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Problématique des ressources en eau en Tunisie

Contexte général
Les ressources en eau conventionnelles sont de 4,875 109 m³/an, dont 2,7 109 m³/an proviennent
des eaux de surface et 2,175 109 m³/an découlent des eaux souterraines. 1,56 109 m³/an des eaux
souterraines sont renouvelable et 0,615 109 m³/an sont non renouvelables. La Tunisie reçoit des
précipitations qui balancent entre 1500 mm dans le nord et moins de 50 mm dans le sud, soit
une moyenne annuelle de 36 109 m³. Ce volume se limite à 11 109 m³, en année de sécheresse ;
et peut atteindre 90 109 m³/an, en année fortement pluvieuse. En effet, sur le volume total des
eaux souterraines profondes du Sud, 80% sont considérées non renouvelables, ce qui engendre
une répartition géographique inégale entre le nord et le sud, risquant de pénaliser les régions les
plus démunies et d’entraver leur développement.
La croissance économique de la Tunisie est basée sur le développement de 3 secteurs : agricole,
industriel manufacturier et touristique. Toutefois, ces trois secteurs demeurent dépendants de
l’approvisionnement en eau. Le Nord tunisien est le réservoir des eaux renouvelables du pays.
Il renferme la presque totalité des eaux de surface et plus que la moitié des eaux des nappes
phréatiques, soit 59% du total. Le Centre et le Sud ne possèdent que, respectivement, 18% et
23% du potentiel total.
La pollution accentue la diminution de l’approvisionnement. Ainsi, les ordures domestiques,
les eaux usées, les pesticides agricoles et les déchets industriels qui convergent vers les rivières
et qui s’infiltrent dans les nappes phréatiques affectent les ressources hydriques et engendrent
une diminution considérable de l’approvisionnement. La contamination des nappes phréatiques
et des eaux courantes par les affluents domestiques, industriels et agricoles, aboutissent, à long
terme, à l’aggravation des pénuries.
La Tunisie est périodiquement affectée par des inondations et des sècheresses qui engendrent
des pertes humaines et des dégâts matériels importants. En se limitant au dernier siècle, 34
phénomènes extrêmes ont été recensés, présentant une sévérité très importante comparés aux
précédents et correspondant à une année exceptionnelle (très sèche ou très humide) environ une
fois sur trois années observées. D’où la nécessité de développement des outils de gestion des
extrêmes (inondation et sécheresse) valables pour le contexte d’un climat aride.
Les écoulements sur les versants et l'alternance des séquences sèches et des séquences
pluvieuses engendrent l'accentuation de l'érosion hydrique, responsable de la réduction de la
productivité des terres agricoles, la transformation et l'eutrophisation des cuvettes, et
l’envasement plus ou moins prématuré des retenues des barrages et des lacs collinaires. Par
conséquent, la quantification et la modélisation numérique et cartographique des phénomènes
de l'érosion hydrique et de l'envasement de retenues s'imposent en tant qu'outils d'aide à la
décision pour une gestion rationnelle et durable des ressources en eau et en sols.

Problèmes
- Augmentation du besoin (croissance démographique, amélioration du niveau de vie,
intensification des activités économiques, etc.)
- Des populations privées d’eau (pénuries, manque de moyens, etc.)
- Pollution des eaux : menaces pour la santé publique et les écosystèmes aquatiques et
réduction de la disponibilité d’eau de qualité acceptable.
- Gestion inefficace des ressources en eau : gestion fragmentée et non coordonnée de
l’eau.
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Enjeux
- Garantir de l’eau aux populations est une priorité (1/5 de la population mondiale est
privé d’eau potable et la moitié ne bénéficie pas de systèmes d’assainissement).
- Garantir de l’eau pour la production alimentaire : L’agriculture irriguée consomme 80%
des ressources en eau en Tunisie.
- Promotions d’activités économiques moins consommatrices d’eau.
- Protection des écosystèmes.
- Variabilité spatio-temporelle de la précipitation.
- Gestion des risques associés aux extrêmes hydrologiques (sècheresse et inondation)
- Sensibilisation de l’opinion publique
- Collaboration entre tous les secteurs et toutes les frontières : tenir compte des
implications pour les autres usagers.

Gestion intégrée des ressources en eau


La gestion intégrée des ressources en eau est un processus qui favorise le développement et la
gestion coordonnés de l’eau, des terres et des ressources connexes, en vue de maximiser, de
manière équitable, le bien-être économique et social en résultant, sans pour autant
compromettre la pérennité d’écosystèmes vitaux (Partenariat mondial pour l’eau/Comité
technique consultatif). La gestion intégrée des ressources en eau permet d’aider les pays à faire
face aux problèmes liés à l’eau de manière économiquement efficace et durable. La gestion
intégrée des ressources en eau est basée sur les principes suivants :
- L’eau douce est une ressource limitée et vulnérable, indispensable à la vie, au
développement et à l’environnement.
- Le développement et la gestion de l’eau devraient être fondés sur une approche
participative impliquant usagers, planificateurs et décideurs à tous les niveaux.
- Les femmes sont au cœur des processus d’approvisionnement, de gestion et de
conservation de l’eau.
- Pour tous ses différents usages, souvent concurrents, l’eau a une dimension
économique. C’est pourquoi elle doit être considérée comme un bien économique.

Recommandations
Vue la rareté des ressources en eau et la vulnérabilité des environnements arides et semi-arides
en Tunisie, des efforts appréciables ont été accomplis dans le pays suivant plusieurs directions,
y compris, une recherche orientée vers la préservation des ressources en eau et la valorisation
des eaux marginalisées. Par conséquent, il est important de prévoir le développement de
techniques appropriées de gestion et de valorisation des ressources en eau tenant compte des
contraintes imposées par l’environnement et le climat afin de mieux gérer cette ressource et la
préserver pour les générations futures. Il s’agit, entre autres, des travaux de conservation des
eaux et des sols, la recharge artificielle, la réutilisation des eaux usées traitées, la valorisation
des eaux saumâtres et la prévention de l'intrusion marine.

Ressources en eau conventionnelles :


1. Eaux de surface dont les ouvrages de captage sont les barrages, les barrages
collinaires et les lacs collinaires.
2. Eaux souterraines captées par les puits (nappe phréatique) et les forages (nappe
captive et nappe profonde)

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Ressources en eau non-conventionnelles :
1. Transfert d’eau
2. Réutilisation des eaux usées traitées
3. Utilisation des eaux saumâtres
4. Dessalement des eaux de mer et des eaux saumâtres
5. Ressources en eau virtuelles
6. Moyens d’accroissement des ressources en eau
• Pluie artificielle
• Techniques de réduction de l’évaporation
• Travaux de conservation des eaux et des sols
• Recharge artificielle des nappes

L’eau virtuelle en Tunisie


Introduction
L’eau virtuelle désigne le volume d'eau nécessaire à la production d'un produit. Le concept est
surtout utilisé pour décrire les quantités d'eau associées au commerce des produits. L'eau
virtuelle utilisée par la culture dépend de plusieurs facteurs tels que la nature et le mode conduite
(irrigué ou en pluvial) de cette culture, des conditions climatiques et des autres facteurs de
production. Elle diffère donc d’une culture à une autre. Pour la plupart des cultures maraichères,
le volume d'eau virtuelle par kg de produit agricole est faible en restant inférieur à 0,5 m 3 /kg.
Il est plus élevé pour les cultures de piment et de melon que pour celle de la tomate et la pomme
de terre. L’huile d’olive est classée comme le produit agricole le plus utilisateur d'eau (7 m3
/kg). Pour les céréales, la consommation en eau est en moyenne de 1,5 m3 /kg. Cette valeur est
essentiellement due au faible rendement des céréales cultivés en pluvial. Pour les céréales
irriguées, elle est généralement inférieure à 1 m3 /kg dans le nord du pays.
Eau virtuelle et valorisation des ressources
En Tunisie, l'eau bleu totale utilisée (eau d'irrigation) par les cultures est de l'ordre de 2830
Mm3 ce qui présente les 31,9% de l'eau virtuelle totale utilisée par ces cultures. La majeur partie
(68,1%) de l'eau virtuelle utilisée provient de la pluie (eau verte). Une analyse qui intègre l’eau
virtuelle dans une vision globale comprenant l’ensemble des ressources en eau (verte, bleue,
grise et virtuelle) dans une perspective de développement durable et d’amélioration de la
sécurité alimentaire a permis de constater qu’en ce qui concerne la part de l’eau virtuelle verte,
elle est plus importante pour les céréales et les arbres fruitiers que pour les cultures maraichères,
cela signifie que les céréales et arbres fruitiers consomment plus d’eau verte dans leurs cycle
de croissance avec un pourcentage avoisinant les 70%, contrairement aux cultures maraichères,
où la part de l’eau virtuelle bleue représente environ les 70%. De ce fait, nous pouvons dire que
les possibilités d’améliorer la valorisation de l’eau au niveau agroéconomique reposent
essentiellement sur une meilleure planification de l’utilisation des sols, pour une bonne gestion
des ressources en eau limitées.
Exportation d’eau virtuelle
A travers l'exportation des principaux produits agricoles en 2013 (151,5 mille tonnes d’huile
d’olive, 108 mille tonnes des dattes, 22 mille tonnes d'agrumes, 2,4 mille tonnes de tomate
fraiche et 17 mille tonnes de pastèque) qui a représenté une source importante de devise, la

