Vous êtes sur la page 1sur 17

L'espion qui m'accompagnait

Posted originally on the Archive of Our Own at http://archiveofourown.org/works/32514739.

Rating: Teen And Up Audiences


Archive Warning: Major Character Death
Category: M/M
Fandoms: Sherlock Holmes & Related Fandoms, Sherlock Holmes - Arthur Conan
Doyle, Raffles - E. W. Hornung
Relationships: Sherlock Holmes/John Watson, Bunny Manders/A. J. Raffles
Characters: Sherlock Holmes, John Watson, Bunny Manders, A. J. Raffles, Mycroft
Holmes
Additional Tags: Fix-It, RMS Titanic, Friendship, Established Relationship, Secret
Relationship, Period-Typical Homophobia, Multiple Crossovers
Language: Français
Stats: Published: 2021-07-11 Words: 5,205 Chapters: 1/1
L'espion qui m'accompagnait
by UndergroundWall

Summary

Sherlock Holmes n'était pas spécialement enthousiaste de se rendre aux États-Unis, mais ce
n'est pas comme s'il en avait vraiment le choix. Il n'était pas prêt à lutter contre son frère,
surtout lorsque la sécurité de la nation est en jeu.
Il quitte donc Bee Cottage, ainsi Watson et sa petite fille pour embarquer sur un grand
paquebot en compagnie d'un autre espion envoyé par Mycroft. Un espion particulièrement
intriguant, qui ne communique par signe et lui semble familier.

Notes

Hello There! I know everyone speaks English around here, and for those who can't speak
french feel free to use the google chrome option to translate the texts. It's not ideal, but it can
really help. You can comment in English too!

Me voilà aujourd'hui avec un crossover auquel vous vous attendiez peut-être, me


connaissant?

Cela se passe en 1912, dans le même univers que "Summers at Bee cottage": Watson s'est
installé avec sa fille Rosie (rien à voir avec la Rosie de Sherlock BBC, je n'avais juste pas
d'inspiration pour son prénom) à Bee cottage, et Holmes est envoyé aux USA par Mycroft
pour faire de l'espionnage (conformément à la nouvelle "Son dernier coup d'archet").

Le Titanic est impliqué, bien que ce ne soit pas aussi tragique que "Dans les eaux sombres de
l'Atlantique" (je recycle une blague par contre). Holmes, sous le pseudonyme de Sigerson, y
rencontre un espion qui se présente sous le nom de Ralf Manders - C'est en fait A. J. Raffles,
un ancien cambrioleur qui est supposé être mort depuis 1900, mais a été récupéré et soigné
par l'équipe de Mycroft pour en faire un espion.

Sir Arthur Conan Doyle et E. W. Hornung sont présent in-universe en tant qu'éditeurs des
récits de John H. Watson et Harry "Bunny" Manders.

Un autre micro-crossover surprise apparait aussi, ouvrez l'œil.

L'un des personnages parle principalement en langue des signes. Pour plus de
compréhension, ses dialogues sont entre des *astérisques*, sauf lorsqu'il parvient à prononcer
quelques mots.
See the end of the work for more notes
Lettre adressée à:

Miss Rosie Watson


Bee Cottage
au bas de la route de Brighton
Peacehaven
Sussex

Southampton, 9 avril 1912.

Mon très cher ami,

Vous comprendrez sans doute que je ne puisse vous en dire plus sur la nature de ma mission.
D'ailleurs, même au plus fort de notre dispute, vous ne m'avez rien demandé, et j'ai pu partir
pour Southampton le cœur léger de notre réconciliation. Je vous écris à bord du paquebot et
j'adresse le courrier à Rosie, pour tromper la vigilance de possibles indiscrets, mais je doute
fort avoir été repéré. Malgré tout, je ne signerait pas de mon propre nom. Je procéderais
dorénavant de cette manière.

Je ne donnerais aucun détails supplémentaires dans cette lettres, seulement que je ne suis pas
seul - mon frère m'a demandé de rencontrer à bord du bateau un collègue qui dois m'épauler
dans ma tâche. J'évoquerais dans les missives suivantes une rencontre fortuite, ainsi je vous
parlerais de ce nouvel ami et, qui sait, je vous donnerais assez de détails insignifiants pour
colorer votre récit le jour ou je pourrais vous en confier plus et que vous songerez à le
publier.

Embrassez Rosie pour moi,

Je reste, vous le savez, très sincèrement vôtre,

Sigerson

Je scelle la lettre et la joint aux autres documents (une lettre pour Mycroft, et un télégramme
également qui arrivera chez lui à Londres plus rapidement que ma lettre) avant de porter le
tout au service des expéditions du bateau. J'ai beaucoup voyagé, mais jamais dans un luxe
aussi resplendissant qu'à bord du Titanic. Nous larguons les amarres demain, et j'aimerais
pouvoir rencontrer mon mystérieux complice avant d'être coincé avec lui en haute mer.

