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Hypostase des Archontes

« De l’Origine des Puissances »

CODEX II, 5

Traduction : André Wautier Extrait du Tome V-VI des textes de Shenesêt :


Thot-Hermès et les Séthiens suivi de Nôréa, fille d’Adam, Editions Ganesha.

1. Inspiré par l’esprit du Père de la vérité et se référant aux «


puissances des ténèbres » , le grand Apôtre nous a dit que « nous n’avons
pas à combattre contre la chair et le sang, mais contre les puissances
maîtresses de ce monde de ténèbres, contre les esprits pervers. » C’est
pourquoi je vous ai mandé ceci, puisque vous vous êtes interrogés au sujet
de la réalité de ces puissances.

2. Leur chef est aveugle. Poussé par son pouvoir, son ignorance et sa
vanité, il déclara avec arrogance : « C’est moi qui suis Dieu. Il n’y en a
pas d’autre que moi. » Disant cela, il pécha contre l’Univers . Or, son
discours fut perçu par l’lncorruptible, et il vint une voix émanant de
l’incorruptibilité, qui dit : « Tu te trompes, Samaël » ce qui veut dire :
« Dieu des aveugles. »

3. Ses pensées s’enténébrèrent. Et, ayant par le blasphème qu’il avait


proféré laissé échapper de lui sa puissance, il la poursuivit, à
l’instigation de Pistis Sophia, en descendant vers le Chaos et vers l’Abysse
sa mère, qui établit les enfants de celui-là, chacun selon son pouvoir, sur
le modèle des éons qui sont dans la hauteur : car c’est, à l’origine, à la
ressemblance du monde invisible que le monde visible a été conçu à partir de
celui qui est caché.

4. Lorsque l’lncorruptibilité abaissa son regard vers la région des eaux,


son image apparut dans les eaux et les maîtres des ténèbres en devinrent
amoureux . Mais, du fait de leur faiblesse, ils ne purent s’approprier cette
ressemblance qui leur était apparue dans les eaux : les psychiques, en
effet, ne peuvent comprendre les Pneumatiques , car ils sont d’en bas,
alors qu’elle était d’en haut. C’est pourquoi l’lncorruptibilité regarda en
bas vers la région des eaux en vue d’unir, selon la volonté du Père, le Tout
à la Lumière.

5. Les archontes firent des projets et dirent : « Allons, faisons un homme


qui soit de la poussière de la terre. » lls modelèrent leur créature comme
si elle était entièrement de terre. Or, le corps dont sont faits les
archontes est femelle, c’est un avorton d’apparence animale. Ayant pris de
la poussière de la terre, ils modelèrent leur homme d’après leurs propres
corps et à la ressemblance de l’image du dieu qui (leur) était apparue dans
les eaux ). Ils dirent : « Allons ) façonnons-le conformément au modèle que
nous avons perçu, en sorte qu' il puisse voir sa […] et que nous
l’emprisonnions dans la forme que nous avons façonnée », n’ayant pas
compris, vu leur impéritie, la puissance de Dieu. Ce dernier souffla dans
son visage, et l’homme acquit une âme sur la Terre pour de longs jours .

6. Toutefois, étant donnée leur impéritie, ils n’arrivèrent pas à le faire


se tenir debout . Ils s’obstinèrent à souffler tels des vents de tempête ,
tentant de capter cette ressemblance qui leur était apparue dans les eaux,
mais dont ils ne comprenaient pas le pouvoir.
7. Tout cela cependant était arrivé par la volonté du Père du Tout. Peu
après, I’Esprit aperçut sur le sol l’homme pourvu d’une âme. Et l’Esprit
sortit du Monde adamantin, il descendit et vint en lui, et l’homme devint
une âme vivante. Il lui donna le nom d’Adam parce qu’il l’avait trouvé
rampant sur la terre .

