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ROGKOTI KONSTANTINA

L’ICONOGRAPHIE DES
SARCOPHAGES
PALÉOCHRÉTIENS DE
CONSTANTINOPLE

Mémoire de Master 2 sous la direction de


Monsieur
François Baratte

Université Sorbonne Paris IV


UFR d’Histoire de l’Art et d’Archéologie
SEPTEMBRE 2006
ROGKOTI KONSTANTINA

L’ICONOGRAPHIE DES
SARCOPHAGES
PALÉOCHRÉTIENS DE
CONSTANTINOPLE
Remerciements
Je tiens à remercier particulièrement mon directeur de mémoire Monsieur le
Professeur François Baratte pour son aide. Grâce à son soutien continu pendant
l’année, j’ai réussi à terminer mon enquête. Je lui demande donc d’accepter la sincère
expression de ma gratitude.

Avec respect,
Konstantina Rogkoti
L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

A. Introduction

Chaque grand empire, afin de maintenir sa puissance, a comme but non


seulement d’être invincible, mais aussi de laisser aux générations
postérieures une trace indélébile. Un des moyens d’être invincible est
d’avoir de bons soldats. Un des moyens de ne pas être oublié est de créer
une grande civilisation qui prenne une place dans l’histoire mondiale de
l’art. L’empire byzantin dans son effort – outre les conditions politico-
économiques- avait comme allié une nouvelle religion, le christianisme et
ses symboles.
L’art byzantin a envahi tous les domaines de l’art et surtout celui de la
peinture, avec les icônes. En architecture, de grands bâtiments ont été
construits. La sculpture était un des domaines les moins développés, et
surtout la sculpture funéraire. Cependant, les restes qui sont parvenus
jusqu’à notre époque sont suffisants pour nous montrer que de bons
sculpteurs existaient aussi pendant cette grande période.
Sous l'influence des théologiens après 350 ap. J.-C., les dernières traces
de la pratique païenne devaient bientôt disparaître. Cependant, des éléments
essentiels de la plastique païenne sont encore dominants au début de la
nouvelle période dans la sculpture des sarcophages chrétiens. Les divers
bergers et les éléments naturels dans l'art du début de la période chrétienne
ne survivent pendant la nouvelle période que dans les symboles de l'agneau,
du paon et du pigeon. La sculpture est un des arts où la mentalité de la

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société contemporaine apparaît le plus. Ainsi, le passage d’une religion à


l’autre apparaît sur les reliefs des sarcophages d’une manière évidente. Les
figures anciennes nues sont remplacées par les figures de Dieu, du Christ, de
la Vierge, des saints et des martyres de la tradition chrétienne, les symboles
de l’art byzantin.
L’époque byzantine, avec toutes ses intrigues, ses mystères et ses
conflits, est un temps fascinant. Rien n’est plus intéressant pour les
archéologues et les historiens de l’art que d’être devant un objet quotidien
ou un objet d’art d’une époque si intéressante que l’époque byzantine. L’art
funéraire et surtout la sculpture nous donne un exemple assez représentatif.
L’art byzantin s’inscrit dans le prolongement de l’art grec de l’antiquité,
et il n’a pas perdu cet héritage classique qu’en 1453. Le trait le plus
important qu’il a gardé de l’art grec classique est l’éthique humaine qui,
dans l’art byzantin, était devenu l’éthique chrétienne. Le but de l’art grec
était la glorification de l’homme, tandis que le but de l’art byzantin était la
glorification de Dieu, et surtout de son fils, Jésus.
Constantinople est un des lieux où un tel changement a été possible. La
capitale de l’empire byzantin avec toute son histoire et sa gloire, est le lieu
où un nouveau style d’art est né. Son fondement soudain, la gloire et le
développement qu’elle a connus, mais aussi le dépérissement qu’il a suivi le
déclin de l’empire, avec la destruction presque complète de tous les
bâtiments dont elle était fière, en 1453, tout cela l’a fait entrer dans la
légende et l’a rendue presque mythique. Pour un chercheur, avoir la
possibilité d’être transporté à l’époque byzantine par son travail est
fascinant.
Le but de cette étude est de présenter et de décrire les sarcophages
paléochrétiens des ateliers constantinopolitains d’une manière
compréhensible, cohérente et analytique, donnant toutes les informations
nécessaires qui concernent chaque cuve, chaque couvercle, chaque
fragment. Le travail de la catégorisation des sarcophages s’est avéré une
procédure difficile, puisque, comme il est fréquent chez les archéologues,
chacun a son opinion et a aussi des arguments pour la soutenir. Dans ces

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cas-là, on a essayé de se concentrer sur la position officielle, en évitant les


présomptions et les pièges.
L’influence de l’art sur la mentalité des gens de cette époque précoce du
christianisme est un des points énigmatiques que nous avons essayé
d’aborder. Comment ces gens ont-ils accepté le christianisme et l’expression
de la foi dans leur vie quotidienne et dans le domaine qui nous intéresse : les
coutumes funéraires ? Comment se traduisent-elles dans la sculpture
funéraire ? Pourquoi les Byzantins ont-ils utilisé des symboles païens et des
symboles chrétiens sur les mêmes sarcophages ? Cette époque était elle-
même un peu confuse pour ses contemporains. Les limites de chaque
religion étaient imprécises et c’était la première fois que les chrétiens
essayaient de s’exprimer à travers l’art. Les épisodes de l’Ancien et du
Nouveau Testament étaient représentés pour la première fois dans l’art et,
comme ils n’avaient pas leur propre iconographie, les artistes utilisaient des
symboles et des figures déjà connus, tirés du monde païen.
Pendant la collecte des donnés et pendant la rédaction de notre mémoire,
nous avons envisagé quelques problèmes et beaucoup de questions se sont
posées :
A qui appartenaient ces sarcophages ?
Quels sont les sujets et les scènes qu’ils représentent ?
Pourquoi a-t-on utilisé tel matériau plutôt qu’un autre ?
Pourquoi les Byzantins ont-ils choisi ce type de sépulture ?
Etaient-ce seulement les classes sociales supérieures qui avaient droit aux
sarcophages ?
Qu’est-ce que leur iconographie symbolise ?
La présentation des sarcophages suit une certaine catégorisation, selon
leur iconographie. La catégorisation présentée par G. Koch dans son livre
Frühchristliche Sarkophage a été utilisée dans cette étude. Chaque grande
catégorie est divisée en plusieurs sous-catégories. Le travail d’identification
des scènes représentées sur tous les fragments a été assez difficile, puisque
quelques-uns sont sévèrement endommagés et les archéologues ont eu du
mal de reconnaître toutes les scènes avec précision. De plus, dans certains

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cas, les archéologues ne sont pas d’accord sur les scènes représentées.
Même si le guide de N. Firatli représente l’opinion « officielle », on s’est
aussi référé aux autres opinions.
Si on avait fait une présentation de tous les sarcophages paléochrétiens de
l’empire byzantin, on aurait utilisé plus de sous-catégories. Mais, comme on
a limité l’étude aux sarcophages de Constantinople, ces sous-catégories sont
moins nombreuses. On a souvent constaté que diverses scènes, représentées
sur les sarcophages romains ou ravennates, n’étaient pas présentes sur les
sarcophages constantinopolitains. Cela ne signifie pas que ces scènes
n’existaient pas à Constantinople, mais seulement qu’elles ne sont pas
parvenues jusqu'à nous. Ainsi, les sous-catégories présentées ci-dessous
concernent seulement les sarcophages conservés de Constantinople.
Tous ces sarcophages, dalles et fragments, ont été trouvés dans les
différentes parties de Constantinople. La plupart d’entre eux sont
aujourd’hui exposés au musée archéologique d’Istanbul. Les lieux où ils
étaient originairement installés sont, dans la plupart des cas, connus : le lieu
le plus connu et le plus important est l’église des Saints-Apôtres. L’église
des Saints-Apôtres était un des bâtiments que Constantin le Majeur a
ordonné de bâtir. Constantin est mort en 337 ap. J.-C. et l’église a été
construite par Constantius, son fils. Quand l’église fût prête, Constantius y a
apporté le corps de son père et de sa grand-mère Hélène, car l’église était
destinée à devenir le sépulcre impérial, et il les a inhumés dans un grand
sarcophage en porphyre.
Dans le Livre des Cérémonies de la Cour Byzantine de Constantin le
Porphyrogénète, on trouve la liste de tous les empereurs enterrés dans
l’église des Saints-Apôtres. Ainsi, dans le mausolée de Constantin, le
mausolée de Justinien et les deux galeries, on y lit tous les empereurs
enterrés ainsi que leurs épouses et leurs enfants avec quelques détails sur les
matériaux de construction des sarcophages1. L’église a été utilisée jusqu’à
1028, jusqu’à ce qu’il n’y avait plus d’espace libre pour l’installation de
nouveaux sarcophages. Depuis ce temps-là, les empereurs ont commencé à
1
Downey G., The Tombs of the Byzantine Emperors at the church of the Holy Apostles in
Constantinople, JHS LXXIX (1959), p. 32-34.

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être enterrés dans d’autres établissements, comme des cloîtres, l’église de


Sainte-Irène et d’autres églises. En 1453 ap. J.-C., quand les Turcs se sont
emparés de la ville, ils y ont cherché des trésors. Ainsi, l’église a été détruite
et les sarcophages impériaux, même s’ils n’ont pas été complètement
détruits, ont été sévèrement endommagés : toutes leurs décorations en or ou
en pierres précieuses ont été enlevées et les sarcophages mêmes ont été
dispersés dans toute la ville pour être différemment utilisés.
Nos informations sur les sarcophages installés dans cette église se
limitent à quelques livres, qui en plus présentent quelques contradictions. Le
livre le plus important est le Livre des Cérémonies de la Cour Byzantine de
Constantin Porphyrogénète, du Xe siècle. La deuxième source est La
Description de l’église des Saints-Apôtres par Nicolas Mesarites, un
écrivain du XIIe siècle2. La troisième source se trouve dans Constantinopolis
Christiana par Ducange. La quatrième et dernière source est l’Imperium
Orientale, de Banduri, du début du XVIIIe siècle3.
Le premier empereur qui y a été enterré était Constantin le Majeur. Le
dernier a été Constantin VIII en 1028 ap. J.-C. Tous les sarcophages des
premiers empereurs étaient construits en porphyre : le dernier empereur
enterré dans un sarcophage de porphyre a été Marcien en 457 ap. J.-C.4
Après la destruction des Saints-Apôtres, d’autres lieux ont été choisis.
Dans l’église de Sainte-Irène ont été trouvés 5 sarcophages en porphyre
(images 1, 38, 39, 40, 63). L’église, après la conquête des Turcs a été
transformée en arsenal5. Les sarcophages qui se trouvaient là ont été
transportés au musée archéologique et ont trouvé place devant la façade du
musée.
Quelques dalles des sarcophages (images 5, 6, 9, 10, 21, 22) et un
sarcophage complet (images 46, 47) ont été trouvés dans un tombeau
souterrain à Silivri Kapi. La tombe de Silivri Kapi à Istanbul, d’après les
trouvailles, a été construite en 415 ap. J.-C. Les dalles en calcaire, décorées

2
Vasiliev A. A., Imperial Porphyry Sarcophagi in Constantinople, DOP 4 (1948), p. 6.
3
Ibid., p. 8.
4
Ibid., p. 9.
5
Ibid., p. 11.

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de figures, et la dalle en marbre (images 44, 45), décorée de motifs


symboliques, ont été fabriquées entre 415 et 430 ap. J.-C. Les dalles en
calcaire ont certaines irrégularités qui indiquent une origine ultérieure6.
Aussi importantes que les autres sont les dalles de Taşkasap (images 29,
34). Il est évident que le style figuratif des dalles de Taşkasap est lié à des
styles provinciaux, comme ceux des reliefs thraces du temps impérial7.
Beaucoup de sarcophages ont servi de matériau de construction pour les
murailles de Topkapi, ainsi que pour son Sérail. Les dalles d’Imrahor Camii
(images 26, 30, 35), l’ancienne église de Saint-Jean-de-Studion, nous ont
aussi apporté des informations précieuses sur la haute valeur des dalles.
Des sarcophages se trouvaient dans différents endroits ou cloîtres de
Constantinople : à Yeşildirek, à Cibali Kapi, à Hoca Paşa Camii, à Fenali
Isa Camii, à Mevlevi Kapi, à l’Edirne Kapi, au cloître de Peribleptos à
Psamathia (Soulou-Monastir), à Bakirköy, à Çatladikapi, à Capa, à
Sarigüzel, à Beyazit, au kiosque de Kara-Moustapha-Pascha, au Sérail, un
autre près de la Sublime – Porte, à Sehremini, à Yali-Kiosk, à la pointe du
Sérail. Un sarcophage du musée de Constantinople, même s’il appartient
aux sarcophages constantinopolitains, a été trouvé à Amberliköy, en Thrace.
Trois sarcophages cités plus bas ne sont pas à Constantinople : deux se
trouvent à Berlin (images 7, 32) et l’autre au musée de Barletta (images 24,
25).
Un problème qui gène les chercheurs est d’attribuer chaque sarcophage
impérial au bon empereur et de retrouver son placement dans l’église des
Saints-Apôtres. Selon Ebersolt (en 1921), tous les sarcophages impériaux en
porphyre mentionnés dans les livres byzantins (neuf selon ses estimations)
étaient encore conservés à son époque. Vasiliev exprime la même opinion
en 1948. Mais, selon Delbrueck, il y avait dix sarcophages et, jusqu’à son
époque, huit étaient conservés8.

6
Koch G., Frühchristliche Sarkophage, Verlag C. H. Beck, München 2000, p. 408.
7
Deichmann F. W., Einführung in die christliche Archäologie, Wissenschaftliche
Buchgesellschaft, Darmstadt 1983, p. 217.
8
Mango C., Three Imperial Byzantine Sarcophagi discovered in 1750, DOP 16 (1962), p.
399.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Vasiliev soutient l’opinion d’Ebersolt que les sarcophages cités dans le


Livre des Cérémonies et conservés jusqu’à aujourd’hui sont au nombre de
9 (les 7 sarcophages des images 38, 39, 40, 63, 64, 65, 66, et 2 fragments
dont l’un est l’image 1): 1) le sarcophage de Constantin I le Majeur (324-
337) ; 2) celui de Constantius II (337-361) ; 3) celui de Julien l’Apostat
(361-363) ; 4) celui de Jovien (363-364) ; 5) celui de Valens I (364-378) ; 6)
celui de Théodose I (379-395) ; 7) celui d’Arcade (395-408) ; 8) celui de
Théodose II (408-450) ; et 9) celui de Marcien (450-457)9.
Mango soutient l’opinion que les sarcophages sont au nombre de 10. Il
juge qu’un des fragments cité par Vasiliev n’appartient pas à un sarcophage
(le fragment sans image) et il y ajoute 2 couvercles en porphyre. Il constate
ainsi, contrairement aux autres, que les sarcophages conservés jusqu’à nous
sont plutôt au nombre de 8 que de 910. Grierson est de la même opinion que
Mango. Il constate que, jusqu’à nos jours, 10 sarcophages impériaux en
porphyre ont été conservés : 4 sarcophages devant la façade du musée
archéologique d’Istanbul, 1 fragment d’un autre, 2 fragments de couvercles,
2 sarcophages dans l’église de Sainte-Irène, et 1 autre dans la cour de la
mosquée Nuri-Osmaniye. Ces dix sarcophages correspondent aux neuf
sarcophages décrits dans le Livre des Cérémonies de la Cour Byzantine,
plus le sarcophage de Valens I décrit dans le Necrologium Imperatorum de
Leo Grammaticus11.
Pour la collecte, l’organisation et la mise en forme de toutes ces données,
il était primordial d’avoir accès à une vaste bibliographie : on a compté sur
des spécialistes importants de l’archéologie byzantine et surtout sur la
sculpture funéraire. G. Koch et F. W. Deichmann ont été les deux auteurs
dont les œuvres ont été d’une grande aide. Le guide du musée archéologique
d’Istanbul de N. Firatli a été aussi une source importante. On a aussi trouvé
des informations dans les œuvres d’autres écrivains – archéologues et dans
de grandes revues archéologiques.

9
Vasiliev, Op. cit., p. 10.
10
Mango, Op. cit., p. 400.
11
Grierson P., The tombs and obits of the Byzantine emperors (337-1042), DOP 16 (1962),
p. 3.

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L’époque paléochrétienne, même transitoire, est représentée de façon


assez complète en ce qui concerne l’évolution de la sculpture, avec
beaucoup d’exemples conservés jusqu’à nos jours. De plus, on voit que,
après cette époque, la construction des sarcophages baisse : les ateliers qui
rayonnaient par le passé perdent progressivement leur gloire et le nombre
des sarcophages fabriqués diminue rapidement.
Pourtant, la construction des sarcophages pendant l’époque chrétienne ne
s’arrête pas. Des fragments de ce temps-là décorent les salles des musées ou
autres monuments de Constantinople. Mais on n’a pas utilisé ces exemples
pour ne pas dépasser les limites d’un mémoire de Master 2 – ce serait le
sujet d’une thèse.
Pendant la délimitation du champ de la recherche, beaucoup de
problèmes ont surgi concernant les autres courants artistiques, issus de
différentes parties de l’empire, qui influençaient l’art de Constantinople ou
l’inverse. On ne pouvait pas distinguer l’origine exacte de tel ou tel
sarcophage : difficile de savoir, par exemple, si un sarcophage de Ravenne,
qui avait tous les traits de construction d’un atelier constantinopolitain,
avait été en fait construit à Constantinople et ensuite exporté à Ravenne ou
s’il avait été fabriqué à Ravenne à l’imitation du style des ateliers
constantinopolitains. C’est pour cette raison qu’on a évité de citer ces cas.
Le corpus de cette étude est articulé en trois grandes parties : dans la
première partie, on trouvera les événements historiques de la période qui
nous intéresse, ainsi que quelques informations générales sur le sarcophage,
afin de donner une image globale au lecteur, initié comme ignorant.
La deuxième partie sera consacrée aux techniques de construction et aux
diverses utilisations des sarcophages constantinopolitains. On y trouvera
aussi les caractéristiques qui permettent de reconnaître la marque de
fabrique de l’atelier de Constantinople, d’autres ateliers et surtout des
ateliers de Rome et de Ravenne, afin que les influences et les interactions
entre eux, en combinaison avec l’exportation des sarcophages prêts ou à
moitié fabriqués, ne puissent pas nous embrouiller.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

La troisième partie est la partie la plus importante, puisqu’on y trouvera


la description de tous les sarcophages et fragments conservés jusqu’à nos
jours. On y trouve des catégorisations diverses : selon le type du
sarcophage, le matériau utilisé, le milieu social de son occupant, la
décoration et enfin l’iconographie, partie beaucoup plus détaillée que les
autres.
En conclusion, on fera le bilan en essayant de répondre aux questions
posées dans l’introduction. On tirera les conséquences sociales et artistiques
du changement qui a commencé à la période paléochrétienne et a pris fin à
la période chrétienne, transition qui ne s’est pas seulement faite de l’art
païen à l’art chrétien, mais aussi de la mentalité païenne à la mentalité
chrétienne.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

B. Les sarcophages paléochrétiens

Partie 1.
1.1 – Cadre historique

Pour mieux comprendre les raisons de l’utilisation des sarcophages dans


les premiers siècles de Byzance et les raisons qui ont poussé à l’utilisation
d’une certaine iconographie, on doit premièrement faire un bref panorama
de ces siècles.
Selon une grande partie des chercheurs qui s’intéressent à Byzance, son
acte de naissance se trouve sous le règne de Dioclétien, un empereur qui
pose les bases d’une nouvelle organisation de l’empire qui servira de cadre
institutionnel aux siècles suivants. Selon une autre grande partie des
chercheurs, l’acte de naissance de Byzance est à chercher sous le règne de
Constantin le Majeur, le premier empereur romain qui ait embrassé le
christianisme, la religion qui domine et caractérise Byzance. Dans ce dernier
cas, on met l’accent sur la rupture qu’a constitué la conversion de l’empire
au christianisme, et l’on considère que Dioclétien n’est que le dernier
empereur de l’époque romaine. Comme on s’intéresse à la sculpture de cette
période, extrêmement marquée par la religion, on va se cantonner au règne
de Constantin.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

On a longtemps débattu de la foi de Constantin et de la « sincérité » de sa


conversion. Il promulgua une loi qui faisait du dimanche un jour de repos,
soi-disant pour vénérer le Soleil et non le Dieu des chrétiens. Lorsqu’il
ordonna en 324 de faire construire les édifices qui allaient faire de
l’ancienne colonie de Byzance la ville de Constantinople
(Constantinoupolis, « ville de Constantin ») et qu’à partir de 330 il en fit le
siège principal de sa résidence impériale et de son administration, il n’avait
pas le but affirmé de créer une cité chrétienne. A son époque, le centre
religieux de la ville était seulement le mausolée circulaire érigé en son
honneur. C’est dans les années 350 que son fils Constantius II fit construire
l’église cruciforme des Saints-Apôtres, qui inclut ce mausolée. Même la
première cathédrale Sainte-Sophie, à coté du palais impérial, ne fut
consacrée qu’en 360, par Constantius II12.
L’empereur Constantin considérait la religion comme le moyen le plus
efficace pour l’unification politique et pour la cohérence de son Etat. Il a
succédé à son père comme souverain en 306, a conquis l’Italie en 312, a
déclaré la liberté de la confession en 313 et, en 324, est devenu le chef des
provinces de l’Orient, où il a fondé sa nouvelle capitale, Constantinople, en
33013. La supériorité du site de Byzance a convaincu Constantin d’y fonder
sa nouvelle capitale. Cependant, sa décision d’abandonner Rome, avait aussi
des motifs personnels. Dès 321, Constantin avait commencé à s’éloigner
consciemment et avec une grande détermination de l’ancienne religion et à
se tourner vers le christianisme. Il avait donc besoin d’une nouvelle capitale,
qui n’ait aucune relation avec l’adoration des idoles14. La nouvelle ville était
typiquement une ville latinophone. Les inscriptions des bâtiments officiels
le prouvaient. En réalité, pourtant, ses citoyens étaient en leur majorité
grécophones. L’hellénisme y avait retrouvé une capitale puissante, tandis
que Rome était restée la capitale de la culture romaine15.

