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Book

Le traitement fiscal des fusions de sociétés anonymes

REYMOND, Jacques-André

Reference
REYMOND, Jacques-André. Le traitement fiscal des fusions de sociétés anonymes.
Genève : Georg, 1975, X, 285 p.

Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:143526

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JACQUES-ANDRÉ REYMOND

LE TRAITEMENT
FISCAL
DES FUSIONS DE
SOCIÉTÉS
ANONYMES
LE TRAITEMENT FISCAL
DES FUSIONS
DE SOCIÉTÉS ANONYMES
MÉMOIRES PUBLIÉS PAR LA FACULTÉ DE DROIT DE GENÈVE
N° 47

JACQUES-ANDRÉ REYMOND
Docteur en droit
Licencié es sciences commerciales
Chargé de cours à l'Université de Genève

LE TRAITEMENT FISCAL
DES FUSIONS
/ /

DE SOCIETES ANONYMES

GENÈVE
LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITË
GEORG & c1• S.A.
© 1975 by Librairie de l'Université Georg & Cie S.A.
Droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.
AVANT-PROPOS

Il n'est guère possible, lors de la rédaction d'un ouvrage, quel qu'en


soit le sujet, d'échapper à divers sentiments d'isolement, de doute et,
parfois même, de découragement. On découvre alors à quel point sont
précieux et nécessaires les conseils que vous donnent des tiers, les
connaissances dont ils vous font profiter, l'appui qu'ils vous apportent.
Mes dettes de reconnaissance sont à la fois nombreuses et impor-
tantes. Sans Monsieur Alain Hirsch, professeur à la Faculté de droit
de l'Université de Genève et directeur du Centre d'études juridiques
européennes, qui m'a offert l'occasion d'entreprendre mes recherches,
qui en a défini l'orientation, suggérant par la suite des modifications
essentielles, cette étude n'aurait vraisemblablement jam ais vu le jour ; il
sait toute la gratitude que je lui en garde. A Monsieur Charles-André
junod, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève, je
dois non seulement d'avoir procédé à une refonte indispensable de mon
projet initial, mais aussi d'avoir pu, grâce à ses remarques et sugges-
tions, combler plusieurs lacunes et éviter de nombreuses erreurs.
L'analyse des lois en vigueur, la recherche de solutions nouvelles, tel
devait être l'objet principal d'un ouvrage de droit fiscal. Mais il était
certain que ces démarches n'auraient d'utilité réelle que dans la mesure
où elles s'accompagneraient d'un examen des problèmes concrets que
fait naître l'application des lois et des règles administratives destinées
à les résoudre. Dans cet effort de mettre en rapport les aspects théo-
riques et pratiques de la fiscalité des concentrations, j'ai eu le pri-
vilège de bénéficier de l'expérience et des conseils de Monsieur Raoul
Oberson, professeur de droit fiscal à la Faculté de droit de l'Univer-
sité de Genève, sous la direction duquel j'ai poursuivi mes recherches,
de Monsieur Heinz Masshardt, sous-directeur de l' Administration fédé-
rale des contributions et de Monsieur André Haessig, directeur de
I' Administration des contributions publiques du canton de Genève.
A ma femme - plus savante que moi en bien des domaines du
droit - et à mes parents, je suis vivement reconnaissant d'avoir consacré
des heures innombrables, si fastidieuses pour eux, et si utiles pour moi,
à la lecture et à la correction des épreuves de cet ouvrage.

Jacques-André REYMOND
Avril 1975.
ABRÉVIATIONS

AIN ... Arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant


la perception d'un impôt pour la défense nationale.
Archives Archiv für Schweizerisches Abgaberecht - Archives de
droit fiscal suisse, Berne.
ATF Arrêts du Tribunal fédéral suisse - Recueil officiel,
Lausanne.
CF . . Constitution fédérale de la Confédération suisse.
CO . Code des Obligations (Loi fédérale complétant le Code
civil suisse).
Commentaire IDN. Impôt fédéral pour la défense nationale, Commentaire
par H. Masshardt et F. Gendre; Payot, Lausanne 1973.
Eur. Tax. European Taxation (Published by the International Bu-
reau of Fiscal Documentation), Amsterdam.
F.F. . Feuille fédérale, Berne.
F.j.S. Fiches Juridiques Suisses, Genève.
Gutachten 1 Gutachten über Anderung des kantonalen und eidgenossi-
schen Steuerrechts im Hinblick auf Umwandlungen und
Fusionen geschaftlichen Unternehmen (Anderung der
Rechtsform) und auf Holdingverhattnisse ; Verlag Schul-
thess & Co. A.G., Zürich 1964.
Gutachten II . . . . Gutachten über steuerrechtliche Fragen beim Zusammen-
schluss von Unternehmungen; Verlag Schulthess & Co.
A.G., Zürich 1970.
IDN Impôt fédéral pour la défense nationale.
IRC Internai Revenue Code.
JdT Journal des Tribunaux, Vol. 1 (Droit fédéral), Lausanne.
J.O.C.E. Journal officiel des Communautés européennes.
LCP Loi générale (genevoise) sur les contributions publiques
du 9 novembre 1887.
LIA . Loi fédérale sur l'impôt anticipé du 13 octobre 1965.
X ABRÉVIATIONS

Locher Kurt Locher, Das interkantonale Doppelbesteuerungsrecht.


Die Praxis der Bundessteuern, III. Teil, Band 2 ; E. Heng-
geler und A. Pestalozzi-Henggeler; Verlag fiir Recht und
Gesellschaft, Base!.
LT .. Loi fédérale sur les droits de timbre du 4 octobre 1917.
OCDE Organisation de coopération et de développement écono-
miques.
OIA. Ordonnance d'exécution de la loi fédérale sur l'impôt
anticipé du 19 décembre 1966.
OLT Ordonnance d'exécution des lois fédérales concernant les
droits de timbre du 7 juin 1928.
ORC Ordonnance sur le registre du commerce du 7 juin 1937.
Projet OCDE . Projet de convention de double imposition concernant le
revenu et la fortune. Rapport du Comité fiscal de
!'O.C.D.E., 1963.
RDAF . . . . . . . . Revue de droit administratif et de droit fiscal (et, depuis
1971 : Revue genevoise de droit public), Lausanne-
Genève.
R.O. Recueil officiel des lois et ordonnances de la Confédéra-
tion suisse ; Chancellerie fédérale, Berne.
R.S. Recueil systématique des lois et ordonnances 1848-1947;
Chancellerie fédérale, Berne.
SAS Die Schweizerische Aktiengesellschaft - La Société Ano-
nyme Suisse, Zurich.
Schlumpf Arnold Schlumpf, Bundesgerichtspraxis zum Doppel-
besteuerungsverbot; Verlag Organisator A.G., Zürich
1963.
Sem. jud. . . . . . . La Semaine judiciaire, paraissant à Genève ; Revue de
jurisprudence, Genève.
INTRODUCTION

La concentration des entreprises est un phénomène qui n'est pas


nouveau, mais qui a pris depuis la fin de la dernière guerre une impor-
tance sans cesse accrue. Chaque jour, de nouvelles fusions, de nouvelles
prises de participations, de nouvelles collaborations sont annoncées.
Une entreprise peut désirer s'agrandir tant pour s'assurer une posi-
tion confortable ou dominante sur un certain marché, que pour
résister aux tentatives de ses cor:currents d'occuper cette position,
s'adapter à des marchés nouveaux, soudainement ouverts, ou trouver
dans la diversification un nouvel équilibre et une force nouvelle. En
bref, il peut s'agir de dominer, de survivre, de se développer ou de se
diversifier. Il peut aussi s'agir, si l'on considère la situation du point de
vue de !' « absorbé », en abandonnant, volontairement, son indépendance,
et peut-être même sa raison sociale, de sauvegarder ses intérêts écono-
miques et financiers ; tel est souvent le cas des entreprises européennes
·qui s'unissent à des sociétés américaines.
Si le phénomène de la concentration est aujourd'hui au premier plan,
c'est évidemment que la grande entreprise jouit d'avantages impor-
tants : parmi ceux-ci, on cite généralement l'accroissement de la ren-
tabilité, la possibilité de créer un programme de recherches et de déve-
loppement technique, et un financement plus facile. Sans doute, faut-
il éviter l'écueil du gigantisme, des frais de gestion et d'administration
trop lourds, et importe-t-il d'adapter la taille de l'entreprise au genre
de sa production. Encore faut-i'l, particulièrement dans les cas de fusion,
que l'union juridique s'accompagne d'une union commerciale et écono-
mique, c'est-à-dire d'une véritable mise en commun, à tous les échelons,
des biens et possibilités des diverses sociétés.
Dans la mesure où la concentration n'aboutit pas au monopole, et
pour autant que la sauvegarde de la petite et moyenne entreprise ne
s'impose pas, de nombreux Etats encouragent les mouvements de concen-
tration. Et, dans des limites assez strictes, un organisme tel que le
Marché commun encourage la concentration internationale.
La Suisse, elle-même, n'est pas demeurée, ne pouvait demeurer, à
l'écart de ce mouvement de concentration, national et international. Ce
n'est pas dire que notre pays ait une politique cohérente et concertée
2 INTRODUCTION

en ce domaine : à une législation antitrust libérale s'opposent des lois


fiscales (nous le verrons) manifestement mal adaptées au développement
de la concentration, ou, du moins, d'une certaine forme de la concen-
tration d'entreprises.

***
L'agrandissement ou la diversification d'une entreprise peut se réa-
liser par divers moyens : prises de participations dans d'autres sociétés,
fusions et absorptions, contrats et accords de droit privé (Organschaft-
vertrage), formations de sociétés communes (Joint ventures), unions
personnelles, etc.
La présente étude, ainsi que l'indique son titre, est limitée à la forme
de concentration la plus complète, celle de la fusion, ce terme étant
cependant pris dans un sens large, qui sera défini plus bas.
Il est évident que la réunion de deux ou plusieurs sociétés, plus que
n'importe quelle autre forme de coopération et de concentration, se heurte
à de nombreux obstacles psychologiques et légaux. Parmi ceux-ci, les
obstacles et problèmes fiscaux, qui font l'objet de cette étude, sont, peut-
être, les plus importants et les plus complexes. Mais il serait faux de·
penser que leur élimination suffirait à rendre praticables et faciles les
concentrations par fusion, en particulier sur le plan international. Les
problèmes relevant du droit des sociétés, du droit antitrust, etc., sont
aussi de nature à freiner ou bloquer les opérations de concentration.

***
Dans un sens très large, le terme « fusion » s'applique à toute opé-
ration impliquant un transfert de patrimoine en échange d'actions. Dans
un sens plus restreint, il s'applique à la réunion de deux ou plusieurs
sociétés en une seule, soit par absorption d'une ou plusieurs sociétés
par une autre, soit par formation d'une société nouvelle. C'est dans ce
sens qu'il sera utilisé ci-après, à moins que le contexte n'indique qu'il
doit être pris dans son sens le plus large.
Un transfert de patrimoine en échange d'actions peut s'effectuer de
plusieurs manières :
1. Fusion proprement dite,. app~lée aussi « combinaison » ou « fu-
sion avec création d'une société nouveHe » en droit français, « fusion
par formation nouvelle» (Verschmelwng durch Neubildung) en droit
allemand, « fusion parfaite » (fusione perfefta) en droit italien, « réunion
INTRODUCTION 3
de plusieurs sociétés anonymes » en droit suisse, et « consolidation » en
droit anglo-saxon.
Deux ou plusieurs sociétés sont dissoutes et forment simultanément
une nouvelle société à laquelle elles apportent leurs patrimoines (soit
l'actif net après règlement du passif, soit actif et passif), en échange
d'actions qui sont remises aux actionnaires des sociétés dissoutes. Cette
remise de titres peut se faire soit directement par la société nouvelle, soit
par l'intermédiaire des sociétés « absorbées » 1 ; ainsi le droit belge
fait une distinction entre «fusion directe» et « fusion indirecte».
2. Absorption, dite aussi « annexion » en droit français, « fusion par
absorption» (Verschnzelzung durch Aufnahme) en droit allemand, « in-
corporation » ou « imbrication >.) en droit italien, « fusion » en droit
suisse, et « unification » (merger) en droit anglo-saxon.
Une ou plusieurs sociétés sont dissoutes et simultanément font ap-
port de leur patrimoine à une société préexistante, en échange d'actions
émises par cette société, qui sont remises aux actionnaires des sociétés
absorbées.
Plus fréquente que la fusion proprement dite, 'l'absorption n'entraîne
pas la création d'une société nouvelle.
Selon certaines législations, l'acquisition de tous les titres d'une
société par une autre équivaut à une absorption, la société à action-
naire unique étant ou devant être dissoute et liquidée (stock merger).
A côté de la fusion, on trouve d'autres formes de concentration plus
ou moins apparentées.

3. Scission, ou division. Une société est dissoute et, simultanément,


répartit son patrimoine entre deux ou plusieurs sociétés préexistantes
ou nouveHes, en échange d'actions émises par ces sociétés et remises aux
actionnaires de la société dissoute.
La scission apparaît donc comme une fusion proprement dite à l'en-
vers (lorsque l'apport est fait à des sociétés nouvelles), ou comme une
absorption plurale (lorsque l'apport est fait à des sociétés préexistantes).
Dans le premier cas, il s'agit en fait d'une opération de déconcentration,
mais qui souvent prépare une concentration ultérieure. En revanche, la

1 Logiquement, l'expression « société absorbée » ne devrait être utilisée


qu'en relation avec une absorption. Par commodité, elle sera également employée
ci-après pour désigner une société dissoute lors d'une fusion proprement dite.
On emploiera dans le même sens les expressions «société apporteuse », «société
faisant l'apport», et «société reprise». Quant à la société qui acquiert le
patrimoine transféré, elle sera dénommée «société absorbante», «société béné-
ficiaire», «société recevant l'apport», ou encore «société reprenante ».
4 INTRODUCTION

transformation, opération par laquelle une société change de forme juri-


dique (par exemple, une société à responsabilité 'limitée se transforme
en société anonyme) n'appartient pas au domaine de la concentration.
4. Pseudo-fusion, ou fusion sans disparition des sociétés faisant
l'apport.
Une ou plusieurs sociétés apportent leur patrimoine à une société
préexistante ou nouvelle qui émet des nouveaux titres et les remet aux
sociétés faisant lapport, en échange de celui-ci.
Les sociétés apporteuses ne disparaissent pas mais deviennent des
sociétés de portefeuille. Cette méthode de concentration est en particu-
lier utilisée aux Pays-Bas, dont le droit actuellement en vigueur ne con-
naît pas la fusion. CeHe-ci pourra être d'ailleurs réalisée par la liqui-
dation ultérieure de la société ou des sociétés ayant fait l'apport et la
distribution à leurs actionnaires des titres qu'elles avaient reçus en
échange de leur patrimoine.
5. Pseudo-scission, ou scission sans disparition de la société
scindée.
Une société répartit son patrimoine entre deux ou plusieurs sociétés
préexistantes ou nouvelles, en échange d'actions de ces sociétés.
La société scindée n'est pas dissoute mais devient une société de
portefeuille. Là encore, l'opération pourra être complétée ultérieurement
par la liquidation de la société divisée et la distribution à ses actionnaires
des titres qu'elle avait reçus en échange de l'apport de son patrimoine.
On peut également imaginer que l'une des sociétés reprenantes absorbe
la société scindée.
6. Apport partiel. Une société (éventuellement plusieurs) apporte
une partie de son patrimoine (en principe une branche d'activité) à une
autre société (éventuellement à plusieurs) préexistante ou nouvelle, en
échange d'actions de cette société.
li s'agit ici de pseudo-fusions ou pseudo-scissions partielles. Ainsi,
les sociétés concurrentes A et B décident de mettre 'leurs ressources en
commun en vue de la fabrication et de la vente de la machine Z : elles
forment une société C à laquelle elles apportent les brevets, le « know-
how », l'outillage, etc., concernant la machine Z, en échange d'actions de
la nouvelle société 2.

2 Dans la proposition de directive du Conseil des Communautés européennes


sur les fusions internationales du 15 janvier 1969, les six opérations qui vien-
nent d'être définies sont, plus simplement, groupées sous les termes de « fusion »
(opérations 1 et 2), «scission » (opération 3) et « apport d'actif» (opérations
4 à 6).
INTRODUCTION 5

7. Echange d'actions
a) Une société acquiert toutes les actions (ou une partie des ac-
tions) d'une autre société et, augmentant son capital, remet les titres
nouvellement émis aux actionnaires de la première société, en échange
de leurs actions. Ainsi qu'on l'a noté, cette opération aboutit automa-
tiquement à une absorption lorsqu'il s'agit de l'acquisition de l'ensemble
du capital social et que la société à actionnaire unique n'est pas tolérée
(c'est le cas en Belgique, par exemple).
Cette forme de concentration, qui permet d'acquérir des participations
sans mise de fonds, joue un rôle considérable en pratique.
b) Les actionnaires de deux ou plusieurs sociétés apportent leurs
actions à une nouvelle société (éventuellement à une société préexis·-
tante), en échange d'actions émises par cette société.
Contrairement aux opérations précédentes, les échanges d'actions
n'impliquent pas le transfert d'un patrimoine commercial ou industriel.
Afin de limiter le champ de cette étude, ils ne seront pas analysés
ci-dessous. Il ne sera pas fait d'autre mention non plus de la création
d' «actions jumelées», qui constitue, elle aussi, un mode de concentration.

***
On notait, au début de cette introduction, que si le phénomène de
la concentration est aujourd'hui au premier plan, c'est que la grande
entreprise jouit d'avantages importants. Un autre motif de l'intérêt
porté aux concentrations est leur développement sur le plan international.
Non seulement le phénomène de la concentration prend-il alors un as-
pect politique prononcé, qui n'est pas de notre ressort, mais encore est-il
à l'origine d'une foule de nouveaux problèmes, de toute nature, et notam-
ment de problèmes fiscaux.
En effet, si les fusions nationales (c'est-à-dire les fusions de sociétés
ayant leur siège dans un même Etat) ne se heurtent plus aujourd'hui à
des obstacles fiscaux insurmontables, la plupart des Etats ayant adopté
des régimes d'imposition spéciaux qui rendent ces opérations prati-
cables, les véritables fusions internationales demeurent irréalisables ou
d'un coût prohibitif. C'esi dire l'intérêt que présentent les travaux entre-
pris dans le cadre du Marché commun, concrétisés, en matière fiscale,
µar la proposition de directive du 15 janvier 1969, dont l'application
devrait multiplier les fusions entre sociétés des neuf Etats de la Com-
munauté.
1l n'est d'ailleurs pas exclu, et il serait souhaitable, que les solutions
adoptées ou proposées par la CEE servent d'exemple, ou d'inspiration,
6 INTRODUCTION

aux cantons suisses. La Suisse, en effet, se trouve dans une situation


particulière. En raison de la souveraineté fiscale des cantons, les con-
centrations intercantonales ont conservé un caractère quasi-international,
et seules les fusions entre sociétés d'un même canton peuvent se réaliser
sans problème fiscal majeur.
*
**
La présente étude est divisée en trois parties. Dans la première, on
trouve, généralement sans référence directe aux systèmes fiscaux en
vigueur, un examen des problèmes posés au contribuable et au fisc par
les fusions, et des possibilités de concilier les intérêts de l'un et de
l'autre, c'est-à-dire d'abaisser le cofit fiscal des opérations de concen-
tration, tout en préservant les droits de l'Etat.
Sous le titre de « Solutions étrangères », la seconde partie est consa-
crée à une étude comparée de quelques systèmes nationaux.
La troisième partie, enfin, concerne la Suisse. La fusion cantonale
et la fusion intercantonale constituent deux chapitres distincts. Car si les
problèmes posés par chacune d'elles sont essentiellement les mêmes, les
solutions possibles ne sont pas nécessairement équivalentes. L'incidence
de la fiscalité post-concentration complique singulièrement la mise au
point d'un régime applicable aux fusions intercantonales, et il nous a
paru indispensable d'introduire le chapitre consacré à ces fusions par
un examen détaillé du traitement fiscal des transferts de siège et des
établissements stables.
PREMIÈRE PARTIE

EXPOSÉ DES PROBLÈMES


ET SOLUTIONS POSSIBLES

2
CHAPITRE PREMIER

GÉNÉRALITÉS

A. INTRODUCTION.

Considérée sous l'angle du droit fiscal, une fusion concerne généra-


lement trois personnes ou groupes de personnes.

a) Les sociétés reprises.


Ces sociétés font apport de leur patrimoine ou d'une partie de celui-
ci. Elles sont, soit dissoutes et liquidées, soit uniquement dissoutes,
soit encore (pseudo-fusion, pseudo-scission, apport partiel) maintenues
en existence, mais avec un bilan complètement modifié, puisque les titres
de la société bénéficiaire y remplacent le patrimoine apporté. La fusion
proprement dite, l'absorption et la scission constituent donc, du point
d2 vue de la société apporteuse, des opérations très proches d'une liqui-
dation, sinon une liquidation même. Or, un tel avatar entraîne norma-
lement un règlement de comptes avec le fisc : c'est pour lui le dernier
moment d'imposer les éventuelles réserves et provisions d'une société qui
ont jusqu'alors échappé à l'impôt.
Cette imposition peut-elle être évitée en cas de fusion ? Le fisc peut-il
accepter, et à quelles conditions, de voir une société disparaître sans
que les plus-values afférentes à ses actifs (titres, immeubles, etc.) soient
soumises à l'impôt? Tel est le principal problème qui se pose au niveau
des sociétés reprises.
Lorsque la société faisant l'apport ne disparaît pas, mais échange
une partie ou la totalité de son patrimoine contre des titres de la société
reprenante (pseudo-fusion, pseudo-scission, apport partiel), le problème
est un peu différent : si la société apporteuse avait des réserves cachées,
la valeur vénale des titres reçus est naturellement supérieure à la valeur
au bilan du patrimoine apporté. Le montant de la différence doit-il être
« réalisé » (par la comptabilisation des titres à leur valeur vénale) et,
si oui, constitue-t-il un bénéfice imposable ?
IO EXPOSÉ DES PROBLÈMES

b) Les sociétés bénéficiaires.


Ces sociétés bénéficient d'un apport, qu'elles rémunèrent en actions,
en principe émises au moment et à l'occasion de la concentration.
En matière d'impôts directs, on verra plus loin pourquoi le montant
nominal de ce nouveau capital ne coîncide généralement pas avec la
valeur vénale, ou même avec la valeur comptable des biens apportés.
Quel sera 'le traitement fiscal de l'agio ou du disagio qui apparaîtra
alors au bilan des sociétés bénéficiaires ?
En matière d'impôts indirects, la fusion peut être décomposée en trois
opérations : transfert d'un patrimoine à la société bénéficiaire ; émis-
sion d'actions nouvelles par cette société ; transfert de ces actions à
la société apporteuse ou à ses actionnaires. Ces opéràtions justifient-elles
le prélèvement de droits de mutation, d'apport, d'émission, de timbre,
d'enregistrement, de négociation, etc. ?

c) Les actionnaires des sociétés reprises.


Si la société reprise est liquidée, ou si sa dissolution est assimilée
à une liquidation, ses actionnaires reçoivent un dividende de liquidation,
représenté selon la théorie adoptée (ou la procédure prévue en droit des
sociétés), par le patrimoine de la société dissoute, ou par les actions
nouvelles émi,ses par la société bénéficiaire. Ce dividende sera-t-il soumis
à un prélèvement à la source ? aux impôts sur le revenu des personnes
physiques ou sur le bénéfice des personnes morales ?
Doit-on, peut-être, considérer que la société bénéficiaire, à laquelle
les actionnaires de la société apporteuse n'ont fait aucun apport direct,
effectue une attribution gratuite à ces actionnaires, soumise à un impôt
à la source et aux impôts sur le revenu?
Peul-on finalement, sans référence à la liquidation ou à la dissolu-
tion de la société reprise, juger que ses actionnaires ont fait un échange
de titres comparable à une vente, et qu'ils ont réalisé un bénéfice ou un
[!ain en capital, dans la mesure où la valeur vénale des titres reçus est
supérieure à la valeur comptable (personnes morales et entreprises) ou
au prix d'acquisition (personnes physiques) des titres annulés?
En cas de pseudo-fusion, pseudo-scission ou apport partiel, les ac-
tionnaires des sociétés faisant l'apport conservent les mêmes titres.
L'opération de concentration n'a donc pas de conséquence fiscale directe
en ce qui les concerne. Il faut noter, cependant, qu'ils deviennent action-
naires d'une société de portefeuille, dont les revenus proviendront, sous
forme de dividendes, des sociétés absorbantes. Si la société ayant fait
l'apport ne bénéficie pas d'un privilège holding, la concentration aura
GÉNÉRALITÉS 11

finalement pour effet de créer un nouveau stade d'imposition ; il va de


soi que cette imposition supplémentaire se répercutera sur les revenus
distribués aux actionnaires de la société apporteuse.
Tels sont, brièvement notés, les problèmes fiscaux directement en
rapport avec les opérations de concentration considérées ici. Avant de
les examiner plus en détail et de. savoir comment ils doivent, ou peuvent,
être résolus, il convient de définir notre position initiale. En d'autres
termes, si l'importance pratique des concentrations justifie qu'on s'en
préoccupe, il reste à déterminer les éléments dont dispose le législateur
ou le juge, les facteurs dont il doit tenir compte, les motifs qui peuvent
l'amener à choisir une solution ou une autre.

B. PÉNALISATION ET FAVORISATION FISCALES DES CONCENTRATIONS

Lorsque la doctrine va - ce qui est rare - au-delà d'un examen


descriptif (de lege lata) des problèmes fiscaux posés par la concentra-
tion d'entreprises, elle a généralement recours au concept de la neutralité
fiscale. Dans son acception la plus large, adoptée notamment par
l'international Fiscal Association 1, ce principe interdit à la fiscalité
d'influencer les processus économiques. Ainsi, en ce cas de projet de
concentration, le facteur « impôt» ne doit jouer aucun rôle, ou qu'un
rôle secondaire, dans la décision finale.
li est exact qu'une des caractéristiques des fusions est le fait que le
prélèvement de l'impôt, et, en particulier, de l'impôt sur les réserves
cachées des sociétés reprises, n'aboutit pas seulement à renchérir l'opé-
ration en cause, mais encore, le plus souvent, à la rendre prohibitive et
irréalisable. Cette caractéristique n'est pas négligeable, bien au contraire,
mais on ne saurait pourtant se convaincre si facilement que le principe
de la neutralité fiscale justifiât un traitement particulier des fusions ;
car, à vrai dire, ce principe, tel qu'il vient d'être défini, apparaît un peu
comme un artifice ou un leurre, tant on en voit mal les limites. Cette
objection est d'ailleurs aisément illustrée par l'exemple suivant. Un
individu a acquis de différentes personnes la totalité des actions d'une
société anonyme ; étant seul actionnaire, il ne voit pas la nécessité de
maintenir ses activités dans une enveloppe corporative et conçoit le plan
de transformer la société en une entreprise individuelle. La neutralité
fiscale voudrait apparemment que cette opération, souhaitée, sinon re-
quise par le droit des sociétés, puisse être envisagée sans que l'action-

1 Voir Cahiers de droit fiscal international, vol. XLVIII a et LVb ; IFA 1963
et 1970.
12 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

naire ait à se préoccuper de l'incidence des impôts. Et pourtant, qui


voudrait prétendre que la transformation proposée dût être exonérée des
impôts de liquidation, au niveau de la société, ou au niveau de l'action-
naire?
Sans doute, le concept de la neutralité fiscale peut-il être défini de
manière moins ambitieuse. Les concentrations se réalisant sous des for-
mes diverses : achats de titres, échanges d'actions, réunions de patri-
moines, on peut soutenir que le choix d'une forme ou d'une autre doit
rester indépendant de considérations fiscales. Ainsi, peut-il paraître cho-
quant que la société A, qui a acquis la totalité des actions de la société B,
en rémunérant les actionnaires de cette société avec des actions A, ait
dû renoncer, exclusivement pour des motifs fiscaux, à absorber la so-
ciété B, c'est-à-dire à la dissoudre et à en acquérir le patrimoine. Mais
est-ce plus choquant que de traiter différemment, qu'il s'agisse d'impôts
directs ou indirects, les personnes qui s'associent sous la forme d'une
société anonyme ou sous la forme d'une société en nom collectif?
Il est indispensable, et même essentiel, pensons-nous, de souligner
que l'élaboration de disposition légales, telles celles concernant les fu-
sions, ne s'effectue pas dans le vide : ces dispositions doivent s'insérer
dans le cadre logique, ou même illogique, du système fiscal en vigueur.
A cet égard, ,les exemples évoqués plus haut - liquidation d'une société
anonyme à actionnaire unique, traitement différent de deux formes d'as-
sociation commerciale - mettent chacun en cause le principe, critiquable,
mais universellement admis, de la double imposition économique. L'ac-
tionnaire unique qui transforme sa société en entreprise individuelle
met fin à une situation de double imposition ; les personnes qui s'asso-
cient dans le cadre d'une société de capitaux créent, volontairement, une
situation de double imposition. En revanche, la concentration d'entre-
prises, au sens restreint de cette étude (fusion de sociétés anonymes),
n'a pas pour effet, à tout le moins dans un cadre national, de mettre fin
à une situation de double imposition, sauf dans le cas spécial de l'ab-
sorption « incestueuse » d'une filiale par sa mère, ou d'une soclété mère
par sa fille. La concentration de sociétés ne prive définitivement le fisc
d'aucun prélèvement prévu par les lois en vigueur. Au contraire, si elle
est un succès économique, elle offre à l'Etat l'espoir de rentrées fiscales
accrues, grâce à un rendement meilleur, sinon déjà par l'effet de la pro-
gressivité de l'impôt.
Ces considérations rendent apparemment possible l'application d'un
traitement essentiellement favorable aux concentrations, sans pourtant
qu'il soit « de faveur», sans qu'il implique de jugement de valeur écono-
mique et social, du moins sur le plan des impôts directs et au niveau
des sociétés : ainsi, est-il équitable de distinguer entre la liquidation
GÉNÉRALITÉS 13
d'une société, dont le patrimoine est distribué à ses actionnaires, et sa
dissolution, lorsque son patrimoine est transféré à une société absor-
bante, même si ces deux opérations ont formellement le même résultat,
soit la fin d'un assujettissement à l'impôt, la disparition d'une société
du rôle des contribuables. Au niveau des actionnaires, le fait d'imposer,
en principe, les échanges de titres, mais de surseoir à l'imposition de
l'échange provoqué par une fusion n'est illogique qu'en apparence : il
ne s'agit pas, dans le second cas, d'un véritable échange (les titres de
la société dissoute sont annulés) et l'actionnaire demeure intéressé à
son ancienne société, même si sa raison sociale a changé et si son
patrimoine a été réuni à celui d'une autre entreprise. Enfin, lorsqu'une
fusion se réalise par la liquidation préalable des sociétés reprises, il
est effectivement mis fin à une situation de double imposition, mais cet
avatar est fugitif et temporaire : la double imposition est immédiatement
recréée par le transfert du patrimoine de la société liquidée à la société
reprenante. Ici encore, dans l'optique d'une législation nouvelle, une non
imposition ne constitue pas un véritable privilège.
La logique d'un traitement favorable des concentrations n'implique
cependant pas forcément l'illogisme d'un traitement moins favorable, et
il est douteux que l'élaboration d'un régime libéral puisse réellement
échapper à la nécessité d'un jugement de valeur économique, politique
et social. Il est indéniable, en tout cas, que sur le plan des impôts in-
directs, notamment des droits de timbre et de mutation, qui tradition-
nellement considèrent la forme, et non les motifs, d'une transaction, toute
exception constitue une faveur, et, tout au plus, peut-on prétendre que
dans la mesure où un régime essentiellement favorable est justifié en
matière d'impôts directs, il serait absurde de ne pas harmoniser le régime
des prélèvements indirects.
Il est certes tentant, sinon tout à fait convaincant, de soutenir que
toutes les concentrations que les lois permettent - et en particulier le
droit des sociétés et les lois antitrust - sont ipso facto de bonnes fusions.
Mais cette affirmation nous aide, peut-être, à discerner le sens véritable
du concept de la neutralité fiscale. Ce principe ne peut interdire, comme
le voudrait !'!FA, d'influencer les processus économiques. Il ne peut
permettre, non plus, de traiter de manière identique des transactions
bien différentes, sous prétexte que leur but ou leur résultat économique
est le même. La neutralité fiscale s'oppose seulement à ce qu'une opé-
ration, quelle qu'elle soit, reçoive un traitement qui, si l'on considère la
loi dans son ensemble, apparaisse illogique ou discordant, influencé
par des préjugés économiques, politiques ou autres. Mais, si un tel prin-
cipe est généralement reconnu et appliqué dans le cadre de l'interpré-
14 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

tation des loi1s 2 , on ne saurait dire qu'il soit observé, ou qu'il doive
l'être, au niveau de leur élaboration. L'utilisation de la loi fiscale à des
fins économiques et conjoncturelles n'a, au contraire, rien d'exceptionnel,
ni l'application d'un traitement spécial à certains processus économiques
particuliers. Dans ce contexte, une dernière remarque s'impose. Les obs-
tacles fiscaux qui se dressent devant la concentration d'entreprises, no-
tamment en Suisse, ne proviennent pas d'une volonté de l'Etat de péna-
liser les fusions, mais, plutôt, du fait que Ies lois fiscales ont été éla-
borées avant l'essor des concentrations et ne contiennent, sauf rare
exception, aucune disposition relative au traitement de ces complexes
opérations.
*
**
Les considérations qui précèdent justifient partiellement le caractère
essentiellement libéral du régime proposé et examiné dans les pages qui
suivent.
- Un traitement favorable s'inscrit dans la logique du système en
vigueur, compte tenu du fait que les concentrations de sociétés
ne mettent pas fin à une situation de double imposition.
- Une pénalisation fortuite et irrémédiable d'un processus écono-
mique important - que la législation extra-fiscale ne condamne
pas - est foncièrement insatisfaisante.

Mais si ces constatations atténuent l'importance du jugement de


valeur à porter sur les concentrations d'entreprises, nous ne pouvons
conclure qu'elles permettent de l'esquiver complètement. A cet égard,
on constate que la coopération et la réunion de sociétés sont un phéno-
mène irréversible du système capitaliste et, bon gré, mal gré, la majorité
des Etats européens occidentaux ont adopté des dispositions qui sup-
priment ou relâchent les entraves fiscales. Karl Marx, lui-même, se féli-
citait des regroupements d'entreprises, y discernant le déclin du capi-
talisme : à mesure que l'industrie se centralise, écrivait-il, la bourgeoisie
produit ses propres fossoyeurs ; que pourront faire quelques usurpateurs,
toujours moins nombreux, à mesure qu'ils se dévorent, contre un prolé-
tariat qui s'accroît et s'organise toujours mieux? Sans doute, la con-
centration du xxe siècle, contrairement à celle du x1xe siècle, est un « phé-
nomène de prospérité » z, et, si elle doit amener la fin du capitalisme,
ce ne sera vraisemblablement pas de la manière prévue par Marx.

2 Voir RDAF 1972, pp. 302, 305 (arrêt du 20.6.1969).


a P. Lalumière, Le régime fiscal comparé du processus de la concentration
des entreprises, in Cahiers de droit fiscal international, vol. XLVIII a, IF A 1963,
p. v.
GÉNÉRALITÉS 15

Quoi qu'il en soit, si l'on cherche à interpréter le climat politique


actuel, on découvre sans peine une assez large tolérance vis-à-vis de la
concentration, et la conviction que les maux qu'elle peut entraîner ne
justifient en tout cas pas une pénalisation fiscale, mais, au contraire,
qu'une favorisation modérée est bien fondée, dans la mesure où l'Etat
ne se voit pas définitivement privé de recettes importantes et où la loi
n'engendre pas des opérations qui trouveraient leur raison d'être dans
le traitement fiscal accordé.
CHAPITRE Il

L'IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES

A. FUSION ET SCISSION.

1. Généralités.

L'obstacle fiscal qui se dresse à ce niveau est à la fois le plus im-


portant et le plus simple.
La société faisant l'apport disparaît : elle est, selon les législations,
simplement dissoute, ou dissoute et liquidée. En Suisse, par exemple,
la fusion entraîne une « dissolution sans liquidation» (articles 748 et
749 CO). II en va de même notamment en Allemagne, en France, en
Italie et au Luxembourg, alors qu'en Belgique et aux Pays-Bas, la
société absorbée est liquidée. Quoi qu'il en soit, la disparition de cette
société incite le fisc à imposer, non seulement le bénéfice d'exploitation
de la société depuis la fin du dernier exercice, mais également le bénéfice
qu'elle a pu accumuler et celer en sous-estimant ou suramortissant ses
actifs, en surévaluant ses passifs, ou en créant des provisions en fran-
chise d'impôt.
Cette imposition du bénéfice de liquidation entraîne naturellement
l'imposition à la source du dividende de liquidation, c'est-à-dire du mon-
tant des réserves ouvertes et cachées de la société reprise, distribuées
(selon la conception du fisc) aux actionnaires de cette société. Mais une
telle imposition n'a finalement aucun intérêt, sinon préventif, pour l'Etat :
découragées par le coût prohibitif de la fusion, les sociétés qui l'envi-
sageaient renonceront à la réaliser et adopteront d'autres formes de
concentration.
Nous ne reviendrons pas sur les arguments 4 qui justifient, de lege
f erenda, I'élaboration d'un régime spécial, tel celui examiné dans les

4 Voir ci-dessus, Chapitre 1, litt. B, pp. 11 et ss.


lMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 17

pages qui suivent, ou tels ceux mis au point par divers Etats étrangers 1>.
L'expérience helvétique démontre que ces mêmes arguments peuvent
jouer un rôle important, lorsque la loi ne contient aucune disposition
expressément applicable aux fusions. Ainsi, la doctrine suisse admet
généralement que, malgré la cessation d'assujettissement qui caractérise
à la fois une dissolution et une liquidation, le fisc ne peut sans autre
assimiler la première à la seconde, et soumettre aux impôts de « liqui-
dation » une société dissoute par fusion ou absorption. Sans doute, ne
s'agit-il pas de se fonder simplement sur une interprétation littérale
de la loi. L'utilisation du terme « liquidation » par la loi d'impôt - à
moins qu'elle ne se réfère expressément à la notion de liquidation du
droit civil - ne prive pas ipso facto le fisc du droit d'assimiler une dis-
solution à une liquidation : l'indépendance du droit fiscal justifie, selon
les cas, qu'il soit donné à une notion de droit privé utilisée par la loi
fiscale un sens différent 6. Mais dans le cas des fusions et absorptions,
il est indéniable que la dissolution qui intervient n'a qu'une apparente
similitude avec une véritable liquidation, caractérisée par la répartition
du patrimoine de la société liquidée entre ses actionnaires. Cette thèse
trouve, en outre, quelque appui sur le principe, énoncé par plusieurs
lois fiscales helvétiques, de la succession fiscale, conformément auquel
les obligations fiscales d'une société dont le patrimoine est transféré à
une autre société sont reprises et assumées par cette dernière : c'est une
reconnaissance implicite du fait qu'une société dissoute continue de vivre
au sein de la société absorbante, qu'elle a perdu sa personnalité juri-
dique, mais conservé son existence économique 1. Certains auteurs, enfin,
mettent l'accent sur l'absence de toute contreprestation accordée à la
société dissoute par la société reprenante 8 • Cette seule caractéristique,
estiment-ils, exclut toute réalisation et, par conséquent, toute imposition
des réserves cachées de la société absorbée.
Aucun de ces arguments n'est absolument irréfutable. S'il est vrai
que la société absorbée ne reçoit aucune contreprestation, n'est-ce pas
précisément la preuve qu'elle est en fait virtuellement liquidée, pui1s que,
agissant pour le compte de ses actionnaires, elle fait apport de son pa-
trimoine à la société absorbante, en échange d'actions remises à ces
derniers ? Quant au principe de la substitution fiscale, inséré dans la loi

5 Voir ci-dessous, Deuxième Partie, pp. 87 et ss.


6 Sur la notion de liquidation en droit fiscal, voir E. Fleischli, Die steuer-
lichen Auswirkungen der Fusion von Aktiengesellschaften auf die beteiligten
Unternehmen, pp. 109 à 111 ; P.O. Keller, Zürich 1969.
7 J. Suter, Die Fusion von Aktiengesellschaften im Privatrecht und im
Steuerrecht ; Verlag Schulthess & Co. A.O., Zürich 1966.
s Outachten II, pp. 86 et ss.
18 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

sans référence, même implicite, aux fusions, il impose une simple reprise
de dette, garantissant au fisc le paiement des impôts dus par la société
apporteuse jusqu'au moment de son absorption.
Si Je fait que la société absorbante reprenne le patrimoine de la so-
ciété absorbée à sa valeur comptable n'est naturellement pas suffisant,
en lui-même, pour justifier une exonération d'impôt (on ne saurait con-
fondre « comptabilisation» et « réalisation»), il est, à juste titre, consi-
déré comme une condition indispensable de cette exonération. On peut,
toutefois, se demander comment, de lege Lata, et si l'on accepte la thèse
selon laquelle la dissolution de la société absorbée n'est pas assimilée
à sa liquidation, il est possible d'obliger la société absorbante au main-
tien des valeurs comptables, mais d'imposer la société absorbée, si cette
exigence n'est pas respectée. A ce sujet, on doit noter que les actionnaires
de la société absorbante ont tout avantage à ce que la société absorbée
fasse apport d'un patrimoine réévalué et que les actionnaires de cette
société supportent le poids de l'impôt sur les plus-values. Il est de toute
manière illogique de décider si une société est ou non liquidée en fonc-
tion du comportement d'une autre société.
L'existence d'arguments contradictoires, dont aucun n'est réellement
péremptoire, suffit à démontrer que si la reconnaissance d'un régime
d'exonération fondé sur une loi qui méconnaît la concentration n'est
pas exclue, elle n'est pas garantie non plus et risque d'être laissée à la
discrétion de !'Administration fiscale. Par ailleurs, il est difficile d'éviter
des inégalités, sinon au prix d'interprétations teintées par des préjugés
économiques. Ainsi, l'octroi d'un régime d'exonération est difficilement
compatible avec une loi prévoyant l'imposition des plus-values, non
seulement en cas de liquidation, mais lors de toute cessation d'assujet-
tissement o. Ainsi, le traitement favorable des scissions ou, en Suisse, des
fusions de sociétés à responsabilité limitée, qui ne peuvent intervenir
sans liquidation des sociétés scindées ou absorbées, exige, non plus
d'admettre qu'une dissolution n'est pas assimilable à une liquidation,
mais qu'une liquidation au sens du droit des sociétés n'est pas assimi-
lable à une liquidation « fiscale». Cette interprétation n'est sans doute
pas inconcevable 10, et si l'on reconnaît le droit du fisc, le cas échéant,
de s'écarter des notions du droit privé pour fonder une imposition, on
doit aussi reconnaître, dans d'autres cas, le droit des contribuables à

o Ainsi, la loi vaudoise du 26 novembre 1956 sur les impôts directs cantonaux
prévoit que « les sociétés qui sont dissoutes ... paient, lors de la cessation de
l'assujettissement ... un impôt annuel unique sur les bénéfices en capital et les
augmentations de valeur réalisées pendant la période de calcul et la période
de taxation » (art. 61, al. 3).
10 Voir RDAF 1972, p. 302 (arrêt du 20.6.69).
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 19

une interprétation « fiscale » de certaines opérations. Mais dans cette


situation, où le fardeau de la preuve de la nécessité d'une interprétation
autonome est renversé, l'octroi d'un régime favorable est, plus que
jamais, lai,ssé à la discrétion de !'Administration.
La complexité, l'originalité, des fusions et des absorptions rend donc
hautement souhaitable l'introduction dans la loi de dispositions particu-
lières et détaillées, définissant, sur le plan fiscal, les opérations en cause,
et prévoyant de manière précise les conditions et les modalités du régime
qui leur est octroyé. Parmi les régimes possibles, le plus « naturel » est
indubitablement celui du « sursis », conformément auquel le fisc renonce
à une imposition immédiate des plus-values, dans la mesure où leur
imposition potentielle lui est garantie par le maintien des valeurs comp-
tables du patrimoine transféré. Ce régime correspond à celui qui peut
découler d'une interprétation de la loi, lorsque des dispositions expres-
sément applicables aux fusions font défaut, et il trouve un fondement
logique, on l'a vu, tant dans la réalité économique des concentrations que
dans les principes généraux de technique fiscale (notamment celui de la
double imposition économique) reconnue par les lois en vigueur.
Est-il possible, ou nécessaire, de distinguer deux sortes de sociétés,
dont l'une, comprenant les entreprises ayant une véritable exploitation,
un véritable patrimoine commercial ou industriel, bénéficierait du régime
d'exonération, alors que la seconde, groupant les sociétés holding, les
sociétés de brevets, les sociétés financières et, peut-être, les sociétés
immobilières, se le verrait refuser ?
Sous l'angle de la technique fiscale, on peut imaginer des cas où
les droits du fisc sont mis en danger. Par exemple, si une société mixte
se scinde en deux sociétés, soit une société industrielle et une holding,
les privilèges éventuellement accordés à la holding par la loi risquent
de transformer le sursis en exonération définitive, et, par conséquent,
abusive. Mis à part ces cas exceptionnels, cependant, la situation de
double imposition n'est pas modifiée par la concentration, quelle que
soit la composition du patrimoine des sociétés reprises.
Le fait que le régime d'exonération provisoire ne soit pas complè-
tement indépendant de certains arguments économiques conduit toutefois
à considérer ce problème sous un deuxième angle : la favorisation mo-
dérée dont bénéficient les concentrations en raison des avantages qu'on
leur reconnaît (rationalisation de la production, etc.) se justifie-t-elle
encore lorsque l'opération envisagée ne paraît précisément pas de nature
à assurer de tels avantages? Si la logique impose une réponse négative
à cette question, les impératifs de la sécurité du droit, le désir d'éviter
d'introduire dans la loi des notions difficiles à définir, nous convain-
20 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

quent de ne pas admettre l'existence d'une distinction entre « bonnes »


et «mauvaises» fusions, sinon, nous l'avons dit,. sur le plan de la tech-
nique fiscale. En d'autres mots, si le fisc n'est pas désavantagé (à court
ou à long terme) par une opération de concentration, cette dernière doit
être présumée avoir des motifs économiques ou, à tout le moins, des
motifs extra-fiscaux.
On verra que ce problème se pose de manière un peu différente en
matière de pseudo-fusions et d'apports partiels 11 •

2. Le système du sursis à l'imposition.

Le mécanisme du système du sursis à l'imposition peut être illustré


par l'exemple suivant :

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 300.000 50.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve (valeur réelle :
250.000) 50.000 Passifs 350.000) 250.000 Passifs

Ces deux sociétés ont décidé de se réunir, pour ne former qu'une


seule société.
En cas d'absorption de la société A par la société B (ou vice versa), et
imposerait un bénéfice de liquidation de 50.000, correspondant au montant
de la différence entre la valeur vénale et la valeur comptable des actifs.
En cas d'absorption de la société A par la société B (ou vice-versa), et
reprise du patrimoine de la société absorbée à sa valeur comptable, la
société absorbante aura le bilan suivant.

Société BA ou AB

Actifs 500.000 150.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve
600.000) 300.000 Passifs

JI est évident que lors de la liquidation de la société BA, le bénéfice


imposable se montera à 100.000, comprenant à la fois les plus-values

11 Voir ci-dessous, litt. B, pp. 27 et ss.


IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 21
de l'ancienne société A et celles de l'ancienne société B. Quant au pré-
lèvement à la source sur le dividende de liquidation distribué par la
société BA, il sera généralement effectué sur un montant de 150.000
(actif net moins capital nominal), correspondant au montant du dividende
qu'auraient pu distribuer la société A (100.000) et la société B (50.000) 12.
Les droits du fisc sont donc protégés : il n'a pas renoncé définiti-
vement à une imposition, mais a accordé un sursis et accepté une
substitution de débiteurs. Quant à la société apporteuse, elle a pu se
dissoudre dans la société reprenante sans payer aucun impôt.
Certes, il est rare que des sociétés présentent des bilans aussi sim-
ples, et on verra dans les chapitres qui suivent les problèmes créés au
niveau des sociétés bénéficiaires et des actionnaires, notamment : par
la présence de pertes (de l'exercice ou reportées) chez l'une des sociétés ;
par les différences entre la valeur des actions de la société apporteuse
et de la société bénéficiaire ; ou par le fait que la société bénéficiaire est
actionnaire de la société apporteuse.
En principe, cependant, ces complications ne mettent pas en péril
les droits du fisc à l'imposition future des plus-values de la société
absorbée. En revanche, ils peuvent être mis en danger dans les cas
suivants.

a) Les actifs de la société bénéficiaire sont surévalués.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 300.000 50.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve (valeur réelle : 100.000 Réserve
250.000) 50.000 Passifs 250.000) 150.000 Passifs

Le fisc prétend à l'imposition future d'un bénéfice de liquidation


de 50.000 (chez la société A) et d'un dividende de liquidation de 150.000
(soit 100.000 chez la société A et 50.000 chez la société B).

12 En réalité, le montant du dividende de liquidation serait réduit du montant


des impôts de liquidation payés par la société. Dans l'optique des comparaisons
entre liquidation immédiate et liquidation ultérieure, on fera abstraction, par
souci de simplification, de cette charge fiscale.
22 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

Si la société B absorbe la société A, l'application normale du sys-


tème du sursis (reprise à valeur comptable) conduirait à la situation
suivante.

(1) Société BA

Actifs 500.000 150.000 Capital


(valeur ·réelle : 150.000 Réserve
500.000) 200.000 Passifs

Le jour où cette société sera liquidée, le montant soumis à l'impôt à


la source sera toujours de 150.000. En revanche, le bénéfice de liquidation
de 50.000 de la société A sera compensé par la perte du même montant
sur les actifs de la société B : le fisc est donc désavantagé, et l'on
peut concevoir qu'il exige l'imposition immédiate de la plus-value affé-
rente aux actifs de la société A :

(2) Société BA

Actifs 550.000 150.000 Capital


(valeur réelle : 200.000 Réserve
500.000) 200.000 Passifs

Les droits du fi.se sont alors garantis, et la société BA pourra


utiliser un jour la moins-value afférente à ses actifs pour diminuer le
montant de ses bénéfices d'exploitation ou de nouvelles plus-values.
Ainsi, une vente des actifs surévalués aboutirait à la situation suivante.

(3) Société BA

Actifs 500.000 150.000 Capital


(valeur réelle :
500.000) 200.000 Réserve
P.P. 50.000 200.000 Passifs

L'inconvénient de cette méthode, qui comporte une imposition im-


médiate, est évident : elle risque de faire échouer la concentration ou,
ce qui est plus vraisemblable, d'inciter artificiellement les deux sociétés
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 23
à procéder à l'absorption en sens inverse. Dans cette dernière hypothèse,
en effet, le fisc ne saurait effectuer une imposition immédiate des plus-
values de la société A ; tout au plus, pourrait-il exiger que les actifs de
la société B soient repris à leur valeur vénale :

(4) Société AB

Actifs 450.000 150.000 Capital


(valeur réelle : 100.000 Réserve
500.000) 200.000 Passifs

A notre avis, ce dernier bilan devrait être admis, quel que soit le sens
de l'absorption, ou, peut-être, serait-il plus logique encore de donner
à la nouvelle société la possibilité de reporter la perte encourue par la
société B :

(5) Société AB ou BA

Actifs 450.000 150.000 Capital


(valeur réelle : 150.000 Réserve
500.000) 200.000 Passifs
P.P. 50.000

b) La société bénéficiaire a des pertes d'exploitation.


Dans cette hypothèse, similaire à celle qui précède, les plus-values
de la société reprise sont compensées par des pertes d'exploitation (et non
plus des pertes en capital) de la société bénéficiaire.

Société A Société B

Actifs 50.000 50.000 Capital Actifs 100.000 50.000 Capital


(valeur réelle : P.P. 50.000 100.000 Réserve
100.000)

Si les actionnaires de la société A désirent liquider leur société (ou


en réaliser les actifs sous-évalués), mais répugnent à payer l'impôt sur
le bénéfice de liquidation (ou d'aliénation) de 50.000, ils pourront faire
absorber leur société par une société en perte, telle la société B, qui sera
24 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

à son tour liquidée (ou qui procédera à l'aliénation prévue), et pourra


utiliser sa perte pour compenser la plus-value réalisée sur les actifs
de la société A.
Il est bien évident que la possibilité de telles combinaisons ne devrait
pas amener Je législateur à écarter le système du sursis à l'imposition 1a.
La liquidation de la société B, par exemple, si elle intervenait peu après
l'opération de concentration, rendrait celle-ci abusive et permettrait au
fisc d'assumer la présence d'une « éludation » d'impôt.

c) La société absorbée est actionnaire de la société bénéficiaire.


Ce problème sera examiné en détail plus bas 14, Un simple exemple
révèle pourquoi les droits du fisc ne sont pas toujours protégés.

Société A Société B

50 % ac-
tions B 100.000 100.000 Capital Actifs 300.000 100.000 Capital
(valeur réelle : (valeur réelle :
150.000) 100.000 Réserve 400.000) 100.000 Réserve
Autres
at'tifs 200.000 100.000 Passifs 100.000 Passifs
(yaleur réelle :
250.000)

Si la société B absorbe la société A et, ne pouvant être sa propre


actionnaire, distribue les actions B reçues aux actionnaires de la so-
ciété A, le bilan de la société BA sera le suivant.

Société BA

Actifs 500.000 150.000 Capital


(valeur réelle : 150.000 Réserve
650.000) 200.000 Passifs

13 La compensation désirée ne sera d'ailleurs pas toujours possible. Certaines


législations ne permettent pas de déduire du bénéfice de liquidation, soumis à
un impôt spécial, des pertes d'exploitation.
14 Chapitre V, litt. B, pp. 68 et ss.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 25

Le bénéfice de liquidation de la société BA se monterait à 150.000


et le dividende soumis à l'impôt à la source à 300.000 15, Or, si la
société A avait été liquidée, puis la société B, le bénéfice de liquidation
aurait été au total de 200.000, soit 100.000 pour chaque société, et le
dividende de 400.000 (200.000 par société). En effet, en cas d'absorption,
la plus-value de 50.000 sur les actions B détenues par la société A a été
effacée par la remise de ces titres aux actionnaires de la société A ; en
outre, ces actions n'auront jamais été imposées en qualité de dividende
de liquidation.

d) La concentration entraine la création d'une société à statut privilégié.


Lorsqu'une société commerciale ou industrielle possède un porte-
feuille de titres sous-évalués (par exemple, les actions de filiales), elle
peut être tentée de se scinder en deux sociétés indépendantes, l'une
poursuivant l'activité économique de l'entreprise, l'autre, à laquelle sont
attribués les titres, devenant une société holding pure. En effet, de nom-
breuses législations accordent à ce type de société une exonération
complète de l'impôt sur les sociétés, de telle sorte que, postérieurement
à la scission, les. participations pourront être aliénées en franchise
d'impôt 16,
Il est normal que la loi dénie l'application du régime de faveur à
cette forme particulière de scission.

e) La concentration camoufle une simple vente.


Les actionnaires d'une société, qui désirent aliéner une branche ou
une division de leur entreprise, mais qui n'entendent pas supporter les
conséquences fiscales de cette opération, pourraient utiliser le moyen
suivant.
La société est scindée en deux sociétés indépendantes, dont l'une
obtient les actifs et passifs qu'il était prévu d'aliéner. Puis, les action-
naires vendent les actions de cette société : pour autant que les gains
en capital ne soient pas imposables (ce qui est fréquemment le cas pour
les personnes physiques), cette procédure aboutit au résultat désiré.
Cet exemple, comme celui mentionné sous litt. b, ci-dessus, s'ins-
crit dans le cadre d'une question particulière et complexe du droit fiscal,
celle des impôts éludés et de la théorie de la « réalité économique».

15 Voir note 12, ci-dessus.


16 Même si aucune aliénation n'intervient, la scission aura pour avantage
de faire bénéficier les dividendes provenant des participations en cause d'un
privilège holding complet.
26 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

En effet, le fisc n'est pas ici privé de son droit à l'imposition ultérieure
des plus-values, qui lui est garantie par le maintien des valeurs comp-
tables, et la condition essentielle mise à l'application du régime du sursis
est formellement remplie. En revanche, on peut juger choquant que par
la scission, c'est-à-dire par une opération préalable « interne» (effectuée
par une société et ses actionnaires sans que des tiers y soient parties)
et uniquement motivée par des considérations fiscales, les contribuables
réussissent à échapper aux impôts qui auraient été dus si le résultat
désiré '--- la vente d'une branche d'activité - avait été obtenu en
suivant la voie « normale ».
Il n'est pas facile de trouver un juste équilibre entre la prétention
légitime du fisc d'empêcher des abus (et, à cette fin, de se fonder sur
la réalité économique d'une transaction) et le droit des contribuables
d'organiser leurs activités de manière à payer le moins d'impôts pos-
sible. Ainsi, dans l'exemple choisi, le caractère abusif de la scission n'est
pas aussi marqué qu'il paraît à première vue : puisque les actionnaires
auraient pu céder les actions de leur société (avant la scission) sans
conséquence fiscale, pourquoi ne pourraient-ils aliéner leurs nouveaux
titres (après la scission) en bénéficiant du même avantage?
De toute manière, la présence d'un impôt éludé ne doit pas être
admise trop facilement, ni sur la base de présomptions trop minces.
Par ailleurs, le fisc ne saurait vouloir percer à jour tous les abus. Une
fusion, quelle qu'elle soit, et notamment l'absorption d'une petite entre-
prise par une grande société, peut être une vente camouflée. Si les titres
de la société absorbante sont cotés en bourse, particulièrement, les
actionnaires ou, peut-être, l'actionnaire unique de la société reprise
aura la possibilité de transformer ses titres en espèces sans difficulté
et, si les gains en capitaux ne sont pas imposables, sans payer aucun
impôt. Il n'en aurait pas payé davantage, cependant, s'il avait vendu
ses actions à la société reprenante. C'est, en fait, cette dernière qui trouve
un éventuel avantage à l'absorption : elle peut acquérir tous les biens de
la société reprise sans avoir à la liquider.
Mais il sera rarement possible de déterminer de manière précise si
le mode de paiement (espèces ou actions) d'un patrimoine a été choisi
pour des motifs fiscaux ou économiques, et on ne saurait trouver là le
criterium d'une distinction entre « bonnes » et « mauvaises » fusions. Seuls
les abus manifestes peuvent, et devraient, être pénalisés.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 27

B. PSEUDO-FUSION, PSEUDO-SCISSION ET APPORT PARTIEL.

La société faisant l'apport reçoit, en échange du patrimoine trans-


féré, des titres de la société reprenante. En général, la valeur vénale de
ces actions est égale à la valeur réelle de l'apport - et non pas à sa
valeur comptable. Si la société apporteuse inscrit les titres à leur valeur
vénale, elle fera ressortir les plus-values et augmentations de valeur
qui, en principe, seront alors imposables.
Non seulement ce genre d'opération ne met pas fin à une situation
de double imposition économique, mais il crée un nouveau stade d'im-
position : les actionnaires de la société faisant l'apport ne sont plus
en rapport direct de participation avec le patrimoine (ou une partie du
patrimoine) industriel ou commercial de leur société, mais en rapport
indirect, par l'intermédiaire d'une holding. Sous cet angle, l'octroi d'un
sursis se justifie plus facilement encore que dans les cas de fusions
et d'absorption8. Par ailleurs, la société apporteuse n'étant ni dissoute,
ni liquidée, le problème d'une cessation d'assujettissement ne se pose
pas. Même si cette société bénéficie d'un privilège holding, le fisc se
trouvera avantagé - en tout cas potentiellement - par l'opération
effectuée.
li est dès lors curieux, à première vue, que les pseudo-fusions et
apports partiels soient souvent traités d'une manière moins favorable,
par le législateur ou par le fisc, que les véritables fusions. La raison
en est, semble-t-il, en partie psychologique. Une fusion exige qu'une
majorité qualifiée des actionnaires des sociétés participant à la concen-
tration approuve cette dernière ; cela implique certaines explications
données à ces actionnaires, une certaine publicité, et crée, peut-être, une
sorte de présomption que l'opération a des motifs économiques légi-
times. D'autre part, l'union complète résultant d'une fusion, non seu-
lement sur le plan matériel, mais aussi humain, au niveau de la gestion
et de la production, ôte à cette opération, sauf exception, tout carac-
tère de «vente». Ce caractère, au contraire, n'est pas absent des pseudo-
tusions ; il est souligné par la présence d'une contreprestation (les
actions émises par la société reprenante), et, par conséquent, d'un
véritable échange. Il est difficile de nier qu'un tel échange puisse donner
lieu à la réalisation d'un bénéfice imposable, surtout si l'apport n'est
que partiel, ou si les titres de la société reprenante sont facilement
négociables.
De lege ferenda, fa présence indiscutable de points communs essen-
tiels incite à traiter les fusions et les pseudo-fusions de manière similaire.
En outre, l'introduction dans la loi de dispositions particulières permet-
28 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

de donner au fisc les garanties dont l'absence l'amenait à refuser,


jusqu'alors, un régime de sursis. Il ne s'agit pas tellement, dans ce
contexte, de préserver les droits du fisc à l'imposition ultérieure des
plus-values afférentes aux biens transférés : cette garantie est assurée
par le maintien des valeurs comptables ; il convient plutôt, en traçant
la limite entre les simples ventes et les véritables concentrations, de créer
les conditions nécessaires au respect de l'égalité des contribuables devant
la loi, et d'éviter des abus. Ce problème n'est pas fondamentalement
différent de celui posé par les fusions, dans le cadre desquels il peut
se régler, on l'a vu, par l'application de la théorie de la réalité écono-
mique, mais il n'est pas absolument identique non plus. En effet, à la
base du régime de sursis accordé aux pseudo-fusions, on trouve préci-
sément un cas d'application de cette théorie, mais en faveur du contri-
buable : un échange est traité comme un apport de fusion, parce qu'il
en a les caractéristiques économiques essentielles. En d'autres mots, le
régime du sursis s'inscrit moins nettement dans le cadre logique des
systèmes fiscaux en vigueur et fait davantage appel au concept d'une
favorisation modérée des concentrations.
Les moyens d'assurer au fisc l'utilisation légitime des dispositions
applicables aux pseudo-fusions et aux apports partiels dépendent de
la nature de ces dispositions. L'exemple qui suit illustre les trois formes
possibles de sursis.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 200.000 100.000 Capital


(valeur réelle : (valeur réelle :
400.000) 100.000 Passifs 400.000) 100.000 Passifs

En cas de liquidation des sociétés A et B, le fisc imposerait :


a) des plus-values d'un montant total de 400.000 ;
b) un dividende de liquidation 11 d'un montant total de 400.000 1~
également.

11 L'imposition chez l'actionnaire ne portera toutefois sur 400.000 que si,


selon la loi applicable, le dividende imposable est réputé égal à la différence
entre le montant distribué et le montant nominal du capital social. Plus souvent,
notamment si l'actionnaire est une personne morale, et, parfois, également s'il
est une personne physique, le dividende de liquidation sera égal à la différence
entre le montant reçu et la valeur d'acquisition des titres ou leur valeur au
bilan (voir ci-dessous, Chapitre IV, litt. B, pp. 55 et ss.).
1s Voir note 12, ci-dessus.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 29

Conformément à l'accord conclu entre les deux sociétés, il a été


convenu que la société A fasse apport de la totalité de son patrimoine
à la société B, qui lui remettra en échange des titres d'une valeur no-
minale de 100.000.

1. Première solution.

Si la société B reprend le patrimoine de la société A à sa valeur


comptable et si la société A fait figurer les actions B à son bilan à
la même valeur, le bilan des deux sociétés se présentera ainsi :

Société A Société B

Actions B 100.000 100.000 Capital Actifs 400.000 200.000 Capital


(valeur réelle : (valeur réelle :
300.000) 800.000) 200.000 Passifs

Si la société B est liquidée la première, le fisc sera en mesure


d'imposer:

1) Lors de la liquidation de B
a) des plus-values d'un montant de 400.000 ;
b) un dividende de liquidation de 400.000, mais dont 200.000 versés
à A, qui bénéficiera vraisemblablement d'un privilège holding.

2) Lors de la liquidation subséquente de A


un dividende de liquidation de 200.000 (la plus-value sur titres
a été réalisée et éventuellement imposée à titre de dividende lors de la
liquidation de la société B).

Le résultat correspond à celui qui aurait été obtenu si la concentration


n'avait pas eu lieu. Mais, au cas où les actionnaires de la société A
décident de transformer la pseudo-fusion en fusion et liquident leur
société, le fisc imposera :

1) Lors de la liquidation de A
a) des plus-values d'un montant de 200.000 ;
b) un dividende de liquidation de 200.000.
30 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

2) Lors de la liquidation subséquente de B


a) des plus-values d'un montant de 400.000 ;
b) un dividende de liquidation de 400.000.

Ainsi, dans ce dernier cas, le montant total des plus-values et divi-


dendes imposés, après la liquidation des deux sociétés, se montera à
600.000 (au lieu de 400.000 si la concentration n'avait pas eu lieu).
Non seulement les droits du fisc sont préservés, mais encore la possibi-
lité d'une vente camouflée est pratiquement inexistante : la société A ne
peut aliéner les titres B sans réaliser un bénéfice imposable 19,
Cette première solution, qui consiste à remplacer la plus-value sur
le patrimoine de la société A par deux réserves cachées (sur le patri-
moine en cause et sur les actions B), offrant ainsi au fisc une double
garantie, est sans doute la plus simple. Elle a cependant l'inconvénient
de fixer un prix prohibitif à l'achèvement de la concentration - c'est-
à-dire à la remise des actions B aux actionnaires de la société A.

2. Seconde solution.

On peut alors imaginer que la société A inscrive les actions reçues


à la même valeur que le patrimoine transféré, mais que celui-ci, sans
autre imposition, figure à sa valeur vénale au bilan de la société B.

Société A Société B

Actions B 100.000 100.000 Capital Actifs 600.000 200.000 Capital


(valeur réelle : (valeur réelle : 200.000 Réserve
300.000) 800.000) 200.000 Passifs

En d'autres termes, la plus-value sur les actifs de la société A a


été « transférée » sur les actions B. Cette solution est la plus logique,
en ce sens que la garantie des droits du fisc est assurée 20 par la

19 A moins, toutefois, que le régime holding dont elle bénéficie exonère les
bénéfices réalisés lors de la vente d'une participation. Dans un tel cas, la
situation est similaire à celle obtenue dans la troisième solution (ch. 3, ci-
dessous).
20 Sous réserve, ici encore, que la société A, devenue une pure holding, ne
bénéficie pas d'une exonération pour les bénéfices réalisés lors de la vente ou
de la distribution de ses participations. Si tel est le cas, cette solution ne peut
être adoptée.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 31

société faisant l'apport (la société A), c'est-à-dire, par celle qui évite
effectivement une imposition immédiate. Par ailleurs, cette solution,
comme la précédente, rend pratiquement inexistante la possibilité d'une
vente camouflée.
En revanche, le fisc se trouverait désavantagé si, par la suite, la
société B était liquidée la première, car la plus-value sur les actions B
serait réalisée par le dividende de liquidation encaissé par la société A 2 1 •
Le fisc pourrait, en effet, imposer :

1) Lors de la liquidation de B
a) des plus-values de 200.000 ;
b) un dividende de liquidation de 400.000, dont 200.000 versés à A,
qui bénéficierait vraisemblablement d'un privilège holding.

2) Lors de la liquidation subséquente de A


un dividende de liquidation de 200.000.

D'autre part, si la liquidation de la société A précédait celle de la


société B, ce sont les contribuables qui seraient désavantagés, par rap-
port à la situation initiale. Les montants imposés seraient en effet les
suivants :

1) Lors de la liquidation de A
a) des plus-values de 200.000 ;
b) un dividende de liquidation de 200.000.

2) Lors de la liquidation subséquente de B


a) des plus-values de 200.000 ;
b) un dividende de liquidation de 400.000.

3. Troisième solution.

Elle consiste à donner le droit à la société A de faire figurer les


actions B à son bilan à leur valeur vénale, sans imposition, tandis que
la société B reprend le patrimoine de la société A à sa valeur comptable.

21 Concernant ce problème, caractéristique de l'absorption d'une filiale, voir


ci-dessous, Chapitre V, litt. A, pp. 63 et ss.
32 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

Société A Société B

Actions B 300.000 100.000 Capital Actifs 400.000 200.000 Capital


(valeur réelle :
200.000 Réserve 800.000) 200.000 Passifs

Si la société B est liquidée la première, le fisc imposera :


1) Lors de la liquidation de B
a) des plus-values de 400.000 ;
b) un dividende de liquidation de 400.000, dont 200.000 versés à
la holding A.
2) Lors de la liquidation subséquente de A
un dividende de liquidation de 200.000.

Si, au contraire, la société A est liquidée la première, l'imposition


portera sur :

l) Lors de la liquidation de A
un dividende de liquidation de 200.000,
2) Lors de la liquidation subséquente de B
a) des plus-values de 400.000 ;
b) des plus-values de 400.000.

Cette troisième solution, qui n'avantage (potentiellement) ni le fisc,


ni les sociétés participant à la concentration, apparaît la meilleure. Elle
ne peut, toutefois, être adoptée sans autre. En effet, l'inscription des
actions B à leur valeur vénale, au bilan de la société A, permet à cette
dernière de s'en défaire à son gré, sans réaliser aucun bénéfice impo-
sable. Le moyen le plus simple d'exclure des ventes camouflées est alors
d'obliger la société apporteuse à conserver les titres dt la société re-

22 En fait, le dividende imposable chez l'actionnaire, notamment s'il s'agit


d'une personne morale ou d'une entreprise, sera généralement de 200.000. En
effet, les actionnaires de la société A, lors de la liquidation de cette société, ont
reçu les actions de la société B, d'une valeur totale de 300.000. Si la société B
est alors liquidée à son tour, la part de son patrimoine revenant aux anciens
actionnaires de A se monte également à 300.000. Une imposition n'aura lieu
à ce stade que si, selon la législation en vigueur, le dividende de liquidation est
égal à la différence entre la valeur vénale et la valeur nominale des actions,
sans égard à leur valeur d'acquisition.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 33
prenante pendant une durée minimum - par exemple cinq ans - fixée
par la loi.
Mais, quelle que soit la solution adoptée, et même si les droits du
fisc sont préservés et si la possibilité d'apports abusifs est évitée, il
subsiste une question délicate : faut-il admettre que tout apport en
nature d'une société anonyme à une autre, en échange d'actions, béné-
ficie d'un régime de sursis, ou convient-il de restreindre l'octroi de ce
régime aux cas où l'apport a une certaine importance qualitative ou
quantitative? Dans le cadre des fusions et absorptions, nous avons
conclu que, sauf exception, la nature des activités et des actifs des
sociétés participant à la concentration ne devait pas être prise en consi-
dération et que l'absorption d'une holding ou d'une société de brevets,
par exemple, pouvait être effectuée sans imposition immédiate. Mais il
n'en découle pas que la même solution s'impose en matière de pseudo-
fusions et d'apports partiels, de sorte qu'un apport de participation ou
d'actifs isolés bénéficie d'un sursis. Compte tenu du fait que l'octroi
d'un régime spécial, ainsi qu'on l'a noté, exige un recours au concept
d'une favorisation modérée des concentrations, il paraît normal, au
contraire, de soumettre l'application d'un tel régime à la condition que
l'opération envisagée ait effectivement le caractère d'une concentration.
Afin de rapprocher le plus possible le régime des fusions et celui des
pseudo-fusions, ce caractère pourrait, toutefois, être présumé lorsqu'une
société fait apport de l'ensemble de son patrimoine, quelle qu'en soit la
nature ou la composition, l'exigence d'une concentration véritable étant
ainsi restreinte aux seuls apports partiels.
Si l'on accepte ce point de vue, il reste à trouver une définition de
l'apport privilégié. Une première possibilité, peu restrictive, est d'exiger
que l'apport constitue un établissement stable au sens de la loi fiscale.
Une seconde possibilité consiste à limiter l'octroi du sursis à l'apport
d'une véritable succursale. Une solution intermédiaire, notamment choisie
par la Commission du Marché commun, dans son projet de directive sur
les fusions internationales, évite l'exigence de l'indépendance adminis-
trative d'une succursale, en admettant le transfert privilégié d'une
«branche d'activité», définie comme « l'ensemble des éléments investis
dans une division de société qui constituent au point de vue technique
une exploitation autonome, c'est-à-dire un ensemble capable de fonc-
tionner par ses propres moyens» 2s. Cette définition est probablement

2a Proposition de directive du Conseil concernant le régime fiscal commun


applicable aux fusions, scissions et apports d'actifs intervenant entre sociétés
d'Etats membres différents, art. 2, ch. 1, 6' tiret; j.O.C.E., 22 mars 1969,
pp. 1 et ss.
34 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

la plus satisfaisante, bien qu'eHe présente le « défaut» (au point de vue


de la sécurité du droit) d'être originale, et, par conséquent, de ne pas
avoir fait l'objet - contrairement à !' « établissement stable » ou la
« succursale», d'interprétations jurisprudentielles préalables. Par ail-
leurs, H serait heureux, à notre avis, que le régime d'exonération soit
également accordé à l'apport de la totalité (ou de la quasi-totalité) du
capital-actions d'une autre société, c'est-à-dire à l'apport indirect d'un
patrimoine complet 21.

C. CONCLUSIONS.

Le plus important des problèmes fiscaux posés par une concentration,


celui des plus-values de la société reprise, est résolu par le maintien
au sein de la société reprenante des valeurs comptables du patrimoine
apporté.
Seul système qui puisse se justifier de lege lata (en l'absence de dis-
positions spéciales), le sursis à l'imposition constitue la manière la plus
naturelle de traiter les réserves cachées des sociétés dissoutes, éven-
tuellement liquidées, lors d'une opération de fusion, d'absorption, ou
de scission. Ce système est fondé sur le fait que ces concentrations n'en-
traînent pas, ou ne devraient pas entraîner, une « liquidation fiscale »
des sociétés reprises et qu'à défaut d'un véritable échange, les plus-
values de ces sociétés ne sont pas réalisées. Le régime du sursis n'im-
pliquant pas de favorisation des concentrations, il n'appartient pas au
fisc - ni à quelque autre autorité ou administration étatique - de
juger si telle ou telle fusion est utile à l'économie du pays. Les seules
« mauvaises » fusions sont celles qui mettent en danger les droits du
fisc à l'imposition de bénéfices qu'il aurait pu taxer un jour, si la con-
centration n'avait pas eu lieu, soit pour un motif de technique fiscale
(ainsi dans le cas d'une scission résultant dans la création d'une holding),
soit parce que la fusion n'était qu'un moyen, parfaitement abusif, et
fiscalement avantageux, d'atteindre un certain but économique. A cet
égard, la compensation des bénéfices et des pertes reportées des sociétés
qui s'unissent présente un caractère particulier. Cette compensation peut
effectivement priver le fisc d'une imposition qui lui paraissait assurée.
En revanche, elle est une conséquence logique de la substitution fiscale
qui accompagne une fusion et devrait être admise, pensons-nous, à moins,
cela va de soi, que la concentration n'ait précisément pour seul but d'en
prendre avantage.

24 C'est, en particulier, la solution du droit allemand. Voir ci-dessous,


Deuxième Partie, Chapitre 1, litt. B, ch. 3, litt. a, litt. aa, ch. 3), pp. 99 et ss.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES 35
En cas de pseudo-fusion, pseudo-scission, ou apport partiel, le pro-
blème des plus-values est moins aisément résolu. Le régime du sursis
n'est pas, à première vue, une solution naturelle, et il ne le devient que
par une application, à l'avantage du contribuable, de la théorie de la
réalité économique : une opération qui a les caractéristiques d'une con-
centration devrait être traitée comme telle, même si elle ne se différencie
formellement pas d'un simple apport en nature. Il en résulte naturel-
lement que seules les opérations qui ont effectivement les caractéristiques
économiques d'une concentration bénéficieront du sursis, et il faut ad-
mettre qu'un apport partiel ne répond pas à cette condition, à moins qu'il
ne représente une branche d'activité ou, indirectement, un patrimoine
complet. Par ailleurs, si l'on adopte un système de sursis conformément
auquel les actions émises par la société reprenante peuvent être compta-
bilisées à leur valeur vénale, la société faisant l'apport doit être soumise
à l'obligation de conserver ces actions pendant une durée raisonnable.
CHAPITRE III

L'IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES

A. IMPÔTS DIRECTS.

1. Fusion et scission.

a) Primes et pertes de fusion.


La valeur vénale des actions nouvelles émises par la société repre-
nante et distribuées aux actionnaires de la société reprise est, en principe,
égale à la valeur vénale du patrimoine apporté. En revanche, il est rare
que ce patrimoine soit inscrit au bilan de la société reprenante pour une
somme égale à la valeur nominale des nouvelles actions. Le traitement
fiscal du montant égalisateur qui apparaîtra alors dans les comptes de
la société reprenante soulève un certain nombre de problèmes délicats.

aa) Les actions des deux sociétés ont la même valeur.


Il peut arriver, c'est le cas le plus simple, qu'au moment où la con-
centration (par hypothèse une absorption) est effectuée, les actions des
deux sociétés aient, en supposant des valeurs nominales égales, la même
valeur vénale. En d'autres mots, que le patrimoine de ces sociétés, pro-
portionnellement à leur capital social, soit d'un montant équiva'ient.
Lorsque cette condition est réalisée, la société absorbante augmente son
capital d'un montant correspondant au capital de la société absorbée.
1) Patrimoine repris à valeur vénale. Si la société reprise ne béné-
ficie pas du sursis à l'imposition, la société absorbante comptabilise le
patrimoine reçu à sa valeur vénale. Dès lors, et sauf au cas peu vrai-
semblable où la société absorbée n'aurait ni réserve ouverte, ni réserve
cachée, le montant nominal des nouvelles actions émises par la société
reprenante ne correspondra pas à la valeur vénale du patrimoine apporté.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES 37

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 300.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve (valeur réelle : 100.000 Passifs
300.000) 50.000 Passifs 600.000)

Si la société B absorbe la société A, le bilan après fusion de la


société B se présente de la manière suivante.

Société BA

Actifs 600.000 300.000 Capital


(valeur réelle : 150.000 Réserve
900.000) 150.000 Passifs

La société B, qui a bénéficié d'un apport de 250.000 et n'a remis


que 100.000 d'actions en échange, a réalisé apparemment un profit de
150.000. En fait, il est bien évident que, compte tenu des réserves des
deux sociétés, les actions émises valent 250.000 (comme les anciennes
actions A). La différence entre la valeur vénale et la valeur nominale
de ces titres (différence égale au montant des réserves de la société A)
constitue un agio, une prime d'émission, ou, plus précisément, une
« prime de fusion ».
L'imposition des primes d'émission, prévue par certaines lois d'im-
pôts 2 5, est en réalité un non-sens, puisque la société qui bénéficie de
l'apport fait une contreprestation d'un montant équivalent aux action-
naires de la société reprise et ne réalise qu'un profit purement comptable.
Mais comment peut-on, lorsque la loi prévoit l'imposition de l'agio, jus-
tifier son exonération en cas de fusion, qu'il s'agisse d'interpréter cette
loi, ou d'y introduire des dispositions particulières relatives aux con-
centrations ? Quel argument peut-on ajouter à ceux qui, soulignant
l'illogisme fondamental sinon l'arbitraire, de la taxation des primes
d'émission, n'ont pourtant pas convaincu le législateur ? Si certains
auteurs estiment que l'imposition de la prime de fusion viole le principe
de la neutralité fiscale 26, nous pensons, au contraire, que c'est son

25 Voir ci-dessous, Troisième Partie, Chapitre 1, Section II, litt. B, ch. 2,


pp. 186 et SS.
26 E. Kanzig, Unternehmungs-Konzentrationen, p. 43; Verlag Stampfli & Cie
A.G., Bern 1971.
38 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

exonération, difficilement concevable sans un recours au concept d'une


favorisation modérée des concentrations, qui, de lege Lata, violerait ce
principe. Quant à l'argument selon lequel la société reprise n'est pas
liquidée, et, par conséquent, l'apport en nature reçu par la société absor-
bante ne provient pas des actionnaires, mais de la société reprise, elle-
même, il n'est nullement déterminant : la société reprenante n'en émet
pas moins des titres d'une valeur nominale inférieure à la valeur de
l'apport 21.

2) Patrimoine repris à valeur comptable. Au cas où la société reprise


bénéficie du régime de sursis examiné dans le chapitre qui précède, la
société absorbante comptabilise (elle en a l'obligation) le patrimoine reçu
à sa valeur comptable.

Société BA

Actifs 500.000 300.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve
900.000) 150.000 Passifs

Dans cette hypothèse, seules les réserves ouvertes de la société re-


prise sont comptabilisées comme agio. Les réserves cachées ne sont ni
comptabilisées, ni, surtout, réalisées et, dès lors, ne sauraient être im-
posées, pas plus au niveau de la société reprenante (chez qui elles
constituent un « agio caché ») qu'au niveau de la société reprise. Il nous
paraît, en effet, évident que si l'interprétation de la loi en vigueur conduit
à admettre (du point de vue de la société absorbée) ou à exiger (du
point de vue de la société absorbante) le maintien des valeurs comptables
du patrimoine de fusion, ce sont ces valeurs aussi qui doivent être prises
en considération pour calculer le montant de l'agio (éventuellement)
imposable 28,
De lege ferenda, l'imposition des réserves ouvertes, à titre de prime
d'émission, doit être évitée, afin de créer un système cohérent. Mais, ici
encore, on voit mal ce qui justifierait une exonération accordée sur la
base d'une loi prévoyant ou permettant la taxation de l'agio, et ne
contenant aucune disposition particulière applicable aux fusions. On
notera, cependant, que, dans l'exemple choisi, il suffirait de changer le

21 Voir Gutachten II, pp. 109 et 110.


28 Contra(?), E. Fleischli, op. cit., p. 203.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES 39
sens de la concentration (la société A absorbant la société B) pour que
toute prime d'émission disparaisse : la société B n'a, en effet, aucune
réserve ouverte.

ab) Les actions des deux sociétés n'ont pas la même valeur.
Plus fréquemment, Ie montant des réserves des deux sociétés, pro-
portionnellement à leur capital, n'est pas équivalent ; dès lors, si l'on
veut maintenir les actionnaires de chacune des sociétés sur un pied
d'égalité, le montant de l'augmentation de capital effectuée par la
société reprenante ne correspond pas au montant du capital de la société
reprise.
Sans doute, est-il souvent possible d'assurer l'équivalence des ré-
serves par une opération préliminaire. Lorsque la société dont les actions
ont la valeur vénale la plus haute a des réserves ouvertes, elle peut,
préalablement à la fusion, transformer ces réserves (ou une partie d'entre
elles) en capital, et, distribuant des actions gratuites à ses actionnaires,
rétablir la parité entre les titres des deux sociétés.
L'exemple qui suit reprend les chiffres du précédent, mais la valeur
vénale du patrimoine de la société A a été estimée à 425.000, au lieu de
300.000.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 300.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve (valeur réelle : 100.000 Passifs
425.000) 50.000 Passifs 600.000)

La société A, qui a 275.000 de réserves pour un capital de 100.000


(alors que la société B n'en a que 300.000 pour un capital de 200.000),
peut augmenter son capital de 50.000 par incorporation des réserves
ouvertes:

Société AB

Actifs 200.000 150.000 Capital


(valeur réelle :
425.000) 50.000 Passifs

L'équivalence des réserves des deux sociétés, proportionnellement à


leur capital, est ainsi assurée, et, en cas d'absorption d'une société par
4
40 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

l'autre, le montant de l'augmentation de capital de la société absorbante


correspondra au montant du capital de la société absorbée.
Cette opération préliminaire, cependant, n'a guère de sens, si c'est
la société destinée à être reprise qui augmente son capital et provoque
ainsi l'assujettissement au droit de timbre ou d'apport d'actions dont
l'annulation doit intervenir peu après. Par ailleurs, si la société dont
les actions ont la valeur vénale la plus haute ne dispose pas de réserves
ouvertes suffisantes, la parité préalable des titres ne peut être établie,
sinon par la comptabilisation, et, par conséquent, l'imposition de ré-
serves cachées.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 300.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve (valeur réelle : l 00.000 Passifs
300.000) 50.000 Passifs 350.000)

Dans cet exemple, qui reprend à nouveau les chiffres du premier


schéma (mais en fixant à 350.000 au lieu de 600.000 la valeur vénale
des actifs de la société B), l'incorporation des réserves ouvertes de la
société A à son capital ne suffit pas à établir la parité ; 11 faudrait encore
que cette société capitalise une partie de ses réserves cachées, à concur-
rence de 50.000 :

Société A

Actifs 250.000 200.000 Capital


(valeur réelle :
300.000) 50.000 Passifs

Si cette opération préliminaire n'est pas effectuée, l'absorption de


la société A par la société B, ou l'absorption en sens inverse, conduit
inévitablement, au moment de la fusion, à une augmentation ou à une
réduction du capital des deux sociétés.
Ainsi, et dans l'hypothèse où la société A bénéficie d'un ,sursi,s
(transfert à valeur comptable), le bilan de la société B se présente de la
manière suivante.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES 41

Société BA

Actifs 500.000 400.000 Capital


(valeur réelle :
650.000) 150.000 Passifs
«Perte,, 50.000

Les actionnaires de la société A reçoivent deux actions B pour chaque


action A, et la société B, qui a capitalisé la réserve ouverte de A, paraît
avoir encore subi une perte de 50.000.
Si, au contraire, c'est la société A qui absorbe la société B, les
actionnaires de cette dernière ne reçoivent qu'une action A pour deux
actions B, et la société A réalise un « bénéfice » de 100.000.

