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Culture du bananier plantain et durabilité des systèmes

de productio n

T LESCOT Plantain production and sustainable production systems .


Cirad-Flho r
ABSTRACT
IICA
Apartado 71 1 INTRODUCTION . Plantain is a staple food for people in humid tropical countries . However, with
Saint-Domingu e the increase in demand; growing sufficient plantain sustainably poses certain problems . THE PLANT .
République dominicaine Plantain, a natural hybrid, is a large perennial herbaceous plant . It is often cultivated in regions
beyond its natural ecological niche . HOME CONSUMPTION: HISTORICAL BASIS OF PRODUCTION . The
crop is mainly grown for home consumption, although increasing quantities of plantain ar e
being sold on the market . TILE MARKETS. The major development of a market for plantain puts pres-
sure on producers to modify their production methods . TILE PRODUCTION CYCLE . There is little varia-
tion in the natural cycles of the different cultivars of the plant . Managing production so that th e
harvests of the different cultivars coincide is only possible in the year the crop is planted .
However, in regions where there is a dry season, the harvest period tends to coincide more mar-
kedly. SMALLHOLDER PRODUCTION STRATEGIES . Production systems are varied and sometimes com-
plex. They range from subsistence farming systems with intercrops to intensive monoculture s
that produce bananas for export . THE CROPPING SYSTEM . The growing techniques that defin e
these systems are less varied . The use of inputs is rare and is linked to low levels of profitabi-
lity . The degree of sustainability depends on soil quality . CONCLUSION : RISK CONTROL AND INTEN-
SIFICATION . It would be easier to intensify production by growing compatible intercrops than b y
increasing the use of inputs .

KEYWORDS
Musa (plantains), farm managment, sustainability .

Culture du bananier plantain et durabilité des systèmes de production .


RÉSUM É
nvtlODUCFION . La banane plantain est un aliment de base des populations des zones intertropicales
humides. Cependant, sa culture a des difficultés à maintenir une production durable et suffisante ,
face à l'accroissement de la demande . LA PLANTE . Le bananier plantain, hybride naturel, est une
grande plante herbacée et vivace. Son extension agricole dépasse souvent le cadre de ses exi -
gences écologiques . L'AUTOCONSOMMATION : BASE HISTORIQUE DE IA PRODUCTION . L 'autoconsommation
est le principal débouché de la culture, mais la part de la production marchande tend à aug-
menter . LES MARCHÉS . Le développement important d'un système marchand a tendance à
contraindre les producteurs de plantain à modifier leurs processus de production . LE CALEN-
DRIER DE PRODUCTION . Le cycle naturel de la plante, tous cultivars confondus, varie peu . Un
regroupement de la période de production n'est possible que l'année de plantation. Cependan t
-dans leszones à-saison -sèche, la-tendance au regroupement est plusmarquée . LES STRATÉGIES PAY-
SANNES DE PRODUCTION. Les systèmes de production sont variés et parfois complexes, ils vont de s
productions de subsistance en cultures associées aux cultures monospécifiques intensives de typ e
Reçu le 15 octobre 1996 banane d 'exportation . LE SYSTÈME DE CULTURE . Les actes techniques définissant les systèmes d e
Accepté le 10 juillet 1997 culture sont moins variés, l'utilisation d'intrants est peu fréquente et souvent liée à une faible valo-
risation des productions . Les degrés de durabilité sont fortement dépendants de la qualité de s
sols . CONCLUSION : CONTRÔLE DES RISQUES ET INTENSIFICATION. L'intensification de la production
passerait plus facilement par la complémentarité de cultures associées que par la consommatio n
d'intrants .
Fruits, 1997, vol 52, p 233-245
® Elsevier, Pari s MOTS CLÉS
RESUMEN $PAÑOL, p 245 Musa (plantain), gestion de l'exploitation agricole, durabilité .

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LESCOT

introduction dit des plantains, le plus important en termes


de production-consommation et d'écono-
mie locale. Ce sous-groupe se distingue net -
Le bananier plantain fait partie intégrante tement des autres par quelques caractéris-
du paysage agricole de la zone intertropi-
tiques essentielles, bien que les apparence s
cale humide et plus particulièrement e n
puissent faire penser le contraire .
Afrique et en Amérique latine-Caraïbes. Bie n
que sa production revête une grande impor- Le bananier plantain est une plante herbacée
tance parmi les produits de base de l'ali- vivace de grande dimension — de 3 à 7 m d e
mentation des populations locales, ce n'es t hauteur —, composée d'une tige souterraine ,
que depuis une dizaine d'années que les de feuilles et d'une inflorescnce .
organismes de recherche et de développe -
ment s'intéressent à sa culture . Pourtant de La tige souterraine est appelée bulbe, souche
réels problèmes existent pour maintenir un e ou rhizome . Ce bulbe porte sur son pour-
production durable et suffisante, face à u n tour latéral des oeilletons qui se dévelop-
accroissement permanent de la demande . pent en rejets . Il émet, en outre, jusqu'à l a
floraison, un grand nombre de racines peu
Si, dans le cadre des politiques d'autosuffi- lignifiées, de 30 cm à 3 m de longueur, qu i
sance alimentaire, les autres production s restent le plus souvent groupées dans le s
vivrières telles que les tubercules, les hari- trente premiers centimètres du sol .
cots, le maïs ou le riz bénéficient d'une
volonté d'appui, en matière de recherche e t Au sommet de chaque gaine se développ e
développement, de la part des pouvoirs poli - le pétiole qui se prolonge par la nervur e
tiques, la banane plantain, culture semi- centrale et supporte le limbe . L'enroulement
pérenne difficilement classable, ne fait pa s des gaines les unes dans les autres forme
l'objet de la même attention . Pourtant, ell e le pseudotronc.
est confrontée à des difficultés grandissante s Lorsque le bananier a formé une quaran-
de stabilisation des activités et des revenus , taine de feuilles, le bourgeon terminal d u
de dégradation du capital agro-écologique — bulbe se développe, monte dans le faux -
problème du maintien des fertilités, pres-
tronc et donne l'inflorescence qui sort a u
sion parasitaire, etc —, de valorisation éco- centre du bouquet foliaire et se retourne
nomique de ces productions ou d'intensifi- vers le bas : c'est la formation du régime .
cation-modernisation . Ce régime allonge son axe ou hampe . Il se
compose de fleurs femelles » qui donnen t
les fruits et les fleurs « mâles » groupées dan s
le bourgeon mâle . Les fleurs femelles son t
la plante groupées en mains composées de doigts o u
bananes .
La distinction ancienne entre les bananes à
cuire et celles qui sont consommées crues , Les fleurs sont stériles, les fruits sont par-
dites douces ou dessert », n'est pas absolue . thénocarpiques, ils ne produisent pas d e
Cependant, elle est grossièrement utile pou r graine . La diversité variétale existante et cul -
bien marquer les deux types d'utilisation . tivée est issue de mutations somatique s
La banane vivrière, source importante de fixées par le processus de multiplicatio n
produits amylacés énergétiques et consom- végétative et amplifiées par une pressio n
mée après diverses sortes de cuisson ; produit de sélection millénaire appliquée -par-les-
des quantités considérablement plus impor- agriculteurs .
tantes que la banane douce consommée
Les exigences écologiques de la culture d u
localement ou exportée vers les région s bananier plantain correspondent à celles d e
froides du globe . la forêt équatoriale sempervirente . Cepen-
Comme pour la banane douce où plusieur s dant, son extension agricole dépasse c e
variétés sont utilisées par le commerce inter- cadre ; elle est limitée par :
national, de nombreuses variétés de bana- —une pluviométrie annuelle inférieure à
niers produisent des fruits utilisés de préfé- 1 000 mm ;
rence après cuisson . Pour plus de commodité, —des saisons sèches sévissant plus de troi s
nous nous limiterons à un « sous-groupe », mois ;