12
Lowden J., L’art paléochrétien et byzantin, Phaidon Press Limited, Paris 2001, p. 33.
13
Honour H. and Fleming J., Ιστορία της Τέχνης, Εκδόσεις Υποδομή, Αθήνα 1998, p. 259.
14
Καραγιαννόπουλος Ι., Το Βυζαντινό κράτος, 4η έκδοση, Εκδόσεις Βάνιας, Θεσσαλονίκη
1996, p. 69.
15
Ibid., p. 70.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Les conflits entre les deux religions dominantes de l’empire, et par


conséquent entre Rome et Constantinople, ont provoqué de graves
problèmes. Bien des années avant le règne de Constantin, l’ancienne
religion romaine, dont chaque empereur romain était le suprême
archevêque, commençait à être supplantée par divers cultes – surtout
d’origine orientale – tandis que l’image de l’ « empereur-dieu » était
gravement atteinte par l’instabilité politique et par le refus du culte de la
personnalité que les empereurs exigeaient. Mais, quand Constantin s’est
désigné lui-même comme chef de l’Eglise et comme une sorte de « vice-
roi » ou lieutenant du Christ, leur opposition a cessé. Même s’il a été baptisé
peu avant sa mort, Constantin se considérait lui-même comme « servant de
Dieu », il a dirigé le combat contre Arius et il a organisé le Concile de Nice,
où le Credo a été déclaré16.
Au moment où Constantin s’est converti, les chrétiens étaient certes assez
nombreux, mais loin de former la majorité de la population, sauf dans
quelques villes d’Orient. La liberté de culte, d’abord, puis la faveur
impériale, ont rapidement accru ce nombre, mais les provinciaux, surtout en
Occident, les grandes familles italiennes, les intellectuels et une bonne part
de l’armée sont restés assez longtemps fidèles à la vieille religion.
Après la mort de Constantin, l’ancienne religion a essayé de retrouver sa
place dans l’empire et aussi dans la vie des citoyens. Cet effort trouve son
représentant dans la figure de Julien.
Par la montée de Julien sur le trône, le problème de la cohabitation de
l’ancienne civilisation et de l’ancienne religion avec la nouvelle religion et
ses croyances s’est révélé. La séduction du monde païen, qui même dans
son déclin reflétait l’art, la culture et la sagesse de l’antiquité, ainsi que
l’attachement que le nouvel empereur avait pour lui, l’ont fait se tourner de
toute son âme contre la nouvelle religion.
D’ailleurs, les circonstances et les conditions paraissaient favorables pour
un tel effort de réhabilitation du paganisme. Les chrétiens, séparés en
orthodoxes et hérétiques, s’opposaient les uns aux autres. Les partisans de

16
Honour, Fleming, Op. cit., p. 260.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

l’ancienne religion étaient nombreux surtout dans la partie occidentale de


l’État et à Rome. L’armée païenne était surtout composée de barbares
païens. Pour ces raisons, l’effort de Julien a été couronné d’un certain
succès ; les chrétiens, séduits ou obligés d’abandonner leur foi pour
embrasser les idoles, étaient nombreux17.
Ce succès, pourtant, n’eut pas une longue durée. L’échec de ces efforts a
donné au christianisme la pulsion dont il avait besoin pour devenir la
religion dominante de l’empire byzantin. Au cours de cette période, en effet,
le christianisme bénéficie de la bienveillance impériale par le biais d’une
législation spécifique, malgré la concurrence des cultes païens. C’est donc
bien alors par choix et non par obligation que s’opèrent les conversions ; il
faudrait évidemment y ménager la part de l’opportunisme dans la mesure où
l’empereur lui-même affichait son adhésion à la nouvelle foi ; mais il reste
que la décision de confier sa dépouille à un monument déployant un
programme chrétien dénote sans ambiguïté le caractère authentique de la
démarche18.
Après cette période transitoire, le christianisme devient la religion
officielle et tous les chrétiens peuvent exercer leurs devoirs religieux
librement, sans avoir peur d’être condamnés.
Tous ces changements politiques et religieux ont eu une répercussion sur
l’art de l’époque. Dans le domaine de la sculpture, on peut voir cette
transition par l’iconographie et par l’utilisation de sarcophages. L’utilisation
du sarcophage, normale en milieu païen à l’époque antérieure, a
naturellement été adoptée aussi par les chrétiens ; relevons d’ailleurs que la
liberté de confession garantie en 313 affranchissait de toute crainte, quant à
ce mode d’affichage des convictions19.
Cependant, l’art chrétien n’a pas été crée par les évêques, mais par le
peuple chrétien. C’est une erreur de croire que les évêques et les théologiens
décidaient du choix des motifs de l’art paléochrétien. Des scènes religieuses,

17
Καραγιαννόπουλος, Op. cit., p. 79.
18
Caillet J. P., Loose H. N., La Vie d’ Eternité, La Sculpture Funéraire dans l’Antiquité
Chrétienne, Éditions du Cerf – Éditions du Tricorne, Paris – Genève 1990, p. 10-11.
19
Ibid., p. 34.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

au sens strict du mot, apparaissent pour la première fois peu avant la moitié
du IVe siècle20.

1.2 – L’histoire du sarcophage

Selon le dictionnaire byzantin de l’université d’Oxford : « Un sarcophage


est une cuve en pierre, de forme rectangulaire, très utilisé pour l’enterrement
des morts, jusqu’au Ve siècle ap. J.-C. Les chrétiens ont adopté la forme, qui
fut en vigueur de l’antiquité au IIIe siècle ap. J.-C. et ils l’ont décorée avec
l’iconographie des catacombes, qui traduisait, surtout, une croyance
personnelle au salut. Après la tolérance du christianisme, les sarcophages
ont commencé à être décorés avec des scènes plus complexes et variées.
Vers la moitié du IVe siècle, les méthodes de production des sarcophages
ont complètement changé. Les sarcophages sont devenus plus rares et
étaient fabriqués surtout pour les plus riches citoyens. La plupart des fois, ils
étaient fabriqués en porphyre, comme ceux des empereurs enterrés aux
Saints-Apôtres »21.
Jusqu’au IIe siècle, on n’a aucune connaissance sur le mode
d’enterrement des chrétiens. Il n’y a pas de sarcophages avec des thèmes
chrétiens qui soient conservés. Car, d'une part, aucun art iconographique
chrétien n'était encore développé, et, d'autre part, la situation financière d’un
chrétien l’empêchait d’obtenir un sarcophage décoré avec des reliefs22.
Dès le IIe siècle, les coutumes ont changé. La crémation (une pratique
habituelle parmi les païens) a été remplacée par l’inhumation. Les raisons de
ce changement sont inconnues. Le changement ne s’est pas fait
brusquement, mais au cours des siècles. L’enterrement apparaît pour la

20
Marki – Boehringer J., Frühchristliche Sarkophage in Bild und Wort, Der Vereinigung
der Freunde Antiker Kunst Urs Graf – Verlag Olten/Sweiz 1966, p. 7.
21
Alexander P. Kahzdan, A. M. Talbot, T. E. Gregory, N. P. Sevcenko, in The Oxford
Dictionary of Byzantium, vol. 3, Oxford University Press, N. York – Oxford 1991, s.v.
“sarcophagus”, p. 1841.
22
In Frühchristliche Sarkophage, p. 4.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

première fois à Rome. A partir des années 110/20 ap. J.-C., les sarcophages
l’emportent sur les autres modes d’enterrement23.
Les raisons pour lesquelles les premiers chrétiens ont préféré le
sarcophage pour l’enterrement de leurs morts sont diverses et suivent les
lois de l’empire romain. Compte tenu de leur croyance en la résurrection des
corps, les chrétiens inhumaient en général leurs morts plutôt que de les
incinérer et, par décision juridique, ils devaient être enterrés en dehors des
limites de Rome. Il semble que les chrétiens n’aient eu à l’origine aucune
aversion à l’idée d’être enterrés auprès des fidèles d’autres religions. Il est
vrai qu’avec le temps ils en arrivèrent à considérer tous les non-chrétiens
comme des « païens », mais les enterrements des premiers chrétiens, dont
l’apôtre Pierre lui-même, se firent dans des cimetières païens24.
Aussi bien avant qu’après 313, la demande de sarcophages était
suffisamment importante pour que se développent des modèles standard, à
la fois pour la production locale et pour l’exportation. Alors que la plupart
des objets d’art étaient produits en réponse à une commande spécifique, des
témoignages nous indiquent que d’importants ateliers pouvaient préparer les
sarcophages à l’avance. Les clients pouvaient donc disposer d’un
sarcophage personnalisé selon leurs exigences, et des reliefs pouvaient être
ajoutés au cours du bref intervalle qui séparait la mort de l’enterrement. La
plupart des sarcophages semblent être choisis parmi des modèles produits au
préalable, vraisemblablement par les parents du mort. Mais les membres de
la lignée impériale, et probablement des autres familles opulentes,
commandaient et approuvaient l’exécution de leur propre sarcophage, au
moins afin de s’assurer qu’il était assez somptueux25.
En ce qui concerne le classement chronologique des sarcophages, il faut
envisager quatre points, qui, cependant, n'existent qu'en des cas idéals : la
représentation d’une scène unique ou sa division en plusieurs scènes ;
l’atelier dont ils sortent ; les portraits et/ou les inscriptions ; et le style. Les

23
Ibid., p. 2.
24
Lowden, Op. cit., p. 25.
25
Ibid., p. 48.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

indices de datation sont toutefois extrêmement faibles, si on considère le


nombre total des sarcophages26.
Pour une datation plus précise, les reliefs de la base de l’obélisque de
Théodose (390/92 ap. J.-C.), les sarcophages exportés à Ravenne et la
tombe à Silivri Kapi, donnent quelques indications. A l’époque précédente,
on ne peut faire aucune comparaison, et le classement stylistique est
également très difficile ou même impossible à faire pour la plupart des
sarcophages, parce que tous les sarcophages en calcaire ont une très
mauvaise qualité artisanale27.

Partie 2
2.1 – La méthode de fabrication

Le premier pas pour mieux comprendre les restes archéologiques


conservés jusqu’à nos jours est d’examiner le mode d’élaboration d’un
sarcophage.
Premièrement, la fabrication d’un sarcophage était chère. Le choix de la
pierre entraînait des frais élevés. Ces frais variaient naturellement ; il y a
une grande différence selon qu’un petit bloc était utilisé seulement pour un
cercueil d’enfant ou qu’un bloc double ou triple était utilisé pour
l’enterrement des adultes. Des cercueils pour un adulte seul étaient rares,
mais il y en avait plus souvent pour un couple ou pour une petite famille :
les sarcophages biplaces étaient probablement la règle.
Les frais pour le traitement artistique de la matière première étaient eux
aussi considérables. La somme dépendait de différents facteurs, par exemple
selon le coût et le talent de l’artisan. Il y avait des sarcophages décorés sur

26
Koch G., Frühchristliche Kunst, eine Einführung, Verlag W. Kohlhammer – Stuttgart –
Berlin – Köln 1995, p. 110.
27
In Frühchristliche Sarkophage, p. 401.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

les quatre côtés, ce qui était la règle en Asie Mineure et en Grèce, tandis
qu’ils étaient plus rares en Italie et en Gaule28.
Naturellement, on pouvait acheter un sarcophage à meilleur prix si on ne
faisait pas une commande particulière d’après les désirs individuels. Les
sarcophages n’étaient pas toujours travaillés dans un seul bloc. Parfois, ils se
composaient de différentes plaques assemblées entre elles29.
Les étapes successives de l’élaboration d’un sarcophage sont les suivants;
après l’épannelage du bloc opéré sur le lieu même de l’extraction se
succédaient donc, dans l’atelier, l’aplanissement des faces à sculpter, la
gravure du dessin préparatoire, le premier dégagement des formes à la
pointe et au ciseau plat ; puis, pour les parties à traiter en relief assez saillant
du moins, le détourage au trépan et une nouvelle élimination de matière au
ciseau, l’adoucissement des contours, le creusement des plis des drapés et le
marquage de certains traits – coins des yeux et de la bouche, narines,
jointures des doigts, etc. par de légers trous de trépan, le remodelage final au
ciseau, enfin le polissage, et, éventuellement, l’application d’une
polychromie30. Ainsi, un sarcophage en frise de l’époque constantinienne,
pouvait, selon des estimations, être fabriqué en l’espace d’environ dix à
quatorze jours ; dix heures de travail quotidien et l'engagement de quatre
sculpteurs donnaient au total 400 à 500 heures. A cela s'ajoutent les frais du
matériel, le transport, ainsi que les frais courants pour l'atelier et son
propriétaire. Puisqu'il y a beaucoup de points obscurs, aucune estimation
exacte ne peut être faite. On peut seulement constater que les sarcophages
décorés avec des reliefs, surtout ceux en marbre, n'étaient sûrement pas bon
marché.
Dans la littérature antique ou dans les inscriptions, on n’apprend pas s’il
y avait des sarcophages en stock dans les ateliers ou si une commande
particulière était nécessaire. Cependant, quelques indications peuvent être
tirées des sarcophages conservés. La plupart des sarcophages ont été faits

28
Marki – Boehringer, Op. cit., p. 7-8.
29
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung, p. 103.
30
Caillet, Loose, Op. cit., p. 15-16.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

probablement sur commande et alors spécialement d’après les désirs des


commanditaires31.
A Constantinople, pour les spécimens en marbre et surtout ceux en
calcaire, on peut supposer qu’ils étaient ornés d’une peinture originelle.
Avec les spécimens en calcaire, des couleurs ont été utilisées, au moins en
partie, pour masquer des imperfections32.
Les multiples témoignages d’utilisation des sarcophages inachevés
amènent à entrevoir l’organisation d’une réelle production de masse. Cette
fabrication de masse était dirigée par les ateliers. La fabrication a été
répartie en plusieurs phases reprises par des sculpteurs différemment
spécialisés. Fréquemment, on a renoncé pour des raisons de temps aux
dernières phases, et les sarcophages étaient utilisés dans un état "incomplet".
Dans beaucoup d’exemples on voit des différents états de traitement ; dans
une partie du sarcophage, on a progressé plus que dans une autre. Les
sarcophages étaient cependant amplement utilisés, puisqu'un sarcophage
était nécessaire pour un enterrement33.
La première matière, après une première grosse élaboration était
transportée souvent à de longues ou à de plus courtes distances. Il s'agissait
probablement des cuves qui avaient environ la forme d'une boîte, concave à
l'intérieur, pour diminuer le poids. Des sarcophages paléochrétiens demi
construits ne sont pas conservés jusqu'à nos jours. Pour les couvercles, des
dalles plus épaisses semblent avoir été fabriquées en partie34.

2.2 – Les modes d’utilisation35

Au cours des siècles, l’utilisation d’un objet peut varier. Ainsi, un


sarcophage sculpté dans l’antiquité, peut avoir aujourd’hui une place

31
In Frühchristliche Sarkophage, p. 90.
32
Ibid., p. 82.
33
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung, p. 107-108.
34
In Frühchristliche Sarkophage, p. 68.
35
Rilliet – Maillard I., Païens et chrétiens devant la mort aux 3e et 4e siècles : recherches
sur les sarcophages et le décor funéraire, Thèse présentée, sous la direction de M. Charles
Piétri, Professeur à l’Université de Paris Sorbonne, p. 145-147.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 18


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

décorative dans un bâtiment. Ce changement est souvent constaté pour


beaucoup d’objets. Dans le cas du sarcophage, trois phases peuvent être
distinguées : premièrement, dans une utilisation « primaire », le ou les
destinataires sont déposés dès leur décès dans le sarcophage qui reste en
place. Dans le cas du premier dépôt dans la sépulture, si le sarcophage n’est
pas commandé à l’avance, un certain nombre de problèmes pratiques se
posent. Parmi ceux-ci, le laps de temps parfois très court qui sépare la
commande de l’utilisation : ce délai conduit à choisir soit des sculpteurs
suffisamment efficaces pour mener à bien leur travail d’un bout à l’autre en
un temps minimal, soit des sarcophages « préfabriqués », qu’ils soient
ébauchés ou terminés. Cependant, la coutume d’embaumer le corps permet,
au cas où l’on avait commandé un sarcophage à l’avance, d’y travailler sans
hâte, en donnant une sépulture provisoire au défunt.
Deuxièmement, l’utilisation « secondaire », où le sarcophage reste en
place ou est transporté. Cette sépulture de « seconde main » occasionne un
réemploi, donc une réouverture du tombeau, dont on aperçoit parfois les
traces au grand nombre des trous de crochet existant sur certaines cuves.
Troisièmement, l’utilisation « tertiaire », où la fonction sépulcrale de
l’objet disparaît : le sarcophage peut, s’il n’est pas réduit en morceaux ou en
chaux, servir à d’autres fins, ou comme objet de valeur, pour son matériau,
ou/et pour son aspect ornemental, par exemple comme fontaine.

2.3 –L’atelier de Constantinople

La production de sarcophages païens se poursuit jusqu’aux années qui


ont suivi le règne de Constantin, et est concomitante avec la production de
sarcophages chrétiens. Il est probable que la plupart des ateliers ont été
conduits à la fabrication des sarcophages chrétiens en raison du manque de
demande de sarcophages païens. En outre, les coutumes païennes pour les

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 19


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

funérailles avaient changé. De plus, il ne faut pas exclure le problème socio-


économique qui a conduit à ce changement36.
A Constantinople n'existait aucune tradition de fabrication de
sarcophages. Quand, à l’époque paléochrétienne, des sarcophages étaient
nécessaires, les sculpteurs de la fin du IVe et du début du Ve siècle
recouraient, entre autres, aux formes du troisième quart du IIe siècle de
l'atelier principal de sarcophages de l’Asie Mineure (Docimeion). Ces
sculpteurs utilisaient aussi des modèles attiques37 en ce qui concerne les
caractéristiques stylistiques, la forme, la plasticité et le traitement attentif de
la surface principale du relief. Ces éléments sont également les mêmes pour
la sculpture des reliefs de la partie occidentale de l’Asie Mineure. Des
sarcophages existent à Constantinople dès la première moitié du IVe siècle38.
De ces premières décennies, aucun sarcophage ne nous est parvenu. Les
spécimens conservés, relativement peu nombreux datent de la fin du IVe
siècle. On ne peut pas dire avec certitude, si les sarcophages de cette époque
ont été détruits ou si la production était au total très faible. Il s'agit surtout
de sarcophages figuratifs (sarcophages à frise et sarcophages à colonnes) et
décoratifs. Cependant, des différences considérables de qualité apparaissent;
on a quelques exemples d’œuvres remarquables (en marbre) et de plusieurs
autres artisanalement simples (en calcaire). A Byzance et à Constantinople,
les sarcophages n'avaient pas de tradition et les sculpteurs semblent avoir
immigré de la province et probablement d’Asie Mineure39.
Constantinople bénéficiait d’une tradition hellénique enracinée dans
l’Orient méditerranéen, tradition dont une œuvre comme le sarcophage de
Sarigüzel atteste la persistance. Elle jouissait aussi de son statut de nouvelle
capitale, ce qui a entraîné un essor notable des ateliers de sculpture qui ont
assez vite imposé dans un cadre géographique très large leurs méthodes et
leur style40.

36
Brenk B., Propyläen Kunst Geschichte : spatantike und frühes Christentum,
Supplementband 1, Propyläen Verlag, Frankfurt Germany 1977, p. 56.
37
In Frühchristliche Sarkophage, p. 387.
38
Brenk, Op. cit., p. 112.
39
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung, p. 114.
40
Caillet, Loose, Op. cit., p. 96.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 20


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

L’ensemble des œuvres constantinopolitaines offre également des


caractères bien spécifiques. Au début, les compositions s’y distinguent par
un équilibre remarquable entre le cadre architectural, les sujets eux-mêmes
et l’arrière-plan sur lequel ils se détachent ; traitées en moyen relief et avec
un modelé délicat, les figures respectent des proportions assez justes, et
leurs attitudes relativement aisées s’accordent à l’articulation souple et
ample des drapés ; les visages, peu expressifs mais à l’ovale d’une régularité
parfaite, concourent à empreindre l’ensemble de calme et de sérénité : on
reconnaît là encore les marques du néo-classicisme, dont l’apogée se situe à
l’époque théodosienne. Lors d’une deuxième phase, où dominent toujours
les représentations figurées, certains monuments montrent des personnages
aux physionomies plus dures. Puis, avec la restriction du répertoire à des
sujets symboliques, le style s’assèche cette fois considérablement : la
mouluration des cadres apparaît bien plus sommaire, les formes se
schématisent, les reliefs s’aplatissent ; les sarcophages attribuables aux
décennies suivantes ne font que confirmer ces tendances ; l’évolution ainsi
retracée apparaît très linéaire mais, en dépit de sa cohérence et donc de son
caractère vraisemblable, on doit lui garder la valeur d’hypothèse : rappelons
que l’éventuelle interférence d’ateliers constantinopolitains et ravennates
œuvrant dans leur sillage peut avoir singulièrement compliqué le processus ;
et l’incertitude dans laquelle on demeure pour les limites exactes de la
période de production, comme pour la datation des principaux monuments,
engage à autant de prudence41.
L’origine des sculpteurs de Constantinople n’est pas connue. Les
sculpteurs des pièces aux décorations symboliques, n'avaient pas besoin
d’une formation particulière. Ils pouvaient provenir d’ateliers spécialisés en
plaques de barrière, ambons, vases, combattants ou autres sculptures
décoratives. Les artistes des sarcophages aux décorations figuratives,
devaient toutefois avoir une bonne expérience de la fabrication des reliefs
figuratifs. Ils ne pouvaient pas provenir de Byzance. Là, la production des
sarcophages a commencé vers la moitié ou au plus tard dans la deuxième

41
Ibid., p. 105-107.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 21


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

moitié du IIIe siècle, et les grandes représentations figuratives n'étaient pas


du tout habituelles. De plus, les sarcophages paléochrétiens ont été pour la
première fois utilisés cinquante ans environ après la fondation de la ville,
vers 380 ap. J.-C. Les raisons de cette grande lacune sont inconnues. Vers
400 ap. J.-C., quand la demande des sarcophages à Constantinople est
devenue plus grande, des sculpteurs de différentes provinces de l'Asie
Mineure sont probablement venus dans la capitale et ont utilisé des
matériaux moins chers et des styles artistiques différents42.
La tradition du style classique, qui apparaît à l’époque romaine, jusqu’à
la fondation de Constantinople, est réutilisée, avec l’effet caractéristique de
l’art de la nouvelle capitale du Bosphore, par les ateliers de la partie
occidentale de l’Asie Mineure, qui avaient inventé la tradition
morphologique classique. Ce style, inspiré de l’art grec classique, a été fixé
par les ateliers. Il est caractéristique que la plupart des sarcophages de cette
époque, lesquels sont attribués avec certitude aux ateliers de l’Italie du
Nord, présentent le même style de reliefs43. On ne doit pas oublier que
l’atelier de Ravenne a été largement influencé par l’atelier de
Constantinople.
Les monuments chrétiens de Constantinople témoignent d’une variété
d'organisation artistique inconnue en Occident. Le style de la cour
théodosienne était dominant. Le manque d’œuvres datées du Ve siècle ne
permet pas un aperçu de la plastique chrétienne orientale. Les découvertes
des deux dernières décennies nous ont fait nous confronter à des styles
complètement nouveaux44.
Pour conclure, on doit préciser que les sarcophages des ateliers
constantinopolitains étaient largement exportés. Les lieux de leur
exportation sont nombreux : Bithynie (Gebze et Kerpe), Nice (Iznik),
Herakleia Pontique (Eregli), Leontopolis (Mer Noire), Kiev, Syrie (Emesa),
Mont Athos (le couvent de Xeropotamou), Rhodes, Kassos, Monténégro

42
In Frühchristliche Sarkophage, p. 415-417.
43
Brenk, Op. cit., p. 113.
44
Ibid., p. 80.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 22


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

(Doljani), Parentium, Trani, Barletta, Ravenna, Venise, Mailand, Marseille,


Arles, Las Vegas de Pueblanueva, Ecija45.

