller dit ce qui suit, au sujet de l'abbé Hue, dans son Chips from a German Workshop,
vol. I, p. 187 : "Feu l'abbé Hue exposa avec une si grande naïveté les ressemblances entre les
cérémonies du culte Bouddhique et Catholique Romain, qu'il fut fort surpris de voir que son
ravissant ouvrage Voyages au Tibet avait été mis à l'Index. On ne peut s'empêcher d'être frappé,
écrit-il, de sa grande ressemblance avec le Catholicisme. La crosse des évêques, la mitre, la
dalmatique, le chapeau rond, porté par les lamas en voyage... la messe, le double chœur, les
psalmodies, les exorcismes, l'encensoir supporté par cinq chaînes, s'ouvrant et se fermant à volonté,
les bénédictions des lamas, qui étendent leurs mains droites au-dessus des fidèles, le rosaire, le
célibat des prêtres, les pénitences et les retraites, le culte des Saints, les jeûnes, les processions, les
litanies, l'eau bénite ; voilà les ressemblances qui existent entre nous et les Bouddhistes. Il aurait pu
y ajouter, la tonsure, les reliques et le confessionnal."
890
Mission au Siam de Crawford, p. 182.
académie ont pris leurs idées dans la révélation chrétienne – prétendent les
anciens Pères d'Alexandrie !!! Les Brahmanes et le Manou firent des
emprunts aux missionnaires Jésuites, et la Bhagavad-Gîtâ est l'œuvre du
Père Calmet qui transforma le Christ et Saint-Jean en Krishna et Arjouna
afin de l'adapter à l'esprit hindou !!! Le fait insignifiant que le Bouddhisme
et le Platonisme aient précédé le Christianisme, et que les Védas avaient
déjà dégénéré en Brahmanisme avant l'époque de Moïse, ne paraît avoir
aucune importance. Il en est de même d'Apollonius de Tyane. Quoique ses
pouvoirs thaumaturgiques ne puissent être niés d'après le témoignage des
empereurs, de leur cour et des populations de plusieurs cités ; quoique un
nombre fort restreint de celles-ci aient jamais entendu parler du prophète
Nazaréen, dont les "miracles" ne furent exécutés que devant quelques-uns
de ses apôtres, l'identité desquels demeure encore aujourd'hui
problématique, malgré tout cela il ne faut accepter Apollonius que comme
"le singe du Christ".
S'il existe des hommes véritablement pieux, bons et honnêtes parmi les
prêtres Catholiques, Grecs et Protestants, dont la foi sincère l'emporte sur
leur raisonnement et qui n'ayant jamais vécu parmi les populations
païennes ne sont injustes que par ignorance, il n'en est pas de même en ce
qui concerne les missionnaires. Le subterfuge invariable de ceux-ci est
d'attribuer à la démonolâtrie, la vie réellement christique des ascètes
hindous et Bouddhistes et de beaucoup de lamas. Des années de résidence
chez les païens en Tartarie, au Tibet et en Hindoustan leur ont fourni les
preuves de la façon injuste avec laquelle on a calomnié les prétendus
idolâtres. Les missionnaires n'ont même pas l'excuse de leur bonne foi,
pour tromper le monde ; et à de rares exceptions près, on pourrait
paraphraser à leur égard l'observation de Garibaldi en disant : "Un prêtre
sait qu'il est un imposteur, s'il n'est pas un imbécile ou s'il n'a pas appris à
mentir dès son bas âge."
VOLUME II – THÉOLOGIE
DEUXIEME PARTIE
par
H.P. BLAVATSKY
TABLEAUX
Les Légendes des trois Sauveurs .................................................................................................................................... 239
Divergences entre Bouddhisme et Christianisme ........................................................................................................... 245
Comparaison des prophéties dans les livres hindous et chrétiens.................................................................................. 264
LIVRE
[7]
CHAPITRE VIII
—
JESUITISME ET MAÇONNERIE
1
Nombreuses sont les merveilles qu'on dit avoir eu lieu à sa mort, ou plutôt à sa translation ; car il
ne mourut pas comme tout le monde, mais, ayant disparu, tandis qu'une lumière éblouissante
remplissait la caverne son corps ne fut vu de nouveau qu'après sa disparition. Lorsque cette lumière
divine illumina la demi-obscurité de la sombre caverne, alors seulement, dit Ginsburg, "les disciples
d'Israël s'aperçurent que le flambeau d'Israël était éteint". Ses biographes nous informent qu'on
entendit des voix venant du Ciel pendant les préparatifs de ses funérailles et à sa mise au tombeau.
Lorsque la bière fut descendue dans le profond caveau qu'on avait préparé pour la recevoir, une
flamme s'en éleva et une voix puissante et majestueuse prononça les paroles suivantes : "C'est celui-
ci qui fit trembler la terre et les royaumes !"
pouvait prétendre la connaître en Europe ; et bien qu'il y ait eu des
alchimistes avant Paracelse, celui-ci fut le premier qui passa la véritable
initiation, cette dernière cérémonie qui conférait à l'adepte la faculté de
marcher vers le "buisson ardent" par-dessus le terrain brûlant, et de "brûler
le veau d'or dans le feu, le réduire en poudre et de le répandre sur les
eaux". Certes, cette eau magique, et la "parole perdue" ont ressuscité plus
d'un Adoniram, Gedaliah et Hiram-Abiff pré-mosaïques. Le véritable mot,
aujourd'hui substitué par Mac-Benac, et Mah, était utilisé des siècles avant
que son effet pseudo-magique soit essayé sur les "fils de la veuve",
pendant les deux derniers siècles. Qui fut, en fait, le premier Maçon
opératif de quelque importance ? [9] Elie Ashmole, le dernier des Rose-
croix et des alchimistes. Admis à la franchise de la Compagnie des
Maçons Opératifs de Londres, en 1646, il mourut en 1692. En ce temps-là
la Maçonnerie n'était pas ce qu'elle devint par la suite ; ce n'était ni une
institution politique ni une institution chrétienne, mais une véritable
organisation secrète, qui admettait dans les liens de la fraternité tous ceux
qui désiraient ardemment obtenir le précieux bienfait de la liberté de
conscience, et se soustraire à la persécution cléricale 2. Ce n'est qu'une
trentaine d'années après sa mort que ce que l'on nomme aujourd'hui la
Franc-maçonnerie moderne prit naissance. Cette naissance eut lieu le 24
juin 1717, à la Taverne du Pommier (Apple-tree Tavern) dans Charles
Street Covent Garden, à Londres. Ce fut alors, ainsi que nous le disent les
Constitutions d'Anderson, que les quatre seules loges du Sud de
l'Angleterre, nommèrent Anthony Sager, le premier Grand Maître des
Maçons. Malgré sa grande jeunesse, cette grande loge a toujours exigé que
tout le corps de la fraternité dans le monde entier reconnût sa suprématie,
ainsi que le dirait à quiconque pouvant la voir l'inscription latine gravée
sur la plaque au-dessous de la pierre d'angle du Temple des Francs-maçons
de Londres en 1775. Nous y reviendrons plus tard.
2
Plot : Natural History of Staffordshire. Publié en 1666.
3
Die Kabbala, 75 ; Sod, vol. II.
signification de ces deux "anciens", ni qui ils sont, car il ne le sait pas lui-
même.
Dans la vénérable secte des Tanaïm, ou plutôt des Tananim, les sages,
il y avait ceux qui enseignaient pratiquement les secrets et initiaient
quelques disciples au grand Mystère final. Mais la Mishna Hagiga, la 2°
section, dit que la table des matières de la Mercaba "ne doit être divulguée
qu'aux sages âgés". 4 La Gemara est encore plus dogmatique. "Les secrets
les plus importants des Mystères, n'étaient même pas révélés à tous les
prêtres. On ne les divulguait qu'aux initiés." C'est ainsi que nous voyons
que ces mêmes grands secrets prévalent dans toutes les religions
anciennes.
4
Die Kabbala, 47.
5
Il raconte comment le Rabbin Eléazar, en présence de Vespasien et de ses officiers, chassa les
démons de quelques hommes simplement en mettant sous le nez du démoniaque une des
nombreuses racines recommandées par le Roi Salomon ! Le célèbre historien nous affirme que le
Rabbin faisait sortir les démons par les narines des patients, au nom de Salomon et par le pouvoir
des incantations composées par le Roi-Cabaliste. Josèphe : Antiquités, VIII.II 5.
6
Il y a des miracles inconscients, lesquels, comme les phénomènes nommés aujourd'hui
phénomènes " Spirites " sont produits par les pouvoirs cosmiques naturels, le mesmérisme,
l'électricité, et les êtres invisibles qui sont continuellement à l'œuvre autour de nous, que ce soient
des esprits humains ou élémentaires.
à un Chrétien de condamner les joyaux "magiques", amulettes et autres
talismans contre le "mauvais œil", qu'on utilise comme des charmes pour
exercer une influence mystérieuse, aussi bien sur le propriétaire que sur les
personnes que le magicien voudrait contrôler ou de s'en moquer. Beaucoup
de ces amulettes enchantées existent encore dans les collections
particulières ou publiques d'antiquités. Les collectionneurs ont publié les
dessins de joyaux convexes, ornés de légendes mystérieuses, dont la
signification a déjoué toutes les recherches scientifiques. King nous en
montre plusieurs dans ses Gnostics, et il donne la description d'une
cornaline (Chalcédoine) blanche, recouverte des deux côtés de légendes
interminables, dont l'interprétation serait toujours impossible ; pour les
savants en tout cas sans doute, mais non pour un étudiant en hermétisme
ou adepte. Mais nous renvoyons le lecteur à cet intéressant ouvrage, et aux
talismans qui y sont représentés, afin de démontrer que même le "Voyant
de Patmos" en personne, était bien versé dans la science cabalistique des
talismans et des joyaux. Saint Jean fait clairement allusion à la puissante
"cornaline blanche" – un joyau bien connu parmi les adeptes sous le nom
d'"alba-petra", ou pierre de l'initiation sur laquelle on voit généralement
gravé le mot de "prix", parce qu'elle était donnée au candidat qui [11] avait
passé avec succès par toutes les épreuves préliminaires d'un néophyte. Le
fait est que le livre de l'Apocalypse tout entier n'est pas moins que le livre
de Job, le récit allégorique des Mystères et de l'initiation d'un candidat à
ceux-ci, candidat qui n'est autre que Saint Jean lui-même. Aucun Maçon
de haut grade, bien versé dans les différents degrés n'en disconviendra. Les
nombres sept, douze et autres sont autant de traits de lumière jetés dans
l'obscurité du texte. Paracelse affirmait la même chose il y a quelques
siècles. Et lorsque nous lisons "qu'un être semblable à un fils d'homme" lui
dit (chap. II, 17) : "A celui qui vaincra, je lui donnerai de la manne
cachée ; je lui donnerai une PIERRE BLANCHE ; et sur la pierre est écrit
un nom nouveau, "– le mot – que nul ne connaît sauf celui qui le reçoit",
quel Maître Maçon doutera qu'il s'agisse de la dernière ligne de titre du
présent chapitre ?
Toutefois, la stabilité est une vertu que, sous l'influence des Jésuites,
nous craignons voir perdre le peu de prise qu'elle a jamais eu sur l'Eglise.
Cette âme rusée, savante, dénuée de scrupules et terrible du Jésuitisme, au
sein du Catholicisme Romain, prend [12] lentement mais sûrement
possession de tout le prestige et de tout le pouvoir spirituel qui s'y attache
encore. Pour mieux exposer notre thème, il sera nécessaire d'établir le
contraste entre les principes moraux des anciens Tanaïm et des
Théurgistes, et ceux professés par les Jésuites modernes qui ont
pratiquement aujourd'hui le contrôle du Catholicisme Romain, et que ceux
qui voudraient des réformes doivent nécessairement rencontrer et vaincre.
Où trouverions-nous dans toute l'antiquité, et dans quel pays, quoi que ce
soit qui ressemble à cet Ordre, ou même s'en approche ? Nous devons une
place aux Jésuites dans ce chapitre sur les sociétés secrètes, car plus que
toute autre, ils constituent une société secrète, et ils ont un lien bien plus
étroit avec la Franc-maçonnerie réelle – du moins en France et en
Allemagne – qu'on ne le suppose généralement. Le cri de la morale
publique outragée s'est élevé contre cet Ordre dès son début 7. Quinze ans à
peine s'étaient écoulés après la promulgation de la bulle qui approuvait
leur constitution, que ses membres commençaient à être chassés d'un
7
Ce cri date de 1540 ; et en 1555 une clameur générale s'éleva contre eux dans certaines parties du
Portugal, d'Espagne et d'autres pays.
endroit à l'autre. Le Portugal et les Pays-Bas s'en débarrassèrent en 1578 ;
la France en 1594 ; Venise en 1606 ; Naples en 1622. Ils furent expulsés
de Saint-Pétersbourg en 1815, et de la Russie tout entière en 1820.
Dés son bas âge ce fut un enfant plein de promesse. Ce qu'il devint,
par la suite, chacun ne le sait que trop bien. Les Jésuites ont fait plus de
mal moral dans ce bas monde que les armées réunies du Mythique Satan.
L'énormité apparente de cette accusation, disparaîtra lorsque nos lecteurs
d'Amérique, qui jusqu'à maintenant ne les connaissent que fort peu auront
été mis au courant de leurs principes (principio) et de leurs règles, tels
qu'ils apparaissent dans les ouvrages écrits par les Jésuites eux-mêmes.
Nous rappelons aux lecteurs, que tout ce que nous avançons dans les
citations en italiques est tiré de manuscrits authentiques, ou d'ouvrages
publiés par cette célèbre société. Beaucoup d'entre eux ont été copiés dans
le grand In-Quarto publié avec l'autorisation, et sous la vérification et la
collation des Commissaires du Parlement français 8. Ces rapports furent
réunis et présentés au Roi afin que, comme "l'Arrest du Parlement du 5
mars 1762" le dit, "le fils aîné de l'Eglise soit mis au courant de la
perversité de cette [13] doctrine... qui autorise le Vol, le Mensonge, le
Parjure, l'Impureté, toutes les Passions et tous les Crimes, qui enseigne
l'Homicide, le Parricide et le Régicide, renversant la religion pour
substituer à sa place la Superstition, en favorisant la Sorcellerie, le
Blasphème, l'Irréligion et l'Idolâtrie... etc." Examinons donc les idées des
Jésuites au sujet de la magie. Antonio Escobar 9 dit à ce sujet, dans ses
instructions secrètes :
8
Des extraits de cet "Arrêt" furent réunis dans un ouvrage en 4 vol. 12 ms. qui parut à Paris en
1762, connu sous le titre d'Extraits des Assertions, etc. Dans un ouvrage intitulé Réponse aux
Assertions les Jésuites firent un effort pour jeter le discrédit sur les faits réunis par les Commissaires
du Parlement français en 1762, en les faisant passer pour des racontars malintentionnés. "Pour se
faire une idée de la validité de l'accusation", dit l'auteur des Principes des Jésuites "on a cherché
dans les bibliothèques des deux universités, du British Museum, et Collège de Sion, les auteurs
cités ; et dans chaque cas où le volume fut découvert, on a reconnu l'exactitude de la citation".
9
Theologia Moralis, Tomus IV, Lugduni, 1663.
10
Tom. IV, lib. XXVIII, sect. I de Prœcept. I, c. 20 n. 184.
"Les Astrologues et les devins sont tenus, ou ne sont pas
tenus, de rendre la rémunération de leur divination si
l'événement qu'ils ont prédit ne se réalise pas. Je
conviens", remarque le bon Père Escobar, "que la
première opinion ne me satisfait point du tout, parce que,
lorsque l'astrologue ou le devin a exercé toute diligence
dans l'art diabolique, qui est nécessaire pour son but, il a
rempli son devoir, quel que soit le résultat. De même que
le médecin... n'est pas tenu de rendre ses honoraires... si
le patient meurt : de même l'astrologue n'est pas obligé
de rendre le prix de sa divination... sauf dans le cas où il
n'aurait pas fait d'effort, ou aurait été ignorant de son art
diabolique ; parce que, lorsqu'il a fait tous ses efforts, il
n'a pas usé de tromperie 11."
11
Ibidem, sect. 2 de Prœcept. I. Probl. 113, n. 586.
12
Richard Arsdekin, Theologia Tripartita, Coloniæ, 1744. Tom. II. Pars II. Tr. 5. c. I. § 2, n. 4.
13
Theologia Moralis nunc pluribus partibus aucta, a R.P. Claudio Lacroix "Societatis Jesu"
Coloniæ 1757 (Ed. Mus. Brit.).
14
Tom. II, lib. III, Pars I. Fr. 1, c. I, dub. 2, resol VIII. Quel dommage que l'avocat de la défense,
n'ait pas pensé à citer cette législation orthodoxe de la "tricherie au moyen de la chiromancie ou
autrement", au cours du récent procès religio-scientifique du médium Slade à Londres.
mêmes, n'en connaissant que des fragments 15. Ils ne furent jamais exposés
en lumière avant 1761, quand ils furent publiés par ordre du Parlement
Français de 1761 à 1762, au cours du célèbre procès de Pierre Lavalette."
Les degrés de l'ordre sont : 1° Novices ; 2° Frères laïques coadjuteurs
temporels ; 3° Scholastiques ; 4° Coadjuteurs spirituels ; 5° Profés des
Trois Vœux ; 6° Profés des Cinq Vœux. "Il existe aussi une classe secrète,
connue seulement du Général et de quelques fidèles Jésuites, qui, peut-être
plus que toute autre, a contribué au pouvoir redouté et mystérieux de
l'Ordre", dit Nicolini. Les Jésuites considèrent comme un des plus brillants
exploits de leur Ordre que Loyola ait appuyé, au moyen d'un mémoire
spécial au Pape, une pétition pour la réorganisation de cet instrument
abominable et détesté de boucherie en gros – l'infâme tribunal de
l'Inquisition
L'Ordre des Jésuites est, aujourd'hui, tout puissant à Rome. Ils se sont
réinstallés à la Congrégation des Affaires Ecclésiastiques Extraordinaires,
au Département du Secrétariat d'Etat, et au Ministère des Affaires
Etrangères. Pendant des années, avant l'occupation de Rome par Victor-
Emmanuel, le Gouvernement Pontifical était complètement entre leurs
mains. La Société compte aujourd'hui 8 584 membres. Mais voyons
quelles sont leurs règles principales. Par ce qui précède, et en se rendant
compte de leurs façons d'agir, on peut se faire une idée de ce que tout le
Corps catholique est probablement appelé à devenir. Mackenzie nous dit
que : "L'ordre a ses signes secrets, ses mots de passe, suivant les degrés
auxquels les membres appartiennent, et comme ils ne portent pas
d'uniforme spécial, il est difficile de les reconnaître, à moins qu'ils ne
révèlent eux-mêmes qu'ils font partie de l'Ordre ; car ils apparaissent
comme Protestants ou Catholiques, démocrates ou aristocrates, infidèles
ou fanatiques, suivant la mission spéciale qui leur a été confiée. Leurs
espions sont partout, ils appartiennent à tous les rangs de la société et ils se
montrent érudits et savants, simples et benets, suivant les instructions qu'ils
ont reçues. Il y a des Jésuites des deux sexes et de tout âge, et c'est un fait
notoire que des membres de l'Ordre, de familles nobles et d'éducation
raffinée, jouent le rôle de domestiques dans des familles protestantes, ou
remplissent d'autres emplois analogues [15] afin de servir les fins de la
Société. On ne peut être trop sur ses gardes, car la Société toute entière
15
Nicolini : Histoire des Jésuites.
étant basée sur la loi de l'obéissance absolue, peut porter ses forces sur un
point donné avec une exactitude infaillible et fatale 16."
Les Jésuites soutiennent que "la Société de Jésus n'est pas d'invention
humaine, mais qu'elle procède de celui dont elle porte le nom. Car Jésus
lui-même, établit la règle de vie qui régit la Société, premièrement par son
exemple, et ensuite par la parole 17".
16
Royal Masonic Cyclopædia, p. 369.
17
Imago, Primi Sæculi Societis Jesu, lib. I, c. 3, p. 64.
18
Antoine Escobar : Universæ Theologiæ Moralis receptiore, absque lite sustentiæ, etc…, tomus I.
Lugduni, 1652 (Ed. Bibl. Acad. Cant.). Idem sentio, e breve illud tempus ad unius horæ spatium
traho. Religiosus itaque habitum demittens assignato hoc temporis interstitio, non incurrit
excommunicationem, etiamsi dimittat non solum ex dausâ, turpi, scilicet fornicandi, aut etiam
aliquid abripiendi sed etiam ut ncognitus ineat lupanar. Probl. 44, n. 213.
19
Pars II, Tra. 2, c. 31.
Nous renonçons à en dire plus long maintenant. La majeure partie de
ces préceptes est si écœurante en raison de son caractère licencieux,
hypocrite et démoralisant, qu'il a été impossible de les présenter au public,
autrement qu'en latin 20. Nous en présenterons quelques uns des plus
décents, au cours de notre étude, pour comparaison. Mais que devons-nous
penser de l'avenir qui attend le monde catholique, s'il doit être contrôlé en
précepte et en acte par cette Société néfaste ? Nous ne doutons pas qu'il en
[16] sera ainsi, lorsque nous voyons le cardinal-archevêque de Cambrai le
proclamer à grands cris à tous ses fidèles ? Sa pastorale fit certain bruit en
France ; et cependant, puisque voici que deux siècles se sont écoulés
depuis l'exposé de ces infâmes principes, les Jésuites ont eu tout le temps
de mentir pour nier les justes accusations, que la plupart des Catholiques
n'y ajouteront aucune foi. Le Pape infaillible, Clément XIV (Ganganelli)
les supprima le 23 juillet 1773, et néanmoins ils revinrent à la vie ; un
autre Pape, également infaillible, Pie VII, les réinstitua le 7 août 1814.
20
Voyez The Principales of the Jesuits, Developed in a Collection of Extracts from their own
Authors. Londres, 1839.
peut, aujourd'hui, être Catholique, s'il n'est
Ultramontain – et Jésuite 21."
21
Tiré de la Pastorale de l'Archevêque de Cambrai.
22
Voyez Jérusalem Talmud Synhedrin, c. 7, etc.
23
Franck, pp. 55-56.
On accusa Simon de blasphémer contre le Saint-Esprit, parce qu'il le
présentait comme l'Esprit-Saint, le Mens (l'intelligence) ou "la mère de
toutes choses". Mais nous retrouvons la même expression dans le Livre
d'Enoch, où par opposition au "Fils de l'Homme", il dit "Le Fils de la
Femme". Dans les Codex des Nazaréens, et dans le Sohar, de même que
dans les Livres d'Hermès, cette expression est courante ; et même dans
l'Evangelium apocryphe des Hébreux nous lisons que Jésus, lui-même,
admettait le sexe du Saint-Esprit, lorsqu'il dit : Ma mère, la Sainte-
Pneuma.
24
Charles-Antoine Casnedi : Crisis Theologica, Ullyssipone, 1711, t. I, disp. 6, sect. 2, § 1, n. 59.
25
Ibidem.
26
Ibidem, § 2, n. 78.
fermement, que dans ce cas c'est moi qui ai ordonné le
mensonge 27."
Cela ne... mais non ! les mots sont incapables de rendre justice aux
émotions que ces étonnants principes doivent éveiller dans le sein de tout
homme honorable. Que notre silence, né d'un écœurement invincible, soit
notre seule réponse à cette déviation morale sans précédent.
27
Ibidem, sect. 5, § 1, n. 165.
28
Thesis propugnata in regio. Soc. Jés. Collegio celeberrimæ Academiæ Cadomensis, die Veneris,
30 jan. 1693. Cadomi, 1693.
2. Qu'il n'est point prouvé que de toutes les religions
existant en ce monde, la religion chrétienne est la plus
véridique ; car avez-vous voyagé dans tous les pays du
monde, ou savez-vous que d'autres l'ont fait ?...
…...……………………………………………………………
3. Qu'il n'est point prouvé que les prédictions des prophètes
aient été inspirées par Dieu ; car comment réfuteriez-
vous, si je nie que ce soient de véritables prophéties, ou
si j'affirme que ce ne sont que des suppositions ?
4. Qu'il n'est point prouvé que les miracles attribués au
Christ aient été véritables ; de même que nul ne peut
prudemment nier qu'ils le soient (Position 6).
"Il n'est pas non plus nécessaire aux chrétiens de
professer une croyance absolue en Jésus-Christ, dans la
Trinité, dans tous les articles de foi et dans le Décalogue.
La seule croyance qui était nécessaire pour ceux-là (les
juifs) et qui est nécessaire pour ceux-ci (les chrétiens)
est : 1° de croire en Dieu ; 2° de croire en un Dieu
rémunérateur" (Position 8).
Par conséquent il est aussi plus que "prouvé" qu'il y a des moments
dans la vie où le plus grand menteur est capable de formuler quelques
vérités. "Les "bons Pères" l'ont si bien prouvé qu'on voit clairement
maintenant d'où venaient les solennelles condamnations de certaines
"hérésies" au Concile Œcuménique de 1870, et la sanction d'autres articles
de foi auxquels nul ne croyait moins que ceux qui inspirèrent au Pape leur
promulgation. L'histoire a peut-être encore à apprendre que le Pape
octogénaire, grisé par l'encens de l'infaillibilité qu'on venait tout
récemment de lui imposer, n'avait été qu'un fidèle écho des Jésuites. "Un
vieillard est élevé, tremblant, sur le pavois du Vatican", dit Michelet, "tout
est absorbé et contenu en lui... Pendant quinze siècles la chrétienté a été
soumise au joug spirituel de l'Eglise... Mais ce joug ne leur suffisait point ;
ils voulaient que le monde entier se pliât sous la main d'un seul maître. Ici,
mes propres paroles sont trop faibles ; j'emprunterai celles des autres. Ils
(les Jésuites) (voici l'accusation que leur jeta à la figure l'Evêque de Paris
en plein Concile de Trente) voulaient faire de l'épouse de Jésus-Christ une
prostituée aux volontés d'un homme 29."
Ils y ont réussi. L'Eglise est dorénavant un outil inerte, et le Pape n'est
qu'un pauvre et faible instrument entre les mains de l'Ordre. Mais jusqu'à
quand ? Jusqu'à ce que survienne la fin, et les Chrétiens sincères se
souviendront des lamentations prophétiques [20] du Trismégiste trois fois
grand, sur son propre pays : "Hélas, hélas, mon fils, un jour viendra où les
hiéroglyphes sacrés se transformeront en idoles. Le monde prendra les
emblèmes de la science pour des dieux, et accusera la superbe Egypte
d'avoir adoré des monstres infernaux. Mais ceux qui nous calomnieront
ainsi, adoreront eux-mêmes la Mort au lieu de la Vie, la folie au lieu de la
sagesse ; ils dénonceront l'amour et la fécondité, ils rempliront leurs
temples d'ossements des morts, en guise de reliques, et ils gaspilleront leur
jeunesse dans la solitude et les larmes. Leurs vierges seront des veuves
(des nonnes) avant d'avoir été des épouses, et elles se consumeront en
détresse ; et cela parce que les hommes auront méprisé et profané les
mystères sacrés d'Isis 30."
29
Michelet et Quinet du Collège de France : Les Jésuites.
30
Champollion Hermes Trismégiste, XXVII.
31
De Cultu Adorationis Libri Tres., Lib. III, Disp I, c., 2.
ce que soutiennent les Panthéistes et les philosophes
hindous], et Il la préserve continuellement par Sa
puissance ; et lorsque nous nous prosternons devant elle
et que nos lèvres la baisent, nous nous présentons avec
toute notre âme devant Dieu, qui en est l'auteur, comme
devant le prototype de l'image [viennent ensuite des
exemples de reliques, etc.] Nous pourrions ajouter, que
puisque toute chose ici bas est l'œuvre de Dieu, et que
Dieu y est toujours présent et agissant en elle, nous nous
Le représenterons bien plus aisément comme étant en
elle que le saint dans le vêtement qui lui appartenait. Par
conséquent, sans égard aucun pour la dignité de la chose
créée, en dirigeant nos pensées vers Dieu, tout en
accordant à la créature les signes de soumission en nous
prosternant devant elle ou en la [21] baisant, nous
n'accomplissons pas un vain acte ou une superstition,
mais bien un acte de pure religion 32."
32
Ibidem.
Le baron Bunsen nous montre que l'origine des anciens hymnes et
prières du Livre des Morts égyptien, est antérieur à Ménès, et qu'elle date
probablement de la Dynastie d'Abydos, pré-Ménite, entre 3100 et 4500 ans
avant J.C. ; le savant égyptologue calcule que l'ère de Ménès, ou l'Empire
National, n'est pas postérieure à l'an 3059 avant J.C. ; il prouve, en outre,
que "le système du culte et la mythologie d'Osiris étaient déjà établis" 33
avant l'ère de Ménès.
Qui sait, bien plus ancienne peut être. Elle date de l'époque où l'âme
était un être objectif, et où par conséquent on ne pouvait la nier en elle-
même ; où l'humanité était une race spirituelle et où la mort n'existait pas.
Vers le déclin du cycle de vie, l'esprit-homme éthéré tombait alors dans
une douce somnolence d'inconscience momentanée, dans une sphère, pour
se réveiller dans la lumière encore plus éclatante d'une sphère supérieure.
Mais tandis que l'homme spirituel tend à s'élever toujours plus haut vers la
source de son être, en traversant les cycles et les sphères de la vie
individuelle, l'homme physique doit descendre avec le grand cycle de la
création universelle, jusqu'à endosser le vêtement des enveloppes
terrestres. Dès lors, l'âme était trop profondément enfouie sous son
revêtement physique, pour pouvoir réaffirmer son existence, sauf dans le
33
Egypt's Place in Universal History, vol. V, p. 94.
34
Ibidem : vol. V, p 129.
cas de ces natures plus spirituelles qui, à chaque cycle, devenaient de plus
en plus rares. Et cependant aucune des nations préhistoriques n'a jamais
songé à nier soit l'existence, soit l'immortalité de l'homme intérieur, le
"Soi" véritable. Mais nous devons alors, avoir présent à la mémoire
l'enseignement des anciennes philosophies : l'esprit, seul, est immortel –
l'âme, en elle-même, n'est ni éternelle, ni divine. Lorsqu'elle s'allie de trop
près au cerveau physique de son enveloppe terrestre, elle devient
graduellement un mental fini, un simple animal, un principe vital sensitif,
le nephesh de la Bible hébraïque 35. [23]
35
"Et Dieu créa... tous les nephesh (animaux vivants) qui se meuvent" (Genèse 1. 21) ; et il est dit
(Genèse II. 7) : "Et l'homme devint un nephesh (une âme vivante) ; ce qui prouve que le mot
nephesh était employé indifféremment pour l'homme immortel et l'animal mortel. "Sachez-le aussi
je demanderai le sang de vos nepheshim (vies), je le redemanderai à tout animal et je redemanderai
l'âme à l'homme" (Genèse IX.5). "Sauve-toi pour nephesh" (la traduction dit pour ta vie) (Genèse
XIX.17). "Ne lui ôtons pas la vie" lisons-nous dans la traduction française. "Ne tuons pas son
nephesh" dit le texte hébreu. "Nephesh pour nephesh" dit le Lévitique. "Celui qui frappera un
homme mortellement sera puni de mort". "Celui qui frappera le nephesh d'un homme (Lévitique
XXIV.17) et les versets suivants disent : "Celui qui frappera un animal (nephesh) mortellement le
remplacera... vie pour vie (animal pour animal) "tandis que le texte original dit "nephesh pour
nephesh". Au I Rois I-12 ; II-23 ; III-11 ; XIX.2.3. ; partout nous voyons nephesh pour la vie et
l'âme. "Ta vie répondra de sa vie" (Ton nephesh répondra de son nephesh) s'écrie le prophète aux I
Rois XX.39. En vérité si on ne lit cabalistiquement l'Ancien Testament, et qu'on ne comprenne sa
signification cachée, on n'y apprendra pas grand'chose au sujet de l'immortalité de 1'âme. Le peuple
hébreu en général n'avait pas la moindre notion de l'âme et de l'esprit, et ne faisait aucune différence
entre la vie, le sang et l'âme, nommant celle-ci "le souffle de vie". Les traducteurs de la Bible en ont
fait un tel galimatias que personne, excepté un cabaliste ne saurait rendre à la Bible sa forme
originelle.
au début de leur carrière, est faire une insulte à celle-là. Et cependant, pour
leur rendre justice, nous sommes obligés de le faire.
Il est bien connu que l'Empereur Néron n'osa jamais solliciter son
initiation aux Mystères, à cause du meurtre d'Agrippine !
Dans la Section XIV des Principes des Jésuites, nous trouvons les
principes suivants sous la rubrique Hommicide, inculqués par le Père Henri
Henriquez, dans la Sommæ Theologiæ Moralis. Tomus I. Venetiis 1600
(Ed. Coll. Sion) : "Si un adultère, même s'il est ecclésiastique... attaqué par
le mari, venait à tuer son agresseur... il n'est pas considéré comme
irrégulier : non videtur irregularis (Lib. XIV, de Irregularitæ, c. 10, § 3).
[24]
36
Præcepta Decaloga (Edit. de la Bibliothèque de Sion), tom. I, lib. IV, c. 2, n. 7, 8.
"Si un père était répréhensible pour l'Etat (étant exilé) et
la société en général, et qu'il n'y eût pas d'autre moyen
d'empêcher un pareil tort, j'approuverais alors cette
action (celle d'un fils qui tue son père) dit la Section XV,
sous la rubrique de Parricide et Hommicide 37.
37
Opinion de Jean de Décastille, sect. XV, De Justitia et Jure, etc. cens pp. 319, 320.
38
Cursus Theologici, tomus V, Duaci, 1642, Disp. 36. Sect. 5, n. 118.
39
Nom du plus élevé des hiérophantes égyptiens.
40
"Crata Nepoa, ou les Mystères des anciens Prêtres égyptiens".
Après une épreuve préliminaire à Thèbes, où le néophyte avait à en
traverser plusieurs, nommées les "Douze Tortures", on lui ordonnait de
gouverner ses passions et de ne jamais perdre de vue un seul instant la
notion de son Dieu. Puis, comme symbole des pérégrinations de l'âme non
purifiée, il devait escalader plusieurs échelles, et errer dans une caverne
obscure où toutes les nombreuses portes étaient fermées à clé. Après avoir
traversé les terribles épreuves, on lui conférait le degré de Pastaphore ; les
[25] deuxième et troisième degrés étant appelés le Néocore et le
Melanephore. Amené dans une vaste chambre souterraine, remplie de
momies couchées sur des lits de parade, on le mettait en présence de la
bière qui contenait les restes ensanglantés et mutilés d'Osiris. Cette salle se
nommait la "Porte de la Mort" et c'est sans doute à ce mystère que les
passages du Livre de Job (XXXVIII, 17) et d'autres endroits de la Bible
font allusion en parlant de ces portes 41. Nous donnerons au chapitre X
l'interprétation ésotérique du Livre de Job qui est le poème de l'initiation
par excellence.
"Les portes de la mort t'ont-elles été ouvertes ?
"As-tu vu les portes de l'ombre de la mort ?" demande à
Job le "Seigneur" – c'est-à-dire de l'Al-om-jah, l'initiateur
– en faisant allusion à ce troisième degré de l'initiation.
41
Voyez Mathieu XVI, 18, où le passage est mal traduit par "les portes de l'enfer".
42
Humberto Malhandrini : Ritual of Initiations, p. 105. Venise, 1657.
cercle, où on lui enseignait l'astronomie, car elle représentait le cours des
planètes. Dans le septième degré il était initié aux derniers Mystères.
Après une probation finale dans un édifice mis à part à cet effet,
l'Astronomus, comme on le nommait alors, sortait de ces appartements
sacrés nommés Manneras, et recevait une croix – le Tau, qu'on plaçait, à
sa mort, sur sa poitrine. Il était devenu un Hiérophante.
43
Pages 42, 44, note f. Nicolini de Rome, auteur de L'Histoire du Pontificat de Pie IX, La vie du
Père Gavazzi, etc.
44
En demandant la charité au nom de Celui qui n'avait pas où reposer sa tête 1.
dansent avec d'autres qui leur tiennent lieu de cavaliers.
Ce serait dégoûter mes lecteurs que de faire la
description des scènes scandaleuses qui suivent. Je puis
seulement affirmer que j'ai été souvent, moi-même,
témoin et spectateur de ces saturnales."
45
Bunsen, dans Egypt's Place in Universal History donne un cycle de 21.000 ans qu'il adopte pour
faciliter les calculs chronologiques pour la reconstitution de l'histoire universelle de l'humanité. Il
démontre que ce cycle "pour la nutation de l'écliptique" arrive à son point culminant dans l'année
1240 de notre ère. Il dit :
"Le cycle se divise en deux moitiés de 10500 (ou deux fois 5250 ans), chacun.
Le commencement de la première moitié :
Le point culminant sera : 19760 avant J.C.
Le plus bas : 9260.
Par conséquent, le milieu de la ligne descendante (le commencement du second quart) sera : 14510.
Le milieu de la ligne ascendante (le commencement du quatrième quart) : 4010.
Le nouveau cycle, qui a commencé en l'an 1240 de notre ère, terminera son premier quart en l'an
4010 de notre ère".
Bunsen explique qu'en "chiffres ronds, les époques les plus favorables pour notre hémisphère
depuis la grande catastrophe de la moyenne Asie (le Déluge 10000 ans avant J.C.) sont : "les 4000
ans avant, et les 4000 ans après Jésus-Crist ; et le commencement de la première époque qui est la
seule que nous puissions juger, puisqu'elle est la seule complète devant nous, coïncide exactement
avec les commencements de l'histoire nationale, ou, ce qui est la même chose, avec le
commencement de notre conscience de l'existence continue" (Egypt's Place in Universal History,
Key p. 102).
"Notre conscience" signifie, croyons-nous, la conscience des savants qui n'acceptent rien sur la foi,
mais beaucoup sur des hypothèses non vérifiées. Nous ne le disons pas pour l'auteur ci-dessus
nommé, tout noble champion et sérieux investigateur qu'il est de la liberté dans l'Eglise Chrétienne,
mais en général. Le baron Bunsen a parfaitement reconnu qu'un homme ne peut être en même
temps un homme de science intègre et donner aussi satisfaction au parti clérical. Même les menues
concessions qu'il fit en faveur de l'antiquité de l'humanité, lui valurent en 1859 un torrent de
dénonciations insolentes, telles que : "Nous perdons toute confiance dans le jugement de l'auteur...
il a encore à apprendre les premiers principes de la critique historique... exagérations extravagantes
et anti-scientifiques, et ainsi de suite – le pieux censeur terminant ses savantes dénonciations en
assurant le public que le Baron Bunsen ne savait même pas construire une phrase grecque
(Quaterly Review, 1859 ; voyez encore Eggpt's Place in Universal History, chapitre sur
Egyptological Works and English Reviews). Mais nous regrettons sincèrement que Bunsen n'ait pas
eu l'occasion d'étudier la "Cabale" et les livres brahmaniques des Zodiaques.
Dans le Rituel Funéraire trouvé parmi les hymnes du Livre des Morts
nommé par Bunsen "livre précieux et mystérieux", nous lisons une
allocution du mort, dans le rôle de Horus, détaillant tout ce qu'il a fait pour
son père Osiris. Entre autres choses le dieu dit :
"30 Je t'ai donné ton Esprit.
31 Je t'ai donné ton Ame.
32 Je t'ai donné ta force (corps)", etc.
Autre part on fait voir que l'entité appelée le "Père" par l'âme
désincarnée, doit signifier "l'esprit" de l'homme ; car le verset dit : "J'ai fait
venir mon âme pour parler avec son Père", son Esprit 46.
Suivant les conceptions égyptiennes, ainsi que dans celles de toutes les
autres croyances basées sur la philosophie, l'homme n'était pas seulement,
46
Rituel funéraire des Exploits d'Horus.
47
Bunsen : Eggpt's Place in Universal History. Vol. V, p. 133.
48
Lepsius : Abth, III ; B1. 276 ; Bunsen, 134.
ainsi que c'est le cas chez les chrétiens, l'union d'une âme et d'un corps ; il
était une trinité lorsqu'on y ajoutait l'esprit. De plus, cette doctrine le faisait
se composer de kha – le corps ; khaba – la forme astrale ou ombre ; de ka
– l'âme animale ou principe de vie ; de ba l'âme supérieure ; et de akh –
l'intelligence terrestre. Ils avaient encore un sixième principe nommé sah–
– ou la momie ; mais les fonctions de celle-ci ne commençaient qu'après la
mort du corps. Après s'être dûment purifiée l'âme, séparée de son corps,
continuait à visiter celui-ci dans sa condition de momie, cette âme astrale
"devenait un Dieu", car elle était finalement absorbée dans "l'Ame du
monde". Elle se transformait en une des divinités créatrices, "le dieu de
Phtah 49", le Démiurge, nom générique donné à tous les créateurs du monde
et que la Bible exprime par les Elohim. Dans le Rituel, l'âme bonne ou
purifiée, "unie à son esprit supérieur ou incréé, devient plus ou moins la
victime de la sombre influence du dragon Apophis. Si elle atteint la
connaissance finale des mystères célestes et infernaux – la gnose, en
d'autres termes la réunion complète avec l'esprit, elle triomphera de ses
ennemis ; dans le cas contraire, l'âme n'échappait pas à la seconde mort.
C'est "l'étang de feu où le soufre brûle" (les éléments) dans lequel ceux qui
y sont jetés endurent la seconde mort 50 ! (Apocalypse). Cette mort est la
dissolution graduelle de la forme astrale dans ses éléments primitifs, à
laquelle nous avons plusieurs fois fait allusion au cours de cet ouvrage.
Mais on évite cet affreux sort par la connaissance du "Nom Mystérieux" –
le "Mot" 51, comme disent les cabalistes. [29]
49
Dans le quatre-vingt-unième chapitre du Rituel l'âme est appelée le germe des lumières et dans le
soixante-dix-neuvième le Démiurge, ou un des créateurs.
50
Rituel, VI.44. Champollion : La Manifestation à la Lumière ; Lepsius Le Livre des Morts ;
Bunsen : Egypt's Place in Uniuersal History.
51
Nous ne pouvons nous empêcher de citer une remarque du baron Bunsen au sujet du "Mot" qui
est identique au "Nom Ineffable" des Maçons et des Cabalistes. Tout en donnant des explications du
Rituel dont quelques détails "ressemblent plutôt à des enchantements de magicien qu'à des rites
solennels, bien qu'il ait dû s'y rattacher une signification cachée et mystique" (la loyale acceptation
de cela même a déjà quelque valeur) l'auteur fait observer : "Le Mystère des noms, dont la
connaissance constituait une vertu souveraine, et qui, plus tard, dégénère en pure hérésie (?) chez
les Gnostiques et la magie des enchanteurs, parait avoir existé non seulement en Egypte mais
ailleurs. On en trouve des traces dans la Cabale... elle prévalait dans la mythologie grecque et
asiatique" (Egypt's Place, etc., p. 14).
Nous voyons donc les représentants de la Science se mettre d'accord au moins sur ce point. Les
initiés de tous pays avaient le même "nom mystérieux". C'est aux savants à prouver maintenant que
chaque adepte, chaque hiérophante, chaque magicien, chaque enchanteur (y compris Moïse et
Aaron) de même que chaque cabaliste, depuis l'origine des Mystères jusqu'à nos jours, a été un
coquin ou un imbécile, pour croire à l'efficacité de ce nom.
Et quelle pénalité encourait-on alors, en n'en tenant pas compte ?
Quand l'homme vit naturellement une vie pure et vertueuse il n'en encourt
aucune ; sauf en ce qui concerne un temps d'arrêt dans le monde des
esprits, jusqu'à être purifié suffisamment pour le recevoir de son
"Seigneur" Spirituel, qui fait partie de la puissante cohorte. Mais, si, au
contraire, "l'âme", en tant que principe semi-animal, est paralysée et
devient inconsciente de sa moitié subjective – le Seigneur – elle perdra tôt
ou tard finalement la notion de sa mission divine sur cette terre, en
proportion du développement sensoriel du cerveau et des nerfs.
Les voyants, les hommes justes, qui ont acquis la science suprême de
l'homme intime, et la connaissance de la vérité, ont, comme Marc Antoine,
reçu. leurs instructions "des dieux", pendant leur sommeil ou autrement.
Aidés par les esprits purs, qui [30] séjournent dans les "régions de la
félicité éternelle" ils ont observé le processus et averti l'humanité à
diverses reprises. Laissons railler les sceptiques ; la foi, basée sur la
connaissance et sur la science spirituelle, croit et affirme.
Le présent cycle est, par excellence, un cycle de pareilles morts de
l'âme. Nous coudoyons des hommes et des femmes dépourvus d'âmes à
chaque pas dans la vie. Nous ne pouvons, non plus, nous étonner de voir,
dans le présent état des choses, la colossale faillite des derniers efforts de
Schelling et de Hegel, pour échafauder un système métaphysique. Lorsque
les faits, palpables et tangibles, des phénomènes spirites se présentent
journellement et à toute heure, et qu'ils sont cependant niés par la plupart
des nations "civilisées", il y a peu de chance pour que la métaphysique
abstraite soit acceptée par la multitude toujours croissante des
matérialistes.
52
Voy. T. III, chap. I, p. 58.
X : 8). Mais, en dehors des initiés, qui peut prétendre à comprendre sa
haute signification ?
53
Voyez The Principles of the Jesuits, Developed in a collection of Extracts front their own
Authors, London, J.G. et F. Rivington, Saint-Paul. Charchyard and Waterloo Place, Pall Mall ; H.
Wix, 41, New Bridge Street, Blackfriars ; J. Leslie, Queen Street, etc., 1839, Section XVII, High
Treason and Regicide contenant trente-quatre extraits du même nombre d'autorités (de la Société de
Jésus) sur la question, entre autres l'opinion du célèbre Robert Bellarmine. Ainsi Emmanuel Sa dit :
"La rébellion d'un ecclésiastique contre un roi, n'est pas un crime de haute trahison, parce qu'il
n'est pas un sujet du roi" (Confessarium Aphorismi Verbo Clericus, Ed. Coloniæ, 1615, Ed. Coll.
Sion). "Le peuple, dit John Bridgewater, a non seulement la permission mais il est obligé et son
devoir lui ordonne, qu'à l'appel du Vicaire du Christ, qui est le souverain pasteur de toutes les
nations du monde, il ne doit pas garder la foi qu'il a jurée à de tels princes" (Concertatio Ecclesiæ
Catholicæ in Anglia adversus Calvino Papistas, Resp. fol. 348).
Dans le De Rege et Regis Institutione, Libri Tres, 1640 (Édit. Mus. Brit.), Jean Mariana va même
encore plus loin, car il dit : "Si les circonstances le permettent, il sera légal de détruire par le glaive
le prince qui a été déclaré un ennemi public... Je ne considérerai jamais qu'un tel homme ait mal
agi, qui, favorisant le désir public, essaierait de le tuer" et "il n'est pas seulement légitime de le
mettre à mort, mais cela constitue une action louable et glorieuse". Est tamen salutaris cogitatio, ut
Nous avons sous les yeux une série de conférences sur la Franc-
Maçonnerie et ses dangers, faites en 1862 par James Burton Robertson,
professeur d'Histoire Moderne à l'Université de Dublin. Le conférencier y
fait mention à maintes reprises et cite comme autorité ledit abbé (Barruel,
l'ennemi naturel des Franc-Maçons, qu'on ne peut prendre au
confessionnal) ainsi que Robinson un apostat maçon bien connu de 1798.
Ainsi qu'il est d'usage dans chaque parti, qu'il soit du côté maçonnique ou
anti-maçonnique, le traître du camp opposé est accueilli avec louanges et
encouragement, et l'on prend bien soin de le laver blanc comme neige.
Quelque commode qu'ait pu paraître à la Convention anti-maçonnique de
1830 (Etats-Unis d'Amérique) la formule jésuitique de Puffendorf "que les
serments ne lient pas lorsqu'ils sont absurdes ou hors de propos", et cette
autre qui enseigne que "un serment ne lie pas s'il n'est accepté par Dieu 54",
aucun honnête homme ne se rendrait complice de pareils sophismes. Nous
croyons en toute sincérité que la meilleure moitié de l'humanité aura
toujours présent à l'esprit qu'il existe un code moral de l'honneur qui
engage un homme bien plus qu'un serment, que celui-ci soit prêté sur la
Bible, sur le Koran ou sur les Védas. Les Esséniens ne prêtaient serment
sur rien du tout, mais leurs "oui" et leurs "non" valaient bien plus qu'un
serment. En outre, il semble extrêmement étrange, que des nations qui se
prétendent chrétiennes, aient institué des coutumes dans leurs tribunaux
ecclésiastiques et civils, diamétralement opposées à celles que leur
55
"Vous avez encore appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point... Mais moi, je
vous dis de ne jurer aucunement", etc. "Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu'on y ajoute
vient du malin. (Matthieu V. 33.34.37).
56
Barbeyrac, dans ses notes sur Puffendorf, démontre que les Péruviens ne prêtaient jamais
serment, mais faisaient une simple déclaration devant l'Inca, et on n'a pas d'exemple qu'ils aient
jamais failli à leur parole.
57
Que le lecteur veuille bien se rappeler que par le christianisme nous n'entendons pas dire les
enseignements du Christ, mais ceux de ses soi-disant serviteurs – le clergé.
fidèles tout germe de confiance en soi et du respect de soi-même. Et cela
est si vrai, qu'il est devenu un axiome que c'est chez les athées et les
prétendus "infidèles" qu'on rencontre les hommes les plus honorables.
Nous lisons dans Hipparque, qu'à l'époque du paganisme "la honte et
l'opprobre qui s'attachaient avec raison à la violation de son serment,
mettaient le pauvre diable dans un accès de folie et de désespoir, au point
de lui faite attenter à ses jours en se coupant la gorge, et sa mémoire
causait une telle horreur que son cadavre restait sans autre sépulture que le
sable de la mer dans l'île de Samos 58. Mais dans notre XIXème siècle, nous
voyons quatre-vingt-seize délégués à la Convention antimaçonnique des
Etats-Unis, tous sans aucun doute membres d'une Eglise protestante
quelconque, et forts du respect dû à des hommes d'honneur, mettre en
avant les arguments les plus jésuitiques au sujet de la validité d'un serment
maçonnique. Le Comité, ayant la prétention de citer l'autorité "des guides
les plus distingués dans la philosophie de la morale, et se réclamant de
l'aide la plus ample des inspirés 59... qui écrivirent avant que la Franc-
Maçonnerie [36] eût existé, " décidèrent que, comme un serment est "une
transaction entre l'homme, d'une part, et le Juge Suprême de l'autre" ; et
que comme les Maçons sont tous des infidèles et "impropres à remplir un
emploi civil", leurs serments, par conséquent, sont considérés comme
illégitimes et ne les engageant pas 60.
58
"Défense a du Dr Anderson, citée par John Yarker dans ses Notes on the Scientific and Religions
Mysteries of Antiquity.
59
Y compris Epiphane, après qu'il envoya en exil, en violation de son serment, plus de soixante-dix
personnes appartenant à la société secrète qu'il avait trahie.
60
United Stades Anti-Masonic Convention : "Obligation of Masonic Oaths" discours de M.
Hopkins de New-York.
Qu'on ne s'imagine pas que nous sommes influencés par un sentiment
personnel dans nos réflexions sur la Franc-Maçonnerie. Loin d'être le cas
nous n'hésitons pas à proclamer que nous avons un sincère respect pour le
but originel de l'Ordre, et quelques-uns de nos meilleurs amis comptent
parmi ses membres. Nous n'avons rien à dire contre la Franc-Maçonnerie
telle qu'elle devrait être, mais nous la dénonçons comme elle est en train de
devenir grâce aux intrigues du clergé, tant catholique que protestant. Etant,
soi-disant la plus absolue des démocraties, elle est pratiquement l'apanage
de l'aristocratie, de la fortune et de l'ambition personnelle. Se targuant
d'enseigner l'éthique pure, elle se rabaisse à faire de la propagande pour la
théologie anthropomorphe. On apprend à l'apprenti moitié nu, amené
devant le maître pendant l'initiation au premier degré, que toute distinction
sociale est mise de côté à la porte de la loge, et que le frère le plus pauvre
est l'égal de tous les autres, fussent-ils tête couronnée ou prince impérial.
Dans la pratique, l'ordre se transforme, dans tout pays monarchique, en
adulateur de tout rejeton de famille royale qui daigne revêtir la symbolique
peau d'agneau, afin de s'en servir comme d'un marchepied politique.
61
John Yarker, Junior : Notes on the Scientific and Religions Mysteries of Antiquity ; the Gnosis
and Secret Schools of the Middle Ages ; Modern Rosicrucianism ; and the various Rites and
Degrees of Free and Accepted Masonry, Londres, 1872.
Maçonniques et autres charlatans qui font de l'argent ou acquièrent de la
puissance avec les prétentions aristocratiques qu'ils attachent à notre
institution – ad captandum vulgus."
Nous ne prétendons nullement exposer ici des secrets qui ont déjà été
depuis longtemps dévoilés par des Maçons parjures. Tout ce qui est vital,
que ce soit en représentations symboliques, en rites ou en mots de passe,
en usage dans la Franc-Maçonnerie moderne, est bien connu dans les
fraternités orientales, quoiqu'il ne semble pas y avoir de rapports ou de
connexions entre elles. Si Ovide décrit Médée comme ayant "le bras, la
poitrine et le genou découverts, et le pied gauche déchaussé" ; et Virgile,
en parlant de Didon dit que cette "Reine elle-même... résolue à mourir
avait un pied déchaussé, etc. 62", pourquoi douterait-on qu'il existe de
véritables "Patriarches des Védas sacrés" en Orient, qui expliquent
l'ésotérisme de la pure théologie indoue et le brahmanisme, aussi
parfaitement que les "Patriarches" européens ?
62
Ibidem, p. 151.
63
John Yarker : Notes, etc., p. 150.
avaient voulu incorporer dans la fraternité. Il n'y a plus aujourd'hui de
secrets à divulguer ; l'Ordre dégénère en une commodité dont les égoïstes
se servent et que déprécient de mauvaises gens.