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Tunisie a perdu environ 1,4 milliards de m3 sous forme d'eau virtuelle exportée. La Tunisie
exporte environ 70% d’eau virtuelle verte via l’exportation de l’huile d’olive, par contre elle
exporte presque 95% d’eau virtuelle bleue par l’exportation des dattes. Il s’agit d’une eau bleue
exportée provenant de nappes fossiles précieuses dans une région particulièrement aride. Bien
que les exportations de dattes constituent un des piliers de l’économie tunisienne, cependant,
les conséquences environnementales peuvent être catastrophiques et irréversibles à long et à
moyen termes. En ce qui concerne l’oléiculture, elle restera une culture stratégique par
excellence pour la Tunisie surtout qu’elle est à l’origine des exportations d’eau verte. Ainsi,
encourager les cultures de l’olivier pluvial permettrait de sauvegarder des quantités importantes
d’eau bleue et de mieux valoriser l’eau verte exportée.
Importation d’eau virtuelle
Les principaux produits stratégiques importés sont le blé dur, le blé tendre, l’orge, le maïs et la
pomme de terre. On remarque que suite à l’importation de 3230 mille tonnes de céréales et de
15,7 mille tonnes de pomme de terre, la Tunisie a épargné 6,14 milliards de m3 d’eau environ.
La Tunisie a intérêt à exporter les produits agricoles à faible consommation d’eau et d’importer
les produits agricoles fortement consommateurs comme le maïs afin d’améliorer l’efficience de
l’utilisation de l’eau et par conséquent de mieux préserver les ressources en eau. La Tunisie
importe l’eau virtuelle essentielle par l’importation des céréales. Les résultats montrent que la
Tunisie préserve ses ressources en eaux par l’importation des céréales.
Malgré l’importance des volumes d’eau virtuelle exportée à travers l’exportation de produits
stratégiques tels que l’huile d’olive et les dattes, la Tunisie est considérée plutôt comme un
importateur d’eau. En effet, en Tunisie, la balance de l’eau virtuelle, est déficitaire où on note
que les exportations ne couvrent pas les importations ce qui rend la Tunisie, un pays importateur
net d’eau virtuelle. Cette situation d’importateur permet à la Tunisie d’atténuer les pressions
sur ces propres ressources en eau et, par conséquent, les risques d’insécurité alimentaire.
Recommandations
L’encouragement de la culture de l’olivier en pluvial dans toutes les régions de la Tunisie est
nécessaire pour garantir l’équilibre de la balance commerciale alimentaire tout en évitant
l’exportation de d’eau virtuelle bleue très précieuse. En effet, c’est l’olivier en pluvial qui
valorise au mieux le m³ d’eau exporté. En ce qui concerne les cultures maraichères, elles sont
à encourager dans les périmètres irrigués. Ces cultures valorisantes d’eau bleue permettent aussi
la création d’un revenu supplémentaire surtout pour les femmes rurales. L’accroissement des
superficies des piments, tomates et des agrumes s’avère aussi intéressant dans certaines zones
irriguées étant donné que ces cultures valorisent mieux le m³ d’eau à l’exportation (volume
d’eau virtuelle < 0.5m3 /kg).
Le concept de l’eau virtuelle peut être utile pour mieux comprendre comment le commerce
international affecte les ressources en eau qui sont de plus en plus rares. Ainsi, il peut être
considéré comme étant une opportunité pour réexaminer les pratiques agricoles, les politiques
agricoles et plus précisément, les politiques commerciales agricoles. Au niveau du
comportement des producteurs, la compréhension et la prise en compte du nouveau concept
(eau virtuelle) permettrait de mener une réflexion sur l’opportunité de réorientation des
spéculations agricoles. Ainsi, l’eau libérée peut aussi servir à produire des denrées agricoles à
haute valeur ajoutée destinées à l’exportation. Au niveau du gouvernement, le prise en compte
du concept de l’eau virtuelle rend légitime le fait d’encourager les culturales bénéficiant
d’avantage comparatif et de décourager celles dont la valeur ajoutée ne parvient pas à couvrir
les coûts réels de la ressource.

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Les travaux de conservation des eaux et des sols : Avantages, contraintes et
perspectives.
La dégradation des terres constitue un problème crucial qui menace le patrimoine agro-
pédologique des régions arides et semi-arides caractérisées par l’agressivité et la diversité de
ses processus érosifs particulièrement hydriques. Cette érosion est en grande partie due, en plus
des conditions naturelles telles l’agressivité des pluies et du ruissellement, à l’inadaptation des
activités anthropiques aux exigences d’équilibre des écosystèmes. Les conséquences de
l’érosion sont multiples et variées telles que la perte du capital en sol, l’envasement et le
colmatage de l’infrastructure hydraulique. La prévention de ces effets nécessite des méthodes
de lutte cohérentes et efficaces. Le rôle de la végétation apparaît en tout premier lieu. Dans la
mesure du possible, l'érosion doit être arrêtée dès sa forme réversible, c'est-à-dire avant que ne
commencent les ravins. Des programmes des aménagements de conservations des eaux et des
sols (CES) sont aussi indispensables. Les objectifs visés par la mise en œuvre de ces
programmes sont : (1) la protection des terres agricoles contre l'érosion, (2) la recharge
artificielle des nappes phréatiques, (3) l'utilisation directe des eaux de ruissellement et (4) la
protection des zones urbaines contre les inondations,

La gestion conservatoire des eaux et des sols et, plus particulièrement les techniques et pratiques
traditionnelles occupent généralement une place importante dans les systèmes agraires,
notamment dans les régions marginales, de montagne ou de climat semi-aride. Ces procédés
sont par ailleurs en symbiose avec les conditions de climat, de relief, de sols, de disponibilité
de l’eau. Ils sont aussi fonction du genre de vie des populations, de leur histoire, de leur système
de production et de leur degré d’organisation. L'adaptation des habitants aux conditions
difficiles a été à l'origine de l'application d'un certain nombre de techniques de conservation du
sol, de maintien de sa fertilité et de gestion de l'eau dans une optique de protection contre le
ruissellement violent et les processus d'érosion et pour une utilisation rationnelle des eaux, dans
un but d'amélioration de la production.

On présente au premier lieu les travaux de conservation des eaux et des sols généralement
adoptés dans les zones arides et semi-arides, y compris les techniques culturales conservatrices,
les aménagements des terres en pentes, les ouvrages des voies d’eau et les lacs collinaires.
Ensuite, les différentes de phases d’un projet de planification des travaux CES sont étudiées et
discutées. Les contraintes et les difficultés généralement rencontrées lors de l’application de
cette technologie sont aussi mises en relief. Finalement, on présente des réflexions et des
perspectives pour conserver et améliorer ces techniques traditionnelles et faire les choix
appropriés et les plus convenables en relation avec les données naturelles, économiques et
environnementales locales.

II Présentation des travaux CES

2.1 Les techniques culturales conservatrices

Les mesures qui permettent la conservation des eaux et du sol au niveau des exploitations
agricoles sont multiples, à savoir :

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▪ Travail du sol
Il consiste à utiliser les systèmes de travail du sol qui tiennent compte de la nature du sol, de la
végétation et des conditions climatiques locales, pour créer un milieu favorable à la croissance
des cultures et à la production agricole, tout en conservant les eaux et les sols. Si ce travail n’est
pas suffisant, on doit adopter des techniques complémentaires, comme le labour en courbes de
niveau et les cultures en bandes.

▪ Façons culturales conservatrices


Elles sont des techniques qui maximisent le couvert végétal du sol sans retourner la couche
superficielle. En effet, la préservation des résidus végétaux permet de lutter efficacement contre
l’érosion, de conserver les eaux et de maintenir la production agricole à son niveau antérieur.