Une fois le courrier déposé, je me dirige dans les couloirs, demandant occasionnellement (et
avec un accent scandinave) mon chemin à un steward. Mon frère m'a renseigné le numéro de
sa cabine, et il m'a également donné des cours rapide de langue des signes, ce qui, selon lui,
me sera utile pour communiquer avec l'homme.
Je frappe à la porte de la cabine, ne préférant pas supposer que l'espion est sourd. La
personne qui m'ouvre a un physique tout à fait frappant: à peine plus petit que moi, ses
cheveux sont entièrement blanc, bien que j'aurais de la peine à lui donner un âge, car son
physique athlétique pourrait avoir souffert d'un coup de vieux prématuré. Il a toujours de
beaux restes et un visage séduisant, bien que la partie gauche en soit à moitié caché par un
bandeau de soie.

Nous nous toisons quelques instants, et il s'écarte pour me laisse entrer. La cabine n'a rien
d'exceptionnel et est, en fait, fort semblable à la mienne. Je laisse trainer mes yeux sur ses
bagages, qui sont trop impersonnels pour me donner une quelconque indication.

"Bonjour! Je suis Sigerson. Je pense que vous vous attendiez à ma venue." Lui dis-je de
manière haute et claire, tout en signant mes paroles. L'apprentissage avait été amusant, et
j'avais été désolé d'apprendre qu'un grand nombre de pays avait interdit l'apprentissage et la
pratique de ces techniques de communications.

Il m'offrit un sourire un peu ironique, et signa rapidement quelques mots. Je compris qu'il
voulait me dire qu'il m'entendait parfaitement, et qu'il était heureux que je puisse le
comprendre comme il me comprenait.

C'était déroutant, mais ce n'était pas une habitude si compliquée à prendre.

"Parfait! En cas de problème de communication, un mot que j'ignore, pourrez-vous me


l'écrire?
-Je pourrais même le dire" répondit-il très lentement, d'une voix extrêmement pâteuse et
trainante. Il ajouta en signant qu'une conversation avec lui est trop difficile à supporter pour
la plupart des gens, ainsi, il évite de parler du tout.

Haussant les épaules, je lui ai assuré que ce ne devrait pas être un problème.

"Et avec qui ai-je le plaisir de travailler sur cette mission?"

Il épela son nom avec ses doigts.

"Manders, si j'ai bien compris? Eh bien, ravis de vous rencontrer. Je ne m'attends pas, bien
sûr, à que ce soit votre vrais nom, mais cela suffira pour l'instant."

Un rire plus clair que je ne m'y attendait s'échappa de lui.


*Pas plus que je ne pense que Sigerson soit le vôtre.*

Je joignit mon rire au sien. Ce serait un compagnon agréable, finalement. Mais ses prochains
signes mirent fin à mon hilarité.

*Vous ne ressemblez pas beaucoup à votre frère, ni même aux dessins que Monsieur Paget a
pu faire de vous dans les journaux.*

Je plissais des yeux. L'avais-je déjà rencontré? il n'avait pas l'air hostile, et aucune menace ne
semblait dissimulé dans le constat qu'il m'avait fait.
*Ne soyez pas tracassé. Vous êtes un expert en déguisement, et moi aussi; une fois sous
couverture, nous ne nous reconnaîtrons même pas l'un l'autre.*

Néanmoins, j'étais vexé que mon compagnon en sache plus sur moi que l'inverse. Pour
remettre notre relation à égalité, je lui propose de le déduire.

*Cela me semble juste. Je suis même assez curieux de voir vos talents à l'œuvre.*

Comme je l'avais souvent fait avec Watson comme public appréciateur, je m'assis
tranquillement et observe plus attentivement encore mon vis-à-vis.

"Vous êtes un peu plus jeune que moi, bien que votre physique semble déterminer le
contraire. Vous aviez les cheveux sombres, peut-être même noirs, et ils n'ont pas eu le temps
de grisonner comme les miens le font. Ils ont blanchis du jour au lendemain. J'aurais
tendance à dire que cela s'est passé lorsque vous avez reçu cette blessure, mais c'est peut-être
antérieur."

D'un hochement de tête, il m'encouragea à poursuivre.

"C'est une blessure de guerre. Elle est relativement ancienne car vous avez eu le temps de
vous habituer à ses conséquences."

Toujours souriant, il défit son bandeau pour me permettre d'observer plus en détail.

"Oh! peut-être moins vieille que cela. Une dizaine d'année, moins de quinze."