Société AB

Actifs 500.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve
650.000) 150.000 Passifs
100.000 «Bénéfice»

Ce montant de 100.000 constitue-t-il un agio? C'est difficilement


contestable puisqu'il correspond à la différence entre la valeur comptable
(200.000) du patrimoine apporté et la valeur nominale (100.000) des
nouvelles actions. Sans doute, cet agio n'est-il pas, comme dans l'exemple
examiné sous litt. aa ch. 2), ci-dessus, égal au montant des réserves ou-
vertes de la société reprise. Mais, en réalité, on doit considérer que la
société B a réduit son capital de 100.000 et ainsi créé une réserve ou-
verte, qu'elle a transférée à la société A. Par suite de cette opération
(qui est le contraire d'une distribution d'actions gratuites), et à l'issue
de la fusion, les anciens actionnaires de la société B détiennent des ac-
tions dont la valeur vénale est équivalente à celle des titres annulés,
mais dont la valeur nominaie a été réduite de 100.000 29 • Le montant
potentiel du dividende de liquidation soumis à l'impôt à la saur.ce se
trouve ainsi augmenté d'une somme correspondante so.

29 Voir ci-dessous, Chapitre IV, litt. B, ch. 2, pp. 57 et ss., concernant


l'imposition des actionnaires.
so Voir, à ce sujet, Troisième Partie, Chapitre l, Section Il, litt. A, ch. l,
litt. c, pp. 170 et SS.
42 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

En cas d'absorption de la société A par la société B (voir l'avant-


dernier bilan), le montant égalisateur de 50.000 pose un problème em-
barrassant.
Sur le plan du droit des sociétés, l'existence d'un « disagio » permet
de prétendre que les nouvelles actions ne sont pas complètement libérées.
C'est l'opinion de la doctrine suisse 31 , à notre avis indûment formaliste.
En effet, le disagio est purement comptable, puisque la valeur vénale du
patrimoine apporté, telle qu'elle a été estimée par les deux sociétés, est
supérieure (de 50.000 dans notre exemple) à la valeur nominale des nou-
velles actions 32 ; le capital est effectivement libéré, mais au moyen de
réserves cachées, et les créanciers de la société ne seraient pas mieux
protégés si une partie de ces réserves étaient transformées en réserves
ouvertes, grâce à une réévaluation de certains actifs : cette conception
est notamment celle du droit allemand, qui admet expressément l'inscrip-
tion d'un disagio au bilan commercial de la société reprenante 33.
Sur le plan du droit fiscal, il paraît normal que la perte de fusion,
compensée par un agio latent, ne puisse être déduite des bénéfices de
la société absorbante. Cette perte comptable doit être « neutralisée »,
c'est-à-dire assimilée à une perte reportée dont la déduction n'est plus
admise fiscalement. Une autre solution, qui est celle du droit allemand,
consiste à activer le disagio et à en permettre l'amortissement, échelonné
sur plusieurs exercices a4.
L'émission par la société absorbante d'actions dont la valeur nominale
excède la valeur nominale des actions de la société absorbée, correspond
à l'émission d'actions gratuites. Ainsi, en cas d'absorption de la $Ociété A
par la société B, le montant du dividende de liquidation dont l'imposition
à la source 35 était potentiellement assurée au fisc se trouve réduit de
100.000 ; il est donc logique que ce dernier procède à une imposition
immédiate, à concurrence du montant de cette réduction.

31 E. Fleischli, op. cil., p. 30 (citant Siegwart). Voir, aussi, Gutachten Il,


pp. 60 et 61.
32 Un disagio réel n'est concevable que si la valeur nominale des actions des
deux sociétés est inférieure à leur valeur vénale, et si la société reprenante a
des pertes d'un montant proportionnellement supérieur au montant des pertes
de la société reprise.
33 Aktiengesetz, art. 348.
34 Ibid. La perte de fusion est amortie en cinq ans.
35 Voir ci-dessous, Chapitre IV, litt. B, ch. 2, pp. 57 et ss., concernant
l'imposition des actionnaires.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES 43

b) Compensation des primes et pertes de fusion avec des pertes et


bénéftees d'exploitation.
1) Ainsi qu'on l'a noté, le disagio qui s'inscrit parfois au bilan de
la société reprenante correspond à une perte purement comptable ; il est
donc exclu qu'il puisse diminuer le montant des bénéfices non encore
taxés des sociétés reprise et reprenante au moment de la fusion, ou de
ceux que la société reprenante réalisera à l'avenir.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 325.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Passifs (valeur réelle : 100.000 Passifs
300.000) 50.000 Bénéfice 350.000) 25.000 Bénéfice

En cas d'absorption de la société A par ia société B, la perte de


fusion s'élève à 100.000. Si le bénéfice d'exploitation de la société A est
imposé au moment de l'absorption, c'est en fait une réserve ouverte qui
est transférée à la société B, puis capitalisée, et la perte est réduite à
50.000.

Société BA

Actifs 525.000 400.000 Capital


(valeur réelle : 150.000 Passifs
650.000)
«Perte» 50.000 25.000 Bénéfice

En revanchr., si le bénéfice de la société A doit être ajouté à celui


de la société B, avec lequel il sera imposé ultérieurement, la perte de
fusion ne peut compenser le bénéfice de l'une ou l'autre des deux sociétés.

Société BA

Actifs 525.000 400.000 Capital


(valeur réelle : 150.000 Passifs
650.000)
«Perte» 100.000 75.000 Bénéfice
44 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

2) Inversement, une prime de fusion, si l'on admet qu'elle n'est pas


imposable, ne doit pas réduire le montant des pertes d'exploitation des
!\Ociétés fusionnantes.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 200.000 100.000 Capital


(valeur réelle : (valeur réelle :
400.000) 150.000 Passifs 225.000) 100.000 Passifs
Perte 50.000

En cas d'absorption de la société B par la société A, la perte de


50.000, dans l'hypothèse où elle est encore déductible, conformément à
la loi en vigueur, n'est pas effacée par la prime de fusion du même
montant.

Société AB

Actifs 400.000 150.000 Capital


(valeur réelle :
625.000) 250.000 Passifs
Perte 50.000 50.000 Prime de fus ion

c) Report et compensation des pertes et bénéfices d'exploitation.


li convient également de déterminer (i) si le bénéfice d'exploitation de
la société reprise au moment de la fusion peut être compensé par une
perte (de l'exercice ou reportée) de la société bénéficiaire, et (ii) si la
perte d'exploitation de la société reprise, ou ses pertes reportées, au
moment de la fusion, peuvent être reprises par la société bénéficiaire
et être utilisées pour diminuer ses bénéfices courants ou futurs.
Imaginons, par exemple, qu'en date du 30 juin 1973, jour de la
concentration, le bilan des sociétés A et B se présente de la manière
suivante.

Société A Société B

Actifs 100.000 100.000 Capital Actifs 200.000 100.000 Capital


(valeur réelle : (valeur réelle : 50.000 Passifs
300.000) 50.000 Passifs 300.000)
Perte 50.000 50.000 Bénéfice
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES 45

1) Reprise de la société B par la société A. Si l'impôt 1973 est dû


sur la base des résultats 1972, la société B (ou pour elle la société A)
paiera cet impôt prorata temporis, tandis que le bénéfice de 50.000 sera
inclus dans les résultats 1973 (valables pour l'impôt 1974) de la so-
ciété AB. C'est dire que ce bénéfice pourra être réduit du montant de
la perte existant chez la société A au moment de la fusion ou de pertes
ultérieures.
Si l'impôt 1973 est calculé sur la base des résultats 1973, deux
possibilités sont ouvertes. La première consiste à imposer la société B
prorata temporis sur la base d'un bénéfice de 50.000. C'est donc une
réserve déjà imposée qui est transférée à la société A, dont la perte de
50.000 ne pourra compenser que des bénéfices réalisés par la société AB
après le 30 juin 1973. La seconde possibilité consiste à imposer la so-
ciété AB sur la base des résultats consolidés des deux sociétés au
cours de 1973 ; le bénéfice de 50.000 de la société B pourra alors être
compensé par la perte de 50.000 de la société A (ou par une perte encourue
par la société AB après le 30 juin 1973.
2) Reprise de la société A par la société B. Si l'impôt 1973 est dû
sur la base des résultats 1972, la société A paiera cet impôt prorata
temporis. Mais la perte de 50.000, reportée ou encourue dans les six
premiers mois de 1973, pourra-t-elle servir à compenser les bénéfices
dE. la société B pendant cette même période (ou ceux de la société BA
pendant les six derniers mois de l'année) pour le calcul de l'impôt 1974?
A notre avis, cette compensation devrait être admise, de manière à ce
que l'absorption de la société A par la société B ne soit pas moins
avantageuse que l'absorption de la société B par la société A. Tout au
plus, dans les deux hypothèses, pourrait-on dénier la compensation si
la perte de 50.000 est une perte reportée et si l'opération de concentration
a pour objet principal ou exclusif de bénéficier du report.
Si l'impôt 1973 est calculé sur la base des résultats 1973, il faut,
à nouveau, examiner deux éventualités. Dans la première, la société A
est imposée prorata temporis : étant donné qu'elle subit une perte pendant
la période en cause, aucun impôt n'est dû. Mais cette perte pourra-t-elle
servir à compenser le bénéfice de la société B pendant la même période
ou celui de la société BA après le 30 juin 1973? Si l'on veut éviter
d'influencer le sens de la fusion, cette compensation devrait être admise,
dans la mesure où le bénéfice de la société BA en 1973 est supérieur
à 50.000.
Dans la seconde éventualité (imposition sur la base des résultats
consolidés des deux sociétés avant et après leur réunion), il ne fait aucun
doute que la perte de la société A peut être utilisée et reportée. Ici encore,
46 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

une réserve pourrait être faite, quel que soit le sens de la fusion, si cette
dernière était effectuée dans le but de bénéficier de la compensation
des pertes et bénéfices des deux sociétés.
En pratique, la reprise des pertes de la société absorbée n'est géné-
ralement pas accordée 3 6. La raison n'en est pas tant que le législateur,
ou le fisc, mette davantage l'accent sur l'aspect juridique des fusions
(la dissolution des sociétés reprises) que sur leur caractère économique
(la réunion des sociétés reprises et reprenantes) ; c'est plutôt qu'il crai-
gne, s'il adoptait une autre solution, que des sociétés n'absorbent sys-
tématiquement des entreprises en pertes, afin de profiter de celles-ci.
Ainsi que nous l'avons noté, ce problème pourrait trouver une solution
de compromis, selon laquelle le report des pertes ne serait refusé que si
la concentration avait pour but exclusif ou principal d'en prendre
avantage.

2. Pseudo-fusion, pseudo-scission, apport partiel.

Au niveau des sociétés reprenantes, les problèmes que posent ces


opérations (caractérisées par le fait que les sociétés apporteuses demeu-
rent en existence) sont identiques à ceux qui viennent d'être examinés,
en relation aVêc les fusions et les scissions. On se référera par consé-
quent au ch. 1 ci-dessus.

B. IMPÔTS INDIRECTS.

Les fusions et les autres opérations de concentration dont i'I est ici
question entraînent, d'une part, une augmentation du capital de la société
bénéficiaire, et, d'autre part, un transfert d'actifs et de passifs d'une
société à une autre. L'émission d'actions nouvelles est généralement
soumise à des droits de timbre, d'apport, ou d'enregistrement. De leur
côté, les transferts de patrimoine donnent fréquemment lieu à la percep-
tion de diverses contributions, telles que taxes sur la valeur ajoutée, droits
de mutation ou d'enregistrement immobilier, impôts sur les reprises de
passif, etc.
Ces droits et impôts peuvent constituer une charge onéreuse et con-
tribuer à rendre prohibitif le coût d'une fusion. De lege Lata, et en
!'absence de dispositions particulières, les opérations de concentration
bénéficient rarement d'un régime de faveur. Les arguments économiques

36 La loi française l'admet, sous réserve de l'agrément du Ministre de


!'Economie et des Finances.
IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES 47

ou de technique fiscale qui justifient certains privilèges en matière d'im-


pôts directs n'ont, le plus souvent, aucun effet en matière de contri-
butions indirectes. Les lois qui les prévoient ne s'attachent qu'à l'aspect
formel des transactions imposables, sans égard à leurs motifs ou à leurs
caractéristiques économiques. De lege ferenda, et dans l'optique d'une
favorisation modérée des fusions, l'octroi d'un régime spécial s'impose,
nous semble-t-il, déjà aux fins de réaliser une certaine harmonisation du
traitement fiscal des concentrations : il n'est pas logique, en effet, qu'une
opération exonérée d'impôts directs soit contrecarrée, sinon rendue im-
possible, par la fiscalité indirecte.

1. Droits d'apport.

En cas de fusion, d'absorption, ou de scission, les actions annulées


de la société reprise, dissoute ou liquidée, sont remplacées par les titres,
d'une valeur équivalente, émis par la société reprenante. D'un point de
vue économique, par conséquent, les nouvelles actions sont de simples
documents de rEmplacement, et on peut aisément admettre que les droits
prélevés lors de la fondation de la société reprise, ou lors d'une éven-
tuelle augmentation de son capital social, ne soient pas à nouveau perçus
lorsque cette société transfère son patrimoine à la société reprenante.
Un régime d'exonération complète, fondé sur la réalité économique,
aurait l'avantage, par rapport à un régime (plus fréquent en pratique)
de réduction des droits, de placer les fusions par création d'une société
nouvelle et les absorptions sur un pied d'égalité. En effet, lorsqu'un droit
d'apport est prélevé, au taux normal ou à un taux réduit, deux sociétés
de taille sensiblement égale qui désirent s'unir sont pratiquement obli-
gées de recourir à une absorption, entraînant le transfert d'un seul
patrimoine, plutôt qu'à une fusion au sens strict, mieux adaptée aux
intentions des parties, mais deux fois plus coûteuse.
En revanche, une exonération complète serait peut-être critiquable,
car elle octroierait un véritable privilège, lorsque l'augmentation de
capital de la société reprenante serait (pour les raisons mentionnées dans
les pages qui précèdent) d'un montant supérieur à celui du capital nominal
de la société dissoute. Cette objection peut amener à proposer un régime
alternatif, conformément auquel le droit d'apport serait dû, mais sous
déduction des droits précédemment payés par les sociétés reprises. Il
faut, toutefois, noter que ce système d'imputation n'offrirait souvent
qu'un allègement minime : le droit d'apport étant généralement calculé
sur la valeur vénale du patrimoine apporté, ou sur la valeur vénale -
et non la valeur nominale - des nouvelles actions, il frappe l'ensemble
des réserves (ouvertes et cachées) constituées par la société reprise au
48 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

cours de son existence, alors que le montant imputable serait limité aux
droits payés sur le capital nominal de cette société, au moment de sa
tondation. Il nous semble, dès lors, que le principe d'exonération est
plus satisfaisant, mais qu'il serait juste de le tempérer par l'assujettis-
sement au droit d'apport des éventuelles actions gratuites distribuées
aux actionnaires de la société reprise, puisque de telles actions, qui im-
pliquent une capitalisation de réserves, ne constituent indubitablement
pas des titres de remplacement.
En cas de pseudo-fusion ou d'apport partiel, un régime d'exonéra-
tion est à la fois plus facile et plus difficile à justifier. Etant donné que la
société apporteuse demeure en existence, et que ses actions ne sont pas
annulées, on ne saurait prétendre que ces dernières sont remplacées par
1es actions nouvelles émises par la société reprenante. Mais si le capital
de la société reprise n'est pas « transféré » à la société bénéficiaire, ou
« reconstitué » en son sein, il est, en quelque sorte, « dédoublé » : les
actions de la société reprise et les actions nouvelles de la société repre-
nante représentent, directement dans un cas, indirectement dans l'autre,
le même patrimoine ; il n'est donc pas injustifié d'admettre que l'apport,
dans la mesure où il a les caractéristiques d'une concentration, et non
d'une vente s1, bénéficiât d'une exonération similaire à celle qui, par
hypothèse, serait accordée aux fusions et aux absorptions.

2. Autres impôts sur les transactions.

En pratique, les plus importants, c'est-à-dire les plus coûteux, sont


les droits de mutation immobilière. Certains Etats - notamment I' Alle-
magne - en réduisent le taux lors d'une fusion, mais, d'une manière
générale, les concentrations ne bénéficient pas d'un régime privilégié.
C'est, ici encore, l'aspect formel de l'opération qui prime : lorsqu'un
immeuble change de propriétaire, il y a mutation, et assujettissement
au droit.
Les impôts de mutation, comme les droits d'apport, pénalisent les
fusions au sens strict (pàr création d'une société nouvelle), par rapport
aux absorptions, du moins si chacune des sociétés possède des immeubles,
ou, dans le cas contraire, déterminent le sens de la concentration. Il n'est
pas exclu, même, que ces droits, dont le taux dépasse parfois IO% de
la valeur vénale des biens transférés, suffisent à faire échouer un projet
de réunion.

a1 Voir ci-dessus, Chapitre II, litt. B, pp. 27 et ss.


IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES 49

Le fait que le prélèvement des droits sur les transactions provoque


des distorsions, qu'il influence la forme et le sens des fusions, milite
en faveur d'une exonération ou d'une réduction substantielle de ces droits.
En plus, ainsi qu'on l'a déjà souligné, il serait illogique de favoriser les
concentrations en matière d'impôts directs, mais de les pénaliser en
matière d'impôts indirects, en refusant de prendre en considération leurs
caractéristiques économiques 38,

C. CONCLUSIONS.

Au niveau des sociétés reprenantes, le principal problème posé par


les opérations de concentration qui font l'objet de cette étude est celui
des primes et pertes de fusion, correspondant au montant de la diffé-
rence entre l'augmentation de capital de la société recevant l'apport
et la valeur nette de cet apport.
S'il est bien clair que la reprise du patrimoine de ·la société absorbée
à sa valeur comptable, conformément au système du sursi s, réduit le 1

montant de l'agio comptabilisé par la société reprenante, il est rare


qu'elle l'élimine complètement : en premier lieu, parce que la société
reprise transfère ses réserves ouvertes à la société bénéficiaire ; en
second lieu, parce que, si l'on veut que les actionnaires des deux sociétés
ne soient avantagés ni désavantagés par la fusion, l'augmentation de
capital de la société absorbante ne coïncide pas nécessairement avec le
montant du capital (annulé) de la société reprise.
Bien que certains - dont le Tribunal fédéral suisse- tentent encore
de justifier le principe d'imposition de l'agio, Hs défendent de toute
évidence, c'est l'avis de la doctrine dominante, une cause perdue : l'agio,
y compris l'agio de fusion, n'est manifestement pas un revenu, sinon,
peut-être, dans le cas (anormal et exceptionnel) où les actions remises
aux actionnaires de la société reprise ont une valeur vénale inférieure
à la valeur vénale de l'apport. Il serait donc fort souhaitable que les lois
iiscales renoncent à prévoir l'imposition des primes d'émission, quelles
qu'elles soient, et nécessaire, dans l'optique d'une favorisation modérée
des concentrations, et afin de créer un régime cohérent, qu'elles exonèrent
en tout cas les primes de fusion.

38 C'est d'autant plus vrai qu'il n'est pas rare que les droits d'enregistrement
immobilier frappent des transactions (tels les transferts d'actions de sociétés
immobilières) qui, formellement, n'entraînent aucune mutation : si le principe
de la réalité économique est appliqué au détriment des contribuables, il pourrait
l'être aussi, dans certains cas déterminés, à leur profit.
50 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

Le disagio pose un problème marginal, mais intéressant. Cette prime


négative est engendrée par le fait que - par suite de la reprise du patri-
moine de la société absorbée à sa valeur comptable - les nouvelles
actions émises par la société reprenante sont libérées au moyen de
réserves cachées. Dans la mesure où le droit des sociétés n'interdit pas,
et, à notre avis, il ne devrait pas interdire, une libération qui, pour être
latente, n'en est pas moins réelle, le disagio doit être assimilé à une perte
qui n'est fiscalement plus déductible (inversement, l'agio, qui n'est pas
un bénéfice, ne saurait réduire le montant des pertes d'exploitation de
l'une ou l'autre des sociétés fusionnantes).
La société absorbante doit-elle être autorisée à utiliser les pertes
d'exploitation de la société reprise pour diminuer ses propres bénéfices,
ou à déduire des bénéfices de la société reprise - dont elle assume
généralement les obligations fiscales - ses propres pertes d'exploi-
tation ? Une réponse affirmative à cette question est certainement dans
la logique du système du sursis et des arguments sur lesquels il est fondé.
Le fait que la possibilité de compenser les pertes et bénéfices des sociétés
participant à une concentration puisse conduire à des abus (que l'ap-
plication des principes généraux du droit fiscal permet de réprimer)
n'est pas, pensons-nous, un juste motif d'adopter une position contraire.
Les impôts indirects, particulièrement les droits d'apport et de muta-
tion, constituent un obstacle d'importance secondaire, mais néanmoins
notable, sur la voie des concentrations. II existe de bons arguments, de
lege ferenda en tout cas, pour exclure le prélèvement de ces droits lors
d'une fusion : celui de l'harmonisation souhaitable des fiscalités directe
et indirecte, celui du traitement égal des fusions au sens strict et des
absorptions, celui, enfin, de la réalité économique des concentrations.
Sans doute, peut-on leur opposer, notamment au dernier, le caractère
traditionnellement formaliste des contributions indirectes ; mais - sans
d'ailleurs vouloir nier qu'une exonération soit fondée sur certains préjugés
ou arguments commerciaux et politiques - le caractère formaliste des
droits d'apport et de mutation ne correspond pas à un dogme inébran-
lable : bien au contraire, il nous paraît être un principe assez peu
équitable.
CHAPITRE IV

L'IMPOSITION DES ACTIONNAIRES

A. GÉNÉRALITÉS.

Les actionnaires de la société reprenante, en règle générale, ne sont


pas fiscalement touchés par une opération de concentration. Cette règle
connaît, cependant, un certain nombre d'exceptions. La plus importante
intervient lorsque leur société, ayant des réserves d'un montant propor-
tionnellement plus élevé que celui des réserves de la société reprise,
rétablit la parité des titres par une augmentation préliminaire de capital
et la distribution d'actions gratuites, ou, plus rarement, par la distri-
bution d'une « soulte » en espèces ou en nature. Il peut aussi arriver,
lorsque l'actionnaire (ou l'un des actionnaires) de la société absorbante
est une personne morale, que la fusion lui fasse perdre sa qualité de
société mère, bénéficiant d'avantages fiscaux, en diminuant son pour-
centage du capital social.
Les actionllflires de la société reprise, dont les titres sont annulés,
reçoivent, en échange, des actions de la société reprenante.
La valeur vénale des anciens et des nouveaux titres est, en principe,
équivalente, mais il n'est pas rare qu'une légère différence soit compensée
par le versement d'une soulte. Dans l'hypothèse la plus simple, les actions
échangées ont, non seulement la même valeur vénale, mais encore la même
valeur nominale, soit parce que le hasard le voulait ainsi, soit, ce qui
est plus vraisemblable, parce qu'une opération préliminaire au niveau de
la société absorbante, plus riche en réserves, a établi une parité entre les
actions des deux sociétés. Dans d'autres cas, l'échange d'une action
contre deux, ou de deux actions contre trois, etc., permet de réaliser
l'équivalence des valeurs vénales, mais provoque une augmentation, par-
fois une réduction, de la valeur nominale totale des titres détenus par les
actionnaires de la société reprise.
Mais le fait que les actions échangées aient la même valeur vénale,
sinon la même valeur nominale, n'exclut pas automatiquement la réali-
sation d'un bénéfice imposable par les actionnaires de la société ab-
52 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

sorbée, Cette question essentielle est étroitement liée au traitement, et


aux motifs du traitement accordé à leur société.

a) Problème du dividende de liquidation.


Si l'on admet que la société reprise est fiscalement liquidée, on doit
admettre aussi que ses actionnaires bénéficient d'un dividende de liqui-
dation, constitué, selon la théorie choisie ou la procédure applicable,
par le patrimoine à transférer à la société reprenante ou par les actions
nouvelles émises par cette dernière. Le montant de la différence entre la
valeur vénale de la partie des actifs qui reviennent à un actionnaire et
le montant de la valeur nominale, ou, selon les cas, de la valeur comp-
table de ses actions, constitue alors, aux termes de nombreuses légis-
lations, un bénéfice ou un revenu imposable.
Si, au contraire, on dénie à une fusion tout caractère d'une liquida-
tion fiscale -- et c'est là la conception sur laquelle est fondé le régime
du sursis accordé aux sociétés reprises - on exclut en même temps
l'existence d'un dividende : le patrimoine de ces ·sociétés n'est pas dis-
tribué à leurs actionnaires, mais transféré directement aux sociétés
reprenantes. Par ailleurs, voudrait-on même admettre (notamment en
cas de liquidation juridique) que ce patrimoine transite chez les action-
naires, il n'en resterait pas moins que sa valeur comptable seule serait
prise en considération ; on ne pourrait, en effet, concevoir que les réserves
cachées de la société absorbée ne soient imposées (faute de comptabili-
sation et de réalisation) ni à titre de bénéfice de liquidation ni à titre
d'agio, au niveau des sociétés, mais qu'elles le soient à titre de dividende,
au niveau des actionnaires.
De lege lalù (et dans l'hypothèse où la loi ne contient aucune dis-
position applicable aux fusions), la solution est incertaine 39 , mais il est
en tout cas concevable de dénier l'existence d'une liquidation, et, par
conséquent, d'un dividende, sans recourir à une interprétation qui, teintée
de préjugés économiques ou politiques, violerait le principe de la neutra-
lité fiscale. De lege ferenda, nous avons déjà conclu que le sursis à
l'imposition constitue le régime le plus satisfaisant.

b) Problème du gain en capital.


Le caractère particulier des fusions, et, plus précisément, le fait que
la prestation d'une personne (la société reprise) à une autre (la société
reprenante) entraîne une contreprestation de cette autre personne à une
troisième (l'actionnaire de la société reprise), oblige à considérer ces

39 Voir ci-dessus, Chapitre II, litt. A, ch. 1, pp. 16 et ss.


IMPOSITION DES ACTIONNAIRES 53
opérations sous un autre angle : si l'actionnaire n'encaisse aucun divi-
dende, ne peut-on soutenir, en revanche, qu'il bénéficie d'une attribution
gratuite de la société absorbante, ou, peut-être, puisqu'il permet à cette
société les actions qu'il détenait jusqu'alors, en échange de nouveaux
titres, qu'il réalise un gain en capital, égal à la différence entre la valeur
vénale des nouvelles actions et la valeur d'acquisition (ou la valeur
comptable) des titres annulés?
La réponse à cette question ne découle pas sans autre de la solution
donnée au problème précédent. En effet, si les réserves de la société
reprise ne sont pas réalisées, elles n'en influencent pas moins la valeur
des actions émises par la société reprenante et distribuées aux action-
naires de la société reprise. D'autre part, le fait que ces actionnaires
soient parfois contraints à un échange qu'ils désapprouvent ne suffit
pas non plus, à lui seul, pour exclure la réalisation d'un gain en capital.
En principe, un échange de biens, et notamment d'actions, entraîne
effectivement la réalisation d'un tel gain, dans la mesure où la valeur
vénale du bien reçu dépasse la valeur de base (généralement la valeur
d'acquisition ou la valeur comptable) du bien aliéné. Il n'est fait excep-
tion à ce principe que si les biens échangés sont économiquement, sinon
formellement et juridiquement identiques. Ainsi, le remplacement de cer-
tificats d'actions, par suite de perte, ou l'échange effectué par un action-
naire ou un associé, dont la société change de forme juridique, ne devrait
avoir, et n'a généralement aucune conséquence fiscale.
Ces considérations, apparemment, dessinent le cadre du problème
à résoudre en matière de fusions 40 : l'identité existant entre les titres
annulés et les titres remis en échange permet-elle, et à quelles conditions,
de dénier la présence d'une réalisation ? Il est vite démontré que cette
identité est, au mieux, imparfaite et, au pire, illusoire.
- L'identité économique est naturellement incomplète, puisque les ac-
tionnaires n'ont plus qu'un droit restreint de participation au patri-
moine de leur ancienne société, englobé dans le patrimoine d'une
autre entreprise. Cette identité devient imperceptible si les deux
sociétés sont de taille complètement différente.
- L'identité formelle et juridique n'est parfaite que si les anciens et
nouveaux titres, d'une part, ont la même nature (ce qui n'est pas le
cas, par exemple, d'actions et de bons de jouissance), d'autre part,
sont d'un nombre et d'une valeur nominale égales (ce qui est rela-
tivement rare) et, enfin, accordent des droits sociaux équivalents (ce
qui est exclu).

40 Voir, à ce sujet, Gutachten II, pp. 131 et ss.


54 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

On peut certainement concevoir que la loi ou la jurisprudence défi-


nissent la notion de l' « identité minimum». Mais, dès le moment où l'on
exige une certaine équivalence du contenu économique des titres, et des
droits sociaux (notamment des droits de vote) qui leur sont attachés,
on condamne toutes les réunions de sociétés dont la taille n'est pas
approximativement la même : seule la « fusion-collaboration», entre
partenaires plus ou moins égaux, est alors admissible, ou, du moins,
exonérée. S'il est vrai que ce type de fusion est celui dont le caractère de
,~ vente » est le moins accentué, une distinction entre « bonnes » et « mau-
vaises » fusions fondée sur de tels criteriums, trop facilement arbitraires,
nous paraît malvenue 41.
De lege f erenda, la manière la plus simple de résoudre ce problème
est de l'esquiver : si Ies droits du fisc et le principe de l'égalité des contri-
buables devant la loi sont garantis et respectés, l'échange de titres
demeure sans conséquence fiscale. Ainsi, la remise d'obligations en lieu
d'actions provoquerait un assujettissement à l'impôt, non pas parce
qu'elle violerait l'exigence d'une identité minimum, mais parce qu'une
exonération au moment de la fusion priverait définitivement le fisc
d'une imposition à laquelle il aurait dû pouvoir procéder un jour. En
revanche, l'échange d'actions contre des bons de participation ou des
actions sans droit de vote n'entraînerait aucune réalisation, pas plus que
l'échange d'une participation majoritaire dans une petite entreprise
contre une participation minoritaire dans une grande société.
De lege Lata, il sera généralement beaucoup plus difficile, si l'on est
confronté au problème de la « réalisation », d'esquiver une définition, et,
vraisemblablement, une définition assez restrictive de l'identité minimum.
Pourtant, la thèse consistant à faire dépendre la réalisation d'un gain
en capital de l'existence ou de l'inexistence d'une certaine identité entre
les biens échangés n'est pas totalement convaincante. Cette thèse, en
effet, perd de vue Je fait qu'il manque à l'échange consécutif à une
fusion, précisément le caractère d'un véritable échange : ce terme im-
plique indubitablement qu'au moment où a lieu le tranfert des biens
qui en sont l'objet, ceux-ci aient tous deux une certaine valeur. Or, en
cas de fusion, les actions de la société reprise n'ont plus, au moment
où elles sont remises à la société reprenante, pour annulation, aucune
valeur quelconque. Les actions nouvelles ne sont pas réellement échan-
gées contre les anciens titres : elles les remplacent, et, en ce sens, elles
sont essentiellement et nécessairement identiques - comme le sont des
certificats perdus ou détruits et les actions émises en leur lieu. Ce « rem-

41 Voir Chapitre II, litt. A, ch. 1 in fine, p. 19.


IMPOSITION DES ACTIONNAIRES 55
ploi » instantané et obligatoire 42 nous paraît justifier une interprétation
des lois en vigueur qui dénie la réalisation d'un bénéfice imposable.
Quoi qu'il en soit, et comme en matière d'imposition du bénéfice de
liquidation (des sociétés reprises) ou de l'agio (des société reprenantes),
la présence d'arguments contradictoires et l'incertitude qu'ils font naître,
rendent manifestement souhaitable l'introduction dans la loi de dis-
positions précises et détaillées, qui, après avoir fixé le principe de
l'exonération, en déterminent les conditions et les limites. A cet égard, il
importe de vérifier si le fisc, quand il renonce à l'imposition d'un di-
vidende de liquidation ou d'un gain en capital, n'accorde qu'un sursis,
à 'l'exclusion d'une remise définitive.

B. IMPOSITION DU DIVIDENDE DE LIQUIDATION.

1. Maintien des valeurs nominales.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 200.000 100.000 Capital


(valeur réelle : (valeur réelle :
400.000) 100.000 Passifs 400.000) 100.000 Passifs

Admettons que la société A ait deux actionnaires : d'une part, C,


personne physique, détenant 500 actions de 100, d'une valeur vénale
de 150.000, et, d'autre part, la société D, détenant également 500 actions,
acquises et inscrites à son bilan pour 100.000. Admettons, en outre, que
la société B ait un actionnaire unique, l'entreprise individuelle E, qui a
acquis et comptabilisé les actions B pour 100.000 (valeur vénale :
300.000).
Le fisc a un droit potentiel à l'imposition d'un dividende de liqui-
dation de

42 Lorsqu'une personne reçoit une prestation d'assurance, en dédommagement


d'un objet détruit, et qu'elle utilise la somme encaissée à l'acquisition d'un objet
similaire, elle évite, aux termes de certaines lois, la réalisation d'un revenu
imposable. Or, dans un tel cas, le remploi n'est ni instantané (puisqu'il est
précédé d'un versement en espèces), ni obligatoire. Le remploi de fusion devrait
être a fortiori exonéré.
5
56 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

100.000 chez C 48 , en admettant qu'il ait acquis Ies actions A pour


50.000 ou que le dividende soit calculé sur la base de la valeur no-
minale des actions ;
- 50.000 chez D ;
- 200.000 chez E.

Si la société B absorbe la société A :

Société BA

Actifs 400.000 200.000 Capital


(valeur réelle :
800.000) 200.000 Passifs

C et D reçoivent chacun 500 actions BA d'une valeur nominale (50.000)


et d'une valeur vénale (150.000) égales à celles des anciennes actions A.
Si la société A absorbe la société B, l'entreprise E reçoit 1.000 ac-
tions AB, qui ont également la même valeur nominale (100.000) et la
même valeur vénale (300.000) que ses anciennes actions B.
1) Situation de C. En cas de liquidation de la société BA, C se
trouvera dans une position identique à celle qui aurait été la sienne
en cas de liquidation de la société A, pour autant que le dividende
imposable soit égal à la différence entre le montant distribué et la valeur
nominale des actions. Non seulement les droits du fisc sont alors ga-
rantis, mais encore une taxation immédiate créerait-elle une double
imposition potentielle, puisque le dividende serait à nouveau soumis à
l'impôt, à concurrence d'un même montant, lors de la liquidation de la
société BA.
Si, selon la loi en vigueur, le dividende de liquidation correspond au
montant de la différence entre la somme distribuée à l'actionnaire et la
valeur d'acquisition de ses actions, la garantie des droits du fisc n'est
pas automatiquement assurée : C pourrait, en effet, prétendre avoir
«acquis» les titres BA pour 150.000, lors de l'absorption, de telle sorte
qu'il n'obtiendrait aucun dividende au moment de la liquidation de la
société BA. La loi doit donc préciser que les actions reçues à l'occasion
d'une opération de concentration sont réputées avoir été acquises au
même prix que les actions annulées.

43 Voir note 12, ci-dessus, p. 21.


IMPOSITION DES ACTIONNAIRES 57
2) Situation de la société D. L'absorption ne modifie en rien la situa-
tion de la société D, pour autant, naturellement, qu'elle inscrive les
actions BA à son bilan à 100.000, c'est-à-dire à la même valeur que les
actions A. La comptabilisation de la plus-value de 50.000 entraînerait
sa réalisation et, par conséquent, son imposition immédiate.
li est concevable que la fusion fasse perdre à la société D (qui dé-
tient 50 % des actions de la société A) la qualité de société mère et les
privilèges fiscaux qui l'accompagnent. De nature variée, ces privilèges
peuvent être divisés en deux catégories : d'une part, ceux qui n'octroient
qu'une exonération (totale ou partielle) des dividendes, d'autre pàrt,
ceux qui accordent, en plus, une exonération pour les bénéfices d'alié-
nation et de liquidation. Dans l'hypothèse où, conformément à la loi
en vigueur, la société D bénéficierait de ces derniers avantages, elle
devrait prendre la précaution, avant l'absorption, de réévaluer les ac-
tions A, de manière à pouvoir comptabiliser les actions BA à leur valeur
vénale.
3) Situation de l'entreprise E. La situation de l'entreprise E, en cas
d'absorption de la société B, est similaire à celle de la société D, en cas
d'absorption de la société A. Ici encore, le fisc conserve ses droits à
l'imposition ultérieure du dividende de liquidation (de 200.000), dans
la mesure où l'entreprise comptabilise les actions BA à la même valeur
que les actions B annulées.

2. Modification des valeurs nominales.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 300.000 200.000 Capital


(valeur réelle : (1000 actions (valeur réelle : (2000 actions
300.000) de 100) 350.000) de 100)
50.000 Réserve 100.000 Passifs
50.000 Passifs

Les actionnaires de ces deux sociétés 44 sont, d'une part, la per-


sonne physique C, qui détient 500 actions A (valant chacune 250) et
l.000 actions B (valant chacune 125), et, d'autre part, la société D, qui
a acquis et comptabilisé les 500 autres actions A à 100.000, et les 1.000
actions B pour 100.000 également.

44 Voir Chapitre III, litt. A, ch. 1, litt. ab, p. 40.


58 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

Le fisc a un droit potentiel à l'imposition d'un dividende de liquida-


tion de
- 100.000 45 chez C (soit 75.000 de la société A et 25.000 de la société B),
en admettant qu'il ait acquis les titres à leur valeur nominale ou que
le dividende soit de toute manière calculé sur la base de cette valeur ;
- 50.000 chez D (soit 25.000 de chaque société).

a) En cas d'absorption de la société A par la société B, et dans


l'hypothèse où la société A bénéficie d'un sursis à l'imposition de ses
réserves cachées, le bilan de la société BA se présentera ainsi :

Société BA

Actifs 500.000 400.000 Capital


(valeur réelle :
650.000) 150.000 Passifs
« Perte » 50.000 46

C, qui détenait 500 actions A d'une valeur nominale de 100, les a


échangées contre 1.000 actions BA. La valeur nominale totale de ses
titres a donc passé de 150.000 à 200.000 ; en cas de liquidation de la
société BA, il recevrait un dividende de 50.000, soit, par rapport à la
situation pré-fusion, une différence de 50.000 au détriment du fisc. C a
bénéficié pour moitié de la capitalisation de la réserve ouverte de la
société A, et pour moitié de la « capitalisation » d'une réserve cachée
de 50.000. Une imposition immédiate du montant de 50.000 est donc
partaitement justifiée, bien que la valeur vénale de la participation de C
soit demeurée la même.
Quant à la société D, son dividende imposable (s'il l'est) restera de
50.000, pour autant qu'elle maintienne les mêmes valeurs à son bilan
(où 2.000 actions BA remplacent 500 actions A et 1.000 actions B). Une
taxation immédiate ne se justifierait que si les actions A figuraient au
bilan pour un montant inférieur à 100.000, c'est-à-dire, pour un montant
inférieur à la somme qui lui reviendrait, lors de la liquidation de la
société BA, à titre de remboursement du capital social.

45 Voir note 12, ci-dessus, p. 21.


46 Voir Chapitre III, litt. A, ch. 1, litt. ab, p. 42.
IMPOSITION DES ACTIONNAIRES 59
b) En cas d'absorption de la société B par la société A, le bilan de
la nouvelle société révèle une diminution du capital nominal total :

Société AB

Actifs 500.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve
650.000) 150.000 Passifs
100.000 Prime de fusion

C détient maintenant 1.000 actions AB, d'une valeur nominale de


100.000 et d'une valeur vénale (inchangée) de 250.000. Son dividende
de liquidation, si la société AB était liquidée, serait de 150.000, soit de
50.000 supérieur au dividende que le fisc pouvait escompter avant la
fusion : les droits de ce dernier sont donc parfaitement préservés. Ils le
sont également en ce qui concerne la société D, pour autant, une fois
encore, qu'elle maintienne les mêmes valeurs comptables.

3. Paiement de soultes.

On peut imaginer, utilisant à nouveau le même exemple, que, lors


de l'absorption de la société A, chaque action A donne droit à une seule
action B, mais qu'une soulte de 125 par action (en espèces ou en nature)
soit distribuée aux actionnaires de la société A. Le bilan de la société BA
se présenterait alors ainsi :

Société BA

Actifs 375.000 300.000 Capital


(valeur réelle :
525.000) 150.000 Passifs
« Perte » 75.000

L'actionnaire C a reçu une soulte de 62.500 et il détient maintenant


1.500 actions BA d'une valeur réelle de 187.500. Le dividende qui lui
serait distribué en cas de liquidation se monterait à 37.500 (au lieu de
100.000). Il ne fait aucun doute que la soulte, distribution anticipée, doit
être imposée immédiatement.
li en va de même chez la société D (sous réserve d'un privilège
holding), dont le dividende potentiel a été complètement éliminé, et qui"
60 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

si elle maintenait les mêmes valeurs comptables, détiendrait une parti-


cipation surévaluée (à 200.000 pour une valeur vénale de 187.500).

C. IMPOSITION DES GAINS EN CAPITAL.

1. Personnes physiques,

Dans les précédents exemples, il a été généralement admis que le


dividende de liquidation imposable était égal à la différence entre la
valeur vénale des actions et leur valeur nominale. La prise en considé-
ration de cette valeur nominale ne se justifie que si les gains réalisés
lors de la vente ou l'échange de titres ne sont pas imposables. Si X a
acquis au pair une action de 100 et l'a revendu à Y pour 300, sans que
le bénéfice de 200 soit imposé, il est logique que le fisc, lors de la liqui-
dation de la société, impose le montant de la différence entre la valeur
nominale de l'action et le montant distribué à Y ; mais si ce système est
formellement logique, il est essentiellement absurde : Y supporte le
poids de l'impot, alors que le bénéfice a été réalisé par X 47.
Si les gains en capital sont imposables, le dividende de liquidation
soumis à l'impôt devrait être égal à la différence entre la valeur d'acqui-
sition des titres (ou leur valeur nominale si elle est plus haute) et le
montant distribué à l'actionnaire. L'application du premier système men-
tionné conduit en effet à imposer deux fois le même revenu (chez deux
personnes différentes, il est vrai) 48.
En cas de fusion, il est facile de surseoir à l'imposition de l'éventuel
gain en capital, sans mettre en péril les droits du fisc à leur imposition
ultérieure : lors de l'aliénation subséquente des nouveaux titres, c'est
le prix d'acquisition des actions annulées qui déterminera le montant du
bénéfice imposable. D'autre part, si le taux d'imposition des gains en
capital dépend de la durée pendant laquelle les actifs aliénés ont été
détenus (pénalisation des gains spéculatifs), la date déterminante (notam-

47 Voir ci-dessous, Troisième Partie, Chapitre 1, Section II, litt. A, ch. 2,


178
o ·
p. 48 ·A eneve, par exemp 1e, 1es ac t'ions d e soc1e
"t'es 1mmo
. 1 1 res son t soumises
b'l'è .
à cette « double imposition » : la vente des actions est assimilée par la loi
(art. 80, al. 2, LCP) à une vente des immeubles appartenant à la société, et le
bénéfice d'aliénation est soumis à l'impôt sur les gains immobiliers. En cas de
liquidation de la société, le dividende imposable est néanmoins calculé sur la
base de valeur nominale des titres. Au contraire, la loi vaudoise contient une
disposition, l'art. 52 bis, qui permet de déduire du dividende de liquidation les
gains immobiliers qui ont été imposés lors de la vente d'actions de la société
liquidée.
:MPOSITION DES ACTIONNAIRES 61

ment en vue du fait qu'une fusion peut être imposée à un actionnaire)


devrait être celle de 'l'acquisition des actions annulées, et non celle de
la fusion.
Une imposition immédiate ne se justifie que dans la mesure où la
valeur vénale des titres a été diminuée par suite de la fusion (versement
d'une soulte, par exemple).

2. Entreprises et sociétés.

Les bénéfices en capital des entreprises et sociétés n'échappent à


l'impôt (parfois prélevé à un taux réduit) que dans le cas où ils sont
réalisés par une pure holding qui, selon la législation en vigueur, jouit
d'une exonération complète de l'impôt sur le bénéfice. Dans les autres
cas, l'aliénation d'une participation dont le prix de vente est supérieur
à sa valeur comptable entraîne la réalisation d'un bénéfice imposable.
Lors d'une fusion, le maintien des anciennes valeurs comptables ga-
rantit au fisc l'imposition, à la fois du dividende de liquidation, des gains
en capital, et du bénéfice de liquidation de la société ou de l'entreprise
actionnaire. Une imposition immédiate n'est justifiée que si la fusion
provoque une diminution de la valeur vénale des actions, compensée par
l'attribution d'une soulte.

D. CONCLUSIONS.

La 'Situation des actionnaires des sociétés reprises n'est pas sans


analogie ni, d'ailleurs, sans relation avec la situation de leurs sociétés.
Si l'on admet que le patrimoine de ces sociétés peut, et doit, être
transféré aux sociétés reprenantes à sa valeur comptable, sans réalisation,
et, par conséquent, sans imposition immédiate des réserves cachées, peut-
on admettre, aussi, que les réserves latentes afférentes aux titres des
sociétés reprises ne sont pas réalisées en mains de leurs actionnaires,
au moment de leur annulation, de leur « transformation » en titres de la
société reprenante? Peut-on enfin admettre, en même temps, que ces
actionnaires n'ont pas acquis le patrimoine de leur ancienne société
(sous forme d'un remboursement de leur investissement et d'un dividende
de liquidation), avant d'en faire apport à la société reprenante?
Lorsque la loi ne contient aucune disposition applicable aux fusions,
une réponse affirmative à ces questions n'est nullement exclue, mais elle
n'est pas évidente non plus. Quoi qu'il en soit, seule compte l'inter-
prétation de l' Administration fiscale, puisqu'aucune société ne prendrait
62 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

le risque d'effectuer une opération de concentration, sans avoir l'assu-


rance que ses incidences fiscales demeurent supportables.
De lege f erenda, il convient, d'une part, de fixer clairement le prin-
cipe de l'exonération, et, d'autre part, d'en énumérer les conditions et
les limites, c'est-à-dire de garantir les droits du fisc à l'imposition ulté-
rieure des dividendes de liquidation et des gains en capital.
a) Lorsque les actions font partie du patrimoine privé de personnes
physiques, les droits du fisc sont préservés, si (1) la valeur vénale des
nouveaux titres n'est pas inférieure à la valeur vénale des anciens titres,
et (2) la valeur nominale ou, selon le système en vigueur (notamment si les
gains en capital sont imposables), la valeur d'acquisition n'est pas mo-
difiée par la fu&ion.
Dans l'hypothèse où les actionnaires sont maintenus sur un pied
d'égalité, la valeur vénale des titres ne peut être diminuée que par le
versement de soultes, qu'il est juste d'imposer. La valeur nominale peut
être augmentée par suite de la remise (par la société absorbante) d'un
plus grand nombre d'actions, ou d'actions d'une valeur nominale plus
élevée que celle des actions de la société reprise. Là encore, une imposi-
tion immédiate est justifiée. Enfin, dans la mesure où la valeur et la
date d'acquisition jouent un rôle, la loi doit préciser que les nouvelles
actions sont réputées acquises à la même valeur et à la même date que les
titres annulés.
b) Lorsque les actions font partie du patrimoine d'une entreprise ou
d'une personne morale, l'imposition future du dividende et des bénéfices
d'aliénation ou de liquidation est généralement garantie, si les actions
de la société reprenante sont comptabilisées à la même valeur que les
actions de la société reprise. Une imposition immédiate ne se justifie
que (1) si la valeur vénale des titres a été diminuée par le versement d'une
soulte (à moins que celle-ci bénéficie d'un privilège holding), ou (2) si
la valeur nominale des nouveaux titres est supérieure à celle des actions
annulées et que ces dernières étaient comptabilisées à une valeur infé-
rieure à leur nouvelle valeur nominale.
CHAPITRE V

CAS PARTICULIERS
PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES
ET SOCIÉTÉS ACTIONNAIRES D'ELLES-MÊMES 49

Il est fréquent que la société absorbante soit actionnaire de la société


absorbée ; il arrive aussi que celle-ci détienne des titres de la société
absorbante ; il est également possible que chaque société soit actionnaire
de l'autre, ou, enfin, qu'une société soit actionnaire d'elle-même. Ces
faits engendrent un certain nombre de complications.

A. PARTICIPATION DE LA SOCIÉTÉ REPRENANTE DANS LA SOCIÉTÉ REPRISE


(ABSORPTION D'UNE FILIALE).

Société A

Actifs 200.000 100.000 Capital


(valeur réelle : (1000 actions de 100)
400.000) 100.000 Passifs

Société B

500 actions A 50.000 300.000 Capital


(valeur réelle :
150.000) (3000 actions de 100)
Autres actifs 350.000
(valeur réelle : 100.000 Passifs
550.000)

49 En droit des sociétés, voir Louis Dallèves, Les participations réciproques


entre sociétés anonymes; Centre d'études juridiques européennes, Rapport n• 5,
Genève 1970.
64 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

Admettons, pour simplifier, que les actionnaires de la société A,


autres que la société B, et les actionnaires de la société B soient des
personnes physiques, et que le montant du dividende de liquidation im-
posable à la source et au niveau des actionnaires soit équivalent.

1. Situation en cas de liquidation.

A première vue, le fisc a un droit potentiel à l'imposition de P'lus-


values de 500.000 (200.000 dans la société A et 300.000 dans la société B)
et d'un dividende de liquidation de 500.000 également 5o,
En réalité, si les deux sociétés étaient successivement liquidées, les
montants imposables varieraient selon l'ordre chronologique des liqui-
dations et le statut fiscal des sociétés.

a) La société B est liquidée la première.


aa) La société B, en sa qualité de société-mère, n'est pas imposable
sur les plus-values afférentes à sa participation dans la société A.
Le fisc est en mesure d'imposer :
- 200.000 (et non 300.000) de plus-values lors de la liquidation de la
société B;
- 200.000 de plus-values lors de la liquidation de la société A ;
- 300.000 de dividende de liquidation lors de la liquidaton de la société
B;
-- 200.000 de dividende de liquidation lors de la liquidation de la so-
ciété A.
ab) La société B ne jouit pas d'une telle exonération.
Dans ce cas, les plus-values imposables se montent à 500.000 au total
(soit 300.000 chez la société B et 200.000 chez la société A) et le divi-
dende de liquidation, comme dans le cas précédent, à 500.000 également.

b) La société A est liquidée la première.


ba) La societé B n'est pas imposable sur le dividende de liquidation
afférent à sa participation dans la société A.
Le fisc peut imposer :
-- 200.000 de plus-values lors de la liquidation de la société A ;

00 Voir ci-dessus, note 12, p. 21.


PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES 65

- 200.000 (et non 300.000) de plus-values lors de la liquidation de la


société B ;
-- 100.000 (mais 200.000 à la source) de dividende lors de la liquidation
de la société A ;
-- 300.000 de dividende lors de la liquidation de la société B.

bb) La société B ne jouit pas d'une telle exonération.


Le dividende de liquidation imposable est alors de 500.000 au total.
Le montant des plus-values soumises à l'impôt est de 400.000.
En pratique, les cas « ab » et « ba » sont les plus fréquents : si la
société B est liquidée la première, les plus-values et le dividende de
liquidation imposables seront de 500.000, alors que dans l'hypothèse
inverse, ces plus-values et dividende ne se montent qu'à 400.000. Dans
ce dernier cas, en effet, la plus-value sur les actions A détenues par la
société B n'est pas réalisée à titre de bénéfice de liquidation mais de
dividende de liquidation exonéré d'impôts (à l'exception de l'impôt à la
source).

2. Situation en cas d'absorption de la filiale.

L'absorption de la société A par la société B doit être comparée au


cas (b, ci-dessus) où la société A est liquidée la première. Répétons que,
dans cette hypothèse, les plus-values se montent à 400.000 et le dividende
à 400.000 ou 500.000, selon que la société B bénéficie ou non d'un
privilège holding.
a) Si la société B n'est pas autorisée à détenir ses propres actions
et ne peut donc échanger ses actions A contre des titres représentatifs
de son propre capital social, son bilan se présentera ainsi (reprise du
patrimoine de la société A à sa valeur comptable) :

Société BA

Actifs 550.000 375.000 Capital *


(valeur réelle :
950.000) 200.000 Passifs
Perte de
fusion 25.000

* L'action A valait 300 et l'action B 200. Les actionnaires de la société A


autres que la société B ont échangé 500 actions A contre 750 actions B.
66 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

L'imposition des plus-va'lues de 400.000 est assurée, alors que le


dividende de liquidation se montera à 375.000 au lieu de 400.000 ou
500.000:
--- Dans la mesure où la société B bénéficiait d'un privilège holding, le
fisc subit une perte de matière imposable de 25.000. Cette perte est
provoquée par l'augmentation de la valeur nominale des titres attribués
aux autres actionnaires de la société A. Une taxation immédiate du mon-
tant de cette augmentation paraît inévitable 51 •
- Si, au contraire, la société B ne bénéficiait pas d'un privilège hol-
ding, la perte du fisc est de 125.000. La société B doit être imposée sur
le montant de 100.000 correspondant au dividende afférent à ses ac-
tions A. Quant aux autres actionnaires de la société A, ils seront imposés,
on vient de le voir, sur un montant de 25.000.

La «perte» de 25.000 apparaissant au bilan de la société B, après


l'absorption, provient du fait que les actionnaires de la société A autres
que la société B bénéficient d'actions gratuites à concurrence de 25.000 ;
de cette manière, le capital nominal total des deux sociétés n'est pas
réduit d'un montant égal au montant (50.000) des actions A annulées
chez la société B. Cette perte de fusion, on l'a déjà vu, ne pourra être, à
l'avenir, admise en déduction des bénéfices de la société B 52 •
b) La réunion des deux sociétés peut être considérée sous un autre
angle. En effet, la reprise de la société A a un double caractère : c'est
une « absorption-liquidation». Dans la mesure où le patrimoine repris
correspond aux actions A jusqu'alors détenues par la société B, celle-ci
reçoit un dividende, et, dans la mesure où ce patrimoine correspond aux
actions A détenues par d'autres actionnaires, la société B obtient un
véritable apport de fusion, rémunéré par l'émission d'actions nouvelles.
Dans cette conception, la partie « dividende», de 100.000, serait
acquise à sa valeur réelle, et la partie « apport de fusion » serait reprise
à sa valeur comptable.

51 Voir ci-dessus, Chapitre IV, litt. B, ch. 2, pp. 57 et ss. Les actionnaires
de la société A autres que la société B bénéficient d'une attribution d'actions
gratuites.
52 Voir ci-dessus, Chapitre III, litt. A, ch. 1, litt. ab, pp. 39 et ss.
PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES 67

Société BA

Actifs 650.000 375.000 Capital


(valeur réelle : 100.000 Réserve
950.000) 200.000 Passifs
Perte de
fusion 25.000

Cette solution satisfait l'esprit mais n'aboutit pas au résultat désiré.


En effet, le versement du dividende entraîne une réévaluation partielle
du patrimoine de la société A et l'inévitable imposition, à son niveau, d'un
bénéfice de liquidation de 100.000 (l'imposition du dividende du même
montant chez la société B dépendant, comme dans l'exemple précédent,
de son statut fiscal). Lors de l'absorption d'une filiale contrôlée à 100 %,
les plus-values de cette société seraient totalement et immédiatement
imposées.

c) Si la société peut être actionnaire d'elle-même et s'octroie ses


propres titres, en échange des actions A annulées, son bilan se présentera
ainsi:

Société BA

Actifs 550.000 450.000 Capital


(valeur réelle :
950.000) 200.000 Passifs
Actions B
75.000
(valeur réelle :
150.000)
Perte 25.000

Cette fois, le fisc est assuré d'imposer dans l'avenir des plus-values
de 475.000, si la société aliène ses propres actions - ce qui est pro-
bable - et qu'elle est imposable sur le bénéfice réalisé. Le dividende de
liquidation se montera, en principe 53, à 450.000, les droits du fisc étant
par conséquent garantis sous les mêmes réserves que celles mentionnées
dans l'exemple précédent.

53 Il ne serait que de 375.000 si la société détenait encore ses propres actions


au moment de la liquidation.
68 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

La « perte » de 25.000 est le résultat de l'augmentation du capital


social total (50.000) diminué du montant de l'augmentation (imposable)
de la valeur nominale des actions détenues par la société (25.000).
d) En résumé, l'absorption d'une filiale par la société mère n'exclut
aucunement l'octroi d'un régime de faveur. L'imposition des plus-values
de la société fille est garantie par la reprise de son patrimoine à valeur
comptable. Les seules impositions immédiates qui se justifient sont :
- imposition du « dividende » reçu par la société mère, si elle ne
bénéficie pas d'un privilège holding ;
- imposition du montant de l'augmentation de la valeur nominale des
titres attribués aux actionnaires de la filiale autres que la société mère
(pour autant que la valeur nominale soit déterminante pour le calcul du
dividende de liquidation) ;
-- si la société reprenante peut être actionnaire d'elle-même : imposition
éventuelle du montant de l'augmentation de la valeur nominale des
actions qu'elle s'attribue, et, si elle renonce à cette attribution, imposition
de la plus-value afférente aux titres annulés 54.

B. PARTICIPATION DE LA SOCIÉTÉ REPRISE DANS LA SOCIÉTÉ REPRENANTE.

Lorsque la liquidation de la société B précède celle de la société A


(voir ci-dessus, p. 64), le fisc peut compter imposer 500.000 de plus-
values et un montant équivalent à titre de dividende de liquidation 55.
Le montant des plus-values est cependant réduit à 400.000 si la société B
bénéficie d'un statut fiscal exonérant les bénéfices sur participations.
Or, en cas d'absorption de la société B par la société A, les 500 actions A
détenues par la société B sont remises aux actionnaires de cette société,
en paiement partiel de leurs titres B annulés (1.500 autres actions leur

54 Cette dernière imposition sous-entend que la société reprenante, si elle


p!:!ut être actionnaire d'elle-même, a l'obligation d'échanger sa participation dans
la société reprise par des titres de son propre capital social. Cette question est
discutable mais d'un intérêt marginal.
55 Pour autant, une fois encore que ce dividende soit calculé sur la base
de la valeur nominale des actions. Les actionnaires de la société B, lors de la
liquidation de cette société, reçoivent la moitié des titres (500) de la société A;
ces titres seront comptabilisés - ou réputés acquis - pour le prix de 300
chacun. Si le dividende est calculé sur la base de cette valeur, le dividende
imposable lors de la liquidation de la société A serait au maximum de 250.000
(correspondant aux titres détenus par d'autres actionnaires que les anciens
actionnaires de la société B).
PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES 69

étant attribuées par augmentation du capital de la société A), et le bilan


de la société absorbante se présente de la manière suivante :

Société AB

Actifs 550.000 250.000 Capital


(valeur réelle : 200.000 Passifs
950.000) 100.000 Prime de fusion

Alors que le dividende de liquidation serait en principe égal à 500.000,


les plus-values ont été réduites à 400.000 par la distribution aux action-
naires de la société B des actions A détenues par leur société. Le fisc
peut légitimement soutenir, au cas où la société B est imposable sur les
bénéfices afférents à une telle participation, que cette distribution entraîne
la réalisation d'une plus-value de 100.000. Ainsi, a'lors que l'absorption
de la société A par la société B entraîne, en principe, l'imposition d'un
dividende (égal au montant des plus-values afférentes aux actions A
annulées chez la société B), l'absorption de la société B par la société A
provoque l'imposition d'un bénéfice de liquidation partielle (à nouveau
égal au montant des plus-values afférentes aux actions A). Si la société A
a le droit et décide de conserver ses propres titres, son bilan sera le
suivant :

Société AB

Actifs 550.000 300.000 Capital


(valeur réelle :
950.000) 200.000 Passifs
Actions A
50.000 100.000 Prime de fusion
(valeur réelle :
150.000)

Dans ce cas, le fisc est en pr111c1pe assuré d'imposer 500.000 de


plus-values, et, en raison de la réduction du capital social total (de
400.000 à 300.000), un dividende de liquidation de 600.000 : la fusion
n'entraîne aucune imposition immédiate.
70 EXPOSÉ DES PROBLÉMES

C. PARTICIPATIONS CROISÉES.

Société A Société B

Actifs 100.000 100.000 Capital Actifs 100.000 100.000 Capital


(valeur réelle : (valeur réelle :
200.000) 100.000 Passifs 400.000) 100.000 Passifs
Actions B Actions A
100.000 100.000
(500 actions (750 actions
dl.' 1OO nominal) de 100 nominal)

La valeur de l'action A est de 400 et celle de l'action B de 600.


En effet, la valeur des actions A détenues par la société B est égale
aux 3/4 du patrimoine de la société A, soit 75.000 + 375 actions B.
La valeur de ces dernières correspond aux 3/8 du patrimoine de la
société B, soit 112.500 + 281,25 actions A :
75.000 + 112.500 + 281,25 A
A= =400
750

La valeur des actions B détenues par la société A est égale à 1/2


du patrimoine de la société B, soit 150.000 + 375 actions A. La valeur
de ces dernières correspond aux 3/8 du patrimoine de la société A,
soit 375.500 + 187,5 actions B :
150.000 + 375.500 + 187,5 B
B = = 600
500

A première vue, les réserves cachées de la société A se montent à


300.000 (200.000 sur les actions B et 100.000 sur les autres actifs) et
celles de la société B à 500.000 (200.000 sur les actions A et 300.000
sur les autres actifs), soit 800.000 au total. Le montant total du dividende
de liquidation est également de 800.000.
En réalité, la situation est un peu différente 58.

56 Seules la liquidation et l'absorption de la société A sont examinées. Les


opérations inverses (liquidation et absorption de la société B) présentent des
problèmes identiques.
PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES 71

1. Situation en cas de liquidation.

Si la société A est liquidée, et si la société B annule les actions B


(au nombre de 375 en principe) incluses dans le dividende, son bilan
se présentera ainsi :

Société B

Actifs 175.000 62.500 Capital


(valeur réelle : 12.500 Réserve
475.000) 100.000 Passifs

En revanche, si la société A aliène ses actions B avant de se liquider,


ou si la société B les aliène (ou éventuellement les conserve) après les
avoir reçues, le bilan de la société B sera le suivant :

Société B

Actifs 400.000 100.000 Capital


(valeur réelle : 200.000 Réserve
700.000) 100.000 Passifs

a) Plus-values : à ce stade (après la liquidation de la société A),


le fisc a imposé 300.000 de plus-values (éventuellement 100.000 si la
société A n'était pas imposable sur le bénéfice de liquidation ou d'alié-
nation afférent à ses participations). En cas de liquidation de la société B,
300.000 de plus-values seront encore imposées, soit 600.000 (éventuelle-
ment 400.000) au total.
b) Impôt à la source : le dividende distribué par la société A était
de 300.000. Si les 375 actions B reçues par la société B ont été annulées,
le dividende distribué par cette société, lors de sa liquidation, sera de
312.500, soit 612.500 au total. Si, au contraire, les 375 actions ont été
aliénées, le dividende de la société B sera de 500.000, soit 800.000 au
total.
c) Impôts des actionnaires : en admettant que les actionnaires des
sociétés A et B autres que ces dernières soient des personnes physiques,
dont le dividende imposable est déterminé par la valeur nominale de
leurs titres, la situation sera la suivante.
6
72 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

Lors de la liquidation de la société A, la société B reçoit un dividende


de 200.000 (300.000 moins valeur au bilan de 100.000), et les autres
actionnaires de la société A un dividende de 75.000 (100.000 moins
nominal de 25.000), soit, au total, 275.000.
Lors de la liquidation de la société B, si les 375 actions reçues par
cette société avaient été annulées, le dividende sera de 312.000, soit au
total : 387.500. Si, au contraire, les 375 actions ont été aliénées, le divi-
dende sera de 500.000, soit 775.000 au total.
Enfin, si la société B bénéficiait d'un privilège holding (non impo-
sition de son dividende de 200.000), le dividende total sera de 387.500
ou de 575.000.

2. Situation en cas d'absorption.

Si la société B annule les action B (500) qui lui sont tranférées, à


part celles qu'elle remet aux autres actionnaires de la société A (166 2/3),
son bilan sera le suivant :

Société BA

Actifs 200.000 66.700 Capital


(valeur réelle :
600.000) 200.000 Passifs
Perte 66. 700

En revanche, si la société B conserve, puis aliène, ses propres titres


(sauf les 166 2/3 distribués aux autres actionnaires de la société A), son
bilan sera le suivant :

Société BA

Actifs 400.000 100.000 Capital


(valeur réelle : 100.000 Réserve
800.000) 200.000 Passifs
PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES 73

Enfin, si la société B conserve (puis aliène) la totalité des actions B


et augmente son capital, afin de rémunérer l'apport de fusion des autres
actionnaires de la société A, la situation se présentera ainsi :

Société BA

Actifs 500.000 116.700 Capital


(valeur réelle : 183.300 Réserve
900.000) 200.000 Passiis

a) Plus-values : elles se montent à 400.000 dans le premier cas,


à 533.370 (dont 133.330 réalisés lors de l'aliénation des 333 1/3 titres)
dans le second exemple, et à 600.000 dans le troisième. On constate
que la société B, si elle annule ou distribue ses propres titres, ne peut
garantir au fisc l'imposition future de la réserve cachée de 200.000 sur
les actions B que possédait la société A ; c'est le problème, déjà évoqué,
de l'absorption d'une société mère par sa filiale, et, dans la mesure où
la société mère est imposable sur le bénéfice de liquidation afférent à
ses participations, le fisc est fondé à en exiger l'imposition immédiate.
b) Impôt à la source : le montant soumis à cet impôt sera tle
333.300 dans le premier exemple, de 500.000 dans le second et de
583.300 dans le troisième. En cas de liquidation, on l'a vu plus haut,
ce montant était de 612.500 ou 800.000.
Si, reprenant le premier exemple, on ajoute aux 333.300 les 225.000
de « dividende » reçu par la société B lors de l'absorption, le total est
de 558.300, soit encore 54.200 de moins que 612.500. Pourquoi cette
différence? Parce que, dans le cas d'une liquidation, nous avons admis
que les 125 actions B revenant aux actionnaires de la société A (autres
que la société B) étaient aliénées ou distribuées à ces actionnaires. Elles
constituaient donc (directement ou indirectement) un dividende de liqui-
dation (de 75.000), puis, lors de la liquidation subséquente de la société B,
elles donnaient droit à un tel dividende (de 62.500). Au contraire, en
cas d'absorption, nous avions admis que ces 125 actions (plus 41 2/3
autres pour tenir compte des différences de valeur réelle entre actions A
et B) étaient remises aux actionnaires de la société A : elles donneraient
donc droit à un dividende (de 83.300) mais n'en auraient jamais cons-
titué un. Le total du dividende afférent à ces titres est de 137.500 en
cas de liquidation, et de 83.300 en cas d'absorption : la différence est
bien de 54.200.
74 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

Il est certain que les actionnaires de la société A autres que la société B


ne sont pas directement avantagés par l'absorption, puisque la valeur
nominale totale de leurs titres a baissé de 25.000 (250 actions A) à 16.600
(166 2/3 actions B). Et H est également certain que la société B n'est
pas avantagée non plus, puisqu'elle garantit au fisc un dividende futur
de 333.300 au lieu de 312.500 en cas de liquidation préalable de la
société A.
On peut cependant concevoir que le montant de 54.200 soit soumis à
l'impôt à la source, afin d'assurer au fisc une garantie absolue.
Dans le second exemple, la différence est de 300.000. A nouveau, il
faut ajouter le dividende de 225.000 reçu par la société B (dividende affé-
rent à ses 750 actions A), et qui devrait être imposé. Il reste une diffé-
rence de 75.000 et même de 83.300 si l'on tient compte du fait que 1e5
anciens actionnaires de la société A autres que la société B, qui ont
échangé 250 actions A contre 166 2/3 actions B, voient leur dividende
s'accroître de 8.300. Ces 166 2/3 actions sont précisément, comme dans
le cas précédent, la cause de la différence de 83.300 : elles donneront
droit à un dividende de liquidation, mais n'auront jamais été imposées à
ce titre ( 166 2/3X500=83.300).
Pour que l'absorption corresponde à la liquidation, il faut que, con-
formément au troisième exemple, non seulement la société B n'annule pas
les 500 actions B qu'elle reçoit, mais encore qu'elle augmente son capital
afin de rémunérer les actionnaires de la société A autres qu'elle-même.

c) Impôt des actionnaires. La situation est fondamentalement la même


que pour l'impôt à la source. Les seules différences sont que, d'une part,
le dividende reçu par la société B est de 200.000 au lieu de 225.000 ; et,
d'autre part, ce dividende ne devrait pas être imposé si la société B béné-
ficie d'un privilège holding. Le dividende total sera donc de 333.300 ou
533.000 en cas d'annulation des titres, de 500.000 ou 700.000 si les titres
B ne sont pas annulés, mais en partie distribués, et de 583.300 ou
783.300 si la société B conserve (puis aliène) les 500 actions B. Sauf
dans le dernier cas, ces montants sont inférieurs à ceux que le fisc au-
rait imposés dans l'hypothèse d'une liquidation des sociétés A et B, et
une taxation immédiate paraît Justifiée. Avant de conclure, pourtant, il
convient d'avoir une vue d'ensemble de la situation.
PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES 75

3. Résumé et conclusions.

Liquidation Absorption

Annul. de 333 1/3 400.000


et distrib. de
166 2/3 a• B
PLUS-VALUES 600.000 Distrib. de 533.370
166 2/3 a• B
Ni annul., ni 600.000
distrib. d'a• B

Annul. de 587.000 Annul. de 333 1/3 533.300


375 a• B et distrib. de
166 2/3 a• B
DIVIDENDE Sans annul. 775.000 Distrib. de 700.000
166 2/3 a• B
Ni annul., ni 783.000
distrib. d'a 0 B

Ce tableau comparatif, qui résume les pages précédentes, part de


l'hypothèse que la société B ne bénéficie pas d'un privilège holding et
que le dividende dont elle bénéficie (200.000) a été imposé, pour les
motifs mentionnés sous litt. A, ci-dessus.
En ce qui concerne les plus-values, les différences constatées entre
la situation de liquidation et la situation d'absorption sont en relation
avec le sort des actions B comprises dans l'apport de la société A.
En ce qui concerne le dividende, la différence de 54.200 entre 587.500
et 533.300 concerne les actionnaires de la société autres que la société B:
échangeant 250 actions A contre 166 2/3 actions B, ils voient la valeur
nominale de leurs titres diminuer de 8.300, mais, en contrepartie, ils ne
sont plus soumis à une imposition potentielle sur le dividende (de 62.000)
afférent aux 125 actions B qui leur auraient été distribuées lors de la
liquidation de la société A. La différence de 75.000 entre 775.000 et
700.000 a une cause similaire, mais l'imposition potentielle concerne
166 2/3 actions B au lieu de 125. Enfin, la différence de 8.300 entre
783.300 et 775.000 provient de la diminution de la valeur nominale des
titres détenus par ces mêmes actionnaires.
76 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

L'examen de ces chiffres permet de dégager les principes suivants.


a) L'apport de la société absorbée à sa société mère (à moins que
celle-ci ne soit actionnaire unique) a une double nature 57 :
(1) il correspond à un dividende de liquidation dans la mesure où il
se substitue aux titres de la société absorbée détenus par la société
mère;
(2) il constitue un véritable apport de fusion dans la mesure où son
montant dépasse celui du dividende précité, c'est-à-dire, où il
correspond au patrimoine afférent aux actions détenues par d'au-
tres actionnaires que la société absorbante.

Selon les principes énoncés plus haut, le dividende (1) doit être im-
posé, à moins que la société mère n'eût bénéficié d'un privilège holding
en cas de liquidation de la société reprise ; l'apport (2) ne donne lieu à
aucune imposition.
b) La situation se complique Iorsque la société reprise (la société A
dans les exemples qui précèdent) détient des actions de la société repre-
nante (B), qui sont incluses dans le dividende (1) ou dans l'apport de
fusion (2).
- Quant aux plus-values, dans la mesure où ces actions sont annu-
lées ou distribuées, la société A doit acquitter l'impôt sur le bénéfice de
liquidation afférent à sa participation, puisque la société B n'en garantit
pas l'imposition ultérieure. Au contraire, dans la mesure où la société B
conserve ces titres, aucune imposition immédiate ne se justifie.
- Quant au dividende, l'annulation des actions B n'a pas de consé-
quence particulière, dans la mesure où elles faisaient partie du dividende
(1) : elles auraient également été annulées (dans l'hypothèse où le droit
commercial l'exige) en cas de liquidation de la société A. En revanche,
les titres qui font partie de l'apport de fusion (2) présentent un cas parti-
culier. En effet, en cas de liquidation, ils auraient été distribués aux au-
tres actionnaires de la société A et auraient été imposés à titre de divi-
dende ; plus tard, lors de la liquidation de la société B, ils auraient donné
droit à un dividende. En cas d'absorption, ces titres sont (ou peuvent
être) également distribués aux autres actionnaires de la société A, mais,
au lieu de l'être à titre de dividende de liquidation, ils le sont en vertu de

57 Cette dualité peut être contestée, on l'a vu, si la société mère est auto-
risée à être sa propre actionnaire. En effet, si elle augmente son capital afin
de s'attribuer ses propres actions en échange des actions de la société absorbée,
la plus-value sur les actions annulées est transférée sur les actions nouvellement
émises. Dans un tel cas, le patrimoine entier de la société reprise constitue un
apport de fusion.
PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES 77
la fusion. Le fisc, de ce fait, paraît subir une perte potentielle. Tel est
bien le cas en matière d'impôt à la source, et aussi en matière d'impôt
sur le revenu, si ces « autres actionnaires » sont des personnes physiques
et si le montant du dividende de liquidation dépend de la valeur nomi-
nale des actions. En revanche, s'il s'agit de personnes morales ou d'entre-
prises, la perte du fisc n'est qu'apparente : en cas de liquidation, les
actions B auraient été imposées à titre de dividende et comptabilisées à
leur valeur vénale, de telle sorte que, lors de la liquidation subséquente
de la société B, elles ne donneraient lieu à aucun dividende imposable;
en cas d'absorption, les titres ne sont pas imposés à titre de dividende,
mais ils sont inscrits à leur valeur comptable et donneront droit à un
dividende imposable lors de la liquidation de la société B.
Ainsi, la conclusion apparemment logique selon laquelle le fisc de-
vrait pouvoir imposer immédiatement le montant de la différence entre
Je dividende qui résulterait d'une double liquidation et celui qui lui est
assuré après l'absorption n'est pas nécessairement juste. De toute ma-
nière, il y a une part d'arbitraire dans la comparaison des situations de
liquidation et d'absorption. En cas de liquidation de la société A, par
exemple, il n'est nullement certain que la société B reçoive (et annule) 375
actions B.
Dès lors, la solution la plus simple consisterait à ignorer les consé-
quences de l'annulation de titres. Seule serait imposé (à moins qu'il ne
bénéficie d'un privilège holding) le dividende de liquidation effectivement
distribué à la société absorbante - c'est-à-dire la partie du patrimoine
de la société absorbée afférente aux actions de cette société détenues par
la société absorbante, sans égard au fait que ce patrimoine comprend des
titres de la société absorbante qui seront peut-être annulés ou remis aux
autres actionnaires de la société absorbée.

D. SOCIÉTÉ REPRISE OU REPRENANTE ACTIONNAIRE D'ELLE-M~ME.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 400.000 100.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve (valeur réelle : 200.000 Réserve
300.000) 100.000 Passifs 500.000) 100.000 Passifs
500 actions A
50.000
(valeur réelle :
200.000)
78 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

En cas de liquidation successive des deux sociétés, et en admettant


que les actions A détenues par la société A aient été préalablement alié-
nées, le montant des plus-values imposables sera au total de 350.000
(250.000 chez la société A et 100.000 chez la société B) et le dividende
de liquidation de 600.000 (300.000 dans chaque société) 5s. En revanche,
si la société A détient toujours ses propres actions lors de la liquidation,
le montant des plus-values et du dividende serait réduit respectivement
à 200.000 et 450.000.
Si la société A absorbe la société B et remet aux actionnaires de cette
société les 500 actions A qu'elle détient (augmentant en outre son capital
de 50.000), ou si la société B absorbe la société A et annule les 500 ac-
tions B, le bilan de la société absorbante sera le suivant

Société AB ou BA

Actifs 600.000 150.000 Capital


(valeur réelle : 250.000 Réserve
800.000) 200.000 Passifs

Le montant des plus-values sera de 200.000 et celui du dividende de


450.000.
Si la société A absorbe la société B et conserve ses actions A (aug-
mentant son capital de 100.000), ou si la société B absorbe la société A
et échange les actions A comprises dans l'apport par des actions B, le
bilan de la société absorbante se présentera ainsi

Société AB ou BA

Actifs 600.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 250.000 Réserve
800.000) 200.000 Passifs
500 actions A
ou B 50.000
(valeur réelle :
200.000)

Le montant des plus-values sera alors de 350.000 (en cas d'aliénation


des actions A ou B) et celui du dividende de 600.000.

iss Voir note 12, ci-dessus, p. 21.


PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET CROISÉES 79
Le fisc devrait admettre sans autre l'annulation des actions A ou leur
remise aux actionnaires de la société B. En effet, le bénéfice qu'une
société pourrait réaliser sur ses propres actions n'est que potentiel et
éventuel, et l'on admet généralement qu'une société actionnaire d'elle-
même peut réduire son capital par annulation des titres qu'elle détient
sans que le bénéfice ou la perte qui en résulte soit imposable ou déduc-
tible. li9

511 Voir, par exemple, Commentaire IDN, p. 214.


CHAPITRE VI

CONCLUSIONS

A. CONCEPTIONS DE BASE.

En Europe, la concentration d'entreprises était, il n'y a pas si long-


temps encore, un phénomène d'importance secondaire, sinon négligea-
ble. li n'était, d'ailleurs, pas question d'en encourager Je développement,
mais, au contraire, d'en prévenir les abus. Alors que les Etats-Unis
avaient introduit depuis de nombreuses années une législation détaillée
concernant la concentration et la réorganisation des entreprises, les lois
européennes ne contenaient aucune disposition qui précisât les consé-
quences fiscales de ces opérations particulières. Peu à peu, la concentra-
tion est apparue comme un moyen indispensable d'accroître les capacités
financières et techniques des entreprises européennes, aux prises avec la
concurrence américaine et japonaise. Il convenait, dès lors, que les méca-
nismes mis au point (souvent depuis longtemps) par le droit des sociétés
ne fussent pas bloqués par la fiscalité, et, les uns après les autres, les
Etats voisins de la Suisse introduisaient dans leurs lois d'impôts des dis-
positions spéciales, temporaires ou permanentes.
En Suisse même, les idées ont connu une évolution similaire, mais,
pour divers motifs, cette évolution n'a pratiquement eu aucune suite légis-
lative ; elle s'est, en revanche, concrétisée au niveau administratif, par
certains privi'lèges, certaines tolérances, que la doctrine récente tente
d'ailleurs de justifier par l'interprétation des lois existantes.
La fusion est une opération triangulaire d'une nature particulière, qui,
lorsque la loi n'en dit rien, n'est pas facile à définir en termes fiscaux
traditionnels. Il n'est certainement pas impossible, bien au contraire, de
lui dénier le caractère d'une liquidation. On peut ainsi l'assimiler à une
sorte de stipulation pour autrui, par laquelle la société reprise s'engage
à transférer son patrimoine à la société reprenante, qui, de son côté,
promet d'en payer la contrevaleur, sous forme de titres, aux actionnaires
CONCLUSIONS 81

de la société reprise ; ces derniers n'obtiennent pas le remboursement


des actions qu'ils détenaient - au contraire, ils en acceptent l'annula-
tion - ce qui exclut toute idée d'une véritable liquidation et démontre, en
même temps, que les actionnaires ne procèdent pas à un échange, mais
à une simple substitution de titres, représentant le même patrimoine. On
peut aussi insister sur l'absence d'une contreprestation de la société re-
prenante à la société reprise, pour contester toute réalisation des plus-
values de cette dernière société. On peut voir, enfin, dans le transfert à
titre universel du patrimoine de la société reprise, et dans le principe
de la substitution fiscale prévu par diverses lois d'impôt, la preuve que la
société ne réalise pas ni ne répartit ses actifs, et qu'une fusion n'est
finalement pas une opération fiscalement plus significative qu'un trans-
fert de siège.
Mais ces arguments ne suffisent pas à justifier une exonération d'im-
pôt en cas de scission, qui, du moins en droit suisse, implique une véri-
table liquidation de la société scindée, ni, surtout, en cas de pseudo-
fusion ou d'apport partiel. Ils ne suffisent pas non plus à justifier l'exo-
nération de l'agio, lorsque, au mépris du bon sens, la loi en prévoit ou
en permet l'imposition. Ils n'apportent, enfin, aucune solution au pro-
blème des impôts indirects, dont le prélèvement demeure indépendant de
toute réalité économique.
La nécessité d'introduire dans la loi des dispositions particulières
aux fusions s'impose donc par le désir de mettre au point un régime co-
hérent des concentrations, qui évite que l'assujettissement à un impôt
supprime ou diminue l'intérêt de l'exonération d'un autre impôt, et qui
accorde à des opérations très proches - quel que soit le mécanisme de
leur réalisation en droit des sociétés - un traitement identique. Au sur-
plus, même lorsque l'interprétation de la loi en vigueur paraît justifier
l'octroi d'un sursis, un régime légal a l'avantage d'accroître la sécurité
du droit. Il restreint le pouvoir de l' Administration mais, en même temps,
lui donne certaines garanties et assure le respect du principe de l'égalité
de traitement.
La clef du régime examiné dans les pages qui précèdent est, en effet,
de garantir au fisc les impositions auxquelles il aurait pu procéder en
cas de liquidation de la société reprise, ou en cas de vente de ses actions,
mais de l'obliger à surseoir à ces prélèvements jusqu'à la liquidation de
la société reprenante, ou à l'aliénation des biens et des titres qui ont fait
l'objet, au moment de '1a fusion, d'un transfert, d'une distribution ou d'un
échange.
82 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

B. LE RÉGIME DU SURSIS.

1. Au niveau de la société reprise.

Lors d'une fusion ou d'une scission, la taxation postérieure des plus-


values de cette société est généralement garantie par le maintien des
valeurs comptables du patrimoine transféré à la société reprenante. Une
imposition immédiate n'est inévitable que dans un nombre restreint de
cas, notamment lorsque certains biens sont surestimés, ou lorsqu'une
société se scinde en deux et que la scission a pour but, ou même simple-
ment pour conséquence, de créer, à côté d'une entreprise industrielle ou
commerciale, une société holding dont les bénéfices de liquidation, ou
d'aliénation, ne sont pas imposables. Il est, certes, évident que la garan-
tie donné au fisc n'est pas absolue : la société reprenante ne s'engage
pas à ce que, le jour où elle sera liquidée, ou lorsqu'elle aliénera ses
actifs sous-évalués, la valeur de ceux-ci ou de son goodwill n'aura pas
été diminuée par telle ou telle circonstance imprévisible.
Lors d'une pseudo-fusion ou d'un apport partiel, la société reprise
peut être autorisée à inscrire à son bilan les titres de la société repre-
nante à leur valeur vénale. La société bénéficiaire garantissant l'impo-
sition future des plus-values, il n'est pas logique qu'elles soient égale-
ment imposées chez la société reprise. Cependant, le respect d'une cer-
taine justice fiscale exige que cette société - alors même que ses plus-
values demeurent potentiellement imposables au sein de la société repre-
nante - ne puisse prendre avantage du sursis accordé pour réaliser ses
actifs en franchise d'impôt. Il est par conséquent équitable de l'obliger
à conserver les titres reçus en échange pendant une durée raisonnable, en
gage de sa bonne foi. Il est également juste de prévoir qu'un apport
partiel doive constituer une « entreprise », soit directement, soit sous la
forme d'une participation majoritaire à une autre société.