64
Proceedings of the Supreme Council of Sovereign Grand Inspectors General of the Thirty-third
and Last Degree, etc., etc. Tenu dans la cité de New-York, le 15 août 1876, p. 54-55.
quelques Presbytériens réformés. En lisant la prose des deux factions on
est en droit de se demander lequel des deux adversaires a le plus peur de
l'autre. Mais quel intérêt aurait-on à s'organiser contre une fraternité qui
n'ose même pas avoir une croyance qui lui soit propre de peur d'offenser
quelqu'un ? Comment se fait-il alors, si les serments maçonniques
comptent pour quelque chose, et si les pénalités maçonniques sont quelque
chose de plus qu'une farce, que des adversaires, nombreux ou non, faibles
ou forts, puissent être renseignés sur ce qui se passe au sein des loges, ou
qu'ils puissent y pénétrer, en passant devant ce "frère terrible, ou tuileur,
qui garde la porte du temple, une épée nue à la main ?" Ce "frère terrible"
n'est-il pas plus formidable que le Général Boum de l'opérette d'Offenbach,
avec ses pistolets fumants, ses éperons et son mirifique panache ? A quoi
servent les millions d'hommes qui constituent cette grande fraternité dans
le monde entier, s'ils ne peuvent se coaliser pour faire face à tous leurs
adversaires ? Se peut-il que le "lien mystique"ne soit qu'une corde de
fumée, et la Franc-Maçonnerie qu'un jouet pour satisfaire la vanité de
quelques chefs qui se plaisent à arborer des rubans et des insignes ? Son
autorité est-elle aussi fausse que son antiquité ? On pourrait vraiment le
croire ; et cependant "de même que les puces ont des parasites plus petits
qui les mangent", il y a, même ici, des alarmistes catholiques qui
prétendent avoir peur de la Franc-Maçonnerie !
Tandis que les Américains, y compris les Maçons, sont dores et déjà
avertis d'avoir à se préparer à être incorporés dans la Sainte Eglise
Catholique, Apostolique et Romaine, nous sommes heureux de constater
que parmi les Maçons il y en a quelques uns, loyaux et respectés, qui
adoptent notre manière de voir. Un des plus notables parmi ceux-ci est
notre vénérable ami, M. Léon Hyneman P.M. et membre de la Grande
Loge de Pennsylvanie. Il fut, pendant huit ou neuf ans l'éditeur du Masonic
Mirror and Keystone, et il est en même temps un auteur de marque. Il nous
a affirmé que, personnellement, pendant plus de trente ans, il a combattu le
projet d'ériger en un dogme Maçonnique, la croyance en un Dieu
personnel. Dans son ouvrage, Ancient York and London Grand Lodges, il
dit (p. 169) : "Au lieu de se développer professionnellement avec le
progrès intellectuel des connaissances scientifiques, et l'intelligence
générale, la Maçonnerie s'est écartée du but originel de la fraternité, et se
rapproche, semble-t-il d'une société sectaire. Cela se voit clairement... dans
la volonté persistante de ne pas écarter les innovations sectaires,
interpolées dans le Rituel... Il semblerait que la fraternité Maçonnique de
ce pays est aussi indifférente aux anciennes bornes et coutumes de la
Maçonnerie, que l'étaient les Maçons du siècle dernier, sous la direction de
la Grande Loge de Londres " C'est cette conviction, qui lui fit refuser la
Grande Maîtrise du Rite des Etats-Unis, et le 33ème degré honoraire du Rite
ancien et accepté lorsqu'en 1856, Jacques-Etienne Marconis de Nègre,
Grand Hiérophante du Rite de Memphis vint en Amérique pour les lui
offrir.
Nul n'a jamais pu mettre la main sur les Rose-croix, et malgré les
prétendues découvertes de "chambres secrètes", de vellums appelés "T", et
de chevaliers fossiles munis de lampes inextinguibles, cette ancienne
institution, de même que son objet, demeurent encore à ce jour un mystère.
On a parfois brûlé de prétendus Templiers et de faux Rose-croix, en même
temps que quelques véritables cabalistes ; on a déniché et mis à la torture
quelques malheureux théosophes et alchimistes ; on leur a même arraché
de fausses confessions par les moyens les plus féroces, mais malgré cela,
la véritable société demeure encore aujourd'hui, comme elle l'était par le
passé, inconnue de tous, et surtout de son ennemie la plus acharnée,
l'Eglise.
Pour ce qui est des plus modernes Chevaliers du Temple et des Loges
Maçonniques qui, aujourd'hui, prétendent descendre en ligne directe des
anciens Templiers, leur persécution par l'Eglise a été une comédie dès le
commencement. Ils n'ont pas et n'ont jamais eu de secrets dangereux pour
l'Eglise ; bien au contraire, car nous voyons que J.G. Findel dit que les
degrés écossais, ou le système des Templiers ne date que de 1735-1740, et
"poursuivant sa tendance catholique il établit sa résidence principale dans
le Collège des Jésuites de Clermont, à Paris, et prit, de là, le nom de
Système de Clermont". Le système suédois actuel, a aussi quelque chose
de l'élément des Templiers, mais affranchi des Jésuites et de l'intervention
de la politique : néanmoins il affirme posséder l'original du testament de
Molay, parce qu'un comte Beaujeu, neveu de Molay – inconnu ailleurs, dit
Findel – transplanta l'ordre des Templiers dans la Franc-Maçonnerie, et
donna, de cette manière un sépulcre mystérieux aux cendres de son oncle.
Il suffit pour prouver que tout cela n'est qu'une fable maçonnique de
lire sur le monument la date du décès de Molay comme ayant eu lieu le 11
mars 1313, tandis que la date de sa mort était le 19 mars 1313. Cette
production illégitime, qui n'est ni du véritable Ordre du Temple, ni de la
Franc-Maçonnerie authentique, n'a jamais pris racine ferme en Allemagne.
Mais il en fut autrement en France.
Traitant de ce sujet, écoutons ce que Wilcke a à dire de ces
prétentions :
"Les actuels Templiers de Paris, prétendent être les
descendants directs des anciens Chevaliers ; ils cherchent
à le prouver au moyen de documents, de règlements
intérieurs et de doctrines secrètes. Foraisse dit que la
Fraternité des Franc-Maçons fut fondée en Egypte,
Moïse ayant transmis l'enseignement secret aux
israélites, Jésus à ses apôtres, et que ce fut ainsi qu'il
parvint aux Chevaliers du Temple. Ces inventions sont
nécessaires... pour étayer l'assertion que les Templiers
parisiens sont la progéniture de l'ancien ordre. Toutes ces
affirmations, non confirmées par l'histoire, ont été
fabriquées de toutes pièces au Grand Chapitre de
Clermont (des Jésuites) et conservées par les Templiers
parisiens comme un héritage de ces révolutionnaires
politiques, les Stuarts et les Jésuites." C'est la raison pour
laquelle ils ont été soutenus par les évêques Grégoire 65 et
Münter 66.
65
Histoire des sectes religieuses, vol. II, p. 392-428.
66
Notitia codicis græci evangelium Johannis variantum continentis, Havaniæ, 1828.
67
Voilà la raison pour laquelle, jusqu'à ce jour, les membres fanatiques et cabalistiques des
Nazaréens de Basra, en Perse, conservent une tradition de la gloire, du pouvoir et de la richesse de
de pensée intellectuelle et la restauration d'une seule religion universelle.
Ayant fait vœu d'obéissance, de pauvreté et de chasteté, ils furent dès
l'abord les véritables Chevaliers de Saint-Jean-Baptiste, prêchant dans le
désert et se nourrissant de miel sauvage et de sauterelles. Telle est la
tradition et la véritable version cabalistique.
C'est une erreur de prétendre que ce ne fut que plus tard que l'Ordre
devint anti-catholique. Il le fut dès le début, et la croix rouge sur le
manteau blanc, uniforme de l'Ordre, avait la même signification pour les
initiés de tous pays. Cette croix pointait vers [44] les quatre points
cardinaux et était l'emblème de l'univers 68. Lorsque, par la suite, la
Fraternité fut transformée en Loge, les Templiers se virent contraints, afin
d'éviter les persécutions, de pratiquer leurs propres cérémonies dans le
secret le plus absolu, généralement dans la salle du chapitre, et plus
souvent dans des souterrains ou dans des maisons isolées au milieu des
bois, tandis que la forme ecclésiastique de leur culte se célébrait
publiquement dans les chapelles de l'Ordre.
Bien que la plupart des accusations portées contre eux par Philippe IV
aient été absolument fausses, les principales au point de vue de ce que
l'Eglise considérait comme des hérésies, étaient certainement bien fondées.
Les Templiers d'aujourd'hui, s'en tenant strictement à la lettre de la Bible,
ne peuvent guère revendiquer leur origine chez ceux qui ne croyaient pas
au Christ, en tant qu'homme-Dieu, ou que Sauveur du monde ; qui niaient
aussi bien le miracle de sa naissance, que ceux qu'il avait accomplis lui
même ; qui ne croyaient ni à la transsubstantiation, ni aux saints, ni aux
saintes reliques, ni au purgatoire, etc. Le Christ Jésus était, à leurs yeux, un
faux prophète, mais l'homme Jésus était pour eux un Frère. Ils
considéraient saint Jean-Baptiste comme leur patron, mais ils ne le
reconnurent jamais sous le jour où il est présenté dans la Bible. Ils
vénéraient les doctrines de l'alchimie, de l'astrologie, de la magie, des
talismans cabalistiques et adhéraient aux enseignements secrets de leurs
chefs en Orient. "Dans le siècle dernier", dit Findel, "lorsque la Franc-
Maçonnerie s'imagina faussement descendre des Templiers, on s'efforça
leurs "Frères" agents ou messagers comme il les appellent, à Malte et en Europe. Il en reste
quelques uns, disent-ils, qui tôt ou tard, restaureront la doctrine de leur prophète Johanan (saint
Jean), le fils du Seigneur Jourdain, et élimineront des cœurs de l'humanité tout autre faux
enseignement.
68
Les deux grandes pagodes de Madura et de Bénares sont construites en forme de croix, chaque
branche étant de longueur égale. (Voyez Mauri : Indian Antiquities, Vol. III, pp. 360-376).
d'innocenter l'Ordre des Chevaliers Templiers... Dans ce but on inventa
non seulement des légendes et des histoires, mais on prit grand soin de
cacher la vérité. Les admirateurs maçonniques des Chevaliers Templiers
achetèrent tous les documents du procès publiés par Moldenwaher, parce
qu'ils établissaient la preuve de la culpabilité de l'Ordre 69".
69
Findel : History of Freemasoury, appendice.
70
A Sketch of the Knight Templars and the Knights of the St.-John of Jerusalem ; par Richard Woof,
F. S. A. commandeur de l'Ordre des Chevaliers Templiers Maçonniques.
et cabalistiques, ou se rattacher aux Jésuites et tendre leurs dais
directement sur l'autel de l'Ultra-Catholicisme ! Autrement leurs
prétentions manquent totalement de base.
71
Findel : History of Freemasoury, Appendice.
C'est pourquoi on a fait se joindre les Templiers aux Chevaliers de
Saint-Jean, et ceux-ci s'incorporèrent dans la Franc-Maçonnerie sous le
nom de Maçons de Saint-Jean.
Le degré des Kadosh fut inventé à Lyon en 1743 (du moins c'est ce
que dit Thory) et "il doit représenter la vengeance des Templiers". Et nous
constatons, qu'à ce sujet, Findel dit que "l'Ordre des Chevaliers Templiers
fut aboli en 1311, et c'est à cette époque qu'ils durent se reporter, lorsque,
après l'exil de Malte de quelques Chevaliers, inculpés d'être Franc-
Maçons, en 1740, il ne fut plus possible de maintenir les relations avec
l'Ordre de Saint-Jean, ou Chevaliers de Malte, alors à l'apogée de leur
puissance sous la souveraineté du Pape".
72
General History of Freemasoury, p 218.
73
Voyez la version de Gaffarel ; La Science des Esprits d'Eliphas Lévy ; le Royal Masonic
Cyclipœdia de Mackenzie ; le Sepher Toldos Jeshu et autres ouvrages cabalistiques et rabbiniques.
Le récit qui y est donné est le suivant : Une vierge nommée Mariam, fiancée à un jeune homme du
nom de Johanan, fut outragée par un autre homme nommé Ben-Panther, ou Joseph Panther, dit le
Sepehr Toldos Jeshu. "Son fiancé ayant appris son infortune, l'abandonna tout en lui pardonnant.
L'enfant qui naquit était Jésus, nommé Joshua. Adopté par son oncle le Rabbin Jehosuah, il fut initié
dans la doctrine secrète par le Rabbin Elhanan, un cabaliste, puis par des prêtres égyptiens, qui le
consacrèrent Suprême Pontife de la Doctrine Secrète Universelle, à cause de ses grandes qualités
mystiques. A son retour en Judée, ses connaissances et ses pouvoirs excitèrent la jalousie des
Rabbins, qui lui reprochèrent publiquement son origine et insultèrent sa mère. De là les paroles qui
lui ont été attribuées à la noce de Cana : "Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ?"(St-Jean II, 4). Ses
disciples lui ayant reproché sa dureté envers sa mère, Jésus se repentit, et ayant appris d'eux les
détails de la triste histoire, il déclara que "Ma mère n'a point péché, elle n'a point perdu son
prêtent un si terrible serment sur la Bible, et pourquoi aussi leurs
conférences concordent d'une manière si servile avec la chronologie
Patriarco-Biblique. Dans l'Ordre Américain des Rose-Croix, par exemple,
lorsque le néophyte s'approche de l'autel, les "Chevaliers sont debout et à
l'ordre et le T. :. Sage fait la proclamation". "A la gloire du Gr.:. Ar.:. de
l'U.:. (Jehovah-Binah ?), et sous les auspices du Souverain Sanctuaire de la
Franc-Maçonnerie Antique et Primitive, etc., etc. Le Chevalier d'Eloquence
frappe alors un coup et informe le néophyte que les antiques légendes de la
Maçonnerie datent de QUARANTE Siècles ; il ne revendique pas une
antiquité plus grande pour aucune d'elles que celle de 622 A.M. à laquelle
époque, dit-il, Noé est né. En pareille circonstance, il faut reconnaître que
c'est faire une concession fort libérale aux préférences de la chronologie.
Après cela on 74 apprend aux Maçons que ce fut à peu près vers l'an 2188
avant J.-C. que Mizraïm emmena des colonies en Egypte, où il fonda
l'Empire égyptien, lequel empire subsista pendant 1663 ans (!!!). Bien
étrange cette chronologie, qui, si elle se conforme pieusement à celle de la
Bible, est en parfait désaccord avec celle de l'histoire. Les neuf noms
mythiques de la Divinité, importés en Egypte, suivant les Maçons,
seulement au cours du XXIIème siècle avant J.-C. se trouvent inscrits sur
des monuments deux fois plus anciens, si nous devons en croire les plus
célèbres égyptologues. Toutefois il faut aussi prendre en considération que
les Maçons, eux-mêmes, ignorent complètement ces noms.
innocence ; elle est immaculée, et cependant elle est ma mère... Quant à moi je n'ai pas de père,
dans ce monde, je suis le Fils de Dieu et de l'humanité !" Paroles sublimes de confiance dans le
Pouvoir invisible, mais fatales, aujourd'hui, pour les millions de millions d'hommes qui ont été
immolés parce que ces paroles ont été si mal comprises !
74
Nous parlons du Chapitre Américain des Rose-Croix.
très glorieux ne passent pas au-dessus... à moins que les dieux ne me
donnent la PAROLE." Dans un autre hymne, l'âme transformée s'écrie :
"Ouvrez-moi la route vers Rusta. Je suis le Sublime, vêtu comme le
Sublime. Me voici ! Me voici ! Doux sont pour moi les rois d'Osiris. Je
crée l'eau (par le pouvoir de la Parole)... Je n'ai point vu les secrets
cachés ?... J'ai donné au Soleil la Vérité. Je suis clair. On m'adore pour ma
pureté" (CXVII-CXIX, chapitres de l'entrée et de la sortie de Rusta). Autre
part, le manuscrit de la momie s'exprime comme suit : "Je suis le Grand
Dieu (l'esprit) existant par moi-même, le créateur de Son Nom... Je connais
le nom de ce Grand Dieu qui est là."
Mais quel est le Maçon moderne qui l'a entendu prononcer ? Dans leur
propre rituel, ils confessent qu'ils ne l'ont jamais entendu. Le "Chevalier
d'Eloquence" dit au "Chevalier T. :. Sage"que les mots de passe qu'il a
reçus dans les degrés précédents "sont autant de corruptions" du véritable
nom de Dieu, gravé sur le triangle ; et que, par conséquent, on a adopté un
"substitut". C'est le cas, également, pour la Loge Bleue, où le Maître,
représentant le Roi Salomon, est d'accord avec le Roi Hiram que le Mot
*** "doit servir de substitut pour la parole de Maître jusqu'à ce que des
siècles plus sages fassent découvrir la vraie parole". Quel est le Premier
Surveillant parmi tous les milliers de ceux qui ont aidé à amener les
candidats des ténèbres à la lumière ; ou quel est le Maître qui. "murmuré à
l'oreille du supposé Hiram Abi, la "parole" mystique, en le tenant par les
cinq points de compagnon, ont soupçonné la véritable signification de ce
substitut qu'ils transmettent à "voix basse" ? Peu nombreux sont les
nouveaux Maîtres [50] Maçons qui s'imaginent qu'il a un rapport occulte
quelconque avec la "Moelle dans l'os". Que savent-ils de ce personnage
mystique connu seulement de quelques adeptes sous le nom du "vénérable
MAH", ou de ces mystérieux Frères Orientaux qui lui Obéissent, et dont le
nom est abrégé dans la première syllabe des trois qui composent le
substitut Maçonnique – Le MAH, qui vit encore aujourd'hui en un lieu
ignoré de tous, sauf des initiés, et auquel on ne peut accéder qu'en
traversant des déserts impraticables, où n'ont passé ni les Jésuites ni les
missionnaires, car la route est semée de dangers capables d'épouvanter les
explorateurs les plus courageux ? Et néanmoins, pendant des générations
entières ce jeu incompréhensible de voyelles et de consonnes a été
murmuré à l'oreille des novices, comme s'il eût possédé assez de pouvoir
pour faire dévier de sa course un duvet de chardon flottant dans l'air ! De
même que le Christianisme, la Franc-Maçonnerie est un cadavre dont
l'esprit s'est, depuis longtemps, envolé.
le 11 janvier 1877
Bien à vous
CHARLES SOTHERAN.
75
Pythagore.
L'hiérophante égyptien recevait une coiffure carrée qu'il devait porter
continuellement, et une équerre (voyez les signes maçonniques) sans
laquelle il ne pouvait sortir. Le Tau parfait, formé par la ligne
perpendiculaire (le rayon descendant mâle, ou esprit) la ligne horizontale
(le rayon femelle, ou matière) et le cercle mondial était un attribut d'Isis, et
ce n'était qu'à la mort de l'hiérophante que la croix égyptienne était placée
sur la poitrine de sa momie. Ces coiffures carrées sont portées, encore de
nos jours, par les prêtres arméniens. La prétention que la croix soit un
symbole purement chrétien, introduit après notre ère, est en vérité fort [56]
étrange, car nous constatons qu'Ezéchiel mettait au front des hommes de
Judah qui craignaient le Seigneur (Ezéchiel IX. 4) la marque du Tau, ainsi
qu'il est traduit dans la Vulgate. Chez les anciens hébreux ce signe avait la
forme de , mais dans les hiéroglyphes égyptiens originaux il prenait
celle de la parfaite croix chrétienne g. De même, dans l'Apocalypse,
"l'Alpha et l'Oméga" (l'esprit et la matière), le premier et le dernier, met le
nom de son Père sur le front des élus.
Mais ces "artisans" n'ont aucune crainte de voir leurs secrets dévoilés
par les traîtres ex-grands prêtres des chapitres, quoiqu'ils aient été transmis
à leur génération par d'autres que Moïse, Salomon et Zerubabel. Si Moïse
Michel Hayes, le Frère israélite qui introduisit la Maçonnerie de l'Arche
Royale dans ce pays (en décembre 1778) 76 avait eu un pressentiment
prophétique des trahisons futures, il aurait sans doute, institué des
obligations plus efficaces qu'il ne le fit.
77
76
Le premier Grand Chapitre fut fondé à Philadelphie en 1797.
77
Voici la traduction de ce texte écrit en utilisant l'alphabet indiqué à la page 60 et obtenu suivant la
première méthode : "O Maçons de l'Arche Royale, comme vous avez mal préservé vos mystères ;
que ces lignes l'attestent." (N. du Trad.).
la Franc-Maçonnerie (les prétendus successeurs des Templiers) fut
employée par l'Eglise dans un but politique.
78
Voyez les Notes on the Mysteries of Antiquity, p. 153, de Yarker.
CHIFFRE DES CHEVALIERS ROSE-CROIX DE HEREDOM
(de Kilwining).
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 10
a b c d e f g h i j ba k
ou
11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 30 40
kb kc kd ke kf kg kh ki kj ck dk ek
50 60 70 80 90 100 200 300 400 500 600 700
fk gk hk ik jk l cl dl el fl gl hl
800 900 1000
il jl m
70 2 3 12 15 20 30 33 38 9 10 40
a b c d e f g h i k l m
60 80 81 82 83 84 85 86 90 91 94 95
n o p q r s t u v x y z
79
Voyez o, Rois XXIII, 7 textes hébreu, et anglais, mais tout spécialement le premier. On donne
dans le degré Kadosh une conférence sur l'origine de la Maçonnerie depuis Moïse, Salomon, les
Esséniens et les Templiers. Les Chevaliers K. chrétiens peuvent se faire une idée du "Temple"
auquel leurs ancêtres avaient été liés, par descendance généalogique, en consultant le verset 13 du
chapitre déjà mentionné.
Quant au chiffre de l'Arche Royale, il a été déjà divulgué, mais nous
ferons bien de le transcrire, quelque peu amplifié.
[60]
80
Eliphas Lévi, Dogme et Rituel, vol. 1.
81
Yeva est le Heva, la contre-partie féminine de Jéhovah-Binah.
"Le Jéhovah" ne date que de l'innovation Masorétique. Quand les
Rabbins, craignant de perdre la clé de leur propre doctrine, écrite à ce
moment-là, exclusivement au moyen de consonnes, commencèrent à
insérer leurs points de voyelles dans leurs manuscrits, ils étaient
absolument ignorants de la véritable prononciation du [62] NOM. Ils lui
donnèrent, par conséquent, le son de Adonah, en le faisant lire Ja-ho-vah.
Celui-ci est donc une pure fantaisie, une perversion du Nom Sacré. Et
comment auraient-ils pu le connaître ? Seuls, dans toute leur nation, les
Grands Prêtres en avaient la possession, qu'ils repassaient respectivement à
leurs successeurs, de même que le Brahmaâtma le fait avant sa mort. Une
fois par année seulement, le jour de l'expiation, le Grand Prêtre pouvait le
prononcer en murmurant. Passant derrière le voile dans la chambre
intérieure du sanctuaire, le Saint des Saints, il invoquait, la lèvre
tremblante, et en baissant les yeux le NOM redouté. La persécution
acharnée contre les cabalistes, qui reçurent les précieuses syllabes après
avoir mérité cette faveur par une vie entière de sainteté, venait de ce qu'on
soupçonnait qu'ils en faisaient un mauvais usage. Au début de ce chapitre
nous avons raconté l'histoire de Siméon Ben-Jochai, une des victimes de
cette connaissance inestimable, et nous constatons combien il avait peu
mérité ce cruel traitement.
82
Les Scandinaves en Islande.
de récits religieux, dans lesquels un miracle vient s'ajouter à l'autre, en
donnant la narration des légendes populaires telles qu'elles apparurent à
l'origine, sans toutefois tenir compte de la chronologie ou du dogme. Il n'y
a pas de doute qu'il a dû y avoir un Livre de Jasher antérieur au
Pentateuque de Moïse, car on en parle dans les livres de Josué, d'Isaie et
de II Samuel.
La différence entre les Elohistes et les Jéhovistes n'est nulle part aussi
apparente que dans le Livre de Jasher. On y parle de [63] Jéhovah comme
le comprenaient les Ophites, c'est-à-dire le fils de Ilda-Baoth, ou Saturne.
Dans ce livre, lorsque le Pharaon leur demande "Qui est-il, celui dont parle
Moïse comme du Je suis ? les Mages égyptiens répondent que le Dieu de
Moïse "ainsi que nous l'avons appris, est le Fils des Sages, le Fils d'anciens
rois" (ch. LXXIX. 45) 83. Or, ceux qui affirment que le Livre de Jasher est
un faux du XIIème siècle – et nous le croyons aisément – devraient
néanmoins fournir l'explication du fait curieux que, tandis que le texte ci-
dessus ne se trouve point dans la Bible, la réponse, elle, s'y trouve bien, et
dans des termes qui ne prêtent pas à l'équivoque. Dans Isaïe XIX. II,
"Seigneur Dieu" s'en plaint amèrement au prophète en disant : "Les princes
de Zoan ne sont que des insensés, les sages conseillers de Pharaon forment
un conseil stupide. Comment osez-vous dire à Pharaon : Je suis fils des
Sages, fils d'anciens Rois ?" ce qui constitue, sans contredit, la réponse à la
question ci-dessus. Dans Josué X. 13, on voit que le Livre de Jasher est
mentionné pour corroborer l'outrageante affirmation que le soleil s'arrêta et
que la lune suspendit sa course, jusqu'à ce que la nation eût tiré vengeance
de ses ennemis. "Cela n'est-il pas écrit dans le livre du Juste ? (le Livre de
Jasher) dit le texte. Dans le 2 Samuel 1.19 le même livre est encore cité ;
on y lit : "Il est écrit dans le Livre de Jasher". Il est clair que Jasher doit
avoir été antérieur à Josué ; et, puisque le verset d'Isaïe se réfère, sans
contredit, au passage ci-dessus mentionné, nous avons autant de raisons
pour accepter l'édition courante de Jasher comme une transcription, ou
compilation tirée du livre originel, que de croire au Pentateuque de la
version des Septante en tant qu'annales sacrées primitives des Hébreux.
83
Voici un rapprochement fort suggestif, par rapport à ce nom de Jéhovah, "le Fils d'anciens Rois",
avec la secte des Jains de l'Hindoustan, connue sous le nom de Sauryas. Ils admettent que Brahma
est un Devatâ, mais ils contestent son pouvoir créateur, et lui donnent le nom de "Fils de Roi".
Voyez les Asiatic Researches, vol. IX, p. 279.
De toutes manières, Jéhovah n'est pas l'ancien des anciens du Sohar ;
car nous le retrouvons, dans ce livre, discourant avec Dieu le Père au sujet
de la création du monde. "Le maître des travaux dit au Seigneur : Faisons
l'homme à notre image" (Sohar L, fol. 25). Jéhovah n'est que le Métatron,
et peut-être même pas le plus élevé, mais seulement un des Mons ; car
celui qu'Onkelos nomme Memro, la "Parole", n'est pas le Jéhovah
exotérique de la Bible, et il n'est pas non plus le Jahve הוהי, Celui qui Est.
84
Comme par exemple, Shaddai, Elohim, Sabaoth, etc.
blasphèmera le nom de l'Eternel sera puni de mort", etc. "L'Eternel" étant
quelque chose de plus élevé que le "Seigneur" exotérique et personnel 85.
De même que chez les nations des Gentils, les symboles des Israélites
portaient toujours, directement ou indirectement sur le culte du soleil. Le
Jéhovah exotérique de la Bible est un dieu double, comme tous les autres
dieux ; et le fait que David – qui est absolument ignorant de Moïse – loue
son "Seigneur", et l'assure que "le Seigneur est un grand Dieu, et un grand
Roi au-dessus de tous les dieux", peut être d'une importance capitale pour
les descendants de Jacob et de David, mais leur Dieu national n'a
absolument rien à faire avec nous. Nous sommes tout prêts à montrer au
"Seigneur Dieu" d'Israël le même respect que nous professons pour
Brahma, Zeus ou n'importe quelle autre Divinité [65] secondaire. Mais
nous refusons catégoriquement de reconnaître en lui, soit la divinité
qu'adorait Moïse, ou le "Père" de Jésus, ou encore le "Nom Ineffable" des
cabalistes. Jéhovah est, peut-être, un des Elohim, employés dans la
formation (nous ne disons pas la création) de l'univers, un des architectes
qui édifia avec de la matière préexistante, mais il n'a jamais été la cause
"Inconnaissable" qui créa le "bara" dans la nuit de l'Eternité. Ces Elohim
commencent par former et bénir ; puis ils maudissent et détruisent ; en tant
qu'une de ces puissances, Jéhovah est tour à tour bienfaisant et malfaisant ;
il punit à un moment donné pour se repentir ensuite. Il est l'antétype de
plusieurs patriarches – d'Esaü et de Jacob, les jumeaux allégoriques,
symboles du double principe qui se manifeste toujours dans la nature. De
même Jacob qui est Israël, est le pilier de gauche – le principe féminin
d'Esaü, qui est le pilier de droite et le principe mâle. Lorsqu'il lutte avec
Malach-Iho, le Seigneur, c'est celui-ci qui devient le pilier de droite, et
Jacob-Israël appelle Dieu ; bien que les traducteurs de la Bible aient
cherché à le transformer en un simple "ange du Seigneur" (Genèse XXXII)
Jacob le terrassa – de même que la matière est souvent victorieuse de
l'esprit – mais il eut la hanche démise dans la lutte.
85
Bible hébraïque de Cahen, III, p. 117.
Cabale. Esaü, Æsaou et Asu, sont aussi le Soleil. De même que le
"Seigneur", Esaü lutte avec Jacob, mais ne sort pas vainqueur du combat.
Le Dieu-Solaire lutte premièrement contre lui, et conclut ensuite un pacte
avec lui.
Le plus grand tort de notre siècle a été de vouloir comparer les mérites
relatifs de toutes les anciennes religions, et de tourner en ridicule les
doctrines de la Cabale et autres superstitions.
Mais la vérité est plus étrange encore que la fiction ; et cet adage,
ancien comme le monde, s'applique parfaitement au cas en question. La
"sagesse a des âges archaïques ou la "doctrine secrète" incorporée dans la
Cabale Orientale, dont, nous l'avons déjà dit, celle des Rabbins n'est qu'un
abrégé, n'est pas morte avec les Philalethéens de la dernière Ecole
Eclectique. La Gnose plane encore sur la terre et ses fidèles, bien
qu'inconnus, sont nombreux. Les fraternités secrètes de cette catégorie ont
été mentionnées avant l'époque de Mackenzie, par plus d'un grand auteur.
Si on les a tenues pour des fictions de romanciers, cela n'a fait qu'aider les
"frères adeptes" à garder plus aisément leur incognito. Nous en avons
personnellement connu quelques-uns, qui avaient vu l'histoire de leurs
loges, les communautés dans lesquelles ils vivaient et les merveilleux
pouvoirs qu'ils exerçaient depuis de longues années niés et tournés en
ridicule par des sceptiques qui ne soupçonnaient pas à qui ils avaient
affaire. Quelques-uns de ces frères appartiennent au groupe peu nombreux
des "voyageurs". Jusqu'à la fin de l'heureux règne de Louis-Philippe, les
garçons d'hôtel parisiens et les commerçants leur donnaient pompeusement
le titre de "nobles étrangers" et on les prenait innocemment pour des
"Boyards", des "Hospodars" valacques, des "Nababs" hindous et des
"Margraves" hongrois, qui affluaient à la capitale du monde civilisé pour
admirer ses monuments et jouir de ses plaisirs. Il y en eut, toutefois,
d'assez fous pour croire que la présence de certains mystérieux hôtes à
Paris, avait une relation quelconque avec les événements politiques qui
eurent lieu par la suite. Ceux-là rappellent, du moins comme de curieuses
coïncidences, la Révolution de 1793, le scandale des Mers du Sud, [67]
immédiatement après l'arrivée des "nobles étrangers" qui avaient
révolutionné Paris plus ou moins longtemps soit par leurs doctrines
mystiques, soit par leurs "dons surnaturels". Les Saint-Germain et les
Cagliostro de notre siècle ayant appris d'amères leçons à la suite des
diffamations et des persécutions du passé, adoptent aujourd'hui une
tactique différente.
86
Les moines grecs font exécuter ce miracle pour les fidèles tous les ans, dans la nuit avant Pâques.
Des milliers de pèlerins attendent pour allumer leurs cierges à ce feu sacré, qui descend de la voûte
de la chapelle et flotte au-dessus du sépulcre en langues de feu, à l'heure précise et au moment
donné, jusqu'à ce que chacun des milliers de pèlerins y ait allumé son cierge.
Mais n'allez pas supposer qu'aucun candidat ayant échoué, osera divulguer
au monde même le peu qu'il a appris, ainsi que c'est le cas pour beaucoup
de Francs-Maçons. Nul ne sait mieux qu'eux combien il est improbable
qu'un néophyte révèle ce qui lui a été communiqué. Ces sociétés
continueront à laisser nier leur existence sans dire un mot, jusqu'au jour où
elles abandonneront leur réserve et feront voir jusqu'à quel point elles sont
maîtresses de la situation.
[69]
CHAPITRE IX
—
LES VEDAS ET LA BIBLE
Bhagavata Purana.
Genèse IV-VII.
"La Tetraktys n'était pas seulement honorée parce qu'on
y trouve toutes les symphonies, mais aussi parce qu'elle
contient la nature de toutes choses."
Dans les pages qui suivront, nous essaierons de faire voir combien ils
ont été faussement interprétés par les systèmes ci-dessus énumérés, si
différents et cependant si intimement liés, afin de les faire cadrer avec
leurs besoins individuels. De cette manière, non seulement les étudiants en
tireront utilité, mais nous ferons un [70] acte de justice nécessaire quoique
longtemps différé, envers les générations primitives, au génie desquelles
l'humanité entière est redevable. Commençons par comparer encore une
fois les mythes bibliques avec ceux des livres sacrés d'autres nations, afin
d'établir quels sont les originaux et quelles sont les copies.
"Les mythes", dit Horace dans son Ars Poetica, "ont été inventés par
les sages pour fortifier les lois et enseigner les vérités morales." Tandis
qu'Horace s'efforce d'éclaircir l'esprit même et l'essence des anciens
mythes, Evémére prétend, au contraire, que les "mythes étaient l'histoire
légendaire des rois et des héros, transformés en dieux par l'admiration
populaire". C'est cette méthode qu'ont adoptée les Chrétiens par voie de
déduction lorsqu'ils convinrent d'accepter les patriarches évémérisés en les
prenant pour des hommes qui auraient réellement vécu.
Mais contre cette théorie néfaste, qui a porté de si mauvais fruits, nous
avons toute la série des plus grands philosophes que le monde a produits :
Platon, Epicharme, Socrate, Empédocle, Plotin et Porphyre, Proclus,
Damascène, Origène et même Aristote. Ce dernier donne clairement à
entendre cette vérité, en disant qu'une tradition de la plus haute antiquité,
transmise à la postérité sous forme de mythes divers, nous enseigne que les
premiers principes de la nature doivent être considérés comme des "dieux",
car le divin imprègne la nature tout entière. Tout le reste, les détails et les
personnages sont des ajoutures postérieures pour une meilleure
compréhension par les masses, et souvent aussi dans le but de soutenir les
lois inventées dans un intérêt commun. [71]
Tous les systèmes de mysticisme religieux sont basés sur les nombres.
Chez Pythagore, la monade ou l'unité, émanant la duade, et formant, ainsi,
la trinité, et le quaternaire ou Arba-il (le quatre mystique) forment le
nombre sept. Le caractère sacré des nombres commence avec le grand
Premier – l'UN, et ne se termine qu'avec le zéro – symbole du cercle infini
et sans bornes qui représente l'univers. Tous les chiffres intermédiaires,
dans quelque combinaison ou multiplication que ce soit, représentent des
notions philosophiques, depuis de vagues ébauches jusqu'à l'axiome
scientifique définitivement établi, se rapportant à un fait moral ou
physique de la nature. Ce sont les clés des anciennes notions de la
cosmogonie, prise dans son ensemble, embrassant les hommes, les êtres et
l'évolution de la race humaine, spirituellement aussi bien que
physiquement.
Le nombre sept est le plus sacré de tous, et il est, sans aucun doute,
d'origine hindoue. Les philosophes Aryens, adaptaient et calculaient au
moyen de ce nombre, tout ce qui avait une importance quelconque – les
idées aussi bien que les localités. C'est ainsi qu'ils avaient les Sapta-Rishi,
ou sept sages, types des sept races primitives diluviennes, (ou post-
diluviennes selon d'aucuns) les Sapta-Loka, les sept mondes inférieurs et
supérieurs, d'où tous ces Rishis procédaient et où ils retournaient dans la
gloire, avant d'atteindre la béatitude parfaite de Moksha 87. [72]
87
Les Rishis sont identiques à Manou. Les dix Prajâpati, fils de Viradj, nommés Maritchi, Atri,
Angira, Pôlastya, Poulaha, Kratu, Pracheta, Vasishta, Brighu et Narada sont des Pouvoirs
évémérisés, les Sephiroth hindous. Ceux-ci émanent les sept Rishis ou Manous dont le principal
sortit de "l'incréé". C'est l'Adam de terre, et il représente l'homme. Ses "fils", les six Manous
suivants, représentent chacun une nouvelle race d'hommes, et dans l'ensemble ils constituent
l'humanité, passant graduellement à travers les sept stages primitifs de l'évolution.
88
Anciennement lorsque les Brahmanes étudiaient plus qu'ils ne le font aujourd'hui le sens caché de
leur philosophie, ils expliquaient que chacune de ces six races distinctes qui précédèrent la nôtre
avaient disparu. Mais, aujourd'hui, ils prétendent qu'un spécimen fut préservé et ne fut pas anéanti
avec le reste, mais qu'il atteint le septième degré actuel. Par conséquent, eux, les Brahmanes, sont
les spécimens du Manou céleste, et furent émis de la bouche de Brahma ; tandis que les Sudras
furent créés de son pied.
Puis il y a encore les Sapta-Pura (les sept villes saintes) ; les Sapta-
Dvipa (les sept îles saintes) ; les Sapta-Samudra (les sept lacs sacrés) ; les
Sapta-Parvata (les sept montagnes saintes) ; les Sapta-Ariana (les sept
déserts) ; les Sapta-Vruksha (les sept arbres sacrés), et ainsi de suite.
Tel est le respect que professent les Brahmanes pour les mystères du
sacrifice, qu'ils soutiennent que la création du monde lui-même, est une
conséquence du "mot sacrificiel" prononcé par la Cause Première. Ce mot
est le "Nom Ineffable" des cabalistes, que nous avons traité au long dans le
chapitre précédent.
Il en est de même des nombres. Où que ce soit vers quoi nous nous
tournons, des Prophètes à l'Apocalypse, nous voyons que les auteurs
bibliques se servent constamment des nombres, trois, quatre, sept et douze.
[76]
89
Afin d'éviter une discussion, nous adoptons les conclusions paléographiques de Martin Haug et
d'autres savants prudents. Personnellement nous acceptons les affirmations brahmaniques et celles
de Halhed, traducteur des "Shastras".
90
Le dieu Heptaktis.
Et encore :
"Sept reines concourent à conduire un char qui n'a
qu'UNE seule roue, et qui est tiré par un seul cheval qui
luit de sept rayons. La roue a trois membres, roue
immortelle, inlassable, à laquelle sont suspendus tous les
mondes."
"Parfois sept chevaux entraînent un chariot avec sept
roues, et sept personnages y prennent place,
accompagnés de sept fécondes nymphes des eaux."
91
Le sanctuaire de l'initiation.
Que ce fruit soit "une pomme" de l'Arbre de la Connaissance ou le
pippala du poète hindou, cela n'a pas d'importance. C'est le fruit de la
sagesse ésotérique. Notre but est de montrer l'existence d'un système
religieux en Inde, des milliers d'années avant que les fables exotériques du
Jardin d'Eden, et du Déluge eussent été inventées. De là l'identité des
doctrines. Instruits dans cette doctrine, les initiés d'autres pays devinrent à
leur tour, les fondateurs de quelque grande école philosophique de
l'Occident.
Ou cet autre :
"Ces stances portent comme entête un titre qui annonce
qu'elles sont consacrées aux Viswadévas (c'est-à-dire, à
tous les dieux). Celui qui ne connaît pas l'Etre que je
chante dans toutes ses manifestations, ne comprendra
rien à mes vers ; ceux qui LE connaissent, ne sont pas
étrangers à cette réunion."
Qui donnera une idée correcte de Celui dont parle le Rig-Véda : "Ce
qui est Un, les sages l'appellent de diverses manières." Cet UN est chanté
par les poètes védiques dans toutes ses manifestations de la nature ; et les
livres qu'on traite "d'enfantins et sots", [78] enseignent comment on peut, à
volonté, appeler à notre aide, les êtres de sagesse pour nous instruire. Ils
enseignent, comme le dit Porphyre : "la libération de tous les intérêts
terrestres... le vol de l'unique vers L'UNIQUE".
Le Professeur Max Müller, dont chaque parole est acceptée par ses
partisans comme un évangile philologique, a parfaitement raison dans un
sens, lorsqu'il détermine la nature des dieux hindous, en disant que ce sont
des "masques sans acteurs... des noms sans êtres, non des êtres sans
noms 92". Il n'établit par cela que le monothéisme de l'ancienne religion
védique. Mais il nous semble plus que douteux que lui ou n'importe quel
autre savant de son école, puisse entretenir l'espoir d'approfondir la vieille
pensée aryenne 93, sans une étude sérieuse de ces "masques" eux-mêmes.
Pour le matérialiste, de même que pour le savant, qui, pour diverses
raisons cherche à élucider le difficile problème de faire cadrer les faits
avec leurs propres dadas ou ceux de la Bible, ils peuvent ne paraître que les
fantômes vides de sens. Cependant les autorités de cette nature ne seront,
comme elles l'ont toujours été, que les guides les moins autorisés, sauf en
ce qui concerne les choses de la science exacte. Les patriarches de la Bible
sont aussi bien des "masques sans acteurs" que les prajâpatis, et cependant,
si le personnage bien vivant derrière ces masques n'est qu'une ombre
abstraite, il s'incorpore dans chacun d'eux une idée, qui appartient aux
théories philosophiques et scientifiques de la sagesse antique 94. Et qui
rendra de plus grands services dans ce travail, sinon les Brahmanes
indigènes eux-mêmes, et les cabalistes ?
Le fait de nier d'emblée qu'il y ait une saine philosophie dans les
doctrines Brahmaniques au sujet du Rig-Véda, équivaut à refuser de
comprendre correctement la religion mère elle-même, qui leur donna
naissance et qui est l'expression de la pensée intime des ancêtres directs
des auteurs postérieurs des Brahmanas. Si les savants européens savent si
bien démontrer que tous les dieux [79] védiques ne sont que des masques
vides, il faut aussi qu'ils soient préparés à démontrer que les auteurs
brahmaniques étaient aussi incapables qu'eux-mêmes, pour découvrir ces
"acteurs" ailleurs. Dans ce cas, non seulement les trois autres livres sacrés
qui, suivant Max Müller, "ne méritent pas le nom de Védas", mais le Rig-
92
Comparative Mythology.
93
Bien que nous n'ayons pas l'intention d'entamer ici une discussion à propos des races nomades de
la "période rhématique", nous nous réservons le droit de douter qu'il convienne de donner le nom
d'Aryens, à cette partie du peuple primitif, aux traditions duquel nous devons les Védas. Quelques
savants prétendent que l'existence des Aryens n'est, non seulement, pas prouvée par la science, mais
les traditions de l'Hindoustan protestent contre une pareille affirmation.
94
Sans les explications ésotériques, l'Ancien Testament est un mélange confus de récits sans aucune
signification – pire que cela, il doit être classé parmi les livres immoraux. Il est étonnant qu'un
érudit aussi profond dans la Mythologie Comparée, que l'est le Professeur Max Müller, dise des
prajâpatis et des dieux hindous que ce sont des masques sans acteurs ; et d'Abraham et d'autres
patriarches mythiques, que c'étaient des hommes bien vivants ; surtout en parlant d'Abraham, dont il
dit (voyez Semitic Monotheism) qu'il "se dresse devant nous comme un personnage qui n'est qu'au
second rang dans toute l'histoire du monde".
Véda, lui-même, devient un amas confus de paroles inintelligibles ; car ce
que l'intelligence subtile et renommée des anciens sages hindous a été
incapable de comprendre, aucun savant moderne, tout érudit qu'il soit, ne
peut espérer le sonder. Le pauvre Thomas Taylor avait raison de dire que
"la philologie n'est pas de la philosophie".
On nous dit, en premier lieu, que nous pouvons encore marcher sur les
traces des auteurs des Védas, mais en ayant soin de le faire avec effort et
prudence. "Nous nous verrons remis face à face avec des hommes
intelligibles pour nous, après nous être libérés de nos prétentions
modernes. Nous n'y réussirons pas toujours ; des mots, des versets, que
dis-je, des hymnes entiers du Rig-Véda demeureront à jamais pour nous
lettre morte... Car, à peu d'exceptions près... le monde entier des notions
védiques est tellement au-delà de notre horizon intellectuel, qu'au lieu de
traduire nous ne pouvons guère que deviner et que supposer 95".
95
Les italiques sont de nous. "The Védas", conférence de Max Müller, p. 75.
96
Chips. Vol. I, p. 8.
intimement au courant du sens caché de ces absurdités "les formules
sacrificielles, les charmes et les incantations" et tous les fatras magiques de
l'Atharva Véda ? Il nous est permis d'en douter, et nos doutes sont fondés
sur la confession du Professeur Müller lui-même, que nous venons de
citer. Si "le monde entier des notions védiques" [le Rig-Véda n'est pas seul
mis en cause dans ce monde croyons-nous], est tellement au delà de notre
horizon intellectuel [celui des savants], qu'au lieu de traduire nous ne
pouvons encore que deviner et que supposer" ; et que le Yagur-Véda, le
Sama-Véda, et l'Atharva-Véda sont "enfantins et sots 97" ; et que les
Brahmanas, les Sutras-Yaska et le Sayana, "bien que contemporains des
hymnes du Rig-Véda se complaisent dans les interprétations les plus
frivoles et les plus déplacées", comment peut-il, lui-même, ou d'autres
savants, se former une opinion adéquate de n'importe laquelle de celles-
ci ? Si, de plus, les auteurs des Brahmanas, contemporains des hymnes
védiques étaient déjà incapables d'offrir autre chose que des
"interprétations déplacées", à quelle période de l'histoire, où et par qui, ces
merveilleux poèmes dont le sens mystique s'est éteint avec leur génération,
ont-ils été écrits ? Avons-nous, alors, si tort d'affirmer que si les textes
sacrés trouvés en Egypte sont devenus – même pour les scribes
sacerdotaux d'il y a 4.000 ans – parfaitement inintelligibles 98, et si les
Brahmanas ne donnent que les interprétations "enfantines et sottes" du
Rig-Véda, au moins aussi loin en arrière que cela, alors : 1° les
philosophies religieuses égyptiennes et hindoues sont d'une antiquité
incalculable, bien antérieures aux siècles que leur ont assignés nos
étudiants de mythologie comparée ; et 2° les prétentions des anciens
prêtres de l'Egypte et celles des Brahmanes modernes, au sujet de leur
antiquité, sont, après tout, parfaitement correctes.
Nous n'admettrons jamais que les trois autres Védas méritent moins
leur nom que les Rig-hymnes, ou que le Talmud et la Cabale soient
inférieurs à la Bible. Le seul nom des Védas (dont la signification littérale
est connaissance ou sagesse) prouve qu'ils appartiennent à la littérature de
ces hommes qui, dans chaque pays, dans chaque langue, et à toute époque,
ont été mentionnés comme "ceux qui savaient". En sanscrit, la troisième
personne du singulier est vêda (il sait), et le pluriel est vida (ils savent). Ce
97
Nous croyons avoir émis autre part, au sujet de l'Atharva-Véda, l'opinion contraire du professeur
Whitney, de Yale College.
98
Voyez L'Egypte du Baron. Bunsen. Vol. V.
mot est synonyme du grec θεοσέβεια, dont se sert Platon en parlant des
sages – les magiciens ; et de l'hébreu Hakharnim, ( חכמיםhommes sages).
Rejetez le Talmud et son antique [81] prédécesseur la Cabale, et il sera
impossible de jamais rendre correctement un seul mot de cette Bible, si
vantée à leur détriment. Mais c'est probablement ce à quoi travaillent ses
partisans. Ecarter les Brahmanas, c'est rejeter la clé qui ouvre la porte du
Rig-Véda. L'interprétation littérale de la Bible a déjà porté ses fruits ; il en
sera de même des Védas et des livres sacrés sanscrits en général, avec cette
seule différence, que l'absurde interprétation de la Bible a obtenu depuis
longtemps droit de cité dans le domaine du ridicule, et trouve ses partisans,
en dépit de la lumière et des preuves. Pour ce qui concerne la littérature
"païenne", après encore quelques années d'essais infructueux pour
l'interpréter, sa signification religieuse sera reléguée aux limbes des
superstitions condamnées, et on n'en parlera plus.
99
Approximativement : hymnes interrogatifs (N. du Trad.).
sentiment obligea le commentateur qui vint après lui, à s'arrêter et à
abandonner l'œuvre d'anthropomorphiser "l'Inconnu", le "Lequel" aux
conceptions futures de l'humanité ? "Ces anciens poètes", remarque Max
Müller, "pensaient plus pour eux-mêmes, que pour les autres". "Ils
cherchaient [82] plutôt, par leur langage, à être conséquents avec leur
propre pensée qu'à être agréables à l'imagination de leurs auditeurs 100."
Malheureusement, c'est cette pensée, elle-même, qui n'éveille en réponse
aucun écho dans l'esprit de nos philologues.
Nous lisons, plus loin, le judicieux conseil donné aux étudiants des
hymnes du Rig-Véda, de réunir, de collationner, de passer au crible et de
rejeter. "Qu'il étudie les commentaires, les Sûtras, les Brahmanas, et
même les ouvrages plus récents, afin d'épuiser toutes les sources d'où il
pourrait tirer ses informations. Il [l'étudiant] ne doit pas mépriser les
traditions des Brahmanes, même là où leurs fausses conceptions... sont
palpables... Il ne doit laisser inexploré aucun recoin des Brahmanas, des
Sûtras du Yaska et du Sâyana, avant d'imposer sa propre interprétation...
Après que le savant aura complété son oeuvre, c'est au poète et au
philosophe de la reprendre et de la terminer 101".
100
Chips, vol. 1 ; The Vedas.
101
Max Müller, conférence sur "Les Védas".
rabbin d'interpréter la religion judaïque ou les prophéties d'Isaïe ? Sans
doute avons-nous chez nous des traducteurs bien plus capables et bien plus
dignes de foi ! Espérons, néanmoins, qu'on rencontrera enfin, si même ce
ne doit avoir lieu que dans un avenir très lointain, un philosophe européen,
capable de passer au crible les Ecritures sacrées de la religion-science, sans
être contredit par tous les autres de son rang. [83]
102
Julien : In matrem, 173 ; Julien : Oratio, V, 177.
103
Lyd : De Mensibus, IV, 38-74 ; Movers, p. 550 ; Dunlap : Saba, p. 3.
triple, car elle comprend raison, passion et désir. La PAROLE ineffable
était considérée la Septième, la plus élevée de toutes, car il y a six
substituts mineurs, appartenant, chacun, à un degré de l'initiation. Les Juifs
empruntèrent leur Sabbat aux anciens, qui l'appelaient le jour de Saturne et
lui attribuaient une influence fâcheuse ; et non ceux-là aux Israélites après
leur conversion au christianisme. Les nations de l'Inde, de l'Arabie, de la
Syrie et de l'Egypte avaient des semaines de sept jours ; et les Romains
apprirent le système hebdomadaire de ces pays étrangers lorsque ceux-ci
furent assujettis par l'Empire. Ce ne fut, néanmoins, qu'au IVème siècle
qu'on abandonna les calendes, [84] les nones et les ides de Rome pour y
substituer la computation par semaines ; et les noms astronomiques des
jours : dies Solis (jour du Soleil), dies Lunx (jour de la Lune), dies Martis
(jour de Mars), dies Mercurii (jour de Mercure), dies Jovis (jour de
Jupiter), dies Veneris (jour de Vénus), et dies Saturni (jour de Saturne),
prouvent que ce ne fut pas d'après les Juifs que l'on adopta la semaine de
sept jours. Mais avant d'examiner ce nombre au point de vue de la cabale,
analysons-le au point de vue du Sabbat judéo-chrétien.
Les Juifs calculaient alors, comme ils le font encore aujourd'hui, leurs
jours par des nombres : premier jour ; second jour et ainsi de suite ; yom
ahad ; yom sheni ; yom shelisho ; yom rebis ; yom shamishi ; yom
shishehi ; yom SHABA.
"Le sept שבעhébraïque, composé des trois lettres S.B.O. "plus d'une
signification. En premier lieu il signifie l'âge ou le cycle, Shab-ang ; le
Sabbath שבתpeut aussi bien se traduire par vieillesse (âge ancien) que par
repos, et dans l'ancien Copte Sabe veut dire sagesse, connaissance. Les
archéologues modernes ont trouvé que comme en hébreu Sab שבveut
également dire tête blanche, par conséquent le jour de Saba était le jour où
les "hommes à tête blanche", ou les "pères âgés" d'une tribu, avaient
coutume de se rassembler pour le conseil ou le sacrifice 104.
104
Westminster Review. Institutions septenaires ; Stone him to Death.
"Ainsi la semaine de six jours et le septième, le jour de Saba, ou
Sapta, appartiennent à la plus haute antiquité. L'observance des fêtes
lunaires en Inde, montre que cette nation avait également ses réunions
hebdomadaires. A chaque nouveau quartier la lune apporte des
changements dans l'atmosphère, par conséquent certains changements ont
lieu dans tout notre univers, dont les plus insignifiants sont les
changements météorologiques. C'est en ce septième jour, le plus puissant
des jours prismatiques, que se réunissent les adeptes de la "Science
Secrète", ainsi qu'ils le faisaient il y a des milliers d'années, afin de devenir
les agents des pouvoirs occultes de la nature (émanations du Dieu en
action), et de communier avec les mondes invisibles. C'est cette
observance du septième jour par les anciens sages – non pas comme jour
de repos de la Divinité, mais parce qu'ils avaient pénétré dans son pouvoir
occulte – que réside la vénération profonde de tous les philosophes païens
pour le nombre sept, qu'ils appellent le nombre "vénérable" ou sacré. La
Tetraktis de Pythagore, vénérée par les [85] Platoniciens, était le carré
placé au-dessous du triangle ; celui-ci, ou la Trinité incorporant la Monade
invisible – l'Unité, était considéré trop sacré pour être prononcé en dehors
des murs d'un Sanctuaire.