Il approuva également. *Vous avez déjà vu ce genre de cicatrice évoluer dans le temps, n'est-
ce pas?*

J'ignorais le sous-entendu que je n'avais peut-être qu'imaginé. "Ce genre de connaissance est
très utile à mon métier. La guerre des Boers?" Et il me le confirma aussitôt.

"C'était une sale guerre, et vu votre blessure, vous avez eu beaucoup de chance. L'éclat
soudain de votre œil droit me fait dire que vous songez à un camarade qui n'a pas eu les
mêmes chances que vous, et j'en suis navré."

Il balaya mon excuse d'un geste de la main.

"Soit! ne parlons plus de ces funestes combats, mais de choses plus joyeuses. Vous avez
toujours été sportif, vu votre carrure, et votre blessure vous a laissé le loisir de pratiquer.
Dans votre jeune temps, vous deviez être un excellent joueur de cricket."

Avec un peu de vanité, il ajouta: *Certains disaient que j'étais le meilleur.*

"Vous étiez aisé, mais pas vraiment riche, et je ne pense pas que vous ayez toujours été du
côté de la légalité - un homme innocent n'acquiert pas les qualités que mon frère recherche
pour ses... collaborateurs."

Son visage resta de marbre.


"Vous n'avez pas été marié, mais vous avez vécu comme un époux avec une personne que
vous avez sincèrement aimé. Vous vous considérez comme veuf."

Son œil unique me lança des éclairs meurtriers. J'avais touché une corde sensible, et je su
aussitôt pourquoi. Son ami mort au combat avait été aussi proche de lui que Watson avait pu
l'être pour moi.

*Et tous ces indices... je ne vais pas insulter votre intelligence, Monsieur Sigerson, car tout
est strictement vrai. Mais n'avez-vous toujours pas idée mon nom, avec cela?*

"Pas la moindre, et pourtant, je crois vous avoir connu un jour. Cela viendra sans doute avant
la fin de ce voyage, à ne pas douter."

*Je vous défie de le faire, à moins que vous ne soyez vous-même un amateur des fictions tel
que votre ami en écrit.*

"C'est un défi, monsieur Manders! Et je vais m'en acquitter avec plaisir. Il n'y a pas grand
chose à faire avant l'arrivée à New-York, ce sera une distraction amusante d'ici là."

Nous nous sommes donné rendez-vous pour dîner ensemble, et je partis me changer et
commencer à rédiger mes derniers courriers de la journée. Après un télégramme laconique
pour Mycroft, j'ai repris ma plume pour écrire à Rosie... ou plutôt à son père, pour décrire ma
rencontre avec mon étrange nouveau collègue. Je pouvais compter sur les trois départs
quotidien du courrier pour recevoir rapidement, je l'espère, au moins une réponse manuscrite
à ma première lettre et un télégramme à la seconde.

La poste britannique n'est que rarement décevante, et le lendemain matin, ce que j'attendais
arriva. Watson avait poussé le vice à faire répondre sa propre fille à sa place, et je devait
déchiffrer ses lettres encore mal formées qui me souhaitaient bon voyage - mais j'étais assez
fier, lui ayant moi-même appris à écrire, qu'elle puisse déjà tracer quelques mots relativement
lisible à son âge. J'aurais aimé une réponse plus longue de mon ami, mais peut-être m'en
voulait-il encore un peu. Deux télégrammes de Mycroft accusaient bonne réception de mes
messages, et je le maudit de m'avoir éloigné de mon Watson et de notre famille alors qu'il
avait le luxe de n'avoir à monter les escalier jusqu'à l'appartement du dessus s'il voulait voir
son compagnon, lui. Je n'avais pas eu sa chance de vivre de manière ininterrompue avec
l'objet de mes affections pendant un quart de siècle!

Finalement le dernier télégramme était signé de mon ami le plus cher. Pas de souhait de bon
voyage, rien de sentimental. Il me disait juste que le beau-frère de son éditeur avait, lui aussi,
édité des livres pour des auteurs amateurs comme lui. C'était obscur, mais Watson ne m'aurait
pas envoyé ce message sans raison.

Comme je finissais mon petit déjeuner, Manders arrivait dans la salle de réception, et je
l'invitais à ma table. Sa compagnie, une fois la tension de la veille retombée, avait été
agréable au repas, et j'avais pu me rendre compte que peu de gens s'intéressait à lui,
probablement à cause de son handicap... ce qui est un avantage pour un espion qui a de
bonnes oreilles!

"Monsieur Ralph Manders? un télégramme pour vous."


Il laissa un pourboire au garçon de course et lu attentivement son billet.

*Votre frère.* signa-t-il.