2. Au niveau de la société reprenante.

Il s'agit moins, ici, d'accorder un sursis qu'une véritable exonération.


L'agio, dont « bénéficie » la société reprenante, correspondant à la diffé-
rence entre la valeur de l'apport et la valeur nominale des actions émises
par cette société, n'est qu'un revenu comptable, qui ne devrait avoir aU··
cune incidence fiscale. Certaines législations, cependant, prévoient l'impo-
sition des primes d'émission, et, à moins d'une exonération expresse, les
primes de fusion subissent le même traitement. Si la critique essentielle
CONCLUSIONS 83
que l'on peut adresser au principe de la taxation de l'agio, c'est-à-dire,
le fait qu'il ne constitue pas un revenu réel, ne concerne pas davantage
les primes de fusion que les primes d'émission en général, car leur nature
est la même, on peut néanmoins avancer certains arguments qui, de lege
f erenda, militent en faveur d'une exonération spéciale de l'agio résultant
d'un apport de fusion. Mais on ne saurait nier non plus que ces argu-
ments (désir d'un régime cohérent et harmonisé, etc.) n'ont pas un poids
tel que 'l'on puisse éviter de recourir au concept d'une favorisation modé-
rée des concentrations, fondé sur des motifs économiques et politiques.
Il en va d'ailleurs de même en matière d'impôts indirects : ainsi, l'illo-
gisme d'une pénalisation des fusions par création d'une société nouvelle
(impliquant le transfert de deux ou plusieurs patrimoines) par rapport
aux absorptions (n'entraînant la dissolution que d'une seule société) est
incontestable, mais il est incontestable aussi que les lois fiscales contien-
nent bien d'autres illogismes, à commencer par la double imposition éco-
nomique.
En revanche, le problème du report et de la compensation des pertes
et bénéfices des sociétés participant à une fusion est plus purement
« fiscal ». Les justifications du régime de sursis accordé aux sociétés
reprises (absence d'une liquidation fiscale, poursuite de l'existence éco-
nomique, etc.) devraient amener le législateur ou le fisc à admettre, tout
en réservant les cas d'abus, que les pertes d'exploitation des sociétés
absorbées, au moment de la fusion, ne soient pas neutralisées par cette
dernière, mais soient, au contraire, traitées comme si la concentration
n'ayait pas eu lieu.

3. Le cas des sociétés mères et filiales.

L'absorption d'une filiale par sa mère est assimilable à la liquida-


tion de cette filiale, dans la mesure où l'apport correspond à la participa-
tion détenue par la société mère : les actions de la société fille sont an-
nulées, sans être remplacées par des titres de la société mère absorbante
(à moins que celle-ci ne puisse être actionnaire d'elle-même). Alors que
l'apport correspondant aux actions détenues par d'autres actionnaires
-- lorsque la société mère ne détient pas le 100 % du capital de la
filiale - est un véritable apport de fusion, soumis aux règles générales,
l' « apport de liquidation » est en réalité un dividende, dont l'imposition
immédiate est parfaitement justifiée, sous réserve des privilèges holding
prévus par la loi en vigueur. Sans doute, le fait que cet apport soit fait
à sa valeur comptable permet d'éviter le prélèvement d'un impôt de
liquidation au niveau de la filiale, mais, au niveau de la mère, aucun sur-
84 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

sis ne nous paraît admissible et nous pensons même, contrairement à la


doctrine dominante, que le montant du dividende imposable doit être égal
à la différence entre la valeur vénale (et non la valeur comptable) de l'ap-
port et la valeur comptabilisée des titres annulés : une autre solution
violerait le principe de l'égalité de traitement.
En cas d'opération en sens inverse, soit en cas d'absorption d'une
société mère par sa fi'lle, et dans l'hypothèse où les actions de la filiale
reçues par cette dernière lors de l'absorption sont distribuées aux action-
naires de la mère (qui ne peut être actionnaire d'elle-même), la société
mère - c'est-à-dire la société absorbée - ne peut éviter l'imposition des
plus-values afférentes à sa participation, à moins qu'elle ne bénéficie
d'un privilège holding étendu (applicable aux gains en capital).
Lorsque chacune des deux sociétés est actionnaire de l'autre, les deux
phénomènes qui viennent d'être mentionnés se trouvent cumulés et l'ab-
sorption, quel que soit le sens choisi, entraîne naturellement une double
taxation : au niveau de la société absorbée, de la plus-value afférente aux
actions de la société absorbante, et, au niveau de cette dernière, du divi-
dende correspondant à l'apport de liquidation.
En revanche, au cas où l'une des sociétés participant à une fusion
est actionnaire d'elle-même, l'annulation de sa participation, ou la dis-
tribution de celle-ci aux actionnaires de la société absorbée, ne devrait
pas entraîner d'imposition.

4. Au niveau des actionnaires.

L'échange, ou, plus précisément, le remplacement de titres auquel


procèdent les actionnaires de la société reprise, parfois contre leur gré,
ne devrait avoir aucune conséquence fiscale, dans la mesure où l'impo-
sition future des dividendes de liquidation et des gains en capital n'est
pas mise en péril par la concentration.
En pratique, cette garantie est assurée par la comptabilisation des
nouveaux titres à la même valeur que celle des titres précédemment
détenus (personne morale ou entreprise), ou en considérant que le prix
d'acquisition des nouveaux titres est égal au prix d'acquisition des titres
annulés (personne physique).
Cependant, dans la mesure où une diminution de la valeur nominale
totale des actions réduit le montant du dividende de liquidation poten-
tiel, ce dernier doit être immédiatement imposé. Il en va de même lorsque
la valeur vénale des nouveaux titres est inférieure à celle des actions
annulées, et que les actionnaires reçoivent, en compensation, une soulte
en espèces ou en nature.
CONCLUSIONS 85

C. REMARQUE CONCERNANT LES ASPECTS INTERNATIONAUX


DES FUSIONS NATIONALES.

La présente étude est restreinte aux aspects fiscaux des fusions na-
tionales, c'est-à-dire, des concentrations opérées entre des sociétés ayant
leur siège dans un même Etat. Il est cependant évident que ces concen-
trations, particulièrement lorsqu'elles réunissent de grandes sociétés, au-
ront souvent des incidences internationales importantes.
Tel sera le cas, par exemple, si la société reprise possède des im -
meubles ou des établissements stables dans un ou plusieurs Etats tiers.
Par suite de l'apport et du transfert de la propriété de ces biens à la
société bénéficiaire, l'Etat de situation sera fondé à imposer les plus-
values qu'ils recèlent et à prélever des droits de mutation ou d'autres
contributions indirectes. Les conventions de double imposition confirment
d'ailleurs ce droit, en prévoyant que les gains réalisés lors de l'aliéna-
tion de biens immobiliers ou d'établissements stables sont imposables
au lieu de situation.
Cette imposition constitue un sérieux obstacle aux fusions nationales,
à l'exception des apports partiels ; la société apporteuse est contrainte à
subsister, de manière à demeurer propriétaire des immeubles ou établis-
sements situés à l'étranger. La seule autre possibilité serait de transfor-
mer préalablement l'établissement en filiale, pour autant qu'une telle
transformation - qui implique elle aussi un transfert de propriété -
n'entraîne pas d'imposition.
Ce problème pourrait trouver sa solution dans le cadre, soit d'une
convention multilatérale, soit des conventions de double imposition tra-
ditionnelles, qui seraient modifiées de manière à prévoir un sursis à l'im-
position des plus-values, soit encore d'un accord sur les fusions interna-
tionales.
Des complications peuvent également surgir au niveau des action-
naires de la société apporteuse. Le régime de sursis qui leur est géné-
ralement accordé par l'Etat dont relèvent les sociétés qui fusionnent
n'est évidemment pas applicable (sauf au niveau des impôts à la source) à
ceux d'entre eux qui sont résidents d'un Etat tiers ; la différence entre la
valeur d'acquisition ou comptable (ou éventuellement la valeur nomi-
nale) des titres annulés et la valeur vénale des titres reçus en échange
risque, par conséquent, d'être imposée par l'Etat de domicile, à titre de
dividende de liquidation ou de gain en capital.
Ce problème pourrait également trouver sa solution dans le cadre
d'une convention multiilatérale ou d'un accord sur les fusions interna-
86 EXPOSÉ DES PROBLÈMES

tionales, ou grâce à une modification des conventions bilatérales en vi-


gueur : à l'heure actuelle, seule la convention entre la France et la Bel-
gique contient une disposition destinée à éviter l'imposition des action-
naires Go.

eo Selon l'art. 15, ch. 6, de cette convention ( du 10 mars 1964) : «En cas
de fusion de sociétés résidentes d'un seul des deux Etats contractants, les attri-
butions gratuites d'actions ou de parts sociales de la société absorbante ou
nouvelle, résidente du même Etat, ne sont pas considérées dans l'autre Etat
contractant comme constituant des distributions de revenus. »
On notera, par ailleurs, que le protocole des négociations de la nouvelle
convention germano-suisse du 11 août 1971 contient la disposition suivante
(ad art. 26) : « Les autorités compétentes se mettront en rapport, sur la base
des dispositions de l'article 26, pour examiner, dans le cas de restructurations
d'entreprises (transformation, incorporation d'un établissement stable dans une
société filiale, fusion, scission d'entreprises), comment des rigueurs inéquitables
provenant de la législation interne peuvent être évitées. »
DEUXIÈME PARTIE

SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

7
SOLUTIONS ÉTRANGÈRES 89

Cette étude est centrée sur la Suisse. Or, on le verra plus loin, dans
la Troisième Partie, la Confédération et les cantons suisses n'ont adopté
aucune législation fiscale (sauf de rares exceptions) concernant la con-
centration d'entreprises. Les régimes spéciaux appliqués par les Adminis-
trations compétentes, plus ou moins uniformes et constants, non publiés,
sont fondés sur une interprétation extensive de certaines dispositions
légales ou, plus souvent, sur des impératifs économiques justifiant une
entorse à la loi. Une telle situation n'est pas satisfaisante.
Les Etats qui nous entourent, en revanche, ont mis en vigueur des
textes légaux relatifs aux concentrations, ou, du moins, à certaines for-
mes de concentrations. Si, d'une manière générale, l'examen des solutions
adoptées par d'autres Etats constitue une procédure nécessaire à la per-
fection des lois et de leur interprétation, cet examen se justifie davantage
encore lorsqu'un texte, nécessaire, fait défaut.
La compréhension des régimes de faveur décrits p'ius bas (lettre B,
ch. 3 de chaque chapitre) exigeait, au préalable, un bref examen des
règles du droit des sociétés, et une description sommaire du système
fiscal en vigueur, en particulier des conséquences d'une liquidation de
société, dans chacun des Etats choisis. Il est évident, en effet, que ies
régimes d'imposition des fusions sont, dans une certaine mesure (par-
fois modeste) liés aux possibilités et techniques du droit commercial, et
que les concentrations qui ne satisfont pas les conditions particulières
prévues par la loi d'impôt sont, en principe, traitées comme des liquida-
tions de sociétés : les régimes spéciaux sont « de faveur », précisément
parce qu'ils permettent d'éviter les conséquences, coûteuses, d'une liqui-
dation.
On ne peut nier, par ailleurs, que les différences importantes existant
entre les systèmes fiscaux des Etats choisis et de la Suisse réduisent
sensiblement la valeur d'exemple des régimes examinés. Ainsi, la liqui-
dation d'une société belge n'a pas de conséquence fiscale au niveau des
actionnaires. Le système américain, quant à lui, permet d'escamoter le
problème, capital en Europe, des plus-values de la société reprise, puis-
que les bénéfices de liquidation ne sont imposés qu'entre les mains des
actionnaires. Le régime néerlandais, enfin, ne s'applique qu'aux « fusions
économiques ».
SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

Ce sont probablement les systèmes de la France et de l'Allemagne qui


sont les plus proches des conceptions helvétiques, et les régimes en vi-
gueur dans ces Etats sont ceux dont le législateur suisse pourrait le plus
facilement s'inspirer, sans pour autant exclure des solutions originales
ou des emprunts à d'autres systèmes. Malgré sa complication excessive,
le système français présente un certain intérêt dans la recherche d'une
solution aux problèmes posés par les concentrations intercantonales,
alors que la législation allemande - essentiellement fondée sur le prin-
cipe du sursi1s à l'imposition - pourrait servir d'exemple en matière de
fusions cantonales.
CHAPITRE PREMIER

LE SYSTÈME ALLEMAND
(RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE)

A. DROIT DES SOCIÉTÉS.

La loi sur les sociétés par actions du 6 septembre 1965 1, à ses articles
339 à 358, fixe les conditions et règle la procédure de deux opérations
de concentration, dites « fusions par transfert» (übertragende Verschmel-
zung), dont la réalisation intervient par un transfert de biens à titre
universel, en échange d'actions, sans liquidation des sociétés faisant
l'apport. Ces opérations sont :
1. la fusion au sens strict (Verschmelzung durch Neubildung), et
2. l'absorption (Verschmelzung dur ch Aufnalzme).
La fusion doit être approuvée par les actionnaires des sociétés en
cause, à la majorité des trois quarts (article 340 AktG). L'attribution de
soultes en espèces est admise jusqu'à concurrence d'un montant égal
à 10 % de la valeur des nouvelles actions (article 344 AktG).
Une autre forme d'absorption :
3. la transformation par fusion (umwandelnde Verschmelzung), est
prévue par la loi sur la transformation des sociétés de capitaux et des
sociétés minières du 12 novembre 1956 2 • En vertu de cette loi, la « trans-
formation » d'une société de capitaux, et notamment d'une société ano-
nyme, s'effectue par le transfert de son patrimoine à l'un de ses action-
naires (qui peut être une société). Par suite de ce transfert, la société ap-
porteuse est dissoute.

1 Aktiengesetz (AktO), Bundesgesetzblatt 1965 1, p. 1089.


2 Gesetz über die Umwandlung von Kapitalgesellschaften und bergrecht-
lichen Gewerkschaften (UmwO), Bundesgesetzblatt 1956 1, p. 844.
92 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

La transformation par fusion n'est donc possible qu'entre sociétés


affiliées, tandis que l'absorption prévue par l' AktG peut être effectuée
par des sociétés complètement indépendantes l'une de l'autre s.
Les autres formes de concentration, soit :
4. la scission (opération pratiquement inconnue en Allemagne),
5. la pseudo-fusion, et
6. l'apport partiel (Betriebsaufspaltung), peuvent être réalisées, mais
elles ne font l'objet d'aucune disposition légale particulière.

B. DROIT FISCAL 4.

1. Généralités sur l'imposition des sociétés allemandes 5.

a) Impôts directs.
aa) Impôt sur les sociétés (Korperschaftsteuer) 6, Sous réserve des dis-
positions des conventions de double imposition et de certaines règles de
droit interne destinées à éviter les doubles impositions (crédit d'impôt,

s L'acquisition par une société de la totalité du capital-actions d'une autre


société (unechte oder wirtschaftliche Verschmelzung) n'entraîne pas la liquida-
tion automatique de cette autre société.
4 The Taxation of Companies in Europe, Ouides to European Taxation,
Vol. Il, Oermany, §§ 389 à 398 ; International Bureau of Fiscal Documentation
(mise à jour: septembre 1972). - Dr. L. Hübl, Rapport national allemand au
XXIV• Congrès international de droit financier et fiscal, in Cahiers de droit
fiscal international, Vol. LVb, deuxième sujet, pp. 11/1 et ss. ; IF A, Rotterdam
1970. - Jacques-Y. Roelans, Régimes fiscaux applicables aux fusions de sociétés
dans les Etats membres de la CEE et perspectives communautaires ; Ets. Emile
Bruyant, Bruxelles 1970. - Deutsche Bank, Umwandlung und Verschmelzung
von Unternehmen ; Verlag Handelsblatt GmbH, Düsseldorf 1969. - Germany :
Taxation of Mergers and Similar Transactions; Eur. Tax., Vol. 9 (1969), N° 5,
pp. 93 et ss. - Rudolf Thiel, La concentration d'entreprises du point de vue
du droit fiscal allemand ; Rapport allemand au Colloque international de droit
européen, Rome 1968. - Hans-P. Reuter, Transformation et fusion en droit
fiscal allemand; La Fiscalité du Marché Commun, N° 21 (mars 1967), pp. 504
et ss. - H. Branner, Die Besteuerung der Gesellschaften ; Schaffer & Co.
OmbH, Stuttgart 1965, pp. 863 et ss. - Taxation in the Federal Republic of
Germany; World Tax Series, Harvard Law School, Commerce Clearing House,
Inc., Chicago 1963, pp. 493 et ss. - E. Gessler, Fusion des sociétés en droit
allemand ; Rapport au Colloque international de droit européen, Bruxelles 1961 ;
Ets. Emile Bruyant, Bruxelles 1962, pp. 29 et ss.
5 Voir notamment : The Taxation of Companies in Europe, op. cil., §§ 117
et ss., et Supplementary Service to European Taxation, Germany, Section A ;
International Bureau of Fiscal Documentation (mise à jour : août 1973).
6 Il est prévu par la Korperschaftsteuergesetz (KStO) du 24 mai 1965.
LE SYSTÈME ALLEMAND 93
déduction des impôts étrangers, imposition à taux forfaitaire), une société
anonyme est imposée sur son bénéfice mondial, tel qu'il résulte du bilan
annuel ('les pertes peuvent être reportées sur cinq ans).
L'impôt sur les sociétés est prélevé :
-- au taux de 51 % sur les bénéfices non distribués 1 ;

- au taux de 15% sur les bénéfices distribués ; le taux réel est ce-
pendant plus élevé (23,44%), car le montant de l'impôt sur les bénéfices
distribués, qui n'est pas déductible, est lui-même soumis à l'impôt sur
les bénéfices non distribués. Depuis 1968, le Korperschaftsteuer a été ma-
joré de 3%. Par ailleurs, une surtaxe additionnelle de 10% frappera les
bénéfices réalisés entre le t•• juillet 1973 et le 30 juin 1974 s.
Les dividendes de source allemande distribués à une société mère
(c'est-à-dire, une société qui détient au moins 25% du capital de la
société distributrice) bénéficient d'un traitement particulier (article 9
KStG). Dans la mesure où ils sont redistribués aux actionnaires de la
société mère, ils ne sont soumis à aucun impôt (Schachtelprivileg). Si la
société mère les met en réserve, ils sont soumis à un impôt complémen-
taire de 36% (Nachsteuer), de telle manière que l'imposition totale (au
niveau de la filiale et au niveau de la mère) s'élève à 51 %, exactement
comme si la filiale n'avait pas distribué ses bénéfices.
Le fameux concept de l'Organschaft concerne également les relations
entre sociétés mères et filiales allemandes : si une société mère détient
plus de 50% du capital nominal d'une société fille, et si les deux sociétés
sont étroitement liées d'un point de vue commercial et administratif,
elles peuvent convenir (aux termes d'un accord écrit ratifié par une ma-
jorité qualifiée des actionnaires) que les bénéfices ou les pertes de la
filiale seront ajoutés aux bénéfices de la société mère ou déduites de
ceux-ci, comme si les deux sociétés ne formaient qu'une seule entité.
Selon les projets de réforme fiscale actuellement en cours, le système
du double taux, qu'il était prévu d'abandonner, serait maintenu (taux de
.56% et 36%). assorti néanmoins d'un régime d'imputation au niveau des
actionnaires, tel qu'il est connu en France et en Belgique 9 •

1 Les sociétés contrôlées par des personnes physiques (au moins 76 %),
et dont le capital, formé d'actions nominatives, est d'un montant supérieur à
DM 5 m peuvent choisir entre les taux normaux de 51 %-15 % et des taux
0

spéciaux, de 49 % sur les bénéfices non distribués et de 26,5 % sur les béné-
fices distribués.
s Tax News Service 1973, Part 1, Europe, 8.
9 Voir Droit et Affaires, N° 196 (1°' mai 1971), Allemagne, pp. 5 et ss., et
Germany, Reform of Corporation Tax ; Eur. Tax., Vol. 11 (1971), N° 6, p. 1/149.
Voir aussi The Taxation of Companies in Europe, op. cit., §§ 417 et ss. et
Tax News Service 1973, Part 1, Europe, 50.
94 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

ab) Impôt à la source (Kapitalertragsteuer) 10. Les dividendes distri-


bués sont soumis à un impôt à la source de 25,75% (y compris la surtaxe
de 3% introduite en 1968). Cet impôt n'a pas de conséquence définitive au
niveau national, puisqu'il s'impute sur les impôts payés par la société
qui bénéficie des dividendes.
La nouvelle surtaxe de 10% (en vigueur du !"• juillet 1973 au 30 juin
1974) est également applicable au Kapitalertragsteuer.
ac) Impôt sur le capital et les résen1es (Vermogensteuer) 11. Cet impôt
est prélevé au taux de 1 %. La participation déterminante (de 25 % au
moins) d'une société mère dans une filiale n'est pas incluse dans le pa-
trimoine imposable. Les actifs imposables à l'étranger (en vertu d'un
traité) sont également exonérés.
ad) Impôt professionnel ou patente (Oewerbesteuer) 12. Cet impôt,
qui est prélevé par les communes (son taux varie d'ailleurs légèrement
d'une commune à l'autre), est déductible des bénéfices soumis au Korper-
schaftsteuer. Le Gewerbesteuer se compose en fait de trois impôts dif-
férents :
- un impôt sur les profits industriels (à l'exclusion, en particulier, des
dividendes privilégiés et des bénéfices d'établissements étrangers) de
15 % environ : le projet de réforme fiscale en prévoit la suppression ;
- un impôt sur Ie capital et les réserves de 0,6 % environ ;
·- un impôt sur les salaires de 2 % environ.

b) Impôts indirects.
ba) Droit d'enregistrement (Gesellschaftsteuer). La loi relative au
Kapitalverkehrsteuer du 24 juillet 1959 prévoyait la perception d'un
droit d'apport, ou d'enregistrement, de 2,5 % de la valeur nominale
des titres émis par une société anonyme (ou de la valeur vénale des ap-
ports, si elle était plus élevée que la valeur nominale des actions).
Cependant, par suite de l'adoption par le Conseil de la CEE, en date
du 17 juillet 1969, d'une directive concernant les impôts indirects frap-

10 Il est prévu par l'Einkommensteuergesetz (EStO) du 27 février 1968 (art. 43


à 45), Bundesgesetzblatt 1968 I, p. 145. Une nouvelle version de l'EStO, mise
à jour au 1•• décembre 1971, a été publiée dans la Bundesgesetzblatt de
décembre 1971.
11 Vermogensteuergesetz du 10 juin 1954, Bundesgesetzblatt 1954 I, p. 137.
12 Gewerbesteuergesetz (GewStO) du 25 mai 1965, Bundesgesetzblatt 1965 1,
p. 459.
LE SYSTÈME ALLEMAND 95
pant les rassemblements de capitaux 1a, l'Allemagne - comme les autres
Etats membres du Marché commun-· s'est obligée à mettre en vigueur,
dès le 1or janvier 1972 (la date limite fut plus tard repoussée au 1••
juillet 1972), les dispositions nécessaires à l'harmonisation prévue par
cette directive. Le taux du droit d'apport ne peut ni être inférieur à 1 %
ni dépasser 2 % de la valeur vénale de l'apport, et l'Allemagne a adopté
le taux maximum de 2 % 14.
bb) Taxe sur la valeur ajoutée (Umsatzsteuer) 15, La T.V.A. est ac-
tuellement prélevée au taux de 11 %, parfois réduit à 5,5 %. Le projet de
réforme fiscale prévoit d'en porter le taux, probablement, à 12 %, éven-
tuellement à 15 % ou 16 %.
be) Droit de mutation (Orunderwerbsteuer). Le transfert des biens
immobiliers est soumis à un droit de mutation calculé sur la valeur brute
des immeubles. Son taux est de 6 % ou 7 %, selon les Lander.
La directive déjà mentionnée (article 12, ch. 1, litt. b.) autorise
expressément les Etats membres à prélever un droit de mutation im-
mobilière.
bd) Impôt sur les opérations de bourse (Borsenumsatzsteuer) 1a. Selon
la législation précédemment en vigueur, les actions et obligations né-
gociées en bourse étaient soumises à un droit de 2,5 %.
La perception d'un tel impôt est exclue par la directive concernant
les rassemblements de capitaux (article 11, litt. b)17.

2. Le régime de liquidation.

Lorsqu'une fusion ne bénéficie pas d'un régime particulier, dont l'ap-


plication est soumise à diverses conditions (voir ch. 3 ci-dessous), les
sociétés reprises sont considérées et traitées comme des sociétés
liquidées.

1a J.O.C.E., Législation, N° L 249 (3 octobre 1969), p. 25. Une nouvelle


directive, du 9 avril 1973 U.O.C.E., Législation, N° L 103 (18 avril 1973),
p. 15) prévoit que le taux du droit d'apport devra être fixé à 1 %, dès le
ter janvier 1976.
14 Par une loi de décembre 1971, en vigueur dès le 1•• janvier 1972, publiée
dans la Bundesgesetzblatt du 20 décembre 1971.
15 Umsatzsteuergesetz (Mehrwertsteuer) du 29 mai 1967, Bundesgesetzblatt
1967 1, p, 545.
rn Cet impôt est prévu, comme le droit d'enregistrement, par la Kapital-
verkehrsteuergesetz du 24 juillet 1959.
11 Elle permet en revanche le prélèvement d'une taxe sur la transmission des
valeurs mobilières (art. 12, ch. 1, litt. a).
96 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

a) Imposition des sociétés. Le montant de la différence entre la valeur


vénale du patrimoine de la société liquidée au terme de la liquidation
et sa valeur comptable - selon le bilan fiscal établi à la fin de l'exer.
cice précédant !a liquidation - est soumis au Korperschaftsteuer (arti-
cle 14 KStG) et au Oewerbesteuer (article 7 GewStG). Le Korperschaft-
steuer est prélevé au taux applicable aux bénéfices non distribués, c'est··
à-dire 51 % (plus les surtaxes en vigueur), de telle sorte que l'imposition
totale du « boni » de liquidation, compte tenu du fait que le Oewerbesteuer
est déductible du bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés, est appro-
ximativement Lie 60 %.
En cas de fusion, la valeur vénale du patrimoine apporté est réputée
égale à la valeur de la contreprestation faite par la société reprenante,
c'est-à-dire, en principe, à la valeur vénale des actions remises en échange
par cette société. Si elle détient des titres de la société reprise, c'est
alors, dans la mesure correspondant à cette participation, la valeur
vénale du patrimoine transféré qui détermine le montant des plus-values
imposables.
L'impôt sur les sociétés et la patente sont également prélevés sur
le bénéfice d'exploitation réalisé pendant la période de liquidation ; une
perte d'exploitation subie au cours de cette période est déductible du
bénéfice imposable.
b) Imposition des actionnaires. L'échange d'actions effectué par les
actionnaires de la société reprise est assimilé à une vente 18.
ba) Participation incluse dans le patrimoine privé d'une personne
physique. Le gain en capital n'est pas imposable, à moins que l'action-
naire:
-- effectue une transaction spéculative. Tel est le cas si les titres
annulés ont été détenus pendant six mois au moins, et si le gain
réalisé dépasse DM 1'000 (article 23 EStG) ;
- détienne une participation substantielle. Une participation est réputée
substantielle, ou déterminante, si !'actionnaire et, le cas échéant,
son époux et ses enfants, détiennent - ou ont détenu au cours des
cinq ans précédant l'opération de concentration, plus de 25 % des
actions de la société reprise, et si les actions échangées représentent
plus de 1 % du capital de cette société (article 17 EStG). Le revenu
imposable, correspondant à la différence entre la valeur vénale des
titres reçus en échange et la valeur d'acquisition des titres annulés,

18 Et non à une distribution de dividende. Même en cas de liquidation nor-


male (sans échange d'actions), les montants distribués aux actionnaires ne sont
pas soumis au Kapitalertragsteuer.
LE SYSTÈME ALLEMAND 97

bénéficie cependant d'une franchise rn et, sur demande de l'actionnaire,


il sera taxé à un taux égal à la moitié du taux qui s'appliquerait à
l'ensemble des revenus imposables de l'actionnaire, y compris le
gain en capital (article 34 EStG) ;
-- effectue une transaction commerciale. C'est le cas, particulier et juris-
prudentiel 20 , où les actions annulées avaient été acquises en échange
d'une entreprise transférée à une société qui l'avait reprise à valeur
comptable et qui avait remis à l'actionnaire en cause des titres
constituant alors une participation essentielle.
bb) Participation détenue par une entreprise ou une personne morale.
Le bénéfice imposable est égal à la différence entre la valeur vénale des
nouveaux titres et la valeur comptable des actions annulées (article 4
EStG). Si celles-ci faisaient partie du patrimoine d'une entreprise ex-
ploitée par une personne physique, et si la participation comprenait
l'ensemble du capital de la société reprise, les dispositions des articles
17 (franchise) et 34 (taux réduit) EStG sont applicables.

3. Le régime de faveur.

a) Impôts directs.
aa) Au niveau des sociétés.
1) Fusions et absorptions. Le reg1me de faveur du droit allemand
est fondé sur le système du sursis à l'imposition. Dans la mesure où
la taxation ultérieure des plus-values est assurée, celles-ci échappent à
une imposition immédiate, tant en ce qui concerne l'impôt sur les so-
ciétés (article 15, par. 2, KStG) que l'impôt professionnel (article 7
GewStG). Seul le bénéfice d'exploitation réalisé entre la fin du dernier
exercice précédant la concentration et la date de cette dernière est
soumis à l'impôt.
Les conditions mises à l'octroi du régime de faveur sont les suivantes :
- La société reprise doit faire apport de tous ses actifs et passifs.
- Les sociétés reprises et reprenantes doivent être des sociétés natio-
nales.

19 Le gain en capital n'est imposé que dans la mesure où il excède le quotient


de DM 20.000 divisé par le pourcentage de la participation, cette franchise
étant réduite du montant de la différence entre le gain en capital et le quotient
de DM 80.000 divisé par le pourcentage de la participation (art. 17, ch. 3, EStG).
20 Voir Eur. Tax., Vol. 9 (1969), N° 5, p. 98, note 40.
98 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

-- L'apport de la société reprise doit être rémunéré au moyen d'actions


émises par la société reprenante à l'occasion de la fusion. Dans la
proportion où la contreprestation de cette société consiste en d'autres
biens, notamment en espèces ou en titres détenus déjà avant l'opéra-
tion de concentration (une société allemande peut être actionnaire
d'elle-même), le régime de faveur est inapplicable.
- L'imposition future des plus-values doit être assurée ; en d'autres
termes, le patrimoine de la société absorbée doit être repris aux
valeurs comptables figurant au bilan fiscal établi au terme du dernier
exercice précédant la fusion. La reprise de certains biens à une valeur
supérieure à leur valeur comptable entraî.ne une imposition immédiate
des plus-values ainsi réalisées, mais n'exclut pas l'octroi d'un sursis
au reste du patrimoine apporté.

L'agio apparaissant au bi,Jan de la société reprenante, si la valeur


nominale des actions émises est inférieure à la valeur comptable de
l'apport, n'a aucune conséquence fiscale. Quant à l'éventuel disagio,
il pourra être activé et amorti sur cinq ans (article 348, par. 2, AktG).
Il importe enfin de noter que les pertes d'exploitation de la société
absorbée ne peuvent être reprises par la société absorbante.
2) Absorption d'une filiale. Lorsque une société absorbe une société
dans laquelle elle détient une participation, qui est annulée, le traitement
fiscal du montant de la différence entre la valeur vénale du patrimoine
apporté correspondant à la participation annulée et la valeur comptable
de cette participation pose des problèmes délicats 21, qui ont d'ailleurs
fait l'objet de nombreuses discussions dans la doctrine allemande. Depuis
1958, sous l'influence en particulier des thèses de R. Thiel 22 , les plus-
values afférentes à l' « allotissement de partage», c'est-à-dire, à la partie
du patrimoine apporté correspondant à la participation annulée, ont été
en principe soumises à imposition, tandis que l' « apport de fusion», soit
la partie du patrimoine rémunéré par des actions nouvelles remises aux
autres actionnaires de la société absorbée, bénéficiait du régime de faveur
prévu par la loi. D'autre part, une «transformation par fusion », opérée
conformément aux dispositions de l'UmwG, entraînait, sanis aucune
restriction, l'imposition des plus-values de la société reprise.

21Voir ci-dessus, Première Partie, Chapitre V, litt. A, pp. 63 et ss.


Voir, notamment, Die schwindende Kapitalgesellschaft im Kürperschaft-
22
steuer- und Einkommensteuerrecht; Der Betrieb, 1957, pp. 28 et ss., et Die
Besteuerung der schwindenden Kapitalgesellschaft und ihrer Gesellschafter ;
Deutsche Steuer-Zeitung, 1962, pp. 127 et ss.
LE SYSTÈME ALLEMAND 99
Cette situation a été fondamentalement modifiée par la loi sur le
traitement fiscal des transformations d'entreprises du 14 août 1969 2s.
Conformément à cette loi, en cas d'absorption effectuée avant le 31
décembre 1972, conformément aux dispositions de l'AktO ou de l'UmwO,
et pour autant que le patrimoine de la filiale fût repris à sa valeur
comptable, le bénéfice afférent à l'allotissement de partage, dit « béné-
fice de reprise» (Obernahmegewinn), n'était soumis à aucune imposition,
dans la mesure où la valeur comptable de la participation n'était pas
inférieure à sa valeur d'acquisition. Depuis le 1er janvier 1973, l'impôt
sur les sociétés est prélevé au taux spécial de 16 % et l'impôt profes-
8ionnel à un taux égal au tiers du taux normal, payables en cinq annuités.
Une exonération complète est cependant accordée, quelle que soit la date
de la concentration, si la société reprenante remplit les conditions mises
à l'octroi du Schachtelprivileg (participation d'au moins 25 % du capital
nominal).
3) Pseudo-fusions, apports partiels. Le trairement de ces opérations
est également prévu par la GüMAU (articles 17 et ss.), qui a codifié la
jurisprudence antérieure, sous réserve de quelques modifications.
L'apport d'une exploitation (Betrieb), d'une partie d'exploitation
(Teilbetrieb) ou, ce qui est nouveau, de l'intégralité du capital social
d'une société, n'est soumis à aucune imposition immédiate, si les condi·-
tions suivantes sont remplies.
- Le patrimoine apporté doit être repris à sa valeur comptable ; ce-
pendant, la valeur comptable des actifs transférés doit être au moins
égale à celle des passifs et, dans la mesure où elle lui est inférieure, une
réévaluation imposable d'actifs est inévitable. D'autre part, si la contre-
prestation de la société reprenante comprend d'autres biens que des
actions, et si la valeur de ces biens est supérieure à la valeur comptable
du patrimoine ~pporté, ce dernier doit figurer au bilan de la société re-
prenante à cette valeur supérieure.
- Les titres qui rémunèrent l'apport doivent être émis par la société
reprenante au moment de la concentration. La remise d'actions déte-
nues antérieurement entraîne l'imposition des plus-values afférentes au
patrimoine apporté correspondant à ces titres. En revanche, à la dif-
férence du système précédemment en vigueur, il n'est pas exigé que les
actions émises par la société bénéficiaire représentent plus de 25 % de
son capital social.

2s Gesetz über steuerliche Massnahmen bei Anderung der Unternehmensform


(GüMAU), Bundesgesetzblatt 1969 1, p. 1163.
100 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

- La société reprenante doit être régulièrement assujettie aux impôts


allemands ; elle doit, par conséquent, avoir son siège ou sa direction
effective en République fédérale 24. Un apport à une société étrangère,
même si l'exploitation constitue un établissement stable, ne bénéficie d'au-
cun régime de faveur.
- Les titres reçus par la société apporteuse doivent figurer à son bilan
it la même valeur que celle à laquelle est inscrit le patrimoine apporté
au bilan de la socité reprenante.
- L'exploitation reprise doit, en principe, être conservée pendant une
durée minimum de cinq ans.
ab) Au niveau des actionnaires. Si l'opération de concentration béné-
ficie des dispositions de la KStG ou de la GilMAU, l'échange d'actions
effectué par les actionnaires de la société reprise n'a pas de conséquence
fiscale. Dans le cas d'une entreprise ou d'une personne morale, cette
exemption est cependant soumise à la condition que les nouveaux titres
soient comptabilisés à la même valeur que les actions annulées 2 5.

b) Impôts indirects.
ba) Droit d'enregistrement. La directive de la CEE sur les rassem--
blements de capitaux prévoit que le droit d'apport perçu « lorsqu'une ou
plusieurs sociétés de capitaux apportent la totalité de leur patrimoine,
ou une ou plusieurs branches de leur activité, à une ou plusieurs sociétés
de capitaux» (article 7, ch. 1, litt. b) est réduit de moitié. Conformé-
ment à la loi de décembre 1971, le taux applicable en cas de fusion a
donc été fixé à 1 % 26.

bb) Taxe wr la valeur ajoutée. Cet impôt ne joue en principe aucun


rôle en cas de fusion. En effet, conformément à la loi (Umsatzsteuergesetz)
du 29 mai 1967, un transfert de biens n'est pas soumis à la T.V.A., dans
la mesure où il est assujetti au droit d'enregistrement (article 4, ch. 8).

be) Droit de mutation. Ce droit demeure la seule entrave sérieuse


aux fusions de sociétés allemandes. Certains Lander accordent une réduc-
tion en cas de concentration, mais elle est généralement assez minime
(de 7 % à 6 %, par exemple).

24 Art. 1 KStO.
211 Rulinf{ de la Bundesfinanzhof de Nordrhein-Westfalen du 16 décem-
bre 1958, Bundessteuerblatt 1959 III, p. 30.
26 La directive du 9 avril 1973 (voir note 13, ci-dessus) prévoit que le taux
applicable dès le l"' .ianvier 1976 ne devra pas dépasser 0,5 %.
CHAPITRE II

LE SYSTÈME BELGE

A. DROIT DES SOCIÉTÉS. t

Le droit belge actuellement en vigueur ne prévoit pas de procédure


spéciale relative à la fusion des sociétés. Une telle opération entraîne
par conséquent la liquidation de la société reprise, et, bien que certains
auteurs aient tenté d'élaborer un système de dévolution universelle, le
transfert du patrimoine d'une société à l'autre s'effectue selon les règles
générales du droit commercial.
La pratique distingue les opérations suivantes :
1) La fusion proprement dite. Deux ou plusieurs sociétés sont liqui·-
dées par suite de l'apport de l'ensemble de leurs patrimoines à une société
nouvelle. Les actions émises par cette dernière sont, soit remises aux
actionnaires des sociétés liquidées ( « fusion directe »), soit transférées
aux sociétés absorbées, puis distribuées à leurs actionnaires par les
liquidateurs ( « fusion indirecte »).
2) L'absorption. Une sooiété est liquidée et fait apport de son patri-
moine à une autre société, déjà existante, en échange de titres remis,
directement ou indirectement, aux actionnaires de la société liquidée.
Une absorption est notamment réalisée lorsqu'une société acquiert toutes
les actions d'une autre société 2 : la loi belge ne tolère en effet pas la
société anonyme à actionnaire unique (Code de Commerce, article 29).
3) La scission. Une société est liquidée et répartit son patrimoine entre
deux ou plusieurs autres sociétés, préexistantes ou nouvelles, en échange

1 Voir Jean-0. Renauld, Les fusions de sociétés en droit belge, Rapports


au Colloque international de droit européen, Bruxelles 1961 ; Ets. Emile Bruyant,
Bruxelles 1962, pp. 45 et ss. J. Malherbe, Rapport national belge au XXIV'
Congrès international de droit financier et fiscal, in Cahiers de droit fiscal
international, Vol. LVb, deuxième sujet, pp. Il/43 et ss.; !FA, Rotterdam 1970.
2 Certains auteurs contestent qu'il s'agisse d'une absorption au vrai sens
du terme. Cf. J. Malherbe, op. cit., p. Il/45.
102 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

d'actions remises aux actionnaires de la société scindée. Cette opération


était pratiquement inconnue jusqu'en 1967, lorsqu'un régime fiscal par-
ticulier lui a été accordé (voir ci-dessous litt. B, ch. 3, litt. aa, 4).
4) Les pseudo-fusions et apports partiels. Ces opérations, qui n'en-
traînent pas la liquidation des sociétés reprises, ont été mises au béné-
fice de privilèges fiscaux dès 1965 (voir ci-dessous, litt. B, ch. 3,
litt. aa, 5).

B. DROIT FISCAL a.

1. Généralités sur l'imposition des sociétés belges 4.

a) Impôts directs.
aa) Impôt des sociétés. Cet impôt, auquel sont soumises toutes les
entreprises ayant la personnalité juridique qui ont leur siège social, ou
leur principal établissement, ou encore leur siège de direction en Bel-
gique 5 , est en principe perçu sur le bénéfice mondial des sociétés, tel
qu'il résulte du bilan annuel. Il faut naturellement réserver les dispositions
des traités, ainsi que certaines règles de droit interne (crédit, imposition
à taux réduit) destinées à éviter ou réduire la double imposition.
Les impôts ne sont pas déductibles des bénéfices imposables. Le
report des pertes ( « carry-forward ») est généralement de cinq ans (pour
les sociétés formées entre le ter janvier 1967 et le 31 décembre 1970, ou
après le 31 décembre 1971, les pertes encourues pendant les cinq pre-
mières années sont déductibles sans limitation de temps).

a The Taxation of Companies in Europe, Ouides to European Taxation,


Vol. II, Belgium, §§ 279 à 293; International Bureau of Fiscal Documentation
(mise à jour: janvier 1974). - Fernand Masy, Impôts et taxes, Guide pratique
à l'usage du contribuable ; C.E.D. - Lois Sociales, Bruxelles, ad art. 118 et ss.
C.I.R. Cet ouvrage est régulièrement mis à jour. - J. Malherbe, op. cit., pp. 11/43
et ss. - Jacques-Y. Roelans, Régimes fiscaux applicables aux fusions de
sociétés dans les Etats membres de la CEE et perspectives communautaires ;
Ets. Emile Bruyant, Bruxelles 1970, pp. 30 et ss., 52 et ss. - Belgium: Taxation
of Mergers and Similar Transactions; Eur. Tax., Vol. 8 (1968) N° 6, pp. 130
et ss. - E. Krings, Raport belge au Colloque international de broit européen,
Rome 1968. - P. van Ommeslaghe, Communication au Colloque organisé par
le Centre universitaire d'Etudes des Communautés européennes de la Faculté
de Droit et des Sciences économiques de Paris, 1967 ; Revue du Marché Com-
mun, janvier-février 1968, pp. 399 et ss. - jean-0. Renauld, op. cit., pp. 65 et ss.
4 Voir notamment: The Taxation of Companies in Europe, op. cit.,
§§ 101 et SS.
5 Article 94 du Code des Impôts sur le Revenu (ci-après C.l.R.). Ce code
est le résultat d'un regroupement, effectué en 1964, des lois de réforme fiscale
du 20 novembre 1962 et des Arrêtés Royaux d'exécution subséquents. Le C.l.R.
est lui-même complété par une série d'Arrêtés Royaux postérieurs.
LE SYSTÈME BELGE 103

L'impôt sur les sociétés est prélevé au taux de 42 %. Cependant, des


taux spéciaux, variant entre 31 et 42 %. sont applicables lorsque les
bénéfices imposables n'excèdent pas F.B. 5.250.000.
Les gains en capital des sociétés belges bénéficient d'un taux réduit,
tixé à 21 %, lorsque les actifs aliénés ont été détenus pendant plus de
cinq ans (articles 126 et 130 C.I.R.).
Le régime des dividendes encaissés par une société a été sensiblement
modifié par la loi du 15 juin 1973 6, Précédemment, ces dividendes étaient
soumis à une retenue à la source de 20 % (voir ci-dessous, litt. ab),
qui n'était ni imputable ni remboursable ; du montant restant, le 5 %
ou le J0 % (pour une société financière) était soumis à l'impôt sur les
sociétés 7. Selon le système actuel, la retenue à la source de 20 % est
toujours prélevée, mais elle s'impute sur l'impôt des sociétés et le solde
en est remboursé à la « mère)' ; l'impôt des sociétés frappe alors le
5 % (ou le 10 %) du montant brut du dividende. On notera par ailleurs
que la loi de 1973, contrairement à la législation antérieure, exige que
la participation ait été détenue pendant tout l'exercice en cause (sauf
exception, notamment par les titres acquis lors d'une concentration pri-
vilégiée).
Exemple:
Bénéfice de la « filiale » 172,4
Impôt des sociétés (42 %) 72,4
Bénéfice distribué . . . . . 100
(Retenue à la source : 20)
Dividende encaissé par la « mère » . 100
Dividende imposable (5 %) 5
Impôt des sociétés . . . 2,1
Montant disponible 97,9

La double imposition économique est donc largement évitée. La


particularité du système belge, qui le distingue notamment des régimes
français, allemand, et suisse (impôt de défense nationale), est de ne pas
soumettre le privilège holding à une condition de participation minimum :
la double imposition économique est combattue per se, en application
du principe non bis in idem.
ab) Impôt à la source ( « précompte mobilier »). Le précompte mobi-
lier (articles 164 et ss. C.I.R.) est prélevé, on l'a dit, au taux de 20 %

6 Moniteur Belge du 6 juillet 1973.


7 Ces pourcentages représentent les frais de gestion et de participation
(art. 111, par. 1, ch. 1, et 113 C.I.R.).
8
104 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

sur les dividendes distribués 8 • Selon le système en vigueur avant la loi


de 1973, le précompte n'était cependant pas prélevé sur les dividendes
distribués au moyen de bénéfices privilégiés (c'est-à-dire de dividendes
exonérés sauf à concurrence de 5 ou 10 % de leur montant). Cette excep-
tion n'a plus cours dans le système actuel, puisque, ainsi qu'on l'a vu,
le précompte payé par une filiale est remboursé à sa mère.
Lorsqu'une personne physique reçoit un dividende, elle peut (et pouvait
déjà antérieurement), comme une personne morale, imputer le précompte
sur ses impôts personnels (articles 186 et ss. C.I.R.). Par ailleurs, elle
bénéficie d'un crédit d'impôt, égal à 45 % du dividende net o.

Exemple (suite du précédent) :


Montant distribué 97,9
Précompte (20 %) . . . 19,6
Dividende restant . . . 78,3
Dividende réel soumis à l'impôt :
78,3 + précompte (19,6) + crédit (35,2) 133,1
Impôt personnel (40 % par hypothèse) . 53,2
Montant disponible . . . . . . . . . . . . . . . 79,9

ac) Impôt municipal (« Taxe communale additionnelle »). Cette taxe


est de 6 % de l'impôt des sociétés.

b) Impôts indirects.
ba) Droit d'enregistrement 10. Le taux de ce droit, prélevé sur les
actifs correspondant à une contribution en capital (c'est-à-dire l'actif
net), est de 2 % 11. n correspond ainsi aux dispositions de la directive
communautaire du 17 juillet 1969 sur les rassemblements de capitaux 12 •
bb) Taxe sur la valeur ajoutée 13. La T.V.A. est généralement préle-
vée au taux de 18 %. En principe, lorsqu'un patrimoine est apporté à
une société, la partie du stock qui ne correspond pas à une contribution
en capital, mais à une reprise de dette, est soumise à la T.V.A.

s Il est également perçu sur les intérêts et peut être imputé par le créancier
(personne physique ou morale) sur ses impôts personnels.
o Ce crédit était précédemment égal aux 15/70 du dividende brut.
10 Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, art. 115 et ss.
11 La loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique (Gazette Officielle
du 1er janvier 1971) exonère du droit d'enregistrement les sociétés constituées
dans certaines régions économiquement défavorisées.
12 Voir ci-dessus, Chapitre I, note 13.
18 Code de la Taxe sur la valeur ajoutée, loi du 3 juillet 1969.
LE SYSTÈME BELGE 105

be) Dtoit de mutation 14. Le taux de ce droit est de 12,5 % de la


valeur brute des immeubles transférés. Là encore, en cas d'apport d'un
patrimoine qui inclut des biens immobiliers, la partie de ceux-ci qui ne
correspond pas à une contribution en capital est en principe soumise
au droit de mutation 15.

2. Le régime de liquidation.

Lorsqu'une fusion ne bénéficie pas d'un traitement particulier, dont


l'application est soumise à diverses conditions (voir ci-dessous, ch. 3),
les sociétés liquidées et leurs actionnaires sont imposés de la manière
suivante.

a) Imposition des sociétés.


Les dispositions relatives à la liquidation de sociétés sont contenues
aux articles 118 et ss. C.I.R. L'article 123, par. 1, ch. 1, C.I.R. prévoit
expressément l'application de ces dispositions aux sociétés «qui fu-
sionnent, soit que la fusion ait lieu par voie d'absorption par une société
existante, soit qu'elle ait lieu par voie de création d'une société nouvelle».
Une société en liquidation n'est plus soumise à l'impôt des sociétés
(article 125 C.I.R.) - sauf dans la mesure où elle poursuit son activité
commerciale - mais à une « cotisation » spéciale, perçue sur le montant
de la différence entre la valeur des actifs distribués aux actionnaires
(égale, en cas de fusion, à la valeur des actions qu'ils reçoivent) et le
montant de son capital social libéré (article 118 C.I.R.), éventuellement
revalorisé pour tenir compte de la dépréciation monétaire (art. 119
C.I.R.) 16, Les primes d'émission mises en réserve indisponible sont assi-
milées au capital social (article 122, ch. 4, C.l.R.). En revanche, les
réserves qui, sans avoir été soumises au précompte, ont été incorporées
au capital, ne sont pas prises en considération (art. 122, ch. 1, C.I.R.),
pas plus, d'ailleurs, que les actions détenues par la société liquidée,
lorsqu'elle est ·son propre actionnaire (article 122, ch. 2, C.I.R.) 1 7.

14 Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, art. 44 et ss.


15 Voir Eur. Tax., Vol. 8 (1968), N° 6, op. cit. Un exemple de calcul de
la T.V.A. et du droit de mutation est publié en pp. 138 et 139.
16 Le montant du capital est multiplié par un coefficient qui varie entre
16,33 (avant 1919) et 1 (depuis 1950).
17 Une société qui rachète ses propres actions doit payer une «cotisation»
spéciale de 30 % sur le montant de la différence entre le prix d'achat et le
montant libéré (et revalorisé) de ces actions (art. 116 et 131, ch. 1, C.I.R.). Le
rachat est assimilé à une réduction de capital.
106 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

La cotisation spéciale est prélevée (1) au taux de 42 % sur la partie


du bénéfice qui ne dépasse pas le montant des bénéfices antérieurement
mis en réserve et non distribués 18, et (2) au taux de 21 % sur l'excé-
dent, c'est-à-dire sur les plus-values qui n'avaient pas été comptabilisées
(article 131, C.I.R.). Ces taux sont majorés de la taxe municipale et du
décime additionnel.
La cotisation est due, et la valeur des biens (ou, en cas de fusion,
des actions) distribués est fixée, au moment où la répartition est effec-
tuée. La cotisation elle-même est déductible du boni imposable.

b) Imposition des actionnaires.


ba) Participation incluse dans le patrimoine privé d'une personne
physique. La liquidation, ou l'absorption non privilégiée d'une société
n'a pas de conséquence fiscale (article 19, ch. 2, C.I.R.). La cotisation
spéciale payée par la société inclut déjà l'impôt personnel auquel au-
raient été soumis les actionnaires en cas de distribution d'un dividende.
bb) Participation détenue par une entreprise ou une personne morale.
En ce qui concerne les entreprises, la diftérence entre la valeur compta-
bilisée des anciens titres et la valeur réelle des titres ou des autres
actifs qui ·sont répartis constitue une plus-value imposable, taxée, soit
au taux normal (impôt progressif des personnes physiques), soit, si les
actions annulées ont été détenues pendant plus de cinq ans, au taux
spécial de 15 % (articles 21 et 34 C.I.R.). L'Administration fiscale renonce
pourtant à toute imposition, à condition que la plus-value ainsi réalisée
ne soit pas comptabilisée à une valeur supérieure à celle qui a servi de
base, compte tenu du pourcentage de la participation, au calcul de la
cotisation spéciale m.
En ce qui concerne les sociétés, conformément au principe non bis
in idem, le bénéfice obtenu est considéré comme un revenu déjà taxé
et il n'est soumis à aucune nouvelle imposition, sinon à concurrence de
5 % ou de 10 % de son montant 2 0. Le traitement du boni de liquidation
est donc similaire à celui d'un dividende, mais il en diffère par le fait
qu'il n'est pas soumis au précompte mobilier.

18 La définition de « bénéfices réservés » donne lieu à de nombreuses diffi-


cultés. A ce sujet, voir : Belgium - Taxation of retained Profits upon Liquida-
tion ; Eur. Tax., Vol. 10 (1970), N° 11, pp. 1/294 et ss. A première vue, il est
toujours avantageux de distribuer ces réserves avant la liquidation, puisqu'elles
ne sont alors soumises qu'au précompte de 20 %. En réalité, comme la cotisation
spéciale inclut à la fois le précompte et l'impôt personnel des actionnaires per-
sonnes physiques (voir b, ci-dessous), une distribution anticipée n'est avanta-
geuse que si les actionnaires sont des personnes morales.
19 J. Malherbe, op. cit., p. Il/51.
20 Voir ci-dessus, ch. 1, litt. aa.
LE SYSTÈME BELGE 107

3. Le régime de faveur.

a) Impôts directs.
aa) Au niveau des sociétés.
1) Fusions et absorptions. Prévu à l'article 124 C.I.R., ce régime de
faveur accorde une exonération temporaire de tout impôt sur le béné-
fice de liquidation : l'imposition en est en effet retardée jusqu'au moment
de sa réalisation au sein de la société absorbante.
L'application de ce régime de sursis, facultatif et accordé sur demande,
est subordonnée aux conditions suivantes,
- La société absorbée doit faire apport de l'ensemble de son patri-
moine. Le règlement préliminaire du passif n'exclut cependant pas l'ap-
plication du régime spécial.
- Les apports doivent être rémunérés exclusivement par des parts
représentatives de droits sociaux ; le paiement d'une soulte peu importante
est pourtant admissible. En outre, cette seconde condition n'a pas à être
remplie lorsque l'absorption résulte de l'acquisition par la société absor-
bante de la totalité du capital soci:-ll de la société reprise : il n'y a pas,
en effet, dans un tel cas, de véritable apport.
- Si la dissolution de la société absorbée n'a pas été décidée directe-·
ment en vue de son absorption ou de sa fusion, les liquidateurs ne doivent
pas avoir déjà procédé à la répartition d'une partie de l'actif en exemp-
tion d'impôt 21.
- La société absorbante ou nouvelle doit avoir son siège social, ou
son principal établissement administratif, ou sa direction effective en
Belgique.
-- La société absorbante doit reprendre le patrimoine apporté à sa valeur
comptable, ou, plus exactement, se baser sur cette valeur pour calculer
les amortissements ultérieurs, ainsi que les moins-values et plus-values
réalisées lors de la cession d'actifs apportés ou lors de sa liquidation
subséquente.
Les bénéfices réservés et les provisions non imposées de la société
absorbée peuvent être repris par la société absorbante, mais pour un
montant qui n'excède pas la différence entre la valeur réelle du patri-
moine apporté et le capital libéré (et revalorisé) de la société absorbée ;

21 Le système combattu et prévenu par cette exigence est le suivant : une


répartition partielle à concurrence du capital libéré serait effectuée en exonéra-
tion d'impôt, puis le solde de l'actif serait transféré à la société reprenante.
108 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

cette limitation n'est cependant pas applicable aux provisions pour dé-
biteurs douteux.
Les pertes reportées de la société absorbée ne peuvent être déduites
des bénéfices de la société reprenante 22.
- Lors de la liquidation ultérieure de la société absorbante, le capital
qui sera pris en considération pour le calcul de la cotisation spéciale
sera égal au montant du capital revalorisé de la société reprise et de la
société reprenante au moment de la concentration, sans égard à la valeur
du patrimoine apporté ou au montant de l'augmentation de capital de
la société absorbante {des contributions ultérieures au capital de cette
société sont naturellement prises en considération).
2) Absorption d'une filiale. Lorsqu'une société absorbe une société
dans laquelle eHe détient une participation, les règles qui précèdent
sont applicables, sous réserve des ajustements suivants.
- Les bénéfices réservés et les provisions non imposées de la société
fille absorbée ne peuvent être repris que dans la proportion correspondant
au <-. dividende de liquidation », c'est-à-dire au rapport entre le montant
des actions détenues par la société absorbante et la totalité du capital
de la société absorbée. La différence constitue un gain en capital qui
sera imposé lors de sa distribution (notamment lors de la liquidation de
la société mère).
- Lorsque la société absorbante sera liquidée, le montant du capital
pris en considération pour le calcul des plus-values soumises à la coti-
sation spéciale correspondra au montant du capital (revalorisé) de la
société absorbante augmenté du montant du capital (revalorisé) de la
société absorbée qui était détenu, avant l'absorption, par des action-
naires autres que la société absorbante.
-- Si la valeur des actifs apportés correspondant aux actions de la
société absorbée détenues par la société absorbante est plus basse que
la valeur attribuée à ces actions par la société absorbante, cette dernière
enregistre une perte. L' Administration belge en admet en principe la
déductibilité. Il est, cependant,. évident que cette perte est purement comp ..
table, lorsque la valeur réelle des actifs repris est supérieure à la valeur
comptable des actions détenues par la société absorbante. La déduction
en est pourtant admise, à moins que la société reprenante n'ait acquis
les titres de la société reprise avec l'intention de l'absorber 23 • En outre,

22 Cette société peut, en revanche, déduire les frais afférents à la concen-


tration.
23 Eur. Tax., Vol. 8 (1968), N° 6, p. 136. Selon j. Malherbe, op. cit., p. II/52,
la perte comptable n'est jamais déductible.
LE SYSTÈME BELGE 109

la perte sera ignorée par le fisc, si les actionnaires des deux sociétés
sont les mêmes et si les titres de la société reprise ont été acquis à un
prix ,exagéré par la société reprenante, de manière à enregistrer une
moins-value au moment de l'absorption.
3) Absorption d'une société mère. Lorsque la société absorbée détient
une partie du capital et des réserves de la société absorbante, la reprise
du patrimoine de la société mère à sa valeur comptable aurait pour
effet, si les règles générales étaient appliquées, de réduire d'un mon-
tant correspondant à ce capital et ces réserves les plus-values imposables
de la société reprenante. C'est pourquoi, lors de la liquidation ultérieure
de cette société, le capital et les réserves de la société mère ne seront
pris en considération que dans la proportion correspondant au rapport
entre, d'une part, la valeur réelle du patrimoine de la société absorbée
diminuée de la valeur réelle des actions de la société absorbante qu'elle
détenait, et, d'autre part, la valeur réelle du patrimoine total de la
société mère.
4) Scissions. Un Arrêté Royal du 18 avril 1967 24 a mis les scissions
effectuées jusqu'au 31 décembre 1969 au bénéfice des dispositions ap-
plicables aux fusions. Ce régime temporaire a été prorogé à fin 1969 2 5,
pui.s rendu permanent par une loi du 13 avril 1971 26,
5) Pseudo-fusions et apports partiels. L'apport d'un patrimoine en
échange d'actions remises à la société apporteuse est, en principe, assi-
milé à une vente, et le bénéfice qui peut en résulter, égal à la différence
entre la valeur comptable de l'apport (revalorisé pour tenir compte de
la dépréciation monétaire) et la valeur des actions reçues, est soumis à
l'impôt des sociétés - dont le taux est réduit à 21 % si les actifs
aliénés ont été détenus pendant plus de cinq ans.
Cependant, conformément à !'Arrêté Royal du 4 mars 1965 27 , la
société apporteuse peut sur,seoir à cette imposition, si les conditions
suivantes sont remplies.
·- L'apport doit être rémunéré exclusivement au moyen d'actions de la
société reprenante.
-- La société recevant l'apport doit avoir son siège social ou son prin-
cipal établissement administratif en Belgique.

24 Moniteur Belge du 20 avril 1967. Cet Arrêté est fondé sur la loi du
31 mars 1967.
25 Loi du 23 décembre 1969 ; Gazette Officielle du 30 décembre 1969.
26 Moniteur Belge du 7 mai 1971.
21 Moniteur Belge du 30 avril 1965. Cet Arrêté est fondé sur l'article 40,
par. 1, ch. 2, C.I.R.
110 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

- Le patrimoine apporté doit constituer une entreprise capable de fonc-


tionner de manière indépendante au point de vue technique et commercial.
Un apport d'actions ne remplit pas cette condition, mais, s'il est inclus
dans l'entreprise aliénée et n'en constitue pas la part la plus importante,
il bénéficie du régime de faveur.
- La société recevant l'apport doit faire figurer les actifs reçus à son
bilan à leur valeur comptable, et la société apporteuse doit comptabi-
liser les actions qui lui sont remises en échange à la même valeur. Il en
résulte que si les plus-values afférentes à l'apport partiel ne subissent
aucune taxation immédiate, elles seront imposées deux fois dans l'avenir :
chez la société faisant !'apport et chez la société reprenante. En revanche,
la première société aura le droit de se fonder sur la date d'acquisition
des biens transférés (et non sur la date de l'échange), tant en vue de
la distinction entre bénéfice commercial et bénéfice en capital (béné-
ficiant du taux réduit de 21 %), qu'en vue du calcul de la revalorisation
destinée à tenir compte de la dépréciation monétaire.

ab) Au niveau des actionnaires.


1) Participation incluse dans le patrimoine privé d'une personne
physique. Ainsi qu'il a déjà été dit (voir ci-dessus, ch. 2, litt. b), le boni
de liquidation d'une société n'entraîne aucune imposition au niveau des
actionnaires, que la fusion bénéficie ou non d'un régime de faveur.
2) Participalion incluse dans le patrimoine commercial d'une per-
sonne physique. L'imposition de la plus-value est évitée si les nouvelles
actions sont comptabilisées à la même valeur que les actions annulées
(article 38 C.I.R.). En cas d'aliénation ultérieure, la plus-value imposable
sera donc calculée sur la base de cette valeur comptable, augmentée du
montant de la revalorisation monétaire 2s.
Ce régime, curieusement, est moins favorable que celui accordé par
le fisc lors d'une fus·ion non privilégiée ; dans cette dernière hypothèse,
en effet, l'actionnaire est autorisé à comptabiliser la plus-value, sans
qu'il n'en résulte aucune imposition.
3) Participation incluse dans le patrimoine d'une personne morale.
L'imposition limitée (à 5 % ou à IO% du « dividende ») à laquelle sont
soumises les sociétés actionnaires lors d'une concentration non privUégiée
est évitée, si les nouveaux titres sont comptabilisés à la même valeur
que les actions annulées (articles 38 et 96 C.I.R.). Lorsque la valeur

2s Le coefficient de revalorisation dépend de la date d'acquisition des actions


annulées.
LE SYSTÈME BELGE 111

réelle des actions obtenues est inférieure à la valeur comptable des


anciens titres, la moins-value qui en résulte est immédiatement déduc-
tible 211.

b) Impôts indirects.
ba) Droit d'enregistrement. Conformément aux dispositions de la
directive de la CEE sur les rassemblements de capitaux, ce droit est
prélevé au taux de 1 %. Ce taux réduit est applicable aussi bien aux
scissions et aux apports partiels qu'aux fusions et absorptions 3o.
bb) Taxe sur la valeur ajoutée. Les fusions, absorptions et scissions,
qu'elles soient ou non privilégiées en matière d'impôt des sociétés, ainsi
que les apports bénéficiant d'un traitement spécial, échappent à la T.V.A.
be) Droit de mutation. La situaNon est la même qu'en matière de
T.V.A., à une exception près : l'absorption consécutive à l'acquisition
par une société de la totalité du capital-actions d'une autre société est
assimilée à une vente par I' Administration de l'enregistrement et le droit
de 12,5 % doit être acquitté sur la valeur des immeubles dont la société
est propriétaire n.

20 ].Malherbe, op. cit., p. 11/52.


3o En ce qui concerne les apports partiels, cependant, le taux de 1 % ne
s'applique que si l'apport remplit les conditions du régime de faveur accordé
en matière d'impôt sur les sociétés.
s1 J. Malherbe, op. cit., p. 11/53. En revanche, ce mode d'absorption est
exonéré du droit d'enregistrement.
CHAPITRE III

LE SYSTÈME FRANÇAIS

A. DROIT DES SOCIÉTÉS 1.

La loi (N° 66-537) du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales


(L.S.C.), modifiée et complétée par diverses lois (notamment celle du 12
juillet 1967) et ordonnances postérieures, contient une série de dispositions
(articles 371 à 387) relatives aux opérations de concentration suivantes.
l. La fusion avec création d'une société nouvelle.
2. La fusion par absorption ou annexion.
Ces deux formes de concentration impliquent l'échange des patri-
moines des sociétés reprises (transmission universelle) contre des actions
des sociétés absorbantes ou nouvelles. Les sociétés reprises ne sont pas
liquidées (à moins qu'elles ne se trouvent en liquidation au moment de
la fusion), mais uniquement dissoutes. Une fusion doit être acceptée
par les actionnaires de chacune des sociétés en cause, conformément aux
règles applicables à une modification de statuts. Les actions nouvelles de
la société reprenante sont remises, soit à la société apporteuse (en cas
d'absorption), qui les distribue à ses actionnaires, soit directement à ceux-
ci (en cas de fusion).
3. La fusion-scission.
4. La scission.
Ces opérations impliquent toutes deux un transfert du patrimoine
d'une (ou éventuellement plusieurs) société à deux ou plusieurs autres
sociétés. Elles se différencient par le fait que les sociétés reprenantes
sont préexistantes dans le cas de la fusion-scission (qui est donc une
vraie opération de concentration), alors qu'elles sont nouvelles dans le
cas de la scission proprement dite. Pour le reste (dissolution des sociétés
reprises, remise de titres aux actionnaires des sociétés scindées, etc.),
la procédure de fusion est applicable.

1 Pour un résumé des dispositions applicables, voir jura Europae, Droit des
Sociétés, France, sect. 30.70 ; Editions Techniques juris-Classeurs, Paris (mise
à jour : t •r mai 1972).
LE SYSTÈME FRANÇAIS 113

5) L'apport partiel d'actifs. Cette opération, soit le transfert par une


société d'une partie de son patrimoine à une autre société, en échange
d'actions émises par cette dernière, est, en principe, soumise aux règles
générales sur les transferts et apports de biens. Cependant, les deux so-
ciétés peuvent, d'un commun accord, décider de soumettre l'opération
aux dispositions applicables aux scissions (article 387 L.S.C.).

B. Droit fiscal. 2

1. Généralités sur l'imposition des sociétés françaises""

a) Impôts directs.
aa) Impôt sur les sociétés. Contrairement au Korperschaftsteuer alle-
mand et à l'impôt belge des sociétés, cet impôt - auquel sont assujetties
toutes les sociétés de capitaux ayant leur siège social effectif en France 4
- n'es1 en principe pas perçu sur leur bénéfice mondial, mais uniquement
sur leurs revenus commerciaux de source française, et sur leurs revenus
de capitaux mobiliers de source française ou étrangère. Les profits im-

2 The Taxation of Companies in Europe, Ouides to European Taxation,


Vol. Il, France, §§ 786 à 829 ; International Bureau of Fiscal Documentation
(mise à jour: octobre 1973). - Gilbert Tixier, Rapport national français au
XXIV• Congrès international de droit financier et fiscal, in Cahiers de droit
fiscal international, Vol. LVb, deuxième sujet, pp. 11/143 et ss.; IFA, Rotterdam
1970. - Jacques-Y. Roelans, Régimes fiscaux applicables aux fusions de
sociétés dans les Etats membres de la CEE et perspectives communautaires ;
Ets. Emile Bruyant, Bruxelles 1970. - France: Privileged Tax Treatment for
Mergers and Similar Transactions; Eur. Tax., Vol. 8 (1968), N° 4, pp. 81 et ss.
- Ordre des experts comptables et comptables agrégés, Les groupes et grou-
pements de sociétés, Contribution à l'étude des entreprises liées, Paris 1968,
pp. 282 et ss. - ]. Oilardi, Le régime fiscal des fusions en France ; La Fiscalité
du Marché Commun, N° 28 (juin 1968), pp. 63 et ss. - P. Courtois, Rapport
national français au Colloque international de droit européen, Rome 1968. -
Association nationale des sociétés par actions ; Nouveau régime fiscal des
fusions de sociétés et des opérations assimilées, Paris 1967. - Taxation in
France ; World Tax Series, Harvard Law School, Commerce Clearing House,
lnc., Chicago 1966, pp. 550 et ss. - jean Burgard, Nouveau régime fiscal des
scissions et apports partiels d'actifs ; Direction, juin 1966, pp. 50 et ss. Du même
auteur : Le nouveau régime fiscal des fusions; Direction, avril 1966, pp. 371
et ss. - M.A. Turq, Rapport national français au XVII' Congrès international
de droit financier et fiscal, in Cahiers de droit fiscal international, Vol. XLVIIIa,
pp. 43 et ss.; IFA, Paris 1963. - Corporate Mergers in France; Eur. Tax.,
Vol. 3 (1963), N° 19, pp. 159 et ss. - G. Brulliard, La fusion de sociétés en
droit français ; Rapport au Colloque international de droit européen, Bruxelles
1961, Ets. Emile Bruyant, Bruxelles 1962, pp. 71 et ss.
s Voir, notamment, The Taxation of Companies in Europe, op. cit., §§ 171
et ss., et Supplementary Service to European Taxation, France, Section A ;
International Bureau of Fiscal Documentation (mise à jour : mai 1973).
4 Art. 206 du Code Général des Impôts (C.O.I.). Les sociétés de personnes
peuvent choisir d'être soumises à l'impôt sur les sociétés.
114 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

putables à un établissement stable étranger, ou à un cycle complet d'acti-


vité à l'étranger, ne sont pas inclus dans l'assiette de l'impôt sur les
sociétés. Cependant, depuis 1967, une société a la possibilité d'opter pour
le système du bénéfice mondial, assorti d'un crédit d'impôt 5,
L'impôt sur les sociétés n'est pas déductible des bénéfices soumis à
cet impôt. En revanche, les autres impôts et taxes auxquels est sou-
mise une société: (patente, T.V.A., impôt sur les salaires) constituent
des déductions autorisées. Les pertes peuvent être reportées (carry-
!orward) et déduites pendant cinq ans.
Le taux de l'impôt sur les sociétés est en principe de 50 %, mais il
est réduit à 15 % pour les gains en capital à long terme (c'est-à-dire
sur des actifs détenus pendant au moins deux ans) a.
Le régime des dividendes encaissés par une société est privilégié,
dans la mesure où elle a, vis-à-vis de la société distributrice, la qualité
de société mère 7, Cette qualité implique une participation de 10 % au
moins, ou d'un prix de revient excédant dix millions de francs, dans le
capital de la filiale. La participation, constituée par des titres nominatifs
ou, s'ils sont au porteur, déposés dans un établissement reconnu, doit
avoir été détenue pendant au moins deux ans, ou, alternativement, la
société mère doit s'être engagée à la détenir pendant deux ans.
Lorsque ces conditions sont remplies, les dividendes sont exonérés
d'impôt, sauf à concurrence de 5 % de leur montant 8 •
Exemple:
Bénéfice de la filiale 200
Impôt sur les sociétés (50 %) 100
Bénéfice distribué . . . . . . 100
Dividende encaissé par la mère 100
Dividende imposable (5 % du dividende
encaissé + avoir fiscal de 50 % 9) . 7,5
Impôt sur les sociétés (50 %) 3,75
Montant disponible . . . . . . . . . . . . 96,25

5 France : Introduction of Corporate Taxation on Worldwide and Conso-


lidated Incarne ; Eur. Tax., Vol. 7 (1967), N° 11, pp. 261 et ss. Bénéfice mondial
et bénéfice consolidé; La Fiscalité du Marché Commun, N° 27 (avril 1968),
pp. 40 et SS.
6 Le taux de 15 % a été introduit par la loi N° 73-1150 du 27 décembre 1973
(journal Officiel du 28 décembre 1973); il était précédemment de 10 %.
7 Art. 216 C.G.I. Voir Albert Timbart, Le régime fiscal applicable en France
aux sociétés-mères ; La Fiscalité du Marché Commun, N° 21 (mars 1967),
pp. 534 et SS.
s Ce pourcentage représente les frais de gestion de la participation. La
société mère est en droit de prouver que ces frais ont atteint un pourcentage
inférieur ; c'est alors ce dernier qui est pris en considération.
9 Voir ci-dessous, litt. ab.
LE SYSTÈME FRANÇAIS 115

La double imposition économique est donc largement évitée dans le


cadre des relations inter-sociétés. Par ailleurs, la loi de finances recti-
ficative pour 1971 1 0 a introduit le système de l'imposition consolidée des
sociétés mères et filiales. Le bénéfice de cette consolidation, soumise à
l'approbation du Ministère de !'Economie et des Finances, est accordé
lorsqu'une société mère détient 95 % des actions d'une filiale (acquises
dans le cadre d'une réorganisation).
ab) Impôt n la source («précompte») et avoir fiscal. Depuis la ré-
forme fiscale de 1965, les dividendes distribués par une société française
à ses actionnaires résidant en France ne sont soumis à aucune retenue
à la source. En outre, ces actionnaires obtiennent un remboursement
partiel de l'impôt payé par la société : ils bénéficient en effet d'un
« avoir fiscal», ou crédit d'impôt, égal à 50 % du dividende encaissé ;
cet avoir, qui est lui-même imposable, est imputé sur l'impôt de l'action-
naire (voir exemple ci-dessous).
Le précompte a pour rôle d'annuler les effets de l'avoir fiscal - qui
pour des raisons pratiques est toujours accordé - lorsque la société
distributrice, telle la société mère de l'exemple précédent, n'a pas été
soumise à l'impôt sur les sociétés. Ainsi, lorsqu'une société distribue des
dividendes provenant de revenus exonérés, elle doit acquitter le pré-
compte, prélevé au taux de 33 1/3 % sur le dividende distribué et l'avoir
fiscal qui lui est attaché.

Exemple (suite du précédent) :


Montant distribué . . . ·· . . . . . . . . . 96,25
Précompte (33 1/3 % de 92,5 + 46,25) .. (46,25) 11
Dividende encaissé par l'actionnaire . . . . 96,25
Dividende imposable (y compris avoir fis-
cal de 50 %) . . . . . . . . 144,37
Impôt 40 % (par hypothèse) 57,75
Montant disponible . . . . . . 86,6212

10 Loi N° 71-1025 Uournal Officiel du 25 décembre 1971).


11 Le précompte n'est pas effectivement perçu. En effet, la société mère, qui
avait reçu un dividende de 1OO, bénéficiait d'un avoir fiscal de 50. Cet avoir
fiscal se compense avec le précompte (l'avoir complémentaire de 3,75 pouvant
être imputé sur d'autres précomptes dus par la société). D'autre part, conformé-
ment à la loi de finances rectificative pour 1971 (voir note précédente), aucun
précompte n'est dû lorsque la redistribution des dividendes par la société mère
a lieu dans les cinq ans qui suivent la réception de ces dividendes.
12 Soit: dividende encaissé (96,25) - impôt (57,75) + =
avoir fiscal (48,12)
86,62.
116 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

ac) Contribution des patentes 13. Cet impôt local comprend, d'une
part, une taxe fixe, et, d'autre part, une taxe proportionnelle basée sur le
genre et la dimension de l'entreprise, la valeur locative de ses installa-
tions, ainsi que le nombre de ses employés. Le taux de la patente varie
de l % à 7,5 % du chiffre d'affaires.
ad) Taxes sur les salaires. La plus importante, dite « taxe sur les
salaires», est prélevée au taux de 4,25 %. Diverses autres taxes, notam-
ment d'apprentissage (0,5 %), de formation professionnelle (dont le taux
atteindra 2 % ~n 1976) et de construction (2 %) sont calculées sur la base
des salaires versés par les sociétés.

b) Impôt> indirects.
ba) Droit d'enregistrement. Selon le droit actuellement en vigueur,
le montant net de l'apport fait à une société est soumis à un droit
de 1 % 1 4 , tandis que la partie de l'augmentation de capital de la société
bénéficiaire qui excède le montant du capital de la société apporteuse
est soumise à un droit de 12 % 15 • L'agio n'est soumis à ce droit que si
et lorsqu'il est capitalisé.
Depuis le 1er janvier 1972, la France aurait dû mettre en vigueur
les dispositions de la directive communautaire sur les rassemblements
de capitaux 10 (taux de 1 % à 2 % de la valeur vénale des apports).
bb) Droit de mutation 11. Les transferts de biens immobiliers et de
biens mobiliers sont soumis à un droit, respectivement de 16 % et de
4,2 %, dans la mesure où ils correspondent à la prise en charge du
passif de la société apporteuse.
be) Taxe de publicité foncière 1 8. Cette taxe, de 0,6 %, est perçue
sur la valeur des apports immobiliers.
bd) Taxe sur la valeur ajoutée 19. Le taux de la T.V.A. est habituel-
lement de 20 % 20.

13 Art. 1447 à 1493 bis C.G.I.


14 Art. 714-1 C.0.1.
15 Art. 719 (1) C.O.I.
16 Voir ci-dessus, Chapitre I, p. 95, note 13.
11 Art. 721, 1584, 1595 et 1595 bis C.O.I.
18 Art. 839-1 C.O.I.
19 Loi N° 66-10 du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre
d'affaires.
20 Les banques et sociétés financières acquittent en place de la T.V.A.
une taxe spéciale sur les activités financières (T.A.F.), de 17,6 %. Certains biens
de première nécessité sont soumis à une T.V.A. de 7 % seulement, alors que
certains produits de luxe sont assujettis à une taxe de 33 1/3 %.
LE SYSTÈME FRANÇAIS 117

2. Le régime de liquidation.

Lorsque les sociétés participant à une fusion ne peuvent, ou ne


veulent, bénéficier du régime spécial (voir ch. 3 ci-dessous), dont l'ap-
plication est soumise à diverses conditions, l'opération de concentration
est traitée, au niveau des sociétés reprises, comme une liquidation.

a) Jmposnion des sociétés 21.


Les bénéfices en capitaux réalisés lors de la fusion, par la société
absorbée, sont soumis à l'impôt sur les sociétés. Ces bénéfices corres-
pondent à la différence entre la valeur vénale des titres émis en échange
du patrimoine apporté et la valeur comptable (fiscale) de ce patrimoine.
Les plus-values à court terme (afférentes à des actifs détenus depuis
moins de deux ans ou correspondant à des amortissements effectués en
franchise d'impôt) ainsi que les plus-values sur stock sont imposées au
taux de 50 % 22 • Les plus-values à long terme bénéficient d'un taux
réduit de 15 % 23.
Les réserves qui avaient été constituées par la société reprise en
exemption d'impôt (telles les réserves pour fluctuations ou augmentations
de prix) sont également imposées au taux de 50 %, à moins qu'elles
n'aient été libérées de l'impôt sur les sociétés par le paiement d'une taxe
spéciale. Il en va de même, enfin, du bénéfice d'exploitation réalisé
jusqu'à la date de l'apport.
La société reprenante est traitée comme n'importe quel acquéreur
d'une entreprise : les biens apportés sont évalués à leur prix de revient,
augmenté des frais accessoires et de la T.V.A. Les amortissements ulté-
rieurs sont pratiqués sur cette base, mais sans qu'il soit admis d'utiliser
un taux dégressif.

b) Imposition des actionnaires.


ba) Le régime normal. Lorsqu'une société est liquidée et distribue
ses avoirs à ses actionnaires, ceux-ci, personnes physiques ou morales,
sont imposés sur la fraction du « boni » de liquidation qui leur revient,
sans que ce bénéfice puisse être supérieur à la différence entre le mon-
tant remboursé et fa valeur d'acquisition des titres annulés 24 •

21 Art. 201 et 221 C.G.I.


22 Voir, cependant, ci-dessous, litt. bb.
23 Voir note 6, ci-dessus.
24 Ce bénéfice est naturellement majoré de l'avoir fiscal, que l'actionnaire
peut ensuite imputer sur son impôt. D'autre part, au niveau de la société, si
les produits distribués n'ont pas été soumis à l'impôt sur les sociétés, ils sont
frappés du précompte (voir ci-dessus, ch. 1, litt. ab).
118 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

bb) Le reg1me spécial 2 5 • Si la liquidation contribue à l'assainisse-


ment de la production et des marchés, et à condition d'obtenir l'agrément
préalable du Ministère de !'Economie et des Finances, les plus-values
de la société dissoute sont imposées uniformément au taux de IO% ;
d'autre part, moyennant le paiement d'une taxe forfaitaire de 15 %,
cette société peut distribuer ses réserves et plus-values sans autre impo-
sition au niveau des actionnaires.
be) Le régime de fusion. Les règles qui viennent d'être mentionnées
(sous litt. ba et bb) ne sont cependant pas applicables en cas de fusion,
sans égard au fait que les sociétés participant à la concentration béné-
ficient ou non du régime de faveur prévu par la loi (voir ci-dessous,
ch. 3). En effet, au niveau des actionnaires, une fusion n'est pas assi-
milée à une liquidation, et l'échange de titres n'entraîne pas l'imposition
d'un dividende 20. Cet échange n'est pas considéré non plus comme un
transfert pouvant donner lieu à un gain en capital 21, lorsque les titres
font partie du patrimoine privé d'une personne physique ; si l'action-
naire est une entreprise ou une personne morale, aucun bénéfice n'est
réalisé tant que les nouvelles actions demeurent comptabilisées à la
même valeur que les titres annulés.

3. Le régime de faveur.

a) Impôts directs.
aa) Au niveau des sociétés.
1) Fusions et absorptions. Le régime de faveur du droit français est
fondé sur la loi (N° 65-566) du 12 juillet 1965, qui est incorporée au
C.G.I., complétée par une ordonnance du 29 septembre 1967. Ce régime
combine les différentes méthodes qui peuvent être utilisées pour réduire
le coût fiscal des concentrations : sursis à l'imposition, taxation à taux
réduit, et délai:; de paiement. Son application est facultative 28 mais ne
peut être partielle. Elle est, en outre, soumise à la condition que l'opé-
ration, au total, résulte en un gain pour la société absorbée.

25 Il a été introduit par une loi de 1963 et modifié par la loi de réforme
fiscale de 1965 (art. 18).
20 Art. 115(1) C.O.I. Dans le système français, la remise d'actions par la
société reprenante aux actionnaires de la société reprise serait, en l'absence
d'une disposition expresse contraire, assimilée à une attribution gratuite d'un
revenu mobilier et imposée à ce titre.
21 Art. 159(2) C.0.1.
28 Le désir de pratiquer des amortissements sur la valeur vénale des apports
peut être une raison de ne pas demander le bénéfice du régime de faveur.
LE SYSTÈME FRANÇAIS 119

La société reprise est traitée de la manière suivante.