Partie 3
3.1 – Les diverses catégories de sarcophages

3.1.1 – Les types de sarcophages

1. Sarcophages à frise
1.1. Sarcophages à frise à une zone
1.1.1. Sarcophages à frise à une zone, sans bordure latérale
1.1.2. Sarcophages à frise à une zone, avec bordure latérale
1.1.3. Sarcophages à frise à une zone avec un cadre décoré en haut et sur les
côtés
1.2. Sarcophages à frise à deux zones
2. Sarcophages architectural
2.1. Sarcophages à colonnes
2.1.1. Sarcophages à colonnes à une zone
2.1.2. Sarcophages à colonnes à deux zones
2.2. Sarcophages à arbres
3. Sarcophages à reliefs et autres sarcophages décorés
3.1. Sarcophages à reliefs
3.1.1. Sarcophages à reliefs à une zone
3.1.2. Sarcophages à reliefs à deux zones
3.2. Autres sarcophages décorés
4. Sarcophages-caisse46
5. Sarcophages à thèmes neutres
6. Sarcophages à thèmes païens
7. Dalles

45
In Frühchristliche Sarkophage, p. 437-442.
46
Ibid., p. 32.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 23


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

1. Sarcophages à frise : ils étaient déjà communs dans l'art païen. Leur
face principale était généralement ornée d’une frise décorée d’une ou de
plusieurs figures sur toute la hauteur de la cuve (« sarcophages à frise à une
zone »). Beaucoup plus de travail aurait été nécessaire si ces frises
figuratives avaient été organisées en deux zones séparées par un bord
horizontal (« sarcophages à frise à deux zones »), ce qui aurait aussi
augmenté le nombre de figures à sculpter. Le travail pouvait se compliquer
et se prolonger si on demandait à l’artiste d'interrompre les deux frises au
milieu par un portrait ; ce portrait pouvait être placé dans un médaillon ou
dans une coquille47.
Des sarcophages à frise à une zone existent aussi à Rome et dans les
provinces occidentales, plus rarement à Constantinople. Des sarcophages à
frise à deux zones sont rares à Constantinople. On a quelques exemples de
sarcophages à deux zones à Constantinople, où un cadre, en général décoré,
entoure les trois cotés du sarcophage48.

2. Sarcophages architecturaux : Les longueurs et parfois également les


largeurs sont rythmées par des colonnes ou par des pilastres, sur lesquelles
des coudes, des frontons ou une architrave sont placés. On peut trouver des
représentations figuratives dans les espaces entre les colonnes (à Rome, à
Ravenne, à Constantinople et en Gaule). Parfois, à leur place, des
représentations symboliques sont utilisées (à Ravenne et à
Constantinople)49.

2.1. Sarcophages à colonnes : relativement peu nombreux mais souvent


très coûteux. Ils sont pourvus de colonnes, de demi-colonnes ou de pilastres;
les spécimens à deux zones sont des exceptions.

47
Marki – Boehringer, Op. cit., p. 8.
48
In Frühchristliche Sarkophage, p. 32.
49
Ibid., p. 34.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 24


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

2.2. Sarcophages à arbres : ils dérivent des sarcophages à colonnes : ce


sont des arbres qui séparent les différentes zones50.

3. Sarcophages à relief : sur le côté principal se trouvent de petits espaces


(trois en général) avec des scènes figuratives. Entre ces espaces, on trouve
deux grands reliefs (filets) en forme de S, couchés ou verticaux. Les plus
coûteux sont ceux à deux zones51. On les trouve surtout dans la partie
occidentale de l’empire romain, et surtout à Rome et en Gaule. Ces
sarcophages sont aussi appelés « sarcophages strigilis » ; strigilis en latin
désigne le racloir courbé, avec laquelle on nettoie le corps, par exemple,
après le sport. D'autres sarcophages décoratifs ont été trouvés, dispersés, à
Rome et à Constantinople, ainsi qu’en Asie Mineure. Ils ont, très
fréquemment, été trouvés avec les sarcophages aquitains52.

4. Sarcophages-caisse : la forme dérive des cercueils en bois. De


l’époque paléochrétienne, on en a quelques-uns à Ravenne et à
Constantinople53. Une bordure entoure les quatre faces ; à l’époque
paléochrétienne, la forme est rarement rencontrée. Ils ont souvent des
représentations figuratives, mais en général décoratives ou symboliques
(« le sarcophage du prince »).

5. Sarcophages à thèmes neutres : il est difficile d’identifier les différents


sarcophages avec des représentations qui n'ont ni un caractère clairement
païen ni clairement chrétien, surtout avec des scènes de pasteurs (« les
sarcophages bucoliques »), qui ont un ou deux «bons pasteurs» debout, des
"philosophes" et des orants. Ils apparaissent environ en 250/60 ap. J.-C. et
on en fabrique jusqu'aux premières années du IVe siècle. Il s’agit
habituellement de sarcophages « neutres », ayant à la fois les traits des
religions païenne et chrétienne.

50
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung, p. 103.
51
Ibid., p. 106.
52
In Frühchristliche Sarkophage, p. 34.
53
Ibid., p. 34.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 25


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

6. Sarcophages à thèmes païens : avec les édits de Constantin, tous les


spécimens aux sujets clairement « païens » disparaissent à Rome en 311/13
ap. J.-C.54 Il n'y a pas, par exemple, de sarcophages décorés avec des mythes
grecs ou avec des scènes dionysiaques après 31355.

7. Dalles : il y en a à Rome, à Constantinople et dans les provinces. Il


s’agit de dalles qui ornent les sarcophages insérés dans des murs, ou qui
ferment les loculi dans les catacombes ou dans d’autres installations
sépulcrales. Une telle dalle peut aussi être désignée comme une loculus-
dalle ou une lastra (ce qui en italien signifie le « tableau » ou la « plaque »).
La forme et la décoration des dalles imitent en général les sarcophages, et
souvent elles servent aussi de couvercle56. Elles appartiennent aux types
sculpturaux orientaux. Les dalles de Taşkasap manifestent une évolution de
la plastique orientale : ses décorations ont, entre autres, des représentations
des miracles de Jésus connues seulement dans les sarcophages
occidentaux57. Le modèle architectural, mais aussi la décoration figurative
des dalles à colonnes de Constantinople dérivent des sarcophages à colonnes
de Docimeion58.
Plusieurs fragments en marbre portent un cadre décoratif sur le bord
supérieur et sur les côtés ; on ne peut pas savoir s'il s’agit des cuves ou des
dalles. Ce type de décoration est typique de Constantinople. Une série de
fragments de dalles en calcaire ont le même type de bordure. La plupart des
fois, il y a des cadres et d'autres décorations59.

Les couvercles de tous ces sarcophages ont différentes formes (les cas
particuliers ne sont pas pris en considération) :

54
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung, p. 106.
55
Ibid., p. 107.
56
In Frühchristliche Sarkophage, p. 29-31.
57
Brenk, Op. cit., p. 79-80.
58
Effernberger A., Das Berliner Mosesrelief, Fragment einer Scheinsarkophag-Front, in
Grabeskunst der Römischen Kaiserzeit, Koch G., Verlag Philipp von Zabern, Mainz am
Rhein 1993. p. 242.
59
In Frühchristliche Sarkophage, p. 58.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 26


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

1. Couvercle à bord surélevé décoré avec des reliefs sur la partie


frontale.
2. Couvercle en forme de toit.
3. Couvercle arrondi.
4. Couvercle en forme de bâtière60.
Selon A. Effernberger, on peut aussi faire une distinction des dalles de
sarcophages en trois grandes catégories elles-mêmes divisées en sous-
catégories :

I. Première catégorie
Ia. Dalles avec 3 ou 5 créneaux : acrotères et couvercles en forme de
toit. La catégorie I est subdivisée en deux groupes : dans le groupe 1,
on trouve les deux dalles sculptées de Taşkasap (images 29, 34) ;
dans le groupe 2, on a un fragment de la basilique de Stoudion
(image 35) et le fragment trouvé à Top Kapi (image 8).
Ib. Dalles avec 3 ou 5 créneaux ; couvercles plats. Ici, on trouve 4
groupes : dans le groupe 1, le fragment de l’image 37, qui devait
appartenir à une face de sarcophage avec 5 créneaux et la cuve de
Fethiye Cami (image 60), avec 5 créneaux aussi ; dans le groupe 2,
on ne trouve pas de fragments conservés ; le groupe 3 est représenté
par la façade droite de Silivri Kapi ; le groupe 4 n’est pas représenté.

II. Deuxième catégorie


IIa. Dalles à frise à une zone avec une moulure sur les trois faces et
une bande ornée de fleurs ou d’autres motifs ; des acrotères et des
couvercles en forme de toit. Le groupe IIa est représenté par un
fragment avec l’histoire de Jonas (image 16).
IIb. Dalles à frise à une zone avec une moulure sur les trois faces et
une bande ornée de fleurs ou d’autres motifs ; couvercles plats. Cette
catégorie se divise en groupes 1 et 2 : le groupe 1 est représenté par
la façade gauche conservée de Silivri Kapi et par le fragment de

60
Ibid., p. 34.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 27


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Mevlevi Kapi (image 27) ; le groupe 2 a surtout des scènes


narratives, comme le fragment de l’église de Stoudion avec l’entrée
de Jésus à Jérusalem (image 26).
IIc. Dalles à frise à une zone avec une moulure sur les deux faces et
une bande ornée de fleurs ou d’autres motifs ; couvercles plats. Ici,
on trouve le fragment de l’hommage (image 30) et les deux dalles de
Silivri Kapi, l’appel de Moïse et le sacrifice d’Abraham.
IId. Dalles à frise à deux zones avec une moulure sur les trois faces
et une bande ornée de fleurs ou d’autres motifs ; acrotères ou
couvercles plats. De cette catégorie, aucun exemple n’a été conservé.

III. Troisième Catégorie


IIIa/b. Combinaisons des catégories Ia/b et IIa/b. La catégorie IIIa a
des couvercles en forme de toit et des acrotères. Elle est subdivisée
en quatre groupes ; le groupe 1 n’est pas représenté ; le groupe 2 est
représenté par le relief d’Ambarliköy (image 23) ; le groupe 3 est
représenté par le fragment d’Edirne Kapi (image 57) ; le groupe 4 est
représenté par un fragment de Top Kapi (image 19). La catégorie
IIIb a des couvercles plats et n’a pas d’acrotères. Pour cette
catégorie, nous n’avons pas d’exemples conservés61.

Pour mieux comprendre la catégorisation d’Effernberger, on peut


consulter les tableaux suivants62 :

61
Effernberger, Op. cit., p. 240-250.
62
Ibid., p. 244-245.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Tableau No 1

Tableau No 2

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 29


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

3.1.2 – Division selon la matière première

A Constantinople, le marbre n'a été utilisé que pour peu de sarcophages.


Pour la plupart, un calcaire d’une qualité relativement médiocre a été utilisé;
il y avait aussi un marbre verdâtre tacheté (de Thessalie ; "Verde antico"),
un marbre presque noir et un marbre rougeâtre tacheté, des pierres qui
ressemblent à l’alabastre, du tuf et d’autres types de pierres.
Dans les provinces, on utilisait le marbre, le calcaire, le grès, ou la pierre
volcanique. Quant au porphyre précieux, qu’on trouve seulement en Égypte,
il a été utilisé pour les enterrements impériaux à Rome et à Constantinople,
le plomb pour quelques sarcophages chrétiens en Syrie, ainsi que pour
d'autres exemples isolés, et enfin le bois peint a été utilisé en Egypte63.
Cependant, les lieux d’extraction du porphyre en Égypte ont été
complètement délaissés après la conquête arabe au VIIe siècle64.
Les sarcophages en porphyre sont mieux représentés dans l’église des
Saints-Apôtres. Ils avaient des décorations simples. On ne trouve pas de
sarcophages en porphyre après la seconde moitié du Ve siècle.
L’utilisation des sarcophages en marbre date de la seconde moitié du Ve
siècle. La pierre d’atracios et le marbre blanc de Proconèse sont les
matériaux les plus appréciés65.
En ce qui concerne le marbre, les types venant des carrières d'Asie
Mineure (Proconèse, Docimeion, Aphrodisias), de Grèce (surtout du
Pentélique) et d’Italie (marbre de Iuna) étaient principalement utilisés.
L’identification du type de marbre est assez difficile et n'a que rarement une
importance dans la localisation ou la datation des sarcophages66.

63
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung, p. 107.
64
Vasiliev, Op. Cit., p. 6.
65
Delvoye C., Βυζαντινή Τέχνη, Εκδόσεις Δημ. Παπαδήμα, Αθήνα 2002, σελ. 166.
66
Koch G. und Sichermann H., Römische Sarkophage, C. H. Beck’sche
Verlagsbuchhandlung, München 1982, p. 21.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Les sarcophages fabriqués en rocher dont les côtés principaux sont peints
sont des cas particuliers. Ces sarcophages ont des dalles décorées avec des
peintures ou avec des mosaïques67.

3.1.3 – Sarcophages et milieu social

Evidemment, les sarcophages ont été surtout utilisés par les membres des
classes sociales supérieures. Les sarcophages en marbre ont été utilisés par
les citoyens riches de la capitale. Les sarcophages en porphyre ont été
utilisés par les empereurs, les impératrices, les membres de la famille
impériale, quelques patriarches et des gens d’une grande importance. Ces
sarcophages étaient importés à Constantinople d’Alexandrie d’Égypte. Des
sarcophages construits de matériaux moins coûteux ont été aussi utilisés.
La quantité des sarcophages simplement décorés nous permet de
supposer que les riches n’étaient pas les seuls à pouvoir les obtenir : il y
avait des ateliers coûteux, mais aussi des ateliers moins chers. Pourtant, des
sarcophages simples sont aussi utilisés par les membres de la bourgeoisie.
D'autre part, d’autres spécimens plus décorés montrent l'effort de la classe
moyenne pour suivre l'aristocratie. Le fait que beaucoup de sarcophages ont
été utilisés deux fois montre un souci d’économie68.
En ce qui concerne les sarcophages impériaux, deux types de pierres
peuvent être distinguées, le porphyre et le marbre vert antique. Les
empereurs byzantins du IVe et du Ve siècle étaient enterrés dans des
sarcophages en porphyre. Les sarcophages en vert antique n’ont été utilisés
qu’à partir de la deuxième moitié du Ve siècle69.
Si on accepte que les sarcophages étaient des pièces uniques, on peut dire
que non seulement le matériau utilisé nous donne quelques indications sur
les commanditaires, mais aussi la décoration des sarcophages. Le sculpteur,
mais aussi le commanditaire, avaient leur opinion sur la décoration. Ainsi,
67
In Frühchristliche Sarkophage, p. 68.
68
Koch, Sichermann, Op. cit., p. 22-23.
69
Ebersolt J., Mission Archéologique de Constantinople 1920, Paris 1921, p. 17.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

on peut dire que le choix d’une certaine décoration nous donne des
informations sur la mentalité des gens de cette époque-là.

3.2 – La forme du sarcophage et le type de décoration

Il n’y a pas de tradition de sarcophages païens à Constantinople. Les


premiers exemples chrétiens apparaissent seulement à la fin du IVe siècle.
Les exemples conservés sont de nature assez variable. La capitale n’a créé
aucun courant particulier et artistiquement important. A côté des
sarcophages figuratifs existent de nombreux sarcophages décoratifs assez
simples. Les sarcophages destinés à la famille impériale ne portent pas -
sauf une exception – de motifs figuratifs et sont fabriqués dans des marbres
précieux. La production de Constantinople semble arriver jusqu’au VIe ou
même au VIIe siècle. La datation de tous les exemples est cependant
incertaine70.
La plupart des fois, dans les trois centres de production et aussi en
province, seule la face principale est décorée de reliefs ; les petits côtés et la
face arrière sont taillés plus ou moins grossièrement. Rarement, sur les petits
côtés, les représentations d’un relief bas sont plus profondément élaborées.
Les quatre faces portent exceptionnellement des reliefs (« le sarcophage de
Sarigüzel »)71.
Les sarcophages décoratifs, comme les sarcophages figuratifs, semblent
apparaître à la fin du IVe siècle. En outre, il y a divers autres sarcophages
décoratifs du Ve et du VIe siècle. Les plus tardifs forment à l’intérieur le
contour d'un corps humain72. Avec les sarcophages décoratifs, une grande
variation de formes peut également être observée : des cuves simples avec
des croix ; un fragment avec un récipient et un arbre ; des exemples avec des
pilastres aux coins de la face principale ; avec des pilastres aux coins et

70
In Frühchristliche Sarkophage, p. 218.
71
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung, p. 106.
72
Ibid., p. 114-115.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

deux losanges sur la face principale ; avec des pilastres aux coins et de
grandes croix sur chacun des trois côtés conservés ; plusieurs sarcophages
sont en marbre, en pierre verte de Thessalie, et en pierre rougeâtre73.
Les sarcophages avec des représentations symboliques ont différentes
formes et se composent également de différents matériaux. La plupart des
fois, des décorations comme les croix et d’autres motifs apparaissent : un
sarcophage décoré avec le chrisme (image 42) et son couvercle, et le
sarcophage de Silivri Kapi. Dans plusieurs exemples (image 43), de part et
d’autre du chrisme central, on trouve encore des croix latérales ; quelques
cuves ont une bordure sur les quatre côtés, et une a aux coins des pilastres.
Le marbre de Proconèse et le marbre vert de Thessalie étaient aussi utilisés.
On trouve ces sarcophages jusqu’au Ve siècle ap. J.-C.74
Des sarcophages païens ont été transformés en sarcophages chrétiens par
la sculpture d'une ou plusieurs croix et d'une inscription75.
Le contenu des inscriptions ne se différencie pas de celui d'autres
inscriptions funéraires : à côté du raccourci « Dis Manibus » sont inscrits les
noms des défunts et souvent leur âge ; d'ailleurs, plus ou moins souvent, on
trouve des inscriptions et des formes d’écriture spéciales, qui apparaissent
sur les autres monuments funéraires, mais seulement dans des cas rares sur
un sarcophage. En général, les inscriptions sur les sarcophages sont courtes
et contiennent moins d'indications que les autres inscriptions sépulcrales,
signe de leur origine étrangère. La langue est généralement le latin et plus
rarement le grec ; il arrive aussi que les deux langues soient présentes sur le
même sarcophage76.
Après 313 ap. J.-C., les sarcophages qui avaient combiné les décorations
païennes et chrétiennes passent à l'arrière-plan et les sarcophages ornés de
scènes exclusivement ou en grande partie chrétiennes deviennent un peu
plus fréquents. Les scènes païennes ne disparaissent pas des sarcophages
chrétiens. L'association de scènes chrétiennes avec des éléments maritimes

73
In Frühchristliche Sarkophage, p. 60.
74
Ibid., p. 411.
75
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung , p. 106.
76
Koch, Sichermann, Op. cit., p. 26.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

et bucoliques, typique de la phase initiale de l’art chrétien, disparaît avec la


domination des sarcophages à frise. Sur ces derniers, les scènes tirées de
l’Ancien et du Nouveau Testament sont apparues brusquement77.
Le début de l’époque constantinienne voit déjà l’essor de caractères
nettement opposés à ceux ayant prévalu depuis l’assimilation de
l’hellénisme à Rome. On renonce désormais au déploiement unitaire d’un
seul thème pour disposer en frise, parfois sur deux registres superposés, une
suite de scènes souvent sans lien direct les unes avec les autres, et en tout
cas sans égard pour la chronologie dans laquelle les présente le texte de la
Bible ; simultanément, on recourt à des compositions juxtaposées où les
personnages, côte à côte et de même taille, tendent à déterminer un plan
parallèle très sommaire ; considérées isolement, les figures apparaissent
excessivement trapues, avec des visages peu individualisés et l’organisation
toute mécanique de leurs drapés nie l’essentiel des morphologies78.
Comme le bord du couvercle est étroit, on a moins de travail en général :
au milieu, un panneau d'inscription tenu par des anges volants était
généralement représenté. On remplissait volontiers les zones à droite et à
gauche avec des scènes dans un relief plus plat et on sculptait des masques
aux coins. D'ailleurs, les couvercles, dans la majorité des cas, ne sont pas
conservés.
Les grands sarcophages, arrivant notamment d’Italie du Nord, avaient la
forme d’une maison. Ces sarcophages généralement décorés partout (donc
influencés par l’Orient) ne recevaient des décorations figuratives sur le
couvercle qu’aux quatre acrotères, tandis que le toit lui-même imitait
principalement le toit d’une maison79. De cette façon, la fonction du
sarcophage comme maison des morts est soulignée80. Des couvercles en
forme de toit existent à Ravenne, à Constantinople et dans les provinces de
l’Orient, mais rarement en Occident. Des couvercles arrondis n'existent

77
Brenk, Op. cit., p. 57.
78
Caillet, Loose, Op. cit., p. 92-93.
79
Marki – Boehringer, Op. cit., p. 9.
80
In Frühchristliche Kunst, eine Einführung, p. 103.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 34


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

qu’en nombre très faible à Ravenne, à Constantinople, en Asie Mineure et


en Gaule81.
La disposition des scènes, au lieu de suivre la chronologie, est arbitraire
ou hasardeuse. Cependant, dans certains cas, il y a des scènes qui semblent
avoir été mises côte à côte ou de part et d’autre du relief volontairement.
Cette disposition a une grande importance, plus typologique qu’allégorique.
Par exemple, la représentation de la scène du sacrifice d’Abraham le plus
souvent sur les sarcophages à frise et le placement de la scène où Pilate se
lave les mains sont souvent juxtaposées, ce qui a sans aucune doute un sens
typologique. On trouve la même disposition pour la représentation de la
mort du Christ et de la résurrection de Lazare. Leur juxtaposition a un sens
allégorique, puisqu’il dénote la Résurrection. La juxtaposition d’autres
scènes, comme celle de la Samaritaine au puits et de la résurrection de
Lazare pourrait aussi mettre l’accent sur la Résurrection et la vie éternelle.
Si le miracle des sources de Pierre est mis en relation avec la résurrection de
Lazare, c’est sans doute pour donner un sens plus profond au baptême et à la
résurrection des morts dans la Seconde Parousie.
Sur la façade de quelques sarcophages, les scènes de la Passion avec la
croix entre les propriétaires de la tombe traduisent l’espérance en la
Résurrection. Il y en a d’autres où le Christ enseignant se trouve parmi les
apôtres avec Pierre et Paul à ses côtés, et des scènes où le Christ est au
milieu des apôtres ou seulement entre Pierre et Paul, transmettant le rouleau
de la Loi à Pierre. Sans aucun doute ces thèmes ont un sens ecclésiastique82.
En ce qui concerne la forme du sarcophage, les cuves sont généralement
rectangulaires ; plus rarement, quelques sarcophages tardifs ont des côtés
arrondis. Les couvercles ont la forme d'un toit et quelques-uns plus récents
sont arrondis. La forme et les proportions des cuves et des couvercles
montrent une grande variation. Il y a de petits sarcophages, prévus pour des
enfants, mais aussi des sarcophages monumentaux destinés à des
personnalités importantes. Quelques-uns avaient une cloison interne, pour
séparer plusieurs corps. Quelques cuves sont rectangulaires et basses, et
81
In Frühchristliche Sarkophage, p. 35.
82
In Einführung in die christliche Archäologie, p. 183-185.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 35


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

d’autres plus grandes. Ces différences ne peuvent pas donner d'indications


de datation83.
Le placement des sarcophages était différent selon les différentes parties
du royaume, c’est-à-dire qu’ils pouvaient être placés librement ou dans des
enfeus84.