"J'en ai reçu un ce matin également. Je compte me rendre à la bibliothèque du navire ensuite,


m'accompagnerez-vous?"

Il me promis de le faire une prochaine fois, mais il était curieux de voir le paquebot quitter les
quais.

"Ce n'est qu'un bateau qui quitte le port. Un grand bateau, certes, mais tout de même."

Il haussa les épaules. *J'aimerais tout de même y assister.*

"Bien! nous nous retrouverons à midi, dans ce cas. Bonne matinée, monsieur Manders."

Il signa un au-revoir poli, et je le laissais pour aller affronter la bibliothécaire du vaisseau.

C'était un vieux bibliothécaire, en fait, au teins métis (probablement indo-britannique) avec


un visage de chérubin et des boucles blanche, et j'ai eu le plus grand mal à lui faire accepter
que je préférais faire mes recherches que d'assister au départ. Il me renseigna avec réticence,
puis me montra les livres édité par monsieur Hornung.

"Il y a un roman sur l'Australie, assez pittoresque. Je n'ai pas tout, évidemment, mais il y a
surtout les histoire de Raffles, son plus grand succès d'édition.
-Raffles! vous voulez dire, le cambrioleur?
-Lui-même!"

L'image d'un terrain de cricket ensoleillé me revint en mémoire. Un peu avant le premier
mariage de Watson, il m'y avait entrainé contre mon gré, souhaitant me faire prendre l'air. Je
me souviens de la haute stature du meilleur joueur des Zingaris et de sa noble allure. J'ai
ajouté plus de vingt ans au tableau, en sachant ce que je savait du triste personnage - sa
disgrâce et son faux suicide, son retour secret et sa mort lors de la guerre des Boers...

Je n'avais même pas besoin d'en lire une page pour comprendre, finalement, à quel type de
gentleman j'avais affaire en ce Monsieur Manders. Malgré tout, j'empruntais les trois recueils
d'histoires courtes (au grand désespoir du bibliothécaire) et je m'y plongeai une fois de retour
dans ma cabine. J'ai à peine remarqué le mouvement du navire lorsque nous avons quitté le
port, et il était midi passé lorsque je me rendit compte de mon retard au repas.

Je pris tout de même le temps d'envoyer un télégramme à Rosie, pour que mon cher Watson
vérifie quelque chose pour moi, avant d'entrer dans la salle à manger. Raffles (puisque j'étais
maintenant persuadé que c'était lui) m'attendait à ce qui deviendrait notre table habituelle
dans les prochains jours.

*Je me demandais si vos habitudes alimentaires étaient toujours aussi chaotique.*


"Moins avec l'âge. L'influence d'une vie stable, probablement."
*Votre docteur a fait des merveilles.*
"Oh, je serais probablement mort beaucoup plus jeune sans lui."
Son œil devint plus doux et se fit lointain, comme s'il revivait une période bénie de son
existence l'espace d'un instant.

"J'ai trouvé d'intéressants récits, à la bibliothèque."


*Vous avez pris au sérieux ma suggestion, donc?*
"J'ai bien fait, je pense. Que savez-vous de monsieur Hornung?"
*C'est le beau-frère de Conan Doyle, qui édite les récits de votre ami. Je sais aussi qu'il n'a
pas beaucoup de scrupules.*
"Vraiment?"
*Aucun scrupule à éditer à plein profit les textes de ses écrivains morts.* Il pris son verre et
le vida. *Je pensais que vous me démasqueriez plus vite que cela. Le Docteur ne disait-il pas
que vous gardiez dans votre chambre des photos des pires criminels de Londres?*

Je ne pu m'empêcher de rire. Le serveur nous trouva tout deux pouffant comme des enfants
lorsqu'il vint nous apporter les plats.

"En fait..." dis-je en ajustant ma serviette sur mes genoux, "Je ne le fait plus depuis
longtemps."
*Cela lui faisait faire des cauchemars quand il vous rejoignait?*

J'ai failli démentir, mais en lisant les histoires, et en voyant son visage hier à l'évocation de
son ami, je n'avais pas de crainte. Cet homme-là comprenait parfaitement le genre de relation
que j'avais tissé avec Watson, et il ne s'en offusquerait pas.

"Peut-être. En tout cas, vous n'avez été connu qu'une fois mort, et cela n'avait plus d'intérêt de
garder un portrait de vous."
*Je comprends. Dommage, j'étais plutôt élégant.*
"Mon ami médecin avait tendance à garder des images des meilleurs sportif, mais aussi des
plus beaux - je suis à peu près sûr qu'il a du garder une photo de vous, à cette époque, puisque
vous entriez dans ces deux catégories."
*C'est flatteur. Pas trop de jalousie?*
"Je ne suis pas d'une nature jalouse. Nous avons eu des vies différentes qui, par chance, sont
restées suffisamment proche pour me contenter."