De même que l'homme, et tout autre être qui l'habite, notre planète a
son évolution spirituelle et physique. Né d'une pensée idéale impalpable,
dans la Volonté créatrice de Celui dont nous ne savons rien, et que nous ne
faisons que faiblement concevoir dans notre imagination, ce globe devint
fluide et semi spirituel, puis se condensant de plus en plus jusqu'à ce que
son développement physique – la matière, démon tentateur – l'ait obligé à
essayer ses propres facultés créatrices. La Matière lança un défi à
105
Di Perbo Mirifico.
l'ESPRIT, et la terre eut, aussi, sa "chute". La malédiction allégorique dont
elle souffre n'est due qu'à ce qu'elle procrée au lieu de créer. Notre planète
physique n'est qu'une servante ou plutôt, une bonne à tout faire, de l'esprit
son maître. "Maudit soit le sol... il portera des épines et des chardons", fait-
on dire aux Elohim. "Tu enfanteras dans la douleur." Les Elohim le disent
aussi bien au sol qu'à la femme. Et cette malédiction durera jusqu'à ce que
la plus petite particule sur la terre ait vécu sa vie, jusqu'à ce que chaque
grain de poussière soit devenu, par transformation graduelle en évoluant, la
partie constituante d'une "âme vivante", et jusqu'à ce que celle-ci remonte
le long de l'arc cyclique, pour se dresser finalement – son propre Métatron
ou Esprit Rédempteur – au pied de l'échelon supérieur des mondes
spirituels, comme il l'était à la première heure de son émanation. Au-delà,
c'est le grand "Abîme" – le MYSTERE !
106
Idra Suta : Sohar, livre III, p. 292, b. Le Suprême consultant l'Architecte du monde – son Logos
– au sujet de la création.
Elohim, mais le résultat du sixième fut des mondes comme le nôtre, (c'est-
à-dire que toutes les planètes et la plupart des étoiles sont des mondes
habités, quoiqu'ils ne le soient pas de la même manière que notre terre).
Ayant façonné enfin ce monde dans la sixième période, l'Elohim se reposa
dans la septième. C'est ainsi que le "Très Saint" lorsqu'il créa le monde
actuel dit : "Celui-ci me satisfait ; les autres antérieurs ne me satisfaisaient
point 107."Et Elohim "vit tout ce qu'il avait fait ; et voici que c'était très bon.
Ainsi il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour" (Genèse
I. 31).
107
Idra Suta : Sohar, III, 135 b. Si les chapitres de la Genèse et les autres livres mosaïques, de
même que les sujets qu'ils traitent sont un peu embrouillés, la faute en est au compilateur et non pas
à la tradition orale. Hi1kiah et Josiah furent obligés de se concerter avec Huldah la prophétesse, et
par conséquent avoir recours à la magie pour comprendre la parole du "Seigneur Dieu d'Israël"
retrouvée si à propos par Hilkiah (2 Rois XXII) ; et il n'est que trop bien prouvé, par les fréquentes
incongruités, les répétitions et les contradictions, qu'ils passèrent plus tard par plus d'une révision et
plus d'un remodelage.
de Noé du déluge. Les tablettes Chaldéo-babyloniennes récemment
traduites par George Smith ne laissent aucun doute à ce sujet dans l'esprit
de ceux qui savent lire ésotériquement les inscriptions. Ishtar, la grande
déesse, parle dans la colonne III de la destruction du sixième monde et de
l'apparition du septième, en ces termes :
"SIX jours et six nuits, le vent, le déluge et la tempête
firent rage.
"Le septième jour, se calma le cours de la tempête et le
déluge,
"qui avait détruit comme un tremblement de terre 108
"se calma. Il fit sécher la mer, et le vent et le déluge
prirent fin...
"J'aperçus le rivage sur la limite de la mer...
"le navire (l'argha, ou la lune) alla au pays du Nizir,
"la montagne de Nizir arrêta le navire...
"le premier jour, et le second jour, la montagne de Nizir
fit de même,
"le cinquième et le sixième la montagne de Nizir fit de
même,
"le septième jour, et pendant sa durée.
"J'envoyai une colombe et elle partit. La colombe s'en
alla et revint et... le corbeau s'envola... mais ne revint
point.
"J'élevai un autel sur le sommet de la montagne,
"par sept herbes que je coupai, et au-dessous d'elles je
plaçai des joncs, des pins et du timgar...
108
Cette assimilation du déluge à un tremblement de terre, dans les tablettes assyriennes, tendrait à
prouver que les nations antédiluviennes étaient au courant d'autres cataclysmes géologiques
antérieurs au déluge que la bible présente comme la première calamité qui frappe l'humanité, et
comme un châtiment.
"les dieux se réunirent comme des mouches, autour du
sacrifice.
"Du temps jadis aussi, le grand Dieu dans sa course
"avait créé la grande splendeur (le soleil) d'Anu 109. [89]
"Quand je ne quitterais pas la gloire de ces dieux sur le
charme autour de mon cou... etc."
109
George Smith note dans les tablettes, en premier lieu la création de la lune, ensuite celle du
soleil : "Sa beauté et sa perfection sont vantées ainsi que la régularité de son orbite qui fit qu'on la
considéra comme le type d'un luge et du régulateur du monde." Si ce récit du déluge se rapporte
simplement à un cataclysme cosmogonique – même s'il avait été universel – pourquoi la déesse
Ishtar ou Astoreth (la lune) parlerait-elle de la création du soleil après le déluge ? Les eaux auraient
pu atteindre la hauteur de la montagne de Nizir (version chaldéenne), ou de Jebel-pjudi (les
montagnes du déluge des légendes arabes) ou même du mont Ararat (du récit biblique) et même de
l'Himalaya de la tradition hindoue, sans cependant atteindre le soleil – car même la Bible n'est pas
allée jusqu'à un miracle de cette nature. 11 est évident que le déluge de la nation, qui la première en
garda le souvenir, avait une autre signification, moins problématique et plus philosophique que celle
d'un déluge universel, dont il ne reste aucune trace géologique.
Est-ce assez clair ? Nuah c'est Noé, flottant sur les eaux dans son
arche ; celle-ci étant l'emblème de l'argha, ou de la lune, le principe
féminin ; Noé c'est l' "esprit" tombant dans la matière. Nous le voyons, à
peine débarqué sur la terre, plantant une vigne, buvant le vin, et s'enivrant ;
c'est-à-dire que l'esprit pur est enivré aussitôt qu'il est emprisonné dans la
matière. Le septième chapitre de la Genèse n'est qu'une autre version du
premier. Ainsi, tandis que dans celui-ci on lit : "les ténèbres étaient à la
surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux", au
chapitre sept, on lit : "Les eaux grossirent... et l'arche flotta (avec Noé –
l'esprit) sur la surface des eaux." De sorte que Noé, s'il est le Nuah
chaldéen, est l'esprit qui vivifie la matière, et le chaos est représenté par
l'abîme, ou les eaux du déluge. Dans la légende babylonienne, c'est Ishtar
(Astoreth, la lune) qui est enfermée dans l'arche, et qui envoie une
colombe (emblème de Vénus et de toutes les déesses lunaires) à la
recherche de la terre ferme. Et [90] tandis que dans les tablettes sémitiques
c'est Xisuthros ou Hasisadra qui est "élevé en compagnie des dieux, pour
sa piété", dans la Bible c'est Enoch qui agit selon Dieu et qui ayant été
élevé auprès de lui, "ne fut plus".
Le déluge n'apparaît dans les livres hindous que comme une tradition.
Il n'a aucun caractère sacré, et nous ne rencontrons que dans le
Mahâbhârata, les Puranas, et plus antérieurement encore dans le
Satapatha, un des derniers Brahmanas. Il est plus que probable que Moïse,
ou, du moins celui qui écrivit pour lui, se soit servi de ces récits comme
base de son allégorie défigurée volontairement, en y ajoutant le récit
chaldéen de Bérose. Dans le Mahâbhârata, nous retrouvons Nemrod, sous
le nom du Roi Daytha. L'origine de la fable grecque des titans escaladant
l'Olympe, et de celle de la construction de la Tour de Babel, afin
d'atteindre le ciel, se reconnaît dans l'impie Daytha, qui lance ses
imprécations contre le tonnerre céleste, et menace de conquérir le ciel avec
ses puissants guerriers, attirant ainsi la colère de Brahma sur l'humanité.
"Le Seigneur résolut alors", dit le texte, "de châtier ses créatures par une
punition terrible qui devrait servir d'avertissement à leurs successeurs et à
leurs descendants."
110
La "lettre morte qui tue" est fort bien illustrée dans le cas du Jésuite Carrière mentionné dans la
"Bible de l'Inde". La dissertation suivante donne une excellente idée de l'esprit du monde catholique
tout entier : "Si bien que la création du monde", dit le fidèle disciple de Loyola, en expliquant la
Chronologie de Moïse, "et tout ce qui est rapporté dans la Genèse a pu être connu de Moïse par les
récits personnels que lui avaient fait ses parents. Peut-être les souvenirs existaient-ils encore parmi
les Israélites, et que d'après ces souvenirs il a pu noter les dates de la naissance et de la mort des
patriarches, le nombre de leurs enfants et les noms des différents pays où chacun d'eux s'établit sous
la conduite du saint esprit que nous devons toujours considérer comme le principal auteur de tous
les livres sacrés !!!"
111
Voyez chapitre XV et dernière partie du second volume.
baptisés par quelques assyriologues du nom d'Akkadiens, ou il est encore
plus probable qu'ils aient été eux-mêmes, les descendants de ceux qui
peuplaient les cités submergées. Les Juifs recueillirent la légende de ces
derniers comme ils reçurent d'eux tout le reste ; les Brahmanes ont pu
garder la tradition des contrées qu'ils avaient envahies en premier lieu, et
qu'ils avaient peut-être déjà habitées avant leur conquête du Pendjab. Mais
les Egyptiens originaires du sud de l'Inde avaient moins d'intérêt à se
souvenir du cataclysme, puisqu'il ne les avait affectés peut être
qu'indirectement, l'inondation ayant été confinée à l'Asie Centrale.
112
Description, etc... des peuples de l'Inde, par l'Abbé J.-A. Dubois, missionnaire à Mysore. Vol. I,
p. 186.
sommes réduits à des suppositions comme c'est ici le cas. "Les Védas et le
Manou", dit Jaccolliot, "ces monuments de l'ancienne pensée asiatique,
existaient bien avant la période diluvienne ; ceci est un fait incontestable,
qui a toute la valeur d'une vérité historique, car, outre la tradition qui nous
montre Vichnou, en personne, sauvant les Védas du déluge – tradition qui,
malgré sa forme légendaire, doit certainement reposer sur un fait réel – on
a remarqué qu'aucun de ces livres sacrés ne fait mention du cataclysme,
tandis que les Pouranas et le Mahâbhârata et quantité d'autres ouvrages
plus récents le décrivent dans ses moindres détails, ce, qui est une preuve
de la priorité des premiers. Les Védas n'auraient certainement pas manqué
de dédier quelques hymnes à la terrible calamité, qui entre toutes les
manifestations de la nature, a dû frapper l'imagination de ceux qui en
furent les témoins.
"De même le Manou, qui nous fait un récit complet de la
création, avec la chronologie depuis l'âge divin et
héroïque jusqu'à l'apparition de l'homme sur la terre,
aurait eu garde de passer sous silence un fait de cette
importance". Le Manou (livre I, sloka 35) donne les
noms de dix saints éminents qu'il nomme de pradjapatis
(ou plus correctement des Prajâpatis) dans lesquels les
théologiens brahmaniques voient les prophètes, les
ancêtres de la race humaine, et que les Pandits
considèrent comme dix rois puissants qui vécurent dans
le Krita-Yug, ou l'âge du bien (l'âge d'or des Grecs).
Le dernier de ces Prajâpatis est Brighou.
En détaillant la succession de ces grands êtres qui,
d'après le Manou, ont gouverné le monde, l'ancien
législateur brahmanique donne les noms suivants des
descendants de Brighou : Swarotchica, Ottami, Tamasa,
Raivata, le glorieux Tchakchoucha et [94] le fils de
Vivasvat, chacun des six s'étant rendu digne de porter le
titre de Manou (divin législateur), titre qui avait
également appartenu aux Prajâpatis, et à tous les grands
personnages de l'Inde primitive. La généalogie s'arrête à
son nom.
Or, d'après les Pouranas et le Mahâbhârata ce fut sous
un descendant de ce fils de Vivaswata, nommé
Vaivaswata qu'eut lieu le grand cataclysme, dont le
souvenir, comme nous le verrons, a passé dans la
tradition, et fut colporté par l'émigration dans tous les
pays de l'est et de l'ouest colonisés depuis lors par les
Hindous.
La généalogie du Manou, s'arrêtant, ainsi que nous
venons de le voir, à Vivaswata, il s'ensuit que cet
ouvrage (celui du Manou) n'a eu connaissance ni de
Vivaswata, ni du Déluge 113."
113
Fétichisme, Polythéisme, Monothéisme, pp. 170, 171.
J.-C., époque à laquelle nous trouvons les premières vagues traditions,
d'après lesquelles quelques-unes des problématiques tribus perdues
d'Israël, auraient [95] pris, depuis Babylone, la route de l'Inde. Mais même
si on devait ajouter foi au récit des dix tribus, et qu'on puisse prouver que
ces tribus, elles-mêmes, aient existé dans l'histoire profane comme dans
l'histoire sacrée, cela ne résoudrait en aucune façon le problème.
Colebrooke, Wilson et d'autres éminents hindouistes prouvent que le
Mahâbhârata, sinon le Satapatha-brahmana, qui donne aussi la version du
récit, sont de beaucoup antérieurs à l'époque de Cyrus, et par conséquent à
l'époque possible de l'apparition en Inde de l'une quelconque des tribus
d'Israël 114.
114
Contre cette dernière affirmation, dérivée uniquement des récits de la Bible, nous pouvons
opposer tous les fats historiques : 1° Il n'existe aucune preuve que ces douze tribus aient jamais
existé ; celle de Lévi était une caste sacerdotale, et toutes les autres sont imaginaires. 2° Hérodote,
le plus exact de tous les historiens, qui était en Assyrie lorsque florissait Esra, ne fait aucune
mention des Israélites ? Hérodote naquit en l'an 484 avant J.-C.
en plus d'une occasion ? Si les sentiments d'un pieux chrétien se révoltent à
l'absurde récit du Père Kronos mangeant ses enfants, et mutilant Uranus ;
ou à celui de Jupiter précipitant Vulcain du haut de l'Olympe et lui cassant
la jambe ; peut-il, ailleurs en vouloir à un non-chrétien de se faire des
gorges chaudes à l'idée de Jacob engageant une partie de boxe avec le
Créateur, lequel "voyant qu'il ne pouvait le [96] vaincre" lui démit la
hanche ; le patriarche tenant bon contre Dieu et ne Le laissant point aller,
malgré Sa prière ?
115
Le Dr Kennicot, lui-même, et Bruns sous sa direction vers 1780 collationna 692 manuscrits de la
"Bible" hébraïque. Parmi tous ceux-ci, deux seulement étaient attribués au Xème siècle, et trois à une
époque aussi lointaine que le XIème et XIIème siècles. Les autres allaient du XIIIème au XVIème.
Dans son Introduzione alla Sacra Scrittura, pp. 34-47, de Rossi, de Parme, parle de 1418 MSS,
collationnés et de 374 éditions. Le plus ancien manuscrit le Codex, affirme-t-il – celui de Vienne –
date de l'an 1019 ; puis vient celui de Reuchlin, de Carlsruhe, 1038. "Il n'y a", déclare-t-il, "rien
dans les manuscrits de l'Ancien Testament hébreu, qui soit antérieur an XIème siècle après le Christ".
que les Brahmanes croient également que leurs écritures sont une Sruti,
c'est-à-dire une révélation ?
Il est rare qu'un mythe dans un système religieux quelconque, n'ait pas
une base historique aussi bien que scientifique. Les Mythes, ainsi que le dit
fort judicieusement Pococke, "sont reconnus aujourd'hui comme des
fables, dans la mesure où nous les comprenons mal ; des vérités dans la
mesure où elles étaient autrefois comprises. C'est notre ignorance qui a fait
un mythe de l'histoire ; et notre ignorance est un héritage des Hellènes, et
la plus grande partie de celle-ci est le résultat de la vanité hellénique 116".
Bunsen et Champollion ont déjà montré que les livres sacrés des
Egyptiens étaient bien plus anciens que les parties les plus anciennes du
Livre de la Genèse. Et aujourd'hui, de soigneuses recherches paraissent
autoriser le soupçon – qui pour nous est une certitude – que les lois de
Moïse sont copiées sur le code du Manou brahmanique. Ainsi, selon toute
probabilité, l'Egypte est redevable à l'Inde de sa civilisation, de ses
institutions civiles, et de son art. Toute une armée "d'autorités" s'érige
contre cette dernière assertion ; mais que nous importe si ces autorités
nient aujourd'hui le fait ? Tôt ou tard il faudra qu'elles l'acceptent, qu'elles
appartiennent à l'école allemande ou française. Il existe parmi eux, mais
non chez ceux qui transigent si aisément entre l'intérêt et la conscience,
116
India in Greece. Préface, IX.
quelques savants intrépides, qui jetteront la lumière sur certains faits
irrécusables. Il y a quelque vingt ans, Max Müller, dans une lettre à
l'éditeur du Times de Londres, en avril 1857, soutenait fermement que le
Nirvâna voulait dire annihilation, au sens le plus large du mot. (Voyez
Chips, etc. Vol. I, p. 287, au sujet de la signification de Nirvâna). Mais en
1869, dans une conférence devant l'assemblée générale de l'Association
des Philologues Allemands, à Kiel, il déclara nettement "qu'il croyait que
le nihilisme attribué à l'enseignement du Bouddha, ne fait pas partie de sa
doctrine, et qu'il est tout à fait erroné de supposer que le Nirvâna signifie
annihilation" (American and Oriental Litterary Record, de Trübner,
October 16, 1869 ; voyez aussi Ancient Faiths and Modern de Inmann, p.
128). Et cependant si nous ne nous trompons fort, le professeur Müller
passait aussi bien pour une autorité en 1857 qu'en 1869.
"Il sera difficile d'établir", dit (maintenant) ce célèbre savant, "si les
Védas sont les livres les plus anciens, ou si quelques parties de l'Ancien
Testament ne peuvent être attribuées à une date aussi ancienne, sinon
antérieure aux plus anciens hymnes [99] des Védas 117." Toutefois sa
rétraction au sujet du Nirvâna nous laisse l'espoir qu'il pourra encore
changer d'opinion quant à la Genèse, de sorte que le public aura le bénéfice
simultané de la vérité et de la sanction d'une des plus hautes autorités de
l'Europe.
117
Chips Vol. I.
118
Egypt's place in Universal History. Vol. V. p. 77.
119
Ibidem, p. 78.
Afghanistan pendant une période plus ou moins problématique, avant de
traverser le Pendjab ; mais les Védas furent commencés dans ce dernier
pays. Ils signalent la marche des Hindous de même que l'Avesta signale
celle des Iraniens. Puis il y a Haug qui assigne à l'Aitareya Brahmanam –
doctrine brahmanique et commentaire du Rig-Véda, d'une date bien plus
récente que le Véda lui-même – une date de 1400 à 1200 avant J.-C.,
tandis qu'il met les Védas entre 2000 et 2400 ans avant J.-C. Max Müller
fait prudemment ressortir certaines difficultés dans ce calcul
chronologique, mais, tout de même, il ne le nie pas entièrement 120. Quoi
qu'il en soit, et en supposant même que le Pentateuque ait été écrit par
Moïe en personne – nonobstant qu'en ce faisant, il ait fait deux fois le récit
de sa propre mort – néanmoins, si Moïse est né, ainsi que le dit Bunsen en
1392 avant J.-C. il est impossible que le Pentateuque ait été écrit avant les
Védas ; et surtout si Zoroastre est né en 3784 avant J.-C. Si, comme le dit
le Dr Haug 121, quelques-uns des hymnes du Rig-Véda furent écrits avant le
schisme de Zoroastre, quelque trente-sept siècles avant J.-C. et Max
Müller affirme lui-même que les "Zoroastriens et leurs ancêtres partirent
de l'Inde pendant la période védique", comment pourrait-on faire remonter
quelques parties de l'Ancien Testament à la même date, sinon "à une date
antérieure aux plus anciens hymnes du Véda" ? [100]
Les orientalistes en général sont d'accord que les Aryens, 3000 ans
avant J.-C., occupaient encore les steppes à l'est de la mer Caspienne, et
qu'ils étaient encore unis. Rawlinson suppose qu'ils "vinrent de l'est", de
l'Arménie, comme centre commun ; tandis que deux courants congénères
s'acheminèrent l'un vers le nord sur le Caucase et l'autre à l'ouest sur l'Asie
Mineure et l'Europe. Il retrouve les Aryens, à une période antérieure au
XVème siècle avant notre ère, "établis dans le territoire baigné par l'Indus
supérieur". De là les Aryens Védiques se transportèrent au Pendjab et les
Aryens du Zend à l'occident où ils fondèrent les nations historiques. Mais
cela, comme tout le reste, n'est qu'une hypothèse, et n'est donné que
comme telle.
120
Chips. Aytereya Brahmanam.
121
Dr. Haug, surintendant des études sanscrites au Collège de Poona, à Bombay.
qu'ils ont trouvé la trace de l'existence des Védas dès l'an 2100 avant J.-C. ;
et Sir Williams Jones, se basant sur les données astronomiques, assigne au
Yajur-Véda, une date de 1580 avant J.-C. Cela serait encore antérieur à
Moïse.
122
Pococke appartient à la classe d'orientalistes qui croient que le Bouddhisme a précédé le
Brahmanisme, et était la religion des premiers Védas, Gautama n'ayant été que le restaurateur de
cette religion dans sa forme la plus pure, et gui est retombée de nouveau après lui dans le
dogmatisme.
123
India in Greece, p. 200.
Nous rappellerons au lecteur, à cet égard, que Ravan, le géant, qui,
dans le Ramayana, combattit Rama Chandra, y est présenté [103] comme
le Roi de Lanka, qui était l'ancien nom de Ceylan ; et qu'à cette époque,
Ceylan faisait peut être partie de la terre ferme de l'Inde méridionale, qui
était peuplée par les "Ethiopiens orientaux". Vaincus par Rama, le fils de
Dasarata, le Roi Solaire de l'ancienne Oude, une colonie de ceux-ci émigra
dans le Nord de l'Afrique. Si, ainsi que beaucoup le soupçonnent, l'Iliade
d'Homère, et une grande partie de son récit de la guerre de Troie, est un
plagiat du Ramayana, les traditions qui servirent de base pour ce dernier,
doivent avoir une antiquité fabuleuse. Il y a donc amplement de la place
dans l'histoire pré-chronologique pour y placer une période pendant
laquelle les "Ethiopiens orientaux" auraient pu établir l'hypothétique
colonie Mizraique, avec son éminente civilisation et ses arts indiens.
Il reste encore à prouver qu'il existe une plus étroite parenté entre les
Ethiopiens et les Aryens à peau foncée, et entre ceux-ci et les Egyptiens.
On a reconnu il n'y a pas longtemps que les anciens Egyptiens
appartenaient au type caucasien de l'humanité, et que la forme de leur
crâne est purement asiatique 124. Si leur peau était moins cuivrée que celle
124
L'origine asiatique des premiers habitants de la vallée du Nil est clairement prouvée par des
témoignages concurrents et indépendants. Cuvier et Blumenbach affirment que les crânes des
des Ethiopiens modernes, les Ethiopiens, eux-mêmes, ont pu avoir un teint
plus clair dans les anciens temps. Le fait que, chez les rois éthiopiens,
l'ordre de [104] succession donnait la couronne au neveu du roi, au fils de
sa sœur, et non à son propre fils, est fort suggestif. C'est une ancienne
coutume qui a encore cours dans l'Inde du Sud. Les successeurs du rajah
ne sont pas ses propres fils, mais ceux de sa sœur 125.
Son amitié avec Hiram laisse croire qu'il fit sa première expédition de
ce pays dans la Judée ; et sa longue résidence à Hébron, la cité des Kabires
127
Ils auraient pu être aussi bien, d'après l'avis de Pococke, tout simplement les tribus de "Oxus",
nom dérivé des "Ookshas", ce peuple dont richesse était située dans "l'OX", car il prouve que
Ookshan n'est qu'une forme imparfaite de Ooksha un bœuf (en sanscrit, ou ox en anglais). Il croit
que ce furent eux, "les seigneurs de l'Oxus" qui donnèrent leur nom à la mer qu'entouraient les
nombreux pays qu'ils gouvernaient, l'Euxine ou Ookshine. Pali veut dire un berger, et s'than un
pays. "Les tribus guerrières de l'Oxus pénétrèrent en Egypte puis s'acheminèrent vers la Palestine
(PALISTAN), le pays des Palis ou des bergers et créèrent là des établissements plus permanents."
(India in Greece). Cependant, si c'est le cas, cela ne ferait que confirmer notre opinion que les Juifs
sont une race hybride, car la Bible nous les fait voir à tout instant se mariant librement, non
seulement avec les Cananéens, mais aussi avec toutes les autres nations et races avec lesquelles ils
entraient en contact.
(Arba ou quatre) donnerait également à supposer qu'il établit une nouvelle
religion dans le pays.
Dans le second chant, Isaïe célébrait le nouveau chef assis sur le trône
de David (IX, 6, 7 ; XI, I), qui devait rendre leurs foyers aux Juifs que la
ligue avait emmenés captifs (Isaïe, VIII 2-12 ; Joël, III, 1-7 ; Abdias, 7, II,
14). Michée, son contemporain, prédit également la même chose (IV, 7-
13 ; V. 1-7). Le Rédempteur devait venir de Bethléem ; en d'autres termes,
être de la maison de David ! il devait aussi résister aux Assyriens auxquels
Achaz avait juré obéissance, et réformer la religion (2 Rois XVIII, 4, 8).
C'est ce que fit Ezéchias. Il était le petit-fils de Zacharie, le voyant, (2
chroniques XXIX, I ; XXVI, 5) le conseiller d'Ozias ; aussitôt monté sur le
trône il restaura la religion de David et détruisit les derniers vestiges de
celle de Moïse, c'est-à-dire la doctrine ésotérique, en déclarant que "nos
pères ont péché" (2 chroniques XXIX 6-9). Puis il cherche à renouer les
relations avec la monarchie septentrionale, parce qu'à ce moment il y avait
un interrègne en Israël (2 chroniques XXIX, 1, 2, 6 ; XXVI, 1, 6, 7). Il y
réussit ; le résultat fut une invasion par le roi d'Assyrie. Mais c'était un
nouveau régime ; et tout cela nous fournit la preuve qu'il existait deux
[108] courants parallèles dans le culte religieux des Israélites ; l'un
appartenant à la religion d'état et adopté pour cadrer avec les exigences
politiques ; l'autre, de l'idolâtrie pure, résultant de l'ignorance de la
véritable doctrine ésotérique prêchée par Moïse. Pour la première fois
depuis Salomon "les hauts lieux furent enlevés".
Depuis le siècle dernier l'Eglise s'est vue obligée de céder des parties
du territoire biblique dérobé à ceux auxquels il appartenait de droit. Pouce
par pouce ce territoire a été abandonné et un personnage après l'autre a été
prouvé n'être que mythique et païen. Mais aujourd'hui, après les récentes
découvertes de George Smith, [109] le regretté assyriologue, un des plus
fermes soutiens de la Bible, a été renversé. Sargon et ses tablettes ont été
reconnus plus anciens que Moïse. De même que le récit de l'Exode, la
naissance et l'histoire du législateur paraissent avoir été "empruntées" aux
Assyriens, de même que les "ornements d'or et d'argent" l'avaient été aux
Egyptiens.
128
Professeur S. Wilder, "Notes".
parents royaux, mais qu'il fut caché par sa mère, qui le posa sur l'Euphrate
dans un berceau de joncs enduits de bitume, comme celui dans lequel la
mère de Moïse cacha son enfant. (Voir Exode, II). Sargon fut trouvé par un
homme nommé Akki, un porteur d'eau, qui l'adopta comme son fils ; il
devint ensuite Roi de Babylone. La capitale de Sargon était la grande cité
d'Agadi – nommée par les sémites accad – mentionnée dans la Genèse
comme la capitale de Nemrod (Genèse, X, 10) où il régna pendant
quarante-cinq ans 129. Accad était située prés de la cité de Sippara 130, sur
l'Euphrate au nord de Babylone. "La date à laquelle vécut Sargon, qu'on
pourrait nommer le Moïse babylonien, était le XVIème siècle et peut-être
même antérieure."
George Smith ajoute dans son Chaldean Account, que Sergon I était
un monarque babylonien qui régna dans la cité d'Accad, environ 1600 ans
avant J.-C. La signification du nom de Sargon est le roi véritable ou
légitime. Cette étrange histoire a été trouvée sur des fragments de tablettes
à Kouyunjik, comme suit :
1. Je suis Sargona, le puissant roi d'Akkad.
2. Ma mère était une princesse ; je n'ai pas connu mon père ; un frère
de mon père gouvernait le pays.
3. Dans la cité d'Azupirana qui est située sur les rives de l'Euphrate,
4. Ma mère, la princesse, me conçut ; elle me donna le jour avec
douleur.
5. Elle me plaça dans une arche faite de joncs, elle scella ma sortie
avec du bitume.
6. Elle me laissa aller à la dérive sur la rivière qui ne me noya point.
[110]
7. La rivière m'amena à Akki, le porteur d'eau.
8. Akki, le porteur d'eau, avec grande tendresse de ses entrailles, me
prit, etc., etc.
129
Moïse régna sur le peuple d'Israël, dans le désert, pendant plus de quarante ans.
130
Le nom de la femme de Moïse était Zipporah (Exode, II).
Voyons, maintenant, ce que dit l'Exode (II) :
"Ne pouvant plus le cacher, elle (la mère de Moïse) prit
une caisse de jonc, qu'elle enduisit de bitume et de poix ;
elle y mit l'enfant et le déposa parmi les roseaux, sur le
bord du fleuve."
Cette histoire, dit Smith, "est supposée avoir eu lieu environ 1600 ans
avant J.-C. un peu avant l'âge qu'on donne à Moïse 131, ainsi que nous le
savons, lorsque la renommée de Sargon fut connue en Egypte ; il est donc
fort probable que ce récit a eu un rapport avec le fait relaté dans l'Exode II,
car toute action une fois exécutée a une tendance à se reproduire".
131
Vers 1040, les docteurs juifs transportèrent leurs collèges de Babylone en Espagne, et les
ouvrages des grands Rabbins qui florissaient dans les quatre siècles suivants, ont tous des
descriptions différentes et fourmillent d'erreurs dans les manuscrits. La "Masorah" vint encore
augmenter les difficultés. Beaucoup de choses qui existaient alors dans les manuscrits ne s'y
retrouvent plus, et leurs ouvrages sont pleins d'interpolations et de lacunes. Le plus ancien
manuscrit hébreu appartient à cette époque. Voilà la révélation divine à laquelle nous devons croire.
132
Aucune chronologie n'a été acceptée par les Rabbins, comme faisant autorité, jusqu'au XIIème
siècle. Le 40 et le 1000 ne sont pas des nombres exacts, mais y ont été comprimés pour répondre au
monothéisme et aux exigences d'une religion calculée pour paraître différente de celle des païens
(Chron. Orth., p. 238). On ne trouve dans le Pentateuque que des faits ayant eu lieu environ deux
ans avant la fable de l'Exode et pendant l'année qui la précède. Tout le reste de la chronologie est
non existant et on ne peut le suivre que par les calculs cabalistiques, et encore lorsqu'on en possède
la clé.
sommes aujourd'hui dans [111] l'Axe de Fer, le Kali-Yug, mais il a
commencé avec Noé, l'ancêtre mythique de notre race.
133
Les Gnostiques, appelés Collyridiens, avaient transféré leur culte d'Astoreth à Marie également
Reine du Ciel. Ils furent persécutés et mis à mort par les Chrétiens orthodoxes, sous l'inculpation
d'hérésie. Mais si ces Gnostiques avaient fondé son culte en lui offrant des sacrifices de gâteaux de
craquelins et d'hosties, c'était parce qu'ils croyaient qu'elle était née d'une vierge immaculée, de
même qu'on prétend que le Christ est né de sa mère. Et aujourd'hui, que l'infaillibilité du Pape a été
reconnue et acceptée, sa première manifestation pratique a été la restauration de la croyance
Collyridienne en un article de foi. (Voyez Apocryphal New Testament ; The Gospel of Mary
attributed to Matthew, par Hone).
fructifient les germes de la race 134. L'Arche c'est l'Argha sacrée des
Hindous, et par conséquent, sa relation avec l'arche de Noé est aisément
reconnaissable, quand nous savons que l'Argha était un vaisseau oblong,
dont se servaient les prêtres comme de calice sacrificiel dans le culte d'Isis,
d'Astarté, de Vénus-Aphrodite, qui, toutes, étaient des déesses du pouvoir
générateur de la nature, ou [112] de la matière – et par conséquent,
représentées symboliquement par l'arche qui contient les germes de toutes
les choses vivantes.
C'est ainsi que parle cette femme respectable, doublée d'un auteur
admirable, et nul homme ou femme purs ne sauraient l'en blâmer. Mais
une pareille perversion de la pensée antique sied bien à une époque
d'hypocrisie et de pruderie comme la nôtre.
134
Rosicrucians, par Hargrave Jennings.
135
Progress of Religions Ideas.
L'eau du déluge prise dans l'allégorie, comme la "mer" symbolique,
Tamti, est le type du chaos en mouvement, ou matière, appelée "le grand
dragon". Suivant la doctrine des Gnostiques et des Rose-croix du moyen
âge, la création de la femme n'était pas prévue à l'origine. Elle est le
rejeton de la propre imagination impure de l'homme et, comme le disent
les Hermétistes, "une intrusion". Créée par une pensée impure, elle vint à
l'existence à la néfaste "septième heure", lorsque les mondes réels,
"surnaturels", avaient disparu et que les mondes "naturels" ou illusoires
commencèrent à évoluer sur le "Microcosme descendant", ou pour parler
clairement, sur l'arc du grand cycle. En premier lieu "Virgo", la Vierge
Céleste du Zodiaque, devint la "Virgo-Scorpio". Mais en évoluant sa
seconde compagne, l'homme l'avait douée inconsciemment de sa propre
part de Spiritualité ; et le [113] nouvel être que son "imagination" appela à
la vie devint son "Sauveur" des embûches de l'Eve-Lélith, la première Eve
qui avait, dans sa composition, une plus grande part de matière que
l'homme "spirituel" primitif 136.
136
Lilith était la première femme d'Adam, "avant qu'il n'épousât Eve", de laquelle "il n'engendra
que des démons" ; c'est une explication nouvelle, sinon pieuse dune allégorie bien philosophique :
Anatomy of Melancholy de Burton.
137
C'est pour commémorer l'Arche du Déluge, que les Phéniciens, ces hardis explorateurs de la
mer, fixaient sur la roue de leurs navires, l'image de la déesse Astarté, qui est Elissà, la Vénus
Erycina de la Sicile, et Didon qui est le féminin de David.
Nazaréens, les disciples de saint Jean-Baptiste, aujourd'hui les Mendéens
de Basra.
L'Orante égyptien est aussi représenté les bras étendus comme sur un
crucifix et écrasant un "Serpent" ; et on voit Horus (le Logos), perçant la
tête du dragon, Typhon ou Aphophis. Cela nous fournit la clé de l'allégorie
biblique de Caïn et d'Abel. Caïn est réputé être l'ancêtre des Hivites, les
Serpents, et les jumeaux d'Adam sont évidemment une copie de la fable
d'Osiris et de Typhon. Toutefois, laissant de côté la forme extérieure de
l'allégorie, elle incarne [114] la conception philosophique de la lutte
éternelle entre le bien et le mal.
138
Monumental Christianity du Dr Lundy.
passe en sûreté, en route pour la montagne du Salut. Mais, si nous avons
eu connaissance de l'arche de Noé et de la Bible elle-même c'est parce que
la mythologie des Egyptiens avait été à portée de main de Moïse (si tant
est que Moïse ait écrit une partie quelconque de la Bible) et qu'il était au
courant de l'histoire d'Horus, debout sur son navire de forme serpentine, et
tuant le Serpent avec son javelot ; sans oublier la signification occulte de
ces fables et leur réelle origine. Nous le reconnaissons encore dans le
Lévitique, et autres parties de ses livres, dont des pages entières de lois
sont copiées sur celles de Manou.
Les animaux enfermés dans l'arche sont les passions humaines. Ils
représentent certaines épreuves de l'initiation, et les mystères institués chez
beaucoup de peuples pour commémorer cette allégorie. L'arche de Noé
s'arrêta le dix-septième jour du septième mois. Nous retrouvons ici le
nombre sept ; ainsi que dans les "animaux purs" qu'il prit dans l'arche au
nombre de sept à la fois. En parlant des mystères de l'eau de Byblos,
Lucien dit : "Sur le sommet de l'un des deux piliers élevés par Bacchus, un
homme demeure pendant sept jours 139". Il croit que c'est en honneur de
Deukalion. Elie, lorsqu'il prie au sommet du Mont Carmel, envoie son
serviteur voir s'il n'y a pas de nuage du côté de la mer, et lui répète
"retourne sept fois". A la septième fois, [115] il dit : "Voici un petit nuage
qui s'élève de la mer et qui est comme la paume de la main d'un
homme 140".
139
Lucien IV, 276.
140
1er Livre des Rois XVIII. Tout cela est allégorique, et qui plus est, magique. Car, Elie, à ce
moment, est en train d'exécuter une incantation.
correspond à celui d'un assassin. Le Talmud donne cette généalogie
complète, et c'est ainsi que les noms de treize assassins viennent se ranger
au-dessous de celui de Caïn. Ce n'est point une coïncidence. Shiva est le
Destructeur, mais il est aussi le Régénérateur. Cam est un meurtrier, mais
il est aussi fondateur de nations, et inventeur. Cette étoile de Lucifer est la
même que celle que voit saint Jean tombant sur la terre, dans son
Apocalypse.
Diodore de Sicile et Bérose donnent les noms des douze grands dieux
qui président aux douze mois de l'année et aux douze signes du Zodiaque.
Ces noms, qui comprennent celui de Nuah 141, sont trop connus pour que
nous les répétions. Le Janus à double face était également à la tête de
douze dieux, et dans les représentations qu'on nous en donne, on lui fait
141
Les livres talmudiques disent que Noé, lui-même, fut la colombe (l'esprit), l'identifiant, ainsi, une
fois de plus avec le Nuah Chaldéen. Baal est représenté avec les ailes d'une colombe et les
Samaritains adoraient l'image d'une colombe sur le Mont Gérézim. Talmud Tract. Chalin, fol. 6,
col. 1.
tenir les clés du domaine céleste. Comme tous ceux-ci ont servi de
modèles pour les patriarches bibliques, ils nous ont rendu de signalés
services – tout spécialement Janus – en fournissant le modèle de saint
Pierre et de ses douze apôtres ; saint Pierre étant aussi à double face par
son reniement, et est aussi représenté tenant en mains les clés du Paradis.
142
Nombres, X, 29-31.
143
La bible se contredit elle-même et contredit là le récit chaldéen, car, au chapitre VII de la Genèse
on dit : e que chacun d'eux périt", dans le déluge.
144
Nombres XIII.
145
Nous ne voyons pas pourquoi le clergé – et surtout le clergé catholique – objecterait à notre
affirmation que les patriarches sont les signes du Zodiaque, et en même temps les anciens dieux des
"païens". Il fut un temps, il n'y a pas plus de deux siècles, où ils émirent les désirs les plus fervents
de retourner au culte du soleil et des étoiles. Ce pieux et curieux essai fut dévoilé il y a quelques
mois par l'astronome français Camille Flammarion. Il nous dit que deux jésuites d'Augsburg,
Schiller et Bayer, avaient à cœur de changer les noms de toutes les armées sabéennes du ciel étoilé
et de les adorer, à nouveau, sous des noms chrétiens ! Après avoir lancé l'anathème contre tous les
adorateurs idolâtres du soleil pendant plus de quinze siècles, l'Eglise se proposait, fort sérieusement,
de continuer l'héliolâtrie – au pied de la lettre, cette fois – car leur idée était de substituer des
personnages bibliques véritables (à leur yeux) aux mythes du paganisme. Ainsi, ils auraient appelé
[118] cette variation de dix à douze, dont nous déduirons la preuve de la
Bible elle-même. Seulement ce ne sont pas les premiers dieux, décrits par
Cicéron 146, qui appartiennent à une hiérarchie de pouvoirs élevés, les
Elohim – mais ils appartiennent plutôt à la seconde classe des "douze
dieux", les Dii minores, qui sont la réflexion terrestre des premiers, parmi
lesquels Hérodote place Hercule 147. Seul, dans le groupe des douze, Noé,
en raison de sa situation au point de transition, appartient à la plus élevée
des trinités babyloniennes ; Nouah, l'esprit des eaux. Tous les autres sont
identiques aux dieux inférieurs de l'Assyrie et de Babylone, qui
représentaient l'ordre inférieur des émanations, introduites autour de Bel,
le Demiurge, pour l'aider dans son œuvre, ainsi que les patriarches sont
censés assister Jéhovah – le "Seigneur Dieu".
le soleil, Christ ; la lune, la Vierge Marie ; Saturne, Adam ; Jupiter, Moïse (!) ; Mars, Josué ; Vénus,
Jean-Baptiste ; et Mercure, Elle. Substituts fort appropriés, qui montrent la grande familiarité de
l'Eglise Catholique avec l'ancienne connaissance cabaliste et païenne, et peut-être son
empressement à confesser, enfin, la source de laquelle elle avait tiré tous ses propres mythes. Car le
roi Messie n'est-il pas le soleil, le Démiurge des héliolâtres, sous des appellations diverses ? N'est-il
pas l'Osiris des Egyptiens et l'Apollon des grecs ? Et quel nom serait plus approprié que celui de la
Vierge Marie, pour la Diane-Astarté païenne, la "Reine du Ciel", contre laquelle Jérémie épuise tout
son vocabulaire d'imprécations ? Cette adoption aurait été historiquement et religieusement exacte.
On avait préparé deux grandes illustrations, dit Flammarion, dans un des numéros de La Nature, qui
représentaient le firmament avec les constellations chrétiennes, à la place des païennes. Les apôtres,
les papes, les saints, les martyrs et tous les personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament
complétaient ce Sabéanisme chrétien. "Les disciples de Loyola firent des pieds et des mains pour
faire réussir ce plan". II est curieux de rencontrer en Inde, parmi les Musulmans le nom de Terah, le
père d'Abraham, Azar ou Azarh, et Azur, qui veut dire aussi le feu, et qui est, en même temps, le
nom du troisième mois solaire hindou (de juin à juillet) pendant lequel le soleil est dans les
Gémeaux et la pleine lune voisine du Sagittaire.
146
Cicéron : De Nat. Deo, I, 13.
147
Herodote, II, 145.
qui symbolisent les quatre règnes des éléments – la terre, l'air, le feu et
l'eau. Ce sont, nul n'en ignore, les sphinx assyriens, mais on retrouve
également ces figures sculptées sur les murs de presque toutes les pagodes
hindoues.
Ainsi, par exemple, on y dit, que "la scintilla (étincelle spirituelle ou âme)
d'Abraham fut prise de Michel, le chef des Æons, la plus haute émanation
de la Divinité ; si haute, en vérité, qu'aux yeux des Gnostiques, Michel
était identique au Christ. Et cependant Michel et Enoch sont une seule et
même personne. Tous deux occupent, en tant qu' "hommes" le point
d'intersection de la croix du Zodiaque. L'étincelle d'Isaac est celle de
Gabriel, le chef des armées angéliques, et l'étincelle de Jacob fut détachée
d'Uriel, dénommé "le feu de Dieu", l'esprit à la vision la plus perçante de
toute l'armée céleste. Adam n'est pas l'Adam Kadmon, mais bien l'Adam
Primus, le Microprosopus.
Celui-ci sous un de ses aspects est Enoch, le patriarche terrestre et le père
de Mathusalem. Celui qui "vécut selon Dieu" et "ne mourut point" est
l'Enoch spirituel qui symbolise l'humanité, éternelle en esprit et aussi
éternelle dans la chair, bien que celle-ci soit mortelle. La mort n'est qu'une
nouvelle naissance et l'esprit est immortel ; par conséquent l'humanité ne
meurt jamais, car le Destructeur est devenu le Créateur. Enoch est le type
de l'homme double, spirituel et terrestre. C'est pour cette raison que sa
place est au centre de la croix astronomique. [121]
148
Qui d'autre que les auteurs du "Pentateuque" aurait inventé un Dieu suprême ou son ange si
parfaitement humains, pour qu'il ait été nécessaire de peindre les linteaux des portes avec du sang
afin d'empêcher qu'il ne tuât une personne pour une autre ! En fait de grossier matérialisme cela
dépasse toute conception théïste dont on aurait pu rêver dans la littérature païenne.
morts, qu'on voit reproduite sur les ruines sculptées de Philae 149. Le peu de
fondement, à la base de cette idée que toutes ces croix et tous ces symboles
étaient autant de prophéties inconscientes du Christ, est démontré dans le
cas des Juifs, sur l'accusation desquels Jésus fut mis à mort. Le même
savant auteur remarque, par exemple, dans Monumental Christianity que
"les Juifs eux-mêmes reconnurent ce signe de la rédemption, jusqu'au
moment où ils rejetèrent le Christ" ; et dans un autre passage, il affirme
que la verge de Moïse, dont il se servit pour exécuter ses miracles devant
Pharaon "était sans aucun doute, cette croix ansée ou quelque chose
d'analogue, dont se servaient également les prêtres égyptiens 150". La
déduction logique, serait alors : 1° que si les Juifs adoraient les mêmes
symboles que les païens, ils n'étaient pas meilleurs qu'eux ; 2° si, étant
aussi bien au courant du symbolisme caché de la croix, ils ont attendu le
Messie pendant des siècles, mais qu'ils rejetèrent aussi bien le Messie
chrétien que la Croix chrétienne, il faut croire alors, qu'il y avait quelque
chose qui n'allait pas dans l'un et dans l'autre.
149
Denon : Egypt, II, pl. 40, n° 8, p. 54.
150
Pages 13 et 402.
cycles, dans chacun desquels ont lieu douze transformations de notre
monde, à la suite de sa destruction partielle, alternativement par le feu et
par l'eau. De sorte que lorsque commence une nouvelle période mineure, la
terre est changée, même géologiquement, au point d'être pratiquement un
monde nouveau ; 4° qu'à la suite de ces douze transformations, la terre est
la plus grossière après chacune des six premières, tout ce qui y vit, y
compris l'homme, est plus matériel, qu'après la transformation précédente :
tandis qu'après les six autres le contraire a lieu, la terre et l'homme
deviennent de plus en plus raffinés et spirituels avec chaque changement
terrestre ; 5° que lorsque le sommet du cycle a été atteint, une dissolution
graduelle a lieu, et chaque être vivant et chaque forme objective sont
détruits. Mais lorsque ce point est atteint l'humanité est devenue propre à
vivre la vie subjective aussi bien qu'objective. Et non seulement
l'humanité, mais aussi les animaux, les plantes et chaque atome. Après une
époque de repos, disent les Bouddhistes, lorsqu'un nouveau monde se
reforme de lui-même, les âmes astrales des animaux, et de tous les êtres,
sauf ceux qui ont atteint le Nirvâna le plus élevé, reviennent sur la terre
pour terminer leurs cycles de transformations et devenir des hommes à leur
tour.
151
Dans le Ruins of Empires de Volney, p. 360, on remarque que le Bélier était dans son quinzième
degré 1.447 ans avant J.-C. ; par conséquent le Premier degré de la Balance n'a pas pu coïncider
avec l'équinoxe d'été plus tard que 15.194 ans avant J.-C. ; et si on y ajoute les 1.790 ans depuis le
Christ, il apparaît que 16.984 ans sont révolus depuis l'origine du Zodiaque.
La véritable doctrine astrologique sabéenne, enseignait secrètement,
que l'explication de la transformation graduelle du monde, [124] de son
état spirituel et subjectif, en un état sub-lunaire "bisexuél", était renfermée
dans ce double signe. Les douze signes étaient, par conséquent, divisés en
deux groupes. Les premiers étaient appelés la ligne ascendante, ou ligne du
Macrocosme (le grand monde spirituel) ; les six derniers, la ligne
descendante, ou le Microcosme (le petit monde secondaire), qui n'est, pour
ainsi dire, que la réflexion du premier. Cette division porte le nom de Roue
d'Ezéchiel et se complète de la manière suivante : en premier lieu viennent
les cinq signes ascendants (évémérisés en patriarches) le Bélier, le
Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion et le groupe se terminait avec la
Vierge-Scorpion. Puis venait le point tournant, la Balance. Après cela, la
première moitié du signe de la Vierge-Scorpion se dédoublait et était
transféré pour servir de chef au groupe inférieur, ou descendant, du
Microcosme qui continuait jusqu'au signe des Poissons, ou Noé (le
déluge). Afin de le rendre plus clair, le signe de la Vierge-Scorpion qui
était représentée par ♍, devint simplement la Vierge, et la duplication ♏,
ou Scorpion, fut intercalée entre la Balance, le septième signe (lequel est
Enoch, ou l'ange Metatron, ou le Médiateur entre l'esprit et la matière, ou
entre Dieu et l'homme). Il devint alors, le Scorpion (ou Caïn) lequel signe
ou patriarche conduisit l'humanité à la perdition, suivant la théologie
exotérique ; mais d'après la véritable doctrine de la religion sagesse, il
dénote la dégradation de l'univers tout entier au cours de son évolution
depuis la condition subjective à la condition objective.
152
Voyez les gravures de Ancient Faiths de Inman.
153
Cicéron : Ire Nat. Deorum, I, 10.
154
Virgile : Enéide VI.
155
Le terme "vêtement de peau" devient plus suggestif lorsque nous saurons que le mot hébreu
"peau" dans le texte origine, veut dire la peau humaine. Le texte dit : Et Java Aleim confectionna
pour Adam et sa femme רוע תנתכCHITONUT OUR. Le premier mot hébreu est le même que le mot
grec χιτονυ – Chiton – vêtement. Pankhurst le définit comme la peau d'hommes ou d'animaux רוע רע
et ערה, OUR, OR, ou ORA. Nous retrouvons le même mot dans l'Exode, XXXIV, 30-35, lorsque la
peau du visage de Moïse "rayonnait" (A. Wilder).
LIGNES DE GENERATIONS
1. Adam 1. Adam
2. Seth 2. Caïn
3. Enos 3. Enoch
4. Caïnan 4. Irad
5. Mahalaleel 5. Mehujael
6. Jared 6. Ma thusael
7. Enoch 7. Lamech
8. Mathusalem 8. Jubal
9. Lamech 9. Jabal
10. Noé 10. Tubal Caïn
En nous débarrassant, donc, des noms kénites qui ne sont que les
répétitions des séthites, ou l'un de l'autre, nous éliminons Adam ; Enoch –
lequel, dans une des généalogies est le père d'Irad, et dans l'autre le fils de
Jared ; Lamech, fils de Mathusael, tandis que lui, Lamech, est le fils de
Mathusalem dans la ligne séthite ; Irad (Jared) 156, Jubal et Jabal, lequel,
156
Ici encore, lac Masorah a en changeant un nom en un autre, a aidé à fausser le peu qui restait
d'original dans les Ecritures primitives.
avec TubalCaïn forment une trinité dans une ligne, et celle-là le double de
Caïn ; Mehujael (qui n'est que Mahalaleel écrit différemment), et
Mathusael (Mathusalem). Il ne nous reste dans la généalogie kénite du
chapitre IV qu'un seul Caïn, qui – comme premier meurtrier et fratricide –
est placé dans sa ligne comme le père d'Enoch, le plus vertueux parmi les
hommes, qui ne meurt pas, mais est enlevé au ciel en pleine vie. Si nous
nous tournons maintenant vers la table séthite nous trouvons que Enos, ou
Enoch vient en seconde ligne après Adam, et qu'il est le père de Caïn (an).
Ceci n'est pas un accident. Il y a ici une raison évidente pour cette
inversion de paternité ; il y a un plan arrêté – qui est celui de créer une
confusion et d'égarer les recherches.
Nous disons donc, que les patriarches ne sont autres que les signes du
zodiaque ; ce sont des emblèmes, dans leurs divers aspects, de l'évolution
spirituelle et physique des races humaines, des âges ou des divisions du
temps. Dans l'astrologie, les premières quatre "maisons" dans les
diagrammes des "douze maisons du ciel" à savoir : la première, la dixième,
la septième et la quatrième, ou le second carré intérieur situé avec ses
angles en haut et en bas, sont appelés des angles, ayant la plus grande
force et puissance. Ils répondent à Adam, Noé, Caïn-an, et Enoch, Alpha,
Oméga, le bien et le mal dirigeant le tout. En outre, lorsqu'ils sont divisés
(y compris les deux noms secrets) en quatre trigones ou triades, à savoir
les triades du feu, de l'air, de la terre et de l'eau, nous constatons que la
dernière de ces triades correspond à Noé.
De Rossi de Parme, dit des Massoretes, dans son Compendis, vol. IV, p. 7 "On sait avec quel soin
Esdras, le meilleur critique qu'ils aient eu, réforma [le texte], le corrigea, et lui rendit sa première
splendeur. De toutes les nombreuses révisions entreprises après lui, aucune n'est plus célèbre que
celle des Massoretes, qui vinrent après le VIème siècle... et tous les plus zélés adorateurs et
défenseurs de la "Masorah" qu'ils soient Chrétiens ou Juifs... s'accordent ingénument pour
reconnaître que telle qu'elle existe elle est défectueuse, imparfaite, interpolée, remplie d'erreurs, et
un guide des moins sûrs." La lettre carrée ne fut inventée qu après le IIIème siècle.