3.3 – Les catégories iconographiques

3.3.1 – Les motifs païens

a. Les Eros

Image 1
Fragment de sarcophage.
Porphyre rouge « impérial ».
Trouvé à l’église de Sainte-Irène.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Ce fragment qui provient du long côté d’un sarcophage est décoré en


haut relief d’un énorme rinceau formé par l’enroulement d’une tige épaisse,
recouverte de feuilles d’acanthe mêlées à des pampres. Dans le premier
enroulement, à gauche, un Eros nu et tourné à droite, cueille des deux mains
une grappe qui pend de cette tige. Sa jambe gauche avancée semble se
perdre dans un panier de raisins (en réalité, elle est placée derrière), qu’un
second Eros, de profil à gauche, cherche à soulever avec peine, en
fléchissant sur ses jambes. L’osier tressé du panier est représenté par
plusieurs rangs de petits carrés et de petits cercles juxtaposés. Dans le
second enroulement, un troisième Eros de face, les jambes croisées
(marchant ou volant) tient une grappe de raisins de la main droite écartée du
corps ; la gauche, à peu près dans une position symétrique, soutenait un

83
In Frühchristliche Sarkophage, p. 57.
84
Koch, Sichermann, Op. cit., p. 21.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 36


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

panier de raisins. En haut, entre les deux enroulements conservés et à


gauche du premier, deux oiseaux picorent à la treille. En bas, à la naissance
du second enroulement, traces confuses d’une tête d’Eros.
Ce sarcophage date du IVe siècle et provient certainement d’un
sarcophage impérial dont il serait d’ailleurs hasardeux de vouloir rechercher
le propriétaire, bien que l’attribution à Constantin lui-même n’ait rien en soi
d’invraisemblable85.
Selon Vasiliev, ce fragment pourrait appartenir au sarcophage de
Constantin le Majeur. Les similarités avec le sarcophage de St. Constanza
dans les galeries du Vatican sont nombreuses. Comme il est très possible
que le sarcophage de St. Constanza soit une réplique du sarcophage de
Constantin, on suppose que ce fragment est un fragment de son sarcophage,
qui se trouvait dans l’église des Saints-Apôtres86.

Image 2
Fragment de sarcophage.
Marbre de Proconèse.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Ce fragment provient d’une face principale de sarcophage décorée en


assez fort relief d’un rinceau de vigne. Dans l’un des enroulements de la
tige, un Eros nu met une énorme grappe de raisins dans un panier. Les
autres enroulements sont remplis de feuilles grossièrement sculptées et des
petites grappes. L’ensemble, assez fruste et maladroite, rappelle le décor de
sarcophages impériaux en porphyre87.

85
Firatli N., in La Sculpture byzantine figurée au musée archéologique d’Istanbul,
Catalogue revue et présenté par C. Metzger, A. Pralong et J.-P. Sodini, traduction turque
par A. Arel, Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, Jean Maisonneuve
Successeur, Paris 1990, p. 45.
86
Vasiliev, Op. cit., p. 21.
87
Firatli, Op. cit., p. 46.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 37


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

b. Le canthare

Une série des motifs pose instamment le problème d’une réinterprétation


chrétienne. Ainsi, on trouve des simples motifs, comme le canthare ; l’objet
en lui-même, à l’origine vase à boire, avait ensuite été inclus dans
l’aménagement des fontaines et bassins88.

Image 3
Fragment de sarcophage.
Marbre, Ve siècle.
Réutilisé comme fontaine.
Trouvé à Yeşildirek.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

La partie supérieure est bordée par un bandeau profilé. Sur la partie


inférieure, une plinthe. A gauche, un cyprès occupe toute la hauteur. Le
feuillage des branches est finement sculpté. A droite, un grand canthare ;
l’anse gauche a été martelée, mais des traces en restent. Au-dessus du
canthare, sous le bandeau, reste une décoration florale89. On trouve quelques
trous sur le corps du canthare : il s’agit d’interventions ultérieures. Le
canthare est bien conservé sur sa plus grande partie : en bas, une bordure ;
sur elle, une base rectangulaire et un disque rond dans lequel se trouve le
motif de coquille avec les poignées latérales en forme de S.
Sur le côté droit, une partie du relief avec l'arbre est complètement
perdue : le motif héraldique du canthare entre les arbres a une signification
"symbolique"90.
Ce fragment représente les scènes "symboliques" de Constantinople. Le
fragment avec le canthare entre les cyprès montre un motif rare de l'art de
Constantinople, c’est-à-dire qu'on ne le trouve ni sur les dalles ni sur les

88
Caillet, Loose, Op. cit., p. 42.
89
Firatli, Op. cit., p. 53.
90
Deichmann F. W., Konstantinopler und ravennatische Sarkophag-Probleme, BZ 62
(1969), p. 298-299.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 38


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

sarcophages symboliques. Cette représentation témoigne que non seulement


les décorations figuratives, mais aussi les décorations symboliques des
reliefs de Constantinople étaient plus nombreuses et probablement plus
répandues, comme le suggère les nouvelles découvertes91.

3.3.2 – L’ancien Testament

c. Le sacrifice d’Abraham

Image 4
Fragment de façade de sarcophage.
Marbre.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Le relief est d’un travail médiocre. De gauche à droite, c’est d’abord


l’arbre auquel, est attaché le mouton qui sera sacrifié. Le quadrupède se
tient devant l’arbre. La Main de Dieu, avec le bout de la manche, sort du
cadre supérieur du relief à droite de l’arbre. Elle est dirigée vers Abraham
sacrifiant, tourné à droite. Sa tête est coiffée des cheveux courts et il a une
petite barbe. De son couteau on ne voit que l’extrémité inférieure. C’est par
les cheveux qu’il tient le jeune Isaac qui se présente en face, les bras liés
derrière le dos et en pliant un genou. Un disque (de lumière) entoure la Main
de Dieu92.

Images 5, 6
Dalle de sarcophage.
Calcaire.
Trouvée à Silivri Kapi.

91
Ibid., p. 304.
92
Grabar A., Sculptures Byzantines de Constantinople (IVe – Xe siècle), Bibliothèque
Archéologique et Historique de l’Institut Français d’Archéologie d’Istanbul XVII, Librairie
Adrien Maisonneuve, Paris 1963, p. 52.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 39


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

La dalle est entourée en haut et sur les côtés par une bordure. Celle-ci
commence au niveau du sol. Dans la partie droite de la bordure, on voit une
spirale de bourgeons. Au coin, une feuille dentelée. Dans la partie gauche, la
bordure se termine vers le milieu de la hauteur, à cause du placement de la
dalle contre une autre. La courte partie gauche est seulement décorée par
une série de quatre feuilles. La partie horizontale est couverte de feuilles
dentelées.
Une figure masculine tournée à droite apparaît au milieu de la scène et
s’étend sur toute la hauteur. La jambe gauche pliée, la partie supérieure du
corps tournée à droite et la tête presque de profil, donnent l'impression d'une
attitude énergique. Ses cheveux sont ornés de simples boucles sur le front.
La barbe est représentée par une série de courtes entailles courbes et
épaisses. Un trou indique la place de l'œil grossièrement sculpté. L'homme
est habillé d’une tunique à manches longues et étroites et d’une dalmatique
dont les longues manches sont remontées jusqu’aux coudes. Il porte aussi un
manteau rejeté sur l'épaule gauche, formant de riches drapés, couvrant le
corps en diagonale et aboutissant au pied droit. L'homme tient à la main
droite un couteau. Il met sa main gauche sur la tête d'un garçon devant lui
qui semble incliner sa tête pour le sacrifice.
L’enfant marche à grands pas vers la droite. Ses bras sont croisés derrière
son dos. La tête d’Isaac est tournée à droite comme celle de son père,
presque de profil. Ses cheveux se caractérisent par une série de boucles
épaisses et courtes, disposées parallèlement sur son front, et arrivent
jusqu’au cou. De façon semblable à son père, l'oeil du garçon est
grossièrement sculpté et sa place est indiquée par un trou.
Le regard d’Abraham n’est pas tourné vers son fils, mais vers une
apparition divine sous forme d'un ange ailé. Celui-ci apparaît en haut dans le
coin droit, il semble parler à Abraham à grand renfort de gestes et tient avec
sa main gauche le message sous la forme d’un rouleau. Ses cheveux sont
coiffés de la même manière que ceux d’Isaac. La petite figure de l’ange a,
malgré le travail sommaire, une expression dynamique.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 40


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Derrière le dos d’Abraham se trouve un arbre : ses feuilles, sur plusieurs


rangs, se recouvrent l'une l'autre. Les feuilles supérieures semblent soutenir
une structure en forme de disque qui a des bourgeons et des feuilles. Par
d’autres scènes iconographiques plus anciennes, on peut supposer que la
forme pointue en haut, proche de l’arbre, ne faisait pas partie de celui-ci,
mais était celle d’un oiseau en vol. Un agneau tourné vers Abraham est
devant le tronc de l'arbre. Sur le visage de l'animal on distingue clairement
de grands yeux travaillés avec plasticité, dont le regard attentif est indiqué
par un petit trou au centre des pupilles. Le museau de l’agneau est un peu
ouvert. Son pelage est représenté par des motifs de perles rondes. La corne,
recourbée, est travaillée librement93.

d. Moïse recevant la Loi

Image 7
Dalle de sarcophage.
Marbre, Ve siècle ap. J.-C.
Installée à Berlin, Staatliche Museen.

Ce relief vient d’Istanbul et se trouvait à l'intérieur du rempart


théodosien. On l’a trouvé en automne 1880. Sur la ligne de colonnes qui
entourait tout le sarcophage, une façade de temple est représentée. Cette
ligne de colonnes est travaillée avec le fer dentelé et n'était pas visible à
l’origine, puisque la plaque du revêtement d'un plancher y était attachée. La
façade du temple se compose de deux colonnes à bases stylisées, de
chapiteaux ornés de feuilles avec un abaque formé pour recevoir un fronton
plat. L’architrave a de petites décorations et porte une inscription grecque
partiellement conservée : « ωθρ.] Ιωάννη ιατρ[ω…] » qui signifie « Jean le
docteur… ».
Les côtés du fronton se composent de deux bordures parallèles, séparées
par une cannelure profonde. Au centre du fronton triangulaire se trouve une
93
Deckers G. J., Serdaroglu Ü., Das Hypogäum beim Silivri Kapi in Istanbul, JbAC 36
(1993), p. 152-153.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 41


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

croix latine avec des bords bombés et du feuillage disposé de part et d’autre.
La croix est accompagnée par deux paons au plumage clairement dessiné.
Des feuilles remplissent les coins internes du fronton.
Les deux écoinçons de part et d’autre du fronton sont décorés avec des
feuilles. La décoration n’est pas disposée d’une manière symétrique ce qui
exclut que ces feuilles pourraient former des acrotères ou qu’ils pourraient
être pris comme tels. A l’écoinçon droit, on distingue la queue d'un oiseau
tourné vers la droite.
En ce qui concerne l’iconographie, en bas au coin droit, apparaît une
montagne avec beaucoup de rochers suggérant le lieu des événements. Au
centre de la scène, un homme marche vers la droite, les genoux pliés. Il est
vêtu d’une tunique à manches longues et d’un long manteau large et drapé.
Il a les mains levées et presque complètement couvertes, et reçoit un rouleau
d'écriture de la main de Dieu. La main de Dieu est couverte par la manche
d’une tunique et sort du coin droit, au-dessus de la décoration de l’architrave
et du chapiteau. La chevelure de l’homme est typique de l’époque
théodosienne.
A gauche de la figure centrale et un peu plus en haut se trouve une figure
masculine. Elle semble s'enfuir à gauche. La main droite ouverte est levée
en un geste exprimant la crainte ou la défense. Les vêtements se composent
d’une tunique à manches longues et d’un manteau. Les traces de la
chevelure sont semblables, malgré la destruction de la tête, à celle de la
figure droite. Les pieds des deux figures n’apparaissent pas complètement :
on ne reconnaît ni les orteils ni la trace d’éventuelles chaussures et on en
déduit que celles-ci devaient être peintes. Egalement, les flammes sur le
Mont Horeb étaient probablement peintes94.

Image 8
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Remployé dans les murailles extérieures au sud de Topkapi.

94
Effernberger, Op. cit., p. 237-239.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Ce fragment comprend un fronton angulaire décoré d’une double rangée


de denticules. L’écoinçon gauche, déterminé par l’angle supérieur du cadre
et le rampant du fronton, est rempli par une demi-palmette à quatre spirales ;
celui de droite, par deux oiseaux perchés sur le rebord d’une vasque, l’un
penché pour boire, l’autre, à longue queue, sans doute un paon, la tête
tournée vers la gauche. Plus à droite, traces de l’amorce d’un arc décoré de
deux rangées de denticules. Sous le fronton, la main de Dieu sort du
rampant gauche. Elle est tendue et paraît tenir un objet plat. A droite, deux
rameaux placés sous le rampant droit traités comme des pommes de pin. Il
pourrait s’agir de « Moïse recevant les tables de la Loi »95.
Selon Grabar ce fragment est un fragment d’un devant d’autel. Le
fragment correspond au coin gauche supérieur de la façade. En ce qui
concerne l’iconographie de la dalle, la Main Divine n’apparaissait à cette
époque que dans le Sacrifice d’Abraham et la Remise de la Loi au Sinaï. Il
exprime l’opinion que la scène représentée est le Sacrifice d’Abraham 96. La
même opinion a aussi G. Koch97.

Images 9, 10
Dalle de sarcophage.
Calcaire.
Trouvée à Silivri Kapi.

La décoration de la bordure se compose de raisins. Sur la partie gauche


de celle-ci, une ligne ondulée commence du sol, monte en haut jusqu’au
coin gauche, y est couverte par une feuille, et tourne à droite vers la partie
supérieure du cadre, horizontalement, pour se terminer devant une autre
dalle dans une petite volute. La bordure est ornée de feuilles et de raisins.

95
Firatli, Op. cit., p. 64.
96
Grabar, Op. cit., p. 40.
97
In Frühchristliche Sarkophage, p. 140.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 43


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Sur la ligne un peu ondulée du sol, deux arbres remplissent la scène, l’un
à gauche et l’autre à droite. L’arbre de gauche a une branche latérale, tandis
que l'arbre de droite a des feuilles dentelées.
La zone entre les deux arbres comporte une figure masculine, tournée à
gauche. Il est habillé d’une tunique à manches longues. On ne peut pas voir
si l'homme porte des souliers, puisque le relief est grossier. Le visage
représenté de trois-quarts est imberbe. L'homme a les mains et les bras
couverts de manière rituelle et s'approche de l'apparition de Dieu avec
modestie. On reconnaît donc, dans cette figure masculine, Moïse.
L’apparition de Dieu est représentée par une grande main droite. La main de
Dieu donne un objet plat à Moïse : les tables de la Loi. C’est un thème de
prédilection dans la sculpture constantinopolitaine de l’époque
théodosienne98.

e. Nabuchodonosor et les trois jeunes hébreux

La figure présentée en pied, avec les bras levés et les mains vers le ciel
dans l’attitude de la prière, correspond à la figure de l’Orant. Là encore, les
antécédents païens nous sont bien connus : c’était sous cette forme que les
romains évoquaient la vertu de piété, à savoir, la qualité morale de celui qui
s’acquittait de ses devoirs envers les dieux comme envers les hommes. Un
glissement minime suffisait donc pour que l’adaptation s’opère aux propos
tenus par Jésus au scribe ; et puisque, sur les monuments funéraires païens,
l’usage engageait souvent à prêter les traits du défunt à la personnification
de cette vertu, les chrétiens en ont vite adopté le principe : si le visage de
l’orant apparaît souvent inachevé, c’est bien parce que, dans la perspective
d’un remodelage après l’achat du tombeau, on prévoyait cette assimilation.
L’orant a encore une signification plus complexe : son association fréquente
aux apôtres et, parfois, sa double apparition sur le même sarcophage ont en

98
Deckers, Serdaroglu, Op. cit., p. 151-152.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 44


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

effet amené à y voir une allégorie de la foi de l’Eglise universelle, c’est-à-


dire de la foi propre aux églises des Juifs et des Gentils réunies99.

Image 11
Face principale de sarcophage.
Marbre de Proconèse. Fin de IVe-Ve siècles.
Trouvée à Cibali Kapi.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

A la partie supérieure de cette face principale, le fond est relevé et forme


un bandeau compris entre deux listels et il est décoré d’un rinceau
d’acanthe. A la partie inférieure, une plinthe continue. Haut relief. Les trois
jeunes Hébreux sont représentés côte à côte dans l’attitude de l’Orant. Celui
de milieu est de face, le corps portant avec un léger déhanchement sur la
jambe droite, la gauche écartée. Ses compagnons aux extrémités de la
plaque se tournent légèrement vers lui, le poids du corps portant sur la
jambe extérieure, l’autre légèrement avancée vers le centre de la
composition. De leur tête, on ne distingue plus rien qu’une tiare aux pans
tombants. Tous trois sont vêtus du même costume oriental, tunique courte à
manches longues, manteau et chaussures. Entre les deux personnages de
droite, apparaît au second plan l’ange drapé à l’antique dans la tunique et le
manteau. Les flammes de la fournaise sont indiquées par des sillons ondulés
qui couvrent toute la partie inférieure du fond. Dans le haut, traces confuses
d’une inscription postérieure sommairement gravée à la pointe : οί άγ[ιοι
τ]ρης παίδες 100.
Le relief reflète un art savant. Si mutilés que soient les personnages, on
reconnaît le « contraposto » des figures et la silhouette élégante qui en est la
conséquence ; là où ils sont conservés, les plis des tuniques iraniennes des
Hébreux sont fidèles à la tradition classique et il en est de même des
vêtements de l’ange101.

99
Caillet, Loose, Op. cit., p. 45-46.
100
Firatli, Op. cit., p. 51.
101
Grabar, Op. cit., p. 45.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Image 12
Dalle de sarcophage.
Marbre.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Dalle rectangulaire sans encadrement en haut ni à droite, bordée à gauche


par un listel étroit, en bas par un large bandeau ; relief très bas ; les trois
jeunes hébreux sont représentés de face et dans l’attitude de l’orant ; celui
du milieu et probablement celui de droite ont la tête de profil à gauche ;
celui de gauche regarde à droite ; ils reposent, celui de droite, sur la jambe
droite, les deux autres, sur la jambe gauche ; le pied de la jambe portant est
représenté de profil et le pied de la jambe libre ne touche la plinthe que des
orteils ; tous trois sont vêtus du même costume oriental – longues braies
collantes, tunique courte à manches longues, serrée sur les reins et relevée
sur les côtés de manière à dégager toute la hauteur de la jambe – et coiffés
de la tiare à pan tombant sur la nuque ; les feux de la fournaise sont indiqués
par six flammes recourbées, une à chaque extrémité et deux entre chaque
figure. Mendel date cette dalle au VIIIe-IXe siècle102.
Cette dalle est d’un art assez médiocre. Le relief est d’une facture
rustique : figures plates des trois Hébreux, grosses flammes qui montent
jusqu’à la hauteur de leurs coudes. On évite les superpositions, qui
demandent une certaine notion de l’espace, et on isole chaque motif de la
façon la plus élémentaire. Grabar date cette dalle à la fin du IVe jusqu’au
début du Ve siècle103.

f. Daniel dans la fosse aux lions

Un autre motif est celui du rideau entrouvert ; il renvoie en fait à un rite


observé chez les anciens dynastes orientaux, et repris par les empereurs
romains de basse époque soucieux d’une sacralisation de leur pouvoir : le

102
Mendel G., in Catalogue des Sculptures grecques, romaines et byzantines des Musées
Impériaux Ottomans, vol. II, Constantinople 1914, p. 485.
103
Grabar, Op. cit., p. 45.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

souverain ordinairement soustrait à la vue de ses sujets se révélait en


certaines occasions définies par le cérémonial aulique, l’écartement des
teintures opéré à ce moment précis conférant à l’apparition le caractère
d’une véritable épiphanie ; là encore, le pas pouvait sans difficulté être
franchi pour révérer la personne divine tout en évoquant, sans doute, la
seconde parousie ; à terme, les apôtres eux-mêmes devaient bénéficier de ce
mode de présentation104.

Image 13
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, IVe-Ve siècles.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Dans le bandeau décoré de deux feuilles à enroulement symétrique,


reliées par une barrette horizontale, est représentée une arcade sans décor,
portée à droite par un petit chapiteau fragmentaire. Sous celle-ci, un long
rideau drapé est maintenu en trois points à l’archivolte. Dans ce cadre
architectural, Daniel se tient debout de face, en orant. Il ne reste que la
partie supérieure du corps à l’exception du bras droit. Daniel est coiffé du
bonnet phrygien et vêtu de la tunique persane105.

g. L’histoire de Jonas

Images 14, 15
Cuve de sarcophage.
Marbre de Proconèse, première moitié du VIe siècle.
Remployée comme bassin de fontaine. Elle porte une inscription ottomane
datée de 1868, qui indique probablement la date de la transfiguration.
Trouvée à Hoca Paşa Camii.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

104
Caillet, Loose, Op. cit., p. 43-44.
105
Firatli, Op. cit., p. 63.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

La cuve du sarcophage est entourée en bas et en haut par une mouluration


continue. Le long côté principal est décoré de deux panneaux rectangulaires
séparés par un large bandeau recreusé au sommet duquel se trouve
l’inscription ottomane. A droite subsiste un pilastre d’angle qui présente les
moulures caractéristiques de piliers de chancel : le décor de cette face se
présentait donc comme une clôture de chancel. Les deux panneaux ont un
schéma décoratif composé d’un losange entouré par une large bordure
séparée des écoinçons d’angle par un profond canal. Aux pointes du
losange, un motif cordiforme. A l’intérieur, un losange plus petit, aux angles
terminé par un fleuron à trois pointes, est cerné par quatre gorges aux bouts
arrondis profondément creusés.
Une palmette occupe l’espace central du panneau droit tandis qu’un
fleuron à quatre branches décore le panneau de gauche. Les quatre
écoinçons de ce dernier portent un décor végétal : rameau, en bas, branche
avec fruit, en haut. A droite, trois écoinçons seulement sont ornées : deux
dauphins en bas et sans doute une représentation de Jonas rejeté par le
monstre marin en haut à droite ; le motif décoratif du quatrième écoinçon a
été ravalé. Sur les petits côtés, une croix s’enlevait à l’intérieur d’un disque.
La croix a aujourd’hui disparu106.

Image 16
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, IVe-Ve siècles.
Trouvé près de Fenari Isa Camii.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Ce fragment constitue la partie gauche d’un relief rectangulaire. Il


représente quatre personnages sur un voilier du haut duquel Jonas est
projeté, la tête en avant. Tous les personnages sont nus, jeunes, les cheveux
bouclés tombant sur la nuque. Le personnage de gauche dirige le bateau à
l’aide d’un long gouvernail ; le suivant est debout, en orant ; le troisième

106
Ibid., p. 53.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 48


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

baisse la voile ; le dernier tient Jonas par la jambe et le projette dans la


gueule du monstre, dont il ne reste que la tête, les deux pattes de devant, et
au-dessus de sa tête, peut-être, la queue. Sous le bateau, un dauphin à queue
en spirale nage vers la droite. Les bandeaux supérieurs et latéraux sont
décorés de feuilles lancéolées et de fers–de–lance107.
Cette façon réfléchie de représenter les compagnons de Jonas n’est pas
banale. Elle suppose que le relief est l’œuvre d’un atelier supérieur, et le
dessin des petits personnages nus, de leurs mouvements et même
l’interprétation des formes plastiques de leur corps confirment cette
impression et nous rappellent en même temps que, dans cet art ancien
byzantin, les œuvres de qualité avaient aussi le plus de contacts avec la
tradition classique.
Le navigateur en orant n’est pas moins intéressant. On en connaît certes
d’autres exemples, mais pas très nombreux. Il s’agit probablement d’une
autre image de Jonas lui-même qui, avant d’être jeté à la mer, prie Dieu au
milieu de la tempête. On rejoint ainsi la formule habituelle dans l’Antiquité
chez les chrétiens qui représentent un fidèle bénéficiaire du salut. Sa pietàs,
condition de ce salut, est exprimée par l’attitude d’orant108.