C'était le plus que je pouvais révéler tout en restant neutre dans mes paroles.

*Mon compagnon était souvent jaloux. J'ai peur de lui avoir donné toutes les raisons de
l'être.*
"Regrettez-vous?
-A chaque instant!" dit-il en détachant lentement chaque syllabe.

Nous avons parlé du Londres de notre jeunesse - il n'avait que neuf ans de moins que moi -,
de nos écoles respectives, de connaissances communes, et cela nous mena à la fin du repas. Je
retournais dans ma cabine, bien décidé à en savoir plus, par pure curiosité, je l'avoue.

L'après-midi touchait à sa fin lorsqu'un garçon de course me délivra une réponse laconique de
mon cher Watson.
Assez vivant pour avoir mangé avec lui chez Doyle l'été passé -- Stop -- Frelon dans la ruche
4 -- Stop -- attends instruction -- Stop -- JHW -- Stop

Je rédigeais rapidement une réponse avant d'aller faire un tour sur le pont, ou Raffles m'avait
dit qu'il passerait l'après-midi.

Fumée d'ortie trois fois par jour -- Stop -- protégez les autres ruches -- Stop -- D'autres infos
sur l'homme svp -- Stop

L'espion était isolé, penché sur le bord du garde-corps. Je le trouvais en train de fumer, et je
me demandais si c'était des Sullivan's.

"Comment est-ce que cet éditeur est-il parvenu à publier autant de texte après la mort de
votre ami?"

Il me lança un regard mauvais. Il n'avait, de toute évidence, pas envie de parler de cela.

*Il a du récupérer ses carnets et enlever ce qui n'était pas... visible pour les bonnes mœurs.
Au moins, il n'aura pas trahis sa mémoire en tirant de cela des récits trop scandaleux!*

Il s'énervait visiblement avec ses mains.

"Les avez-vous lu?"


*Je n'allais pas m'infliger ça! je connais chacun de ses textes. Je n'aurais pas voulu en lire une
version falsifiée, même si c'était pour préserver son honneur posthume.*

Je restais quelques instant sans rien dire de plus.

*A quoi pensez-vous, Sigerson?*


"Je pense aux conclusions que mon pauvre ami avait tiré au sommet d'une sinistre chute
d'eau. Avez-vous vu son corps?"
*Bien sûr que non! Avec une telle blessure, je me suis réveillé des semaines après. On m'a
montré la fosse commune ou il repose maintenant, dans un sol qui n'appartiens même plus à
l'Empire.*

J'essayais d'imaginer Watson à ma place. Il a toujours eu plus de compréhension des


sentiments de nos clients. C'est lui qui les consolait. Que dirait-il à cet homme qui croyait
mort son ami depuis douze ans? un ami bien vivant, qui, lui, l'avait vu se faire exploser la
cervelle par un soldat Boer?

C'était trop remplis de sentiments pour être supportable.

"Donc, vous n'avez pas de certitude de sa mort."

Je ne traduirait pas son premier geste - il était trop insultant.

*Je l'ai vu perdre une grande quantité de sang. Je ne suis pas médecin, mais je connais les
chances de survie dans ce genre de situation.*
"Loin de moi l'idée de douter de ce que vous avez vu. Mais soyons pragmatique: vous avez
vu votre ami blessé, et on vous a montré une tombe."
Son regard était plus froid que jamais.

*Cela me semble une cause et un effet logique.*


"En effet. Il est donc impossible que mon ami Watson ai diné avec un certain Harry Manders
l'été passé chez son éditeur, n'est-ce-pas?"

Je commanda un verre pour chacun de nous à un steward qui passait. J'attendis qu'il nous
laisse pour continuer, et nos trois yeux s'attardèrent sur les cheveux noir de jais du jeune
homme. Je ne devait pas être le seul à regarder avec amertume mes cheveux grisonnant dans
le miroir le matin.

"Watson a un jour mis dans ma bouche, via sa plume, une phrase très compliquée à propos de
l'impossible et de l'improbable, je vous épargne la citation. Je vous demande donc ce qui est
le moins improbable: Soit... On vous a mentis, et votre ami, dont vous n'avez jamais vu le
corps, n'est pas enterré en Afrique du Sud... Soit, Sir Arthur Conan Doyle fait de telles
merveilles avec ses tables tournantes pour que le spectre du véritable Monsieur Manders sorte
de la tombe et vienne s'assoir à dîner près de mon bon Docteur?"