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CULTURE DU BANANIER PLANTAIN

— des températures inférieures A. 16 °C ; duction autoconsommée s'étend, culturelle -


— des risques élevés de vents violents, d e ment, à la famille élargie, voire au voisinage ,
cyclones, par exemple ; et à la main-d'oeuvre agricole associée, per -
— des sols lourds, peu drainants, très acides , manente et/ou saisonnière ; elle a donc u n
dont le pH est inférieur à 5, ou à faible rôle social.
réserve cationique et teneur en matière orga-
nique inférieure à 1 % . Dans cette économie d'autosubsistance, le s
agriculteurs ou/et agricultrices — puisque le s
Botaniquement, le sous-groupe des plan- femmes constituent le pilier de l'agricultur e
tains (SlatuoNDS, 1962), est issu d'un hybrid e vivrière en Afrique — dédient une partie de l a
naturel entre deux espèces de Musa : Musa surface exploitée à la culture du bananie r
acuminata x M balbisiana, AAB . Si l'ori- plantain, comme ils le font pour les autres
gine de ces espèces parentales, l'Asie d u productions, telles que les tubercules, l e
Sud-Est, est bien identifiée, l'origine du sous - haricot, le maïs et parfois le riz, qui forment
groupe est beaucoup plus difficile à établir . la base de leur alimentation .
Il existe une grande diversité de formes et
de variétés : plus de 60 formes ont été recen- La parcelle, malgré la diversité des système s
sées en Afrique centrale forestière, uniqu e de conduite de la culture, est exploitée d'un e
zone de diversification secondaire ; elles ont manière semi-pérenne à pérenne, et un e
production, la plus régulière possible tou t
été caractérisées et mises en collection dan s
les parcelles expérimentales du CRBP 1 au au long de l'année, est attendue ou recher-
chée . Cette régularité est d'autant plus diffi-
Cameroun . Trois types ont été définis : le
' french » présente des régimes de six à plus cile à atteindre que la (ou les) saison s
de dix mains de nombreux doigts courts , sèche(s) sont importantes.
qui peuvent atteindre plus de 40 kg, l e Les volumes consommés dans les régions
,< faux-corne a des régimes de quatre à sept tropicales humides sont, pour des raison s
mains de quelques doigts gros et longs et essentiellement culturelles, très variables :
une inflorescence terminale incomplète , ils vont de quelques kilos par an et par habi-
pouvant atteindre 18 kg et le ,, vrai-corne u a tant dans les zones frontières les plus sèche s

des régimes de un à trois mains de quelques ou plus froides A. plus de 100 kg dans le s
doigts gros et longs, sans inflorescence ter- zones rurales d'Afrique centrale, comme a u
minale, pouvant atteindre 10 kg (TÉZENAS D U Cameroun (TEMPLE, 1995), ou d'Amériqu e
MONTCEL, 1985) . latine, comme en Colombie (BELALCAzAR ,
La diversité au travers de l'homogénéité d u 1993), et peuvent dépasser 30 % de la ratio n
sous-groupe a des effets importants sur le s calorique .
techniques de culture . Les diverses tolé- Les excédents produits sont irrégulièremen t
rances et sensibilités à divers prédateurs e t proposés à la vente, entraînant un flu x
parasites sont relativement mal connues . continu, mais irrégulier, d'approvisionne-
Plusieurs variétés sont souvent plantée s ment des marchés à l'échelle de la région . Il
ensemble, au sein d'une même parcelle pa r n'existe donc pas, réellement, de calendrie r
les agriculteurs . d'approvisionnement, que ce soit pour l'au-
toconsommation alimentaire ou pour le s
marchés .

l'autoconsommation : Aujourd'hui, le développement des marché s


urbains et villageois entraîne l'essor de cette
base historiqu e production marchande et fait de la banane
plantain une des principales sources régu-
de la productio n lières de trésorerie dans les zones rurales .
Elle permet d'attendre la récolte de la cultur e
Traditionnellement, dans la quasi-totalité d e principale constituée par le café ou le caca o
la zone intertropicale humide, le principa l et de compenser les fluctuations, souven t
objectif de la culture du bananier plantain importantes, des revenus issus de la vente d e
est de fournir à l'agriculteur et à sa famill e ces produits ; elle permet, aussi, d'assurer CRBP : Centre régional
un produit de base qu'il utilise quotidien- une grande partie des dépenses courante s bananiers et plantains ,
nement dans son alimentation . Cette pro - du ménage et même une partie des coût s Douala, Cameroun .