-- Imposition au taux normal (50 %) des bénéfices d'exploitation réalisés
jusqu'au jour du transfert 29.
-- Imposition également au taux de 50 % des plus-values afférentes
aux actifs qui n'ont pas le caractère d' « immobilisations ». Ce terme, qui
n'est pas défini par la loi, comprend en particulier les stocks de produits
et marchandises et, probablement, les titres et brevets, etc., détenus
depuis moins de deux ans. Un cinquième des pertes à long terme pré-
existantes peuvent être déduites des plus-values imposables ; en outre,
les pertes subies, lors du transfert, sur des éléments immobilisés amor-
tissables peuvent également être déduites (ou reportées chez la société
reprenante).
-- Imposition, toujours au taux de 50 %, des réserves qui avaient été
constituées en exemption d'impôt et qui deviennent sans utilité (par
exemple : une réserve pour des risques commerciaux contre lesquels la
société absorbante est assurée).
- Exonération des autres gains réalisés lors du transfert, c'est-à-dire
des plus-values sur immobilisations, sous les conditions et réserves
suivantes.
(i) Les éléments de l'actif immobilisé qui ne sont pas amortissables
(terrains, titres, etc.) doivent être repris par la société absorbante à leur
valeur comptable.
(ii) Les éléments amortissables, au contraire, sont repris à leur valeur
vénale, telle qu'elle résulte de l'acte de fusion. Si cette reprise entraîne un
hénéfice, une distinction doit être faite entre gain à court terme et gain
à long terme 30. Le premier est imposable au taux normal de 50 %, mais
le paiement de l'impôt est étalé sur cinq ans 31 : en principe, chaque
versement annuel doit constituer un cinquième de l'impôt total, mais, en
pratique, il est possible de procéder à une répartition irrégulière, dans

20 A noter qu'une fusion peut être opérée avec effet rétroactif, sous certaines
conditions prévues par un ruling (B.O. 41-2-72) du 13 juillet 1972 : le fisc doit
en être informé à l'avance ; la période de rétroactivité ne doit pas dépasser
six mois (sauf autorisation spéciale) ; la rétroactivité ne doit pas procurer
d'avantages en matière de report des pertes de la société reprise.
ao Un gain est à long terme lorsque l'actif en cause a été détenu pendant
deux ans ou davantage. Cependant, seul le montant de la différence entre le
prix de cession et le prix de revient constitue un bénéfice à long terme. Le
gain qui correspond aux amortissements effectués (différence entre prix de
revient et valeur comptable) est à court terme.
3 1 Ce délai (précédemment de dix ans) est prévu par la loi citée dans la
note 6, ci-dessus.
9
120 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

la mesure où le montant total imposé au terme de l'une ou l'autre des


années de la période en cause correspond au moins à un cinquième par an.
D'autre part, la période de paiement peut être allongée pour les gains
afférents à des biens dont la vie dépasse dix ans s2. En cas de gain à
long terme, les sociétés participant à la fusion peuvent choisir entre le
système qui vient d'être décrit et une imposition immédiate, au niveau
de la société reprise, au taux réduit de 15 % 33.
Si cette reprise entraîne une perte, cette dernière, on l'a noté plus
haut, peut, soit être déduite des plus-values afférentes aux actifs non
immobilisés, soit être reportée chez la société absorbante.
Etant donné que les éléments amortissables sont repris à leur valeur
vénale, la société bénéficiaire peut procéder à de nouveaux amortisse-
ments sur la base de cette valeur, et sans être liée par la méthode
qu'utilisait la société reprise.
(iii) Les réserves constituées en exemption d'impôt par la société
absorbée doivent être reprises par la société absorbante 3 4 •
(iv) Les réserves constituées par la société absorbée avec des gains
à long terme - imposés au taux de 15 % - doivent figurer au passif
du bilan de la société bénéficiaire.
(v) Si la société absorbée avait réalisé des gains en capital à court
terme, imposables à raison d'un tiers par année pendant trois ans, la
société reprenante est responsable des paiements restant à effectuer.
Elle est également responsable du paiement des impôts dus par la
société absorbée en raison d'une opération de concentration antérieure.
(vi) Les pertes d'exploitation et les pertes à court terme de la société
absorbée ne peuvent, en principe, être reprises par la société bénéfi-
ciaire. Le report de ces pertes est cependant possible si, et dans la mesure
où le Ministère de !'Economie et des Finances l'autorise, compte tenu
de motifs économiques particuliers. Quant aux pertes à long terme, on l'a
noté, un cinquième d'entre elles peuvent être déduites des plus-values
imposables de la société reprise 3 5.

32 Conformément à l'ordonnance du 29 septembre 1967, le paiement de


l'impôt a pu être retardé jusqu'à la quatrième année suivant le transfert (les
paiements annuels devant alors représenter un septième de l'impôt total), lorsque
la concentration a été effectuée entre le 1°' janvier 1967 et le 31 mars 1972.
as Lorsque la concentration a été effectuée avant le 31 mars 1972, cette
imposition a pu être étalée sur quatre ans, à raison d'un quart par année.
84 Voir ci-dessus, 3• tiret : dans la mesure où ces réserves deviennent sans
utilité, elles sont dissoutes et imposées au niveau de la société faisant l'apport.
35 Ci-dessus, 2• tiret.
LE SYSTÈME FRANÇAIS 121

2) Absorption d'une filiale. Lorsque la société absorbante est action-


naire de la société absorbée, la valeur des actifs apportés qui corres-
pondent aux actions détenues par la société absorbante est rarement
égale à la valeur fiscale de ces actions. Si la soci'été reprenante réalise
un bénéfice, H est imposable au taux de 50 %, dans la mesure où les
titres annulés avaient été détenus moins de deux ans, et au taux de
15 %, dans la mesure où la période de détention avait été d'une plus
longue durée 36.
Dans l'hypothèse inverse, lorsque la société reprise était actionnaire
de la société absorbante, les titres reçues par cette dernière, s'ils ne sont
pas annulés, sont repris à leur valeur comptable (ils constituent un actif
immobilisé) et bénéficient du sursis à l'imposition. En cas d'annulation,
l'éventuel bénéfice en capital réalisé par la société reprenante, égal à la
différence entre la valeur vénale et la valeur comptable des actions en
cause, est imposé au taux de 50 % (gain à court terme) ou de 15 %
(gain à long terme) 37,

3) Scissions et apports partiels. Conformément à l'article 210 B


C.G.I., ces opérations bénéficient du même traitement que les fusions
et absorptions, dans la mesure où les sociétés qui y participent obtiennent
l'accord préalable du Ministère de !'Economie et des Fina·nces. Les condi-
tions mises à l'octroi du régime spécial ont été précisées dans un ruling
du 4 juillet 1966 3 s et, plus récemment, dans un arrêté du Ministère de
!'Economie du 24 mai 1971 39,
-- La scission ou l'apport doit (a) si l'opération intervient entre des
sociétés indépendantes : permettre de réaliser le regroupement d'une
partie des activités de la société apporteuse avec les activités semblables
ou connexes de la société bénéficiaire ; (b) si l'opération intervient entre
des sociétés affiliées : avoir pour objet de réaliser la restructuration
interne du groupe et entraîner une réelle amélioration des structures
et des conditions d'exploitation.
--- Les apports de patrimoine de la société apporteuse aux diverses so-
ciétés bénéficiaires (en cas de scission) doivent avoir lieu à la même
date, et la société scindée doit être immédiatement dissoute.

36 Art. 210 A (1) C.G.I. Les concentrations opérées avant le I "' avril 1973
ont bénéficié d'une exonération complète.
37 Art. 210 A (1) C.G.I. Ici encore, une exonération complète a été accordée
aux absorptions effectuées avant le 1°' avril 1973.
38 Régime fiscal des Fusions de Sociétés, Bulletin Officiel des Contributions
Directes et du Cadastre (1966).
39 Journal Officiel du 30 mai 1971, p. 5254.
122 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

- Les apports doivent consister, soit (a) en une branche complète


d'exploitation, soit (b) en une participation à une tierce société équivalant
à l'apport d'une branche complète d'exploitation, soit (c), exceptionnel-
lement, en éléments isolés d'actifs autres que des espèces et des créances,
lorsque leur transfert concourt efficacement à la création ou à l'extension
d'une entreprise répondant aux objectifs du Plan.
En cas de scission, il n'est pas indispensable que les actionnaires de
la société dissoute reçoivent des titres de chaque société bénéficiaire au
prorata de fours actions annulées ; une autre répartition est admis-
sible.
En cas d'apport partiel, un privilège supplémentaire est accordé si
la société apporteuse distribue à ses actionnaires les titres qu'elle a
reçus dans l'année qui suit la concentration 4o : d'une part, aucune im-
position (ni retenue à la source) n'a lieu au niveau des actionnaires ;
d'autre part, la société apporteuse (i) ne paie aucun impôt sur l'éven-
tuelle augmentation de valeur des titres intervenue entre leur réception
et leur distribution, et (ii) n'est pas soumise au précompte, alors même
que fa distribution des actions s'accompagne d'une diminution de ré-
serves ou de bénéfices reportés qui n'avaient pas été soumis à l'impôt
sur les sociétés au taux de 50 %.
ab) Au niveau des actionnaires. L'échange de titres auquel procèdent
les actionnaires d'une société absorbée n'a aucune conséquence fiscale,
conformément aux articles 115 (1) (exonération de l'impôt à la source) 41
et 159 (2) C.G.l. (exonération de l'impôt des personnes physiques), ainsi
qu'au ruling du 4 juillet 1966, qui permet aux entreprises et personnes
morales, en comptabilisant les nouveaux titres à la même valeur que les
actions annulées, d'éviter toute imposition.
Ce régime, on l'a noté, est indépendant des privilèges accordés aux
sociétés qui se concentrent.

b) Impôts indirects.
ba) Droit d'enregistrement. Les fusions bénéficient d'un régime par-
ticulier, prévu par la loi du 12 Juillet 1965. Le montant net de l'apport
est soumis à une taxe fixe de Fr. 150.- (au lieu du droit de 1 %),
alors que la partie de l'augmentation de capital de la société bénéficiaire

40 Cette durée a été portée à trois ans pour les apports effectués du 1•• jan-
vier 1967 au 31 décembre 1970 (art. 3 de !'Ordonnance du 28 septembre 1967).
41 Cette exonération profite aux actionnaires étrangers, seuls soumis à une
retenue à la source sur les dividendes.
LE SYSTÈME FRANÇAIS 123
excédant le montant du capital de la société reprise est soumise à un
droit de 1,2 % (au lieu de 12 %) 42.
Par suite de l'entrée en vigueur, dès le t•r janvier 1972, de la direc-
tive communautaire sur les rassemblements de capitaux, la France a
l'obligation de réduire de moitié le taux normal du droit d'apport (qui
ne peut, lui-même, dépasser 2 % de la valeur nette du patrimoine trans-
féré) 43 • Ce taux réduit est également applicable en cas de scission ou
d'apport d'une branche d'activité, opérations qui bénéficient actuellement,
dans la mesure où elles sont agréées par le Ministère des Finances 44,
du régime de faveur accordé aux fusions (taxe fixe de Fr. 150.- et taux
réduit de 1,2 %). Les apports partiels profitent en outre d'un privilège
particulier, soit d'une exonération du droit de 12 % ou 1,2 %, lorsque
la société apporteuse ne distribue pas à ses actionnaires les titres rému-
nérant son apport ; en cas de distribution dans l'année 4 5 suivant la
concentràtion, le droit de 12 % ou 1,2 % n'est dû que sur la différence
entre la valeur nominale des actions distribuées et le montant de l'éven-
tuelle réduction de capital effectuée par la société apporteuse ; enfin, la
capitalisation de la prime de fusion (ou «prime d'apport» dans le cas
particulier) n'est que partiellement imposée 46,
bb) Droit de mutation. La direction communautaire n'a pas d'inci-
dence sur ce droit, dont les taux ont été mentionnés 47. En revanche, la
loi du 12 juillet 1965 a accordé une exonération aux opérations de
concentration.
be) Taxe de publicité foncière. Les fusions sont également exonérées
de cette taxe, normalement prélevée au taux de 0,6 % 4 8.
bd) Taxe sur la valeur ajoutée. Les fusions n'entraînent aucun assu-
jettissement particulier à cette taxe : les sociétés reprises sont dispensées
de tout versement de T.V.A., tandis que leurs droits à déduction et leurs
obligations de reversement sont tranférés aux sociétés bénéficiaires.

42 Art. 672 et 719 C.0.1. La taxe fixe n'est pas perçue si le montant du
droit de 1,2 % est supérieur à Fr. 150.-.
43 Voir ci-dessus, Chapitre l, notes 13 et 26.
44 Art. 719 (1 ter) C.O.I.
45 Ce délai était porté à trois ans pour les apports effectués avant le
1er janvier 1971.
46 Ruling 11° 9537 (1965).
47 Voir ci-dessus, ch. 1, litt. bb.
48 Art. 841 bis (10°) C.0.1.
CHAPITRE IV

LE SYSTÈME NÉERLANDAIS

A. DROIT DES SOCIÉTÉS.

Le droit en vigueur ne contient aucune dispostion relative à la fusion


des sociétés anonymes (Naamloze Vennootschap). Cette lacune devrait
être comblée par le nouveau code de droit privé et commercial 1.
En théorie, rien ne s'oppose à ce qu'une société se liquide et transfère
son patrimoine ~1 une autre société, en échange de titres émis par celle-ci
et distribués aux actionnaires de la société liquidée. En pratique, cette
méthode se heurte à plusieurs obstacles : le transfert du patrimoine n'a
pas lieu à titre universel et l'échange d'actions ne peut être imposé à
un actionnaire sur la base d'une décision majoritaire 2.
Les concentrations s'effectuent, soit par l'acquisition de participations
et la création de filiales (la société à actionnaire unique n'est pas contraire
à la loi), soit par les détours suivants.

l) Fusion et absorption.
a) Une société (ou plusieurs sociétés) transfère l'ensemble de son
patrimoine à une autre société, préexistante ou nouvelle, en échange
d'actions de cette société. La société reprise est ensuite liquidée.
b) Les actionnaires d'une ou de plusieurs sociétés cèdent leurs titres
a une autre société, préexistante ou nouvelle, en échange d'actions de
cette société. Les premières sociétés sont ensuite liquidées.

1 Nieuw Burgerlijk Wetboek, art. 2.1.12. Bien que cette partie du nouveau
code ait été adoptée, il est probable qu'elle ne sera pas mise en vigueur sous
sa forme actuelle.
2 Voir A. van Oven et M.V.M. van Leeuwe, La fusion de sociétés anonymes
en droit néerlandais ; Rapport au Colloque international de droit européen,
Bruxelles 1961 ; Ets. Emile Bruyant, Bruxelles 1962, pp. 107 et ss.
LE SYSTÈME NÉERLANDAIS 125

2) Scission. Une scission peut être effectuée selon la méthode t a ou


selon la méthode 1 b, ci-dessus. Dans le premier cas, une société trans-
fère son patrimoine à deux ou plusieurs sociétés, en échange d'actions
de ces dernières, puis procède à sa liquidation et à la répartition entre
ses actionnaires des titres qui ont rémunéré son apport. Dans le second
cas, les actionnaires d'une société cèdent leurs titres à deux ou plusieurs
sociétés, en échange d'actions de ces dernières, qui sont ultérieurement
liquidées.
3) Pseudo-fusion. L'opération 1 a, ci-dessus, lorsqu'elle n'est pas
achevée par la liquidation de la société reprise, constitue une pseudo-
fusion.
4) Appo1 t partiel. Cette opération est semblable à celle qui précède,
mais l'apport est limité à une branche d'activité de la société reprise.

B. DROIT FISCAL a.

1. Généralités sur l'imposition des sociétés néerlandaises 4.

a) Impôts directs.
aa) Impôt sur les sociétés (Vennootschapsbelasting) 5, Comme le
Korperschaftsteuer allemand et l'impôt belge des sociétés, le Vennoot-
schapsbelasting est perçu sur le bénéfice mondial des sociétés anonymes,

a The Taxation of Companies in Europe, Ouides to European Taxation,


Vol. II, Netherlands, §§ 327 à 384 ; International Bureau of Fiscal Documentation
(mise à jour : mai 1973). - A. Noteboom, Rapport national néerlandais au
XXIV• Congrès international de droit financier et fiscal in Cahiers de droit
fiscal international, Vol. LVb, deuxième sujet, pp. II/211 et ss. ; !FA, Rotterdam
1970. - Netherlands: Taxation of Mergers; Eur. Tax., Vol. 10 (1970), N° 4,
pp. 1/106 et ss. - Netherlands: Taxation of Mergers; Eur. Tax., Vol. 9 (1969),
N° 4, pp. 70 et ss. - ]. Van Soest, Rapport national néerlandais au Colloque
international de droit européen, Rome 1968. - Netherlands: Taxation of Corpo-
rate Mergers; Eur. Tax., Vol. 3 (1963), N° 16, pp. 135 et ss. - M.P. Bloemsma,
Rapport national néerlandais au XVII• Congrès international de droit financier
et fiscal in Cahiers de droit fiscal international, Vol. XLVIII a, pp. 171 et ss. ;
!FA, Paris 1963. - A. Van Oven et M.V.M. van Leeuwe, op. cit., pp. 113 et ss.
4 Voir, notamment, The Taxation of Companies in Europe, op. cit., §§ 113
et ss., et Supplementary Service to European Taxation, Netherlands, Section A ;
International Bureau of Fiscal Documentation, Amsterdam (mise à jour : décem-
bre 1971).
5 Il est prévu par la nouvelle loi fiscale de 1969 (Wet op de Vennootschaps-
belasting 1969); Staatsblad von het Koninkrijk der Nederlanden, N° 445 (1969).
En vigueur dès le 1•• janvier 1970, cette loi a remplacé une ordonnance édictée
pendant la guerre (Bes/uit op de Vennootschapsbelasting 1942). Voir A.J. van
Soest, Pays-Bas : Le nouvel impôt sur les sociétés ; La Fiscalité du Marché
Commun, N° 35 (août 1969), pp. 75 et ss.
126 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

y compris les profits provenant d'un établissement stable, ou d'un im-


meuble situé à l'étranger. La double imposition est en principe évitée
par un système de crédit d'impôt.
Les impôts ne sont pas déductibles du bénéfice imposable, à l'excep-
tion des taxes et impôts indirects, et, le cas échéant, s'ils ne bénéficient
pas d'un crédit, des impôts étrangers.
Les pertes encourues par une société pendant les six premières années
de son existence peuvent être reportées indéfiniment. Les pertes subsé-
quentes bénéficient d'un carry-back d'une année et d'un carry-f orward
de six ans.
Le taux de 1.'impôt est de 48 % 6. Si le montant des bénéfices nets est
inférieur à 50.000 florins, l'impôt sur les sociétés est prélevé au taux
de 45 % Uusqu'à 40.000 flodns) et de 45 %-48 % (entre 40.000 et 50.000
florins).
Les dividendes encaissés par une société qui détient au moins 5 % 7
des actions de la société distributrice, nationale ou étrangères, sont
exemptés d'impôt. Ce privilège holding s'étend aux gains en capital
réalisés lors de l'aliénation des participations.
Les sociétés néerlandaises ne sont pas soumises à un impôt profes-
sionnel correspondant à la contribution des patentes française ou au
Oewerbesteuer du droit allemand. La loi hollandaise ne prévoit pas non
plus d'impôt sur le capital. Quant aux taxes locales, elles sont négli-
geables.
ab) Impôt à la source (Dividendbelasting) u. Les dividendes sont
assujettis à une retenue à la source de 25 %, à moins qu'ils soient distri-
bués à une société mère (Deelneming holding) au sens décrit plus haut.
L'impôt à la source n'a pas de conséquence définitive au niveau national,
car il est imputé sur les impôts dus par les actionnaires.

6 Il était de 46 % jusqu'à fin 1972, mais il sly ajoutait une surtaxe,


aujourd'hui supprimée, de 3 % ou de 5 % (entre le 1•• janvier et le 30 juin 1972).
7 Le Ministre des Finances peut accorder le privilège holding même si le
pourcentage de la participation est inférieur à 5 %, lorsque cette participation
est liée aux activités commerciales de la société ou lorsque l'exonération est
conforme à l'intérêt public. Le pourcentage minimum, avant 1970, était de 25 %.
s Il est exigé que la filiale étrangère soit soumise à un impôt sur le bénéfice
dans l'Etat dont elle relève.
9 Il est prévu par la loi d'imposition des dividendes de 1965 (Wet op de
Dividendbelasting 1965).
LE SYSTÈME NÉERLANDAIS 127

b) Impôts indirects.
ba) Droit d'enregistrement ( I<apitaalsbelasting) 10 • Les Pays-Bas ont
mis en vigueur les dispositions de la directive communautaire sur les
rassemblements de capitaux et ont fixé à 2 % le taux du droit d'apport.
Ce taux était précédemment de 2,5 %.
bb) Droit de mutation (Overdracl1tsbelasting) 11. L'acquisition d'une
propriété immobilière est soumise à un droit de mutation de 5 %. Con-
trairement à l'ancienne loi, qui partageait la charge fiscale entre l'acheteur
et le vendeur, le texte en vigueur assujettit le seul acheteur. Lorsqu'un
immeuble fait partie d'un patrimoine apporté à une société, en échange
d'actions de cette dernière, il est exclusivement soumis au droit d'enre-
gistrement de 2 %.
be) Droit sur les transactions boursières (Beursbelasting) 12. Les
transactions de titres en bourse sont soumises à un droit de 0,12 %.
bd) Taxe sur la valeur ajoutée (Omzetbelasting) rn, Elle est norma-
lement prélevée au taux de 16 %.

2. Le régime de liquidation.

Les fusions,. absorptions et scissions de sociétés néerlandaises en-


traînent inévitablement la liquidation - et non la simple dissolution -
des sociétés reprises. Sous certaines conditions (voir ch. 4, ci-dessous), une
telle liquidation bénéficie d'un régime spécial. Si ces conditions ne sont
pas remplies, les conséquences fiscales d'une liquidation sont les sui-
vantes.

a) Imposition des sociétés.


Le montant des réserves cachées de la société liquidée, soit la dif-
férence entre la valeur vénale et la valeur comptable de ses actifs, est
inclus dans le bénéfice imposable du dernier exercice et soumis à l'impôt
sur les sociétés, prélevé au taux normaJ 14,

10 Wet op Belastingen van Rechtsverkeer. Cette loi, en vigueur dès le


1•r janvier 1972, a abrogé et remplacé la loi sur les droits de timbre de 1917.
Voir Eur. Tax., Vol. 10 (1970), N° 3, p. 11/42.
11 Ibid.
12 Ibid.
1s Wet op de Omzetbelasting 1968.
14 Wet op de Vennootschapsbelasting 1969 (ci-après« Wet Vb »), art. 7 (2).
128 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

b) Imposition des actionnaires.

ba) Participation faisant partie de la fortune privée. Le dividende


de liquidation (égal au montant de la distribution qui dépasse la valeur
nominale des actions) est soumis à l'impôt à la source de 25 % 15 et à
l'impôt personnel 16 ; ce dernier est prélevé, soit au taux normal (pro-
gressif), soit, à la demande du contribuable, à un taux forfaitaire variant
entre 20 % et 40 %, déterminé sur la base du revenu moyen de l'action-
naire au cours des trois années précédentes 11. L'impôt à la source
s'impute sur l'impôt personnel.
bb) Participation faisant partie du patrimoine commercial d'une
personne physique. Le dividende de liquidation est soumis aux impôts
mentionnés dans le paragraphe qui précède. Mais le montant de ce
dividende est égal à la différence entre le montant distribué et la valeur
comptable (et non la valeur nominale) des actions.
be) Particioation faisant partie du patrimoine d'une personne morale.
Le dividende de liquidation, égal, ici encore, à la différence entre le
montant distribué et la valeur comptable des actions, est en principe
soumis à la retenue à la source et à l'impôt des sociétés. Cependant,
lorsque la participation bénéficie du privilège holding, celui-ci s'étend
au dividende de liquidation 18.

3. Le régime d'aliénation.

La première étape d'une fusion ou d'une scission, et la seule étape


d'une pseudo-fusion ou d'un apport partiel, est réalisée par un transfert
de patrimoine en échange de titres, ou par un échange d'actions entre
les actionnaires de la société reprise et la société reprenante. En l'ab-
sence d'un régime de faveur, ces opérations sont traitées de la manière
suivante.
a) Imposition des sociétés.
Les plus-values afférentes aux actifs inclus dans l'apport sont pas-
sibles de l'impôt sur les sociétés, prélevé au taux normal 19 •

15 Wet op de Dividendbelasting 1964, art. 3 (1) b.


16 Wet op de Inkomsteubelasting 1964 (ci-après « Wet lb»), art. 25 (1) (e).
17 Wet lb, art. 25 (1) (e) et 57 (1) (d).
18 Cette assimilation découle de la jurisprudence. Voir Eur. Tax., Vol. 10
(1970), N° 4, p. l/113, note 82.
19 Wet Vb, art. 7 (2) et 8 (1).
LE SYSTÈME NÉERLANDAIS 129

b) Imposition des actionnaires.


ba) Participation faisant partie de la fortune privée.
1) L'actionnaire a un « intérêt substantiel » dans la société reprise 20.
Un actionnaire a. un intérêt substantiel dans la société lorsque :
-- il détient ou a détenu dans les cinq dernières années, directement ou
indirectement, seul ou avec son conjoint, ses parents, ses descendants en
ligne directe et ses proches en ligne collatérale jusqu'au deuxième degré,
au moins un tiers du capital libéré de la société ; et
- il détient ou a détenu dans les cinq dernières années, directement ou
indirectement, seul ou avec son conjoint, plus de 7 % dudit capital.
Dans un tel cas, le gain en capital réalisé par l'actionnaire est soumis
à l'impôt personnel sur le revenu, soit prélevé au taux normal (progressif),
soit, à la demande du contribuable, calculé au taux forfaitaire de 20 % 21 •
Le montant du gain est égal à la différence entre le prix d'acquisition et
la valeur d'aliénation des actions.
2) L'actionnaire n'a pas d'intérêt substantiel. Aucun impôt n'est dû.
bb) Participation faisant partie du patrimoine commercial d'une per-
sonne physique. Le gain en capital, égal à la différence entre la valeur
vénale et la valeur comptable des actions, est soumis à l'impôt progressif
sur le revenu, quel que soit le pourcentage de la participation.
be) Participation faisant partie du patrimoine d'une personne morale.
Le bénéfice en capital, égal à la différence entre la valeur vénale et la
valeur comptable des actions, est soumis à l'impôt sur les sociétés 22 , à
moins qu'il ne bénéficie du privilège holding (participation minimum
de 5 %).
4. Le régime de faveur.

a) Impôts directs.
aa) Au niveau des sociétés.
1) Transfert de l'intégralité d'un patrimoine en échange d'actions.
L'imposition du bénéfice en capital réalisé lors d'une pseudo-fusion ou

20 Wet lb, art. 39. Voir The Taxation of a Sale or other Alienation of a
« Substantial Interest » in a Corporation in Europe ; Eur. Tax., Vol. 5 (1965),
N° 4, p. 90.
21 Wet lb, art. 57 (1) (9).
22 Wet Vb, art. 7.
130 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

lors de la première étape d'une fusion ou d'une scission 23 peut être


évitée lorsque les conditions suivantes sont remplies 24.
-- Le transfert doit avoir lieu dans le cadt'e d'une opération de con-
centration.
- La société reprise et la société reprenante ne doivent pas avoiir de
pertes (de l'exercice ou reportées) dont le droit fiscal admet la déduction.
- La société reprenante doit inscrire à son bilan les actifs de la société
reprise à leur valeur comptable, afin d'assurer l'imposition future des
plus-values. La valeur comptable des actifs repris servira également
de base aux amortissements dont ils seront l'objet dans l'avenir.
-- Les deux sociétés doivent être soumises au même régime fiscal. Cette
exigence implique qu'une société bénéficiant de privilèges fiscaux ne
peut reprendre le patrimoine d'une société qui ne jouit pas des mêmes
privilèges.
-- L'apport doit être rémunéré exclusivement avec des titres de la société
reprenante.
- Ces tihes doivent être conservés par la société reprise pendant au
moins trois ans. H convient de souligner, à ce propos, que les actions
remises en échange du patrimoine apporté sont comptabilisées à leur
valeur vénale, de telle manière que la société reprise peut les aliéner ou
les distribuer à ses actionnaires sans conséquence fiscale, sauf dans la
mesure où leur valeur s'accroît entre la date de l'apport et celle de
l'aliénation.
Lorsque l'une ou l'autre de ces conditions n'est pas remplie, l'appli-
cation du régime de faveur n'est pas complètement exclue : elle dépend
de l'approbation du Ministre des Finances, qui peut, en outre, fixer des
conditions supplémentaires, dans les limites prévues par la loi 2 5.
2) Apport partiel. jusqu'en 1970, les apports partiels ne bénéficiaient
d'aucun régime de faveur. La nouvelle loi sur les sociétés leur accorde
le même traitement qu'aux transferts mentionnés ci-dessus (1), sous les
mêmes conditions 26. Le fait que l'apport doit avoir lieu dans le cadre
d'une opération de concentration implique qu'il consiste en une branche
complète d'activité, et non pas seulement en actifs isolés. Cette condition,

23 A l'exclusion d'une fusion ou d'une scission réalisée par un échange de


titres suivi de la liquidation de la société reprise. Le traitement d'une telle
opération est examiné sous 3, ci-dessous.
24 Wet Vb, art. 14. Le régime normal est décrit plus haut (ch. 3, litt. a,
ci-dessus).
25 Wet Vb, art. 14 (4).
26 Wet Vb, art. 14.
LE SYSTÈME NÉERLANDAIS 131

jointe à l'exigence à laquelle est soumise la société apporteuse de con-


server pendant trois ans les actions qui rémunèrent l'apport, décourage
efficacement la pratique des pseudo-concentrations (ventes camouflées).
3) Echange d'actions: le système de l'unité fiscale 21. Lorsqu'une
opération de concentration est réalisée ou entamée par un échange d'ac-
tions (la société reprenante remettant aux actionnaires de la société
reprise de nouvelles actions en échange de leurs titres), elle n'a naturel-
lement pas de conséquence fiscale immédiate au niveau des sociétés.
En revanche, la loi permet à la société reprenante et à la société reprise
de constituer, au point de vue fiscal, une unité, exactement comme si
la société reprise avait été ré~llement absorbée 2 8. L'application du sys-
tème de l'unité fiscale est soumise aux conditions suivantes.
- Les deux sociétés doivent être néerlandaises.
- La société reprenante doit, en principe, détenir la totalité du capital-
actions de la société reprise. Le régime de l'unité sera pourtant accordé
si une très faible proportion des actions (1 % au maximum) sont détenues
par des tiers.
-- L'exercice fiscal des deux sociétés doit commencer et se terminer
aux mêmes dates.
Le régime de l'unité doit être sollicité par les deux sociétés.

Si les conditions qui précèdent sont réunies, le Ministre des Finances


ne peut d'ailleurs refuser son agrément. Dans le cas contraire, il peut
l'accorder, et, éventuellement, en subordonner l'octroi à des conditions
supplémentaires.
Le concept de l'unité fiscale est plus large que celui de l'Organschaft
allemand. Elle permet, non seulement la compensation des bénéfices et
des pertes 29 , mais aussi des transferts et échanges d'actifs entre les
deux sociétés. Plus encore, la société reprise peut être liquidée sans
aucune conséquence fiscale, tant au niveau de la société reprise (dans
la mesure où ses actifs sont comptabilisés aux mêmes valeurs) qu'au
niveau de la société reprenante (qui bénéficie du privilège holding).

21 Voir jan H. Christiaanse, Régime fiscal des sociétés imbriquées néerlan-


daises ; La Fiscalité du Marché Commun, N° 32 (février 1969), pp. 3 et ss.
28 Wet Vb, art. 15. Un régime similaire était prévu par !'Ordonnance de
1942 (art. 32).
29 Avec une restriction : les pertes de la filiale antérieures à la réunion ne
peuvent être déduites que des bénéfices réalisés par cette société.
132 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

ab) Au niveau des actionnaires.


l) Liquidation de la société reprise. Lorsqu'une opération de concen·-
tration a été entamée par un transfert de patrimoine (voir ci-dessus,
litt. aa, ch. 1), elle peut être complétée par la liquidation de la société
apporteuse. Au niveau de cette dernière, devenue société de portefeuille,
la liquidation n'a pas de conséquence fiscale, puisque les actions de la
société reprenante ont été comptabilisées à leur valeur vénale. Au niveau
des actionnaires, la situation est la suivante 3 0.
- Participation faisant partie de la fortune privée. La loi ne prévoit
aucun régime de faveur. L'imposition du dividende de liquidation (au
taux normal ou au taux forfaitaire de 20 %-40 %) ne peut donc être
évitée, raison pour laquelle les fusions sont beaucoup plus souvent effec-
tuées au moyen d'un échange de titres, suivi d'une liquidation bénéfioiant
des règles de l'unité fiscale 31.
- Participation faisant partie du patrimoine commercial d'une personne
physique. La loi, dans ce cas également, ne prévoit aucun régime de
faveur. Cependant, conformément à la jurisprudence, l'échange d'actifs
(y compris des actions) contre d'autres actifs d'une nature similaire
n'entraîne pas la réalisation d'un bénéfice, dans la mesure où les valeurs
comptables demeurent inchangées 3 2 •
- Participation faisant partie du patrimoine d'une personne morale. Les
règles mentionnées dans le paragraphe qui précède sont, en principe,
applicables. En outre, si la société actionnaire détient au moins 5 % du
capital de la société liquidée, le dividende de liquidation échappe sans
autre à toute imposition.
2) Echange de titres. Les actionnaires de la société reprise qui échan-
gent leurs titres contre des actions de la société reprenante sont traités
de la manière suivante 33.
- Participation faisant partie de la for tune privée. Le prélèvement de
l'impôt de 20 % sur le gain réalisé par un actionnaire ayant un « intérêt
substantiel » peut être évité, lorsque l'échange d'actions s'effectue dans
le cadre d'une concentration qui remplit certaines conditions déter-
minées 34 •

30 Le régime normal est décrit sous ch. 2, litt. b, ci-dessus.


31 Voir ci-dessus, ch. 4, litt. aa, ch. 3), et ci-dessous, ch. 2).
32 Eur. Tax., Vol. 10 (1970), N° 4, p. IJl 13, note 78.
33 Le régime normal est décrit sous ch. 3, litt. b, ci-dessus.
34 Wet lb, art. 40. Voir M.P. Bloemsma, op. cit., pp. 178 et ss.
LE SYSTÈME NÉERLANDAIS 133

i) Une ou plusieurs sociétés néerlandaises font l'acquisition de toutes,


ou de presque toutes 35 les actions d'une société néerlandaise ou étrangère.
ii) La contreprestation des sociétés reprenantes consiste exclusive-
ment en titres émis par ces sociétés ; une soulte en espèces est admise si
son montant est négligeable.
iii) L'échange d'actions a pour but de réaliser une union permanente,
tant au point de vue financier qu'économique, des activités des sociétés
reprises et reprenantes.

Si l' Administration fiscale admet que ces conditions sont remplies -


en pratique, elle l'admet assez facilement - l'actionnaire bénéficie d'un
sursis à l'imposition : les nouvelies actions sont réputées constituer un
intérêt substantiel, même si ce n'est techniquement pas le cas, et leur prix
d'acquisition est censé être égal au prix d'acquisition des anciens titres.
Lors de l'aliénation ultérieure des nouvelles actions, le bénéfice imposable
correspondra, (1) si ces actions constituent réellement un inté:êt subs-
tantiel : à la différence entre le prix de vente et le prix d'acquisition
des anciens titres ; (2) si ces actions ne représentent qu'un intérêt subs-
tantiel fictif : à la différence entre la valeur des anciens titres au moment
de l'échange ·~t leur prix d'acquisition.
- Participation faisant partie du patrimoine commercial d'une personne
physique. L'imposition du gain en capital peut également être différée,
conformément à un ruling de l' Administration Hscale 36, dans la mesure
où:
i) les nouvelles actions sont comptabilisées à la même valeur que
les anciennes ;
ii) les conditions de l'article 40 Wet lb sont remplies ;
iii) les anciennes actions constituaient une participation importante.
-- Participation faisant partie du patrimoine d'une personne morale.
Un sursis à l'imposition peut être obtenu, ici encore, si les conditions
énumérées dans le paragraphe précédent sont remplies.

b) Impôts indirects.
ba) Droit d'enregistrement. Sous l'ancienne loi, l'application d'un taux
de faveur de 0,75 % (au lieu de 2,5 %) pouvait être obtenue, avec l'accord
du Secrétaire d'Etat aux Finances, et à condition que l'opération de

35 En pratique, un pourcentage de 90 % est considéré suffisant.


36 Ruling du 12 août 1964, No. 84/10037; 19 Vakstudie-Nieuws 575 (1964).
134 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

concentration ait une justification économique suffisante. La nouvelle


loi, en revanche, favorise les concentrations en modifiant les bases d'im-
position. En cas de fusion par échange de titres, le droit d'enregistrement
(de 2 %) n'est prélevé que sur le montant de la difféœnce entre la valeur
nominale des actions émises par la société r·eprenante et la valeur nomi-
nale des actions apportées 37. En cas de fusion par transfert de patrimoine,
l'assiette du droit correspond à la différence entre la valeur nominale des
titres rémunérant l'apport et la valeur nominale des actions de la société
repri•se, ou, si l'apport n'est que partiel, d'une part proportionnelle de ces
actions 38. Ces règles ne sont, cependant, pas applicables si les sociétés
participant à la concentration appartiennent au même groupe.
bb) Droit de mutation immobilière. Ce droit, de 5 %, est généralement
dû en cas de fusion. La seule exception concerne les concentrations
opérées à l'intérieur d'un groupe de sociétés 39 •
be) Taxe s1.:r la valeur ajoutée. Cette taxe ne joue, en principe, aucun
rôle en cas de concentration. Dans la mesure où les actifs de la société
reprise y sont soumis, la société reprenante peut imputer les montants
versés sur les taxes dues par elle ; d'autre part, dans les cas exception-
nels où cette imputation n'est pas accordée, une exemption peut être
obtenue du Ministère des Finances 4 0.

37 Wet op Belastingen van Rechtsverkeer, art. 35 (4).


38 Ibid.
39 Ibid., art. 15 (i) (b).
40 Wet op de Omzetbelasting 1968, art. 31.
CHAPITRE V

LE SYSTÈME AMÉRICAIN
(ÉTATS-UNIS)

A. DROIT DES SOCIÉTÉS 1.

Différent, mais similaire, dans chacun des cinquante Etats de l'Union,


le droit des sociétés américain règle, en principe, les opérations suivantes.
l. La fusion au sens strict (consolidation).
2. L'absorption (merger).
Ces deux formes de concentrations entraînent la disparition des
sociétés apporteuses, dont le patrimoine est repris par les sociétés absor-
bantes ou nouvelles, en échange de titres 2 remis aux actionnaires des
premières sociétés.
La fusion doit être approuvée par une majorité qualifiée des action-
naires (généralement des deux tiers) de chacune des sociétés, et, dans
la plupart des Etats, les actionnaires minoritaires peuvent exiger le
rachat de leurs titres.
L'absorption d'une filiale par sa mère, de même que l'opération in-
verse, sont possibles et fréquentes. En revanche, la législation d'une
minorité d'Etats ne permet pas à des sociétés incorporées dans des Etats
différents de réaliser une véritable fusion.
3. La pseudo-fusion, soit le transfert de tous les actifs (après règle-
ment du passif) d'une société à une autre, en échange d'actions, requiert
également, le plus souvent, l'approbation d'une majorité qualifiée des
actionnaires (de la société apporteuse seulement). Les actionnaires mino-
ritaires peuvent demander le rachat de leurs actions et, lors de l'éventuelle

1 Henry W. Ballantine, Ballantine on Corporations ; Callaghan & Company,


Chicago 1946, pp. 663 et ss.
2 La législation de certains Etats prévoit l'absorption «triangulaire», où la
société absorbante remet aux actionnaires de la société absorbée, non pas des
actions de son propre capital social, mais des titres d'une société mère.
10
136 SOLUTIONS ÊTRANGÈRES

liquidation subséquente de la société reprise, tout actionnaire peut exi-


ger un paiement en espèces, en lieu et place de titres de la société
rep.renante.
Les autres opérations de concentrations, soit les apports partiels,
sdssions et pseudo-scissions, ne sont pas expressément prévues. Pour
des raisons fiscales, elles se réalisent généralement sous les formes
suivantes.
a) Le « spin-off » est la distribution par une société à ses action-
naires des actions d'une filiale, généralement créée pour la circonstance,
à laquelle la société mère a fait apport de certains de ses actifs.
b) Le « split-off » se distingue de l'opération précédente par le fait
que les actionnaires de la société mère lui remettent une partie de leurs
actions en échange des titres de la filiale.
c) Le « split-up » est la distribution par une société à ses action-
naires des actions de deux ou plusieurs filiales, généralement créées
pour la circonstance, auxquelles la société mère - qui entre en liqui-
dation - a fait apport de ses actifs.

B. DROIT FISCAL a.

1. Généralités sur l'imposition des sociétés américaines.

a) Impôts directs.
aa) Impôt sur les sociétés. Le principal impôt direct auquel sont sou-
mises les sociétés américaines est l'impôt fédéral. Cependant, quarante-
trois Etats prélèvent également une corporation fax, dont le taux varie
entre 1 % et 8 %. L'impôt fédéral est prévu par l'Internal Revenue Code
(IRC), ensemble de dispositions extrêmement complexes et détaillées, qui
a été plusieurs fois revisé et refondu. La version actuellement en vigueur
est celle de 1954, modifiée en 1964 et 1969.

3 Boris I. Bittker and James S. Eustice, Federal lncome Taxation of Corpo-


rations and Shareholders, Third Edition; Warren, Oorham & Lamont, !ne.,
Boston 1971, pp. 14-1 et ss. - Prof. Richard C. Pugh, Rapport national des
Etats-Unis au XXIV• Congrès international de droit financier et fiscal in Cahiers
de droit fiscal international, Vol. LVb, deuxième sujet, pp. 11/95 et ss. ; IF A,
Rotterdam 1970. - 1971 US Master Guide; Commerce Clearing House, !ne.,
Chicago 1970, pp. 307 et ss. - Taxation in the United States ; World Tax
Series, Harvard Law School, Commerce Clearing House, !ne., Chicago 1963,
pp. 807 et ss. - Stanley S. Surrey and William C. Warren, Federal Income
1 axation, Cases and Materials ; The Foundation Press, !ne., Brooklyn 1962,
pp. 1509 et SS.
LE SYSTÈME AMÉRICAIN i37

Les sociétés sont imposables sur leur bénéfice mondial, la double


imposition étant évitée par l'imputation des impôts étrangers sur l'impôt
fédéral (foreign tax credit). Les pertes peuvent être reportées trois ans en
arrière (carry-back) et cinq ans en avant (carry-forward) 4. L'impôt
fédéral n'est pas déductible.
Les taux 5 de la corporation tax sont en principe de :
- 22 % jusqu'à $ 25.000 ;
-- 48 % sur les bénéfices dépassant $ 25.000 (soit l'impôt de base de
22 %, plus une surtaxe de 26 %).

Les gains en capital bénéficient d'un taux spécial de 30 % 6. Ces gains


correspondent à la différence entre le montant net des gains à long
terme 7 (qui lui-même correspond au montant de la différence entre les
gains et pertes à long terme) et le montant net des pertes à court terme
(soit le montant de la différence entre les pertes et les gains à court
terme). Les pertes en capital ne peuvent être déduites que des gains en
capital s.
Enfin, depuis 1969, certains revenus particuliers (dont un pourcen-
tage des gains en capital) sont soumis à un «impôt minimum» de 10 %,
dû même si la société n'a pas de bénéfice net 9.
Les dividendes reçus par une société, s'ils sont distribués par une
société amérkaine soumise à l'impôt direct, sont déductibles à concur-
rence de 85 % de leur montant 1°. Ce pourcentage est porté à 100 % dans
certains cas particuliers, lorsque la société distributrice et la société
bénéficiaire appartiennent au même groupe 11. Quant aux dividendes de
source étrangère, leur déduction n'est admise que si la société distributrice
exerce une activité commerciale aux Etats-Uni·s, depuis au moins trois
ans, et en retire au moins 50 % de son bénéfice brut total ; la déduction
est opérée selon la proportion existant entre le bénéfice brut de source
américaine et le bénéfice brut total 12.

4 Sec. 172 IRC.


5 Sec. · 11 !RC.
6 Sec. 1201 !RC.
7 Un gain ou une perte à long terme est un gain réalisé ou une perte
encourue lors de la vente ou de l'échange d'un actif détenu pendant plus de six
mois (Sec. 1222 IRC).
s Sec. 1211 IRC. Elles peuvent être reportées, comme les pertes d'exploi-
tation, trois ans en arrière et cinq ans en avant (Sec. 1212 (a)).
9 Sec. 56 à 58 IRC.
10 Sec. 243 (a) (1) IRC.
11 Sec. 243 (a) 3 et 243 (b) IRC.
12 Sec. 245 IRC.
138 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

Les groupes de sociétés (affiliated groups of corporations) sont l'objet


de dispositions spéciailes, destinées, les unes, à éviter des doubles impo-
sitions économiques, les autres, à prévenir certains abus.
Un groupe de sociétés est formé d'une société mère (parent), qui doit
détenir au minimum 80 % des droits de vote et 80 % des actions de
chaque classe d'une au moins des sociétés du groupe, chacune de ces
dernières devant être contrôlée à 80 % (droits de vote et actions de chaque
classe) par une ou plusieurs autres sociétés du groupe ia. Lorsque ces
conditions sont remplies, le groupe peut déposer une déclaration d'impôt
commune, sur la base d'un bilan consolidé ; les pertes et bénéfices des
difféi;entes sociétés peuvent ainsi être compensés et les distributions
internes de dividendes sont déductibles à concurrence de 100 % 14.
En revanche, un groupe ne bénéficie du taux de 22 % que pour les
premiers $ 25.000 de son bénéfice consolidé, sans égard au nombre de
sociétés qui composent le groupe 15. D'autre part, le fisc est expressément
autorisé à effectuer des reprises lorsque des transactions internes ont
lieu à des conditions anormales 16,

ab) Impôt à la source (withholding tax). En matière de revenus mobi-


liers, et notamment de dividendes, l'impôt à la source (de 30 %) n'est
prélevé que si le bénéficiaire est un étranger, domicilié hors des Etats-
Unis.
Au niveau des personnes physiques, la double imposition économique
n'est pas évitée, sinon dans une mesure restreinte par l'exonération des
cent premiers dollars de dividendes reçus 11. Etant donné que le taux de
l'impôt per·sonnel peut atteindre 70 % 1 8, l'accumulation de réserves dans
les sociétés est devenue une pratique courante, contre laquelle des dis-
positions spéciales ont été édictées 19,

rn Sec. 1504 (a) IRC.


14 Sec. 1501 et 243 IRC.
15 Sec. 1551 IRC. Un régime transitoire, en vigueur jusqu'en 1975, accorde
la réduction à chaque société, mais le taux est de 28 % au lieu de 22 %.
16 Sec. 482 IRC.
11 Sec. 34 et 116 IRC. D'autre part, le système de la transparence fiscale
(imposition des seuls actionnaires) est applicable aux closely held corporations,
c'est-à-dire aux sociétés contrôlées par dix actionnaires au plus, personnes
physiques ou hoiries (Sec. 1371 à 1377 - Subchapter S - IRC).
18 Depuis 1972, le taux maximum de l'impôt frappant les revenus du travail
est limité à 50 %.
10 En particulier la sec. 531 IRC, qui permet, en cas d'abus, d'imposer les
bénéfices accumulés d'une société comme s'ils avaient été distribués, et la
sec. 541 IRC, relative aux persona[ holding companies. Sur ces problèmes, voir
Jean-Jacques Magnin, L'imputation des bénéfices accumulés, nouvelle arme
contre l'évasion fiscale internationale? ; Georg & Cie S.A., Genève 1971.
LE SYSTÈME AMÉRICAIN 139

b) Impôts indirects.
ba) Droit de timbre (documentary stamp taxes). L'émission d'actions
était autrefois soumise à un droit de timbre fédéral de 1 % de leur
valeur vénale, et les transactions de titres à un droit de 0,4 %. A l'heure
actuelle, seuls quelques Etats, notamment New York, prélèvent des droits
de timbre.
Les mutations immobilières sont soumises à un droit de timbre fédé-
ral de 0,55 %. Plusieurs Etats imposent les transferts immobiliers, soit
au moyen de droits de timbre, soit par un impôt spécial.
bb) Impôt sur Les ventes (sales taxes). L'Etat fédéral prélève une
série d'acdses sur divers produits (alcool, tabac, carburant, etc.). D'autre
part, la plupart des Etats et des grandes villes soumettent les ventes au
détail, et parfois en gros, à une taxe, dont le taux varie entre 2 %
et 6 %.

2. Le régime de liquidation.

a) Imposition des sociétés.


La liquidation d'une société n'entraîne, à son niveau, aucune impo-
sition 20 , alors même que ses actifs ont une valeur vénale supérieure à
leur valeur fiscale. Ce principe, fondamentalement contraire à celui qui
est appliqué en Europe, a été introduit dans l'IRC en 1954, mais il avait
été fixé jurisprudentiellement bien auparavant 21 , malgré les efforts de
I' Administration pour le faire rejeter (au moins en cas de distribution
d'actifs sans liquidation).
Etant donné que les actifs distribués aux actionnaires n'ont pas à
être repris par ceux-ci à leur valeur comptable 22, l'exonération des plus-
values est définitive. En outre, conformément à la sec. 337 (a) IRC,
les ventes (sale or exchange) d'actifs, effectuées par la société dans un
délai de douze moi's suivant l'adoption d'un plan de liquidation ne
donnent pas lieu à un bénéfice imposable - ou à une perte déductible,
pour autant que la liquidation 8oit achevée dans le même délai ; cette
disposition ne s'applique cependant pas à la vente d'un stock, à moins
qu'il ne soit aliéné en bloc à un seul acheteur 23.

20 Sec. 336 IRC. La société demeure naturellement imposable sur ses béné-
fices d'exploitation, jusqu'au terme de sa liquidation.
21 Barris 1. Bittker and James S. Eustice, op. cit., p. 7-41.
22 Voir litt. b, ci-dessous.
23 Sec. 337 (b) !RC.
140 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

Le principe d'exonération connaît certaines exceptions, notamment en


matière d'actifs amorHssables 2 1 et de distributions à des actionnaires-
créanciers : lorsque les actifs de la société liquidée sont transférés à
ses actionnaires en paiement de !eur;s dettes, les plus-values afférentes
à -ces actifs sont soumises à l'impôt 2ü.

b) Imposition des actionnaires.


ba) En général. Le montant de la différence entre la valeur vénale
des actifs distribués à un actionnaire et le prix d'acquisition des actions
qu'il détient est imposé comme un gain en capital 2 6, qui, s'il est à long
terme, bénéficie d'un régime de faveur 21. Dans certains cas exceptionnels,
le « dividende » de liquidation est imposé comme un revenu ordinaire 2s :
en particulier, lorsque l'actionnaire est un professionnel, ou lorsque la
société liquidée est une collapsible corporation, c'est-à-dire une société
qui a été créée pour l'exercice d'une activité déterminée à relativement
court terme (la production d'un film est l'exemple classique), aux fins
de transformer un revenu ordinaire en un gain en capital 2 9 ,
L'actionnaire, personne physique ou morale, reprend les actifs qui
lui sont distribués à leur valeur vénale, et peut donc les aliéner sans
réaliser de gain imposable 3 0,
bb) Liquidation d'une filiale 31, Lorsqu'une société mère 32 procède
à la liquidation d'une filiale, elle évite une imposition immédiate, mais
doit reprendre les actifs de la filiale à leur valeur comptable 33 , sans
égard au fait que la participation annulée était comptabilisée à une
valeur supérieure ou inférieure à la valeur vénale des actifs repris. Ce
système crée une situation curieuse s4 : si la société mère subit une perte,

24 Sec. 1245 et 1250 IRC.


25 Taxation in the United States, op. cit., p. 736.
26 Sec. 333 (a) (1) IRC.
21 Voir ci-dessus, ch. 1, litt. aa, en ce qui concerne les sociétés. Pour les
personnes physiques, le taux maximum de l'impôt sur les gains en capital est
de 35 % (au lieu de 70 %).
2s Ou, dans le cas particulier prévu à la sec. 333 IRC, comme un dividende.
29 Sec. 341 IRC. Voir Barris I. Bittker and James S. Eustice, op. cil., pp. 12-1
et SS.
30 Sec. 334 (a) IRC.
31 Sec. 332 et 334 (b) IRC.
32 La qualité de société mère requiert une participation de 80 % (des droits
de vote et des actions de chaque classe) .
. 33 A moins que la société fille soit insolvable et que le produit de liquidation
soit réduit à zéro (sec. 165 (9) !RC).
34 Et illogique : puisqu'aucune imposition n'a lieu au niveau de la société
liquidée, il n'y a pas de raison de garantir la taxation future de ses plus-values.
Il aurait été plus satisfaisant de prévoir que les actifs fussent repris pour la
valeur de la participation annulée. C'est d'ailleurs ce que prévoit la sec. 334 (b)
LE SYSTÈME AMÉRICAIN 141

parce qu'elle avait acquis les titres annulés à un prix supérieur au montant
du produit de la liquidation, non seulement elle ne peut déduire cette
perte 30 , mais C'ncore sera-t-elle imposable sur les plus-values afférentes
aux actifs de sa filiale, lorsqu'elle les aliénera. Dans un tel cas, la
qualité de société mère est un handicap et, afin d'éviter l'application de
la sec. 332 IRC, une société sera tentée de se défaire d'une partie de sa
participation, dans la mesure où elle dépasse 80 %, avant de liquider sa
filiale 3o.

3. Le régime de faveur.

a) Définitions légales des opérations privilégiées.


Sous le titre de réorganisations de sociétés (corporate reorganizations),
l'IRC englobe une série d'opérations de concentration, et d'opérations
assimilées (échanges de titres, transformations et recapitalisations) qui
bénéficient d'un traitement fiscal particulier.
Conformément à la sec. 368 (4) IRC, ces opérations se divisent en
six groupes, ou types, différents, dont trois seulement (les types A, C
et D) entrent dans le cadre de cette étude 37.
Type A Fusions et absorptions effectuées en conformité du droit
commercial (siatutory mergers and consolidations). Il s'agit des fusions
qui sont réalisées selon les dispositions prévues par la loi de l'un ou
l'autre des Etats de l'Union. Cette catégorie inclut, dans la mesure où
le droit des sociétés le permet, deux sortes d' « absorptions triangulaires »
entre une société mère, sa filiale et une société tierce : (a) la société
filiale absorbe la société tiers, dont elle acquiert pratiquement tous
(substantially all) les actifs, en échange d'actions de la société mère 3 8 ;

(2) IRC, dans le cas où 80 % au moins de la participation a été acquise dans


une période de douze mois, et où la liquidation de la filiale est décidée dans un
délai maximum de deux ans suivant cette acquisition.
35 Et cela, même si ces actifs, en tout ou en partie, compensent une dette
de la filiale envers la société mère.
36 Une autre manière d'éviter l'application de la sec. 332 IRC est de ne pas
respecter les délais qu'elle prescrit : la décision de liquidation prise par les
actionnaires doit expressément prévoir que la liquidation sera achevée dans un
délai de trois ans ou, à défaut, cette dernière doit effectivement être achevée dans
le délai d'une année.
37 Le type B est l'acquisition du contrôle d'une société par une autre au
moyen d'un échange de titres. Si la filiale est ensuite liquidée - conformément
aux règles mentionnées sous ch. 2, litt. bb, ci-dessus - on aboutit à une absorp-
tion ; ce système est utilisé, en particulier, lorsque le droit commercial ne
permet pas, ou rend difficile, une fusion ou un absorption.
38 Sec. 368 (a) (2) (D) IRC.
142 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

(b) la filiale est absorbée par la société tierce, dont les actionnaires
échangent leurs titres contre des actions (avec droits de vote) de la
société mère, qui obtient le contrôle de la société absorbante 39 •
Type C Pseudo-fusions (assets acquisitions). Cette catégorie englobe
les transterts de pratiquement tous les actifs d'une société, en échange,
uniquement, de titres (avec droits de vote) de la société reprenante ou
d'une société qui contrôle cette dernière 4-0. Selon la jurisprudence, « pra-
tiquement tous (substantially ail) les actifs», signifie au moins 85 %,
mais ce pourcentage peut être réduit si les biens retenus servent au
paiement de créanciers 41 • La condition d'une rémunération en actions
n'exclut pas la reprise de passifs ; en outre, la loi autorise la société
reprenante à remettre à la société apporteuse d'autres biens que des
actions, pour autant que cette soulte (reprises de dettes incluses) ne dé-
passe pas 20 % du patrimoine transféré 42.
Type D Pseudo-! usions, scissions et apports partiels complétés par
un spin-off, un split-off 011 un split-up 4a. Il s'agit du transfert de tout
ou partie des actifs d'une société à une ou plusieurs autres sociétés,
préexistantes ou nouvelles, réalisé de manière telle que (a) la société
reprise et/ou un ou plusieurs de ses actionnaires détiennent (immédia-
tement après le transfert) le contrôle des sociétés reprenantes, et (b) la
participation (actions ou autres papiers-valeurs) de la société reprise
dans les sociétés reprenantes soit ultérieurement remise à ses action-
naires, soit par une simple distribution, soit par un échange de titres,
soit dans le cadre d'une liquidation de la société reprise 44 •

b) Exigences jurisprudentielles et administratives 45.


La jurisprudence et la pratique américaines ont développé un certain
nombre de tests, qui permettent de déterminer si une opération de concen-
tration, bien qu'elle respecte les termes de la loi n'en viole pas l'esprit,
ne constitue pas une fraude et a des justifications économiques suffi-
santes. Certaines des conditions énoncées par les tribunaux ont d'ailleurs
été insérées dans l'IRC, lors de ses modifications successives.

39 Sec. 368 (a} (2) (E) IRC.


4o Le terme de «contrôle », ici encore, signifie la détention de 80 % des
droits de vote et des actions de chaque classe.
41 Dans Smith v. Commissioner, 34 BTA 702 (1936), un pourcentage de
71 % a été jugé suffisant.
42 Sec. 368 (a) (2) (B) IRC.
43 Voir ci-dessus, litt. A, ch. 3.
44 Cette distribution doit remplir les conditions prévues aux sec. 354 à 356
IRC. Voir ci-dessous, litt. cc, 2).
45 Reg. § 1368-1 (b} et (c) IRC.
LE SYSTÈME AMÉRICAIN 143

ba) Maintien d'un intérêt (continuity of a proprietary interest). Tant


les sociétés - qui transfèrent un patrimoine - que les actionnaires -
qui effectuent un échange d'actions contre d'autres titres ou actifs -
doivent conserver un certain intérêt sur les biens transférés ou repré-
sentés par les titres échangés 46. Cette condition évoque donc le problème
des soultes, de leur définition, de leur admissibilité et de leur pourcentage ;
elle joue un rôle particulièrement important dans les concentrations du
type A 47 , puisque la loi elle-même ne définit pas la nature des titres,
ou autres actifs, qui doivent être remis aux actionnaires des sociétés
apporteuses.
- L'intérêt conservé doit être un intérêt direct, à moins, naturellement,
que la loi n'autorise expressément (voir les « absorptions triangulaires»)
le maintien d'un intérêt indirect 48.
- II n'est pas exigé que tous les actionnaires des sociétés reprises con-
servent un intérêt dans les sociétés reprenantes. Si, lor,s d'une fusion,
certains actionnaires exigent le paiement en espèces de leurs actions, la
concentration n'en perd pas son statut privilégié 49. En revanche, il est
nécessaire qu'une majorité des actionnaires remplissent la condition
requise et qu'ils maintiennent leur participation pendant une certaine
période (en principe cinq ans) ou, du moins, qu'ils n'aient pas l'inten-
tion, au moment de la concentration, de se dessaisir de leurs titres
pendant cette période 5o.
- Ainsi que l'implique le terme proprietary, l'intérêt conservé doit repré-
senter une partie du capital-actions (equity) de la société reprenante,
et non pas seulement des obligations ou d'autres créances.
bb) justification commerciale de la concentration (business purpose).
Une réorganisation ne peut bénéficier d'un traitement privilégié que si
e:lle a une justification économique ou commerciale suffisante, tant pour
les sociétés que pour les actionnaires qui y participent 51. Une concen-
tration opérée pour des raisons purement Hscales ne remplit naturellement
pas cette condition ; en revanche, il n'est pas contraire à la loi de choisir
la forme de concentration qui présente le plus d'avantages fiscaux.

46 Le Tulle v. Scofield, 308 U.S. 415 (1940). Pinellas lce & Cold Storage
Co. v. Comm., 287 U.S. 462 (1933).
47 Voir, par exemple, Roebling v. Com., 143 F. 2d 810 (1944).
48 Groman v. Comm., 302 U.S. 82 (1937).
49 Miller v. Comm., 84 F. 2d 415 (1936). En revanche, ces actionnaires mino-
ritaires sont imposés. Voir Borris 1. Bittker and James S. Eustice, op. cit.,
p. 14-21.
50 Rev. Rul. 66-23.
51 Gregory v. Helvering, 293 U.S. 465 (1935).
144 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

be) Continuité de l'exploitation (continuity of business enterprise).


Cette condition est liée à la précédente. Lorsqu'une société reprenante,
peu après la concentration, aliène (par une liquidation ou une vente)
le patrimoine qu'elle vient d'acquérir, il est possible que la fusion n'était
pas économiquement justifiée. Cependant, la jurisprudence, qui a évolué,
exige seulement la poursuite d'une exploitation, et non pas de l'exploi-
tation 5 2 •
bd) Unité de la réorganisation (step transaction). Le fisc se réserve
1e droit de considérer une concentration dans son ensemble et son résul-
tat, et non pas étape par étape, afin de juger si elle a une justification
suffisante et ne trahit pas l'esprit de la loi 53.

c) Traitement fiscal des opérations privilégiées.


ca) Au niveau de la société reprise. Lorsque les conditions légales
et jurisprudentielles qui viennent d'être énumérées sont remplies, la société
reprise ne réalise aucun bénéfice, ni ne subit aucune perte, dans la mesure
où le patrimoine apporté est rémunéré au moyen d'actions ou de papiers-
valeurs (stock or securities) d'une société qui est partie à la réorgani-
sation 54.
Les termes stock or securities présentent certaines difficultés d'inter-
prétation. Les prêts à long terme, selon les cas, peuvent être assimilés
à des actions (créances d'actionnaires de sociétés sous-capitalisées) ou
à des papiers-valeurs. Les prêts à court terme 55, en revanche, ne sont
en principe ni du stock, ni des securities ; il en va de même des options
ou d'autres droits similaires à obtenir des actions.
Les actifs autres que des actions et des papier,s-valeurs constituent
une soulte 5 6, soumise à une imposition immédiate, à moins qu'elle ne
soit redistribuée aux actionnaires de la société reprise dans le cadre
de la réorganisation 57.

52 Becher v. Comm., 221 F. 2d 252 (1955).


53 Heller v. Comm., 147 F. 2d 376 (1945).
M Sec. 361 (a) IRC. Il va de soi que si la loi exige la remise d'actions,
d'autres securifies ne sauraient convenir. Cette disposition de l'lRC ne concerne
pas les conditions des réorganisations privilégiées, mais les limites d'application
du régime de faveur (définition de « soulte »).
55 Selon la jurisprudence, un prêt est généralement à court terme lorsqu'il
est à moins de cinq ans.
56 La reprise de passifs, si elle est économiquement justifiée, ne constitue
pas une soulte pour la société reprise : sec. 357 (b) IRC.
57 Sec. 361 (b) IRC. Dans un tel cas, en effet, la soulte sera imposée chez
ces actionnaires.
LE SYSTÈME AMÉRICAIN 145

Les actions et les papiers-valeurs sont repris à la valeur fiscale des


actifs transférés, augmentée du montant de l'éventuel bénéfice réalisé,
et diminuée du montant des soultes ns.
cb) Au niveau de la société reprenante. L'acquisition d'actifs en
échange d'actions de la société reprenante, que ces titres soient émis pour
la circonstance ou qu'ils aient été acquis préalablement par la société
(treasury stock), ne constitue pas une opération imposable, même hors
du cadre d'une réorganisation privilégiée 5 0, Ce principe n'est pas auto-
matiquement applicable à une absorption triangulaire, où le patrimoine
apporté est rémunéré par des actions de la société mère ; I' Administration
fiscale a cependant admis qu'une telle opération devait être exonérée 60,
L'apport doit être repris à sa valeur comptable, augmentée du mon-
tant du bénéfice éventuellement réalisé par la société reprise 61. Le sys-
tème américain est donc fondé sur le principe du sursis à l'imposition,
dont l'une des conséquences logiques est la reprise, par la société
absorbante, des attributs fiscaux de la société apporteuse.
En ce domaine, l'IRC contient une série de dispositions détaillées 62,
difficiles à comprendre, et dont la Cour Suprême a donné une interpré-
lation contestée 6 3 • Très brièvement résumée, la situation est la sui-
vante 64,
L'exercice fiscal de la société reprise se termine le jour du transfert 61>,
moment où ses attributs fiscaux passent à la société reprenante. La loi
cite en particulier les pertes d'exploitation - conformément à des règles
qui ont été qualifiées de « grotesquement complexes » 66 - , les pertes
en capital, les réserves, les méthodes de comptabilité et d'amortissement.
1

Le report des pertes d'exploitation, notamment, a été soumis à diverses


conditions et restrictions, afin d'empêcher le commerce (autrefois fré-
quent) de sociétés déficitaires. Ainsi, l'acquisition d'une société dans un

5s Sec. 358 IRC. Ces règles d'estimation n'ont naturellement pas d'application
si la société reprise est liquidée, notamment dans une concentration du type A.
59 Sec. 1032 IRC.
60 Rev. Rut. 57-278.
61 Sec. 362 (b) IRC.
62 Sec. 381 IRC. Ces dispositions sont applicables aux concentrations des
types A et C, mais elles ne le sont pas aux divisions, soit, sauf exception, aux
réorganisations du type D.
63 libson Shops v. Koehler, 353 U.S. 382 (1957).
64 Pour une analyse détaillée, voir Borris 1. Bittker and James S. Eustice,
op. cit., pp. 16-1 et ss.
65 Cet exercice raccourci compte pour une année dans le calcul des années
de carry-back et carry-/ onvard.
66 Borris I. Bittker and James S. Eustice, op. cit., p. 16-20 (qui contient
d'ailleurs un bon résumé de ces règles). Les complications du système sont en
particulier provoquées par l'existence du carry-back.
146 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

but principal d'évasion fiscale ou de fax avoidance exclut ce report 67.


Il est, par ailleurs, annulé si, dans un délai de deux ans à dater du trans-
fert, le contrôle de la société reprenante change de mains ou si elle
abandonne l'exploitation de la société reprise 68, La loi prévoit encore
une réduction proportionnelle du montant reporté lorsque les actionnaires
de la société reprise obtiennent moins de 20 % du capital de la société
reprenante 69, Enfin, conformément à l'arrêt Libson, le report n'est
accordé que si la société absorbante poursuit l'exploitation de la société
absorbée 70.

cc) Au niveau des actionnaires.


1) Concentration du type A ou C. La loi exclut la réalisation d'un
gain lorsque, conformément à un plan de réorganisation, des actions
ou papiers-valeurs (stock or securities) d'une société qui est partie à
une réorganisation sont échangés exclusivement contre des actions ou
papiers-valeurs de cette société ou d'une autre société partie à la réor-
ganisation 71. Le versement de soultes, malgré la présence du mot « exclu-
sivement» (solely) dans la règle qui précède, n'annule pas l'application
du régime de faveur, sinon à concurrence de leur montant 72 • D'autre part,
les securities qui sont distribuées ne bénéficient de l'exonération que si
elles sont échangées contre d'autres securities, et que dans la mesure où
leur valeur est la même.
L'éventuel revenu réalisé par un actionnaire a le ,caractère d'un
gain en capital, à moins que l'échange effectué ait le même effet qu'une
distribution de dividendes 73. Tel est notamment le cas lorsqu'un action-
naire reçoit des actions privilégiées, en échange d'actions ordinaires 74 •
Les titres obtenus sont réputés acquis à la même valeur que les titres
remis en échange, moins le montant des soultes (estimées à leur valeur
vénale, et plus le montant de l'éventuel revenu réalisé 75 •

67 Sec. 269 IRC.


68 Sec. 382 (a) IRC.
69 Sec. 382 (b) IRC.
10 Voir ci-dessus, note 63. Cet arrêt concerne la fusion de seize sociétés qui
exerçaient une activité similaire, et dont trois étaient déficitaires. La Cour
Suprême n'admit pas que la société nouvelle reprît les pertes de ces sociétés.
71 Sec. 354 (a) (1) IRC.
12 Sec. 356 IRC. En outre, la présence d'une soulte exclut toute prise en
considération d'une perte : sec. 356 (c) IRC.
73 Sec. 356 (a) (2) IRC.
74 Sec. 306 IRC.
75 Sec. 358 (a) IRC.
LE SYSTÈME AMÉRICAIN 147

2) Concentration du type D. Ces concentrations, on l'a vu 76, sont


achevées par la di,stribution des actions des sociétés reprenantes (filiales)
détenues par les sociétés reprises (mères) aux actionnaires de ces der-
nières. Les conditions auxquelles est soumise cette distribution, afin de
bénéficier d'un traitement privilégié, sont les suivantes 77.
- En cas de spin-off ou de split-off, les deux sociétés en cause
doivent, après la distribution, exercer une activité commerciale ; en cas de
split-up, chaque société reprenante doit remplir cette condition, tandis
que la société scindée ne doit détenir, au moment de la distribution, que
des actions et titres des sociétés filiales reprenantes 78.
Une activité commerciale (a trade or business) est définie comme un
groupe déterminé d'activités exercées aux fins d'obtenir des revenus et
profits - provenant de ces activités - et englobant toutes les opérations
directement ou indirectement nécessaires à l'obtention de tels revenus et
profits 7 9 • Il n'est pas exclu qu'une société puisse se scinder en deux,
de telle manière que chacune des sociétés reprenantes exerce une activité
commerciale au sens de cette définition so. En revanche, une société ne
saurait se dessaisir de ses seuls investissements mobiliers ou immobiliers,
et la possibilité d'une division verticale reste problématique 81.
- Cette activité commerciale doit avoir été exercée pendant au moins
cinq ans,. soit par la société en cause, soit par une autre personne ou
société qui l'a transférée à la première dans le cadre d'une transaction
(telle une réorganisation) privilégiée.
Lorsqu'une société a deux départements distincts, dont l'un est en
opération depuis moins de cinq ans, peut-elle effectuer une scission pri-
vilégiée? Cette question, discutée, recevra en principe une réponse né-
gative lorsque la location géographique des deux départements n'est
pas la même s2. La règle des cinq ans pose également des problèmes
délicats lorsqu'une exploitation s'est modifiée ou diversifiée au cours
de la période en question, et qu'il faut déterminer s'il s'agit toujours de
la même exploitation.

76 Ci-dessus, litt. B, ch. 3, litt. a.


77 Sec. 355 IRC. Cette disposition s'applique à toutes les réorganisations
ayant le caractère d'une division (cf. sec. 368 (a) (2) (A) et 354 (b) (1) IRC).
78 Sec. 355 (b) !RC.
79 Reg. § 1355-1 (c) IRC. Cette définition est très similaire à celle de la
«branche d'activité » du droit européen.
80 L'Administration prétendait le contraire, mais la jurisprudence lui a donné
tort: Edmond P. Coady, 33 T.C. 771 (1966).
s1 Barris l. Bittker and James S. Eustice, op. cil., pp. 13-14 et ss.
s2 Ibid., p. 13-17.
148 SOLUTIONS ÉTRANGÈRES

La distribution doit comprendre toutes les actions et securities


détenues par la société reprise, ou, au minimum, un nombre de titres
suffisant pour donner le contrôle des sociétés reprenantes 83.
- La valeur des securities distribuées ne doit pas dépasser celle des
papiers-valeurs remis en échange 84.
- La distribution ne doit pas être effectuée dans un but d'évasion
fiiscale 8 5. Un tel but sera généralement présumé si les titres distribués
sont destinés à être revendus.
- Il n'est pas nécessaire que les titres de chaque société soient
divisés entre les actionnaires de la société reprise au prorata de leur
participation 86. Ceci permet, par exemple, de scinder une petite société,
dont les deux actionnaires ne s'entendent plus, de telle manière que
chacun d'eux obtienne toutes les actions de l'une des deux nouvelles
sociétés.
Lorsque ces conditions sont remplies, la distribution n'entraîne pas
la réalisation d'un revenu imposable. Seules seront taxées les soultes
éventuelles, qui, selon les cas, auront le caractère d'un gain en capital
ou d'un dividende s1.
Les actions et papiers-valeurs distribués sont comptabilisés ou réputés
acquis par les actionnai·res à la même valeur que les titres remis en
échange, à l'exception des soultes, qui sont reprises à leur valeur vénale 8 8 •

83 Sec. 355 (a) (1) (D) IRC.


84 Sec. 355 (a) (3) IRC.
85 Sec. 355 (a) (1) (B) IRC.
86 Sec. 355 (a) (2) IRC.
87 Sec. 356 (a) et (h) IRC. En cas de split-off et de split-up, le revenu est
un gain en capital, à moins que l'échange ait l'effet d'une distribution de divi-
dendes. En cas de spin-off, le revenu réalisé est toujours traité comme un
dividende (sec. 301 IRC).
88 Sec. 358 IRC. Un spin-off ne donne pas lieu à un échange, mais il est
traité comme tel.
TROISIÈME PARTIE

LE SYSTÈME SUISSE
CHAPITRE PREMIER

FUSIONS CANTONALES

Le terme de « fusion cantonale » s'applique généralement à toute


fusion de sociétés ayant leur siège dans le même canton. Mais une fusion
ne sera purement cantonale que si, en outre, (i) ces sociétés n'ont pas
d'établissement ni d'immeuble à l'étranger ou dans un autre canton, et (ii)
tous les actionnaires des sociétés reprises sont résidents du canton où
ces sociétés ont leur siège. Une telle situation est exceptionnelle et la
majorité des opérations de concentration entre sociétés d'un même canton
ont certains aspects intercantonaux ou internationaux.

Section 1. - DROIT DES SOCIÉTÉS

Sous le titre (note marginale) « Dissolution sans liquidation » et le


sous-titre « Fusion », le CO prévoit deux opérations de concentration
caractérisées par le fait que les sociétés reprenantes succèdent à titre
universel au patrimoine des sociétés dissoutes.
1) La fusion proprement dite (art. 749 CO : « Réunion de plusieurs
sociétés anonymes>') est définie ainsi par la loi : « Plusieur·s sociétés
anonymes peuvent être absorbées par une nouvelle société anonyme de
telle sorte que leurs biens passent sans liquidation dans l'actif de cette
dernière». L'article 749, alinéa 3, ch. 4, CO précise que « les actions de
la nouvelle société sont ensuite remises, conformément au contrat de
fusion, en échange des anciennes ».
2) L'absorption (art. 748 CO : «Reprise d'une société anonyme par
une autre société de même espèce») intervient «lorsqu'une société ano-
nyme est dissoute par le fait qu'une autre société anonyme reprend
l'actif et le passif ... ».

L'absorption d'une filiale par la société mère constitue-t-elle une ab-


sorption au sens du droit civil ? Le CO n'utilise pas et, par conséquent,
11
152 FUSIONS CANTONALES

ne définit pas les termes de « filiale » et de « société mère ». Si l'on admet


que lorsqu'une société est actionnaire d'une autre société, la première
est une société mère et la seconde sa filiale, les règles du CO peuvent
être résumées de la manière suivante.

a) Une société mère peut détenir la totalité du capital-actions de sa


filiale. L'article 625, alinéa 2, CO, il est vrai, permet à un actionnaire
ou à un créancier de s'adresser au juge lorsque le nombre des actionnaires
d'une société tombe au-dessous de trois, mais cette disposition - qui
n'est d'ailleurs jamais invoquée en pratique - ne fait que donner le droit
au juge de dissoudre la société si la situation légale n'est pas rétablie
dans un délai convenable.
b) Une société mère détenant plus de 50 % du capital-actions de sa
filiale peut obliger celle-ci à accepter une fusion. En effet, l'article 649 CO
prévoit que les décisions par lesquelles une société décide une fusion
ne peuvent être prises que dans une assemblée générale où les deux tiers
au moins de toutes les actions sont représentées ; mais si ce quorum
n'est pas atteint, une seconde assemblée pourra être convoquée dans
laquelle le quorum ne sera que d'un tiers. Etant donné que les décisions,
dans chacune de ces assemblées, sont prises à la majorité des actions
représentées, la société mère pourra imposer sa volonté en tout cas lors
de la seconde assemblée 1.
c) Une société mère qui absorbe sa filiale doit annuler sa participation
sans pouvoir s'attribuer ses propres actions en échange. L'article 659 CO
prévoit en effet que « la société ne peut ni acquérir ses propres actions,
ni les recevoir en nantissement». Certes, l'alinéa 2, ch. 3, du même article
autorise l'acquisition, sous réserve d'une aliénation rapide, lorsqu'elle
«a lieu par suite de la reprise d'un patrimoine ou d'une entreprise avec
actif et passif». Mais cette di1sposition vise uniquement le cas où l'actif
de la société reprise comprend des actions de la société reprenante
(absorption d'une société mère par sa filiale). Il en résulte que l'absorp-
tion d'une filiale par la société mère n'entraînerait, soit aucune augmen-
tation de capital (participation à 100 %), soit une augmentation limitée,
destinée uniquement à rémunérer les actionnaires de la füiale autres que
la société mère.
d) L'article 748, ch. 8, CO, applicable en cas d'absorption, prévoit
ce qui suit : « Une foi,s la dissolution inscrite, les actions de la nouvelle

1 Il faut naturellement réserver les cas où les statuts d'une société prévoient
des quorum de présence ou de vote plus sévères.
DROIT DES SOCIÉTÉS i53

société destinées à désintéresser les actionnaires de la société dissoute


sont remises à ceux-ci conformément aux clauses du contrat de fusion» 2.

Cette disposition peut, semble-t-il, être interprétée de trois manières


différentes.

J) Elle décrit la situation qui se présente généralement, et indique


à quel moment les actions nouvellement émises doivent être remises aux
actionnaires, mais elle n'exige pas l'émission d'actions nouvelles. L'ab-
sorption d'une filiale, même si toutes ses actions étaient détenues par la
société mère reprenante, serait alors possible.
2) Elle exige l'émission d'actions nouvelles mais sans qu'il soit
nécessaire que tous les actionnaires soient désintéressés au moyen de
celles-ci. L'absorption d'une filiale serait alors admissible pour autant
que la société mère ne détienne pas le 100 % du capital-actions de la
société absorbée.
3) Elle exige que tous les actionnaires soient désintéressés au moyen
d'actions nouvelies. Dès lors, le fait que la société reprenante soit action-
naire de la société reprise, quel que soit le pourcentage de la parti-
cipation, exclurait une absorption au sens de l'article 748 CO.
Aucune de ces interprétations n'est réellement satisfaisante. On voit
mal pourquoi une absorption serait prohibée lorsque la société reprenant~
détient quelques actions de la société reprise. Il serait tout aussi illo-
gique d'admettre l'absorption d'une filiale contrôlée à 99 % et de l'in-
terdire en cas de contrôle à 100 %. Enfin, l'absorption d'une société par
son seul actionnaire apparaît difficile à distinguer d'une liquidation.
Mais une solution intermédiaire, consistant, par exemple, à recon-
naître la possibilité d'une absorption dans les seuls cas où la société
mère n'est pas en mesure de l'imposer, c'est-à-dire lorsque sa participa-
tion ne dépasse pas 50 %, ne pourrait être justifiée sur la base du texte
légal en vigueur. Dès lors, la première interprétation mentionnée plus
haut doit, nous semble-t-il, être adoptée, l'article 748 CO, première
phrase, n'exigeant aucun échange d'actions : « Lorsqu'une société ano-
nyme est dissoute par le fait qu'une autre société anonyme reprend l'actif
et le passif...».
Le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé de manière catégorique
et définitive. Pourtant, il a semblé admettre, se référant à la « doctrine

2 Le mot « nouvelle » est mal choisi. Il aurait fallu dire : « les actions nou-
velles de la société absorbante... ».
154 FUSIONS CANTONALES

actuelle» (de 1932), qu'une absorption sans augmentation correspondante


de capital ne constituait pas une fusion au sens du droit civil a. Si cette
opinion devait être confirmée, l'absorption d'une société fille par sa mère,
quel que soit le nombre d'actions détenues par celle-ci, ne pourrait se
réaliser sans liquidation de la filiale.
La doctrine est divisée. De Steiger estime qu'une fusion ne nécessite
pas la remise de titres aux actionnaires de la société absorbée 4. Schu-
cany prend une position opposée, mais uniquement sur la base de l'arrêt
précité 5 . Fleischli, pour sa part, estime que si une augmentation de
capital n'est pas nécessaire (notamment lorsque la société reprenante
dispose d'actions émises antérieurement), l'article 748 CO n'est en re-
vanche pas applicable en l'absence d'une remise de titres aux actionnaires
de la société reprise 6. Bürgi, enfin, paraît trouver évident qu'une société
mère puisse absorber sa filiale. Il voit dans cette possibilité, qu'il ne
discute pas, mais constate, une preuve que l'augmentation de capital de
la société absorbante n'est pas une Wesensmerkmal de la fusion 7,
En pratique, le registre du commerce de certains cantons (dont Ge-
nève) s admet l'utilisation de la procédure prévue à l'article 748 CO.
Rien ne semble s'opposer à l'absorption d'une société mère par sa
filiale. Ainsi qu'on l'a déjà noté, l'article 659, alinéa 2, ch. 3, CO exige
l'aliénation rapide par la filiale des titres qu'elle acquiert lors d'une
telle opération. Cette aliénation sera réalisée, en tout cas partiellement,
par la remise des actions en cause aux actionnaires de la société mère,
en échange de leurs titres annulés. Ceci est parfaitement conforme à la
loi, même si l'augmentation correspondante de capital apparemment
exigée par le Tribunal fédéral est alors évitée.
3) Scission. La scission d'une société, si celle-ci disparaît, est une
double absorption ou une fusion à l'envers ; pourrait-on alors concevoir
l'application des articles 748 et 749 CO, les sociétés reprenantes devenant
solidairement responsables des dettes de la société scindée ? 9 Sans doute
pas, car ces articles ne mentionnent chacun qu'une seule société absor-

a jdT 1932, p. 456.


4Le droit des sociétés anonymes en Suisse; Payot, Lausanne 1950, p. 357.
5 Kommentar zum schweizerischen Aktienrecht; Orell Füssli Verlag, Zürich
1960, ad art. 748, p. 195.
6 Die steuerlichen Auswirkungen der Fusion von Aktiengesellschaften auf die
beteiligten Unternehmen ; Verlag P.G. Keller, Zürich 1969, p. 9.
7 Kommentar zum schweizerischen Zivilgesetzbuch, V Band, Obligationen-
recht ; Schulthess Polygraphischer Verlag, Zürich 1972, p. 926, N. 22, et p. 958,
N. 73 et 74.
s Voir RDAF 1961, p. 242. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a tacitement
admis l'utilisation de l'art. 748 CO.
11 Cf. art. 385 de la loi française sur les sociétés commerciales.
LE RÉGIME FÉDÉRAL 155

bante 10 ; la société scindée est liquidée et son patrimoine transféré aux


sociétés reprenantes dans les conditions prévues à l'article 181 CO (à
l'exception du second alinéa) et aux articles 742 et ss. CO 11.
4) Pseudo-fusion et apport partiel. Le transfert d'un patrimoine sans
liquidation de la société cédante est un cas d'application de l'article
181 CO, caractérisé par le fait que le patrimoine apporté est rémunéré
au moyen d'actions émises par la société reprenante.