8. Une voix sortit de l’lncorruptibilité en vue d’une aide à Adam et les


archontes rassemblèrent toutes les bêtes de la terre, ainsi que les oiseaux
du ciel, pour voir comment Adam les dénommerait, pour qu’il donne un nom à
chacun des oiseaux et à toutes les bêtes .Ensuite, les archontes prirent
Adam et ils le placèrent dans un verger pour qu’il le cultive et en assure
la garde. Ils lui donnèrent un ordre, disant : « Tu mangeras de (ous les
arbres dans le verger, mais de I’arbre de la connaissance du bien et du mal,
n’en mange pas ; n’y touche pas non plus, car le jour où vous en mangeriez,
vous péririez de mort. » Mais ils lui dirent cela sans bien comprendre ce
qu’ils lui avaient dit. Car, par la volonté du Père, ils le lui dirent de
telle sorte qu’ils pouvaient en réalité) en manger, afin qu’Adam les voie
comme s’il était un homme d’une nature uniquement hylique .

9. Les archontes se concertèrent et dirent : « Allons, faisons tomber sur


Adam un profond sommeil. » Et il s’endormit. Or, ce sommeil qu’ils firent
tomber sur lui pour le faire dormir, c’est l’ignorance. Ils tranchèrent
alors dans son côté, celui qui était pareil à une femme vivante, puis ils
reconstituèrent ce coté en mettant de la chair à la place .

10. Alors, Adam ne fut plus entièrement qu’une âme. Et la femme pneumatique
vint vers lui et elle lui parla, disant : « Redresse-toi, Adam ! » Et,
lorsqu’il l’eut vue, il dit : « C’est toi qui m’as donné vie : tu seras
appelée Mère des vivants. Car c’est elle qui est ma mère , elle est
l’accoucheuse et la femme et celle qui a présidé à la naissance. »

11. Alors, les archontes s’approchèrent de leur Adam. Et, quand ils virent
sa contre-partie féminine parler avec lui, un grand émoi les saisit et ils
la désirèrent. Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! jetons en elle
notre semence » et ils la poursuivirent. Mais elle se rit d’eux à cause de
leur stupidité et de leur aveuglement, et elle se changea en arbre devant
eux tous. Elle étendit devant eux le reflet de son ombre, qui lui ressemble
et c’est celle-ci qu’ils souillèrent abominablement, polluant ainsi
l’empreinte qu’elle lui avait imprimée : c’est ainsi qu’en s’en prenant à
l’image qu’elle avait dessinée en même temps que la leur, ils provoquèrent
eux-mêmes leur propre condamnation.

12. Alors, le principe féminin pneumatique s’introduisit dans le Serpent,


l’lnstructeur , qui se

mit à les enseigner, disant : « Que vous a-t-on dit ? Était-ce : de tous
les arbres du jardin, vous en........

11 Image reprise de l’orphisme, selon lequel ce serait par la violence de


tourbillons aériens que les âmes sont contraintes de s’incarner dans des
corps.

12...... mangerez, mais de l’arbre de la connaissance du mal et du bien,


n’en mangez pas ? » La femme de chair dit : « Non seulement on a dit : n’en
mangez pas, mais même : n’y touchez pas, car le jour où vous en mangeriez,
vous péririez de mort. » Le Serpent, l’lnstructeur, dit alors : « Vous ne
périrez pas de mort. C’est par jalousie qu’on vous a dit cela. Au contraire,
vos yeux s’ouvriront et vous deviendrez comme les dieux, distinguant le bien
et le mal. » Mais le principe instructeur féminin se retira alors du
Serpent et le quitta, ne laissant derrière lui qu’un être de terre.

13. La femme de chair prit alors du fruit de l’arbre et en mangea, puis


elle en donna à son mari comme à elle : et ces êtres psychiques mangèrent.
Alors, leur déficience devint patente, vu leur manque de connaissance, et
ils s’aperçurent qu’ils avaient été dépouillés de l’esprit pneumatique. Ils
prirent des feuilles du figuier et s’en ceignirent les reins.