▪ Les techniques douces :


Il s’agit principalement de labourer les terrains en pente suivant la direction des courbes de
niveau pour réaliser une série de billons, très proches les uns des autres, qui constituent des
retenues d’eau. Cette méthode permet de briser le ruissellement et de réduire considérablement
la vitesse d’écoulement de l’eau, ce qui favorise l’infiltration des eaux de pluie dans les raies
de labour et réduit l’érosion.

2.2 Aménagement des terres en pente

L’aménagement des terres en pente est une partie intégrante et extrêmement importante de
l’aménagement de bassins versants. En effet, les terres en pente sont particulièrement exposées
à l’érosion et constituent une source majeure des eaux de ruissellement et des sédiments. Sur
les terres en pente douce, on se limite aux techniques culturales conservatrices, présentées ci-
dessus. Sur les terres à pentes plus fortes, où ces différentes techniques de conservation sont
insuffisantes, on procède à des aménagements moyennant des ouvrages tels que les banquettes
et les cordons en pierres sèches.

❖ Les banquettes
Les banquettes consistent en un canal et un remblai en ados, construits perpendiculairement à
la pente du terrain et à intervalles réguliers. Elles sont destinées à réduire la longueur de la pente
et à intercepter le ruissellement de surface avant qu’il n’atteigne une vitesse érosive. Cela
permet aussi d’augmenter l’infiltration des eaux dans le sol. Deux types de banquettes sont
généralement distingués :

(i) les banquettes de rétention construites en courbes de niveau

(ii) les banquettes d’écoulement construites avec des pentes longitudinales uniformes ou
variables.

Une banquette est généralement munie d’un radier simple ou double à son extrémité, ou d’une
prise latérale à son milieu pour évacuer le surplus des eaux sans endommager l’ouvrage.

❖ Les cordons en pierres sèches


Ce sont des obstacles constitués d'accumulations des pierres sèches déposées en lignes selon
les courbes de niveaux. Progressivement ces cordons se colmatent jusqu'à leur sommet,
formant ainsi des terrasses qui favorisent le développement du couvert végétal. Les principaux

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critères de choix des techniques d'implantation de ces ouvrages sont la disponibilité des pierres,
la présence d'une semelle peu profonde, sous forme d'une croûte ou d'un encroûtement de
calcaire et d'une pente modérée et homogène du terrain.

❖ Les ouvrages des voies d’eau


Le réseau hydrographique d'un bassin versant évolue au cours du temps, du fait de la violence
des écoulements lors des crues. Cette évolution se manifeste essentiellement par
l’élargissement des lits des cours d’eau, du fait du sapement des berges, la création des
méandres, ou le recul progressif des têtes de ravins. L'arrêt de la progression des têtes de ravins
peut être réalisé par la construction de seuils déversoirs soit en maçonnerie, en gabion ou en
enherbés, la déviation permanente des crues par des banquettes déversoirs ou diguette, le
comblement et le façonnement des têtes, ou la plantation dense d’arbres et d'arbustes.

Des épis sont construits dans le but de protéger efficacement les berges d'un oued contre la
force érosive des crues de manière à : (i) éviter la concentration des crues le long des parois
par déflexion vers le milieu du lit, (ii) créer des conditions favorables pour l'implantation de la
végétation, et (iii) permettre à la végétation de stabiliser en permanence les berges érodées.
Des seuils hydrauliques peuvent être également implantés transversalement dans les lits des
oueds, pour : (1) stabiliser les berges et le lit des cours d’eau, (2) protéger les barrages en
piégeant d'importantes quantités de sédiments et (3) recharger les nappes phréatiques.

2.3 Lacs collinaires

Une retenue collinaire est un petit lac artificiel de 10.000 à 500.000 m3 environ d’eau destiné à
l’irrigation en général. Ce lac est créé derrière une digue de terre de hauteur moyenne de 5 à 12
m. La hauteur de la digue dépasse rarement 15 m, et une capacité de 1.000.000 m3 est rarement
atteinte ou dépassée. Les bassins versants, d’étendues relativement modestes, ont généralement
une superficie de 50 à 100 ha et dépassent rarement 500 ha. Le lac collinaire est un ouvrage de
petite hydraulique destiné généralement à l’irrigation des petits périmètres (quelques dizaines
d’hectares). Les objectifs majeurs de ce type d’ouvrage sont principalement :

• la satisfaction des besoins en eau potable pour les petites agglomérations rurales,
• la satisfaction des besoins en eau du cheptel,
• l’amélioration du niveau de mobilisation des ressources en eau de surface.

La construction d’un lac collinaire s’effectue normalement dans son propre bassin versant ;
néanmoins, lorsqu’un envasement important est à craindre, vu que les conditions
morphologiques du bassin ne sont pas favorables, le lac collinaire peut être réalisé « en
parallèle » en dérivant l’eau d’alimentation d’un cours d’eau adjacent. Dans ce cas, il faut
prévoir un ouvrage de prise dans le cours d’eau et un canal de dérivation.

7
III Planification des projets de CES

Les projets de CES se distinguent des autres projets de développement par un certains
nombre de particularités dont les plus importantes sont :

o les projets CES sont avant tout des projets de protection et de sauvegarde des
ressources en eau et en sol. Ils intéressent des travaux d'aménagement nécessaires à une mise
en valeur d'une agriculture réussie.
o L'analyse économique des projets de CES est compliquée du fait que plusieurs
avantages dégagés ne peuvent être quantifiés, d'où la difficulté de leur attribuer un prix de
marché.

La planification des projets de CES commence par la collecte et analyse des données
disponibles concernant la zone d’intervention. Cette première étape permet de dégager les
différentes caractéristiques d'un bassin versant, d’identifier les problèmes de la zone d'étude
et de dégager certaines priorités d'intervention. Parmi les documents à consulter : la carte
climatique, la carte géologique, la carte des précipitations, la carte pédologique, la carte
topographique, etc. Une fois l'étape de collecte et l'analyse des données est achevée, des
visites de reconnaissance approfondie des zones d’intervention sont indispensables. En
effet, cette phase permet, d'une part la complétion et la vérification des résultats de l'analyse
des données, et d'autre part de se rendre compte de l'ampleur des problèmes posés par
l'érosion. L'analyse des aspects agro socioéconomique de la zone d'étude contribue
largement dans la détermination des aménagements de CES. Cette analyse est basée
essentiellement sur les enquêtes de terrains qui doivent être plus approfondies et plus
détaillées.

L’étape suivante consiste à l’élaboration des cartes thématiques du bassin d’étude. Il s’agit
particulièrement de la carte des pentes, Carte du réseau hydrographique, carte d’érosion des
sols, carte d’occupation des sols et la carte pédologique. Une fois toutes les cartes
thématiques ont été élaborées, on peut alors élaborer la carte des classements des terres qui
doit reposer sur une méthodologie bien définie, dont le but est de regrouper les terres d'après
leurs aptitudes aux cultures et aux pâturages sans perte excessive du sol.

L’étude de la zone du projet aboutit à diviser cette zone en unités d'interventions (appelées
aussi unités d'aménagements) et pour chaque unité on établit une fiche de description et
d'aménagement de CES (Cherif ,1995). La dernière étape consiste à l’élaboration de la carte
des unités d'aménagements de CES. Cette étape a une importance capitale dans l'élaboration
du projet d’aménagement de CES puis qu’elle tient compte de toutes les informations tirées
de la carte de classement des terres, de la carte d'occupation des sols, des études des conditions
du milieu et des données agro socio-économique. En effet, elle consiste à délimiter et à
reporter sur carte les unités d'aménagements qui ont été identifiées (Cherif ,1995).

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IV Contraintes et difficultés

La faible longévité de la plupart des ouvrages CES s’explique essentiellement par la non
intégration de ces ouvrages à l’exploitation agricole en tant qu’unité ayant ses propres règles de
gestion et d’occupation de son capital sol. Ce manque d’intégration a comme conséquence
l’absence d’entretien voire même la destruction purement et simplement de l’action CES.

Certaines banquettes construites strictement selon les courbes de niveau sur des terrains déjà
occupés par l’arboriculture, passent parfois sur une ligne d’arbres fruitiers, qui deviennent ainsi
prisonniers au cœur de la banquette. Le résultat est une réaction négative de la part de
l’agriculteur, qui réagit en empiétant progressivement par les labours sur la base de la banquette,
et en procédant à son sapement par la charrue. La solution serait de tenir compte à l’avenir des
plantations existantes, même si cela devrait entraîner le décalage de la banquette de quelques
mètres par rapport au tracé obtenu théoriquement selon les courbes de niveau. C’est de cette
manière que l’on peu obtenir l’adhésion des populations rurales aux techniques de conservation
qui ne doivent en aucun cas entraver la population ou réduire les revenus des agriculteurs.