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LESCOT

variables des cultures de rente . De ce fait, le liée à l'augmentation importante des popu-
démarrage et la stabilisation de l'activité agri - lations des zones productrices . Cette évolu-
cole dans de nombreuses régions sont prin- tion est cependant atténuée par une ten -
cipalement dus au plantain . dance A. la baisse de la consommation d e
bananes plantain dans les zones urbaine s
Dans la pure tradition africaine, chaque eth-
en pleine expansion . Les marchés citadins ,
nie de la zone intertropicale humide cul -
qui offrent régulièrement une plus grand e
tive et consomme plus de trois cultivars . gamme de produits, entraînent un change -
Chaque variété a une signification particu-
ment dans les habitudes alimentaires . Il n' a
lière et est liée à une culture de mythes e t
été reporté que rarement des situations d e
symboles ancestraux, que ce soit dans l e
surproduction (Côte-d ' Ivoit~e : KUPERMINC ,
cadre de l'activité agricole — plantation d'un e
1985 et KoUADIO, 1986) .
variété particulière liée à une naissance par-
ticulière, par exemple — ou dans celui d e L'essor des marchés villageois et citadins ,
la consommation — préparation culinaire concernant ce produit, ne semble pas forte -
d'une variété spécifique lors de repas d e ment modifier la localisation des grande s
funérailles . zones de production . Grossièrement deux
types de localisation géographique des pro-
ductions peuvent être identifiés ; l'une, rela-
tivement stable, et dite traditionnelle, cor -
les marché s respond à des zones à fort potentiel agro -
écologique s'apparentant à la notion d e
La production annuelle mondiale de banan e . terroir . : elle comprend la zone caféière
plantain est évaluée à environ 15 Mt (ANO- des llanos orientales de la Colombie, le su d
NYME, 1992 ; INIBAP2 , 1994 ; données per- du lac de Maracaibo au Venezuela, la régio n
sonnelles pour l'Amérique latine). Cette esti- de Rivas au Nicaragua, celles de Pantano et
mation reste, cependant, peu précise du fai t Progreso en Honduras, Moka en Républiqu e
de l'importance de l'autoconsommation e t dominicaine, le pays bamiléké au Came-
des intégrations possibles d'autres bananes roun, etc ; l'autre type de localisation, beau-
de consommation domestique . Production coup plus mouvante — voire itinérante —, es t
alimentaire de base, la banane plantain entr e liée à l'activité agricole des fronts pionniers
peu dans les échanges commerciaux entr e des zones forestières où les migrants utilisent
pays ; en revanche, elle fait l'objet d'un com- le bananier plantain comme première cul-
merce traditionnel déterminant pour le ravi- ture de valorisation de la fertilité initiale de s
taillement des campagnes et des centre s sols et comme coproduit des cultures d e
urbains de la majorité des zones intertropi- rente constituées par le café, le cacao, etc ;
cales, au même titre que la pomme de terre la période de permanence de la parcell e
en Europe . dépend alors de la vitesse de dégradatio n
Avec la zone latino-américaine, dont l a du capital agroécologique après déforesta-
Caraïbe, l'Afrique se partage la grande majo - tion : bassin amazonien de l'Équateur, d u
rité de cette production, l'Asie tropical e Pérou et de la Bolivie, zones forestières des
pays d'Amérique centrale et d'Afrique, tel s
consommant essentiellement divers type s
de bananes u dessert v . Seulement 1,5 % de la que le sud-ouest du Cameroun (TEMPLE ,
production totale fait l'objet d'un commerc e 1995) ou la Côte-d'Ivoire (RuF, 1987) . Dans
international qui s'effectue entre la zon e ce type de productions peu stables, de s
latino-américaine à influence bava ïière et zones périurbaines où plusieurs expé-
l'Amérique du Nord ou l'Europe occiden- riences ont été tentées sans grand succès —
tale, en utilisant le même circuit commer- peuvent être incluses, ainsi que quelques
cial que la banane dessert, dont le transport zones à forte saison sèche, comme au Nica-
maritime . La quasi-totalité de la productio n ragua, où l'utilisation de l'irrigation a ét é
est donc destinée aux consommations tentée .
domestiques nationales .
2 INIBAP : International
L'importance croissante de la part de la pro-
Network for the Improvemen t
L'évolution de ces productions est, globale - duction marchande entraîne l'émergence e t
of Banana and Plantain, ment, régulièrement en hausse du fait d e l'essor d'un groupe d'acteurs spécialisés dans
Montpellier, France. l'augmentation constante de la demande , les processus de mise en marché et de com-

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CULTURE DU BANANIER PLANTAI N

rnercialisation . Le niveau d'organisation rela - les autres cultures, café et cacao entre autres
tivement récent de cet espace u intermédiaire (N ' DA ADopo, 1992 ; GAUER, 1993) –, mais
entre producteurs et consommateurs est sou - relativement élevées, par manque de moye n
vent faible, n'impliquant généralement pa s d'écoulement, dans d'autres pays produc-
de structures définies . Les acteurs et leurs teurs comme en Côte-d ' Ivoire (KUPERMINC ,
champs d'action sont néanmoins bien défi- 1988) ou en Bolivie (observations person-
nis, mais mouvants . Cette organisation se nelles) .
caractérise par sa souplesse vis-à-vis de s
variations au sein de la filière (CRBP, 1993) . Le produit consommé, vendu frais, donc
vert, ou mûr, alors jaune, est périssable, mai s
Le développement de la filière entraîne u n il peut attendre jusqu'à 2 semaines aprè s
comportement d'attirance et de dépendanc e récolte avant d'être consommé, bien que sa
des producteurs et les oblige A. modifier e n qualité diminue .
partie leur processus de production : pro-
duire plus, plus régulièrement, à moindr e La part de la production entrant dans u n
coût et, plus récemment, de meilleure qua - processus de transformation, dans la fabri-
lité . En d'autres termes, l'émergence d'un e cation de „ chips » principalement, es t
production, concentrée dans une zone don - minime, car inférieure à 1 %, mais elle est e n
née, entraîne l'apparition d'un groupe d'agent s progression. Les possibilités de transforma-
spécialisés dans l'écoulement de la produc- tion sont encore très limitées (MARCRAL, 1990)
tion et sa mise en marché, qui, en retour, e t faute d'investissement dans des structures –
sous forme de . feed-back », demandent au x même artisanales –, mais aussi à cause d e
producteurs d'orienter leurs productions ou difficultés techniques concernant l'éplu-
leurs livraisons selon leurs critères . chage, le séchage, le conditionnement et l a
conservation du produit . Pourtant, elle per-
Le développement important d'un systèm e
mettrait de participer à la satisfaction de s
marchand a donc tendance à imposer de s
contraintes aux producteurs de banane s besoins croissants des consommateur s
plantain, les poussant A. modifier leurs pro - urbains et, ainsi, d'enrichir la filière, et par-
cessus de production . Ces contraintes peu - ticiperait à la stabilisation des activités d e
vent être différentes selon les spécificité s production (N ' DA Aoopo, 1991) .
agroécologiques et socioculturelles de s Le stockage est souvent rudimentaire et l e
régions et dépassent donc la qualité intrin- conditionnement pratiquement absent :
sèque du produit et ses déterminants phy- l'unité de vente de la production est géné-
siologiques . ralement le régime, mais peut être aussi u n
Les accès aux marchés, facteur important , nombre de « doigts remplissant un sac o u
mais non essentiel, du développement d e un petit camion . La pesée est rarement uti-
la culture, sont dépendants soit de l'agricul- lisée ; suivant la grosseur du régime, l e
teur lui-même, car liés aux faibles distance s nombre de ses mains et de ses doigts ou
des plantations et à la localisation des mar- l'aspect extérieur – donc, l'apparence d u
chés villageois locaux, soit des intermédiaire s produit, évaluée par l'acheteur qui est u n
pour ce qui concerne les grandes distances , intermédiaire –, un beau régime en vaudr a
les marchés de distributions ou les marché s deux ou trois autres de moindre qualité .
urbains . Cependant, l'essor d'un marché spécialisé, lié
à une distribution citadine de qualité e n
—Les Moyens de transport sont très variés - du super-marché, entraîne peu à peu le recours
dos d'homme au camion réfrigéré en pas- au poids .
sant par la pirogue fluviale –, mais, d e
manière générale, assez rustiques . Le s Le prix de vente peut varier fortement pou r
réseaux de communication, principalemen t chaque type de banane plantain – french ,
routiers, sont, en général, vétustes et peu faux-come et corne –, ainsi que pour chacu n
entretenus, sauf aux abords des grande s des nombreux cultivars, à cause des diffé-
villes . Les pertes de production son t rences de forme, donc de poids, mais, e n
variables – faibles au Cameroun et liées a u général, chaque bassin de production, o u
manque de main-d'oeuvre, pour la récolte , . terroir », met en marché un à deux cultivars .
lors des périodes de grands travaux pour Cela doit être relié au fait que le consom -