14. Alors, le grand Archonte arriva et il dit : « Adam, où es-tu ? » car il


ne savait pas ce qui s’était passé . Adam répondit : « J’ai entendu ta voix
et j’ai pris peur, parce que j’étais nu, et je me suis caché. » L’Archonte
dit : « Pourquoi t’es-tu caché ? sinon parce que tu as mangé du seul arbre
dont je t’avais ordonné : n’en mange pas. Alors, tu en as mangé ? » Adam dit
: « La femme que tu m’as donnée, elle m’en a présenté et j’ai mangé. »
L’Archonte arrogant, alors, maudit la femme. La femme dit : « C’est le
Serpent qui m’a poussée et j’ai mangé. » lls se tournèrent vers le Serpent
et maudirent son ombre, en sorte qu’elle devint impuissante, ne sachant pas
qu’elle n’était que l’image d’eux-mêmes (qu’ils avaient) dessinée. Depuis
lors, le Serpent est sous la malédiction des archontes : jusqu’à ce que
vint l’Homme parfait, cette malédiction a pesé sur le Serpent.

15. Alors, ils se tournèrent vers leur Adam, ils le prirent et ils le
jetèrent hors du verger avec sa femme : car il n’y a pas en eux de
bienfaisance, du fait qu’ils sont eux-mêmes plus bas que la malédiction.
Bien plus, ils tourmentèrent l’homme par de grandes tribulations et une vie
pleine de soucis, afin que l’humanité soit accaparée par la vie matérielle
et n’ait pas la possibilité de se consacrer à l’Esprit saint .

16. Dans la suite, elle enfanta Caïn, leur fils. Et Caïn cultiva la terre.
L’homme connut à nouveau sa femme, qui devint grosse une nouvelle fois et
enfanta Abel. Et Abel fut pasteur de moutons .

17. Or, Caïn présenta des fruits de son champ, tandis qu’Abel présentait un
sacrifice de ses agneaux. Dieu regarda les offrandes d’Abel, mais il n’agréa
pas les offrandes de Caïn. Et Caïn, I’homme charnel, abattit son frère Abel.
Alors, Dieu dit à Caïn : « Où est Abel, ton frère ? » Il répondit, disant :
« Suis-je donc le gardien de mon frère ? » Dieu dit à Caïn : « Écoute ! la
voix des sangs de ton frère crie vers moi. Tu as péché par ta bouche. Cela
se retournera contre toi. Cependant, quiconque tuerait Caïn déchaînerait
sept vengeances. Tu vivras donc en gémissant et en tremblant sur la terre. »

18. Alors, Adam connut sa ressemblance féminine, Eve, et elle devint


grosse, et d’Adam elle enfanta Seth Et elle dit : « J’ai enfanté un
autre)homme de par Dieu, en place d’Abel. »

19. Eve devint grosse à nouveau et elle enfanta Nôréa. Et elle dit : « Il a
été conçu en moi une vierge comme une aide pour beaucoup de générations de
l’humanité. » Cette vierge, les archontes ne l’ont pas souillée.

20. Alors, I’humanité se mit à se multiplier et à croître. Les archontes


prirent conseil les uns des autres et dirent : « Allons ! provoquons un
déluge de nos propres mains et anéantissons toute chair, hommes et animaux.
»

21. Mais, quand l’Archonte des Forces apprit leur résolution, il dit à
Noé : « Fais-toi une arche d’un bois imputrescible et cachez-vous en elle,
toi et tes enfants, avec les animaux et les oiseaux du ciel, du plus petit
au plus grand, et fabrique-la sur la montagne de Sir. »
22. Alors, Oréa vint à lui pour monter dans l’arche. Mais, comme il ne la
laissait pas monter, elle souffla sur l’arche et fit en sorte qu’elle soit
détruite par le feu. Il construisit alors l’arche une deuxième fois.