Les banquettes peuvent aussi gêner le déplacement des engins lors du labour mécanique des
terres, ce qui peut entraîner des réactions négatives de la part des populations rurales. Pour
remédier à cette situation, il est recommandé de prendre leurs avis lors de la construction des
banquettes, et prévoir des lieux de passage sur les emplacements qu’elles souhaitent. De cette
manière, les brèches ouvertes par les populations rurales pour servir de passages pour leurs
engins ou leurs troupeaux, peuvent être évitées.

Baccari et al (2007) ont montré que le dysfonctionnement des banquettes dans le bassin
d’alimentation d’El Gouazine (Tunisie Centrale) peut être provoqué : l’installation des
banquettes sur des sols argileux et gypseux, la localisation des ruptures sur le réseau
hydrographique et une pente supérieure à 25 %. Les mesures topographiques effectuée dans
le cadre de cette étude montrent que la capacité initiale de rétention des banquettes varie entre
1 et 3 m2 par mètre linéaire pour une construction standard à 2,28 m3 ; elles montrent
également que, neuf ans après leur construction, les banquettes ont perdu 10 à 50 % de leur
capacité de rétention initiale. Après l’installation des banquettes dans le Bassin El Gouazine,
l’apport solide était seulement réduit de 30 %, tandis que l’apport liquide l’était de sept à huit
fois pendant une période de quatre ans, ce qui limite les possibilités d’irrigation aval.

Dans le cas des aménagements de Conservation des Eaux et du Sol (CES), les dépenses
inhérentes à leur réalisation sont devenues, au fil des années, de plus en plus élevées atteignant
des niveaux sans précédent. Par contre, les résultats obtenus sont jugés le plus souvent peu
tangibles. Ce double constat conduit à s’interroger sur l’opportunité de réaliser les
aménagements CES avec l’envergure actuelle ; n’y a-t-il pas lieu d’adopter d’autres
programmes plus efficaces ?

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V Evaluation des stratégies précédentes et recommandations

Les techniques traditionnelles peuvent être conservées et améliorées si le choix des techniques
de conservation des eaux et du sol les plus appropriées en relation avec les données naturelles
et les conditions socio-économiques des populations, inspirées des techniques traditionnelles,
mais fortement améliorées et surtout facilitées (gain en temps de travail et en efforts d'entretien).
L'amélioration de ces techniques assure l'intégration facile et rassurante du petit paysan, de son
savoir-faire et de ses compétences dans l'opération de développement. Mais de véritables
recherches pour une meilleure valorisation de ces techniques doivent être menées, proposant le
coût le moins élevé possible et des rendements élevés, grâce à des techniques de fertilisation
adaptées et rationnelles, sur les deux plans de la production et de l’environnement.

Un aménagement intégré à l’échelle des sous bassins versants doit être considéré. De cette
manière, les interventions auraient plus d’efficacité et plus d’impacts sur le milieu et sur les
populations concernées. Dans tous les cas, il faudrait éviter le saupoudrage des actions
d’aménagement CES et focaliser sur les zones jugées prioritaires et, pour encore plus
d’efficacité, focaliser lors de la planification et de l’exécution sur les sous bassins versants en
fonction de leur état de dégradation et leur degré de stabilité et non pas en fonction des limites
politiques ou administratives. Il est également important de bien valoriser l’espace inter
banquettes par des plantations fruitières ou des plantes fourragères, ce qui nécessite la
sensibilisation des exploitants agricoles, en ce qui concerne l’intérêt de ce type de pratiques.

Le but pratique d’action est de se fonder sur les pratiques actuelles pour proposer des formes
d’inspiration pour les projets de gestion conservatoire des terres. Il s’agit aussi d’en étudier les
possibilités d’extension et de généralisation. Ceci nécessite bien sûr que l’on parvienne à en
proposer des possibilités de modernisation, grâce à l’utilisation de tout ce qu’offre la recherche
technologique, comme espoirs pour faciliter la mise en place de ces pratiques et en diminuer la
pénibilité et le coût en heures de travail. Ainsi, il sera possible de convaincre que ces dispositifs
de CES améliorés et les systèmes agraires qui les ont engendrés peuvent être proposés comme
alternatives, visant la minimisation des processus de dégradation en cours. En plus, il y a une
condition majeure, c’est que ces propositions ne s’arrêtent pas à la lutte antiérosive et
concernent aussi la fertilité des sols, leur productivité et la disponibilité de l’eau.

VI La nouvelle stratégie de conservation des eaux et des sols :

6.1 Objectif global :


La nouvelle stratégie pour l’Aménagement et la Conservation des Terres Agricoles (ACTA) se
fonde sur une vision à long terme définie comme suit : « Des territoires ruraux prospères ayant
appuyé leur développement sur une agriculture productive gérant durablement les ressources
naturelles et résiliente au changement climatique, établie grâce à des pratiques de CES orientées
vers la production et mises en œuvre et partagées par les agriculteurs ». L’objectif global de la
nouvelle stratégie est donc la gestion des ressources naturelles en vue du développement des
territoires ruraux. Ses deux éléments forts sont la gestion des ressources naturelles et
l’aménagement des terres agricoles pour contribuer au développement rural.
10
6.2 Les enjeux
Il a été possible de récolter les retours d’expérience des deux précédentes stratégies de CES, et
de coconstruire la future stratégie de l’ACTA avec les acteurs impliqués qui seront chargés de
sa mise en œuvre. Ce processus respecte également la nécessité postrévolutionnaire de
s’inscrire dans une démarche participative. Aujourd’hui, la tendance est à l’intégration des
actions de CES dans les processus de gestion des ressources naturelles et de développement
rural (« CES productive »). À partir des enjeux et recommandations issus du diagnostic, une
vision à horizon 2050 a été établie en cohérence avec la vision Eau 2050. Elle représente le
futur souhaitable à moyen terme pour le secteur de la DGACTA en Tunisie de manière large.
La nouvelle stratégie s’inscrit dans le Programme de Développement Rural Intégré (PDRI) dont
les objectifs sont la création d’une dynamique locale par la valorisation d’activités liées aux
spécificités locales, favorisant la fixation des populations par la création d’emploi local et la
réalisation d’un développement durable et la consolidation des indicateurs de développement
humain et vue d’améliorer la qualité de la vie des citoyens et protéger l’environnement. Ses
enjeux sont : (1) le développement rural équilibré, (2) la gestion durable des ressources
naturelles, (3) l’adaptation aux changements climatiques, (4) la contribution de la CES à la
productivité agricole et (5) l’appropriation des pratiques et techniques de CES par l’agriculteur

6.3 Projet d’Aménagement et de Développement Intégré des Territoires (PADIT) :


L’objectif pour la nouvelle stratégie n’est pas de se lancer dans la réalisation d’un grand nombre
d’ouvrages sur tout le territoire comme ce fut le cas pour les deux stratégies précédentes, mais
de cibler les réalisations. Un mode d’intervention différent de ce qui a été réalisé durant les
deux stratégies précédentes est préconisé, en plaçant la CES dans un contexte de développement
rural intégré, où l’aménagement des terres agricoles et leur conservation constituent la porte
d’entrée pour intervenir, mais où le contexte global sera analysé et où d’autres partenaires du
Ministère de l’Agriculture, des Ressources Hydriques et de la Pêche (MARHP) ou d’autres
ministères, devront être mobilisés.
Le nouveau mode d’intervention préconisé envisage l’intervention de la DGACTA : (1) au
moyen de la mise en place de Projets d’Aménagement et de Développement Intégré des
Territoires (PADIT) portés par la population et faisant suite à une animation mise en place dans
les zones prioritaires d’intervention et (2) à travers des interventions ponctuelles des services
régionaux pour la réhabilitation d’ouvrages en ruine. La CES demeurera la thématique centrale
de la DGACTA mais son intervention se fera sur la base de la sollicitation des populations
locales désireuses de valoriser les atouts de leur territoire à travers des projets multisectoriels.
6.4 Les ouvrages et techniques innovantes à promouvoir :
En plus des ouvrages classiques de conservation des eaux et des sols, la nouvelle stratégie
prévoit la promotion des ouvrages et techniques innovantes suivants :

Les barrages enterrés :


Le principe de cet aménagement est le même qu’un barrage « classique », la différence réside
dans le fait que l’eau est stockée directement dans le sol, et non pas à l’air libre, un des
principaux avantages étant la réduction considérable de l’évaporation de l’eau au contact de
l’air pour un barrage « classique ». L'objectif essentiel d'un barrage souterrain en zones arides
et semi-arides est l'accroissement des ressources en eaux souterraines, la régularisation inter-

11
saisonnière et interannuelle de ces ressources, le relèvement et la stabilisation du niveau de la
nappe, ainsi que le stockage d'eau à l'abri de l'évaporation et des sources polluantes diverses.
L’innovation consiste à utiliser le sol comme réservoir souterrain pour stocker de l’eau. Cette
technique relativement coûteuse s’applique pour l’alimentation en eau des populations et du
bétail en réalisant ensuite un forage en amont du barrage.