Il ne signa rien du tout et, à la place, vida le verre de vin, que le steward grand et maigre nous
avait apporté, d'une seule traite. C'était un peu gâcher le bon vin, cela fit grimacer le serveur
sous ses lunettes de soleil, mais je comprenait le besoin que Raffles pouvait ressentir.

Après quelques instants, son regard repris de la consistance.

*Je vous savais redoutable, Monsieur Holmes, mais pas cruel.*


"Il n'y a nulle ruse ou cruauté là-dedans, je vous le promet."
*Savez-vous combien de temps j'ai porté le deuil complet?*
"Avez-vous arrêté un seul jour de le porter dans votre esprit? Je ne suis pas un expert dans les
affaires de sentiments, et je m'en remet plutôt à mon cher ami dans ce genre de cas, mais il
faudrait être aveugle pour ne pas comprendre qu'il a été votre ami de cœur tout comme
Watson fut le mien. Et je sais que pour qu'un deuil s'achève, il faut que l'amour s'assèche, et
les amours que nous portons tout deux à nos compagnons sont très loin de s'être tarit."

Je mis du temps à comprendre les mots qu'il signait ensuite, ne saisissant pas ce que le mot
"lapin" faisait en plein milieux de la phrase, avant de me rappeler comment il appelait son
ami.

"Oui, il vous manque. Vous portez son nom comme une veuve garde le nom de son défunt
époux, je me doute qu'il vous manque."
*N'avez-vous jamais rêvé de porter le nom de Watson?*
"C'est un bon nom, mais mon ami l'a déjà donné à deux épouses et une enfant. Je me sentirais
comme un usurpateur."
*Oh! je n'y avais pas pensé. Je suis vraiment désolé, j'ai pensé que vous étiez...*
"Nous avons été, nous sommes et nous serons. Mais ce n'était pas un long fleuve tranquille."

Je bu également mon verre d'une traite. "Et il ne m'a jamais proposé son nom."
*Bunny l'a fait sans s'en rendre compte je crois, en me faisant passer pour son frère. J'ai
parfois l'impression de l'avoir usurpé, mais il m'a assez appelé son époux en privé pour
penser qu'il savait très bien ce qu'il faisait en me donnant son nom de famille.*
Une pointe de jalousie grandit dans mon cœur. De tout le temps ou ils étaient ensemble, il
était évident, selon les écrits de Harry Manders, qu'il n'avait eu personne d'autre à l'esprit.

*Peut-être qu'il y a maintenant une madame Manders. Je n'en sais rien.*


"Nous essaierons d'en savoir plus, et quand vous reviendrez au pays..."
*Si votre frère me laisse prendre des vacances! en douze ans, je n'ai passé qu'une semaine sur
le sol anglais, même en comptant la journée à bord de ce bateau avant qu'on lève l'ancre.*

Cela me fit rire. "J'écrirais à Mycroft."


*Merveilleux!*

Sur ces mots, je pris congé de l'ancien cambrioleur devenu espion, en lui promettant de le
revoir au dîner. Il aurait probablement besoin de temps pour digérer toutes les informations
que je lui avait révélée.

Dans les jours qui suivirent, j'appréciais la loyauté de Raffles. Il aurait pu envoyer au diable
sa promesse à mon frère de m'épauler et de prendre un bateau retour dès son arrivée à New
York, mais nous continuions à échafauder nos plans et étoffer nos couvertures, et il m'assura
qu'il pouvait encore patienter quelques mois...

*Qu'est-ce que quelques mois après douze ans? Aujourd'hui ou demain, il me reverra tel que
je suis - vieux et défiguré, et je le verrais tel qu'il est - vieux et boiteux. L'avantage, c'est qu'il
n'a pas d'épouse à qui je dois l'arracher, si l'on peut se fier aux informations de votre ami.*

Cela me fit rire. J'avais souvent songé à arracher Watson à ses épouses, mais je respectais
trop Mary, et je n'avais pas connu la seconde. Je la remerciait parfois, cette inconnue, pour
avoir donné la vie à Rosie, elle que j'adorais plus que tout et qui, je dois l'avouer, me
manquait encore plus que mon cher ami à cet instant. Après si longtemps, Watson n'aura
gagné que quelques rides et cheveux blancs, mais Rosie, elle, aura tellement grandit! Et
j'aurais raté ça.

Le soir même, alors que l'eau de l'Atlantique m'appelait dans ses bras gelé, j'ai cru que je ne
reverrais ni l'un, ni l'autre.

Un bras m'a hissé, et je me suis retrouvé sur un radeau de fortune. J'étais humide et frigorifié.
Cela faisait sans doute plusieurs dizaine de minutes que je tentais de me maintenir la tête hors
de l'eau, dans l'espoir d'avoir une chance de revoir les deux Watson que j'aimais tant.