Maintenant qu'Abel eut disparu de cette lignée de descendance, il est
remplacé par Seth, qui est évidemment une réflexion tardive suggérée par
la nécessité de faire que la race humaine ne descende pas exclusivement
d'un meurtrier. Ce dilemme n'ayant sauté aux yeux que lorsque la ligne
Kénite eût été terminée, on s'arrangea pour qu'Adam (après l'apparition de
toutes les générations) engendrât son fils Seth. Le fait est suggestif que
tandis que l'Adam à double sexe du Chapitre V est fait à la ressemblance
de l'Elohim (Voyez Genèse Chap. I, 27 et Chap. V, 1) (Seth (V. 3) est
engendré à "la ressemblance" d'Adam, donnant ainsi à comprendre que
c'étaient des hommes d'une race différente. De plus, il est digne d'attention
que, ni l'âge, ni aucune autre particularité des patriarches ne sont donnés
dans la table Kénite, alors que c'est le contraire pour ceux de la ligne
Séthite.
157
Le Scorpion est le signe astrologique des organes de la reproduction.
158
Les patriarches sont tous convertibles en leurs nombres, de même qu'ils sont interchangeables.
Suivant ce qu'ils représentent ils deviennent le dix, le cinq, le sept, le douze et même le quatorze.
Tout le système est si compliqué qu'il est absolument impossible, dans un ouvrage comme celui-ci,
de faire plus que de donner quelques indications à soja sujet.
spirituel du salut et de la vie éternelle, et dans le chaos de la destruction
cosmique finale et de l'annihilation individuelle. Mais la balance est là,
toujours sensible au point d'intersection. Elle règle l'action des deux
combattants, et l'effort combiné des deux fait que les planètes et les "âmes
vivantes m poursuivent une double ligne diagonale dans leur révolution à
travers le Zodiaque et la Vie ; c'est ainsi qu'elle entretient une stricte
harmonie dans le ciel et la terre, visibles et invisibles, l'unité forcée des
deux réconciliant l'esprit avec la matière, et Enoch apparaît comme le
"Métatron" devant Dieu. En comptant en descendant depuis lui jusqu'à
Noé et ses trois fils, chacun d'eux représente un nouveau "monde", c'est-à-
dire que notre globe, qui est le septième 159, après chaque période de
transformation géologique, donne naissance à une nouvelle race distincte
d'hommes et d'êtres.
Notre science établit la preuve que notre globe a passé par cinq phases
géologiques distinctes, caractérisées chacune par une couche différente,
lesquelles, par ordre inverse, en commençant par la dernière sont : 1° la
période Quaternaire, dans laquelle l'apparition de l'homme constitue une
certitude ; 2° la période Tertiaire, dans laquelle la présence de l'homme est
possible ; 3° la période Secondaire, celle des sauriens gigantesques, les
mégalosaures, [132] les ichtyosaures, et les plésiosaures – sans aucun
159
Voyez le premier volume de cet ouvrage (p. 89). Le calcul hindou, au moyen du Zodiaque peut,
seul, fournir la clé des chronologies hébraïques et des âges des patriarches. Si nous tenons compte
que souvent les anciens calculs astronomiques et chronologiques, sur les quatorze manvantaras (ou
périodes divines) dont chacun se compose de douze mille ans des dévas, multipliées par soixante et
onze, constituant une période de la création, il n'y en a pas encore tout à fait sept de révolus, les
calculs hébreux deviendront plus intelligibles. Afin de faciliter, dans la mesure du possible, ceux
qui sans doute, seraient fort embarrassés par ces calculs, nous rappelons au lecteur que le Zodiaque
est divisé en 360 degrés, et chaque signe en 30 degrés ; que dans la Bible samaritaine l'âge d'Enoch
est fixé à 360 ans ; que dans le "Manou" les divisions du temps sont données comme suit : "Le jour
et la nuit se composent de trente Mouhourta. Un mouhourta contient trente Kâlas. Un mois des
mortels est de trente jours, ce qui ne fait qu'un jour des pitris... Une année des mortels est un jour
des Dévas."
vestige de l'homme ; 4° la période Paléozoïque, celle des crustacés
gigantesques ; 5° (ou la première) la période Azoïque, pendant laquelle la
science affirme que la vie organique n'avait pas encore fait son apparition
sur la terre.
Et n'y a-t-il aucune possibilité qu'il y ait eu une période, voire même
plusieurs périodes, dans lesquelles l'homme aurait existé, sans être
cependant un être organique, et n'aurait pu, par conséquent, laisser un
vestige quelconque pour la science exacte. L'Esprit ne laisse derrière lui ni
squelettes ni fossiles, et, néanmoins, rares sont ceux, qui doutent, ici-bas,
que l'homme puisse vivre à la fois objectivement et subjectivement. De
toutes manières, la théologie des Brahmanes, d'une antiquité incalculable,
qui divise les périodes de formation de la terre en quatre figes, et qui place
entre chacun de ceux-ci un intervalle de 1.728.000 années, s'accorde bien
mieux avec la science officielle et les découvertes modernes, que les
absurdes notions chronologiques promulguées par le concile de Nicée et de
Trente.
Les noms des patriarches ne sont pas des noms hébreux, bien qu'ils
aient été hébraïsés, par la suite ; ils ont, sans contredit, une origine
assyrienne ou aryenne.
160
Voyez les Diagrams de Rawlinson.
"rouge" en même temps qu' "homme". Le dieu hindou Agni, qui préside au
signe des Poissons, voisin de celui du Bélier dans [133] leur relation avec
les douze mois (Février et Mars) 161, est teinté de rouge foncé, avec deux
figures (mâle et femelle), trois jambes et sept bras ; le tout composant le
nombre de douze. De même, aussi, Noé (les Poissons), qui apparaît dans
les générations comme le douzième patriarche, en comptant Caïn et Abel,
est, de nouveau, Adam sous un autre nom, car il est l'ancêtre d'une
nouvelle race d'humanité ; et, avec ses "trois fils", un méchant, l'autre bon,
et un participant des deux qualités, est la réflexion terrestre de l'Adam
super-terrestre et de ses trois fils. On représente Agni monté sur un bélier,
coiffé d'une tiare surmontée d'une croix 162.
Il en est de même de tous les autres patriarches. Enos, שונא, est encore
Homo, l'homme ou le même Adam, et Enoch par-dessus le marché ; et ןניק,
Kaïn-an, est l'égal de Caïn. Seth תש, est Tette, ou Thoth, ou Hermès ; et
voilà, sans doute, la raison pourquoi Josèphe, dans son premier livre (chap.
III) fait voir Sets si bien versé en astrologie, en géométrie et dans toutes les
autres sciences occultes. Prévoyant le déluge, il dit qu'il grava les principes
161
Tous les signes du Zodiaque brahmanique sont -résidés par, et dédiés à un des douze grands
dieux. Ainsi : 1° Mecha (le Bélier) est dédié * Varnna ; 2° Vricha (le Taureau), à Yama ; 3°
Mithuna (les émeana) à Pavana ; 4° Karcâtaca (le Cancer) à Sûrya ; 5° Sinha (1er Lion) à Soma ; 6°
Kanya (la Vierge) à Kartikeia ; 7° Toulba (la Balance) à Kouvera ; 8° Vristchica (le Scorpion) à
Kama ; 9° Dhanous (le Sagittaire) à Ganesa ; 10° Makara (le Capricorne) à Poulhar ; 11° Kumbha
(le Verseau) à Indra ; et 12° Minas (les Poissons) à Agni.
162
Hindu Pantheon, de Moor, pp. 295-302.
163
Apollon était également Abelius ou Bel.
fondamentaux de son art sur deux piliers de briques et de pierres ; Josèphe
affirme "avoir vu ces piliers en Syrie de son temps". C'est pour cette raison
que Seth est encore identifié avec Enoch, auxquels les cabalistes et les
franc-maçons attribuent le même trait ; et, en même temps avec Herniés ou
Kadmus, car Enoch est identique à celui-là ; ןונח, HE-NOCH veut dire un
[134] instructeur, un initiateur ou un initié ; dans la mythologie grecque
c'est Inachus. Nous venons de voir le rôle qu'on lui fait jouer dans le
Zodiaque.
Lamech, ךמל, n'est pas hébreu, mais grec. Lamach signifie Lam – le
père, et Ou-Lom-Ach est le père de l'âge ; ou le père de celui (Noé) qui
inaugure une nouvelle ère ou période de création après le pralaya du
déluge ; Noé étant le symbole d'un nouveau monde, le Royaume
(Malchuth) des Séphiroth, par conséquent son père, qui répond à la
neuvième Séphiroth, est la Fondation 165. De plus, aussi bien le père que le
fils correspondent dans le Zodiaque au Verseau et aux Poissons ; c'est ainsi
que le premier appartenant au trigone de l'air, et le second à celui de l'eau,
ils viennent clore la liste des mythes bibliques.
164
Halal est le nom d'Apollon. Le nom de Mahalal-Eliel serait donc le soleil d'automne, celui de
juillet, et ce patriarche préside précisément au signe zodiacal du Lion (juillet).
165
Voyez la description des Séphiroth au chapitre V.
166
Nous constatons combien servile était cette copie chaldéenne en comparant la chronologie
hindoue avec celle des Babyloniens. Suivant Manou, les dynasties antédiluviennes des pradjâpatis
régnèrent pendant 4.320.000 années humaines, en d'autres termes un âge divin tout enter des dévas,
ou le laps de temps qui s'écoule invariablement entre la vie sur le globe et la dissolution de cette
même vie, ou pralaya. De leur côté, les Chaldéens donnent exactement les mêmes chiffres, avec un
zéro en moins, à savoir : ils calculent que leurs 120 saros donnent un total de 432.000 années.
de quelque façon que nous les envisagions, elles sont parmi les allégories
les plus profondes jamais conçues par un esprit philosophique.
A son début même, la Bible nous dit qu'avant que les (fils) de Dieu
aient vu les filles des hommes, ceux-ci vivaient de 365 à 989 ans. Mais
lorsque le "Seigneur Dieu" vit les iniquités des hommes, Il décida de ne
leur accorder que 120 ans (Genèse, VI. 3). Pour expliquer une telle
différence dans les tableaux de la mortalité humaine, il faut suivre la trace
de la décision du "Seigneur Dieu" jusqu'à son origine. Les incongruités
que nous rencontrons à chaque pas de la Bible ne peuvent être attribuées
qu'au fait que le livre de la Genèse et les autres livres de Moïse ont été
faussés et remodelés par plus d'un auteur ; et que dans leur condition
originelle ils étaient, exception faite de la forme extérieure des allégories,
de fidèles copies des livres sacrés hindous. Nous lisons ce qui suit dans le
livre I, de Manou : "Dans le premier âge, on ne connaissait ni la maladie,
ni la souffrance. Les hommes vivaient 400 ans."
167
Eliphas Lévi donne la version grecque aussi bien que l'hébraïque mais arbitraire et condensée au
point d'être absolument inintelligible pour quiconque n'est pas aussi savant que lui.
"Le Krita-yug est le symbole de la justice. le taureau qui se tient
ferme sur ses quatre pieds en est l'image ; l'homme s'attache à la vérité, et
le mal ne dirige pas encore ses actions 168." Mais à chaque âge successif, la
vie humaine primitive perd un quart de sa durée, c'est-à-dire que dans le
Treta-yug, l'homme ne vit plus que 300 ans, dans le Dwapara-yug 200 et
dans le Kaki-yug, ou notre âge actuel, il ne vit en général tout au plus que
100 ans. Noé, fils de Lamech – Oulom Ach, ou le père de l'âge – est une
copie déformée de Manou, le fils de Swavambhu et les six Manous ou
Rishis, issus du "premier homme" hindou, sont les originaux de Terah,
Abraham, Isaac, Jacob, Joseph et Moïse, les sages hébreux, lesquels, en
commençant par Terah étaient, dit-on, des astrologues, [136] des
alchimistes, des prophètes inspirés et des devins ; en d'autres termes et
pour parler clairement, des magiciens.
168
Voyez la dissertation du Rabbin Siméon sur l'Homme-Taureau primitif et les cornes. "Sohar".
que procédèrent les Elohimpar rapport à chaque chose créée" 169. "Les
poissons, les oiseaux, les plantes, les animaux et l'homme, tous étaient
androgynes à la première heure."
169
Le Nuctameron des Hébreux. Eliphas Lévi, vol. II.
170
Auszüge aus dem Sohar, p. 13, 15.
également celle de l'homme archétype. A mesure que son enveloppe
prenait du poids, le besoin de membres se fit sentir, et les membres
poussèrent. Si nous nous représentons un homme étendant les bras et les
jambes sous le même angle, et que nous le placions contre le cercle qui
symbolisait sa forme primitive comme esprit, nous aurions exactement la
figure décrite par Pluton – le X en croix, dans le cercle.
171
Telle est l'opinion des savants Drs Jost et Donaldson. "Les livres de l'Ancien Testament, tels que
nous les voyons aujourd'hui, paraissent avoir été terminés environ 150 ans avant J.-C... Les Juifs
recherchèrent alors les autres livres qui avaient été dispersés pendant les guerres, et les réunirent en
une collection." (Ghillany, Menschenopfer der Hebräer, p. 1. Sod the son of the Man. Appendice.)
172
Jost, vol. I, p. 51.
173
Josephus de Burder, vol. II, pp. 331-335.
Il existait une sorte de Fraternité ou Franc-Maçonnerie parmi les
cabalistes, disséminés de mémoire d'homme, de par le monde entier ; et
comme ce fut le cas chez certaines sociétés de la Maçonnerie médiévale en
Europe, ils s'intitulaient les Compagnons 174 et les Innocents 175. C'est une
croyance chez les cabalistes (croyance fondée sur la connaissance) que les
livres sacrés véritables, des soixante-dix anciens – livres qui contiennent
l'Ancienne Parole – ne sont pas plus perdus, que ne le sont les rouleaux
hermétiques, mais qu'ils ont été conservés depuis les siècles les plus
reculés dans les communautés secrètes. Emmanuel Swedenborg en dit
autant, et ses dires sont basés sur les informations qu'il reçut de certains
esprits, qui lui affirmèrent qu'ils "pratiquaient leur culte selon cette
Ancienne Parole". "Cherchez-la en Chine" ajoute le grand voyant, "vous la
trouverez, peut-être, dans la Grande Tartarie !" D'autres étudiants des
sciences occultes ont eu mieux que la parole de "certains esprits", à
laquelle se fier dans le cas en question – ils ont vu les livres.
174
Die Kabbala, p. 95.
175
Gaffarel : Introduction au Livre d'Enoch.
ancienne sagesse » des païens et des Juifs. La véritable Bible hébraïque
était un volume secret, inconnu des masses, et même le Pentateuque
Samaritain est bien plus ancien que le Septuaginte. Quant à ce volume
secret, les Pères de l'Eglise n'en avaient même jamais entendu parler. Nous
acceptons plus volontiers la parole de Swedenborg que "l'Ancienne Parole"
se trouve en Chine ou dans la Grande Tartarie ; d'autant plus, que le
voyant suédois est considéré, au moins par un pasteur le Rév. Dr R. L.-
Tafel, de Londres, avoir été inspiré par Dieu lorsqu'il écrivit ses ouvrages
théologiques. Il a même la supériorité sur les rédacteurs de la Bible, car,
tandis que ceux-ci ne faisaient qu'entendre les mots parlés à leurs oreilles,
il fut donné, à Swedenborg de les comprendre par la raison ; il était donc
illuminé intérieurement, et non extérieurement. "Lorsqu'un membre
consciencieux de la Nouvelle Eglise, entend une accusation portée contre
la divinité et l'infaillibilité soit de l'âme ou du corps des doctrines de la
Nouvelle Jérusalem", dit ce révérend auteur, "il doit se placer au point de
vue de la déclaration non-équivoque contenue dans ces doctrines, que le
Seigneur a effectué Sa seconde venue au moyen de ces écritures, qui ont
été publiées par Emmanuel Swedenborg, Son serviteur, et que, par
conséquent, les accusations ne sont pas et ne peuvent pas être fondées". Et
si c'est le Seigneur quia parlé par la bouche de Swedenborg, il nous reste
l'espoir qu'au moins un prêtre vienne corroborer notre affirmation que
l'ancienne "Parole de Dieu" ne se trouve nulle part, sinon dans les pays
païens, et en particulier dans la Tartarie, le Thibet et la Chine
bouddhistes !
CHAPITRE X
—
LE MYTHE DU DIABLE
Defœ, 1726.
Protevangelium
"Je crois au Diable, le Père Tout-Puissant du Mal, le
Destructeur de toutes choses, le Perturbateur du Ciel et
de la Terre ;
Et à l'Anté-Christ, son Fils unique, notre Persécuteur,
Qui a été conçu de l'Esprit du Mal ;
Qui est né d'une Vierge folle et sacrilège ;
Qui fut glorifié par l'humanité, qui régna sur elle,
Et qui monta jusqu'au trône du Dieu Tout-Puissant,
D'où il Le met de côté, et depuis lequel il insulte les
vivants et les morts.
Je crois à l'esprit du Mal ;
A la Synagogue de Satan ;
A la coalition des méchants ;
A la perdition du corps ;
Et à la Mort et à l'Enfer éternel. Amen". [142]
Cela est-il pour vous choquer ? Cela vous parait-il extravagant, cruel,
blasphématoire ? Ecoutez. Dans la cité de New-York, le neuf avril 1877,
c'est-à-dire dans le dernier quart de ce qu'on se plaît à nommer le siècle des
découvertes et des lumières, les notions scandaleuses suivantes furent
ouvertement proclamées. Nous citons un rapport publié le lendemain dans
The Sun : "Les prédicateurs baptistes se réunirent hier dans la chapelle des
Marins de Oliver Street. Plusieurs missionnaires étrangers étaient présents.
Le Rév. John W. Sarles, de Brooklyn, lut un discours, dans lequel il soutint
la proposition que tous les païens adultes, morts sans avoir eu
connaissance de l'Evangile étaient éternellement damnés. Le révérend
conférencier soutint que s'il en était autrement l'Evangile serait une
malédiction, au lieu d'être une bénédiction, ceux qui avaient crucifié le
Christ n'auraient fait que ce qu'il méritait et que tout l'édifice de la religion
révélée s'effondrerait.
"Le frère Stoddard, missionnaire de l'Inde, appuyait les
vues du pasteur de Brooklyn. Les Hindous étaient de
grands pécheurs. Un jour, après qu'il avait prêché sur la
place du marché, un Brahmane se leva et lui dit : Nous
autres Hindous, nous sommes les plus forts du monde, en
fait de mensonges, mais cet homme-ci nous rend des
points. Comment peut-il prétendre que Dieu nous aime ?
Voyez les serpents, les tigres, les lions et toutes les bêtes
dangereuses autour de nous. Si Dieu nous aime, pourquoi
ne nous en débarrasse-t-il pas ?
"Le Rév. M. Pixley, de Hamilton, N.Y. se déclara en
accord avec le discours du frère Sarles, et demanda $
5000, pour préparer des jeunes gens au ministère".
176
La réputation de haute morale des Brahmanes et des Bouddhistes
est si bien établie depuis des temps immémoriaux, que nous voyons le
colonel Henry Yule, le reconnaître dans son admirable édition de "Marco
polo" en ces termes : "Les grandes vertus attribuées aux Brahmanes et aux
négociants indiens, étaient, peut-être, le fait de la tradition... mais les
éloges sont si constants parmi les voyageurs du moyen âge, qu'ils doivent
avoir eu une base solide. De fait, il serait facile de suivre la trace de
témoignages de cette nature depuis les temps anciens jusqu'à nos jours.
Arrien assure qu aucun Indien n'a jamais été accusé de mensonge. Hwen T
sang attribue au peuple hindou les plus grands désintéressement, honnêteté
et droiture. Le Frère Jordanès (vers l'an 1330) dit que les habitants de
l'Inde inférieure (le Sindh et l'Inde Occidentale) étaient véridiques dans
leur langage et pratiquaient la justice ; nous pouvons également citer le
caractère de haute probité attribué aux hindous par Abul Fazl. Mais après
250 ans de commerce avec les Européens, on constate, en vérité, un triste
dans le [143] monde entier, de nous dire s'il croit que le Brahmane en
question s'écartait beaucoup de la vérité en disant du missionnaire
Stoddard, "que cet homme-ci nous rend des points", en matière de
mensonges. Que pouvait-il dire de plus, si celui-ci leur prêchait la doctrine
de la damnation éternelle, parce qu'ils avaient vécu jusque là sans avoir lu
un livre juif, dont ils n'avaient jamais entendu parler, ou la rédemption d'un
Christ dont ils ne soupçonnaient pas même l'existence ! Mais les pasteurs
baptistes, en quête de quelques milliers de dollars, sont capables d'inventer
de terribles situations pour enflammer les cœurs congréganistes.
178
Ecclesiaste, XIII, 13. "Ecoutons la fin du discours : Crains Dieu et observe ses commandements.
C'est là ce que doit tout homme."
179
Voyez Michée, VI, 6-8.
180
Mathieu, XVII, 37-40.
et prouvent, une fois de plus, que la croyance que nous avons présentée est
celle qui exprime de la manière la plus éloquente la croyance catholique.
"Si la magie et le spiritisme, écrit-il, n'étaient tous deux,
que des chimères, nous pourrions dire adieu éternel à
tous les anges rebelles qui troublent, aujourd'hui, le
monde ; car nous n'aurions, dans ce cas, plus de démons
ici-bas... Et si nous perdons nos démons, NOUS
PERDONS ÉGALEMENT NOTRE SAUVEUR ? Il n'y
aurait plus de Rédempteur ; car de qui ou de quoi ce
Rédempteur nous délivrerait-il ? Par conséquent il n'y
aurait plus de Christianisme 181 !!!
Oh, Saint Père du Mal ; Saint Satan ! Nous te supplions
de ne pas abandonner des chrétiens aussi pieux que le
Chevalier des Mousseaug et certains Pasteurs
Baptistes !"
Quant à nous, nous préférons nous en tenir sua sages paroles de J.-C.
Colquhoun 182, qui disait que "ceux qui, à notre époque, adoptent la
doctrine du Diable dans son sens strictement littéral et dans son application
personnelle, ne se rendent pas compte qu'ils sont, en réalité, des
polythéistes, des païens et des idolâtres".
181
Les hauts phénomènes de la magie ; p. 12. Préface.
182
History of Magic, Witchcraft, and Animal Magnetism.
aujourd'hui dans presque chaque ville d'Europe, d'Amérique et d'Asie ; et
de toutes les églises dans les villes chrétiennes, elle est le plus fermement
établie, c'est elle également qui se comporte le mieux. De plus, tandis que
nul ne niera que beaucoup de Pères chrétiens sont nés en ce monde
(exception faite des douze Evêques de Rome imaginaires, qui ne [146]
sont jamais nés du tout), tous ceux qui veulent bien se donner la peine de
lire les ouvrages des Platoniciens de l'ancienne Académie, qui étaient des
théurgistes bien avant Jamblique, y reconnaîtront l'origine de la
Démonologie chrétienne, ainsi que de l'Angélologie, dont les Pères ont
complètement faussé la signification allégorique. Puis, il est à peine
admissible de dire que les Pères aient jamais brillé, sauf, peut-être, de
l'éclat de leur extrême ignorance. Le Révérend Dr Shuckford, qui passa la
plus grande partie de sa vie à essayer de concilier leurs contradictions et
leurs absurdités, fut finalement obligé d'abandonner le tout en désespoir de
cause. L'ignorance des champions de Platon doit paraître rare et précieuse,
comparée à la profondeur insondable de saint Augustin, "le géant de la
connaissance et de l'érudition", qui niait la sphéricité de la terre, laquelle,
si elle était véritable, empêcherait les habitants des antipodes de voir le
Seigneur Jésus-Christ, lorsqu'il descendrait du ciel à sa seconde venue sur
la terre ; ou à celle de Lactance, qui rejette avec une pieuse horreur la
théorie identique de Pline, sous le prétexte fallacieux que cela ferait
pousser les arbres et marcher les hommes, de l'autre côté de la terre, avec
leurs têtes en bas ; ou, encore, celle de Cosmas-Indicopleuste, dont le
système orthodoxe de géographie est condensé dans sa Christian
topography ; ou enfin, celle de Bède, qui affirmait que le ciel est "tempéré
par des eaux glaciales, de peur qu'il ne soit incendié 183", salutaire
dispensation de la Providence, probablement instituée afin d'empêcher que
le rayonnement de leur science ne mette le feu au ciel !
183
Voyez Conflict between Religion and Science de Draper.
diable attrapé dans un trou de serrure par le paysan normand ; et ce n'est
certes pas Ahriman, ni le Vritra hindou qui se sauverait la rage et l'effroi
dans l'âme, parce qu'un Luther indigène l'aurait interpellé du nom de saint
Satan.
184
Evangile selon saint Marc, III, 29. "Mais celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit,
n'obtiendra jamais de pardon ; il est coupable d'un péché éternel" (αµαρτηµατος erreur).
et des hérésies, ou plutôt des hétérodoxies des époques postérieures, ainsi
que le Deus ex Machina du Spiritisme moderne. En faisant les exceptions
que nous admettons à cet égard, nous déclarons que nous n'attaquons pas
la véritable religion ou la piété sincères Nous ne poursuivons une
controverse que contre les dogmes humains. Peut-être ressemblons-nous
en cela à Don Quichotte, car ils ne sont, après tout, que des moulins à vent.
Rappelons-nous, néanmoins qu'ils ont servi d'occasion et de prétexte pour
massacrer plus de cinquante millions d'âmes, depuis que furent prononcées
ces paroles : "AIMEZ VOS ENNEMIS 185". [148]
185
Evangile selon saint Matthieu, V. 44.
était nécessaire afin que l'humanité, c'est-à-dire ceux qui étaient
prédestinés à la vie éternelle, fussent sauvés. D'Aubigné rappelle la citation
du Canon, par Luther, lorsqu'il s'écrie en extase : "O beata culpa, qui talem
meruisti redemptorem !" O Bienheureuse faute, qui mérita un tel
Rédempteur. Nous nous apercevons maintenant que le dogme qui nous
paraissait si monstrueux dès l'abord, est, après tout, la doctrine du Pape, de
Calvin, de Luther – et que les trois ne font qu'un.
Max Muller ajoute avec bienveillance : "Ce fut une erreur des
premiers Pères que de traiter les dieux païens de démons ou de mauvais
esprits, et nous devons nous garder de commettre la même erreur en ce qui
concerne les dieux hindous 186".
Mais voici qu'on nous présente Satan comme le plus ferme soutien du
clergé, tel Atlas soutenant sur ses épaules le ciel et le cosmos chrétiens tout
entiers. S'il s'écroule, alors, à leur point de vue, tout est perdu, et nous
retombons dans le chaos.
186
Comparative Mythology, avril 1866.
187
1er Epître de saint Jean, III, 8.
188
Apocalypse, XII, 7-9.
La première question qui s'impose est celle de savoir si le terme
Diable, dont on se sert ici, représente vraiment la Divinité malfaisante des
chrétiens, ou s'il n'est qu'une force aveugle et antagoniste – le côté
ténébreux de la nature. Il ne faut pas y voir la manifestation d'un principe
du mal, quelconque, qui serait malum per se, mais simplement, pour ainsi
dire, l'ombre de la Lumière. Les théories des cabalistes l'envisagent comme
une force opposée, mais en même temps essentielle à la vitalité, l'évolution
et la vigueur du principe bienfaisant. Les plantes périraient dans le premier
degré de leur existence, si on les tenait constamment exposées au soleil ; la
nuit alternant avec le jour, est nécessaire pour leur saine croissance et leur
développement. De même, la Bonté cesserait bientôt d'exister, si elle
n'alternait pas avec le principe opposé. Dans la nature humaine, le mal
exprime l'antagonisme de la matière pour l'esprit, et chacun d'eux se
purifie en conséquence. L'équilibre doit être gardé dans le cosmos ;
l'opération des deux opposés donne naissance à l'harmonie, comme le font
les forces centripètes et centrifuges, et elles sont mutuellement nécessaires.
Si l'on en arrête une, l'action de l'autre deviendra aussitôt destructrice.
189
II Livre des Rois, XVIII, 4. Il est probable que les serpents de feu, ou Séraphim, mentionnés
dans le chapitre XXI du Livre des Nombres, étaient les mêmes que les Lévites, ou tribu des Ophites.
Comparez l'Exode XXXII, 26-29 avec les Nombre, XXI, 5-9. Les noms de Heva הוח, de Hivi, ou
Hivite, יוח, et celui de Lévi יול, ont tous la signification d'un serpent ; et c'est un fait curieux que les
Hivites, ou tribu-serpent de Palestine, de même que les Lévites ou Ophites d'Israël étaient les
prêtres des temples. Les Gibonites auxquels Josué confia la garde du Sanctuaire étaient des Hivites.
190
Chroniques, XXI, 1. "Satan se leva contre Israël et il excita David à faire le dénombrement
d'Israël.". Deuxième Livre de Samuel, XXIV, 1 : "La colère de – l'Eternel s'enflamma de nouveau
contre Israël, et il excita David contre eux, en disant : Va, fais le dénombrement d'Israël et de Juda."
On trouve une autre mention de Satan dans les prophéties de
Zacharie. Ce livre fut écrit à une époque postérieure à la colonisation juive
de la Palestine et, par conséquent, il est fort probable que les Asidiens y
aient amené d'Orient ce personnage. Il est bien connu que ce corps de
sectaires était profondément imbu des notions mazdéennes et qu'il
représentait Ahriman ou Anramanyas par les noms des dieux de la Syrie.
Set ou Sat-an, le dieu des Hittites et des Hyksos, et Beel-Zebud le dieu
oracle, devint, par la suite, l'Apollon grec. Le prophète commença son
œuvre en Judée dans la seconde année du règne de Darius-Hystaspes, le
restaurateur du culte mazdéen. Il raconte, en ces termes, sa rencontre avec
Satan : "Il me fit voir Josué le grand-prêtre debout devant l'Ange de
l'Eternel, et Satan qui se tenait à sa droite pour l'accuser. Et l'Eternel dit à
Satan : Que l'Eternel te réprime Satan ! que l'Eternel te réprime, lui qui a
choisi Jérusalem ! n'est-ce pas un tison arraché du feu 191 ?".
191
Zacharie III, 1, 2. Il a évidemment cherché à faire ici, un jeu de mots ; "adversaire a est associé
au nom de "Satan", comme sil venait de ןטשopposer.
192
Epître de saint Jude, 9.
193
Dans les "Tablettes Assyriennes" la Palestine est appelée "le pays des Hittites" ; et les papyrus
égyptiens, en déclarant la même chose, font de Seth, le "dieu-pilier a, leur dieu tutélaire.
194
Seth, Suteth, ou Sat-an, était le dieu des nations aborigènes de Syrie. Plutarque le considère
comme identique à Typhon. Par conséquent il était le dieu de Goshen et de Palestine, contrées qui
furent occupées par les Israélites.
Bélial n'a droit ni au titre de dieu, ni à celui de diable. Le terme לעילב,
BELIAL, signifie, d'après les dictionnaires hébreux, un ravage destructeur,
une inutilité, ou alors, la phrase בליעל-איש, AIS-BELIAL, ou homme-Bélial
veut dire un homme gaspilleur, inutile. S'il fallait personnifier Bélial, pour
plaire à nos amis religieux, nous serions obligés de le rendre tout à fait
distinct de Satan et de le considérer comme une sorte de "Diakka"
spirituel. Toutefois, les démonographes, qui comptent neuf classes
distinctes de daimonia, le placent à la tête de la troisième classe, constituée
par les gobelins malins et bons-à-rien.
Plutarque dit que, par Typhon, on comprend tout ce qui est violent,
indomptable, désordonné. L'inondation du Nil était appelée Typhon, par
les Egyptiens. La basse Egypte est très plate, et tous les tertres élevés le
long de la rivière pour empêcher les inondations fréquentes, portaient le
nom de Typhoniens ou Taphos ; de là l'origine de Typhon. Plutarque qui
était un rigide grec orthodoxe, et peu enclin à louer les Egyptiens,
témoigne, dans son Isis et Osiris, du fait que loin de rendre un culte au
Diable (ce dont les chrétiens les accusaient) ils méprisaient Typhon plus
qu'ils ne le craignaient. Dans son symbole de pouvoir obstiné et
195
Vendidad, Fargard X, 23 : "Je combats le dœva Æshma, le mal en personne". Les Yaçnas, X, 18,
mentionnent également le Æshma-Daeva, ou Khasm : "Toutes les autres sciences dépendent de
Æshma le rusé". Seru., LVI-12. "Frapper le méchant Auramanyas (Ahriman, la puissance du mal),
frapper Æshma avec l'arme terrible, frapper les dœvas mazaniens, frapper tous les devas". Dans le
même Fargard du "Vendidad", les divinités Brahmanes sont impliquées dans la même dénonciation,
en même temps qu'Æshma-daeva". Je combats l'Inde, je combats Sauru, le combats le Daeva
Naonhaiti". L'annotateur exp tique que ce sont les dieux védiques, Indes, Gaurea ou Siva, et les
dieux Aswins. Il doit pourtant y avoir quelque erreur, car Siva, au temps où les Védas furent
complétés, était un dieu aborigène ou Ethiopien, le Bala ou Bel de l'Asie Occidentale. Ce n'était pas
une divinité aryenne ou védique. Peut-être voulait-on parler de Sourya.
196
Analysis of Ancient Mythology, par Jacob Bryant.
antagoniste de la nature, ils le considéraient comme une faible divinité,
luttant et déjà à moitié morte. C'est ainsi que, déjà à cette époque reculée,
nous constatons que les anciens étaient trop éclairés pour croire à un
diable personnel. Comme on représente Typhon, dans un de ses symboles,
sous la forme d'un âne aux fêtes du sacrifice du soleil, les prêtres égyptiens
recommandaient aux fidèles de ne pas porter sur eux des ornements d'or,
de peur de fournir de la nourriture à l'âne 197 !
Qui doutera de son identité avec Typhon en lisant dans le livre de Job
le récit de sa présence devant l'Eternel parmi les fils de Dieu. II accuse Job
de vouloir maudire l'Eternel, face à face, si la provocation était suffisante.
De même, dans le Livre des Morts des Egyptiens, Typhon figure comme
accusateur. La ressemblance s'étend jusqu'aux noms, car un de ceux de
Typhon était Seth, ou Seph ; de même que Sâtân, en hébreu, veut dire un
adversaire. En langue arabe le nom est Shâtana – être adverse, persécuter,
et Manétho dit qu'il avait assassiné traîtreusement Osiris, et s'était allié
avec les Shémites (les Israélites). Il est possible que cela ait fourni à
Plutarque l'origine de la fable selon laquelle, dans le combat entre Horus et
Typhon, celui-ci épouvanté du mal qu'il avait causé, "s'enfuit pendant sept
jours monté sur un âne, et, une fois échappé, il engendra ses fils
Ierosolumos et Ioudaïos (Jérusalem et Judée)". [153]
197
Plutarque : de Iside, XXX, XXXI.
198
Ancient Egyptians, de Wilkinson, p. 434.
esprit subalterne, un démon mythique – l'âne. Les schismes religieux ne
sont pas moins sujets aux mesquineries et aux sentiments haineux que les
disputes de parti entre laïques. Nous en avons la preuve dans le cas de la
réforme zoroastrienne, lorsque le Magianisme se détacha de l'ancienne foi
des Brahmanes. Les brillants Dévas du Véda devinrent, sous la réforme
religieuse de Zoroastre, les daêvas ou mauvais esprits, de l'Avesta. II n'est
pas jusqu'à Indra, le dieu lumineux, qui ne fut relégué dans les ténèbres
épaisses 199, afin de faire ressortir dans une plus vive lumière, Ahura-
Mazda, la Divinité Suprême et Omnisciente.
L'étrange vénération que les Ophites avaient pour le serpent, qui était
le symbole du Christ, devient moins embarrassante si l'on réfléchit que
dans tous les siècles, le serpent a été le symbole de la sagesse divine, qui
tue pour ressusciter, qui détruit afin de mieux reconstruire. On nous
représente Moïse comme un descendant de Lévi, une tribu de serpents.
Gautama Bouddha est issu d'une lignée de serpents, par la race des rois
Naga (serpent) qui régnaient à Magadha. Hermès, ou le dieu Taaut
(Thoth), est Têt dans son symbole du serpent ; et, suivant les légendes
ophites, Jésus ou le Christos est né d'un serpent (la sagesse divine ou le
Saint Esprit), c'est-à-dire, qu'il devint un Fils de Dieu par son initiation à la
"Science du Serpent". Vichnou, identique au Kneph égyptien, se tient sur
le serpent céleste à sept têtes.
199
Voyez le Vendidad, fargard X.
200
Salverte, Des Sciences Occultes, appendice, note A.
201
Le terme πειρασµος signifie une épreuve, ou une probation.
prophètes" et des Esséniens 202 étaient situées dans le désert prés du
Jourdain et de la Mer Morte. Ces ascètes soumettaient leurs néophytes à
des épreuves, analogues aux tortures du rite mithraïque, et la tentation de
Jésus était évidemment une épreuve de ce genre. Par conséquent il est dit
dans l'Evangile selon saint Luc, que "le Diabolos ayant épuisé toute espèce
de tentation, le laissa pour un temps, αχρι καιρου̃ et Jésus, animé de la
puissance de l'Esprit s'en retourna en Galilée". Mais dans ce cas le
διαβολος ou le Diable, n'est évidemment pas un être malfaisant, mais bien
celui qui exerce une discipline. C'est dans ce sens que les termes Diable et
Satan sont employés à maintes reprises 203. Ainsi lorsque saint Paul
s'expose à une exaltation excessive, par suite de la sublimité des révélation
ou des divulgations epoptiques, il lui fut donné "une écharde dans la chair,
un ange de Satan" pour le maintenir 204.
202
2 Samuel, II, 5 15, VI 1-4, Pline.
203
Voyez I Corinthiens V. 5 ; 2 Corinthiens, XI-14 ; 1 Thimothée I 20.
204
IIème Epitre de Saint-Paul aux Corinthiens, XII. Au Livre des Nombres, XXII 22 ; 1 Ange de
l'Eternel prit le rôle de Satan contre Balaam.
205
1er Livre des Rois XXII, 19-23.
il se lèvera ; quand je n'aurai plus de chair je verrai Dieu". La prédiction
accomplit : "Mon oreille avait entendu parler de toi ; mais maintenant mon
œil t'a vu... Et le Seigneur rétablit Job dans son premier état".
206
Haug : "Essays on the Sacred Language, Writings, and Religion of the Parsees".
207
L'Avesta attribue au serpent Dahaka la région de Bauri, ou Babylone. Dans l'histoire des Mèdes
il y a deux rois nommés Deiokes ou Dahaka et Astyages ou Az-dahaka. Des enfants de Zohak
furent assis sur plusieurs trônes orientaux après Feridun. Par conséquent, il est clair que par Zohak
on entend la dynastie assyrienne, dont le symbole était le pur pureum signum draconis – le signe
écarlate du Dragon. Dès la plus haute antiquité (Genèse XIV) cette dynastie régnait sur l'Asie,
l'Arménie, la Syrie, l'Arabie, Babylone, la Mèdie, la Perse, la Bactriane et l'Afghanistan. Elle fut
finalement renversée par Cyrus et Darius Hystaspes, après un règne de 1.000 ans. Yima et
Thraetaona, ou Jemshid et Feridun, sont, sans aucun doute, des personnifications. Il est probable
que Zohak imposa aux Perses le culte Assyrien ou des Mages. Darius était le vice-régent de Ahura-
Mazda.
208
Dans les Evangiles le nom est βεελζεβουλ ou le "Baal de la Maison". Il est presque certain
qu'Apollon, le Dieu de Delphes n'était pas d'origine hellénique mais bien phénicienne. Il était le
Paian ou médecin, de même que le dieu des oracles. Point n'est besoin d'un grand effort
plus correct de l'interpréter, [156] ainsi que le fait le texte grec des
Evangiles, par Béelzébul, ou maître de la maison, comme il est dit dans
l'Evangile selon saint Mathieu, X, 25 : "S'ils ont appelé le maître de la
maison Béelzébul, à combien plus forte raison appelleront-ils ainsi les
gens de sa maison. "On le nomme, également, le prince ou l'archon des
démons.
Typhon figure dans le Livre des Morts comme l'accusateur des âmes,
lorsqu'elles se présentent au jugement, de même que Satan se leva, devant
l'Ange, pour accuser Josué, le grand-prêtre, et comme le Diable vint tenter
Jésus, ou le mettre à l'épreuve, pendant son grand jeune, dans le Désert. Il
était également la divinité dénommée Baal-Tsephon, ou dieu de la crypte,
dans le livre de l'Exode, et Seth, ou le pilier. Pendant cette période le culte
ancien ou archaïque avait été plus ou moins mis au ban par le
gouvernement ; en langage figuré, Osiris avait été traîtreusement tué et
coupé en quatorze morceaux (deux fois sept), et mis en bière par son frère
Typhon, et Isis était partie pour Byblos à la recherche de son cadavre.
Enfin, les princes du régime plus ancien, les dieux, qui, à l'assaut des
géants, avaient revêtu des formes d'animaux et s'étaient réfugiés en
Ethiopie, revinrent et chassèrent les bergers.
Les Hyksos, suivant Josèphe furent les ancêtres des Israélites 209. Il a
probablement raison, en substance. Les Ecritures hébraïques qui racontent
une histoire tant soit peu différente, furent écrites à une date ultérieure, et
passèrent par plusieurs révisions avant d'avoir été promulguées
d'imagination pour l'identifier avec Baal-Zebul, le dieu d'Ekron ou d'Acheron, transformé, sans
doute par dérision par les Juifs en Zebub ou Mouches.
209
Against Apion, 1, 25. "Les Egyptiens en plusieurs occasions, nous manifestèrent leur haine et
leur envie- – en premier lieu, parce que nos ancêtres (les Hyksos, ou bergers) avaient régné sur le
pays, et lorsqu'ils en furent délivrés et qu'ils furent retournés chez eux, ils y vécurent et
prospérèrent".
publiquement. Typhon se rendit odieux en Egypte et les bergers devinrent
"une abomination". "Il fut subitement traité, pendant la douzième dynastie,
comme un démon malfaisant, au point que son nom et ses effigies ont été
oblitérés de tous les monuments et inscriptions qu'il fut possible
d'atteindre 210." [157]
210
Bunsen. Le nom de Seth avec la syllabe an, du chaldéen ana ou Ciel, constitue le terme Satan.
Les facétieux semblent s'en être emparés comme c'est leur coutume, et en ont fait Satan, du verbe
ןטשSitan, s'opposer.
211
Vendidad, fargard X. Le nom de Vendidad est une contraction de Vidæva-data, ou ordonnances
contre les Daevas.
212
Bundahest, Ahriman créa Akuman et Ander des matériaux des ténèbres, puis ensuite Sauru et
Nakit.
l'Agneau, ou le Christ, dut lui-même, descendre aux enfers, le monde des
morts, et il y séjourna trois jours avant de subjuguer l'ennemi.
Dès la plus haute antiquité le serpent a été vénéré par tous les peuples,
comme la personnification de la sagesse Divine et le symbole de l'esprit, et
nous savons, par Sanchoniathon, que ce fut Hermès ou Thoth qui, le
premier, considéra le serpent comme "le plus spirituel de tous les
reptiles" ; et le serpent gnostique avec sept voyelles au-dessus de la tête,
n'est que la copie Dr Ananta, le serpent à sept tètes sur lequel repose le
dieu Vichnou.
213
Voir Lenoir "Du Dragon de Metz" dans "Mémoires de l'Académie Celtique", I. 11, 12.
214
Plutarque, Isis et Osiris.
Aussi n'avons-nous pas été peu surpris, en lisant dans les plus récents
traités européens sur le culte du serpent, que les auteurs avouent que le
public est "encore dans l'ignorance au sujet de l'origine de cette
superstition." M. C. Staniland Wake, M. A. I. auquel nous empruntons ce
qui suit, dit :" L'étudiant en mythologie sait que les peuples de l'antiquité
associaient certaines idées avec le serpent, et qu'il était le symbole favori
de certaines divinités en particulier ; mais il est encore incertain de savoir
pourquoi cet animal fut choisi à cet effet, plutôt que tout autre." 215.
215
The Origin of Serpent Worship, par C. Staniland Wake, M. A. I., New-York, J : W. Bouton, 1
77.
216
Tree and Serpent Worship, etc.
Egypte, un saint célèbre, apparaît, dit-on, sous la forme d'un grand
serpent ; et en Inde, on élève avec certains enfants, dans le même berceau,
un couple de serpents mâle et femelle, et on entretient souvent des serpents
dans les maisons, car on croit qu'ils amènent avec eux (une aura
magnétique de) sagesse, santé et chance. C'est la progéniture de Sarpa
Rajni, la terre, et ils sont doués de toutes ses vertus.
217
Godfrey Higgins : Anacalypsis ; Dupuis : Origines des Cultes, III, 51.
218
Martianus Capella : Hymne au soleil I, II. Movers : Phiniza, 266.
219
Plutarque : Isis et Osiris.
220
Ovide : Pasti II, 451
221
Virgile : Eglogues, IV.
222
Knorring : Terra et Caelum, 53.
Le signe et le mythe de la mère et de l'enfant étaient connus des
milliers d'années avant l'ère chrétienne. Le drame des Mystères de
Déméter représente Perséphone, sa fille, emportée par Pluton, ou Hadès,
au royaume des morts ; et lorsque, finalement la mère l'y découvre, elle la
trouve installée comme reine du royaume des Ténèbres. Ce mythe a été
transformé par l'Eglise en légende de sainte Anne 223, allant à la recherche
de sa fille Marie, emmenée en Egypte par Joseph. On représente
Perséphone tenant deux épis de blé à la main ; il en est de même de Marie
dans les images anciennes, ainsi que pour la Vierge Céleste de la
constellation. L'Arabe Albumazar présente, comme suit, l'identité entre les
différents mythes :
223
Anne est une désignation orientale prise de l'ana chaldéen, dont on a fait Anaïtis et Anaïtres.
Durga, l'épouse de Siva, est aussi appelée Anna purna, et était, sans aucun doute, la sainte Anne
originelle. La mère du prophète Samuel s'appelait Anna ; le père de sa contrepartie Samson, était
Manou.
224
Les vierges de l'antiquité, ainsi que nous le verrons, n'étaient pas des jeunes filles, mais
simplement des Almas, c'est-à-dire des femmes nubiles.
225
Kircher : Œdipus Egyptieus, III, 5.
226
De θιραπευον, servir, adorer, guérir.
de Grande Grèce, avaient évidemment adhéré à la nouvelle religion. Les
légendes de Gautama jetèrent dans l'ombre les mythes d'Horus, Anubis,
Adonis, Atys et Bacchus. Ceux-ci furent réincorporés dans les Mystères et
les Evangiles et c'est à eus que nous sommes redevables de la littérature
connue sous le nom des Evangélistes et du Nouveau Testament Apocryphe.
Les Ebionites, les Nazaréens et d'autres sectes les considéraient comme
des livres sacrés, qui ne devaient être "montrés qu'aux sages" ; ils furent
gardés de cette manière jusqu'à ce que l'influence prépondérante de la
politique ecclésiastique Romaine réussit à les arracher à ceux qui en
avaient la garde.
Il est plus que probable que celui qui écrivit le Pentateuque avait ce
plan en vue, de même que les auteurs du Nouveau Testament avaient été
mis au courant du culte rituel bouddhique, de ses légendes et de ses
227
E. Pokocke fait dériver le nom de Pythagore de Bouddha et de Guru, un Instructeur spirituel.
Higgins prétend qu'l vient du celte, et qn'il signifie un observateur des étoiles. Voyez "Celtic
Druids". Si, toutefois, nous faisons dériver le mot Pytho de התפ, petah, ce nom signifierait celui qui
expose les oracles, et Bouddba-guru, un Instructeur des doctrines du Bouddha.
doctrines, par les missionnaires bouddhistes qui sillonnaient à cette époque
la Palestine et la Grèce.
Hercule était aussi le "premier né". Il est également Bel, Baal, Bal, et,
par conséquent, Siva, le Destructeur. Euripide parle de Bacchus comme
"Bacchus le Fils de Dieu". A sa naissance, Bacchus, comme le Jésus des
Evangiles Apocryphes était fort redouté. On le représente comme
bienveillant pour l'humanité ; néanmoins il punissait sans pitié tous ceux
qui manquaient de respect à son culte. Penthée, le fils de Cadmus et
dHermione, fut, de même que le fils du Rabbin Hannon, tué pour son
manque de piété.
228
Il y a dans le Musée secret de Naples un bas-relief de marbre représentant la Chute de l'homme,
où Dieu le père joue le rôle du Serpent Tentateur.
229 er
I Epître aux Corinthiens, X, 11 : "Ces choses leur sont arrivées pour servir d'exemples".
230
Epître de Saint-Paul aux Galates, IV, 24. "Car il est écrit qu'Abraham eut deux fils, un de la
femme esclave et un de la femme libre... Ces choses sont allégoriques".
même valeur que Paul attribuait aux histoires d'Abraham et de Moïse.
[163]
Toute l'allégorie de Job est un livre ouvert pour celui qui comprend le
langage imagé de l'Egypte, tel qu'il apparaît dans le Livre des Morts. Dans
la scène du jugement on voit Osiris assis sur son trône, tenant, d'une main
le symbole de la vie, "le crochet d'attraction" et, de l'autre, l'éventail
mystique de Bacchus. Devant lui se tiennent les fils de Dieu, les quarante-
deux assesseurs des morts. Un autel s'élève immédiatement devant le
trône, couvert de présents et surmonté de la fleur de lotus sacré, sur lequel
quatre esprits se tiennent debout. L'âme qui va être jugée attend à l'entrée,
et Thmei, le génie de la Vérité, la félicite à propos de la conclusion de sa
probation. Thoth, un roseau à la main, enregistre le procès-verbal dans le
Livre de Vie. Horus et Anubis, à côté des balances, notent les poids qui
doivent déterminer si le cœur du décédé équilibre le symbole de la vérité,
ou si celui-ci l'emporte. Sur un piédestal siège une chienne – symbole de
l'Accusateur.
Plusieurs critiques prétendent que ce livre a été écrit par Moïse. Mais
il est antérieur au Pentateuque. Le poème, lui-même, ne fait aucune
mention de Jéhovah ; et si son nom se trouve dans le prologue ce doit être
le fait d'une erreur des traducteurs, ou [164] alors la préméditation rendue
nécessaire par la suite, pour transformer le polythéisme en une religion
monothéiste. Le plan adopté fut simplement celui d'attribuer les nombreux
noms des Elohim (les dieux) à un dieu unique. Ainsi, dans un des plus
anciens textes hébreux du Livre de Job (au chapitre XII, 9) nous trouvons
le nom de Jéhovah, tandis que tous les autres manuscrits portent celui
"d'Adonaï". Mais le nom de Jéhovah ne figure nulle part dans le poème
originel. A sa place on y voit ceux de A1, Aleim, Ale, Shaddai, Adonai, etc.
Il faut, par conséquent, conclure soit que le prologue, et l'épilogue furent
ajoutés à une date ultérieure, ce qui pour plusieurs raisons est inadmissible,
ou alors qu'on y a pratiqué des corruptions, comme cela a été le cas pour
tous les autres manuscrits. Puis, nous ne trouvons dans tout ce poème
archaïque aucune mention de l'Institution du Sabbat ; mais nous y
constatons de nombreuses références au nombre sacré sept, sur lequel nous
reviendrons plus loin, et une discussion directe à propos du Sabéisme, le
culte des corps célestes qui était, à cette époque, fort répandu en Arabie.
On y appelle Satan "Fils de Dieu", un membre du conseil qui se présente
devant Dieu, et qui le pousse à mettre la fidélité de Job à l'épreuve. C'est
dans ce poème plus que n'importe où, qu'on se rend compte de la
signification du nom de Satan. C'est un terme employé pour désigner le
rôle ou le personnage d'accusateur public. Satan est le Typhon des
Egyptiens aboyant ses accusations dans l'Amenthi ; cet emploi est aussi
respectable que celui du procureur public à notre époque ; mais par suite
de l'ignorance des premiers chrétiens, il en vint à être identifié avec le
Diable, ce ne fut certes pas par sa faute.
Dans la version anglaise, dite du Roi Jacques, telle que nous la voyons
traduite, ce verset n'a aucune ressemblance avec le texte originel 231. Les
rusés traducteurs l'ont rendu par "Je sais que mon Rédempteur est vivant",
etc. Et cependant la Septuaginte (la version des soixante-dix) la Vulgate et
l'original hébreu, doivent, l'un comme l'autre, être considérés comme la
Parole de Dieu inspirée. Job se réfère à son propre esprit immortel, qui est
éternel, et qui lorsque la mort viendra, le délivrera de son corps charnel et
le vêtira d'une nouvelle enveloppe spirituelle. Dans les Mystères
Eleusiniens, au Livre des Morts des Egyptiens, et dans tous les autres
ouvrages qui traitent de l'initiation, cet "être éternel" porte un nom. Les
Néo-platoniciens l'appelaient le Nous, l'Augœides ; chez les Bouddhistes.
c'est le Aggra ; et pour les Persans c'est Ferouer. Tous ceux-ci sont
dénommés les "Libérateurs", les "Métatrons", etc. Dans les sculptures
mithraïques de Perse, le Ferouer est représenté par une forme ailée planant
231
Voyez le "Job" des différents traducteurs et comparez les différents textes.
dans l'air, au-dessus de son "objet" ou corps 232. C'est le Soi lumineux –
l'Atman des Hindous, notre esprit immortel, qui seul est capable de sauver
notre âme, et qui la sauvera, si nous nous laissons guider par lui au lieu de
nous laisser attirer par notre corps. Par conséquent, le passage ci-dessus, se
lit comme suit dans les textes chaldéens, "Mon Libérateur, mon
Restaurateur", c'est-à-dire, l'Esprit qui restaurera le corps corrompu de
l'homme et le transformera en un vêtement d'éther. Et c'est ce Nous, cet
Augœides, ce Ferouer, cet Aggra, cet Esprit de Lui-même, que le Job
triomphant verra hors de sa chair – c'est-à-dire, lorsqu'il se sera échappé de
sa prison corporelle ; ce que les traducteurs appellent "Dieu".
Non seulement dans tout le poème de Job n'y a-t-il pas la moindre
allusion au Christ, mais il est reconnu aujourd'hui, que toutes ces versions
de différents traducteurs, qui concordent toutes avec celles du roi Jacques,
ont été écrites sur l'autorité de [166] saint Jérôme, qui avait pris d'étranges
libertés dans sa Vulgate. Il fut le premier à introduire dans son texte ce
verset fabriqué par lui de toutes pièces
Je sais que mon Rédempteur est vivant,
Et qu'au jour dernier je ressusciterai de la terre,
Et que je rentrerai dans un corps de peau,
Et dans ma chair je verrai mon Dieu.