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LESCOT

mateur sait reconnaître chaque type ou cul - pluies, le développement physiologique de


tivar pour des utilisations culinaires précises . la plante est ralenti en saison sèche et il s'ef-
fectue une reprise de végétation en débu t
Il existe souvent, à l'échelle des régions, un e
de saison humide . Certains pays bénéficient
instabilité des prix de mise en marché a u
d'une complémentarité d'offre expliquée par
cours de l'année ; elle est essentiellement
une production de plantain issue de diffé-
liée aux phénomènes de saisonnalité dans l a
rentes zones productrices aux saisons sèche s
production . et humides décalées .
La notion de compétitivité entre producteurs
Les pratiques culturales sont très raremen t
ou entre zones de production pour la mis e effectuées de façon à orienter la production ,
en marché est souvent absente ou estom-
mais elles cherchent à l'étaler le plus pos-
pée par le poids de l'autoconsommation , sible tout au long de l'année afin de satisfaire
par rapport à celui de la consommation exté -
les besoins d'autoconsommation, la péren-
rieure . Elle pourrait évoluer si une dyna-
nité du marché ciblé et assurer la stabilité
mique de la demande se structurait plus for -
de la vente qui permet d'assurer une tréso-
tement par rapport à l'offre .
rerie permanente . Dans les régions à forte
En général, la dynamique de marché n'ap- saisonnalité de la production – et donc de s
paraît pas clairement ; s'il existe une dyna- prix du marché – et dans le cadre d'une cul-
mique de l'offre, celle de la demande n'es t ture péri-urbaine, quelques rares produc-
pas évidente . Tout laisse croire à un consom- teurs s'orientent vers des productions d e
mateur . résigné . . contre-saison, avec l'appui d'itinéraires tech-
niques particuliers : date de plantation, oeille-
tonnage orienté, irrigation, etc, qui nécessi-
tent des moyens financiers et techniques
le calendrier supérieurs (Côte-d'Ivoire, Nicaragua) .
Dans le cadre des cultures en association ,
de production telles que plantain–café ou plantain–cacao ,
le calendrier des récoltes peut être entravé ,
D'une zone traditionnelle de production A. périodiquement, par le manque de main-
une autre, le cycle naturel de la plante, tous d'oeuvre mobilisée alors par des travau x
cultivars confondus, varie peu : l'intervalle importants sur l'autre culture .
entre la plantation et la première récolte es t
de 12 à 15 mois . Les basses températures
des zones marginales d'altitudes élevées –
1 000 à 2 000 m – et celles des latitudes sub-
tropicales augmentent ce cycle .
les stratégies
Seule la première année de mise en culture , paysanne s
en général homogène, permet un regrou-
pement de la période de production à de production
l'échelle de la parcelle . Au fil des années ,
et du fait du système de rejetonnage régulie r La diversité des cultures due aux traditions
à partir du pied-mère, la production s'étal e rurales, celle des paysages déterminée pa r
dans le temps sur l'exploitation et dans l a l'agroécologie et celle des relations aux mar-
région ; les cycles annuels naturels ou forcés chés et de leur évolution dans letemp s
par l'oeilletonnage sont enchaînés en cycle s entraînent une grande variété des système s
pluriannuels par les replantations partielles de production . Leur typologie peut êtr e
ou générales des parcelles. basée sur des stratégies de production dif-
férentes et peut être extrapolée d'une des-
S'il n'existe pas de regroupement saisonnier cription faite au Cameroun (TEMPLE, 1993) .
de la production dans les zones à pluvio-
métrie importante et répartie le long de l'an-
née, la tendance au regroupement est plus la stratégie de subsistanc e
marquée dans les zones à saison sèche plu s La stratégie de subsistance est développée
ou moins marquée où les plantation e t sur des exploitations de petite taille, d e
replantation se font en début de saison des superficie inférieure à 3 ha, basées sur un e

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CULTURE DU BANANIER PLANTAI N