Les puits filtrants :


Les puits filtrants consistent à favoriser l’infiltration de l’eau dans des zones où celle-ci est
amenée à s’accumuler, à travers un forage qui laisse passer l’eau vers les nappes superficielles.
Ce puits, foré à 30-40 m de profondeur et entouré d’un filtre, atteint la nappe phréatique et
permet de faire pénétrer l’eau directement dans l’aquifère, beaucoup plus rapidement que par
infiltration naturelle. Il est souvent combiné à un ouvrage de rétention de l’eau de pluie en aval
(seuil en gabion par exemple), et peut être situé directement dans le cours des oueds.

6..5 Adaptation aux changements climatiques :


Les actions menées dans le cadre de la CES peuvent permettre de :
• Lutter contre l’érosion hydrique et la perte de terres agricoles (conservation de la
couverture du sol, en agriculture et parcours) ;
• Conserver voire augmenter les réserves en eau (réduction de l’envasement des grands
barrages, petits ouvrages de stockage, meilleure capacité de stockage de l’eau dans les
sols si amélioration de la qualité des sols, recharge des nappes) ;
• Limiter les impacts sur l’agriculture, à travers l’adaptation des techniques culturales
(semis direct, choix des espèces et variétés cultivées, agroécologie, etc.) et l’amélioration
de la disponibilité de l’eau (petits ouvrages de stockage, qualité du sol et eau verte, etc.).

Conclusions :

Les travaux de conservation des eaux et des sols sont des techniques efficaces pour la lutte
contre l’érosion hydrique, le captage des eaux de ruissellement et l’amélioration de l’infiltration
dans les terrains agricoles, ce qui permet l’intensification de l’agriculture en sec et la recharge
artificielle des nappes. Ces travaux contribuent également au maintien de la fertilité des sols et
une amélioration des rendements des cultures. Certains travaux CES permettent aussi de
récupérer des terres qui préalablement étaient impropres à l’agriculture. De plus, la mise en
œuvre des travaux CES engendre la réduction du transport solide et par conséquent la protection
des canaux d’irrigation et des réseaux de drainage contre le colmatage et la prolongation de la
durée de vie des ouvrages hydrauliques en aval. Finalement, les projets CES contribuent à la
création d’emplois et la réduction de l’exode rural. Les travaux CES peuvent être plus efficaces
sur le milieu et sur les populations concernées dans le cadre d’un aménagement intégré à
l’échelle des sous bassins versants, où l’exploitant agricole est impliqué lors des premières
phases du projet et sensibilisé en ce qui concerne les intérêts de ces pratiques. Les pratiques de
conservation des eaux et de sol d’origine traditionnelle peuvent être améliorées et modernisées,
ce qui peut améliorer leur rentabilité économique.

12
Recharge artificielle des nappes
CADRE GENERAL ET CONTRAINTES
Objectifs de la recharge artificielle
La recharge artificielle des nappes fait partie des stratégies de gestion quantitative et qualitative
de l'eau et d’adaptation au changement climatique dans le domaine des ressources en eau. La
recharge artificielle des nappes a été considérée surtout pour rétablir leurs équilibres
hydrodynamiques et/ou les protéger contre l’intrusion des eaux salines. Toutefois, la recharge
artificielle peut être envisagée pour stocker de l'eau dans les réservoirs souterrains afin de la
rendre disponible pendant les périodes de fortes demandes. En effet, contrairement aux
réservoirs à l’air libre, caractérisés par des pertes excessives par évaporation, surtout dans les
régions arides et semi-arides, le stockage souterrain de l’eau n’en subit qu’à un degré beaucoup
plus faible. De plus, l’accumulation de l'eau dans le sous-sol, n'implique pas de submersions de
terres et n'entraîne donc pas de graves destructions de la nature ni de problèmes sociaux, tels
que les déplacements de population. Finalement, opter pour des lâchers à partir des retenues
d’eau pour la recharge des nappes va libérer plus d’espace dans ces derniers pour pouvoir capter
et atténuer les crues exceptionnelles et donc assurer la lutte contre les inondations. Par
conséquent, il serait intéressant d’envisager le stockage de l’eau dans les nappes comme une
alternative à son stockage à la surface pour une gestion optimale des ressources en eau.
Origines d’eau et techniques de recharge
La recharge artificielle est menée non seulement avec les eaux de surface issues des lâchers des
barrages et des eaux de crues des oueds, mais également des eaux usées traitées utilisées dans
les périmètres irrigués ou rejetées directement dans le réseau hydrographique. En effet, les eaux
usées traitées constituent une ressource alternative disponible tout au long de l'année et plus
particulièrement en période d'étiage, au moment où les ressources conventionnelles sont
fortement sollicitées voire indisponibles. Elles prennent un intérêt particulier lorsque la
ressource naturelle est rare, notamment en zone littorale et en milieux insulaires.
Différents ouvrages de recharge sont déployés en fonction de l’origine d’eau. Pour les eaux de
surface, il s’agit des barrages (El Haouareb, El Brek), des barrages collinaires, des lacs
collinaires, des puits filtrants, des bassins d’infiltration (cas d'El Alia), des anciens carrières
(cas de Sidi Gabbari) et des travaux de conservation des eaux et du sol (CES). Quant à la
réutilisation des eaux usées traitées, il s’agit des bassins d’infiltration (cas de sites Mida-Korba
et Oued Souhil), des rejets directs dans les lits d’oueds (Cas d’Oued Smar-Médenine), des seuils
hydrauliques (Cas de la STEP de Boumerdès) et des périmètres irrigués (Cas de PI de Chaffar-
Sidi Abid).
Les différents dispositifs mis en œuvre dans les sites actuellement en activité sur le territoire
national font appel à des technologies relativement bien maitrisées. Le choix d’une méthode de
recharge artificielle dépend de facteurs multiples tels que l’objectif visé par le dispositif de
recharge (quantitatif et/ou qualitatif), le contexte hydrogéologique local, le type et le volume
d’eau de recharge disponibles et les propriétés chimiques et microbiologiques de ces eaux.
Conditions hydrogéologiques pour le choix du site de recharge
Contraintes associées à la nature de l’aquifère
Les premiers essais de la recharge de la nappe phréatique du Quaternaire de Grombalia ont
montré une faible infiltration au niveau du site El Gobba-2. Ceci est le résultat d’une épaisse
couche d’argile empêchant l'infiltration d’eau introduite dans la zone non saturée. Depuis sa
construction, le site d'El Gobba-2 n'a pas fonctionné et il est considéré parmi les échecs de
l'expérience de la recharge artificielle des nappes. Dans les futurs projets, il est recommandé de