Sans doute, pour lui, la raison était excellente d'y ajouter foi, puisqu'il
le savait, mais pour d'autres qui ne le savaient pas, et qui, de plus, voyaient
dans ce texte une signification toute différente, c'est une preuve patente
que saint Jérôme avait décidé, au moyen d'une nouvelle interpolation,
d'imposer le dogme de la résurrection "au jour du jugement dernier" dans
les mêmes os et la même peau qui avaient été les nôtres ici-bas. Cette
perspective de restauration est fort réjouissante en vérité ; pourquoi n'y
ajouterait-on pas encore le même linge de corps qui avait servi pour la
sépulture !
232
Voyez le "Persia" de Kerr Porter, vol. 1, planches 17, 41.
évidemment l'œuvre d'un Initié, qu'une des trois filles de Job a reçu un
nom mythologique, ayant une origine absolument "païenne". Le nom de
Kerenhappuch, est rendu de diverses manières par les traducteurs. La
Vulgate le donne comme "la corne d'antimoine" ; et la Septuaginte le
traduit par "la corne d'Amalthée", la nourrice de Jupiter, et une des
constellations, l'emblème de la "corne d'abondance". La présence de cette
héroïne d'une fable païenne, dans la Septuaginte, démontre l'ignorance des
traducteurs, aussi bien de sa signification que de l'origine ésotérique du
Livre de Job.
Au lieu de lui offrir des consolations, les trois amis du malheureux Job
s'efforcent de lui faire croire que son malheur est le résultat d'une punition
pour quelque extraordinaire transgression de sa part. Rejetant sur eux leurs
accusations, Job affirme que jusqu'à son dernier soupir il défendra son
innocence. Il passe en revue ses jours de prospérité, "lorsque le secret de
Dieu était sur son tabernacle", et qu'il était un juge "assis comme un chef et
un roi à la tête de son armée, ou comme celui qui console les affligés" ; il
compare ce temps avec l'heure actuelle, où les Bédouins errants, ces
hommes plus vils que la terre, se moquent de lui ; où l'infortune le poursuit
et la maladie impure le terrasse. Puis il affirme sa sympathie pour les
malheureux, sa chasteté, son intégrité, sa probité, stricte justice, sa charité,
sa modération, son détachement du culte du soleil, alors prévalent, sa
mansuétude envers ses ennemis, son hospitalité pour les étrangers, la
droiture [167] de son cœur, sa défense du bien, envers et contre la
multitude et le mépris des familles ; il supplie l'Eternel de lui répondre, et
son adversaire de mettre par écrit ce dont il a été coupable.
233
Cette expression "de la famille de Ram", donne à entendre qu'il était un Araméen ou Syrien de
Mésopotamie. Buz était fils de Nahor. "Elihu, fils de Barakeel" est susceptible d'être traduit de deux
manières différentes. Eli Hu – Dieu est, ou Hoa est Dieu ; et Barach-Al – l'adorateur de Dieu, ou
Bar-Rachel, le fils de Rachel, ou le fils de la brebis.
Elihu c'est l'hiérophante ; il débute par un blâme, et les sophismes des
faux amis de Job sont emportés comme le sable devant le vent de
l'occident.
"Et Elihu, fils de Barakeel, prit la parole et dit : Ce n'est pas l'âge qui
procure la sagesse... mais dans l'homme c'est l'esprit ; l'esprit me presse
au-dedans de moi... Dieu parle cependant, tantôt d'une manière, tantôt
d'une autre, et l'on n'y prend point garde. Il parle par des songes, par des
visions nocturnes, quand les hommes sont livrés à un profond sommeil,
quand ils sont endormis sur leur couche. Alors il leur donne des
avertissements, et met le sceau à ses instructions... Sois attentif, Job,
écoute-moi ; tais-toi et je t'enseignerai la SAGESSE".
Et Job qui s'était écrié dans l'amertume de son cœur, en réponse aux
sophismes de ses amis : "On dirait, en vérité, que le genre humain c'est
vous, et qu'avec vous doit mourir la sagesse... Vous êtes tous des
consolateurs fâcheux... mais je veux parler au Tout-Puissant, je veux
plaider ma cause devant Dieu ; car vous, vous n'imaginez que des
faussetés, vous êtes tous des médecins de néant". Le malheureux Job,
affaibli par la maladie, qui, en face du clergé officiel – ne pouvant offrir
d'autre espoir que la nécessité de la damnation – se vit presque forcé par le
désespoir à abandonner sa foi patiente, répond : "Ce que vous savez, je le
sais aussi ; je ne vous suis point inférieur... L'homme né de la femme ! sa
vie est courte, sans cesse agitée. Il naît, il est coupé comme une fleur ; il
fuit et disparaît comme une ombre... Mais l'homme meurt, et il perd sa
force ; l'homme expire, et où est-il ?... Car le nombre de mes années touche
à son terme, et je m'en irai par un sentier d'où je ne reviendrai pas... Oh !
qu'on puisse plaider la cause d'un homme devant Dieu, comme on
plaiderait celle de son prochain !"
Job trouve quelqu'un qui répond à son cri d'agonie. Il prête l'oreille à
la SAGESSE d'Elihu, le hiérophante, l'instructeur parfait, [168] le
philosophe inspiré. De ses lèvres austères coule le blâme pour son impiété
en accusant l'Etre SUPRÊME des maux qui attristent l'humanité. "Dieu"
dit Elihu, "est grand par sa puissance ; le Tout-Puissant ne viole pas la
Justice, il rend à l'homme suivant ses œuvres : Dieu ne commet pas
l'iniquité".
Et encore : "Qui est celui qui obscurcit mes desseins par des discours
sans intelligence 236" demande la voie de Dieu, par Son porte parole, la
Nature. "Où étais-tu quand je fondais la Terre ? Dis-le si tu as de
l'intelligence. Qui en a figé les dimensions, le sais-tu ?... Alors que les
étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse, et que tous les fils de
Dieu poussaient des cris de joie ?... Quand je dis à la mer : Tu viendras
jusqu'ici, tu n'iras pas au-delà, ici s'arrêtera l'orgueil de tes flots ?... Qui a
ouvert un passage à la pluie pour qu'elle tombe sur une terre sans
habitants ; sur un désert où il n'y a point d'hommes... Noues-tu les liens des
234
Job, XXXVI, 24-27.
235
Job, IX, b-11.
236
Ibidem, XXXVIII, 1 et suivants.
Pléiades, ou détaches-tu les cordages d'Orlon ?... Lances-tu des éclairs ?
partent-ils ? Te disent-ils : Nous voici ? 237
"Job répondit, alors, au Seigneur." Il avait compris Sa
volonté et ses yeux furent ouverts pour la première fois.
La Sagesse Suprême descendit sur lui ; et si le lecteur
demeure confus devant ce PETROMA final de
l'initiation, Job, du moins, ou l'homme souffrant de sa
cécité, se rend compte de l'impossibilité de prendre "le
Léviathan en lui mettant un hameçon dans les narines".
Car le Léviathan c'est la SCIENCE OCCULTE, sur
laquelle on peut mettre la main mais rien de plus, dont
Dieu ne cherche point à cacher la puissance et les
"harmonieuses proportions".
"Qui soulèvera son vêtement ? Qui pénétrera entre ses
mâchoires ? Qui ouvrira les portes de sa gueule ? Autour
de ses dents habite sa terreur. Ses magnifiques et
puissants boucliers (écailles) sont unis ensemble comme
par un sceau ? Ses éternuements font briller la lumière ;
ses yeux sont comme les paupières de l'aurore." "Il laisse
après lui un sentier lumineux", pour celui qui a le courage
de l'approcher. Alors, de même que lui, "il regardera
avec dédain tout ce qui est élevé, car il n'est roi que pour
les enfants de l'orgueil 238."
Job s'humilie et répond avec modestie :
Je reconnais que tu peux tout,
Et que rien ne s'oppose à tes pensées.
Quel est celui qui fait parade de sagesse cachée ? –
Dont il ne sait rien ?
Des merveilles qui me dépassent et que je ne conçois
pas.
237
Ibidem, XXXVIII, 35.
238
Job XLI.4 et suivants, 25.
Écoute-moi, et je parlerai ;
Je t'interrogerai, et tu m'instruiras.
Mon oreille avait entendu parler de toi ;
Mais maintenant mon œil t'a vu.
C'est pourquoi je me condamne et je me repens,
Sur la poussière et sur la cendre 239.
239
Ibidem, XLII, 2-6.
240
Atum, ou At-ma, est le Dieu caché ; il est à la fois Phtah et Amnon, le Père et le Fils, le Créateur
et la chose créée, la Pensée et l'Apparence, le Père et la Mère.
savoir ce qu'est réellement la MAGIE, cherchez-le dans
l'Apocalypse de saint Jean... Puisque vous ne pouvez pas
prouver vous-mêmes vos enseignements au moyen de la
Bible et de la Révélation, mettez un terme à vos farces.
La Bible est la clé et le véritable interprète. Saint Jean,
de même que Moïse, Elie, Enoch, David, Salomon,
Daniel, Jérémie et tous les autres prophètes, était un
magicien, un cabaliste et un devin. Si aujourd'hui un de
ceux que je viens d'énumérer, ou même eux tous, étaient
encore de ce monde, je ne doute pas que vous en feriez
un exemple dans votre infâme abattoir ; vous les
immoleriez sur place, et si cela vous était possible, le
Créateur de toutes choses aussi !!!"
241
Molitor, Ennemoser, Henman, Pfaff, etc.
242
Traditions de Schopheim, p. 32.
Hittites, et le Diabolos, ou plutôt Diobolos des grecs. L'église primitive, ou
tout au moins la partie Paulinienne, les Gnostiques et leurs successeurs
raffinèrent encore ces notions ; et l'Eglise Catholique les adopta et les
adapta, après avoir passé par le fil de l'épée ceux qui les avaient
promulguées.
Les fidèles des anciens cultes furent persécutés et mis à mort pour
sorcellerie. Les Albigeois, descendants des Gnostiques, et les Vaudois,
précurseurs des Protestants, furent chassés et massacrés à la suite de
dénonciations analogues. Martin Luther, lui-même, n'échappa pas à
l'accusation d'être en relation personnelle avec Satan. Toute le monde
Protestant est encore aujourd'hui accusé du même crime. L'Eglise ne fait
aucune distinction dans ses jugements entre les dissentiments, l'hérésie et
la sorcellerie ; et sauf là où il y a protection par les autorités civiles, ils
sont traités comme des offenses capitales ; l'Eglise considère la liberté
religieuse comme de l'intolérance.
Mais les réformateurs avaient été nourris du lait de leur mère. Luther
était aussi sanguinaire que le Pape ; Calvin plus intolérant que les Papes
Léon ou Urbain. La Guerre de Trente ans dépeupla des régions entières de
l'Allemagne, où les Protestants et les Catholiques étaient aussi cruels les
uns que les autres. La nouvelle foi ouvrit aussi le feu contre la sorcellerie.
Les livres des statuts furent rougis par une législation sanguinaire en
Suède, au Danemark, en Allemagne, en Hollande, en Grande-Bretagne et
dans la République nord-américaine. Quiconque était plus libéral, plus
intelligent, avait plus de franc-parler que ses semblables était sous le coup
d'être arrêté et mis à mort. Les bûchers éteints à Smithfield furent rallumés
pour les magiciens ; il était plus sûr de se révolter contre le trône, que
d'étudier les connaissances abstraites en dehors des limites imposées par
l'orthodoxie.
243
W. Williams : Primitive History ; Dunlap : Spirit History of Man.
244
Plutarque : Isis et Osiris, p. 17.
Voici un extrait de Gallœus :
"Un nouvel astre s'est levé ; venant du Ciel il prit une
forme humaine... Oh vierge, reçois Dieu dans ton sein
pur – et le Verbe entra dans son sein ; il s'incarna avec le
Temps, et animé par son [175] corps, il prit la forme
d'une figure mortelle, et un Garçon fut créé par une
Vierge... Le nouvel Astre envoyé par Dieu fut adoré par
les Mages, et l'enfant enveloppé de ses langes fut exhibé
dans une crèche... et on appela Bethléem "le pays du
Verbe ainsi nommé par Dieu 245".
245
Oracles Sybillins, 760-788.
246
Euripide : Bacchae.
247
Nous doutons qu'il faille traduire κορη par vierge. En substance, Démeter et Perséphone sont une
même divinité de même que l'étaient Apollon et Esculape. La scène de cette aventure est placée en
Crète ou Koureteïa, où Zeus était le dieu suprême. On a, sans doute, voulu dire Keres ou Demeter.
On l'appelait aussi κουρα, qui est le même que κωρη. Comme elle était la déesse des Mystères, elle
était la plus apte à prendre place comme l'épouse du Dieu-Serpent, et la mère de Zagreus.
Perséphone fructifia, en donnant le jour à Zagreus 248,
l'Enfant Cornu 249".
248
Pococke estime que Zeus était un grand lama, ou chef jaïn, et Korê, Perséphone ou Kuru-Parasu-
pani. Zagreus est Chakras, la roue, le cercle, la terre, le gouverneur du monde. Il fut mis à mort par
les Titans, ou Teith ans (les Daityas). Les cornes ou le croissant étaient l'emblème de la
souveraineté des Lamas.
249
Nonnus : Dionysiaques.
250
Voyez le Serpent Worship de Deane, pp. 89-90.
251
Creuser : Symbole, Vol. I, p. 341.
252
Le Dragon est le soleil, le principe générateur – Jupiter Zeus ; et Jupiter est appelé le "Saint
Esprit" par les Egyptiens, dit Plutarque, De Iside, XXXVI.
"Dans ces derniers temps, Dieu nous a parlé au moyen
d'un Fils, qu'il a institué héritier de toutes choses, et par
lequel aussi il créa les Æons" (St Paul, Héb.) 253.
253
L'original porte Æons (les émanations), qui ont été traduits par mondes. Il ne fallait pas s'attendre
à ce que, après avoir anathémisé la doctrine des émanations, l'Eglise se privât d'effacer le mot
originel, qui était en opposition directe avec la doctrine nouvellement promulguée de la Trinité.
254
Voyez le Serpent Worship, de Deane, p. 145.
255
Ecclésiastique XXIV, 3.
256
Voyez le Spirit History of Man de Dunlap, le chapitre sur "le Logos le Fils unique et le Roi".
257
Traduction de Buckley.
258
Select Works on Sacrifice.
qu'aucun de ces peuples, voire même les anciens Juifs, ne croyait pas plus
au Diable qu'à l'enfer ou à la damnation éternelle, bien que nos Eglises
chrétiennes ne se fassent pas défaut d'en doter les païens avec libéralité.
Partout où le mot "enfer" se trouve dans les traductions des textes sacrés
hébreux, il est malheureux. Les Hébreux étaient absolument ignorants de
cette notion ; mais les évangiles donnent de fréquents exemples de ces
mêmes erreurs. Ainsi, lorsqu'on fait dire à Jésus (Mathieu XVI, 18) "... et
les portes du Hadès ne prévaudront point contre elle", on lit dans le texte
originel "les portes de la mort". Le mot "enfer" – dans son acception de
lieu de damnation, temporaire ou éternelle – n'est jamais employé dans un
passage quelconque de l'Ancien Testament, malgré tout ce que pourront
dire dans le sens contraire, les partisans de l'enfer. "Tophet", ou "la Vallée
de Hinnom" (Esaïe LXVI, 24) ne comporte pas une pareille interprétation.
Le terme grec "Gehenna" a aussi une signification tout à fait différente, et
plus d'un auteur compétent a parfaitement bien prouvé que "Gehenna y est
l'équivalent du Tartare d'Homère.
Et, de fait, nous avons pour cela l'autorité de Pierre lui-même. Dans sa
seconde Epître (II, 2) on fait dire à l'apôtre, dans le texte originel, au sujet
des anges pécheurs, que Dieu "les précipita dans le Tartare". Cette
expression qui rappelait trop clairement le combat entre Jupiter et les
Titans, fut changée, et nous lisons aujourd'hui dans la version anglaise du
Roi Jacques : "les précipita dans l'enfer".
259
Plutarque et Sanchoniathon appellent Typhon, "Tuphon à peau rouge". Plutarque : Isis et Osiris,
XXI-XXVI.
son tour, sauvant ainsi l'humanité du péché. Ce fut en souvenir de cet
exploit que les prêtresses du Dieu-solaire s'enveloppaient d'une peau de
serpent, emblème du monstre fabuleux. C'est sous son influence
exhilarante (la peau de serpent aurait des propriétés magnétiques) que les
prêtresses tombaient en transe magnétique, "et recevant leur voix
d'Apollon" prophétisaient et délivraient des oracles.
On sait que saint Jean voyagea en Asie, pays gouverné par les Mages
et imbu d'idées zoroastriennes et, à cette époque, traversé de part et d'autre
par les missionnaires bouddhistes. S'il n'avait jamais visité ces contrées et
n'avait jamais été en contact avec les bouddhistes, il est peu probable qu'il
eût écrit l'Apocalypse. Outre ses notions sur le dragon, il fournit des récits
prophétiques, absolument ignorés des autres apôtres, et qui, ayant trait à sa
seconde venue, font du Christ une fidèle copie de Vichnou.
Nous n'avons jamais entendu dire qu'un Pape ou un prêtre chrétien ait
jamais cherché à dissuader les ignorants que le Diable était pour quelque
chose dans les éclipses et les comètes ; mais nous voyons qu'un grand-
prêtre bouddhiste dit à un fonctionnaire qui le plaisantait au sujet de cette
superstition : "nos livres religieux cingalais nous enseignent que les
éclipses du soleil et de la [180] lune annoncent une attaque du Rahu 261,
(une des neuf planètes) mais non d'un diable 262".
260
Conflict between Religion and Science, p. 269.
261
Rahu et Kehetty sont les deux étoiles fixes qui forment la tête et la queue de la constellation du
Dragon.
262
E. Upham : La Mahavanoi, etc., p. 54 pour la réponse donnée par le grand prêtre de Mulgirs
Galle Vihari, nommé Sir Bandare Metankéré Samanéré Samavahanse, à un Gouverneur hollandais
en 1766.
263
Nous laissons aux savants archéologues et aux philologues le soin d'expliquer comment le culte
du Naga ou du serpent a pu voyager du Cashmire au Mexique et devenir le culte de Narga, qui est
également un culte du serpent, et une doctrine de lycanthropie.
264
Saint Michel, le chef des Æons est aussi Gabriel, le messager de Vie des Nazaréens, et le Indra
des Hindous, le chef des bons Esprits qui terrassa Vasouki, le Démon qui s'insurgea contre Brahma.
Un fait digne de remarque, c'est que tant que l'initié garde le silence
sur "ce qu'il sait", il est en sûreté. C'était le cas dans les temps anciens et ce
l'est encore, de nos jours. Aussitôt que le Dieu des Chrétiens émanant du
Silence, se manifesta comme – le Verbe ou le Logos, ce fut la cause de sa
mort. Le serpent est le symbole de la sagesse et de l'éloquence, mais il est
aussi celui de la destruction. "Oser, savoir, vouloir et se taire", sont les
axiomes cardinaux du cabaliste. De même qu'Apollon et les autres dieux,
Jésus est mis à mort par son Logos 265 ; il ressuscite, le tue à son tour et
devient son maître. Est-il possible que cet antique symbole comme toutes
les autres conceptions philosophiques de l'antiquité, ait plus d'une
signification allégorique, et insoupçonnée ? Les coïncidences sont trop
singulières pour être le résultat d'un simple hasard. [181]
Les Pères étaient aussi prudents dans leurs inventions qu'ils étaient
avisés. Pour être impartial, disons, qu'après avoir créé un Diable, ils se
265
Voyez l'amulette gnostique appelée le "Serpent Chnuphis" dans l'acte de lever sa tète couronnée
des sept voyelles, qui est le symbole cabalistique pour représenter le a don de la parole à l'homme"
ou Logos.
266
Tamas, les Védas.
267
Saint Thomas d'Aquin : Somma, II. 94 Art.
mirent à créer des saints apocryphes. Nous avons donné les noms de
plusieurs de ceux-ci dans les chapitres précédents ; mais il ne faut pas
oublier Baronius, lequel, après avoir lu dans un ouvrage de Chrysostome,
au sujet du saint Xenoris, le mot qui signifie un couple, il le prit pour le
nom d'un saint et, sur-le-champ, il fabriqua de toutes pièces un martyr
d'Antioche, et donna la biographie détaillée et authentique du
"bienheureux saint". D'autres théologiens d'Apollyon – ou plutôt de
Apolouôn – firent l'anti-Christ. Apolouôn est le "laveur" de Platon, le dieu
qui purifie, qui nous lave et nous délivre de nos péchés ; néanmoins il fut,
donc, transformé en celui "dont le nom hébreu est Abaddon, mais qui, en
grec, est appelé Apollyon" – le Diable !
Max Mûller dit que le serpent dans le Paradis est une notion qui
pourrait avoir pris naissance chez les Juifs, "et ne paraît guère souffrir la
comparaison avec les notions autrement plus grandioses du pouvoir
terrible de Vritra et dAhriman dans les Véda et l'Avesta". Pour les
cabalistes, le Diable n'a toujours été qu'un mythe-Dieu ou le bien inversé.
Ce magicien moderne qu'est Eliphas Lévi, appelle le Diable l'ivresse
astrale. C'est, dit-il, une force aveugle, comme l'électricité ; et parlant
allégoriquement, [182] comme il l'a fait toujours, Jésus dit qu'il "vit Satan
tombant du Ciel comme un éclair".
Les prêtres insistent sur ce fait que Dieu a envoyé le Diable pour
tenter l'humanité ; ce serait, en tous cas, une étrange manière de lui
prouver son amour sans bornes ! Si l'Etre Suprême est vraiment coupable
d'une trahison si peu paternelle, il ne mérite, certes que l'adoration d'une
Eglise capable de chanter un Te Deum à l'occasion d'un massacre de la
Saint-Barthélémy, et de bénir les cimeterres musulmans levés pour égorger
les Chrétiens Grecs !
268
Consultez des Mousseaux ; voyez ce que disent d'autres Demonographes ; les divers"procès de
sorcières", et les dépositions de celles-ci sous la torture, etc. A notre humble avis, le Diable doit
Milton, Byron, Gœthe, Lermontoff 269 et une foule d'auteurs français ont
chanté ses louanges en vers et en prose. Le Satan de Milton, et même le
Méphistophélès de Gœthe, sont certainement des figures plus imposantes
que celles de beaucoup d'anges, tels que nous les présentent la prose des
bigots en extase. Etablissons la comparaison entre deux descriptions et
cédons le pas à l'auteur sensationnel, incomparable, des Mousseaux. Il
nous donne un récit vibrant d'un incube, dans les propres paroles de la
pénitente en personne : "Une fois, nous dit-elle, pendant l'espace d'une
grande demi-heure, elle vit distinctement à côté d'elle, un individu avec un
affreux corps noir et terrible, dont les mains d'une grandeur démesurée se
terminaient par des doigts crochus et des griffes. Le sens de la vue, celui
du toucher, et le sens olfactif étaient confirmés par celui de l'ouïe 270".
avoir contracté cette odeur nauséabonde et ses habitudes de malpropreté dans la compagnie des
moines du moyen fige. Beaucoup de ces saints se vantaient de ne s'être jamais lavés ! "Se dévêtir
par vaine propreté est un péché aux yeux de Dieu", dit Sprenger dans son Marteau des Sorcières Les
ermites et les moines "fuyaient tout nettoyage comme une souillure. On ne se baigna pas pendant
mille ans !" s'écrie Michelet dans sa Sorcière. Pourquoi alors cette clameur contre les fakirs ? S'ils
vivent dans la saleté ils ne se couvrent de boue qu'après s'être lavés, car leur religion leur
commande de se laver tous les matins, et quelquefois plusieurs fois par jour.
269
Lermontoff, le grand poète russe, auteur du Démon.
270
Les hauts phénomènes de la Magie, p. 379.
A part cela, Ophion le Daïmon, ou le Diable, n'était-il pas appelé
Dominus, tout comme Dieu 271 ? Le mot Dieu (la divinité) est dérivé du
sanscrit Deva, et celui de Diable du persan daëva, mots qui sont identiques
en substance. Hercule, fils de Jupiter et d'Alcmène, un des plus grands
dieux-solaires, et Logos manifesté, est néanmoins, comme tous les autres,
représenté sous une nature double 272.
Jésus, sur la montagne, est tenté par le Diable, qui lui promet tous les
royaumes du monde et leur gloire, s'il consent à se prosterner devant lui et
271
Movers, p. 109.
272
Hercule est d'origine hindoue.
273
Le même que le Kneph des Egyptiens et l'Ophis Gnostique.
274
Serpent Worship, p. 145.
275
Movers, p. 397. Azazel et Samaël sont identiques.
276
Saturne est Bel-Moloch, et même Hercule et Siva. Ces deux derniers sont HaraKala ou dieux de
la guerre, de la bataille, ou le "Seigneur des Armées". "Jéhova est un vaillant guerrier" lit-on dans
l'Exode XV, 3. "Le Seigneur des Armées est son nom". (Esaïe LI.15) et David le bénit parce qu'il
"exerce ses mains au combat, ses doigts à la bataille" (Psaume CXLIV. I). Saturne est également le
Soleil, et Movers dit que "Kronos Saturne était appelé par les Phéniciens, Israël (130) Philon le juif
dit la même chose (dans Eusèbe, p. 44).
277
"Béni soit Iahoh, Alahim, Alahi, Israël" (Psaume LXXII). (La traduction française dit : "Béni
soit l'Eternel Dieu, le Dieu d'Israél". Note du Traducteur).
à l'adorer (Matthieu, IV 8. 9). Bouddha est tenté par le Démon Wasawarthi
Mara, qui lui dit, lorsqu'il quitte le palais de son père : "Reste, je t'en
supplie, afin de posséder les honneurs qui sont à ta portée ; ne pars point,
ne pars point !" Et sur le refus de Gautama d'accepter ses offres, il grince
des dents avec rage, et le menace de sa vengeance. De même que le Christ,
le Bouddha triomphe du Diable 278.
278
Manual of Buddhism de Hardy, p 60.
279
Lect., on Mod. Phil. Vol. I, p. 44 de Cousin.
280
Movers, Duncker, Higgins et autres.
281
Haeres, XXXIV ; Gnostics, p. 53.
282
Pour, la première fois le vin fut déclaré sacré dans les Mystères de Bacchus. Payne Knight croit
– à tort, pensons-nous – qu'on administrait le vin pour produire une fausse extase par l'ivresse. Il
demeura néanmoins sacré, et l'Eucharistie Chrétienne est certainement une imitation du rite païen.
Que M. Knight ait tort ou raison, nous regrettons d'avoir à dire qu'un pasteur protestant, le Rév.
Joseph Blanchard, de New-York, fut trouvé ivre dans un des squares publics le soir du dimanche 5
août 1877, et emmené en prison. Le rapport qui fut publié disait : "L'accusé dit qu'il avait été à
l'église et qu'il avait bu un peu trop de vin de la communion".
II est bon de comparer les récits pré-chrétiens avec les post-chrétiens à
propos des diverses divinités païennes qu'on a fait descendre aux Enfers
après leur mort et avant leur résurrection. Orphée fit ce voyage 283, et le
Christ fut le dernier de ces voyageurs [185] souterrains. Dans le Credo des
Apôtres, qui est divisé en douze phrases ou articles, chacun des articles
séparés ayant été inséré, suivant saint Augustin 284, par chaque apôtre en
particulier, l'article "Il descendit aux Enfers et le troisième jour il
ressuscita d'entre les morts", est attribué à Thomas ; peut-être en expiation
pour son manque de foi. Quoi qu'il en soit, cet article a été déclaré un faux,
et il n'existe pas de preuve "que cette déclaration de foi ait été formulée par
les apôtres, ou même qu'elle ait existé sous forme de Credo à leur
époque 285".
C'est l'addition la plus importante qui ait été faite au Credo des
apôtres, et elle date de l'an 600 de notre ère 286. Elle n'était pas connue à
l'époque d'Eusèbe. L'Evêque Parsons dit que cette addition ne figurait pas
dans les anciens credos, ou dans les articles de foi 287. Irénée, Origène et
Tertullien ne montrent pas qu'ils en aient eu connaissance 288. Il ne fut
mentionné à aucun Concile avant le VIIème siècle. Théodoret, Epiphane et
Socrate sont tous muets à son sujet. Il diffère du Credo des ouvrages de
saint Augustin 289. Ruffinus affirme qu'à son époque il n'existait ni dans le
credo romain ni dans l'oriental. (Exposit in Symbol. Apost. § 10). Mais le
problème est résolu lorsque nous lisons que des siècles auparavant Hermès
parla comme suit à Prométhée, enchaîné sur les rochers arides du mont
Caucase
"Ne t'attends pas à une fin de ces labeurs, JUSQU'A CE
QU'UN DIEU APPARAISSE COMME UN
SUBSTITUT DE TES ANGOISSES, ET QU'IL
CONSENTE A DESCENDRE AUSSI BIEN AU
283
Le rite de l'initiation représentait une descente dans le monde inférieur. Bacchus, Héraclès,
Orphée et Asklepius descendirent tous aux Enfers et remontèrent le troisième jour.
284
Hist. Apost. Creed. de King, in-8° p. 26.
285
Common Prayer de Justice Bailey, 1813, p. 9.
286
Apostle's Creed ; Nouveau Testament Apocryphe.
287
On the Creed, fol. 1676, p. 225.
288
Lib. IC.2 ; Libr. de Princ, dans le Proem. Advers. Praxeam. C. II.
289
De Fide et Symbol.
SOMBRE HADÈS ET AUX TRISTES ABIMES
AUTOUR DU TARTARE (Eschyle "Prométhée", 1027
ff).
"Et le divin (?) prophète David s'écria, en disant : N'ai-je pas bien
prophétisé, lorsque j'étais sur la terre ?". Après cela un autre prophète,
Esaie, parla dans les mêmes termes "N'ai-je pas bien prophétisé ?" etc.
Puis la communauté des saints et des [187] prophètes après s'être vantée
d'un bout du chapitre à l'autre, et avoir comparé les notes de leurs
prophéties commencent une bagarre ce qui fait dire au Prince de l'Enfer
que "les morts ne s'étaient, jusque là, jamais permis une conduite aussi
insolente envers nous (les diables, XVIII, 6) ; tout en feignant d'ignorer,
pendant tout ce temps, qui était celui qui demandait admission. Il demande
alors fort innocemment : "Mais qui est ce Roi de Gloire". David lui dit
alors qu'il ne connaît que trop bien la voix, et qu'il comprend fort bien ses
paroles. "parce que" ajoute-t-il, "je les ai parlées en vertu de son Esprit".
Voyant, enfin, que le Prince de l'Enfer s'obstine à ne pas vouloir ouvrir les
"portes de bronze de l'iniquité", bien que le roi psalmiste se soit porté
garant pour le visiteur, David, se décide alors à traiter l'ennemi "en
Philistin et lui crie : Et maintenant immonde et puant prince de l'enfer,
ouvre tes portails... Je te dis que le Roi de Gloire est là... laisse-le entrer !"
Dans le Codex des Nazaréens, c'est Tobo qui est le libérateur de l'âme
d'Adam, "et qui la transporte de l'Orcus (Hadès) au séjour de VIE. Tobo
290
Preller II, p. 154.
291
Nicodemus ; Evangile Apocryphe, traduit de l'Evangile publié par Grynœus, Orthodoxographa,
Vol. I, tome II, p. 643.
est Tob-Adonijah, un des douze disciples (Lévites) envoyés par Jéhosaphat
pour prêcher aux cités de Judah le Livre de la Loi (II Chron. XVII). Dans
les livres cabalistiques ceux-ci étaient "des hommes sages", des Mages. Ils
attirèrent les rayons du soleil pour illuminer Shéol (Hadès) Orcus, et
montrer le chemin à l'âme d'Adam, qui représente collectivement les âmes
de l'humanité entière, pour sortir des Ténèbres, l'obscurité de l'ignorance.
Adam (Athamas) c'est Tamuz ou Adonis, et Adonis est le soleil Hélios. On
fait dire à Osiris dans le Livre des Morts (VI, 231). "Je resplendis comme
le soleil dans la maison des astres, pendant la fête du soleil". Le Christ est
appelé "Soleil de Justice", "Hélios de Justice" (Eusèbe : Démons. Ev. V.
29) ce qui n'est autre chose qu'une répétition des anciennes allégories
païennes ; néanmoins le faire servir à un pareil usage, n'est pas moins
impie de la part de ceux qui prétendaient décrire un véritable épisode du
pèlerinage terrestre de leur Dieu !
"Héraclès est sorti des demeures terrestres, en quittant le
palais souterrain de Pluton" 292.
"Tu fis trembler les noirs étangs du Styx, et le portier
d'Orcus te redoutait... Ni Typhon, lui-même, ce géant
tout armé ne t'inspira aucun effroi... Nous te saluons,
digne FILS de JUPITER, nouvelle GLOIRE ajoutée aux
dieux ! 293". [189]
292
Euripide : Héraclès, 807.
293
Enéide VIII, 274 f.
294
Les Grenouilles ; voyez fragments dans Sod, the Mystery of Adonis.
295
Voyez p 180-187, 327.
"Réveillez-vous, flambeaux enflammés... car tu viens
Iacchos, les brandissant dans tes mains, étoile
phosphorescente du rite nocturne" 296
296
Aristophane : Les Grenouilles.
297
Voyez la préface du Hermas dans le Nouveau Testament Apocryphe.
298
On trouve l'original de l'épisode décrit dans l'Evangile selon saint Luc, dans la Vie du Bouddha,
de Bkah Hgyur (Texte Tibétain). Un vieux et saint ascète, le Rishi Asita, vient de loin pour voir le
Bouddha enfant, ayant été instruit de sa naissance et de sa mission par des visions surnaturelles.
Après avoir adoré le petit Gautama, le saint vieillard se met à pleurer, et lorsqu'on lui demande la
raison de ses larmes, il répond : a Après être devenu Bouddha, il aidera des centaines de millions
d'âmes à passer à 1 autre rive de l'océan de la vie, et il les conduira pour jamais à l'immortalité. Et
moi, moi je ne verrai point cette perle des Bouddhas 1 Guéri de ma maladie, je ne serai pas libéré
par lui de la passion humaine ! O, grand Roi ! je suis trop vieux – voilà pourquoi je pleure, et
pourquoi, dans ma détresse, je pousse de profonds soupirs !"
Cela n'empêche pas le saint homme de prophétiser au sujet du jeune Bouddha, et à peu de différence
près, il dit la même chose que Siméon au sujet de Jésus. Tandis que celui-ci appelle Jésus a une
lumière destinée à éclairer les nations et comme la gloire du peuple d'Israël a, le prophète
bouddhiste promet que le jeune prince sera vêtu de la sagesse complète ou "lumière" du Bouddha et
qu'il fera tourner la roue de la Loi comme nul homme ne l'avait tournée avant lui. Rgya Tcher Rol
glacés, [190] tout exprès pour faire la déclaration des "mystères" qu'ils ont
vus dans l'enfer, après leur mort. Ce n'est qu'à la requête urgente d'Anne et
de Caïphe, de Nicodème (l'auteur), de Joseph (d'Arimathie) et de Gamaliel,
qui les ont priés de leur révéler ces grands secrets, qu'ils ont été autorisés à
le faire. Toutefois Annas et Caïphas, qui escortent les revenants jusqu'à la
synagogue de Jérusalem, prennent la précaution de faire jurer sur le Livre
de la Loi, aux deux hommes ressuscités, et qui étaient enterrés depuis des
années, par le Dieu Adonai et le Dieu d'Israël, de ne dire que la vérité.
C'est pourquoi après avoir fait le signe de la croix sur leurs langues 299, ils
demandent du papier pour écrire leurs confessions (XII, 21-25). Ils disent
comment, lorsque "au fond de l'enfer et dans l'obscurité des ténèbres", ils
virent soudain "une substantielle lumière pourpre, illuminant l'endroit".
Adam, les patriarches et les prophètes se réjouissent alors, et Esaïe se
vante d'avoir prédit tout cela. C'est alors qu'arrive Siméon, leur père, en
déclarant que "l'enfant qu'il avait tenu dans ses bras, dans le temple, allait
venir pour les délivrer".
C'est, alors, au tour d'Adam, qui agit comme si sa véracité était mise
en doute dans cette "assemblée impie", d'appeler son fils Seth, en lui
ordonnant de déclarer à ses fils, les patriarches et les prophètes, ce que
Pa ; traduit du texte tibétain et revu de l'original sanscrit Lalitavistara, par P.E. Foucaux 1847. vol.
II, pp. 106, 107.
299
Le signe de la croix – quelques jours seulement après la résurrection et avant que la croix ait été
reconnue comme un symbole !
l'Archange Michel lui dit à la porte du Paradis, lorsque lui, Adam, envoya
Seth pour "supplier Dieu d'oindre" sa tète pendant la maladie d'Adam
(XIV. 2). Et Seth leur raconte que pendant qu'il priait à la porte du Paradis,
Michel lui conseilla de ne pas demander à Dieu "l'huile de l'arbre de la
pitié pour oindre la tête du père Adam afin de guérir sa migraine ; car tu ne
pourras l'obtenir, à aucun prix, jusqu'au DERNIER JOUR, c'est-à-dire
jusqu'à ce que 5500 ans se soient écoulés".
Cette agréable petite causerie intime entre saint Michel et Seth fut
certainement intercalée pour cadrer avec la chronologie patristique, et dans
le but d'établir un lien plus étroit entre le Messie et Jésus, sur l'autorité d'un
Evangile dûment reconnu et d'inspiration divine. Les Pères des premiers
siècles commirent une erreur impardonnable lorsqu'ils détruisirent les
images fragiles de païens mortels, au lieu des monuments de l'antiquité
égyptienne. Ces derniers ont prouvé être bien plus précieux pour
l'archéologie et la science moderne, depuis qu'on a reconnu que le roi
Ménès et ses architectes florissaient entre quatre et cinq mille ans avant
notre "Père Adam" et avant que l'univers, suivant la chronologie biblique,
eût été "crée de rien" 300.
"Pendant que tous les saints se réjouissaient, voici que
Satan, le prince et le capitaine de la mort", dit au Prince
de l'Enfer : "Prépare-toi à recevoir Jésus de Nazareth en
personne, qui se vantait d'être le Fils de Dieu, et
cependant était un homme qui eut peur de la mort, car il
dit : mon âme est tourmentée jusqu'à la mort." (XV. 1.
2).
Il existe une tradition parmi les auteurs ecclésiastiques grecs, que les
"Hérétiques" (peut-être s'agit-il de Celse) avaient fait d'amers reproches
aux Chrétiens au sujet de ce point délicat. Ils maintenaient que si Jésus
n'était pas un simple mortel, souvent abandonné par l'esprit de Christos, il
n'eut pas pu se plaindre en employant les expressions qui lui sont
attribuées ; il ne se serait pas non plus écrié à haute voix : "Mon Dieu, mon
Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ?" Cette objection est fort habilement
300
Pagne Knight prouve que depuis l'époque du premier roi Ménès, quand toute la région autour
du lac Méris n'était qu'un marais (Hérodote, 11. k) jusqu'à celle de l'invasion perse, alors qu'elle
était le jardin du monde ; il a du s'écouler entre 11.000 et 12.000 ans. (Voyez Ancient art and
Mythology ; C L I., de R. Pagne Knight, p. 108. Édité par A. Wilder.
réfutée dans l'Évangile de Nicodème, et c'est le "Prince de l'Enfer" qui
tranche la difficulté. [192]
Cela se passe de commentaires. Cet Evangile finit par ces mots : "Au
nom de la Sainte Trinité [au sujet de laquelle Nicodème ne pouvait encore
rien savoir], ainsi se terminent les Actes de Notre Sauveur Jésus-Christ,
que l'Empereur Theodosius le Grand trouva à Jérusalem, dans la halle de
Ponce-Pilate, parmi les archives publiques" ; cette histoire, prétend avoir
été écrite en langue hébraïque par Nicodème, "les faits ayant eu lieu dans
la dix-neuvième année du règne de Tibère César, empereur des Romains,
et dans la dix-septième année du Gouvernement d'Hérode, le Fils
d'Hérode, Roi de Galilée, le huitième avant les calendes d'avril" etc., etc.
Tout cela constitue l'imposture la plus éhontée qui ait jamais été perpétrée
depuis l'époque des pieuses fraudes inaugurées sous le premier évêque de
Rome, quel qu'ait été celui-ci. Le maladroit falsificateur parait avoir ignoré
ou n'avoir jamais entendu dire que le dogme de la Trinité ne fut établi que
325 ans, après la date supposée de cet ouvrage. Le mot Trinité n'est
mentionné ni dans l'Ancien Testament ni dans le Nouveau, et on n'y trouve
rien qui puisse justifier un prétexte pour mettre cette doctrine en avant.
(Voyez page 200 du troisième volume de cet ouvrage "Descente du Christ
aux Enfers"). Aucun argument ne peut excuser la publication de ce faux
évangile comme une révélation divine, car dès son début il passait déjà
pour une imposture préméditée. Si l'évangile, lui-même, a été déclaré
apocryphe, [194] néanmoins chacun des dogmes qu'il contient a été, et est
encore imposé au monde chrétien. Et même le fait qu'il est aujourd'hui
répudié n'est nullement à la louange de l'Eglise, car elle ne ha fait que
parce qu'elle s'y est vue forcée par la honte.
II est prouvé que les Israélites ont adoré Baal, le Bacchus syrien, qu'ils
ont offert de l'encens au Serpent sabazien ou d'Esculape, et qu'ils ont pris
part aux Mystères dionysiens. Comment pouvait-il en être autrement
puisque Typhon était appelé Typhon Set 301.et que Seth, fils d'Adam, est
identique à Satan ou Sat-an ; et Seth recevait un culte des Hittites 2 Moins
de deux siècles avant J.-C. nous voyons les Juifs vénérant, ou simplement
rendant un culte à "la tête d'or d'un âne" dans leur temple. Si nous en
croyons Apion, Antioche Epiphane l'emporta avec lui. Et Zacharie devient
muet de surprise en voyant dans le temple la divinité sous la forme d'un
âne 302 ! [195]
301
Seth ou Sutech, Histoire d'Hérodote ; par Rawlinson, livre II, appendice VIII, 23.
302
Le fait est garanti par Epiphane. Voyez Hone : Nouveau Testament Apocryphe ; l'Evangile de la
Naissance de Marie.
Dans son célèbre article "Bacchus, Prophet of God", le professeur Wilder fait remarquer que a
Tacite fut induit en erreur, lorsqu'il dit que les Juifs adoraient un âne, l'emblème de Typhon ou Seth
le Dieu des Hyksos. Le nom égyptien pour âne était eo, la phonétique de Iao" ; c'est probablement
pour cette raison qu'il ajoute, "pour cette raison même, c'est un symbole". Nous ne sommes pas tout
à fait d'accord avec ce savant archéologue, car la notion que pour une raison mystérieuse, les Juifs
vénéraient Typhon sous son emblème symbolique, repose sur plus d'une preuve. Nous en avons une
dans un passage de l'Evangile de Marie, citée d'Epiphane, et qui vient en corroboration de ce fait.
"Il se réfère à la mort de Zacharie, le père de Jean-Baptiste, assassiné par Hérode", dit le
Protevangelion. Epiphane écrit que la cause de la mort de Zacharie fut qu'ayant eu une vision dans
le Temple, il aurait été, par surprise, amené à la dévoiler, mais que sa bouche fut fermée. Ce qu'il
avait vu, au moment où il offrait l'encens, était un homme DEBOUT SOUS LA FORME D'UN
ANE. Lorsqu'il sortit, et voulut parler au peuple en disant Malheur à nous, quel est celui que vous
adorez ?, celui qui lui était apparu dans le temple, lui enleva l'usage de la parole. Lorsqu il la
recouvra plus tard, et qu'il put parler, il le déclara aux Juifs, et ceux-ci le mirent à mort. "Ils (les
Gnostiques) ajoutent, dans ce livre, que c'est pour cette raison que Moïse le législateur, avait
ordonné que le Grand Prêtre portât de petites clochettes, afin que lorsqu'il se rendait dans le temple
pour le sacrifice, celui qu'ils adoraient, en entendant le tintement des clochettes, eût le temps de se
cacher, pour qu'on ne le vît pas sous cette forme disgracieuse." (Epiphane).
303
Phallism in Ancient Religions, par Staniland Wake et Westropp, p. 74.
Chaldéens ; par conséquent. il est aussi Saturne. Saturne, El, Seth, et
Kiyun, ou le Chiun biblique d'Amos, sont tous une seule et même divinité,
et doivent tous être considérés, sous leur mauvais côté, comme Typhon, le
Destructeur. Lorsque le Panthéon religieux prit une expression plus
définie, Typhon fut séparé de son androgyne – la divinité bienfaisante, et
dégénéra en une puissance brutale et inintellectuelle.
Les réactions de cette nature dans les sentiments religieux d'une nation
sont assez fréquentes. Les Juifs avaient rendu un culte à Baal ou Moloch,
le Dieu-Solaire Hercule 304 dans les époques primitives – si tant est qu'ils
eurent une époque antérieure aux Perses ou aux Maccabées – et les
laissèrent ensuite dénoncer par leurs prophètes. D'autre part, les
caractéristiques du Jéhovah mosaïque, se rapprochent plus de Siva que de
celles d'un Dieu bienveillant et longanime. De plus, ce n'est pas un piètre
compliment que de l'identifier à Siva, car celui-ci est le Dieu de la Sagesse.
Wilkinson le décrit comme le plus intellectuel des dieux hindous. Il a trois
yeux, et comme Jéhovah, il est terrible dans sa vengeance et sa colère. Et,
bien qu'il soit le Destructeur, "il est, néanmoins, le reconstructeur de toutes
choses, dans sa sagesse parfaite 305". Il est le type du Dieu de saint
Augustin qui "prépare l'enfer pour celui qui cherche à pénétrer ses
mystères", et qui veut à tout prix éprouver la raison humaine, ainsi que le
sens commun, en obligeant l'humanité à vénérer également ses bonnes
actions et les mauvaises.
Malgré les preuves réitérées que les Israélites ont adoré une foule de
dieux, et qu'ils ont même fait des sacrifices humains, jusqu'à une date
beaucoup plus tardive que leurs voisins païens, ils ont réussi à jeter de la
poudre aux yeux de la postérité au sujet de la vérité. Ils ont sacrifié des
vies humaines jusqu'en l'an 169, [196] avant J.-C. 306, et la Bible donne la
relation d'une quantité de ces faits. A l'époque où les païens avaient
complètement abandonné cette abominable pratique, et remplacé le
sacrifice humain par celui des animaux 307, Jephthe est représenté sacrifiant
sa fille au "Seigneur" en guise d'holocauste.
304
Hercule, de même que Jacob Israël, lutte avec Dieu.
305
Phallism in Ancient Religions, p. 75.
306
Antioche Epiphane trouve en l'an 169 avant J.-C. un homme qu'on gardait dans le Temple des
Juifs, pour le sacrifice. Apion, Joseph contre Apion, II. 8.
307
Le Boeuf de Dionysius était sacrifié dans les mystères de Bacchus. Voyez Anthon.. 365.
Les dénonciations de leurs propres prophètes en sont la meilleure
preuve. Leur culte dans les hauts lieux est le même que celui des
"idolâtres". Leurs prophétesses sont les contreparties des Pythies et des
Bacchantes. Pausanias parle de collèges de femmes qui présidaient au culte
de Bacchus, et des seize matrones (FERS 308. La Bible dit que "Deborah,
prophétesse... était juge en Israël 309" ; elle parle également de Huldah, une
autre prophétesse, "qui habitait à Jérusalem, dans l'autre quartier de la
ville", dans le collège 310 ; et le IIème livre de Samuel mentionne à plusieurs
reprises des "femmes habiles" 311, malgré l'injonction de Moïse de ne faire
usage ni de divination, ni d'augures. Quant à l'identification concluante et
finale du "Seigneur Dieu d'Israël avec Moloch, nous en trouvons la preuve
fort suspecte, au dernier chapitre du Lévitique concernant les choses
sanctifiées qui ne peuvent être rachetées... Tout ce qu'un homme
consacrera à l'Eternel, dans ce qui lui appartient, que ce soit une personne
ou un animal... tout ce qui sera dévoué par interdit sera entièrement
consacré à l'Eternel. Aucune personne dévouée par interdit ne pourra être
rachetée, elle sera mise ci mort... c'est une chose consacrée à l'Eternel 312.
308
Paus. 5, p 16.
309
Juges. IV 4.
310
II Rois, XXII. 14.
311
XIV. 2 ; XX, 16. 17.
312
XXVII. 28. 29.
et encouragés par Elie et Elisée. Peu de prophètes apparurent en Judée
jusqu'à l'époque d'Esaïe, après la chute de la monarchie septentrionale.
Elisée oignit Jéhu à dessein, pour qu'il renversât les familles royales des
deux pays, et que, de cette manière, il réunit le peuple sous un seul
gouvernement civil. Les prophètes ou initiés hébreux se souciaient comme
d'un fétu du Temple de Salomon, profané par les prêtres. Elie n'y mit
jamais les pieds, ni Elisée, ni Jonas, ni Nahum, ni Amos, ni n'importe quel
autre Israélite. Tandis que les initiés s'en tenaient à la "doctrine secrète" de
Moïse, le peuple sous la conduite de ses prêtres, était plongé exactement
dans la même idolâtrie que les païens. Et ce sont les notions et les
interprétations populaires de Jéhovah qu'ont adopté les chrétiens.
La devise des Rose Croix, "Igne nafura renovatur infegra" que les
alchimistes interprètent par la nature renouvelée par le feu, ou la matière
par l'esprit, est aujourd'hui imposée comme Iesus Nazarenus rex Judorum.
On accepte au pied de la lettre la satire railleuse de Ponce-Pilate, et on fait
ainsi reconnaître inconsciemment aux Juifs la Royauté du Christ ; tandis
que si l'inscription n'est pas un faux de l'époque de Constantin, elle est
néanmoins l'acte de Pilate, contre lequel les Juifs furent les premiers à
protester avec violence. I. H. S. est interprété par Jesus Hominum Salvator,
et par In hoc signo tandis que IHΣ est un des plus anciens noms de
Bacchus. Et nous constatons de plus en plus, à la lumière de la théologie
comparée, que le grand but de Jésus, l'initié du sanctuaire intérieur, était
d'ouvrir les yeux de la multitude fanatique, à la différence entre la Divinité
la plus élevée, le mystérieux IAO jamais nommé, des anciens initiés
chaldéens et des Néo-Platoniciens subséquents – et le Yahuh des Hébreux,
ou Yaho (Jéhovah). Les Roses Croix modernes, si violemment pris à partie
par les catholiques, sont aujourd'hui accusés, comme de leur crime le plus
abominable, d'avoir prétendu que le Christ avait détruit le culte de
Jéhovah. Plût à Dieu qu'il eût eu le temps de le faire, car de cette manière
le monde ne se serait pas vu, après [199] dix-neuf siècles de massacres
mutuels, divisé en 300 sectes se querellant les unes avec les autres, avec un
Diable personnel, qui règne sur le Christianisme terrorisé !
Et maintenant que nous avons fait voir qu'il faut "dire un adieu éternel
à tous les anges rebelles", nous allons passer à l'examen du Dieu Jésus, qui
a été fabriqué de l'homme Jésus, afin de nous sauver de ces mêmes diables
mythiques, comme nous le dit le Père Ventura. Ce travail nous amènera
tout naturellement à faire une étude comparée de l'histoire du Bouddha-
Gautama, de ses doctrines et de ses "miracles", en les mettant en regard de
ceux de Jésus et du prédécesseur de tous les deux – Christna.
313
La fête dénommée Liberalia tombait le 17 mars, aujourd'hui la fête de saint Patrick. De cette
façon Bacchus est aussi le saint patron des Irlandais.
314
Prof. A. Wilder : "Bacchus, le Dieu Prophète", dans le numéro de juin (1877) de l'Evolution, a
Review of Politics, Religion, Science, Literature and Art.
[201]
CHAPITRE XI
—
RESULTATS COMPARES DU BOUDDHISME ET DE LA
CHRETIENTE
Max Millier.
Malheureusement pour ceux qui aimeraient rendre justice aux
philosophies religieuses de l'Orient anciennes et modernes, ils n'en ont
guère eu l'occasion dans des conditions favorables. Dernièrement un
accord touchant à été conclu entre les philologues qui occupent une haute
position officielle et les missionnaires venus de pays païens. Il faut agir
avec prudence avant de sacrifier à la vérité, quand elle met nos sinécures
en danger ! De plus, il est si facile de faire un compromis avec sa
conscience. Une religion d'Etat est un soutien du gouvernement ; toutes les
religions d'Etat sont des "baudruches dégonflées" ; par conséquent, du
moment qu'une est aussi bonne, ou plutôt aussi mauvaise qu'une autre,
autant donner son appui à la religion d'Etat. Telle est la diplomatie de la
science officielle.
Il n'y avait pas d'Athées dans l'antiquité ; il n'y avait pas d'incrédules
ni de matérialistes, dans le sens moderne du mot, de même qu'il n'y avait
pas de fanatiques. Celui qui juge les anciennes philosophies d'après leur
phraséologie extérieure, ou qui cite des phrases qui sembleraient entachées
d'athéisme dans les anciens textes, ne mérite pas la confiance en tant que
critique, car il se montre incapable de pénétrer le sens intime de leur
métaphysique. Les doctrines de Pyrrhon, dont le rationalisme est
proverbial, ne s'interprètent qu'à la lumière de la plus ancienne philosophie
hindoue. Depuis Manou jusqu'au dernier Swâbhâvika, sa principale
doctrine métaphysique a toujours été de proclamer la réalité et la
suprématie de l'esprit, avec une chaleur proportionnée à la négation de
l'existence objective de notre monde matériel – fantôme passager de
formes et d'êtres transitoires. Les nombreuses écoles engendrées par
Kapila, ne reflètent pas plus clairement sa philosophie que les doctrines
léguées aux penseurs par Timon, le "Prophète" de Pyrrhon, ainsi que
Sextus Empiricus le nomme. Ses vues sur le divin repos de l'âme, son
orgueilleuse indifférence pour l'opinion de ses semblables, son mépris des
sophismes, reflètent au même degré, les rayons épars de l'auto-
contemplation des Gymnosophes et du Vaibhâshika Bouddhiste. Bien que
lui et ses partisans aient été nommés, à cause de leur attente constante, des
"sceptiques", des "scrupuleux", des questionneurs et des éphectiques, pour
la seule raison qu'ils réservaient leur jugement final sur les dilemmes, que
nos philosophes modernes préfèrent discuter, en tranchant le nœud
gordien, à la façon d'Alexandre, et en déclarant que le dilemme n'est
qu'une superstition, des hommes comme Pyrrhon ne peuvent pas être
accusés d'athéisme. Pas plus que Kapila, Giordano Bruno, ou encore
Spinoza, qui eux aussi ont passé pour des athées ; encore moins le grand
poète, philosophe et dialecticien hindou, Veda-Vyasa, qui professe que
tout est illusion – sauf le Grand Inconnu et Son essence directe – principe
que Pyrrhon a adopté mot pour mot.