23. Les archontes vinrent à sa rencontre avec l’intention de l’abuser. Leur


chef suprême lui dit : « Eve, ta mère, est venue à nous. » Mais Noréa , se
tournant vers eux, leur dit : « C’est vous qui êtes les gouverneurs des
ténèbres ? Vous êtes maudits et vous n’avez pas connu ma mère, mais c’est
votre équivalent féminin que vous avez connu. Aussi ne suis-je pas issue de
vous : c’est, bien au contraire, du monde d’en haut que je suis venue. »
L’archonte arrogant fit appel à tout son pouvoir et son apparence devint
pareille à [ … ] noir. Il lui dit, dans sa présomption : « Il te faut nous
rendre service (comme l’a fait) ta mère Eve, car on m’a […]. »

24. Mais Noréa se tourna, grâce à la puissance de [ … ] cria d’une grande


voix vers le Saint, le Dieu du Tout : « Protège-moi des archontes d’iniquité
et sauve-moi de leur emprise ! »

25. Alors, un ange descendit des cieux et lui dit : « Pourquoi cries-tu
vers Dieu ? Pourquoi te montres-tu aussi téméraire envers l’Esprit saint ? »
Nôréa dit : « Qui es-tu ? » Les archontes d’iniquité s’étaient éloignés
d’elle. Il répondit : « Moi, je suis Elelêth l’avisé , le grand ange qui se
tient debout en présence de l’Esprit saint. J’ai été envoyé pour
m’entretenir avec toi et pour te délivrer des griffes de ceux qui sont sans
loi. Et je te ferai connaître tes racines. » Or, cet ange, je ne suis pas
capable de dire sa puissance. Son apparence est comme de l’or fin et sa
vêture comme la neige. Vraiment, ma bouche n’est apte, ni à exprimer sa
puissance, ni à décrire son visage.

26. Elelêth, le grand ange, me parla : « Moi, dit-il, je suis


intelligence ; je suis l’un des quatre illuminateurs qui se tiennent debout
en présence du Grand Esprit invisible . Crois-tu que ces archontes aient
quelque pouvoir sur toi ? Aucun d’eux ne pourra prévaloir contre la racine
de la vérité, car c’est à cause d’elle que s’est produite ces derniers temps
la Manifestation et ces autorités seront vaincues. Et elles ne pourront pas
te souiller, pas plus que cette génération, car votre place est dans
l’lncorruptibilité, là où habite l’Esprit virginal , lequel domine les
autorités du Chaos et leur monde. »

27. Alors je dis : « Seigneur, instruis-moi des capacités (de) ces


autorités. Comment sont-elles venues à l’existence ? et à partir de quelle
origine et en quelle matière ? et qui les créa, elles et leur pouvoir ? »

28. Et le grand ange Éleleth, I’lntelligence, me parla : « Dans les éons


sans limite réside l’incorruptible Sophia, encore appelée Pistis . Elle
voulut créer seule quelque chose, sans son conjoint , et elle produisit un
être céleste. « Entre le Monde d’en haut et les éons d’en bas, il y a un
voile, et une ombre se dessina sous ce voile. Cette ombre devint matière et
cette ombre fut projetée plus bas. Et ce qu’elle avait produit devint un
être matériel semblable à un avorton. Mais il reçut une forme façonnée
comme provenant de l’ombre et il devint une bête arrogante ressemblant à un
lion .

29. « Il était androgyne, puisqu’il était, je viens de le dire, sorti de la


matière. Ouvrant les yeux, il aperçut la matière vaste et étendue, et il
devint arrogant, il dit : Moi, je suis Dieu et il n’y en a pas d’autre que
moi. Disant cela, il pécha contre le Tout. Mais il sortit d’au-dessus de
l’Eon suprême une voix qui dit : Tu te trompes, Samaël c’est le dieu des
aveugles . « Mais il rétorqua : S’il existe quelqu’un d’autre d’antérieur à
moi, qu’il se montre à moi ! Aussitôt, Sophia étendit son doigt et elle fit
parvenir la lumière au sein de la matière, et elle la suivit jusqu’en bas,
dans les régions du Chaos. Puis, elle partit en remontant dans sa lumière.
L’obscurité, à nouveau, envahit alors la matière .