13
s'assurer des bonnes propriétés hydrodynamiques de site (Perméabilité, Porosité, coefficient
d'infiltration, etc.) à travers des études hydrodynamiques et hydro-géophysiques poussées.
L’évaluation hydrogéologique d’un site est basée sur la caractérisation de l’aquifère et de la
zone non saturée. On opte à déterminer le type de l’aquifère, son extension, son épaisseur, son
coefficient d’emmagasinement, l'épaisseur de la couche non saturée ainsi que les conditions
aux limites hydrogéologiques délimitant la masse d’eau considérée. En effet, les conditions aux
limites influent directement sur la circulation de l’eau par le biais du gradient hydraulique. Le
type d’aquifère, libre ou captif, conditionne le volume mobilisable par l’intermédiaire du
coefficient d’emmagasinement ou de remplissage ainsi que le type d’ouvrage d’alimentation.
Quant à la zone non saturée, il est important de déterminer sa perméabilité et son épaisseur ; le
paramètre essentiel étant la conductivité hydraulique de la zone non saturée (ZNS), dont
dépendra la vitesse de percolation de l'eau infiltrée. Une faible ZNS et/ou une mauvaise
perméabilité de surface conduira à éliminer les procédés par infiltration.
La réussite d'une opération de recharge artificielle dépend largement des conditions
hydrogéologiques locales (zone non saturée et aquifère). La zone non saturée doit être en
mesure de laisser l'eau s'infiltrer vers la nappe et l'aquifère doit pouvoir stocker l'eau reçue,
l'évacuer mais sans trop de "dissipation" qui annulerait l'effet de stockage recherché. En effet,
l'augmentation de réserve de la nappe doit être maintenue pendant un temps suffisant,
compatible avec le délai de reprise d'eau souhaité. L'effet de l'injection ne doit pas se propager
rapidement jusqu'à une limite d'émergence de la nappe, entraînant une augmentation du débit
sortant.
Deux paramètres doivent être considérés dans une opération d’alimentation artificielle :
✓ La transmissivité qui est la capacité qu’aura un aquifère à permettre l’écoulement
horizontal de l’eau sur toute son épaisseur.
✓ La diffusivité qui est la vitesse de réaction d’un aquifère lors d’une perturbation
(injection d’eau dans notre cas). Elle est égale au rapport de la transmissivité par le
coefficient d’emmagasinement. Une valeur élevée de la diffusivité caractérise un
transfert de pression qui induit un écoulement facile et rapide.
Pour une bonne performance de l’opération de recharge, il faut une diffusivité plutôt
faible, c'est-à-dire une perméabilité pas trop élevée et un bon coefficient
d'emmagasinement.
Contraintes associées à la capacité géo-épuratoire du sol et du sous-sol
Une perméabilité inférieure à 10 mm/h (voire 15) ou supérieure à 500 mm/h réduit fortement
l’efficacité opérationnelle du pouvoir géo-épurateur d’un sol en place. A une bonne
perméabilité du sol doit s’ajouter un pouvoir filtrant efficace. Plus les pores sont fins, plus la
filtration est efficace. Cependant, la filtration entraine l’accumulation de matière à la surface et
dans les pores du sol, provoquant un colmatage avec diminution des capacités d’absorption par
apparition d’une résistance à l’écoulement.
Contraintes associées à la capacité de stockage
Il faut satisfaire les conditions suivantes lors du choix du site de recharge, qu'il s'agisse d'une
méthode de recharge par infiltration à partir de la surface ou d'une méthode de recharge
directement dans l'aquifère par injection :
✓ Une bonne perméabilité pour assurer l’écoulement de l'eau injectée dans l'aquifère,
✓ Une épaisseur de ZNS suffisante, pour éviter la saturation dans le cas de recharge par
infiltration et un volume disponible de stockage suffisant,

14
✓ Une capacité de stockage suffisante, condition qui suppose un bon coefficient
d'emmagasinement. L’extension de l’aquifère, son coefficient d’emmagasinement et la
hauteur de stockage disponible (profondeur de la ZNS) représentent des paramètres
structurants dans le cas de volumes importants à stocker.
Contraintes de protection des captages
Des forages utilisés pour l’alimentation en eau potable peuvent être localisés en aval du secteur
visé pour la recharge artificielle via des eaux de qualité dégradée. Il est donc fondamental de
s’assurer de l’innocuité sanitaire et environnementale de la recharge artificielle induite par
l’apport d’eau à la parcelle et son transfert à la nappe via la ZNS.
Rendement épuratoire de l'infiltration-percolation
La recharge artificielle par infiltration-percolation est une technique qui consiste à faire infiltrer
l'eau usée traitée (qui a subi un traitement primaire, secondaire et tertiaire) à travers des bassins
d'infiltration remplis du sable. Après sa percolation à travers quelques mètres dans la zone non
saturée, l'eau épurée rejoint le système aquifère sous-jacent. Le fonctionnement du système est
basé sur la succession de périodes d'inondation et de dessiccation. Ces dernières sont destinées
à éviter la prolifération d'algues et à maintenir des conditions aérobies dans le sol pour permettre
l'oxydation de la matière organique et entretenir une capacité d'infiltration élevée. En effet, les
dépôts accumulés dans les pores, entravant l'aération du sol et favorisant la prolifération de
bactéries anaérobies, peuvent entraîner un colmatage limitant le fonctionnement du système.
La qualité de l'eau infiltrée peut être très sensiblement améliorée lors de la percolation à travers
la zone non saturée, grâce aux processus d’adsorption et d’oxydation. Les phénomènes
physiques, chimiques et biologiques mis en jeu lors de l'infiltration-percolation sont :
- la filtration et la sédimentation des particules au niveau des pores du sol ;
- l'échange ionique, l'adsorption et la précipitation de sels dissous ;
- la biodégradation de la matière organique.
Ces processus affectent la matière organique, les nutriments, les microorganismes, les métaux
lourds et les polluants organiques à l’état de traces. Mais bien que la connaissance de ces
processus ait beaucoup progressé, il est encore difficile de prévoir avec précision l'efficacité du
traitement dû à l'infiltration dans la zone non saturée. Ce mécanisme dépend en effet d’un grand
nombre de facteurs : profondeur de la zone non saturée, caractéristiques physiques et
minéralogiques du sous-sol, hétérogénéité, charge hydraulique, calendrier et cycle des
infiltrations, qualité de l'eau infiltrée.
Des travaux de recherche ont été effectués dans le cadre d'une convention entre la DGRE et le
CERTE pour étudier le rendement de la recharge artificielle par infiltration-percolation. Les
essais expérimentaux sur une colonne de sable analogue au bassin d'infiltration ont montré :
✓ Les HAPs sont infiltrées jusqu'à une profondeur de 40 cm de la zone non saturée. On
rappelle que les polluants organiques (HAPs) posent de forts problèmes
environnementaux et sanitaires, puisque parmi les 16 HAPs répertoriés, 7 sont
considérés cancérogènes. Oulhazi (2016) a montré que des fortes concentrations en
HAPs sont retenues par le filtre du sable, en effet, les eaux usées de la station de Korba
sont polluées en HAPs.
✓ Les métaux lourds qui sont présents dans les EUT (cuivre, cadmium, Nikel, plomb, zinc)
sont retenus par le filtre sableux au niveau du premier mètre de la zone non saturée.
Néanmoins, la pollution organique et bactériologique reste un problème majeur du
projet de la recharge d'El Mida par les eaux usées traitées. Les eaux de la nappe ne
peuvent être utilisées qu'en vocation agricole. Le dénombrement des coliformes totaux

15
au niveau d'eau souterraine du site de recharge indique un développement bactérien en
hausse et l'analyse des coliformes fécaux et des streptocoques fécaux témoigne d'une
contamination fécale remarquable qui dépasse les normes. Cette pollution est due à
l'insuffisance ou à l'absence du traitement tertiaire au niveau de station d'épuration de
Korba.
Monitoring et entretien
Afin d’évaluer correctement si le dispositif de recharge atteint ses objectifs mais également
pour suivre son évolution, un monitoring précis du système est indispensable à établir. Ce
monitoring implique de suivre, d’une part, l’hydrodynamique et les propriétés
hydrogéologiques du site de recharge artificielle telles que la perméabilité et, d’autre part, les
propriétés chimiques et microbiologiques telles que la teneur en métaux traces ou en micro-
organismes pathogènes. Ce suivi est d’autant plus important à réaliser dans le cas d’un arrêt
temporaire ou définitif de la recharge artificielle car une remobilisation des contaminants peut
survenir dans ces conditions.
Dans l’ensemble des sites de recharge artificielle, le suivi hydrogéologique du site est
principalement réalisé à l’aide de piézomètres d’observation. Ces piézomètres sont utilisés pour
suivre les différentes étapes de l’installation puis de l’utilisation du dispositif de recharge. Il est
également important de suivre le taux d’envasement des retenues d’eau destinées à la recharge.
Dans le cas d’envasement important, on opte pour l’aménagement des bassins versants
correspondants par des ouvrages de conservation des eaux et des sols. Ces derniers vont non
seulement retenir les eaux de ruissellement et contribuer à la recharge des nappes, mais aussi
retenir les sédiments et prolonger les durées de vie des ouvrages en aval. On peut également
envisager le curage des bassins de recharge et des retenues envasées ou en cours d’envasement.