Image 17
Dalle sculptée. Devant de sarcophage.
Calcaire.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Pour la datation de cette dalle, on peut descendre jusqu’au Ve siècle. Il


parait difficile d’aller au-delà, cette pièce étant d’un style trop nerveux pour
le siècle justinien. Ce relief est un exemple précoce de la recherche
ornementale, avec une « horreur du vide » assez prononcée109.
La dalle est encadrée par un bandeau uni et peu saillant ; relief très bas ;
les deux tiers supérieurs du champ sont occupés par deux monstres marins,

107
Ibid., p. 63.
108
Grabar, Op. cit., p. 46.
109
Ibid., p. 46-47.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 49


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

tournés de profil l’un vers l’autre et symétriquement opposés ; ils ont une
gueule énorme et ouverte, un long cou mince et flexueux, un poitrail étroit
avec des pattes à sabot de cheval munies de longues nageoires en queue
d’aronde, d’hautes ailes étroites et un corps de serpent replié sur lui-même
et frangé également de nageoires ; celui de droite a déjà avalé à demi Jonas,
dont on ne voit plus que les jambes ; le même Jonas émerge de la gueule de
celui de gauche, visible jusqu’à la taille, les bras à demi tendus, les mains
ouvertes ; un grand poisson nage vers la gauche dans l’espace vide entre les
têtes et les pattes des monstres ; le tiers inférieur de la plaque est occupé par
deux dauphins fantastiques tournés de profil vers le dehors. Mendel lie cette
dalle à la dalle avec les jeunes Hébreux. Il pense qu’ils dérivent du même
atelier. Il la date aussi au VIIIe-IXe siècle110.

3.3.3 – Le nouveau Testament

h. L’adoration des mages

Image 18
Fragment de sarcophage à colonnes : Vierge à l’Enfant.
Marbre. Fin du IVe siècle.
Trouvé à Topkapi Saray.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Fragment de sarcophage dont il reste à droite une colonne torse à


chapiteau corinthien. Dans la niche dont la voussure est remplie par une
coquille et placée à gauche de la colonne, une femme est assise dans un
fauteuil dont on voit une partie du siège saillante à droite. Elle est vêtue
d’un manteau dont un pan est relevé sur la tête. A droite, à la place de son
bras, il reste une trace elliptique avec deux trous, ce qui indique que le relief

110
Mendel, vol. II, Op. cit., p. 486.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

a été réparé dans l’antiquité. A droite de la colonne, il ne subsiste que


l’amorce d’un arc avec coquille111.
Selon G. Koch, ce fragment faisait partie d’une scène avec l’adoration
des mages et, à droite de la Vierge, entre les colonnes, se trouvaient les
mages112.

i. La fuite en Égypte

Image 19
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé au sud de Top Kapi.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

En haut du fragment, est sculptée la partie droite d’une archivolte


richement décorée. Un listel nu sépare le tympan du relief. A droite de celui-
ci, on voit un homme barbu (Joseph) qui avance vers la droite et tourne la
tête en arrière. A gauche, il reste les traces de la tête d’un animal marchant
vers la gauche. L’archivolte est décorée d’un rang de perles rondes, puis
d’un rang formé d’une perle longue alternant avec deux pirouettes, d’un
rang de petites feuilles allongées, et enfin d’une rangée de denticules de
fiable relief. Le tympan est décoré de feuilles d’acanthe. Dans l’angle droit,
au-dessus de l’archivolte, feuillage. Le relief a été soigneusement coupé à
droite, pour être remployé113.

Image 20
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé au sud de Topkapi.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

111
Firatli, Op. cit., p. 48.
112
In Frühchristliche Sarkophage, p. 159.
113
Firatli, Op. cit., p. 64.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Une colonne torse, dont il ne reste que des traces, divise le relief en deux
parties. A droite de la colonne, Marie assise en amazone sur un âne tient
dans ses bras l’Enfant Jésus dont le visage est mutilé. Il ne reste que la
partie gauche du corps de Marie et de l’animal. Entre la colonne et Marie, se
dresse un arbre au tronc sinueux dont la partie supérieure a disparu. A
gauche de la colonne le relief est mutilé. Marie est vêtue d’un manteau
relevé sur la tête et couvrant son bras jusqu’au coude, laissant l’avant-bras
nu. Le corps est disproportionné, le bras est trop court pour le buste. La
draperie, qui forme de gros plis sur l’épaule, est plate à partir des genoux114.
Selon Grabar ces deux fragments qui représentent La Fuite en Égypte,
proviennent d’un même sarcophage. Le fragment avec Joseph a été
reproduit à une échelle plus grande que le second avec la Vierge, mais ça
n’exclue pas la possibilité que les deux fragments appartenaient à la même
scène. Un élément de leur liaison est l’âne qui est représenté dans tous les
deux fragments. On y remarquera, en outre, deux motifs architecturaux qui
nous permettent de mieux imaginer l’aspect général du devant de
sarcophage dans son état initial. Sur le premier fragment on trouve une
partie d’un architrave avec une double rangée de perles le long de son pan
incliné, et des motifs de feuilles. Sur l’autre fragment, on aperçoit la partie
inférieure d’une colonne torse, qui séparait la scène de la Fuite en Égypte
d’une autre scène à gauche de la colonne115.

j. Le Sermon sur la montagne

Images 21, 22
Dalle de sarcophage.
Calcaire.
Trouvée à Silivri Kapi.

La scène est encadrée sur les côtés et en haut par une bordure d’acanthes
toutes dirigées vers un motif central. Celui-ci se compose de deux oiseaux
114
Ibid., p. 65.
115
Grabar, Op. cit., p. 39-40.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 52


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

d’une symétrie héraldique, posés de part et d’autre d’une croix. La croix se


trouve dans un disque central. Elle est entourée d'une couronne (de
laurier ?). En bas, le cadre se compose d'une bordure ; celle-ci sert de sol
aux figures. Son trône, dont seulement les bouts des accoudoirs
apparaissent, se trouve sur un petit socle. Celui-ci a la forme d’un
promontoire rond, aplati au sommet, qui semble toutefois être composé de
trois rangs de pierres rectangulaires de même hauteur, posées l'une sur
l'autre.
Au centre est représenté le Christ. Celui-ci, qui apparaît dans le type du
jeune homme imberbe, est montré de face. Le geste qui nous montre qu’il
prêche est souligné par sa main droite levée, l’index pointé. Avec sa main
gauche, le Christ tient un codex serré devant son corps. Il est présenté avec
un nimbus. Celui-ci est suggéré à l'aide de deux lignes circulaires noires et
minces peintes autour de sa tête. Il porte tunique, pallium et sandales.
Le Christ a à gauche et à droite deux groupes de six apôtres, vêtus de la
même manière. Dans les deux groupes, les trois apôtres de devant, sont
représentés entièrement, mais seuls les têtes et les bustes des trois de
derrière sont apparents. Tous les apôtres sont tournés vers le Christ. Ils sont
tous imberbes, sauf les deux qui sont à côté du Christ. A droite, on reconnaît
Paul. Sa main droite est levée dans un geste d’enseignement et l’ouverture
du pallium devant sa poitrine est une représentation rare. Il tient de sa main
gauche, comme le Christ, un codex. A gauche, est représenté Pierre. Il ne
tient pas de livre, mais il adore le Christ avec les mains couvertes. L’apôtre
qui suit Pierre a aussi ce geste et porte un codex ouvert dans ses mains
couvertes, comme s’il voulait le présenter au Christ. Un seul autre apôtre se
distingue des neuf autres : il lève sa main droite.
On a ici la plus vieille forme de la scène du Sermon sur la montagne,
enrichie par l’iconographie impériale. On ne peut pas interpréter le détail
des mains couvertes de Pierre comme une suggestion de l'art théodosien de
la représentation de la 'Traditio Legis ', puisque le Christ ne donne rien à
Pierre. Le motif de la réunion des apôtres est représenté à plusieurs reprises
dans la plastique funéraire constantinopolitaine de l’époque théodosienne.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 53


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

La structure étrange du podium sur le relief peut dériver de la tradition


iconographique du Sermon sur la montagne116.

k. Miracles du Christ

Image 23
Façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvée à Thrace, aux environs d’Amberliköy.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Le relief est divisé en trois niches, les deux latérales étant surmontées
d’un fronton angulaire, la niche centrale d’un arc soutenu par deux colonnes
torses surmontées d’un chapiteau corinthien. Sur les côtés, les colonnes ne
sont pas indiquées. Le relief est bordé, en bas, par un bandeau lisse, sur les
trois autres côtés, par une rangée des feuilles entre lesquelles pointe un fer-
de-lance, dressée entre deux bandes nues. Les écoinçons gauche et droit sont
occupés par une branche des feuilles en spirale. L’écoinçon formé par le
rampant du fronton et l’extrados gauche de l’arc est décoré d’une rosette à
huit pétales entre, d’un côté, une grande feuille d’acanthe et une branche
enroulée, de l’autre, seulement une branche enroulée. L’écoinçon à droite de
l’arc est orné d’une rosette à sept pétales entre deux rameaux enroulés. Sous
les rampants du fronton gauche et l’extrados de l’arc, une rangée de
denticules, tandis que les rampants du fronton droit sont lisses, sans
ornementation. Les acrotères qui surmontaient le relief sont brisés, seules
restent quelques traces de draperie, les acrotères étant sans doute décorés de
bustes.
Le relief lui-même représente trois miracles du Christ. A gauche, la
résurrection de Lazare qui est représenté debout dans son tombeau rendu par
deux colonnes surmontées d’un chapiteau corinthien portant un arc brisé.
Lazare est entouré de bandelettes de façon à laisser apparaître les formes du

116
Deckers, Serdaroglu, Op. cit., p. 143-147.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

corps. Jésus est debout, de face, la tête tournée vers la gauche, la main droite
ouverte, tendue vers le tombeau. Il est vêtu d’une tunique longue et d’un
manteau qui, drapé sur l’épaule gauche et laissant l’épaule droite
découverte, revient sur le devant du corps en formant sur le côté un large
pan que Jésus tient de la main gauche. La manche droite est retroussée,
laissant le bras du Christ nu. Ses cheveux sont longs et retombent en boucles
sur la nuque, laissant les oreilles découvertes.
Dans la niche centrale, est représentée la guérison d’un aveugle. Ici le
Christ est représenté exactement dans la même attitude et le même costume
que dans la scène de gauche, mais il est un peu plus grand. L’aveugle est
drapé dans une longue tunique droite. Enfin, à droite, est sculptée la scène
de la guérison de l’Hémorroïsse. La malade, agenouillée, touche le pan du
manteau du Christ. Elle est vêtue d’une tunique et d’un manteau relevé sur
la tête. Le Christ a toujours la même attitude, mais comme il est encore un
peu plus grand, l’artiste a dû le représenter la tête légèrement penchée vers
la gauche. Ce relief fait partie de la même série que les façades de
sarcophages de Taşkasap117.

Images 24, 25
Dalle de sarcophage.
Ve -VIe siècles ap. J.-C.
Installée au Musée archéologique de Barletta.

Il s'agit d’une dalle fragmentée avec le Christ et les douze apôtres, qui
vient peut-être d'un sarcophage et qui, par son style, est proche des reliefs de
la base de l’obélisque de Théodose. Chacun des apôtres est dans l’attitude
d’une jambe portant et de l’autre libre. Tandis qu’ils sont peu saillants,
comme les figures assises du côté nord-ouest de la base de l'obélisque, les
têtes sont plus saillantes et sculptées avec plus de soin. Les chevelures ont la
forme de bonnets, les visages sont épais, les traits sont grossiers, les joues et
les mentons sont arrondis. La draperie est très utilisée ; les plis ont des

117
Firatli, Op. cit., p. 56-57.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

courbes harmonieuses. Ce relief est une œuvre des ateliers


constantinopolitains de l’époque théodosienne118.
Selon G. Koch, ce fragment représente une scène de miracle du Christ,
probablement la guérison de l’hémorroïsse119.

l. L’entrée de Jésus à Jérusalem

La palme, utilisée comme décoration végétale sur beaucoup de


sarcophages et présentée surtout aux représentations de l’Entrée à
Jérusalem, est un symbole qui a ses racines au Judéo-christianisme. Utilisée
pendant la fête des Tabernacles pour représenter le Messie, elle a pris la
signification de la victoire et de la résurrection, l’espérance de l’immortalité.
C’est dans ce sens qu’on voit les palmes dans les mains des martyrs et du
Christ, comme vainqueurs de la mort120.

Image 26
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé à Imrahor Camii (Saint-Jean-de-Studion).
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Dalle rectangulaire, encadrée en bas d’un bandeau nu, servant de plinthe


aux figures, en haut et sur les côtés d’une frise de feuillage comprise entre
un bandeau extérieur et un listel intérieur. Dans la partie verticale, c’est un
rinceau d’acanthe ; un bélier, profil à gauche, la tête tournée à droite, y
mange une pousse de la tige. Dans la partie horizontale, c’est un rinceau de
pampres avec des vrilles, une grosse grappe de raisins, une feuille à trois
lobes, mais terminée par deux feuilles d’acanthe vues de profil. Le passage
d’un bandeau à l’autre est ménagé par une feuille d’acanthe mal
caractérisée, dont la nervure centrale se place sur la bissectrice de l’angle.

118
Brandenburg H., Rom, Ein frühchristliches Relief in Berlin, RM 79 (1972), p. 134.
119
In Frühchristliche Sarkophage, p. 405.
120
Daniélou J., Les symboles chrétiens primitifs, Éditions du Seuil, Paris 1961, p. 19-20.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Le centre de la composition primitive est indiqué sur la frise supérieure par


une petite croix inscrite dans un médaillon de perles rondes. De part et
d’autre, un quadrupède mal déterminé, à pelage lisse, la patte intérieure du
second plan posée sur le médaillon. Au-delà, est séparée de ce motif central
par les feuilles extrêmes du rinceau, une colombe tournée de profil vers
l’intérieur. Relief assez haut121. Selon G. Mendel les deux animaux de part
et d’autre de la croix, sont des lions de type héraldique sans crinière122.
Le Christ, monté sur un âne, arrive devant Jérusalem. Imberbe, il lève la
main droite et bénit la paume ouverte, tenant la bride de la main gauche sur
le côté droit de l’encolure. Il est vêtu d’une tunique à manches descendant
aux coudes et d’un manteau posé sur l’épaule, couvrant tout le bras gauche,
dégageant le bras droit et drapant toute la partie inférieure du corps, au-
dessous de la taille.
Trois jeunes gens l’entourent, tous trois imberbes avec des cheveux
courts ramenés vers le front. Ils sont vêtus de la tunique courte à manches
longues - ce ne sont pas donc les apôtres, qui seraient certainement drapés
dans le pallium, mais les infantes hebraeorum dont il est dit dans les
apocryphes. L’un d’eux, à droite, au premier plan, déploie son manteau
devant le maître. Un autre, au second plan, placé plus haut sur le champ,
mais de la même taille, agite une feuille de palmier dans chacune de ses
mains levées. Le troisième, à gauche, beaucoup plus grand que les
précédents, tend la main gauche ouverte vers le Christ et lève une feuille
semblable de la main droite.
A l’extrémité droite, Jérusalem est indiquée par une tour d’appareil
isodome, percée en haut d’une fenêtre carrée que ferment deux barreaux
perpendiculaires et surmontée d’un pignon aigu dans lequel est ménagé une
petite ouverture rectangulaire. A droite de la tour, il reste les traces d’un arc
supporté par un linteau lisse. Il s’agit sans doute de la porte de Jérusalem. A
droite du pignon, une feuille de palmier123.

121
Firatli, Op. cit., p. 60-61.
122
Mendel, vol. II, Op. cit., p. 463.
123
Firatli, Op. cit., p. 60-61.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Iconographiquement l’Entrée à Jérusalem s’écarte des images habituelles


de cette scène, car on n’y trouve les portes de la ville, ni les habitants de
celle-ci venus à la rencontre de Jésus, ni le palmier sur lequel grimpent les
enfants pour y cueillir des rameaux, ni le groupe des apôtres derrière le
Christ.
Si toutes les figurations de l’entrée à Jérusalem font écho aux images des
Entrées solennelles et symboliques des empereurs romains et byzantins
dans une ville de leurs États ou une citée conquise à l’ennemi, ce relief
s’inspire directement de l’iconographie de ces « Epiphanies » impériales, et
d’une façon indépendante, en retenant d’autres motifs de celles-ci et en plus
grand nombre124.

3.3.4 – Iconographie du Christ

m. Le Christ

Dès la fin du IIIe siècle et le début du IVe, les chrétiens hésitaient


beaucoup à représenter le Christ. Le précepte de l’incarnation, selon lequel
Dieu a pris la forme du Christ, a amené à se demander si la représentation
de son visage était désirable, ou même possible125. Ainsi, les sarcophages
qui représentent le Christ sont plus tardifs.

Image 27
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé à Mevlevi kapi.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Fragment d’une dalle rectangulaire. A la partie supérieure, bandeau


séparé du relief par un listel saillant. On peut voir les restes d’une croix

124
Grabar, Op. cit., p. 50-51.
125
Honour, Fleming, Op. cit., p. 257.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

inscrite dans une couronne que ferme en bas un lemnisque dont les
extrémités ondulent au-dessus du listel, quelques traces de feuillage et, à
droite, les pattes et la queue d’une colombe, tournée de profil à gauche, et à
laquelle devait répondre une autre colombe placée du côté opposé.
Au-dessous même de la croix qui représente évidemment le milieu de la
plaque, est placé un personnage qui ne peut être que le Christ. Il est debout,
vêtu de la tunique et du manteau qui couvre le bras gauche et dégage la
main posée sur la poitrine et tenant un volumen. Le haut du bras droit est
baissé ; l’avant-bras devait être relevé.
A droite, était un second personnage (saint Pierre ?) dont il ne reste que
le haut du bras droit pliée et couvert du manteau. Entre eux se dresse un
arbre au tronc grêle, l’arbre de paradis, terminé par un bouquet de longues
feuilles126.
L’identification de la figure avec le Christ est assurée à cause des
cheveux longs et bouclés, que l’art byzantin n’attribue pas à d’autres
personnages127.

Image 28
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé au sud de Topkapi.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Personnage dont seul le buste est conservé, de face, vêtu d’une tunique et
d’un manteau. Il ne subsiste du bras droit, en raison de la retaille de la
plaque, que la main droite, fortement abîmée, qui fait un geste de
bénédiction. A droite, une saillie suggère la présence d’un livre tenu de la
main gauche. Ce personnage est sans doute le Christ128.

126
Firatli, Op. cit., p. 63.
127
Grabar, Op. cit., p. 49.
128
Firatli, Op. cit., p. 65.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

n. Le Christ avec les apôtres

Comme les exemples conservés le montrent, la représentation du Christ


parmi les apôtres était un motif bien apprécié à Constantinople129.
A la fin du IVe siècle, un symbole déjà utilisé chez les païens, le nimbe
lumineux, placé autour de la tête, pénètre dans l’iconographie chrétienne et
devient le symbole de la sainteté. Le nimbe sur les monnaies des Séleucides
et des rois Indo-scythes fut réservé aux empereurs romains comme une
symbole d’apothéose. Le nimbe est apparut aussi sur les monnaies de
Constantin et les empereurs byzantins en gardèrent la tradition comme signe
de la majesté impériale. Il est difficile de savoir à quel moment le nimbe
s’introduisit dans l’art religieux. En ce qui concerne les sarcophages
constantinopolitains on le trouve sur le fragment du IVe siècle du
sarcophage de Soulou-Monastir (Psamathia)130.

Image 29
Façade de sarcophage : le Christ trônant.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvée à Taşkasap.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Le relief est divisé en cinq niches, trois surmontées d’un arc en plein
cintre, les deux des extrémités d’un arc brisé. Les deux colonnes centrales
sont torses ; aux extrémités, pilastres à trois cannelures. Tous les chapiteaux
sont corinthiens, ceux des extrémités sont à moitié travaillés. Chaque
écoinçon d’arcade est décoré d’une rosette à six pétales, celle à gauche du
Christ en a sept. Chaque écoinçon d’angle est décoré d’un lys à deux
pétales. Les acrotères sont décorés des bustes d’apôtres.
Ici le relief représente le Christ trônant, entouré des apôtres. Il est jeune
et imberbe. Ses pieds reposent sur un tabouret. Le Christ tient un gros livre

129
In Frühchristliche Sarkophage, p. 405.
130
Brehier L., L’art chrétien : son développement iconographique, des origines à nos jours,
2ème Édition, Paris 1928, p. 68-69.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

ouvert et bénit en levant l’avant-bras droit au-dessus de l’apôtre qui se tient


sous l’arc voisin. Celui-ci lève l’avant-bras, la paume de la main ouverte est
tournée vers le spectateur, soit le geste de celui qui témoigne. C’est saint
Paul. De l’autre côté, saint Pierre désigne de l’index droit le rouleau qu’il
tient de la main gauche. Aux deux extrémités, des apôtres imberbes ; celui
de droite tient un rouleau, celui de gauche retient le pan de son manteau de
la main gauche. La présence du livre ouvert dans la main du Christ indique
qu’il s’agit du Christ enseignant et commentant l’Ecriture131.
Selon A. Grabar, on doit donner à ce sarcophage une datation plus
ancienne que la fin du IVe siècle, plutôt vers 400-430 ap. J.-C.132

Image 30
Fragment de façade de sarcophage : majestas domini.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé à Imrahor Camii (Saint-Jean-de-Stoudion).
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Dalle rectangulaire encadrée en bas par un bandeau nu, en haut par une
frise d’acanthe comprise entre deux listels. La feuille, aux grandes
dentelures, décrit de larges ondulations. Il s’en détache trois capsules de
grenade dont l’une se termine derrière une petite croix qui, placé juste au-
dessus de la tête du Christ, marque le milieu de la composition primitive.
Relief plat. Le Christ est assis sur un siège sans dossier, à pieds grêles,
munis d’un épais coussin qui déborde le corps des deux côtés. Tête et buste
sont de face, les jambes écartées, les genoux très distants, les pieds,
divergents, cachés sous des bottines extrêmement affilées, touchent à peine
de la pointe, le long tabouret bas placé devant le trône. Le visage jeune et
imberbe. Le vêtement comprend une tunique longue et un manteau qui, posé
également sur les deux épaules, s’entrouvre en ovale sur le buste et couvre
tout le reste du corps. La main droite, dégagée, est posée sur la poitrine, les
doigts joints et allongés. La main gauche est cachée sous la draperie et tient
131
Firatli, Op. cit., p. 56.
132
Grabar, Op. cit., p. 39.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

un livre dont les pages ouvertes se présentent face au spectateur. A gauche


du Christ, répondant à Paul qui occupait sa droite, Pierre est debout,
paraissant reposer sur le pied gauche. L’apôtre porte une tunique à manches
longues et un manteau qui, posé de biais de l’épaule gauche à la hanche
droite, couvre tout le corps sauf la partie droite du buste. Levant la main
droite sur le côté, à l’hauteur de l’épaule, la paume ouverte et en avant, il
tient de la main gauche une grande croix longue et pattée. Le visage dénote
un âge déjà avancé.
A droite de Pierre se dresse un arbre au tronc grêle et lisse, l’arbre de
paradis, terminé par un bouquet des feuilles traitées comme celle d’acanthe ;
au-delà règne une surface nue, de niveau avec le cadre du relief. L’angle
déterminé par cette surface et le bandeau supérieur est rempli par un rideau
suspendu par quatre anneaux au listel133.
Selon Grabar ce relief devait appartenir à un chancel, et non à un devant
de sarcophage134.