30. « Cet Archonte, qui est androgyne, se bâtit un autre domaine, d’une
grandeur sans limite, et il résolut de susciter de lui des enfants. Il créa
pour lui-même sept enfants, androgynes comme leur auteur, et il dit à ses
enfants : ‘Je suis le Dieu du Tout’. « Mais Zoé, la fille de Pistis Sophia,
lui dit en criant : Tu fais erreur, Saclas (un nom occulte pour laldabaôth .
Elle lui souffla au visage et son souffle devint pour elle un ange de feu,
et cet ange lia laldabaôth et le précipita dans le Tartare au fond de
l’abîme .

31. « Alors, lorsque son enfant Sabaôth eut vu le pouvoir de cet ange, il
fut retourné et il condamna son père, ainsi que sa mère, la matière. Il prit
celle-ci en aversion, et il célébra Sophia et sa fille Zoé. « Aussi Sophia
et Zoé l’enlevèrent-elles pour l’établir sur le septième ciel, en dessous
du voile qui se trouve entre la hauteur et les bas-fonds. On l’appela le
Dieu des Forces, Sabaôth , parce qu’il est supérieur aux Forces du Chaos, du
fait que Sophia l’y a établi. « Après (tout) cela, il se fabriqua un grand
char à quatre faces de chérubins , avec pour l’assister un nombre immense
d’anges (porteurs) de harpes et de cithares.

32. « Et Sophia emmena sa fille Zoé pour la faire asseoir à sa droite en


vue de lui enseigner ce qu’il y a dans l’Ogdoade, et elle plaça à sa gauche
l’ange de la colère. Depuis ce jour, on appela sa droite Vie, tandis que la
gauche fut le modèle de l’iniquité issue de l’Eon du pouvoir suprême d’en
haut. C’est avant ton temps qu’ils sont venus à l’existence.

33. « Mais, lorsque laldabaôth le vit établi dans cette grande gloire et à
cette hauteur, il en devint jaloux et cette envie devint un être androgyne .
C’est là l’origine de l’envie, et l’envie engendra la mort, et la mort
engendra des enfants, à chacun desquels elle attribua un ciel, et tous les
cieux du Chaos furent emplis de leur multitude .

34. « Or, c’est en conformité avec la volonté du Père du Tout que tout cela
se produisit, à l’exemple de toutes les choses d’en haut, afin que tout le
Chaos puisse être empli.

35. « Voici donc que je t’ai instruite de l’histoire des archontes et de la


matière en laquelle ils ont été créés, et aussi de leur auteur et de leur
monde. »

36. Mais je dis : « Seigneur, suis-je, moi aussi, faite de leur matière ? »
« Toi, de même que tes descendants, vous êtes issus du Père primordial.
C’est d’en haut, de la Lumière impérissable, que sont venues leurs âmes.
Aussi les autorités ne pourront-elles s’approcher d’eux, grâce à l’Esprit de
vérité présent en eux, et tous ceux qui ont acquis la connaissance de ce
chemin sont immortels parmi les hommes mortels. Cependant, cette semence ne
se manifestera pas aujourd’hui. Après trois générations toutefois, elle se
manifestera et elle rejettera loin d’elle le joug d’erreur des autorités. »

37. Alors, je dis : « Dans combien de temps, seigneur ? » Il répondit : «


Lorsque l’Homme vrai révélera, au moyen d’une image modelée, l’existence de
l’Esprit de vérité que le Père aura envoyé. « C’est lui alors qui les
instruira de toutes choses. Et il les oindra du chrême de la vie éternelle,
qui lui aura été remis par la génération autonome . « Alors, ils seront
affranchis de la pensée aveugle et ils fouleront aux pieds la mort issue
des puissances. Et ils monteront dans la Lumière sans limite, là où repose
cette semence. « Dès lors, les puissances délaisseront leurs éons et leurs
anges pleureront sur leur destruction, tandis que leurs démons lamenteront
leur mort. « Alors, tous les enfants de la Lumière connaîtront vraiment la
vérité et leur racine, ainsi que le Père du Tout et l’Esprit saint. Tous,
ils diront d’une seule voix : La Vérité du Père est juste et le Fils règne
sur le Tout. »