LES INDICATEURS DE PERFORMANCE DE LA RECHARGE


Les indicateurs de performance de la recharge artificielle (Efficience hydraulique globale,
rendement et gain quantitatif de la recharge) à partir des eaux mobilisées par les différents
ouvrages hydrauliques sont donnés ci-dessous :
Efficience hydraulique globale
L'efficience hydraulique globale représente le volume d'eau de la recharge qui arrive à la nappe.
En effet, lors des opérations de recharge, une partie d'eau se perd sous forme d'évaporation.
L'efficience hydraulique globale est donnée par la formule suivante :
Volume d’eau parvenant à la nappe
Efficience hydraulique globale =
Volume appliqué par l′opération de recharge
L'efficience hydraulique dépend principalement du type de recharge :
➢ Cas des puits, carrières et bassins d'injection : la perte d'eau sous forme d'évaporation
est négligeable dans le cas des ouvrages de type puits, bassins et carrières d'injection.
En plus, la recharge est effectuée généralement durant les mois de février, mars et avril.
Sous ces conditions, le volume d'eau de la recharge arrive presque en totalité à la nappe.
Dans ces conditions, on adopte une efficience hydraulique globale égale 100% (annuaire
de recharge artificielle des nappes de la Tunisie, 2015).
Efficience hydraulique globale = 100%

16
➢ Cas des lâchers dans les lits des Oueds : En absence de déversement du barrage, les
expériences de la DGRE effectuées dans plusieurs sites ont estimé une perte par
évaporation de 1 à 2.5%. On adopte une évaporation de 2% des volumes d'eau lâchés.
Soit une efficience hydraulique globale de l'ordre de 98% des volumes d'eau lâchés.
Efficience hydraulique globale = 98 %
Dans le cas de présence de déversement du barrage, le volume parvenant de la recharge
artificielle à la nappe est estimé par le modèle de Besbès qui est appliqué sur la plaine de
Kairouan (annuaire de recharge artificielle des nappes de la Tunisie, 2015).
Volume parvenant à la nappe = (volume des lâchers * 0,98) + (Volume de dévasement *
0,05) +
(Volume de déversement * 0,30)
Rendement de la recharge
Une fois la recharge artificielle est mise en place, il s’est avéré nécessaire d'avoir une
connaissance précise du « devenir » des quantités injectées et de leurs écoulements dans le sous-
sol, afin de pouvoir évaluer le « rendement » de la recharge (volumes récupérables / volumes
injectés) et agir éventuellement sur les pertes. La recharge artificielle est effectuée dans des
zones à fortes activités agricoles. En plus, dans le cas de recharge par des puits d'injection, la
majorité des puits d'injection jouent le rôle des puits d'exploitation et de recharge artificielle en
même temps. Cela implique que l'essentielle des ressources de la nappe, issue de la recharge
artificielle, est pompé par les agriculteurs. Vu, l'absence des suivis de l'exploitation des eaux
souterraines dans le site de recharge, le rendement de la recharge reste indéterminable.

Volume récupérable
Rendement de la recharge =
Volume appliqué par l′opération de recharge
Gain quantitatif de la recharge
Le gain quantitatif de la recharge est exprimé comme le rapport du volume de la recharge
artificielle par rapport au volume de la recharge naturelle.
Gain en recharge
Volume de la recharge artificielle
=
Volume de la recharge naturelle = ressources naturelles renouvelables

Gain qualitatif de recharge


C'est le gain exprimé en termes d'amélioration de la qualité de l'eau de la nappe. Il est fortement
lié à la qualité chimique des eaux de l'aquifère et au type d'eau utilisée pour la recharge.
Coût de la recharge
Le coût global du m3 d'eau rechargée regroupe toutes les dépenses associées à l'opération de
recharge, y incluent :
i) les coûts d'investissements, exprimés en termes d'amortissement et le coût de
renouvellement,
ii) les coûts d'exploitation du système de recharge,
iii) les coûts du suivi scientifique (réalisation des piézomètres, monitoring, analyse des
données).

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Le calcul du coût se base sur les facteurs suivants:
i) La durée de vie (p) des barrages est liée à l’envasement des retenues. L'alluvionnement
est lié à l’hydrologie du cours d’eau, à la gestion de la réserve d’eau et aux manœuvres
de dévasement. C'est qu'implique une période de vie de barrage qui dépasse les 100 ans.
ii) La durée de vie des barrages collinaires est moins importante, elle est estimée à 50 ans
par le DGBGTH.
iii) La durée de vie des lacs collinaires est estimée à 25 ans par le DGBGTH.
iv) La durée de vie des autres ouvrages (station du pompage, bassin d'infiltration, puits
d'injections, CES) est estimée à 25 ans.
v) Les coûts d'exploitation et d'entretien du barrage sont estimés à 5% du coût
d’investissement du barrage.
Le calcul du coût de recharge se base aussi sur l'augmentation de la valeur nominale de
l'exécution du projet. Les coûts d’investissements actuels sont calculés par la formule suivante,
basée sur les taux d'intérêts composés.

Cn = C0 (1 + i)n
avec: Cn : valeur de l'exécution du projet à l'année (n); C0 : Coût de l'exécution du projet; i :
taux périodique qui dépend de taux moyen du marché monétaire (TMM), le TMM est publié
par la banque Centrale de la Tunisie et n : nombre d’années, à partir de la date d'exécution du
projet.
Le coût de m3 d'eau injectée est donné par la formule suivante:

(∑ coûts + 5%)⁄
′ p
Coût de m3 d eau injectée =
Volume injecté en m3
Avec p: la durée de vie des ouvrages de recharges.
Le coût de m3 d'eau récupérée est calculé par la formule suivante :

(∑ coûts + 5%)⁄
′ p
Coût de m3 d eau récupérée = × Rendement de la recharge
Volume injecté en m3

Dans le cas d'estimation du coût du m3 de recharge par les barrages et lacs collinaires, l'eau
retenue est utilisée pour la recharge de la nappe et pour l'irrigation. Pour cela, on a introduit un
coefficient qui tient compte du pourcentage de l'utilisation des eaux du barrage collinaire en
recharge. Le coût de m3 dépend du volume d'eau retenu dans le Barrage collinaire pour chaque
année. En absence de ces volumes, on les a estimés comme la capacité de stockage de barrage
collinaire. Le coût de m3 d'eau de recharge artificielle à partir des lâchers des eaux de barrages
collinaires est calculé selon la formule suivante :
Coût de m3 de recharge
(Coût de construction de BC + 5%)/p
= Cutilisation de l′ auvragepour la recharge
Volume injecté en m3

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La stratégie de réutilisation des eaux usées traitées en Tunisie
Taux de réutilisation
En 2020, le volume d’eau usée traitée (EUT) par les 123 stations d’épuration s’élève à 300Mm3,
ce qui représente presque 11% du volume disponible en Tunisie pendant une année sèche (2800
Mm3) et plus que 6% de celui d’une année moyenne (4600 Mm3). A l’horizon 2050, la
production d’EUT pourrait atteindre 640 Mm3 par an, soit une augmentation de +106 % par
rapport à la situation actuelle. Toutefois, la quantité d’eau usée traitée se caractérise par une
grande irrégularité régionale. En effet, 45% de la quantité d’EUT est produite dans la région de
Grand Tunis et Zaghouan alors que le centre du pays ne contribue que pour 4% de la production
nationale d’EUT. Quant à la Région de Sahel et de Sfax, elle produit 25% du volume total d’eau
usée traitée (DGREE/BRL, 2020). Il est aussi important de noter que parmi les 123 stations
considérées, les eaux usées traitées de 66 stations seulement font l’objet, tout ou partie, d’une
réutilisation, avec un volume de réutilisation qui ne dépasse pas 22 Mm3, ce qui correspond à
un taux de réutilisation directe à l’échelle nationale de 8 %.
Les contraintes et difficultés rencontrées pour la réutilisation des EUT se résument ainsi :