Comme mes yeux ne s'ouvraient pas, une voix terriblement lente et indistincte m'appela de
mon vrais nom.

"Mon-sieur Hom's!"

Cela me donna la force de me redresser.

"C'est vous, Raffles?"

Il agita des mains pour se montrer lui même, et je constata que c'était bien lui. Plusieurs
autres hommes se tenaient sur la planche de fortune de ce qui avait du être une grande porte.
"On aurait pas du le hisser, ça va déséquilibrer la planche!
-Oh, taisez-vous, espèce d'égoïste!" répondit celui que je reconnu comme le serveur aux
lunettes de soleil. Même en pleine nuit, il le portait. "Il nous faudrait bien un miracle pour
qu'un bateau nous trouve, nous avons dérivé loin des zones de recherches..."

À ses mots, il regarda d'un air entendu son compagnon qui n'avait pas encore parlé. C'était le
bibliothécaire.

"Je suis sûr que le Seigneur ne nous abandonnera pas.


-Parle pour toi! Plus jamais je n'irais en Amérique. Jamais.
-Je suis l'homme le plus riche sur ce radeau, alors j'exige que..."

Le morceau de la planche sur lequel il s'était assis céda, et il fut emporté dans les eaux
glaciales.

"... Pas de miracle pour lui, mon Ange?


-Je n'y suit pour rien!
-C'était Astor?" demandais-je, incertain d'avoir reconnu le millionnaire dans la pénombre.
Raffles me le confirma, puis son œil de cambrioleur bien plus habitué à la pénombre que les
nôtres repéra un bateau. Le steward produisit une petite explosion d'on ne sait où pour nous
signaler et nous avons été secouru tout de suite après.

Le premier télégramme que j'envoyais de New York ressemblait à cela:

Bien arrivé à NY avec R -- Stop

Rien de plus, mon frère n'aurais qu'à s'en contenter, mais je voulais économiser ma monnaie
(tous mes dollars étaient dans ma cabine, coulés avec le Titanic) pour envoyer un texte plus
long à ceux qui comptaient vraiment.

Arrivé a NY -- Stop -- eau un peu fraiche -- Stop -- comment va ruche n4 -- Stop -- espère
rentrer dans quelques mois avec ami R. -- Stop -- Baisers à Rosie -- Stop

Je dois avouer que, pour financer les derniers mots, j'ai accepté quelques centimes offerts
généreusement par un voleur qui avait probablement fait les poches à une riche dame de
New-York... et que je m'en fichais royalement.

Cela pris plus longtemps que quelques mois, et nous étions à la veille de la Grande Guerre
quand Raffles et moi avons finalement remis le pied dans la bonne vieille Angleterre. Les
enjeux avaient été si sérieux que nous avions accepté tous les deux d'étouffer notre désir de
rentrer pour tenter de sauver ce qui pouvait l'être, et j'ose penser que notre travail a évité
l'anéantissement total de notre patrie.

Je m'attendais à ne pas être pardonné si facilement par Watson, donc son bon accueil fut une
meilleure surprise que prévu. Il fut un peu plus froid avec Raffles, que j'avais invité à rester le
temps de se trouver un endroit à soi (ou à partager, qui sait), mais je m'en rendit à peine
compte, occupé que j'étais à regarder à quel point ma Rosie avait grandit.

"L'un de mes amis me rendait justement visite," nous prévint Watson.


"Tu savais que nous revenions aujourd'hui, pourtant!
-Justement." Il se tourna vers Raffles. "Votre ami est dans le salon. Comme vous l'aviez
demandé, je ne l'ai pas prévenu que vous étiez vivant."

Son œil s'écarquilla de panique, et Watson posa sa main sur son épaule. "Ça va aller. Si il fait
un malaise, je suis médecin."

Il agita si rapidement des mains que j'eus du mal à tout comprendre, alors que nous ne
parlions qu'ainsi depuis deux ans.

*Et s'il ne me reconnait pas? je ne pourrais même pas lui dire qui je suis! Nous ne pourrons
même pas parler ensemble, et si il me trouve hideux, avec ma cicatrice, et...*

Watson me regarda, incertain.

"Il fait quoi, là?


-Il exprime son anxiété.
-Ah, d'accord. Moi aussi, je suis anxieux... Manders a les nerfs fragiles."

Je revenait vers Raffles et lui dit par signe, pour ne pas que Watson comprenne:
*Dites-lui un mot, un seul, et mettez-y tout l'amour que vous avez pour lui dans ce mot. Cela
devrait marcher. Enfin, je suppose."
-Comment est-ce qu'on met de l'amour dans un mot?
-Comment voulez-vous que je le sache? Appelez-le par le petit nom que vous lui donnez, ce
sera suffisant.*

Comme il suivait Rosie au salon, j'attrapais mon Watson par le bras et lui offrit un baiser.