Image 31
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire jaunâtre, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé à Edirne Kapi.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Dalle rectangulaire encadrée d’un large bandeau lisse à la partie


inférieure, rempli sur les autres côtés de grandes feuilles d’acanthe
recourbées en rinceaux, comprises entre deux listels. Bas relief. A gauche,
un homme imberbe aux cheveux courts ramenés sur le front, vêtu d’une
tunique et drapé dans un manteau entr’ouvert en triangle sur le haut du
buste, la tête de trois quarts à droite, le corps presque de face, le bras gauche
pendant sous la draperie, le droit plié contre la poitrine, la main tenant peut-
être un volumen. A droite, séparé du précédent par un arbre au tronc grêle,

133
Firatli, Op. cit., p. 59.
134
Grabar, Op. cit., 52.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

terminé par un bouquet de trois rameaux un autre personnage drapé (tunique


et manteau) dont il reste seulement quelques traces135.
Le sujet de la scène est incertain. Si, comme cela parait probable, le
personnage à droite (dont la tête n’est pas conservée) est le Christ, on serait
peut-être devant une scène de miracle : le geste du bras droit du Christ (?)
pourrait être celui d’un thaumaturge. Mais on ne saurait préciser davantage,
et même il ne faudrait pas exclure l’illustration d’une parabole, par exemple
celle du Figuier desséché : la présence de l’arbre derrière le bras tendu du
Christ (?) et l’allure de l’autre figure, qui pourrait être un apôtre,
donneraient une certaine vraisemblance à cette seconde interprétation136.
Selon G. Mendel la scène représentée est plutôt un miracle de Christ137.

Image 32
Dalle de sarcophage : Le Christ entre deux apôtres.
Marbre. Vers 400 ap. J.-C.
Soulou-Monastir (le cloître de Perivleptos) à Psamathia, Istanbul.
Installée à Berlin, Staatliche Museen.

Ce relief est un exemple chrétien des sarcophages à colonnes d’Asie


Mineure, dont la production s’est arrêtée à la fin du IIIe siècle ap. J.-C. La
façade et les motifs s’inscrivent consciemment dans la continuité du passé,
tandis que les chapiteaux et les bordures décoratives s’en affranchissent. Le
Christ rappelle les philosophes de l’antiquité. Quant à la datation du relief,
par comparaison avec les reliefs de la base de l’obélisque de Théodose à
Istanbul, on estime qu’il date de la même époque138.
Les jeunes hommes imberbes sont plutôt d’allure romaine que divine,
comme le Christ, et ils portent l’un un rouleau (à droite), et l’autre un codex
(à gauche). Ce pourrait être des apôtres. Sinon, ce pourrait être les symboles
de l’Ancien et du Nouveau Testament, comme dans le passé l’Iliade et

135
Firatli, Op. cit., p. 61.
136
Grabar, Op. cit., p. 49.
137
Mendel, vol. II, Op. cit., p. 471.
138
Volbach V. F. und Lafontaine-Dosogne J., Byzanz und der christliche Osten, Propyläen
Verlag Berlin, Berlin West 1968, p. 206.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

l’Odyssée. Ce sarcophage appartient au courant fondé à Constantinople, qui


cherchait à concilier l’art païen et l’art chrétien139.
Au revers de la dalle, on ne trouve aucune trace des parois d’un
sarcophage, il s’agit d’une façade seule, qui formait le devant de la tombe,
une dalle, tandis que les trois autres parois de celui-ci étaient en maçonnerie.
Grabar refuse de considérer le relief de Psamathia comme partie d’un
sarcophage. L’argument qu’il utilise est que les effigies du Christ entouré
des apôtres sont toujours fixées au milieu des grands côtés des sarcophages
chrétiens. Autrement dit, étant donné que le cadre architectural de ce relief
reproduit ceux des petits côtés des sarcophages de Sidamara, tandis que
dans ce cadre s’inscrit la composition symétrique du Christ et de deux de ses
disciples, on se trouve sûrement en présence d’une œuvre indépendant des
sarcophages à trois ou à quatre côtés sculptés : il s’agit plutôt d’une stèle
funéraire.
Bref, l’espèce de stèle funéraire chrétienne se sert effectivement d’un
élément important de la sculpture païenne d’Asie Mineur, mais elle s’en sert
librement, dans un contexte nouveau140.

o. Traditio Legis

Image 33
Dalle de sarcophage.
Marbre de Proconèse, IVe siècle.
Trouvée à Bakirköy.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Dalle rectangulaire ; plinthe en bas, rattachée au fond par un biseau de


faible obliquité ; quatre personnages sont représentés debout et côte à côte.
Les trois premiers, à gauche, sont vêtus de la tunique et drapés dans le
manteau entr’ouvert sur le haut du buste, chaussés de bottines fermées, le

139
Vermeule C. C., Roman Imperial art in Greece and Asia Minor, The Belknap Press of
Harvard University Press, London 1968, p. 62.
140
Grabar, Op. cit., p. 34.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

bras gauche baissé et légèrement écarté, caché tout entier sous la draperie, le
bras droit plié contre la poitrine, la main visible sur le bord de l’himation.
Le dernier personnage tient de la main gauche, relevée à l’hauteur de la
hanche, un objet allongé (volumen ou hampe de croix). L’attribution de ce
relief est difficile d’être faite. Il peut s’agir d’une face de sarcophage si l’on
considère que le personnage tenant un objet était au centre de la
composition. De toutes façons, on ne peut savoir, dans l’état actuel, si le
relief est complet, ou presque, à l’une des extrémités141.
Mendel croit que l’iconographie de cette dalle montre saint Pierre et trois
autres apôtres. En ce qui concerne le problème de l’espace vide à droite de
saint Pierre, il constate que cet espace ne pouvait pas avoir une autre figure
qu’on aurait fait disparaître ; cette élimination n’aurait pas été exécutée avec
tant de soin et n’eût pas respecté la plinthe (qui n’est brisée qu’à son
extrémité et par une cassure accidentelle). Cette disposition n’est tolérable
que si l’arrête droite n’appartient pas à un angle, mais venait donner contre
une paroi. Reconnaissant ici saint Pierre et trois apôtres, il arrive au
conclusion que ce relief appartenait à un large piédestal, devant un mur,
dont nous avons ici un petit côté, dont l’autre petit côté comprenait trois
autres apôtres avec saint Paul, et dont la face principale représentait le
Christ avec six apôtres. Il propose, donc, que ce relief faisait partie d’un
piédestal, sur lequel s’élevait un ambon142.
Selon G. Koch ce fragment représente la scène de la Traditio Legis143.

Image 34
Façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvée à Taşkasap.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

141
Firatli, Op. cit., p. 52.
142
Mendel G., in Catalogue des Sculptures grecques, romaines et byzantines des Musées
Impériaux Ottomans, vol. III, Constantinople 1914, p. 535-537.
143
In Frühchristliche Sarkophage, p. 192.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Ce relief est divisé par des colonnes en cinq niches abritant chacune un
personnage debout. Les trois niches du milieu sont surmontées d’un arc en
plein cintre, celles des extrémités d’un arc brisé. Les deux colonnes du
milieu sont des colonnes torses, les fûts de deux autres sont lisses. Les deux
appuis extérieurs sont des pilastres à bord saillant. Tous les chapiteaux
(celui de l’extrême gauche est un demi-chapiteau) sont corinthiens. Les
écoinçons de part et d’autre de la niche centrale sont décorés d’une rosette ;
ceux formés par l’arc et le rampant de l’arc brisé sont ornés d’une fleur de
lys. A l’extrémité droite, l’écoinçon est rempli par du feuillage, tandis que
celui de gauche, plus petit, n’est pas décoré.
Deux acrotères en formes de quart de cercle s’élèvent au-dessus de la
façade du sarcophage. Chacun d’eux est décoré d’un buste d’apôtre. Sur le
bandeau supérieur était gravée une inscription en lettres de métal. Les lettres
sont tombées, mais d’après les creux des caractères gravés, on peut constater
que l’inscription primitive a été modifiée en son milieu et détériorée, mais
les traces laissées par les lettres indiquent que l’occupant primitif de la
tombe a été un certain Fla(vius) Eutychès. La tranche supérieure entre les
acrotères est taillée en biseau et parcourue au milieu par un sillon. Au bas du
relief court une plinthe nue.
Le relief représente cinq personnages en haut relief. Au milieu le Christ,
tient un rouleau fermé de la main gauche, qu’il désigne de la main droite.
Les deux personnages qui flanquent le Christ sont certainement les apôtres
Pierre et Paul. Leurs têtes barbues, vues de profil, sont presque identiques ;
leurs attitudes, à « contraposto » sont symétriques et le mouvement de leur
bras droit exactement le même. En revanche, celui de leur bras gauche
diffère : alors que l’apôtre Paul tient un volumen, saint Pierre retient le pan
de son manteau. Aux extrémités du relief se trouvent deux personnifications
féminines. Celle de gauche, vêtue d’une tunique sans manche et d’un
manteau, est coiffée d’une sorte de bonnet phrygien et pointe l’index droit
en l’air. L’autre, drapée dans un manteau, tient dans la main gauche un

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 66


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

volumen à moitié déroulé. Ces deux personnifications accompagnant Pierre


et Paul pourraient représenter les deux Eglises144.
Selon les estimations de A. Grabar, les deux figures féminines pourraient
représenter vraiment les deux Eglises, l’Eglise des Gentils et l’Eglise des
circoncis, étant donné que les deux personnifications accompagnent Pierre
et Paul. Mais on pourrait penser également à des personnifications de vertus.
Sur le sujet de l’iconographie, que N. Firatli a défini comme une Traditio
Legis, A. Grabar exprime l’opinion qu’étant donné que chacun des deux
apôtres a déjà (ou avait) un rouleau de l’Ecriture, il ne s’agit pas d’une
remise de la Loi. La présence des personnifications milite aussi contre cette
façon d’interpréter la scène. Le Christ et les apôtres s’y tiennent côte à côte,
tous porteurs de l’Ecriture, en tant que fondateurs de l’Eglise. Sur un
sarcophage, il a pu sembler utile de rappeler les origines de l’Eglise-source
de Salut.
Grabar donne une datation peu avant 430 ap. J.-C. L’inscription
funéraire, sur le devant du sarcophage, suggère une date ancienne. L’usage
du nom latin Flavius avant le nom grec est un signe d’ancienneté. Les
« portraits » dans les acrotères, l’absence des nimbes sont encore des traits
d’archaïsme, et aussi les personnifications qui flanquent les figures des
apôtres145.

Image 35
Partie gauche d’une façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvée à Imrahor Camii (Saint-Jean-de-Stoudion).
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Relief moyen. Ce relief représente cinq apôtres repartis sur deux plans,
trois au premier, deux au second placés sous une niche dont le fronton
angulaire n’est indiqué que par ses rampants (petit bandeau motivé sur ses
bords par un listel saillant). Du pilier sur lequel il portait à gauche, il ne
144
Firatli, Op. cit., p. 55.
145
Grabar, Op. cit., p. 36-37.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

subsiste que la base et quelques centimètres du fût. Tous les personnages


sont de face, la tête de trois quarts à droite. Ils sont tous vêtus de la tunique à
manches descendant au coude, et drapés dans le manteau.
Les figures du second plan n’apparaissent que jusqu’à la taille et leurs
bras restent invisibles. Elles portent toutes deux la tunique et le manteau
posé sur l’épaule gauche et découvrant la plus grande partie du buste. Ces
personnages font certainement partie d’une « Traditio Legis ».
Dans le petit écoinçon triangulaire déterminé par l’angle supérieure du
cadre et le rampant gauche du fronton, une colombe, profil à gauche,
perchée sur ce rampant, picore une grappe de raisins qui se détache des
vrilles terminales d’une palmette très stylisée.
Une petite feuille d’acanthe, d’un relief plus faible, semble naître derrière
la palmette et repose directement sur le rampant. L’écoinçon symétrique
était occupé sans doute par un oiseau éployé auquel doit appartenir
l’extrémité d’aile conservée au bord de la cassure. Dans l’acrotère encadré
d’un listel plat, divisé par un sillon en ses parties courbe et horizontale, un
évangéliste est représenté en buste, coupé à la taille ; la tête de trois quarts à
droite était peut-être barbue, mais du même type que celle des apôtres. Il
porte la tunique et le manteau dont les bords s’écartent légèrement sur le
milieu du buste. Des deux mains (la droite dégagée, la gauche sous la
draperie) il tient un volumen sur le côté gauche du corps. A côté de lui, un
diptyque ouvert occupe l’angle inférieur du champ146.
Mendel constate que les apôtres sont d’un type à demi nègre et de
proportions dont on retrouvera l’équivalent sur de nombreux sarcophages et
reliefs en os du IVe au VIe siècle ; ils sont très éloignés des traditions
antiques ; la disposition de leur manteau est rare et ne se rencontre que sur
quelques sarcophages qui ont subi l’influence de l’Orient147.
De plus, et en ce qui concerne l’opinion qui veut que les reliefs des
images 26 (l’Entrée de Jésus à Jérusalem), 30 (Majestas Domini) et celui-là
appartiennent au même sarcophage, il dit que ce trois reliefs ne portent pas
trace d’une unique feuillure sur la tranche supérieure, ainsi ce n’est pas le
146
Firatli, Op. cit., p. 58.
147
Mendel, vol. II, Op. cit., p. 464.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

cas ; la présence d’un acrotère sur la dalle des apôtres permet de supposer
un monument recouvert par une sorte de toit à une seule pente.
Il exprime aussi l’opinion que ces trois reliefs proviennent d’un même
monument. L’étude du style et des sujets conduit à la même conclusion. En
somme, par leur style comme par leur contenu, ces trois reliefs peuvent très
bien appartenir à une même époque et provenir d’un même monument. Si
nous admettons que le sujet représenté au relief des apôtres était l’un des
principaux miracles de Jésus, l’ensemble pourrait être considéré comme une
expression de la Majesté du Christ : le Christ comme porteur de la loi divine
entre Pierre et Paul, le Christ triomphant sur la terre (la version orientale de
l’Entrée à Jérusalem avait cette signification) et le Christ opérant des
miracles148.
Selon Grabar, le fragment devait avoir primitivement cinq arcs. Il est
raisonnable d’imaginer du côté opposé de notre groupe un autre groupe de
cinq apôtres, qui là regardaient tous à gauche. Il resterait à caser sous les
trois arcs du milieu, les trois figures du Christ (milieu) et des deux derniers
apôtres, qui en fait étaient sûrement Pierre et Paul. Il constate, qu’étant
disparues les trois figures du centre, nous ignorons si la façade abritait une
Traditio Legis ou une scène d’hommage à Jésus cathégète par les apôtres,
comme sur les deux sarcophages de Taşkasap. De plus, l’attitude des apôtres
semble exclure une Incrédulité de Thomas149.

p. Autres Motifs

Image 36
Tête d’apôtre.
Marbre de Proconèse, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvée à Çatladikapi.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

148
Ibid., p. 462-465.
149
Grabar, Op. cit., p. 42.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 69


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Il s’agit probablement du visage d’un apôtre dont la facture rappelle, en


mieux rendue, celle de l’apôtre Paul d’une plaque de Bursa. Cette sculpture
a probablement appartenu à un sarcophage150.

Image 37
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé à Capa.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Ce fragment est la partie droite d’un relief imitant un sarcophage à


colonnes. Les bandeaux supérieurs et inférieurs sont nus. A droite, s’élève
un pilier à trois cannelures et, à gauche une colonne torse. Sous l’arc du
cintre, une décoration de feuilles lancéolées et de fers-de-lance.
Dans l’écoinçon droit, une demi-palmette à trois spirales. Dans
l’écoinçon gauche, restes d’une feuille allongée. Sous l’arc, un homme est
debout de face, vêtu d’un manteau drapé, d’où sortent deux mains très
schématiques maintenant à chaque extrémité un rouleau vertical. Il est
imberbe, porte des cheveux courts et a des petits yeux qui semblent fermés.
Ses pieds sont de profil, chaussés de sandales. Son corps et ses jambes sont
courts151. Le soin apporté à la représentation du personnage sous cet arc
n’est pas moindre. Mais le tailleur de pierre s’était trouvé dans
l’impossibilité de représenter un personnage : l’homme drapé qui tient un
rouleau –c’est probablement un apôtre – est d’une maladresse enfantine.
Il est probable que ce relief constantinopolitain, qui pourrait être du Ve
siècle, n’est pas une œuvre spontanée, mais une sculpture qui reflète une
tradition orientale d’art plus ou moins populaire. C’est là l’intérêt historique
de ce petit monument : il nous montre que, vers 400, au niveau des œuvres
populaires, la sculpture constantinopolitaine s’appuyait sur les pratiques des
provinces voisines de l’Asie Mineure152.

150
Firatli, Op. cit., p. 55.
151
Ibid., p. 62.
152
Grabar, Op. cit., p. 41.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 70


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

3.3.5 – Autres représentations

q. La croix

Un groupe de sarcophages constantinopolitains ne sont décorés qu’avec


de simples croix, symbole suprême des chrétiens pendant toutes les périodes
du christianisme.
La croix était un symbole et un signe de reconnaissance des chrétiens,
puisqu’ils évitaient les représentations non dissimulés de la crucifixion qui
en tout cas était humiliante, puisque c’était le châtiment des criminels
vulgaires153.
Le symbole de la croix dans un médaillon ou dans une couronne apparaît
au Ve siècle. A Byzance, nous trouvons ce motif sur les frontons des
couvercles des sarcophages en porphyre154.
Un autre motif de l’art chrétien est le chrisme. Son apparition est faite par
l’empereur Constantin, qui a donné au monogramme du Christ, utilisé déjà
dans les inscriptions, mais comme une simple ligature, la valeur d’un signe
triomphal, en le plaçant dans une couronne de lauriers à l’extrémité de
l’étendard impérial, du labarum, qu’il avait vu en songe avant la bataille du
Pont Milvius. Le monogramme ou chrisme, formé de deux lettres
entrelacées, se présente simultanément sous deux formes : I (ησούς) Χ
(ριστός) et ΧΡ (ιστός). Ainsi, le chrisme devient le signe ostensible da la foi
chrétienne, le symbole du salut et de la victoire ; il représente le Christ lui-
même. Très souvent il est accosté de la première et de la dernière lettre de
l’alphabet grec, α et ω, qui expriment, semble-t-il, au moment de la
controverse arienne, la coéternité du Fils avec le Père. Ces deux lettres sont
d’un usage courant à la fin du IVe siècle, aussi bien autour du chrisme, que
de la croix et du nimbe crucifère155.
Ces sarcophages rentrent dans une classe, qui se rencontre dès l’époque
hellénistique et qui est extrêmement fréquente à l’époque romaine. Cette

153
Honour, Fleming, Op. cit., p. 257.
154
Müfit A., Ein Prinzensarkophag aus Istanbul, Istanbul Asariatika Müzeleri Neşriyati,
Istanbul 1934, p. 24-25.
155
Brehier, Op. cit., p. 66-67.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 71


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

forme a été imitée à Byzance, mais les sarcophages y ont été revêtus
d’attributs chrétiens. Sur le front des couvercles a été sculptée la croix
monogrammatique. Celle-ci affecte différentes formes156.
Ce qu’on doit prendre en considération, c’est que la forme originale de
tous ces sarcophages n’était pas aussi austère et simple qu’on la voit
aujourd’hui. Les sarcophages, comme les corps qu’ils contenaient, étaient
abondamment décorés d’or, d’argent, de pierres précieuses et de textiles.
Toutes ces décorations ont naturellement disparues157.
Ces grands sarcophages en porphyre ont régulièrement la forme de
temples avec des frontons en miniature, ils sont décorés de symboles du
christianisme, de l’empire romain et aussi de couronnes et de guirlandes,
symboles grecs. Les sarcophages en porphyre sont les chefs d’œuvres de
l’art de l’empire romain158.

Image 38
Sarcophage complet.
Porphyre.
Trouvé à l’église de Sainte-Irène.
Installé devant la façade du musée archéologique d’Istanbul.

Ce sarcophage a un couvercle en forme de toit et des acrotères. A ces


deux frontons, on trouve le chrisme dans une couronne de laurier159.

Image 39
Sarcophage complet.
Porphyre.
Trouvé à l’église de Sainte-Irène.
Installé devant la façade du musée archéologique d’Istanbul.

156
Ebersolt, Op. cit., p. 12.
157
Vasiliev, Op. cit., p. 15.
158
Vermeule, Op. cit., p. 11.
159
Vasiliev, Op. cit., p. 14.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Ce sarcophage est presque le même avec le sarcophage précédent. Il a un


couvercle en forme de toit et des acrotères. A ces deux frontons, on trouve
le chrisme dans une couronne de laurier, presque identique avec l’autre160.

Image 40
Sarcophage complet.
Porphyre.
Trouvé à l’atrium de l’église de Sainte-Irène.

Ce sarcophage a un couvercle en forme de toit, des acrotères et à ces


deux frontons on trouve le chrisme. Le sarcophage est semblable aux deux
précédents, sauf une différence ; les croix des frontons sont les croix
égyptiennes, le crux ansata, avec un nœud au sommet, en égyptien le ankh,
un symbole ancien égyptien de la vie. Le chrisme est dans ce nœud161.

Image 41
Cuve de sarcophage.
Vert antique, VIe-VIIe siècle ap. J.-C.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Cuve rectangulaire, ornée, haut et bas, d’un profil mou et peu accusé qui
règne sur les quatre faces ; au milieu des longs côtés, est placé la croix
monogrammatique, sous la forme d’une roue à six rayons ; les secteurs sont
remplis par une feuille de lierre, dont la pointe est dirigée vers le centre et la
base rattachée par un court pédoncule à la jante ; celle-ci est formée d’un
double bourrelet ou ruban, noué à sa partie inférieure et continué par une
tige qui, après avoir décrit quelques sinuosités, se relève à ses extrémités et
s’achève par une feuille de lierre dont la pointe supporte une croix longue et
patté ; sur les petits côtés, est sculptée une croix semblable.
Le petit côté gauche présente une série de petites mortaises creusées sur
les bras horizontaux et sur le bras vertical supérieur de la croix ; elles
160
Ibid., p. 14.
161
Ibid., p. 14.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

doivent correspondre soit à quelques ornements métalliques rapportés, soit à


un revêtement en métal précieux ; dans le quartier supérieur gauche de la
croix, douze mortaises semblables, disposées quatre par quatre sur les côtés
d’un carré, semblent indiquer la présence d’une tablette de bronze qui
portait peut-être l’inscription ; à droite et à gauche de la croix centrale,
quatre mortaises, disposées aux angles d’un losange, devaient recevoir les
tenons de petites croix en bronze ou en métal plus rare ; enfin, dans la
région de l’angle supérieur droit, existent encore plusieurs mortaises, dont
quelques unes ont conservé un goujon de fer et dont la destination reste
obscure.
Le long côté martelé portait une petite croix métallique, superposée au
médaillon central, et deux autres aux croix des extrémités, superposées à la
croisée des bras et scellées chacune dans quatre petites mortaises disposées
en losange. Ce sarcophage est probablement un sarcophage impérial162.

