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Culiscendre préparait le thé.

Dans le jardin, ses invités l'attendaient ivres d'impatience en se tortillant sur


leur chaise - peut-être cherchaient-ils avec leur postérieur une pointe, un ergot, ou quelque proéminence
susceptible de les désarçonner de leur ténia mental. Le chien maigrelet qui gisait dans la cuisine rognait
depuis plusieurs heures un pied de table ; au lieu de l'enjamber, Culiscendre donna un gros coup de pied
dedans, ce qui le fit bondir sous un meuble. Il fallait toujours qu'il soit dans ses pattes, spécialement quand
elle avait les mains prises. Sale charognard.

Théière, tasses, et sucrier chancelaient dangereusement sur le plateau qu’elle apporta promptement à ses
convives. Durant les quelques mètres qui les séparaient, un sucre s’échappa du pot et tomba dans l’herbe –
cela fera plaisir au cabot, pensèrent en choeur les invités qui virent cela – mais aucun n’osa le faire
remarquer à Culiscendre de peur de s’attirer ses foudres. C’était une femme fière, toujours tirée à quatre
épingles, mais rancunière. Il valait mieux ne pas pointer du doigt ne serait-ce qu’un détail échappant à sa
volonté car elle interprétait cela comme une atteinte à son caractère proprement parfait. Elle pouvait se
montrer revêche dans cette circonstance : des ongles arrachés, certains vernis, d’autres non, ornaient ses
bracelets ; souvent elles se perdaient dans des pensées ombrageuses, d’aucuns pouvaient alors la voir
décortiquer les ongles entre ses dents, les tempes vibrant d’un courroux intérieur.

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