"Holmes! On risque de nous...


-Personne ici n'est contre nous, mon cher. Ne soyez pas si nerveux.
-Je..." Il rougit. "Vous m'avez manqué.
-Et moi de même. Plus que je ne pouvais vous l'écrire, hélas.
-Ne repartez plus si loin de moi."

Je plante finalement un dernier baiser sur son front. "Promis."

Nous apparaissons au salon. Je pose pour la première fois mes yeux sur Harry Manders, qui
semble un peu usé. Il s'accroche à sa canne comme s'il allait vaciller sans son aide. En
comparaison, je suis agréablement surpris de la forme de mon Watson qui a pourtant quinze
ans de plus que lui!

Il saisit ses lunettes dorées sur la table et les pose sur son nez, et leurs éclats s'accorde avec
ses cheveux qui ne sont pas encore devenu gris. Il me regarde.

"Monsieur Holmes, je présume? Votre ami le Docteur Watson m'a beaucoup parlé de vous.
J'ignorais que vous reveniez aujourd'hui, mais vous êtes bien inspiré, car je crains que la
guerre ne soit proche d'être déclaré. Pourriez-vous me présenter votre ami? Il n'a pas
prononcé un mot."
Je serre la main au petit homme. S'il fut un jour bondissant comme un lapin, il ne l'est plus,
mais un certain charme se dégage toujours de son visage rond et doux.

"Eh bien, je pense qu'il vaut mieux que je lui laisse le plaisir de se présenter lui-même, et..."
je ne pu continuer sous la pression de son regard suppliant.

Il me signa grossièrement (*Traître! Lâcheur!*) et se tourna vers son ancien amant.

"B... Bunny."

Le visage du dit Bunny perdit toute ses couleurs. Watson se prépara à intervenir pour le
soutenir, mais je m'interposait. Ce n'était pas le moment.

"T... toi! C'est toi!"

Je regardais toujours Watson, un peu gêné de m'immiscer dans l'intimité de ses retrouvailles.
Il croisa mon regard et me chuchota tout bas: "Tu te souviens de ma réaction quand tu m'es
revenu? J'ai perdu connaissance."

Le bruit d'un corps qui s'effondre nous ramena à la scène en cours.

"Apparemment c'est plutôt le style de Raffles? Je ne l'aurais pas cru.


-C'est parce qu'oncle Harry lui a donné une gifle!" dénonça Rosie.

Mais Bunny était déjà à terre, soutenant son ami, en s'excusant un bon millier de fois tout en
sanglotant.

Dans le jardin de Bee Cottage, il y a des ruches que j'ai construit de mes mains, et une petite
fontaine que Watson a installé la première année ou il m'a rejoint, pour apporter un peu de
fraicheur quand baby Rosie faisait sa sieste dans la clairière. Maintenant, deux bons amis
s'étaient assis sur le bord de la fontaine, et nous ne pouvions qu'observer de loin, Watson,
Rosie et moi.

"Comment communiquent-ils?
-Raffles est capable parler, mais lentement. Personne n'a juste la patience de l'écouter, mais je
suis certain que Manders possède cette patience.
-Je comprends mieux...
-P'pa, regarde, le vieux monsieur a pris oncle Harry dans ses bras!
-Ne dit pas ça devant lui, chérie, Raffles est plus jeune que ton père et moi.
-Hu! il a l'air plus jeune maintenant qu'il sourit, c'est vrais et..."

Deux mains se posèrent sur ces yeux, et elle protesta vivement.

"Ce ne sont pas des choses que les petites filles peuvent voir!
-Ce n'était qu'un bisou! je sais ce que c'est, vous en faisiez toujours, avant.
-On ne discute pas, jeune fille..."

Ils s'éloignèrent tous les trois de la fenêtre. Il se peut que Watson alla chercher une bouteille
de champagne, mais quel Watson? Je vous laisse à votre bon plaisir d'imaginer qui de moi, lui
ou notre petite fille l'a sabré.
End Notes

Eh! Voilà! J'ai travaillé ce texte plus longuement que les autres, je l'admet. J'espère que cela
vous aura amusé autant que moi.

C'était un texte écrit pour l'anniversaire de ma plus fidèle commentatrice sur AO3,
Jessie+Landes Ok ce n'est pas vraiment la date de son anniversaire mais je risque d'être très
occupée au mois de septembre, et l'idée m'a frappé très soudainement.

N'hésitez pas à me donner des idées, je vous écrirais un texte aussi.

A bientôt!

Please drop by the Archive and comment to let the creator know if you enjoyed their work!

Vous aimerez peut-être aussi