Image 42
Sarcophage complet.
Marbre. Vers 400 ap. J.-C.
Installé au musée archéologique d’Istanbul.

Sarcophage avec son couvercle en forme de toit163. Il porte sur sa face principale le
chrisme avec la croix monogrammatique dans une couronne. Entre les rayons du Chi, on
trouve les lettres grecques α et ω, symboles du début et de la fin. En haut, de part et d’autre
de la couronne, deux fleurs. Au-dessous de la couronne, une ligne ondulante. Les bouts de
la ligne aboutissent à de petites structures en forme de feuilles. Sur les acrotères du
couvercle, des feuillages sont sculptés.

Image 43
Cuve de sarcophage.
Marbre. Fin du IVe siècle.

162
Mendel, vol. III, Op. cit., p. 417-419.
163
In Frühchristliche Sarkophage, p. 411.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Sur la face principale, au centre, se trouve une couronne, qui pouvait


former un chrisme aujourd’hui effacé. De part et d’autre du chrisme central,
on trouve encore des croix latérales. Dans l’espace libre entre les croix, une
ligne ondulante aboutit à des structures en forme de feuilles. La cuve est
entièrement entourée d’une bordure164.

Images 44, 45
Dalle de sarcophage.
Calcaire.
Trouvée à Silivri Kapi.

La dalle est rythmée par des créneaux : un architrave, soutenu par des
colonnes, est encadré par deux créneaux triangulaires. La partie inférieure
de la dalle se compose d'une bande lisse : elle sert de base aux créneaux et
aux personnes représentés. Le créneau central est souligné par sa place et
par l’existence de décors architecturaux : on trouve des pilastres. Les
colonnes ont des chapiteaux corinthiens simplifiés. L’architrave est décorée
par deux lignes de perles grossièrement sculptées. La partie extérieure des
créneaux est décorée de feuilles d’acanthe et de deux paons.
Les deux créneaux des côtés sont plus simplement structurés. Leurs
frontons reposent sur les chapiteaux de la niche centrale et, sur les côtés, sur
les chapiteaux corinthiens de deux colonnes qui encadrent le relief. Les
frontons se composent ici d'une bordure égale, dont la partie inférieure est
grossièrement sculptée. Aux écoinçons extérieurs, on trouve des plantes qui
ressemblent à des acanthes.
Le créneau central renferme une croix latine avec le Rho. Cette croix
semble être dans un ciborium : une grille apparaît dans la partie libre qui
remplit le tympan et aussi à la base du créneau. Sous le bord horizontal qui
sépare le tympan de la partie réservée à la croix, on voit une tringle avec
huit anneaux sur laquelle un rideau est accroché, ouvert pour laisser voir la
croix.

164
Ibid., p. 411.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Dans le créneau à droite de la croix, une figure masculine est montrée de


face. Son pied droit est tourné de côté. Ses deux bras sont levés dans un
geste d’orant. Le visage est ovale et imberbe. Les cheveux sont coiffés en
forme de bonnet. L'homme est vêtu d’une tunique avec une agrafe, et d’une
chlamyde. Une femme et un garçon sont représentés dans le créneau à
gauche de la croix. La femme est montrée de face. Contrairement à
l'homme, elle a son pied gauche tourné vers l'extérieur. La femme se tient
dans une attitude d’orante. Sur sa tunique à manches longues, elle porte un
pala. Les cheveux de la femme sont séparés au milieu, ils bouffent au-
dessus du front en l’encadrant, couvrent les oreilles et se dirigent à l'arrière.
Seul le garçon n’est pas représenté strictement de face : il est légèrement
tourné vers la droite. Son pied gauche est tourné à droite de profil, tandis
que son poids porte sur la jambe gauche. Le garçon porte un codex de sa
main gauche et sa main droite est levée devant sa poitrine comme s’il
parlait. Il porte une tunique à manches longues et étroites. Ses cheveux
forment une frange sur son front et tombent sur son cou.
Ce relief fait partie de la grande famille des monuments où deux ou
plusieurs figures sont placées autour d’un symbole divin central. Une force
divine émane de ces figures, ainsi qu’une grande harmonie, qui se résume
dans les termes "homonoia" et "concordia".
On trouve de tels sarcophages à Constantinople vers la fin du IVe et au
début du Ve siècle ap. J.-C.165

Images 46, 47
Sarcophage.
Marbre. Peu après 415 ap. J.-C.
Trouvé à Silivri Kapi.

Ce sarcophage se compose de huit parties : une dalle de base, deux


supports sur lesquels s’appuient la façade et les petits côtés, une dalle de
calcaire en arrière, ainsi qu’une dalle plate pour le couvercle. Toutes les

165
Deckers, Serdaroglu, Op. cit., p. 147-150.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 76


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

parties visibles sont en marbre. Le marbre de la façade est strié de larges


veines grises en diagonale. La bordure frontale de la dalle de base a une
moulure épaisse. Le cadre de la face de devant se compose d'une bordure
large et plate, d'une moulure et d'une ligne étroite qui limite le champ
intérieur du relief. Une croix monogrammatique est sculptée au centre. Le
Rho est fait avec une petite courbe sur le rayon vertical de la croix. Les
rayons de la croix et des lettres aboutissent symétriquement et semblent
créer de cette façon des espaces vides en forme de goutte. Les rayons de la
croix et ceux de Chi forment une cannelure longitudinale de longueur
moyenne. La croix monogrammatique est entourée d'une couronne
composée de feuilles de laurier, disposées sur deux rangs, et sur trois dans le
quart inférieur. En haut et en bas, cette couronne s’unit à une ligne épaisse.
Les bouts de la ligne de base aboutissent à de petits motifs en forme de
feuilles.
La couronne est accompagnée de deux chandeliers. Chacun des deux
aboutit à un tripède et à une tige avec deux renflements ovales. On voit des
bougies coniques brûlant au bout.
Le couvercle est en marbre blanchâtre. Sa face de devant et sa surface
extérieure sont sculptées. Le bord de sa face se compose d'une bordure
étroite qui a une moulure, formant en haut une gorge. Au centre de ce bord,
on trouve une petite croix latine avec des rayons qui s’effacent
progressivement. La surface supérieure du couvercle est divisée en deux
zones séparées par une large bordure plate. Chaque zone a encore son cadre
propre composé d'une gorge dont les bords sont un peu renflés. Dans la zone
de gauche, il y a une mince croix latine en bas-relief avec des rayons qui
s’effacent progressivement et, dans la zone de droite, il y a un trou presque
carré. Ce couvercle est aussi en marbre à veines grises, épaisses et
diagonales. Une cavité peu profonde se trouve au milieu, où est attaché un
oeil métallique qui enferme un anneau en fer166.

166
Ibid., p. 154-155.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

r. Anges debout ou ailés, le plus souvent avec le Christ ou la


croix en médaillon

Le motif de la couronne est aussi associé à la fête des Tabernacle. Elle


symbolise la présence du Christ qui est comme une couronne sur la tête des
élus. Elle a un caractère baptismal, mais aussi eschatologique. Le caractère
eschatologique de la couronne comme désignant la béatitude éternelle est en
effet évident. Mais on rattache ce symbole à l’usage hellénistique de la
couronne donné en récompense au vainqueur. Elle prend donc la
signification de la gloire et devient le symbole de la gloire eschatologique,
de l’espérance de l’immortalité167.
La représentation d’anges tenant la croix sur la façade d'un sarcophage
est rare. L'art byzantin a fait naître un type d’ange ailé qui rappelle l’antique
déesse syrienne de la victoire et qui a pénétré via l'Asie Mineure en
Occident168.

Images 48, 49, 50, 51


Cuve de sarcophage.
Marbre blanc de Docimeion. 2e moitié du IVe siècle.
Trouvée à Sarigüzel (près de Fenari Isa).
Installée au Musée Archéologique d’Istanbul.

Cuve de sarcophage sculpté sur les quatre faces, chacune d’elles étant
encadrée d’une large bordure lisse et d’un relief sur fond ravalé entouré
d’une moulure.
Sur les longs côtés deux anges volant tiennent à deux mains une
couronne de laurier placée au centre du panneau et dont les lemnisques se
déroulent sur la bordure inférieure du relief. La couronne est remplie d’un
chrisme à bandes légèrement pattées, sans boucle indiquée pour le Rho. Les
têtes des anges, légèrement de trois quarts, sont tournées vers le motif
central. Leurs visages juvéniles sont encadrés d’une chevelure à mèches
167
Daniélou, Op. cit., p. 24-26.
168
Müfit, Op. cit., p. 24-25.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 78


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

souples retombant dans le cou. Ils sont vêtus d’une tunique longue à
manches courtes et d’un manteau drapé dont un pan flotte dans le dos.
Les petits côtés présentent un décor semblable à deux personnages
masculins debout de part et d’autre d’une croix latine occupant toute la
hauteur du champ sculpté, vêtus identique d’une tunique et d’un manteau et
chaussés de sandales. Sur l’un des côtés l’homme placé à gauche tient par
la main gauche, qui est recouverte du manteau, un pan de draperie. Le
personnage de droite lève la main droite dans un geste d’acclamation et
retient de sa main gauche, non voilée, le borde de son manteau. Il s’agit
vraisemblablement de saint Pierre et de saint Paul. L’identité des deux
apôtres qui se trouvent sur l’autre petit côté est impossible à préciser169.
Les apôtres qui accompagnent la croix ont des proportions réalistes,
mais, comme leur style le montre, leur facture rappelle celle des
sarcophages de Ravenne venant de Constantinople, ou celle des sarcophages
fabriqués à Ravenne d’après les modèles de Constantinople170.
En raison de ses dimensions réduites et de la qualité de la sculpture, ce
sarcophage a souvent été considéré comme le sarcophage d’un jeune
prince171.
Le chrisme dans la couronne de laurier symbolise la victoire donnée par
Dieu ; les représentations impériales ont fusionné ici avec les idées
chrétiennes. Le style du sarcophage de Sarigüzel est classique et fait partie
de l'art théodosien172.
Sur le sarcophage, la partie supérieure du corps des victoires est
présentée de trois quarts, et la partie inférieure est représentée en revanche
presque de profil, de sorte que, malgré le fait que les victoires volent, la
représentation entière est empreinte de sérénité.
La représentation figurative est tout à fait sous une influence classique
grecque. La frisure et le visage ovale des victoires, la plasticité des

169
Firatli, Op. cit., p. 46.
170
In Einführung in die christliche Archäologie, p. 216.
171
Firatli, Op. cit., p. 46.
172
Brenk, Op. cit., p. 79.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 79


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

vêtements, qui semblent être humides et coller au corps pour faire ressortir
ses formes, suivent la tradition antique173.

Image 52
Face de sarcophage.
Marbre de Proconèse, Ve siècle.
Trouvée à Topkapi Saray.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Deux anges volant tiennent une couronne de lauriers renfermant un


chrisme à six branches où la boucle du rho est indiquée. La couronne est
posée sur un siège recouvert d’une draperie. Aux deux extrémités
inférieures, sous les genoux des anges, un récipient de forme évasée dont le
couvercle était décoré d’une petite croix en métal (seule l’empreinte est
conservée). A la partie supérieure de cet objet se trouve un bouton de
préhension. Le trône recouvert d’un voile qui supporte la couronne
chrismatique évoque peut-être la Seconde Parousie174.

Image 53
Face de sarcophage.
Marbre. Première moitié du Ve siècle ou au XIe-XIIe siècle.
Trouvée à Beyazit.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Sarcophage bordé en haut par un large bandeau en légère sailli, à gauche


par une faible moulure ; à droite traces d’une même moulure. Deux anges
volant tiennent de part et d’autre une couronne de lauriers entourant un
chrisme. Un ruban dont les lemnisques manquent s’enroule autour de la
couronne qui est décorée au sommet d’un cabochon ovale. Les anges sont
vêtus d’une longue tunique et d’un manteau qui, enroulé autour de la taille,

173
Müfit, Op. cit., p. 29.
174
Firatli, Op. cit., p. 47.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

passe au-dessus d’une épaule, laissant l’autre libre. Au-dessous, court une
large frise florale. Au centre, sous la couronne, une petite croix pattée et, au-
dessous des anges, une croix pattée plus grande, toutes encadrées de demi-
feuilles d’acanthe.
Un examen attentif du relief permet de déceler deux phases dans la
sculpture. Le décor principal (anges tenant la couronne) est indéniablement
d’époque protobyzantine et se rapproche du sarcophage de Sarigüzel. Quant
à la frise, elle a été introduite après coup en recreusant la plaque, comme
l’attestent les baguettes qui apparaissent sur les côtés à partir des pieds des
anges et une surépaisseur non décorée présente dans la partie inférieure de la
couronne. Le style de la frise indique que le remaniement a été fait après
coup, sans doute vers les XIe-XIIe siècles175.

Image 54
Fragment de sarcophage.
Marbre de Proconèse, IVe siècle.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

La partie supérieure est bordée de rinceaux de feuilles d’acanthe entre


lesquelles sont figurés des animaux bondissant vers la droite. Sur le champ
du relief, il reste une partie d’une figure ailée se dirigeant vers la gauche.
Elle est vêtue d’une tunique. Sur son bras droit étendu, la tête d’un lion (?).
A la pointe inférieure du relief, une main ouverte. A droite, il ne reste que la
partie supérieure de deux arbres176.

s. Les décors avec les motifs animaux et végétaux

La fortune du motif du paon résulte quant à elle d’une adaptation des


plus faciles au concept de la résurrection : Pline l’Ancien avait déjà attiré
l’attention sur la chute de la somptueuse parure de l’oiseau à l’entrée de
l’hiver, et sur sa réapparition au printemps ; certes, on ne dispose d’aucun
175
Ibid., p. 47.
176
Firatli, Op. cit., p. 52.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 81


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

texte relatif à l’exploitation de cette symbolique par l’Eglise dès l’Antiquité,


mais la fréquente association du paon au signe de victoire du Christ sur
divers supports dont, notamment, les sarcophages, en offre l’évident
témoignage177. Il en est aussi que les paons étaient depuis longtemps
l’image de l’immortalité. D’après une croyance populaire leur chair passait
pour incorruptible ; leur représentation éveillait, donc, aussi des idées
d’apothéose et c’était pour cette raison qu’ils figuraient dans
l’ornementation des mausolées impériaux178.
La vigne est un motif largement utilisé par l’église chrétienne. La phrase
de l’évangile de Jean « Je suis la vraie vigne et mon père le vigneron… Je
suis la vigne et vous êtes les sarments. » (Jean, XV, 1-7), a donné un
caractère symbolique à ce plant. La vigne représente donc le Christ, et ses
sarments sont les fidèles179.
La représentation de l’arbre pourrait symboliser L’Arbre de la Vie.
L’arbre de la vie est planté au centre du Paradis. Dans l’iconographie
chrétienne symbolise Le Verbe180.
La colombe est un des symboles les plus fréquents dans l’épigraphie
funéraire. La colombe représente l’Esprit Saint, conformément au texte
évangélique. Sur les épitaphes et les fresques funéraires elle est le symbole
de l’âme chrétienne affranchie par la mort181.

Image 55, 56
Cuve de sarcophage.
Marbre noir. VIe siècle.
Le sarcophage a été transformé en fontaine.
Trouvée à Top kapi Saray.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

177
Caillet, Loose, Op. cit., p. 43.
178
Brehier, Op. cit., p. 26.
179
Daniélou, Op. cit., p. 44.
180
Ibid., p. 39.
181
Brehier, Op. cit., p. 27.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Cuve rectangulaire à droite, arrondie à gauche ; la dalle qui la ferme


actuellement repose directement sur la tranche supérieure qui n’a pas (ou
n’a plus) de feuillure ; relief méplat ; le couvercle manque et la cuve est
fermée par une grande dalle de marbre blanc182 ; la face principale est
divisée en trois panneaux par quatre petits pilastres corinthiens, au fût
creusé de trois cannelures (sauf au dernier pilastre à droite qui n’en a que
deux) ; ces panneaux sont fermés par une archivolte portant sur une petite
console courbe adhérant au pilastre à quelques centimètres au-dessous du
chapiteau. Les écoinçons sont ornés d’une petite rosette à quatre pétales.
Dans le panneau centrale, l’archivolte est indiquée par un simple listel ; il
est occupé par une grande amphore. De ce vase sortent deux rameaux de
pampres dont les rinceaux terminés par une feuille, encadrent la croix
« carrée » placée à la partie supérieure du champ, ou descendent entre le
vase et le pilastre chargés chacun de deux grappes de raisins. Le panneau de
droite est rempli par un arbre à tronc lisse, d’où se détachent de chaque côté
deux branches feuillues ; à droite et à gauche, posée à même sur le fond, une
colombe tournée de profil vers le tronc d’arbre. Le panneau de gauche
présente une disposition semblable, avec un arbre à six branches.
A la face latérale droite, le retour du pilastre est sommairement indiqué
par quelques sillons verticaux. La décoration y est réduite à un panneau
carré encadré par deux listels que séparent une gorge. La face latérale
gauche est arrondie ; la courbe en est arrêtée contre la face principale par
une arête vive ; elle porte à la partie supérieure un bandeau nu et poli183.
La face latérale gauche est arrondie ; la courbe en est arrêtée contre la
face principale par une arête vive ; elle porte, à la partie supérieure, un
bandeau nu ; le reste est légèrement ravalé et piqué ; en l’état actuel, le
revers n’est pas visible184.
Selon F. W. Deichmann, ce sarcophage est le seul exemple qui – parmi
les sarcophages constantinopolitains conservés – ait des pilastres, même
s’ils ont des décorations plus simples, qui ont comme conséquence une

182
Mendel, vol. III, Op. cit., p. 528.
183
Firatli, Op. cit., p. 50.
184
Mendel, vol. III, Op. cit, p. 529.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

transformation ultérieure de la structure : la moulure est ici simple sur la


partie supérieure de la bordure du sarcophage, et les pilastres des côtés
n’ont pas de chapiteaux. Le passage à cette forme simplifiée semble suivre
l’exemple des sarcophages de Ravenne, comme le fameux sarcophage
d’Honorius dans le mausolée de Galla Placidia185.

Image 57
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Trouvé à Edirne Kapi.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Relief assez haut. A la partie inférieure, deux petits chevaux broutent à


côté d’un arbre feuillu placé entre eux. Ils sont placés sur une plinthe, dans
le tympan d’un arc couronné par une archivolte richement profilée.
L’écoinçon gauche, en dehors de l’archivolte le seul conservé, est rempli par
des feuilles d’acanthe, l’une recourbée en crosse, l’autre très étroite et
allongée dans l’angle formé par l’archivolte avec un large listel au-dessus
duquel régnait une petite frise. On y reconnaît les restes d’un médaillon
circulaire où était inscrit un chrisme.
A gauche, une colombe et l’extrémité d’un rinceau d’acanthe auquel
répondaient à droite des motifs semblables aujourd’hui disparus. Traces de
colonne à gauche sous la retombée de l’arc186.
Grabar propose la possibilité que la scène est le motif connu de la brebis
qui s’incline devant l’agneau187.

Image 58
Fragment de façade de sarcophage.
Calcaire, fin du IVe-Ve siècles.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

185
In Konstantinopler und ravennatische Sarkophag-Probleme, p. 297.
186
Firatli, Op. cit., p. 62.
187
Grabar, Op. cit., p. 40.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

En haut du fragment conservé, il subsiste des traces de draperie


appartenant au buste qui décorait l’acrotère, aujourd’hui disparu. Sous celui-
ci, un large bandeau nu. Le rampant du fronton est également constitué par
un bandeau nu, sous lequel apparaît un fragment de surface lisse en retrait.
L’écoinçon triangulaire ainsi formé est décoré d’un rinceau jaillissant d’une
feuille d’acanthe (?)188.

Image 59
Cuve de sarcophage.
Marbre rose.
Réutilisée comme fontaine.
Installée au Sérail, kiosque de Kara-Moustapha-Pacha.

Cuve ornée de simples moulures. Au-dessus sont accolées au mur des


plaques de marbre blanc avec trois arcs en ogive. Cette décoration est
turque. Mais au-dessus, la fontaine est couronnée par deux corniches
sculptées. La première a des feuilles d’acanthe grasse, à contour mou ; la
seconde est ornée de petites palmettes à cinq lobes, cernées d’une tige
végétale, qui dessine un médaillon en forme de cœur. Ces ornements, qui
ont été réemployés, sont des fragments d’un édifice d’époque chrétien189.

Sarcophage sans photographie


Cuve de sarcophage.
Réutilisée comme fontaine aux ablutions.
Installée à une rue près de la Sublime Porte.

Sur les petits côtés apparaît un disque sur lequel on distingue une croix
effacée. Sur le long côté, seul visible, la disposition générale rappelle celle
des parapets de Sainte-Sophie : losanges à profondes moulures, rosace à

188
Firatli, Op. cit., p. 64.
189
Ebersolt, Op. cit., p. 19.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

quatre palmettes, dans les écoinçons des dauphins, des feuilles et des
branches de fruits190.

t. Décoration architecturale

Images 60, 61
Cuve de sarcophage.
Marbre de Proconèse.
Réutilisée comme fontaine.
Installée au Musée archéologique d’Istanbul.

Seulement la façade est décorée. Celle-ci est divisée en cinq niches dont
les trois surmontées d’un arc à double moulure et les deux d’un arc brisé
retombant sur des piliers à cannelures surmontés de chapiteaux corinthiens.
Dans les niches devaient se trouver des reliefs (personnages debout) qui ont
été détruits mais dont il reste des traces. La façade est bordée en bas et sur
les côtés d’un bandeau lisse, en haut d’une mince moulure. Les piliers
reposent sur des bases formées d’un large tore inférieur surmonté de deux
autres, plus petits. Aux angles, les cannelures sont rudentées en partie
inférieure. Dans les écoinçons, un cep de vigne aux deux extrémités et une
grande rosace à six pétales avec nervure centrale dans le second et le
cinquième ; les motifs du troisième et du quatrième sont enlevés. Les deux
petits côtés sont lisses. Au revers existe une inscription latine. Il s’agit d’une
inscription funéraire rédigée par une femme qui a acheté une sépulture pour
son mari mort à l’age de trente ans191.

Image 62
Sarcophage impérial à colonnes.
Brèche de Hereke, Ve siècle.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

190
Ibid., p. 20.
191
Firatli, Op. cit., p. 48-49.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 86


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Cuve rectangulaire, moulure en haut et en bas, dont les longs et les petits
côtés sont ornés d’arcades soutenues par des colonnes. Quatre arcades sur
les longs côtés, deux sur les petits. La surface taillée laisse supposer qu’il y
avait des reliefs sculptés entre les colonnes192.

u. Sarcophages sans décorations

Image 63
Sarcophage complet.
Porphyre.
Trouvé à l’église Sainte-Irène.
Installé devant la façade du musée archéologique d’Istanbul.

Les quatre coins de ce sarcophage ont des axes cylindriques, qui


commencent de la base et arrivent jusqu’au sommet du couvercle. Le
couvercle de ce sarcophage est en forme de bâtière et ne porte pas de
décorations193.
Dans le Livre des Cérémonies de la cour Byzantine, on constate que c’est
le sarcophage de Julien l’Apostat. Ce sarcophage portait une inscription. Sur
le sarcophage que nous avons, il n’y a pas d’inscription. C’est possible,
pourtant, que l’inscription n’ait pas été sculptée sur le sarcophage, mais
qu’elle y ait été fixée d’une manière ou d’une autre et qu’elle ait disparu194.
J. Ebersolt aboutit aussi à cette conclusion195, mais avec quelques
hésitations, puisque les données ne sont pas totalement vérifiées.