Section li. - DROIT FISCAL 12

Conformément aux articles 41 bis et 41 ter CF, la Confédération peut


percevoir, notamment, des droits de timbre sur titres, un impôt anticipé
sur les revenus de capitaux mobiHers, un impôt sur le chiffre d'affaires,

10 Bürgi (op. dt., p. 919, N. 10) semble admettre, en revanche, que plusieurs
sociétés puissent être absorbées.
11 JdT 1962, p. 126.
12 E. Steiner, Von der Liquidationssteuer im Falle der Fusion; Revue Fiscale
1952, p. 223. - F.Th. Zweifel, Fusionen von Aktiengesellschaften und ihre
Steuerprobleme ; Revue Fiscale 1957, p. 65. - E. Ouhler, Vorsicht hei der
Fusion von Aktiengesellschaften ; Revue Fiscale 1957, p. 243. - M. Pichon, La
fusion d'entreprises et les problèmes que cette opération soulève au point de vue
juridique et fiscal ; Revue Fiscale 1958, p. 160. - H. Masshardt, Fragen aus dem
Oebiete der Besteuerung von Liquidationsgewinnen bei der Wehrsteuer; Archi-
ves 28, p. 193. - S. Koch, Die übernahme der Aktiven und Passiven einer
Tochter-Oesellschaft durch die Mutter-Oesellschaft und deren Folgen für die
Wehrsteuer ; L'Expert-Comptable Suisse 1960, p. 41. - E. Kiinzig, Die eidge-
nossische Wehrsteuer, pp. 63 et ss. et 417 et ss.; Verlag für Recht und Gesell-
schaft A.O., Base! 1962. - H.P. Flüge et H. Masshardt, Le régime fiscal
applicable aux concentrations d'entreprises - Rapport national au XVII•
Congrès international de droit financier et fiscal, Paris 1963 ; RDAF 1963,
p. 173. - H. Masshardt, Fusion, transformation et scission d'entreprises ; Archi-
ves 32, p. 177. - Federal Taxation of Corporate Mergers in Switzerland ; Eur.
Tax., Vol. 4 (1964), N°" 18 et 20, pp. 167 et 207. - Gutachten 1 (1964). -
]. Suter, Die Fusion von Aktiengesellschaften im Privatrecht und im
Steuerrecht; Verlag Schulthess & Co. A.G., Zürich 1966. - M. Pichon, Fusions
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Finanzielle Aspekte der Unternehmenskonzentration ; Schweizerische Bankgesell-
schaft 1968. - E. Schiirrer, Die Besteuerung der stîllen Reserven bei Umwand-
lungen, Zusammenschlüssen und Teilung von Unternehmungen ; Revue Fiscale
1968, p. 475. - E. Fleischli, Die steuerlichen Auswirkungen von Aktiengesell-
schaften auf die beteiligten Unternehmen ; St. Oaller Diss., Verlag P.O. Keller,.
Zürich 1969. - Ch. Constantin, Les problèmes fiscaux soulevés sur le plan
national et en particulier sur le plan international par la fusion d'entreprises -
Rapport national au XXIV' Congrès international de droit financier et fiscal,
Bruxelles 1970; Revue Fiscale 1970, p. 129. - Outachten li (1970). - Th. Faist,
Steuerliche Behandlung der Zusammenschlüsse, Teilungen und Umwandlungen
von Unternehmen ; Archives 38, p. 481. - A. Haessig, La société holding, la
société de base et la concentration d'entreprises ; Archives 39, p. 305. -
E. Kiinzig, Unternehmungskonzentrationen, eine steuerrechtlîche Studie ; Verlag
Stiimpfli & Cie A.G., Bern 1971. - E. Kiinzig, Der Begriff der Realisation von
156 FUSIONS CANTONALES

ainsi qu'un impôt dit de défense nationale (IDN), qui est un impôt
direct frappant ile revenu des per·sonnes physiques, le rendement net et
le capital et l·es réserves des personnes morales. Les taux maxima de
l'IDN sont fixé~ par la constitution.
A part l'IDN, l'imposition directe est réservée aux cantons, et chacun
des vingt-cinq cantons et demi-cantons assujettit les personnes physi-
ques et morales à des impôts sur le revenu ou le bénéfice, ainsi que sur
la fortune ou le capital et les réserves. Les cantons sont par ailleurs
seuls compétents pour prélever des impôts sur les transactions mobilières
et immobilières (droits d'enregistrement et de mutation).
Il convient donc de considérer tour à tour le régime fédéral et les
régimes cantonaux.

A. LE RÉGIME FÉDÉRAL.

1. Au niveau des sociétés.


a) Impôt direct.
L'arrêté du Conseil fédéral concernant la perception d'un impôt pour
la défense nationale du 9 décembre 1940 (AIN) ne contient aucune dis-
position relative aux concentrations d'entreprises et, jusqu'il y a peu de
temps, on pouvait craindre que la loi sur l'impôt direct fédéral, destinée
à remplacer lAIN et actuellement en préparation, ne comblerait pas cette
lacune. ia
Selon !'article 53, alinéa 2, AIN, « Les sociétés désignées au 1er
alinéa [sociétés de capitaux] qui sont entrées en liquidation avant ou
pendant la période de taxation paient, lors de la cessation de l'assujet-
tissement, en plus de l'impôt dû en vertu du t •• alinéa, un impôt annuel
entier sur les bénéfices en capital et les augmentations de valeur réalisées
pendant la période de calcul et la période de taxation comme les personnes
physiques (art. 43) ».
Brièvement résumé, le système de l'IDN en cas de liquidation est le
suivant. L'impôt est fixé pour deux ans (période de taxation) sur la base
du rendement des deux années précédentes (période de calcul) : ainsi,

Unternehmungsgewinnen; Archives 41, p. 81. - H. Masshardt et O. Gendre,


Commentaire ION (1973). - E. Kanzig, Steuerprobleme bei Unternehmungskon-
zentrationen ; Revue Fiscale 1973, p. 501.
1a L' Administration fédérale estime, en effet, que les dispositions nécessaires
seraient trop longues et trop compliquées. Cependant, le projet du 3 août 1973
de la Commission de coordination (créée aux fins d'harmoniser la nouvelle loi
fédérale avec le projet de loi modèle cantonale) contient une disposition (art. 90)
relative aux transformations, fusions et scissions de sociétés.
LE RÉGIME FÉDÉRAL 157

l'impôt 1973-1974 est perçu sur la base du rendement moyen 1971-1972


et une société liquidée au cours de 1973 paie l'impôt normal sur son
bénéfice d'exploitation 1971-19ï2 jusqu'à la fin de sa liquidation, pro-
rata temporis. Mais, en plus, elle paie l'impôt spécial (annuel entier) de
l'article 53, a:linéa 2, sur tous les bénéfices en capital réalisés en 1971-
1972, même si la liquidation n'était pas envisagée à cette époque, et en
1973 ; ces bénétices en capital ne sont en revanche pas inclus dans le
calcul de l'impôt normal 1973. Ce système permet d'éviter qu'une société,
en se liquidant au début de la période de taxation, échappe pratiquement
à toute imposition sur les gains en capital et revalorisations effectuées
pendant la période de calcul. Les bénéfices soumis à l'impôt spécial sont
diminués du montant des frais (mais non des impôts) de liquidation, des
pertes d'exploitation de la période de taxation, de celles de la période
de calcul dans la mesure où elles excèdent les autres revenus réalisés
pendant cette période et l'éventuel bénéfice d'exploitation de la période
de taxation, et, enfin, de celles de la période précédente (1969-1970 dans
notre exemple), dans la mesure où des bénéfices en capital ont été réalisés
pendant la période de calcul.
Cependant, les sociétés reprises effectuant un apport dans le cadre de
diverses opérations de concentration, ne sont pas soumises à l'impôt
spécial, soit que la loi ,s'y oppose, soit que l' Administration ION accorde
un régime de faveur.

1) Exonération découlant de la loi.


L'article 53, alinéa 2, s'applique aux sociétés « entrées en liquidation».
Or, ainsi qu'on l'a vu, les sociétés reprises lors d'une fusion ou d'une
absorption au sens des articles 748 et 749 CO sont dissoutes, mais n'en-
trent pas en liquidation. Le Tribunal fédéral a indiqué de la manière la
plus nette que l'article 53, alinéa 2, ne pouvait dès lors s'appliquer à
ces sociétés :
« ... si la liquidation suit en général la dissolution, ce qui est le cas
normal, elle peut cependant ne pas avoiï lieu (dissolution sans liquidation,
art. 738 et 748 ss. CO). Il en va ainsi, en particulier, lors de la fusion
de deux sociétés anonymes, dont l'une absorbe l'autre et en reprend l'actif
et le passif (article 748 CO). Dans ce cas, et en principe tout au moins,
l'impôt spécial prévu par l'article 53 al. 2 AIN n'est pas perçu, à défaut
d'une liquidation, lorsque, comme dans la présente espèce, l'actif de la
société absorbée est repris pour sa valeur comptable. Cette solution est
conforme à la pratique des autorités fiscales, aux dires de I' Administra-
tion elle-même. Mais on ne saurait admettre qu'elle procède d'une sim-
ple tolérance et qu'il faut considérer comme «entrée en liquidation» et
158 FUSIONS CANTONALES

soumise à l'impôt spécial prévu à l'article 53 al. 2 AIN toute société de


capitaux ou coopérative dont la dissolution est décidée» (c'est nous qui
mettons en italique) 14,
Le Tribunal fédéral a confirmé cette jurisprudence à trois reprises :
Dans l'arrêt X. du 20 juin 1969, concernant la transformation d'une
entreprise individuelle en société anonyme 15 ; dans l'arrêt H. S.A., du
3 juillet 1970, concernant une scission 16; et dans l'arrêt X. S.A., du 19
mai 1972, qui posait, à nouveau, le problème de l'absorption d'une
filiale 11.
L'application d'un régime de sursis en cas de fusion ou d'absorption
(opérée selon la procédure des articles 748 et 749 CO) est approuvée
par la doctrine unanime ; en revanche, tous les auteurs ne s'accordent
pas nécessairement sur les motifs qui justifient ce régime. Pour Fleischli,
il est exclusivement fondé sur le principe de la « succession fiscale
élargie» prévu à l'article 12, alinéa 2, AIN 1s. Pour Kanzig, c'est l'ab-
sence d'une contreprestation dont le vendeur, c'est-à-dire la société re-
prise, ait la libre disposition, qui exclut la réalisation, et, par conséquent,
l'imposition des plus-values transférées m. D'autres auteurs insistent sur
la continuité, à la fois, des rapports de participation et de la vie écono-
mique de la société reprise 20. Quant aux rédacteurs du Gutachten Il, ils se
basent à la fois sur ce dernier argument21, sur l'article 12 AIN 2 2, et sur
l'absence d'une contreprestation de la société bénéficiaire qui puisse
entraîner la réalisation des réserves latentes de la société absorbée 23 •

14 RDAF 1961, p. 242 (arrêt F. S.A. du 3.6.1960} ; Archives 29, p. 437.


Il est intéressant de noter que cet arrêt concernait l'absorption d'une filiale par
la société mère et que le Tribunal fédéral ne fit aucune remarque au sujet de
l'application de l'article 748 CO.
15 RDAF 1972, p. 302; Archives 38, p. 497.
16 RDAF 1973, p. 181 ; Archives 40, p. 113.
11 ATF 98.lb.404 ; Archives 42, p. 265. Là encore, le Tribunal fédéral n'a
pas critiqué l'utilisation de la procédure prévue à l'article 748 CO.
1s E. Fleischli, op. cit., pp. 82 et ss. L'art. 12, al. 2, AIN prévoit ce qui
suit : « Si une personne morale transfère ses actif et passif à une autre personne
morale, cette dernière doit acquitter les impôts dus par la société dissoute pour
la période de taxation (art. 7, 1•• al.) en cours. » Voir aussi Commentaire IDN,
p. 253, ainsi que l'arrêt cité dans la note précédente.
19 E. Kanzig, Unternehmungskonzentrationen, op. cit., pp. 42 et 49. Dans
son commentaire sur l'AIN (Die eidgenossische Wehrsteuer, op. cit., pp. 63, 64,
378, 417 et 418), Kanzig invoque principalement l'article 12 AIN.
20 Voir, notamment, J. Suter, op. cit., et E. Scharrer, op. cil., p. 487.
21 Outachten II, p. 81.
22 Ibid., p. 82.
23 Ibid., pp. 87 et 88.
LE RÉGIME FÉDÉRAL 159

Bien que l'AIN ne contienne aucune disposition expresse concernant


les primes d'émission et de fusion, 1' Administration 24 et la doctrine 25
ont toujours admis que l'agio, taxable lors de sa redistribution aux
actionnaires, ne devait pas être inclus dans le rendement imposable
d'une société anonyme. Le Tribunal fédéral s'est récemment rallié à
cette opinion 26.

2) Exonération découlant d'une pratique administrative 27.


L' Administration fédérale applique le régime du sursis à d'autres
opérations de concentration, réalisées, soit par la voie d'une liquidation
(et non seulement d'une dissolution) des sociétés reprises, soit par des
apports de biens n'entraînant ni la di,ssolution, ni la liquidation des
sociétés reprises. La pratique de I' Administration n'est pas établie de
manière très précise. Elle tend, semble-t-il, à exonérer de l'impôt spécial
les opérations suivantes.

- La scission.
« Il doit ,s'agir d'une sc1ss1on réelle, c'est-à-dire d'une division de
l'entreprise en deux ou plusieurs exploitations du même genre, qui sont
continuées comme telles, sans changement. C'est pourquoi, par exemple,
on ne reconnaît pas comme scission d'entreprise la division d'une société
holding ou d'une société immobilière en plusieurs sociétés individuelles,
ni le démembrement d'une société commerciale ou de fabrication en une
société d'exploitation et une société immobilière. » 2 8
Il n'est pas exclu, d'ailleurs, que les scissions doivent être rangées
parmi les opérations de la première catégorie, exonérées en vertu de Ia loi.
Le Tribunal fédéral, en effet, tout en notant, dans un récent arrêt 29 ,
que le traitement des scissions demeurait controversé, paraît enclin à
les assimiler aux fusions. Sa position est, à première vue, illogique,
puisque, dans sa décision du 3 juin 1960 30 , il avait justifié la non appli-

24 Commentaire IDN, p. 213.


25 Voir, notamment, E. Kanzig, Die eidgenèissische Wehrsteuer, op. cit.,
pp. 340 et 366, et Unternehmungskonzentrationen, op. cit., pp. 49 et 66; Outach-
ten II, pp. 106 et 108.
26 ATF 98.lb.404. Voir ATF 74.1.384 pour la jurisprudence antérieure.
21 Le choix de ce sous-titre, comparé au ch. l ), ne sous-entend pas que les
pratiques citées soient nécessairement contraires à la loi, et il va sans dire que
1' Administration les juge conformes aux dispositions en vigueur. Ces pratiques,
cependant, n'ont pas été expressément confirmées par le Tribunal fédéral, et la
doctrine est divisée à leur égard.
28 Commentaire IDN, p. 255.
29 Cité à la note 16, ci-dessus.
ao Voir note 14, ci-dessus.
160 FUSIONS CANTONALES

cation de 1l'article 53, alinéa 2, AfN, en cas d'absorption, uniquement


par l'absence d'une liquidation au sens du droit civil. On constate,
toutefois, que dans ses décisions ultérieures, et notamment dans celle
du 20 juin 19@ 31 , il a davantage mis l'accent sur le fait que la notion
fiscale de liqu.!dation n'était pas nécessairement conforme à sa notion
civile ; en d'autres mots, qu'il était concevable qu'une société fût fisca-
lement liquidée sans l'être civilement, ou qu'une liquidation civile, compte
tenu des « facteurs d'ordre économique», n'entraînât pas une liquidation
fiscale.
Cette conception doit conduire à accorder le régime du sursis aux
fusions qui, telles celles des sociétés à responsabilité limitée, entraînent
la liquidation des sociétés reprises. L' Administration fédérale leur appli-
que, en effet, ce régime s2, et la doctrine lui est généralement favorable,
soit qu'elle nie l'existence d'une liquidation fiscale a3, soit qu'elle invoque
le principe de l'égalité de traitement 34.

- La fusion partielle.
Cette opération, qui n'a pas été examinée en détail dans la présente
étude, est un apport partiel, caractérisé par le fait que la société appor-
teuse réduit son capital social et que ses actionnaires reçoivent, en
échange de leurs titres annulés ou diminués de valeur, les actions émises
par la société bénéficiaire.
Si !'Administration applique le régime du sursis à ce type de concen-
tration s5, elle paraît le dénier, en revanche, aux pseudo-fusions et ap-
ports partiels, au sens où nous les avons définis, lorsque la société
reprise - et non ses actionnaires - reçoit et conserve les actions que la
société reprenante émet en rémunération de l'apport. La doctrine, à ce
sujet, est divisée. Alors que Kanzig estime qu'aucune imposition ne se
justifie, tant que la société reprise ne redistribue pas à ses actionnaires
les titres de la société reprenante 3 6, les auteurs du Gutachten II jugent
que ces titres constituent une contreprestation qui entraîne inévitablement
la réalisation des plus-values afférentes aux biens transférés 3 7 , De lege
Tata, cette dernière opinion nous paraît seule soutenable ss.

31 Voir note 15, ci-dessus.


32 Commentaire IDN, p. 253.
33 Gutachten Il, pp. 90 et 91.
34 E. Kanzig, Unternehmungskonzentrationen, op. cil., pp. 61 et 66.
35 Commentaire IDN, pp. 254 et 255.
36 E. Kanzig, Unternehmungskonzentrationen, op. cit., p. 73. L'auteur se
fonde sur le fait que la société reprise n'a pas, à son avis, la libre disposition
des titres qui lui sont remis.
37 Outachten II, pp. 90 et 91.
38 Voir Première Partie, Chapitre II, litt. B, pp. 27 et ss.
lE RÉGIME FÉDÉRAL 161
L'Administration fédéraJ,e ne fait pas de différence entre les opérations
exonérées en vertu de la loi et les opérations exonérées en vertu d'une
pratique administrative : dans chaque cas, les conditions suivantes doi-
vent être remplies.
- La société reprenante doit être assujettie à l'IDN de façon illi-
mitée 39.
- La société reprenante doit acquitter les impôts de la société re-
prise pour la période de taxation en cours, conformément à l'article 12,
alinéa 2, AIN. Mais !'Administration exige encore que pour la période
suivante, la société rcprenante se laisse imputer les éléments non encore
imposés de la société absorbée. Si, par exemple, une fusion a eu lieu
en 1973, la société reprenante doit acquitter les impôts 1973 (basés sur
le rendement 1971-1972) de la société reprise; en outre, les impôts 1975
et 1976 de la société reprenante seront basés sur la moyenne de ses
revenus 1974 et des revenus réalisés par elle et par la société absorbée
en 1973. Cette dernière exigence n'est pas critiquable dans le cas où
le régime de faveur découle d'une pratique administrative (qui est prin-
dpalement fondée sur une interprétation extensive de l'article 12, alinéa 2,
AIN). En revanche, son fondement juridique apparaît beaucoup moins
solide lorsque l'exonération découle de la loi, c'est-à-dire, en cas de
fusion au sens des articles 748 et 749 CO. Sans doute, une telle exigence
est-elle parfaitement conforme à la notion selon laquelle une société
absorbée continue d'exister, économiquement sinon juridiquement, au
sein de la société absorbante. Mais le même raisonnement devrait alors
conduire l' Administration à admettre, ce qu'elle ne fait pas à l'heure
actuelle, que la société absorbante puisse déduire de son rendement
imposable les pertes de la société reprise 40 •
- Les biens repris doivent être portés au bilan de la société ab-
sorbante à leur valeur comptable, qui sera déterminante pour les im·-
positions et amortissements ultérieurs. L'exonération accordée n'est donc
que temporaire : il s'agit en fait d'un sursis à l'imposition.
- Les actionnaires de la société apporteuse doivent recevoir des
actions de la société reprenante en compensation de leurs titres annulés 41 •

39 C'est le cas de toutes les sociétés anonymes suisses (art. 3, ch. 2°, AIN).
40 L'AIN (art. 58) permet, d'une part, la compensation de la perte de l'une
des deux années de calcul avec le bénéfice de l'autre, et, d'autre part, la déduc-
tion de la perte subie pendant la période de deux ans précédant la période de
calcul.
41 C'est cette exigence qui exclut l'octroi du régime de sursis aux pseudo-
fusions et aux apports partiels.
162 FUSIONS CANTONALES

- D'autres conditions peuvent être posées par 1' Administration en


vue de garantir les droits du fisc. C'est ainsi qu'en cas de scission,
les actions de la société scindée (si elle subsiste) et celles des sociétés
reprenantes ne peuvent être aliénées pendant un délai de cinq ans 4 2.

3) Un cas particulier: l'absorption d'une société filiale.


Le principe selon lequel l'absorption d'une société filiale bénéficie
du régime de sursis, comme n'importe quelle autre absorption ou fusion,
a été clairement établi et confirmé par le Tribunal fédéral 43 • Dès lors,
on ne saurait admettre que l'octroi du sursis soit subordonné à la con-
dition, énoncée par !'Administration fédérale, que la société mère absor-
bante possède « tous les droits de partidpation à la société filiale» 4·1 •
Il convient, à cet égard, de distinguer plusieurs cas 45,
- Participation sous-évaluée par rapport aux valeurs vénale et
comptable du patrimoine repris.

M. F.

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 300.000 100.000 Capital


100 % actions 100.000 Réserve (valeur réelle : 100.000 Réserve
Filiale 100.000 100.000 Passifs 400.000) 100.000 Passifs

Si la société mère absorbe sa filiale, en en reprenant le patrimoine


à sa valeur comptable, le bilan après fusion de la mère sera J.e suivant.

M.F.

Actifs 500.000 100.000 Capital


(valeur réelle : 200.000 Réserve
600.000) 200.000 Passifs

La société mère ne réalise apparemment aucun bénéfice, bien qu'elle


ait <' échangé » une participation de 100.000 contre un patrimoine d'une
valeur comptable de 200.000 et d'une valeur vénale de 300.000.

42 Commentaire ION, p. 255.


43 Voir les arrêts cités dans les notes 14 et 17, ci-dessus.
44 Commentaire ION, p. 254 ; H.P. Flüge et H. Masshardt, op. cit., p. 183.
45 Voir aussi Première Partie, Chapitre V, litt. A, pp. 63 et ss.
'LE RÉGIME FÉDÉRAL 163

Au cas où la filiale aurait été liquidée, au lieu d'être absorbée, le


fisc aurait non seulement imposé un bénéfice de liquidation de 100.000
chez la société filiale (bénéfice dont l'imposition ultérieure est garantie
par la reprise à valeur comptable de ses actifs), mais encore, chez la
société mère, et dans Je cadre de l'article 59 AIN 46, un dividende de
liquidation de 200.000, correspondant au montant des réserves ouvertes
et cachées de ia filiale. Le problème qui se pose est alors de savoir si,
en cas d'absorption, la société mère doit être considérée comme ayant
bénéficié d'un dividende équivalent. Nous pensons qu'une réponse affir-
mative est justifiée. L'absorption d'une filiale, contrairement à celle
d'une autre société, met définitivement fin à une situation de double
imposition économique et elle a, à cet égard, Je même caractère qu'une
liquidation ; elle a aussi le même résultat, sinon les mêmes motifs, et
nous voyons mal pourquoi une société devrait trouver un avantage fis-
cal à absorber sa filiale, plutôt qu'à la liquider.
Cette opinion n'est, cependant, partagée ni par la doctrine dominante,
ni par le Tribunal fédéral. Selon eux, le « dividende » correspondant aux
véserves cachées de la société fille (d'un montant de 100.000 dans notre
exemple), n'est en tout cas pas imposable. Le Tribunal fédéral fonde
.>a manière de voir sur le fait que la société mère garantit, par la reprise
à valeur comptable du patrimoine absorbé, l'imposition ultérieure de
ces réserves cachées 47, mais il perd de vue que si l'imposition des
réserves cachées de la société fille est effectivement garantie, l'imposi-
tion de celles de la société mère, correspondant à la plus-value sur sa
participation annulée, ne l'est précisément plus.
Quant au traitement des réserves ouvertes de la filiale (d'un montant
de 100.000 dans notre exemple), qui sont transférées à la société mère,
la doctrine est divisée. Alors que Masshardt les veut imposer dans le
cadre de l'article 59 AIN 4 s, la majorité des rédacteurs du Gutachten II 4 9 ,
de même que Kiinzig 50, estiment que leur transfert ne doit avoir aucune

46 Selon cet article, l'impôt sur le rendement net se réduit du montant qui
correspond au rapport existant entre le rendement des actions ou parts sociales
des sociétés auxquelles la société contribuable participe et le total du rendement
brut.
47 ATF 98. lb. 404 (voir p. 413).
48 Commentaire IDN, p. 254. Voir aussi Gutachten II, p. 178 (opinion
minoritaire).
49 Gutachten II, p. 174.
50 E. Kiinzig, Unternehmungskonzentrationen, op. cit., pp. 83 et 84. Contrai-
rement à ce que prétend le Tribunal fédéral dans I' ATF 98. lb. 404 (p. 415),
Kiinzig n'est pas favorable à l'imposition des réserves ouvertes de la filiale.
Voir, à ce sujet, la note de l'auteur, Agiogewinne - Fusionsgewinne; Archives
42, p. 251.
164 FUSIONS CANTONALES

conséquence fiscale. La thèse de Masshardt, récemment adoptée par le


Tribunal fédéral 51, est, croyons-nous, difficilement soutenable. En effet,
ou bien on assimile - comme nous le voudrions - l'absorption d'une
filiale à sa liquidation, et, dans ce cas, c'est la valeur vénale du patri-
moine de la filiale qui doit être prise en considération, ou bien on rejette
cette assimilation - comme le propose Kiinzig - et, alors, H n'existe
aucune bonne raison d'imposer le montant des réserves ouvertes trans-
férées à la société mère.
- Participation sous-évaluée par rapport à sa valeur nominale.

M. F.

Actifs 250.000 100.000 Capital Actifs 300.000 100.000 Capital


100 % actions 100.000 Réserve (valeur réelle : 100.000 Réserve
Filiale 50.000 100.000 Passifs 400.000) 100.000 Passifs

Le bilan de la société mère après l'absorption de sa filiale se présen-


tera de la manière suivante :

M.F.

Actifs 550.000 100.000 Capital


(valeur réelle : 200.000 Réserve
650.000) 200.000 Passifs
50.000 Bénéfice

Dans cet exemple,, similaire à celui qui précède, la réserve cachée


afférente à la participation annulée se monte à 250.000, au lieu de
200.000. Le montant supplémentaire de 50.000 correspond à la diffé-
rence entre la valeur nominale des actions de la filiale et sa valeur
comptable inférieure.
La doctrine est unanime à juger que ce bénéfice de 50.000, qui a
le caractère d'un remboursement de capital, doit être imposé lors de
l'absorption, sans bénéficier, puisqu'il ne s'agit plus d'un dividende, du
privilège holding prévu à l'article 59 AIN 52 . L' Administration fédérale

51 ATF 98.lb.404.
52 Outachten II, pp. 177 et 178; E. Kanzig, Unternehmungskonzentrationen,
op. cil., p. 86.
LE RÉGIME FÉDÉRAL 165

a adopté la même position 53 : elle imposerait donc, dans notre exemple,


100.000 à titre de dividende bénéficiant de l'article 59 AIN, et 50.000 à
titre de gain en capital M.
- Participation surévaluée par rapport aux valeurs vénale ou
comptable.

M. F.
Actifs 50.000 100.000 Capital Actifs 300.000 100.000 Capital
100 % actions 100.000 Réserve (valeur réelle : 100.000 Réserve
Filiale 250.000 100.000 Passifs 4-00.000) 100.000 Passifs

L'absorption de la filiale, dans cet exemple, fait apparaître une perte


au bilan de la société mère.

M.F.

Actifs 350.000 100.000 Capital


(valeur réelle : 100.000 Réserve
450.000) 200.000 Passifs
Perte 50.000

A ce sujet, MM. Flilge et Masshardt s'expriment ainsi : « Si la fortune


comptable de la société filiale est inférieure à la valeur de la partici-
pation qui figure au bilan de la société mère, il y a une perte dite « de
fusion » au moment où la fortune est reprise sans modification des
valeurs comptabilisées. Cette perte doit bien apparaître dans les livres,
mais elle ne saurait être admise par le fisc, ni au moment de la reprise
de fortune ni plus tard à aucun moment ; il ne s'agit en effet que d'une
perte fictive, qui résulte du transfert des valeurs comptabilisées de la
société filiale dans la société mère » 55.

58 Eur. Tax., Vol. 4 (1964), N° 20, p. 208.


54 Selon notre thèse, le dividende imposable (en plus des 50.000) se monte-
rait à 200.000, et, selon la conception défendue par Kiinzig, seuls les 50.000
seraient soumis à l'impôt.
011 H.P. Flüge et H. Masshardt, op. cit., RDAF 1963, p. 183. Voir aussi
Commentaire IDN, p. 254.
166 FUSIONS CANTONALES

Cette conception n'est juste que dans la mesure où la filiale avait


des réserves latentes d'un montant égal ou supérieur au montant de la
perte comptable. Ainsi, dans notre exemple, la liquidation de la société
fille n'aurait entraîné aucune perte chez la société mère, mais, an
contraire, l'aurait fait bénéficier d'un dividende de 50.000, dont, à notre
avis, l'imposition en ca,s d'absorption serait parfaitement justifiée. En
revanche, si la Hliale n'avait pas eu une réserve latente de 100.000,
la perte ne serait nullement fictive : la vente des titres de la filiale, ou
la liquidation de cette dernière, aurait effectivement provoqué une perte
déductible de 50.000, dont on ne voit pas pourquoi elle ne serait pas
admise par le fisc en cas d'absorption 56,
b) Impôts indirects.
ha) Droits de timbre à l'émission.
1) La loi de 1917. Toute émission d'actions, qu'elle ait lieu lors de
la formation d'une société anonyme ou lors d'une augmentation de
capital, est soumise au droit de timbre prévu aux articles 17 et ss.
de la loi fédérale sur les droits de timbre du 4 octobre 1917 (L T). Ce
droit, prélevé au taux de 2 % (1 % sur le montant non libéré d'actions
nominatives, est « calculé sur le prix payé par les premiers acquéreurs »
(article 23, ch. 2, LT). Selon la jurisprudence, « ce prix comprend
la totalité des prestations que le souscripteur doit effectuer pour
acquérir les droits que lui confèrent les actions émises. Les pres-
tations réelles sont déterminantes ; peu importe qu'elles se manifestent
dans le prix des apports ou dans le cours d'émission des actions » 57 •
Le même arrêt précise qu'en cas de concentration, il faut se baser
sur la valeur d'usage de l'apport, c'est-à-dire « le montant qui aurait été
exigé d'un tiers non intéressé, en cas de vente de l'entreprise».
Il est regrettable que la LT ne contienne aucune disposition spéciale
concernant les fusions, et le système actuel présente plusieurs défauts.
D'une part, une fusion au sens strict est plus coûteuse qu'une absorp-
tion, puisqu'eHe entraîne l'apport de deux ou plusieurs patrimoines.

56 Dans le même sens, Gutachten II, p. 176.


57 RDAF 1966, p. 74, p. 77 (arrêt du 1.10.1965). Voir aussi Archives 4, p. 297
(Afc 21.3.35) et p. 365 (A TF 61.l.285). De son côté, M. j. Béguelin s'exprime
ainsi : « ... le prix d'émission se détermine d'après la valeur des entreprises
apportées. On prendra notamment en considération les estimations et calculs qui
ont servi de hase au contrat de fusion, lorsque les parties intéressées sont
indépendantes. Si les actions des sociétés qui fusionnent sont cotées en bourse,
on se fondera sur la valeur de cours, au moment de la fusion, des actions de la
société absorbée, le cas échéant sur celle des actions de la société absorbante -
en application du principe de l'équivalence - par exemple si seules ces dernières
sont cotées» (Droits de timbre fédéraux, Il, Les actions, F.J.S. N° 184,
pp. 4 et 5).
LE RÉGIME FÉDÉRAL 167
D'autre part, considérant les caractéristiques et justifications écono-
miques des opérations de concentration, il serait logique que le montant
des droits payés lors de la création des sociétés absorbées, et lors des
éventuelles augmentations de leur capital, soit imputé sur le montant
à payer au moment de la fusion ; cette solution a d'ailleurs été adoptée
pour la transformation d'une société anonyme en société à responsabilité
limitée ou d'une société coopérative en société anonyme ou à respon-
sabilité limitée (articles 8 et 9 de la loi fédérale complétant et modifiant
la législation fédérale sur les droits de timbre du 24 juin 1937). Enfin,
la constitution de réserves par une société durant le cours de son exis-
tence n'entraînant pas le prélèvement de droits, on pourrait fort bien
concevoir que le droit dû sur les actions émises par la société reprenante
soit calculé uniquement sur la valeur nominale. Il en résulterait que,
dans la plupart des cas, les fusions et absorptions, grâce au cumul du
système de l'imputation et de la prise en considération des seules valeurs
nominales, échapperaient à tout droit de timbre à l'émission 5s.
De lege Lata, on peut se demander si l'article 6 OLT n'exclut pas
le prélèvement du droit de timbre, en cas de fusion. Conformément à cette
disposition, le droit n'est pas dû lorsqu'un document pour lequel le
timbre a été acquitté est remplacé par un nouveau document sans que
les rapports de droit soient modifiés», ou lorsqu'un document subit une
modification qui « ne porte pas sur les éléments déterminants pour le
calcul du droit » ou qui, tout au moins, n'entraîne pas un droit plus
élevé.
Si l'on se souvient qu'une fusion ne provoque pas un véritable
« échange» d'actions, mais bien plutôt, puisque les titres de la société
reprise sont annulés, un « remplacement» obligatoire et immédiat, et si
l'on tient compte du fait que les actions émises par la société reprenante
incorporent généralement des droits identiques - dans la mesure où
ils déterminent le calcul du timbre - aux droits qu'accordaient les titres
annulés, il serait parfaitement concevable d'admettre l'application de
l'article 6 OLT.
Cette interprétation a, cependant, été rejetée par I' Administration fé-
dérale 59 et par le Tribunal fédéral, qui, sans citer la disposition en
cause, a refusé de prendre en considération la réalité économique des
fusions 60.

58 Le Gutachten II (p. 196) propose l'application alternative (et non cumu-


lative) des deux méthodes citées.
59 Archives 4, p. 297 (Afc 21.3.35) et 9, p. 312 (Afc 4.10.40).
ao Archives 4, p. 365 (ATF 61.1.291). Voir aussi P. Amstutz und E. Wyss,
Das eidgenossische Stempelsteuerrecht ; Orell Füssli Verlag, Zürich 1930, ad
art. 6 StV, ch. 8, p. 306.
12
168 FUSIONS CANTONALES

2) La loi de 1973, En octobre 1971, !'Administration fédérale des


contributions a rédigé l'avant-projet d'une nouvelle loi fédérale sur les
droits de timbre, accompagné d'un rapport explicatif. Le Message du
Conseil fédéral a été publié une année plus tard 61 et la nouvelle loi,
adoptée par les Chambres fédérales le 27 juin 1973, entrera en vigueur
le 1•• juillet 197462,
Conformément à l'article 9, alinéa 1, litt. a, du nouveau texte, le
droit d'émission prélevé lors d'une concentration s'élèvera à 1 % du prix
de la contreprestation reçue par la société reprenante, mais au moins
à 1 % de la valeur nominale des nouveaux titres. Le taux normal du
droit d'émission étant maintenu à 2 %, les fusions bénéficieront ainsi
d'une réduction de moitié. Examinant les diverses propositions qui lui
avaient été soumises en cette matière, le Conseil fédéral a rejeté succes-
sivement : (i) le principe d'une exonération complète (suggérée par le
Conseiller aux Etats Bolla), qui irait trop loin, compte tenu des aspects
négatifs des concentrations ; (ii) l'imputation des droits perçus précé-
demment auprès de la société reprise, qui poserait des problèmes admi-
nistratifs compliqués et qui ne serait d'ailleurs souvent guère avanta-
geuse 6 3 ; (iii) la proposition de calculer le montant des droit,s exclusi-
vement sur la base de la valeur nominale des nouveaux titres, qui serait
contraire au principe général de calcul adopté par la loi et créerait
ainsi une inégalité trop marquée. Si la réduction du taux de 2 % à 1 %
constitue effectivement « une solution intermédiaire qui n'entrave ni ne
favorise trop les fusions» 64, H est fort regrettable, pensons-nous, que
la nouvelle loi maintienne le traitement discriminatoire des fusions au
sens strict par rapport aux absorptions 65.
Les opérations bénéficiant du taux réduit sont, aux termes de l'article
9, alinéa 1, litt. a, de la nouvelle LT, les fusions, les transformations,
les scissions, et les concentrations « équivalant économiquement à des
fusions».
On peut p<:mser, et espérer, que les notions de « scission » au sens
de la LT et au sens de la LIA (art. 5) trouveront une seule et même

61 F.F. 1972.Il.1275.
62 R.0. 1974.I.1 l. Les dispositions concernant le droit de timbre sur les
primes d'assurance n'entreront en vigueur que le 1•• janvier 1975.
as Voir ci-dessus, Première Partie, Chapitre Ill, p. 47.
64 F.F. 1972.11.1292. Le Conseil fédéral a constaté, en outre, que la solution
choisie se tenait dans les limites de la réglementation actuelle de la CEE.
65 Si, par exemple, Ciba et Geigy ont préféré une absorption plutôt qu'une
fusion, parce que la première opération entraînait le paiement d'un droit
d'émission de 50 millions de francs, au lieu de 100 millions, environ, elles choisi-
raient vraisemblablement la même solution sous l'empire de la nouvelle loi,
afin de réaliser une économie de 25 millions.
LE RÉGIME FÉDÉRAL 169

interprétation, et une interprétation assez large pour inclure, non seu-


lement les fusions partielles, mais aussi les pseudo-fusions et apports
partiels (sans liquidation ni réduction de capital des sociétés scindées).
Quant à l'expression « concentration équivalant économiquement à des
fusions», le Message précise qu'elle vise notamment les fusionis ne
pouvant s'effectuer sans liquidation des sociétés reprises, ainsi que les
échanges de droits de participation sur la base d'un contrat entre les
sociétés participantes 66, S'il est clair, par conséquent, que les concen-
trations du type Suchard-Tobler bénéficieront du taux réduit, !' Adminis-
tration fédérale contestera probablement, nous a-t-on dit, l'octroi de ce
privilège aux opérations de restructuration (création de holdings, etc.)
effectuées au sein d'un groupe de sociétés. On ne peut, cependant, exclure,
à notre avis, que l'article 9, alinéa 1, leur soit applicable, dans la mesure
où elles n'ont pas des motivations essentiellement fiscales.
Il faut, enfin, noter que la nouvelle loi, en prévoyant que les actions
gratuites émises au moyen de réserves ayant déjà acquitté le droit
d'émission sont exonérées d'un nouveau droit (article 6, alinéa 1, litt. d),
soulève un problème délicat : les réserves d'une société absorbée qui
passent à la société absorbante constituant un « agio» (de fusion), doit~
on admettre que si la société absorbante émet ultérieurement des actions
gratuites au moyen de cet agio, elle pourra invoquer l'article 6? Il serait,
à vrai dire, un peu choquant de donner une réponse affirmative à cette
question, même si une interprétation littérale du texte légal ne permet
pas de proposer une autre solution ; on ne saurait croire, en effet, que
le législateur ait voulu faire bénéficier les primes de fusion d'un traitement
privilégié, qui impliquerait le droit de distribuer des actions gratuites
en franchise de droit, au moyen de réserves qui n'auraient acquitté au
préalable qu'un impôt de 1 %. En revanche, il ne fait pas de doute que
dans les cas où une société reprise transfère à la société reprenante des
réserves d'agio (ayant supporté le droit de 2 % auprès de la première
société), l'incorporation ultérieure de ces réserves au capital de la société
reprenante doit être exonérée de tout droit.

bb) Droits de timbre sur titres négociés.


Prévu aux articles 33 et ss. LT, le droit de timbre sur titres négociés.
est prélevé lors du transfert de titres (notamment d'actions et d'obli-
gations) à titre onéreux, si l'un des contractants ou des intermédiaires
s'occupe professionneUement de l'achat et de la vente de titres en Suisse;
de plus, une société anonyme est assinülée à un commerçant de titres sr

66 F.F. 1972.11.1291.
170 FUSIONS CANTONALES

son but statutaire principal est la participation à d'autres entreprises


ou si son actif se compose, pour plus de 50 %, de titres et d'avances
sur titres. Le droit de timbre est prélevé au taux de 0,3 %0 du prix
convenu s'il s'agit de titres suisses et de 1 %0 s'il s'agit de titres étrangers.
En cas de fusion, les titres faisant partie des patrimoines apportés
sont soumis au droit de timbre, pour autant, naturellement, que l'une des
sociétés participant à l'opération soit un commerçant de titres au sens
de la loi (une banque, par exemple) 01. En ce qui concerne l'échange d'ac-
tions effectué par les actionnaires, les titres annulés ne sont pas soumis
au droit ; ce dernier est, en revanche, prélevé sur les actions émises
par la société reprenante os, à moins qu'il ne s'agisse d'une émission
publique, c'est-à-dire, selon la pratique en vigueur, une émission carac-
térisée par la présence de plus de vingt souscripteurs ou la distribution
d'un prospectus (article 33, alinéa 3, LT). On notera que les actionnaires
eux-mêmes n'ont en aucun cas à acquitter le droit sur titres négociés :
ils ne sont pas parties au contrat de fusion conclu par les sociétés et
ne sauraient être considérés comme des contractants ou des intermé-
diaires au sens de la loi oo.
Le prélèvement du droit de timbre sur titres négociés, dont le rôle est
de toute manière restreint, vu son taux réduit et les conditions de son
application, devrait être abandonné en cas de fusion. Cette exonération
est d'ailleurs prévue par la nouvelle loi sur les droits de timbre, à son
article 14, litt. a et b.

c) Impôt à la source 10.

ca) Règles générales.


Conformément à la loi fédérale sur l'impôt anticipé du 13 octobre
t 965 (LIA), « la Confédération perçoit un impôt anticipé sur les revenus

67 F. Lüdin, Leitfaden zur Filhrung des eidgenèissischen Wertschriften-


Umsatzregisters, pp. 9 et 40. P. Amstutz und E. Wyss, op. cit., ad art. 33 StO,
ch. 12 K, p. 132.
68 Le fait que ces actions soient soumises au droit de timbre à l'émission
n'empêche nullement qu'elles soient également assujetties au droit sur titres
négociés. Ce dernier, cependant, n'est pas prélevé sur les actions émises lors de
la fondation d'une société, faute d'une opération bilatérale ; par conséquent,
en cas de fusion au sens strict, les titres émis par la nouvelle société ne sont
pas soumis au droit de timbre sur titres négociés.
oo J. Béguelin, Droits de timbre fédéraux, VIII, Les titres négociés, F.J.S.
N° 412, p. 3.
10 Voir, en particulier, W. Robert Pfund, Verrechnungssteuer, I. Teil ; Verlag
fiir Recht und Oesellschaft A.O., Base! 1971, pp. 196 à 208.
LE RÉGIME FÉDÉRAL 171

de capitaux mobiliers » (article 1). Cet impôt « a pour objet les intérêts,
rentes, participations aux bénéfices et tous autres rendements... des
actions, parts sociales et bons de jouissance émis par des sociétés
anonymes ... » (article 4). L'article 20 de !'Ordonnance d'exécution de
la loi fédérale sur l'impôt anticipé du 19 décembre 1966 (OIA) définit
le « rendement imposable d'actions » comme « toute prestation appré-
ciable en argent faite par la société aux possesseurs de droits de par-
ticipation, ou à des tiers les touchant de près, qui ne se présente pas
comme un remboursement des parts au capital social versé existant au
moment où la prestation est effectuée». Enfin, l'article 22 OIA, qui
régit les cas de dissolution et de liquidation, exige le paiement spontané
de l'impôt « dans les trente jours après chaque répartition d'une part
à l'excédent de liquidation».
Lorsqu'une société est dissoute ou liquidée par suite d'une fusion,
d'une absorption ou d'une ·Scission, aucune prestation n'est faite direc-
teme.nt par la société dissoute à ses actionnaires. En revanche, ceux-ci
obtiennent, par son intermédiaire, en échange du patrimoine qu'elle a
transféré à la société reprenante, la remise d'un certain nombre d'actions
dont la valeur vénale totale est en principe égale à la valeur vénale
du patrimoine apporté.
Il en est de même en cas de fusion partielle, lorsque les actions
émises par fa société reprenante sont distribuées aux actionnaires de
la société faisant l'apport (qui réduit son capital) en échange d'une
partie de leurs anciens titres. Dans la mesure où la valeur vénale des
actions de la société reprenante remises aux actionnaires de la société
apporteuse dépasse la valeur nominale de leurs titres annulés, ces action-
naires bénéficient d'un « excédent de liquidation » soumis, en principe,
à l'impôt anticipé, conformément aux dispositions précitées.

cb) Le régime spécial.


1) Principe d'exonération. En cas de concentration cantonale ou
intercantonale, !'impôt anticipé n'est pas prélevé, dans la mesure où les
conditions prévues à l'article 5 LIA sont remplies :
«Ne sont pas soumis à l'impôt anticipé :
a) Les réserves et bénéfices d'une société anonyme... qui lors d'une
fusion, d'une transformation ou d'une scission, passent dans les réserves
de la société suisse reprenante ou nouvelle. »
Par « réserves et bénéfices », H faut, sans doute, entendre l'ensemble
des réserves ouvertes et cachées de la société reprise, et la totalité des
172 FUSIONS CANTONALES

profits qu'elle a reportés au cours de son existence on réalisés pendant


l'exercice interrompu par la fusion 11.
La LIA ne définit pas les termes de « fusion» et de « scission». Le
fait que cette dernière soit mentionnée, cependant, démontre que l'ar-
ticle 5 est applicable, ou peut l'être, même si la société reprise est
liquidée au sens du droit civil. Cette disposition doit donc être inter-
prétée de manière extensive, malgré son caractère exceptionnel, et ap-
pliquée à toute opération de concentration caractérisée par un transfert
de patrimoine rémunéré par la remise de titres de la société reprenante
aux actionnaires de la société reprise, que celle-ci soit dissoute, liquidée,
ou demeure en existence avec un capital réduit (fusion partielle) 72. 11
va de soi que les pseudo-fusions et apports partiels, à l'occasion des-
quels les actions émises par la société reprenante sont attribuées à la
société reprise, et non à ·ses actionnaires, ne soulèvent, en principe,
aucun problème d'impôt anticipé 73,
2) Cas particuliers. L'article 5 LIA exige que les réserves et béné-
fices de la société reprise « passent dans les réserves de la société
reprenante ... », et il convient naturellement d'examiner, lors d'une opé-
ration de concentration, si ce passage est effectivement réalisé.
-- Tel n'est pas le cas, en particulier, lorsque les actionnaires de
la société reprise reçoivent, en échange de leurs titres annulés, des
actions d'une valeur nominale supérieure 74. Cette circonstance indique,
en effet, qu'une partie des réserves de la société reprise a été capitalisée,
accroissant à due concurrence le montant qui sera remboursé un jour
aux actionnaires en franchise d'impôt anticipé, et diminuant dans la
même mesure le montant potentiel de l'excédent de liquidation.

Société A Société B

Actifs 200.000 100.000 Capital Actifs 200.000 100.000 Capital


(valeur réelle : (1000 actions (valeur réelle : (1000 actions
320.000) de 100) 300.000) de 100)
50.000 Réserve 50.000 Réserve
50.000 Passifs 50.000 Passifs

71 W.R. Pfund, op. cil., pp. 204 et 205.


12 Ibid., pp. 204 et 207.
73 Si la société reprise distribue ultérieurement à ses actionnaires les titres
de la société reprenante, l'impôt anticipé est indubitablement dû : il s'agit alors
d'une attribution de «fausses actions gratuites».
74 W.R. Pfund, op. cil., p. 206.
LE RÉGIME FÉDÉRAL 173

Société BA

Actifs 400.000 208.000 Capital


(valeur réelle : 92.000 Réserve
620.000) 100.000 Passifs

En échange de leurs 1.000 actions d'une valeur vénale de 270, chacune,


les actionnaires de la société reprise A reçoivent 1.080 actions d'une
valeur vénale de 250. La valeur nominale totale de leurs titres passe
ainsi de 100.000 à 108.000. Cette distribution d' « actions gratuites »
entraîne indiscutablement la perception de l'impôt anticipé (sur un mon-
tant de 8.000), ou, le cas échéant, la déclaration de la prestation impo-
sable, en conformité des articles 20 LIA et 24 OIA :
Art. 24 OIA : «La société peut être autorisée, à sa demande, â
exécuter son obligation fiscale par une déclaration de la prestation
imposable (art. 20 de la loi) :
« b. En cas d'émission ou d'augmentation de la valeur nominale
d'actions ou parts sociales au moyen de réserves de la société (actions
gratuites, etc.) ;
La procédure de déclaration est admissible seulement s'il est établi '
que les personnes à qui l'impôt anticipé devrait être transféré (béné-
ficiaires de la prestation) auraient droit au remboursement de cet impôt
d'après la loi ou l'ordonnance, et si leur nombre ne dépasse pas vingt».

- Le « passage » exigé par l'article 5 LIA n'est pas pleinement


réalisé non plus si l'absorption de la société A par la société B est
effectuée par la voie d'un échange d'une action A contre une action B,
accompagné du versement aux actionnaires de la société A d'une soulte
de 20 pour chaque titre annulé.

Société BA

Actifs 380.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 80.000 Réserve
600.000) 100.000 Passifs

Il ne s'agit plus, dans ce cas, d'une capitalisation, mais d'une


distribution de réserves (de 20.000), qui, elle aussi, entraîne indiscutable-
ment le prélèvement de l'impôt anticipé. Le système de la déclaration
174 FUSIONS CANTONALES

n'est pas applicable, à moins que les soultes ne soient versées en


nature 75 ,
- En revanche, les conditions prévues à l'article 5 LIA seraient
remplies, si les actionnaires de la société A, consentant un sacrifice,
acceptaient un échange de titres à raison d'une action A contre une
action B, de même valeur nominale, sans versement d'aucune soulte.

Société BA

Actifs 400.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 100.000 Réserve
620.000) 100.000 Passifs

Dans cette hypothèse, les anciens actionnaires de la société A voient


la valeur vénal<! totale de leurs actions réduite de 270.000 à 260.000,
tandis que la valeur vénale des titres des actionnaires de la société B,
bénéficiaires de l'échange, a augmenté de 10.000. Les réserves de la
société A, cepèndant, ont intégralement passé dans celles de la société
reprenante et le montant total de l'excédent potentiel de liquidation
(320.000) n'a pas été modifié.
La jurisprudence du Tribunal fédéral 76, violemment critiquée par
!'Administration fédérale 11, conformément à laquelle la redistribution
des réserves d'agio n'est pas soumise à l'impôt anticipé, soulève un
problème délicat. En effet, les réserves de la société reprise, en cas
de fusion (telle la réserve de 50.000 de la société A dans l'exemple qui
précède) sont tmnsférées à la société reprenante à titre d'agio 78 ; elles
devraient, par conséquent, être exonérées d'impôt anticipé, sans qu'on
puisse pour autant dénier l'application de l'article 5 LIA !
Compte tenu, toutefois, du fait que cette disposition d'exception
a pour but d'éviter la perception de l'impôt dans la mesure où les
droits du fisc sont sauvegardés, il nous paraît évident que la juris-
prudence en cause est inapplicable en cas de concentration, même si

75 Conformément à l'art. 24, al. 1, c, OIA, la déclaration de la prestation


imposable est admissible: «en cas de distribution de dividendes en nature ou
d'un excédent de liquidation par cession d'actif. »
76 Arrêts du 19.12.1969 (RDAF 1971, p. 22 ; Archives 39, p. 46) et du 31.5.1968
(ATF 94.1.151 ; JdT 1968, p. 599; RDAF 1968, p. 289; Archives 37, p. 162).
77 Dans une note surprenante, parue dans Archives 37, p. 176 (voir aussi
RDAF 1968, p. 300), 1' Administration a fait savoir qu'elle ne s'estimait pas liée
par cette jurisprudence.
78 Voir Première Partie, Chapitre III, pp. 36 et ss.
LE RÉGIME FÉDÉRAL 175

les réserves transférées sont soumises aux impôts direds, à titre de


prime de fusion 79.
-- Faut-iil admettre l'application de l'article 5 LIA, lorsque les ré-
serves de la société absorbée vont servir à couvrir des pertes de la
société absorbante? En pratique, ce problème n'a qu'une importance
limitée. Le plus souvent, en effet, les réserves de la société reprise, si
la société reprenante est déficitaire, seront capitalisées, afin de mettre
sur pied d'égalité les actionnaires des deux sociétés. Par ailleurs, si
la société reprenante a des réserves cachées d'un montant au moins
égal au montant de ses pertes, les droits du fisc ne sont pas mis en
péril.

Société A Société B

Actifs 250.000 100.000 Capital Actifs 150.000 100.000 Capital


100.000 Réserve (valeur réelle : 100.000 Passifs
50.000 Passifs 300.000)
Perte 50.000

Dans cet exemple, l'excédent potentiel de liquidation est de 100.000


pour chaque société, soit 200.000 au total. Si la société B absorbe la
société A, la perte de la première société sera couverte par les réserves
de la société B sans pour autant modifier le montant de l'excédent de
liquidation.

Société BA

Actifs 400.000 200.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve
550.000) 150.000 Passifs

En cas de liquidation de la société BA, le montant soumis à l'impôt


anticipé serait de 200.000, et aucun prélèvement immédiat ne paraît

79 En revanche, l'exonération jurisprudentielle devrait s'appliquer lorsque la


prime de fusion résulte d'une réduction du capital de la société reprise (voir
l'exemple mentionné en Première Partie, Chapitre III, p. 41), et, bien entendu,
dans le cas où les réserves transférées avaient été constituées au sein de la
société reprise au moyen de primes d'émission.
176 FUSIONS CANTONALES

justifié. Ce n'est, à notre avis, que dans le cas (rare) où les réserves
de la société reprise servent effectivement à reconstituer le capital de
la société reprenante qu'elles doivent être soumises à l'impôt.
- Il reste enfin à examiner les conséquences de l'absorption d'une
filiale. Si l'on en croit la doctrine, le prélèvement de l'impôt n'intervient
que dans l'hypothèse où la société mère a acquis les actions de la filiale
au-dessus du pair so.

F. M.

Actifs 200.000 100.000 Capital Actions F. 100.000 Capital


50.000 Réserve 150.000 50.000 Passifs
50.000 Passifs

Société M.F.

Actifs 200.000 100.000 Capital


100.000 Passifs

Les réserves de la filiale n'ont pas passé dans la société mère et


l'absorption ne peut bénéficier de l'article 5 LIA s1 • Mais, ainsi qu'on l'a
déjà noté à plusieurs reprises, le passage de ces réserves ne suffit pas
pour sauvegarder les droits du fisc.

F. M.
Actifs 200.000 100.000 Capital Actions F 100.000 Capital
(valeur réelle : 50.000 Réserve 100.000
300.000) 50.000 Passifs (valeur réelle :
250.000)

Si la société mère absorbe sa filiale, en en reprenant les actifs à


leurs valeurs comptables, les réserves ouvertes et cachées de la société
fille passent effectivement dans celles de la ,société mère.

80 W.R. Pfund, op. cil., p. 206. Voir aussi Ch. Constantin, op. cil., p. 142.
81 En revanche, le système de la déclaration est applicable, sur la base de
l'art. 24, al. 1, c, OIA (voir note 75, ci-dessus).
J,E RÉGIME FÉDÉRAL 177

Société M.F.

Actifs 200.000 100.000 Capital


(valeur réelle : 50.000 Réserve
300.000) 50.000 Passifs

Malgré ce transfert, les droits du fisc ne sont plus garantis. En effet,


l'excédent de liquidation de la filiale était de 150.000, et celui de la
société mère de 150.000 également. Or, après l'absorption, l'excédent
potentiel de la mère est toujours de 150.000 (et non de 300.000), en
raison de l'annulation des actions F. En d'autres termes, les réserves
de la filiale ont passé dans celles de la société mère, mais, simultané-
ment, ont réduit l'actif de cette dernière, d'un montant correspondant.
L'application de l'article 5 LIA ne peut donc se justifier. En revanche,
ici encore, la société reprise pourra exécuter son obligation fiscale par
une simple déclaration de la prestation imposable.

2. Au niveau des actionnaires.

a) Actions incluses dans le patrimoine privé d'une personne physique.


L'Administration fédérale considère, en principe, que l'échange d'ac-
tions résultant d'une fusion s2, ou d'une scission sa, n'a qu'une portée
formelle, et ne constitue pas la réalisation d'un revenu imposable. Cette
opinion est partagée par la doctrine, en ce qui concerne les fusions 84,
et, aussi, les opérations (telles les scissions) pour lesquelles le droit civil
ne prévoit pas de procédure spécia>le, et qui entraînent la liquidation des
sociétés reprises s5.
L'ION n'étant pas perçu sur les gains en capital des personnes
physiques, dans la mesure où, conformément à l'hypothèse envisagée
ici, les biens aliénés font partie de leur patrimoine privé, il n'est pas
nécessaire, pour sauvegarder les droits du fisc, de prévoir que les
actions reçues en échange sont réputées acquises au même prix que
les actions annulées.
Quant à l'imposition du futur dividende de liquidation, elle est géné-
ralement assurée, car l'IDN est prélevé, conformément à l'article 21,

82 Commentaire IDN, pp. 253 et 254.


88 Ibid., p. 255.
84 Outachten JI, pp. 124 à 126 ; E. Kiinzig, Unternehmungskonzentrationen,
op. cit., pp. 46 et 49.
85 Outachten JI, p. 127 ; E. Kiinzig, op. cit., p. 66.
178 FUSIONS CANTONALES

alinéa 1, litt. c in fine, AIN, sur le montant de la différence entre les


sommes ou actifs distribués et la valeur nominale des titres, sans
égard au prix d'acquisition de ces derniers. Une imposition immédiate
n'est donc justifiée que si les actionnaires bénéficient d'une soulte 86,
ou si la valeur nominale des actions qu'ils reçoivent est supé-
rieure à celle de leurs actions annulées. Ce système, on l'a déjà
noté 87, est logique mais profondément inéquitable. Si A vend à B
pour 300 une action X d'une valeur nominale de 100, acquise à ce prix
et valant 300 au moment de la vente, il réalise un bénéfice de 200 qui
n'est pas imposable ; si, alors, la société X est liquidée et qu'un montant
de 300 est distribué à B, ce dernier est imposé sur un dividende de
200 ! De la même manière, si la société X, au lieu d'être liquidée, est
absorbée par une société Z et que B reçoive une action Z d'une valeur
vénale de 300 mais d'une valeur nominale de 200, il est inévitable que
l' Administration prétende imposer un revenu de 100 : il en irait exac-
tement de même si B recevait une action gratuite de 100. Il n'empêche
qu'un système qui aboutit à ne pas imposer les personnes qui réalisent
un bénéfice, et à imposer celles qui n'en réalisent aucun mériterait
d'être modifié. A cet égard, on peut relever que le problème serait résolu
si la notion de « revenu » englobait les gains en capital. Ainsi, dans
l'exemple qui précède, c'est le vendeur A qui serait imposé sur un gain
de 200, alors que B ne recevrait aucun dividende imposable (égal à la
différence entre le montant distribué et la valeur d'acquisition des titres).
La distribution d'actions gratuites ne serait jamais imposable. Et, en
cas de fusion, il suffirait de prévoir que les nouvelles actions fussent
réputées acquises au même prix que les actions annulées.

b) 'Actions incluses dans un patrimoine commercial.


- Si les titres appartiennent à une entreprise qui n'est pas astreinte
à tenir des livres, au sens de l'article 21, alinéa 1, litt. d, AIN, l'échange
résultant d'une opération de concentration a les mêmes conséquences
que celles mentionnées dans le paragraphe précédent.
-- Si les titres de la société reprise appartiennent à une société ou
à une entreprise astreinte à tenir des livres, l'échange effectué doit être
examiné dans le cadre, à la fois, de l'imposition des dividendes et de
celle des bénéfices en capital.

86 Peu importe, a noté Je Tribunal fédéral dans un arrêt du 21.9.1956


(RDAF 1957, p. 137). que la soulte soit versée par la société reprise ou par la
société reprenante. Voir aussi Commentaire IDN, p. 109 et pp. 253 et 254,
ainsi que les arrêts (concernant des scissions) des 14.6.1957 (RDAF 1958, p. 187)
et 21.2.1958 (RDAF 1959, p. 75).
s1 Première Partie, Chapitre IV, litt. C, ch. 1, p. 60.
LES RÉGIMES CANTONAUX 179

L' Administration, comme la doctrine, considèrent que cet échange doit


demeurer sans conséquences fisca·les, pour autant que les nouvelles
actions soient comptabilisées à la même valeur que les titres annulés 8 8 ,
aussi bien pour les fusions que pour les opérations qui entraînent, sans
qu'elle puisse ètre évitée, la liquidation des sociétés reprises 89,
Lorsque les nouveaux titres ont une valeur nominale supérieure à
celle des actions annulées, l'actionnaire n'a pas l'obligation de compta-
biliser cette augmentation de valeur, et, s'il s'en abstient, aucune impo-
sition n'a lieu Do. La comptabilise-t-il, au contraire, il est alors soumis
à l'IDN, soit selon les règles habituelles, soit, le cas échéant, en confor-
mité de l'article 59 AIN 01.
Quant aux &oultes, enfin, elles sont imposables dans la mesure et
la proportion où la valeur vénale des nouvelles actions n'est pas inférieure
à la valeur comptabilisée des anciennes 92 • Ici encore, l'article 59 AIN
est éventuellement applicable 93.

B. LES RÉGIMES CANTONAUX.

li est difficile, sinon impossible, de présenter un rapport précis sur


ces régimes 94.
Il est certain que plusieurs cantons, en particulier les cantons peu
industrialisés, n'ont aucune pratique dans le domaine de la concentra-
tion d'entreprises. D'autre part, et surtout, la grande majorité des lois
cantonales ne contiennent aucune disposition relative aux fusions 95 ,
sinon l'énoncé du principe de la substitution fiscale, qui n'offre pas, à

88 Outachten Il, p. 157 (en application de l'Ersatzbeschaffungstheorie) ;


E. Kanzig, op. cit., pp. 44 et 49.
89 Outachten II, pp. 160 et 161 ; E. Kiinzig, op. cit., p. 66.
oo Commentaire IDN, p. 213.
01 Ibid., p. 272. La comptabilisation doit intervenir pendant l'exercice même
où les nouveaux titres sont reçus.
92 Outachten II, pp. 158 et 159 ; E. Kanzig, op. cit., pp. 46 et 49.
93 Outachten II, p. 172. Cette application implique, et cela nous paraît juste,
que la soulte (comme l'action gratuite) a le caractère d'un dividende et non
d'un gain en capital (qui ne bénéficierait pas du privilège holding de l'art. 59
AIN).
94 Seules les Administrations fiscales de quatre cantons ont répondu au
questionnaire détaillé que nous avions soumis aux autorités de chaque canton
et demi-canton. D'utiles informations sont contenues dans les Outachten 1 et II,
publiés par la Schutzorganisation der privaten Aktiengesellschaften, dans l'ou-
vrage déjà souvent cité de E. Kiinzig, Unternehmungskonzentrationen, qui exa-
mine les lois des cantons de Berne, Saint-Gall et Zurich, et dans les commen-
taires des lois fiscales de Bâle, Berne et Zurich (voir la bibliographie).
95 Les dispositions en vigueur sont réunies dans l'Annexe I.
180 FUSIONS CANTONALES

notre avis (sauf dans la rédaction adoptée par la loi bernoise), une base
bien convaincante à un régime de sursis. Dès lors, chaque cas d'espèce
est réglé par la voie de négociations et de transactions entre le fisc et
les contribuables (ou leurs mandataires). Faute de disposition légale, il
n'existe naturellement, sauf rare exception, aucune jurisprudence et peu
de commentaires concernant le traitement fiscal des opérations de fusion.
Cette situation est regrettable et tant l' Administration que les contri-
buables sont placés dans une position inconfortable : la première, parce
qu'un certain réalisme économique l'entraîne souvent à accepter une
transaction d'une légalité douteuse ; les autres, parce qu'ils ont un rôle
de quémandeurs, sollicitant un régime « de faveur».
Ce n'est pas seulement la complexité des opérations de fusion qui
décourage le législateur helvétique. Ce sont aussi leurs aspects politiques :
la concentration d'entreprises est considérée par certains comme un phé-
nomène typiquement « capitaliste», dont ils soulignent automatiquement
les caractéristiques monopolistiques et inhumaines. C'est dire qu'un projet
de loi sur les fusions déclencherait inévitablement, en tous cas dans
quelques cantons" un débat où la fiscalité passerait rapidement au
second plan.
La tendance actuelle est, néanmoins, d'établir un régime légal. II y a
peu de temps encore, une seule loi cantonale (celle du canton de Lucerne)
contenait une réglementation des fusions. Elles sont aujourd'hui au
nombre de quatre. De même, en l'espace de trois ans, trois ouvrages
importants ont été publiés, en langue allemande, qui sont consacrés
exclusivement au traitement fiscal des concentrations d'entreprises 9 6.

1. Imposition de la société reprise.

a) Dispositions des lois cantonales.


Si seize des vingt-cinq lois cantonales mentionnent expressément le
principe de la substitution fiscale, lors d'un transfert de patrimoine
d'une société à une autre 97, rares, on l'a dit, sont les dispositions
légales concernant le traitement fiscal des plus-values afférentes aux
actifs inclus dans un apport de fusion.

96 Il s'agit du Outachten II (de 1971), de l'ouvrage de E. Kanzig (de 1970),


mentionné dans la note 94, ci-dessus, et de la thèse de E. Fleischli : Die steuer-
lichen Auswirkungen der Fusion von Aktiengesellschaften auf die beteiligten
Unternehmen, publiée en 1969.
97 Il s'agit des cantons d'Appenzell Rh. Ext., Appenzell Rh. Int., Argovie,
Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Berne, Glaris, Lucerne, Neuchâtel, Nidwald, Obwald,
Saint-Gall, Schaffhouse, Soleure, Uri, et Valais (voir les textes dans l'Annexe l).
LES RÉGIMES CANTONAUX 181

La loi bernoise semble admettre l'application du régime du sursis 98,


mais les textes en cause (articles 17, alinéa 4, et 42 bis) ne sont pas
sans équivoque. On peut en dire autant des dispositions (article 66,
alinéa 2) de la loi d'Appenzell Rhodes Intérieures qui, elle, paraît exclure
la possibilité d'un sursis.
Les seules dispositions précises sont contenues dans les lois fiscales
d'Argovie (article 12), de Lucerne (article 55, alinéa 3), Saint-Gall (ar-
ticle 28 du règlement}, et Soleure (article 60, alinéa 2). Leur laconisme,
cependant, ne justifie pas de longs commentaires.
L'article 12 de la récente loi argovienne est presque identique à
l'article 74 du projet de loi modèle cantonale mis au point par le Comité
des directeurs cantonaux des finances et des chefs des Administrations
cantonales des contributions. Ce texte a le mérite de donner une base
légale claire au régime du sursis, et, à juste titre, n'en limite pas
l'application aux fusions opérées selon la procédure des articles 748 à
750 CO. En revanche, il ne règle pas les questions les plus délicates
soulevées par les concentrations : ainsi, l'absorption d'une filiale n'est
pas mentionnée, et on ne peut savoir si la reprise des pertes d'exploi-
tation de la société absorbée doit ou non être admise. Par ailleurs, l'exi-
gence du maintien des rapports de participation antérieurs paraît exclure,
ce qui est regrettable, l'octroi d'un sursis aux pseudo-fusions et aux
pseudo-scissions.
Le régime prévu par le règlement d'application de la loi saint-
galloise (article 28) est essentiellement le même. Il ne fait, cependant,
pas mention de la scission et il refuse tout privilège aux apports faits
à des sociétés holding ou de domicile.
L'article 55, alinéa 3, de la loi lucernoise et l'article 60, alinéa 2,
de la loi soleuroise contiennent une réglementation similaire. Les condi-
tions fixées par le règlement soleurois pour les scissions (par. 44) sont
malaisées à interpréter. Le fait que ces opérations ne doivent pas en-
traîner de liquidation, joint à l'exigence du maintien des rapports de
participation antérieurs, semble indiquer que la société scindée doit être
maintenue en existence, mais que les titres des sociétés reprenantes
doivent néanmoins être remis aux actionnaires de la société scindée (et
non à cette dernière). Or, il est évident que cette solution est impra-
ticable : ou bien la société scindée est liquidée, ou bien elle se transforme
en société holding, actionnaire des sociétés reprenantes. Il faut vrai-
semblablement en conclure que la scission (Unternehmensteilung), au
sens de la loi soleuroise, est en réalité un apport partiel, ou plutôt une

os C'est d'ailleurs la position de l' Administration bernoise. Voir aussi


E. Kanzig, op. cit., p. 52.
182 FUSIONS CANTONALES

« fusion partielle », c'est-à-dire que, au lieu de partir de l'hypothèse -


comme nous l'avons fait en définissant ce genre d'opération - que les
titres qui rémunèrent l'apport sont remis à la société reprise, la loi en-
tend qu'ils soient distribués aux actionnaires de cette société, au prorata
de leur participation au capital social 9 9,
A notre connaissance, le Tribunal fédéral n'a eu qu'une seule occa-
sion de se prononcer (dans le cadre de l'article 4 CF) sur l'application
d'une loi cantonale, en matière de fusion. Il s'agit de l'arrêt Spar- und
Leihkasse Zurzach in Fusion, du ter décembre 1954 1 00, concernant la
réunion de deux sociétés coopératives argoviennes.
La loi fiscale du canton d'Argovie ne contenait, à cette époque,
aucune disposition expressément applicable aux fusions, mais prévoyait,
à son article 5, le prélèvement d'un impôt annuel entier sur « tous les
montants distribués dans le cours de la liquidation ou après son achè-
vement aux actionnaires ou autres intéressés ... ». Dans le cas particulier,
les sociétaires de la société absorbée avaient droit, pour chaque part
sociale annulée, (i) à une part de la société reprenante, et (ii) à une
soulte de Fr. 50.-.
Les soultes furent imposées, en application de la disposition précitée,
et la société reprise recourut contre cette imposition, faisant valoir que
l'article 5 de la loi n'était applicable que si une société était liquidée,
et non pas si, comme en cas de fusion, elle était seulement dissoute. Le
Tribunal fédéral releva que la notion de « liquidation » de la loi ar-
govienne correspondait, en principe, à celle du droit civil, et admit que
la fusion n'était pas un simple cas de liquidation, mais bien une institution
.iuridique particulière (ein selbstdndiges rechtliches Oebilde). Néanmoins,
considérant que l'article invoqué ne se référait pas expressément au CO,
il jugea qu'il n'était pas arbitraire, mais, au contraire, équitable, confor-
mément à une certaine conception de la réalité économique, de sou-
mettre à 1J'impôt spécial tout montant qui, rendu disponible par la
réalisation de réserves cachées d'une société, était distribué à ses ac-
tionnaires.
La lecture de cet arrêt, qui ne traite que de l'imposition des soultes,
laisse penser que le Tribunal fédéral pourrait juger arbitraire qu'une
fusion fût assimilée à une liquidation, dans la mesure où les actionnaires,
procédant à un simple échange de titres, ne bénéficieraient d'aucune
distribution effective.

99 Il n'est pas exclu que le projet de loi modèle cantonale (et par conséquent
la loi argovienne) doivent être interprétés de la même manière.
100 Arrêt non publié, cité dans RDAF 1973, p. 11.
LES RÉGIMES CANTONAUX 183

b) Position de la doctrine récente et pratiques administratives.


Les commentaires de lois cantonales se bornent en général à noter
que les véritables fusions (au sens des articles 748 à 750 CO) et, parfois,
aussi, les scissions et les réunions de sociétés à responsabilité limitée -
qui entraînent la liquidation des sociétés reprises - échappent à toute
imposition immédiate 101. Il est de fait que la plupart des cantons
(notamment les cantons romands, de même que Bâle, Berne et Zurich)
paraissent accorder, même en l'absence d'une disposition légale expresse,
un sursis identique ou similaire à celui qu'octroie !'Administration ION 102.
Cependant, un problème particulier se pose dans les assez nombreux
cantons dont la loi prévoit une imposition spéciale des gains immobiliers
réalisés par les sociétés, au lieu de les soumettre à l'impôt normal 1oa.
A Zurich, par exemple, l'impôt sur les gains immobiliers est prélevé en
cas de fusion, alors même que les plus-values afférentes à d'autres biens
bénéficient d'un sursis. Berne, au contraire, étend l'application du régime
de faveur aux gains immobiliers 1 0 4 •
La doctrine récente considère généralement que les véritables fusions,
ainsi que les réunions de sociétés qui, telles celles des sociétés à res-
ponsabilité limitée, ne peuvent, en l'état actuel de la loi, être effectuées
sans liquidation des sociétés reprises, doivent échapper à toute imposi-
tion immédiate. Kanzig justifie cette opinion principalement par l'absence,
à son avis, d'une réaliisation fiscale des réserves cachées, tant parce
que l'apport ne donne pas lieu à une contreprestation de la société
reprenante que parce que, même si l'on veut voir une telle contreprestation
dans les actions émises par cette société, la société reprise n'en a pas
la libre disposition 10 5 • Cette argumentation n'est pas valable en cas de
fusion avec liquidation, mais Kanzig estime qu'elle doit bénéficier d'un
régime identique, car il serait arbitraire, selon lui, qu'une société à
responsabilité limitée, par exemple, ne puisse atteindre le même résultat
économique qu'une société anonyme, sans subir une pénalisation fis-
cale 1os. Il semble, enfin, que Kanzig veuille étendre le privilège du

101 E. Grüninger und W. Studer, Kommentar zum Basler Steuergesetz;


Base! 1970, pp. 456 et 457, et p. xxm (fusions avec liquidation) ; A. Reimann,
F. Zuppinger und E. Schiirrer, Kommentar zum Zürcher Steuergesetz ; Bern
1969, Dritter Band, pp. 170 et 171 (scission).
102 Voir notamment: Gutachten 1, pp. 28 et ss. ; E. Kiinzig, op. cit., pp. 52
et ss. (concernant Berne, Saint-Gall et Zurich) ; Gutachten II, pp. 82 et ss.
1oa Voir Gutachten II, pp. 93 et ss.
104 E. Kiinzig, op. cil., pp. 52 et 55.
105 E. Kiinzig, op. cit., pp. 17 et ss. et 41 et ss. Voir aussi, du même auteur,
Der Begriff der Realisation von Unternehmungsgewinnen, Archives 41, p. 81.
106 E. Kiinzig, Unternehmungskonzentrationen, op. cit., p. 61.

13
184 FUSIONS CANTONALES

sursis aux pseudo-fusions, aussi longtemps que la société apporteuse


ne distribue pas - en se liquidant - les actions de la société reprenante
à ses propres actionnaires 101,
Les auteurs du Gutachten JI défendent essentiellement les mêmes
thèses que Kanzig 1 os, sauf en matière de pseudo-fusions 109. Ils consi-
dèrent, en outre, que les dispositions des lois cantonales qui exonèrent
les transformations (Umwandlungen) de sociétés de l'impôt sur les gains
immobiliers sont applicables par analogie aux fusions 110.
Ainsi qu'on l'a vu plus haut 11i, les commentateurs de l'AIN par-
viennent à des conclusions similaires, en se fondant sur les articles 12
et 53 AIN.
En revanche, Fleischli frappe une note discordante. Mettant l'accent
sur la fin d'assujettissement provoquée par une fusion, il considère que
la dissolution de la société reprise a les caractéristiques indubitables
d'une liquidation fiscale 112, et que l'apport effectué par cette société
entraîne une réalisation des réserves cachées : il n'y a pas entre le patri-
moine cédé et les titres qui le rémunèrent une identité suffisante permet-
tant de nier cette réalisation m. Fleischli est, certes, favorable à l'octroi
d'un régime de sursis, mais il ne conçoit pas qu'il puisse être accordé en
l'absence d'une disposition légale expresse. A ce sujet, il estime que
le principe de la substitution fiscale, tel qu'il est énoncé dans la loi
bernoise, ou dans l'AIN, constitue une base suffisante 114,
Ainsi que nous l'avons noté dans la première partie de cette étude 1 15 ,
il nous paraît que, de lege lata (et en l'absence de dispositions spéciales
relatives aux fusions), l'application du régime du sursis aux véritables
fusions s'insère dans la logique des systèmes en vigueur, sans qu'on
puisse prétendre pour autant qu'une solution contraire serait arbitraire.
Nous avons également constaté que l'octroi d'un sursis aux pseudo-
fusions n'est guère concevable sans un recours au concept d'une favo-
risation modérée des concentrations. Enfin, faut-il souligner, une fois

101 Ibid., p. 73. L'auteur estime que si la société apporteuse conserve les
titres qui lui sont remis par la société reprenante, elle n'en a pas la libre
disposition, ce qui exclut une réalisation fiscale.
1os Gutachten II, pp. 87 et 88 (fusions), et p. 91 (fusions avec liquidation).
109 Ibid., p. 90.
110 Ibid., p. 100.
111 Voir ci-dessus, litt. A, ch. 1, litt. a, pp. 157 et ss. Le principe du sursis
est encore défendu par j. Suter, op. cit., notamment pp. 238 et 249.
112 E. Fleischli, op. cil., p. 127 (citant l'arrêt Spar- und Leihkasse Zurzach in
Fusion).
11s Ibid., pp. 129 et ss.
114 Ibid., p. 145.
115 Première Partie, Chapitre II, litt. A, ch. 1, pp. 16 et ss.
LES RÉGIMES CANTONAUX 185

encore, la portée limitée des prises de position de la doctrine, en ce


domaine : aucune société ne prendrait le risque, même avec l'appui
d'une doctrine unanime, de s'engager dans une opération de concentra-
tion, sans s'assurer au préalable que l'administration fiscale renoncera
à l'imposition des plus-values.

c) le cas particulier des sociétés mères et filiales.


L'absorption d'une filiale ne fait l'objet d'aucune disposition légale.
Plusieurs cantons (parmi lesquels Bâle-Ville), dont la loi contient une
disposition similaire à l'article 59 AIN, appliquent le régime mis au
point par l' Administration fédérale : les plus-values de la filiale échap-
pent à toute imposition immédiate, tandis que le dividende dont bénéficie
la société mère, égal à la différence entre la valeur comptable du patri-
moine de la filiale et la valeur comptable de la participation annulée,
est traité comme un revenu holding. L' Administration genevoise accorde
également un privilège holding au dividende - bien que la loi ne le
permette pas expressément - mais prélève une contribution spéciale
sur les réserves latentes de la filiale. Kanzig 11 6 et les auteurs du Guta-
chten II 111 s'accordent à penser, on l'a noté déjà à propos de l'impôt
fédéral, que l'absorption d'une filiale doit être traitée de la manière
suivante.
- Si la valeur comptable du patrimoine dépasse la valeur comptable
de la participation annulée, le montant de la différence ne constitue
pas un dividende et ne saurait être imposé 118• Cependant, dans la mesure
où la valeur comptable de la participation est inférieure à sa valeur
nominale, la société mère fait un bénéfice imposable ; ce bénéfice n'a
d'ailleurs pas la nature d'un dividende mais d'un profit (remboursement
de capital) soumis à l'impôt normal.
- Si la valeur comptable de la participation annulée dépasse la
valeur comptable du patrimoine, la perte qui en résulte n'est déductible
que dans la mesure où elle n'est pas compensée par les réserves latentes
de la filiale.

Ainsi que nous l'avons souligné à plusieurs reprises 119 , nous pensons
que la société mère reçoit effectivement un dividende, mai's que le mon-

116 E. Kiinzig, op. cit., pp. 83 et ss.


111 Gutachten II, pp. 172 et ss.
11s L'Administration fédérale et le Tribunal fédéral, en matière d'IDN, consi-
dèrent, au contraire, ainsi qu'on l'a montré (ci-dessus, litt. A, ch. 1, litt. a, ch. 3,
pp. 162 et ss.), que ce montant a le caractère d'un dividende, imposable dans
le cadre de l'art. 59 AIN.
119 Voir, notamment, Première Partie, Chapitre V, litt. A, ch. 2, pp. 65 et ss.
186 FUSIONS CANTONALES

tant de ce dernier doit être réputé éga:l à la différence entre la valeur


vénale du patrimoine et la valeur comptable de la participation annulée 1 20.
Il paraît évident que si l'on admet l'existence d'un dividende, il
n'existe aucune bonne raison de prendre en considération les valeurs
comptables des biens transférés : le maintien de ces valeurs par la
société mère :l pour seul objet de garantir l'imposition future des
réserves latentes de la filiale.
li est curieux de constater que Kanzig dénie l'existence d'un dividende
pour la raison même qui nous paraît en démontrer la présence. Cet auteur
estime, en effet, que l'imposition d'un dividende serait arbitraire, parce
que si l'on admet que les réserves latentes de la filiale puissent être
reprises par la société mère sans imposition immédiate, on admet en
même temps que la filiale n'est pas liquidée et que, par conséquent, la
société mère ne peut bénéfider d'un dividende 1 2 1 • C'est, au contraire,
pensons-nous, nier l'existence de ce dividende qui serait arbitraire, parce
qu'une telle conception conduit à accorder à une opération (l'absorp-
tion d'une filiale) un avantage indû par rapport à une autre opération
(la liquidation d'une filiale), dont le résultat économique est le même.
On ne saurait oublier, en considérant l'argumentation de Kanzig, que
l'absorption d'une filiale possède une caractéristique qui la différencie
des autres absorptions et qui justifie un traitement particulier : cette
absorption met définitivement fin à une situation de double imposition
économique.

2. Imposition de la société reprenante.

a) Dispositions des lois cantonales en matière d'agio.


Aucune loi cantonale ne prévoit expressément le traitement de la
prime de fusion. Il ne fait pas de doute, cependant, que les dispositions
concernant l'agio (Aufgeld) lui sont applicables, dans la mesure où la
valeur comptable du patrimoine de la société reprise - lorsqu'elle
bénéficie d'un sursis à l'imposition de ses réserves cachées - dépasse ,
la valeur nominale des nouvelles actions émises par la société repre-
nante.
Les dispositions des lois cantonales relatives à l'agio, brièvement
résumées, sont les suivantes 122.
- Le canton du Valais impose l'agio, sans restriction, et en toutes
ciœonstances.

120 Du même avis, E. Fleischli, op. cit., p. 261.


121 E. KanziJ!, op. cit., p. 83.
122 Le texte de ces dispositions figure à !'Annexe Il.
LES RÉGIMES CANTONAUX 187

- Les cantons de Genève et du Tessin imposent également l'agio,


sans restriction, mais uniquement en cas d'augmentation de capital (et
non lors de la fondation d'une société).
- Les cantons d'Appenzell Rhôdes Intérieures et de Bâle-Ville im··
posent la partie de l'agio qui dépasse le montant des frais d'émission
et de la somme nécessaire à assurer fa parité entre les anciens et les
nouveaux titres, si l'on tient compte des réserves ouvertes de la société
(à l'exclusion de ses réserves latentes).
- Le canton de Vaud impose la moitié de la partie de l'agio qui
dépasse le montant nécessaire à assurer la parité entre les anciens et
les nouveaux titres, en ne tenant compte, ici encore, que des réserves
ouvertes de la société.
- Les cantons d'Argovie, des Grisons, de Neuchâtel, Schaffhouse et
Zurich exonèrent de tout impôt la prime d'émission.
- Les autres lois cantonales ne contiennent aucune disposition rela-
tive à l'agio, mais neuf d'entre elles 12a prévoient l'imposition des mon-
tants attribués aux réserves. Deux cantons, Obwald et Schwyz, taxeraient
les primes d'émission sur la base de ces dispositions générales 12 4 ,

A vrai dire, nous ignorons dans quelle mesure les textes susmention-
nés (quand ils permettent l'imposition de l'agio) sont effectivement
appliqués lors d'une fusion. Il ne paraît pas, en tout cas, qu'ils le soient
toujours, certains cantons permettant, dit-on, des amortissements spé-
ciaux qui compensent la prime de fusion, d'autres jugeant que cette
dernière ne peut être assimilée à une prime d'émission normale. Il
s'agit là, de toute évidence, de pratiques administratives sans véritable
base légale.

b) Position de la doctrine 125 et de la jurisprudence.


La doctrine, de manière presque unanime, juge que la taxation de
l'agio (et pas seulement de l'agio de fusion), heurte la logique et le

12a Voir Annexe II.