(ou des) culture(s) traditionnelle(s) de rente , faible densité entre les souches et les tronc s
le café et le cacao, principalement . Mais , d'arbre, sans intrant . L'importance des ren-
pour des raisons d'épuisement du capita l dements alors obtenus est attribuée d'une
agroécologique ou/et de baisse des cour s part, à une bonne nutrition minérale – miné -
de vente, elle ne permet pas de dégager u n ralisation de grandes quantités de matièr e
revenu suffisant pour assurer l'approvision- organique, en particulier les deux ou trois
nement alimentaire extérieur, nécessaire A. premières années du fait du capital agro -
la famille . La priorité devient alors d'aug- écologique – et d'autre part, à de faibles
menter la production vivrière pour garanti r pressions du parasitisme tels que charan-
l'autosuffisance alimentaire et, si possible , çons et nématodes, par exemple . Ces pro-
de dégager un surplus commercialisable . La ductions dépassent rapidement l'autosuffi-
culture du bananier plantain est conduite A. sance alimentaire familiale.
faible densité – moins de 300 pieds-
touffes/ha –, elle est associée à la cultur e le plantain « associé »
de rente, dont le niveau d'entretien dépend
Dans le mode plantain associé, une partie d e
des cours internationaux, et à d'autres cul-
l'exploitation est préparée pour la cultur e
tures vivrières, telles que tubercules, maïs ,
de rente, le cacao principalement, et l'inter -
haricot, riz, etc . Elle ne reçoit pratiquemen t
ligne est alors réservé aux cultures vivrières ,
pas d'intrants et une technicité minimale A. la
telles que manioc, haricot, maïs, etc, ains i
hauteur des faibles moyens financiers e t
qu'au bananier plantain qui sert d'ombrag e
humains des exploitations . La culture d u
aux jeunes cacaoyers . La récolte est com-
bananier plantain est menée, en général, de
mercialisée . Selon la nature des sols et leu r
manière extensive par rapport à la terre . Sui-
fertilité initiale, leur dégradation est plus o u
vant la nature du sol et la vitesse de dégra-
moins rapide – elle va de 5 à 8 ans –, obli-
dation de la fertilité initiale, le bananier plan-
geant l'agriculteur à mettre en culture
tain est souvent remplacé par le manioc ,
d'autres parties de sa concession . En géné-
plante moins exigeante, mais qui accélèr e
ral, le système d'exploitation est conduit d e
le processus de dégradation de la fertilité ,
manière extensive par rapport à la superficie
limitant la durabilité du système productif
disponible .
et obligeant donc l'agriculteur et sa famille à
se déplacer et à exploiter ailleurs dans de s
conditions souvent similaires . la stratégi e
de production pérenn e
la stratégie pionnière La stratégie de production pérenne est mis e
La stratégie pionnière est développée prin- en oeuvre par des planteurs qui veulent
cipalement dans les zones où la surfac e pérenniser leurs productions sur des terres à
forestière reste importante ; elle se concentre potentiel agronomique relativement élevé ,
sur les fronts pionniers qui constituent jusqu' à telles que les sols volcaniques de Colom-
55 % de l'offre nationale, au Cameroun. Elle bie, du Nicaragua, du Cameroun ou d u
concerne des planteurs migrants qui ont Rwanda, les vertisols de la République domi-
pour objectif l'accroissement des cultures nicaine, ou les sols d'alluvions riches de s
de rente . Le plantain est la première cultur e berges des nombreuses rivières de la zon e
de colonisation de la forêt. La superficie cul- intertropicale humide . La culture du bananie r
tivée, de 4 à 20 ha, est alors plus important e plantain peut être la production principal e
que lors des cultures de subsistance ; l'appel dans le cas de conditions agronomiques e t
à une main-d'oeuvre temporaire extérieur e d'accès aux marchés favorables, ou, et c'est
est fréquent . Le bananier plantain est cul- le cas le plus général, d'autres productions
tivé soit selon le mode ., forestier ", soit selo n sont A. la base de l'exploitation . Les revenu s
le mode „ associé u . issus de la vente de la banane plantain sont
importants, puisqu'ils assurent des rentrée s
d'argent régulières qui permettent l'achat
le plantain « forestier »
d'intrants et le paiement du salaire de l a
Dans le mode plantain forestier, bananiers e t main-d'oeuvre essentiellement dirigée vers
cultures vivrières, après une défriche par- la (ou les) culture(s) principale(s) . Les par-
tielle par abattis et brûlis, sont plantés A. celles de bananiers plantain sont alor s

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LESCOT

conduites en association ou en plantatio n et médicinales . Les performances en pro-


monospécifique . Un itinéraire technique plus ductivité et durabilité y sont souvent excep-
ou moins élaboré est conduit par l'agricul- tionnelles et liées au maintien d'un hau t
teur, ou l'agricultrice en Afrique, et a pou r niveau de fertilité par des apports organique s
but de conserver, le plus longtemps pos- des déchets ménagers et des cendres, prin -
sible, un bon état productif des bananiers . cipalement . L'impact du parasitisme, mêm e
Un accent particulier est donc mis sur le s'il est élevé, est compensé par un déve-
maintien de la fertilité, par une gestion de l a loppement végétatif important de la plante ,
matière organique et un renouvellement de s lié à une très bonne nutrition .
exportations par l'apport d'engrais, ainsi qu e
sur le contrôle de l'enherbement, sur l'oeille -
tonnage et sur le contrôle du parasitisme ,
lorsqu'il n'est pas trop important (limite éco- le système de culture
nomique) . La taille de l'exploitation es t
variable, mais a tendance à baisser avec l a Suivant la situation géographique, sociale ,
pression démographique, qui entraîne un e culturelle ou économique dans laquelle se
saturation foncière, et avec la division du trouve l'agriculteur et sa famille, celui-ci rai-
patrimoine par le biais des successions . En sonne et conçoit la culture du bananier plan-
culture associée, les densités de bananier tain de manière très différente : de manière
plantain sont en général faibles, mais l'en -
extensive – le plus souvent – ou intensiv e
semble du système d'exploitation est mené par rapport à la terre, itinérante ou durabl e
de manière intensive, car les production s en fonction du potentiel initial et des possi-
annuelles, en terme de kilo-calories/hectare , bilités de maintien de la fertilité, monospé-
sont importantes, voire très élevées . cifique ou associée à d'autres cultures :
pérennes dans le cadre du marquage d u
la stratégie d'investissemen t foncier ou vivrières avec des niveaux d'or-
ganisation et de production très importants .
La stratégie d'investissement, stratégie mar- Cela implique une diversité dans les itiné-
ginale souvent associée aux activités agri- raires techniques – donc les système de cul -
coles périurbaine ou ., ceinture verte est ture – utilisés . Cette production est souven t
mise en oeuvre par des propriétaires ayan t considérée indispensable au démarrag e
une activité principale non agricole, et pou r et/ou à la pérennité de l'activité agricol e
lesquels l'exploitation agricole devient u n dans la plupart des situations .
investissement . Le meilleur profit à moyen ,
mais, quelquefois, à court terme, est visé . Les actes techniques se répartissent en quatr e
L'exploitation est gérée comme une entre - grandes catégories :
prise . La notion de durabilité n'est pas prio- – la préparation de la parcelle, plantation ,
ritaire, ce qui explique leur disparition fré- replantation : débroussaillage, obtention e t
quente . Leur taille est variable . L'écoulemen t préparation des rejets, trouaison, plantation ,
de la production est ciblé. Le niveau de tech- drainage ;
nicité est lié au niveau de connaissance d u – l'entretien : désherbage, fertilisation, oeille -
gérant . Ici, la culture du bananier plantain tonnage, effeuillage ;
est, en général, menée de manière intensiv e – le contrôle des parasites et ravageurs : cer-
selon le type de la banane d'exportation, et cosporiose noire, charançon, nématode e t
monospécifique, rarement en association . divers_;
– la récolte : coupe, transport, stockage .
Bien qu'il ne soit pas possible de la situer
dans une des stratégies mentionnées ci-des - L'organisation de ces actes techniques es t
sus, car elle peut être observée parallèle - largement tributaire du régime des pluies ,
ment dans chacune d'elles, la culture d u des conditions édaphiques, de la disponi-
plantain ' de case ,, africain est un cas parti - bilité en main-d'oeuvre – qu'elle soit fami-
culier qui mérite d'être cité . Il s'agit de micro - liale, permanente ou temporaire, elle es t
parcelles, situées aux abords de l'habitatio n principalement liée aux calendriers de s
principale, dont la production ne sert qu'à l a autres cultures –, de la disponibilité en maté-
consommation domestique au même titre riel végétal performant donc en rejets d e
que les arbres fruitiers, plantes aromatiques qualité, et, enfin, des moyens financiers dis -