38. Et tous clameront, dans les siècles des siècles : « Saint, saint, saint
! Amen. »

L’Hypostase des archontes. Traité gnostique sur l’origine de

l’homme, du monde et des archontes (NH II,4)

Les personnes qui s’intéressent au gnosticisme sont souvent frappées par


l’appropriation des textes bibliques par certains auteurs gnostiques. Ces
récits sont souvent revisités, transformés et réinterprétés afin de leur
donner de nouvelles valeurs. Cependant, certaines fois, le texte en question
peut être simplement soumis à une exégèse audacieuse et non
conventionnelle. Quelle qu’en soit l’approche, le livre de la Genèse paraît
être une source extrêmement privilégiée, particulièrement en ce qui concerne
ses premiers chapitres. Dans son introduction à l’Hypostase des archontes,
le professeur Barc soutient que l’auteur de ce texte a utilisé comme source
une version réécrite de la Genèse ; source également utilisée par les
auteurs de l’Écrit sans titre sur l’origine du monde, et de l’Apocryphon de
Jean, deux autres textes découverts eux aussi à Nag Hammadi.

L’Hypostase des archontes est le quatrième traité du codex II de Nag


Hammadi. Il est précédé de l’Apocryphon de Jean, l’Évangile de Thomas et
l’Évangile de Philippe, et est suivi de l’Écrit sans titre sur l’origine du
monde et de l’Exégèse de l’âme. Ce texte est très bien conservé, avec
quelques lacunes mineures. Il est rédigé en sahidique, un dialecte copte,
mais l’original aurait été écrit en grec. Le professeur Barc soutient que
ses liens avec la pensée de Philon permettent de rattacher cet écrit à la
communauté juive d’Alexandrie. Quant à la date, il y a lieu de faire une
distinction entre la première rédaction, témoin d’une gnose encore purement
juive, et qui a pu être rédigée dans la première moitié du deuxième siècle
et la rédaction christianisée (deuxième rédaction) qui peut être datée de la
deuxième moitié du IIe siècle.

Le traité enseigne la vérité sur les puissances qui possèdent le pouvoir et


qui ont autorité sur le monde. Le récit commence par l’affirmation du
démiurge, le chef des archontes, qui s’attribue les mots prononcés par le
Dieu de la Bible : «Je suis Dieu, il n’y en a pas d’autres». Cependant il
existe un autre pouvoir que le sien, mais il l’ignore. Ce pouvoir blâme le
démiurge et le fait tomber dans le chaos. À cet instant,
«l’incorruptibilité» regarde vers les eaux primitives et «son image apparut
dans les eaux, et les puissances des ténèbres la désirèrent, mais ne purent
saisir cette ressemblance» (87,14-25).