124 Gutachten II, p. 106.
125 Voir, surtout, l'étude de Hanspeter Hauser, Die Besteuerung von Aktien-
gesellschaften für Agio-Einnahmen aus überpari-Emissionen nach Schweizeri-
schen Recht ; SAS 34, p. 33. On peut également consulter, parmi les ouvrages.
et articles les plus récents :
- E. Fleischli, op. cit., pp. 203 et ss.
- H. Flüge, Die Besteuerung des sog. « Agiogewinnes » und der aus den-
Agioreserven gewahrten Barausschüttungen, Gratisaktien und Gratisnenn-·
188 FUSIONS CANTONALES

bon sens 126 • L'agio n'a pas le caractère d'un revenu, puisqu'il a pré-
cisément pour objet d'équilibrer la prestation des actionnaires sous-
crivant les nouveaux titres et la contreprestation de la société qui les
émet : grâce à la prime d'émission, ces actionnaires reçoivent des titres
dont la valeur vénale est égale au montant de leur apport, et, en même
1emps, égale à la valeur vénale des anciens titres de la société. En
d'autres termes, l'agio accroît simultanément, et d'un montant équivalent,
les réserves de la société et la valeur des actions qu'elle émet.
Si l'agio n'est pas un revenu, il est exclu - tous les auteurs en
conviennent -· de le traiter néanmoins comme tel, sur la base d'une
ioi qui n'en prévoit pas expressément l'imposition. Ainsi la pratique des
cantons d'Obwald et de Schwyz, apparemment seuls en cause en cette
matière, serait arbitraire et contraire à l'article 4 CF. Cette manière
de voir n'est, cependant, pas totalement convaincante.
Si une loi, comme celle des deux cantons en cause, prévoit l'impo-
sition de tous les montants attribués aux réserves (Einlagen in die Re-
.~erven), il nous paraît difficile de trouver arbitraire une interprétation
qui conclut à l'imposition de la prime d'émission, dans la mesure où
celle-ci est attribuée à fa réserve légale et n'est pas employée à des
amortissements ou à des buts de prévoyance (cf. article 671, alinéa 2,
ch. 1, CO).
Plus intéressante et plus importante est la question de savoir si les
dispositions des lois cantonales qui prévoient ou permettent l'impo-
sition de l'agio ne sont pas elles-mêmes arbitraires et contraires à
l'article 4 CF. A cet égard, on peut se demander si la distinction faite
par iles lois bâloise, appenzelloise et vaudoise entre l'agio correspondant
aux réserves ouvertes et l'agio correspondant aux réserves latentes
(dit aussi überagio) a une quelconque justification.

werterhohungen; SAS 33, p. 89; Aktuelle Fragen der Unternehmens-


finanzierung in steuerlicher Sicht; SAS 35, pp. 89, 119 et 144.
- E. Funk, Die Agiofinanzierung in der Schweiz in steuerrechtlicher und
betriebswirtschaftlicher Sicht ; Diss. Zürich 1963.
- Outachten II, pp. 105 et ss.
- E. Kanzig, op. cit., pp. 42 et ss. ; Steuerbarer Ertrag und steuerfreie
Kapitaleinlagen bei Kapitalgesellschaften ; Archives 39, p. 81.
- R. Kormann, Die Wandelanleihe im schweizerischen Recht; Verlag
Stampfli & Cie A.0., Bern 1965, pp. 35 et ss.
120 La loi modèle cantonale mise au point par le Comité des directeurs
cantonaux des finances et des chefs des Administrations cantonales des contribu-
tions exonère l'agio de toute imposition (art. 73, litt. a).
LES RÉGIMES CANTONAUX 189

Société A

Actifs 300.000 100.000 Capital


(valeur vénale : 100.000 Réserve
400.000) 100.000 Passifs

Les actions A valent 300.000. Si la société augmente son capital


de 100.000, il est indispensable que les nouveaux actionnaires fassent
un apport de 300.000.

Société A

Actifs 600.000 200.000 Capital


(valeur vénale : 100.000 Réserve
700.000) 100.000 Passifs
200.000 Agio

L'agio de 200.000 correspond à une prime de 100.000 pour tenir


compte des réserves ouvertes et à un überagio de 100.000, justifié par
la présence des réserves latentes.
Alors qu'à Genève, au Tessin et au Valais, l'imposition porterait
sur 200.000, le montant imposable ne serait que de 100.000 à Bâle-Ville
et en Appenzell (moins encore les frais d'émission), et de 50.000 dans
le canton de Vaud.
La distinction entre l'agio et te « superagio » a une apparente logique.
En effet, si l'on examine le bilan de la société A, avant l'augmentation
de capital, la valeur des actions A doit être estimée à 200.000 (et
non à 300.000), et il est, par conséquent, normal de présumer que, dans
la mesure où les nouveaux actionnaires versent un montant supérieur,
la société fait une contreprestation qui n'atteint pas la somme qu'elle
encaisse. Il est moins normal, en revanche, que cette présomption soit
irréfragable ; notamment si les titres sont cotés en bourse, il est im-
médiatement apparent que la valeur vénale des actions dépasse Ieur
valeur comptable. Ce n'est, sur la base de notre exemple, que si les
nouveaux actionnaires versaient une somme dépassant 300.000 que ta
société ferait une contreprestation d'un montant inférieur à l'apport ;
190 FUSIONS CANTONALES

l'imposition de ce véritable « superagio » serait alors difficilement cri-


tiquable 121.
Mais si la taxation de la prime d'émission est généralement illo-
gique et contraire au bon sens, peut-on en conclure qu'elle viole l'article
4 CF ? La doctrine, sur ce point, n'est plus unanime. Plusieurs auteurs
estiment que l'imposition de la prime de fusion est en tout cas arbi-
traire 1 2s, mais sans indiquer de manière précise si, et en quoi, à leur
avis, l'agio de fusion se distingue des autres agios. Hauser, qui a fait
une étude détaillée du problème, conolut, d'ailleurs avec regret, qu'une
disposition expresse de la loi, malgré son absurdité, ne peut être jugée
arbitraire, car eHe n'implique aucune violation du principe de l'égalité
devant la loi 1 29. Nous sommes personnellement tenté de penser qu'une
imposition absurde viole ce principe, parce qu'elle est fondamentalement
arbitraire, même si eHe frappe tous les contribuables qui en réunissent
les conditions.
Quant au Tribunal fédéral, il soutient que si l'assimilation de l'agio
à un revenu est discutable, elle n'est nullement absurde ou illogique, et
peut être justitiée même lorsqu'une loi cantonale ne la prévoit pas
expressément 13o. Par ailleurs, il a reconnu, dans l'une de ses décisions
concernant l'agio, le droit des cantons d'édicter des règles fisca,les qui
sont manifestement contraires à un principe incontesté du droit en ma-
tière d'actions i31. A l'heure actuelle, par conséquent, l'imposition des
primes d'émission n'est effectivement exclue que dans les cantons d'Ar-
govie, des Grisons, de Neuchâtel, de Schaffhouse, et de Zurich.

c) Droits cantonaux sur les transactions.


Tous les cantons prélèvent des droits de mutation sur fos transferts
immobiliers, et il ne semble pas qu'un seul d'entre eux fasse bénéficier
les apports de fusion d'un traitement privilégié. Les contributions indi-
rectes, en effet, sont traditionnellement formalistes et ne font aucune
concession à la « réalité économique», du moins en faveur du contri-

121 Voir E. Blumenstein, System des Steuerrechts; Schulthess Polygraphi-


scher Verlag A.G., Zurich, p. 233. Cet auteur conçoit l'imposition de l'agio
« soweit es den Gegenwert eines Anteils an den Reserven der Gesellschaft
(innerer Wert) übersteigt ».
12s E. Fleischli, op. cit., pp. 205 et ss. et p. 278. Gutachten II, p. 117.
E. Kiinzig, op. cit., p. 43.
129 Op. cit., pp. 62 et ss.
130 ATF 81.1.212 ; 58.1.1 ; 56.1.231. On ne peut exclure, toutefois, que le
Tribunal fédéral modifie sa position, en se fondant sur sa récente décision
concernant 1' AIN (ATF 98.lb.404).
1a1 ATF 58.1.11.
LES RÉGIMES CANTONAUX 191

buable 132 : ainsi, en matière de droits de mutation, l'inscription d'un


nouveau propriétaire au registre foncier entraîne automatiquement l'as-
sujettissement à l'impôt, sans égard aux motifs de la mutation.
Les auteurs du Gutachten II estiment, cependant, que si la loi en
vigueur exonère les transferts consécutifs aux transformations de so-
ciétés 13 3, les fusions devraient bénéficier du même régime 1 3 4 • II est
vraisemblable que le Tribunal fédéral ne trouverait pas cette solution
arbitraire, puisqu'il admet l'application du principe de la réalité éco-
nomique au profit de l'Etat 135, mais il est certain qu'il ne trouverait
pas arbitraire non plus la solution contraire 136.
En matière de mutations mobilières, les règles concernant la double
imposition intercantonale donnent au canton dans lequel la dernière
signature d'un contrat d'apport ou de fusion a été apposée, le droit
exclusif de prélever un impôt sur les transactions 1 3 7 • Il est donc avan-
tageux, compte tenu du fait que l'article 46, alinéa 2, CF exclut aussi
la double imposition virtuelle, de signer de tels contrats dans un canton
qui ne taxe pas les transferts mobiliers : c'est ainsi, par exemple, que
les contrats de fusion de sociétés genevoises sont généralement passés
devant un notaire vaudois !

3. Imposition des actionnaires.

a) Dispositions des lois cantonales.


Les dispositions légales concernant l'imposition des actionnaires sont
plus rares encore que celles applicables aux sociétés reprises. Seules,
en effet, les lois bernoise et soleuroise, dans le cadre restreint de
l'imposition des gains en capital des personnes physiques, déterminent
les conséquences de l'échange de titres effectué par les actionnaires des
sociétés absorbées 138,

132 Il n'est pas rare, en revanche, que la loi autorise l'Etat à prélever une
contribution indirecte en se fondant sur la réalité économique. C'est ainsi que
le transfert du capital social d'une société immobilière ou la concession d'un
droit de superficie est généralement assimilée à une mutation immobilière. Le
Tribunal fédéral a même admis que de telles assimilations soient effectuées en
l'absence d'une disposition légale expresse (voir, par exemple, jdT 1950, p. 18).
133 C'est le cas de la loi zurichoise (art. 180, litt. d, StO). La même exception
se retrouve dans plusieurs lois cantonales sur les gains immobiliers.
134 Outachten II, p. 100. Contra, E. Fleischli, op. cit., p. 72.
135 Voir note 132, ci-dessus.
136 Seul le fisc, selon le Tribunal fédéral, peut invoquer la théorie de la
réalité économique (RDAF 1947, p. 20).
137 Sem. jud. 1973, p. 743 ; 1964, p. 273.
138 Les textes en cause figurent dans !'Annexe 1.
192 FUSIONS CANTONALES

La loi bernoise (article 80, alinéa 2) autorise le Conseil d'Etat à


exonérer les gains en capital réalisés lors d'une concentration d'entre-
prises (Zusammenschluss von Unternehmen), lorsque l'échange d'actions
ne s'accompagne d'aucune distribution 1ao.
La loi soleuroise (articles 36 et 37, alinéa 3) prévoit que, lors d'une
concentration, au sens précisé par la loi (il s'agit des fusions au sens
des articles 181 et 182, et 748 à 750 CO, ainsi que des scissions),
seules sont imposées les soultes éventuelles ; le privilège accordé n'est
pas une exonération définitive, mais un sursis, révoqué en cas d'alié-
nation ultérieure.
On peut encore noter que la loi du canton de Schaffhouse (article 19,
aliinéa 3), prévoit que si les titres obtenus lors d'une transformation d'en-
treprises sont échangés dans le cadre d'une transformation ou d'une
scission, l'imposition du gain en capita'l est retardée jusqu'au moment
où les nouveaux droits de participation sont aliénés. Il faut vraisem-
blablement en conclure, d'une manière plus générale, que les échanges
de titres consécutifs aux fusions, n'ont pas de conséquence fiscale
immédiate.
Les lois des autres cantons qui imposent les gains en capital des
personnes physiques 140 ne contiennent aucune disposition applicable
aux concentrations d'entreprises.

b) Position de la doctrine récente et pratiques administratives.


Ainsi qu'on l'a vu dans la première partie de cette étude, l'échange
de titres effectué par les actionnaires de la société reprise demeure
sans conséquence fiscale, pour autant qu'on puisse admettre que ces
actionnaires (i) ne bénéficient pas d'un dividende de liquidation, et (ii)
ne réalisent pas un gain en capita'l 141,
En pratique, et malgré l'absence de dispositions légales explicites,
les Administrations cantonales excluent la distribution d'un dividende,
du moins en cas de fusion véritable. Cette conception est le corollaire
logique du sursis accordé aux sociétés reprises. La présence d'un divi-
dende est toutefois reconnue lorsque la valeur des nouveaux titres dépasse
celle des titres annulés, ou lorsque les actionnaires d'une des sociétés
!)articipant à la fusion bénéficient d'une soulte.

139 La fusion Glaro-Sandoz, par exemple, a bénéficié de cette exonération.


140 II s'agit des cantons de Bâle-Campagne (art. 21, ch. 5, et 22), Bâle-Ville
(art. 55, al. 1), des Grisons (art. 19) et de Thurgovie (art. 38). La loi saint-
galloise (art. 34) prévoit l'imposition des gains réalisés lors de l'aliénation d'une
participation représentant au moins 20 % du capital de la société en cause.
141 Voir Première Partie, Chapitre IV, pp. 51 et ss.
LES RÉGIMES CANTONAUX 193

Le problème de la réalisation d'un gain en capital intéresse avant


tout les personnes morales et les entreprises. Pour autant que l'on
puisse connaître les pratiques en vigueur, il semble que la plupart des
cantons, sinon tous, renoncent à une imposition immédiate, si les nou-
velles actions sont comptabilisées à la même valeur que les actions
annulées.
En ce qui concerne les personnes physiques, leurs gains en capital
ne sont imposables, on l'a noté, que dans une minorité de cantons 142.
La pratique de ces derniers est mal connue. Il est certain, cependant,
que Bâle-Ville accorde un sursis 143. On sait aussi que le canton de
Zurich, lorsque sa loi fiscale permettait la taxation des gains en capi-
tal 144, ne renonçait pas à les imposer en cas de fusion 14 5.
La doctrine récente s'accorde à penser que l'échange de titres consé-
cutif à une concentration d'entreprises ne doit avoir, en principe, aucune
conséquence fiscale.
Déniant qu'une fusion, y compris celle de sociétés à responsabilité
limitée, entraîne une liquidation fiscale de la société reprise, la doctrine
dénie aussi l'existence d'un dividende, sauf au cas où des actionnaires-
personnes physiques bénéficient d'une soulte ou d'une augmentation
de la valeur nominale de leurs titres 1 46 ; pour les personnes morales,
une telle augmentation ne doit être imposée que si elle est comptabilisée,
alors qu'une soulte ne constitue un bénéfice taxable que dans la mesure
où la valeur vénale des nouvelles actions, par suite de cette distribution
spéciale, n'est pas réduite à un montant inférieur à la valeur comptable
des titres annulés 147.
Si la plupart des auteurs considèrent que les actionnaires de la
société reprise ne réalisent aucun gain en capital, ils ne s'entendent pas
sur les motifs qui excluent l'existence d'une « réalisation». Suter et
Kanzig insistent sur l'identité des anciens et nouveaux titres, sur le fait
que les actionnaires ne procèdent qu'à un simple échange de documents :
leurs droits de participation demeurent matériellement les mêmes 148.

142 Voir ci-dessus, note 140.


143 Renseignement fourni par !'Administration. Voir, aussi, E. Orüninger
und W. Studer, op. cit., p. 340.
144 L'art. 23 StO, qui prévoyait l'imposition des gains en capital, a été
abrogé par une loi du 5 juillet 1970.
145 Outachten 11, p. 133, et arrêts cités.
146 Ibid., pp. 125 à 127. E. Kanzig, op. cit., pp. 44 et 64.
147 Outachten II, pp. 159 et 160. E. Kanzig, op. cit., p. 49. Si la valeur
vénale des nouvelles actions est inférieure à la valeur comptable des titres annu-
lés, l'actionnaire subit une perte en capital, compensant, à due concurrence, le
montant de la soulte.
14s j. Suter, op. cit., p. 258. E. Kanzig, op. cit., p. 44.
194 FUSIONS CANTONALES

Pour Hi:ihn, c'~st le caractère de contrainte de l'échange qui exolut une


réalisation 149. Les rédacteurs du Gutachten Il défendent la même concep-
tion, pour les personnes physiques 150 ; pour les personnes morales,
tls estiment que la notion de « remploi :>, que la doctrine tend aujourd'hui
à élargir, permet également de justifier le sursis qu'ils préconisent 151.
li n'est guère contestable qu'une imposition immédiate des action-
naires paraît choquante, inéquitable, et difficilement conciliable avec le
« remploi forcé et immédiat » qui caractérise, lors d'une fusion, le « rem-
placement » des titres annulés.

149 E. Hahn, Die Besteuerung der privaten Gewinne (Kapitalgewinnbesteue-


rung) ; Diss. Zürich, 1955, p. 91.
150 Gutachten II, pp. 138 et 141.
151 Ibid., pp. 157 et 158. Voir aussi, Zur übertragung von stillen Reserven
auf neue Anlagen ; SAS 1968, p. 194.
CHAPITRE II

FUSIONS INTERCANTONALES

Section /. -- INTRODUCTION

A. GÉNÉRALITÉS.

Une fusion intercantonale est une opération de concentration effectuée


par des société:> ayant leur siège dams des cantons différents.
Comparé à la fusion cantonale, ce type de fusion ne pose pas de
problème nouveau en matière de droit des sociétés, ni en matière d'impôts
fédéraux 1. En revanche, des problèmes importants et complexes se posent
sur le plan des impôts cantonaux, notamment au niveau des sociétés,
tant au moment de la concentration qu'après sa réalisation.
A première vue, le régime fisca l adopté en cas de fusion cantonale :
1

le sursis à l'imposition, n'est pas applicable aux concentrations inter-


cantonales, ou, s'il l'est, n'aboutit pas à un résultat satisfaisant pour
le canton dont relevait la société reprise ; peu importe à ce dernier que
la société reprenante maintienne les valeurs comptables du patrimoine
apporté, si l'imposition des réserves latentes, lorsqu'elle aura lieu, pro-
fitera au canton où la société reprenante a son siège.
Sans doute, peut-on imaginer que les cantons s'accordent à estimer
que les pertes et les gains fiscaux se compenseront par le jeu des diverses
concentrations opérées au cours des années. Mais, pour que ce fut le
cas, il faudrait encore qu'aucune distorsion ne se produise qui, entre
deux cantons déterminés, ne dirigeât les fusions toujours dans le même
sens. Or, il est vite apparent que divers facteurs peuvent contribuer à
créer de telles distorsions : le taux d'imposition des plus-values ; la

1 Pour l'IDN, une fusion intercantonale entraîne, cependant, une modifica-


tion du lieu de taxation de la société reprise (art. 77 AIN : imposition au lieu
du siège) et de la répartition entre cantons de leur part à l'impôt, effectuée
selon «les règles du droit fédéral sur la double imposition» (art. 137 AIN).
196 FUSIONS INTERCANTONALES

fiscalité après la fusion (l'impôt sur les sociétés est plus lourd dans
certains cantons que dans d'autres) ; sans compter tous les motifs
extra-fiscaux qui conduiront à fixer la société reprenante dans un canton
plutôt que dans un autre. Faut-il en conclure, dès lors, que la fusion
intercantonale doit inévitablement entraîner l'imposition des réserves
latentes des sociétés reprises? Le problème, heureusement, n'est pas
aussi simple.
Dans l'optique de la mise au point d'un régime de sursis comparable
à celui accordé aux fusions cantonales, il est essentiel, sans s'arrêter
aux aspects comptables des concentrations intercantonales, d'en dis-
cerner les conséquences matérielles : une fusion intercantonale, en effet,
ne provoque pa5 nécessairement un transfert d'actifs d'un canton dans
un autre. Si les sociétés participant à l'opération de concentration sont
des sociétés commerciales ou industrielles, un tel transfert sera en fait
exceptionnel ; les terrains, immeubles, fabriques, bureaux, entrepôts, etc.,
de la société reprise changent de propriétaire, mais leur localisation
demeure inchangée. En d'autres termes, la société reprise se transforme
en succursale ou autre établissement stable de la société reprenante,
soumis - dans une mesure et à des conditions qu'il conviendra d'exa-
miner plus en détail - à la souveraineté fiscale du canton dont relevait
la société reprise. Il en va d'aiHeurs de même de l'exploitation qu'une
société transfère à une autre société, établie dans un canton différent,
dans le cadre d'une pseudo-fusion ou d'un apport partiel.
Mais avant d'examiner, tenant compte de ces considérations, les
modalités possibles d'un régime des fusions intercantonales, il sied
encore de tracer les limites de la souveraineté fiscale des cantons, au
moment où ces concentrations sont réalisées.

B. PORTÉE DES ARTICLES 4 ET 46, ALINÉA 2, CF.

Non seulement la Constitution fédérale interdit-elle qu'un contri-


buable soit imposé à double, mais aussi s'oppose-t-elle, tant en vertu
de l'article 4 2 que de l'article 46, a\i.néa 2 a, à ce qu'il soit soumis à
une taxation arbitraire, ou discriminatoire et incompatible avec le pr<incipe
de l'égalité de traitement. En matière d'imposition des fusions inter-
cantonales, l'éventualité d'une violation de ces dispositions constitu-
tionnelles peut être envisagée sous plusieurs angles. La question fonda-
mentale est la suivante.

2 Voir, par exemple, JdT 1969, p. 121.


a Voir, par exemple, RDAF 1964, p. 280 (arrêt du 6.11.1963).
INTRODUCTION 197

Si une loi cantonale, expressément ou selon l'interprétation admise,


exclut une imposition immédiate des réserves latentes des sociétés reprises
en cas de fusion cantonale, la constitution interdit-elle que ces réserves
soient imposées en cas de fusion intercantonale?
Mais il est possible, et, peut-être, utile de donner à cette question
une forme un peu différente. En effet, si l'on se place du point de vue
d'un canton, dont l'une des sociétés va être absorbée par une société
d'un autre canton, la concentration projetée peut être décomposée en
deux opérations successives : la société reprise déplace en premier lieu
son siège dans le canton de la société reprenante, et, sitôt après, se
dissout et réalise l'absorption envisagée. Une fusion intercantonale, vue
du canton de « départ», a donc un double aspect : c'est un transfert de
siège, suivi d'une fusion cantonale effectuée dans le canton d' « accueil ».

La question posée plus haut peut alors être décomposée en deux


questions distinctes :
l) L'imposition des réserves latentes d'une société qui transfère son
siège d'un canton dans un autre est-elle contraire à la constitution ?
et (dans la mesure où cette société poursuit ses activités dans le canton
de départ) :
2) L'imposition, par un canton, des réserves latentes d'une société
d'un autre canton qui fusionne avec une société de ce même autre canton
est-elle contraire à la constitution ?

1. Imposition en cas de tranfert de siège.

L'imposition des réserves cachées d'une société qui déplace son


siège est prévue par plusieurs lois cantonales 4 • Les unes (telles celles
des Grisons et de Thurgovie) exigent un transfert effectif d'une exploi-
tation, d'un établissement, hors du canton. D'autres, plus nombreuses,
citent le transfert de siège parmi les causes de cessation d'assujettis-
sement, qui entraîne un règlement de comptes final avec le fisc. Seule
la loi argovienne exclut expressément la taxation des réserves latentes
(à moins que le siège ne soit déplacé dans un Etat étranger) 5 •
Si le Tribunal fédéral n'a jamais eu à se prononcer sur la validité de
ces dispositions, au regard des articles 4 et 46, alinéa 2, CF 6 , c'est notam-

4 Voir Annexe Ill.


5 Ibid.
6 Le Tribunal fédéral, en revanche, a jugé arbitraire, à défaut d'une dispo-
sition légale expresse, l'imposition des réserves d'une entreprise qui transfère
son siège : la loi cantonale en cause (celle d'Obwald) ne prévoyait que l'imposi-
198 FUSIONS INTERCANTONALES

ment dû au fait qu'elles sont rarement appliquées. En effet, dans un


article paru pêu après la mi1se en vigueur de la première loi cantonale
(la loi bernoise du 29 octobre 1944) à prévoir l'imposition d'une entre-
prise transférant son siège, .Je professeur E. Blumenstein 1 déclarait
sans hésitation qu'il jugeait une teMe imposition contraire tant à l'ar-
ticle 4 qu'à l'article 46, alinéa 2, CF. L'opinion de l'éminent professeur
a indubitablement influencé la pratique des Administrations cantonales,
même si les lois postérieures à la législation bernoise contiennent, le
plus souvent, des dispositions similaires s.
Brièvement résumés, les arguments de l'auteur bernois sont les sui-
vants. L'imposition des transferts de siège est contraire à l'article 4 CF,
parce qu'eHe implique une inégalité de traitement entre les entreprises
qui demeurent dans le canton, dont les plus-values ne seront imposées
qu'au moment de leur liquidation, et celles qui le quittent, sans qu'aucune
différence essentielle dans la situation de ces entreprises ne puisse jus-
tifier, conformément à la jurisprudence o, un traitement différent. Un
transfert de siège n'a aucune signification économique ou fiscale, et,
si les cantons prétendent l'assimiler à une liquidation, c'est uniquement
qu'ils refusent de se voir définitivement privés d'une recette fiscale
potentielle 1 0.
L'article 46, alinéa 2, CF est violé, selon le professeur Blumenstein,
non seulement en raison du traitement discriminatoire réservé à un contri-
buable devenu résident d'un autre canton (à la suite du transfert de
siège), mais encore parce que le canton de départ porte atteinte à la
souveraineté fiscale du canton d'accueil : ce dernier seul, dès après le
transfert de siège, peut imposer le contribuable en cause. Cet argument,

tion des Liquidationsgewinne bei Aufgabe oder Veriiusserung eines Betriebs,


et le Tribunal fédéral a estimé inadmissible d'assimiler un transfert de siège à
une liquidation, à moins, peut-être (question réservée), que le caractère très local
de l'entreprise implique la création d'une nouvelle exploitation dans le canton
d'accueil (arrêt Zimmermann's Erben du 19 janvier 1955, non publié, cité dans
RDAF 1973, p. 11).
1 Die Steuerveranlagung bei Verlegung des Geschiiftssitzes; Archives 14,
pp. 225 et SS.
s Dans l'arrêt Zimmermann's Erben (note 6, ci-dessus), le Tribunal fédéral
a relevé que la constitutionnalité de la disposition bernoise était « douteuse »
(« ... dessen Verfassungsmassigkeit übrigens zweifelhaft ist »).
o Voir, par exemple, Sem. Jud. 1968, p. 113.
10 On pourrait ajouter à cette argumentation qu'il est extrêmement rare qu'un
canton, dont la loi prévoit l'imposition des gains en capital des personnes
physiques, prétende taxer les augmentations de valeur (telles des plus-values
sur titres) dont un contribuable quittant le canton a pu bénéficier au cours de
son séjour (voir, cependant, l'art. 35, al. 2, de la loi saint-galloise).
INTRODUCTION 199

à vrai dire, n'est guère convaincant, et paraît indûment formaliste.


Sans doute, puisque c'est le changement de résidence qui provoque l'im-
position, le canton de départ, techniquement, impose un non-résident.
N\ais il est bien évident, aussi, que donner au canton d'accueil le droit
de taxer le transfert de siège n'aurait aucun sens ; si un tel droit
existe, i1l ne peut être raisonnablement reconnu qu'au seul canton de
départ 11 • Un autre argument cité par le même auteur, soit le fait
que les réserves imposées par le canton de départ seront à nouveau
imposées, un jour ou l'autre, par le canton d'accueil, nous paraît erroné.
li est certain, en effet, que si les réserves cachées d'une entreprise
sont imposées au moment d'un transfert de siège, celle-ci est en droit
de réévaluer ses actifs dans le bilan qui sera fiscalement déterminant
clans le canton d'accueil 12.
En revanche, la question d'un traitement inégal et discriminatoire qui
violerait l'article 4 CF, et, à long terme, l'article 46, alinéa 2, CF, est
beaucoup plus épineuse. Indubitablement, le seul motif d'une imposition
des transferts de siège est d'éviter la perte d'une recette fiscale poten-
tielle, mais l'on peut néanmoins trouver juste qu'un canton soit en droit
de taxer des plus-values constituées dans son territoire, et, dans certains
cas, en prenant avantage des dispositions de sa loi d'impôt. D'un autre
côté, si, conformément à la jurisprudence, un contribuable n'est pas en
droit d'utiliser :me forme juridique (dite « i11solite »), qui se justifie par
le seul désir d'alléger la charge fiscale d'une opération déterminée 13,
ne doit-on pas aussi admettre que le fisc soit empêché de procéder à
une taxation insolite, sans rapport aucun avec la réalité économique,
qui se justifie par le seul désir d'éviter une perte fiscale? Certes, peut-on
prétendre qu'une telle imposition ne viole pas le principe de l'égalité de
traitement, puisque le contribuable qui transfère son siège se trouve -
c'est l'évidence même - dans une situation différente que celui qui
ne le transfère pas 14 • Mais en attachant des conséquences fiscales à une
opération qui constitue l'exercice d'un droit constitutionnel (la liberté

11 Cf. RDAF 1962, p. 169 (arrêt du 31.5.1961).


12 Dans le même sens: E. Kanzig, Unternehmungskonzentrationen; Eine
steuerrechtliche Studie; Verlag Stampli & Cie A.0., Bern 1971, p. 195.
1s Voir, par exemple, Archives 39, p. 177 (arrêt du 17.9.1969).
14 Dans un article répondant à celui du professeur Blumenstein, M.A.
Bietenholz-Oerhard (Zur Frage der Auflosung einer Steuerpflicht durch Weg-
zug ; Archives 16, pp. 273 et ss.) a défendu la thèse, un peu curieuse, selon
laquelle l'imposition des réserves en cas de transfert de siège assurait, au
contraire, l'égalité exigée par l'art. 4 CF : alors que le contribuable demeurant
dans le canton ne pourrait échapper à la taxation de ces réserves, un jour ou
l'autre, le contribuable quittant le canton risquerait, s'il n'était pas imposé
immédiatement, de ne jamais l'être ou de l'être sur des bases plus favorables
(compte tenu des différences entre les lois cantonales).
14
200 FUSIONS INTERCANTONALES

d'établissement), qui, en outre, n'est ni un échange, ni une vente, ni


une distribution, une loi cantonale ne devient-elle pas arbitraire ? On
peut trouver, en tout cas, fâcheux que la garantie de la souveraineté
et des recettes fiscales d'un canton prime le droit d'un contribuable à
ne pas être soumis à des taxations sans justification économique et
sans logique fiscale.
Ce problèm<! est, à la fois, simplifié et compliqué par une autre
considération, dont le professeur Blumenstein ne tait pas mention. C'est
le fait, déjà souligné à propos des fusions elles-mêmes, qu'un transfert
de siège n'entraîne pas automatiquement, bien au contraire, un trans-
fert d'exploitation, et que, dans la mesure où une société quittant un
canton maintient dans celui-ci un établissement stable (constituant un
domicile fiscal secondaire), eHe garantit à ce canton l'imposition ulté-
rieure des réserves afférentes à ses actifs. On peut dès lors envisager une
solution de compromis, d'ailleurs adoptée par certaines lois et pratiques
cantonales, consistant à admettre l'imposition des réserves afférentes à
des biens effectivement transférés au nouveau siège, et échappant com-
plètement et définitivement à la souveraineté fiscale du canton de départ
(tels les participations ou les brevets d'une société mixte), mais d'exclure
l'imposition, la jugeant arbitraire, des réserves afférentes à des actifs
qui, à la suite du transfert du siège, constituent un domicile fiscal, dans
le canton de départ, de la société en cause. Mais cette solution, si elle
diminue l'importance pratique et quantitative du problème constitu-
tionnel, n'en implique pas moins la reconnaissance du droit du fisc de
taxer des réserves (afférentes aux biens effectivement transférés) pour
le seul motif, dont nous avons mis en doute la légitimité, qu'il ne pourra
plus les imposer à l'avenir. Sans doute, peut-on se demander pourquoi
une société, dans la mesure où eHe maintient son exploitation dans le
canton de départ, transfère son siège dans le canton d'accueil. Il n'est
pas impossible qu'elle le fasse pour des raisons exclusivement fiscales,
en quel cas elle ne saurait plus invoquer l'arbitraire d'une taxation
immédiate. Mais il est concevable aussi qu'elle agisse pour des motifs
extra-fiscaux parfaitement justifiés ; si, par exemple, son capital-ac-
tions a été acquis par des résidents du canton d'accueil, qui nomment
dans ce canton un nouveau conseil d'administration et une nouvelle direc-
tion, il est logique de ne pas maintenir le siège statutaire dans le canton
de départ 15. N'est-il pas alors choquant que l'inscription de la société
dans le canton d'accueil entraîne une imposition, même limitée à certains
actifs mobiliers ou biens immatériels?

15 Certaines lois cantonales traitent d'ailleurs de manière identique le trans-


fert de l'administration (c'est-à-dire du siège effectif) et le transfert du siège
statutaire.
INTRODUCTION 201

Dans Je cadre des transferts de siège eux-mêmes, ce problème n'a


pas de conséquence pratique notable, car ainsi qu'on l'a dit, les dispo-
sitions cantonales en vigueur sont rarement appliquées. Mais il devient
plus important de lui trouver une solution, si celle-ci doit, en partie,
déterminer, comme nous le pensons, Je traitement des fusions inter-
cantonales. Nous y reviendrons donc plus bas, notant, pour l'heure,
que '1'imposition des plus-values d'une société qui transfère son siège
est en tout cas arbitraire - et inutile - lorsque les biens sous-évalués
sont des immeubles ou font partie d'une exploitation maintenue dans
l'ancien canton de siège.

2. Imposition en cas de fusion cantonale effectuée


dans un canton tiers.

Du point de vue du canton dont relevait la société reprise, une fusion


intercantonale, ainsi qu'on l'a dit plus haut, a la nature d'un transfert
de siège de cette société reprise dans le canton où la société reprenante
a elle-même son siège, suivi d'une fusion cantonale effectuée dans Je
canton d'accueil par les deux sociétés. Il convient donc, toujours en
référence aux articles 4 et 46, alinéa 2, CF, d'examiner les conséquences
de cette fusion : dans l'hypothèse où (1°) la société reprise maintient un
établissement stable dans le canton de départ, et (2°) les plus-values
afférentes à cet établissement n'ont pas été imposées lors du transfert
de siège, Je canton de départ a-t-il le droit d'imposer ces plus-values
au moment de l'absorption effectuée dans le canton d'accueil?
a) Le cantorz de départ n'impose pas les réserves latentes de sociétés
cantonales qui fusionnent. Dans ce cas, l'imposition des réserves latentes
d'un établissement stable appartenant à une société d'un autre canton,
absorbée par une autre société de ce même autre canton, serait indubita-
blement contraire à l'article 4 CF. Une telle imposition impliquerait, en
effet, un traitement différent, et, par conséquent, arbitraire d'une même
opération, en fonction du lieu du siège des sociétés en cause.
En réalité, la situation n'est pas si simple, lorsqu'on tient compte du
fait que, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière
de répartition intercantonale des revenus, un canton n'a pas un droit
absolu à l'imposition des plus-values afférentes aux biens localisés
sur son territoire. Dès lors, si Je canton d'accueil, de son côté, n'accor-
dait pas un sursis à l'imposition des réserves cachées, lors d'une fusion
cantonale, des complications surviendraient, qui ne seraient pas faciles
à éliminer. On peut heureusement laisser ce problème de côté, puisque
202 FUSIONS INTERCANTONALES

les fusions cantonales bénéficient -- pour autant qu'on puisse le savoir


de manière précise - d'un régime privilégié dans tous les cantons 16,
b) Le canton de départ impose les réserves latentes de sociétés can-
tonales qui fuswnnent. Dans ce cas (il découle de ce qu'on vient de dire
qu'il est théorique), l'imposition des réserves afférentes à l'établissement,
pour autant qu'elle soit conforme aux règles de répartition intercantonale
fixées par le TF, ne violerait manifestement ni l'article 4, ni l'article 46,
alinéa 2, CF.

3. Imposition en cas de fusion intercantonale.

Si l'on reconnait aux fusions intercantonales le double aspect d'un


transfert de siège accompagné d'une fusion cantonale effectuée dans le
canton d'accueil, on doit conclure, sur la base des remarques qui pré-
cèdent, qu'un canton qui accorde un sursis à l'imposition, en cas de fusion
cantonale, doit accorder un régime identique aux fusions intercantonales,
dans la mesure, en tout cas, où les actifs de la société reprise sont des
immeubles ou sont rattachés à un établissement stable situé dans le
territoire du canton. Il en résulte que la pratique actuelle de certains
cantons, tel celui de Genève, qui n'accordent aucune exonération aux
fusions intercantonales, doit être jugée contraire au principe de l'égalité
de traitement. Peu importe, à cet égard, que le régime des fusions
cantonales soit expressément prévu par la loi ou qu'il découle d'une
interprétation plus ou moins libérale des textes en vigueur.
Mais est-il nécessairement juste d'assimiler une fusion intercan-
tonale à un transfert de siège, suivi d'une fusion cantonale? Ne faut-il
pas, au contraire, ta considérer comme une opération unique, particulière,
et pouvant faire l'objet d'un traitement qui lui soit propre? Il ne nous
paraît pas que cette conception globale modifie les conclusions qui
précèdent, mais il est possible qu'elle permette de les compléter. Il est,
en effet, clair que si un canton impose les concentrations intercantonales,
alors qu'il exonère les fusions cantonales, sa position, ici aussi, est
dictée exclusivement par le désir de ne pas laisser échapper certaines
recettes fiscales, et admettrait-on même la légitimité de ce but, il n'en
resterait pas moins arbitraire d'imposer des réserves dont l'imposition
ultérieure serait garantie. En revanche, une conception globale des fu-
sions permet, peut-être, de résoudre la question laissée ouverte dans la
discussion relative aux transferts de siège : l'imposition des réserves

16 Voir ci-dessus, Chapitre I, Section II, litt. B, ch. 1, pp. 180 et ss.
INTRODUCTION 203

afférentes à des biens effectivement transférés (participations, brevets,


etc.) est-elle admissible au regard de l'article 4 CF? En effet, si l'une
des conditions du sursis accordé aux fusions cantonales est la garantie
donnée au fisc que les réserves provisoirement exonérées restent sou-
mises à son droit potentiel d'imposition, on peut soutenir qu'il n'est
pas arbitraire, qu'il est, au contraire, équitable d'exiger que la même
condition soit remplie en cas de fusion intercantonale 11.
Bien que cette solution soit défendable, on ne peut l'adopter sans
hésitation. En premier lieu, elle aboutit à une différence de traitement
entre les transi'erts de siège et les fusions intercantonales, rendant
inévitable qu'une société destinée à être reprise soit fortement incitée à
tranférer son siège, préalablement à l'absorption, dans le canton dont
relève la société reprenante. Même si le fisc peut intervenir contre une
telle manœuvre par l'appHcation du principe de la réalité économique
et de la forme insolite, cette différence de traitement n'est pas satis··
faisante. En second lieu, la solution en cause repose sur un artifice,
lorsqu'elle prétend vouloir soumettre les fusions cantonales et inter-
cantonales à une même condition. En effet, si, en cas de fusion cantonale,
la société reprenante doit garantir (par le maintien des valeurs comptables
du patrimoine transféré) l'imposition ultérieure des plus-values, ce n'est
pas uniquement dans l'intérêt du fisc : c'est, aussi, afin d'assurer l'éga-
lité des contribuables devant la loi et d'éviter qu'une fusion n'accorde un
avantage fiscal aux sociétés concernées. Or, en cas de fusion inter-
cantonale, la société reprenante doit également maintenir les mêmes
valeurs comptables ; à défaut, le canton dont relevait la société reprise
serait parfaitement en droit d'imposer les réserves de cette société. En
d'autres terme;;, il n'y a aucune inégalité de traitement entre les fusions
cantonales et les fusions intercantonales. si ces dernières bénéficient
d'une exonération, et, comme pour les transferts de siège, la question
fondamentale reste la même : l'article 4 CF donne-t-il la primauté à la
garantie des recettes fiscales d'un canton ou au droit d'un contribuable
à un traitement qui ne soit ni insolite, ni discriminatoire? Il serait certai-
nement utile que le TF soit appelé à trancher ce problème important, qui,
tant qu'il n'est pas résolu, rend particulièrement difficile la mise au point
d'un régime des fusions intercantonales.

11 Voir E. Kanzig, op. cit., pp. 194 et 195. Cet auteur estime que les cantons
sont en droit, par une disposition expresse de la loi, de prévoir l'imposition
des réserves latentes en cas de fusion intercantonale. Il ne fait, cependant,
aucune mention de la question des établissements stables.
204 FUSIONS INTERCANTONALES

C. SITUATION ACTUELLE.

S'il est difficirle de donner des informations précises sur les reg1mes
cantonaux en vigueur en matière de fusions cantonales, H est plus
malaisé encore de connaître leur pratique en matière de concentrations
intercantonales.
Le fait qu'une loi cantonale ne conti'enne aucune disposition concer-
nant les transferts de siège, et que ceux-ci ne soient pas taxés, ne signifie
pas que ce canton exonère les fusions intercantonales. Inversement, le
fait qu'une loi cantona<le prévoie expressément l'imposition des transferts
de siège ne préjuge pas du traitement de ces fusions, puisque, ainsi
qu'on l'a noté plus haut, la loi, en ce domaine, n'est pas toujours
appliquée.
Selon une enquête effectuée en 1961-1962 1s (relative à seize cantons)
et les renseignements complémentaires d'une plus récente étude rn (qui
ne concerne que trois cantons), les pratiques cantonales, relativement
libérales, seraient les suivantes :

- Zurich : aucune imposition, même si la société ne se transforme


pas en établissement stable, et même si elle est liquidée 2 0.
-- Argovie 21, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Berne, Soleure, Zoug:
Même traitement qu'à Zurich, mais seulement en cas de véritable fusion,
sans liquidation de la société reprise.
- Neuchâtel, Lucerne, Saint-Gafl 22, Valais : l'imposition des ré-
serves cachées n'est évitée que si les biens sous-évalués demeurent sou-
mis à la souveraineté fiscale du canton (c'est-à-dire qu'ils soient des
immeubles ou constituent un établissement stable) ; peu importe que
la concentration entraîne la liquidation de la société reprise.

1s Outachten 1, pp. 28 et ss. Il n'est pas toujours clair si les renseignements


fournis par cette étude concernent les fusions cantonales ou les fusions inter-
cantonales. Par ailleurs, depuis 1962, plusieurs lois ont été modifiées.
10 E. Kiinzig, op. cil., pp. 196 à 198 (concernant Berne, Saint-Gall, et
Zurich).
20 Kiinzig note cependant (op. cit., p. 197, in fine) que, dans leur commen-
taire, Reinmann, Zuppinger et Schiirrer (Kommentar zum Zürcher Steuergesetz,
Bern 1969) expriment leur désaccord vis-à-vis de ce régime. Selon ces auteurs,
les réserves cachées devraient être imposées dans la mesure où elles échappent
à l'imposition future du canton pour tomber sous la souveraineté d'un autre
canton, conformément aux règles concernant la double imposition intercantonale.
21 Le Gutachten I range ce canton parmi ceux n'octroyant aucun régime de
faveur. On peut, cependant, penser que l'art. 11 de la loi de 1971 (v9ir
Annexe lll) exclut une imposition des réserves cachées.
2 2 Selon Kiinzig (op. cit., p. 197), ce canton n'accorderait en réalité aucune
exonération.
INTRODUCTION 205
- Vaud 23 : même traitement que dans les cantons du groupe pré-
cédent, pour J.utant que la fusion intervienne sans liquidation de la
société reprise.
- Genève 24, Grisons : aucune exonération n'est accordée.

Si, à notre avis, les articles 4 et 46, alinéa 2, CF, excluent l'impo-
sition des réserves cachées des sociétés reprises, lors de fusions inter-
cantonales (pour autant que les fusions cantonales bénéficient d'un
régime de sursis), cette question est controversée 25 et le demeurera tant
que le TF ne l'aura pas tranchée. On peut craindre, d'ailleurs, qu'elle
ne lui soit jamais soumise, tant il est peu vraisemblable que des sociétés
effectuent une concentration intercantonale sans avoir, au préalable,
obtenu du fisc l'assurance d'un traitement favorable.
Dans ces conditions, il paraît plus réaliste de proposer un régime
qui concilie les intérêts des cantons et des entreprises, plutôt que d'in-
voquer, sans résultat pratique, des dispositions constitutionnelles dont
l'interprétation est discutée.
Logiquement, ce régime de compromis, ainsi que nous le relevions
plus haut, et ainsi que le proposent les auteurs du Commentaire zuri-
chois 2s (mais avec cette différence qu'ils le jugent conforme à la cons-
titution), consisterait à autoriser la taxation des seules réserves dont
l'imposition postérieure n'est pas garantie, conformément aux règles
relatives à l'imposition des entreprises intercantonales. Mais si ce prin-
cipe est simpl~ à énoncer, il n'est pas facile à appliquer. Lorsqu'une
fusion n'entraîne pas la création d'un domicile fiscal secondaire (com-
mercial ou immobilier) de la société reprenante dans le canton dont
relevait la société reprise, il est clair que ce dernier canton - selon le
compromis proposé ·- sera en droit d'imposer la totalité des réserves
cachées de la société reprise. Lorsque, au contraire, la société dissoute
se transforme en établissement stable ou autre domicile secondaire de
la société reprenante, le canton en cause participera à l'imposition des
bénéfices de la société absorbante. Mais, et c'est là le problème fonda-
mental, ses droits à l'imposition ultérieure des plus-values qu'il sur-
seoirait à taxer lors de la fusion seront-ils équivalents ou comparables

23 L' Administration vaudoise nous a confirmé l'exactitude des renseignements


contenus dans le Gutachten 1.
24 En l'absence de toute disposition légale concernant les transferts de siège,
et compte tenu du fait que les fusions cantonales bénéficient d'un régime de
sursis, la pratique genevoise est, à notre avis, contraire à l'art. 4 CF.
25 Voir ci-dessus, notes 14, 17 et 19.
26 Voir ci-dessus, note 18.
206 FUSIONS INTERCANTONALES

aux droits qu'il aurait eus si Ia fusion n'avait pas eu lieu, ou si elle
avait été effectuée entre des sociétés du même canton ?
L'un des objets de l'examen, fait dans la section qui suit, des règles
d'imposition des entreprises intercantonales est de déterminer si une ré-
ponse précise et satisfaisante peut être donnée à cette question. Mais,
pour le canton de la société reprise, le traitement des plus-values n'est
pas l'unique aspect d'une concentration intercantonale. Plus important,
peut-être, encore, parce que plus immédiat, est le problème de l'imposition
annuelle des bénéfices d'exploitation (et de la fortune) des sociétés
fusionnées. Dans la mesure où le canton de la société reprise peut
craindre que la concentration, nonobstant fa création d'un domicile
fiscal secondaire de la société reprenante sur son territoire, ne réduise,
année après année, le montant de ses recettes fiscales, il ne sera guère
enclin à renoncer à l'imposition immédiate des réserves de la société
reprise. Ce problème justifie, lui aussi, un examen détaillé des règles
d'imposition des entreprises intercantonales. Enfin, il va de soi que la
manière dont seront répartis entre les cantons les bénéfices de la société
reprenante n'est pas sans intérêt pour les entreprises concernées (elle
peut notamment déterminer le sens de la fusion), même si l'article 46,
alinéa 2, CF leur donne l'assurance essentielle qu'elles ne seront pas
imposées à double.

Section II.

IMPOSITION DES ENTREPRISES INTERCANTONALES 27

Selon l'article 46, alinéa 2, CF : « La législation fédérale statuera


les dispositions nécessaires ... pour empêcher qu'un citoyen ne soit imposé
à double».

21 Jean Braek, puis Jean-Blaise Paschoud, Jurisprudence du Tribunal fédéral


en matière de double imposition intercantonale ; RDAF 1971, p. 285 ; 1969,
p. 105; 1967, p. 293; 1966, p. 299; 1964, p. 273; 1962, p. 161 ; 1960, p. 237;
1958, p. 289; 1957, p. 169; 1956, p. 12; 1954, p. 225; 1953, p. 28; 1951, p. 240;
1949, p. 181 ; 1947, p. 293.
Kurt Locher, Das interkantonale Doppelbesteuerungsrecht. Die Praxis der
Bundessteuern, III Teil, Band 2, § 8 ; E. Henggeler und A. Pestalozzi-Henggeler.
Verlag für Recht und Gesellschaft A.G., Base! (ci-après : Locher).
Arnold Schlumpf, Bundesgerichtspraxis zum Doppelbesteuerungsverbot ;
Verlag Organisator A.G., Zürich 1963.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 207

Les projets de loi fédérale sur la double imposition intercantonaiJe 2s


- définie comme étant le fait qu'une même personne soit soumise à l'im-
pôt sur le même objet dans deux cantons différents 20 - n'ont jamais
abouti, mais le Tribunal fédéral s'est reconnu le droit d'interpréter l'ar-
ticle 46, alinéa 2, CF et de fixer les règles applicables à l'imposition des
entreprises intercantonales.
Une quinzaine de lois cantonales contiennent une définition de
l' « établissement stable» 80. Ces définitions, de même que les règles
de répartition (en général très sommaires) des bénéfices et de la fortune
des entreprises dont l'activité s'étend en dehors du canton, ne sont plei-
nement applicables qu'en matière internationale, et pour autant que
les dispositions d'un traité international n'y dérogent pas. Sur le plan
intercantonal, elles n'ont qu'une portée restrictive : elles peuvent tout
au plus exclure un assujettissement, ou une imposition que les prin-
cipes énoncés par le Tribunal fédéral permettraient d'exiger 81 •

A. NOTION DE L'ÉTABLISSEMENT STABLE.

1. Domiciles primaire et secondaire.

Une entreprise dont l'exploitation s'étend sur le territoire de deux


ou plusieurs cantons a, outre son domicile principal dans le canton de
son siège social, des domiciles secondaires dans les cantons où elle a
« des installations matérielles permanentes au moyen desquelles [elle]
exerce une partie qualitativement et quantitativement importante [wesent-
lich] de son activité commerciale» 82.
Le domicile fiscal primaire d'une société est donc en principe au lieu
de son siège statutaire. L'existence d'un tel domicile ne présuppose pas
que la société dispose dans le canton du siège d' « installations matérielles

2s L'art. 46, al. 2, CF n'a qu'une portée intercantonale. Il ne peut être invoqué
en cas de double imposition internationale (sauf en matière immobilière) ou
cantonale (ATF 92.l.349) ni, d'ailleurs, en cas de double imposition économique.
Enfin, faut-il noter que l'interdiction de la double imposition ne vise que les
impôts, à l'exclusion des émoluments et des charges de préférence (JdT 1961,
p. 93).
20 ATF 93.I.241.
30 Voir Annexe IV.
31 L'art. 46, al. 2, CF interdisant la double imposition virtuelle, un canton ne
peut taxer des revenus soumis à l'imposition d'un autre canton, même si ce
dernier ne fait pas usage de son droit (voir jdT 1968, p. 308).
a2 jdT 1970, p. 586, et arrêts cités.
208 FUSIONS INTERCANTONALES

permanentes», teHes qu'elles sont définies plus haut 33. La présence


d'actifs dans le canton n'est pas non plus indispensable a4.
En revanche, si la direction effective de la société est en dehors du
canton de siège, ce dernier n'est pas pris en considération et le domi-
cile fiscal primaire est réputé être au lieu de la direction effective, et
cela même s'il existe des installations matéri~lles permanentes au lieu
du siège : dans ce dernier cas, la société aura un domicile fiscal secon-
daire dans le canton du siège a5.
En d'autres termes, le domicile fiscal primaire d'une société se
trouve au lieu de sa direction effective, celle-ci étant présumée se trouver
au lieu du siège statutaire.
L'absence d'un domicile primaire au lieu du siège a été établie notam-
ment dans le cas de sociétés holding, financières, et immobilières, qui
tixent leur siège statutaire dans un canton leur accordant des privi-
lèges fiscaux, mais qui sont administrées dans un autre canton 36. En
pratique, les Administrations fiscales mettent beaucoup moins souvent
en doute qu'elles ne le pourraient la présence de la direction effective au
lieu du siège statutaire 37.

2. Définition de l'établissement stable.

Un domicile fiscal secondaire exige la présence


a) d'installations matérielles permanentes as.
Selon l'ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral, Ia création d'un
domicile secondaire dépendait de l'existence d'une succursale au sens
du droit civil. Vers le début de ce siècle, le Tribunal assouplissait cette
exigence, mais il demeurait néanmoins exclu que des installations cons-
tituent un établissement stable si elles ne jouissaient pas d'une certaine
indépendance 3o.
La jurisprudence actuelle vise à répartir la matière imposable entre
les cantons aussi équitablement que possible, sans accorder au siège de

33 RDAF 1960, p. 245 (arrêt du 3.6.1959).


34 RDAF 1964, p. 275 (arrêt du 16.5.1962).
35 Ibid.
36 RDAF 1969, p. 113 (arrêt du 3.7.1968) ; 1967, p. 297 (arrêt du 25.5.1966) ;
1966, p. 277 (arrêt du 21.10.1964); 1962, p. 165 (arrêt du 20.9.1961); 1960, p. 244
(arrêt du 23.12.1959); 1957, p. 173 (arrêt du 7.3.1956).
37 D'innombrables sociétés enregistrées à Fribourg et à Zoug sont admi-
nistrées dans d'autres cantons.
38 Il faut immédiatement souligner que ces installations doivent être à dispo-
sition de l'entreprise, mais il n'est nullement nécessaire qu'elle en soit proprié-
taire (voir ]dT 1958, p. 52).
so Voir ATF 37.1.249; ]dT 1911, p. 209; ATF 35.1.331 ; 31.I.56.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 209

l'entreprise (ou éventuellement à des succursales dûment inscrites) un


avantage injustifié. Alors que 'SUr 'le plan international, il existe une
tendance à restreindre les possibilités d'un Etat d'imposer les revenus
et la fortune d'une entreprise étrangère, sur le plan intercantonal, au
contraire, le Tribunal fédéral entend accroître ces possibilités autant
qu'il est pratiquement faisable. Ainsi, les conditions mises à l'existence
d'un domicile secondaire se justifient uniquement par des considérations
pratiques. D'une part, les liens d'une entreprise avec un canton sont
parfois trop ténus pour qu'il soit possible d'estimer la part des revenus
à lui attribuer ; d'autre part, un éparpillement exagéré du pouvoir fiscal
rendrait indûment compliquée la tâche des contribuables et des Admi-
nistrations.
La jurisprudence a reconnu la qualité d'établissement stable aux
installations suivantes :
- Siège de direction 4o ;

-·- Usines, fabriques et ateliers 41 ;

-- Carrière 42 ;

- Magasins d'une entreprise à succursales multiples 43 ;

- Lignes à haute tension, stations de transformation, stations de


pompage, etc., des entreprises d'électricité 44 ;
- Conduites de gaz 45 ;

- Débarcadères, salles d'attente, etc., d'une compagnie de navi-


gation 46 ;
- Rails et stations d'une entreprise de chemins de fer 4 7 ;

40 ATF 40.I.197 ; JdT 1911, p. 590 (la société en cause avait son siège à
Zurich et sa direction commerciale dans un autre canton ; la qualité d'établisse-
ment stable fut reconnue au siège, où habitait le président du conseil et d'où
venaient les directives légales et administratives ; l'arrêt ne fait allusion à
aucune véritable «installation»).
41 jdT 1927, p. 254 (fabrique de chocolat) ; ATF 51.1.395 (fabrique de
textiles) ; 40.1.197; 37.1.269 (atelier de réparation d'une entreprise de wagons-
restaurants) ; 32.l.62.
42 ATF 27.1.434.
43 ATF 34.1.495.
44 Arrêt non publié du 21.9.1928 (Locher, §8,1,C,5, N° 4b) ; JdT 1921,
p. 273; 1912, p. 406; 1911, p. 209; 1905, p. 42.
45 Arrêt du 24.6.1932 (Schlumpf, op, cil., p. 162, note 24).
46 Arrêt non publié du 3.6.1932 (Locher, §8,1,C,5, N° 4h) ; jdT 1916, p. 270.
Selon l'ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral, de telles installations ne
constituaient pas un établissement stable.
47 JdT 1920, p. 333; ATF 40.1.69.
210 FUSIONS INTERCANTONALES

- Installations (de pompage, d'expédition, etc.) d'une entreprise de


distribution d'eau potable 48 ;
- Etables louées par un marchand de bestiaux 49 ;

- Exploitation horticole 50,

Rarement, dans les affaires qui lui ont été soumises, le Tribunal
fédéral a-t-il jugé que la présence d'une entreprise dans un canton
ne permettait pas de conclure à l'existence d'une véritable installation.
On peut citer le siège statutaire d'une société, en particulier d'une hol-
ding ou d'une société financière, lorsque la direction effective est exercée
dans un autre canton s1 ; une commandite 52 ; une boîte postale et un
compte de chèques postaux 5 a ; la voiture avec atelier de réparation d'une
maison de radios 54 ; les titres et livres comptables qu'une banque en
liquidation a confiés à une autre banque, chargée de la liquidation 55 ;
ou encore les vingt moutons qu'un contribuable élevait sur un domaine
(de vacances) de 20.000 m2 56,
Par ailleurs, un immeuble ne constitue pas à lui seul un établis-
sement stable. En revanche, il crée, bien que le Tribunal fédéral l'ait
parfois contesté 57, un domicile fiscal secondaire 5s. Quelle que soit la
terminologie utilisée, la propriété d'un immeuble 5o entraîne un assujettis-
sement à l'impôt, quant à cet immeuble, dans le canton où il est situé.
Quant à la permanence des installations, elle est le plus souvent
incontestée ; abstraction faite de deux décisions 00, les seuls arrêts ot't
le Tribunal fédéral a réellement examiné la question de la permanence
concernent les chantiers de construction.

48 Arrêt non publié du 23.3.1955 (Locher, §8,l,C,5, N° 4o).


49 Arrêt du 22.9.1939 (Locher, §8,1,C,5, N° 4m).
50 Arrêt du 29.5.1957 (Locher, §8,l,C,5, N° 6). Voir jdT 1920, p. 533, où une
exploitation agricole est assimilée à un immeuble et non à une entreprise.
51 Voir ci-dessus, note 36.
52 ATF 80.1.19.
53 Arrêt non publié du 8.4.1938 (Locher, §8,1,D,3, N° 9e).
54 ATF 64.1.7.
55 jdT 1918, p. 93.
56 Archives 33, p. 34 (arrêt du 19.2.1964).
57 Sem. jud. 1949, p. 305.
58 RDAF 1971, p. 350 (arrêt du 9.12.1969) ; jdT 1953, p. 338.
59 Ou, parfois, la propriété des actions ou de la majorité des actions d'une
société immobilière. Voir ci-dessous, notes 255 à 257.
00 Arrêt non publié du 19.3.1945 (Locher, §8,I,D,3, N° 12) concernant l'exploi-
tation d'une mine pendant la durée de la guerre, et jdT 1941, p. 307, concernant
l'exploitation d'un restaurant pendant 176 jours, lors d'une exposition nationale.
La présence d'un établissement stable fut déniée dans les deux cas.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 211

En application de son ancienne jurisprudence, le Tribunal fédéral


pouvait se borner à constater qu'un chantier ne constituait pas une
succursale 6 1 • Cependant, malgré sa nouvelle définition du domicile se-
condaire, le Tribunal fédéral maintenait qu'un chantier, dans la mesure
1

en tout cas où il était édifié pour l'exécution d'un seul contrat 6 2 , ne


.::onstituait pas un établi&Sement stable : « On ne peut en effet considérer
comme 'permanentes' que les installations qui d'après leur mode d'utili-
sation peuvent servir à l'exploitation de l'industrie pendant toute sa
àurée, à l'exclusion de celles qui en font partie pour un temps limité
et plus ou moins déterminé d'avance». a3
Au cours des années, le Tribunal fédéral confirmait à plusieurs
reprises cette jurisprudence, Elle demeurait valable même si une entre-
prise exécutait plusieurs constructions dans un même canton, utilisant
chaque fois les mêmes installations 64 ; le fait qu'un chantier comprît
des baraquements, cantines, bureaux, bétonnières, n'y changeait rien,
même si ces installations restaient en place pendant trois ans ou même
davantage 65.
Cette conception est évidemment contraire au principe d'une répar-
tition équitable du pouvoir fiscal. Lorsqu'une société ayant son siège
dans une grande ville construit, par exemple, un barrage dans un canton
de montagne, ce dernier devrait participer à l'imposition des revenus pro-
venant d'une activité aussi importante et aussi durable. Le Tribunal
fédéral l'a admis et, depuis quelques années, il a posé les jalons qui
précèdent un changement de jurisprudence. Il a, d'une part, décidé que
celle-ci n'était pas applicable en matière internationale 66, puis, dans
l'arrêt Tabler e1, faisant allusion aux critiques de la doctrine, il a noté
qu'il pourrait être amené à revoir sa position et accorder une importance
accrue à la durée effective d'un chantier.

b) Au moyen desquelles l'entreprise exerce une partie qualitativement et


quantitativement importante de son activité commerciale ou indus-
trielle.
Une entreprise peut être propriétaire ou disposer de biens et d'ins-
tallations dans un canton, sans pour autant y exercer d'activité. Tet

61 ATF 22.1.12 ; 24.1.578.


e2 ATF 37.1.360.
63jdT 1916, p. 223.
64Arrêt non publié du 8.6.1928 (Locher, §8,I,D,2, N° 8).
65Arrêts non publiés des 19.3.1945, 23.12.1946 et 13.11.1968 (Locher, §8,I,D,2,
w· 10, 11 et 13).
66 Sem. jud. 1969, p. 225. Voir ci-dessous, litt. B, ch. 2, litt. be, pp. 231 et 232.
01 jdT 1970, p. 586.
212 FUSIONS INTERCANTONALES

sera notamment le cas si ces biens ou instaHations sont confiés à une


personne tierce, indépendante, de telle manière qu'ils entrent dans sa
sphère d'activité et, en même temps, échappent à celle de l'entreprise
propriétaire.
Les problèmes relatifs aux agences, bureaux, et stocks ou dépôts
de marchandises sont à cet égard particulièrement délicats. Ils sont
d'ailleurs liés les uns aux autres, tant il est vrai qu'un agent dispose
généralement d'un bureau, et souvent de marchandises, et qu'il est fré-
quent que l'entrepôt d'une entreprise soit géré ou surveillé par une
personne plus ou moins indépendante, et disposant d'un bureau.

ba) Dépôts, entrepôts, stocks.


i) Les exemples jurisprudentiels de dépôts isolés sont relativement
rares. Le plus récent 6 8 concerne un résident genevois qui avait loué un
entrepôt dans le port-franc de Zurich, dans lequel il déposait des tapis
(_dont il faisait le commerce). Le contribuable n'avait ni bureau, ni em-
ployé à Zurich. En revanche, il se rendait assez souvent dans cette ville,
accompagné de clients auxquels il montrait ses tapis : de par la force
des choses, certaines négociations et conclusions d'affaires se déroulaient
au port-franc. Le Tribunal fédéral admit que ce dépôt, lié à l'activité
qui vient d'être mentionnée, constituait un établissement stable 69, En
revanche, l'existence d'un tel établissement fut déniée dans le cas d'une
société zurichoise qui entreposait ses stocks obligatoires de carburant
dans un dépôt de la Confédération situé à Berne : le seul fait de confier
un stock à un dépositaire indépendant ne saurait entraîner, affirma le
Tribunal fédéral, la création d'un établissement stable 1°.
Il n'en reste pas moins que la définition de I' « activité » nécessaire
pour qu'une installation permanente telle qu'un dépôt constitue un éta-
blissement stable, et les limites exactes de cette définition, sont difficiles
à tracer. Dans certains anciens arrêts, notamment, le Tribunal fédéral
paraît s'être contenté d'une activité extrêmement réduite 71 , ou avoir
plutôt mis l'accent sur le fait que les dépôts étaient nécessaires ou indis-

68 JdT 1955, p. 53.


69 Le Tribunal fédéral a jugé une affaire similaire concernant un résident
étranger (arrêt non publié du 8.2.1950; Locher, §8,1,C,4, N° 8).
10 JdT 1951, p. 403. Il est intéressant de relever que l'établissement stable
dont disposait par ailleurs à Berne la société zurichoise n' « attirait » pas à lui
les stocks en question. Voir aussi ATF 18.8.
71 Voir ATF 29.1.8, concernant des automates, assimilés à des dépôts grâce
auxquels l'entreprise exerce son activité commerciale.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 213

pensables à l'exercice des activités de l'entreprise 12, même s'ils n'étaient


pas constamment utilisés n.
ii) Les dép6ts gérés par un employé de l'entreprise sont considérés
sans autre comme des établissements stables, que l'employé dispose
ou non d'un bureau 74 • On ne saurait, pour le contester, se fonder sur
les plus anciens arrêts du Tribunal fédéral, qui exigeaient alors la pré-
sence d'un établissement autonome 75.
iii) Les dépbfs ou stocks gérés ou détenus par un agent ou par
quelque autre personne physique ou morale plus ou moins indépendante
de l'entreprise constituent un établissement stable dans la mesure où la
personne en cause a, vis-à-vis de l'entreprise, économiquement sinon en
droit, un statut d'employé, de telle manière que l'activité qu'elle exerce
peut être considérée comme une activité de l'entreprise.
Ainsi, le « gérant » d'un dépôt de bière situé à Schwyz, d'une bras-
serie de Winterthur, s'est vu qualifié de « dépendant» - le dépôt cons-
tituant alors un établissement stable - parce qu'il vendait la bière à
des clients et à des prix imposés par la brasserie (qui se chargeait de la
facturation) 76. En revanche, la qualification d'établissement stable a été
déniée à un autre dépôt de bière, dont la gestion avait été confiée à
un hôtelier 11. Bien qu'il fut soumis à un contrôle strict et à des prix
imposés par la brasserie, ce gérant vendait et facturait la bière en son
nom propre ; en outre, point auquel le Tribunal fédéral paraissait atta-
cher une assez grande importance, la gestion du dépôt n'était pas sa
seule activité professionnelle 78.
Lorsque, comme dans le dernier arrêt mentionné, le responsable du
dépôt a qualité d'indépendant, les marchandises qu'il détient sont ratta-
chées économiquement à sa propre entreprise, et non à l'entreprise qui

72 Voir, en particulier, deux arrêts concernant des dépôts de livraison (sans


qu'il soit précisé de quelle manière et par qui ils étaient gérés) : ATF 52.1.238
et 33.1.54.
73 jdT 1941, p. 18 (place d'entrepôt pour des machines).
74 Arrêt non publié du 8.7.1946 (Locher, §8,I,C,4, N° 6) ; arrêt non publié
du 18.12.1936 (Locher, §8,1,C,4, N° 5); ATF 33.1.715; arrêt du 28.10.1948
(Locher, §8,1,C,4, N° 7).
75 JdT 1904, p. 56 et 1905, p. 527 (dépôt d'une teinturerie) ; ATF 26.1.277
(dépôt de vin géré par un tonnelier et plusieurs employés) ; ATF 18.619 et
ATF 15.35. Voir, pourtant, ATF 18.431, où un dépôt de vin, utilisé pour des
ventes directes de petit gros dans le canton de situation fut considéré comme
un établissement stable. Voir encore JdT 1904, p. 282 (dépôt, avec bureau,
d'une entreprise de machines agricoles).
76 JdT 1929, p. 568. Voir aussi ATF 38.I.478, où le Tribunal fédéral insiste
avant tout sur le caractère nécessaire du dépôt (de fourrage) pour l'entreprise.
77 ATF 61.1.254.
78 Voir, cependant, l'arrêt non publié du 23.4.1937 [Locher, §8,1,C,4 (b)J,
concernant également une brasserie, où ce facteur n'a pas joué un rôle décisif.
214 FUSIONS INTERCANTONALES

en est propriétaire 79 • Le Tribunal fédéral a ainsi dénié la quafüé d'éta-


blissement stable aux colonnes de distribution d'essence que les grandes
sociétés pétrolières « prêtent» aux garagistes, lorsque ceux-ci, bien qu'ils
doivent revendre l'essence à des prix imposés, demeurent suffisamment
indépendants, libres d'organiser leur entreprise, de choisir leurs em-
ployés et de vendre la benzine aux clients de leur choix so. Il a également
déclaré que les marchandises en consignation auprès d'un agent indé-
pendant ne constituaient pas un établissement stable de l'entreprise
mandante s1 • De même encore, les vêtements pris en dépôt par quelques
commerçants de Zurich pour le compte d'une teinturerie bernoise ne
pouvaient suffire à assujettir cette dernière aux impôts zurichois 82.

bb) Bureaux.
Le terme de «bureau» n'a pas de signification précise, qu'il s'agisse
de son aspect extérieur ou de l'activité qui s'y déroule. La jurisprudence
que l'on peut réunir sous cette rubrique est donc extrêmement variée.
En règle générale, les bureaux d'une entreprise répondent à la définition
de l'établissement stable. Les rares exceptions concernent certains bu-
reaux de chantiers, parce que, comme ces derniers, ils n'ont pas la
permanence requise, ou des bureaux qui n'ont qu'une activité purement
interne, dans le cadre de l'entreprise 8s.
i) Les bureaux administratifs, chargés de tâches de comptabilité, de
facturation, de correspondance, constituent des établissements stables 84.

79 En d'autres mots, le Tribunal fédéral utilise deux raisonnements différents,


aboutissant au même résultat. Parfois, il considère que l'activité déployée par
l'agent étant personnelle et indépendante, l'entreprise contribuable ne déploie
elle-même aucune activité en relation avec le dépôt ou le stock ; dans d'autres
cas, il met l'accent sur le stock lui-même qui, entrant dans la sphère économique
de l'agent, ne saurait constituer un établissement stable de l'entreprise proprié-
taire.
80 JdT 1954, p. 190.
81 Arrêt du 4.11.1953 (Locher, §8,1,D,3, N° 16); il s'agissait d'un représen-
tant d'une fabrique de pneus, disposant de 2.000 pneus en consignation. Dans
cet arrêt - comme dans de nombreux autres - le Tribunal fédéral a noté
qu'il importait peu que les locaux à disposition de l'agent lui soient loués ou
sous-loués par l'entreprise mandante.
s2 JdT 1925, p. 217.
83 Arrêts non publiés des 27.1.1931 et 16.10.1944 (Locher, §8,1,D,3, N°• 9 (a)
et 11), concernant une société de vente d'aspirateurs avec un bureau de liaison,
chargé de la surveillance des voyageurs et démonstrateurs mais sans aucune
activité commerciale et aucun rapport avec la clientèle. Un tel bureau, selon le
Tribunal fédéral, n'a pas l'importance quantitative et qualitative requise.
84 jdT 1941, p. 18 (bureaux d'une entreprise de dragage); ATF 40.1.210
(bureau d'un délégué du Conseil d'administration, disposant d'employés et chargé
de la comptahilité générale et de la correspondance commerciale) ; 32.1.508
(bureaux d'une entreprise d'électricité) ; 23.500 (bureaux abritant la direction
commerciale - ventes, achats, comptabilité - et la direction technique).
ENTREPRISES INTERCANTONALES 215

ii) Les bureaux commerciaux, dans lesquels une entreprise exerce


une partie des activités directement en rapport avec son objet et son but
constituent également, et à plus forte raison, des établissements stables.
Ainsi, les bureaux de vente, ou d'achat et de vente 85 ; les bureaux d'une
imprimerie 86 ; les bureaux d'une agence de presse, dans lesquels sont
centralisées les nouvelles venues de l'étanger s1.
iii) Les bureaux de propagande, qui ont souvent une activité com-
merciale, mais peu importante et sans rapport avec les frais qu'ils en-
traînent (bureaux de prestige, bien placés et bien aménagés) sont consi-
dérés, eux aussi, comme des établissements stables ss.
iv) Les bureaux d'entreprises de construction n'ont pas, pour l'instant
(on l'a noté, un changement de Jurisprudence paraît imminent), le carac-
tère d'installations permanentes lorsqu'ils sont loués ou édifiés dans le
cadre d'un chantier déterminé s9. En revanche, dès qu'un tel bureau
est destiné à servir à plusieurs chantiers, il constitue un établissement
stable. Le fait qu'un bureau de construction ait une fonction interne,
qu'il n'ait pas de rapport avec la clientèle de l'entreprise, ne joue aucun
rôle Do.

be) Agences et représentations.


L'évolution de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui, définissant
la notion d'établissement stable, a abandonné tour à tour le concept de
la succursale puis celui de l'indépendance relative du domicile secon-
daire, a créé quelque confusion en matière de représentations et d'agences.
En application de l'ancienne jurisprudence, les installations perma-
nentes d'une entreprise devaient jouir d'un certain degré d'indépendance
afin de constituer un établissement stable. Il en résultait notamment
qu'un agent intermédiaire, sans pouvoir général de conclure, ne créait

sr; ATF 45.l.l 78 (bureau de vente d'une fabrique de textiles) ; 38.I.478 ;


35.1.327. Voir aussi la note précédente.
so Arrêt non publié du 26.1.1929 [Locher, §8,1,C,5, N° 4 (1)].
s1 ATF 37.1.491.
88 Arrêt non publié du 25.9.1947 (Locher, §8,1,C,5, N° 5) concernant une
société cinématographique ; ATF 37.1.355 (bureau d'une compagnie de naviga-
tion). En outre, l'utilisation de la méthode indirecte permet de leur attribuer
un bénéfice : « Die Rekurrentin geht von einer volkommen unrichtigen Auffassung
aus, wenn sie glaubt, im Kanton Luzern derhalb nicht steuerpflichtig zu sein,
weil sie daselbst mehr Ausgaben habe, ais Einnahmen » (ATF 37.1.356).
su ATF 37.1.360 (où le «bureau» n'était qu'un baraquement provisoire).
Voir aussi, ci-dessus, note 65.
90 jdT 1970, p. 586; 1937, p. 52; 1909, p. 537.

15
216 FUSIONS INTERCANTONALES

pas un domicile fiscal secondaire de l'entreprise qu'il représentait 01,


alors que s'il pouvait engager l'entreprise, encaisser des primes ou des
prix de vente, son activité était assimilée à celle d'une succursale 02,
Sous la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral, au contraire,
c'est la position de dépendance qui entraîne la création d'un établisse-
ment stable : l'agent indépendant exploite sa propre entreprise, dis-
tincte de l'entreprise qu'il représente.
Sans doute, faut-il s'entendre sur la notion d' « indépendance». Il
est bien certain que même sous l'ancienne jurisprudence une personne
agissant en toute indépendance et en son propre nom, mais pour le
compte d'un mandant, ne constituait pas un établissement stable de ce
dernier 93 • Et il n'est pas tout à fait inconcevable, aujourd'hui encore,
qu'un agent intermédiaire - notamment s'il représente plusieurs entre-
prises - puisse organiser son activité de telle manière qu'il soit consi-
déré comme un indépendant ; mais il est en tout cas clair que son
manque de pouvoir n'empêche pas, bien au contraire, qu'il constitue un
établissement stable de l'entreprise représentée.
i) Agents indépendants. Pour juger de leur indépendance, le Tribunal
fédéral examine, d'une part, l'ensemble des rapports existant entre le
mandant et son représentant (étude du contrat en vigueur et des condi-
tions dans lesquelles i'1 est appliqué) et, d'autre part, la manière dont
l'agent se présente vis-à-vis du monde extérieur. Un agent indépendant
doit être libre, dans une mesure raisonnable, d'organiser son activité,
de choisir son personnel, de choisir, aussi, sa clientèle et de la déve-
lopper. Il doit avoir pouvoir de conclure et de fixer ses prix (bien que
cette condition ne puisse avoir un caractère absolu dans une économie
cartellisée telle que celle de '1a Suisse) et supporter les risques de l'acti-
vité qu'il déploie. Son mode de rémunération n'est pas nécessairement
décisif, mais il est évident que le versement d'un salaire est un sérieux
indice de dépendance. Moins décisif est l'indice constitué par le fait
que les locaux où le représentant exerce son activité lui appartiennent -

01 .JdT 1901, p. 138 (agent d'un établissement financier) ; ATF 26.l.277,


concernant un marchand de vin; ATF 24.l.614, concernant un agent d'assurance;
ATF 23.1344, relatif à l'agence genevoise d'un bureau bâlois d'émigration, ne
pouvant conclure valablement sans la ratification du siège ; ATF 23.4; ATF 19.6,
concernant un agent d'assurance qui ne pouvait ni conclure des polices, ni
régler des sinistres ; ATF 18.431, au sujet du représentant d'un marchand de
vin ; ATF 18.17 (agent d'assurance).
92 ATF 33.l.715 (gérant d'un dépôt) ; ATF 15.30 (sous-agent d'un bureau
d'émigration).
93 Voir ATF 5.143 (un arrêt de 1879 !), concernant un fondé de pouvoir,
gérant un établissement séparé.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 217

ou qu'il en paie la location - ou qu'ils appartiennent à l'entreprise


mandante.
Les plus nombreux arrêts dans lesquels le Tribunal fédéral a reconnu
l'indépendance d'un représentant concernent les agents généraux des
compagnies d'assurance 94 • D'autres décisions, déjà citées pour la plu-
part, à propos des dépôts, ont examiné la situation des garagistes vis-à-
vis des compagnies pétrolières 95 ; du représentant d'une fabrique de
pneus 96 ; du gérant d'un dépôt de bière 01 ; de commerçants effectuant
diverses tâches (dépôt, expédition) pour le compte d'une teinturerie 98,
et de passementiers travaillant à domicile avec les métiers à tisser qui
leur étaient prêtés par l'entreprise 99,
ii) Agents dépendants. Le représentant d'une entreprise qui, sans
avoir nécessairement le statut d'un employé au sens du droit civil, est
économiquement dépendant de sa mandante, constitue un établisse-
ment stable de cette dernière. Un tel agent, en effet, ne crée pas sa propre
sphère d'activité mais demeure au contraire à l'intérieur de la sphère
d'activité de l'entreprise représentée.
La jurisprudence a ainsi reconnu (exceptionnellement) la dépendance
d'un agent d'a:;surance 1 0°, de gérants de dépôts de bière 1 0 1 et de
fourrage lo2, du représentant d'une société de publicité 103, des magasins
de vente de la société Merkur 1 04.
Une entreprise inscrite au registre du commerce, y compris une
personne morale, peut, si elle se trouve sous la direction économique d'une
autre entreprise, constituer un étabiissement stable de cette dernière 105 •
En revanche, le Tribunal fédéral n'a pas fait sienne la «théorie de
l'organe 1>, selon laquelle une filiale est automatiquement considérée
comme une installation permanente de la société mère. Une société filiale

94 jdT 1953, p. 338; ATF 74.1.451 ; 47.1.296; jdT 1919, p. 630 (premier
arrêt rendu par le Tribunal fédéral, en matière d'agences, en application de sa
nouvelle jurisprudence). Voir aussi les arrêts non publiés («La Suisse») des
17.9.1926 et 25.11.1932.
95 JdT 1954, p. 403.
96 Arrêt du 4.11.1953 (Locher, §8,l,D,3, N° 16).
97 ATF 61.1.254.
98 JdT 1925, p. 217.
99 ATF 51.1.395; JdT 1920, p. 528.
100 JdT 1928, p. 314.
101 Arrêt non publié du 23.4.1937 [Locher, §8,1,C,4 (b)] ; jdT 1929, p. 568.
102 ATF 38.1.478.
103 ATF 35.1.327.
104 ATF 34.1.495.
1 05 JdT 1936, p. 533 (société en commandite dominée économiquement par le
commanditaire). Voir RDAF 1960, p. 245, où l'indépendance de l'« agence»
(société gérant les affaires d'une compagnie d'électricité), fut au contraire recon-
nue (arrêt du 3.6.1959).
218 FUSIONS INTERCANTONALES

n'est assimilée à un établissement stable qui si deux conditions sont


cumulativement remplies : d'une part, la société mère est demeurée,
économiquement parlant, et en fait, maîtresse et bénéficiaire des biens
et revenus de la filiale, et, d'autre part, cette dernière a été créée à seule
fin de diminuer le montant des impôts, intention qui peut être prouvée
par l'emploi d'un procédé insolite ayant eu pour résultat de procurer un
allègement de la charge fiscale 1os. En règle générale, la création d'une
société fille entraîne une double imposition économique et ne procure,
en elle-même, aucun avantage fiscal. Il est possible, en revanche, que les
arrangements existant entre la frliale et la société mère ne corres-
pondent pas à des relations normales entre sociétés économiquement
indépendantes ; sans alors contester la personnalité morale de la filiale,
le fisc procédera aux redressements qui s'imposent : « on ne saurait
refuser aux autorités fiscales le droit d'apporter aux arrangements en
question les correctifs voulus » 101.
L'exigence d'une activité qui soit qualitativement et quantitativement
importante est une condition qui prête à confusion. Selon le Tribunal
fédéral : « Das Erfordernis des qualitativ wesentlichen Teils des Betriebes
ist nach der Rechtsprechung weit auszulegen. Es genügt dafür jede Arbeit
oder Tatigkeit, die zum eigentlichen Geschaftsbetrieb gehôrt » 108. Seule
une activité dont la portée est tout à fait subordonnée ou accessoire
sera déclarée insuffisante 100.
Sans doute, le Tribunal fédéral a-t-il raison sur le principe, mais
on peut regretter qu'il ne mette pas sa définition en accord avec l'in-
terprétation qu'il en fait. L'adjectif « important » (wesentlich) signifie
<.: considérable» ou « essentiel », et une activité n'est pas automatiquement
négligeable dès le moment où elle n'est pas essentiel'le.
Une critique similaire peut être faite concernant l'expression : «... de
son activité commerciale ou industrielle ». A lire la définition proposée
par le Tribunal fédéral, il paraît clair que l'importance quantitative de
l'activité exercée dans des établissements doit être appréciée par rapport
à l'activité de l'entreprise dans son ensemble. Or, tel n'est précisément
pas le cas : «... elle doit être appréciée, selon la jurisprudence, d'après
leur valeur propre, et non pas d'après leur importance comparée à celle

100 RDAF 1971, p. 288 (arrêt du 12.11.1969); JdT 1939, p. 311; ATF
59.I.272. Voir aussi deux arrêts non publiés des 2.6.1939 et 14.2.1941 (Locher,
§8,1,E, N° 1). Plusieurs décisions concernent des fondations de famille : ATF
55.I.373 ; JdT 1928, p. 473; 1927, p. 167.
101 ATF 59.1.287. Voir aussi JdT 1939, pp. 315 et 316, et l'arrêt non publié
du 3.5.1950 (Locher, §8,IIl,B, N° 3).
108 Arrêt du 28.10.1948 (Locher, §8,1,C,4, N" 7).
100 JdT 1955, p, 53; 1937, p. 52.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 219

de toute l'entreprise dont ils font partie» 110 • Ici encore, cette interpré-
tation paraît juste quant à son principe 111, mais en désaccord évident
avec le texte qu'elle prétend traduire.
En application de cette jurisprudence, le Tribunal fédéral a pu recon-
naître la qualité d'établissement stable à une installation qui ne réalisait
que 0,75 % du chiffre d'affaires total d'une entreprise, cette quote-part
représentant déjà frs. 45.000.-112. D'une manière générale, les cas dans
lesquels la présence d'un domicile secondaire a été niée, faute d'une
activité suffisante, sont très rares et d'une importance marginale 118.

B. RÉPARTITION DES ACTIFS ET BÉNÉFICES


D'UNE ENTREPRISE INTER.CANTONALE.

Une fois admis l'existence d'un ou de plusieurs établissements stables


d'une entreprise, il convient de déterminer quelle part des actifs et des
bénéfices doit leur être attribuée.