240 Fruits, vol 52 (4)


CULTURE DU BANANIER PLANTAI N

ponibles permettant l'achat d'intrants – pied-mère tout au long du cycle, après avoir
engrais, herbicides et insecticides principa- choisi le (ou les) rejet(s) les plus vigoureu x
lement . et les mieux orientés par rapport à l'organi-
sation de l'espace dans la parcelle . Ces rejets
dit « successeurs u ou « fils „ assurent la péren-
la plantatio n nité et donc la durabilité de la culture (MELIN ,
Pour les travaux de préparation de terrai n 1976) . Cette sélection permet de canalise r
et d'entretien, l'utilisation de machines es t le flux végétatif pour une production de
très rare . L'essentiel des travaux se fai t qualité de deux à trois régimes . Sans cette
manuellement . L'évolution vers la mécani- technique, plus de trois rejets se dévelop-
sation ne paraît pas d'actualité . pent sur le pied-mère et donnent donc plu-
sieurs régimes de petite taille . Leur poid s
Si la plante n'apprécie pas les périodes d e diminuerait au fil des années, en fonctio n
sécheresse de plus de trois mois, elle n'ap- du potentiel nutritionnel du sol, jusqu'à par -
précie pas non plus les excès d'eau . Les pro -
venir à des plants ne produisant plus . Il est
ducteurs le savent et évitent les sols lourd s courant de voir une parcelle où les bana-
des bas-fonds, par exemple, et, en zone s
niers poussent librement en n touffe u repré-
planes à forte pluviométrie (> 3 000 mm/an) , sentée par trois à six pseudotroncs produc-
ils mettent en place et entretiennent u n
teurs, issus du même pied-mère ; cel a
réseau de drains ouverts . conduit à une diminution de la qualité, mais
Un des facteurs limitants non négligeabl e une augmentation du nombre de régime s
pour le développement et la productivité de produits par unité productive .
cette culture est la disponibilité en matérie l
de plantation de qualité et en quantité suf- L'utilisation d'engrais est essentiellement lié e
fisante . Traditionnellement, le producteur s e soit à la culture principale – même si le s
procure ce matériel à partir de sa ou ses deux cultures, ou plus, ne sont pas associée s
propres parcelles ou du proche voisinage . La sur la même parcelle –, soit à l'influence de
qualité de ce matériel est, en général , l'agro-industrie bananière (zones d'influence) .
médiocre : rejets infestés de charançons, d e Les réponses de la culture aux engrais chi-
nématodes, ou, plus rarement, de champi - miques sont très variées, car en relation ave c
gnons et de bactéries pathogènes . Les tech - la diversité physicochimique des sols et du
niques de désinfection sont soit lourdes soi t complexe d'échange cationique principale -
coûteuses, à cause de l'emploi des pesti- ment . Utilisée modérément, soit à moins de
cides, et n'apportent pas une garantie sani- 200 g/pied/an d'azote et de potassium, pa r
taire suffisante . La technique de parage, qui exemple, la fertilisation a des effets positif s
consiste en un décorticage soigné du bulbe , modérés sur la croissance et sur la produc-
associée à un tri sévère du matériel de plan- tion de la plante . Mais, dans la plupart des
tation diminue fortement les problèmes d'in - cas, la nature et les doses de l'engrais ne cor-
fection, mais reste très peu utilisée ou ma l respondent pas aux besoins sol–plante e t
réalisée : il est difficile de se résigner à jete r peuvent avoir des effets négatifs sur la crois -
un rejet. sance ou la production . Parfois, l'acidifica-
tion à long terme de la parcelle, voire de
Le coût d'un nouveau matériel issu des bio - l'exploitation, et même de la région, résulte
technologies, le vitroplant, relativemen t de l'utilisation intensive d'engrais acidifiants ;
généralisé dans l'agro-industrie bananière c'est, par exemple, le cas dans la caféicul-
et récemment d sponiDie pour cette cultur e ture colombienne-associée à la banane plan-
du bananier plantain, n'est pas à la porté e tain (observations personnelles) .
économique de la grande majorité des pro-
ducteurs . D'une manière générale, les observations e t
les études, par enquêtes régionales, sur le s
pratiques paysannes, qui ont été effectuée s
l'entretien de la culture par le Cirad-Flhor au Cameroun de 1991 à
L'oeilletonnage est une technique cultural e 1994, en Côte-d'Ivoire en 1988 et en Colom -
importante ; elle consiste à supprimer, à la bie de 1990 à 1993, ont montré le peu d e
machette, une partie des nombreux rejet s recours qu'il était fait aux intrants ; ceux qui
qui se développent autour et à la base du sont ponctuellement utilisés sont l'urée e t