Image 64
Cuve rectangulaire.
Porphyre.
Trouvée dans l’atrium de l’église Sainte-Irène.

192
Ibid., p. 50.
193
Vasiliev, Op. cit., p. 14.
194
Ibid., p. 19-20.
195
Ebersolt, Op. cit., p. 13.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Cette cuve ne porte aucune décoration.

Image 65
Cuve rectangulaire.
Porphyre.
Trouvée près de la colonne de Marcien.
Cette cuve ne porte aucune décoration.

Image 66
Cuve rectangulaire.
Porphyre.
Trouvée dans la cour de la mosquée Nuri-Osmaniye.
Installée devant la façade du musée Archéologique d’Istanbul.
Cette cuve ne porte aucune décoration.

Une de ces cuves porte à l’intérieur, près de l’endroit où reposait la tête


du défunt, l’inscription : † ΘΕΟV KEΛΕVCIC. Une autre cuve a la même
formule, à la même place, mais plusieurs lettres présentent des ligatures : †
Θεού κέλευσις : « commandement de Dieu »196.

Image 67
Sarcophage complet.
Vert antique. Ve siècle.
Trouvé à l’église Sainte-Sophie.

Sarcophage avec son couvercle en forme de toit197. On ne voit aucune


décoration sur le sarcophage. Il devait pourtant avoir des reliefs. Une
bordure encadre la face principale. Le sarcophage appartenait probablement

196
Ibid., p. 20.
197
In Frühchristliche Sarkophage, p. 411.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

aux sarcophages du cloître de Pantocrator198 et c’était un sarcophage


impérial199.

3.3.6 – Fragments d’autres parties des sarcophages

v. Couvercles

Image 68
Fragment de couvercle.
Marbre, Ve siècle.
Trouvé à Şehremini.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

La face principale porte un bandeau décoré d’un rinceau de vigne qui


ondule entre deux étroits listels lisses. Le centre du couvercle est marqué par
un canthare à deux anses et à panse ronde non décorée d’où s’échappent
deux rinceaux symétriques à tige épaisse qui portent, alternativement, une
feuille de vigne finement découpée et une grosse grappe de raisin. Dans la
partie gauche du bandeau, les feuilles, occupent les courbes supérieures des
rinceaux et les grappes, les courbes inférieures, tandis que cette répartition
est inversée dans la partie droite. Le rinceau de gauche se termine par des
vrilles, sous l’acrotère. L’acrotère porte un buste d’homme jeune et imberbe.
Il est vêtu d’une tunique et d’un manteau fermé sur l’épaule droite par une
fibule ronde200.

Image 69
Fragment de couvercle.
Marbre blanc. Ve-VIe siècle ap. J.-C.
Trouvé à Yali-Kiosk, à la pointe du Sérail.

198
Ibid., p. 425.
199
Ibid., p. 67.
200
Ebersolt, Op. cit., p. 54.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Installé à l’extérieur du Musée Archéologique d’Istanbul.

Couvercle à deux pentes, provenant d’un sarcophage à cuve


rectangulaire ; les tranches inférieures sont évidées par le redent où
s’engageait la feuillure ; petits acrotères massifs aux angles et aux
extrémités du faîtage ; la face antérieure, seule décorée, porte au milieu,
sculptée sur un médaillon circulaire de faible saillie, une croix
monogrammatique, aux bras recreusés d’un sillon ; le centre du
monogramme présente un champ rectangulaire sommairement ravalé,
creusé aux angles de quatre mortaises et destiné à recevoir un ornement
métallique (probablement une croix en relief sur une petite plaque) ; à droite
et à gauche du motif central, une croix longue et pattée ; au-delà de la croix
de droite et à hauteur de son bras horizontal, une petite croix de bronze était
scellée sur un lit cruciforme où elle était fixée par quatre mortaises (la partie
correspondante à gauche manque)201.

w. Acrotères

Image 70
Fragment d’acrotère.
Marbre, Ve-VIe siècles.
Installé au Musée archéologique d’Istanbul.

Sur la face principale est représenté un buste d’homme coupé au-dessous


des pectoraux. Il porte la tunique et le manteau qui, jeté sur les épaules,
descend sur les bras, dégageant la partie centrale du buste. L’avant-bras
droit est allongée sur la poitrine ; la main gauche, sur le côté, tient un
volumen roulé ; au-dessous de la figure, un rinceau d’acanthe entre deux
bandeaux. Sur l’autre face, qui est plane, un quatre-feuilles est gravé202.

201
Mendel, vol. III, Op. cit., p. 530.
202
Firatli, Op. cit., p. 54.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

C. Conclusion

L’art chrétien n’est pas apparu brusquement dans le monde païen : ce fut
un processus de longue durée et ses motifs distinctifs se sont lentement
élaborés. Il a fallu bien des années avant que son originalité éclate aux yeux
de tous. Son domaine s’est d’abord limité à l’art funéraire ; il faut le
chercher sur les peintures des chambres sépulcrales, sur les sarcophages
sculptés et sur les menus objets, lampes, verres à fond doré, etc., qui
constituaient le mobilier des sépultures203.
L’iconographie païenne s’est adaptée aux exigences de la religion
chrétienne. Les types iconographiques des figures bibliques dérivaient
souvent de l’antiquité classique : les scènes où le Christ est entouré par les
apôtres étaient la réplique des représentations des philosophes païens
accompagnés de leur disciples. L’ancienne iconographie bucolique a inspiré
la représentation du Christ dans la figure du Bon Pasteur. Les anges sur les
sarcophages imitaient l’attitude et la tenue de la Victoire ailée. De plus,
l’iconographie de l’empire, proche à la tradition romaine, a pris un contenu
chrétien. Sur les premiers sarcophages chrétiens, on constate une
combinaison entre la tradition iconographique païenne et les épisodes de
l’Ancien et du Nouveau Testament. Les événements bibliques remplacent

203
Brehier, Op. cit., p. 20.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

les scènes mythologiques et les scènes de la vie quotidienne des sarcophages


païens.
Après cette période transitoire, le monde byzantin s’est adapté aux
normes du christianisme et a trouvé son calme et sa sérénité. L’art chrétien a
continué à évoluer et les premiers cultes chrétiens ont commencé à
apparaître.
Les premiers chrétiens accordaient une importance particulière à la
sépulture en raison de leur croyance en la résurrection. Le corps devait être
protégé dans l’attente de la résurrection, et, recevoir une sépulture devenait
ainsi, sinon indispensable au salut, du moins appréciable204. Ainsi,
l’utilisation de matériaux précieux pour la construction des sarcophages et
leur traitement artistique soigné se justifie complètement.
La croyance en la résurrection est en effet souvent mise en relation avec
l’obligation d’être inhumé. Il est vrai que le type de sépulture adopté par les
chrétiens, à un moment où il était loin d’être la norme, a suscité une
polémique avec les païens. En effet, les païens, pour ridiculiser les chrétiens,
leur prêtaient la croyance que la crémation, ou toute autre forme de
destruction du corps, pouvait suffire à empêcher la résurrection. Rien,
toutefois, dans la réponse des chrétiens à ces attaques, ne permet d’affirmer
qu’ils avaient une telle croyance205. Quand les chrétiens doivent défendre
leur choix de l’inhumation, dans une société où l’incinération est encore la
norme, ou en tout cas l’a longtemps été, ils ne mettent pas en avant la
croyance en la résurrection, mais le respect du corps206.
L’Eglise n’impose, ni ne propose, aucun rituel pour les funérailles d’un
chrétien aux IVe et Ve siècles. La présence du clergé aux funérailles ainsi
que la célébration de l’eucharistie à un moment ou à un autre, dépendent
seulement de l’initiative de la famille. C’est la famille aussi à qui, en dernier
ressort, l’Eglise laisse la responsabilité de la mémoire des morts. La
commémoration des défunts par l’Eglise universelle, au cours de la liturgie

204
Rebillard E., Religion et Sépulture, l’église, les vivants et les morts dans l’Antiquité
tardive, Éditions de l’École des Hauts Études en Sciences Sociales, Paris 2003, p. 73.
205
Ibid., p.98.
206
Ibid., p. 104.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 92


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

eucharistique, est générale et anonyme, elle ne concerne que les baptisés et


n’offre pas d’assurance de salut pour les pécheurs. L’Eglise, dans l’antiquité
tardive, semble plus soucieuse de fixer des limites strictes aux relations
entre les vivants et les morts que de prendre en charge la mémoire des
morts, ce qui peut expliquer non seulement que les chrétiens continuent les
pratiques traditionnelles, mais aussi que l’Eglise ne cherche pas à les
interdire207.
Lorsque la diffusion du christianisme et l’augmentation du nombre des
fidèles amenèrent les Pères de l’Eglise à fixer les règles morales qu’un
chrétien devait observer par rapport à la société païenne, ils se montrèrent
nettement hostiles à l’art et aux représentations figurées en général 208. L’art
chrétien a été créé, contre les exigences du clergé, par le peuple chrétien
dans son effort de comprendre ce nouvel aspect du monde et de la Création.
L’art de cette période a trouvé sa place dans l’Eglise orthodoxe
orientale : l’Eglise orientale préférait un culte plus simple que celui de
l’Eglise occidentale. Cette simplicité se reflète dans l’art et dans
l’architecture orientale. Les figures sont plates, donc sont dépourvues
d’ombre qui donne une illusion de vie. Les figures sont, presque toujours, de
face et leurs visages, longs et étroits, aux grands yeux pénétrants sont
mystérieux. Les artistes ne se préoccupaient pas de réalisme.
Une modification cruciale pendant la période transitoire était que les
commanditaires des sarcophages, qui auparavant venaient de nombreuses
couches de la société, ce qui était la règle au temps de l’empire romain, se
mirent ultérieurement à appartenir à une classe supérieure restreinte. C’est
sans aucun doute une des raisons, surtout en Occident, pour laquelle la
fabrication des sarcophages décorés est devenue de plus en plus rare et a
presque tout à fait cessé à Rome au début du Ve siècle. Les modifications
des coutumes d'enterrement, la récession économique, mais également le
déplacement des centres, ont provoqué, vers la fin du IIIe siècle, le déclin
des célèbres ateliers, comme ceux d’Asie Mineure, dans la première moitié

207
Ibid., p. 8.
208
Brehier, Op. cit., p. 13.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

du IVe siècle ap. J.-C.209 Ce déclin et cette destruction ont donné une grande
pulsion à la première expression de l’art chrétien, puisqu’il est né dans une
époque sans grande concurrence artistique. A cette époque-là, où tout était
dans un état de confusion, de doute et même de peur, où la mentalité et les
recherches spirituelles de l’homme avaient changé, le monde avait besoin
d’un nouveau moyen d’expression artistique. L’art byzantin est venu
satisfaire ce besoin.
Au cours des années qui ont suivi la première expression artistique du
christianisme, on observe une diversification des motifs et des scènes. Le
premier pas de cette évolution fut la conversion de l’empereur et de
l’empire. Ainsi, la préférence de certaines scènes au détriment d’autres, à
cause de la mentalité dominante de l’époque, ont probablement conduit au
choix de l’iconographie chrétienne.
La conversion de l’empereur au début du IVe siècle devait empreindre
l’iconographie chrétienne d’un caractère triomphal, ce qui ne laissait pas de
place aux scènes infamantes de la Passion; par conséquent, la scène de la
Crucifixion est absente de nos sarcophages210. A cette époque, la
coexistence des motifs païens et chrétiens sur le même sarcophage est
fréquente. Les épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament commencent
à figurer de plus en plus sur les monuments funéraires.
Au cours du Ve siècle, l’iconographie des apôtres associés au Christ en
vient à régner presque sans partage. L’ultime phase de la production,
correspondant à la fin du Ve et au VIe siècle, se distingue par le retour aux
symboles, d’une signification plus ou moins générique : ainsi, on substitue à
l’image du Sauveur celles du chrisme, de la croix ou du canthare, et à celle
des apôtres, celle des brebis, ou encore des paons ; l’« arbre de vie » et la
vigne, parfois becquetée par des colombes, à l’occasion le lierre, occupent
aussi une place de choix et confèrent à l’ensemble une atmosphère
paradisiaque211.

209
In Einführung in die christliche Archäologie, p. 290-291.
210
Caillet, Loose, Op. cit., p. 64.
211
Ibid,. p. 81.

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L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Pour les VIe et VIIe siècles, un petit nombre de sarcophages est conservé.
Ils sont simplement décorés de croix et quelques-uns ont à l’intérieur un
trou de forme humaine212.
Les influences entre les ateliers de l’empire devenaient de plus en plus
apparentes au cours des années. Le problème de l’attribution de certains
sarcophages à un atelier précis grandissait. En ce qui concerne les styles de
Constantinople et de Ravenne, l’attribution de ces sarcophages à l’un ou à
l’autre atelier est encore impossible.
Les reliefs de Constantinople et ceux de Ravenne, et surtout les reliefs
des petits côtés des sarcophages, n’avaient pas une grande similarité
iconographique mais stylistique. L'hypothèse que les sarcophages
symboliques aient été une création particulière des ateliers de Ravenne n’est
plus valable. Les sarcophages symboliques de Ravenne sont étroitement liés
à ceux de Constantinople. Ce lien apparaît clairement sur les grands
sarcophages impériaux en porphyre. Le sarcophage de Sarigüzel n’a pas de
représentation humaine mais le chrisme au centre. Au Ve et au VIe siècle,
des croix et des chrismes sont utilisés comme des décorations significatives,
avec la même forme et disposition sur les sarcophages que sur les chancels.
Cette unité conduit à la large diffusion des sarcophages symboliques de
Constantinople213.
On reproche souvent à l’art byzantin d’être médiocre et sans valeur
artistique. On ne doit pas oublier que l’art byzantin n’avait pas comme but
la représentation naturaliste des sujets. Cela est parfois interprété comme
une faiblesse des artistes. Il est vrai que quelques traits techniques de
l’antiquité classique, surtout en sculpture, s’étaient perdus à l’époque
byzantine. Mais l’héritage grec n’avait pas complètement disparu à
Byzance. L’art byzantin a préservé quelque chose de la tradition naturaliste,
même si elle a complètement disparu en Occident. Il en a gardé des traces
jusqu’à la Renaissance occidentale.
Les byzantins ne considéraient pas ces changements comme un déclin de
la Grèce antique : ils pensaient qu’il valait mieux utiliser les traits dont ils
212
In Frühchristliche Sarkophage, p. 419.
213
In Konstantinopler und ravennatische Sarkophag-Probleme, p. 304-305.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 95


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

avaient besoin pour servir la vraie religion et éviter leur utilisation pour la
production d’œuvres païennes, amorales. L’artiste classique essayait de
représenter la perfection de la silhouette humaine, comme l’artiste byzantin
s’efforçait de rendre la nature intérieure et spirituelle de l’homme. Ainsi, la
simplification des motifs était tout à fait acceptable.
Pour conclure, la présentation des sarcophages paléochrétiens de
Constantinople, même difficile et exigeante, nous a confronté à la réalité
byzantine, telle que l’ont vécue les Byzantins. Etudier une période et surtout
les coutumes et l’expression artistique d’un domaine de la vie quotidienne
qui résiste le plus aux changements du temps et des croyances, à savoir le
comportement et le respect devant la mort, est une expérience éducative et
fascinante si l’on considère que les gens de cette époque-là choisissaient les
mêmes images que nous pour décorer leurs églises et leurs tombes.
La sculpture funéraire des Byzantins et plus précisément des citoyens de
Constantinople, malgré le petit nombre et le mauvais état de conservation
des monuments, nous donne une image de cette société. Ainsi, pour un
amateur d’archéologie, la possibilité de faire une promenade dans les salles
du musée archéologique d’Istanbul et de se trouver devant un de ces
monuments de la civilisation byzantine est une expérience unique.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 96


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

D. Bibliographie

a. Dictionnaires
- Kahzdan A. P., Talbot A. M., Gregory T. E., Sevcenko N. P., in The
Oxford Dictionary of Byzantium, vol. 3, Oxford University Press, N. York –
Oxford 1991.

b. Monographies
- Brehier L., L’art chrétien : son développement iconographique, des
origines à nos jours, 2ème Edition, Paris 1928.
- Brenk B. Propyläen Kunst Geschichte : spatantike und frühes Christentum
Supplementband 1, Propyläen Verlag, Frankfurt Germany 1977.
- Caillet J. P. et Loose H. N., La vie d’éternité, La sculpture funéraire dans
l’Antiquité chrétienne, Editions du Cerf, Editions du Tricorne, Paris –
Genève 1990.
- Daniélou J., Les symboles chrétiens primitifs, Editions du Seuil, Paris
1961.
- Deichmann F. W., Einführung in die christliche Archäologie,
Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt 1983.
- Delvoye C., Βυζαντινή Τέχνη, Εκδόσεις Δημ. Παπαδήμα, Αθήνα 2002.
- Ebersolt J., Mission Archéologique de Constantinople 1920, Paris 1921.
- Firatli N., in La Sculpture byzantine figurée au musée archéologique
d’Istanbul, Catalogue revue et présenté par C. Metzger, A. Pralong et J.-P.
Sodini, traduction turque par A. Arel, Librairie d’Amérique et d’Orient
Adrien Maisonneuve, Jean Maisonneuve Successeur, Paris 1990.
- Grabar A., Sculptures Byzantines de Constantinople (IVe – Xe siècle),
Bibliothèque Archéologique et Historique de l’Institut Français
d’Archéologie d’Istanbul XVII, Librairie Adrien Maisonneuve, Paris 1963.
- Honour H. and Fleming J., Ιστορία της Τέχνης, Εκδόσεις Υποδομή, Αθήνα
1998.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 97


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

- Καραγιαννόπουλος Ι., Το Βυζαντινό κράτος, 4η έκδοση, Εκδόσεις Βάνιας,


Θεσσαλονίκη 1996.
- Koch G., Frühchristliche Kunst, eine Einführung, Verlag W.
Kohlhammer–Stuttgart–Berlin–Köln 1995.
- Koch G., Frühchristliche Sarkophage, Verlag C. H. Beck, München 2000.
- Koch G. und Sichermann H., Römische Sarkophage, C. H. Beck’sche
Verlagsbuchhandlung, München 1982.
- Lowden J., L’art paléochrétien et byzantin, Phaidon Press Limited, Paris
2001.
- Marki – Boehringer J., Frühchristliche Sarkophage in Bild und Wort, Der
Vereinigung der Freunde Antiker Kunst Urs Graf – Verlag Olten/Sweiz
1966.
- Mendel G., in Catalogue des Sculptures grecques, romaines et byzantines
des Musées Impériaux Ottomans, vol. II, Constantinople 1914.
- Mendel G., in Catalogue des Sculptures grecques, romaines et byzantines
des Musées Impériaux Ottomans, vol. III, Constantinople 1914.
- Müfit A., Ein Prinzensarkophag aus Istanbul, Istanbul Asariatika Müzeleri
Neşriyati, Istanbul 1934.
- Rebillard E., Religion et Sépulture, l’église, les vivants et les morts dans
l’Antiquité tardive, Editions de l’Ecole des Hauts Etudes en Sciences
Sociales, Paris 2003.
- Rilliet – Maillard I., Païens et chrétiens devant la mort aux 3e et 4e
siècles : Recherches sur les sarcophages et le décor funéraire, 1986, Thèse
présentée par Isabelle Rilliet – Maillard, sous la direction de Monsieur
Charles Piétri, Professeur à l’Université de Paris Sorbonne.
- Vermeule C. C., Roman Imperial art in Greece and Asia Minor, The
Belknap Press of Harvard University Press, London 1968.
- Volbach V. F. und Lafontaine-Dosogne J., Byzanz und der christliche
Osten, Propyläen Verlag Berlin, Berlin West 1968.

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 98


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

c. Ouvrages collectifs
- Effernberger A., Das Berliner Mosesrelief, Fragment einer
Scheinsarkophag-Front, in Grabeskunst der Römischen Kaiserzeit,
Begründet von Koch G., Verlag Philipp von Zabern, Mainz am Rhein 1993,
p. 237-253.

d. Revues
- Brandenburg H., Rom, Ein frühchristliches Relief in Berlin, RM 79
(1972), p. 123-154.
- Deckers G. J., Serdaroglu Ü., Das Hypogäum beim Silivri Kapi in
Istanbul, JbAC 36 (1993), p. 140-163.
- Deichmann F. W., Konstantinopler und ravennatische Sarkophag-
Probleme, BZ 62 (1969), p. 291-307.
- Downey G., The Tombs of the Byzantine Emperors at the church of the
Holy Apostles in Constantinople, JHS LXXIX (1959), p. 27-51.
- Grierson P., The tombs and obits of the Byzantine emperors (337-1042),
with an additional note by C. Mango and I. Sevcenko, DOP 16 (1962), p. 3-
63.
- Mango C., Three Imperial Byzantine Sarcophagi discovered in 1750, DOP
16 (1962), p. 397-402.
- Vasiliev A. A., Imperial Porphyry Sarcophagi in Constantinople, DOP 4
(1948), p. 1-26.

Abbreviations
BZ Byzantinische Zeitschrift
DOP Dumbarton Oaks Papers
JbAC Jahrbuch für Antike und Christentum
JHS Journal of Hellenic Studies
RM Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts, Römische
Abteilung

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 99


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

Table des matières

A. Introduction p. 1
B. Les sarcophages paléochrétiens p. 10
Partie 1 p. 10
1.1 – Cadre historique p. 10
1.2 – L’histoire du sarcophage p. 14
Partie 2 p. 16
2.1 – La méthode de fabrication p. 16
2.2 – Les modes d’utilisation p. 18
2.3 – L’atelier de Constantinople p. 19
Partie 3 p. 23
3.1 – Les diverses catégories des sarcophages p. 23
3.1.1 Les types des sarcophages p. 23
3.1.2 Division selon la matière première p. 30
3.1.3 Sarcophages et milieu social p. 31
3.2 – La forme et l’arrangement de la décoration p. 32
3.3 – Les catégories iconographiques p. 36
3.3.1 Les motifs païens p. 36
a. Les Eros p. 36
b. Le canthare p. 38
3.3.2 L’Ancien Testament p. 39
c. Le sacrifice d’Abraham p. 39
d. Moïse recevant la Loi p. 41
e. Nabuchodonosor et les trois jeunes
Hébreux p. 44
f. Daniel dans la fosse aux lions p. 46
g. L’histoire de Jonas p. 47
3.3.3 Le nouveau Testament p. 50
h. L’adoration des mages p. 50

Rogkoti Konstantina, Université de Paris, Sorbonne IV 100


L’iconographie des sarcophages paléochrétiens de Constantinople

i. La fuite en Égypte p. 51
j. Le Sermon sur la montagne p. 52
k. Miracles du Christ p. 54
l. L’entrée de Jésus à Jérusalem p. 56
3.3.4 Iconographie du Christ p. 58
m. Le Christ p. 58
n. Le Christ avec les apôtres p. 60
o. Traditio Legis p. 64
p. Autres Motifs p. 69
3.3.5 Autres représentations p. 71
q. La croix p. 71
r. Anges debout ou ailés, le plus souvent
avec le Christ ou la croix en médaillon p. 78
s. Les décors avec des motifs animaux et
végétaux p. 81
t. Décoration architecturale p. 86
u. Sarcophages sans décorations p. 87
3.3.6 Fragments d’autres parties des sarcophages p. 89
v. Couvercles p. 89
w. Acrotères p. 90
C. Conclusion p. 91
D. Bibliographie p. 97

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