1. Eléments de l'actif et du passif.

La quote-part de chaque canton correspond à la proportion existant


entre l'actif afférent à l'établissement situé sur son territoire et l'en-
semble de l'actif de l'entreprise 114 • L'application de ce principe fonda-
mental, qui n'est pas discuté, soulève des problèmes délicats : que
faut-il entendre par « actif afférent à l'établissement » ? Pour résoudre
cette question, le Tribunal fédéral utilise deux criteriums : d'une part,
la localisation des biens, d'autre part, leur appartenance économique 115.
En effet, le seul criterium de la localisation, qui paraît à la fois le plus

110 ATF 52.1.243.


111 Une appréciation relative conduirait à un traitement inégal des entre-
prises, en fonction de leur taille. Voir ATF 39.1.539 (notamment p. 548).
112 Arrêt du 11.4.1924 (Schlumpf, op. cit., p. 166, note 54). Voir aussi arrêt
du 28.10.1948 (Locher, §8,1,C,4, N° 7); JdT 1929, p. 568 (dépôt de bière débitant
1900 hl par an) ; ATF 38.1.478. Il n'est naturellement pas nécessaire qu'un éta-
blissement soit la source directe de profits pour que l'activité qui s'y exerce
soit considérée importante (voir ci-dessus, note 88).
118 Voir note 83 ci-dessus (bureau de surveillance et de liaison). Voir aussi
Schlumpf, op. cit., p. 166, notamment deux arrêts cités en notes 46 et 47 (activité
minimum au siège statutaire et travail de rédaction à domicile).
114 JdT 1929, p. 139 ; 1926, p. 477 ; 1925, p. 104 ; ATF 46.1.39 ; 46.l.12 ;
39.1.170 ; 34.1.501.
115 Arrêt non publié du 3.6.1932 (Locher, §8,Il,B,2a, N° 3) ; JdT 1925,
p. 104; 1920, p. 333; 1920, p. 186; ATF 45.1.178; JdT 1916, p. 270; ATF
40.1.197; 36.1.199.
220 FUSIONS INTERCANTONALES

simple et le plus équitable, n'a de valeur absolue que pour les actifs
réellement immobilisés. H est, en revanche, insuffisant pour les biens
dont le lieu de situation peut être modifié à volonté (par exemple, des
titres) ou dont la localisation, d'un point de vue économique, paraît
artificielle ou irrelevante (tel un dépôt situé dans un canton mais exclu-
sivement utilisé par l'établissement d'un autre canton).
La jurisprudence a ainsi développé les règles suivantes.
a) Actifs immobilisés et localisés. Les immeubles, terrains, machines,
outillage, moules, mobilier d'une société de fabrication, de même que
les sous-centrales, transformateurs, conduites d'une entreprise électrique,
les docks et débarcadères d'une entreprise de navigation, le réseau d'une
compagnie de chemins de fer, etc., sont toujours imposables au lieu où
ils sont situés 116 • Il en va en principe de même pour les marchandises,
produits, produits en cours de fabrication, projets en cours, et matières
premières, mais il ne s'agit plus d'une règle absolue 111. Il peut se justifier,
dans certains cas, de répartir ces biens au prorata des actifs réellement
localisés 11 8 ou de les attribuer aux établissements avec lesquels Hs
ont un lien économique distinct 119. Parfois, certains biens sont répartis
sur les mêmes bases que le revenu de l'entreprise. Ainsi, les marchandises
d'une société commerciale ont été divisées entre ses établissements en
fonction de leur chiffre d'affaires 1 2 0 ; les bateaux et le combustible d'une
entreprise de navigation ont été répartis en fonction du trafic de voya-
geurs et de marchandises 1 2 1 ; le matériel roulant et les pièces de re-
change d'une compagnie de chemins de fer ont été attribués aux cantons
selon la relation entre la longueur du réseau établi sur leur territoire
et les revenus afférents à ces différents réseaux 1 2 2 •
b) Comptes mobiles. La répartition des débiteurs, effets de change,
comptes bancaires, comptes de chèques postaux, obligations, valeurs
en caisse, etc., dépend du genre de l'entreprise 123.

116 ATF 52.I.238; jdT 1925, p. 104; 1920, p. 333; ATF 45.1.178; 45.1.41 ;
JdT 1916, p. 270; ATF 40.1.197; 16.631.
111 RDAF 1962, p. 168 (arrêt du 10.2.1960); ATF 52.1.238 (on notera que
dans cet arrêt, les avoirs en caisse furent considérés comme actifs localisés).
118 ATF 58.l. l.
119 JdT 1911, p. 209 (stocks de charbon et matériaux de construction d'une
entreprise électrique attribués à deux usines) ; arrêt non publié du 14.2.1936
(stock d'approvisionnement - câbles, lampes, compteurs - d'une entreprise
électrique répartis en proportion de l'énergie consommée par chaque réseau ;
automobiles de l'entreprise attribuées en fonction des actifs localisés).
120 jdT 1951, p. 403. Voir aussi JdT 1954, p. 190 (stocks de carburant situés
dans des dépôts qui ne constituaient pas des établissements stables).
121 jdT 1916, p. 270.
122 jdT 1920, p. 333.
123 Pour une vue d'ensemble de cette répartition, voir ]dT 1937, p. 52.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 221

- Répartition en fonction des actifs localisés : elle est la règle pour


les entreprises dont les installations techniques ou de production s'éten-
dent sur plusieurs cantons, à moins que les comptes mobiles se rattachent
économiquement à tel ou tel établissement 124. Les participations ne
doivent pas, sauf exception 1 2 5, être incluses dans les « actifs localisés »
qui servent de base à cette répartition.
--- Attribution au siège : fréquemment, le Tribunal fédéral considère
que les comptes mobiles n'ont de lien économique qu'avec le siège ; tel
est le cas, en principe, pour les ~ociétés commerciales 126, et notamment
pour celles à succursales multiples 127 ; tel est le cas, également, pour
les entreprises de chemins de fer 1 2s et de navigation 1211, et pour les
entreprises d'électricité sans installations de production hors du canton
de siège rno. La même règle, enfin, a été appliquée à une société de cons-
truction dont les activités, à part un bureau extérieur, se concentraient
dans le canton de siège 131. Si la direction effective d'une société est
exercée dans deux cantons, les comptes mobiles sont divisés à parts
égales entre ces cantons 132.
- Répartition forfaitaire : dans les cas, fréquents, où une société
exerce ses activités de production dans un canton et son activité com-
merciale dans un autre canton, les comptes mobiles sont répartis entre
ces deux cantons, le plus souvent à parts égales tas.

c) Participations et avances. Si, d'une manière générale, les titres


détenus par une entreprise suivent le sort des comptes mobiles, les
véritables participations (titres de filiales) et les avances durables ac-
cordées à des sociétés affiliées, que ce soit sous forme de crédits ou de

124 ATF 36.1.399. Voir aussi les arrêts non publiés cités par Locher, §8,II,B,
2c, N° 11, concernant des entreprises électriques.
125 ATF 58.1.1 (les titres et crédits en banque furent répartis en fonction des
actifs localisés et des participations).
126 Arrêt du 8.7.1946 (Locher, §8,IJ,B,2c, N° 12).
127 JdT 1925, p. 104. Cette répartition a été critiquée par certains auteurs
qui considèrent que ces succursales règlent elles-mêmes diverses dépenses, etc.,
et qu'une part des comptes de caisse devraient leur être attribués (voir F.
Reyrenn, L'imposition des entreprises à établissements multiples dans les
cantons suisses ; A. Julien, Genève 1932, pp. 120 et 121).
12s jdT 1967, p. 523; 1920, p. 333.
129 jdT 1916, p. 270.
130 Arrêt non publié du 31.5.1924, cité dans jdT 1937, p. 52.
131 JdT 1937, p. 52.
132 JdT 1967, p. 523 (siège statutaire et commercial dans un canton et
direction générale dans un autre).
133 Arrêt non publié du 30.4.1937 (Locher, §8,Il,B,2c, N° 10); ATF 52.I.238;
JdT 1925, p. 104 ; ATF 45.1.178 ; 40.1.197. Voir aussi jdT 1920, p. 186 (répar-
tition forfaitaire selon l'importance de chaque établissement).
222 FUSIONS INTERCANTONALES

biens corporels, sont attribuées exdusivement au siège de 'l'entreprise 134.


Ce principe ne souffre que de rares exceptions : les participations qui
font partie du capital d'exploitation d'une succursale sont attribuées à
cette dernière mi; ; en outre, si la direction effective d'une société est
exercée dans plusieurs cantons, les participations seront réparties entre
eux 136.
Les comptes internes des banques posent des problèmes particuliers.
En ce qui concerne les grandes banques, le Tribunal fédéral a jugé que
lorsqu'un établissement, après avoir récolté des fonds, les transfère à
un autre en vue de leur placement, il convient d'en attribuer un quart
au premier établissement et les trois quarts au second 1 37. Dans le cas
d'une petite banque, qui avait accordé une importante avance à son unique
succursale, le Tribunal fédéral a admis qu'un montant égal à 20 % du
capital social, correspondant à la proportion des actifs de la succur-
sale par rapport à l'ensemble des actifs de la banque, devait être consi-
déré comme un capital de dotation, imposable auprès de la succurisale 1a8.
d) La question du préciput. En matière de répartition des revenus,
l'attribution d'un préciput au siège permet de tenir compte des dépenses
effectuées et, surtout, des services de gestion rendus par le siège en
faveur des divers établissements de l'entreprise. Compte tenu du fait
que l'impôt sur la fortune peut être assimilé à un impôt supplémentaire
sur le revenu, la question s'est posée de savoir si un certain pourcentage
de l'actif net d'une entreprise devait être attribué au siège. Le Tribunal
fédéral a toujours répondu négativement à cette question, justifiant
généralement sa position par le fait que l'attribution au siège des parti-
cipations, et parfois des comptes mobiles, constituait (ce qui nous paraît
incontestable) un « préciput » suffisant 1811.
La répartition de la fortune (comme d'ailleurs celle du revenu) com-
prend deux phases : (i) la détermination de la quote-part, du pourcentage
de chaque canton, et (ii) la détermination du montant soumis à l'impôt
dans chaque canton.

134 ATF 58.l.l ; 52.1.238. Voir aussi les arrêts non publiés cités par Locher,
§8,Il,B,2d, N°• 1, 3 et 4.
135 ATF 52.1.238. Il ne suffit pas qu'il existe un lien plus ou moins étroit
entre la succursale et la filiale (ATF 58.1.l ).
136 Arrêt du 22.5.1926 (Locher, §8,ll,B,2d, N° 2).
137 jdT 1968, p. 615; ATF 64.1.253. Précédemment, le Tribunal fédéral avait
jugé que de tels fonds devaient être imposés là où ils «travaillent» : JdT 1924,
p. 593 ; ATF 41.1.77 (cet arrêt ne concerne pas une banque) ; ATF 10.436.
138 RDAF 1966, p. 284 (arrêt du 3.3.1965). Voir aussi ATF 61.1.190, concer-
nant l'attribution de prêts hypothécaires accordés par une succursale.
139 ATF 58.1.l ; 46.1.31 ; JdT 1916, p. 270; ATF 40.1.197. Voir aussi les
deux arrêts non publiés des 29.6.1942 et 2.6.1949 (Locher, §8,Il,B,4, N°• 2 et 4).
ENTREPRISES INTERCANTONALES 223

Le calcul des pourcentages, en cas de désaccord intercantonal, est de


la compétence exclusive du Tribunal fédéral. Il ne suffit pas qu'il attribue
tel ou tel actif à tel ou tel canton ; il doit aussi - afin d'assurer une
déduction proportionnelle des dettes 140 - estimer la valeur des actifs
(notamment faisant partie de l'exploitation) selon la même méthode, qu'il
est libre de choisir m.
En revanche, le calcul du montant imposable appartient aux cantons,
dans la mesure où ils appliquent leurs lois sans arbitraire, ni discrimina-
tion. L'article 46, alinéa 2, CF, ne s'oppose pas à ce qu'ils estiment la
fortune globale de l'entreprise selon une autre méthode que celle choisie
par le Tribunal fédéral, pour autant que les criteriums d'estimation ne
varient pas en fonction du lieu de situation des biens 14 2 • Par ailleurs,
les cantons peuvent choisir d'imposer la fortune nette (actifs moins pas-
sifs) ou, considérant uniquement la partie droite du bilan, le montant du
capital et des réserves ua.

Exemple:

Société X

Actifs canton A 100 100 Capital


(valeur réelle : 150)
Actifs canton B 400 200 Réserve
(valeur réelle : 450) 200 Passifs

Le canton A, auquel a été attribué 1/5 des actifs, peut imposer 1/5
du capital et des réserves, soit 300 : 5 = 60, ou, selon l'autre méthode,
100 - (200 : 5) = 60. S'il tient compte des réserves cachées, il n'est pas
autorisé à les ajouter sans autre à sa part (60 + 50 = 110), car il ne
respecterait plus le principe de la déduction proportionnelle des dettes.
En revanche, il peut tenir compte des réserves cachées afférentes aux
actifs attribués au canton B, évalués selon la même méthode, et calculer
sa part de la manière suivante : 120 - (200 : 5) = 80.

140 RDAF 1971, p. 347 (arrêt du 5.3.1969); ATF 26.1.19.


141 Arrêt non publié du 15.5.1936 (Locher, §8,II,B,1, N° 11). Cf. notes 222
et 223 ci-dessous.
142 Arrêt non publié du 6.4.1955 (Locher, §8,ll,B,1, N° 15) ; JdT 1929, p. 139.
Un canton n'est pas non plus autorisé à inclure dans son calcul des éléments
de fortune - tels que tantièmes ou frais .e:énéraux capitalisés - qui sont sans
valeur réelle UdT 1920, p, 186).
143 ATF 46.I.39 ; 46.1.12.
224 FUSIONS INTERCANTONALES

2. Eléments du revenu.

Un canton ne peut imposer qu'une quote-part du bénéfice net total


d'une entreprise intercantonale, et non le bénéfice réalisé sur son ter-
ritoire 1 4'1. L'application de ce principe, qui implique une compensation
des bénéfices et des pertes, garantit qu'un contribuable ne sera jamais
imposé sur un montant dépassant son revenu total 145.
Le Tribunal fédéral a donc adopté le système de répartition qui,
selon la terminologie la plus courante, est appelé « méthode indirecte».
Le Tribunal fédéral n'a pas donné de nom au système choisi, mais il a
(malheureusement) réservé les termes de « méthode directe » et « mé-
thode indirecte» à des modalités d'application du principe de base.
Afin d'éviter des confusions, nous avons conservé cette terminologie
helvétique, appelant alors « méthode globale » le système consistant à
accorder à chaque établissement une quote-part du bénéfice global, et
« méthode du cloisonnement » la méthode ( « directe » selon la termi-
nologie habituelle) qui consiste à considérer chaque établissement comme
une entreprise distincte, imposable sur ses bénéfices propres.
Comment déterminer la quote-part d'un canton ? Est-il en particulier
possible de trouver une clef de répartition idéale, qui puisse être appli-
quée, et soit équitable, dans chaque cas, quelles que soient la nature
<:t l'activité de l'entreprise ? Un auteur a proposé que le bénéfice im-
posable dans chaque canton soit égal au quotient du bénéfice brut
réalisé dans le canton divisé par le bénéfice brut total, multiplié par
le bénéfice net total 1 46. Cette formule assure une déduction proportion-
nelle de toutes les dépenses de l'entreprise (par opposition à un système
consistant à déduire certaines dépenses de certains revenus), mais elle
ne résoud naturellement rien lorsqu'un établissement cantonal (entre-
pôt, siège d'administration, etc.) n'est pas une source directe et compta-
bilisée de profits : il reste à déterminer, dans l'équation proposée, le
montant du bénéfice brut réalisé dans chaque canton.
Le système le plus simple consisterait à accorder à chaque canton
une quote-part du bénéfice égale à sa quote-part de la fortune, calculée

144 Ce principe est rappelé dans une multitude d'arrêts. Voir, par exemple,
Archives 42, p. 346 (arrêt du 2.6.1971), jdT 1968, p. 308; 1946, p. 50; ATF
61.1.340; jdT 1930, p. 21 ; 1921, p. 177; ATF 42.I.130; 37.1.266, 273 et 355;
]dT 1912, p. 406; ATF 36.l.576; 23.I.500.
145 Cette règle trouve pourtant son exception en matière immobilière ; voir
ci-dessus, litt. C, ch. 2, litt. a, 2).
146 P. Petermann, La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de double
imposition d'entreprises industrielles ou commerciales, notamment de sociétés
d'assurances; RDAF 1949, pp. 149 et 205 (voir p. 155).
ENTREPRISES INTERCANTONALES 225
selon les règles mentionnées plus haut. Mais cette méthode serait rare-
ment équitable. Si, par exemple, une société ayant son siège et ses
moyens ed production dans un canton A (peut-être un canton rural où
les taux d'impôts sont bas) établit ses bureaux administratifs dans un
canton B (canton urbain ayant davantage de prestige et plus d'attrait
pour le personnel supérieur), ce dernier canton ne recevrait qu'une quote-
part négligeable des bénéfices.
Le Tribunal fédéral n'a pas adopté une méthode de répartition uni-
forme. Il s'estime tenu de choisir pour chaque entreprise, ou genre
d'entreprise, le système qui lui convient le mieux 147, même si ce souci
d'équité est, c'est inévitable, la source de complications nombreuses.

a) La méthode directe.
Cette méthode, consistant à se baser sur le solde des comptes de
pertes et profits des divers établissements, jouit de la primauté : elle
doit être utilisée chaque fois qu'elle est praticable 148. Elle exige natu-
rellement la présence de comptabilités séparées, mais d'autres conditions
doivent être remplies. En premier lieu, il importe que les établissements
(le plus souvent de véritables succursales) bénéficient d'une certaine
indépendance administrative et constituent une unité commerciale, ou
industrielle et commerciale, dont les résultats ne soient pas exagérément
influencés par l'activité du siège 149 • En second lieu, « la méthode directe
ne devra être suivie tout au plus que lorsque l'entreprise sera organisée
de telle sorte qu'on soit assuré qu'il ne se produit pas de déplacement
de bénéfices d'un établissement à un autre» 15o. Ces deux conditions
sont d'ailleurs liées car une succursale indépendante tiendra, généra-
lement, à ce que ses comptes fassent ressortir les mérites de sa gestion 151 •
La méthode globale directe ne doit naturellement pas être confondue
avec la méthode du cloisonnement 152 • Si l'une des succursales subit une
perte, celle-ci est répartie entre les autres établissements, au prorata
du bénéfice qu'ils ont réalisé. En revanche, la succursale en perte ne se
voit pas attribuer une partie du bénéfice, contrairement à ce qui aurait

147 Le système « qui exprime le mieux possible l'importance de chaque


établissement dans la réalisation du bénéfice total de l'entreprise» (JdT 1968,
p. 309).
148 JdT 1968, p. 308; ATF 56.1.230; 49.1.33.
149 jdT 1968, p. 308; arrêts non publiés des 14.7.1933 et 22.12.1937 (Locher,
§8,II,C,4, N• 3) ; JdT 1924, p. 585.
150 Arrêt du 24.3.1939 (Locher, §8,ll,C,3, N° 8).
151 JdT 1946, p. 50.
152 Le Tribunal fédéral s'estime d'ailleurs tenu de le répéter chaque fois
qu'il l'applique (voir les arrêts bancaires ci-dessous, note 155, et les arrêts
non publiés des 28.6.1935 et 3.7.1925: Locher, §8,II,C,lb, N• 3 et ll,C,4, N° 4).
226 FUSIONS INTERCANTONALES

été vraisemblablement le cas en l'absence de comptabilités séparées


permettant de comparer les résultats de chaque établissement. Ce « cloi-
sonnement» des revenus n'est d'ailleurs pas en contradiction avec le
principe général de la répartition du bénéfice global : si les établisse-
ments sont suffisamment indépendants les uns des autres, il n'est pas
faux de prétendre que la succursale en perte n'a pas contribué à la
réalisation du bénéfice global. Sans doute, inversement, devrait-on ad-
mettre que les établissements bénéficiaires n'ont pas contribué à la
perte de la succursale déficitaire ; la méthode globale directe, en exi-
geant la répartition de cette perte, donne la primauté à l'équité sur la
logique.
Le Tribunal fédéral a constaté que, en l'absence de pertes, les
méthodes globale directe et du cloisonnement étaient équivalentes 10s.
Ceci n'est pas tout à fait exact. En effet, lorsque la méthode du cloi-
sonnement est utilisée, les frais de la direction centrale, qui profitent à
toute l'entreprise, sont répartis entre les divers établissements ; en revan-
che, une commission de gestion n'est pratiquement jamais accordée au
siège en rémunération de ses services. Lorsque la méthode globale
directe est utilisée, au contraire, l'octroi d'une telle commission est la
règle, mais au lieu d'être estimée sur la base des honoraires qu'une en-
treprise indépendante facturerait à une autre, cette commission (le
préciput) est réputée égale à un certain pourcentage du bénéfice net
global. Il importe de souligner, car cette question est à l'origine de fré-
quentes confusions, que le préciput ne remplace pas la répartition des
frais généraux de l'administration centrale : il vient en sus de cette
répartition et constitue donc bien une commission de gestion. Le Tribunal
fédéral l'a d'ailleurs lui-même précisé dès le premier arrêt où il a utilisé
la méthode directe i51.
La méthode directe est employée pour la répartition du bénéfice des
grandes banques 15 5 ; le préciput attribué au siège est alors égal à
IO% du bénéfice 156, Cette répartition pose quelques problèmes parti-
culiers. L'un de ceux-ci concerne le partage des agios d'émission (im-
posables dans certains cantons) : ce partage, autrefois effectué au pro-
rata des actifs 157, est fait aujourd'hui sur la base des soldes de comptes
de pertes et profits, mais en se fondant sur le bénéfice moyen des cinq

153 jdT 1948, p. 178 ; arrêts non publiés des 14.7.1933, 30.9.1938 et 29.5.1947
(Locher, §8,11,C,4, N°' 5, 7 et 10).
154 ATF 49.1.33; voir aussi JdT 1946, p. 50.
155 Archives 42, p. 346 (arrêt du 2.6.1971); ATF 81.1.212; arrêt non publié
du 29.5.1947 (Locher, §8,Il,C,4, N° 10); ]dT 1946, p. 50; ATF 56.1.230; 49.I.33.
156 Ibid.
157 ATF 56.1.230.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 227
e.iœrcices ayant précédé l'émission et en attribuant un préciput de 10 %
au siège central rns. Un autre problème consiste à déterminer dans quelle
mesure une succursale peut déduire les intérêts qu'elle verse au siège
sur ses avances, et dans quelle mesure un établissement est autorisé à
déduire les intérêts payés à un autre établissement lorsque ce dernier
lui a confié pour gestion et placement les fonds qu'il a recueillis. Ainsi
qu'on l'a noté plus haut, ,Je Tribunal fédéral a jugé qu'un quart des fonds
devait être attribué à la succursale qui les avait réunis : la déduction des
intérêts est par conséquent admissible dans la même proportion 159,
D'autre part, les intérêts versés au siège sur ses avances sont déductibles
dans la mesure où celles-ci constituent un véritable prêt et non un capital
de dotation 1ao.
La méthode directe, malgré la primauté de principe dont elle jouit, est
rarement utilisée pour des entreprises autres que des banques. Le Tri-
bunal fédéral l'a appliquée à une société qui produisait des produits
chimiques dans deux cantons et les vendait dans un troisième 161 , Il l'a
appliquée également à la répartition du bénéfice provenant d'une parti-
cipation à une société simple engagée dans des travaux de construction
routière 162. Il l'a, enfin, choisie pour une entreprise exploitant une école
dans deux cantons ; aucun préciput ne fut accordé au siège dont l'influ-
ence sur les résultats des succursales était jugée négligeable 163,

b) Les méthodes indirectes.


ba) Répartition en fonction du chiffre d'affaires. Lorsqu'une société
-::ommerciale ne tient pas de comptabilité séparée pour chacun de ses
établissements 164 ou lorsque (ce qui est plus fréquent) ceux-ci ne
1

JOUissent pas de l'indépendance nécessaire à l'application de la méthode


directe 165, le bénéfice est réparti en fonction du chiffre d'affaires réalisé
dans chaque canton. Le bénéfice en cause étant le bénéfice global (y
compris le rendement de titres t66, etc., et le bénéfice provenant de can-

158 ATF 81.I.212.


159 Voir note 137, ci-dessus.
rno Voir note 138, ci-dessus.
161 jdT 1924, p. 585 (un préciput de 10 % fut attribué au siège). Voir aussi
1'arrêt non publié du 30.9.1938 (Locher, §8,Il,C,4, N° 2).
162 Archives 37, p. 229 (arrêt du 13.6.1967).
163 jdT 1968, p. 308.
164 Arrêt non publié du 13.11.1968 (Locher, §8,II,C,3, N° 9).
165 Arrêt du 24.3.1939 (Locher, §8,II,C,~, N• 7).
166 Arrêt du 24.10.1951 (Locher, §8,11,C, N° 8).
228 FUSIONS INTERCANTONALES

tons dans lesquels l'entreprise n'entretient pas d'établissement stable 1 6 7),


il se justifie d'attribuer un préciput au siège de direction. Bien qu'on ne
puisse établir une règle absolue, ce préciput est en principe de 20 % 1os.
La répartition en fonction du chiffre d'affaires a été ufüisée : pour
une banque hypothécaire dont l'unique succursale ne tenait pas de comp-
tabilité 160 ; pour une société fiduciaire (préciput de 20 % au siège) 110 ;
pour une entreprise de construction 1 11 ; pour un institut d'éducation
exploité dans deux cantons différents selon la saison 112 ; pour une société
fabriquant et vendant au détail ses produits (préciput de 20 % au
siège) 1n ; pour des maisons d'alimentation à succursales multiples (pré-
ciput de 20 % au siège) 1 74 ; et pour une société de vente de pétrole 175 •
Le Tribunal fédéral a relevé que si les marges de bénéfices variaient
sensiblement d'un établissement à l'autre, il conviendrait d'en tenir
compte. S'agissant d'une entreprise qui vendait ses produits à la fois
en gros et au détail, un ajustement n'était toutefois pas indispensable :
la vente au détail bénéficiait d'une marge supérieure mais elle entraînait
des frais plus élevés 116.
bb) Répartition en fonction des facteurs de production. Cette clef de
répartition est utilisée en règle générale pour les entreprises industrielles,
à condition, toutefois, que la fabrication ne soit pas concentrée dans un
canton et l'activité commerciale dans un ou plusieurs autres cantons 177.
Les facteurs de production des établissements ne coïncident pas avec
la fortune qui leur est attribuée en conformité des règles déjà mention-
nées. En effet, au facteur « capital» doit être ajouté le facteur «travail»,
c'est-à-dire le montant des salaires, traitements, tantièmes, etc., payés

167 Arrêt non publié du 13.11.1968 (Locher, §8,Il,C,3, N° 9).


1os jdT 1952, p. 348.
169 Arrêt du 17.9.1926 (Locher, §8,Il,C,3, N° 2).
110 ATF 61.1.340.
111 Arrêt non publié du 13.11.1968 (Locher, §8,11,C,3, N° 9) : aucun préciput
ne fut accordé au siège, le Tribunal fédéral jugeant qu'il était suffisamment
avantagé par le fait que les salaires versés au personnel de direction étaient
plus hauts que les autres.
112 ATF 55.1.153: il n'est fait mention d'aucun préciput.
11a Arrêt non publié du 10.7.1931 (Locher, §8,11,C,3, N° 4).
174 JdT 1952, p. 348. Voir aussi l'arrêt du 24.3.1939 (Locher, §8,11,C,3,
N° 7), et ATF 42.l.130.
115 ATF 36.1.583, concernant une succursale dont le bénéfice dépassait le
bénéfice global de l'entreprise.
110 Arrêt non publié du 10.1.1934 (Locher, §8,11,C,3, N° 5).
111 La répartition selon les facteurs de production a cependant été utilisée
pour une entreprise de ce genre QdT 1923, p. 404).
ENTREPRISES INTERCANTONALES 229

au personnel de l'entreprise 178 • Ces rémunérations sont habituellement


capitalisées au taux de 10 % 110, et sont attribuées à l'établissement
avec lequel elles ont le lien économique le plus étroit 1so.
Le facteur « capital » inclut tous les biens de l'entreprise et non pas
seulement les actifs localisés 181. Il peut se justifier, le cas échéant, de
capitaliser certaines dépenses, tels les loyers 18!1 et les frais de car-
burant 183, alors que les autres éléments de fortune (y compris les
matières premières et auxiliaires) sont portés en compte à leur valeur
effective.
L'attribution d'un préciput au siège a parfois été admise, parfois
refusée. En règle générale, le préciput sera nul ou très bas, le siège
obtenant, lors du partage des facteurs de production, le rendement des
titres et participations, ainsi que le montant capitalisé des salaires du
personnel administratif 184.
Si, sur un plan général, le Tribunal fédéral a relevé que toute répar-
tition intercantonale devait tenir compte des facteurs de production 185,
il a appliqué cette méthode en particulier aux entreprises électriques 1 8 6,
à une fabrique de textiles 1 87 , à une fabrique de chocolat 188, à des
brasseries 1s9, à une entreprise de pompes funèbres et de fabrication de

178 JdT 1924, p. 585; 1921, p, 177; 1920, p. 178; ATF 40.1.197; 36.I.ll ;
36.1.20.
179 ATF 51.l.395 (cet arrêt contient une explication détaillée justifiant le
taux choisi de 10 %). Voir aussi ATF 52.1.238 (capitalisation à 5 %), arrêt non
publié du 8.4.1927 (Locher, §8,II,C,2a, N° 4) ; ATF 36.l.l 1 (capitalisation à
4 %), et 36.1.20 (capitalisation à 4 %).
180 Voir JdT 1923, p. 404 (attribution de salaires de voyageurs de commerce)
et les arrêts non publiés des 15.7.1932 et 15.5.1936: Locher, §8,II,C,2c, N° 4
(attribution des traitements de la direction et de l'administration).
181 Arrêt non publié du 4.2.1946 (Locher, §8,Il,C,2c, N° 5).
182 Arrêt du 22.12.1937 (Locher, §8,ll,C,2a, N° 6: capitalisation à 10 %).
183 ATF 51.1.395 (capitalisation à 10 %). En revanche, le Tribunal fédéral
n'a pas admis de prendre en considération la force motrice utilisée par une
usine électrique, considérant que sa valeur se reflétait suffisamment dans celle
des installations nécessaires à la produire (arrêt non publié du 4.2.1946 ;
Locher, §8,ll,C,2c, N° 5).
184 RDAF 1964, p. 282 (arrêt du 28.11.l 962). Voir aussi l'arrêt non publié
du 20.9.1940 (Locher, §8,ll,C,6, N° 21). Le siège d'une holding mixte, notamment,
ne reçoit aucun préciput (ATF 58.1.1 ).
185 jdT 1921, p. 177 (activité du siège d'une banque).
186 Arrêt non publié du 4.2.1946 (Locher, §8,II,C,2c, N° 5) ; JdT 1921, p. 529
(attribution au siège d'un préciput de 25 %) ; JdT 1912, p. 406; ATF 31.1.77.
Voir aussi (répartition internationale) ATF 32.1.508 et jdT 1921, p. 279.
187 ATF 51.1.395 (préciput de 25 %).
188 JdT 1927, p. 254.
189 Arrêts non publiés des 31.5.1935 et 26.9.1929 (Locher, §8,Il,C,2a, N° 5).
230 FUSIONS INTERCANTONALES

cercueils 190, et à une société fabriquant et vendant des appareils


divers 101.
Résumant brièvement ce qui précède, on pourrait énoncer la règle
suivante:
~ La répartition des bénéfices des entreprises intercantonales est en
principe effectuée selon la méthode directe, c'est-à-dire sur la base des
résultats comptabilisés de chacun des établissements cantonaux, le siège
de la direction bénéficiant d'un préciput de 10 %.
« Lorsque cette méthode est manifestement inapplicable ou inadé-
quate, les bénéfices sont répartis a) en fonction du chiffre d'affaires
pour les entreprises commerciales, le siège bénéficiant d'un préciput de
20 %, et b) en fonction des facteurs de production pour les entreprises
industrielles, les salaires étant capitalisés au taux de 10 % ». rn2

Mais les activités économiques et industrielles créent des situations


complexes ou particulières qui rendent difficile l'énoncé de principes
précis et absolus. Ainsi, la règle qui précède devrait être complétée
par un paragraphe qui lui enlèverait pratiquement toute valeur :
« Demeurent réservés les cas d'espèce exigeant, en vue d'une répar-
tition équitable des bénéfices, des ajustements aux règles précitées ou
l'utilisation de méthodes mieux appropriées».

be) Autres méthodes de répartition. Le Tribunal fédéral a estimé que


l'application des méthodes traditionnelles n'aboutissait pas à une ré-
partition satisfaisante des bénéfices de certaines enterprises. Ainsi, pour
les compagnies de chemins de fer, le partage du revenu net est effectué
en fonction de la fréquentation des divers tronçons cantonaux. Dans un
récent arrêt, le Tribunal fédéral a jugé que cette règle était applicable
même si la société exploitait en outre des hôtels, et i'I a attribué à ces
derniers, bien qu'ils fussent déficitaires, un montant égal à 20 % du
bénéfice restant après déduction d'un préciput de 20 % en faveur du
siège 10 3 •

rno Arrêt non publié du 11.7.1935 (Locher, §8,Il,C,2a, N° 7).


rn1 jdT 1963, p. 361.
102 Quelques arrêts résument les principes généralement appliqués par le
Tribunal fédéral; voir notamment jdT 1948, p. 178; 1946, pp. 58 et 59; ATF
56.1.230 ; 36.1.11.
193 jdT 1967, p. 523. Le préciput de 20 % fut partagé à parts égales entre le
canton de siège (où se trouvait la direction d'exploitation) et le canton de la
direction commerciale.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 231

Pour les compagnies de navigation, le criterium choisi est le trafic de


voyageurs et de marchandises dans les ports de chaque canton ; le siège
de l'entreprise a droit à un préciput rn4.
Pour les exploitations agricoles, le Tribunal fédéral se base sur la
valeur de rendement des immeubles ; aucun préciput n'est en principe
accordé au siège 195.
A plusieurs reprises, le Tribunal fédéral a combiné les méthodes
de répartition en fonction du chiffre d'affaires et en fonction des fac-
teurs de production (notamment pour une société de distribution de
gaz 196 et pour une entreprise ayant une activité mixte de fabrication
et de vente au détail 197) ou s'est résigné à une répartition forfaitaire.
li a ainsi partagé en deux parts égales le bénéfice d'une société qui
exploitait une source d'eau minérale, la source se trouvant dans un
canton et le siège commercial de la société dans un autre canton ms.
Dans l'arrêt Tobler (agence immobilière et bureau de construction), le
Tribunal fédéral a fait une répartition 75 % - 25 % lll9. Le bureau de
vente d'une entreprise textile s'est vu attribuer 20 % des bénéfices 200 et
un dépôt de bois 30 % :m. Enfin, le Tribunal fédéral a admis que la
quote-part d'un atelier de réparation et de nettoyage soit déterminée
sur la base du montant de ses frais d'exploitation comparé au montant
global des frais généraux de l'entreprise 202.
Un problème particulier de répartition forfaitaire, ou d'attribution
de préciput, car ces deux notions parfois se confondent, s'est récemment
posé au Tribunal fédéral dans une affaire qui avait des aspects en
même temps internationaux et intercantonaux : une société italienne
avait établi une succursale à Zoug et ouvert un chantier dans le canton
du Valais 20 3 ,

194 JdT 1916, p. 270.


195 JdT 1956, p. 90; 1949, p. 200. Voir aussi l'arrêt du 6.7.1955 (Locher,
§8,II,C,5, N° 11).
196 Arrêt du 24.6.1932 (Locher, §8,11,C,5, N° 5).
197 Arrêt du 26.11.1947 (Locher, §8,11,C,5, N° 7). Dans des cas similaires,
un préciput de 30 % a été accordé au canton de fabrication, le solde du bénéfice
étant réparti en fonction du chiffre d'affaires: arrêts non publiés des 13.10.1922
et 30.4.1937 (Locher, §8,II,C,5, N° 3).
198 ATF 34.1.675. Voir aussi 40.1.197 (répartition 50 % - 50 % correspon-
dant à celle de la fortune), et 32.l.58 (répartition 3/5 - 2/5 afin de tenir compte
des activités du siège: les facteurs de production se répartissaient dans une
proportion 9/10- 1/10).
199 JdT 1970, p. 586.
200 ATF 45.l.178. Voir aussi 40.1.197 (mêmes pourcentages).
201 Arrêt non publié du 8.7.1946 (Locher, §8,II,C,5, N° 6). Voir aussi ATF
33.l.52.
202 ATF 37.I.266.
203 Sem. jud. 1969, p. 225.
16
232 FUSIONS INTERCANTONALES

Lorsqu'une entreprise étrangère exerce une activité en Suisse, la


détermination dt- l'existence d'un établissement stable et la répartition
des bénéfices entre l'Etat de siège et la Suisse sont effectuées, sans
égard à l'article 46, alinéa 2, CF, conformément aux règles contenues
dans l'AIN et les lois cantonales, ou, le cas échéant, dans les conventions
àe double imposition. En revanche, si l'entreprise en cause exerce son
activité dans plusieurs cantons, le bénéfice suisse est réparti entre ces
cantons sur la base des principes établis par le Tribunal fédéral : il est
incontestable qu'une personne physique ou morale étrangère peut in-
voquer l'article 46, alinéa 2, CF 204.
L'application de ces règles aboutit inévitablement à des contradic-
tions. Ainsi, dans l'affaire mentionnée plus haut, la prise en considération
des principes du droit fiscal international : un chantier constitue un
établissement stable, et du droit fiscal intercantonal : un chantier ne
constitue pas une installation permanente, amenait à prétendre que la
société italienne avait un établissement stable en Suisse mais pas dans
le canton du Valais! Il ne restait donc plus qu'à donner au canton de
Zoug le droit d'imposer l'ensemble des bénéfices réalisés en Suisse.
Telle était bien la conclusion embarrassée du Tribunal fédéral mais,
en l'espèce, et poursuivant un raisonnement esquissé dans un arrêt anté-
rieur 2 0 5 , il jugeait qu'on ne pouvait assinüler les relations existant entre
!e siège d'une société suisse et ses établissements cantonaux à celles qui
se créent entre la succursale d'une société étrangère et d'autres établis-
~ements suisses de cette société. Dès lors, la succursale zougoise, dont
l'activité était minime, n'obtenait qu'un « préciput » de 10 %, le solde
des bénéfices étant imposables en Valais.

c) Répartition du bénéfice de liquidation.


La répartition du bénéfice de liquidation d'une société intercantonale,
ou du bénéfice en capita1l réalisé lors de l'aliénation partielle ou totale
d'un établissement stable, joue un rôle particulièrement important en
cas de concentration d'entreprises. Selon la jurisprudence, « ce béné-
fice doit s'ajouter en principe aux autres éléments de rendement pour
être réparti entre les cantons intéressés selon la méthode de répartition
convenant à ce genre d'entreprises )) 2 06 ; dans l'arrêt cité, une société

204 JdT 1923, p. 110 (société allemande d'assurances ayant un établissement


à Zurich et des agences dans divers cantons). Voir aussi jdT 1909, p. 599, et
l'arrêt non publié du 13.11.1926 (Locher, §8,l,D,1, N° 7).
205 Ibid.
206 RDAF 1962, p. 169 (arrêt du 31.5.1961). Voir aussi les arrêts non publiés
des 25.11.1948 et 3.5.1950 (Locher, §8,Il,C,5, N° 9).
ENTREPRISES INTERCANTONALES 233

bernoise exploitant un restaurant dans le canton de son siège avait


transféré ce dernier à Zurich et, quatorze jours plus tard, avait liquidé
le restaurant. Le Tribunal fédéral, estimant que le transfert de siège était
trop récent pour justifier une répartition intercantonale, attribua à Berne
la totalité du bénéfice d'aliénation. A contrario - et c'est en cela que
cette décision est intéressante - Zurich aurait participé à l'imposition
du bénéfice, si l'aliénation n'avait pas été effectuée aussi rapidement.
La répartition du revenu, comme celle de la fortune, comprend deux
phases : (i) la détermination des quotes-parts cantonales et (ii) ta déter-
mination du montant imposable correspondant à ces quotes-parts.
La délimitation des compétences cantonales a provoqué certaines
difficultés, particulièrement en cas d'utilisation de la méthode directe,
confondue, parfois, avec la méthode du cloisonnement. Les cantons, ou,
en cas de litige, le Tribunal fédéral, fixent les quotes-parts en se basant
sur le rapport des soldes des comptes de profits et pertes des divers
établissements : les cantons doivent prendre en considération les résul-
tats comptabilisés, sans ajouter à ceux-ci les charges (impôts, amortis-
sements, etc.) que le droit fiscal cantonal ne permet pas de déduire 207 •
Seules les erreurs de calcul et les inscriptions erronées peuvent être re-
dressées ; d'autres modifications des comptes ne pourraient être admises
que si elles donnaient réellement une meilteure image du bénéfice de
l'établissement par rapport au bénéfice global de l'entreprise 208.
Les quotes-parts une fois déterminées, chaque canton est libre de
calculer te bénéfice total de l'entreprise selon sa propre loi 2 00 - et pour
ce faire il peut exiger du contribuable qu'il lui donne toutes tes infor-
mations nécessaires 210 - et d'imposer le pourcentage de ce bénéfice
qui lui a été attribué ; un canton n'est pas autorisé, en revanche, à
imposer un montant égal à sa quote-part du bénéfice total comptabilisé,
augmenté des charges dont il n'admet pas la déduction 211.

201 jdT 1946, pp. 58 et 59. Cet arrêt est parfois cité à tort comme indiquant
les limites du droit de reprise en droit fiscal suisse. Or, il ne s'agit que des
redressements autorisés lors de la détermination des quotes-parts, et non pas
du bénéfice imposable. Voir aussi Archives 42, p. 346 (arrêt du 2.6.1971) ; ATF
93.l.415; l'arrêt non publié du 6.4.1955 (Locher, §8,11,C,la, N° 9); ATF 42.1.130.
208 Une provision pour ducroire, par exemple, doit être mise à la charge
de la succursale ou des succursales qui ont conclu des affaires risquées :
Archives 42, p. 346 (arrêt du 2.fl.1971).
200 jdT 1946, pp. 61 et 62. Voir aussi l'arrêt non publié du 11.7.1946 (Locher,
§8,11,C,lb, N• 7); ATF 56.l.231, et les arrêts cités dans la note 144, ci-dessus.
210 jdT 1946, p. 62, et arrêts cités.
211 Voir l'exemple (concernant des amortissements) figurant dans jdT 1929,
p. 139.
234 FUSIONS INTERCANTONALES

C. PROBLÈMES DE RÉPARTITION EN MATIÈRE IMMOBILIÈRE 2 12,

La répartition des actifs et bénéfices d'une entreprise intercantonale


n'est pas une affaire particulièrement simple. Mais elle se complique
encore singulièrement si l'entreprise en cause possède, ou aliène, des
immeubles.
Sans doute, pourrait-on simplement et brièvement écrire que « selon
la jurisprudence constante du TF, les immeubles sont en principe soumis
à l'impôt au lieu de leur situation, pour leur valeur, leur rendement et
les bénéfices en capital réalisés lors de leur liquidation » 2 13 • Mais
l'application de ce principe n'est pas uniforme, selon qu'une société a
pour but exclusif d'acquérir, exploiter et aliéner des immeubles (société
immobilière pure) ; qu'elle détient des biens immobiliers à titre de pla-
cement, exerçant par ailleurs une activité industrielle ou commerciale ;
ou qu'elle utilise des immeubles dans son exploitation (fabrique, bureaux,
exploitation agricole, etc.). La situation est encore compliquée par le
prélèvement d'impôts spéciaux de nature réelle (impôt immobilier, impôt
sur les gains immobiliers).
Le Tribunal fédéral considère que le droit d'imposition du canton
de situation de l'immeuble est une émanation de la souveraineté terri-
toriale. Il a parfois affirmé, on l'a vu, qu'un immeuble ne créait pas un
domicile fiscal secondaire. En fait, le Tribunal fédéral voulait dire que
si le droit d'imposition du canton de situation est absolu ( et que par
conséquent le droit d'imposition d'autres cantons est exclu), il est aussi
limité : dans la mesure où l'immeuble ne sert pas à l'exploitation de
l'entreprise, il ne constitue pas un établissement stable et ne crée aucun
droit à l'imposition d'autres actifs ou bénéfices de cette entreprise 214 •
Tel est le cas des immeubles d'une société financière 215 ou immobi-
lière 216 ; des terrains de réserve d'une société industrielle 2 11 ; et, surtout,
des immeubles acquis à titre de placement par une banque ou une

212 jean-Blaise Paschoud, L'imposition des immeubles et de leur rendement


en droit fiscal intercantonal; thèse Lausanne, 1970. Voir aussi, du même auteur :
Quelques aspects de l'imposition des gains immobiliers en droit fiscal inter-
cantonal ; RDAF 1970, p. 285. Consulter également: Ulrich Datwyler, Die
Behandlung von Unternehmungsliegenschaften im interkantonalen Steuerrecht ;
Diss. St. Galien, 1969, et Ferdinand Zuppinger, Die Besteuerung des Liegen-
schaftenhandlers im interkantonalen Verhaltnis unter besonderer Berücksich-
tigung des zürcherischen Steuerrechtes; Verlag Stampfli & Cie A.G., Bern 1971.
213 Arrêt non publié du 4.2.1946 (Locher, §7,l,A,1, N° 9).
214 RDAF 1971, p. 350 (arrêt du 9.12.1969); ATF 74.l.451.
215 Archives 27, p. 408 (arrêt du 20.11.1957).
216 jdT 1954, p. 22.
211 jdT 1954, p. 80.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 235

société d'assurances. En revanche, les immeubles servant à l'exploitation


(fabriques, terrains agricoles, etè.) sont soumis aux règles ordinaires
de répartition 21s.

1. Répartition de l'actif et du passif.

Il s'agit de savoir de quelle manière, et sous déduction de quelles


dettes, le canton de situation peut imposer un immeuble, et dans quelle
mesure les autres cantons, notamment le canton du siège, doivent faire
abstraction de l'immeuble en cause.
Le Tribunal fédéral a reconnu le droit du canton de situation de
prélever un impôt réel (impôt foncier), sans défalcation d'aucune dette,
ou sous déduction uniquement des dettes grevant les immeubles en
question. Seule est alors inadmissible une discrimination à l'égard des
propriétaires fonciers domiciliés hors du canton 21 0 ou à l'égard des
propriétaires dont les créanciers hypothécaires sont domiciliés hors du
canton : si la défalcation des dettes hypothécaires est admise, elle doit
l'être pour tout contribuable, quel que soit le domicile du créancier 220.
Au contraire, si l'impôt prélevé par le canton de situation est un
impôt personnel (imposition de la fortune nette), ce canton est tenu
d'accorder une déduction des dettes proportionnelle au rapport existant
entre la valeur de l'immeuble et la valeur de tous les actifs de la
société 221. Quant à la détermination de ce rapport, qui dépend des
valeurs attribuées aux divers actifs, le Tribunal fédéral n'a pas défini-
tivement fixé de méthode d'évaluation, ni jugé qu'un canton devait
évaluer les actifs dans un autre canton selon les règles appliquées par
cet autre canton. Il exige, en revanche, que tous les actifs soient évalués
par chaque canton selon une méthode uniforme 222, ce qui revient à
dire que si le Tribuna1l fédéral n'impose pas et n'applique pas une
méthode déterminée, il est nécessairement amené à faire un choix dans
les cas où deux cantons appliquent des règles différentes 223.
La présence d'immeubles hors du canton n'empêche pas le canton
du siège de prélever un impôt sur le capital et les réserves d'une so-
ciété, mais elle l'oblige à faire abstraction des immeubles en question
en calculant le montant des fonds propres 224 •

21s RDAF 1971, p. 351 (arrêt du 9.12.1969) ; JdT 1952, p. 348.


219 JdT 1971, p. 98 ; 1968, p. 617; 1961, p. 111.
220 JdT 1925, p. 629.
221 JdT 1961, p. 111.
222 RDAF 1958, p. 300 (arrêt du 6.11.1957) ; JdT 1954, p. 22.
223 ATF 87.1.121 ; Archives 35, p. 439 (arrêt du 15.9.1965).
224 JdT 1954, p. 22.
236 FUSIONS INTERCANTONALES

2. Répartition des bénéfices immobiliers.

a) Rendement des immeubles.


A nouveau, le prélèvement d'un impôt réel, sans aucune déduction,
ne viole pas l'article 46, alinéa 2, CF (sous les réserves déjà notées),
même si le canton du siège, de son côté, n'accorde qu'une déduction
proportionnelle des intérêts et frais à la charge de la société, créant
ainsi une double imposition effective.
Plus souvent, les deux ou plusieurs cantons en présence prélèvent
chacun un impôt personnel. Les règles suivantes sont alors applicables.
1) Le canton de situation ne peut imposer que le rendement net des
immeubles. Que faut-il entendre par rendement net? Le Tribunal fédé-
ral a pris position il y a une trentaine d'années dans une série de
décisions bien connues 2 2°. Le rendement brut est diminué des frais d'en-
tretien 22s, et de tout ou partie des intérêts passifs, qui sont à déduire
en première ligne des revenus de la fortune 221 :

- Si le contribuable ne doit l'impôt sur le revenu des capitaux que


dans le canton de situation de l'immeuble (n'ayant, par exemple, qu'un
revenu commercial dans le canton du siège), les intérêts sont d'abord
déduits du rendement de l'immeuble et seul l'éventuel excèdent de ces
intérêts et des frais d'entretien pourra être déduit des revenus impo-
sables dans le canton de siège.
- Si le contribuable doit l'impôt sur ·le revenu des capitaux dans
deux ou plusieurs cantons (ce qui est généralement le cas d'une société),
les intérêts passifs sont déductibles du rendement de l'immeuble propor-
iionnellement au rapport existant entre la valeur des immeubles et la
valeur totale des actifs de la société. Si, comme dans l'arrêt Koch, le
montant des intérêts déductibles dans le canton du siège dépasse le
montant du revenu imposable dans ce canton, l'excédent est déduit des
revenus immobiliers imposables dans le canton de situation.

En ce qui concerne les compagnies d'assurances, la déduction pro-


portionnelle tient également compte des intérêts afférents au capital de
couverture des assurances-vie ; ces intérêts sont aujourd'hui calculés
sur la base du taux moyen de l'intérêt hypothécaire suisse et non plus

225 Arrêt Ruf: JdT 1937, p. 477; arrêt Koch: jdT 1940, p. 337; arrêt
Ganz : JdT 1940, p. 468.
22s Voir aussi JdT 1954, p. 22.
221 ]dT 1973, p. 3.
ENTREPRISES INTERCANTONALES 237

sur la base de l'intérêt technique 2 28• En revanche, la déduction propor-


tionnelle ne porte pas sur les « intérêts » afférents aux réserves tech-
niques des assurances-accidents 229.
2) Le canton de situation ne peut imposer une part des bénéfices
d'exploitation de l'entreprise. Dans la mesure où l'immeuble ne sert pas
à l'exploitation :i 30, le droit d'imposition du canton de situation est stric-
tement limité aux revenus immobiliers 231. Mais ce canton n'a pas à
déduire des revenus en question une part proportionnelle des frais géné-
raux et des pertes d'exploitation de l'entreprise 232.
li est immédiatement apparent que l'application de ces règles peut
avoir pour résultat que le total des revenus immobiliers imposés par le
canton de situation soit supérieur au revenu net total de l'entreprise. Le
Tribunal fédéral a déclaré, répété et confirmé que cette situation ne cons-
tituait pas une double imposition contraire à l'article 46 CF 233 , et,
sans exclure un réexamen du problème 234, il a pris soin de répondre aux
critiques de la doctrine 235,
Si la position du Tribunal fédéral est, en effet, critiquable, il ne faut
pas oublier qu'elle concerne (et éventuellement désavantage) avant tout
les grandes compagnies d'assurances qui, selon une jurisprudence plus
critiquable encore, ne sont imposées que dans le canton de leur siège. Le
jour où elles seront imposables dans chaque canton en fonction, par
exemple, des primes encaissées, il sera plus facile d'admettre la relation
existant entre leur activité commerciale et leurs placements immobiliers.

b) Gains en capitaux.
Le revenu d'un immeuble soumis à la souveraineté fiscale du canton
où il est situé comprend aussi le bénéfice en capital réalisé sur la vente
de cet immeuble, ou sur la cession d'un droit d'emption 23 6. Ce principe
est applicable sans égard au fait que le bénéfice d'aliénation est soumis
à l'impôt ordinaire sur le bénéfice ou à un impôt spécial 23 7 ; si l'impôt

228 JdT 1969, p. 515; 1968, p. 285.


229 JdT 1954, p. 499.
230 Voir ci-dessus, note 218.
231 JdT 1968, p. 285 ; RDAF 1964, p. 280 (arrêt du 6.11.1963) ; jdT 1953,
p. 345.
232 jdT 1940, p. 468.
233 JdT 1968, p. 285; RDAF 1958, p. 294 (arrêt du 20.11.1957).
234 JdT 1968, p. 285.
235 jdT 1967, p. 119.
236 JdT 1968, p. 311; 1958, p, 211.
237 RDAF 1969, p. 114 (arrêt du 13.12.1967).
238 FUSIONS INTERCANTONALES

ordinaire est prélevé, le canton de situation peut prendre en considé-


ration, pour en déterminer le taux, l'ensemble des revenus du contri-
buable 23s.
Le canton de situation conserve son droit d'imposition, même si le
bénéfice est dû à l'activité personnelle du vendeur 239 , telle que l'activité
d'architecte d'une société immobilière 240, et l'éventuel bénéfice d'entre-
prise, par opposition au gain immobilier proprement dit, est assimilé à
ce dernier, à tout le moins si les contrats d'entreprise et de vente sont
étroitement liés 241.
Dans ces cas, cependant, le canton de situation doit opérer diverses
déductions 242, du gain immobilier, et, le cas échéant, du rendement
immobilier 243 :
- les impôts immobiliers 244, pour autant que la loi fiscale cantonale
admette la déduction des impôts 245 ;
- les honoraires d'architecte 246 ;

- les frais et intérêts, tels qu'intérêts sur les crédits de construction,


déboursés pour obtenir le bénéfice en cause. Il s'agit d'une déduction
intégrale et non, contrairement au principe général, d'une déduction
proportionnelle 241 ; le canton du siège n'est pas tenu de déduire un
éventuel excédent des frais et intérêts lorsque le montant du gain im-
mobilier est trop faible pour permettre une déduction complète au lieu
de situation 248 ;
- les pertes d'exploitation subies sur le territoire du canton de
situation pendant la même année 24 9.

On notera que le canton de situation est tenu d'effectuer ces déduc-


tions même si, selon sa propre législation - prévoyant par exemple un
impôt réel - elles ne seraient pas autorisées 250.

238 Ibid.
239 JdT 1954, p. 118.
240 ATF 92.1.461 (extraits dans RDAF 1967, pp. 307 et ss.).
241 jdT 1958, p. 58.
242 Archives 33, p. 298 (arrêt du 18.12.1963).
243 ATF 92.1.461.
244 Ibid.
245 jdT 1968, p. 313.
246 Ibid.
247 ATF 88.1.337.
248 RDAF 1967, p. 303 (arrêt du 9.11.1966).
249 jdT 1967, p. 315.
250 RDAF 1967, p. 303 (arrêt du 9.11.1966) ; Archives 36, pp. 65 et 66
(arrêt du 27.4.1966).
ENTREPR !SES INTERCANTONALES 239

Le principe de l'imposition exclusive au lieu de situation n'est pour-


tant pas absolu :
1) Si l'immeuble dépend d'un établissement stable situé dans le canton,
le gain immobilier est imposable conformément aux règles habituelles
de la répartition intercantonale 251. Le Tribunal fédéral semble pourtant
admettre que si la plus-value est due uniquement à des causes exté-
rieures, sans rapport avec l'exploitation, l'imposition devrait à nouveau
être réservée au canton de situation 252.
2) Si le bénéfice réalisé est ttn simple bénéfice comptable provenant
d'amortissements antérieurs, sans que le prix de vente soit supérieur au
prix d'acquisition, ce bénéfice est imposable dans le canton du siège 25 3 •
3) Le bénéfice réalisé par l'obtention d'une dédite est en principe
imposable au lieu du siège 254.
Il importe, enfin, de signaler que le gain provenant de la vente des
actions d'une société immobilière peut également être imposable au lieu
de situation des immeubles détenus par la société. Le Tribunal fédéral
avait d'abord jugé qu'une telle imposition ne se justifiait qu'en cas
d'aliénation de toutes les actions d'une société purement immobilière 255 •
Plus tard, il a appliqué la même règle à la vente de la « très grande
majorité » des actions 256, ainsi qu'à ia vente des actions d'une société
qui exploitait dans son immeuble un hôtel et restaurant 257.

D, MODALITÉS D'IMPOSITION ET DROITS DES CANTONS DANS LE CADRE


DE L'ARTICLE 46, ALINÉA 2, CF.

On a déjà noté, dans les pages qui précèdent, notamment en matière


immobilière, certains des droits des cantons à l'imposition des entreprises
intercantonales, et certaines des limites ou restrictions fixées à l'exercice
de ces droits (voir notamment la distinction entre la détermination des
quotes-parts et le calcul de la fortune ou du bénéfice imposable).

251 JdT 1954, pp. 118 et 125.


252 JdT 1958, pp. 56 et 57.
253 JdT 1954, pp. 118 et 125; arrêt du 7.10.1953 (L-Ocher, §8,ll,C,5, N° 10).
254 Archives 29, p. 198 (arrêt du 3.6.1959).
255 JdT 1959, p. 557.
256 RDAF 1966, p. 279 (arrêt du 26.2.1964). Cette jurisprudence a été
récemment confirmée (jdT 1973, p. 290).
2°1 JdT 1967, p. 301. Cette jurisprudence a été récemment confirmée en
matière d'IDN, dans un cas où l'aliénateur ne détenait qu'une minorité des
actions mais faisait partie d'un groupe majoritaire (ATF 97.1.167).
240 FUSIONS INTERCANTONALES

La répartition intercantonale des actifs et bénéfices est de la com-


pétence du Tribunal fédéral, sans que ce dernier soit lié par un arran-
gement pris par deux ou plusieurs cantons 258. De leur côté, les cantons
ne peuvent empiéter sur la souveraineté les uns des autres, même lors-
qu'un canton n'impose pas, ou n'impose pas complètement, la part qui
lui revient : l'article 46, alinéa 2, CF interdit la double imposition vir-
tuelle 25 9, Quant au contribuable, il peut exiger, sauf en matière immo-
bilière, que son revenu imposable ne dépasse pas son revenu net total 200.
li peut également exiger qu'un canton dont il n'est pas résident ne
l'impose pas plus lourdement qu'il n'impose ses résidents 261, ni plus
lourdement que la loi ne le permet 26 2 • C'est dire que l'interdiction de la
double imposition englobe aussi, dans certains cas, celle d'une imposi-
tion discriminatoire. Ainsi, une société non résidente a pu se plaindre
qu'un canton !'imposât selon les principes applicables aux personnes
physiques 263. En revanche, il a été jugé que l'article 46 CF n'était pas
violé si un commerçant ayant un immeuble dans un canton et une
exploitation dans un autre était imposé sur le gain en capital provenant
de l'aliénation de l'immeuble sur la base des dispositions concernant
les gains en capital des non-commerçants 204.
Les cantons sont libres de choisir leur système fiscal 2 6 5 et d'appliquer
leurs lois sans restriction, le Tribunal fédéral n'ayant d'ailleurs pas
le pouvoir d'interpréter ces lois, sauf en cas de violation d'une consti-
tution cantonalè ou de la constitution fédérale. La loi cantonale est
ainsi seule déterminante pour la fixation des périodes de calcul et de
taxation 266 et le fait que l'impôt sur le bénéfice de liquidation soit
calculé sur une base annuelle n'est aucunement contraire à l'article
46 CF 261. En outre, un canton, partant de la fiction qu'une entreprise
intercantonale est entièrement soumise à son pouvoir fiscal, peut prendre
en considération tous ses revenus et l'ensemble de ses actifs, calculés

258 ATF 91.1.279.


259 jdT 1968, p. 308.
260 jdT 1968, p. 285.
261 RDAF 1964, p. 280 (arrêt du 6.1 l.1963).
262 RDAF 1967, p. 293 (arrêt du 27.4.1966).
203 Sem. Jud. 1949, p. 305.
264 RDAF 1964, p. 280 (arrêt du 6.l l.1963).
265 jdT 1923, p. 139. En ce qui concerne le droit des cantons de prélever
des impôts minima, voir jdT 1971, p. 98 (impôt immobilier minimum) et ATF
96.1.560 (impôt minimum sur le chiffre d'affaires).
266 RDAF 1962, p. 168 (arrêt du 10.2.1960). Lorsque le partage doit être
effectué entre un canton à taxation annuelle et un canton à taxation bisannuelle,
les quotes-parts sont calculées chaque année (Archives 42, p. 346 ; ATF 97.1.36).
267 Arrêt du 25.11.1948 (Locher, §10,11, N° 17).
CONDITIONS D'UN RÉGIME COMMUN 241

selon la loi du canton 26s, pour déterminer le taux de l'impôt 269. Quant
à ce dernier, le fait qu'il soit plus ou moins élevé ne peut donner lieu à
un cas de double imposition 270.

Section Ill.

DIFFICULTÉS ET CONDITIONS D'UN RÉGIME COMMUN


DES CONCENTRATIONS INTERCANTONALES

A. GÉNÉRALITÉS.

L'élaboration d'un régime fiscal des concentrations intercantonales


soulève deux problèmes distincts. Le premier est le problème (préalable)
d'assujettissement, le second est un problème de répartition.
En cas de fusion ou de scission, la société reprise, qu'elle soit dissoute
ou liquidée, cesse naturellement d'être assujettie aux impôts du canton
où elle avait son siège - comme d'ailleurs de tout autre canton. Ce qui
importe alors, en premier lieu, c'est de déterminer si la société reprenante,
par suite de la fusion, se constitue un domicile fiscal secondaire dans
le canton de la société reprise, substituant son propre assujettissement
(limité) à l'assujettissement (illimité) de la société dont elle reprend le
patrimoine. Si tel n'est pas le cas, il est évident que ce canton perd tout
droit à l'imposition ultérieure des bénéfices d'exploitation et de liqui-
dation de son ancienne société. De son point de vue, et dans l'hypothèse
où la CF le laisse libre d'édicter et d'appliquer les dispositions de son
choix 2 71, l'imposition immédiate des réserves cachées de la société reprise
est alors inévitable.
Compte tenu de la définition de !' « établissement stable » donnée par
le Tribunal fédéral, il sera exceptionnel que la société reprenante ne soit
pas assujettie aux impôts du canton de la société reprise. En outre, le
fait que cette dernière société ne se transforme pas en établissement
stable de la société reprenante n'aura souvent qu'une importance res-
treinte, soit parœ que la société reprenante n'en aura pas moins un

2as Arrêt non publié du 23.12.1965 (Locher, §10,III,B,1, N° 10).


269 RDAF 1969, p. 114 (arrêt du 13.12.1967) ; RDAF 1962, p. 172 (arrêt
du 6.7.1960).
270 A TF 46.I.44.
271 Seule cette hypothèse nous intéresse ici. Il va de soi que si la CF interdit
toute imposition des plus-values en cas de transfert de siège et de fusion inter-
cantonale, la mise au point d'un régime spécial est superflue. Voir ci-dessus,
Section 1, litt. B, pp. 195 et ss.
242 FUSIONS INTERCANTONALES

domicile fiscal secondaire dans le canton de la société repri·se (par


exemple, dans le cas de l'absorption d'une société immobilière), soit
parce que les plus-values de la société dissoute (telle une pure holding)
seront exonérées d'impôt.
La prise en considération du seul problème d'assujettissement permet
d'envisager un système de sursis extrêmement simple, conformément
auquel le canton de la société reprise devrait renoncer à toute impo-
sition des réserves cachées de cette société, dans la mesure où l'apport
de fusion entraîne la création, sur son territoire, d'un domicile fiscal
secondaire (établissement stable ou immeuble) de la société reprenante.
Mais la création d'un tel domicile ne suffit pas nécessairement à
garantir au canton de la société reprise, ni l'imposition ultérieure de
la totalité des plus-values de cette société, ni une imposition de profits
annuels qui corresponde à celle qui lui était assurée avant la concentra-
tion. Il s'ajoute, en effet, au problème d'assujettissement un problème de
répartition qui, on l'a vu dans la section précédente, n'est pas particulière-
ment simple, et dont il conviendra d'examiner de plus près l'incidence en
matière de concentration intercantonale. Si l'on doit conclure qu'une
fusion porte atteinte aux droits potentiels du canton de la société
œprise, même lorsque la société reprenante est assujettie à ses impôts,
le régime de sursis ne peut plus être uniquement subordonné à la création
d'un domicile secondaire, c'est-à-dire à la solution du problème d'assu-
jettissement. Il devient indispensable, si l'on veut que le régime adopté
soit équitable, de reconnaître au canton de la société reprise un droit
d'imposition immédiate de toutes les plus-values dont la taxation ulté···
rieure ne lui est pas garantie par l'application des règles de répartition
formulées par le Tribunal fédéral.
En cas de pseudo-fusion ou d'apport partiel, le problème d'assu-
jettissement se pose un peu différemment. En effet, la société apporteuse,
qui n'est pas dissoute, demeure soumise aux impôts du canton où elle
a son siège. Si, comme nous l'avons proposé 272 , elle est autorisée à
inscrire à son bilan les actions qui rémunèrent son apport à la valeur
vénale de cet apport, sans taxation de la plus-value qui en résulte, l'assu-
jettissement se pose un peu différemment. En effet, la société apporteuse,
siège aucune garantie relative à l'imposition ultérieure des plus-values
afférentes au patrimoine apporté ; comme en cas de fusion, cette ga-
rantie est alors liée au problème d'assujettissement de la société repre-
nante et au problème de répartition intercantonale. En revanche, si les
titres remis à la société reprise sont inscrits à la valeur comptable de
l'apport, le canton de siège conserve, de manière indkecte, un droit

212 Voir Première Partie, Chapitre II, pp. 27 et ss.


CONDITIONS D'UN RÉGIME COMMUN 243

potentiel d'imposition sur les plus-values afférentes à cet apport, même


si la concentration n'entraîne aucun assujettissement de la société repre-
nante dans le canton en cause.

B. PROBLÈMES DE RÉPARTITION.

1. Fusion et scission.

Si la méthode de répartition des bénéfices de la société reprenante


est la méthode directe (telle qu'elle a été décrite dans la section précé-
dente), il 1semble, de prime abord, que la fusion ne modifie guère la
situation du canton de la société reprise : cette société, transformée en
succursale de la société reprenante, poursuit son exploitation, dont les
résultats se reflètent dans une comptabilité séparée, sans changement
notable ; si la succursale aliène certains de ses actifs, ou si la société
reprenante est liquidée, les bénéfices réalisés sur les biens de la suc-
cursale (Y compris son éventuel goodwill) seront imposables dans le
canton où elle exerce son activité 21a.
En réalité, et malgré le « cloisonnement des profits » qui caractérise
la méthode directe, le canton de la société reprise peut voir sa part
de bénéfices (d'exploitation et de liquidation) sensiblement réduite,
notamment pour les raisons suivantes.
-- Le canton où la société reprenante a son siège va probablement
bénéficier d'un préciput, qui traduit en termes fiscaux le déplacement
du centre de l'administration de l'ancienne société reprise vers le canton
de la société reprenante.
- Certains biens mobiliers de la société reprise seront peut-être
transférés, ou simplement attribués (par exemple, les titres de sociétés
filiales) au siège de la société reprenante, et les revenus afférents à ces
actifs, qu'il s'agisse de rendements périodiques ou, ce qui est plus
important encore, de gains en capital, n'apparaîtront pas dans les comptes
de la succursale.
- Si la société reprenante subit des pertes (tant d'exploitation que
d'aliénation ou de liquidation) hors du canton de la société reprise,
celui-ci devra souffrir qu'elles soient déduites des bénéfices de la suc-
cursale.

21s Rappelons que, selon la jurisprudence (RDAF 1962, p. 169 ; arrêt du


31.5.1961), le bénéfice de liquidation «doit s'ajouter en principe aux autres
éléments du rendement pour être réparti entre les cantons intéressés selon la
méthode de répartition convenant à ce genre d'entreprise».
244 FUSIONS INTERCANTONALES

L'utilisation des autres méthodes de répartition (fondées sur Ie chiffre


d'affaires, sur les facteurs de production, etc.) se heurtera à des diffi-
cultés similaires et créera même parfois des distorsions plus accentuées :
faute de comptabilités séparées, les bénéfices en capital réalisés (lors
d'une aliénation ou d'une liquidation ultérieure) sur des actifs qui ap-
partenaient autrefois à la société reprise seront répartis entre les cantons
en cause, au lieu d'être attribués exclusivement au canton de la société
reprise. On peut illushier ce problème par l'exemple suivant : la société A
du canton X exploite dans ce canton une petite fabrique, dont les
!:Omptes sont généralement équilibrés ; la fabrique et le terrain sur
lequel elle est édifiée ont été amortis au cours des ans et leur valeur
comptable est considérablement inférieure à leur valeur vénale. La so-
ciété A est absorbée par la grosse société B du canton Y, dont les
profits, après la fusion, sont répartis entre les cantons X et Y selon
la méthode fondée sur les facteurs de production. Après une année ou
deux, la société B aliène la fabrique du canton X et réalise un bénéfice en
capital important : la majeure partie de ce bénéfice est attribuée au
canton Y 214, alo11s que, préalablement à la fusion, une telle plus-value
aurait naturellement été soumise à l'imposition exclusive du canton X.
Par ailleurs, il peut arriver que la société reprise, au moment de la
concentration, soit une société intercantonale, exploitant un commerce
0u une industrie, ou possédant des immeubles dans d'autres cantons que
ce!ui de son siège. Il faut tenir compte des prétentions de ces cantons. S'il
leur est indifférent que le préciput vraisemblablement accordé au canton
de la société reprise, avant la fusion, le soit ensuite au canton de la
société reprenante, ils peuvent, en revanche, voir leurs droits mis en
péril par un changement de méthode de répartition, ou par l'obligation
de prendre en charge une partie des pertes de la société reprenante. Il
ne fait pas de doute, cependant, que la situation des cantons tiers est
sensiblement moins influencée par une concentration que celle du canton
de la société reprise.

2. Pseudo-fusion et apport partiel.

Les motifs (perte de préciput, transferts de biens, répartition de


pertes, etc.) qui peuvent faire hésiter le canton de la société reprise, en
cas de fusion, à accorder un régime de sursis uniquement subordonné
à la constitution sur son territoire d'un domicile secondaire de la société

274 Les biens immobiliers servant à l'exploitation d'une entreprise sont soumis
aux règles ordinaires de répartition, et non à l'imposition exclusive du canton
de situation (voir, par exemple, arrêt du 9.12.1969; RDAF 1971, p. 350).
CONDITIONS D'UN RÉGIME COMMUN 245
reprenante, jouent un rôle équivalent en cas de pseudo-fusion ou d'apport
partiel. Ces opérations, cependant, entraînent en principe la création
d'une situation de double imposition qui peut, le cas échéant, assurer
au canton de la société reprise une garantie supplémentaire. Son exis-
tence dépend, d'une part, on l'a noté déjà, des règles applicables à
la comptabilisation des titres de la société reprenante, et, d'autre part,
du régime fiscal accordé à la société apporteuse. Si celle-ci devient -
notamment à la suite d'une pseudo-fusion - une holding pure, dont les
bénéfices (tant les dividendes que les gains en capital) sont exonérés
de tout impôt, il n'y a alors aucune double imposition et la situation
du canton de siège est effectivement la même qu'en cas de fusion. Si
la société reprise ne jouit pas d'un privilège holding, ou si ce privilège
est restreint aux dividendes, le canton de siège obtient une garantie
supplémentaire (indirecte) à l'imposition ultérieure des plus-values du
patrimoine apporté, dans la mesure où les titres reçus en échange de
ce patrimoine sont comptabilisés à la même valeur que l'était l'apport
lui-même. En matière de revenus d'exploitation, la garantie supplé-
mentaire (indirecte elle aussi) que pourrait constituer l'imposition des
dividendes encaissés par la société apporteuse est évidement aléatoire
(la société reprenante n'est nullement obligée de déclarer des dividendes)
et exceptionnelle (les dividendes bénéficiant le plus souvent d'un privilège
fiscal).

3. Conclusions.

Les conséquences d'une concentration intercantonale pour le canton


de la société reprise peuvent être groupées en deux catégories.
i) Conséquences du «transfert de siège». Dans la mesure où la socié-
té reprise (telle une société holding ou financière, ou une société de
brevets) ne se transforme pas en établissement stable de la société
reprenante, son absorption a exactement les mêmes conséquences que
le transfert de son siège dans un autre canton. De toute évidence, ces
deux opération:> doivent être traitées de manière identique. Si l'on fait
abstraction de dispositions constitutionnelles (les articles 4 et 46, ali-
néa 2, CF) dont la portée, discutée en doctrine, n'a jamais été précisée
par le Tribunal fédéral, on ne peut que reconnaître le droit du canton
de siège à l'imposition immédiate (sauf, le cas échéant, en cas de
pseudo-fusion ou d'apport partiel) des réserves afférentes aux partici-
pations, brevets et autres actifs d'une société reprise dont l'assujettis-
sement, à jamais interrompu, n'est pas remplacé par l'assujettissement
de la société reprenante.
246 FUSIONS INTERCANTONALES

L'absorption d'une société qui se transforme en établissement stable


correspond également (mais non point exclusivement) à un transfert de
siège : la perte éventuelle de certains revenus mobiliers, l'obligation de
déduire un préciput en faveur du nouveau siège, sont des effets com-
muns aux deux opérations. Ici encore, on imaginerait mal que leur traite-
ment -- qui reste à définir - ne soit pas harmonisé.
ii) Conséquences liées aux méthodes de répartition. Le fait qu'une
société cantonale (sans domicile fiscal hors de son canton de siège),
imposée sur la base de sa comptabilité, soit reprise par une société
d'un autre canton n'entraîne pas seulement les conséqences d'un trans-
fert de siège. L'absorption peut encore conduire, notamment lorsque
les profits de la société issue de la fusion sont répartis selon une mé-
füode indirecte, à certains déplacements de bénéfices (d'exploitation et de
liquidation) au détriment du canton de la société reprise, ou, plus rare-
ment, à son avantage.
Il en va de même lorsqu'une société intercantonale est absorbée par
une société d'un autre canton et que la concentration entraîne un chan-
gement de la méthode de répartition appliquée jusqu'alors aux profits
de la société reprise. Ce changement, par ailleurs, peut également modi-
fier la situation des cantons tiers dans lesquels la société reprise, ou
la société reprenante, entretenait un établissement stable.

C. PROJET D'ACCORD INTERCANTONAL OU DE LOI UNIFORME.

1. Régimes possibles.

Les considérations qui précèdent laissent entrevoir trois manières


au moins de régler le traitement fiscal des transferts de siège et des
concentrations intercantonales.

a) Sursis inconditionnel.
Le premier système, de loin le plus simple, et à notre avis le seul
eonforme à la CF, consiste à accorder une exonération complète aux
plus-values de la société reprise, pour autant que le patrimoine apporté
soit repris à sa valeur comptable par la société reprenante, et pour
autant, aussi, que les concentrations cantonales bénéficient du même
régime.
Si nous avons, en principe, écarté cette solution, c'est qu'elle nous
paraît peu réaliste et difficilement susceptible d'être admise par les
cantons, tant que le problème constitutionnel demeurera irrésolu. Mais,
peut-être, sommes-nous trop pessimiste, puisque, sauf erreur d'inter-
CONDITIONS D'UN RÉGIME COMMUN 247

prétation, le régime du sursis inconditionnel a été adopté dans le projet


d'une loi cantonale uniforme rédigé par le Comité des directeurs canto-
naux des finances et des chefs des Administrations cantonales des contri-
butions. En effet, si l'article 74 de ce projet, cité dans le précédent
chapitre 215, prévoit un régime de sursis en faveur des fusions et des
scissions (sans préciser d'ailleurs s'il ne vise que les seules concentra-
tions cantonales), l'article 73 contient la disposition suivante :
« Ne rentrent pas dans le bénéfice imposable :

b) le transfert du siège, de l'administration ou d'un établissement


stable dans un autre canton, dans la mesure où ce transfert n'entraîne
ni aliénation, ni revalorisation comptable».
Ce texte, repris dans la récente loi argovienne 276, n'est malheureu-
sement pas clair. De toute évidence, les simples transferts de siège
jouissent d'une exonération sans condition (sinon celle du maintien des
valeurs comptables). D'autre part, il ne paraît pas contestable que des
transferts effectifs de biens et même d'un « établissement stable » d'un
canton dans un autre n'entraînent aucune conséquence fiscale. En re-
vanche, le terme d' «aliénation» pourrait signifier que l'apport de fusion
d'une société d'un canton à une société d'un autre canton ne bénéficie
pas du même régime. La logique veut cependant, pensons-nous, que
l'effet cumulatif des articles 73 et 74 du projet entraîne l'octroi d'un
sursis aux fusions intercantonales, ou, en d'autres mots, qu'une alié-
nation effectuée dans le cadre d'une concentration prévue à l'article 74
ne soit pas considérée comme une «aliénation», au sens de l'article 73.

b) Sursis lié à l'assujettissement de la société reprenante.


La Commission de la CEE, dans sa proposition de directive concer-
nant le régime fiscal commun applicable aux fusions internationales 2 77 ,
a prévu un régime de sursis subordonné à la condition que les biens
apportés soient rattachés comptablement ou, pour certains, effectivement,
à un établissement stable de la société reprenante dans l'Etat dont
relevait la société reprise (article 4 de la directive).
S'il est tentant d'adapter ce système aux concentrations quasi-inter-
nationales que sont les fusions intercantonales, il faut reconnaître,
cependant, qu'il est plus facile d'établir un reg1me international satis-
faisant qu'un régime intercantonal. La raison en est que les règles

215 Voir ci-dessus, p. 181.


276 Voir Annexe lll.
211 Cf. Première Partie, Chapitre 1, note 23.
17
248 FUSIONS INTERCANTONALES

conventionnelles destinées à éviter la double imposition internationale


ne sont pas aussi précises et complexes que celles énoncées par le
Tribunal fédéral sur le plan intercantonal. C'est ainsi qu'un Etat peut
généralement imposer les bénéfices d'un établissement stable d'une so-
ciété étrangère, même si celle-ci a subi par ailleurs des pertes. C'est
ainsi qu'un transfert de siège est toujours assimilé à une liquidation.
D'autre part, selon les conventions de double imposition, les bénéfices
résultant de l'aliénation des biens d'un établissement sont imposables
exclusivement dans l'Etat où cet établissement est situé ; de ce fait,
l'obligation de la société reprenante de rattacher les actifs de la société
dissoute, de manière comptable ou matérielle, à l'établissement qui la
remplace, constitue une véritable garantie pour l'Etat dont relevait cette
dernière société. Enfin, le siège bénéficie rarement d'un préciput.
Compte tenu des règles applicables à la répartition des bénéfices
d'une entreprise intercantonale, l'adoption par les cantons du régime
proposé par la CEE laisserait en partie irrésolus les problèmes évoqués
plus haut. Que les cantons, si leurs droits essentiels sont garantis, ac-
ceptent certaines distorsions, provoquées en particulier par un changement
de méthode de répartition, c'est parfaitement concevable. En revanche, il
serait fâcheux que le régime adopté ne tienne pas compte des conséquences
du « transfert de siège», tel'le l'attribution au canton dont relève la
société reprenante des participations ou des droits de la propriété indus-
trielle et intellectuelle.
A cet égard, cependant, la jurisprudence du Tribunal fédéral n'a aucun
caractère définitif ou absolu. Il n'est nullement exclu, par exemple,
d'attribuer à un établissement stable des participations ou d'autres
actifs mobiliers 218, et de garantir ainsi au canton de la société reprise
l'imposition ultérieure des plus-values afférentes à ces biens. Sans doute,
la méthode directe exige-t-elle la tenue d'une comptabilité distincte ;
mais rien n'empêche, nous semble-t-il, de subordonner l'octroi du régime
de sursis à l'existence d'une telle comptabilité, quelle que soit la méthode
de répartition applicable, et de prévoir (sans violation de l'article 46,
alinéa 2, CF) que les gains en capital réalisés - en cas d'aliénation
ou de liquidation - sur les actifs figurant dans cette comptabilité après
fusion soient exclusivement soumis à l'imposition du canton de la société
reprise.
Le projet d'accord que nous proposons plus loin est fondé sur cette
solution de compromis qui, bien qu'imparfaite, a le mérite à la fois d'être
simple et de préserver les droits essentiels des cantons.

278 Voir, notamment, ATF 52.1.238.


CONDITIONS D'UN RÉGIME COMMUN 249

c) Sursis déterminé par les règles de répartition du Tribunal fédéral.


Ce troisième système, le plus précis, consisterait à permettre au canton
de la société reprise de procéder à l'imposition immédiate des plus-
values qui, conformément aux règles énoncées par le Tribunal fédéral,
échapperaient à sa souveraineté fiscale par suite de la fusion. Il s'agi-
rait, par conséquent, de comparer la situation de la société reprise avant
et après la concentration : le fisc calculerait, d'une part, le montant du
bénéfice de liquidation de la société reprise au moment de la fusion,
et, d'autre part, le montant de ce bénéfice dans l'hypothèse où, immé-
diatement aprè.;; la fusion, la société reprenante serait liquidée, ou alié-
nerait l'exploitation de la société reprise. La différence entre le premier
et le second de ces montants constituerait le bénéfice taxable.
Bien que satisfaisant la logique et l'équité, cette méthode nous paraît
inutilement compliquée, puisqu'elle exigerait la préparation de deux
bilans de liquidation, l'un pour la société reprise et l'autre pour la société
reprenante.

2. Projet d'accord.

Le projet qui suit, inspiré en partie par la proposition de directive


de la CEE concernant les fusions internationales, tente de traduire en
termes législatifs (qu'il s'agisse d'un concordat, d'une loi uniforme
recommandée aux cantons ou d'un accord au niveau des Administrations
fiscales), à la fois les règles suggérées dans la première partie de cette
étude, relatives aux fusions nationales ou cantonales (article 1 et articles 3
à 5 du projet), et les conclusions du présent chapitre, concernant le régime
applicable aux sociétés reprises lors d'une fusion intercantonale (article 2).
A cet égard, notre projet est fondé sur les principes suivants.
- traitement harmonisé des transferts de siège (article 2, ch. 3) et
des fusions intercantonales ;
- sursis à l'imposition lié à la création d'un domicile fiscal secon-
daire de la société reprenante et au rattachement comptable à ce domicile
des actifs de la société reprise.

Il va de soi que si, comme on peut le souhaiter, le Tribunal fédéral


devait voir dans l'imposition de cette dernière condition une violation de
l'article 4 CF, le traitement des fusions cantonales et intercantonales
serait absolument uniforme et l'article 2 du projet devrait être modifié en
conséquence.
250 FUSIONS INTERCANTONALES

PROJET

Article 1

Au sens du présent accord

1) L'expression «personne morale d'un canton» désigne une per-


sonne morale ayant son domicile fiscal primaire dans le canton en
cause.
2) Le terme « apport » s'applique à tout transfert de biens effectué
lors d'une fusion, d'une absorption, d'une scission, ou d'une autre opé-
ration, entraînant ou non la dissolution ou la liquidation de la personne
morale faisant l'apport, par laquelle cette dernière transfère à une autre
personne morale la totalité de ses actifs et passifs, ou une branche
d'activité (définie comme étant : soit une exploitation autonome, capable
de fonctionner par ses propres moyens, soit la totalité ou la quasi-
totalité des actions ou parts sociales d'une autre personne morale).

Article 2

1) Lorsqu'une personne morale d'un canton fait un apport à une


personne morale d'un autre canton, en échange d'actions ou de parts
du capital social de cette dernière, ou de bons de participation émis
par cette dernière, remis à la première personne morale ou à ses action-
naires ou associés, et que cet apport,
a) entraîne la création dans le premier canton d'un domicile fiscal
secondaire de la personne morale recevant l'apport ; ou est rattaché à
un domicile fiscal secondaire préexistant de la personne morale recevant
l'apport dans le premier canton, ou,
b) amène la transformation d'un domicile fiscal secondaire de la
personne morale du premier canton dans un canton tiers en un domicile
fiscal secondaire de la personne morale du second canton dans ce
canton tiers ; ou est rattaché à un domicile fiscal secondaire préexis-
tant de la personne morale recevant l'apport dans le canton tiers,
les cantons ne prélèvent aucun impôt direct ou indirect, quelle que soit
sa dénomination, sur les plus-values afférentes aux biens apportés ou
sur le transfert de ces biens, dans la mesure où N·s sont repris à leur
CONDITIONS D'UN RÉGIME COMMUN 251

valeur comptable et sont effectivement rattachés, au moyen d'une comp-


tabilité distincte, au domicile fiscal secondaire mentionné sous a et b
ci-dessus. Lors de l'aliénation ultérieure de ces biens, ou s'ils ne sont pas
inclus dans la comptabilité susmentionnée, ou si la personne morale
recevant l'apport cesse d'avoir un domicile fiscal secondaire dans te
canton dont relevait la personne morale faisant l'apport, les plus-values
alors existantes afférentes à ces biens sont imposables exclusivement par
le canton dont relevait la personne morale faisant l'apport.
2) Les règles énoncées sous chiffre 1 sont applicables lorsqu'une per-
sonne morale d'un canton fait un apport à une persone morale du même
canton, et que cet apport amène la transformation d'un domicile fiscal
secondaire de la première personne morale dans un canton tiers en un
domicile fiscal secondaire de la seconde personne morale dans ce canton
tiers, ou est rattaché à un domicile fiscal secondaire préexistant de la
seconde personne morale dans le canton tiers.
3) Les exonérations prévues sous chiffre 1 sont également applicables,
aux mêmes conditions, lorsqu'une personne morale d'un canton transfère
son domicile fiscal primaire dans un autre canton.