- Collecte des effluents : La qualité des effluents entrant dans les stations d’épuration
(STEP) ne permet pas toujours le traitement adéquat. Il n’existe pas de chiffres
officiels sur les industries raccordées au réseau d’assainissement qui ne fournissent
pas une eau de qualité satisfaisante pour leur traitement au niveau de la STEP.
- Traitement des effluents : Les traitements majoritairement pratiqués en Tunisie ne
permettent pas d’atteindre les niveaux de qualité exigés pour la réutilisation. La
plupart des stations d’épuration sont de type boues activées. Ce type de traitement a
de très bonnes performances pour le traitement de la matière organique et
partiellement pour les nutriments (azote et phosphore). En revanche, son efficacité
sur les paramètres microbiologiques est très limitée et par conséquent l’EUT
n’atteint pas les objectifs d’ordre sanitaire pour assurer la réutilisation. L’efficacité
du traitement sur les paramètres microbiologiques peut être améliorée moyennant
des traitements complémentaires. Toutefois, ces traitements sont peu développés en
Tunisie, où 25 stations seulement sont dotées d’un tel traitement.
- Stockage et Transport des effluents : Les infrastructures de stockage et de transport
des EUT en aval des STEP ne permettent pas une distribution optimale jusqu’à
l’usage, ce qui nécessite un renforcement de leurs capacités. Le stockage inter
saisonnier peut être une solution à envisager pour valoriser au maximum les
quantités des EUT produites.
- Le manque de confiance dans la qualité de l’eau fait partie des motifs de réticence
des usagers et il est essentiel d’améliorer les contrôles.
Actions pour améliorer le taux de REUT
La réhabilitation des stations d’épuration : La réhabilitation des STEP doit être menée dans
l’objectif de développement de la REUT. Cela permettra d’adapter la qualité de l’eau à l’usage
visé et ainsi d’assurer la cohérence dans les investissements entre usages de l’eau non
conventionnelle et systèmes de traitement.
La réduction de la consommation d’énergie : Il faut opter pour des technologies de traitement
moins énergivores. Cela permettra notamment d’optimiser le fonctionnement des STEP.
La réflexion sur les usages des EUT : A court terme, il semble important d’avoir une réflexion
sur les usages potentiels à développer avec la qualité de l’eau existante, tout en maîtrisant les

19
risques. On note par exemple la possibilité de coupler les EUT avec des ressources
conventionnelles, pour améliorer la qualité.
L’approche participative des usagers : Pour garantir des projets efficients et durables, il est
nécessaire de développer préférentiellement les projets qui répondent à une demande locale des
usagers. Cela implique de passer d’une approche planificatrice descendante (l’Etat décide au
niveau central ou gouvernorat) à une approche participative d’accompagnement pour
l’émergence de la demande locale et le portage des projets.
L’accompagnement des utilisateurs des EUT par l’Etat : Il s’agit essentiellement d’améliorer la
formation des agriculteurs, vulgariser la REUT pour faire émerger et accompagner des
demandes locales et sensibiliser les riverains des périmètres irrigués.
Evolution Prospective à l’échelle nationale et au niveau de la Région du Sahel
Le nombre de STEP évoluera possiblement de près de 110 STEP en 2020 (sans compter les
STEP industrielles et rurales) à plus de 200 STEP en 2050. Les capacités de traitement des
grands pôles de production d’EUT vont continuer à se développer vu leur rythme important de
croissance démographique. Ces derniers sont tous situés sur le littoral : le Grand Tunis, le Grand
Sousse et Monastir, le Grand Sfax, Nabeul/Hammamet, Djerba/Zarzis, Gabes. Ainsi, le Grand
Tunis restera le pôle épuratoire majeur avec près de 38 % des EUT produites en 2050. La région
du Sahel et de Sfax continuera à produire 27 % des EUT du pays.
La région du Sahel et de Sfax est partagée entre dynamisme économique et bilan hydrique
déficitaire. Le bilan ressources/besoins en eau de la zone Sahel - Sfax oblige cette région à être
dépendante des ressources du Nord et du Centre. La région subit les conséquences du stress
hydrique qui contraignent les usagers de l’eau à valoriser au mieux les ressources disponibles.
Outre la quantité, c’est aussi la qualité des ressources locales qui se dégradent avec
l’augmentation de la salinité des nappes souterraines. La nécessité d’économiser les ressources
en eau locales et de mieux les gérer s’est donc déjà imposée à l’esprit des acteurs du territoire.
En plus, le recours aux eaux non-conventionnelles, telles que les EUT, représente une source
supplémentaire pour améliorer le potentiel mobilisable des ressources en eau de la région.
Les impacts négatifs actuels sur l’environnement des rejets des eaux usées s’ajoutent aux
problématiques de stress hydrique. La pollution du littoral perturbe les activités touristiques et
de pêches, les rejets des industries textiles contaminent les oueds et les lagunes tandis que la
forte croissance démographique amène à la réalisation de pôles épuratoires toujours plus
étendus. Si la REUT permet de limiter les rejets dans les milieux sensibles tout en dynamisant
un secteur économique, le niveau d’acceptabilité sociale ne sera que plus haut, pour peu que la
qualité des EUT soient garanties pour les différents usagers et que l’information devienne
totalement transparente sur ce sujet.
Des études régionales ont commencé à être lancées pour déterminer comment valoriser au
mieux les EUT sur des zones spécifiques. C’est le cas des études en cours d’élaboration sur le
devenir des EUT pour les pôles urbains de Sousse, Monastir et Mahdia portées par l’ONAS et
la DGGREE. Ces projets démontrent la volonté des acteurs de développer des projets de REUT.
En plus de l’intensification des périmètres irrigués existants avec des EUT et la création de
nouveaux périmètres irrigués (avec ou sans transfert vers les zones intérieures), l’EUT peut être
valorisée par sa substitution des eaux conventionnelles dans les périmètres irrigués existants.
Les périmètres existants avec les eaux de barrages (comme Nebhana) doivent désormais être
au maximum alimenté par des EUT afin de réduire le déficit hydrique et conserver les eaux
conventionnelles pour l’AEP.

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Dessalement de l’eau de mer et des eaux saumâtres

Le dessalement est devenu, en Tunisie, une solution incontournable pour satisfaire les besoins
accrus en eau, de la population. Il s’impose également à cause de la rareté et de l’irrégularité
des ressources en eau dans le pays. Il y a une centaine de stations de dessalement en Tunisie de
différentes tailles. La SONEDE gère plus que 15 stations de dessalement qui représentent
environ 60% de la capacité de dessalement dans le pays. Les progrès technologiques ont permis
de rendre le coût du dessalement compétitif pour l'alimentation en eau potable des zones
urbaines touristiques et industrielles. La part de l’énergie représente 40% du coût,
l’amortissement 40%, l’entretien 10% et le reste de composantes, 10%. Dans ce cadre, le
recours à l’énergie solaire pour amortir le coût de cette technique énergivore est appréciable.

Les techniques de dessalement sont multiples et chacune d’elles comporte de nombreuses


variantes. Le choix d’un processus de dessalement est déterminé par les conditions chimiques
et physiques de l’eau à traiter (eau de mer ou eau saumâtre), le taux de production désiré et la
nature de la source d’énergie disponible pour l’alimentation de l’unité de dessalement. La
technique d’osmose inverse est la mieux adaptée pour le contexte technico-économique
tunisien. Il s’agit d’un procédé de séparation de l’eau et des sels dissous, au moyen de
membranes semi-perméables sous l’action de la pression.

Le dessalement en Tunisie a toujours été utilisé plutôt dans le Sud Tunisien ou les ressources
sont assez rares et la salinité de l’eau relativement élevée. Toutefois, vue l’augmentation de la
demande (besoins écologique, agricole, domestique, industriel et touristique) et la diminution
future des ressources en eau à cause du changement climatique, le dessalement peut être
envisagé dans la Région de Bizerte – Ichkeul. L’eau produite par dessalement peut être utilisée
surtout pour satisfaire le besoin domestique ce qui permettra de libérer des ressources
supplémentaires aux autres secteurs de besoin. De plus, il n’est pas exclu qu’une eau dessalée
soit transférée vers les régions de l’intérieur lorsque la viabilité économique est prouvée par
rapport à d’autres solution de transfert des eaux conventionnelles pouvant venir de très loin.

Le coût de dessalement est relativement élevé et cette technologie peut être promue en cas de
réduction de son coût. Dans ce cadre, les membranes biomimétiques permettent de dessaler
trois fois plus d’eau et de consommer 12 % d’énergie en moins pour chaque mètre cube d’eau
traitée que les méthodes actuellement utilisées. Composées de fibres de polyamides et de
canaux artificiels, leur fonctionnement est basé sur un procédé naturel d’osmose et bénéficie
des progrès constants de la chimie. D’autre part, les technologies évoluent et le dessalement par
l’énergie solaire est prévisible pour les années à venir, d’autant plus que la Tunisie s’est lancée
sur la voie des énergies renouvelables (solaire et éolien). Il est proposé qu’elle se lance avec la
même vigueur et détermination sur la voie du dessalement extensif par l’énergie solaire directe
ou à travers l’électrolyse par l’électricité solaire. La façon efficace pour le faire, à l’instar du
Plan relatif aux énergies renouvelables, c’est d’engager de suite aussi des projets d’envergure
pour le dessalement, à l’échelle industrielle.

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