Fruits, vol 52 (4) 241


LESCOT

le chlorure de potassium en engrais, le para - vaux des autres cultures . C'est donc très sou-
quat et glyphosate en herbicides, et le car- vent l'ensemble des cultures vivrières ou de
bofuran en insecticide-nématicide . rentes, qui détermine les choix et les degrés
d'intervention dans la culture du bananie r
Dans les zones d'influence de 1'agro-indus -
plantain et influence, ainsi, la durabilité de la
trie bananière, la réponse des plantains à
parcelle . La conduite des cultures vivrière s
l'application des doses utilisées pour le bana - associées, telles que le macabo, le taro ,
nier a souvent été jugée comme négligeable .
l'igname, le haricot, le maïs, le manioc, l e
Quelques études – enquêtes diagnostic o u riz, la courge ou le niébé, permet un trè s
essais en champs – ont montré qu'ils don-
bon contrôle de l'enherbetnent, une aéra-
naient, en particulier, une meilleure répons e tion superficielle du sol, du fait du travail
aux apports organiques divers – maintie n
de préparation du sol, et une bonne incor-
d'un niveau de matière organique dans l e
poration des résidus de culture – matière
sol supérieur à, 3 % – qu'à la fertilisatio n
organique, réserve azotée –, sans réel pro -
minérale avec de l'azote et du potassium , blème de compétition (DUCRET et GRANGE-
principalement, alors que l'inverse es t RET, 1986) . Ce type complexe d'association ,
observé pour la culture de la banane dessert .
rencontré au pays bamiléké du Cameroun ,
Il semble donc que le bananier plantain pré - implique une présence quasi permanent e
fère une mise à disposition lente des élé-
des acteurs sur le site, de type jardin potager.
ments minéraux ce qui est assuré par l a
minéralisation de la matière organique . La
culture génère une énorme quantité d e le parasitism e
matière végétale : 20 kg de matière sèche/ L'impact des maladies et ravageurs est trè s
plant en moins d'un an, soit 3 à 50 t/ha . variable, que ce soit à l'échelle de la par -
Cette biomasse est toujours laissée e n celle ou à celle de l'exploitation ou de l a
décomposition naturelle au champ . Cette région, mais, d'une manière générale, la cul-
restitution influe positivement sur la dura- ture associée semble mieux préservée que l a
bilité de la culture . culture monospécifique du fait de la réduc-
Le contrôle des adventices est indispensable tion des pressions d'inoculum, de la pré-
pendant les cinq ou six premiers mois de la sence d'équilibres biologiques, etc . Le
culture ; ensuite, l'ombrage provoqué par le recours à la lutte chimique, qui est prati-
développement de la culture ou des cultures quement la seule lutte efficace à court terme ,
associées suffit à limiter leur expansion . n'est pas à la portée économique de l a
grande majorité des producteurs . L'abandon
Le contrôle des adventices est un des élé- momentané de la culture est souvent la seul e
ments les plus importants pris en compt e solution en cas d'infestation grave .
par l'agriculteur dans son choix stratégique
de l'association de cultures, et dans celui d e Comme pour la plupart des cultures, l'éta t
la composition de cette association définie à sanitaire de la parcelle est étroitement li é
partir de productions vivrières et/ou d e aux disponibilités nutritionnelles pour l a
rente . Cette complémentarité concerne cha- plante, qui dépendent de la zone pédocli-
cune des cultures associées . matique : la vigueur compense souvent le s
dégâts causés par les parasites, charançon
Dans la stratégie pionnière, la taille de l a du bulbe ou nématodes sur racines, pa r
parcelle à mettre en culture est souvent déci- exemple ; c'est le cas pour les plantains d e
dée par l'agriculteur, en fonction de sadis- case . Les techniques culturales n ' intervien -
ponibilité en main-d'oeuvre – familiale ou/e t nent qu'au second plan .
extérieure –, pour la tâche importante du
désherbage en début de culture .
Dans la plupart des stratégies de produc-
tion décrites, et dans le cadre de culture s la récolt e
associées, la rusticité de la culture du bana -
nier plantain, qui produit de façon satisfai- et la mise en march é
sante avec un minimum de soins par rap -
port aux autres cultures, permet à l'agri- Si les critères, visuels, de détermination d u
culteur de privilégier le calendrier des tra - stade de récolte sont bien connus et per-

242 Fruits, vol 52 (4)


CULTURE DU BANANIER PLANTAI N

mettent une certaine latitude, qui oscill e


entre 10 et 15 j, l'assurance de l'écoulement
conclusion :
de la production ne détermine pas toujours contrôle des risque s
la programmation de la coupe . La récolte
est acheminée aux abords des axes routiers et intensification
ou fluviaux les plus proches et les plus fré-
quentés, et elle est offerte aux acheteurs , Le système de culture de type extensi f
qui sont des intermédiaires de la filière com - semble satisfaire les producteurs pour valo -
merciale, possédant un moyen de transport . riser le capital agroécologique dont ils dis-
L'acheminement par le producteur, ou s a posent, au travers d'associations polycultu-
famille, de la récolte au marché ou sur le s rales évolutives . Dans la plupart de s
sites de regroupement les plus proches est situations de ce type, les problèmes de l a
assez fréquent. Le regroupement des pro- durabilité de la culture du plantain ne son t
ducteurs est peu développé, quoique e n pas posés par les agriculteurs par rapport à
progression en Amérique latine . cette culture particulière, mais par rappor t
à l'ensemble du système de production e t
des stratégies qui le sous-tendent : marquage
Les rendements par hectare, dans pratique -
du foncier, création d'un capital d'exploita-
ment tous les types de production décrits , tion, etc . Au demeurant, les systèmes basé s
sont faibles – de 5 à 12 t –, alors que la limit e sur les associations de cultures ont l'avan-
biologique et technique de production es t tage, dans la plupart des cas, de ne pas per -
estimée à 30 t (CHAMPION, 1967) – à titre de turber complètement les fonctionnement s
comparaison, celle de la banane dessert es t des agrosystèmes et les équilibres biolo-
de 70 t/ha . Le choix de cultivars à faibl e giques, ce qui limite la prolifération de s
poids de régime, comme le sont ceux d u ennemis des cultures et la dégradation de s
groupe des - faux corne », les faibles densi - sols .
tés de plantation adoptées dans le cas des
Cependant, les possibilités d'accès aux zone s
cultures associées, par exemple, des soin s
forestières, très favorables à l'installation de s
minimaux apportés à la culture et des pres- ces systèmes complexes, se restreignent d e
sions parasitaires faiblement contrôlées expli- plus en plus : raréfaction, mise en place de
quent, en partie, ces faibles niveaux de pro- politiques de protection des ressources fores-
duction. Cependant, la notion de rendemen t tières, éloignement des fronts pionniers par
n'a qu'une valeur très relative pour la grand e rapport aux marchés de consommation . S'i l
majorité des producteurs . Leur activité es t est encore plus avantageux d'approvision-
surtout basée sur la recherche d'un e ner les villes en plantain à partir des front s
meilleure productivité possible de la terr e pionniers que d'importer du riz, il n'est pas
et du travail de leur exploitation, dans leu r sûr que des systèmes de culture du plantain
contexte socioéconomique . Ils se satisfont puissent être mis au point, qui, dans l a
donc des résultats qu'ils enregistrent avec l e durée, permettraient de mettre sur le march é
bananier plantain, car ces productions son t des produits compétitifs par rapport au ri z
obtenues A. faibles coûts de production e t importé . En effet, les pratiques actuelles de
avec peu de travail, par rapport aux culture s culture itinérantes sur abattis-brûlis de recrû s
de rente ou aux autres cultures vivrières . forestiers atteignent rapidement leur limit e
sur les sols tropicaux acides – ultisols et oxy-
sols -, dès lors 0e-les temps de jachère s e
La faible valorisation des productions, dan s
réduisent et que les agriculteurs n'ont pa s
la quasi-totalité des stratégies de production
les moyens financiers et matériels d'accéde r
observées, ne permet pas, en général, un e
aux méthodes de cultures intensives . Le s
grande marge de manoeuvre sur les coût s phénomènes bien connus de baisse de s
de production . Dans ces stratégies de pro- réserves organiques et minérales des sols ,
duction, la productivité et la durabilit é de dégradation physique et chimique e t
dépendent beaucoup plus des condition s d'acidification ne peuvent être enrayés par
pédoclimatiques que des itinéraires tech- des itinéraires techniques à la portée d'agri-
niques employés ou des pressions parasi- culteurs sans grandes ressources . Dans ce s
taires . conditions, la baisse de productivité de l a