Article 3

1) La prime de fusion, correspondant à la différence entre la valeur


comptable ou la valeur vénale de l'apport et le montant de l'augmentation
du capital de la personne morale recevant l'apport, n'est pas imposable.
Inversement, si le montant de l'augmentation de capital est supérieur
à la valeur de l'apport, le disagio n'est pas déductible des bénéfices de
la personne morale recevant l'apport.
2) Les pertes de la personne morale faisant l'apport peuvent être
reprises par la personne morale recevant l'apport et déduites de ses
bénéfices, dans les limites admises par la loi applicable, et pour autant
que l'apport n'ait pas un caractère insolite et abusif. Sous réserve des
règles relatives à la double imposition intercantonale, ces pertes sont à
déduire en premier lieu des bénéfices de la personne morale recevant
l'apport imposables dans le canton dont relevait la personne morale
faisant l'apport.
Article 4

1) Si la personne morale recevant l'apport détenait des actions ou


parts du capital social de la personne morale faisant l'apport, et si
cette dernière est dissoute ou liquidée, le bénéfice égal au montant de la
252 FUSIONS INTERCANTONALES

différence entre la valeur vénale des biens apportés correspondant à la


participation de la personne morale recevant l'apport au capital de la
personne morale faisant l'apport et la valeur comptable admise fis-
calement de cette participation, annulée à la suite de l'apport, peut être
imposé à titre de dividende. Si la valeur vénale des biens apportés
afférents à la participation annulée est inférieure à la valeur comptable
de cette participation, la perte subie par la perso.nne morale recevant
l'apport est déductible de ses bénéfices. En revanche, la perte purement
comptable provenant d'une différence entre la valeur comptable de l'ap-
port afférent à la participation et la valeur comptable de celle-ci, n'est pas
déductible.
2) Si des actions ou parts du capital social de la personne morale
recevant l'apport sont incluses dans ce dernier et sont annulées, les plus-
values afférentes à cette participation peuvent être imposées.

Article 5

J) En ·cas d'apport sans dissolution ni liquidation de la personne


morale faisant l'apport, les actions ou parts reçues en échange par cette
dernière sont inscrites à son bilan fiscal à leur valeur vénale dans la
mesure où les biens apportés sont repris par la personne morale recevant
l'apport à leur valeur comptable. Le montant de la différence entre la
valeur comptable du patrimoine apporté et la valeur vénale des titres
reçus en échange n'est pas imposable.
2) Les actions ou parts reçues par les actionnaires ou associés de
la personne morale faisant l'apport sont inscrites au bilan fiscal de ces
actionnaires ou associés, ou sont réputées acquises par ceux-ci, à la
même valeur et au même moment que les titres annulés. L'échange de
titres n'entraîne alors aucune imposition. Les cantons demeurent cepen--
dant libres d'imposer les actionnaires ou associés lorsque et dans la
mesure où la valeur nominale ou vénale des nouveaux titres est supérieure
à la valeur nominale ou vénale des titres annulés.
CONCLUSION

1. La concentration d'entreprises s'accomplit sous des formes variées


et complexes. Chaque opération concerne plusieurs contribuables et en-
traîne l'application de plusieurs lois fiscales. Cette multiplicité des formes,
des personnes et des impôts rend difficile, mais aussi nécessaire, l'éla-
boration de lois précises et harmonisées.

Précisions des lois.


Bien que le concept jurisprudentiel de la « réalité économique», cette
démarche consistant à faire abstraction, sur le plan fiscal, de certains
actes juridiques accomplis par le contribuable ait, en principe, un carac-
tère strictement unilatéral, bien que les contribuables eux-mêmes, le
Tribunal fédéral l'a souvent répété, ne puissent s'en prévaloir, lorsqu'il
leur serait profitable, ce concept joue pourtant un rôle prédominant
dans le traitement fiscal des concentrations helvétiques.
Dès le moment, en effet, où l'on admet que certains termes utilisés
par une loi fiscale soient définis en tenant compte de leur contenu
économique, et en faisant abstraction du sens précis que leur donne le
droit civil, on n'est pas loin, prétendrait-on même rester sur le plan de
l'interprétation, de reconnaître l'application bilatérale du principe de la
réalité économique. « Les autorités chargées d'appliquer la loi», a noté
le Tribunal fédéral dans l'arrêt X. du 20 juin 1969, concernant la trans-
formation d'une entreprise individuelle en société anonyme, « sont en
droit de tenir compte des facteurs d'ordre économique et, dans certains
cas déterminés, de prendre en considération de façon appropriée cer-
taines particularités justifiées ressortant à la technique fiscale». Et on
ne saurait contester que ce sont ces « facteurs d'ordre économique »
qui, au premier chef, justifient que telle liquidation de société, tel échange
de titres, n'entraînent pas les conséquences que la loi fiscale suisse, qui
méconnaît les fusions, ou en traite sommairement, paraît leur réserver.
Or, si le principe de la réalité économique menace, pensons-nous,
la sécurité du droit lorsqu'il est appliqué à l'encontre d'un contribuable,
à moins que ce dernier n'ait commis un abus manifeste, il ne concourt
pas non plus à garantir cette sécurité lorsque, comme en matière de
254 CONCLUSION

concentrations, il est utilisé à son avantage. Et i'l ne suffit nullement


pour placer l' Administration fiscale et le contribuable sur un pied d'égalité.
A cet égard, il est important de voir que la fiscalité connaît deux sortes
d'actes, deux genres d'opérations : celles qui sont inévitables et ceHes
dont la réalisation dépend précisément de leurs conséquences fiscales.
Tandis qu'un contribuable encourt certaines dépenses sans se préoc-
cuper de savoir s'il pourra ou non les déduire de son revenu imposable,
il n'envisagera pratiquement Jamais une concentration sans en examiner
les incidences fiscales. Si la loi est muette, si elle est imprécise ou som-
maire, et il n'y a pas, on l'a dit, de loi suisse qui, sur le sujet des fusions,
ne soit muette ou sommaire, il s'adressera naturellement à l'Administra-
iion, afin d'apprendre comment elle interprète la loi et, considérant les
projets qui lui sont soumis, quel traitement elle leur réserve.
L' Administration et le contribuable échangent, sans doute, leurs points
de vue sur un pied d'égalité et on a la chance, en Suisse, que le fisc
accepte et encourage ce dialogue, auquel rien ne l'oblige. Il n'en reste pas
moins que dès le moment où elle attache, à tort ou à raison, des consé-
quences prohibitives aux projets qui lui sont présentés, dès le moment,
enfin, où les thèses des parties divergent, l'équilibre des forces est
profondément et définitivement rompu. Le contribuable est contraint à
renoncer, même s'il est persuadé que son interprétation de la loi, ou de
ses lacunes, est seule correcte : il ne peut courir le risque, aussi minime
soit-il, d'avoir tort, car une fois l'opération accomplie et la thèse de
!'Administration confirmée par la dernière instance de recours, il serait
trop tard pour faire machine arrière et annuler une transaction dont la
réalisation dépendait pourtant d'un traitement favorable.
Ainsi, tant que nos lois d'impôts se borneront à fixer des principes
généraux , ou s'abstiendront même d'en énoncer, la garantie qu'offrent
les voies de recours demeurera iHusoire. Preuve en est, d'ailleurs, l'indi-
gence de la jurisprudence fiscale, particulièrement (mais non seulement)
en matière de concentration d'entreprises : les seuls problèmes qui vien-
nent à la connaissance des autorités de recours sont ceux, souvent
mineurs, qui découlent d'actes inévitables, ou ceux que !'Administration
soulève à propos de transactions qu'elle juge abusives ou frauduleuses.
Il est faux, nous en sommes convaincu, de prétendre que la com-
plexité des opérations de fusion exclut la mise en vigueur de textes légaux
raisonnablement détaillées. La loi peut parfaitement déterminer si la
dissolution d'une société ou l'apport de son patrimoine à une autre
entité juridique doit ou non être assimilée à une liquidation, totale ou
partielle; la loi peut dire si le montant de l'apport qui dépasse la somme
du capital nominal émis en rémunération de cet apport constitue ou non
CONCLUSION 255
un agio imposable ; si un échange de titres entraîne la réalisation d'un
gain en capital , si l'absorption d'une filiale doit avoir des conséquences
fiscales particulières ; ou si la société reprenante doit être autorisée à
reprendre et utiliser les pertes de la société reprise.
Certes, l' Administration pourrait-elle craindre - et e1'1e craint en
effet - que des contribuables astucieux se servent de dispositions
légales détaillées pour en exploiter, par des interprétations a contrario,
les éventuelles lacunes, ou pour effectuer, sous le couvert d'un respect
formel des lois, des opérations qui n'auraient aucune justification écono-
mique. Cette crainte n'est pas infondée, mais, faut-il même l'écrire, la
fraude à la loi et l'abus de droit sont des risques qu'un Etat se doit
d'accepter, quitte à dénier sa protection à ceux qui ne respectent ni
l'esprit, ni les motifs des textes en vigueur.
C'est donc, tout naturellement, dans une perspective de lege ferenda
que nous avons conçu cette étude, sans tenter une analyse détaillée
et exhaustive <les interprétations et constructions possibles sur la base
des lois existantes ; non pas seulement parce que cette analyse a déjà
été entreprise dans trois récents ouvrages en langue allemande, mais
aussi parce qu'il pamissait assez vain de développer des théories qui
ne trouveraient personne à convaincre : ce n'est pas un hasard si les
pratiques actuelles, en matière de concentration, ont été énoncées par les
Administrations fiscales, qui seules pouvaient le faire, et si la doctrine
a dù se borner à critiquer ces pratiques, ou à les ratifier en leur décou-
vrant, a posteriori, une base légale bien souvent chancelante.

Harmonisation des lois.


La complexité des opérations de concentration, la diversité de leurs
conséquences fiscales rendent indispensable, sinon la mise au point
d'un régime global des fusions, du moins une harmonisation minimum
des règles simultanément applicables.
En premier lieu, il convient que les dispositions d'une loi ne soient
pas rendues inopérantes par les restrictions ou les lacunes d'une autre
loi, adoptée par ,Je même souverain. Si, par exemple, les plus-values des
sociétés reprises ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés, elles
ne doivent pas non plus être passibles, le cas échéant, d'un impôt
spécial sur les gains immobiliers, qui pénalise, voire exclut certaines
fusions. Il est également illogique que la fiscalité indirecte puisse faire
obstacle à des opérations que la fiscalité directe permet ou favorise.
En second lieu, et pour les mêmes raisons, une harmonisation s'im-
pose, en Suisse, entre les lois fédérales et cantonales, tant en matière
d'impôts directs qu'en matière d'impôts et de droits indirects.
256 CONCLUSION

En troisième lieu, il importe qu'une opération de concentration ef-


fectuée dans un canton ne soit pas contrecarrée par la législation fis.-
cale d'un autre canton, lieu de domicile des actionnaires de la société
teprise ou lieu de situation de l'un de ses immeubles ou de ses établis-
sements stables. Quant aux fusions intercantonales, seule une harmo-
nisation bien déterminée en permettrait la réalisation ; il faudrait, en
effet, que chaque législation cantonale (par l'intermédiaire d'un concordat
ou grâce à une action législative concertée) contînt des dispositions qui
missent expressément ces opérations, le cas échéant sous certaines
réserves, au bénéfice des règles applicables aux fusions cantonales.
2. Si la sécurité du droit exige, nous l'avons dit, des lois précises
et détaillées, ces dernières ne sufisent pourtant pas à placer l'Etat et
ses administrés sur un pied d'égalité. La complexité, la variété des
transactions commerciiales et industrielles excluent que la loi fiscale
puisse offrir une réponse claire, une solution évidente, à tous les pro-
blèmes qui surgissent en pratique : il restera toujours un champ d'in-
terprétation, dont on peut seulement restreindre l'étendue et fixe1
approximativement les limites. Or, dans la mesure où les projets d'un
contribuable appellent une interprétation, et dans la mesure, surtout, où
eette interprétation risque, selon la thèse choisie, d'entraîner des consé-
quences financières importantes - ce qui sera souvent le cas en matière
de fusions - l'équilibre des forces est à nouveau rompu. Là encore, si
les interprétations de !'Administration et du contribuable divergent, la
première imposera inévitablement son point de vue ; là aussi, la garantie
qu'offrent les voies de recours demeurera illusoire.
Cette situation, cependant, n'est nullement sans issue. Il suffirait,
pensons-nous, que la loi accordât aux contribuables (comme le fait
l'AIN en matière d'assujettissement) le droit d'exiger du fisc un ruling,
une opinion préliminaire qui fut, c'est là bien sûr le point essentiel,
susceptible d'appel. Ce serait, si l'on veut, le système de la requête en
autorisation de construire, mais d'une requête facultative, qui permet-
1rait à l'administré de connaître, avant (ou au lieu) de les subir, les
conséquences de ses projets ; qui permettrait en même temps de faire
progresser le droit fiscal commercial, de créer une jurisprudence, et de
provoquer l'intérêt et l'intervention d'une doctrine dont l'influence est
aujourd'hui négligeable.
On pourrait, certes, craindre que cette procédure n'exige du fisc
un surcroît de travaH intolérable. Mais si l'on songe que !'Administration
est déjà appelée, et, sans y être obligée, consent à donner de nombreux
avis, notamment en matière de concentration, où le champ d'interprétation
est presque illimité, le système du ruling n'apparaît nullement irréa-
CONCLUSION 257
lisable. En outre, la publication des opinions du fisc, et des décisions
judiciaires rendues sur appel, permettrait d'éviter que l' Administration
soit constamment consultée à propos de questions déjà résolues.
Une seconde objection concerne '1a portée des réticences, des omi s- 1

sions, intentionnelles ou involontaires, des contribuables dans l'exposé


des projets qu'ils soumettraient à I' Administration. Mais dans la mesure
où un contribuable aurait mal renseigné ou trompé le fisc, celui-ci ne
serait naturellement plus lié par son opinion préliminaire.
3. L'inconvénient, sinon le danger, d'une étude fiscale à prétentions
législatives est de rendre presque inévitable l'énoncé d'un jugement de
valeur sur les mécanismes qu'elle analyse : rien n'est moins neutre qu'une
loi d'impôt au stade de son élaboration, rien n'est plus changeant, plus
subjectif, que la notion de justice fiscale. Ce problème est particulièrement
aigu en matière de concentration, dont les incidences économiques et
sociales sont si complexes et si controversées ; et il est vain d'espérer
que s'accordent sur le traitement fiscal à réserver aux fusions ceux qui
pensent avec Proudhon que « la concurrence tue la concurrence», et
ceux qui répètent avec Spinoza que « c'est une loi de nature que les gros
poissons mangent les petits».
Il n'est, ainsi, nullement certain que l'intervention du législateur helvé-
tique assurerait aux contribuables un régime qui soit plus favorable
que celui dont les « facteurs d'ordre économique » invoqués par te
Tribunat fédéral les font bénéficier aujourd'hui. Car si ta Suisse a pris
conscience du problème des concentrations, sa position à leur égard
demeure ambigüe. Le Conseil fédéral, ces dernières années, a simulta-
nément souligné les avantages des regroupements d'entreprises et envisagé
ta mise en chantier d'une nouvelle loi sur les cartels, plus stricte que ta
loi en vigueur. Et, commentant la nouvelle loi sur les droits de timbre,
il a relevé que si les concentrations étaient assez bienfaisantes pour qu'on
réduise le taux du droit d'émission, elles étaient néanmoins trop mal-
faisantes pour qu'on les exonère de tout droit !
C'est dire que dans ta mesure où cette étude sortait du cadre de
la technique fiscale, eHe risquait d'être construite sur un terrain un peu
mouvant. Nous avons alors choisi d'y marcher sur la pointe des pieds,
en recherchant des solutions qui respectent l'esprit des pratiques en
vigueur, qui restent aussi neutres que possible, et qui s'insèrent dans
la logique de nos lois fiscales.
BIBLIOGRAPHIE

A. COMMENTAIRES ET OUVRAGES GÉNÉRAUX.

Amstutz, P. und Wyss, E. : Das eidgenossische Stempelsteuerrecht ; Zürich


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Oemeindesteuern ; Bern 1948.
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1970.
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II. Teil : Stempelabgaben, Couponsteuer und Verrechnungssteuer ; Basel.

B. CONCENTRATION D'ENTREPRISES.

1. Ouvrages et thèses.

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schaften auf die beteiligten Unternehmen ; Diss. St. Oallen, 1969.
Kiinzig, E. : Unternehmungskonzentrationen, eine steuerrechtliche Studie ; Bern
1971.
260 BIBLI OGRAPH 1E

Schutzorganisation der privaten Aktiengesellschaften : Gutachten über A.nderung


des kantonalen und eidgenôssischen Steuerrechts im Hinblick auf
Umwandlungen und Fusionen geschattlichen Unternehmungen (A.nderung
der Rechtsform) und auf Holdingverhiiltnisse ; Zürich 1964.
Outachten über steuerrechtliche Fragen beim Zusammenschluss von Unter-
nehmungen ; Zilrich 1970.
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recht ; Zürich 1966.
Tabler, W.G. : Die steuerliche Behandlung der stillen Reserven der Unter-
nehmung, insbesondere im Palle der Umwandlung; Bern 1953.

2. Articles et rapports.

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BIBLI OGRAPH IE 261

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C. DOUBLE IMPOSITION INTERCANTONALE.

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Henggeler), Ill. Teil : Das interkantonale Doppelbesteuerungsrecht ; Basel.
Paschoud, J.-B. : Jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de double impo-
sition intercantonale ; RDAF 1971, p. 285.
L'imposition des immeubles et de leur rendement en droit fiscal inter-
cantonal ; thèse Lausanne, 1970.
Quelques aspects de l'imposition des gains immobiliers en droit fiscal
intercantonal; RDAF 1970, p. 285.
Petermann, P. : La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de double
imposition d'entreprises industrielles ou commerciales, notamment de
sociétés d'assurances; RDAF 1949, pp. 149 et 205.
Reyrenn, F. : L'imposition des entreprises à établissements multiples dans les
cantons suisses ; Genève 1932.
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suisses de double imposition et du projet de convention de !'O.C.D.E. ;.
thèse Lausanne, 1964.
Sarasin, G. : Praxis der interkantonalen Doppelbesteuerung; Zürich 1945.
Schlumpf, A. : Bundesgerichtspraxis zum Doppelbesteuerungsverbot; Zürich
1963.
Steiner, E. : Aktiengesellschaft und interkantonale Doppelbesteuerung ; La
Société Anonyme Suisse 17, p. 66.
Studer, W. : Zur Fortentwicklung des interkantonalen Doppelbesteuerungs-
rechtes ; Archives 38, p. 78.
- Double imposition intercantonale ; F.J.S. N°• 690 et 691.
ANNEXES

I.

DISPOSITIONS DES LOIS CANTONALES CONCERNANT


LES CONCENTRATIONS DE SOCIETES

1. APPENZELL RHODES EXT. (Oesetz über die direkten Steuern für den Kanton
Appenzell A. Rh. vom 27. April 1958)
Art. 8, al. 5 : übertrligt eine juristische Person Aktiven und Passiven auf
eine andere, so sind die von ihr geschuldeten Steuern von der übernehmenden
juristischen Person zu entrichten ....

2. APPENZELL RHODES INT. (Steuergesetz für den Kanton Appenzell Innerrhoden


vom 28. April 1968)

Art. 14, al. 2 : ... übertrligt eine juristische Person Aktiven und Passiven auf
eine andere, so sind die von ihr geschuldeten Steuern von der übernehmen-
den juristischen Person zu entrichten.
Art. 66, al. 2 : Bei den juristischen Personen gilt ausser der Liquidation
oder Fusion einer Oesellschaft auch der Wegzug aus dem Kanton ais
Beendigung des Steuerpflichts. Die Berechnung der jahressteuer von den
ausserordentlichen Einkünften ist nach dem Einkommenssteuertarif für
natürliche Personen vorzunehmen.

3. ARGOVIE (Oesetz über die Besteuerung der Kapitalgesellschaften (Aktien-


gesellschaften, Kommanditaktiengesellschaften, Oesellschaften mit beschrlink-
ter Haftung) und der Oenossenschaften vom 5. Oktober 1971)

Art. 7, al. 3 : Bei der Fusion von Oesellschaften hat die übernehmende
Oesellschaft die von der übernommenen, bis zum Zeitpunkt der Obernahme
von Aktiven und Passiven geschuldeten Steuern zu entrichten.
Art. 12: Sofern sich die Beteiligungsverhliltnisse bloss unwesentlich lindern
und keine buchmlissige Aufwertung stattfindet, konnen die bisherigen
Ertragssteuerwerte übernommen werden bei

18
264 ANNEXES

b) Unternehmungszusammenschluss durch Obertragung siimtlicher Akti-


ven und Passiven auf eine andere Unternehmung (Fusion gemiiss Art. 748-
750 des Schweizerischen Obligationenrechts oder Geschiiftsübernahme
gemiiss Art. 181 des Schweizerischen Obligationenrechts) ;
c) Abspaltung eines in sich geschlossenen und selbstiindigen Betriebsteils
der Unternehmung.
(Voliziehungsverordnung vom 27. Miirz 1972)
Art. 3: Ais Fusion im Sinne von Art. 7 Abs. 3 des Gesetzes gilt jede
Verschmelzung von Gesellschaften durch Obernahme oder Zusammenlegen
siimtlicher Aktiven und Passiven und Auflosung der übernommenen Gesell-
schaften. Die Auflosung der übernommenen Gesellschaften kann sowohl
gemiiss Art. 748 ff. des Schweizerischen Obligationenrechts ohne Liquidation
ais auch mittels des ordentlichen Liquidationsverfahren erfolgen.
Ais Zeitpunkt der Obernahme von Aktiven und Passiven gilt hinsichtlich
der Zahlungspflicht der übernehmenden Gesellschaft gemass Art. 7 Abs. 3
des Gesetzes der Zeitpunkt des Einbezuges der Steuerfaktoren der über-
nommen Gesellschaft in die Besteuerung der übernehmenden Gesellschaft.
Art. 9 : Die Ertragsteuerwerte im Sinne von Art. 12 des Gesetzes setzen
sich zusammen aus den bilanzierten Buchwerten und den ais Ertrag
versteuerten stillen Reserven.
Ob eine allfiillige A.nderung der Beteiligungsverhiiltnisse noch ais
unwesentlich bezeichnet werden kann, wird nach den Umstiinden des Einzel-
falles beurteilt. Dabei ist zu beachten, dass weder Steuerumgehungen
ermoglicht, noch Umwandlungen, Zusammenschlüsse oder Abspaltungen
ungebührlich erschwert werden dürfen.

4. BALE-CAMPAGNE (Gesetz über die kantonalen Steuern vom 7. juli 1952)


Art. 8, al. 2 : Obertragt eine juristische Persan Aktiven und Passiven auf
eine andere, so sind die von ihr geschuldeten Steuern von der übernehmenden
Persan zu entrichten ....

5. BALE-VILLE (Gesetz über die direkten Steuern vom 22. Dezember 1949)
Art. 5: Nach dem Tode eines Steuerpflichtigen haben die Erben die Steuer-
erkliirungen und die schon geschuldeten oder noch festzusetzenden Steuern
vor der Verteilung des Nachlasses zu bezahlen.
Die entsprechende Pflicht trifft die Gesamtrechtsnachfolger einer juristi-
schen Persan.

6. BERNE (Gesetz über die direkten Staats- und Gemeindesteuern vom 29. Ok-
tober 1944)
Art. 17, al. 4 : Obertragt eine juristische Persan Aktiven und Passiven auf
eine andere juristische Persan, so hat diese die von der übernommenen
Gesellschaft für die früheren Steuerjahre geschuldeten Steuern sowie die
Steuern für die ganze laufende Veranlagungsperiode zu entrichten.
Art. 42bis, al. 2 : Obernimmt eine bestehende oder eine zu diesem Zwecke
gegründete Gesellschaft (OR Art. 748, 749 und 750) wiihrend der Veran-
lagungsperiode siimtliche Aktiven und Passiven einer oder mehrerer anderer
ANNEXES 265

Gesellschaften, so wird weder revidiert noch neu veranlagt. Für die


Steuerpflicht der aufgelosten Gesellschaften gilt Art. 17 Abs. 4.
al. 3: In der nachfolgenden Veranlagungsperiode ist die übernehmende
Gesellschaft auf Grund ihres Gewinnes und des Gewinnes der aufgelosten
Gesellschaften in den beiden Vorjahren zu veranlagen.
Art. 80, al. 2 : Um den in allgemeinen volkswirtschaftlichen lnteresse liegen-
den Zusammenschluss von Unternehmen zu erleichtern, kann der Regierungs-
rat die Ausnahme von der Steuerpflicht für Kapitalgewinn anordnen, wenn
die Beteiligungsrechte ohne Aufzahlung getauscht werden.

7. GLARIS (Gesetz über das Steuerwesen vom 10. Mai 1970)


Art. 13, al. 3 : Für die durch Fusion, Vereinigung, Umwandlung oder
übernahme aufgelOste juristische Personen haben die Rechtsnachfolger
aile Verfahrenspflichten zu erfüllen und die geschuldeten oder noch
festzusetzenden Steuern zu entrichten.

8. LUCERNE (Gesetz über die direkten Staats- und Gemeindesteuern vom 27. Mai
1946)
Art. 18, al. 3 : übertriigt eine juristische Persan Aktiven und Passiven auf
eine andere juristische Persan, so sind die von ihr für die laufende
Veranlagungsperiode geschuldeten Steuern von der übernehmenden juristi-
schen Persan zu entrichten. Die Organe der aufgelOsten juristische Persan
haften daneben solidarisch.
Art. 55, al. 3 : Schliessen sich Unternehmen zusammen, ohne dass dabei
an einzelne lnhaber von Beteiligungsrechten eine Ausschüttung, eine
Verschiebung der anteilsmiissigen Beteiligungsrechte oder eine buchmiissige
Aufwertung erfolgt, so unterbleibt eine Besteuerung des Liquidations-
gewinnes. Das gleiche gilt, wenn die vorstehenden Voraussetzungen sinn-
gemiiss gegeben sind, auch bei der Umwandlung und Teilung von Unter-
nehmen. Die Besteuerung gemiiss §19 Abs. 1 Ziff. 7 bei giinzlicher
Verlegung eines Geschiiftes oder von Teilen desselben in einen andern
Kanton bleibt vorbehalten.

9. NEUCHÂTEL (Loi sur les contributions directes du 9 juin 1964)


Art. 11, al. 2 : Si une personne morale transfère ses actif et passif à une
autre personne morale, cette dernière doit acquitter les impôts dus par la
société dissoute pour l'année de taxation en cours.
Art. 66, al. 1 : Les sociétés qui sont entrées en liquidation avant ou pendant
l'année de taxation ou dont l'assujettissement à l'impôt cesse totalement ou
partiellement de toute autre manière paient, en plus de l'impôt ordinaire
sur le bénéfice, un impôt annuel entier sur les bénéfices en capital et les
augmentations de valeur ....

10. NIDWALD (Steuergesetz vom 26. April 1970)


Art. JO, al. 3 : übertriigt eine juristische Persan Aktiven und Passiven auf
eine andere juristische Persan, so sind die von ihr für die laufende Veran-
266 ANNEXES

lagungsperiode geschuldeten Steuern von der übernehmenden juristische


Person zu entrichten. Die Steuerpflicht der übernommenen juristischen
Person dauert bis zum Ende der laufenden Veranlagungsperiode.

11. OBWALD (Steuergesetz vom 8. Mai 1949)


Art. 64, al. 3 : Obertriigt eine juristische Person Aktiven und Passiven auf
eine andere steuerpflichtige juristische Person, so sind die von ihr geschul-
deten Steuern von der übernehmenden juristischen Person zu entrichten.
(Voir aussi Art. 85, al. 3.)

12. SAINT-GALL (Steuergesetz vom 23. Juni 1970)


Art. 15, al. 2: Für die durch Fusion, Vereinigung, Umwandlung oder
Obernahme aufgelôste juristische Person treten die Rechtsnachfolger in
ihre Rechte und Pflichten ein.
(Vollzugsverordnung zum Steuergesetz vom 10. November 1970)
Art. 28 : Sofern die Beteiligungsverhiiltnisse gleich bleiben und soweit eine
buchmassige Aufwertung nicht stattfindet, kônnen die bisherigen Ertrags-
steuerwerte übernommen werden bei :

b) Unternehmungszusammenschluss durch Obertragung samtlicher Akti-


ven und Passiven auf eine andere Unternehmung (Fusion gemass Art. 748 bis
750 OR oder Oeschaftsübernahme gemass Art. 181 OR).
Ausgeschlossen sind ... Obertragungen in eine Holding- oder Sitz-
gesellschaft.
Art. 86 Abs. 3 StO bleibt vorbehalten. (Voir Annexe III.)

13. SCHAFFHOUSE (Oesetz über die direkten Steuern vom 17. Dezember 1956)
Art. 15: Obertragt eine juristische Persan Aktiven und Passiven auf eine
andere juristische Person, so sind die von ihr für die laufende Veranlagungs-
periode geschuldeten Steuern von der übernehmenden juristischen Person
zu entrichten.

14. SOLEURE (Oesetz über die direkte Staats- und Oemeindesteuern vorn
29. Januar 1961)
Art. 23, al. 2 : Obertragt eine juristische Person Aktiven und Passiven auf
eine andere, so sind die von ihr geschuldeten Steuern von der übernehmenden
juristischen Person zu entrichten ....
Art. 36 : Keine Besteuerung tritt ein bei

3. Tausch von Beteiligungsrechten an Kapitalgesellschaften und


Oenossenschaften (Aktien, Stammanteile, Anteilscheine) ohne Aufgeld infolge
U nternehmenszusammenschluss, U nternehmensumwandlung und Unterneh-
mensteilung im Sinne von Art. 60 Absatz 2.
ANNEXES 267
Art. 37, al. 3 : Bei Tausch

b) von Beteiligungsrechten an Kapitalgesellschaften infolge Unter-


nehmenszusammenschluss, Unternehmensumwandlung und Unternehmens-
teilung von Art. 60 Absatz 2, wird ein Gewinn nur im Umfang eines all-
fülligen Aufgeldes besteuert unter Vorbehalt der Besteuerung des restlichen
Gewinnes bei spiiterer Handiinderung.
Art. 60, al. 2 : Kein steuerbarer Ertrag entsteht aus :
a) Unternehmenszusammenschluss, wenn dabei keine Ausschüttung an
einzelne Inhaber von Beteiligungsrechten, keine Verschiebung des anteils-
miissigen Beteiligungsrechte und keine buchmiissige Aufwertung stattfindet;
die Besteuerung nach Art. 59, lit. d bei Verlegung eines Geschiiftes oder von
Teilen eines solchen ausser Kanton bleibt vorbehalten ;
b) Unternehmensumwandlung und Unternehmensteilung, wobei die
Voraussetzungen nach lit. a sinngemiiss gegeben sein müssen.
(Vollzugsverordnung zum Gesetz über die direkte Staats- und Gemeinde-
steuern vom 18. Dezember 1970)
§ 42, al. 1 : Ais Unternehmenszusammenschluss gelten die Fusion (Artikel
748-750 OR), die Geschiiftsübernahme (Artikel 181 OR) und die Geschiifts-
vereinigung (Artikel 182 OR) unter der Voraussetzung, dass :
a) keine Ausschüttung an die einzelnen lnhaber von Beteiligungsrechten
stattfinden ;
b) sich die Beteiligungsverhiiltnisse anteilsmiissig nicht veriindern ;
c) die gesamten Aktiven und Passiven mit unveriinderten steuerlichen
Buchwerten überführt werden ;
d) der Betrieb des untergehenden oder übernommenen Unternehmen
unveriindert weitergeführt wird.
al. 2 : In dem Zusammenschluss folgenden Steuerjahr sind die Steuer-
faktoren des untergehenden oder übernommenen Unternehmens dem neuen
oder übernehmenden Unternehmen zuzurechnen.
§ 44, al. 1 : Ais Unternehmensteilung gilt die Abspaltung eines in sich
geschlossenen und selbstiindigen Betriebsteils unter der Voraussetzung,
dass:
a) keine Liquidation stattfindet ;
b) sich die Beteiligungsverhiiltnisse anteilsmiissig nicht veriindern ;
c) die gesamten Aktiven und Passiven mit unveriinderten steuerlichen
Buchwerten überführt werden ;
d) keine Beteiligungsrechte ausgegeben werden, die eine Beherrschung
des einen oder andern Nachfolgeunternehmens durch Dritte zur Folge hiitten.
al. 2 : In dem der Unternehmensteilung folgenden Steuerjahr sind die
Steuerfaktoren des geteilten Unternehmens anteilsmiissig den Nachfolge-
unternehmen zuzurechnen.
al. 3 : Die Veriiusserungen von Beteiligungsrechten an den Nachfolge-
unternehmen und die Ausgabe neuer Beteiligungsrechte, die eine Beherr-
268 ANNEXES

schung eines Nachfolgeunternehmens durch Dritte zur Folge hiitte, darf


in der Regel nicht vor 5 Jahren seit der Unternehmensteilung stattfinden.

15. URI (Steuergesetz des Kantons Uri vom 16. Mai 1965)
Art. 8, al. 3 : übertriigt eine juristische Person Aktiven und Passiven auf
eine andere juristische Person, so sind die von ihr für die laufende Steuer-
periode geschuldeten Steuern von der ilbernehmenden Person zu entrichten.

16. VALAIS (Loi des finances du 6 février 1960)


Art. 16, al. 3 : Si une personne morale transfère son actif et son passif
à une autre personne morale, cette dernière doit acquitter les impôts dus par
la société dissoute.

17. VAUD (Loi sur les impôts directs cantonaux du 26 novembre 1956)
Art. 61, al. 3: (Voir Annexe Ill.)

Il.

DISPOSITIONS DES LOIS CANTONALES CONCERNANT L'IMPOSITION


OU L'EXONERATION DE L'AGIO

1. IMPOSITION.

1. APPENZELL RHODES INT. (Steuergesetz filr den Kanton Appenzell Innerrhoden


vom 28. April 1968)
Art. 47 : Filr die Berechnung des steuerbaren Ertrages fallen in Betracht :

d) bei Vermehrung des Aktienkapitals erzieltes Aufgeld (Agio), soweit


es die Emissionskosten und den Anteil an den kapitalsteuerpflichtigen
Reserven ilbersteigt.

2. BALE-VILLE (Gesetz über die direkten Steuern vom 22. Dezember 1949)
Art. 73, al. 2 : Zum steuerbarem Reinertrag gehüren :

e) bei Vermehrung des Aktienkapitals erzieltes Aufgeld (Agio), soweit


es die Emissionskosten und den Anteil an den kapitalsteuerpflichtigen
Reserven ilbersteigt.

3. GENÈVE (Loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887)


Art. 66 : Est considéré comme bénéfice net imposable :
ANNEXES 269
b) les sommes affectées à des fonds de réserves ou à des fonds spéciaux,
y compris les sommes portées aux réserves provenant de la prime (agio)
sur l'émission de nouvelles actions, en cas d'augmentation du capital.

4. TESSIN (Legge tributaria dell'l l aprile 1950)


Art. 52 : È considerato utile imponible :

2 ....
c) gli aumenti dei fondi di reserva o fondi speciali, compresi gli
importi provenienti dai premi di emissione di nuove azioni in caso di
aumento del capitale.

5. VALAIS (Loi des finances du 6 février 1960)


Art. 43 : Sont considérés comme bénéfice imposable :

3. l'agio sur émission d'actions.

6. V AUD (Loi sur les impôts directs cantonaux du 26 novembre 1956)


Art. 54 : Entrent en considération pour le calcul du bénéfice net imposable :

e) l'agio sur l'émission d'actions, pour la moitié de ce qui dépasse la


somme nécessaire au maintien de la proportion antérieure entre le capital
social et les réserves provenant de ressources qui ont été soumises à l'impôt
sur le bénéfice net.

Note. La loi de nombreux cantons mentionne les attributions aux réserves


( « Einlagen in die Reserven », etc.) parmi les revenus imposables, mais
sans citer expressément l'agio :
Appenzell Rhodes Ext. (art. 47, ch. 2), Bâle-Campagne (art. 42, al. 1,
ch. 2), Glaris (art. 42, al. 2, ch. 2), Lucerne (art. 51, al. 2), Obwald (art. 67,
al. 2, b), Saint-Gall (art. 71, al. 2, b), Schwyz (art. 38, al. 1, b), Thurgovie
(art. 48, b) et Zoug (art. 38, ch. 2).

II. EXONÉRATION.

1. ARGOVIE [Gesetz über die Besteuerung der Kapitalgesellschaften (Aktien-


gesellschaften, Kommanditaktiengesellschaften, Gesellschaften mit beschank-
ter Haftung) und der Genossenschaften vom 5. Oktober 1971]
Art. 11 : Kein steuerbarer Ertrag entsteht durch
a) Kapitaleinlagen von Anteilsinhabern einschliesslich Aufgelder.

2. GRISONS (Steuergesetz vom 21. Juni 1964)


Art. 53 : Für die Berechnung des steuerbaren Ertrages fallen in Betracht :

b) ... Einlagen in Reserven mit Ausnahme des Agios.


270 ANNEXES

3. NEUCHÂTEL (Loi sur les contributions directes du 9 juin 1964)


Art. 58 : Ne sont pas pris en considération lors du calcul du bénéfice :

d) l'agio au sens de l'article 671 du code fédéral des obligations.

4. SCHAFFHOUSE (Oesetz über die direkten Steuern vom 17. Dezember 1956)
Art. 44, al. 2 : Kein steuerbarer Ertrag entsteht durch Kapitaleinlagen von
Anteilsinhabern und Mitgliedern einschliesslich Agio.

5. ZURICH (Dienstanleitung zum Steuergesetz vom 3. Juli 1952)


Art. 279 : Einzahlungen der Oesellschafter auf das Oesellschaftskapital,
einschliesslich der Agiogewinne bei Ausgabe eigener Aktien ... unterliegen
nicht der Ertragsteuer.

III.
PRINCIPALES DISPOSITIONS DES LOIS CANTONALES CONCERNANT
LE TRAITEMENT FISCAL DES TRANSFERTS DE SIEGE
(PERSONNES MORALES)

1. APPENZELL RHODES lNT. (Steuergesetz für den Kanton Appenzell Innerrhoden


vom 28. April 1968)
Art. 14, al. 2: Die Steuerpflicht juristischer Personen ... endet mit der
Verlegung des Sitzes ausserhalb des Kantons, mit der Aufgabe der im
Kanton steuerbaren Werte ....
Art. 64 : Eine ordentliche Haupteinschiitzung wird durchgeführt :

c) bei Beendigung der Steuerpflicht... .


Art. 66, al. 2 : Bei den juristischen Personen gilt ausser der Liquidation oder
Fusion einer Oesellschaft auch der Wegzug aus dem Kanton ais Beendigung
der Steuerpflicht.

2. APPENZELL RHODES EXT. (Oesetz über die direkten Steuern für den Kanton
Appenzell A. Rh. vom 27. April 1958)
Art. 20, al. 2: Bei Unternehmen, die nach Obligationrecht buchführungs-
pflichtig sind, gehüren zu den Betriebseinkünften auch die Kapitalgewinne
aus verbuchten Wertvermehrungen und aus Veriiusserungen von Sachen
und Rechten, sowie die Liquidationsgewinne bei Aufgabe oder Veriiusserung
eines Betriebes ....
ANNEXES 271

al. 3 : Der Aufgabe oder Veriiusserung eines Betriebs gleichgestellt ist


die Verlegung eines solchen ausserhalb des Kantons oder die Aufhebung
einer Betriebstiitte im Kanton.
Art. 46: Die in diesem Gesetz enthaltene allgemeine Umschreibung der
Steuerpflicht findet auch Anwendung auf juristische Personen, soweit nicht
nachstehend Abweichungen vorgesehen sind.

3. ARGOVIE [Gesetz über die Besteuerung der Kapitalgesellschaften (Aktien-


gesellschaften, Kommanditaktiengesellschaften, Gesellschaften mit be-
schriinkter Haftung) und der Genossenschaften vom 5. Oktober 1971]
Art. 7, al. 2: Sie [die Steuerpflicht] endet mit ... der Verlegung der tatsach-
lichen Verwaltung ausser Kanton, wenn sich der Sitz nicht im Kanton
befindet, oder mit der Aufgabe der im Kanton steuerbaren Werte.
Art. 11 : Kein steuerbarer Ertrag entsteht durch

b) Verlegung des Sitzes, der Verwaltung oder einer Betriebstatte in


einen andern Kanton, soweit keine Verausserungen oder buchmiissigen
Hoherwertungen vorgenommen werden.
Art. 26, al. 1 : Hart die Steuerpflicht ... zufolge Verlegung des Sitzes odcr
des Ortes der tatsachlichen Verwaltung ausser Kanton oder wegen Aufgabe
von im Kanton steuerbaren Werten auf, so haben die Kapitalgesellschaften ...
auf den in der Bemessungs- und in der Veranlagungsperiode erzielten
Kapital- und Liquidationsgewinnen sowie verbuchten Wertvermehrungen
eine voile jahressteuer zu entrichten.

4. BERNE (Gesetz über die direkten Staats- und Gemeindesteuern vom


29. Oktober 1944)
Art. 27 : Erwerbseinkommen ist jedes Einkommen aus einer Tatigkeit...
Es gehüren dazu insbesondere :

f) die freigewordenen, bisher noch nicht ais Einkommen versteuerten


Reserven und, bei Verlegung des Geschiifts ausser Kanton, Reserven auf
Waren nach Art. 36 Abs. 4 und nicht mehr gerechtfertigte Rückstellungen
nach Art. 37 Abs. 2.
Note. La disposition précédente, qui concerne les personnes physiques, est
vraisemblablement applicable aux personnes morales par l'intermédiaire
de l'art. 45 (qui prévoit un impôt annuel pour les revenus de l'art. 27, al. 2, f,
ci-dessus, en cas de « Wegzug aus dem Kanton »), et de l'art. 65 (qui se
réfère à l'art. 45).

5. GLARIS (Gesetz über das Steuerwesen vom 10. Mai 1970)


Art. 12, al. 2 : Die Steuerpflicht der juristischen Personen ... endet mit ...
der Verlegung des Sitzes oder der Verwaltung ausserhalb des Kantons
oder der Aufgabe der im Kanton steuerbaren Werte.
272 ANNEXES

Art. 50, al. 2 : Endet die Steuerpflicht durch Verlegung des Sitzes oder
Ortes der tatsiichlichen Verwaltung sowie durch Aufhebung oder Verlegung
einer Betriebsstatte in einen anderen Kanton oder ins Ausland, so unterliegen
die aus nicht versteuertem Ertrag gebildeten offenen und stillen Reserven
ebenfalls einer vollen jahressteuer.

6. GRISONS (Steuergesetz vom 21. juni 1964)


Art. 53 : Für die Berechnung des steuerbaren Ertrags fallen im Betracht :

c) Oewinne aus Vermogensbestandteilen, die verliussert oder buchmlissig


hoher bewerter werden; diesen Oewinnen sind bei der Verlegung eines
Betriebes ausser Kanton die stillen Reserven gleichgestellt.
(Vollziehungsverordnung zum Steuergesetz für den Kanton Oraubünden
vom 21. juni 1964)
Art. 6, al. 5: Ais Verlegung eines Betriebs ausser Kanton gilt auch die
Aufhebung einer Geschaftsniederlassung oder Betriebstiitte Art. 11 Abs.
1 litt. d und e des Gesetzes.

7. LUCERNE (Oesetz über die direkten Staats- und Oemeindesteuern vom


27. Mai 1946)
Art. 19, al. 1 : Ais Einkommen sind zu versteuern aile Einkünfte des Steuer-
pflichtigen aus Erwerbstatigkeit, Vermogen oder andern Einnahmequellen,
namentlich :

7. die Liquidationsgewinne aus beweglichem Vermogen .... Bei glinzlicher


Verlegung eines geschliftlichen Betriebes ausser Kanton werden unver-
steuerte Reserven der Liquidationsgewinnsteuer unterworfen.
Art. 55, al. 3 : ... Die Besteuerung gemliss Art. 19 Abs. 1 Ziff. 7 bei glinz-
Iicher Verlegung eines Oeschaftes oder von Teilen desselben in einen andern
Kanton bleibt vorbehalten.

8. NEUCHÂTEL (Loi sur les contributions directes du 9 juin 1964)


Art. 66, al. 1 : Les sociétés qui sont entrées en liquidation avant ou pendant
l'année de taxation ou dont l'assujettissement à l'impôt cesse totalement ou
partiellement de toute autre manière paient, en plus de l'impôt ordinaire
sur le bénéfice un impôt annuel entier sur les bénéfices en capital et les
augmentations de valeur mentionnées à l'article 23, alinéa 2, lettres 1, m,
n, o ....
Art. 23, al. 2 : Sont notamment considérés comme un revenu :

o) la valeur des réserves apparentes ou latentes non encore frappées


de l'impôt sur le revenu au moment où une entreprise ou un établissement
stable quitte le canton.
ANNEXES 273

9. NIDWALD (Steuergesetz vom 26. April 1970)


Art. 20 : Folgende Einkünfte unterliegen einer einmaligen vollen jahres-
steuer :

2.... bisher nicht versteuerte Warenreserven und nicht mehr gerecht-


fertigte Rückstellungen auf Forderungen gelten bei Verlegung eines Betriebes
ausserhalb des Kantons ais Kapitalgewinne.
Art. 28 : Die Vorschriften über die Besteuerung der natürlichen Personen,
mit Ausnahme der Art. 15, 18, 23 und 24 finden sinngemass Anwendung
auch für die Besteuerung der juristischen Personen ....

10. OswALD (Steuergesetz vom 8. Mai 1949)


Art. 63 : Die Steuerpflicht ... endet insbesondere dann, wenn eine juristische
Person ... ihren Sitz oder den Ort der tatsachlichen Geschaftsleitung ausser
Kanton verlegt.
Liquidationsgewinne, die bei Aufgabe, Verausserung oder Verlegung
einer juristischen Persan, einer Betriebsstiitte usw. erzielt werden, unter-
liegen samt den unversteuerten offenen und stillen Reserven einer vollen
jahressteuer, die sich für diese Gewinne allein ergibt.

11. SAINT-GALL (Steuergesetz vom 23. Juni 1970)


Art. 14, al. 2 : Die Steuerpflicht der juristischen Personen ... endet mit ...
der Verlegung des Sitzes oder der Verwaltung ausserhalb des Kantons
oder mit der Aufgabe der im Kanton steuerbaren Werte.
Art. 86, al. 3 : Verlegt eine juristische Person ihren Sitz, den Ort der
tatsachlichen Verwaltung oder eine Betriebsstiitte in einen anderen Kanton
oder in das Ausland, so werden die aus nicht versteuertem Ertrag gebildeten
offenen und stillen Reserven zusammen mit <lem Reinertrag des letzten
Geschaftsjahres besteuert.

12. SCHAFFHOUSE (Gesetz über die direkten Steuern vom 17. Dezember 1956)
Art. 11 : Die Steuerpflicht juristischer Personen ... endet mit ... der Ver-
legung des Sitzes oder der Verwaltung ausserhalb des Kantons oder der
Aufgabe der im Kanton steuerbaren Werte.
Art. 18bis : Der Verausserung von Vermogensstücken gleichgestellt ist ...
die Verlegung eines Betriebes oder einer Betriebstatte in einen andern
Kanton oder in das Ausland.
Art. 44, al. 3: Art. 18bis ... werden sinngemass angewendet.
Art. 117, al. 2 : Hart die Steuerpflicht auf .. ., so ist neben der Steuer vom
übrigen Einkommen bzw. Ertrag auf folgenden, in der Bemessungs- und
in der Veranlagungsperiode erzielten Einkünften eine voile Jahressteuer
zu entrichten :
a) auf Liquidationsgewinnen bei teilweiser oder ganzlicher Aufgabe oder
Verausserung eines Geschaftsbetriebes.
274 ANNEXES

13. SOLEURE (Oesetz über die direkte Staats- und Oemeindesteuern)


Art. 21, al. 2: Die Steuerpflicht juristischer Personen ... endet mit ... der
Verlegung des Sitzes ausserhalb des Kantons oder der Aufgabe der im
Kanton steuerbaren Werte.
Art. 54, al. 1 : Bei Aufhoren der Steuerpflicht, Wegzug aus dem Kanton
oder Vornahme einer Zwischenveranlagung sind die im Bemessungsjahr
und im Steuerjahr erzielten ausserordentlichen, nicht periodisch fliessenden
Einkünfte, wie Kapitalabfindungen, Liquidations-, Kapital- und Lotterie-
gewinne und verbuchte Wertvermehrungen, mit einer vollen Jahressteuer zu
entrichten.
Art. 59 : Ais steuerbarer Ertrag gelten :

d) bei Verlegung eines Oeschiiftes ausser Kanton die zulasten der


jeweiligen Oeschiiftsertriige gebildeten stillen Reserven (ohne Ooodwill-
berechnung), wobei nicht realisierte Liquidationsgewinne nur für den Teil
der steuerlich zugelassenen Abschreibungen besteuert werden (zum Beispiel
auf Wertschriften, Beteiligungen usw.) ; Art. 54 Absatz 1 und 2 sind
sinngemiiss anwendbar.

14. TESSIN (Legge tributaria dell'l 1 aprile 1950 e successive modificazioni sino
al 24 marzo 1966)
Art. 66, al. 2 : L'imposta sui benefici di liquidazione è dovuta anche quando
la persona giuridica, pur senza sciogliersi o mutar secte, compie operazioni
che hanno corne conseguenza la scomparsa di tutti gli elementi imponibile
per i quali era finora tassata ne! Cantone.

15. THURGOVIE (Oesetz über die Staats- und Gemeindesteuern vom 9. Juli 1964)
Art. 7, al. 2 : Die Steuerpflicht der juristischen Personen ... endet mit ... der
Verlegung des Sitzes oder der Verwaltung ausserhalb des Kantons oder
der Aufgabe der im Kanton steuerbaren Werte.
Art. 68, al. 2 : Bei Beendigung der Steuerpflicht ... ist für ausserordentliche
Einkünfte, wie Kapitalabfindungen, Liquidationsgewinne, Lotteriegewinne
und verbuchte Wertvermehrungen, welche in der Steuerjahr oder in die
Bemessungsperiode fallen, eine voile Jahressteuer zu dem für dieses Ein-
kommen oder diesen Ertrag allein massgebenden Satze zu entrichten.
(Vollziehungsverordnung zum Oesetz über die Staats- und Oemeindesteuern
vom 2. Dezember 1970)
Art. 48, al. 1 : Ein Liquidationsgewinn im Sinne von Art. 68 Abs. 2 des
Steuergesetzes entsteht nicht nur bei der zivilrechtlichen Liquidation,
sondern auch bei der Aufgabe eines Oeschiiftsbetriebes im Kanton infolge
Geschaftsverlegung ausserhalb des Kantons oder bei der Aufhebung einer
Betriebsstatte im Kanton.
al. 2 : In diesen Fiillen gelten ais Liquidationsgewinn aile stille Reserven
im Zeitpunkt der Beendigung der Steuerpflicht im Kanton ...

16. URI (Steuergesetz des Kantons Uri vom 16. Mai 1965)
ANNEXES 275
Art. 21 : Ais Einkommen gelten die gesamten Einkünfte an Oeld oder
Geldwert ... insbesondere

e) die in einem geschaftlichen Betrieb bei der Verausserung oder son-


stigen Verwertung vom Vermogensobjekten ... (... Liquidationsgewinne bei
Aufgabe oder Verausserung eines Betriebes usw.) ;

der Verausserung eines Betriebes steht dessen giinzliche Verlegung


ausserhalb des Kantons gleich.
Art. 41 : Die Vorschriften des Abschnittes IV sind mit Ausnahme der Art. 20,
26 und 36 sinngemass auf die Besteuerung der juristischen Personen
anzuwenden ....

17. VAUD (Loi sur les impôts directs cantonaux du 26 novembre 1956)
Art. 61, al. 3 : Les sociétés qui sont dissoutes, ainsi que celles qui trans-
fèrent leur siège hors du canton ou qui cessent d'y avoir des éléments impo-
sables, paient, lors de la cessation de l'assujettissement ... un impôt annuel
unique sur les bénéfices en capital et les augmentations de valeur réalisées
pendant la période de calcul et la période de taxation.

18. ZüRICH (Gesetz über die direkten Steuern vom 8. juli 1951)
Art. 13, al. 2: Die Steuerpflicht juristischer Personen ... endet mit ... der
Verlegung des Sitzes ausserhalb des I<antons oder der Aufgabe der im
Kanton steuerbaren Werte.
Art. 58, al. 1 : Werden im Steuerjahr, in dem die Steuerpflicht endigt, ausser-
ordentliche Einkünfte wie Kapitalabfindungen, Liquidations- oder Lotterie-
gewinne erzielt, so werden sie dem in diesem Steuerjahr steuerbaren Ein-
kommen oder Ertrag zugerechnet ; ausgenommen sind die Kapitalabfin-
dungen und Liquidationsgewinne, die gesondert vom übrigen Einkommen
besteuert werden.

IV.
DEFINITIONS DE L'ETABLISSEMENT ST ABLE
CONTENUES DANS LES LOIS CANTONALES

1. APPENZELL RHODES EXT, (Vollziehungsverordnung zum Gesetz über die


direkten Steuern für den Kanton Appenzell A. Rh. vom 27. November 1958)
Art. 5, al. 2 : Eine Betriebsstiitte befindet sich dort, wo in stiindigen Anlagen
und Einrichtungen ein quantitativ oder qualitativ wesentlicher Teil des
geschiiftlichen Tiitigkeit ausgeübt wird. Ais Betriebsstiitten sind demnach
u. a. zu betrachten : die Geschaftsleitung, Zweigniederlassungen, Fabrika-
276 ANNEXES

tians- und Werkstiitten, Einkaufs- und Verkaufsstellen, standige Werk-


platze, Büros und Vertretungen.

2. BERNE (Gesetz über die direkten Staats- und Gemeindesteuern vom


29. Oktober 1944)
Art. 9 : Ais Betriebsstiitte eines Unternehmens gilt eine stiindige Geschiifts-
einrichtung, in welcher ein nach Art oder Umfang wesentlicher Teil der
Tiitigkeit des Unternehmens ausgeübt wird.
Betriebsstiitten sind insbesondere der Ort der Leitung, die Zweignieder-
lassungen, Werkstiitten, Einkaufs- und Verkaufsstellen sowie die stiindigen
Vertretungen und gepachteten Grundstücke.

3. GENÈVE (Loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887)


Art. 63 : ... un siège, une succursale, une agence ou une entreprise, ou qui
y exercent une activité lucrative ....

4. GLARIS (Gesetz über das Steuerwesen vom 10. Mai 1970)


Art. 6, al. 2 : Ais Betriebstiitte gilt eine stiindige Geschiiftseinrichtung,
in welcher die Geschiiftstiitigkeit eines Unternehmens ganz oder teilweise
ausgeübt wird oder die dem Unternehmen dauernd dient.

5. GRISONS (Steuergesetz vom 21. juni 1964)


Art. 11, al. 1 :

e) ... ais Betriebstiitte gilt jede feste Einrichtung, in der ein wesentlicher
Teil einer Erwerbstiitigkeit ausgeübt wird.

6. NEUCHÂTEL (Loi sur les contributions directes du 9 juin 1964)


Art. 7 : Est considérée comme établissement stable d'une entreprise toute
installation permanente dans laquelle s'exerce une partie notable, en qualité
ou en quantité, de l'activité de l'entreprise.
Sont réputés tels notamment le siège de la direction, les succursales,
les ateliers, les comptoirs d'achat et de vente ainsi que les représentations
permanentes.

7. OBWALD (Steuergesetz vom 8. Mai 1949)


Art. 60, al. 2 : Ais Betriebsstiitte gilt eine stiindige Geschiiftseinrichtung, in
der die Geschiiftstiitigkeit eines Unternehmens ganz oder teilweise ausgeübt
wird.

8. SAINT-GALL (Vollzugsverordnung zum Steuergesetz vom 10. Nov. 1970)


Art. 2: Betriebstiitten sind insbesondere Zweigniederlassungen, Fabrikations-
stiitten, Werkstiitten, Einkaufs- und Verkaufsstellen, stiindige Vertretungen,
Bergwerke und andere Stiitten der Ausbeutung von Bodenschiitzen sowie
Einrichtungen zur Ausführung von Werken des Hoch-, Tief- und Strassen-
baus, wenn diese Einrichtungen langer ais 12 Monate bestehen.
ANNEXES 277
9. SCHAFFHOUSE (Verordnung des Regierungsrates des Kantons Schaffhausen
betreffend den Vollzug des Gesetzes über die direkten Steuern vom
17. Dezember 1956 vom 20. November 1972)
Art. 1 : Betriebstatten sind insbesondere Zweigniederlassungen, Fabrikations-
statten, Einkaufs- und Verkaufsstellen, stiindige Vertretungen und Einrich-
tungen zur Ausführung von Werken des Hoch-, Tief- oder Strassenbaues,
wenn diese Einrichtungen liinger ais 12 Monate bestehen.

10. TESSIN (Legge tributaria dell'l 1 aprile 1950)


Art. 8, al. 3 :

c) ... in particolare la direzione, laboratori, officine, spacci, rappresen-


tanze, fondi in affitto, etc.

11. URI (Steuergesetz des Kantons Uri vom 16. Mai 1965)
Art. 21, al. 2: Ais geschaftlicher Betrieb im Sinne dieses Gesetzes gilt
jede selbstiindige, auf Gewinnerziehung gerichtete Erwerbstiitigkeit, aus-
genommen die landwirtschaftliche.

12. ZURICH (Dienstanleitung zum Steuergesetz vom 3. juli 1952)


Art. 25, al. 2 : Eine Betriebstatte im Kanton ist dann vorhanden, wenn sich
hier standige Anlagen oder Einrichtungen (Warenliiger, Büros, Werk-
statten, Verkaufsliiden, Automaten und dergleichen) befinden, mittels deren
sich ein qualitativ und quantitativ wesentlicher Teil des Betriebes vollzieht.
al. 3 : Gleichgültig ist, welche Bezeichnung die zürcherische Betrieb-
statte führt und ob sie ais Filiale, Agentur usw. auftritt. Die Eintragung
der Firma oder eines Teilhabers in das Handelsregister des Kantons Zürich
ist nicht Voraussetzung der Steuerpflicht. Diese ist auch gegeben, wenn
die Betriebstatte formell auf den Namen eines Dritten (Agenten usw.),
tatsachlich aber auf Rechnung und Gefahr der Firma geführt wird.
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. .. . . .. .. .. 1

PREMIÈRE PARTIE :

EXPOSÉ DES PROBLÈMES ET SOLUTIONS POSSIBLES

Chapitre premier. - GÉNÉRALITÉS . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9


A. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
B. Pénalisation et f avorisation fiscales des concentrations . . 11

Chapitre li. - L'IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRISES . . 16


A. Fusion et scission . . . . . . . . . . . . . . 16
1. Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2. Le système du sursis à l'imposition . . . . 20
B. Pseudo-fusion, pseudo-scission et apport partiel 27
C. Conclusions .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 34

Chapitre /Il. - L'IMPOSITION DES SOCIÉTÉS REPRENANTES 36


A. Impôts directs . . . . . . . . . . . . 36
1. Fusion et scission . . . . . . . . . . . . . . . . 36
a) Primes et pertes de fusion . . . . . . . . . . 36
b) Compensation des primes et pertes de fusion avec des
pertes et bénéfices d'exploitation . . . . . . . . . . . . 43
c) Report et compensation des pertes et bénéfices d'ex-
ploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
2. Pseudo-fusion, pseudo-scission, apport partiel 46
B. Impôts indirects . . . . . . . . . . . . . . 46
1. Droits d'apport .. .. .. .. .. .. .. 47
2. Autres impôts sur les transactions . . 48
C. Conclusions .. .. .. .. .. .. .. .. 49
19
280 TABLE DES MATIÈRES

Chapitre IV. - L'IMPOSITION DES ACTIONNAIRES . . 51


A. Généralités .. 51
B. Imposition du dividende de liquidation 55
1. Maintien des valeurs nominales . . . . 55
2. Modification des valeurs nominales 57
3. Paiement de soultes . . . . . . 59
C. Imposition des gains en capital 60
1. Personnes physiques . . 60
2. Entreprises et sociétés 61
D. Conclusions . . . . . . . . 61

Chapitre V. - CAS PARTICULIERS : PARTICIPATIONS RÉCIPROQUES ET


CROISÉES ET SOCIÉTÉS ACTIONNAIRES D'ELLES-MÊMES 63
A. Participation de la société reprenante dans la société reprise
(absorption d'une filiale) . . . . . . . . 63
1. Situation en cas de liquidation . . . . . . . . . . . . . . 64
2. Situation en cas d'absorption de la filiale . . . . . . . . 65
B. Participation de la société reprise dans la société reprenante 68
C. Participations croisées . . . . . . . . 70
1. Situation en cas de liquidation . . 71
2. Situation en cas d'absorption 72
3. Résumé et conclusions . . . . . . 75
D. Société reprise ou reprenante actionnaire d'elle-même 77

Chapitre VI. - CONCLUSIONS 80


~~~~~~ ~

B. Le régime du sursis 82
1. Au niveau de la société reprise 82
2. Au niveau de la société reprenante 82
3. Le cas des sociétés mères et filiales 83
4. Au niveau des actionnaires . . . . . . 84

C. Remarque concernant les aspects internationaux des fusions


nationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
TABLE DES MATIÈRES 281

DEUXIÈME PARTIE :

SOLUTIONS E:TRANOÈRES

Chapitre premier. - LE SYSTÈME ALLEMAND (RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE) 91


A. Droit des sociétés . . . . 91
B. Droit fiscal .. .. .. 92

1. Généralités sur l'imposition des sociétés allemandes 92


a) Impôts directs . . . . . . 92
b) Impôts indirects . . . . 94
2. Le régime de liquidation . 95
a) Imposition des sociétés 96
b) Imposition des actionnaires . . 96
3. Le régime de faveur . . . . 97
a) Impôts directs . . . . . . 97
b) Impôts indirects . . . . 100

Chapitre II. - LE SYSTÈME BELGE .. .. .. .. .. .. . . .. .. 101


A. Droit des sociétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
B. Droit fiscal .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 102
1. Généralités sur l'imposition des sociétés belges 102
a) Impôts directs . . . . . . 102
b) Impôts indirects . . . . 104
2. Le régime de liquidation . 105
a) Imposition des sociétés 105
b) Imposition des actionnaires . . 106
3. Le régime de faveur . . 107
a) Impôts directs . . . . . . . . 107
b) Impôts indirects . . . . . . 111

Chapitre /li. - LE SYSTÈME FRANÇAIS . . 112


A. Droit des sociétés . . . . . . . . . . 112
B. Droit fiscal . . . . . . . . . . . . 113
1. Généralités sur l'imposition des sociétés françaises . . 113
a) Impôts directs . . . . . . 113
b) Impôts indirects .. .. .. .. .. .. . . .. .. .. 116
282 TABLE DES MATIÈRES

2. Le régime de liquidation . . . . . 117


a) Imposition des sociétés . . . . 117
b) Imposition des actionnaires .. 117
3. Le régime de faveur .. 118
a) Impôts directs . . . . 118
b) Impôts indirects .. 122

Chapitre IV. - LE SYSTÈME NÉERLANDAIS .. 124


A. Droit des sociétés . . . . 124
B. Droit fiscal .. .. .. 125
1. Généralités sur l'imposition des sociétés néerlandaises 125
a) Impôts directs . . . . . . 125
b) Impôts indirects . . . . 127
2. Le régime de liquidation . 127
a) Imposition des sociétés 127
b) Imposition des actionnaires .. 128
3. Le régime d'aliénation . . . . .. 128
a) Imposition des sociétés . . .. 128
b) Imposition des actionnaires .. 129
4. Le régime de faveur . . 129
a) Impôts directs . . . . . . 129
b) Impôts indirects . . . . 133

Chapitre V. - LE SYSTÈME AMÉRICAIN (ETATS-UNIS) 135


A. Droit des sociétés . . . . 135
B. Droit fiscal .. .. .. 136
1. Généralités sur l'imposition des sociétés américaines 136
a) Impôts directs . . . . . . 136
b) Impôts indirects . . . . 139
2. Le régime de liquidation . 139
a) Imposition des sociétés 139
b) Imposition des actionnaires . . 140
3. Le régime de faveur . . . . . . . . 141
a) Définitions légales des opérations privilégiées 141
b) Exigences jurisprudentielles et administratives 142
c) Traitement fiscal des opérations privilégiées 144
TABLE DES MATIÈRES 283

TROISIÈME PARTIE :

LE SYSTÈME SUISSE

Chapitre premier. FUSIONS CANTONALES 151


Section 1 : Droit des sociétés 151

Section II : Droit fiscal . . . . 155


'A. Le régime fédéral . . . l 56
l. Au niveau des sociétés 156
a) Impôt direct . . . . 156
b) Impôts indirects . . . . 166
c) Impôt à la source . . . . l 70
2. Au niveau des actionnaires . . 177
a) Actions incluses dans le patrimoine privé d'une
personne physique . . . . . . . . . . . . . . 177
b) Actions incluses dans un patrimoine commercial . . 178
B. ,Les régimes cantonaux . . . . . . . . . . 179
1. Imposition de la société reprise . . 180
a) Dispositions des lois cantonales 180
b) Position de la doctrine récente et pratiques admi-
nistratives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
c) Le cas particulier des sociétés mères et filiales . . 185
2. Imposition de la société reprenante . . . . . . . . . . 186
a) Dispositions des lois cantonales en matière d'agio 186
b) Position de la doctrine et de la jurisprudence 187
c) Droits cantonaux sur les transactions 190
3. Imposition des actionnaires . . . . . . . . . . . . . . 191
a) Dispositions des lois cantonales . . . . . . . . 191
b) Position de la doctrine récente et pratiques admi-
nistratives . . . . . . . . . . 192

Chapitre II. - FUSIONS INTERCANTONALES . . 195


Section 1 : Introduction 195
A. Généralités . . . . 195
284 TABLE DES MATIÈRES

B. Portée des articles 4 et 46, alinéa 2, CF . . . . . . . . . . 196


1. Imposition en cas de transfert de siège . . . . . . . . 197
2. Imposition en cas de fusion cantonale effectuée dans
un canton tiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
3. Imposition en cas de fusion intercantonale 202
C. Situation actuelle . . .. .. .. .. .. .. .. 204
Section II : Imposition des entreprises intercantonales 206
A. Notion de l'établissement stable . . . . 207
1. Domiciles primaire et secondaire . . . . . . . . 207
2. Définition de l'établissement stable . . . . . . 208
B. Répartition des actifs et bénéfices d'une entreprise inter-
cantonate . . . . . . . . . . . . . . . . 219
1. Eléments de t'actif et du passif . . 219
a) Actifs immobilisés et localisés 220
b) Comptes mobiles . . . . . . 220
c) Participations et avances 221
d) La question du préciput . . 222
2. Eléments du revenu . . . . . . 224
a) La méthode directe . . . . 225
b) Les méthodes indirectes . . 227
c) Répartition du bénéfice de liquidation . . 232
C. Problèmes de répartition en matière immobilière . . 234
1. Répartition de l'actif et du passif . . .. 235
2. Répartition des bénéfices immobiliers .. 236
a) Rendement des immeubles . . . . .. 236
b) Gains en capitaux . . . . . . . . .. 237
D. Modalités d'imposition et droits des cantons dans le cadre
de l'article 46, alinéa 2, CF . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Section III : Difficultés et conditions d'un régime commun des
concentrations intercantonales 241
'A. Généralités . . . . . . . . 241
B. Problèmes de répartition .. .. 243
1. Fusion et scission . . . . .. .. 243
2. Pseudo-fusion et apport partiel . . . . 244
3. Conclusions . . . . . . . . .. .. .. .. 245
TABLE DES MATIÈRES 285
C. Projet d'accord intercantonal ou de loi uniforme 246
1. Régimes possibles . . . . . . . . . . .. .. .. 246
a) Sursis inconditionnel . . . . . . . . . . . . . . 246
b) Sursis lié à l'assujettissement de la société repre-
nante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
c) Sursis déterminé par les règles de répartition du
Tribunal fédéral . . 249
2. Projet d'accord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249

CONCLUSION .. 253

BIBLIOGRAPHIE 259

ANNEXES . . . . 263
I. Dispositions des lois cantonales concernant les concentra-
tions de sociétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
II. Dispositions des lois cantonales concernant l'imposition ou
l'exonération de l'agio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268
III. Principales dispositions des lois cantonales concernant le
traitement fiscal des transferts de siège (personnes morales) 270
IV. Définitions de l'établissement stable contenues dans les lois
cantonales . . . . . . 275

TABLE DES MATIÈRES . . . . . . 279


MÉMOIRES PUBLIES PAR LA FACULTE DE DROIT DE GENÈVE

N° WERNER, Georges : Le débat sur la compétence de la Cour administrative


fédérale. 1927, 30 pages. Fr. 2,-.
N° 3 CARRY, Paul : La responsabilité limitée du commerçant individuel. 1928.
44 pages. Fr. 5,-.
N° 4 BATTELLI, Maurice : Le Premier ministre au Canada et en Irlande. 1943.•
182 pages. Fr. 7,50.
N° 5 Droit et Vérité : Le droit oblige-t-il à parler et à dire la vérité ?
YUNG, W. : La vérité et le mensonge dans le droit privé.
CAPITAINE, G. : Le secret professionnel du banquier.
NAVILLE, F. : Le secret médical.
GRAVEN, J. : L'obligation de parler en justice.
1946, 160 pages. Fr. 5,-.
N° 6 Grandes Figures et Grandes Œuvres juridiques.
MARTIN, V. : Solon et l'esprit du droit grec.
KADEN, E.H. : Justinien législateur.
LIEBESKIND, W.A. : Marsile de Padoue et son « Defensor pacis >.
BOURQUIN, M. : Grotius est-il le père du droit des gens ?
GRAVEN, J. : Beccaria et l'avènement du droit pénal moderne.
YUNG, W. : Eugène Huber et l'esprit du Code civil suisse.
1948, 212 pages. Fr. 8,-.
N° 7 GRAVEN, Jean : Pellegrino Rossi, grand Européen.
1949, 92 pages. Fr. 6,25.
N° 10 GUGGENHEIM, Paul : Emer de Vattel et l'étude des relations internatio-
nales en Suisse. 1956, 24 pages. Fr. 2,50.
N° 11 GAGNEBIN, Bernard : Portalis. 1956, 24 pages. Fr. 2,-.
N° 12 LALIVE, Pierre-A. : Le romancier et la protection des intérêts personnels.
1956, 24 pages. Fr. 2,50.
N° 14 JUNOD, Ch.-A. : Force majeure et cas fortuit dans le système suisse de
la responsabilité civile. 1956, 200 pages. Fr. 14,50.
N° 15 Première Journée juridique (1961).
YUNG, W. : La responsabilité civile d'après la loi sur la circulation rou-
tière.
BERENSTEIN, A. : Législation récente en matière d'assurance accidents.
FOLLIET, P. : De l'imposition du produit d'activité à but lucratif à celle
des bénéfices involontaires.
LACHENAL, J.-A. : De quelques jurisprudences récentes en droit interna-
tional privé. 1962, 116 pages. Fr. 12,-.
N° 16 Deuxième Journée juridique (1962).
GRAVEN, J. : Les principes de la révision pénale genevoise à la lumière
de la jurisprudence.
BROSSET, G. : La vente par acomptes et la vente avec paiements préa-
lables.
LALIVE, P. : Le régime matrimonial des étrangers en Suisse.
JUNOD, Ch.-A. : L'acquisition d'immeubles en Suisse par des personnes
domiciliées à l'étranger. 1963, 140 pages. Fr. 15,-
ME.MOIRES PUBLIE.S PAR LA FACULTE. DE DROIT DE GENEVE

N• 17 L'intégration européenne.
GUGGENHEIM, P. : Organisations économiques supranationales et indé-
pendance de la Suisse.
LONG, O. : La Suisse et l'intégration européenne.
LALIVE, P. : Harmonisation et rapprochement des législations euro-
péennes.
GOORMAGHTIGH, j. : Les aspects politiques des communautés européennes.
1964, 96 pages. Fr. 10,-.
N• 18 Etudes de droit commercial en l'honneur de Paul Carry.
BORG!, F.W. : Bedeutung und Grenzen der lnteressenabwiigung bei der
Beurteilung gesellschaftsrechtlicher Probleme.
PATRY, R. : La société anonyme de type européen.
ROTONDI, M. : Per la limitazione della responsabilità mediante fonda-
zione di un ente autonomo.
jAGGI, P. : Zur Schaffung von privilegierten Aktien und von Oenuss-
scheinen.
STEIGER, F. v. : Genussscheine ais Finanzierungsmittel.
SECRÉTAN, R. : La notion de « valeur réelle » des actions non cotées au
sens de l'article 686, alinéa 4 du C.O.
ROSSET, P.R.: L'« action populaire>.
SCHONLE, H. : La décharge en droit allemand des sociétés.
YUNG, W. : Les éléments objectifs dans les contrats civils et commer-
ciaux.
DESCHENAUX, H. : L'esprit de la loi fédérale sur les cartels et organi-
sations analogues.
GRAVEN, j.: Le principe de la chose jugée et son application en procé-
dure civile suisse. 1964, 316 pages. Fr. 30,-.
N° 19 Troisième journée juridique (1963).
PATRY, R. : L'action en annulation des décisions de l'assemblée géné-
rale.
MARTIN-ACHARD, Ed. : Le procès en matière de propriété intellectuelle.
FOËX, O. : La jurisprudence de la Cour de cassation en matière de pro-
cédure pénale genevoise.
DOMINICÉ, Ch. : La détermination du domicile des fonctionnaires inter-
nationaux. 1964, 136 pages. Fr. 15,-.
N° 20 Quatrième journée juridique (1964).
SCHONLE, H. : Remarques sur les nouvelles Règles et usances uniformes
relatives aux crédits documentaires.
HIRSCH, A. : La loi fédérale sur les cartels et organisations analogues.
VIRALLY, M. : L'accès des particuliers à une instance internationale : La
protection des droits de l'homme dans le cadre européen.
BERNHEIM, J. : L'appréciation médico-légale de l'ivresse dans la circula-
tion routière. 1965, 124 pages. Fr. 15,-.
N° 21 Cinquième journée juridique (1965).
PATRY, R. : La qualité d'associé dans la société coopérative.
L'HUILLIER, L. : Quelques aspects du contrat de transport maritime en
droit suisse.
DUPERREX, E. : De quelques problèmes soulevés par le séquestre en ban-
que. 1966, 96 pages. Fr. 15,-.
Ml!MOIRES PUBLŒS PAR LA FACULTI! DE DROIT DE OENE:VE

N• 22 Sixième Journée juridique (1966).


FLATTET, G. : La propriété par étage.
CORNIOLEY, P. : Questions posées par la réforme de la juridiction admi-
nistrative à Genève.
GRAVEN, J. : Similitude et divergence des procédures pénales genevoise
et française. 1967, 146 pages. Fr. 15,-.
N° 23 Septième Journée juridique (1967).
BERENSTEJN, A. : La loi sur le travail : ses caractéristiques essentielles.
GROSSEN, J.-M. : L'évolution du régime juridique des pensions et des
indemnités consécutives au divorce.
OBERSON, R. : De quelques particularités de la loi sur l'impôt anticipé
et de son ordonnance d'exécution.
HIRSCH, A. : Le champ d'application de la loi fédérale sur les fonds de
placement. 1968, 80 pages. Fr. 15,-.
N• 24 Huitième Journée juridique (1968).
ENGEL, P. : Quelques problèmes relatifs au contrat de dépôt bancaire.
THORENS, J. : L'objet du litige dans le procès civil.
GRAVEN, P. : Les mesures de «sûreté» dans le droit et la jurisprudence
suisses.
DESCHENAUX, H. : La notion d'effets nuisibles des cartels et organisations
analogues. 1969, 104 pages. Fr. 15,-.
N° 25 Etudes en l'honneur de jean Graven.
ANCEL, M. : La protection des droits de l'homme selon les doctrines de
la défense sociale moderne.
BETTJOL, G. : Diritto penale e tipi di stato di diritto.
CONSTANT, J. : La répression de l'insolvabilité frauduleuse en droit belge.
CORNIL, P. : Droit pénal et monde moderne.
GERMANN, 0.-A. : Zum bedingten Strafvollzug nach schweizerischem
Recht.
jESCHECK, H.-H. : Gedanken zur Reform des deutschen Auslieferungs-
gesetzes.
LERNELL, L. : Réflexions sur l'essence de la peine privative de liberté.
De certains aspects psychologiques et philosophiques de la peine de
prison.
MUELLER, G.-0.-W. : Two enforcement models for international criminal
justice.
NENOV, 1. : Le droit pénal bulgare et l'humanisme socialiste.
SCHULTZ, H. : Les droits de l'homme et le droit extraditionnel suisse.
SCHWANDER, V. : Rechtsstaatliche Grundslitze im Auslieferungsrecht.
1969, 198 pages. Fr. 25,-.
N• 26 DROJN, Jacques : Les effets de l'inobservation de la forme en matière de
transfert de la propriété immobilière. 1969, 80 pages. Fr. 15,-.
N° 27 Recueil de travaux publié à l'occasion de l'Assemblée de la Société Suisse
des Juristes, à Genève, du 3 au 5 octobre 1969. 1969, 244 pages. Fr. 25,-.
N° 28 PERRIN, j.-Fr. : La reconnaissance des sociétés étrangères et ses effets,
Etudes de droit international privé suisse. 1969, 216 pages. Fr. 23,-.
N° 29 Neuvième Journée juridique.
DALLÈVES, L. : Le contrat de « factoring ».
DROIN, J. : La nature et le contenu des conventions relatives aux effets
accessoires du divorce.
KAUFMANN, H. : La Suisse et la convention de la C.E.E. concernant la
compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et
commerciale.
MACHERET, A. : L'extension de la juridiction administrative du Tribunal
fédéral. Questions choisies. 1970, 140 pages. Fr. 18,-.
MEMOIRES PUBLIES PAR LA FACULTE. DE DROIT DE GENE.VE

N• 31 PATRY, R. et AUBERT, M. : Le régime juridique des valeurs mobilières en


droit suisse. 1972, 112 pages. Fr. 12,-.
N° 32 YUNG, W. : Etudes et articles. 1971, 542 pages. Fr. 45,-.
N• 33 DOHM, Jürgen : Les accords sur l'exercice du droit de vote de l'action-
naire - Etude de Droit suisse et allemand. 1972, 252 pages. Fr. 27,-.
N° 34 ROBERT, Christian Nils : La détention préventive en Suisse romande
et notamment à Genève. 1972, 228 pages. Fr. 30,-.
N° 35 Onzième fournée juridique.
Hua, W. : La nouvelle législation sur le contrat de travail
LALIVE, P. : Dépréciation monétaire et contrats en droit international
privé.
SCHÔNLE, H. : La nouvelle législation sur les banques.
1972, 116 pages. Fr. 17,-.
N° 36 TANDOGAN, Haluk: Notions préliminaires à la théorie générale des
obligations. 1972, 124 pages. Fr. 16,-
N0 37 La condition juridique des handicapés mentaux.
(Colloque du 24 avril 1972)
THORENS, J. : Introduction.
ÜARRONE, O. : Quelques aspects médico-sociaux de la débilité mentale.
KNAPP, B. : La protection juridique du handicapé mental en droit public
suisse.
BERENSTEIN, A. : La protection juridique du handicapé mental en droit
social.
DESCHENAUX, H. : La protection juridique du handicapé mental en droit
privé.
DAMI, R. : Le handicapé mental et la tutelle.
ÜRAVEN, P. : La protection juridique du handicapé mental en droit pénal.
1973, 136 pages. Fr. 18,-.
N° 38 LIEBESI<IND, W.A. : Institutions politiques et traditions nationales. 1973,
408 pages. Fr. 49,-.
N° 39 Douzième fournée juridique.
BAUER, H. : La responsabilité du propriétaire foncier (art. 679 CC) : les
personnes responsables et les personnes protégées.
MORAND, Ch.-A. : Tendances récentes dans le domaine de la liberté
d'expression. 1973, 72 pages. Fr. 11,-.
N° 40 PERRET, F. : L'autonomie du régime de protection des dessins et modèles.
Essai d'une théorie générale des droits de propriété intellectuelle. 1974,
340 pages. Fr. 39,-
N0 41 KADEN, H.-E. : Le jurisconsulte Germain Colladon, ami de jean Calvin
et de Théodore de Bèze. 1974, 180 pages. Fr. 32,-.
N° 42 PETITPIERRE, O. : La responsabilité du fait des produits. Les bases d'une
responsabilité spéciale en droit suisse, à la lumière de l'expérience des
Etats-Unis. 1974, 208 pages. Fr. 28,-.
ME.MOIRES PUBLIÉS PAR LA FACULTÉ DE DROIT DE GENÈVE

N° 43 Treizième fournée juridique.


OBERSON, R. : La nouvelle loi fédérale sur les droits de timbre.
THORENS, J. : Quelques considérations concernant les rapports en droit
successoral.
JAGMETTI, R.L. : Les mesures urgentes en matière d'aménagement du
territoire.
1974, 92 pages. Fr. 16,-.

N° 44 ROBERT, Christian Nils : La participation du juge à l'application des


sanctions pénales. 1975, 224 pages. Fr. 29,-

N° 45 RECORDON, Pierre-Alain : La protection des actionnaires lors des fusions


et scissions de sociétés en droit suisse et en droit français.
1974, 344 pages. Fr. 40,-.

N° 46 Quatorzième journée juridique.


JUNOD, Ch.-A. : Liberté économique, ordre public et politique sociale
(Réflexions sur l'arrêt Griessen ATF 97 I 499 ss.).
DALLEVES, L. : Le contrat de voyage.
GAUTHIER, J. : La loi fédérale sur le droit pénal administratif.
A paraître en 1975.

Hors série.
Recueil de travaux publié à l'occasion de 1' Assemblée de la Société
Suisse des Juristes, à Genève, du 4 au 6 septembre 1938. 1938, 364 pages.
Fr. 20,-
Recueil d'études de droit international en hommage à Paul Guggenheim.
1968, relié toile, 928 pages. Fr. 100,-.

Les volumes non indiqués sont épuh;és.

RECHERCHES ET TRAVAUX DE LA FACULTÉ DE DROIT DE OENËVE

PERRIN, J.-F. : Le contrat d'architecte. 1970, 104 pages. Format 14 X 19.


Fr. 12,-.

RAPPORT DE RECHERCHES DE LA FACULTÉ DE DROIT DE GENË.VE

PERRIN, J.-F. : Opinion publique et droit du mariage. 1974, 96 pages,


16 X 23,5. Fr. 15,-.
DÉPARTEMENT DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC DE LA FACULTÉ
DE DROIT DE GENÈVE

Les Nations Unies face à un monde en mutation. Actes du colloque


d'octobre 1970. 1971, 112 pages, 16 X 24. Fr. 12,-.
L'Etat face à l'organisation mondiale. Actes du II• colloque 1972.
1974, 172 pages, 16 X 24. Fr. 17,-.

ACHl!\Œ D'IMPRIMER AUX «PRESSES DB SAVOIE», AAIDILLY·ANNEMASSB (H.·S,)


BN MAI 1975

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