315
Edinburgh Review, avril 1851, p 411.
316
Indian Sketches ; or Life in the East écrit pour le Commercial Bulletin de Boston.
317
Il vaudrait la peine pour un artiste, faisant le tour du monde, de collectionner l'innombrable
quantité de Madones, de Christs, do saints et de martyrs, dans les costumes dont on les affuble dans
différents pays. Ils fourniraient certainement de bons modèles pour les bals costumés lors des ventes
de charité de l'Eglise.
donations et c'est tout ce que Rome demande. Puis survient une année de
famine ; on s'aperçoit alors que les riches bracelets d'or et les anneaux de
nez se sont envolés et le peuple meurt de faim par milliers. Qu'importe ?
Ils meurent en Christ, et Rome répand ses bénédictions sur leurs cadavres
émaciés, dont des milliers sont emportés par les fleuves sacrés vers
l'Océan 318. On se rend si bien compte de la servilité des catholiques dans
leurs imitations et ils cherchent si bien à ne pas offenser leurs paroissiens
que si, par hasard, parmi ceux-ci se trouvent quelques convertis d'une caste
élevée, aucun paria ou homme d'une caste inférieure n'est admis avec eux
dans le sein de cette église, si bons chrétiens qu'ils soient. Et néanmoins ils
se targuent d'être les serviteurs de Celui qui recherchait, de préférence, la
société des publicains et des pécheurs ; de Celui dont la parole – "Venez à
moi vous tous qui êtes chargés et je vous soulagerai" lui a ouvert les cœurs
de millions de ceux qui souffrent et des opprimés !
318
Pendant que j'écris ces lignes, on revit un rapport écrit par Lord Salisbury, secrétaire d'Etat four
les Indes, disant que la famine de Madras sera probablement suivie dune autre plus terrible encore
dans le Sud de l'Inde, le district même où le tribut le plus lourd a été prélevé par les missionnaires
catholiques pour les frais de l'Eglise de Rome. Celle-ci ne pouvant se venger autrement, dépouille
les sujets britanniques, et lorsque la famine survient, en conséquence elle fait payer les pots cassés à
l'hérétique Gouvernement Britannique.
319
Ancient Faiths and modern, p. 24.
C'est sur la première que se fondent les spéculations de nos
philologues. Quant aux seconde, troisième et quatrième, leurs
enseignements ne varient que dans le mode extérieur d'expression. Nous
en avons, autre part, expliqué l'esprit.
320
Fétichisme, Polythéisme, Monothéisme.
Le professeur Whitney a trouvé, dit-il, dans sa traduction des Védas,
certains passages où l'importance acquise par le corps pour son ancien
locataire est mise au plus haut point en lumière. Ce sont des passages
d'hymnes lus pendant les cérémonies funèbres, sur le corps du défunt.
Nous reproduisons les suivants d'après l'ouvrage de M. Whitney :
"Pars, rassemble tous tes membres ; n'en laisse aucun,
sans oublier ton corps ; Ton esprit est parti en avant, et
c'est à toi de le suivre ; partout où il te plaira, là tu peux
aller...".
Rassemble ton corps, ainsi que tous ses membres ; avec
l'aide des rites, je te referai tes membres...
Si un de tes membres a été laissé par Agni, lorsqu'il
t'emmena vers tes aïeux, ces mêmes membres je te les
fournirai maintenant ; réjouissez-vous dans le ciel, ô
Pères, avec tous vos membres 321 !
Le corps auquel on fait ici allusion n'est pas le corps physique, mais le
corps astral ; cette distinction est importante, ainsi qu'on s'en aperçoit.
321
Oriental and Linguistic Studios, Vedic Doctrine of a Future Life, par W. Dwyght Whitney,
professeur de sanscrit et de philologie comparée an collège de Yale.
étudiants non initiés sont incapables de trouver une preuve quelconque que
les anciens juifs aient cru à une vie future, ou à un esprit immortel chez
l'homme, ou que Moïse lui-même l'ait enseigné. Et cependant, il y a des
Orientalistes qui commencent à soupçonner que la "lettre morte" cache
quelque chose qui n'apparaît pas à première vue. C'est ainsi que le
professeur Whitney nous informe que "si nous [208] approfondissons les
formes du cérémonial hindou, nous y découvrons pas mal de ce même
désaccord entre la croyance et l'observance ; l'une n'explique pas l'autre",
dit ce célèbre savant américain. Et il ajoute : "Nous sommes obligés de
conclure, soit que l'Inde a pris sa doctrine dans des rites de provenance
étrangère, et les a pratiqués à l'aveuglette, sans s'inquiéter de leur véritable
portée, ou alors que ces rites sont le produit d'une autre doctrine plus
ancienne, et que l'usage populaire les a maintenus après la chute de
l'ancienne croyance dont ils étaient l'expression originelle" 322.
322
Oriental and Linguistic Studies, p. 48.
sauvé par la sagesse et même par les œuvres... Chaque fois que la vertu
régresse dans le monde, je me manifeste pour le sauver".
En vérité, il est plus que difficile d'éviter de partager cette doctrine des
incarnations périodiques. Le monde n'a-t-il pas assisté, à de rares
intervalles, à la venue de grands Etres tels que Christna, Sakya-muni et
Jésus ? Comme ces deux derniers personnages, Christna paraît avoir été un
être véritable, déifié par son école à une époque lointaine à l'aube de
l'histoire, et qu'on a fait cadrer dans le programme religieux consacré par le
temps. Comparez [209] les deux Rédempteurs, l'hindou et le chrétien,
celui-là précédant celui-ci de quelques milliers d'années ; placez entre les
deux Siddartha-Bouddha, reflétant Christna et projetant dans la nuit de
l'avenir sa propre ombre lumineuse, des rayons de laquelle a été édifiée
l'esquisse du Jésus mythique, et des enseignements duquel ont été tirés
ceux du Christos historique. Nous constatons que sous le même vêtement
de la légende poétique sont nées et ont vécu trois figures humaines
authentiques. Le mérite individuel de chacun d'eux est, de cette manière,
mieux mis en relief par cette même coloration mythique ; car l'instinct
populaire, si juste lorsqu'il est laissé libre, eût été incapable de fixer son
choix sur un personnage indigne, pour en faire son Dieu. Le dicton Vox
populi, vox Dei, était autrefois exact, tout erroné qu'il soit aujourd'hui en
parlant de la masse du peuple sous le joug clérical.
323
Dans son article sur "Paul, the Fonnder of Christianity", le professeur A. Wilder, dont le sens
intuitif de la vérité a toujours été très clair, dit : "Nous reconnaissons dans le personnage de Aher,
l'apôtre saint Paul. Il parait avoir été connu sous une variété de noms. Il s'appelait Saut, évidemment
à cause de sa vision du paradis – Saul ou Sheol étant le nom hébreu pour l'autre monde. Paul, qui ne
signifie que "le petit homme", était une sorte de sobriquet. Aher ou Other, était une épithète biblique
pour les personnes en dehors de la politique juive, et on la lui appliqua pour avoir étendu son
ministère aux Gentils. Son véritable nom était Elisah Ben Abuiah."
324
"Dans le Talmud Jésus est appelé AUTU-H-AIS, שיאח ותוא, cet homme. "A. Wilder.
Incarnation de Suivant quelques-uns il Incarnation du Saint-
Vichnou, la seconde fut une incarnation de Esprit, alors seconde
personne de la Vichnou ; suivant personne de la Trinité,
Trimourti (Trinité). On d'autres celle d'un autre aujourd'hui la
adore Christna à Bouddha et même de troisième. Mais la
Mathura sur la rivière Ad'Bouddha, la Science Trinité ne fut inventée
Jumna. (Voyez Suprême. que 325 ans après sa
Strabon, Arrien, et naissance. Il alla à
Bampton Lectures, p. Mathura ou Matarea,
98-100). en Egypte, où il
produisit ses premiers
miracles. (Voyez
l'Évangile de
l'Enfance).
Christna est persécuté Les légendes Jésus est persécuté par
par Kansa, le tyran de bouddhiques ne Hérode, roi de Judée,
Madura, mais échappe reproduisent pas ce mais s'échappe en
par miracle. Voulant plagiat, mais la légende Egypte sous la
détruire l'enfant, le roi catholique en fait saint conduite d'un ange.
fait mettre à mort des Josaphat ; et dit que son Pour assurer sa
milliers d'enfants père, le roi de vengeance, Hérode
innocents. Kapilavastu, fit ordonne le massacre
massacrer les jeunes des innocents, où
chrétiens ! (Voyez La 40.000 nouveau-nés
Légende Dorée). furent tués.
La mère de Christna La mère du Bouddha La mère de Jésus se
s'appelait Devaki ou était Maya ou nommait Mariam ou
Devanagui, une vierge Mayadeva, mariée à son Miriam ; mariée à son
immaculée (mais elle époux (mais néanmoins, époux, tout en
avait déjà donné vierge immaculée). demeurant une vierge
naissance à huit autres immaculée, elle eut
fils avant Christna). plusieurs autres
enfants. (Voyez Saint
Mathieu, XIII, 55-56).
Christna est doué dés Le Bouddha est doué Jésus a les mêmes
sa naissance, de beauté, des mêmes pouvoirs et dons. (Voyez les
d'omniscience et des mêmes qualités ; il Evangiles et le
d'omnipotence. Il exécute aussi les mêmes Testament
produit des miracles, miracles. Il passe sa vie Apocryphe). Il vit
guérit les Impotents et parmi les mendiants. parmi les publicains et
les aveugles, et chasse On prétend que les pêcheurs. Il chasse
les démons. Il lave les Gautama était différent également les démons.
pieds des Brahmanes et de tous les autres La seule différence
descend aux régions Avatars, ayant en lui notable entre les trois,
inférieures (l'enfer) où l'esprit tout entier du est que Jésus est
il délivre les morts et Bouddha, tandis que les accusé de chasser les
de là revient à autres n'eurent qu'une démons par le pouvoir
Vaicontha, le paradis partie (ansa) de la de Beelzébuth, ce
de Vichnou, Christna divinité en eux. qu'on ne reproche pas
était le mêmnité Dieu aux autres. Jésus lave
Vichnou sous forme les pieds de ses
humaine. disciples, il meurt,
descend aux enfers, et
monte au ciel, après
avoir délivré les morts.
Christna crée des Gautama écrase la tête Jésus, prétend-on,
enfants avec des veaux du Serpent, c'est-à-dire écrase la tête du
et vice-versa. (Indian qu'il abolit le culte de serpent, conformément
Antiquities, par Naga, qu'il traite de à la révélation
Maurice, vol. II, p. fétichisme ; mais de originelle de la
332). Il écrase la tête même que Jésus, il fait Genèse ; il transforme
du serpent. (Ibidem). du serpent l'emblème de aussi des enfants en
la sagesse divine. chevreaux et des
chevreaux en enfants
(Evangile de
l'Enfance).
Christna est Unitaire. Le Bouddha abolit Jésus se révolte contre
Il persécute le clergé, l'idolâtrie ; il divulgue l'antique loi judaïque ;
l'accuse en face les Mystères de l'Unité il dénonce les scribes
d'ambition et de Dieu et du Nirvana, et les Pharisiens, de
d'hypocrisie ; il dont la véritable même que la
divulgue les grands signification n'était synagogue pour leur
secrets du sanctuaire – avant connue que des hypocrisie et leur
1Unité de Dieu et prêtres. Persécuté et intolé- rance
l'immortalité de chassé du pays, il dogmatique. Il viole le
1'esprit. échappe à la mort, en sabbath et défie la Loi.
réunissant autour de lui Les Juifs l'accusent de
La tradition veut qu'il quelques centaines de divulguer les secrets
succombe à leur mille de partisans. Il du Sanctuaire. Il est
vengeance. Son meurt enfin, entouré mis à mort sur la croix
disciple favori, d'une foule de disciples, (sur un arbre). Parmi
Arjouna, ne dont Ananda son les quelques disciples
1'abandonne jamais disciple favori et son qu'il a convertis à sa
jusqu'à la fin. Les cousin, qui prenait le cause, un d'eux le
traditions dignes de foi premier rang parmi eux. trahit; un autre le
disent qu'il mourut sur O'Brien est d'opinion renie, et les autres
une croix (un arbre) que la croix irlandaise à l'abandonnent au
sur laquelle il fut cloué Tuam, doit être celle de dernier moment, sauf
par une flèche. Les Bouddha, mais Jean, le disciple bien-
savants sont d'accord Gautama ne fut jamais aimé. Les trois
que la croix irlandaise crucifié. On le Sauveurs, Jésus,
à Tuam, érigée représente dans Christna et le Bouddha
longtemps avant l'ère beaucoup de temples meurent tous, soit sur
chrétienne, a une assis sous un arbre un arbre ou à son
origine asiatique. cruciforme, qui est ombre, et sont en
(Voy. Round Towers, "l'Arbre de Vie". Dans rapport avec une croix
p. 296 et suiv. de une autre image on le qui symbolise le triple
O'Brien ; aussi voit assis sur Naga, le pouvoir de la création.
Religions de Rajah des Serpents,
l'Antiquité ; le avec une croix sur la
Symbolik de Creuzer, poitrine 325.
vol I, p. 208, ainsi que
325
Voyez les gravures de Moor, 75, n° 3.
les gravures dans le
Monumental
Christiainty de Lundy,
p. 160.
Christna monte au Le Bouddha monte au Jésus monte au
Swarga et devient Nirvana. Paradis.
Nirguna.
Tel est le présent aspect de ces trois grandes religions, dont chacune
est reflétée, tour à tour, dans la suivante. Si les faiseurs de dogmes
chrétiens s'en étaient tenus là, le résultat n'aurait pas été aussi désastreux,
car il serait difficile, en vérité, de faire une mauvaise religion en se servant
des sublimes enseignements de Gautama ou de Christna sous la figure de
Bhagavad. Mais ils allèrent plus loin encore, et ajoutèrent au pur
Christianisme primitif, les fables d'Hercule, d'Orphée et de Bacchus. De
même que les Musulmans ne veulent pas admettre que leur Koran ait été
édifié sur les bases de la Bible juive, les Chrétiens ne veulent pas non plus
confesser qu'ils sont redevables de presque tout aux religions des Hindous.
Mais les Hindous ont une chronologie pour leur en fournir la preuve. Nous
voyons les meilleurs et les plus savants de nos auteurs, cherchant
vainement à établir l'extraordinaire ressemblance – allant souvent jusqu'à
l'identité – qui existe entre Christna et le Christ, et qui serait dfle aux
Evangiles apocryphes de l'Enfance et de saint Thomas, lesquels évangiles
"avaient probablement circulé sur la côte du Malabar, et ont ainsi déteint
sur l'histoire de Christna 327". Pourquoi ne pas accepter la vérité en toute
sincérité, et renversant les choses, admettre que saint Thomas, fidèle à la
politique de prosélytisme qui caractérisait les premiers Chrétiens, lorsqu'il
se trouva en présence au Malabar de l'original du Christ Mythique dans le
326
Estimation de Max Müller.
327
Monumental Christianity du Dr Lundy, p. 153.
personnage de Christna, chercha à fondre les deux en un seul, et, adoptant
dans son évangile (d'où tous les autres furent copiés) les détails les plus
importants de l'histoire de l'Avatar hindou, il greffa l'hérésie chrétienne sur
la religion primitive de Christna. Pour celui qui est au courant de l'esprit du
Brahmanisme, la notion que les Brahmanes accepteraient quoi que ce soit
du dehors, et surtout d'un étranger, est parfaitement ridicule. Qu'eux les
gens les plus fanatiques en ce qui a trait aux affaires religieuses, qui,
pendant de longs siècles n'ont pas consenti à adopter une seule coutume
européenne, puissent être soupçonnés d'avoir introduit dans leurs livres
sacrés les "légendes non vérifiées d'un Dieu étranger", cette notion est si
absurde et si illogique, que c'est une perte de temps que d'essayer de le
contredire !
328
Paraboles de Buddhaghosa traduites du Birman par le col. H.T. Rogers avec une préface de M.
Müller, contenant la Dhammapada, 1870.
329
Interprète du Consulat général au Siam.
330
Ancient Faith and Modern, p. 162.
d'égaler ; mais ils méritent l'éloge que j'en fais, à cause de leur bon sens,
parce qu'ils ont ignoré jusqu'à un certain point la doctrine de la foi, et qu'ils
ont pratiqué et cultivé les bonnes œuvres... A mon avis, les chrétiens les
plus méritoires dont j'ai connaissance sont des Bouddhistes transformés,
bien que, probablement, aucun d'eux n'ait jamais entendu parler de
Siddhârtha" 331.
331
Ancient Faith and Modern du Dr Inman, p 162.
332
Les mots entre guillemets sont ceux du Dr Inman.
4° Les Bouddhistes ne croient pas 4° On promet aux Chrétiens que si
au pardon de leurs péchés, sauf seulement ils croient au "précieux
après une punition adéquate pour sang du Christ", ce sang offert par
chaque mauvaise action. et une lui en expiation des péchés de toute
compensation proportionnée envers l'humanité (par cela entendez les
les parties lésées. Chrétiens) effacera tout péché
mortel.
333
Voyez le volume II de cet ouvrage, p.
334
P.
335
Saint Matthieu, VII, 2.
Chrétiens, lorsqu'il donne libre cours à sa pensée en disant : "Un
Bouddhiste peut croire à l'existence d'un Dieu, sublime au-dessus de toutes
les qualités et de tous les attributs humains – un Dieu parfait s'élevant au-
dessus de l'amour, de la haine, de la jalousie, et se reposant tranquillement
dans une félicité parfaite que rien ne peut troubler ; à un Dieu pareil il ne
trouverait rien à redire, non pas par désir de Lui plaire, ou par peur de
l'offenser, mais par vénération naturelle. [215] Mais il ne peut comprendre
un Dieu qui possède des attributs et les qualités des hommes, un Dieu qui
aime, qui hait, et qui montre sa colère ; une Divinité qui, qu'elle sait
présentée par des missionnaires chrétiens, des Mahométans, des
Brahmanes ou des Juifs, tombe au-dessous de son étalon d'un brave
homme ordinaire 336."
336
P. 25.
Mais si nous faisons un pas en dehors du cercle de la foi et si nous
considérons l'univers comme un tout, équilibré par l'exquise coordination
de ses parties, la saine logique, et le moindre sentiment rudimentaire de
Justice se révoltent contre ce Rachat par substitution ! Si le criminel n'a
péché que contre lui-même, et n'a causé de tort qu'à lui-même ; si par sa
sincère repentante il a effacé tous ses actes passés, non seulement de la
mémoire des hommes, mais de ces archives impérissables qu'aucune
Divinité – même la plus haute – ne peut faire disparaître, ce dogme ne
pourrait pas être incompréhensible. Mais lorsqu'on soutient qu'on peut
faire du tort à ses semblables, tuer, révolutionner [216] l'équilibre de la
société, et renverser l'ordre naturel des choses, pour obtenir ensuite son
pardon en croyant – par lâcheté, par espoir ou par contrainte, cela n'a pas
d'importance – que le sang répandu lavera les taches d'un autre sang versé,
cela est absurde ! Le résultat d'un crime peut-il être effacé même si ce
crime a été pardonné ? Les effets d'une cause ne se limitent jamais à la
cause elle-même, et le résultat d'un crime ne peut jamais ne concerner que
l'offenseur et sa victime. Chaque bonne action ainsi que chaque mauvaise a
aussi sûrement ses effets que la pierre lancée dans une eau tranquille. Cette
comparaison est triviale, mais c'est la meilleure qu'on ait encore trouvée,
nous en ferons donc usage. Les cercles concentriques sont plus étendus et
plus rapides suivant que la pierre est plus ou moins grande, mais le plus
petit caillou, le plus petit grain de sable produit sa vague, si minuscule
soit-elle. Et ce mouvement n'est pas seulement visible à la surface. En
dessous, invisible, dans toutes les directions, chaque goutte pousse l'autre
jusqu'à ce que le fond et les bords aient été remués par cette force. Bien
plus, l'air au-dessus de l'eau a été mis en mouvement par elle, et cette
vague passe, ainsi que le prétendent les physiciens, d'une couche à l'autre,
sans interruption et sans fin dans l'espace. La matière a reçu une impulsion,
et elle n'est jamais perdue et ne peut plus être rappelée !...
On lit, en outre, dans les Pouranas, que Christna fut cloué à un arbre
par la flèche d'un chasseur, lequel, suppliant le dieu mourant de lui
pardonner, en reçut la réponse suivante : "Va, chasseur, par ma faveur, au
Ciel, la demeure des dieux... L'Illustre Christna s'étant alors uni à son
Esprit pur, spirituel, inexhaustible, inconcevable, non-né, inaltérable,
impérissable et universel, qui ne forme qu'un avec Vasudéva, abandonna
son corps mortel, et... devint Nirguna" (Vishnou Pourana de Wilson, p.
612). N'est-ce pas là (origine du récit du Christ pardonnant au larron sur la
croix, et lui promettant une place en paradis ? "De tels exemples, dit le Dr
Lundy dans son Monumental Christianity, ne nous autorisent-ils pas à
rechercher leur origine et leurs signification, [220] si longtemps avant le
Christianisme", et il ajoute néanmoins : "La notion de Christna, sous la
forme d'un berger est, à mon avis, plus ancienne que toutes deux (les
Evangiles de l'Enfance et celui de St Jean) et prophétique du Christ" (p.
156).
337
Voyez le Conflit entre la Religion et la Science de Draper (p 224).
338
C'est la doctrine des Supralapsariens, qui affirment que "Dieu avait établi la prédestination de la
chute d'Adam, avec toutes ses conséquences néfastes, de toute éternité, et que nos premiers parents
ne jouirent dès le début d'aucune liberté."
C'est également à cette doctrine éminemment morale que le monde catholique fut redevable, au
XIème siècle, de l'institution de l'ordre connu sous le nom de Moines Carthusiens. Son fondateur
Bruno fut poussé à fonder cet ordre monstrueux par une circonstance qui vaut bien la peine d'être
relatée ici parce qu'elle fournit une image graphique de cette prédestination divine. Un ami de
Bruno, médecin français, universellement réputé pour sa grande piété, sa pureté orale et sa charité,
mourut, et son corps fut veillé par Bruno lui-même. Trois jours après sa mort, au moment où il allait
être enterré, le pieux médecin s'assit sur son séant et déclara d'une voix forte et solennelle, "que par
le juste jugement de Dieu il était éternellement damné". Ayant annoncé ce message consolateur
depuis "l'autre rive", il retomba dans les griffes de la mort.
De leur côté les théologiens Parsis s'expriment ainsi : "Si quelqu'un parmi vous commet un péché
dans la conviction qu'il sera sauvé par quelqu'un, tant le trompeur que le trompé seront damnés
jusqu'au jour de Rasta chez... Il n'y a pas de Sauveur. Vous recevrez dans l'autre monde la
récompense de vos actions... Vos Sauveurs sont vos actes et Dieu lui-même. (The Modern Parsis,
conférence de Max Müller, 1862).
O, divine justice, que de blasphèmes ont été prononcés sur toi !
Malheureusement, pour toutes les spéculations de cette nature, la croyance
dans l'efficacité propitiatoire du sang répandu, peut se retracer à travers les
plus anciens rites. Il n'y a peut-être pas une seule nation qui l'ait ignorée.
Chaque peuple a offert aux dieux des sacrifices animaux et même
humains, dans l'espoir d'écarter par ce moyen une calamité publique, et de
conjurer le courroux d'une divinité vengeresse. Il y a des exemples de
généraux grecs et romains offrant leurs vies pour le succès de leurs armées.
César s'en plaint, et traite cela de superstition gauloise. "Ils se vouent à la
mort... persuadés que si la vie n'est pas donnée pour une autre vie, les
dieux immortels ne peuvent être apaisés", écrit-il. "Si un malheur doit
tomber sur ceux qui sacrifient en ce moment, ou sur l'Egypte, qu'il retombe
sur cette tête", disaient les prêtres égyptiens en sacrifiant un de leurs
animaux sacrés. Et l'on criait des imprécations sur la tête de la victime
expiatoire, autour des cornes de laquelle on enroulait une bande de
byblus 339. On emmenait généralement l'animal dans une région aride,
consacrée à Typhon, dans ces âges primitifs, alors que cette divinité fatale
jouissait encore d'une certaine considération parmi les Egyptiens. C'est
cette coutume qui est à la base du "bouc émissaire", des Juifs, lesquels,
lorsque l'âne-dieu rouge fut répudié par les Egyptiens, offrirent leurs
sacrifices à une autre divinité, "la génisse rouge".
"Que tous les péchés commis en ce monde retombent sur moi, afin
que le monde soit libéré", s'écrie Gautama, le sauveur hindou, des siècles
avant notre ère.
339
De Isid et Osir, p. 380.
340
Toute tradition démontre que Jésus fut éduqué en Egypte et qu'il passa son enfance et son
adolescence dans les fraternités Esséniennes, et autres communautés mystiques.
Rituel sacré qui précéda notre ère de plus de 4000 ans. Voyons la
comparaison 341.
L' "âme" soumise aux épreuves est amenée devant Osiris, le "Seigneur
de Vérité", qui est assis, orné de la croix égyptienne, emblème de la vie
éternelle, et tenant dans la main droite le Vannus ou le fouet de justice 342.
L'esprit commence, dans la "Salle des deux Vérités" une ardente
supplique, en énumérant toutes ses bonnes actions, supporté par les
réponses des quarante-deux assesseurs, ses actions incarnées et ses
accusateurs. S'il se justifie, on s'adresse alors à lui comme Osiris, lui
donnant ainsi le nom de la divinité de laquelle procède son essence divine,
et les mots suivants, pleins de majesté et de justice, sont alors prononcés !
"Laissez partir l'Osiris ; vous voyez il est sans tache... Il a vécu de vérité, il
s'est nourri de vérité... Le dieu lui a donné la bienvenue comme il le
désirait. Il a nourri mes affamés, il a donné à boire à ceux qui avaient soif,
il a donné des vêtements à ceux qui n'en avaient pas... Il a fait de la
nourriture sacrée des dieux, l'aliment des esprits."
341
Bunsen découvrit quelques documents qui prouvent par exemple que le langage et le culte
religieux des Egyptiens existaient non seulement au début de l'ancien Empire, "mais qu'ils étaient
déjà si bien établis et enracinés qu'ils ne reçurent qu'un très faible développement au cours de
l'ancien empire, du moyen et de l'empire moderne a et, tandis que le début de cet ancien empire a
été placé par lui à la période antérieure à Ménès, au moins 4.000 ans avant J.-C., l'origine des
anciennes prières Hermétiques et des hymnes du Livre des Morts, doit, suivant Bunsen, être
attribuée à l'époque de la dynastie pré-Ménite, d'Abydos (entre 4.000 et 4.500 ans avant J.-C.)
prouvant ainsi, que le "système du culte et de la mythologie Osiriens, était déjà établi 3 000 ans
avant l'époque de Moïse."
342
Il portait également le nom de "hameçon de l'attraction". Virgile en parle comme du Mystica
Vannus Iacchi. Géorgiques, I, 166.
343
Dans une causerie aux Délégués de l'Alliance Evangélique, New-York, 1874, M. Peter Cooper,
un Unitarien et un des plus nobles chrétiens pratiques de notre époque, termine avec les
mémorables paroles suivantes : "Dans ce dernier compte final, il sera heureux pour nous si nous
trouvons que notre influence dans cette vie a été de nourrir les affamés, de vêtir ceux qui étaient
nus, et de diminuer la souffrance de ceux qui sont malades ou en prison." De telles paroles d'un
homme qui a donné deux millions de dollars en charités ; qui a éduqué quatre mille Jeunes filles
dans les arts utiles, au moyen desquels elles gagnent honnêtement leur vie ; qui a entretenu une
(Matthieu, III, [223] 12) Jean décrit le Christ comme Osiris, "Il a son van
(ou vannus) dans la main, il nettoiera son aire, et il amassera son blé dans
son grenier."
Dans Der Weise and der Thor de Schmidt 344, ouvrage plein
d'anecdotes sur le Bouddha et ses disciples, le tout pris dans les textes
originaux, on dit d'un converti à la nouvelle religion, "qu'il avait été attrapé
par l'hameçon de la doctrine, de même qu'un poisson est retiré de l'eau au
moyen de l'appât et de la ligne". Dans les temples du Siam, l'image du
Bouddha à venir, le Maïtreya Bouddha, est représenté ayant en mains un
filet de pêcheur tandis que dans le Tibet il tient une sorte de piège.
L'explication qu'on en donne est la suivante : "Il (le Bouddha) répand sur
l'Océan de la naissance et de la mort, la fleur de Lotus de la loi
bienfaisante comme un appât ; au moyen du filet de la dévotion, qui n'est
jamais tendu en vain, il ramène les êtres vivants comme des poissons, et il
les emporte sur l'autre rive du fleuve, où existe la véritable
compréhension" 345.
bibliothèque publique, un musée et une salle de lecture, libre de tous frais ; qui a institué des classes
pour les ouvriers ; qui a fait faire des conférences par les savants les plus renommés, ouvertes à tout
le monde ; qui a été à l'avant-garde de toutes les bonnes œuvres, à travers une vie longue et sans
tache, ces paroles portent en elles la force qui marque les bienfaiteurs de l'humanité. Les actes de
Peter Cooper obligeront la postérité à réserver une place dans tous les cœurs à ses paroles qui sont
d'or.
344
Aus dem Tibetischen ûbersetzt and mit dem Originaltexte herausgegeben de S.J. Schmidt.
345
Buddhism in Tibet, par Emil Schlagintweit, 1863, p. 213.
mais il est certain que les lettres de Jésus et d'Abgarus, ainsi que le récit du
portrait du Christ, reproduit sur un morceau d'étoffe, qui servit pour lui
essuyer le visage, [224] ont été transcrits par lui du Canon bouddhique.
Sans soute, l'évêque déclara qu'il avait trouvé, lui-même, la lettre écrite en
langue syriaque et conservée parmi les registres et les archives de la cité
d'Edessa, où régnait d'Abgarus 346. Rappelons ici les paroles de Babrias :
"Le Mythe, ô fils du roi Alexandre, est une ancienne invention humaine
des Syriens, qui vivaient, jadis, sous Ninus et Bélus." Edessa était une des
anciennes "cités saintes". Les Arabes la vénèrent encore aujourd'hui et on
y parle l'arabe le plus pur. Ils lui donnent encore son ancienne appellation
d'Orfa, anciennement la ville Arpha-Kasda (Arphaxad), siège d'un collège
de Chaldéens et de Mages ; dont le missionnaire nommé Orphée,
transporta en Thrace les Mystères Bacchiques. Eusèbe, tout naturellement,
y trouva les récits qu'il incorpora dans l'histoire d'Abgarus, ainsi que dans
celle du portrait reproduit sur une toile, de même que celui de Bhagavat,
ou du bienheureux Tathagatâ (le Bouddha) 347 obtenu par le roi
Binbisara 348. Le Roi l'ayant apporté, Bhagavat y projeta son ombre 349. Le
"morceau d'étoffe miraculeuse" et son ombre, sont encore conservés,
disent les Bouddhistes ; mais l'ombre, elle-même, est rarement visible."
346
Ecclesiastical History, lib. I, c. 13.
347
Tathagata est le Bouddha, "celui qui marche dans les pas de ses prédécesseurs" ; comme
Bhagavat – il est le Seigneur.
348
Comme pendant, nous avons l'histoire de sainte Véronique.
349
Introduction h l'Histoire du Buddhisme indien, E. Burnouf. p. 341.
350
Moïse était un célèbre pratiquant de la Science hermétique. Si nous tenons compte qu'on fait
échapper Moïse (Asarsiph) au Pays de Madian, et qu'il s'assit "prés d'un puits", (Exode II) nous en
déduisons ce qui suit :
Le "Puits" jouait un rôle prépondérant dans les Mystères des fêtes bacchiques. II a la même
signification dans le langage sacerdotal de tous les peuples. Un puits est "la source du salut"
mentionnée dans Esaïe (XII, 3). Dans son sens spirituel l'eau constitue le principe mâle. Par son
rapport physique dans l'allégorie de la création, l'eau est le chaos, et le chaos est le principe féminin
vivifié par l'Esprit de Dieu – le principe mâle. Dans la Cabale, Zachar signifie mâle, et le Jourdain
était appelé Zachar (Universal History, vol. II, p. 429). Il est à noter que le père de Jean-Baptiste, le
prophète du Jourdain – Zacchar – portait le nom de Zachar-ias. Un des noms de Bacchus est
Zagreus. La cérémonie d'asperger d'eau le sanctuaire était sacrée dans les rites Osiriens, de même
que dans les institutions mosaïques. Il est dit dans le Mishna "tu demeureras à Succa, et tu verseras
rien avoir à faire [225] avec un saint moine. "Ma sœur, je ne te demande,
répond Ananda, ni de quelle caste tu es, ni quelle est ta famille ; je ne te
demande qu'un peu d'eau, si tu peux m'en donner." Cette femme de
Matangha, charmée et émue jusqu'aux larmes, se repentit, et entra dans
l'ordre monastique de Gautama, où elle devint une sainte, sauvée d'une vie
de désordre par Sakya-muni. Beaucoup de ses actes subséquents furent
empruntés par les plagiaires chrétiens pour en parer Marie-Madeleine et
d'autres femmes saintes et martyres.
de l'eau pendant sept jours, et les tuyaux pendant six jours" (Mishna succah, p. I). "Prends de la
terre vierge.. et pétris la poussière avec de l'EAU vivante, commande le Sohar (Introduction au
Sohar ; Kabbala Denudata, II, pp. 220-221). Cornelius Agrippe fait la citation suivante : Seule "la
terre et l'eau, suivant Moïse, sont capables de donner naissance à une âme vivante". L'eau de
Bacchus était supposée donner le saint Pneuma à l'initié ; et chez les chrétiens, elle lave tous les
péchés dans le baptême par le pouvoir du Saint-Esprit. Dans son sens cabalistique, le "puits" est
l'emblème mystérieux de la Doctrine Secrète. "Si quelqu'un a soif qu'il vienne à moi et qu'il boive",
dit Jésus (Jean, VII, 37).
Il est par conséquent parfaitement naturel de représenter Moïse, l'adepte, assis auprès d'un puits. Les
sept filles du prêtre Hénite de Madian, qui venaient puiser de l'eau pour remplir les auges et
abreuver le troupeau de leur père, s'approchent de lui. Nous retrouvons ici le nombre sept, le
nombre mystique. Dans l'allégorie ci-dessus, les filles représentent les sept pouvoirs occultes. "Les
bergers arrivèrent et les chassèrent (les sept filles). Alors Moïse se leva, prit leur défense et fit boire
leur troupeau". Suivant quelques interprètes cabalistes, les bergers représenteraient les sept
"Stellaires mal disposés" des Nazaréens ; car dans l'ancien texte samaritain, le nombre de ces
bergers est également de sept (voyez les ouvrages cabalistiques).
Moïse ayant conquis les sept Puissances mauvaises, et gagné l'amitié des sept pouvoirs occultes
bienfaisants, demeura chez Réuel, le prêtre de Madian, qui invita "l'Egyptien" à prendre de la
nourriture, c'est-à-dire à s'assimiler sa sagesse. Suivant la Bible les anciens de Madian étaient
connus comme de grands prophètes et devins. Enfin Réuel, ou Jethro, l'initiateur et l'instructeur de
Moïse lui donne sa fille en mariage. Cette fille c'est Zipporah, c'est-à-dire la Sagesse ésotérique, la
brillante lumière de la connaissance, car Siprah signifie a le brillant a ou "le resplendissant a du mot
"Sapar", briller. Sippara, en Chaldée, était la cité du "soleil". C'est ainsi que Moïse fut initié par le
Madianite, ou plutôt le Kénite, et de là l'allégorie biblique.
351
Schmidt, Der Weise und der Thor, p 37.
couler ; les fleurs suspendirent leur éclosion ; les oiseaux émerveillés
retinrent leur chant ; toute la nature ralentit sa course et demeura dans
l'attente. "Une lumière surnaturelle se répandit sur le monde ; les animaux
s'arrêtèrent de manger ; les aveugles virent ; les boiteux et les muets furent
guéris", etc. 352. [226]
352
Rgya Tcher Ro.Pa. Histoire du Bouddha Sakya-muni (Sanscrit) Lalitauistara, vol. II, pp. 90-91.
353
Protevangelion (attribué à saint Jacques), ch. XIII et XIV.
354
Pali Buddhistical Annals, III, p. 28. ; Manual of Buddhism, 142, de Hardy.
raison humaine n'avait jamais déchiffrées... La
constitution du corps, comme l'âme opérait dans le
corps... etc. Le maître en fut si surpris qu'il s'écria : "Je
crois que cet enfant a dû naître avant Noé…, il est plus
érudit que tous maîtres" 355.
355
Évangile de l'Enfance, chap XX, XXI ; accepté par les saints Eusèbe, Epiphane, Chrysostome,
Athanase, Jérôme et autres. On retrouve les mêmes récits avec le cachet hindou en moins, afin de ne
pas éveiller l'attention, dans saint Luc. II, 46, 47.
doctrine de l'émanation, si contraire à leur propre théologie, le pouvoir
raisonnant de quelques simples prédicateurs bouddhistes est si puissant,
que nous voyons des savants comme Gutzlaff 356 réduits au silence et
grandement décontenancés par les arguments des Bouddhistes. Judson, le
célèbre missionnaire baptiste en Birmanie, confesse, dans son Journal, les
difficultés auxquelles il a souvent été exposé par eux. Parlant d'un certain
Ooyan, il dit que son esprit hautement développé était capable de saisir les
sujets les plus difficiles. "Sa parole, dit-il, est onctueuse comme de l'huile,
aussi douce que le miel et aussi tranchante qu'un rasoir ; sa manière de
raisonner est calme, insinuante et aiguë ; et il joue son rôle avec une telle
adresse, que de mon côté avec toute la puissance de la vérité, je ne pus le
maîtriser que difficilement." Il paraît, néanmoins, qu'à une époque
ultérieure de sa mission, M. Judson aurait avoué qu'il avait complètement
méconnu la doctrine. "Je commence à croire, dit-il, que le semi-athéisme
dont j'ai parlé quelquefois, n'est rien de plus que du Bouddhisme raffiné,
fondé sur les Écritures Bouddhiques." C'est ainsi qu'il reconnut, enfin, que
tandis que dans le Bouddhisme il y a "un terme générique pour la
perfection la plus élevée, qui s'applique réellement à de nombreux
individus, un Bouddha supérieur à toute la légion des divinités
subordonnées", il existe également [228] à la base du système "l'étincelle
d'une anima mundi, antérieure et même supérieure au Bouddha" 357.
356
Alabaster : Wheel of the Law, pp. 29, 34, 35 et 38.
357
E. Alpham : The History and Doctrines of Buddhism, p. 135. Le Dr Judson commit cette
prodigieuse erreur par suite de son fanatisme. Dans son zèle pour "sauver les âmes", il se refusa à
étudier les classiques Birmans, de peur de laisser détourner ainsi son attention.
358
Indian Antiquary, vol. II, p. 81. Book of Ser Marco Polo, vol. I, p. 441.
Chwolsohn, en parlant du grand savant arabe Shahrastani, dit que,
suivant lui, le sabéisme n'était pas de l'astrolâtrie, comme on est porté à le
croire. II pensait "que Dieu est trop sublime et trop grand pour s'occuper
de l'administration immédiate de ce monde ; que, par conséquent, II en
transfère le gouvernement aux dieux, et ne conserve pour Lui que les
affaires les plus importantes ; que, de plus, l'homme est trop insignifiant
pour pouvoir s'adresser au Très Haut directement ; qu'il est, par
conséquent, obligé d'adresser ses prières et ses sacrifices aux divinités
intermédiaires, auxquelles l'administration du monde a été confiée par
l'Etre Suprême". Chwolsohn en déduit que cette idée est aussi ancienne
que le monde et que "cette notion avait généralement cours chez les
personnes cultivées du monde païen 359".
359
Sabismus, vol. I, p. 725.
360
History of Discoveries in Asia par Murray.
Si nous laissons de côté les récits historiques et que nous considérons
les récits mythiques inventés au sujet de Christna, du Bouddha et du
Christ, nous trouvons ce qui suit :
361
Manual of Buddhism, p. 142.
362
Ancient Pagan and Modern Christian Symbolism, p. 92, par Inman.
363
Rgya, Tcher. Rol. Pa, Bkah Hgyour (Version Tibétaine).
364
Evangile selon saint Luc, I, 39-45.
365
Didron, Iconographie Chrétienne, Histoire de Dieu.
Si maintenant nous nous tournons vers Christna, en comparant
attentivement les prophéties qui le concernent, telles qu'elles ont été
recueillies dans les traditions Ramatsariennes, de l'Atharva, des Védangas
et des Védantas 366 au passage de la Bible et des Evangiles apocryphes,
dont quelques-uns, prétend-on, prophétisent la venue du Christ, nous y
rencontrerons des choses fort curieuses. En voici des exemples :
366
Il existe plusieurs ouvrages tirés immédiatement des Védas, intitulés Upa-Ved. Quatre ouvrages
sont compris sous cette dénomination, ce sont les Ayus, Gaudharva, Dhanus et Sthapatga. Le
troisième Upa-Veda fut composé par Visvamitra à l'usage des Kshatriyas, la caste des guerriers.
plantes, les hommes, les Pousse des cris de joie, fille
femmes, les enfants, les de Jérusalem, voici ton roi
esclaves... entonneront, tous qui vient à toi, il est juste...
ensemble, le chant Oh ! quelle prospérité pour
d'allégresse, car il est le eux ! Quelle beauté ! Le
seigneur de toutes les froment fera croître les
créatures... il est infini, car jeunes hommes, et le mont
il est la puissance, il est la les jeunes filles.
sagesse, il est la beauté, et il (Zacharie, IX, 9, 17).
est tout en tout".
6. "Il viendra plus doux que le 6. "Voilà l'agneau de
miel et l'ambroisie, plus pur Dieu"(Saint-Jean, I, 36)
que l'agneau sans tache" "Semblable à un agneau
(Ibidem). qu'on mène à la boucherie"
(Esaïe, LIII, 7).
7. "Bienheureuse la matrice 7. "Tu es bénie entre les
bénie qui le portera" femmes et le fruit de ton
(Ibidem)." sein est béni" (Luc, I, 42).
"Heureux le sein qui t'a
porté" (XI, 27).
8. "Et Dieu manifestera Sa 8. "Dieu a manifesté sa gloire"
gloire, et il fera résonner Sa (1° Ep. de Saint-Jean). "Car
puissance, et il Se Dieu réconciliait en Christ
réconciliera avec Ses le monde avec lui-même"
créatures" (Ibidem). (II Corinthiens, 19). [231]
9. "C'est dans le sein d'une 9. "Elle est un exemple
femme que le rayon de la incomparable sans souillure
splendeur Divine prendra et sans tache et une vierge
une forme humaine, et elle donnera naissance à un fils
enfantera, étant vierge, car et une jeune fille enfantera
aucun contact impur ne le Seigneur" (Evangile de
l'aura souillée" (Védangas). Marie, III).
Or, toutes ces qualités appartiennent aussi bien à Jésus qu'à Christna.
Le seul fait que Jésus était un homme de par sa mère – même s'il était un
Dieu, le donne à entendre. Sa conduite à l'égard du figuier et ses
contradictions dans Saint-Matthieu, où à certains moments il promet la
paix sur la terre et à d'autres le glaive, etc. en sont la preuve. Sans aucun
doute cette gravure n'a jamais été faite pour représenter le Jésus de
Nazareth. C'était certainement Wittoba, ainsi qu'on l'affirma à Moor, et
comme en outre, les Ecritures sacrées des hindous le maintiennent,
Brahma, le sacrificateur qui est "en même temps le sacrificateur et la
victime" ; c'est "Brahma, victime dans Son Fils Christna, qui vint mourir
sur cette terre pour notre salut, qui accomplit Lui-même le solennel
sacrifice" (du Sarvameda). Et cependant, c'est l'homme Jésus, de même
que l'homme Christna, car tous deux sont unis à leur Chrestos.
Ni lui, ni Jésus, n'ont jamais mis un seul mot de leurs doctrines par
écrit. Nous devons accepter l'enseignement des maîtres sur le témoignage
de leurs disciples et par conséquent, il n'est que juste que nous jugions
chacune des deux doctrines d'après leur valeur intrinsèque. Nous
constatons dans le résultat des nombreuses discussions entre les
missionnaires chrétiens et les théologiens bouddhiques (pungui) de quel
côté gît la supériorité logique. Ceux-ci en général, sinon invariablement,
ont le dessus de leurs adversaires. D'autre part, le "Lama de Jehovah"
manque rarement de se mettre en colère, à la grande joie du Lama de
Bouddha et fait pratiquement la preuve de sa religion de patience, de
miséricorde et de charité, en injuriant son adversaire dans un langage très
peu canonique. Nous l'avons vu maintes et maintes fois.
367
Bunsen. Egypt's Place in Universal history, vol. V, p. 93
pris dans les deux religions, et mis en regard les uns des autres. Que le
lecteur juge par lui-même :
"Ne croyez rien parce qu'on en fait courir le bruit, ou
parce que beaucoup de personnes l'affirment, dit le
Bouddha, ne croyez pas que ce soit une preuve de sa
véracité.
N'ajoutez aucune foi à quoi que ce soit, simplement sur
la production d'une affirmation écrite par un ancien
sage ; ne soyez pas certain que ce que ce sage a écrit, ait
été revu par lui, ou qu'on puisse y ajouter foi. Ne croyez
pas ce que vous vous imaginez, en pensant que, parce
que la notion est extraordinaire, elle a dû être inspirée
par un Déva, ou un être surnaturel.
Ne croyez pas aux suppositions, c'est-à-dire, admettant
quoi que ce soit d'emblée et au petit bonheur, pour en
tirer ensuite vos conclusions – calculant vos numéros
deux, trois ou quatre, avant d'avoir établi votre numéro
un.
Ne croyez rien sur la seule autorité de vos maîtres et de
vos instructeurs ; ne croyez et ne pratiquez rien
seulement parce qu'ils le croient et le pratiquent.
Moi (le Bouddha) je vous dis à tous, vous devez de par
vous-même savoir que cela est mal, que c'est punissable,
que c'est réprouvé par les sages ; une telle croyance ne
fera de bien à personne, mais causera de la souffrance ;
et alors, lorsque vous le saurez, évitez-là" 368.
368
Alabaster. The Wheel of the Law, pp. 43-47.
récent jubilé cinquantenaire de Pie IX, et ensuite le 6 juillet, anniversaire
de Jean Huss, le martyr mort sur le bûcher se réunirent par milliers sur le
mont Zhisko, afin de proclamer l'horreur qu'ils éprouvaient pour l'attitude
ultramontaine à ce sujet, ils brûlèrent en grande pompe le portrait du Pape,
son syllabus, et sa dernière allocution contre le tsar Russe, en disant que
s'ils étaient de bons catholiques ils étaient encore de meilleurs slaves.
Evidemment le souvenir de Jean Huss est plus sacré pour eux que les
Papes du Vatican.
"Le culte des mots est plus nuisible que le culte des
images", dit Robert Dale Owen. "La grammatolâtrie est
la pire des idolâtries. Nous sommes arrivés à une époque
où le littéralisme est en train de détruire la foi... La lettre
tue" 369. [235]
369
The Debatable Land, p. 145.
370
"Nous partageons notre zèle", dit le Dr Henry More, "entre tant de choses, que nous croyons
infectées de papisme, que nous n'attribuons pas notre juste part d'exécration, à celles qui le sont en
réalité. Parmi celles-ci se trouve cette fable grossière et scandaleuse de la transsubstantiation ; les
divers modes d'idolâtrie nauséabonde et mensongère ; l'incertitude du loyalisme envers les
souverains légaux à la suite de l'adhésion superstitieuse à la tyrannie spirituelle du Pape ; et cette
cruauté barbare et sauvage contre ceux qui ne sont pas assez fous pour croire tout ce qu'on veut en
imposer aux hommes, ou assez faux envers leur Dieu et leurs propres consciences, pour les
professer, tout en sachant à quoi s'en tenir" (Postscript du Glanvill).
Dans les Mystères, le vin représentait Bacchus, et le pain Cérès 371.
L'initiateur hiérophante présentait symboliquement, avant la révélation
finale, le vin et le pain au candidat qui devait manger et boire des deux
pour témoigner que l'esprit vivifie la matière, c'est-à-dire que la sagesse
divine devait pénétrer en lui par le moyen de ce qui allait lui être révélé.
Dans sa phraséologie orientale, Jésus se compare souvent au vrai cep (St.
Jean, XV, I). De plus, l'hiérophante, révélateur du Pétroma, avait le tire de
"Père". Lorsque Jésus dit, "Buvez... ceci est mon sang", que voulait-il dire
sinon que c'était une simple comparaison entre lui et le cep qui porte le
raisin, dont le jus est le sang, le vin. Il voulait faire comprendre par là,
qu'ayant été, lui-même, initié par le "Père". Il voulait initier les autres. Son
"Père" était le vigneron ; [236] il était, lui, la vigne et ses disciples étaient
les sarments. Comme ses partisans ignoraient la terminologie des
Mystères, ils demeuraient surpris ; ils en furent même offensés, ce qui n'est
pas pour nous surprendre, étant donné les injonctions de Moïse contre le
sang.
Les quatre Evangiles contiennent tout ce qu'il faut pour nous faire
comprendre le désir secret et fervent de Jésus ; l'espérance qui le possédait
lorsqu'il entreprit son ministère et dans laquelle il mourut. Dans son
immense amour désintéressé pour l'humanité, il estimait qu'il était injuste
de priver la grande masse des résultats de la connaissance que le petit
nombre avait acquise. Il prêche, par conséquent, ce résultat – l'unité d'un
371
Payne Knight est d'avis que Cérès n'était pas la personnification de la matière grossière qui
compose la terre, mais bien du principe productif féminin, qui est supposé la pénétrer, laquelle,
jointe au principe actif, devait être la cause de l'organisation et de l'animation de sa substance... On
en parle comme de l'épouse du Père Omnipotent, Æther, ou Jupiter (The Symbolical Language of
Ancient Art and Mythology, XXXVI). Par conséquent, les paroles du Christ "c'est l'esprit qui vivifie,
la chair ne sert de rien", se réfèrent, dans leur double signification, aussi bien aux choses
spirituelles qu'aux choses terrestres, à l'esprit et à la matière.
Bacchus, sous la forme de Dionysios, est d'origine Indienne. Cicéron en parle comme d'un fils de
Thyoné et de Nisus, ∆ιόνυσος signifie le Dieu Dis du mont Nys, en Inde. Bacchus, couronné de
lierre, ou Kissos, est Christna, dont un des noms était Kissere. Dionysus est prééminemment la
divinité sur laquelle se concentraient tous les espoirs d'une me future ; en somme, il était le dieu
dont on attendait la libération des hommes de leur prison de chair. Orphée le poète-argonaute, vint,
dit-on également sur la terre pour purifier la religion de son anthropomorphisme grossier et
terrestre ; il abolit les sacrifices humains et fonda une théologie mystique basée sur la spiritualité
pure. Cicéron dit qu'Orphée était un fils de Bacchus. Il est étrange que tous deux paraissent être
venus de l'Inde. Du moins, comme Dionysus-Zagreus, Bacchus est sans aucun doute d'origine
hindoue. Quelques écrivains, trouvant une curieuse analogie entre le nom d'Orphée et un ancien
terme grec, όρφνός ; foncé ou tanné, en font un hindou, en rapprochant ce terme de son teint foncé
d'hindou. Voyez Voss, Heyne, et Schneider au sujet des Argonautes.
Dieu spirituel, dont le temple réside en chacun de nous, et dans lequel nous
vivons de même que Lui vit en nous – en esprit. Cette connaissance était
entre les mains des adeptes juifs de l'école de Hillel et des cabalistes. Mais
les "scribes", ou hommes de loi, s'étant, peu à peu, retranchés derrière le
dogmatisme de la lettre morte, ils s'étaient déjà, depuis longtemps, séparés
des Tanaïm, les véritables instructeurs spirituels ; et les cabalistes
pratiques étaient, plus ou moins, persécutés par la Synagogue. C'est
pourquoi nous voyons Jésus s'écrier : "Malheur à vous, docteurs de la Loi !
parce que vous avez enlevé la clé de la science [la Gnose] : vous n'êtes pas
entrés vous-mêmes, et vous avez empêché d'entrer ceux qui le voulaient"
(St Luc, XI, 52). Est-ce assez clair ? Ils avaient retiré la clé, et n'en avaient
pas su profiter eux-mêmes, car la Masorah (la tradition) était devenue pour
eux, comme pour les autres, un livre fermé.
372
Vie de Jésus, p. 219.
373
Ibidem, p. 221.
faire – c'est-à-dire, inviter nos voisins et être invités par eux selon les
circonstances. La crainte de recevoir une récompense pour les invitations à
dîner que nous pourrions distribuer, est certainement chimérique... Jésus,
en effet, néglige complètement le côté intellectuel de la société" 374. Tout
cela prouve, sans contredit, que le "Fils de Dieu" n'était pas maître dans
l'étiquette sociale, et qu'il n'était pas non plus à la hauteur du "grand
monde" ; mais c'est aussi un excellent exemple de la manière générale dont
on a faussement interprété ses paraboles les plus suggestives.
374
Analysis of Religions Belief, vol. 1, p. 467.
375
Voyez la Gita traduite par Charles Wilkins, en 1875 ; et la Bhagavad-Purana, renfermant
l'histoire de Christna, traduction française de Eugène Burnouf, 1840.
Cette doctrine coïncide exactement avec celle de Jésus lui-même 376.