Fruits, vol 52 (4) 243


LESCOT

terre entraîne ces exploitants à modifier leurs Chataigner J (1988) Recherche socio-économique
systèmes, soit en adoptant des culture s sur les conditions de la production de bananes
plantain en Afrique de l'Ouest. Fruits 43 (1) ,
moins exigeantes, soit en pariant sur de s 25-2 8
productions valorisant mieux leur travail :
cultures maraîchères ou fruitières, élevage , Ducret G, Grangeret 1(1986) Quelques aspects des
etc . L'intensification de la production pas - systèmes de culture en pays Bamiléké . Came-
roun, Centre universitaire de Dschang, 33 p
serait plus facilement par la complémentarit é
de cultures associées que par la consom- Gauer O (1993) Mise en place d'une structure d'in -
mation d'intrants . formation permanente sur la filière plantain .
L'observation des marchés. Plantainfo (CRBP,
Par ailleurs, dans les zones à potentiel agro - Cameroun )
écologique plus élevé où les agriculteur s Kouadio T (1986) Les conditions d'adaptation de s
ont des stratégies de production pérenne , systèmes vivriers traditionnels à l'approvision-
l'intensification de la production se heurt e nement d'une population urbaine croissante .
aussi à des difficultés dues au manque de Le cas de la Côte-d'Ivoire et de la banane plan-
tain . Montpellier, France, USTL, doctorat, 214 p
connaissances sur les besoins réels de la cul-
ture et sur les effets cumulatifs des intrants – Kuperminc 0 (1985) La filière banane plantain dan s
engrais et pesticides – que les agriculteur s le centre-ouest de la Côte-d'Ivoire, Montpellier,
France, USTL, mémoire de DAA, 77 p
utilisent.
Kuperminc 0 (1988) Saisonnalité et commerciali-
Pour assurer, à terme, le développement d e sation de la banane plantain en Côte-d'Ivoire .
la production de plantain, il semble auss i Fruits 43 (6), 359-368
nécessaire de mieux repérer les objectifs e t
Marchai J (1990) Contraintes post-récoltes et pers-
les pratiques des producteurs et de leur four- pectives d'amélioration de la manipulation, d u
nir d'autres techniques raisonnables, com- stockage et de la transformation du plantain e t
patibles avec leurs moyens et leurs straté- autres bananes en Afrique de l'Ouest . Fruits
gies . Cependant, en l'état actuel de s 45 (5), 439-44 5
connaissances sur l'élaboration du rende - Melin P, Tézenas du Montcel H (1976) Influence d u
ment des plantains, ou des associations dan s mode de conduite du bananier plantain sur l'in-
lesquelles ils entrent, cela n'est pas facile . tensification de la culture . Fruits 31 (11), 669 -
67 1
Enfin, une autre piste à suivre, pour assu-
N'Da Adopo A (1991) Résultats des tests de conser-
rer une meilleure valorisation de la produc-
vation et analyse socioéconomique préliminaire .
tion au bénéfice des producteurs, pourrai t Rapport intermédiaire FAO . Rome, Italie, Fao,
consister en une participation plus active d e 14 p
ceux-ci à la mise en marché au travers d e
N'Da Adopo A (1992) Réduction des pertes aprè s
groupements . récolte des bananes Plantains. FAO, rappor t
André Mayer. Rome, Italie, Fao 119 p
Robert M (1992) Le sol, ressource naturelle à pré-
server pour la production et l'environnement.
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214 p Paris, France, Maisonneuve et Larose, 143 p

244 Fruits, vol 52 (4)


CULTURE DU BANANIER PLANTAI N

Cultivo del plátano de América y durabilidad de los sistemas de producción .


RESUME N
INTRODUCCIÓN. El plátano de América es un alimento básico de las poblaciones de las regione s
intertropicales húmedas . No obstante, su cultivo tiene dificultades para mantener una produc-
ción a largo plazo y suficiente frente al incremento de la demanda . IA PLANTA. El plátano de Amé -
rica, híbrido natural, es una gran planta herbácea y vivaz . Su extensión agrícola supera a
menudo el marco de los requisitos ecológicos . EL AUTOCONSUMO : BASE HISTÓRICA DE IA PRODUCCIÓN .
El autoconsumo es la principal salida del cultivo, pero la parte de la producción comercial
tiende a aumentar . Los MERCADOS . El gran desarrollo de un sistema mercante tiene tendencia a
obligar a los productores bananeros a modificar sus procesos de producción . EL CALENDARIO
DE PRODUCCIÓN. El ciclo natural de la planta, incluidos todos los cultivares, varía poco y una agru-
pación del periodo de producción es posible solamente el año de plantación . Sin embargo, e n
las regiones de estación seca, la tendencia a la agrupación es más marcada . LAS ESTRATEGIA S
CAMPESINAS DE PRODUCCIÓN . Los sistemas de producción son variados y, a veces, complejos ,
yendo desde las producciones de subsistencia en cultivos asociados hasta los cultivos mono-
específicos intensivos del tipo plátano de exportación. EL SISTEMA DE CULTIVO . Los actos técnico s
que definen los sistemas de cultivo son menos variados y el empleo de insumos es poco frecuente
e incluso suele estar vinculada a una baja valorización de las producciones. Los grados de
duración dependen en gran medida de la calidad de los suelos . CONCLUSIÓN : CONTROL DE RIES-
GOS E INTENSIFICACIÓN . La intensificación de la producción sería más fácil si pasara por la com-
plementaridad de los cultivos asociados que por el consumo de insumos .

PALABRAS CLAVES
Musa (platano), manejo de fincas, sostenibilidad .

Fruits, vol 52 (4) 245

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