Les archontes créèrent alors un homme à son image, Adam, qui reçut aussi
l’esprit venant du royaume supérieur. Après lui avoir amené tous les
animaux et tous les oiseaux pour qu’il les nomme, ils l’amenèrent au jardin
d’Éden, où ils essayèrent de lui retirer l’essence divine qu’il avait reçue.
Or, cette essence devint une femme «la mère des vivants» (89,15). Les
puissances la désirèrent et voulurent la violenter, mais elle se transforma
en arbre, et leur présenta seulement son ombre. Cette ombre devint «la femme
charnelle» (90,2), l’Ève biblique, la femme d’Adam. La femme spirituelle
pris la forme du serpent et, sous cette forme, instruisit Ève sur le fruit
de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Ève et Adam croquèrent le
fruit de l’arbre, malgré l’interdiction des archontes. Ils furent chassés
du jardin d’Éden comme dans la Genèse. Cependant, le chef des archontes est
présenté ici comme un être ignorant, jaloux et effrayant. Le récit se
poursuit avec l’histoire de Caïn et Abel, après qu’Ève eu donné naissance à
Seth. Contrairement à la version «canonique» de la Genèse, elle met
également au monde une fille, Noréa. Les archontes fous de jalousie
essayèrent de détruire l’espèce humaine. Noréa chercha alors refuge chez
Noé. À cet instant-là, l’archonte essaya de la posséder, elle cria pour
demander de l’aide (93,1-2). L’ange Eleleth descendit des cieux pour se
porter à son secours. À partir de son arrivée, Noréa s’exprime désormais à
la première personne et le texte prend la forme d’un discours de révélation.
Elle interroge Eleleth sur la nature et l’origine des archontes, sur sa
propre nature et sur le temps qu’il reste avant la libération des «fils de
la lumière» (97,14). L’ange raconte à Noréa la création de Samæl (le
démiurge) par Sophia et son abandon. Il raconte aussi les actions de Zoé
(vie), la fille de Sophia, et la repentance du fils de Samæl, Sabaoth. Le
professeur Barc souligne que ces dernières révélations proviennent d’une
source différente de celle du début du texte et que ces deux sources ne sont
pas complètement en accord l’une avec l’autre. Le récit prend fin avec la
discussion de la venue de «l’Homme véritable» (96,33-34) qui enseignera la
vérité et libérera les élus, qui «monteront vers la lumière illimitée»
(97,8).

Dans son introduction et son commentaire, le professeur Barc souligne que


l’Hypostase des archontes serait le résultat d’un travail de synthèse à
partir de deux sources principales. Le rédacteur, tout en respectant
scrupuleusement le schéma traditionnel d’enseignement sur l’origine de
l’homme, enrichit celui-ci en fusionnant avec lui une version gnostique des
premiers chapitres de la Genèse. Il la considère comme la forme authentique
de la révélation sur les origines, et dont la Genèse canonique ne serait que
la version falsifiée. Cette dépendance à la Genèse est si fortement marquée
dans l’Hypostase des archontes que certains commentateurs ont cru pouvoir
faire de la première partie de cet écrit une paraphrase de la Genèse. Il
démontre que les choses sont en fait plus complexes, si le rédacteur se
réfère en effet directement à ce texte, il en reproduit cependant une
version corrigée. Le professeur Barc présente un schéma anthropogonique de
l’Hypostase des archontes, de l’Apocryphon de Jean et de l’Écrit sans titre.
Il établi ainsi, grâce à la mise en lumière des éléments communs aux trois
écrits, que les rédacteurs des ces traités ont utilisé la même Genèse
«véritable».

Le professeur Barc appelle le deuxième texte, qui a inspiré la seconde


partie de l’Hypostase des archontes, la source théogonique. La complexité de
la situation de l’Apocryphon de Jean rend incertaine l’utilisation par son
auteur de cette source, mais il est certain que le rédacteur de l’Écrit
sans titre l’a exploitée. Le professeur Barc par sa comparaison de
l’Hypostase des archontes avec l’Écrit sans titre, arrive à restituer une
partie de la source théogonique. Il la soumet à une analyse détaillée qui
lui permet de mieux comprendre l’intention des rédacteurs lorsqu’ils
intervenaient pour la remanier. Il démontre les liens existant entre la
source théogonique et la philosophie de Philon d’Alexandrie, grand exégète
et philosophe juif. Cette organisation bipolaire du monde archontique
rappelle, en effet, les spéculations de Philon sur les deux hypostases
divines les plus vénérables et les plus anciennes, le Créateur et le
Seigneur.
Le Professeur Barc démontre que la présence de contradictions à l’intérieur
même de l’Hypostase des archontes peut être imputée au dernier rédacteur,
qui aurait retravaillé la première édition. Il confirme que cette première
édition serait le produit d’un gnosticisme juif, la deuxième édition serait,
quant à elle, l’oeuvre d’un rédacteur chrétien. Ce deuxième rédacteur n’a
pas beaucoup altéré la partie du texte dérivant de la Genèse «véritable».
Cependant, il a effectué de nombreux changements dans les sections venant de
la source théogonique, ce qui reflète ainsi une vue chrétienne de
l’histoire.

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