La foi, toute seule, sans l'accompagnement "d'actions"est réduite à néant
dans la Bhagavad-Gita. Quant à l'Atharva-Véda il était, et est encore, tenu
si secret par les Brahmanes, qu'il est douteux que les orientalistes en aient
eu une copie complète. Comment pourrait-on en douter après avoir lu ce
que l'abbé Dubois a dit à ce sujet ? "II existe fort peu d'exemplaires de ce
dernier" – l'Atharva – dit-il à propos des Védas, "et beaucoup croient qu'ils
n'existent plus. Mais la vérité est qu'ils existent certainement, bien qu'on
les cache plus soigneusement que les autres, par crainte d'être soupçonnés
d'êtres initiés aux mystères magiques et autres mystères redoutables que
l'ouvrage est supposé enseigner" 377.
Il y avait même, parmi les epoptæ les plus élevés des Mystères
majeurs, certains sujets qui ne savaient absolument rien du dernier et
redoutable rite – le transfert volontaire de la vie de l'hiérophante au
candidat. Cette opération mystique, du transfert par l'adepte de son entité
spirituelle après la mort de son corps à l'enfant qu'il aime avec toute
l'ardeur de l'affection d'un père spirituel, est admirablement décrite dans
"Ghost-Land" 378. Comme c'est le cas pour la réincarnation des lamas du
Tibet, un adepte de l'ordre le plus élevé peut vivre indéfiniment. Son corps
mortel s'use malgré certains secrets alchimiques pour prolonger la vigueur
de la jeunesse bien au-delà des limites usuelles, mais il est rare que le
corps puisse vivre plus de deux cents ou deux cent quarante ans. L'ancien
vêtement est usé et l'Ego spirituel se voit obligé de l'abandonner ; il choisit
alors pour sa demeure, un nouveau corps, jeune et pourvu d'un principe
vital robuste. Nous renverrons le lecteur qui serait tenté de ridiculiser cette
affirmation ou la prolongation possible de la vie humaine, aux statistiques
des différents pays. L'auteur d'un article fort bien écrit dans la Westminster
Review d'octobre 1850, est responsable de l'affirmation qu'en Angleterre, il
est authentiquement avéré qu'un nommé Thomas Jenkins est mort à l'âge
de 169 ans, et "Old Parr" à 152 ; et qu'en Russie "il a été reconnu que
quelques paysans ont atteint [239] l'âge de 242 ans" 379. On trouve
376
Saint-Matthieu, VII, 21.
377
Of the People of India, vol. I, p. 84.
378
Ou Researches into the Mysteries of Occultism ; Boston, 1877, édité par Mme E. Hardinge-
Britten.
379
Voyez Stone Him to Death ; Septenary Institutions. Le capitaine James. Riley dans sa narration
de son esclavage en Afrique, mentionne des cas analogues de grande longévité dans le Désert du
Sahara.
également des cas de centenaires chez les Indiens péruviens. Nous
n'ignorons pas que nombre d'écrivains célèbres, ont tout récemment nié ces
cas d'extrême longévité, mais nous maintenons néanmoins notre foi en leur
réalité.
380
Arménie Russe ; un des plus anciens couvents chrétiens.
381
Livre des Morts égyptien. Les hindous ont sept ciels supérieurs et sept inférieurs. Les sept péchés
mortels des Chrétiens ont été copiés des Livres égyptiens d'Hermès, si familiers à St-Clément
d'Alexandrie.
qu'il avait choisi pour lui succéder, qui, de cette manière était doué d'une
double vie 382. [240]
"En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de
nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu." (Saint Jean
III, 3). Jésus dit à Nicodème que "ce qui est né de la chair
est chair, et ce qui lest né de l'esprit est esprit."
382
L'atroce coutume introduite par la suite dans le peuple, des sacrifices humains, est une copie
pervertie du mystère Théurgique. Les prêtres païens qui ne faisaient pas partie des hiérophantes,
pratiquèrent ce rite hideux pendant longtemps, ce qui servit à masquer le but véritable. Mais le grec
Héraclès fut, dit-on, l'ennemi des sacrifices humains, et mit à mort les hommes et les monstres qui
les pratiquaient. Bunsen démontre, par l'absence même d'une représentation de sacrifices humains
sur les plus anciens monuments, que cette coutume avait été abolie dans l'ancien empire à la fin du
VIIème siècle après Ménès ; par conséquent 3.000 ans avant J.C. Iphiscrate avait aboli les sacrifices
humains chez les Cartaginois. Diphilus fit substituer des taureaux aux victimes humaines. Amosis
obligea les prêtres à remplacer celles-là par des figures de cire. D'autre part, pour chaque étranger
sacrifié sur l'autel de Diane par les habitants du Chersonnèse-Taurique l'Inquisition et le Clergé
chrétien peuvent se vanter d'une douzaine d'hérétiques sacrifiés sur l'autel de la "mère de Dieu" et
de son "Fils". Quand les chrétiens ont-ils jamais pensé substituer des animaux ou des figures de cire
aux hérétiques, juifs et sorciers ? Ils ne les brûlaient en effigie que lorsque par quelque hasard
providentiel, les victimes condamnées avaient réussi à échapper à leurs griffes.
la force de leur volonté au point d'avoir acquis le pouvoir, sur cette terre,
de communiquer avec les mondes supérieurs, et de pratiquer ce qu'on
nomme communément des "miracles" 383. Les hommes dont l'esprit astral a
atteint sur cette terre [241] nehreyasa, ou moukli, sont des demi-dieux ; ils
atteignent Moksha ou Nirvâna en l'état d'esprits désincarnés, et cela
constitue leur seconde naissance spirituelle.
383
Voilà pourquoi Jésus recommande la prière dans la solitude de sa chambre. La prière secrète
n'est rien d'autre que la paravidya du philosophe védantin : "Celui qui connaît son âme (son soi
intérieur) se retire journellement dans la région de Swarga (le royaume céleste) dans son propre
cœur", dit la Brihad-Arangaka. Le philosophe Védantin reconnaît l'Atman, le soi spirituel, comme
le Dieu unique et Suprême.
384
Wheel of the Law, p. 54.
son initiation par l'eau ; que, par conséquent, il n'était pas un dieu de
naissance, et qu'il n'avait pas été engendré physiquement par Lui. Tout
initié de la "dernière heure", devenait, du fait de son initiation, un Fils de
Dieu. Lorsque Maxime, l'éphésien, initia l'empereur Julien aux Mystères
Mithraïques, il prononça comme d'habitude, la formule usuelle du rite en
disant : "Par ce sang je te lave de tes péchés. La Parole du Très-Haut est
entrée en toi et dorénavant Son Esprit reposera sur le NOUVEAU-NE,
engendré en ce moment par le Dieu Suprême... Tu est le fils de Mithra."
"Tu es le Fils de Dieu", répétaient les disciples après le baptême du Christ.
Lorsque Paul secoua la vipère dans le feu, sans qu'il lui arrivât aucun mal,
les habitants de Mélita dirent "que c'était un dieu". (Actes XXVIII, 6). "Il
est le fils de Dieu, le Resplendissant !" était le terme employé par les
disciples de Simon le Magicien, car ils croyaient reconnaître en lui, "le
grand pouvoir de Dieu."
Un homme ne peut avoir de dieu qui ne soit pas limité par ses propres
conceptions humaines. Plus l'envergure de sa vision spirituelle est étendue,
plus grande aussi sera sa divinité. Mais où en trouverions-nous une plus
éclatante démonstration, que dans l'homme lui-même ; dans les pouvoirs
spirituels et divins qui demeurent latents dans chaque être humain ? "La
capacité même d'imaginer la possibilité des pouvoirs thaumaturgiques, est
la preuve de leur existence", dit l'auteur de Prophecy. "Le critique, ainsi
que le sceptique, sont généralement inférieurs à la personne ou au sujet
qu'ils étudient, et par conséquent ils ne sont guère des témoignages
compétents. Quand il y a une contrefaçon, il doit exister quelque part un
original 385."
385
Ancient and Modern Prophecy, par A. Wilder.
de ses globules, il reviendra à la vie. La substance universelle, avec son
double mouvement, est le grand arcane de l'être ; le sang est le grand
arcane de la vie."
"Le sang", dit l'Hindou Ramatsariar, "renferme tous les
mystérieux secrets de l'existence ; aucun être vivant ne
peut exister sans lui. C'est profaner la grande œuvre du
Créateur que de manger du sang."
386
Pendant un séjour à Petrovsk (Dhagestan, région du Caucase) nous avons eu l'occasion d'assister
à un autre de ces mystères. Ce fut grâce à l'obligeance du prince Melikoff, gouverneur général du
Dhagestan, en résidence à Temerchan-Shoura, et surtout du prince Shamsoudine, ex-Shamsal
régnant de Tarchoff, Tartare par la naissance, que, pendant l'été de 1865, nous avons assisté à cette
cérémonie, d'une espèce de loge privée, construite à distance convenable sous le toit de l'édifice
temporaire.
Au temps de l'antiquité, les sorcières de Thessalie ajoutaient
quelquefois à leurs rites le sang d'un nouveau-né à celui d'un agneau noir,
et par ce moyen elles évoquaient les ombres. On enseignait aux prêtres l'art
d'évoquer les esprits des morts, de même que ceux des éléments, mais leur
manière d'opérer n'était, certainement, pas celle des sorcières de Thessalie.
Il y a, parmi les Yakouts de Sibérie, une tribu vivant sur les confins de
la région transbaïkale, près de la rivière Vitema (Sibérie orientale) où on
pratique encore la sorcellerie comme du temps des sorcières thessaliennes.
Leurs croyances religieuses sont un curieux mélange de philosophie et de
superstition. Ils ont un chef ou dieu suprême Aij-Taion, qui, disent-ils, ne
créa pas, mais qui préside à la création de tous les mondes. Il vit dans le
neuvième ciel, et ce n'est que depuis le septième que les dieux inférieurs –
ses serviteurs – peuvent se manifester à leurs créatures. Ce neuvième ciel,
suivant la révélation des divinités inférieures (les esprits, croyons-nous) a
trois soleils et trois lunes et le sol de cette demeure est formé de quatre lacs
(les quatre points cardinaux) "d'air mou" (éther) au lieu d'eau. Tout en
n'offrant aucun sacrifice à la Divinité Suprême, car elle n'en a nul besoin,
ils cherchent à se propitier les divinités aussi bien bonnes que mauvaises,
auxquelles ils donnent respectivement le nom de dieux "blancs" et dieux
"noirs". Ils le font parce que ni l'une, ni l'autre, de ces deux classes n'est
assez bonne ou mauvaise par mérite ou démérite personnels. Comme [244]
ils sont tous soumis au suprême Aij-Taïon, et que chacun remplir la tâche
qui lui a été assignée de toute éternité, ils ne sont pas responsables du bien
ou du mal qu'ils font ici-bas. La raison que les Yakouts donnent pour ces
sacrifices est fort curieuse. Les sacrifices, disent-ils, aident chaque classe
de dieux à mieux accomplir leur mission, afin de satisfaire le Suprême, et
tout mortel quel prête son aide en accomplissant son devoir, doit, par
conséquent satisfaire également l'Etre Suprême, car il aura prêté son
concours à la justice. Comme les divinités "noires" sont chargées d'amener
les maladies, les maux et toutes espèces de calamités sur l'humanité, qui
sont tous punitions de transgressions quelconques, les Yakouts leur offrent
des sacrifices "sanglants" d'animaux ; tandis qu'aux divinités "blanches",
ils offrent de pures offrandes, consistant généralement en un animal
consacré à un dieu spécial et gardé avec grand soin et cérémonie, comme
étant sacré. Suivant eux, les âmes des morts deviennent des "ombres" et
sont condamnées à errer sur la terre jusqu'à ce qu'un changement se
produise pour le bien ou pour le mal, ce que les Yakouts ne prétendent pas
expliquer. Les ombres claires, c'est-à-dire celles des bons, deviennent les
gardiens et les protecteurs de ceux qu'ils ont aimés ici-bas ; les ombres
"noires" (les méchants) cherchent toujours, au contraire, à faire du mal à
leurs connaissances en les poussant au crime, aux actions mauvaises et en
nuisant autrement aux mortels. En outre, de même que les anciens
Chaldéens, ils comptent sept divins Sheitans (dœmons) ou dieux mineurs.
C'est pendant les sacrifices du sang, qui ont lieu la nuit que les Yakouts
évoquent les ombres méchantes ou noires, afin de leur demander ce qu'il
faut faire pour arrêter leurs méfaits ; c'est pourquoi il faut du sang, car sans
ses émanations les fantômes ne pourraient se rendre visibles, et
deviendraient, selon eux, encore plus dangereux, car ils le suceraient des
vivants par la sueur 387. Quant aux ombres bienfaisantes, les claires, nul
n'est besoin de les évoquer ; de plus, cet acte les dérange ; elles peuvent
révéler leur présence, lorsque besoin en est, sans autre préparation ou
cérémonie.
387
Ceci n'offre-t-il pas un point de comparaison avec les médiums matérialisations ?
voleur qui ne reculerait pas devant un assassinat, n'aurait jamais le courage
de toucher à la propriété d'un mort. Les Bulgares croient que tous les
samedis et surtout la veille du dimanche de Pâques, et jusqu'à la Trinité (ce
qui fait environ sept semaines) les âmes des morts descendent sur terre,
quelques-unes pour implorer le pardon des vivants à qui ils ont fait tort ;
d'autres pour protéger ceux qui leur sont chers et communier avec eux. Se
conformant fidèlement à la tradition de leurs ancêtres, les indigènes
allument leurs lampes ou leurs cierges chaque samedi pendant ces sept
semaines. En outre, le sept mai, ils arrosent les tombes avec du vin et
brûlent de l'encens à l'entour, du coucher au lever du soleil. Chez les
habitants des villes la cérémonie est limitée à ces simples pratiques. Mais
pour certains ruraux, le rite prend les proportions d'une évocation
théurgique. La veille de l'Ascension, les femmes bulgares allument une
quantité de cierges et de lampes ; les pots sont placés sur des trépieds et
l'encens parfume l'atmosphère des milles à l'entour, et des nuages de fumée
blanche enveloppent chaque tombe comme si un voile la séparait de ses
voisines. Pendant la soirée, et jusqu'à près de minuit, en souvenir du
défunt, les amis et un certain nombre de mendiants sont régalés avec du
vin, et du raki (liqueur de raisins) et on distribue de l'argent parmi les
pauvres suivant les moyens de la famille. Lorsque la fête est terminée, les
invités s'approchent des tombes et s'adressant au défunt par son nom, le ou
la remercient des bonnes choses reçues. Lorsque tous se sont retirés à
l'exception des proches parents, une femme, généralement la plus âgée de
la famille reste seule avec le mort, et – à ce que disent certaines personnes
– procède à la cérémonie de l'évocation. [246]
388
Les Yézidis comptent en tout un peu plus de 200.000 âmes. Les tribus qui habitent le pachalik de
Bagdad, et qui sont répandues sur toutes les montagnes de Sindjar, sont les plus dangereuses et sont
universellement détestées à cause de leurs méchantes pratiques. Leur principal cheik habite
constamment prés du tombeau de leur prophète et réformateur Adi, mais chaque tribu choisit son
propre Cheik parmi les plus versés dans l'art de la "Magie noire". Cet Adi, ou Ad est un de leurs
ancêtres mystiques, et il n'est autre que Adi – le Dieu de la sagesse ou le Ab-ad des Parsis, le
premier ancêtre de la race humaine, ou bien encore 1 Adh-Bouddha des hindous, antropomorphisé
et dégénéré.
ignorance, ni par étroitesse d'esprit qu'ils ont fondé le culte et une
communication régulière avec les éléments et les élémentaires les plus
malfaisants et de la plus basse classe. Ils reconnaissent la malignité
actuelle du chef des "puissances noires" ; mais en même temps ils
craignent son pouvoir et cherchent par conséquent, à se concilier ses
faveurs. Celui-ci est en lutte ouverte avec Allah, disent-ils, mais une
réconciliation peut intervenir à n'importe quel moment ; et ceux qui ont
manqué de respect au "noir", peuvent en souffrir à l'avenir, et ils auront
ainsi contre eux Dieu et le Diable. Ce n'est qu'une ruse politique pour se
propitier sa Majesté Satanique, qui n'est que le grand Tchernobog (le dieu
noir) des Variagi Russ, les anciens Russes idolâtres, antérieurs à Vladimir.
389
En moins de quatre mois, nous avons trouvé dans les journaux hebdomadaires quarante-sept cas
de crimes, allant de l'ivrognerie jusqu'au meurtre, commis par des ecclésiastiques dans les seuls
Etats-Unis d'Amérique. A la fin de 'année nos correspondants de l'Orient auront de précieux faits à
mettre en regard des dénonciations des missionnaires au sujet des écarts "païens" de conduite.
l'être également pour ceux que la théologie n'a que trop maintenus sous un
joug écrasant. D'autre part, tout ce qui est noble, spirituel, élevé dans
l'ancienne religion est répudié s'il n'est pas délibérément falsifié.
Prenez saint Paul, par exemple, et lisez le peu qui reste d'original dans
les écrits qu'on attribue à cet homme courageux, honnête et sincère, et
voyons si nous y trouvons une seule expression pour démontrer que saint
Paul reconnaissait dans le mot Christ autre chose que l'idéal abstrait de la
divinité personnelle latente dans chaque homme. Pour Paul, le Christ n'est
point un personnage, mais une idée incorporée. "Si un homme est en
Christ, il est une nouvelle création", il est né de nouveau, comme après
l'initiation, car le Seigneur est esprit – l'esprit de l'homme. Paul était le seul
de tous les apôtres qui eût compris les idées secrètes à la base des
enseignements de Jésus, bien que ne l'ayant jamais rencontré. Mais Paul
était passé par l'initiation ; et, désireux d'inaugurer une nouvelle et large
réforme, qui embrasserait l'humanité entière, il éleva sa doctrine en toute
sincérité bien au-dessus de la sagesse des âges, au-dessus des anciens
Mystères et de la révélation ultime des époptae. Ainsi que le prouve avec
beaucoup de raison le professeur A. Wilder, dans divers articles, ce ne fut
pas Jésus, mais bien Paul le véritable fondateur du christianisme. "Ce fut
à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés
chrétiens", disent les Actes des Apôtres XI, 26. "Les hommes comme
Irénée, Epiphane et Eusèbe ont transmis à la postérité une réputation de
mensonge et de pratiques malhonnêtes ; et le cœur se serre aux récits des
crimes commis pendant cette période", écrit cet auteur dans un récent
article 390. "N'oublions pas, ajoute-t-il, que lorsque les Musulmans
envahirent la Syrie et l'Asie Mineure pour la première fois, ils furent
accueillis avec joie par les Chrétiens de ces contrées, comme des
libérateurs de l'oppression intolérable des autorités gouvernantes de
l'Eglise."
390
Evolution, art. Paul, le fondateur du Christianisme.
monde entier. En [251] outre ils n'ont pas dégénéré de leur foi primitive
plus que les chrétiens eux-mêmes. Pourquoi, alors, Jésus de Nazareth,
mille fois plus grand, plus noble et moralement plus élevé que Mahomet,
ne serait-il pas vénéré et suivi pratiquement par les chrétiens, au lieu d'être
aveuglément et stérilement adoré, comme un dieu, et invoqué à la façon de
certains bouddhistes, qui tournent leur moulin à prières. Nul ne doute
aujourd'hui que cette religion ne soit devenue stérile, et qu'elle ne mérite
pas plus le nom de christianisme que le fétichisme des Kalmouks ne mérite
celui de la philosophie prêchée par Bouddha. "On ne devrait pas nous
imputer la croyance, dit le Dr Wilder, que le christianisme moderne ait un
rapport quelconque avec la religion prêchée par Paul. Il manque de sa
largeur de vues, de son sérieux, de sa subtile perception spirituelle.
Subissant l'influence des nations qui la professent, il présente autant de
formes qu'il y a de races. Il est en Italie et en Espagne une chose, mais il
diffère grandement en France, en Allemagne, en Hollande, en Suède, en
Grande-Bretagne, en Russie, en Arménie, au Kurdistan et en Abyssinie.
Comparé aux cultes qui l'ont précédé, le changement semblerait être plus
dans le nom que dans l'essence. Les hommes s'étaient couchés païens et
réveillés chrétiens. En ce qui concerne le Sermon sur la Montagne, ses
doctrines principales sont plus ou moins répudiées par chaque
communauté chrétienne de quelque importance. La barbarie, l'oppression
et la cruauté des punitions sont aussi communes aujourd'hui qu'à l'époque
du paganisme.
"Le christianisme de Pierre n'existe plus ; il a été
supplanté par celui de Paul, et celui-ci, à son tour, s'est
fondu dans les autres religions mondiales. Lorsque
l'humanité sera éclairée, ou que les races barbares auront
été remplacées par celles d'instincts et de sentiments plus
nobles, les excellences idéales deviendront des réalités.
"Le Christ de Paul est une énigme qui demande les plus
grands efforts pour être résolue. Il était quelque chose
d'autre que le Jésus des Evangiles. Paul méprisait leurs
généalogies interminables, l'auteur du IVème Evangile,
lui-même gnostique d'Alexandrie, décrit Jésus comme ce
que nous appellerions aujourd'hui, un esprit divin
"matérialisé". Il était le Logos, ou la Première Emanation
– le Métathron... La mère de Jésus, de même que la
princesse Maya, Danaé, ou peut-être Périktioné, avait
donné naissance, non à un enfant de l'amour, mais à un
rejeton divin. Aucun Juif d'une secte quelconque, aucun
apôtre, aucun croyant primitif, n'a jamais mis en avant
une pareille idée. Paul parle du Christ comme d'un
personnage plutôt que d'une personne. Les leçons sacrées
des assemblées secrètes personnifiaient souvent la bonté
et la vérité divines sous une forme humaine, sujette aux
passions et aux appétits [252] humains, mais leur étant
supérieure ; et cette doctrine émergeant de la crypte, fut
accaparée par des gens d'église et les esprits grossiers
comme celle d'une conception immaculée et d'une
incarnation divine."
391
Nous lisons dans l'Epître aux Galathes, IV, 4 : "Mais lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a
envoyé son Fils, né d'une femme, né sous la loi."
Balie ne portant aucune date, ni le nom de l'auteur n'ont pas plus de
valeur que toutes les traditions dont l'origine est inconnue 392.
Ce dernier argument est aussi mal avisé qu'il est naïf. Nous ne
connaissons pas de livre, dans le monde entier, dont l'authenticité soit
moins établie en tant que date, noms d'auteurs ou traditions, que notre
Bible chrétienne. Dans ces conditions les Siamois ont autant de raison pour
croire à leur Sommona-Cadom miraculeux, que les chrétiens à leur
Sauveur de naissance miraculeuse. Ceux-ci n'ont, en outre, pas plus de
droit d'imposer leur religion aux Siamois chez eux, ou à n'importe quel
autre peuple, [253] contre leur volonté, que les prétendus païens "de forcer
à la pointe de l'épée la France ou l'Angleterre à se convertir au
Bouddhisme". Un missionnaire bouddhiste, même dans la libre Amérique,
risquerait fort d'ameuter la foule contre lui, mais cela n'empêche pas les
missionnaires de diffamer ouvertement la religion des Brahmanes, des
Lamas et des Bonzes, et ceux-ci ne sont pas toujours libres de leur
répondre. C'est ce qu'on appelle répandre la bienfaisante lumière du
christianisme et de la civilisation, sur les ténèbres du paganisme !
392
La date de ces livres Pali a été pleinement établie dans le siècle actuel, assez bien du moins, pour
démontrer qu'ils existaient à Ceylan en l'an 316 avant J.-C., lorsque Mahinda, le fils d'Asoka y
vivait. (Voyez Max Muller, Chips, etc. Vol. I, sur le Bouddhisme).
394
Dans un discours entre Hermès et Thoth, le premier dit : "Il est impossible que la pensée puisse
avoir une conception correcte de Dieu... On ne peut décrire au moyen d'organes matériels ce qui est
immatériel et éternel... L'un est une perception de l'esprit et l'autre une réalité. Ce qui est perçu par
nos sens peut s'exprimer en paroles ; mais ce qui n'a pas de corps, ce qui est invisible, immatériel et
Que reste-t-il, alors, à prêcher ? nous est-il permis de demander. Sans
Sauveur, sans rédemption, sans crucifixion pour les péchés des hommes,
sans Evangile, sans la menace d'une damnation éternelle, sans miracles à
faire miroiter à leurs yeux, que restait-il alors aux Jésuites à mettre devant
les Siamois, sinon la poussière des sanctuaires païens pour leur aveugler la
vue ? Le sarcasme est acerbe, en vérité. La moralité que pratiquent ces
pauvres païens, enseignée par la foi de leurs ancêtres est si pure, que le
Christianisme doit être dépouillé de toute marque distinctive avant que ses
prêtres puissent se permettre de le leur proposer. Une religion qu'on ne
peut laisser scruter par un peuple sans malice, modèle de piété filiale,
foncièrement honnête, qui professe une vénération profonde pour son Dieu
et une horreur instinctive pour tout ce qui pourrait profaner Sa Majesté,
une telle religion, disons-nous, ne peut être fondée que sur l'erreur. Et que
ce soit le cas, notre siècle est en train d'en faire, petit à petit, l'expérience.
sans forme ne peut être saisi au moyen de nos sens ordinaires. C'est ainsi que je comprends O
Thoth, que Dieu est ineffable.
Dans le Catéchisme des Parsis traduit par M. Dadabhai Naoroji, on lit ce qui suit :
"Q. – Quelle est la forme de Dieu ?".
"R. – Notre Dieu n'a ni figure ni forme, ni couleur, ni proportion, ni place fixe. Il ne ressemble à
aucun. Il est Lui-même, unique, et sa gloire est telle que nous ne pouvons ni faire Sa louange ni Le
décrire ; notre esprit est incapable de Le comprendre".
sont changés, mais le lieu de l'action, l'Inde, demeure le même, aussi bien
dans la légende chrétienne [256] que dans la bouddhique. On la trouve
également dans le Speculum Historiale, de Vincent de Beauvais, qui date
du XIIIème siècle. La découverte fut faite par l'historien de Couto, bien que
le professeur Müller attribue la première reconnaissance de l'identité des
deux récits de M. Laboulaye, en 1859. Le colonel Yule, nous dit que 395 les
histoires de Barlaam et de Josaphat étaient connues de Baronius, et qu'on
les trouve à la page 348 de Roman Martyrology, édité sur l'ordre du pape
Grégoire XIII, et revu sous l'autorité du pape Urbain VIII, traduit du latin
en anglais par G. K., de la Société de Jésus 396.
Après avoir répété le plagiat, Diego de Couto, qui semble peu disposé
à abandonner la notion que Gautama était Josué, dit : "Les Gentils de
l'Inde entière, ont élevé de grandes et superbes pagodes à ce nommé
395
Contemporary Review, p. 588, juillet 1870.
396
Livre de Ser Marco Polo, vol. II.
397
Ibidem.
Budâo. Parlant de ce récit, nous avons recherché avec soin si les anciens
Gentils de ce pays avaient eu connaissance dans leurs écritures d'un saint
Josaphat, qui avait été converti par Balaam, lequel, dans la légende est
représenté comme étant le fils d'un grand roi de l'Inde, et qui fut élevé de la
même manière que le récit que nous avons fait de la vie du Budâo. Et
[257] comme je voyageais dans l'île de Salsette, j'allai voir cette rare et
admirable pagode qu'on nomme Canara Pagoda (les grottes de Kanhàri)
ayant plusieurs salles creusées à même la roche de la montagne, et ayant
demandé à un vieillard ce qu'il pensait de l'ouvrage et qui l'avait exécuté, il
nous dit, que sans aucun doute il avait été creusé par ordre du père de saint
Josaphat, afin de l'élever dans la réclusion, ainsi que le dit l'histoire. Et
comme on nous informe qu'il était fils d'un grand roi de l'Inde, il se peut
bien, comme je l'ai déjà dit, qu'Il était le Budâo, dont on raconte tant de
merveilles 398."
De plus la légende chrétienne est puisée, dans presque tous les détails,
dans la tradition cingalaise. C'est sur cette île que naquit la tradition de
Gautama refusant le trône de son père et du roi lui faisant élever un
superbe palais, où il le garda demi prisonnier, entouré de toutes les
tentations de la vie et du luxe. Marco Polo la reproduisit telle qu'il l'avait
eue des Cingalais et, aujourd'hui, sa version se trouve être la fidèle
répétition de ce qu'on lit dans divers ouvrages bouddhiques. Comme le dit
Marco Polo avec naïveté, le Bouddha vécut une vie si austère et si sainte, il
pratiqua l'abstinence à un tel point, "qu'on aurait pu le prendre pour un
chrétien. Et, en vérité, ajoute-t-il, s'il l'avait été, il aurait été un des grands
saints de notre Seigneur Jésus-Christ, tellement sa vie était pure et bonne".
A ce pieux apophtègme, son éditeur remarque avec raison que "Marco
n'est pas le seul qui ait exprimé une pareille appréciation de la vie de
Sakya-muni". De son côté le professeur Max Müller dit : "Malgré tout ce
que nous pouvons penser de la sainteté des saints, que ceux qui doutent du
droit du Bouddha de prendre place parmi eux, lisent le récit de sa vie tel
qu'il est relaté dans les canons bouddhiques. S'il vécut la vie qu'ils
décrivent, il y a peu de saints qui mériteraient mieux ce nom que le
Bouddha ; et ni l'Eglise grecque ni l'Eglise Romaine n'ont à rougir d'avoir
honoré sa mémoire dans saint Josaphat, le prince, l'ermite et le saint."
398
Dec., v. lib. VI, chap. 2.
Jamais l'Eglise Catholique Romaine n'eut une meilleure occasion de
christianiser toute la Chine, le Tibet et la Tartarie, qu'au XIIIème siècle,
pendant le règne de Kublai-Khan. Il semble étrange qu'elle n'en ait pas
saisi l'occasion lorsque Kublai hésitait, à un moment donné, entre les
quatre religions du monde, et peut être bien qu'à cause de l'éloquence de
Marco Polo, il aurait favorisé le Christianisme plutôt que le Mahométisme,
le Judaïsme ou le Bouddhisme. Marco Polo et Ramusio, un de ses
interprètes nous disent pourquoi. Il paraît que, malheureusement pour
Rome, l'ambassade du père et de l'oncle de Marco, échoua par suite du
décès [258] de Clément IV juste à ce moment-là. Il n'y eut pas de Pape
pendant plusieurs mois, pour recevoir les ouvertures amicales de Kublai
Khan ; et ainsi, les cent missionnaires chrétiens invités par lui ne purent
être envoyés au Tibet et en Tartarie. Pour ceux qui croient qu'une divinité
intelligente prend soin, là-haut, du bien-être de notre misérable petit
monde, ce contre-temps est une preuve évidente que le Bouddhisme,
devait l'emporter sur le Christianisme. Qui sait, si le Pape Clément ne
tomba pas malade à la seule fin d'empêcher les Bouddhistes de sombrer
dans l'idolâtrie du catholicisme Romain ?
399
Voyages en Tartarie, etc., pp. 121-122.
lamaïsme de cette nature qui abondent dans l'ouvrage de l'abbé Hue, furent
la raison de sa mise à l'Index à Rome, et lui valurent d'être défroqué.
Si nous n'en jugeons que par ses jongleurs, l'Inde doit être bien mieux
versée en alchimie, chimie et physique que toutes les [260] académies
européennes. Les merveilles psychologiques produites par quelques fakirs
de l'Hindoustan méridional et par les shaberons et les hobilhans du Tibet et
de Mongolie viennent à l'appui de nos dires. La science de la psychologie a
atteint le summum de la perfection, atteint nulle par ailleurs dans les
annales du merveilleux. Que de tels pouvoirs ne soient pas seulement le
résultat de l'étude, mais qu'ils soient naturels chez tous les êtres humains
est prouvé, aujourd'hui, en Amérique et en Europe par les phénomènes
mesmériques et ce qu'on se plait à appeler "le spiritisme". Si la plus grande
partie des voyageurs étrangers, et ceux qui résident dans l'Inde anglaise
sont disposés à considérer toutes ces manifestations comme de simples
tours de passe-passe, il n'en est pas ainsi pour quelques européens qui ont
eu le rare bonheur d'être admis derrière le voile dans les pagodes. Certes
ceux-ci ne se moqueront point des rites, et ne sous-estimeront pas non plus
les phénomènes produits dans les loges secrètes de l'Inde. Le
mahadthévassthanam des pagodes (communément appelé goparam,
d'après le portique pyramidal sacré par lequel on entre dans l'édifice) est
connu depuis longtemps d'Européens, bien que ceux-ci ne soient qu'une
poignée.
400
Livre de Ser Marco Polo, Vol. II, p. 340.
Nous ignorons si le prolifique Jacolliot 401 a jamais été admis dans une
de ces loges. C'est fort douteux, croyons-nous, si l'on en juge par ses
nombreux récits fantastiques sur les immoralités des rites mystiques des
Brahmanes, des fakirs des pagodes, et même des Bouddhistes (!!) dans
tous lesquels il fait figure de Joseph. Quoi qu'il en soit, il est évident que
les Brahamnes ne lui ont point divulgué de secrets, car, en parlant des
fakirs et de leurs miracles, il remarque, "que sous la direction des
Brahmanes initiés, ils pratiquent les sciences occultes dans le silence des
sanctuaires... et qu'on ne soit point étonné de ce mot, qui donnerait à croire
qu'on ouvre la porte du surnaturel, tandis qu'il y a dans les sciences que les
Brahmanes nomment occultes, des phénomènes assez extraordinaires pour
déconcerter toute investigation, il n'y en a pas un seul qui ne puisse être
expliqué et qui ne soit sujet à la loi naturelle". [261]
401
Ses vingt et quelques volumes sur des sujets orientaux sont certes un curieux ensemble de fiction
et de vérité. Ils contiennent de nombreux faits au sujet des traditions de l'Inde, de sa philosophie et
de sa chronologie, accompagnés de réflexions courageusement énoncées. Mais il semble toujours
que le philosophe cède la place au romancier. C'est comme si deux hommes collaboraient au même
ouvrage, l'un soigneux, sérieux, érudit et savant, l'autre un romancier français sensationnel et
sensuel, qui juge les faits, non pas comme ils sont, mais comme il les imagine. Ses traductions du
Manou sont admirables, ses controverses, pleines d'adresse ; son jugement au sujet de la morale des
prêtres est injuste, et dans le cas des bouddhistes, absolument calomnieux. Mais dans tous les
volumes il n'y a pas une seule ligne fastidieuse ; il a l'œil d'un artiste et la plume d'un poète de la
nature.
"L'unique explication que nous ayons pu obtenir, à ce
sujet, d'un savant brahmane avec lequel nous étions en
termes d'une étroite intimité, est la suivante : Vous avez
étudié la nature physique et vous avez obtenu des
résultats merveilleux par les lois de la nature – vapeur,
électricité, etc. ; depuis vingt mille ans et plus, nous
avons étudié les forces intellectuelles, et nous avons
découvert leurs lois ; nous obtenons donc, en les faisant
agir seules, ou d'accord avec la matière, des
phénomènes encore plus extraordinaires que les vôtres."
Jacolliot a dû, vraiment, être émerveillé par ces merveilles, car il dit :
"Nous avons vu des choses qu'il est impossible de décrire, de peur de faire
douter au lecteur de son intelligence... Mais nous les avons néanmoins
vues. Et certes, on comprend comment, devant de pareilles manifestations
le monde ancien... croyait à la possession par le Diable et aux
exorcismes" 402.
402
Les Fils de Dieu. L'Inde Britannique, p. 296.
Laissons-les, nous ne nous sommes déjà que trop occupés d'eux et de
leur théologie de pièces et de morceaux. Nous les avons pesés les uns et
l'autre sur la balance de l'histoire, de la logique, de la vérité, et nous les
avons reconnus insuffisants. Leur doctrine engendre l'athéisme, le
nihilisme, le désespoir et le crime ; ses prêtres et ses prédicateurs sont
incapables de prouver par des œuvres qu'ils ont reçu le pouvoir divin. Si,
tant l'Eglise que les prêtres pouvaient disparaître du monde aussi
facilement que leurs noms des yeux du lecteur, ce jour serait un jour béni
pour l'humanité. New-York et Londres pourraient redevenir bientôt des
villes aussi morales que les cités païennes avant l'occupation des
chrétiens ; Paris plus pure que l'ancienne Sodome. Lorsque les catholiques
et les protestants seront aussi certains que les bouddhistes et les brahmanes
que tous leurs crimes recevront leur punition, que chaque bonne action
aura sa récompense, ils pourront employer pour leurs propres païens, ce
qui aujourd'hui sert à procurer à leurs missionnaires de longs picnics, et
qui rend le nom de chrétiens détesté et méprisé par toutes les nations en
dehors des limites de la chrétienté.
CHAPITRE XII
—
CONCLUSIONS ET ILLUSTRATIONS
Plutarque.
C'est cet état que des voyants tels que Plotin et Apollonius appelaient
"l'Union avec la Divinité" ; que les anciens Yogis nommaient Isvara 403 et
les modernes "Samâddi" ; mais cet état est autant au-dessus de la
clairvoyance moderne que les étoiles sont au-dessus des vers-luisants.
Plotin, le fait est bien connu, fut toute sa vie durant un clairvoyant ; et
cependant il n'avait été réuni à son Dieu que six fois pendant les soixante-
six ans de son existence, ainsi qu'il le confessa lui-même, à Porphyre.
403
Dans son sens général Isvara signifie "Seigneur" ; mais l'Isvara des philosophes mystiques de
l'Inde veut dire précisément l'union et la communion de l'homme avec la Divinité des mystiques
grecs. Isvara-Prasada veut dire littéralement en sanscrit grâce. Les deux "Mimansas" traitant des
questions les plus abstraites, donnent l'explication de Karma comme le mérite, ou l'efficacité des
œuvres ; Isvara-Prasada, comme la grâce ; et Shraddha, comme la foi. Les "Mimansas" sont
l'ouvrage des deus plus célèbres théologiens de l'Inde. Le "Pourva-Mimansa" fut écrit par le
philosophe Djeminy, et le a Outtara-Mimansa" (ou Vedanta) par Krichna Dvipayna-Vyasa, qui
réunit ensemble les quatre "Védas". (Voyez Sir William Jones, Colebrooke et autres).
Les colonnes de bronze du temple de Salomon ; les clochettes d'or et les
grenades d'Aaron ; [269] le Jupiter Capitolin d'Auguste entouré de
clochettes harmonieuses 404 ; et les vases de bronze des Mystères, lorsqu'on
appelait la Korê 405, étaient tous destinés à fournir cette aide artificielle 406.
Il en était de même des coupes de bronze de Salomon, autour desquels
pendait une double guirlande de 200 grenades, qui tenaient lieu de battants
dans les colonnes creuses. Les prêtresses du nord de l'Allemagne sous la
conduite des hiérophantes, ne pouvaient prophétiser que dans le fracas des
eaux tumultueuses. Fixant les remous qui se forment sur les eaux rapides
des torrents, elles s'hypnotisaient elles-mêmes. Nous lisons également que
Joseph, le fils de Jacob, cherchait l'inspiration divine au moyen de sa
coupe de divination en argent, coupe qui devait avoir un fond très brillant.
Les prêtresses de Didone se plaçaient sous l'antique chêne de Zeus (le Dieu
Pelasgien, et non pas l'Olympien) et écoutaient attentivement le murmure
des feuilles sacrées tandis que d'autres concentraient leur attention sur le
doux gazouillement de la fraîche source qui sortait de sous ses racines 407.
Mais l'adepte n'a besoin d'aucune de ces aides extérieures ; la seule action
de son pouvoir de volonté est suffisant.
404
Suétone, Augustus.
405
Plutarque.
406
Pline, pp. 2-14.
407
Servius ad Æon, p. 71.
accomplir chaque désir." Il donne en outre leurs diverses appellations :
"Les noms de ces pouvoirs sont : 1, Anima ; 2, Mahima ; 3, Laghima ; 4,
Garima ; 5, Prâpti ; 6, Prakamya ; 7, Vashitva ; 8, Ishitva, ou pouvoir
divin. Le cinquième prédit l'avenir, comprend les langages inconnus, guérit
les maladies, devine les pensées non exprimées, connaît le langage du
cœur. Le sixième est le pouvoir qui convertit la vieillesse en jeunesse.
[270] Le septième est le pouvoir de magnétiser les êtres humains et les
animaux et de les rendre dociles ; c'est le pouvoir de restreindre les
passions et les émotions. Le huitième pouvoir est la condition spirituelle,
et présuppose l'absence des sept pouvoirs antérieurs, car dans cet état, le
Yogi est rempli de Dieu."
"Il n'a été donné à aucun ouvrage, ajoute-t-il, révélé ou
sacré, d'être aussi catégorique et décisif que
l'enseignement de l'âme. Quelques-uns des Richis
paraissent avoir fait grand cas de cette source super-
sensorielle de connaissance" 408.
408
Peary chand Mittra The Psychotogy of the Argas ; Human nature, mars 1877.
en suivant fidèlement les fluctuations. Lorsque le dernier fil est tissé et que
l'homme apparaît enfermé dans le filet qu'il a lui-même formé, il se trouve
complètement à la merci de cette destinée par lui préparée. Alors elle le
maintient immobile comme le coquillage inerte sur le rocher immuable, ou
elle l'emporte comme une plume dans le tourbillon soulevé par ses propres
actions.
409
Le correspondant de Boulogne (France) d'un journal anglais dit qu'il a connu un monsieur dont
le bras avait été amputé à l'épaule, "qu'il est persuadé qu'il a un bras spirituel, qu'il voit et peut
toucher avec 1 autre main. Il peut tout toucher et même soulever des objets avec la main spirituelle
corps astral tout entier émergea comme un nuage vaporeux, jusqu'à ce qu'il
y eût deux formes devant nous, la seconde étant l'exacte reproduction de la
première, avec cette seule différence qu'elle était un peu plus sombre.
ou fantômale". Cette personne ignore tout du spiritisme. Nous donnons ce récit tel qu'il nous a été
transmis, sans l'avoir vérifié, mais il corrobore ce que nous avons vu dans le cas d'un adepte
oriental. Cet éminent savant et cabaliste pratique peut projeter, à volonté, son bras astral, et prendre,
remuer et porter des objets au moyen de ce bras, à une grande distance de là où il est assis ou
debout. Nous l'avons vu plusieurs fois s'occuper ainsi d'un éléphant favori.
410
Réponse à une question posée à la "National Association of Spiritualists", 14 mai 1877.
Comme le dit Baboo Peary Chand Mittra dans une lettre 411 adressée à
M. Alexandre Calder, Président de l'Association Nationale des Spirites 412,
"un esprit est une essence ou une puissance et n'a pas de forme... La seule
idée de la forme implique le matérialisme. Les esprits, [les âmes astrales,
dirions-nous]... peuvent prendre une forme pour un temps donné, mais
cette forme n'est pas leur état permanent. Plus notre âme est matérielle,
plus notre conception des esprits est matérielle aussi".
Simon le Magicien n'attendit pas non plus d'être mis en transe, pour
s'envoler devant les apôtres et une foule de témoins. "Nul besoin n'est de
conjurations et de cérémonies ; tracer des cercles et brûler de l'encens sont
des niaiseries et des jongleries", dit Paracelse. L'esprit humain "est une
chose si grande que nul ne peut l'exprimer ; de même que Dieu, lui-même.
est éternel et immuable, de même aussi est le mental de l'homme. Si nous
en comprenions bien les pouvoirs, rien, ici-bas, ne nous serait impossible.
Notre imagination est fortifiée et développée par la foi dans notre volonté.
La foi doit confirmer l'imagination, car la foi engendre la volonté".
411
"A Bouddhist's Opinion of the Spiritual States."
412
Voyez le "London Spiritualist", 25 mai 1877, p. 246.
Un curieux récit d'une interview personnelle, en 1783, d'un
Ambassadeur Anglais avec un Bouddha réincarné – sujet effleuré dans
notre premier volume – un enfant âgé à ce moment là de dix-huit mois –
parut dans le Asiatic Journal, d'après la narration faite par un témoin
oculaire, M. Turner, l'auteur de The Embassy to Thibet. La prudence du
sceptique qui craint la risée du public, cache mal la stupéfaction du témoin
devant le phénomène dont il cherche en même temps à exposer les faits
avec toute la véracité possible. Le bébé lama reçut l'ambassadeur et sa
suite avec une dignité et un décorum tellement naturels et aisés qu'ils en
demeurèrent émerveillés. L'attitude de cet enfant, dit l'auteur, était celle
d'un vieux philosophe, grave, tranquille et exquisément courtois. II fit
comprendre au jeune pontife l'immense chagrin que ressentait le
gouverneur général de Galagata (Calcutta), la cité des Palais, et le peuple
des Indes, lorsqu'ils apprirent sa mort, et la joie générale ressentie
lorsqu'on sut qu'il était ressuscité dans un nouveau corps jeune et sain ; à
ce compliment, le jeune lama le regarda, lui et sa suite, avec une grande
satisfaction, et leur offrit courtoisement des sucreries dans une coupe d'or.
"L'ambassadeur continua en lui exprimant l'espoir du Gouverneur Général
que le lama continuerait longtemps à éclairer le monde par sa présence, et
que l'amitié qui jusqu'alors avait subsisté entre eux, se raffermirait encore
plus, au profit et à l'avantage [276] des fidèles intelligents du lama...
pendant ce temps le petit enfant regarda fixement l'orateur et inclina
gracieusement la tête – oui il s'inclina et acquiesça de la tête comme s'il
comprenait et approuvait chaque mot qui avait été prononcé 413."
413
Voyez la "Hindu Mythology" de Coleman.
notre protection était toute-puissante, et lui faciliterait le moyen de rentrer
en toute sécurité chez lui en Sibérie, d'où il s'était échappé ainsi qu'il nous
le dit, il y avait quelque vingt ans, pour des raisons inconnues, en passant
par Kiachta et le grand désert de Gobi, jusqu'au pays des Tcha-gars 414.
Avec un but aussi intéressé en perspective, nous nous crûmes en sécurité
sous sa garde. Donnons succinctement l'explication de notre situation : nos
compagnons avaient formé le plan téméraire de pénétrer au Tibet sous
divers déguisements, aucun ne parlant la langue du pays, bien qu'un d'eux,
M. K – ayant appris quelques mots de tartare de Kasan, croyait bien la
parler. Nous ne le mentionnons qu'incidemment, car nous avouons, dès le
début, que deux d'entre eux, les frères N – furent poliment reconduits à la
frontière avant d'avoir fait plus de seize milles dans le mystérieux pays du
Bod oriental ; et M. K – ex-pasteur luthérien ne put même pas essayer de
quitter son misérable village près de Leh, car dès les premiers jours il y fut
pris de fièvres et du retourner à Lahore, via Cashmire. Mais un exploit
auquel il assista suffit, comme s'il avait été présent à la réincarnation du
Bouddha en personne. Ayant entendu parler de ce "miracle" par un vieux
missionnaire russe, au récit duquel il pensait pouvoir ajouter plus de foi
qu'à ceux de l'abbé Hue, son désir ardent depuis plusieurs années avait été
de démasquer, comme il le disait, cette grande "jonglerie païenne". K –
était positiviste, [277] et se vantait de ce néologisme anti-philosophique.
Mais son positivisme allait recevoir un coup mortel.
414
Défense est faite aux sujets russes de passer sur le territoire tartare, de même que les sujets de
l'empereur de Chine ne peuvent se rendre aux manufactures russes.
415
Ceux-ci sont les représentants de la Trinité bouddhiste, Bouddha, Dharma et Sangha, ou Fo, Fa
et Seugh, ainsi qu'on les nomme au Tibet.
Le vihar était installé dans un endroit retiré et romantique garanti
contre toute intrusion. Malgré les attentions obséquieuses, les présents et
les protestations de M. K – le chef, qui était un Pase-Budhu (un ascète de
haute sainteté) refusa de présenter le phénomène de "l'incarnation", jusqu'à
ce qu'un certain talisman, en possession de l'auteur, lui eut été présenté 416.
Mais lorsqu'on le lui eut fait voir, les préparatifs furent faits aussitôt, et on
se procura un enfant de trois à quatre mois, dont la mère était une pauvre
femme des environs. On exigea tout d'abord de M. K – qu'il prêtât serment
de ne rien divulguer pendant l'espace de sept agis de tout ce qu'il pourrait
voir ou entendre. Le talisman est une simple agate ou cornaline connue
chez les Tibétains et autres sous le nom de A-yu, et qui possède
naturellement ou à laquelle on a [278] communiqué de fort mystérieuses
propriétés. Un triangle y est gravé, au centre duquel sont tracés quelques
mots mystiques 417.
416
Il est défendu à un Bikahu d'accepter quoi que ce soit directement d'un laïque, même de son
propre pays, encore moins d'un étranger. Le moindre contact avec le corps et même les vêtements
d'une personne n'appartenant pas à leur communauté spéciale doit être soigneusement évité. Ainsi
les présents apportés par nous et qui comprenaient des pièces de pou-lou rouge et jaune, sorte
d'étoffe de laine portée généralement par les lamas, eurent à passer par d'étranges cérémonies. II
leur est interdit : 1° de demander ou de mendier quoi que ce soit, même s'ils mouraient de faim,
devant attendre que cela leur soit volontairement offert ; 2° de toucher de l'or ou de l'argent avec les
mains ; 3° de manger une bouchée de nourriture, lorsqu'elle leur est offerte, si le donateur ne dit pas
distinctement au disciple : "Ceci est pour que ton maître mange." Là-dessus le disciple se tournant
vers le pazen doit offrir la nourriture à son tour et lorsqu'il a dit : "Maître, ceci est permis ; prends et
mange", alors seulement le lama peut le prendre de la main droite et le manger. Toutes nos
offrandes eurent à passer par de telles purifications. Lorsque des pièces d'argent et quelques
poignées d'annas (monnaie égale à environ quatre cents) furent offertes à différentes occasions à la
communauté, un disciple commença par envelopper sa main dans un mouchoir jaune, et recevant
les pièces de monnaie sur la paume de la main il les mettait immédiatement dans le Badir, appelé
aussi en d'autres endroits Sabaït, bassin sacré généralement en bois, gardé pour recevoir les
offrandes.
417
Ces pierres sont en grande vénération chez les Lamaïstes et les Bouddhistes ; elles ornent le
trône et le sceptre du Bouddha et le Taley Lama en porte une au quatrième doigt de la main droite.
On les trouve dans les monts Altaï, et près de la rivière Yarkuh. Notre talisman était un présent d'un
vénérable grand'prêtre, un Heiloung, d'une tribu Nalmouck. Bien qu'elles soient considérées comme
des apostas du Lamaïsme primitif, ces tribus nomades entretiennent des relations amicales avec
leurs frères kalmoucks, les Chokhots du Tibet oriental et de Kokenor et même avec les Lamaistes
de Lha-Ssa. Néanmoins les autorités ecclésiastiques ne veulent avoir aucune relation avec eux.
Nous avons eu de nombreuses occasions de connaître ce peuple intéressant des steppes d'Astrakan,
ayant vécu dans leurs Kibitkas, dans notre jeunesse, et ayant joui de la somptueuse hospitalité du
prince Tumene, leur chef défunt, et de la Princesse. Les Kalmoucks emploient dans leurs
cérémonies religieuses des trompettes faites avec les os des cuisses et des bras de leurs chefs
défunts et de leurs grand'prétres.
Plusieurs jours se passèrent avant que tout eût été terminé ; rien de
mystérieux n'eut lieu dans l'entre-temps, sauf qu'au commandement d'un
des Bikshus, d'horribles figures apparurent dans les eaux du lac et nous
regardèrent, tandis que nous étions assis sur le bord de l'eau à la porte du
Vihar. Une de ces figures était l'image de la propre sueur de M. K – qu'il
avait laissée en parfaite santé chez lui, mais qui, nous le sûmes plus tard,
était morte quelque temps avant que nous ayons entrepris notre voyage.
Cette vue lui causa, au début, un grand chagrin, mais appelant son
scepticisme à son aide, il se tranquillisa en l'attribuant à des ombres de
nuages, de réflections de branches d'arbres, etc., comme le font
généralement les gens de son espèce.
Nous donnerons la suite du récit d'après les notes écrites le même soir
par M. K – et qu'il nous confia au cas où elles n'auraient pu parvenir à leur
destinataire ou au cas où l'auteur n'aurait rien pu voir de plus.
"Après une minute ou deux d'hésitation, écrit M. K –
l'enfant tourna la tête et me regarda avec une expression
d'intelligence tout à fait terrifiante ! Il me donna le
frisson. Je me pinçai les mains et me mordis les lèvres
presque jusqu'au sang pour m'assurer que je ne rêvais
pas. Mais tout cela n'était que le commencement. La
miraculeuse créature, faisant, ainsi qu'il me sembla, deux
pas vers moi, reprit sa position assise et, sans détacher
ses yeux des miens, répéta mot à mot, dans ce que je
supposai être la langue tibétaine, les mêmes paroles
qu'on m'avait dit auparavant être généralement
prononcées aux incarnations de Bouddha et commençant
par : "Je suis Bouddha ; je suis le vieux lama ; je suis son
esprit dans un nouveau corps", etc. Une véritable terreur
s'empara de moi ; mes cheveux se dressèrent sur ma tête
et mon sang se figea dans mes veines. Même si ma vie en
avait dépendu il m'eût été impossible de prononcer une
seule parole. Il ne s'agissait ici ni de tricherie ni de
ventriloquie. L'enfant remuait les lèvres avec une
expression qui me faisait penser que c'était celle du
Supérieur lui-même, ses yeux, son regard qui
s'attachaient sur moi. C'était comme si son esprit était
entré dans le corps du petit enfant, et me regardait à
travers le masque transparent de la figure du bébé. Je
sentais ma tête tourner. S'approchant de moi l'enfant posa
sa petite main sur la mienne. Je sursautai comme si
j'avais été brûlé par un charbon ardent ; et, incapable de
supporter plus longtemps cette scène, je me cachai la
figure dans les mains. Ce né fut qu'un instant ; mais
lorsque je les retirai, le petit acteur [280] était redevenu
un bébé vagissant, et un moment plus tard, couché sur le
dos, il se mit à pleurer. Le Supérieur avait repris sa
condition normale et la conversation recommença.
"Ce ne fut qu'après une série d'expériences de cette
nature, espacées sur une dizaine de jours, que je me
rendis compte que j'avais vu le surprenant et incroyable
phénomène décrit par certains voyageurs, mais que
j'avais toujours dénoncé comme une imposture. Parmi les
nombreuses questions que je posai au Supérieur et qu'il
laissa sans réponse malgré mes demandes réitérées, il me
fournit un renseignement qui doit être considéré comme
très significatif. "Que serait-il arrivé", lui demandai-je
par l'entremise du shaman, "si pendant que l'enfant
parlait, dans un moment de folle terreur à la pensée que
ce pouvait être le "Diable" je l'eusse tué ? Il répondit que
si le coup n'avait pas été fatal sur le coup, l'enfant seul
aurait été tué. Mais supposez, continuai-je, que mon coup
eût été aussi rapide que l'éclair ? "Dans ce cas, répondit-
il, vous m'auriez tué également."
418
Les Kalmoucks bouddhistes des steppes de l'Astrakan, ont l'habitude de fabriquer leurs idoles
avec les cendres de leurs princes et de leurs prêtres. Une parente de l'auteur possède dans sa
voulue, elles sont cuites et dorées. La Lamaserie de On-Tay, dans la
province Mongole de Chan-Si, est la plus renommée pour ce genre de
travail et les personnes riches envoient les ossements de leurs parents
décédés pour y être pulvérisés et modelés. Lorsque l'adepte en magie se
propose de faciliter le retrait de l'âme astrale du défunt, qui, autrement,
risquerait [281] fort, croient-ils, de demeurer stupéfiée pendant un laps de
temps indéfini, dans les cendres, on procède de la manière suivante : La
poussière sacrée est mise en tas sur une plaque de métal, fortement
magnétisée, de la grandeur d'un corps d'homme. L'adepte l'évente, alors,
lentement et doucement, avec le Talapat Nang 419, éventail d'une forme
particulière sur lequel sont inscrits certains signes, en murmurant en même
temps, une espèce d'invocation. Les cendres sont bientôt, pour ainsi dire,
vitalisées, et s'étendent sur une mince couche qui prend la forme du corps
avant l'incinération. Il s'en dégage alors graduellement une vapeur
blanchâtre, qui se dresse après un certain temps en une colonne, et celle-ci
devenant plus solide, se transforme finalement en "double" ou contre-
partie astrale éthérée du défunt, et qui, à son tour se dissout dans l'air et
disparaît à la vue des mortels 420.
collection plusieurs petites pyramides faites avec les ossements de Kalmoucks éminents, qui lui ont
été donnés par le prince Tumene, lui-même, en 1836.
419
Eventail sacré dont se servent les prêtres en guise de parasol.
420
Voyez vol. I, p.
filles, mais des cadavres conservés comme leurs maîtres, se tiennent
auprès d'eux comme s'ils étaient prêts à les servir au premier appel. Dans le
couvent du Grand Rouren, et dans un autre, situé sur la Montagne Sainte
(Bothé Oula), il y a, dit-on, plusieurs sépultures de cette nature, qui ont été
respectées par toutes les hordes conquérantes qui ont balayé ces pays.
L'abbé Hue en entendit parler, mais il ne les vit point, les étrangers étant
tous exclus et les missionnaires et voyageurs européens ne pouvant se
prévaloir des protections nécessaires seraient les dernières personnes
auxquelles l'approche des lieux sacrés serait permise. L'affirmation de Hue
que les tombeaux des souverains tartares [282] sont entourés d'enfants
"auxquels on a fait avaler du mercure jusqu'à ce qu'ils fussent suffoqués",
grâce à quoi "la couleur et la fraîcheur des victimes est si bien conservée,
qu'ils paraissent encore en vie", est une de ces fables ineptes de
missionnaires qui n'en imposent qu'aux ignorants qui les acceptent par oui-
dire. Les bouddhistes n'ont jamais immolé de victimes humaines ou
animales. C'est tout à fait contre les préceptes de leur religion et on n'en a
jamais accusé un lamaïste. Lorsqu'un riche désire être enterré en
compagnie, on envoie des messagers par tout le pays chez les embaumeurs
lamaïstes, et ceux-ci choisissent à cet effet les corps d'enfants décédés
d'une mort naturelle. Les parents pauvres ne sont que trop heureux de voir
leurs enfants morts conservés de cette manière poétique, au lieu de les
abandonner à la décomposition ou aux animaux sauvages.
Lorsque l'abbé Hue vivait à Paris, après son retour du Tibet, il raconta,
entre autres merveilles inédites, à un Russe, M. Arsenieff, le fait curieux
suivant, dont il avait été témoin pendant son long séjour dans la lamaserie
de Kounboum. Un jour, tout en causant avec un lama, celui-ci s'arrêta
soudain de parler et prit l'attitude attentive de celui qui écoute un message
qui lui serait transmis, bien qu'il (Hue) n'entendit pas prononcer un seul
mot. "Il faut que je m'en aille", dit, tout à coup, le lama, comme s'il
répondait au message.
"Aller où ?" demanda avec étonnement le "lama de
Jéhovah" (Hue) "Et à qui parlez-vous ?"
"A la lamaserie de ***", fut la réponse. "Le Shabaron a
besoin de moi ; c'est lui qui m'a appelé."
Malgré les merveilles dont Hue avait été témoin pendant son périlleux
voyage, son opinion fut qu'il avait été mystifié par les [283] deux lamas.
Mais trois jours plus tard, n'ayant pas vu son ami et hôte, il demanda de ses
nouvelles et on lui dit qu'il serait de retour ce même soir. Au coucher du
soleil, comme les "autres lamas"se préparaient à se retirer, Hue entendit la
voix de son ami absent, appelant comme du haut des nuages, son
compagnon pour qu'il lui ouvrit la porte. Tournant son regard en haut, il
aperçut la silhouette du voyageur derrière le treillis de la chambre dans
laquelle il avait été enfermé. Lorsqu'il descendit il fut tout droit vers le
Grand Lama de Kounboum et lui délivra certains "messages" et "ordres"
rapportés de l'endroit qu'il "prétendait" avoir quitté peu auparavant. Hue ne
put obtenir d'autres renseignements au sujet de son voyage aérien. Mais il
crut toujours, que cette "farce" avait un rapport avec les préparatifs
immédiats et extraordinaires pour l'expulsion polie des deux missionnaires,
lui-même et le Père Gabet, vers Chogos-tan, propriété de Kounboum. Les
soupçons de l'aventureux missionnaire étaient probablement bien fondés,
étant donné son impudente curiosité et son indiscrétion.
421
Voyez ses "Conférences sur le son".
une enclume éloignée la fait tomber à sept pouces. Lorsqu'on secoue un
trousseau de clés, la flamme est violemment agitée et émet un grondement
puissant. La chute d'une pièce de six pence dans la main où se trouve déjà
une pièce de monnaie, fait tomber la flamme. Le craquement d'une
chaussure la met en violente commotion. Le froissement ou le déchirement
d'une feuille de papier, ou le frou-frou d'une robe de soie ont le même
effet. En réponse au tic-tac d'une montre placée près d'elle, elle tombe et
explose. Le remontage d'une montre produit sur elle un tumulte. On peut
faire tomber et hurler la flamme en l'excitant à une distance de trente
yards. En récitant devant elle un passage du poème "Fairie Queene" la
flamme trie et choisit les différents sons de ma voix, soulignant quelques-
uns par un léger signe de tête, d'autres par un salut plus intense, tandis qu'à
d'autres elle répond par une violente agitation.
"Tous les composés sont périssables "furent les dernières paroles qui
tombèrent des lèvres du Gautama mourant, lorsqu'il se préparait, sous
l'arbre Sâl, à entrer en Nirvana. "L'esprit est l'unique unité. élémentaire et
primordiale, et chacun de ses rayons est immortel, infini et indestructible.
Gardez-vous des illusions de la matière." Le Bouddhisme fut répandu au
loin dans l'Asie et même au-delà, par Dharm-Asôka. C'était le petit-fils du
faiseur de miracles Chandragupta, le roi illustre, qui délivra le Punjab des
Macédoniens – si tant est que ceux-ci aient jamais pénétré dans le Punjab –
et qui reçut Mégasthènes à sa cour à Pataliputra. Dhârm-Asoka fut le plus
grand roi de la dynastie des Maûryas. [286] Débauché insouciant et athée,
il devint un Pryâdasi, "l'aimé des dieux" et la pureté de ses concepts
philanthropiques ne fut jamais surpassée par aucun souverain terrestre. Son
souvenir est demeuré vivant pendant des siècles dans les cœurs
bouddhistes et s'est perpétué dans les édits charitables qu'il fit graver en
divers dialectes populaires sur des colonnes et des rochers à Allahabad,
Delhi, Guzerat, Peshawar, Arissa, et autres lieux 423. Son célèbre grand père
avait réuni l'Inde entière sous son sceptre puissant. Lorsque les Nagas, ou
adorateurs de serpents du Cashmire furent convertis par les efforts des
apôtres envoyés par les Sthaviras du troisième concile, la religion de
Gautama se répandit comme une traînée de poudre. Gândhra, Caboul et
même de nombreuses satrapies d'Alexandre le Grand, embrassèrent la
nouvelle philosophie. Le bouddhisme du Népal étant celui qu'on peut
considérer comme s'étant le moins éloigné de l'ancienne foi originelle, le
422
Du mot composé sûtra, maxime ou précepte, et antika, près de, rapproché.
423
Il serait injuste de comparer Asoka à Constantin, comme l'ont fait plusieurs orientalistes. Si au
point de vue religieux et politique Asoka fit pour l'Inde ce que Constantin est censé avoir fait pour
le monde occidental, toute comparaison s'arrête là.
Lamaïsme de Tartarie, de Mongolie et du Tibet, qui est un rejeton direct de
ce pays, demeure, par conséquent le bouddhisme le plus pur ; car, nous le
répétons, le Lamaïsme proprement dit, n'est qu'une forme extérieure de
rites.
Beaucoup des lamaseries ont des écoles de magie, mais la plus célèbre
de toutes est le collège du monastère du Shu-Tukt, auquel sont attachés
plus de 30.000 moines, la lamaserie constituant une véritable petite ville.
Quelques-unes des nonnes possèdent de merveilleux pouvoirs
psychologiques. Nous avons rencontré quelques-unes de ces femmes sur la
route de Lha-Ssa à Candi, la Rome du bouddhisme, avec ses sanctuaires
miraculeux et les reliques de Gautama. Afin d'éviter les rencontres avec les
Musulmans et les autres sectes, elles voyagent seules de nuit, sans armes,
et sans crainte des animaux sauvages, car ceux-ci ne les attaquent pas.
Aux premières lueurs de l'aurore, elles se réfugient dans des grottes et des
viharas préparées pour elles par leurs coreligionnaires, à des distances
calculées d'avance ; car nonobstant le fait que le bouddhisme s'est réfugié à
Ceylan, et que nominalement il n'y en a que peu de cette dénomination
dans l'Inde anglaise, les confréries secrètes (Byauds) et les viharas
bouddhistes sont nombreuses, et chaque Jaïn se sent obligé de prêter aide
indifféremment aux Bouddhistes et aux Lamaïstes.
Un des plus intéressants phénomènes que nous ayons vus, nous qui
sommes toujours à la recherche des phénomènes occultes, et assoiffés de
ces spectacles, fut exécuté par un de ces pauvres Bikshus voyageurs. Il y a
des années de cela, et à une époque où toutes ces manifestations étaient
encore nouvelles pour l'auteur de ces lignes. Un ami bouddhiste, un
mystique né au Cashmire de [288] parents Ratchi, mais converti au
Bouddhisme lamaïste, et qui réside généralement à Lha-Ssa, nous avait
menés faire visite à des pèlerins.
"Mortes ?" fut notre réponse. "Mais on vient de les couper dans le
jardin 1"
"Et cependant elles sont mortes", répondit-elle gravement. "Naître
dans ce monde-ci, n'est-ce pas mourir ? Voyez comment apparaissent ces
fleurs lorsqu'elles s'épanouissent dans le monde de la lumière éternelle,
dans les jardins de notre bienheureux Foh.
Sans bouger de la place où elle était assise par terre, l'Ani prit une
fleur du bouquet, la mit sur ses genoux et attira, en apparence, vers elle,
des brassées de matériaux invisibles de l'atmosphère environnante. Un
moment après, un très tenu noyau de vapeur devint visible, et prit
lentement forme et couleur jusqu'à ce qu'apparut, se balançant en l'air,
l'exacte copie de la fleur que nous lui avions donnée. Exacte en tant que
teinte et forme à l'original couché devant nous, mais mille fois plus riche
en couleur et en exquise beauté, de même que le glorieux esprit de
l'homme est plus beau que son enveloppe physique. Fleur après fleur, et
jusqu'aux plus petits brins d'herbe furent ainsi reproduits et s'évanouirent,
réapparaissant suivant notre demande, ou même en réponse à notre pensée.
Ayant pris une rose épanouie nous la lui présentâmes à bras tendu, et
quelques minutes plus tard le bras et la fleur, parfaits dans leurs détails,
apparurent dans l'espace vide, à deux yards d'où nous étions assis. Mais
tandis que la fleur paraissait incomparablement plus belle et plus éthérée
que les autres fleurs esprits, la main et le bras ne semblaient être que le
reflet dans un miroir, y compris une large tache sur l'avant-bras, qu'y avait
laissé un morceau de terre humide attachée à une des racines. Nous en
connûmes la raison plus tard.
Il est fort bizarre, que malgré les milliers de voyageurs et les millions
de résidents anglais qui ont séjourné en Inde et l'ont traversée dans toutes
les directions, si peu soit encore connu de ce pays et des contrées
environnantes. Quelques lecteurs non seulement douteront peut-être de ce
que nous avançons, mais iront jusqu'à le contredire. Sans doute, nous
répondront-ils que tout ce qu'on désire savoir sur l'Inde est déjà archi-
connu. Et, de fait, cette réponse nous a déjà été faite. Il ne faut pas
s'étonner si les résidents anglo-indiens ne se soucient guère de faire des
enquêtes ; car, comme un officier anglais nous le dit une fois : "La société
ne considère pas de bon ton de s'occuper des Hindous ou de leurs affaires,
ou même de s'étonner ou de prendre des informations au sujet des choses
extraordinaires qu'on pourrait y observe" – Mais [292] nous sommes fort
surpris que, du moins, des voyageurs n'aient pas exploré plus qu'ils ne l'ont
fait ce pays éminemment intéressant. Il y a à peine cinquante ans, qu'en
pénétrant dans les montagnes Bleues ou Nilgherry de l'Hindoustan
méridional, deux courageux officiers anglais qui y chassaient le tigre,
découvrirent une race étrange, parfaitement distincte en langage et en
apparence de tous les autres peuples hindous. On mit en avant de
nombreuses suppositions, toutes plus absurdes les unes que les autres, et
les missionnaires, toujours sur le qui-vive pour faire tout cadrer avec la
Bible, allèrent jusqu'à suggérer que ce peuple était une des dix tribus
perdues d'Israël, étayant leur ridicule hypothèse sur ce qu'ils ont le ceint
blanc et "les traits caractéristiques de la race juive". Cette dernière
allégation est parfaitement erronée, car les Todas, ainsi qu'on les nomme
n'ont pas la moindre ressemblance avec le type juif ; soit par les traits, la
forme, l'action ou le langage. Ils se ressemblent tous et, ainsi que le disait
un de nos amis, les plus beaux Todas, pour la majesté et la beauté de leurs
formes, ressemblent plus à la statue du Zeus grec, que tous les autres
hommes à sa connaissance.
Personne n'en a vu plus de cinq ou six à la fois ; ils ne parlent pas aux
étrangers, et aucun voyageur n'a jamais pénétré dans leurs curieuses huttes
longues et basses, qui n'ont, en apparence, ni fenêtres ni cheminée, et n'ont
qu'une seule porte ; personne n'a jamais vu l'enterrement d'un Toda, pas
plus qu'un homme très âgé parmi eux ; ils ne sont jamais attaqués par le
choléra, bien que des milliers d'indigènes meurent autour d'eux dans des
424
Voyez Indian Sketches ; et la New Cyclopedia de Appleton, etc.
épidémies périodiques de cette maladie ; enfin, bien que les environs
fourmillent de tigres et d'autres animaux sauvages, ni tigre, ni serpent, ni
quelque animal féroce que ce soit dans ces parages, n'a jamais touché un
Toda ou une de leurs bêtes, bien que, ainsi que nous l'avons dit plus haut,
ils ne portent même pas un bâton.
Le lecteur peut être certain que tous les renseignements à leur sujet qui
iraient à l'encontre du peu que nous avons recueilli, sont erronés. Aucun
missionnaire n'en prendra un dans ses filets, et aucun Badaga ne les trahira,
même si on le coupait en morceaux. Il s'agit ici d'un peuple qui a un grand
et noble but à remplir et dont les secrets sont inviolables.
De plus, les Todas ne sont pas la seule tribu mystérieuse en Inde. Nous
avons fait allusion à plusieurs de celles-ci dans un chapitre précédent, mais
combien il y en a-t-il encore d'autres qui demeureront toujours sans nom,
ignorées, mais toujours présentes !
425
Aum (terme mystique sanscrit pour la Trinité), mani (saint joyau), padmé (dans le lotus, padma
étant le nom pour lotus), houm (ainsi soit-il). Les six syllabes de la phrase correspondent aux six
principaux pouvoirs de la nature émanant de Bouddha (la divinité abstraite, et non pas Gautama),
qui est le septième, et l'Alpha et l'Oméga de l'être.
brise dans le feuillage. Peu de temps après, disent les Tibétains, la superbe
apparition disparaît dans l'ombre des arbres sacrés du parc de la lamaserie.
On dit qu'à Garma-Kian, (la maison mère) les esprits mauvais et qui
n'ont pas fait de progrès sont appelés et qu'on les fait apparaître à certains
jours, et qu'on les oblige à rendre compte de leurs méfaits ; les adeptes
lamas les forcent à redresser les torts qu'ils ont faits aux mortels. C'est ce
que l'abbé Hue exprime naïvement par "personnifier les mauvais esprits",
c'est-à-dire les diables. S'il était permis à certains sceptiques européens de
consulter les notes imprimées journellement 426 à Moru, et dans la "Cité des
Esprits", des rendez-vous d'affaires qui ont lieu entre les lamas et le monde
invisible, ils prendraient certainement un plus grand intérêt aux
phénomènes décrits avec tant de complaisance dans les journaux spirites.
C'est à Buddha-Ila, ou plutôt Foth-Ila (le Mont de Bouddha), dans la plus
importante des milliers de lamaseries du pays, qu'on voit le sceptre
Boddhisgat flotter sans contact dans l'air, et ses mouvements règlent les
actions de la communauté. Lorsqu'un lama est appelé à rendre compte au
supérieur du monastère, il sait d'avance qu'il est inutile de mentir ; le
"régulateur de justice" (le sceptre) est là, et son mouvement ondulatoire,
qui approuve ou non, décide instantanément et sans conteste la question de
sa culpabilité. Nous ne prétendons pas avoir été témoin personnellement
de tout ce que nous rapportons – [296] nous n'avons aucune prétention
d'aucune sorte. Il suffit de dire que, pour ces phénomènes, ce que nous
n'avons pas vu de nos propres yeux nous a été affirmé de telle façon que
nous l'endossons comme authentique.
426
Moru (la pure) est une des plus célèbres lamaseries de Lha-Ssa, en plein centre de la cité. Le
Shaberon, le Taley Laina, y réside pendant la plus grande partie des mois d'hiver ; pendant les deux
mois de la saison chaude il demeure à Foht-Ila. C'est à Moru qu'est le plus grand établissement
typographique du pays.
leurs victimes, sont en elles-mêmes des miracles parce qu'elles prouvent ce
qu'une volonté de fer et une parfaite pureté de vie et de but sont capables
d'accomplir, et jusqu'à quel degré d'ascétisme surnaturel un corps humain
peut être assujetti, et néanmoins vivre jusqu'à un âge très avancé. Aucun
ermite chrétien n'a jamais rêvé de tels raffinements de discipline
monastique et la demeure aérienne d'un Simon Stylite apparaîtrait comme
un jeu enfantin à côté des épreuves de volonté que s'imposent les fakirs et
les bouddhistes. Mais l'étude théorique de la magie est une chose ; la
possibilité de la pratiquer en est une autre. A Brâs-ss-Pungs, le collège
Mongol, plus de trois cents magiciens (sorciers, comme les appellent les
missionnaires français) enseignent à plus du double d'élèves entre douze et
vingt ans ; ceux-ci doivent attendre bien des années avant de passer
l'initiation finale. Pas un pour cent n'atteint le but final ; et sur les milliers
de lamas qui occupent une ville de maisonnettes autour du monastère,
deux pour cent, tout au plus, deviennent des faiseurs de merveilles. On
peut apprendre par cœur chaque ligne des 108 volumes du Kadjur 427, et
néanmoins faire un piètre magicien pratique. Il n'y a qu'une seule chose qui
y conduit sûrement, et plus d'un écrivain hermétique a fait allusion à cette
étude particulière. Un d'eux, l'alchimiste arabe Abipili, dit : "Je t'avertis,
qui que tu sois, qui désires te plonger dans les parties les plus profondes de
la nature ; si ce que tu cherches tu ne le trouves pas au-dedans de toi, tu ne
le trouveras jamais au dehors. Si tu ne connais pas l'excellence de ta
propre maison, pourquoi chercher l'excellence d'autres choses ?...
HOMME, CONNAIS-TOI, TOI-MEME, EN TOI EST CACHE LE
TRESOR DES TRESORS." [297]
427
Le grand canon bouddhiste qui comprend 1.083 ouvrages en plusieurs centaines de volumes,
dont beaucoup traitent de la magie.
Dans les cloîtres de Dshashi-Lumbo, et de Si-Dzang, ces pouvoirs,
inhérents à tout homme, mais dont un fort petit nombre savent se servir,
ces pouvoirs sont cultivés à la perfection. Qui n'a pas entendu parler, en
Inde, du Banda-Chan-Ramboutchi, le Houtouktou de la capitale du Haut-
Tibet ? Sa fraternité de Khe-lan était célèbre dans le pays tout entier ; et un
des "frères x les plus renommés était un Peh-ling (un Anglais) qui arriva
un jour d'Occident dans la première partie de ce siècle ; c'était un
bouddhiste consommé, et après un mois de préparation, il fut admis parmi
les Khe-Tans. Il parlait toutes les langues, y compris le tibétain, et
connaissait toutes les sciences, nous dit la tradition. Sa sainteté et les
phénomènes qu'il produisit firent qu'il fut proclamé Shaberon après
quelques années seulement de résidence. Son souvenir est encore vivant
aujourd'hui parmi les Tibétains, mais son véritable nom n'est connu que
des seuls Shaberons.
Le plus grand des meipo – qu'on dit être l'objet de l'ambition de tout
dévot bouddhiste – était, et est encore, la faculté de marcher dans l'air. Le
célèbre roi de Siam, Pia Metak, le Chinois, était connu pour sa dévotion et
son érudition. Mais il n'obtint ce "don surnaturel" qu'après s'être placé sous
l'enseignement direct d'un prêtre de Gautama-Bouddha. Crawfurd et
Finlayon, pendant leur séjour au Siam ont suivi avec grand intérêt les
efforts de quelques nobles siamois pour acquérir ce pouvoir 428.
428
"Crawfurd's Mission to Siam", p. 182.
429
"Semedo", vol. III, p. 114.
fidèlement reproduit, jusqu'au dernier cheveu sur notre crâne. Si, par cette
simple loi de réflexion, notre double peut être vu dans un miroir, combien
plus frappante encore, la preuve de son existence n'est-elle pas fournie par
l'art de la photographie ! Ce n'est pas une raison parce que nos physiciens
n'ont pas encore trouvé le moyen de prendre des photographies, sinon ci
faible distance, que cet art doive être impossible pour ceux qui ont
découvert ces moyens dans la puissance de la volonté humaine elle-même,
libérée de toute entrave terrestre 430. La science prétend que nos pensées
sont de la matière ; toute énergie produit une perturbation plus ou moins
grande dans les ondes atmosphériques. L'homme, par conséquent, en
commun avec tout être vivant et même avec chaque objet inerte, possède
une aura formée par les émanations qui l'entourent ; de plus, il peut, sans
grand effort, se transporter en imagination, partout où il veut ; pourquoi,
alors, serait-il scientifiquement impossible que sa pensée, réglée,
intensifiée et conduite par ce puissant magicien, la VOLONTE éduquée,
soit, momentanément, matérialisée et qu'elle apparaisse à n'importe qui,
double fidèle de l'original ? Cette notion est-elle plus absurde, dans l'état
actuel de la science, que ne l'étaient la photographie et le télégraphe il y a
quarante ans, ou le téléphone, il y a moins de quatorze mois.
430
On raconte une anecdote qui avait cours parmi les amis de Daguerre entre 1838 et 1840. A une
soirée chez M-e Daguerre, deux mois environ avant la présentation du célèbre procédé de Daguerre
à l'Académie des Sciences, par Arago (janvier 1839) celle-ci eut une consultation sérieuse avec une
des célébrités médicales de l'époque au sujet de la condition mentale de son époux. Après avoir
expliqué au médecin les nombreux symptômes de ce qu'elle prenait pour une aberration mentale de
son mari, elle ajouta, les larmes aux yeux, que la preuve la plus évidente de la folie de Daguerre
était sa ferme conviction qu'il réussirait à clouer sa propre ombre sur la muraille, ou de la fixer sur
ses plaques métalliques magiques. Le docteur écouta attentivement la relation et répondit que, de
son côté, il avait observé dernièrement chez Daguerre, les symptômes de ce qui, pour lui, était une
preuve irréfutable de folie. Il termina la conversation en lui conseillant d'expédier son mari
tranquillement et sans retard à Bicêtre, l'asile d'aliénés bien connu. Deux mois plus tard un profond
intérêt s'éleva dans le monde des arts et de la science, à la suite de l'exposition d'images prises avec
le nouveau procédé. Les ombres avaient été fixées, après tout, sur les plaques métalliques, et a
l'aliéné" fut proclamé le père de la photographie.
aujourd'hui, mais qu'ils accepteront comme une vérité demain, à savoir
qu'ils peuvent projeter électriquement leur corps astral, instantanément à
travers des milliers de milles dans l'espace, en laissant leur enveloppe
matérielle, encore empreinte d'une certaine quantité de principe animal
vital, pour y entretenir la vie physique, et agir dans leur corps éthéré
spirituel aussi sûrement et intelligemment que lorsqu'il était encore revêtu
de son enveloppe charnelle ? Il existe une forme d'électricité supérieure à
la forme physique connue de nos physiciens ; des milliers de corrélations
de celle-ci sont encore cachées à la vue des physiciens modernes, et nul ne
peut savoir jusqu'où iront ses possibilités.
431
Schott : Uber den Buddhismus, p. 71.
432
The Book of Ser Marco Polo, vol. II, p. 352.
433
Ibidem, vol. II, p. 130 cité par le colonel Yule, vol. II, p. 313.
La longévité de quelques lamas et Talapoins est proverbiale ; on sait
généralement qu'ils se servent d'un mélange qui, ainsi qu'ils le disent,
"renouvelle le vieux sang". C'était également un fait reconnu chez les
alchimistes, qu'une judicieuse administration "de l'aura d'argent redonne
la santé et prolonge la vie d'une manière notable. "Mais nous sommes tout
prêt à contredire les affirmations tant de Bernier que du colonel Yule qui
cite son ouvrage, que c'est du mercure, ou vif-argent, dont se servaient les
Yogis et les alchimistes. Les Yogis, à l'époque de Marco Polo, de même
que de nos jours, utilisent ce qui paraît être du mercure, mais qui n'en est
pas. Paracelse, les alchimistes et les autres mystiques voulaient dire par
mercurius vitae, l'esprit vivant de l'argent, l'aura de l'argent, mais
nullement le vif-argent ; et cette aura n'est certainement pas le mercure
connu de nos médecins ou de nos chimistes. Il est indubitable que le fait
d'avoir imputé à Paracelse l'introduction du mercure dans la pratique
médicale est tout à fait erroné. Aucun mercure, qu'il ait été préparé par un
philosophe du feu médiéval, ou par un docteur moderne, n'a rendu, ou ne
rendra jamais la santé parfaite à un corps humain. Il n'y a que les fieffés
charlatans qui se servent d'une pareille drogue. L'opinion de beaucoup est
que c'est avec l'intention méchante de présenter Paracelse aux yeux de la
postérité comme un charlatan, qui a fait inventer à ses ennemis un
mensonge de cette nature.
Les Yogis des temps anciens, de même que les lamas et les Talapoins
modernes, font usage d'un certain ingrédient, préparé avec une dose
minime de soufre et du jus laiteux extrait d'une plante médicinale. Ils
possèdent sans contredit certains secrets merveilleux, car nous les avons
vu guérir des blessures rebelles en quelques jours ; remettre en usage des
os brisés en autant d'heures qu'il faudrait de jours au moyen de la chirurgie
ordinaire. Une fièvre dangereuse contractée par l'auteur près de Rangoon,
après une inondation de la rivière Irawaddy, fut guérie en quelques heures
par le jus d'une plante nommée, si nous ne nous trompons, Kukushan, bien
qu'on laisse des milliers d'indigènes, ignorants de ses vertus, mourir de
fièvre ; et cela en retour d'un acte de bienveillance insignifiant envers un
simple mendiant ; la nature de ce service n'aurait guère d'intérêt pour le
lecteur.
Nous avons aussi entendu parler d'une certaine eau, appelée ab-i-
hayât, que la superstition populaire prétend être cachée aux yeux des
mortels, sauf à ceux des saints sannyâsis ; la fontaine, elle-même, porte le
nom de âb-i-haiwân-i. Il est toutefois plus que probable que les Talapoins
se refuseraient à dévoiler leurs secrets, même aux académiciens et aux
missionnaires, car ces remèdes [301] doivent être utilisés pour le bien de
l'humanité mais jamais dans un but de lucre 434.
434
Aucun pays ne peut se vanter de posséder autant de plantes médicinales que l'Inde du Sud, la
Cochinchine, la Birmanie, le Siam et Ceylan. Les médecins européens, suivant la pratique établie
depuis des temps immémoriaux, résolvent la question des rivalités professionnelles en traitant les
dateurs indigènes de charlatans et d'empiriques ; mais cela n'empêche pas ceux-ci de sortir
victorieux là où les éminents gradués des universités anglaises et françaises ont piteusement échoué.
Les ouvrages indigènes traitant de Materia Medica ne mentionnent certes pas les remèdes secrets
connus, et qu'appliquent avec succès les docteurs indigènes (les Atibbâ) depuis des temps
immémoriaux. Malgré cela, les meilleurs fébrifuges sont ceux que les médecins anglais ont appris
~à connaître des hindous et là où les malades, enflés et rendus sourds par 1 abus de la quinine, se
mouraient petit à petit des fièvres sous le traitement éclairé des médecins européens, l'écorce de la
Margosa, et l'herbe Chiretta ont obtenu des guérisons complètes, et elles occupent maintenant une
place honorable parmi Ies remèdes européens.
quelques instants il aura réuni de nombreux serpents non apprivoisés des
espèces les plus venimeuses, les prendra dans les mains et s'en fera une
ceinture. A deux reprises différentes dans les environs de Trinkemal, un
serpent allait mordre [302] l'auteur, qui par mégarde s'était une fois
presque assis sur sa queue, mais chaque fois, un rapide coup de sifflet du
gunî que nous avions loué pour nous accompagner, le fit s'arrêter à
quelques centimètres de notre corps, comme s'il avait été frappé par la
foudre, et laissant tomber sur le sol sa tête menaçante, il demeura là raide
et immobile comme une branche morte, sous le charme du Kîtnâ 435.
435
Nom hindou pour le mantrâm particulier, ou charme, qui empêche le serpent de mordre.
tachetée, lui tapotant le dos, jusqu'à ce que ses plaintes devenant de plus en
plus faibles, une demi-heure après, tout le village fit cercle autour du
groupe ; la tête du fakir reposait sur le dos de la tigresse comme sur un
oreiller, sa main droite sur la tête et la gauche sur l'herbe devant la gueule
du terrible fauve qui léchait cette main de sa grande langue rose. [303]
Voilà comment les fakirs de l'Inde domptent les animaux les plus
féroces. Les dompteurs européens en font-ils autant avec leurs piques
chauffées à blanc ? Naturellement tous les fakirs ne sont pas doués d'un
pouvoir semblable, il n'y en a comparativement que peu qui le soient ;
mais néanmoins leur nombre est considérable. Comment s'entraînent-ils
dans les pagodes pour être capables de ces exploits, restera éternellement
un secret pour tous, sauf pour les brahmanes et les adeptes des mystères
occultes. Les récits, jusqu'ici considérés comme des fables, de Christna et
d'Orphée charmant les animaux sauvages, sont ainsi corroborés de nos
jours. Un fait, néanmoins, demeure incontestable. Il n'y a pas un seul
Européen, en Inde, qui se vante ou se soit jamais vanté d'avoir pénétré
dans le sanctuaire secret, à l'intérieur des pagodes. Ni l'autorité, ni l'argent
n'ont jamais déterminé un brahmane à permettre à un étranger non initié de
passer le seuil de l'enceinte réservée. Se prévaloir de l'autorité, dans ce cas,
équivaudrait à jeter une mèche enflammée dans une poudrière. Les
centaines de millions de fidèles hindous, tout patients, doux et pleins de
longanimité qu'ils soient et dont l'apathie évita aux Anglais d'être chassés
du pays en 1857, se soulèveraient comme un seul homme, si on s'avisait de
commettre une pareille profanation ; sans égard de sectes ou de castes, ils
extermineraient les chrétiens. La compagnie des Indes orientales le savait
bien, et édifia sa puissance sur l'amitié des brahmanes, et en allouant des
subsides aux pagodes ; et le gouvernement britannique est aussi prudent
que son prédécesseur. Ce sont les castes et la non-intervention du
gouvernement dans les choses de la religion prévalente du pays qui lui
assurent une autorité relative en Inde. Mais revenons au Shamanisme, la
plus étrange et la plus méprisée de toutes les religions survivantes – le
"Culte des Esprits".
Ses sectateurs n'ont ni autels, ni idoles, et c'est sur l'autorité d'un prêtre
shaman, que nous avançons que leurs véritables rites, qu'ils sont tenus de
pratiquer une seule fois par an, le jour le plus court de l'hiver, ne peuvent
avoir lieu en présence d'un étranger à leur foi. Nous sommes, donc,
parfaitement certains que toutes les descriptions données jusqu'à ce jour
dans le Asiatic Journal et dans d'autres périodiques européens, ne sont que
de pures conjectures. Les Russes, qui de par leurs relations constantes avec
les shamans de Sibérie et de Tartarie seraient les plus compétents pour
parler de leur religion, n'ont rien appris à ce sujet, sinon la dextérité de ces
hommes qu'ils sont enclins à considérer comme d'adroits jongleurs.
Cependant nombre de résidents russes en Sibérie, sont parfaitement
convaincus des pouvoirs "surnaturels" des Shamans. Partout où ils se
rassemblent pour leur culte, c'est toujours à l'air libre, sur le sommet d'une
haute montagne, ou au fond d'une [304] épaisse forêt, et en cela ils nous
rappellent les anciens Druides. Les cérémonies qu'ils pratiquent à
l'occasion des naissances, des décès, et des mariages, ne constituent qu'une
partie insignifiante de leur culte. Elles consistent en offrandes, à asperger
le feu avec des liqueurs et du lait, à psalmodier de curieux hymnes ou
plutôt des incantations magiques, entonnées par le shaman officiant, et se
terminant par un chœur de tous les assistants.
436
Entre les clochettes des adorateurs "païens" et les clochettes et les grenades du culte juif, la
différence est la suivante : celles-1à, outre qu'elles purifiaient l'âme humaine avec leurs sons
harmonieux, tenaient les mauvais démons à distance, "car le son du bronze pur brise les
enchantements", dit Tibullius (1, 8-22) et les Juifs expliquent en disant que le son des cloches a doit
être entendu [par le Seigneur] lorsqu'il [le prêtre] entre dans le lien saint devant l'Éternel, et lorsqu il
en sort afin qu'il ne meure point" (Exode, XXVIII, 33 ; Ecclés., XIV, 9). C'est ainsi qu'un son devait
éloigner les mauvais esprits, et l'autre l'esprit de Jéhovah. Les traditions scandinaves affirment que
les Trolls étaient toujours chassés de leurs repaires par les cloches des églises. Une tradition
analogue existe au sujet des fées de Grande-Bretagne.
prophétisa la guerre de Crimée et en détailla exactement l'issue. Les
particularités de la prophétie furent soigneusement notées par les
assistants, lesquelles se vérifièrent exactement six années plus tard. Bien
que généralement ignorants même du nom de l'astronomie, et bien qu'ils
ne l'aient pas étudiée, ils prédisent souvent des éclipses ou d'autres
phénomènes astronomiques. Lorsqu'on les consulte au sujet de vols ou de
meurtres, ils indiquent invariablement les coupables.
Mais tandis que le Shaman illettré n'est qu'une victime, que pendant
ses crises il voit parfois les personnes présentes sous forme d'animaux
variés, et parvient souvent à leur faire partager son hallucination, son
confrère Shaman, versé dans les mystères des collèges sacerdotaux du
Tibet, chasse la créature élémentaire qui peut produire l'hallucination,
comme le ferait un magnétiseur vivant, non pas par le pouvoir d'un démon
plus puissant, mais simplement par la connaissance de la nature de
l'ennemi invisible. Là où les académiciens ont échoué, comme dans le cas
des Cévenols, un Shaman ou un lama aurait tôt fait de mettre un terme à
l'épidémie.
Nous avons fait mention d'une pierre de cornaline, qui était en notre
possession, et qui eut un effet si favorable et si inattendu sur la décision du
Shaman. Chaque Shaman possède un talisman de cette nature, qu'il porte
suspendu à une cordelette sous son bras gauche.
"A quoi vous sert-elle, et quelles sont ses vertus ?" demandâmes-nous
à plusieurs reprises à notre guide. Il ne répondit jamais [306] d'une
manière directe à cette question, mais évita toujours une explication,
promettant qu'aussitôt que l'occasion se présenterait ; et que nous serions
seuls, il demanderait à la pierre de nous répondre elle-même. C'est dans ce
vague espoir qu'il nous abandonna à notre propre imagination.
437
Daemon élémental auquel croient tous les indigènes d'Asie.
parut, à l'avaler. Aussitôt ses membres se raidirent, son corps devint rigide
et il retomba, froid et immobile comme un cadavre. N'était-ce que ses
lèvres remuaient un peu à chaque question posée, la scène eut été fort
embarrassante, que dis-je, horrible. Le soleil se couchait et si les braises du
foyer au centre de la tente n'eussent jeté une faible lumière, la tente eut été
dans l'obscurité la plus complète ce qui aurait encore ajouté à l'oppression
causée par le silence environnant.
"Mahandû !" murmura une voix qui paraissait venir des entrailles de la
terre, sur laquelle le shaman était étendu. "La paix soit avec toi... que
voudrais-tu que je fasse pour toi ?"
Si étonnante que fût la scène, nous ne fûmes pas pris au dépourvu, car
nous avions vu d'autres shamans dans des circonstances analogues. "Qui
que tu sois", prononçâmes-nous mentalement "va-t-en à K – et fais ton
possible pour nous rapporter la pensée de la personne qui est là. Vois ce
que fait l'autre personne et dis à *** ce que nous faisons et comment nous
sommes situés."
"Je suis là" ; répondit la même voix. "La vieille dame, (Kokona) 438 est
assise au jardin... elle met ses lunettes et lit une lettre".
438
Madame, en langue Moldave.
"Regarde du côté de l'Occident... vers la troisième perche de la
yourta", dit le Tartare dans sa voix naturelle, qui semblait sourde, comme
si elle venait de loin. "Sa pensée est là."
"Sa pensée est ici, mais son corps est resté là-bas inconscient. Nous
n'avons pas pu l'amener", dit la voix.
Pendant plus de deux heures, les preuves les plus substantielles et les
moins équivoques que l'âme astrale du Shaman voyageait à la requête de
notre désir non exprimé, nous avaient été données. Dix mois plus tard,
nous reçûmes une lettre de notre [308] amie Valaque en réponse à la nôtre,
dans laquelle nous avions inclus la page du carnet, lui demandant ce
qu'elle avait fait ce jour-là, et lui donnant une description détaillée de la
scène. Elle était assise ce matin-là, écrivait-elle 439, prosaïquement occupée
à faire des confitures ; la lettre qui lui fut envoyée était, mot à mot, la copie
d'une lettre de son frère ; tout à coup, conséquence de la grande chaleur,
crut-elle, elle s'évanouit, et se rappela distinctement avoir rêvé qu'elle avait
vu l'auteur de ces lignes dans un endroit désert qu'elle décrivit très
exactement, assise sous une "tente de bohémiens", comme elle le dit.
"Désormais, ajouta-t-elle, je ne puis plus douter."
439
L'heure à Bucarest correspondait exactement avec celle de la contrée où la scène avait eu lieu.
mentionné dans ce chapitre, le Kutchi de Lha-Ssa, qui voyage
constamment entre cet endroit et l'Inde Anglaise. Nous savons qu'il fut mis
au courant de notre situation critique dans le désert ; car quelques heures
plus tard l'aide nous vint et nous fûmes secourus par un détachement de
vingt-cinq cavaliers, qui avaient été chargés par leur chef de nous trouver à
l'endroit où nous étions, endroit qu'aucun homme, doué de pouvoirs
ordinaires, n'aurait pu connaître. Le chef de cette escorte était un shaberon,
un "adepte" que nous n'avions jamais vu auparavant et que nous n'avons
jamais vu depuis, car il ne quitte jamais sa soumay (lamaserie), où nous ne
pouvions être admis. Mais c'était un ami personnel du Kutchi.
440
Life in India du Capt. W.-L.-D. O' Grady.
441
Ni la Russie, ni l'Angleterre n'ont réussi en 1849 à les forcer à reconnaître et à respecter le
territoire turc ou persan.
trouvée dans les ruines de Persépolis 442. Cette lampe, avec ses trois
mèches, est une tasse ovale munie d'une poignée. C'est évidemment une de
ces lampes sépulcrales égyptiennes, qu'on trouvait à profusion dans les
souterrains de Memphis, si nous devons en croire Kircher 443. Elle s'élargit
du bord vers le centre et le bord supérieur a la forme d'un cœur ; les
ouvertures pour laisser passer les mèches sont disposées en triangle et le
centre est couvert par un héliotrope renversé rattaché à une tige
gracieusement courbée depuis la poignée de la lampe, cet ornement en
indique clairement l'origine. C'était un des vases sacrés utilisés dans le
culte du soleil. Les Grecs ont donné son nom à l'héliotrope à cause de la
particularité qu'il a de se tourner toujours vers le soleil. Les anciens mages
s'en servaient dans leur culte et qui sait si Darius n'a pas lui-même célébré
ces rites mystérieux avec sa triple lampe éclairant la face du hiérophante-
roi !
Si nous avons parlé de cette lampe, c'est parce qu'une histoire étrange
s'y rattache. Ce que font les Kurdes, pendant les rites nocturnes de leur
culte lunaire, nous ne le savons que par oui-dire ; car ils le tiennent
absolument secret et aucun étranger n'est admis à la cérémonie. Mais
chaque tribu considère un vieillard, quelquefois plusieurs, comme de
"saints êtres", qui connaissent le passé et peuvent divulguer les secrets de
l'avenir. Ils sont fort honorés et on s'adresse généralement à eux pour tous
renseignements dans des cas de vol, de meurtres ou de dangers.
Voyageant d'une tribu à l'autre, nous avons passé quelque temps dans
la compagnie des Kurdes. Notre but n'étant nullement auto-biographique,
nous laisserons de côté tous les détails qui n'ont pas un rapport direct avec
quelque fait occulte, et même de ceux-ci nous n'avons pas la place d'en
mentionner beaucoup. Nous dirons simplement qu'une selle fort précieuse,
un tapis et deux poignards circassiens, richement montés et ciselés en or
fin, avaient été volés dans la tente, et les Kurdes, le chef de la tribu en tête
étaient venus, [311] prenant Allah à témoin, que le délinquant n'appartenait
pas à leur tribu. Nous en étions persuadés, car c'eût été un fait sans
précédent parmi ces tribus nomades d'Asie, aussi renommées pour le
caractère sacré de l'hospitalité, que pour la désinvolture avec laquelle ils
442
Persépolis est le Istakhâar persan au nord-est de Shiraz ; elle se dressait sur une laine qui porte
aujourd'hui le nom de Merdusht, au confluent de l'ancien M dus et de l'Araxos, aujourd'hui Palwaz
et Beudemir.
443
Aegyptiaci Theatrum Hierogliphicum, p. 544.
dépouillent leurs hôtes et à l'occasion les assassinent lorsqu'ils ont dépassé
les frontières de leur aoûl.
Par un grand trou carré pratiqué dans le toit bombé de la tente, les
rayons de la pleine lune entraient et se mélangeaient à la triple flamme
vacillante de la petite lampe. Après plusieurs minutes d'incantations,
adressées, à ce qu'il nous sembla, à la lune, le sorcier, vieillard d'imposante
stature, dont le turban pyramidal touchait le toit de la tente, sortit un miroir
rond, un de ceux connus sous le nom de "miroirs persans". Après avoir
dévissé le couvercle, il se mit à souffler dessus pendant plus de dix
minutes en essuyant la buée avec des herbes, tout en marmottant sotto
voce, des incantations. Chaque fois qu'il essuyait le miroir, le verre
devenait de plus en plus brillant, jusqu'à ce qu'il parût irradier des rayons
phosphorescents dans toutes les directions. Enfin l'opération prit fin ; le
vieillard tenant le miroir à la main, demeura immobile comme une statue.
"Regarde, Hanoum... regarde bien", murmura-t-il remuant à peine les
lèvres. Des ombres, des taches sombres apparurent là où, un moment
auparavant, seuls les rayons de la lune étaient réfléchis. Quelques secondes
après apparurent la selle, le tapis et les poignards, paraissant monter à la
surface d'une eau profonde et claire, et devenant à chaque instant plus
distincts et plus précis. Puis une ombre plus foncée apparut planant au-
dessus de ces objets, et se condensant graduellement, comme vue à travers
un télescope renversé, prit la forme complète d'un homme accroupi au-
dessus d'eux.
"Je le reconnais", s'écria l'auteur. "C'est le Tartare qui vint nous voir
hier soir pour nous offrir de nous vendre sa mule !"
Au point du jour ils revinrent avec les objets perdus. La selle était
couverte de sang coagulé, et naturellement on la leur abandonna. Ils
racontèrent qu'en arrivant en vue du fugitif, ils virent disparaître deux
cavaliers de l'autre côté du versant d'une colline éloignée, et en arrivant
près du chef tartare, trouvèrent celui-ci mort, étendu en travers des objets
volés, exactement comme nous l'avions vu dans le miroir magique. Il avait
été assassiné par les deux bandits, dont le but évident était de le voler, mais
qui furent interrompus par la soudaine arrivée des cavaliers envoyés par le
vieux Kurde.
444
Nous avons assisté deux fois aux rites étranges des restes de cette secte des adorateurs du feu,
connus sous le nom de Guèbres, qui se réunissent de temps en temps à Bakou, au "champ de feu".
Cette ville ancienne et mystérieuse est située sur le bord de la Caspienne. Elle fait partie de la
Géorgie russe. Environ à douze milles au nord-est de Bakou, se dressent les restes d'un ancien
temple guèbre, consistant en quatre colonnes, des orifices desquelles sort constamment un jet de
flamme, ce qui lui a donné, par conséquent, le nom du Temple du Feu perpétuel. Toute la région est
couverte de lacs et de sources de naphte. Des pèlerins se réunissent là des parties les plus reculées
de l'Asie, et certaines tribus dispersées çà et là par toute la contrée entretiennent des prêtres pour le
culte du principe divin du feu.
l'indique 445. Si une victime de ce vieux démon se trouvait par hasard sous
le vent, il apparaissait, comme par enchantement, et traversant
promptement la rue, il lui soufflait au visage. Dès ce moment, le pauvre
hère se voyait affligé de tous les maux ; il était sous le coup du "mauvais
œil".
Les cas ci-dessus sont cités dans le rapport officiel du célèbre procès
du Père Girard, prêtre jésuite fort influent, qui, en 1731, fut jugé par le
Parlement d'Aix, pour avoir séduit sa paroissienne, Mlle Catherine
Cadière, de Toulon, et pour certains crimes odieux contre elle.
L'accusation portait que l'offense avait été perpétrée au moyen de la
sorcellerie. Mlle Cadiére était une jeune fille renommée pour sa beauté, sa
piété et ses vertus exemplaires. Elle accomplissait rigoureusement ses
devoirs religieux et c'est ce qui fut la cause de sa perte. Les yeux du Père
Girard tombèrent sur elle, et il commença à manœuvrer pour sa perte.
Gagnant la confiance de la jeune fille et celle de sa famille, par son
apparence de sainteté, il en prit prétexte, un jour, pour souffler sur elle. La
jeune fille fut prise d'une passion soudaine pour lui. Elle eut des visions
extatiques d'un caractère religieux, des stigmates, ou marques saignantes
445
Baadey Ku-Ba – littéralement, "rassemblement de vents".
de la "Passion" et des convulsions hystériques. L'occasion longtemps
recherchée de se trouver seul avec la jeune fille s'étant réalisée, le jésuite
souffla de nouveau sur elle, et, avant que la jeune fille eût repris ses sens, il
avait accompli son dessein. En excitant sa ferveur religieuse et par des
sophismes, il entretint ses relations illicites avec elle pendant des mois,
sans qu'elle ait pu soupçonner avoir mal agi. Ses yeux furent enfin ouverts,
ses parents furent informés, et le prêtre fut appréhendé. Le jugement fut
rendu le 12 octobre 1731. Sur vingt-cinq juges, douze votèrent pour le
bûcher. Le prêtre criminel fut défendu par la toute-puissante Société de
Jésus, et on dit qu'un million de francs furent dépensés pour supprimer
certains témoignages produits à l'audience. Toutefois, les faits furent
publiés dans un ouvrage (en 5 [314] vol., 16 ma) fort rare aujourd'hui,
intitulé Recueil Général des Pièces contenues au Procès du Père Jean-
Baptiste Girard, Jésuite, etc..., etc... 446.
446
Voyez également Magic and Mesmerism, un roman reproduit dans Harpers, il y a trente ans.
Ceux qui nous auront suivis jusqu'ici demanderont naturellement quel
est le but pratique d'un ouvrage de la nature de celui-ci ; on a beaucoup
parlé de la magie et de ses potentialités, ainsi que l'immense ancienneté de
sa pratique. Voulons-nous par là affirmer qu'on doit étudier et pratiquer de
par le monde entier les sciences occultes ? Faut-il remplacer le spiritisme
moderne par la magie antique ? Ni l'un, ni l'autre ; la substitution serait
impossible, et l'étude ne pourrait être universellement poursuivie sans
courir le risque de grands dangers publics. En ce moment un spirite et
conférencier bien connu sur le magnétisme, languit en prison sous
l'inculpation de viol sur un sujet qu'il avait magnétisé. Un sorcier est un
fléau public, et il est aisé de transformer le magnétisme en la pire des
sorcelleries.
Nombre d'hommes ont surgi qui ont eu une lueur de la vérité, tout en
s'imaginant qu'ils la possédaient tout entière. Ceux-là ont échoué dans le
bien qu'ils auraient pu faire et qu'ils ont tenté de faire, parce que la vanité
leur a fait mettre leur personnalité en avant, au point qu'elle s'interposait
entre leurs sectateurs et la vérité tout entière qui était reléguée à l'arrière-
plan. Le monde n'a nul besoin d'une église sectaire, que ce soit celle de
Bouddha, de Jésus, de Mahomet, de Swedenborg, de Calvin, ou d'un autre
quelconque. Puisqu'il n'y a qu'UNE vérité, l'homme n'a besoin que d'une
seule église – le Temple de Dieu en nous, enclos par le mur de matière
mais ouvert à tous ceux qui en trouvent le chemin : Ceux qui ont le cœur
pur voient Dieu.
La trinité de la nature est la serrure de la magie ; la trinité de (homme
est la clé qui s'y adapte. Dans les solennels parvis du sanctuaire le
SUPREME n'a pas de nom et n'en a jamais eu. Ce nom est inconcevable et
ne peut être prononcé ; et néanmoins chaque homme trouve son Dieu au-
dedans de lui. "Qui est-tu, ô être merveilleux ?" demande l'âme
désincarnée dans le Khordah-Avesta, à la porte du Paradis. "Je suis, ô âme
tes bonnes et tes pures pensées, tes œuvres et ta bonne loi... ton ange... et
ton dieu."L'homme, ou l'âme, est alors réuni à LUI-MEME, car ce "Fils de
Dieu" fait un avec lui ; c'est son propre médiateur, le dieu de son âme
humaine et son "Justificateur." "Comme Dieu ne se révèle pas directement
à l'homme, l'esprit est son interprète", dit Platon dans le Banquet.
Notre tâche est achevée – plût à Dieu qu'elle eût été mieux
accomplie ! Mais, malgré notre manque d'expérience dans l'art d'écrire, et
la sérieuse difficulté pour nous de le faire dans une langue étrangère, nous
espérons avoir réussi à dire certaines choses qui ne seront point perdues
pour les esprits réfléchis. Les ennemis de la vérité ont tous été énumérés et
passés en revue. La science moderne, incapable de satisfaire les aspirations
de la race, fait de l'avenir un néant et prive l'homme d'espérance. Elle est,
dans un sens, comme le Baital Pachisi, l'imaginaire vampire populaire
hindou, qui vit dans les cadavres et se nourrit de la pourriture de la
matière. La théologie de la chrétienté a été usée jusqu'à la corde par les
esprits les plus sérieux de notre époque. Elle a été reconnue, dans son
ensemble, plutôt nuisible que propice à la spiritualité et à la morale. Au
lieu d'exposer les règles de la loi divine et de la justice, elle n'enseigne
qu'elle-même. A la place de la Divinité immortelle, elle prêche le "Malin"
et le rend impossible à distinguer de Dieu lui-même. "Ne nous induis point
en tentation" telle est la prière des chrétiens. Qui, donc est le tentateur ?
Est-ce Satan ? Non, la prière ne s'adresse pas à lui. C'est le génie tutélaire
qui endurcit le cœur de Pharaon ; qui [320] mit un mauvais esprit en Saül ;
qui envoya des messagers trompeurs aux prophètes, et induisit David au
péché, c'est – le Dieu d'Israël de la Bible !
FIN DU VOLUME II
FIN DU LIVRE